es ? H + À ï TItNUET ess =: LR 7 Fr HAT Wii: 4.B, ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE L'ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉE DES DEUX RÈGNES ET L’'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIR PAR M. MILNE EDWARDS POUR LA BOTANIQUE PAR MM. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE QUATRIEME SERIE ZLOOLOGIE TOME XIII LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE 1560 PT LA TIRE AE MOELRON &t , Hino: 00 ne 4 ?. aan ï F4 MNLATALMINON A: AO! sd A hs muni BRAUN ED 240 to Pet d He à PONT *. Modiotf. 14 2501 BAARMOS LAUNE, M MAR NhITE 1E FLE 4 \ sénat ce HA AA ONE ME au sa =. 4 4 - se + AAA AU ANATRNTEE | ANNALES DES SCIENCES NATURELLES PARTIE ZOOLOGIQUE MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE DES POISSONS PLECTOGNATHES ÉTUDIÉ AU POINT DE YUE DES CARACTÈRES QU'IL PEUT FOURNIR POUR LA CLASSIFICATION, Lu à l'Académie des sciences, le 9 avril 4860. Par M, H. HOLLARD, Professeur à la Faculté des sciences de Poitiers. En poursuivant mes études sur les divers groupes de Poissons réunis par G. Cuvier sous le nom ordinique de Plectognathes, je me suis proposé, en vue d’un travail plus général, de chercher dans l’ostéologie de ces familles des caractères qui nous permel- tent non-seulement de les coordonner entre elles, mais encore et surtout de leur assigner leur place dans la série ichthyologique. J'ai commencé cette suite de recherches par un travail analo— mique et zoologique sur la famille des Balistides ; je l’ai poursuivie par une étude des Ostracionides, et je l’ai terminée par une dé- terminalion et une revue des types ostéologiques que nous offrent les Gymnodontes. Aujourd’hui, semble-t-il, il ne me resterait 6 NH, MOLLAREBD. —— MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE qu'à rappeler les caractères des familles et des genres qui ont suc- cessivement passé sous nos yeux, à résumer dans un lableau d’en- semble les types bien caractérisés que nous avons pu recommaîlre, surtout à l’aide du squelette, dans cette série de Poissons; à voir enfin si ces types tiennent d’assez près les uns aux autres pour représenter un type plus général, si les Plectognathes doivent ou non demeurer groupés sous une même dénomination. Mais je ne me dissimule pas que cette partie de la tâche que je me suis proposée résume aussi bien les difficultés que les résultats définitifs de ce travail, et, pour mieux assurer la valeur de ceux-ci, je crois devoir revenir sur l’ostéologie des groupes qui m'ont occupé, pour corriger et compléter tour à tour ce que j'en ai dit, en profitant de l’expérience que j'ai pu acquérir depuis huit ans dans ce genre d’études, des matériaux que j'ai eu à ma disposition, des critiques qui m'ont été adressées, et des ouvrages qu’il m'a été possible de consulter. C’est ce que je vais faire successivement pour les Balistides, les Ostracionides et les Gymnodontes. EL Squelette des Balistides. La description que j'ai donnée du squelette des Balistides, et plus spécialement de celui des Balistes, laissait beaucoup à désirer. J'en ai reconnu les imperfections, à mesure que je me suis plus familiarisé avec l’ostéologie des Poissons et avee la détermination des pièces qui la composent. Je me préparais à reprendre ce tra- vail et à le corriger, lorsque, pendant un de mes derniers séjours à Paris”, j'ai trouvé à la bibliothèque du Muséum l'ouvrage où M$ Brühl à consigné les résultats de ses études sur quelques-uns des squelettes de Poissons du cabinet d'anatomie comparée (4). L'auteur de cette publication a consacré un article assez étendu à l’ostéologie des Balistes ; il honore, en outre, mon premier mé- (1) Docteur C. B. Brühl. Osfeoloyisches aûs dem Pariser Pflanzengarten, fol. Vienne, 1856. DES POISSONS PLECTOGNATHES, 7 moire d'une crilique détaillée, dont je ne dirai autre chose, sinon qu'en me signalant quelques corrections à faire, quelques traits à mettre en lumière , elle m'a décidé à revenir une fois de plus à l'examen des pièces que je possédais et à en étudier de nou- velles (1). De là un nouveau travail qui va nous donner pla: exaciement et plus complétement que le premier les caracteres cn squelette des Balistes. Colonne vertébrale. Les vertèbres de ces Poissons ne dépassent pas le chiffre de dix-huit chez les espèces que j'ai étudiées ; sur ce nombre, sept appartiennent à la région viscérale, onze à la caudale. Celle qui suit immédiatement le crâne se distingue des suivantes, comme l'a très bien remarqué M. Brühl, en ce que ses deux neurapo- physes, au lieu de se réunir sur la ligne médiane, de former un anneau et de porter une apophyse épineuse, s’éloignent l’une de l'autre, s’'inclinent en avant, et vont border le trou occipital. Le système apophysaire des vertèbres suivantes rentre dans les con- ditions de développement et de direction qui se voient le plus ordinairement chez les Téléostéens. Dans toute la région viscé: rale, je ne rencontre ici que de fausses apophyses transverses, qui (1) J'ai sous les yeux aujourd'hui, et pour la première fois, les pièces dont M. Brühl s'est servi, notamment un crâne de Baliste étiqueté par G. Cuvier, et que M. Rousseau a bien voulu mettre à ma disposition. J'en ai préparé mai- même un autre plus grand et plus complet dans le laboratoire d'ichthyolo- gie. C'est celui dont je donne le dessin. Les têtes qui avaient servi à mes pre- mières descriptions étaient trop petites, comme l'a fort bien compris M. Brühl; il ne s'est pas trompé non plus en mettant sur le compte de la lithographie une partie des reproches qu'il adresse à mes dessins. J'espère que ‘ceux que je publie aujourd'hui ne les mériteront pas. En acceptant d'ailleurs comme parfai- tement fondées plusieurs des remarques critiques de l'auteur, en convenant même qu’il aurait pu en augmenter le nombre, je ne puis cependant lui donner raison sur tous les points, et M. Brühl verra, dans les pages suivantes, que le nouvel examen auquel je me suis livré m'a donné plus d'un résultat qui ne s'accorde pas avec sa manière de voir et de comprendre l'ostéologie des Balistes. 8 H. HOLLARD, — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE portent des côtes, il est vrai, mais qui gagnent graduellement la partie inférieure du corps des vertèbres, se dirigent de plus en plus en bas et en arrière, et finissent par former des ares hémna- faux, ce qui nous-révèle leur vrai caractère (1). La dernière vertèbre caudale se fait remarquer par la parfaite symétrie des deux apophyses lamelliformes, supérieure et infé- rieure, qu'elle dirige en arrière pour fournir un support aux rayons de la nageoire terminale ; de là une homocercie aussi par faite que possible. Crâne. Dans la généralité des Poissons osseux, la forme du crâne se rapproche plus ou moins de celle d’une pyramide, dont la base est représentée par le développement des pièces occipitales dans la direction d’un plan postérieur et vertical. A partir de cette face, la pyramide se partage en trois régions plus où moins inégales, qui sont, d’arrière en avant, une région postorbitaire, une région orbitaire, puis une région préorbilaire. En général, c’est la pre- mière, la postérieure, qui l'emporte en étendue dans tous les sens, tandis que l’antérieure est ordinairement la plus courte, ce qui ramène l'œil très en avant ; dans ce cas, la voûte de l'orbite, plus longue que cette région antérieure, n'offre qu’une faible cour- bure (2). Chez les Balistes, nous rencontrons d'autres proportions et d’autres dispositions morphologiques. D'abord la face occipi- tale du crâne forme un plan très haut, assez large, et qui s’in- cline fortement en avant. La région poslorbitaire est la plus courte (4) Voyez, sur ce point de l'anatomie de signification, mon mémoire sur les Gymnodontes, dans les Annales, t. VIII de la 4° série, p. 28 el suiv. (2) Sur un crâne de Perche d’une longueur totale de 0,070, je trouve: Pour la région postorbitaire. . , . . . 0,028 Pour la région orbitaire. . . . . . . . 0,023 Pour la région préorbitaire . . . . . . 0,019 DES POISSONS PLECTOGNATHES. 9 des trois, et la préorbitaire de beaucoup la plus longue (4); enfin la voûte de l'orbite, paraissant obéir à la fois à une pression qui résulterait de l’inclinaison en avant du plan occipital, et à un re- foulement en sens contraire par suite du développement de la ré sion fronto-nasale, se replie sur elle-même, et décrit les trois quarts d’une courbe circulaire ; de là une position de l'œil à la fois très haute et très reculée, et une forme du crâne qui, du sommet de l'orbite, donne deux plans très inégaux, inclinés en contre- pente (2). Quant à sa composition, le crâne des Balistes nous offre toutes les pièces qui se trouvent dans la généralité des Téléos- téens, sans en excepter ni les pariétaux que M. Brühl regarde comme perdus dans le développement du frontal principal, ni le mastoïdien, ou n° 11 de Cuvier, que cet observateur admet lout au plus à l’état de vestige. Passons rapidement en revue tous ces os, éléments d’une série de quatre systèmes qui se succèdent d’arrière en avant dans l’ordre que nous allons suivre. Le système occipital, le seul auquel personne ne conteste le caractère d’une vertèbre, se compose, comme chacun Île sait, d’une pièce basilaire, qui conserve encore chez les Poissons les formes d'un corps de vertèbre, puis de deux paires de pièces latérales et d’un os impair placé au sommet du système. La pre- mière paire latérale, celle qui part du basilaire , forme au-dessus de lui un double are dont les branches viennent toujours se réunir sur la ligne médiane, et complètent à elles seules l'anneau que traverse la moelle en entrant dansle crâne. Ce sont les analogues des éléments condyliens de l’occipital des Mammifères : G. Cuvier leur donne, chez les Reptiles et les Poissons, le nom assez géné- (1) Sur un crâne de Bal. vetula, qui mesure dans sa longueur totale 0,115, La région postorbitaire atteint. . . . . . 0,024 La région orbitaire . . . . . . . . . . . 0,028 La région préorbitaire . . . . . . . . . - 0,063 0,445 (2) Voyez notre première planche, figure 4. Je renvoie une fois pour toutes à cette planche et à la légende placée à la fin du Lexte pour tout ce qui con- cerne le crâne des Balistes. 10 A. HOLLARD, — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE alement accepté d’occipitauæ latérauæ. Participant chez les Ba- listes de l’inclinaison générale du plan occipital du crâne, ces os laissent entre eux avant leur réunion une longue ouverture très oblique, bordée, comme nous l'avons vu, par les neurapophyses divergentes de la première vertèbre du tronc. Les deuxièmes pièces occipitales paires sont celles que G, Cu- vier nomme les occipilaux externes, d’après la position qu’elles offrent chez les Tortues, où elles se trouvent rejetées en dehors des précédentes. | Chez les Poissons, ces os se placent au-dessus des précédents, et se rapprochent plus ou moins de la ligne médiane, dont ils sont cependant écartés dans les types les plus nombreux par l’interpo- sition entre eux de l’occipital supérieur. Chez les Balistes, les occi- pitaux externes prennent un développement extraordinaire, en vertu duquel, repoussant l’occipital supérieur jusqu'au sommet de la tête, ils ne sont séparés l’un de l’autre qu’à leur extrémité supé- rieure , tandis qu'ils se touchent plus bas sur une longue ligne de suture qui continue celle des occipitaux latéraux, M. Brühl a fait ressorüir avec beaucoup de raison les dimensions exceptionnelles et tout à fait caractéristiques des occipitaux eæternes des Balistes. Leur jonction sur la ligne médiane leur donne avec une parfaite évidence, dans la constitution de la paroi postérieure du crâne, la signification de la partie inférieure de l’écaille occipitale, dont l'occipital supérieur représente la portion terminale (1). Cuvier regardait ces occipitaux externes des Balistes comme des parié- taux qui venaient par extraordinaire se réunir en arrière de l’os impair, qu'il nomme tantôt interpariétal, et tantôt occipital supé- rieur. Ce serait À une anomalie, et d’ailleurs tous les autres rap- ports des pièces en question s'opposent à cette détermination. Nous venons de dire que ces grands occipitaux externes s’écar- tent l’un de l’autre seulement à leur partie supérieure et anté- rieure. Là ils dépassent le sommet de la tête pour se mettre en (4) On sait que des deux portions de l’écaille occipitale, l’inférieure appar- tient, comme l'occipital articulaire ou latéral, au crâne primordial, tandis que la supérieure est une des pièces secondaires ou de recouvrement, comme les parié- taux et les frontaux. DES POISSONS PLECTOGNATHES, 11 rapport avec l’occipital supérieur, en jetant au-devant de lui deux apophyses montantes dont ce dernier os vient remplir l'intervalle. Il est impossible de ne pas reconnaitre, dans la relation de ces occipitaux externes avec l'os impair qu'ils reçoivent dans leur écartement, deux éléments d’un même tout; en effet, l’accipital supérieur débute ici par sa partie la plus large pour s’atténuer ensuile, à mesure qu'il s’avance, d’abord entre les pariétaux, puis entre les frontaux qu'il sépare dans une grande étendue. La crêle médiane, qui surmonte ce même os dans toute sa longueur, débute en arrière par deux branches qui vont non-seulement s’ar- ticuler avec les apophyses montantes des occipitaux externes, mais qui sont le commencement de deux crêtes occipitales continuées par ces derniers. Du point de cette bifurcation, la crête médiane s'abaisse graduellement en avant jusqu’à l'extrémité frontale de Vos en question. Bien que ces dispositions aient pour but de four- nir une surface d'appui et d’articulation au support de la nageoire épineuse des Balistes, j'ai cru devoir la rappeler ici, non pour compléter une description, dont je ne veux ni ne dois épuiser les détails, mais parce que ces dispositions jettent quelque jour sur la signification moins évidente ailleurs des occipitaux externes et de l'occipital supérieur. Chez les Balistes, les systèmes sphénoïdaux sortent peut-être encore plus que l’occipital de leurs conditions les plus ordi- naires. La pièce médiane, qui, chez les Poissons, fait suite à l'occipital basilaire, et qui a reçu de Cuvier le nom de sphénoïde principal, est, dans la généralité des cas, une tige étroite, allongée, indivise, un peu creusée en dessus, et qui, après avoir passé au-dessous de l'orbite, aboutit, dès qu’elle l’a dépassée, au frontal antérieur et au vomer, Chez les Balistes, cette pièce se présente dans des conditions plus complexes. D'abord elle est divisée, c’est-à- dire qu'une suture dentelée la partage bien près de l’oecipital ba- silaire en deux portions très inégales. Puis, au lieu de s'arrêter au- dessous de la limite antérieure de l'orbite, elle prend sa part du développement extraordinaire de la région préorbitaire, et s’étend en longueur et en hauteur sous la forme d’une cloison verticale, 19 H. HOLLARD, — MÉMOiNE SUR LE SQUELETTE pour se mettre successivement en rapport avec le frontal anté- rieur, l’ethmoïde et le vomer. Ce développement et la modification morphologique qui s’y rattache constituent un trait caractéristique du crâne des Balistes, et doivent être remarqués à ce titre. Mais ce qui n'est pas d’un moindre intérêt, à un autre point de vue, c'est la suture que je si- gnalais tout à l’heure. Pour les personnes qui, faute d’une suture, considèrent avec Cuvier son sphénoïde principal comme le repré- sentant du sphénoïde postérieur, le fait que je signale ici est dé- cisif; la suture demandée existe, et dès lors les deux sphénoïdes se retrouvent, non superposés, comme le voulait notre illustre anatomisle, mais en série et dans leurs relations normales (1). Au corps très court du sphénoïde postérieur se rattachent les ailes temporales; elles ont très peu de développement antéro- postérieur, surtout à leur naissance, et ne fournissent à la boîte cérébrale qu'une bandelette osseuse très étroite, qui s'élargit ce- pendant à mesure qu'elle s'élève, et présente près de sa limile postérieure le trou qui donne passage au nerf maxillaire inférieur. En revanche, ces ailes fournissent de leur face externe une crête qui leur donne une forte saillie latérale bornée par le mastoïdien. Puisque nous venons de nommer ce dernier os, et quoiqu'il n'apparlienne à aucune des ceintures cräniennes, nous ferons bien d'en indiquer les caractères pendant que nous nous occupons des pièces qui l'entourent. Il s'éloigne beaucoup moins chez les Balistes de ses conditions ordinaires de développement que ne. le pense M. Brübl. Seulement l’espèce de flexion qu'a subie chez eux la (1) Faute d'une suture, G. Cuvier n'osait affirmer l'existence d'un sphénoïde antérieur chez les Crocodiles (Ossem. foss., t. IX, p.159, 4° édit.,in-8°), quoiqu'il en reconnût tous les caractères à une lame osseuse procédant du corps du sphé- noïde, C'est aussi faute d'une suture qu'il prend le sphénoïde basilaire des Pois- sons pour un seul os, et c'est à cause d’une suture qu'il donne la signification de sphénoïde antérieur à une petite tige posée sur cet os et dirigée de là vers l'orbite. Je crois qu'on pouvait, sans suture, en considération des deux ailes qui en naissent, voir dans le sphénoïde principal de Cuvier ce que nous voyons dans le corps sphénoïdal unique ou indivis de l'homme et de la plupart des vertébrés, ja réunion par soudure de deux pièces basilaires du crâne : en tout cas, la suture que je signale chez les Balistes lève à cet égard toute difficulté. DES POISSONS PLECTOGNATIIES, 15 partie postérieure de l'orbite, Y compris le frontal principal, jointe à la grande extension latérale et antéro-postérieure des ocei- pitaux externes, à rejeté fort bas le mastoïdien, et modifié sa di- reclion. Bien Join de se réduire, par suite de ce changement, comme le croit M, Brühl, à la petite surface articulaire à laquelle s'attache l'épaule, et de se trouver comine annulé entre loccipital externe et l'aile temporale du sphénoïde, le mastoïdien des Balistes ré- clame, comme le voulait Cuvier, la longue apophyse verticale qui est en avant de cetle articulation, et que M. Brühl attribue à l'aile temporale. Ce mastoïdien est iei, comme toujours, l'os anguleux ue nous connaissons ; seulement sa grande apophyse est devenue verlicale, par suite des modifications de la région supérieure du crâne. IL n'y a pas moyen, sans interverlir les relations normales des pièces qui composent cette partie de la tête, d’assigner à ces pièces d’autres limites que celles qui se trouvent indiquées sur le dessin que je donne. Je retrouve également le rocher, ou n° 13 de Cuvier, à sa place et dans ses relations ordinaires, c’est-à-dire, au-dessous du mastoïdien et de l’occipital externe, entre l’occipital latéral et l’aile temporale du sphénoïde. Les sutures qui dessinent les limites de cette pièce du côté de l’occipital latéral sont toutefois moins distinctes que les autres. Du sphénoïde antérieur, immédiatement au-devant des ailes temporales, naissent les ailes orbitaires. Elles débutent chez les Balistes par une base triangulaire, anfractueuse et creusée de fossettes en arrière, prolongée en pointe en avant, et qui n'est autre que le soi-disant sphénoïde antérieur de Cuvier, son n° 15, que Hallmann a nommé plus heureusement sphénvïde supérieur, l’entosphénal d'É. Geoffroy , l'entosphénoïde de M. Owen, enfin l'ethmoïde crânien de M. Agassiz. Pour nous, comme pour Meckel, R. Wagner, Kôstlin et Brühl, la pièce désignée sous ce nom chez les Poissons n’est partout qu'une première portion de l'aile orbi- taire ; aux raisons qu'on a pu en donner ct déduire de la position sphénoïdienne de ce fragment osseux, s'ajoute pour nous la déter- mination posilive (par une suture) du véritable sphénoïde anté- rieur, point de départ de Paile dont il s’agit. Chez les Balistes, la 1 H. HOLLARD, —— MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE base de cette aile est séparée de sa congénère par une fosse qui atteint le fond de l'orbite, et constitue au-dessous d’elle un sinus profond, prolongé jusque dans le corps sphénoïdal. La paroi postérieure de l'orbite ou antérieure du crâne résulte d’ailleurs, dans toute la région moyenne, d’un large déploiement des ailes orbitaires et de leur jonction sur la ligne médiane, où les trous pour le passage des nerfs optiques, et des troisième et quatrième paires destinées aux muscles, forment deux ouver- tures superposées, impaires, percées dans les ailes elles-mêmes, et non, comme chez la plupart des Poissons, dans un espace membraneux. | Le prolongement st remarquable du sphénoïde antérieur des Balistes, soit dans le sens antéro-postérieur, soit dans la direction verticale, les deux piliers inclinés qu’il envoie à la rencontre des frontaux antérieurs, et là lame à fibres rayonnantes qui va en se dédoublant recevoir celle qui descend de l’ethmoïde, et plus loin le vomer ; ces dispositions, dis-je, et ces développements sont la conséquence des proportions que prend chez les Balistes le sys- tème ethmo-vomérien. L’ethmoïde, en effet, qui termine la série des pièces médianes inférieures du crâne, est extraordinairement long, un peu plus dans sa lame verticale que dans sa partie horizontale. Il se fait re- marquer, en outre, par la large surface terminale et les apophyses articulaires qu'il offre en avant, la première à l’intermaxillaire, les secondes aux palatins. Au-dessous de cette même extrémité (qui rappelle d’une manière très frappante un corps de vertèbre, avec ses apophyses articulaires, et qui est le point de départ des fibres qui vont à la rencontre du sphénoïde antérieur) se trouve suspendu le vomer comme une sorte d’hémapophyse qui débute par une partie large, bifurquée, articulaire, et se porte en bas et en arrière sous la forme d’une tige qui est reçue dans un dédouble- ment inférieur de la grande aile sphénoïdale. Je reviendrai bientôt sur la structure de l’ethmoïde des Balistes; elle nous permettra de constater la présence de l'élément nasal ou de recouvretnent de ce dernier système crânien. Je passe, en effet, des piècés de la base et de leurs expansions directes aux pièces supérieures ou recou- DES POISSONS PLECTOGNATHES,. 45 vrantes, lesquelles, comme on le sait, ne procèdent pas du crâne primordial ou cartilagineux. Nous avons déjà parlé de la plus postérieure de ces pièces, de l'occipital supérieur, si directement rattaché au système occipital des Balistes, que nous n'avons pas cru devoir l’en isoler dans cette revue des éléments cràniens de ces Poissons. Les pariétaux, tour à tour annulés ou exagérés dans les déter- minations qu'on en a essayées chez les Balistes, sont deux très pe- tits os placés sur les côtés du suroccipital, et à la limite supérieure des occipitaux externes. Le développement des os voisins les a refoulés et amoindris, mais non effacés, comme le veut M. Brühl. qui les dit absorbés dans les frontaux, tandis que Cuvier prenait pour eux les grandes pièces que, d'accord avec l’anatomiste de Vienne, nous nommons occipilaux externes. ° Les frontaux principaux sont écartés l’un de l’autre par ces mêmes occipitaux externes, puis longtemps encore par l'occipital supérieur, qui est en même temps interpariétal et interfrontal. Ces mêmes frontaux se rejoignent ensuite pour prendre part, et -une part considérable, à la longue région préorbitaire du crâne des Balistes. C'est assez dire quelle est l'étendue de ces os, remar- quables, en outre, par le relèvement et la courbure de leur bord externe qui décrit la plus grande partie du cerele orbitaire. Celui- ci est continué en arrière par un frontal postérieur de peu d’éten- due, mais tout en saillie dans la même direction, et véritable apophyse postorbitaire; en avant, le frontal antérieur donne à ce même cercle, comme à la voûte elle-même dont il est la limite, un complément, augmenté d’une forte apophyse; un cordon fibreux, mais non une chaîne d’osselets, comme l’a figuré M. Agassiz (1), vient achever inférieurement le contour de l'orbite. Du reste, le frontal antérieur , creusé au-devant de celle-ci d’une véritable fosse nasale, s’allonge encore au delà, comme entraîné par le dé- veloppement extraordinaire du système ethmo-nasal, et dépasse même le frontal principal après l'avoir côtoyé. A la limite antérieure des frontaux, nous retrouvons donc cet + (1) Poissons fossiles, planches du 1** volume. 16 H. HOLLARD, — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE ethmoïde extraordinairement allongé, dont nous avons déjà si- gnalé non-seulement les dimensions, mais les formes les plus caractéristiques. Cette fois, c’est la partie supérieure ou de recou- vrement qui doit nous arrêter un moment. Le prolongement d'un sillon qui commence avec la fossette olfactive sur le frontal anté- rieur partage toute la face supérieure de la région préorbitaire du crâne en trois zones élagées, une médiane plus large et plus re- levée, deux latérales plus étroites, sur un plan à la fois plus bas et incliné; ces dernières aboutissent aux apophyses articulaires destinées aux palatins, tandis que la zone moyenne se termine par la large surface creuse qui reçoit le prémaxillaire. Tout ce déve- loppement en longueur et en largeur appartient-il à l’ethmoïde seul, et résulte-t-il de l’étalement de sa lame horizontale ? Mes des- sins répondent à celte question en offrant une coupe verticale des pièces dont il s’agit (4). On voit iei l’ethmoïde médian, vertical, se dédoubler à sa partie supérieure, et jeter ses deux lames séparées en une double voûte latérale à droite et à gauche ; puis au-dessus du vide laissé par cet écart, se place une lame de recouvrement qui représente toute la zone moyenne de la face supérieure de la région ethmo-nasale. Qu'est-ce que cette lame ? Un nasal médian et unique. Système facial. Les Balistes possèdent toutes les pièces qui composent ce sys- tème au complet. Leur temporal, articulé comme à l’ordinaire avec le frontal postérieur et le mastoïdien, est allongé, mais n’arrive cependant pas jusqu'au tympanique, et un petit espace membra- neux sépare ces deux os. En échange, ce même tympanique, réuni au jugal de Cuvier, au symplectique, puis supérieurement au pté- rygoïdien interne, suivi en avant d’un ptérygoïdien externe ou transverse (Cuvier), forme avec ces piècesune paroi continue, sans flexibilité; mais celle-ci ne s'attache solidement qu’au préoper- eule , tandis que supérieurement elle ne s'appuie que sur les (4) PI. 2, fig. 5. DES POISSONS PLECTOGNATHES, 47 feuillets membraneux qui complètent la voûte du palais, et tandis que le palatin, loin de l’assujettir au crâne, tient à cette paroi, c’est- à-dire à l’arcade ptérygo-palatine, par un faible pédicule attaché par un ligament, s’articulant d'autre part avec le maxillaire supé- rieur et l’ethmoïde par une double apophyse mobile sur ces der- niers os. Les Balistes ne se distinguent donc pas de ce côté par l'assujettissement du système plérygo-palatin au crâne, mais par une sorte d'indépendance, et par la réduction au minimum de l'os propre du palaus. Les Balistes sont plectognathes au premier chef, tant les deux pièces de la mâchoire supérieure sont étroitement unies chez eux ; le maxillaire forme, comme ordinairement, une pièce labiale, mais qui, bordant en arrière le prémaxillaire, et faisant corps avec lui, le rend solidaire du moindre déplacement que lui impriment les muscles qui s’attachent en arrière à ses saillies apophysaires. Toute celte mâchoire est d’une brièveté remarquable, qui n’est surpas- sée que par celle de la mâchoire inférieure, laquelle est aussi toute d’une pièce. Système operculaire, < Il se compose d’un préopercule long, étroit, suspendu au tem- poral par une longue ligne de suture, et plutôt arqué que coudé; d’un petit opereule ovalaire, suspendu au même os par son extré- mité supérieure; d’an sous-opercule qui contourne l'angle infé- rieur de l’opercule ; enfin d’un interopercule transformé en majeure partie en une tige grêle plus ou moins incomplétement ossifiée, et qui passe en dedans du préopercule pour aller rejoindre la mâchoire inférieure (1). Système byo-hranchial. Ce qui mérite le plus d’être remarqué dans l’ensemble des pièces hyo-laryngiennes des Balistes, ce ne sont ni celles qui for- (4) Je rappellerai ici, comme je l'ai fait à propos des Gymnodontes, que c'est à M. Dareste que revient l'honneur d'avoir reconnu dans cette baguette un interopercule. 4° série. Zooz. T. XI. (Cahier n° 1.) ? 2 15 H. HOLLARD. — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE ment la série médiane, et dans le nombre desquelles se trouve ici ce qu’on a nommé la queue de l'hyoïde, ni même les arcs bran- chiaux, dont quatre paires partent des branchies, et la cinquième représente des pharyngiens inférieurs, comme à l'ordinaire ; c’est plutôt l'appareil branchiostége. Et d’abord la branche de l’hyoïde qui porte les rayons de ce nom est extrêmement courte, et participe d’autant plus à la réduc- lion des pièces operculaires, qu'ici la fente branchiale s'arrête avant d'atteindre ce petit appareil, qui, dans les Poissons ordi- naires, complète le battant. Au lieu des cinq pièces qui forment chez ces derniers le support des rayons, nous n’en avons chez les Balistes que trois, les trois principales de la série : le styloïde (Cuvier) ou suspenseur, et les deux os qui portent les rayons. A l'ordinaire, c’est au plus avancé de ces deux os que s'attache la majorité des rayons, et assez souvent les plus larges; chez les Balistes, au contraire, nous comptons quatre rayons grêles sur la pièce postérieure, et deux, dont un au moins plus large sur l’anté- rieure. Le styloïde s'attache au préopereule et au tympanique, non au temporal ; la pièce qui lui succède rencontre, comme à lordi- naire, l'interopercule, mais un interopercule immobile, c'est-à- dire fixé à la face interne du préopercule, en sorte que les mouve- ments de là première branche hyoïdienne et des rayons qu'elle porte se rattachent plutôt à ceux des mâchoires et de l’arcade ptérygo-tympanique qu'à ceux du battant operculaire, ee qui est la conséquence naturelle de l’état de réduction de la fente bran- chiale des Balistes. Appendices. Le membre pectoral des Balistes s’artieule uniquement avec le mastoïdien, qui lui présente pour cela une petite tête oblongue et convexe derrière sa grande apophyse descendante. Au lieu des deux scapulaires, il n’en existe ici qu'un et médiocre. La pièce qui de là se dirige en avant, el que je considère avec G. Cuvier comme un humérus, est allongée comme le voulait Ja forme de la iète, Le cabital participe à cette élongation, tout en conservant une DES POISSONS PLECTOGNATHES. 19 large surface. Enfin, de la partie supérieure de l’humérus part, pour se diriger en arrière dans les chairs, un os ensiforme ou coracoïdien (Cuvier et Ét. Geoffroy), composé d’une seule pièce. Rappellerai-je que le membre abdominal existe chez les Balistes, mais réduit à sa partie radicale, c’est-à-dire à une longue pièce lamelleuse arquée, impaire, terminée en pointe, et qui représente un bassin, dont les éléments pairs sont intimement soudés. Tel est le squelette des Balistes proprement dits. Il se modifie diversement chez les Monacanthes, d’une part, et chez les Tria- canthes de l’autre. Cette double modification, esquissée dans ses traits principaux, surtout en ce qui concerne la tête et plus spé- cialement le crâne, nous permettra de faire ressortir les caractères constants du type des Balistes. Modifications de la tête chez les Monacanthes (1). Le type Monacanthe semble être une réduction de celui des Balistes. En arrière de l'orbite, cet amoindrissement des traits les plus remarquables de ce type se complique d’une circonstance qui modifie en même temps la.position relative des pièces, leur direction et la forme générale de cette région. Cette circonstance, c’est la nouvelle position que prend chez les Monacanthes le sup- port de la dorsale épineuse, qui, quoi qu’en ait dit M. Brühl, se retrouve ici comme pièce distincte du crâne, bien que soudée à celui-ci, Dans les Balistes, le support de la dorsale épineuse ne fait que s'appuyer au crâne, qui semble fuir en quelque sorte devant cette nageoire, et lui céder, en s’inclinant, la position avancée qu’elle prend. On remarque même, à l'endroit où la rencontre a lieu, une légère dépression, suivie bientôt d’une lacune dans le tissu osseux, destinée à recevoir un tubercule du support. Encore une fois, celui-ci trouve à la région postérieure du crâne un simple appui, fourni par la partie supérieure et médiane des occipitaux externes, et par la base de l’occipital supérieur. Ce fait peut être (1) Je ne sépare pas ici les Alutères des Monacanthes proprement dits. 20 MH, HOLLARD, — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE considéré comme déterminant la direction spéciale de celte région du crâne, et surtout de sa zone moyenne, quise rapproche ainsi des zones latérales ; en tous cas, le développement en hauteur de la région occipitale ne perd rien à ce changement de direction. Mais, chez les Monacanthes, il n’en est plus ainsi. Le support de la dorsale épineuse prend une position plus avancée encore, et pour cela il pousse devant lui le plan médian des occipitaux externes, puis l’occipital supérieur, sur lequel même va se poser le grand rayon de cette nagcoire. Dans cette situation nouvelle, la pièce de support repose tout entière sur le plan qu'elle a en quel que sorte ramené à l’horizontale, s'unit intimement à ce plan, et pèse en quelque sorte sur toute la région sous-jacente, qu'on dirait comme affaissée et ramassée sur elle-même. Au-devant de l'orbite, le crâne des Monacanthes offre tout simplement une réduction du développement signalé chez les Balistes. Le sphénoïde antérieur n'envoie point de processus au-devant du frontal antérieur, et laisse la lame verticale de l’ethmoïde venir à la rencontre de son corps simplement prolongé en forme de lame étroite, dédoublée à son bord supérieur. La portion ethmo-nasale est très étroite, et n'offre d'autre indice de ses ailes latérales que les deux petites apophyses, destinées aux palatins, qui se voient à droite et à gauche du renflement articulaire terminal; celui-ci offre à la mâchoire supérieure une fossettetout à fait semblable à la dépression conique des extrémités des vertèbres des Poissons. A la face ce seraient encore des réductions que j'aurais à signa- ler; qu'il me suffise de citer celle du palatin, qui n’est plus qu’une petite tige représentant la double tête articulaire du même os des Balistes, en sorte que le palatin des Monacanthes n’a plus même de relation avec l’arcade ptérygo-tympanique, et ne conserve de rapports qu'avec l’ethmoïde, d’une part, et le maxillaire, de l’autre. Ce dernier est lui-même plus petit et de forme plus simple dans les Monacanthes que chez les Balistes. Tête des Triacanthes. Les particularités qui distinguent le crâne des Triacanthes de celui des Balistes sent d’une autre nature que les précédentes. DES POISSONS PLECTOGNATHES, 21 Celles de la région poslorbitaire peuvent être aussi ratlachées jusqu’à un certain point aux caractères çt à la position de la na- geoire épineuse. Chez les Triacanthes, celte nageoire a pour sup- port une espèce d’équerre composée d’une branche horizontale qui porte les rayons et se dirige en arrière, et d’une branche ver- licale. C'est celle-ci qui s'appuie au crâne, et seulement par son extrémité inférieure. Sa direction nous indique celle de tout le plan occipital, qui, n'étant pas pressé d’arrière en avant, conserve sa verticalité. L’occipilal supérieur, loin de fuir devant la pression de la nagcoire épineuse ou de fournir une surface articulaire à son premier ei grand rayon, demeure assez libre pour se porter, au contraire, en arrière, et former avec les très petits pariétaux placés sur ses bas côtés une saillie, non en forme de crête lamelleuse, mais en forme de toit, placée au-dessus et dans l’écartement supé- rieur des occipitaux externes (1). Mais plus bas, c'est-à-dire immédiatement sur l’are neural, les occipitaux latéraux fournissent une petite surface horizontale, convertie en fossette par le prolon- gement sur ses côtés des crêtes qui descendent des occipitaux externes; c’est 1 que s'appuie la branche verticale du support de la nagcoire. La position de cette branche dans les Triacanthes, en permettant à la face occipitale du crâne de se dresser, la sépare nettement des faces latérales, dont elle se trouvait rapprochée sous un angle très ouvert chez les Balistes, en vertu de son mcli- naison. Les frontaux ayant plus de place pour se déployer en arrière, la courbe de leur ligne orbitaire est beaucoup moins prononcée chez les Triacanthes que chez les autres Balistides. Toutefois elle ramène encore l’apophyse du mastoïdien à la direction verticale, tout en repoussant cet os en arrière ; ce qui fait paraitre l'aile temporale plus avancée, mais non plus haute, que dans les genres précé- dents. Si la région postorbitaire des Triacanthes est morphologique- ment bien différente de celle des Balistes, la préorbitaire ne l’est (4) Ce suroccipital est très court et comme refoulé par le déploiement posté: rieur des frontaux principaux, à la partie supérieure et postérieure d'un double plan incliné en forme de toit. 22 H. HOLLARD, — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE pas moins. Elle contraste par sa brièveté avec la longueur qu'elle offre chez les autres Balistes; c’est-à-dire qu’elle est plus ou moins ramassée sur elle-même. Le sphénoïde antérieur n’est pas amoindri comme chez les Tria- canthes ; il rejoint le frontal antérieur; il se porte au-devant de la lame verticale de l’ethmoïde. Celui-ci, à son tour, réuni aux lames nasales, nous offre supérieurement une région moyenne qui do- mine deux expansions latérales placées sur un plan inférieur, et séparées de la première par un sillon qui prolonge une fosse nasale très grande creusée dans le frontal antérieur. Enfin nous retrou- vons à l'extrémité de ce système ethmo-nasal la surface articulaire médiane destinée au prémaxillaire, et les apophyses latérales offertes au palatin, puis le vomer avec sa double surface articu- laire. Mais tout cela est contracté: au lieu d’une grande lame sphénoïdale, nous avons une sorte de saillie tuberculiforme ; au lieu d’un vomer à pédoncule cylindrique, une plaque triangulaire courte et large. À la face, je remarque : 1° la brièveté relative du temporal (Cuvier) et l’exagération de l’espace membraneux qui le séparait déjà chez les Balistes du tympanique ; 2° la concentration en avant du système ptérygo-palatin, ÿ compris ce dernier os et un jugal pen développé; 3° un développement du palatin supérieur à celui des Balistes, et au moyen duquel cet os s’unit, d’une part, et par une double apophyse, à la mâchoire supérieure et à l'ethmoïde, de l'autre, par un large prolongement postérieur de son corps, au ptérygoïdien, par conséquent à l’arcade palatine; 4° le prolonge- ment du prémaxillaire en une apophyse supérieure, qui va cher- cher très haut la surface articulaire médiane de l’ethmoïde en glissant sur la face supérieure du vomer, modification qui rap- proche les Triacanthes de la généralité des Acanthoptérygiens, lesquels sont plus ou moins labroïdes sous ce rapport; 5° enfin le maxillaire, moins complétement incorporé au prémaxillaire, s’en détachant même par sa partie moyenne, quoique lui demeurant uni à ses deux bouts. Le battant operculaire des Triacanthes est plus développé que celui des Balistes ; il descend davantage. DES POISSONS PLECTOGNATHES. 23 Rappelierai-je enfin que ces Poissons ont un membre abdomi- nal composé d’un os pelvien coudé, très différent, quant à sa forme, de celui des Balistes et des Monacanthes, et de deux forts rayons épineux articulés sur les côtés de cette pièce. Conclusion sur les caractères ostéologiques des Balistides. Nous avons maintenant sous les yeux le squelette des Balistides avec les particularités principales qu’il offre dans chacun des trois grands genres de cette famille. Ces particularités écartées, que reste-t-il comme traits généraux appartenant à la famille entière. Il reste : . 1° Quant à la colonne vertébrale : le petit nombre des vertèbres; la symétrie parfaite des apophyses supérieure et inférieure qui forment la plaque caudale, soutien de la nageoire de ce nom; l'absence de véritables apophyses transverses, comme dans la majorité des Téléostéens, et leur remplacement par des hémapo- physes auxquelles se suspendent des côtes; enfin la division de l’apophyse épineuse de la première vertèbre , et l’écartement de ses branches qui vont se souder aux occipilaux latéraux et border le trou occipital. 2° Quant au crâne : l'étendue de sa région occipitale, augmen- tée surtout par celle des occipitaux externes, par leur jonction sur la ligne médiane où ils s’interposent entre les occipitaux latéraux et l’occipital supérieur, sans préjudice d’une grande extension la- térale, qui rejette près de l'orbite le mastoïdien et l'articulation du membre thoracique; la brièveté du sphénoïde postérieur, dont la Jimite est indiquée par une suture à peu de distance du basi- occipital, d’où résulte le faible développement en tous sens des ailes temporales (déjà refoulées de haut en bas par l'abaissement du mastoïdien sous la pression des occipitaux externes) ; la prédo- minance marquée du sphénoïde antérieur, prolongé au delà de l'orbite et du frontal antérieur ; à la partie supérieure du crâne, la courbe de l'orbite plus ou moins prononcée, et donnant en arrière au mastoïdien la position abaissée que nous avons signalée, et en même temps une direction verticale ; un grand développement du 24 H, MOLLARD, — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE frontal principal, qui rencontre les occipitaux externes derrière l'orbite ; un développement plus remarquable encore de l’ethmoïde qui, réuni au frontal antérieur et au sphénoïde, forme au-devant de l'orbite une région plus ou moins prolongée qui se compose d'une sorte de toit ethmo-nasal, couvrant une cloison médiane verticale formée par le concours du sphénoïde et de l'ethmoïde ; région qui se termine par plusieurs facettes articulaires, entre les- quelles se fait surtout remarquer une surface ethmo-nasale le plus souvent concave, et semblable aux extrémités articulaires en cône rentrant des vertèbres des Poissons. 8° Quant au système facial : V'arcade palatine mal attachée au crâne, et ne tenant à lui que par un palatin réduit à son minimum de développement, en même temps qu'elle n’est ralliée au tempo- ral que par l'intermédiaire d’une membrane, ce qui établit une distance plus ou moins grande entre cet os et le tympanique; la brièveté des deux mâchoires, leur forte courbure, et les dents en petit nombre, mais plus ou moins tranchantes, qui s’y trouvent implantées sur deux rangs; la petitesse du maxillaire qui disparaît presque derrière le prémaxillaire et se réduit à une bande osseuse portant des apophyses pour l’attache des muscles qui ferment la bouche. L° Quant au système operculaire, non-seulement le très faible développement de la pièce principale et des deux inférieures du battant, mais encore le prolongement de la partie de l’interoper- cule qui va joindre la mâchoire inférieure, sous la forme d'une tige grêle passant en dedans du préopereule et s’attachant à cet os (cette forme insolite est une conséquence de la brièveté de la mâchoire inférieure, dont les éléments postérieurs,e onsidérable- ment diminués, se retirent vers la pièce dentaire et se soudent avec elle). 5° Quant au système hyo-branchial : d’abord la présence d’une queue de l’hyoïde au-dessous du lingual ; puis la réduction de la branche hyoïdienne qui porte les rayons branchiostéges à trois os au lieu de cinq, dont le styloïde (Cuvier) s’attache, non au tem- poral, mais au lympanique, en dépassant le préopercule, circon- stance qui peut signifier que le véritable représentant de l’apo- DES POISSONS PLECTOGNATHES. 95 physe styloïde n'est peut-être pas ce dernier os, comme le pense M. Vogt. Rappelons aussi la distribution insolite des rayons bran- chiostéges , c’est-à-dire leur majorité attachée à la pièce de la branche hyoïdienne, qui n’en porte ordinairement que le plus petit nombre, je veux dire à la pièce qui succède au styloïde. Enfin n'oublions pas qu'ici nous rencontrons quatre paires d’ares bran- chiaux, et une seule de pharyngiens inférieurs. 6° Quant aux appendices : l'articulation de l'épaule au ‘seul mastoïdien; la présence d'un scapulaire unique; l’existence du membre abdominal représenté au moins par un os pelvien qui est unique et médian. 7° Enfin, quant aux nageoires médianes : deux dorsales, dont une première épineuse, composée d'un très petitnombre de rayons artieulés sur un support qui s'appuie sur la face occipitale du crâne (le premier de ces rayons, le plus constant et de beaucoup le plus fort, constituant une arme que l'animal abaisse, redresse, et tient fixée dans son état de redressement au moyen d’un mode particulier d’articulation) ; une deuxième, composée de rayons mous, en général nombreux, et occupant une grande partie de la région dorsale ; une caudale de douze rayons, et parfaitement symétrique; enfin une anale proportionnée à la dorsale molle. An nombre des caractères que nous venons de faire ressortir dans l’ostéologie des Balistides, et qui dominent les différences que nous avions préalablement remarquées entre les trois genres dont se compose cette famille, il y en a probablement qui appar- tiennent à d’autres familles plectognathes. C’est ce que nous allons voir en revenant sur celles-ci. Nous dégagerons ainsi successive- ment les traits propres à chacune d’elles, et nous verrons, comme conclusion générale, si ce qu’elles ont définitivement en commun nous autorise à les grouper comme les représentants diversifiés d’un type général, Voyons d’abord la seconde famille des Sclérodermes, celle des Ostracionides. 26 H. HOLLARD. — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE IT. Squelette des Ostracionides. Rien ne met plus en évidence la réalité d’un type général que sa persistance, en dépit des plus grandes différences morpholo- giques. Sous ce rapport, les Ostracionides sont singulièrement propres à faire ressortir la valeur des principaux caractères ostéolo- giques que nous avons déjà remarqués chez les Balistides Mor- phologiquement, rien ne ressemble moins à un Baliste qu'un Ostracion. N'étaient la fente branchiale et les màchoires, ils n’au- raient de commun que l’étrangeté de leur revêtement squamoïde comparé à celui des Poissons ordinaires, mais non son identité. Par leur ostéologie, au contraire, surtout par celle du crâne, ces deux groupes de Poissons se rattachent à un type commun; les ressemblances l’emportent de beaucoup sur les différences, bien que celles-ci soient nombreuses (1). Colonne vertébrale. Cette partie du squelette se fait remarquer chez les Coffres par un nombre de vertèbres plus petit encore que celui des Balistides, car il s'arrête à quinze. Ces os sont soudés entre eux dans toute la partie troncale, et la première vertèbre est intimement unie à l’occipital. L’are neural se réduit plus ou moins à sa partie annu- laire. On aperçoit des vestiges d’apophyses transverses, mais je n'ose affirmer qu’elles appartiennent à l'arc supérieur. Les côtes manquent complétement. En un mot, le squelette troncal se met en harmonie avec les conditions d’immobilité et de protection qui lai sont faites par la solidité et la presque inflexibilité de l’écail- lure, en même temps que par la réduction considérable des na- geoires dorsale et anale. (1) Les différences se coordonnent d'ailleurs à la grande diversité que nous offrent, dans la famille des Ostracionides, les formes tour à tour comprimées ou déprimées, trièdres ou tétraèdres du corps, surtout à partir du sommet de la tête. Bornons-nous donc à signaler les traits généraux. DES POISSONS PLECTOGNATHES,. 27 Tête des Ostracions (1). A la vue d’une têté d’Ostracion, on remarque avant tout les formes lamelleuses et le peu d'épaisseur de la plupart des pièces qui la composent. On dirait qu'ayant, selon l'expression de Gœthe, une certaine somme de matériaux à dépenser pour cette construc- tion, la force organisatrice, dispensée de donner de la solidité à des pièces que revêt et protége une écaillure solide, éburnée, à étendu la surface des os de la tête, pour amener au contact les uns des autres ceux qui ailleurs sont séparés par des espaces mem- braneux. L'amincissement des os est surtout prononcé, au crâne, sur toute la région frontale, etleur étendue superficielle prend des proportions tout à fait caractéristiques dans lé développement vertical du sphé- noïde antérieur, dans celui du vomer, aussi bien que dans celui du temporal; mais procédons par ordre à la revue des pièces cépha- liques. Crâne. La face occipitale manque de hauteur verticale, et s'éloigne beaucoup dans cette direction du caractère qu'elle nous a présenté chez les Balistes et les Triacanthes, se rapprochant un peu de celui qu'elle revêt chez les Monacanthes. En effet, ce qui lui manque réellement, ce n’est pas l'étendue dans la direction de la ligne mé- diane, mais l’unité de direction. Cette face est d’abord presque horizontale, puis elle monte, puis elle se reploie, et redevient ho- rizontale, comme si elle fléchissait sous la pression des plaques écailleuses qui s'appuient sur ‘elle. Elle a done tout autant d’éten- due que chez les Balistides; seulement elle la distribue autrement que chez ceux-ci par les flexions qu’elle subit. = Nous retrouvonsici, au-dessus des occipitaux latéraux, des occi- pitaux externes réunis par une suture sur la ligne médiane, comme (1) Voyez, pour les détails que nous allons donner, notre deuxième planche, figure 6, 25 H, UOLLARD, — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE chez les Balistides; seulement ces dernières pièces sont plus étroites que celles des Balistes; c’est sur elles que porte la flexion supérieure de la face occipitale. Sur leurs côtés se voient de grands mastoïdiens, remarquables par la large lame apophysaire qu'ils dirigent, en bas à la rencontre de l'épaule, en arrière au-devant des muscles du tronc. En revenant vers la ligne médiane, au-devant des occipitaux externes , nous trouvons un très petit occipital supérieur terminé en arrière par une pointe horizontale, et qui contraste par sa dé- pression, autant que par ses faibles dimensions en tous sens, avec l’occipital supérieur des Balistes. Au système occipital succède chez les Ostracions, du côté de la base du crâne, un sphénoïde supérieur court et aplati, duquel partent des ailes temporales assez larges, mais qui, rencontrant au-dessus d'elles le mastoïdien, comme il arrive à celles des Ba- listes, n’ont pas plus de hauteur que celles-ci. Vient ensuite un sphénoïde antérieur, qui non-seulement jette aussi au-devant de l'orbite une grande expansion lamelliforme, mais commence par en donner une inférieure dirigée en arrière, et qui se place en dessous du corps déjà caréné du sphénoïde postérieur et de l’occi- pital. Nous retrouvons, du reste, chez les Ostracionides, sauf quelques modifications de formes et des proportions plus larges, les mêmes dispositions des ailes orbitaires, la même rencontre avec le frontal antérieur et avec l’ethmoïde que chez les Balistes. Le développement des pièces qui concourent en avant, en arrière et en bas, à circonscrire l'orbite est tel, qu'il fournit à cette cavité un plancher complet et une cloison médiane. Enfin le système ethmo-nasal des Ostracions est conforme à celui des Balistes ; il se termine exactement comme celui-ci par une large surface articulaire destinée au prémaxillaire, et à la- quelle s'ajoute plus bas l'extrémité élargie du vomer; celui-ci dé- bute au-devant de la grande lame sphénoïdale par une portion la- melleuse qu'on prendrait facilement pour la partie la plus avancée du sphénoïde antérieur. On ne retrouve pas néanmoins chez les Ostracions les apophyses latérales de l’ethmoïde destinées aux palatins. DES POISSONS PLECTOGNATHES. 29 Au sommet de la tête, on voit des frontaux principaux étalés et très minces ; ces os se rétrécissent, et deviennent encore plus membraniformes en avant, puis ils font place à deux bandelettes qui représentent au-dessus de l’ethmoïde les os du nez. Ces deux paires de pièces laissent sur la ligne médiane une petite fontanclle. Système facial. Ce qui nous frappe ici avant tout, c'est Ie développement extraordinaire du temporal. Nous retrouvons cet os assez nelte- ment divisé en deux régions : l’une supérieure et articulaire, l’antre inférieure et faciale. La première était courte et étroite chez les Balistes ; elle est large, et descend très bas chez les Ostracions. Il résulte de cette modification que le préopercule est suspendu beaucoup plus bas chez ces derniers que chez les premiers, et que le temporal lui-même, dans sa région faciale, qui participe de l'élargissement général, va rejoindre l’arcade plérygo-tympanique. Celle-ci à son tour est rencontrée ou peu s’en faut par l'expansion lamelleuse et verticale du sphénoïde antérieur, laquelle, outre son développement, se dédouble en lames latérales divergentes, qui vont au-devant des susdites arcades. Si le temporal rattache largement le système facial au crane derrière l'orbite, il n'en est pas de même du palatin en avant. Cet os est très petit comme chez les Balistides, mais solidement attaché au sommet du transverse et au ptérygoïdien. M. Brühl refuse le symplectique aux Ostracions ; mais ce petit os se distingue très bien sur les têtes qui ont un certain volume ; il est attaché dans toute sa longueur, comme chez les Balisies, au tympanique et au jugal, sans établir de communication entre ces os et le temporal, La remarque qui vient d’être faite au sujet du symplectique s'applique aux autres pièces faciales comme aux pièces crâniennes que M. Brübl refuse aux Ostracions et à d’autres Plectognathes, notamment aux Alutères (4). (1) M. Brühl dit que chez les Ostracions les rapports de contact qui exis- tent entre le temporal et l'arcade palatine sont établis par le ptérygoïdien, et 30 H. HOLLARD, —— MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE Les mâchoires des Ostracions nous rappellent celles des Ba- listes, et appartiennent au même type. Le prémaxillaire est court, arrondi en dessus, fortement fléchi sur lui-même, armé de dents marginales solidement implantées; enfin il est bordé en arrière par un petit maxillaire qui lui est bien assujetti, et qui le dépasse un peu inférieurement pour offrir un point d'attache au tendon supé- rieur du muscle qui abaisse cette mâchoire en même temps qu'il relève l’autre. Pièces operculaires. Le système operculaire des Ostracions est aussi du même mo- dèle que celui des Balistes ; seulement il est un peu modifié par suite du grand développement du temporal, et plus spécialement de la portion supérieure de cet os. La branche du préopercule supérieure au coude de celui-ci est à une grande distance du crâne et très courte; l’opercule se trouve par la même raison descendu et même un peu raccourci. Système hyo-branchial. Ici encore nous retrouvons des séries soit médianes, soit laté- rales de pièces minces et lamelliformes. Ce caraelère est très pro- noncé dans celles qui portent les rayons branchiostéges, et ces rayons eux-mêmes, distribués d’ailleurs comme ceux des Balistes, sont plus courts et plus larges que chez ces derniers Poissons. Appendices latéraux. Le membre thoracique, le seul qui existe dans la famille qui nous occupe, reproduit une dernière fois le même caractère mor- phologique, surtout à partir de l'huméral. Cet os, le cubital et le non par le tympanique, qui manque. Rien n’est moins exact. Le tympanique des Ostracions est très grand, et le ptérygoïdien est une très petite pièce inter- calée entre lui et la transverse. DES POISSONS PLECTOGNATHES. ol radial, sont très larges, et représentent inférieurement une sorte de bouclier sous-guttural, surmonté par des nageoires qui se diri- gent verticalement, au lieu de se porter en arrière. Le coracoïdien lui-même n'est plus la lame d'épée que nous voyons chez les Ba- listes, c’est une sorte de plaque courte et large qui se dirige droit en arrière. Ajoutons cependant, et ceci établit une autre différence très marquée entre la ceinture du membre thoracique des Ostra- cions et celle des Balistides, que la première s'articule non-seule- ment avec le mastoïdien par un scapulaire semblable à celui des Balistes, mais encore avec la portion de lame que le sphénoïde antérieur envoie sous l’occipital basilaire, et cela au moyen d’une tige qui me paraît représenter la première pièce qu'offre le cora- coïdien quand il est composé, ce qui serait le cas chez les Ostra- cions (1). En nous résumant, les Ostracions ressemblent aux Balistes par leurs occipitaux externes qui se rencontrent sur la ligne médiane au-dessus des latéraux, par leur système sphénoïdal lamelleux, par les formes de l’ethmoïde, par les dispositions des frontaux pour dessiner l'orbite, par les proportions et les formes des deux mû- choires, sans compter des traits analogiques plus effacés, mais non moins réels. En regard de cet ensemble de caractères communs aux deux familles de Sclérodermes, je ne trouve guère que des diffé- rences (de formes et de proportions qui se rattachent plus ou moins directement à la présence d’un tégument squamoïde so- lide, et à la substitution plus ou moins générale des formes dépri- mées ou élargies du corps aux formes comprimées des Balis- tides. Conclusion concernant le type ostéologique des Sclérodermes. Ce type me parait ressortir et se caractériser : 1° Quant au crâne : par le développement des pièces occipitales (1) Chez les Balistes, il existe, à la place de la tige en question un cordon fibreux qui va de l'huméral au corps du sphénoïde. Ce cordon ne pourrait-il pas être considéré comme l'état rudimentaire d'une première pièce coracoïi- dienne? J'en doute fort, mais je crois devoir le signaler. 922 I. HOLLARD, —- MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE paires, plus que par celui des impaires, et surtout de l’occipital supérieur, qui est ramené à un rôle secondaire, et reporté tout entier au sommet de la tête par les occipitaux externes; puis par la médiocrité de la ceinture sphénoïdale postérieure contrastant avec le développement du sphénoïde antérieur et celui des trois fron- taux qui décrivent jusqu'aux deux tiers un cercle orbitaire; enfin par un ethmo-nasal allongé, formant avec le sphénoïde antérieur une région préorbitaire plus ou moins longue, et se terminant par un renflement articulaire qui offre toujours une large surface de elissement sur laquelle vient se mouvoir la mâchoire supé- rieure. 2° Quant à la face: par des mâchoires ramassées sur elles- mêmes, massives, offrant deux arcades dentaires à forte cour- bure et armées de dents, la supérieure présentant le maxillaire réduit à une petite pièce marginale et labiale assujettie derrière le prémaxillaire, et celui-ci appuyant la large convexité de sa sur- face supérieure sur la cavité articulaire de l’ethmoïde. 3° Quant au système operculaire : par la médiocrité du préoper- cule et la réduction du battant à une très petite lame, qui offre toutefois ses trois éléments ordinaires, et dirige son interopereule vers la mâchoire inférieure, malgré la distance qui l’en sépare, et au moyen d’une tige étroite, allongée, et parfois demi-tendineuse. h° Quant au système hyo-branchial, par la distribution de six rayons en deux groupes, dont l’antérieur est de deux, le posté- rieur de quatre. 5° Quant aux appendices latéraux , par la disparition graduelle du membre abdominal. IL. Squelette des Gymnodontes. J'ai donné de ce squelette une description et des dessins qui me dispensent de revenir sur les détails de sa structure et sur ses modifications ; je pourrais done dès à présent me borner à en rap- peler les caractères, pour les mettre en présence de cenx que nous DES POISSONS PLECTOGNATHES. 38 venons de reconnaitre au système solide des Sclérodermes. Mais ayant eu, depuis la publication de mes Études sur les Gymno- dontes, l’occasion de disséquer un exemplaire de Triodon que je dois à l’obligeance de M. Dareste, et ayant pu compléter ainsi et préciser, à l'égard de ce type, les notions que ce savant nous en avait déjà données il y a onze ans, je commencerai par esquisser d’abord ici les caractères ostéologiques des Triodons, tels que je les ai vus, en faisant ressortir ceux qui les distinguent des autres Gymnodontes. Squelette des Triodons. $ Colonne vertébrale. M. Dareste a signalé dans son travail les particularités les plus intéressantes que présentent les vertèbres des Triodons. Nous rappellerons, en le confirmant, ce qu’il a dit de la présence ici de véritables apophyses transverses dépendant de l’arc neural, puis de l'absence des apophyses en apparence transverses, mais en réalité hématales, auxquelles s’attachent ordinairement les côtes chez les Poissons ; en sorte que ces appendices, qui existent chez les Triodons comme chez les Balistes, s'appuient dans les pre- miers directement sur le corps des vertèbres. Je remarque aussi avec M. Dareste l'absence non-seulement du dédoublement des premières apophyses épineuses, mais de ces apophyses elles- mêmes. Seulement, comme j'ai montré que, contrairement à l'opinion de M. Dareste et de quelques autres anatomistes, le spina bifida des premières vertèbres des autres Gymnodontes n’in- téresse pas l’arc neural, mais bien la neurépine et elle seule, pour moi l'absence de ce spina bifida se confond avec l’absence de la neurépine, et constitue un simple fait de réduction ; elle perd par cela même beaucoup de l'importance qu’elle peut et doit avoir pour mon prédécesseur. Crâne. Quant à la portion crànienne de la tête des Triodons, M. Dareste se borne à dire qu'il lui trouve une telle ressemblance avec celle 4° série. Zoou. T. XIIL. {Cahier n° 4.) 5 3 äi H. HOLLARD, — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE des autres Gymnodontes, qu'il croit pouvoir renvoyer ses lecteurs aux traités d'anatomie où il est fait mention dé celle-ci. Après avoir comparé le crâne du sujet que je dois à son cbligeance avec ceux des orbes épineux, j'avoue que je ne saurais que regretter la lacune qui se trouve ici dans le travail de M. Dareste ; je vais donc essayer de la remplir (4). La face occipitale de ce crâne est, à la vérité, très déprimée, et nousrappelle sous cé rapport, én même temps que par son étendue transversale, un crâne diodonien ou tétraodonien. Cependant la con- figuration, la direction des plans et des contours ne sont plus les mêmes, etreproduisent quelques traits qué nous avons vus chez les Balistes à côté de ceux qui distinguent les Gymnodontes. L’anneau occipilal est tout entier dans le plan vertical, d’ailleurs assez court, par lequel débute inférieurement cette face, au lieu de se trouver encore dans la direction de la colonne vertébrale. Si le suroccipi- tal, par sa forme et sa direction horizontale, est celui des orbes épineux, s'il descend par sa partie inférieure jusqu’à écarter de sa ligne médiane non-seulement les accipitaux externes, mais même les latéraux ; en un mot, si la zone moyenne de la région occipitale réalise par sa dépression le type le plus ordinaire qu’elle offre chez les Gymnodontes , il n’en est pas de même des parties latérales. Celles-ci abandonnent leur première direction, qui est verticale, pour se porter obliquement d'avant en arrière, conservant ainsi à la boite cérébrale plus de hauteur qu’elle n’en offre dans la géné- ralité des Gymnodontes. En même temps, cette portion latérale, tout en continuant à s’élever d'une pente sensible, décrit dans le sens transversal une courbe concave qui relève le bord post-orbi- taire des pièces qui figurent ici, et nous reporte à ce que nous avons vu sous ce rapport chez les Balistes. Ce qui achève de rap- peler ceux-ci, c’est le mastoïdien avec son apophyse qui descend presque verticalement dans la fosse temporale, et la saillie angu- leuse qui le termine en arrière (2). (1) Voyez pl. 3, fig. 8, 9, 40 et 8 a. (2) Voyez pl. 3, fig. 8. Quand on pourrait conserver encore des doutes avec M. Brübl sur les limites de l'aile temporale et du mastoïdien des Balistes, . DES POISSONS PLECTOGNATHES. 30 La surface oblique qui prolonge la région occipitale des Trio- dons, et sur laquelle se déploie la plus grande partie des occipitaux externes et la face supérieure très étendue du mastoïdien, cette sur- face que terminent en avant les pariélaux et les frontaux posté- rieurs, fait place à une surface horizontale dans sa direction antéro- postérieure, creusée dans le sens transversal, et où nous voyons figurer d’abord de grands frontaux disjoints sur la ligne médiane, puis un petit système ethmo-nasal assez court. La courbe de l’or- bite est bien indiquée par le frontal principal et le frontal antérieur, mais très peu par le postérieur ; celte courbe à grand rayon dessine une région orbitaire plus étendue que celle des Sclérodermes et de beaucoup de Gymnodontes. Quant à la région préorbitaire des Trio- dons, elle est bien plus courte que la précédente, et ressemble néan- moins bien davange par ses formes à celle des Balistes et desOstra- cions qu’à celle des Tétraodons et des Diodons. Elle se termine comme chez les premiers par une surface articulaire verticale, et le vomer placé au-dessous complète cette ressemblance (4). Le sphénoïde postérieur des Triodons est court. La limite qui le sépare de l’antérieur est indiquée par une suture. Les ailes tem- porales sont plus larges que hautes; les orbitaires débutent par une tige canaliculée qui monte rapidement au-devant des précé- dentes, et aboutit à une expansion si étroite, que les deux ailes” orbitaires laissent entre elles un grand vide dans la paroi osseuse antérieure du crâne. L’élévation de la tige par laquelle elles dé- butent donne une certaine hauteur au sinus sphénoïdal dont cette tige forme les côtés, et en même temps elle met entre le sphé- noïde et la voûte de l'orbite une distance qui se voit rarement chez les autres Gymnodontes. Le sphénoïde antérieur ne déploie d'expansion lamelliforme que dans la direction de la voûte pala- tine ; arrivé au delà de l'orbite, il s’élargit pour recevoir entre ses lames la queue étalée d’un vomer qui s’y enchâsse solidement, et qu’on prendrait pour une dernière pièce axile de la charpente on n'aurait qu'à consulter le crâne des Triodons qui avec la configuration balistienne de cette dernière pièce, nous en donne très nettement les contours, et par cela même ceux de l'aile temporale. (1) Planche 3, fig. 8 a. 26 HW. HMOLLARD, —— MEMOIRE SUR LE SQUELETTE erânienne, tant il continue en ligne directe le sphénoïde antérieur, qu'il sépare en même temps de l’ethmoïde. Celui-ci, appuyé sur ce vomer, nous offre l'étendue, les formes et le mode de termi- naison que nous avons indiqués tout à l'heure, et le vomer finit ou commence en avant par une tête bi-articulaire qui, par sa posi- tion, comme par sa configuration, complète la ressemblance si frappante que nous avons constatée entre l’ethmo-vomer des Trio- dons et celui des Balistes. Système facial. Si les dernières pièces craniennes qui viennent de nous occuper reproduisent le type balistien par leurs formes terminales, les pièces faciales qui viennent s’y rattacher, rentrent, au contraire, tout à fait dans le type Gymnodonte, ce qui fait d'autant plus res- sorür, et donne d'autant plus de valeur aux ressemblances que je viens de signaler. Et d’abord le palatin des Triodons est très dé- veloppé, comme celui des orbes épineux ; il est de plus solidement attaché au crane. 11 se distingue néanmoins du palatin assez simple, quoique très grand, des Tétraodons et des Diodons, par des rap- ports plus nombreux avec les pièces de l’avant-cräne; car, au lieu de s'attacher au vomer seul comme chez ces derniers, le palatin des Triodons tient à la fois au frontal antérieur, à l’ethmoïde et au vomer, ce qui entraine nécessairement des modifications de lorme, dont on pourra juger en jetant les yeux sur mes dessins. Ces modifications se retrouvent jusque dans l'articulation du pala- ün avec le maxillaire supérieur. Cette articulation demeure, il est vrai, ce qu'elle est, en général, chez les Gymnodontes, le point d'appui principal du levier représenté par les deux pièces réunies de la mâchoire supérieure. Toutefois, comme nous le verrons en parlant de celle-ci, la large surface articulaire de l’ethmoïde établira aussi des rapports directs entre la mâchoire supérieure et le crâne, comme ceux qui existent chez les Sclérodermes. Je ne trouve rien qui mérite une attention parliculière dans le sroupe de piéces faciales suspendu ou rattaché au palatin : le pté- rygoidien et le {ympanique d’une part; le transverse, le jugal et DES POISSONS PLECTOGNATHES. 37 le symplectique de l’autre. Mais ce qui doit être plus remarqué, c’est la largeur du temporal et l’étroitesse, en même temps que la fable courbure du suspenseur de la mâchoire ou préopereule; c'est encore ici le type balistien qui prévaut sur celui des orbes épineux , el ce fait est, en partie du moins, une conséquence de la dépression générale de la tête chez ceux-ci, et de son éléva- tion chez les Selérodermes. La tête triodonienne est plus haute que celle des Diodons et des Tétraodons ; dès lors, le préopercule, au lieu de se plier comme chez ceux-ci jusqu’à former un angle droit, et de s’étaler en un large talon postérieur, s’allonge et se courbe faiblement. La mâchoire supérieure demeure divisée, tandis que l’infé- rieure a ses moiliés soudées. Par leur degré de courbure, elles rappellent l'une et l’autre les mâchoires étroites des Tétraodoniens ; la supérieure nous offre un prémaxillaire prolongé par une petite branche montante qu'appuie un processus du maxillaire, et qui atteint la surface articulaire de l’ethmoïde; le maxillaire, solide- inent attaché au précédent, lui forme une bordure étroite et four- nit une apophyse médiocre pour l’attache du musele abaisseur ; le processus qui appuie la branche montante du prémaxillaire offre 4 sa base la facelte articulaire qui correspond à celle du palatin, et plus haut il rencontre la tête du vomer (4). Ainsi la mâchoire su- périeure des Triodons porte à la fois sur l’ethmoïde, le vomer et le palatin, tandis que dans les autres Gymnodontes elle ne s'articule qu'avec ce dernier (2). Son mouvement s'exécute toutefois essen- tellement sur le palatin, ici comme dans les orbes épineux. Opercule, système hyolaryngien, appendices. L'opercule des Triodons est petit, mais complet ; la tige qui prolonge l’interopercule est tout à fait osseuse. Les pièces de support des rayons branchiostèges et les rayons (4) Voyez pl. 2, fig. 40. (2) Tout au plus et dans un seul genre tétraodonien le genre Rhynchotus, la branche montante du prémaxillaire arrive-t-elle jusqu’à l’ethmoïde. 38 H, HOLLARD, — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE eux-mêmes sont ce que nous les avons vus dans les Tétraodons et les Diodons ; seulement le premier rayon ne forme dans les Trio- dons qu’une palette sous-gutturale étroite, comparée à celle que nous avons observée chez les précédents. Quant aux appendices locomoteurs, ce qu'ils offrent de plus caractéristique chez les Gymnodontes triodoniens par opposition aux autres, c’est un os pelvien allongé, et dont les deux moitiés sont incomplétement soudées ; cet os, aussi bien que le grand fa- non qu’il soutient, nous rappelle le type balistien, et en particulier les Monacanthes. En esquissant, comme nous venons de l'essayer, l’ostéologie des Triodons, nous avons constamment comparé ces Poissons aux types Gymnodontes qui nous ont oceupé dans un travail pré cédent, et qui représentent le mieux le type général que désigne ce dernier nom. Nous avons par conséquent rappelé les traits les plus accentués de ce type, savoir : 1° Le dédoublement des premières apophyses épineuses ; 9 La dépression en même temps que l’étalement latéral du crâne, qui dirige de côté sa crête occipito-pariétale et ses saillies mastoïdiennes, tandis que l’occipital supérieur abaisse et dirige horizontalement en arrière sa crête médiane (4) ; 8° Le rapprochement du sphénoïde antérieur de la voûte orbi- taire, comme conséquence de la dépression qui rapproche les par- ties supérieures du crâne de ses parties basilaires ; h° La brièveté de la région préorbitaire, en raison de celle, an moins très générale, de l’ethmoïde ; 5° L’exagération des apophyses terminales du vomer converties en deux branches divergentes qui dépassent l’ethmoïde, et vont s'offrir aux palatins ; (1) La dépression du crâne, on se le rappelle aussi, provient : 1° de la posi- tion horizontale et rachidienne des occipitaux latéraux ; 2° du reploiement en avant des occipitaux externes après un court trajet vertical. En un mot, la por- tion occipitale et post-orbitaire ou portion cérébrale de la boîte crâänienne est ici comme écrasée, mais regagne un peu en largeur et d'avant en arrière ce qu’elle perd dans le sens vertical. DES POISSONS PLECTOGNATHES. 39 6° Le développement de ces derniers os, et l’attache solide qui les fixe aux deux branches du vomer ; 7° La mâchoire supérieure appuyée plus où moins exclusive- ment sur ces mêmes palatins, et envoyant néanmoins dans la di- reclion de l’ethmoiïde, mais en général sans l’atteindre, une double branche montante du prémaxillaire. La mâchoire inférieure sus- pendue à un préopercule très large et fortement coudé ; 8° Le préopercule proportionnellement beaucoup plus grand que celui des Sclérodermes ; 9% Enfin le premier rayon branchiostège en forme de palette sous-gutturale; une seule paire de membres, sans aucun vestige de la seconde ou pelvienne. Nous possédons maintenant toutes les données nécessaires pour résoudre la question, en vue de laquelle nous avons commencé cette étude sur l’ostéologie des familles plectognathes. Cette ques- lion est celle-ci : Retrouvons-nous dans l’ensemble de ces familles des caractères ostéologiques qui, en les éloignant des autres Pois- sons osseux, les rapprochent assez les unes des autres pour jus- üfier les zoologistes qui, à l'exemple de G. Cuvier, continuent à les grouper sous une même dénomination et à en faire un ordre? Abordons done cette question, objet d’une controverse qui l'a plutôt posée que résolue (4). Elle présente d’ailleurs, indépendam- ment de son intérêt spécial, une certaine importance pour la zoolo- gie générale, nous conduisant à déterminer avec précision les vrais caractères typiques offerts par le squelette, à en apprécier la valeur zoologique dans la classe des Poissons. Nous compléte- rons celle appréciation en faisant ressortir la corrélation de ces mêmes caractères avec ceux que fournissent d'autres organes. (4) M. Vogt disait ici, il y a quelques années, que « l'ordre des Plectogna- thes serait bientôt rayé des cadres ichthyologiques (Ann. des sc. nat., 3° série, t. IV, p. 6), » et M. Dareste a essayé, peu de temps après, de démontrer la vérité de cette simple assertion; mais la question demandait plus de rensei- gnements que ce savant n'avait pu en recueillir lorsqu'il a écrit son mémoire (sa thèse inaugurale, 1850, réimprimée dans les Annales, 3° série, t. XIV, sous le titre : Recherches sur la classification des Poissons de l'ordre dés Plecto- gnathes, 1850). h0 H, HOLLARD. —- MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE CONCLUSION GÉNÉRALE. Des caractères fournis par l'étude comparée du squelette des Plectognathes, et des conséquences qu’on peut en tirer pour la classification de ces Poissons et pour l’ichthyologie en général. En comparant l’ensemble des squelettes plectognathes avec ceux des autres familles téléostéennes, nous ne rencontrons peut- être pas un caractère qui réunisse les deux conditions qu'on a coutume de considérer comme nécessaires pour circonscrire un groupe et le séparer des autres, c’est-à-dire, qui soient à la fois constants et exclusifs. Mais nous en trouvons qui, constants chez les Plectognathes, ne se voient ailleurs que par exception. Puis nous en rencontrons d’autres auxquels on n’a peut-être pas atta- ché en zoologie l'importance qu'ils semblent mériter : je veux parler de certains traits, qui, sans être constants dans le groupe, non-seulement lui sont propres, mais se montrent dans chacune de ses divisions comme une empreinte quelquefois effacée, et toujours prête à reparaître. C’est seulement en tenant compte de ces deux ordres de caractères que nous pouvons nous faire une idée d'ensemble et précise des différences ostéologiques qui sépa- rent les Plectognathes des autres Poissons osseux, trouver leur place dans la série générale, et aborder leurs rapports mutuels. Un premier fait constant chez les Plectognathes, c'est le petit nombre de leurs vertèbres. Sauf deux exceptions, ce nombre ne dépasse pas dix-huit, et on peut dire que c’est ici que nous ren- controns le chiffre minimum de ces os. J'ai de plus constaté que les différences portent sur les caudales, et que les vertèbres du trone sont toujours au nombre de dix. C'est du reste la seule remarque générale qu’on puisse faire à propos de la colonne rachidienne de ces Poissons, car ses formes varient, et ne fournissent que des caractères de famille ; rappelons seulement la parfaite symétrie de la dernière vertèbre, qui pré- sente aux rayons de la nageoire caudale deux lames apophysaires égales, en sorte que les Plectognathes sont au nombre des Pois- sons les plus complétement homocerques. DES POISSONS PLECTOGNATHES, 1 Rien de plus hétéromorphe que la tête osseuse de ces Poissons. Cependant, dans toutes les modifications qu’elle subit, cette partie du corps s'éloigne toujours d’une manière ou de l’autre des types ordinaires, et ce trait général n’est pas aussi négalif qu’il peut le paraître au premier abord. En comparant ces têtes si différentes, ces types si diversifiés de Selérodermes et de Gymnodontes à une tête de Perche, de Saumon, de Morue, à bien d’autres encore, nous voyons ressortir quelques caractères dont il faut tenir compte. Le crâne chez tous les Plec- tognathes est comparativement plus développé dans ses régions orbitaire et préorbitaire qu'en arrière de l'orbite, c'est-à-dire dans sa partie cérébrale. Comprimée ou déprimée, celle-ci a peu de capacité dans toute cette série, et si nous cherchons sur quelle cein- ture du crâne porte cette réduction, nous trouvons que c’est sur la ceinture sphéno-pariétale. En effet, le développement des pièces occipitales est au moins égal et souvent supérieur chez les Plecto- gnathes, à ce qu'il se montre ailleurs, tandis que le sphénoïde postérieur est très court, les ailes temporales souvent étroites et toujours sans élévation, les pariétaux petits et pressés entre les occipitaux externes et les frontaux. Le système du sphénoïde an- térieur, dont ceux-ci sont les pièces supérieures ou de recouvre- ment, se développe chez,.tous les Plectognathes dans une mesure très large, et même souvent avec une sorte d'exubérance, ce qui contribue à donner une grande projection à la région préorbitaire, et à porter les pièces ethmo-nasales, le vomer et les mâchoires bien plus en avant que nous ne les voyons dans les Poissons ordinaires. De là, la grande distance qu’on remarque généralement entre l'œil et le bout du museau, non-seulement chez les Balistes et les Ostra- cions, mais chez beaucoup de Gymnodontes, et qui contribue au facies plus ou moins singulier, quoique très divers, de toutes ces familles. Avant de quitter le crâne, prenons note d’un de ces traits dont je parlais plus haut, qui paraissent et disparaissent tour à tour d’une famille ou d’un genre à un autre, et qui n’en sont pas moins ca- ractéristiques , en raison de ce qu'ils n'existent que dans la série dont ces familles sont les termes successifs, et qu'ils se montrent au commencement comme à la fin de cette série. Nous voyons, en h2 H. HOLLARD, — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE effet, chez les Balistes, puis chez les Monacanthes, puis chez les Ostracionides, en un mot, dans le groupe entier des Sclérodermes, l'ethmoïde s'avancer au-dessus du vomer en se renflant comme une des extrémités d’un corps de vertèbre, et présenter une large surface articulaire à la mâchoire supérieure ; or nous retrouvons le même fait chez les Triodons, parmi les Gymnodontes, avec d'autres dispositions et d’autres formes des pièces conliguës; par conséquent c’est ici un vrai caractère de type zoologique, bien plus qu’un fait de corrélation harmonique, Les pièces faciales des Plectognathes sont toujours au complet, quoi qu'on en ait dit. Cependant, si nous voulions compter au nombre de ces pièces les sous-orbitaires, qui ne sont, à vrai dire, que des ostéides tégumentaires, nous devrions noter ici, et nous profitons de cetle occasion pour rappeler comme générale dans tous ces Poissons, l'absence de cette série de pièces. Quant aux faciales proprement dites, elles sont diversement développées, et néanmoins dans des conditions assez générales pour nous fournir aussi quelques caractères communs à loutes les familles. De tous ces caractères, le plus remarqué, et incontestablement le plus important du système facial, est celui sur lequel G. Cuvier a le plus insisté pour grouper en un même ordre les familles qui nous occupent , je veux dire l’union intime du prémaxillaire au maxil- laire, ou mieux, et pour donner à ce fait sa vraie signification, el le séparer des cas ailleurs exceptionnels où nous retrouvons la même connexion des deux éléments de la mâchoire supérieure, ce qui nous paraît éminemment caractéristique chez les Plectognathes, c’est la concentration des pièces des deux mâchoires, la tendance des postérieures à se fusionner avec l’antérieure, pour constituer des mâchoires à branches courtes, à arcades dentaires robustes, donnant peu d'ouverture à la bouche, et assurant l'énergie des mouvements aux dépens de leur souplesse et de leur étendue, Je remarque ensuite, qu’à peu d’exceplions près, les mâchoires des Plectognathes attirent en quelque sorte vers elles et déplacent plus ou moins la plupart des autres pièces faciales, les éloignant de celle à laquelle elles sont ordinairement suspendues en arrière, le temporal. De là une tendance qui ne se réalise pas toujours, mais qui se réalise en proportion de cette concentration antérieure, DES POISSONS PLECTOGNATHES. IP] je veux dire l’assujettissement du palatin au crâne, qui, ordinaire dans les Vertébrés supérieurs, est au contraire exceptionnel chez les Poissons, et a été donné par G. Cuvier comme un des carac- tères principaux des Plectognathes, quoique les Sclérodermes aient leur palatin simplement articulé ou attaché par des ligaments avec le crâne. En tous cas, à la médiocre ampleur de la bouche, s’ajoute chez les Plectognathes une médiocre mobilité de l’arcade palatine qui forme la paroi osseuse des joues. Cette disposition est en relation harmonique avec les caractères du système operculaire. Le préopercule est solidement attaché au temporal, et ne jouit par conséquent que de la faible mobilité de ce dernier os. Ainsi toute la cavité qui renferme les trois ou quatre ares branchiaux des Plectognathes est limitée par des pièces qui ne se prêtent qu'à des mouvements très bornés. Ajoutons à cet ensemble de caractères la petitesse de l’opercule proprement dit, dont le développement semble arrêté en étendue comme en solidité par le pli cutané dans lequel il est engagé: Signalons aussi en passant la tige longue et étroite qui prolonge l’interopercule, et au moyen delaquelle celui-ci franchit la distance considérable que met entre lui et la mâchoire inférieure (autre trait caractéristique) la concentration ou l'annulation des pièces angulaire et articulaire de celle-ci. Enfin n'oublions pas que tous les Plectognathes ont six rayons branchiostèges, que le premier est le plus large, ce qui l’amène dans les orbes épineuæ à former une palette gutlurale, et que ces rayons sont toujours distribués de la même manière sur la branche de l’hyoïde, savoir quatre sur la pièce qui succède au- styloïde de Cuvier et deux sur la sui- vante. Quant aux appendices, ils nous fournissent un seul trait carac- téristique, mais important par sa spécialité : c’est la présence in- termittente, 1l est vrai, d’un os pelvien qui, après avoir porté des rayons chez les Triacanthes, s’en dépouille chez les Balistes et les Monacanthes pour s’allonger et soutenir un pli cutané ou fanon abdominal plus ou moins développé, et reparaît dans un pli sem- blable et plus grand chez les Gymnodontes triodoniens. Ainsi le squelette, étudié comparativement chez les Plecto- hh H. MOLLARD, — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE enathes de Cuvier et chez les Poissons osseux ordinaires, j’ajoute- rai même chez les vrais Ganoïdes, donne un ensemble de carac- tères qui sépare lés premiers de tous les autres, et ne permet pas leur dispersion dans la série ichthyologique. Rapprochées ainsi les unes des autres par leur ostéologie, comme elles le sont au fond par leur écaillure anormale et plus ou moins éburnée, tuberculeuse ou épineuse, ces familles se placent à la suite des Poissons squamoïdes, et séparent ceux-ci des Ganoïdes; d’une part, ils conservent, plus que les Ganoïdes, le type ostéologique des premiers; d’autre part, ils se revêtent déjà de plaques qui ressemblent plus à celles des Ganoïdes qu’à celles des Poissons ordinaires. Mais ces mêmes familles, dont nous constatons la distance à l'égard des autres, et par suite le rapprochement entre elles, nous offrent, en dehors de leurs caractères communs, de si grandes différences, que nous pouvons nous demander si elles représentent un seul groupe ordinique, comme le voulait G. Cuvier , ou si l'on doit en faire plusieurs ordres, comme l’insinuent les zoologistes qui ne veulent accepter que des caractéristiques absolues et exclu- sives. Les ordres étant, ce me semble, en zoologie, l’expression de types d'organisation très généraux, je ne vois aucun inconvénient à conserver sous une même dénomination ordinique un ensemble de familles qui nous offrent à la fois dans leur système solide, dans leur revêtement cutané et dans l’ensemble de leur anatomie, des analogies générales incontestables et vraiment typiques, en même temps que des caractères qui reparaissent après avoir disparu, et cela en dépit de toute condition biologique appréciable ; enfin des termes de passage qui conduisent d’une famille à l’autre dans un ordre sérial. Cet ordre sérial, qui exprime les véritables relations zoologiques des Plectognathes, comme on va le voir, achève de nous mettre à l'aise sur la question de la réunion de ces Poissons en un même groupe. Il nous reste à le mettre en évidence, et à déterminer ce que j'appellerais volontiers l'organisme de ce groupe. je constate d’abord ici deux types subordonnés , celui des Sclé- rodermes et des Gymnodontes qui deviennent pour nous deux sous- ordres. Le premier comprend les familles les moins éloignées des DES POISSONS PLECTOGNATHES. h5 Poissons ordinaires; ce sont les Balistides, qui rappellent les formes ichthyoïdes normales, et dont le squelette et l’écaillure s'éloignent moins, par le degré d’ossification de l’un et la consis- tance de l’autre, des données les plus générales de la classe. Les Balistides sont suivis par les Ostracionides, dont les rapprochent et les distinguent à la fois, comme nous l'avons vu, leur squelette etleurs plaques squamoïdes. Les Gymnodontes, à leur tour, débu- tent par les Triodons, qui rappellent un peu les Balistides par plu- sieurs traits de leur tête osseuse, par leur fanon et los qui le sup- porte, et même jusqu’à un certain point par leur écaillure. Puis viennent les orbes épineux et d’abord les Tétrodoniens, dont le squelette conserve et reprend parfois plusieurs traits de celui des groupes supérieurs, entre autres le degré d’ossification et le déve- loppement de l’ethmoïde. Les Diodoniens se rattachent de près aux précédents, mais en exagérant leurs caractères de dégradation ostéologique. Enfin les Othagorisques, qui sont encore diodo- mens par les mâchoires, par l'effacement de l’ethmoïde, plus im- parfaits quant à l’ossification, s’éloignent de tous les autres Gymno- dontes par la singularité de leurs formes comprimées et tronquées en arrière. Cette coordination nous donne des termes subordonnés, com- posés eux-mêmes d’autres termes subordonnés, qui se décompo- seraient de la même manière à nos yeux, si nous en poursuivions l’analyse. En définitive, c’est un ensemble de types de divers degrés, des séries générales composées de séries partielles. Avant de résumer ce résultat dans un tableau synoptique qui sera la conclusion dernière de ce travail, qu’il me soit permis d'exprimer l'espoir, non-seulement d’avoir jeté quelque jour sur une question spéciale d’ichthyologie, mais encore d’avoir concouru à démontrer les services que cette branche de la zoologie peut attendre de l’ostéologie comparée, et enfin d’avoir donné, du groupe zoolo- gique, de la diversité, des relations et de la coordination de ses éléments une idée qui pourra servir les progrès de la zoologie générale. 6 H. HOLLARD, — MÉMOIRE SUR LE SQUELETTE Tableau de la distribution des Plectognathes. Sous-classe Ordre Sous-ordres Familles Tribus des des des des des Feb Triacanthiens. Balistides . . .? Balistiens, ; Sclérodermes. À Monacanthiens. Plect t 24 ds Ï Sr | ectognathes PERRET _f Aracaniens. léléostéens. ou : | Ostraciens. ( Echinoïdes. / Loganiosomes ou Triodoniens. Sphérosomes ({Tétrodoniens Gymnodontes. . Fm é ; N RRDPonRe (Orbes épin..) nite Ellipsomes ou Othagorisciens. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 2. Fig. 1-4. Crâne du Balistes vetula sous ses divers aspects. Légende des lettres pour ce crâne et pour ceux de la deuxième planche : vr, première vertèbre rachidienne ; — ob, occipital basilaire ; — ol, occi- pital latéral ; — 0e, occipital externe ; — os, occipital supérieur ; — sp, sphé- noïde postérieur; — ut, aile temporale, —m, mastoïdien; — r, rocher; — sa, sphénoide antérieur ; — ao, aile orbitaire ; — et, ethmoïde ; ein, ensem- ble ethmo-nasal ; — v, vomer ; — p, pariétal; — /, frontal principal; — f', frontal antérieur ; — f”, frontal postérieur; — n, nasal. É Fig. 5. Coupe verticale de la région préorbitaire, pour mettre en évidence la composition sphéno-ethmo-nasale. PLANCHE 3. Fig. 6. Tête osseuse d'un Ostracion (indéterminé). Légende des os de la face, operculaires, etc.: te, temporal ; — {y, tympanique ; — pt, ptérygoïdien interne ; — pn, pa- latin ; — tr, transverse ou ptérygoïdien externe ; — j, jugal; — sy, symplec- tique ; — pm, prémaxillaire ; — mx, maxillaire ; — mi, pièces réunies de la mâchoire inférieure; — pp, préopercule ; — op, opercule; — sop, sous-oper- cule ; — iop, interopercule ; — ab, arc et rayons branchiostéges ; — s, scapu- laire; — cr, coracoïdien ; — À, huméral; — cbr, cubito-radial. Fig. 7, 8,9. Crâne du Triodon sous trois aspects. Fig. 10. Mâchoire supérieure du même. Fig. 4 a, 7 a, 8 a. Extrémité articulaire de l'ethmoïde chez les Balistes, les Ostracions et les Triodons. RECHERCHES SUR LES OSSEMENTS DES CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM (HAUT-RHIN.) Par M, Joseph DELBOS, Professeur à l'École des sciences appliquées de mulhouse, DEUXIÈME PARTIE. ÉTUDES SUR LES OURS FOSSILES. SL. Dans la première partie de ces recherches (1), j'ai décrit l’Ostéo- logie de l'Ours des Pyrénées, Je me propose, dans cette deuxième partie, de traiter des ossements d’Ours fossiles des cavernes de Sentheim, de les comparer avec ceux qui ont élé trouvés dans d’autres cavernes ainsi qu'avec les espèces vivantes, et de déduire, s’il est possible, de cette étude, des résultats généraux sur la na- ture, les caractères, la valeur des espèces. Peut-être trouvera-t-on surprenant qu’un travail d'une certaine étendue, tel que celui qu’on va lire, n'offre pas comme couronne- ment l’établissement tout au moins de quelques espèces nouvelles, et conclue bien au contraire à la suppression de quelques-unes admises par plusieurs auteurs. Le but que je me suis proposé n’a pas été d'augmenter la liste des espèces, mais de soumettre à une critique sérieuse, celles qui figurent déjà dans les ouvrages, de discuter la valeur des caractères sur lesquels elles ont été fon- dées, et de déduire de cet examen des méthodes de comparaison et d'appréciation, dont l'application pourra s’étendre peut-être à d’autres branches de la paléontologie et aux procédés généraux de l'ostéologie comparée. L'établissement d’une espèce, d’un genre, ou de tout autre groupe en histoire naturelle, implique deux conditions : le dénom- (1) Voy. t. IX, p. 195. LS J. DELBOS. brement des différences qui le distinguent des autres et l’apprécia- tion de ces différences. La réalisation de la première de ces condi- tion est l'œuvre de l’observateur, celle de la seconde est l’œuvre du naturaliste. Tout homme doué de bons yeux et d’une certaine dose de patience peut saisir des différences entre les êtres les plus voisins. La nature, en se répétant dans les types, s’est variée dans les in- dividus ; elle n’en a peut-être jamais fait deux absolument iden- tiques. La sagacité de l'observateur consiste à découvrir ces diffé- rences, mais là aussi finit son travail et commence celui du naturaliste. : Si l’on s’en tient effectivement à la constatation pure et simple des faits, toute différence un peu constante pourrait donner lieu à l'établissement d’un type ; on pourrait ériger chaque type en une espèce ou en un groupe d’une autre valeur, et en cela on ne froisserait pas outre mesure les usages admis. Mais il me semble qu'une pareille méthode ne répondrait guère à ce que l’on est en droit d’éxiger, car après tout l'espèce veut être discutée, et avant de donner des noms distincts à deux individus qui ne sont pas iden- tiques, il faut examiner tout au moins s’ils ne pourraient être issus d'une même souche. La tolérance dont on use dans les recherches relatives aux fossiles des classes inférieures, sur lesquels 1l n’y a aucune enquête possible, et en vertu de laquelle toute différence reconnue peut donner lieu à un nom spécifique, pourvu qu’elle soit constante et saisissable, cette tolérance ne saurait être de mise quand il s’agit d’être d’un ordre élevé et qui ont été étudiés avec assez de soin, et depuis assez de temps pour que l’on possède les éléments d’une discusion sur la fixité et la signification de leurs caractères. C’est d’après ces principes que je me suis dirigé dans ces études. Le rôle important des Ours dans la faune quaternaire, le grand nombre des vestiges qu’il ont laissés dans les cavernes de l’ancien continent, justifieront, je l’espère, l'étendue des recherches et des discussions auxquelles je me suis livré. Je suivrai, autant que possible, l’ordre que j'ai adopté dans mon premier travail. CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 19 CHAPITRE PREMIER. TÈTE. ART. 1°. — Description des pièces. SI. 1. Téte entière d’un individu adulte. Celle pièce n’est nullement déformée par la fossilisation ; elle est légèrement inerustée sur certains points d’un gravier ferrugineux consolidé. Les os ont conservé une assez grande solidité et ont pris une couleur gris noirâtre fonce. Les canines et les incisives manquent; les six molaires ne pré- sentent pas de traces d’usure. Les crèles temporales sont bien mar- quées, quoique peu saillantes, la erêle sagittale épaisse et très pro- noncée, la crête occipitale très accusée et presque tranchante. Les fosses temporales ont été défoncées ; l’une des arcades zygomaliques manque, mais l’autre ne présente qu’une solution de continuité de 4 centimètres, toute aux dépens de l’apophyse zy- gomalique. Le quart antérieur des os nasaux à disparu; une rupture peu étendue à la base du nez intéresse légèrement un des maxillaires et les intermaxillaires vers leur réunion au frontal. Le jugal gauche est enlevé, le palais est entier ; l'ethmoïde a presque complétement disparu, mais les crêtes ptérygoïdes sont eonservées. Sauf ces altérations, toutes les autres parties sont . dans un état de complète intégrité. Les sutures des pariétaux, sur la crête sagittale, avec le frontal gauche et avec l’occipital, sont entièrement effacées, ainsi que celles des temporaux avec le sphénoïde et l’occipital. Les sutures pariéto- frontales du côté droit, des os incisifs avec les maxillaires, des palatins avec les maxillaires et le sphénoïde antérieur ; du sphé- noïde postérieur avec l'occipital, les temporaux et les frontaux ; du temporal gauche avec le pariétal, sont complétement consoli- dées, quoique visibles. Les sutures des deux frontaux, des deux nasaux, des deux intermaxillaires et des deux maxillaires, du jugal 4° série. Zooc T. XII {Cahier n° 4.) # i 50 J. DEL&OS. avec le maxillaire, des deux os palatins, du temporal gauche avec le sphénoïde postérieur, ne sont pas encore soudées, et offrent un léger écartement. Vers leur quart inférieur, les os nasaux présentent sur leur su- ture un petit trou qui, dans l’Ours des Pyrénées, est réduit à un très petit pertuis. Le trou ptérygo-palalin du côté droit ne donne dans le palais que par trois canaux, le postérieur étant oblitéré. II y a, à côté du stylo-mastoïdien, deux ou trois trous aveugles. Le trou déchiré postérieur est étroit et comme divisé en deux ou trois ouvertures. Tous les autres trous offrent Ja même disposition que dans l’Ours vivant. | Cette tête se rapporte exactement au type à front bombé (U. spe- lœus Blumenbach). Quoique adulte, elle n’a pas appartenu à un individu très âgé, car les molaires ne sont point usées, et toutes les sutures ne sont pas consolidées. Elle égale (1), à quelques milli- mètres près, les plus grands crânes mesurés par Cuvier (2). La tête décrite par Schmerling (3) est plus longue de 0",04 environ sur la ligne basilaire, et d’après l’ensemble des dimensions, de 1/8° à 4/10° plus forte. Enfin la tête de Sentheim diffère très peu par ses dimensions du petit crâne à front bombé de Schmerling : sur la ligne basilaire, elle est de 1/24° plus courte ; sur la ligne du pro- fil, de 1/10° plus longue ; la largeur des arcades zygomatiques est moindre de 1/15° ; la crête sagiltale est de 1/15° plus longue. Les différences varient de 1/5° à 1/10° pour les autres parties. La comparaison des mesures indique qu'elle est un peu plus longue, plus haut et moins large, mais les différences sont extrêmement faibles. $ IL 2. Portion de crâne (calvarium) d’Ours jeune. Cette pièce comprend les frontaux brisés en avant, et laissant (1) Voyez, pour les dimensions, le tableau de la page 59. (2) Recherches sur les ossements fossiles, 4° édit, 1835, t. VII, p. 268. (3) Recherches sur les ossements fossiles découverts dans les cavernes de la province de Liége. Liége, 1853, t. I, p, 4102. CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM, 51 voir leurs vastes sinus, les pariélaux, les temporaux et une partie du sphénoïde. L'occipital manque, et s'est détaché par désartieu- lation. Les os, quoique d’une médiocre solidité, ont déjà acquis une certaine épaisseur : le bord antérieur des pariétaux, par exemple, est épais de 2 centimètres; et le bord postérieur, qui s’articulaitavec l’occipital pour former la crête occipitale, de 0",03. A l'exception des sutures fronto-pariétale et pariéto-temporale qui commencent à se consolider, toutes les autres sont écartées. Du reste, les rapports des os, la disposition des trous et la forme des apophyses mastoïdes, ne permettent pas d'attribuer ce débris à un autre animal qu'à l'Ours. Ce qui frappe au premier abord dans cette portion du crâne, c’est là rondeur des parties et la convexité du profil. Les crêtes téimporales, peu marquées antérieurement, vont en s’effaçant en arrière, se transforment en de simples sillons, et ne se réunissent que vers l’épine occipitale. Plus en dedans, il existe de chaque côté de la suture médiane des pariétaux deux sillons plus faibles qui convergent vers l’épine de l’occiput, à peu près parallèlement aux crêtes temporales. Ces sillons ne se prolongent pas sur la par- tie conservéé des frontaux. Il n’y a donc pas à cet âge de crête sagiltale, et les impressions des muscles temporaux sont encore à peine marquées. Ce n’est qu'avec l’âge que le crâne s’allongera, _ que sa ligne de profil deviendra moins droite, et s’éloignera ainsi de plus en plus de la courbure que présente le crâne de l’Ours des Pyrénées. La crête occipitale est pourtant déjà fort marquée, à en juger par l'épaisseur du bord articulaire des pariétaux qui concou- rait à la former. Voici les dimensions de ce débris, comparées à celles du crâne adulte : Jeune, Adulte, Rapport, LS, ns, ts, Longueur de la suture des pariétaux sur la ligne DR OMG co nt OU 5 NOR 0,065 0,125 100 : 52 Distance de celle suture au bord le plus voisin de la portion écailleuse du temporal , . . . 