HÉHMARRDREMANEE RESUME Moose «| " ARR 1 ART Messe) " + EMEA HN ; e 4 L + nie H Reneren et dre HP OT + LT debit SAINTE nie! SRNpMN EE | ss HR LUE STATE nu “e fr a l : 04 el | LA ANNALES SCIENCES NATURELLES. No. À q | de IMPRIMERIE DE C. THUAU, Rue du Cloître Saint-Benoît, un. 4. par MM. AUDOUIN, ao. BRONGNIART er DUMAS, COMPRENANT LA PHYSIOLOGIE ANIMALE ET VÉGÉTALE , L ANATOMIE COMPARÉE DES DEUX RÉGNES ; LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE, LA MINÉRALOGIE , ET LA GÉOLOGIE. TOME DIX-HUITIÈME, ACCOMPAGNÉ DE PLANCHES. PARIS. CROCHARD, LIBRAIRE - ÉDITEUR , CLOITRE SAINT-BENOIT, No 16, ET AUE DE SORBONNEg N° 3. 1829. DE OR > a «D. a: Se % D JS 2223": . * LG UE de , ® C2 ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. LAVER AR VAR V LRU ARR LAVAL LRU LOL AS LAV LED VAR SAR LUS VULLUR LUR LE RecHeRCuEs sur quelques-unes des Révolutions de la surface du globe, présentant différens exem- ples de coïncidence entre le redressement des couches de certains systèmes de montagnes , et les changemens soudains qui ont produit les lignes de démarcation qu'on observe entre cer- lains étages consécutifs des terrains de sédi- men ; (Mémoire lu par extrait à l’Académie des Sciences , le 22 juin 1828.) Par M. L. Evre DE Beaumonr. Depuis les observations de De Saussure sur les pou- dingues de Valorsine, les géologues s'accordent généra- ment à penser que les couches de sédiment qu'on voit fréquemment dans les pays de montagnes inclinées sous de très-grands angles , ou placées verticalement , et dont certaines parties se trouvent mème dans une situation renversée, n’ont pu être formées dans cette position , mais qu’elles y ont au contraire été placées par l’effet de phénomènes qui ont eu lieu plus ou moins long-temps après l’époque de leur dépôt originaire. XVII. — Septembre 1829. L (6) Ces phénomènes sortent probablement de la classe de ceux dont nous pouvons étndier directement Ja marche. On a vainement essayé d'expliquer, par l’action des canses lentes et continues que nous voyons agir à la surface du globe , l’ensemble des faits géologiques qui s’observent dans les hautes montagnes : on n'est parvenu de cette manière à aucun résultat satisfaisant. Tout indique , en efiet, que le redressement des couches de toute une chaîne de montagnes est un événement d’un ordre diflé- rent de ceux dont nous sommes journellement les té- moiné. Le phénomène du redressement des couches a imprimé aux diverses aspérités de la surface du globe terrestre des caractères particuliers. Les montagnes se partagent en différens systèmes , qui se distinguent nettement les unes des autres par les directions qui y dominent. Tout le monde connaît les quatre systèmes entre lesquels M. Léo- pold de Buch a montré depuis long-temps que se divise le sol de l'Allemagne ; tout le monde connaît également la différence que ce savant géologue a signalée entre les inégalités de la surface du globe , qui se lient à la forma- tion des porphyres rouges, et celles qui se lient aux porphyres noirs ou pyroxéniques (mélaphyres). L'âge relatif des dislocations que les couches ont éprouvées peut devenir un sujet d'étude aussi positif que l’âge relatif des filons et des couches elles-mêmes. Il est évident que les redressemens de couches ont eu lieu, dans divers systèmes de montagnes , à des époques très-diffé- rentes les unes des autres , puisque dans les Alpes, par exemple , toutes les couches secondaires et tertiaires sont également redressées , tandis que, dans presque toute (2 l'étendue des Vosges (1) et de l’Angleterre , les couches superposées au terrain houiller ont à peu près conservé, par rapport à l’horizon , la position dans laquelle elles ont été formées. Le fait que, dans chaque système de montagnes, le redressement des couches s’arrète brusquement à tel ou tel terme de la série des couches de sédiment, et affecte avec une égale intensité toutes les couches précédentes , montre que le phénomène de redressement n’a pas été continu et progressif, mais brusque et de peu de durée. Une pareille convulsion à nécessairement dû interrom- pre la formation des dépôts de sédiment , etilest évident que quelque chose d’anomal doit se présenter , dans la série de ces dépôts , à la hauteur qui correspond au mo- ment auquel un redressement de couches a eu lieu. Un genre d'observations correspondant a été fait par les géologues qui ont étudié avec soin les dépôts de sédi- ment , et par les naturalistes qui ont examiné les débris d'animaux et de végétaux que renferment ces dépôts ; ils ont généralement remarqué qu'à différentes hauteurs des variations brusques s’y manifestent à la fois dans le gise- ment et l'allure des couches , et dans les fossiles ani- maux et végétaux qui y sont enfouis. Frappé de la coexistence de ces deux séries parallèles de faits intermittens , et des analogies qui semblent les rapprocher, j'ai cherché à les mettre mutuellement en rapport dans la partie de l’histoire du globe la moins éloignée de la période actuelle. (1) Voyez mes Observations géologiqnes sur les diflérentes forma- tions qui, dans le système des Vosges , séparent la formation houillère de celle du lias. Annales des Mines, deuxième série , tom. I, 1827. (8) Le but de ce Mémoire est de prouver que les époques auxquelles ‘correspondent plusieurs des solutions de continuité qu'on observe dans la série des terrains de sédiment , ont coïncidé avec celles des convulsions aux- quelles sont dus les redressemens et les dislocations de couches que nous présentent autant de systèmes de mon- tâgnes ; ou, en d’autres termes, de montrer par des exemples que la dislocation d’une certaine portion de k croûte extérieure du globe a formé une partie inté- grante essentielle de chacun des changemens brusques dont les zoologistes et les géologues sont parvenus à re- connaître les traces. M. Cuvier a montré que la surface du globe a éprouvé une suite de révolutions subites et violentes. M. Léopold de Buch a signalé des différences nettes et tranchées entre les divers systèmes de montagnes qui se dessinent sur la surface de l’Europe. Je ne fais autre chose qu'’es- sayer de mettre en rapport ces deux ordres d'idées. Je m’occuperai successivement des variations brusques de caractères qui s’observent dans la série des dépôts de sédiment : 1° À la fin du dépôt jurassique ; 29 À la fin du dépôt crayeux ; 3° À la fin des dépôts tertiaires ; 4° À Ja fin du plus ancien de ces dépôts, qu’on ap- pelle terrains d’attérissemens, de transport ou d’alluvion : Et j'essaïérai de mettre ces variations en rapport avec les convulsions qui ont donné les principaux traits de leur relief actuel à quatre systèmes de montagnes, SAVOIr : 1° À un système dont font partie l'Erzgebirge (en (9) Saxe), la Côte-d'Or (en Bourgogne ), et le mont Pilas (en Forez) ; 2° À un'système dont font partie les Pyrénées , cer- taines montagnes de la Provence , ainsi que les Apen- nins ; 3° A la partie occidentale des Alpes ; 4° À un système dont font partie les chaînes du Lebe- ron , de la Sainte-Baume, et quelques autres qui traver- sent de même la Provence de l'E.-N.-E. à l'O.-S.-0. CHAPITRE [Ier. Révolution de la surface du globe , qui est arrivee entre la période du dépôt du calcaire jurassi- que et celle du dépôt du grès vert et de la craie. Le redressement des couches de l'Erzgebirge, de La Côte-d'Or et du mont Pilas , a eu lieu dans cette revolution. L'ensemble des couches formées par sédiment peut se partager en un certain nombre de groupes, dont chacun paraît avoir été déposé pendant une mème période de tranquillité de la surface du globe , et constitue ce qu'on appelle une formation. On reconnaît clairement qu'on entre dans une formation nouvelle, indépendante de celles qui l’ont précédée, lorsqu’en s’élevant dans la série des couches superposées , on en rencontre qui reposent avec une sorte d'’indifférence sur diverses couches plus anciennes. Tout indique en eflet que de pareilles super- positions n’ont pu s’opérer que par l'effet de grands chan- gemens arrivés dans l’état des choses à la snrface du globe. (ro) Telle est la nature des rapports qui font du système Jurassique et du système du grès vert et de la craie (Wealden formation, Green-sand and Chalk) deux terrains indépendans l’un de l’autre. Le défaut de continuité qui existe dans la série des terrains secondaires , entre le terrain jurassique et celui du grès vert et de la craie , est un fait connu depuis long- temps. Sur la carte géologique de l'Angleterre , par M. Gree- nough, on voit les couches du dernier de ces deux sys- tèmes reposer presque indifféremment sur les diverses assises du premier, et même sur des terrains plus an- ciens. Ainsi , dans le Bedfordshire et le Huntingdonshire, on voit le système du grès vert reposer sur l'argile d'Oxford. Aux environs d'Oxford , on voit le même sys- tème reposer, soit sur la pierre de Portland, soit sur l'argile de Kimmeridge. Dans le Dorsetshire et le Devonshire, on le voit repo- ser sur toutes les couches de la série oolithique , depuis la pierre de Portland jusqu’au lias, et même sur le nouveau grès rouge et sur le terrain de transition. M. de La Bèche, dans son Mémoire intitulé : Remarques sur la géologie de la côte sud de P Angleterre, depuis le hâvre de Bridport (Dorsetshire) jusqu'à la baie de Babbacombe ( Devonshire), a mis le mème fait dans le plus grand jour, par la description et les dessins qu'il donne des falaises de la Manche dans l'intervalle indiqué. Dans le Cotentin , d’après les observations publiées par M. Desnoyers et par M. de Caumont, les couches contemporaines du grès vert et de la craie reposent sur le nouveau grès rouge et sur des calcaires contemporains CH du lias. En d’autres points de la Normandie , on voit le terrain du grès vert et de la craie reposer sur d’autres couches du terrain jurassique. Près de Dives, d’après les observations de M. de La Bèche, on le voit reposer sur le Coral-rag ou sur des couches plus anciennes de la série oolithique ; à Honfleur, au cap de la Hève , et dans le pays de Bray, il recouvre l'argile de Kimme- ridge. Enfin, s’il m'était permis de renvoyer à un travail encore incomplet et inédit, je dirais que sur la carte géologique de la France on verra, par une multitude d'exemples , que le système du grès vert et de la craie constitue une formation indépendante du système juras- sique, et que , dans l'intervalle des deux périodes tran- quilles auxquelles ces systèmes de couches correspon- dent, il y a eu une variation brusque et importante dans la manière dont les sédimens se déposaient sur la surface du globe. Cette variation subite me paraît avoir coïncidé avec le redressement des couches de la Côte-d'Or en Bourgogne, de l’Erzgebirge en Saxe, et du mont Pilas en Forez. M. de Bonnard, dans sa Notice sur quelques parties de la Bourgogne , a décrit en détail les îlots granitiques qui s'élèvent à Mälain , Mêmont et Remilly, près Som- bernon ( Côte-d'Or), et à l'approche desquels on voit se relever, sous un angle souvent très-brusque , les di- verses assises du terrain jurassique qui constituent pres- que exclusivement le sol de la contrée. Ces trois îlots gr'anitiques se trouvent sensiblement sur une même ligne droite qui, prolongée vers le S.-O., irait rencontrer les buttes porphyritiques qui s'élèvent au milieu du bassiu (12) houiller d’Autun. Prolongée au contraire vers le N.-E. , cette même ligne droite rencontrerait près de Suxy, vil- lage situé sur la route de Langres à Dijon, de petits rochers d’une dolomie très-bien caractérisée , et très-re- marquable par son gisement; elle y est enchässée dans les couches du premier étage du calcaire oolithique, qui en ce point se trouvent, contre l'habitude de la contrée, assez fortement inclinées ; circonstance qui se lie pro- bablement à la présence du porphyre rouge quarzifère qui se montre près de là, à Chassigny. Plus loin, la mème ligne droite irait passer sur le plateau de dessous lequel sortent les sources chaudes auxquelles Bourbonne- les-Bains doit son nom , et où le Muschelkalk se montre chargé de magnésie et dépourvu d'êtres organisés. Pro- longée plus loin encore vers le N.-E., la mème ligne droite irait passer au midi de Lunéville, par la côte d'Essey, que couronne un petit lambeau basaltique ; et enfin sur les bords de la plaine du Rhin, elle passerait à peu de distance de la petite protubérance granitique qui se montre à Albersweïler, entre Annweïler et Landau. Cette ligne coupe le méridien de Dijon sous un angle d'environ 45°. é Il arrive en outre qu’à la Hutte , près Darney ( dépar- tement des Vosges ), à Châtillon-sur-Saône et à Bussiè- res-les-Belmont ( Haute-Marne) , on voit les roches pri- mitives , plus analogues par leur nature à celles du Forez qu'à celles des Vosges , paraître dans le fond des vallées. Ces trois points sont situés sur une même ligne droite, qui est sensiblement parallèle à la précédente , dont elle n’est éloignée que d’une lieue , et qui, prolongée vers le N.-E. jusque dans le département du Bas-Rhin, va (13) passer très-près des petites protubérances de roches pri- mitives qui se montrent à l’entrée des vallées de Jæger- thal et de Dahn , en coïncidant presque avec la portion avoisinante de la falaise qui termine le massif des Vosges du côté de la plaine du Rhin. Il est assez remarquable que le prolongement méridional de cette falaise peut , dans quelques-unes de ses parties , se décomposer en élé- mens sensiblement parallèles à la ligne que je viens d’in- diquer , tels que l'espèce d’éperon bordé de grands amas de gypse, qui, du pied des Vosges, près de Wasselone, s’'avance dans la plaine de l’Alsace jusqu’à Schwin- dratzheim. | ; Les deux grandes lignes don! je viens de parler sont à très-peu près parallèles à la ligne de faîte de ia Côte- d'Or, dont elles sont l’une et l’autre peu éloignées. Parallèlement à leurs directions s'étend, de Paray (Saône-et-Loire ) à Plombières ( Vosges), une grande vallée longitudinale accompagnée de part et d'autre, sur- tout vers son extrémité sud-ouest , de plusieurs autres vallées qui lui sont parallèles. Dans la vallée principale se trouvent le canal du centre, de Paray à Chagny, le cours de la Saône , de Seurre à Port-sur-Saône , et celui de l’Augronne , depuis son confluent avec la Saône jus- qu’à sa source au-dessus de Plombières. Les dérangemens que présentent les couches du pre- mier étage du calcaire oolithique à Suxy, et ceux qui s’observent à l’autre extrémité de la Côte-d'Or, autour des ilôts granitiques de Mâlain , Mêmont et Remilly, font partie d’un grand et brusque changement d’inclinaison, par suite duquel ces couches, après s'être élevées des plateaux del’ Auxois aux sommités de la Côte-d'Or, vien- (14) nent s’enfoncer au-dessous des alluvions qui constituent, entre Dijon et Auxonne, le sol de la grande vallée lon- gitudinale dont je viens de parler. Ces mèmes couches ne se relèvent qu’au delà de la Saône. à l’approche du groupe de roches primitives et de roches secondaires , antérieures au terrain jurassique qui forme le sol de Ja forèt de la Serre, groupe dont le grand axe est en- core paralièle aux directions dont j'ai parlé ci-dessus , ainsi qu’à celles de beaucoup des accidens du sol du département de la Haute-Saône. Au-dessous de Seurre, la Saône se détourne vers le sud , et sort de la grande vallée longitudinale qu’elle sui- vait depuis Port-sur-Saône, en passant entre deux caps de calcaire oolithique qui s'élèvent au-dessus de ses al- luvions, l’un au sud de Châlons , l’autre entre Auxonne et Dôle, et qui semblent se regarder mutuellement. La ligne qui les joint est encore parallèle à la direction sus mentionnée. Celui de ces deux caps qui s'élève entre Auxonne et Dôle, est formé par des couches de l’étage inférieure du calcaire oolithique, qui se contournent autour des roches plus anciennes de la forèt de la Serre, et qui se relèvent à leur approche sous un angle souvent très-grand , et quelquefois mème verticalement , comme entre Moissey et Menostey. La ligne tirée de Paray à Plombiéres, qui marque l'axe d’une vailée longitudimale , parallèle d’une part à la Côte-d'Or, et de l’autre à la forèt de la Serre , étant prolongée en Allemagne, coïncide à peu de chose près avec la direction des vallées du Mayn et des deux Saales de Miltemberg , sur le Mayn à Leipsig; direction qui est sensiblement parallèle à celle de l'Erzgebirge , par (15) laquelle elle est déterminée. Cette direction de la chaine de l’Erzgebirge et de celle du Mittelgebirge , qui lui est parallèle, a été signalée depuis long-temps par M. Léo- pold de Buch comme coupant d’une manière tout-à-fait anomale la direction générale N.-0.-S.-E, des chaînes de montagnes et des vallées qui composent le système du N.-E. de l’Allemagne. Il me parait très-probable que les divers accidens de la surface du globe , dont je viens d’indiquer la commu- nauté de direction, ont été formés pour ainsi dire du mème coup, et sont les traces d’une seule et même commotiou. Si ces accidens du sol étaient assez rapprochés les uns des autres pour que cette présompiion püt être con- sidérée comme une certitude, l’époque à laquelle la con- vulsion dont il s’agit aurait eu lieu seraît immédiatement déterminée ; car, en Bourgogne, les dérangemens de stratification se communiquent aux couches du système jurassique, tandis qu’en Saxe, d’après le Mémoire de M. de Bonnard , le planer-kalk ei le grès dit quader- sandstein des environs de Dresde , de Pirna et de Kü- nigstein, qu'on sait maintenant être contemporains de la craie et du grès vert, s'étendent en couches horizonta- les sur la tranche des couches inclinées des roches an- ciennes du système de l’Erzgebirge. Or il suit nécessai- rement de là que l'Erzgebirge avait pris son relief actuel avant le dépôt du grès vert, que la Côte-d'Or a pris le sien depuis le dépôt du système jurassique, et que, si ces deux chaînes sont le résultat d’une seule et même commotion , cette commotion a eu lieu entre le période du dépôt du terrain jurassique et celle du dépôt du ter- (are) rain du grès vertet de la craie, et a, pour ainsi dire, marqué le moment du passage de l’une de ces périodes à l’autre. Il est à regretter que l’absence du grès vert et de la craie dans la Bourgogne , et celle du terrain jurassique dans l’Erzgebirge fassent reposer les raisonnemens pré- cédens , sur la connexion non entièrement démontrée de deux chaines parallèles , mais un peu éloignées. Pour suppléer à ce que, sous ce rapport, ils présentent d’insuflisant, je vais chercher à vérifier la conclusion que j'en ai tirée, en suivant le système de rides de la surface du globe dont la Côte-d'Or, fait partie jusque dans une contrée où se trouvent réunis le terrain jurassique et celui du grès vert ou de la craie. Il est à remarquer que les accidens du sol de la haute vallée de la Saône et de la Côte-d'Or se rattachent de proche en proche, par une série d’accidens dirigés dans le même sens, aux accidens que présente le sol primitif du département du Rhône , et même à la chaîne du mont Pilas, qui court du $.-0. au N.-E. parallèlement à la Côte-d'Or. Le système du Pilas présente un grand nombre de croupes allongées du S.-0. au N.-E., lesquelles s’ali- gnent par files dirigées dans le mème sens, ou, plus exac- tement, du S. 42° O. au N. 42° FE. Cette direction gé- nérale des proéminences du sol est aussi celle des vallées qui les séparent ; on la voit sans cesse se reproduire dans les accidens principaux du sol primitif du département du Rhône, et on la suit même jusqu’à Aubenas. La di- rection de la stratification du gneiss et du micaschiste s’en rapproche toujours plus ou moins, en oscillant de Crao.: quelques degrés de part et d'autre. La limite N.-E. des terrains secondaires d’Aubenas à la Voulte lui est sen- siblement parallèle ; on la retrouve encore assez exacte- ment dans la limite S.-E. du lambeau houiller de Saint- Etienne et de Rive-de-Gier, dans celle de la vallée du Gier, dans celle du fond de bateau , que présentent les couches houillères de Rive-de-Gier, et même dans la direction d’une faille considérable, reconnue récemment par M. Marrot, ingénieur des mines, dans les exploita- tions de cette partie du bassin houiller. Les roches primitives qui se montrent au nord de la Verpillière (Isère), sur la rive droite de la Bourbre, et qui rappellent par leur nature celles du Forez, sont à peu près dans le prolongement de celle des files de proé- minences primitives du système du Pilas, qui s'élève entre la vallée de Bourg-Argental et de Saint-Julien- Molin-Molette , et la vallée de Vaucance. Outre la communauté de direction, que j'ai indiquée ci-dessus , les accidens que présente le sol primitif dans les environs de Lyon, ont cela de commun avec les ter- tres granitiques de Mâlain , Mèmont et Remilly dans la Côte-d'Or, qu'ils influent sur l’inclinaison des couches de terrain jurassique , qu’on voit dans toute cette con- trée, se relever d’une manière souvent très-rapide, à l'approche des roches primitives. Ainsi par exemple, les couches du système oolithique se relèvent de toutes parts à l’approche du petit ilot granitique qui se trouve sur la rive droite de la Bourbre, au nord de la Verpillière. Dans le monticule au S.-0. de la Verpillière, les couches de calcaire marneux jurassique, plongent vers le sud de XVII, 3 C8) plus de 30°, en se relevant vers ce même ilot granitique sur lequel elles semblent s'appuyer. Les monticules calcaires des environs de la Verpillière pourraient être considérés comme le prolongement du Jura s'ils n’en étaient séparés par la grande faille, d’une date probablement assez récente à laquelle est dû l’es- carpement méridional des montagnes qui bordent la rive droite du Rhône, près de Villebois. Mais les dislocations que le sol du Jura a éprouvées à une époque plus récente que celle dont nous nous occeu- pons ici, n’'empèchent pas qu’on ne puisse y reconnaître une série d’accidens qui suivent la direction, et qui sont presque exactement dans le prolongement de la chaîne du Pilas et des autres principaux accidens du sol primitif du Forez. À On a depuis long-temps remarqué que le Jura pré- senie un système de hautes vallées parallèles entre elles par dessous lesquelles toutes les couches du terrain juras- sique viennent passer pour se relever dans leurs inter- valles et former les croupes allongées qui les séparent. Ce soni ées hautes vallées qui continuent, dans le Jura, la direction des principaux accidens du sol du départe- ment du Rhône. Elles viennent les unes après les autres s’ouvrif obliquement dans la grande vallée de la Suisse, en formant un angle de 15 à 20°, tant avec la direction des principaux accidens du sol dans la partie des Alpes qui avoisine Grenoble et Genève, qu'avec certaines frac- tures, probablement de la même date que ces accidens, qui traversent le Jura lui-même, telles que celle dans laquelle coule le Dessoubre , quelques-unes de celles des environs de Morey et de Saint-Claude , ete. Les deux (19) directions en question se reconnaissent facilement sur la belle carte du canton de Neufchâtel par M. Osterwald, l’une dans la direction de la vallée du Locle et de la Chaux-de-Fond, l’autre dans la direction des chaînons de montagnes qui traversent tout le canton , du Creux du Vent à Mont-Sagne. Ces dernières fractures sont évidemment d’une date plus récente que les hautes vallées longitudinales dont elles dérangent la régularité, à peu près comme un sys- ième de filons en coupe et en rejette un autre plus ancien. Ces hautes vallées sont dues par conséquent à une cause qui à agi plus anciennement, et probablement aussi avec moins d'énergie, et tout semble conduire à les assimiler aux inflexions que présentent les couches de calcaire jurassique de la Côte-d'Or dans une direction tout-à-fait parallèle. Il existe même une sorte de continuité entre ces deux séries d’accidens. Nous avons déjà suivi ceux de la Côte- d'Or, sur la’ rive gauche de la Saône, à l’entour de la forêt de la Serre. On en retrouve de tout-à-fait analogues, par leur direction , aux environs de Salins, où ils ne sont séparés de ceux de la forêt de la Serre que par les atterrissemens de la Bresse, sous lesquels on voit les couches jurassiques s’enfoncer de part et d'autre. De Salins ils vont se lier de proche en proche aux plus an- ciens accidens du sol des environs de Saint-Laurent et de Pontarlier. Près de Salins , les couches et les failles courent géné- ralement entre N. 40° E. et N. 45° E. Si on examine avec soin , et de points élevés, les environs de cette ville, ( 20 ) on voit que ceux des accidens du sol qui se rattachent le plus directement à la forme des masses minérales , se dirigent tous presque exactement entre N. 40° E. et N. 45° E. Toutes les vallées dirigées dans ce sens sont ici longitudinales, tandis que les autres sont évidemment transversales. Les protubérances de marnes irisées et de gypse, autour desquelles les couches des autres forma- tions se contournent, et qui forment comme les centres de toutes les inflexions de la stratification, s’alignent aussi par files dans la même direction, comme semblent le faire celles du département du Bas-Rhin, entre Was- selone et Schwindratzheim, et comme le font peut-être aussi celles des environs de Bourbonne-les-Bains, de Mirecourt et de Charmes. Le bassin allongé du nord au sud, dans lequel s'étend le dépôt de transport qni constitue le sol de la Bresse , n’est autre chose qu’un enfoncement qui s’est produit très-récemment dans un sol antérieurement accidenté, et la forme des caps que présentent les contours de ce bassin suflirait seule pour faire reconnaître la direction N.-E.- S.-O. de ces anciens accidens du sol. D'après tout cet ensemble de connexions on peut dire que dans l’espace compris entre Metz, Genève et la haute vallée de la Loire on retrouve les traces d’une sé- rie de rides parallèles entre elles qui, toutes sont d’une date postérieure au dépôt du terrain jurassique et qui bien probablement ont toutes été formées par une seule et mème opération de la nature. Il reste à examiner de nouveau si ce grand phéno- mène a suivi de près ou de loin la période du dépôt du terrain jurassique. (21) Les rides ou sillons parallèles de la mème date que la Côte-d'Or, qu’on observe dans le Jura, présentent dans leur fond des dépôts que leurs caractères extérieurs dis- tinguent dès le premier abord des couches jurassiques sur lesquelles ils reposent. La circonstance la plus importante du gisement de ces dépôts, vient d’ailleurs les en séparer complettement. En effet, les couches jurassiques s’ar- quent ou mème se festonnent , ainsi que je l'ai déjà dit plus haut, de manière à s'élever du fond de chacun des sillons longitudinaux jusqu’au sommet des deux crètes qui le bordent et à redescendre ensuite de celles-ci jus- qu'au fond des sillons, qui se trouvent au-delà de part et d’autre ; les dépôts dont je viens de parler ne suivent pas ‘les couches jurassiques dans ces inflexions. On ne les voit que dans le fond des sillons, et ils s'élèvent tout au plus à une petite hauteur sur leurs flancs. Cette disposi- tion étant constante , il est clair que ces mêmes dépôts ne peuvent faire partie du terrain jurassique et appartien- nent à l’une des formations déposées plus récemment. Tous n’appartiennent pas à la même formation , dans Fun on reconnait très - aisément un dépôt tertiaire, dont les couches inférieures sont d’eau douce et les su- périeures marines. L'autre, plus anomal dans ses carac- tères , est au premier aspect plus embarrassant. Il présente diverses couches de grès et de marnes, et plus souvent encore un calcaire compacte jaune à cassure inégale, irrégulièrement stratifié, présentant en plus ou moins grand nombre des parties spathiques miroitantes, souvent aussi des grains verts, et quelquefois en outre des oolites très-bien caractérisées. Ce système ne ressem- ble à aucun de ceux qui dominent dans les contrées voi- (22) sines, si ce n’est à quelques-unes des couches inférieures d’un grand système en partie calcaire et en partie mar- neux, qui forme une partie des montagnes de la grande Chartreuse , et des environs dû Villard-de-Lans (Isère), et que j'ai été conduit à rapporter au terrain du grès-vert et de fa craie. Ce système présente, surtout dans les couches de minerai de fer qui en font partie , et souvent aussi dans les couches calcaires, un grand nombre de débris de corps marins, parmi lesquels j'ai reconnu les espèces suivantes : Gryphæa sinuata. Gryphœa secunda, ou auricularis. Cucullæa carinata. Pecten quinquecostatus. Terebratula plicatilis, ou octoplicata. Nautilus. Ainsi que plusieurs espèces d’Entroques et de Poly- piers, et plusieurs Spatangues ou Ananchytes. L'identité évidente de plusieurs de ces fossiles avec les espèces des mêmes genres qui se trouvent dans le Green-sand de la perte du Rhône, déterminée par Ù P M. Brongniart, et dans les couches du même âge de quelques autres points peu éloignés, prouve clairement # À La . i que les dépôts dont je parle appartiennent eux-mêmes au terrain du grès vert et de la craie. On verra dans la suite de ce Mémoire que , depuis le dépôt des couches tertiaires, le sol du Jura a subi un changement de forme plus considérable que celui qui avait donné naissance aux rides ou sillons parallèles dont j'ai parlé ci-dessus. Cela résulterait d’une manière (23) incontestable de la seule considération des différences considérables que présentent les niveaux auxquels se trouvent, dans ies différentes rides, les divers dépôts contemporains du Green-sand et les divers dépôts ter- tiaires. Il n’en est ‘pas moins évident que la formation de ces rides elles-mêmes est antérieure au dépôt des couches contemporaines du Green-sand , qui s’observent dans leur fond. On ne voit aucune trace de ces dernières sur les sommités des crêtes intermédiaires qui formaient sans aucun doute, autant d’iles ou de presqu'iles al- longées d’abord dans la mer qui a déposé le grès vert et la craie, et ensuite dans les eaux successivement douces et salées, qui ont déposé les couches tertiaires de ces contrées. Il résulte évidemment, de ce qui précède, que le sys- ième de sillons parallèles, dont j'ai parlé, a préexisté au dépôt du grès vert, de la craie et des formations ter- tiaires , et par suite que l'opération de la nature qui lui a donné naissance a eu lieu entre la période du dépôt du terrain jurassique , et la période du dépôt du terrain du grès vert et de la craie, ainsi que J'ai été amené à le conclure pour le système parallèle de la Côte-d'Or et de l’'Erzgebirge. Étant ainsi conduit à admettre que la chaîne de l’Erz- gebirge a éprouvé ses dernières convulsions à la même époque que les chaînes primitives voisines de Lyon, dont malgré la distance qui l'en sépare elle forme à peu près le prolongement, je dirai ici comme un fait qui vient indirectement à l'appui de ce rapprochement, que, d’a- près la remarque de M. Léopold de Buch, le granite et le gneiss de Lyon présentent la plus grande ressem- (24) blance avec ceux de Freyberg dans l’Erzgebirge. L’exis- tence du Kaolin à Larnage, entre Tain et Saint Vallier au milieu de montagnes d’un gneiss tout pareil à celui de Lyon, pourrait aussi peut-être fournir encore un rapprochement entre les granites et les gneiïss de ces con- trées et ceux de la Saxe et de la Bohème. Ces accidens de composition par lesquels ces montagnes malgré leur éloignement, se rapprochent les urnes des autres sont en même temps du nombre de ceux qui les éloignent des montagnes primitives. qu’on pourrait être tenté de leur comparer dans les systèmes voisins, mais de dates diffé- rentes , des Vosges et des Alpes. Aïnsi qu'on devait naturellement s’y attendre, la direction des chaînes du Mont-Pilas, de la Côte-d'Or et de l’Erzgebirge, qui ont pris leur relief actuel immé- diatement avant le dépôt du terrain du grès-vert et de la craie, a eu une très-grande influence sur la distri- bution de ce terrain, dans la partie occidentale de l’Eu- rope. On concoit, en eflet, qu’elle a dû en avoir une très-directe sur la disposition des parties adjacentes de la surface du globe qui, pendant la période du dépôt de ce terrain, se trouvaient à sec ou submergées. Parallèlement aux directions des chaînes que je viens de citer, s'étend des bords de l’Elbe et de la Saale à ceux de la Vienne, de la Charente et de la Dordogne une masse de terrain qui formait évidemment dans la mer où se déposaient le grès vert et la craie une presqu'ile liée vers Poitiers aux con- trées montueuses de la Vendée et de la Bretagne, et, par elles, à celles du Cornouailles, du pays de Galles et de l'Irlande. La mer ne venait plus battre, à cette époque, jusqu’au pied des Vosges. Un rivage s’étendait des envi- (25 ) rons de Ratisbonne vers Alais, et, le long de cette ligne, on reconnaît beaucoup de dépôts littoraux de l’âge du grès-vert et de la craie, tels que ceux de la perte du Rhône ei des hautes vallées longitudinales du Jura. Plus au N. O., on ne trouve, sur une grande étendue, aucun dépôt de cette époque; plus au S. E., on voit le mème dépôt prendre une épaisseur et souvent des caractères qui prouvent qu'il s’est déposé sous une grande profondeur d’eau. Il est encore à remarquer que le dépôt du grès- vert et de la craie, a pris des caractères différens sur les _ diverses côtes de la presqu'’ile dont je viens de parler. Mais je ne puis suivre ici le développement de ces remarques , développement qui exigerait des cartes géo- logiques très détaillées, et pour lequel la carte géolo- gique de la France sera peut-être de quelque utilité. J'ajouterai seulement que l’ensemble Ge mes observa- tions m'a amené à regarder comme certain que le sol de la presqu’ile dont j’ai parlé n’a jamais été recouvert par la mer depuis le dépôt du terrain jurassique dont il est en partie composé. Le Megalosaurus , le Paleo- therium, V'Elephas primigenius, et l Aomme % ont foulé successivement le mème sol qui, seulement dans les intervalles de leurs habitations successives, a été profondément sillonné par des courans d’eau violens et passagers. (26) MÉMOIRE POUR SERVIR A L'HISTOIRE DU TaAriR ; éé Description d’une espèce nouvelle appartenant aux hautes régions de la Cordilière des Andes; Par M. Rouzixn (1). (Lu à l’Académie royale des Sciences. ) Le Tapir fut connu en Europe dès le commencement. du xvi* siècle , mais 1l le fut très-mal jusqu’au temps de Marggraf, qui en donna une description plus complète, et remarquable surtout par son élégante concision. Cette description fut trouvée si satisfaisante, que pendant long- temps on se contenta de la copier textuellement, et Buffon même, après avoir reçu de Cayenne un Tapir, qui fut disséqué au Jardin du Roi, laissa subsister l’er- reur qu'il avait commise sur la foi du naturaliste saxon , en donnant à cet animal dix incisives à chaque mâchoire. De nos jours ces inexactitudes ont été relevées , et nous avons eu enfin une bonne histoire du Tapir, c’est-à-dire, de la seule espèce qui nous ait été connue pendant plus de trois siècles. On avait quelque sujet de s'étonner qu'ure famille si bien tranchée, si nombreuse en individus, et répan- due sur une si vaste étendue de pays, füt ainsi bornée à une seule espèce ; les plus grands Pachydermes en comp- taient au moins deux par famille, et ceux de la taille moyenne en présentaient bien davantage. Mais si l’on ne se bornait pas aux espèces vivantes , si l’on envisageait à leur tour ces animaux d’une autre épo- (1) Voyezle Rapport de M. le baron Cuvier, tom. X VIT , p. 107. (27) que , dont les admirables travaux de M. le baron Cuvier venaient de nous révéler l’existence , l’anomalie devenait bien autrement frappante. La famille des Palæotherium, si voisine de celle des Tapirs par tout l’ensemble de ses caractères , présentait jusqu'à onze espèces. Enfin , deux naturalistes dont les sciences déploreront long-temps la perte, MM. Diard et Duvaucel, vinrent nous apprendre que la famille du Tapir ne s’écartait point autant qu'on l'avait cru de la règle générale , et qu'il en existait dans l’Inde une seconde espèce. Je viens aujourd’hui en faire connaître une troisième, que J'ai dé- couverte dans les hautes régions de la Cordilière des Andes. Bien long-temps avant de connaître d’une manière cer- taine cette seconde espece du Tapir américain, j'avais été conduit à en soupçonner l'existence, moins, je l’a- voue, par des considérations générales que sur la foi des vieux chroniqueurs espagnols. Plusieurs, et entre eux Oviedo , P. de Agueda, et plusieurs autres , donnent au Tapir un poil épais , et d’un brun approchant du noir ; caractères qui ne conviennent point au Tapir des natu- ralistes modernes, à celui que j'avais vu moi-mème dans les plaines et les grandes vallées. Je crus pendant quel- que temps que cet animal pouvait , comme le chien indi- gène , le couguar, le coati brun, exister à diverses hau- teurs, et que le séjour dans les régions froices de la Cordilière expliquait suffisamment le rembrunissement de la couleur et la plus grande épaisseur de la fourrure ; mais plus tard, lorsque je levai la carte de la province de Mariquita , ayant eu à parcourir pendant six mois les forêts qui recouvrent la pente orientale de la Cordilière moyenne, je remarquai que, dès que je m'élevais au-des- ( 28 ) sus de 5 à 600 mètres, je ne trouvais plus ces chemins battus qui m’étaient quelquefois si commodes , plus de foulées , plus de fumées ; il était évident que les Tapirs ne montaient pas jusque-là, et, si l’on en trouvait sur les sommets de la Cordilière, ils devaient appartenir à une espèce nouvelle. I] n’y avait rien dans cette supposi- tion qui répugut à ce que j’observais journellement , et les Cerfs m'offraient un exemple tout semblable. Je savais qu'un Tapir avait été tué dans la même Cordilière, à une très-grande hauteur, sur le Paramo de Quindiu. À la rigueur, ce pouvait être un individu égaré, lancé par des chasseurs et éloigné de son canton; mais, lorsque je traversai moi-même cette montagne pour me rendre à la vallée du Cauca, je vis sur le sommet de nom- breuses traces de Tapirs ; j’en trouvai de mème à mon retour. J'appris des Cargueros qui fréquentent ce che- min qu'ils voyaient souvent de ces animaux, et toujours dans les mêmes parages, c’est-à-dire, dans es parties les plus élevées de la montagne ; leurs descriptions s’ac- cordaient avec celles d'Oviedo. Je ne doutai plus dès-lors de l’existence d’une espèce nouvelle ; mais il me man- quait encore de l’avoir vue. L'an passé, me trouvant à Bogota, j’appris que deux Tapirs avaient été tués à une journée de cette ville, dans le Paramo de Suma-Paz, plus élevé encore que celui de Quindiu. Je partis sur-le-champ ; et, favorisé par une circonstance toute particulière (1), j'arrivai assez à temps pour les voir encore entiers. (1) C’est un usage général dans toute la Nouvelle-Grenade, qu’à l’oc- tave de la Fête-Dieu on dresse devant l’église principale une sorte de bosquet , dans lequel on place des oiseaux à couleurs brillantes, des animaux remarquables par leur grosseur ou par quelque monstruosité , ( 29 ) Je reconnus, au premier coup-d’œil, l'animal que m'avaient décrit les Cargueros; c'était celui d'Oviedo , un Tapir propre aux hautes régions de la Cordillère, une espèce nouvelle et bien nettement séparée du Tapir commun. Les deux individus que j'avais sous les yeux étaient deux mâles, l’un à peine adulte, et l’autre déjà assez vieux; ce dernier avait les dents usées et même cariées en plusieurs points : il était d’un sixième environ plus grand que l’autre. À la taille près, ces deux animaux étaient parfaite- ment semblables. J'aurais désiré en faire transporter un à Bogota pour pouvoir le décrire à loisir, mais on refusa de me les ven- dre ; ainsi, je dus me contenter d’en faire sur la place une description abrégée, et d’en prendre au crayon un simple trait. Cependant j'obtins la tête et les pieds du plus grand , et le lendemain, à l’aide de ces pièces, je pus terminer ma première esquisse. C’est la figure que j'ai l'honneur de mettre sous les yeux de l’Académie , elle est faite aux —- de la grandeur naturelle. (PI. 1.) Afin de reproduire plus exactement le profil de la tête, je me suis servi, pour en déterminer le contour, de la camera-lucida de Wollaston. On voit que cette tête diffère de celle des Tapirs com- muns par l’ensemble des lignes , aussi bien que par les des bêtes fauves, mortes ou vivantes. Dans les villages, les chasseurs se mettent en quête long-temps d'avance, et chaque paroisse cherche à surpasser les autres dans cette exhibition. C’est une excellente occasion de voir des animaux rares , et comme cette fête n’a pas lieu, comme en France , à temps fixe, on peut, dans l’espace de deux mois que durent les octaves, visiter un grand nombre de villages. (30 ) détails. Le mufñlle est de forme un peu différente , et la trompe ne présente point des deux côtés ces rides qui montrent que l'animal la tient habituellement con- tractée. Le menton a une tache blanche qui se prolonge à l’angle de la bouche , et revient jusqu’à la moitié de la lèvre supérieure. L’oreille manque du liseré blanc’, qu'elle présente dans le Tapir commun (1) : on ne voit point non plus cette crête si remarquable, qui commence sur le front, à la hauteur des yeux , et se prolonge vers le garrot. Le cou de la nouvelle espèce est parfaitement rond , et les poils n’y ont , sur la ligne médiane , ni plus de longueur que dans les autres parties , ni une direction différente. Le poil par toui le corps est très-épais , long, d’un brun noirâtre, plus foncé à la pointe qu’à la racine, ét il donne à la robe cette couleur qu’on nomme zain chez les chevaux. Sur la croupe , dans la région correspondante à la fosse iliaque externe , on voit de chaque côté une place nue, (5) On voit, sur la tête représentée de face, qu’une des oreilles est déchirée. La blessure était ancienne , et provenait sans doute des com- bats que se livrent les mâles. Il paraît que le Tapir, en colère, cherche plutôt à mordre qu’à frapper. La manière dont on dit qu'il se défend contre les chiens m’a été confirmée par les cicatrices que j’ai vues à ces animaux, et par le témoignage unanime des chasseurs. Communément le Tapir, lorsqu'il est poursuivi , cherche à gagner l’eau avant de se re- tourner ct faire tête; il y trouve bien plus d’avantage que sur la terre, car, quand il est plongé seulement jusqu’aa poitrail, les plus grands chieus sont déjà à la nage: ils ne peuvent donc approcher de lui que progressivement sans se lancer ; ils ne peuvent reculer pour éviter une morsure , mais sont obligés de se retourner; ce qui cause une grande perte de temps, et Le Tapir peut ainsi résister à plusieurs ennemis à la fois ; élevé au-dessus d’eux , il les saisit facilement à la nuque, puis, s'en débarrassant par un brusque mouvement de tête , il garde entre ses dents un lambeau de leur peau. () deux fois large comme la paume de la main; cette place n’est pas calleuse : le jeune la présentait aussi symétri- que que le vieux, et d’une grandeur proportionnée. Au-dessus de la division des doigts on voit, comme dans l’espèce commune, une raie blanche dégarnie de poils. La comparaison des caractères extérieurs ne sépare point encore aussi nettement les deux espèces de Tapirs que le fait la comparaison des têtes osseuses. . Afin de mieux faire ressortir les différences, j'ai dessiné la tête du Tapir nouveau sous trois aspects différens , et j'ai re- présenté de la même manière les deux tètes des espèces de Cayenne et de Sumatra , d’après les pièces que renferme la galerie d'anatomie comparée. (Foy. PI. 2, 3 et 4.) Lorsque je présentai cette tête à M. le baron Cuvier, il fut aussitôt frappé de la ressemblance qu’elle offre avec celle du Palæotherium ; il a bien voulu mettre à ma dis- position les précieux fragmens qui existent dans la belle collection d'animaux fossiles qu’il a formée , et j'offre ici le dessin d’une tête entière de cet animal. J'ai suppléé, à l’aide d’une seconde pièce, à ce qui manquait au morceau le plus complet ; mais, de peur d’induire en erreur par quelque combinaison maladroite , j'ai séparé, par une ligne ponctuée, les parties que j'ai ainsi rétablies. (Foy. Pl. 4, hn° 4) On voit que , sous le rapport de la grandeur, la tête du nouveau Tapir se rapproche beaucoup de celle du Pa- læotherium ; elle s’en rapproche aussi par l’ensemble des lignes; et si l’on suppose pour un instant que, dans ce dermier animal , les barres s’allongent par un transport en avant de la partic antérieure des mâchoires, la res- semblance , au premier coup-d'œil, sera complète. (32) Comparée aux têtes des deux autres Tapirs, la nouvelle ressemble plus à l'espèce de Sumatra qu'à celle de Cayenne. Cette ressemblance se montre surtout dans la direction du front, dans sa largeur, dans ledéfautde saillie de la crête bi-pariétale, dans la dimension des os du nez, enfin dans la forme de la mâchoire inférieure , dont le bord inférieur est droit dans l’un et dans l’autre , tandis que, dans le Tapir de Cayenne, il est fortement arqué. Si l’on ne jugeait que sur les dimensions de la tête, on croirait que la nouvelle espèce de Tapir américain est d’une taille bien inférieure à l’ancienne : elle est réelle- ment un peu plus petite, mais pas tant qu'on serait porté à le supposer. L’individu que j'ai représenté avait de longueur, depuis l'extrémité du museau jusqu’à la pointe de la queue , 5 pieds 6 pouces ? ; debout il devait avoir, du garrot jusqu'à terre, 2 pieds o pouces. Les jambes de devant avaient, de longueur, 1 pied 4 pouces | à partir du coude ; elles étaient très-fortes à leur partie supérieure : elles n'avaient pas moins de 16 pouces de contour. Les jambes de derrière, un peu plus longues, étaient beaucoup plus grèles ; l'articulation tibio-tarsienne permettait aux deux os articulés de venir exactement dans le prolongement l’un de l’autre. Je ne mesurai point la grosseur du corps. Pour faciliter le transport de l'animal de la montagne au village, on l’avait vidé sur place, et tout l'abdomen, et mème le thorax, étaient affaissés. Ainsi sans viscères, l’animal pesait encore de 240 à 250 livres. Je regrettais de ne pouvoir examiner l’esto- mac , afin de voir de quoi cet animal se nourrit sur les hauteurs qu’il habite. Un des chasseurs me tira de peine, et me dit que , lorsqu'ils les avait aperçus, ils étaient occupés à manger du chusque , sorte de bambou dont. (33) on trouve uné espèce à de très-grandes hauteurs. [l m’as- sura aussi que ces animaux mangeaient du fraylejon (Espeletia); c’est une plante que legros et menu bétail, les chevaux, muleis et ânes, rebutent à cause de la quantité de résine qu’elle contient; les cerfs même de la montagne n’ytouchent pas, mais il n’est pas surprenant que le Fapir en mange; c’est un animal très-glouton et d’un goût qui n’est nullement délicat. Ceux qu’on a gardés dans diver- ses ménageries mangeaient jusqu à Jeurs excrémens , et ce n'était pas une dépravation d’habitudes produite par la captivité, car on ne tue guère dans les bois un de ces animaux, qu’on né trouve dans son estomac des mor- ceaux de bois, de l’argile, de petites pierres, et quel- quefois jusqu’à des os. Le P. Simon , dans ses Voticias historiales de Tierra firme , a consigné ce fait. « Le Tapir, dit-il, a deux es- « tomacs, un dans lequel se trouvent les alimens, l’autre « dans lequel il n’y a jamais que des bois pourris. Jusqu'à « présent, ajoute-t-il, on ne connaît pas l'utilité de cette « disposition; mais ce qui est certain, c’est que la nature « ne fait rien de superflu. » Quelquefois en effet ces corps, auxquels le pylore refuse le passage, déterminent une dilatation de l'estomac dans le lieu qu'ils occupent, une sorte de cul-de-sac, devant lequel les alimens passent sans y pénétrer; quel- quefois même il y a un second rétrécissement, et alors l'estomac semble divisé en trois poches. C’est ce qui causa l'erreur de Bajon , qui crut voir trois estomacs , et en conclut que l'animal était un ruminant. On sait que, dans le Tapir commun, la femelle a dans son pelage beaucoup de poils blancs mêlés ; j'ai vu même XVIII. 3 (34) ces poils si nombreux, qu'ils donnaient à la robe cette couleur que dans les chevaux on nomme rouan clair. J’aurais voulu savoir si, dans le Tapir des montagnes, la même chose aurait lieu ; mais les chasseurs ne purent jamais s’accorder sur ce point. Je ne pus savoir non plus d’une manière positive si la femelle était plus grande que le mâle (1), et si le jeune portait la livrée de la même manière que l'espèce commune (2). Il paraît que le Tapir des montagnes n’a pas tout-à- fait les mèmes habitudes que celui des plaines, qui dort tout le jour, et ne sort que la nuit pour prendre sa nourriture. Ceux qui furent tués à Suma paz étaient occupés à manger lorsque les chasseurs les aperçureut, et c'était à près de dix heures du matin. Moi-même j'ai trouvé à neuf heures, dans le chemin du Quindià, des fientes fumant encore ; or, la forme des foulées indiquait i (1) Les plus grandes peaux que j’aie vues dans l’espèce commune appartenaient toutes à des femelles ; elles étaient d’une épaisseur remar- quable : au dos 7 lignes , et sur les joues jusqu’à 8 et 9. (2) A propos de la livrée du jeune Tapir, on a fait dire à d’Azzaara , dans l'édition française, une sottise dont le traducteur seul est coupa- ble. Cet animal , dit-il, porte jusqu’à sept mois la livrée du jeune chien. Je n’ai pu me procurer l'original espagnol ; mais il nest prouvé que Verreur vient de ce que M. Moreau de Saint-Merry n’a pas connu la valeur du mot cachorro. Ce mot, qui répond tout-à-fait au catulus des Latins, s'applique à tous les jeunes quadrupèdes, excepté au veau et au poulain. Le manuscrit porte probablement « de cachorro tiene librea ; » dans le jeune âge il porte la livrée; et le traducteur, retour- nañt la phrase, a dit : « Tiene librea de cachorro, » il porte la livrée du jeune chien. Le mot latin pullus, comme nom générique, a aussi son équivalent en espagnol dans celui de pollo, qui sert à désigner tout oiseau daus le jeune âge; quelquefois pour ceux de petite taille on se sert du mot pichon, qui , au propre , veut dire pigeonneau, (35) que l'animal marchait sans inquiétude, et qu’aimsi ce n'était pas la peur qui l'avait chassé de son gite à une heure inaccoutumée. On sent qu’une espèce qui habite seulement les som- mets des hautes montagnes, doit être moins nombreuse en individus que celle qui habite les plaines et les grandes vallées ; mais, comme la Cordilière s'étend d’un bout à l’autre de l'Amérique méridionale , il serait possible que la nouvelle espèce atteignit les mêmes parallèles que l’an- cienne. Je n’ai pu rien savoir de satisfaisant sur ce point ; je sais seulement qu’on la trouve jusque vers le 2° degré de latitude nord, et il est probable que, du côté de l’équa- teur, elle s’écarte jusqu'au 15° degré; car, lorsque Oviedo en a parlé, les Espagnols n'avaient exploré de la Terre- Ferme que les parties les plus voisines de la côte. La distribution géographique des Tapirs de l'espèce commuue présente une singularité sur laquelle on a passé légèrement, et qui me semble inexplicable. Qui empêche en effet ces animaux de s’étendre vers le nord, au-delà du 13° degré? Est-ce le décroissement de tem- pérature ? non sans doute , puisque, de l’autre côté dela ligne, on les trouve par delà le 40° degré. Sont-ce de grands fleuves qui leur barrent le passage ? mais de la rive gauche de l’Atrato, où ils sont assez nombreux, jusqu’au Rio de chagres , où l’on n’en a jamais vu, il n’y a aucun cours d’eau considérable. D'ailleurs le Tapir est un animal qui craint si peu l’eau, qu'il y cherche son refuge lorsqu'il se voit poursuivi. De hautes montagnes pourraient à peine être comptées comme obstacles, puisque la triple chaîne des Andes n’a point empèché cet animal de pénétrer dans les deux ( 36 ) grandes vallées de la Magdeleine et du Cauca , et de se répandre sur le littoral de la mer du Sud. La petite Cor- dilière de l'isthme , qu'on représente comme la barrière qui l'avait arrêté, a certainement moins de hauteur que la vallée de la Magdeleine, dans la province de Neyba. Le Tapir est si commun à Murindo (sur la rive droite de l’Atrato , et non loin de son embouchure) qu’il y fait une partie importante de la nourriture des gens de cou- leur. On le suit jusqu’au pays habité par les Indiens indépendans du Darien , et de l’autre côté de leur terri- toire , qui est fort peu étendu , du côté de Panama et de Porto belo on ne le voit jamais. Peut-être, dira-t-on, il ne trouve plus en ces lieux l'espèce d’aliment qui lui convient; mais, outre que la végétation de l’un et de l’autre côté de l’isthme est très-sensiblement la même, le Tapir est un animal qui s’accommode de tout, et c’est certainement , après le cochon , celui de tous les Pachy- dermes auquel le nom d’omnivore peut être le plus jus- tement appliqué. Il est assez remarquable que les chasseurs , qui notent les moindres différences dans les animaux qu'ils pour- suivent habituellement, et qui péchent bien plus par excès que par défauten établissant des espèces (1), n'aient pas séparé les deux Tapirs, qui diffèrent par presque tous les caractères extérieurs. Ils leur donnent indiffé- remment à l’un et à l’autre le nom de danta, et ce nom est celui par lequel on désigne généralement l'espèce (x) Is comptent, par exemple , jusqu’à cinq espèces de Pécaris : je ne sais pas s’ils ont raison ; mais je suis sûr au moins, qu’outre les deux espèces décrites par les naturalistes, il en existe une troisième que j'ai vue et dessinée. C7 commune dans tous les pays où l’on parle espagnol. Je me suis occupé de l'étymologie de ce nom, et je vais exposer le résultat de mes recherches, parce qu elles font connaître un système de nomenclature singulier qui a induit en erreur plus d’un écrivain européen , et à fait faire aux naturalistes voyageurs beaucoup de recherches dans une fausse direction. re Quant les Espagnols arrivèrent en Amérique, out ce qu'ils trouvèrent était nouveau pour eux et ne pouvait manquer d’exciter leur curiosité. Aussi leurs premières chroniques sont-elles pleines de descriptions rüdes , il est vrai, et telles qu’on pouvait les attendre de gens sans lettres, mais éminemment pittoresques, et qui gagnen en vivacité ce qu'elles perdent en précision. k: f Dans l'impossibilité d'embrasser à Ja fois ani d "objets nouveaux , ils durent écarter d’abord tous ceux qui é- taient pas pour eux d'un intérêt immédial. “Ainsi, les oiseaux trop petits pour être mangés furent tous en confondus sous le nom vague de paxarilos (1); tous les insectes à élytres écailleuses furent des cucarrones, cu- carrachas ; ceux à ailes transparentes , des mouches, mosCas | MOSCOS , MOSqUiLOS ; MOSCATTONES. du Quant aux animaux utiles ou nuisibles, comme on avait fréquemment à s’en occuper, il fut nécessaire de leur donner des noms; ceux des Indiens ne furent pas généralement adoptés, ils étaient dificiles à prononcer, et d’ailleurs , à cause de la muluplicité des langues, va- riant d’une province à l’autre, ils ne pouvaient convenir (1) Ce mot de paxarito ou paxaro , bien que évidemment dérivé de passer, ne veut pas dire passereau , mais s'applique à tous les oiseaux de petite ou de moyenne taille. ( 38 ) aux aventuriers espagnols, qui, à cette époque , dédai- gnaient les établissemens fixes, et, véritables condot- tieri, se portaient successivement en tous les lieux où ils pensaient qu'il ÿ avait de l'or et de la gloire à acquérir. Ils donnèrent donc des noms européens ; mais ils ne furent pas guidés dans l'application , comme on s’y serait attendu 6 par des ressemblances de forme, de taille ou de couleur. De telles ressemblances ne leur importaient guère : ils ne considéraient toutes ces espèces que sous le rapport de l'utilité dont elles étaient pour eux, ou des dommages qu’elles pouvaient leur causer, et ainsi ils leur donnèrent le nom des animaux qui, en espagnol, leur rendaient des services semblables, ou leur nuisaient de la même manière. On trouve par exemple, en Amérique, une ans de quadrupèdes avec le nom de zorro, accompagné d’une épithète qu'on néglige encore bien souvent, zorro ga- tuno , perruno, collarejo, zorro hediondo, zorrilla. Peu importait qu'ils appartinssent aux familles des felis , des canis, des gulo, des mephites ; le Chien indigène, le Yaguarundi , le Tayra et le Mapurito, mangeaient égale- ment les poules : ils durent tous s’appeler des Renards. Quant aux animaux plus petits qui saignaient les poulets , les pigeons. , qui chassaient les petits oiseaux , les souris, poursuivaient celles-ci jusque dans leurs trous, le nom se présentait naturellement ; qu’ils eussent les doigts réunis ou un pouce opposable ; que leur queue füt prenante ou non, velue ou dégarnie de poils; les eunemis des rats ne pouvaient être que des belettes ( comadrejas ). Le Lama ressemble plus au chameau qu’à tout autre (39 ) animal de l’ancien continent ; Balboa même s'y méprit , quand il en vit les premières figures , et se confirma par là dans l’idée qu’il était arrivé aux Indes. Ajoutez à cela , que les Péruviens l'employaient aussi comme une bête de somme; cependant les Espagnols, qui dédaignèrent d’abord de lappliquer à cet usage ; n’en firent point un chameau; mais, comme ils se servaient de son poil en guise de laine, ils lui donnèrent le nom de brebis (1). Le nom de Llama ou Llacma s’est, il est vrai, conservé au Pérou ; mais c’est qu'il appartenait à une langue beaucoup plus par- faite que tous les autres idiômes de l'Amérique du sud, langue qui se parlait dans une vaste étendue de pays , et qui même a été cultivée depuis la conquête. Je ne suivrai point dans ses détaiïls eettenomenclature ; j'espère qu’on ne se méprendra point sur le mot du sys- tème que j’ai employé. Je suis loin de croire que les noms aient été donnés d’après un plan formé d'avance; j'ai voulu dire seulement'que les hommes qui les ont impo- sés, se trouvant dans, des circonstances semblables,, ont dù être guidés par une mème idée dominante. Je reviens à l’origine du mot danta. On a prétendu qu'il était dérivé du portugais anta ; mais, quand on ac- corderait ce point, on ne ferait que reculer la dificulté. D'ailleurs il est faux que ce soient les Portugais qui, les premiers ,: aient connu et nommé ces animaux. Les Espagnols étaient établis à la Terre-Ferme long- temps avant eux ; et quand Oviedo, qui décrit le Tapir sous ce nom, publia son ouvrage en 1525 , les Portu- (1) Oveja del Peru , Oveja de la ticrra , Carnero de la tierra. Dans le voyage apocriphe de Waffer on a écrit Cornera au lieu de Carnero ; de là , dans la description , on én fait un animal cornu , une espèce de chèvre, que l’auteur dit avoir vue employée à porter des fardeaux. (40) gais n'avaient eu encore sur le continent de l'Amérique aucun établissement fixe, à moins qu’on ne donne ce nom à une poignée de malheureux oubliés à Rio-Janeiro, où ils ne restaient que faute d’embarcations pour en partir: Il'y a d’ailleurs une autre raison , e’est que le mot danta aussi bien que celui de:änte, et au féminin anta, existaient dans la langue espagnole avant que l Amérique füt connue , et s’appliquaient indifféremment au Buflle et à l'Elan. Quels motifs avaient pu porter à désigner ainsi, par un nom commun, deux animaux qui avaient chacun leur nom propre dans la langue ( Ælee et Bufalo), deux ani- maux dont l’un était originaire de la zône torride, l’autre des pays voisins du cercle polaire ? Ce ne pouvait être une ressemblance de forme; mais ce fut une ressem- blance d’usages. Le commerce a eu même avant la science ses noms génériques ; ses classifications fondées sur les caractères qui intéressent l’industrie; ainsi, pour les fourreurs, les Tigres forment une famille réunie, non par des caractères zoologiques, mais par la seule circonstance d’avoir la peau mouchetée ; desorteque dans leur languele Guépard est un tigre, bien qu'il n’en soit pas un dans celle des naturalistes ; de même, aux 16° et 17° siècles, les bufles étaient , pour les marchands, tous les animaux dont le cuir s’employait dans la buffléterie ; en Espagne ils étaient des antes ou dantes (1). (1 Comme beaucoup d’autres mots qui sont hors d’usage dans la Pé- ninsule, et se retrouvent encore dans la langue des créoles américains , le mot de ante s’est conservé, dans quelques cantons, pour désigner toute peau passée, un peu épaisse. Ainsi, pour distinguer des gants de chamois de ceux de daim, on nomme les derniers guantes de ante. (41) A cette époque , une partie nécessaire de l'équipement d’un homme de guerre était la cuera ou coleto de ante, ce qu'en français on nommait collet de buffle, bien que ce füt un pourpoint complet, et que, par abréviation, on nommait plus souvent encore un buffle. Quand les Espagnols pénétrèrent dans l’intérieur de Amérique du sud, en s’écartant du rivage de l'Atlantique, ils n’y trouvèrent plus des peuples doux et inoffensifs comme les insulaires de Guanahani, mais des hordes vaillantes exercées à la guerre , et connaissant jusqu'à l’art des for- üfications. Plusieurs de ces tribus avaient l’usage d’armes défensives, et se servaient de rondaches de bois recou- vertes de peau, et mème d’une espèce de cotte d'armes de cuir épais et à l’épreuve de l’arme blanche. C'était là leur bufile , et il fut naturel de donner à l'animal dont la peau était ainsi employée le nom de danta ou ane. Les premiers écrivains emploient, en effet, indiflérem- ment l’un ou l’autre nom ; le dernier à prévalu. Le danta Elan était renommé dans la médecine sym- pathique du moyen âge ; son ongle guérissait de l’épi- lepsie. Il n’y avait pas de raison pour refuser cette vertu au danta Tapir ; Gumilla, le P. Simon, et plusieurs au- tres écrivains de la même époque, nous apprennent que cette opinion régnait en effet de leur temps, et on voit qu’eux-mêmes la partageaient. D’Azzara dit qu’elle existe au Paraguay, et moi-même je l’ai trouvée en Colombie (1) (1) Toute la partie merveilleuse de la matière médicale et de l’histoire naturelle, aujourd’hui rejetée en Europe, semble s’être réfugiée en Amérique : on y trouve tous ces anciens contes , plus ou moins modi- fiés , et quelquefois il y a diflérentes versions pour les diverses localités. Ainsi , sur la Cordilière orientale c’est un scarabé qui se transforme en. (4) généralement établie chez les paysans , aux foyers des- quels il est commun de voir suspendu un pied de Tapir. On a dit qu’on donnait à la nouvelle Espagne le nom de beori au Tapir. C’est une erreur d’un premier com- pilateur que d’autres compilateurs ont transmise jusqu’à nos jours. Le Tapir, comme nous l'avons dit, n'existe pointau Mexique, et ainsi il n’y porte pas d’autres noms que ceux qu’on lui a donnés dans les pays où on le trouve. Oviedo , le premier écrivain original qui ait fait con- naître l'animal sous ce nom , ne parle évidemment dans sa relation que du pays situé à l’est de l’Isthme de Pa- nama, pays qui porta long-1emps le nom de Terre-Ferme pour avoir été la première partie du continent décou- vert par les Espagnols (1). On pourrait croire: qu'on a confondu la Nouvelle- Espagne avec la Castille d'Or (aujourd’huï province de Carthagène), dans laquelle le Tapir est assez nombreux; mais, en remontant à la source de cette erreur, je Pa trouvée dans un auteur trop bien informé de la géogra- phie du pays, pour qu'on puisse le soupconner d’une semblable méprise. un arbuste, tandis qu’un Choco c’est une grosse fourmi qui se change en palmier. À (x) Ce que j'avance ici est prouvé par de nombreux passages de cet ouvrage. Ainsi Oviedo, en parlant des mœurs des Indiens, dit : « Je « ne prétenas point qu’il en soit ainsi à la Nouvelle-Espagne (bien que ce «pays, dans la rigueur du mot, fasse réellement partie de la Terre- « Ferme), et je crois que Cortez a bien vu ce qu'il a décrit. » Dans un autre chapitre, en parlant des alectors , qu’il décrit assez bien sous le nom de paonues (Pavas), il ajoute : « On en a trouvé d’autres « plus grands (les dindons) à la Nouvelle-Espagne , et de ceux-ci quel « ques-uns ont élé apportés aux îles et à la Castille d'Or. » ( 43) C’est Herrera , dans sa quatrième Décade, qui a, le premier , commis cette faute. Obligé , en sa qualité d’his- toriographe , à suivre par ordre chronologique les éta- blissemens et conquêtes des Espagnols en Amérique , il eut beaucoup à travailler sur des Mémoires , et eut fré- qnemment à suppléer, à Faide d’une seconde relation, à ce qui manquait à la première. Il ne fut pas toujours heureux dans ses combinaisons ; on l’avait informé, par exemple, qu'il existait des dantas dans la province de Vera-Paz , et il a consigné ce fait purement et simple- ment dans un travail préparatoire , description abrégée du theâtre des événemens. Jusque là il n’y a pas d’er- reur, puisque dans l'Amérique septentrionale on don- nait le nom de danta et au vrai Élan américain (Orignal) et à une grande espèce de cerfs. Mais quand , dans son Histoire générale, Herrera traita de la même province; il ne se contenta plus de faire l’énumération des animaux, et voulut y joindre la description ; il trouva dans quelque Mémoire celle du danta Tapir, et l’employa ne se doutant pas qu’il y eût plusieurs animaux désignés par ce nom. Il paraît même qu'il s’aida d’une figure, et que , prenant pour un ergot le doigt le plus externe, il le crut symé- trique , et ainsi donna un ongle de trop à chaque pied. ‘Laët copia mot à mot la description d'Herrera ; seu- lement il y joignit le nom de beori qu’il emprunta à Oviedo (1). Pour les autres écrivains qui ont répété cette (:) On dit, dans un ouvrage nouveau, que Laët appelle le Tapir Beori animal. Il est vrai que ces deux mots se trouvent ainsi accolés dans la table des matières, de même qu’on y lit Mandioca planta , Magdalena fluvius , parce que, après chaque nom nouveau pour le lec- teur, il a soin de dire si ce mot désigne un peuple , un oiseau , une plante ou une rivière. ( 44 ) erreur ; comme ils ne font point autorité, il est inutile de rappeler leurs noms. La Condamine parle, dans son voyage, à l’amazone du‘Tapir sous le nom d’Élan, et il ajoute que les Indiens du Pérou donnent à cet animal le nom de Uagra, il yaici bien évidemment une erreur, puisque l'articulation g ne se trouve point dans la langue du Pérou. Il est probable qu'on lui a dit Huaca-racu , composé de racu, qui dé- signe toute chose remarquable par la grosseur , et de huaca qui ici veut dire un monstre par excès, un ani- mal qui a plus de doigts qu’il ne faut (1), et cela con- vient très-bien au Tapir, qui est le plus gros quadrupède de l'Amérique méridionale, et qui , au lieu d’être bisul- eus , comme les cerfs et tous les animaux à sabots connus des Péruviens, est trisulcus, eta dù leur paraître un écart de l’état normal. Il n’y a pas lieu, au reste, de s’étonner (x) Le mot de Huaca , dans la langue du Pérou , entre dans la com- position de beaucoup de noms , mais il n’y a pas toujours la même signi- fication. En général , Huaca ( prononcé sans aspiration sur le c) sert à désigner toute chose qui l'emporte sur celles de la même espèce par sa grandeur ou par sa bonté, et aussi par le nombre de ses parties, comme une couche de deux jurneaux , un œuf à deux jaunes, etc. On nommait ainsi Auaca-runa l’homme qui , en naissant , avait six doigts aux pieds et aux maius. On pourrait aussi trouver un nom très-convenable pour le Tapir dans le mot Huaca kara (cuir ou peau extraordinaire), puis- que Le Tapir a la peau d’une épaisseur tout-à-fait disproportionnée à sa taille. Il ne faut pas confondre le mot de Huaca avec un autre mot que les Espagnols écrivent de la même manière, mais qui doit se prononcer avec le son guttural pour le C. Celui-ci signifie toute chose sacrée , une statue deïdivinité, un temple , un sépulcre. Comme ces sépulcres con- tenaient souvent des vases et des idoles en métaux précieux , les Espä- gnols nomment huaca on guaca un trésor enfoui, (45) que La Condamine ait entendu Üagra où huacra pour huacaracu. N a altéré exactement de la même manière le nom d’une montagne bien connue, qu’il a écrit cayam- bur au lieu de cayambé-urcu. Il serait trop long de passer en revue tous les noms que les peuples indigènes ont donnés au Tapir, et je citerai seulement deux ou trois des principaux. Au Paraguay, les Guaranis lui donnent le nom de mborebi, mot dont d’Azzara prétend que celui de beori n’est qu’une corrup- tion. Cetie opinion , d’après ce que nous avons fait voir précédemment , est tout-à-fait inadmissible, puisque le mot beori était en usage bien avant que le territoire des Missions füt conquis. Les Galibis de la Guyane , et mème toutes les tribus indiennes qui habitent entre la rive droite de la rivière Caroni et l'embouchure du fleuve des Amazones , don- nent au Tapir le nom de Maypuri ou Manypuri. Quant à ce mot de Tapir lui-même , chacun sait qu’il est emprunté de la langue principale du Brésil ; mais on n’est pas certain si le mot indien est Zapiroussou, Ta- pihire où Tapiierete. ‘J'inclinerais pour le dernier, parce qu’il a pour lui l'autorité de Marggraf, dont l’exac- titude en ce point est bien connue. Quoi qu'il en soit, le mot de Tapir est devenu en français le nom de la famille, et il faut aux espèces des noms qui les distinguent. On connaît déjà celle de l’Inde par le nom de Mayba , qui est son nom vulgaire dans le pays; et il paraît convenable de désigner également les deux espèces du nouveau continent par des noms em- pruntés aux idiômes américains. Ainsi, l'espèce ancien- nement connue peut être appelée Tapir maypuri ; pour ( 46) la nouvelle , je propose de la nommer Tapir pinchaque, le mot de pinchaque étant le nom d’un animal fabuleux dont l’histoire se fonde principalement sur l'existence de notre Tapir dans une haute montagne de la Nouvelle- Grenade. En prononcant ce mot d'animal fabuleux, je sens Îe besoin de me justifier d'entretenir l’Académie de consi- dérations si étrangères à celles dont elle s'occupe habi- tuellement; mais il est vrai de dire que cet ordre de recherches ne peut rester étranger aux sciences naturel- les. Il est impossible de suivre dans les temps anciens l’histoire des animaux , sans avoir à chaque instant à dé- pouiller les faits réels des fables qui les entourent et les rendent méconnaissables. Le merveilleux semble avoir été un besoin pour tous les peuples pendant leur enfance; il forme le caractère saïllant des monumens de ces âges qui sont parvenus jusqu’à nous , et on les retrouve jus- que dans les productions des temps plus avancés. Quand les sciences, en effet, commencèrent à se former, l’homme supérieur ne s’adressait pas comme de nos jours aux es- prits d’un même ordre ; il avait le peuple tout entier pour juge ; et, pour gagner la faveur publique , il fallait qu’il s’accommodàt au goùt dominant. On n’eût point tenu compte à un naturaliste de l’exac- titude qu’il eût mis à décrire les animaux de son pays, animaux que chacun de ses compatriotes croyait connaîi- tre aussi bien que lui ; et, s’il parlait d'animaux des pays lointains, il ne pouvait compter, pour éveiller la curio- sité, que sur ce qu'ils présentaient réellement d’extraor- dinaire ; ou ce qu'on leur prêtait de merveilleux. On tronve en effet une foule de fables dans les anciens traités (47) d'histoire naturelle, etnous ne savons pas combien leurs auteurs ont eu à en écarter dans les traditions populaires où ils ont puisé. Les premiers historiens américains ont eu une tâche à peu près semblable , quand , quelques années après la conquête, ils ont tenté de débrouiller l’histoire des peu- plades indigènes ; il en a été de même des missionnaires quand ils ont voulu nous donner une description du pays, et nous en faire connaître les plantes et les végé- taux. On a traité avec mépris leurs relations , parce qu'elles n'étaient pas tout-à-fait exemptes de crédulité; on devrait les louer plutôt de l'esprit de critique, dont ils ont fait preuve en répétant si peu d'erreurs , et sur- iout du courage qu'il leur à fallu pour pénétrer dans ce dédale de traditions confuses , de contes grossiers, et es- sayer d'y démèler quelques vérités. Les Indiens de plusieurs villages voisins de Popayan parlent souvent d’un animal énorme qui, suivant eux, existe dans les montagnes par lesquelles leur vallée est bordée du côté de l’est. Cet animal est pour eux un objet de crainte et de res- pect à la fois ; car, mèlant à la religion chrétienne qu'ils professent des souvenirs de leur ancienne religion, ils croient à une sorte de métempsycose, pensent que l’âme d'un de leurs ancieus chefs est passée dans le Pinchaque, jugent , quand celui-ci leur apparaît, qu'il vient avertir ses descendans d’un malheur prochain qui les menace (1). Quand cette apparition a lieu, disaïent-ils, c’est à la chute du jour, ou même à la nuit close; le plus souvent (1) Le mot Pinchaque , dans la langue de ces Indiens , veut dire fan- tôme, spectre , loup-garou , toute apparition surnaturelle et eflrayinte. (48 ) sur la lisière d’un bois dans lequel l'animal rentre bientôt avec un grand bruit. Il ne se montrait point en tous lieux, et c'était communément près du Paramo de Polindara, haute montagne à 2 lieues du volcan de Purace, à 8 de Popayan. Les rapports des Indiens étaient conformes sur tous ces points ; et ne différaient que relativement à la taille du Pinchaque , que les plus modérés disaient plus grand qu’un cheval, tandis que d’autres lui donnaient une hau- teur démesurée. Quelques habitans de Popayan se persuadèrent qu’il existait réellement dans cette montagne un animal très- grand, et même un érudit prononcça que c'était l'Éléphant carnivore. C’est le nom sous lequel on désigne le Masto- donte à dents étroites, dont on trouve, en divers lieux de la Nouvelle-Grenade, des ossemens, et principale- ment des dents, dont les collines pointues parfaitement conservées , ont entretenu l’idée que cet animal se nour- rissait de chair. Des chasseurs résolurent d'aller à la poursuite du Pin- chaque, et, guidés par les Indiens du village le plus voi- sin du Paramo, ils gravirent à travers les bois dont le flanc de la montagne est couvert , et arrivèrent à la partie nue. Là ils trouvèrent , près du sommet, de nombreuses foulées de 9 à 10 pouces de largeur, ét, dans un endroit où il paraissait que plusieurs animaux avaient passé la nuit, des amas de crottes dont quelques-unes, dit-on, n’a- vaient pas moins de 5 pouces dans leur plus grande dimension. Etant rentrés dans le bois vers lequel les pas sem- blaient se diriger, un des guides , qui s’était écarté de la ( 49 ) troupe , entendit parmi les branches un grand bruit qui ne pouvait provenir, disait-il , que d’un animal de taille gigantesque. Enfin, l’un des chasseurs ayant trouvé ac- crochée à l’écorce d’un arbre une touffe de poils longs et brunâtres , jugea qu’ils avaient été laissés par un animal qui passait sous cet arbre , et ne pouvait pas avoir moins de 8 à 10 pieds de haut. On envoya à Bogota plusieurs des crottes qui avaient été trouvées dans le Paramo : la plus grande partie se brisa en route ; cependant il en restait une entière , que J'examinai avec soin. Elle avait 3 pouces 2 lignes de large sur 2 pouces 7 à 8 lignes de haut; elle était moins sphé- rique que celle de l'éléphant, et moins anguleuse que celle du cheval , lisse, comme vernie à Ja surface, ex- cepté la partie supérieure , d’où un petit morceau sem- blaït s'être détaché. En ce point je pus reconnaître, parmi les parties qui avaient échappé à la digestion , des débris de feuilles de fraylejon , et des fragmens de tiges de chusque, plantes qui, comme nous l’avons dit, font partie de la nourriture de notre Tapir. Il est vrai que toutes les fumées de Tapir que j'avais vues jusque-là étaient molles , et s’écrasaient en tombant ; mais Bajon dit positivement qu’à Cayenne elles ont la même consis- tance que celle du cheval. Pour ce qui est de lecr grosseur , elle me parut proportionnée à la taille de l’a- nimal, puisque celles du cochon ont souvent plus de 2 pouces de diamètre. Les foulées sans doute étaient très-grandes ; mais j'ai vu sur des terrains résistans et humides seulement à la superficie , des empreintes très-nettes qui n'avaient guère moins d’un empan; car le pied du Tapir s'écrase XVI. 4 (50) en pressant. Maintenant si lon songe que sur le sommet des montagnes , assez près même du point culminant, le terrain est imprégné d’eau, souvent tremblant comme dans les tourbières ; et qu’en même temps toute sa sur- face , à plus de 2 pouces de profondeur, est formée d'une couche imbriquée de mousses et de racines de petits graminées , On concevra comment un pied, déjà très- grand , peut laisser une empreinte beaucoup plus grande encore. On ne pourrait donc rien conclure de la dimen- sion des foulées qu’autant qu’on eût mesuré de plus la longueur du pas, chose que ne pensa à faire aucun des chasseurs ; et qui les eût sans doute détrompés. Quant au poil trouvé sur l'arbre à cette hauteur, il n'avait pas été faïssé par un Tapir; il n’appartenait pas uon plus à un singe, comme le faisaient très-bien obser- ver les chasseurs dans la lettre qui accompagnait leur envoi; car ces animaux ne s'élèvent jamais à une pareïlle hauteur. Mais ce pouvait être le poil d’un ours, puisque la Cordilière centrale en a aussi bien que les deux Cor- dilières latérales : moi-mème je les y ai vus et pour- suivis (1). {r) Il existe en Colombie deux ours habitans des Andes, un tout noir, qui paraît être assez rare, l’autre à front blanc ( Ursus ornatus ), l’osso frontino des habitans, À une certaine hauteur dans la Cordilière centrale j'ai trouvé à chaque pas la trace.de ces ours; des palmiers fendus , de longues et profondes égratignures sur les arbres, surtout près de l’ou- verture des ruches des abeilles sauvages, enfin, des restes de bauge, sorte de claie grossière , à 15 et 20 pieds d’élévation au-dessus du sol. Il paraît que, dans la Cordilière de l’ouest, cet ours se trouve bien plus nombreux encore que dans les autres, J'ai observé à Bogota un jeune ours de l'espèce à front blanc, qui avait été pris peu de temps après sa naissance. À neuf mois , la tache en Y, : Rre oc AA SL PEUT qui caractérise cette espèce, n’était guère encore qu'indiquée, Jus- (51) On voit comment un grand nombre de signes tous vrais en eux-mêmes, venant à se grouper autour d’un premier fait grossi par la frayeur, ont dû eonfirmer parmi les Indiens la croyance à un être tel que le Pinchaque ; ils auraient pu même douer cet animal d’une force pro- digieuse , et en raconter des choses extraordinaires sans s’écarter en rien de la vérité, au moins si en ce point le Tapir des montagnes ressemble au Tapir des plaines, qui rompt d’un premier effort le /aco de cuir avec lequel on arrête le taureau le plus vigoureux. Ce n’est pas seulement dans le nouveau continent que l'histoire du Tapir se lie à celle d'animaux fabuleux. Le merveilleux Hé des auteurs chinois, à la trompe d'é- léphant, aux yeux de rhinocéros, aux pieds de tigre, qui ronge le fer, le cuivre , et mange les plus gros ser- pens, cet animal, comme l’a très-bien jugé M. Abel Remusat , est un Z'apir; mais je ne crois pas comme lui que ce soit un Tapir habitant de ja Chine. qu’à cet âge l’animal avait véeu uniquement de fruits , de racmes et de pain , refusant la viande crue ou cuite qu’on lui présentait. Un jour je lai jetai un Ÿ’ultur papa qui, ayant recu en l'air un ‘4 de bec, était tombé étourdi dans la ville, et venait de mourir d’ufépanche- ment. D'abord l’animal en fut très-eflrayé , et fut près de deux heures avant d’oser arriver jusqu’à lui; enfin, s’en étant approché, il le flaira, sembla vouloir jouer avec lui , puis l’emporta , de la cour où il était, dans le coin le plus reculé d’une chambre obscure ; m’étant approché comme pour lui ôter l'oiseau , il Le retira , et fit entendre un cri de colère qu'il W’avait jamais poussé auparavant, même quand on le tourmentait le plus, Depuis ce moment il devint méchant, et j’appris bientôt qu’on avait été forcé de Le tuer. Les gens de la campagne m'ont dit qu'habituellement cet ours se nourrit de végétaux ; mais que, quand une fois poussé par la faim, il a mangé de la chair, il y prend tellement goût qu’il ne veut plus d’autre nourriture; il devient alors la terreur de toutes les fermes du canton, auxquelles il enlève chaque année grand nombre de mules. ( 52) Qu'un animal qui se dérobe aux recherches par sa petitesse, et quelquefois de plus par le dégoût ou la crainte qu'il inspire ; qu’un petit rongeur, une salaman- dre , une vipère, soient, dans la province qu’ils babi- tent , mal connus et l’objet de fables ridicules , cela se conçoit jusqu'à un certain point; mais un quadrupède de la taille du Fapir, dans un pays aussi peuplé que la Chine, ne pourrait manquer d'être mieux connu et mieux décrit. L'histoire du Mé est fondée sur quelque description incomplète du Tapir de Malaca, et sur quel- que représentation grossière de cet animal. Ceux des Chinois quisortent de leur pays sont des gens de Ja lie du peuple: on n'a donc point lieu de s'étonner qu’au retour ils mêlent dans leurs récits des erreurs , et même quelques mensonges. Pour les figures , elles seront venues gravées sur quel- que ustersile, imprimée sur une éteffe, sculptée en amuleite dans un morceau de jade. On conçoit que dans ces représentations grossières , le gros pied du Tapir , divisé en doigts, a bien pu être pris pour le pied d’un Jfelis ; des taches du jeune auront été arrangées de ma- nière à figurer celles de la panthère. La trompe , déjà exagérée dans l’image originale, car c’est le propre de tout dessinateur peu habile de charger le trait saillant , aura encore été allongée par le copiste, qui ne connais- sait de trompe qu’à l'éléphant. Ce même copiste enfin, ne voyant point de queue , aura suppléé à l’omission pré- tendue en lui en donnant une qui ressemble à celles des quadrupèdes les plus communs, qui ont la taille qu’on attribue au Mé. ( Foy. PI. 5, fig. 1.) Le Mé ronge le fer, le cuivre et le bois ; le Tapir (09,9 américain avale du bois, et celui des Indes à probable- ment des habitudes semblables. D’Azzara a vu le pre- mier mâcher une tabatière d’argent, peut-être aura-t-on vu de même le mayba promener entre ses dents un mor- ceau de cuivre ou de fer. S’il ronge ce métal, c’est qu'il a les dents plus dures; donc, si l’on frappe ces dents avec un marteau , c’est le marteau qui doit se rompre (1). Le Mé mange des serpens; mais qu'y aurait-il d’éton- nant à ce que le Tapir qui est très-glouton en manget ; le cochon , avec lequel il a tant de rapport, poursuit en (x) Le texte chinois ajoute que non-seulement les dents sont aussi dures que nous l'avons dit, mais encore que les os résistent au fer et au feu ; de sorte que certains charlatans, qui s’en étaient procurés, les faisaient passer pour des reliques, pour les os du divin Boudha. Je soupçonne que ceci est un conte surajouté , et emprunté à un ani- mal autre que le Tapir. J'ai vu plusieurs fois entre les mains de gens ignorans, et amis du merveilleux, des corps d'apparence osseuse, qui , disait-on , résistaient également au fer et au feu : ils soutenaient en effet assez bien la percus- sion; mais, quant à l’épreuve du feu , les provriétaires de ces pièces, daus la crainte , disaient-ils , de les ternir, n’ont jamais voulu les ÿ sou- mettre en ma présence. C’étaient le plus souvent de petits corps irrégulièrement ovoïdes , dé- primés sur un côté, qu’on trouve à la tête de certains poissons ; d’autres étaient des fragmens de la portion pierreuse de l'oreille d’un mammi- fère , et , autant que je pus le reconnaître, appartenaient au Lamantin. Je vis une de ces pièces entre les mains d’un matelot espagnol, qui disait l'avoir eue aux Philippines. Si cet homme ne mentait point, pour donner plus de valeur à son amulette, en lui supposant une origine lointaine, il serait très-possible que les Chinoïs qui vont jusqu’à ces îles en eussent rapportés dans leur pays. La prétendue indestructibilité de ces os.eût ensuite suffi pour les faire attribuer par les philosophes chinoïs , qui ne nient pas le merveilleux , mais seulement lui refusent une origine divine , au Hé, dont les dents jouissaient déjà dans leur opinion de propriétés toutes semblables. © (S4) France la vipère et la dévore; et, sous les tropiques , il s'attaque à des reptiles encore plus venimeux. Si la connaissance du mayba a pénétré plus loin que la Chine , si elle est arrivée jusqu’au centre de l'Asie, elle y sera parvenue plus défigurée encore; mais ce sera surtout dans les relations beaucoup plus que dans les images , et ainsi il faudra retrouver l'animal par ses for- mes et non par ses mœurs. Qu’au lieu de représenter l’animal marchant , on l'ait dessiné assis (ce qui est quelquefois la posture du Tapir, ainsi que l’a nôté le professeur {/aman); qu’au lieu de lui mettre la trompe haute on l’ait figurée pendante, on aura l’image queje présente ici. (PI. 5, fig.2.) La tête offre dans sa silhouette un contour semblable à celui d’une tête d’oi- seau , et on conçoit bien qu'on l'ait pris pour telle à une époque où on ne reculait pas , comme aujourd’hui , de- vant le merveilleux ; toutefois cette tête a conservé comme témoignage de son origine les oreilles du quadrupède, Il paraît que telle fut d'abord l’image du griffon quand elle arriva dans la Grèce ; du moins Hérodote, le plus ancien des auteurs qui en parle, ne dit point qu’il eût des ailes, et son silence sur un point aussi impor- tant me semble une preuve suffisante. Cet écrivain a pris soin de nous faire connaître de quelle manière l’histoire du griffon est parvenue dans son pays. Les Grecs, qui trafiquaient vers le pont Euxin, la reçurent des Scythes ; et ceux-ci, à leur tour, l'avaient apprise des Argipéens , peuples tartares à long menton, à nez épaté, à tête rasée, qui habitaient le pied de la chaîne des monts Ourals. Ces marchands mêlèrent à l’histoire des griffons les (55) notions confuses qu'ils avaient reçues des mêmes Scythes sur les riches mines de leurs Cordilières, et la manière dontils lièrent les deux traditions est tout-à-fait conforme à l’esprit et aux croyances de leur temps. Alors, en effet, c'était une chose reconnue, que tout trésor avait son gardien ; un animal non moins redoutable par sa force qu’effrayant par sa figure, un serpent ailé , un Dragon. Le griffon des monts Ourals , au bec d’aigle , aux griffes de lion (car la division des doigts avait pro- duit la mème erreur qu’à la Chine) fut naturellement le gardien de l'or de ces montagnes. Mais les dragons des cavernes de la Grèce étaient presque tous ailés; le griflon ne tarda pas à lêtre , et lon conçoit qu'il ne fallut’pas grand eflort pour accor- der les ailes de l'aigle à l’animal qui en avait déjà la tête. D'ailleurs, une fois dans la bouche des Grecs, l’his- toire ne manqua pas de s’embellir, et il est curieux de voir comme chaque écrivain à son tour y ajouta quelque chose ; comment on y rattacha successivement tous les contes qui arrivaient par la voie de l'Orient (1). (1) Tel est le conte des fourmis qui tirent l’or. D’abord on dit que ces insectes existaient dans l'Inde ( nom qui n’avait pas alors une signi- fication précise comme aujourd’hui) ; puis Elien les placa chez les Isse- dons, c’est-à-dire, dans les monts Ourals, dans le pays où l’on croyait qu’existaient les griffons. Il ne serait pas impossible que cette histoire des fourmis mineuses reposät sur un fait réel, Il est bien connu en Co- lombie que Juan Diaz découvrit une mine très-riche sur l'indication que lui donnèrent des fourmis Arrieras, qui, en creusant leur demeure sou- terraine, amenèrent à la surface , parmi les petits cailloux qui les gé- naient, de nombreuses pepites d’or. La tâche n’est pas au-dessus des forces de cet animal , et on le voit souvent porter hors de sa demeure des grains de silex bien plus pesans que ne le sont communément les (56) Les sculpteurs, qui ne considérèrent le griffon que sous le point de vue pittoresque et l’employèrent dans leurs or- nemens, contribuèrent encore à en altérer la forme primi- tive. Pour donner plus de grâce à son cou, ils le surmon- tèrent d’unecrète semblable à celle dont ils ornaient leurs chevaux (1), en tenant courts et droits les poils de la crinière. Quelques-uns mème , afin de rendre plus fan- tastique un être qui tenait déjà du quadrupède et de l’oi- seau , donnèrent à cette crête la forme de la nageoire dorsale de certains poissons. La division des pieds causa , comme je l'ai dit, la même méprise qu'à la Chine ; on les prit pour des pieds de lion ; quant à la queue, on voulut aussi y suppléer : les uns lui en donnèrent une d’après la considération de ses pieds ; les autres la firent toute de fantaisie, l’enrou- lèrent en spirale et l’ornèrent de feuilles d’acanthe. ( PI. Le "0 PP) pépites. Il faut observer d’ailleurs que dans beaucoup de lieux la couche aurifère (cinta de Oro) est très-superficielle ; j'ai souvent trouvé des fourmilières qui y pénétraient assez profondément, quoique, je l'avoue, je n’aie jamais vu d’or amené à la surface. (x) 1 ne seraït pas impossible même que ce füt la véritable crinière d’un Tapir, qui se trouvât ainsi figurée ; et, bien que nous ne la voyons pas dans le maÿba, que nous connaissons , elle peut exister dans une autre variélé du même pays. Ce caractère n’est point du tout constant, puisque la femelle de l'espèce commune n’en a pas à Cayenne, et qu’au Paraguay elle en a comme le mâle, ( 57 ) OsservaTioNs sur quelques maladies des Oiseaux ; ( Lues à l’Académie royale des Sciences, séance du 18 novembre 1828.) Par M. Frourens, Membre de l’Institut. S Ier. 1. Les recherches sur les animaux , auxquelles je me livre depuis plusieurs années , m'ont fourni l’occasion d'observer quelques-unes de leurs maladies singulières ou peu connues , et dont je me propose de publier suc- cessivement l’histoire. J'ai déjà fait connaître , par plusieurs Mémoires pré- cédens , le mode selon lequel s’opèrent, chez eux, la cicatrisation des plaies cérébrales (1) , la reproduction de Ja peau et des os (2), et la réunion des nerfs (3). Je con- tinue par ces Observations sur les maladies des oiseaux. 