0,080 0,090 100 : 88 De l'épine occipitale au trou auditif . . . . . . 0,100 0,135 100: 73 D'un {rou auditif à l'autre . . , , , . 14 10,000 4047000 #007253 52 J. DELDOS. La moyenne de ces rapports est 2. Il en résulterait que cette tète serait de 1/3 plus petite que celle de Padulte. Mais comme l’âge ne détermine pas un égal accroissement dans toutes les par- ties du squelette, surtout dans la tête, qui est beaucoup plus grosse proportionnellement chez les jeunes, et particulièrement dans la région du crâne, je pense que l'animal dont il s’agit n'avait pas même atteint la moitié de la taille à laquelle 11 aurait dû arriver. IL. D 72 3. Portion de crâne {calvariim) d’Ours très jeune. Ce débris comprend les pariétaux complets, montrant intérieure- ment les ramifications de l'artère méningée moyenne, et une por- tion des frontaux brisés à 0",04 de leur articulation avec les parié- taux. Ces os sont minces, blancs, légers, friables, leurs sutures écartées. Les crêtes temporales sont à peine indiquées par de faibles sillons convergeant vers l’épine de l’occipuf. Cetle portion de vote crànienne est régulièrement convexe en arrière, renflée sur les tempes, déprimée en avant, où l’on voit une partie des sinus frontaux. Elle offre déjà des dimensions trop fortes pour être rapprochée des Chiens, d'autant mieux que l’ab- sence des crêtes dénote un individu très jeune. La forme diffère d’ailleurs beaucoup; elle est plus arrondie, surtout en arrière, et plus renflée vers les pariétaux. Elle à certainement appartenu à un Ours, mais extrèmement jeune, comme le prouve le peu d’épaisseur des os qui, pour les pariétaux par exemple, n’excède pas 5 à G millimètres dans les parties les plus solides. La longueur de la suture pariétale est de 0",060 ; la distance de cette suture à la portion écsilleuse du temporal est de 6,070. Ces dimensions sont encore inférieures à celles du morceau précédemment déerit. Il est probable que l'individu qui a laissé ces restes n’était guère âgé que de quelques mois. On verra d’ailleurs cette présomption se confirmer, lorsque j'aurai à décrire des os des membres pro- venant d'individus qui n'avaient même pas atteint le quart de leur croissance. CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM, 53 $ IV. h. Deux pariétaux du côté droit, lun provenant d'un animal qui avait atteint environ les trois quarts de sa taille , l’autre d’un animal très jeune , car ses dimensions sont moitié moindres que dans le grand crâne. 5. Six lemporauæ, trois du côté droit, trois du côté gauche. Deux d’entre eux proviennent certainement d'un même crâne adulte, mais d’une taille un peu inférieure à la grande tête n° 1. Deux autres, à dimensions à peu près égales, sont peut-être dans le même cas, si l’on en juge par leur état de conservation. Un cinquième, du côté droit, annonce des dimensions à peu près semblables ; mais le sixième, du côté gauche, et qui comprend aussi une portion de l’occipitale, paraît provenir d’un individu vieux et d’une stature un peu plus grande. $ V. 6. Quatre maæillaires supérieurs, dont trois du côté gauche et un du côté droit. Le dernier de ces fragments a conservé ses deux dernières molaires, dont la couronne est parfaitement usée; quoique ce caractère annonce un animal très âgé, les dimensions de ces mo- laires sont un peu moindres que dans la grande tête, où pourtant elles n’offrent aucune trace d'usure. Un deuxième morceau, encore pourvu de sa dernière molaire fortement usée, resle aussi au-des- sous du grand erâne par le volume de cette dent. Un troisième a été usé et roulé; il possède ses deux dernières molaires très in- tactes, et n’offrant que de faibles traces de détrition : les dents sur- passent pourtant par leurs dimensions celles des deux premiers morceaux ; elles égalent les plus grandes molaires décrites par Cuvier et par Schmerling, et dépassent un peu celles de la grande tête n° À. Quant au dernier morceau, il ne contient qu’une canine en partie brisée. Ces quatre maxillaires ont une certaine importance, en ce qu'ils montrent que la grosseur des dents n’est pas toujours en rappor 5}! J. DELHOS. avec l’âge, et qu'il existait dans la grotte de Sentheim des Ours très âgés, dont la taille était cependant notablement inférieure à celle d’autres individus à peine arrivés à l’âge adulte. Je revien- drai sur ces faits lorsque je m’occuperai des mâchoires inférieures, lesquelles donnent lieu à des observations semblables. 7. Un bord incisif, fortement incrusté de limon endurei, à su- tures complétement effacées. Les cassures sont anciennes, et ce morceau parait avoir été roulé pendant longtemps. I comprend la partie antérieure des intermaxillaires et une portion (palatine) des maxillaires supérieurs. Les alvéoles des incisives sont privés de leurs dents; leurs distances indiquent un animal sensiblement plus petit que celui auquel a appartenu la grande tête, quoique la solidité des sutures dénote un individu au moins adulte, 8. Un intermaæillaire gauche de la taille de la grande tête ge M 9. Un os palatin droit, presque aussi grand que celui du grand crâne. Je passe sous silence un grand nombre de débris trop incom- plels pour pouvoir être utilisés dans les recherches qui vont suivre, ou pour mériter d’être mentionnés d’une manière spéciale. 8 VL. En tenant compte seulement du nombre des pièces que j'ai énu- mérées, il est possible d'arriver à quelques inductions sur le nombre des individus qui ont laissé des vestiges de leur existence dans les cavernes de Sentheim. Les temporaux et les maxillaires fournissent, en raison de leur abondance, les meilleures notions sur ce point. Les six temporaux recueillis jusqu'à ce jour pro- viennent au moins de quatre individus différents, puisque, parmi eux, quatre tout au plus peuvent être appariés avee plus ou moins de certitude; avec les trois crânes que nous possédons, nous arri- vons à un (olal de sept individus. Les maxillaires conduisent exactement au même nombre. ! Mais ce chiffre lui-mème n'est qu'un minimum qui est certai- nement bien au-dessous de la vérité : car je n’ai pas tenu compte CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 9 dans cette évaluation de beaucoup de pièces trop frustes pour avoir une valeur ostéologique, et de plus j'ai supposé qu'un certain nombre de débris pouvaient provenir d'un même animal. Nous aurons d’ailleurs par la suite la preuve que les cavernes de Sent- heim recèlent les traces d'individus beaucoup plus nombreux. En supposant même que ce nombre fut réduit à sept individus, nous pourrions constater entre eux des différences remarquables. Eu premier lieu, l’un était d’une extrême jeunesse ; un autre avait atteint peut-être à peine le tiers ou tout au plus la moitié de son accroissement. Parmi les individus que l'on peut considérer comme adultes, il y a déjà une remarque à signaler : c’est que les plus grands ne sont pas toujours les plus vieux, et que les cavernes du Haut-Rhin ont été peut-être fréquentées par deux sortes d'Ours, l’une plus grande que l’autre. $ VII. Si l’on admet que les proportions générales de l’Ours fossile aient élé les mêmes à l'égard de la tête que chez l’Ours des Pyré- nées, le squelette de l'animal auquel a appartenu la grande tête de Sentheim aurait dû avoir 1",90 de longueur totale, et 1,048 de hauteur au garrot; il aurait té par conséquent plus grand de moitié. ART. 2. — Parallèle entre les têtes de l’Ours fossile et de l’Ours des Pyrénées. $& VIII. -La comparaison directe des dimensions des têtes de l’Ours vi- vant et de l'Ours fossile de Sentheim indique une supériorité con- slante et très marquée en faveur de ce dernier (1). Les différences évaluées en millimètres montrent bien en réalité les excès du se- cond sur le premier, mais elles sont insuffisantes pour mettre en relief les différences proportionnelles qui existent entre les mêmes (4) Voyez le tableau, page 59, colonnes 1 et 2. 56 J. DELBOS. parties. Néanmoins ces différences deviendront comparables, si l’on rapporte les chiffres à une commune mesure convenablement choisie, et il sera dès lors possible de s'assurer si elles peuvent fournir ces caractères d’une valeur spécifique réelle. La méthode que j'ai employée consiste à évaluer les dimensions des parties en fonction d’une longueur déterminée, telle que la ligne basilaire prise pour unité, En effectuant les calenls pour cha- eune des deux têtes, on obtient deux séries de rapports, dans les- quels les dimensions sont estimées en centièmes de la longueur de cette ligne. Or, comme ces centièmes sont des fractions d'unité égales, les rapports correspondants dans les deux séries sont ri- goureusement comparables entre eux. La longueur des deux têtes étant égale et exprimée en unités de même ordre, il s’agit de re- chercher maintenant de combien de ces unités les autres dimen- sions différent entre elles. Les numérateurs étant partout l'unité, nous pouvons les négli- ger pour comparer les dénominateurs, en nous rappelant qu'ils représentent des centièmes de cette unité. Nous obtiendrons ainsi une nouvelle série de rapports (colonne 6 du tableau), dans les- quels les différences des deux termes exprimeront en centièmes de la longueur du crâne les inégalités des dimensions dans les deux têtes. Sous cette forme, la comparaison des dimensions re- latives pourra se faire aisément, et avec toute l'exactitude dési- rable. SAXE Si les formes des deux crânes que nousavons à comparer étaient identiques, il est clair que les deux termes de chacun des rapports de celte nouvelle série devraient être égaux. Mais il n’en est point ainsi (colonne 6) ; les numérateurs représentant les dimensions de l'espèce vivante, les dénominateurs celles du fossile, on trouve certains rapports dans lesquels les deux termes sont sensiblement égaux ou ne différent que par des quantités insignifiantes : ce qui indique des proportions semblables dans certaines parties, tandis que d’autres s’écartent plus ou moins de cette égalité, dénotant des dimensions relatives plus grandes dans l'espèce vivante quand CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM, 57 l'excès provient du numérateur, plus petites quand il appartient au dénominateur. Ces différences positives ou négatives pourront donc fournir la mesure exacte de la valeur des écarts dans les proportions relatives des deux têtes. Si l’on se bornait à comparer directement ces différences, on pe verrait point ressortir dans leur juste importance les inégalités de proportions des parties similaires ; en effet, une différence d'une unité dans les deux termes d’une fraction est d’une bien plus grande importance lorsque ces deux termes sont très petits, que lorsqu'ils deviennent très grands. Nous mettrons ces inégalités en relief, si nous exprimons en fractions ordinaires, aussi simples que possible, les différences entre les deux termes de chaque rapport. Pour cela, il suffira de soustraire du plus grand terme le plus petit, de donner au reste pour dénominateur le dénominateur de la fraction, et de simplifier. Cette simplification pourra se faire en divisant les deux termes du nouveau rapport par le numérateur. On obtiendra ainsi des fractions très simples qui auront toute l'unité pour numérateur, et qui exprimeront de quelle quantité fractionnaire l’un des deux termes surpasse l’autre. De cette ma- nière il suffira de diviser le dénominateur d’un des rapports de la colonne 6 par celui de la fraction, qui exprime la différence des deux termes, pour obtenir un nombre (colonne 7) qui, ajouté au plus petit terme ou soustrait du plus grand de ce rapport, réta- blira l'égalité. Ce nombre n’est autre, en effet, que le reste que l'on obtient en soustrayant le plus petit terme du plus grand. ILest important de remarquer que les fractions par lesquelles les différences numériques des deux termes des rapports ont été représentées n’indiquent pas toutes des inégalités du même sens. Les unes, en effet, déterminent l’excès des nüumérateurs sur les dénominateurs; les autres, l'excès des dénominateurs sur les numé- rateurs. Je proposerai de distinguer les premières par le signe +, les dernières par le signe —. Si les numérateurs des rapports de la colonne 6 s'appliquent à l'Ours vivant et les dénominateurs à l’Ours fossile, les fractions marquées du signe négatif indiqueront un excès de proportion du fossile sur le vivant; celles marquées du signe positif, un excès du vivant sur le fossile. 8 J. DELBOS. É C’est d’après ces principes que j'ai construit le tableau suivant des dimensions. Les colonnes 1 et 2 donnent les mesures prises directement ; la colonne 3, les différences en millimètre; les co- lonnes 4 et 5, les dimensions calculées en centièmes de la lon- gueur de la ligne basilaire prise pour unité ; la colonne 6, les rap- ports entre ces dimensions caleulées ; la colonne 7, les différences entre les deux termes de chacun des ces rapports ; enfin la co- lonne 8, les différences exprimées en fractions ordinaires, celles qui indiquent un excès du numérateur étant affectées du signe +, celles qui indiquent un excès du dénominateur l’étant du signe —. AT. Voyons maintenant quelle conséquence nous pouvons tirer de ce tableau. En considérant la colonne 6, on trouve un certain nombre de rapports qui ne diffèrent, comme le montre la colonne8, que d’une manière tout à fait insignifiante. Je ne tiendrai pas compte des inégalités inférieures à 4 : 10, car elles peuvent dé- pendre de l’âge ou des individus, et dans tous les cas elles sont trop faibles pour avoir une valeur spécifique. Je considérerai done comme égales dans les deux têtes les proportions qui ne diffèrent pas de plus de 4 : 10. Onze rapports rentrent dans ce cas, savoir : 1° la longueur de la face (n° 4); 2° celle du bord alvéolaire des mâchoires (n° 13); 3° la hauteur du point de réunion des côtes temporales (n° 26), de l'endroit le plus enfoncé du eràne (n° 24), de l'endroit le plus bombé {n° 27), et de l'épine occipitale (n° 28) au-dessus de la ligne basilaire ; 4° la largeur du crâne d’une arcade zygomatique à l'autre (n° 12); 5° la longueur du palais (n° 18); 6° la distance du bord postérieur des palatins au trou occipital (n° 22); 7° la largeur au bord postérieur des canines (n° 10) et entre les intermaxillaires (n° 9). Nous trouvons maintenant quatre rapports qui indiquent une supériorité de dimensions en faveur du fossile : 1° la distance des meisives aux os du nez (n° 5), plus grande de plus de 1 : 6; ce 99 SENTHEIM, Al D 7 CAVERNES DE ARNASSIERS DES * nl € Lait +] 5 +] La:ss | La | 83 geir + 1 Æ] er:vr | çr | 7 grrr | 5 | er:vr | çr | wr gi —| # +| 9c:ce | ge | ce Lait +| 5 | Laisse | za | 83 or —| + +| 93:28 | 93 | za 181 —| 3 | 37:07 | zr | 07 vite +| m:8 |1r]|8 gz' er HI: +| 6:97 | 6 | 97 ru +| s +| 61r:ra | 61 | ra sir +| € +| 16:09 | ze | 09 sir Æl # +] 91:03 | ox | oc gr +) € +] 21:08 | zy | 08 Ft | # +] 97:03 | 95 | 0z 927 +1 + +| 96:08 | 93 | 0€ 6151 +) à +| sc:0r | ge | 07 gr: +] ç +] 19:81 | 19 | 4 Lit + E- O£:7€ | og | F£ 6r:r | Fr +] 61:08 | 6r | 0& or:r | 3 +| 03:26 | 0z | x gr +! g +| 21:08 | 1y | 08 ge‘s:r +! 2 +] Le:0% | 1e | + gr +lor +} 08:07 | og | 07 pret +ler +| c9:08 | zo | os 1er +| & +] 39:F9 | z9 | 79 s'Ssh — 2-0 —| 6G: TG LG l-FE G:r Hlyr +loar:0#1| 931| 071 o |00r:001| 001! 001 Pons (CE -suoddey | “ssoyr | ‘arA #" nt À "G 7 "S441991Y9 SNOISNAWIG 0€ @ oc Of 0€ 07 LES 0G Le 07 09 OI 91 ( 0 GY £9 cz 0& 0G gr YG CT £G gg $ OTT YTI ‘Ur ua sq ‘© 00F‘0 0970 094‘0 0£F‘0 0070 £60‘0 FS1‘0 010‘0 c£0‘0 0L0‘0 07Z‘0 0900 7900 090‘0 G60‘0 0Y1‘0 cra'0 OrESO 0L0‘0 GLO‘0 S90°‘0 c£1‘0 &IL‘0 Saa‘0 S&8:0 SOF‘0 09#°‘0 #9£‘0 0L0‘0|' * Oro)" 9o1r‘o0| 080‘0|° ‘ 0L6‘0|° * Gco‘ol" * 0070!" * 0&0‘0 0%0‘0|' 0900!" * 0S1‘0|° ‘ 0S0‘0|' * 8#0‘0|° : 0£0‘0|° cLO‘0l' 860‘0|° 081‘0|' * G80‘0/° ‘ 0ç0‘0|" ” eco‘ol" ‘ 080‘0|" * HI7'0|" 001‘0|° ‘ 008‘0|° ‘ 091‘0|" 0900!" ‘ 06£‘0|" ‘ 05c‘0|° ‘ “SATNIAAU SNOISNANIŒ seed np . o17ne ] “opendi0o outdg, 2p anogneyy aupi9 Np Jquoq Snjd 9f 1101p0A,] 9p INAJNPH sa[e10du197 597919 Sp UOIUNII E[ 9P 10910} ‘ ‘jRJu0ay np soneJiq10750d sos{qydode sop anagneg ZoU np AUS E] 9p OUOJua Sh{d 9j J104pU9,[ 2p MAINeF] ° ‘Zau NP $0 S2p AN91HPJUE PI0Q NE AN97nPH 18711990 noay ne sieped np amor191s0d p10q np o9ue1sI( *19U24)9,] R SOIP[OTU S2IQIUIP S9p ‘1s0d paoqel 1 9941 ouS1] aun,p ours es on 7 "tt tt o9edso 799 op noie CRC Fonx8rad 501929 sa PRE “door 298459, [ 9p anon8u07 . . . 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DELBOS. chiffre montre que les fosses nasales étaient plus ouvertes dans le fossile, et que par suite les parties molles du nez étaient plus dé- veloppées ; 2° la hauteur au bord antérieur des os du nez (n° 23), plus grand de 4 : 6, ce qui montre que le museau devait être moins effilé du bout, plus élevé, plus droit; 3° la hauteur des apophyses postorbitaires (n° 25) de 1 : 8 plus grande, et qui correspond à cette forte saillie du front au-dessus du nez, qui est un des carac- tères de l'espèce; 4° enfin la portion horizontale des os palatins” située en arrière des molaires (n° 21) est de 1 : 4 plus grande, de sorte que la portion du tube nasal en arrière des dents est plus considérable. Tous les autres rapports, au nombre de douze, annoncent des dimensions inférieures daus le fossile : 1° la largeur de l’espace intercepté entre les crêtes ptérygoïdes (n° 20), plus étroit de 3 : 4 (4 : 4,28), correspondant à la grande compression du erâne vers les fosses temporales, ce qui annonce une grande puissance des museles masticateurs, les arcades zygomatiques ayant un écarte- ment . dans les deux têtes ; 2° les crêtes temporales plus courtes de 1 : 3 (n° 6), et se réunissant par suite plus promptement ; 3° le crâne plus court de près de 1 : 3 (n° 5), caractère impor- tant qui montre le grand allongement du museau ; 4° la largeur moindre de 4 : 4 au niveau des canines et des molaires (n° 15 et 17), confirmant l’étroitesse du museau; 5° la longueur de l’es- pace compris entre les crêtes ptérygoïdes(n° 19), moindre de 1 :4, par suite du grand allongement des os du palais en arrière; 6° la longueur de la crête sagittale (n° 7) inférieure de près de 1 : 5, ce qui doit être, attendu la brièveté du crâne; 7° les incisives plus rapprochées de 1 : 6 (n° 8), ainsi que les premières molaires (ne 16); 8° l’espace occupé par les molaires (n° 14) plus court de 4 : 6, ce qui est dù à la présence d’une petite molaire de plus dans l’Ours vivant; 9° la largeur entre les apophyses postorbi- taires du frontal (n° 14), moindre de 4 : 7, indice d’un front plus resserré et d’un moindre écartement des yeux ; 10° la distance des incisives à la crête occipitale (n° 2), plus faible de 1 : 9, en rap- port avec la moindre courbure du profil, qui est en effet presque droit, sauf le brusque ressaut au-dessus de la base du nez. CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 61 $ XI. De ce parallèle entre les dimensions de l'espèce fossile et de l'espèce vivante nous pouvons déduire les traits principaux qui, indépendamment de la taille plus grande de moitié, éloignent la première de la seconde : 4° en premier lieu, la base du crâne était beaucoup plus resserrée dans le fossile, les fosses temporales bien plus profondes, et par suite les muscles crotaphytes plus puis- sants ; la face plus longue, les crêtes temporales réunies plus en avant en une crête sagiltale, le plancher osseux du palais plus prolongé en arrière ; 2 en deuxième ligne, le palais plus étroit et le museau plus comprimésur les côtés, plus droit, moins aminci du bout; 3° enfin le front plus resserré, beaucoup plus proémi- nent au-dessus de la base du nez, les yeux moins écartés , le profil moins convexe, les cartilages du nez plus développés. ART. 3. — Discussion des caractères. $ XI. Je viens de montrer que l'Ours des cavernes de Sentheim ne différait pas seulement par sa taille de celui des Pyrénées, mais qu'il s'en distinguait aussi sensiblement par la forme de sa tête. Une question très grave se présente ici : Les résultats que nous avons déduits de la comparaison des deux têtes ont-ils une valeur spécifique réelle ? Sont-ils suffisants pour autoriser la séparation des deux espèces ? Ou bien ne proviennent-ils que de différences de races, d'individus, de sexe, d'âge, d'habitation, et alors faut-il les considérer comme n'ayant qu'une valeur tout à fait secon- daire ? c Pour répondre aux questions que cette discussion soulève, il faudrait connaitre exactement dans quelle mesure les formes de la tête peuvent varier dans une même espèce ; car s’il était démon- tré que les variations peuvent égaler ou excéder les différences que nous avons constatées entre l'ours vivant et l'Ours fossile, celles- ei se trouveraient réduites à la valeur de simples faits individuels, 62 $. DELSOS. Il est clair qu'un tel problème ne saurait être résolu que par la comparaison directe d’un certain nombre de têtes de provenances diverses. Les circonstances ne m'ont malheureusement pas per- mis de disposer de matériaux en nombre suffisant pour ce genre de recherches. Je vais cependant tâcher de tirer parti de ceux que j'ai pu me procurer. Voici un tableau dans lequel se trouvent résumés tous les élé- ments de la discussion qui va suivre. J'ai réduit toutes les mesures que j'ai pu me procurer en centièmes de la longueur totale, eon- formément à la méthode que j'ai décrite ; mais il m'a fallu prendre pour unité la longueur de la ligne supérieure extrème mesurée suivant la courbure, celle de la ligne basilaire n'étant pas donnée par Cuvier, auquel j’emprunte la plupart des chiffres relatifs aux diverses espèces. Je ne donnerai que les résultats extrêmes, afin de ne pas multiplier les tableaux (voy. page 63). 8 XIV. Cuvier donne les dimensions de six têtes d’Ours brun d'Europe d’origine et d'âge divers; c’est sur ces mesures que j'établirai d’abord la discussion, en y joignant celles de l’Ours des Pyrénées que j'ai décrit. Les deux premières colonnes du tableau donnent les minima et les maxima, réduits en centièmes, observés dans ces sept têtes pour chacune des dimensions les plus importantes. La troisième colonne donne les valeurs de ces différences, expri- mées en fractions aussi simples que possible. Voici, d'après ces calculs, quelles sont les limites des variations dans les proportions des parties : 4° Les parties qui paraissent offrir le plus de fixité dans leurs dimensions, les variations n’allant pas au delà de À : 10 en plus ou en moins, sont les suivantes : la longueur du eérâne (le mini- mum chez un jeune, le maximum chez un très grand Ours de Pologne); la longueur de la face (le minimum chez uotre Ours des Pyrénées, le maximum chez un Ours de Pologne); la hauteur de l'endroit le plus enfoncé {le minimum chez le très grand Ours, le maximum chez un jeune). 63 NTHEIM. CARNASSIERS DES CAVERNES DE SI OF] Y:TIG6T |FI OG|O1:FI1S 6H 8G| S:HIF£ |cG gel 911196 |0€ I8G| 9:TI1£ 193 £G| S:817€ |8I #<| 9: F9 |1S Gel 9:rer |6c al gros [sr celai:1|8c |8< loz| 118€ [rc 00F|007 “| c|zlzx lg ilE 2721513 IE DE ne *IAWOZ INOYAX V suno) ; ‘auuakony | “los [08 Îzil #:ri1a [97 [91| 9:v7I8T [ST caries |Fa 61! 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DELBOS. 9 La différence des parties suivantes atteint 1 : 6 : largeur des arcades zygomatiques (le minimum dans l'Ours des Pyrénées etle grand Oursde Pologne, le maximum dans un Ours des Alpes); la distance des orbites à la réunion des crêtes temporales (minimum dans un Ours des Pyrénées jeune sans doute, maximum dans un jeune); hauteur du crâne en ce dernier point (minimum dans un Ours des Pyrénées, maximum dans le nôtre) ; hauteur du crâne à l'endroit le plus bombé (minimum dans le grand Ours, maximum chez un jeune). 3° Les variations vont jusqu'à 1 : 4 dans la largeur entre les apophyses postorbitaires (minimum dans notre individu, maximum chez un jeune), et dans la hauteur au bord des os dunez (mini- mum dans le grand Ours, maximum dans un jeune’. h° Enfin les parties qui varient le plus, au delà de 1/3, sont la bautear du front entre les orbites (minimum dans notre Ours, maximum dans l'Ours de Pologne), et la hauteur de l’épine occipi- tale (minimum dans un Ours des Pyrénées, maximum dans l'Qurs de Pologne). $ XV. Les trois lêtes d'Ours noirs d'Europe mesurées par Cuvier différent beaucoup moins entre elles. Le plus grand écart ne dépasse pas 1/5° (distance des apophyses postorbitaires à la réunion des crêtes temporales) ; la hauteur du bord supérieur des narines ne varie que de 1 : 6, celle de la crête occipitale que de 1 : 7. Toutes les autres dimensions ne dépassent pas 4 : 10 dans leurs inégalités. $ XVI. Dans l’Ours noir d'Amérique, les variations sont plus étendues dépassent fréquemment 4 : 4. Les parties qui y sont le moins sujettes dans les cinq têtes décrites par Cuvier sont : la longueur de la face, celle du crâne, la largeur des arcades zygomatiques, la hauteur de l'épine occipitale et de l'endroit le plus enfoncé. Les différences peuvent aller jusqu'à 4/4 pour la largeur du front, _ CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 69 la hauteur du poiit de réunion des erèles temporales, de l'endroit le plus bombé, de l'entre-deux des apophyses postorbitaires et du bord des narines. Elles atteignent enfin 1/2 par la longueur des crêtes temporales. $ XVIL. Dans l'Ours polaire, les différences n’excèdent pas 1/5°, si ce n'est pour la longueur des crêtes temporales, où elles s'élèvent à À: 4. Il est vrai que les résultats ont été obtenus sur des têtes seulement. $ XVIII. En généralisant les faits qui précèdent, on peut classer les di mensions dans l’ordre suivant, d’après leur degré de variabilité, en procédant des plus stables à celles qui le sont le moins : {° Celles dont les variations ne dépassent pas 4 : 8: longueur dut museau. 2° Celles dont les variations ne dépassent pas 1 : 5: longueur de la face, largeur des arcades zygomatiques. 9° Celles dont les variations peuvent aller jusqu’à 4 : 4: largeur du front, hauteur du point de réunion des crêtes temporales, de l'endroit le plus bombé, de l'endroit le plus enfoncé du bord des narines. k° Celles où elles atteignent 4 : 3 et même 1 : 2: longueur des crêtes temporales, hauteur de l’épine occipitale et de l'endroit le plus enfoncé. Les proportions de certaines parties de la tête peuvent done varier, dans une même espèce, entre des limites fort étendues. Sans doute l'influence de l’âge et celle du sexe interviennent ici pour une large part. Chez le jeune, la tête est presque ronde (4), et s'allonge à mesure que l'animal vieillit, ainsi qu'on peut l'inférer d’ailleurs de ce qui a été dit plus haut. Peut-être, chez l'Ours comme dans le genre Zelis, la femelle a-t-elle aussi la tête (1) Buffon, édit. de Lamoureux et Desmarest (1825), t. XX, p. 268. &° série. Zooz. T. XIE. (Cahier n° 2.) ! 5 66 J. DLELRBOS,. plus courte que le mâle (4). Probablement encore les formes varient suivant les races et même les individus. $ XIX. Le minimum des écarts nous est précisément offert par la grande espèce des cavernes. Voici les résultats obtenus par les mesures des huit têtes décrites par Cuvier, de la tête de Sentheim et d’une grande tête décrite par Schmerling : 4° Le minimum des variations porte sur la longueur du crâne (1 : 9), sur la hauteur de l'endroit le plus bombé (4 : 7), et de l'entre-deux des apophyses postorbitaires (4 : 7). 9° La hauteur du point de réunion des crêtes temporales et du bord supérieur des narines peuvent varier de 1 :5. 3° La longueur de la face, la largeur des arcades, la hauteur de l'endroit le plus enfoncé, atteignent 1 : 4 dans leurs variations. . k° La largeur entre les apophyses postorbitaires peut varier de 4 : 3; la distance de ces apophyses à la réunion des crêtes temporales de 4 : 2, ainsi que la hauteur de l’épine occipitale. Ce qu'il y à de remarquable, c’est que nous voyons varier dans l'Ours fossile, et dans des limites même assez étendues, certaines parties qui, dans l'Ours brun vivant, nous avaient paru douées d’une assez grande stabilité. Faut-il accepter tous ces résultats ? Alors les caractères tirés des proportions deviendront tellement fugitifs, qu'il sera bien difficile de leur accorder une grande im- portance, car je ne pense pas que l’on puisse vraisemblablement seinder la grande espèce des cavernes en plusieurs autres. Faut- il rejeter cette grande variabilité sur le compte d'erreurs de me- sures (2)? Cela ne serait point impossible en effet : certaines di- (1) Cuvier, Ossem. foss., t. VIT, p. #41 (grands Fehs vivants). (2) Il y a une erreur de ce genre dans les mesures données par Cuvier d'un Ours de Pologue. Elle porte sur la longueur du crâne, et s'élève à près de 50 millimètres, ce dont il est facile.de s'assurer en additionnant la longueur de la face et celle du crâne. On conçoit que si cette erreur portait (out entière sur une de ces deux parties, les résultats seraient profondément modifiés. Plusieurs des mesures prises sur les Ours fossiles atteignent au moins ce chiffre. CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM, 67 mensions ont pu être prises sur des pièces mal conservées, plus ou moins écrasées ; d’autres ont été certainement déterminées d’après des dessins peut-être défectueux. Je ne puis me prononcer sur ce point; mais peut-être trouvera-t-on qu'en définitive la tête de l'Ours à front bombé diffère moins entre elle que les mesures données par les auteurs ne le font supposer. $ XX. Ces incertitudes dans l'emploi des proportions relatives des parties comme caractères spécifiques deviennent manifestes, si l’on compare les résultats extrêmes offerts par les diverses espèces. On trouvera, par exemple, en examinant le tableau des dimensions réduites, que, pour l'Ours noir d'Europe, toutes les mesures tom- bent entre les limites extrêmes présentées par l'Ours brun. Il n°y a d’exceptions, et elles sont presque insignifiantes, que pour la largeur entre les apophyses postorbitaires qui s'élève quelquefois un peu plus dans l’Ours noir, puis pour la distance de ces apo- physes à la réunion des crêtes temporales et la hauteur de l’en- droit le plus enfoncé, qui descendent dans quelques individus au- dessous du minimum observé dans l’Ours brun. L'Ours noir d'Europe n'étant pas admis comme espèce distincte par tous les naturalistes, je passe à l'Ours polaire, espèce carac- térisée s'il en est, et sur laquelle il n’y a aucun dissentiment d'opinions. lei pourtant les dimensions des parties rentrent dans les mêmes limites, sauf la réunion plus prompte généralement des crêtes temporales, et la hauteur un peu plus grande du crâne et surtout du museau, en rapport avec la forme plus cylindrique de la tête. Quant à l'Ours d'Amérique, presque toutes les mesures sont comprises aussi entre les limites observées dans l'Ours brun, sauf la largeur du front, la longueur du crâne, la hauteur du point de réunion des crêtes temporales et la hauteur du bord supérieur des uarines, qui dépassent quelquefois le maximum constaté chez ce dernier. I ne sera done point surprenant de ne pas trouver entre l’Ours 0 6S J. DELBOS. fossile et l'Ours brun, plus voisins sans doute l'un de l'autre que celui-ci ne l’est de l'Ours blane, des différences ni bien considé- rables, ni bien constantes. C’est ce qui a lieu en effet. Quelque- fois, dans le fossile, le front est plus large, le museau plus long, la tête plus haute que dans les Ours bruns, où les mesures attei- gnent leur maximum; les proportions n'arrivent même pas quel- quefois au minimum pour la longueur du crâne et le pont de réunion des crêtes temporales, qui par conséquent se joignent beaucoup plus en avant. Mais ces différences ne sont d’ailleurs ni plus ni moins marquées qu'entre l'Ours brun et l'Ours polaire. $ XXI. Au milieu de cette grande variabilité dans les proportions, il est bien difficile de discerner quelque chose de fixe, quelque carac- tère positif. J'ai pensé qu'en prenant les moyennes de toutes les dimensions, après les avoir réduites en centièmes, on obtiendrait des nombres qui pourraient représenter une sorte de type idéal, autour duquel les formes individuelles oscilleraient, par excès ou par défaut, dans des limites qui seraient alors fixées par la moitié des différences que nous avons remarquées entre les plus grands écarts. Ces moyennes sont en général fort rapprochées les unes des autres, comme on peut le voir dans le tableau, ce qui indique le peu de distance qui sépare les types. Cependent on peut en core y reconnaitre certains faits qui, pour n'être point d’une fixité absolue, méritent pourtant par leur généralité d’être pris en con - sidération. Ainsi nous voyons l’Ours fossile différer en général de l'Ours brun actuel: par son crâne plus court, par la plus prompte réunion des crêtes lemporales, par plus de largeur des arcades zygoma- tiques, enfin par une plus grande hauteur de toute la ligne du profil au-dessus de la ligne basilaire. Il est remarquable de retrouver ici les principaux traits distinelifs que j'ai déduits de la comparaison de l’Ours des Pyrénées et de celui de Sentheim, en sorte qu’on ne peut se refuser à aftribuer à ces caractères une certaine impor- tance. CARNASSIERS DÉS CAVERNES DE SENTHEIM, 69 D'un autre côté, l'Ours fossile se rapproche plus de l’Ours noir que de l’Ours brun. Le crâne est constamment un peu plus court, les crêtes temporales plus vite confondues , les arcades zygoma- tiques moins éeartées, ce qui est contraire dans lOurs brun ; la ligne du profil plus élevée, quoiqu'elle le soit déjà plus dans l'Ours noir que dans ce dernier. L'Ours fossile a le front plus étroit que l'Ours d'Amérique , le crâne plus court, le museau plus long, les crêtes temporales plus courtes, la tête plus haute et plus large. Entre l’Ours polaire et l'Ours fossile, il y a les différences sui- vantes : le erâne un peu plus court dans le fossile, la face un peu plus longue, les arcades plus dilatées, la ligne du profil plus éle- vée, à l’exception de la partie du museau qui était plus amincie. La réunion des crêtes temporales se faisait à peu près à la même distance des apophyses postorbitaires dans l’une et l’autre espèce. Rien donc jusqu'ici ne paraît justifier une réunion de l'espèce à front bombé avec l’une des espèces vivantes. On trouve, en effet, des différences du même ordre en comparant entre elles les moyennes relatives aux espèces vivantes. Ainsi l'Ours noir diffère de l’Ours brun par son crâne un peu plus court, des crêles tem- porales plus rapprochées, sa tête plus large, plus haute. I diffère de l'Ours polaire par son museau plus long, ses crêtes temporales moins promptement réunies, sa tête plus large et plus haute, son museau plus effilé; de l’'Ours d'Amérique par son crâne plus court, son museau plus long, ses crêtes temporales plus courtes, ses arcades zygomatiques plus dilatées, son profil un peu moins élevé. L'Ours polaire diffère de l'Ours brun par son museau plus court, la prompte réunion des crêtes temporales, les arcades moins élargies, la ligne de profil plus élevée ; de l’Ours d'Amérique par son front plus étroit, son crâne plus court, ses crêtes temporales plus vite réunies, son crâne moins élevé et son museau beaucoup moins effilé. Enfin l'Ours d'Amérique a le front plus large que l’Ours brun, le crâne plus long et le museau plus court, les crêtes temporales un peu moins longues, toute la ligne du profil plus élevée. 70 J. DELBOS. $ XXII. Il est curieux de voir à quel point les différences spéeifiques s’effacent lorsqu'on les généralise en comparant un certain nombre d'individus. Dans le genre dont nous nous occupons, il y a done peu de distance entre les espèces, en même temps que chacune d'elles est susceptible de grandes variations. On à vu, par exemple, les différences des proportions beaucoup plus marquées entre deux têtes quelconques qu’elles ne le sont dans les moyennes géné- rales. Ainsi deux têtes d'Ours brun, par exemple, diffèrent fré— quemment de 1/4, 1/3, même 1/2, dans les proportions moyennes générales, et les différences ne sont guère plus fortes entre l'Ours brun et l'Ours polaire. Il ne faut pas, du reste, attribuer à la comparaison numérique des mesures moyennes une importance exagérée. Il est des carac- tères, et ce ne sont pas les moins importants, qui ne sauraient être exprimés par des chiffres. Toutes les dimensions n’ont pas été employées, et celles sur lesquelles j'ai basé mes calculs n’offrent pas toutes une égale importance, les unes étant sujettes à varier plus fréquemment et plus largement sans altérer profondément le type, les autres étant plus stables, plus fixes, et par suite d’une valeur supérieure. Enfin, je ne saurais répondre des mesures que je n'ai pas prises moi-même, et dans ces procédés, trop rigoureux peut-être , toute erreur de mesure ou de calcul peut entacher le résultat d’un vice radical. Cependant, au milieu de ces variations nombreuses, on voit subsister quelques traits qui donnent aux diverses espèces leurs caractères particuliers, et dont les chiffres ne sauraient rendre facilement raison. Ce sont ces caractères spéciaux de forme, d'aspect, de contour, dont je m'occuperai dans le paragraphe sui- vant. $ XXII. Des discussions qui précèdent, je crois pouvoir tirer les con- clusions suivantes : CARNASSIERS DES GAVERNES DE SENTHEIM, 71 1° Toutes les proportions, dans une même espèce vivante, peu- vent varier dans d'assez largeslimites, quelques-unes jusqu’à 4 : 2 en plus ou en moins. Celles qui paraissent offrir le plus de fixité sont la longueur du crâne, la longueur de la face et la largeur des arcades zygomatiques. 2° Les écarts paraissent encore plus grands dans l'Ours fossile que dans aucune espèce vivante. 3° Les proportions relatives des parties ne peuvent done point donner des caractères d’une application absolue. L° En effet, les proportions de la tête de l'Ours noir tombent presque toutes entre les extrêmes observés chez l'Ours brun; il en est de même pour l'Ours polaire, et à peu près aussi pour l'Ours d'Amérique. 5° Puisque, d’après les proportions, l’Ours polaire se montre si peu différent de l'Ours brun, quoique ces deux espèces soient éminemment distinctes, il n'y a pas lieu de s'étonner que l’Ours fossile ne présente pas avec le second des différences bien pro- fondes, ces deux dernières espèces étant certainement plus rap- prochées que ne le sont les deux premières, 6° Les moyennes des proportions de chaque espèce représen- tent une sorte de type idéal, autour duquel oscillent les formes individuelles. Le rapprochement de ces moyennes indique le peu de distance qui sépare les types spécifiques ; mais on retrouve dans leur comparaison, quoique affaiblie, les principaux traits caractéristiques de ces types. 7° La comparaison de ces moyennes montre que l’Ours fossile élait plus rapproché de l’Ours noir que des autres espèces. 8° On trouve entre les espèces vivantes des différences du même ordre qu'entre elles et le fossile. Arr. 4. — Discussion des espèces. $ XXIV. Cuvier admet l'existence d'au moins deux espèces d'Ours dans les cavernes, et peut-être même de trois, en considérant les Ours 72 J. DELBOS. à front plat comme différents de ceux à front bombé. Voyons sur quels caractères reposent ces espèces. La plus petite (Ursus priscus Goldf.) n’est connue que par un seul crâne trouvé dans la caverne de Guylenrenth; et par quel- ques autres débris. Elle se rapproche beaucoup plus des Ours vi- vants que les deux autres : de lOurs brun, par son profil et par ses arcades zygomatiques médiocrement écartées ; de l'Ours noir d'Europe, par son front plat et la longueur du museau; de Ours d'Amérique, par la prompte réunion des crêtes temporales. Elle diffère de toutes les espèces vivantes par la largeur du crâne aux tempes et à l’occiput. Mais c’est surtout par sa dentition qu'elle offre de l’affinité avec ces dernières, car elle possède les petites fausses molaires qui manquent aux autres Ours des cavernes. L'espèce la plus commune, Ursus spelœus Blum., ou grand Ours à front bombé de Cuvier, atteignait une taille beancoup plus grande. Elle diffère de toutes les espèces vivantes par la grande élévation du front au-dessus du nez et par les deux bosses dont il est relevé; elle s'éloigne surtout de FOurs polaire par ces caractères. Ses principales analogies sont avec les Ours noirs, surtout à cause de la saillie des crêtes et la convexité du front; mais ces derniers se distinguent constamment par l’aplatissement et le peu de saillie du front, ainsi que par la réunion moins prompte des crêtes temporales. En outre, on ne trouve qu'excep- tionnellement dans le fossile des vestiges de petites fausses mo- laires qui ne manquent jamais dans les Ours vivants. La troisième espèce, Ursus arctoideus Blum., ou grand Ours à front plat de Cuvier, admis par Cuvier dans sa première édi- tion, considérée ensuite comme une variété de la précédente (1), ressemble encore plus que celle-ci à l'Ours noir d'Europe. Elle manque de petites molaires comme l’Ours à front bombé, et n’en diffère que par son front plus déprimé, la réunion moins rapide des crèles temporales, l’espace entre la canine ct la première mo- laire un peu plus long, enfin par les canines un peu plus pelites. (1) Tome VII, p. 267. CARNASSIÈRS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 73 $ XXV. Reprenons les caractères qui distinguent PU. spelœus de PU. arcloideus. La saillie du front, au-dessus de la racine du nez, dépend sur- tout de l'ampleur des sinus frontaux, qui donnent lieu, dans la grande espèce fossile, à deux fortes proéminences. Or, la capacité de ces sinus est sujette à de grandes variations suivant les indivi- dus ; l’espèce humaine pourraitelle-même en fournir des preuves, malgré le peu détendue que présentent relativement chez elle ces cavités. Ces sinus se dilatent d’ailleurs avee Pâge, et par suite les protubérances auxquelles ils donnent lieu doivent tendre à se pro- noncer de plus en plus. D’après cela, ne pourrait-on pas attribuer la grande saillie du front chez le fossile à un effet de l’âge ? Les crêtes temporales et occipitales se prononcent de plus en plus avec le temps. À mesure que les muscles se développent et se forlifient par l’exercice, leurs insertions deviennent plus mar- quées etse circonserivent plus nettement. Dans l'extrême jeunesse, il n’y a pas de crête sagittale, comme je l'ai montré ; ce n’est que peu à peu que cette crête se forme, à mesure que les muscles temporaux grandissent, et qu'elle s’allonge d’arrière en avant, reportant ainsi de plus en plus près du front le point de conver- gence des crêtes temporales qui se raccourcissent par suite forcé— ment. Il suffirait pour s’en assurer, à défaut d'autres preuves, de jeter un coup d'œil sur les mesures prises sur plusieurs crânes de la même espèce. On verrait, par exemple ‘tableau, p. 63), que, dans l'Ours à front bombé et dans l'Ours d'Amérique où les crêtes sont très prononcées, la distance du point de réunion aux apo- physes postorbitaires peut varier du simple äu double. Nous ver- rons plus loin, du reste, que ce caractère à été contesté par Schmerling. Le crâne de l’U. arctvideus, figuré par Cuvier (pl. 185, fig. 3 et 4), montre bien le peu de saillie du front; mais celui de la planche 189, figure 4, a les bosses frontales assez marquées, pour qu'il me semble difficile de le distinguer de l'U. spelœus. 7h 3. DELEOS, La séparation des deux grandes espèces des cavernes ne repose donc, comme on le voit, que sur des caractères bien peu impor- tants, et bien sujets, par leur nature, à varier. Cuvier d’ailleurs ne fut conduit à effectuer cette séparation que parce qu’il avait eu en sa possession deux sortes d'humérus qui lui avaient paru offrir des caractères spécifiques différents. L'existence de deux espèces d’humérus le porta à admettre celle de deux espèces de crânes. Cuvier ne tarda pas, du reste, à revenir sur celte première déter - mination, en déclarant que l'U. arctoideus ne lui paraissait plus constituer qu’une simple variété. Il faut convenir qu’en étendant jusqu’à l’U.- priscus les obser- vations que je viens de rapporter, on voit s’alténuer singulière- ment l'importance des caractères sur lesquels cette espèce a été établie. On serait presque tenté de la considérer comme un jeune de la grande espèce, chez lequel les bosses frontales n'auraient pas eu le temps de se développer, et dont les fausses molaires n'auraient pas encore disparu. Je reviendrai an peu plus loin sur ce sujet. Eu comparant les proportions réduites, je trouve que, dans l'U. arctoideus, la longueur du crâne est égale à celle de la face, de sorte que le museau serait plus long que dans la plupart des tètes d'U. spelœus ; que la hauteur de l’occiput ne dépasse pas le minimum constaté chez ce dernier; que le point de réunion des crêtes temporales tombe entre les limites observées dans l’Ours à front bombé. Quant à VU. priscus, ses proportions ne différent que peu des proportions moyennes de l’'U. spelœus , la plupart tombant entre les extrêmes, à l’exceplion des chiffres relatifs à la hauteur du profil qui descendent presque tous au-dessous du minimum. Il en résulte une différence qui n’est pas sans valeur, savoir, que la tête de l’'U. priseus était beaucoup plus déprimée et beaucoup moins haute verticalement. $ XXVL Avant d'aller plus loin, je crois utile de m'occuper des résultats o FR CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 75 des recherches de Schmerling. Cet auteur rapporte à VU. arctoi- deus un crâne très âgé, plus long de 4 : 10 que le crâne d'U. spe- lœus décrit, qui lui a été fourni par la caverne de Goffontaine. Aux caractères donnés par Cuvier, il ajoute les suivants : 1° Les canines dirigées plus horizontalement. Je ne trouve pas que ce caractère soit bien évident dans la planche 13. 2% Le museau plus allongé, plus étroit. La longueur du museau étant égale dans les deux têtes, celle du crâne est en effet de 1 : 4 plus faible dans l'U. arctoideus (1). La largeur est aussi inférieure de : 4 entre les incisives externes et les canines. Quant à l'espace vide entre la canine et la première molaire, il n’est que de 1 : 4 plus long. 3 L'étroitesse du front et du crâne. Le front est en effet près de moitié plus étroit ; la distance entre les arcades zygomatiques est plus faible de 4 : 4. k° Contrairement à ce que dit Cuvier, les crêtes temporales se réunissent très promptement. La planche 13 le montre en effet très nettement; ce qui viendrait à l’appui de ce qui a été dit plus haut sur les modifications que l’âge apporte dans la disposition des crèles. 5° La crête sagittale décrivant un are de cercle. Ce caractère est tout à fait insignifiant dans la planche 13, d'autant mieux que la majeure partie de cette crête a disparu. La courbure, par la portion qui reste, n’est pas plus forte d’ailleurs que dans l’'U. spe- lœus, pl. 9. 6° L’orbite plus allongée, les arcades zygomatiques plus longues, plus arquées en dessus, plus minces. Ces caractères, peu mar- qués dans la figure, me paraissent d'une bien minime impor- tance. Il s’agit maintenant de savoir si cette tête appartient bien réelle- ment au type à front plat de Cuvier. J'avoue que la comparaison (1) J'ai dû réduire la dimension en centièmes, comme je l'ai déjà fait pour les autres têtes. Je ne donne pas le tableau, auquel j'emprunte seulement les chiffres indispensables pour la discussion. 76 J. DELBOS. des planches ne justifie pas tout à fait celte association : car Ja saillie du front, pour être un peu moins prononcée que dans d’autres crânes, ne laisse pas envore de l'être beaucoup. D'autre part, un des caractères assignés par Cuvier à PU. arctoideus fait ici défaut, car les crêtes temporales se réunissent très vite et for- ment un angle très ouvert. Cependant, en négligeant cette der- nière particularité et en tenant compte de l’étroitesse de la tête dans toutes ses parties, on pourrait encore l’assimiler à cette der - nière espèce, d'autant mieux que la planche 189, figure 4, des Recherches sur les ossements fossiles, montre encore un front très bombé. Mais on voit, en définitive, combien les signes distinctifs de l'Ours à front plat se réduisent à peu de chose. s XXVIL. Schmerling cependant ne s’en est point tenu à, car il a pré- tendu dédoubler chacune des grandes espèces établies par Cuvier. Voyons si ce dédoublement offre quelque légitimité. Parmi les crânes bombés, l’auteur à cru d’abord pouvoir dis- tinguer deux espèces ou tout au moins deux variétés, pour les- quelles il propose les noms d'U. fornicatus magnus et d'U. forni- catus minus. Schmerling attache une extrême importance à toute différence dans la taille : une différence de 4 : 15 dans la lon- gueur de la petite espèce lui parait d’abord un caractère assez im- portant pour être pris en considéralion. Les autres caractères distinctifs de cette espèce seraient : 1° la forme générale plus arrondie ; 2° la grosseur et la brièveté des canines, le museau plus court et plus élevé vers sa base ; 3° les bosses frontales plus éle- vées, le front plus large et plus déprimé au milieu ; 4° les crêtes temporales réunies sous un angle plus aigu ; 5° la crête sagittale plus courbée, plus élevée an milieu; 6° les arcades zygomatiques plus étroites, les orbites plus grandes, un alvéole de fausse mo- laire devant la première molaire. En traduisant ces différences en chiffres d’après les mesures données par Schmerling, on trouve que le museau est plus long CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM, 77 de 1: 26 dans la petite tête, la longueur du cràne étant moindre de 1:24 (1), sa hauteur moindre de 4 : 9 à sa base, le front plus large de 4 : 18. Toutes les autres dimensions se rapprochent au même degré, aucune ne différant de plus de 1 : 6. I serait diffi- cile de trouver une sinilitude plus grande entre deux têtes d’une espèce quelconque. Quant aux autres caractères, ils se réduisent à peu près à la même valeur, et il serait superflu de les analyser en détail. Je pense donc qu'on ne peut considérer les petites têtes à front bombé de Schmerling comme constituant même une variété, Tout au plus leur forme un peu plus arrondie pourrait les faire consi- dérer comme provenant d'individus femelles, si leurs caractères ne sont pas tout simplement individuels. $ XXVIII. Schmerling a fondé son U. leodiensis sur des caractères presque aussi peu Importants. Cette espèce, qui appartient au type des Ours à front plat, différerait de ceux-ci : 41° par les canines plus minces et plus horizontales ; 2 par le museau plus long (de 1 : 6) et plus droit (de 1 : 8 à 1: 25); 3° par les narines plus longues (1 : 23) et les os du nez plus courts; 4° par le front plus élevé (1 : 7) et plus large (1: 4); 5° par les apophyses postorbitaires plus sail- lantes ; 6° par l'angle plus aigu formé par les crêtes temporales ; 7° les orbites plus grandes et moins obliques ; 8° les arcades zyg0- matiques plus arrondies en dehors et moins élevées. La plupari de ces caractères ne sauraient suffire pour légitimer l'établissement d’une espèce, à cause de leur peu d'importance et de leur nature variable d'un individu à un autre. On vient de voir à quoi se réduisent ceux qu'il est possible d'exprimer par des nombres. Les seules différences qui méritent d'être signalées sont la largeur du front et la hauteur plus grande de L : 5 au bord anté- rieur des os du nez. Toutes les autres n'atleignent pas 4 : 6, et (1) Dans la grande espèce, la longueur du museau est à celle du crâne :: 400 : 115. Différence — &. 78 J. DELBOS. restent ordinairement beaucoup au-dessous. Je ne puis saisir au- cune différence digne d’être notée entre les planches 43 et 16 de Sehmerling. Il ne reste donc que la taille, qui est inférieure de 4: 5 à celle de l'U. arctoideus, et l'angle aigu formé par les crêtes temporales. Schmerling assure que la tête qu'il a décrite prove- nait d’un individu très âgé. Si cela est, il faudra considérer cette tête comme constituant une variété dans le type des Ours à front plat, si toutefois encore ces différences ne sont pas tout simple- ment sexuelles ou individuelles. Dans tous les cas, je pense que l'espèce ne saurait être conservée, et qu’elle doit être rayée des catalogues. $ XXIX. Les deux nouvelles espèces établies par Schmerling étant écar- tées, je reviens aux trois types fondamentaux de Cuvier. Il faut bien reconnaitre que l’ostéologie comparée n’est pas toujours suflisante pour caractériser les espèces; c’est déjà beau- coup qu’elle fournisse des moyens précis et infaillibles pour re- connaitre les genres ; mais 1l ne faut pas lai demander plus qu’elle ne peut donner. Le Tigre etle Lion constituent certainement deux espèces distinctes ; on sait pourtant combien leurs têtes osseuses sont difliciles à distinguer, et combien sont légères leurs diffé- rences. Il en est de même pour le Lièvre et le Lapin. La tête du Chien de berger diffère beaucoup moins de celle du Loup que de celle d'un Dogue, et il est bien difficile, pour ne pas dire impos- sible, de saisir des caractères capables de reconnaître le crâne d’un Renard de celui d’un Chacal ou de certaines variétés du Chien domestique. Il y aura donc toujours un peu de vague dans les spécifications déduites de l’ostéologie, et il ne saurait en être autre- ment tant que sera pendante la grande question de l’espèce, et tant que l’on verra les naturalistes différer de sentiment sur des ani- maux qui vivent pour ainsi dire sous nos veux, que nous pouvons étudier à loisir, vivants et morts, et sous tous les rapports imagi- nables. Si l’on voulait iuger les caractères ostéologiques parleur impor- ds CE dE CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM, 79 tance physiologique, il est bien certain qu’on devrait réunir le Lion au Tigre, parce qu'il n’y a en réalité entre eux que de légères différences dans les formes de leurs têtes ; mais on se trouverait dès lors en désaccord avec les résultats auxquels conduit la z00lo- gie. Il ne faut done point se hâter de prohiber comme insuffisants, à cause de leur faible signification physiologique, les caractères sur lesquels Cuvier à fondé les diverses espèces qu'il a admises dans le genre Ours. Ces caractères , comme nous l’avons vu, sont relatifs à la forme du front, à la disposition des crêtes et à la présence ou à l'absence des petites fausses molaires. Or, le front se relève de bosses avec l’âge; les crêtes deviennent plus saillantes et tendent à converger plus rapidement l’une vers l’autre; les petites fausses molaires, presque rudimentaires et sans fonctions réelles, peuvent opérer leur chute à des époques variables suivant les individus, et elles ne manquent pas toujours chez les grandes espèces fossiles. Les proportions relatives de la tête sont sujettes, ainsi que je l'ai montré, à de grandes inégalités dans la même espèce. Il paraît en être de même à l'égard des proportions générales du corps et de la taille : « La hauteur relative de leurs jambes varie également, » dit G. Cuvier; et le tout sans rapport constant avec l’âge et le » sexe. Leur taille, même dans la même famille, n’est nullement » déterminée, car j'ai vu des Oursons devenir, en {rois ans, deux » fois plus grands que leur mère, tandis que d'autres restaient plus » petits (1). » S'il en est ainsi, on devra être très circonspect dans l'emploi de la taille comme caractère spécifique. En présence de cette ambiguïté dans les caractères, où trouver les signes des espèces? Par quel moyen reconnaitre que les diffé- rences observées ne sont pas purement accidentelles et peuvent être employées comme signalement de types divers? Ce critérium de la valeur des faits, nous le trouverons dans leur fixité, dans la constance avec laquelle ils se manifestent. Si nous voyons, par exem- ple, se développer constamment à une certaine époque, dans un cer- tain nombre d'individus, des caractères qui n'apparaissent jamais (1) Art, Ouns du Dict. univ. d'hist, nat., t. IX, p. 257 (par Boitard), S0 J. BELEBOS. chez les autres; si certaines marques, en apparence peu impor- tantes par la nature des organes auxquels elles se rapportent, se rencontrent toujours el sans exception chez eux ; ces caractères, ces marques acquerront par la régularité avec laquelle ils se ma- nifestent, ou par leur constance, le degré de valeur que leur défaut de permanence ou le peu d'importance physiologique qu'ils pa- raissent offrir auraient du sans cela leur faire refuser. C’est en me fondant sur ces principes que je vais procéder à l’examen des trois espèces de Cuvier.— Îl importe toujours, en histoire naturelle, de rapporter ce qui se ressemble et de séparer ce qui diffère constam- ment. Les groupes qu'on obtiendra auront toujours une certaine valeur ; peu importe le nom qu'on leur donnera, espèces, variétés, races, variations. Sur ce dernier point, les opinions pourront varier suivant le point de vue auquel on se placera. En matière de classification, en effet, la plupart des questions débattues sont bien plutôt des questions de degré que des questions de fait, et le désac- cord se produit bien plus souvent sur l'interprétation des faits que sur ces faits eux-mêmes. EPXEX, Faut-il done, avee Cuvier, admettre trois espèces d’Ours dans les cavernes, ou bien, avec de Blainville, ane seule? Dans cette dernière manière de voir, l'U. priscus, à peine distinct des Ours bruns d'Europe, formera le premier terme d’une série de modifi- cations dont l'U. arctoideus pourrait constituer le terme moyen et l'U. spelœus ie terme extrême. Et d’abord l'U. priscus ne saurait être considéré comme un jeune, puisque la tête d'après laquelle cette espèce a été constituée a ses crêtes très fortes et ses molaires usées. La combinaison des “aractères qui la distinguentdes autres Ours fossiles, la courbe du profil par exemple, et la présence des petitesmolaires, ne permettent done pas de la considérer comme un U. spelœus qui n’aurait pas atteint tout son développement. D'un autre côté, un très jeune crâne fossile figuré par Cuvier (pl. 185, fig. 5), quoique encore très peu bombé, montre un front plus protubérant qu'il ne l’est dans l'U. priscus adulte. Et cependant ce crâne très jeune, dans lequel CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 81 lesmolaires n'ont pas achevé de sortir, n'offre pasles petites fausses molaires que l'on trouve chez le vieil U. priscus. Je pense donc que ce dernier doit être considéré comme spécifiquement distinct des deux autres. Quant à ses affinités avec les espèces vivantes, elles sont beaucoup plus prononcées ; mais comme elle n’est iden- tique avec aucune et qu'elle partage en quelque sorte les carac- tères de plusieurs d’entre elles, il faut bien admettre, avec Cuvier, que si l’on maintient comme espèces les Ours bruns et noirs, il faudra également maintenir l’'U. priscus au même titre. ILest bien évident que si l’on considère l'U. priscus comme différent de nos Ours actuels, l'U. spelœus s’en éloignera spécifi- quement encore davantage. La constance de la saillie de son front, de ses crêtes qui apparaissent déjà de très bonne heure, l’absence ou du moins l'extrême caducité de ses petites molaires le caracté- risent suffisamment. Il est vrai que dans la jeunesse le crâne est encore peu bombé, mais il a cela de commun avec toutes les espèces, dont il diffère cependant déjà d’une manière reconnais- sable. Telles sont les raisons sur lesquelles je fonde mes conclusions sur les deux principaux types fossiles. On pourra discuter sur la valeur de leurs caractères, mais on sera toujours bien obligé de convenir que ces caractères sont plus marqués que céux qui dis- tinguent la tête du Tigre de celle du Lion. Quant à l'U. arctoideus, il me semble reposer sur des données beaucoup plus incertaines, et comme on retrouve chez lui tous les traits caractéristiques essentiels de l’'U.spelœus, je crois que, comme Cuvier, on devra se borner à le considérer comme urie sim- ple variété, ou du moins comme une espèce plus voisine de ce dernier que l’Ours brun actuel ne l’est de l’Ours noir d'Europe. Je me trouve ainsi amené, par cette longue discussion, à adopter entièrement les opinions de Cuvier. s XXXI. Je terminerai par quelques mots sur la légitimité des espèces vivantes qui ont été établies par Cuvier. Elles n’ont pas été admises 4° série. Zooz. T. XIII. (Cahier n° 2.) ? 6 82 J. DELBOS. par tous les auteurs, et plusieurs ont pensé que les Ours bruns, noirs et gris devaient être réunis en une seul et même espèce. L'opinion que l’on adoptera sur ce sujet dépendra entièrement du point de vue où l’on se placera et de Ja définition que l’on donnera du mot espèce, mais il faudra bien en définitive conserver les types à titre au moins de variétés. S'il est constant que l’Ours brun ne prend à aucun àge les fortes crêtes temporales et sagit- tales qui caractérisent l’Ours noir, que son museau est constam- ment plus court et son front plus convexe, il faudra bien l'en distinguer. Il faudra mettre également à part POurs d'Amérique dont le poil n’est pas laineux, dont le museau est beaucoup plus court, le front convexe et les crêtes saillantes, dont les mœurs sont douces, le régime entièrement frugivore ou piscivore et dont le cri consiste en un hurlement et non en un grondement. Quant à l’Ours gris ou féroce, il ne nous est qu'imparfaitement connu, et c’est là une lacune bien regrettable, car lui seul parait atteindre une taille comparable à celle des grandes espèces fossiles; il serait d’une bien grande importance de savoir jusqu’à quel paint il en diffère, et, s’il n’est qu'une variété particulière de l’Ours brun, comme le pensent Cuvier et M. Isidore Geoffroy Saint- Hilaire, quelles sont les modifications que l’âge et les circon- stances extérieures peuvent occasionner chez ce dernier. $ XXXIL. Je me résume : si l’on admet les espèces vivantes établies par Cuvier, les deux espèces fossiles principales, U. priscus etlU. spe- lœus devront être admises au même titre, puisqu'ellesdiffèrentl’une de l’autre et de celle-ci autant que ces dernières différent entreelles. Si on les réunit au contraire, il faudra considérer l’'U. priscus comme leur prototype, mais il n’est pas certain qu'il faudra leur joindre l’'U. spelœus, qui s’en écarte en effet beaucoup plus. Je n’hésite pas, pour ma part, à me prononcer pour la première opinion. CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM, 83 CHAPITRE IL. MACHOIRE INFÉRIEURE. Art. 1. — Étude des mächoires recueillies à Sentheim. XXXIIE. Les études qui vont suivre sont fondées sur l'examen de seize maxillaires inférieurs dont quelques-uns très entiers, et sur un assez grand nombre de débris plus où moins incomplets. Sur les seize mâchoires mentionnées, six appartiennent au côté gauche et dix au côté droit. Parmi ces pièces, on peut distinguer tout d’abord quatre formes reconnaissables, mais d’ailleurs assez peu différentes. XXXIV. L. Je choisirai pour terme de comparaison un maxillaire du côté droit, de taille moyenne, qui à appartenu à un individu frès vieux, car toutes ses dents sont fortement usées, surtout la deuxième molaire. La canine est tronquée au sommet, et érodiée assez pro- fondément par détrition du côté interne. La denfition de cette pièce est du reste complète. Le tableau qui accompagne cet article en donne les dimensions en millimètres, ainsi que les proportions calculées en centièmes de la longueur totale, mesurée du bord in- cisif au milieu du condyle. La demi-mâchoire réunie par Schmerling au crâne de son U. leodiensis (pl. XV) est, de toutes les figures données par cet auteur, celle dont cette pièce se rapproche le plus. Les propor- tions sont les mêmes ; la seule différence à signaler, c’est que le bord antérieur de l’apophyse coronoïde s'élève plus obliquement dans mon échantillon. La mâchoire supposée d'U. arctoideus (pl. XHT) est plus grande, sa branche horizontale relativement plus haute, et sa canine beaucoup plus volumineuse. Quant aux figures attribuées aux Ours à front bombé, elles se distinguent au premier coup d'œil par la grande hauteur du corps (pl. XVI). 6 J. DELBOS. A cette premiere forme se rattachent les maxillaires les plus communs dans les cavernes de Sentheim. Sur les seize échan- tillons recueillis, douze appartiennent à ce groupe. Cependant, parmi ces douze morceaux, il y a encore quelques nuances, peu importantes à la vérité, mais que je crois utile de signaler : 1° En premier lieu, six d’entre eux doivent être considérés comme identiques. Les proportions relatives sont les mêmes ; les molaires occupent le même espace; les canines, assez grêles, ont à peu près la même forme. L'un de ces morceaux, du côté droit, a des molaires assez fortement usées ; les autres, tous à très peu près de même taille, n'ont aucune trace de détrition sur les dents, et ont appartenu à des individus adultes, mais encore jeunes. d% Un seplième maxillaire, du côté droit, a exactement les mêmes formes , mais sa canine est beaucoup plus grosse, surtout dans la partie de la racine, ce qui le rapprocherait de VU. arctoi- deus (pl. XIII de Schmerling), dont il s'éloigne du reste par le peu de hauteur de la branche horizontale. 3° Cinq autres un peu plus petits, quatre du côté gauche et un du côté droit, diffèrent des précédents par leurs molaires moins grosses, etformant par suite une série un peu plus courte, On ne saurait attribuer d’ailleurs cette différence à l’âge, car quelques- unes de ces molaires ont leurs pointes plus profondément usées. Hs se rapportent assez bien à la figure 2, planche XIX, de Schmer- ling, attribuée à l'U. leodiensis, L'un d'eux, et c’est le plus vieux, a l'intervalle entre la canine et Ia première molaire plus court que les autres dans la proportion de 2 à 3 ; mais on observe d'ailleurs des inégalités semblables dans les mâchoires précédentes. Un autre, à dernière molaire très petite, très fraiche, a sa branche horizontale moins élevée que tous les autres ; il a appartenu à un individu jeune. Le caractère commun à toutes ces mâchoires, c’est l’étroitesse de la branche horizontale, dont la hauteur est à la longueur :: 24 : 100 en moyenne. Les différences que j'ai mentionnées sont si légères, que je ne crois pas possible de les ériger en carac- ières ; elles peuvent tenir à l’âge et aux individus. La grosseur des molaires peut varier sensiblement dans une même espèce; ainsi CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 85 dans les pièces qui offrent l'identité la plus complète sous tous les autres rapports, on peut constater des inégalités assez marquées. La dernière molaire est celle qui présente les plus grandes varia- tions. Quant au diamètre des trous mentonniers, il n’a rien de constant non plus ; il en est de même de leur nombre, qui peut varier de 0,2 à 5. Lorsque ces trous sont nombreux, quelques- uns sont réduits à l’état de canaux étroits ; il y en a au plus deux, quelquefois un seul d’un assez gros diamètre; la position de ces derniers est variable, mais je ne les ai jamais vus se porter en arrière au delà de la deuxième molaire. Ils sont disposés généra- lement sur une même ligne, située au tiers inférieur de la hauteur de la branche horizontale du maxillaire. XXXV. IL Un maxillaire du côté gauche provenant d’un individu extrêmement vieux se rattache au groupe précédent par son corps étroit, sa taille et ses proportions générales ; mais il s’en distingue par la forme de l’apophyse coronoïde, dont le bord antérieur s’élève beaucoup plus verticalement au-dessus du bord dentaire ; son bord inférieur est aussi un peu moins droit, et la canine plus oblique, plus inclinée en avani. Il offre, avec la planche XV de Schmerling (U. leodiensis), une telle identité, que l’on croirait qu'il a servi de modèle au dessinateur. La couronne de la canine est épointée par usure, et si profondément entamée du côté interne par le frottement contre l’incisive externe correspondante d’en haut, que les deux tiers environ en ont disparu; une sorte de canal moins profond a été produit par l'action de la canine opposée sur la partie postérieure du côté externe. La pénultième molaire, la seule qui reste, a sa couronne usée presque jusqu’à la racine. XXXVI. IT. Une énorme demi-mâchoire du côté gauche s’éloigne da- vantage de celle que j'ai choisie pour terme de comparaison, par sa taille et par la grosseur considérable de sa canine. Elle se rap- proche de la figure attribuée par Schmerling au grand Ours à front 86 J. DELBOS. bombé (pl. XVHE, fig. 4). Elle est cependant un peu plus longue; le corps est un peu plus étroit, et la portion postérieure du bord inférieur offre une courbure moins prononcée. Les dimensions égalent ou dépassent celles des plus grandes mâchoires mesurées par Schmerling , mais la moindre hauteur de la branche horizon- tale ne permet pas de la rapporter aux dessins attribués à une nouvelle espèce d’Ours, qui aurait été un peu plus grande que toutes les autres (U. giganteus Schmerl.). L'individa auquel a appartenu cette pièce était très vieux, car la canine qui seule sub- sise est très profondément usée. La disparition des molaires re- monte à une époque ancienne , car leurs alvéoles sont presque tous remplis de limon. XXXVII. IV. Un maxillaire du côté droit, moins bien conservé que le précédent, s’en distingue par sa brièveté relative et par la plus grande hauteur de sa branche horizontale; plus court de 1/8, sa branche est cependant de 4 : 8 plus haute. Ses molaires plus grosses , et formant une strie plus longue , l'éloignent, avec les caractères que je viens d'indiquer, du premier type. Celte pièce n’était pas pourtant fort âgée, car les quatre, molaires offrent à peine quelques indices d'usure. Elle est en outre remarquable par les grandes dimensions du canal dentaire et d’un des trous men- tonniers. Ses principales analogies sont avec la mâchoire, dont Schmerling a fait une nouvelle espèce sous le nom d’U. giganteus (pl. XVII, fig. 1); elle est seulement un peu plus courte. Elle en a aussi beaucoup avec la planche IX (U. spelœus) ; cette der- nière est seulement un peu plus longue, et ses molaires oceupent moins d'espace. Aïnsi que le montrent ces dessins, le bord infé- rieur est moins rectiligne, plus convexe dans sa partie postérieure que dans les formes précédentes. Un deuxième maxillaire, du côté gauche, se rattache au même type par la grosseur de ses molaires, qui ne sont du reste ancunement usées, et, par sa forme raccour- cie, il en diffère cependant par sa branche un peu moins élevée et par son bord inférieur plus droit. La figure 2, planche XVIII de Schmerling (petit Ours à front bombé), lui convient assez bien, CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 87 XXXVIHI. La comparaison directe des dimensions absolues de ces quatre sortes de maxillaires prouve qu’il existe dans les cavernes de Sen- theim des restes d’Ours qui différaient sensiblement pour la taille, et cela indépendamment de l’âge : 4° Les plus petits étaient les plus nombreux. La longueur totale de leurs maxillaires ne dépasse pas 0",280 à 0",290 chez les plus vieux ; leurs molaires sont d’un volume médiocre, leurs canines relativement grêles, le condyle étroit, la branche horizontale peu élevée. À cette première sorte se rattachent les deux premières formes décrites; leur longueur dépasse de 2/5 celle de l’Ours des Pyrénées. 2 D'autres, plus rares, atteignaient une taille beaucoup plus considérable. Leurs mâchoires, plus longues de 1/5, sont pour- vues de molaires et de canines plus fortes ; elles sont de 7/10 plus longues que celles de l’Ours brun des Pyrénées. 3° Enfin, dans une troisième catégorie d'individus, les mà- choires, courtes relativement, puisqu'elles ne dépassent guère la longueur de celles de la première, se font remarquer par la grande hauteur du corps, le développement transversal du condyle ; leurs molaires sont aussi grosses que dans le type précédent. Ces carac- tères semblent indiquer un museau raccourci et élevé, une grande largeur du eräne vers les temporaux. XXXIX. Il serait d’une certaine importance de savoir au juste quelles sont, parmi ces mâchoires, celles qui doivent être réunies à la grande tête que j'ai décrite. Cette tête ne comporte qu’une mà- -choire de longueur médiocre, c’est-à-dire de 0",280 de longueur. Les deux premières formes lui conviendraient done pour la taille. A la vérité, le volume des dents semble s'opposer à ce rappro- chement; nous avons vu en effet que, parmi les mâchoires supé- rieures récoltées à Sentheim, il en est qui différent des autres et 88 ‘J. DELBOS. du grand crâne par leurs molaires plus petites; elles iraient donc avec nos mâchoires inférieures à corps étroits, et il faudrait rap- porter au crâne à front bombé celles dont les molaires sont les plus fortes, c’est-à-dire celles dont le corps est très élevé et la forme raccourcie. Cependant la brièveté de ces mâchoires ne concorde euère avec la forme allongée du museau de la tête de Sentheim, et la grande largeur des condyles ne s'allie pas non plus avec la dimension des fosses glénoïdes, ni avec le resserrement du crâne dans la région temporale. Abstraction faite des dents, sur les- quelles je reviendrai d’ailleurs, ce sont donc les maxillaires de la première espèce qui s'adaptent le mieux au grand crâne. XL. En supposant que la longueur de la mâchoire ait été relative- ment aux dimensions générales dans le même rapport chez les Ours fossiles que dans l’Ours des Pyrénées, les individus auxquels ont appartenu les maxillaires des deux premières sortes auraient eu 4",85 de longueur totale et 1 mètre de hauteur au garrot. Les plus grands auraient eu 2°,21 de long sur 1°,22 de haut. Je donne ici le tableau des dimensions réelles et calculées en centièmes de la longueur totale des maxillares les plus complets que j'ai vus des quatre formes que j'ai signalées ; tous ont appar- tenu à des individus adultes où même vieux. J’y joins, pour servir de comparaison, les mesures prises sur l’Ours des Pyrénées : En comparant les dimensions calculées, on peut voir que les trois premières sortes ne diffèrent que très peu, puisque les plus grands écarts n’atteignent pas 1/5. Les différences ne portent donc point ici sur les proportions, mais sur la taille et sur quelques traits particuliers que les chiffres ne mettent pas en évidence. La qua- trième sorte s’écarte beaucoup plus de toutes les autres par sa forme raccourcie , par la grande hauteur du corps et par la lar- œeur du condyle. 8) NES DE SENTHEIM. RS DES CAVER SSIE ARN C 1£ | 060'0 « « 1£ | 060°‘0 18 | Ovr‘o « « 001! 06%‘0 °u “NISHINAS 4 SuNO £g | S60‘0 6€ | Orr‘0 ge | 0010 61 | GG0'0 00p| 0£& 0 ‘ur ma LEE ue "EE ER ge 00 *SHINAUXA SA suno “++ + + + + + ejÉpuO9 ne JISQDUI pi0Q np ANansUu0T “ouuorproñq-ojÂwu uorssoidur j 8 engooso esÂqdode j oq SR RE el T0 * “op puoo np ane$aet rss est st * + * OJQIUJOP EI 819HH0p —n tt: * * * exejou 9J91W01d ej JUEAOPp — tt tt + + + * ‘OJOlUUOJUOU 07949 [Op — *PIOU0409 ‘dE [ 9p JOWWOS NE ENUPOU0 ‘ÉRTOP — st ses tt +: “opiouo109 osÂydode j 9p anemeH +: + + “oseq vs e oprouo109 osAydode | ep AnosivT “A[ÂPUO9 ne OHRJOUI IQIUIOP EI 0P AN9HYISOÏ pI0Q n vestes tt + + “soarejou So[ 1ed 9dn990 o9edsg + * OMPJOU 9191WOId EI 9 SAUIUR SO] 21JUO [EAJOJUT *KOILYN9IS4a 90 J. DELBOS. Art. 2. — Discussion des espèces. XLI. Cuvier a distingué deux formes principales parmi les mâchoires inférieures qu'il a vues ; les plus communes différent des autres par leur apophyse coronoïde plus large, relativement à sa hauteur, par leur partie horizontale plus épaisse et plus haute, par leurs dents plus petites. Il incline à penser qu’elles ont appartenu aux tètes à front bombé, sans se prononcer d’ailleurs positivement sur celte question, d'autant mieux qu'il lui a paru que des différences semblables se présentaient dans les Ours vivants de même espèce. Je suis assez embarrassé pour distribuer dans ces deux groupes les màchoires de Sentheim. Celles du type IV se rapporteraient à la première sorte par la hauteur du corps, tandis que la grosseur des dents les en éloignerait, ainsi que le peu de largeur de l’apo- physe coronoïde. Enfin le rapport entre la hauteur de l'apophyse coronoïde et sa largeur est dans une màchoire du premier type, et dans une du troisième à peu près de 7 à 8, comme dans la deuxième sorte de Cuvier, c'est-à-dire dans les mâchoires à dents plus grosses et à corps plus mince. Il me semble donc que Cuvier n'a pas eu de mâchoires semblables à celles dont j'ai fait mon qua- trième type. Peut-être faudrait-il chercher les deux formes décrites par cet auteur dans mon premier type. La grande mâchoire que j'ai décrite sous le numéro IT répond bien aux figures de l’atlas des Recherches (pl. 185, fig. 8, et pl. 189, fig. 7); mais je crois inutile d’insister davantage sur des distinctions auxquelles Cuvier lui-même ne parait pas avoir attaché une grande importance, et sur des difficultés auxquelles je ne vois aucune solution possible. XLIT. En 1830, M. Marcel de Serres a décrit, dans le Bulletin des sciences naturelles de Férussae (t. XX, p. 151), un maxillaire in- férieur provenant des cavernes de Fauzan (Hérault), qu'il consi- dère comme ayant appartenu à une espèce nouvelle, plus grande CARNASSIERS DES CAVEBNES DE SENTHEIM. 91 que l'U, spelœus, et à laquelle il donne le nom d’U. Pitorru. Or tous les caractères énumérés par l’auteur conviennent tellement aux mâchoires de mon quatrième type, que je n’hésite pas à con- clure à l'identité de ces dernières avec celles de l'Hérault. Quant à décider si l'espèce doit être maintenue, c’est une autre question que j'examinerai un peu plus loin. $ XLIII. Parmi les sept sortes de maxillaires décrites et figurées par Schmerling, je trouve les suivantes dans les grottes de Sentheim : 1° U. giganteus (l° type), 2° grand Ours à front bombé (3° type), 2° petit Ours à front bombé (h° type), 4° U, arctoideus (quelques- unes des pièces du 1° type), 5° U. leodiensis (le 2° type et la plu- part des pièces du premier). La variété de l'U. giganteus et VU, priscus manqueraient jusqu'à présent. $ XLIV. En résumé, si l’on admettait toutes les espèces proposées par les auteurs, nous aurions les suivantes dans les grottes du Haut- Rbin : 4° U. Pitorriü, M. de Serr. (U. giganteus, Schmerl.); 2% U. spelæus major, Schmerl.; 3° U. spelæus minor, Schmerl.; k° U. arctoideus, Blumenb.; 5° U. leodiensis, Schm. — Mais, comme nous le verrons , je pense que le nombre d'espèces doit êlre considérablement réduit. $ XLV. Les quatre types que j'ai distingués parmi les mâchoires de Sentheim ont un caractère commun qui les éloigne de toutes les espèces vivantes, l’absence totale des petites fausses molaires entre la canine et la première persistante. Ils appartiennent donc bien à un même groupe. [l s’agit de savoir maintenant s'il n'existe pas dans ce groupe des divisions comparables à celles qui se voient entre les espèces actuellement vivantes. Si le premier et le deuxième type s’éloignent de l’Ours des Pyrénées par une plus grande taille, ils s’en rapprochent singu- 992 J. DELBOS. lièrement par la forme et par les proportions relatives, car les dif- férences n’ont guère au delà de 1/10, comme on peut s’en assu- rer en examinant le tableau des proportions calculées. Le troisième type, d’une taille de beaucoup supérieure, en diffère davantage, parce qu’il est plus mince et plus long relativement, les différences s’élevant quelquefois à 4/5. Enfin le quatrième, qui offre les plus grandes dissemblances, diffère en sens inverse par la grande hau- teur de sa branche horizontale et par sa forme raccourcie. Je manque de matériaux pour fixer les limites des variations dans une même espèce; mais si l’on en juge par les figures des trois têtes d’Ours bruns données par Cuvier (pl. 183), elles doi- vent être assez étendues. Ainsi l’apophyse coronoïde y est beau- coup plus droite dans l'Ours des Alpes, la ligne inférieure du corps beaucoup moins rectiligne dans le deuxième Ours de Pologne. Les deux têtes d’Ours noir d'Europe (pl. 182) montrent des dif- férences presque aussi marquées. Il ne faut done point se bâter de fonder des espèces sur des caractères de forme et de propor- tions, sur la constance desquels on ne possède jusqu’à ce jour aucune garanlie. S'il est vrai, comme l’avance Cuvier, que la taille n'ait rien de fixe, même entre les individus issus des mêmes parents, ce der- nier caractère deviendra fort contestable, et il y aura beaucoup à retrancher des spécifications fondées par Schmerling et par quel- ques autres auteurs sur des différences de grandeur souvent bien plus considérables. C’est en ne perdant point de vue ces données, qui tirent une grande autorité du savant dont elles émanent, que je vais aborder la discussion des caractères fournis par les maxillaires inférieurs au point de vue de la distinction des espèces. $ XLVI. J'ai signalé quatre types différents parmi les mâchoires récol- tées à Sentheim. Les deux premiers types me paraissent devoir être réunis en un seul. I] n’y a entre le premier et le deuxième de différences que dans la position moins oblique de la canine, le bord inférieur plus droit, le bord antérieur de l’apophyse coro- CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 93 noïde plus incliné en arrière. La forme, les proportions générales la grosseur des dents, la taille, sont d’ailleurs les mêmes. Peut- être les particularités de la mâchoire très vieille, sur laquelle j'ai fondé le deuxième type, sont-elles uniquement le résultat de l'âge ; la traction prolongée des muscles élévateurs sur l’apophyse coro- noïde peut sans doute déterminer le redressement du bord anté- rieur par l’expansion de la lame osseuse en avant, tout comme on voit chez beaucoup d'animaux des cartilages et des tendons s’ossi- fier dans la vieillesse. La planche 183 de Cuvier montre d’ ailleurs dans l'Ours brun des différences équivalentes, Ce premier groupe sera donc caractérisé par le peu de hauteur de la branche horizontale et sa longueur relativement à l’en- semble. 11 comprend les mâchoires dont la longueur ne dépasse pas 0,290 dans les individus les plus âgés, et qui sont de 2/5 plus grandes que celles de l’Ours des Pyrénées. $ XLVII. Le troisième type est de 1/5 plus grand que les deux premiers mais sa forme et ses proportions sont à très peu près les mêmes, car si l’on ne tient pas compte de la grosseur des dents ni de ses fortes dimensions qui pourraient au premier abord induire en illu- sion, parce qu’elles sont réellement frappantes, on peut constater, en réduisant les mesures par le calcul, qu'il en diffère à peine. Ainsi ramené à la taille des premiers, il apparait même, ainsi qu'on peut s’en assurer par le {ableau, un peu plus long, et réelle- ment plus grêle relativement à l’ensemble. Il ne lui reste donc que celte supériorité de 1/5 dans toutes ses parties. Mais est-là un caractère bien important et une raison pour en faire une espèce ? La taille ne peut-elle pas varier dans ces limites ? Une observation bien simple réduira ces différences à leur juste valeur : c'est que nous pouvons en constater d'aussi grandes chez l'Homme lui- même ; nous voyons, en effet, des Honimes dont la taille n’excède pas 1",50, d’autres où elle atteint 1",80; la différence est ici de 1/5. Les observations de Cuvier établissent que les inégalités sont encore plus marquées chez les Ours de même espèce, et même chez ceux provenant d’un même couple. Loin done de voir 9% J. DELBOS. des vestiges d’une espèce particulière dans ces grandes mâchoires qu’on trouve dans les cavernes ossifères, je n’y vois que la preuve que certains individus, certaines races si l’on veut, pouvaient atteindre une taille supérieure aux autres, sans en différer spéci- fiquement. $ XLVIIL Jusqu'ici nous avons vu la taille varier, mais la forme reste sensiblement la même. Dans le quatrième type, nous trouvons au contraire des différences qui portent sur les proportions elles- mêmes. La principale pièce sur laquelle jai établi ce type est plus rapprochée des deux premiers que du troisième par sa longueur. Quoique moins âgée, puisque ses dents ne sont aucunement usées, ses molaires sont plus grosses que dans les deux premiers, et la série qu’elles forment de 1/10 plus longue. La hauteur du corps est de 1/8 plus grande, le condyle plus large de 1/6, les trous dentaires et mentonniers beaucoup plus volumineux, et à tout cela il faut ajouter la forme courbe du bord inférieur. Elle a les dents et la hauteur d’une mâchoire plus longue de 0,040, c’est-à-dire de 1/7. Ces différences sont trop marquées pour qu'on puisse les négli- cer. Elles semblent indiquer que l'animal auquel à appartenu ce maxillaire avait le museau relativement court, large et haut, le crâne très développé vers les oreilles. Il faut donc ici soumettre les caractères à une analyse quelque peu détaillée. Il est à remarquer d’abord que la brièveté de cette pièce dépend plus encore de la partie postérieure que de la branche horizontale, car la distance de la dernière molaire est de 1/8 momdre, tandis que le corps est au contraire relativement un peu plus long. Il en résulte que l’apophyse coronoïde est plus étroite. Je me suis de- mandé si la longueur relative des mâchoires ne pourrait pas être une conséquence de l’âge. Il est notoire que le museau des Car- passiers s’allonge à mesure que l’animal grandit, et 1l est probable que cet allongement se continue, quoique avec plus de lenteur, lorsqu'il a atteint l’âge adulte. On sait d’ailleurs que chez beau- coup d'animaux, et particulièrement chez les Smges, la face de- CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM, 95 vient extraordinairement proéminente dans la vieillesse. Pourquoi n'en serait-il pas de même chez les Ours ? L'action prolongée des muscles élévateurs doit tendre à élargir l’apophyse coronoïde (4), et il en doit résulter un allongement de la partie postérieure. Or, dans la mâchoire de Sentheim, les dents sont d’une extrême fraicheur ; l'émail n'y est point entamé, ni même très adhérent à livoire ; le tissu osseux y est de consistance terreuse, friable, et n’a pas atteint la solidité qu'il a prise dans les vieux individus ; les saillies d’engrenage de la symphyse sont peu tranchantes, comme si l'articulation n’eût pas acquis encore toute sa fermeté. Quant au canal dentaire et aux trous mentonniers, l'observation? montre qu'ils tendent à s’oblitérer avec l’âge, et leur grand vo= lame est encore un indice de jeunesse. Tout, dans le quatrième type, dénote donc un animal à peine arrivé à l’âge adulte. En partant de cette supposition, on sera conduit à considérer le quatrième type comme l’âge adulte d’une grande race ou de grands individus dont le troisième serait l’âge avancé. Le volume des molaires vient à l'appui de cette hypothèse : elles sont déjà aussi grosses que dans le troisième type, ce qui doit être, puisqu'elles se développent une fois pour toutes, et qu'ane fois formées elles ne croissent plus. Que l’on suppose que ce maxillaire s’allonge, sur- tout par sa partie postérieure, on aura la forme que présente la grande mâchoire décrite dans le n° HE. Dans cette mâchoire encore jeune, les condyles ont déjà toute la largeur qu'ils prendront dans les plus grandes. Sans doute, le crâne a déjà acquis tout son développement en largeur, et ne gran- dira plus qu'en longueur. La forme plus sinueuse du bord infé- rieur peut être une circonstance individuelle, comme on pourrait l'inférer des figures de Cuvier dont j'ai parlé, et j'ai remarqué d’ailleurs, en examinant attentivement les mâchoires de Sentheim, qne la ligne inférieure tend à devenir de plus en plus rectiligne, à mesure que l'animal avance en âge. Il ne reste donc plus qu'à (1) Une vieille mâchoire, figurée par Schmerling, pl. XVIII, fig. 3, montre le bord de cette apophyse s’élevant presque perpendiculairement au-dessus de la ligne des dents. 96 J. DELBOS. apprécier cette plus grande hauteur du corps, qui est une des marques du quatrième type. Dans le tableau des proportions cal- culées, elle est de 4/5 plus grande environ que dans le troisième, et de 1/8 environ que dans le premier. Ces différences sont bien faibles, elles peuvent être individuelles, et d’ailleurs elles s’atté- nueront si l’on admet que le maxillaire puisse s’allonger sans que sa hauteur varie. Il y a du reste un fait qui sert de confirmation à ce que j'avance : une deuxième mâchoire, que j'ai signalée comme appartenant au quatrième type, a sa branche horizontale sensible- ment moins baute, et forme par conséquent une transition enlre #ce type et le troisième. Et d’ailleurs on peut constater des dis- semblances de la nature de celles que je viens d’énumérer en comparant les diverses màchoires certainement semblables, spé- cifiquement du premier type. SRTIX. 17 En résumé, il ne resterait des quatre types établis que deux formes assez voisines, et qui ne différent en réalité que par la taille. Mais, même en adoptant la réduction que je propose, il n’est pas sans intérêt de savoir que les grottes du Haut-Rhin contien- nent les débris de deux races d’Ours, toutes deux beaucoup plus grandes que les Ours bruns vivants, et dont l’une, bien plus ro- buste, atteignait une taille de 1/5 plus élevée que l'autre. En employant ce mot de races, mon intention est d'établir qu’il n'existe pas entres les maxillaires d’Ours fossiles assez de différences pour autoriser l'établissement de deux espèces et encore ‘moins d'un plus grand nombre , et sans que je veuille en rien préjuger la question. Que ces deux espèces aient existé, je ne les nie pas à priori, mais je ne vois dans les mâchoires inférieures aucune dé- monstration à l'appui. $ L. Les détails dans lesquels je suis entré me dispenseront de suivre M. Marcel de Serres dans les descriptions minutieuses qu'il a données de certains maxillaires dont il a fait son U. Pitorrü. J'ai dit plus haut que ces descriptions convenaient tellement à mon CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 97 quatrième {ype, que je ne doulais pas de l'identité. Je me borne- rai done à examiner les caractères «lont je ne me suis pas occupé dans ce qui précède. L'espace moindre entre les molaires et les canines ne peut guère être admis comme caractère de l'U. Pitorrii, car je le vois varier dans des maxillaires d’ailleurs identiques sous tous les autres rap- ports. La direction plus perpendiculaire du bord antérieur de l'apophyse coronoïde varie également avec l’âge, ainsi que je lai montré. Le parallélisme des deux bords de la branche horizontale n'est pas non plus constant, el il paraît se prononcer à mesure qué l'animal vieillit. Ea fosse massétérine se circonscrit aussi avec le temps par des arêtes de plus en plus saillantes. Quant au volume des dents, c’est un caractère dont je me suis occupé, et sur lequel je reviendrai dans le chapitre suivant. La seule différence que je vois entre l'espèce de M. Marcel de Serres el mon quatrième type, est dans la forme plus droite du bord inférieur ; mais j'ai déjà dit que cela pouvait dépendre de l'âge. Cependant, si je ne vois pas dans les descriptions de M. Marcel de Serres des motifs suffisants pour justifier la créature d’un nouveau type spécifique, je n’en dois pas moins constater qu'elles ont leur utilité, puisqu'elles mon- trent que les grands Ours des cavernes se trouvaient dans le midi comme dans le nord-est de la France, et, d’après l’auteur de la nolce, jusque dans les grottes de la Prusse. Si donc quelques considérations où quelques découvertes nouvelles venaient néces- siter l'adoption du type comme espèce, ce tvpe devrait porter le nom d'U. Pitorri que lui a donné l’auteur qui l'a fait connaître le premier. $ LL « Schmerling a dégrit sept sortes de maxillaires trouvés dans les cavernes de la province de Liège. Je ne m'occuperai pas de ceux attribués à l'U. priseus, parce qu'il n’y à rien de pareil à Sen- theim. Parmi les six autres, il en cst deux que l'auteur croit avoir appartenu à une nouvelle espèce, l'U. giganteus. Remarquables par leur taille qui n'excède guère pourtant la grande mâchoire de mon troisième type, ils ne diffèrent que très peu l'un de l’aatre- 4e série. Zocc. T. XIIL. : Cahier n° 2.) 5 7 98 J. DELBOS. quoique Schmerling en fasse deux variétés ; l’une d'elles est con sidérée comme identique avec l'U. Pitorrü. Schmerling à voulu rapporter les quatre autres aux quatre sortes de erânes qu'il a dé- criles ; mais en cela il y a quelque peu d’arbitraire, car c’est sur la taille surtout qu'il a fondé ces rapprochements. En réalité, je vois deux types dans ces quatre sortes de mâchoires : un premier qui comprend les pièces attribuées aux deux Ours à front bombé, et entre lesquelles je ne saisis aucune différence importante ; un autre qui comprend les pièces à corps peu élevé. Le premier de ces types ne parait devoir être réuni aux grandes mâchoires d'U. gi- ganteus pour former un même groupe qui correspondra à la grande race de Sentheim. Le deuxième, comprenant les mâchoires attribuées aux U. arctoideus et leodiensis, correspondra en grande partie aux petites mâchoires de cette localité. Je n’insisterai pas sur les caractères énumérés par Schmerling à l'appui de la distinction des U. arctoideus et leodiensis, car je les ai déjà soumis à la discussion daus le cours de cet article, et je ne les crois pas de nature à motiver le maintien de ces deux espèces. $ LIL. En terminant ces études je formulerai les conclusions aux- quelles je crois devoir m'arrêter : 1° Il existe dans les cavernes de Sentheim quatre sortes de mâchoires inférieures d’Ours. 2° Ces quatre sortes de mâchoires se rapportent à deux types, que rien, au moins dans ces mâchoires, n'autorise À considérer comme deux espèces. Ces deux types, qui différent surtout par la taille, constituaient deux races ou tout au moins deux sortes d’in- dividus, dont les uns avaient des formes beaucoup plus robustes que les autres. 