2. Le 12 avril 1823 on m'apporta , parmi les animaux qui devaient servir à mes expériences, une jeune poule dont les allures représentaient tout-à-fait les allures d’un animal ivre, au point que les gens même qui la soi- gnaient, frappés de cette similitude, l'avaient surnom- mée la poule ivrogne. (1) Voyez Recherches expérimeniales sur les propriétés et les fonc- tions du système nerveux , etc. Paris, 1824 , p. zu1 et suiv. (2) Voyez £xpériences sur Le système nerveux. Paris, 1825, pag. 18 et suiv. (3) Voyez Expériences sur la réunion des plaies de la moelle épi- nière et des nerfs: Annales des Sc. nat. , février 1828. ( 58 ) . Cetie poule , en eflet , chancelait presqu'à chaque instant sur ses jambes , soit qu’elle se tint simplement debout , soit qu’elle voulüt marcher ou courir. Elle n’a- vançait que par zigzags ; souvent elle tournait à droite quand elle voulait aller à gauche, et à gauche quand elle voulait aller à droite : elle reculait au lieu d’avan- cer, elle avancçait au lieu de reculer. Très-souvent aussi elle tombait sur ses jambes , qui fléchissaient et pliaient tout-à-coup sous elle. Mais c'était surtout quand elle s’élançait pour fuir ou pour grimper sur un point élevé que, ne pouvant plus maitriser et régulariser des mou- vemens devenus plus rapides, elle tombait , et roulait quelquefois long-temps à terre, sans pouvoir réussir à se relever et à reprendre l'équilibre. Ces singuliers phénomènes avaient trop d’analogie avec ceux que venaient de me montrer mes expériences, alors toutes récentes encore , sur le cervelet, pour que je ne fusse pas impatient de voir ce qui pouvait en être. Je procédai donc tout de suite à cet examen. Je commençai par mettre le crâne à nu : les os étaient parsemés de points noirâtres et cariés. J’enlevai les os, et j'ouvris la dure-mère ; il s’écoula aussitôt une grande quantité de lymphe qui recouvrait l’encéphale et en pé- nétrait toutes les cavités. Quant aux parties mêmes de l’encéphale, les lobes cérébraux et les tubercules quadrijumeaux étaient dans leur état naturel , et offraient leur couleur ordinaire. Le cervelet, au contraire, avait un aspect jaunâtre qu'il devait à un nombre infini de points et de stries jaunes, ou plutôt couleur de rouille ; qui en recouvraient toute la surface. Je l’ouvris , et je trouvai dans son centre un ? ( 59 ) amas de matière purulente et coagulée , du volume à peu près d’un petit grain de vesce , et parfaitement isolé de l'organe qui le contenait dans une cavité, creusée dans son épaisseur et dont les paroïs étaient extrêmement fines et lisses. 3. Cette année-ci, 1828, peu après mon retour à Paris, M. Frédéric Cuvier voulut bien m'instruire qu’il y avait, à la Ménagerie du Jardin du Roi, un coq atteint d’une maladie cérébrale dont tous les symptômes sem- blaient indiquer le siége dans le cervelet. Ce coq avait été beaucoup plus malade qu'il ne l'était dans le moment, le mal ayant en partie cédé à quelques applications de sangsues faites sur la nuque. Je fus voir ce coq. Chez la poule qui précède, les mouvemens avaient quelque chose de fougueux et d’impétueusement désor- donné. Chez ce coq, au contraire, les mouvemens étaient calmes et lents; ils se faisaient avec peine , comme avec paresse , mais leur trouble et leur défaut d’équilibration n'en paraissaient pas moins. Ainsi, si l'animal se tenait debonik ses jambes flé- chissaient à tout moment sous lui ; s’il marchait, on aper- cevait une sorte d'hésitation et de disharmonie dans ses mouvemens ; on le voyait chanceler, et quelquefois, sur- tout si on le faisait marcher vite, perdre l’équilibre et tomber. Quand il becquetait, rarement son bec frappait- il juste et rencontrait-il le grain; enfin, sa tête et son cou étaient dans un état d’instabilité ou d’oscillation presque continuelle. Ce coq mourut dans les premiers jours du mois d’août. J’ouvris son crâne. Les veines ou sinus de la dure-mère qui répondent au cervelet, tant le supérieur que les laté- ( 60 ) raux , étaient gonflés et gorgés de sang. Quant aux lobes cérébraux et aux tubercules quadrijumeaux, ils se trou- vaient encore cette fois-ci dans leur état naturel, et offrant leur couleur ordinaire; mais le cervelet avait une cou- leur rosée, ou d’un rouge tendre, couleur qu’il trait d'un nombre infini de points et de stries rouges qui en parsemaient toute la surface. Les points ressemblaient exactement à de petites ecchymoses qu’auraient produites des piqüres d’épingle faites sur cette surface ; et les stries ressemblaient à des vénules gorgées de sang, ou, mieux encore, à des filets de sang. Au reste, il n’y avait que Ja superficie de l'organe qui offrit de pareïlles stries et de pareils points : tout l’intérieur, parfaitement sain , con- servait sa couleur naturelle. 4. Le 9 du même mois, madame Rousseau voulut bien m'envoyer de sa riche basse-cour du Pecq, près Saint- Germain , un jeune coq qui venait de mourir d’une ma- ladie qui lui avait paru singulière. Ce coq me fut apporté par M. le docteur Salla, qui me donna les détails sui- vans sur sa maladie. L'animal ne pouvait se tenir quelque temps debout sans chanceler sur ses jambes; il chancelait encore plus quand il voulait marcher ou courir : son cou oscillait ou tremblait presque toujours, surtout quand il s’allongeait et s’éloignait du corps. Cette oscillation cessait , si l’on offrait quelque appui au bec ou à la tête de l’animal. On voit que ces symptômes se rapprochent tout-à-fait de ceux que je viens de décrire chez le coq précédent ; aussi l’état des parties cérébrales fut-il entièrement le même. La dure-mère nr'offrit le même engorgement de ses (61) veines ou de ses sinus dans la région du cervelet ; le cer- velet la mème couleur rosée , et cette couleur également due à des points et à des stries rouges, dont toute sa surface était parsemée. Je retrouvai enfin la même inté - grité dans son intérieur, et le mème état naturel du reste de l’encéphale. 5. Maintenant, si l’on compare ces trois observations entre elles, on voit, 1° qu'il y a deux degrés distincts d’apoplexie: une apoplexie profonde, ou dont le siége pénètre jusque dans le centre même de l’organe ; et une apoplexie superficielle, où dont le siége n’atteint que la superficie de l’organe. 2° Qu'à chacun de ces degrés différens d’apoplexie correspondent des symptômes propres et déterminés : à l’apoplexie profonde, un trouble et un désordre com- plets des mouvemens ; à l’apoplexie superficielle, une simple instabilité ou défaut d'énergie musculaire, et de situation fixe et équilibrée ; 3° Que l’apoplexié profonde s'accompagne de l’apo- plexie superficielle (1), mais qu’il n’en est pas de même de celle-ci, qui peut exister sans l’autre (2), et qui n’en paraît que le premier degré, un degré précurseur, qui doit éveiller toute l’attention du médecin pour prévenir le passage de la maladie au second degré; 4° Enfin que l’apoplexie , même l’apoplexie profonde, l'apoplexie la plus grave par conséquent, est suscepti- ble de guérison naturelle : ce que montre bien la pre- (1) Dans la première observation , la superficie de l’organe offrait des traces de lésion , comme l’intérieur. (2) Dans les deux dernières observations, la surface de l'organe offrait seule des traces de lésion. (62) mière observation par la couleur jaune des points et des stries, par lisolement de la matière épanchée, surtout par la cicatrisation parfaite des points de l’organe qui entouraient l’épanchement; et ce dont, au reste, les belles observations de M: Serres sur les différens cas d’a- poplexie dans l’homme, et mes nombreuses expériences sur toutes les parties de l’encéphale , dans les animaux, ont déjà donné tant d'exemples. $ IL. 1. Au mois de juin 1824, il y avait au Jardin du Roi une grue dont la tête, par un mouvement horizontal plus ou moiïns rapide, se portait presque continuelle- ment de droite à gauche et de gauche à droite. J’ai long- temps observé ce curieux animal avec M. Frédéric Cu- vier à qui je devais d’être instruit de sa maladie. Cette grue est morte durant mon absence, et je n’en rappelle ici le souvenir que pour signaler et constater un exem- ple naturel, et par cela seul précieux, des mouvemens singuliers qui, comme l’ont montré mes nouvelles expé- riences , suivent la section des canaux semi-circulaires de l'oreille. D'après ces expériences , cette grue était évi- demment atteinte d’une affection spéciale des canaux semi-cireulaires horizontaux. 2. Je passe à un autre ordre de maladies. $ HIT. 1. Au mois de mai 1526, me trouvant à la campagne, on m'apporta un petit canard d'une couvée nouvelle- (65 ) ment éclose , qui, disait-on , venait sans doute d'avaler quelque chose de travers, et qui était sur le point de suffo- quer. Ce petit canard ouvrait un large bec et ne respirait qu'avec une peine extrême. J’examinai le gosier , la tra- chée-artère, l’œsophage; je ne vis rien. Cependant les angoisses de l’animal continuaient et s’accroïssaient , et, au bout d’une ou deux heures , il mourut. Je l’ouvris aussitôt. Je ne trouvai aucun corps étran- ger ni dans la trachée-artère, ni dans l’œsophage; mais je trouvai les poumons d’un rouge foncé et gorgés de sang. C'était d’une violente inflammation aiguë de poi- trine que ce canard était mort. 2. Je me rendis à la terrasse où se trouvaient les petits canards ; on m'en montra aussitôt un autre qui venait de tomber dans le même état de suffocation que le pré- cédent , et à qui cette suffocation , me dit-on, avait pris tout d’un coup. En effet, pendant que je l’examinais, un troisième fut subitement saisi, sous mes yeux, d’une oppression de poitrine si vive qu'au moment même où il fut frappé , l'animal devint immobile ; il ouvrit un large bec, il ne respira plus qu'avec une peme extrème; en touchant son cœur, on sentait une palpitation très-vive ; il ne mangea plus, il ne but plus , et mourut au bout de deux ou trois heures. Celui que j'avais trouvé sufloquant, à mon arrivée à la terrasse, mourut aussi quelques heures après l’invasion de sa maladie. Je les ouvris tous les deux , et je retrouvai, chez tous les deux, le même en- gorgement inflammatoire des poumons que j'avais observé chez le premier. C'était à la mème espèce de pneumonie aiguë qu'ils avaient tous trois succombé. » x 3 . , . x 3. La terrasse où l’on avait porté, de ce jour-là seu- (64) lement , ces petits canards , et qui n’était d’ailleurs nul- lement destinée à élever de la volaille, était située au nord ; le soleil y parvenait à peine, et conséquemment elle était fort froide. Or, c'était évidemment le froid , et le froid seul, qu’il fallait accuser de ces violentes inflam- mations pulmonaires auxquelles trois petits canards avaient déjà succombé. Je fis donc tout de suite transpor- ter ceux qui survivaient encore , et qui étaient au nom- bre de sept, dans une basse-cour située au midi , et par- faitement exposée au soleil. On réchauffa soigneusement ces petites bêtes ; et, de ce moment, les inflammations de poitrine disparurent sans retour. Les sept cannetons, tous les sept sans en excepter un seul , ont parfaitement réussi, etsont parvenus à l’âge adulte. 4. Cet effet si violent , et, si l’on peut ainsi dire, fou- droyant, du froid sur ces jeunes oiseaux , me rappela ce que j'avais observé, quelques années auparavant, sur des poules et des canards privés de leurs lobes cérébraux. Ces poules et ces canards , opérés durant la belle saison et complètement guéris d’ailleurs de leur plaie, étaient presque tous (1) morts de phthisie pulmonaire , dès les premiers froids qui avaient succédé à leur opération. (x) Hors deux poules âgées de trois à quatre ans, que je conservai vivantes, quoique privées de leurs lobes cérébraux , l’une durant dix mois , et l’autre durant six mois et demi. J’abandonnai la première de ces poules à mon retour d’alors (1823) à Paris ; la seconde mourut d’un accident étranger à son opération et au froid. ( Voyez mes Recherches expérimentales sur les propriétés et les fonctions du système ner- veux , etc. Paris, 1824, p. 87 et 124.) Les oiseaux ( poules ou canards) privés de leurs lobes cérébraux , que j'ai perdus de phthisie pulmo- naire , étaient tous des oiseaux de l’année ; circonstance digne de re- marque , en ce qu’elle montre bien ce que montrent également d’ailleurs (65 ) 5. En 1824, j'avais porté dans ma chambre, pour mieux la défendre du froid , l’une de ces poules que je conservais et étudiais avec soin depuis plusieurs mois. Cette poule n’était tranquille que lorsque je la tenais près du feu ; si je l’en éloignais , elle paraissait tout de suite mal à son aise, souffrante ; elle allait de côté et d'autre jusqu’à ce qu’elle se retrouvât encore près du feu , et alors elle s’en approchait jusqu'à se brüler, quel- quefois même jusqu’à s’y jeter dedans : quand elle en était à une distance convenable , elle se couchait sur le côté , étendant une aile, et soulevant ses plumes pour mieux se pénétrer de l’impression de la chaleur. Si le feu venait à s'éteindre , ce qui arrivait souvent, surtout quand je sortais , la poule s’en approchait de plus en plus à mesure qu'il $’éteignait , et enfin elle allait se coucher jusque sur les cendres et sur les tisons éteints. Elle mou- rut vers la fin de novembre. Je trouvai ses poumons en- flammés et gorgés de sang sur divers points, et, sur divers autres , en état de suppuration. En 1825 , je perdis également, dès les premiers jours de décembre , une autre poule et un canard que je con- servais , privés de leurs lobes cérébraux, depuis le mois de juillet. J’ouvris ces deux animaux , et je trouvai qu’ils avaient péri , comme le précédent , d’inflammation et de suppuration pulmonaires. 6. Le rapprochement de ces effets du froid sur ces différens animaux , son action si déterminée et si con- stante sur l’organe respiratoire , ces degrés divers d’in- toutes ces Observations , que la phthisie est surtout une maladie du jeune âge , et que c’est surtout à cet âge que le froid est susceptible de la produire. XVIII. 5 (66) flammation chronique ou aiguë qui venaient de se pro- duire sous mes yeux, tout cela me fit sentir que J'avais enfin entre les mains un moyen d’investigations et d’ex- périences directes sur l’une des maladies les plus cruel- les qui aflligent l'humanité , sur la phthisie pulmonaire. Je résolus d’en tirer tout le parti possible. 7. J'eus bientôt à ma disposition une nouvelle couvée de onze canards ägés de huit jours. Je fis trois parts de cette couvée. Trois petits canards furent portés, à dix heures du matin , sur la terrasse située au nord, où je les laïssai, ou plutôt, où je m'étais proposé de des laisser jusqu’à quatre heures du soir ; mais deux de ces canards moururent de deux à trois heures , le troisième fut trouvé mort le len- demain matin, dans le panier où on l'avait couché; et c’est encore de pneumonie aiguë qu’ils étaient morts tous les trois. Trois autres furent constamment portés, durant le beau du jour, dans la basse-cour située au midi : tous les trois étaient parvenus à l’âge adulte. Enfin, les cinq autres furent alternativement portés de la basse-cour du midi à la terrasse du nord, de manière à passer à peu près une heure dans l’un de ces lieux, et une heure dans l’autre. J'avais pensé déterminer ainsi en eux, par l’action d’un froid non continu, une inflammation pul- monaire chronique ; mais ils périrent tous d’inflammation aiguë, comme les trois précédens : ils périrent seule- ment un ou deux jours plus tard. 8. I était évident que c'était au jeune âge de l’animal qu’il fallait attribuer cet effet si soudain du froid , même d’un froid interrompu ; aussi aurais-je vivement désiré alors des canards plus âgés, mais il n’y en avait pas. D'ailleurs la saison chaude avançait : je renvoyai donc mes expériences au retour des froids. (67) g. Je me procurai, dans les premiers jours d'octobre 1826 , une couvée de vingt-trois poulets, âgés d’un mois à peu près. Dès que les premiers froids parurent , je mis six de ces poulets dans un local approprié que je mainte- naïs tout le jour à une douce température ; la nuït je cou- chais ces poulets dans des paniers où ils étaient chaude- ment couverts. Aucun de ces six poulets, parmi lesquels il y avait quatre femelles et deux mâles, n’a été atteint de phthisie pulmonaire ; un seul est mort d’une maladie aux yeux , dont je parlerai tout à l'heure, et un autre en a perdu un œil. 10. De onze poulets que j'ai constamment tenus dans la basse-cour située au midi, tous, à l'exception de deux, une poule et un coq, sont morts , avant la fin de décem- bre , de phthisie pulmonaire , après avoir passé par tous les degrés de l’étisie et de la consomption. Ces poulets qui , à la fin d'octobre , étaient encore vifs et gais, perdirent peu à peu leur vivacité et leurs forces; ils trainaient leurs ailes, leurs plumes se hérissaient , leurs flancs se creusaient ; ils gémissaient et piaulaient presque continuellement; leur voix s’altérait, s’enrouait, s'éteignait progressivement ; ils ne mangeaient presque plus ; ils devinrent d’une maigreur extrème, leur peau sèche , était collée sur les os : ils cherchaient à entrer dans les appartemens pour sy abriter, et, ‘quand ils y étaient entrés, on les voyait s’approcher le plus qu’ils pouvaient du feu, et aller se coucher jusque sur les cen- dres, mème sur les chiens ou les chats qui entouraient le feu. 11, À la mort de ces animaux, je trouvai leurs pou- mons dans différens états d’inflammation et de suppura- tion, Généralement, le larynx, toute la trachée-artère, et (68 ) les bronches, étaient pleines d’une humeur purulente d’un gris sale , ou couleur de boue , et d’une odeur fé- tide ; cette humeur était parsemée d’une infinité de très- petits points noirâtres, et quand on la mettait dans l'eau, elle allait au fond. Les poumons, sur certains points , étaient gorgés de sang , et là leur tissu , ramolli et comme putréfié, avait une couleur lie de vin. Sur d’au- tres points, ordinairement sur le bord externe et posté- rieur, les vésicules offraient des points noirs pareils à ceux dont l'humeur purulente était parsemée (1). Enfin , sur d'autres points, on voyait des vésicules rongées , et for- mant de petites poches remplies de ce pus sale dont les bronches , la trachée-artère et le larynx étaient pleins. Quant aux deux poulets qui survécurent, ce qu'ils durent sans doute à ce qu’ils s'étaient trouvés mieux revê- tus de plumes que les autres quand les froids survinrent, ils sont toujours demeurés petits et faibles. 12. Îl reste six poulets encore pour compléter le nom- bre de vingt-trois sur lequel j'avais établi mes expérien- ces. Voici ce que je fis de ces six poulets, Je les laissai d’abord avec les onze de la basse-cour jusqu'à ee qu'ils m'offrissent des signes bien évidens de phthisie plus ou moins avancée. Alors je les portai dans le local à tem- pérature douce où Je les réunis, après les avoir marqués d’un morceau d’étoffe à la patte , aux six qui s’y trou- vaient déjà. 13. Deux de ces poulets qui seraient sûrement morts ou le jour même ou le lendemain , si je les eusse lais- sés dans la basse-cour, après avoir paru d’abord repren- (1) Dans plusieurs de ces points noirs je trouvai un très-petit corps dur, crépitant, de couleur blanche, et d’une apparence osseuse ou comme cornée, ( 69 ) dre quelque force, périrent , l’un au bout de cinq jours, et l’autre au bout de neuf. Je trouvai leurs poumons dans ur état complet de suppuration ou d’inflammation. 14. Les quatre autres poulets reprirent peu à peu de la vivacité et de la vigueur; ils se remirent à manger avec appétit : ils se rétablirent enfin complètement ; et au mois d'avril 1827, époque où Je leur donnai la liberté à tous , ils se portaient tout aussi bien que ceux qui n'a- vaient jamais quitté le local à température chaude. 15. Parmi les quatre poulets guéris se trouvaient trois coqs que je sacrifiai pour voir et quel pouvait être l’état actuel de leurs poumons , et quel pouvait avoir été celui par où ces organes avaient passé durant les signes évidens de phthisie que ces animaux m'avaient offerts; signes dont le plus immédiat et le plus direct est un pus sale qu'on voit sortir de la glotte, en tirant la langue au dehors du bec, et en comprimant le larynx ou la trachée- artère. J'ouvris donc la poitrine de ces trois coqs ; je trouvai, chez tous les trois, des traces d’une altération ancienne des poumons, plus ou moins profonde , et maintenant guérie (1). Je conserve dans la liqueur un de ces poumons guéris dont un lambeau entier n'offre plus que des vésicules aflaissées et déprimées , et où se distinguent encore des traces des points noirs qu’elles avaient contenus durant le cours de la maladie. 16. J'ai déjà dit que l’un des six poulets que j'avais (1) Je conservai la poule que je destinais à me donner des œufs, au moyen desquels je me proposais d'étudier le mode d’action que peut exercer par la génération la phthisie pulmonaire guérie. Mon retour à Mntarn? » le « . Paris m'a empêché de mettre cette expérience à exécution, ( 70 ) enfermés dans un local approprié, pour les garantir du froïd , était mort d’une maladie aux yeux, et qu’un autre en avait perdu un œil. Cette maladie consistait en de petits abcès qui se formaient sur divers points de la cornée, et qui contenaient un pus blanchâtre. Quelquefois l’inflammation s’étendait à tout le globe de l'œil; les paupières offraient alors une tuméfaction énorme ; il s’accumulait sous elles une matière albumi- neuse coagulée | semblable à du blanc d’œuf : ja cornée se détachait, tombait, et l'œil se vidait. C’est ce qui arriva au poulet qui mourut, et à celui qui perdit un œil ; pour les autres, la maladie se borna à quelques abcès qui se guérirent d'eux-mêmes. 17. Aureste, cette maladie des yeux, due, dans ce cas, aux vapeurs concentrées du local où ces poulets étaient renfermés , est aussi très-souvent déterminée chez ces animaux, et d'une manière bien plus cruelle, par le froid , surtout par le froid humide. 18. Durant les pluies de l’hiver de 1826 à 1827, le volailler qui fournissait à mes observations, et dont le niveau du sol était très-bas, se trouva constamment inondé d’eau. La plupart des poules , surtout des poules jeunes , furent atteintes d’abcès à la cornée et d’inflam- mations du globe de l’œil, au point que plusieurs en per- dirent les yeux ; mais l'effet du froid humide ne se borna pas là. À ces abcès de la cornée se j oignirent souvent des tumeurs énormes sur la tête: ces tumeurs s’abcédaient ; il s’en écoulait avec abondance un pus sanieux ; et presque toujours l'animal succombait. Plusieurs poules furent aussi atteintes alors de rhumatisme aigu et de sciatique ; ce qui me donna lieu de faire sur ces maladies quelques observations que je renvoie à un second Mémoire. ( gx ) 6 IV. 1. Des observations qui précèdent touchantles eflets du froid sur les oiseaux , il suit: 1° que, chez ces animaux, le froid exerce une action constante et déterminée sur les poumons ; 2° Que l'effet de cette action est d'autant plus prompt et plus grave que l’animal est plus jeune; 3° Que , quand le froid ne détermine pas une inflam- mation pulmonaire aiguë et promptement mortelle, il produit une inflammation chronique, laquelle est la phthisie pulmonaire mème ; 4° Que la chaleur prévient constamment l'invasion de la phthisie pulmonaire; que constamment aussi, quand l'invasion a eu lieu, elle-en suspend les progrès , et que quelquefois même elle les arrête et amène une guérison complète ; 5° Que cette maladie, à quelque degré qu'elle soit parvenue , n’est jamais contagieuse. Les poulets atteints de phthisie étaient non seulement tout le jour avec les poulets sains, mais la nuit on les couchait dans les mêmes paniers ; sans que jamais ceux-ci aient éprouvé la moin- dre influence d’une communication aussi intime et aussi prolongée ; 6° Enfin, que l’action d’un air trop long-temps ren- fermé expose ces animaux à des abcès à la cornée, et à desinflammations du globe de l'œil ; abcès et inflamma- tions que détermine aussi chez eux, et d'une manière bien plus cruelle encore , le froid, et surtout le froid humide. 2. Une longue suite d'observations faites sur l’homme a sans doute bien appris que le froid est le fléau le plus (72) redoutable pour les inflammations pulmonaires chroni- ques , et que la chaleur est, au contraire, leur remède le plus eflicace. Les expériences qu’on vient de voir con- firment, d'une manière aussi directe que décisive , et l'effet pernicieux du froid , et l’effet salutaire de la cha- leur ; et en montrant ainsi avec la dernière évidence, et où est la source du mal, et où est la source du bien, _ peut-être que leur résultat ne sera pas entièrement perdu pour l’humanité. À la vérité, ces expériences ne portent encore que sur la phthisie pulmonaire accidentelle ou acquise; mais Je me propose de les compléter par des expériences sur la phthisie tuberculeuse ou congériale de certains Mammi- fères, Ruminans ou Rongeurs, chez lesquels cette es- pèce de phthisie est très-commune. 3. Je termine ici ce Mémoire. Je renvoie à un second la suite de mes observations sur les maladies des ani- maux, Oiseaux ou Mammifères. Ce qui précède, bien qu'il ne s’étende encore qu'aux oiseaux de nos basses-cours, suflit pour donner une idée du parti qu’on pourrait tirer de ces observations, même pour éclairer la pathologie humaine, et pour montrer combien on aurait tort de les négliger et de les dédaigner. 4. Réaumur se plaignaït de ce que « les connaissances « les plus élémentaires sur les oiseaux de nos basses= « cours manquaient encore (1). » [l ajoutait que l’étude de ces animaux pouvait néanmoins offrir des amusemens aussi doux qu'uliles, ei qu'il appelait des amusemens vraiment philosophiques (2). (1) Art de faire éclore et d'élever en toute saison des oiseaux domes- tiques , etc., tom. IT, p.241. (2) Zbid , p. 250. (75 ) Mais si ce célèbre académicien eût vu sortir de cette étude des résultats directement et immédiatement appli- cables aux maladies de nos semblables, il l’eût sans doute regardée comme aussi sérieuse que féconde , et digne de toute l’attention de ceux qui se livrent au traitement des affections morbides de l’économie vivante, soit chez l’homme , soit chez les animaux. Sur les yeux et la vision des Ænsectes , des Arachnides et des Crustacés ; Par M. F. Murzer, Professeur à l'Université de Bonn. (Suite et fin.) 4 De la vision des Insectes et des Crustacés par les yeux composés. Ce que l’on sait de la vision des insectes est bien peu de chose. Hook (1), Swammerdam , Roœsel (2) et Réau- mur (3) ont fait des essais multipliés qui eurent peu de succès. Ce qui parait certain, c’est que le cercle visuel des in- sectes ne comprend de l’horizon entier, que la partie correspondante à l’étendue du segment de sphère que re- présente leur œil. Les insectes ne s’enfuient que lors- qu'on s'approche d’eux dans l'horizon déterminé par la circonférence de l’œil. De plus les yeux des insectes ne (a) Micrograph., P: 178. (2) Znsecten belust. , IL ,p. 51. (3) Mém. pour servir à l'Hist, des Insectes , tom. V,p. 283. ( 74 ) sont point susceptibles de changemens , pour une vision distincte à des distances différentes ; ils ne voient bien que les objets rapprochés; les plus grands papillons et les Nevroptères les plus farouches ne s’enfuient pas , ainsi que M. Treviranus le fait remarquer, lorsqu'on s’ap- proche d’eux sans jeter une ombre et sans faire du bruit, jusqu’à ce que l’on soit à une distance de 10 à 15 pieds. Les Nevroptères reconnaissent à la vérité fort bien de près leurs semblables, et le mâle suit la femelle dans le vol; mais les papillons errent partout, et la femelle se laisse fréquemment tromper, avant de trouver la plante sur laquelle elle dépose ses œufs. Les explications données jusqu'ici de la vision des in- sectes , sont assez singulières. Je ne m’arrêterai pas long- temps à celles qu’on a avancées sans connaissances ana- tomiques de l’organe visuel. M. Prévost dit (1) : « Si les yeux des insectes étaient de même matière que les nôtres, et de forme précisément semblable , ces animaux seraient singulièrement myopes ; car, pour que l’image d’un ob- jet vint se peindre exactement sur la rétine, il faudrait que la distance de l’objet à l'œil füt aussi petite, par rap- port à la distance requise pour l’œil humain.» Cette pré- caution était inutile pour deux raisons. Quand même l'œil des insectes pourrait être comparé à l'œil doué d’un cristallin des animaux vertébrés , le contraire aurait lieu quant à la distance visuelle; car, d’après les lois de la réfraction, l’objer le plus éloigné exige la plus petite distance.entre la rétine.et le eristallin. M. Marcel de Serres est tenté de prendre la ;con- vexité de la cornée comme une cause de réfraction. C’ | ti | re el beauc est dans cette supposition qu 11 mesure chez beaucoup (1) Biblioth. britannique , mai 1813, p, 418. (75 ) d'insectes la convexité de la cornée et ses déviations de la forme sphérique, et il est porté à attribuer une vision plus parfaite aux Insectes, dont la cornée est très- convexe, Mais si les filamens du nerf optique sont en contact immédiat avec la cornée , ainsi que l’admet à tort M. Marcel de Serres , il ne peut plus aucunement être question d’une vision par réfraction; car, quoique la cornée, plus dense et plus convexe à l'extérieur, rap- proche quelque peu la lumière des rayons du segment de sphère formé par l'œil, les extrémités des filamens optiques , en contact avec la surface interne et convexe de la cornée, ne sont cependant pas situées dans le foyer de l’image , et ne sauraient être que simplement éclai- rées. C’est par suite de cette hypothèse, dont l’oppo-. sition manifeste avec les lois de la réfraction et de la vision des animaux à yeux cristallins (ayant un cris- tallin) n’a pas besoin d’être démontrée davantage, que M. Marcel de Serres n’a pas remarqué la vraie uti- lité de la convexité de la cornée sous le rapport de la grandeur du champ visuel. Les déviations nombreuses de la forme sphérique , qu’il a reconnues dans les yeux composés, n'auraient dû lui laisser aucun doute sur les contradictions que présente sa manière d’en expliquer le but. En eflet, M. Marcel de Serres sentait combien son explication était peu satisfaisante, car, dans un auire endroit , il dit que les Insectes voient par la per- ception immédiate de la lumière , sans milieux réfrin- gens : assertiou qui met de nouveau en défaut la nature, et spécialement les lois du mouvement de la lumière. Mais Les recherches anatomiques de M. Marcel de Serres ont été trop imparfaites pour lui faire connaître l'organe (76 ) par lequel l’image est produite d’une autre manière, sans réfraction. M. Treviranus a découvert les cônes transparens dans l'œil de la Blatie orientale, et il est porté à attribuer la même organisation à tous les Insectes lucifuges ; maïs il n’a point aperçu l'importance de sa découverte, et il se met également en contradiction avec les lois de la phy- sique. C’estainsi qu’il dit que, si l’œil des animaux supé- rieurs a l’organisation d’une chambre obscure , l’œil des Insectes doit être comparé à un miroir convexe , sur le- quel les objets se représentent grossis. L'image des corps grands et éloignés est réfléchie , selon lui, par la surface entière de la cornée , et l’image des corps petits et rap- prochés, par la surface de certaines divisions de la cornée. Les premières images sont perçues par tout le nerf optique , et les dernières par quelques filets seule- ment de ce nerf (1). Ces suppositions sont en effet tout-à-fait inintelligi- bles. Jamais un miroir n’a une image sur lui ou en lui, mais une image est seulement vue dans le miroir lors- que devant lui se trouve un œil à cristallin qui réfracte la lumière tombée des objets sur le miroir, et réfléchie par lui sous son angle d'incidence. Cet organe forme des images avec, cette lumière réfléchie, de la même manière qu’il en fait avec la lumière arrivant directement des objets ; ou bien si le miroir, comme partie d’un organe visuel , pouvait sentir lui-même, il ne percevrait pas une image, mais seulement la lumière qui l’éclaire d’une ma- nière genérale. Dans la Biologie (tom. VI, p. 440), M. Treviranus s’est rapproché davantage du fait, lors- (x) Fermischie schrifien, tom. IE, p. 152. (77) qu'il dit: « Que les seuls rayons lumineux qui puissent parvenir au nerf optique, sont ceux qui tombent perpen- diculairement sur l’une des nombreuses facettes de la cor- née, et que tous les autres sont réfléchis par le pigmentum luisant qui se trouve immédiatement sous celte cornée.» Que la lumière suive cette marche à travers l'œil, et qu’elle doive nécessairement la suivre dans les milieux transparens , c’est ce que l’on comprend ; mais ce qu'on ne conçoit pas, c’est que le pigmentum puisse n’accorder le passage qu'aux rayons perpendiculaires , à l’exclusion de tous les autres. L’on ne voit pas davantage pourquoi le pigmentum coloré détruirait la distinction des couleurs, en communiquant aux images des objets sa teinte propre. Si le pigmentum coloré était un corps transparent, inter- posé à la cornée et au nerf optique, ce qui n’a pas lieu , il se pourrait sans doute qu'il communiquât sa couleur, comme lorsqu'on voit à travers un verre de couleur ; mais si le pigmentum était un corps opaque , comme il l’est en effet pour l'ordinaire , sa couleur, quelle que soit la position de ce pigmentum, n’aurait aucune influence sur la nature des couleurs de l’image, à moins que ce ne soit par réflection, ce qui n’est pas ici le cas : il est donc indiflérent que le pigmentum soit situé au devant, en arrière , ou sur les côtés des filamens du nerf optique. Ce qui précède pourra suflire pour montrer combien les opinions avancées jusque-là sur la vision des Insec- tes , sont loin d’être des explications réelles. Les organes transparens , intermédiaires à la cornée et aux filamens du nerf optique, organes que Swammerdam connaissait déjà chez l'abeille, qu’André , Cavolini , Schæffer, ont décrits chez les Crustacés , que Treviranus a découverts chez la Blatte orientale , et qui , d’après mes recherches, (78 ) existent dans les yeux composés de tous les [nsectes sans exception , sont les parties les plus importantes de cet appareil visuel pour isoler la lumière , et ont été négli- gés sous ce rapport dans les explications qu’on à données de cette fonction. Maïs nous nous croyons maintenant en état de donner une explication complète et satisfai- sante de la vision des animaux articulés ayant des yeux composés. Les yeux composés ne sont ni un instrument dioptri- que , ni un appareil catoptrique ; les animaux qui en sont pourvus ne voient que par un mode plus nettement dé- terminé de l'impression générale de la lumière. Un organe visuel sphérique , éclairé par des rayons lumineux de diflérentes couleurs, qui arrivent de plusieurs endroits très-différens du monde extérieur, n’offrira, dans la distribution de la lumière à sa surface sphérique et de même dans la sensation , qu’une distinction très-incom- plète des différentes couleurs. Un segment de la sphère sera, par exemple, éclairé davantage par la lumière rouge, un autre par la lumière bleue. Les rayons lumi- neux, provenant des divers objets, occuperont une grande partie de l’œil ; et, lors même que le mélange du clair, de l'ombre et des couleurs , ne sera pas très-grand , il ne pourra être perçu qu’une lumière colorée moyenne. Il s'agissait d’isoier et de circonscrire la lumière émise par différens points , et en éclairant de toutes parts la rétine sphérique, de la réduire de nouveau sur cette dernière à des points déterminés, comme elle l'était dans les objets extérieurs : ceci pouvait se faire par les deux manières développées plus haut. Si un point déterminé de la rétine ne peut recevoir la lumière que d’un point déterminé de l’objet extérieur, tandis que cette lumière (79 ) est exclue de toutes les autres parties de la rétine , il se formera ainsi une image de cet objet. C’est ce qui a lieu dans les yeux composés des Insectes et des Crustacés, par le moyen des cônes transparens situés entre les ex- trémités des filamens optiques et les facettes de la cor- née, unis aux uns et aux autres par leurs extrémités, et revêtus de pigmentum sur leurs parois latérales ; cha- cun de ces cônes, placés à la périphérie d’une masse nerveuse convexe, ne laisse arriver au filament du nerf optique , auquel son sommet correspond, que la lumière qui coïncide immédiatement avec l’axe du cône. Tout le reste de la lumière émise par le même point , et tombée obliquement sur la cornée , n’atteint pas l’extré- mité inférieure des cônes , et ne peut être perçue par les autres filamens du nerf optique, parce que, arrivant obliquement, elle est absorbée par le pigmentum qui tapisse les paroïs des cônes transparens, La PI. xx, fig. 3, représente la coupe d’un œil composé, afin de montrer la marche de la lumière. Si maintenant de la lumière de couleurs différentes, émise par les points a, b, c, d, tombe sur l'œil , le cône À sera éclairé de part en part par la lumière d qui lui arrive dans son rayon. Tous les autres cônes situés latéralement , hors de la ligne m d, ne seront pas éclai- rés jusqu'à leur extrémité inférieure par la lumière d, et cette lumière pénètrera d'autant moins profondément dans l’intérieur des cônes latéraux, que ces cônes seront plus éloignés de Ja ligne m d, Le filament nerveux m , correspondant au cône , est par conséquent affecté par la lumière d, tandis que la même lumière d, absorbée par les cônes latéraux revêtus de pigmentum , n’aflecte ( 8 ) pas les filamens nerveux visuels situés hors de la ligne m d. La lumière colorée d n’est par conséquent perçue que par le filament nerveux m». De même la lumière émise par le point c éclaire les cônes g jusqu’au fond, et n’affecte que les filamens nerveux / qui y correspondent, et point ceux qui sont situées latéralement ; de même la lumière D ne traverse que le cône f, et n’est perçue que par les filamens nerveux # , et la lumière colorée, émise par le point a , n’est perçue que par le filament 1, après avoir traversé le cône e. La lumière diversement colorée, émise de tous côtés par les points a, b, c, d, représente ainsi dans l'œil la forme d’une image déterminée, correspondant, dans l’in- térieur de l’œil, à l’objet Inmineux du dehors. La même chose s'applique aux points lumineux situés entre a, b, c, d. Chaque filament nerveux communique au bulbe du nerf optique l’impression de la lumière qu’il a reçue en particulier, et comme les filamens nerveux , d'abord séparés par le pigmentum, se réunissent en un bulbe commun et se confondent en une expansion nerveuse continue , il en résulte que l'impression reçue par cha- que filament visuel en particulier, se réunit avec toutes les autres , dans le bulbe du nerf optique , en une image commune et continue. La lumière venant d'objets éloi- gnés éclairera à la vérité plus d’un seul cône , et notam- ment celui dont l’axe coïncide avec elle , d’où il résulte qu'à chaque point lumineux du dehors correspondra, non pas proprement un point éclairé dans l’intérieur de l'œil, mais plutôt un petit cercle de dispersion ; par conséquent il devra se produire une image peu nette daus l’intérieur de l'œil , et la netteté de cette image | (8r) peu nette dans l’intérieur de l'œil, et la netteté de cette image doit augmenter à mesure que l’objet est plus rap- proché de l’œil, ou que la lumière tombe plus obli- quement sur les parties de l'œil situées hors du cône que la lumière traverse et éclaire dans le sens de son axe. L'image , dans l’intérieur de l'œil, deviendra ensuite d'autant plus nette que les cônes transparens, dans un segment de l'œil d’une grandeur donnée, seront plus nombreux ; cette netteté augmentera à mesure que les cônes seront plus longs, et que la lumière , arrivant obli- quement , parviendra plus difficilement jusqu'aux som- mets des cônes. Les Diptères et les Névroptères, dont les yeux offrent des milliers de facettes cornées et de cônes transparens correspondans , se distingueront des autres Insectes par une vue plus parfaite, à cause de ce nombre, et non à cause de la grandeur de leurs yeux, la gran- deur des yeux ne déterminant que l'étendue du champ visuel. Chaque facette et chaque cône cristallin corres- pondent à une partie circonscerite de l’horizon , et l'œil entier correspond à une partie de l’horizon, semblable en étendue au segment de sphère que représente l'œil. La vision , d’après cette disposition , ne laisse pas sans doute d'être fort imparfaite et peu distincte; mais elle suflit à la manière de vivre des insectes. La quantité de lumière qui pénètre dans l’intérieur de l’œil pour former une image, est également fort petite; mais la vision ne cesse pas, par suite de ces légères différences , car le nerf optique peut percevoir les différences les plus légères dans l'intensité de la lumière et des couleurs. Nous aussi nous ne voyons jamais les objets que sous une lumière apparente , nous ne recevons dans notre œil, de XVI. 6 ( 82) la lumière émise on réfléchie par tous les points de l'objet extérieur, que la quantité que la pupille peut admettre, et cependant, quand même la pupille est à son minimum de dilatation, lorsque nous regardons des objets très-rapprochés et bien éclairés, on lorsque nous sommes dans l'obscurité, la moindre quantité de lumière sufiit pour faire distinguer les contours généraux. Une lumière d’une intensité médiocre , avec un degré moyen de dilatation de la pupille, est approprié à l’état de sensi- bilité de notre sens ; car lorsque la pupille est fortement dilatée par l'effet de la belladone , les objets, d'ailleurs modérément éclairés, deviennent éblouissans. Dès lors que la sensation générale de la lumière existe, les diffé- rences locales des parties claires, sombres et colorées, de- vront également être senties, pour peu que les conditions qui déterminent l’isolementde la lumière soient remplies. La convexité des diverses facettes de la cornée ; agis- sant comme un milieu réfringent, fera conyerger , vers l’axe du cône, la lumière qui arrive dans la direction de cet axe, et la réunira plus intimement dans la profondeur de l'œil. I résulte de là que la lumière qui éclaire le cône entier se réunit en un seul point à son sommet pour affecter le filament optique; ce qui doit donner beaucoup plus de précision à l’image. Mais la réfraction produite par la surface externe et convexe de la cornée n’est pas assez considérable pour donner lieu à la formation de petites images partielles de la part de chaque facette. Rien ne serait plus contraire à la clarté de la sensation visuelle ; car, si des images se formaient dans le foyer de chaque facette, ces facettes agissant comme un milieu réfringent , toutes ces images seraient nécessairement renversées ; le champ visuel ne serait teen. tué ns ( 83 ) pas renversé dans sa totalité, mais la position relative des images de toutes les facettes entre élles serait ren- versée et contre nature. Fort souvent les facettes des yeux composés des Insectes n’ont presque pas de con- vexité ; et , d’après cela, on ne peut attribuer à leur sur- face extérieure et convexe d’autre effet que celui de rap- procher et de concentrer vers le sommet des cônes transparens la lumière , qui, d’après les lois de sa distri- bution, arrive en divergeant vers chacun de ces cônes. L'action de la lumière, qui arrive obliquement dans l'intérieur de l'œil, sera d'autant plus complètement effa- cée quele pigmentum des parois des cônes sera d'uneteinte plus sombre. Quant à la présence de plusieurs couches différentes de pigmentum entre Îes cônes et les filamens optiques , chez certains Insectes, c’est un fait dent je re saurais indiquer la raison. Le pigmentum , qui se con- tinue dans les interstices des filamens optiques , et qui se perd insensiblement vers le bulbe du nerf optique, a pour usage particulier d'isoler ces filamens les uns des autres , comme il isole aussi les cônes correspondans. Les filamens optiques ne sont pas toujours disposés en rayons bien droits , mais leur trajet, du sommet des cônes au bulbe du nerf optique , est souvent un peu courbe: et, sans les couches interposées du pigmentum , la lumière arrivant par l’axe d’un cône pourrait affecter simuliané- ment plusieurs filamens optiques juxtaposés, ces fila- mens n'étant pas tout-à-fait opaques. Grandeur du champ visuel. L'oœil composé ne voyant, par chacun de ces points, que les objets qui s'offrent à lui dans les axes des cônes ( 84 ) transparens, il en résulte que les limites du champ visuel sont déterminées par la continuation des plans qui bor- nent les yeux latéralement. Ainsi le champ visuel est plus grand, non pas en raison de la grandeur absolue de œil, mais en raison de la forme plus ou moins hémi- sphérique de l'œil, grand ou petit ; la grandeur de la sphère , dont le segment fait partie, n’a d'influence que sur la nettcté de la vision. Le champ visuel de lœil hémisphérique a b, fig. 1, PL. 19, est borné par le prolongement du diamètre de l'hémisphère 4 b; pour l’œil a o b. le champ visuel est borné par les rayons c i, et t h;et, pour l'œil encore moins convexe & n b,par les rayons e #, et À g; l'œil le moins con- vexe a m b,a le plus petit champ visuel e Z f. De là il suit que des yeux d’une circonférence égale, mais d’une inégale convexité, ou formant des segmens de sphère , dont les cordes sont égales ; ont un champ visuel d'autant plus étendu que l’angle compris entre les deux rayons secteurs est plus grand. Il faut maintenant examiner de plus près les formes des yeux qui déterminent le champ visuel de chaque animal. Si les yeux présentent des segmens triangu- laires formant le quart d’un hémisphère, et situés parallèlement entre eux par leur côté interne, le champ visuel commun des deux yeux doit égaler, dans sa cir- conférence , la moitié d’un hémisphère. Si la forme des yeux est elliptique, comme chez la plupart des Sante- relles et des Griilons, ou échancrée, comme chez les Saperdes, les limites du champ visuel sont également elliptiques ou échancrées. L'étendue des mouvemens d’un animal est sans doute ( 85 ) aussi déterminée par la circonférence, la forme et la po- sition des yeux. Gœtze(r) recouvrit les yeux d'une F'espa crabro avec une couche de vernis opaque , et l’animal ne s’envola plus que dans la direction perpendiculaire , la seule dans laquelle les stemmates situés sur le haut de la tête lui assuraient encore un petit champ visuel; l’œil composé d’un seul côté , ayant été recouvert de vernis, l'animal ne volait plus que du côté où il voyait encore. Dans les expériences de Réaumur (2), les Abeilles ne s’élevaient plus en haut lorsqu'on avait recouvert d’un vernis opaque la partie postérieure de la tète. Si ces observations sont exactes, les Névroptères, qui ont des yeux hémisphériques fatéraux , ont un champ visuel qui correspond presqu’au cercle entier de l'horizon. Les genres Æshna , Libellula, Agrion, Hemerobius, sont dans ee cas. Dans un nouveau genre de Névroptères, les //olomma , les yeux dépas- sent, mème en arrière, les bornes d’un hémisphère , en sorte que, non seulement un horizon circulaire , mais aussi la partie postérieure du corps doit tomber dans le cercle visuel. Aux Névroptères qui se distinguent le plus par l'étendue et la précision de leurs mouvemens, vien- nent se joindre les Papillons , les Hespéries , les Bom- byces, les Sphinx; ensuite, parmi les Hémiptères, les Hydromètres et les Ranatres ; parmi les Coléoptères carnassiers , les genres Carabus , Calosoma, Cychrus , Brachynus, Necydalis. Chez ces derniers les yeux sont déjà placés davantage en bas, parce qu'ils cessent d’être (1) Belehrung uber gemeinnützigt Natur und Lebenssachen , 1794 , P: 42. (2) Memoires , tom. V, p. 28. ( 86 ) en rapport avec le vol. Parmi les Coléoptères serricor- nes , les genres Lema et Lampyris se distinguent par la perfection de leur vision ; parmi les clavicornes, les Apate et les Trichodes , et, parmi les cylindricornes, les Sagra. Les Insectes chez lesquels les yeux ont une posi- tion plus antérieure, et ne sont séparés que par un inter- valle étroit, comme les Cicadaires parmi les Hémiptères, et les Naucoris et les Notonecta, dont les yeux forment des segmens de sphère triangulaires, ont des mouvemens saccadés , qui, conformément à l’étendue de leur champ visuel , sont toujours dirigés en avant. Il faut encore rap- porter ici beaucoup de Dipières des genres Mydas, Dasypogon, Laphria, Asilus, Stratiomys. Chez les Empides, au contraire, les yeux sont très-distans. Chez les autres Diptères les yeux forment antérieurement et latéralement plus des trois quarts d’un hémisphère. Les yeux de la plupart des Hyménoptères, au con- traire, ne sont que des segmens étroits et allongés, dont le plus grand diamètre va de haut en bas, comme, par exemple, chez les Fouisseurs , les Bourdons ; à ces yeux doivent correspondre des champs visuels également étroits. Les mouvemens du vol de ces Insectes sont ordi- nairement irréguliers , sans précision , sautillans , moins étendus latéralement, mais s'étendant davantage chez beaucoup d’entre eux en hauteur. Les voyageurs ont trouvé des Hyménoptères sur les montagnes les plus éle- vées. Deluc trouva des Insectes du genre Culex à une hauteur de 1560 toises. Il paraît que c’étaient des Hy- ménoptères que M. A. de Humboldt a vus voltiger sur le Chimboraco, à une hauteur de 850 toises. Des champs visuels plus grands, en rapportavec des (87 } veux formant des segmens de sphère plus considéra- bles, se trouvent chez les Hyménoptères, dans les genres Bembex, Tenthredo , Sirex ; les neutres et les femelles des Hyménoptères ont souvent des yeux plus petits , sé- parés par un espace intermédiaire plus grand que chez les mâles ; telles sont les Abeilles ouvrières. Aux yeux allongés et étroits des Hyménoptères on peut comparer les yeux échancrés des Coléoptères longicornes , dans le sinus supérieur desquels s’articulent les antennes, comme dans les genres Cerambyx, Callidium, Molorchus, La- mia , Saperda. Chez la plupart des Orthoptères, les yeux sont un seg- ment d’une très-grande sphère, qui est par conséquent aplati, et le champ visuel doit être restreint , les mou- vemens de ces insectes , et notamment le vol bruissant et presque craintif des Sauterelles s'accordent avec cette orgamisation. Des yeux plus convexes ne se rencontrent que dans les carnivores tels que les Mantides , et de plus chez les Æcrydium, les Acheta , les Gryllo-talpa. M. Marcel de Serres a fait des observations multipliées sur les différences de forme des yeux chez les différens genres d'insectes , et les a consignées dans des tableaux ; mais d’après sa manière de les considérer, il ne pouvait s'élever à des considérations générales, surtout à cause des idées inexactes qu'il a sur leur structure. Les exemples d’yeux situés à la partie inférieure de la tête sont rares ; les Onitis en offrent un. La situation des yeux est aussi assez inférieure chez les Coléopières pentamères palpicornes, comme , par exemple , chez les Hydrophilus , et chez les Lamellicornes ; maïs chez plusieurs insectes à yeux latéraux, la partie inférieure ( 88 ) seule est exposée de préférence à la lumière , la partie supérieure étant tout-à-fait couverte par une saillie du corselet , comme chez les Lampyrides et les Blattes, et parmi ces dernières notamment chez les Blatta gigantea et B. colosseu. Bien plus souvent, au contraire ; les yeux sont pres- que exclusivement situés sur le dessus de la tête ; c’est ainsi qu'on trouve presque sur la même ligue les yeux extérieurement ronds et intérieurement triangulaires des Forficules , qui, d’après leur genre de vie souterrain , ont surtout besoin de ja lumière venant d’en haut. Les yeux sont placés comme sur un disque, sur le même plan , à la partie supérieure chez les Ephémères, qui se distinguent en volant par leurs mouvemens dansans. | La position des yeux est postérieure chez les Palarus de l’ordre des Hymenopières, et chez les Ateuchus , de l’ordre des Coléoptères. Chez quelques Coléoptères lamellicornes, un prolon- gement du chaperon passe tantôt tout-à-fait et tantôt en partie seulement sur le milieu de l'œil, en formant comme un anneau horizontal , ce qui fait que l’œil est divisé en une moitié supérieure et une moitié inférieure : c'est ce qu’on voit chez l’Ateuchus Bacchus Fabr. et le Scarabœus dispar ; chez le Scarabœus Momus et le Sc. Hyphœus la bande est fort grèle. Cette bande est garnie de poils. Chez les autres Scarabés, comme les Sc. ster- corarius ; Sc. puncticollis, Sc. sincerus , Sc. micro- phagus , la lamelle est plus large, mais ne passe pas sur la totalité de l'œil. Chez les Lamprima , l'anneau est complet; chez les Æmphicoma, au contraire , 1l n’at- ( 89 ) teint pas même le milieu de l’œil ; mais, ainsi que le reste du corps, il est couvert de poils épais. Chez les Anisonyx , le même prolongement est également garni de poils nombreux. Je n’ai point eu l’occasion d’exami- ner l’état des parties internes dans ces endroits; mais il est évident que cette couverture annulaire doit donner lieu à une lacune correspondante entre la moitié supé- rieure et inférieure du champ visuel. Chez d’autres insectes , l’œil lui-mêmes’étend en forme de saillie sur l’un des côtés : c’est ainsi que chez les ÆEmpusa le champ visuel doit s’élargir en haut. Chez les Crustacés, la forme de l'œil offre des varia- tions très-multipliées. Très-souvent les yeux hémisphé- riques forment un sinus en haut, comme, par exemple, chez le Portunus striatus. La forme de l'œil est très- singulière chez les Squilles, où il représente un cylindre arrondi sur ses deux côtés. Chez quelques espèces , comme la Squille Desmarest, ce cylindre est dépriméau milieu , à peu près comme une tête articulaire double. Netteté de l’image. Comme l'isolement complet de la lumière émise de toutes parts par différens points , est la condition prin- cipale de la clarté ou de la netteté de l’image, il s’en suit que cette netteté, dans des yeux sphériques, est en raison directe du nombre des facettes ou des cônes transparens dans des segmens de sphères égaux. Un œil plus petit, ayant le même nombre de facettes sur le même segment de sphère qu’un œil plus grand, verra aussi distinctement dans les limites de son plus petit champ visuel. Il en sera \ (90 ) de mème de deux yeux dont la largeur comprend un égal nombre de degrés , mais dont les rayons sont inéganx , et dont les segmens homologues appartiennent, par con- séquent , à des sphères différentes ; la netteté de l’image augmentera avec un champ visuel de grandeur égale , en raison de la grandeur de la surface. Enfin, la netteté des images augmente en général avec la longueur des cônes, qui empèche les rayons lumineux , arrivant oblique- ment , d’atteindre la masse nerveuse inférieure. La netteté des images augmente par conséquent avec la grandeur de la sphère, dont les yeux représentent des segmens (et non pas avec la simple convexité de Pœil }, avec le nombre et la petitesse des facettes et avec la longueur des cônes transparens. Les lois de la réfraction n'étant pas applicables à Poil composé des insectes, il s'ensuit qu'il n’y a pas de pos- sibilité de disposer cet œil de manière à voir distinc- tement à différentes distances. Les yeux composés voient d'autant plus distincte- ment que l’objet est plus rapproché, et que la lumière émise par différens points, et arrivant obliquement, peut moins éclairer Îles parties transparentes situées hors du cône qu'elle traverse dans une direction per- pendiculaire. Des champs visuels des deux yeux. Je rappelle ce qui a déjà été dit plus haut sur limmo- bilité nécessaire des yeux composés. Comme les cônes transparens, éclairés de part en part, ne représentent dans l'intérieur de Vœil que les objets situés dans la direction (gr ) de leur axe , il s’ensuit que, si la vision double doit ètre évitée, les cônes des deux yeux ne doivent jamais être placés dans une direction convergente entre eux ; autre- ment le même objet paraîtrait dans les deux yeux Feb, par suite de la distance inégale des objets intermédiaires, il se montrerait aussi dans diflérens endroits des champs visuels. Voilà pourquoi les circonférences des deux yeux ne forment toujours en avant que des parties complé- mentaires d'une seule et même sphère. Si dans la pl. x1x, fig. 2, a b est parallèle à c d, ces courbes de cette même figure offrent toutes les formes pos- sibles qu'on rencontre dans la nature, pour la position respective des yeux composés ; si les deux yeux forment: deux hémisphères, comme, par exemple, chez le eme- robius perla, les diamètres on les plans a b et c d de ces yeux sont toujours placés de manière à être soit paral- lèles , soit divergens entre eux en avant. Dans le pre- mier cas & o et oc sont les axes des cônes les plus anté- rieurs et les plus externes des deux yeux ; ils indiquent , par conséquent, aussi les limites des deux champs visuels, et ce qui peut être vu par un œil n’est pas visible pour l’au- tre. Peu d'insectes ont les yeux parfaitement hémisphé- riques ; mais, lorsque leur surface est sphérique, ils con- stituent toujours des segmens des hémisphères abet cd, ét toujours le rayon secteur trace la limite de deux champs visuels complètement différens. Aïnsi, lorsque l'œil , par sa position et sa grandeur , coïncideavec mao, les lignes #2 0 eta o forment les limites du champ visuel; pour l'œil z 40 les limites sont formées par les lignes 0 et ao, et pour l'œil oqgp par les lignes oq et op. Ja- mais les hémisphères ou les segmens de sphère ne se (92) prolongeront en avant et en dedans au-delà des lignes parallèles & et cd, par exemple en e et en f; car, dans ce cas, les objets situés dans les angles visuels aoe et co f apparaîtraient aux deux yeux, et, par conséquent, seraient vus doubles. D'un autre côté, les lignes ay b et cxd circonscri- vent des segmens d’ellipses, dont la plus grande cour- bure tombe un peu en avant, ainsi qu'on le rencontre dans les yeux de beaucoup d’insectes, par exemple, chez les Mantides et dans les genres Lema, Donacia , etc. Les lignes aub et cud sont des circonférences d’yeux elliptiques , dont les sommets sont situés latérale- ment au milieu des yeux. Les lignes 4 0, n0, go, po sont les secteurs d’yeux qui représentent des segmiens d’ellipsoïdes , comme auo, ay n,ocu. Les secteurs ne convergent dans aucun de ces cas, et jamais un objet mitoyen ne peut être vu simultanément par les deux yeux. En effet, ayant fait une étude pénible et la- borieuse de la position des yeux, chez un très-grand nombre d'insectes, même de ceux où les yeux se rap- prochent davantage entre eux, comme chez les dip- ières, je n'ai jamais pu remarquer une convergence des yeux vers la partie antérieure de la tête. J’aien gé- néral porté mon attention sur ce point dans mes études faites au Muséum entomologique de Berlin , sur tous les insectes dont j'ai examiné l’organisation. Les genres Lema ei Donacia, avec des yeux proéminens ellip- üques, ne font exception qu'à la première appa- rence. Lorsque la position des yeux est plus anté- rieure que latérale, comme dans les genres de Diptères Laphria, Dasypogon, Asilus, Stratiomys, Mydas , ( 93 ) et parmi les Hémiptères , chez les Hydrocorises , Nau- coris et Notonecta , les yeuxse rapprochent étroitement, mais n’en forment pas moins des segmens d’une seule et même sphère. Lorsque l'œil comprend plus de la moitié d’une sphère, comme chez quelques Névroptères , et principalement dans le nouveau genre Noromma, la même chose a encore lieu. De même, il n’y a jamais col- lision entre les différens champs visuels lorsqu'il existe plus de deux yeux composés. Les champs visuels ne se rencontrent pas chez l’Ephémère déjà mentionné, qui possède deux yeux en forme de disque à la surface.de la tête , et deux yeux latéraux convexes. Il en est de même chez les Æscalaphus, où les deux yeux de chaque côté semblent passer lun par dessus l’autre. [ n'y a que les Crabes et les Squilles qui aient les yeux mobiles sur des pédicules, et qui semblent ainsi avoir quelque un rapportavec le sens du tact ; mais ils ne chan- gent point leur divergence selon la distance des objets, et ils n’ont point de mouvemens combinés, comme les yeux des animaux vertébrés. Chez les Crustacés à corps allongé , les yeux sont très-rapprochés, et ne sont que peu divergens ; le contraire a lieu chez ceux où prédomine la dimension en largeur, c’est-à-dire, chez les Crabes pro- prement dits. Dans le genre Maja, les yeux sont situés tout-à-fait sur les côtés de la tête terminée en pointe, Rapprochement et éloignement des objets. Pius un objet est rapproché de l'œil de l’insecte , plus la quantité de lumière qui arrive perpendiculairement au cône éclairé est grande, plus, enfin , les rayons arri- ( 94 ) vent obliquement aux facettes et aux cônes de la circon- férence. L'image est done, par une double raison, d'autant plus nette que l’objet qui la produit est plus rapproché. Dans l’œil doué d’un cristallin des animaux supérieurs l'image peut être bien éclairée sans cesser d’être bien distincte; c’est ce qui a lieu toutes les fois qu’un objet est envisagé avec une pupille très-dilatée etavec un faux état de réfraction des milieux réfringens. La même chose n’a plus lieu dans les yeux composés , non plus que la vision distincte à des distances plus ou moins grandes, et les variations produites par la pupille dans la distribution apparente de la lumière. La structure des yeux composés ne peut faire que le même œil voie également bien à des distances différentes ; celui qui voit le mieux au loin voit aussi le mieux de près. Des yeux composés, imparfaits, de petite dimension , avec de grandes facettes, de petits cônes cristallins et un pigmentum clair, verront toujours moins bien de près que de loin. L’œil d’insecte qui voit le mieux au loin est aussi celui qui voit avec le plus de précision de près, lorsqu'une grande eirconférence, un grand nom- bre de petites facettes , de grands cônes cristallins, et un pigmentum de couleur sombre s'y trouvent réunis. Or, comme les yeux composés ne sont pas destinés à voir à une distance déterminée, et que les yeux cristallins sim- ples ne sont susceptibles d’aucun changement intérièur, et ne voient distinctement qu'à une distance déterminée, on voit qu’il résulte de là la nécessité de la coëxistence des uns et des autres chez certains insectes. (95) Grandeur apparente des objets. Dans les yeux dant la cornée convexe est un segment d’une sphère régulière , et dont la convexité est concen- trique avec la convexité du tube du nerf optique, la gran- deur apparente des objets est proportionnelle, ainsi que dans les yeux à cristallin, à leurs angles visuels, ou aux angles des rayons et des cônes auxquels répond la circonscription des objets. Des objets placés à des dis- tances différentes, mais ayant le même angle visuel, ont par conséquent, en apparence , la même grandeur; mais beaucoup d’yeux composés ne sont point parfaitement sphériques, la convexité de la cornée s’élevant en ellip- soïde ou en cône au-dessus de la sphère du bulbe du nerf optique. C’est ainsi que les yeux des larves de Libellules sont imparfaitement sphériques ; et les yeux des Do- nacia, des Lema, etc., de quelques Mantides, sont ellip- tiques. Cette conformation mérite un examen particulier. PL. 19, fig. 4, soit D de E , la cornée ellipsoïde de l'œil , €, la convexité du bulbe du nerf optique, A B, la sphère d’étendue visuelle de l’œil ; si main- tenant les filamens optiques naissent de toutes parts du bulbe sphérique du nerf optique, pressés les uns contre les autres , il s’ensuit que , malgré l'inégalité de leur longueur ou de leur trajet pour atteindre les cones cristallins d’une cornée ellipsoïde, ou malgré l’inégalité de leurs distances respectives à leurs extrémités externes, l'impression reçue par chacun des filamens optiques ne donnera lieu à leur origine qu’à une image incertaine ( 96 ) résultant de la contiguité des filamens optiques. Si donc hi=ik—=ki= lim, la lumière qui frappe les fila- mens optiques th,ui, vk,wl, xm, apparaîtra dans l'intuition dans la contiguité de à k { m. Si maintenant les cônes transparens implantés sur la cornée ellipsoïde doivent être dirigés obliquement vers les filamens opti- ques naissant du bulbe sphérique du nerf optique, il en résulte que des espaces égaux, compris entre les facettes et les cônes, produiront des parties inégales de l’image formée dans la contiguité des filamens et du bulbe du nerf optique ; c’est-à-dire, si a b—b c—cd—de—=e f con- tiennent un nombre égal de facettes, a b,bc,cd,de et e f correspondent à des parties de l'horizon » 0, 0 p, P q4q"rs, qui sont nécessairement inégales, il s'ensuit qu'à un œil semblable les espaces très-inégaux pq etqgr paraitront tout-à-fait égaux ; vu que les parties du bulbe ou des filamens optiques correspondant aux parties cd et de de la cornée sont égales à leur origine 1 4, k 1. Si nos suppositions sont exactes, des parties inégales de l’horizon sphérique 4 B doivent paraître de la même grandeur à un œil ellipsoïde. IT en est de même de tous les objets qui ont le même angle visuel que les objets situés à l'horizon 4 B , comme n «,f5y, y0. Mais si des parties inégales de l’œil correspondent à des parties égales de l'horizon sphérique, il en résulte aussi que les parties dont les images sont reçues par le petit nombre de cônes cristallins, comme dans la partie la plus saillante de l'œil ellipsoïde , paraîtront aussi les moins distinctes. Ainsi la clarté du champ visuel. dimi- nuerait vers la hauteur de l’œil ellipsoïde. nice x (97 ) Grandeur des yeux et grandeur des animaux. La grandeur du corps varie en proportion de celle de sa l’œil, comme : Chez les Coléoptères. 571 — 1867 : roo Névroptères. Goo — 2000 : 100 Lépidoptères. 533 — 1356 : 100 Hémiptères. 500 — 1800 : 100 Orthoptères. 950 — 2100 : 100 Hyménoptères. 433 — ÿ9o0 : 100 Diptères. 400 — 766 : 100 Aptéres. 1400 — 3000 : 100 Voilà ce que j'ai pu tirer des mesures faites par M. Marcel de Serres sur une grande échelle, et d’une manière très-laborieuse. Il est remarquable que les yeux, chez les insectes d’un même genre, varient autant pour la forme, la convexité et la grandeur. J'ai déjà signalé plus haut plusieurs exemples de ce fait, pris dans l’ordre des Orthoptères, et nommément dans le genre nombreux en espèces, des Grillons. Ces différences ne sont pas moins grandes, chez les Orthoptères en particulier, que celles qui exis- tent dans la divergence des yeux chez diverses espèces d'un même genre d'animaux vertébrés , ayant des yeux cristallins dioptriques. Chez les Grillons, les yeux sont tantôt grands, tantôt petits, ovales ou ronds, convexes Qu aplatis, etc. Ces différences se remarquent aussi parmi les crus- tacés. Dans le genre Æstacus , les yeux les plus grands, relativement au volume du corps, existent chez une XVI. 7 (98 ) petite espèce, l'Æstacus norvegicus ; les yeux les plus petits se trouvent dans le Homard. J'ignore si la grandeur des facettes augmente avec la grandeur des yeux. Des Insectes lucifuges. M. Marcel de Serres prétend que les yeux des in- sectes lucifuges sont privés de pigmentum ; cette asser- tion n'est pas exacte : M. Treviranus a vu un pigmentum violet entre les cônes transparens chez la Blatte orien- tale ; à la vérité le pigmentum est d’une teinte assez claire chez les Blattes ; au contraire, les Lépidopières nocturnes ont des pigmentum d’une couleur très-foncée, et M. Marcel de Serres leur attribue aussi le prétendu enduit de la cornée, qui n’est autre chose que la couche la plus extérieure du pigmentum entre les parois des cônes transparens. Quant aux Coléoptères lucifuges , comme les Ténébrions , ies Blaps et les Lampirides , je ne puis décider si leurs yeux sont dépourvus de pigmentum, ainsi que le prétend M. Marcel de Serres , mais cela est très-peu probable. Les insectes crépusculaires, comme les Géotrupes, n'offrent point de différences essen- tielles, d’après M. Marcel de Serres; mais le bulbe du nerf optique doit être, selon lui , très-rapproché de la cornée. Chez les Coléoptères crépusculaires lamel- licornes , l'œil est divisé en une moitié supérieure et une moitié inférieure par un prolongement du test de la tête. Chez les Blattes, les yeux sont recouverts par un prolongement du corselet, qui forme des deux côtés comme une espèce de toit ; ce prolongement existe aussi, ( 99 ) mais moins développé, chez les Lampyrides. Ces der- niers se distinguent de plus par de très-grandes facettes à la cornée. Des Insectes aquatiques. M. Marcel de Serres fait remarquer que les insectes aquatiques, et notamment les Coléoptères, ont une cornée fort convexe , et il pense que cette conformation leur est nécessaire. Cette opinion est une conséquence d’uné erreur déjà signalée plus haut. Chez les insectes terres- tres, la cornée est quelquefois beaucoup plus convexe que chez les insectes aquatiques ; les Hydrocorises font presque toujours exception ; chez elles les yeux ne sont que des segmens formant le quart d’un hémisphère ; au contraire, on ne peut méconnaître les rapports qui existent entre la grandeur et la position des yeux chez les insectes aquatiques, et les mouvemens de ces ani- maux. J'ai déjà dit plus haut que la forme triangulaire des yeux et leur position sur le plan antérieur de la tête chez les VNotonecta ei les Naucoris, limitent le champ visuel à la moitié antérieure de l'horizon. Les mouve- mens de ces animaux ne se font que par saccades d’ar- mère en avant; tandis que les insectes aquatiques avec des yeux très-convexes, et dont les champs visuels sont par conséquent très-étendus et latéraux, comme les Hy- drophiles et les Hydrocanthares ont des mouvemens in- quiets, qui vont alternativement dans tous les sens. On ne voit pas du reste pourquoi la structure de l'œil aurait besoin d’être différente chez les insectes aquatiques. Les ( 100 ) lois de la réfraction n’out presqn’aucune influence sur la vision des insectes à yeux composés. On pourrait tout au plus s'attendre à trouver des facettes convexes à la cornée, mais je ne puis me rappeler d’avoir fait une seule observation de cé genre. Le fait que les insectes aquatiques ont, comme les lucifuges, une cornée plus terne et plus sombre, ne me paraît pas être d’uné grande importance. M. Marcel de Serres assure que chez les insectes aquatiques le bulbe du nerf optique est égale- ment plus rapproché de la cornée ; C’est encore un fait sur lequel je n’ai point d'observation. Des Insectes carnassiers et phytophages. M. Marcel de Serres fait remarquer, avec beaucoup de justesse, que les insectes carnassiers ont des yeux fort convexes , comme on l’obsérve parmi les Coléoptères , chez les Anthia , les Scarites, les Calosoma, les Ca- rabus; mais c’est par erreur qu’il pense qu'ils voient avec plus de précision moyennant cette organisation. Les insectes carnassiérs ont besoin d’un grand champ visuel, afin de reconnaître leur proïe, qui leur est tou- jours offerte éparse ; c'est par cetté raison qu'ils ont, pour la plupart, des yeux fort convexes , comme lès Co- léoptères carnassiers aquatiques et terrestres ; et, parmi les Mantides, les genres carnassiers : Empusa , Mantis, Mantispa ; ainsi que le genre insectivore, ÆAcheta , parmi les Sauteurs. Peut-être est-ce aussi par la même raison que les insectes carnassiers se distinguent par une grande mobilité de Ja tète. ( 101 ) Larves, Chrysalides et Insectes parfaits. Il a été question plus haut des Larves d’Insectes à yeux simples ; il ne s’agit ici que de leurs yeux com- posés. Parmi les insectes à métamorphose incomplète , les Orthoptères ont, dans tous les états de développe- ment , la même organisation des yeux composés ; la cor- née se renouvelle : probablement il en est de même chez les Hémiptères. Toutefois, les grands yeux des larves de Cicadaires sont lisses et tout-à-fait sans facettes. Dans cet état les yeux simples ne sont aussi indiqués que par de petites taches blanches. Les Hémiptères dépouillent aussi une Jamelle de la cornée, lorsqu'ils renouvellent leur enveloppe générale, ainsi que je m'en suis convaincu chez la Nepa cinerea. Les Névropières aquatiques ont des yeux composés , mais d’une circonférence plus petite que chez l’Insecte parfait , et sans éclat; c’est à l’état de - nymphe qu'ils prennent leur éelat, ainsi que Réaumur Pa déjà observé. Il n’y a d’ailleurs, d’après M. Marcel de Serres , aucune diflérence essentielle entre les yeux composés des larves de Névroptères , et ceux des insec- tes parfaits. J'ai examiné les yeux composés d'une nymphe de Stra- tiomys que je trouvai dans sa coque. L'organisation était absolument celle des insectes parfaits; seulement le pigmentum était encore d’un rouge violet , et la consis- tance molle. Nous manquons encore de recherches sur la formation des yeux composés dans la métamorphose des insectes chez lesquels ces organes manquent à l’étai de larve. Cet ( 102 ) objet est certainement digne de la plus grande attention, et promet les plus beaux résultats pour la physiologie, d’ailleurs déjà si avancée, de la métamorphose. ÆAccroissement. Chez les insectes à métamorphose complète, chez tous ceux qui n'acquièrent leurs yeux composés qu’à l’état de nymphe , ces organes ne‘prennent plus d’accroissement après la période de leur formation. Mais les yéux com- posés des Orthoptères et des Hémiptères, et ceux des larves de quelques Névroptères , s’accroissent progres- sivement ave le corps : ces animaux dépouillent ; avec leur enveloppe extérieure ; une pellicule de la cornée. La mème chose a lieu chez tous les Crustacés. Chez le Monoculus apus ; les facettes, d’après J’observation de Schæffer, sont encore recouvertes d’une cornée lisse et éclatante , qui tombe avec les enveloppes générales. A la même époque la lamelle nouvelle se reconnaît déjà en rudiment sur les yeux. André vit sur le Limule poly- phème que'la cornée externe et supérieure était déjà séparée de l’interne et inférieure. Comment les innom- brables et délicates parties intérieures s’accroïissent-elles avec l’animal depuis sa sortie de l’œuf , chez les Orthop- tères et les Hyménoptères , et chez les larves de quel- ques Névroptères, ainsi que chez les Crustacés ? C'est cé que nous nous garderons bien de décider. Mäles, femelles et neutres. Nous rappelons ici la grandeur prédominante de la femelle chez les insectes en général. Chez les Phasmes, NEO } le mäle offre à peine la moitié de la grosseur et de la grandeur de la femelle. La grandeur de l'œil , comme segment de sphère, s’accroît-elle chez la femelle avec cette différence , ou les yeux inégaux en'grandeur, des males et des femelles , ne sont-ils que des segmens égaux de sphères, de différens diamètres? La grandeur et le nombre des facettes sont-ils les mèmes chez les deux sexes ? Voilà des objets sur lesquels je n'ai malheureuse- ment pas dirigé mon attention. Les yeux sont aussi plus grands chez les femelles de Lépidoptères. Chez les Diptères, au contraire, les yeux sont ordi- nairement plus grands chez les mâles , et se rapprochent davantage par leur côté interne. Chez les mâles du genre Tabanus les yeux occupent presque toute la tête. Le mème fait s’observe aussi chez certains Hyménopières , par exemple, les Abeilles domestiques. Les neutres sont sous ce rapport comme les femelles, mais ils ont rare- ment des stemmates distincts ; et les neutres de cinq es- pèces de Fourmis sont tout-à-fait aveugles. Le mâle de la Mutilla sibirica n’a, dit-on, outre les yeux compo- sés, qu'un seul stemmate, qui manque à la femelle (r). Chez les Névropières diurnes, les yeux composés sont ordinairement plus grands chez les mâles que chez les femelles. Le mâle de |’ Ephemera Swammerdamiana a des yeux une fois plus gros que la femelle. Les màles de plusieurs autres Ephémères, par exemple, de l'Ephemera diptera et de VE. depilata (2), nouvelle espèce de nos (x) Christ , dans l'ouvrage cité de Schelver, p. 77. (2) Æphemera depilata; alis hyalinis, posticis minimis, corpore fusco , sine setis caudalibus , oculis supremis depressis. L'espèce se dis- tingue par l’absence de soies caudales dans les deux sexes. Les yeux (104 ) contrées, ont quatre yeux réticulés, savoir, deux latéraux conyexes ; outre les deux autres en forme de disque sur le haut de la tête. F : eux simples et composés. Nous avons déjà fait voir plus haut que les yeux sim- ples sont destinés aux objets les plus rapprochés, et qu'ils sont particulièrement en rapport avee l'instinct de l’ali- mentation , en sorte que les stemmates se trouvent, avec les yeux composés , dans le même rapport que les palpes, également consacrés au mème instinct , avec les grandes antennes. Mais comme les yeux cristallins, et par consé- quent aussi les stemmates des insectes, représentent leurs images renversées sur le fond de l’œil ; ce qui n’a point lieu dans les yeux composés , où la réfraction ne Joue aucun rôle, il en résulterait nécessairement une con- tradiction entre les champs visuels des yeux simples et composés chez les animaux qui possèdent en même temps les uns et les autres. Il faut par conséquent admettre que les nerfs optiques des yeux composés s’entrecroisent avec leurs fibres dans le cerveau , si l’état normal du sens doit coëxister avec la perfection de l’organisation. La transition des yeux simples aux yeux composés ne peut être méconnue dans les yeux granulés simples des latéranx convexes du mâle sont tout - à - fait séparés des yeux supé- rienrs , aplatis et disciformes , et ils sont plus foncés que ces derniers. Les yeux supérieurs sont sessiles, et non pas eu forme de colonne, comme chez le mâle de lÆphemera diptera , qui a aussi qnatre yeux réticulés : il existe en outre trois petits stemmates. Chez la femelle , qui ne diflère que peu par sa coloration , les yeux latéraux convexes man- quent ; Les supérieurs ou disciformes sont marqués, à leur circonférence, par un anneau jaune et interne , et par un anneau noir et externe ) qui doit dépendre du pigmentum le plus superficiel, Ca05 ) Oniscoïdes et des Polypodes, qui sont agglomérés en- semble , et forment en apparence des yeux composés. EXPLICATION DES PLANCHES. Planche xvn (1). Fig. 1. Coupe perpendiculaire à la surface d’un œil du Scorpio tunensis. a, lacornée; b, le cristallin; € , le pigmentum; d, le corps vitré;e, la rétine; f, Le erf optique. Fig, 2. Les parties intérieures qui unissent les deux yeux du Scorpion par le moyen du pigmentum , vues en dessus. a, le pigmentum ; b, corps vitré, couvert de pigmentum à sa circonfé- rence , nu vers le milieu ;e, les nerfs optiques. Fig. 3. Les petits yeux marginaux du Scorpion, d’un même côté. a, les yeux conoïdes enveloppés de leur pigmentum ; b, substance qui réunit les petits yeux ; ce, nerf optique de, chaque œil; d, tronc du nerf optique, Fig. 4. Prolongement du cephalothorax qui porte les yeux dans le Sol- puga ægYpliaca, — a, les grands yeux ; b, les petits yeux pédicellés. Fig5, Morceau de la cornée de l’Ecrevisse. Fig. 6. La partie interne de l'œil de l'Ecrevisse, après qu’on a enlevé la cornée. — a, surface des parties internes sous la cornée; b, ce, pigmentum qui sépare les cônes vitrés, et qui manque près de leur base en d. Fig. 7. Stemmates et nerfs optiques d’une Chenille , d’après M. Marcel de Serres. — a, le tronc commun du nerf optique ; b , Les nerfs opti- ques propres à chaque stemmate ; c, les stemmates; d, la choroïde commune. Fig. 8. Coupe longitudinale d’un œil d'Esrevisse. — à , pigmentum qui sépare les côues vitres ; b, pigmentum d’abord plus foncé, puis plus clair en c , et denouveau plus foncé en d, qui sépare les filets nerveux! IVota. Les fig. 9 et 10 appartiennent à la Notice suivante sur Pœil du Hanneton, Planche xvix. Fig. 1. Coupe de la cornée , et de ses facettes lenticulaires , dans un Sphinx. (1) Voyez ces ?lanches au tome XVII, daus lequel est le commen cemeut du Mémoire de M. Mullu / ( 106 } Fig. 2. Cônes vitrés, isolés, et diversement groupés, 1, 2,34, de l'œil d’un Sphinx. Fig. 3. Surface formée par les bases des cônes dépouillés de la cornée dans un Sphinx. Fig. 4. Agrégat des filets nerveux de l’œil d’un Sphinx. — a, surface des filets nerveux, réunis par le pigmentum ; b, ces filets vus laté- ralement. Fig. 5. Coupe perpendiculaire à la surface de l’œil d’un Papillon de nuit. — a, facettes de la cornée; b, cônes transparens; c, filet. nerveux; d, pigmentum;e, anneau corué de l’envéloppe externe, qui embrasse et supporte l’œil ; o, le nerf optique. Fig. 6. Coupe de l'œil du Mantis religiosa , dans la direction de son grand axe. — a, les facettes épaisses et presque sphériques de la cornée ; b, les cônes vitrés, entourés de leur pigmentum clair; c, une partie de la surface intérieure de la cornée , dépouillée des cônes qui lui correspondent ; d, surface interne du pigmentum moyen de l'œil , mise à nu dans le point où les filets nerveux s’unisseut au som- met des cônes : le pigmentum interne e y forme des taches plus fon- cées ; e, ce pigmentum qui sépare les filets nerveux ; f, faisceaux de filets nerveux, avec leur pigmentnm , rompus et rejetés de côté ; g, pigmentum brun-clair qui sépare les cônes près de la cornée ( cette lettre a été oubliée); À, pigmentum violet rougeâtre qui enveloppe le sommet des cônes. Fig. 5. Coupe complète d’un œil de Mantis religiosa, montrant Piné- galité de longueur des filets nerveux et des parties externes de l’'œil.— a, zone externe, formée par les cônes transparens, avec leur pigmen- tum; b, zone interne, comprenant les filets uerveux et le pigmen- tum qui les sépare. Planche x1x. Fig. 5. Relative à l'étendue du champ visuel, selon le degré de courbure de l'œil. ( Voyez p. 83.) Fig. 2. Représente la position relative des champs visuels des deux yeux. ( J’oyez p. 90.) Fig. 3. Indique la marche des rayons daws les cônes vitiés ; elle est rela- tive à La théorie de la vision par les yeux composés Fig. 4. Fait connaître les changemens que la forme de la surface de l'œil apporte dans la grandeur relative des objets. ( 7’cyez p. 95.) as ( 107 ) Sur la Structure des Yeux du Hanneton (Melolontha vulgaris ) ; (Extrait d’une Lettre adressée aux Rédacteurs. ) Par M. J. Muizer, D.-M., Professeur à l’Université de Bonn. M. Straus-Durckheim a publié, dans ses Con- sidérations générales sur l’ Anatomie comparée des animaux articulés, auxquelles on a joint l'anatomie descriptive du Melolontha vulgaris ( Paris, 1828, in-4°), quelques observations sur la structure des yeux des insectes , qui ne sont ni assez détaillées ni entièrement exactes , et ne répondent point à l’exactitude et à la pré- cision avec laquelle les autres sujets de cet ouvrage sont traités. L'auteur commence par des observations sur les yeux des Paphnies, qu’il avait déjà publiées dans la monographie de ce genre (Wémoires du Muséum d'Histoire naturelle). Selon lui; l'œil des Daphnies est composé d’un amas de cristallins coniques, dont les pointes sont plongées dans un pigment de couleur foncée, tandis que leurs têtes rondes s'élèvent librement, l’une à côté de l’autre, et sont surmontées, en forme de voûte, par une cornée non facettée , commune à toutes. C’est la même structure que j'ai observée moi-même dans les Monoculus apus, Gammarus pulex et Cyamus ceti (x). Quant aux insectes, l’auteur ne fait connaître que l’a- (x) Voyez mon second Mémoire sur la structure des yeux chez les insectes et les crustacés, — Meckels, Ærchiv für Anatomie und Phy- siologie. 1829. H. i. ( 108 ) natomie du Hanneton. Il y décrit des cristallins sembla= bles, maïs réunis en nombre immense, en une seule couche cohérente ; il ne considère ces organes que comme un développement ultérieur, comme une multiplication d’une formation simple élémentaire, telle que celle des Daphnies. D'après cela, on serait induit à penser que les cristallins du Hanneton , décrits par M. Straus-Durc- kheïm, sont les mêmes parties que j'ai fait connaître antérieurement dans mon premier Mémoire sur. les yeux des Insectes, des Arachnides et des Crustacés, inséré dans mon ouvrage Sur la Physiologie comparée du sens de la vision (1), et que j’ai décrits récemment encore, dans beaucoup d’insectes et de crustacés , comme des cônes transparens, placés derrière les facettes de la cornée, parfaitement hyalins dans leur axe, mais couverts sur les côtés par un pigment. C’est aussi, d’après cette description de M. Straus , ce qu'avait pensé M. J, Van der Hoeven dans sa Zoologie, riche en détails amato- miques (intitulé : Æ/andbock der Dierkunde of grond- beginsels der natuurlijke geschiedenis van het dieren rÿk. Te Rotterdam, 1828, p. 187). Je le croyais de même d'après les planches de l'ouvrage cité, que je vis à Berlin dans l'automne de 1828; mais lorsque plus tard je pus examiner le texte de l’ouvrage de M. Straus, et approfondir son exposition de la structure de l'œil, je remarquai qu'elle manquait de précision, que c'était à tort que M. Siraus appelle cristallins les facettes prisma- tiques de la cornée ; en les comparant aux cristallins des Daphnies, et qu’il n’a point connu les véritables cris- (1) Zur vergleichenden Physiolagie des Gesichissinnes ,\mit 8 kup= fertafeln. Leipzig, 1826. — Voyez-en plus haut la traduction. À ( 109 ) tallins coniques , placés, dans ie Hanneton comme dans les yeux composés des autres insectes , derrière les fa- cettes de la cornée. M. Straus décrit ces cristallins comme étant des pris- es hexagones où bien des divisions de la cornée , de 0,00003 m. d'épaisseur, et 0,0007 m. de longueur, à facet- tes convexes, tant devant que derrière. Ce ne sont là effectivement que ce qu'on appelle ordinairement les facettes de la cornée : néanmoins, le passage suivam pourrait faire croire que M. Straus a regardé les corps coniques transparens , placés derrière la cornée , comme une couche de cette dernière. « Ces cristalliis sont formés d’une substance moins dure que le reste des tégumens, surtout vers l’intérieur de l'orbite; ils sont composés de plusieurs lames non fibreuses, parallèles aux bases ; j'en ai compté de cinq à six, que j ai pu détacher, mais il serait possible qu’il y en eût un plus grand nombre. Si, à l'instar de la conjonctive des animaux supérieurs ; les tégumens pas- sent sur ces cristallins, en se moulant sur eux, la couche extérieure doit étre regardée comme apparte- tenant proprement au tét. » (L. c., p.412.) Les filamens du nerf optique se terminent, selon M. Straus, chacun à un renflement pyriforme, aussi large que le cristallin qui lui correspond. Immédiate: ment derrière la cornée, ces renflemens sont entou- rés d’un large bourrelet de pigment. M. Straus convient de n’avoir pas examiné et disséqué ces corps pyri- formes , à cause de leur extrême petitesse ; peut-être, s’il avait examiné de plus près les renflemens pyriformes, y aurait-il reconnu les petits corpuscules coniques trans- parens. Quoi qu'il en soit, le point le plus essentiel de ( 110 ) l'observation a échappé à M. Straus ; car , à l’aide d’un microscope de 8 diamètres de grossissement , il eût pu découvrir les corpuscules coniques transparens, ou les vrais cristallins, dans l’œil du Hanneton. Je vais donner Ja description de ces parties , telles que je les ai aperçues tout récemment encore en examinant les yeux du Melo- lontha vulgaris. Si vous détachez la cornée de l'œil d’un Hanneton, conservé pendant quelque temps dans de l’esprit-de-vin, vous trouverez sur la face postérieure de la cornée une couche mince d’une substance mollasse , qui est transpa- rente aux places correspondantes aux facettes de la cor- née, mais opaque dans les intervalles réticulés. Ce tégu- ment peut très-facilement être détaché, dans de l’eau , de la face postérieure parfaitement dure de la cornée , au moyen d’une aiguille, ou bien avec le revers de la pointe d’un scalpel. La substance, détachée de cette maniére , consiste en aggrégats de petits cônes transpa- rens qui forment une couche derrière la face posté- rieure de la cornée; et cette couche est un peu plus épaisse que la cornée elle - même, car son épaisseur est à la largeur des facettes de la face postérieure de la cornée comme 3 : 1, tandis que l'épaisseur de la cornée , ou la hauteur des divisions prismatiques dans l'épaisseur de la cornée, est, à la largeur des facettes, comme 7 : 3. Si vous divisez encore ces agrégats dans de l’eau, vous verrez, à l’aide du microscope, un grand nombre de cônes transparens , dispersés, comme je les ai obser- vés presque toujours dans les yeux composés d'un grand nombre d'insectes et de crustacés. Ils sont parfaite- ment transparens, et ne peuvent donc être reconnus sous le microscope que par leurs bords ou contours, fortement C:asx Ÿ marqués ; ils ont parfaitement la forme d’un cône, plats à l’un des bouts, pointus à l’autre, et d’une longueur presque trois fois aussi grande que la largeur de la base ou de la face antérieure : cette dernière est exactement égale à la largeur des facettes correspondantes de la cor- née. Je n'ai pu distinguer si leur base esthexagone, comme celle des prismes de la cornée : le microscope n'offre point d’angles. Dans lear position naturelle, au dedans de la cornée, ils sont enduits sur leurs flancs du même pigment, d'un brun violet, qui descend entre les fila- mens du nerf optique ; mais la face antérieure, corres- pondante à la facette de la cornée, est entièrement dé- pourvue du pigment , et toute transparente. Les filamens du nerf optique, sans renflement, s'étendent jusqu'aux pointes de ces cônes transparens. Il y a donc entre les fa= cettes prismatiques de la cornée, et les bouts des fibres du nerf optique, une couche de cristallins coniques , parfaitement transparens. J'ai mesuré ces parties à l’aide du micromètre d’un microscope de Frauenhofer et Uts- chneider. Le terme moyen de plusieurs mesures de la largeur des cristallins à leur base, là où ils sont adhérens à la face postérieure des prismes de la cornée, est de 0,00095; celui de leur longueur de 0,00273 d’un pouce de France. Il serait à désirer que l’on se servit toujours , pour les objets microscopiques , des mesures micrométriques , au lieu de se contenter de l'indication très-vague des gros- sissemens par le microscope sur les figures des planches 3 car l’on devrait être convaincu que les indications du pouvoir amplifiant des loupes ne sont point fondés sur des bases solides, et qu’elles présentent les détermina- tions les plus exagérées. Il arrive même que les meil- ( 122 ) leures loupes, qui, au dire de l’opticien ; doivent grossir de 16 diamètres, ne grossissent à vue d'œil effectivement que tout au plus de 5 diamètres. On voit que l’œil du Hanneton ne se distingue pas du tout de la structure presque générale des yeux composés à facettes des insectes et des crustacés , telle que je lai décrite dans les Mémoires cités. M. Straus dit que les yeux simples des insectes et des Arachnides ne paraissent différer de ceux formant les yeux composés, que par des dimensions plus considé- rables ; mais, dans le fait, ils sont tout différens , conte- nant, non des cônes transparens , mais une simple len- tille arrondie, et une rétine concave, C’est la même structure dans les Siemmata aggregata, Ocelli aggre- gati des Oniscoïdes , que j'ai décrits ainsi que d’autres variétés, dans mon second Mémoire sur les yeux des insectes et crustacés (Meckel’s, Ærchiv für Anatomie und Physiologie, 1829, 1° cahier), où j'ai fait con- naître quatre formes principales dans la composition des yeux des animaux articulés. EXPLICATION DE LA PLANCHE XVIII (1). Dans la fig. 9, j'ai représenté les parties transparentes de l'œil du Hanneton , dans leurs dimensions relatives. a, divisions prismatiques, à facettes, de la cornée. Proportion de la lon- gueur à la largeur, — 9 : 3. b, cristallins coniques transparens. Proportion de la longueur à la lar- geur, =3 : 1. Diamètre longitudinal , 0,00273. Diamètre transversal, 0,00095 d’un pouce de Paris. c , filamens nerveux , séparés par Le pigmentum. Fig. 10. Plusieurs cônes transparenis isolés. (1) Voyez cette Planche au tome XVII. (113) Opsénvarions sur la structure et la formation de l'opercule chez les Mollusques Gasteropodes pectinibranches ; ( Lue à la Société d'Hist. nat. de Montpellier le 5 mars 1859. } Par M. Anr. Ducrs, Président. Des différences nombreuses et considérables séparent tellement, au premier abord; les Mollusques gastéropo- des des acéphales ou bivalves, qu’il ne semble pas pos- sible d'établir entre eux un parallèle raisonnable. Ce- pendant , si l’on suppose réunis dans un même individu le manteau large et bilobé , le pied mince et étroit des Porcelaines, avec les branchies circulaires des Patelles, l'ovaire des Haliotides, etc., on aura une idée assez exacte de la conformation d’un grand nombre de bivalves. L’a- trophie graduelle d’un pied et d’une masse buccale pro- fondément cachés dans le fond du manteau , expliquerait des dispositions en apparence plus hétéroclites, et l’on ne sera plus si fortement porté à improuver la ressem- blance déjà signalée par Adanson, Linné et Lamarck, entre l’opercule de quelques Gastéropodes et l’une des valves des Acéphales, et notamment des Inéquivalves, des Peignes , des Spondyles , des Huîtres, et surtout des Gryphées , dont la valve convexe est presque aussi for- tement turbinée que chez certains (rastéropodes opercu- lés (Nérites ): Ce rapprochement éminemment philoso- phique est justifié non seulement par la forme exté- rieure, mais encore par l'union musculaire des deux XVII. — Octobre 1820. 8 { 114) pièces de la coquille dans l’un et l’autre cas, par l’exis- tence même de dents destinées à une sorte d’engrenage pour certains opercules comme pour certaines valves , et enfin par un mode d'accroissement souvent comparable dans les uns et dans les autres. Ce dernier point, le moins connu de tous, fera sur- tout l'objet de cette note , et nous chercherons en parti- culier à faire connaître le mode de production des stries qui sillonnent là surface des opercules , stries dont on s’est déjà servi avec avantage pour fournir des caractères génériques à la distribution des Mollusques appartenant à l’ordre des Gastéropodes munis de branchies pectini- formes. Ces stries sont de quatre sortes ; stries d’accroisse- ment, stries d'involution, stries d'empreinte, et stries d’encroûtement. C'est relativement aux figures qu’elles tracent sur les opercules que nous les distinguerons en 1° cochléiformes , ou spirés de M. de Blainville; 2° val- viformes, onguiculés et lamelleux du mème zoologiste ; 3° patelliformes, ou concentriques ou squameux, comme il les appelle. À. Opercules cochléiformes. Ce sont ceux dont la structure étonne davantage , à cause du singulier rapport qu'offrent leurs stries avec celles de la coquille turbinée dont ils recouvrent l'ouverture ; ce sont ceux dont la for- mation semble la plus inexplicable. De beaux et nom- breux échantillons , que je dois à l’obligeance de deux de nos membres les plus assidus , MM. Moquin et Phil- bert, m'ont mis à même d'obtenir à cet égard quelques notions assez complètes. | La forme de la bouche détermine la circonscription (ans 0) de l’opercule, et en mème temps influe beaucoup sur la disposition des stries : c’est ce qui motive l’ordre que nous allons suivre dans l’examen successif des formes demi-circulaires, elliptiques et arrondies. Les opercules demi-circulaires appartiennent surtout aux genres que M. de Blaiaville a compris sous le nom collectif de Hémicryclostomes. Les plus simples sont ceux des Natices. Ils ne sont pas exactement demi-cir- culaires , mais ressemblent à la moitié d’un cœur à pointe obtuse, c'est-à-dire qu'un des bords est droit; c’est le bord columellaire , nommé aussi bord gauche, bord in- terne : l’autre est convexe; c’est le pariétaire ou externe, appelé aussi bord droit , expression qui pourrait causer ici quelque confusion, et dont, en conséquence , nous éviterons de nous servir, d'autant plus volontiers qu’elle cesse d’être applicable aux coquilles sénestres ou perver- ses. De la réunion de ces deux bords en arrière , c’est-à- dire, près du deuxième tour de spire de la coquille, lorsque d'opercule est en place, résulte une extrémité anguleuse que nous nommerons postérieure. À partir de ce point , la courbure du bord pariétaire, d’abord assez faible, se prononce davantage à mesure qu’il se porte plus en avant; cette courbure, de plus en plus forte, circonscrit l'extrémité antérieure, rencontre le bord columellaire , et se continue au-delà en formant , à la face adhérente de l’opercule, la strie d’involution qui caractérise tout opercule spiré. Nous comprendrons dé- sormais , sous le nom de ligne spirale, toute la cour- bure que nous venons de décrire, en distinguant , selon le besoin, la partie libre (bord pariétaire et extrémité antérieure) de la partie enveloppée dans la substance de { 116 ) l'opercule (strie d’involution). En tout elle n’a guère que deux tours et demi chez les plus grandes Natices. La strie d'involution sert pour ainsi dire de point de départ aux stries d’accroissement. Toutes en effet partent de sa convexité comme autant de tangentes pour se ren- dre en divergeant vers la concavité de la ligne spirale : toutes sont droites comme le bord columellaire, et ce bord mème forme aussi une tangente à la convexité de la spire. Cette première étude nous prouve 1° que la strie d’in- volution n'est qu'une dépendance du bord externe , qui a changé de position ; 2° que les stries divergentes ne sont que des traces du bord interne successivement recou- vert par des portions nouvelles à chaque phase d’accrois- sement.'Aussi une section réelle ou idéale , pratiquée le long d’une quelconque de ces stries divergentes , donne- t-elle deux fragmens , dont l’un, le plus rapproché du sommet de la spirale, est un opercule plus petit, mais tout semblable à celui dont on la séparé ; et l om Per se convaincre alors que la strie sur laquelle la division s’est opérée représente le bord columellaire de ce petit opér- cule, tandis que le bord pariétaire est alors formé par telle portion de la ligne spirale qui formait auparavant l'extrémité antérieure, ou mème appartenait à la strie d’involution, suivant le point que l’on a choisi pour cetie séparation artificielle. Quant à l’antre portion ainsi dé- tachée, celle qui appartient à la base de la spirale, elle représente une lame triangulaire plus ou moins large, formée elle-même de triangles allongés et séparés par les stries divergentes. Il est donc évident que l’accroissement de l’epercule aire s’est fait par l'addition successive de portions nouvelles de forme triangulaire , et de plus en plus longues à son bord columellaire ; nous les nommerons désormais pièces d’accroissement. Voyons maintenant comment on peut expliquer cette particularité, et les changemens de si- tuation qui en dépendent. Le manteau seul, et surtout son bord, connu aussi sous le nom de collier, est, comme on sait, le véritable organe sécréleur des matérianx muqueux et calcaires qui entrent dans la composition de la coquille. Or, chez les -Natices, le bord columellaire de l’opercule est seul en rapport de contiguïté avec le collier ; le reste de sa cir- conférence n'est environné que par le bord libre du lobe charnu qui le porte, et qui n’est lui-même qu'une dé- pendance du pie& ( Cuvier). Cette portion du collier peut d'autant plus aisément fournir au bord de l’opercule des inatériaux d’accroissement, qu’elle en a peu à donner à la coquille, dont l'agrandissement se fait surtout du côté opposé à la columelie. Mais ceci n’explique point encore la forme triangulaire, ni la proportion graduellement croissante des portions que le collier ajoute au bord in- terne de l’opercule ; la forme de ce couvercle et celle de la bouche, sur laquelle il est exactement moulé, va nous en rendre raison. Lorsque cette ouverture s’est élargie en tous sens, l’opercule cesse de la remplir en totalité, le collier tend à s'engager entre son bord columellaire et celui de Ja bouche; il le repousse en dehors ; mais, en raison de l’uniformité de la courbe décrite par le bord externe et l'extrémité antérieure, une partie du premier se tourne en avant, élargit ainsi cette extrémité , et rem- plit parfaitement la partie correspondante de la bouche. ( 118 ) À l'aide de ce mouvement de bascule en avant et en dehors , le bord columellaire devient oblique, et l’écar- tement qui la sépare alors de la columelle est fort étroit en avant, plus large en arrière; en un mot, il prend la forme triangulaire que nous avons reconnue à chacune des pièces d’accroissement. Ce mouvement de bascule est encore favorisé par l’ac- tion des fibres musculaires qui attachent l’opercule au bord interne de la bouche. En effet, celles qui se fixent vers l'extrémité antérieure sont les plus longues, les plus fortes par conséquent , puisqu'elles s’attachent à la columelle , en s’enfonçant dans la concavité du premier iour de spire de la coquille , tandis que les autres, plus courtes et plus faibles, sont en grande partie insérées directement sur la convexité du deuxième tour. De ces bascules, répétées à chaque augmentation de longueur, résulte un mouvement lent de rotation , qui finit par amener tout-à-fait en dedans, et mème par tourner en arrière les anciennes portions du bord ex- terne ; elles sont alors englobées dans les nouvelles pièces d’accroissement , absolument comme dans la coquille elle-même les spires anciennes finissent par ètre recou- veries par celles qui leur succèdent. La coquille, en effet , lorsqu'on se la représente posée sur le dos du mol- lusque , éprouve peu à peu une rotation analogue à celle dont nous parlions tout à l'heure pour l’opercule, et cette rotation est également due à un accroïssement plus considérable d’un côté (pariétaire ou externe) que de l’autre (columellaire ou interne). On conçoit même qu'il doit se trouver assez ordinairement un rapport mar- qué entre la spirale de la coquille et celle de l’opercule ; (119) plus en effet la première s’élargira avec rapidité, plus l'augmentation de sa bouche sera considérable, et plus l’opercule élargira rapidement sa spirale. Aussi cette lame écailleuse représente-t-elle assez bien le profil de la coquille , pris perpendiculairement à l’axe de la colu- melle et du côté du sommet, dans le Vatica cruentata, dans plusieurs Néritines ou Nérites, que j'ai sous les yeux , et dans d’autres genres dont il sera question par la suite (Turbo, Cyclostoma, ete. ). Tout ce que nous venons de dire est aussi bien appli- cable aux opercules cornés (Natica ampullaria) qu’à ceux dont la structure est calcaire ; les uns et les autres offrent aussi quelques stries d'empreinte dont nous nous occuperons au sujet de plusieurs autres qui les offrent d’une manière plus évidente; mais les derniers seuls présentent à leur face libre des stries d’encroûtement, ou plutôt des cannelures très-remarquables. Ces canne- lures , parallèles à la ligne spirale , très-nombreuses sur un opercule isolé que j'ai entre les mains , moins régu- lières et moins marquées sur celui du MN. cruentata , sont évidemment composées d’une matière vitrée sembla- ble à celle qui tapisse l’intérieur de la coquille; sans doute c’est le résultat d’une exsudation que peut-être y déposent les plis du manteau lorsque l'animal marche et renverse son couvercle sur la partie postérieure de cette enveloppe membraneuse. Cette couche vitrée, ainsi ré- pandue à l'extérieur, rappelle le brillant vernis dont les Porcelaines enduisent leur coquille. L'opercule des Néritines et des Nérites a la même forme que celui des Natices ; mais son bord interne, très- sinueux et muni d’une ou plusieurs apophyses, offre une ( 120 ) nouvelle preuve du mode de croissance ci-dessus décrit. En effet , Les sinuosités se retrouvent sur toutes les stries divergentes ; ces stries se voient aussi sur l’apophyse prin- cipale, qui a crû comme le bord qui la porte, ainsi que l’aiteste la trace en spirale qu’elle a laissée à la face pro- fonde ou adhérente, à laquelle elle appartient plus qu’à la face libre. Quelquefois ces stries sont, aussi bien que la strie d’involution, effacées par la substance vitrée, étendue non seulement sur la face libre, où elle forme des granulations nombreuses (Werita atrata), mais en- core à la face adhérente , dont elle recouvre, en couche uniforme , la majeure partie. Ce n’est que sur l'apophyse, et le long du bord columellaire ; que cet enduit n'existe point; c’esi que, pendant Ja vie, ces dernières régions servaient seules à l'insertion des muscles; le reste de la face profonde était simplement contigu au pied , tourné vers son bord libre, et pouvait peut-être , lorsque l’ani- mal était enfermé dans sa prison, recevoir et retenir l’exsudation vitrée que la partie antérieure du collier glissait dans leur intervalle. Je me suis assuré de ce rap- port anatomique sur le Nérita atrata desséché , mais ramolli dans l’eau chaude; et sur plusieurs individus frais de Verita fluviatilis. Passons maintenant à l'examen des opercules ellipti- ques. Ceux-ci sont généralement d’une forme assez ar- rondie ; aussi appartiennent-ils à la plupart des coquilles nommées Ericostomes par M. de Blainville. L’arrondis- sement de leurs angles et de leurs bords, aussi bien du columellaire que du pariétaire, ont nécessairement donné aux stries d’accroissement une courbure analogue. Aussi, même dans les plus allongés de ces opercules, ceux qui C'EST à sous ce rapport se rapprochent le plus des Natices , les portions successivement ajoutées au bord columellaire’, c’est-à-dire les pièces d’accroissement, ont-elles la forme d’un croissant à côtés inégaux , au lieu d’un triangle al- longé que nous avons reconnu dans les autres. C'est ce qu’on voit dans le couvercle corné et ovoïde du Zurbo littoreus et du cærulescens, dans le couvercle calcaire et blanc du Phasianellu pulla. Celui-ci offre en outre une particularité remarquable; c’est la forte concavité de sa face adhérente , d’où résulte que la strie d’involu- tion représente une crête saillante comme le bord parié- taire auquel elle fait suite, Cette strie d'involution est encore ici peu développée, parce que la spirale est très- évasée. L’évasement est bien moindre et les tours sont plus nombreux dans l’opercule peu consistant du Scala- ria communis, dans l'opercule pierreux du Turbo ru- gosus. Celui-ci mérite de nous arrêter un instant. À peu près elliptique , il est pourtant un peu moins arrondi, un peu plus étroit à son extrémité postérieure qu'à l’an- térieure , qui, comme de coutume, avoisine le sommet de la ligne spirale. Celle-ci formé quatre à cinq tours de spire parfaitement réguliers ; elle est un peu enfoncée, et l’aire spirale qu’elle circonscrit légèrement convexe. Les stries d’accroissement sont fortement courbées , em- brassantes par rapport à la convexité de la spirale, et visibles dans toute l'étendue de la face profonde : elles sont cependant masquées , au voisinage de l'extrémité an- térieure et du bord externe, par des stries superficielles , colorées en brun plus foncé que le reste de cette face, et. croisant presque perpendiculairement les stries d’ac- croissement, Ces stries brunes appartiennent à une cou- EE che un peu plus élevée que le reste de la face profonde de l’opercule : ce sont certainement des stries d’encroû- tement , et l’espace qu’elles n’occupent point est celui de l'insertion musculaire, comme nous en aurons la preuve chez le Cyclostome, dont nous parlerons bien- tôt. En outre, on voit aussi quelques stries exactement parallèles à la ligne spirale; je les crois dues à l’impres- sion des fibres musculaires qui s’y attachent, et je les nomme en conséquence stries d'empreintes. Rien de tout cela ne se voit à la face libre. Un enduit vitré, de couleur rouge, lui donne un poli agréable; il est indubitablement produit par le manteau qui le touche dans l’exsertion du corps, comme on peut le voir dans la figure que M. Cuvier a donnée du Zurbo chrysos- toma ; mais il ne faudrait pas attribuer à cette exsuda- tion vitrée le gros bourrelet spiroïde qui forme le contour de cette rmème face. En fracturant lopercule, on voit que la lame rougeatre extérieure est fort mince, et que l'épaisseur principale de cette plaque est due à celle des portions qui s’ajoutent de jour en jour à son bord colu- mellaire et à son extrémité postérieure , et qui, de jour en jour aussi, prennent plus de longueur et plus de hau- teur. Dans les recherches que j'ai faites à ce sujet s’est présentée une nouvelle preuve de notre théorie; j'ai vu que les pièces d’accroissement ont non seulement la même courbure linéaire que la partie postérieure du bord columellaire , mais encore la mème superficie ; ce bord est épais , convexe, et toutes les stries d’accroissement répondent aussi à une lame convexe d’un côté, concave de l’autre , emboiïtée d’un côté , et emboïtani, de l’autre, des lames toutes semblables. La forme de la bouche (123) rend aisément raison de cette disparition ; elle est pres- qu'elliptique, mais un peu moins courbée au bord co- lumellaire qu’à l’externe , de mème que chez les Natices; de mème aussi c’est le long du premier de ces bords , et vers l'angle postérieur, que s'établit l’écartement produit par agrandissement de la bouche ; cet écartement doit nécessairement avoir la forme d’un croissant, puisqu'il est circonscrit par le bord concave de la coquille et le bord convexe de l’opercule : telle sera aussi la forme des portions de formation nouvelle. Enfin, la rotation de l'opercule s’établira de même, de dedans en dehors et d’arrière en avant, et le sommet de la spire sera situé vers la partiérinterne et antérieure pour les raisons énon- cées plus haut, et qui sont communes à tous les oper- cules spirés. Avant de passer à l’examen des opercules arrondis, je dirai un mot de celui du Z'urbo setosus. Moins elliptique que le précédent, et pourvu d’une ligne spirale plus enroulée encore , il offre cependant un angle plus sail- lant à son extrémité postérieure; c'est une transition vers ceux dont nous allons parler, et qu'il est inutile de développer ici davantage. Remarquons seulement encore qu'il est d’une grande épaisseur, surtout vers le bord columellaire , c'est-à-dire, du côté des portions les plus récentes; ce qui vient à l'appui de ce qui a été dit à l'occasion du précédent. Sa surface mamelonnée appar- tient uniquement sans doute à la substance vitrée. Les opercules arrondis composent la dernière des trois divisions que nous avons établies parmi les opercules spirés. Puisque la formé de la bouche détermine celle de son obturateur, 1l semble que ce que nous allons dire ( 124) doive se rapporter presque exclusivement aux Cyclosto- mes; mais il s’en faut de beaucoup que l'ouverture de ceux-ci forme un cercle régulier ; ce n’est même qu’en raison de l'angle qu’elle fotme en arrière, et du mode d’accroïissement que cette disposition entraîne, qu'ils trouveront ici leur place , parce qu’ils nous conduiront à des idées plus nettes sur l’opercule véritablement rond, ou presque rond, de plusieurs autres gastéropodes, nom- més par M. de Blainville Goniostomes. L’opercule du Cyclostoma elegans , comme celui du sulcatum , qui en difilère à peine, n’a pas de tours de spire plus nombreux, ni une spire moins excentrique que celui des Z'urbo , maïs son angle postérieur et ex- terne est bien plus marqué. Cet angle, presque droit, répond par sa base à un quart environ de la circonférence de cette lame calcaire , et le bord columellaire en forme le côté interne ; aussi est-il tout droit , si ce n’est un peu en avant, où il embrasse le deuxième tour de spire. Il suit de là que les stries d’accroissement, visibles sur l’une et l’autre surfaces, sont très-divergentes , presque droites, seulement courbées et embrassantes vers la con- vexité de la ligne spirale, et que les pièces d’accroisse- ment sont triangulaires, comme chez les Natices , mais plus courtes, et à pointe infléchie. La face profonde de cet opercule présente une partie enduite d’un vernis transparent et peu épais; je me suis assuré sur le frai que cette partie n’est point adhérente au pied. La portion à laquelle se fixent les muscles offre, à nu, les stries d’accroissement ; elle comprend plus de la moitié de lo- percule , et cette moitié embrasse à la fois, et le sommet de la spirale, et tout le voisinage du bord columellaire. ( Fa5 ) C'est done sur les parties les plus nouvellement formées que s'implante une partie des muscles rétracteurs ; il fant donc que cette partie avance à chaque accroissement nouveau , et qu’elle abandonne une partie de l'aire spi- rale qu’elle a occupée jadis : de cet accroissement suc- cessif résultent mème quelquefois des stries parallèles , comme nous l'avons dit plus haut. Il est à remarquer que la portion du muscle qui se déplace ainsi sur l’oper- cule , est aussi celle qui doit nécessairement voyager sur la coquille, car elle se fixe à cette portion du bord colu- mellaire, qui est formée par le deuxième tour de spire, et nous avons dit que ses fibres étaient très-courtes. La portion au contraire qui s’attache au sommet de la spi- rale du couvercle, et qui ne doit éprouver qu’une torsion lente , est aussi celle qui s'attache d’autre part à la colu- melle proprenient dite, et dont les fibres éprouvent peut-être plus d’allongement que de déplacement. Au reste, pour le dire en passant , le terme de déplacement que nous venons d'employer est peut-être tout-à-fait impropre ; peut-être n'y a-t-il que renouvellement, for- mation de fibres d’un côté, destruction de l’autre : c’est du moins une manière de concevoir et d'expliquer ce singulier phénomène. L'opercule corné du 7rochus granulatus et du Mo- nodonta Lessonii , que J'ai en ce moment sous les yeux, présente un nombre de spires bien plus considérable qu'aucun de ceux que nous avons jusqu'ici passés en revue. Les stries d’accroissement sont fort courtes, et font , avec la convexité de la spirale , un angle peu aigu ; elles ont leurs représentans , à ce que je présume , dans une petite portion la plus postérieure du bord columel- { ab laire. En effet, toujours c'est vers ce point que s'opère l'accroissement des opercules spirés ; toujours c’est là que la bouche s'agrandit davantage ; c'est là qu’elle offre un angle par la rencontre du premier et du deuxième tour, tandis que la partie antérieure arrondie reçoit la convexité très-graduellement croissante du bord parié- taire. C’est donc plutôt de la forme de la bouche et de celle de lopercule, que de l'observation directe, que nous déduisons la formation de ses pièces d’accroisse- ment. Ici, comme dans le Cyclostome, un angle occupe l'extrémité postérieure de la bouche ; là doivent , comme chez lui, se former les portions nouvelles ; mais la base de cet angle ,*en raison d’une particularité dont nous rendrons compte dans un instant, cette base, dis-je, est réduite à peu de chose. Les triangles nouveaux seront donc très-petits; la série des pièces d’accroïssement, ou l’aire spirale, sera fort étroite, fort lentement croissante, les tours conséquemment très-nombreux , et son centre à peu près médian. J'ai dit qu’une circonstance particulière réduisait à peu de chose l’espace triangulaire qui devrait se trouver entre la circonférence de l’opercuie et l'extrémité posté- rieure de la bouche ; c’est la moilesse de cette plaque qui, bien que arrondie , se courbe sur la saillie du deuxième tour de la coquille et se conforme en partie à la figure presque quadrangulaire de cette ouverture, figure qua- drangulaire donnée comme caractéristique des trochus par les conchyliologistes, ce qui pourtant n'est rigou- reusement yrai que pour sa moitié postérieure. Ajoutons que, par cela même que l’opercule recourbe comme il vient d’être dit, son bord columellaire, on conçoit com- (127) ment le manteau ne peut lui rien ajouter que vers le sommet de l’argle où le vide s'établit entre le bord et la coquille. B. Opercules valviformes. Tous ceux dont nous allons parler maintenant n’acquièrent jamais que la consistance cornée ; je les nomme valviformes, parce qu’ils ressem- blent, pour la manière dont ils croissent, aux valves des Mollusques acéphales. Dans tous, en effet, on ob- serve un petit disque primitif, qu'on peut appeler som- met, ef qu'environnent ou bordent, seulement d'un côté , des zones de plus en plus larges. Ces zones sont les pièces d’accroissement, toutes séparées par des stries, qui, comme dans les opercules spirés , représentent par leur courbure au moins un des bcrds de cette plaque, parce qu’elles ont successivement constitué ce bord à des âges antérieurs. C’est toujours du même côté que cet accroissement s'opère; c'est toujours vers le bord columellaire et l'extrémité postérieure , et ce pour les raisons que nous avons énoncées au sujet des Natices. Formées vers un mème côté, les pièces d’accroissement repoussent du côté opposé les portions les plus ancien- nes; aussi le disque primitif, le sommet de l’opercule valviforme , est-il toujours appliqué contre le bord pa- riétaire , et vers l'extrémité antérieure. Puisque l’accrois- sement suit ici un mode semblable à celui que nous avons indiqué pour les Natices, les Nérites , les Turbo , les Troques , les Cyclostomes , etc. , d’où vient qu'il ne se forme point de ligne spirale? La raison s'en trouve dans la forme de l’extrémité antérieure de la bouche; elle est ici anguleuse , et non arrondie, comme dans les coquilles précédemment citées : elle ne permet point, ( 128 ) comme chez elles, cette rotation lente, à laquelle nous avons attribué la formation des spires. Dans tous les genres, en eflet, dont nous devons nous occuper dans cet article, la bouche est terminée par deux extrémités anguleuses, quoiqu'elles n’offrent pas une proportion constante entre les degrés d'ouverture de leurs deux angles ; au contraire même, on peut observer parmi elles des diflérences assez en rapport avec les autres caractè- res génériques, et avec des modifications particulières de Ja structure de l’opercule. 1°. Dans certains cas, l’angle antérieur est le plus étroit, la bouche s’allonge en entonnoir pour se termi- ner en tube plus ou moins allongé ( Syphonostomes de BI.) ; alors, si j'en juge par les exemples que j'ai sous les yeux (Fusus lignarius, Murex erinaceus, Murex trunculus , ete.), le sommet est contre la partie la plus avancée du bord externe, et la disposition des stries d’accroïssement, presque transversale au voisinage du sommet, devient de plus en plus oblique en se rappro- chant des pièces les plus nouvelles, dont [a dernière enfin est parallèle au bord columellaire. Ces siries sont ‘ par conséquent plus serrées en avant et en dedans , plus écartées en arrière et en dehors. 2°, Si, au contraire , l'angle antérieur est aussi obtus, ou même plus, que le postérieur, comme dans les En- tomostomes de M. de Blainville , l'accroissement se fera autant en avant qu’en arrière sur le bord columellaire de lopercule, et ses deux extrémités seront englobées dans la courbure des stries d’accroissement. Le sommet se trouvera alors vers la partie moyenne du bord parié- taire ( Buccinum undatum , etc.); il se rapprochera ( 129 ) pourtant d'ordinaire un peu plus de l’extrémité anté- rieure que de la postérieure ( Cassidaria echinophora), sans doute à cause de l’action musculaire dont nous avons exposé plus haut l'influence. Les museles ne s’at- tachent point à toute l’étendue de la face profonde, comme dans ceux dont la forme est spirée, et la consis- tance calcaire , c’est vers le bord columellaire , c’est aux parties les plus récentes qu’ils s’insèrent. Cette insertion occupe également ici plus de la moitié de cette surface, et le reste est enduit d’une couche assez épaisse d’un vernis vitreux, dont nous avons suflisamment expliqué ailleurs la formation. Sur la portion nue se voient quel- ques stries d’empreinte, qui croisent obliquement celles d’accroissement. L’opercule des Pourpres semblerait soustrait aux règles que nous venons d'établir, s’il était vrai, comme le dit M. de Blainville, que son sommet füt en arrière, et les stries en travers par rapport à la coquille : je ne l'ai point vu en place; mais, quoique détaché ( Purpura hemastoma) , sa forme, comparée à celle de la bouche, la situation de son empreinte mus- culaire et de sa partie vernissée , en tout semblables à ce que nous avons vu chez les genres précédemment nom- més , tout nous prouve que le sommet doit répondre vers le milieu du bord externe ou pariétaire ; que les stries doivent être parallèles à la longueur de la bouche, et la base appliquée au bord columellaire. Sur l'animal mar- chant , nul doute que la base ne regarde plus où moins directement vers la partie antérieure du pied, et le som- met vers sa pointe : ce n’est que de cette façon que le bord columellaire peut être en rapport constant avec le XVIII. 9 ( 130 ) manteau ; Mais cela n’est en rien contradictoire aux rap- ports que nous lui avons assignés avec la coquille. Notre opinion est d’ailleurs confirmée encore par la rectitude presque complète du bord columellaire de la bouche, ici bien moins arqué que chez les Buccins, etc. ; rectitude qui explique celle des stries d’accroissement et du bord columellaire de l’opercule. C. Opercules patelliformes. La plupart de ceux-ci sont également cornés ; le nom que je leur donne rap- pelle leur formation par des pièces d’accroissement con- centriques , ainsi que les pièces qui les séparent. Cette structure est évidemment toute différente de celles dont il a été jusqu'ici question, soit que le sommet ou le dis- que primitif soit à peu près central ( Paludina impura), soit qu'il se rapproche plus de la columelle que du bord opposé (Paludina vivipara, Æmpullaria efjusa , Hé- licine striée, Laniste d'Olivier, Valvaire des piscines (BI. Atlas Dict. Sc. nat.). En pareil cas même les pièces d’accroissement étant plus larges vers le bord pa- riétaire , il devient évident que ce n’est plus seulement la portion du manteau, voisine de la partie postérieure du pied, qui les produit. Je n'ai pu examiner ces ani- maux dans l’état frais; mais les excellentes figures qu’a données de l’un d’eux ( Paludina vivipara) M. Cuvier, ont suffi pour m’apprendre que la partie postérieure du pied était bien moins large que l'ouverture de la coquille, puisque l’opercule le déborde de toutes parts; qu’en conséquence tout le corps pouvait, comme chez les Hélices ( où le collier donne naissance à un épiphragme caduc), se renfermer dans le manteau ; que tout le pour- tour du collier devait se trouver ainsi en contact avec la (er 0) circonférence de l’opercule, et contribuer circulairement aussi à son accroissement. Chez tous les Mollusques dont il avait été précédem- ment question , le pied, proportionnellement plus volu- mineux, ne pouvait sans doute pas rentrer ainsi dans le manteau , puisqu'il avait toujours plus de largeur que l’opercule; et, si un peu de matière vitrée était déposée à sa surface profonde, ce n’était que par suite d’une eflusion éloignée , et non d’une apposition opérée par le collier même. De tout ce qui précède il résulte que c’est toujours le collier et non la peau du pied, comme on la dit, qui forme et accroît l'opercule; que c’est quelquefois tout le pourtour du collier (zones conceniriques complètes), plus souvent seulement sa partie postérieure, qui est l’organe de cette production ; que c’est le bord columel- Jaire et l'extrémité postérieure de l’opercule, qui sont en conséquence le point où s'appliquent les pièces d’accrois- sement, de plus en plus grandes ; qu’en conséquence aussi les parties plus anciennes sont de plus en plus re- poussées en dehors et en avant, d’où résultent l’enroule- ment spiral des uns, et la disposition squameuse des autres (zones concentriques , incomplètes et obliques). Dans toutes ces recherches je n'ai pas tenu compte de la différence de consistance entre les divers opercules : le mécanisme de leur production est évidemment le même ; mais quelque condition organique doit aussi pré- sider à l’absence du carbonate calcaire dans les uns, à sa présence dans les autres. Il m’a semblé que les opercules cornés étaient généralement plus éloignés que les autres de la portion du manteau à laquelle nous en attribuons (152) la production. Ainsi, dans les figures de M. Cuvier, le Trochus pharaonis , la Vivipare, le Zurbo littoreus, le Buccinum undatum , ont leur opercule attaché sur l’ex- trémité de la queue , et il est corné; au contraire, chez deux Nérites , chez les Turbo pica et chrysostoma, chez la Phasianelle, l’opercule , qui est calcaire, occupe la partie du pied la plus voisine du manteau , et touche le collier. J'ai constaté la même chose chez le Cyclostoma elegans et la Neritina fluviatilis. Au reste, sur ce point, comme sur bien d’autres, je n'ai pas prétendu fixer l'opinion des zoologistes; j'ai voulu seulement jeter quelques lumières de plus sur la physiologie d’une classe d’êtres que les travaux des savans modernes ont rendu si intéressante. EXPLICATION DE LA PLANCHE X. Fig. 1. Opercule corné du Vatica ampullaria , en place. Fig. 2. Opercule calcaire de Natice, vu par sa face externe, et mon- trant les stries on cannelures d’encroùtement. Fig. 3. Le même, vu par sa face interne ou profonde. Fig. 4. Opercule da Turbo rugosus , en position , et vu par l'extérieur. Fig. 5. Le même, face profonde. Fig. 6. Celui du Cyclostoma elegans , deux ou trois fois plus grand que nature. Fig. 7. Ouercule corné du Trochus granulatus. Fig. 8. Idem, Fusus lignarius. Fig. 9. Id., Cassidaria echinophora. Fig. 10. Id., Purpura hæmastoma. Fig, 11. Id. , Paludina vivipara. IV. B. Dans les six dernières figures , l’opercule est vu par sa face libre, et en position naturelle , comme dans la fig. 1. A, bord pariétaire ; B, bord columellaire ; C, extrémité antérieure ; D, extrémité postérieure; Æ , commencement de la strie d’involu- tion; F, sommet de la spirale; G, stries d’accroissement; A, pièces (158. ) d’accroissement (chacune des lignes ponctuées qui part de la lettre H doit tomber au milieu des pièces, et non à leur bord d’insertion : le lecteur rectifiera facilement cette faute); Z, stries d’encroùtement ; Æ , limites des insertions musculaires, supposées vues à travers l'épaisseur de lopercule ; Z, disque primitif, ou sommet des oper- cules non spirés. Des gros blocs de Roches que l’on trouve épars ou accumulés sur des terrains de natures très- diverses ; Par M. le comte G. Rasoumovsxy, Membre de plusieurs Académies et Sociétés savantes. Une Notice de M. Brongniart (1) sur Les blocs &e roches des terrains de transport, en Suède, insérée (1) Vote de M. Arexanpre BroneniarT. Avant de publier la Notice sur les blocserratiques, qui a été insérée dans les {nnales des Sciences naturelles, j'ai revu les notes que javais prises sur les Mémoires publiés sur ce sujet, Mémoires qui sont , comme on le sait, très-nombreux ; j'ai relu la plupart de ces Mémoires , et jai recherché dans les ouvrages allemands sur la géologie, dont je possède un grand nombre, ce qu’il pouvait y avoir de relatif à l'objet que j'avais en vue. Je regrette beaucoup den’avoir pas eu connaissance de l’ouvrage de M. Le comte Rasoumovski; non seulement j'aurais évité l'apparence d’oubli ou d’omission qu’on peut m'imputer, mais certainement je me serais trouvé heureux et flatté | de pouvoir Lier mes observations incomplètes avec les observations beaucoup plus étendues de M. de Rasoumovski, et de pouvoir étayer mes conclusions de son autorité. On peut avoir remarqué que je m’ai point cherché à traiter, dans ma Notice , des blocs erratiques comme d’un fait pour ainsi dire nouveau , ni à donner l’énumération de tous les lieux où on les a observés. Je me suis contenté de rappeler le nom des naturalistes célèbres qui , frappés de ce phénomène , l'ont si bien étudié et si bien fait connaître. Mon (154) dans les Annales des Se: nat. , tome XIV, pag. 5-22, m'a causé une grande et agréable surprise , par la con- formité des observations qu’elle renferme, avec celles que j'ai publiées il y a déjà neuf ans, dans mon Coup- d'œil géognostique sur le nord de l’Europe en général, et particulièrement de la Russie, imprimé à Saint- Pétersbourg, puis à Berlin, en 1819, chez Christiani, dont la librairie doit se trouver maintenant à Francfort- sur-le-Mein. Ce petit ouvrage est peu connu, parce que, sans doute, il n’en a pas été tiré un grand nombre d'exemplaires, etque les ouvrages imprimés en français en Allemagne n'arrivent guère en France. Le champ de mes observations ayant été plus vaste que celui dont s’est occupé M. Brongniart, la confor- mité doni je parle est d’autant plus frappante , et j'ai pu d’ailleurs , vu l’étendue de cet immense terrain et des but principal a été de faire remarquer dans ces coteaux allongés, nom- més Osar, en Suède , l’espèce de queue que semble avoir laissée cette débâcle de blocs dans ce pays , qui paraît en avoir fourni le plus grand nombre. L'origine scandinave de ces blocs est connue , ou l'était ; c’est, comme je l'ai rappelé, une opinion prouvée par MM. Haussmann, de Buch , et généralement admise depuis long-temps ; mais leur dis- position en lignes parallèles ne me semble pas si généralement reconnue. On voit donc quelle satisfaction j'aurais trouvé à appuyer le fait de la disposition linéaire des parallélismes , et de la direction des Osar de Suède , des faits semblables , observés ou réunis par Pillustre auteur de ja Notice qu’on va lire. Au reste, si cette ignorance a eu pour moi quelque inconvénient , elle aura été utile aux Ænnales des Sciences naturelles, en leur procurant une Notice qui renferme, sur les blocs erratiques de l’Europe orientale, des faits intéressans , et qui me pa- raissent entièrement neufs. (x) Elle vient d’être traduite en allemand, dans le Zeit schrift für Mineralogie de Leonhard, janvier 1829, n° 1, p. 49 et suiv. ( 495 ) phénomènes qu'il présente , embrasser un plus grand nombre de points de vue géognostiques et géologiques , et c’est par cette raison, plus encore que dans l’inten- tion de réclamer Ja priorité de mon travail sur celui du célèbre savant que je viens de nommer , que je vais donner un extrait de la partie de mon Coup-d’œil géognostique qui se rapporte à l’objet dont il s’agit ici (1). Au sein de ces formations basses ou peu élevées, de ces vastes plaines qui commencent au pied des monts, de ces immenses plages sablonneuses qui bordent les mers du nord de l'Europe , se présente un grand phé- nomène qui étonne l'imagination , et semble avoir frappé les esprits d’une stupeur telle, que de grands géognastes paraissent n'avoir point osé percer le mystère de leur présence en ces tristes lieux : c’est celui de ces blocs de roches primitives, énormes et doués de dimensions pro- digieuses , épars en grand nombre , et évidemment étran- gers à ces terrains, ainsi que des cailloux roulés formant des dépôts plus ou moins considérables et de la mème nalure qu'eux. En se promenant au sein de ces grandes masses , jetées comme à l'aventure de côté et d'autre, et de tous ces dépôts que l’on foule à ses pieds , quel est l’homme assez stupide pour contempler un semblable spectacle de sang- froid , et ne pas se demander avec une sorte d'inquiétude : Comment se trouvent-ils ici ces corps lourds et pesans , “(1) Pour former cette Notice, j'ai rapproché et fondu ensemble les observations qui se trouvent sous les paragraphes 51, 52, 53, Gr, 62, 63,64, 66, 67,68, 69, 90. 92, 73, 74. 75, 79» 80 ; 8a, et aux pages 64,97,98, 106 et 197, de mon ouvrage queje viens de citer - ( 136 ) qui reposent sur un sable mouvant ou d’autres matières presque aussi mobiles, et n'appartiennent point au sol qui ñe fait que les supporter ? Souvent même le sable a cédé à leur poids ; ils s’y sont enfoncés , et il les a enve- loppés en tout ou en partie. Lorsque l’on fait attention, comme on l’a vu plus haut, que les blocs , que les cailloux roulés de ces dépôts sont tous des roches se rattachant aux plus anciennes formations , on ne peut certainement se refuser à l’idée, que ce sont évidemment des fragmens de semblables formations et des montagnes qu’elles constituent , et qui devaient être très-grandes et très-étendues, à en juger par la prodigieuse quantité de ces débris, et il ne reste plus qu’à rechercher quels peuvent avoir été leurs pre- miers gisemens , et comment ils en ont été extraits et déposés dans ces contrées. Ces blocs énormes , ces dépôts de cailloux roulés qui nous étonnent, et dont nous cherchons l’origine , attes- tent positivement , lorsqu'on les examine avec soin, qu'ils ont été charriés, transportés au loin , du sein des montagnes appartenant à la Scandinavie, à la Finlande, et à ces chaînes de hauteurs interrompues , connues en Russie sous le nom de Montagnes du nord. Ces blocs sont semés, avec une profusion étonnante, le long des côtes des mers et de leurs rivages, et même à de irès-grandes distances de ceux-ci, comme je lai reconnu dans mes voyages en Russie, et dans d’autres parties de l’Europe ; par exemple , dans la partie la plus fréquentée de cet empire, entre Pétersbourg et Moscou, sur les monts Valdaï jusqu'à Bronitza, c’est-à-dire, à une distance de Vibourg d'environ 63 lieues de France 8 , (137) où l’on observe des rochers de granite semblables, comme nous allons bientôt nous en convaincre (1), et dans d’autres parties de l’Europe, par exemple, entre Breslau et Berlin , aux environs de Grossen ( car ils ne parais- sent pas s'étendre beaucoup plus loin de ce côté) à peu près jusqu’à une distance de 140 lieues plus bas que la pointe la plus méridionale de la Scandinavie, d’où ils semblent être venus originairement. De plus, on reconnait même aujourd’hui fort bien la direction de la force motrice singulièrement puis- sante, en vertu de laquelle toutes ces masses furent entraînées jadis ; car dans les endroits où elles se trou- vent accumulées en grande quantité , on peut remarquer parfaitement qu’elles ont été déposées là selon les lois d’une sorte d’alignemens parallèles, offrant un spectacle aussi instructif qu'extraordinaire et particulier à de semblables contrées presque vierges, où l'espèce hu- maine, encore rare, n'a jamais cherché à arracher à une terre ingrate le peu de fruits qu’elle peut produire avec un peu de labour , et a laissé les mouvemens de la na- ture intacts : cette direction semble assez constamment être celle du nord-est au sud-ouest, et cela souvent avec une telle régularité , que, si de chacun de ces antiques fragmens ainsi accumulés à celui qui le suit , on ure en imagination le long d’une rangée bien prononcée une ligne droite dans le même sens, on observe qu’elle passe presque toujours par le centre de chacune de ces masses, et qu'une telle ligne prolongée à l'infini les enfile, pour (1) Dans d’autres parties de la Russie, ils s'étendent bien plus loin , et même de ce côté on les retrouve, selon Hermanu, jusqu’à Mos- cou ( Foyages en Sibérie, tom. I, p. 9). ( 158 ) ainsi dire, à la suite les unes des autres, comme les grains d'un chapelet (r). Je présumai , il y a déjà long-temps , que les superbes et nombreux blocs répandus de toute part entre Breslau et Berlin , offrant, au sein des sables sans fin de ces con- trées , des espèces de siénites à gros grains , riches en belle hornblende et en grenats souvent très-gros , étaient des roches primitives semblables à celles qui ont encore de nos jours leurs gisemens dans les montagnes de la Suède, et je le présumais par le moyen de la compa- raison que j'en faisais avec des exemplaires de roches du même pays, rassemblés dans diverses collections miné- ralogiques où je les avais vus; et depuis, un fameux géognoste allemand , si je ne me trompe, Hausmann, car, n'ayant pu, à cause de la célérité que j'ai due mettre à mon voyage de Russie, me munir de beaucoup de livres , je n'ai avec moi ni de Buch, ni Hausmann , les seuls qu’il faut lire aujourd’hui sur la Suède et la Nor- vége ; un fameux géognoste allemand, dis-je, a reconnu aussi que les énormes blocs de roches primitives du (1) I semble que c’est aussi à la même époque que se rattache un phénomène semblable, observé dans les déserts de la Libye par Horne- mann. « Les formes étranges de ces rochers , brisés ou séparés les uns des autres, dit-il, me confirmèrent dans l’idée d’une submersion, et me persuadèrent que ce déluge était venu de l’ouest. » Voyage dans l'Afri- que septentrionale, t. 1, p. 79. Il paraît évident que ces roches brisées, déposées à distances, selon des espèces d’alignemens et de directions assez prononcées, ne sont autre chose que des blocs detachés des chaînes de montagues détruites, comme ceux que nous Yoyons en Europe , et qui sans doute appartiennent de même à des formations très-anciennes. Ou doit regretter que ce voyageur judicieux n'ait pas eu de notions plus satisfaisantes en minéralogie. (159 ) pays de Hanovre doivent avoir appartenu à ces mèmes montagnes de la Scandinavie, où l’on en trouve égale- ment de toutes semblables dans leurs antiques gisemens. L'étude que J'ai faite des blocs et des caïlloux roulés des environs de Saint-Pétersbourg , durant mon séjour en ce pays , ne me laisse pas non plus le moindre doute que ces débris , ces fragmens de vieille roche, n'aient également appartenu aux plus anciennes formations septentrionales de l'Europe, à celles du nord de la Russie, à celles des montagnes du nord proprement dites, et par- ticulièrement à celle de mème nature absolument , con- stituant ces beaux rochers de granite rouge de la Fin- lande dont on voit de si beaux fûts de colonnes d’une seule pièce dans l’église de Casan. Cependant, ce phénomène des blocs et des gros cailloux roulés offre, on ne peut se le dissimuler, d’étranges singularités et d’inexplicables anomalies ; Je les ai observés, par exemple, absolument semblables à ceux de Finlande et d’Ingrie , sur la route de Péters- bourg à Riga, sur une étendue de plus de 364 verstes ou 104 lieues de France, et paraissant par conséquent avoir appartenu jadis à des branches considérables d’un même système de montagnes , tandis qu’à cette distance, et à peu près depuis Teilitz sur la route de Dorpat à Riga , des masses tout aussi énormes se faisant voir aussi à des distances très-considérables, se rattachent désor- mais à des formations tout-à-fait différentes et entiè- rement détruites, qui, par conséquent , appartenaient à des montagnes dont il ne reste plus de traces, et qui sont entièrement rasées. Tandis qu’en Prusse (et déjà , si je ne me trompe, à Mitau), aux environs de Memel, dans ( 140 ) les sables et dans le lit même de la petite rivière nom- mée Danne , qui traverse cette ville, et sans doute plus loin on en trouve avec une extrême surprise les mêmes espèces qu’en Finlande et en Ingrie, ou du moins des espèces très-voisines, comme si ces masses évalement détachées de quelque grand rameau des montagnes du nord, eussent été lancées par dessus celles intermé- *diaires , ou transportées si prodigieusement loin par une seconde révolution épouvantable du même genre. Ces blocs et ces gros cailloux roulés offrent encore à l'observateur , surtout en Estonie, un autre fait très- surprenant, et d'autant plus digne d'attention, qu’il semble très-problématique. On les voit souvent, au mo- ment où l’on s’y attend le moins, disparaître et repa- raître successivement durant un temps plus ou moins long ; mais on ne tarde pas à reconnaître enfin la cause de ces variations curieuses, en les examinant avec soin, et de s'assurer qu’on ne les observe jamais que dans les pays plus ou moins sinueux , où ces masses ne repa- raissent que le long des côtes rapides; mais, dès que le terrain s’abaisse, ou devient plus ou moins horizontal, elles disparaissent de nouveau , comme si ces plans ascen- dans eussent servi d’échelles et de points d'appui à leur accumulation, et voilà précisément pourquoi on les retrouve toujours et partout en quantité sur les hauteurs, et rarement ou clair-semés dans les fonds bas environnés de hauteurs et semblables à des bassins (1). (1) A Bronitza , sur la route de Pétersbourg à Moscou, ils se trouvent, selon Hermann ( Voyage en Sibérie , tom. I, p. 6), surtont Sur les pentes septentrionales des hauteurs ; circonstance remarquable , qui atteste assez qu'ils doivent êlre venus originairemeæt du Nord. (141) Mais elles disparaissent aussi , et si long-temps, qu’on peut croire que c’est pour toujours, dans les contrées où le sable atteint de prodigieuses hauteurs , comme en Es- tonie, où il n’y a nul doute que les immenses dépôts de ce genre, dont l'étendue est des plus considérables, ne soient dus aux attérissemens des lacs et des rivières, dont cette province abonde, que l’on rencontre, pour ainsi dire , à chaque pas, et qui , en remontant à une très- haute antiquité, bien antérieure à tous les documens his- toriques , envahissaient des étendues de terres bien plus grandes , et s’élevaient à de bien plus grandes hauteurs que de nos jours. Le long du plateau formé par les attér- rissements du Peipus on n’en voit plus ; et jusqu’à l’ex- trémité méridionale de ce vaste lac , où ce plateau s'a- baisse sensiblement, et où elles se retrouvent de nouveau dans le lac même, et ensuite de nouveau à la surface du terrain, parce que jusque là elles avaient été enfouies dans les profondeurs du sable. Cependant , quelles que soient Îles causes de la dispa- rition longue ou presque momentanée de ces masses de dessus la surface des couches de la terre , on peut con- stamment faire l'observation générale qu’elles se retrou- vent toujours et partout , sur tous les rayons de la même direction qui les a lancées si loin , toutes les fois qu'un des obstacles que je viens d’énumérer n’en à pas inter- rompu les nombreuses séries. Ainsi notre attention tout entière doit se reporter de nouveau sur plusieurs phénomènes géognostiques d’une conséquence majeure que nous offrent ces débris épars , énormes et nombreux d’un monde dont la mémoire , sans ces respectables monumens de la nature, serait (142) perdue pour nous. Nous le retrouvons non-seulement comme fragmens des formations anciennes, dont nous reconnaissons les analogues au sein des montagnes dans leur état actuel ; mais nous les retrouvons encore comme fragmens d’autres formations, qui ne se rencontrent absolument nulle part sur pied, et sont inconnues dans ce dernier état sur la terre , comme nous venons de le voir. Voilà donc des faits et des faits irrécusables, prouvant d’une manière incontestable que le nord de notre con- tinent a été, comme le midi, travaillé, bouleversé par une révolution terrible, et des courans d’eaux d’une puissance qui étonne l'imagination. Mais ce qui doit bien plus étonner encore, ce sont ces montagnes du nord et celles de la Scandinavie , n'offrant que des monts peu élevés et des vallons peu profonds plutôt que de véritables vallées ; les blocs qui en ont été emportés sont cependant aussi gros, et même plus gros que ceux de la Suisse , venus originairement des Alpes, et ont été charriés bien plus loin , puisque j’ai ramassé de jolis cailloux roulés du granite glanduleux feldspa- thique des montagnes du nord, entre Straszof et Jva- niska , à trente-deux lieues de Cracovie, et j’en ai ren- contré même des blocs considérables à 104 lieues de distance de Pétersbourg en Estonie ; ce qui est plus extraordinaire encore, c’est la découverte que j’ai faite à Memel , de blocs énormes et de cailloux roulés du superbe grès quartzeux , dur, rouge, se rattachant au rothe todtliegende des Allemands , qui forme encore de très-beaux rochers sur les bords du lac Onéga , et qui sont par conséquent à plus de 245 lieues de France du (143) point deleur départ. Ainsi, tandis que les superbes vallées des Alpes de Savoie et de Suisse , bordées de très-hautes montagnes , creusées jadis par de terribles courans , ne font guère voir tant de gros fragmens sortis de leur sein, qu’à peu près à 20 lieues de distance au plus, les masses prodigieuses charriées par les courans du nord, ont été transportées évidemment jusqu’à plus de douze fois plus loin que celles charriées par les courans du midi! Je ne dois pas passer sous silence un autre fait non moins extraordinaire que tous les autres : c’est que ; tan- dis que l’Ingrie et les environs de Pétersbourg font voir de tous côtés tant de blocs détachés constamment des roches les plus anciennes , ils n’en présentent aucun se rattachant aux formations secondaires , dont on ne com- mence à rencontrer des cailloux roulés qu’à un peu plus de 6r lieues de la capitale, sur la route de Narva à Dorpat, entre Klein-Poungern et Rana-Poungern, c’est- àdire , plus de trois fois plus loin que les masses char- riées par les courans du midi. Ainsices formations secon- daires qui sont de nos jours si basses , qu’elles s'élèvent à peine d’un petit nombre de toises au-dessus des plaines et des rivières sous forme de coteaux et de collines, ont dû aussi jadis atteindre une hauteur proportionnée à la profondeur des courans qui ont pu transporter leurs débris à une telle distance. Il résulte donc de toutes les observations recueillies dans cet écrit, un point de vue géognostique bien extraor- dinaire , gigantesque même , que cependant on ne peut rejeter, qui n'avait pas mème été soupçonné , savoir : que ces masses antiques , ces énormes débris, ces monu- mens respectables d’une époque que la pensée à peine à ( 144) concevoir, doivent en eflet avoir appartenu incontesta- blement à des systèmes de montagnes nombreux et con- sidérables, se rattachant aux formations les plus vieilles , se perdant dans la nuit des temps, et échappant aux calculs des siècles , et tous plus ou moins ou même entiè- rement détruits , comme je l’ai déjà fait voir. Peut-être doit-on présumer la même chose à l'égard de plusieurs montagnes de l'Allemagne aujourd’hui peu élevées , telles que celles de la Moravie, de la Bohème, de la Basse-Autriche, dont semblent avoir été arrachés les énormes blocs de roches entassés dans le plat pays de la Bavière , de la Souabe, de la Franconie , prodigieu- sement éloignés, de nos jours , de toutes les montagnes. Quant à celles de la Moravie , dont j'ai étudié avec soin la partie qui se rattache à mes possessions, je crois avoir reconnu qu’elles ont été aussi bien plus hautes jadis , et que la plupart des débris qui en ont été arrachés, l'ont été avec violence par une révolution bien différente de celle qui en a transporté tant d’autres au loin, et qui peut-être se rattache à des phénomènes volcaniques, et reposent encore sur leurs anciens gisemens ou non loin d'eux, circonstance aussi rare que remarquable, et qui a sa source dans les causes locales. Il paraît, au reste, très-évident que cette révolution produisant la subversion d’un ordre de choses bien dif- férent de celui qui frappe nos yeux, a été une des der- nières et des plus nouvelles opérations de la nature, qui, sans doute , à cette épouvantable époque, avait déjà par- couru tout le cercle de ses grandes formations , dont les diverses niveaux existaient déjà; c’est pourquoi nous retrouvons aujourd’hui tant de débris de roches primi- ( 45 ) tives aussi bien sur des rochers de granite plus bas que les colosses dont ils ont été arrachés que sur des dépôts de transition , sur les secondaires , et même au sein des terrains d’alluvion , dans des collines entières plus ou moins élevées, composées de sable et de gravier. : Mais, malgré la jeunesse de ces espèces de dépôts, il n'en est pas moins certain aussi qu'ils sont cependant encore d’une antiquité incommensurable pour l’esprit humain, et qu'aucun monument historique, aucune tra- dition raisonnable ne nous en ont transmis la mémoire. Ce que j'avance ici est si exactement vrai, que les plus anciens géographes nous ont toujours représenté la terre telle que nous la voyons de nos jours, à des notions fausses ou fabuleuses près , tenant à la grande ignorance et aux préjugés de ces temps si reculés pour nous ; mais c’étaient les mêmes pays, les mêmes mers, les mêmes fleuves de l’ancien continent , le seul connu alors, et dont une grande partie le fut à peine pendant long-temps. Je ne dois pas oublier de dire , avant de terminer cette notice, qu'outre les faits nombreux et remarquables -que je viens d’énoncer , il en est un encore qui serait incroyable pour moi-mème, si je ne l'avais observé de mes propres yeux, cest qu'entre ces dépôts de forma- üons détruites identiques , où des séries de blocs et de gros cailloux roulés sont assujettis à une même direction, il existe une interruption, ou une lacune immense et d'environ 130 lieues d’étendue, remplie par d’autres formations absolument différentes, semblant se ratta- cher à d’autres points de départ que les premières, et suivre une autre direction que la leur , qu’elles ont rom- pues sans doute, en coupant celle-ci à angles droits dans XVIII. 