3" La premiére race n'atteigrait pas une très grande taille ; la longueur totale du corps était environ de 2/5 plus grande que dans l’Ours des Pyrénées. L° 1 y a dans ce premier groupe des nuances peu importantes qui tiennent sans doute aux individus et au sexe. 5° Le deuxième groupe comprend les Ours dans lesquels la CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 99 taille pouvait être de 1/5 plus grande que dans le premier, et su- périeure de 7/10 à celle de l'Ours actuel des Pyrénées. 6° ILexiste des mâchoires courtes, à grosses denis, qui re sont que des individus encore jeunes de ce dernier groupe, d’où il suit que le museau s’allonge avec l’âge, et que la forme de la tête de- vient de moins en moins ramassée. 7° Les caractères de ces différentes mächoires pourront être expliqués, sans qu'on ait recours à l'établissement de plusieurs espèces, par des transformations résultant de l'accroissement et par des différences provenant d'une diversité de races ou de dis- positions individuelles, comme on en voit chez beaucoup d’ani- maux et chez l'Homme lui-même ; l'observation ayant prouvé, de plus, que, dans une même espèce d'Ours, les individus issus d’un même couple peuvent varier très notablement quant aux propor- lions ; les différentes mâchoires fossiles que j'ai décrites devront être attribuées à une senle espèce, LU. spelœus de Blumembach ou grand Ours à front bombé de Cuvier, à moins que des faits, autres que ceux qui sont connus actuellement, ne viennent prou- ver que cette espèce doit être seindée en plusieurs. CHAPITRE IL. DENTS. Les descriptions de Cuvier et celles de Schmerling, excellentes aussi, me dispenseront d'entrer dans le détail des caractères propres à chaque espèce de dents. Je me bornerai à l'examen de quelques faits spéciaux. s LI. ” Incisives. Elles sont rarement en place dans les alvéoles des mâchoires, et, dans les fouilles, la plupart échappent facilement à la vue, à cause de leur petitesse, Sauf leur volume beaucoup plus considé- rable, elles ont les mêmes formes que dans les Oups vivants. Trois incisives externes d'en bas, dont deux du côté gauche, ont 0",045 de longueur; les mêmes dents n’ont que 0",030 dans l'Ours des Pyrénées; elles sont done plus grandes de 1/3, Le lobe 100 J. DELBOS. externe est beaucoup plus profondément détaché del'éminenceprin- cipale. C’est un caractère assez peu important il est vrai, mais qui, joint à la taille, peut encore servir à reconnaitre l'espèce fossile. L'incisive externe d'en haut est la plus grosse de toutes ; sa couronne, simple et erochue, la fait ressembler, comme le dit Cuvier , à une pelite canine. J'en ai eu deux du côté gauche : la plus grande a sa couronne longue de 0",022 sur 0",020 de large ; la couronne de la seconde a 0",018 de longueur avee une largeur égale à la précédente. Je trouve que le bord interne du bourrelet marginal est plus saillant dans l'Ours fossile que dans le vivant, et sa couronne plus échancrée de ee côté. Le cône principal est par suite moins crochu dans l'Ours des Pyrénées. J'ai eu deux incisives moyennes d'en haut; l’une d'elles est fort usée; sa longueur totale est de 0",030 ; l'autre, usée à la pointe, mais moins profondément, est un peu plus forte ; sa longueur est de 0",035. Je ne vois aucune différence entre ces dents et celles de l’Ours des Pyrénées, si ce n’est dans la taille. S LIV. Canines. Les canines se rencontrent beaucoup plus fréquemment; j'en ai sousles yeux vingt-sept, dont quinze détachées de leurs mâchoires. La simplicité de la forme de ces dents leur ôte pour ainsi dire toute signification spécifique ; elles ne différent, en effet, que par le plus ou moins d'épaisseur de la racine, et par la longueur totale. Mais, sous ces deux rapports, elles offrent de grandes inégalités, comme on peut en juger par les mesures suivantes : OURS OURS DE SENTHEIM. da 1 DES PYRENEES. DÉSIGNATION, ne A Supér. | Infér, Longueur en ligne droite. . . . — de la partie émaillée. . . — antéro- postérieure de la base de la partie émaillée . . . .[0,030/0,028/0,025/0,025[0,019/0,020 Plus grand diamètre de l'endroit le plus renflé de la racine 0,03810,03310,02810,025 CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 101 Entre les plus grandes et les plus petites, la différence dans la longueur est de 1/3 ; mais en réduisant les mesures en centièmes de la longueur totale, on trouve qu'en définitive les proportions ne différent guère de plus de 1/30. 1 y à donc identité presque complète de formes, et les différences ne portent que sur les di- mensions absolues. Aussi est-ce uniquement d'après la taille que Schmerling a dis- tingué cinq sortes de canines dans les cavernes de Belgique. Quant à la répartition de ces dents entre les diverses espèces de crânes ou de mâchoires, elle me parait assez arbitraire. Parmi les canines que j'ai eues de Sentheim, deux (n° 1) se rapportent exactement à celles attribuées à l'U. spelœus (pl. VHE, fig. 1) ; lune est libre, l’autre appartient à la grande mâchoire inférieure dont j'ai fait mon troisième type; trois autres (n° Il) se rapporteraient à l'U. arctoideus (pl. VIE, fig. 5), deux (n° IV) à VU. priscus (fig. 9), et le reste {n° HT) à l'U. leodiensis (lg. 7). Je ne distingue en réalité dans toutes ces canines que deux types qui ne différent d’ailleurs que par la taille. Les unes, beau- coup plus grosses, auraient appartenu aux plus grands Ours ; ce sont les plus rares, car je n’en ai eu que trois. Les autres, plus grêles et de beaucoup les plus nombreuses, auraient appartenu aux Ours de taille médiocre. Au premier type se rattacheraient les figures À à 6 de la planche VIII de Schmerling, attribuées aux Ours à front bombé et à l’'U. arctoideus ; au deuxième, les figures 7 à 10 attribuées aux U. leodiensis et priscus. Il n'est pas très facile de distinguer les canines d'en haut de celles d'en bas. Cependant on peut v parvenir au moyen des sur- faces d'usure qui se voient chez les individus âgés ; en effet, la canine supérieure n'étant en rapport avec celle d’en bas que par son bord antérieur, ce bord seul s’use avec le temps, car il n'existe en arrière aucune dent qui puisse produire un effet semblable. La canine inférieure, au contraire, agit à la fois contre la canine d'en haut par son bord postérieur el sa face externe, et contre l’incisive externe d’en haut par son bord antérieur et une partie de sa face interne; cette double action donne lieu à deux surfaces de détri- tion plus ou moins profondes , selon les individus et la position particulière des dents. 102 4. DELBOS. Quand on sait à quelle mâchoire une canine a appartenu, il'est très facile de décider si elle est du côté gauche ou du côté droit : les deux arêtes de la partie émaillée divisent cette partie en deux poruons inégales, dont la plus petite et la moins convexe est en dedans ; la racine enfin est toujours déprimée du côté externe et convexe du côté interne. C’est d'après ces remarques que, sur quinze canines isolées de Sentheim, j'en ai pu rapporter trois à la mâchoire supérieure, toutes du côté droit, et sept à la mâchoire inférieure, dont quatre du côté droit el trois du côté gauche, Deux des grosses canines se trouvent comprises dans ces dix dents : l’une est de la mâchoire supérieure, l’antre de la mâchoire infé- rieure et du côté droit. Lorsque ces marques de détrition n'existent pas, ce qui est très fréquent dans les Ours fossiles, les caractères deviennent très vagues ; dans les canines inférieures, la portion émaillée se porte un peu plus obliquement en dehors, ainsi que l’a fait remarquer Schmerling; mais je ne vois aucun caractère constant dans la forme des racines. $ LV. Molaires supérieures. Tous les Ours vivants ont une petite fausse molaire rudimen- taire derrière la canine et une autre devant la première perma- neñte ; elles existent l’une et l’autre dans VU. priscus. La pre- mière n’a jamais été vue dans les grandes espèces des cavernes (1); Cuvier a vu deux fois l’alvéole de la seconde, et Schmerling une fois dans son crâne de petit Ours à front bombé. Je n’en ai aperçu aucun indice dans les pièces récoltées à Sentherm. La première molaire persistante où carnassière a les mêmes tubercules que dans POurs vivant , mais la forme de sa couronne est différente. M. Owen a fait remarquer que, dañs le fossile, cette molaire est plus allongée dans son diamètre antéro-postérieur ; j'ai vérifié l'exactitude de cette assertion : la base de la couronne est franchement triangulaire dans l'Ours brun, parce qu'elle est {1} Excepté peut-être par Rosenmüller ; mais celte observation est fort dou- teuse (voy, Cuvier, Oss, foss., t. VIT, p. 251). CARNASSIÈRS DES CAVERNES DE SENTHEIM. 103 plus élargie en arrière, et que son tubercule interne est propor- tionnellement plus fort. Les chiffres mettront ces caractères en relief : le diamètre antéro-postérieur est de 0",016 dans FOurs brun, de 0",020 dans le fossile; la largeur en arrière est dans l’un et l’autre de 0",014. La largeur de ces dents étant égale, leur longueur est done dans le rapport de 4 à 5. J'ai eu huit de ces dents, dont cinq du côté droit. Les trois plus vieilles, fortement usées, ont les deux racines parallèles et très rapprochées ; les plus jeunes sont au contraire divergentes. Il semble done que les racines tendent à se rapprocher avec le temps. J'ai eu dix pénultièmes et dix dernières molaires ; elles ne dif- fèrent de celles de l’Ours vivant que par les rides plus nombreuses et plus prononcées du milieu de la couronne. Les principales érainences sont en même nombre. $ LVL. Molaires inférieures. Dans tous les Ours vivants, il y a une très petite fausse molaire immédiatement derrière la base de la canine; quelquelois 1} y en a une ou deux autres rapprochées de la première persistante, mais cela n’a rien de constant. La première de ces fausses molaires ne manque jamais dans l'U. priseus, et c’est là un des caractères de l'espèce; Schmerling dit avoir vu quelquelois l’alvéole d'une deuxième devant la première molaire en série. Quant aux grandes espèces fossiles, cette dernière n’a jamais été vue; la première manque aussi à peu près toujours : Cuvier dit cependant l'avoir vue deux fois sur vingt-cinq mâchoires qu'il a examinées; Schmer- ling en a rencontré aussi parfois l’alvéole dans de jeunes mà- choires. Quant à moi, je n’en ai vu aucun indice dans les mâchoires de Sentheim. L'absence presque constante de cette petite dent est done un caractère des grandes espèces fossiles, mais ce caractère n'est pas absolu, puisqu'on en voit parfois des vestiges . s LVIL. La première molaire persistante, seule fausse molaire bien dé- veloppée qui existe chez les Ours, est très importante, parce 10ù J. DELBOS. qu'elle porte des caractères spécifiques. Dans l'Ours des Pyrénées. celte dent est presque régulièrement ovale; son éminence conique s'élève à peu près au milieu, et il y a en arrière et sur le côté in- terne un petit tubercule arrondi. Dans l'Ours fossile, sa forme est plus quadrilatère, parce qu’elle est plus carrément coupée en arrière ; l’éminence principale est placée beaucoup plus en avant, sa pointe correspondant au tiers ou au quart antérieur, et il V à sur la face interne, au pied de cette éminence, deux tubercules, lun en avant, l'autre en arrière, formant avec elle un triangle ; une crête, qui part du sommet du cône principal, se prolonge en arrière jusqu'au bord postérieur. Ces caractères avaient été re - marqués déjà par Schmerling (p. 118), qui les emplovait pour distinguer l'U. priseus des autres espèces. M. Owen en 1854, et plus tard Laurillard (4), s'en sont servis depuis, et ont signalé ce tubercule antérieur additionnel comme caractéristique de PU. spe - lœus. Je dois dire cependant que ces deux tubercules se rappro- chent quelquefois beaucoup comme s'ils tendaient à se confondre, et que le tubereule postérieur est aussi parfois très faible ; mais le tubercule antérieur qui manque dans l'Ours des Pyrénées est con- stamment bien marqué. Sur neuf de ces molaires que j'ai vues, six ont leurs tubereules très saillants et très séparés; dans les trois autres, le postérieur est plus pelit, et s’efface presque com- plétement dans l’une d'elles. Ainsi, dans les grands Ours fossiles, la première molaire d’en bas est moins simple que dans les Ours brans; la position plus antérieure du cône principal et existence d’un tabercule de plus en avant sur le bord interne, sont de bons caractères qui peuvent servir à la faire reconnaitre et dont Pimportance spécifique est réelle. M. Marcel de Serres (loc. cit., p. 154) prétend que dans son U. Pitorru cette dent est longue et étroite, et qu’elle possède deux racines bien séparées et logées dans des alvéoles distinets, tandis que dans l’U. spelœus la couronne est presque ronde et les deux racines très rapprochées et logées dans un même alvéole. Ce der- nier caractère, contesté déjà par Schmerling (p.121), me paraît entiè- (4) Dict, univ. d'hist. nat., 1849, CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM, 105 rement variable et purement individuel. En général, il y a unalvéole pour chaque racine ; c’est du moins ce que montrent dix échantil- lons sur douze que j'ai sous les yeux. Plus rarement, les deux ra- eines deviennent parallèles et se confondent plas ou moins com- plétement ; elles sontcontenues alors dans un même alvéole, Quant à la forme dela couronne, elle varie bien un peu, mais sans que je puisse saisir dans ces variations rien de constant ni aucune liaison avec la forme de la racine non plus qu'avec celie de la mâchoire. $ LVIIT. L'antépénultième ou carnassière, quoique beaucoup plus com- pliquée, offre une grande constance de forme ; tout au plus voit-on quelques-uns des petits tubercules internes se bilober légère- ment. Les neuf échantillons que j'ai réunis sont absolament iden - tique, sauf la longueur un peu plus grande dans quelques-uns. fs n'offrent aucune différence avec la dent analogue de lOurs des Pyrénées ; il sont seulement un peu plus rétréeis en avant. Je ne vois ni dans lOurs vivant ni dans le fossile, aueun indice de ce lobe antérieur supplémentaire que M. Marcel de Serres à décrit dans PU. Püorrii $ LIX. La pénultième varie un peu plus, mais non dans le nombre et la disposition des principaux tubereules qui sont les mêmes dans les douze échantillons que j'ai vus ainsi que dans l'Ours brun. Quel- ques dents ont seulement de petits tnbereules, des rides, un peu -plus nombreux vers le milieu de la couronne, et sous ce rapport les fossiles offrent une complication un peu plus grande que les espèces vivantes, mais ces différences légères sont entièrement accidentelles, et d’ailleurs elles ne sauraient être susceptibles d’une description. $ LX. La dernière molaire est la plus variable de toutes. Les rides compliquées dont sa couronne est couverte échappent à la deseri - ption, mais elles sont plus nombreuses encore dans l'espèce fossile que dans l'Ours brun. Les dimensions sont moins constantes que 106 J. DELEOS. dans les autres molaires, ce qui dépend de ee qu'à l'époque de son développement elle a été gênée par la position qu’elle occupe. Le contour de sa couronue offre aussi assez fréquemment des diffé- rences sensibles, mais tout à fait accidentelles: tantôt un peu plus longue, tantôt plus large, sa forme est ordinairement ovale, un peu arquée, tournant sa convexité en dedans; c’est le cas qui se pré- sente dans cinq échantillons sur huit que j'ai examinés ; dans deux autres, l'angle postérieur interne est «mme tronqué ou échaneré ; enfin, dans un dernier, il existe vers le milieu du bord externe un sillon qui semble diviser celte partie en deux lobes égaux. 1 n’y à d’ailleurs aucune liaison entre ces différences peu importantes et la forme des autres dents, non plus qu'avec l’ensemble de la mâchoire à laquelle elles appartiennent. La forme de la racine, simple avec des sillons qui semblent indiquer un commencement de division, est suffisamment connue. $ LXI. Voici le tableau des dimensions des molaires : OURS FOSSILE. OURS VIVANT. DÉSIGNATION. À me Mächoire | Mâchoire À Mâchoire | Mâchoire sup. inf. sup. inf, Longueur antéro-postérieure de la pre- mière molaire. Longueur antéro-postérieure de l'anté-” 0,018 pénultième ed 4 Longueur antéro- postérieure de la pénultième . nière. l'outes ces mesures se rapprochent de très près de celles données par Cuvier et annoncent une supériorité constante du fossile sur CARNASSIERS DES CAVERNES DE SENTHEIM, 107 le vivant. Les tables de Schmerling indiquent dés écarts un pen plus grands, surtout dans le sens des moindres dimensions, ee qui tendrait à prouver qu'il y à eu dans les cavernes de Liége des Ours dont la taille n'était pas supérieure à celle de Ours brun actuel, $ LXIL. Dans le tableau que j'ai donné, les plus grandes différences dans le fossile ne vont pas à 1/6 pour une même sorte de dents ; elles restent donc au-dessous de celles que j'ai signalées entre les mâchoires, et viennent encore militer en faveur de l'unité de l'es- pèce. Les plus petites molaires sont en moyenne plus grosses de 1/6 que celles de l’Ours des Pyrénées, les plus grandes de 1/3 ; la dernière d’en bas, la plus variable de toutes, est de 4/4'plus forte dans les plus petites et de 4/2 dans les plus grandes. Cuvier dit (4) : « Il n'y a parmi les crânes fossiles que les plus grands et les plus vieux qui aient leurs mâchoires usées. » La der- nière de ces propositions est vraie, maisla première ne saurait être applicable au crâne de Sentheim. J'ai trouvé en effet des molaires supérieures extrêmement usées qui étaient plus petites de 1/5 que d'autres qui n’offrent pas la moindre trace de détrition. $ LXIL. Voici la conclusion que je déduirai de ce chapitre : 4° Il existe dans quelques dents des caractères propres aux grands Ours fossiles, et qui peuvent servir à les distinguer des espèces vivantes ; ces caractères se trouvent dans les incisives ex- ternes et surtout dans les premières molaires pérsistantes de chaque mâchoire. Les molaires, en général, Sont en outre un peu plus compliquées que dans l'Ours brun. Enfin l'absence, sinon absolue, du moins à peu près constante, des petites fausses mo- laires, caractérise la grande espèce des cavernes, ces dents ne faisant jamais défaut ni chez l'U. priscus ni dans aucune des espèces actuelles. 2 11 y a beaucoup moins de différences entre les dents des Ours fossiles qu'entre leurs crânes ou leurs mâchoires inférieures. Sous 105 J. DELBOS. le rapport du volame, par exemple, les plus grandes inégalités ne vont pas à 1/6, tandis que dans les mâchoires elles atteignent 1/5. D’après les dents seules, on est done conduit à conclure à l'unité du type. 3° Les plus petites de ces dents sont supérieures en dimensions à celles des grands Ours vivants; elles étaient cependant dans le fossile plus petites, relativement à l’ensemble de I tête ou des mâchoires. Les plus grosses ont appartenu à une race plus grande, mais il ya des transitions de volume entre elles et les plus petites. h° Par toutes ces raisons l'Ours fossile, s’il ne constitue qu'une seule espèce, doit être séparé de toutes les espèces vivantes. Errata à la première partie (Ostéologie de l’Ours des Pyrénées). Page 158, ligne 2, au-dessous, lisez au-dessus. — 167, ligne 8 en remontant, effacez el sans facetles postérieures. — 184, ligne 12 et 30, et page 185, ligne 8, extrémilé tibiale, lisez extrémité cubilale. — 186, ligne 15, externe, lisez interne. — 187, dernière ligne, en dehors, lisez en dedans — 4192, ligne 40, l’interne, lisez l’exlerne. — 192, ligne 14, l’exlerne, lisez l'interne. — 192, ligne 415, 'en dedans, lisez en dehors. — 192, ligne 16, l'externe, lisez l'interne. — 192, ligne 17, effacez et l'interne avec le calcanéum. — 198, ligne 5, une antérieure, etc., lisez une antérieure ou interne, plus pelile; une postérieure ou externe, un peu concave et plus grande, elc. — 203, ligne 4, branches, lisez bandes. —, 216, ligne 20 (art. Radius), 0,052, lisez 0,025. — 216, ligne 24 = 0,025, lisez 0,052. NOTE SUR LE TRICHINA SPIRALIS, Par M, VIRCHOW. J'ai eu l'honneur, l'automne dernier, de faire part à l’Académie des premiers résultats de mes recherches relatives au développe- ment des Trichines introduits dans l’économie par les voies di- veslives. Depuis lors, l’Académie a reçu communication des recherches du professeur Leuckart; celles-ci semblaient, contrairement aux miennes, démontrer que le Tricocéphale était un degré du déve- loppement régulier du Trichine. Des observations ultérieures ont montré que le Trichine repré- sente un genre particulier d'Entozoaire, et M. Leuckart lui-même a reconnu l'exactitude de mes premières observations. C’est sur les Lapins que j'ai pu suivre le développement du Tri- chine. Lorsque l’on fait manger à un Lapin de la viande contenant des Trichines, on voit, trois ou quatre semaines après, l'animal maigrir; ses forces diminuent sensiblement, et il meurt vers la cinquième ou sixième semaine qui suit l’ingestion de la viande renfermant les Entozoaires. Si l’on examine les muscles rouges de lanimal ainsi mort, on les trouve remplis de millions de Tri- chines, et il n’est pas douteux que la mort n’ait été produite par une atrophie musculaire progressive, consécutive aux migrations des Trichines dans l’économie. Dans un des cas, j'ai vu moi-même mourir l'animal ; il était si faible, qu'il ne pouvait se tenir sur ses pattes; couché sur le côté, il avait, de temps à autre, de légères secousses ; enfir les mouve- ments respiratoires cessèrent, tandis que le cœur battait encore régulièrement : la mort survint après quelques mouvements spas- modiques. Par cette alimentation, j'ai obtenu cinq générations d'Ento- zoaires. J'ai d'abord fait manger à un Lapin des Trichines vivants 410 VIRCHOW. occupant un muscle bumain ; il mourut au boul d’un mois : je fis alors ingérer à un second Lapin des muscles du premier, il mou- rut aussi unimois après. La chair musculaire de celui-ci me servit à en infecter {rois autres en même temps; deux d’entre eux mou- rurent trois semaines après, et le troisième au bout d’un mois. J'en nourris alors deux, dont l’un avec beaucoup et l'autre avec peu de la chair de ces derniers : le premier mourut au bout de huit jours, sans que l’autopsie révêlât d'autre lésion qu'un catarrhe intestinal ; le second succomba six semaines après le début de l'expérience. Chez tous ces animaux, à l’exception de l’avant-dernier , tous les muscles rouges, sauf le cœur, renfermaient une telle quantité de Trichines, que chaque parcelle examinée au microscope en con- tenait plusieurs, quelquefois jusqu’à une douzaine, Il s’agit donc ici d’une affection mortelle. L'observation atten- tive faite sur ces animaux, ainsi que sur d’autres, donna les résul- lats suivants : peu d'heures après l’ingestion des muscles malades, les Trichines dégagés des muscles se trouvent libres dans lesto- mac ; ils passent de là dans le duodénum, et arrivent ensuite plus loin dans l'intestin grêle pour s’y développer. Dès le troisième ou quatrième jour, on trouve des œufs et des cellules spermatiques, tandis que les sexes sont devenus distincts. Bientôtaprès, les œufs sont fécondés, et il se développe, dans le corps des Trichines fe- melles, de jeunes Entozoaires vivants. Ceux-ci sont expulsés par l'orifice vaginal situé sur la moitié antérieure du Ver, et je les ai retrouvés, sous forme de petits Filaires, dans les glandes mésen- tériques, et surtout en nombre considérable dans les cavités sé- reuses, particulièrement dans le péritoine et le péricarde; ils avaient, selon toute apparence, traversé les parois intestinales, suivant probablement la même voie que celle que parcourent les Psorospermies, d'après les recherches de l’un de mes élèves, le docteur Klebs, c’est-à-dire qu'ils pénètrent dans les cellules épi- théliales de l'intestin. Du reste, je n’ai pu en découvrir ni dans le sang, ni dans les voies circulatoires. En continuant leurs migrations, ils pénètrent jusque dans lin- lérieur des faisceaux musculaires primitifs, où on les trouve déjà, PAL — ss à: = on un Ré NOTE SUR LE TRICHINA SPIRALIS. 111 trois semaines apres l'alimentation, en nombre considérable et à un degré de développement tel, que les jeunes Entozoaires ont presque atteint les proportions de ceux qui étaient renfermés dans la chair ingérée par l'animal. Pour être certain qu'avant l'expérience l’animal n'avait pas de Trichines dans ses muscles, j'ai examiné plusieurs fois, avant de le nourrir, un morceau de musele excisé sur Je dos, et n’en ai pas trouvé de trace là où plus tard ils devaient se rencontrer en si grand nombre. Les Trichines progressent dans l’intérieur des faisceaux museu- latres primitifs où on les voit souvent, plusieurs à la file l’un de l’autre. Derrière eux, la substance musculaire s’atrophie ; autour d'eux, ils provoquent une irritation , et dès la cinquième semaine commence leur enkystement ; le sarcoleum s'épaissit, etle contenu des fibres musculaires présente les signes d’une végétation eellu- laire plus active ; le kyste est donc le produit d’une sorte d’irrita- tion traumatique. Chez le Chien, on suit très bien le développement des Trichines dans l'intestin ; mais ils ne passent pas dans les muscles, soit que l'intestin, soit que les sucs digestifs du Chien soient nuisibles aux migrations où à l’évolution ultérieure de ces êtres. Je dois à l'obligeance de M. le professeur Zeneker (de Dresde) les muscles de la femme avec lesquels j'ai commencé cette série de recherches. Dans ce cas, la inort survint dans des eirconstances entièrement semblables à celles que j'ai observées sur mes Lapins ; l’autopsie ne découvrit d'autre lésion que d'innombrables Tri - chines dans les muscles, et ni ici, ni dans les muscles des Lapins, ils n'étaient visibles à l'œil nu. De ces faits, il ressort done qu'il est des cas mortels d'infection par les Trichines qui ne peuvent être reconnus qu'avec le micro- scope, et que jusqu’à présent on n'avait pas observé d’autres cas que ceux où les Trichines étaient non-seulement enkystés, mais où ce kyste était déjà pour le plus grand nombre arrivé à un de- gré très avancé de crétification ; car ces kystes seuls sont visibles à l'œil nu. Or, comme les kystes ne se forment que de la quatrième à la 112 VIRCHOW. sixième semaine, et la crétification probablement après des mois, on peut en conclure que jusqu'ici on n'a reconnu ces cas chez l'homme qu'après qu'était survenue une sorte de guérison , alors que les symptômes se rapportant à l'évolution récente des Tri- chines, étaient oubliés depuis longtemps. En recueillant exacte- ment les antécédents chez les malades qui ont éprouvé les sym- plômes précités, où verra probablement bientôt augmenter le nombre des cas de maladie à Trichines. Outre le mérite d’avoir constaté chez l'Homme les Trichines que j'ai découverts dans l'intestin du Chien , expériences que j'ai communiquées à l’Académie, le professeur Zencker à pu retrouver le reste des Trichines qui avaient infecté sa malade, et jeter ainsi un grand jour sur l'étiologie de cette affection. Comme la malade avait été transportée de la campagne à l'hôpital de Dresde, le pro- fesseur Zencker prit des renseignements, et trouva que, quatre semaines auparavant, on avait dans cette même habitation abattu un Pore renfermant des Trichines ; que le jambon et les saucisses faits avec la chair de cet animal en contenaient un grand nombre ; qu’enfin le boucher qui avait écorché le Porc et mangé des Tri- chines frais, comme plusieurs autres personnes, avait, comme elles, présenté des symptômes rhumatismaux et typhoïdes plus ou moins graves; mais la malade transportée à Dresde succomba seule à l’ingestion de la viande de ce Porc. Dès à présent, cet état présente un grand intérêt hygiénique. L'ingestion de viande de Porc fraiche ou mal apprêtée, renfer- mant des Trichines, expose aux plus grands dangers, et peut agir comme cause prochaine de la mort. Les Trichines conservent leurs propriétés vitales dans la viande décomposée ; ils résistent à une immersion dans l’eau pendant des semaines ; enkystés, on peut, sans nuire à leur vitalité, les plon- ger dans une solution assez étendue d'acide chromique, au moins pendant dix jours. Au contraire, ils périssent, et perdent toute influence nuisible dans le jambon bien fumé etconservé assez longtemps avant d’être consomme. ETUDES CHIMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES SUR LES OS, Par M. Alphonse MILNE EDWARDS, Docteur en médecine, licencié ès sciences naturelles, etc., etc, + En choisissant pour sujet de mes recherches l'histoire de la composition chimique des os, je n'ai pas voulu ajouter simplement des analyses nouvelles à celles si nombreuses que nous avons déjà. Je me suis proposé un autre but plus physiologique, et c'est particulièrement dans l'espoir de jeter quelques lumières sur l’histoire du mode de nutrition des os que j'ai entrepris ces études. Souvent j'ai eu recours aux travaux publiés sur ce sujet; mais, en général, j'ai préféré faire de nouveau les analyses nécessaires à la constalation des faits que j'avais à établir, pensant qu'il serait utile non-seulement de contrôler les expériences de plusieurs de mes devanciers, mais aussi d'agir autant que possible d’une manière comparative, et qu'en puisant à des sources diverses, je pourrais souvent rencontrer des résultats qui, obtenus dans des circonstances dissemblables, ne feraient que jeter des doutes sur les questions que je me proposais d'examiner, si je les employais sans pouvoir en discuter la valeur. J'ai cherché principalement à trouver la clef des variations quel- quelois considérables que l’on rencontre dans les os d'individus différents d’une même espèce. Il restait en outre quelques points sur lesquels les auteurs n'étaient pas d'accord, tels que l'influence de l’âge, etc., sur la composition des os, et j'ai pensé que quel- ques analyses nouvelles pourraient contribuer à lever les doutes sur ces faits contestés. 4° série. Zooc. T. XILL. (Cahier n° 2. ) 8 Ain ALPHONSE MILNE EDWARDS, CONSIDÉRATIONS PRÉLIMINAIRES SUR LA CONSTITUTION CHIMIQUE DES OS. $ L. Les premiers anatomistes qui ont étudié la charpente solide de l'organisme n’ont été préoccupés que de sa conformation exté- rieure et intérieure. Les formes diverses des os, leurs apophyses, leurs jointures, leurs impressions musculaires, ont été l’objet d’études sérieuses ; Colombus, André Vésale, Riolan , Monro, Albinus, Bertin, avaient poussé très loin les connaissances sur l'anatomie descriptive de cette partie de l'organisme. L'ostéogénie avait aussi été abordée avec succès par Duhamel, Haller, Troja. Mais à cette époque, où la chimie existait à peine comme science, personne ne s’élait encore préoccupé de la composition des os. De tout temps, on avait brülé de ces corps; on savait qu'après une incinération convenable, ils laissent une substance blanche, po- reuse, tombant facilement en poussière, et conservant les formes extérieures de l’os. Quant à la nature de cette substance, on n'avait que des notions très vagues. Beccher, qui l’étudia avec plus de soin, remarqua qu'elle absorbait l'eau avec une grande facilité, et que si on l’exposait à une chaleur très intense, elle subissait une sorte de fusion, et ressemblait alors à de la porcelaine, qu'elle avait un grain serré et fin, une densité très élevée, et une demi- transparence. On considéra d’abord la substance inorganique des os comme une terre particulière que l’on appela terre animale ou terre des os. Puis, on erut que c'était de la chaux ; mais les réactions de ces deux corps étaient trop différentes pour que l'erreur püt longtemps subsister. On savait aussi que lorsqu’au lieu de chauffer fortement les os, on les soumet seulement à une chaleur modérée, on voit d’abord se dégager de la vapeur d’eau, puis une matière grasse qui vient se décomposer et brüler à la surface ; enfin que l'os se charbonne : et devient d'un noir intense. Si, au lieu de pratiquer celle opéra- tion à l'air libre, on Ja faisait dans une cornue, de façon à recueillir ÉTUDES SUR’ LES OS. 115 tous les produits de décomposition, on oblenait dans le récipient de l’eau, une huile brunâtre et d’une odeur fétide, des gaz et des produits ammoniicaux, tandis que dans la cornue restait un char- boh avañt les mêmes formes extérieures que les os employés. Mais la connaissance de ces produits de distillation ne pouvait pas beau- coup éclairer l’histoire de la constitution chimique des os; elle montrait seulement qu'il y existait une substance animale, et que c'était de cette derrière que provenait la matière charbonneuse. D'un autre côté, on savait également que, quand on fait bouillir les os dans l’eau, ils cédaient à ce liquide de la gélatine dont on fabriquait de la colle forte. On avait vu que si l'eau peut enlever la vélatine des os, les acides, au contraire, enlèvent la matière ter- reuse et laissent la gélatine. En 1758, Hérissant, dans un travail inséré dans le recueil de PAcadémie des sciences, examina avec plus de soin qu'on ne l'avait fait avant lui l’action de l’eau-forte, c’est-à-dire de l'acide azotique sur les os, comme moyen d'isoler la matière animale de la matière terreuse (2); et bientôt après Haller reconnut que les acides les plus faibles jouissaient de la propriété de ramollir les os. L'acide acétique, l'acide citrique, qu'il n'employait même qu'à l'état de jus de citron, produisent ce résultat, et ce physiologiste célèbre expliquait, par un mécanisme analogue, le ramollissement des os que l’on observe dans certaines maladies (2). Vers la même époque, un chimiste suédois, Henri Gahn, re- connut que la plus grande partie de la matière terreuse des os est constituée par du phosphate de chaux (3); mais cette découverte passa inaperçue ; Gahn ne la publia pas, il en fit seulement part à Sheele, qui, dans son travail sur le spath fluor, imprimé en4771 (h), afinonça que, d'après des recherches récentes, la partie terreuse (1j Hérissant, Éclaircissement sur l'ossificalion (Histoire de l'Académie royale des sciences, année 1758, p. 322) (2) Haller, Elementa physiologiæ corporis humani, 1. VITI, p. 328 ; 1778. (3) Voy. Macquer, Dict. de chimie, t. IL, p. 68; édit. de 1778. (4) Scheele, Untersuchung des Flussspats und dessen Süure. Abhandlungen der Küniglich Schwedischen Acad, der W'isseoschaflen, 1. XXXII, p. 129: 4774). 116 ALPHONSE MILNE EDWARDS. des os et de la corne est formée par un sel composé d'acide phos- phorique et de chaux. Aussi pendant longtemps attribua-t-on à Sheele la connaissance de ce fait important ; mais Scheele a trop de titres à la gloire pour avoir besoin d’ajonter aux siens ce qui doit revenir si justement à Gabn. Poulletier de la Salle et Macquer reconnurent bientôt l’exacti- tude de l’assertion de Schcele, par une série de recherches qu'ils Brent à Paris sur les différentes méthodes d'extraction du phos- phore des os {4}. En 1777, Rouelle jeune (2) étudia avec le plus grand soin les différentes réactions, à l’aide desquelles on peut sé- parer des os le phosphate acide de chaux, que l'on supposait à cette époque être seulement de l'acide phosphorique. Il démontra aussi d'une manière péremptoire que la base à laquelle est combiné l'acide phosphorique est bien de la chaux. Enfin Nicolas, chimiste distingué de Nancy, modifia les procédés à l’aide desquels Scheele, Poulletier de la Salle et Rouelle, isolaient le phosphate acide de chaux, et les moyens indiqués par cet auteur différent peu de ceux que l’on emploie de nos jours pour l'extraction du phos- phore (3). Ces premières notions sur la constitution chimique des os étant obtenues, on ebercha à connaitre les rapports suivant lesquels l'acide phosphorique se trouve uni aux autres éléments du tissu osseux. Ainsi Berniard étudia comparativement les quantités d'acide phosphorique contenues dans différents os. Ilexamina des os fossiles, des os de Baleine, d'Éléphant, de Marsouin, de Bœuf, d'Honime, ainsi que les cornes, les dents, l’ivoire. Le marquis de Bullon trouva l'acide phosphorique dans les arêtes des Poissons, d’où Rouelle n'avait pu en extraire. Enfin le premier pas était fait, et de nombreux observateurs, qu'ilserait inutile de citer ici, vinrent apporter leur part d'observations à l’histoire du tissu osseux. Jusqu'à celte époque, on croyait done que les os se composaien (1) Macquer, Dict. de chimie, t. III, p. 69 : 1778. (2) Observation chimique sur l'acide phosphorique retiré des os des animaux (Journal de médecine, chirurgie, pharmacie, etc., t. XLVIL, p. 299; 1777). (3) Voy. Fourcroy, Système des connaissances chimiques, t. IX, p. 283. ÉTUDES SUR LES 08. 117 seulement d'une matière animale et de phosphate de chaux associé à quelques traces de sulfate de chaux. Charles Hatchett (4), dans un mémoire publié en 1799 par la Société royale de Londres, étudia d’une manière approfondie, et avec un esprit d'investigation remarquable, les différents éléments des os. Il y reconnut une troisième substance : le carbonate de chaux. Après avoir précipité dans une dissolution d'os le phos- phate de chaux par Pammoniaque, il observa que, par l'addition du carbonate d’ammoniaque, il pouvait toujours obtenir un second précipité, qui, en perdant son acide carbonique sous l'influence des acides même faibles, faisait une vive effervescence, et qui, par l'addition d'acide sulfurique, se transformait en sulfate de chaux. C'était donc bien du carbonate de chaux. Hatchett examina aussi différents os de Mammifères et de Pois- sons, et toujours il y trouva du carbonate de chaux. Foureroy et Vauquelin constatérent dans les os la présence du phosphate de magnésie (2), et ce qui prouve la précision de leurs recherches, c’est qu'ils purent doser la quantité de ce sel d’une manière exacte, quoique la série de manipulations à l’aide des- quelles ils arrivaient à l’isoler fût longue et délicate. Après avoir dissous des os dans de l'acide. sulfurique, ils versaient dans la so- lution étendue et filtrée un excès d’ammoniaque, qui précipitait le phosphate de chaux et la magnésie à l’état de phosphate ammo- niaco-magnésien ; en faisant bouillir ce mélange salin avec de la potasse, ils mettaient en liberté la magnésie, qu'ils dissolvaient dans de l'acide acélique, tandis que le phosphate de chaux restait sur le filtre. L'acétate de magnésie était décomposé par le carbo- nate de soude, et ils obtenaient ainsi du carbonate de magnésie entièrement soluble dans l'acide sulfurique. Ces chimistes recon- nurent que la quantité de cette base est très faible dans les os, (1) Experimeuts and Observations on Shell and Bone, 1799 (Phitosophical Transactions of the Royal Society of London, t. LXXXIX, p. 315). (2) Sur la présence d'un nouveau sel phosphorique lerreux dans les os des animaux, el sur l'analyse de ces organes en particulier (Ann. de chimie, t. XL VII, p. 244; an x1 (1803). 118 ALPHONSE MILNE EDWARDS. qu'elle varie de 4,5 à 2 pour 100, tandis qu'il y a 60 pour 100 de phosphate de chaux. Ils en trouvèrent chez les différents animaux qu'ils examinérent ; mais ils ne purent en découvrir aucune trace dans les os humains , circonstance qui les conduisit à penser qne ceux-ci en élaient dépourvus, et ils cherchérent à expliquer cette particularité par la nature de la sécrétion urinaire chez l'Homme, comparée à celle des autres animaux. Ce n’est qu'après eux que Berzelius reconnut et établit d’une manière incontestable que le phosphate de magnésie existe en très petite quantité chez l'Homme aussi bien que chez tous les animaux (1). Aussi est-on étonné de voir, quelques années après la publication du travail de Berzelius, l'existence de la magnésie révoquée de nouveau en doute dans les os de l'Homme (2). Mais celte erreur ne put subsister devant les expériences nombreuses de tous les chimistes qui s’occupèrent de ce sujet, et maintenant il est bien constaté que tous les os con- tiennent une proportion faible, il est vrai, mais à peu près con- stante de magnésie. Foureroy crovait que les os contenaient du phosphate de fer, parce que, quand on précipite par lammoniaque une dissolution d'os dans l'acide chlorhydrique, le précipité, soumis à l’action d'une haute température, se charbonne d’abord, puis prend une teinte bleue ; mais cette coloration paraît due seulement au mé- lange d'une pelite quantité de matières organiques , car elle dis- parait si on élève la température. D'ailleurs la quantité de fer qui peut se rencontrer dans les os est tellement faible, que c’est à peine si l’on en démontre l'existence à l’aide des moyens perfec- tionnés d'analyse que la chimie possède aujourd'hui. En 1803, Moricchini, en examinant une dent d'Éléphant fos- sile, y reconnut la présence du fluorure de calcium (3). Kla- (1) Djurkemien : Stockholm, 1808. — Traité de chimie, trad. par Valérius, t. IT, p. 720 , Bruxelles, 1849. (2) Hildebrant, Expér. sur les os de l'homme (Ann, de chimie, t. LXXX VITI, p. 199; 1813). (3) Analisi chimica del dente fossile (Memorie di matemutica e di fisica della Sociela italiana delle scienze, t. X, p. 166; 1803). ÉTUDES SUR LES 08. 119 proth (4), puis Fourcroy et Vauquelin (2) répétèrent ces expé- riences et arrivèrent au même résultat. Seulement Klaproth voulut voir dans le fluorure de caleium un produit de la transformation du phosphate de chaux. Mais celte erreur ne subsista pas ; elle fut aussitôt combattue et rectifiée dans un mémoire de Chenevix (3). — Moricchini et Gay-Lussac (4) cherchèrent à démontrer que le fluorure de calcium existe aussi bien dans l’ivoire récent que dans l'ivoire fossile et dans l'émail des dents. Au contraire, Wollaston, Brande (5), Foureroy et Vauquelin, n’admetlaient pas ce fait. — Berzelius (6), qui reprit l’étude de cette question, démontra que non-seulement dans les dents, mais aussi dans les os comme dans l'urine, il existe toujours du fluorure spathique en proportions appréciables. — Cependant ce fait fut de nouveau mis en doute il y a une vingtaine d'années par Rees (7), ainsi que par MM. Girardin et Preisser (8), qui nièrent l'existence du fluorure de calcium dans les os. Enfin M. Fremy (9), employant des méthodes plus exactes, parvint à démontrer avec la plus grande évidence que l'acide fluorhydrique se rencontre toujours dans le tissu osseux. Ce chi- miste éminent eut recours, pour arriver à ce but, au seul carac- tère de l'acide fluorhydrique, qui ne permet pas de doutes, c’est- (1) Untersuchung eines fossilen Elephantenzahns auf Flussspathsüure (Gehlen's Journal, t. LT, p. 625 ; 1804). (2) Expériences failes sur l'ivoire frais, sur l'ivoire fossile, et sur l'émail des dents pour rechercher si ces substances contiennent de l'acide fluorique ( Ann. de chimie, t. LVII, p. 37 ; 1806). (3) Ann. de chimie, t. LIV, p. 207; 1805. (4) Lettreà M. Berthollet, sur la présence de l’acide fluorique dans les substan- ces animales (Ann. de chimie, t. LV, p. 258 ; 1805), (5) Experiments showing contrary to the Assertions of Moricchini that the Enamel of Teelh does not contain fluoric Acid (Journal of Natural Philosophy Chemistry and the Arts, by W. Nicholson, t. XII, p. 244 ; 4806). (6) Extr. d'une lettre à M. Vauquelin (Ann. de chimie, t. LXI. p. 256 ; 1807). (7) On the supposed Existence of fluorice Acid in animal Matter (Philosophical Magazine, t. XV, p. 558 ; 1839). (8) Mém.sur les os anciens et fossiles, etc. ( Comples rendus des séances de l'Académie des sciences, t. XV, p. 721 ; 1842). (9) Recherches chimiques sur les os (Ann. de chimie et de phys., &. XLTEIT, p. 47 ; 1855). 120 ALPHONSE MILNE EDWARDS. à-dire de son action sur la silice. De la poudre d'os, de la cendre d'os, les sels calcaires, retirés des os an moyen d’une dissolution étendue de potasse, ont été soumis par lui à l’action de l’acide sul- furique en présence de la silice. Dans toutes ces expériences, M. Fremy à obteuu un dégagement de fluorure de silicium, qui, au contact de l'eau, s’est décomposé en donnant des quantités notables de silice. Mais si le fluorure de calcium existe dans les os d’une manière constante, il s'y trouve en quantité si mi- nime que l'on peut en faire abstraction dans les analyses qui ont pour but d'éclairer simplement l’histoire physiologique de ces or- ganes. Les principaux éléments constitutifs du tissu osseux se trou- vaient alors {ous connus. Depuis on a fait beaucoup d'analyses d'os différents, on a examiné leur constitation intime sous plu- sieurs points de vue, el cependant on n'a modifié que très peu les idées qui régnaient à l'époque où Berzelius publiait son traité de chimie animale. On à étudié plas à fond quelques points encore mal connus de l’histoire du tissu osseux, comme nous venons de le voir pour le fluorure de calcium. On y a découvert un nouveau sel, le phosphate ammoniaco-magnésien, dont on doit la connais- sance à M. Fremvy. Mais la quantité que l’on en trouve dans les os est extrêmement faible : c'est à peine si, avec les moyens d'ana- lyse les plus exacts. on peut y découvrir plus d’un millième d'ammoniague. SIL La matière animale des os a été aussi l’objet d’études impor- tantes sous le point de vue chimique. Cette matère, qui, unie aux sels terreux, constitue le tissu osseux, est connue depuis longtemps. Papin, en 1750, proposa d'extraire des os la gélatine, au moyen de la coction dans des vases clos et sous une haute pres- SION. En 1758, Hérissant, ainsi que je l'ai déjà dit, soumit des os à l’action des acides, et obtint de la gélitine. À partir de ce moment, ÉTUDES SUR LES OS. 191 ce corps est entré dans le domaine de la chimie : on le trouve mentionné dans tous les traités, même élémentaires. Quand, par l’action des acides dilués, on a enlevé les sels cal- caires d’un os, on obtient une matière jaunâtre, transparente, un peu élastique, insoluble dans l’eau, et qui, par une ébullition pro- longée avec ce liquide , se transforme en gélatine ; mais cette substance, par ses propriétés, est complétement différente de ce dernier corps, qui n’est qu’un produit de sa transformation. Pour désigner cette trame organique des os, on était obligé d'employer différentes cireonlocutions , puisque, depuis longtemps, on avait reconnu que le nom de gélatine ne pouvait plus s’y appliquer ; on l’appelait gélatine des os, matière cartilagineuse des os, matière collagène. Aussi MM. Robin et Verdeil (4) ont-ils eru devoir pro- poser pour ce corps un nom parliculier, qui a été aussitôt adopté : ils ont appelé osséine ou ostéine la matière cartilagineuse des os. Si l’osséine diffère de la gélatine au point de vue physique el chimique, elle s’en distingue aussi sous le rapport physiologique. Magendie remarqua en effet que, comme substance alimentaire, ces deux corps ne jouaient pas le même rôle : il vit que, lorsque l’on nourrit des Chiens avec des os bouillis, ces animaux suc- combent rapidement avec tous les symptômes de linanition, tandis que si on leur donne des os non bouillis, ils continuent à vivre et à se bien porter (2). On était naturellement conduit à penser que si l’osséme, en se transformant en gélatine sous l'influence de l’ébullition, éprouve des modifications si profondes dans loutes ses propriétés, c'est que, par cette opération, elle fixe quelque élément nouveau, ou qu'elle perd quelques-uns de ses principes. Pour éclairer ce point, Bibra (3), le premier, soumit à un examen approfondi le cartilage (1) Traité de chimie anat. elphys., etc., t. III, p. 368; 1853. (2) Expériences sur les os, dans le rapport fait à l'Acalémie des sciences, au nom de la Commission dite de la gélatine (Comptes rendus des séances de lAcadé- mie des sciences, t. XIII, p. 267 ; 1841). (3) F.-E. von Bibra, Chemische Untersuchungen über die Knochen und Zähne der Menschen und der Wirbelthiere. In-8 ; Schweinfurt, 1848. 122 ALPHONSE MILNE EDWARDS. des os. Du reste, Gay-Lussac et Thenard, Mulder (1), Scherer (2), avaient déjà analysé avee le plus grand soin la gélatine et quel- ques autres malières susceptibles de se transformer en gélatine sous l'influence de l’ébullition, les tendons par exemple. Plus re- cemment, M. Fremy reprit ces expériences , et les nombreuses analyses faites par ces différents observateurs donnent pour l’osséine et la gélatine une composition élémentaire identique , comme on peut s’en assurer en consultant les résultats que je réunis ici. Gélatine retirée des os. D'après Mulder. D'après M. Fremy. Garbone. 7.4 . b0,048 50,0 Hydrogène. : : ... 6,477 6,5 l. 775 USE DS SE 18,350 17,5 Oxygène. . , . . . . 25,125 26,0 100,000 100,0 Osséine d'un os de bœuf. D'après M. Fremy. D'après Bibra. Carbone. . : . . . . 49,91 50,130 Hydrogène. . . . . . 7,79 7,073 Agoidaniu ail. (fées 17,86 18,449 Oxygène . . . . . . 25,14 24,348 100,00 100,000 L'ensemble de ces résultats démontre clairement que, s’il y a des différences de propriétés entre la gélatine et Posséine, il n’y en à pas quant à leur composition élémentaire. On peut les con- sidérer comme deux substances isomériques. Pemprunte ici à M. Fremy quelques mots qui peignent parfaite- ment les analogies de l’osséine et de la gélatine : « S'il était permis de comparer des corps provenant de l'organisation animale à ceux (1) Bulletin des sciences physiques et naturelles en Néerlande, t. À, p. 23 ; 1839. — Versuch einer allgemeinen physiologischen Chemie, p. 334. (2) Chemisch-physiologische Untersuchungen (4 nn. der Chemie und Pharmac., t. XL, p. 46-49). y ÉTUDES SUR LES 0S. 125 qui résultent de l’organisation végétale, je dirais que l’osséine correspond à la cellulose des végétaux, tandis que la gélatine peut être comparée à la dextrine. En effet, l’osséine et la cellulose, également insolubles dans l'eau , éprouvent l’une et l’autre des transformations isomériques par l’action de l’ean bouillante, et sous l'influence des acides, en donnant naissance à deux corps solubles, qui sont la gélatine et la dextrine. » Cette idée avait été déjà émise plus de dix ans auparavant par F. Marchand (1) dans son mémoire sur la composition chimique des os : « La transformalion de la matière collagène en gélatine, dit-il, peut être, jusqu'à un certain point, comparée à la transfor- mation que subit l’amidon quand on le soumet à l’action de l'acide sulfurique étendu ; car, dans les deux cas, on n’observe ni déga- gement, ni absorplion de gaz. » Les expériences beaucoup plus anciennes de M. Chevreul (2) ont démontré d’une autre manière l’isomérie de la substance car- tilagineuse et de la gélatine, Ce chimiste fit bouillir dans l’eau un poids donné de matière gélatiniforme, et obtint ainsi le même poids de gélatine; la matière cartilagineuse n'avait donc rien perdu ni rien gagné. En agissant dans un vase clos, les choses se passaient de la même manière que dans un vase ouvert. Cette expérience a été répétée par M. Fremy, et il est arrivé exactement au même résultat : 2 gramme d’osséine très pure et desséchée à 430 degrés a été soumis à l’action de l'eau bouillante jusqu’à transformation complète en gélatine ; la liqueur a été éva- porée à sec, et le résidu a été desséché à 130 degrés ; il pesait exactement À gramme. Cette transformation en gélatine se fait plus ou moins rapidement, suivant la manière dont l’osséine a été préparée, suivant son degré de pureté. Quand elle est très pure, ia transformation se fait lentement ; il en est de même si ce corps a élé extrait des os d’un individu âgé. Si, au contraire, l’osséine est (1) Ueber die chemische Zusammensetsung der Knochen (Journal für prakti- sche Chemie, von Erdmann und Marchand, t. XXVII, p. 85 ; 1842). (2) De l'influence que l'eau exerce sur plusieurs substances azolées solides (Ann. de chimie et de physique, &. XIX, p. 48; 1821 je 124 ALPHONSE MILNE EDWARDS. acide, ou si elle provient d'os jeunes, la transformation en gélatine est beaucoup plus rapide. Il était intéressant d'examiner si l’osséine était toujours iden- tique, c’est-à-dire si, retirée d’os d'animaux différents, tels que Mammifères, Oiseaux, Reptiles et Poissons, celte substance pré- sentait toujours la même constitution chimique. Les analyses de Bibra ont démontré que lorsqu'un os était dans ses conditions normales de nutrition, quel que soit l’animal auquelil appartienne, toujours ses éléments constitutifs se trouvent dans les mêmes pro- portions. Voici les résultats obtenus par ce chimiste : l'émur de bœuf. Pipa. "Tête de carpe. Carbone. . . . . 50,130 50,446 50,321 Hydrogène. .. 7,073 7,083 7,225 AYDIE NE EN Chiot 18,449 18,212 18,423 Oxygène. . . . . 24,348 24,239 24,001 100,000 99,980 99,970 M. Fremy, sur d’autres animaux, est arrivé depuis aux mêmes résultats; il a trouvé : Veau. Hibou. Carpe. Carbone. QU! 49,9 49,05 49,8 Hydrogène . . . . . 7,3 6,77 T4 AZOE UE: 7 : 17.2 Oxygène . 25,6 100,0 L’eau bouillante n’est pas seule à transformer l'osséine en géla- tine, le temps agit de la même manière. Mais, pour effectuer cette transformation d’une manière complète, il ne suffit pas de quelques milliers d'années, il faut des périodes quine se comptent plus par siècles. Ainsi Bibra a constaté que les os retirés des tumulus de l’an- cienne Germanie, et qui par conséquent remontaient à une époque très reculée, ne différaient pas, sous le point de vue qui nous occupe, des os frais. ETUDES SUR LES OS. 125 Chez une momie égyptienne, cette transformation avait com- mencé à s’opérer; effectivement, bouillis dans l’eau, les os don- nèrent de la gélatine plus rapidement que dans les circonstances ordinaires Des ossements trouvés dans une tourbière abandonnérent toute leur gélatine après une ébullition qui ne dépassa pas un quart d'heure, Entin la matière organique des os fossiles de l'Ours des cavernes, extraite par les procédés ordinaires, se gonflait à froid dans l’eau et s’y dissolvait quand on élevait la température. Dans ce cas, la transformation de l’osséine en gélatine était complète. Tous les os examinés sous ce point de vue sont relativement ré- cents. Ceux des tourbières datent vraisemblablement du commen- cement de notre époque; ceux de lÆlephas primigenius, de l'Ursus spelœus, ete., sont tous contemporains du diluvium, époque qui est aussi relalivement récente, puisque l’on Y trouve les pre- mières traces de l’industrie humaine. I serait intéressant de sou- mettre à cette étude les os beaucoup plus anciens des Mammifères tertiaires, où la quantité de matière organique est souvent consi- dérable, et même ceux des grands Reptiles jurassiques, dont l’âge ne peut plus s'évaluer même par des périodes de siècles. Il est aussi à noter que la gélatine, ainsi produite par l'action lente du temps, ne diffère pas, quant à la composition élémentaire, de celle que l’on obtient en faisant agir de l’eau bouillante sur des os frais. C’est à Bibra que l'on doit la constatation de ce fait. Voici les résul- tats de son analyse : non RS: CE AO CRT CRE 50,404 Hydrogène fee fe RME HÈTR E 7,110 AOC. CN RES PATES CE RO à 18,154 CÉSAR le QE de AMAR Là 24,335 100,000 Mulder, à qui on doit, comme nous l'avons déjà vu, des travaux importants sur la gélatine. voulut pousser les connaissances rela- lives à ce corps plus loin que ses devanciers, et il tenta de détermi- ner l'équivalent chimique de ce principe. Pour arriver à ce but, il 126 ALPHONSE MILNE EDWARDS. se basa surtout sur la composition du précipité que forine l'acide lannique dans une dissolution de gélatine, et, sur une combi- naison qui se produit lorsque l’on fait passer un courant de chlore à travers une dissolution de gélatine, il en déduisit la formule C'8H10AZ205 (1). Peut-être, cependant, est-il prématuré de vou- loir calculer ce poids atomique d’après les combinaisons dont nous venons de parler. En effet, suivant l'espèce de tannin que l'on emploie, la gélatine en absorbe des proportions différentes. I est difficile de baser un calcul sur des données aussi peu stables. De plus, Mulder pense que les composés chlorés de la gélatine sont des composés définis de cette dernière substance et d'acide chloreux. Ce chimiste admet l'existence de plusieurs de ces corps, qu'il représente par les formules suivantes : (CI#Hi0A2205) CIOS, (CHH1047205){ CIOS. (C#H1047205$ (Cl. (CH1047205)5 (C103ÿ. Nous voyons done que l'acide chloreux pourrait s'unir à la gé- latine pour former quatre corps particuliers, Si maintenant nous exarinons les proportions suivant lesquelles l’acide chloreux et la gélatine y sont combinés, nous les trouvons représentées par les rapports suivants : . e PE e . . + e A JA 16 OA CAES LT ed a D ee En examinant ces résullats on ne peut s'empêcher de douter de l’invariabilité des proportions consliluantes de ces composés, et de penser qu'en variant les modes de préparatiofs 6h pourrait obtenir d’autres combinaisons analogues. D'ailleurs, dans ce cas, a-t-on bien affaire à un composé d’acide chloreux? ne serait-ce pas une simple substitution du chlore à 4,2 ou 3 équivalents d'hydrogène de la gélatine ? Ce qui tend à le faire croire, c’est la (1) Mulder, Versuch einer allgmeinen physiologischen Chemie, p. 333. Ce chimiste écrit C'#H%47105, au lieu de C'*H!°Az?05 ; mais cela revient au même, et les différences entre ces formules ne tiennent qu'à la valeur relative attribuée à l’équivalent de l'hydrogène et de l'azote, ÉTUDES SUR LES OS, 127 quantité d'acide chlorbydrique qui se forme lorsque l'on fait passer du chlore dans la dissolution de gélatine, production que Mulder explique par la décomposition de l’eau dont l'oxygène se portérait sur le chlore pour former l'acide chloreux. En un mot, ces composés animaux, {els que la gélatine, sont encore trop peu connus, non-seulement par eux-mêmes, mais par leurs combi- naisons, pour que l’on puisse ajouter quelque confiance à la déter- mination exacte de leur équivalent, surtout quand on pense aux difficultés que l’on trouve même en chimie minérale pour établir d’une façon certaine le poids atomique de corps parfaitement conbus, formant avec d’autres corps également bien connus une série de composés cristallisés et à proportions invariables. On peut encore mieux se convaincre de la nécessité de cette réserve en voyant ce qui reste aujourd’hui des travaux de Mulder sur les composés définis de la protéine. Comme on le sait, ce chimiste considérait ce dernier corps comme un radical formé seulement de carbone, d'hydrogène, d'oxygène et d'azote, et qui, en s’unissant à du soufre et à du phosphore en proportions diffé rentes, donnait naissance à des coinposés parfaitement définis, susceptibles eux-mêmes de divers degrés d’oxydation. On recon- nut bientôt que les corps sur lesquels portaient les recherches de Mulder, n'étaient même pas purs, qu'ils retenaient toujours des quantités variables de matières salines, enfin que sa pro- téine, base de tout lédifice, et qu'il considérait comme totale- ment dépourvue de soufre, en contenait toujours en proportion notable; enfin, que la quantité de ce dernier corps qui existe dans l’albumine, la fibrine, etc., est en réalité différente de celle qu’in- diquaient les formules de ce chimiste. Or, c’était justement à l’aide dé ces quantités de inatières minérales que les poids atomiques des substances protéiques avaient été établis. Vers la même époque, J. Müller (1), en se plaçant à un autre point de vue, arriva à un résultat plus important sous le rapport physiologique. Il vit que les cartilages permanents, tels que ceux (1) Ueber die Structur und die Chemischen Eigenschaften der Thierischen Be- …. sandtheile der Knorpel und Knochen (Ann. der Physik und Chemie ; von Poggen- … dorf, 1836, t. XXVIII, p. 295). w 125 ALPHONSE MILNE EDWARDS. des côtes, du larynx, de la trachée-artère et le cartilage qui pré- cède la formation du tissu osseux, par la coction avec l’eau, ne donnaient pas de gélatine mais une autre matière également solu- ble dans l’eau chaude, se prenant en gelée par le refroidissement, mais dont les caractères chimiques différaient de ceux de la géla- tine. Il donna à ce corps particulier le nom de chondrine. La chondrine, avons-nous dit, se comporte avec l’eau comme la gélaline, cependant la gelée qu’elle donne est moins consis- tante. Ainsi, tandis que pour déterminer la formation de cette velée il suffit d’une partie de gélatine sur 100 parties d’eau, pour obtenir le même résultat avec la chondrine il faut un vingtième au moins de cette matière. Mais les différences capitales entre ces deux corps résident surtout dans la manière dont ils se compor- tent avec les réactifs. La solution de chondrine est précipitée par le sulfate d’alumine, l’alun, l'acide acétique, l’acétate de plomb, le sulfate de fer, l'acide chlorhydrique faible. La gélatine, au contraire, n’est précipitée par aucun de ces réactifs. Mulder, qui à analysé la chondrine, y a trouvé une petite quan- tité de soufre, 0,38 p. 100, tandis qu'il n’en avait pas rencontré de traces dans la gélatine ; cependant il paraïtrait, d'après d’au- tres observateurs, que la gélatine, aussi bien que la chondrine, contiendrait du soufre : ainsi, Schlieper (4)en a trouvé 0,12 à 0,14 dans la gélatine extraite des os et de l'ivoire. Berzelius admet que ce corps existe dans les os, puisqu'il dit que dans le résidu que laissent les os après leur incinération si l’on trouve des sulfates alcalins, c’est parce qu’ils ont été formés aux dépens du soufre des os. Les analyses de Bibra tendent à établir le même fait. Il a trouvé dans la gélatine 0,216 de soufre pour 100. La connaissance de la composition élémentaire de la chondrine est surtout due aux recherches de Mulder (2) et de Scherer (3). (1) Ann. der Chem. und Pharm., t. LVIIL, p. 379-384. (2) Journal für prat. Chemie, von Erdmann, t. XV, p. 490, (3) Chemisch-physiologische Untersuchungen (Ann. der Chemie und Pha rmac ie von Liebig u. Woehler, t. XL, p. 49 : 1844). ÉTUDES SUR LES 0S. 129 Cette composition diffère peu de celle que nous avons indiquée pour la gélatine. Ainsi, Mulder trouva : LAISSES UC 49,96 AV DP RTE NS. D ce NE taie ee ef LR re VO 6,63 BOTE Te EN CM, ME ‘es. 14,44 Done lls 189,4, DO MNOUL.LE 4 RE UMA 28,59 Sobhesgl ae déniute Sn. iii An ACT 0,38 100,00 Scherer, qui analysa la chondrine provenant des cartilages costaux de veau, trouva : CANON ET SR are à 0 ee 49,196 Hydrosena.J Bis 1040 ON HIT RE 7,133 prnie dl enter Fatal: oil: 89 14,908 Oxysènont: ::..s !1. 28,463 100,000 Ainsi qu'il l'avait fait pour la gélatine, Mulder voulut détermi- ner le poids atomique de la chondrine. Pour arriver à cette déter- mination 1} se basa, d’une part, sur la proportion du soufre con tenue dans la chondrine; d'autre part, sur la composition d'une combinaison de ce dernier corps avec le sulfate de fer. 11 résulta de ses recherches qu’un atome de sulfate de fer se combinait avec 10 atomes de chondrine, et que 20 atomes de chondrine conte- naient un atome de soufre, précisément comme il l’admettait pour les combinaisons de la protéine. A l’aide de ces données, Mulder établit Ja formule CH*6A7' 0", Mais d’après ce que nous avons déjà dit, la manière dont celte formule a été déterminée doit in- spirer encore moins (le confiance que pour la gélatine. Il y a peu de temps on à annoncé que la chondrine et la géla- tine n’étaient qu'une seule et même substance. M. Friedleben (1), dans un travail sur la constitution du tissu cartilagineux, prétend . que cest à tort que lon distingue au point de vue chimique les (4) Zur chemischen Constitution des Knorpelgewebes (Zeitschrift für Wissen- schafiliche Zoologie, von Siebold und Külliker, &. X, p. 20 ; 1859.) &° série. Zooz. T. XIT. (Cahier n° 3). 1 9 150 ALPRONSE MILNE EBWARDS. cartilages permanents et les eartilages préexistants à l'os, de la matière cartilagineuse des os. D’après ce que nous avons dit, les premiers par la coction fourniraient de là chondrine, les seconds de la gélatine, et les différences entre ces deux corps sont bien tranchées. La gélatine n’est précipitée que par l'acide tannique et le bichlorure de mercure ; la chondrine l'est, au contraire, non- seulement par ces deux réactifs, mais encore par les acides, l’alun, l'acétate de plomb, ete. M. Friedleben admet parfaitement ces différences, seulement il pense qu'elles sont dues au mode de pré- paration de l’osséine, et non point à la nature particulière des dif- férents tissus cartilagineux. 1! a soumis pendant quelque temps les cartilages permanents à l'action de l'acide chlorkydrique, comme on le fait quand on veut se procurer Posséine d’un os, et il assure avoir constaté que par l’ébullition dans Peau ils ne fournissaient plus de chondrine, mais de la gélatine. I a répété ces expériences sur les cartilages des côtes soit d'enfants, soit d'adultes, de veau et de bœuf, sur des épiphyses non soudées, et toujours il a ob- tenu le même résultat. Ayant examiné sous ce point de vue un cartilage costal d’adulte (homme de trente-six ans) qui s'était ossifié, il trouva de même les réactions de la gélatine. De ses expériences il conclut que tous les cartilages doivent présenter une constitution chimique iden- tique, et que, s'ils paraissent présenter des différences, elles sont dues aux modes de préparation qu’on leur fait subir. J'ai repris ces expériences et je n'ai pas obtenu les mêmes ré. sultats que M. Friedleben. Pour cela, j'ai placé dans le même vase des cartilages costaux d'enfant et un morceau d'os, et je les ai traités par l'acide chlorhydrique, de manière à les soumettre aux mêmes influences. L’osséine provenant de l'os s’est transforméé en gélatine, tandis que la cartilagéine a donné de la chondrine parfaitement caractérisée, précipifant par l’acétate de plomb, l'a- lun, ete... Malheureusement le temps m'a manqué pour pour- suivre ces expériences, et je ne puis pas conclure avec aussi peu de preuves. Cependant, dans plusieurs cas, le traitement à l’aide duquel on obtient la chondrine et la gélatine est identique; ainsi, si on fait bouillir de la râpure d’os dans l’eau, on ne fait pas in- ÉTUDES SUR LES 0$. 151 tervenir d'acides, et cependant on à toujours de la gélatine, tandis que, lorsque l’on fait bouillir des cartitages, on a de la chondrine. Je compte continner à étudier d'une manière plus complète les produits fournis par les cartilages et par les os en les soumettant à des traitements identiques. I me paraïtrait donc prématuré d'admettre aujourd'hui que l'osséine et la cartilagéine soient deux substances identiques, et je crois que jusqu'à ce que l’on ait repris d’une manière approfondie l'étude de cette question, on doit continuer à considérer ces sub- slances comme différentes quant à leur constitution chimiqne propre. DE LA MÉTHODE D'ANALYSE DES OS. Parmi les nombreux éléments que j'ai indiqués plus bant comme se rencontrant d'une manière normale dans le tissu 0s- seux, (ous peuvent ne pas être dosés quand on veut connaître la composition d'un os à l'état physiologique. Quelques-unes de ces substances peuvent être négligées, le fluorure de calcium et le phosphate ammoniaco -magnésien par exemple. Mais il est souvent important de déterminer la proportion des autres éléments, c’est-à-dire 1° La matière gélatineuse, 2° La graisse, 3° Le phosphate de chaux, h° Le carbonate de chaux, 5° Le phosphate de magnésie, 6° Les sels solubles dans l'eau ; et encore peut-on pour la plupart des cas se borner à doser la matière gélatineuse, le phosphate et le carbonate de chaux. Kn effet, le phosphate de magnésie dépasse rarement dans les os 1, 5 à 2 pour 100; la proportion des sels solubles n’est pas beaucoup plus forte, et; en outre, il est probable que ce qu’on en {trouve provient de matières étrangères au {issu osseux, du Sang par exemple. 132 ALPHONSE MILNE EDWARDS. Je vais indiquer les procédés d'analyse qui fournissent les meil- leurs résultats dans la détermination des principaux éléments con- stituants de l'os. Les os doivent être d’abord complétement dépouillés de toutes les parties molles : périoste, tissu cellulaire, graisse. Pour cela, après les avoir soisneusement grailés, on les divise dans le sens de la Jongueur en fragments, soit à l’aide de forts ciseaux, soit avec -une scie, suivant la grosseur de los; on peut ainsi ôler la moelle, et à l’aide d'un jet d’eau que l'en darde sur le tissu spongieux, on enlève facilement le sang dont ce dernier estimprégné ; on ne doit cesser celle opération que lorsque l'os est complétement blane et ne colore plus l'eau dans laquelle on le laisse tremper quelque temps. On le porte alors dans une étuve pour chasser l'eau dont il est chargé, et qui lui donne une élasticité qui empêche de le ré- duire facilement en poudre. Quand il est suffisamment sec, on le pulvérise, puis on le reporte de nouveau dans l'étave. En effet, si on le laissait sécher en fragments, il retiendrait toujours un peu d'eau. La température de l'étuve doit être d'environ 120 degrés : à 400 degrés on ne pourrait chasser complétement l'humidité. Cette opération est importante et doit être continuée jusqu'à ce que los ne perde plus rien de son poids, ce qui arrive ordinaire- ment au bout de quatre à six heures. Pour mes analyses, je lais- sais les os dans l’étuve du jour au lendemain, de façon à être par- faitement sûr que toute l'eau était bien complétement chassée. En effet, si dans la même étuve on place un certain nombre d'os à sécher, il s'y forme une atmosphère de vapeur d’eau lente à se dissiper et qui relarde de beaucoup là dessiceation. Une étuve chauffée au gaz est extrêmement commode pour ces opérations, parce qu'on peut avoir pendant un temps indéfini une tempéra- ture presque constante. Lorsque l'opération est terminée, on pèse une petite quantité de los, # à 5 grammes, et on la traite par lé- ther pour doser la graisse. Celte opération exige encore certaines précautions : l’éther n’enlève à froid qu'une très petite proportion de graisse, il faut le faire agir à chaud-et pendant un temps pro- longé; pour cela on peut se servir avec avantage d'un petit ballon surmonté d’un serpentin continuellement refroidi par un courant ÉTUDES SUR LES 08. 135 d’eau ; la vapeur, à mesure qu'elle se produit, se condense et re- tombe dans le ballon. Lorsque l'os est bien dépouillé de graisse, on le lave de nouveau avec un peu d’éther, pour enlever celui qui le mouillait et qui était chargé de matières grasses, puis on pèse l'os après dessiceation. La différence de poids donne la quantité de graisse perdue, Je trouve ce procédé beaucoup plus expéditif que celui qui consiste à réunir les liquides qui ont servi à dégraisser l'os, à les distiller et à peser le résidu graisscux; il présente moins de causes d'erreurs et est très exact. Cette opération terminée, on divise la masse d'os en deux parties : la première doit servir à Ja recherche de la matière organique, et la deuxième, au dosage de l'acide carbonique et des autres éléments. En général, on détermine le poids d’osséine contenue dans les os en incinérant ces derniers; la perte de poids représente à peu de chose près le poids de la matière cartilagineuse des os. Pour cette opération À gramme d’os suffit et au delà ; on place cette quantité dans une petite capsule de porcelaine, et on l’expose pen- dant une demi-heure environ à l'action d’une température du rouge vif, dans la moufle d’un fourneau de coupelle. De celte ma- nière, on peut faire à la fois plusieurs incinérations, et on les effec- tue d’une manière beaucoup plus rapide et plus complète, parce que l’os est entouré d’une atmosphère oxygénée et loujours renou- velée, tandis que dans un creuset chauffé soit au feu, soit sur la lampe à double courant, il est difficile d'enlever complétement toutes les particules charbonneuses, on est obligé pour cela de continuer l'opération pendant longtemps et de remuer fréquem- ment la substance, ce qui expose à des pertes de matières. Quand l'os est devenu d’un blanc parfait, on retire la coupelle ; mais, si on pesait la cendre en cet élat, on aurait une quantité de matière terreuse trop faible, paree que le carbonate de chaux a été décom- posé par la haute température de la moufle et que l'acide carbo- nique a été chassé ; il faut alors humecter la cendre avec une dis- solution de carbonate d'ammoniaque, et chauffer de nouveau, mais avec ménagement : le carbonate de chaux se reconstitue, l'excès de carbonate d'ammoniaque est chassé, et l’on a, par ce que l'os a perdu, le poids de la matière animale. Si l’on veut se dispenser de chauffer avec lé carbonate d’ammoniaque, ce qui d’ailleurs ne pré- 134 ALPHONSE MILNE EDWARDS. sente aucune difficulté, on peut ajouter au poids des cendres le poids de l'acide carbonique déterminé par une autre opération. De tous les appareils que l’on emploie pour le dosage de l'acide carbonique, celui qui m'a paru le plus commode se compose d’un flacon, A, communiquant d’une part avec un tube desséchant, C, rempli de chlorure de calcium, d’autre part avec un autre petit flacon, B, qui doit servir à contenir l'acide. Le poids de cet ap- pareil tout chargé d'acide, de la matière à analyser et du chlorure de calcium, peut ne pas dépasser 50 grammes, si on veut n’opérer que sur À gramme d’os, quantité d’ailleurs bien suffisante pour donner des résultats exacts. A l’aide d’un petit crochet, F, on peut suspendre cet appareil sous le plateau de la balance. Quand on veut en faire usage, on commence par prendre 4 ou 2 grammes d'os séchés et dégraissés, on les introduit dans le flacon A. On remplit le flacon B d'acide azotique, puis on tare exactement l’ap- pareil : on fait alors couler l'acide sur l'os, en aspirant par le tube D. L'action commence aussitôt et se continue lentement, l'acide carbonique se dégage en abandonnant au chlorure de calcium la vapeur d’eau qu'il pourrait entrainer; quand lopéra- tion esl terminée, ce qui n’a lieu qu'au bout de plusieurs heures, on chauffe légèrement la solution acide pour chasser l'acide car- bonique qui aurait pu se dissoudre dans la liqueur, et on laisse refroidir, puis, par le tube E, on fait passer dans ce petit instru- ment un courant d'air sec pour enlever l'acide carbonique qui s'y ÉTUDES SUR LES 08. 135 trouve ; on reporte alors l'appareil sous le plateau de la balance : la perte de poids représente la quantité d'acide carbonique conte- nue dans la matière examinée. L'appareil dont se servait Bibra se composait simplement d’un petit vase, communiquant avec un tube à chlorure de calcium. Ce chimiste, après avoir placé dans appareil une quantité d'acide plus que nécessaire pour décomposer tout le carbonate des os qu'il se proposait d'examiner, tarait soigneusement l'appareil, puis y portait un poids connu d'os; la décomposition ayant lieu d’une manière lente, il avait le temps de reboucher le flacon sans qu'il se perdit d'acide carbonique. Mais ce procédé présentait un inconvénient : c’est que, lorsque l'opération était terminée, on ne pouvait chasser par un courant d'air l'acide carbonique contenu dans l'appareil et on devait nécessairement trouver des résultats trop fables. Pour déterminer la proportion d'acide phosphorique contenue dans les os, on s’est servi de divers procédés. Berzelius et Ribra employaient la méthode suivante. Ils dissolvaient dans l'acide azotique la cendre obtenue par la calcination des os : la liqueur acide était saturée par Pammoniaque, de façon cependant à ne pas précipiter le phosphate de chaux ; ensuite on ajoutait de l’acé- tate de plomb, qui précipitait l'acide phosphorique à l’état de phosphate de plomb. Mais dans cette opération la saturation de la liqueur acide par l’ammoniaque est difficile à faire d'une manière parfaite sans précipiter de phosphate, et d’un autre côté, comme le phosphate de plomb est un peu soluble dans les acides, on arrive souvent à un résultat trop faible. M. Fremy dosait l'acide phosphorique à l’état de phosphate am- moniaco-maguésien. Pour cela il dissolvait l'os frais dans l'acide chlorhydrique, précipitait la chaux par l'oxalate d’ammoniaque, ajoutait quelques gouttes d'ammoniaque et y versait une dissolution de sulfate de magnésie, contenant du sel ammoniae. Le phosphate ammoniaco-magnésien se précipitait alors, Mais, d’une part, ce dernier sel est légèrement soluble dans les liqueurs ammonia- cales, et, d'autre part, celte méthode exige des manipulations assez compliquées. Pour doser l’acide phosphorique des os, j'ai employé avec avan- 156 ALPHONSE MILNE EDWARDS. tage le procédé que M. Chancel (4) a publié dernièrement, et qui est fondé sur l'insolubilité du phosphate de bismuth dans les li- queurs acides. Pour cela on prend une quantité quelconque de bis- wuth pur, que l’on dissout dans de l'acide azotique, on évapore à consistance sirupeuse et on laisse refroidir : le nitrate de bismuth se prend en une masse cristalline que l’on pèse, on le redissout dans l parties d'acide azotique, et on y ajoute 30 parties d’eau ; quand les matières employées sont suffisamment pures, la dissolation est par- faitement limpide. Si on veut se servir de cette solution pour do- ser l'acide phosphorique des os, on fait dissoudre, dans une quantité d'acide mtrique strictement nécessaire, un poids donné de cendres d'os, on ajoute quelques centimètres cubes d’eau distillée, et on y verse la liqueur préparée. Le phosphate de bismuth se précipite alors immédiatement, et se réunit aussitôt au fond du flacon, sur- (out si on à soin de faire bouillir la liqueur. On filtre alors cette dernière, on lave le précipité, puis, après l'avoir desséché, on in- einère le filtre. Toutes ces opérations peuvent se faire très rapide- ment, parce que le phosphate de bismuth ne passe pas à travers les pores du papier, comme le font eertains précipités ; de plus, il se lave avec une grande facilité, comme on peut s'en assurer en versant de acide sulfhydrique dans de l’eau que l'on aura fait passer sur ce précipité, après l'avoir lavé quelque temps. Cette dernière ne se colorera pas. Comme le phosphate de bismuth est très dense, qu'il se pré- cipite rapidement, et qu'en quelques instants la liqueur est claire, on peut, avec une solution litrée d’azotate de bismuth, doser l'acide phosphorique ; pour cela on prend 20 gr. de bismuth, on les fait dissoudre dans 200 gr, d'acide azotique, puis on ajoute de l'eau distillée de façon à faire 4 litre. Chaque centimètre cube pourra précipiter 0 gr. 0068 d'acide phosphorique; on verse goutte à goutte cette liqueur dans la solution à essayer, en ayant soin de faire bouillir de temps en temps. Cette méthode donne des résultats suffisamment exacts, quoique cependant moins précis que la première; mais avec un peu d'habitude on peut arriver à (1) Recherches sur la séparation et le dosage de l'acide phosphorique (Comptes rendus des séances de l'Académie des sciences, t. L, p. 416; 1860). ÉTUDES SUR LES 08. 157 doser ainsi, avec une grande rapidité, l'acide phosphorique des os. Pour déterminer la quantité de chaux de la matière osseuse, on peut se servir des eaux de lavage du précipité de phosphate de bismuth ; pour cela, après avoir saturé l'excès d'acide par Pammo- niaque, on y fait passer un courant d'acide salfhydrique qui en- lève l'excès de bismuth, on lave le sulfure, on réunit toutes les eaux de lavage, et, après les avoir portées à l’éballition, on les éva- pore de façon à réduire leur volume, et on y précipite la chaux par l’oxaiate d'ammontiaque. i A la rigueur, si l’on n’avail que très peu de matières, on pour- rait rechercher la magnésie dans les eaux de lavage du précipité d'oxalate d’ammoniaque ; mais celte base est en proportion si mi- nime dans les o$, qu'en agissant ainsi on ne pourrait éviter de commettre des erreurs plus où moins considérables. Pour doser la magnésie d’une manière exacte, il faut agir sur plusieurs gram- mes de matière ; si la quantité d’os que lon a à sa disposition le permet, il faut en prendre au moins 2 grammes, les dissoudre dans l’acide chlorhydrique, précipiter la chaux par l'oxalate d’am- moniaque, agiter ensuite la liqueur avec de l’ammontaque etla laisser déposer dans un endroit chaud ; le phosphate ammoniaco-magné- sien se précipite très bien, et le poids de ce sel permet de déter. miner la quantité de magnésie contenue dans l'os. La recherche des sels solubles dans l’eau présente peu d'intérêt et peu d'importance, eependant il est des cas où elle est nécessaire. Si cela est; on fait bouillir dans Peau, pendant plusieurs heures, les os bien dégraissés, on évapore la liqueur, et le résidu donne le poids des sels solubles ; on peut facilement y rechercher les carbonates alcalins et le chlorure de sodium, dont le poids, d’après Bibra, ne dépasse pas 4/5 du poids total des sels solubles. Quand on a ainsi déterminé dans un os les différents éléments dont je viens de parler, si le dosage a été bien fait, on doit, avec les quantités d'acides phosphorique et carbonique, de chaux, et de magnésie, pouvoir retrouver exactement les phosphates de chaux et de magnésie, ainsi que le carbonate de chaux, d'après les for- mules 3 Ca0 PhOŸ, 3MgO PhOŸ. CO? Ca0, sans qu'il reste en ex- cès aucun de ces éléments. Pour cela il faut se rappeler que 138 ALPHONSE MILNE EDWARDS. À d'acide carbonique se combine avee 1,27 de chaux pour former du carbonate de chaux ; que L d'acide phosphorique se combine avec 1,46 de chaux pour former le phosphate de chaux des os ; que À d'acide phosphorique se combine avec 0,83 de magnésie pour former du phosphate de magnésie tribasique, tel que celui que l'on admet exister dans les os. Quand l'analyse a été conduite avec soin, on trouve en effet qu'il n’y a jamais dans les os ni chaux, ni acide libre, mais que tout l'acide phosphorique et tout l'acide carbonique servent à satu- rer la chaux et la magnésie. DE LA NATURE DE LA SUBSTANCE OSSEUSE. Un L On à souvent agité la question de savoir si le tissu osseux était le résultat d’une combinaison chimique entre les sels calcaires et la matière animale, où simplement un mélange de ees parties. Quelques auteurs ont commencé a priori par établir qu'un corps dont la composition n'était pas invariable ne pouvait être regardé comme une combinaison, et que par conséquent la substance os- seuse ne pouvait être rangée dans cette catégorie ; d’autres au con- traire ont voulu voir dans le tissu osseux un composé chimique à proportions lixes et définies. Dans ces deux cas on a été trop loin, etentreces deux opinions où peut s’en former une moyenne parfaitement applicable au cas particulier dont nous nous occupons. Ces divergences, en effet, dépendent en partie de la signification que l’on veut donner au mot combinaison chimique. Cette expression ne doit pas seulement être appliquée aux composés à proportions rigoureusement défi- nies. Il existe parmi les substances organiques un certain nombre de corps doués de propriétés peu actives et susceptibles de s'unir en proportions non définies. Or, on ne doit pas donner au corps résultant de cette union le nom de mélange; il y à plus, puisque les propriétés des deux éléments constituants sont modifiées sou- vent d'une manière complète, et qu'il faut une force parfois eon- sidérable pour déterminer la séparation des corps unis de la sorte. ÉTUDES SUR LES 08. 139 Ainsi l’iode s’unit à l’amidon pour constituer un précipité bleu, remarquable sous plusieurs points de vue. La plupart des chimistes refusent à ce corps le nom de combinaison chimique ; cependant ce n'est pas simplement un mélange diode et d’amidon, quoiqu'on ne puisse déterminer d’une manière exacte les proportions d'ami- don et d’iode qui concourent à le former. Les circonstances dans lesquelles la réaction a eu lieu font varier les quantités relatives de ces deux substances, et st l’on demande à ces chimistes dans quelle catégorie on doit placer ce composé, ils ne sauront que répondre. Il y a ici quelque chose d’analogue à ce qui se passe dans cer- taines opérations de teinture entre la fibre textile et divers ma- tières colorantes. Ces dernières ont souvent pour les tissus une affinité si prononcée qu'elles se séparenf de leurs dissolutions et viennent se fixer d’une façon définitive sur létoffe; cependant les proportions du composé, ainsi formé, sont loin d’être définies. M. Chevreul à parfaitement senti les différences qui séparent les corps ainsi unis des corps simplement mélangés, et je suis heureux de pouvoir m’appuyer sur une autorité si considérable (1). Je rappellerai aussi que le charbon, de même que les fibres tex- (1) J'emprunte à ce chimiste les passages suivants : « L'influence de l'affinité, dans toutes les opérations de teinture, où des ma- tières, en dissolution dans l’eau ou dans l'alcool, quittent ce liquide pour se porter sur le tissu, est incontestable, à mon sens, parce que j'admets qu'un so- lide ne peut s'unir qu'en vertu d’une force chimique à un corps qui l’est déjà à un autre en vertu de l'affinité, et qui y resterait uni sans la présence du pre- mier, Un des exemples les plus frappants de cette affinité qu'on puisse citer est celle de la soie pour le peroxvde de fer ou plutôt pour un sous-sulfate de cette base ; je l'ai étudiée avec soin dans mes généralités sur la teinture, en mettant en opposition la force dissolvante de l'acide sulfurique et de l'eau, pour le per- oxyde de fer, d'une part, et, d'une autre part l'insolubilité de celui-ci, qui con- court, avec l'affinité de la soie, à la décomposition du sel. ‘ « On peut encore citer l'union de l’acide sulfo-indigotique dissous dans l'eau avec la soie et la laine qu'on y plonge, l'union de ia matière colorante du brou de noix avec les mêmes éloffes, l'union du rocou avec la soie et le coton. » (Re- cherches chimiques sur la teinture, mémoire, 20 avril 4840 ; Mém. de l'Académie des sciences de l'Institut de France, t. XXIV, p. #09.) 140 ALPHONSE MILNE EDWARDS. tiles, jouit d’une affinité considérable pour les matières colorantes : il les retient et les fixe d’une manière très tenace. On attribue ordi- narement ce phénomène à la porosité du charbon, mais il v a quelque chose de plus : tous les corps poreux n’agissent pas de même, et le charbon fixe une trop grande quantité de matières colorantes et les retient avec trop d'énergie pour qu'il n’y ait pas à une sorte de combinaison. Je ne parle pas des composés chi- miques que Mulder à admis entre la fibrine, l’albumine, ete., et les substances minérales, leur existence est trop incertaine pour que l'on puisse en faire un argument. Je suis loin de vouloir révoquer en doute qu'il n’y ait une grande classe de corps qui ne se combinent que d’après un petit nombre de proportions fixes et invariables ; mais, comme on le sait, natura non facit saltum. Et pourquoi ne pas admettre qu'il y aurait quel- ques passages entre ces composés stables et définis et les simples mélanges, etque l’amidon etl’iode, le charbon et les matières colo- rantes, les tissus et les matières colorantes, l'acide sulfurique et l'eau, ne seraient pas des exemples de ce passage ? Hi y a dans leur union plus qu'une simple juxtaposition de particules, il y a aussi Moins qu'une combinaison à proportions définies, et, quoique la composition du tissu osseux varie dans certaines limites, la proportion de matières terreuses et de substance organique est trop constante pour qu'on ne puisse faire rentrer ce tissu parmi les combinaisons chimiques . Nous allons d'ailleurs examiner les raisons qui sont favorables ou contraires à l'opinion que je viens d'exprimer... $ II. Sion examine les os d'individus différents, soit de mêmeespèce, soit d'espèces différentes, on y trouve des variations souvent con- sidérables, même si on a opéré, autant que possible, dans des con- ditions identiques d'âge et de constitution. Ainsi, j'ai examiné le fémur de deux chats adultes, à peu près du même poids et soumis aux mêmes conditions d'alimentation. Le rapport des différents éléments était loin d’être identique. ÉTUDES SUR LES 08. ani Fémurin° 1. Fémur n° 2, Matière cartilagineuse. . . . . . . 32,7 28,7 Graissen tons cms M ee. “45 1,2 0,9 Phospbate de chaux, etc. . . . . . 59,3 62,0 Carbonate de chaux. ... . .…. . . © 40,8 8,1 100,0 100,0 Matière organique. . . . . . . . . 33,3 29,6 Matière inorganique. . . . . “ie 1004 70,4 Pour constater des différences analogues, il suffit d’ailleurs de jeter les yeux sur les analyses d'os d'animaux de même espèce et de même âge. Ainsi Bibra (4) a trouvé chez deux lièvres adultes des variations au moins aussi considérables. Fémur no |, Fémur n° 2, Phosphate de chaux. . . . . . . 64,66 60,60 Carbonate de chaux. . . . . . . 9,76 10,07 Phosphate de magnésie . . . . . 3,10 1,33 SElSySAlUDIES + -2.2-14 à . & 1e 0,68 0,93 Substance cartilagineuse. , . . . 23,11 25,87 GTS EE EN EL sn. 1,74 1,20 100,00 100,00 Matière organique. . . . . . . . 24,85 27,07 Matière inorganique . . . . . . 75,15 72,93 Si, au lieu de prendre le même os d'individus de même âge, de même espèce, on avait pris des os d'individus d'espèces et d’âges différents, on aurait pu avoir des variations bien plus fortes, comme on peut s’en assurer en comparant la composition des fémurs des chats et des lièvres n° 4. Pour Pun il y a 66,1, pour l’autre il y en a 75,45 de matières terreuses : plus de 10 de différence. Il est facile de comprendre qu’en voyant des variations si notables on n'ait pas voulu admettre que los fût le résultat d'une combinaison. Mais il faut remarquer que, dans ces analyses, on a pris l'os en- tier dépouillé seulement du périoste et de la moelle : or les os sont plus ou moins vasculaires, par conséquent il vient ici se glisser (4) Loc. cit., p. 127. 42 ALPHONSE MILNE EDWARDS. une cause de variations considérables suivant la quantité plus ou moins grande de vaisseaux dont l'os est parcouru. Les cel'ules osseuses, en nombre Variable suivant les os, sont remplies d’un liquide qu'on doit considérer comme ne faisant pas partie de la substance osseuse propre ; de plus, il se fait dans l’os un mouve- ment continue} de nutrition qui doit nécessairement amener des changements dans les rapports de la matière animale et de la ma- lière calcaire. Or, pour pouvoir arguer de la variabilité de compo- sition des os, pour repousser l’idée d’une combinaison chimique, il faudrait se mettre autant que possible à l'abri de cette cause d’er- reur, ne pas examiner des mélanges de tissus. diversement con- sutués, mais agir sur de la substance osseuse réduite autant que possible à sa plus simple expression, c’est-à-dire sur du tissu compacte. Dans ce cas-là on trouve encore quelques différences, mais beaucoup plus légères. J'ai fait à ce sujet une série d’analyses de tissu compacte parfaite - ment desséché, dégraissé et privé, à l’aide de la lime, de toutes les parties spongieuses qui y adhéraient. Voici les résultats que j'ai oblenus : Chat femelle aduite (tissus osseux compacte). Fémur. Tibia. Humérus. Matière cartilagineuse . 34,40 31,80 32,70 CARRE > er er. 4,04 4,10 4,40 Phosphate de chaux, etc. GRAS EN 58,00 57,40 Carbonate de chaux . . 9,23 9,10 8,80 100,00 100,00 100,00 Matière organique . . . 32,44 32,90 34,10 Matière inorganique . . 67,56 67,40 65,90 Chat femelle adulte (tissu compacte). Fémur, Tihia. Humérus, Matière cartilagineuse . 30,20 31,42 31,90 ÉTAR CS evene 2e 0,90 1.00 1,25 Phosphate de chaux, etc. 61,32 60,90 59,82 Carbonate de chaux . . 7,58 6,68 7408 —— 100,00 400,00 400,00 ÉTUDES EUR LES 0$. 143 Matière organique. . . , 31,10 32,42 33,45 Matière inorganique . . 69,90 67,58 66,85 Chat mâle adulte (tissu compacte). Fémur, Tibia, Humérus, Cubitus, Matière cartilagineuse., 29,5 30,3 30,00 30,9 TT RUN SU 1,1 0,8 1,05 0,9 Phosphate dechaux,ete. 59,2 58,4 59,42 58,5 Carbonate de chaux , . 10,2 10,5 9,53 9,7 100,0 400,0 100,00 100,0 Matière organique . . . 30,6 31,1 A0 318 Matière inorganique . . 69,4 68,9 68,95 68,2 Femme de 30 ans (substance compacte). Fémur. Matière canlagineuses 0. 0 VAN: 33,1 CAISSE NE : MERE AE AE 4,2 Phosphate de: chaux, etc. . . , 24/4 Len 54,2 Carbonate de chaux . . . . . . …. :, His SAN AS 100,0 Mabiére OrmAnIque EN CN de PRE QUE 34,5 MATIGTENINONSANIUERS.. CN LAN RU TR 65,7 Bœuf vieux (tissu compacte). Fémur Matière cartilagineuse . . . . . . . . . ; . ... 27,2 ÉAIESRI MES ARORÉ 25. SM. RE PA 4,8 Phosphate de chaux, etc. ....,..,. .... 59,3 Garonne aux 0 DR 0 CT TS 41,7 400,0 Matière organique . . . . . . . dE NN 29,0 Matière inorganique . . . . . . . . . + . . . . 71,0 M. Nélaton, dans ses Éléments de pathologie chirurgicale, se prononce d’une façon très nette sur ce sujel : « J'ai pu,.dit-il, me Alu ALPHONSE MILNE EDWARDS. convaincre, par une série d'expériences, que les proportions des parties terreuses et organiques sont les mêmes à tous les âges de la vie. Le tissu osseux n’est pas simplement un mélange de sels calcaires, il y a combinaison entre ces deux éléments, et cette combinaison s'opère constamment dans les mêmes proportions ; en un mot, le issu osseux est un composé défini. » M. Sappey (1), voulant répéter ces expériences avec M. Néla- ton, incinéra des lamelles prises dans la substance compacte de différents os à différents âges. Il sépara ainsi quatre lamelles de 1 gramme chacune : 41° Sur le corps du übia d’un enfant de cinq ans; 2 Sur le corps du tibia d’une femme de vingt-cinq ans ; 3° Sur le corps du fémur d’un homme de vingt-cinq ans; h° Sur le corps du tibia d’un homme de soixante et dix ans. Après l’incinération, le poids de chacune de ces lamelles était réduit, à quelques fractions près, à 68 centigrammes. Mais ce résultat ne peut être considéré comme normal, et doit tenir à quelques circonstances accidentelles; en effet, comme nous l'avons vu, le tissu compacte lui-même, bien purifié par l'eau et l’éther, puis desséché, n’a pas, chez des animaux du même âge et dans les mêmes conditions d'existence, une composition identique, et dans les expériences de M. Sappey le tissu osseux parait avoir été incinéré tel quel, sans avoir été ni dégraissé, ni desséché; de plus, cet anatomiste a agi sur des os différents et provenant d’in- dividus différents. Aussi ne peut-on pas accepter cemplétement la conelusion qu'il en tire : que dans le tissu osseux l'élément organisé est à l'élément inorganique comme 32: 68, et que ces éléments sont invariables dans leurs proportions. Jusqu'à présent les analyses que nous avons entre les mains ne nous autorisent pas à avancer que la composition de l'os est inva- riable, et qu’elle se fait suivant des proportions définies; peut-être eu est-il ainsi, peut-être si l’on pouvait examiner un os privé de toutes les matières étrangères qu'il relient toujours, telles que la membrane des canalicules, le contenu plasmique des corpuscules, (1) Traité d'anatomie descriptive, 1. 1, p.10. ÉTUDES SUR LES OS. 145 peut-être, dis-je, trouverait-on une composition toujours la même ; mais ce n’est qu'une supposition à côté de laquelle se trouve un fait : la variabilité dans la proportion des éléments constituants, variabilité trop grande pour pouvoir admettre un composé chi- mique défini à proportions invariables, mais aussi trop petite pour pouvoir admettre un simple mélange de matières inorganiques et organiques. D'ailleurs, si l’on avait affaire seulement à un mélange de matières, quand un os commence à se former, la substance ter- reuse devrait venir pelit à petit se juxtaposer à la matière orga- nique, et dans le premier point d’ossification d’un os on devrait trouver moins de substance inorganique que dans un os bien formé. Cependant il n’en est pas ainsi. Quand un point d’ossification se forme, ce n’est pas par un dépôt de sels calcaires dans la trame de matière cartilagineuse déjà exis- tante, c’est par un phénomène histogénique ; la matière inorga- nique se dépose en même temps que la matière organique, et toutes deux déjà unies entre elles apparaissent dans la masse du cartilage, qui diffère par ses propriélés de la matière animale existant dans le premier point d’ossification. Il n’y a donc pas ici simple dépôt de sels calcaires, mais substitution de la substance osseuse formée d’osséine et de sels, à une autre substance formée seulement de cartilage. S'il n’en avait pas été ainsi, on aurait vu dans le cartilage se déposer peu à peu les sels terreux, et le pre- mier point osseux, par l’ébullition, n'aurait pas fourni de géla- tine, mais bien de la chondrine. Du reste, comme l’a dit M, Che- vreul (1), il n’y a pas aujourd’hui un seul cas de transformation de tissu dans l’économie animale qui soit chimiquement démontré. M. Fremy a analysé quelques-uns de ces points osseux; il a trouvé qu'ils laissaient par lincinération de 60 à 62 pour 100 de cendres, tandis que la masse qui renfermait le point osseux (1) Réflemions sur la nécessilé de l'intervention des sciences physico-chimiques dans les recherches d'organogénie, sur la formation des nouveaux produits sous l'influence d'une maladie et la transformation des tissus (Journal des savants, p. 722 ; Paris, 1840). 4° série. Zooc. T. XII. (Cahier n° 3.) ? 10 146 ALPHONSE MILNE EDWARDS, ne contenait que 2 à à centièmes de cendres formées principale- nent de carbonate de soude (1). Ce résultat me parait d’une grande importance ; en effet, com- ment supposer, si le tissu osseux n’est qu'un mélange, que du mo- ment où ce mélange se forme, le rapport des éléments soit déjà le même au milieu d’une masse complétement différente; comment n’y aurait-il pas transition insensible du point osseux au earti- lage ? $ IL. Quand on soumet un os à l’action d’acides dilués, les sels cal- caires sont dissous et il ne reste que de la matière cartilagineuse, qui dessine encore toutes les formes de l'os; au microscope la structure intime ne parait nullement modifiée. Quand, au lieu d'employer un acide étendu, on emploiedes alcalis, tels que lasoude ou la potasse, l'inverse a lieu, la matière animale est enlevée et les sels calcaires restent seuls, conservant encore la forme et la struc- ture apparentes de l'os, sur lequel on a fait l'expérience. Si le tissu osseux n'était qu'un mélange d'éléments organiques et inorgani- ques, la disparition de l’une de ces substances devrait laisser dans l'os des vides perceptibles : on ne peut enlever dans un mélange l'un des éléments sans changer la structure de la masse, tandis qu’en admellant que les différents corps sont à l'état de combinaï- son, on comprend que chacun d'eux doive être réparti également, et que, lorsque l’un d’eux vient à disparaître, l'autre puisse rester avec les formes que la masse présentait primitivement. On peut s’en convaincre en examinant ce qui se passe lorsque l’on soumet (4) En général, les résultats des incinérations de M. Fremy me paraissent un peu trop faibles, ce qui tient probablement à la décomposition du carbonate de chaux par la chaleur, et je n'ai pas vu dans son mémoire qu'il ait traité les cen- dres par le carbonate d'ammoniaque. Effectivement, si on examine la somme des matières inorganiques trouvées par la voie humide, elle dépasse toujours celle trouvée par incinération, et. si à cette dernière on ajoute le poids d'acide carbo- nique contenu dans le carbonate de chaux, on retrouve un résullat presque iden- tique avec celui que l'on a eu par le dosage direct des substances terreuses. ÉTUDES SUR LES OS. 147 un animal à une alimentation mêlée de garance : les os, comme on le sait, se colorent en rouge; par une combinaison du phosphate de chaux avee la garance. Il se forme dans ee cas une véritable laque, dans laquelle le phosphate de chaux joue le rôle de mordant et que l’on peut artificiellement reproduire, en mettant du phos- phate de chaux dans une dissolution de garance. Si maintenant l'on soumet cette combinaison de la garance avec le tissu osseux à des réactifs appropriés, on pourra faire disparaître complétement la coloration rouge, c’est-à-dire séparer du phosphate de chaux la garance qui y élait combinée, sans que pour cela on ait altéré en rien la structure intime de l'os. Or, iei les phénomènes sont du même ordre que ceux qu'on observe lorsque l’on traite les os par un réactif pouvant enlever soit les sels minéraux, soit la matière animale. Autant que nos moyens d'investigation nous permettent d'ob- server, On ne peut apercevoir dans l'os aucune trace du mélange d'éléments hétérogènes. Si on fait une coupe très mince de tissu osseux, et que sur le porte-objet du microscope, on la soumette à l’action d'une dissolution de nitrate d'argent, la coloration jaune du phosphate d'argent se répandra uniformément, sans qu'on puisse apercevoir aucun point qui ait paru fixer le réactif d’une manière plus puissante que les autres parties avoisinantes. 8 IV. Quand on fait bouillir un os dans l’eau, la matière animale se transforme en gélatine, mais cette transformation s'effectue bien plus lentement que si on opérait sur de la matière cartilagineuse iles os pure et séparée de la matière inorganique. On est done en droit de penser que dans le tissu osseux, la ma- tière animale est fixée aux sels, et qu'elle forme une combinaison pouvant résisler davantage à l’action de l'eau bouillante. M. Fremy attribuait celte différence dans la rapidité de trans- formation en gélatine, à la présence des sels calcaires, qui, au bout d'un certain temps, formeraient, à la surface de l'os, un enduit apte à préserver les couches intérieures de l'action de ee dissolvant ; pour le démontrer, il graila l'os qui avait été maintenu pendant 145 ALPHONSE MILNE EDWARDS. quelque temps dans l’eau bouillante, afin d'enlever les sels ter- reux, el il trouva qu’en agissant ainsi, l'os donnait dans le même temps des quantités de gélatine égales à celles qu'il produisait d'abord. J'ai répété cette expérience, et j'ai trouvé qu'en effet l’os don- nait des quantités de gélatine égales dans le même espace de temps, mais j'ai constaté aussi qu'il les donnait beaucoup moins rapide- ment que lorsque l'on employait la matière cartilagineuse pure et isolée. J'ai pris de la râpure d'os, bien dégraissée de façon à ne pas empêcher l'eau d'agir sur toutes les parties, et je l'ai fait bouillir ; d’un autre côté, je soumettais à la même opération de la matière artilagineuse, mêlée à du phosphate de chaux, dans les mêmes proportions qu'elle se trouvait dans l'os employé. Au bout de cinq heures d’ébullition, l'os n’avait donné qu’une proportion de géla- line près de moitié moindre que celle qu'avait fournie la matière cartilagineuse pure et simplement mêlée au sol terreux. Il parait d’ailleurs bien évident que dans certains cas la gélatine, qui n’est, comme nous l'avons déjà démontré, qu'un produit de la transformation de l’osséine, peut se combiner au phosphate de chaux basique, pour former un de ces composés chimiques que l'on ne peut représenter par une formule, mais dont les éléments, loin d’être seulement juxtaposés à l'état de mélange, sont en réa- lité unis par une force d’affinité souvent assez considérable. $ V. Si, après avoir dissous de la cendre d’os dans l'acide chlorhy- drique, on ajoute de la gélatine à la solution qu'on chauffe lége- rement, de façon à bien dissoudre ce dernier corps, et qu'on verse dans le liquide ainsi préparé, de l’ammoniaque, le phosphate de chaux basique se précipite, et entraine toujours avec lui une pro- portion très considérable de gélatine, qu'il est impossible de lui enlever, même en lavant le précipité avec d'énormes quantités d’eau bouillante. Cette eau, après quelque temps de lavage, réduite de son volume par l’évaporation, et essayée par l'acide tannique, ÉTUDES SUR LES 08, 149 ne parait contenir aucune trace de gélatine. Cependant, si on exa- mine le précipité, on trouve qu'il relient encore une proportion as- sez forte de ce dernier corps, proportion que l'on peut évaluer, en caleinant le précipité après l'avoir desséché ; la perte du poids donne la quantité de matière organique. C'est en suivant cette méthode que Frerichs (1) découvrit ce composé et y trouva pour 100, 18,6 de gélatine. Le même chimiste, ayant répété ces expériences avec de la gélatine obtenue directe - ment par l'ébulliion de l'osséine dans l’eau, remarqua que la pro- portion de matière organique était alors plus considérable ; il trouva pour 100 de précipité, 28,2, 27,4, 24,4 de gélatine. J'ai répété les expériences de Frerichs, et j'ai reconnu que effec- tivement la gélatine forme bien avec le phosphate basique de chaux un composé insoluble. Je n'ai pas pu constater de différence en employant de la géla- tine provenant de la matière organique des os ou de la gélatine du commerce, et les nombres auxquels je suis arrivé sont en géné- al plus faibles que ceux que Frerichs a indiqués ; ainsi j'ai trouvé pour 100 parties de précipité, 16,7, 18,3, 21,7, 15,9 de géla- tine. Cette différence dans les résultats tient probablement à la ma- nière dont je lavais le précipité; en effet, je faisais passer sur ce phosphate des litres d'eau bouillante. On pourrait arguer de ce fait pour nier dans ce cas l'existence d’une combinaison chimique, mais cette objection ne me paraît avoir aucune importance ; en effet, combien n’y a-t-il pas de com- binaisons que les influences les plus faibles détruisent, dont les éléments se séparent quelquefois sans causes apparentes, tandis qu'ici au contraire, quelle que soit la quantité d'eau employée, je n'ai jamais pu enlever au sel terreux la totalité de gélatine qu'il retenait ? Pour être mieux fixé quant aux proportions suivant lesquelles ces substances se combinent, j'ai employé une autre méthode. je prenais une dissolution de phosphate de soude, je la mêlais à une solution de gélatine, puis je formais un précipité de phos- (1) Op. cit., p. 253. 159 ALPHONSE MILNE EDWARDS. phate dé chaux basique, en versant dans ce mélange du chlorure de calcium ; d’une part je pesais le précipité humide et non lavé, puis je le desséchais à 100 degrés : la perte de poids me faisait connaître la quantité d’eau dont il était imprégné; d'autre part je prenais la liqueur où le précipité s'était formé, et, après l'avoir pesé, je l'évaporais, et je desséchais le résidu. J'obtenais ainsi le poids des matières solides contenues dans le liquide au sein duquel le précipité s'était formé. Je déterminais alors par l’incinération la quantité de gélatine qui se trouvait : 4° dans le précipité de phos- phate de chaux, 2 dans le résidu de lévaporation du liquide. Connaissant d’ailleurs, d’une part, la quantité d’eau reteniie par le précipité, et, d'autre part, la proportion de gélatine dont cette eau devait être chargée, je déduisais du poids total de la gélatine exis- tant dans le précipité, le poids de la quantité de cette substance qui se trouvait dans l’eau dont le précipité était imprégné. L’excédant de gélatine devait évidemment être en combinaison avec le phos- phate de chaux. Or, en procédant ainsi, j'ai trouvé, pour 100 parties de ce composé insoluble, 18,75 de gélatine et 81,25 de phosphate de chaux basique. Ce nombre, comme on le voit, se rapproche beaucoup de celui que Frerichs à indiqué et de ceux que j'ai trouvés par la première méthode. Je ferai remarquer aussi que dans la substance osseuse le rap- port des sels terreux à la matière animale est à peu près le même que dans les combinaisons obtenues ainsi artificiellement. Chez les oiseaux, par exemple, où les os sont très denses, où, par consé- quent, la substance osseuse est presque pure ; on trouve souvent 75 de matière terreuse pour 25 de matière animale; quelquefois même la proportiondes sels calcaires estun peu plus considérable. Le phosphate de magnésie parait se combiner aussi à la géla- tine. Le carbonate de chaux en retient quelques traces, mais extré- mement peu, et je crois que, dans ce dernier cas, on ne peut éta- blir l'existence d'une combinaison, ÉTUDES SUR LES 0$. 151 DE LA PROPORTION ET DE L'ORIGINE DU CARBONATE DE CHAUX CONTENU DANS LES 08. SI. Si, dans le tissu osseux, les proportions relatives de matière or- ganique et de substance minérale varient dans des limites assez restreintes, nous voyons que, suivant les individus, la quantité de carbonate de chaux, comparée à celle de phosphate, diffère beaucoup. Ainsi Fernandez de Barros (1), qui a comparé les quantités de phosphate et de carbonate de chaux dans les os de divers animaux, a trouvé, pour 400 parties de sels terreux : Phosph. de chaux. Carbow. de chaux. PROPOS Le MR SR 95,0 2,5 —- le mouton. . . . . . . . . . 80,0 19,3 AVISponiets. à. a + « 16 880 10,4 — la grenouille. . . . . . . . . 95,2 2,4 7 IE DOISSON. 2h. «+ + eee 91,9 5,3 Je suis porté à croire que ces résultats sont un peu exagérés. Pour le mouton, on peut les considérer comme exacts, ou à peu de chose près; mais, pour le lion, la quantité de carbonate est évi- demment trop faible. Ainsi M. Fremy(2) a trouvé chez ce dernier animal, pour 100 parties de tissu osseux, 60 de phosphate de chaux et A de carbonate. Les résultats obtenus par Bibra se rapprochent davantage de ceux de Fernandez de Barros; il a trouvé chez le lion, pour 100 d'os, 54,5 de phosphate de chaux et 4,8 de carbonate; mais les os qu'il avait à sa disposition étaient conservés depuis longtemps, et leur constitution avait pu être altérée. Mais, quelles que soient les discussions auxquelles les: résul- tats de Barros puissent donner naissance, il n’en est pas moins éta- bli que les proportions relatives du carbonate et du phosphate (1) De l'analyse comparative des os des diverses classes d'animaux (Journal de chimie médicale, de pharmacie et de toæicologie, t. IV, p. 289 ; 1828). (2) Op. cit , p. 83. 152 ALPHONSE MILNE EDWAR9DS. peuvent varier d’un manière très appréciable chez des individus du même âge et d'espèces différentes. Chez des individus différents, de même espèce et de même âge, on peut encore observer ces va- riations, quoique dans des limites plus restreintes ; en voici deux exemples, tirés des analyses que j'ai faites en vue de m'éclairer sur ce sujet. Femme de 30 ans. Homme de 30 ans. Fémur. Fémur. Phosphate de chaux, etc. 62,15 58,32 Carbonate de chaux + . 4,52 9,98 Matière animale . . . . 33,33 31,70 100,00 100,00 Matière organique . . . 33,33 NTIO Matière inorganique . . 66,67 68,30 e SIT. Si, au lieu d'examiner desindividus du même àge, on étudie les variations qui peuvent exister suivant les différents âges, on trouve des différences assez constantes. Ainsi, en général, chez les jeunes animaux, la proportion du carkonate est plus faible relativement au phosphate que chez les animaux adultes, et dans la vieillesse cette différence augmente encore. Ce fait ressort des nombreuses analyses faites par Bibra ; cependant ce résultat n'est pas admis par tous ceux qui se sont occupés de cette question: ainsi Leh- mann (1) a cru trouver que la proportion de carbonate diminuait avec l’âge. Chez un enfant nouveau-né, il a vu qu’elle était, par rapport au phosphate, comme 1 à 3,8; chez un adulle, comme { a 9,9; chez un vieillard de soixante-trois ans, comme 1 à 8,1.; Il ne faut pas s'étonner de trouver à chaque pas de ces contra- dictions entre des chimistes dont on ne peut accuser les analyses d’inexactitude ; elles s'expliquent facilement par les variations in- dividuelles, qui, comme nous le savons déjà, sont très considéra- bles, et ces varialions se rencontrent plus souvent et sont plus grandes encore chez l’homme que chez les animaux ; en effet, les (1) Fortsetzung, von L, Gmelin's : Handbuch der o"ganischen Chemie, von Lehmann und Rochleder, t. VII, p, 444 ; 1857. ÉTUDES SUR LES 08. 155 os humains dont on peut faire l'analyse proviennent, dans la pres- que totalité des cas, d'individus morts à l'hôpital de maladies di- verses et dont la nutrition a été profondément altérée; il n’est done pas étonnant que le tissu osseux s’en soit ressenti. Au contraire, quand on veut examiner les os d’un animal, on le sacrifie en gé- néral pour l’expérience ; il se trouve dans de bonnes conditions de santé, et, dans ce cas, on se met à l'abri des variations patho- logiques. Aussi aurai-je plus de confiance dans les expériences de Bibra, qui ont été faites surtout sur des animaux, que dans celles de Lehmann, qui a analysé des os humains. J'ai répété ces analyses, en agissant sur des animaux de la même portée, habitant le même endroit, nourris de la même ma- uière ; de cette façon, je me mettais à l'abri des causes d'erreurs qui peuvent provenir de différences dans le régime, l'exercice, ete. et en agissant de la sorte, j'ai été porté à me ranger à l'opinion de Bibra, car, dans ce cas, j'ai toujours vu la proportion du earbonatc augmenter avec l’âge. Fémurs de jeunes chats de la méme portée. Chat nouv.-ré, Chat de 5 sem. Chat de 2 mois. Chat de 4 mois. Phosphate de chaux, etc. 54,87 56,3 56,8 56,3 Carbonate de chaux. . . 4,55 6,7 7,0 6,8 Matière organique. . . 40,58 37,0 36,2 37,9 100,00 100,0 100,0 100,0 Matière inorganique. . 59,42 63,0 63,8 63,1 Matière organique. . . 40,58 37,0 36,2 37,9 Fémurs de jeunes chiens de la méme portée. Chien nouv.-né. Chieu de 4 mois. Chien de 3 mois, Phosphate de chaux, etc. 53,0 55,7 58,00 Carbonate de chaux. . . 3,0 4,5 5,01 : Matière organique. .. 44,0 39,8 36,99 100,0 100,0 100,00 Matière inorganique. . . 56,0 60,2 63,04 Matière organique. . . . 44,0 39,8 36,99 154 Bibra (1) a trouvé une différence dans le même sens en analy- sant les os de chiens nouveau-nés et de chiens de la même portée qu'il avait laissé vivre six semaines. ALPHONSE MILNE EDWARDS. Fémurs de chiens de la même portée. Chien nouveau-né. Chien de 3 mois, Phosphate de chaux. . . . 45,29 52,01 Carbonate de chaux. . 6,40 7,32 Phosphate de magnésie . . 1,80 2,16 Sels solubles. . . . . 0,50 0,51 Matière cartilagineuse. 44,80 36,77 Crraissob MA Ur, fe 4,21 1,20 100,00 100,00 Matière organique. . 46,01 37,97 Matière inorganique. . . . 53,99 62,03 Il résulterait aussi des recherches de M. Fremy (2) que le car - bonate de chaux augmenterait de quantité avec l’âge; il a trouvé les résultats suivants : Fémur. I ——, Phosph. de chaux. Carbou. de chaux, 58,9 2,5 Fille née viable . . . . . . . .. Garçon de 418 mois. . 58,0 QE Femme de 22 ans. . . . . . .. 59,4 1,1 Homme de 30 ans. . . .. era, 57,7 9,3 Homme de 40 ans . . . , . . .. 66,3 10,2 Femme de 88 ans. . . . . . . . 60,7 9,3 Il faut cependant s'attendre à trouver fréquemment des excep- tions: bien souvent on rencontre chez un jeune individu plus de carbonate de chaux que chez un individu adulte ou même vieux, mais l’ensemble des faits que je viens d’exposer indique une ten- dance générale. J'ai fait aussi sur ce sujet quelques analyses d’os de nouveau- nés et de très jeunes enfants ; en voici les résultats : (1) Op. cit., p. 145. (2) Op cit., p. 79. ÉTUDES SUR LES OS. Fille de douze jours. Fémur. Phosphate de chaux, etc. . . . 55,08 Carbonate de chaux . . . . .. 5,75 Gndissp 0 AA OL CIMNANL 1,01 Matière cartilagineuse . . . . . 39,16 100,00 Matière organique. . . . . . . 40,17 Matière inorganique . . . . . . 60,83 Fille de seize jours. Fémur. Phosphate de chaux, etc. . . . 57,10 Carbonate de chaux . . . . . . 6,01 GFHIBAENN, VAR S'EUQNN FORIEUR 0,85 Matière cartilagineuse . . . . . 36,04 100,00 Matière organique. . . . . . . 36,89 Matière inorganique . . . . . . 63,14 Garçon nouveau-né. Fémur. Humérus. Phosphate de chaux, etc. . 57,11 56,90 Carborate de chaux . . . 2,94 3,04 EL NE dpieorétr Mes 0,85 0,70 Matière cartilagineuse . . 39,13 39,39 100,00 100,00 Matière organique . . . . 39,98 40,09 Matière inorganique . . . 60,02 59,91 Humérus. 55,70 5,04 0,92 39,34 100,00 40,26 60,74 Humerus. 56,41 6,07 1,00 36,52 100,00 37,82 62,48 Tibia. 66,00 2,09 1,00 10,91 100,00 41,94 58,09 155 On voit que chez ces enfants la proportion de carbonate n'a pas dépassé 6,07 pour 100; chez les adultes dont j'ai pu analyser les os, la moyenne était de 8 à 11, 156 ALPHONSE MILNE EDWARDS. $ IL. Si nous continuons à chercher dans quelles circonstances les proportions relatives de phosphate et de carbonate de chaux va- rient, nous trouvons que dans le tissu spongieux la proportion de carbonate est plus considérable que dans le tissu compacte. Le tissu spongieux contient toujours une grande quantité de graisse dans ses aréoles, il est imprégné de sang, et il est toujours assez diffi- cile de le débarrasser complétement de ces matières étrangères , qui doivent amener des erreurs considérables dans le résultat de l'analyse. Pour arriver à ce but, on commence par couper le tissu spon- gieux en rondelles très minces que l’on soumet à un courant d’eau tombant d’une certaine hauteur ; de cette façon, on enlève méca- niquement tout le sang et une partie de la graisse, ensuite on le dessèche, ce qui fait fondre et couler encore une certaine quantité de matières grasses ; puis on le soumet à l’ébullition dans l’éther, de façon à enlever les dérnières portions de matières étrangères. En suivant cette marche, le tissu spongieux ne retient plus rien ou presque rien, il se présente sous la forme d’aréoles fragiles et par- faitement blanches ; cependant il peut encore se trouver mêlé aux vaisseaux sanguins qui le sillonnaient, mais ces derniers ne s’y trouvent pas en quantité assez considérable pour pouvoir influer beaucoup sur les résultats de l’analyse, etils seront comptés comme matière gélatineuse. J'ai analysé comparativement : 1° la substance compacte de l’hu- mérus d’une femme de vingt-huit ans et la substance spongieuse de la tête de cet os; 2° la substance compacte du fémur d’un bœuf et la matière spongieuse de la tête du même os : dans les deux cas, comme on peut s’en assurer en jetant les yeux sur les résultats de ces analyses, j'ai constaté dans la substance spongieuse une quan- tité de carbonate plus considérable (1). (1) Dans ces expériences, la graisse n'a pu être dosée, parce qu'on l'avait enlevée complétement en traitant les os par l'éther. ÉTUDES SUR LES OS. 457 Femme de vingt-huit ans. Subst. comp. de l'humérus, Subst, spong. de l'humérus, Phosphate de chaux, ete. . 57,05 50,53 Carbonate de chaux. . . 9,70 12,47 Matière cartilagineuse, . , 33,25 37,00 100,00 100,00 Matière organique . . 33,25 37,00 Matière inorganique, . . 66,75 63,00 Bœuf déjà vieux. Subst, compacte du fémur, Subst, spoug, du fémur, Phosphate de chaux, etc. . 57,55 52,06 Carbonate de chaux. . . . 9,46 11,90 Matière cartilagineuse. . 33,29 36,04 100,00 100,00 Matière organique . 33,29 36,04 Matière inorganique, . . 66,71 63,96 Bibra (1), qui a fait quelques analyses du même genre, a trouvé une proportion de carbonate encore plus considérable dans la sub. stance spongieuse comparée au corps de l'os ; ses expériences ont été faites sur des fémurs d’'Homme, de Cheval et de Loup. Fémur d'homme de cinquante-huit ans. Substance compacte. Substance spongieuse, Phosphate de chaux. . . . 58,23 42,82 Carbonate de chaux. . . . 8,35 19,37 Phosphate de magnésie . . 1,03 1,00 Sels solubles . . . . . . . 0,92 0,99 Matière cartilagineuse. . 31,47 35,82 100,00 100,00 Substance organique . . 31,47 35,82 Substance inorganique. . . 68,53 64,18 (1) Op. cit., p. 460. 158 ALPHONSE MILNE EDWARDS. Fémur d'un loup adulte. Substance compacte. Substance spongieuse Phosphate de chaux. . . . 61,40 38,58 Carbonate de chaux. . - . 7,49 19,77 Phosphate de magnésie . . 1,08 4,04 Sels solubles. . . . : . . 0,93 1,00 Matière cartilagineuse. . . 29,10 39,64 100,00 100,00 Substance organique . . . 29,10 39,64 Substance inorganique. . . 70,90 60,36 Fémur d’un cheval de douze ans: Substance compacte. Substance spongieuse. Phosphate de chaux. . . . 54,65 ARE Carbonate de chaux. . . . 11,74 18,93 Phosphate de magnésie . . 1,48 1,32 Sels solubles . . . . . . x 0,86 0,94 Matière cartilagineuse, . . 31,27 37,67 100,00 100,00 Matière organique. . . . . 34,27 37,67 Matière inorganique. . . . 68,73 62,33 M. Fremy {4) a examiné comparativement la substance spon- gieuse et la substance compacte ; malheureusement 1l n’a pas tou- jours dosé le carbonate de chaux. Une seule de ces analyses, sous ee rapport, est complète ; elle a été faite sur le fémur d'une femme de quatre-vingt-huit ans, et il se trouve que, contrairement à ce que je viens de dire, la proportion de carbonate était plus faible dans le tissu spongieux que dans le tissu compacte ; cette expé- rience à donné : Fémur de femme de quatre-vingt-huit ans. Partie dense Partie spongieuse, CETTE RO PEUT 56,2 Phosphate de chaux. . , . . 53,8 50,3 Phosphate de magnésie . . . 1,3 1,3 Carbonate de chaux . . . . . Le 7,0 (1) Op. cit., p. 78. ÉTUDES SUR LES 0. 159 Du reste, ce résultat contradictoire peut n'être qu'accidentel, et dû à quelque cause individuelle ou pathologique. Frerichs (41) n'a pas obtenu des différences aussi considérables que Bibra; ses résultats se rapprochent de ceux que j'ai con- states : Substance spongiense. Substance compacte, No 1, FRA 2. x T ré 2. Phosphate de chaux . . 50,24 51,38 58,70 59,50 Carbonate de chaux . . 414,70 10,89 10,08 9,46 Matière organique . . . 38,22 37,42 31,41 30,45 $ IV. Ces variabilités entre la proportion du carbonate de chaux et celle du phosphate contenu dans les os est remarquable ; on doit naturellement chercher à s’en rendre compte : pourquoi, dans un cas, voit-on la proportion du premier de ces sels s’élever, tandis que dans un autre elle s’abaisse? Les données que nous avons déjà indiquées sur la composition des os ne peuvent nous donner la clef de ces différences ; cependant peut-être pourrait-on s’en rendre compte en exaninant avec soin le mode de nutrition des os, c'est-à-dire comment le tissu osseux se forme, comment il se ré— sorbe, et surtout en étudiant ce dernier phénomène, c’est-à-dire celui de résorption. Depuis Haller, on savait que divers acides faibles jouissaient de la propriété de dissoudre le phosphate de chaux des os. Berzelius, dans ses recherches sur les eaux de Carlsbad, reconnut que l'acide carbonique lui-même pouvait agir de la sorte. Plus récemment, M. Dumas (2) étudia le mode d'action de l’eau chargée d’acide carbonique sur les os et d’autres tissus analogues ; il vit que des lames d'ivoire enfermées dans des bouteilles à eau de Sellz s’y ramollissaient rapidement ; en vingt-quatre heures, tous les sels calcaires avaient disparu. (4) Ueber die chemische Zusammensetzung der menschlichen Knochen (Ann. der Chemie und Pharmacie, V. Liebig u. Wôbhler, t. XLIII, p. 251 ; 1842). (2) Note sur le transport du phosphate de chaux dans les élres organisés. (Comptes rendus de l’Académie des sciences, t, XXII, p. 4048; 1846). 160 ALPHONSE MILNE EDWARDS. « J'appelle, dit M. Dumas, l'attention des physiologistes sur celte propriété ; elle explique ke transport du phosphate de chaux dans les plantes. Elle nous montre combien il serait intéressant de faire végéter des plantes en les arrosant avec de l'eau chargée de phosphate de chaux à la faveur de l'acide carbonique. Elle explique comment les os se désagrégent et se dissolvent, abandonnés sur le sol, sous l’influence prolongée de l’eau de pluie chargée d’acide carbonique. Elle montre comment, dans l’économie animale, les os peuvent se dissoudre par l’action du sang veineux, riche en acide carbonique. » Lassaigne (1), à la même époque, annonçait à l’Académie que l'eau chargée d’acide carbonique, à la température et à la pres- sion ordinaires, dissolvait le phosphate basique des os dans la pro- portion de 14/1333, ou, en d’autres termes, que 100 000 d’eau dissolvaient 79 de ce sel. | Mais, dans les travaux que je viens de citer, on n'avait pas cherché à déterminer la manière dont cette dissolution du phos- phate des os s’opérait; c’est un point que j'ai soumis à de nou- velles études dont voici le résultat. Quand on fait réagir sur du phosphate de chaux basique pur de l’eau chargée d'acide carbo- nique, ce sel se dissout, comme nous le savons déjà; si mainte- nant on prend la solution, soit qu'on laisse l'acide carbonique se dégager à l'air libre, soit qu’on le chasse par la chaleur où qu'on le sature par l’ammoniaque, peu importe le procédé que l’on emploie pour s’en débarrasser, on remarque qu'il se forme aussitôt un précipité qui, soumis à l'analyse, se trouve formé de phosphate de chaux basique pur. A quel état était-il done dissous dans l’eau ? Était-ce à l’état de phosphate basique? On pouvait admettre cette hypothèse : l’eau, chargée d’acide carbonique, aurait pu, à la ri- eueur, déterminer la dissolution de ce sel, insoluble dans l’eau ordinaire. Serait-ce à l’état de phosphate acide de chaux ? Mais s’il (4) Lettre à M. Dumas concernant l'action de l'eau saturée d’acide carbonique sur le phosphate de chaux (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, t. XXII], p. 1049 ; 1846). Mémoire sur le mode de transport du phosphate et du carbonate de chaux dans les organes des plantes, etc. (Ann. chim. et phys., t. XXV, p. 346; 1849). ÉTUDES SUR LES OS. 161 en était ainsi, il aurait dù se former du carbonate de chaux, qui lui-même aurait été transformé en bicarbonate sous l'influence de l’acide carbonique ; et comment alors ne se serait-il pas déposé lorsque l’on aurait chassé l'acide carbonique? Au premier abord, celle hypothèse pouvait paraître improbable ; néanmoins, l'expé- rience démontre que les choses se passent ainsi : le phosphate ba- sique est bien réellement, dans la dissolution, à l’état de phosphate acide, et il se forme bien du carbonate de chaux; mais au moment où l'acide carbonique en excès se dégage, le phosphate acide réagit sur le bicarbonate, le décompose, pour s'emparer de sa base , et cependant , quand on met en présence du carbonate de chaux ordinaire et du phosphate acide, cette réaction ne se pro- duit pas, il n'y a pas de décomposition du carbonate par le phos- phate Pour prouver que, lorsque le phosphate de chaux basique se dis- sout dans l’eau tenant de l'acide carbonique en dissolution, il se produit du carbonate de chaux, et que si lon ne trouve plus ce dernier sel dans le précipité, c’est parce qu'il est décomposé aussitôt que l'acide carbonique en excès se dégage, j'ai pris une dissolution de bicarbonate de chaux préparée, en faisant agir de l’eau de Seltz sur le carbonate de chaux pulvérulent; par l'ébulli- lion, elle laissait déposer une quantité notable de carbonate de chaux, et je lai mêlée à une dissolution de phosphate acide de chaux pur, ne contenant pas d'acide en excès. — En laissant l'acide carbonique se dégager à l'air libre pour ne pas faire inter- venir l'action d'une température élevée, où en saturant le gaz par l’'ammoniaque, on voyait aussitôt un abondant précipité se former, el ce précipité n’était composé que de phosphate de chaux basique sans une seule trace de carbonate. Dans ce cas, il y avait bien évidemment du carbonate de chanx dans la liqueur , seulement il avait LÉ décomposé par le phosphate acide. On peut donc établir ce premier fait, c’est que, quand du phos- phate de chaux basique se dissout dans l'acide carbonique, il se {orme du carbonate de chaux. Si, au lieu de prendre du phosphate de chaux pur, on s’est servi de issu osseux, on trouve dans la dissolution à la fois du phos- &° série. Zoo. T. XII. (Cahier n° 3 ) 5 411 162 ALPHONSE MILNE EDWARDS. phate el du carbonate, et cela devait être, parce que, dans ce tas, lé carbonate de chaux préexistant dans les os s’est dissous aussi, et, n'étant pas nécessaire à la reconstitution du phosphate basique, s'est déposé avec ce dernier sel. J'ai constaté que si l’on soumet à l'analyse un os qui a servi à celte expérience, c’est-à-dire qui, pendant quelques jours, à été soumis à l'influence d’une eau chargée d'acide carbonique, on trouve que les rapports du phosphate au carbonate sont légère- ment changés. Dans les expériences que J'ai faites, la proportion de carbonate de chaux, comparée à celle du phosphate, était un peu plus considérable après la réaction, et cela parce que l’eau chargée d'acide earbonique dissout plus rapidement le phosphate que le carbonate qui entrait dans la composition du tissu OSSeUX. Voici les résultats d’une des analyses que j'ai faites sur ce sujet : Lamelles du fémur traîtées pendant quatre jours par l'eau de Seltz. Avant l'expérience. Après l'expérience, Phosphale de chaux, etc. . 56,7 42,8 Carbonate de chaux . . . . 8,5 12,5 Matière cartilagineuse. . . 34,8 k4,7 100,0 100,0 Matière organique. . . . . 34,8 44,7 Matière inorganique. . . . 65,2 55,3 8 V. Puisque l’on doit admettre que, lorsqu'un liquide chargé d’aeide carbonique réagit sur du phosphate de chaux basique, il se pro- duit du carbonate de chaux, on comprend que si primitivement le tissu osseux n’était même composé que d’osséine et de phosphate calcaire, au bout d’un certain lemps, il devrait contenir du car- bonate de chaux formé par l'effet de la décomposition que le fluide nourricier, chargé d'acide carbonique, aurait effectuée au sein de l'os, aussi bien que dans nos appargils de laboratoire. Le carbonate de chaux serait ensuite repris par le sang et évacué au dehors par les sécrétions, et suivant que celle élimination se ferait plus ou ÉTUDES SUR LES 08. 163 moins activement, on devrait retrouver plus ou moins de carbonate de chaux dans l'os. Tantôt la combustion s’effeetuant rapidement, et la résorplion des produits de décomposition se faisant lente- ment, le carbonate de chaux devrait s'aceumuler dans l'os; tantôt, au contraire, la résorption étant plus rapide que la production de carbonate, la quantité de ce dernier devrait diminuer. Cetie hypothèse, rendrait assez bien compte des variations par- fois si considérables que l’on rencontre entre les proportions re- latives de phosphate et de carbonate de chaux dans la composition des os. Bien plus, elle pourrait expliquer quelques-unes de ces différences qui se reproduisent toujours dans le même sens : ainsi, Pourquoi chez les enfanis la proportion de carbonate est-elle en général plus fable que chez l’adalte et le vieillard ? Pourquoi dans le tissu spongieux pour une même quantité de cendres trouve-t-on plus de carbonate que dans le tissu com- pacte ? Chez l'enfant, en effet, les produits de la décomposition du tissu osseux doivent être en très pelite quantité ; l'os se forme, mais il ne se résorbe que très lentement, et la circulation y étant très ra- pide doit enlever les produits de décomposition presque à mesure qu'ils se produisent. Une fois que le tissu osseux est complétement développé, la circulation s’y ralentit ; le carbonate qui vient de se constituer peut s’accumuler plus facilement, et n'être éliminé que plus lentement. Nous avons déjà va que, dans la plupart des analyses d’os de Jeunesindividus dans de bonnes conditions de santé, il Ÿ avait moins de carbonate que chez ceux d'adultes ; et iei ilest indispensable de ne prendre en considération que les expériences faites sur des indi- vidus dans un état hygiénique parfait. On comprend, en effet, que du moment où le mode de nutrition est troublé dans: l’économie tout entière, la nutrition des organes en particulier peut aussi s’en ressentir, et que chez un enfant où le système vasculaire à sang noir prédominera, qui sera dans un état de veinosité particulier, on pourra rencontrer plus de carbonate qu’à l'ordinaire ; au contraire, chez un adulte, où la circulation veineuse sera peu active, la pro- portion de carbonate devra se rapprocher de celle qui se rencontre 164 ALPHONSE MILNE EDWARDS. en général chez les enfants. Pour ces expériences, il est, je le répète, indispensable d'agir sur des animaux dont on connaîtra l'état de santé, de les sacrifier pour l’expérience, et de rejeter tous ceux qui présenteraient quelque phénomène pathologique. $ VI. Si maintenant on examine les cas accidentels où un os se forme, les résultats auxquels on arrive se rapprochent de ceux que nous avons trouvés pour les os d'enfants, c’est-à-dire que la proportion de carbonate y est moindre, ce qui s'explique par la même raison. : Nous avons examiné un cal, suite d’une fracture du tibia d’un Chien, et un es de nouvelle formation, reproduit an moyen du périoste, provenant des expériences de M. Flourens, et que je dois à l’obligeance de ce savant. Dans ces deux eas évidemment, la nature tendait plutôt à pro- duire qu'à détruire, el nous devions trouver une composition analogue à celle des jeunes os; c'est ce que l'analyse nous à donné : Tibia de chien. Cal de ce tibia Matière cartilagineuse. . . . . . 33,87 36,02 Phosphate de chaux, etc. . . . . 59,32 60,58 Carbonale de chaux. . . . . . . 6,81 3,40 160,00 100,00 Tibia de Tibia ordinaire. nouvelle formation, Matière cartilagineuse . . . . . . 32,7 38,90 Phosphate de chaux, ete. . . . . 59,9 56,60 Carbonate de chaux. . . . . . . . 7,4 4.50 100,0 100,00 Je ne parle pas des concrétions osseuses accidentelles qui peu- vent se former sur différents points, dans l’épaisseur des parois des artères, dans les tendons, ete.; ce n’est plus du tissu osseux, ce sont des dépôts des mêmes sels calcaires, mais dans des pro: ÉTUDES SUR LES 08. 165 portions qui en général diffèrent de celles que l'on trouve dans le issu osseux ; et comme leur structure n'est pas la même, on ne peut faire rentrer ces productions accidentelles dans ln même ca tégorie que les os. M. Fremy (1) a analysé les points osseux trouvés dans les ar- tres d’une femme. J'indique ici les résultats qu'il a obtenus : Points osseux de l'aorte d'une femme de quatre-vingt-huit ans. Condres 31 AMOR NE A MED be rip La 74,2 Chats une fan rs ere 2 42,1 Acide phosphorique . 30,2 Acide carbonique . . . . .. TENTE MAP DÉSION Se As CNRS UUTACES TL 0 En trier ee PM LOF D 7 78,2 si Ti OL PERRIN RENTREE, CEE 48,9 Acide phosphorique . . . . ,...... 28,9 Acide carbonique . . . . , .. . . . .. 4,0 Poe ph db dns dé e ÉRA Le . lraces Je dois à l’obligeance de M. le docteur Cazalis : 1° deux con- crétions osseuses siluées sous la dure-mère, adhérentes à cette membrane, mais nées à la surface de l'arachnoïde; 2° un corps fibreux de l'abdomen, dans le sein duquel s'étaient déposés des sels terreux. L'examen microscopique m'a démontré que ces corps étaient de simples concrétions sañs structure particulière, constituées par une masse amuorphe creusée de vacuoles remplies de matières grasses. La substance animale de ces concrétions, soumise à une ébullition prolongée, ne s’est pas transformée en gélatine ; elle était done d’une autre nature que l’osséine du tissu osseux, €'étit plutot que matière fibrineuse. L'analyse a donné les résultats suivants : (4) Op. cit., p. 87. 166 ALPEONSE MILNE EDWARDS, Concrétivns de l'arachnoïde. MAHOPE A TIIdIee ee eee 2 0 2 Re pere ee 15,0 Phosphate de chaux; etc. : . . . nom, QU x } 2972 Carbonate de chaux. . . . . . . .. sic Et, 5,8 100,0 Concrétion déposée duns un corps fibreux de l'abdomen d'une vieille femme de soixante-dix ans, morte de cancer. Molere animale ne. 22.4. rule. 24 dut: 25,3 Phosphate de chaux, etc. . . . . . . . . . EN -ac I0O Cavbonalede Chaux 00 22,5 ; June 7,9 100,0 S VII. Si maintenant on se demande pourquoi le tissu spongieux est plus riche en carbonate de chaux que le tissu compacte, on peut, en appliquant les idées que je viens de développer, trouver la clef de cette différence. Eu cffet, qu'est-ce que le tissu spongieux ? On sait, par les expériences de Duhamel, de M. Flourens et de plusieurs autres physiologistes, que c'est du tissu osseux en voie de résorption. Jamais un os ne commence par l'état spongieux pour arriver à l'état compacte, toujours l'inverse a lieu, et c’est avant de dispa- raître, que le tissu de l'os prend la structure spongieuse. Évidem- ment dans celte portion en voie d'élimination, si ce qué nous avons dit est juste, il doit se trouver plus de carbonate de chaux ; c'est en effet ce qui a lieu, comme on à pu s’en convaincre en jetant les veux sur les analyses comparées du lissu compacte et du tissu spongieux, que nous avons données plus haut. Chez un même individu, plus un os est spongieux, plus aussi contient-il en général de carbonate de chaux. Chez des individus différents, on peut presque juger à priori, par l'examen d’an os, du rapport que l'on devra trouver entre le phosphate et le carbo- nate. Les os denses contiennent en général moins de carbonate ÉTUDES SUR LES 0. 167 que les mêmes os où le système aréolaire et vasculaire se trouve bien développé. Parmi les pièces nombreuses que le docteur Cazalis a bien voulu me remettre, j'ai choisi, d'une part, un crâne de femme adulte, d'une épaisseur et d’une densité remarquables : le pariétal avait 15 millimètres d'épaisseur ; d’une autre part, un crâne de femme assez épais, mais présentant, au lieu d’une structure serrée, un üssu spongieux et aréolaire, traversé par un grand nombre de vaisseaux, en un mot, où le système veineux paraissait très déve- loppé. L'analyse de ces os a confirmé l'opinion qu'à première vue nous nous étions faite de leur composition chimique, à raison de leur texture. Pariétal compacte, Pariétal aréolaire. Substance cartilagineuse. . . . . . 33,0 40,0 Phosphate de chaux, etc. . . . . . 50,0 48,1 Carbonate de chaux . . . . . . .. 8,0 11,9 100,0 100,0 VARIATIONS DANS LA COMPOSITION CHIMIQUE DES OS CHEZ LE MÊME INDIVIDU. SL. Nous avons déjà vu que l’âge et l’individualité pouvaient faire varier la composition des os. Bien plus, chez un même individu, il ne faut pas croire que tous les os du squelette, même compléte- ment privés de graisse et de sang, aientune composition identique ; ils présentent, au contraire, des différences considérables, suivant qu’on les examine dans telle ou telle région du corps, et ces varia- üons ne peuvent être attribuées uniquement à la présence des vaisseaux sanguins ou d'autres corps étrangers au tissu osseux propre ; car elles se retrouvent même quand on prend des lamelles de tissu compacte. | Si l'on s’en lient aux rapports de la matière organique à la matière inorganique, on peut dire d’une manière générale que les os longs sont plus riches en matières terreuses que les os courts. D'après les résultats auxquels nous sommes arrivés, on devait 168 ALPHONSE MILNE EDWARDS. s'attendre à ce résultat ; en effet, j'ai déjà montré que la substance spongieuse, dans son état de pureté le plus parfait, contient moins desels calcaires que la substance compacte. Aussi les os qui, toutes choses égales d’ailleurs, sont constitués presque exelusivement de l’une ou de l’autre de ces substances doivent présenter une com- position très différente. Quant aux variations que l’on rencontre entre deux os longs, qui, au premier aspect, paraissent contenir à peu près les mêmes proportions respectives de tissu aréolaire et de matière compacte, on peut se les expliquer par la quantité plus ou moins grande de canaux de Havers et de corpuscules qu'ils peuvent contenir, ou bien par la grosseur variable de ces cavités. I] faudrait ici que l’analyse chimique fût accompagnée d’une coupe microsco- pique ; on pourrait ainsi saisir les relations qui existent entre la structure intime de l'os et sa richesse en matières terreuses. Malheureusement ces documents nous font défaut. Nous n'avons que des coupes microscopiques isolées qui ne peuvent servir à éclairer ce point de l’histoire äu tissu osseux. En effet, les corpuscules osseux et leurs prolongements, comme l'a montré Hoppe (1), sont tapissés par une membrane de nature albumineuse ; ils renferment un liquide plasmique. Les canalicules ou canaux de Havers servent à loger de pelits vaisseaux. Lors- qu'on analyse un os, on ne peut se débarrasser de toutes ces malières étrangères à la substance osseuse, et dont le poids vient grossir la proportion d’osséine qui s'y trouve. On comprend faei- lement que cette circonstance constitue une cause de variations qui peuvent être assez considérables, et qu’il serait assez impor- tant de connaitre. On peut déjà, à l'œil nu, apprécier jusqu’à un eertain point Ia compacité d’un os. Ainsi de tous les os du squelette, celui que l'on doit placer en première ligne, sous ce rapport, c’est sans contre- dit le temporal, à cause de sa portion rocheuse. C’est aussi de tous les os du corps celui qui contient le plus de matières terreuses, comme l’ont démontré les analyses de Thilenius et de Frerichs. Ce (1) Ueber die Gewebselemente der Knorpel, Knochen und Zühne (Virchow’s Archiv. fér Pathol., Anat. und Physiolog , t. V, p. 179 ; 4853). ÉTUDES SUR LES OS, 169 dernier observateur a trouvé que la portion rocheuse du temporal contenait 2 pour 100 de sels calcaires de plus que les plus riches d'entre les autres os du même squelette, Dans les analyses de Thi- lenius, la différence était à peu près la même. Chez l'Homme, d':près Rees (1), l'humérus vient en seconde ligne, et sa composition se rapproche beaucoup de celle des os du crâne, tels que loccipital, le pariétal. Chez la plupart des Mammifères, au contraire, le fémur contient plus de sels calcaires que l'humérus ; d’ailleurs entre ces deux os la différence est très laible. Les os de la jambe et de l'avant-bras viennent se ranger après les os de la cuisse et du bras. D'après les analyses de Rees, le ra- dius et le cubitus peuvent être considérés comme ayant une com- position identique. Il en est de même pour le tibia et le péroné mais, pour ces deux derniers os, la teneur en éléments inorga- niques serait un peu plus faible que pour les deux premiers. Dans les analyses que j'ai faites, j'ai presque toujours trouvé un résultat contraire; le tibia et le péroné étaient plus riches en sels terreux que le radius et le eubitus. Aïnsi j'ai trouvé : Chez une femme de vingt ans. L Tibia. Péroné. Radius. Cubilus, Matière organique. . 35,8 35,6 36,2 36,5 Matière inorganique . 64,2 68,4 63.8 63,5 Chez un homme de trente ans. Tibia. Péronc, Radius, Cubitus. Matière organique. . 33,3 a 7 34,1 33,9 Matière inorganique . 66,7 66,3 65,9 66,1 Mais comme on peut s’en assurer, les différences sont très faibles. Chez l'Homme et chez les Mammifères, le membre anté- rieur présente, à peu de chose près, la même composition que le membre postérieur. Viennent ensuite la clavicule, lomoplate, les (4) Proportions of Animal and Earthy Matter in Human Bones (The London and Edinburgh philosoph. Magaz, and Journal of Science, t. XIE, p. 155 ; 1838). 170 ALPIHONSE MILNE EDWARDS. os iliaques, les os du carpe, les côtes, qui présentent à peu près les mêmes rapports entre la matière organique et la matière terreuse. Les vertèbres sont généralement encore plus pauvres en éléments terreux que les os dont je viens de parler. Mais entre lous ces os, les différences sont peu considérables. Le tableau suivant, tiré des analyses de Bibra, donne une idée juste des variations de composition des différents os et du rapport ordinaire de ces variations ; l'analyse a été faite sur les os d’une femme de vingt-cinq ans. Snbstauce inoiganique, Subslance organique. Homénus eh, LE: aeuirr6925 30,75 CENTER MECS TEEN 63,87 31,13 RAGIUE A ENT N ct 106.08 34,32 HÉDURER A N IRMe De 68,64 31,36 DR Ne Lx ME DE 70 68,42 31,58 RÉTOMÉS 22440 HO. RON AUTÉ, 68,54 31,46 Clanieulas gras sie gen 67,51 32,49 Gmanlate ee nr 2. 02. 65,38 34,62 CO ER Se Er GE 57 35,43 UE RAQUERR ER CNE 1P0 0,07 40,03 Ventébres en DEC AS AUDE AD 45,75 SÉBLRUMES NS LICE, RE 63 48,57 Dans tous les individus, les différences ne se trouvent pas dans le même sens. Ainsi il est rare que les os de l’avant-bras contien- nent plus d'éléments calcaires que le fémur, souvent même ils en renferment moins que le libia et le péroné. Mais ee tableau fait ressortir les variations ordinaires que l’on rencontre entre les os des diverses régions. Chez le fœtus, les rapports sont à peu près les mêmes que chez l'adulte, comme cela ressort des expériences de Rees. Ainsi les os longs contiennent plus de matière inorganique que les os du trone : le membre supérieur est plus riche sous ce rapport que le membre inférieur, Mais, ce qu'il y a de remarquable, c'est que les diflé- rences entre les os du tronc et eeux des extrémités sont beau- coup moins considérables que chez l'adulte. D'après ce que nous venons de dire, on voit que, d'une ma- ÉTUDES SUR LES OS. 171 nière générale, les os les plus riches en éléments calcaires sont ceux qui sont destinés à résister ‘aux plus grands efforts. Ainsi, quand un os forme à lui seul l'axe d'un membre, comme l'humé- rus, le fémur, il doit être plus résistant que ceux qui sont aidés dans leurs fonctions par un autre os, comme pour l'avant-bras, la jambe. Aussi avons-nous vu que ce sont ces premiers OS qui con- tiennent le plus de matières terreuses. On pourrait même dire que, chez le même animal, les os qui agissent le plus souvent et avec la plus grande intensité acquièrent une plus forte proportion de sels calcaires. Nous avons dit qu'en général le fémur était plus riche en matières terreuses que l'hu- mérus , mais il n’en est pas toujours de même : ainsi il résulte, de quelques analyses faites par Bibra, que, chez les animaux qui se servent surtout de leurs membres antérieurs, soit pour grimper, soit pour fouir la terre, comme les Taupes, ete., c'est l’humérus qui contient la plus forte proportion de matière inorganique. En effet, le Blaireau présentait, pour l'humérus, 69,27 de matières ter- reuses ; le fémur n’en avait que 68,99. Chez la Taupe, la diffé - rence était encore plus considérable. Chez les animaux qui se servent à peu près également de leur côté droit et de leur côté gauche, les os symétriques ont identi- quement la même composition, comme j'ai pu le constater chez le Chat, chez le Chien, etc., et chez d’autres animaux. Voici les ré- sultats de ces analyses : Chat mâle adulte. Substauce organique. Substance inorsanique. Fémur droit. . . . . iu:4. (34/00 69,00 Fémur gauche. . . . . . . 31,00 69,00 MA ATOME US à 31,10 68,90 Tibia gauche . . . . . ..+ 31,45 68,85 Cubitus droit ." 2.2. 40173158 68,2 Cubitus gauche . . . . . . 34,9 68,1 Humérus droit Miuss core. «He 30,8 69,2 Humérus gauche. . . , . . 31,0 69,0 172 ALPHONSE MILNE EDWARDS. Chat femelle adulte. Sibstance organique. Substance inorganique. Fémur droit . . . .. 1208020935 70,5 Fémur gauche . . . . . .. 29,6 70,4 Dihiaidroits 22 ven + 30,8 69,2 Tibia gauche. . . . . . . . 30,8 69,2 Humérus droit. EU 31,2 68,8 Humérus gauche . . . . . 31,3 68,7 Chez l'Homme, qui, en général, fait fonctionner un eôté plus energiquement que l’autre, les os du bras droit sont un peu plus riches en sels calcaires que ceux du bras gauche, comme j'ai pu m'en convaincre par quelques analyses que j'ai entreprises dans ce but, et dont voici les résultats : Femme de vingt-six ans. Matière organique. Matière inorganique. Humérus droit . . . . . . . 32,10 67,90 Humérus gauche . . . . . . 32,45 67,55 Homme de trente ans. Matière organique. Matière inorgauique. Humérus droits mins. 34,0 66,0 Humérus gauche. . . . . .. 34,8 65,2 Ces différences sont faibles, il est vrai, mais elles se sont tou- jours montrées dans le même sens. D'ailleurs, ce qui tendrait à confirmer celte manière de voir, c’est ce que l’on remarque dans la composition des os des Oiseaux : en effet, chez ces animaux, à quelques exceptions près, l'organe de locomotion principal est l'aile; l’humérus est soumis à des tractions comparativement beaucoup plus fortes que le fémur, qui ne sert, pour ainsi dire, qu’à soutenir le corps. Aussi trouve-t-on chez tous les Oiseaux voiliers une proportion plus considérable de matière inorganique dans l’humérus que dans le fémur, et, ce qu'il est important de remarquer, c'est que les quelques espèces qui ne présentent pas ce rapport appartiennent à nos Oiseaux de basse-cour ; ce sont des ÉTUDES SUR LES 0. 173 animaux lourds, et qui, on peut le dire, ne se servent qu'acet- dentellement de leurs ailes : ainsi la Poule, le Dindon et quelque- fois le Pigeon; encore est-il probable que celui qui a donné ce résultat était un Pigeon de volière. Parmi les Mammifères, la Chauve-Souris présente plus de sels (erreux dans l'humérus que dans le fémur ; ainsi un humérus de Chauve-Souris contenait 64,70 de matières terreuses, tandis que le fémur n’en renfermait que 64,0. $ IL. Jusqu'ici on à peu étudié quelle est la quantité d'eau que con- tiennent les os frais; les seules recherches que l’on ait faites sur ce sujet sont dues à Stark (1) et à Nasse (2). Ce genre d’études présente de nombreuses difficultés ; il faut agir sur les os frais, et, pour peu qu'on les laisse à l'air pendant quelque temps, ils perdent rapidement une certaine quantité d’eau ; de plus, comme ils sont très hygroscopiques, suivant que l'air est plus où moins saturé de vapeur, on trouve des résultats diffé rents. Cependant il est souvent très important de connaître non- seulement la composition du tissu osseux Ini-même, mais encore la proportion d’eau, de moelle, ete., qui, dans l'os frais, se trouve unie à la substance osseuse pour constituer la masse de l'os. On comprend que, bien que la composition de ce tissu ne varie que peu, le rapport entre son poids et celui des autres parties puisse présenter de grandes différences. Sur ce point, nous n’avons aucune donnée. On n’a jamais pris la densité de l'os frais avant d’en avoir fait l’analyse. Les recherches de Stark et de Nasse ont conduit à un résultat que l’on pouvait prévoir : c’est que, plus un os est spongieux, plus la proportion d’eau qu’il renferme est considérable. En effet, la quantité d’eau se lie intimement à la quantité de sang dont l'os est (1) Chemical Constitution of the Bones of the Vertebrated Animals (Edinburgh med. and surg. Journal, t. LXIIL, p. 308-325: 1845). (2) Ueber die Bestandtheile der Knochen in einigen Krankheiten (Journal für prakt. Chemie, von Erdmann und Marchand, t. XXVII, p. 274; 1842). 174 ALPHONSE MILNE EDWARPDS. corgé, et nous avons déjà vu que le tissu spongieux, étant beau- coup plus vasculaire que le tissu compacte, devait renfermer né- eessairement une plus forte proportion de sang : ainsi, dans les os plats et dans les os spongieux, Stark trouva 12 à 50 pour 100 d’eau, tandis que dans les os compactes il n'en trouvait que de ë à 7 pour 100. Ce que nous venons dedire sur la quantité d’eau peut s’appli- quer à la quantité de graisse contenue dans les os d’un même indi- vidu : ‘ainsi les os longs en renferment moins que les os courts, même si l'on a pris soin d'enlever le tissu spongieux qui retient la eraisse avec beauconp d'opiniâtreté. On devait d’ailleurs s'attendre à ce résultat. 8 HE. Les rapports du carbonate au phosphate de chaux ne sont pas absolument les mêmes pour tous les os d'un même squelette. Nous avons déjà vu que la substance spongieuse contenait une propor- lion de carbonate plus considérable que la substance compacte. Nous devons donc retrouver plus de carbonate dans tous les os courts où spongieux que dans les os longs. Cela est rendu évident par les analyses de Bibra : Chien adulte. Fémur, Côtes, Vertèbres. Phosphate de chaux, . . . . 51,63 49,49 49,54 Carbonate de chaux . . , . . 12,63 19,58 12,54 Renard adulte. Fémur, Vertèbres. Phosphate de chaux. . . . 62,29 56,97 Carbonate de chaux . . . . 6,80 6,01 Loup. Fémur, Côtes, Phosphaté de chaux. . . . . 57,87 54,76 Carbonate de chaux , . . . . 41,09 10,90 ÉTUDES SUR LES 0$. 175 Enfant de neuf mois. Humérus, Côtes. Phosphate de chaux. . . . . 50,15 42,32 Carbonate de chaux. .2,.: . , 6,13 6,00 Femme de vingt-cinq ans. Fémur, Côtes. Slernum, Verlibres. Os iliaques. Phosphate de chaux. . . . 57,42 53,91 42,63 Lk,28 . 49,72 Carbonate de chaux. . . . 8,92 8,66 7,19 8,00 8,08 Sous ce rapport, on trouve quelques exceptions, mais, en général, on peut avancer que dans les os courts ou spongieux, de même que dans le tissu spongieux des os longs, la proportion de carbonate est, relativement au phosphate, plus forte que dans ces derniers. VARIATIONS DANS LA COMPOSITION CHIMIQUE DES OS CHEZ DES INDIVIDUS DIFFÉRENTS. SI. Quand nous avons examiné les os d’un même individu, les recherches étaient faciles , tout le squelette était alors soumis aux mêmes influences, à moins de causes accidentelles que l'on pou- vait facilement éviter. Mais quand on vient à étudier la com- position du tissu osseux chez des individus différents, les condi- tions d'alimentation , de santé n'étant pas les mêmes, nous trou: vons alors des variations individuelles qu'il est difficile d'expliquer, et qui se lient en général à un élat pathologique particulier. Aussi, à chaque pas, voyons-nous, en consultant les auteurs qui se sont occupés de ce sujet, des contradictions que l’on ne peut mettre sur le compte d’une erreur d'analyse, mais qui s’ex- pliquent par les différences individuelles. Ensuite les analyses n’ont pas toujours porté sur le même os, el, par conséquent, beaucoup ne sont pas comparalives ; en effet, d’après ce que nous avons dit, il est impossible de comparer entre elles les analyses d’un fémur et d’une vertèbre ou d’une côte, Dans ces recherches, 176 ALPHONSE MILNE EDWARDS. il faut toujours agir sur le même os, et choisir. autant que possible, un os long, tel que le fémur ou l'humérus, et, sous ce rapport, il faut se défier des résultats que donnent les os humains, parce que, comme je l'ai déjà dit, tous ceux que nous avons à notre disposi- tion provenant d'individus morts de maladie, les causes patholo- giques ont pu agir d'une façon notable sur leur composition. Nous aurons ici plusieurs questions à étudier : 4° L'influence de l’âge ; > L'influence du sexe ; 3° L'influence du régime ; k° L'influence du groupe zoologique auquel l'animal appartient ; 5° L'influence des causes accidentelles, telles que ligatures d’artères, section de nerfs. $ II. Influence de l'âge. Les différences que l’âge peut amener dans la composition des os ont été l’objet de nombreuses recherches, el cependant on est encore loin d’être d'accord sur cette question : à savoir, si chez un jeune individu les os sont plus riches en éléments cartilagi- neux que chez un adulte; si cette proportion diminue ou augmente chez le vieillard. Thilenius, Davy, Schreyer, Sebastian, Frerichs, Rees, Bibra, s'accordent pour admettre que, chez les jeunes animaux, les os contiennent moins de matières terreuses que chez l'adulte ; qu'il peut se trouver des différences, inhérentes plutôt aux circon- stances individuelles qu'à l’âge, mais que le rapport indiqué se rencontre d’une manière générale. Bien entendu que, pour ces recherches, on doit, quand on agit sur des os jeunes, enlever les épiphyses, qui, incomplétement ossifiées, viendraient empêcher les analyses d’être comparatives. Au contraire, Stark, Lehmann et M. Fremy, avant trouvé, par leurs analyses, tantôt plus de sels terreux, tantôt moins, chez l’en- fant que chez l'adulte, sont portés à croire que l'influence de l'âge est nulle sur la composition de l'os, que l'os se forme tel qu'il doit ÉTUDES SUR LES 08. 177 se conserver pendant toute la vie. Les analyses que M. Fremy à faites de différents points d’ossificalion, analyses dont nous avons déjà parlé, venaient confirmer cette opinion. Il est en effet plus que probable que la substance osseuse, c’est- à-dire le résultat de la combinaison de l’osséine aux sels lerreux, doit toujours présenter une composition identique ; mais, dans un os, Ce Corps n'est pas seul ; loujours il se trouve sillonné de vais- seaux, qui, dans une analyse, sont comptés comme matière carti- lagineuse, et chez l'enfant los est plus vasculaire que chez l'adulte. C'est un fait que l'on ne peut nier ; il doit done y avoir plus de matière organique. Si l'on veut trancher la question, il ne faut pas accumuler les analyses d'os d’âges différents faites sur des individus soit ma- lades, soit soumis aux influences les plus diverses ; il faut, comme je l'ai déjà dit, expérimenter sur des animaux d’une même portée, qui (ous seront placés dans les mêmes conditions d'existence. Lorsque Lehmann et M. Fremy ont cherché à résoudre la ques- lion, ils ont presque toujours agi sur des os humains, où les va- riations individuelles sont souvent plus considérables que les va- riations dues à l’âge. Pour me mettre autant que possible à l'abri de ces causes d’er- reurs, J'ai opéré comme je viens de l'indiquer, c’est-à-dire avec des animaux de la même portée, ct voici ee que j'ai obtenu : FÉMUR., HUMÉRUS. TIBIA. DÉSIGNATIONS. > RS Mat. Mat. Mat. Mat. Mat. Mat. org. |inorg. | org. iuorg. À Org. | inorg. . {Chat nouveau-né. , . . ./40,58/59,42/40,40/59,60/12,00|58.,00 Le — de 3 semaines. . . .137,00/63,00/37,00/63,00137,20|62,80 és | — de2 mois. . . . . .[36,20/63,80/35,70/64,30|37,30/62,70 © | — de3 mois. . . . .[37,90/63,10/36,10/63,90137,00/63,00 $ Chien nouveau-né. . . .[44,00/56,00144,70/55,30 45,80/54.20 258 ; > . :, — de 4 mois. . . . . .|39,80/60,20/40,20/59,80/10,90/9,10 EE 1 Epid 3'mois ARL'E ab. 36,99/63,01138,30/61,70139,70/60,30 4° série. Zooz. T. XIII. (Cahier n° E À 12 178 ALPHONSE MILNE EDWARDS. Dans l'ouvrage de Bibra, on trouve aussi une analyse faite sur les os de Chiens d’une même portée, à différents âges, et dont nous avons déjà parlé (voir p. 153). Les résultats ainsi obtenus s'accordent parfaitement avec les iiens. Ainsi : FÉMUR. TIBIA. DÉSIGNATIONS. | Mat. org. | Mat. inorg.[Mat. inorg.| Mat org. Chiens nouveau-nés 46,04 | 53,99 » ? Chiens de 6 semaines . .. «| 37,97 | 62,03 | 64,41 | 38,59 Quant à décider si la richesse des os en malières minérales ang- mente encore de lÂge adulte à la vieillesse, c’est une des questions les plus difficiles ; car, chezles vieillards, les causes pathologiques viennent agir avec bien plus d'intensité que chez l'enfant. M. Cazalis a bien voulu me remettre un certain nombre d'os provenant de vieillards de l’hospice de la Salpêtrière, et un simple coup d'œil jeté sur ces organes suffit pour démontrer les varia— tions que doit offrir leur composition. En effet, on voit quelque- fois, chez des individus d’un âge très avancé, mais dont la consti- tution était encore robuste, dont toutes les fonctions de nutrition s’effectuaient régulièrement, on voit les os présenter un tissu serré, dense et résistant; chez d’autres au contraire, d’un âge moins avancé, mais chez lesquels la nutrition se faisait mal, on trouve une grande prédominance de tissu spongieux : le canal ‘imédullaire de l'os est agrandi, et toutes ces différences dans la conslitution physique des os doivent, comme nous l'avons déjà établi, se traduire par des différences dans la composition ehi- nique. Aussi les opinions des physiologistes sont-elles très divergentes sur ce Sujet. Pendant longtemps on a admis que la proportion des matières minérales continuait à s’accroitre de l'âge mur à la vieillesse. Cependant Thilenius a avancé que chez le vicillard la quantité de nie ÉTUDES SUR LES OS. 179 sels calcaires est relativement moins considérable que chez l'adulte, qu'à partir de cette dernière période, elle décroit sensi- blement. Effectivement, à l’appui de eette manière de voir, on peut alléguer beaucoup de résultats d'analyses , mais on pourrait en citer autant à l'encontre. Je crois que maintenant la question ne peut être complétement tirée à clair. I nous faudrait, non pas plus de matériaux que nous n’en avons, mais d’autres matériaux mieux discutés ; il faudrait qu'à côté de chaque analyse on trouvât les indications suivantes : 4° l'âge du sujet ; 2°1a maladie à laquelle il a succombé ; 3° son état habituel de santé ; 4° les particularités de structure que présentait l'os; 5° quelles sont les parties de cet os qui ont été soumises à l'analyse. On pourrait ainsi, en choisissant les résultats obtenus sur des individus ordinairement bien portants, enlevés rapidement à Ja suite de quélques maladies aiguës, arriver à une conclusion exacte sans risque de se laisser égarer par les variations pathologiques, si fréquentes pendant la vieillesse. Jusqu'ici ous ne nous sommes occupé que du rapport existant entre la quantité de matière organique et celle de substance ter- reuse ; nous avons déjà traité des rapports entre le phosphate et le carbonate de chaux. Quant aux autres éléments, tels que les sels solubles, le phosphate de magnésie, nous n'avons pas à nous en occuper, ces substances étant entrop faible quantité pour avoir une importance physiologique notable ; d'ailleurs leurs proportions ne varient que dans des limites très restreintes. L'âge ne paraît pas influer sur la quantité de graisse qui se trouve dans les os. Il n’en est pas de même pour la proportion d'eau. Stark à trouvé que les os des jeunes individus en renfer- maient une quantité plus considérable que les os d'adultes, qu'il y en avait encore moins chez le vieillard. Ces variations expliquent les différences que l'on observe dans l’élasticité des os à ces divers âges de la vie ; plus le tissu osseux contient d’eau, plus il est élas- tique et par conséquent moins il est cassant. 180 ALPLONSE MILNE EDWARDS. S WI. Influence du sexe. Le sexe ne parail avoir aucune action sur là composition du tissu osseux, quoique, en moyenne, le squelette des femmes soit, par rapport au poids total du corps, plus léger que chez l’homme, A l’âge de vingt et un ans, par exemple, en moyenne chez l'homme, le poids du squelette est au poids du corps comme 10,5 : 100, et chez la femme comme 8,5 : 109, terme moyen. Ainsi, chez cette dernière, les os sont, relativement au reste du corps, plus petits que chez l'homme, ce qui s'explique d’ailleurs par le développement plus considérable du tissu adipeux. En outre, les os des femmes paraissent en général prédisposés à certaines maladies qui chez l'homme sont assez rares : le ramollissement des os, je ne parle pas ici du rachitisme, mais de l’ostéomalacie. Cette plus grande fréquence se lie probablement aux grossesses qui, à certaines époques, chez les femmes, exigent une consom- mation bien plus forte de sels calcaires. & IV. Influence du groupe zoologique. Je ne puis avoir la prétention de vouloir traiter complétement ce sujet : il faudrait avoir fait un grand nombre d'analyses d'os d'animaux différents, analyses que je n'ai pu faire; d'ailleurs d'autres expérimentateurs se sont déjà occupés de ce point de l'histoire de la composition des os. Bibra et M. Fremy ont donné un grand nombre d'analyses faites sur des animaux de types différents, el par la comparaison des résultats ainsi obleuus, on voit que jusqu'à présent on n'est point arrivé à trouver de différences constantes entre telle ou telle espèce où même entre tel où tel genre; je dirai plus, entre telle ou telle classe. Les différences individuelles sont plus copsi- ÉTUDES SUR LES 08. 151 dérables que les différences spécifiques et génériques. En con- sullant le tableau que M. Fremy a donné des résultats de ses diffé - rentes analyses, on reconnait qu'entre les animaux les plus dissem blables la composition des os varie peu. Ainsi les os d’un brochet, d’un homme, d'un vautour ont, à peu de chose près, la même composition et en présence de faits de cel ordre, il est impossible de vouloir assigner à tel ou tel groupe une composition particu- lière du tissu osseux. Cependant voici les principaux résultats que MM. Fremy et Bibra s'accordent à admettre comme à peu près constants. Le squelette des poissons ossenx renferme autant de matières terreuses que celui des mammifères. Les reptiles ne présentent aucun fait remarquable dans la com- position de leurs os ; on peut aussi les comparer, sous ce rapport, aux mammifères. Les os d'oiseaux sont en général plus riches en matières ter reuses que les os des autres classes d'animaux, et cependant il n’en est pas de même pour tous les oiseaux ; les gallinacés seuls pré- sentent cette particularité, les autres se rangent à côté des mam- mifères. On comprend que chez les oiseaux, où le tissu spongieux est si peu abondant, la composition des os doive s’en ressentir. Les mammifères herbivores, rongeurs, ele., ea un mot, ceux qui se nourrissent soit de grains, soit d'herbes, ont les os plus riches en malières calcaires que ceux qui se nourrissent de viande. | Toutes ces différences sont d'ailleurs très faibles ; aussi, parmi les oiseaux, on trouvera des individus dont les os présenteront plus de matière organique que les mêmes os d’un mammifere, et réciproquement. On ne peut done rien conclure ici sur un petit nombre d'analyses, il en faut une grande quantité : c’est ainsi seulement qu'on pourra vérifier les tendances; autrement on de- vra s'attendre à trouver des contradictions à chaque pas. 182 ALPRHONSE MILNE EDWARDS. 8 V. Influence du régime. Le régime peut exercer une influence considérable sur la com- position des os. Ce fait ne peut être mis en doute après les expé- riences de Chossat, Ce physiologiste reconnui que des animaux nourris avee des aliments trés pauvres en sels de chaux, au bout d'un temps plus où moins long, commencçaient à dépérir, et enfin ne lardaient pas à succomber; leurs os étaient devenus extrême- ment minces, et quelques-uns , après avoir macéré, ressemblaient à une dentelle. Chez les Pigeons adultes, ces phénomènes arrivent au bout de huit ou dix mois. Chez de jeunes animaux, les effets de la privation de sels calcaires paraissent devoir se faire sentir beaucoup plus rapide- ment; ce quise conçoit facilement, puisque les os non formés ont besoin de puiser dans le sang une quantité considérable de sels terreux. Chossat n'a malheureusément donné aucune analyse des os ainsi dépouillés d’une partie de leurs éléments solides, de façon que lon ne pouvait savoir si les os étaient simplement devenus plus minces, ou si la proportion d'osséine restant toujours la même, la proportion de sels terreux diminuait seule. Bibra (4) remplit cette lacune ; il prit deux Canes de la même couvée, ayant commencé à pondre depuis quelques jours. Il nourrit l’une avec des pommes de terre et de l'orge mondé; à l’autre il donna la même nourriture, plus des sels calcaires. Au bout de huit jours, la première pondait des œufs à coquille mince et fragile; un peu plus tard, les œufs n'étaient plus entourés que d’une pellicule ; enfin elle cessa de pondre trois semaines après. L'autre Cane, que je désignerai par le numéro 2, continuait à pondre régulièrement un œuf tous les deux jours. On termina alors l'expérience et on soumit les os à l'analyse, En voici les résultats : (4) Qp. cil., p.88. + SCT ÉTUDES SUR LES 0$. 185 Fémur. Tibia, Humérus, ns ilspit n° 2. Fe Le uo 4 ne 1. Phosphate de chaux . . 66,79 57,17 63,44 56,52 68,57 56,66 Carbonate de chaux . . 10,26 8,27 10,46 9,30 8,03 10,54 Phosphate de magnésie. 2,20 4,81 280 154 2307 400 Sels solubles . . : . . 0,40 0,60 0,70 0,60 0,70 0,80 Substancecartilagineuse 49,55 34,25 220, 30,93 19,80 29,40 CNRS 22 EM ve 0,80 0,90 0,80 0°93 0,60 0,73 100,00 400,00 400,00 109,00 100,00 100,00 Substance organique. . 20.35 32,45 23,10 31,80 20,40 30,43 Substance inorganique . 79,65 67,85 76,90 68,14 79,60 69,87 Sous l'influence de l'alimentation, la quantité de graisse peut arier considérablement dans les os. Les animaux mal nourris ct maigres présentent des os presque dénués de graisse; quel que soit cependant l’état de maigreur, on en trouve toujours une petite quantité, qui alors paraît faire partie inhérente du tissu osseux ; mais celte proportion est extrêmement faible, de quelques millièmes seulement, et, suivant toute probabilité, provient du liquide des corpuscules, car les canaux de Havers n’en contien- nent jamais. Chez les animaux hibernants, on frouve toujours plus de graisse dans les os avant l'hiver qu'après. Bibra trouva, sur un Blaireau examiné à la fin de l'été 3, 4, 5 p. 106 de graisse dans les os. Chez d’autres animaux de la même espèce et du même âge, 1l ne trouva plus à la fin de l'hiver que 0,8 à 0,5 pour 100 de matières grasses. Le même observateur rencontra des différences semblables chez des Hamsters, considérés avant, pendant ou après leur som- meil d'hiver. Cette variabilité dans les proportions de la graisse des os se retrouvait pour le reste du corps. Avant leur hiberna- lion, ces animaux étaient chargés d’embonpoint; leur graisse dis- paraissait pendant hiver, et à leur réveilils étaient très maigres. Lehmann pense que les animaux hibernants ne perdent qu'une petite quantité de graisse pendant leur sommeil, que cette dernière disparait surtout après le réveil, parce que à ce moment il y à une 184 ALPHONSE MILNE EDWARDS. espèec de réaction, et que toutes les fonctions s’accomplissent avec une énergie plus grande. Mais Bibra a trouvé que, chez des Hamnsters surpris pendant leur sommeil, la même diminution de graisse se remarquait. On n’a fait que peu d'expériences sur la composilion des os d'animaux de même espèce, soumis à des régimes différents. M. J. Guérin avait cependant remarqué que de jeunes Chiens nourris de viande au lieu de lait finissaient par devenir rachi- tiques ; il est probable que ce résultat dépend simplement de ce que ces animaux élaient {trop jeunes pour profiter de celte nourri- ture substantielle, etque, ne pouvant se l’assimiler, leur nutrition en souffrait, Ce qui me porie à émettre eette opinion, ce sont les résultats de quelques expériences que j'ai tentées dans celle voie. J'ai étudié comparativement l'influence d’un régime féculent ct sucré, et d’un régime azoté et gras sur des Chiens. J'ai employé des Chiens de la même portée, aussitôt qu'ils man- geaient seuls. Je choisissais les plus vigoureux pour les soumettre au régime féculent; les plus faibles, au contraire, étaient nourris de graisse et de viande; tous pouvaient d’ailleurs ronger des os bouillis, qui par conséquent ne contenaient guère que des sels calcaires et un peu de gélatine; tous mangealient à discrétion les uns de la viande avec la graisse, les autres de la soupe, et Lous les jours 500 grammes de sucre. Quand le poids de Fanimal avait au moins doublé, c’est-à-dire trois ou quatre mois après, on les sacrifiait, et on examinait leurs os. Jai trouvé que toujours les Chiens nourris de viande, de plus faibles qu'ils étaient, étaient devenus plus vigoureux, leurs os contenaient une plus forte pro- portion de sels calcaires, et relativemeut plus de carbonate de chaux. Dans une de mes expériences, un des Chiens nourris de féculents était devenu presque rachitique , wnais je ne puis rien présumer d’après ce résultat, qui n’était peut-être qu'inhérent à l'individu. On pourrait peut-être expliquer cette diminution de la prepor- tion de carbonate, chez les Chiens nourris de féculents etde sucre, ÉTUDES SUR LES OS. 155 en admettant que le sang, chargé de matières sucrées, aurait pu agir sur le carbonate de chaux, et le dissoudre plus facilement à l’état de saccharate de chaux. Je n'ose cependant tenter de donner aucune explication à ces faits, je mentionne simplement les résultats obtenus : Chien tué au bout de trois mois Ve régime sucré. Fémur, Tibia, Humérus, Matière cartilagineuse . . 34,4 34,7 35,0 Gralsse:. .: 7. LEE 4,1 0,9 A ,4 Phosphate de chaux, etc. 56,6 56,8 56,4 Carbonate de chaux. . . . 7,9 7,6 7 /RC. 100,0 100,0 100,0 Matière organique, . . . 36,5 " 35,6 36,4 Matière inorganique. . . 64,5 64,4 63,6 Chienne tuée au bout de trois mois de régime sucré. Fémur, Tibia. Humérus, Matière cartilagineuse . . 35,0 26,3 36,0 Graiésernus.. Ah. & a SERRE 1,2 1,4 Phosphate de chaux, etc. 57,6 56,8 56,7 Carbonate de chaux . . . 6,1 557 5,9 100,0 100,0 100,0 Matière organique. . . . 36,3 37,5 37,4 Matière inorganique. . . 63,7 62,5 62,6 Fému , Tihia, Humérus, Matière carlilagineuse . . 33,1 33,9 32,9 (Éntlsute der eee 7: 0,8 4,1 0,9 Phosphate de chaux, etc. 56,4 55,5 56,1. Carbonate de chaux. . . . 9,7 9,5 9,8 100,0 100,0 100,0 Matière organique . . . . 33,9 35,0 34,1 Matière inorganique . . . 66,1 65,0 65,9 Chienne nourrie de viande et de graisse, tuée au bout de trois mois de ce régime. 186 ALPHONSE MILNE EDWARDS, Chien nourri de viande et de graisse, lué au bout de trois mois de ce régime. Fémur, Tibia. Humérus, Matière cartilagineuse . . 32,2 33,0 32,5 Grasse MR En 0,7 0,8 1,0 Phosphate de chaux, etc. 58,3 57,5 57,3 | Carbonate de chaux .:. . 8,8 8,7 92 100,0 100,0 100,0 Matière organique . . . . 32,9 33,8 33,5 Matière inorganique . . . 67,1 66,2 66,5 Outre les analyses que je viens de mentionner, j'en ai encore fait deux, qui m'ont aussi donné les mêmes résultats. $ VI. Influence de l'arrêt du cours du sang. oO Restait enfin à examiner l'influence que l'arrêt du cours du sang pouvait exercer sur la composition des os, et la part que de- vait avoir le système nerveux. | Quand on empêche le sang d'arriver à un membre, de deux choses l’ane : ou, au bout d’un temps plus ou moins long, la cir- culation se rétablit par les artères collatérales ; ou elle ne se réta- blit pas : dans ce dernier cas, la vie se suspend dans le membre, il s’atrophie ou se gangrène. L'os subit les mêmes phases que le membre dont il fait partie. Si ‘a cireulation se rétablit , l'os continue à se développer et sa composition n’est pas changée, il y a seulement eu un temps d'arrêt pour sa croissance; temps d’arrêt dont la durée varie avec plusieurs circonstances, et principalement avec l’âge. Aussi cet os est-il ordinairement plus léger que si on l'avait laissé dans ses conditions de nutrition ordinaires. Mais les proportions relatives de sels ealcaires et de malière organique ne sont pas changées. J'ai fait cette expérience sur un jeune Chien, pensant que là où le développement est le plus rapide, j'aurais des résultats plus dé- cisifs, L’artère fémorale a été non-seulement liée, mais reséquée À ÉTUDES SUR LES 0S. . 187 sur une longueur de 4 ou 2 centimètres ; la plaie à paru causer un peu de gêne à l'animal, mais, aussitôt qu'elle a été cicatrisée , il s’est servi de sa patle malade presque aussi facilement que de l’autre. Au bout d'un mois, je lai sacrifié. Jai pu constater par une injection que la circulation s'était parfaitement rétablie par les collatérales, et les muscles présentaient le même aspect que dans la patie saine. Il en éfait de même pour les os; seulement le tibia et le fémur, qui, pendant un certain temps, n'avaient pas reçu une quantité de sang suffisante, étaient un peu plus légers que les autres, tandis que pour le membre supérieur les deux humérus, les deux radius, les deux eubitus avaient sensiblement le même poids : Poids du fémur à expérience, . . . . . . . . 14,9 Poids duifémunisain., .Lhhoren . Eiie + 16,5 POS Ou HNAISANE, 0. Rec: 10,7 Poids du tibia à expérience . . . . . . ... . 8,4 Les os avaient été pesés frais et contenant encore la moelle. Après avoir été dépouillés de celte dernière, lavés et desséchés à 120 degrés, la même différence se faisait remarquer : Hémurtatexpériencan:, se 200 c0ME CN NO 8,5 Réur Sal RES: GI. OA ATEN AP EIRE 9,7 Hibia à-CxpÉMISb£e,: 1. route Dale AE MEET DL RARE LR nu raies ne A AU 5,6 Mais à l'analyse on n’a trouvé de différence ni entre les fémurs ni entre les tibias, leur composition était à peu près identique. Fémur à expér. Fémur sain, ‘Tibia à expér. Tibia sain. Phosphate de chaux, etc. 55,5 55,3 54,9 54,3 Carbonate de chaux, . . . 6,4 6,5 5,8 6,0 GAS US TE QU SERBE 0,8 1,0 0,9 Matière cartilagineuse. . . 37,2 37,4 38,3 38,8 100,0 100,0 100,0 100,0 Matière organique . . . . 38,1 38,2 39,3 39,7 Matière inorganique . . . 64,9 61,8 69,7 60,3 Bibra (4) fitla mème expérience sur un Lapin adulte, il arriva 1 (1) Op. cit, p. 60. 188 ALPHONSE MILNE EDWARDS. au même résultat, seulement il ne chercha pas à constater entre les os des deux pattes la différence que j'ai indiquée pour le poids total. Fémur à expériences, Fémur sain, Phosphate de chaux : . . . . .. 58,27 58,09 Carbonate de chaux . . . . . . . 14,86 15,04 Phosphale de magnésie. . , . . . 1,08 1,09 Sels:solblesotens unes. 4 0,79 0,78 Substance cartilagineuse . . . . . 23,79 23,80 (CEE ES ON ESS PEMENT P 1,21 1,20 100,00 100,00 Matière organique. . . . . te ADQOU 25,00 Matière inorganique. . . . : . . . 75,00 15,00 Bibra, dans une autre expérience, détruisit les artères, les veines et les nerfs du membre ; cette fois la circulation ne se ré- tablit pas, la patte s’atrophia. A l'examen, l'os était rempli, au lieu de moelle, d’une sérosité rougeâtre, il était privé de vie, comme le reste du membre. A l'analyse chimique, on ne trouva aucune différence entre les os de la patte paralvsée et ceux du côté opposé. \ Les os étaient en effet restés tels qu'ils étaient avant l'opéra - tion, ils n'étaient plus en rapport avec le reste de l'organisme et ils n'avaient par conséquent pu rien perdre ni rien acquérir. $ VII. Influence de la section des nerfs. Nous voyons done que l'arrêt du cours du sang dans les ar- tres ne parait pas exercer de changement dans la composition des os. En est-il de même pour l'influence nerveuse? si l’on coupe les nerfs se rendant à un os, observera-l-on des changements dans la manière d'être de cet os? En 1854, M. Schiff (1) fit une série intéressante d'expériences, tendant à faire connaître si la suppression de l'influence nerveuse provoquait du côté des vais- (4) Recherches sur l'influence des nerfs sur la nutrition des os (Comptes rendus des séances de l’Académie des sciences, t. XXXVILL, p. 1050; 1854). ÉTUDES SUR LES OS. 189 seaux et de la nutrition des os des effets analogues à ceux que cette suppression amène dans l'œil, les poumons, la langue et dans beaucoup de membranes muqueuses. Après avoir coupé tous les nerfs qui se rendent à un membre, il vit les petits vais- seaux du périoste et de la moelle se dilater, et au bout de quel- ques jours il y avait une hypérémie de ces parties. Cette dilata- tion ne tardait pas à amener une altération dans la nutrition de l'os et une exsudalion de matière osseuse à sa surface. Mais d'un autre côté, en coupant les nerfs d'un membre, il condam- nait ce dernier à limmobilité, et au contraire cette immobilité tendait à faire diminuer l'os de volume. Il y a done dans ce cas deux forces qui sont en présence; il y a d’une part, une exsuda- tion à la surface de los, amenée par la dilatation des vaisseaux ; d'autre part, une diminution de volume résultant de l’immobilité du membre. Chez les jeunes animaux où la nutrition est très active, cette hypertrophie ne tarde pas à se montrer; mais chez les individus adultes elle arrive beaucoup plus lentement ; au lieu de grossir, immédiatement l'os, par suite de limmobilité, commence par diminuer de volume, et ce n’est que six ou huit mois après qu’il présente la production osseuse dont nous avons parlé. M. Schilf, pour mettre en évidence Fhypertrophie de l'os, et faire abstraction des effets de l'immobilité, a coupé le nerf maxil- laire d’un seul côté; les mouvements de la mâchoire s’exécutaient encore, grâce au jeu des muscles de l’autre côté, et la cause qui produit l’amincissement n'existait plus. Aussi, au bout de quelques jours, on voyait déjà de nouvelles couches osseuses se déposer sur l'os primitif, et au bout de quelque temps le côté de la mà- choire présentait une épaisseur et une densité considérables. J'ai pensé qu'il serait intéressant de rechercher l'influence que celte section des nerfs peut avoir sur la composition des os. J'ai done soumis à l'analyse des os ainsi hypertrophiés. Voici les résultats auxquels je suis arrivé. 190 ALPIHIONSE MILNE EDWARDS Section du nerf maæillaire inférieur chez un chien de huit mois, sacrifié au bout de cinq semaines. Le côlé paralysé de la mâchoire est considérablement hyper- trophié. Côté paralysé, Côté sain, Phosphate de chaux, ele. , . . 54,8 52,9 Carbonate de chaux. . . . . . 8,7 10,3 Matière cartilagineuse . . . . 36,5 36,8 100,0 100,0 Matière organique. . . . . . . 36.5 : 36,8 Matière inorganique . . . . . . 63,5 63,2 Section de deux nerfs de la jambe chez deux jeunes chiens sacrifiés après un mois. Côté sain, Côté paralysé, nos ge n° 2. noue ni ne. Phosphate de chaux, etc. . . . 60,7 54,8 61,3 56,5 Carbonate de chaux . : . . . . ÿ 42) 6,3 5,2 4,7 Matière cartilagineuse . . . . . 32,0 38,9 33,9 39,0 100,0 100.0 100,0 100,0 Matière organique. . . . . . . 32,0 38,9 33,5 39,0 Matière inorganique. . . . . . 68,0 61 À 66,5 61,0 Nous voyons done, comme résultat de ces analyses, que du côté paralysé el par conséquent hypertrophié, la proportion des sels terreux diminue un peu, et que la quantité de carbonate de chaux est de beaucoup plus faible; cela devait être, puisque nous avons iei affaire à un os jeune, dont une grande partie vient de se former depuis peu de temps, et, comme nous l'avons déjà dit et expliqué, en général, chez les jeunes individus, la proportion des sels lerreux et surtout du carbonate de chaux est plus faible que chez les adultes. Cette expérience vient done encore à l'appui de la manière de voir que je suis tenté d'adopter pour expliquer en partie la formation du carbonate de chaux. ÉTUDES SUR LES 06. 191 CONCLUSIONS. En résumé, les faits que j'ai observés me paraissent conduire aux conclusions suivantes : 4° La substance osseuse est le résultat de la combinaison de l’os- séine avec les sels calcaires de l'os. 2 La gélatine peut former une combinaison chimique particu- lière avec le phosphate de chaux basique. 3 C’est essentiellement ce composé chimique qui paraît consti- luer le tissu osseux. h° Le carbonate de chaux des o$ parait n'être, en majeure partie, qu'un produit de la décomposition du phosphate, décompo- sition effectuée par les liquides de l'organisme. 9° Les variations que l’on rencontre dans le rapport des pro- portions de phosphate et de carbonate de chaux contenus dans les os dépendeni, d’une part, de Ia période plus ou moins avancée de là décomposition nutritive de l'os; d'autre part, de l'équilibre entre la rapidité de cette décomposition et la rapidité de la résorption des produits décomposés. 6° Chez l'enfant la proportion de carbonate de chaux est moins considérable que chez l'adulte et le vieillard. 7° Les os que l’on peut considérer comme de formation récente tels que le tissu adventif développé à la suite de blessures du pé- rioste ou de la section des nerfs de l'os, le cal, etc., sont moins riches en carbonate que les os arrivés à leur état de développement parfait. 8° Le tissu spongieux, tissu qui est en voie de résorption, con- tient plus de carbonate de chaux que le tissu compacte. 9e Chez l'enfant, la proportion des matières terreuses est moins forte que chez l'adulte ; mais celte variation ne parait pas dépendre d’une différence dans la nature de la substance osseuse, et semble tenir simplement au rapport qui existe dans l’os entre la propor- tion de cette substance comparée à celle des vaisseaux. 10° L'influence du régime peut se faire sentir sur la composition des os. Des chiens soumis à un régime féculent et sucré ont 192 ALPHONSE MILNE EDWARDS. présenté moins de matières terreuses et particulièrement moins de carbonate de chaux que des chiens nourris exclusivement de viande et de matières grasses, tous ces animaux recevant du phosphate de chaux à discrétion. 14° L'arrêt du cours du sang ne parait pas agir sur la compo- silion chimique des os. 12° Les varialions que l’on rencontre entre la composition des os d'individus différents d’une même espèce sont souvent plus con- sidérables que celles que l’on voit exister entre les os des animaux de divers groupes zoologiques. 13° Contrairement aux assertions de M. AL. Friedleben, la chon- drine et la gélatine, ainsi qu’on l’admettait avant lui, sont bien Ges substances différentes, RECHERCHES ANATOMIQUES SUR L'ASCALAPHUS MERIDIONALIS, Par M. Léon DUFOUR,. Il est un groupe d’élégants Névroptères qui, jusqu’à ce jour, avait éludé mon sealpel, et laissait dans mes recherches d’anato- mie entomologique une regrettable lacune : ce groupe est celui des Ascalaphiens. Aucun auteur, à ma connaissance, n'a parlé de son organisation viscérale. Depuis plus d’un grand demi-siècle que j'explore l’entomologie de la contrée que j'habite, je n’avais point rencontré un Ascalaphe, en sorte que ce fut pour moi et pour la science une bonne fortune de l’y découvrir en assez grand nombre pour pouvoir en sacrifier plusieurs à la dissection. Dans la première semaine de juin de la présente année 4860, je fis une excursion botanique fructueuse dans les collines calcaires de la commune de Pimbo, à une trentaine de kilomètres au sud- est de Saint-Sever, aux confins-du département des Landes avec celui des Basses-Pyrénées. Dans cette exploration, mon fils Albert saisit, le premier, un individu de l’Æscalaphus meridionalis, ce qui fut l’occasion d’en faire une bonne provision. Avant de porter le scalpel dans les entrailles de cet insecte, il convient, dans le but d’un contrôle à bon droit, de donner une description sommaire de l’espèce, et de dire le peu que l’on sait sur ses MŒurs. CHAPITRE L. ESPÈCE, MOEURS, STRUCTURE EXTÉRIEURE. Les Ascalaphes, par la texture de leur corps, leur composition squelettique, leurs habitudes chasseresses, rappellent les Myrme - &° série. Zooz. T. XIII. (Cahier n° 4) ! 13 194 L. DUFOUR. leo, Osmylus, Nemoptera, qui les avoisinent dans la série géné- rique ; mais leurs brillantes ailes étalées horizontalement, leurs longues et fines antennes terminées brusquement par un gros bouton dont je ferai connaître bientôt la curieuse structure, des yeux partagés, dans la plupart des espèces, par une rainure trans- versale, et l'absence d’ocelles les en distinguent, et je partage le sentiment de M. Rambur qui veut élever ce groupe à la distinction de famille. Quand bien même l'analyse des contenta du tube digestif ne m'aurait point donné l'irréfragable certitude que l’Ascalaphe est insectivore, ses mandibules robustes etincisives, ses pattes courtes, fortes et hérissées de poils rudes, ses ongles longs et acérés, et ses larges ailes, m’auraient fait présumer que ce volage insecte était chasseur de profession, et devait se nourrir d’une proie vi- vante. Enfin j'ai eu la triste occasion de constater que des Asca- laphes vivants enfermés dans une boîte se sont horriblement entre- dévorés. Le vol de l’Ascalaphe est rapide, mais de courte durée. Quand on ne l’inquiète point, il plane, et franchit peu les limites de son habitat normal. A l'approche du danger, lorsqu'on le poursuit, 1l s’abat au milieu des herbes de la prairie, et se faufile si bien à tra- vers le gazon en déjetant en arrière ses antennes, qu'il devient fort difficile de l’y découvrir. Voici la diagnose aphoristique de l'espèce soumise à mes dis- sections : Ascalaphus meridionalis Charp. ex Rambur, Mévr., Roret, p. 34h. A. italicus Latr. (non F.), Gen. Ins., III, p. 194. A. üalicus Panz., Faun. germ., fasc. 3, fig. 23 bona. Ater villosus ; facie sub antennis griseo densius villosa ; oculo- rum sulco transverso ; thorace punctis plurimis, facie macula or - bitali flavo-citrüus ; alis anterioribus marginisque interni macula flavis, spatio interjecto atro ; posterioribus basi macula magna atra postice attenuata, marginem internum attingente ; nervis apicalibus nebuloso-obscuris ; pedibus flavo variis, tarsis atris. RECHERCHES SUR L’ASCALAPHUS MERIDIONALIS. 195 Hab. In variis Galliæ meridionalis regionibus, nempe Brives, Saint-Sever, Cauterels, etc. Charpentier, et après lui Rambur, ont distingué, avec raison, cette espèce du légitime italicus Fabr., avec lequel elle a été con- fondue par plusieurs auteurs. J'ai reçu jadis de Passerini (de Flo- rence) un couple de l'italicus Fabr., qui diffère surtout du meridio- nalis par l'absence de raie noire entre les deux taches jaunes des ailes antérieures, et par la grande tache noire des ailes posté- rieures qui, dans le meridionalis, s'atténue en pointe , ce qu’a très bien représenté Panzer, tandis que dans l’italicus cette même tache est arrondie et même un peu échancrée. Les archives de la science sont absolument muettes sur les mé- tamorphoses, les habitudes, les amours des Ascalaphes, qui se bornent à faire l’ornement de nos collections. Leur anatomie pourra nous révéler quelques traits de leur vie privée, et provo- quer ainsi les investigations. M. Rambur, dans ses Généralités sur les Myrméléonides, parle d’une larve du midi de la France qui aurait des poils courts, ren- flés, des tubercules latéraux hérissés, des pattes très courtes, la tête excavée et des ocelles. Ce savant entomologiste demande si cette larve n’appartiendrait pas à un Ascalaphe : adhuc sub judice lis est. Les antennes qui forment le trait le plus caractéristique du genre Ascalaphus méritent de nous arrêter un instant. Leur longueur dépasse celle du corps de l’insecte ; elles sont d’une finesse extrême, parfaitement glabres, terminées par un gros bouton abrupt plus. ou moins ovoide durant la vie. La tige se compose d’une trentaine d'articles pour la plupart oblongs, cylindriques, avec un renfle- ment terminal brusque, ce qui à la loupe leur donne l'aspect toru- leux où noueux. Au voisinage de leur insertion à la tête, ces articles plus courts, plus rapprochés, se prêtent plus spécialement aux mouvements généraux de l'antenne, à sa projection en avant ou en arrière. Contre l’assertion de M. Rambur, malgré les inves- tigations scrupuleuses d’une loupe bien éclairée , je n’ai jamais constaté que le premier de ces articles füt vésiculeux. Je lui ai l'ouvé, avec un peu plus de grosseur, la texture et la solidité des articles suivants. 196 L. DUFOUR. Les antennes des Ascalaphes sont de véritables balanciers, des avirons aériens propres soit à diriger le vol, soit à favoriser la sta tion atmosphérique et l’action de planer. Mais il était réservé au scrulateur de la fine anatomie des insectes de révéler dans ce bouton terminal des antennes autre chose qu'une forme capricieuse, d'y découvrir une texture, une organisation intime et des fonctions tout à fait inaperçues aux entomologistes. Ce bouton ne saurait être bien étudié que sur le vivant, ou mieux encore après une convenable macéralion, pourvu qu'il n'ait pas été préalablement desséché. Dans ces conditions, il est composé d’une douzaine de cerceaux annulaires opaques, noirâtres, séparés par autant d’intersections linéaires, blanchâtres, membraneuses ou fibro-membraneuses, qui permettent aux cerceaux de s’écarter, de se rapprocher, de manière à faciliter le développement, le ren- flement subvésiculaire du bouton. C’est alors que celui-ci prend une configuration ou ovoïde, ou turbinée, ou ellipsoïdale, et que l’on constate mieux à son bout antérieur un petit appendice subulé, noirâtre, formant comme une clef de voûte. En ouvrant par déchirement cette capsule antennaire, j'ai re- connu dans son intérieur une pulpe spéciale très délicate, qui m'a paru, par son incoloration, de nature nerveuse, et où le microscope décèle d’imperceptibles trachéoles nutritives. Ce bouton, par sa pulpe intérieure, par la composition de son enveloppe dilatable et peut-être érectile, fait naître l’idée d’un or- gane, d’une fonction. J’aila conviction intime qu'il est le siége des deux sens, de l’ouïe et de l'odorat. J'ai déjà en 1850 (Annal. Soc. Lin. de Bordeaux) publié en commun, avec mon savant ami Perris, un petit travail sur cette double fonction dans les insectes. Un jeune naturaliste, d’une rare sagacité dans les investigations mi- croscopiques, M. le docteur Ch. Lespés, a pénétré l'organisation texturale des articles terminaux des antennes où réside la faculté de l'audition. I y a découvert, à la lueur des plus fortes lentilles amplifiantes, des points d’une organisation fort singulière. Toute- fois cette question ardue demeure encore pendante. Quant au eumul dans le même organe des deux fonctions de l’ouïe et de l’odorat, me bornant pour le moment au bouton de notre Ascalaphe, je rappellerai que les agents qui président à RECHERCHES SUR L'ASCALAPHUS MERIDIONALIS. 197 l’exercice physiologique de ces deux sens sont transinis par l'air. Pour l’ouïe, c’est le simple ébranlement, la succussion du fluide atmosphérique seul qui transmet le son. Pour l’odorat, c’est ce même ébranlement d’un air chargé d'atomes odorifiques qui pro- voque la fonction. Dans l’un et l’autre cas, les nerfs de ces articles antennaires transmettent l'impression à l’encéphale. CHAPITRE II. ANATOMIE. $S I. — Appareil sensitif. Comme le système nerveux dans les insectes ne varie, quant au nombre des ganglions, ni dans les genres d’une même famille, ni dans les familles d’un même groupe naturel, il doit avoir dans l’Ascalaphus la même composition que dans l'Osmylus, qui lui est contigu dans la classification, et dont j'ai représenté cet appareil dans un mémoire relatif à ce dernier Névroptère (Ann. se. nat., 1848), c'est-à-dire qu’il y existe un cerveau, trois ganglions thoraciques et six ganglions abdominaux. Malgré des dissections réitérées, je dois dire que je ne suis point parvenu à mettre en évidence dans son intégrité la chaine ganglionnaire de l’Ascalaphe. J'ai parfaitement vu le cerveau avec ses lobes optiques, ainsi que le premier ganglion thoracique et les quatre derniers abdominaux; les autres m'ont échappé. "J'ai été assez heureux pour enlever la cornée aréolaire des yeux sans blesser la pulpe oculaire sous-jacente; celle-ci avait conservé la forme ovalaire de l'œil, et elle m'a présenté un fait remarquable qui vient confirmer la validité d’un trait extérieur signalé par M. Rambur. Ce trait extérieur est une rainure trans versale qui partage la cornée du globe oculaire en deux parts iné- gales. Ce caractère a servi au savant que je viens de nommer pour établir deux divisions dans les espèces du genre Ascalaphus. 1 fallait le secours du scalpel pour donner à ce caractère extérieur une confirmation anatomique qui en corroborât la solidité. La rainure de la cornée correspond à une intersection fibro-membra- 195 L, DUFOUR. neuse de la pulpe optique. La lentille grossissante la plus scru- puleuse ne trouve pas à cette intersection la moindre trace des divisions optiques si nombreuses à la surface des deux portions de celle réline. Cette intersection traverse donc de fond en comble toute l’épais- seur de la grande masse optique, et constitue ainsi pour chaque côté deux yeux aussi distincts par la rainure externe que par l'in- tersection rétinale. Cette constatation du scalpel témoigne haute- ment de la sagacité entomologique de M. Rambur, en même temps qu’elle confirme la valeur des conformités du squelette extérieur avec les viscères qu'il sauvegarde. La surface optique présente entre les ocellaires qui la hérissent une teinte blonde due à un léger pigmentum. | La traverse cérébrale qui unit les deux hémisphères m’a paru percée au milieu d’un trou qui donne passage à l'œsophage, et constitue le collier æsophagien. Au sortir du crâne, le cerveau se continue en deux cordons rachidiens, qui relient entre eux les ganglions, comme daps Ja généralité des insectes. La figure me dispense d’autres détails. $ II. — Appareil respiratoire. A. Séigmates. — a. Stigmates abdominaux. — Je me vois contraint de répéter ici ce que j'ai déjà avancé dans l’anatomie de l'Osmylus , c’est que mes investigations les plus obstinées ne me les ont pas fait découvrir à l’abdomen de ce dernier Névroptère, non plus qu'à celui de l’Ascalaphus. Déjà, dans mon Anatomie des Névroptères (Mém. Acad., 1840), j'avais, d'accord avec le célèbre Sprengel, déclaré que, dans nos plus grands Névroptères, Libellula, Æshna, ainsi que dans les Ephemera , les stigmates abdominaux n'existent point, tandis que je les avais positivement trouvés dans les Myrmeleo et Phryganea. M. Fréd. Brauer (Bull. Soc. 30ol.-bot, de Vienne, 1855) avance que, dans l’Ascalaphus et la Mantispa, il existe six paires de stigmates à l'abdomen. Cette assertion, quoique trop brièvement généralisée et dépourvue de pièces à l'appui, ne laisse pas que de jeter quelque défiance sur RECHERCHES SUR L'ASCALAPHUS MERIDIONALIS. 