10 ( 146 ) un sens opposé; ainsi, tandis que les blocs venus des montagnes du nord étaient portés du nord-est au sud- ouest, ceux-ci semblent, au contraire, lavoir été du nord-ouest au sud-est. Il faut donc nécessairement admettre l’existencede deux ou de plusieurs courans , inégaux en masses et en lon- guecur, partis jadis de deux ou de plusieurs points, et en combinant ce nouveau.et singulier phénomène géognos- tique avec tous ceux déjà énumérés dans le cours de cet écrit ; il faudra encore nécessairement en conclure, ce me semble , qu’en vertu de la même révolution violente qui leur donna naïssance, les eaux qui recouvraient encore les plus hautes montagnes à cette époque, furent poussées, presque à la fois, en divers sens presque oppo- sés, à des distances diverses et plus ou moins considé- rables , en quantités variables , avec des degrés de force , d’inclinaison, de rapidité ou de vitesse diverses pendant leur durée. Il paraît , au reste , assez naturel de croire que le choc et le froissement de tant de grands débris de montagnes brisées , se rencontrant sous des angles divers et énormes, a souvent pu produire des forces motrices composées extraordinaires , et des impulsions fort différentes de l'impulsion primitive imprimée à ces masses, qui ont pu les lancer dans des directions différentes de celles qu’elles suivaient d’abord, êt à des distances aussi incommensu- rables pour nous , que la puissance de ces épouvantables * courans d’un monde alors dans un état de destruction , que nous pouvons maintenant à peine concevoir. Il paraît aussi certain, que dans le règne minéral, comme dans les deux autres règnes de la nature, il est (147) des espèces qui ont totalement disparu de la surface dun globe , et qu'on ne retrouve plus sur pied nulle part au sein d’aucune chaîne de montagnes. Le peu d’attention qu’on a donnée jusqu’à ce jour aux formations détruites, est cause qu’on ne peut déterminer le nombre de ces der- nières. Mémoire sur un ver parasite d'un nouveau genre ( Hectocotylus octopodis) ; Par M. le baron Cuvrer. (Lu à l’Académie royale des Sciences, le 12 octobre 1829.) . Parmi les vers intestinaux ou parasites, il en est un certain nombre qui ont à la face inférieure, ou à l’ex- trémité postérieure du corps, un ou plusieurs organes en forme de ventouses , plus ou moins semblables à ceux que l’on observe sur les bras des Poulpes, ou en arrière du corps des Sangsues. Quelques naturalis- tes ont dérivé du nombre de ces organes les noms qu’ils ont donnés aux animaux qui les portent; mais, comme s'ils les eussent pris pour des bouches, ils ont composé ces noms d’un nom de nombre, et du mot stoma. Ainsi on a dit Disroma , HexasromaA , Pozysroma ; moi- même , il y a vingt-sept ans, ayant découvert dans la Méditerranée une espèce de cette famille, qui a trois ventouses, et, me conformant à cet usage, je l’avais nom- mée Trisroma ; mais elle s’est trouvée congénère d’une autre que La Martinière, naturaliste de expédition de ( 148 ) Lapeyrouse, avait observée dans la mer du Sud ; et que M. Bose 4 nommée Carsaze, et M. Oken PHyLLine. Il est bien reconnu aujourd’hui que les organes dont nous parlons ne servent pas plus à pomper la nourriture que ceux de même forme , que possèdent les Poulpes et les Sangsues ; l’animal ne les emploie que pour se fixer; et, avec un peu de soin, on trouve toujours sa véritable bouche , qui est unique, et fort diflérente de ces ven- touses. Les expressions de Distoma, de Polysioma, sont donc impropres; et, si les changemens perpétuels des noms n'avaient pas pour l’histoire naturelle un in- convénient beañcoup plus grave que des noms mal faits, on adopterait de préférence ceux d’Hexacotyles , ei les autres que M. de Blainville a proposés , et qui représen- tent plus exactement l'organisation qu'ils doivent servir à désigner. Quoi qu'il en soit, l'animal que j'ai l'honneur de pré- senter à l'Académie appartient au groupe dont je viens de parler ; mais il êst infiniment plus polystome, plus polycotyle qu'aucun de ceux qui ont été décrits jusqu'à présent. Il a plus de cent ventouses , et si on veut con- server, en ie nemmant, l’analogie,des genres les plus voisins, c’est. Hecarosrome , où Hecaroncory Le, qu’il faudrait l'appeler ; je l'appellerai //ectocoty le , par une contraction assez peu juste, mais imitée des dénomina- tions de nos poids et mesures. C’est d’ailleurs le géant des Polycotylaires ; la plupart de ces animaux sont petits, plusieurs sont microscopi- ques : celui-ci est long de 4 , 5 et 6 pouces. Enfin. ce qui ajoute encore à la singularité de sa con- formation, c’est la singularité du séjour qu'il a choisi, ( 149) * ou qui lui a été assigné par la nature. fl vit dans la bourse abdominale , ou même dans l'épaisseur des chairs du Pouipe, du seul être qui le surpasse par le nombre des ventouses dont il est muni. Les métaphysiciens qui s'a- musent à composer les vers intestinaux de toutes pièces, avec des élémens fournis par le corps des animaux qu'ils habitent , auront beau jeu dans cette occasion. Voilà le corps du Poulpe qui a pour parasite un ver tellement semblable à un bras de Poulpe , que l'illusion ne peut être plus grande. Parmi les deux Poulpes que je mets sous Îles yeux de l’Académie , il en est un où l’Hecto- cotyle s’est attaché à un des bras, qu'il a même à peu près détruit , et qu’il semble tellement remplacer, qu’au premier coup-d'œil on le prendrait pour ce bras Ini- même. Que l’on juge combien de systèmes il serait pos- sible de fonder sur des ressemblances si extraordinaires : jamais l'imagination n’a eu à s'exercer sur un sujet plus curieux. Pour nous, qui dès long-temps faisons profession de nous en tenir à l'exposé des faits positifs, nous nous bornerons aujourd’hui à faire connaître, aussi exactement qu'il nous sera possible, l'extérieur et l’intérieur de notre animal. Les naturalistes le devront à l'attention ingénieuse de M. Laurillard, garde des galeries d'anatomie du Muséum d'Histoire naturelle, qui, envoyé à Nice peur y recueillir et y peindre ies poissons de la Méditerranée , s’est atta- ché en même temps à observer et à rassembler toutes les autres productions de cette mèr, si riche et encore si peu connue, Il à trouvé'ces vers sui l'espèce de Poulpe nommée : ( 450 ) Poulpe granuleux par M. de Lamarck. Ni le Poulpe vulgaire , ni l'Eledone , ni aucun autre Céphalopode ne lui en ont fourni, malgré la peine qu'il a prise de les examiner dans cette intention , en sorte que l’Hectoco- iyle paraît propre au Poulpe granuleux. Sur cinq individus qui lui sont tombés dans les mains, trois se tenaient dans l’entonnoir d’un seul Poulpe, la tète attachée à quelque point de son intérieur, et la queue se prolongeant dans le sac abdominal , mais sans pénétrer dans le péritoine. Un quatrième était dans un autre Poulpe, mais dans une position semblable. Le cinquième seul s'était attaché, comme nous venons de le dire , à un bras du Poulpe, et Pavait transformé en une espèce de poche, où il avait introduit sa tête, le reste ‘de son corps restant libre au dehors. L’'Hectocotyle n’est donc , à proprement parler, qu'un demi-intestinal , ou plutôt un parasite demi-extérieur, comme les Poly- stomes et les Tristomes, et comme les Lernées et les Chondracanthes. Il se détache aisément de l’animal sur lequel il vit, et se met aussitôt à nager dans l’eau de la mer, ou à ramper sur toute surface solide , sans paraître beaucoup souffrir de ce changement de position. Il s’at- tache fortement , au moyen de ses ventouses , aux doigts ou à tout autre corps, imitant encore en cela le Poulpe, son patron ; car c’est bien là le terme que l’on pourrait employer pour l'animal qu’un parasite dévore. Sa forme est allongée et un peu prismatique , la face dorsale (PL. 11, 4, fig. 1) étant arrondie, et l’inférieure (fig. 2) plane. Sa longueur ordinaire est de 4 à 5 pouces. Il est plus épais, et surtout plus élevé, en avant, où sa largeur est de 4 à 5 lignes, et sa hauteur de 6 à 7. ( 6x) L'une et l’autre dimension vont en diminuant vers lar- rière , mais surtout la hauteur (fig. 3), qui y est réduite à moins d’une ligne , tandis que la largeur y est encore de deux. L’extrémité amérieure (a) est obtuse. À l'extrémité postérieure est un petit sac ovale (b) formé d’une peau mince , au travers de laquelle on aperçoit des circon- volutions. Toute la face inférieure (fig. 2) est garnie de ventouses (c,e, c), disposées sur deux rangées, qtflaissent entre elles un espace long et étroit ; les ventouses elles-mêmes sont serrées les unes contre les autres, et se répondent à peu près par paires. Dans quelques endroits , celles d’une rangée alternent un peu avec celles de l’autre; leur nombre est en général de 5> paires, par conséquent il y a 104 ventouses. Le corps, proprement dit, repose sur cette face infé- rieure cotylifère , par laquelle il est débordé en avant et sur les côtés (fig. 1). La partie de la peau qui le recouvre est lisse, mince, et laisse voir quelques circonvolutions des vaisseaux et des viscères qu’il renferme. C’est sur- tout son cinquième antérieur qui a plus d'épaisseur; et l'on y aperçoit, au travers des tégumens, une partie brune (d) qui est l’estomac , et une autre partie (e) , rem- plie de beaucoup de circonvolutions fines et pelotonnées, dont nous parlerons plus bas. L’orifice alimentaire ( f) est placé au-dessus de l’extré- mité antérieure, en avant de la portion la plus épaisse du corps. Dans l’état tranquille, e’est une fente étroite et non saillante; mais , dans l'animal mort, il parait cir- culaire , et a ses bords un peu saillans (fig. 4, f); ce qui ( 152 ) fait croire qu'il peut aussi prendre du développement ; et former une sorte de trompe courte, quand cela est nécessaire à son action: La ressemblance des ventouses avec celles du Poulpe est vraiment frappante. Elles sont exactement composées de même, d’une partie hémisphérique et d’une portion plane percée au milieu d’un trou plus étroit que le dia- mètre de la demi-sphère (fig. 5 ). Le bord extérieur de cette portion plane est un peu plus large que l’intérieur, et c’est de la confnuité de tous ces bords extérieurs, joints par l’épiderme, que se compose le bord général de l'animal Jui-même, qui se trouve ainsi légèrement fes- tonné. Les corps même des ventouses forment, le long de la basedu corps de l'animal, une suite de légères tubéro- sités parallèles aux festons du bord. Un peu au-dessus , et de chaque côté proprement dit, règne un petit filet blanc , tortueux. Cet animal est tout entier d’un blanc bleuûtre , et presque transparent ; il se meut, se contracte et se re- courbe en divers sens; mais ordinairement il prend la forme allongée, et c’est ainsi qu’il nage et qu’il rampe. Lorsqu'on le met dans l’esprit-de-vin , sa partie anté- rieure se recourbe fortement , de manière à devenir con- cave à sa face dorsale, et convexe à sa face eotylifère : ce qui est occasioné par des fibres musculaires , dont la peau est garnie au-dessus de l'estomac , et qui manquent ou sont beaucoup plus faibles ailleurs. Pour faire l’anatomie de ce ver, il faut (fig. 4) enlever la peau fine et transparente qui en recouvre la partie dor- sale. On voit alors dans la partie antérieure un très-court canal, qui part de la bouche, et aboutit à un sac (d), dout (TC 158?) la surface externe est garnie d’une substance d’un brun violet , disposée comme par grumeaux , et qui me paraît de nature sécrétoire : la surface interne de ce sac est lisse etjaunâtre. Je n’ai pu y découvrir d’autre ouverture que la bouche, en sorte qu’elle doit faire aussi fonction d’a- nus, comine cela a lieu dans les Planaires et dans plu- sieurs genres voisins, d'après les observations de M. Du- gès et d’autres naturalistes. Toutefois , il n’y a pas ici de ramifications intestinales comme dans les Planaires , et, en général, je n'ai rien pu découvrir qui ait l’appa- rence d’un système circulatoire. Le sac , ou l’estomac , que Je viens de décrire, me parait constituer tout l’organe digestif. : Au-dessous de ce sac stomacal en est un autre (e) à parois plus robustes , plus fibreuses, qui m'a paru avoir son orifice extérieur sous la bouche ; Et immédiatement au-dessus du rebord antérieur de la grande surface coty- lifère. Il est occupé par les replis innombrables d’un fil, qui a la couleur et l'éclat de la soie écrue, et que l’un des Hectocotyles a rejeté fort rapidement à l'instant où il a été pris. Quelle est la nature de cette soie Quelle est sa fonction ? c’est ce que j'ignore absolument. Je suis assez disposé à la regarder comme relative à la généra- tion ; mais elle parait solide , et l’on ne peut y découvrir de grains qui ressemblent à des œufs. Quant à son origine , elle m’a paru un peu plus facile à trouver. Au fond du sac qui la contient est un tuyau ex- cessivement fin (2), brillant comme une fibre tendineuse, et qui se rend , sans aucune inflexion , droit à l'extrémité postérieure du corps. Arrivé. là, il pénètre dans le sac membraneux (8) que l'animal porte à ceue guémité y L (154) grossit tout d’un coup jusqu’au diamètre d’une demi- ligne (1, &), s’y replie huit ou dix fois sur lui-même, rem- plit ainsi à lui seul tout ce sac, et rentre ensuite dans le corps par le même endroit où il en était sorti, mais avec un plus grand diamètre. I] change aussi alors de consis- tance. Au lieu d'un tube à paroïs assez minces, etrempli d’une espèce de bouillie opaque , il prend une consis- tance très-solide (#), et marche ainsi sur la face interne de la grande lame cotylifère , et , en grossissant toujours un peu , ilarrive jusqu’à l'extrémité antérieure de l'animal, où il se termine par une surface arrondie (2), sans aucune issue , ni aucun canal efférent. Cet organe solide, qui s’étend ainsi d’um bout du corps à l’autre , en fait la masse principale , et sa consistance , plus ferme que celle de toutes les autres parties , et d’ap- parence un peu fibreuse , me l’avait même fait prendre d’abord pour la masse musculaire du pied, comme on l’observe dans les Mollusques gastéropodes , maïs, indé- pendamiment de sa terminaison évidente dans le tube qui remplit le sac, si c'était un muscle, sa force serait tellement supérieure à celle des fibres du dos, que la courbure de l’animal aurait lieu vers le ventre, comme dans les gastéropodes , et non plus vers le dos ;, comme nous l’avons observé. Je me vois donc porté à penser que l’organe dont je parle est un organe sécrétoire , que c’est lui qui produit la soie ; que cette soie, passant par le tube (4, i) qui remplit le sac (b), se file ensuite dans le tuyau beaucoup plus fin (4, A) qui va aboutir au fond de la bourse (e) , où cette soie se trouve : c’est même dans cette bourse seulement que ce fil de soie prend sa con- sistance, Au sortir de sa filière 1l est encore entièrement (155) gélatineux. Quand on le sort de la poche qui le contient, et qu'on le déploie, ce qui n’est pas très difficile, on voit qu’il surpasse vingt fois l'animal en longueur. Ce sera un curieux sujet de recherches pour les natu- ralistes qui auront occasion d'observer notre Hectoco- tyle en vie, que les rapports de ce singulier fil avec son économie. Il ne nous reste à parler que des deux filets onduleux (m, m) qui règnent le long des côtés du corps. Ils pren- nent leur origine aux côtés de la bouche , et se rendent, en faisant beaucoup de petites ondulations, jusqu’à l’ex- trémité postérieure, en diminuant sans cesse de diamètre. Quoique je n’aie pas vu d’anneau autour de l’œsophage , je ne doute guère qu’il n’y en existe un, et que ces deux filets n’en soient des branches ; en conséquence, je les considère comine appartenant au système nerveux. Telles sont les observations qu’il m’a été possible de faire sur ce ver vraiment extraordinaire. Si le filet soyeux que j'ai décrit n’était pas une chaine d'œufs , ou un vaisseau spermatique, nous aurions en- core à rechercher par quels organes l'espèce se propage. Dans tous les cas, il y aura à savoir s’il est hermaphro- dite , ou s’il a les sexes séparés ; s’il jouit d’un accouple- mént réciproque; s’il est ovipare ou vivipare. Je n’ai rien à dire de plausible sur tous ces sujets; mais je ne doute pas que l'attention des naturalistes qui habitent les côtes de la Méditerranée , ayaut été une fois frappée par cette première Notice sur un être si remar- quable, ils n'aient bientôt complété son histoire , soit en ajoutant ce qui manque à mou Mémoire , soit en rec- tifiant les erreurs dans lesquelles je puis être tombé. (456) Au moment où je livre ce Mémoire à l'impression , je trouve un animal du mème genre, mais d’une autre espèce, dans le second volume des Mémoires de M. Delle Chiaie, p. 225, et pl. xvr, f. 1. Ce savant observateur l'a‘ découvert dans l’Argonaute; mais il paraît que le sac de l’extrémité postérieure de $on individu était rompu , et que le tube qui le remplit flottait librement, en sorte que M. Delle Chiaie l’a pris pour la trompe. En consé- quence, il a rapporté son animal au genre Trichocepha- lus, etle nomme Zrichocephalus acetabularis. Je pense que c’est un véritable Hectocotyle ; maïs , comme il n'a que trente-cinq paires de ventouses , il diflère du mien par l'espèce. On pourrait le nommer /Zectocoty lus argonautæ. EXPLICATION DE LA PLANCHE XI. #4. Fig. 1. L’Hectocotyle du Poulpe vu en dessus. Fig. 2. Le même en dessous. Fig. 3. Le même de profil. Fig. 4. Le même ouvert pour montrer son organisation intérieure. Fig. 5. Deux ventouses isolées et grossies. a , extrémité antérieure ; b, sac ovale, à travers lequel on aperçoit des circonvelutions ; c, ventouses; d, estomac; €, poche ou réser- voir des soies; g, son orifice ; f, bouche ; k , canal ailant de la poche au sac postérieur ; à, tube qui remplit ce sac ; À, corps cylindrique et solide, générateur des soies; L, sa terminaison en avant; #7, filets onduleux , peut-être nerveux ? ( 57 ) CowsinérarTions sur des œufs d'Ornithorinque, formant de nouveaux documens pour la ques- tion de la classification des Monotrèmes ; { Lues à l’Académie royale des Sciences , séance du 28 septembre 1820.) Par M. Grorrroy Sarnr-Hirarre. Je viens de recevoir de Londres une communication donnant décidément la solution d’un problème zoologi- que, qui, depuis le commencement du xrx* siècle, occupe el partage les naturalistes : car, vous entendez encore demander quelle place doit occuper dans les séries na- turelles le groupe des Monotrèmes, groupe qui n’est toujours formé que des deux genres , les Ornithorinques et les Échidnés ? Cependant j'en étais venu, sur cette question, en 1822, après une étude approfondie des faits et en cé- dant au sentiment de toute leur valeur, à concevoir et à présenter les déductions suivantes : Les Monotrémes ne sont point des Mamnmuferes , comme on l'avait cru d’abord, et comme paraissait eflec- tivement l'indiquer l'identité de plusieurs grands organes; tels que sont les appareils du mouvement, les tégumens communs , la respiration , la circulation, le cœur à deux ventricules , la poitrine fermée par un diaphragme, etc.; et décidément il fallait les faire sortir de la classe des Mammifères, parce que l’on était enfin informé que leur appareil sexuel et plusieurs autres parties des grands systèmes organiques r'angeaient ces animaux parmi les ovipares. Dès 1822, je n’en pouvais plus douter. ( 158 ) Ces êtrés paradoxaux n’entraient point cependant parmi les Oiseaux, dont ils n'avaient ni les organes du mouvement , ni les tégumens , ailes et plumes. Ce n'étaient non plus des Reptiles ; car leur sang est chaud, vivifié qu'il est par un riche appareil respira- toire , par des poumons bien enfermés dans la plèvre et étroitement cloisonnés du côté de l’abdomen. Encore moins pouvait-on penser à les rapporter à la classe des Poissons, à des êtres qui respirent par des branchies encastrées en dedans et sous la tête. Ainsi , dès 1822 , j’en étais venu à dire que les Mono- trèmes étaient des Mammifères, moins le caractère des mamelles, moins l’organisation spéciale des animaux vivipares , moins toutes les conséquences et les fonctions d’un appareil capable de produire des fœtus à placenta. Repoussés de partout, ils n'étaient les êtres d’aucun des types reconnus pour les animaux vertébrés ; ils présen- taient par conséquent les conditions d’un arrangement nouveau, un amalgame insolite de plusieurs sortes de systèmes organiques ; ils restaient isolés, malgré que, comme espèces , ils fussent peu nombreux, ils formaient bande à part, c’est-à-dire, si l’on traduit cette pensée en langage des classifications zoologiques , qu’il devenait nécessaire de voir en eux l’essence d’un nouveau type, d'établir pour eux une cinquième classe parmi les ani- maux vertébrés. ’ Mais voilà qu’en 1824, on annonce une découverte du célèbre anatomiste Jean-Frédéric Meckel, qui n'allait à rien moins qu'à contredire et à renverser ces déductions. Ce savant aurait trouvé de véritables organes mammaires La (159 ) chez un ornithorinque : c'était exciter à ramener Îles Monotrèmes parmi les Mammifères. Quelle que fût ma confiance dans les grands talens de l'un des premiers anatomistes de l'Allemagne , je doutai du fait, sous le rapport qu’il offrait une juste détermi- nation de la nature des organes trouvés. Toutefois , les deux années suivantes , cette annonce tint le monde savant en suspens , ou plutôt elle porta à croire à toutes ses conséquences : les Monotrèmes furent de nouveau considérés comme faisant nécessairement partie de la classe des Mammifères. Mais , en 1826, parut enfin la description anatomique et zoologique de l’ornithorinque , ouvrage établi sur une grande échelle pour son texte et sés planches, et qui fait le plus grand honneur à son auteur. Là, M. Meckel publia pour la première fois la découverte qu’il n'avait qu’annoncée : on sut enfin en quoi consistait cet appareil d’une glande maminaire chez l’ornithorinque. M. de Blainville en adopta de suite la détermination, dans un article qu'il lut à l’Académie des Sciences , et qu’il a de- puis imprimé (1);1l vit dans cette découverte la confirma- tion d'idées que, dans une thèse solennelle, il avait émises et publiées en 1808. Je fis entendre quelques réclama- üons : l’Académie peut se rappeler ces débats. Je défendis mes propositions attaquées avec les armes qui avaient été employées pour les combattre. Je crus et je dis que les nouveaux élémens produits dans cette con- troverse n'étaient point tels qu’on les avait annoncés. On (x) Voyez le Bulletin des Sciences, par la Société philomatique ; année 1826, p. 138. — C'était manquer de fidélité aux principes; le blime n'était pas épargné. { 160 ) avait , ilest vrai, découvert un riche appareil glanduleux de chaque côté de l'abdomen d’un ornithorinque ; mais l'on s'était un peu trop pressé de le juger en détermina- tion et de le déclarer un appareil de glandes lacufères. Je revis les faits snr un sujet conservé dans de l'alcool, et qui fait partie des collections de M. le baron Cuvier : ja- perçus une structure glanduleuse , mais simple et seule- ment composée d’un nombre quelconque d'ampoules à longs goulots. Là n’était aucun des caractères qui servent à la distinction d’un appareil lactifère. Cependant je ne m'en tins pas à ce vague énoncé : il fallait arriver par une détermination précise sur un appareil récemment décou- vert, dire à quoi de semblable et de connu déjà dans l’or- ganisation il pouvait ét devait être rapporté ; or, il me parut analogue aux glandes qui , répandues sur les flancs chez les ovipares, et principalement chez les reptiles aqua- tiques et les poissons , y servent à lubréfier les tégumens communs. Ce rapport entre des animaux tous ovipares pouvait fournir une démonstration satisfaisante ; mais j'indiquai en outre d’autres glandes identiques chez les Mammifères, qui s’y trouvent voisines mais distinctes des glandes mammaires. Telle est l’organisation singulière que j'avais anciennement découverte, décrite et figurée chez les musaraignes (1). Cependant c'était à l’avenir à donner un juge compé- tent à nos débats et à compléter toutes mes preuves, en y faisant intervenir un fait d’une évidence parfaite, un fait que j'avais déjà invoqué, mais sur des témoignages regardés comme insuflisans. Or ce fait, encore plus déci-- (5) Voyez les Mém.du Mus. d'Hist. nat. , tom. 1, p. 299. ( 161 ) sif qu'il n’est une heureuse confirmation d’anciennes allé- gations, vient de m'être communiqué par le savant pro- fesseur d'anatomie comparée et de zoologie en l’'Univer- sité libre, nouvellement fondée à Londres , M. Robert E. Grant; c’est que l'Ornithorinque pond décidément des œufs. Je publie textuellement la lettre que ce savant n'a adressée; elle est écrite de Londres , au chef-lieu dela nouvelle Université , sous la date du 14 septembre 1829. Ainsi ce témoignage sera acquis dans son intégrité et pour toute sa valeur à l'esprit du lecteur. Lettre de M. Grant. + « Mon retour à Londres à été retardé, parce que Je « Monsieur, me suis arrêté à Calais, à Boulogne, à Douvres et en d’autres lieux de l’Angleterre pour des observations z60- logiques sur les côtes ; mais maintenant, arrivé ici, j'é- prouve un bien vif plaisir à vous communiquer les ren- seignemens que Je viens de prendre, et que j'ai obtenus de M. Leadbeater, concernant des œufs qu’il possède et que l’on montre comme des œufs d'Ornithorinque. « M. Holmes, connu de la plupart des naturalistes de Londres pour s'occuper de former des collections d’his- toire naturelle, a résidé quelques années à la Nouvelle- Hollande, Un jour qu'il chassait sur les bords du Hauks- burgh, rivière de l’intérieur du pays, il remarqua très- distinctement, à quelques pieds de lui, un Ornithorinque qui partit d’un banc de sable et s’échappa dans la rivière. En examinant la place où cet animal s'était reposé , M. Holmes y observa un enfoncement dans le sable qui XVIII. it VU 102) pouvait avoir environ neuf pouces de diamètre ; et dans cette cavité ouverte étaient quelques petites branches et les œufs en question. «ILs’y trouva quatre œufs: tous furent apportés en An- gleterre en même temps qu’une collection d'oiseaux du pays. M. Holmes est depuis retourné à la Nouvelle-Hol- lande avec sa femme et sa famille. Deux de ces œufs font partie du Muséum de Manchester, les deux autres fürent donnés à M. Leadheater, qui, pour aucun prix, ni pour aucune autre considération , ne consentirait à les céder : il a refusé de les vendre à sir Everard Home, à différens autres naturalistes et à moi-même. «Toutefois, malgré le singulier rapport de ces vec le résultat de vos profondes investigations, vous n’ac- corderez à ces témoignages que la confiance qui leur est due (1). & (4) Pourquoi douterais-je de ce témoignage , après tant d’autres qui avaient déjà formé ma conviction ? : Sir Sharp Macleay m’écrivit de Londres, à la date du 22 mai 1822, que son père ( le célèbre entomologiste Macleay , présentement admi- nistrateur en second des possessions anglaises dans l’Australasie) devait prochainement recevoir des œufs d’Ornithorinques d’un ami, M. Ja- mieson, qui n’attendait qu’une occasion favorable pour les lui faire par- venir. L'Edinburgh philosophical Journal contenait, dans son cahier d’avril 1822, une lettre d’un chirurgien de marine arrivant de la Nouvelle-Hol- lande, M. Hill, donnant de Liverpool , lieu de son attérage, à Sir G. Mackensie, des détails sur l’existence des œufs d’Ornithorinque. De- puis, le même M. Hill a publié (Trans. of the Linn.-soc., XII , p. 621) un article spécial sur ce sujet. Enfin un chef de la tribu de Boorah-Boorah , occupant une contrée abondante en Ornithormques, a parlé, comme d’un fait connu de lui et des siens , de la ponte et des couvées des Mullingongs (Ornithorin- ques), à un colon anglais, très-grand propriétaire de terres et de ( 163 ) « Ces œufs me semblent différer, comme forme et tex- ture , de ceux des oïseaux ; ils sont remarquables par une forme régulière sphéroïdale oblongue, par une égale lar- geur à chaque bout; ils ont (mesure anglaise), en lon- gueur de pouce, 1, ?, et en largeur, o, ; ; la coquille est mince , fragile , légèrement transparente, et d’une cou- leur uniforme d’un blanc mat; sa surface extérieure, vue à la loupe, présente une texture d’un réseau admi- rablementréticulé ; la matière calcaire a produit les parois blanches de ses innombrables et très-petites cellules, ce qui n’empèche pas que la surface n’en demeure à peu près polie. Un des œufs était cassé, et j'en aï examiné la surface interne , laquelle m'a paru être aussi formée par un dépôt de très-petits grains de la matière calcaire. « La dimension et la forme de ces œufs m'a rappelé les œufs de beaucoup de reptiles sauriens et ophidiens , rep- tiles qui n’ont point cependant Île dixième du volume d’un ornithorinque. « Mon ami M. Yarell, qui a aussi examiné ces œufs, pense qu'ils différent autant des œufs d'oiseaux que de ceux des reptiles. D’autres voyageurs m'ont informé que la rivière d'Hauksburgh , sur les bords de laquelle ces bestiaux à la Nouvelle-Hollande. J’ai vu à Paris un capitaine anglais, fils de ce riche colon, qui m’a certifié que le chef des sauvages de Boorah-Boorah ne manquait ni de lumières, ni de moralité. À ces témoignages , circonstance plus décisive sans doute, il faut ajouter ceux qui me paraissaient résulter des faits même d'organisation; car ilest , selon moi , certain que les parties sexuelles des Ornithorin- ques ressemblent dans l'essentiel à l'appareil générateur des Reptiles, et principalement à celui des tortues, Dans ce cas, comment ne pas croire à un même résultat de fonctions , à cette nécessaire conséquence de faits que j'ai si attentivement observés ? C164 ) œufs ont été trouvés , est réputée dans le pays pour nour- rir un grand nombre d’Ornithorinques. « Ily a déjà près d’un an que M. Holmes a regagné la Nouvelle-Hollande : son attention se portera de nouveau sur ces faits. « Je regrette d'en être réduit à si peu de faits à vous communiquer sur ce sujet d’un si grand intérêt pour les sciences. « Je place au bas de ma lettre un dessin fait avec le plus grand soin de l'œuf entier (1) que j'ai vu chez M. Leadbeater ; il est représenté de grandeur naturelle et avec un détail exact de ses formes. Agréez, etc. Signé Roserr E. Grawr. Concluons et des faits de cette lettre, et de ceux compris dans mon précédent exposé. On peut aujourd’hui regarder comme certain que le premier embranchement de la zoologie, se composant des Animaux verTÉBRés, doit être partagé dorénavant dans les cinq types suivans : Mammifères, Monotrèmes, Oiseaux, Reptiles et Poissons. C'est le résultat de l'appréciation approfondie des rapports naturels de ces mêmes animaux , l'expression nette et précise du degré de leurs différences. (x) On l’a reproduit dans cet ouvrage , Planche 3. ( «65 ) Norice sur un nouveau genre de mammiferes insec- tivores nouvellement établi par M. Smith, et nommé Macroscelides (1). Par M. Isin. Georrroy S.-HiLaire. Lorsqu'on litles ouvrages des anciens auteurs , on est frappé de la confiance aveugle avec laquelle ils s’em- pressaient d'adopter sans examen, et de mettre au rang des faits positifs toutes les fables de leur époque ; ils semblent ne pas mème s'être douté qu’un voyageur püt ajouter quelques ornemens à ses récits, où demander à son imagination ce qu'il ne trouve plus dans sa mémoire. C’est là une source d'erreurs grayes , contre lesquelles les naturalistes ont dès long-temps senti la nécessité de se tenir en garde ; mais peut-être, en voulant éviter un écueil, sont-ils tombés daus un autre, à la vérité beau- coup moins dangereux. On semble croire que, parce que nous savous beaucoup plus que les auteurs des siècles précédens , nous ne devons rien iguorer de ce qu'iis ont su : on veut retrouver, parmi les animaux que nous con- naissons , tous ceux qu'ils ont décrit; et, lorsque leur description contredit le rapprochement que l'on veut établir, on n'hésite pas à la déclarer mal faite et erronée. Je puis citer comme exemple le genre remarquable qui fait l’objet de ce Mémoire. (r) Cette notice était déjà livrée à l'impression lorsque j’ai appris, par le dernier numéro du Bulletin des Sciences naturelles, que le genre qui en est l’objet , et que je croyais nouveau, vient d'être établi dans le Zoo- tical journal, par M. A. Smith, dans un Mémoire intitulé : Ædditions à la Zoologie du sud de l'Afrique. Cependant le savant zoologiste an- glais n'ayant donné qu'une description succincte, j‘ai pensé que cette notice pouvait encore présenter quelque intérêt , et je la publie en substi- tuaat le nom admis par M. Smith à celui que j'avais moi-même adopté. ( 166 ) \ Petiver, dans ses Opera IListoriam naturalem spec- tantia (1) , avait figuré , sous le nom de Sorex araneus maximus Capensis, un mammifère très-remarquable par la bizarrerie de ses formes. Des jambes postérieures beaucoup plus longues que les antérieures , des oreilles très-amples, une queue aussi longue que le corps, et avec ces caractères, qui auraient pu le faire prendre pour une Gerbille, des dents d’insectivore, et une trompe aussi longue que celle d’un Desman; tels sont les traits qui le signalent , au premier aspect , comme un être tout- à-fait singulier, et véritablement sui generis. Cepen- dant, tous les auteurs modernes se sont accordés à ne voir dans la figure , à la vérité assez imparfaite, de Peti- ver, qu'une sorte de caricature grossière d’une Musarai- gne du Cap; et c’est en effet ce qu'on trouve, non pas indiqué avec doute, mais établi comme incontestable dans tous les ouvrages récens. Cette synonymie est cependant fausse , et l’espèce qui a véritablement servi de type à la figure de Petiver, vient de nous arriver, avec ces formes et ces proportions que l’on avait prises pour un produit bizarre de l’imagina- tion du dessinateur. Décrite avec soin par M. Smith, elle vient aussi d’être retrouvée , au Cap de Bonne-Espé- rance , par M. Jules Verreaux, auquel la science est déjà redevable d’un grand nombre d’acquisitions importantes, et qui marche avec distinction dans une carrière où s'est déjà illustré son oncle, le célèbre Delalande. M. Smith a donné au singulier genre d’insectivores qu'il vient de rendre à la science, le nom de Macroscé- lide , Macroscelides , qui rappelle l’extrème déve- (x) PL, xxuxr , fig. 9. ( 467 ) loppement des membres postérieurs. Ce caractère , tout nouveau dans la famille des Inscctivores, et par conse- quent très-remarquable, suffit, avec l’excessive longueur du nez, pour distinguer les Macroscélides de tous les autres Mammifères. Ces insectivores ont d’ailleurs en propre un grand nombre d’autres caractères , comme le montrera la description suivante , faite d’après deux in- dividus. Description du Macroscélide. Le système dentaire des Macroscélides les place dans cette famille d’Insectivores dont les genres Seulops, Mygale, Sorex et Cladobates ou Tupaia, sont les types principaux ; mais, malgré quelques rapports remarqua- bles , il suflirait seul pour motiver leur séparation généri- que. Les Macroscélides ont dix dents de chaque côté et à chaque mâchoire, et ces dents présenteni dans leur forme et leur disposition , aussi bien que dans leur nombre , des caractères importans. En procédant d’arrière en avant, on trouve de chaque côté, à la mâchoire supérieure , cinq màchelières , dont la pénultième et l’antépénultième sont les plus grosses, et la dernière la plus petite; la dernière est de forme triangulaire, et n'a que trois pointes, dont deux sont antérieures et une postérieure : les quatre autres sont de forme quadrangulaire, et ont quatre pointes. En avant de ces cinq mächelières se trouvent quatre fausses mo- laires, très-comprimées, dont la postérieure a deux pointes , placées l’une à la suite de l’autre ; et les trois antérieures une pointe un peu recourbée en arrière , el un petit tubercule obtus. La troisième fausse molaire, la plus grande de toutes , est séparée des deux antérieu- ( 168 ) res par un espace à peu près égal à la longueur d’une dent. Enfin , tout en avant , se trouve une dent plus lon- gue que les fausses molaires, conique , arrondie à son extrémité , séparée de celle du côté opposé par un inter- valle vide , assez étendu , et qui , d’après l’analogie, doit être considérée comme une canine. À la mâchoire infé- rieure on trouve de chaque côté, d’arrière en avant, deux mâchelières de forme quadrangulaire , et à quatre poin- tes, très-semblables à la pénultième et à l’antépénul- tième supérieures ; puis une très-longue dent, séparée , par un sillon profond, en deux portions, l’une posté- rieure , triangulaire , à deux pointes, l’autre antérieure , triangulaire , à trois pointes. Viennent ensuite deux au- tres mâchelières de forme comprimée , ayant trois poin- tes placées à la suite l’une de l’autre, et dont l’intermé- diaire est la plus grande ; puis quatre autres dents très- comprimées, paraissant être des fausses molaires ; enfin, une dent plus longue , moins large que les précédentes, tournée en avant, se trouvant en contact avec celle du côté opposé , et qui paraît être une canine. Les Macroscélides auraient donc à chaque mâchoire, et de chaque côté, cinq mâchelières , quatre fausses mo- laires, une canine, et point d’incisive. Il me suffit de don- ner ce résultat , et d’avoir décrit les dents des Macroscé- lides, sans traiter avec détail du problème très-compliqué de leur détermination. En effet , je me suis occupé ail- leurs (1), avec le développement nécessaire, de la solution de cette question , en ce qui concerne les Musaraignes, et presque tout ce que j'ai dit de ce genre peut être appli- qué aux Macroscélides. (x) Vogez les articles Musaraiene et Ronceur du Dictionnaire classique d'Histoire naturelle. ( 169 ) Les Tanrecs sont, avec les Macroscélides, les seuls Insectivores chez lesquels on trouve vingt dents à chaque mâchoire ; leur système dentaire est d’ailleurs très-diffé- rent, puisqu'ils ont, comme chacun sait, des canines et des incisives disposées à peu près comme chez les Car- nivores. Les membres antérieurs des Macroscélides sont assez longs, et terminés par cinq doigts, dont l'interne et l’ex- terne sont beaucoup pluscourts queles trois intermédiaires, le médius est le plus &: de tous. Les membres posté- rieurs sont presque do&bles en longueur des antérieurs, la jambe étant beaucoup plus longue que l'avant-bras , et le pied étant plus que double de la main. De même que les antérieurs, ils sont pentadactyles ; mais leurs doigts sont combinés d’une manière bien difiérente. Le pouce est, comme chez les chiens, peu libre, et beau- coup plus court que les quatre doigts externes, son ongle étant placé à l’union du tiers antérieur du pied avec les deux tiers postérieurs. La paume des mains et la plante des pieds sont entièrement nues. Les ongles sont com- primés, crochus, acérés; ceux des pieds sont un peu plus longs que ceux des mains. La queue, à peu près de même longueur que le corps, est couverte de poils rudes, très-couchés et assez longs , surtout à l'extrémité, où ils forment un petit pinceau. Il est à ajouter que les doigts sont séparés sur toute leur longueur, soit antérieurement, soit postérieurement. On ne voit entre eux aucune trace de palmature; diflé- rence très-imporiante entre les Macroscélides et les Des- mans. Une autre différence non moins remarquable entre ces deux genres, d’ailleurs semblables à plusieurs égards, (-ugo } cest que les yeux des Macroscétides sont d’une grosseur moyenne, et que leurs oreilles, presque entièrement nues et membraneuses , et arrondies comme chez les Musa- raignes, sont très-développées. Néanmoins, et malgré ces différences remarquables nul autre animal ne se rap- proche plus des Desmans par sa physionomie que les Macroscélides, à cause de l’extrème développement de leur nez, prolongé en une trompe grêle, de forme cylin- drique , et d'une longueur considérable, Cette trompe est terminée par un petit mufle, divisé, par un sillon médian, en deux parties, qui sont les deux narines. Dans le reste de son étendue , la trompe est couverte de poils très-courts et peu abondans , surtout à sa face in- férieure. Les jambes, les pieds, les avant-bras et les mains , sont également couverts de poils ras , peu abon- dans, et de plus assez rudes : ceux du reste du corps sont au contraire fins, longs, moelleux, très-doux au toucher. Les moustaches sont très-longues , et disposées comme chez les Musaraignes. Le squelette de ce genre remarquable d’Insectivores ne m'esl pas connu ; je n'ai eu sous les yeux qu’un cräne incomplet, et j'ai seulement pu constater que sa forme générale le rapproche beaucoup plus de celui des Cla- dobates que de celui des Musaraignes. Son caractère le plus remarquable consiste dans la rectitude de la ligne du chanfrein. En résumé , le genre Macroscélide peut être caractérisé de la manière suivante : Vingt dents à chaque mâchoire ; membres pentadaciyles, non palmés, les inférieurs étant beaucoup plus longs que les supérieurs ; pouce pos- térieur très-court ; queue longue ; oreilles très-amples ; yeux de grandeur ordinaire ; nez extrèmement allongé, CAE) et formant une petite trompe grèle, cylindrique, que termine un petit mufle. Pelage composé de poils longs et doux au toucher. L'espèce d’après laquelle je viens de décrire ces carac- tères génériques , paraît être celle qu’a décrite M.Smith, et à laquelle il a donné le nom spécifique de typus. La partie supérieure du corps est revètue de poils d’un gris noirâtre dans la plus grande partie de leur longueur, puis noirs, et enfin fauves à leur pointe , et paraît, dans son ensemble , d’un fauve roussâtre varié de brun; cou- leur qui diffère peu de celle du lièvre commun. Les poils de la face concave des oreilles sont blanchâtres; ceux , moins nombreux encore , de la face convexe, sont d’un fauve roussâtre. Le dessous du corps, dont les poils sont noirs à la racine , blanes à la pointe, la face interne des avant-bras et des jambes , enfin les mains et les pieds sont blancs. La queue, variée de roux brunätre et de blanchâtre à son origine , est noire dans le reste de son étendue. Voici les dimensions des principales parties. Elles sont prises sur le plus grand des individus que j'ai examinés. Pouces. Lignes. Longueur totale. 9 o ———— du corps. 5 o ———— de la queue. 4 o ———— de la tête, y comprise la trompe. 2 2 ———— des membres antérieurs. 1 6 ———— des membres postérieurs. 2 3 ———— de la main. 0 6 ———— du pied, ONE Li ———— des oreilles. 0 8 ( 172 ) Rapports naturels du genre Macroscélide. Le genre Macroscélide devra être placé près des Desmans et des Musaraignes ; il formera pour la science une ac- quisition précieuse, non seulement à cause de ses pro- portions singulières et de l'erreur à laquelle il avait donné lieu, mais aussi à cause des rapports nouveaux qu'il établit entre les Carnassiers insectivores et deux autres groupes , les Marsupiaux insectivores et les Ron- geurs. En effet, les Macroscélides répètent presque à tous égards, en petit, les Péramèles , et ils se rapprochent d’une manière évidente, par leurs organes du mouve- ment, des Gerboïses , des Gerbilles et des Hélamys. Ces derniers rapports me semblent surtout intéressans, et méritent d'être exposés avee quelque détail. Sous le point de vue de leurs organes du mouvement, les Rongeurs peuvent être rapportés à cinq types, 1° les marcheurs, comme les Rats, les Campagnols; 2° les fouisseurs, comme les Rats-taupes, les Pores-Épics : 3° les nageurs, comme les Castors , les Ondatras; 4° les Igrimpeurs, comme les Ecureuils , les Loirs ; 5° les sau- teurs , comme les Gerboïses , les Hélamys (1). L'établissement du genre Eumère prouve que ces cinq combinaisons des organes du mouvement peuvent se pré- senter avec le système dentaire des [usectivores, comme (1) Ces cinq groupes se trouvent également représentés parmi les Marsupiaux ; savoir: les marcheurs par les dasyures et le thylacine , les fouisseurs par le phascolome , les nageurs par le chironecte , les grimpeurs par les phalangers et les didelphes , enfin les sauteurs par les kanguroos , les potoroos ct les péramèles. (173) avec célui des Rongeurs. Ainsi, les marcheurs se trou- vent dès long-temps représentés, parmi les premiers, par les Musaraignes, les fouisseurs par les Taupes et les Hérissons, les nageurs par les Desmans. Le genre Tupaia ou Cladobate (1) , établi depuis quelques années , repré- sente parmi eux le type des grimpeurs ; et le genre Ma- croscélide vient compléter cet ensemble, en représentant celui des sauteurs. Sur les Dépôts lacustres tertiaires du Cantal, et leurs rapports avec les roches primordiales et volcaniques ; Par M. Cnarres Lvezz, Membre de la Société royale; Vice-Président de la Société géologique de Londres, etc. , etc. Et M. R. S. Mourcemisow, Membre de la Société royale ; Secrétaire de la Société géologique de Londres , etc., etc. Parmi les principaux dépôts tertiaires d’eau douce qui existent dans le centre de la France , ceux des environs d'Aurillac, et du plomb de Cantal sont les seuls qui n’ont pas encore été examinés avec détaii. De nombreux (x) La découverte de ce genre remarquable a été attribuée tantôt à M. Diard , tantôt à Sir Raflles. Le fait est qu’elle n’appartient ni à l’un ni à l’autre de ces voyageurs , mais à Leschenault de la Tour, quiavait envoyé dès 1807, au Muséum royal de Paris , un individu de l'espèce que l’on a depuis appelée Tupaia Javanica. (494 ) écrivains se sont occupés depuis cinquante ans de l’étude des roches volcaniques d'Auvergne, et les nombreux na- turalistes de Clermont-Ferrand contribueront bientôt à compléter l’histoire des formations de ce district remar- quable. Les dépôts lacustres du Puy en Velay ont été fidèlement décrits par M. Bertrand Roux, qui s'occupe en ce moment à donner au public de nouveaux détails sur ce sujet, tandis que les couches tertiaires du voisinage d’Au- rillac , ou celles qui sont en divers endroits associées aux roches volcaniques du Cantal, ont été extrèmement né- gligées , à l'exception de la mention qui en a été faite par M. Brongniart , dans son important Mémoire sur les terrains d’eau douce (1, et, récemment, dans une courte Notice qui en a été donnée par M. Scrope. Dans l'absence des renseignemens détaillés qu’une résidence sur les lieux peut seule fournir, nous espérons que l’esquisse suivante de ce district sera utile, et servira à appeler l'attention vers un champ fertile pour des recherches futures. Les dépôts d’eau douce du Cantalsontdistinctement sépa- rés de tous côtés de toutes autres formations analogues (2). Entre eux et ceux de la Limagne d'Auvergne on trouve des roches granitiques primitives, en grande partie cou- vertes par les productions volcaniques du Puy-de-Dôme et du Mont-d’Or ; et au N.-N.-O. près Mauriac, Bort et Tauves , en suivant le cours de la Dordogne, le pays est composé principalement de gneiss et de petits dépôts d’an- ciennes formations houillères. Le gneiss borde de nouveau le dépôt d'Aurillac à (1) Annales du Muséum , tom. XV, 1810. (2) Voyez la Planche 12, coupe n° :. (175) | l’ouest, vers Saint-Paul des Landes, et au sud à Ytrac, Arpajon , etc. Mais à l’est d’Aurillac, où les vastes éjec- tions ignées du Cantal ont eu lieu, tous les dépôts ter- tiaires sont ou recouverts par des roches volcaniques, ou dans d’autres cas brisées et altérées par ces roches, de sorte qu'on n’aperçoit ces dépôts que dans les gorges les plus profondes , comme à Thiezac, etc. Ainsi, le terme de bassin donnerait une idée imparfaite ( ou plutôt très- erronée) de la configuration actuelle de cette formation lacustre. En effet, nous ne pouvons mieux décrire les laits extérieurs présentés par cette série de couches, qu'en les comparant à un bassin renversé, expression qui s'applique plus strictement lorsque nous nous repor- tons à l'usage primitif fait de ce terme bassin par les bydrographes, auxquels il fut d’abord emprunté par les géologues. L'ensemble des pentes d'où coulent les torrens et les ruisseaux qui se déchargent dans une même rivière, fut appelé Le bassin de cette rivière, et l’observation, qu'il existe une coïncidence fréquente entre les caractères géologiques et hydrographiques d’une région , conduisit à employer la même expression dans les deux sciences. Mais toute analogie de ce genre manque dans le cas présent. Si nous supposons que les diverses couches volcani- ques , qui traversent ou couvrent les couches tertiaires du Cantal , soient enlevées, ces dernières formeront une protubérance ressemblant à un dôme , et versant de l’eau dans plusieurs régions ou bassins hydrographiques dis- uncts. Ces couches ont été plus tard couvertes par des roches (20) trachytiques et d’autres produits volcaniques , à travers lesquels les vallées, ouvertes probablement par des forces souterraines, ont été élargies et approfondies par l’action des rivières ; et ces vallées rayonnant des hauteurs cen- trales dans toutes les directions, montrent dans leurs fonds, par intervalles irréguliers, dus portions des roches tertiaires , et, dans quelques cas, des portions de roches primitives sous-jacentes , tandis que les intervalles qui les séparent sont occupés par de hautes chaînes de roches volcaniques aplaties au sommet, provenant du Plomb- de-Cantal, comme les rayons d’une roue partent de son axe. De tous ces cours d’eau qui rayonnent dans la direc- üon occidentale des hauteurs du Cantal ( dont le sommet est à 1857 mètres, ou 5571 pieds au-dessus de la mer ), ce sont les rivières Cer et Jourdanne qui ont creusé les deux plus profondes vallées. Ces torrens se réunissent dans la plaine près d’Aurillac, à environ 25 milles anglais de leurs sources, et à environ la même distance du centre des éruptions ignées. Les roches volcaniques s'étant amincies en lambeaux plus irréguliers et plus limités , c’est dans le voisinage de cette ville que la portion la plus considérable des formations d’eau douce est mise à découvert. Cependant, avant de décrire ces couches près d’Au- rillac , ou celles des vallées de la Cer et de la Jourdanne, nous indiquerons quelques points éloignés et détachés, auxquels ces formations s'étendent. Le premier de ces points est vers Mauriac, près de Salins , dans la vallée de la Roche , où on voit un calcaire contenant des Lym- nées, et des marnes blanches, vertes et pourpres. Nous (177) trouvèmes aussi près de Salins des masses de meulières siliceuses , d’origine d’eau douce ; maïs nous ne pûmes déterminer si elles étaient en place. Au-dessus de ces couches isolées d’eau douce repose une masse de basalte, et sur cette masse une épaisseur considérable de conglomérats volcaniques, dans lesquels se trouvent des lits d'argile rouge et verte, qui semblent démontrer une grande destruction des couches d’eau douce. Des alluvions composées de fragmens de marne bitumineuse d’eau douce, de silex et de calcaire, se mon- tent plus au,sud dans la vallée , au nord de Saint-Cha- mand ; le grand conglomérat tuffacé qui couvre la colline, an nord de cet endroit, contient près du sommet, du côté de Saint-Cernins, un litintercallé d’argile de 20 pieds d'épaisseur , provenant , suivant toutes les probabilités, comme les débris ci-dessus mentionnés, de la destruc- tion très-étendue des dépôts lacustres. Ces restes d’eau douce sont cependant distinetement séparés de la grande masse de ces dépôts, à Aurillac, par une région montuëéuse de gneiss , qui, au-dessus de Saint -Cernins et à Saint-Martin-le-Valois, est surmontée par une épaisse couverture de basalte compacte; et, en traversant successivement du N. au S. la vallée qui s'é- tend de l'E. à l'O. , entre Salins et Rulhiac, près d’Au- rillae, dans une distance d'environ 20 milles , on ne voit aucune roche, excepté du gneiss, qui n'est recouvert que par du basalte. Nous pouvons par conséquent être conduits à adopter l'hypothèse de l’ancienne existence de plusieurs petits lacs au nord du grand lac du Cantal, et cette idée parait être confirmée par la présence des fragmens de calcaire d’eau douce, de silex, etc. , qu'on XVIL, 12 (178) trouve sur le côté sud de la vallée de Rulhiac, puisque entre cette vallée et Aurillac le gneiss s'interpose de nouveau, s'avançant de ce côté jusqu’à une petite lieue de la ville. Mais par suite de la destruction évidente dont nous avons déjà parlé, et du changement de niveau rela- tif entre les principales roches dont nous donnerens plus tard tant de preuves, il est impossible de déterminer si ces contours formaient des petits lacs indépendans , ou les branches et les baies du grand lac, Nous retournerons maintenant dans le voisinage im- médiat d’Aurillac, où les couches tertiaires se terminent, vers l’ouest et le sud-ouest , par une limite bien définie, présentant un escarpement vers un district bas, consistant en gneiss et en micaschiste, Les couches exposées dans cet escarpement sont calcaires et siliceuses dans les divi- sions supérieures et moyennes, et consistent, dans les divisions inférieures, en marnes bigarrées , en terre à brique , eten grès quarzeux (1). Ce membre inférieur de la formation repose sur du micaschiste , et sort en grande partie de dessous les cou- ches supérieures, constituant ainsi un plateau peu élevé, précisément comme fait le green-sand du Sussex au pied de l’escarpement de craie. Toutes ces conches d’eau douce sont couvertes , à leur extrémité , par des masses fragmentaires de conglomérats volcaniques. Les promon- toires , et les baies de cette ligne de hauteurs , ressem- blent dans leurs contours aux limites d’un grand escar- pement de craie ou d’oolithe. Cette brusque terminaison des dépôts lacustres vers les roches primitives , qui doi- vent avoir autrefois formé les limites de l’ancien lac, offre aux géologues , au premier coup d'œil, un phéno- (1) Voyez PI. 12 , coupe no 2. (179 ) mène plus frappant que les escarpemens que présentent plusieurs formations secondaires en Angleterre. Car, lorsque les couches sont d’origine marine, nous suppo- sons nécessairement un changement si complet dans la position de ces couches depuis leur dépôt, que nous nous attendons à beaucoup de difficulté en rendant compte de la physionomie exacte qui peut à présent les caractériser ; mais dans le cas d’un dépôt d’eau douce, et dans un pays où il n'existe la trace d'aucun reste marin propre à indiquer que la mer y ait jamais séjourné , nous devons naturellement nous attendre à trouver dans la forme extérieure actuelle du pays quelques indications de la manière dont les terrains récens ont été déposés sur les roches anciennes. En Auvergne , il est vrai, les calcaires et les marnes d’eau douce présentent vers le granite un escarpement souvent de plusieurs centaines de pieds de haut, et le granite lui-même est, dans quel- ques cas, plus bas que l’escarpement, même lorsqu'il n'y aucune apparence que ce grauile ait Jamais été cou- vert par une prolongation de terrains lacustres ; mais, dans ce pays (la Limagne d'Auvergne), les roches pri- mitives s'élèvent toujours, sur les bords du bassin , à une pius grande hauteur qu'aucune partie des terrains d’eau douce ; tandis que , à l’ouest et au sud d’Aurillac, le plateau inférieur de micaschiste et de gneiss serait tout-à-fait incapable , dans sa position relative actuelle, même à une distance considérable , de servir de barrière au lac , s’il reparaissait de nouveau. En outre, les riviè- res, comme nous l'avons dit plus haut, coulent des couches tertiaires aux primitives; pourtant dans la Limagne d'Auvergne elles obéissent à la loi générale , et ( 150 }) prennent leur cours des formations les plus anciennes vers les plus modernes ; en trouvant un passage à travers les escarpemens. Au pied de l’escarpement, au sud d’Aurillac, nous wouvons une plaine de micaschiste, sur laquelle sont dispersés quelques silex des terrains d’eau douce, mais pas le moindre vestige d'aucune couche lacustre en place. Ce phénomène s'accorde bien avec les autres preuves d’un bouleversement puissant dans les couches tertiaires du Cantal, depuis l’époque de leur dépôt; mais essayons d'abord de déduire des parties qui ont été le moins disloquées , l’ordre régulier de superposition et de grou- pement des masses principales. 1l parait d’après les coupes, telles qu’on peut les observer sur les bords des rivières Jourdanne et Cer, et dans l’escarpement déjà décrit, qu'il y a trois divisions principales dans cette formation lacustre. La division supérieure consiste en calcaire, avec un léger mélange de marne verte et avec de nombreux restes organiques. La seconde est composée de marnes calcaires argileuses et siliceuses, de lits de silex quelquefois continus , et quelquefois en nodules, et abonde aussi en restes végétaux et animaux. La divi- sion la plus basse consiste en argile brune et rouge, et en terre à brique chargée par fois de cailloux de quarz, et passant au grès. Dans cette partie de la série de cou- ches nous n’observons que peu ou pas du tout de fossiles organiques : à cet égard elle correspond aux marnes infé- rieures et aux grès du bassin d’eau douce du Puy, ou au grès rouge et pourpre et aussi aux marnes formant la base des couches à Champheix, près Clermont , et dans d’autres localités en Auvergne. Dans ces différens cas. Car ) la décomposition des plus anciens schistes granitiques a produit des détritus semblables ; tous, presque sans ex- ception , sont dépourvus de tout reste organique , ainsi que de fragmens de roches ignées ; ce qui atteste la non existence de -olcans au commencement des dépôts de sédiment dans les divers lacs tertiaires. Nous observerons aussi un autre point d’analogie entre ces différentes formations de la France centrale ; c'est que la matière calcaire augmente en quantité dans les lits les plus supérieurs, tandis que dans les Hits les plus bas elle manque presque toujours. Dans la suite nous indiquerons les exceptions à cette règle en Auver- gue, ainsi que certaines particularités de ces membres plus anciens des formations tertiaires dans ce pays et dans le Velay. Les collines qu’on voit à l’ouest d’Aurillac, où la for- mation d’eau douce se termine , sont généralement cou- vertes, sur leurs crêtes les plus élevées, par des frag- mens de conglomérats trachytiques , et par une roche ressemblant beaucoup au trap-tuff des géologues écossais. Entre Carandelle et Cavaniac on trouve une épaisse couverture de ce conglomérat, ressemblant beaucoup à quelques-uns des conglomérats inférieurs du Mont- d'Or, et contenant , avec des masses de trachyte et d’au- tres roches vélcaniques , des débris des couches tertiai- res ; le ciment du tout ressemblant beaucoup par son aspect aux trass des volcans du Rhin. Lorsqu'on aper- goit par intervalles les couches déposées sous ce recou- vrement , ce sont des lits de calcaire que lon cuit pour en extraire de la chaux à Belbert, Leybros, Bruel, ct dans d’autres localités. (182) La coupe suivante fournira des données qui confirme ront les remarques générales que nous avons présentées ; et d’abord nous pouvons citer, comme exemple de la nature de la portion la plus supérieure de ces terrains, la carrière de Belbet, au-dessus de la ferme de Quielle. Pieds. Poue. (1} No r. Lit d’alluvion, ou matières transportées, principalement argile tenace, brune ou jaune , avec des fragmens de mar- nes vertes ct blanches, des silex avec des mouies de Bulimes en calcédoïne , et des cailloux de quarz. 14 » No 2, Calcaire compacte féuide, avec des cavités globulaires et irrégulières. Dans la partie inférieure , veines de marne verte , avec des Lymnées, des Gyrogonites et des écailles de poissons ? 2 6 No 3. Calcaire compacte, avec des cavités tubolaires et irrégu- lières ; queiques-unes remplies de marne verte; de nombreu- ses coquilles des genres Lymnée, Bulime et Planorbe. Lit qu’on calcine principalement pour en faire de la chaux. 3-6 No 4. Caïcaire compacte dur, demi-cristallin, avee des creux en forme de tubes ; rempli de Lymnées et de Planorbes. 2 » No 5. Lit argile verte brillante. » 10 N° 6. Calcaire compacte gris, à cassure conchcïde lisse , con- tenant des Lymnées, fournissant beaucoup de chaux. 2 » Dans une carrière voisine, les calcaires prennent une structure pisolithique , et les creux et les petites cavités sont quelquefois remplis de cristaux, et, dans d’autres cas , ils sont pleins de groupes de petits grains presque oolithiques. L’inclinaison des lits dans les carrières ci- dessus est d'environ 10° à l’ouest. (1) L'outesles mesures citées dans ce Mémoire sont anglaises. Nous avons cru inutile de Les réduire en mesures françaises, à cause de la petite différence de ces mesures , et des fractions que cela aurait intro- duit. On sait que le pied anglais est, au pied français, à peu près comme FF /eSEù (2. (2657) Il n'y a pas de doute que les marnes calcaires et les lits siliceux ne soient interposés entre ces lits de cal- caire , qui sont sur le sommet de la colline , et les cou- ches argileuses, avec cailloux de quarz, qui sont au pied. On peut les voir à découvert dans un pelit ravin près de Lavergnol. Cette marne, blanche et pulvérutente, est exactement semblable à quelques-unes des marnes coquillières récentes du Forfarshire en Ecosse ; le silex est plein de Lymnées , de Bulimes et de Planorbes ; les coquilles sont quelquefois remplies de calcédoine, et, dans d’autres cas, il ne reste que de simples moules. Quelque- fois le silex est poreux et cellulaire, comme les tufs calcaires; d’autres fois il est solide, et il prend les diver- ses formes de concrétions et de stalagmite du Traverun. Dans cette localité, et généralement dans cette forma- tion , les masses de silex sont souvent de la couleur fon- cée dés pierres à fusil ordinaires dans l’intérieur, et ont une enveloppe blanche extérieure, qui ressemble beau- coup à celle des silex de la craie ; et l’analogie est quel- quefois encore plus parfaite, à cause des cavités irréguliè- res et sinueuses, causées probablement par la présence de masses intérieures de marnes actuellement décomposées. Il n’y a en effet rien de plus intéressant , dans l’appa- rence de cette formation d’eau douce, que sa ressemblance avec la craie de l'Angleterre, les collines étant parse- mées de silex semblables. Le calcaire, sur cette ligne de carrières , est blanc, et brille au soleil. La surface supé- rieure du calcaire est usée de la même manière, en creux irréguliers, dans lesquels la terre végétale, l'argile et les silex sont mélés confusément, et quelquefois l’allu- vIOn pénétrant dans les fissures du calcaire , sous forme (164) de racine, se montre dans les coupes transversales , comme on le voit souvent dans la craie du Wiltshire, du Dorsetshire , et ailleurs. Nous pouvons citer, comme un autre point de res- semblance , l’aspect des silex déjà mentionnés, répandus sur le micaschiste au-delà de l’escarpement de la for- mation d’eau douce. Car vers Ytrac , et entre la Cayelle, Viscamp et Aurillac, le gneïiss et le micaschiste, qui s'étendent en larges plaines revêtus de bruyères, sont couverts de cailloux de schiste granitique, de quarz et de silex de la formation d’eau douce, qui ont une enveloppe extérieure blanche, et ont été colorés intérieurement par l’exposition à l’air de ces teintes rouge et jaune, qui caractérisent les silex crayeux de nos sablonnières. Mais dans l’exemple actuel on trouve, en examinant soigneusement les fragmens , qu’ils contiennent par fois des moules de Gyrogonites, des tiges de Chara, et des coquilles lacustres. Le mélange de ces silex avec des blocs primitifs, à plusieurs lieues de distance d'aucune couche lacustre en place , nous rappela les silex de la craie répandus sur les collines et les plaines de granite, près Peterhead , dans le Bamffshire (1). Il y a d’autres carrières de calcaire entre Carandelle et Bruel, et aussi pendant plusieurs lieues au S.-O. ; mais il est inutile de les décrire, ou de rien ajouter sur les argiles vertes et bigarrées, avec des cailloux roulés , qui couvrent l’escarpement, et qu’on voit à Escoders et en d'autres lieux, souvent en contact immédiat avee les roches primitives. Nous ferons mention par la suite des {1} Voyez Geol. Trans., vol. LL, part. 3 , new series, p. 365. (185) conglomérats volcaniques qui les recouvrent en quel- ques circonstances, lorsque nous parlerons de ces for- mations en général. On peut donner, comme exemple de la division moyenne de cette série de couches , la coupe suivante de la ligne d’escarpementsur la rive droite de la Cer, à l’est d'Aurillac. Coupe à une lieue au S. d'Aurillac, au-dessus de V'iarse et de Veaurs, à l'E. d' Arpajon. Série des- cendante. Pieds. Pouc. No 1. Epaisse couverture de détritus mélangés de roches vol- caniques et d’eau douce. Le lit le plus élevé qu’on voit dans la carrière, consiste en cailloux alternant avec de l’argile brune , avec des fragmens de calcaire et de terre verte. G » N° 2. Couches de marne blanche avec des petits fragmens de calcaire et de marne verte brillante. 6 No 3. Marne solide , couleur de crème, avec des impressions dendritiques, revêtue d’une matière calcaire, blanche et pulvérulente. » 9 N° 4. Couches minces d’argile brune, de marne blanchâtre et de marne brune ondulée. » No 5. Lit épais de calcaire compacte , à cassure grossière ; la moitié inférieure est remplie de Limnæa longiscata et de SJ Planorbis cornu. Les Limnées sont posées horizontale- ment, et sont d’une couleur ferrugineuse. 2 6 w No 6. Marne verte , argileuse, durcie. » No 7. Calcaire compacte , couleur de chair, avec des moules creux de coquilles, passant intérieurement en un calcaire cellulaire, avec des Zimnæa inflata et quelques petites plantes, 1,4 No 8. Calcaire compacte , à cassure conchoïde, » 4 N° 9. Marne bigarrée , verte et blanche. » 2 No 10. Lit de calcaire rude au toucher, très-sinueux , rempli F de Limnées et de Planorbes , passant en partie à une cou- (186: \ ù Pieds. Pous. leur de chair, et tout-à-fail analogue aux formations d’eau douce de l’île de Wight. 4 a No 11. Banc mince d'argile marneuse verte, avec du silex noir et blanc en couches noduleuses variées, » 8 N° 12. Calcaire cellulaire, couleur de chair, avec moins de fossiles que le grand lit. 1 8 No 13. Banc d’argile douce , de couleur jaunâtre. » 8 No 14. Grand lit de calcaire durci, gris, plus compacte et moins cellolaire que le lit N° 10; fétide sous le marteau, avec les mêmes coquilles que ci-dessus. ei] Tous ces lits sont horizontaux; ils contiennent les coquilles suivantes : Limnæa longiscata. ——— in iflata. Planorbis cornu. Ancy lus elegans. La dernière espèce n'était connue auparavant que dans les formations d’eau douce inférieures de Hordwell- cliff(r), Hampshire. La matière végétale, dans ces couches , ne paraît pas être si abondante que dans les parties inférieures du système, où les couches sont minces et les coquilles ne sont pas exactement les mêmes que dans ces derniers. Ces carrières sont probablement à environ 300 pieds au- dessus des rivières Jourdanne et Cer, ce qui permet de voir par fois Ja base des dépôts Jacustres. Immédiate- ment au-dessous des collines d’Arpajon on s'aperçoit que cette base consiste en une argile plastique, rouge, àpre et caillouteuse, qu'on emploie en beaucoup d’endroits comme terre à brique. (x) Geol. Trans. , vol. LE , part. 2, p. 289. { 187 ) En suivant la même chaine de collines, environ une demi-lieue à l’est, une coupe découvre la plus grande par- tie des couches renfermées entre les carrières de caleaires, décrites ci-dessus, et le grès rouge et la terre à brique qui forme la base des dépôts. C’est ce qu’on voit en face du hameau de Bancou , sur la rive gauche du petit ruis- seau qui coule de Mamou vers Aurillac. La région supé- rieure de la colline est couverte par des masses de con- glomérats basaltiques et trachitiques ; et ses flancs , à la profondeur de peut-être 150 ou 200 pieds, sontcouverts, comme au-dessus de Veaurs, par des détritus de roches volcaniques et d’eau douce. Parmi ces dernières nous observames de nombreux fragmens de couches de silex, dont quelques-uns contenaient des Gyrogonites , de la marne durcie, couleur de crème , à cassure conchoïde, et quelques morceaux de tiges végétales, etc. À mesure que le côté de la colline devient plus rapide, on décou- vre enfin, sur le bord d’un ravin, un lit compacte de marne, contenant les mêmes Planorbes, et ayant les mêmes caractères minéralogiques que le lit N° 10, dans la coupe au-dessus de Veaurs. Sous ce lit, en descendant là montagne par un sentier, on découvre des marnes siliceuses compactes , en place, alternant avec des silex et des marnes grossières , COU- leur de chair. Cette partie de la formation peut occuper d'environ 30 à 4o pieds , et on peut la suivre jusqu'aux lits qui sont décrits dans Ja coupe suivante , et qui sont mis à découvert dans une falaise, sous un bois escarpé, el alteignent jusqu’en bas au ruisseau. On peut estimer le système supérieur à environ 250 pieds. ( 188 ) Système inférieur au précédent. Pieds. Pouc. 1. Calcaire marneux , compacte, blanc verdâtre, avee quelques tiges végétales, et par fois des taches de marne argileuse verte. » 6 2. Marne friable, plus tendre et plus blanche, calcaire, et contenant une bande de silex ( résinite de Brongniart); la partie inférieure devenant plus brune et argileuse, et con- » Le tenant de petites portions de marne siliceuse. auf à : c à 3. Marue schisteuse très-endurcie, couleur de crème, ren- fermant des petits Bulimes comprimés , ainsi que de petites üges végétales, et se transformant, vers le milieu, en un ruban de silex , à travers lequel les mêmes restes organiques sont dispersés , et généralement arrangés longitudinalement dans les lignes de séparation. DU 4. Marne légère, verte, cassante, la partie supérieure un peu onctueuse, alternant avec des bandes minces de marne blan- che et couleur de crême. 876 5. Calcaire très-compacte, couleur de crème, contenant plu- sieurs végétaux, et des taches de terre verte durcie. 1 à 6. Marne argileuse, onctueuse, verte, brune et couleur de crème. » ÿ 7. Lit de meulières exploité pour lPusage des cantons voi- sins ; sa structure est celle d’une brèche de silex et de marne endurcie, contenant quelquefois des Gyrogonites dans les parties les plus siliceuses. On la taille en meules de 2 pieds d'épaisseur ; elle est fétide sous le marteau, et mélée quel- quefois avec de petits fragmens de marne verte : quelques cavités sont remplies avec du carbonate de chaux , couleur d’ambre et noir. DS S. Marnes calcaires , schisteuses , blanches et vertes , remplies de Potamides Lamarckii, qui se croisent l’une l’autre. 9 » ( Cette partie de la falaise était d’un accès difficile. ) 9. Une bande dont la partie supérieure est de la marne, se changeant vers le milieu en silex pur, rubané ou jaspoide, avec des Potamides. » 8 10. Marne schisteuse, couleur de crême, alternant avec des bandes bleues et vertes , et contenant des Bulimes compri- f » ( 189 ) Pieds. Pouce. més, et quelques végétaux. Les lames deviennent plus fissiles en descendant. 84 11. Bande mince de silex noir et résineux , ayant habituel- lement environ r pouce d'épaisseur, mais avec des espèces de protubérances , de 3 pouces chacune. Cette bande est tout-à-fait continue, et contient des Bulimus terebra et pygmeus. » à 12. Marne couleur de chair, jaune et terreuse, avec des baudes & brunes, quelques Bulimes , et des végétaux. I 13. Petites bandes de silex rubané. » 4 14. Marnes couleur de chair, terreuses, de 4 à 6 pouces, séparées par des bandes d’argile marueuse, noire, conte- nant des coquilles et des tiges de Chara. 4» 15. Marne compacte blanche, feuilletée, contenant des plantes et des Bulimes. S » 15. Bande de pierres calcaires , très-bigarrées, bleue et grise, faisant saillie sur les marnes plus tendres qui composent l’es- carpemens ; elle contient quelques Bulimes, et plusieurs per- forations ressemblant eu quelque sorte aux cavités laissées par les T'eredo. Dans ce lit nous trouvâmes un os ( proba- blement une côte) d’environ 6 pouces de longueur, d’une forme aplatie et recourbée, et d'environ un demi-pouce dans sa plus grande largeur, ressemblaut par sa forme à l'os d’un Anoplothérium ou d’un Palæothérium. I 1 17. Marnes noires, d’un vert bleuâtre, et couleur de chair, perdant leur caractère lamellaire et fissile en descendant, et se rompant en rhomboïdes irréguliers , s’adaptant les uns aux autres, ayant leurs superficies recouvertes d’une couche mince et brillante d’oxide de fer bleu. Elles ne contiennent aucun fossile. Petites plaques de mica assez abondantes. IE » 18. Lits épais et bigarrés d’argile plastique , grossière et mar- neuse, rouge, pourpre et verte, pouvant s’employer comme terre à brique, et contenant des lignes de cailloux blancs quarzeux , irrégulièrement distribués , et de dimensions dit- férentes , depuis la grosseur du poing jusqu’à celle d’un pois. 13 » 68 5 Hauteur antécédente. 250 » Total. 318 5 (190 ) Nous ajouterons une autre coupe, qui se présente sur la rive gauche de Îa rivière Jourdanne, à peu de dis- tance au N.-O. d’Aurillac, pour mieux faire connaître cette même partie de la série, et qui offre aussi, à plusieurs égards, une analogie parfaite avec les dépôts modernes de marne coquillère d'Ecosse. Le sommet de la colline est couvert par une masse de basalte augitique noire , avec de larges cristaux d’augite et quelques-uns d’olivine. Entre ceci, et les lits que nous allons décrire, les couches d’eau douce sont cachées; mais cette partie de la coupe est complétée par celle de la colline de Bar- rat, dont il sera parlé plus tard. On y voit le même courant de basalte, et, immédiatement au-dessous , des lits de silex et de marne couleur de crème. Coupe de haut en bas. Pieds. Pouce. No 1. Marnes bigarrées feuilletées, d’un blanc grisätre, avec quelques fossiles peu distincts. 16 1» 2. Marne siliceuse et crayeuse, contenant quelquefois des Potamides et des Cypris ? nt6 3. Marnes incohérentes , gris-päle. » 5 4. Marues feuilletées, avec des tiges de Chara et des Pota- mides. î 1 6 5. Marne blanche eutremélée de marne bleue. 4 » 6. Marne feuilletée, tendre et blanchâtre, ayant des taches noi- res dans quelques parties. PATTES 7. Marne bigarrée , d’un bieu foncé. ». 8 5. Marnes grisätres, alternativement tendres et dures, sans 2 « restes organiques. 9. Marne compacte , d’nn blanc grisätres » 6 10. Marne compacte, d’an bleu verdätre, tachetée de noir, à cassure conchoïde. 11. Marne compacte grossière, se divisant en lames, renfer- mant quelquefois du silex et des tiges de Chara. » “3 ( 191) Pieds. Pouc. 12. Marne compacte bigarrée ; tiges nombreuses , noires de plantes. 109 13. Marne grossière, d’un blanc grisâtre, ressemblant à la craie infrieure. Ty 14. Marne argileuse verdâtre , à cassure conchoïde. » 6 15. Marne grossière blanchâtre, semblable à la craie,sans restes organiques. 5 16. Marnes bigarrées, blanches et bleues, avec des univalves imparfaites . » 6 ( Coupe cachée pendant 20 pieds par des alluvions de la roche augitique du dessus. ) 17. Marne siliceuse , en dalles d’un pouce d'épaisseur, avec des lits de Potamides Lamarckit et de Bulimus pygmeus. I » 18. Marne bigarrée, noire et grise. » 6 19. Argile bigarrée bleue, blanche et vérte, non feuilletée ; restes organiques imparfaits. rpg 20. Marne brunâtre argileuse, sablonneuse en quelques parties; quelques couches de Bulimes innombrables, avec des Liges de Chara ; en feuillets minces commé du papier. 3 » 21. Marne bigarrée , bleue et blanche, avec d’innombrables tiges striées de Chara? et des Bulimes. 6 8 32. Marnes brunâtres et blanchâtres, en couches d’un pouce d'épaisseur, se divisant en feuillets papyracés, avec des Bulimus conicus dans un état parfait. 1 » 23. Banc siliceux, avec des couches de petits Bulimes êt de terre végétale : quelques couches n’en ont aucun. » #4 24. Marnes dun bleu pâle, se transformant dans le haut en roche compacte bleue ; plusieurs couches sont entièrement composées de tiges de Chara, se croisant l’une l’autre. T » 25. Marne verte, légèrement grisâtre, en feuillets minces; petits Bulimes en profusion , et ensuite quelques couches de tiges striées, semblables à celles des Chara, et de petits Cypris. 1 6 26. Marnes argileuses feuilletées; lit supérieur bleu et bitumi- neux , moules blancs de Potamides, et tiges de Chara. NC 27. Banc siliceux compacte , en feuillets minces. » 3 28. Marne argileuse incohérente , sablonneuse | bitumineuse , avec des fragmens de restes organiques. » & (192 9 Pieds. Pour, 29. Marne compacte siliceuse, ayant un lustre résineux ; taches bitumineuses dans quelques parties ; avec Potamides, ete. » 4 30. Ligne de matière carbonacée noire. Dr 31. Marne tendre terreuse, légèrement colorée, avec de petites Potamides. A 32. Ligne de terre noire. » 33. Marnes blanchâtres compactes, feuilletées , divisées par des bandes d’argile d’ün uoir verdâtre , et se transformant dans la partie supérieure en marne siliceuse grise ou couleur de crême , avec des masses bleues concrétionnées. 1 6 34. Marne compacte bleuâtre, avec plusieurs coquilles ( parmi lesquelles il y a des Bulimus conicus), et des restes végétaux. » 8 35. Marne grossière blauchâtre ondulée, ayant quelques cavi- tés, renfermant une couche brune terreuse. » 7 36. Argile noire, présentant de petites ondulations. » 2 37. Marne siliceuse , avec des Bulimus conicus et des Potami- des Lamarckii entre les feuillets , ainsi que de petites tiges bitumineuses de plantes , et des feuilles. 1 6 35. Marne foncée , feuilletée , onctueuse dans des parties, avec de la matière végétale. » 4 39. Marnes crayeuses blanches durcies , avec plusieurs petites univalves, apparemment de jeunes coquilles, et des Buli- mus conicus en abondance. » 7 40, Banc argileux, onctueux, variant en épaisseur de 3 à 6 pou- ces ; partie supérieure légèrement colorée ; partie inférieure uoire, avec des Pyrites. » 6 4x. Marnes siliceuses, divisées en petits lits par des couches de Bulimes , de Potamides , et de tiges de plantes. » 10 42, Marne noire, légèrement micacée ; Bulimes rares. » 6 43. Marne siliceuse , avec des Bulimes et beaucoup de tiges de Chara. » 6 44. Marne argileuse avec des Bulimus conicus. » 65 45. Marnes siliceuses, divisées en feuillets par des petits Bu- limes et des tiges de Chara. 1 » 46. Marne argileuse foncée, noire et brune , avec des marques charbonneuses. 1» 47. Argile onctueuse d’un brun clair, bigarrée de bleu. 6 » ( 193 ) Ce dernier lit est le plus inférieur qu'on aperçoive ; cependant au-dessous de cette coupe, près de la rivière , on voit 7 ou 8 pieds d'argile verte, mais on ne peut déterminer si elle est d’alluvion ou si elle appartient à la terre à brique et à la marne inférieure. Nous sommes entrés dans ces détails, parce qu'ils offrent une preuve claire que la matière sédimentaire s’'accumula dans cet ancien dépôt aussi lentement qu'il est possible de concevoir que cela a lieu dans les lacs qui existent actuellement. L’entre-croisement des tiges de plantes aquatiques, réduites à des lames foliacées si minces , le groupement de certaines espèces de coquilles en couches distinctes parallèles aux plans de strati- fication, les divers petits changemens dans la nature minérale du sédiment, tout concourt à fournir des preuves que l'accumulation fut aussi graduelle que cela a lieu à présent à une distance du rivage où il n’y a aucun transport de sable et de gravier, et où rien ne peut par- venir que les particules les plus fines et les plus légères suspendues dans l’eau et la matière en solution intro- duite par des sources minérales et fournissant aux plan- tes aquatiques et aux animaux les élémens de leur nutrition. La présence de quelques couches minees de matière carbonacée fournit un point d’analogie de plus, si nous comparons ces couches à celles de la marne des lacs d'Ecosse, ou au terrain d’eau douce inférieur dans la falaise d'Hordwell, dans le Hampshire. En effet, ces parties des lits d'Aurillac, qui ne sont pas siliceux, offrent une contre-partie exacte, non seulement dans leur composition minérale, mais dans les genres et les espèces de coquilles, des formations dont nous venons de XVIIL. 1e (194) parler plus haut, et de la même formation dans l’ile de Wight. Nous ajouterons maintenant quelques remarques sur les lits siliceux déjà annoncés comme étant cachés dans la dernière localité décrite, mais qui sont exposés dans la colline de Barrat, près d’Aurillac. Sous la couver- ture basaltique de cette colline , on voit des lits siliceux alternant avec des marnes couleur de crème, en quel- ques cas pulvérulentes. Le silex et la marne contiennent indifféremment des coquilles d’eau douce, parmi les- quelles il y a des Bulimus Terebra, des Limnea inflata, une nouvelle espèce d’Æelix , des Potamides Lamarc- ki, une espèce de Planorbes, etc. Les lits de silex ont quelquefois un pied d'épaisseur : quelquefois, dans la même masse, il ya un passage soudain de la pierre à fusil noire au silex résineux brun clair; il y a aussi des couches régulières de silex globuleux et elliptiques dont les protubérances passent à travers plusieurs cou- ches minces de marne qui les recouvrent (1). Les silex résineux ont quelquefois un revêtement blanc : il y a d’autres lits qui présentent un mélange de silex et de marne, tels que celui qui aurait lieu si les deux substan- ces eussent été déposées en même temps et ne se fussent séparés que pendant la consolidation. À la jonction de la marne tendre et du silex, ou voit souvent une petite couche d’une nature intermédiaire : il y a aussi des lits de marne siliceuse d’une nature homogène, qui, de (x) On trouve une description claire et succincte de cette structure, dans le Mémoire sur les terrains d’eau douce, Ænnales du Muséum , tom. XV, M. Brongniart syant précédé tous les autres observateurs sur ce sujet. ( 195 ) mème que la roche formée au point de réunion du silex et de la marne pulvérulente, consistent en un mélange intime de matières siliceuses et calcaires. Les plus com- pactes d’entre elles servent à faire des meules. En remontant la vallée de la Cer, depuis Aurillac jusqu’au plomb du Cantal, on suit presque sans inter- ruption les calcaires et les marnes jusqu’à Bancou. Plus loin elles sont interrompues et dérangées. Leurs inéga- lités sont ordinairement remplies par une masse supé- rieure de trachyte, qui à son tour est recouverte par un conglomérat volcanique. Quelquefois on voit un mélange confus des roches lacustres et volcaniques, comme à Boudion , où un petit ruisseau qui descend du village de Mamou occupe une vallée étroite, sur la rive droite de laquelle les marnes et les calcaires plongent sous un angle très-élevé. (Voyez l’esquisse , PI, 12 coupe n° 3.) A Pol- minhac, presque toute trace de formation lacustre est per- due, et de là à Vic en Carladez et à Thiezac, les deux bords de la Cer présentent d'énormes terrasses de brèches vol- caniques. À Vic en Carladez, la vallée de la Cer prend une largeur considérable et est couverte d’alluvion ; mais un peu au-dessus de Fournols , elle se rétrécit en une gorge. Les roches qui la forment sont entièrement vol- caniques et semblent avoir été autrefois réunies. S'il en était ainsi, la Cer se serait trouvée barrée, et aurait né- cessairement formé un lac à l’est de Thiezac, jusqu'à ce que la rivière se fut frayée l'issue par Jaquelle elle prend maintenant son cours. Cette gorge n’a que quelques pieds de largeur à son entrée , et est bordée d’escarpe- ment d'environ 400 pieds de hauteur. L'examen des parties plus élevées de la vallée située ( 196 ) au-dessus de la gorge , a présenté des indices certains de lexistence d’un lac récent, postérieur à toutes les éjec- tions volcaniques. On voit, au sud de Thiezac, un dépôt blanc comme le trass, d’une épaisseur considérable, en feuillets très-minces et en lits horizontaux réguliers, qui contient, dans une masse feldspathique et micacée , de nombreux fragmens de marne et de ealcaire d’eau douce. Il repose sur la roche primitive de ce district, qui est un micaschiste. On retrouve au-dessus de Thiezac , sur la rive gauche de la Cer, une suite de monticules peu éle- vés , entièrement composés de ces roches régénérées en lits réguliers et horizontaux, dans lesquels quelques frag- mens de dépôts lacustres contiennent des débris organi- ques , et sont mêlés avec une grande quantite de cailloux, principalement de roches volcaniques. Ces couches régu- lières , formées des détritus de toutes les roches préexis- tantes , ne peuvent être dues qu’à un barrage de la Cer à une époque comparativement récente, ainsi que nous l’avons supposé plus haut. Après avoir perdu , sous l’énorme accumulation des roches volcaniques, toute trace du calcaire d’eau douce pendant plusieurs lieues au-dessus de Polminhac, nous avons été surpris d'en découvrir une portion isolée dans une partie élevée de la vallée, au-dessons de Thiezac, près duquel il forme un escarpement sur la rive droite d’un petit torrent qui descend à l’ouest du village et se dé- charge dans la Cer. En cet endroit, on voit à découvert uné coupe d'environ 70 pieds anglais, dont nous joignons ici les détails avec un croquis. Nous avons remarqué que ces couches contiennent deux à trois espèces de Lym- nées , de nombreux débris de Gyrogonites et leurs tiges (197) aplaties , ainsi que d’autres végétaux, et quelques appa- rences imparfaites d’écailles de tortues, de dents de poissons , etc. La marne et les pierres marneuses sont blanches , jaunes, vertes et rouges ; elles contiennent des couches subordonnées de silex noir et brun, l’ensemble est recouvert par une masse épaisse et irrégulière de brèche ou conglomérat volcanique. On voit, par le dessin ci-joint (PI. 13 coupe n° 1), que plusieurs grands changement ou dislocations ont eu lieu, etque des lits de marne blanchequi étaient originairement à un niveau plus élevé ont été ramenés au même niveau que des lits plus bas de marne rouge , ce qui est évidem- ment dû à l’affaissement occasioné par le caractère sa- vonneux des couches inférieures. On pent rapporter à la mème cause les glissemens de terre qui, à différentes époques, ont détruit des maisons et leurs habitans dans les villages adjacens , ce qui est dû à la nature desiruc- tible de la marne d’eau douce inférieure aux roches volcaniques. La localité de Thiezac, citée ci-dessus , est la dernière à l'est en montant vers le plomb du Cantal, où nous ayons trouvé quelques restes de formations lacustres. Avant de quitter le versant sud-ouest du plombdu Can- tal, nous ne dirons que quelques mots de ses roches vol- caniques , dont M. Scrope, dans sa géologie de la France centrale, a déjà donné les principaux traits. Les conglo- mérats volcaniques et les brèches contiennent quelque- fois les fragmen; brisés d’une grande quantité de roches variées qui doivent avoir appartenu à diverses coulées distinctes. On les remarque particulièrement dans les re- vètemens des terrains d’eau douce près de l'escarpement ( 198 ) que nous avons déjà décrit, à l’ouest d’Aurillac, où quelques-uns des trachytes sont d’un rouge de brique, quelques-uns noirs et angitiques, d’autres seulement avec des cristaux d’hornblend et de feldspath , d’autres encore d’une structure angulo-globulaire , passant au graystone de Scrope. Dans la même masse, on voit aussi des fragmens tirés indistinctement de toutes les parties du terrain d’eau douce, mais ils sont rarement en quantité considérable comparativement aux roches vol- caniques. Il est à remarquer qu'on trouve quelques frag- mens de couches lacustres dans les conglomérats à des hauteurs très-considérables, vers le plomb du Cantal. Ainsi, en traversant de Vic en Carladez à Ravillac, c’est- à-dire de la vallée de la Cer à celle de la Goul, nous avons trouvé des silex contenant des Planorbes dans le conglo- mérat trachytique du sommet de l'énorme chaine qui sépare ces deux vallées. Ces fragmens se trouvent ainsi à une élévation si considérable au-dessus de tous les points où la couche d’eau douce existe en place, qu’on ne peut admettre qu’une seule explication de ce phéno- mène. Il faut qu'ils aient été rejetés de bas en haut comme les fragmens renfermant des coquilles que reje- tait l’ancien cratère du Vésuve ou la Somma , puis ils seront descendus des hauteurs centrales du volcan avec les détritus des roches volcaniques. On trouve une con- firmation de cette origine dans l'extrême rareté de ces silex dans les brèches , sur ces points si élevés. On voit près de la ville de Goul des dépôts analo- gues à ceux de Thiezac, qui sont dus à la rupture par soulèvement de la couche d’eau douce. Les marnes blanches présentent presque l'apparence des dépôts la- ( 199 ) custres primitifs; mais les fragmens de calcaire qui de temps en temps s’y trouvent et y formenm1 des couches, contenant des Limnées et des Gyrogonites, trahissent l'origine moderne et secondaire du tout. M. Scrope sem- ble avoir été induit par quelques-unes de ces circon- stances , à supposer qu’un dépôt postérieur de calcaire en couches confuses moulées sur les surfaces inégales des lits volcaniques, devait avoir eu lieu dans la vallée de la Cer; mais l'examen que nous avons fait de ce dis- trict nous a conduit à conclure invariablement que l’ac- tion volcanique était complètement postérieure à tout le terrain tertiaire. Lorsque le géologue , s’élevant au-dessus des vallées déjà décrites, traverse la chaîne principale, ou le point culminant de la route, et passe au versant opposé du plomb du Cantal, il s'aperçoit, dans la grande vallée qui descend à Murat, que la structure primitive du pays a dû être la mème que celle des lieux qu’il vient de quit- ter, mais avec celte différence, que les roches volcani- ques dominent plus exclusivement, et que dans le seul point où nous avons pu découvrir des couches d’eau douce , ce n’est pas comme auparavant dans la partie inférieure d’une vallée qui diverge des hauteurs centra- les, mais près de son extrémité supérieure, et par conséquent beaucoup plus près du foyer volcanique. Cette localité est à un village nommé La Vissière , entre Murat et le plomb du Cantal , à une lieue au-dessus de Murat. L'existence de ces couches lacustres avec leurs débris organiques et leurs caractères minéralogiques non altérés , si près du centre originaire de l’éruption , là où unc masse énorme de divers produits volcaniques de 8 à \ ( 200 }; 900 pieds d'épaisseur se fait voir en superposition 3m- médiate, est sans doute un des phénomènes les plus frappans de la géologie de la France centrale. En disant qu'ils ne sont pas altérés, nous entendons qu’ils ne pré- sentent aucune marque de l'influence de la chaleur ; car les failles compliquées qui les traversent , et qui se mon- trent clairement par les diverses couleurs de la marne, attestent les violens mouvemens que la masse a subie. Il y à en cet endroit deux carrières dont on emploie les roches pour faire de la chaux. Nous décrirons d’abord la nouvelle carrière , qui n’est ouverte que depuis cinq ans. Elle est située à 150 pieds environ au-dessus de la ri- vière ; mais les ouvriers n'ayant jamais percé dans la car- rière à travers les couches d’eau douce, il est impossible de déterminer si les conglomérats trachytiques et les trachytes qui se présentent à des niveaux moins élevés entre le calcaire et la rivière , et que l’on extrait comme pierre à bâur, sont des dépôts inférieurs ou seulement des dépôts irréguliers qui remplissent de grandes inéga- lités dans les dépôts stratifiés. Nous allons donner une coupe de la nouvelle carrière en commençant par le fond. Inclinaison , 30° S.-O. Pieds. Pouc. No 1. Marne brun-clair, avec des taches couleur de crème, » 6 2. Marne verte brillante, avec de petits grains de quarz trans- parens , surface striée. » 8 3. Calcaire marneux, couleur cendrée, à fracture terreuse, parsemé de .ragmens d’argile verte, et traversé par des espèces de rayures de marne couleur de crême. Il contient quelques cailloux de quarz , des Limnées et des Planorbes , { { 207 )) Pieds. Pouc. et aussi, à la partie supcrieure, les semences noires d’une plante. { Pierre à chaux. ) 6 » 4. Marue grisâtre et d’un vert sombre , argileuse et tenace, accompagnée d’univalves imparfailes. ». 6 5. Marne argileuse gris cendré , avec de petites semences. 2 6 6. Calcaire compacte d’un gris fauve clair, à fracture feuilletée, à cavités sinueuses tubulaires , ét avec des impressions de Limnées. » À 7. Marne argilo-calcaire, couleur de cendre, teinte en partie par une matière ferrugineuse, et passant au calcaire. Elle ‘ contient des Limnées et des Planorbes. 3 » S. Calcaire blanc , à cavités tubulaires irrégulières; quelques semences et coquilles. ( Le meilleur lit de pierré à chaux.) 3 » 9. Calcaire blanc homogèue , moins dur. LD 10. Marne d’un gris blanchâtre , un peu incohérente, très- calcaire, pleine de cavités tubulaires ; elle contient des Planorbes. 1 » 11. Marne semblable , d'une teinte plus foncée, avec des cou- ches de concrétions de calcaire dur compacte et des Limnées? » 6 Dans la coupe ci-dessus les couches s’inclinent sous un angle de 30 à 35°, elles ne sont nullement altérées par la chaleur; mais il ya une petite faille de quelques pouces dans un endroit. La coupe suivante est celle de l’ancienne carrière au S.-O. de La Vissière, en commençant par le fond. Pieds, Pouc. No 7. Lit de calcaire brun clair, ou couleur de chair, fétide , contenant de petiles particules de marne verte, avec des univalves spitales. S » 2. Calcaire fétide , blanchâtre. » 8 5. Marne verte, » 4 4. Marne argilo-calcaire blanche, en partie compacte , en partie se désagrégeant , à surface polie sur Les côtés, tachée par points de marne verte. 5 » 5, Marne blanche!, avec une bandé ve te au fond, ( 202 ) Pieds. Pouc. 6. Marne vert foncé. pe 7. Bande jaune de marne. » 2 8. Marne verte. » 8 9. Marne blanche et couleur de chair. i 202 10. Marne verte. 1 » 11. Calcaire marneux blanc, couleur de chair, avec quelques taches de marne verte. » 12. Marne verte incohérente. D D © Ÿ 13. Calcaire compacte d’un blanc pur. Ces dernières couches sont recouvertes par des con- glomérats volcaniques. Les espèces de coquilles que l’on trouve dans les car- rières ci-dessus dans un état de perfection suflisant pour être déterminées par M. Sowerby sont les suivantes : Planorbis Cornu, P. rotundatus, Bulimus Terebra. On voit aussi dans quelques couches des Gyrogonites qui s'accordent bien par leurs caractères avec le CAara medicaginula. Les lits de la carrière de La Vissière ne contiennent pas de silex et ne sont pas feuilletés , ils ressemblent, par ce caractère et par l'abondance des matières calcai- res, à la division supérieure des séries d’eau douce près d'Aurillac. Les couches , dans cette dernière carrière , s’inclinent sous un angle d'environ 15° au sud, ce qui , comme on voit, est tout-à-fait différent de l’inclinaison des lits de l’autre carrière. Le dessin ci-joint fera voir les failles de ces couches , PI. 13. Le calcaire de La Vissière est le seul que l’on emploie à Saint-Flour et dans tout le voi- sinage ; on le transporte mème dans diverses directions jusqu’à 8 ou 9 lieues, ce qui prouve évidemment qu'il ( 203 } n'y a pas d'autre calcaire d’eau douce à une distance considérable de ces carrières, ni même peut-être sur au- cun point de ce versant oriental. Nous avons déjà dit qu’une masse de roches volcani- que, de 8 à goo pieds d’élévation, recouvre ces calcaires. Dans la nouvelle carrière, on ne peut que le supposer, d’après la structure générale du pays, mais dans l’an- cienne carrière , un conglomérat volcanique , de près de 4o pieds d'épaisseur, git immédiatement dessus. Il est composé de masses brisées et angulaires de trachyte des espèces ordinaires, tirés évidemment de diverses coulées. Les fragmens prédominans sont ceux de trachyte por- phyritique, ressemblant beaucoup à celui des bains du Mont-d’Or. Au-dessus de ces conglomérats ou brèches , est un basalte angulo-globulaire qui, en se décompo- sant, laisse au sol l'apparence d’avoir été couvert d’une pluie de boulets mal arrondis. Cette coulée passe en s’é- levant dans un basalte en grandes colonnes, qui contient quelquefois , comme celui du Vivarais , des fragmens de granite. Au-dessus on voit un autre conglomérat ou brè- che qui renferme des fragmens, principalement de ba- salte, et une autre rangée encore de basalte en colonne gît au-dessus et est couronnée par un conglomérat ; la masse entière est construite de cette facon. Entre La Vissière et Murat , du côté de la vallée où sont les calcaires d’eau douce cités plus haut, on voit sortir des couches d’une roche blanche de dessous un conglomérat trachytique , près de la base de la coupe, et à peu près à la même hau- teur au-dessus de la rivière que les calcaires. Le géologue qui les observe doit s'attendre naturellement à trouver en eux un prolongement de la formation lacustre, mais ( 204 ) il rencontre, au lieu de cela, un tuf de ponce blanche avec de petits fragmens de trachyte et des cristaux qui pro- viennent de cette roche , le tout d'environ 20 pieds d’é- paisseur et stratifié à la manière d’une alluvion. Nous ne saurions déterminer si le conglomérat supérieur qui est incliné sous un angle de 40°, et qui coupe les lits presque horizontaux du tuf, est une énorme masse tombée ou en : place, mais la section entière rappelle fortement au géo- logue, tant par sa position que par ses caractères , ces tufs blancs feuilletés ponceux, sur lesquels repose la masse entière des conglomérats et des trachytes du Mont- d'Or, et ceux que l’on voit également au fond de la val- lée , près des bains. Le pays au nord du plomb du Cantal, du côté de Mu- ral, mérite d’être observé, en ce que les collines de schiste granitique, revêtues de rangées de basalte prismatique ne présentent presque aucun trait qui ne se rencontre également en diverses parties de l’Ecosse ou de l'Irlande. Il n'existe nulle liaison entre les vallées actuelles et les revêtemens détachés et isolés de basalte en colonne, et l’on ne peut former aucune conjecture vraisemblable sur les coulées auxquelles ils ont précédemment appartenu. Cependant tous ont dû faire partie de la grande éruption du Cantal; c’est ce dont on ne peut douter lorsqu'on compare leur structure et leur composition avec les pro- duits de ce volcan , et que l’on considère que leur élé- vation relative s'accorde parfaitement avec une semblable origine. Si nous ne possédions cette preuve qu'ils sont postérieurs aux couches lacustres de la France céntrale, nous serions portés à attribuer à ceux dés environs de Saint-Flour, par leur air d'ancienneté, une antiquité \ ( 205 ) aussi considérable qu'aux rangées en colonne de Salisbury craigs et à d’autres roches de trapp, associés à l’ancienne formation houillère , près d'Edimbourg. Il se peut qu'il existe d’autres dépôts isolés de la for- mation d’eau douce sur les penchans E. et S.-E. du plomb du Cantal, que nous n'avons pas visités. Par exemple , près de Chaudes- Aigues , d’où nous avons vu des échantillons de silex qui ressemblent à celui d’Au- rillac ; mais comme nous n’avons pas examiné cette lo- calité, c’est à d’autres observateurs qu’il est réservé de reconnaître si les formations lacustres se sont étendues à une aussi grande distance dans cette direction. Nous joignons ici une liste des débris organiques qui se trouvent dans toutes les localités ci-dessus mention- nées. Restes organiques des couches lacustres du Cantal mentionnes dans ce Mémoire. 1°. Vertébrés. Côte d’un quadrupède, ressemblant , par sa structure , à une côte d’A - noplothérium ou de Palæothérium. — Bancou , vallée de la Cer. Ecailles de Tortue ? — Thiezac. Dents de Poissons. — Ib. 2°. T'estacées. Potamides Lamarckii. — Bords de la rivière Jourdanne, Lavergnol; coupe au-dessus de Bancou , et colline de Barrat. — Variété lisse. — Lavergnol. Limnea acuminata, l —— columellaris. ——— fusiformis. | Environs d’Aurillac, { 206 ) —— longiscata. — Lavergnol, Veaurs. ——— inflata. — Barrat, Veaurs. ——— cornea. — Lavergnol. ——— Fabulum? — Lavergnol. ——— strigosa ? — Ib. ——— palusiris antiqua. — Ib. Bulimus Terebra. — Belbet, Lavergnol , colline de Barrat, La Vissière. ————pygmeus ? — Bords de la Jourdanne. ————conicus. — Ib. Planorbis rotundatus. — La Vissière , Lavergnol, Pont au-dessus de Perrier, ———— Cornu. — La Vissière, Veaurs, Laver- gnol, ———— rotundus. — La Vissière. Añcylus elegans Sow. — Veaurs. à 3°. Plantes. Chara medicaginula.—Fruitset tiges.— La Vissière, vallée de la Cer. Impressions de joncs. — Belbet et ailleurs. Bois carbonisé. — Bords dela Jourdanne. Quelque imparfaite que soit la liste donnée ci-dessus , nous pouvons néanmoins en conclure, avec quelque con- fiance, que la formation d’Aurillac est du même àge que celle d'Auvergne et que les terrains lacustres du bassin de Paris, quoiqu'’elle soit distinctement séparée des uns et des autres ; car les coquilles lacustres de la France centrale correspondent dans leur ensemble aux différentes divi- sions des couches d’eau douce de Paris ; ce qui est même établi par la courte liste déjà donnée , puisque, sur 17 espèces, 8 ou 9 sont identiques avec les coquilles des terrains d'eau douce supérieurs , et 5 ou 6 avec celles des terrains d’eau douce inférieurs de ce bassin. Nous pouvons ajouter qu'aucune des espèces que nous nous ( 207 ) sommes procurées ne püût être identifiée avec les coquilles vivantes par M. J. Sowerby, auquel nous sommes très- redevables pour les avoir soigneusement comparées et nommées. La Gyrogonite la plus commune est la medi- caginula , qui caractérise la formation d’eau douce supérieure du bassin de Paris, et la formation d’eau douce inférieure du Hampshire et de l’île de Wight. Il ya aussi parmi les coquilles plusieurs espèces iden- tiques avec celles d'Hordwell Cliff, l’#ncylus ele- gans (1), par exemple, n'avait jamais été observé aupara- vant, excepté dans cetendroit, jusqu’à l’instant où nous le trouyâmes dans le calcaire de Veaurs, près d’Aurillac. Les autres coquilles communes au Hampshire et au Can- tal, sont : le Bulimus conicus, le Limnea longiscata , et le Planorbis rotundatus. En un mot, il y a autant d'espèces communes à ces deux localités , qu’on pouvait l'espérer dans un si petit nombre; même en supposant que les groupes entiers, lorsqu'on les aura complè- tement déterminés , coïncideront exactement. Dans ces deux contrées on trouve les Potamides, et quels que soient les doutes qui peuvent exister lorsqu'il s’agit de savoir si ce genre peut être séparé des Cerithium sans l'aide de plus de caractères que les simples coquilles n’en peuvent fournir , cependant il est clair que, dans le Can- tal, où il n’y a aucun fossile marin, ni même aucune roche d’origine marine à 15 ou 20 lienes aux environs, le Potamides Lamarckii était exclusivement d’eau douce, et ne pouvait pas, comme quelques espèces vivantes ( comme aussi peut être celles de Hordwell ), avoir fré- {1) Min, conch. , tab. 533. ( 208 ) quenté les embouchures des rivières à leur jonction avec la mer. Il est plus difficile d'obtenir une connaissance précise de toutes les couches d’eau douce du Cantal et de leurs nombreux restes organiques , que de celles d'Auvergne, par suite du grand bouleversement que les premieres ont éprouvé, et de l'énorme épaisseur de matière volcanique sous laquelle elles sont enterrées. En Auvergne, les laves du Mont-d'Or et de presque tous les volcans plus récens, coulèrent des régions granitiques et primitives , et géné- ralement atteignirent seulement les limites des forma- tions lacustres; mais, dans le Cantal, nous avons dé- mouiré que le volcan éclata dans Le centre des dépôts sédimentaires d’eau douce, ce qui aura causé, pa suite de plusieurs dérangemens successifs, un change- ment si complet dans les niveaux relatifs du pays que les couches auront été brisées et détruites sur une grande étendue , par les fréquens débordemens des eaux. Nous attribuons cet effet à des dérangemens successifs, non-seu- lement parce que des mouvemens souterrains dans les contrées volcaniques existantes sont les accompagnemens constans de l’accumulation graduelle des laves, et ne sont pas bornés à une seule période de la formation d’un grand cône, mais parce que ce n’est qu'en supposant que le changement de niveau s’est opéré graduellement , que nous concevons la possibilité d'obtenir, soit la quantité, soit l’espèce de force requise. Les conglomérats s'étendent à tant de hauteurs différentes , et sont si indépendans des vallées existantes ou d’aucun système de vallée ima- ginable , que nous devons supposer que des débordemens répétés dans la direction des grands cours d’eau , et par- ( 209 }) conséquent des parties distinctes tant des couches lacus- tres que des volcaniques ont été à leur tour exposées à l'action des torrens chargés de sable et de roches. En outre les ravins ct les fissures qui accompagnent crdinai- rement ces chocs partiels, mais violeus, qui déchirent et disloquent le site immédiat d’un creux volcanique, doivent extrèmement faciliter les progrès de la destruc- tion, pourvu que des intervalles de temps aïent lieu entre les chocs, pour que l’eau, en se précipitant, puisse exercer toute son énergie, et nous savons que de semblables intervalles se présentent fréquemment dans l’état actuel de la nature. Nous ne pouvons laisser cet intéressant district sans établir quelque comparaison entre les membres les plus inférieurs de ses terrains tertiaires et des deux autres prin- cipaux districts volcaniques de la France centrale, La Li- magne d'Auvergne etle Puy en Velay. Dans tous ces dif- férens cas, il est maintenant établi ei hors de doute que, dans les couches sédimentaires qui constituent la base, ou pour parler plus correctement peut-être, la partie lit- torale des dépôts lacustres, iln’y a aucun fragment de roches ignées, Malgré les énormes masses de trachyte . de clinkstone et de basalte qui se trouvent dans ces diffé- rens districts ( souvent d’une grande antiquité, en com- paraison des dernières laves }, il ne se trouve aucun sable ni cailloux volcaniques ni dans les grès, ni dans les conglomérats tertiaires. Nous avons décrit les portions inférieures des dépôts du Cantal comme principalement composées d’une argile plastique et onctueuse , avéc des cailloux de quarz tels qu'ils résulteraient des débris du micaschiste, qui est en XVII. 14 ( 210 ) ceLendroit la roche fondamentale. Quoique nous n’ayons jamais observé aucune coquille dans les lits les plus in- férieurs de l'argile, nous avons déjà dit que , dans la par- tie supérieure, nous avions trouvé l'os d’un quadrupède, dans l’escarpement opposé à Bancou. Ces couches sont concordantes et passent graduellement aux marnes supé- rieures qui contiennent des restes d’eau douce. Dans la Limagne on observe le même passage des ter- rains de sédiment inférieurs aux marnes argileuses et cal- caires qui sont au-dessus , et nous convenons, avec MM. Croïizet et Jobert , que les couches de charbon de Brassac sont les seuls représentans des formations secondaires d'Auvergne, qui sont très-clairement séparés des grès des terrains tertiaires, tant par leur position non-concordante, que par leurs restes végétaux. M. Brongniart , dans son article « Arkose ( p. 32 )» , après une exacte description minéralogique des grès granitoïdes de l’Auvergne et du Puy, qu'il désigne par le terme Arkose , a essayé de sé- parer ces roches de la série tertiaire ; cependant si ce grès granitoïde n'avait pas été formé au bord du même lac dans lequel les couches d’eau douce se sont déposées , et s’il avait appartenu à une configuration plus ancienne de la surface de la terre , il aurait été exposé, saus doute, comme les grès houillers de Brassac, à quelque dérange- ment anterieur à la période tertiaire, tandis qu’il est en stratification concordante avec les marnes tertiaires, comme nous l'avons déjà établi. Nous observames le passage graduel des grès inférieurs d'Auvergne aux roches marneuses et calcaires , et leur alternance au point de jonction , dans plusieurs localités où nous fimes des coupes détaillées , et particulièrement (‘are ) en un lieu appelé les Espinasses , S.-S.-0. d’Issoire , et à main droite de la petite route conduisant de Saint- Germain à Vodable, où plusieurs fractures, et une grande rupture du côté de la colline, exposent à la vue près de 500 pieds de grès et de marnes recouvertes par du basalte. Les lits les plus inférieurs consistent en marnes savon- neuses, vertes et rouges , avec quelques cailloux de quarz; ils s'étendent l’espace de 150 pieds en épaisseur, alternant avec des grès rouges et bruns, tous deux éga- lement quarzeux et calcaires , tandis qu’à 28 pieds seule- ment de la base, et par conséquent surchargé par 120 pieds du sysième rouge ou inférieur, il se présente une marne remplie de Limnées et de Planorbes. Vers le milieu de la coupe, des grès calcaires gris, ressemblant à ceux de Gannat, succèdent aux lits rouges ; ils sont surmontés par des marnes fissiles, contenant des Cypris, des Limnées er des Potamides , et, dans les lits pierreux qui suiveni , du gypse se présente eu lames horizontales et en petites fissures verticales , ainsi que des os de qua- drupèdes et d'oiseaux. Les couches supérieures devien- nent encore plus lamellaires en passant de la marne verte en une marne compacte en lits épais , alternant avec des marnes feuilletées renfermant des Cypris , et ensuite en s’élevant à travers toutes les divisions gypseuses, les grès calcaires se présentent de nouveau très-près du sommet de basalte. Il y à une circonstance se rapportant à la position des grès quarzeux d'Auvergne, particulièrement dans le voisinage d’Issoire, qui peut avoir paru à quelques géo- logues une raison pour séparer cette partie des couches des marnes calcaires vertes supérieures , savoir que , ( 212 ) lorsque les premières se présentent en grande quantité, elles ne sont pas couvertes par les autres couches mar- neuses, qui abondent en restes organiques, mais semblent seulement passer inférieurement au granite. I y a lammème disposition dans des groupes analogues dans le bassin du Puy-en-Velay ; et ce fait, ainsi que Fabsence de restes organiques , a conduit M. Bertrand Roux à conclure que les grès quarzeux et les psammites de Blavozy, et autres localités près du Puy, peuvent appartenir à la formation secondaire. Maïs cette disposition des grès du Puy, indé- pendamment de leurs empreintes végétales (dont quel- ques-unes sont sans aucun doute celles de plantes dico- tylédones ), confirme fortement en réalité leur origine tertiaire, et peut non-seulement nous porter à croire que quelques-uns de ces grès ne sont pas secondaires , mais même qu'une partie d’entre eux peut être contemporaine des marnes. ct n'être par conséquent pas même la plus an- cienne partie des séries tertiaires. Car, comme dans l’état actuel de la nature les rivières déposent leur sédiment grossier aux bords d’un lac, et que les particules plus fines sont portées à une plus grande distance du rivage, de même nous devons, par analogie, trouver que dans les lieux où les marnes argileuses schisteuses sont le plus complètement développées, il y aura la moindre quantité de détritus grossiers. [1 a été remarqué depuis long- temps par M. Constant Prévost et par d’autres, comme une loi générale, affectant tous les dépôts tertiaires, qu’un membre de la série atteint une grande épaisseur aux dépens d'un autre. Ainsi, si en approchant des bords du bassin de la Limagne, près d'Issoire, nous trouvons des grès sans marnes , comme à Blavozy et dans d’autres C7.) points, dans le bassin du Puy-en-Velay, ei qu'on ne voie pas ces mêmes grès dans les profondes sections de marnes près les centres de ces bassins, c’est une raison pour les considérer comme dus à des causes contemporaines ; car telle est actuellement la manière dont les rivières distri- buent en mème temps leur matière sédimentaire dans les lacs et les mers. L'objet immédiat du présent Mémoire ne nous engage pas à entrer dans une plus longue digression sur ces sujets accessoires , et, plus particulièrement , parce que nous sommes convaincus qu'ils seront habilement trai- tés par MM. Jobert et Croiïzet, et par MM. Lecoq et Bouillet , qui s'occupent tous maintenant de travaux sur la Limagne d'Auvergne. Nous pouvons cependant con- stater brièvement les résultats suivans de nos examens répétés des parties de cette dernière contrée , Comme étant d’un haut intérêt pour tous les géologues, et portant particulièrement sur ces membres inférieurs dont nous avons parlé en dernier. 1°. Qu'il ya des couches de plusieurs centaines de pieds, en épaisseur, à Neckers , Champbheix, etc., iden- tiques dans leurs caractères minéralogiques avec le nou- veau grès rouge de l'Angleterre. 2°, Que d’autres lits du même système à Les Chapel- les, près d'Tssoire, à Cousdes, eic., correspondent exac- lement au millstone grit des terrains houillers. 3°. Qu’à Chambezon, près Lempdes, et dans plusieurs autres endroits , le grès rouge contient un calcaire de concrétion , exactement semblable au cornstone de l'an- cien grès rouge , au-dessous du terrain houiller, tandis qu'entre Chiamalières et Royat près de Clermont, un grès (214 ) de conglomérat repose sur du granite, dont on peut à peine le distinguer près de la jonction , et, à cet égard, il est complètement analogue aux relations de l’ancien conglomérat rouge avec le granite de la chute de Foyers et de l’Ord de Caïthness en Ecosse (1); et cependant toutes ces variétés de dépôt mécanique, qui, dans la Grande-Bretagne, marquent trois grandes époques dans les terrains secondaires , sé rapportent clairement, en Auvergne , aux formations tertiaires lacustres , dont les parties supérieures et marneuses présentent un passage graduel au grès inférieur, comme nous l’avons établi. EXPLICATION DES PLANCHES. Planche xxr. Coupe n° 1. — Coupe générale traversant la France du S.-O. au N.-E. Coupe n° 2. — Rapport en grand des dépôts lacustres et des. roches volcaniques, en montant d’Aurillac vers Le plomb du Cantal. Coupe no 5. — Rapport détaillé des dépôts d’eau douce et des roches volcaniques , entre Giou et Polminhac. IVota. Les distances dans ces trois coupes, et surtout dans la pre- mière , ne sont qu'approximatives. Planche x. Coupe ne 1. — Coupe sur la rive droite du torrent de Thiesac. Coupe n° 2. — Couches lacustres de la Vissiere, près Murat. (x) Un Mémoire très-détaillé sur ces anciennes formations de Écosse septentrionale, par MM. Sedgwick et Murchison, s’imprime dans la nouvelle partie des Transactions of the Geol. Society. Sur la nature de la végétation d'une partie d Mexique ; extrait de deux Lettres du docteur SGHIEDE (1). On sait que le Mexique se divise, sous le rapport mé- téorologique, en trois régions, connues sous les noms de Terra caliente , 2°. templada et T. fria, c'est-à-dire , Région brûlante, R. tempérée, et À. froide où gla- ciale. La ville de Vera-Cruz, où le docteur Schiede a débar- qué en venant d'Europe ; EL où il a passé trois semaines , est située dans la première de ces régions , au milieu de dunes formées par le sable que les venis du nord accu- mulent pendant l'hiver sur cette plage. Les environs sont très-peu riches en plantes , beaucoup moins encore que plus avant dans l’intérieur de la Zierra caliente, laquelle le cède entièrement , sous ce rapport, à la Zierra tem- plada. Cependant l'auteur et son compagnon (M. Deppe) purent y observer environ 140 espèces de végétaux, qu'ils n'eurent pas le loisir de déterminer exactement. Les plantes qui couvrent principalement les dunes sont le Cactus Tuna , un Croton d'un vert grisätre, ressem- blant au tomentosus, et le Convolvulus maritimus ; les deux premières harmonisent ensemble, et forment un contraste agréable avec la verdure de la troisième , et ses belles fleurs rouges. Parmi les autres plantes indigènes, (x) Ces deux lettres sont insérées en entier dans le Linnæa, yournal de botanique publié à Berlin par Le professeur Schlechtendal ; extrait que nous en donnons renferme tous" les faits essentiels sous le rapport de la géographie botanique de cette contrée. (:3x46") nous nous bornerons à citer ici une espèce de Jatropha à fleurs d’un blanc pur, qui pique comme nos orties , et qu'on nomme vulgairement, pour cette raison, Mala muger (la méchante femme ); une plante d’un genre nouveau, qui se rapproche de celui du Mirabilis, et qui cache ses semences dans la terre, à la manière de l_#- rachis ; enfin le Schrankia hamata , qui ne mérite pas moins je nom de sensitive que le Mimosa pudica. Ailleurs quelques espèces de Jatropha, et d’autres ar- bustes, forment une sorte de petit bois. Un faubourg conduisit nos botanistes à une prairie , qui difière sur- iout des nôtres par l’uniformité de la forme que les Gra- minées y aflectent. Au surplus , ils n’aperçurent, dans tous les environs de la Vera-Cruz, ni Fougères, ni Orchidées , ni aucun autre Palmier que quelques pieds de Cocotiers, cultivées près des habitations; ils ne virent pas non plus de Mousses, ni de Lichens, ni sur cette plage sablonneuse aucun Fucus et aucune Algue, si ce n’est l’'Ulva lac- tuca , le long des murailles battues par la mer. Peut- être, dit M. Schiede, trouverait-on d’autres plantes marines sur les récifs de corail qui protégent la rade de la Vera-Cruz, ei mettent les vaisseaux en danger ; imais nous n’eûmes pas l’occasion de les visiter. La grève n’offre pas non plus de Phanérogames maritimes ; elle est abso- lument dépourvue de végétaux : des arbres déracinés y gisent épars , jetés sur la côte par les grands vents du nord , et une multitude de crabes fort agiles fourmillent sur cette plage déserte. Le pays devient plus imtéressant à mesure qu'on s'é- loigne de la Vera-Cruz. À peine en est-on à une lieue, Cha ©) qu'on se trouve sous l'ombre épaisse d'un bois compose d'arbres des formes les plus variées , dont plusieurs sont de la famille des Légumineuses. Une savanne verdoyante, mêlée de groupes d'arbres, qui la plupart sont des Mfi- mosa , succède à cette forêt, et permet d’apercevoir un rideau de collines boisées, et, dans l’éloiguement, le Cofre de Perote et le Volcan de Orizaba, qui fout partie des Cordilières du Mexique. Plus loin , une ma- gnifique forèt sépare Puente del Rey de Plan del Rio. Dans ce dernier endroit, dont la situation est très-agréa- ble, et déja plus élevée et plus fraiche, croît en abon- dance larbre nommé par les habitans Quina blanca, et qu'ils emploient souvent à la place du vrai Quinquina, quoiqu'il n’appartienne pas même au genre Cinchona : c’est le Croton Eluteria de Swartz , ‘et probablement celui doni l'écorce porte en Europe le nom de Cascarille. Après avoir voyagé toute la nuit, à partir de Plan del Kio, nos botanistes se trouvèrent, à cinq heures du matin, à Encero, et, au bout de quelques heures de plus, à Jalapa, d’où la seconde lettre est écrite, et datée du 15 novembre 1898. À l’époque de cette lettre, ils étaient depuis trois mois dans la délicieuse région tempérée où se trouve Jalapa, à une élévation d'environ 4,000 pieds, sur la pente orientale du plateau de Anahuac, ayant devant eux l’in- salubre littoral que baïgne le golfe du Mexique, et, du côté opposé, la haute chaîne qui s’étend du nord au sud, et où l’on remarque surtout la cime conique du Cit/alte- petl, ou volcan d'Orizaba, et le Nauhcampatepetl, que sa forme allongée a fait probablement nommer Cofre de Perote. Jalapa, situé à peu près à égale distance de la côte C'onS ) { brûlante où est Vera-Cruz , et des neiges éternelles de l'Orizaba, ne connait dans la température aucune ex- trème, Au mois d’août le thermomètre se soutenait entre 16et25 degrés centigrades ; la chaleur n’y est ni aussi con- stante, et par là même aussi fatigante, que dans la région chaude, ni aussi variable que sur le plateau du Mexi- que, où, à une élévation de 7 à 8,000 pieds, la fraicheur des nuits et des matinées contraste avec la chaleur du jour. Il y a aussi cette différence entre le climat de Ja- lapa et celui du plateau , que la variation de la tempéra- ture y est bien moins grande suivant qu’on est au soleil ou à l'ombre. Le seul désagrément de la pente orientale des Andes du Mexique, désagrément qui contrarie les naturalistes plus que personne, c’est la fréquence des pluies. Le temps est généralement serein pendant le premier matin; mais sur les 10 heures, ou même plu- tôt, des nuages se forment sur le pic d'Orizaba et sur le Cofre, etdonnent lieu à des averses qui durent même jusqu'au soir; mais alors le temps s’éclaircit jusqu’au retour des pluies du lendemain. Au reste , cette alterna- tive n'est pas tellement régulière qu'il n’y ait quelquefois trois ou quatre beaux jours de suite, comme aussi trois à quatre jours de pluie, et ces arrosemens fréquens contribuent sans doute à l’extrème variété qu'offre fa végétation dans cette région. Quant à la neige, il se passe plusieurs années sans qu’il en tombe à Jalapa. Nous n’entreprendrons point de suivre M. Schiede dans les jardins de cette ville, dans des champs où le Maïs s'élève à plus de 15 pieds, dans des bosquets où se font remarquer, entre une multitude des plus belles plantes, le Durantu Jalapensis avec ses longues grap- pes de fruit, jaunes comme de l'or ; le Mimosa sensitiva ( 219 ) armé d'épines ; de superbes Lianes de Convolvulus et d’Ipomæa; un Lamourouria à fleurs écarlates, et la belle Tigridia pavonia, dont les jardins d'Europe se sont enrichis. Quant aux arbres , cette région est celle des Chènes, des Liquidambar, des Melastoma et des Fougères arbo- rescentes. On est frappé du nombre prodigieux d'Orchi- dées, de Pipéracées, de Fougères , dont les troncs des grands arbres sont couverts ; de la multitude de Loran- thus et de Tillandsia qui en garnissent les branches jusqu’à leurs plus hautes ramifications. Quelle différence entre ce luxe de la végétation inter-tropicale et nos forêts du nord, où les troncs des Hêtres , le plus souvent nus, sont à peine garnis de quelques Lécidées ; où l’on ne trouve pour toute verdure, et seulement encore là où le soleil du midi fait parvenir quelques faibles rayons, que l'Oxalis acetosella, et où si les arbres sont plus espacés, le sol est uniquement hérissé de tiges sans nombre de Vaccinium myrtillus , qui se pressent de manière à ne laisser place à aucun autre végétal. Au petit village de San Andra, dont l'élévation au- dessus du niveau de la mer est de 5,000 pieds , il fait déjà sensiblement moins chaud qu’à Jalapa. Le Plan- tano de Guinea (Bananier), qui est encore cultivé assez abondamment dans cette ville, ne croît pas à San An- dras. Ce lieu est voisin du Serro colorado , une des plus hautes éminences des environs. Des champs de Maïs regnent jusqu à son sommet , ainsi que les Aelastoma etles Rhexia, plantes qui appartiennent à la seule ré- gion tempérée. Il restait à notre botaniste à visiter également la Région froide (Tierra fria), et à connaître ses magnifiques 4 \ (, 220 ) forêts d'arbres Conifères. Ce fut le 4 septembre que , pour satisfaire ce désir, il partit de Jalapa avec un autre Allemand , et deux Anglais, pour gravir le Citlaltepetl ou volcan d'Orizaba. Les pins commencent à se mon- trer quand on à dépassé San Miguel del Soldado ; mais ils deviennent l'essence dominante près de Joya, lieu situé à une élévation absolue d'environ 6,000 pieds , au milieu de masses de basalte, qui n’admettent dans leurs interstices que cette sorte d'arbres, et un ÆAgave. Là commence aussi la culture de l'orge qui, dit-on, ne forme point d’épis à Jalapa. À Las vigas cesse la con- trée stérile (malpays), qu’on a traversée depuis Joya: De là à Perote on parcourt une partie des hautes plaines (Llanos) du plateau du Mexique. Ces plaines sèches sont cultivées en Maïs, en grains européens, et en gave americana (Maguey ) , dont le suc, à peine fermenté, remplace pour les habitans de ce plateau le vin et la bière. Les arbres Conifères y rappellent la patrie aux voyageurs européens ; inais il n’en est pas de même des Liliacées arborescentes, ayant l’aspect des Yucca, qui s'élèvent à 30 picds et plus sur une tige simple , termi- née par une cime peu rameuse, et qui forment des forèts dépourvues d’ombrage. Les 7{landsia, qui le dispu- tent aux autres végétaux pour la variété de leurs couleurs, ne se trouvent pas moins dans les Zlanos de Perote que dans la Région tempérée; mais les Bromeliacées parasites de la Terra fria, ont la forme de filamens blancs, ayant l'apparence des Usnées qui pendent des Genevriers et des Fucca , et qui donnent à ces arbres la livrée de l'hiver. Les Orchidées ne sont pas, dans cette région, au nombre des parasites ; etdes Loranthus, dont une espèce brille de loin dans la Z'erra templada, par Con ) ses grandes fleurs couleur de feu, sont remplacées par un Gui sans feuilles, dont l’aspect est celui d’une Salicor- nia: Un point de ressemblance entre cette région et nos zoues froides et tempérées, c'est que, dans les unes et les autres , de grands espaces sont occupés par des plan- tes faibles, qui impriment au paysage une monotonie fort opposée à la variété qui caractérise en général la végétation de la Zone torride. Le 8 septembre, les voyageurs couchèrent à la Æa- cienda de Tenestepec. La nuit était froide, comme elles le sont en général dans la Zierra fria : le thermomètre centigrade ne marquait, le matin de bonne heure , que 5° !, S'étant remis en route, ils traversèrent un bois de Chènes, entremélés d’arbustes, de groupes de Fucca bas et à feuilles linéaires, et d’une espèce d’Ægave, dif- férente de l'americana. On y voyait aussi, entre autres plantes, des Melocactus et des Mamillaires. La troisième journée conduisit le voyageur à la Æ/acienda de Tlachi- chuca , située au pied des hautes montagnes. Il compare celte contrée avec ses souvenirs des Alpes de Bavière , et la comparaison est tout à l'avantage de ces dernières , où, à une élévation de 2 ou 3,000 pieds au-dessus de la mer, croissent, à l'ombre des Hètres et des Erables, le Sonchus Alpinus, les Cacalia, la jolie Moehringia, et le Saxifraga rotundifolia. La base de l’'Orizaba manque des cours d’eau rapides qüi humectent le sol des Alpes, et y entretiennent une végétation rigoureuse. Nos voyageurs traversèrent ici de grands espaces couverts de Pins américains ou Ocote, entremélés de quelques pieds isolés de Chênes et d’Aunes (à 8,000 pieds) : presque tout le sol est couvert de toufles d’une haute Graminée. Mille pieds plus haut, et par con- ( 2e ) séquent à une élévation absolue de G,000 pieds, paraissent encore de nombreuses plantes , et, dans ce nombre , un Veratrum à fleurs noires, qui causerait, suivant les guides , la cécité aux chevaux à qui on permettrait d’en manger. Là croissait entre autres le Oyamel ( Pinus re- ligiosa) , et le Teocote , espèce bien distincte de Pinus. Plus haut, les botanistes trouvèrent la Pomme-de-terre croissant spontanément, maïs très-petite, ayant des fleurs d’un bleu foncé, et des tubercules gros à peine comme des noisettes. C’est dans ce lieu , élevé de 10 à 11,000 pieds , qu'ils bivouaquèrent, ayant en vue la sommité conique de l’Orizaba , blanchie par les neiges ; malheu- reusement la journée du lendemain fut pluvieuse. A mesure qu'ils s’élevaient , la famille des Crucifères com- mençait à montrer plusieurs de ses espèces , entre autres un Sysimbrium fort semblable au $. sy lvestre d'Europe. Une des plantes remarquables des limites de Ja végéta- tion phanérogame fut un Cnicus nivalis, H. B. et K., et, à ses extrêmes limites, une Draba, une Avena , et, tout à la fin, un Zrisetam. Enfin, on atteignit le bord d’un glacier, où les roches volcaniques étaient colorées des belles teintes des Lichens , notamment du ZLecidea geographica. A cette élévation, qui surpasse peut-être 14,000 pieds ; (l’auteur ne put la vérifier exactement, un baromètre de Bunten ayant été brisé), il vit des milliers peut-être de Phalènes. Il fallut songer au retour, et passer la nuïñt suivante dans une grotte tapissée des plus jolies Fou- gères. Le retour, quoique fait dans une autre direction , en passant par la Hacienda de Tepetitlan, ne leur offrit , pendant trois lieues, que des Zlanos semblables à ceux (293 ) de Perote; des bois d’une espèce de Genevrier ou de Cyprès, tapissés de Tillandsia blanches ; de grands champs de Froment, d'Orge, de Maïs et de Maguey. Point d’autres fruits que celui du Zuna. Ce qui mérita plus d'attention , ce fut une hauteur nommée Serro de la Ventana, où croïssent la plupart des plantes pro- pres au Mexique, sortant des fentes des rochers, et plus loin une autre colline plus remarquable encore , de laquelle il sort des vapeurs chaudes, dont la température va en croissant à mesure qu'on avance dans la terre. Ce lieu se nomme //umeros de las Retumbadas ; ce qu'on pourrait traduire par les fumeroles du terrain retentis- sant. Etant revenus coucher à la Hacienda de Tepetit- lan , ils en repartirent, en passant d’abord près d’un lac légèrement salé , nommé Laguna de Huetulaca. Sur la berge de ce lac, ils retrouvèrent, parmi des Opuntia, les Pommes-de-terre sauvages qu'ils avaient observé sur la montagne; elles y étaient plus grandes , couvertes de fleurs blanches et très-abondantes : elles sont connues des habitans sous le nom de Papa cimarron. Ce même lac leur procura une nouvelle espèce du genre Siren, qui y porte, comme au lac de Chalco et Tezcuco, le nom de Æxolotl. Le jour suivant, ils descendirent des Andes, et revinrent à Jalapa, dont l'odeur du Datura arborea leur annonça l'approche pendant une nuit obscure. À cinq milles au sud de là est la /acienda de la La- guna, appartenant à un Anglais qui y cultive principa- lement la canne à sucre pour faire de l’eau-de-vie , du Maïs, un peu de Riz, et moins encore de coton. La contrée où elle est située participe déjà de la nature de la Terra caliente. Les Renoncules y manquent entiè- , . « “ . rement , et l’on y voit plusieurs espèces du genre Ficus , an ( 224 ) genre qui ne se montre pas à Jalapa. Les Barrancas , ou vallons profonds des environs, sont encore plus déci- dément de la Région chaude , et lon y cultive les Bana- nes et le Manioec. C'est là que se termine la relation dont nous avons essayé de noter les principaux traits. La lettre suivante devra être datée de Papantla, où M. Schiede se propo- sait de faire un séjour de plusieurs mois. CM: Quesrion mise au concours par la Classe de phy- sique de l’Académie royale des Sciences de Berlin pour l’année 1831; proposée en 1827, et renouvelée en 1829. La Classe de physique propose la question suivante. « Tracer, pour les larves d'insectes, des ordres et des « familles naturelles tellement caractérisées, qu'on « puisse, par les caractères de la larve, reconnaitre « sinon le genre, du moins la famille de l’insecte « parfait. La Classe désire que cette nomenclature « des larves soit spécialement détaillée pour les « Diptera Lann. (Antliata Fasr. ), et appliquée aux « genres les moins conrus sous ce rapport. » Les descriptions des larves, qui ne se trouvent point encore figurées, doivent être accompagnées de dessins exacts, et d'exemplaires dans l’esprit-de-vin. Des détails anatomiques et physiologiques seront accueillis avec le plus grand intérêt, sans néanmoins être une condition du concours. Le 31 mars 1831 est le terme de rigueur pour la ren- trée des Mémoires , qui doivent être anonymes et accom- pagnés d'une devise, avec le nom d'auteur, sous cachet. Le prix est de 50 ducats. ( 225 ) Mémomne sur le fait de la division des terrains en un grand nombre de couches de différente nature ; Par Joperr aîné. Si on admet que les terrains d’eau douce ont été for- més dans des lacs qui déposaient des couches minérales successives , on est conduit, par le raisonnement, à cher- cher les anciens bords de ces lacs; on conçoit même qu'il peut devenir possible d'évaluer leur profondeur primitive, et de fixer le niveau que les eaux devaient atteindre. La forme actuelle du sol, l'épaisseur et la position circonscrite des couches , la distribution des débris fossiles, en un mot, une foule de circonstances, qu'il serait difficile de prévoir, peuvent donner, à cet égard , des élémens de probabilité assez plausibles. Justifions ceci par un exemple : Le niveau supérieur actuel des couches lacustres de la Limagne est à 800 mètres d’élévation absolue : de nombreuses coulées basaltiques, après avoir traversé les pentes granitiques, sont venues se répandre jusque dans le bassin calcaire; de sorte qu'elles recouvrent successivement les bords du bassin et les sommités la- custres. En protégeant ainsi les dernières couches, les Ba- saltes ont évidemment marqué la limite de la formation ; et en effet, au-dessus du niveau, dont nous avons parlé, on perd entièrement la trace des produits tertiaires. XVI. — Novembre 1829. 15 ( 356 ) Or, si on voulait supposer aux eaux calcarifères une élévation considérable, on ne trouverait plus de bords qui eussent pu les contenir, et il n’y aurait pas de raison pour qu’il y eût réellement une limite supérieure aussi distinctement fixée; on verrait des calcaires à toutes les hauteurs , et surtout , sous les Basaltes des sommets granitiques élevés. D'ailleurs, les fossiles terrestres, qu’on retrouve ensevelis sur une infinité de points, indiquent nécessairement des lieux circonvoisins sur lesquels ces animaux étaient dispersés. Ainsi, l’état actuel des choses permet de juger que les anciens reliefs étaient disposés de manière à ne laïsser au liquide qu'une petite élévation au-dessus des der- mières couches. D'un autre côté, le niveau inférieur de la même for- mation se retrouve, sur beaucoup de points, à 300 mè- tres d’élévation absolue; presque toujours, et lorsque surtout on s'éloigne des bords du bassin, les couches sont parallèles à l'horizon ; on découvre souvent des escarpemens de 160 à 200 mètres qui montrent la série de ces couches dans une horizontalité à peu près par- faite , et l’on est, dès-lors, fondé à conclure que la puis- sance de la formation peut aller jusqu'à 500 mètres. Ces premières données étant admises, il en résulte une conséquence rigoureuse : c’est que les matériaux qui constituent la formation sont arrivés lentement. Pour qu'il en fût autrement, il faudrait supposer la préexistence, ou l'invasion subite d’une espèce de boue, d’origine inconnue, qui, en se précipitant, aurait per- mis aux matières similaires de se réunir en strates régu- ( 229 ) lières, les unes ayant été simplement suspendues, les autres en dissolution. Supposition plus que gratuite, et qui ne permet pas de concevoir comment $se seraient introduits , à de grandes profondeurs, ces fossiles déli- cats, ces feuilles légères qui se trouvent conchées dans le sens de la stratification, ces œufs d'oiseaux , remplis de calcaire , et dont la coquille est souvent à peine en- dommagée. Tout, dans ces formations, porte donc l’empreinte de l’ordre; on voit, pour ainsi dire, la matière se dé- poser lentement au fond des lacs ; et ce fond immobile n’a pas même participé aux ondulations que les affluens et les mouvemeus de l’air produisaient à la surface. L’épaisseur moyenne de chaque couche, prise sur un grand nombre de coupes, est de 5o centimètres ; on voit alternativement un lit d'argile, ou de grès, et un lit de calcaires; cependant la nature d’une couche n'est pas toujours rigoureusement prononcée. Depuis le calcaire le plus compacte jusqu’à la marne la mieux caractérisée, il y a des passages difficiles à saisir; et, en prenant l’in- verse, de l'argile non effervescente on passe insensible- ment à l'argile très-marneuse : de sorte que sur la limite le minéralogiste, qui voudrait désigner telle ou telle couche de manière à indiquer, de préférence, la sub- stance qui domine, serait souvent obligé de recourir à des essais chimiques, pour dire, ceci est du caleaire argileux, cela de l'argile calcarifère. La mème chose a lieu pour les grès; le calcaire les cimente dans toutes sortés de proportions ; mais ils 6e mêlent rarement avee les argiles, ce dont on peut aper- cevoir la cause dans la rapidité avec laquelle ils ont dû ("238 }) ètre déposés, et dans la difficulté avec laquelle les argiles, simplement suspendues dans le liquide, ont pu les péné- trer, tandis que les dissolutions calcaires s’introduisaient facilement dans leur masse. Les grès et les argiles me paraissent, au surplus , de- voir leur formation au même ordre de phénomènes; les premiers sont , en quelque sorte, des argiles grossières, ou plutôt, c’est la portion des roches qui n’a pas été dé- composée; ils sont, en grande partie, formés de grains siliceux. Enfin, les grès sont, pour ainsi dire, à l'argile ce que, dans les granites (en faisant abstraction de la structure ), le quarz est au feldspath ; et, dans cette com- paraison, j'ai, sans doute, indiqué la véritable origine des deux produits. Ici, je rappelle que je raisonne toujours sur l'exemple que j'ai choisi : la formation calcaire de la Limagne. Dans la série des couches, il arrive fréquemmeut que quelques-unes d’entre elles disparaissent ; de sorte qu’on verra, de temps en temps, un certain nombre de bancs calcaires qui se succèdent sans interruption , tout comme on pourra rencontrer une pareille succession de bancs d’argiles ou de grès ; mais il y a toujours une ligne dis- tincte qui les sépare, et cette ligne , entre deux couches calcaires exactement semblables, indique, vers le point du contact, la présence d’une petite quantité d'argile, tout comme, entre deux couches d'argile, elle dénote l'existence du calcaire. Ces lignes, lorsque d’ailleurs les couches ont la même nature , soni donc les indices des couches qui manquent, et peuvent, dans un certain ordre d'idées, en offrir l’équi- valent. En général d’une couche à l’autre la matière ( 229 ) change; les argiles et les calcaires se trouvent mêlés dans des proportions différentes, et sur beaucoup de points on voit les couches calcaires alterner franchement , une à une, avec les argiles. Ou pourra se faire une idée de l’ordre de succession des couches, dans les terrains tertiaires de la Limagne, par la coupe ci-jointe qui a été établie sur un point pris au hasard ; si j’eusse voulu choisir, il m’eût été facile d'en produire de beaucoup plus favorables à mon opi- nion. D’après les considérations qui précèdent, et en regar- dant la substance la plus répandue comme la base essen- tielle, ou, si l’on veut, la charpente de la formation, je crois pouvoir établir en principe la proposition sui- vante. Une cause quelconque a nécessairement troublé, à des intervalles à peu près périodiques , la précipitation successive des calcaires lacustres ; cette cause est repré- sentée par les argiles et les grès, et méme, à défaut de ces produits, par la ligne de séparation des couches calcaires. C’est le fait de ces intermittences que je cherche à ap- précier; et, quoiqu’en ces matières jepense qu'onne doive émettre des opinions hypothétiques qu'avec réserve, je crois pouvoir indiquer celle que je me suis formée sur ce phénomène, qui est un des plus remarquables de la géo- logie et un de ceux qu’on a le moins cherché à expli- quer. Je rappelle d’abord deux points essentiels dont il est nécessaire de convenir : 1°. Beaucoup de géologues admettent aujourd’hui que ( 230 ) la matière calcaire des terrains tertiaires a! été fournie par les sources minérales ; qu’on voit encore , sur quelques points , s'élever à la surface della terre. Nous avons , mon collaborateur et moi, adopté cette-opinion, dans le dis- cours qui précède nos recherches sur Les fossiles du Puy- de- Dôme, en l’appuyant sur des faits pris dans l’ordre actuel des choses. 2. On croit aussi assez généralement que les grès et les'argiles sont le résultat dela désagrégation.et décom- position des roches qui dominent, ou qui supportent la formation. J’admets également ce principe: Ainsi : D'un côté, Les dissolutions calcaires, sortant de l'in- térieur, et se répandant dans les bassins. De l’autre, Les grès et les argiles enlevés à la sur- face. ; Telle me paraît origine des matériaux qui constituent uné formation calcaire lacustre. Et par suite : Les sources portant les calcaires à la surface ; Les eaux atmosphériques entraînant les grès et les angiles ; Tels sont les agens de cette mème formation. On doit remarquer ici que, quel que soit le-point de départ dela matière calcaire des sources minérales, qu’elle vienne de la profondeur, comme nous le pensons, ou qu’elle soit seulement enlevée par les eaux qui tra- versent des formations calcaires plus anciennes, pour sortir ensuite sous la forme de sources , la distinction que j'établis est toujours judicieuse. Je nomme eaux atmosphériques celles qui coulent simplement à la sur- ( 238 ) face pendant les pluies et les orages , en entraînant les matières meubles dans le lit des ruisseaux. Tandis que les eaux ordinaires de ceux-ci, qui proviennent des sources, coulent, lorsqu'il n’y a pas de pluies , pures, limpides, et n’entraînant que des matières dissoutes , ou fort légères. J'aborde maintenant l'explication synthétique de ces phénomènes , et les inductions qu’on peut en tirer. Les eaux , qui sortaient de l’intérieur de la terre , por- taient dans le bassin la substance calcaire, tandis que les eaux atmosphériques, lavant la surface du sol, entrai- naient avec elles les grès et les argiles. Selon que ces der- nières eaux étaient plus ou moins abondantes, ou impé- tueuses , elles charriaient une quantité, plus ou moins grande, de substances non dissoutes, et les déposaient, suivant leur ordre de pesanteur, à mesure qu’elles per- daient leur vitesse. Les matériaux les plus grossiers s’ar- rêtaient sur les bords du bassin et autour des aflluens, ce qui explique la prédominance des grès sur ces points. Les eaux calcarifères , étendues dans les eaux pluviales, abandonnaïent dans ces grès une quantité de calcaire, d'autant plus petite, que ces dernières étaient plus abondantes. Les argiles, entrainées avec plus de facilñé, s’éloi- gnaient davantage des bords, se répandaient plus loin, se déposaient avec lenteur, etles calcaires passaient alier- nativement du caleaire compacte à la marne, de la marne à l'argile, suivant la quantité d'argile que les eaux atmos- phériques fournissaient sur chaque point. On aperçoit déjà que le fait des iñtermittences , lors- que suriout on étudiera la formation vers les points où ( 232 ) les couches sont bien suivies, peut conduire à des induc- tions plausibles sur la nature des événemens qui ont pro- duit ces divisions. Il me paraît tout-à-fait probable que les eaux , qui ont entraîné les argiles sur tel point central déterminé, ont été amenées avec un excès de vitesse qui n'existait pas lorsque les calcaires étaient déposés à l’état de pureté; et, dès-lors, la quantité d'argile, contenue dans les cal- caires , ou marnes, ou argiles calcarifères, donne la mesure relative des eaux atmosphériques qui arrivaient dans le bassin pendant que ces terrains se déposaient. De sorte que, si ces eaux n’eussent pas entraîné, dans les ruisseaux ou dans les ravins affluens , les grès et les argiles, la formation n’eût été composée que des seuls calcaires. Mais il se présente ici quelques observations qu’il est essentiel de noter. Il a fallu que les eaux atmosphériques, en ruisselant sur les pentes, trouvassent des matières en quelque sorte préparées, telles, par exemple , que des granites en dé- composition ; l'épaisseur des grès et des argiles a dû sou- vent dépendre de cette cause, et ik a pu arriver que le défaut de substances désagrégées ait déterminé des cou- ches très-faibles, ou presque nulles ; mais alors la per- turbation , occasionée, dans la masse du liquide, par le passage des eaux atmosphériques , sera Imdiquée par une simple ligne de séparation , telle que le point de contact distinct de deux couches de mème nature ; car, de même que la continuité d’une couclie dénote un état perma- nent, une ligne de démarcation indique à son tour une oscillation, une espèce de trouble dans la masse d’eau. ( 255 ) Une circonstance vient à l'appui de cette opinion : c’est _ qu'il arrive très-souvent que les fossiles sont placés sur le point de séparation des couches; or, on admettra faci- lement que les débris organisés terrestres ont été enlevés sur les pentes par les eaux atmosphériques ; on a même peine à concevoir que la chose ait pu se passer autre- ment. Quant aux différences dans l'épaisseur des couches de la même époque, elles ont dû dépendre de la forme du bassin et de la position des aflluens ; ainsi, j'ai dit que les grès et les argiles étaient en plus grande quantité vers les bords, et ce fait résulte plutôt de l'épaisseur que du nombre des couches ; il s'explique naturellement par la pesanteur des matériaux entraînés. L’inverse a lieu pour les calcaires; les couches sont plus puissantes vers le centre , et l’on conçoit même que, s’il existait des anses des golfes , éloignés des affluens , les perturbations, pro- duites par les eaux atmosphériques, eussent été presque insensibles , et, sur ces points, des couches calcaires d'une grande épaisseur sembleraient former des amas. + On voit ainsi comment mon opinion se prête d'avance à rendre raison de toutes les objections qu’on pourrait lui opposer. Cette succession de couches de nature diverse peut donc, jusqu’à un certain point , indiquer l’état alternatif de l'atmosphère; et comme les argiles, composées de parties extrèmement ténues, sont déposées régulière- ment sur de grandes étendues, il semble que les eaux qui les conduisaient dans le bassin avaient une certaine constance; elles n’arrivaient pas subitement, comme dans les temps d'orage; il y aurait eu un désordre qu’on ( 234 ) n'aperçoit généralement pas , désordre passager qm, d’ailleurs, a pu avoir quelque influence sur la distri- bution des grès, et agir comme accident sur quelques points. Cette circonstance d’une certaine durée, nécessaire pour la formation des couches régulières d’argile, a dû être en rapport avec la nature du climat. Ainsi, en admettant une saison sèche et une saison des pluies, on aurait en quelque sorte la clef de ces phénomènes. Les calcaires auraient été déposés durant la saison sèche, et les argiles pendant la saison des pluies ; et, suivant que telle ou telle saison aurait mieux conservé son type, la couche correspondante serait plus où moins calcaire, plus ou moins argileuse. Les granites, se décomposant pendant la saison sèche et sous l'influence d’une tem- pérature élevée, auraient préparé pour la saison des pluies les argiles et les grès que les eaux atmosphériques entraînaient ensuite dans le bassin. Ces idées, qui sont certainement encore hypothé- tiques, sont cependant rationnelles, et je dois dire que je les ai müries assez long-temps dans ma pensée, pour être certain qu’elles ne sont pas dénuées de fondement. Elles s'accordent bien ayec les opinions sur la tempé- rature élevée du globe à ces époques reculées ; et, si j'ose hasarder une conjecture sur les progrès à venir de la géologie, je dirai qu’elles peuvent nous donner une mesure chronologique en rapport avec les divisions du temps; car, si chaque couche représente une saison, deux couches de différente nature fonmeront une année, équivalente à peu près à celles que nous avons aujour- d'hui. Si donc la formation tertiaire de la Limagne a 3, Li ( 255 ) 4, ou 5oo mètres d'épaisseur, et que la moyenne de cha- que couche soit d’un demi-mètre, comme nous l’avons reconnu , les 600 , 800, ou 1,000 couches de la formation auraient pu se déposer pendant un espace de 3, 4, ou 5oo ans; et il est à remarquer que, si la difficulté des observations laissait commettre quelques erreurs de dé- tail, ces erreurs , ayant lieu dans des sens opposés, n’au- raïient pas d'influence sensible sur les résultats, et qu'on aurait ainsi une précision d'époques , qui n’a été encore obtenue par aucun autre moyen. Encore aujourd’hui il se passe sur la terre des phéno- mènes qui ont quelques rapports avec ceux dont je viens de rendre compte. * M. Brochant a bien voulu me communiquer un échan- tillon fort curieux, recueilli dans ia mine de houille dite de W'alkermine, près de Newcastle, en Angleterre. C’est un fragment de gypse, déposé par des sources incrustantes qui sourdent daus cette mine; mais, ce qu'il y à de tout-à-fait particulier, c’est que cette concrétion est alternativement composée d’une veine ou petite couche noirâtre , et d’une autre blanche. De plus, cha- que série de ces doubles conches est mterrompue, vers la septième , par une couche blanche, environ trois fois plus épaisse que les autres. Or, M. de Buch, qui a observé le phénomène, a reconnu que ces altérations de couleur étaient détermi- nées par l’état périodiquement calme et trouble du li- quide qui produit les couches. Pendant la durée du jour, les ouvriers’; en travaillant dans la mine , salissent les eaux minérales , auxquelles se joint accidentellement une petite quantité de charbon, qui se trouve enveloppé , ( 356.) dans le dépôt , tandis que la nuit , lorsque les mineurs se reposent , les eaux, conservant la limpidité qui leur est propre, abandonnent seulement la couche blanche de gypse. En outre, comme le dimanche les ouvriers ne descendent pas dans la mine , il y a trente-six heures de tranquillité, et la couche blanche est trois fois plus épaisse. La même chose doit avoir lieu pour les jours de fète que, sans doute, on pourrait aussi reconnaître sur ce calendrier naturel. Je n'ai pas besoin de faire ressortir l'appui que cette singulière observation prête à mon hypothèse ; les induc- tions se déduisent de la simple énonciation du fait. Qu'on me permette maintenant de faire une supposi- üon, qui me conduira à citer un autre phénomène du même genre, qui se produit sur une plus grande échelle. Si l'Egypte était transformée en un grand lac rempli d'eaux calcärifères , il arriverait , à l’époque actuelle, ce qui est arrivé jadis en Auvergne. L Les torrens qui (au dire de Dolomieu ) se précipi- tent des montagnes de l'Ethiopie, pendant trois mois d'une pluie continuelle, déversant, dans ce lac supposé, le limon qui fertilise la contrée, chaque année une couche noirâtre interromprait les dépôts calcaires, et marquerait le retour périodique de cette saison des pluies. IL suffirait ensuite de compter ces couches , et, tout simplement, en établissant leur nombre, on aurait évalué le temps qui se serait écoulé pendant l’époque de leur formation. Mais ce que je suppose ici existe réellement , avec quelques modifications , et des circonstances singulière- ment favorables à mon opinion. ( 237 ) Dans le grand ouvrage sur l'Égypte, à la suite des travaux de M. Girard , on lit une analyse du limon du Nil, par M. Régnault. Je vais citer textuellement quel- ques observations qui s’y trouvent jointes. « Chaque année, après l’inondation, le sol de l'Égypte «est couvert d’uné couche plus ou moins épaisse de « limon ; sa couleur, d’abord noire , se change en brun « jaunâtre par la dessiccation à l'air. Alors il se divise , « et présente des fentes dans lesquelles on reconnaît que « le limon a été déposé par couches horizontales ; dispo- « sition ordinaire de l'argile, dont il offre les autres carac- « tères. Il à une forte affinité pour l’eau , et éprouve la « retraite par le feu... « Il faut observer que les quantités de silice et d’alu- « mine varient selon les lieux où l’on prend le limon. « Sur les bords du Nil, le limon tient beaucoup de « sable ; et, lorsqu'il est porté par les eaux de l’inonda- « tion dans les terres éloignées , il perd en chemin une « quantité de sable proportionnelle à sa distance du « fleuve; de manière que, lorsque cette distance est « très-considérable, on trouve l'argile presque pure. « Ainsi, le sol de l'Égypte présente l'argile dans les « différens états de pureté dont les arts ont besoin. » Je le répète donc, il se passe encore sur la terre des phénomènes analogues à ceux dont je viens de tracer une esquisse rapide. Un observateur attentif qui pour- rait compter, sur un point choisi, les couches superpo- sées du limon ou de l’argile de l'Égypte , parviendrait à déterminer en nombre d’années le temps qui s’est écoulé depuis la plus récente jusqu’à la plus ancienne ; et en- core il est évident qu'il rencontrerait plus d'obstacles , ( 338 ) dans un pays alternativement couvert d’eau et desséché, qu'il ne s’en présenterait au géologue dans une forma- tion dont on connait les limites supérieures et infé- rieures. Je ne terminerai pas ce Mémoire sans faire remarquer que , pour avoir presque toujours raisonné sur un exemple choisi, je n’en pense pas moins avoir indiqué un nouveau point de vue, sous lequel on peut considérer une formation sédimentaire quelconque, prise dans son en- semble. Quelle que soit, en effet, la nature de la perturba- tion qui a interrompu la continuité de la matière domi- nante , la cause de ces oscillations doit être cherchée; et, pour y parvenir, il faut étudier avec précision l’ordre des intermittences , et les plus petites divisions ; consta- ter la nature des couches vers le point de contact; enfin, compter exactement leur nombre , ce qui est facile, en établissant une moyenne qu’on pourra multiplier par l'épaisseur totale. Les hypothèses que je propose pour expliquer ces al- ternations , peuvent être modifiées. Ce que j'ai dit des bassins fermés peut évidemment s'appliquer à des golfes, à des rivages, ou, en d’autres termes , à toute portion d’un grand ou d’un petit bassin. Ce que j'ai dit de deux saisons s'expliquera peut-être avec d’autres divisions du temps. Je croirai toujours qu'il est essentiel de chercher les causes qui ont produit des couches alternatives de sub- stances différentes. Ces causes me paraissent représen- tées avec exactitude par des eaux d’une origine distincte, celles qui sortent par des canaux intérieurs portant des ( 239 ) matières dissoutes , et celles qui, tombant de l’atmo- sphère , lavent assez régulièrement la superficie. Cette manière de distinguer les causes qui ont fourni la matière des couches, conduit à des considérations remarquables sur la distribution des fossiles dans des formations qu’on a divisées en terrains marins et en terrains d’eau douce , en les caractérisant par la nature des fossiles qui s’y trouvent répandus. Pour expliquer ces interpositions , il faut nécessaire- ment , ou faire monter des produits marins dans un bas- sin d’eau douce, ou faire arriver des produits d’eau douce dans un bassin marin. Or, on ne peut pas dissi- myler l'avantage que cette dernière opinion a sur la première. Il est beaucoup plus simple, plus conforme aux lois de la gravitation, plus en harmonie avec les faits actuels, de faire descendre sans cesse, dans une caspienne, des matériaux enlevés sur les pentes , et des corps organisés terrestres, que de faire remonter à diverses reprises , sur les continens, des masses minérales d’origine incer- taines , et des races d'animaux marins , à l’aide d'irrup- tions dont on ignore la cause (1). (1) Lorsque j'ai lu, à la Société d'Histoire naturelle, cette application aux terrains marins de mes observations sur les terrains d’eau douce, M. Desnoyers m'a fait observer que M. Constant Prévost avait con- signé des résultats semblables dans le Bulletin de la Société philomati- que (1824). Ne connaissant pas ce travail , je n’avais pas cité M. Cons- tant Prévost. Bien loin de vouloir contester à un naturaliste aussi renommé la priorité qu'il aurait droit de revendiquer sur certaines observations qu’il a pu faire avant moi, je me fais un devoir de traus- crire ici tous les passages qui , dans son artiele, ont quelque rapport avec l’objet du présent Mémoire. On jugera , pur la comparaison de nos ( 240 ) Je crois pouvoir expliquer la présence des fossiles de diverse origine, dans les formations tertiaires mixtes, idées, comment nous avons compris la même question, chacun de notre côté, et comment nous nous rencontrons sur quelques points , quoique nous soyons évidemment arrivés vers le but par des chemins diflérens. « À « À « « « M. Constant Prévost s’est proposé de démontrer que des supposi- tions concevables dans l’état actuel de la nature, et qui, par consé- quent, n’ont rien de contraire aux lois de la physique générale , sufli- sent pour expliquer la formation des dépôts si diflérens dont se composent Les dernières couches de la terre... Il a reconnu l’exis- tence d’un bien plus grand nombre d’alternances qu'on ne l'avait indiqué ; et, en outre , il a observé dans plusieurs points des melanges et des enchevêtremens réciproques... Il voit sur les côtes les falaises s’ébouler continuellement et périodiquement , les matériaux éboulés disparaître après quelques jours ; les eaux les détrempent, les délaient, les entraînent, les portent plus ou moins loin du rivage, où, selon toute apparence , elles laissent précipiter successivement , et selon leur degré de pesanteur spécifique, les matières broyées ou délayées par elles, Les précipités et sédimenrs périodiques forment nécessaire- ment des couches successives, dans lesquelles sont enveloppées des dépouiiles d'animaux marins... D'ne autre part, les eaux qui tra- versent Paris, ordinairement limpides, deviennent par fois bour- beuses ; elles charrient lors de leur crue, et avec plus ou moins d’im- pétuosité, des terres, des limons, des sables ; elles entraînent des bois , des cadavres flottans , des Mollusques terrestres et d’eau douce, vivans ou morts; elles tiennent en dissolution des sels de différente nature; elles déposent une partie de ces corps étrangers sur leur route, mais elles en portent bien plus encore au-delà de l’embouchure, puisque , dans les grands débordemeus , les eaux colorées du fleuve se distinguent souvent au milieu du canal de la Manche. « Que conclure de ces faits, si ce n’est que la Seine transporte dans la mer des matières terrestres et fluviatiles, qu’elle dépose en couches alteruatives, dans le même moment que , sur la rive opposée de l’An- gleterre, des couches marines se forment ; et ne peut-on pas, de cette simultanéité de dépôts diflérens, déduire la conséquence qu’au centre de l’espace les deux dépôts doivent se confondre , se mêler; que leurs couches peuvent alterner, s’enlacer, etc., ete. Sans pousser plus (241) par des raisonnemens analogues à ceux que j'ai employés pour distinguer les causes qui, dans les bassins d’eau douce , ont produit des couches de différentes natures. J'avais même donné quelques détails à ce sujet dans une des séances de la Société d'Histoire naturelle; mais, ayant, depuis, fait une course à Montmartre, et pris une coupe de cette colline , je me suis aperçu que ces détails n'étaient pas suflisans, et qu'il valait mieux les retran- cher que de présenter des observations trop isolées. En terminant ce Mémoire, je ne puis m'empêcher de faire remarquer que j’ai été conduit à ces investigations par des aperçus généraux qui sont consigués dans le discours préliminaire que j'ai déjà cité (r) : j'y joindrai peut-être encore de nouveaux développemens. Je livre ceux-ci à l'examen des naturalistes, également disposé à les rectifier si on me démontre leur insuflisance , et à les défendre contre toute objection qui ne me paraitrait pas fondée. EXPLICATION DE LA PLANCHE XIV. 1. Tuf ponceux et trachitique, 3. Marnes d’un jaune très-vif. analogue à celui de Perrier. 4. Marnes. 2. Galets volcaniques de toutes 5. Calcaire compacte, avec des dimensions. Limnées, des Planorbes, et 2 loin Les observations directes , on peut, d’après ce peu de mots , pré- « sumer ce que produisent, dans le même temps, les autres aflluens que P ) ; À qui descendent dans le même bassin, en venant d’autres pays, comme « de l'Orne, la Vire, etc. , dont les eaux descendent des terrains de la Normandie et de la Bretagne. » (1) Voyez Hechérches sur Les Ossemens fossiles du Puy-de-Dôme, par MM. Croizet et Jobert atué. Disc, prél. , pag. 117 à 115. À E.. XVIII. 10 . ( és ) LA un œuf d'oiseau encore en 25. Caleuire compacte. place. 26. Argile gris bleuâtre. 6. Argile marneusc. 27. Argile rouge et grise. 7. Calcaire blane feuilleté. 28. Aryile gris bleuâtre. 8. Argile jaunâtre. 29. Argile rouge. 9. Calcaire feuilleté. 30. Calcaire compacte. 10. Argile marneuse. 31. Argile rouge. 11. Calcaire solide. 32. Calcaire marneux. 12. Marne. 33. Argile rouge eflervescente. 13. Argile. 34. Galcaire compacte. 14. Calcaire compacte. 35. Argile gris bleuâtre. 15. Calcaire marneux feuilleté. 36. Argile rouge. 15. Calcaire solide, blanc jauuâtre. 37. Grès fin. très-effervescent, 17. Argile. 38. Environ 20 mètres de grès et 18. Calcaire compacte. d’argiles, et seulement quel- 19. Argile jaunâtre. ques couches calcaires. 20. Argile gris bleuâtre. 39. Granites et, sur quelques 21. Calcaire compacte. points , le grès qui renferme 22. Argile gris bleuâtre. la barite. Lit du ruisseau de 23. Calcaire compacte. la Couse. 