199 ma négation de ces stigmates dans l’Ascalaphus, et de tenir en suspens mon jugement définitif sur cette question toute microsco- pique. Je dirai toutefois, à l'appui de mon opinion négative, que, dans les autopsies scrupuleuses des viscères abdominaux de l’A4sea- laphus, je n’ai point saisi cette disposition des trachées, qui ramè- nerait celles-ci à des troncs prenant leur origine à des stigmates latéraux. b. Stigmates thoraciques. — Quoique je ne les aie pas constatés eæ visu, je n’élève aucun doute sur leur existence démontrée par les trachées intra-thoraciques, dont les troncs partent des flancs de cette cavité. B. Trachées. — Ces vaisseaux de la cireulation aérifère appar- tiennent presque tous à l’ordre des trachées tubulaires ou élas- tiques. Leur distribution n'offre rien de particulier ; mais on peut constater ici, comme dans la généralité des insectes, que Ja valeur physiologique des appareils organiques se mesure à la fréquence des vaisseaux nutritifs. Aussi les trachées forment-elles un lacis inextricable autour des organes de la génération et de la digesüon. Mais ce qui vient encore à l’appui de mia négation des stig- mates abdominaux dans l’Ascalaphe, c’est l’existence de deux énormes troncs trachéens, rapprochés lun de l'autre pour franchir le détroit thoraco-abdominal ; ils vont constituer sur les flancs de l'abdomen les deux grandes trachées latérales, d'où émanent tous les rameaux et ramuseules qui vont insuffler la vie dans tous les viscères, dans tous les tissus. Évidemment, ces deux énormes troncs trachéens partent des stigmates thoraciques. Mais en ouvrant soigneusement le crâne de l’Ascalaphe récem- ment privé de vie, on y constate, sinon de véritables trachées utriculaires où membraneuses, du moins plusieurs dilatations des trachées élastiques qui servent de ballons aérostatiques , soit pour équilibrer les balanciers antennaires dans la progression aérienne, soit pour faciliter la station atmosphérique dans le but de viser une proie. 200 L. DUFOUR. 8 III. — Appareil digestif. C'est une des plus vives satisfactions pour l’anatomiste des petits comme des grands organismes, de confirmer ces saisissantes conformités organiques, ces sublimes lois d'harmonie des actes de la vie extérieure, présidés par les instruments des cavités splanchniques. Rien n’encourage plus le scalpel que les consé- quences physiologiques qui découlent de ces anatomies com- paratives. J’ai déjà dit que la composition et la structure du sque- lette tégumentaire de l’insecte traduisaient d’avance son genre de vie. L'appareil digestif de l'Ascalaphe va mettre en lumière cette vérité, Cet appareil consiste en glandes salivaires, tube alimentaire, vaisseaux hépatiques. A. Glandes salivaires. — Quoique simples, comme celles du Myrmeleo, de lOsmylus et du Siahs, elles en différent généri- quement. Dans ces trois derniers Névroptères, la glande se termine en arrière per un vaisseau sécréteur grêle suivi d’un réservoir renflé. Dans l’Ascalaphe, l'organe chargé de la sécrétion estune capsule ovale-oblongue, dont les parois élaborent l'humeur salivaire et dont la cavité est le réservoir. Cette capsule est munie, en avant, d’un col capillaire plus long qu’elle et les deux cols con- fluent dans la tête en un canal excréteur fort court, s’ouvrant dans la bouche. Les figures rendent tout cela sensible. B. Tube alimentaire.—Ainsi que dans les animaux carnassiers de tous les ordres, il est court, c’est-à-dire que sa longueur ne dépasse point celle du corps et il n’a point de flexuosités. L'œsophage, d’abord d’une ténuité capillaire, se dilate dans le thorax en un jabot plus ou moins prononcé, suivant quelques con- ditions digestives. Ce jabot, purement musculo-membraneux, reçoit en arrière, mais latéralement, une panse de même texture que lui, et dont le développement est fort variable. Dans l’état de vacuité elle devient presque insaisissable. Dans des individus qui en captivité avaient dévoré leurs semblables, je lai vue occupant le tiers antérieur de la cavité abdominale, et pleine d’une bouillie RECHERCHES SUR L’ASCALAPHUS MERIDIONALIS. 201 noirâtre où la loupe reconnaissait les débris tégumentaires de la victime. Entre le jabot et le ventricule chylifique, un œil pratique aper- çoit un petit gésier ovalaire, d’une teinte légèrement roussâtre, qui au ttonnement de l’épinglea une consistance élastique, témoignant d’une texture apte à la trituration. L'intérieur de ce gésier offre effectivement à son orifice antérieur une série circulaire de huit écailles brunes, coriacées, ovalaires formant par leur connivence une véritable valvule pylorique. Ces écailles se continuent sur la paroi interne du gésier par autant de fines paillettes roussâtres, où mes plus fortes lentilles n’ont pu découvrir ni dents ni aspéri- tés. Je constate seulement entreles écailles valvulaires un plan mus- culaire plus prononcé. J'ai cent fois, dans le cours de mes microtomies, provoqué l’ad- miration sur ces petites machines organiques à trituration, et j'y reviens toujours avec complaisance. La physiologie de ces organismes si infimes est soumise aux mêmes lois, aux mêmes applications rationnelles que celle des animaux le plus haut placés dans l'échelle. Ce presque imperceptible pylore de l’Ascalaphe a son mode de sensibilité, son degré de contractilité qui le font s’entr'ouvrir pour admettre les atomes bien élaborés de la première digestion stomacale, tandis qu'il demeure fermé dans la condition contraire. Le ventricule chylifique est grand, vu la taille de l’insecte et comparativement aux autres parties de l'appareil digestif; 1l est droit, conoïde, blane, d’une texture souple et molle, marqué d’es- pace en espace de contractures annulaires déterminées par des rubans musculeux. Sa surface est hérissée de très courtes papilles bien sensibles au microscope. Il renferme un liquide brun invi- sible à l'extérieur, ce qui prouve l'épaisseur de ses parois. Son extrémité postérieure présente un anneau sombre qui dénote une valvule intérieure dont je parlerai bientôt. C'est après cette valvule que naît brusquement l'intestin sterco- ral. Celui-ci , d’abord cylindrique, se dilate bientôt en un cæcum ou rechüm, comme on voudra, remarquable par six disques mus- culeux ovalaires plus blanes, plus compactes que la tunique qui les 202 L. DUFOUR. supporte et disposés annulairement, peut-être sur deux rangées. Ces disques où muscles orbiculaires sont entourés d’un fin cer- ceau brun, où se fait l’attache des fibres; et ce sont eux qui, par leur contraction énergique, provoquent l’expulsion des matières stercorales. Je me suis convaincu que celles-ci sont des crottes oblongues dures et noirûtres. C. V'aisseaux hépatiques. — Ces organes de la sécrétion biliaire sont, ainsi que ceux des Myrmeleo, Osmylus, Nemoptera, au nombre de huit, à bouts libres et flottants. Proportionnellement plus longs que ceux de la plupart des Névroptères, ils enlacent de leurs inextricables flexuosités tous les viscères, tous les tissus. Loin d’avoir cet aspect qui les faisait désigner par Malpighi sous le nom de vasa varicosa, ils sont lisses et unis. Leur longueur semble remplacer les varicosités, et dans les deux cas c’est une multiplication de la surface sécrétoire. La couleur de ces vaisseaux est constamment blanchâtre ; je n’y ai jamais vu une bile ni verte, ni jaune, ni brune. Ils se fixent isolément autour d’un cerele bru- nâtre qui termine le ventricule chylifique ; c’est là le siége de la valvule ventriculo-intestinale, qui correspond à la valvule iléo- cæcale des animaux supérieurs. Formée sur le plan de celle du pylore, on y constate huit écailles brunâtres, ovalaires, à chacune desquelles a lieu l'insertion des vaisseaux hépatiques. Ces écailles se prolongent en autant de filets roussàtres qui rampent sur la pa- roi interne de la première portion de l'intestin. APPENDICE, TISSU ADIPEUX SPLANCHNIQUE. Dans toutes mes autopsies entomolomiques, j'ai signalé ce tissu comme se rattachant évidemment à la nutrition. Il consiste, dans VAscalaphe, en nappes ou guenilles d’une graisse fine, d’un blanc À peine jaunâtre, contenue dans des sachets fort grêles qui pour- raient en imposer pour des vaisseaux. Enchevèêtrés par des ramus- cules trachéens et nerveux, ces sachets sont répandus partout et protégent de leur édredon la délicatesse des organes, en même RECHERCHES SUR L'ASCALAPHUS MERIDIONALIS. 203 temps qu'ils activent peut-être leurs fonctions. J'ai remarqué que ce tissu adipeux prenait, en revêtant les muscles du thorax, une teinte bistrée, Dans les temps de disette, lorsque les pluies prolongées s'op- posent à là chasse du menu gibier dont l’Ascalaphe se nourrit, cette pulpe graisseuse résorbée, comme celle des animaux hiber- nanls, vient suppléer le manque de vivres, et maintient ainsi un certain temps l’existence de ces frêles volatiles. $ IV, — Appareil génital. A. Appareil génital mâle. — À l’époque de ma chasse aux Ascalaphes, dans la première semaine de juin, les mâles étaient tellement rares, que je ne pus en soumettre à la dissection que deux ou trois. On sait qu'au temps des métamorphoses des insectes, les mâles éelosent toujours les premiers, afin que les femelles plus tardives les trouvent en état de satisfaire au vœu de là prévoyante nature, à la reproduction de l'espèce. A l’époque dont je viens de parler, les femelles, qui toutes avaient subi l'approche des mâles, étaient dans une gestation avancée, tandis que ces derniers, en quelque sorte épuisés, étaient loin d'offrir celle turgescence séminale qui se prête à l’évolution des divers organes de l'appareil génital, et qui facilite ainsi les investigations de l’anatomiste. Il est résulté de là, et je dois cet aveu à la science, que mes dissections laissent à désirer sur quelques-uns de ces organes, et notamment sur les vésicules séminales et l’armure copulatrice, a, Testicules, — Placés de chaque côté de la base de la cavité abdominale, ils y sont fixés pour ainsi dire inamoviblement par un lacis de trachéoles, de nerfs et de tissu adipeux. Chacun d'eux se présente sous la forme d’une glande lisse, unie, ovale-oblongue, arrondie aux deux bouts, d’un blanc mat avec une légère teinte flavescente. Quand on parvient à déchirer adroitement sa tunique extérieure, on reconnaît qu'il est essentiellement constitué par une grappe, Ou mieux un épi serré müriforme, de capsules spermi- figues vésiculaires, ovoïdes, sessiles, plus ou moins transparentes. 20/4 L. DUFOUR. b. Conduits déférents. — Chacun d’eux, simple, droit et d’une finesse capillaire, a quatre fois au moins la longueur du testicule. Il ne part pas précisément du bout postérieur de celui-ci, comme on pourrait le croire en l’examinant sur place, mais il s’insère en dessous, un peu avant ce bout, ainsi que l'indique la figure que j'en donne. ©. Wésicules séminales. — Je me suis déjà expliqué relativement à la cause de mes doutes sur ces vésicules. J’ai seulement constaté au bout de la cavité abdominale deux agglomérations arrondies, rapprochées et presque confondues, de petites utricules ovoïdes et sessiles, remplies d’un liquide prolifique. J’ignore complétement les connexions de ces vésicules, soit entre elles, soit avec les con- duits déférents, soit enfin avec le canal éjaculateur. On sait que le mâle des Ascalaphes se distingue extérieurement de l’auire sexe par la saillie, au bout de l'abdomen, d’un forceps dont les branches cornées et velues sont modérément arquées, et peuvent former par leur connivence une pince, une tenaille des- tinée à saisir, à retenir l'abdomen de la femelle dans l'acte de la copulation. B. Organe génital femelle. — a. Ovaires. — Chacun d’eux con- sisle en un faisceau de dix gafnes ovigères multiloculaires, où l’on compte de vingt-cinq à trente œufs ou germes. Ce faisceau, quand il demeure logé dans l’étroite cavité abdominale, est allongé, mais hors de celle-ci il prend de l'ampleur, comme tous les viscères qui pendant la vie sont emprisonnés dans une enceinte hermétique, et il devient conoïde, ainsi que le représente la figure. A la pointe du faisceau les gaines ovigères convergent en un ligament suspen- seur propre, et celui-ci, réuni à son congénère, forme le ligament suspenseur commun, qui se fixe dans le thorax. Payons encore ici un juste tribut d'admiration à la sage pré- voyance de la nature, qui maintient dans de convenables limites ces organes dépositaires des germes de la vie de l’espèce, et qui sait lutter si efficacement contre le volume et la pesanteur progressifs d'une active gestation. En arrière, les gaines ovigères s’abouchent isolément à un RECHERCHES SUR L’ASCALAPHUS MERIDIONALIS. 205 calice cupuliforme, l’émule d’une matrice, destiné au séjour mo- mentané, à la complète maturation des œufs à terme. Les deux calices plus ou moins atténués en cols s'unissent en arrière pour former l’oviducte. Les œufs sont assez gros, ovalaires, obtus et blancs. La quantité des œufs ou des locules germifères, donne la mesure de la fécondité de l’insecte. En calculant sur le chiffre exprimé plus haut, chaque femelle d’Ascalaphe pourrait pondre de cinq à six cents œufs. Il y a certes là de quoi perpétuer l’espèce, mais il faut tenir compte de beaucoup de chances de réduction, et par l’intempérie des saisons, et par les parasites décimateurs que nous ne CONNAÎSSONS pas. b. Poche copulatrice. — On sait, surtout depuis Audouin, que celte poche destinée à recevoir le pénis dans l’union des sexes devient, après l’accomplissement de celle-ci, le réservoir de la liqueur prolifique qui doit, lors de la ponte, donner le baptême de la fécondation aux œufs qui passent à sa portée. Placée sar la face dorsale de l’oviducte, elle consiste en un sac arrondi, sessile, blanchâtre, d’un aspect charnu, mais creux en dedans, Au dos de ce sac est couchée une baguette, peut-être un étui, cornée, brunâtre, comme déprimée, paraissant s’insérer à la partie postérieure du sac. Cette singulière baguette, dont j'ai retrouvé l’analogue à la poche copulatrice de quelques autres insectes, a, je le sens, besoin d’être mieux étudiée pour en bien faire connaitre et la structure et les attributions physiologiques. c. Glandes sébifiques. — Indépendantes de la poche copulatrice qui les avoisine, ces glandes binaires occupent l'extrémité de la cavité abdominale, et sont destinées à fournir un enduit, un ver- nis conservateur aux œufs au moment de la ponte. Cette précau- tion de la nature semble indiquer que les œufs de l’Ascalaphe doivent être pondus dans un milieu où, sans cet enduit préserva- teur, ils seraient exposés à s’altérer et à compromettre ainsi la destinée de l'espèce. Or, comme c'est dans des prairies basses que séjournent ces gracieux Névroptères, il n’est pas improbable que leurs œufs soient déposés dans une terre humide. Les larves qui 206 L. DUFOUR. en naissent doivent donc avoir un genre de vie très différent de celui, par exemple, de leurs voisins classiques, les Myrméléons, qui recherchent les lieux secs et sableux pour y confier leur pro- géniture. On voit que l’anatomie bien comprise des insectes peut mettre sur la voie de plusieurs de leurs habitudes. Chaque glande sébifique de l’Ascalaphe est organisée comme la plupart des glandes de la généralité des insectes. Ainsi on y reconnait : 1° un vaisseau sécréleur consistant en un boyau grêle, d’une finesse plus que filiforme, d’une consistance quelque peu roide ou calleuse, offrant près de son bout flottant deux ou trois rameaux courts et simples, des espèces de bourgeons ; 2° un réservoir qui n’est que la dilatation oblongue et légèrement rembrunie du vais- seau qui le précède ; 3° un conduit excréteur fort court, résultant de l'union des cols des deux réservoirs. Il s’insère à l'extrémité de l’oviduele tout près sans doute de la vulve par laquelle sont pon- dus les œufs. Lorsqu'on exerce sur le bout de l'abdomen d’une femelle vivante ou récemment morte, une compression expulsive ména- gée, on voit saillir au voisinage de l’anus deux pinces tégumen- taires arrondies et velues. Cesont les panneaux ou les lèvres de la vulve, qui, dans le repos, demeurent rétractées et invisibles. EXPLICATION DES FIGURES. Toutes considérablement grossies. PLANCHE À. Fig. 4. Tête et appareil digestif de l'Ascalaphus meridionalis. —«, tête et an- …. tennes étalées ; b, glandes salivaires ; e, œsophage et jabot : d, panse latérale ; e, gésier ; f, ventricule chylifique; gg, les huit vaisseaux hépatiques ; h, intes- tn stercoral ; à, cæcum ou rectum avec les ‘disques musculeux: j, dernier segment dorsal de l'abdomen de la femelle. Fig. 2. Bouton de l'antenne encore plus grossi, pour mettre en évidence et les RECHERCHES SUR L/ASCALAPHUS MERIDIONALIS. 207 cerceaux noirâtres et les intersections linéaires membraneuses, et une portion de l’article terminal du filet de l'antenne. Fig. 3. Glande salivaire détachée. Fig. 4. Portion détachée de l'origine du tube alimentaire, où l'on voit le jabot, la panse, le gésier et le début du ventricule chylifique avec ses courtes pa- pilles. Fig. 5. Gésier ouvert et renversé pour mettre en évidence la composition de la valvule pylorique. Fig. 6. Extrémité du ventricule chylifique et de l'origine de l'intestin, ouverte et renversée pour faire voir les écailles de la valvule ventriculo-intestinale, les inserlions des vaisseaux hépatiques et les filets calleux qui rampent sur la tunique de l'intestin. Fig. 7. Portion du système nerveux ganglionnaire. — a, cerveau; bb, grands optiques où se voient, et les optiques ocellaires et l'intersection transversale qui partage l'œil en deux ; c, œsophage et son passage dans le collier œso- phagien ; d, premier ganglion thoracique ; ecee, les quatre derniers ganglions abdominaux. Fig. 8. Appareil génital du mâle. — aa, testicules avec leur tunique vaginale : bb, conduits déférents ; cc, vésicules séminales ; d, dernier segment dorsal de l'abdomen avec son forceps copulateur. Fig. 9. Testicule détaché et dépouillé de sa tunique vaginale, pour mettre en évidence les capsules spermifiques et l'insertion du conduit déférent. Fig. 10. Appareil génital femelle. — a, ovaire en faisceau conoïde; b, ovaire avec ses dix gaînes ovigères séparées ; c, ligament suspenseur propre ; d, ligament suspenseur commun ; &æ, calices avec des œufs à terme ; f, po- che copulatrice ; gg, glandes sébifiques ; h, dernier segment dorsal de l'ab- domen ; à, panneaux ou lèvres de la vulve. Fig. 44. Portion détachée de la partie postérieure de cet appareil ; aa, cols des calices ou matrices; b, oviducte ; c, poche copulatrice avec sa baguette cornée ; dd, glandes sébifiques avec le conduit excréteur. PUBLICATIONS NOUVELLES. Mémoires pour servir à l'histoire naturelle du Mexique, des Antilles et des États-Unis, par M. Henri pe SaussurE. Deuxième partie: Essai d'une Faune des Myriapodes du Mexique. In-4°, Genève, 1860, avec 7 planches. M. H. de Saussure, qui avait déjà rendu d'importants services à l'entomologie par ses travaux sur les Hyménoptères, a recueilli, dans un voyage au Mexique, beaucoup d'objets nouveaux pour la science, et dans un premier fascicule de l'ouvrage que nous annonçons ici, il a fait connaître les Crustacés de cette partie du nouveau monde. Dans ce second mémoire, il s'occupe des Myriapodes du Mexique, qui jusqu'ici appartiennent tous, soit à la famille des Polydesmides et à celle des Iulides, soit à une division nouvelle établie par l'auteur sous le nom d'Oniscodesmides, el comprenant les genres Glomerodesmus et Oniscodesmus de M. Gervais. On trouve dans ce travail d’autres vues nouvelles sur la classification des Myriapodes et une étude très approfondie de beaucoup d'espèces, dont la plupart n'avaient pas encore été cataloguées par les entomologistes. Faune malacologique girondine." Essai sur la distribution géographique, orographique et statistique des Mollusques terrestres et fluviatiles vivants du département de la Gironde, par M. GraTELour. In-8°, Bor- deaux, 1858-1859. En 1827, M. Ch. Desmoulins donna un catalogue de ces Mollusques, et depuis lors MM. Gassies et Fischer ont publié diverses notes relatives au même sujet. Dans le travail que nous annonçons ici, M. Grateloup a mis à contribu- tion ces ouvrages de ses prédécesseurs, et a consigné beaucoup d'observations nouvelles qui lui sont propres. Cette faune locale sera donc très utile aux natura- listes qui s'occupent de la malacologie de la France. Description de quelques fragments de deux Céphalopodes gigantesques, par M. HarTING. In-/°, Amsterdam, 1860. Dans ce mémoire, publié par l’Académie des sciences d'Amsterdam, l'auteur décrit et figure divers fragments de deux Céphalopodes gigantesques trouvés dans l'estomac d'un Requin de l'océan Indien. Il passe ensuite en revue les diverses observations faites précédemment sur des objets analogues. Recherches tératologiques sur l'appareil séminal de l'homme, par M. E. Goparp. In-8°, Paris, 1860. Dans ce travail, accompagné de 14 planches, l’auteur s'occupe principale- ment de l’absence congénitale, soit du testicule, soit du canal excréteur et du réservoir séminal. Beitrage zur Entwickelungsgeschichte der Pteropoden und Hetero- poden (Contribution pour l'histoire du développement des Ptéropodes et des Hétéropodes), par M. A. Kronx. In-4°, Leipzig, 1860, avec 2 planches. Les recherches de M. Krobn portent sur les Clio, les Cymbulies et les Firoles. Les larves de tous ces Mollusques ressemblent beaucoup à celles des Aplysies et de la plupart des autres Gastéropodes, MÉMOIRE SUR L’ANATOMIE ET L’EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, (VERMETUS TRIQUETER et V. SEMISURRECTUS Phil.) Par H. LACAZE DUTHIERS. PREMIÈRE PARTIE. ANATOMIE. En cherchant aux environs de Bonifacio pendant un été que j'ai en partie passé en Corse, je rencontrais des Vermets sur les roches quelque peu submergées des découpures de la côte des Bouches, depuis le phare de Pertuzato jusqu’au Cap, en face des îles de Lavezzi, devenues si tristement célèbres par le malheureux naufrage de la Sémillante. C'était au mois de mai et au commen- cement de juin. En détachant les individus des rochers où ils s'étaient fixés, souvent leur coquille se brisait et me présentait une série assez régulièrement disposée de petites vésicules remplies d'œufs. J’eus le désir, mais sans pouvoir le satisfaire en Corse, de suivre le développement. Entraîné à faire des excursions au milieu des flottiles des Corailleurs, le temps et les études suivies, continues, nécessaires à l’embryogénie, me manquèrent. Ce ne fut qu’à Mahon de Minorque, que je pus reprendre ces travaux ; je m’aperçus bientôt, en effet, dans cette localité de la présence d'un nombre immense de Vermets. Dans quelques anfractuosités du beau port de la capitale de Minorque , il était fort pénible de se livrer à la recherche des Mollusques nus et des autres animaux dont je poursuivais l'étude 4° série. Zooz. T. XIIT. (Cahier n° 4.) ? 14 210 H. LACAZE-DUTHIERS. en raison des blessures aux mains, aux pieds, aux jambes, que me faisaient les tubes saillants, tranchants ou aigus des Vermets. L'une des anfractuosités, en particulier la T'auléra, avait ses pierres à peu près couvertes de tubes contournés de trois espèces au moins de Vermets. A l'époque, fin de juin, juillet et août, où j'étais à Mahon, la reproduction s’accomplissait ; je pus donc continuer ce que j'avais commencé à étudier à Bonifacio. Les Vermets d’ailleurs excitent avec juste raison la curiosité ; il est intéressant de rapprocher d’une étude anatomique un travail sur le jeune embryon. Ces recherches faites parallèlement ne peuvent que conduire à de bons résultats ; je les entrepris donc, le temps seul en a retardé la publication. Les espèces qui ont servi à ces études sont peu variées. Sur les côtes de Corse, le Vermet géant (V’ermetus gigas Bivona) s'était présenté à mon observation ; à Mahon, je n’ai pu le ren contrer dans le port; c’est donc à une autre espèce qu'il faut rapporter les descriptions, Le Vermetus triqueter (A) a surtout servi aux dissections et aux observations d'embryogénie. Il était mêlé constamment dans la Taulera, derrière le Môle, avec le Vermetus semisurrectus (2) et le petit Vermet (Ÿermetus subcancellatus) (3), dont la coquille noire s'enroule en spirale, se déjette obliquement sur une côte, et s’accole aux pierres, tout en se redressant dans nn point où elle reste saillante et libre. Je dois avouer que la petitesse de cette dernière me l’a fait négliger. Pour les travaux que l’on exécute en voyage, il me parait né- cessaire de conserver des échantillons, afin de revoir, au moment de la publication, les choses que l’on a observées , dessinées et décrites. (1) Pour la détermination des espèces, j'ai consulté l'ouvrage de Philippi : Enumeratio Molluscorum Siciliæ, t, 1. Ce Vermet est décrit et figuré pl. IX, fig. 21,p. 470, n°2. (2) Voy. Philippi, p. 474, pl. IX, fig. 19, n° 3. (3) Voy, ibid., p.172, pl, IX, fig. 20, n° 5. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 211 Les animaux que j'avais rapportés ne m'ont pas servi comme je l’espérais pour résoudre certaines questions, par conséquent il restera quelques doutes. [ls étaient sortis de leur tube et ne pouvaient plus être rapportés sûrement à ceux que les conchy- liologistes ont nommés ”, triqueter et F. semisurrectus. I reste done des desiderata ; ils seront indiqués plus loin quand il sera question du manteau et de quelques autres organes. Au moment de partir pour un séjour peut-être long sur les bords de la Méditerranée, j'espère pouvoir combler cette lacune qui, dans nne note très succincte, se trouvera plus tard dans les Anna les, } Quelques points de détails relatifs à l’organisation ont été, à dessein, peu développés, Il eût été difficile de pouvoir arriver à des résultats positifs ; le temps, qui nous fait si souvent défaut, ayant manqué, il est préférable d'annoncer les desiderala, ainsi quel’intention comme la nécessité de les combler. Le système nerveux est complétement étudié et décrit ; de même que les organes reproducteurs, peut-être la structure de l'ovaire devrait être un peu étendue, la description de la bouche a été laissée aussi de côté , car M. Troschel s'occupe activement d’une publication importante relative à ee point. Il eût été utile de pousser plus loin la recherche des artérioles. Quant à la circulation veineuse, elle laisse beaucoup à désirer ; cependant on trouvera des faits importants et bien utiles, Dans l’embryogénie, les observations ont été poussées assez loin pour pouvoir reconnaître dans {le jeune animal les princi- paux groupes d'organes de l'adulte. Il On ne trouve pas dans les ouvrages de très nombreux rensei- gnements, surtout pour l’anatomié. Il y aurait toute une étude à faire sur l'extérieur de l'animal comparé à la coquille; la détermination des différentes espèces de 219 H. LACAZE-DUTHIERS. Vermels doit comprendre sans aucun doute la description exté- rieure de l'animal. M. Philippi, dans son Énumération des Mollusques de Sicile, a donné quelques détails relatifs à ces animaux. Mais on ne peut véritablement considérer les faits qu'il indique comme formant un travail anatomique ; 1ls seront, du reste, mentionnés plus loin. Je ne trouve que des choses peu importantes dans le grand ouvrage de Pol. On sait que, lorsqu'il s’agit d'animaux invertébrés, des rensei- gnements for! nombreux se trouvent toujours dans les nombreux mémoires du savant zoologiste napolitain M. Delle Chiaje. Il est done à peu près toujours utile de citer ses travaux lorsqu'il s’agit des Invertébrés marins ; mais, en somme, l'anatomie des Vermets ne doit point être considérée comme fort avancée ; elle semble même plutôt négligée. Quant à l’embryogénie, on trouve quelques pages et une planche dans les Mémoires de l’Académie de Vienne (1) d’un zoologiste éminent, dont j'ai déjà cité les travaux à l’occasion de la Bonellie. M. le docteur Schmarda a placé une description des embryons du Vermet géant (Ÿermetus gigas) dans son travail intitulé : Histoire naturelle de Adriatique. Son travail n’est pas étendu ; nous au- rons, après l'avoir cité, occasion de rapprocher les résultats qu'il renferme de ceux que nous rapporterons. Il est juste d'observer aussi que M. Schmarda à donné une bonne description de l'animal au commencement de son travail, et qu'il cite, ainsi que je l'aurais fait moi-même, les observations de Philippi (2) et de von Siebold (3). (1) Denkschriften der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften, Wien, 4852. vierter Band. — Le travail est intitulé : Æiniges zur Entwikelungsgeschichte der Vermetus Gigas. Binova. (2) Viegman's Archives für Naturgeschichte, 1839, I Bd, s. 128. (3) Vergleichende Anatomie der wirbellosen Thiere. Berlin, 4 848. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 13 II Un mot d’abord de l’animal, tel qu’on l’obtient, sans le dissé- quer, en le sortant de sa coquille après sa mort, ou bien en l’ob- servant vivant. Le tube du Vermet est long relativement à son diamètre; dès lors et d'avance on peut prévoir que le plan habituel du Gastéro- pode turbiné se trouvera modifié dans la longueur. Il devient facile à priori de prévoir d’après cela sur quelles par- ties du corps portent les modifications. De plus, l'animal est fixé par sa coquille ; l'organe locomoteur est-il très développé ? On peut répondre qu’assurément il ne peut, il ne doit l'être. D'ailleurs l'ouverture circulaire du tube eylin- drique nous conduit d'avance à voir l'extrémité antérieure du corps représenté par une sorte de piston court et plus où moins cylindroïde. L'auteur de l’article Vermer du Dictionnaire universel d'histoire naturelle, publié par M. d’Orbigny, s'exprime ainsi : « De l’en- » semble des observations faites par Adanson, MM. Delle Chiaje, » Philippi, Quoy et Gaymard, il résulte que l'animal a beaucoup » l’analogie avec les Mollusques de la famille des Trochoïdes ; » qu'il ressemble en général à celui d’une Dauphinüle ou d’un » Turbo qui serait déroulé. Il ne marche point, et n’a pas, par » conséquent, de pied proprement dit ; mais la partie qui constitue » la queue chez les Gastéropodes ordinaires se reploie en dessous, » et se porte jusqu'en avant de la tête, où son extrémité se renfle » en une masse garnie d’un opereule mince... Quand l'animal » se retire, cette masse operculée ferme l’ouverture du tube. La » tête est peu distincte, surmontée de deux tentacules un peu apla- » {is, portant les yeux à leur base externe. La bouche consiste en » un orifice vertical, au-dessous duquel se montre de chaque côté » un filament qui ressemble à un tentacule, mais qui n’est en réalité » qu'un filet appartenant au pied. Les branchies ne forment qu’une » rangée qui longe le côté gauche dela voûte branchiale. L’orifice 91h Hi. LACAZE-DUPHIERS. » du rectum et celui des organes de la génération se voient au » côté droit (1). » Il y a dans cette description de l'exactitude. Peut-être relative- ment au pied et à cette partie qui forme la queue dans les Gasté- ropodes ordinaires y a-{-il quelque chose à dire. Cependant, dans toute critique, il faut d’abord être d'accord sur la valeur des expressions, si, par queue, l’auteur a voulu désigner la partie postérieure du pied de l'animal, qu'on voit trainer, par exemple, à l’arrière d’un Limaçon, de quelques espèces de Doris, d’Aply- sies, etc., ete., cela est vrai; ici cette partie se rapporte en avant ; mais l'expression de queue ainsi appliquée doit certainement être critiquée. | La tête, y est-il dit, est peu distincte ; cela n’est certes pas exact, elle est relativement extrêmement développée (2).Si l’on prend un Troque par exemple (Trochus cinereus), où une Toupie (Turbo litteralis), où bien enfin un Rocher (Murex trunculus, M. bran- daris, M. erinaceus, etc., ete.), une Pourpre (Purpura lapillus, P. hæmastoma), ete., on ne distingue guère la tête qu’à la pré- sence des deux cornes tentaculairés. Ici, au contraire, la tête est globuleuse, franchement distincte du pied; seulement les ten- tacules et les yeux sont peut-être moins longs que dans bien d’autres Gastéropodes turbinés. Quand on regarde un Vermet de profil, soit lorsqu'il sort natu-- rellement du tube, soit lorsqu'on brise sa coquille et qu’il se con- tracte (3), on lui trouve une physionomie toute particulière, qui est justement la conséquence du développement de la tête, opposé aux dimensions du pied; les deux tentacules sont très éloignés, mais le développement de la partie moyenne qui les sépare, et les points noirs oculaires très marqués, quoique peu saillants, se font bien reconnaître. Quant à la forme du pied, malgré l’autorité de tous les auteurs (1) Voy. Dictionnaire universel d'histoire naturelle, t. XIX, p.187, art Ver- er, signé : (E. Ba.). (2) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., &* série, t. XIII, pl. 5, fig. 4 et 2; pl. 6, fig: , A: ? (3) Voy. ibid., pl. 5, fig. 1. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 215 qui ont écrit sur ce sujet, il ressemble au plus haut degré à celui d’une Pourpre qui est très contractée où d’un Troque, etc. On aura très bien l’idée du pied du Vermet en regardant un individu des genres Pourpre, Rocher, Troque, ete., contracté par l'alcool. Au-dessous de la tête, fort peu distinete de ces animaux, on verra une masse charnue, cylindrique, continuant en dessous Île corps, et se terminant en une languette musculaire, libre, qui sert à l’attacher à la coquille ; en avant, cette masse charnue, cylin- drique, s’élargit, et se trouve coupée par un plan à peu près per- pendiculaire à l'axe du corps, plus où moins incliné en arrière, suivant l’état de contraction de l'individu ; aux proportions près, même chose dans un et l’autre, car un opercule, très variable par sa nature, s'attache sur l'extrémité tronquée. Dans les Gastéropodes libres, cette extrémité tronquée s’étale pendant la vie,se dilate,etrampe en s’attachant aux corps. lei elle reste sensiblement la même dans l'animal adulte, puisqu'il est fixé par sa coquille et immobile dans la même place. Entre la tête et le pied, en avant comme sur les côtés, il y aun sillon de séparation qui rappelle parfaitement ce que l'on observe dans les autres animaux que nous venons de comparer au Vermet. L’opercule (L'est petit dansles exemples observés, et placé assez haut sur la face antérieure verticale du pied, non loin du bord de la fente qui le sépare de la tête. Quand le Vermet, bien vivant, sort de sa coquille, on peut l'irriter sans qu'il rentre ; il voit même très bien les corps qu’on lui présente, et alors tournant la tête de leur côté, il leur décoche des coups de langue très adroitement et avec beaucoup de rapi- dité. Ces véritables morsures sont plus puissantes qu’on ne le pen- serait au premier abord ; souvent j'ai répété la même épreuve en présentant à portée l'extrémité de mes pinces fines à dissec- tion et de mes aiguilles; ils entr'ouvraient la bouche, faisaient saillir au dehors, en la renversant, leur langue hérissée de pointes fines, aiguës, brillantes, saisissaient le corps et le rete- naient avec une certaine force. I m’a paru que, souvent au lieu de (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XI, pl. 5, fig. 4 (0). 216 H. LACAZE-DUTBHIERS. se retirer, le Vermet renouvelait la morsure quand le corps restait dans son voisinage. Cette sorte de défense est assez rare chez les Gastéropodes qui habituellement s’enferment ou se roulent, et se contractent quand on vient à les toucher, même légèrement. La bouche est une fente ovale, relativement grande, verticale, placée sur l'extrémité arrondie antérieure de la tête et sur la ligne médiane; elle n’est point une trompe protractile; derrière elle paraît immédiatement la pièce cornée linguale. La physionomie particulière que donne cette grosse tête globu= leuse, au-dessus de cette partie cylindroïde coupée nettement par un plan antérieur, est encore rendue plus étrange par l’existence de deux longs filaments tentaculaires mobiles (4) qui sortent de la fente que l’on observe entre le pied et la tête. Nous aurons à discuter la nature de ces filets qui ne sont pas des tentacules cé- phaliques, mais qui appartiennent à un organe tout spécial. Le manteau est tout à fait semblable à celui des autres Gasté- ropodes pectinibranches ; il entoure la base du pied et de la tête. Mais tantôt il est fendu (2), tantôt il ne l’est pas. Le tube qu'il forme au-dessus du corps en arrière s’allonge dans un peu plus d’un tiers de la longueur totale de l'animal. On ne saurait établir de différence avec les autres Gastéropodes turbinés, quant aux or- ganes qui viennent s'ouvrir où se trouvent dans son intérieur. Philippi n’a pas plus que Bivona vu, ainsi que le veut Sassi, le manteau profondément émarginé (3). Ceci montre encore une fois combien il faut éviter de trop vite juger d’une espèce par l’autre ; on trouve même sur bien des individus, dont le manteau ne pré- sente pas la fente longitudinale, une toute petite échancrure angu- laire sur le dos, derrière la tête, qui semble indiquer l’état rudi- mentaire de sa division. Du reste, le mélange qui s’est établi entre les animaux sortis de (4) Voy. Ann. des sc. nat., 4° sér., Zool., t. XIIT, pl. 4, 5 et 6. La partie marquée 5’. (2) Voy. ibid., pl. 5, fig. 4. (3) Loc. cit,, « Pallium in adultis secus branchias profunde emarginatum, ut » vull Sassi, neque ego neque Bivona unquam vidimus...…. » p. 469. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 9247 leur coquille m'a empêché de pouvoir résoudre cette question. Est-ce chez le Vermetus triqueter ou le Vermetus semisur- rectus (Philippi) que le manteau est fendu sur la ligne médiane dorsale ? D'une autre part, j'avais cru d’abord trouver une relation entre la présence de la fente et le sexe. Bon nombre d'individus ayant . des œufs dans leur coquille, et par conséquent femelle, se trou- vaient avoir le manteau fendu; mais quelques exemples un peu douteux m'ont fait craindre d'affirmer que la relation existât bien réellement; je laisse donc ces deux questions sans les décider pour les revoir. Si le prochain voyage que je compte entreprendre me le per- met, très probablement je cherchera les rapports qui lient les formes des animaux extérieures aux dispositions des espèces déter- minées par les conchyliologistes. Sous le manteau, à droite, on voit (1) courir le rectum tout à côté de la partie du corps fort allongée faisant suite à la tête, qui va jusqu’au fond du eul-de-sac, et à gauche on trouve la branchie (2). L'anus, comme l’extrémité de l'organe de la respiration, arrive tout près en avant jusqu’à la marge du manteau; quand celui-c1 est fendu, l'organe branchial est séparé par la fente dn tube digestif, Le reste de l'organisme se prolonge en un cylindre fort régulier qui s’enroule en spirale en suivant les tours de la coquille et se termine en un cône obtus. M. Schmarda, dans le résumé des dispositions extérieures qu'il a présenté sur le 7. gigas, avant d'étudier l’embryon, donne des détails avec lesquels ce qui précède concorde. La description de M. Philippi présente aussi sur l'extérieur de nombreux faits auxquels la description précédente ajoute peu de chose. (4) Voy. Ann. des sc. nat., &° série, Zool., t. XII, pl. 5, fig. 2 (c); pl. 4, fig. 4 (c). (2) Voy. ibid., I, 1. 918 H. LACAZE-DUTHIERS, IV Tissu cellulaire conjonctif du corps. L'expression qui indique un tissu de l'organisme des animaux supérieurs, ne doit cependant pas rappeler ici quelque chose de tout semblable, comme on va le voir. A partir du cul-de-sac palléal, la partie postérieure du corps, celle qui renferme les viscères, m'a paru, sur les V’ermetus tri- queter et semisurrectus, de la Taulera du port de Mahon, habi- tuellement d’un blanc mat; parfois au milieu de ce blanc mat et terreux on disüinguait des points jaunâtres et brun-verdâtre. Quand on place les Vermets dans la liqueur conservatrice de Owen, et qu’on les observe plus tard, cette teinte a disparu ; on voit même une effervescence sé produire. La glycérine a suffi souvent à elle seule pour faire disparaitre la couleur. Dans l'acide nitrique fort étendu, on observe l’effervescence et la disparition de la teinte bien plus rapidement. Lorsqu'on a débarrassé ainsi chimiquement le corps de cette enveloppe blanche, on voit, sous les téguments et par transpa- rence, le foie d’une teinte vert-brunâtre, etles organes de la géné- ration d’un jaune orangé. Ce sont ces deux glandes qui forment comme des points au milieu de la couche blanche, quand, dans l'animal intact, cette couche se trouve interrompue en quelques endroits. Si l’on fait l’analyse microscopique des tissus interposés entre les lobules du foie et des glandes génitales, on reconnaît et la raison de la couieur blanche, et la cause des phénomènes parti- culiers qui viennent d’être indiqués. On trouve (1) que le tissu unissant les organes, qui est par conséquent conjonctif, est formé de grandes et volumineuses cellules polyédriques et irrégulières , bien plus grandes qu'aucun autre élément du corps. Ces cellules remplissent tous les intervalles des organes, et les unissent soit entre eux, soit avec les téguments du corps. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XIII, pl. 4, fig. 2 ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 219 Leurs parois minces et transparentes ne présentent rien de par- ticulier. Leur contenu est granuleux (1), et les granules qui le com- posent sont de volume très varié. Dans quelques-unes, c’est comme une poussière impalpable qui s'échappe, et qui se meut d’un mouvement brownien très vif. Dans d’autres les granules sont volumineux et bien développés, régulièrement sphériques ; alors on croirait (avec un fort gros- sissement) avoir sous les yeux des cellules remplies de fécule, ou mieux de petits grains d’amidon. Ces globules paraissent par la lumière transmise d’une teinte un peu noirâtre; l'encre de Chine rend bien leur apparence, quand on s’en sert pour faire les ombres des cellules et des grains empilés les uns sur les autres. Chaque grain est assez transparent, ses bords paraissent noirs, et son centre clair; cela tient à une vive réfraction de la lumière. Quand, sous le microscope, on fait arriver une légère solution d'acide azotique, on voit immédiatement apparaître les bulles du gaz de l’effervescence, et les globules, granules ou grains, dis- paraissent, en laissant après eux à peine ou pas de trace. Évidemment ce sont des dépôts inorganiques qui se sont for- més dans les tissus, et mieux dans la cavité des éléments du tissu cellulaire conjonctif. 11 y a là très probablement du carbonate cal- caire; je n’oserais cependant l’affirmer, les expériences décisives n'ayant pas été faites. Ne pourrait-on pas, remontant du particulier au général, voir là un fait qui pourrait venir en aide à l'explication de la formation des perles ? Que l’on suppose, en effet, l’une de ces granulations prenant plus d’accroissement et s’entourant de couches, on arri- vera à trouver quelque chose d’analogue à ces concrétions si nombreuses que l’on rencontre dans l’organe de Bojanus des Jambonneaux et autres Acéphales. Il y a là certainement un rap- prochement évident à faire. Il faut aussi remarquer que tous les individus ne présentent pas (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XEII, pl. 4, Gg. 2. 220 H. LACAZE-DUTHIERS. au même degré cet empâtement des organes au milieu d’une sub- stance granuleuse calcaire. Cela peut tenir à la localité, et à la plus ou moins grande quantité de matière tenue en dissolution dans l'eau. V Des organes de la digestion. Pour arriver à disséquer facilement, il est nécessaire de distin- guer d’abord les éléments et les organes qui se présentent à l’ob- servation. | Ces organes sont assez simples à étudier, probablement par suite de cet allongement qui a disjoint les parties, et les a rendues par cela même plus distinctes et plus faciles à reconnaitre. La bouche, ou l’orifice extérieur, est linéaire en forme de fente, et placée, comme il a été dit, sur la ligne médiane, sans trompe, sans lèvres saillantes ou voiles particuliers, comme on l’observe dans tant d’autres Mollusques. Les lèvres sont verticales et en- foncées, quand l’animal se contracte, dans une petite dépression médiane. Cette description est du reste conforme à ce qui a été indiqué par MM. Philippi (1) et Schmarda (2). La cavité buccale est constituée sur le plan bien connu que l’on rencontre dans les Gastéropodes. Je n’en dirai que quelques mots, renvoyant aux belles publications de M. Troschel (3) et à celles que moi-même j'ai eu l’occasion de faire (4). La première partie du tube digestif est dorsale, membraneuse et mince ; elle se trouve placée immédiatement après l’orifice buc- cal, au-dessus d’une masse globuleuse qui est l’appareil lingual. Cette masse, musculaire sur les côtés et en dedans, cartilagi- (1) Voy. loc. cit., p. 469. (2) Voy. loc. cit., p. 135. (3) Voy. Das Gebiss des Schenecken. (&) Voy. Histoire du Pleurobranche et du Dentale. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 291 neuse dans son intérieur, est le support et la partie motrice de Ja langue proprement dite, de cette pièce cornée rhippidiforme ou en éventail, qui, hérissée de dents cornées, dures et résistantes, peut être rejetée au dehors pour attaquer, diviser, dépecer la proie qui passe imprudemment à sa portée. La partie motrice de la langue (4) est fort développée, et quand on ouvre la tête de l'animal, on remarque bientôt que c’est à cette masse qu'est dû son volume, car elle occupe tout le renflement compris entre les tentacules et le cou. On ne peut s'étonner que, avec un appareil moteur et des dents linguales aussi forts, les petits corps que l’on présente au Vermet ne soient pincés et retenus avec assez d'énergie. La pièce linguale proprement dite, indépendamment des parties motrices musculaires ou cartilagineuses, qui la supportent ou en aident l’action, se prolonge en arrière sous l’œsophage (2). Dans quelques espèces, ce prolongement de la langue est extrêmement considérable, comme dans les Patelles, ete.; ici il a à peine un tiers de la longueur totale du bulbe. L’æsophage (3) parait à la face supérieure de la masse active, et se détache en arrière au-dessus du prolongement lingual. I est cylindrique, fort allongé, comme le reste du corps, et logé dans cette partie que l’on voit au-dessus du muscle du pied, entre les deux moitiés du manteau et en arrière de la tête. On doit considérer comme œsophage toute cette portion du tube digestif comprise entre le bulbe lingual en avant et l’estomac en arrière. Celle dernière cavité, bien limitée, très distincte, se trouve un peu plus loin que le cul-de-sac terminal postérieur de la voûte du manteau. Les glandes salivaires (4) sont assez bien développées. Elles se (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., &° série, t. XIII, pl. 4, fig. 4 B, et dans les autres planches la partie marquée B. (2) Voy. ibid. (b). (3) Voy. ibid. (a). , (4) Voy. ibid., E. Ces dessins sont un peu trop théoriques, et les masses, comme les conduits, sont loin d’être aussi distinctes et arrêtées. 229 W. LACAZE-DUTHIERS. présentent comme de petits paquets irrégulièrement introduits entre les nerfs et les parties centrales du système nerveux; on les trouve autour et en arrière du bulbe lingual. Elles sont formées de petits culs-de-sac sécréteurs groupés sur un canal excréteur qui vient se jeter dans la bouche, de chaque côté du point où l’æsophage se détache de la masse linguale. En cela , on reconnait la disposition habituelle. La structure n'a point été étudiée au microscope ; mais s’il est permis de juger par analogie, elle doit ressembler à celle que tant d’autres Mollusques gastéropodes présentent. Il est très facile de trouver, car elles sont nettement distinctes, les autres parties du tube digestif ; les noms ordinaires leur sont bien mérités. Il suffit, en effet, d'ouvrir le corps du Vermet pour les voir en arrière du fond du cul-de-sae palléal, e’est-à-dire dans la première partie de la portion viscérale du corps, celle qui devient eylin- drique; celle que les organes remplissent en se touchant les uns les autres. Dans la partie postérieure du corps, on trouve les organes que nous allons étudier maintenant. L’estomac (4) est oblong, bien limité et distinct, d’une part de l’œsophage, de l’autre de l'intestin. L'une de ses moitiés, voisine de l'intestin, est antérieure et pyriforme ; l’autre, postérieure, est arrondie. On voit à sa surface des bosselures et des dépressions, qui évidemment correspondent à des plis internes, divisant la cavité non pas en cavités secon- daires, mais en anfractuosités, comme cela s’observe dans tant de Mollusques, dans l’Haliotide par exemple. L'union de estomac avec l'intestin, l’œsophage et le foie, se fait de la manière suivante : D'abord l’œsophage (2), accolé à la face inférieure de cette (1) Voy. Ann. des sc. nat,, Zool., 4° série, t, XIE, pl. 4, fig. 4 C. (2) Voy. ibid. (a). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 223 cavité longitudinale, étendu de la tête au fond du eul-de-sac du manteau, pénètre dans la partie viscérale du corps, en restant tou- jours accolé à la paroi inférieure du corps. Après avoir dépassé le eul-de-sac palléal, il se porte un peu à droite, on mieux du côté de la courbure ou concavité du corps. Habituellement l'animal s’enroule à droite ; mais il y a des exceptions nombreuses, et, après s'être enroulé d’un côté, il se porte brusquement de l’autre en sens inverse; mais, toujours for- cément lorsqu'il est courbe, le corps présente une concavité et une convexité. On trouvera une série de canaux dans la partie concave, qu'elle soit à droite ou à gauche. Si l’on pouvait supposer l'animal déroulé et étendu en ligne droite, le bord concave du corps correspondrait à la face inférieure de l'animal ainsi étendue ; e’est du reste de la sorte que presque toujours seront indiquées les positions dans les descriptions. L'œsophage se porte un peu à droite, et se trouve quand il se termine plutôt en arrière que vers le milieu de la longueur de l'estomac, dans un point où ce viscère semble éprouver un étran- glement qui le partage en deux boursouflures. Du reste, entre l'estomac et l'æsophage, il n'y a point ce passage insensible qui, souvent dans bien d’autres espèces, ne permet point de reconnaître où finit l’un, où commence l’autre. L’œæso- phage, quoique fort long, est dans toute son étendue du même diamètre. L’intestin commence au sommet de la partie pyramidale anté- rieure de l'estomac ; de telle sorte que celui-ci, ayant sa plus grande dimension antéro-postérieure, a son orifice d’entrée ou cardia en arrière de son orifice de sortie ou pylore (4). Foie.— Le foie est bien développé comme, du reste, cela a lieu dans presque tous les Gastéropodes. Il présente très manifestement deux lobes de proportion tout à fait différente : l’un antérieur (2) (1) Voyez du reste Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, la planche 5, figure 2, où l’estomac est représenté en place avec le petit lobe du foie. (2) Voy. ibid., pl. 4, fig. 4 (j). 224 H. LACAZE-DUTHIERS. est relativement fort petit, l’autre postérieur (4) occupe la plus grande partie de la portion postérieure du corps. Si l’on prenait d’une part l'ouverture du canal sécréteur de chacun de ses lobes, de l’autre le cardia et le pylore, pour l’indi- cation des positions, on trouverait le grand lobe plus antérieur que le petit, et la déformation pourrait être attribuee à la distor- sion générale du corps qui a ramené en arrière le cardia, et porté en avant le pylore. Remarquons que le petit lobe, qu'on peut appeler lobe pylorique, est toujours sur le côté droit de l'estomac (2), en arrière du paquet intestinal, au-dessus de l’œsophage, et en avant du cardia. Le lobe pylorique se dégage immédiatement en avant de la boursouflure pyriforme, en dessus et tout près de l’origine de l’in- testin. Son canal excréteur est très court (3); cela devait être, la longueur est en rapportavec les proportions même du parenchyme. Le lobe cardiaque est, en raison même de son développement, bien plus largement en communication avec l’estomac ; la bour- souflure, postérieure au cardia, est allongée, elle aussi, en dessus et un peu à droite en un tube très gros. C’est ce tube qui est le canal hépatique principal qui règne tout le long du bord concave du corps, et qui reçoit perpendiculairement à sa direction les ca- naux biliaires, secondaires, arrivant des lobules de la glande, En décrivant les organes de la circulation et de la reproduction, les autres rapports seront complétés. Nous trouvons donc ici la disposition habituelle aux glandes composées. La teinte du foie est d’un brun verdâtre assez foncé, piqueté de points noirs fort petits, dont on verra l’origine en étudiant la texture intime. L'apparence générale sous la loupe est celle des glandes en (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 4, fig. 4 (k), (k). (2) Voy. ibid. (j). Dans cette figure, le petit lobe a été rejeté à gauche et en dessus, afin de mettre à découvert le paquet intestinal et les conduits pyloriques. (3) Voy. ibid. (i). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 225 grappe, un peu confusément conglomérées. On voit (1) les lobules correspondant vaguement aux canaux qui se jettent dans le con- duit principal, tous bosselés, et comme formés de petits grains que, dans l’ancien langage anatomique, on nommait les acini. Ce nom, qu'on peut conserver quand on ne lui attribue d'autre si- enification que renflement des culs-de-sac sécréteurs, sera em- ployé ici avec ce sens. Les acini hépatiques chez le Vermet sont gros et volumineux, évidemment distinets dans leur partie renflée, mais réunis et plus ou moins confondus dans leur point de jonction avec les canaux excréteurs. Leur structure intime est facile et simple à observer; elle a la plus grande analogie avec celle que l’on trouve dans plusieurs autres Gastéropodes, et pour que les choses soient comparables, je renverrai surtout à la description donnée dans ce recueil, du foie des Pleurobranches. Soumis à un grossissement assez fort, les acini se décomposent en cellules volumineuses, que l’on reconnait très vite par leur contenu, leur forme, leur disposition, ce sont les éléments carac- téristiques de l’organe (2). La teinte brun-verdâtre foncée disparait en partie par la trans- mission de la lumière, et l’on voit, quand la préparation est peu épaisse, une couleur générale d’un jaune légèrement verdâtre, parsemée de taches d’un bleu noirâtre foncé. Les cellules, très distinctes les unes des autres, sont assez lâche- ment rapprochées et unies pour n'être pas extrêmement compri- mées, et par cela même fortement polyédriques ; elles constituent la couche parenchymateuse productrice de la bile. Enfermées dans le cul-de-sac sécréteur, elles en tapissent la paroi interne en plusieurs couches. Leur contenu est caractéristique ; il se compose de granulations (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XLIE, pl. 4, fig. 1 (k, k). Les lobules et les canaux excréteurs ont été indiqués un peu vaguement pour ne pas trop s'éloigner de l'apparence naturelle. (2) Voy. ibid , fig. 3. Extrémité d’un cul-de-sac légèrement comprimé. 4° série. Zooc. T. XII. (Cahier n° 4.) 5 15 2926 H. LACAZE-DUTBIERS. sphériques, volumineuses, qui les font, quand tous les éléments sont bien nets et développés, ressembler à des agglomérations de vésicules (4). Leurs parois sont minces el transparentes, et quant au noyau, il a été impossible de le reconnaître au milieu des nom- breuses granulations. Quelques-unes d’entre elles présentent de légères différences ; leur contenu est moins considérable ; les éléments, plus isolés, semblent aussi prendre plus d’accroissement ; l’on en voit souvent une volumineuse, régulièrement globuleuse, très développée, et qui semble évidemment due à un dépôt de matière solide (2). Les globules, car ce nom est plus juste que celui de granule, contenus dans les cellules sont eux-mêmes tous pointillés, et sem- blent avoir une composition particulière. Is donnent l’idée (3) de petits corps composés de granulations solides, dont la couleur est celle du foie observé dans son ensemble ; il est évident que ces éléments entrent dans la composition du liquide biliaire, on les retrouve dans l'intestin. La sécrétion varie quelquefois, et les corpuseules solides, en prenant plus ou moins d’accroissement, peuvent produire quelque chose d’analogue, à bien des titres, à un petit calcul. On a déjà vu que le tissu du foie paraissait à la loupe comme parsemé d’une multitude de petits points noirâlres, et que, sous le microscope, les acini semblaient, au milieu des cellules, comme semés de corpuscules pyriformes (4), allongés, gros, et d’une teinté bleu-noirûtre. Ne serait-il pas permis de considérer comme des calculs ces pelits corps, et de supposer qu'ils se sont engendrés dans les cel- lules hépatiques dont ils égalent à peu près le volume ? Les petits corps sphéroïdaux (5) qu’on vient de voir prendre naissance dans certaines cellules, ne seraient dès lors que leur commencement ; ils rappellent et par la teinte, et par la forme ou le volume, la dis- (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 4, fig. 4 (e). (2) Voy. ibid, (a). (3) Voy. ibid. (b). (4) Voy. bid., fig. 3 (d), fig. 4 (d). (5) Voy. ibid., fig. 4 (c), ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 297 position de ceux qui ont élé indiqués dans le Pleurobranche orangé (1). Quand on fait arriver sur le tissu du foie un peu d’eau acidulée avec l'acide azotique, l’on voit disparaitre ces gros corpuscules ovoïdes, bleu-noirâtre, en même temps qu'ils font effervescence. Faut-il les considérer comme calcaires? Le phénomène seul a été observé ; les analyses n’ont pas été poussées plus loin. Il existe habituellement dans la cavité des culs-de-sac ou acini, un épithélium vibratil; la difficulté que l’on éprouve quelquefois à le reconnaitre lient le plus ordinairement à la couche épaisse de cellules et à leur contenu opaque, qui empêchent de distinguer par transparence le mouvement de ces éléments délicats. Il n’a pas été possible de l’observer lei; mais ce n’est pas s'engager que de dire qu'il doit exister, et l’analogie peut certainement conduire avec certitude à cette conclusion. On retrouve dans les liquides de l’intesun et de l'estomac les corpuscules des cellules et leurs granulations ; ce sont eux qui les colorent. L’intestin (2)est divisé en deux portions parfaitement distinctes, non pas qu'il y ait dans ses dimensions des différences très grandes, mais la position et la direction sont tout autres dans les deux parties. Après l'estomac, en avant de lui et un peu sur la droite, en dessous et en arrière du sac de Bojanus, à droite du péricarde et du cœur, on trouve assez nettement limitée par une membrane une cavité qui ne doit évidemment renfermer autre chose que du sang ; on n’y trouve point de ces cellules à granulations blan- châtres , que nous avons nommées éléments du tissu conjonctif cellulaire. Dans son intérieur flottent les circonvolutions de l'in- testin ; elle est à proprement parler la cavité péritonéale. L'intestin, parti du sommet de la boursouflure pyramidale de l'estomac, se contourne deux ou trois fois sur lui-même (3), puis se (4) Loc. cit, voir la planche qui le représente, elle a été publiée en couleur. (2) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, L. XI, pl. 4, fig. 4 (e). (3) Voy. ibid. (u). 298 H. LACAZE-DUTHIERS. porte à droite, et sort de la cavité en remontant un peu vers le dos. L'œsophage se voit toujours sur un plan inférieur, dans un Vermet placé ainsi qu'il a été dit plus loin. On peut désigner par le nom de paquet intestinal (1) cette partie du tube digestif. Après sa sortie de la cavité péritonéale, l'intestin devient tout à fait droit; il pénètre entre les deux lames qui forment le manteau, et paraît par transparence sur le côté droit de la voûte palléale. Cette portion qui se termine par l’anus est bien désignée par le nom de rectum (2). Il n’a point paru exister dans le Vermet de pnié anale comme dans les Mureæ et les Purpura ; mais je dois dire que Je ne con- naissais pas l'existence de celle-ci, lorsque je faisais l’observation du Vermet à l’état frais, et sur les animaux conservés, il n'était point possible de juger absolument la question. Ainsi, on le voit, les organes de la digestion présentent non- seulement la plus grande analogie, mais encore la plus grande ressemblance avec ceux des autres Gastéropodes à coquilles tur- binées et Pectinibranches. NE Organes de la respiration. La branchie (3) est simple, allongée, comme tous les autres or- ganes. Placée sur le côté gauche, accolée à la paroi interne du tube du manteau et parallèle au corps, elle s'avance à peu près autant que l'intestin, auquel elle se trouve aussi parallèle. Droite quand l'animal est bien étendu, elle présente une série (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIT, pl. 4, fig. 1 (d). (2) Voy. ibid., fig. 6 (c). (3) Voy. pl. 4, 5, 6, dans différentes figures de l'animal entier et la partie marquée J, ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 229 d’ondulations ou de courbures dues aux contractions et au rac- courcissement du manteau. Elle n’est point large, et sa base, élalée sur la surface de la voûte palléale, est limitée en dedans et en dehors par des conduits ou vaisseaux, l’un efférent, l’autre afférent, que l’on distingue très bien. Le vaisseau efférent (1), celui qui rapporte le sang au cœur, est surtout parfaitement distinct ; il est aussi le plus apparent et le plus développé ; il est toujours le plus voisin du corps proprement dit. Si l’on ouvre le manteau sur la ligne médiane, et si l’on rejette en dehors le lambeau gauche, on le voit dans cette position sur le bord interne de la branchie. Quant au vaisseau efférent moins limité et distinct, il reçoit le sang veineux arrivant des parties environnantes du manteau, ce qui rend la paroi opposée à la branchie à peine distincte. La branchie elle-même est formée non de filaments isolés, comme on pourrait le croire en la regardant de côté, mais de la- melles parfaitement régulières (2). Chacun de ses éléments repré- sente un triangle isocèle, dont l’un des côtés, la base, est fixé au manteau ; les deux angles adjacents à cette base répondent l’un au vaisseau afférent, l’autre au vaisseau efférent ; l’angle du som- met est libre. C’est dans chacune de ces lamelles triangulaires que sont les capillaires où s'effectue l’acte respiratoire , l'échange gazeuse. Le plan de ces petites lamelles est perpendiculaire à l’axe du corps et à la surface du manteau. Chacune d'elles étant à côté et parallèle de la voisine, il en résulte un organe feuilleté lamelleux. Dans quelques Gastéropodes pectinibranches de Cuvier, on trouve sinon une seconde branchie, du moins un organe qui en a l'apparence la plus complète, avec toutefois des différences. Cet organe que l’on trouve très développé dans les Pourpres, les (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XILS, pl. 4, fig. 6 (a). (2) Voy. ibid. Dans le milieu à peu près de la longueur de la branchie, les lamelles ont été représentées séparées. 230 H. LACAZE-DUTHIERS. Rochers, ete., est placé entre la branchie etle corps ; en dedans de cette dernière, quand on a fendu le manteau et renversé le lambeau gauche en dehors. Dans quelques animaux très voisins, ce corps est réduit à un filet, mais toujours dans la même posi- tion parallèle à la branchie (1): c’est le cas des Toupies, des Paludines, ete., et enfin du Vermet. Qu'est cet organe ? Il n’a pas encore été possible de lui assigner un rôle bien spécial. Des re- cherches comparatives sont nécessaires ; il faut qu’elles soient plus nombreuses. Il en sera néanmoins encore question à propos du système nerveux; pour le moment son existence seule devait être constatée. VII Organes de la circulation. L'étude qui va suivre n’est pas complète. Pour arriver à une connaissance entière de toutes les particularités , il faudrait sur des animaux aussi petits multiplier beaucoup les recherches, et le temps qui, dans un voyage, est toujours trop court, n’a pas permis de répéter suffisamment les injections fines. On ne doit donc s'attendre à trouver ici que les faits généraux relatifs à la circula- tion centrale, et surtout à la portion artérielle. Cœur. — L'organe central d’impulsion est à gauche (2), dans un péricarde que J’on aperçoit par transparence, en arrière du cul-de-sac palléal, entre le corps de Bojanus en haut, l'estomac à droite et la cavité intestinale à droite et en arrière. La partie glandulaire (3) du corps de Bojanus est plus étendue ici que dans bien d’autres Gastéropodes ; elle recouvre par con- séquent un peu la poche péricardique en descendant sur le côté gauche. (1) Voy. Ann. des sc. nat,, Zool., 4° série, t. XIII, pl. 4, fig. 6, la partie marquée l’. (2) Voy. ibid. (d, e). (3) Voy. ibid., J. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 231 Dirigé d'avant en arrière et à peu près suivant l'axe du corps, il est cependant un peu oblique de haut en bas; cela tient à la position de la branechie. Cette inclinaison disparaît quand on fend le manteau, le rejette en dehors, et va à la recherche du cœur en pénétrant par la cavité viscérale. L'oreillette (1) est en avant et un peu en haut, elle reçoit le sang du vaisseau efférent branchial dont il a été déjà question. Mince, transparente, elle n’offre rien de particulier. Le ventricule (2), toujours plus contracté et plus charnu que l'oreillette, en est séparé par un étranglement très manifeste, pyriforme et à base antérieure; il s’allonge et s’effile en plongeant vers le côté gauche et la face inférieure du corps (en supposant toujours l'animal posé comme il a été dit). Cette description rappelle ce qui s’observe en at) dans les Pectinibranches. Artères. — Les artères qui partent du ventricule sont réunies d’abord en un seul tronc fort court, dont la longueur n’égale pas un millimètre. Ce tronc, qu’on pourrait nommer l'aorte primitive, se bifurque en deux grosses artères, que nous désignerons par les noms d’aorte antérieure (3) et d’aorte postérieure (4). Au point de vue de la morphologie, la distribution des artères est fort importante ; elle peut guider au même titre que les nerfs, quand il s’agit de remettre les organes dans leur position, en sup- posant qu’une déformation les ait contournés ou déplacés en appa- rence. L’aorte postérieure est volumineuse, et destinée à porter le sang artériel à toute la portion viscérale du corps , aux organes repro- ducteurs et au foie, en un mot à toute cette partie qui est en arrière du tube digestif proprement dit. (1) Voy. Ann. des se, nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 4, fig. 6 (d). (2) Voy. ibid. (e). (3) Voy. ibid. (h). (4) Voy. ibid, (f). 232 H. LACAZE-DUTHIERS. Elle se relève et remonte un peu vers le dos tout en se portant à droite ; elle rencontre bientôt l’estomac et le petit lobule du foie. D'abord elle passe à droite de la première portion de l'intestin, entre les circonvolutions intestinales et l'extrémité pylorique de l'estomac, qui se trouve ainsi à sa gauche ; elle continue sa marche, et se place entre le pelit lobe droit du foie et l’estomac proprement dit, de sorte que dans ce point elle disparaît quand on ouvre sim- plement le corps; mais on la voit bien êt reparaitre en arrière du petit lobe et sur le côté droit de l'es sac, qu’elle croise vers le milieu de sa longueur à peu près à la hateur du cardia pour gagner le bord concave ou inférieur du corps (1). Dans son passage entre le petit lobule pylorique et l'estomac, elle donne deux ou trois rameaux aux organes voisins. Arrivée à la paroi du corps, elle se bifurque brusquement, et ses deux branches se portent dans une direction absolument oppo- sée, de $prte que la direction de la branche antérieure (2) est exactement la continuation de celle de la branche postérieure, mais en sens inverse (3) ; l’une et l’autre sont dans la courbe du COrps. La branche antérieure va en avant, passe sous l'intestin, et marche parallèlement à l’œsophage sur le côté droit. Elle se distribue à la portion du manteau qui porte l'orifice génital et le rectum. Bien que sa distribution n’ait pas été observée bien loin, elle a paru surtout marcher entre les organes génitaux et la dernière portion de l'intestin, en donnant des rameaux secondaires sur les côtés, à droite et à gauche. Il n’a pas été possible de la suivre au delà de l'extrémité antérieure de l’orifice génital. Néanmoins, il semble qu'on peut la nommer artère palléale droite. Quant à la branche postérieure, elle marche à côté du canal hépatique ou biliaire jusqu’à l'extrémité du foie, en se tenant (1) Pour suivre cette description, il est utile d'avoir sous les yeux la figure 6, planche 4, des Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XUII. (2) Voy. ibid. (m) (3) Voy. ibid. (n). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 235 non-seulement parallèle, mais encore accolée à lui; elle affecte un autre rapport qui sera plus loin indiqué. Dans toute son étendue, elle fournit des branches à droite et à gauche quise séparent d'elle perpendiculairement à sa direction et à l'axe du corps, et se ramilient sur les glandes génitales et le foie. Les dernières arborescences de ces artères s’anastomosent, et on peut appeler génito-hépatique cette branche postérieure ou terminale de l'aorte postérieure. L'aorte antérieure se courbe dès son origine, et vient pénétrer dans la cavité du corps où l’on à vu l’œsophage, c’est-à-dire dans , celte partie placée sous la voûte palléale. On la distingue par transparence au travers des parois, à gauche, à peu près vers la ligne d'union du corps et du manteau. Les branches qu'elle fournit sont peut-être plus nombreuses et plus variées que celles de l’aorte postérieure ; cela se comprend, elle doit apporter le sang à tous les organes antérieurs, c’est-à-dire à une série d'organes très différents et très variés. D'abord tout près de son origine elle fournit trois branches assez grêles destinées à des organes placés en arrière du cœur. L'une (1) est pour l'intestin ; on peut la voir s’accoler à lui, dans le voisinage du pylore, et le suivre assez loin. Les deux autres (2) passent sur le côté gauche de l’estomac, le dépassent, et arrivent jusqu'aux glandes génitales et au foie. Ces trois artérioles sont aussi opposées dans leur marche que les précédentes ; cela tient toujours à l’allongement considérable éprouvé par le corps qui présente des organes placés pour ainsi dire à la file les uns des autres. Le tronc principal de l'aorte antérieure (3) marche à gauche jusqu’à la base de la tête on du renflement céphalique ; là on le voit se courber et se porter à droite, en arrière du bulbe lingual qu'il semble entourer. On retrouve pour les artères ce qui sera marqué bien plus encore (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. #, fig. 6 (k). (2) Voy. ibid. (i,j). (3) Voy. ibid. (h). 23/ W. LACAZE-DUTHIERS. pour le système nerveux ; l’asymétrie droite est masquée par une torsion de tout l’animal à gauche , mais cependant les rapports importants qui persistent dans la distribution des principaux ra- meaux la démontrent encore. L'artère antérieure ou céphalique se porte dans les Gastéropodes que j'ai eu l’occasion d'observer toujours à droite, et arrive de ce côlé jusqu’au collier æsophagien. Si donc ici elle a paru d’abord à gauche, on voit que, lorsqu'elle doit arriver au point important où ses divisions vont se séparer d’elle, elle reprend sa position; et qu'on le remarque, ce n’est pas indifféremment qu’elle reprend cette position; ce qui prouve bien qu'elle ne l’a perdue qu’en apparence pour aller du côté gauche au côté droit. Puisqu’elle est assez bas, il eüt semblé naturel de la voir passer au-dessous du tube digestif; cela n'arrive pas, car si elle eüt passé en dessous plutôtqu’en dessus de cet organe, elle n’eût pas conservé son rap- port fondamental; elle l’aurait croisé, elle n'aurait plus été à droite et en dessus ; on voit là certainement une preuve de cette opinion que l’asymétrie gauche n’est qu’apparente. La marche terminale de cette artère est ici tout à fait semblable encore à ce que l’on observe dans d’autres Gastéropodes ; elle passe dans le collier œsophagien (1) entre la commissure pédieuse et l'appareil lingual. Cela est parfaitement évident ; puis elle se relève, et vient à la face inférieure de la masse linguale se rami- fier et se continuer plus loin (2). Malheureusement les parties sont trop ténues pour avoir pu conduire assez lon les recherches, sans avoir multiplié les injections. Quelques petits ramuscules se séparent du tronc terminal, et vont à la glande du pied (3); mais je n’oserais assigner l’origine des vaisseaux palléaux antérieurs et des vaisseaux pédieux, œso- phagiens, etc., etc. On trouvera néanmoins dans cette distribution des faits impor- tants qui permettront encore des comparaisons utiles, (4) Voy. Ann. des se, nai., Zool., 4° série, t. XII, pl. 4, fig. 6 (p). (2) Voy. ibid. (q). (3) Voy. ibid. (0), ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 235 VIII Circulation du corps de Bojanus. L'arrivée du sang veineux dans la glande, que l’on considère comme un rein, est un fait assez général dans les Mollusques ; mais il y à cependant de nombreuses variétés relativement à la quantité de sang qui passe par cet organe dépurateur avant d’arri- ver aux branchies. Dans les Acéphales, il y a une véritable veine porte rénale entre les organes et la branchie; mais si tantôt plus, lantôt moins de sang veineux traverse l'organe de Bojanus, habi- tuellement il va néanmoins se jeter dans l'organe respiratoire avant d'arriver au cœur ; cela se voit dans la plupart des Gasté- ropodes. Or iei j'ai multiplié les recherches, et toujours le même résultat s’est présenté; toujours j’ai trouvé un gros vaisseau venant du corps de Bojanus, et s’ouvrant dans la veine branchiale tout près de l'oreillette. En poussant les injections par le cœur ou le vaisseau branchial, toujours des arborisations élégantes se mon- traient à la surface extérieure de l’organe (1). Que conclure de ce fait ? Évidemment il faut admettre que si le sang veineux passe en plus ou moins grande quantité dans le corps rénal pour arriver à la branchie, il peut dans quelques exemples passer aussi directement de celui-ci dans le cœur sans traverser l'organe de la respiration. Les injections ont réussi avec tant de constance, que l’on ne peut mettre ce fail en doute. Cette différence est importante ; elle montre que, dans la géné- ralisation des faits relatifs à la circulation des Mollusques, il faut évidemment apporter des réserves. IX Organe rénal. Le sac glandulaire (2), auquel on attribue des fonctions de dépu- (1) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 4, fig, 6 (b). (2) Voyez dans les planches la partie marquée J. Lé 236 W, LACAZE-DUTBIERS. ration analogues à celles du rein des animaux supérieurs, est chez les Vermets dans la position habituelle qu'on lui connait; on le trouve à gauche de l'intestin rectum près du péricarde, et en avant, au-dessus de l'estomac, de l'œsophage, il forme, par sa paroi antérieure, le fond du eul-de- sac de la cavité palléale. Adossée d’un côté au péricarde, sa paroi semble se confondre avec la sienne. Il n’a pas été possible, en raison de la petitesse des objets et de l’état des animaux, de reconnaître s'il y avait une communication entre eux, communication importante, et que j'ai trouvée dans quelques autres Gastéropodes, ainsi qu'il sera plus tard indiqué. La paroi postérieure est un peu oblique de haut en bas et unie avec celle de la cavité péritonéale, où l'on a vu le paquet des cir- convolutions intestinales. On peut l'ouvrir sans pénétrer dans celle-ci, mais il est très facile de rompre la paroi des deux, tant sont délicates les membranes qui la forment. Son orifice (1) se découvre aisément; il est sur la face infé- rieure, au fond du cul-de-sac palléal. On le trouve toujours avec facité quand les animaux sont morts ; il a la forme habituelle, c’est-à-dire qu'ilest longitudinalen boutonnière avec des lèvres un peu épaisses. En fendant le manteau sur la ligne médiane et s'appro- chant davantage du côté gauche, il est possible de le faire bâiller en tirant sur les tissus à gauche, et opérant ainsi une traction sur la partie du sac de Bojanus restée adhérente. Sa cavité est vaste, mais ses parois se rapprochent l’une de l’autre par affaissement. D'ailleurs la surface n’en est pas lisse ; elle est chargée de lamelles qui semblent en certains endroits arbores- centesetramifiées ; les ramifications, forment le parenchyme sécré- teur, et semblent dirigées ou disposées d’après la marche des vais- seaux sanguins de l'organe ; c’est là, du reste, ce que l'on observe dans les animaux plus gros et plus faciles à étudier par consé- quent. La teinte de la glande est d’un brun jaunâtre ; parfois elle a (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 6, Gg. 4 et 2. L'or- gane de Bojanus J est vu par la face palléale, et montre son orifice en forme de boutonnière. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 237 semblé un peu grisâtre ; cétte dernière teinte est constante dans les animaux conservés. La structure intime est fort simple, et l’on retrouve des éléments tout à fait semblables à ceux que présentent les autres animaux. Aussi l’on reconnaitrait presque à la structure seule, à la disposi- ton, à la forme des cellules, le corps rénal. De grandes cellules (4), empilées les unes sur les autres, se comprimant à peine, et conservant par conséquent leur forme à peu près sphérique, composent le tissu. La couche la plus extérieure, relativement à la cavité, est couverte d’un épithélium vibratil très grand ayant un mouvement puissant. Il suffit d'enlever une par- celle du tissu et de la soumettre à l'examen microscopique pour voir tout de suite la disposition des choses telle qu’elle vient d’être indiquée. Les cellules sont fort transparentes et ne renferment presque pas de matière granuleuse. On trouve cependant sur l’un de leurs côlés un noyau opaque, quand on les regarde par transparence ; par réflexion, la teinte est un peu jaunâtre, grisâtre ou jaune- verdâtre; c’est à ces noyaux qu'il faut attribuer la couleur que présente la glande dans son ensemble. On trouve encore beaucoup de cellules qui, avec une certaine incidence de lumière, offrent dans leur centre comme une seconde sphérule incluse (2), qui paraît alors sous la forme d’un nuage un peu moins transparent, mais dont les bords sont très limités. Est-ce un développement endogène? Dans les différents exem- ples dont j'ai publié la structure du corps de Bojanus, j'ai retrouvé la même particularité. Il y a en dehors des cellules des corpuscules jaunâtres ana- logues aux noyaux, et qui peuvent être sans doute considérés comme les points autour desquels se développent les cellules, si l’on prend du moins, comme dans la théorie cellulaire, le noyau pour point de départ de la formation des cellules. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool,, 4° série, t. XIIT, pl. 4, fig. 5. (2) Voy. ibid. La cellule qui est en avant des cils vibratils, 19 ©2 [e9 H. LACAZE-DUTHIERS. X Glande pédieuse. Voici une glande dont le nom est tiré des rapports et de la po- sition. Elle mérite toute l'attention, en raison de la grande impor- tance qu’elle doit avoir, Le nom s’expliquera plus loin quand la description sera complète. Entre le pied et la tête (4), qui sont l’un et l’autre très voisins, on voit sortir, d’une dépression qui les sépare en avant, deux longs tentacules, que l'animal vivant agite, écarte, et relève comme deux organes du tact, La position insolite de ces appendices m'avait vivement intri- gué ; il s'agissait de déterminer à quelle partie de l'organisme ils appartenaient. On verra en ce qui les concerne, à propos du sys- tème nerveux, des considérations importantes. Des dissections minutieuses ont conduit à voir qu'ils correspon- dent évidemment à un organe de nature particulière, dépendant sinon du pied absolument parlant, mais ayant des rapports de position constants avec lui, et surtout tirant les filets nerveux qui les animent du centre ganglionnaire inférieur ou pédieux. C'est là une des raisons qui ont fait donner le nom particulier à la glande qui va nous occuper. Les tentacules (2) ne sont que les lèvres prolongées d’une fente transversale, au fond de laquelle on trouve un orifice conduisant dans la cavité de la glande. Ces tentacules fort longs, quand l'animal ne les contracte pas, sont'creusés d'une cannelure qui est la prolongation de la fente, au fond de laquelle se trouve l’orifice ; ils sont, si l’on veut, creusés en une pelite gouttière qui regarde en dedans. Leur base est unie par une membrane transversale qui cache (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIL, fig. 1, s’, fig. 7, d; pl. 6, fig. 1 et2(s’). (2) Voy. ibid., fig. 7. Les tentacules rabattus en arrière montrent le canal ou la gouttière de leur bord antérieur, et la lèvre supérieure (e) a été fendue pour laisser voir celui-ci, D ES ot SE ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 239 en haut l'orifice, tandis que sur le côté inférieur ou sur la face du pied, ellese continue avec un petit mamelon aplati à peu près rond. Si l’on prend les deux lamelles des tentacules en supposant l'ani- mal couché en long, la lamelle supérieure d’un côté se continue avec celle de l’autre, tandis que les lamelles inférieures se soudent avec la base du tubercule ou mamelon placé sur le pied même. Après celte union des bords de la fente et des tentacules, la base se rétrécit en une sorte de pédicule (1), qui se prolonge jusqu’à la glande en glissant sous tous les organes à la face dorsale de la couche musculaire du plancher inférieur de la cavité du corps, et qui est en fin de compte la face supérieure du pied. Ce pédicule tubuleux passe sous les ganglions pédieux qui, quoique assez éloignés comme on le verra, sont réunis par une commissure bien évidente (2). L'organe qui nous occupe est ma nifestement sous la commissure. A partir du système nerveux, l'organe glandulaire va en s’élar- gissant, pris en se rétrécissant, ce qui lui donne la forme d'un fer de lance, ou d’un rhombe long, obtus ou arrondi sur les côtés. En l’observant attentivement, on trouve que, sur sa face supé- rieure, il est parcouru par un sillon médian longitudinal, d’où partent de petits sillons secondaires obliques, dirigés d’arrière en avant et de dedans en dehors. En le fendant sur la ligne médiane (3) ou dans le sillon supé- rieur, on arrive bientôt dans la cavité. L’épaisseur des parois est considérable, tandis que la résistance est des plus faibles ; cela tient à la nature glandulaire. La structure de cette poche est curieuse ; elle doit nous arrêter particulièrement, en raison même de la disposition toute spéciale qu’elle présente, et qui, à bien des égards, mérite l'attention. L'apparence striée qu’on remarque à l'extérieur a sa raison d’être dans les plis très nombreux que l’on trouve dans l'intérieur. Voici quelle est la disposition : sur la ligne médiane et sur la face (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, &. XIIF, pl. 4, fig. 7 (f); voyez aussi la fig. 3, pl. 6. (2) Voy. ibid., pl. 6, 6g. 3. (3) Voy. ibid., pl. 4, fig. 7 (g). 240 H. LACAZE-DUTMIERS, inférieure de la cavité, on voit comme un bourrelet régulier qui arrive à peu près jusque vers le milieu de la longueur (1). De chaque côté de lui, il part des plis (2) dirigés d’avant en arrière et de dedans en dehors. Plus ces plis s’éloignent du bourrelet mé- dian, plus ils deviennent saillants, plus ils sont épais ; de sorte que, arrivés sur le bord de l'organe, ils forment de véritables lamelles saillantes dans la cavité, et toutes ces lames, parallèles les unes aux autres , se réfléchissent sur le bord, se continuent en dessus, et reviennent jusqu’au sillon médian supérieur. Ce sont les bases de ces plis qui, se dessinant en dessus, font paraitre tout l'organe comme strié. Ces lamelles se détachent les unes des autres avee la plus grande facilité, surtout en dessous ; la membrane externe de l'organe sur lequel elles sont soudées offre très peu de résistance, et se dé- chire très aisément. Dans son ensemble, cet organe présente donc une cavité et des parois feuilletées, lamellaires, d’une nature glandulaire. Malheureusement je ne puis en faire connaître l’histologie ; mon départ rapide, au moment où je continuais les recherches, m'a fait laisser de côté, avec beaucoup d’autres dispositions, celle-ci. Orificte de la face inférieure. J'apporte une grande réserve relativement au fait suivant. Je dé- clare ne l'avoir constaté que sur des animaux conservés soit dans la glycérine, soit dans l’alcool, soit enfin dans une liqueur saline, et je dirai, en passant, que Je n’oserais jamais faire!l’étude de la structure ou de la texture microscopique d’un organe sur des ani- maux conservés dans de la glycérine, bien que quelques personnes aient prétendu que tont revenait à l’état primitif quand on plon- geait dans l’eau les animaux ainsi conservés ; c’est là même ce qui m'empêche de dire ce que j'ai pu observer au microscope sur des (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 4, fig. 7 (i), (2) Voy. ibid. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 241 individus qui cependant paraissaient parfaitement frais en appa- rence, et qui semblaient, quand la glycérine qui les imprégnait était dissoute, sortir de la coquille d’un animal frais. Je présente donc les faits observés sur des individus dans les conditions indiquées, chacun jugera de leur valeur, et je déclare d’ailleurs vouloir les vérifier encore sur des animaux vivants et faire quelques expériences. La glande pédieuse m’a paru constamment ouverte en dessous. Depuis la terminaison de l’extrémité postérieure du bourrelet mé- dian d’où rayonnent les lamelles, jusqu’au sommet pointu de l'organe, on trouve exactement sur la ligne médiane une fente qui continue la direction du bourrelet médian (1). Voici sur quels faits j'appuie l'existence de cette glande : En ouvrant l'organe par la face supérieure avec la plus grande attention, afin de ne lui faire éprouver en dessous aucun tiraille- ment, etle laissant complétement en place, j'ai toujours vu, en examinant sous de forts grossissements, qu'il n'y avait pas de trace de débris sur les lèvres de la fente ; d’où j’ai été conduit à conclure qu’elle n’était point le résultat d’une déchirure. Ajouter cependant que les lamelles s’isolent très facilement en dessous et surtout sur le milieu de l’organe est nécessaire. Ceux qui interpréteront les faits pourront juger de la valeur des recherches, suivant qu'ils verront ce fait favorable à telle ou telle opinion. Une autre expérience qui n’a jamais manqué de réussir est celle-ci : en poussant des injections dans la cavité générale du corps ou en injectant les vaisseaux, ce qui conduisait alors la matière dans la cavité du corps, toujours j'ai rencontré de l'in- jection dans l'organe, et l'injection avait toujours évidemment pénétré par la fente longitudinale inférieure. Faut-il encore voir ici le résultat d’une déchirure produite par le liquide ? Enfin peut-on expliquer cet orifice par la contraction des ani- maux, qui aurait déterminé des tiraillements propres à séparer les lamelles médianes ? (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE. pl. 5, fig. 7 (h). &° série. Zoo. T. XIII. (Cahier n° 4.) # 16 2h12 MH, LACAZE-DUTHIERS. Voilà les faits et les objections; observer de nouveau sur des animaux vivants, est mon intention, et je serai le premier à faire connaître les résultats différents, s'ils venaient à se présen- ter par l'étude d'individus dans de meilleures conditions. Mais tels qu'ils s'offrent maintenant, ils ont une grande valeur ; en effet, la poche glandulaire pédieuse peut avoir, sans doute, un rôle particulier difficile à définir, mais elle sert d'mnter- médiaire entre la cavité générale du corps et l’extérieur; or ne voit-on pas là le moyen pour l'animal de verser au dehors le liquide abdominal, qui n’est autre que le sang, ou bien encore de faire pénétrer dans les cavités splanchniques l’eau apportée par l'orifice externe, et conduite par ces longs tentacules pédieux creusés en gouttière ? On comprend maintenant touie l'importance qu’il faut attacher à cet organe, puisqu’ici il nous montre la communication avec l'extérieur de l'appareil cireulatoire. Voilà un nouveau fait très curieux qui vient s'ajouter à ceux déjà si probants que j'ai observés sur les Dentales et Pleurobran- ches, et auxquels je vais prochainement en ajouter d’autres par l'observation d'animaux tout aussi différents des premiers que celui-ci. On peut remarquer que si c’est bien réellement ici le lieu de communication entre l'extérieur et l'appareil de la eireulation, 1l y à évidemment une grande différence entre les Mollusques, dans la position de cet orilice de communication. Les Vermets ne sont pas les seuls Gastéropodes qui présentent une glande pédieuse. Il en est beaucoup d’autres qui offrent des choses semblables au fond, mais différentes dans les détails ; 11 y aura lieu à chercher l’analogie. (1) Voyez, pour ces animaux, les articles intitulés : Orifices extérieurs de la circulation, loc. cit. : ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 243 XI Organes de la reproduction. Des animaux fixes ei ne pouvant changer de place, sont des êtres qui évidemment doivent ou bien se féconder eux-mêmes, ou bien avoir les sexes séparés et se féconder à distance comme les plantes dioïques. Dans le premier comme dans le second cas il n’est pas nécessaire pour les animaux d’avoir des organes copu- lateurs, les rapprochements sexuels ne pouvant pas avoir lieu, les organes qu'ils supposent et impliquent sont par cela même inutiles. Dans les Mollusques Acéphales dioïques on trouve seu- lement les glandes génitales sans les accessoires. Ici, d’après ces considérations, on devait s'attendre à ne point rencontrer d’accouplement et d'organes spéciaux. L'appareil est donc réduit aux organes fondamentaux, aux glandes génitales proprement dites. Nous constatons donc d’abord un fait : les sexes sont séparés, il n'ya pas d'hermaphrodisme, les mdividus sont mâles ou femelles, On peut rapprocher cette opinion de ce que disent dans son travail M. Schmarda (4) et avant lui V. Siebold. Il faut rejeter l'opinion de MM. Quoy et Gaymard, qui décla- rent nettement qu'ils sont hermaphrodites (2). a. De la glande en général. — La glande génitale, qu'elle soit mâle ou femelle, offre à peu près la même disposition, quelques différences extérieures de coloration, ete., etc., la font cependant disünguer. Elle à une position constante à côté du foie, sinon dans toute la largeur, du moins dans la plus grande partie. Le foie, a-t-il été dit, occupe tout le corps en arrière de l’estomae ; c’est sur le eôté droit formant une lamelle assez mince que se place la glande génitale(3), (1) Voy. Loc. cit., p. 135, Nach den Untersuchungen Siebold's sind die Ge- schlechter getrennt. Voy. Anatomie comparée de V, Siebold. (2) Voy. Voyage de l'Astrolabe, moLLusques, p. 285. (3) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIT, pl. 5, fig, 2 (c et À), I 2h IH. LACAZE-DUTHIERS. souvent on trouve quelques-uns de ses cæcums sécréteurs du côté gauche, mais toujours quand ils existent de ce côté ils sont en très petit nombre. Le canal excréteur reçoit les produits de la sécrétion dans toute la longueur de la glande et est placé à côté du tube biliaire principal et du vaisseau sanguin artériel que nous avions considéré comme la terminaison de l’artère aorte postérieure. Dans une coupe du corps où les glandes et les vaisseaux sont dans leur position respective, les trois canaux se trouvent en bas, à côté les uns des autres, et les glandes en dessus (1). b. Orifice. — L'ouverture extérieure de la glande génitale se fait, dans un point facile à déterminer, c’est comme dans les autres Gastéropodes, au côté droit qu'on la trouve (2). Elle est très grande relativement, chose qui s'explique pour les femelles et un peu moins pour les mâles. Exactement entre le rectum et le corps, dans la cavité palléale, plutôt en arrière qu'en avant, elle s’avance dans les femelles beaucoup vers la têle. Sa forme est celle d’une longue fente répondant à une bourse en forme de nacelle coupée de compartiments perpendiculaires à sa direction, c’est au fond d’une longue cavité une série de dépres- sions ou de euls-de-sac, qu'on peut considérer comme des cel- lules ouvertes. Le canal excréteur des glandes vient s’ouvrir à l'angle posté- rieur de cette poche, et verse ses produits dans le sillon qu'elle forme ; j'ai presque toujours constaté vers l’orifice du canal pro— prement dit, deux petits points jaunes, dont la nature m’a paru glan- dulaire (3). [ls faisaient toujours aisément reconnaitre l'ouverture. est important de remarquer qu'une séparation existe dans cette figure entre les deux moitiés du corps. L'animal est supposé entier; mais, tandis qu’en avant il est représenté femelle jusqu'en (d), à partir de (e), il est mâle. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, fig. 3 : (a), artère abdo- minale postérieure et ses rameaux; (b), glande génitale: (c), foie. Les canaux correspondent au côté inférieur ou concave du corps. (2) Voy. ibid., fig. 2 (0), animal femelle, (3) Voy. ibid, (a). | ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 245 Dans le mâle (1), la poche qui semble la terminaison du canal excréteur, n'offre pas aussi développées les cellules secondaires; dans les femelles, au contraire, ces dépressions sont extrême ment prononcées; il est très probable que c’est dans leur inté- rieur que se forment les paquets d'œufs, et les parois doivent certainement sécréter le liquide qui donne naissance à ces em- poules ovoïdes où l’on verra enfermés les jeunes embryons. Je dois mentionner un fait que j'avais cru d’abord concluant, mais que je n'ose maintenantaffirmer, car tous les animaux que j'ai étaient sortis des coquilles et mélangés. Je ne pourrais dire exacte- ment s'ils correspondent au F”. triqueter où au V. semisurrectus. Il m'avait semblé trouver une certaine relation entre la forme du manteau et le sexe (2); j'avais cru voir que toutes les coquilles portant des œufs avaient aussi un animal dont le manteau était fendu sur le dos. Cette relation était naturelle, elle concordait avec l’idée : que l’on pouvait ou devait se faire de la manière dont étaient dépo- sées les capsules. Mais quelques exemples un peu douteux par l’état de la glande, venant s'ajouter au mélange des individus des deux espèces, ne me permettent de présenter ce fait qu'avec réserve. c. Structure des glandes. —Glande mâle. —Elle se présente sous forme d’arborisations délicates peu étendues et assez simples ; les culs-de-sac sécréteurs isolés, un peu éloignés les uns des autres et par cela même très distincts, sont rendus plus évidents encore par leur couleur jaunâtre d’un orangé presque vif qui tranche avec le brun-verdâtre sombre du foie sur lequel ils reposent (3). Ils ne sont guère superposés, et même ils ne sont pas assez rapprochés pour donner à l'esprit l'idée d’une couche continue. Soumis à l’examen microscopique, on les voit formés d’une membrane transparente extérieure limitant le parenchyme, dont la disposition et les éléments ressemblent à ceux que l’on voit dans d’autres Mollusques (4). (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIT, pl. 6, Gg. 2,0. (2) Voy. ibid., pl. 5, fig. 4. (3) Voy. ibid., pl. 5, fig. 2 de(e) en (f). (4) Voy. ibid., fig. 5. 96 in. ÉACAZE-OUTRIERS. De toutes petites cellulés tranispareriles, agglomérées et préssées les unes contre les autres, forment ce parenchiyme sécréteur de l'élément mâle, ou du spérmatozoïde (1). Parmi elles on voit des points de matière jaune orañgé qui donnent l'apparence et la couleur à la glande vué en général. Les spermatozoïdes libres sont longs et actifs. Leur tête (2) est un peu courbée, un peu effilée et pointue à son extrémité; du reste, elle ne présente pas un développement en travers très considérable, et elle ne sé distingue de la quete que par un peu plus d'épaisseur, mais voilà tout. Avant d’être libres, les filaments spermatiques sont réunis en paquets par la tête, et, comme dans bien d’autres exemples, on les voit encore unis, vibrer déjà, par leur extrémité caudale (3). On en rencontre, au miliet des éléments caractéristiques du “parenchyme, qui sont én partie dégagés de la cellule produc- trice (4). Ce reste de l'élément, aux dépens duquel ils sont déve- loppés, est tantôt à la tête, tantôt au milieu où à l'extrémité de la queue ; il ne faudrait donc pas trop affirmer que c’ést par telle ou telle dé ses parties qu'il se dégage des corpuscules, qu’on regarde généralement aujourd’hui comme leur point de départ. Glande femelle. — Ovaire.