24. Argile rouge et grise. CoNSIDÉRATIONS THÉORIQUES sur les Cavernes à ossemens de Bize, près Narbonne ( Aude), et sur les ossemens humains confondus avec des restes d'animaux appartenant à des espèces perdues , Par M. Tourxnaz fils. (Dans une Lettre aux Rédacteurs. ) Les nouvelles observations que M, Christol vient de faire sur les cavernes du département du Gard, devant donner une nouvelle importance aux faits nouveaux (243 ) qu'ont offerts les cavernes de Bize, j'ai cru qu'il pourrait être agréable aux naturalistes de connaître la liaison qui existe entre les phénomènes observés dans deux localités différentes. Je suis d’autant plus porté à publier le résumé de mes considérations théoriques , que le travail que nous préparons en commun avec M. le professeur Marcel de Serre , étant retardé par le désir que nous avons de com- pléter, autant que possible, le catalogue des espèces animales ensevelies dans ces vastes cavités, j’ai cru satis- faire l’impatience des naturalistes , et les remercier ainsi de l'accueil favorable qu'ils ont bien voulu faire à mes premières observations. Les nouvelles recherches de M. Christol , et les résul- tats auxquels il est parvenu, sont réellement d’une grande importance, non seulement en ce qu'ils confir- ment ce que nous avions dit depuis long-temps, que l'existence de l’homme n'avait pas été séparée de l’exis- tence des animaux d'espèces perdues, c’est-à-dire qu'ils avaient été contemporains, mais en cequ'elles nous prou- vent que l'homme a aussi vécu avec quelques espèces d'animaux beaucoup plus anciens , et qui caractérisent la population antédiluvienne. En effet, les animaux que l’on rencontre dans les ea- vernes de Bize, bien qu’offrant quelques espèces réelle- ment détruites, ne nous indiquent pas une population bien différente de celle qui vit actuellement dans nos contrées , puisque la même population, ou du moins des espèces voisines, vit encore dans les Pyrénées, tandis que les cavernes du Gard ont offert, comme nous le verrons plus tard , des espèces que j’appellerai essentiel- lement antédiluviennes, non seulement parce qu’elles ( 244 ) n'existent plus à la surface du globe, mais parce qu'elles devaient exiger, pour leur propagation et leur bien-être, des circonstances différentes de celles qui se rencontrent aujourd’hui daûs le département du Gard. M. Christol a eu la bonté de nous montrer les osse- mens humains qu'il a rencontrés à une grande profon- deur, dans le limon de ces cavernes ; il est impossible de les différencier des ossemens de tigres, de lion et d’hyène, avec lesquels ils étaient ensevelis. Ils offrent tous les mêmes caractères physiques et chimiques ; et, quant à leur gisement, l’on doit entièrement s’en rap- porter aux observations de M. Christol, qui a vu les choses telles qu’elles étaient , et non telles qu'il aurait désiré qu’elles fussent, qui a visité les cavernes du Gard sans idée préconçue , et en se dépouillant de toute idée systématique. D'un autre côté, les animaux ensevelis dans les cavernes de Bize ont réellement été contempo- rains de notre espèce , puisqu'ils sont confondus dans le même limon et les mêmes brèches , avec des ossemens humains et des poteries , puisque des ossemens d’espèces perdues portent l'empreinte bien caractérisée d’instru- mens tranchans, et puisque enfin, d’après les observa- tions récentes de M. Marcel de Serre , quelques espèces ont réellement subi l'influence de la domesticité. Ainsi , l’homme a non seulement été contemporain de quelques espèces d'animaux perdues, résultat auquel nous étions parvenus depuis long-temps; mais, à une époque anté- rieure , il a été également contemporain de quelques espèces animales disparues maintenant de la surface du slobe , et qui caractérisent la population antédiluvienne- En un mot, les cavernes de Bize, comme celles du Œ _—…—— (245 ) Gard , renferment des espèces d'animaux perdues , con- fondues avec des ossemens humains et des poteries ; mais celles de Bize, ayant été comblées après celles du département du Gard, offrent une population bien diffé- rente, et qui a plus d’analogie avec celle de l’époque actuelle. I n’est pas besoin, pour expliquer la destruction com- plète de toutes les espèces que l'on troure ensevelies dans les cavernes, d’avoir recours à des catastrophes ou à des phénomènes surnaturels ; des causes toutes sim- ples , comme le fait très-bien remarquer M. C. Prevost, peuvent avoir produit les mêmes eilets, et nous voyons que, depuis les temps historiques, la multiplication toujours croissante des individus de notre espèce, et le développement de notre industrie, ont fait diminuer et mème disparaître complètement des espèces de grands Mammifères autrefois très-communs, tels que l’aurochs, le rhinocéros , la girafe, les éléphans, les chameaux, les hyènes , les lions, etc., etc. La diminution, ou la destruction presque complète de toutes ces espèces, s’est opérée lentement, et n’a pas, comme on le voit, néces- sité de grandes catastrophes. Le voisinage des sociétés humaines a été une des causes les plus puissantes de la diminution des grands herbivo- res , et, par suite, de la diminution proportionnelle des grands carnassiers. Notre influence a même éié telle, qu'elle a forcé certaines espèces, conirairement à leur organisation , d'habiter des régions brülantes ou des hau- teurs glacées ; et ces espèces , aingi bannies des lieux où les circonstances les plus favorables se trouvaient réunies pour leur bien-être et leur propagation , n’ont pas tardé Ca45 ) à se détruire insensiblement, par suite du changement de température, de la différente densité de l'air, et de la variation survenue dans leur nourriture : Îes causes qui ont occasioné la perte de tant d'animaux n’auraient donc jamais cessé leur action, et les générations actuelles se lieraient, par une chaîne non interrompue, aux géné- rations passées. L’aurochs ou bison, autrefois commun dans les forêts de la Germanie, s’est retiré peu à peu en Lithuanie, et se trouve aujourd'hui concentré dans la forèt de Bialowiez ; le dronte , oiseau monstrueux, n’a plus été aperçu depuis l’époque où il a été découvert à l'Ile-de-France et de Mascaraigne. Les lions ont ertière- ment disparu de la Grèce, comme l'élan de la Germanie, et les cerfs du midi de la France, tandis que les chevaux, dont les débris fourmillent au milieu des terrains ter- tiaires , ont chassé d’une grande partie des savannes de l'Amérique les tapirs et les cerfs qui les habitaient , et dont les races craintives pourront finir par disparaître , comme ont disparu les Mastodontes , les Megatherium, les Mégalonix , et tant d’autres races aujourd’hui éteintes. Il n’y a que quelques siècles que la pèche de la baleine se faisait jusque dans le canal de la Manche, sur les côtes de l'Océan, aussi bien que dans la Méditerranée, et aujourd’hui les navigateurs sont obligés d'aller chercher ces grands cétacés sur les côtes du Spitzherg, et dans la mer Glaciale. Nous voyons clairement quelles sont les causes de destruction, mais les forces créatrices nous sont entièrement incopnues, et les moyens que la nature a employés pour produire cette succession de générations qui nous ont précédés, et dont les débris sont renfermés ne ( 247 ) dans les couches régulières du globe terrestre, nous échappent encore, et probablement il ne nous est pas donné de long-temps d'approfondir de pareils secrets. Mais peut-on conclure de la contemporanéité des osse- mens humains, et des ossemens appartenant à des espè- ces perdues, observées dans les cavernes de Bize et dans celles du Gard (Souvignargues, Pondres ), que l’on a enfin trouvé de véritables fossiles humains ; avant de résoudre cette question délicate , nous croyons indis- pensable de rappeler la définition généralement reçue du mot fossile, et l’on verra que, si la solution de cette question a été si long-temps et si vivement contestée, cela dépend uniquement de ce qu’elle a été mal placée, et de ce que l’on a attaché au mot fossile des idées vagues et souvent même contradictoires. Généralement on entend par fossile tout corps orga- nisé, enseveli dans les couches régulières du globe , mais cette définition ne suflit pas dans l’état actuel de lascience, puisque les couches régulièrement stratifiées se confon- dent avec les dépôts plus modernes ; de telle sorte qu'il est impossible de dire où finissent les unes et où com- mencent les autres , et que même il est impossible de distinguer lés terrains d’alluvion anciens (terrains dilu- viens ), des terrains d’alluvion modernes, parce que ceux-ci étant composés des mêmes matériaux, provenant des mêmes localités, et étant produits par les mêmes causes, doivent se nuancer et se confondre avec les ter- rains diluviens. Je n’ai pas besoin de prouver l’énoncé de ce fait, parce que plusieurs auteurs, ceux même qui ont soutenu avec le plus de talent et de constance la formation diluvienne et les idées théoriques que l’ou ( 248 ) aitache généralement à l’origine de cette formation, sont aujourd'hui persuadés que leur dépôt a nécessité une période de temps extrêmement longue, et que, d’un autre côté , tous les géologues sont bien convaincus de la composition locale du terrain diluvien, et de la diffé- rence d’origine des matériaux qui le composent. L'on voit donc que la découverte seule d’ossemens hu- mains dans des terrains d’alluvion , c’est-à-dire , dans des couches problématiques, ne peut rien nous faire préjuger , et que ce fait seul et isolé ne peut pas nous apprendre s’il existe réellement des fossiles humains , puisque nous ne pouvons décider si les couches au mi- lieu desquelles ils ont été découverts méritent le nom de réculières. Un naturaliste, justement célèbre, et dont les tra- vaux modernes ont donné à la géologie une marche vrai- ment philosophique, pense qu’il n’y a que les corps organisés, entraînés sous les eaux et couverts par des sé- dimens imputrescibles, qui puissent devenir fossiles. On voit par cette remarque combien varient les différentes acceptions du mot fossile ; et ce n’est certainement pas ainsi que nous l’entendons ; car, la matière organique qui enveloppe les ossemens disséminés dans les couches du globe et les circonstances géologiques qui ont dis- persé ces ossemens, ne peuvent rien nous faire préjuger sur leur ancienneté , et cette dernière circonstance est cependant la seule qui puisse mériter à un corps orga- nisé le nom de fossile. D’après la définition que nous venons de donner du mot fossile, les corps organisés ensevelis dans les matériaux d’alluvion pendant la période tertiaire , ne mériteraient pas le nom de fossiles ; ( 249 ) tandis que ceux entraînés dans le bassin des mers pen- dant la même période seraient réellement fossiles. On conçoit cependant le vice de cette distinetion, puisque les ossemens de la mème date doivent mériter la mème définition, car nous ne supposons pas que l’on veuille établir une différence tirée des caractères physiques ou chimiques des corps. Nous pensons aussi, contrairement à l'opinion émise dans le Mémoire inséré dans les Mémoires de la Société d'Histoire naturelle de Paris, que des corps organisés ensevelis seulement sous des sédimens imputrescibles , comme l’est, par exemple, le limon des cavernes , ont pu se conserver depuis que le sol de la France est sorti du sein des eaux, bien qu'ils n'aient pas été entraînés sous des eaux marines. Ainsi ce n’est pas seulement dans l'Océan que sont renfermés les documens de ce qui s’est passé pendant les temps historiques. Les phénomènes naturels qui ont eu lieu à la surface des continens, ont également pu nous en conserver le souvenir. C’est ainsi que nous avons appris que, depuis les temps historiques, le département du Gard avait été peuplé par des hyènes, des tigres, des lions, etc., etc. , et qu'à une époque postérieure, celui de l'Aude avait été peuplé par des chamoïis , des cerfs , des chevreuils, des antilopes , des ours ; etc., etc., dont quelques espèces appartiennent à des espèces perdues. L'altération plus ou moins grande d’un corps organisé, où bien sa pétrification , en un mot, les caractères phy- siques et chimiques , ne peuvent pas également servir à nous apprendre l'ancienneté relative des corps organisés. En eflet, de nos jours la matière inorganique se substi- (260) tue à la matière organique, puisque les coquilles se pé- trifient encore dans le sein de la Méditerranée , que des arbres entiers se pétrifient sur les bords occidentaux de la Nouvelle-Hollande , comme les graines de chara dans les marais de l'Ecosse, et que des bois employés à des constructions romaines ont été complètement silicifiés. D'un autre côté , des ossemens modernes , exposés aux influences des agens atmosphériques, perdent une partie de leur matière animale , happent assez fortement à la langue , de telle sorte qu'il est impossible de les distin- guer d’avec les ossemens ensevelis depuis des siècles dans les cavernes , ou dans les brèches osseuses. Nous voyons donc, par ce court exposé, que l’altération plus ou moins grande des corps organisés, ne peut pas nous apprendre si tel corps est fossile ou non; ou, en d’autres mots , si les dépôts où on les rencontre méritent ou non d’être appelés couches régulières. Mais, quel est le moyen de faire disparaître le vice de la définition généralemeut reçue du mot fossile ; et com- ment peut-on résoudre la question sur laquelle nous tâchons d'attirer l'attention des naturalistes ? Nous avions d’abord pensé , vu l'insuffisance des carac- tères tirés de la nature des corps ou de leur position dans des couches alluviales problématiques, que la contem- poranéité de ces corps avec des espèces réellement détruites pourrait nous donner un caractère suflisant ; mais nous avons bientôt changé d'idée en réfléchissant que plusieurs espèces se sont réellement détruites à différentes époques, même pendant la période histo- rique. En nous résumant, nous dirons que les caractères (.351') isolés, pris soit dans la nature des corps, soit dans leur position dans les couches du globe (1), ne suflisent pas pour décider qu’un tel corps organisé est fossile ou anté- diluvien ; mais que , d’après les difficultés que nous avons essayé de soulever , il faut, pour décider affirmativement la question , le concours de plusieurs circonstances , dont l'essentielle est pourtant, non pas la contemporanéité avec des espèces perdues, mais avec des espèces ani- males qui caractérisent la population antédiluvienne ; les autres caractères ne doivent être considérés que comme auxiliaires. Si l'on ne trouve pas ces raisons suflisantes , la ques- tion de savoir s’il existe des ossemens humains fossiles ne peut pas être résolue. Les ossemens humains des ca- vernes du Gard jouissant donc de la réunion de tous ces caractères , c’est-à-dire , de l’altération chimique, de la position géognostique, de la contemporanéité avec des ossemens d'animaux appartenant à des espèces perdues et caractéristiques de la période antédiluvienne ; les ossemens humains des cavernes du Gard, dis-je, me paraissent être réellement fossiles ou antédiluviens. Je dois ici faire remarquer que ces observations s’ac- cordent avec le livre qui fait la base des croyances de l’Europe civilisée, puisque l’homme vivait réellement avant l'événement auquel on a fait allusion en se servant des mots anté ou post diluvien , événement avec lequel (1) On conçoit aisément que nons ne voulons parler ici que des corps organisés, ensevelis dans les couches du globe les plus modernes ; car ceux que l’on rencontre dans des couches plus anciennes n’offrent pas la même difficulté , et leur position seule suffit pour décider qu’ils sont fossiles. ( 2592 } quelques géologues font coïncider l’anéantissement de plusieurs races d'animaux. Les ossemens humains de Bize, au contraire, quoique réunissant un certain nombre de caractères qui pour- raient d’abord les faire regarder comme fossiles ou anté- diluviens , c’est-à-dire , l’altération , la position géognos- tique et la contemporanéité avec des espèces perdues, ne me semblent pas mériter le nom de fossiles ou d’anté- diluviens , parce qu’ils ne réunissent pas le caractère essentiel , qui est celui de la contemporanéité avec des espèces caractéristiques de l’époque antédiluvienne. D'après cela, la période antédiluvienne devrait être caractérisée, non pas par les phénomènes géologiques qui l’ont accompagnée ou terminée, mais bien par la population qui vivait à cette époque reculée, et dont les restes peuvent être ensevelis dans des dépôts marins , dans des sédimens lacustres ou fluviatiles , ou bien enfin dans des alluvions continentales. Nous ne terminerons pas ces considérations sans parler des causes probables qui ont accumulé l'étrange réunion d’ossemens qu’offrent les cavernes de Bize , parce que nous sommes bien convaincus que ce que nous dirons servira à éclaircir la théorie des cavernes à ossemens , ei à éloigner les esprits de la tendance que l’on a aujour- d’hui à généraliser et à expliquer par la même cause des phénomènes entièrement différens sans employer la mé- thode d’exclusion ; méthode sûre à la vérité; mais qui nous conduirait beaucoup trop loin ; nous croyons pou- voir conclure et baser notre jugement sur des faits posi- uifs, et qui n'auront rien d’arbitraire. Mais nous nous empressons de dire que nous ne voulons pas généraliser ( 253 ) la manière d'expliquer les causes qui ont accumulé les ossemens dans les cavernes de Bize, et qu'il nous paraît, au contraire, prouvé jusqu'à l'évidence que plusieurs circonstances peuvent avoir donné lieu aux phénomènes que présentent les brèches osseuses et les cavernes. En effet, des hyènes peuvent avoir habité long-temps cer- taines cavernes , et y avoir entrainé les ossemens qui ser- vaient à leur nourriture ; un courant peut fort bien avoir transporté des ossemens ou des cadavres d'animaux tumé- fiés par le gaz provenant de leur décomposition etles avoir introduits ainsi dans des cavités souterraines , où ces tor- rens allaient s’engouffrer, et dont la perte du Rhône nous donne une idée exacte. Des cadavres entiers de rhinocéros ont pu se précipiter par de grandes fissures verticales dans des cavernes spacieuses ; des animaux surpris dans la campagne par un orage violent, ont fort bien pu se réfugier daus une cavité pour échapper à un danger pressant, et qui, à chaque instant , ne faisait que s’accroitre ; ces animaux ont fort bien pu être surpris dans leur retraite par le courant qu'ils avaient voulu éviter ; comme aussi les eaux pluviales ont nécessaire- ment entrainé dans des fissures verticales, et par suite dans des cavernes, les animaux qui se trouvaient à la surface du sol , ainsi que le limon provenant de la de- composition du calcaire environnant les galets fragmen- taires de calcaire et les coquilles terrestres qui vivaient dans les environs; et je ne vois pas en effet pourquoi l’on voudrait expliquer des phénomènes aussi variés que ceux que présentent les cavernes et ces brèches osseuses par une cause unique ; pourquoi l’on voudrait supposer aux animaux qui vivaient dans ces temps reculés, des mœurs CRT) différentes de celles qu’ils ont aujourd’hui, et pourquoi enfin l’on voudrait imposer à la nature des lois diffé- rentes de celles qui régissent aujourd’hui l'ensemble de l'univers. Ce sera aux géologues qui visiteront les caver- nes à examiner minutieusement toutes les circonsiances , afin d'arriver, par l’examen des faits, à la bonne théorie. Ainsi , lorsqu'ils verront le limon des cavernes battu par la marche des hyènes, lorsqu'ils rencontreront dans cette même caverne des ossemens portant l'empreinte des dents d’hyènes qui les ont rongées, les excrémens de ces carnassiers, composés de dix ou douze parties parfaite- ment intactes, qui n'auraient pu être transportés par des torrens sans être séparés, et qui par conséquent doi- vent, sije puis me servir de cette expression , avoir été faits sur place; lorsque, dis-je, ils observeront que les os rongés sont accumulés dans les endroits les plus reti- rés des cavernes, c’est-à-dire, dans les lieux que Îles hyènes choisissent de préférence par suite de leur carac- tère, et qu'ils trouveront enfin Îles ossemens de ces mêmes hyènes, ils pourront hardiment conclure que ces féroces carnassiers ont long-temps habité ces antres, et qu'ils y ont entrainé la proie dont ils se nourrissaient. Mais si, au lieu de toutes les circonstances que nous venons de rappeler brièvement , l’on observe des brèches osseuses entièrement comblées par des ossemens de petits ron- geurs , par des coquilles terrestres, du limon et des ga- lets de calcaires; l’on pourra assurer que ces fissures plus ou moins spacieuses étaient un habitat particulier de ces animaux, et que les eaux pluviales qui ont apporté le limon , les galets de calcaire et les coquilles terrestres, ont distribué tous ces matériaux dans des fissures beau- ( 255.) coup plus petites, mais qui communiquent avec les grandes. L'on pourra également assurer que des cada- vres de grands mammifères se sont précipités dans les cavernes par des fentes spacieuses , lorsque l’on verra la position de leur squelette correspondre avec l'ouverture par laquelle ils ont été introduits, et que toutes les parties de ce squelette seront en connexion. De même, l’on pourra supposer que les torrens ontcharrié dans les gouffres où ils allaient s’ensevelir des cadavres entiers d'animaux , lorsque l’on rencontrera leur squelette en- tier enseveli dans du limon renfermant des coquilles flu- viatiles , et que la disposition physique de la caverne et de la vallée où elle se trouve percée, ne s’opposera pas à cette explication. M. Buckland a décrit , dans son Voyage, une caverne qui ne renferme que des ossemens d'ours , et qui offre encore, à l'ouverture par où ces animaux ont dû s’intro- duire, un espace extrêmement lisse, produit par le frot- tement de ces animaux sur la roche; c’est encore un nou- vel exemple à ajouter, et les personnes qui ont mis en doute l'explication donnée par le célèbre professeur de l'Université d'Oxford , ignorent sans doute qu’il existe des statues en bronze dont les pieds ont été usés par les baisers des fidèles. Nous pouvons encore ajouter à tous ces exemples que certaines cavernes ont été incontestablement comblées très-lentement et au fur et à mesure que les eaux plu- viales y introduisaient par des fissures verticales les osse- mens d'animaux dispersés dans les environs , ainsi que les coquilles terrestres , les galets de calcaire et le limon | provenant de la décomposition lente des roches voisines. ( 256 ) Il peut aussi se faire que les ossemens renfermés dans certaines cavernes aient été remaniés postérieurement à leur introduction par des courans d’eau souterraine. Mais cette circonstance , ainsi que plusieurs autres que je pourrais rapporter , loin d’affaiblir les conclusions aux- quelles je désire arriver , leur donnent une nouvelle force, et prouvent encore mieux qu’il est impossible d'expliquer d’une manière générale des phénomènesaussi variés De toutes les opinions que j'ai émises sur les causes qui peuventavoir accumulé les ossemens dans les cavités souterraines , la dernière seule me paraît applicable aux phénomènes que présentent les cavernes et les brèches osseuses de Bize. En effet, dans cette localité plusieurs fissures verticales communiquent dans l’intérieur des cavernes , et quelques-unes d’entre elles sont entère- ment remplies d’ossemens. C'est par cette cavité que Îles eaux pluviales ont introduit dans l’intérieur des cavernes, et, par suite d’une période de tempsextrèmement longue, le limon rouge (1) provenant de la décomposition du cal- (1) Je me suis convaincu depuis peu que les déux limons que présen- tent les cavernes de Bize, ont eu la même origine, et que le limon noir ne difiére du limon rouge que par une grande quantité de matière ani- male, et surtout de matière grasse. Les eaux pluviales entraînent encore tous les jours dans ces cavernes un fimon rouge, entièrement sembla- ble à celui qui enveloppe une partie des ossemeus ; les couloirs les plus élevés, et les sentiers les plus difficiles et les plus périlleux des cavernes de Bize, m’ont aussi offert du limon rouge. Enfin, je ferai encore obser- ver que plusieurs cavernes des environs de Narbonne , qui, par des cir- constances particulières, et que je développerai dans un Mémoire spé- cial, ne renferment pas des ossemens , m'ont constamment. offert du limon rouge, qui y est traîné tous les jours par les eaux pluviales. (357 ) caire environnant les galets nombreux de calcaire frag- mentaire , les coquilles terrestres et marines, les osse- mens d'animaux dispersés dans les environs, les osse- mens humains et les poteries , en un mot, tous les objets qui sont renfermés dans le limon et dans les brèches osseuses. Cette théorie seule peut expliquer la grande quantité de coquilles terrestres contenues dans le limon des ca- vernes de Bize et leur état parfait de conservation ; elle explique également pourquoi les ossemens sont fracturés et non roulés ; pourquoi ces ossemens sont tous fendillés comme les os exposés long-temps aux influences des agens atmosphériques ; pourquoi enfin le limon qui ren- ferme les ossemens et celui qui a été durci par les infil- trationus stalagmitiques , et qui constitue les bréches osseuses , est absolument le même que celui que les eaux pluviales y introduisent journellement. Nous au- rions encore beaucoup de choses à dire à l’appui de notre opinion , mais nous renverrons, pour plus de détail, à l'ouvrage que nous préparons en commun avec M. Marcel de Serres; nous nous contenterons seulement de faire observer que M. Bertrand Geslin, dont le zèle pour la géologie égale les lumières, a déjà bien avant nous fait l'application de cette théorie aux cavernes d’Adelsbergen Carniole , et de Bauwell en Angleterre. Nous avons été entrainés, par l'intérêt du sujet, beau- coup plus loin que la simple description des cavernes à ossemens de Bize, ne semblait le nécessiter; mais les considérations que nous avons hasardées, et que nous soumetlons au jugement des naturalistes, nous ont semblé résulter si naturellement des faits observés, que nous XVIII. 17 (( 2556: ) n'avons pu résister au désir de les rapporter. Chaque pas que l’on fait dans la science agrandit tellement la sphère de nos connaissances , que les moindres détails doivent être recueillis avecempressement. On concevra d’ailleurs tout l'intérêt que nous attachons à la connaissance des phénomènes dont nous venons de nous occuper, lorsque l'on sera ; comme nous , convaincu que la géologie com- mence là où l'archéologie s’arrète, et que, lorsque celle- ci aura épuisé ces recherches et rencontré le voile mysté- rieux et impénétrable qui couvre l’origine des nations, la géologie donnant un supplément à nos courtes Annales, viendra réveiller l’orgueil humain, en lui montrant l’an- tiquité de sa race ; car la géologie seule peut désormais nous donner quelques notions sur l’époque de la pre- mière apparition de l’homme sur le globe terrestre. CARTE céOLOGIQUE du terrain entre le Lac d’'Orta et celui de Lugano ; Par M. Erfororp DE Bucx. Depuis qu’on a reconnu que leporphyre pyroxénique, auquel M. Brongniart a donné le nom plus convenable de mélaphire, se trouve constamment à la base et au pied des grandes chaînes de montagnes, et que c’est à lui que ces chaînes doivent leur élévation, il devient important d'étudier les phénomènes avec lesquels il se présente partout où on le rencontre. Il y a peu d’en- droits, dans les Alpes, où ces phénomènes soient plus variés et plus instructifs, que dans les contrées comprises ( 259 ) entre le lac d'Orta et celui de Lugano (1). Ces contrées étaient devenues célèbres par les belles recherches de M. Fleuriau de Bellevue , qui, en 1790, avaient occa- sioné une controverse assez vive entre lui et le P. Pini, de Milan. M. Fleuriau avait parfaitement bien reconnu que les roches qui enveloppent les pechsteins de Gran- tola et de Cunardo ; s'étaient élevées du sein de la terre, et qu’elles ne pouvaient appartenir à un terrain de sédi- ment. En effet, elles re sont qu'une modification de la longue bande de porphyre: pyroxénique , qui perce au jour dans presque toutes les vallées du penchant méri- dional des Alpes. Cette colline de Grantola est composée de masses incohérentes , d’un tuf, tel qu’il accompagne si souvent les roches élevées en masse de l’intérienr de la terre. C’est le résultat du frottemeut de ces masses contre les paroïs des roches qu’elles traversent, mais nullement celui d'une éruption volcanique. On trouve donc dans cette colline des pièces de schiste micacé plus ou moins altéré, du porphyre pyroxénique lui-même , qui contient en abondance des cristaux d’albite , des pechsteins en pièces, ordinairement parallélipipèdes , également remplis de cristaux d’albite, enfin, des gra- nits de Baveno et des porphyres rouges, qui enveloppent des feldspaths et des dodécaèdres de quarz. Ces tufs se retrouvent à Mésénzana , à Saint-Paulo, au-dessus de Marchirolo , et au-dessus du He de Ghirla. Le porphyre pyroxénique s'élève à côté d'eux jusqu’à une hauteur très-considérable | car le mont Argentaro en est com- posé en grande partie jusqu’à sa cime, qui surpasse de beaucoup celle du mont Beuscer. Des lambeaux de roches (1) Voyez la Carte géologique de cette contrée , PL. 7. ( 260 ) caleaires, attachés à ses flancs , et près de la cime même, prouvent évidemment que le porphyre les a détachés de la grande masse calcaire vers le sud, lors de son soulè- vement. Ces mêmes porphyres pyroxéniques élèvent et percent le granite de Baveno , dans la vallée de Brinzio, et entre Mélide et Morcote, sur le lac de Lugano; et c’est certainement encore des phénomènes qui accom- pagnent son soulèvement , que dérivent les dolomies du penchant nord et de la cime du Monte-Sacro de Varese, du Salvadore, près de Lugano et du Monte del Nova, au-dessus de Grianta , sur le lac de Côme. Il est impos- sible de voir plus clairement, qu’en poursuivant la grande route de Lugano à Mélide, comment les couches calcaires se fendillent , se remplissent de rhomboëdres de Dolo- mie, changent de forme et de couleur , et disparaissent enfin entièrement, pour ne présenter qu’une seule masse uniforme de Dolomie pure. On peut suivre chaque petite modification de ce changement remarquable , et on peut le saisir, sur la grande route même, pour ainsi dire, à chaque période de son âge. Les dolomies se trouvent effectivement sur le même alignement que la sortie du porphyre pyroxénique leur prescrit ; et c’est encore précisément au pied des monta- gnes de gneiss et de schiste micacé des Alpes , qui ; à ce qu'il paraît, ont dû être élevées préalablement avant que le porphyre pyroxénique ait pu se faire jour, et qu’il ait pu paraitre à la surface du sol. Les relations du granit de Baveno avec ces porphyres sont extrèmement remarquables , et méritent des recher- ches soignées. Ce granit se trouve encore sur le même alignement , non-seulement que les montagnes de cette - | | | | Ç aie ) belle roche , qui s'élèvent sur la presqu'ile de Lu- gano, et entre Brinzio et le lac de Lugano, mais en- core que la grande montagne ellipsoïde de Baveno elle- même. Des deux côtés renfermé par le porphyre quar- zifère, qui, dans la partie orientale, se montre aux envirous de Capo di Lago, et dans la partie occidentale forme les collines entre Arona et le lac d’Orta , on croi- rait facilement ce granit une modification du porphyre rouge ; mais il s’en écarte d’autant plus , qu’on l’exa- mine dans l’intérieur de la masse de ces montagnes ; et la composition du mont Orfano, sur la route du Simplon, ne rappelle plus du tout l’idée du porphyre quarzifère. Les deux roches conservent néanmoins ce rapport remar- quable entre elles, qu’elles contiennent des cristaux de quarz, puis des véritables feldspaths, comme partie essentielle de leur composition. Le porphyre pyroxé- nique ne contient jamais du feldspath , mais toujours de l’albite , et le quartz lui est absolument étranger. L’al- bite, dans le granit de Baveno, quand il s’y trouve, et effectivement il ne manque presque jamais, paraît pro- venir de l’influence du porphyre pyroxénique même , car on ne le voit jamais que dans les cavités , ou tapissant de petites fissures, ou comme couverture extérieure, comme une espèce de vernis des cristaux de feldspath. Au porphyre pyroxénique et aux substances variées qui accompagnent son soulèvement , sont également dus les Spath-fluors , assez fréquens à Baveno, la baryte qui se trouve en filons au-dessus de Carona, et à Grantola dans le tuf, et peut-être encore les substances métalli- ques exploitées à Viconago; car toutes les roches qui entourent le porphyre pyroxénique sont ordinairement ( 262 ) remplies de filons métalliques , qui disparaissent à mesure qu'on s'éloigne de ce porphyre. La baryte , le spath fluor, les filons de manganèse, de fer spathi- que, etc., peuvent donc être regardées comme des indices de la présence du porphyre noir, là même où il reste caché sous la surface. Les collines de Grantola et de Cunardo ne sont point des productions volcaniques ; les porphyres pyroxéni- ques de la vallée de Brinzio , on du Val Gana, ou de Mélide, ne sont point des laves ; c’est l'effet du soulè- vement de taute la chaine des Alpes sur une fente im- mense à travers les couches secondaires. Les mêmes por- phyres se touchent et reparaïssent partont au pied des Alpes ; mais un volcan n'exerce son influence que sur un espace limité, et d’un centre vers la circonférence. Si le nom de lave pouvait convenir au porphyre pyroxé- nique , il faudrait l'appliquer également à toute roche cristallisée , sortie de terre ; il n’en resterait aucune à laquelle il ne fût applicable ; et le mot de lave, qui n’est qu'une expression de forme , ne conserverait plus aucun sens réel et définissable. Quand , de F’arèse, on poursuit le chemin qui con- duit à la Madonna del Monte, on traverse des collines composées de débris des Alpes, et couvertes de gros blocs qui proviennent de l’intérieur de ces montagnes. La base de ces collines est formée de mollasses qu'on voit paraître dans le fond de la vallée de F'Olona. Après une lieue environ, et après avoir passé le village de Saint - Ambrogio ,; on arrive à Fogliaro. C'est ici que les montagnes commencent; près d’une cha- pelle, où un chemin de traverse conduit à Jndunno , ( 263 ) on voit la première roche solide en place; c’est un très- petit rocher, mais il est remarquable. Les couches qui composent l'extérieur et la base du mont Beuscer et du mont Campo Fiori, depuis Besozzo et Olginasco et tout le long de la grande route , depuis Coquio jusqu’à Lui- nate étaient formées jusque là d’une pierre calcaire , tendre , très-blanche , à cassure presque conchoïde , qui ressemble beaucoup à la craie, et qui est traversée par une innombrable quantité de rognons de silex bruns ou noiràtres. Cette pierre est connue dans le pays sous le nom de majolica. Le petit rocher de Fogliaro présente les mêmes silex, disposés avec leurs grandes dimensions parallèles aux couches, mais ils sont rouges, et au lieu de majolica ils sont enveloppés d’une belle dolomie grenue et brillante. Plus haut, on quitte le chemin de la Madonna et on entre dans le vallon de la Casa Rasa. Tout y est dolomie ; même les grands escar- pemens qui sont dominés par les bâtimens de la Ma- donna. Elle contient des pétrifications, et même en assez grand nombre ; mais, comme ordinairement dans les dolomies , elles sont toujours très-altérées, et il n'en reste guère qu’un moule intérieur. La plupart de ces moules sont des coquilles turbinées, à bouche allon- gée, mais non recourbée dans le bas, qui rappellent des Mélanies. M. de Christofforis, de Milan, conserve de plus dans sa belle collection des Ammonites de cette vallée, qui sont de la fâmille des Coronaires , et qui ne peuvent pas appartenir à la formation de la craie. La majolica elle-même n’est donc pas de la craie. Le vallon de Casa-Rasa est fermé par une montagne assez élevée , qui frappe par sa couleur noire inattendue o ( 264 ) au milieu des dolomies, d’une blancheur éblouissante. Avant de l’atteindre , on la voit séparée de la’ dolomie par une bande de granit , qui descend vers le Val Gana, pour y former la plupart des montagnes. Cette bande est ici de peu de largeur. Le mélaphire de la montagne de Brinzio se rencontre déjà à la plus grande hauteur du vallon , et continue à former le penchant oriental de la vallée de Brinzio jusqu’au village de Brinzio même. Le côté opposé est composé de granit. Un petit vallon , qui partage le village, termine la montagne de Mélaphire. Lc granit reparaît; mais tout-à-coup , peu au-dessus des dernières maisons, on aperçoit du schiste micacé dont les couches sont dirigées du N.-N.-E. au S.-S.-O., et inclinées vers l’ouest , et de gros filons rouges se sépa- rent de la grande masse de granit , entrent et traversent le schiste micacé, s’y partagent et s'y perdent enfin entièrement sous la forme de petites veines rouges. Toute cette disposition remarquable s’y voit comme dans un tableau. Peu après, tant vers le haut qu’en descendant la vallée, le schiste micacé disparaît, et le granit reste seul maître du terrain. Ce n’est pas une montagne de micaschiste, ce n’est pas même une colline ; c’est une masse de grandeur pro- digieuse, vraisemblablement arrachée par le granit des couches qu'il a dû percer pour se faire jour. La vallée de Brinzio se rétrécit un quart de lieue au- dessous du village. Des couches noires reparaissent. On croirait voir du mélaphire ; mais M. Elie de Beaumont suppose, et apparemment avec raison, que ce n’est qu'une modification du granit : effectivement , mi l’al- bite , ni le pyroxène n’y sont discernables. On ne pouvait ( 265 ) les méconnaître dans les masses au-dessus du village. Peu après , sans limite bien tranchée, on arrive au pot- phyre quarzifère rouge, avec gros dodécaèdres de quarz, qui compose les penchans d’un ravin, dans lequel un petit ruisseau forme une cascade et où le chemin tourne brusquement, près d’une chapelle. C’est là qu’on voit de nouveau plusieurs masses de schiste micacé, entiè- rement enveloppées par le porphyre. Elles sont bien plus petites que celles au-dessus de Brinzio, et on peut parfaitement s'assurer qu’elles ne sont attachées à aucune couche où montagne de micaschiste mème. Bientôt tout est de nouveau granit , tel qu’il compose les montagnes du Val Gana. Enfin , peu avant de descendre vers Ran- cio, des couches calcaires se placent dessus, et plus bas, vers Rancio même et à Cassano , on retrouve la dolomie, telle qu’on l'avait vue dans le vallon de Casa Rasa. Cette intéressante vallée de Brinzio, si peu éloignée de Varèse , fait donc apercevoir en peu d'heures ce que dans d’autres contrées on est obligé de chercher sur un grand espace , et souvent peut-être sans succès. Le pas- sage du vallon de Casa Rasa est comme un portique qui fait entrer dans un sanctuaire, où se développe presque toute la théorie de l'élévation des chænes de montagnes. Les escarpemens de dolomie en forment le bord ; de tous côtés ses couches plonger vers la plaine ou vers l’ex- térieur. Le granit paraît ; les grandes masses des mica- schite qu’il enveloppe et traverse, prouvent qu'il doit s'être élevé du fond , et qu'il doit avoir traversé ces schistes mêmes. Le mélaphire au milieu rappelle que ce grani! n'est que secondaire dans toute cette élévation des montagnes , et que c'est principalement à Jui (au méla- ( 266 ) phire) qu’on doit l’attribuer. Le porphyre rouge enfin prouve qu'ici le porphyre et le granit ne sont pas séparés en formations distinctes ; mais que vraisemblablement, comme l’a très-bien et depuis long-temps exposé M. Nec- ker de Saussure , le porphyre rouge forme l'écorce dont le granit serait le noyau. Si on pouvait élever des doutes sur la relation du gise- ment des mélaphires et du granit, ces doutes se trou- veraient pleinement résolus sur les bords du lac de Ghirla, dans le Val Gana. Quand on y arrive depuis le petit endroit de Ghirla, on voit succéder, vers le haut du lac, des tufs noirs au granit qui jusqu'alors avait formé le penchant des montagnes ; puis on arrive à une grande masse de mélaphire , qu'on peut poursuivre pen- dant plusieurs centaines de pas jusqu’au-delà du village de Gana. Cette roche noire s'élève jusqu’à une hauteur assez considérable, mais le haut des montagnes n’en est pas moins composé de granit. Le mélaphire n’est donc qu'une masse inférieure entourée de tous côtés par le granit, excepté vers le fond, d’où apparemment il s’est élevé. Le mème phénomène s’observe avec beaucoup plus d’évidence sur les bords orientaux du lac de Lugano. Le petit ruisseau de Viganole (d’après M. Rengger ) y sort d’une gorge étroite et profonde , et passe ensuite par le village de Melano. En le remontant le long des rochers de porphyre quarzifère rouge, on passe autour d'un mur qui s’avance, et tout-à-coup on découvre le mélaphire en masse considérable ; il ne perce pas le porphyre. La limite supérieure de ces deux roches est nette et tranchée ; mais cette limite est ondulée sans aucune régularité, et la surface du mélaphire est séparée ( 267 ) en boules et en feuillets de la même manière comme on les voit si souvent dans les amygdaloïdes basaltiques. Ici la position inférieure du mélaphire est hors de toute contestation; mais à peu de distance de cet endroit, il s'élève bien au-dessus dun porphyre, et forme toutes les montagnes depuis les villages de Rovio et de Mélano jusqu’à celui de Campione. Quand on descend sur la presqu’ile de Lugano, depuis la hauteur de la montagne granitique d’Arbostora , vers Morcote situé sur l'extrémité de cette langue de terre , on entre dans un vallon évasé qui descend de part et d’autre , d’un côté vers Figino, de l’autre vers Vico- Morcote. Ce vallon sépare un énorme mur de mélaphire du granit. Il s'élève des bords du lac et s'étend pendant près d’une lieue de distance. Le chemin qui descend à Morcote traverse cette roche. Peu avant d’arriver aux premières maisons au-dessus de l’église on aperçoit à côté du chemin une grande masse de schiste micacé de plu- sieurs pieds de longueur , et presque aussi large qu’elle est longue, ellipsoïde et tout-à-fait entourée par le mé- laphire. Celui-ci forme mème des feuillets autour de la masse enclavée et suit ses contours. Peu après on ren- contre une autre masse de cette nature, mais d’une grandeur un peu moindre. En descendant quelques pas de plus , on passe entièrement sur le schiste micacé , qui continuealors jusqu'aux bords du lac; il alterne avec plu- sieurscouches considérables de gneiss. Il est donc évident que le mélaphire doit avoir arraché les masses enclavées et enveloppées des couches qui se retrouvent plus bas. Il les a donc percées, aussi bien que le granit , dans la vallée de Brinzio , et il l’a fait postérieurement à lélé- ( 268 ) vation du granit et du porphyre, parce qu'il est infé- rieur à ces roches , et que le tuf qui l’entoure estcomposé de débris qui n’appartiennent qu’à ces formations. Jamais on ne voit des pièces de mélaphire enveloppées par le granit ou le porphyre ; ni même une seule pièce de mé- laphyre dans les grès de toutes les formations au-dessous des formations calcaires. Un examen attentif a prouvé que l’agelomérat curieux qui sépare le schiste micacé de Ja dolomie à Saint-Martin près de Lugano , ne contient que des débris de porphyre rouge quarzifére , quoique souvent on serait ténté de les croire combinés avec d'autres appartenant au mélaphire. Il ne s’en trouve pas plus dans les couches de grès, qu’on traverse en montant du Val Gana pour suivre la route d'Indunno. Tout ceci sépare nettement la formation du mélaphire de celle du granit et du porphyre. L’élévation de la pre- mière est postérieure à la formation des couches ter- tiaires ; celle du granit et du porphyre est antérieure à la formation des grès, et par conséquent des couches calcaires qui les recouvrent. Le porphyre rouge quarzifère se retrouve encore à la montagne nommée Cima di Tarca, entre Marchirolo et Viconago. Il s’y élève à une assez grande hauteur vers la cime de la montagne d'Argentera ; mais on ne connaît pas avecprécision ses limites. On présume que ce même porphyre pourrait se rencontrer du côté nord de la rivière de la Tresa, et peu éloigné de la petite ville de Ponte Tresa. Plusieurs gros blocs de cette roche , dispersés dans le bas, ont donné lieu à cette supposition; mais jusqu'ici on n’y a pas encore trouvé le porphyre en place. ( 269 ) Nore sur la forme la plus ordinaire des objections relatives à l’origine attribuée à la Dolomie ; Par M. L. Ezre ne BEAumonr. Le changemeïït de la craie en calcaire saccharoïde près de ses points de contact avec les filons de basalte qui la traversent dans le comté d’Antrim, en Irlande, et quel- ques autres exemples de phénomènes semblables ont acquis une si juste célébrité, qu'ils se présentent tou- jours dès le premier abord à l’esprit, lorsqu'on s’oc- cupe des travaux faits récemment sur les changemens que certaines roches paraissent avoir éprouvés depuis leur première consolidation. Il résulte assez naturelle- ment de là qu’en voyant qu’on admet une connexion en- we l'apparition des mélaphires et l’origine de la dolomie , quelques personnes supposent qu’on regarde la dolomie comme produite par les mélaphires à peu près comme le calcaire saccharoïde d'Irlande a été produit par le contact du basalte. Par suite, sans doute, de cette circonstance il arrive que, presque chaque fois qu’on trouve une masce de dolomie qui n’est pas en contact avec une masse de mélaphire, on croit avoir trouvé en même temps un fait à opposer aux idées de Léopold de Buch sur l’origine de la dolomie. Cependant les personnes qui ont cherché à connaître sur ces objets l'opinion de M. Léopold de Buch, savent qu’il regarde les dolomies comme pro- duites par des gaz qui se sont dégagés du sein de la terre au moment de la sertie des mélaphires , en profitant de toutes les fractures que le sol venait d’èprouver, frac- ( 270 ) lures qui pouvaient leur donner issue aussi bien et sou- vent même mieux à quelque distance des masses de mélaphire sorties au jour que près de ces mêmes masses. S'il pouvait rester quelque doute sur la pensée de M. de Buch à cet égard, il suffirait , pour les dissiper, d’exami- ner la contrée de Lugono en se rappelant qu'il l'a pré- sentée depuis long-temps comme un dés points les plus classiques pour l’étude de ce genre de phénomènes. Il est très-rare en effet que dans la contrée de Lugano on voie les mélaphires en contact absolument immédiat avec les masses de dolomie. Si on considère cette contrée dans son ensemble , on y voit en général les couches du sys- tème calcaire qui comprend la majolica, se relever sous un angle souvent très -considérable à l'approche des montagnes composées de granite, de porphyre quarzifère et de mélaphiré. Elles n'offrent aucune trace d’une dis- position littorale autour de ces montagnes, auxquelles elles présentent au contraire des escarpemens compa- rables à ceux des cratères de soulèvement, et on les voit généralement se changer en dolomie en approchant de leur terminaison du côté des masses non stratifiées dont les colonnes irrégulières de mélaphire forment en quel- que sorte les axes. Les dolomies touchent rarement ces colonnes centralés qui, au moment de leur élévation ont rejeté de côté les roches primitivés. Elles se lient donc aux mélaphyrés par suite du rôlé essentiel que jouent ces derniers dans la constitution des massifs de roches non stratifiées, maïs non, dans le plus grand nombre des cas , par un contact immédiat et visible. Au contraire , on peut dire que les dolomies se trouvent toujours, ici, dans le voisinage de la fraëture qui a dà se former entre (271) les roches primitives soulevées et les roches primitives de même nature restées à leur ancienne place dans les profondeurs de la terre. Les objections relatives à l’ori- gine de la dolomie ne s’adresseraient donc directement à l’hypothèse à laquelle M. Léopold de Buch a été conduit par l'observation de faits si nombreux et si frappans, qu’autant qu’elles tendraient à prouver qu'une agréga- tion de petits rhomboëdres de dolomie, telle que celle qui constitue la montagne du San-Salvatore de Lugano, ne saurait absolument provenir d’une série de couches calcaires régulièrement stratifiées , sur laquelle seraient venus à agir des gaz dégagés de l’intérieur du globe. Expériences sur l’action de ia moelle épinière sur la circulation ; (Lues à l’Académie royale des Sciences, séance du 20, juillet 1829.) Par M. Fiourens, De l’Institut. 1. Chacun connaît l’opinion de Le Gallois (1), opinion devenue si rapidement célèbre, et qui consiste à placer dans la moelle épinière le siége du principe des mouve- mens du cœur. 2. J'ai déjà fait voir, en 1823, par des expériences que j'eus l’honneur de soumettre au jugement de l’Aca- démie : (1) Voir Expériences sur le principe de la vie. (272 ) 1°. Que la circulation qui, dans les animaux adultes, est abolie sur-le-champ par la destruction de la moelle épinière, survit, au contraire , un certain temps à cette destruction dans les animaux qui viennent à peine de naître (1); 2°. Que dans les animaux adultes même, et M. Wil- son Philipp avait déjà constaté ce point, la circulation survit à la destruction de la moelle épinière, pourvu qu'on supplée à propos la respiration par l’insufla- tion (2). 3. Ainsi, dans le jeune animal où la respiration est moins nécessaire à la circulation , la moelle épinière l’est moins aussi ; et, dans l’animal adulte, quand l’insufila- tion continue la respiration , la circulation survit à la moelle épinière. C’est donc surtout parce qu’elle concourt à la respi- ration que la moelle épinière concourt à la circulation. 4. D'où il suit que, s'il ÿ avait un animal où la respi- ration püt se passer complètement, du moins pour un certain. temps, de la moelle épinière, la circulation pourrait s’en passer complètement aussi. 5. Cet animal est le poisson. J'ai fait voir, par des expériences précédentes (3), qu'on peut détruire la moelle épinière tout entière dans les poissons , sans détruire la respiration ; attendu que ce n’est plus de la moelle épinière, comme dans les autres classes, mais de la moelle ailongée elle-mème, et de la moelle allon- (1) Voyez mes Recherches expérimentales sur les propriétés et les fonctions du système nerveux. (Paris, 1824.) (2) Voyez ibid, et M. Wilson Philipp, £xrp. inq. , ete. (3) Voyez mes Vouvelles Expériences sur 1e système nerveux (Ann. des Sc. nat., janvier 1828). (273 ) gée seule, que , dans, ces animaux, les nerfs du méca- nisme respiratoire ou des opercules tirent leur origine. 6. On peut également détruire la moelle épinière dans les poissons, sans détruire la circulation. 7. J'ai détruit successivement, sur plusieurs carpes et sur plusieurs barbeaux , la moelle épinière, sans tou- cher ‘à la moelle allongée; dans tous ces poissons, la respiration et la circulation ont long-temps survécu à cette destruction. Les mouvemens du trone et de ses appendices ont seuls disparu , mais la tête et la région des opercules ont continué à se mouvoir comme à l’ordi- naire; et la circulation subsistait encore, même à l’extré- mité du trone, plus d’une demi-heure après la destruc- üon totale de la moelle épinière. 8. D'un autre côté, j'ai constamment vu, dans les autres classes , la circulation survivre à la deftruction de toutes les parties de la moelle épinière auxquelles survit ie respiration : à la destruction de la moelle lombaire , par exemple , dans les oïseaux ; à celle de la moelle lom- baire et de la costale dans les mammifères , etc. (1). 9. Ainsi donc 1° on peut détruire impunément (2) pour la circulation tous les points de la moelle épinière qui peuvent l'être impnnément pour la respiration, et quand la moelle épinière peut l'être tout entière pour (1) Voyez mes Recherches expérimentales sur les propriéiés et Les Jonctions du système nerveux. (2: [mpu nément pris d’une manière absolue; car la destruction de la moelle épinière 10 affaiblit toujours sur-le-champ la circulation , et 2o, au bout d’un certain temps , détermine son abolition ; mais c’est là non une action spéciale , mais une simple action générale, telle que je l’a: indiquée précédemment pour tous les centres nerveux. Voyez mes Recherches expér, sur les proprietés et Les fonctions du système nerveux XVHI. 18 (274) celle-ci, comme dans les poissons , dE peut l'être tout entière aussi pour l’autre; 2° la moelle épinière n'a doncsur la circulation qu’une action relative et variable, comme sur la respiration; 3° c’est donc surtout parce qu'elle influe, et par les points par lesquels elle influe sur la respiration , que la moelle épinière influe sur la circulation ; et 4° enfin, ce n’est donc pas en elle que réside le principe exclusif de cette circulation. 10. Mais où réside donc ce principe ? On verra, dans un prochain Mémoire, quelles sont les parties où mes expériences, me conduisent à le placer , et quel est le mode selon lequel il s’y répartit. Nore sur.le Faisan doré ou tricolor ( Phasianus pictus, Liné ); Par M. Dureau LE La Marre, Membre de l'Institut. . Buflon et Guéneau de Montbeillard avaient, je ne sais sur quel témoignage, assigné la Chine pour patrie à ce bel oiseau qui est devenu si commun dans nos volières’, et qui, avec quelques soins, vit, en Allemagne , dans les bois et s’y multiplie comme le Faisan vulgaire. Cette erreur s’est reproduite dans le nouveau Dictionnaire d'Histoire naturelle, composé par plusieurs professeurs du Jardin du Roi. ( Voy. Faisan , tom. xvi, p. 154.) Nous pouvons maintenant fixer avec exactitude la con- irée d’où ce Faisan superbe a tiré son origine, celle-là ( 275 ) inème où il vit encore à présent dans l’état sauvage. Un passage de Pline {x , 67, t. 1, p. 569 , ed. Hard. ) désigne ce Faisan par un trait caractéristique quia échappé aux nâturalistes , et auquel il est impossible de se mé- prendre. On sait que Je Faisan doré a des deux côtés de la tète des plumes d’un beau jaune orangé, qui se re- courbent en une espèce de conque ou d'oreille , que cet oiseau fait mouvoir à volonté. Il n’est presque personne qui n’ait remarqué ce jeu singulier de plumage, en obser- vant cet oiseau dans nos volières. Le Faïsan vulgaire est dépourvu de cet ornement. Or, Pline dit positivement : Phasianæ in Colchis geminas ex plumd aures submit- tunt subriguntque : «IL y a en Colchide des Faisans pourvus de deux oreilles en plumes , qu'ils relèvent ou qu'ils abaissent à volonté. » La patrie de l'oiseau est désignée : c’est la Colchide où Mingrélie qui nous a envoyé le Faisan vulgaire, lequel porte encore le nom du Phase, fleuve principal de la Colchide. L’assertion de Pline vient d’être confirmée par le témoi- gnage d’un vovageur éclairé; M. Gamba, consul de France à Tiflis, et propriétaire de plusieurs lieues car- rées en Colchide où il a résidé, assure (1) avoir vu et chassé dans les chaines du Caucase, qui s'étendent vers la mer Caspienne, le Faisan doré dont les compagnies se trouvaient en grande qnantité à côté de celles du Fai- san vulgaire. Comme les Chinois ont eu des relations suiviesavec ces contrées dans les premiers siècles de l’êre vulgaire , il est probable qu’ils en auront ‘inporté cette espèce à laquelle 1is ont donné le nom de Kinki. (1) Voyage dans la Russie méridionale, tom. IT, pag. 226. Paris, 1827. , ( 276 ) Lerrre adressée à M. le Président de l’Académie royale des Sciences , dans la séance du 23 no- vembre 1829; par Par M. Durrocaer, Correspondant de l’Académie. Il y a environ cinquante ans que Corti découvrit la circulation qui a lieu dans la tige de plusieurs Chara. L’attention a été rappelée dernièrement sur ce phéno- mène par M. Amici. A cette occasion , M. Le Baillif a fait connaître un phénomène physique qui peut fournir l'explication de la cause à laquelle est due la circulation dans la tige des Chara. Cet ingénieux physicien, ayant mis dans un tube de verre vertical de l’eau, dans laquelle des particules pulvérulentes étaient en suspension, ob- serva par ce moyen que cette eau avait dans le tube un mouvement de circulation (1). J'ai répété l'expérience de (1) M. Raspail ayant adressé à l’Académie des Sciences , dans la séance suivante, une lettre par laquelle il réclame la priorité de cette observation ( Voyez cette lettre , qui est insérée textuellement dans la Revue, à l’article de l'Académie des Sciences, séance du 30 no- vembre), nous avons cru devoir, avant de citer cette réclamation, demander à M. Le Baillif lui-même des renseignemens à cet égard. Cet habile et modeste observateur nous a adressé la réponse suivante, qui renferme, sur lhistoire des observations faites sur ce sujet, des ren- seignemens qui nous paraissent de nature à intéresser nos lecteurs , et que nous allons rapporter textuellement. « Vous m'avez fait l'honneur de m'écrire que j'ai été désigné, dans un Mémoire adressé à l'Académie, comme ayant le premier observé le phénomène du mouvement de l’eau et des molécules qui y sont suspen- dues, dans des tubes verticaux. « Vous me demandez, Mossieur, si jen suis réellement l’inventeur ? « Un simple et pur hommage à la vérité va dicter ma réponse. Le ( 277 ) M. Le Baïllif, en mettant dans un tube de verre de l’eau qui tenait en suspension de la sciure de bois très-fine ; ces corps pulvérulens , ligneux , après avoir circulé pen- dant plusieurs heures, se précipitèrent, et dès-lors il n’y eut plus de circulation apercevable. Les corps pul- mérite appartient exclusivement à M. le comte de Rumfort , ainsi qu'il est aisé de s’en assurer, tant par la lecture de ses nombreux. Mémoires sur la chaleur et sur emploi du calorique , tous imprimés chez M. Di- dot, en 1#04, que pur le témoignage de Thomson dans sa Chimie, édition 1818 , tom. I, pag. Gr. « La description, parfaitement détaillée , du procédé ainsi que des effets, se trouve consignée dans la dix-neuvième expérience des Zfé- créations chimiques de M. Herpin , édition de 1824 , tom. 1, p. 193. Un plus grand nombre de citations serait superflu. « J’ajouterai cependant qu'étant à Hambourg, il y a trente ans, jy vis lingénieuse application qu’un physicien, dont j'ignore le nom, avait | faite de la découverte de M. le comte de Rumfort. « Imaginez ur sorte de verre, formée d’un second carreau de vitre appliqué au châssis d’une fenêtre , et bien mastiqué : une légère solu- tion de potasse dans l’eau remplissait à peu près l'intervalle des deux carreaux , et le fond était garni de poudre de karabé , ou ambre jaune. « Si, quand le soleil éclairait la fenêtre, on interposait un écran, de manière à ne laisser arriver les rayons qu’au bas de la boîte de verre, aussitôt on voyait les molécules d’ambre s’agiter et former des courans ascendans et descendans , jusqu’à ce que toute la liqueur füt arrivée à la même température. « Probablement des personnes qui m'ont fait l’honneur de venir admirer au microscope la circulation du Chara , se ressouv.ennent d’a- voir vu, indépendamment de deux autres petits appareils destinés au même objet, un tube rempli aux trois quarts d’alkool, et contenant du liége râpé très-fin (l'expérience et l'essai de plusieurs autres substances me l'ont fait substituer au karabé); mais javais le plus grand soin de présenter éette expérience comme déjà ancienne , et comme ne pouvant donner qu’une idée extrémemènt imparfaite de la circulation du Chara. « Nous voyez, Monsieur, que je ne mérite en rieu d’être cité comme premier observateur du mouvement des molécules dans l’ean et dans des tubes verticaux. » ( 278 ) vérulens en suspension dans l’eau , étant indispensables pour rendre son mouvement perceptible , il était néces- saire ; pour observer ce mouvement avec quelque suite, de trouver de ces corps pulvérulens dont la pesanteur spécifique füt pareille à celle de l’eau, afin qu’ils ne se précipitassent point. Jai atteint ce but, en mettant une ou deux gouttes de lait dans une once d’eau. Ce mélange agité est presque aussi diaphane que l’eau pure, et les globules laiteux, tenus en suspension , ne tendent point à se précipiter pendant deux ou trois jours, au bout des- quels ils se réunissent en caillots, et se précipitent : durant cet espace de temps, on peut observer la cireu- lation de cette eau laiteuse avec une loupe. Si l'on ajoute une seule goutte d’acide nitrique , sulfurique ou hydro- chlorique , à cette eau laiteuse,, et qu'on l’agite, les glo- bules laiteux ne sont plus susceptibles de se réunir en caillots et de se précipiter ; ils restent indélurment sute pendus dans le liquide. Si l’on mettait de prime abord davantage d'acide, les globules laiteux se réuniraient pour former des caillots qui se précipiteraient. Mais, lorsque l’action d’une seule gouite d'acide a modifié les globules laiteux, on peut ajouter une quantité d'acide assez considérable au liquide , sans occasioner la coagu- lation des globules laiteux qu’il contient ; ils continuent de rester suspendus dans le liquide sans aucune tendance à se précipiter. On peut faire, de cetie manière, des observations très-suivies. Le premier fait général que ces observations m'ont fait découvrir, est que le sens de la circulation dont il s’agit est toujours déterminé par la direction du courant de la chaleur. Ainsi, lorsque deux thermomètres placés à une certaine distance du tube, et de deux côtés oppo- ( 279 ) sés, indiquent un degré différent de température, Île courant ascendant a toujours lieu dans le tube, du côté où se trouve le thermomètre qui indique la température la plus élevée : le courant descendant est situé du côté opposé. Il est donc bien certain que la cause efliciente de ce mouvement circulatoire est l'influence du courant de la chaleur. C’est, en petit, le mème phénomène que celui que présente un vase rempli d’eau qui bout devant le feu. J'ai observé que ce mouvement circulatoire avait lieu , le tube étant situé au milieu d'un appartement, lorsque deux thermomètres, placés aux deux parties extrèmes de cet appartement, ne différaient que d'un demi-degré. On sent que, dans cette circonstance, la différence de température entre les deux faces opposées du tube , devait être d’une petitesse excessive , et cepen- dant la circulation était rapide : cela indique que la diffé- rence de température n’est pas la seule cause du phéno- mène. Eflectivement , j'ai découvert que la lumière exerce une influence puissante sur ce mouvement circu- latoire ; il s'arrête complètement dans l'obscurité. Il suflit de couvrir un tube , dans lequel existe la circula- ton , avec un récipient opaque, pour arrêter celte cir- culation au bout de vingt minutes; elle recommence lorsqu’en rend à ce tube l'influence de la simple lumière diffuse. Un récipient de verre, mis sur le tube, n'inter- rompt point la circulation du liquide qu'il contient. La lumière directe des rayons solaires est bien plus puissante que la lumière diffuse pour déterminer cette circulation ; mais on peut attribuer cet eñet à la chaleur qu’elle pro- duit. La suspension de la circulation, par le fait de l’ab- sence de la lumière, indiquait que ce mouvement ne devait point avoir licu pendant la nuit: c’est effective- { 280 }) 7 ment ce qui arrive ; le matin , lorsque la lumière est en- core faible , on trouve le mouvement circulatoire com- plètement suspendu ; il se rétablit spontanément lorsque la lumière diffuse devient plus vive. L’obscurité n’occa- sione la suspension du mouvement circulatoire qu’au- tant que le courant de la chaleur, qui est sa cause effi- ciente , n'a pas une grande intensité. Ainsi, lorsqu'un tube rempli de liquide circulant est mis sous un réci- pient opaque, échauffé d’un côté par les rayons du soleil, la circulation continue malgré l’obscurité. Ceci prouve que la lumière n'intervient dans ce phénomène que comme cause d'opportunité pour l'existence du mouve- ment, dont le courant de la chaleur est la seule cause efficiente. Lorsque cette dernière est d’une extrème fai- blesse , elle a besoin de l’aide de la lumière pour agir ; lorsqu'elle est forte, elle agit seule. La direction de la lumière n'a aucune influence sur la direction des deux courans ascendant et descendant ; cependant , lorsque Îa lumière solaire frappe directement sur le tube, lé cou- rant ascendant est toujours situé du côté qu’elle frappe; mais alors c’est la chaleur développée par les rayons solaires , et non leur lumière , qui détermine l'existence, dans cet endroit , du courant ascendant. Le mouvement circulatoire dépend, pour sa vitesse, du degré de force du courant de la chaleur, et de l'inten- sité de la lumière ; sa vitesse dépend aussi du degré d’é- lévation générale de la température : plus cette élévation de la température est grande, plus la circulation a de rapidité. Lorsque la température est descendue à + 10 degrés R., l’eau laiteuse simple cesse de cireuler à a plus vive lumière diffuse ; l'eau laiteuse acidulée ne sus- pend sa circulation que lorsque la température est des- ( 281) cendue à + 5 degrés R. En général , l’eau chargée d’une substance minérale en solution circule plus facilement que l’eau pure. Ainsi, le degré d’écartement des molé- cules de l’eau, soit par l’interposition du calorique, soit par l’interposition d’une substance minérale en solution, en augmentant leur mobilité, augmente la facilité et la rapidité du mouvement circulatoire. Un effet inverse est produit par la solution , dans l’eau , des substances orga- niques visqueuses , telles que la gomme : ces substances diminuent la mobilité des molécules de l’eau, et, par conséquent , la facilité de leur circulation. Ainsi, l'élé- vation de la température, et la solution dans l’eau des substances minérales, sont des causes d'opportunité pour l'établissement du mouvement circulatoire de l’eau. L’a- baissement de la température , et la solution dans l’eau des substances organiques visqueuses, sont des causes de nOn-0pportunité pour ce mème mouvement. La pression est une autre cause de non opportunité pour le mouvement circulatoire de l'eau, et cela, parce qu'elle diminue la mobilité des molécules de ce liquide. Un tube long de 3 pieds , rempli d’eau laiteuse, exposé à la lumière diffuse par une température générale de + 15 à + 20 degrés R., ne présente la circulation que Jusqu'à 2 pieds de profondeur: encore n’arrive-t-elle à cette profondeur que par une diminution graduelle de la rapidité de ce mouvement, lequel , lent dans Ja partie supérieure, s'accélère graduellement jusqu’à une cer- taine profondeur, puis diminue graduellement de vitesse. Le courant descendant présente exactement les mèmes variations graduelles de vitesse que le courant ascendant, Mais en sens inverse. Exposé à la lumière solaire . ce ( 182 ) tube, long de 3 pieds, présente la circulation jusque dans son fond. p Une cause très-puissante de non-opportunité pour le mouvement circulatoire de l’eau, est la solution tran- quilie d’une substance quelconque dans ce liquide. Un tube étant rempli d’eau laiteuse qui offre le phénomène circulatoire , si l’on ajoute à cette eau une ou deux gouttes d'acide, de solution alkaline ou de solution saline quelconque, cette substance, plus pesante que l’eau, se précipite au travers de sa masse , dans laquelle eile se dissout. Cette solution étant achevée, l’eau n’est plus susceptible de présenter le mouvement circulatoire à la simple lumière diffuse : elle ne présente ce mouvement qu’à sa partie supérieure , seulement lorsque le tube qui Ja contient est exposé à la lumière directe du soleil, dont la continuité d’action sur le tube, pendant piusieurs heures, peut à peine faire pénétrer la circulation à une profondeur d’un pouce dans cette eau, dont les molé- cules ont acquis une fixité moléculaire très-extraordi- naire. Je considère cette fixité comme le résultat d’une position régulière des molécules du liquide. En effet , lorsqu'on agite ce liquide doué de fixite moléculaire , 11 devient sur-le-champ susceptible de circulation sous l'influence de Ja simple lumière diffuse, L’agitation à ‘changé, à ve qu’il parait, l’ordre régulier des molécules du liquide, et leur aggrégation est devenue confuse. Dans ce dernier état , elles jouissent d’uve mobilité dont eiles étaient privées dans leur état de position régulière , etil est à remarquer que l’eau, ainsi chargée d’une sub- stance minérale en solution agtüiée, à plus de mobilité moléculaire, et est plus suscepuble de circulation que ne l'était l’eau pure avant cette solution. ( 2583 ) La circulation dont il s’agit , s’opérant nécessairement dans le sens vertical, semble devoir ne point exister dans un tube horizontal : cependant cette circulation horizontale existe, mais elle est peu perceptible. Pour la voir facilement , il faut se servir, non d’un tube, mais d’un flacon allongé et aplati. Ce flacon rempli d’eau li- teuse étant couché horizontalement sur son côté étroit, on voit la circulation s’opérer dans le sens horizontal. Le courant supérieur suit la déclivité très-légèrement ascendante du côté supérieur ; le courant inférieur suit le côté inférieur du flacon, dont l’horizontalité n’est pas exacte. Après avoir rempli des tubes d’eau laiteuse acidulée , Je les ai fermés à la lampe. Ce liquide, très-apte à Ja circulation , étant inaltérable et ne pouvant rien perdre par l’évaperation, il en résulte qu’exposé à la lumière diurne, il possède les conditions d’un mouvement cireu- latoire perpétuel , avec des intermittences nocturnes , et, de plus , avec une intermittence hyemnale , laquelle n'existe qu'autant que la iempérature est inférieure à + 5 degrés R. On pourrait dire métaphoriquement que ce liquide est, pendant la nuit, dans un état de sommeil , et, pendant le jour, dans un état de réveil : on pourrait dire de mème que son repos d'hiver est un état d'hibernation. On sent, de prime abord , que ces phénomènes peuvent avoir quelque analogie avec les états de sommeil et de réveil des plantes, et avec leur état d’hrbernation. Cette lettre ne contient point, à beaucoup près, tout ce que j'ai découvert de curieux et d’important sur cette route nouvelle, que je me suis frayée dans les domaines réunis de la physique et de la physiologie. Des travaux \ ( 284 ) de ce genre ont besoin d’être müûris : je ne me presserai point de publier leurs résultats; je les publierai plus tard, avec le détail des expériences dont je viens d'offrir seulement une légère esquisse. RecnerCrEs sur quelques-unes des Révolutions de la surface du globe, présentant différens exem- ples de coïncidence entre le redressement des couches de certains systèmes de montagnes , et les changemens soudains qui ont produit les lignes de démarcation qu'on observe entre cer- tains étages consécutifs des terrains de sédi- ment ; (Mémoire lu par extrait à l’Académie des Sciences , Le 22 juin 1829.) Par M. L. Ezre De BeAumonr. ( Suite.) CHAPITRE II. & Révolution de la surface du globe qui est arrivée entre la période du dépôt de la craie et la pe- riode du depôt des terrains tertiaires. Le redres- sement des couches d'un système de montagnes, qui comprend les Pyrénées et les Apennins, a eu lieu dans cetie révolution. Le défaut de continuité qui existe dans la série des dépôts de sédiment entre la craie et les formations ter- ( 285 ) tiaires , et la conséquence qu’à cette époque de la chro- nologie géologique, il y a éu un renouvellement dans la manière d'agir des causes qui produisent les dépôts de sédiment, sont l’une et l’autre assez connues pour que je puisse me borner ici à les mentionner (1). (1) Voyez les articles CRaïE et ARGILE PLASTIQUE de l’Æssai sur La Géographie minéralogique des environs de Paris, var MM. Cuvier et Brongniart {édition de 1812 ), et le Discours préliminaire des Æecher- ches sur les Ossemens fossiles , page 11 et suiv. (édition de 18r2 ): Après avoir cité l'ouvrage dans lequel est établi depuis si long-temps le point de départ de ce chapitre , et avoir rappelé les pages éloquentes auxquelles je dois l’idée de tout le Mémoire , je crois devoir transcrire les deux articles suivans, malgré les éloges qui my sont donnes. Extrait de l'Universel, 30 actobre 1829. GÉOLOGIE. >: « Eh rendant compte des vues que M. de Beaumont a présentées sur « la manière dont le relief des Alpes s’est formé, M. Brongniart paraît « croire que ces vues reposeraient sur un nouveau principe d'observation. « Une telle facon de voir ne serait point exacte. En effet, il y a long- « temps qu’on a remarqué que la structure de l'écorce de la terre offrait, « dans les contrées qui nous sont connues , des preuves indubitables de « dislocations , de bouleversement et de changement de niveau ; il y a « long-temps qu’on a remarqué que ces révolutions, répétées à plusieurs « reprises, avaient modifié autant de fois Le relief du globe, et avaient « interrompu autant de fois la formation de la grande série des couches « quicomposent l'enveloppe secondaire. Ces interruptions ont donné lieu « au caractère le plus distinctif des périodes géologiques, c’est-à-dire, au défaut de parallélisme qu’on reconnaît en général lorsque l’on compare la stratification d’un système de terrains quelconque avec le système qui lui est inférieur. Ces notions sont , pour ainsi dire, vulgaires , et M. Cordier, en les professant dans ses Lecons au Jardin du Roi, n’a « jamais cru qu’il annonçait un principe nouveau. Les vues ingénieuses « de M. de Beaumont résultent donc d’un principe d’observation parfai- « tement connu. Une telle application bien faite suffit à coup sûr pour AE YU : à £ c CA ériter de grands éloges à l’auteur du Mémoire ; car il s’en aut de { 286 }) Si l’on jette les yeux sur des cartes suffisamment dé- taillées de la France et de l'Espagne, on voit que la chaîne des Pyrénées y forme un système isolé presque de toutes paris ; la direction qui y domine la détache également des systèmes de montagnes de l’intérieur de la France et de ceux qui traversent l'Espagne et le Portugal. | Cette chaîne, considérée en grand, s’étend depuis le cap Ortegal en Galice jusqu’au cap de Creuss en Catalogne ; mais elle paraît composée de la réunion de plusieurs chai- nons parallèles entre eux, qui courent de l’ouest-nord- ouest à l’est-sud-est dans une direction légèrement obli- que, par rapport à la ligne qui joint les deux points les plus éloignés de la masse totale. Telle est du moins cer- tainement la structure de la partie de cette chaîne qui borde la frontière de la France. M. de Charpentier, dans son excellent ouvrage sur les Pyrénées , a montré que la portion de cette chaîne qu'il à visitée présente deux axes primiufs parallèles entre eux, qui ne sont pas dans le prolongement l’un de l’autre, et dont l’un commence au méridien auquel l’autre se termine. La ligne tirée de « beaucoup qué les géologues soient d’accord sur la structure et la coim- « position des Alpes. » J L'£dinburg new Philosophical Journal (juillet à octobre 1829), en traduisant l’extrait de ce Mémoire qui avait paru dans le Globe du rer juillet , l'accompagne de la note suivante , pig. 299. « This interesting Memoir contains a view similar to one delivered « some years ago by the professor of natural history in Edinburg. » (Cet intéressant Mémoire contient un point de vue semblable à un qui a été présenté, 11 y à quelques années; par le professeur d'histoire na- turelle d'Edimbourg. Ces réclamations ne renfermant pas d’objections , la science w’aurait rien à gagner à ce que j'y répondisse aülrement que par les citations LE TR qui précèdent. ( 287 ) la montagne de Tentenade au cap de Creuss marque la direction du plus oriental de ces deux axes. Il paraît , d’après les observations de plusieurs géolo- gues, que des formations tertiaires s'étendent horizon- ‘talement jusqu’au pied des Pyrénées sans pénétrer dans leur intérieur. Les voir s'élever comme au Rigi, en Suisse , à 1800 mètres au-dessus de la mer , les voir s’incliner comme à Manosque, en Provence, presque jus- qu'à la verticale, est un phénomène qui certainement est étranger aux Pyrénées , puisqu'il n’y a été remarqué ni par MM. Dufrenoy et de Billy , ni par tant d’autres habiles géologues qui ont visité cette chaîne avant eux. C’estlà , si je ne me trompe , le trait qui distingue prin- cipalement les Pyrénées des Alpes. Dans les Alpes , ainsi que je le montrerai plus loin, les couches secondaires et tertiaires sont toutes également disloquées, ce qui montre que cette chaîne a pris les traits principaux du relief qu’elle nous présente après le dépôt des couches tertiaires les plus récentes , tandis que les Pyrénées ont pris rela- tivement aux parties adjacentes de la surface du globe, le relief que nous leur voyons aujourd’hui, entre la pé- riode du dépôt du terrain du grès vert et de la craie dont les couches redressées s'élèvent, d’après M. Dufrenoy , jusqu'à leur crête , et avant la période du dépôt des cou- ches tertiaires de divers âges qu'il a vues s'étendre hori- zontalement jusqu’à leur pied. La conclusion qui précède se trouve pleinement con- firmée par l'examen des circonstances que présentent d’autres accidens de la surface du globe qui, étant paral- lèles à la direction des Pyrénées et en étant peu éloignés, semblent devoir être de la même date que le redresse- ment des couches de cette chaîne. ( 288 ) On sait depuis long-temps que le muschelkalk et le cal- caire Jurassique font partie des terrains secondaires de la Provence, On y a même jusqu’à présent attribué une trop grande étendue à ce second terrain , en y rapportant beaucoup de masses calcaires qui dépendent réellement du système du grès vert et de la craïe (1). Dans une note sur la constitution géognostique des environs des Martigues , imprimée en 1827 dans les Mé- moires de la Société Linnéenne de Normandie , j'ai cherché à prouver que le terrain qui, sur les bords de l'étang de Berre, présente réunies dans les mêmes cou- ches des Nérinées, des Hippurites , des Milholites, et des Nummulites, appartient au système du grès vert et de la craie. Dans la crainte de trop allonger ce Mémoire, je ne reviendrai pas ici sur cette question , et je me bor- nerai à ajouter que le système à Hippurites de la Provence se lie d’une matière intime aux calcaires compactes blancs et quelquefois remplis de véritables oolithes qui consti- (1) Je partageais moi-même encore cette erreur, lorsque, dans une Note sur la constitution des îles Baléares , imprimée dans les Annales des Sciences nat. ,tom.X , p. 423, je rapportais au calcaire oolithique le calcaire blanc qui forme la cime dt mont Ventoux , ainsi que. des cal- caires pareils et contemporains, du département de la Drôme et des environs de Marseille et de Nice. Les calcaires blancs des îles Baléares, que j'ai été conduit à identifier avec les précédens , devront probable - ment, comme eux, être placés en partie du moins dans le système du grès vert et de la craie (wealden formation, green-sand , and chatk), et il en sera vraisemblablement de même d’une grande partie des cal- caires blancs qui forment en tant de points les côtes de la Méditerranée. depuis Gibraltar jusqu’en Syrie. Le calcaire compacte gris de la montagne des Æ/{pines ou des Aupies, près Salon ( Bouches-du-Rhône }, se rapporte non au deuxième étage du lias, comme je l’ai indiqué par suite d’une erreur liée à la précédente , mais aux couches les plus élevées du système jurassique à celles qui constituent la Dôle, le Reculet, le Colombier de Seyssel , ete. 1 ( 289 ) tuent une partie des montagnes de cette contrée et du Dauphiné, et que ces calcaires se rattachent aux gîtes de fossiles de Brianconnet (Basses- Alpes) , du Villard de Lans (Isère), du mont du Chat (sur les bords du lac du Bourget), de la perte du Rhône, de Thonne et de la mon- tagne des Fis, en Savoie, gites qui tous se rapportent avec une égale évidence au Green-Sand des Anglais. J'a- jouterai encore que le grand système à Nummulites des Alpes qui paraît se retrouver dans une partie des Maci- gnos de la Toscane (1) et dans les grès analogues de quelques autres contrées, ainsi que M. Adolphe Brongniart l’a remarqué dans son Histoire des végétaux fossiles, se lie aussi de la manière la plus intime et la plus continue aux gîtes des fossiles que je viens de citer. C’est en partie sur des couches de ce système que repose le grand dépôt de Marnes bigarrées, de grès et de calcai-, res compactes avec des coquilles d’eau douce et des lignites qui constituent la partie inférieure des terrains tertiaires de la Provence. Ce dépôt a rempli les parties basses que présentait un sol irrégulier, composé en partie de cou- ches de l’époque du grès vert et de la craie. Les diverses couches qui forment ce sol préexistant présentent des dérangemens de stratification qui se coordonnent aux formes générales des anciennes îles et presqu’iles qu'on y reconnait, comme , par exemple , à celles de l’ancien rivage qui a existé durant la période tertiaire, d’Auriol au Pin. Les dérangemens de stratification que j'indique ici » (1) M: de ia Béche a reconnu récemment que certains macignos des bords du golfe de la Spezia appartiennent à la série oolithique. (Ænn. des Sc. nat., tome XVII, p. 440.) XVII. 1Q “ ( 290 ) doivent être soigneusement distingués d’un grand système de failles dirigé de l’est-nord-est à l’ouest-sud-ouest sui- vant des lignes parallèles à celle de Manosque à Beau- caire ou de Brignolles à Marseille, failles qui donnent lieu aux accidens du sol les plus proéminens de ces contrées, mais dont l'origine est plus récente, puisqu'elles affec- tent également des couches secondaires et tertiaires. Lorsqu'on a soin de distinguer ces failles de nouvelle date, sur lesquelles je reviendrai dans le quatrième cha- pitre de ce Mémoire, on voit clairement que les couches du muschelkalk, du calcaire jurassique et du système du grès vert et de la eraie présentent des dérangemens de statification antérieurs au dépôt des terrains tertiaires qui n’en sont pas eux-mêmes affectés. Mème là où des convulsions récentes l’ont en partie: disloqué, et où, par suite, ses couches sont fortement inclinées ou même verticales , on voit presque toujours le dépôt tertiaire rester dans le fond de larges vallées , bordées en partie par les couches encore plus disloquées du système du grès vert et de la craie. Loin de suivre ces dernières couches partout, le terrain tertiaire ne constitue aucune des cimes dominantes de la contrée ; il semble avoir conmstam- ‘ment respecté d'anciennes sommités , et s'être seulement étendu dans les dépressions qu’elles laissaient entre elles. Dès qu’on s'élève sur les montagnes au-dessus du niveau des dépôts formés dans ces espèces de golfes, on ny trouve plus sur les roches plus anciennes aucun encroû- wement tertiaire ; il y a mème des points, comme les envi- rons de Marseille et de Nice, où on voit bien clairement que les couches les plus anciennes du dépôt tertiaire qui constituent aujourd'hui le sol, se sont moulées sur le fond ( 391) d'un bassin qui n’a subi depuis lors que peu de char- gemens. On peut assez aisément reconnaitre l'influence de la direction des Pyrénées dans les contours de ces anciennes terres et dans ceux des dépôts tertiaires qui se sont for- més entre elles, aussi bien que dans la direction des prin- cipaux accidens de stratification que présente le terrain du grès vert et de la craie sur la côte de la Méditerranée, entre Nice et Vintimille. ù La vallée à l'extrémité nord-ouest de laquelle se trouve la petite ville de Signes (Var) présente des lambeaux d’un dépôt d’eau douce, très-probablement contemporain de ceux qui viennent d’être cités, et qui paraît avoir rempli les inégalités d’un sol composé de couches ineli- nées de muschelkalk et d'un calcaire contemporain du grès vert. De Brignolles à Saint- Maximin (Var) s'étend ure large vallée dont le fond , formé le plus souvent par des couches plus ou moins disloquées et aliérées de mus- chelkalk, présente de petits lambeaux d’un dépôt d’eau douce qui en remplit les inégalités, et qui paraît n'être que le prolongement du grand dépôt d’eau douce qui s'étend de Saint-Maximin vers Aix, Gardanne et l'étang de Bèrre. Les vallées de Signes et de Brignolles se dirigent de l'O. N.-0O. à l'E.-S.-E. parallèlement aux au- tres accidens du sol que j'ai déjà signalés comme anté- rieurs au dépôt des lignites de Gardanne, et dont la direction générale peut être considérée comme repré- sentée par une ligne tirée de la petite montagne cal- caire siluée au nord-ouest de Beaucaire, à celles qui ( 292) s'élèvent au nord du Luc , entre cette ville et la rivière d’Argens. Cette ligne, qui suit une série presque continue de lambeaux crayeux et jurassiques non recouverts , est sensiblement parallèle aux chaînons des Pyrénées ; mais la direction dominante de cette chaîne se retronve peut-être encore, d’une manière plus marquée, dans celle de quelques accidens du sol, situés un peu au nord des précédens. La montagne calcaire de Montmaiour, à l'E.-N.-E. de Rians ( Var), fait partie d’une suite d’escarpe- mens tournés au sud, qui courent de l'E, 15° S. à l'O. 15° N., de Besaudun à la vallée de la Durance. Au pied de ces escarpemens s'étend, de Besaudun (Var) aux bords de là Durance, près de Peyrolles (bouches du Rhône), une large vallée dout le fond est en partie com- posé de calcaire, de grès et de marnes bigarrés d’eau douce, analogues à la formation d’eau douce des envi- rons d'Aix. La Durance , après avoir traversé le Pertuis de Mira- beau , vient tomber, à Peyrolles, dans la vallée dont je viens de parler, et elle suit ensuite sa direction jusqu’à Orgon, et même, à peu de chose près, jusqu'à son confluent avec le Rhône, signalant ainsi à l’œil de l'ob- servateur une ligne de dépressions , égale en longueur à plus de la moitié du chaînon le plus oriental des Pyré- nées , et exactement parallèle à sa direction. Près du point où la Durance vient se jeter dans cette longue dépression, s’observe une circonstance quimontre clairement à quelle époque elle a pris naissance. La cou- pure, dans laquelle coule la Durance, de Mirabeau à Peyrolles, permet de voir, sur une grande étendue , les ( 293 ) couches du dépôt tertiaire d'eau douce s'étendre, pres: que horizontalement , sur Îles tranches des couches du système du grès vert et de la craie, presque toujours inclinées de plus de 30°. Ce fait, si important pour l'étude des äges relatifs des diverses dislocations qu’a éprouvées le sol de ces con- trées, devient encore plus frappant lorsqu'on étudie, dans leur ensemble, les petites montagnes dont les es- carpemens, en regard les uns des autres, forment le Pertuis de Mirabeau, sur la route de poste de Gre- noble à Marseille. Le noyau de ces montagnes est formé par un calcaire compacte gris, traversé par des petits filons de spath calcaire blanc, qui est presque exactement identique avec celui de la porte de France, à Grenoble, et qui paraît représenter, comme lui , les étages supérieurs de la série oolitique du nord de la France et de l’ Angleterre. Les couches nombreuses et généralement peu épaisses de ce calcaire sont pliées cylindriquement, 4, 4, pl. xv, autour d’un axe borizontal qui court environ de l'E. 18° S. à l'O. 18° N. A l'entrée méridionale du Per- tuis, elles s’enfoncent , vers le S.-S.-O., sous un angle d'environ 30°; mais, à son entrée septentrionale, elles s'inclinent beaucoup plus fortement, deviennent tout- à-fait verticales , et même, en quelques points , se ren- versent légèrement, sans toutefois cesser de courir paral- lèlement à la direction précédemment indiquée de l’axe du cylindre. Ce noyau jurassique est flanqué , de part et d'autre, par une grande épaisseur, B, B, pl. xv, de cou- ches d’un calcaire plus ou moius marneux , tantôt gris, tantôt bleuätre , qui contient , avec quelques ammonites, ( 294 ) le Belemnites mucronatus, et qui, d’après la haison continue qu'il présente, en outre, avec divers autres calcaires de la contrée, se rapporte évidemment au sys- ième du grès vert et de la craie. Ce système s'appuie, à stratification concordante , sur le système jurassique. La direction des couches de l’un et de l’autre ne s'éloigne jamais, que faiblement, de la direction E, 18° S., O. 18° N., de l’axe du cyJindre suivant lequel elles se plient, direction qui, quoique observée sur une petite étendue, s'éloigne moins de la direction des Pyrénées et des acci- dens du sol qui leur sont paralléles en Provence, que ne le font souvent, en deux poinis peu éloignés l’un de l’au- tre, les directions d’un même groupe de couches. Sur ce système de couches ,'en partie verticales , dont le redressement date si évidemment d’une époque posté- rieure à la période du dépôt du système du grès vert et de la craie, on voit, sur toute la rive gauche de la Durance, depuis l'entrée du Pertuis jusque près de Peyrolles , s'é- tendre presque horizontalement les couches a, a, a, pl. xv, d’un puissant dépôt d’eau douce , composé prin- cipalement d’un calcaire compacte, grisätre, pénétré d'un grand nombre de tubulures irrégulières et d’un grès analogue à celui qui, près d'Aix , alterne avec les marnes bigarrées du système d’eau douce. Sur la rive droite de la Durance, près de l'entrée septentrionale du Pertuis de Mirabeau, je n’ai pas re- trouvé les couches d’eau douce dont je viens de parler, et qui existent aussi au bout des escarpemens de la rive gauche, en dessous de Saint-Paul-le-Fougassier. Elles ne peuvent se trouver, sur la rive droite, qu’en a, a’, en dessous du niveau de la Durance; mais, un peu ( 295 ) au-dessus de cette rivière et à peu de distance , au N.-E. de la chapelle de la Magdelaine, j'ai vu les cou- ches presque horizontales de la mollasse coquillière repo- ser immédiatement sur la tranche des couches verticales du terrain jurassique et du terrain du grès vert et de Ja craie. É La couche, que j'ai vue en contact avec les têtes des couches verticales et celles qui lui succédaient immédia- tement, étaient formées d’un grès calcaire sans coquilles, plus ou moins solide, dont quelques assises contenaient de petits galets calcaires et passaient à un poudingue. En suivant ces couches de bas en haut, on y voyait bientôt paraître de nombreux débris de coquilles marines qui en faisaient une véritable mollasse coquillière. Dans une de ees couches presque horizontales, j'ai remarqué de la dolomie dont la présence se lie, sans doute, aux dislo- cations d’une date récente , par suite desquelles les cou- ches tertiaires ne se trouvent plus, sur les deux rives de la Durance , à des niveaux exactement correspondans. Plus hautse trouve un banc c, contenant, outre quel- ques galets calcaires, un grand nombre d’huîtres très- allongées , à charnière très-longue , parmi lesquelles se trouvent probablement l’Ostrea virginica des mollasses coquillières des environs de Piolené et de Narbonne, et quelques-unes de celles des mollasses du canton de Berne, ainsi que diverses autres coquilles, parmi lesquel- les M. Deshayes a reconnu l’Ænromia ephipium, le Ba- lanus crassus, et un Peigne, peut-être inédit, qui présente des traits de ressemblance avec le Pecten Ja- cobeus, le Pecten Beudantietle Pecten flabelliformis. Au-dessus de cette couche se trouve une assez grande ( 296 ) épaisseur de mollasse peu coquillière, dont une assise d m'a présenté des empreintes végétales mal conservées. Plus haut se trouve un second banc d’huîtres e ana- logue au premier ; il est encore recouvert par une cer- taine épaisseur d’une mollasse , plus où moins co- quillière , dont le banc supérieur f est remarquable par sa dureté. Ce dernier est recouvert par trois mètres d’un sa- ble jaune g, sans coquilles, peu cohérent, que recuu- vrent dés couches alternatives À de grès calcaire et de calcaire compacte , d’un gris bleuàtre, percé dé tubu- lures ivrégulières, et contenant des coquilles terrestres ou d’eau douce. Ce calcaire, quoique d’eau douce , est fort différent, par son aspect, de celui que j'ai mdiqué près de Peyrolles; aussi forme-t-il la partie supérieure de la série tertiaire du point qui nous occupe, tandis que celui des environs de Peyrolles paraît appartenir à la partie inférieure de la même série. Les couches presque horizontales que je ‘viens de décrire présentent un escarpement tourné vers le S.-O., et le calcaire d’eau douce qui les surmonte forme un pla- teau qui plonge , comme elles, d’un petit nombre de degrés, vers l'E. 30° N. Le vieux château de Mirabeau est bâu sur ce plateau dont le point le plus élevé, près de l’escarpement qui le termine au S.-0O. ; s'élève à en- viron cent mètres au-dessus de la Durance. Placé au haut de l’escarpement formé par ces couches tertiaires si peu dérangées, je voyais distinctement qu’en me dirigeant , soit au S.-E., à l’entour de la montagne qui porte la cha- pelle ruinée du Saint-Sépulcre, soit au S.-O., vers les bois de Saint-Paul et vers Rians , j'aurais pu faire de ( 297 ) nouvelles observations de discordances de stratification pareilles à celles que je viens d'indiquer; mais elles n'auraient rien ajouté à l'évidence avec laquelle les faits que je viens de rapporter prouvent que les accidens du sol, qui traversent la Provence parallèlement à la direc- tion des Pyrénées, ont été produits entre la période du dépôt du grès vert et de la craie, et la période du dépôt des terrains tertiaires. La chaine des Apennins qui traverse l'Italie dans sa longueur , depuis les environs de Gènes jusqu’à la terre d'Otrante, parait se composer, comme les Pyrénées, de plusieurs grands chaînons parallèles entre eux, dont le plus septentrional s'étend des environs de Gènes à la marche d’Ancône parallèlement à la direction des col- lines subapennines, si célèbres par la belle conserva- tion de leurs fossiles. { Voyez la Conchiologia fossile subapennina de Brocchi, et particulièrement les impor- tantes remarques consignées dans les pagés 56 et sui- vantes du tome I°'.) Des cartes récentes montrent assez clairement que les principaux accidens du sol du royaume de Naples se coor- donnent à trois directions principales, presque paral- lèles aux trois côtés de la Sicile. L'une d'elles , que je considère seule ici, est paraïlèle à la direction déjà mentiounée des collines subapennines de Turin à An- cône, et se reconnaît dans les principaux chainons des Apennins, depuis la frontière de l'État romain jusqu'aux environs de Brindes , par exemple dans les Morges, entre Bari et Tarente, et dans deux rangées de masses volcaniques qui courent parallèlement aux Apennips, l’une à travers la terre de Labour des environs de Rome ( 298 ) à ceux de Bénévent, et l’autre dans les îles Ponces , de Palmarola à Ischia. Les directions ainsi tracées par ces espèces de jalons géologiques sont très- sensiblement parallèles à celle des Pyrénées, prise de la montagne de T'entenade au cap de Creuss. La direction indiquée dans les îles Ponces , étant prolongée à l'O.-N.-O., viendrait traverser le Lan- guedoc presque à égale distance des Pyrénées et d’une ligne tracée à travers la Provence de Beaucaire au Luc. La direction générale des collines subapennines , flan- quées sur le revers N.-N.-E. des Apennins , de Turin à Ancône, semble indiquer que ce revers existait déjà pen- dant la période du dépôt des terrains tertiaires, et formait le rivage d’une mer dans laquelle des dépôts de cette classe se formaient. Cette chaîne ne pouvait toutefois exister depuis Jong-temps ; car une partie des couches secondaires qui entrent dans sa composition , ainsi que dans celle d’une partie des montagnes de la Toscane , semblent, d'après les observations ui m'ont été obli- geamment communiquées par plusieurs géologues , ct particulièrement par MM. Boué, Pentland, Studer et Bertrand-Geslin, se rapporter, comme beaucoup des couches secondaires de la Provence , au terrain du grès vert et de la craie. D’après les observations toutes récentes de M, Aug. Capello , le gran sasso d'Italia ( grande roche d’ftalie) ou Monte Corvo, au nord d’Aquila , qui est le sommet le plus élevé des Apennins, est formé, ainsi que les cimes des monts Sibilla, Velino et Majella , par un cal- caire blanc, renfermant des silex pyromaques, et quel- ques traces de corps organisés, qui rappelle celui des ( 299 ) cimes du Ventoux, de la Moucherolle et du grand Sont, et qui semble se distinguer tout-à-fait des grès , sables et marnes tertiaires qu’on trouve plus au nord dans les con- trées plus basses et plus voisines de l’Adriatique, des environs de Teranvo. La chaîne calcaire des Morges est bordée , jusque dans la terre d'Otrante , par des dépôts tertiaires , comme les Apennins de Modène. La côte méridionale de la Sicile, qui court parallèle- ment aux Pyrénées, présente à son extrémité S.-E., la plus voisine de Malte, au cap Passero , un gite célèbre d’Hippurites et de Nummulites ; et c’estencore à peu près dans cette direction que s’allonge le groupe des îles de Malte et de Gozzo , composées d’un calcaire de consis- tance crayeuse , qui contient des Bélemnites. Il paraît donc évident que les Apennins ont reçu plu- sieurs des traits principaux de leur relief actuel à la mème époque que les Pyrénées et les bassins dans les- quels se sont déposés les terrains tertiaires de la Pro- vence, c'est-à-dire, après le dépôt du terrain du grès vert et de la craie, et avant celui des terrains tertiaires (1). La solution de continuité si marquée qui existe entre la craie et les terrains tertiaires , correspond ainsi, par la date à laquelle elle a pris naissance, à la dislocation des couches d’un système de montagnes qui comprend les (1) D’après les observations de plusieurs géologues , et particulière- ment de M. de la Béche ( Ann. des Se. nat. , tome XVII, p. 442), ù paraît que dans les parties qui avoisinent la Spezia et là Marche d’An- cône, l'apparition des serpentines est venue déranger ies couches depuis le dépôt des terrainstertiaires; mais ces faits isolés sont des exceptions à l’état normal des choses dans les Apennius. { 300 ) Pyrénées et les Apennins , et que j'appellerai pour ceue raison Système pyrénéo-apennin (1). On peut suivre bien plus loin que je ne viens de le faire , une série de chainons de montagnes qui, d’après les directions qui y dominent , paraît offrir de proche en proche la continuation du système de. fractures de la croûte extérieure du globe qui a produit dans le midi de la France et eu Italie les montagnes de la date que je considère en ce moment. Des environs de Varèze et de Come à ceux de Brescia et aux bords du Mincio s'étend , au pied des Alpes, une bande de dépôts tertiaires, analogue et parallèle aux collines subapennines. Ces dépôts tertiaires ne forment que des collines dont les couches, le plus souvent hori- zontales, sont redressées seulement en un petit nombre de points qui correspondent à de grandes dislocations alpines plus récentes que leur formation et d'une direc- tion toute différente, et cette bande tertiaire semble être la trace d’un des rivages de la mer qui, durant la période tertiaire, battait le pied des Apennins. Ainsi le (1) Lorsque je parle de parallélisme entre des accidens de la surface du globe , aussi éloignés les uns des autres que le sont déjà le royaume de Naples et les Pyrénées, j’entends que , par le milieu de l’espace qui réunit ces accidens, on pourrait tracer une ligne géodésique qui cou- perait perpendiculairement les directions de ces mêmes accidens , pro- longées chacune, s’il était nécessaire , par une suite de jalons. Ce parallélisme peut se reconnaître, avec toute la précision que com- porte la matière, par une simple construction graphique sur un globe terrestre ; mais il faut se défier de celles qu’on pourrait être tenté d’exé- cuter dans le même but sur toute carte géographique qui n’aurait pas été dressée exprès, en prenant pour axe de développement une ligne géo- désique , parallèle à La direction des accidens du sol que l’on considère, ot qui en soit peu éloignée. ( 3or ) Po coule de Pavie à Guostalla dans le fond d’une grande ‘vallée longitudinale du système pyrénéo-apennin, vallée au milieu de laquelle s’élèvent les collines tertiaires non disloquées du Lodesan, et sur-laquelle l'apparition des Alpes w’a influé qu'en répandant sur une partie de son fond une masse énorme de terrain de transport diluvien. En examinant le reste des Alpes avec attention, on y reconnaît aussi en différens points les traces des mou- vemeus que le sol y avait éprouvés à l’époque de l’appa- rition des Pyrénées et des Apennins; telle est, par exem- ple, la disposition des lambeaux tertiaires du’ Royans, de Lus-de-la-Croïx - Haute (Drôme) et du Dévoluy ( Hautes-Alpes) , sur une ligne presque parallèle à la direction des Pyrénées. Si des bains de Gurnigel (canton de Berne) on tire une ligne vers l'extrémité orientale du lac de Thun, cette ligne, qui passe dans le voisinage de plusieurs sources minérales, qui coïncide avec la direction de grands accidens du sol, et qui, dans une grande partie de sa longueur, sépare des montagnes élevées formées de couches très-tourmentées du système jurassique et du système du grès vert et de la craie, d’autres mon- tagnes plus basses et formées par des couches très- légèrement inclinées au N. 38° E. du dépôt tertiaire du nagelfluhe et de la mollasse (voyez les calculs rigou- reux de M. Studer) , se trouve en même temps sensi- blement parallèle à la direction qui domine dans le système pyrénéo-apennin. La partie orientale des Alpes et lés montagnes qui la rattachent aux chaînes de la Dalmatie et de la Bosnie présentent beaucoup d’accidens, parallèles à la direction qui domine dans le système des Pyrénées et des Apen- ( 302 ) nins. Ces différens traits, paraissent être uné trace de l'influence qu'avait eue la commotion qui a donné à ces dernières chaines leur relief actuel sur le sol où, depuis, les Alpes se sont élevées, et ce n’est, comine l’a remar- qué M. Boué, que par l'élévation qu’une partie de ce sol aura prise à cette première époque , qu'on peut expli- quer d’une manière satisfaisante, pourquoi , dans l’inté- rieur des Alpes, on trouve de si grands espaces formés par le terrain du grès vert et de la craie sans aucune trace de terrains tertiaires. La direcuon du système pyrénéo-apennin se retrouve dans la direction des grandes vallées dans lesquelles la Save et la Drave coulent vers les plaines basses de la Hongrie, et on sait que des formations tertiaires rem- plissent les vallées de ces rivières , et qu’elles s'étendent jusqu'au pied des montagnes de la Dalmatie (1). Jusq P g (r) M. Partsch , dans sa Relation des détonations qui se firent enten- dre il y a quelques années dans l’île de Meleda, donne beaucoup de détails sur la constitution géologique de la Dalmatie et des provinces voisines. Il fait connaître qu’un système calcaire et arénacé, coutenant beaacoup de Nummulites, dans lequel on reconnaît trait pour trail le système du grès vert et de la craie, tel qu’il se montre dans lé midi de la France, se présente dans ces contrées en couches redressées, y forme toutes les hautes moutayes , et , en particulier, celles de la Croa - tie militaire, et constitue quelques groupes isolés, qui s'élèvent au milieu des terrains tertiaires de la Croatie civile, Ces derniers terrains comprennent une formation de lignites remarquable, celle qui , près de Radoboi, est si riche en soufre, en pétrifications et en insectes , ainsi qu'un dépôt vraisemblablement identique avec celui du Leithagebirge, près Vienne. ( T'eutschland geognostich-geologisch dargestellt ; Vier- tes Bandes. III heft , pag. 280, aunée 1827.) M. Keferstein, dans le Résumé du voyage qu’il a fait en 1528 , dans les Alpes de la Carinthie ct de la Styrie, s'exprime de la mauière sui- vante : « Le flysch et le calcaire alpin qui , comme je l’ai montré précédem- (4605 ”) La chaîne des monts Nissava-gora, qui sépare la Bosnie et la Servie de la Dalmatie et de l’'Herzegowine , « ment, sont les équivalens de la grande formation crayeuse, forment « la masse principale de toutes les Alpes calcaires (orientales ) ; mais «dans les vallées se trouvent aussi très-souvent des couches d’une for- « mation plus récente , qui ne jouent proportionnellement qu’un rôle « très-subordouné. « 19. Le nagelfluhe calcaire qui, dans cette partie des Alpes, rem- « plit jusqu’à une hauteur considérable la plupart des grandes vallées , « et dans lequel les lits des rivières sont coupés profondément. Il repose « sur le flysch et sur le calcaire alpin , et doit par conséquent être plus « récent que l’un et que l’autre, et il doit aussi s'être déposé après la « formation originaire des vallées, Les fragmens roulés de caleaire « alpin y sont tellement pressés les uns contre les autres , qu’on peut à « peine distinguer entre eux un ciment; du moins n’ai-je pu , dans le « temps, faire sur ce ciment aucune observation précise. Comme dans « d’autres formations, des couches molles alternent ici avec des cou- « ches solides. Suivant toute probabilité , ce nage!fluhe appartient à La « mollasse de la Suisse antérieure. « 20, Beaucoup de vallées des Alpes, même dans la chaîne centrale « (celle entre Klagenfurth et Leoben) , renferment des couches quel- « quefois très-puissantes d’argile plastique, qui contient çà et là des « couches de lignite , qui présentent du bois simplement transformé en « braunkohle, comme dans la vallée du Lavant. Cette formation char- « bonneuse paraît si différente du flysch , qu’on sera obligé de l’en sépa- « rer ; peut-être représente-t-elle la formation de braunkohle (formation « d'argile plastique), qui se trouve dans l'Autriche antérieure, dans « l’Innviertel, dans le bassin du Danube. « La formation du tegel, ou calcaire grossier, borde la lisière orien- « tale des Alpes , et s’étend depuis là à travers le bassin de Vienne et la « Hongrie On peut, comme on l'avait déjà indiqué, y faire les divi= « sions suivantes : « a Le tegelkalk inférieur, ou leithakalk , qui forme sur la frontière de « la Hongrie des chaines de collines considérables. « b Le tegelmergel , qui se trouve souvent dans les plaines , particuliè - « rement entre Vienne et Baden. « e Et le tegelkalk , ou sable calcaire et grès du Tegel , qui forme aussi ( 304) est très-sensiblement parallèle à la direction des collines subapennines prise de Turin à Ancône , et cette direc- tion se retrouve dans celle des principaux accidens du sol des quatre provinces que je viens de citer, et dans celle du mont Rodope ou Despoto-dagh en Roumélie ; direction dont il semble qu’on pourrait même suivre « de petites chaînes de collines, comme au T'urkenschanze , près de « Vienne. » ( Teutschland geognostich-geologisch dargestellt. Sech- sten Bandes. IT heft ; pag. 319, année 1829.) M. Keferstein faisait sans doute principalement allusion aux obser- vations qu’il avait faites antérieurement dans ces contrées, ou à d'au- tres analogues à celles que j’ai moi-même rapportées plus haut (ligne de Varèse à Brescia), lorsque dans sa Description de l’Allemagne, in- sérée dans le T'eutschland geognostich-geologisch dargestellt , Funften Bandse. IL heft; pag. 192 (année 1828), après avoir présenté un tableau abrégé des Alpes et des changemens que divers terrains y ont subis, tant dans leur position que dans leur nature, il termine en disant: « .….. {1 pourrait être difficile de déterminer dans quelle période est « tombée cette révolution ; mais il est très-vraisemblable qu’elle avait « lieu pendant le dépôt de la craie, ou même de formations encore pius « récentes. » Dans un Mémoire extrêmement remarquable , intitulé : On the for. mation of the Valley of Kingsclere and other valleys by the elevation of the strata that enclose them; and on the evidence of the original continuity of the basins of London and Hampshire , lu à la Société géo- logique de Londres le 8 février 1825, et imprimé dans ses Transactions, deuxième série , tom. IL, p. 119, M. Buckland avait dit : « … La plus « simple explication de leur position (celle de lambeaux tertiaires dans « les Alpes ) dans des points si élevés , se trouve dans l'hypothèse que « ces montagnes ont été élevées depuis la période pendant laquelle a « eu lieu le dépôt des couches tertiaires. » Voyez aussi les réflexions de M. Brongniart sur la position du dépôt coquillier des Diablerets, dans son travail sur ce gîte célèbre , imprimé à la suite de son Mémoire sur les terrains de sédiment snpé- rieurs , calcaréo-trappéens , du Vicentin (1823). ( 305 ) le prolongement à travers l’Asie-Mineure, dans les mon- tagnes qui s'étendent de la mer de Marmara vers Konieh et Caraman. Les chaînons de montagnes parallèles entre eux , dont les observations et les cartes les plus récentes indi- quent que le sol de la Livadie, de la Morée, et de la partie occidentale de lile de Candie, est formé, sont à très-peu près parallèles de la direction dn système pyré- néo-apennin. On remarque seulement que, si un regarde leur direction comme représentée par la ligne volcanique qui s'étend de Méthana à Santorin , elle se’ rapproche de la ligne N.-0., S.-E. de quelques degrés de plus que ne ferait la direction des Pyrénées, si on pouvait la prolonger jusque dans ces parages par une suite de jalons: mais, peut-être, n'est-on pas fondé à attendre, dans les traits même les plus généraux des grands accidens de la surface du globe, cette régularité rigoureuse qu’on est si loi de rencontrer dans l'examen de leurs détails. Les lignes tracées par le cours de l'Alphée , de l’'Eu- rotas et de leurs affluens, indiquent dans la Morée une série d’accidens du sol dirigés parallèlement à la bande volcanique qui court de Methana à Santorin. Les mon- tagnes qui s'élèvent entre ces divers cours d’eau sont for- mées, d'après les observations de M: Virlet, attaché comme géologue à J'expédition française en Morée, par un système de couches calcaires et arénacées , fortement tourmentées , dont la ressemblance avec le système con- temporain du grès vert et de la craie dans le sud-est de la France, n’a pas échappé à M. Brongniart. ( Voyez son Rapport sur les travaux de M. Virlet, qui a été lu à l'Académie des Sciences, le 21 septembre 1829.) M. Vir- XVI. 20 ( 306 ) let a observé à la base de ces montagnes, en divers points de la Messénie , des dépôts tertiaires qui ont été recon- nus par M. Brongniart, dans le Rapport ci-dessus men- tionné, comme parfaitement caractérisés. Ces mêmes montagnes paraissent eneffet avoir été en partie entourées par le terrain de sédiment supérieur, qui, d’après les observations de M. Boblaye , « s'étend sur tout le littoral « et peut-être assez avant dans les grandes et profondes « vallées du Pamissus , de l’Alphée et de l'Eurotas, « qui a formé l’isthme de Corinthe, les riches plaines de « l’Elide, et a comblé jadis le golfe d'Athènes, dans « lequel il a laissé sur toutes les îles des lambeaux qui « attestent son existence et sa destruction (1). » Si l’on compare les expressions de MM. Brocchi, Boblaye et Virlet, on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'elles indiquent des rapports tout-à-fait semblables entre les montagnes secondaires et les collines tertiaires qui les entourent , tant en Italie que dans la Grèce ; et ces rapports communs sont eux-mêmes exactement pareils à ceux que MM. Dufrenoy et de Billy m'ont sou- vent indiqués entre les mollasses coquillières des envi- rons de Perpignan , et la partie adjacente des Pyrénées. Au nord des plaines de la Hongrie et des groupes de montagnes trachytiques si bien décrits par M. Beu- dant (>), la direction pyrénéo-apennine se reproduit (1) Lettre adressée de Modon, le 18 septembre 1829, à M. de Fé- russac , par M. Puillon-Boblaye , capitaine ingénieur-géographe attaché à l’armée francaise en Morée ( Bulletin des Sciences naturelles , oc- tobre 1829). g (2) Les trachytes de la Hongrie avaient commencé à paraitre à la surface du sol avant le dépôt des dernières couches tertiaires, puisque, ( 307 ) encore très-exactement dans la direction de la chaîne des monts Carpathes, ou du moins de la partie de cette chaîne qui. est parallèle au cours du Dniester. dansles conglomérats formés de leurs débris transportés dans les plaines de la partie sud-est du groupe trachytique de Schemnitz , entre Pa- lojta et Prebeli, M. Beudant a signalé des coquilles marines de l’époque tertiaire. Er d’autres points, des roches trachytiques sont d’ailleurs recoufŸertes par des mollasses. ( ’oyage minéralogique et géologique en Hongrie, par M. Beudant , tom. III, p. 439 et 510.) En considérant avec attention la carte géologique de la Hongrie et de Ja Transylvanie, par M. Beudant , on ne peut manquer d’être frappé des alignemens à peu près nord-sud, qui, à côté de directions parallè- les à celles dont je m'occupe principalement dans ce Mémoire, se ma- nifestent dans la disposition de plusieurs des groupes trachytiques et des masses de roches métallifères, dont ils sont accompagnés, aussi bien que dans la direction des gîtes métallifères du Schemnitz, Kremnitz, Szaszka , Oravicza , Dognaszka. ( Voyez les plans joints à l'ouvrage de M. Boué, intitulé : Geognostiches gemalde von deutschlard. 1829.) A trente lieues au sud de Szaszka commence, au milieu de la Servie , près de Kruschevacz , la chaîne des monts Caponi , qui se prolonge, pa- rallèlement au méridien , entre la Macédoine et la Thessalie d’une part, et Albanie de l’autre , en bordant à l’est les vallées du Drin noir et de VArta. Une chaîne dirigée dans le même sens paraît former la côte de Morée , près de Napoli de Malvoisie , et Pile de Candie paraît terminée à l’ouest par des accidens de la même classe. Cette direction se retrouve dans celle de plusieurs chaînes de lIstrie, au sud de Trieste ; dans celle de la vallée de la Chiane , qui joint le bas- sin de l’Arno à celni du Tibre , au midi d’Arezzo ; dans celle de la côte orientale de la Sicile ; dans celle du groupe des îles de Corse et de Sar- daïgne ; dans celle de la vallée de la Saône et du Rhône , au-dessous de Chälons-sur-Saône ; enfin, dans celle des hautes vallées de la Loire et de Allier, dans le fond desquelles s’est étendu un terrain d’eau douce analogue à celui des environs d’Aix et de Gardanne (Bouches-du-Rhône), et dans le sens desquelles se sont alignés les monts Domes , si bien décrits par M. Ramond. Ces divers accidens du sol seraient-ils, en tout ou en partie, contemporains du changement qui s’est opéré entre Le dépôt du calcaire grossier et celui du gypse de Montmartre? I! me ( 308 ) Or on sait que maintenant il existe beaucoup de rai- sons pour rapporter au système du grès vert et de la craie une partie au moins des grès qui dominent dans les Carpathes : on sait aussi que les formations tertiaires s'étendent dans les plaines, de part et d’autre des Car- pathes , jusqu'à leur pied (1). On voit donc qu’à mesure qu’on suit le système pyrénéo-apennin, on trouve de nouveaux motifs pour conclure qu'il a pris son relief actuel entre la période du dépôt du grès vert et de la craie, et celle du dépôt des formations tertiaires. Presque dans le prolongement des Carpathes , aux environs de Dresde, le côté droit et sepientrional de la vallée de l’Ele est bordé par une suite de montagnes de granite et de syénite, qui s'étendent de Hinterherms- dorf, sur la frontière de la Bohème, à Weinbohla, à paraît au moins bien probable que ces divers accidens de la surface du globe auront pris naissance entre le commencement et la fin des dépôts tertiaires, à l’exception de quelques masses de trachytes, qui seront encore venues s’y surajouter pendant long-temps. (Voyez à cet égard les idées que M. Jules Desnoyers a consignées dans ses importantes Obser- vations sur un ensemble de dépôts marins plus récens'que les terrains ter- tiaires du bassin de la Seine; précédées d'un Apercu de la non-simul- tanéité des bassins tertiaires ; Annales des Sciences naturelles, t. XNI, pay. 487, ainsi que les Observations de M. Boblaye sur l’île d’'Egine, annoncées dans sa lettre à M. de Férussac , qui nous présage de pro- chaines et vives lumières sur la composition et la structure du sol de la Grèce. ) (1) Voyez le Mémoire intitulé: Ændeutengen uber charakteristik der felsarten, par M. Lill von Lillienbach. Zeitchrift fur Mineralogie de M. Leonhard, septembre 1827. Ces résultats sont pleinement con- firmés tant par d’autres travaux plus étendus , mais encore inédits , de M. Lill von Lillienbach , que par la nouvelle exploration des Carpathes et de la Gallicie, qu'ont faite cet été (1829) MM. Boué et Keferstein. ( 309 ) une lieue et demie à l’est de Meissen, en s’élevant brus- quement au-dessus de la plaine de quadersanstein ( grès vert) et de planerkalk (craie). Lorsqu'on examine de près le contact de ces roches primitives avec les couches qui représentent le grès vert et la craie, on voit qu'en beaucoup de points elles les coupent et mème les re- couvrent presque horizontalement. Il est donc de toute évidence que ces granites et ces syénites se sont élevés à la surface du sol depuis le dépôt du grès vert et de la craie, et il n’est pas moins remarquable que la petite chaine qui en est formée court, comme le fait aussi à peu près la chaine des Géans , dans le sens de la vallée de l'Elbe , et dans une direction exactement parallèle à celle qui domine dans le système pyrénéo-apennin (1). (x) Ces détails sont tirés d’un Mémoire de M. le professeur Weiss, inséré dans les Ærchiv für Bergbau und hutten wesen de M. Karsten, tom. XVI , pag. 1. En attendant que cet intéressant Mémoire ait pu être traduit en francais, nous en ferons connaître les passages suivans aux lecteurs des Annales, « Les carrières de Weinbohla, à une lieue et demie à l’est de Meissen, « sont le premier et le plus beau point de la série. Elles son situées à «un quart de lieue à l’est da village, au p.ed de la moutague de syénite «qui s'élève en ce point. On y exploite le calcaire connu sous le nom « de planer kalk. Les Chamites striés qu’il renferme en abondance , et « surtout les Spatangues quai s’y trouvent en même temps, ue | « aucun doute sur le peu d'ancienneté de ce calcaire secondaire, et « servent à établir son identité avec la craie. Le calcaire se trouve eu æ général en couches sensiblement horizontales : près de sa ligne de « jonction avec les roches anciennes, il s’enfonce avec une inclinaison « de plus en plus grande sous celle-ci, et on voit le granite-syénite, « qui forme ur tout continu avec toute la masse très-étendue des mon- « tagnes anciennes , reposer tout uniment d’une manière incontestable « sur le planer kalk. Une couche de inarne et d'argile en partie bitumi- « neuse , qui repose sur le calcaire à strabification concordaute, s ( 360 ) Plus au nord-ouest, et trèssprès aussi de la ligne qu’on tracerait dans le nord de l'Allemagne , en y prolongeant par une suite de jalons la direction de la partie des monts Carpathes qui court parallèlement au Dniester, on ob- serve de longues séries d’accidens de stratification qui courent parallèlement à cette mème ligne, en affectant également toutes les couches secondaires jusqu’à la craie inclusivement. Il suffit, pour s’en convaincre, de jeter un coup-d’œil sur la belle carte géologique du nord-ouest de l'Allemagne , publiée récemment par M. Friedrich Hoffmann (1). La plus étendue de ces séries de frac- tures court de Wettin (sur la Saale, au-dessous de Halle). vers Minden , sur le Weser, et se prolonge au-delà jus- “ continue entre lui et le granite-syénite. On remarque , en outre, que « ce dernier (le granite-syénite) , jusqu’à la plus grande hauteur qu’il « atteint dans la carrière, est extrêmement fendillé ; on ne saurait en « trouver un morceau, de la grosseur du poing, qui ne soit pas péné- « tré de fissures : tout, jusqu'aux petits fragmens, tombe en éclats dans « la main , et cependant les parties ont conservé leur disposition natu- « relle. Ce n’est rien moins, qu’un conglomérat. Au contraire, dans « beaucoup de points où la roche devient schistoïde et comme gneïssi- « forme, on remarque que la texture schisteuse, qui est régulière , et « qui se correspond d’un fragment à l’autre, s’étend en même temps « parallèlement au plan de superposition sur le calcaire. » Un second Mémoire de M. Weiss, contenant de nouvéaux détails à l'appoi des précédens , se trouve daus Ærchiv fur Mineralogie, Geo- gnosie, Bergbau und huttenkunde , par M. Karsten; nouvelle série, tom. I, p. 155.— Voyez les Mémoires de M. Léopold de Buch ser des faits du même genre, observés par lui beaucoup plus en grand à Predazo en Tyrol. On en trouve aussi quelques-uns dans un Mémoire intitulé : Faits pour servir à l'Histoire des montagnes de l’Oisans ; par M. L. Elie de Beaumont; Mémoires de La Société d'Histoire naturelle de Paris, tom. V,pag: 1. (1) Chez Simou Schropp et Cie, Berlin, 1828. { 311 que dans Je bassin de l’Ems ; elle longe le pied septen- trional du Harz, le long duquel on voit toutes les cou- ches secondaires, y compris celles du quadersandstein (green-sand) et de la craie, se relever vers les masses granitiques dont le Brocken forme le point le plus sail- lant. Cette circonstance est indiquée dans le profil de Nordhausen à Halberstadt, qui est joint à l'Esquisse géo- gnostique du nord-ouest de l'Allemagne , lue devant la Société des naturalistes réunis à Berlin, en septembre 1828 , par M. Hoffmann (1). MM. Sedgwick et Mur- chison , qui ont parcouru cette contrée au printemps dernier, MM. Reynaud et le Play, qui l'ont visitée pen- dant l'été, ont tous été également frappés de l'évidence de ce fait. Cette direction pyrénéo-apennine, qui est sensible- ment parallèle à la moyenne direction des grands filons du Harz , se trouve déjà clairement indiquée par le relief du sol si bien exprimé sur la carte des pays situés entre l’'Elbe et le Rhin, et sur celle du Harz, qui font partie de l’Atlas de Ja richesse minérale, par M. Héron de Villefosse (2). (1) Archiv fur Mineralog::, Geognosie, Berre ‘ebau und huttenkunde par M. Karsten ; nouvelle série, tom. 1 , pag. 115 2) Il ne faudrait peut-être pas se hâter dé conclure de la que tous i il les accidens du sol qui, dans le N.-O. de. l’Allemagne , avaient élé rap portés au système N_-O.—S.-E., datent comme les précédens dutmo- ment qui à terminé Ja période de la craie, et conmencé celle des terrains tertiaires. [l est bien probable au contraire que, parmi ces accidens, on parviendra à en isoler un groupe ( thuringerwald , Bohmerwaldge- birge , etc.), qui,courant comme les côtes S.-O, de la Bretagne et de la Vendée, suivant une direct'on plus rapprochée de la ligne N.-O0.—S.-E., ( Ge ) Enfin , sur les rivages de la Manche, l’ancienne pro- , S , tubérance crayeuse, qui, après avoir servi de rivage aux serait d’une date plus ancienne que tous ceux qui fout l’objet spécial de ce Mémoire. Les couches du calcaire oolithique , en s’étendant horizontalement sur le prolongement des couches houillères de Montrelais , de Mont-Jean, de Saint-George Chatellaison , redressées dans la direction de ce sys- tème, montrent que les accidens qui le caractérisent remontent plus haut que la période jurassique , et la manière dont , en un grand nom- bre de points ( par exemple aux environs d’Avallon } , les couches hori- zontales du lias et de Parkose qui en dépend , viennent s’appliquer im- médiatement sur les flancs des protubérances de roches anciennes , allongées dans la direction dont nons parlons , semble donner quelque probabilité à la supposition que ces accidens N.-0.—S.-E. ont pris naissance immédiatement avant le dépôt du lias. ( Voyez, relativement au système N.-O.—S.-E. du midi de la Bre- tagne et de la Vendée, le Mémoire publié par M. Puilion-Boblaye, sur la configuration et la coustitution géologique de la Bretagne, et la carte géologique dont il est accompagné. Mémoires du Mus. d'Histoire’ naturelle , tom, XV, pag. 64 à 68 ; 1827). Le système des côtes septentrionales de la Bretagne se coordonne exactement , par sa direction , à celui de l'Erzgebirge, dela Côte-d'Or et du Pilas. Consultez sous ce dernier point de vue la carte géologique jointe au Bémoire de M. Jules Desnoyers, sur la craie et les terrains tertiaires au Cotentin (Mém. de la Soc. d’Hist. nat. de Paris, tem. II, 1825). Elle indique des faits curieux, dont je regrette de w’avoir pas fait usage dans mon premier chapitre : je veux parler de la direction N.-E.—S.-0. qui s’y manifeste dans toutes les couches plus anciennes que le green-sand , et qui est perpendiculaire à la direction N.-0.— S.-E. des roches de la côte nord du Cotentin , figurée par M. Boblaye. Les couches de grès des Vosges, dont se compose la longne falaise qui borde la plaine -du Rhin, depuis les environs de Thann jusqu’au delà de Landau, ne s’y trouvant couronnées en aucun point par les couches du grès bigarré et du muschelkalk, qu’on observé si souvent à sa base, il est naturel de penser que cette même falaise a dominé de presque toute sa hauteur actuelle la nappe d’eau sous laquelle se sout déposés le grès bigarré et le muschelkalk. 11 paraît d’après cela que la faille qui (3425 :) dépôts tertiaires, a été remplacée, à une àpoque récente, par la vaste dénudation du bas Boulonnais et des Wealds de Kent, de Sussex et de Surrey, s'étend dans une lui a donné naissance a été produite entre la période du dépôt du grès des Vosges et celle du dépôt du grès bigarré. Telle est donc la date des accidens du sol qui caractérisent le système que M. Léopold de Buch a nommé système du Rhin, et dont fait partie la longue falaise dont je viens de parler. (Voyez mes Observations géologiques sur les difléren- tes formations qui, dans le système des Vosges, séparent la formation houillère de celle du lias ; Annales des Mines , deuxième série, tom. T, pag. 307 et 403, ettom. IV, p. 46.) Il ne faut pas oublier que, comme je l'ai dit plus haut , le sol de ces contrées a été accidenté depuis par la convulsion qui a donné naissance au système de PErzgebirge, de la Côte-d'Or et du Pilas. C’est sans doute par suite de cette circonstance que le grès bigarré et le muschelkalk se trouvent disloqués en quelques points au pied de la grande falaise de grès des Vosges. Le Rhin, de Bingen à Cologne, traverse un système de montagnes dont le Hundsruck et les Ardennes font partie, et que M. Léopold de Buch a nommé système des Pays-Bas. Ce système se compose principa- lement de couches de schiste argileux , de grauwacke , de calcaire et de grès houiller, dirigées à peu près de l'E.-N.-E. à l'O.-S.-0., et com- prend les couches houillères inclinées des environs de Sarrebruck , sur la tranche desquelies s'étendent presque horizontalement les couches du grès des Vosges. Cette dernière circonstance prouve avec évidence que le redressement des couches de ce système a eu lieu entre la période du dépôt du terrain houiller et celle du dépôt du grès des Vosges. (Voyez mes Observations géologiques déja citées. Ænnales des Mines, deuxième série, tom. 1, pag. 427.) Il w’est pas moins évident que les schistes argileux de transition, et les grauwackes des environs de Villé et de Ronchamps (dans les Vosges), et de Litry (Calvados), avaient déjà été disioqués avant le dépôt du sys- tème houiller ; système qui comprend le calcaire carbouifère et le vieux grès rouge , et dont M. le professeur Sedgwick a également constaté la superposition discordante sur le système des grauwackes, dans les observations qu’il a faites en Augleterre pendant ces dernières années. (Je m'occupe de développer ces diverses remarques dans des Mé- moires quisuiyrqut celui-ci } (314 ) direction exactement parallèle à celle qui domine dans le système pyrénéo -apennin (1); et ces rapports de (1) Le district du département du Pas-de-Calais connu sous le nom de Bas-Boulonnais , et la contrée montuense et bocagère appelée W'ealds de Kent, de Sussex et de Surrey, qui se trouve en face, de l’autre côté de la Manche , sont entourées par une ceinture de collines crayeuses , à pentes souvent incultes et gazonnées (en anglais , downs), qui n’est interrompue que par le canal de la Manche, sur les rivages duquel elle se termine en falaises, À Le grand axe de cette ellipse , représenté par une ligne tirée de l'étang de Harting-Combe; au sud du Woolmer-Forest, entre Peters- field et Haslemere (Sussex }, aux sources de la Liane, à trois lieues E. de Boulogne (voyez la carte jointe au Mémoire intitulé : Geological sketch of the North-W'estern extrémity of Sussex and the adjoining parts of hants and Surrey, by R. I. Murchison; Transactions de la Societé géologique de Londres , deuxième série , tom, IL, p. 97, et la carte jointe à la Description géognostique du bassin du Bas-Boulon- naïs , par M. Rozet ), coupe le méridien de Toulouse , à très-peu près sous Je même angle que le chaïnon oriental des Pyrénées, qui s’étend de la montagne de Tentenade au cap de Creuss. Les collines crayeuses qui forment l'enceinte dont je viens de parler ne sont autre chose que la tranche de plateaux crayeux , dont Les cou- ches se relèvent plus ou moins rapidement vers intérieur de l'enceinte elliptique. L’espace creux embrassé par cette même enceinte ne pré- sentant aucune trace des dépôts tertiaires qui s'étendent sur les plateaux circonvoisins , il est généralement admis qu’il a été creusé par dénu- dation , aux dépens des couches crayeuses, depuis le dépôt des couches tertiaires, La dénudation du pays de Bray ( dans les départemens de la Seine- Inférieure et de l'Oise) , beaucoup moins étendue que la précédente , à laquelle elle ressemble du reste sous tous les rapports, d’après les savantes recherches de MM. Passy et Graves , ne semble pas au pre- mier abord suivre aussi exactement la direction du système pyré- néo-apennin: elle se rapproche un peu plus de la ligne N.-0.— S.-E. Toutefois, on retrouve encore à peu près la première direction dans quelques-uns des traits les plus saillans de cette contrée , tels que la grande falaise crayeuse qui s'étend de la côte de Sainte-Geneviève (629) direction , qui permettraient de prendre le point de départ du système pyrénéo-apennin, sur un sol ( route de Beauvais à Beaumont-sur-Oise) vers Le Coudray-Saint-Ger- mer, Beauvoir-en-Lions et Bosc-Edeline. On la reconnaît également dans les lignes auxquelles se sont arrêtées , sur la pente de l’ancienne 'protu- bérance crayeuse , les assises tertiaires successives qui constituent une partie du sol des environs de Beaumont-sur-Oise , de Gisors et d’E- couis, et qui dessinent l’ancien relief de la craie , à peu près comme les courbes horizontales, qu’on trace aujourd’hui sur les plans , dessinent les pentes du terrain. La plus grande dimension du dépôt de calcaire grossier s étend, au sud du pays de Bray, des carrières de Venables , à l’est de Louviers (Eure), à celles de Mont-Aimé , au sud de Vertus ( Marne), suivant une ligne à très-peu près parallèle à la direction du système pyrénéo- apenuin ; ligne au sud de laquelle la formation du calcaire grossier se perd assez rapidement , et près de laquelle s’observent les plus célèbres alternations de dépôts marins et d’eau douce que présente le bassin de Paris. En Angleterre , la ligne qui termine au sud le bassin de Londres , de Canterbury (Kent) à Shaibourne ( Berkshire), et celle qui termine au nord le bafsin de l'ile de Wight , de Seaford (Sussex) à Salisburv ( Wiltshire) , ne font, avec l’axe de la dénudation des Wealds , que des angles assez petits , et dans des sens opposés. Ces deux lignes, légè- rement sinueuses , semblent faire partie d’une courbe concentrique à la dénudation des Wealds. Tout annonce que leurs extrémités occiden- tales se réunissaient avant la dénudation qui a séparé le bassin de*Pile de Wight de celui de Londres, en laissant pour témoins de leur an- cienne continuité les lambeaux tertiaires répandus sur la surface de la craie , entre Salisbury et Shalbourne. ( Voyez l’important Mémoire de M. Buckland , intitulé: On the formation of the valley of Kingsclare and other valleys by the elevation of the strata that enclose them ; and ou the original continuity of the basins of London and Haipshire. Transactions de la Société géologique de Londres, uouvelle série , tom. IT, p. 119.) (J'indiquerai plus loin, avec plus dé détail, les raisons qui me font regarder la dénudation du Sussex comme un phénomène entièrement distinct du redressement simultané des couches crayeuses et tertiaires dans l'ile de Wight et dans les contrées adjacentes. ) D'un autre côté , les collines de sable coquillier de Cassel (nord) et des environs semblent élre, de ce côté-ci du détroit , la prolougation (876 devenu classique dans l'étude des terrains modernes , mettent hors de doute que les accidens de ce système sont d’une date antérieure aux assises les plus anciennes des dépôts tertiaires, et montrent en même temps que le grand système à Nummulites et Hippurites, du midi de l’Europe (du midi de la France aux Carpathes , et de la Suisse en Sicile), ne saurait être plus récent que la craie. des dépôts coquilliers de la partie méridionale du bassin de Londres (Chobam-Park , à l'extrémité méridionale de Bagshot-Heath, ete. ) , et la grande ressemblance qui existe entre les collines de sable coquillier de Cassel (Nord ) et de Laon (Aisne), jointe à la présence des dépôts de grès et de sables tertiaires , répandus comme des témoins sur la sur- face de la craie , dans la contrée basse qui sépare Laon de Cassel, rend bien difficile de ne pas croire qu’il y avait de même coutinuité , dans cette direction , entre les pappes d’eau sous lesquelles se formaient les dépôts marins de Paris, dela Belgique et de Londres. Enfin, les dépôts tertiaires d'argile plastique, de sable granitique et de silex, qui, jusqu’au haut des falaises de la Hève et de Honfleur, for- ment la base du sol fertile des plaines de la haute Normandie, et rappel- lent ceux de Christchurch et de Poole, semblent aussi indiquer une an- cienne connexion entre les dépôts tertiaires de Paris et de l’île de Wight. Tout indique donc que ces divers dépôts se sont formés sous une nappe d’eau qui tournait tont à l’entour des protubérances crayeuses , en partie remplacées aujourd’hui par les dénudations des Wealds et du pays de Bray; et la manière dont les dépôts tertiaires viennent mou- rir en s’amincissant sur les pentes de ces protubérances, dont ils ont en tant de points dessiné les contours, montrent qu’elles existaient déjà peñidant la période tertiaire. N Comme cependant rien ne conduit à penser que les couches crayen- ses, dont l’umiformité de composition est si remarquable, se soient déposées avec liaclinaison souvent assez forte qu'elles présentent sur les bords des dénudations dont je viens de parler, on voit que les pro- tubérances dont ces dénudations ont pris récemment la place ; ont dû être produites entre la période du dépôt de la craie et la période du dépôt des terrains tertiaires. ( 317) Après avoir suivi ainsi le système pyrénéo-apennin depuis le midi de la Grèce jusqu'au milieu de l’Angle- terre, ilest naturel de rechercher les traces de l'influence que, d'après l’époque de son apparition , il a dù exercer sur la distribution des terrains tertiaires en Europe. On peut remarquer qu’une ligne un peu sinueuse, tirée des environs de Londres à l'embouchure du Danube, forme la lisière méridionale d'une vaste étendue de terrain plat, couverte presque partout par des forma- tous récentes. Cette ligne, qui est sensiblement paral- lèle à la direcüon pyrénéo-apennine , semble donc avoir été le rivage méridional d’une grande mer qui , à l’épo- que des dépôts tertiaires, couvrait une grande partie du sol de l’Europe, et qui se trouvait limitée vers le sud par un espace continental traversé par plusieurs bras de mer, et dont les montagnes du système pyrénéo-apen- nin formaient les traits les plus saillans. J'ai déjà fait remarquer que les lambeaux de terrain tertiaire, qui se sont formés dans les dépressions de ce même espace, y sont souvent disposés, par exemple , en Provence et en Italie, suivant des lignes parallèles à la direction générale du système pyrénéo-apennin. On conçoit toute- fois que, comme ce grand espace présentait aussi des inégalités résultant de dislocations plus anciennes et di- rigées autrement , il a dû s’y former aussi des lambeaux tertiaires coordonnés à ces anciennes directions. est par cette raison que la direction pyrénéo-apen- nine ne se manifeste que dans une partie des traits géné- raux des dépôts tertiaires de Paris, de l’île de Wight et de Londres. L’enceinte extérieure qui environne l’en- semble de ces dépôts, se trouve en effet en rapport avec (38) des accidens de la surface du sol tout-à-fait étrangers au système pyrénéo-apennin , auquel semblent au contraire se rattacher les protubérances crayeuses qui , s’interpo- sant entre eux , les ont empèchés de former un tout en- tièrement continu. La grande vallée de la Suisse, dans laquelle s’est accu- mulé sur une si grande épaisseur le dépôt tertiaire du nagelfluhe et de la mollasse, semble avoir séparé ie sys- tème de l’ancien Jura, du mont Pilas et de l’'Erzgebirge, des montagnes du système pyrénéo-apennin qui, pen- dant la période tertiaire, devaient déjà hérisser l’espace où les Alpes s'élèvent aujourd’hui, de même que la mer de l’Archipel grec sépare les systèmes discordars de l’Asie-Mineure et de la Grèce. Maintenant que nous avons suivi le système pyrénéo- apennin dans toutes les parties de l'Europe qui se trou- vent sur sa direction , il est naturel de nous demander s’il ne se prolongerait pas au-delà. On peut, en effet, suivre au-delà des mers une série de chaînons de mon- tagnes dont les directions paraissent n'être que la conti- nuation de celles des accidens du sol dont nous venons de nous occuper ; mais, en nous portant d’abord vers le S.-E. , cette direction va nous conduire jusque dans des contrées sur la constitution géognostique desquelles nous ne possédons malheureusement que des données très-incomplètes, et tout-à-fait insuflisantes pour con- trôler les inductions tirées de La direction des chaons de montagnes. Les directions des petites chaînes de montagnes, que les cartes les plus récentes indiquent dans la partie sep- tentrionale du grand désert de Sahara , au sud de Tri- (319 ) poli et de l’Adas, ainsi que la direction de la côte sep- tentrionale de l’Afrique, entre la grande et la petite Syrte , sont exactement parallèles à la direction des Pyrénées et à celle des accidens du sol, que j'ai indiqués en Provence et en Italie. Les directions de la chaine du Mont-Carmel en Syrie, de beaucoup des accidens du système du Mont-Sinaï, et de plusieurs des chaînes de la partie orientale de l'Égypte, qui viennent se terminer sur les rivages de la mer Rouge, par exemple, celle de la chaîne qui aboutit à l’île des Emeraudes, s’écartent très-peu du prolonge- ment de la direction qui domine en Morée. I est surtout remarquable que la direction du sys- tème pyrénéo-apennin se retrouve exactement dans celle de la grande vallée de la Mésopotamie et du golfe Persique, et dans celle des chaînes qui s'élèvent immé- diatement au N.-E. de cette grande vallée et qui vont se rattacher au Caucase. Il n’est pas moins curieux de voir que la direction de beaucoup des cours d’eau qui descendent du Caucase, et celle de plusieurs des prin- cipaux chaînons de ce système, notamment celle du chaïînon qui borde la mer Noire au N.-E. de l’Abasie et de la Mingrélie, est encore exactement celle du système pyrénéo-apennin. Vouloir suivre ce système jusque dans l’Inde paraîtrait peut-être abuser de la faculté des rapprochemens : ce- pendant je crois devoir faire remarquer que la chaine des Gates , sur la côte de Malabar, semble se coordonner encore à la direction dont je m'occupe. La grande faille à laquelle paraît dû l'escarpement occidental des Gates , en élevant les plateaux du pays des Marhattes, du (: 420: ) Decan et du Carnatic , a élevé en mème témps le grand dépôt argilo-ferrugineux de latérite qui forme les points les plus élevés de ces plateaux, ainsi que le montre la coupe des Gates, donnée par M. Christie (1). Il est à regretter que ce dépôt de latérite, qui couvre dans l'Inde de si vastes étendues , n’ait jusqu’à présent offert aucun fossile, et ne puisse être rapporté avec certitude à aucun étage géologique déterminé ; mais on peut tou- - jours remarquer que tant qu'on n'aura pas indiqué d'autre chaine qui produise sur la latérite l'effet men- üonné ci-dessus , tout conduira à voir dans les Gates la chaîne la plus récente de la presqu’ile occidentale de l'Inde , dont elle est en mème temps le trait géométri- que le plus prononcé. On peut également reconnaître , par une simple cons- truction graphique sur un globe terrestre, que la chaîne des Alleghanys en Amérique est parallèle au prolonge- ment dans un sens opposé des chaînes du système pyré- néo-apennin. Le parallélisme existe non seulement dans la direction de Ja chaîne des Alleghanys, mais aussi dans celle des diverses masses de roches dont elle se compose d'après la carte de M. Maclure; et ici on n'a plus tout- à-fait la même crainte de s’égarer, parce que les ter- rains tertiaires que les recherches des géologues anglais n’ont pu découvrir au pied des Gates , existent au con- traire au pied des Alleghanys. On sait depuis long- temps qu’un grand dépôt en partie tertiaire et en partie (1) Voyez Sketches ofthe meteorology, geology, agriculture, botany and zoology of the southern Mahratta country , par M. le docteur A. Turmbull Christie. — Zdimburgh new philosophical Journal, janvier et février 1829. (at) de transport, qui s'étend entre les Alleghanys et la mer,, depuis l’île Nantucket, à l'est de New-Yorck, jusqu'aux Florides et jusqu'au-delà des bouches du Mississipi, repose directement sur les couches inclinées des, terrains anciens , et ne présente lui-même aucune dislocation. D’après les observations récentes de MM. Lardner-Vanuxem et S. G. Morton, publiées dans le Journal de l Académie des Sciences naturelles de Phi- ladelphie, tom. VI, on voit clairement que ces dépôts tertiaires, déjà célèbres par leurs vastes bançes de grandes Huitres qui rappellent ceux du dépariement du Gers, offrent exactement la disposition qu’on devrait s’attenäre à trouver le long d’un rivage qui serait simplement aban- donné par une de nos mers (+). Il paraît donc que ces (1) IL ne serait pas impossible que le grand banc de Terre-Neuve ne fût autre chose que le prolongement sous-marin des plateaux ter- tiaires de la Géorgie, des Carolines , du Maryland, dont le petit groupe isolé des îles Bermudes semble indiquer l’extension ou lan- cienne existence dans l'Océan Atlantique. Ces petites îles, dont les points les plus élevés n’ont pas plus de 200 pieds au-dessus de la mer, sont formées d’un conglomérat calcaire, pétri de coquilles et de coraux, qui rappelle certaines roches très-abondantes dans les dépôts tertiaires du midi de la France. ( Voyez Votice accompanying, Specimens from the Bermuda Island, by captain Wetch. Transactions de la Société géologique de Londres , nouvelle série, tom. I ,p. 172.) La description de MM. Vanuxem et Morton indique une circon- stance qui serait d’une haute importance par les conséquences qu’on pourrait en tirer. Il paraît que l’ancienne ligne de niveau tracée sur les flancs des Alleghanys par les dépôts tertiaires, et les alluvions anté- rieures aux rivières actuelles, qui couvrent leur base, a cessé d’être horizontale ; elle va, en s’éleyant graduellement, depuis la Nouvelle- Angleterre jusqu’au-delà du Mississipi, tandis qu’à l’est de l’ile Nantuc- ket elie semble s’enfoncer au-dessous du niveau de l'Océan, puisque, depuis cette île jusqu’au Groënland , on ne cite aucun dépôt tertiaire XVII, 21 ( 322) dépôts tertiaires sont venus s'appliquer sur la pente des Alleghanys lorsque cette chaîne présentait déjà son relief actuel. Ainsi, de part et d'autre de l'Océan Atlantique, les Pyrénées et les Alleghanys jouent , par rapport aux dépôts tertiaires, un rôle tout-à-fait sewblable. Les mers sous lesquelles ces dépôts se formaient, ont battu le pied des Alleghanys comme le pied des Apennins. Le même genre de rapports ne paraît pas exister entre la chaîne des Alleghanys et le dépôt principalement marneux, pétri de grains verts et contemporain du ter- rain du grès vertet de la craie, qui, d’après les savantes recherches de M. Samuel Akerly sur les Nevesink- sur la côte N.-E. de l'Amérique. Il résulterait nécessairemeut de là que le continent américain aurait éprouvé récemment une espèce de mouvement de bascule, qui l’aurait élevé vers l'Orient et abaïssé vers l'Occident , et on serait ainsi conduit à attribuer à la chaîne des Andes une origine très-récente. Cette disposition n’est pas accidentelle. On peut remarquer que les presqu'iles de Bretagne et de Cornouailles , ainsi que l'Irlande , présen- tent une disposition toute semblable entre les Alpes de la Suisse et de la Norwége d’une part, et l'Océan Atlantique de l’autre : les flots de lO- céan les baignent jusqu’au-dessus de la ceinture jurassique et crayeuse qui les entoure. Telle est encore la isposition générale de la presqu'île occidentale de PInde, relativement à l'Océan Indien d’une part, et à l'Hy- mâlaya de l’autre. Les roches primitives et de transition , qui occupent de vastes étendues dans la partie méridionale de cette presqu'ile, et dans l’île de Ceylan, s’y trouvent baignées, vers le sud et le sud-ouest, par les eaux de l'Océan , au lieu d’y être hordées, ainsi qu’on aurait pu s'y attendre, par une ceinture des mêmes dépôts récens qui forment en partie les plaines du Gange, de Brahm-Putra, de l’Irawaddy, et une partie des rivages du golfe du Bengale. Ces rapports généraux de disposition tendent également à faire re- garder les Alpes de la Savoie comme plus récentes que les collines pri- primitives de la Bretagne, l’Hymôlaya comme plus récent que les Gates, et les Andes comme plus récentes que les Alleghanys. (323) Hills, au sud de New-York, et d’après celles de MM. Va- nuxem et Morton, forme le sol d’une grande partie des états de New-Jersey et de Delaware, ainsi qu’une partie des côtes d’une direction générale nord-sud des baies de Delaware et de Chesapeak. Les fossiles que renferme ce dépôt, et d’après lesquels on a pu fixer son âge géolo- gique , sont bien loin de présenter le caractère littoral de ceux des dépôts tertiaires du voisinage; ils pourraient avoir été accumulés dans les plus grandes profondeurs d’un Océan dont rien n'indique que la chaîne qui tra- verse les Etats-Unis , du N.-E. au S.-O., ait formé une ile ou un rivage. Dans les états de la Dalaware et de New- Jersey, la formation crayeuse couvre le prolongement des eouches anciennes, redressées dans une direction pres- que nord-sud , qui forment les bords du Connecticut et de la rivière Hudson (voyez la carte dèjà citée de M. Maclure, ainsi que le profil géologique de Boston au lac Erie, par M. Amos Eaton ): ce qui expliquerait pourquoi on n'indique point ici de dislocations dans cette même formation ; car le redressement des couches nord-sud dont nous venons de parler, remonte sans doute à une époque plus ancienne que celui des couches N:-E.-S.-O., qui constituent les Alleghanys proprement dits. On se trouvé ainsi conduit à supposer que la chaîue des Alleghianys , comme les Pyrénées et les Apennins dont elle suit la direction, a pris le relief que nous lui voyons aujourd'hui entre la période du dépôt du grès vert et de:la craie, et la période du dépôt des formations tertiaires. Il paraît donc permis de dire que, depuis les bords de VAlabama et du, Tenessée (Etats-Unis) jusqu'au cap ( 324 ) Comorin dans l'Inde, ou au moins depuis le cap Ortegal (en Galice) jusqu’à l’entrée du golfe Persique , on peut suivre sur la surface du globe, sur une longueur de 3,500 ou au moins de 1,600 lieues, une série plus ou moins in- terrompue d’aspérités allongées sensiblement parallèles entre elles. Ces aspérités, d’après toutes les observations géologiques , paraissent être le résultat de fractures opé- rées violemment dans la croûte solide du globe. Leur parallélisme et leur proximité semblent indiquer qu’elles ont toutes été produites en même temps et, pour ainsi dire , d’un seul coup. Ce n’est sûrement pas par hasard qu’elles courent parallèlement à une mème ligne géodé- sique. Quelle que soit la cause intérieure dont ces acci- dens de la surface sont l’eflet, cette cause n'aurait pû agir plus simplement que suivant un point, où suivant une demi-circonférence du globe terrestre. Dans je pre- mier cas ont dû se produire des accidens du sol, disposés symétriquement autour d’un point, tels que les cratères de: soulèvement , et dans le second cas des séries de rides ou de fractures parallèles entre elles, s'étendant, comme le-système pyrénéo-apennin ; sur une longueur de plu- sieurs-milliers de lienes. La croûte solide du globe n'a pu être ainsi disloquée sur une étendue considérable , sans qu'il ait eu en même temps un mouvement violent et subit des mer$ et un renouvellement presque général dans l’état des choses à la surface de Ja terre. Il paraît donc en soi-même assez probable qu’un pareil renouvellement doit correspon- dre , comme les observations montrent qu'il correspond en effet, à l’une des interruptions que présente la série des dépôts de sédiment. On pouvait mème prévoir, d’a- (82 9 près Ja grande extension du système pyrénéo-apennin en Europe, que cette interruption serait l’une des plus marquées dans nos coutrées. On conçoit en mème temps que l’état de choses tout nouveau qui, après une pareille catastrophe, aura dû s'établir sur la partie fraîchement disloquée de l'écorce minérale du globe terrestre, aura dû présenter dans toute cette étendue une cerfaine ressem- blance capable de produire des analogies assez marquées, tant dans la nature des dépôts qui auront pu se former, que dans celle des nouveaux habitans qui yauront apporté leurs dépouilles. Si donc la chaîne des Gates dans l'Inde appartient réellement au système pyrénéo-apennin, on aura moins sujet de s'étonner de la complète ressemblance qui paraît exister entre les dépôts tertiaires de l'Inde et ceux de l’ouest de l’Europe. Dans l’une comme dans l’autre contrée ces terrains auraient recouvert un fond qui venait d’éprouver une violente commotion à laquelle il est probable qu'aucun être vivant n'avait pu échapper, si ce n’est à une grande distance des contrées et des mers qui en avaient été le théàtre immédiat. On s’ex- pliquera au contraire très-naturellement comment les dépôts tertiaires du Bengale, et ceux du midi de la l'rance et des plaines des Carolines et de Ja Géorgie, présentent des traits dè ressemblance dont il serait difi- cile de citer aujourd’hui beaucoup d'exemples, pris dans d’autres dépôts de sédiment aussi éloignés les uns des autres... En excluant tout ce qu'il y a d'hypothétique dans ces dernières considérations, on peut dire, en résumé, que depuis les bords du Mississipi jusqu au.golfe de Bengale, 0 . » + : ,r LA S l'écorce: minérale du,globe terrestre présente ane série (386 ) de rides dont le paraïlélisme semble indiquer que la pro- duction a été simultanée , et qu’on remarque en même temps que dans toutes les parties de cette zône, sur les- quelles nous possédons des données géologiques décisi- ves, les rides en question se sont produites entre la période du dépôt de la craïe , dont les couches ont été disloquées, et celle du dépôt des terrains tertiaires, qui se sont étendus horizontalement dans les dépressions qui y . . À : séparaient et entouraient ces mêmes rides. CHAPITRE III. Révolution de la surface du globe , qui est arrivée entre la période du dépôt des terrains tertiaires et la période du dépôt des terrains qu’on appelle d’atterrissement , de transport ou d’alluvion. Le redressement des couches de la partie occiden- tale des Alpes (de Marseille à Zurich) a eu lieu dans cette révolution. Les géologues s'accordent généralement à penser qu’il ÿ à eu interruption entre le dépôt des terrains tertiaires et celui des terrains qu'on appelle d’atterrissement , de transport ou d’alluvion. J'exposerai dans le courant de ce chapitre, et je déve- lopperai surtout dans le suivant des faits qui prouvent que cette solution de continuité existe réellement; mais je prendrai dans ce moment pour démontrée l'opinion généralement admise à cet égard, et je passerai de suite à l'exposition des observations qui montrent que'celte ( 327 ) solution de continuité correspond à une révolution de la surface du globe, dans laquelle les Alpes du Dauphiné et de la Savoie ont pris les traits les plus caractéristiques du relief qu'elles nous présentent aujourd'hui. L'époque géologique à laquelle les couches de ces montagues ont été redressées, suivant une direction sensiblement constante N. 26°. E. environ, peut être fixée avec précision. Il suffit, pour y parvenir, d’exami- ner quelles sont les formations dont les couches ont été redressées, et quels sont, au contraire , les dépôts qui se sont étendus horizontalement sur les tranches des dépôts antérieurs déjà disloqués. C’est près de Saint-Laurent-du-Pont ( département de l'Isère) (r) que j'ai fait les observations qui me paraissent les plus propres à servir, à cet égard, de point de départ. Le sol de la vallée longitudinale, dans laquelle s’élève la ville de Saint-Laurent-du-Pont, présente à l’obser- vation quatre formations distinctes. La formation la plus ancienne, qui ne se montre qu’en petit nombre de points, est composée d’un calcaire com- pacte, d’un gris plus ou moins foncé et souvent blan- châtre , traversé par de petits filons de spath calcaire blanc. IT est possible de s'assurer positivement que les couches de ce calcaire sont le prolongement des couches les plus récentes du système jurassique qu’on puisse ob- server dans le Jura, c'est-à-dire, de celles qui consti- * CAT2 L 4 tüent les sommités les plus élevées de ce groupe de mon- (1) Carte de Cassini no r19. Carte dès Alpes, par le général Bourcet ; deuxième feuille. ( 328 ) tagnes , telles que la dent de Vaulion , le Mont-Tendre, la Dôle, le Reculet , le Colombier de Seyssel, ete. On peut même reconnaître que ce sont tes mêmes couches qui se relèvent près de Grenoble, pour former la mon- tagne dont le flanc supporte la Bastille, et au pied de laquelle est ouverte la carrière de la porte de France. L'examen des fossiles, trouvés en différens points dans ces couches , confirme pleinement ce résultat. La seconde des quatre formations indiquées se voit superposée à la première, en différens points, de la manière la plus évidente. Elle offre, dans quelques-unes de ses assises, un calcaire compacte blanc qui réunit tous les caractères qu’on a regardésautrefois commeétant exclusivement propres au calcaire du Jura. Ce calcaire doit cependant être rapporté à une formation plus ré- cente, attendu que, dans les couches plus ou moins marneuses qui le séparent de la formation que j'ai men- tionnée en premier lieu, ‘on trouve des Gryphées et des Spatangues d’espèces propres à certaines assises du ter- rain du grès vert et de la craie. Dans ce calcaire com- pacte blanc lui-même, on rencontre un très-grand nom- bre de fossiles très-sinueux , difhciles à extraire en- tiers , et qui paraissent être des bivalves très-contournées : (Dicérates ou Caprines). Jai retrouvé ailleurs ces mêmes fossiles associés à des Hippuriies ; je suis d’ailleurs arrivé à la fixation de l’âge géologique de ce calcaire, en: sui- vant de proche en proche les rapports qui le lient aux gîtes de fossiles si connus de la perte du Rhône et de la montagne des is, et à ceux non moins bien caractérisés de Thonne et du Villard de Lans : d’après l'intimité de cette liaison , je crois pouvoir affirmer qu'il appartient , + si (329 ) comme les gîtes de fossiles que je viens de citer, au ter- rain du grès vert et de la craie. ( Wealden formation, Green-sand and Chalk.) Ce calcaire se montre à la fois des deux côtés de la vallée de Saint-Laurent; au sud-est de cette vallée il forme les montagnes élevées de la grande Chartreuse. On voit ses couches se détacher de la roche de Brelan et du pied de la montagne de la Sure, pour plonger presque verticalement au-dessous de la vallée de Saint-Laurent ; de l’autre côté de cette même vallée on voit se relever des couches calcaires qui, si elles ne sont pas le pro- longement direct des premières, en sont du moins très peu éloignées et font partie du mème groupe , de sorte qu'il n’y a guère de doute que celui-ci ne passe en se pliant, mais sans s’interrompre, au-dessous de la vallée de Saint-Laurent. Après s'être élevées de dessous cette vallée jusqu’à la crête de la montagne, d’une hauteur médiocre, qui la limite du côté de l'O.-N.-0., depuis la porte de Chaille jusqu'à Voreppe, ces mêmes couches s’arquent de nouveau en sens contraire pour plonger à V'O.-N.-O., sous les collines de cailloux roulés des en- virons de Voiron, de Chirens et de Saint-Geoire. Dans l’intérieur de la vallée de Saint-Laurent, on veit reposer, à stratification faiblement discordante sur ce calcaire, un grès calcaire, appelé dans le pays mollasse, grès dont je chercherai à déterminer plus loin l’époque de formation , mais dont je vais d’abord faire connaître la nature .et le gisement local. , Le hameau de Baboulin, situé sur le penchant E.-S.-E. de la montagne qui s’étend de la porte de Chaille à Vo- reppe, est placé sur la limite commune de ce grès et du { 330 }) calcaire qui le supporte; une partie des maisons sont bâties sur la première de ces deux formations, et les autres sur la seconde. Les couches du grès sont un peu plus inclinées vers l'E. 20°. S., que celles du calcaire qu’on voit paraître à une petite distance , ce qui rend pro- bable que le premier repose sur les tranches des couches antérieurement dégradées du second. Ces premières assises de la formation de la mollasse présentent un grès très-solide à ciment calcaire, contenant un grand nombre de fragmens à peine un peu arrondis du calcairé qui les supporte. Sa couleur est un gris bleuâtre dans l'intérieur des blocs, et jaunâtre près de leur surface. Outre un grand nombre de grains de Quarz et quelques paillettes de Mica, on y remarque une grande quantité de petits grains verts et rouges, ainsi que de petits galets quarzeux verts; les fossiles y sont nombreux; nous y avons trouvé , M. Fénéon et moi, des fragmens d’huîtres et de peignes, de petits polypiers, et mème qnelques fragmens d’ossemens, ou peut-être de dents. Ces fossilés ne rappellent en rien ceux que, dans toute la contrée, environnante , on rencontre dans le terrain du grès vert et de la craie. Les plus nombreux rappellent, au con- traire, fortement ceux de la mollasse coquillère tertiaire de la Suisse et de la Provence. Uu grès analogue au précédent, mais seulement moins solideet moins coquillier et qui paraît le recouvrir, forme les collines qui s'élèvent entre Baboulin et l’ancienne Chartreuse de Villette. Ses couches plongent de 25 à 30°. à l'E. S.-E. Il forme un système, d’urfe assez grande épais- seur, qui s'enfonce en dessous de la vallée de Saint-Lau- rent, et qui se continue d’une part au N. N.-E. jusque LACET 0) sur les bords du Guyer, et de l’autre au S. S.-E. avec quelques interruptions jusqu’à Rat. Au sud du village de Rat s'élève nn monticule de cette même mollasse qui repose sur le calcaire compacte blanc du système de grès vert et de la craie. Les couches de la mollasse plongent de 10°. vers l'E. 10°. S., comme celles du calcaire qui la supporte. Elle est exploitée comme pierre de taille, dans plusieurs carrières qui permettent d'observer facilement tous les accidens qu’elle présente. Ses couches sont souvent très-épaisses et très- homogènes, quelquefois peu schisteuses , et alors elles contiennent un très-petit nombre de paillettes de Mica. Quelquefois, au contraire, elles sont sensiblement schis- teuses et assez fortément micacées. Dans quelques-unes les strates présentent une surface lisse et tuberculeuse, composée de parties d’an grain très-fin. J’en ai remarqué qui présentent des strates arqués, dont l’inclinaison moyenne fait un angle de près de 30° avec les plans des couches. Sur les bords du Guyer, à l'entrée septentrionale du défilé appelé la porte de Chaïlle, où voit des couches inclinées, d’un grès calcaire coquiller analogue à celui de Baboulin , s'appuyer sur les couches du système du grès vert et de la craie. En remontant le Guyer, on aper- çoit en plusieurs points sur ses bords des escarpemens d'un grès analogue dont les couches deviennent progres- sivement de moins en moins inclinées, et qui, comme à la hauteur de Baboulin, deviennent de moins en moins coquillères, à mesure qu’on s'éloigne de leur point d’ap- plication sur la surface du calcaire qui les supporte. Cette même mollasse se montre en différens points des environs ( 392 \) des Échelles, notamment entre ce village et le passage de la Grotte, et sur les bords du Guyer-Mort, près du point où il se réunit au Guyer-Vif. Cette formation , qui se présente ici en couches horizontales, y offre un grès calcaire à grains fins, médiocrement solide, d’un gris plus ou moins sale et quelquefois bleuâtre, con- tenant quelques paillettes de Mica et un grand nom- bre de petites particules vertes et rouges. Les couches sont peu épaisses, égales et uniformes; elles forment fréquemment des escarpemens verticaux dont l'aspect rappelle entièrement celui des escarpemens qui bordent le Fier et le Cheran , près de Rumilly en Savoie. Les couches de moliasse coquillière tertiaire dans les- quelles, ainsi que je viens de l'indiquer, est creusée la vallée du Guyer, entre les Echelles et la porte de Chaille, se prolongent, du côté du N.-E. et du N., vers le lac d'Aiguebelette et la vallée de Novalaise. Elles forment presque toute la surface de la montagne, qui, partant de la porte de Chaille , se dirige vers le nord , etwa se terminer entre le Bridoire et Saint-Albanu de Montbel. Cette montagne, sur laquelle s'élève le village de Saint- Franc , ne montre au jour les couches du système juras- sique et du système du grès vert et de la craie, qui en formeni l’intérieur, que dans les escarpemens de la porte de Chaille, et dans ceux qui dominent Saint-Beron. Partout ailleurs, la surface du sol y est formée par di- verses couches.de la mollasse coquillière. Les couches supérieures, généralement peu solides, ne se montrent que sur la pente orientale ; où elles se rattachent à celles que coupe le Guyer, près des Echelles. Sur la partie supérieure de. la montagne , ces couches tendres sem- blent avoir été détruites, et les couches inférieures, très- calcaires, très-selides, renfermant un grand nombre de fragmens des calcaires inférieurs , et présentant sou- vent, comme à Baboulin , un grand nombre d’Huîtres et de Pectens, forment seules la surface du sol. Ces cou- ches sont souvent fortement inclinées, et mème quel- quefois verticales ; elles pariagent d’une manière évi- dente toutes les inflexions de la stratification des couches plus anciennes qui les supportent. Comme celles-ci , elles plongent tout-à-coup à l'O.-N.-0., où à l'O., au pied des escarpemens qui dominent Saint-Beron , pour s’enfoncer en dessous de la plaine du poni de Beauvoi- sin, Le village de la Bridoire est bâti sur les couches in- férieures de la mollasse coquillière plongeant de même à V'O.-N.-0O. ; et à peu de distance de ce village, sur le chemin du pont de Beauvoisin , on trouve les couches moyennes du système de la moilasse en couches presque verticales. Lorsqu'on sort de la porte de Chaille, du côté du nord-ouest , les derniers rochers sont formés par les couches inférieures, déjà décrites, de la mollasse coquil- lière, qui plongent à l'O.-N.-O. sous un angle d’envi- ron 60°. La même disposition s’observe sur la rive gauche du Guyer. La montagne qui forme le flanc occi- dental de la vailée de Sainte-Aupre , est composée de couches de mollasse qui plongent vers l'O.-N.