— W occupe une position toute sem- blable à celle du testicule ; mais son apparence est un peu diffé- rente, plus blanchâtre, ou d’un jaune orangé moins vif; il est habituellement plus distendu par les produits de sa sécrétion ; aussi tous les culs-de-sac sécréteurs se touchent-ils et sont-ils bosselés, boursouflés. A la seule inspection extérieure, quand du moins on a été guidé par un premier examen microscopique, on arrive à distinguer les sexes à la simple vue (5). Voy. Ann. des Sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 5, fig. 6. Voy. ibid., fig. 9 (a). (3) Voy. 1#bid., fig. 7et 8. (4) Voy.ibid., fig: 9 (b): (5) Voy. ibid., fig. 2. La moitié antérieure du corps à été de (6) en (d), repré- sentée avec la glande femelle, que l'on supposerait prolongée jusqu’en f, si l'on vou'ait se faire une idée de l'ensemble ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 2h7 L'œuf est remarquablement gros (1) et développé dans les Ver- mets ; on peut en juger par la gfôüsseur même des éléments de son vitellus. Cette condition s'oppose à ce que les recherches de struc- ture intime soient aussi faciles que sur bien d’autres espèces ; on a en effet une grande difficulté à débarrasser quelques débris du eul-de-sac sécréteur de la plupart des éléments qui le composent, et à ne conserver que quelques œufs suspendus à lui. Tout semble devoir faire admettre un parenchyme cellulaire cornme dans d’autres animaux. Les œufs se développent dans des cellules, et deviennent saillants dans la cavité des acini ou culs- de-sac sécréteurs. Le grand développement que prennent l’œuf et surtout ses granulations vitellaires (2), masque la disposition de la texture intime. Mais, du reste, on rencontre au milieu des préparations des œufs à différents états de développement, et l’on peut par cela même juger à la fois de leur composition quand ils sont mûrs et de la disposition générale (3). Remarque. — 1 ne paraît pas probable que la séparation des sexes soit seulement une apparence due à la ponte ou au rejet de tous les produits de la glande femelle, qui ne laisserait plus que l'élément mâle. Une semblable interprétation, qui certainement peut être sou- tenue pour quelques Mollusques hermaphrodites paraissant tantôt mâles, tantôt femelles, ne peut ici être avancée, et voici pourquoi. Dans beaucoup d'exemples examinés. il n’est: pas douteux que la ponte ne s'effectue successivement et non à la même époque ; d’après ce fait seul on aurait du trouver réunis à Ja fois et les spermatozoïdes et les œufs. Cela n’est pas arrivé ; de plus, sur quelques individus, les glandes femelles paraissaient comme flé- tries ; elles avaient évidemment versé leurs produits, et cependant on ne rencontrait en elles ni l'aspect, ni les caracteres du testicule. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 5, fig. 41. (2) Voy. ibid., fig. 12. (3) Voy. ibid. , fig. 11. 248 H. LACAZE-DUTBIERS, XII Organes de la locomotion. Dans la description générale, on a vu que le pied était repré- senté par une sorte de piston cylindrique inférieur à la tête, coupé perpendiculairement à l'axe du corps, et portant un petit opereule central trop petit pour pouvoir fermer complétement l’orifice de la coquille ; du reste, il y a, il doit y avoir des différences spéci- fiques relatives à cette disposition. Charnu et contractile, il se durcit quand on l'irrite. Il forme par ses fibres longitudinales et postérieures le plan in- férieur du corps, et se continue avec les paquets des fibres allon- gées qui s’enroulent au côté concave de la coquille en s’attachant à elle (4). Le manteau est un tube placé au-dessus et au-dessous du pied et de la tête, qu'il entoure et enferme dans sa cavité. Tantôt fendu, tantôt complétement tubulaire, il est la représentation dela coquille qu'il a sécrétée. XIII Organes de l'innervation proprement dite. Le système nerveux , ici comme dans tous les animaux, peut être divisé en deux groupes, suivant que les phénomènes auxquels il préside sont en rapport avec la vie animale ou la vie végétative. Nous suivrons cette division. 1° Système nerveux de la vie animale, Dans des publications qui ont précédé celles-ci, j'ai insisté sur l'insuffisance de cette distinction; en effet, tantôt l’un des systèmes est plus exclusivement destiné à la vie animale, tout en fournissant (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 5, fig. 4. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 249 aux besoins de la vie végétative; tantôt, au contraire , l’autre, tout en étant en grande partie destiné à des organes volontaires, fournit à des appareils, que l'on peut regarder à bon droit comme indépendants de la volonté, du moins dans les animaux supérieurs. Ceux qui ont, avec tant de joie, attaqué cette belle distine- tion de Bichat trouveraient bien certainement dans les Mollusques des exemples démonstratifs de leurs opinions opposées à celles du grand physiologiste et fondateur de l’anatomie générale. Celte distinction n'en a pas moins jeté le plus grand jour sur l'anatomie physiologique, et la rejeter, bien qu'elle présente des exceptions sans doute importantes, presque des inconvénients, serait se priver d'un moyen commode dans les descriptions. Le système nerveux des Vermets, malgré leur petite taille, n’est pas à beaucoup d’égards aussi difficile à disséquer que dans bien d’autres animaux. Il sera décrit, tel qu’on peut le voir, en faisant successivement les préparations suivantes : Quand on fend (4) le manteau jusqu’au fond de son eul-de-sac, et qu’on rejette à droite et à gauche les lambeaux avec quelques légères préparations, on arrive à voir de très nombreux rameaux se dégager au-dessous de la tête et aller au manteau. On voit surtout deux cordons parallèles au corps qui descendent jusqu’au niveau du corps de Bojanus, et qui s'unissent l’un à l’autre en for- mant une arcade (2). Pour voir l’origine de ces nombreux filets, il faut fendre les parois de la tête ; on arrive alors à la préparation la plus ordinaire que l’on trouve représentée dans presque toutes les planches (3). Ganglions.— En arrière de la masse linguale, on rencontre les ganglions formant par leur rapprochement un cercle qui entoure l'æsophage, immédiatement après l'appareil lingual (4). (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XILL, pl. 6, fig. 4. (2) Voy. ibid., (p’, Z//", à). (3) Voy. ibid., fig. 2. (4) Voy. ibid., V,Z. 9250 Ü, LACAZE-DÜPUIERS. Les ganglions ainsi groupés en cérele sont au nombre de six, et forment trois paires. On voit aussi à côté d’éux quelques développe- inéhts Secondaires dépendant de la racine des principaux nerfs, mais qui ne doivent évidemmient être considérés autrement que comme des renflements accessoires secondaires. La teinte jauñne-orangé et la forme globuleuse qu’ils présentent tons, Sont assez Inarquées pour qu'ils soient toujours facilement reconnus. Centre supérieur ou ganglions céphaliques sus-æsophagiens. Il est composé de deux petites masses ovoïdes placées sur les côtés de l’origine de l'œsophage tout près de la masse linguale (4). La commissure qui unit ses deux moitiés est longue, aussi relativement à la taille de l'animal les deux ganglions sont-ils éloi- gnés. Le rapprochement et l’éloignement des masses sont très différents suivant les espèces, et n’ont pas certainement l’impor- tance générale qu’on à voulü lui attribuer. Les nerfs qui en naissent sont tous exclusivement destinés à la tête. Leur nombre est assez variable cependant, mais on peut au milieu de ces variations reconnaître de chaque côté le plus habi- tuellement trois paires importantes (2). Unie est interne où supérieure ; elle envoie des filets à la partie antérieure et supérieure de la tête et des lèvres. Nommons la paire des nerfs labiaux supérieurs. Une autre naît près de celle-ci ; elle va à la partie moyenne de la tête et des lèvres : c’est la paire des nerfs labiaux moyens et des sens. On voit, en effet, se détacher, ou tnieux se séparer du tronc (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 6. Dans les diverses figures la partie marquée V. (2) Voy. ibid, fig. 3. Les nerfs ont été laissés en place avec la paroi de la tête à droite ; on pourra donc, bien qu'ils ne soient pas isolés, reconnaître leur position ; ils ont été désignés collectivement par la lettre (z). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS 251 commu qu'ils forment avec elle, les nerfs destinés à l'œil et au tentacule. Tantôt cette séparation se fait plus ou moins près du ganglion, ce qui évidemment montre qu'il n’y à qu’un simple accolement. Le tentacule céphalique (1), celui qui mérite bien ce nom, et qui correspond à ces organes souvent si développés, des Doris, des Actéons, des Aplysies, des Tethyes, ete., est court et petit, pointu à son extrémité libre ; il est le plus habituellement courbé en are en dedans ; il ressemble à une petite corne. Ce sont ces tentacules qui sont considérés comme les organes de l’olfaction. L'état des animaux n’a pas permis de voir quelle était la disposition des ramifications nerveuses pénétrant dans leur intérieur déjà petits par eux-mêmes, et très réduits quand il est contracté ; la dissection en devient extrêmement difficiles. On peut remarquer que le développement considérable du bulbe lingual, relativemént à célüi de Ia tête proprement dite, a rendu celle-ci presque globuleuse. Il faut ajouter que ses parois se mou- lent sur le bülbe lingual ; de là l’écartement considérable des deux tentacules. Les yeux (2) sont noirs et petits, supportés aussi par un petit mamelon charnu placé à la base du tentacule olfactif. Les deux nerfs olfactifs et optiques, après s’être séparés du nerf labiäl moyen, rèstent encore assez longtemps unis, et souvent ne se séparent guère qu’à leur entrée dans les organes auxquels ils sont destinés (3). h Une troisième paire est celle que l’on peut nommer supérieure ; elle naît toujours sur le côté des précédentes , et se dirige en dessus en contournant la rhasse linguale pour aller se distribuer surtout aux parois supérieures de la tête. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zovl., 4° série, t. XIII, pl. 6, la partie marquée Q. (2) Voy. ibid. fig. 3. (3) Voy. ibid., fig. 3 et 4, V. 252 H. LACAZE-DUTHIERS. Toutes ces branches sont longues et volumineuses, flexueuses et plusieurs fois ramifiées ; leurs flexuosités s'expliquent aisément, en raison des mouvements nombreux qui se passent dans la tête que remplit le bulbe lingual, organe éminemment actif. Suivant que leurs ramifications commencent plus ou moins près des ganglions, le nombre des paires semble augmenter ou di- minuer. Il faut encore rapporter au centre sus-æsophagien deux petits nerfs, qui naissent plutôt d’un connectif que d’un ganglion, et qui vont se distribuer aux téguments postérieurs de la tête (4). On les a vus dans les Haliotides très évidents. Morphologique- ment, ces deux petits rameaux ont de l’importance ; ils doivent être signalés. Ce n’est que dans un travail général que leur signi- fication exacte sera établie. Centre inférieur ou ganglions pédieux. La paire de ganglions, formant le centre le plus régulier et tou- jours constant, est certainement celui qui fournit des nerfs au pied ; on la trouve tout à fait au-dessous de l’æsophage et de la langue, entre le tube digestif et l'organe glandulaire pédieux (2). Ces ganglions sont ovoïdes et à peu près de la même taille que les supérieurs ou sus-æsophagiens ; distants l'un de l’autre, une commissure les unit; on les trouve à peu près sous le ganglion supérieur, auquel ils correspondent exactement sur un plan infé- rieur. Ils fournissent deux paires principales et quelques autres ramuscules secondaires. Les nerfs principaux (3) se distribuent au pied ; par conséquent, ils se dirigent en avant. Ils rappellent par leur volume, leurs flexuo- sités, les nerfs céphaliques ou labiaux , et ne se divisent qu'après avoir pénétré dans le pied , et être sortis de la cavité céphalique. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIL, pl. 6, fig. 3 et 4, a. (2) Voy. ibid., fig. 3. (3) Voy. ibid., sa partie marquée X. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 253 La paire externe (1) se distribue à la partie correspondante du pied. Quant à la paire interne (2), elle longe le bord externe de Ja glande pédieuse, et pénètre même dans la base de ces deux ten- tacules que l’on voit entre la tête et le pied. Arrivée à la base de ceux-ci, elle leur fournit un rameau, tandis qu’elle continue son trajet vers la partie médiane du pied. Voici une démonstration certaine de la nature des seconds tentacules, si déjà les détails anatomiques précédents n'avaient montré qu’ils n’ont rien de commun avec les organes tactiles que porte la tête. On voit comment, en prenant le système nerveux pour guide, on a été conduit à considérer et la glande et les filaments tentacu- laires comme des dépendances du pied. Sur les côtés de la paire interne (3), ce ganglion fournit un petit nerf qui a paru constant, et qui, s’accolant au bord de la glande, se dirige en arrière en passant sur sa face inférieure. Enfin en dehors de ces nerfs principaux on en trouve encore deux ou trois secondaires qui se perdent dans le tissu sous-jacent, el ne vont pas jusqu’au pied lui-même (4). Centre moyen ou ganglions asymétriques. Je ne puis que renvoyer à ce qui a été dit relativement au Pleu- robranche et à l’Haliotide pour la discussion des noms qu’on peut donner aux ganglions cervicaux de M. Blanchard , pallio- splanchnique de M. Huxley, ou bien enfin pallio-génilo-respi- raleurs. Ici grande, très grande, est la différence avec ce qui s’observe dans les deux animaux cités précédemment. Les ganglions sont bien en effet sur les côtés, et le nom de cer- vicaux pourrait bien ici leur être appliqué. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 6, figures diverses, s’”, (2) Voy. ibid., s. (3) Voy. ibid. (1). (4) Voy. ibid, (r). 254 H, LACAZE-DUTHIERS. Relativement aux deux groupes supérieurs et inférieurs, ils sont moyens. Il suffit de les étudier dans une préparation latérale pour s’en convaincre (1 On les voit donc en arrière des ganglions cérébraux, au-dessous d'eux, mais au-dessus des ganglions pédieux. Comme les ganglions supérieurs et inférieurs sont à pen près au-dessus l’un de l’autre, il n’est pas possible de ne pas reconnaître immédiatement ceux qui vont maintenant nous occuper. Ovoïdes, sans être très allongés, ils ont une extrémité un peu effilée dirigée en arrière. L'un droit est plus en dessus que le gauche, qui se glisse un peu en bas sous l’æsophage. Ces formes et dispositions sont la conséquence de la direction des nerfs et. ec l’asyméte. Voilà bien une paire de ganglions, mais à coup sûr on ne trou- vera pas dans la position, le volume, etc., de chaeun de ces, gan- elions, une régularité semblable à celle qu'on vient de voir dans les autres ganglions. Déjà il y a un peu d’asymétrie dans cette partie centrale. Avant de décrire les nerfs de ce centre ganglionnaire, il faut étudier isolément les connectifs qui unissent toutes ces petites masses nerveuses. Des connectifs. C’est de leur étude exacte que découlent nos connaissances géné- rales sur l’ensemble du système nerveux ; aussi a-t-on vu dans les études sur l’Haliotide, etc., avec quel soin la description en à été faite. Du côté opposé à la commissure des ganglions sus-æsophagiens, on trouve deux gros troncs nerveux qui se dirigent en bas vers les deux autres masses ganglionnaires (2). L'un antérieur plus long aussi, puisqu'il doit aller plus loin, se porte au ganglion pédieux , et se dirige un peu en avant. Longueur et direction, voilà deux (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XILL, pl. 6, fig. 4. Ils-sont du reste désignés dans les figures par la lettre Z. (2) Voy. ibid,, fig. 4(b). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 255 choses qui sont la conséquence de la position assignée aux centres supérieurs et inférieurs. L'autre postérieur (4) plus court se dirige un peu en arrière pour atteindre l'extrémité renflée du ganglion moyen; il suffit de bien examiner les choses de côté pour reconnaître la disposition et les caractères qui en sont la conséquence. Mais le ganglion moyen u’est pas isolé du ganglion pédieux ; il lui est uni par un connectif qui est très court, et qui se dirige en avant. Ainsi sur les côtés du tube digestif, immédiatement en arrière de la masse linguale, si l'on fait une préparation latérale, on aperçoit un triangle, dont les angles sont occupés par les ganglions (2). Commissures. Si les ganglions différents sont reliés par des connectifs, de même ceux qui sont semblables, c’est-à-dire ceux qui se ré- pètent symétriquement des deux côtés, doivent être unis entre eux près des commissures; nous ayons déjà trouvé des cordons transverses entre les ganglions supérieurs et inférieurs; il reste à les trouver entre les ganglions moyens. * La recherche de cette bande transversale a un grand intérêt, voici pourquoi : le nom de moyen imposé aux ganglions que nous étudions implique une position relative absolue ; cetle relation est la conséquence des rapports de tout le système nerveux avec le tube digestif. Ce sont certainement les commissures qui nous font juger des rapports du tube digestif et du système nerveux; cela n’est pas douteux pour les ganglions pédieux et sus-æsophagiens. Dans quelques Nudibranches, les ganglions pédieux remontent sur les côtés de læsophage, de telle sorte que, loin d’être infé- rieurs absolument parlant, ils seraient plutôt supérieurs et latéraux. Mais néanmoins la position reste toujours la même; ils sont inférieurs par rapport à l'œsophage, sous lequel passe leur com- missure. Où donc trouver la commissure de la paire asymétrique ? A (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl, 6, fig, # (c). (2) Voy, ibid, 256 H. LACAZE-DUTHIERS. droite et à gauche, on voit partir deux ou trois cordons volumi- neux des ganglions moyens, qui se dirigent, les antérieurs, dans le manteau, les postérieurs différemment des deux côtés. A gauche, le cordon se bifurque tout de suite après sa naissance. L'une des branches (1) va s’anastomoser avec celle du manteau de droite ; l’autre (2), la plus grosse et la plus importante, passe sous tous les organes, sous la poche pédieuse même, et gagne le côté droit du corps, dont elle suit le bord de la cavité jusqu’au fond du cul-de-sac palléal. Cela se voit par la plus simple préparation, sur- tout sur les individus conservés dans la glycérine. A droite, le ganglion moyen donne aussi comme à gauche deux nerfs, destinés, comme il a été dit en avant, au manteau, après l'union du nerf venant de gauche. l Mais la branche fort importante (3), qui doit surtout fixer l’atten- tion, se courbe au-dessus du tube digestif, et par conséquent se porte à gauche. Si donc on considère la branche gauche placée sous les organes et celle-ci, on verra qu’elles se croisent comme les branches d’un X. C’est donc ici tout à fait la même chose que ce qui s’est présénté si nettement dans l’Haliotide. Ce cordon venu de droite et allant à gauche se renfle dans la paroi même du corps en un petit ganglion (4), d’où part un nerf volumineux qui suit le bord de la cavité de la partie antérieure du corps jusqu’au fond du cul-de-sac palléal ; il est donc parallèle à celui du côté opposé. Les deux nerfs, qui, par un entrecroisement, ont en apparence abandonné leurs côtés respectifs, se rencontrent en arrière vers le fond de la cavité palléale. Là ils forment une arcade qui se renfle en un ou deux petits ganglions (5). L'ensemble de cette longue anse, dont une moitié s’est, par suite d’un déplacement, portée à gauche, unit donc évidemment (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIT, pl. 6, fig. 2 et 3; elle s’anastomose avec (u) et (q). (2) Voy. ibid. (p). ) Voy. ibid., v. (4) Voy. ibid., Z". ) Voy. ibid., Z!. L td ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 257 les deux ganglions moyens transversalement. Est-ce une commis- sure ? L'affirmative me parait bien naturelle; cependant ne pour - rait-on pas dire que la branche interne de gauche, qui s’est anasto- mosée avec le nerf palléal droit, peut être considérée comme l'union transversale ? Cette question, pour être discutée el résolue, demande plus de données : si l'on compare les faits que présentent trois exemples bien différents, le Pleurobranche, l’Haliotide et le Vermet, on entrevoit déjà la solution; mais les exemples inter- médiaires sont encore nécessaires avant de formuler le résultat définitif. Qu'on le remarque, l’anse qui vient d’être décrite est toujours inférieure au tube digestif; au premier abord ceci parait faux ou paradoxal. Mais en y regardant de près, on verra qu'il n’en est rien. Qu'on suppose la partie gauche de l’anse rabattue à droite, et l'æsophage sera au-dessus; seulement dans une partie de sa longueur, l’anse a pu se trouver entraînée à gauche et au-dessus de l’œæsophage, et néanmoins conserver son rapport général; l’anse forme un véritable huit de chiffre, dont la boucle postérieure, la plus grande et surtout la plus allongée, est remontée sur l’æsophage. L Nerfs du groupe moyen. On voit ici mieux que dans l’Haliotide ce qu’il faut entendre par ce nom de groupe moyen ; il désigne non-seulement les gan- glions moyens, mais encore les ganglions secondaires nés sur cette anse si longue, unissant les ganglions supplémentaires, que l’on, peut considérer comme formant tout un groupe. Nerfs palléaux. — Dans l’Haliotide, on a vu des nerfs palléaux de deux ordres, les uns destinés au manteau supérieur, les autres au manteau inférieur ou collerette de dédoublement qui borde le pied. lei cette partie manque ; dès lors point de ces gros et grands nerfs qui l’animent. Le reste est semblable, et correspond à ce qui a été appelé dans l’Haliotide les nerfs palléaux supérieurs. À droite comme à gauche, on trouve un gros nerf qui va se distribuer au manteau en avant (1). (1) Voy. Ann. des se. nat., Zool., 4° série, t, XIIT. pl. 6, (d) (g). £° série. Zoo T. XIIL. Cahier n° & )! 17 258 H, LACAZE-DUTHIERS. Les deux se rencontrent et s’anastomosent en dessus du pied. Si, par la pensée, on suppose raccourci le pied de l’Haliotide, le man- teau supérieur paraîtra en dessous du pied et l’entourera, et ce repli, si allongé en arrière, aura ses nerfs qui correspondront à ceux qui ont été nommés nerfs palléaux supérieurs eætérieurs. On a vu dans les deux cas naître ces nerfs directement du ganglion moyen. Cette analogie est importante ; on doit la remarquer, puis- que les ganglions sont ici très séparés, tandis que dans l’Halio- tide ils sont comme confondus non-seulement entre eux, mais encore avec les ganglions pédieux (1). Les nerfs palléaux internes (2) sont, par suite de l'allongement du corps, plutôt postérieurs. A gauche, ils se détachent du ganglion respiratoire, exactement comme dans l’Haliotide ; mais à droite, comme il n’y a point de dédoublement de la branchie, et pas de formation d'un ganglion droit, ils se détachent du palléal anté- rieur qui à reçu une anastomose du ganglion gauche, où du côté externe de l’anse, unissant les deux ganglions. On ne doit point oublier les anastomoses à angles aigus des nerfs venant des deux ganglions moyens, car elles peuvent jeter un peu d'embarras sur les distinctions ; mais une anastomose ne doit point par sa présence faire perdre de vue le point capital et important de la recherche. On trouve aussi un petit filet qui, du ganglion moyen gauche, va aux nerfs palléaux nés de l’anse à droite. C’est même un fait intéressant à noter que la multiplicité des anastomoses qui existent entre les nerfs des deux côlés dans le Vermet. Ganglions et nerfs respirateurs.— Le petit ganglion (3), qu’on a dit naître sur le cordon allant à gauche en passant en sautoir sur l’œsophage, représente complétement ce que l’on a vu dans l'Haliotide. 1] fournit des nerfs au manteau, à la branchie, et donne l'une des branches postérieures de la grande anse, (1) Voy. Anatomie du système nerveux de l'Haliotide (Ann. des sc, nat., Zool,, 4° série, t. XII. (2) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIT, pl. 6, fig. 2. (3) Voy. ibid., Ggures diverses, 7. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 259 Les nerfs palléaux passent sous la branchie en allant plus loin qu'elle, et se distribuent au repli palléal (4). Mais chose bien importante encore que je ne vois pas indiquée d'une manière spéciale, c’est la présence d’un cordon blanchâtre, parallèle à la branchie, placé sur son côté interne quand le iman- leau est rabatlu, ou, si lon aime mieux, placé à gauche entre la branchie et le corps. Qu'est ce cordon (2)? Est-ce un ganglion ner- veux, longitudinal? Est-ce une seconde branchie ? La seconde question parail inutile, ou même absurde dans le cas. Mais si l'on étudie les Pourpres, par exemple, on trouve de chaque côté de ce cordon des replis faciles à injecter, et l’on peut croire dans l'exemple à l'existence d'un second organe de la respiration. Le Vermet ne présente qu’un cordon flexueux et onduleux. La question de savoir ce qu'est ce filet ne peut donc être résolue pour les premiers cas. Mais ce qui certainement existe, c’est l'entrée de nombreux filets dans le cordon. En étudiant la Paludine, on verra que la disposition est toute semblable, et que la nature nerveuse au moins, en s'en tenant aux simples disseclions, semble probable ; mais encore des études comparées mèneront seules à cette con- naissance. Je crois qu'il sera peut-être possible de tirer parti de la disposition, de la forme, ete., au point de vue de la classification. Isoler les nerfs branchiaux proprement dits est chose fort diffi- cile ; l’analogie seule a done conduit ici à admettre qu'ils viennent de ces ramifications. Nerfs des parois du corps. — 11s naissent en plus ou moins grand nombre des deux côtés de la grande anse, et s’anasto- mosent même au-dessus du corps (3). l Nerfs génilauæ et péricardiques nés des ganglions postérieurs ou génmito-cardiaques (h).— On retrouve ici encore la même dis- (4) Voy. Ann, des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 6, fig. 1 et 2, (2) Voy. ibid, fig. 4 et 2, J', (3) Voy. pl. 6, fig. 4 et 2. Les nerfs nés des cordons iet p, (4) Voy. ibid,, Z!", 260 NH. LACAZE-DUTHIERS. position que dans l’Haliotide, aux proportions près ; mais quelques- uns des nerfs, appelés péricardiques dans ce dernier animal, paraissent ici destinés à la partie du corps renfermant les viscères, que cela avait déjà été pressent. Les ganglions sont très variables; tantôt il y en a deux, mais bien souvent on n’en voit qu’un (1). Quand il en existe deux, le second se développe à gauche du premier, qui persiste, et se trouve comme fixé par l’origine constante du nerf qu'il donne au rein et au cœur. Le nerf génital droit (2) nait toujours un peu à droite du bord des ganglions, se place en dedans du canal excréteur des organes reproducteurs, et peut être suivi jusqu'à l'extrémité du corps, toujours du côté concave de l’enroulement. Quelques ramuscules secondaires s'en séparent, puis s’anasto- mosent de même avec le cordon prineipal. Le nerf génital gauche (3) a son origine en dehors et à gauche des ganglions du fond du cul-de-sac palléal, et se tient dans les parois du corps du même côté. Au delà de l'estomac, on voit ses ranifications s’anastomoser avec le précédent. Le nerf de l'organe de Bojanus (h) se détache directement du ganglion le plus constant, et se bifurque en formant par les anastomoses multipliées de ses ramuscules un réseau facile à voir sur la paroi du sac. Le nerf cardiaque (5) qui va jusqu'à l'oreillette naît de la branche gauche du nerf du sac de Bojanus. On le voit, ce groupe des ganglions moyens est constamment le plus étendu, et il fournit aux organes les plus variés de l’éco- nomie. (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XI, pl 6, fig. 4 et 2, Z!”. (2) Voy. ibid, 0. (3 f \ 4\ Voy. ibid., k. — J, organe de Bojanus. } Voy. ibid., 0”. E ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 261 Grand sympathique ou nerfs stomato-gastriques. Le second des noms qui servent à désigner la partie du système nerveux qui va maintenant nous occuper est préférable au pre- mier : les raisons en ont été données, soit à propos du Vermet lui-même, soit surtout à propos des Pleurobranches, des Haliotides. L'origine du connectif qui met en communication eelte portion du système nerveux avec celle que l’on est habitué à nommer système de la vie animale doit être remarquée. Elle n’est pas di- recte, c’est sur la paire labiale inférieure qu'on la rencontre. Déjà l'occasion s’est présentée de faire remarquer le double rapport qui existe, d’une part avec les nerfs labiauæ, de l’autre avec le nerf labial inférieur. On trouve, jusqu’à un certain point, une raison dans cette origine commune entre les nerfs des lèvres et ceux qui vont à l'appareil buccal et au reste du tube digestif. Bien souvent j'ai dit combien il importait d’être prudent dans les généralisations : serait-ce manquer à cette recommandation en supposant que l’origine de ce que l’on nomme le grand sympa- thique est, dans les Gasléropodes, ou commune avec celles des nerfs labiaux inférieurs, ou à côté du nerf de la lèvre sur les ganglions cérébroïdes. Le connectif est fort long, et présente toujours de nombreuses flexuosités ; ce qui s'explique : le bulbe lingual est très gros, très musculaire, fort actif; les mouvements qui s’accomplissent, quand la langue est dardée au dehors, sont nombreux et étendus; le nerf stomato-gastrique eût été tiraillé, si sa longueur n’eût excédé la distance de son origine à son point d’arrivée. Une autre condition devait encore causer cet allongement : le connectif vient très en avant du bulbe lingual pour pénétrer dansles muscles qui le forment, et rétrograder ensuite en arrière pour arriver aux ganglions (4). Si donc le connectif n’eût pas été et fort long et très flexueux, il aurait été vigoureusement tiraillé pendant l’action de la langue. (1) Voyez pour cela la figure de profil, pl. 6, fig. # — x, connectif. 262 EH. LACAZE-DUÉHMIERS. Ganglions stomato-gastriques, Les deux ganglions du système nerveux du tube digestif sont bien limités et arrondis, d’un volume assez considérable, sans égaler cependant celui des ganglions pédieux et céphaliques (4). Leur couleur est habituellement semblable à celle des autres centres nerveux, c'est-à-dire un peu jaune orangé. Très distincts l'un de lautre, ils sont unis par une commissure assez courte, mais bien évidente, qui passe en sautoir au-dessus du prolongement lingual. ILest à peine utile, tant ce rapport est constant, de dire que leur position est celle que l’on observe dans tous les Gastéropodes ; ils sont au-dessous de lœsophage, en arrière du bulbe lingual et au- dessus du prolongement dela langue. Cette position existe toujours. Nerfs. Connectits, commissures et ganglions, tous fournissent des nerfs qui paraissent relativement plus difficiles à disséquer et à trouver que ceux, bien plus petits et plus grêles, du système nerveux de la vie animale. Les nerfs qui naissent du connectif forment trois paires princi- pales. L'une, antérieure (2), se détache à l'angle de réflexion, quand le connectif se porte en arrière en pénétrant dans les muscles ; elle va en dessous dans la base de l'appareil lingual que l’on voit dans la bouche formant comme une sorte de piston ; un peu plus loin, tantôt deux pelites ou une seule, ou même trois branches très grêles se détachent du côté supérieur du connectif (3), quand il traverse les muscles pour se rendre aux ganglions. Enfin, tout près du centre lui-même, on en trouve une troisième, plus volumineuse que ces dernières, et qui se porte sur les côtés latéraux de l’appareil lingual. (1) Voy. Ann. des sc, nat., Zool., 4° série, t. XIE, pl. 6, fig. 4, Y. (2) Vov. ibid. (c). (3) Voy. ibid. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 263 On trouve ici une grande analogie avec ce que présente l'Halio- tide, où le connectif, fort long, fournit la plupart des nerfs du bulbe lingual (4). Du ganglion même nail une paire considérable et surtout impor- tante ; c’est en haut et en dedans, tout près de l'œsophage, qu’on la voit se détacher un peu en arrière du ganglion et du connectif (2): c’est la paire linguale dorsale; elle fournit à toute la partie supérieure du bulbe de nombreux ramuscules , ainsi qu'aux glandes sali- vaires, et elle donne la branche æsophago-stomacale principale. Cette dernière est vraiment une des plus importantes; elle four- nit à tout l'appareil de la digestion, et dans quelques espèces, l'Ha- liotide, l'Aplysie, la Bullée, on la voit se ramifier et former avec celle du côté opposé un réseau qui couvre tout le tube digestif. Ici je dois avouer qu'il m'a été impossible de pouvoir la suivre bien loin, et que je lai perdue bientôt sur l’æsophage ; malgré tous mes efforts, les nerfs sur l’estomac n’ont pu être mis à nu, mais je dois dire que c’est surtout sur des individus conservés dans la glycérine que les dernières dissections étaient faites. On peut considérer comme naissant, aussi bien de la commissure que des ganglions, une paire de nerfs qui va à la face inférieure de l'æsophage, et que pour celte raison, mais surtout à cause de sa position, on peut appeler æsophagienne inférieure (3). On a vu quel- que chose d’analogue dans l’Haliotide. L'origine réelle est à l'angle d'union de la commissure et du ganglion tout à fait en arrière. Sur le côté antérieur de la commissure, on voit encore naitre deux paires qui sont destinées l'une et l’autre à la partie moyenne et inférieure du bulbe et au fourreau de la langue, et qui dépassent en arrière l'appareil actif (4) : c'est encore la même chose que dans l'exemple eité. Il faut ici faire la même remarque que pour l’Haliotide et d’autres espèces. La partie du système nerveux s{omalo-gastrique (4) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t, XI, pl. 44, 6g. 3 : H. Lacaze- Duthiers, Mémoire sur le système nerveux de l'Haliotide. (2) Voy. ibid., t. XHIX, pl. 6, fig. 7 (g). (3) Voy. ibid, d. (4) Voy. ibid., k, a. 264 HN, LACAZE-DUTHIERS. destinée à la langue ressemble, par la disposition de ses ramifica- tions, complétement aux nerfs de la vie animale, tandis que dans la partie destinée au tube digestif proprement dit, la physionomie générale de la distribution (bien que je n’aie pu la suivre très loin), est toute différente, et rappelle même l'irrégularité que l’on trouve dans le système grand sympathique des 1nimaux vertébrés. RÉSUMÉ. Les Vermets, au pointde vue où l’on peut se placer après les dé - tails qui précèdent, sont, par la disposition de leurs organes, des Gastéropodes Turbinés pectinibranches ordinaires: seulement ils se modifient dans certaines parties de leur organisme en raison même des particularités toutes spéciales de leur existence. La séparation des sexes est parfaitement évidente. La féconda- tion à distance est abandonnée au hasard : c’est une conséquence de la fixité de la coquille. L'existence des différentes parties du tube digestif, telles qu'on les rencontre ordinairement, mais simples, n’a pas fait de doute ; il faut reconnaitre une disposition complexe et bien déterminée dans l'appareil lingual. Une branchie feuilletée, placée à gauche du tube palléal, accom- pagnée d’un cordon blanchâtre parallèle qui, dans d’autres Gasté- ropodes, prend l'apparence d'une seconde branchie, nous a con- duit à admettre, comme dans d’autres Moilusques, une asymétrie gauche démontrée par la disposition du système nerveux. Le cœur n’a qu’une seule oreillette, il a suivi dans son déplace- ment la branchie, on le trouve à gauche ; ajoutons que dans tous les organes il y a une exagération des déplacements dans le sens de la longueur : les Vermets sont, pour ainsi dire, passés à la filière et fort allongés, leurs organes ont des proportions trars- versales relativement fort restreintes. Le pied, le manteau et la tête n’offrent rien de différent avec les Gastéropodes pectinibranches de Cuvier ; la tête seule est fort grosse : c’est au développement du bulbe lingual qui la remplit qu'il faut rapporter ses grandes proportions. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 265 Le système nerveux offre très nettement quatre groupes gan- glionnaires, un supérieur, un inférieur, un moyen et un stomato- gastrique : le premier fournit à la têle, aux lèvres, aux organes des sens, c’est le ganglion cérébral de tous les auteurs ; le second fournit au pied, c’est le centre pédieux. Quant au troisième, il est moyen par sa position entre les deux précédents, et forme un groupe considérable, que l’on pourrait désigner par une série de noms, en employant la nomenclature mise en avant par les différents auteurs. Ce groupe, déjeté à droite, passe sous le tube digestif, mais présente une sorte de torsion à gauche ; l'asymélrie à droite, qui est son caractère, se trouve ren- versée et masquée par le déplacement vers la gauche. Cependant les connexions des filets nerveux, leur origine et la position des ganglions, tout permet de rapporter au plan d'asymétrie droite les dispositions organiques du Vermet comme celles de l’Haliotide. C’est de ce groupe ganglionnaire asymétrique ou moyen, et de ses dépendances avec les cordons ou ganglions secondaires, que l'on voit naître : 1° les nerfs du manteau; 2° ceux de la respira- lion, renforcés en un point par un ganglion, et peut-être par un centre linéaire important, non encore parfaitement déterminé à côté de la branchie ; 3° ceux du cœur et de l'organe de Bojanus comme aussi ceux des organes génitaux. Qu'on le remarque, ces derniers nerfs partent du renflement ganglionnaire postérieur, qui se {rouve sur le cordon d’union qui joint les deux centres moyens antérieurs. Une particularité bien digne d'intérêt s’est présentée. La glande placée dans la cavité du corps, qui s'ouvre entre le pied et la tête, est très probablement l'intermédiaire entre la cavité générale du corps et l’extérieur. Si donc il n’a pas été possible de découvrir ailleurs l'orifice extérieur de la circulation , on pourrait le consi- dérer comme existant à la face inférieure de la glande. Les tentacules très longs qui partent des bords de l’orifice de la glande sont les prolongements de ses lèvres, et non pas des tentacules à proprement parler, comme ceux de la tête. Leurs - nerfs ne viennent pas de la partie encéphalique sus-æsophagienne, ce qui permet de les rapporter au pied, puisqu'ils ont pour ori- \ 266 M. LACAZE-DUTHIERS. gine le ganglion pédieux. Lei donc la loi des connexions conduit à déterminer exactement une partie que l’on serait tenté au premier abord de rapporter à tout autre chose. Telle est l’organisation du Vermet de la Méditerranée. Sur le F’. gigas, il eût peut-être été plus facile de pousser les recherches plus loin à certains égards, mais il n’a pas été possible d'en avoir en assez grand nombre. Plus favorisé peut-être une autre fois, pourrai-je combler les desiderata, les lacunes qui ont été signalées. DEUXIÈME PARTIE. EMBRYOGÉNIE. I Fécondation. — Ponte. On connait déjà la disposition des organes de la reproduction, il ne reste que peu de chose à dire sur la fécondation et la ponte. Le mâle doit, sans aucun doute, lancer sa semence, et les sper- matozoïdes arrivent à la rencontre de l'œuf, au hasard, suivant que le mouvement des eaux leur est plus ou moins favorable. Mais où se fait la fécondation, c’est-à-dire où a lieu la rencontre de l’œuf et du spermatozoïde? D'abord comment se fait la ponte? Les œufs ne sont pas rejetés par la femelle, et abandonnés à eux-mêmes, comme on le voit dans bien des cas : comme les Oscabrions, les Fissurelles, le font, ainsi que tant d’autres. La femelle forme de petites coques, qu'elle remplit de dix jusqu’à trente œufs à peu près, et qu’elle fixe et colle contre la paroi du tube de la coquille. Quand on casse le tube, surtout du côté opposé à la partie soudée à la pierre, on voit, avec la plus grande facilité, la disposition en série de quatre, cinq, six et même plus de ces petites coques ovigères. De l'observation de ces coques il résulte un fait positif : le ANATOMIE Œ1 EMBRYOGÉNIE DES. VERMETS. 267 moment de la ponte ou de la formation de ces petites vessies en ampoules n’est pas le même ; car le volume déeroît à mesure que l’on s’avance davantage dans le fond de la coquille vers l'animal, et le volume des petites vésicules est en rapport avec la taille des embryons qu'elles renferment. Dans les premières, les plus voi- sines de l'orifice, on trouve des embryons parfaitement formés ; dans les dernières, souvent les œufs ont à peine commencé à se fractionner : on ne peut done admettre que tous les œufs aient été pondus en même temps, et que la fécondation ait eu lieu au même moment (4). Quant au mode de formation de ces coques, il est peut-être difficile de l'indiquer. C’est done avec réserve que l’on peut avan- cer quelques suppositions. Dans le fond de l'orifice génital, lon- guement fendu en boutonnière, de l'oviducte, on a vu qu'il existait des dépressions celluleuses, et ce sont elles qui peuvent peut-être servir de moule où se déposent les œufs et où est sécrétée la matière destinée à les englober ; on peut donc penser alors que la femelle fait sortir ces capsules ovigères toutes formées pour les coller contre la paroi de son tube, Quoi qu'il en soit et de la formation de ces capsules, et du mo- ment ou du mode de leur formation, toujours est-il qu’il faut très probablement que la fécondation ait lieu en plusieurs fois, et qu’elle s'accomplisse avant la formation des sacs; par conséquent, ce doit être vers l’orifice de l’oviducte et au moment de la sortie des œufs qu'elle à lieu. Il est très probable qu'il doit y avoir autant de pontes successives qu'il y a de petites capsules ovigères, et par conséquent autant de fécondations partielles , car on ne trouve dans les organes génitaux aucune disposition qui puisse, comme dans tant d’autres espèces , faire admettre un dépôt de la liqueur fécondante pour être utilisée quand besoin est. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., &° série, L. XII, pl. 5, fig. 4, une coquille cassée, pour montrer, et la forme de l'animal, et la disposition des capsuies ovi- gères, dont le volume décroît beaucoup avec la position 268 H, LACAZE-DUTHIERS. I De l’œuf et du fractionnement. L'œuf du Vermet triquètre est fort volumineux (4), très opaque ; par conséquent il est difficile de pouvoir juger très nettement de ce qui se passe à son intérieur, et des modifications que ses élé- ments peuvent éprouver. Cependant il est facile de voir et de reconnaitre les différentes phases de la division du globe vitellaire en globes secondaires, et finalement de la production d’une masse framboisée. Il est bien difficile, quand on ne voit pas pondre un animal, de diviser les études que l’on peut faire sur son développement en périodes ou stades marqués. J'ai d’ailleurs trouvé tant de diffé- rences dans les espèces que j'ai eu l’occasion d'étudier, que J'attache de moins en moins d'importance à des divisions qui sont faites bien plus pour nos études à nous que pour représenter exactement ce qui se passe dans la nature. Aussi rencontrera-t-on ici les divisions suivantes bien simples : d’abord étude du fractionnement jusqu'au moment où la masse embryonnaire est formée; ensuile apparition des organes loco moteurs, cils vibratiles, etc.; puis apparition des premiers rudi- ments de la forme du jeune animal; enfin, à partir de ce moment, il est mieux de prendre chaque organe , et d’en suivre le déve- loppement en partant du moment où on l’a vu paraître. Le fractionnement est souvent précédé ou accompagné par un phénomène remarquable, que l’on a bien observé dans les Acé- phales, les Annelés et beaucoup de Gastéropodes. Je veux parler de la sortie du globule transparent, dont le rôle, tout indéterminé qu'il est encore, semble pourtant ne pas être sans importance. Ici il a été impossible de voir la sortie de ce globule ; cela se comprend facilement, on ne peut guère espérer de tomber sur des (1) Voy. Ann, des sc. nat, Zool., 4° série, t, XIII, pl. 5, fig. 44. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 269 œufs venant de sortir de l’oviducte, et au premier moment de l’activité embryonnaire : or la gouttelette ou globule tombé dans le liquide de la capsule ovigère ne peut être vu facilement, car l’on détruit et rompt toujours quelques œufs en ouvrant une capsule, et les granulations vitellines remplissent le champ du microscope. La division du globe vitellaire en sphère secondaire marche assez lentement ; elle n’a point cette rapidité de changements de formes que l’on trouve dans le Dentale, les Hermelles, etc., etc., et tant d’autres. Cependant il ne faudrait point en conclure que le travail se fait dans un temps fort long ; ce n’est donc que, rela- tivement aux cas où les choses marchent assez vite, comme, par exemple, le mouvement de la grande aiguille d'une montre, que l’on peut dire qu’icila marche est lente. Il ne sera question que des états présentés sur des œufs di- vers qui ont pu être dessinés et considérés par analogie comme autant de stades du travail que l’on connait, et que l’on a parfaite- ment étudié sur d’autres animaux ; car il n’a pas été possible de suivre un même œuf pendant sa transformation. Je n'ai point rencontré de division en deux, presque tous les œufs étant partagés en quatre segments (1); mais en cela rien d'étonnant, car dans bien des cas on voit les œufs que l'on peut suivre dès les premiers moments de la ponte, sur les Bullées, par exemple, passer immédiatemeut aux quatre sphères par le fractionnement. Souvent ces quatre sphères sont égales, et une sorte de croix, résultant de la ligne de démarcation, les indique (2); mais bien fréquemment aussi on voit qu’elles sont inégales, et placées dans un même plan ; elles semblent unies deux à deux en se croi- sant (3). (1) Voy. Ann. des sc. nat., 4° série, Zool., t. XIII, pl. 7, fig. 2, 3, 5,6 (2) Voy. ibid., fig. 2. (3) Voy. ibid., fig. 3. 270 HI, LACAZE-DUTIIIERS. Les sphères dont il s’agit sont bien évidemment le résultat du morcellement du vitellus, car les granulations, la teinte, tout est semblable à l'œuf même (1). Le nombre de ces grandes sphérules ou parties du fractionne- ment est el reste un certain temps sans augmenter, puis il devient plus grand ; souvent il a paru s'arrêter à six ou à une dizaine : si bien que l'on reconnaît encore les grandes sphères résultant de ce fractionnement (2) sous l'enveloppe de l'embryon ayant déjà des organes locomoteurs, des cils vibratiles. Mais il apparait d’autres sphérules d’une nature différente, dont la connaissance est fort importante. Celles-ci sont beaucoup plus petites et d’une teinte plus claire ; elles renferment des granulations peu nombreuses et d’une dimen- sion telle, que leur transparence n’en est que peu altérée. On a pu voir dans les œufs du Dentale se développer sur un des côtés de grosses masses résultant du premier fractionnement ; vers l'angle d’entrecroisement des lignes qui les séparent, de pe- tites vésicules transparentes produites sur l’un des côtés de l'œuf et donnant naissance à une masse framboisée qui se développe paral- lèlement au morcellement du reste du vitellus. Dans quelques exemples dont je publierai bientôt l’embryogénie, on verra que ces nouvelles cellules ne sont pas le résultat de la multiplication par dédoublement de sphérules existant déjà, mais bien le résultat d’une sorte de croissance se faisant sur un des côtés de l'œuf (3). Ici on voit ces sphérules naitre non pas directement, cela ne peut guère être observé, en raison du volume et de l’opacité du vitellus, mais la masse framboisée résultant de la multiplica- tion de ces éléments, vue de profil, montre très bien les deux parties : l’une (4) est formée de grosses masses granuleuses jau- (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 7, fig. 2, 3, 4, (2) Voy. ibid., fig. 8. (3) Voy. ibid, pl. 7, fig. 5, 6 : (a), la portion dont il est ici question; (b), les grandes sphères résultant du fractionnement du vitellus. (4) Voy. ibid., (b). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 271 nâtres; l’autre (4) ne présente que des éléments transparents, incolores, qui la font ressembler à un amas de cellules très lche- ment unies et rapprochées, exerçant les unes sur les autres peu de compression, et conservant par cela même un état sphé- roïdal. L'analogie ne permet pas de méconnaitre dans cette division de la masse framboisée de l'œuf les deux parties désignées par M. Vogt (2) sous les noms de périphérique et centrale; mais il faut le dire, les noms, qui pour d’autres exemples sont heureux, ne semblent pas ici très bien choisis et très applicables, car la masse jaunâtre , celle qui est dite centrale, parait bien plutôt laté- rale; cependant peu importe, car elle deviendra centrale, elle for- mera le foie et une partie des organes de la digestion. La partie périphérique est celle qui sert de point de départ aux premiers organes de la locomotion, c’est d'elle que naissent les disques moteurs et le pied, c’est au milieu d’elle que se forme la bouche. Cela se passe dans les Vermets comme dans les autres Mol- lusques; seulement ici les cellules, ou mieux les sphères vitellaires résultant du fractionnement du jaune restent latérales, et ne sont englobées et enfermées que plus tard par une production transpa- rente, dépendant probablement de la partie dite périphérique, mais qu'il est difficile de pouvoir reconnaitre comme sa prolongation. Il ne faut pas oublier, encore une fois, que le volume de l'œuf et les nombreuses granulations colorées qu'il renferme ne per- mettent guère de décider ces questions si difficiles et bien délicates, Quoi qu’il en soit, le fractionnement aboutit à partager l'œuf en deux masses, l’une composée d’un petit nombre de sphères, déria vant évidemment du vitellus simplement fractionné; l’autre, formée d’un grand nombre de petites vésicules empilées, transparentes, qui semblent s'être détachées latéralement de l'œuf en travail, et qui tendent à former de plus en plus une masse cellulaire. (4) Voy. Ann, des se. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 7, la partie marquée{a), (2) Voy. C. Vogt, Embryogénie de l'Acléon | Ann, des sc, nat., 3° série, Zool., t. VI, pl. 24 et 22). DF nl H, LACAZE-DUTHIERS, C’est à partir de ce moment que les organes locomoteurs appa- raissent, et que la seconde période, celle qui va nous occuper maintenant, commence. III Apparition des organes locomoteurs, Les organes de la locomotion, chezles embryons des Mollusques, sont de deux ordres, ou bien des cils vibratiles, ou bien des organes locomoteurs proprement dits, tels que le pied, les disques rotateurs. Les premiers nous occuperont d'abord. Les cils vibratiles sont, quand ils commencent à paraître, fort difficiles à distinguer, et cela sur tous les embryons, qu’ils soient ou non transparents ou volumineux. Ils forment en effet d’abord comme un léger. duvet qui se meut à peine, et comme ils sont très courts, il y a une grande difficulté à les apercevoir ; quand, donc, on les distingue nettement, on peut croire qu'ils existaient déjà depuis quelque temps. Où commence-t-on à les voir ? Il faut se représenter l'œuf arrivé à la période de framboisement comme un ovoide, où d’un côté on trouve les grandes cellules, résultat du fractionnement du vitellus, où de l’autre on reconnait la masse composée de cellules transparentes ; c’est sur les por- tions saillantes de celle-ci que l’on voit d’abord les premiers cils (1). L'œuf arrivé à la période désignée est allongé, et quand on le regarde de face, c’est-à-dire l’une des masses étant au-dessus de l’autre, on voit deux petits bouquets (2) plus près de l’une des extrémités. Ces cils indiquent l’origine des véritables organes primitifs de la locomotion, c’est-à-dire des disques moteurs. Dès qu'ils apparaissent, ils ne cessent de s’accroître en longueur, et par conséquent ils deviennent de plus en plus évidents. Le pied et les disques moteurs se montrent du même côté ; il est même probable que les cils en marquent la limite. (1) Voy. Ann, des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 7, fig. 8. (2) Voy. ibid. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 273 Quand on parvient à observer de profil l’œuf déjà cilié (4), on voit que la portion qui correspondait à la partie périphérique s'allonge et devient proéminente ; mais qu’elle est plus saillante du côté où elle est plus éloignée de l'extrémité de l’ovoïde (2). Que l’on observe un embryon un peu plus développé, et l'on reconnaitra (3), sous une forme à peine appréciable, déjà le lobe médian ou le pied (4), et les lobes latéraux, ceux qui deviendront les disques locomoteurs (5). Ces parties, qu’on le remarque, forment sur le côté de l'œuf ainsi vu de profil trois mamelons, dont un médian impair, plus étroit, dirigé dans le sens de la longueur, les deux autres laté- raux. Dès ce moment, on arrive à une autre période du déve- loppement. IV Des premières formes de l'embryon. Sans aucun doute, ce n’est pas par des transitions brusques que loutes les transformations apparaissent : nos divisions seules sont tranchées, dans la nature tout marche d'une manière conti- nue et suivie; mais enfin il faut s'entendre, et dès que le pied, les lobes locomoteurs et la coquille sont formés, on peut déjà recon- naître le jeune animal, on peut le poser. Déjà dans les états précédents, en y revenant, après avoir élu- dié des individus plus avancés, on peut établir : que la masse périphérique ou cellulaire transparente est du côté abdominal de l'embryon (6), tandis que les grandes sphères sont du côté dorsal (7). Quant aux extrémités, celle qui est dirigée en avant est celle ) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 7, fig. 8 (c). ) Voy. ibid., fig. 9. 3) Voy. ibid., fig. 9 (p). } Voy. ibid. fig. 410 (p). } Voy. ibid. fig. 40 | } Voy. ibid , fig. 5,6 (4) (a). ) Voy. ibid., (b) (b) (b). 4° série. Zooz. T. XIE. (Cahier n° 5.) ? 18 27, H. LACAZE-DUTHIERS. qui est la plus voisine des bouquets de cils vibratiles (4). Lorsque la coquille sera développée, il sera bien plus facile encore de poser le jeune Vermet, en considérant la coquille comme étant posté: rieure (2). Ainsi quand lé jeune animal est suffisamment développé pour que l'on reconnaisse sés parties, il a déjà quelque chose d'assez irrégulier et dé monstrueux. La partie périphérique est fort pe- tite (3), relativement à la partie centrale, qui reste toujours fort volumineuse. Cela est très marqué et très frappant. Il n’est pas possible d'avoir suivi le développement d’un autre Gastéropode quel- conque, sans être frappé par celte disproportion entre les deux moitiés de l’embryon. Or, qu'on le remarque, tout le travail à partir de ce moment consiste en ceci : l’une des parties s’accroitra d'une manière constante, tandis que l’autre au contraire diminuera relativement, et peut-ête même absolument parlant. Cette remarque, bien certainement, ne ponrra manquer de frapper ceux qui chercheront, pour les appliquer à la classification, des distinctions dans les formes embryonnaires. Y Développement des différents organes. Dès que l'embryon peut être posé, et que ses formes sont suf- fisamment reconnaissables pour que les organes soient déterminés, il est sans aucun doute plus simple de prendre chaque organe, et de voir par quelle transformation successive il passe pour arriver à ce qu'il sera dans l’animal complet. (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIL, pl. 7, fig. 8. L'œuf, dans cette figure, est vu par le dos, et son extrémité antérieure regarde vers le haut de la planche. (2) Voy. ibid., fig. 41. La coquille et les disques sont distincts; on voit les grandes sphères en dessus et la coquille en arrière, donc l'animal est vu par le dos, et la tête est en avant. (3) Voy. ibid. , fig. 40 (d-p). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 275 1° Coquille. — I faut rapporter à la grande opacité des cellules jaunâtres vilellines la difficulté que l’on éprouve à voir les pre- mièrés traces de la coquille. S'ilim'était permis d’en juger par ce que j'ai pu observer sur d’autres exemples, les premiers linéaments du test doivent être extrêmement délicats; à peine sont-ils distinets de l’enveloppe ou de la paroi, et si les conditions d'observation ne sont pas favorables, il est extrêmement difficile et même impos- sible de les apercevoir. L'embryon (1) qui présente la coquille la plus petite est déjà bien formé , et tout porte à croire, surtout d’après des observa- tions sur d’autres animaux, qu'elle doit avoir paru plus tôt. Sans doute, c’est sur l'extrémité postérieure qu’elle se forme d’abord comme une pelile nacelle; puis elle s'accroit progressivement en s’avançant vers l'extrémité antérieure. On trouve bientôt les preuves de cel accroissement progressif dans les lignes qui se montrent parallèlement au bord antérieur de son ouverture (2). Quelle forme assigner à cette enveloppe solide? D'abord c’est une sorte de cul-de-sae, elle est arrondie, fermée en arrière, et taillée en biseau en avant. Quoique fort petite, elle n’est point symé- tique ; elle est déjà penchée ou oblique, à droite et en avant. Plus tard, et à mesure que son allongement augmente, elle se continue, et devient une coquille régulièrement turbinée. Si l'on regarde par le dos un des embryous les plus avan: cés que l'on trouve dans les sacs ovigères, alors qu'il n’a plus de disques locomoteurs, et si on (3) le place de manière à avoir la marge de l'ouverture de la coquille en avant, dans cette position le tube se dirige à gauche, et présente en arrière et à droite un cül- de-sac (4) qui semble remonter vers le dos. Que l’on oppose cette forme et cette disposition à celles que l’on remarque en observant un jeune embryon qui commence à avoir seulement ses disques bien évidents (5), et l'on trouvera la plus grande analogie entre (1) Voy. Ann. des sc, nat, Zool., 4° série, t. XIII, pl. 7, fig: 40 (g). (2) Voy. ibid., pl. 8, lig. 2. (3) Voy. ibid., pl. 9, fig. 6. (4) Voy. ibid., q. (5) Voy. ibid, pl. 7, fig. 44. 276 HW. LACAZE-DUTHIERS. cette partie latérale et postérieure de la coquille de l'embryon le plus développé et la coquille tout entière du plus jeune Vermel. Que l’on suppose la marge de l'orifice du plus jeune embryon se portant à droite, en s’allongeant et se courbant en dessous, que l'inflexion soit assez forte et l'allongement assez considérable, et l'on verra bientôt apparaître la marge et l’orifice à gauche de la première partie dont on est parti. Si l'allongement continue, on arrivera à la forme que présente l'embryon le plus développé (1). Ainsi, on le voit, l’enroulement se fait de gauche à droite en dessus, etde droite à gauche en dessous. Sil’on voulait le déterminer plus catégoriquement, on pourrait dire: à partir du premier cul-de- sac formé par la coquille, l'allongement se fait en marchantd’arrière en avant et de gauche à droite en dessus, puis de droite à gauche et de haut en bas latéralement, ensuite de gauche à droite et de bas en haut en dessous, et ainsi de suite, mais toujours en avançant. Les signes d’accroissement paraissent sur les tests les plus dé- veloppés, et ils se traduisent par des lignes parallèles au bord de la marge de l'orifice ; 1ls indiquent ici, comme ailleurs, des temps d'arrêt ou d'activité de l'accroissement. Tandis que, dès le commencement, la coquille ne peut recevoir qu'une très petite partie de l'embryon, plus tard elle abrite tout le corps; le jeune Vermet peut alors s’enfermer et se cacher souvent longtemps, ce qui finit par rendre l’observation difficile. 20 Pied. — Le pied se développe en suivant la marche progres- sive des autres organes ; il se complique peu à peu, et commence par être d’abord peu apparent et distinet des parties environnantes. C’estaux dépens de celte masse framboisée, et formée de cellules petites, différentes de la masse vitelline, que l’on a vue naïtre sur l’un des côtés de l’ovoïde fractionné, qu'il se forme. Dans toute son étendue, il n’a pas la même grandeur ; il s’allonge, et de- vient plus saillant en arrière (2) ou, si l’on aime mieux, vers (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 9, fig. 6. Dans la figure 5, où l'animal est vu de profil, la première partie q est cachée, puis vient la portion qui va passer en dessous 9’, et enfin celle qui remonte en dessus g”. (2) Voy. ibid., pl. 7, fig. 9 (p). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 277 l'extrémité, qui pour cela devient distincte, et que l’on pourra désigner bientôt par sa position. Cette saillie de la partie périphérique va en augmentant, et, s'isolant de plus en plus, elle forme comme une languette qui se recourbe un peu en arrière et en bas, à mesure qu’elle s’allonge davantage (1). Plus tard, mais avant cependant que les parties secondaires se produisent sous la face qui est en rapport avee le corps, et qui est supérieure quand le pied rampe et s'appuie, apparait une lame semblable à la coquille : c’est l’opercule (2). Le premier changement qui s'opère sur le pied, que recouvre, comme on le pense bien, un duvet serré de cils vibratiles, est dû à l’apparition d’un tubercule sur la face inférieure, vers la racine, c’est-à-dire vers le point où il est uni au corps (à). Ce tubercule s’avance et s’allonge de plus en plus, et semble se diviser ; alors il présente, quand on le regarde de face, un peu l’apparence d’un cœur de carte à jouer, dont l’échancrure serait tournée en avant (4). Enfin la partie s’allonge si bien que, lorsque l'embryon se pré- sente de profil, le pied peut arriver en avant, presque aussi lom que l'extrémité antérieure des tentacules : l’échancrure se présen- tant ainsi dans certaine position, on croirait le pied comme bi- lobé (5); mais cette première forme s’efface peu à peu, et l'extrémité antérieure finit par présenter réellement deux lames superpo- sées (6). Est-il permis de supposer que c’est entre ces deux lamelles que viendra s'ouvrir l'organe glandulaire du pied (7), et que l’une des lames, en s’allongeant et se divisant, formera les tentacules qui ont paru être les prolongements des lèvres de Porifice ? (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIIL, pl. 7, fig. 40 (p), fig. 42 (p). (2) Voy. ibid., pl. 8, fig. 2, 7 et 8 (0, o, 0). (3) Voy. ibid., fig. 3, p’. (4) Voy. ibid., pl. 9, fig. 2, p. (5) Voy. ibid., fig. 4, 5, p’. (6) Voy. ibid., fig. 6, p'. (7) Voy.ibid., précédemment la glande décrite sous le nom deglande pédieuse, 278 H. LACAZE-HUTHIERS. Quand Pembryon est bien développé, on trouve, vers la fin de la fente qui sépare en deux lames l'extrémité antérieure du pied, une tache, quelquefois trois, d'un jaune plus clair et transparent. Il parait bien naturel de supposer que c’est la trame aux dépens de laquelle se développera la glande pédiense. Cependant, n'ayant pas suivi assez longtemps les embryons, il reste impossible d'affirmer d’une manière absolue. De chaque côté et au milieu de la longueur, on trouve aussi deux mamelons (4) assez variables pour leur grandeur ; ils sont constants chez les embryons les plus développés. Sans doute, ils s'effacent avec les progrès du développement, car on n’en trouve plus trace sur l'animal adulte. Quant à l'extrémité postérieure, elle est longue, et disposée en forme de languette. I suffit de comparer l'animal adulte avec l'embryon le plus dé- veloppé pour être frappé de la différence que présente le pied dans les deux : dans le premier, la surface est plane et très courte, presque ecireulaire ; dans le second, elle est allongée, et relative- ment presque aussi étendue en longueur que le corps (2). C'est que, dans nn cas, l'animal est fixé, et ne se sert point du pied pour la locomotion : c’est que, dans l’autre, l'animal rampe abso- lument comme les autres Mollasques du fond de l'eau, sans doute jusqu'au moment où sa coquille s’attachera aux rochers. 6 Disques locomoteurs. — L'origine de ces organes est tout à fait analogue à celle du pied ; c’est de la même partie de l'œuf : fractionné qu'ils paraissent naïtre. On voit, en effet, la masse cellulaire périphérique produire trois mamelons : l’un, postérieur médian impair, forme le pied ; les autres, situés l’un à droite et à gauche, un peu en avant du pied, sont continns avec lui. Si l’on regarde de face (ce qui est fort difficile) un embryon très jeune au moment où ses disques et ) Voy. Ann. des sc. nat., Zool , 4° série, t. XULL, pl. 9, fig. 2,3, #, 5 (p!/). ) Voy. ibid., les planches 4, 6, 7, où l'animal adulte est représenté avec le pied entier, et la planche 9, 6g. 5. (1 (2 ANATOMIE ET EMBRYOGENIE DES VERMETS. 279 son pied se forment, on voit les deux parties unies en un tout qui rappelle nn cœur de carte à jouer très fortement échancré en avant (1). Celle apparence ne dure pas longtemps : entre le tubereule pédieux et les lobes latéraux, il se forme deux dé- pressions, conséquence, d’un eôté de l'allongement, et de l’autre de l'arrêt du développement des tissus entre les parties et les lobes qui, en formant les disques, s’éloignent peu à peu du Corps. Séparés d'abord dans le fond de l'échanerure antérieure du cœur de carte à jouer, ils finissent bientôt par se rejoindre, sans que jamais pourtant le sommet de l’échancrure cesse d'exister. Éminemment contractiles, ils sont tantôt plus, tantôt moins étendus dans un sens : c’est ainsi que tantôt ils sont comme échancrés sur leurs bords latéraux (2), tantôt au contraire presque circulaires (3). A mesure que le développement avance, le bord libre de ces voiles circulaires se renfle en un bourrelet qui devient de plus en plus saillant et marqué, tandis que le milieu se déprime ou s’amincit, et devient d’une très grande transparence ; alors on le voit parcouru par des filaments de nature sans doute musculaire. Du reste, la ressemblance entre ces lobes moteurs et ceux de; embryons des autres Gastéropodes est des plus marquées , et la physionomie générale qui en est la conséquence fait aussi ressem- bler beaucoup l'embryon d'un Vermet à celui d’un Gastéropode turbiné pectinibranche ordinaire ou même nudibranche. Le bord du bourrelet est couvert d’une double rangée de longs et gros cils vibratiles qui déterminent les mouvements et déplace- ments de l'animal en battant l’eau avec force. Les disques moteurs disparaissent quand l'embryon, devenu assez grand, présente les yeux, les tentacules, les organes cen- traux de l’innervation, et le commencement de l'appareil de la res- (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool,, 4° série, t. XIE, pl. 8, fig. 1. (2) Voy. ibid., pl. 9, Hig. 2 et 3. (3) Voy. ibid., pl. 8, fig. 6 et 5. 280 H, LACAZE-DUTHIERS. piration. Je n'ai point constaté de visu si ces organes disparais- sent en tombant, et se détachent du col de l’animal ; cela peut être. Dans la même poche ovigère, on trouve de jeunes Vermets abso- lument de Ja même taille, dont les organes semblent également avancés, et cependant les uns ont des disques, les autres n’en ont plus ; la disparition ne doit certainement pas s’accomplir très lentement et progressivement, mais je n’ai point vu la séparation s'effectuer brusquement sous mes yeux. Plus tard, on verra exactement le point d'insertion quand le corps aura été décrit dans son ensemble. Nous reviendrons aussi sur la direction des courants que déter- minent à la surface des disques, comme à celle du pied, les nom- breux cils vibratiles qui les couvrent. k° Des organes de la digestion. -— Avant de décrire d’une ma- nière générale le corps d’un jeune embryon, il faut nécessairement connaitre les organes de la digestion, qui se forment de très bonne heure, à peu près en même temps que ceux dont il vient d’être question. a. La bouche est certainement, dans quelques espèces que j'ai pu étudier, la conséquence de l’englobement de la partie centrale par la partie périphérique; celle-ci, en s'étendant autour des grandes sphérules résultant du fractionnement du vitellus, les enferme, et comme elle part d’un côté du globe vitellaire, elle se lrouve, après l’englobement, arriver au côté opposé, et là former comme un orifice d'autant moins grand, que son développement s’avance davantage. Si je comprends bien ce qui se passe dans ce cas, je pourrais en donner une idée en comparant ce qui a lieu ici à ce qui se produit quand le Hérisson s’enferme. Le muscle peaucier dorsal se trouve d'un côté de l’ovoïde, représenté par le corps; lorsque l’animal se reploie en dessous, le peaucier s'avance, et recouvre bientôt tout; ses bords seuls forment comme un orifice, d'autant plus petit que la contraction est plus grande. Si le peaucier représente la partie périphérique , et si le corps de l’animal est considéré comme la partie vitellaire centrale, ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 281 on aura l’idée à la fois de l'englobement de l’un par l’autre et de la formation d’un orifice. Quand le vitellus ou les grandes cellules fractionnées ont été de la sorte englobées, la partie périphérique, au pourtour de l’orifice qu’elle laisse en ne se soudant pas à elle-même, produit trois tubercules qui sont, l’un médian postérieur et inférieur, les deux autres semblables, latéraux et antérieurs; eeux-ci forment les disques moteurs, celui-là le pied. La bouche se trouve donc, on le voit, entre le pied et les disques moteurs. Mais il y a évidemment quelque différence suivant les espèces, si fant est que le mode de formation indiqué plus haut soit exact. Voici ce qui se présente chez le Vermet. Sans aucun doute d’abord la bouche est entre le pied et les deux lobes moteurs (1); plus tard ceux-ci se rejoignent en avant, elle est alors tout à fait enfermée entre les trois organes (2) : cela ne semble pas être ainsi en commençant. Si donc on entend par partie périphérique cette portion de l'embryon qui entoure le vitellus proprement dit fractionné en grandes sphérules, et d’où se développent le pied et les roues motrices, on pourra remarquer qu'ici celte partie est toule latérale, et qu'avant d’avoir englobé le vitellus, elle a donné naissance aux organes qui paraissent les premiers dans son tissu. La bouche n'en reste pas moins formée par l’espace laissé entre ces {rois parties, el si les deux disques se rejoignent plus tard par les progrès de leur développement en avant, il n’en est que mieux établi que la bouche paraît, dans tous les cas, n'être que le résultat d’un recouvrement incomplet du globe vitellaire, dans ün certain point, mais aussi que cet englobement peut varier pour les diffé- rentes espèces dans la manière dont il s’'accomplit. Ainsi done, ici la partie périphérique semble d’abord rester latérale et produire les rudiments de trois organes, puis elle s'étend, et certainement alors elle recouvre tout le vitellus. Dans les Bul- lées, Aplysies, Cérithes, Actéons, etc., ete., l’englobement pré- (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XILX, pl. 8, fig. 4 (s). : (5) Voy. ibid., fig. 4. 282 Hi. LACAZE-DUTHIERS. cède la formation du pied et des disques. Dans les Vermets, l'englobement est ou consécutif ou simultané à la formation des lobes et du pied. De là la formesingulière des embryons de ces derniers (4) : à une certaine époque, on voiten avant une portion du vitellus dépasser les rudiments des disques qui sont nés du tissu latéral près d’une des extrémités de l'œuf. La bouche parait comme un point noir dans l'endroit qui a été indiqué (2) précédemment, et se déprime de plus en plus. Bientôt elle est au fond d'un véritable infundibulum, dont les parois sont tapissées d'une ceinture de cils puissants, qui déterminent des courants rapides vers l'orilice (3). b. Cavité digestive. — La cavité digestive se forme progressi- vement par le creusement de la substance vitellaire, dont on distingue fort longtemps les grandes cellules même au milieu du foie déjà formé et reconnaissable. En donnant du carmin aux jeunes embryons qui présentent à peine formés etle pied et les lobes, on voit un courant très vif qui s'établit à la face antérieure du pied, et qui entraine les granules rougeâtres au fond d’une dépression peu profonde, où ils s’accu- mulent. Ce courant démontre bien la position de la bouche telle qu'elle vient d’être indiquée (4). Il est très probable qu'ici comme ailleurs, la cavité stomacale se forme par érosion, et que des éléments vitellaires détachés sont entrainés el rejetés par les courants qui s’établissent. C'est d’abord un eul-de-sac, ainsi qu’on peut en juger sur un embryon peu développé et dont les sphères vitellines dépassent (4) Voy. Ann. des sc. nul., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 7, fig, 10, 44 et 12: pl. 8, fig. 4. ; (2) Voy. ibid., pl. 8. fig. 4 (s). (3) Voy. ibid., pl. 8, 6g. 4 ; pl. 9, fig. 2 (s,s). (4) Voy. ibid., pl. 7, fig. 42. Le courant déterminé par les cils vibratiles se brise sur l'extrémité du pied et se partage : une partie passe sur la face supérieure, une autre suit la face inférieure et va à la bouche. De petites flèches indiquent ce fait. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 255 encore beaucoup en avant les disques moteurs. Mais à mesure que le développement éloigne le pied et les disques dela masse cen- trale, l’orilice externe s'éloigne du fond du eul-de-sae, et un tube se forme, pour les joindre : c’est l'œsophage, qui se distinguera avec la plus grande netteté quand les jeunes Vermets serontplus avancés (4). L'estomac devient peu à peu une cavité oblongue assez irrégu- lière, qui se voit au côté gauche (2). Dans les embryons les plus développés, on trouve au milieu de la longueur un étranglement qui le partage en deux culs-de-sac peu distincts, mais qui indiquent bien évidemment le commence- ment de la disposition qu’on observe dans l'adulte (5). Quant à l'intestin, devient très évident lorsque l'embryon est avancé, mais pour dire aux dépens de quoi il se forme, c’est plus difficile. L'opacité et le volume énorme de la partie centrale jaune empêchent de pouvair rien affirmer. L'anus s'ouvre sur le côté droit de l’animal, dans l’épaisseur du manteau, quand la cavité palléale est formée, et alors on reconnait bien la disposition de l’animal adulte. Le foie se développe aux dépens de la masse centrale à peu près tout entière, moins cependant la partie creusée à son centre qui forme l’estomac ; très tard encore, même quand l’embryon n’a plus de disque moteur, on reconnait les grosses granulations du vitellus, et avant une époque avancée les grandes sphérules résultant du fractionnement paraissent au travers de la coquille et des tégu- ments (4). C’est 1à un fait important que cette transformation presque com- plète et constante de tout le globe vitellaire en une glande toujours distincte, et ordinairement très développée dans les Mollusques. (1) Voy. Ann. des sc. nut., Zool., 4° série, t. XILF, pl. 9, fig. 4,2, 4, 6 (e). (2) Voy. ibid., fig. 1, 3, 4 (g). Dans toutes ces figures, les embryons sont représentés ayant dans le milieu de l'œsophage, de l'intestin et de l'estomac, du carmin, qui est indiqué par des points noirs. (3) Voy. ibid., fig. 5 (g). (4) Voy. ibid.,les différentes figures de la planche 9, La partie marquée f, en remontant aux embryons moins âgés, pl. 8, on trouve tous les passages, et planche 7, on arrive progressivement au vitellus, fig. 1. 281 H. LACAZE-DUTHIERS, Caractériser l'embryon du Mollusque qui nous occupe par un mot serait une chose bien heureuse, mais ce ne pourra évidem- ment avoir lieu que lorsque les faits se seront accumulés, alors qu'on pourra aussi le faire pour les autres espèces. Maintenant que la disposition du tube digestif est connue, il est utile d'indiquer la disposition des courants qui apportent la matière alimentaire dans la bouche (1). La totalité du pied est couverte de cils vibratiles fins, irrégu- lièrement semés, qui cependant produisent des courants dont la direction est constante. | Sur la face inférieure du lobe antérieur du pied, on voit les granules de carmin se placer en file sur les bords, et venir rencontrer deux autres courants parlis de la pointe du lobe posté- rieur, pour former un courant nouveau qui se dirige de chaque côté du pied et vient à la bouche. Les longs cils qui garnissent les bords des disques appellent aussi les grains de carmin sur leur côté interne, et là on les voit suivre d’arrière en avant, depuis le tentacule jusqu’à la bouche, la base d'insertion des cils. Quelques petites différences se présentent avec les modifications de forme des parties ; mais qu’elles soient plus ou moins grandes, toujours les courants conduisent à la bouche, qui, béante, reçoit tout ce qu'il lui arrive ; aussi voit-on l'estomac se remplir et se colorer peu à peu. L'introduction des matières est incessante, et l'intestin et l’œsophage sont également colorés par l'entrée et la sortie. 9° Manteau. — Que peut-on et que doit-on appeler manteau dans l'embryon ? Quand la masse vitellaire a été englobée par la partie périphé- rique, la coquille se développe à l’une des extrémités, et les lobes moteurs et le pied à l’autre. Le développement finit par faire allonger la base du pied et des disques, et la coquille, remontant (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XII, pl. 7, fig. 4. Des flèches et des granules indiquent la direction des courants. ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 285 jusqu'à l'origine de ces derniers, enferme seulement la masse vitellaire (1) ; alors, si l’on considère comme formant la tête toutes les parties extérieures, on voit comme un col au-dessous d’elles, et la coquille entoure ce col. Supposons que les tissus unissant la coquille et ce qui pour le moment vient d'être désigné par le nom de col ne se développent que peu; si le col s’allonge et si la coquille s'étend en avant, comme les tissus accompagnant cette dernière ne peuvent man- quer de la suivre, il se formera une cavité autour du col, et suivant que l'arrêt de développement sera plus marqué, cette dépression se transformera en un cul-de-sac circulaire. C’est en effet ce qui arrive ; mais il faut observer que c’est surtout à droite que l'arrêt de développement est d’abord plus marqué. De à une cavité en cul-de- sac, très profonde, qui est rendue bien apparente par le carmin, car elle est tapissée de cils vibratiles produisant des courants. I doit y avoir aussi une tendance au retrait des tissus dans le point indi- qué, car l'arrêt de développement n’expliquerait pas seul, dans le commencement du moins (2), d’une manière suffisante, cet accroissement de la cavité. Plus tard il est évident que la cavité se forme tout le tour du corps, C'est-à-dire tout le tour de ce que nous avons appelé pour les besoins de la description, le col de l'embryon. La partie des tissus qui a suivi le bord de la coquille se renfle peu à peu en un bourrelet que couvrent des cils vibratiles, et qui passe tout le tour de l’animal comme l’orifice de la coquille ; c’est là évidemment le bord du manteau, et la partie membraneuse qui Jui fait suite et double la coquille est le manteau proprement dit. De cet arrêt de développement est résullé comme conséquence un pédoneule isolé qui unit et joint les disques moteurs et le pied au reste du corps; on le distingue très bien au milieu du tube du manteau et de la coquille (3), lorsque le jeune animal s’allonge pour sortir. La cavité du manteau est traversée par un courant dont la (4) Voy. Ann. des sc. nat,, Zool., 4° série, t. XIIL, pl. 8, fig. 3. (2) Voy. ibid., pl. 8, fig. 7. (3) Voy. ibid., pl. 9, fig. 5: pl. 00, fig, 4. 286 H. LACAZE-DUTHIERS. direction est constamment du dos vers la face inférienre ; les gra- nulations que l’on fait flotter dans l’eau entrent sürtout en arrière, vers le milieu de la tête, et sortent principalement du côté gauche, quand l'embryon commence à être bien développé (1). On à vu précédemment que, dans les premiers momerts de la formation de la cavité du manteau, le courant se dirigeait plutôt du côté droit; plus tard ce changement s'explique naturellement par la position de l'organe respiratoire. 6° Organes des sens et système nerveux. — Les organes des sens se développent de bonne heure ehez les embryons des Ver- mets, et cela pour quelques-uns du moins, bien plutôt relative- ment que dans beaucoup d’autres exemples. a. Dans les Gastéropodes, les ofolithes apparaissent généra- lement de fort bonne heure; on les aperçoit à la base du pied. Pour le Vermet, 1l n’y a pas d'exception, et la coquille ne peut encore recevoir qu'une moilié de la totalité du corps (2), que déjà l’on voit de chaque côté de la base du pied un globule transparent, sphérique, enfermé dans une capsule. Avec les progrès du déve- loppement, la capsule auditive devient de plus en plus évidente et nettement limitée (3). Un seul globule, sans trépidation, s’est toujours présenté pour chaque capsule chez les embryons les plus développés. b. L’œl, contrairement à ce que l’on observe aussi dans la plupart des Gastéropodes, se développe ici de très bonne heure. C’est chose assez rare, car on le voit apparaître le plus souvent un peu tard. Dans l'embryon qui commence à peine à avoir sur le côté les trois lobes origine des disques et du pied, et alors qu’un peu moins de la moitié du vitellus est enfermé dans la coquille, et que les sphérules dues au fraclionnement sont encore bien évidentes (4), (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, pl. 8, fig. 4, Les flèches indiquent la direction des courants. (2) Voy. ibid., pl. 7, fig. 12 (ot). (3) Voy. ibid., pl. 8, fg. 4, 3, 7; pl. 9, 6g. 2 (pt). (4) Voy. ibid, pl. 7, fig. 40 (y). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, 287 on voit à la base et en avant des lobes, un point noir qui ne peut être confondu avec lotolithe par plusieurs raisons. D'abord sa teinte est brune, el son opacité n’est pas le résultat de la réfrac- üon plus ou moins forte de la lumière ; dans le globule otolithe, au contraire, la substance transparente réfractant vivement la lumière, le centre est clair, brillant, et le pourtour fort obscur ; d’ailleurs la position est bien différente : lune est très en avant, l’autre est en arrière. L’œil va toujours en se caractérisant de plus en plus; on ne manque jamais de le remarquer avee la plus grande facilité. Sur les embryons les plus avancés, on voit même qu'il est contenu dans un tout petit tubercule (4), comme dans l'animal adulte. Quand on regarde de face un embryon qui à encore ses disques locomoteurs , on trouve très bien les otolithes et les yeux régu- lièrement disposés, occupant les quatre angles d’un trapèze au centre duquel on voit l’orifice buceal (2). e. Les lentacules se développent aussi assez tardivement dans Ja plupart des Gastéropodes; mais ici c’est encore le contraire qui arrive , on les voit naître de fort bonne heure, mais cependant un peu après les yeux. Quand la coquille s’est accrue suftisamment pour enfermer l'embryon tout entier, on voit cette partie périphérique qui à donné naissance aux disques el au pied former un bourrelet ou une proéminence en avant et en dessus, et le point oculiforme (3) se fait reconnaître au milieu d'elle. C’est en dedans et un peu en avant du point oculaire que l’on voit les tubercules tentaculaires se former ; ils prennent vite d'assez grandes proportions, et quand les voiles ou disques locomoteurs sont bien étendus, ils peuvent encore les dépasser en longueur. Ils paraissent à la posilion ordinaire qu'ils occupent dans l’adulte après la chute des disques locomoteurs ; il suffit pour (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool.,"4° série, t, XIII, pl, 9, fig. 2, 3, 4. (2) Voy.ibid., fig. 2: y, yeux ; ot, otolithes; s, bouche. (3) Voy.ibid., pl. 8, fig. 2,1. 9288 H. LACAZE-DUTHJERS,. cela de regarder, soit de face par-dessous, soit de face par- dessus, soit de profil, les embryons ayant ou n'ayant plus de disques (4). d. Le système nerveux étant en général difficile à voir naître , il y aurait des critiques à faire de quelques observations un peu trop vite publiées et données comme représentant ce qui se passe dans la nature ; mais c’est plutôt le cas d’un travail général que d'une étude particulière comme celle-ci. Sur les embryons les plus développés et vus par la face dor- sale (2), en avant de la tête, entre la base des tentacules et les deux yeux, on voit deux grosses taches plus opaques que le reste des tissus et d’une teinte légèrement jaunâtre ; l’œsophage (3) passe en dessous : il ne me parait guère possible de ne pas reconnaitre dans ces deux taches les représentants des deux ganglions céré- broïdes où sus-æsophagiens. Déjà, dans quelques individus ayant encore les disques moteurs, on voit, même en les regardant en dessous, les deux taches jau- nâtres correspondant à ces ganglions (4). Quand on observe de profil, on distingue entre l'œil, nn peu en arrière de lui, et Ia racine du pied, deux taches jaunâtres placées l’une à côté de l’autre (5). Ne serait-il pas permis de croire que la tache la plus voisine de l'œil est l’origine du ganglion céphalique, que l’autre est celle du ganglion pédieux, ou bien, et peut-être avec plus de raison, celle du ganglion moyen ? A la base du pied et dans le pied même, on aperçoit tantôt une tache un peu jaunâtre et plus claire que les tissus environnants : c’est probablement le point d’origine des ganglions pédieux ; mais les observations n’ont pas été poussées assez loin pour pouvoir affirmer, Quant à la tache bien nette placée dans le pied, on pour- (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t, XIIL, pl, 9, fig. 2, 3, 4, 5, 6 : (t), les tentacules. (2) Voy. ibid., fig. 6 (x). ) Voy. ibid., (e). (4) Voy. ibid. fig, 2 (x). ) Voy. ibid., fig. 3 (x). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 289 rait peut-être la considérer comme le point de départ de la glande pédieuse. 7° Organes de la respiration et de la circulation. — Assez généralement, dans les Gastéropodes dont j'ai pu suivre le déve- loppement, le cœur se développe après les organes de la respira- tion. Ici les choses se passent ainsi, tandis qu’il n’a point été pos- sible de reconnaitre de trace du cœur ; au contraire, la branchie, bien simple et bien rudimentaire, semble paraître à cette époque, car on voit sur le côté gauche, dans l'épaisseur de la paroi de la voûle du manteau, comme un fer à cheval formé par une sorte de cordon que frangent des cils vibratiles (1) longs et puissants. Quel organe serait-ce dans ce point, si ce n’est la branchie ? La position, la disposition des cils, tout conduit à admettre à le commencement de l'organe de la respiration. Quant au cœur, il se développera sans doute en arrière et non loin de ce premier rudiment de la branchie. On le reconnaitrait sans doute à ses contractions ; mais il faut être très prudent à l’en- droit de ce caractère, car les parois du corps se contractent dans un point assez restreint, et imitent les pulsations du centre de la circulation. Les organes de la reproduction n’ont point été observés ; cela se comprend et devait être. VI Description générale d'un embryon bien développé. Après avoir passé en revue successivement la formation de tous les organes, comparons l’animal adulte à un des embryons les mieux formés (2). La coquille est libre de toute adhérence ; elle est turbinée, et le (1) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, &, XHT, pl. 9, fig. 3, 4, 6 (r). ! (2) Voy. ibid. fig. 6. 4 série, Zooz. T. XILT. (Cahier n° 5.) 3 19 290 H. LACAZB-DUTHIERS. fond de son cul-de-sae renferme le foie, fortement coloré et gra- nuleux. Cet organe, qui dérive sans aucun doute du vitellus pro- prement dit, c’est-à-dire de cette masse jaunâtre offrant long- temps encore, pendant les stades du développement, les traces du fractionnement, finit cependant par s'isoler des tissus et en particulier de la coquille, et par se lober en petites masses, où les granulations semblent devenir plus petites. Sur le côté gauche, on voit la cavité stomacale, puis l'intestin qui va s'ouvrir en avant à droite, en rampant dans l'épaisseur de la paroi du manteau. Quant à l'œsophage, on le distingue au centre du-pédicule qui unit le pied et la tête aux parties placées au fond de la coquille ; c’est évidemment l’analogue de cette partie que l’on peut appeler le corps, et que l’on trouve quand on fend le manteau d’un Vermet adulte (L). Les parois du corps sontéminemment élastiques et contractiles ; on les voit {out à coup se resserrer, se contracter, puis, par une dilatation brusque qui ressemble à une détente, s'étendre surtout dans la portion la plus éloignée de la tête, et acquérir un assez grand volume. Ces alternatives de dilatation et de contraction semblent rap- peler les mouvements de diastole et de systole du cœur; je dois même dire que, pour quelques autres animaux, ces mouvements m'avaient paru appartenir au cœur, ce qui plus tard est devenu évidemment peu juste. Ces mouvements toutefois sont en rapport avec le déplacement des fluides. Que le cœur les chasse ou que les parois du corps se chargent d'accomplir ces changements de position, le même but est atteint. Dans le commencement donc la circulation est oscilla- toire, et consiste dans un simple balancement des liquides opéré par les contractions des parois du corps. Le tube de Ja cavité du manteau rappelle out à fait ce qui existe dans l'adulte ; il suffit de remarquer que le pédicule, ou le corps portant la tête et le pied, est entouré ici, comme dans l'animal par- (1) Voy. Ann, des se. nat, Zool., 4° série, t. XIII, pl. 9, fig. 6 (n), g. 5 (n). ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 291 fait, par une sorte de collerette qui, en se fermant, peut cacher tout l'animal quand il se retire dans sa coquille (4). On a vu les premiers rudiments de la branchie à gauche comme dans l'adulte. Le pied est évidemment très différent, et cette différence tient à ce que l'adulte est fixé, et que le jeune, libre de ses mouvements, rampe avec son pied, qui doit être d'abord un organe servant à la locomotion. A l'extrémité antérieure du pied, on observe deux lamelles su- perposées ; probablement c’est l'origine de l’orifice de la glande pédieuse et des lèvres prolongées en forme de tentacules. Quant à la tête, elle ressemble beaucoup à celle de Fadulte ; les tentacules sont fort éloignés, et s’insèrent tout à côté des tuber- cules qui portent les yeux ; entre eux on voit les premières traces des ganglions sus-œæsophagiens, et l'œsophage se montre beaucoup plus large en arrière de ceux-ci; sans aucun doute, paree que dans ee peint se développe l'appareil liigual. En petit done, on retrouve dans le jeune Vermet des disposi- üions qui rappellent l'organisation du Gastéropode, et déjà l’asy- métrie signalée dans l'étude de l'animal adalte. VII Remarques générales. Établissons, en terminant, quel a été l'ordre d'apparition des différents organes, et enfin quelles particularités présente le Ver- met dans son développement. La coquille se forme de très bonne heure, probablement au moment où l'on voit se dessiner le pied et les lobes locomoteurs ; l'œil parait à peu près en même temps que l'otolithe, et les tenta eules le suivent de près. L'estomac se forme comme une dépression qui reçoit passi- (4) Voy. Ann. des sc. nat., Zool., 4° série, t. XIII, fig. 3 : (m), rebord du manteau entourant le corps, et le édonohle soutenant la tête et le pied (nm). 9209 H, LACAZE-DUTRIERS. vement tout ce que lui apportent les courants, et déjà il est indiqué quand la moitié du corps est à peine recouverte par la coquille. Le foie, étant exactement le résultat de la transformation des sphères vitellaires, apparaît, par cela même, dès le début du développement. La cavité palléale ne se dessine que lorsque les lobes moteurs et le pied sont bien formés, et alors, ‘il, tentacules, otolithe, bouches, estomac et intestin sont formés. La branchie commence à paraitre plus tard, sous la forme d’un bourrelet en ferà cheval, couvert d'une rangée de cils vibra- tiles; elle est à gauche dans la cavité du manteau, elle occupe donc la place qu’elle aura dans l'adulte. | Quant au système nerveux, les ganglions sus-æsophagiens paraissent déjà bien nettement avant la disparition des disques locomoteurs. Ceux-ci ne cessent d'exister ou de paraître que vers l’apparition de la branchie. Enfin la particularité suivante parait digne de remarque. Les deux parties primitives qui composent l’œuf après le frac- . tionnement affectent un rapport un peu différent de celui qu’on leur remarque dans les autres Gastéropodes : l’une, se fraction- pant peu et présentant les granules du vitellus, forme une masse ovoïde, le long des côtés delaquelle on voit apparaître l’autre, plus transparente, qui, dans bien des cas, semble englober la première : ici celle dernière, ou la partie périphérique, paraît rester latérale jusqu’après le développement du disque et du pied ; de à la forme toute spéciale que semble avoir l'embryon quand il apparaît après la période du fractionnement. VIN Tel est l'ensemble des faits que j'ai pu réanir, à Bonifacio ‘Corse) et à Mahon (Minorquedes îles Baléares), sur l’histoire des Vermels ; quelques-uns paraitront, je l'espère, pleias d'intérêt. La chsposilion du système nerveux, la présence d’une glande ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS. 295 pédieuse s’ouvrant à l'extérieur , entre le pied et la tête, et ser- vant probablement d’intermédiaire entre l'extérieur et la cavité générale du corps; enfin, les particularités relatives au déve- loppement, voilà, sans aucun doute, assez de points qui méritaient d’être connus. Je m'estimerai heureux si les résultats de mes observations ont pu paraître de quelque valeur aux yeux des per- sonnes qui cullivent la science de la malacologie, non plus pour la description de quelques tubereules, de quelques taches placées à l'extérieur des coquilles, mais pour la connaissance des ani- maux qui les habitent. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE À. Organes de la circulation et de la digestion du Vermet. Fig. 4. Tube digestif et ses annexes; animal vu de profil et du côté gauche. A, bouche; B, bulbe lingual; Æ, glandes salivaires ; (a), œsophage; (b), sac liugual prolongé en arrière du bulbe ; (c), rectum accolé au manteau ; (4), pa- quet intestinal ; (/), æsophage et cardia ; (e), origine de l'intestin et pylore ; C, estomac; (7), lobe pylorique du foie ; (i), son canal; (k-k\, grand lobe hépatique ; (g-g), canal biliaire cardiaque. Fig. 2. Cellules très grandes qui composent le tissu conjonctif des organes. Elles renferment des granulations nombreuses de nature probablement cal- caire, car elles font effervescence avec l'acide nitrique. Fig. 3. Extrémité d'un cul-de-sac du foie. Les cellules du parenchyme, avec leur contenu, semblent empilées les unes sur les autres sans se comprimer , (b), corpuscules isolés, enfermés dans ces cellules hépatiques ; (d), sorte de corps pyriformes noirâtres, qui font aussi effervescence dans l'acide nitrique. Fig. 4. Les éléments du foie isolés et que l'on voit et reconnaît dans la’ figure précédente, où ils sont en place. Dans la cellule (a) on voit un gros corpus- cule sphérique. Fig. 5. Texture du corps de Bojanus. Fig. 6. Vermet ouvert, pour montrer les principales dispositions des organes de la circulation : (d), ventricule; (e), oreillette; (/), aorte postérieure; (h), aorte antérieure; (i,j,k), artères nées de l’aorle antérieure et allant en 294 EH. LACAZE-DÜTIIERS. arriére à l'intestin et aux autres organes au-dessus de l'estomac ; (nm), artère palléale, née de l'aorte postérieure ; (x), artère splanchnique terminant de l'aorte postérieure ; (p), origine de l'artère balbaire linguale (q) ; (o), petite branche allant à la glande pédieuse: (a), vaisseau arrivant de la branchie 7, et allant à l'oreillette (d). Qu'on remarque un vaisseau (b) qui rapporte le sang venant du corps de Bojanus J. Fig. 7. La glande pédieuse avec son orifice et ses tentacules ; (f), col de la glande; (g), bourrelet médian antérieur et inférieur ; (i), plis qui partent de celui-ci; (A), ouverture s’ouvrant sur la face inférieure ; (e), orifice de la glande; T, pied; (a), petit tubercule placé sur la face supérieure du pied et uni aux lèvres inférieures (b) des tentacules ; (c), lèvre inférieure du ten- tacule qui se joint au-dessus de l'orifice (e) à celle du côté opposé. PLANCHE D. Organes de la reproduction du Vermet. Fig. 4. Une coquille cassée, pour montrer l'animal entier avec ses formes, son union avec la coquille et les paquets d'œufs. Fig. 2. Un Vermet ouvert, pour montrer les organes de la reproduction. Jusqu'en (d) l'animal est femelle; de {e) en (f, le corps représente un mâle. On n'aurait qu'à supposer la glande de l'un ou l'autre sexe, dans toute l'étendue, pour avoir l'idée de la disposition sur un seul individu. ©, orifice - génital avec les cellules qui paraissent dans son fond; (a), taches jaunes, peut-être glandulaires, qui marquent le point où s'ouvre le canal excréteur (b). Fig. 3. Coupe du corps d'un Vermet supposé déroulé et étendu, la concavité de sa base étant en bas; (a), vaisseaux sanguins: (b), glande génitale placée à droite en dehors du foie (c). Fig. 4. Une portion du testicule vue à un faible grossissement (5). Fig. 5. Id,, mais à un fort grossissement. — 500 diamètres. Fig. Fig. 5 Fig. 6. Éléments corpusculaires ou cellulaires du même isolés. 7. Paquet de spermatozoïdes. 8. Id., plus avancés et près de se séparer. Fig. 9. Spermatozoïdes isolés (a). Ils ne sont pas encore tout à fait isolés du corpuseule qui les a produits, dans la partie de la figure marquée (b). Fig. Fig. 44. Un œuf : ses granulations vitellines sont énormes, ses proportions sont considérables. 10. Cellules couvrant le parenchyme de l'ovaire. (je) Fig. 12. Granulations vitellines vues à un fort grossissement. 12 Ce) or ANATOMIE ET EMBRYOGÉNIE DES VERMETS, PLANCHE 0. Système nerveux du Vermet. Fig. 1. Vermet dont le manteau seul a été fendu pour montrer les nerfs qui paraissent sans préparation (comparez celte figure à la suivante). Fig. 2. Animal ouvert ; V, ganglions cérébroïdes ; Z, ganglion moyen ; Z’, gan- glion branchial; Z’”', ganglion génito-cardiaque; (i,p,v), cordon d'union des ganglions moyens avec les ganglions branchiaux et génito-cardiaques ; (k), nerf allant au corps de Bojanus et jusqu'à l'oreillette ; (0,0), nerfs génitaux; (1), cordon parallèle à la branchie qui reçoit de nombreux filets des nerfs palléaux gauches supérieurs. Fig. 3. Tête et pieds ouverts; Ÿ, ganglions sus-æsophagiens ; X, ganglions pédieux ; Z, ganglions moyens ou asymétriques ; Z’, ganglion branchial ; (u,u’), nerfs palléaux de droite; v’, nerf palléal gauche; (s,s’,s”), nerfs pédieux, dont un (s')est destiné au tentacule ; (1), nerf de la glande pédieuse ; (3), nerfs labiaux ; (a), nerfs des téguments de la tête. Fig. 4. Coupe de profil de la tête et du pied, montrant les rapports des gan- glions et des nerfs stomato-gastriques; Y, ganglion stomato-gastrique ; (8), nerf œsophagien allant au tube digestif; (a), nerf lingual inférieur ; (k), nerf du fourreau de la langue; (e), nerf lingual supérieur ; (x.x), con- nectif d'union des ganglions stomato-gastriques et cérébroïdes, par l'intermé- diaire de la paire linguale inférieure. Ce rapport est important ; de ce connec- tif se détachent des ramuscules secondaires, dont un (c) allant au support de la langue en avant. PLANCHE 7. Embryogénie du Vermet. Fig. 1. Œuf. Fig. 2, 3,4, 5,6, 7. Fractionnement ; transformation de l'œuf en une masse framboisée dans la Ggure 7; deux parties sont formées: (b), vitellus ou partie centrale ; (a), partie périphérique. Fig. 8. Apparition des cils vibratiles (c). Fig. 9. La portion périphérique (a) devient saillante ; (p), pied. Fig. 10. Embryon dont quelques parties sont déjà reconnaissables ; (y), œil ; (d), disques; (p), pied ; (b), partie centrale; (q), coquille. Fig. 14. Id., vu par le dos. Fig. 12. Id., de profil, vu par le côté droit. Ici un courant s'établit dans un cul-de-sac qui sera l'estomac. La direction est indiquée par des flèches placées à côté des granulations de carmin : (ot), otolithe. 296 H. LACAZE-DUTHIERS, PLANCHE 8. Embryogénie du Vermet, Les lettres semblables répondent aux mêmes choses, Fig. 4. Embryon vu de face, pour montrer la bouche (s). Fig. 2 et 3. Vue de profil par le côté droit. Fig. 4,5, 6, 7, 8. Embryons de plus en plus développés. Dans la figure 7, les granulations de carmin ont été indiquées pour montrer le courant établi dans la. cavité du manteau, ; PLANCHE 9. Embryogénie du Vermet, Les figures représentent des jeunes añimaux de plus en plus développés. Dans les n°° 4, 5, 6, les disques ont disparu, et l'on reconnaît déjà très bien les formes de l'animal adulte, moins, toutefois, la déformation du pied et de la coquille qui est la conséquence de la soudure du test aux corps sous-marins. Remarque. — Pour toutes les figures d'embryogénie, le grossissement est le même, et par conséquent les choses sont comparables, Observation. — Les mêmes lettres ont été employées dans toutes les figures. a), partie périphérique, formant les organes locomoteurs ; (b), partie centrale, formant le foie, vitellus fractionné ; (£), cils ; (d), disques moteurs ; (e), œso- phage ; (f), foie; (g), estomac ; (i), intestin ; (m), bord du manteau ; (n), corps; (a), opercule de la coquille; (ot), otolithe; (p), pied; (p’), lobe antérieur du pied ; (p”), lobe latéral du pied ; (g), coquille ou premier du cul-de-sac ; (a'}, premier tour inférieur ; (q!'), deuxième tour inférieur; (r), fer à cheval cilié, orifice de la branchie ; (s), bouche ; (1), tentacules; (v), origine des ganglions cérébroïdes ; (y). œil. DES ESPÈCES PERDUES ET DES RACES QUI ONT DISPAKU DES LIEUX QU'ELLES HABITAIENT PRIMITIVEMENT, Par M.Marcel de SERRES, Professeur à la Faculté des sciences de Montpellier. Les faits semblent prouver que la venue de l’homme et le rem- plissage des cavernes sont des événements postérieurs à la rentrée des mers dans leurs bassins respectifs. Ils ne peuvent donc pas coïncider avec le dépôt des terrains tertiaires qui a eu lieu bien auparavant, c’est-à-dire lors de la séparation des mers intérieures de l'Océan. On ne doit donc considérer comme fossiles que les restes des corps organisés qui se trouvent dans les couches ter- restres contemporaines de la période tertiaire, et nécessairement celles qui sont antérieures à cette période. Aussi avons-nous réservé le nom d’humatiles (1) aux débris de la vie que l’on découvre dans les dépôts plus récents que la pé- riode tertiaire, caractérisée par la première apparition des mers méditerranées. Cette période a été également signalée par plusieurs autres circonstances non moins importantes, telles que les alter- nances souvent répétées des dépôts d’eau douce et marine, enfin la présence, pour la première fois, de nombreux restes de Mam- mifères monodelphes qui n'avaient pas encore paru, du moins en certaine quantité. Du reste, dans la plupart des travaux qui ont été publiés à ce sujet, on a donné beaucoup trop d'importance aux races perdues et tout à fait éteintes, puisque plusieurs de ces races ont vécu pen- dant les temps historiques. C’est maintenant un fait incontestable (1) Le mot humatile dérive de l'expression latine humalus, qui signifie corps enseveli ; ce qui se rapporte plutôt à un dépôt artificiel que naturel. 295 MARCEL DE SERRES. quecertains animaux, etmême plusieurs végétaux, ont cessé d’exis- ter, ou se sont grandement éloignés des lieux qu'ils habitaient primitivement, et cela depuis l'apparition de l’homme, quoique ces espèces l’eussent très probablement précédé. Si quelques-unes de ces races ont péri si tard, c’est que par suite du développement de la civilisation, l’homme a senti que, s'il devait rapprocher de lui les espèces qui pouvaient lui être utiles, il devait faire tous ses efforts pour anéantir celles qu'il avait à redouter et dont il ne pouvait ürer parti. [l est arrivé à ce double résultat, en soumettant à son empire les premieres, et en favori- sant leur développement, tandis qu’à l'aide des armes qu'il s'était créées, il a exterminé, autant que ces armes lui en donnaient les moyens, les animaux dangereux qui n'étaient pas susceptibles de se plier à ses caprices et de devenir ses auxiliaires. Aussi les premiers peuples se sont adonnés à la chasse avec ardeur, non comme les nations modernes, par désœuvrement, mais par nécessité, et pour assurer leur existence. En détruisant un certain nombre d'individus des races qu'il avait à reuouter, l’homme a empêché tout au moins leur développement. Ainsi du moment que, par suite de cette circonstance, la mort a frappé des espèces en plus grande quantité que les naissances destinées à ré- parer les effets de cette destruction, elles ont dû tendre nécessaire- ment à s’éteindre. Tels ont été les effets de notre influence sur les races animales, d'autant plus manifeste que la civilisation à été avancée. Elle a entrainé en quelque sorte avec elle le perfectionnement des arts, et, par suite, les moyens de destruction dont nous faisons usage. Ce que nous venons de dire des animaux peut également s’appli- quer aux végétaux ; car certaines plantes, sans être proprement nuisibles par elles-mêmes, le sont pour nos cultures, et dès lors elles ont été l’objet de l'attention de l'homme. En effet, à toutes les époques, nous avons fait tous nos efforts pour les extirper de nos champs, tandis que nous avons favorisé, autant qu'il était en notre pouvoir, le développement de celles qui peuvent servir à notre alimentation ou nous défendre contre les rigueurs des saisons, Ces causes, toutes simples qu’elles sont, n’en ont pas moins DE LA DISPARITION DES ESPÈCES. 209 exercé une puissante influence sur la perpétuité de certaines espèces comme sur l’extinetion de plusieurs autres. Toutefois elles sont loin d’être les seules qui aient produit de pareils effets; car qui peut douter que l’organisation n’y ait pas eu une grande part. En effet, les animaux perdus depuis des temps peu éloignés de nous se rapportent presque tous à des races qui, par suite de leur or- ganisme, n’ont pas pu échapper aux poursuites dont elles étaient l'objet. Tels sont le Dinorms el l'Epyornis, oiseaux colossaux de la Nouvelle-Zélande et de Madagascar, ainsi que le Dronte (Didua), qui vivait encore à l’île de France en 1626. Il en a été de même du Cerf à bois gigantesque, que les Romains ont figuré sur leursmonu- ments, et qu'ils faisaient venir d'Angleterre à cause de la qualité et de la bonté de sa chair. Ce Cerf ne figure cependant plus parmi nos races vivantes. Nous ne connaissons pas davantage le Sanglier d'Érymanthe, figuré sur les anciens temples de la Grèce, et que Geoffroy Saint-Hilaire a considéré comme une espèce perdue. Il st de ième des Crocodilus lacunosus et laciniatus, que ce grand naturaliste a découverts dans les catacombes de l’ancienne Égypte. Il est du moins certain qu'aucune de ces races n’a été rencontrée depuis l’époque où les unes ont été gravées sur les anciens monuments et les autres embaumées avec des races dont l'existence s’est prolongée jusqu’à nos jours. Enfin, plusieurs animaux figurés et peints sur les monuments de Palestrine avec des espèces actuelles, ne se retrouvent plus maintenant ou ont entièrement disparu des lieux qu’ils habi- taient primilivement. Ils doivent donc être considérés comme tout à fait éteints. Seulement ces animaux ont dù périr plus tard que les Crocodiles retrouvés par Geoffroy Saint-Hilaire dans les cata- combes de l'ancienne Égypte, qui datent de la construction des grandes pyramides. L'extinction des espèces que nous venons de signaler ne s’est pas effectuée à une seule et même époque, ainsi qu'on pourrait le supposer ; mais comme la plupart des phénomènes de notre monde, etsurtout de ceux sur lesquels l’homme a exercé quelque influence, leur perte a eu lieu successivement et à des intervalles divers. Ces 200 MARCEL DE SERRES, intervalles, liés à l'existence de l’homme, n’annoncent pas, toute- fois, une bien haute antiquité à notre espèce, évidemment posté- rieure à toutes les autres manifestations de la vie. Le difficile est de circonserire avec une certaine précision la date de la disparition des espèces éteintes, disparition qui rentre, du reste, dans les phases qu’a subies l'humanité elle-même. Tout ce qu’il est possible de faire dans l’état actuel de nos connais- sances à cet égard, où règnent encore tant d'incertitudes, c’est de les rapporter à un certain nombre de périodes déterminées par les produits des arts. | D’après les travaux récents des archéologues de la France, de l'Allemagne et de la Scandinavie, auxquels sont venues se joindre les recherches de plusieurs géologues des deux dernières contrées, on peut réduire à trois le nombre des périodes pendant lesquelles des espèces animales et végétales se sont éteintes depuis notre apparition ici-bas. Ces périodes sont : 1° l’âge de pierre, 2° l’âge de bronze, 3° l’âge de fer, en les classant par ordre d'ancienneté. Le premier âge, celui de pierre, qui est le plus ancien, se rap- porte au temps où l’homme, encore peu avancé en civilisation, faisait à peu près uniquement usage d'outils et d'instruments de pierre. Celte période, ou le premier âge de l'humanité, comprend les espèces éteintes qui se trouvent dans les mêmes limons que di- vers objets de l’industrie humaine. Ces instruments, la plupart de pierre de différente nature, sont ordinairement des haches de silex, de trapp, de jade ou autres pierres dures. Les mêmes objets de l'industrie sont parfois accompagnés de fragments de poteries, de fourneaux bâtis de briques grossièrement préparées, et qui le plus souvent ne paraissent pas avoir été cuites au feu, mais seulement séchées à l'air et au soleil. A cette époque se rapportent les différents outils de silex dé- couverts par M. Boucher de Perthes (d’Abbeville) dans les gra- viers de la Somme , considérés, probablement à tort, comme des graviers diluviens. Il paraît, du moins, que les véritables terrains de transport diluviens, où nommés aussi simplement diluvium, ne contiennent pas le moindre vestige d’ossements ou de produits de l’industrie humaine, pas plus que des ossements de notre espèce. DE LA DISPARITION DES ESPÈCES. 301 On peut considérer comme de la même époque les divers dé- pôts graveleux ou sablonneux où abondent en grand nombre les haches de pierres dures, ainsi que d’autres objets de ce genre, ou, en un mot, tous les matériaux de pierre qui ont été façonnés et travaillés par l’homme. La seconde période, celle de bronze, comprend les espèces per- dues que l’on découvre dans les brèches osseuses, ainsi que dif- férents outils fabriqués avec diverses substances métalliques, par- ticulièrement le cuivre ou le bronze, mais presque jamais le fer. Plusieurs des grottes ossifères ont cela de remarquable que, parmi les ossements ou les bois des races éteintes, il s'en trouve un cer- tain nombre travaillés par les mains des hommes. Quelquelois même ces débris osseux ont été raclés pour en détacher les chairs qui les recouvraient. Dans d’autres circonstances, ces débris os- seux ont été calcinés dans des fourneaux que l’on a trouvés à si peu de distance, qu'il a été facile d’en comprendre l'usage. Ces diverses circonstances sont si fréquentes dans la plapart des grottes ossifères, qu'on vient de les voir se répéter dans la caverne de Mentone, située près de Nice, sur le littoral de la Méditerranée. Cette caverne offre de nombreux débris de grands animaux des genres des Chevaux, des Bæufs, des Cerfs, ainsi que des Rongeurs de petites dimensions du genre des Lièvres. Les dents y sont en grand nombre, ainsi que les os très résistants, tels que les canons, les astragales et les calcanéums. Ces divers débris y sont mélan- gés dans les mêmes limons où sont disséminés des fragments de poterie grossière, ainsi que des outils divers de silex. On peut probablement rapporter à la même époque les silex taillés que M. Gosse (de Genève) a rencontrés dans les environs de Paris, mêlés dans les mêmes limons, avec des ossements de Che- vaux, du Bos primigenius, d'une race analogue à l’Aurocbs et de l'Elephas primigenius ; nous avons depuis longtemps indiqué ces espèces comme se trouvant dans les mêmes circonstances et dans des gisements analogues. Ces divers instruments avaient, ainsi que Va fait observer M. Gosse, la forme de flèches ou de lances, et étaient accompagnés par divers objets de l’industrie humaine, conne couteaux, haches en fer de lance où présentant des figures 302 MARCEL DE SERRES. ovalaires ou allongées. Tous ces objets, confusément mélangés dans les mêmes dépôts, ne peuvent qu'être de la même époque, c'est-à-dire de l’époque historique, puisque plusieurs de ces in- struments ont été travaillés et façonnés par la main de l’homme. On a cependant fait observer qu’outre les Mamraifères éteints, tels, par exemple, que le Bos primigenius que nous venons de signaler, on trouve réunies, dans les mêmes circonstances, des espèces qui paraissent appartenir à tout autre temps. On a cité à cet égard le Megaceros hibernicus, le Cervus somocensis, le Rh1- noceros tichorhinus, toutes races évidemment éteintes. On peut répondre à cette observation que tout ce que prouvent ces espèces perdues, c’est que leur extinction doit avoir eu lieu plus tard qu’on ne l'avait supposé, ce qu'annonce, du reste, leur mélange avec des races actuellement vivantes et des objets de lin - dustrie humaine. Cette opinion n’a pas cependant été adoptée par l'un de nos plus habiles paléontologistes, M. Lartet, qui a interprété ces faits d’une tout autre manière. Nous sommes heureux, du moins, d’être d'accord avec Jui sur ce fait remarquable, qu'il n'existe pas la moindre trace de l’action humaine sur les os des Éléphants des terrains quaternaires ni sur les grands carnassiers de la même époque. Les seuls ossements que M. Lartet et moi avons rencontrés ouvrés et travaillés, se rap- portent à des ruminants des genres Bœuf où Cerf, et à des soli- pèdes du genre des Chevaux. Les races qui portent ces marques du travail de l'homme sont parfois mélangées avec des espèces tout à fait anéanties ; il s'ensuit qu’elles sont loin d’avoir l'importance qu’on leur avait supposée et la valeur qu’on leur avait accordée relativement à la date qu’elles pouvaient nous donner. En effet, si plusieurs espèces ont totalement disparu de la sur- face du globe, et n’y sont plus représentées maintenant, il n’est pas moins certain que quelques-unes d’entre elles en ont totale- ment disparu depuis notre existence. C’est donc une grave erreur de prétendre que la disparition d’une ou de plusieurs races ait la moindre influence sur l'antiquité de l’homme, puisqu'il en DE LA DISPARITION DES ESPÈCES. 903 est tant dont l’anéantissement est évidemment postérieur à notre apparition ici-bas. L'erreur serait plus grande encore si l’on confondait la date du globe, date qui se perd dans la nuit des temps, avec la vie si brève de l’humanité tout entière, Nous ne sommes, en effet, que d'hier sur notre vieille terre, ainsi que le disaient avec toute rai son à Solon les prêtres de l’ancienne Égypte. On peut également rattacher à la période de bronze les restes de l'Ursus spelœus que l’on découvre dans la plupart des cavernes de l’Allemagne, de la France et de l'Angleterre. Quoique cette espèce soit complétement éteinte, on ne la rencontre pas moins avec le Renne et PÉlan, qui offrent cette particularité remarquable de ne plus vivre maintenant dans les contrées où leurs débris sont disséminés, ayant depuis lors été refoulés plus au nord. Cet Ours paraît, dans certaines circonstances, avoir véeu avec le Rhinoceros hichorhinus et l’Elephas primigenius qui, l’un et l’autre, sont dis- séminés dans les mêmes limons. Nous devons à M. le professeur Steenstrupp (de Copenhague) la connaissance de faits non moins curieux que ceux dont nous venons de faire saisir importance. Ils nous apprennent, en effet, que plusieurs espèces végétales et animales se sont éteintes dans destemps bien postérieurs à l'apparition de l’homme, et que d’au- tres ont disparu depuis lors des lieux qu’elles habitaient primiti- vement, et ont été remplacées par de nouvelles espèces. Ainsi, l’Emys lutaria borealis Nilson, le Castor fiber Lin., le Petrao urogallus et V Alea impennis, qui jadis avaient habité le Danemark, ne s’y trouvent plus aujourd'hui (1). On le eonçoit (1) Le grand Pingouin (Aléa impennis), que l’ontrouvait naguère dans l'une des Îles du Danemark située près de l'Islande, nommée en raison de cette circons Stance, île du Pingouin ou Geirfügleskjer, ne s'y rencontre plus aujourd'hui, On ne le voit pas davantage ailleurs, quoique nos musées en renferment quel= ques individus empaillés. Les ossements de cet oiseau qui, comme le Dronte, ne volait pas, sont assez nombreux parmi les débris osseux agglomérés à dessein, débris ont été souvent raclés pour en enlever les chairs. (Voyez le mémoire, publié en 1857 à Copenhague, sur l'histoire de cet oiseau, par M. le professeur Steenstrupp.) 204 MARCEL DE SERRES, facilement, quant au Coq de bruyère, qui se nourrit principale- ment des jeunes pousses des Pins, puisque ces Conifères ont com- plétement disparu de cette contrée. Ce qui est non moins remarquable, une foule d'arbres dicotylé- dones, tels que les Hètres, les Bouleaux, les Aunes, les Noisetiers et les Chênes, leur ont maintenant succédé. Un pareil changement dans la végétation a dû nécessairement exercer une grande in- fluence sur les animaux; aussi certains d’entre eux se sont éloi- onés et ont disparu peut-être pour toujours des lieux qu'ils fré- quentaient auparavant, et dans des temps historiques qui ne paraissent pas remonter bien haut. On peut rapporter l’époque où ces espèces vivaient en Dane- mark à celle où l’homme a réuni de grands amas d’ossements, après s'être nourri des chairs qui les recouvraient. On découvre dans ces amas le Bos primigenius, dont les dimensions, et surtout celles de ses cornes, étaient des plus considérables. Ce Bœuf n'était accompagné d'aucune race domestique, si ce n’est par quelques vestiges du Chien. On n'y aperçoit pas, en effet, le Bœuf ordinaire, le Mouton, la Chèvre, le Cochon et le Cheval. On y rencontre, toutefois, le Sanglier, et ce qui est non moins particu- lier, l’'Huître ordinaire, la Moule et la Bucarde comestible (Myti- lus edulis et Cardium edule); enfin, les quatre espèces de vertébrés que nous venons de signaler. Les amas d’ossements du Danemark sont disséminés dans qua- rante localités différentes, et cela à des intervalles plus où moins éloignés. Les plus distants de Copenhague en sont à trente ou qua- rante lieues, et les plus rapprochés se trouvent à environ cinq ou six lieues. Ces amas forment de si grands tas, que leur hauteur moyenne, d'environ 4 mètre à 1",50, arrive parfois à celle de à mètres à 3",20. Leur étendue n’est pas moindre, dans certaines localités, de 325 à 350 mètres. Ils présentent partout les mêmes circonstances et les mêmes animaux. On y distingue le Chat-sau- vage, le Lynx, généralement d’une grande taille, le Blaireau, ainsi que plusieurs espèces du genre Cerf. Ces différentes races ne sont pas représentées cependant en Danemark, ni dans la plus grande partie de l'Allemagne. À à néons DE LA DISPARITION DES ESPÈCES. 805 La faune de ces agglomérations d’ossements, toute particulière, n'offre pas la moindre trace des pachydermes de haute taille, tels que les Éléphants, les Rhinocéros, pas plus que les grands Chats ou les Ours des cavernes, ni même les Hyènes des mêmes lieux. Ce qui donne de l'importance à cette faune contemporaine de notre espèce, c'est qu'un grand nombre de débris osseux qui en font partie ont été évidemment travaillés par la main de l’homme. La raclure des ossements, constamment accompagnée par des instruments tranchants de diverses variétés de silex, rend ce fait extrêmement probable. Il le devient surtout par cette circonstance, que les ossements avaient été placés à dessein auprès de petits fourneaux contenant encore des cendres et du charbon. Du reste, plusieurs de ces débris ont été exposés au feu, et la plupart évidemment façonnés, principalement les grands bois des Cerfs, travaillés à l’aide d'outils particuliers ; ils paraissent parfois avoir été préparés pour en servir eux-mêmes, à en juger par les formes qu'on leur à données. Les tourbières de la Suède offrent également des faits analo- gues. Elles recelent en effet les restes de l’'Ursus spelœus, mê- lés et confondus avec des os de Rennes et d'Élans, quoique ces animaux ne s’y voient plus aujourd'hui et soient maintenant relé- gués plus au nord. La dernière période, celle de fer, la plus récente des trois, est aussi la plus compliquée, et par conséquent susceptible de plu- sieurs divisions. La plus ancienne des époques de la troisième période paraît se rapporter à l'extinction des Crocodiles décrits par Geoffroy Saint- Hilaire sous les noms de Crocodilus lacunosus et laciniatus. C’est probablement vers la fin de cette époque que se sont éteints, pre- mièrement le Sanglier d'Érymanthe, et successivement, plusieurs des races figurées sur la mosaïque de Palestrine. La seconde époque de l’âge de fer a vu périr peu à peu le Cerf à bois gigantesque ou l'Élan d'Irlande, le Dronte, ainsi que les oiseaux colossaux de la Nouvelle-Zélande et de Madagascar, nom- més Dinornis et Lpyornis. Quoique ces derniers aient été proba- blement anéantis plus tard que les autres espèces avec lesquelles ie série, Zooz. T. XIE. (Cahier n° 5.) 4 20 306 MARCEL DE SERRES. nous les rangeons, on doit les comprendre plutôt avec les races de cette seconde époque qu'avec celles qui appartiennent à la date la plus ancienne de la troisième époque de l’âge de fer. Cette dernière époque de l’âge de fer est celle où plusieurs es- pèces végétales et animales, sans cesser d'exister, ne se trouvent plus maintenant dans les lieux où elles avaient primitivement fixé leur séjour, et en ont complétement disparu. On voit, en effet, dans plusieurs cavernes à ossements, même dans celles qui recèlent des espèces totalement perdues, divers ob- jets de l’industrie humaine de date très différente. Les uns se rap- portent à l’époque romaine où gallo-romaine, et d'autres aux temps druidiques. Les mêmes faits se représentent aussi bien dans les tumuli, les dolmen et autres monuments de ce genre, que dans les cavités souterraines. On peut citer, comme exemple de la réu- nion de ces circonstances, les cavernes de Mialet, et, jusqu'à un certain point, celles de Bize, où l’on découvre quelques bois de grands Cerfs d'espèces perdues travaillés et façonnés de différentes manières par l'homme. On peut également signaler, sous le même rapport, la caverne de Cabrières , près de Pézénas, quoiqu'elle soit remplie par des objets de l’industrie et des ossements humains d’une date plus ré- cente que ceux que l’on observe à Mialet et à Bize. Il est difficile, cependant, de ne pas reconnaitre que ces divers instruments et les os qui les accompagnent, ne sont pas tous du même âge. La plupart de ces faits se rattachent non-seulement à notre pré- sence, mais à notre influence ; les uns se rapportent à une extinc- tion totale de certaines espèces, et les autres à leur disparition des lieux qui les avaient vues naitre. Les Lions, les Léopards, les Lynx, les Panthères, les Ours, et autres animaux analogues connus, du moins plusieurs d’entre eux, en Grèce, du temps de Xénophon, ne s’y voient plus aujour- d'hui (4). Leur disparition peut faire présumer que ces carnassiers (1) On peut voir, dans l’ordre qu'Eurysthée donne à Hercule de tuer le Lion de Némée, une preuve de l'existence de ce carnassier en Grèce, et cela à une époque peu éloignée de notre temps. (Voyez du reste, en ce qui concerne l'his- DE LA DISPARITION DES ESPÈCES. 307 ne larderont pas longtemps à cesser d'exister en Algérie, si nous en conservons la possession, et surtout s'il sv trouve des chasseurs aussi valeureux et aussi intrépides que le capitaine Gérard. I n'a pas fallu à l'Angleterre des siècles pour détruire les Loups qui infestaient son territoire et menaçaient ses troupeaux. La France elle-même voit leur nombre diminuer d’une manière sensible de- puis quelques années, sans que l'on ait mis beaucoup d'ardeur à les poursuivre. Les Cerfs, les Sangliers, ont tout à fait disparu de nos régions méridionales, où naguère ils fréquentaient nos bois {aillis composés de Chênes verts. Les Ours subiront bientôt le même sort ; il est du moins certain que leur nombre devient, pour ainsi dire, chaque jour, de moins en moins considérable, et que ces animaux tendent à s’éteindre aussi bien dans les Alpes que dans les Pyrénées. Les Bouquelins et le Chamois, quoique herbivores et utiles à l’homme, diminuent sensiblement d'une année à l’autre, comme le Castor, qui dispa- raîitra bientôt des rivages du Rhône, auprès desquels on le trouvait naguère avec une certaine fréquence. Ces races ne sont pas les seuls Vertébrés qui, par notre influence, se perdront probablement bientôt dans les contrées les plus civi- . lisées et les plus populeuses ; il en sera probablement de même des espèces des diverses classes des Invertébrés qui nous servent d'aliment. | La diminution de plusieurs Vertébrés marins, el principalement des races qui nous sont uliles , est si réelle, que les gouverne- ments eux-mêmes s'occupent de porter remède à un pareil état de choses. Dans ce but, on tente de toutes parts de repeupler nos fleuves, nos rivières, nos lacs, ainsi que les mers elles-mêmes. La consommation des Huitres est devenue si énorme, qu’elles cesseront bientôt d'exister, si nous continuons d'en user avec la même profusion que par le passé, et cela quelque grande que soit leur fécondité. Ce qui arrivera peut-être pour les Huitres de toire des animaux que nous venons de mentionner, le Traité de la chasse de Xénophon, chap. x1, t. VI, p. 725, de l'édition des Œuvres complètes de Xénophon, publiée en fructidor an XI, par le professeur Gail.) 308 MARCEL DE SERRES. l'Océan, est déjà arrivé à celles de la Méditerranée, ainsi qu'aux Clovisses, coquilles de la même mer, dontnous nous privons depuis quelque temps, dans l'espoir de les voir se repeupler auprès de nos rivages (1). Si nous avons façonné le sol dont nous tirons nos aliments, nous avons également réglé à notre profit la distribution des végétaux et des animaux. Nous avons éloigné de nous les races qui pouvaient nous nuire, el nous avons favorisé par tous les moyens en notre pouvoir le développement des espèces dont nous pouvons tirer parti. Ce n’est pas là un des moindres bienfaits de la civilisation et des progrès que les sciences, et en particulier la navigation, ont faits de nos jours. (1) Les coquilles bivalves nommées Clovisses dans le midi de la France, et Arcelys en patois languedocien, appartiennent à plusieurs espèces décrites par Lamarck sous les noms de Venus decussala et virginea (Système des animaux sans vertèbres, t. V, p. 597 et 600). RAPPORT SUR LE TARET, Par M. Vrolik (1). (exrrair.) Dans la séance ordinaire de l'Académie des sciences d'Amster- dam du 27 novembre 1858, le secrétaire, M. Vrolik, fit une communication sur les ravages du Taret à Nieuwendam , et, à la suite de cette communication, une commission fut chargée de réunir {ous les faits qui se rapportent à l’histoire naturelle de ce Mollusque et aux dégâts qu'il occasionne sur les côtes des Pays- Bas. M. Vrolik, secrétaire de la commission, vient de publier sur ce sujet un intéressant rapport. Ce travail comprend, dans un premier chapitre, la description du Taret ; le second chapitre a pour objet le genre de vie de cet animal ; le troisième, l’histoire des ravages qu'il cause sur les côtes des Pays-Bas; enfin, dans le quatrième, sont réunies les expé- riences qui ont été faites pour préserver le bois des attaques de ce Mollusque. Le second chapitre renferme plusieurs observations intéressantes dues à M. Kater, qui n’est pas naturaliste, mais qui raconte ce qu'il a vu., D’après cet observateur, les premières traces de l'apparition de ce Mollusque dangereux ont été remarquées au mois de juin et dans les premiers jours de juillet 1850, à Nieuwendam. A l'aide d’une loupe, on apercevait, dit-il, des corps vivants fort petits, portant une couronne à l’un de leurs bouts, et ces corps devinrent des Tarets qui pénétrèrent le bois. ; Ils nagent d’abord librement autour du bois, et ensuite ils s’y attachent. Ils n’ont que la grosseur d’une tête d’épingle. (1) Verslag over den Paalworm (Bulletin de l'Académie des sciences d'Amster - dam, 1860). Cette commission était composée de MM. Vrolik, Harting, Storm Buysing, Van Oordt et Von Baumbhauer. 940 VUGOLIK. Comme l'a dit M. de Quatrefages, les Tarets sont dioïques, et les femelles pondent des œufs qui échappent par un des siphons. On ignore comment se fait la fécondation. Les larves, après avoir nagé librement, s’altachent, à ane époque donnée de leur évolution, au bois qu'ils veulent envahir; puis, plus tard, elles pénètrent dans son intérieur. C’est vers le 15 du mois de juillet qu'elles affectaient la forme de Taret complet. M. Kater a eu encore de jeunes larves de ces animaux au mois de septembre La pénétration du icune Mollusque s'effectue au bout de vingt à trente-cinq Jours. | C’est le mois de juin qui est le plus favorable au développement du Taret, mais les plus grands ravages ont lieu au mois de juillet et d'août. Ces larves pénètrent perpendiculairement dans le bois, puis, à une certaine profondeur, elles suivent la direction des fibres en se dirigeant communément de bas en haut. C’est au fond de l'eau, immédiatement au-dessus de la vase, que l’on trouve les larves, et c’est 1à aussi que le bois est attaqué d'abord. C’est par un moyen mécanique que le bois est creusé. Comme les naturalistes du dernier siècle l'ont déjà fait remar- quer, les Tarets sont accompagnés dans leurs loges par un Anné- lide de 40 à 15 centimètres de long, qui cohabite avec eux. C’est le Lycoris fucata ; les larves de cet Annélide vivent pêle-mêle avec les larves de Taret. D'après le rapport, cet Annélide poursuit et dévore le Taret, et M. Kater en a vu qui étaient entourés de la peau de ce Mollusque, dont ils étaient en train de détruire et de sucer les viscères. M. Kater a même vu un Lycoris fucala saisir un Taret libre avec ses pinces et le dévorer si complétement, qu'il n’en restait que les valves. Ce chapitre se termine par les conclusions suivantes : fo Que les larves de Taret pénètrent dans le bois au mois de juin ; 2 Que ces larves proviennent d'œufs engendrés par des Tarets femelles logés encore dans le bois; que ces larves en cours de développement sont évacuées par un des siphons, et qu'elles vi- RAPPORT SUR LE TARET. o11 veut librement un certain temps en subissant des métamorphoses avant de se choisir un gite ; 3° Que les Tarets perlorent le bois à l'aide du pied et des coquilles, pendant que leurs palettes les soutiennent et que les siphons floltent dans l’eau ; k° Que le bois, au fur et à mesure qu'il se creuse, se tapisse d’une nouvelle couche de calcaire ; 9° Que le Taret croit dans le bois et que les canaux qui le logent doivent s'étendre en longueur et en largeur ; 6° Que le Taret, une fois qu’il a pénétré dans le bois, suit de préférence la direction des fibres ; 7° Que le Taret passe l'hiver dans le bois, et que ceux qui ont ainsi hiberné donnent naissance à la nouvelle progéniture ; 8° Qu'en général, le bois attaqué par le Taret loge en même temps un Annélide (Lycoris fucata), mais que celui-ci n’attaque pas le bois ; 9° Que le Taret adulte ne peut vivre hors de Peau, tandis que l’Annélide habite aussi la vase ; 10° Qu'il n’y a pas de raison de détruire lAnnélide, mais plu- tôt des motifs de le propager. Le troisième chapitre traite de l’histoire des ravages causés par le Taret sur les côtes de Hollande, depuis qu'il a été reconnu jus- qu'aujourd'hui. Ce Mollusque a été connu depuis la plus haute antiquité. Vitruve et Ovide en font mention. « Occulla nitiata teredine navis, » dit Ovide. Vallisneri, Deslandes et Réaumur en font également men- tion, mais c’est surtout, il y a un siècle, vers 1730, qu'il a parti- culièrement excité l'attention. Ce chapitre se termine par les conclusions suivantes : 1° Que le Taret vit régulièrement sur les côtes de Hollande; 2° Qu'il ne nous vient pas des Indes ; 3° Qu'il ne disparaît pas à certaines époques pour reparaître plus tard ; &° Mais qu'il y a des époques plus favorables que d’autres à son développement : les années 1731, 1770, 1827, 1858 et 1859, qui ont été remarquables sous ce rapport ; 212 VROLIK. 5° Que les circonstances qui correspondent à ce grand dévelop- pement sont la rareté de la pluie, par conséquent les eaux inté- rieures peu élevées, et le remplacement de l’eau douce par l’eau salée. Dans le quatrième chapitre, le rapporteur s'occupe des expé- riences qui ont été faites pour préserver le bois des ravages du Taret. Différentes essences de bois ont été mises en expérience à Nieu- wendam, Flessingue, Harlingen et Stavaren. Les expériences se rapportent à trois catégories : Dans la première sont comprises les expériences qui consistent à couvrir la surface du bois de diverses matières. La seconde catégorie comprend les expériences faites à l’aide d'injections. La troisième catégorie comprend les expériences faites sur des bois étrangers, et les bois qu'on emploie habituellement aux con- structions. Les expériences sur le bois créosoté méritent d’être mentionnées ici, puisque ce bois seul a été généralement à l’abri des attaques du Taret. A Flessingue, trois essences de bois créosoté, parmi lesquelles il y a du chêne et du sapin, après un assez long séjour dans la mer, montrent une surface lisse et unie (sans Algues et sans Balanes), et, examinés avec la plus grande attention par la com- mission, celle-ei n’a pu y trouver aucune trace de Taret. A Nieuwendam, l'expérience donne un résultat opposé : le Taret a pénétré dans le bois de chêne créosoté. Sur six pieux, mis en expérience à Harlingen et à Stavaren, le21 et le 25 mai, la commission ne trouva aucune trace de Taret, tandis que le bois non créosoté, qui ies tenait ensemble, en était altaqué (4). Le rapporteur cite dans ce travail d’autres expériences qui sont (1) Du bois créosoté, mis en expérience. à l’entrée de l'estacade d'Ostende par M. Crépin, ingénieur belge, a été trouvé intact au bout de deux ans. — Voyez aussi Bethell's patent Creosoting Process fur preserving Timber. London, 1856. RAPPORT SUR LE TARET. 315 presque toutes favorables à l’efficacité de la créosote contre l’in- vasion du Taret. Ce rapport est terminé par un travail spécial du professeur Harting sur le mécanisme à l’aide duquel le Taret perfore le bois. Dans ces derniers temps, M. Hancock a prétendu que le Taret perfore à l’aide de son pied, et non par sa coquille. M. Deshayes, qui a écrit longuement sur le Taret, ne lui reconnaît pas de pied, mais un sphincter, qui agit comme une ventouse, et il suppose que cet organe sécréterait un liquide apte à ramollir le bois. M. de Quatrefages ne partage pas ces opinions ; il pense que le Taret perfore par un moyen mécanique, mais il ne fait pas non plus intervenir la coquille. La coquille, au contraire, serait, d’après Osler, Defrance et Caillaud, le seul instrument que possède le Taret pour perforer le bois. M. Harting partage ce dernier avis. Il décrit avec le plus grand soin le système musculaire, surtout les muscles des valves, puis il fait connaître en détail la composition de la coquille, et il signale sur chaque valve de celle-ci, d'un côté 4000 denticules, et sur une autre partie jusqu'à 10000, de manière que ces deux surfaces agissent comme une véritable lime. Ce travail intéressant de M. Harting est accompagné de quatre planches in-8°, et la planche 3 montre une des valves fortement gratlées, par suile de son action mécanique sur le bois. NOUVELLES EXPÉRIENCES SUR LES EFFETS DE LA GARANCE MÉLÉE AUX ALIMENTS DES MAMMIFÈRES ET DES OISEAUX GRANIVORES, Par M. ie D' N. JOLY. Professeur à la Faculté des sciences de Toulouse, Dans une importante communication qu'il a faite récemment à l'Académie des sciences de Paris (1), M. Flourens annonce qu'il est parvenu à colorer les os d’un fœtus de Porc en soumettant la mère à un régime mêlé de garance pendant les quarante-cinq der- niers jours de sa gestation. De cette curieuse expérience, l’illustre secrétaire de l’Institut üre la conséquence que voici : « Le sang de la mère communique avec celui du fœtus ; il com- munique si pleinement avec celui du fœtus, que le principe colorant de la garance, ce même principe qui colore les os de la mère, colore aussi ceux du fœtus. » Ainsi se trouve résolue, et résolue d’une manière indubitable, l’une des questions les plus intéressantes, et naguère encore les plus controversées de l’embryogénie. A l'occasion de cette communication, M. Coste rappelle un fait bien connu des pêcheurs : c’est que le contenu des œufs pondus par les femelles des Poissons osseux appartenant à la famille des Salmonidés est plus ou moins rougeâtre, quand la chair de ces fe- melles est de couleur dite saumonée. Cette teinte particulière vient-elle à disparaître dans les muscles, elle disparaît aussi dans les œufs : ils sont blancs comme la chair de la mère dont ils pro- viennent. (1) Voyez les Comptes rendus de l'Institut, séance du 4 juin 1860, et Ann des sc. nat., 4° sér., t. XII, p. 245. EFFETS DE LA GARANGE SUR LES OEUFS, ETC. o15 De cette observation très simple, M. Coste tire des consé- quences très graves au point de vue de l'hérédité physiologique, et, s'appuyant sur la dernière expérience de M. Flourens, il ex- plique comment ces redoutables transmissions, que l’on appelle diathèse cancéreuse, tuberculeuse, ete., peuvent s'aggraver pen- dant la gestation, puisque les éléments introduits artificiellement dans l'organisme de la mère passent dans celui du fœtus. A l'appui de ces idées, nous pouvons aujourd’hui citer un nou- veau fait qui, lui aussi, nous semble avoir son importance. Déjà en 1843 ou 1844, en soumettant une Poule au régime de la ga- rance, nous avions obtenu un œuf dont la coque était légèrement colorée en rose. A celte époque, nous ne songeâmes pas à en exa- miner le contenu Désireux de savoir s’il participait lui-même à celte coloration, nous avons, cette année même, recommencé l'expérience dont il s’agit, et nous avons pu nous convaincre que non-seulement la coque de l'œuf, soit pondu, soit pris au bas de l'oviducte, mais encore le blanc et le jaune, offraient une teinte rose plus où moins prononcée (1). Doit-on voir dans ce double résultat un fait réel de nutrition ? ou bien faut-il y voir un fait parement chimique ? Le phénomène me paraît complexe. En ce qui concerne la coque, il est évident que la nutrition est tout à fait étrangère à la coloration qu’elle présente. [ei le principe Uünctorial, mêlé aux fluides versés dans (1) M. F.-A. Pouchet a vu le vitellus offrir une couleur brun foncé dans des œufs pondus par des Poules qui avaient mangé une très grande quantité de hannetons (voy. Hétérogénie, p.323). Quant à la coloration de la coque des œufs, naturellement tachés, nous n'avons pas été médiocrement surpris de voir Dar- win chercher à l'expliquer par la seule influence de l'imagination !! « Like the » fable of the Cameleon (dit le célèbre auteur du Zoonomia), all animals possess x a tendency to be colonred somewbhat like the colours they most frequently in- » spect, and finally thut colours may be thus given to the egg-shell by the imagina- » tion of the female parent ; which shell is previously a mucous membrane, indued .» With irritability, without which it could not circulate its fluids , and increase in » its bulk. Nor is thismore wonderful than that a single idea of imagination should » in an instant colour the whole substance of the body of a bright scarlet, as in » the blush of shame, though by a very different process. » (Erasmus Darwing, Zoonomia, or the Laws of Organic Life, t. 1, p. 511. London, 4794, in-4°.) 316 N. JOLY. l'oviducte, s’est combiné chimiquement avec les sels calcaires, et notamment avec la petite quantité de phosphate de chaux qui entre dans la composition de la coquille, et là il a formé une véritable laque insoluble. Quant au contenu de l'œuf, c’est encore dans le sang chargé du principe colorant de la garance, que nous devons chercher la cause de la teinte légèrement rosée qu'il a offerte à notre obser- vation. En effet, c’est le sang qui apporte à l'ovaire les matériaux qui devront constituer le vitellus ; c’est encore lui qui, à l’aide de certaines glandes renfermées dans loviduete, fournit l’albumen au blanc d'œuf. Est-il donc étonnant que le jaune et le blanc soient, le premier surtout (1), légèrement colorés? Ne sait-on pas que Purine et le lait(2) prennent, sous l'influence du régime garancé, une couleur rouge assez intense? La graisse et la bile elle-même, d'après MM. Serres et Doyère, perdent sous cette même influence leur couleur caractéristique. Enfin le produit des membranes sé- reuses est également teinté en rose {3). Tous ces faits s’enchainent admirablement, et sont la conséquence, en quelque sorte forcée, de l’action du principe tinctorial que le fluide nourricier charrie partout avec lui. MM. Serres et Doyère disent avoir vu les membranes séreuses, le tissu cellulaire et les aponévroses, se rubéfier plus où moins chez le Chien à la suite du régime garancé. Nous n'avons rien F (1) On sait que Von Baer d'abord, et après lui Allen Thomson, ont vu sur la membrane interne de l'ovaire les orifices des vaisseaux sanguins qui, d'après le premier de ces habiles observateurs, apportent directement le sang destiné à nourrir le vitellus, « the open mouths of blood vessels, by means of which the » yolk my be nourished by the direct access of blood to it. » (Cyclopædia of Ana- tomy and Physiology, article Ovux.) (2) Hermstaedt, Ueber einige abnorme Z'ustände der Milch (Pharmaceutisches Centralblatt, 833, p. 401).— Voyez aussi nos Recherches sur le lait, travail qui nous est commun avec M. le professeur E. Filhol, inséré dans le tome III des Mémoires de l’Académie royale de médecine de Belgique, et couronné par celte Académie (Bruxelles, 1856). (3) Serres et Doyère, Exposé de quelques fuits relatifs à la coloration des os chez les animaux soumis au régime de la garance (Comptes rendus de l'Institut, 21 février 1842.) ” EFFETS DE LA GARANCE SUR LES OEUFS, ETC. 317 observé de semblable chez les Poules soumises à nos expériences, et nous sommes encore à nous demander la cause de cette diver- sité d'action d'un même principe tinctorial. En revanche, nous avons vu le jabot et l’épiderme de la membrane interne du gésier offrir dans toute leur épaisseur une teinte rouge au moins aussi foncée que celle du pantalon de nos soldats. La coloration de la membrane sous-jacente à l'épithélium du gésier, et surtout celle de l'intestin proprement dit, étaient beaucoup moins prononcées. Ici évidemment il y a eu un fait de teinture locale produit, soit par imbibition de tissu, peut-être même par voie d’affinité chimique (épithélium corné du gésier, qui contient du phosphate de chaux), soit par voie d'absorption vitale (muqueuse de l'intestin). Nous ne dirons rien de la coloration des os, si bien étudiée dans ces derniers temps, d’abord par M. Flourens, puis par MM. Serres et Dovère, enfin plus récemment encore par MM. Brullé et Hu- gueny, dont la théorie nous semble moins exclusive, et par cela même plus vraie que celle de leurs devanciers. Mais nous ne saurions passer sous silence un résultat fort im- portant, selon nous, qui contredit d’une manière formelle l’asser- tion de M. Flourens, lorsqu'il prétend que les os et l’ivoire des dents sont les seules parties que colore la garance. Nous avons en notre possession, et nous avons fait voir plus d'une fois à nos collègues et à nos auditeurs, une mâchoire infé- rieure de Chien (1), dont toutes les dents offrent sur leur émail une teinte rose presque aussi foncée que celle de l’ivoire. Or si la vie et par suite la circulation existent dans l'émail, elles doivent l’une et l’autre y être assez obscures ; aussi l'émail est-il un peu (1) « Dans les dents , c’est la partie osseuse seule qui se colore (disait M. Flourens en 1840), l’émailne se colore point, il reste blanc, il ne rougit pas, et c'est ce qui se voit avec évidence sur toutes les pièces qui sont sous les yeux de l'Académie. » Or, sur la mâchoire de Chien dont il est ici question, il n'est pas moins évi- dent que l'émail est presque aussi coloré que l'ivoire. D'après les expériences déjà anciennes de MM. Brullé et Hugueny, et d’après les observations toutes récentes de M. Alphonse Milne Edwards ( Études. chimiques et physiologiques sur les os), la différence d'âge des animaux soumis à l'expérimentation pourrait bien expliquer la différence des résultats. + 18 R, LEUCKART, moins coloré que l’ivoire. N’avons-nous pas là précisément la preuve la plus évidente d’une simple action chimique, d’une affi- nité-prononcée entre le principe colorant de la garance et le phos- phate de chaux qui compose en grande partie l'émail? En résumé, le phénomène qui nous occupe serait complexe, et, suivant les organes ou les produits étudiés, 11 semble qu'il faudrait l'attribuer tantôt à une action chimique proprement dite (affinité du principe colorant pour les sels calcaires des os, des dents, de la coquille); tantôt À une pénétration directe de ce même principe dans les tissus par voie d'absorption vitale ou de simple imbibition (coloration des muqueuses, épithélium du gésier, etc.) ; tantôt enfin au mélange pur et simple de l’alizarine contenue dans le sang avec les produits sécrétés (urine, lait, elc.). Partout, en un mot, ce serait un fait de teinture s'opérant d’après les lois des affinités chimico-vitales, et modifié par la nature des organes mêmes où il a lieu. RECHERCHES SUR LE TRICHINA SPIRALIS ‘DES REMARQUES SUR LES MALADIES VERMINEUSES (1), Par M. R. LEUCKART. (Extrait.) Dans ce travail intéressant, l’auteur arrive aux conclusions suivan(es : 1° Le Trichina spiralis est le jeune âge d'un petit Ver rond, inconnu jusqu'à présent , et auquel on doit conserver le nom gé- nérique de T'richina. 2° Le Trichina ayant ses organes reproducteurs développés habite le canal intestinal d’un grand nombre d'animaux à sang (1) Untersuchungen über Trichina spiralis; zugleich in Beitrag sur Kenntnis der Wurmkrankheiten, In-4, Lepzig et Heidelberg, 1860, RECHERCHES SUR LE TRICHINA SPIRALIS. 319 chaud, principalement celui des Mammifères, entre autres de l'Homme, et toujours il est en grand nombre. 3° Le Trichina intestinal atteint son développement sexuel complet dans la deuxième journée après sa migration. h° Les œufs du Trichina femelle se développent dans le vagin de la mère, etil en provient des embryons exigus qui ont la forme de Filaires, et qui éclosent le sixième jour sans enveloppe de l'œuf. 5° Les jeunes nouveau-nés commencent tout de suite leurs migrations ; ils percent les parois de l'intestin, parviennent directe- ment des cavités du corps dans le système musculaire de l'animal qu'ils infestent, et, si les conditions sont favorables, ils s'y déve- loppent sous la forme décrite par les auteurs. 6° La voie qu'ils affectionnent le plus pour parvenir dans les muscles est par les amas du tissu cellulaire intermusculaire. 7° Le plus grand nombre d’embryons bornent leurs migrations aux groupes des muscles qui enveloppent les cavités du tronc (thorax et abdomen), surtout aux plus petits et plus riches en tissu cellulaire. . 8 Les embryons pénètrent dans l’intérieur des faisceaux mus- culaires primitifs, et acquièrent dès le quatorzième jour le volume et l’organisation du Trichina spiralis des auteurs. 9 Les faisceaux musculaires infestés perdent leur structure normale, bientôt après que les parasites y ont pénétré. Leurs fibriies se transforment en une substance finement granuleuse, en même temps que les corpuscules musculaires deviennent des cellules nucléaires ovales. 10° Les faisceaux musculaires infestés conservent leur forme naturelle, celle d’un boyau, jusqu'à ce que les jeunes Trichina aient atteint leur développement complet; alors le sarcolemme s’épaissit, et commence à se ratatiner par ses extrémités. 11° Les points occupés par les parasites enroulés sur eux- mêmes offrent des élargissements fusiformes, dans lesquels, et sous le sarcolemme épaissi, se forment les kystes bien connus, globuleux ou en forme de citron, produits par l’endurcissement et l'encroûtement calcaire de la substance granuleuse. 320 LEUCKART. —- RECHERCHES SUR LE TRICHINA SPIRALIS. 12° La migration et le développement des embryons s'effectuent encore après la translation du Trichina prolifique dans l'intestin d’un nouvel animal propre à le recevoir. 13° Le développement ultérieur du Trichina des muscles, celui qui le rend apte à se reproduire, est tout à fait indépendant de la formation de la coque calcaire; celle-ci n’a lieu qu'après ce développement. 14° On peut distinguer dés le jeune âge les individus mâles des individus femelles. 15° La migration de jeunes Trichina en nombre considérable produit des accidents très graves etmême la mort, savoir : la dou- leur, la péritonite (à la suite de la perforation des parois de l’in- testin par les embryons), et l’impotence musculaire résultant de la désorganisation des faisceaux musculaires infestés. 16° L'emploi de Ja viande infestée de Trichina comme matière alimentaire peut déterminer, selon le nombre des parasites que celte substance renferme, des accidents plus ou moins graves, et souvent même mortels, savoir : l’entérite avec excrétion d’une matière analogue à celle du ceroup, rejetée bientôt en lambeaux (observée chez le Lapin et le Rat), et se transformant en corpus- cules purulents (ainsi que cela à été constaté chez le Chat et la Souris), ou en protospermes (par exemple chez le Chien). DE L'INFLUENCE pu SYSTÈME NERVEUX SUR LA RESPIRATION DES DYTIQUES, Par M. Ernest FAIVRE, De nombreuses recherches ont été faites sur la respiration chez les Insectes. Dès le xvn° siècle, Malpighi et Leeuwenhoek avaient écrit sur ce sujet. Au xvin° siècle, on fit des observationsi mpor- tantes sur les phénomènes chimiques et mécaniques. Réaumur en 1734, Lesser et Lyonnet en 1742, Martinet en 1753, de Geer en 1771, fixèrent leur attention sur les mouvements abdominaux et le rôle des stigmates. Ils mirent hors de doute l’existence d’une véritable respiration chez les Insectes. A la fin du xvm siècle, l'absorption de l'oxygène et l’exhalation de l'acide carbonique furent démontrées par Schele, Spallanzani et Vauquelin (1). Depuis cinquante ans, la question a été reprise par les meilleurs observateurs : M. Léon Dufour, auquel l'anatomie des Insectes doit ses plus remarquables progrès, a écrit sur les divers modes de respiration aquatique des Insectes (2) ; M. Dutrochet a traité le même sujet en 1833 (3); Newport a publié, en 1836, ses études sur l'absorption et l’exhalation du gaz pendant l'acte respira- toire (4). Aucun de ces auteurs n’a étudié, à notre connaissance, l’in- fluence des nerfs sur les mouvements respiratoires, et c’est en (1) Consulter, pour tout ce qui concerne la respiration des insectes, Fischer, De la respiration des animaux ( Introduction, Paris, 1798 ). M. Milne Edwards résume également tous les travaux dans son excellent ouvrage : Leçons d’ana- tomie et de physiologie (Paris, 1858-1860). (2) Comptes rendus de l'Académie des sciences, t. XXIX, p. 763. (3) Ann. des sc. nat., 1'° série, t. XXVIIL, p. 31. (4) Philosophical Transactions, 1836, et Institut, t. V, p. 22. {° série, Zooz, T. XIE. (Cahier n° 6.) ! 24 332 FAIVRE, — SUR LES FONCTIONS vain que nous avons consulté, dans l'intention d'y puiser des ren- seignements, les ouvrages généraux de Burmeister, de Lacordaire, de Kirby et de Spence. M. Yersin, qui a fait des recherches récentes sur la physiologie des Insectes, n’a pas non plus expérimenté sur le point qui nous occupe (1). Chez les animaux supérieurs, au contraire, le sujet que nous traitons dans ce mémoire a été l’objet d'expériences approfondies et fondamentales. Nous citerons avant tout les travaux devenus classiques de M. Flourens (2). La méthode, les découvertes de l’illustre physio- logiste nous ont guidé, éclairé dans nos délicates investigations. Nous essayons, dans ce travail qui fait suite à des recherches antérieures, de déterminer la part des divers centres nerveux dans la production des mouvements respiratoires. Mais, avant d'exposer nos expériences, nous croyons utile de faire connaitre en quelques mots la disposition anatomique des organes respiratoires exté- rieurs et des nerfs qui s’y distribuent. l La respiration des Dytiques s’accomplit au moyen des mou- vements de l'abdomen. L'abdomen de ces Insectes se compose de huit anneaux. Tous portent latéralement une paire de trachées qui s'ouvrent en dehors par deux stigmates percés au milieu d'une membrane molle. Chaque anneau se termine latéralement par deux lames verticales susceptibles de s’élever et de s’abaisser alterna- tivement sur les ouvertures des trachées. C’est le mouvement de ces lames et des segments dorsaux de chaque anneau abdominal qui constitue l’acte mécanique de la respiration. Les trois segments dorsaux postérieurs sont plus spécialement en rapport avec les fonctions de l’armure génitale qu’ils entourent. (4) Archives des sciences physiques et naturelles de Genève, 4858, t. III, p. 487. (2) Flourens, Recherches expérimentales sur les propriétés el les fonctions du système nerveux, 2° édit, p. 196 et suiv. (Paris, 1842), et Comptes rendus de l’Académie des sciences, octobre 4851, et 22 nov. 1858. DU SYSTÈME NERVEUX DES DYTIQUES. 323 Tous ces détails sont connus des anatomistes. Nous n’insiste- rons done pas davantage sur ce point. Nous avons disséqué avec soin tous les nerfs qui se rendent aux organes respiratoires ; ils sont au nombre de sept paires dont la disposition est la suivante : La première paire est une branche de nerfs génito-splanchni- ques ; elle se porte, après s'être divisée en deux filets, au stig- mate de J’antépénultième anneau, et se distribue dans les muscles qui l'entourent. La deuxième paire naît directement de l’extrémité postérieure du dernier ganglion abdominal ; elle se porte en arrière au stig- male du troisième anneau. Dans son trajet, elle fournit aux muscles du segment dorsal correspondant une branche volumi- neuse (branche interne). La troisième paire de nerfs respiratoires naît sur le dernier gan- glion, un peu au-dessus de la précédente; elle aboutit, après avoir fourni la branche interne, aux stigmates du quatrième anneau. La quatrième paireason origine en arrière de lavant-dernier gan- glion abdominal ; elle se termine aux stigmates du dernier anneau. La cinquième paire naît sur le même ganglion au-dessus de la quatrième ; elle se porte au sixième anneau et à ses stigmates. La sixième paire sort du troisième ganglion abdominal ; après avoir fourni sa branche interne très volumineuse, elle se distribue aux sligmales du septième anneau. Enfin la septième paire se distribue au huitième anneau, après avoir pris naissance sur le quatrième ganglion abdominal. Nous avons suivi aussi loin que possible le quatrième nerf respi- ratoire ; nous avons vu sa branche externe donner naissance, presque perpendiculairement, à deux rameaux qui se distribuent aux muscles abaisseurs de la lame correspondante du cinquième anneau. Quelques ramuscules entourent l’origine du stigmate. Les branches internes dont nous avons parlé plus haut se terminent dans les muscles qui rapprochent ou éloignent les anneaux. En employant le microscope, nous ne sommes pas parvenu à Suivre les nerfs sur les troncs des trachées. 32, FAIVRE, — SUR LES FONCTIONS I Pour comprendre la perturbation qu’apportent dans les mou- vements respiratoires les opérations pratiquées sur le système nerveux, nous devons faire connaître d’abord le mécanisme des mouvements de la respiration à l’état normal, soit pendant la marche, soit pendant la nage. Sur un Dytique auquel on a enlevé les ailes, on observe à la région abdominale deux mouvements bien distinets. Le premier consiste : 1° dans l’abaissement des lames latérales des deux côlés; 2° dans l'élévation des segments dorsaux de l'abdomen ; 3° dans la direction d’arrière en avant et de bas en haut de ces segments ; 4° dans l'allongement et l’inflexion légère de haut en bas ou de bas en haut des trois derniers anneaux. Ce temps est l’analogue de l’inspiration, et il a pour résultat l’agran- dissemeni de la cavité abdominale. Le second mouvement succède presque immédiatement au pre- mier; il s’accomplit par un mécanisme fout à fait inverse : il répond à l'expiration. Les Dytiques n’exécutent en moyenne que douze inspirations par minute. Lorsque les ailes sont intactes, et que les Insectes marchent librement, on voit le dernier anneau abdominal s’allonger au-des- sous du bord postérieur des élytres et s’abaisser un peu, comme pour faciliter l'entrée de l’air pendant l'inspiration. Dès qu'on saisit l’animal, l’anneau se rétracte, s'applique contre le bord des élytres, et ferme l’espace compris entre l'abdomen et les ailes. Tels sont les mouvements apparents de respiration chez l’Insecte à l’état normal pendant la marche. Si l’on enlève les élytres ei les ailes de la seconde paire, on constate souvent que, dans le pre- mier temps, les derniers anneaux de l’abdomen se redressent au lieu de s’abaisser. Lorsqu'on examine l’Insecte pendant la nage, les mouvements respiratoires sont plus complexes. Il revient de temps à autre à la surface du liquide ; il élève hors de l'eau l'extrémité abdominale, DU SYSTÈME NERVEUX DES DYTIQUES. 929 abaisse les trois derniers anneaux pour prendre de Pair, puis il les applique de nouveau contre les élytres, et descend avec rapi- dité. Chaque fois qu’il descend, il se contracte, et laisse échapper quelques bulles d'air. On peut produire à volonté les mouvements abdominaux postérieurs. Dès qu'on sort le Dyuique de l’eau, les derniers anneaux s’abaissent et s’allongent; mais quand on l’y replonge, les anneaux s’appliquent contre les élytres. Ainsi, soit que l’Insecte marche, soit qu’il nage, deux ordres de mouvement interviennent dans la respiration : les mouvements respiratoires proprement dits, qui s’exécutent à l’aide des lames latérales et des anneaux, et les mouvements secondaires, qui ont lieu pendant la marche et la nage, à l’aide de l’abaissement et de l’extension des trois derniers anneaux de l'abdomen. Nous désignerons désor- mais ces mouvements sous le nom d’abdominaux postérieurs. Il importe de remarquer que le moindre trouble dans la respi- ration suffit pour altérer les rapports et la fréquence de ces mou- vements; on voit les lames se contracter isolément ; quelquefois celles d’un côté seulement s’abaissent et s'élèvent. Dans d’autres cas, les anneaux s'élèvent ou s’abaissent, sans que les lames laté- rales exécutent un seul mouvement. Nous avons très rarement observé comment se comporte la respiration pendant le vol ; mais nous avons reconnu dans quel- ques cas un rapport entre les mouvements d'inspiration et d’expi- ration et ceux exécutés par les ailes de la première et de la seconde paire. Voici ce qui se passe alors : à chaque inspiration, les deux ailes de la seconde paire s’abaissent sur l'abdomen et les deux élytres s'élèvent. L'inverse a lieu pendant l'expiration. On remarque souvent sur les. Insectes qui marchent librement de légers mouvements d'élévation des élytres correspondant à l’abaissement et à l’extension des derniers anneaux. Les détails qui précèdent suffiront, sans doute, pour lintelli- gence des expériences dont nous avons maintenant à indiquer les résullats. Toutefois, pour mettre les observateurs à même de contrôler nos recherches, nous déerirons rapidement quelques-uns des pro- cédés opératoires auxquels nous avons eu recours. Les deux opé- 326 FAIVRE, —— SUR LES FONCTIONS \ rations difficiles à pratiquer sont : la séparation des ganglions métathoraciques et mésothoraciques ; la section des connectifs entre les centres nerveux du thorax et les centres nerveux de l'abdomen. Pour arriver au premier résultat, nous procédons de la manière suivante. On fléchit fortement le prothorax en arrière; on incise la membrane qui l’unit au métathorax : on aperçoit alors le gan- glion mésothoracique. On coupe, à l’aide de ciseaux fins, la lame triangulaire osseuse placée en avant des pattes de la seconde paire; on enlève les trachées qui se présentent à l'ouverture, et l’on distingue en arrière le ganglion métathoracique. Une scissure transversale marquée indique le point de séparation des deux gan- glions postérieurs du thorax. Il y a plusieurs procédés pour couper les connectifs qui pré- cèdent les ganglions. On peut opérer comme il vient d’être dit ; alors on coupe les connectifs en introduisant un scalpel en arrière du centre métathoracique. Nous préférons préparer les Dytiques par la région dorsale de la manière suivante. On enlève les élytres et les ailes de la seconde paire ; on fixe l’insecte sur un liége, et l’on enlève, à l’aide de ciseaux, le tergum des anneaux méso- et métathoraciques ; on n’a plus qu’à écarter et à couper l’œsophage pour avoir sous les yeux les quatre renflements abdominaux bien distincts. Avec une loupe, on voit les connectifs placés en avant, et on les coupe avec exactitude. Ce mode opératoire permet encore d'étudier les fonctions de chacun des ganglions de l'abdomen. Chez les femelles, cette dernière opération est très difficile. Les ganglions de l'abdomen ne forment qu’une seule masse allongée, très profondément placée en arrière sous les tissus. Le rapport des parties n’est plus le même que chez les mâles. II Pour déterminer l’influenee des nerfs sur les mouvements respi- ratoires, nous avons enlevé ou lésé successivement chaque gan- olion. Nous allons faire connaître, avec précision, les consé- quences des opérations ainsi exécutées sur les ganglions de la tête, du thorax et de l'abdomen. DU SYSTÈME NERVEUX DES DYTIQUES. 227 Nous choisissons deux Insectes bien agiles, sur l’un desquels nous enlevons dans sa totalité le ganglion sus-æsophagien. Ces deux Insectes étant placés dans l’eau, on constate aisément que leurs mouvements généraux offrent une notable différence : l’Insecte sain nage en tous sens, monte et descend avec faci- lité; l’Insecte opéré a perdu, au contraire, la possibilité de se diriger ; il tourne sans cesse du même côté en restant à la surface. Les mouvements respiratoires s'effectuent chez tous deux, et se traduisent par des mouvements dont nous avons déjà parlé, qui ont leur siége dans les trois derniers anneaux. Si l’on maintient les deux Insectes plongés dans l’eau, les seg= ments postérieurs s'élèvent, et s'appliquent de la même manière contre les élytres. Fait-on revenir les Dytiques à la surface, alors les segments s’abaissent et s’allongent pour donner passage à l'air. Les mêmes mouvements s’accomplissent lorsque les Insectes sont abandonnés à eux-mêmes; ils ne dépendent nullement du ganglion sus-æsophagien, puisqu'ils s’accomplissent après son ablation. L'influence qu’exerce le centre cérébral est spécialement rela- tive à la direction des mouvements généraux. Ils sont coordonnés de manière que l’Insecte puisse, de temps à autre, venir à la sur- face pour y chercher de l'air. C’est la seule façon indirecte dont le centre nerveux sus-œsophagien paraît intervenir dans la respira- tion pendant la nage. Si les Insectes marchent sur le sol, aucune différence ne se manifeste dans les mouvements respiratoires apparents. Tels sont les effets produits dans les premiers instants de l'opération, Si l’on enlève les élytres et les ailes de la seconde paire, de manière à examiner les mouvements respiratoires réels, on voit qu'ils persistent très bien à la suite de l’opération. Au début, ils sont fréquents et même très nombreux, puis ils deviennent inter- mittents. Enfin ils se rétablissent avec une certaine régularité, et durent cinq à six heures après l’ablation du ganglion sus-œæsopha- gien. Ces expériences, répétées un grand nombre de fois, ont toujours donné le même résultat; elles prouvent que les mou- vements respiratoires sont indépendants du centre cérébral. 328 FAIVRE, — SUR LES FONCTIONS Les lésions de ce centre ne paraissent exercer d'autre influence sur ces mouvements qu'une perturbation momentanée. L’ablation du ganglion sous-æsophagien produit dans les mou- vements respiratoires des troubles que nous avons longtemps interprétés d’une manière inexacte. Si l'on enlève ce ganglion, ou plutôt si l’on coupe les connectifs qui le suivent, on observe des phénomènes dont l’expérience suivante donnera une juste idée. A une heure vingt minutes, l'opération est pratiquée. Les élytres et les ailes de la seconde paire sont enlevées. Après quelques mouvements convulsifs, la respiration diminue et cesse immédia- tement. A deux heures, point de mouvements respiratoires d'ensemble ; quelques mouvements partiels seulement dans les lames latérales. A deux heures et quart, les mouvements ont augmenté. A quatre heures, la respiration est très active, et les mouve- ments sont en rapport avec ceux des pattes natatoires. A cinq heures, la respiration est très active, spontanée ; elle s’accomplit également bien par action réflexe. Ainsi, dans ce cas, les phénomènes consécutifs à l'opération sont de trois sortes. Il y a une période d’affaiblissement pendant laquelle la respiration est comme suspendue. C’est parce que nous nous étions borné à observer l’Insecte pendant cette période, que nous avions cru d’abord que le ganglion sous-æsophagien prési- dait aux mouvements respiraloires. Il y a une période dans laquelle les mouvements reparaissent d’abord faibles et intermittents, puis continus et réguliers. On voit alors avec évidence qu'ils sont indé- pendants du centre sous-æsophagien. Enfin, après dix ou douze heures, l’animal s’affaiblit et la respiration cesse complétement, Pendant la seconde période, les mouvements respiratoires s’exécutent spontanément, mais souvent avec une grande irrégu- larité. On les provoque aisément soit en pinçant les pattes, soit en étendant les ailes, soit en excitant légèrement les anneaux de l'abdomen. Ces mouvements réflexes s'exécutent avec beaucoup d'énergie deux ou trois heures après l'opération, par suite d’une plus grande excitabilité des centres nerveux. Si l’Insecte fait mou- voir spontanément une de ses pattes, une inspiration se produit DU SYSTÈME NERVEUX DES DYTIQUES. 329 presque immédiatement. !l y a donc une intime connexion entre la locomotion et la respiration. L’ablation du ganglion sous-æsophagien entraine-t-elle l’abo- lition des mouvements que nous avons signalés dans les derniers anneaux et qui se lient à l’acie respiratoire ? L'animal élant dans l'impossibilité de marcher après l'opération, on ignore ce qui se passe alors ; mais nous pouvons déterminer ce qui a lieu pendant le repos et la natation. Voici les résultats d’une expérience tentée dans ce but : A trois heures, on coupe à un Dytique les connectifs entre le sous-æsophagien et le ganglion du prothorax; l'animal reste immobile, et fait saillir, comme à l’état normal, le dernier anneau ; il le rentre aussitôt qu’on le saisit. Dans l’eau, les choses parais- sent se passer comme à l’état normal. Une heure après, les mouvements persistent ; seulement ils ne se coordonnent plus avec la respiration. Les segments abdominaux s’abaissent dans l’eau ; ils ne s'étendent plus lorsque l’animal en est retiré. Ainsi, bien que les mouvements abdominaux posté- rieurs existent, ils ne sont plus coordonnés avec la respiration ; et c’est l'absence du ganglion sous-æsophagien qui a amené ce résultat. Il semble donc que le ganglion sous-æsophagien coor- donne les mouvements abdominaux postérieurs avec la respira- tion. Voici une expérience qui légitime cette conclusion : A trois heures, nous pratiquons sur un Dytique femelle la sec- tion des rer qui unissent le ganglion sous-æsophagien au ganglion du prothorax. Une vive excitation se produit immédiate- ment dans tout le système nerveux. L'animal reste immobile ; à terre, il ne meut pas les derniers anneaux de l’abdomen ; dans l’eau, soit à la surface, soit au fond des vases, on ne constate aucun mouvement dans cette partie. À quatre heures, l’Insecte n’accomplit dans l’eau aucun des mou- vements abdominaux postérieurs ordinaires. À terre, on distingue dans cette région quelques mouvements irréguliers dus, comme ceux des pattes, à l’excitalion générale qui se manifeste de plus en plus. A cinq heures, aucune modification n’est survenue. L’Insecte allonge quelquefois sous l’eau ses anneaux postérieurs. 330 FAIVRE. — SUR LES FONCTIONS A six heures, quelques mouvements abdominaux se manifestent lorsque le Dytique est plongé dans le liquide. Ces mouvements abdominaux ne se montrent pas régulièrement, et ne ressemblent en rien à ce qui à lieu à l'état normal. A huit heures, aucune manifestation appréciable. Le lendemain matin, seize heures après l’opération, les mou- vements réflexes et abdominaux postérieurs sont beaucoup plus actifs. Il est facile de reconnaître, en examinant comparativement un Insecte sain, que ces mouvements sont seulement dus à l’exci- tation des centres nerveux, et ne s’accomplissent pas comme à l’état normal. Ils ne présentent pas surtout ces mouvements alter- natifs, si caractéristiques chez les Insectes qui n’ont pas été opé- rés; ils ne sont plus en harmonie avec les mouvements des Dytiques dans l’eau et hors de l’eau. Pour mieux juger de l'influence spéciale du ganglion sous- œsophagien sur les mouvements abdominaux postérieurs, nous avons enlevé en même temps sur un autre Dytique le centre sus- œsophagien. Nous comparions régulièrement les animaux entre eux et avec un Insecte non opéré. Dès la première heure qui suit l'opération, le Dytique continue à marcher et à nager. Il ne se dirige ni sur le sol, fi dans l’eau; mais il continue à exécuter en arrière des élytres les mêmes mouvements que s’il n'avait pas été opéré. Quatre lieures après, les mouvements abdominaux posté riéurs sont exagérés pendant la marche. Dans l’eau, l'animal ferme l'abdomen lorsqu'il est plongé; il en abaisse les anneaux postérieurs dès qu'il revient à la surface. Nous avons continué l’observation pendant plus de huit heures, sans constater de modifications appréciables. Nous tenons done pour certain, comme nous l'avons dit plus haut, que Pablation du ganglion sus-æsophagien n'apporte aucune perturbation notable dans les mouvements respiratoires apparents exécutés par les Dytiques. La piqûre du ganglion dont il s’agit amène des troubles consi- dérables dans la respiration ; elle en active, elle en exagère les mouvements, qu’elle rend presque convulsifs. Les lames latérales sont fortement abaissées comme pendant l'inspiration; il n'y a DU SYSTÈME NERVEUX DES DYTIQUES. pol rien de particulier dans ces effets. L’excitabilité transmise du centre lésé aux autres centres les explique facilement. Les opérations exécutées sur les ganglions du méso- et du métathorax ont consisté soit dans des lésions directes, soit dans la section des connectifs qui séparent ces ganglions du centre ner- veux prothoracique et du cerveau. Voici les résultats de ces der- nières opérations : Dès que la section est exécutée, les mouvements respiratoires sont brusquement accélérés ; puis ils se ralentissent, et deviennent très rares. Une heure environ après la section, on les voit reprendre successivement, et le doute n’est pas possible sur leur conserva- tion et leur spontanéité. En examinant attentivement l’Insecte pendant six ou sept heures, nous nous sommes convaincu que la respiration ne dépend ni du centre nerveux céphalique, ni du ganglion prothoracique ; elle paraît liée à l’intégrité des deux derniers renflements nerveux du thorax. Si, au lieu de se borner à la section des connectifs, on sépare entièrement la tête et le mésothorax du reste de l'animal, les mou- vemeuts respiratoires continuent à s’exécuter pendant longtemps encore avec une grande régularité ; c’est une preuve incontestable du rôle essentiel des centres thoraciques dans la respiration. Dans quelques eas, la respiration n’est pas activée au moment de l’opé- ration, mais elle commence à s’élablir quelque temps après. Tantôt elle s’affaiblit, tantôt elle s'accélère ; parfois même elle reste longtemps sans se produire. On la voit reparaître de temps à autre, et elle suit le plus ordinairement les mouvements exéeu- tés par les pattes nataloires. Nous avons déjà signalé cette remarquable coïncidence entre le mouvement des pattés nata- toires et la respiration ; elle est telle, que le mouvement respi- ratoire est plus accusé du côté de la patte natatoire en mouve- ment. En définitive, toutes les expériences conduisent au même résul- lat, savoir : la persistance des mouvements respiratoires après la section des connectifs en avant du ganglion mésothoracique. Nous avons recherché si, dans ce cas, les mouvements abdo- 992 FAIVRE, — SUR LES FONCTIONS minaux postérieurs persistent ou sont abolis. L'expérience nous a montré qu'aucun mouvement de ce genre n’a lieu, soit que l’Insecte marche, soit qu’il nage. Lorsqu'on a enlevé les élytres, on ne voit également aucun mouvement rhythmé dans les anneaux abdomi- naux postérieurs. Le point de départ de ces mouvements se trouve done en avant de la section, et nous avons déjà reconnu qu'ils cessent par l’ablation du ganglion sous-æsophagien. L'irrifation directe des ganglions méso- et métathoraciques confirme les inductions tirées de la section des connectifs; elle produit, en effet, une notable augmentation dans le nombre et l'intensité des mouvements respiratoires. Si la lésion est plus pro- fonde, et qu’elle porte à la fois sur les deux ganglions, elle abalit complétement la respiration. Nous avons voulu savoir si les ganglions méso- et métathora- ciques étant séparés, la respiration pouvait persister. Nous avons réussi à pratiquer cette opération délicate, et nous avons constaté que le ganglion métathoracique seul peut suffire à l’entretien de cet acte important. Ce point est fondamental; aussi nous rappelons quelques expériences : À trois heures, l'opération estpratiquée. La respiration s’active immédiatement, à tel point que nous pouvons compter jusqu’à quarante mouvements par minute. La respiration diminue ensuite et se régularise. Une heure après, nous constatons encore des mouvements respi- ratoires. A cinq heures, la respiration n'existe plus. Nous irritons alors légèrement une des pattes natatoires, et les mouvements reparais- sent avec continuité et régularité. A six heures, la respiration paraît avoir cessé; mais un léger attouchement la ranime, et elle s’exécute un instant. Je constate qu’elle se rétablit spontanément après quelques moments. Il fallait donc conclure d’une expérience aussi nette que le gan- glion métathoracique est le centre respiratoire, en même temps que le centre de la natation. Le lendemain matin, dix-huit heures après l’opération, une légère excitation des anneaux de l’abdomen produit la respiration, DU SYSTÈME NERVEUX DES DYTIQUES. 399 qui s'établit très régulièrement et dure plus de vingt minutes. Nous constatons qu'il suffit, pour exciter la respiration, soit de pin- cer une des pattes nafatoires, soit de toucher l'abdomen. Ce centre nerveux métathoracique est donc le centre de ces mouvements réflexes capables d’exciter et d'entretenir la respiration. Pour nous assurer de ce fait par des expériences confirmatives, nous avons séparé le ganglion mésothoracique du métathoracique chez deux Dytiques opérés la veille par la section des connectifs antérieurs au mésothorax. Malgré l'état de l'animal, la respira- tion n’a pas été abolie, et les mouvements réflexes, devenus très intenses, l'ont facilement activée ou produite. Nous l'avons vue aussi s'établir spontanément et persister quelques instants. Lorsque les deux ganglions du thorax sont intacts, mais séparés des autres centres, les mouvements imprimés aux pattes et aux ailes de la seconde paire réagissent sur l’abdomen et excitent une respiration plus vive. Dans ce cas, le ganglion mésothoracique est le centre des actions réflexes, qui cessent dès qu'il est enlevé. Nous avons déjà dit que l’irritation directe de ce ganglion a une influence manifeste sur la respiration. En résumé, nous avons constaté, à l’aide de l’analyse expéri- mentale, que le ganglion métathoracique est le centre qui excite, coordonne et entretient les mouvements respiratoires, soit sponta- nément, soit par suite d'actions réflexes. Ces mouvements liés à ceux des pattes nataloires peuvent durer plus de vingt heures après l'opération. Ce ganglion et celui qui le précède n’ont pas d'influence sur les mouvements abdominaux postérieurs. Le rôle du ganglion métathoracique est expérimentalement établi, puisqu’en séparant tous les centres nerveux qui le pré- cèdent, les mouvements respiratoires sont immédiatemént abolis. Telle est la preuve indirecte ; mais on peut en donner une directe et confirmative, soit en irritant, soit en enlevant ce ganglion lui- mème. Dans le premier cas, la respiration est activée ; dans le second, elle cesse aussitôt. Il nous resle à faire connaître les résultats des expériences exécutées sur les ganglions abdominaux. Ces expériences con- 334 FAIVRE, — SUR LES FONCTIONS sistent surtout dans la section des connectifs qui joignent les centres du thorax à ceux de l'abdomen. Cette section, qui peut s’opérer à l’aide de divers procédés déjà décrits, nous a donné les résultats les plus précis. Dès que la séparation a eu lieu, les mouvements d'inspiration et d'expiration cessent complétement, et l’on ne peut les provoquer ni par l'irritation des pattes natatoires, ni par celle des anneaux de l'abdomen. Les lames latérales restent immobiles ; cependant les nerfs respiratoires sortent des centres nerveux restés intacts et en communication avec l’abdomen. Ces centres ne se compor- tent donc, à l’égard de la respiration, que comme des conducteurs des impressions nerveuses; ils sont, par rapport aux ganglions du thorax, ce qu'est la moelle épinière chez les Mammifères, par rapport au bulbe rachidien. C’est certainement un fait curieux que de voir les ganglions d’où naissent les nerfs respiratoires dépour- vus d'influence sur la respiration. On peut irriter directement les centres nerveux de l'abdomen ; il suffit pour cela de les mettre à nu en enlevant le tergum des anneaux thoraciques et en coupant l’œsophage. L'opération n’est possible que chez les mâles; chez les femelles, les ganglions sont situés dans les üissus les plus profonds. L'irritation des trois gan- glions supérieurs amène des mouvements dans les anneaux de l'abdomen ; ils chevauchent l’un sur l’autre, et font décrire à l'ensemble des parties une courbe à concavité supérieure. Ces déplacements ressemblent à ceux qu’exécutent les anneaux pen- dant la respiration. Les lames latérales sont d’ailleurs compléte- ment immobiles. Le dernier ganglion préside à des actes spéciaux, comme nous le dirons ailleurs. En ce qui touche les mouvements généraux de l'abdomen, il relève et abaisse les deux ou trois derniers anneaux. Il intervient donc très activement dans ces mouvements abdomi- naux postérieurs qui se lient à l’acte respiratoire. Ces mouvements ont pour centre immédiat les ganglions abdominaux ; ils se mani- festent dès que ces centres excitent et même convulsivement après leur irritation. Mais ils ne sont mis en harmonie avec la respira- tion que par l'influence d’un autre centre nerveux, le ganglion DU SYSTÈME NERVEUX DES DYTIQUES, 389 sous-æsophagien : c’est là un nouvel exemple de la hiérarchie et de la subordinalion des puissances nerveuses. Chaque ganglion exerce une aclion spéciale ; mais il dépend, quant à l'exercice de cette action, d’un ganglion dont il reçoit l'influence. Après la section des connectifs, qui lient les centres thoraciques aux ganglions abdominaux, les mouvements des lames latérales sont entièrement abolis. On ne peut même les produire en irritant directement les ganglions. Il en est autrement à l’égard des anneaux de l'abdomen. Sans doute, ils ne se meuvent pas directement sans irritation, mais ils se déplacent sous l'influence, soit de l’irritation de la région dorsale de l’abdomen, soit de l’irritation des ganglions. Ce déplacement continue parfois à la suite de l'excitation des centres nerveux, surtout si ceux-ci ont été rendus plus excitables. Il résulte de ces faits que les ganglions abdominaux président au mouvement des anneaux, et nullement à celui des lames latérales. Mais ce mouvement des anneaux unis à celui des limes, pour produire l'inspiration ou l'expiration, n’est possible que par l’exis- tence du ganglion métathoracique. A l'égard de ce centre, les ganglions abdominaux jouent le rôle de conducteurs. Des expériences que nous venons de rapporter, nous tirons les conclusions suivantes : 1° Le ganglion métathoracique préside aux mouvements respi- ratoires chez les Dytiques; il les excite, les coordonne et les entretient. On le démontre en isolant successivement tous les ganglions situés en arrière et en avant du métathoracique. Si l’on isole les ganglions placés en arrière, la respiration persiste; si l’on coupe les connectifs situés en avant, la respiration cesse immé. diatement. 2° Les mouvements abdominaux postérieurs liés à la respira- tion, puisqu'ils mettent en communication les organes respira- toires et l’air extérieur, sont sous l'influence du ganglion sous- œsophagien. [ls cessent si l’on enlève ce ganglion, tandis que les mouvements respiratoires persistent. 3 Les ganglions abdominaux, origine des nerfs respiratoires, jouent le rôle de conducteurs, par rapport au centre respiratoire ou ganglion métathoracique, Il suffit, pour le prouver, de diviser 9296 FAIVRE, — SUR LES FONCTIONS, ETC. transversalement les connectifs qui séparent les centres du thorax de ceux de l'abdomen. On n'obtient plus alors que des mouve- ments respiratoires partiels, et seulement sous l'influence d'irri- tations directes des centres isolés. Ainsi, chez les Insectes, trois centres nerveux interviennent dans le jeu du mécanisme respiratoire. Le ganglion métathoracique produit, entretient ces mouve- ments. Le ganglion sous-æsophagien les coordonne avec les mou- vements abdominaux postérieurs pendant la natation et la marche. Les ganglions abdominaux jouent le rôle de conducteurs des exci- tations produites dans les deux centres. En arrivant à de pareils résultats, nous avons été frappé de leur concordance, à certains égards, avec les belles recherches de M. Flourens. Chez les Dytiques comme chez les Mammifères, les mouvements respiratoires ont leur principe, leur point de départ dans une région spéciale du système nerveux. Cette région, chez les Dytiques, correspond au centre métathoracique.f Les ganglions de l'abdomen, d’où partent les nerfs respiratoires, jouent le rôle de conducteurs, comme la moelle épinière chez les animaux supérieurs. Îls ne peuvent, après la séparation des cen- tres thoraciques , entretenir la respiration; mais ils produisent , s'ils sont irrités, quelques mouvements respiratoires partiels et incomplets. DR mn M ue NOTE SUR L'HISTOIRE DE PLUSIEURS MONSTRES HYPERENCÉPHALIENS OBSERVÉS CHEZ LE POULET, Par M. Camille DARESTE, J'ai entrepris, depuis plusieurs années, de poursuivre et d'étendre les mémorables travaux de Geoffroy Saint-Hilaire sur la produc- tion artificielle des monstruosités. Je n'avais obtenu, jusqu’à ces derniers temps, que des résultats incomplets. J'ai été plus heureux celle année, et je suis arrivé, en changeant les conditions nor- males de l’incubation, à déterminer, dans les embryons de Poulet, un certain nombre d'anomalies. Malheureusement, l’état avancé de la saison m'a contraint d'interrompre mes expériences, au moment même où elles commençaient à me donner d'importants résultats. Je me vois donc contraint d'attendre l’année prochaine pour compléter mon travail, et pour publier mes expériences avec tous les détails nécessaires et toutes les conséquences qui me parais- sent en résulter. Mais si je crois devoir ajourner actuellement la publication de l'ensemble de mes recherches, je puis toutefois faire connaitre aux savants quelques cas fort curieux de monstruosités que j'ai obtenus dans mes expériences, et qui, même en dehors des cir- constances de leur production, peuvent offrir aux physiologistes un assez grand intérêt. Geoffroy Saint-Hilaire, en publiant le second volume de la Philosophie anatomique, a décrit, sous le nom d’hyperencéphale, un monstre humain fort curieux (4), qui est devenu, pour M. Is. Geof- (1) Philosophie anatomique, t. XI, p. 156 à 224, 4" série. Zoo. T, XIIL. (Cahier n° 6.) ? 19 19 238 C. DARESTE, — MONSTRES HYPERENCÉPHALIENS froy Saint-Hilaire, le type d’un genre de la famille des monstres exencéphaliens. Le nombre de monstres appartenant à ce genre est encore très restreint, et, lorsque M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire publia son Traité de tératologie, il considérait l'hyperencéphalie et même, à un point de vue plus général, toute la famille des monstres exencéphaliens, comme ne s'étant rencontrée jusqu'alors que très rarement dans l’espèce humaine. Depuis cette époque, plusieurs faits d’hyperencéphales humains ont été publiés, et ont même donné lieu à des publications intéressantes, Toutefois, dans un mémoire fort peu connu, et publié dans les Archives générales de médecine (1)sous ce titre: Des adhérences de l'extérieur du fœtus considérées comme le principal fait occasionnel de la monstruosité , et observations nouvelles à l’appui de cette théorie, Geoffroy Saint-Hilaire avait décrit plusieurs faits d’exencé- phalie observés chez le Poulet. Il ne paraît point que ces faits aient été provoqués. Il parle d’abord des deux Poulets jumeaux (2) chez lesquels les lobes cérébraux se trouvaient en dehors du crâne, et au-dessus des frontaux que cette interposition d’une partie de l’encéphale main- tenait à distance l’un de l’autre ; les lobes optiques étaient égale- ment en dehors du crâne, mais le cervelet, retenu par ses con- nexions avec la moelle épinière, occupait le fond de ce qui res- tait de la boîte crânienne. Du reste, cette hernie encéphalique était recouverte par les téguments communs ; et ceux-ci étaient revêtus de plumes sur la hernie comme partout ailleurs. Le seul signe (1) Tome XIII, page 392 (1827). (2) Il y a ici dans l'observation de Geoffroy Saint-Hilaire une lacune fort regrettable à bien des égards. Ces Poulets jumeaux s'étaient-ils développés sur un vitellus et sur une cicatricule unique, sur deux vitellus soudés et possédant chacun leur cicatricule, ou sur deux vitellus complétement séparés. Ces faits sont d’une grande importance pour déterminer la cause des naissances gémel- laires chez le Poulet, et aussi la cause de la monstruosité double. Les observa- tions que nous possédons sur ce sujet sont encore beaucoup trop peu nombreuses pour nous permettre actuellement aucune généralisation. Dans un mémoire que je rédige actuellement et que je publierai bientôt, j'ai réuni les faits épars dans les archives de la science, et quelques observations que j'ai pu faire moi-même sur cette importante question. OBSERVÉS CHEZ LE POULET. 339 extérieur de la hernie cérébrale consistait dans une tumeur assez considérable sur le vertex. Cette monstruosité réalise très exacte- ment les caractères du genre Proencéphale de M. Is, Geoffroy Saint-Hilaire. Un autre Poulet monstrueux présentait les caractères de l’hyper- encéphalie. Ce Poulet provenait d’un établissement d’incubation artificielle à Bourg-la-Reine; établissement qui, institué sur une grande échelle, ne pouvait, au début, par suite de l'insuffisance des procédés de chauffage, produire partout une répartition égale de la chaleur. Je rapporte ici l'observation entière; elle est curieuse à bien des égards. « Ce Poulet est né le 1° du présent mois (avril 1827). Il à vécu un jour entier, non de graine qu'il n'avait pu prendre avec le bec, mais avec son jaune (1) : car l’état de gêne que je vais décrire l'avait frappé d'inaptitude aux mouvements de la déglutition. Il est sorti de sa coquille sans se déployer à la manière des autres Poulets, sans pouvoir tendre le cou et allonger la tête; comme celle-ci avait été repliée et renversée sur l’abdo- men avant la naissance, elle s’est depuis maintenue. Des adhé- rences avaient réuni les parties en contact, et joignaient la tête au vitellus. La tête était ainsi attachée par sa région crânienne, et les tiraillements de ses brides Ja tenaient couchée sur le flanc gauche. Une production de forme cylindrique, consistant en une peau unie et rougeñtre, de deux lignes de diamètre et de six de longueur, servait de lien. Le jaune, un peu avant et après la naissance, par suite de l'absorption de son liquide, pénétrait de plus en plus dans le ventre, et approchait graduellement de celui-ci la tête qu'il trainait après lui, rendant de plus en plus pénible la situation de l'animal. » J'ai ouvert la tunique rougeàtre qui joignait la tête au vitellus, et je l'ai trouvée remplie par l’encéphale. Dans ce cas, la tunique n’était autre que la dure-mère, mais devenue muqueuse à la surface ; on re- trouvait à l’intérieur les autres couches qui consütuentlesenveloppes (4) Ce fait, que Geoffroy Saint-Hilaire paraît indiquer comme une exception, est en réalité la règle même. Ce n’est qu’un jour après l'éclosion que les Poulets commencent à manger; pendant toute la durée du premier jour, ils vivent aux dépens de la matière alibile contenue dans le vitellus, 340 C. DARESTE. — MONSTRES HYPERENCÉPHALIENS des méninges. L’encéphale, entraîné par les adhérences de sesenve- loppes, était hors de son crâne. Celui-ci, dont toutes les pièces ont cependant été produites, s’est arrangé sur cette première combi- naison ; c’est-à-dire que celles des pièces qui eussent formé sur le vertex des os de recouvrement, sont demeurées frappées d’atro- phie, et que, petites, elles s’en sont tenues à se placer sur les côtés, à se ranger comme les parties d’un anneau. Quant à l'encéphale, on observait les dispositions suivantes : À sa place accoutumée était resté le cervelet, protégé et parfaitement maintenu par ses con nexions avec la moelle cervicale; et au contraire on trouvait écarté de lui tout le surplus, savoir, les lobes cérébraux et les lobes optiques, ayant ensemble cédé sous l’action d’un tirage évi- demment exercé par les lames enchaînées qui leur servaient d’en- veloppes. Ce qui remplissait immédiatement le tronçon visible extérieurement était le lobe cérébral droit, de forme oblongue : il reposait sur la face, dont la situation était transversale ; et au-des- sous de celle-ci se retrouvait couché le lobe cérébral gauche, un peu plus court que l’autre, et témoignait par un peu plus d’aplatis- sement que ce dernier avait été davantage gêné dans son évolu- tion. » Ce cas est extrêmement curieux à divers égards. Il appartient évidemment à l’hyperencéphalie. De plus, il nous offre, dans l’adhé- rence des méninges au vitellus, une circonstance très remarquable, et qui, ainsi que Geoffroy Saint-Hilaire en a fait justement la remarque, a dù exercer une grande influence sur la production de la monstruosité. Il paraît que Geoffroy Saint-Hilaire avait encore observé plu- sieurs faits d’exencéphalie dans l'établissement d’incubation arti- ficielle d'Auteuil où il faisait ses expériences sur la production des monstres (1). Mais il n’a point donné de détails sur ce sujet; et il” n’a point dit si ces cas d’exencéphalie s'étaient produits spontané- ment, ou s'ils avaient été provoqués. Il y a quelques années, M. Davaine publia, dans les Comptes rendus de la Société de biologie (1849), l'observation d’un embryon (1) Voyez le mémoire déjà cité, p. 392et 399. OBSERVÉS CHEZ ‘LE POULET. al de Poulet, probablement hyperencéphale, qui n'avait qu'un œil. Ce Poulet avait été trouvé dans un œuf ouvert, pour montrer, dans un cours, le développement de l'embryon. IL est fort curieux que l'hyperencéphalie soit l’une des anomalies qui se soient présentées le plus souvent dans mes expériences sur la production artificielle des monstruosités. Le cas le plus remarquable, en ce genre, m'a été offert par un Poulet arrivé au neuvième jour de l’incubation. Ce Poulet était plein de vie, comme l’attestaient les mouvements qu'il exécutait dans la cavité amniotique. Ce qu’il y avait de remarquable en lui, c'est que toute la masse encéphalique était en dehors et en dessus du crâne, et y formait une tumeur considérable, partagée d’avant en arrière, par un sillon médian, en deux moiliés, qui étaient elles- mêmes divisées en trois parties représentant l'hémisphère cérébral, la couche optique et le lobe optique. Il n’y avait rien dans la tumeur qui représentàt le cervelet, soit que cet organe füt resté en dedans des téguments, soit peut-être qu'il n’existât pas encore à cette époque de l’incubation. Cette masse encéphalique était beaucoup plus volumineuse que la tête, qu’elle débordait des deux côtés. Le reste de la tête était assez régulier. Seulement les yeux étaient beaucoup plus petits qu'ils ne le sont ordinairement chez l'embryon, où leur développement est si précoce. L'æil gauche présentait une fente palpébrale : l'existence de l’œil droit ne se manifestait que par une tache noire visible au travers des téguments. Cette inéga- lité de volume des yeux était, du reste, le seul fait d’asymétrie que présentait la tête, et même l'embryon tout entier : fait impor- tant à noter, car dans tous les cas d’hyperencéphalie qui ont été décrits, on a signalé une très grande inégalité des deux moitiés de la tête, et par conséquent une absence complète de symétrie. Le reste du corps était parfaitement régulier ; les cavités thora- cique et abdominale étaient fermées. Une circonstance très intéressante était l’existence d’une bride membraneuse étendue entre le côté droit de la tumeur encépha- lique et l’allantoïde. Ce cas de monstruosité artificielle m’a paru être assez impor- 342 C. DARESTE, — MONSTRES HYPERENCÉPHALIENS tant pour pouvoir être communiqué à l’Académie (1). Or, immé- diatement après sa publication, j'ai été assez heureux pour rencon- trer deux nouveaux cas d’hyperencéphalie, qui ressemblent au premier par l’ensemble des traits essentiels, mais qui cependant en diffèrent d’une manière notable. L'étude de ces deux monstres aurait été fort intéressante ; malheureusement , je n’ai pu la faire aussi complétement que je l'aurais voulu. Lorsque j'ai ouvert la coquille, les deux embryons étaient morts depuis quelques jours, et déjà trop altérés, pour pouvoir être soumis à une étude complète. Toutefois, j'ai pu con- stater des faits curieux, et qui complètent, à plusieurs égards, ma première observation. Dans l’un de ces embryons, l’allantoïde avait atteint le volume d’un haricot : elle était, d’ailleurs, parfaitement libre d’adhérences avec l’embryon lui-même. La tête était recouverte par une tumeur formée par l’encéphale tout entier, sauf probablement le cervelet ; mais cette tumeur était plus élevée, et par conséquent plus volu- rnineuse au côté droit qu’au côté gauche. Elle était soudée avec l’amnios en plusieurs endroits : aussi je n’ai pu l’étudier qu’en déchirant cette enveloppe. et je n’ai pu bien voir comment la tumeur adhérait à l'amnios, bien que cette adhérence n’ait point été douteuse pour moi. L'œil gauche manquait entièrement ; l'œil droit était atrophié, et ne se manifestait que par l’existence d’une tache noire visible sous les téguments. Le bec présentait une conformation très remarquable. Les inter- maxillaires étaient à peine développés, et ne dépassaient point en avant les maxillaires supérieurs et les maxillaires inférieurs. Il en résultait que la bouche était largement ouverte. Les parois thoraciques étaient incomplètes. Le cœur était en dehors de la poitrine ; sa pointe faisait saillie en avant et était sou- dée avec le vitellus. Dans l’autre embryon, la tumeur encéphalique était réduite au (1) Voyez le compte rendu de la séance du 6 août 1860, t. LXI, p. 219 : Note sur un Poulet hyperencéphale, OBSERVÉS CHEZ LE POULET. 313 lobe optique du côté gauche. Ce lobe optique adhérait à l'allan- toïde à l’aide d’une bride membraneuse, comme dans le sujet de ma première observation. Les yeux étaient atrophiés. Les cavités thoracique et abdominale n'étaient point fermées, et les viscères étaient plus ou moins complétement en dehors de ces cavités. Le cœur était complétement renversé, la base en bas et la pointe en haut. Ici l'état de l'embryon ne m’a pas permis de savoir s'il y avait eu des brides membraneuses retenant les viscères en dehors des cavités du corps. Après avoir décrit ces trois cas d’hyperencéphalie totale ou partielle, je dois signaler quelques conséquences qui résultent de leur comparaison. Il est très intéressant de retrouver dans l’espèce de la Poule certaines formes de monstruosités que l’on avait pu considé- rer comme appartenant en propre à l’espèce humaine. Je ferai remarquer à ce sujet que si, jusqu'à présent, on n’a pas constaté, dans la classe des Oiseaux, un certain nombre d'anomalies observées chez l'Homme, cela tient peut-être, non pas à ce qu’elles ne se produisent point, mais à ce qu’elles se produiraient dans des erconstances qui les empêcheraient d’être étudiées. En effet, sur les trois embryons que je viens de décrire, deux étaient morts, lorsque j'ai ouvert la coquille au huitième ou neuvième jour de l'incubation. Le premier était bien vivant; mais il n’était qu’au neuvième jour, et peut-être n’aurait-il pas pu atteindre le moment de l’éclosion? Si done la plupart des embryons hyperencé- _phales, sinon tous, périssent de très bonne heure, ils doivent, par cette circonstance même, échapper à l’observation ; car on ne remarque guère que les monstres qui éelosent, et il doit être très rare que l’on aille rechercher, dans l’intérieur même de la coquille, les embryons qui ne sont point éclos. D'ailleurs, au vingt et unième jour, ils seraient certainement trop altérés, non-seule- ment pour que leur étude püt être utilement faite, mais même pour que l’on püt constater leur état de bonne ou de mauvaise con- formation. Il est donc très probable que dans toute la classe des Oiséaux, 3h C. DARESTE, — MONSTRES HYPERENCÉPHALIENS et dans l’espèce dela Poule en particulier, un certain nombre de monstruosités échappent complétement à l'observation, parce qu'elles exposent l'embryon à périr dans l’intérieur de la coquille, à une époque plus où moins rapprochée du commencement de l’incubation. Une autre remarque assez curieuse, est de voir comment ces cas d'hyperencéphalies dans la Poule reproduisent jusque dans les moindres détails les cas d’hyperencéphalie observés chez l'espèce humaine. C’est ainsi que le défaut de symétrie de la tête qui exis- tait dans notre seconde observation, et dans celle de M. Davaine, existait chez le petit nombre d'hyperencéphales humains, d’après lesquels M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire a décrit ce genre dans son Traité de tératologie. On la retrouve également dans un cas que M. Belhomme a décrit en 1846, et qui présentait une atrophie complète de l'œil droit (1). L'état d'imperfection de la face que présentait ce même monstre ressemble plus ou moins au bec- de-lièvre, et le bec-de-lièvre est également un des caractères les plus fréquents de l’hyperencéphalie. Bien que mes deux der- nières observations soient très incomplètes, il y avait dans ces deux cas une éventralion thoraco-abdominale , assez semblable à la célosomie qui se retrouve également dans presque tous les hyperencéphales humains. Enfin, pour montrer jusqu’à quel point ces ressemblances peuvent aller, il n’y a pas jusqu'à ce petit fait du renversement du cœur, que j'ai signalé dans le sujet de ma troisième observation, qui ne soit également la reproduction d’un fait observé dans l'espèce humaine. Geoffroy Saint-Hilaire l’a signalé dans le monstre qui fait le type de son genre Hyperencé- phale. Mais parmi cette répétition des diverses particularités des hyper- encéphales humains par les hyperencéphales de l'espèce galline, les plus curieux, sans contredit, consistent dans l'existence des adhérences et des brides membraneuses entre certaines parties de l'embryon et ses enveloppes, l’amnios, l’allantoïde et le vitellus. (1) Belhomme, Note sur un monstre hyperencéphale (Comptes rendus de l'Aca- démie des sciences, 1846, t. XXII, p. 66). OBSERVÉS CHEZ LE POULET. 915 Dans l’hyperencéphale dont Geoffroy Saint-Hilaire a donné la description anatomique, il existait de même une bride membra- neuse étendue du placenta à la tumeur encéphalique, et probable- ment d’autres brides analogues qui venaient s’insérer sur la tumeur thoracique. Or, ces brides placentaires paraissent être une des conditions les plus générales de l’hyperencéphalie existant dans le cas de M. Belhomme. Tout récemment encore, M. Houël, conservateur du Musée Dupuytren, a insisté sur ce fait dans un mémoire (1) où il a donné la description d’un nouvel hyperencé- phale humain. Ces adhérences du fœtus aux enveloppes ont, pour la science, une assez grande importance. En effet, tous les anato- mistes savent que Geoffroy Saint-Hilaire, prenant son point de départ dans l'anatomie de son hyperencéphale, a vu, dans l'existence de ces brides, la cause, ou comme il le disait, l’ordonnée de la monstruosité, el qu'il a essayé de généraliser cette explication, en l’appliquant à un très grand nombre de faits tératologiques. Il est done fort intéressant de voir que dans mes expériences sur la production artificielle des monstruosités, j'ai produit des brides, non point placentaires assurément, puisqu'il n'existe point de pla- centa chez les embryons d'Oiseaux, mais vitellines, allantoï- diennes et amniotiques. Maintenant quel est l’action de ces brides dans la production des anomalies ? Certainement, je suis très porté à croire que ces brides jouent un grand rôle. Que l’on relise l’observation déjà citée de Geoffroy Saint-Hilaire, on se convaincra que l'existence d’une bride membraneuse a été l’élément le plus important de la mons- truosité, et la cause de la mort après l’éclosion. Mais n’y aurait-il pas de l’exagération à voir dans ces brides la cause unique de l’anomalie? Pour ma part, autant du moins que j’ai pu étudier la question, autant que j'ai pu m'instruire par l'observation des monstruosités que j'ai produites, et par l’étude des récits des monstruosités qui sont citées dans les recueils tératologiques, je suis très porté à croire que la monstruosité a une autre cause plus éloi- (1) Mémoire sur les adhérences du placenta ou des enveloppes à certaines par- ties du corps du fœtus (Mémoires de la Sociélé de biologie, 1857, p. 55), 316 C. DARESTE, — MONSTRES HYPERENCÉPHALIENS gnée, et qu'elle dépend, dans un grand nombre de cas, d’une position différente de l’embryon par rapport au vitellus. Je ne puis aujourd’hui qu'indiquer cette pensée. Et, en m'’exprimant ainsi, je ne prétends en aucune façon nier l'importance des observations de Geoffroy Saint-Hilaire sur les brides placen- tirés ou autres, et le rôle qu’elles jouent dans la formation des monstruosités. Mais je crois que ces brides ne sont elles- mêmes qu'un résultat, et que, si elles concourent à la production des monstruosités, si elles deviennent, à un certain moment, de véritables causes, en ce sens qu’elles sont elles-mêmes le point de départ d'événements tératologiques, elles sont en même temps les effets d'événements tératologiques antérieurs. Je ne puis d’ailleurs aujourd'hui qu'indiquer cette manière de voir ; mais j’espère que mes expériences sur la production artificielle des monstruosités me fourniront prochainement les éléments nécessaires pour reprendre cette question avec des documents nouveaux, et pour la traiter avec les développements qu’elle mérite. Si j'ai insisté sur ces rapprochements, c'est parce qu'ils nous donnent un exemple bien remarquable du fait de la fréquente répéti- tion des mêmes types en tératologie, sur laquelle MM. Geoffroy Saint-Hilaire père et fils ont si souvent appelé l'attention des savants. C’est vraiment chose merveilleuse que de voir toutes les anomalies qui accompagnent l'hyperencéphalie dans l'espèce humaine, bien qu’elles n'aient avec elle, au moins dans l’état actuel de nos connaissances, que des rapports de coexistence, se retrou- ver exactement les mêmes dans une espèce comme la Poule, dont l'organisation est si différente de l’organisation humaine. Malheureusement, il ne nous est pas plus possible aujourd'hui qu’à l’époque où MM. Geoffroy Saint-Hilaire publiaient leurs tra- vaux, d'expliquer ces coexistences, et de trouver leur cause inconnue, cause qui doit exister nécessairement, mais qui ne se laisse pas encore entrevoir. En terminant ce travail, je dois encore signaler aux tératolo- gistes une particularité assez intéressante, quoique d’une tout autre nature. On considérait généralement les monstruosités hyperen- céphaliques comme n'étant pas viables. Il est très probable que OBSERVÉS CHEZ LE POULET, 317 celte opinion n’est pas complétement vraie. Dans ma première observation, l'embryon hyperencéphale était très vivant et en parfait état de santé ; il ne paraissait différer en rien des embryons du même âge, et l’on peut penser que si l’incubation s'était pro- longée jusqu’à l’éclosion, l’hyperencéphalie n'aurait point été, pour l'animal, une cause nécessaire de mort. L'observation de Geoffroy Saint-Hilaire le démontre d’ailleurs d’une manière très évidente, puisque le Poulet qu'il a observé était bien vivant au moment de l’éclosion, et qu'il n’a péri que par l’effet d'une cause accidentelle qui l’empêchait de se nourrir. Nous retrouvons d’ailleurs quelque chose d’analogue dans l’hyperencéphale "de M. Belhomme. Ce monstre, chez lequel l’hyperencéphalie s’ac- compagnait de l’atrophie d’un œil et d’une imperfection très grande de la voûte palatine, a vécu pendant huit jours après la naissance, et n’a péri qu’accidentellement, par suite d’une inflammation aiguë de la tumeur encéphalique. Or, le monstre de M. Belhomme, celui de Geoffroy Saint-Hilaire et celui que j'ai observé moi-même, présentaient tous les trois cette particularité, que les anomalies de la tête ne s’accompagnaient point d'anomalies des viscères thoraciques et abdominaux. On peut donc supposer que l’hyper- encéphalie simple n’est point par elle-même un obstacle à la viabilité ; et que ce sont seulement les complications fréquentes de cette anomalie qui produiraient des obstacles absolument incom- patibles avec la vie extra-utérine pour l'Homme, ou la vie hors de l'œuf pour le Poulet. Si la suite de mes expériences conduisait à justifier mes prévisions, il serait possible d'obtenir des Poulets hyperencéphales vivants; et peut-être la physiologie expérimentale trouverait-elle quelques moyens d’étude dans ces monstres dont l'encéphale est hors de la tête, et pourrait, par conséquent, se prêter sans mutilations à des expériences de diverses natures. PUBLICATIONS NOUVELLES. Paléontologie lombarde.& Les pétrifications d’Esino, ou Description des fossiles appartenant au dépôt triasique supérieur des environs d'Esino, en Lombardie, par l'abbé A. Sroppant. — 1 vol. in-A. Milan, 1860. Les études géologiques ont pris depuis quelques années un grand essor dans le nord de l'Italie, et la discussion approfondiede plusieurs questions importantes touchant les âges relatifs de divers dépôts de la région subalpine a fait naître des recherches qui seront fort utiles, non-seulement pour la paléontologie stratigra- phique, mais aussi pour la zoologie. L'ouvrage dont nous annonçons ici l'achève- ment en est une preuve. Ce livre se compose d’une série de monographies con- sacrées aux Gastéropodes, aux Acéphales, aux Céphalopodes, aux Zaophytes, etc., de divers dépôts triasiques des environs du lac de Côme. L’auteur y fait con- naître un grand nombre d'espèces nouvelles dont il donne des descriptions très détaillées et d'excellentes figures. Son atlas se compose de 30 planches dont l'exécution est remarquable. Histoire du développement de l'œil humain, par le docteur d’ Amon (de Dresde), traduit par M. Van BieRvLIET (de Bruges). — 1 vol. in-8, avec 12 planches. Bruxelles, 1860. Dans ce livre, le docteur d'Ammon, l’un des premiers ophthalmologistes de l'Allemagne, traite d'abord du développement de ï'œil considéré d'une manière générale, puis du mode de formation de chacune des parties de cet organe consi- dérées isolément. On y trouve beaucoup d'observations intéressantes. Observations et expériences physiques sur plusieurs animaux marins etterrestres, par madame Power. —- 1 vol. in-8. Paris, 1860. L'auteur de cet ouvrage est connu depuis longtemps des naturalistes par ses expériences intéressantes sur le mode de développement et de séparation de la coquille de l’Argonaute. Dans ce volume, l'ensemble des observations de madame Power sur ce mollusque se trouve réuni, ainsi qu'une série de notes sur plusieurs autres animaux dont cette dame a étudié les mœurs avec beaucoup de soin et de persévérance pendant un long séjour à Messine, On y remarque ses observations sur l'instinct et l'intelligence des Martres, sur le mode d'alimentation des Bulles, etc. La pathologie cellulaire, par le professeur Vircaow, traduit de l’alle- mand par M. Picarp. — 1 vol. in-8. Paris, 1860. Ce livre contient, sur la structure intime et-le mode de développement des tissus, beaucoup d'observations qui intéressent à un haut degré la physiologie et l'histologie. NOTE SUR LE FOLLICULE PILEUX DU CUIR CHEVELU DE L'HOMME, Par Jac. MOLESCHOTT, Professeur à Zurich, Présenté à l’Académie des sciences, le 12 novembre 1860, J'ai l'honneur de présenter à l’Académie une série de prépara- tions concernant le follicule pileux, et je me permets d'y ajouter une énumération succincte des faits nouveaux ou des solutions de quelques points en liige auxquelles je suis parvenu, d’après des | recherches faites en commun avec M. Chapuis, jeune médecin très habile de Bonfol près Porrentruy. 1. Le fond du follicule pileux, dans le cuir chevelu de l’homme, qui seul est en question pour tout ce qui suit, n’est pas renflé en forme de ballon, comme on le représente ordinairement, mais il se termine en pointe arrondie au-dessous de la papille. 2. Des trois tuniques qui constituent la paroi du follicule pro- prement dit, la moyenne est la plus forte. 5. Les fibres qui se distinguent au milieu du tissu conjonctif de la tunique moyenne du follicule sont élastiques et non pas muscu- laires. Ces fibres élastiques mesurent de 0"%,04 à 0"".06. Les petites sont plus fréquentes que les grandes ; mais on en rencontre assez souvent qui mesurent de 0"*,095 à 0"",04. On en trouve ordinairement deux à trois et même quatre dans l'épaisseur de Ja tunique moyenne. 4. La tunique vitrée monte du fond du follicule jusqu’à la hau- teur de la glande sébacée, sans dépasser jamais la limite supé- rieure de celle-ci. Nous ne lavons jamais vue atteindre le bout supérieur de la tunique vaginale interne; elle ne revêt pas la papille. 390 J. MOLESCHOTT. Son épaisseur, qui varie de 0"",003 à 0"",01, est en moyenne 0°" ,06. 5. La papille n’est ni claviforme, ni pétiolée, ni ovoïde, mais conique. Sa base est toujours légèrement rétrécie ; le sommet est assez souvent tronqué. Les mesures moyennes de ses dimensions son : Owx 213 pour la hauteur ; 0%, 061 pour le diamètre à la base ; Omm 102 pour le diamètre dans sa plus grande épaisseur, qui se trouve un peu au-dessous du milieu de la papille; 0®",016 pour le diamètre au sommet. 6. La papille n’est pas formée d’un tissu conjonctif, comme on Pa cru jusqu'ici ; mais elle est composée de cellules renfermant un noyau entouré d’une substance finement granulée. Ces cellules mesurent de 0®*,01 à 0°*,019; en moyenne, 0"*,018. 7. La tunique vaginale externe ne se prolonge pas jusqu’au fond du follicule, mais elle diminue rapidement d'épaisseur après avoir dépassé la limite supérieure du sixième inférieur; elle se termine par une simple rangée de cellules, et le bulbe pileux n’en est pas revêtu du tout : effectivement, dans l'étendue de plus d’un quart de millimètre, au bout inférieur de la racine du poil, il n’est que de la tunique vaginale interne, qui est immédiatement entourée par la tunique vitrée du follicule. 8. Tandis que la tunique vaginale externe n’atteint pas le fond du follicule, la tunique vaginale interne n’en atteint pas le sommet; elle se termine au tiers moyen du follicule, à une hauteur variable, toutefois sans jamais atteindre l'embouchure du canal excréteur de la glande sébacée. Sur ce point, nous sommes d’accord avec M. Kôlliker et en opposition avec M. Reissner (de Dorpat), qui, du reste, a étudié le follicule avec beaucoup de soin. En descendant, la tunique vaginale interne accompagne le bulbe du poil jusqu’à sa terminaison. 9. Les cellules de la tunique vaginale externe sont d'autant plus petites, dans le sens radial du follicule, qu’elles s’approchent plus de la tunique vaginale interne ; la rangée voisine de la tunique FOLLICULE PILEUX DU CUIR CHEVELU CHEZ L'HOMME, 391 vitrée consiste en cellules un peu allongées, dont le plus grand diamètre correspond à la direction d’un rayon du follicule. Les rangées internes, au contraire, consistent en cellules aplaties, qui assez souvent produisent l'aspect d’une troisième couche vaginale (moyenne), parce que, sur les coupes transversales, ces cellules aplaties forment une bande qui est moins foncée que la tunique vaginale interne et que les rangées de cellules moins aplaties de l'externe. Quant aux cellules allongées qui forment la rangée externe, elles ont été remarquées déjà par M. Külliker. 10. D'après ce que nous avons observé sur la terminaison supérieure de la tunique vaginale interne et sur la différence des diamètres propres aux cellules de la tunique vaginale externe, dans le sens radial du follicule, il est évident qu’on doit considérer la tunique vaginale interne comme appartenant au poil, tandis que la tunique vaginale externe forme pour ainsi dire un épithélinm du follicule. Autrefois on a regardé la tunique interne comme représentant la couche cornée de l’épiderme, Cette manière de voir perd sa valeur, depuis qu'il est démontré qu'il n’y à pas de continuité entre l’une et l’autre. Si l’on tient à retrouver les deux couches de l’épiderme, le corps muqueux et la couche cornée, dans l’intérieur du follicule, on devrait les chercher dans la tunique vaginale externe seule. Les rangées internes de cellules aplaties correspondraient à la couche cornée de l’épiderme ; mais l’ana- logie n’a rien de frappant, puisque l’on sait que les cellules dessé- chées qui forment les couches les plus superficielles de l’épiderme ne contiennent plus de noyaux, tandis qu'on en trouve toujours dans les cellules de la rangée qui avoisine le plus la tunique vagi- nale interne. Aussi la ligne de démarcation qui pourrait engager à diviser la tunique vaginale externe en deux couches, est-elle loin d’être toujours sensible. A1. Les muscles des follicules pileux, qui ont été envisagés jusqu'ici comme étant seulement des muscles de l'horripilation, embrassent si étroitement les vésicules de la glande sébacée, que, sans contester leur action dans l'érection du follicule, il est néces- saire d'admettre que le rôle qu’ils jouent le plus souvent, et cela lors même qu'ils ne se contractent qu’assez faiblement, doit con- 302 J. MOLESCHOTT. < sister dans l’exercice d'une pression sur la glande sébacée, pres- sion qui chasse la graisse sécrétée par celle-ci dans le follicule où elle enduit le poil. En examinant des coupes transversales du follicule prises dans le tiers supérieur, on trouve bien souvent, entre le poil et la tunique vaginale externe, une couche de graisse sous la forme de deux croissants réunis par leurs pointes, et occupant l'endroit qui, dans les deux tiers inférieurs du follicule, appartient à la tunique vaginale interne. 12. Les fibres musculaires lisses des muscles appartenant au follicule mesurent de Omw,11 à 0°°,26 ; leur longueur moyenne est de 0"*,17. Leurs noyaux ont, en moyenne, 0*",016 de lon- gueur. 43. C’est une exception assez rare que les follicules soient courbés dans leur bout inférieur, mais on en trouve cependant qui sont courbés au-dessus de la papille, tant qu’ils sont enfermés dans le derme. 4. Les follicules pileux ne sont pas dispersés irrégulièrement dans le cuir chevelu, mais groupés le plus souvent par deux ou par trois, et quelquefois en nombre plus grand. Le dernier cas, qui, chez nous, fait l'exception, paraît constituer la règle chez les Hottentots ; car Prichard (Researches into the Physical History of Mankind, vol. Il, p. 267) cite le passage suivant de Barrow : « The hair is of a very singular nature : it does not cover the whole » surface ofthe scalp, but grows in small tufts at certain distances » from each other, and when clipt short, has the appearance and » feel of a hard shoe-brush. » RECHERCHES SUR LA STRUCIURE DES POILS ET DES FOLLICULES PILEUX, Par M, P. CHAPUIS, Docteur en médecine et en chirurgie de la Facullé de Berne. CHAPITRE PREMIER. HISTORIQUE. Les recherches sur la structure des poils, qu’on voit commencer avec Malpighi, restèrent pendant de longues séries d’années sans faire de pro- grès sensibles. On ne parvint pas même à distinguer exactement la nature des deux substances principales de la tige, qui fut, comme il est facile de le concevoir, le premier objet d'investigation. Nous ne nous arrêterons pas à rapporter les différentes opinions des savants qui se sont occupés de ce point d'anatomie microscopique; ces opinions, variées à l'infini, sont plus propres à satisfaire la curiosité qu'à éveiller un véritable intérêt. Du reste, MM. Henle (1) et Reissner (2) se sont occupés avec le plus grand soin de l’historique de ces temps-là, et l’on trouvera dans leurs ouvrages tous les renseignements désirables. Nous nous hâtons donc d'aborder une époque plus rapprochée de nous, et de dire qu'avec M. Mayer l'étude de la tige des poils prend une nou- velle direction, tandis que M. Henle attire plus spécialement les yeux sur le follicule pileux et lui donne l'importance qu’il mérite. M. H. Mayer, en traitant les poils par l’acidesulfurique concentré, prouva que les stries transversales qu’on remarque à leur surface, et si différem- ment interprétées par les auteurs, ne sont ni des fissures de la substance corlicale, ni des fibres élastiques roulées autour du poil, mais les bords libres de lamelles qui se détachent en lambeaux plus ou moins grands sous l'influence de cet acide (3). (1) Henle, Allgemeine anatomie, p. 314-320. (2) E. Reissner, Beiträge zur Kenntniss der Haare des Menschen und der Süugethiere. Breslau, 1854. (3) G. H. Mayer, in Froriep's neue Notizen, n° 334, p. 51. 4° série. Zoo. T. XII. (Cahier n° 6.) 5 23 354 P, CHAPUIS. Les expériences de M. Mayer étaient frappantes, aussi sa découverte fut-elle accepiée par tous les auteurs, et c’est à peine si l’on en trouve un seul, M. Van Laer, qui, tout en admettant l’existence de l’épiderme, con- sidère les raies de la surface des poils comme les plis de cette mem- brane (1). Parmi les micrographes, les uns, répètent les expériences de M. Maver, les autres cherchent des réactifs plus puissants encore à détacher lépi- derme et à en rendre les éléments sensibles. M. Donders essaye l’effet des solutions de potasse et de soude sur l’épiderme, et trouve que, par un contact assez prolongé, les lamelles de cette tunique s’isolent et finissent par se dissoudre sans jamais se changer en cellules (2). On étudie encore aujourd’hui l’épiderme au moyen de l'acide sulfurique, mais on donne généralement la préférence à la potasse ou à la soude. M. Külliker emploie ce dernier réactif. Il décrit avec beaucoup de soin les lamelles épidermiques, dont il donne les dimensions. Il fait observer aussi que la couche épidermique diminue d'épaisseur de bas en haut, et dirige son attention sur la distance que les bords des lamelles laissent entre eux (3). M. Reissner préfère la potasse à l’acide sulfurique, parce qu’elle a sur celui-ci l’avantage de détacher l’épiderme sans attaquer la substance cor- ticale. Il fait remarquer que les poils peuvent, contrairement à l’opinion de M. Donders, rester plusieurs jours dans la potasse sans que l’épi- derme se dissolve. — Différence d’opinion qui ne vient, comme M. Moles- chott l’a fait observer, que de l'inégalité de concentration des solutions potassiques employées. — L’acide sulfurique concentré, qui avait servi à découvrir l’épiderme, fut employé avec non moins de succès dans l'étude du reste de la tige. Ge réactif, toujours dans les mains de M. H. Mayer, lui fit reconnaître les lamelles de l'écorce, qu'il prit pour des fibres. Plus tard, M. Valentin (4), en traitant des poils par ce même acide, reconnaît que la substance corticale est formée de lamelles rhomboïdales souvent pourvues de noyau. (1) Van Laer, De struct. capill. hum.lobservat. microsc. illustr., dissert. inaug. (2) Mikrosk. und mikroch. Untersuch. thier. Geweb. ( Holländische Beiträge, von J. Van Deen, F. C. Donders und J. Moleschott, 1° Bd., p. 253-254). (3) Handb. der Geweb. des Mensch., 3° Auflage, p. 137. (4) Valentin, Gewebe des menschl. und thier. Kôrpers (Handw. der Phys. von D' Wagner, p. 661). RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES POILS, 399 On admet généralement aujourd’hui que l’écorce est composée de lamelles fusiformes à noyau et ordinairement pointues à leurs extrémités. Ces lamelles ne sont autre chose que des cellules desséchées et cornées (Harting, Gerlach, Külliker, Leydig, Reissner). M. Bruch seul regarde l’écorce comme composée de fibres qui sont les derniers éléments de cette substance. Ces fibres seraient, selon lui, pro- duites par la fusion intime de cellules allongées. Les lamelles de l’écorce sont appelées fibres-cellules par M. Kôlliker ; leurs faces, dit-il, sont inégales et leurs bords irréguliers. Elles présentent souvent une raie noire dans leur milieu et semblent être plus intimement unies entre elles par leurs extrémités que par leurs faces; c’est ce qui permet de diviser si facilement les poils en long. M. Reissner prétend que les éléments de la substance corticale sont lisses à leur surface et ont des contours réguliers ; ceux qui offrent des aspérités ou dont les bords sont irréguliers sont des lamelles mutilées. L'opinion de cet auteur sur la jonction des lamelles entre elles diffère encore de celle de MM. Kôlliker et Gerlach. En effet, il pense que ces lamelles en forment par leur réunion de plus grandes roulées autour de - la moelle comme axe. M. Reissner n’a pas été plus heureux qne M. Kolli- ker, et n’a pas réussi à faire gonfler les lamelles de l’écorce au moyen des alcalis (1). | Les taches, les points foncés et les stries que présente l'écorce pro- viennent de granulations pigmentaires, de vésicules d’air renfermées dans les lamelles de cette substance, ou enfin des noyaux de celle-ci, comme le pensait déjà M. Henle. | Vers la partie inférieure de la racine, les éléments de l’écorce sont plus faciles à isoler, changent petit à petit de nature, deviennent plus ovales, et finissent, en arrivant au bulbe, par prendre une forme complétement arrondie (Kôlliker, Gerlach). Selon M. Reissner, les cellules du bulbe ne diffèrent pas notablement de celles de l'écorce, seulement elles sont plus distinctes et leurs contours apparaissent plus facilement sous l'influence de la potasse (2). La moelle mesure, selon MM. Henle (3) et Gerlach (4), le quartet même le (1) Reissner, op. cit., p. 52. (2) Idem, Jbid., p. 89. (3) Henle, op. cit., p. 296. (4) Gerlach, Handb. der allg. und speciel. Gewebel. des menschl. Kôrp., 1854, p. 541. 306 P. CHAPUIS. tiers de l'épaisseur du poil. Elle consiste, selon le premier, en granulations pigmentaires réunies en masses, et en globules brillants semblables aux molécules de graisse ; le tout est entouré d’une légère membrane. MM. Gerlach et Külliker étudient la moelle au moyen d’une solution potassique concentrée. Elle existe, dit le premier, toujours dans les gros poils, quoique souvent interrompue, mais ce n’est qu’exceptionnellement qu'on la rencontre dans les poils follets. Ses cellules sont carrées, à noyau, renferment des molécules de pigment ou de graisse qui communiquent entre elles sans qu’on sache comment (1). L'existence de l'air dans la moelle fut trouvée en 1840 par Griffith. Il observa qu’en chauffant des poils dans l'alcool ou dans l’eau, on les rend transparents, parce que l’air en est chassé et remplacé par le liquide. M. Kolliker admet jusqu’à cinq rangées longitudinales de cellules dans la moelle. Celles-ci sont rectangulaires ou carrées, plus rarement arron- dies ou fusiformes, et renferment des vésicules d'air qui communiquent entre elles par de pelites ouvertures (2). M. Reissner, pour étudier la moelle, traite les poils par la potasse à chaud, l'acide sulfurique ou chlorhydrique. Les cellules de la moelle sont granulées, ne forment qu’une seule rangée longitudinale dans les poils fins, et jamais plus de deux dans les gros poils (3). L’air n’est pas contenu dans les cellules, comme on le croit générale- ment, mais entre celles-ci; ce qui s'explique, du reste, très bien par son déplacement rapide et sa disparition quand on chauffe un poil dans un liquide. Les cellules de la moelle ont pour caractère de ne jamais se durcir, de conserver leur nature cellulaire beaucoup mieux que celles de l'écorce, et enfin de se présenter avec leur long diamètre sonvent dirigé perpendicu- lairement à l’axe du poil. Elles ne contiennent jamais de pigment diffus, mais on en rencontre souvent du grenu dans leur intérieur. La moelle enfin n’est pas exclusivement composée de cellules, mais renferme encore un prolongement de la papille si fin, que les cellules qui l'entourent le dérobent facilement à la vue (4). (1) Gerlach, op. cit., p. 541. (2) Kôlliker, op. cit., p.136. (3) Reissner, op. cit., p. 75 (4) Idem, Ibid.,p 76-77 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES POILS. 397 M. Henle décrit la forme, la direction et la composition du follicule d’une manière beaucoup plus exacte que ses devanciers. I le divise en follicule proprement dit et en qaîne de la racine. Le premier se distingue peu du derme, dont il se laisse difficilement séparer, et forme autour de la gaine une couche de fibres à direction longitudinale possédant çà et là des noyaux de cellules. Son extrémité inférieure, terminée en cul-de-sac, est plus épaisse et plus dilatée que le reste du follicuie (1). : De chaque côté de la racine se trouve un corps qui part du bulbe et s'élève vers le sommet du follicule : c’est la gaîne de la racine. Cette gaine est formée de deux couches, dont l’interne, plus claire et plus mince, présente partout la même épaisseur ; l’externe, de couleur jau- nâtre, s’amincit à ses extrémités et est composée d’une substance claire, formée de cellules semblables à celles du bulbe. En haut, la gaine passe sans ligne de démarcation dans lépiderme cutané, tandis qu’en bas les deux couches se confondent et se perdent dans le bulbe. Lorsque l’on a été assez heureux pour arracher un poil avec la gaîne interne, et qu’on le place sous le microscope, on peut, au moyen d’une légère pression, séparer cette gaîne de la racine qu’elle entoure et en ohtenir ainsi une vue plus complète. Elle a l'apparence d’une membrane diaphane, molle, présentant des fentes plus ou moins ovalaires, auxquelles elle doit son aspect troué. Souvent à sa face interne sont accolées les lamelles qui recouvrent l'écorce (épiderme), tandis que d'habitude ces lamelles restent adhérentes au poil. Dans le premier cas, la face interne de la gaîne ressemble exactement à la surface du poil (2). Depuis M. Henle, les deux couches dont il parle ont été considérées comme des membranes distinctes, et désignées sous les noms de gaînes externe elinterne, ou tunique vaginale externe et interne. On regarde l’externe comme l’épiderme du follicule et l’interne comme une membrane propre du poil. M. Reichert propose, en conséquence, d'appeler cette dernière simplement gaine de la racine. Le point de terminaison de la gaine interne est encore un sujet de controverse pour les auteurs : M. Kolliker (3) prétend qu’elle se termine (4) Henle, op. cit., p. 304. : (2) Idem, /bid., p. 300 303. (3) 3) Külliker, op. cil., p. 140. 358 P. CHAPUIS. dans le voisinage de la glande sébacée, tandis que MM. Reissner (1) et Reichert veulent qu’elle arrive jusqu’à la surface de l’épiderme cutané et croisse avec le poil. En 1843, M. Kohlrausch démontra la nature celluleuse de la gaîne interne et éleva les premiers doutes sur la nature des fentes qu’elle présente. Depuis, tous les auteurs regardent ces fentes comme artificielles, à l'exception toutefois de M. Gerlach, qui se refuse encore à les prendre pour l'effet du tiraillement ou des agents chimiques. Depuis la découverte des tuniques vaginales par M. Henle, c’est sur- tout M. Külliker qui a étudié le follicule avec le plus de succès. Il y distingue trois tuniques : l’externe est la plus épaisse et est composée de tissu conjonctif; la moyenne, qu’il nomme tunique fibreuse interne, est plus mince que la précédente et se termine à l’embouchure des glandes sébacées. Les fibres qui la composent rappellent celles des muscles lisses, mais ne peuvent être isolées complétement, de manière à permettre de constater qu’elles sont véritablement fusiformes et à noyau unique. La troisième est une membrane homogène qui prend naissance au fond du follicule, où elle adhère intimement à la papille, et s’étend aussi loin et peut-être plus loin encore que la gaine interne de la racine (2). M. Gerlach dit que les cellules de la gaine externe sont rondes ou allongées et à noyau, tandis que celies de l’interne sont plates, toujours allongées et sans noyau. D’après M. Kolliker, les cellules de la gaine externe sont les mêmes que celles du corps de Malpighi de l’épiderme, seulement les externes sont verticales ; opinion contre laquelle s'élèvent MM. Reissner et Rei- chert (3). La gaine interne est composée de deux couches : l’externe est la gaîne interne de Henle, composée seulement d’une couche de cellules polygonales allongées et dépourvues de noyau ; l’interne est la pellicule épidermique de la gaîne de la racine découverte par Huxley. Cette der- nière est composée d’une ou deux couches de cellules un peu moins allon- gées que celles de la couche externe, mais elles sont plus épaisses et renferment un noyau (4). Selon M. Reissner (5), les bords libres des lamelles épidermiques de la 1} Reissner, op. cit., p. 413. (2) Külliker, op. cit., p. 138-139. (3) Canstatt's Jahresb. üb. die Leist. in den physiol. Wiss, imJahre 1854, p. 33. (4) Külliker, op. cit., p. 140-142. 5) Reissner, op. cit,, p. 114, note 2. ( RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES POILS. 359 gaîne interne sont tournés en bas, tandis que ceux de l’épiderme du poil ont une direction contraire, de telle sorte que les lamelles de ces deux tuniques s’enchâssent les unes dans les autres, sans toutefois s'unir étroi- tement. Tous les auteurs sont d'accord que la tunique vaginale interne se ter- mine au-dessus du bulbe, tandis que l’externe entoure encore une partie de celui-ci. La papille est une partie du follicule qui répond aux papilles du derme. Elle a été appelée germe, pulpe du poil, etc. On lui donne généralement la forme bulbeuse (Reissner) (1), ovoïde (Klliker) (2). On sait très- peu de chose sur sa structure. M. Gerlach (3) dit qu’elle renferme un réseau capillaire, dont l'injection lui a réussi plusieurs fois. On suppose qu’elle contient des nerfs, mais personne jusqu'ici n’est parvenu à en con- stater la présence. CHAPITRE IE. RECHERCHES. — INTRODUCTION. Bien que les travaux les plus récents sur la structure des cheveux aient alteint un haut degré de perfection, il reste encore, comme on apu le voir dans la partie historique de notre thèse, différents points litigieux ou laissés indécis par les auteurs. En outre, il ne peut être inutile de sou- mettre à un nouvel examen certains points de détail regardés comme définitivement acquis à la science. Nous avons abordé ce sujet avec d’autant plus de sécurité, que M. Moles- chott, qui à bien voulu guider et partager nos travaux, a mis entre nos mains une méthode nouvelle d'investigation. En eflet, ce professeur distingué a eu l’heureuse idée d’appliquer à l’étude du follicule pileux du cuir chevelu la méthode des coupes transversales, qui donne depuis un assez grand nombre d'années de si beaux résultats dans les recherches sur la structure des différents tissus. WTA M. Moleschott possède deux mélanges, qui lui rendent chaque jour d’éminents services dans ses recherches microscopiques, et dont nous (1) Reissner, op. cit., p. 447. (2) Külliker, op. cit., p.139. (3) Gerlach. op. cit., p. 543. 360 P, CHAPUIS. avons eu l’occasion de contrôler la valeur dans l'étude de la structure des cheveux. Le premier de ces mélanges, appelé par l’auteur mélange d'acide acé- tique fort, se compose de : 4 volume d'acide acétique (p. sp. 1,070). 4 volume d'alcool... . . . (p. sp. 0,845). 2 volumes d'eau distillée. Ce liquide rend les follicules pileux distincts, et les prépare, après une macération de quelques semaines, aux études microscopiques. Le second, ou mélange d'acide acétique faible, contient : 1 volume d'acide acétique (p. sp. 4,070). 25 volumes d'alcool . . . . (p. sp. 0,815). 50 volumes d'eau distillée. Ce dernier mélange est principalement desliné à conserver intacts les tissus traités par le mélange d'acide acëtique fort. Des préparations de tout genre peuvent y séjourner plusieurs années sans présenter la moindre altération. Les follicules qui nous ont servi dans nos recherches avaient été prépa- rés et conservés au moyen de ces liquides. M. Moleschott conserve dans son mélange d'acide acétique fort des bandes de cuir chevelu, dont la longeur est environ 2 centimètres et la larseur 5 millimètres. Ces bandes sont divisées en plus petites portions et séchées. Après deux ou trois jourselles offrent une consistance assez forte pour en obtenir des coupes très fines, longitudinales ou transversales, selon qu’on dirige le tranchant du scalpel perpendiculairement à la sur- face de la peau ou parallèlement à celle-ci. Les coupes obtenues de cette manière sont ramollies pendant quelques semaines dansle mélange d'acide acétique fort, qui les pénètre énergi- quement. Elles montrent alors distinctement les diverses parties constituant le follicule pileux et plusieurs organes du derme, tels que les glandes sébacées et sudoripares, les muscles de l'horripilation, etc. Si l’on veut conserver des préparations précieuses, de manière à les avoir toujours sous la main et les consulter à volonté, on prend des plaques de verre de 35 millimètres carrés, sur lesquelles on construit de petites cases avec des lamelles de verre minces et étroites. Ces lamelles sont soudées à la lame de verre principale au moyen de gomme-laque. Les cases sont destinées à recevoir la préparation qu’on désire conser- ver ; elles sont ensuile remplies de mélange d'acide acétique fort et RECHERCHES SUR LA SIRUCTURE DES POILS, 661 recouvertes d’un verre assez grand pour ne laisser libre aucune partie de la case. Après s'être assuré que celle-ci ne contient pas d'air, on fixe le verre supérieur au moyen d'une substance composée de deux parties de colo- phane et une partie de cire jaune. Le tout est enfin recouvert d’un vernis d’asphalte, à l'exception de la partie occupée par l’objet. Nous ferons observer encore qu'on peut quelquefois remplacer le mélange d'acide acétique par la glycérine, qui donne toujours des images qui se distinguent par leur clarté. I. — Du roLLICULE. Le follicule du cuir chevelu est une espèce de poche qui s'étend de la surface de la peau jusque dans le tissu cellulaire sous-cutané. Sa forme est un peu elliptique. Son étendue et sa largeur varient selon le volume des cheveux. Sa longueur chancelle entre 3"®,8 et 2mm,7, et est en moyenne de gm®,3 [ comp. Gerlach (1) et Kolliker (2) ]. Sa largeur varie selon qu’on le considère à sa partie supérieure, vers son milieu, ou dans sa partie inférieure. Son plus grand diamètre se trouve vers l'insertion du muscle de l’horripilation, où il est en moyenne de 0"®,3. Il se rétrécit sensiblement en montant et ne mesure plus à l'embouchure de la glande sébacée que 07,153. Son volume diminue de mème en descendant, d’une manière moins marquée, il est vrai, mais plus irrégulière. Il se rétrécit légèrement au- dessus de la partie destinée à recevoir le bulbe, puis offre un renflement où est logé celui-ci, et à partir de ce point son volume va toujours en diminuant, de sorte que son extrémité inférieure se termine presque en pointe. Cette partie du follicule est riche en noyaux et en fibres élastiques (voy. pl. X, fig. 3). La transition est si rapide, que le follicule, qui mesure en moyenne 0®®,228 à la hauteur de la papille, a un diamètre de 0" 12 à Om 16 au-dessus de celle-ci. Le follicule est oblique de haut en bas et dirigé dans le sens du muscle de l’horripilation (voy. pl. X, fig. 1, f). D’après ce qui précède, il est facile de voir que la base du follicule n’est pas renflée en forme de ballon, comme on la décrit ordinairement, et que le renflement qu’on y remarque n’est ni si considérable, ni si régu- (1) Gerlach, op. cit., p. 543. (2) Külliker, op. cit., p 438. 362 | P. CHAPUIS. lier qu’on pourrait le croire, à en juger d’après les dessins d’un grand nombre d'auteurs. Quant à la préparation du follicule, elle est des plus faciles ; on arrive sans peine à l’isoler sur des coupes longitudinales ramollies dans le mélange d’acide acétique fort. — La tunique externe du follicule est formée de tissu conjonctif assez serré et de cellules allongées, fusiformes, qui lui donnent l’aspect foncé et granuleux qui la caractérise. Cette tunique a dans toute son étendue une largeur peu variable et mesure en moyenne Ow»,02 (sur 21 mesures prises sur des follicules où celte tunique était sensible). Nous ne l’avons vue quetrès rarement égaler la moyenne et une seule fois la dépasser. À la base du follicule, les fibres de tissu conjonctif se resserrent et s’entrelacent d’une manière plus intime ; les cellules y sont en plus grande quantité, et l'épaisseur du fond de cet organe est trois à quatre fois plus forte que celle de ses parois. C’est cette partie qui supporte la papille qu’on voit s’élever du fond du follicule comme un fruit qui s’élève du sol (voy. fig. 3, e). La tunique externe devient moins distincte vers la partie supérieure du follicule, et finit par se perdre dans la couche superficielle du derme, sans ligne de démarcation bien sensible. La tunique moyenne du follicule est notablement plus large que l’ex- terne, et nous ne pouvons sur ce point nous ranger à l'opinion de M. Kolliker, qui est d’avis contraire (1). Cette membrane paraît être sen- siblement égale dans les divers points deson étendue. Sa largeur moyenne est 0%®,031, sa largeur maximum 0"",043, et sa minimum 0"" 015. Elle s’étend d’habitude du fond du follicule jusqu’à la partie supérieure de celui-ci; il arrive cependant quelquefois qu’elle n’est pas très sensible dans son tiers supérieur. M. Kôlliker (2) pense qu’elle se termine à l'embouchure des glandes sébacées ; il est vrai que sur des coupes longitu- dinales il est difficile de la poursuivre jusqu’au sommet du follicule, mais la chose n'offre plus les mêmes difficultés sur des coupes transversales. Les éléments qui la composent sont, dans ce point, moins distincts et plus petits que dans le reste de son étendue, mais dans le plus grand nombre des cas cette tunique est parfaitement sensible et plus volumineuse que l’externe. . Les fibres transversales qu’elle contient soni de grandeur variable; (1) Külliker, op. cit., p. 138, (2) Idem, Zbid., p.138. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES POILS, 363 leurs bords sont foncés et leurs extrémités très efilées. Elles sont généra- lement très étroites et n’offrent aucun renflement dans leur milieu (voy. fig. 7). — En un mot, elles réunissent tous les caractères de jeunes fibres élastiques. Lorsqu'on traite des coupes transversales par une solution potassique à 10 p. 400 (10 gram. de potasse caustique dissous dans 90 gram. d’eau distillée), on voit ces fibres, dans l’espace de dix minutes à un quart d'heure, s’isoler si parfaitement, qu’on peut les observer dans toute leur étendue. Elles mesurent en largeur de 0w",0016 à 0"",0022; en lon- gueur 0"",01 à 0"*,06. Les petites sont plus fréquentes que les grandes, mais on en rencontre assez souvent qui mesurent de 0"",025 à 0"",04. Ces fibres traitées par la solution potassique à 35 p. 100 ne changent point de caractère, même après avoir séjourné vingt-quatre heures dans ce liquide. Le follicule se dissout en entier, pendant le même espace de temps, dans une solution potassique à 40 p. 100. Nous avons eu l’occasion de comparer, sur les mêmes préparations, les fibres du muscle de l’horripilation et les fibres de la tunique moyenne du follicule, en traitant des coupes transversales prises à la hauteur du muscle, par la solution potassique à 35 p. 100, mais nous n’avons jamais pu reconnaître aucune analogie entre ces deux espèces de fibres. Les fibres musculaires se gonflent instantanément sous l’influence de la potasse ; leurs extrémités ne sont pas eflilées, leur cours est moins tortueux que celui des éléments de la tunique en question ; enfin elles sont plus claires et présentent dans leur milieu un léger reñflement, dans lequel on aper- çoit souvent encore le noyau (voy. fig. 8). Outre les éléments dont nous venons de parler, la tunique moyenne est encore composée de tissu conjonctif. On observe souvent sur des coupes transversales une espèce de mem- brane qui limite intérieurement la tunique moyenne du follicule. Cette membrane est plissée dans le sens radial du cheveu, et prend l'aspect d’un jabot dont serait entourée la tunique vitrée. Elle a environ le double de Vépaisseur de la tunique vitrée elle-même et occupe tantôt toute la circon- férence du follicule, tantôt elle n’en occupe que la moitié, lé quart ou moins encore. Nous ne la considérons pas comme une membrane par- ticulière du follicule, mais seulement comme une partie de la tunique moyenne où le tissu est plus serré qu'ailleurs. Elle prend. sous l'influence de la solution potassique à 10 p. 100, un aspect granuleux qui rappelle celui de la tunique externe du follicule. La membrane vitrée prend, sur les coupes longitudinales, l’aspect d’une 564 P, CHAPUIS. raie blanche qui sépare la tunique moyenne du follicule de la tunique vaginale externe. Cette membrane a, sur les coupes transversales traitées par le mélange acétique, une forme ondulée, et ne paraît que rarement être de même épaisseur dans toute son étendue. Elle existe souvent dans une partie de la circonférence du follicule, tandis que dans l’autre elle semble manquer complétement, ou du moins être interrompue de distance en distance. Elle est, d’après nos mesures, beaucoup plus forte que ne la donne M. Kôlliker (1), ce qui peut venir de ce que celui-ci l’a mesurée sur des follicules entiers, et que nous avons eu l’avantage d’em- ployer des coupes transversales. Son épaisseur minimum est 0"",003; sa maximum 0"",01 et sa moyenne 0"",06. Cette tunique part du fond du follicule et se perd dans le voisinage de la glande sébacée, qui occupe le tiers moyen du follicule (voy. fig. 4, h). Son point de terminaison n’est pas arrêté d’une manière exacte. Pour nous, nous n'avons pu la poursuivre, tant sur des coupes longitudinales que sur des coupes transversales, au delà de la limite supérieure de la glande sébacée. Elle reste complétement indifférente à l’action de la potasse ou des autres réactifs, n'offre jamais trace de cellules ou de noyaux, et c’est à juste titre qu’elle est regardée comme une membrane homogène appartenant aux membranes vitrées, comme la tunique de Demours. Je dois ajouter qu’on rencontre un assez grand nombre de follicules où celte membrane n’est pas visible, sans que pour cela il soit permis d'élever des doutes sur son existence. Il n’est pas difficile de comprendre que, sur des coupes transversales très fines, une membrane aussi délicate puisse se déta- cher ou être rendue invisible parle gonflement des tuniques environnantes. Papille. Du fond du follicule s’élève, comme il a été dit, la papille, qui est de forme conique. Elle est limitée par une ligne noire, très distincte lorsque Ja papille est complétement isolée. L'opinion de Dalzell, qui prétend que la papille est recouverte par la tunique vitrée, ne nous paraît pas admis- sible ; sur des coupes transversales nous avons toujours vu la première immédiatement limitée par le bulbe, et en examinant des papilles isolées, nous n'avons jamais rien observé d’analogue à la tunique vitrée. Une seule fois, nous avons vu une papille, traitée par une solution polassique à 39 p. 100, s’entourer d’un liséré blanc qui disparat à mesure que les effets de la potasse se firent sentir sur le reste de l’organe, ce qui prouve assez que nous n’avonspas eu affaire à la tunique en qu cstion. (1) Külliker, op. cit., p. 139. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES POILS, 365 La surface de la papille présente des points noirs, qui sont des noyaux de cellules et forment comme des aspérités semblables à celles qu’on remarque sur certains, fruits. Les auteurs ont donné différentes formes à la papille, mais sa forme typique, et dont elle s’écarte généralement fort peu, est celle que repré- sente la figure 3 de notre planche. Elle porte à sa base un rétrécissement trop faible pour être considérée comme un pédicule, puis se renfle en montant, pour présenter son plus fort diamètre un peu au-dessous du milieu de sa hauteur. Elle décroît ensuite d’une manière as-ez rapide, et son extrémité supérieure, qui prend quelquefois l'apparence d’un cône tronqué, se termine le plus souvent en pointe. M. Külliker donne le dessin d’une papille de la Brebis qui, abstraction faite du prolongement qu’elle porte, a beaucoup de ressemblance avec la nôtre (1). Quant à ce prolongement dont M. Reissner assure l'existence dans les poils de l’homme, il ne nous a jamais été donné d’en voir de trace, malgré le grand nombre de papilles entières et complétement iso- lées que nous ayons eues à notre disposition, dans nos recherches sur ce point. M. Kôlliker (2) donne comme longueur de la papille 0"",056 ; nombre qui, comparé avec nos mesures, n’est pas même le tiers de notre mini- mum. Il n’est pas élonnant que l’auteur ait ici commis une erreur, attendu qu'il n’a jamais eu affaire à des papilles isolées. Le tableau suivant, tout en donnant une idée des différents diamètres de la papille, appuiera la justesse de notre asserlion. Dimensions de la papille. HAUTEUR. DIAMÈTRE A L'ORIGINE. |DIAMÈTRE AU MILIEU.|DIAMÈTRE AU SUMMET. 0,290 0,090 * 0,145 0,020 0,200 0,055 0,085 0,010 0,195 0,060 0,090 0,010 0,190 0,050 0,120 0,017 0,220 0,060 0,125 0,007 0,180 0,060 0,090 0,045 0,240 0,050 0,060 0 050 0,170 0,060 0,085 0,003 0,060 0,125 0,815 (1) Reissner, op. cit., Taf. IL, fig. 9, c (2) Kôlhker, Mikrosk. Anal., p. 127. 366 P. CHAPUIS. On voit, d’après ce tableau, que la hauteur de la papille chancelle entre 0"®,17 et0"%,29 ; sa hauteur moyenne est 0"",123, par conséquent plus du seizième de la longueur totale du follicule. Son diamètre moyen dans sa plus grande épaisseur est 0"",103, nombre qui correspond assez bien à celui de M. Külliker. Tandis que la papille à sa base mesure 0"",061 en moyenne, elle n’atteint plus à son sommet que 0"",016. Sur des coupes transversales, la papille est grise et paraît de structure entièrement homogène ; sa forme est ronde ou souvent elliptique; dernière forme qui provient de l’aplatissement de cet organe. Son diamètre varie, sur des coupes semblables, de 0"",030 à 0"",110. Nous nous sommes servi, dans nos recherches, de papilles qui s’étaient détachées d’elles-mêmes et sans l’intervention d’aucun moyen mécanique, des bandes de cuir chevelu que M. le professeur Moleschott conserve, depuis plus de trois ans, dans son mélange d’acide acétique fort. Pour se procurer des papilles libres, il transvase de temps en temps le liquide, et, en l’examinant soigneusement, il y pêche un grand nombre de follicules parfaitement isolés. Ces follicules ne sont pas entiers ; ils ne comprennent généralement plus que la moitié ou le tiers inférieur du follicule complet. Une partie de ces fragments de follicules montre le bulbe dans sa position naturelle, tandis qu’une autre partie le présente, non-seulement détaché de la papille, mais même soulevé à une certaine distance. La papille, dans ce cas, est ou parfaitement libre, ou recouvérte encore de quelques cellules arrondies, qui ne sont autre chose que des cellules détachées du bulbe. Il est évident que, dans ce dernier cas, la papille a été mise en liberté par un gonflement du bulbe, dont quelques cellules se sont détachées et forment de petits groupes encore adhérents à la première. Le bulbe, qu’on voit alors à quelque distance au-dessus de la papille, présente souvent des fentes dont nous avons vu quelquefois le nombre s’élever jusqu’à quatre. En général, on a l’occasion d’observer le détachement du bulbe, dont la papille est coiffée comme d’un bonnet, dans ses phases les plus variées. Pour cela, il ne faut pas mépriser les fragments qu’on voit nager dans le liquide. Ces fragments se distinguent par une tache brunâtre qui est le bulbe, et, au-dessous de celui-ci, se voit à l’œil nu un prolongement blanc, qui est le fond du follicule. En observant ces débris sous le micros- cope, on remarque quelquefois le fond du follicule avec le bulbe intact; d’autres fois celui-ci est en train de se détacher de la papille, et il n’est pas rare de le voir arrêté par la partie renflée de cette dernière, d’où naissent ces figures claviformes, comme M. Kôlliker les a dessinées. Il RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES POILS, 307 peut arriver aussi que l’extrémité inférieure du bulbe reste attachée à la partie renflée de la papille, qu’elle entoure comme une couronne, tandis que le reste de la racine est arraché et assez éloigné de la papille dont le sommet apparaît libre à l’œil de l'observateur, Quant à la structure de la papille, il n’y a rien d'arrêté. M. Ger- lach (1) lui donne une structure homogène; M. Källiker (2) dit que, comme les papilles du derme, elle est formée de tissu conjonctif vague- ment fibrillaire, avec des noyaux isolés et des granulations graisseuses ; mais elle ne contient jamais de cellules. Au moyen de l'acide acétique concentré et d’une solution potassique à 39 p. 100, nous avons reconnu cependant que la papille est composée de cellules, renfermant un noyau entouré d’une substance finement gra- nulée. Ces cellules mesurent de 0"”,01 à 0"",019; en moyenne 0"",013. Il nous à été impossible de découvrir dans cet organe des vaisseaux ou des nerfs, en traitant des papilles isolées, et nous n'avons pas été plus heureux en l’éludiant sur des coupes transversales. M. Moleschott a vu, une seule fois, des fibres nerveuses à bords foncés atteindre le fond du follicule, sans qu'il ait pu les poursuivre jusque dans l'intérieur de la papille. Hors les cellules décrites, il n’a vu qu’un petit nombre de noyaux ellip- tiques ressemblant à ceux des vaisseaux capillaires, Quant à ces derniers, ils ne se sont jamais présentés à son observation. Tuniques vaginales. Sous la tunique vitrée se trouve la gaëne ou tunique vaginale externe (voy. fig. 2, c), qui doit être considérée plutôt comme une tunique du follicule que comme une gaîne de la racine. C’est la continuation du corps muqueux de l’épiderme, qui se prolonge dans le follicule et le tapisse dans presque toute son étendue. Gette tunique est de couleur brurie, beaucoup plus foncée que l’interne, et offre dans sa partie moyenne un diamètre plus considérable qu’à ses extrémités, dont l’inférieure surtout est très amincie. Son épaisseur varié, dans le tiers supérieur du follicule, de 0"",015 à 0"",06 et est en moyenne de 0"*,03, tandis que dans le voisinage de l’insertion du muscle elle augmente sensiblement de volume (1) Gerlach, op. cit., p. 543. (2) Külliker, op. cit., p. 139. 368 P. CHAPUIS, et atteint en moyenne 0"",05. Enfin, nous l'avons vue mesurer suc- cessivement à son extrémité inférieure 0"",05, 0"",017, 0"*,027, Dr USr. Cette tunique se compose, comme on sait, de cellules arrondies et polyédriques. L'observation nous ayant fait remarquer que ‘les cellules internes de cette tunique s’aplatissent sensiblement, surtout vers son extrémité supérieure, où elles prennent l’aspect de fibres circulaires, nous les avons mesurées, dans le sens radial et circulaire du follicule, etavons constaté que le diamètre radial varie, selon que l’on a affaire aux cel- lules des couches internes ou à celles de la couche externe. Le diamètre des cellules internes est en moyenne de 0"",004, et celui des externes de 0®*,009. Le diamètre, dans le sens circulaire et pris indifféremment sur des cellules situées, tantôt un peu plus en dedans, tantôt un peu plus en dehors, varie de 0,005 à 0,01 et est en moyenne de 0"",007. On voit par là que les cellules les plus internes de cette tunique sont réellement aplaties; que celles de la couche externe, au contraire, sont allongées comme M. Külliker l’a fait observer (1). Voyant que les auteurs font ordinairement arriver la gaine externe jusqu’au fond du follicule, où ses cellules se confondent avec celles du bulbe, nous avons dû donner une attention toute spéciale à ce point. Nous avons mesuré, sur seize follicules isolés à leur tiers inférieur, la distance qui sépare le fond du follicule du point de terminaison de cette tunique, et nous avons trouvé que cette distance varie entre 0°”,160 et 0"",370 et est en moyenne 0""*,258. La hauteur moyenne de la papille n'étant que 0"",213, la tunique vaginale externe ne descend pas, en général, jusqu’à son sommet, et laisse par conséquent le bulbe pileux libre dans une assez grande étendue. La tunique vaginale externe, en descendant vers la base du follicule, diminue assez rapidement d'épaisseur; on la voit d’abord n’être plus composée que de trois rangées de cellules, puis de deux, et enfin d’une seule; de sorte qu’au premier abord il est assez difficile de se prononcer si cette tunique ne se continue pas, sous forme de ligne noire, jusqu’à la base du follicule. Cependant, avec un peu d’attention ou des préparations plus appropriées, on voit que cette raie noire, qui pourrait être prise pour la continuation de la gaîne externe, appartient en réalité à l’interne. On la voit en effet, là où les deux tuniques sont parfaitement distinctes l’une (1) Külliker, op. cit., p. 140. OT RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES POILS. 269 de l’autre, faire partie de la tunique interne, et offrir dans cet endroit les mêmes caractères qu’elle présente plus bas. Nous ne nous sommes pas contenté de cela, et nous avons trailé par la solution potassique à 10 pour 100 des préparations propres à lever nos doutes, et nous montrer si les cellules si caractéristiques de la gaîne externe n’accompagnaient pas, même en ne formant qu'une seule rangée, la tunique vaginale interne jusqu’à sa fin. Mais cette manière de procéder est venue confirmer nos premiers résultats. Il en a été de même de nos recherches sur les coupes transversales. Dans ces coupes offrant une sec- tion de la papille (fig. 6, a), on ne trouve qu’exceptionnellement une indication de la gaîne externe, et en dehors du cercle foncé que forme le bulbe, autour de la section de la papille, on ne remarque que la gaîne interne immédiatement suivie de la tunique vitrée. On voit que les cel- lules qui entourent le bulbe appartiennent à la gaine interne, en les traitant par une solution potassique à 35 pour 100, sous l'influence de laquelle ces cellules prennent bientôt le caractère qui les distingue. La gaine externe ne parait pas toujours tapisser d’une manière égale la face interne du follicule, car il n’est pas rare de la voir, sur des coupes transversales, former autour de la gaine interne deux renflements en forme de croissants. La gaineinterne, ou tunique vaginale interne, est beaucoup plus mince et plus régulière dans toute son étendue que l’externe. Elle est claire et bordée de chaque côté d’une ligne noire, qui la sépare, d’une part, du cheveu, et d'autre part de la tunique vaginale externe. Les cellules qui la composent ont été fort bien décrites par M. Kôlliker, et en conséquence nous nous contenterons d’en donner les dimensions. Ces cellules, disposées avec leur long diamètre parallèlement à l’axe du cheveu, mesurent en longueur de 0®",027 à 0°",047, eten moyenne 0"",037. Sur des coupes transversales, les cellules de la gaîne interne, unies les unes aux autres et dans leur position naturelle, mesurent, selon la direction radiale du follicule, de 0"",005 à 0®",01, et en moyenne 0,007. Dans le sens circulaire, nous avons obtenu pour le maximum, le mininum et la moyenne, exactement les mêmes nombres que dans le sens radial, Les cellules de la gaîne interne, mesurées dans le sens circulaire, pré- sentent le même diamètre que celles de la gaîne externe dans le même sens. Les cellules de la gaîne interne, en sens radial, surpassent générale- ment de 0"",003 les cellules les plus internes de la gaine externe, -tandis 4° série. Zooz. T. XIII. (Cahier n° 6) # 24 370 P, CHAPUIS. que celles de là rangée externe de cette gaine, mesurées dans le même sens, dépassent celles de la gaîne interne d'environ 0"",002. La gaîne interne est composée, presque dans toute son étendue, de trois rangs de cellules allongées, ce qui explique que l'épaisseur de cette tunique est plus constante que celle de l’externe. Son épaisseur, sur des coupes transversales, balance entre 0"",01 et 0"",037, et esten moyenne 0" ,022, épaisseur qui harmonise très bien avec une triple couche de cellules de 0"",007 dont elle est composée. Les cellules de cette tunique ne conservent pas, dans toute son étendue, les mêmes caractères : en descendant vers le fond du follicule, elles sont moins allongées, les noyaux sont plus épais, et c’est à peine si l'on peut encore les distinguer des cellules du bulbe, surtout quand on les voit isolées. Nous n'avons jamais observé de fentes entre les cellules de cette tunique, sur des préparations conservées dans le mélange d'acide acé- tique fort de M. Moleschott. Tandis que la tunique vaginale externe n’arrive pas jusqu’au fond du follicule, l’interne cesse bien avant d’arriver à son sommet, en sorle que l'étendue dans laquelle cette dernière manque dans le haut du follicule est beaucoup plus considérable que celle dans laquelle la première fait défaut à la partie inférieure de celui-ci. On ne peut assigner à la gaine interne des bornes bien étroites. Tandis qu'une fois elle arrive jusqu’à la hauteur moyenne de la glande sébacée, d’autres fois elle cesse vers le bout inférieur de celle-ci, ou bien s’étend jusqu’au niveau de son conduit excréteur. Nous ne l'avons jamais vue dépasser cette dernière limite, de sorte qu’en règle générale, on peut dire qu’elle se termine entre les deux derniers points. Nous devons ici nous ranger de l'opinion de M. Kôlliker (1); qui veut que cette tunique se termine dans le voisinage de la glande sébacée, contre M. Reissner (2), qui prétend qu’elle monte jusqu'à la superficie de la peau. — Sa terminaison est oblique, de bas en haut, ce qui provient pro- bablement de ce que toutes les cellules n’arrivent pas à la même hauteur (voyez fig. À, c‘). Les cellules de la tunique vaginale externe se prolongeant comme une couche d’épithélium dans le conduit de la glande sébacée, il est naturel que la graisse fournie par cet organe se trouve entre le cheveu et la gaîne externe. Aussi est-il fréquent de voir, sur les coupes transversales (A) Külliker, Mikrosk. Anat., p. 129. (2) Reissner, op. cit., p. 113-114. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES POILS. 371 superficielles, le poil entouré d’un cercle de graisse (voy. fig. 4, e). En dehors de celui-ci, se trouve la gaîne externe, et immédiatement après vient le follicule proprement dit. La gaîne interne arrive ordinairement à la base du bulbe, qu’elle con- tourne quelquefois jusqu’à la rencontre de la papille. Sur des coupes transversales conduites par l'extrémité inférieure du follicule, elle forme un cercle clair autour du bulbe, qui est foncé et laisse apercevoir dans son milieu la section grisâtre de la papille (voy. fig. 6, ce). Entre la gaîne externe et l’interne, on aperçoit assez rarement un cercle clair, de l’épaisseur environ de la tunique vitrée. Ce cercle, qu’on pour- rait prendre pour une nouvelle tunique, n’est que l'expression de l’aplatis- sement des cellules internes de la tunique vaginale externe, aplatissement qui rappelle celui des cellules superficielles de l’épiderme Muscle de l'horripilation. Nous ne pouvons quitter le follicule pileux sans parler du muscle de l’horripilation, avec lequel il a des rapports intimes. Ce muscle, décou- vert par M. Küolliker, prend naissance sous l’épiderme, dans la couche superficielle du chorion, et forme en ce point un ou plusieurs faisceaux de fibres musculaires. Ces faisceaux, qui sont quelquefois au nombre de trois ou quatre, se réunissent bientôt en un seul, qui a une direction oblique de haut en bas et de dehors en dedans, direction correspondant à celle du cheveu lui-même. En arrivant près de la glande sébacée, le muscle la contourne et la serre de très près pour venir enfin s’attacher au follicule (voy. fig. 4, g). M. Moleschott (1), qui s’est beaucoup occupé d’isoler les fibres mus- culaires lisses, a fait observer que l’acide acétique à un haut degré de concentration fait apparaître promptement le noyau de ces fibres, mais fait en même temps gonfler ces dernières à un tel point, qu’il n’est plus possible d’en distinguer les extrémités. Si au contraire on emploie l’acide acétique à un degré de concentration trop faible, les noyaux des fibres ne sont plus sensibles, et les fibres elles-mêmes ne s’isolent que très difficile- ment, parce que l’acide n’a pas la force de dissoudre le tissu conjonctif qui les unit les unes aux autres. C’est pourquoi ce savant a cherché à déter- miner le degré de concentration que doit avoir l’acide acétique pour con- duire sûrement au but qu’on se propose. (1) Moleschott, Unters. 3. Naturgesch des Mensch. und der Th., 6° Bd., p. 380. 372 P. CHAPUIS, Il à trouvé que cet acide à 1 pour 100 de concentration, dans lequel on fait macérer pendant cinq à dixminutes les parties qu'on veut examiner, est un excellent réactif pour rendre également sensibles les fibres musculaires et leur noyau. — Si l’on ne veut isoler que les fibres musculaires sans s'occuper des noyaux, on y arrive facilement en faisant macérer dans une solution potassique à 32,5 pour 100 les muscles qu'on désire soumettre à l’observation microscopique. Enfin, en faisant macérer dans le mélange d'acide acétique fort, pendant quelques semaines, les muscles qu’on veut étudier, et en les conservant alors dans le mélange d'acide acétique faible, on a sous la main des préparations dont on peut à volonté isoler des fibres. M. Moleschott arrive à cette conclusion, qui se vérifie chaque jour davantage, que dans les mains du micrographe le meilleur instrument est un réactif bien choisi. Cet auteur porte l’épaisseur du muscle de lhorripilation à 0"",04 à 0"®,1 ; sa longueur à 1°°,5 à 2 millimètres. Quelques fibres isolées au moyen d’une solution potassique à 35 pour 100 mesuraient 0"",14 à 0"®,26, en moyenne 0"",18 (1). D’après des mesures plus récentes, ces fibres varient de 0"",11 à 0"",26 et alteignent en moyenne 0"",167. Leurs noyaux ont en moyenne 0"*,06 de longueur. Lorsqu’on débarrasse le muscle de l’horripilation du tissu cellulaire qui l’environne, et qu'on le traite alors par la solution potassique à 35 pour 100, on trouve qu'il renferme un assez grand nombre de fibres élastiques entremélées avec ses fibres musculaires. C’est à la présence de ces fibres élastiques qu’on doit attribuer la diffi- culté que les fibres de ce muscle, comme celles des parois des vésicules pulmonaires de l’homme, présentent à être isolées. La glande sébacée et l'insertion du muscle de l’horripilation se trouvent dans le tiers moyen du follicule, et l’on pourrait donner ce dernier point comme limite approximative du tiers moyen avec le tiers inférieur. II, — Des PoiLs PROPREMENT DITS. Pour l'étude de la tige, l’ammoniaque surpasse tous les agents employés jusqu’aujourd’hui, par la netteté des images qu’on obtient et par son influence égale sur les différents éléments du poil. M. Moleschott conserve, depuis un an et demi, dans ce liquide, des (1) Moleschoit, op. cit ,p. #01. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES POILS, 373 poils de la barbe de couleur châtain. Ces poils sont devenus mous, blan- châtres, transparents, et se laissent diviser avec une facilité merveilleuse. Nous nous en sommes servi dans nos recherches sur le poil proprement dit. Lorsque les poils ont séjourné dans l’ammoniaque pendant quelques semaines, les lamelles de l’épiderme se soulèvent, et laissent apercevoir, de chaque côté de la tige, une bordure ondulée. Par une macération plus longtemps prolongée, ces lamelles se soulèvent encore davantage, leur bord supérieur se replie, et donne au poil l’aspect feutré qu’on obtient en traitant la tige au moyen d’une solution potassique à 2-5 pour 100 (1) (voy. fig. 9, e). Les lamelles épidermiques détachées des poils traités par lammo- niaque n’offrent aucune trace de gonflement qui puisse les faire considé- rer comme des cellules, pas plus que celles détachées des poils traités par une solution polassique à 1/2 pour 100 (voy. fig. 12). Veut-on étudier les éléments de l'écorce sur des poils conservés pen- dant un an et demi dans l’ammoniaque, il suffit de les diviser au moyen d’aiguilles, ou de leur faire subir une légère pression, pour obtenir un grand nombre de ces lamelles parfaitement isolées. Elles sont, comme on sait, fusiformes (fig. 10, b), pourvues le plus souvent d'un noyau court, cylindrique, et ont leur long diamètre dirigé parallèlement à l’axe du poil. Les deux extrémités de ces lamelles sont rarement semblables, et tandis que l’une se termine en pointe unique, l’autre, plus large, en présente deux ou trois, à la vérité plus petites, plus irrégulières et d’inégale longueur. Les éléments de l'écorce ont une longueur qui varie de 0"*,05 à 0*",09, et qui est en moyenne de 0®®,07. Leur largeur chancelle entre 0m",01, 0"*,028, et est en moyenne 0"",018. Leur épaisseur est beaucoup plus faible; elleégale en moyenne 0"" ,007, Ces éléments présentent deux faces larges et deux bords (fig. 10, a) ou faces étroites. Les premières sont parallèles aux rayons de la tige ; les seconds, au contraire, sont dirigés dans le sens de la périphérie du poil. Les lamelles corticales sont unies beaucoup plus étroitement par leurs faces que par leurs bords ; aussi, quand on fait subir une légère pression à un poil bien ramolli par lammoniaque, le voit-on se diviser en groupes nombreux de lamelles ayant un de leurs bords tourné vers l'observateur. Ces groupes prennent un aspect strié et fibreux, d’autant plus trompeur qu’à leurs extrémités on remarque quelques lamelles dont les pointes sont entièrement libres. (1) Molescholt, loc. cit., #° Bd., p. 115-116, 37 P, CHAPUIS, La racine des poils n’est pas toujours rectiligne, comme le pense M. Külli- ker (1), nous en avons observé un assez grand nombre coudés au-dessus du bulbe. — Les éléments de cette dernière partie du poil ne sont pas semblables à ceux de la tige. Ce sont des cellules arrondies dont le dia- mètre est en moyenne de 0"",006 ; par conséquent, pas même la moitié aussi fort que celui des cellules de la papille. Leurs noyaux sont un peu plus foncés que ceux de celle-ci. En continuant nos recherches sur les poils traités par l’ammoniaque, nous avons isolé les cellules de la moelle sans la moindre difficulté et en nombre prodigieux. Ces cellules (fig. 41) sont irrégulières : arrondies, coniques, polygonales, rectangulaires, etc., formes qui résultent de la pression qu’elles exercent l’une contre l’autre; car dans les poils qui n’ont qu’une rangée de cellules, celles-ci sont beaucoup plus régulières et ordi- nairement arrondies. Leurs contours sont quelquefois assez foncés pour prendre l’aspect des lignes qui sépareraient ces cellules les unes des autres. Leur direction est aussi irrégulière que leur forme ; on s’en persuade facilement en examinant des poils qui n’ont séjourné que quelques semaines dans l’ammoniaque. La substance corticale est assez transparente pour permettrede voir les cellules de la moelle avec leurs contours (fig. 9, a). Quant aux cellules allongées, les unes ont leur long diamètre dirigé per- pendiculairement à l’axe du poil, les autres parallèlement à celui-ci. Le grand diamètre est au petit comme 0"",050 : 0"“*,036 ou comme 10 : 7. Les cellules de la moelle renferment ordinairement un noyau distinct, rond ou ovale, dans lequel il n’est pas rare d’apercevoir un nucléole. Le reste de la cellule est occupé par une substance finement granulée, dans laquelle brillent de petits corps en nombre variable. Le volume de ces corps est loin d’égaler celui du noyau. — Le diamètre de ces cellules varie de 0"",02 à 0"%,07, et est en moyenne de 0®",04. — Les noyaux des cellules de la moelle et de la substance corticale des poils traités par l’am- moniaque étant ordinairement sensibles, il suit de là, d’après les expé- riences de M. Moleschott qu'ils résistent mieux à l’action de cet alcali que ceux des lamelles des ongles, dans lesquelles on ne trouve plus que des débris de noyaux, après qu’elles ont été gonflées par l’ammoniaque (2). (1) Külliker, op. cit., p. 130. (2) Moleschott, op. cit., 4° Bd., p. 442. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DES POILS. 319 EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 10. Toutes les figures, dessinées d'après nature, concernent les poils de l'homme. Celles du follicule ont rapport aux cheveux, et celles de la tige aux poils de la barbe. Les figures 9 et 410 ont été dessinées par M. O. OEsrencen; les figures 8, 10 b, et 12, par M. Morescuorr, et toutes les autres par moi, Fig. 4. Cheveu avec son follicule en position naturelle : a, tige ; b, racine ; c, tunique vaginale ou gaine interne dont on voit la terminaison en c!; d, tunique vaginale ou gaïneexterne ; e, passage de la tunique vaginale externe dans le corps muqueux ; f, follicule pileux; g, muscle de l’horripilation ; h, glande sébacée ; i, épiderme ; k k, derme; 1, tissu adipeux. Fig. 2. Follicule pileux isolé: a, racine du cheveu ; b, tunique" vaginale interne ; €, tunique vaginale externe; d, tunique vitrée du follicule; e, tunique moyenne du follicule ; f, tunique externe du follicule; g, bulbe; h, papille vue par transparence. Fig. 3. Follicule pileux isolé dans lequel le bulbe du cheveu s’est éloigné de la papille : a, bulbe du cheveu; b, tunique vaginale interne ; c, tunique moyenne du follicule ; d, tunique externe du follicule ; e, papille libre. Fig. 4. Coupe horizontale à {ravers la racine du cheveu et le follicule, dans le voisinage de l’épiderme : a, cheveu ; b, moelle; c, couche de graisse entre le cheveu et la tunique vaginale externe; d, tunique vaginale externe; e, tunique moyenne du follicule. Fig. 5. Coupe horizontale à travers la racine du cheveu et le follicule, dans le voisinage de l'insertion du muscle de l’horripilation : a, cheveu; b, tunique vaginale interne ; c, tunique vaginale externe; d, tunique vitrée du follicule ; e, tunique moyenne du follicule ; f, tunique externe du follicule. Fig. 6. Coupe horizontale à travers le bulbe du cheveu, la papille et le follicule: a, papille; b, bulbe; c, tunique vaginale interne ; d, tunique vitrée du folli- cule ; e, tunique moyenne du follicule ; f, tunique externe du follicule. Fig. 7. Fibres élastiques de la tunique moyenne du follicule pileux . Fig. 8. Fibres lisses du muscle de l'horripilation, Fig. 9. Tige d'un poil de la barbe: a, moelle; b, substance corticale ; €, épi- derme du poil. 376 GRATIOLET. Fig. 40. Lamelles de la substance corticale de la tige: a, vues par un de leurs bords ; b, vues par une de leurs faces. Fig. 41. Cellules de la moelle isolée. Fig. 12. Lamelles épidermiques de la tige. Les figures de 1 à 8 ont été dessinées d'après des préparations qui avaient séjourné plus de deux ans dans le mélange d'acide acétique fort de M. Moleschott Les poils de la barbe qui ont fourni les figures de 9 à 12 avaient été con- servés pendant plusieurs mois dans l'ammoniaque caustique. RECHERCHES SUR LE SYSTÈME VASCULAIRE SANGUIN DE L'HIPPOPOTAME, Par M. GRATIOLET. (Extrait.) Les recherches que j'ai l'honneur de soumettre à l’Académie ont eu pour objet le système vasculaire de l’Hippopotame, considéré surtout comme animal plongeur. Je vais essayer de les résumer en quelques mots. Les artères qui émanent de l'aorte ont la même distribution que dans le cochon, et nous n’y insisterons pas. Elles sont en général assez grêles, et, à l’exception de la tête, ne se résolvent nulle part en réseaux admi- rables. La crosse de l'aorte est très peu élevée, au contraire de ce qui a lieu dans le Phoque, et elle n’a point ces dilatations qui ont été signalées en général dans les Mammifères plongeurs. Les carotides primitives sont peu volumineuses. Nous insistons ici sur l’extrême gracilité de l'artère vertébrale, de la cervicale ascendante, de l'occipitale et de la carotide interne, en un mot, de toutes les artères postérieures de l’encéphale ; quant à la carotide externe, elle est, chose remarquable, un peu plus volumi- neuse que la carotide primitive elle-même, et présente dans son trajet et dans sa terminaison des particularités qu’il importe de signaler. Elle s'engage, à l'ordinaire, entre la pièce basilaire de l'hyoïde, située à son côté interne, et un pelit groupe de muscles qui passent en dehors d'elle. Ce rapport n’entraîne en général aucune compression de l'artère : yantôt, en effet, ces muscles, c’est-à-dire le stylo-hyoïdien et le digastrique, sont altachés au sommet d’un lalon osseux qui les éloigne du corps de la + SYSTÈME VASCULAIRE SANGUIN DE L'HIPPOPOTAME. 371 pièce basilaire, et laissent à l'artère un libre passage ; tantôt c’est la pièce basilaire elle-même qui fait un coude pour s'éloigner des petits muscles. Mais dans l’Hippopotame il n’en est point ainsi : la pièce basilaire n’a point de talon, elle ne fait point de coude, et les muscles dont j’ai parlé sont immédiatement appliqués sur elle, à sa racine ; or c’est précisément en ce point que la carotide externe s'engage, et les moindres contractions de ces muscles doivent exercer sur elle une compression plus ou moins forte ; les injections que l’on pratique rendent cette conséquence manifeste. Ainsi, par le fait seul d’un mouvement d’élévation de l’hyoïde, le cours du sang dans la carotide externe peut être interrompu. Cette conséquence doit avoir sur la circulation cérébrale une grande influence, par suite du mode de terminaison tout à fait exceptionnel de cette artère; en effet, elle se termine par deux branches équivalentes, l’une pour le réseau admirable de lor- bite, l’autre qui pénètre par la fente sphénoïdale dans le réseau admirable carotidien, et qui joue le rôle d’artère carotide interne antérieure. Ainsi les compressions exercées sur la carotide externe peuvent tarir, à un instant donné, la source la plus considérable du sang qui arrive à la tête. Cette disposition anatomique semble avoir pour but de prévenir les conges- tions céphaliques pendant ces longues suspensions de la respiration qui sont familières à l’'Hippopotame; hâtons-nous de dire qu’elle n’a sur la cir- culation veineuse aucune influence, les veines jugulaires passant en dehors des petits muscles dont nous avons parlé. Les particularités principales que présentent les veines peuvent être ainsi résumées : 1° Les veines sous-cutanées forment de grands plexus, abondants sur- tout vers la région inguinale ; celles des membres se déversent dans la veine iliaque externe el dans l’axillaire : c’est à ces plexus sous-cutanés qu’aboutissent presque en entier les veines collatérales des doigts. 2° Les veines satellites des troncs artériels principaux des membres et de leurs artères musculaires sont remplacées par des réseaux veineux uni- polaires, qui forment à ces artères une enveloppe épaisse et chevelue à partir de Ja base des doigts. Ces réseaux, très abondants, se gonflent énor- mément quand on les injecte. 3° La veine cave inférieure est grande ; elle se dilate sensiblement au niveau du foie, se loge presque en entier dans le bord postérieur de cet organe, et recoit en ce point, par l'intermédiaire d’un grand sinus, des veines hépatiques énormes. Au-dessus du diaphragme elle se rétrécit et se termine dans loreillette droite par un canal cylindrique d’un diamètre relativement fort petit. 3178 GRATIOLET. k° Vers le point où cette région cylindrique se sépare de la région dila- tée, existe, dans les parois mêmes de la veine, une couche annulaire de fibres musculaires striées, formant une sorte de sphincter tout à fait ana- logue à celui que Burow a fait connaître dans le Phoque. 5° Tandis que la veine cave inférieure s’ouvre dans l'oreillette par un orifice étroit, la veine cave supérieure, au contraire, se déverse par un sinus largement ouvert; ces ouvertures et celle de la veine coronaire n’ont point de valvules. , 6° Les artères pulmonaires sont grandes; leurs valvules sigmoïdes, et il en est de même de celles de l'aorte, manquent de tubercules d’Aran- tius. Les veines pulmonaires ont dans l'oreillette gauche trois orifices distincts; elles n’ont point de valvules, et leurs orifices en sont également dépourvus. 7° L’oreillette droite a moins de capacité que l'oreillette gauche; le trou de Botal est à peu près oblitéré chez l’animal naissant, et il en est de même chez l'adulte, suivant les observations de Gordon; ajoutons que le canal artériel s’oblitère aussi très promptement : dès le quatrième jour, il est à peine perméable au sang. 8° Les ventricules sont grands, presque équivalents, et leurs extrémi- tés étant séparées par un petit sillon, le cœur semble avoir deux pointes : c’est là peut-être un indice de cette division du cœur qui a été signalée dans les Rytina, les Dugons et les Lamantins. Les valvules auriculo-ventri- culaires sont remarquables dans l’Hippopotame par le petit nombre de leurs colonnes charnues. La plupart des filaments fibreux qui les sous- tendent, émanent, comme cela a lieu dans le Phoque, des parois mêmes du cœur. 9° Je passe sous silence les veines porte et ombilicale, qui ne présentent chez l’animal nouveau-né rien de remarquable dans leur volume ou leur distribution. Essayons maintenant d'expliquer par ces faits comment une longue suspension des mouvements respiratoires peut chez l’Hippopotame se con- cilier avec la vie. L’existence d’un anneau musculaire comprimant la veine cave infé- rieure à pour cette explication une importance capitale, ainsi que Burow Va fort bien indiqué. Il me semble utile d’en développer ici les principales conséquences. Supposons d’abord une complète oblitération : dans ce cas, le sang que ramène la veine cave inférieure n’arrivera point au cœur, il s’accumulera dans les trames vasculaires, dans les réservoirs veineux, quels qu’ils soient; le sang de la veine cave supérieure, au contraire, SYSTÈME VASCULAIRE SANGUIN DE L'HIPPOPOTAME. 379 reviendra librement dans l'oreillette droite, d’où il passera dansle poumon, et de là par l'aorte dans toute l’étendue du système artériel : une partie de ce sang s’engagera donc dans les origines de la veine cave inférieure et s’ajoutera à la masse du sang immobilisé. Ce sera une nouvelle quantité de sang enlevé à la circulation pulmonaire, et les mouvements du cœur con- tinuant, il se fera à chaque instant, et de la même manière, une soustrac- tion nouvelle à certains organes, et en particulier à ceux d’où viennent l’azygos et la jugulaire, c’est-à-dire aux centres nerveux et aux principaux organes des sens. Ainsi l’imminence de cette congestion des centres ner- veux, qui est l’une des principales causes de la mort par axphyxie, sera de plus en plus éloignée, résultat auquel vient en aide la faculté que possède l’'Hippopotame d’oblitérer en partie son système carotidien. Mais cette curieuse organisation a encore une autre conséquence. On sait que les Mammifères plongeurs ont la faculté d’obturer leurs narines et d’emporter sous les eaux une grande quantité d’air; or il est évident que cette quantité d'air suffira d'autant plus longtemps, que les courants sanguins qui agi- ront sur elle seront plus faibles et plus lents. La flamme se fait donc plus petite, sije puis ainsi dire, pour vivre plus longtemps dans une atmosphère limitée. Il est évident que des résultats analogues seraient obtenus dans le cas d’une oblitération incomplète de la veine cave inférieure, à la condi- tion que le sang rendu par elle fût en quantité inférieure à celui qu’elle recevrait des artères. Les libres communications de l’azygos etdes veines mammaires avec la veine cave supérieure indiquent clairement que les muscles du tronc et ceux les membres antérieurs sont, ainsi que les centres nerveux, soustraits aux causes de congestion ; l’existence des réseaux admirables veineux autour des artères des membres a également pour but de retarder l’imminence des congestions musculaires : l’animal soustrait donc à cette congestion son cerveau, ses yeux, ses muscles, ses poumons, et il conserve ainsi, avec la vie, l'intelligence et la liberté des mouvements volontaires. En résumé, les faits et les réflexions que je viens d’avoir l'honneur de soumettre à l'Académie sont une confirmation de cette idée, instinctive- ment acceptée dès l'enfance de la physiologie, que les Mammifères plon- geurs acquièrent celte faculté en détournant de leurs poumons la plus grande partie de leur sang; se faisant ainsi par instants, et par une suite d'artifices très simples, semblables, à certains égards, aux Reptiles, chez lesquels la circulation pulmonaire n’est qu’une dérivation partielle de la cireulalion générale. RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES SUR LES NERFS DE SENTIMENT ET DE MOUVEMENT CHEZ LES POISSONS, Par M. Armand MOREAU. Quand on examine avec soin sur un poisson cartilagineux, (el que la Raie, le Squale, etc., les nerfs rachidiens, on peut voir qu'ils présentent une ligne fine qui est comme leur axe, et qui divise longitudinalement ce ruban nerveux en deux moitiés presque égales. On peut engager une pointe fine dans cette ligne, et écarter avec précaulion les deux moitiés. Le névrilème fin qui les recouvre doit être incisé, afin de l'empêcher de se froncer; écartant done les deux moitiés accolées, on voit que chaque rameau, qui part du nerf que l’on examine, résulte de l’accolement de deux filets nerveux faisant suite aux moiliés que l’on écarte; on peut pour- suivre celte séparation jusque dans les divisions nerveuses les plus fines que l'œil puisse voir. Or, les deux moiliés de chaque nerf sont précisément les racines ganglionnaires et non ganglionuaires prolongées. En effet, si l’on poursuit cette séparation en remon- tant vers la moelle, et que l’on prenne la peine de sculpter avec patience la vertébre, de façon à dégager le nerf mixte qui la tra- verse, on reconnait que l’un des rubans nerveux fait suite à la racine antérieure, et l’autre à la racine postérieure ou ganglion- naire. Ainsi, les deux racines sorties de la moelle, aù lieu de se mêler d’une façon presque inextricable pour constituer le nerf mixte, se juxtaposent chez ces poissons sans se confondre. Celte disposition anatomique permet de faire sar l'animal vivant la distinction des propriétés physioiogiques des racines avec la NERFS DES POISSONS, 951 plus grande facilité. Ainsi, on peut opérer, comme je l’ai fait, de la manière suivante : Sur une Torpille vivante, j'incisai la paroi abdominale, et, écartant sur un des côtés les viscères, je mis à découvert les nerfs rachidiens. Une aponévrose mince et transparente tapisse la cavité. Je l'incisai le long du nerf que j'examinais ; puis, j'enga- geai la pointe d’une aiguille à cataracte dans le sillon du nerf, et, écartant les deux moiliés avec des crochets, j'eus ainsi les deux racines distinctes dans un espace de quelques centimètres. Je cou- pai alors les deux racines, et formai ainsi quatre bouts. Les deux bouts de la racine antérieure furent pincés : le bout central ne donna aucun mouvement, mais le bout périphérique fit contracter les muscles dans lesquels il se termine. La racine antérieure est donc une racine de mouvement. Le pincement des deux bouts de la racine postérieure n'ayant donné lieu à aucun mouvement, je pensai que ces résultats étaient dus à la petitesse même de cette racine, et, pour rendre les mouvements réflexes plus manifestes, je coupai la moelle épinière à son origine. Le pincement du bout central de la racine postérieure produisit alors des mouvements réflexes très violents. Le bout périphérique de cette racine ne donna, à l’occasion du pincement, aucun mouvement, non.plus que le pincement du bout central de la racine antérieure. La simplicité extrême de ce procédé permet donc de montrer sur les Poissons tous les caractères physiologiques des racines rachidiennes, sauf le phénomène de la sensibilité récurrente, phé- nomène que j'ai parfaitement constaté sur le Chien en suivant les indications très précises données par M. CI. Bernard (1), mais que j'ai vainement cherché sur les Poissons (2). (1) Claude Bernard, Cours de médecine au collége de France, 1858. (2) Stannius (*) et Wagner (*) ont fait, depuis plusieurs années, des expé- riences sur les racines nerveuses des Poissons. Je n’en avais pas connaissance lors de la publication de cette note devant la Société philomatique; je m'em- presse de citer ici les passages où ils en parlent. (*) Stannius, Das peripherische Nervensystem der Fische, p. 114. (*) Wagner, Handwôrterbuch der Physiologie, Bd. TT, Abth. 6, f. 363. 282 A. MOREAU, — NERFS DES POISSONS. J'ai voulu tenter aussi dans la classe des Oiseaux une recherche analogue. Après avoir échoué, en expérimentant sur plusieurs espèces de Gallinacés, les oiseaux ayant péri avant la fin de l'expé- rience, je réussis constamment sur l'Oie (Anas Anser).Je pratiquai l’ouverture du canal rachidien, au niveau des origines des nerfs brachiaux, et constatai sur les quatre bouts des racines rachidiennes antérieure et postérieure l’existence des caractères physiologiques que je viens de citer à propos des Poissons. En suivant ce procédé, qui est le même que celui que l’on emploie sur le Chien, on ren- contre une difficulté particulière, résultant de la présence d’une mousse où écume produite par le mélange du sang sortant des vaisseaux divisés, et de l’air qui s'échappe à chaque mouvement respiratoire des canaux aériens contenus dans les vertèbres et rompus avec elles. FIN DU TREIZIÈME VOLUME. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. ANIMAUX VERTÉBRÉS. Études chimiques et ME 25 sur les os, par M, er Miixe Enwarps . . Nouvelles expériences sur les ets de 1: jarants mêlée aux alimients des Mammifères et des Oiseaux carnivores, par M, le docteur N. Joz. Note sur le follicule pileux du cuir chevelu de l'homme, par M. Moces- CHOTT . à Recherches sur a structure des poils et des follicules pileux, par M. Cuapuis. Recherches sur le système vasculaire sanguin ‘de l'Hippopotame par M. GRATIOLET . Recherches anatomiques et ‘physiologiques s sur les nerfs de sentiment et de mouvement chez les Poissons , par M. A. Moreau. Recherches sur les ossements des car nassiers des cavernes de Sentheim (Haut-Rhin), par M. Joseph Desos. Note sur l’histoire de plusieurs monstres hyper snedlaionà observés chez le Poulet, par M. DARESTE. . . 3 Mémoire sur le squeleite des Poissons ‘plectognathes; par M. Honlans. Des espèces perdues et des races qui ont disparu des lieux qu'elles habi- taient primitivement, par M. Marcel de Serres. . = ANIMAUX INVERTÉBRÉS. Mémoire sur l'anatomie et l'embryologie des Vermets, par M. Lacazr- Duriers . . FRS lÉPNERRENRE Rapport sur le Taret, par M. Vaouik. Recherches anatomiques sur l’Ascalaphus meridionalis, par M. he Tous. De l'influence du système nerveux sur la respiration des Dytiques, par M. Favre . ; Ve AN OA PORT EME PUS Note sur le Trichina spiralis , par M. Vincnow, Sets ul Recherches sur le Trichina spiralis, par M. H. Leuxanr. QU 113 314 TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. Auwmon. — Sur le développement Darësre (C.). — Note sur l’his- de l'œil (annonce). . . . 348] toire de plusieurs monstres Cuapuis (P.). — Recherches sur hyperencéphaliens . la structure des poils et des Dezsos (J.).— Recherches sur r les follicules pileux. , , . . 353| ossements des carnassiers des 337 281 cavernes de Sentheim ( Haut- Kmn}-+.. 22471917 Durour ( Léon). — Recherches sur l’Ascalaphus meridionalis. Epwanns (Alphonse). -— Éludes chimiques et physiologiques sur les os . , Favre. — De l inflüence ‘du sys. tème nerveux sur la respiration des Dytiques. Goparr. — Recherches tératolo= giques sur l'appareil séminal (annonce). GRATELOUP. — Faune malacolo- gique girondine (annonce). Gnariozer. — Recherches sur le système #asculaire sanguin de l'Hippopotame . . - Harriné. — Fragments de Cé- phalopodes gigantesques . Hozzarp. — Mémoire sur le sque- lelte des Poissons pleclognathes. Joux. — Nouvelles expériences sur les effets de la garance mêlée aux aliments des Mam- mifères et des Oiseaux carni- vores. Kroux. — Sur le développement des Ptéropodes et des Hétéro- podes (annonce). TABLE DES MATIÈRES. Lacaze-Dorniens.— Mémoire sur l'anatomie et sg des Vermets. LEUKART. — Recherches sur le Trichina spiralis. Mozescuorr. — Note sur le folli- cule pileux du cuir chevelu de l'homme. RENE +: Moreau (A.). — Recherches ana- tomiques sur les nerfs de senti- ment et de mouvement chez les Poissons. Power (madame). — Observa- tions et expériences sur plu- sieurs animaux marins et ter- restres (annonce). Saussure (H. DE). —_ Myriapodes du Mexique (annonces). Serres (Marcel de). — Des espè- ces perdues et des races qui ont disparu des lieux qu'elles habitaient primitivement. Sroppani. —- Paléontologie lom- barde (annonce). Vincuow. — Note sur le Tr FAR spiralis . A 12 — Pathologie cellulaire (an- nonce). VROLIK. — Rapport st sur le Taret. 349 380 348 208 297 348 47 348 309 TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Planche 1, f FIN Anatomie de l'Ascalaphe. 2 et 3. Ostéologie des Plectognathes. 4. Organes de la digestion et de la circulation du Vermet. 5. Organes de la reproduction du Vermet, 6. Système nerveux du Vermet, 7, 8et9. Embryologie du Vermet. 10. Structure des follicules des poils. DE LA TABLE. \) “% à + | 1 : (| CE LE t Ann dos Léome a $° ohne \WrE2 ( VINS = EAN. " Him da l'Aroiphe?. 2222207002 | ; à dei Fete tu Arnodauche 2 Houl Time 13 F4 Ÿ È È Ÿ = Ÿ Q N È Ÿ de gestion et te Organes de awrlas Vérins mat àUirie #4 bad not dé ane venant 4e Aout, Time il M € Organes de Ur preduictint du lent. À mad dnge rie Ertrapude s8 Pare. è È & ÿ Ÿ È È È è È È à ir re + e À cn ee Ann. dur Sosens- nat. 4" Série Zoel Tama 13, LL 7 Emébryogente du Permet . AoKémand éme Fonte Ayo spude 5 Loris An déesse mit S'en Æual. Tome 14. PL £mbnyogente du Vermet A Romont impr Hoiëté- Apéro, Parier. an ae ven met gris. AE ant mt dt Aanatenche se Te du Vumet. — on 2 oh Pro sl Zoul. Time 13 1. R È È à ARR x — em | . ‘ Pa , “ * : M ‘ À ? { Î it } vu t j AL ‘ N Me reeiets Ppele tes lfpéviess ess Hi Nage efer Hit tee fi fi ni Han HN ete chvigieieret niphitste HE Suis} té ustier HOT HOT RTT qe re eee e tirrhie Fpuret eu Isiet (Es leieis etetit viaiats Feithee HET EN letttétettte Peters evsisies 1491 ioièiete téleist 437 te .… jeter et , 1e HHHES HA gielete feteie É RE: Hi 55552 stuie H fit à 0 Pet ciet et het nt tL , eique # these 61e He leit rose HET 1. 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