-0., sous un angle d'environ 70°. Les couches ne conservent cette inclinaison que jus- qu'à une petite distance des escarpemens qui s'étendent de Sainte-Aupre vers la Bridoire. Dès qu'on s'éloigne de ces escarpenrens pour se rapprocher du pont de Beauvoisin, on voit les couches de mollasse devenir horizontales. Près du poni de Beéanvoisin , la vallée du (334 ) Guyer est creusée dans les assises moyennes et supérieu- res de cette formation , qui ne présente aucune trace de redressement ni de dislocation, maïs dont les strates in- clinées , et dirigées d’une manière très-variable, vien- nent se terminer les unes contre les autres , en se ren- contrant sous des angles souvent considérables ; phéno- mène qui, comme on sait, est fréquent dans les dépôts arénacés de tous les âges. Plusieurs de ces strates sont pétris, dans toute leur étendue , de cailloux roulés de diverses grosseurs, parmi lesquels on en trouve de roches primitives , d’autres de calcaire, quelques-uns de jaspe rouge, mais parmi lesquels on en remarque surtout qui sont composés du quarz blanc, schistoïde, un peu grenu, qui forme une partie des hautes montagnes de la Tarentaise et de la Maurienne, où il paraît n'être qu'une modification des grès à anthracite. Les mêmes cailloux sont quelquefois disséminés irrégulièrement , dans des étendues considérables de la mollasse, ou accu- mulés dans quelques poriions d’un contour irrégulier: La mollasse des environs immédiats du pont de Beau- voisin présente un grand nombre de coquilles, mais leur test étant pour ainsi dire calciné, je n'ai pu en extraire d’entières ; au contraire, au lieu dit le Sablon, sur la route du pont de Beauvoisin aux Abrets, on trouve dans une mollasse d’un grain assez grossier, el en grande partie friable, dont quelques portions peu étendues sont seules solidement agglutinées par un ciment calcaire , des Paielles assez bien conservées, et des fragmens de Balanes et de Peignes. Parmi les fragmens que j'ai rap- portés , M. Deshaves a reconnu le Balanus crassus , la Patella conica, et un Peigne, peut-être inédit, qui pré- sente à la fois des traits de ressemblance avec le Pecten (1485:) Jacobeus , avec le Pecten Beudanti , et avec le Pecten {labelliformis. Cette assise, qui présente des veines fer- rugineuses irrégulières et des cailloux roulés arrondis, de diverses natures , notamment du quarz alpin mentionné plus haut , paraît appartenir à la partie supérieure de la formation tertiaire. La mollasse du pont de Beauvoisin paraît s'étendre sur les rives du Guyer, jusqu’au confluent de cette rivière avec le Rhône. A l’est de ce confluent, elle constitue, près de Champagnieu , des collines assez élevées , dont les pentes rapides dominent le cours du Rhône : ses cou- ches y sont horizontales. La mème mollasse, caractérisée par les mêmes fossiles qu’au pont de Beauvoisin, se montre aussi en couches horizontales dans les collines qui s'étendent de Chimillin vers Morestel , le long des marais de Saint - Didier-les - Champagnes et du Bou- chage, au milieu desquels elle s'élève encore en mon- ticules isolés. À partir des bords du Rhône, des monta- gnes peu étendues séparent seules ces dépôts des dépôts de mollasse des environs de Belley, qui se montrent, en quelques poinis, très-riches en corps marins. Après avoir suivi dans leur prolongation horizontale, où on peut mieux reconnaitre leur nature et leur âge, les couches de mollasse coquillière que nous avions vues entrer dans la composition des petites montagnes qui bor- dent à l'O.-N.-0. la vallée de Saint-Laurent du Pont, nous a!lons revenir dans cette vallée, pour voir le long de son flanc E.-S.-E. , les couches de la même mollasse participer aux dislocations des montagnes déjà vraiment alpines de la grande Chartreuse, Le chemin taillé dans le roc , par lequel on se rend des Echelles au hameau de Brelan, situé une demi-lieue { 336 ) plus à l’est, monte le long d’un escarpement formé de couches, faiblement inclinées vers l’est, d’un calcaire quelquefois un peu marneux. L’œil peut suivre les cou- ches de ce calcaire le long de l’escarpement jusqu’au bord du Guyer , et les y voit se rattacher à celles dans les- quelles est percé le passage de la grotte, et qui appar- tiennent évidemment aux assises les plus élevées que présente, dans cette contrée, le système du grès vert et de la craie. Au-dessus des couches dont je viens de parler, on trouve, en entrant dans le hameau de Brelan, des couches d’un grès calcaire, qui ne diffère des variétés les plus fréquentes de la mollasse, mentionnée ci-dessus , que parce que Îles grains de quarz qu'il contient sont fréquemment un peu plus gros. Cette même mollasse parait former tout le sol, en partie cultivé, qu'on traverse entre le hameau de Brelan et celui de Chatelard , situé un peu plus à Fest; mais, ce qui mérite surtout dé fixer l'attention, c’est qu’en sortant du hameau de Chatelard, par le sentier qui con- duit à Saint-Pierre d’Entremont , on voit la même mol- lasse se relever à l'E.-S.-E. sous un angle de 70° à 8°, en s'appuyant sur des couches également presque verti- ca!es d’un calcaire, qui, conime celui que j'ai mentionné au-dessous de Brelan, fait continuité de la manière la plus évidente avec les assises les plus élevées du grès vert et de la craie. Il est donc évident que les plus fortes dis- locations, éprouvées dans cette contrée par le système du grès vert et de la craie, lui ont été communes avec la mollasse dont je parle dans les pages précédentes, et qui, comme on peut l'inférer des fossiles cités, appar- tient aux assises tertiaires les plus récentes. (337 ) Cette mollasse coquillière, analogue, comme je le mon- trerai plus loin , à celle de Suisse que M. Brongniart à placée depuis long-temps dans les terrains tertiaires , et que les géologues s'accordent aujourd’hui à placer dans les étages supérieurs de ces mêmes terrains , se redresse de mème jusqu’à la verticale , à un quart de lieue au- dessus de Saint-Laurent, sur le chemin de la grande Chartreuse. Depuis le pont qui conduit de ce chemin vers le hameau de Provina et le village du Désert, jusque vers Saint-Laurent-du-Pont, le fond de la vallée du Guyer- mort est creusé dans Ja mollasse , dont les couches, à peu de distance de Saint-Laurent, sont dirigées à pen près au N.-N.-E., et plongent, vers l'O.-N.-0., de plus de 6o° ; elles s’inclinent de plus en plus , en se rap- prochant en même temps de la direction N.-S., à me- sure qu'on remonte vers le Pont déjà mentionné. Les dernières qu'on aperçoit sont verticales, et dirigées N. 10° E. J'y ai trouvé quelques fragmens de coquilles, qui, quoique très-imparfaits, rappelaient les Huîtres et les Peignes déjà cités. Les couches les plus voisines de Saint-Laurent ressemblent complètement à celles qui forment les collines entre Villette et Baboulin. Les couches verticales qu’on trouve en remontant, sont in- férieures aux précédentes dans l’ordre de superposition. Les eaux du Guyer, qui lavent leur tranche , leur don- nent exactement l'aspect que présente la mollasse en couches horizontales, soit sur les hords de là même rivière, près des Echelles , soit sur les bords du Cheran et du Fier, près de Rumilly, en Savoie. Ici on ne voit pas aussi clairement qu’au Chatelard XVII. — Décembre 1829. 79: (338 ) comment les couches verticales de mollasse s'appliquent sur celles du grès vert et de la craie , dont la dislocation est très-compliquée; mais on ne peut concevoir l'idée que le redressement des deux séries de couches n'ait pas été simultané. Le grand dépôt de cailloux roulés, qui s'élève de part et d'autre du Guyer, demeure égale- ment étranger aux mouvemens des unes et des autres, et s'étend horizontalement sur les tranches des couches de mollasse presque verticales, ainsi qu'on l’a indiqué PL. xy. fin 2. Où voit d’après ces différentes observations que les failles, les plis, les contournemens violens qui affectent la plupart des couches de cette contrée, et de toutes les Alpes occidentales, se sont produits avant le dépôt de l’amas de cailloux dont je viens de parler, et que je déeri rai dans le chapitre suivant , mais après celui de la mol- lasse, dont je vais maintenant m'occuper de rattacher l’âge géologique à celui de terrains connus. Il suflira pour cela de suivre le dépôt de la mollasse, dont je viens de parler, d’une part vers le N.-E. jusqu'en Suisse, et de l’autre vers le S.-O. jusqu’en Provence , et de mon- trer que de part et d’autre il fait continuité avec des dépôts de mollasse coquillière, qu’on paraît s’accorder à ranger parmi les formations tertiaires les plus récentes, surtout depuis les importantes recherches publiées à cet égard, par M. Jules Desnoyers, dans les #nnales des Sciences naturelles, février et avril 1829. La mollasse que j'ai mentionnée plus haut , près de Brelan et du Chatelard, se rattache presque sans inter- rupton à celle qui forme une série continue de petits lambeaux dans le fond de la vallée que suit la route d’I- (339 ) talie, depuis le passage de la grotte jusqu’à Chambéry (1). Entre Saint-Jean de Couz et Saint-Thibaud de Couz elle forme, à droite de la route, une colline assez élevée, sur laquelle s'élève un vieux château. Près de Saint-Thibaud de Couz elle contient, en grande quantité, les petits grains verts et rouges , les petits galets quarzeux verts, et les fragmens de Peignes et d'Huîtres que j'ai déjà men- tionnés. Ses caractères rentrent en général complète- ment dans ceux que j'ai indiqués précédemment ; seule- ment, près du pont situé à l'E. de Vimines, entre Saïnt- Thibaud de Couz et Cognin, on la voit alterner avec des couches de marnes rouges qui rappellent déjà les parties inférieures du système tertiaire de la Suisse , dans l'Ent- lebuch , et autour du Rigi. En ce dernier point elle est presque verticale, et s'appuie, à stratification concor- dante, sur les couches calcaires qui font partie des assises les plus élevées du système du grès vert et de la craie. Le sysième de la mollasse se trouve pour ainsi dire à cheval sur la montagne composée en partie de calcaire jurassique et en partie de couches contemporaines du système du grès vert et de la craie, qui s’étend du pas- sage des Echelles vers la Dent-du-Chai; et ses couches s'appuient de part et d'autre, à stratification à peu près concordante , sur les couches pliées en forme de dos d'âne qui la composent. En effet , si, partant du village d’Aiguebelette, situé sur le bord du lac du même nom, on monte par le che- min qui conduit, par dessus cetté montagne , au village (1) Carte des Alpes, par Raymond. Feuille de Chambéry. ( 340 ) de Saint-Sulpice, on voit, comme près de Vimines, des marnes de couleurs bigarrées alternant avec des cou- ches de calcaire marneux et de poudingue , qui rappel- lent celles qu’on trouve dans les parties inférieures du système tertiaire, soit en Provence, aux environs d'Aix, soit en Suisse, au pied du Rigi, sur les bords du lac de Zug. À peu de distance du village d’Aiguebelette, on voit ces couches plonger de 6o à 70° à l'O. 10° N., et passer, dans leur partie supérieure, à la mollasse ordinaire de ces contrées, qui entoure en grande partie le petit lac d’Aïguebelette. Sur son rivage méridional, près de Lepin, cette mollasse se présente en couches verticales dirigées du nord au sud , et se lie directement de ce côté à celle des environs des Echelles, du confluent des deux Guyer, et de Baboulin. Si nous repassons le dos d’âne secondaire qui s’étend du passage des Echelles à la Dent-du-Chat , entre le lac d’Aiguebelette et celui du Bourget, nous retrouverons Ja mollasse des environs de Vimines, et de Saint-Thibaud de Couz, appuyée sur son flanc oriental , et plongeant fortement sous la vallée qui renferme Chambéry, Motte- Servolex , et le lac du Bourget. Au-delà de ce lac, près de son extrémité S.-E., la colline de Tréserve , qui s'élève entre le rivage du lac et la ville d’Aïx-les-Bains, est formée d’une mollasse toute pareille à celle des environs de Saint-Laurent du Pont et de Saint-Jean de Couz. D'après les observations de M. Mousson, cette mollasse est en couches presque verticales , et contient des Huîtres et des Peignes mal conservés, mais qui rappellent ceux de la mollasse de la Suisse. (341) La même mollasse se retrouve sur tout le penchant est de la montagne qui borde à l’est la partie septentrionale du lac du Bourget, et ensuite la vallée du Rhône jusqu’au débouché du Fier. Elle constitue même en quelques points le faite de ce long dos d'âne, qui cependant se compose plus souvent encore d’un calcaire qui, comme celui des Salèves , dont 11 présente les fossiles, appar- tient au système du green-sand, ou d’un calcaire com- pacte qui fait partie des assises les plus élevées du sys- tème jurassique. La mollasse n’existequ’en lambeaux dis- continus sur le flanc occidental de la montagne; mais, sur son flanc oriental, on ne manque jamais de la trouver, sinon jusqu'au faîte, du moins jusqu’à une assez grande hauteur. Près de la montagne, les couches de ce dépôt de mollasse , qui est ici fort épais et qui présente les mêmes caractères qu'aux environs de Saint-Laurent du Pont et des Echelles, plongent fortement à l’est; mais, à mesure qu’on s’en éloigne par les vallons assez profonds qui se dinigent à l’est, vers Albins Rumilly ou Valière, on voit l'inclinaison diminuer, et les couches approcher de plus en plus de la position horizontale qu’elles affectent en général aux environs d’Albins , d’Alby, d'Annecy (1), d'Annecy-le-Vieux, de Pringi, de Groisy, d’'Evire, etc. Je dis en général, parce qu'il y a, même dans tout le canton que j'indique, des exceptions remarquables. De Saussure avait déjà indiqué la mollasse en couches ver- ticales à Alby; et les coupures faites pour la rectifica- tion de la route d’Aïx à Annecy, permeitent d’y obser- ver aujourd'hui ce phénomène avec encore plus de facilité. (1) Carte des Alpes , par Raymond. Feuille de Genève. ( 342 ) La route qui vient & Annecy descend vers Alby et le pont du Cheran, le long de petits escarpemens d’une mollasse à grains fins, souvent schisteuse , en couches exactément verticales et dirigées N. 10° O. Le Fier a coupé son lit très-profondément dans ce système , et la mollasse y présente exactement les teintes bleuâtres et gris verdâtre , et les surfaces mamelonnées qui se font remarquer dans le lit du Guüyer, au-dessus de Saint- Laurent du Pont, et près des Échelles. En remontant vers Albins, sur la rive gauche du Cheran, la route traverse encore des couches de mollasse, qui ont à peu près la même direction, mais qui me sont plus exacte- ment verticales ; elles plongent, du côté de l’ouest, sous un angle qui diminue graduellement à mesure qu’on s'élève et qu’on s’éloigne du Cheran. D'après la longueur considérable pendant laquelle Ja route est tracée sur les tranches de couches de mollasse, verticales ou très-in- clinées , il paraît que ce système est ici extrèmement épais. Les exemples d'inclinaison que f'aï égr!#muent obser- vés dans la même mollasse , près du pont de Belmont et d'Annecy-le-Vieux, ne sont pas aussi à découvert, ni aussi frappans ; mais ils sont cependant évidemment aussi l’effet d’uu redressement de couches déposées dans une situation sensiblement horizontale. Aux environs de Rumilly, la mollasse, en couches sensiblement horizontales, forme des escarpemens assez élevés sur les bords du Cheran et du Fier, qui s’y sont creusés des lits très-encaissés. Au pont au nord de Va- lière elle se relève un peu vers l’ouest , et, un peu plus à l’ouest, on la voit se relever plus fortenient dans le / (343 ) mème sens , comme je l'ai indiqué ci-dessus, en se cou- formant à l’inclinaison qu'ont reçue, depuis son dépôt, les couches jurassiques qui forment l’arête de la mon- tagne située entre Rumilly et le Rhône. Cette partici- pation des couches de la mollasse aux inflexions des couches jurassiques , se voit surtout très-bien à l’entour de la montagne jurassique , en forme de demi-dôme, qui se trouve au nord du Fier, près de son confluent avec le Rhône; montagne dont les couches, arquées parallèlement à sa surface , s’enfoncent à l'E. , au N. et à l'O. , au-dessous du système tertiaire qui constitue la majeure partie du sol de la partie la moins montueuse de la Savoie, dans la direction d’Aïx à Genève. Dans la partie de l'enveloppe tertiaire de cette mon- tagne qui plonge vers l'E. , on trouve, près du village de Droisi , un calcaire compacte gristre , qui a tout l’as- pect d’un calcaire lacustre. Le village de Droisi (1) est bäti sur ce même calcaire, qui paraît appartenir à la partie inférieure du système tertiaire. Dès le premier abord, il m'a rappelé le calcaire d’eau douce qu’on trouve dans une position semblable aux Fueis, dans le Jura, et qui probablement correspond aux couches de marnes bigarrées et de calcaire marneux, d'apparence lacustre, qui constituent la base du dépôt tertiaire du bassin de Delemont, à celles du mème genre que j'ai indiquées ci-dessus , dans la partie inférieure du système tertiaire à Aigucbelette, ainsi qu'aux couches de calcaire d’eau douce qui alternent avec les couches de lignites ex= ploïtées à Belmont près Lausanne, à Notre-Dame des Vaux , etc. (1) Carte des Alpes, par Raymond. Feuille de Genève. (344 ) Plus à VE. , et plus haut dans le système tertiaire, on trouve une mollasse peu solide , en couches assez forte- ment inclinées à l'E. ; au sud du village de Clermont, on y observe ure couche pétrie d'Huîtres et de Pectens, qui malheureusement sont friables et comme calcinés. Cette mollasse m’a à son tour rappelé celle qui, entre Tavanne et les Fuets, dans le Jura, constitue la partie la plus élevée du système tertiaire , et contient de même des coquilles marines , ainsi que des dents de Squale. Cette dernière espèce de fossiles est très-abondante dans les couches de mollasse qui , aux environs de Seys- sel, forment des escarpemens sur les deux rives du Rhône , et se continuent jusqu'au Parc, près de Sorgieu (Aïn) (1), où elles sont imprégnées de bitume, qui est exploité. Près du pare, la mollasse contient , d’après les observations de M. Fénéon , outre de nombreuses dents de Squale, les Peignes et les Huitres déjà cités tant de fois : certaines couches sont pétries de grains de quarz assez gros, et tout-à-fait identiques'avec ceux que j'ai indiqués ci-dessus comme distinguant la mollasse de Bre- lan. Plus au nord, près de Billiat, on retrouve la même mollasse, contenant beaucoup d'Huitres. La mollasse coquillière dont je viens de parler rappelle de la manière la plus complète celle des environs de Berne, en Suisse ; et le peu que j'ai pu observer des fos- siles qu’elle renferme , me paraît mettre l'identité à peu près hors de doute. L'aspect de la contrée entre Annecy, Rumilly et Seyssel, rappelle complètement celui de la Suisse, entre Morat, Berne, et Guggisberg; les ondu- (1) Carte de Cassini, n° 117. (345 ) lations de la surface du sol sont seulement un peu moins considérables en Savoie qu’en Suisse. Entre Seyssel et Chanay, la mollasse repose sur un calcaire jaune , avec parties miroitantes, contenant des silex. Ce calcaire présente souvent des couches où le cal- caire est bleu dans l’intérieur des couches, et tout pétri de grains d’oolithe, mais, d’après les fossiles qu'on y observe , il fait évidemment partie du système du grès vert et de la craie: il ne se rapporte plus aux assises su- périeures de ce système , comme celui sur lequel repose la mollasse, près du Chatelard et de Saint-Thibaud de Couz. Cette formation est ici bien moins épaisse et bien moins complète que dans les deux premières localités, et les couches sur lesquelles repose la mollasse, dans la localité dont nous parlons , ne correspondent qu'aux assises les plus basses du système du grès vert et de la craie. La mollasse repose donc , en stratification discor- dante , sur ce système, puisqu'elle en recouvre indiffé- remment tantôt une couche, taniôt une autre ; par con- séquent , on ne peut songer à l'y rattacher, et il sufñlit qu'un seul point de ce dernier ait été rigoureusement déterminé (ce que M. Brongniart a fait depuis long-temps à la perte du Rhône), pour qu’il soit évident que la mol- lasse de la Savoie est tertiaire , comme on le pense géné- ralement , et pour qu'on n'ait rien de solide à opposer aux analogies qui tendent à l'identifier avec les parties les plus récentes de la mollasse de la Suisse ; formation que M. Brongniart a, je crois, été le premier à rapprocher des terrains de sédiment supérieurs des environs de Paris , par suite des observations qu'il a faites en Suisse, en 1817. (Voyez page 186 et suivantes de la Description ‘ f NAT (346 ) géognostique des environs de Paris. Edition de 1822.) Y A L] Cette mème remarque montre clairement qu'entre le dépôt du sysième du grès vert et de la craie, et celui des terrains tertiaires , le sol de ces contrées avait éprouvé un bouleversement, dont j'ai déjà indiqué des traces dans différentes parties des Alpes. ( Chap. I.) Les différences considérables que présentent entre elles les hauteurs auxquelles se trouvent les dépôts con- temporains du grès vert, et les divers dépôts tertiaires qui se trouvent dans les rides longitudinales de l’ancien sol du Jura, sufliraient seules pour prouver que, depuis le dépôt des couches tertiaires , le Jura a subi un chan- gement de forme beaucoup plus grand que celui qui avait déterminé la formation de ces anciennes rides , encore reconnaissables aujourd’hui ; mais on observe, de plus, que ces anciens sillons longitadinaux sont , en différens points, interrompus et comme coupés par des vallées beaucoup plus creuses (1), qui mettent fréquem- (x) Ce passage était déjà écrit lorsque j'ai eu connaissance du Mé- moire de M. le professeur Pierre Merian , de Bâle, intitulé : Geognos- ticher durchsnitt durch das jura-gebirge von Basel bis Kestenholz bey Aarwangen, mit Bemerkungen über den schichtenbau des Jura im allgemeinen , qui est inséré dans le premier volume des Mémoires de la Société helvétique des sciences naturelles (Zurich, 1829). En lisant cet important travail, j’ai eu le plaisix d'y trouver plusieurs observations qui sont parfaitement d'accord avec celles que je viens de rapporter. Je m’empresse de les traduire en entier ; et je dois ajouter qu'ayant tra- versé en 1825 et 1826 les vallées dont parle M. Merian, je pourrais au besoin confirmer son témoignage. Toutefois, d’après les faits que je cite dans le texte , je crois devoir admettre , malgré l’opinion contraire indiquée par M. Merian, que, dans le Jura pris en masse, les boule- versemens postérieurs au dépôt des couches tertiaires el contemporai- ues delapparition du Mont-Blanc , ont été les plus considérables. ( Page 66.) « À lPest de Wablen, au pied des montagnes qui, au- (1347 ) ment à découvert les couches inférieures du système jurassique, et dans le fond desquelles on ne trouve au- « dessous de Laufen, bordent la vallée de la Birs en falaises à pic, le « calcaire du Jura , qui supporte le reste, se relève sans toutefois que « ses couches s’éloignent beaucoup de l’horizontale; et en même temps « le grès disparaît entièrement. Les circonstances qui s’observent ici « conduisent assez naturellement à l’idée que les formations récentes « s'y sont déposées, après que le Jura avait pris sa forme générale, «dans un lac d’eau douce , qui remplissait un bassin entouré de toutes « parts de hautes montagnes, et qui plus tard a trouvé un écoulement « par la vallée de la Birs. Les circonstances sont ici à peu près pareilles « à celles que M. de Buch a observées dans la vallée du Locle. Dans a les roches siliceuses du Locle , on trouve aussi en abondance l’Helici- « tes paludinarius. Il est cependant très-probable que la coupure de la « vallée actuelle de la Birs , dont le fond est plus bas que le fond du « bassin de ce lac écoulé , n’a pas été produite uniquement par la seule « force de l’eau, mais aussi par un bouleversement de la masse des « montagnes ; d’où il suit que le Jura, pour parvenir à sa forme ac- « tuelle, doit avoir subi plus d’un bouleversement. » (Page 81.) « À l’est de Ballstall , sur le côté méridional de la vallée, « près de Ziegclhutte, on trouve des collines de grès-mollasse et de « marne rougeûtre et gris verdätre , partagées en couches horizontales. « Ce dépôt de mollasse , comme les roches correspondantes de la vallée « de Mümliswyl et la formation d’eau douce de la vallée de Laufen, « a l’air d’avoir été déposé après que le Jura avait déjà pris sa forme « générale actuelle dans des lacs qui ont rempli pendant quelque temps « les vallées du Langenthal. Nous avons déjà dit que trés-probable- « ment l’écoulement de pareils lacs n’a pas été produit par la seule puis- « sance de l’eau qui y afiluait , mais que de nouveaux bouleyersemens « des montagnes, quoique d’une intensité moindre que ceux qu’elles « avaient éprouvés précédemment, pourraient en avoir été la pre- « mière occasion. Cet apercu est fortifié par plusieurs apparences qui « s’observent dans le canton de Bâle. On y voit des formations d’eau « douce qui ont évidemment été déposées dans le même bassin, et qui « sont séparées par une vallée creusée profondément dans le calcaire « du Jura solide qui les supporte. Nous observons plus loin de la mollasse et du calcaire d’eau douce de la même nature et de la même & ( 348 ) cune trace du grès vert, ni des terrains tertiaires. Dans tout le Jura, on voit constamment ces derniers dépôts reposer sur les couches les plus élevées du système ju- rassique ; je ne les y ai jamais observées en contact avec ses couches inférieures , et, à moins qu’on ne trouve de nombreuses exceptions à cette règle, elle indiquera que les mouvemens du sol, assez considérables pour amener des dénudations qui atteignissent et missent à découvert les couches oolithiques inférieures , sont tous , dans le Jura, d’une date postérieure au dépôt des terrains ter- üaires. Les vallées dues à ces derniers mouvemens du sol, telles que celle du Dessoubre , plusieurs de celles des environs de Morey, de Saint-Claude, ete., et les autres accidens du sol qui leur sont parallèles comme la ligne des plus hautes sommités, depuis le Credo et le Reculet jusqu'à la dent de Vaulion, ja série de crêtes, qui, d’après la carte de M. Osterwald , traverse le canton de Neufchätel depuis le Creux du Vent jusqu'à Montsa- gne, etc., ainsi que les plis et les fractures des couches, auxquels ces accidens se rattachent, se sont donc formées depuis le dépôt des terrains tertiaires. Aussi sont-ils généralement parallèles à la direction N. 26° E. de la stratification aux environs de Genève. On peut même citer dans l’intérieur du Jura, sinon des couches ter- tiaires , du moins des couches du système du grès vert et de la craie, qui se trouvent complètement disloquées à l'approche des accidens du sol dont je viens de parler. Ainsi , sur la pente occidentale de la Dole, depuis le « origine que ceux des val'ées s'tuées sur La direction de notre coupe, « mais qui se trouvent à des hauteurs telles, par exemple près de Hum- « mel, qu'il est diffcile d’apercevoir le bassin qui les a renfermés. » (349 ) point où la route des Rousses à (rex se sépare de la route de Saint-Cergues , jusqu’à la Faucille, on voit les cou- ches calcaires, marneuses et arénacées qui représentent le grès vert , et qui sont généralement horizontales dans la vallée longitudinale des Rousses et du lac du Lieu , se redresser souvent jusqu'à la verticale. Dans la haute vallée du Doubs, au-dessous de Mouthe, on exploite, près du village de Longeville, une couche de minerai de fer en petits grains , qui fait aussi partie du grès vert, et qui est repliée, d’après le rapport des ouvriers , en forme de Z , par suite sans doute d’accidens de la même date. Les résultats auxquels vient de nous conduire l’exa- men du sol de la Savoie et de quelques parties du Jura se trouvent pleinement confirmés par les observations que j'ai faites, en suivant la mollasse de Saint- Laurent- du-Pont dans la direction du S.-0O. A l'extrémité S.-O. de la vallée longitudinale de Saint- Laurent-du-Pont, on voit la mollasse affleurer près de Voreppe. Comme en beaucoup de points de la Suisse et de la Savoie, elle s'y présente en couches épaisses sus- ceptibles de donner de belles pierres de taille, et on y a ouvert des carrières souterraines d’une étendue con- sidérable. Les couches, dont la surface est souvent tuber- culeuse, présentent fréquemment entre elles de petits lits d’une argile sableuse très-micacée. Le grain des couches qu’on exploite est très-fin, et le Mica y est assez abondant. Ce n’est absolument que par la finesse un peu plus grande du grain que cette mollasse diffère de celle qu’on exploite, ainsi que j'ai dit plus haut, près de Rat. ( 350 ) Les carrières sont situées de part et d’autre d’un vallon assez profond qui, au sud-est de Voreppe, s’é- tend entre la montagne qui domine cette ville et un cap avancé, sur lequel se trouve un vieux château. Un filet d’eau tombe en cascade au fond de cet étroit vallon , le long d’un escarpement perpendiculaire formé à sa partie inférieure par des couches de mollasse, et à sa partie supérieure par de grosses strates d’un con- glomérat alternant avec un grès sableux, dont l'aspect rappelle au premier abord celui de la mollasse, quoiqu'il doive en être soigneusement distingué. Ce conglomérat forme aussi le sommet de l'espèce de pain de sucre sur lequel se trouve le vieux château , aussi bien que le pen- chant de la montagne qui s'étend vers Voreppe. La mol- lasse est mise à découvert par de nombreuses carrières en partie souterraines , qui se trouvent tant au pied du pain de sucre du vieux châtexwcze du côté opposé du vallon , le long du flanc de 2 montagne qui se dirige vers Voreppe. Toutes les couches n'étant pas également solides , on n’en exploite «run seul groupe, qui a 8 à 1o mètres de puissance, êt que recouvrent des assises trop peu consistantespour être employées. Il résulte de cette circonstance qu’en considérant les hauteurs res- pectives des ouvertures des carrières, on reconnaît du premier coup-d'œil que les couches de la mollasse sont inclinées vers l’'E.-S.-E. , et, en eflet , il est facile de vérifier qu’elles plongent d'environ 10° à VE. 259$. Tout le système des couches de mollasse est coupé en biseau par une surface irrégulière en petit, mais qui, en masse , est horizontaie , et sur laquelle repose le conglo- mérat dont j'ai déjà parlé ci-dessus. Par conséquent, HAE 9 A cette masse de cailloux agglomérés, dont la description se l trouvera dans le chapitre suivant, constitue une forma- tion distincte de la mollasse, et posée sur elle en strati- fication discordante, C’est ce qu'il est aisé de vérifier en examimant , dans les escarpemens situés au-dessus des entrées des carrières , la ligne de contact de la mollasse et dn conglomérat , et la manière dont les parties infé- rieures de celui-ci pénètrent dans les anfractuosités de la mollasse, qui avait évidemment été ravinée avant son dépôt, sans jamais cependant contracter aucune liaison avec elle. On prendra une idée de cette disposition en jetant les yeux (PL. xv, fig. 3) sur le dessin que j'ai pris sur les lieux de l’escarpement qui surmonte l'entrée d’une des carrières les plus avancées vers le N.-O. Les caractères que je viens d’assigner à la mollasse de Voreppe conviennent également à celle dans laquelle est creusée la vallée de l'Isère, entre Saint-Marcelin et Izeron (1). Dans l’espace qui sépare Voreppe et Saint- Marcelin on n’aperçoit pas cette même mollasse; un amas de cailloux assez clairement stratifié, pour qu’on puisse voir qu'il n’a pas été incliné depuis le moment de son dépôt, forme la surface du sol , et se trouve directement en contact sur les bords avec les couches calcaires de l’é- poque du grès vert et de la craie. De Voreppe à Izeron, où la mollasse reparaît , il y a 6 lieues , et cet intervalle, dans lequel la mollasse ne paraît pas au jour, est sans doute un obstacle pour l'identification de la mollasse des deux localités ; mais elle s’y présente avec des caractères si semblables et dans des rapports si analogues avec les (1) Voyez les feuilles 119 er 120 de la Carte de Cassini. (452 7 formations qui la supportent, que, malgré ce défaut de continuité , je n’en regarde pas moins l'identité comme évidente. D'Izeron, on suit la mollasse, dans la vallée de l'Isère, jusqu’à Beauvoir, où commence une suite de collines de mollasse qui secontinuentsansinterruption jusqu’à Saint- Just, et se lient intimement avec le dépôt de mollasse, souvent très-coquillière, qui constitue le sol du bassin fertile du Royans. À l'entrée du Royans, sur les deux bords de l'Isère, près du bac de Saint-Nazaire, on voit de petits rochers détachés , composés d’un calcaire compacte blane par- semé de petits points spathiques, qui se rattachent évi- demment au calcaire tout pareil, souvent pétri, d’un très-grand nombre de coquilles très-contournées ( pro- bablement des Dicérates ou des Caprines ), qui forme la montagne au sud de Saint-Nazaire, un grand nombre de celles de Royans, et qui, comme Jje l'ai déjà dit, fait partie du système du grès-vert et de la craie. Sur la surface irrégulière de ces petits rochers déta- chés les uns des autres, mais évidemment en place, vient s'appliquer une grande épaisseur, d’une argile rouge, contenant un grand nombre de grains amorphes de quarz, argile qui existe aussi tout près de Saint-Nazaire, où cle recouvre la surface et remplit les inégalités du calcaire dont j'ai déjà parlé. Cette argile plus ou moins mélangée de grains de quarz, et quelquefois remplacée par un sable quarzeux presque pur, coloré en rouge ou en jaune et souvent presque blanc, paraît se continuer tout le long du pied oriental de la montagne calcaire qui se trouve au sud de Saint-Nazaire. Près des Didiers, sur le chemin de l’abbaye de Léoncel à Saint-Jean en Royans, on trouve H/3807) une grande épaisseur du sable que je viens d'indiquer, reposant sur le calcaire et formant la base du dépôt tertiaire de l’intérieur du bassin du Royans. Près du bac de Saint-Nazaire, l'argile rouge pétrie de grains de quarz, qui enveloppe les protubérances cal- caires irrégulières dont j'ai parlé ci-dessus, forme la berge élevée de plus de 50 mètres de la rive droite de l'Isère. Dans sa partie supérieure on la voit passer à un sable argileux rouge , à gros grains quarzeux, qui prend fré- quemment une teinte gris bleuâtre. Vers le haut de l’escarpement on trouve un calcaire gris, marneux, con- tenant un grand nombre de grains de quarz, et qui pré- sente les caractères extérieurs habituels du calcaire lacus- tre ; on y trouve des Lymnées où Ampullaires ; il forme une couche irrégulière peu épaisse dans le sable argileux qui prend une teinte bleuâtré très-prononcée dans les parties qui lui sont immédiatement contiguës. À 2 ou 3 mètres plus haut on trouve une couche épaisse de 1 : d’un calcaire compacte, d’un gris bleuâtre, qui paraît aussi être d’eau douce. Il est très-mélangé de grains de quarz , et est supporté et recouvert par le sable argileux qui a une teinte bleuâtre très-prononcée, à quelques centimètres , tant en dessus qu’en dessous. Ces couches de calcaire d’eau douce, alternant avec des argiles sa- bleuses rouges et bleutres , rappellent déjà de la manière la plus complète le système de calcaires d’eau douce, de sables, d’argiles et de marnes bigarrées qu’on voit entre Clansayes et Donzère, ainsi qu’en un grand nonibre d’au- tres points des départemens de la Drôme, dé Vaucluse et des Bouches-du-Rhône, dans lesquels on y exploite fré- quemment des couches de lignites, et qui y forme la base XVI. 29 ( 354 ) du système tertiaire. Il rappelle également le système de marnes bigarrées qne j'ai cité plus haut en divers points de la Savoie et de la Suisse (Delemont, etc.) , et le système de marnes bigarrées et de calcaire d’eau douce du bassin du Puy (Haute - Loire) et de la Limagne (Puy-de-Dôme). Près de Saint-Nazaire, et dans les Royans, ce système forme , comme en Suisse et dans le midi de la France, la partie inférieure du dépôt tertiaire. Les couches de calcaire d’eau douce dont je viens de parler, suivant le point où on les observe, plongent à l’est, au nord ou à l’ouest, en présentant la forme d’un demi-dôme dont le point culminant correspond aux petites protubérances de calcaire plus ancien sur la surface irrégulière des- quelles elles s'appuient. De toute part elles disparaissent sous des dépôts de transport beaucoup plus récens ; mais, au-delà de ces dépôts, on voit la mollasse coquil- lière plonger précisément d'une manière correspondante. La superposition de cette mollasse coquillière marine, sur le système d'argile et de sables bigarrés d’eau douce, se voit d’ailleurs en divers points de l'intérieur du Royans, notamment près des Didiers , sur le chemin de Léoncel à Saint-Jean en Royans. Il ne sera peut-être pas inutile de donner ici quelques détails sur les divers gisemens de mollasse que j'ai ob- servés dans ces environs. Si ces détails paraissent minu- tieux, je prierai de remarquer que la localité dont il s’agit est importante, parce que d'une part on y recon- naît clairement les différens termes de la série tertiaire du midi de la France dont l’âge géologique est mainte- nant connu d’une manière générale, et parce qu’en 1355 3 mème temps on voit tous les termes de cette série com- mencer à présenter, d’une manière sensible, des traces directes et incontestables dela grande dislocation que les parties les plus tourmentées des Alpes occidentales ont éprouvée postérieurement au dépôt des parties même les plus récentes des terrains tertiaires. Au N.-E. du bac de Saint-Nazaire, le vieux château de Beauvoir s'élève sur un monticule très-escarpé de mollasse qui en ce point m'a paru dépourvue de co- quilles. Les couches sont inclinées de 8 à 10° à l'E.- N.-E., c’est-à-dire, d’une manière conforme à l’incli- naison de la partie correspondante des couches d’eau douce du bac de Saint-Nazaire. Les couches les plus basses qu’on puisse voir dans le ravin très-profond où coule le ruisseau appelé le Risalier, au N.-E. du vieux château, présentent une mollasse très-schisteuse, très- micacée, à grain très-fin et un peu argileuse, d’un gris bleuâtre assez sombre; elle contient des couches subor- données d’une mollasse schisteuse, d’un gris bleuâtre, un peu plus solide. Au-dessus se trouve une mollasse peu schisteuse, d’un gris jaunâtre, à grain fin, assez solide et présentant des parties plus solides irrégulières qui forment sur la surface des escarpemens des saillies diversement festonnées , analogues à celles qu’on ménage à Paris , sur la surface des pierres de taille, dans certains genres de constructions. Cette dernière variété forme un escarpement très-élevé tant au pied du vieux château de Beauvoir qu’en face de ce château, de l’autre côté du ruisseau. Les collines voi- sines présentent de grandes masses, d’une mollasse tout- à-fait analogue et généralement très-peu coquillière, con- (356 ) tenant par fois quelques petits cailloux roulés, dissémi- nés irrégulièrement , et présentant des parties plus solides que le reste, en forme d’ellipsoïdes grossièrement aplatis. On y observe fréquemment, comme dans beaucoup d’autres dépôts arénacés , une division en strates très- obliques par rapport à la direction des couches. Le calvaire de Saint-Romans est formé par un rocher saillant de la même mollasse qui constitue aussi tous les coteaux qui s'étendent jusqu'à Saint-Just. On voit les couches plus ou moins solides de cette mollasse former des escarpemens à surface inégale le long des chemins qui montent vers Saint-André en Royans. La mollasse qui constitue le monticule sur le penchant occidental duquel se trouve le village de Saint-Just plonge . à VE. 10° S. , d'une manière conforme à la partie corres- pondante du dôme que forment les premières couches tertiaires près du bac de Saint-Nazaire. Ici les couches de mollasse, quoique paraissant former le prolongement de celles de Beauvoir et d’Izercn, et quoique présentant sensiblement les mêmes caractères , deviennent en quel- ques points très-coquillières. On y trouve particulièrement de grandes Huitres , d’une espèce qui est fréquente dans la mollasse coquillière de tout le midi de la France. Ou y retrouve aussi des coquilles turriculées très-allon- gées (Cerites ?) et des empreintes végétales peu dis- tüinctes. Certains échantillons de cette mollasse ressem- blent, de la manière la plus frappante, à celle qui, près de Seyssei et de Billiat (département de l'Ain), contient, comme je l'ai indiqué plus haut, des Huitres et des dents de Squale, et qui se rattache à celle de la Suisse. , (357) Les couches de mollasse coquillière qui forment le monticule à l'E. de Saint-Just, se prolongent vers le S. 10° O. , et leur prolongement est profondément coupé par la Bourne, dans laquelle elles se montrent forte- ment inclinées vers l'E. 10° S$. L'aspect que présente la partie de leurs tranches qui est nrise à nu et lavée par les crues , rappelle complètement l’aspect que présentent les tranches des couches verticales de mollasse dans le lit de Guyer, au-dessus de Saint-Laurent du Pont, et dans celui du Cheran, au-dessous d’Alby en Savoie. Le même système de couches de mollasse se prolonge encore plus loin vers le sud et constitue le fond du bassin du Royans ; on y voit des bancs pétris de très-grandes huîtres. On peut suivre la même mollasse depuis Saint-Jean en Royans jusqu'aux Didiers sur le chemin de Léoncel, et là on voit ses couches inférieures reposer sur des sables de couleurs bigarrées, faisant partie du dépôt d’eau douce qui forme la base du système tertiaire de ces contrées. Dans la partie inférieure de la mollasse des Didiers se trouve un banc d’un calcaire sableux assez analogue à la mollasse solide et très-coquillière du Baboulin, dans la vallée de Saint-Laurent. Sa cassure est terreuse , et sa couleur un blanc grisètre ou un gris bleuâtre sale. Ce banc contient un grand nombre de peignes et d’huitres parmi lesquels il paraît s’en trouver des mêmes espèces que ceux que j'ai indiqués dans. la mollasse de la vallée de Saint-Laurent et de la Savoie ; on y trouve aussi de petits polypiers. Quoique les échantillons de ces différens fossiles que j'ai recueillis soient très-imparfaits , on peut d’abord assurer que les espèces auxquelles ils se rappor- (358) tent sont étrangères au système contemporain du grès vert.et de la craie qui forme une partie des montagnes de ces contrées, et dont les grès seraient seuls susceptibles d’être iei confondus avec la mollasse tertiaire ; et il paraît très-probable qu’elles rentrent dans celles qu’on trouve dans les fahluns des bords de la Loire, et qui vont être nommées , décrites et figurées dans le grand travail que MM. de Tristan et Desnoyers préparent sur cette der- nière formation. ( Parmi les échantillons que j'ai rap- portés, M. Deshayes a reconnu en particulier le Pecten latissimus des collines subapennines , et il regarde comme inédit un autre Pecten voisin du Pecten arcua- tus de Brochi, mais plus grand, que j'ai également trouvé dans les mollasses des environs de Belley (Ain), dans celles de Crest et de Saint-Paul-Trois-Châteaux (Drôme), dans celles plus coquillières encore qui forment la côte occidentale de l’étang de Berre, près d’Istres et du Plan d’Aren (Bouches-du-Rhône), et qui existe aussi dans les fahluns de la Touraine et de Maine-et-Loire.) D'après l’inspection sur les lieux d’un grand nombre de fossiles , aussi-bien que d’après la nature de la couche qui les contient , et d’après ses relations avec les cou- ches qui la supportent et qui la recouvrent , la couche coquillière des Didiers m’a paru correspondre rigoureu- sement à celle qui se voit dans les collines situées près de l’extrémité sud du Pont des Nyons ( Drôme). Or, la mollasse, en partie très-coquillière , de Nyons se rat- tache directement à celle de Saint Paul-Trois-Châteaux, et déjà elle fait partie du grand système de mollasse coquillière qui s’étend sans interruption dans une partie des départemens de Vaucluse, des Bouches-du-Rhône ( 359) et de l'Hérault, et que, surtout depuis les savantes recherches de M. Marcel de Serres et de M. Desnoyers , on est d'accord de rapporter aux dépôts tertiaires Îles plus récens. La mollasse peut aussi s’observer au nord et à l’est du dôme que forment les couches tertiaires inférieures près Saint-Nazaire. La vallée du Pont de Furan sur la route de Saint-Marcellin à Romans, est creusée dans une mollasse toute pareille à celle du vieux château de Beau- voir. Cette mollasse se montre également plus au sud sur la rive gauche de l'Isère, et plus à l’ouest près des Fau- ries. Elle constitue, dans ce dernier point, de grands escarpemens qui rappellent ceux de Beauvoir, et dans lesquels.elle présente de bas en haut les mêmes variétés dans le même ordre. À partir des Fauries, la même mol- lasse forme une série presque continue d’escarpemens sur le côté nord de la vallée de l'Isère près de Saint-Pierre d’Octavion , de Triors , de Mours , de Châtillon. À Châtillon, au pied des escarpemens de mollasse qui supportent la chapelle ruinée de Saint-Jean , on a ouvert des carrières souterraines dans une mollasse sans coquilles à grain fin, en couches horizontales , qui donne de belles pierres de taille. La partie supérieure du monticule pré- sente des escarpemens d’une mollasse tout-à-fait pareille à celle du château de Beauvoir; mais, à une hauteur intermédiaire, on trouve des couches sableuses et pres- que incohérentes, contenant un grand nombre de grains de quarz assez gros et tout-à-fait analogues à ceux que présente le dépôt d'argiles et de sables bigarrés d’eau douce du Royans, de Nyons et des environs de Mour- moiron, ainsi qu'à ceux qui se trouvent souvent en abon- ( 360 ) dance dans les parties les plus coquillières de la mollasse du midi de la France et des environs de Seyssel. Ces grains de quarz se trouvent ici associés à un grand nom- bre de fragmens non décomposés de cristaux de feld- spath. Cette réunion et la forme anguleuse des fragmens feldspathiques semblent indiquer que les uns et Les au- tres ne viennent pas de loin, et ont leur source dans la décomposition des masses granitiques connues par leurs kaolins (larnage), qui sont situées au nord-ouest, près de Tain et de Saint-Vallier. Les couches arénacées, que présente dans le Vercors le dépôt du grès vert et de la craie, mont offert la même réunion de grains quarzeux et feldspathiques et le sujet d'une remarque semblable. La vallée de l'Herbasse, qui passe à Châtillon pour se jeter dans l'Isère, à un quart de lieue au-dessous , est creusée depuis les environs de Montrigaud dans une mollasse dont les couches horizontales ne sont que le prolongement septentrional de celles de la chapelle de Saint-Jean, et dont les caractères rentrent exactement dans ceux que je viens d'indiquer dans les descriptions précédentes. Ce système, sans présenter dans ses cou- ches d’inclinaison sensible , s'élève à une grande hauteur dans l’espace compris entre Châtillon , Montrigaud , le Grand-Serre et Saint-Vallier (1) : il y est découpé, sur une hauteur qui va quelquefois à plusieurs centaines de mètres, par un grand nombre de vallées , et forme sou- vent jusqu’à leur cime les coteaux qui les séparent. Ce- pendant un certain nombre de ceux-ci, surtout vers le nord et le nord-est, présentent à leur partie supérieure {1} Garte de Cassin: , no 179. (36: ) un plateau formé par les dépôts de transport sous les- quels la mollasse coquillière tertiaire disparaît totale- ment, lorsqu'on s’avance vers Roybon ou Beaurepaire, et que je décrirai dans le chapitre suivant. Dans le canton que je viens de désigner, la mollasse présente quelquefois dans ses assises les plus élevées une grande quantité de débris organiques assez remarqua- bles. Ainsi, dans les bois à l’est de Saint-Andéol , vers le point culminant du chemin qui conduit de Saint- Donat à Clavezor , la partie supérieure du système de la mollasse présente un agglomérat assez grossier, formé en grande partie d’élémens remaniés des granites du Forez, et mélangé de fragmens mal arrondis de ces gra- nites, et plus souvent d’un quarz blanchâtre, qui sans doute y formait des petits filons , ainsi que de fragmens de silex , qui rappellent ceux qu’on trouve dans les assi- ses inférieures du système oolithique près de Lyon et de Chessy. Cet agglomérat , dont la cohérence varie beau- coup d’un point à l’autre, présente, comme font souvent les sables d’alluvion, de grandes strates inclinées dans tous les sens , qui se terminent les unes aux autres en se joignant sous toutes sortes d’angles. On y trouve quel- ques veines ferrugineuses , et un plus grand nombre de veines agglutinées par un suc calcaire , dont l'aspect rappelle tout-à-fait celui des parties solides des fahluns de Doué (Maine et-Loire) , qu'on exploite comme pierre de taille. Cet agglomérat , qui, comme je l’ai déjà dit, appartient aux assises les plus élevées de la mollasse coquillière tertiaire, présente un grand nombre de dé- bris organiques ; j’y ai trouvé beaucoup de débris d'Hui- ues et de Peignes, qui m'ont paru identiques avec ceux … ( 362 ) dont J'ai déjà mentionné l'existence dans la mollasse; et M. Deshayes, qui a eu la complaisance de les examiner, a trouvé que le Peigne , qui peut-être appartient à une espèce inédite, présente à la fois des traits de ressem- blance avec le Pecten Jacobeus des fahluns de Doué (Maine-et-Loire), avec le Pecten Beudanti des dépôts tertiaires de Bordeaux , et avec le Pecten flabelliformis des collines subapennines du Plaisantin. Avec ces frag- mens d'Huitres et de Peignes, j'ai trouvé beaucoup de fragmens de test, qui n’ont pas tous perdu complètement leurs couleurs , et quelques opercules, que M. Deshayes a reconnus appartenir au Palanus crassus (Sowerby) du Crag du Suflolk, qui lui paraît très-voisin et n'être peut-être qu'une variété du Balanus tulipa, qu’on trouve fossile dans la mollasse coquillière de Saint- Paul-Trois-Châteaux , et dans celle qui forme le rivage occidental de l'étang de Berre , près d’Istres et du Plan d’Aren (Bouches-du-Rhône), et qui vit encore dans la Méditerranée. Enfin , avec tous ces débris J'ai trouvé un grand nombre de fragmeus, et quelques individus en- tiers d’une Patelle que M. Deshayes rapporte à la Patella conica (Defrance, Dictionnaire des Sciences natu- relles, tome XXX VIII, p. 125), qui se trouve dans les fahluns (calcaire grossier ) d'Hauteville (Manche ). J'ai déjà mentionné l'existence des mêmes fossiles dans une mollasse qui souvent est exactement pareille au lieu dit le Sablon , entre le pont de Beauvoisin et les Abrets. En voyant sur place les deux dépôts, on ne peut douter qu'ils n’aient été formés en même temps, el dans des circonstances physiques toutes semblables : or, comme le premier se lie d’une manière continue avec les mol- (363 ) lasses coquillières de la Provence, et que le second se rattache d’une manière également incontestable à celles de la vallée de Saint-Laurent du Pont, et en mème temps à celles de la Savoie et de la Suisse, on voit que l'identité complète qu’ils présentent entre eux concourt puissamment à établir la continuité de la formation de la mollasse coquillière dans tout l’espace dont je viens de parler; espace dans lequel on la voit graduellement, à mesure qu’on approche des montagnes, partager les inflexions alpines des couches calcaires plus anciennes. La réunion de fossiles que je viens de citer dans la pro- longation horizontale de ces couches redressées, montre combien est récente, dans la chronologie des terrains, la dislocation des couches de ces contrées. Si, à partir du point dont je viens de parler, on con- tinue à suivre le chemin qui de Saint-Donat conduit à Clavezon , à Saint-Uze {1) et à Saint-Vallier, on con- tinue à marcher sur la mollasse jusqu’à l'entrée de la gorge de Vals, par laquelle la Galaure va se jeter dans le Rhône à Saint-Vallier, en coupant des collines de granite et de gneiss. Dans intervalle, la mollasse pré- sente, suivant les couches et suivant les localités, des variétés très-diverses ; mais, quoique ses strates soient souvent obliques et présentent des jeux très-variés , sa stratification dans tout cet intervalle ne cesse jamais d’être horizontale. Entre la Motte de Galaure et Saint-Uze, à peu de distance de ce dernier village , j'ai observé une mollasse composée de grains de quarz incolore et de feldspath (1) Carte de Cassini, n° 149. (564 ) rougeâtre , encore plus grossiers. que ceux qui, comme je l'ai dit ci-dessus, composent quelques couches au- dessous de la chapelle de Saint-Jean : ce n’est absolu- ment qu un gros sable granitique réagglutiné. Au nord de Saint-Vallier, le Rhône rase depuis Lyon’ les masses granitiques du Forez , et les coupe même en quelques points. Dans tout cet intervalle, la mollasse coquillière, si elle existe en quelques endroits, est géné- ralement recouverte par les terrains de transport plus récens , qui seront décrits dans le chapitre suivant. Cependant à Saint-Fons (1), à une lieue sud de Lyon; elle paraît au jour au-dessous de ces terrains , entre la route de Marseille et la rive gauche du Rhône, en face de Saint-Genis , et elle constitue des escarpemens dans lesquels sont ouvertes plusieurs carrières de pierres de taille, tant à ciel ouvert que souterraines. Certaines parties sont à grains fins, et d’autres, comme à Saint- Uze et à Châtillon, au-dessous de la chapelle de Saint Jean, contiennent un mélange considérable de gros grains. de quarz et de feldspath , et renferment un assez grand nombre de fragmens grossièrement arrondis de granite analogue à celui de Lyon et du Forez, et de quarz blan- châtre, qui sans doute y formait des petits filons. Les escarpemens depuis long-temps exposés à l'air de la mollasse de Saint-Fons, quoique présentant des ru- gosités moins festonnées que ceux de Beauvoir et du pont de Furan, les rappeilent complètement. Des parties solidement agglutinées y formentsouvent, dans une masse plus solide , des espèces de concrétions cylindroïdes qui (1) Carte de Cassini, n° 118. (1 365") rappellent célles qu’on trouve dans la mollasse, à une lieue au-dessous de Digne (Basses-Alpes). On trouve dans la mollasse de Saint-Fons, comme dans celle de Saint-Donat et Clavezon, et dans celle de Sablon, entre le pont de Beauvoisin et les Abreis, des fragmens d'Hui- tres, de Peignes , de Polypiers , de Patelles et du Bala- nus crassus; | y ai en outre recueilli une petite Zé- rébratule , et un fragment de patte de Crustacé déca- pode (x). (1) M. Audouin, professeur-adjoint au Jardin du Roi, ayant bien voulu me rendre le service d'examiner quelques-uns de ces fossiles , m'a remis à leur sujet la note suivante : Dans l’un on reconnaît, sans aucun doute, l’ongle mobile de la pre- mière paire de pattes d’un Crustacé décapode ; mais il serait difficile de préciser à quel genre il a appartenu. Je présume cependant , d’après cet échantillon, que ce devait être un Crabe , ou mieux une Portune. Quoi qu’il en soit , cet ongle , qui a 4 lignes de longueur, est légèrement comprimé, et présente à son bord interne six à sept petites dents aiguës , dont la première et la plus voisine de la base est la plus forte, ét peut recevoir le nom de tubercule. Le second échantillon est une Térébratule qui mériterait d’être figurée , et qui me parait nouvelle. La plupart des individus n’ont pas plus de 3 lignes de longueur, et cependant je les crois adultes, ou près de l'être. Vous pourriez nommer cette espèce imbricata, à cause de la présence constante des stries d’accroissement de la coquille, qui, eu s’arrêtant brusquement , leur donne l'apparence d'autant de tuiles placées les unes au-dessus des autres. De plus, les valves inférieures sont striées un peu à la manière des Plagiostomes et de certains Peignes, étilne paraît pas que ces stries soient dues à quelques corps étrangers sur lesquels la Térébratule aurait été appliquée pendant sa croissance : ces stries paraissent tenir à la coquille elle-même. Cette Térébratule est de la division de celles qu’on nomme non plissées ; cependant si elle était jeune, ce que je ne pense pas, il serait possible que les plis se for- massent avec l’âge. Le troisième échantillon est un Polypier de la division des Polypiers ( 366 } Cette mollasse est recouverte par un amas de cailloux roulés, sans blocs anguleux , qui sont quelquefois ag- glomérés en un poudingue très-solide. Les escarpemens artificiels des carrières permettent de voir, comme à Voreppe, que ce dépôt de cailloux roulés repose , à stra- tification discontinue , sur la surface antérieurement dégradée de la mollasse coquillière tertiaire. ( Voyez la PI. xv, fig. 4, et la PL. xvr, qui représentent les es- carpemens de deux des carrières dont je viens de parler.) Je dois à la complaisance de M. T'issier père, profes- seur de chimie à Lyon, de savoir qu’en creusant il y a quelques années pour les fondations de l’église de Saint- Polycarpe dans la ville de Lyon, au pied du coteau de la ‘Croix-Rousse, on a trouvé un Lepas (probablement le Balanus crassus) appliqué sur la surface du granite qui forme le sol de ce quartier. C’est sans doute une trace de l'existence de la mer dans laquelle la mollasse coquillière tertiaire a été déposée; et ce fait indique que la mollasse doit s'étendre au-dessous de la Bresse, et servir de sup- port aux terrains de transport qui forment le sol de cette contrée. À Saint-Fons, la mollasse se trouve, comme entre Saint-Vallier et Romans, en couches parfaitement hori- zontales. Ce fait est important à remarquer, à cause de la grande proximité dans laquelle elle se trouve des gra- nites du Forez, qui s'étendent jusqu'à la rive opposée du Rhône, et jusque dans la ville de Lyon , où sans doute à réseaux de M. Lamarck , et qui parait appartenir au genre Aétépore. De tous ceux figurés et décrits pat Goldfuss , celui dont il se rapproche le plus est le Retepora vibicatus , qui se trouve fossile dans les dépôts tertiaires de la Westphalie. ( 367 ) le Balanus crassus n’est venu s'appliquer sur leur sur- face que depuis qu'ils ont pris leur forme et leur posi- tion actuelles, qu'ils possèdent par conséquent depuis plus long-temps que les masses alpines , à l'approche desquelles les couches de la même mollasse coquillière se redressent jusqu’à la verticale. Cette circonstance contribue à compléter le contraste établi déjà par la direction des couches et la forme des masses entre les montagnes arrondies du Forez et les Alpes qui terminent si majestueusement l’horizon de Lyon, et surtout celui de Fourvières , et qui présentent à l'observateur un as- pect plus distinctif encore, lorsque, du haut du mont Pilas même, il les voit éclairées par les premiers ou par les derniers rayons du soleil, et peut reconnaitre l’une après l’autre toutes leurs cimes , depuis les pointes élan- cées des dents d’Oche , sur les bords du lac dé Genève, jusqu’à l’élégante pyramide du mont Viso, où le Pô prend sa source (1). (1) L’horizontalité des mollasses de Saint-Fons, près de Lyon, et de celles qui viennent se terminer au pied des buttes granitiques des environs de Saint-Vallier, est un fait remarquable , en ce qu’elle éta- blit d’abord que le système de montagnes dont le Pilas fait partie, a pris son relief actuel long-temps avant les Alpes occidentales dans les- quelles les couches de la même mollasse sont redressées , et en ce qu’il méntre même que sile système nord-sud , dont j’ai parlé dans la note de la page 307, a quelque réalité, ce système, dont la vallée de la Saône et du Rhône au-dessous de Chälons-sur-Saône serait un des traits les mieux dessinés , aurait également pris naissance non-seule- ment avant l’apparition des Alpes occidentales , mais même ayant le dépôt des mollasses coquillières de la Suisse, du Dauphiné, de la Pro- vence. On voit d’après cela qu’il n’y aurait rien que d’assez naturel à rapprocher les dépôts d’eau douce des hautes vallées de la Loire et de Ur à : C Pre l'Allier, qui semblent se lier de proche en proche aux assises supérieures ( 568 ) Le prolongement horizontal des couches de mollassé de Châtillon vient de nous entraîner un peu loin des points où elles présentent une disposition en forme de dôme très-surbaissé , à l’entour des rochers calcaires du bac de Saint-Nazaire ; mais si, redescendant maintenant vers le midi , nous retournons dans la vallée de l'Isère, au point où nous l'avons quittée , à Châtillon (1), au- dessous de Romans , et que nous passions cette rivière, nous trouverons sur sa rive méridionale, entre Chà- teau-Neuf de l'Tsère et Saint-Marcel, un monticule très- étendu de moliasse dont les couches se relèvent très- sensiblement à l'E.-S.-E. Plus à l’est se trouve une série de collines d’une mollasse coquillière, dont les couches se relèvent d'une manière constante et encore plus sen- sible vers la base des montagnes de Penet et de Raye. On peut suivre cette mollasse, d’une manière/continue, jus- qu'à Crest, sur la Drôme. De là, en prenant le chemin de Montélimart, on continue à en voir une série de lambeaux, toujours très-coquilliers, qui la rattachent à Ja mollasse coquillière de Saint-Paul-Trois-Châteaux et des départemens de Vaucluse, des Bouches du Rhône et de l'Hérault, regardée maintenant, ainsi que je l’ai dit plus haut, comme faisant partie des dépôts tertiaires les plus récens. Si on examine en particulier la colline de mollasse du terrain de Paris, et qui auraient été déposées dans des dépressions de ce système nord-sud , des depôts d’eau douce de Saint-Nazaire, de Vaucluse et de la Provence, qui leur ressemblent en tant de points, et qui, déposés en partie dans la vallée nord-sad que parcourt le Rhône, y forment la partie inférieure du grand dépôt des mollasses coquillières marines. (1) Cürte de Cassini , n° r20. ( 369) qui s'élève entre Meynans et Beauregard , au sud-est de Romans, on trouve que ses couches , comme son profil extérieur, se relèvent très-sensiblement à l'E-S.-FE., en se coordonnant d'une manière évidente à la direction de la montagne située au S.-O, de Saint-Nazaire , entre le bassin du Royans et la grande vallée de l'Isère et du Rhône. Il est évident que l'inclinaison sensible, quoi- que peu considérable, de ces couches de mollasse, et l'excès de hauteur qu’elles présentent , relativement aux couches correspondantes de la Chapelle de Saint-Jean et des environs de Château-Neuf de l'Isère, sont dus à un mouvement qu'elles ont éprouvé lors du redressement des couches de la montagne située au S.-O. de Saint-Nazaire. Les petits rochers calcaires qui supportent le dépôt ter- tiaire , près du bac de Saint-Nazaire , sont situés dans le prolongement septentrional de cette mème montagne, et en forment pour ainsi dire l'extrémité; d’où il suit que la disposition en forme de dôme que présentent, au- tour de ces rochers , les couches tertiaires , se coordonne à sa forme générale. L'axe de cette même montagne, prolongé à une lieue et demie au N. 25° E. de Saint-Nazaire, passe près de deux sources remarquables qui, d’après le nom donné au village qui en est voisin , la Séne , paraissent être des sources minérales ; classe de sources dont l'existence se rattache si généralement aux grandes fractures de l’écorce minérale du globe. Cette montagne , qui forme ainsi l’axe géologique de toute 1 contrée qui l'entoure , court au N. 25° E., c’est- à-dire, à peu près parallèlement à la direction des couches redressées des environs de Saint-Laurent-du-Pont , et, XVI. 24 (370 ) dans ce nouvel exemple , nous sommes conduits , comme dans les précédens , à conclure que le phénomène du re- dressement des couches a eu lieu dans ces contrées pos- térieurement au dépôt des terrains tertiaires les plus ré- cens , et avant celui d’un terrain de transport qui couvre des étendues considérables dans le département de l'Isère, et dans la Bresse. Il est aisé de reconnaitre que les accidens de stratifi- cation dont je viens de m'occuper se rattachent directe- ment à ceux qui dominent daus toute la partie occidentale des Alpes, en affectant assez constamment une direction N. 26° E. environ. En effet, si l’on observe avec soin , et avec le secours de cartes suflisamment détaillées (1), les montagnes qui, des Salèves , près Genève, viennent se lier à celles de la grande Chartrense, près de Grenoble, on peut y suivre une série de failles et de plis coordonnés aux divers chaînons légèrement obliques dont se compose la chaîne primitive qui joint le Mont-Blanc à la montagne de Taillefer (entre le Bourg d'Oisans et La Mure). Ces failles et ces plis se font également sentir dans toutes les couches qui sont superposées les unes aux autres, depuis le gneïiss jusqu’à la mollasse coquillière tertiaire, et y produisent les accidens de straufication dont j'ai parlé plus haut. La vallée de l'Isère, qui devient transversale entre Grenoble et Voreppe , interrompt ces failles et ces plis ; mais sur le côté gauche de cette même vallée commencent des accidens de stratification qui sont paral- lèles au prolongement de ceux que présente le côté (x) Cartes de Raymond, du général Bourcet, de Cassini, déjà citées. ( 371 ) droit, et qui s’étendent jusqu'aux environs de Saint-Jean en Royans, sans cesser d’affecter toutes les couches se- condaires et tertiaires qui se trouvent sur leur direction, jusques et compris les assises supérieures de la mollasse coquillière, dont j'ai indiqué ci-dessus la disposition , avec des détails peut-être minutieux. Les montagnes calcaires dont je viens de parler, quoi- que pour ainsi dire détachées en avant de la ligne de masses primitives qui s'étend du Mont-Blanc vers l'Oi- sans , entraient déjà en partie dans Îe champ des explora- ons de De Saussure. Cet illustre observateur les em- brassait dans sa pensée, en mème temps que les masses les plus centrales, lorsque, après avoir traversé en tous sens les Alpes occidentales, il demeurait frappé de la constance qu'y présente la direction des couches au milieu des variations continuelles auxquelles leur inclinaison y est sujette. M. Brochant, en parcourant plus tard les mêmes contrées, a confirmé par de nouvelles observations la remarque de De Saussure, et dans son Mémoire sur les terrains de la Tarentaise , il fait sentir combien il est probable que le dérangement éprouvé par les couches des Alpes, est dû , dans toutes les parties de ces couches où la même direction domine, à une mème opération de la nature. Les observations que plusieurs voyages dans les Alpes m'ont donné à moi-même l’occasion de faire, ont été, sous le point de vue qui m'occupe ici, autant de confirmations de celles de De Saussure et de M. Bro- chant. Seulement, les faits que j'ai indiqués plus haut me semblent permettre d’assigner une date géologique positive au redressement des couches dans la partie occidentale des Alpes, et de dire qu’il a eu lieu entre la (372 ) fin de la période pendant laquelle les terrains tertiaires se sont formés, et le commencement de celle pendant laquelle se sont déposés les terrains qu’on appelle d’at- terrissement , de transport où d’alluüvion. Cette liaison entre les montagnes extérieures et cen- trales , va d’ailleurs se trouver confirmée par les obser- vations qui me restent à exposer ; mais , avant de trans- porter le lecteur dans les contrées où je les ai faites, je crois devoir faire remarquer que, quelque marquée que soit en général la constance de direction dont je viens de parler, elle n’est cependant pas exempte de quelques anomalies. J'ai déjà annoncé que, dans la partie basse de la Sa- voie, les directions suivant lesquelles sont redressées les couches secondaires et tertiaires, s'éloignent quelquefois de la direction N. 26° E. pour se tourner vers le Jura, en se rapprochant du méridien , et même en le dépassant quelquefois : ainsi, à Alby, les couches verticales de mollasse courent N. 10° ©. Il est à remarquer que ces directions anomales s’éloignent de la direction E.-N.-E. de la chaîne principale des Alpes (du Saint-Gothard au Brenner ) au lieu de s’en rapprocher. Ainsi qu'on devait s'y attendre, le groupe des mon- tagnes primitives de l’'Oisans, qui entourent circulaire- ment le hameau de la Berarde (1), étant placé de beau- coup à côté du prolongement de la chaine qui joint le Mont-Blanc à la montagne de Taillefer (entre le bourg d'Oisans et La Mure) , cause dans la direction des cou- (1) Voyez le Mémoire intitulé : Faits pour servir à l'histoire des montagnes de l'Oisans, par M. L. Elie de Beaumont ; inséré dans les Mémoires de la Société d'Histoire naturelle de Paris, tome V, p. 3. (375 ) ches , près de l'extrémité de cette chaîne , une inflexion en rapport avec sa position. Ainsi au midi de Grenoble, sur les bords de la Romanche et du Drac, on voit la direction des couches passer du $. 26° O. au S. 10° O., même à la ligne N.-S., et quelquefois enfin la dépas- ser. C’est là ce qui donne un contour circulaire aux escarpemens qui s'étendent du col de l'Arc à celui de la Croix-Haute , en bordant à l’ouest le bassin allongé qui s'étend de Grenoble au Monestier de Clermont et à Lallé. Au midi de Grenoble, les couches secondaires et tertiaires du Devoluy plorgeant de toutes parts vers un point central, présentent une espèce de point singulier, ou peut-être un simple brouillage, résultant de la ren- contre de dislocations, de directions et de dates diverses ; mais, à quelques lieues plus au sud, la régularité repa- rait sur les rives de la Durance. J'ai montré dans le chapitre précédent, que, depuis le Pertuis de Mirabeau jusqu’à son confluent avec le Rhône, la Durance coule dans une vallée du système pyrénéo-apennin , dirigée de l'E.-S.-E. à l'O.-N.-0. On peut de même remarquer que depuis Volone (un peu au-dessous de Sisteron, Basses-Alpes) jusqu’au Pertuis de Mirabeau , la Durance coule dans une vallée dirigée sensiblement suivant la direction S. 26° O., qui domine dans les Alpes occidentales (de Zurich à Marseille). Mais, en voyant que dans cet intervalle les flancs de la vallée sont souvent formés par différens dépôts de transport, on pourrait croire que sa direction vient simplement de celle qu’auront prise naturellement les courans d’eau qui, descendant des montagnes du ( 374 ) Devoluy, de l'Oisans et de Briançon , auront pu con- tribuer à son creusement. Un examen plus approfondi ne tarde pas à dissiper cette première impression ; en montrant qu’une grande partie du flanc droit de la vallée se compose de couches secondaires et tertiaires redres- sées dans une direction qui ne s’écarite en général que légèrement de la direction N. 26° E. — S. 26° O., qui vient d’être indiquée. Parmi les couches redressées dans cette direction , on remarque des couches de calcaires à Planorbes et Limnés, avec couches subordonnées de lignite, et des couches de mrollasse très - coquillière, présentant de grandes Huîtres à charnières très - allongées , les mêmes que j'ai indiquées (Chapitre IIT) dans les cou- ches de mollasse presque horizontales du Pertuis de Mirabeau. Ces couches, sur la tranche desquelles les dépôts de transport s'étendent horizontalement, se mon- trent principalement le long d’une ligne qui, partant des masses de gypse qu'on voit paraître au milieu des couches disloquées du lias, près de Bayons et de Saint- Geniez de Dromon (Basses-Alpes ), à trois lieues N.-E, de Sisteron (1), se dirigerait vers les petites montagnes situées à l’est et au sud de Beaumont ( Vaucluse) (2). La distance de Bayons à Beaumont est de 9 myriamètres; ou 18 lieues. Les couches extrêmement disloquées qui constituent les petites montagnes des environs de Beaumont , n’ap- partiennent pas toutes aux dépôts tertiaires ; quelques- ‘unes sont plus anciennes, et correspondent , comme (1) Feuille de Cassini , no 15. (2) Feuille de Cassini , n° 123. (375 ) celles du Pertuis de Mirabeau, les unes au calcaire juras- sique , et les autres au terrain du grès vert et de la craie. Ces dernières présentent , près de la chapelle de Sainte- Croix , de très-belles dolomies. Ces couches disloquées disparaissent au-dessous des dépôts horizontaux de cailloux roulés sans galets de roches primitives , dont se composent les collines qui s'étendent de Sainte-Tulle vers l’entrée du Pertuis de Mirabeau ; mais elles reparaissent à l’est de ces mèmes collines , dans les calcaires d’eau douce qui bordent la grande route au midi de Sainte-Tulle, et dans les rochers de calcaire contemporain du grès vert, autour desquels tourne la Durance, au nord de Saint-Paul le Fougas- sier, rochers où la stratification court à peu près vers le N.-N.-E. ou le N.-E., comme dans toute la bande dis- loquée dont nous nous occupons. Il est donc très-pro- bable que les dislocations des couches secondaires et tertiaires des environs de Beaumont, qui se prolongent au S.-S.-0. presque jusqu’à Mirabeau , se lient à celles de ces derniers rochers par-dessous les dépôts de cailloux. Ainsi , les accidens de stratification que nous allons suivre vers le N.-N.-E., commencent dés le coude que forme la Durance un peu au-dessus du Pertuis de Mira- beau ; mais il est très-emarquable qu'ils respectent les couches tertiaires qui, à l'entrée du Pertuis même , s’é- tendent présque horizontalement, comme je lai dit Chap. II, sur les couches contemporaines du calcaire Jurassique et du grès vert, redressées dans la direction de l'O =N.-O. à l'E.-S.-E. La fente qui aura pu ouvrir le premier passage aux eaux de la Durance, et par suite de laquelle les couches tertiaires des deux rives, comme LE ( 376 ) je l'ai déjà indiqué , ne se trouvent pas exactement au mème niveau, pourrait seule être rapprochée des acci- dens de stratification qui nous occupent en ce moment. Le contraste des effets que les dislocations opérées dans deux directions presque perpendiculaires entre elles, produisent sur les couches tertiaires, devient très-frap- pant lorsqu'on est conduit à les observer en des points si peu éloignés. Les couches tertiaires qui se trouvent enveloppées dans les dislocations que présentent les petites monta- gnes des environs de Beaument, sont principalement composées de calcaires d’eau douce et de marnes de cou- leurs bigarrées. De la montagne située entre Beaumont et Corbières , on voit ces couches s'étendre au loin, du côté de la Bastide-des-Jourdans (1), de Mont-Furon et de Mont-Justin , où elles se relèvent à l’entour de l’ex- trémité orientale du Leberon. Ces mêmes couches constituent en grande partie les collines des environs de Pierre-Vert, de Saint-Martin- de-Renacas , de Dauphin , de Saint-Mayme, et n’y sont pas moins disloquées que près de Beaumont. Elles y pré- sentent plusieurs couches de lignite , sur lesquelles sont ouvertes différentes exploitations. D’après les observations de M. de Villeneuve, ingé- nieur au corps royal des mines, la partie supérieure de ce système lacustre présente, près de Dauphin , des dépôts gypseux analogues à ceux d’Aix (Bouches-du- Rhône) et de Métamies ( Vaucluse), qui sont accompa- gnés de rognons de soufre, d’un jaune tirant au jaune (1) Feuille de Cassini, no 122. Lu . (2379 ) Isabelle, comme les rognons de soufre des dépôts ter- tiaires du département de l’Aude, et de Radoboï en Croatie. On les voit s’enfoncer au-dessous des mollasses dans lesquelles esi creusé le lit du Laye, près de Dau- phin, et qui ont offert à M. de Villeneuve les fossiles marins habituellement répandus dans les mollasses co- quillières de la Provence. La ligne de Bayons à Beaumont passe, au nord de Volx, près de la chapelle et du vieux château de Notre- Dame-des-Roches (1), bâtis dans une position remarqua- ble, sur la crête de couches redressées du système du grès vert et de la craie, qui présentent ici un calcaire blanchâtre pétri d’oolithes et de pointes d’Oursin, ana- logue à celui de la fontaine de Vaucluse, et à celui qui compose une partie des escarpemens qui se rattachent aux Alpines, au sud d'Orgon (Bouches-du-Rhône ). Ces conches se relèvent de toutes parts en présentant une disposition quon peut comparer, pour en donner une juste idée, à celle d’un cratère de soulèvement , à contour elliptique, qui serait coupé par la crevasse dans laquelle le torrent appelé le Laye coule de Dauphin et de Saint-Mayme vers la Durance. L’axe longitudinal de ce relèvement , en dôme ellipti- que, des couclies contemporaines du grès vert et de la craie , s’écarte légèrement de la direction N. 26° E. — S. 26° O. pour se rapprocher de la direction N.-E.— S.-0. , et le prolongement de cette ligne vers le S.-O., coïncide à peu près avec la direction des collines escar- pées et assez élevées , qui , partant de Notre-Dame-des- {1) Feuille de Cassini, no 133. ( 378 ) Roches, s'étendent entre Saint-Mayme, Dauphin, Saint- Martin de Renacas d’une part, et Volx, Manosque , Pierre-Vert de l’autre, et que traverse la route de Manosque à Dauphin. Il est évident, d’après cela, que si le calcaire de Notre-Dame-des-Roches ne se prolonge pas très-loin dans ces collines , son axe de relèvement n'en est pas moins l’axe de relèvement des couches alternatives de calcaires d’eau douce et de marnes souvent de couleurs bigarrées, qui les composent en grande partie, et entre lesquelles se trouvent les couches de lignite qui sont exploitées près de Volx, de Manosque et de Pierre-Vert. En sortant de Manosque , par la route de Sisteron, on trouve des couches alternatives de calcaire d’eau douce, de grès marneux et de marnes, qui plongent fortement à l'E. 20° ou 25° S.; alternative dont on voit des exemples près de la mine de lignite de Saint-Martin-des- Vaux, sur la limite des cantons de Vaud et de Fribourg, et près de celle de Belmont, à une lieue est de Lau- sanne, en Suisse. Si de là on se dirige vers un martinet établi depuis quel- ques années sur l’un des torrens qui viennent couper la route de Sisteron, on marche d’abord au pied de la colline du vieux château, sur des grès assez analogues à ceux dont je viens de parler, qui sont le plus souvent à grain fin, un peu schisteux, micacés et parsemés de points verts ; leur couleur est jaunâtre et bleuâtre ; ils se désaggrégent dans les acides, en faisant une vive eflervescence, et laissant pour résidu un sable très-fin, composé principa- lement de grains amorphes de quarz blanc translucide, accompagnés de quelques paillettes de mica blanc, de ( 579 ) quelques points noirs, de quelques parties vertes, et d’un peu d'argile. Certains échantillons présentent des impressions de coquilles bivalves ; ils rappellent déjà complètement les parties les moins riches en coquilles de la formation de la mollasse coquillière. Ils ne présen- tent dans leur composition que des différences à peine appréciables avec les mollasses à grains fins du Royans, des environs de Lyon, de la Savoie, de la Suisse, des petite bassins du Jura ; ce qui indique entre les nappes d’eau sous lesquelles ces mollasses se sont déposées , d'anciens canaux de communication, dont les traces auraient été en partie effacées par les dernières révolu- tions de la surface du globe. Plus loin on trouve un calcaire lacustre, de l’aspect le plus ordinaire ; il est d’un gris pâle, tirant au brun, à cassure unie et un peu conchoïde , criblé de petites cavités irrégulières , percé de tubulures cylindroïdes , et souvent comme pétri de Planorbes et de Limnés. Près du Martinet, on voit alterner en couches pres-- que verticales, dirigées à peu près du N. 55° E. au S. 55° O. , un calcaire brun , bitumineux , un peu mar- neux , à Cassure terreuse , et très-schisteux ; un calcaire noirâtre , bitumineux , schistoïde , à cassure transversale assez unie, présentant des filets de lignite ; et un calcaire compacte, grisätre, bitumineux , contenant des Lim- nés et des Planorbes. Plus au nord, le long d’un torrent (le même, je crois, qui passe au martinet}, on observe une série encore plus développée de couches lacustres dans une posi- tion qui approche également beaucoup de la verticale, et qui peut-être même la dépasse en quelques points. ( 380 ) Lorsque j'ai visité ce point, en septembre 1822, avec MM. Furgaud et Fournel, ingénieurs au corps royal des mines, j'ai malheureusement oublié de noter la direc- on de la stratification; mais je me rappelle combien nous fümes frappés de l’exacte werticalité que pré- sentent souvent les couches dans lesquelles le torrent a coupé transversalement son lit sur une grande lon- gueur, et dont la tranche est constamment lavée par ses eaux. En remontant le torrent , à peu près dans la direction de Gaude, c’est-à-dire vers le N.-O., nous avons succes- ssivement observé un calcaire compacte schisteux, à cas- sure terreuse ou unie, coloré en brun ou en noir par des matières bituminenses , et présentant des couches très-minces d’un lignite compacte, schistoïde, à cassure brillante comme celui des environs de Gardanne, Fu- veau , Gréasque, Mimei , Roquevaire (Bouches-du- Rhône). À ces couches succède un calcaire compacte , schistoïde , à cassure transversale conchoïde et très-unie, et d’un brun clair, bitumineux, qui, par l’action de l'air, devient blanchätre à la surface des blocs, et bleuâtre le long des fissures de leur intérieur. En con- tinuant à remonter le torrent, on trouve intercalée , dans la même série de couches, une couche de lignite, de près d’un mètre de puissance, sur laquelle, en 182», on avait ouvert quelques travaux : elle est verticale, et sa paroi méridionale est formée par un calcaire bitumi- neux, schistoïde , à cassure un peu terreuse, analogue à plusieurs des précédens. Ce lignite est noir, compacte, un peu schisteux, à cassure unie et un peu conchoïde, __—— À ( 381 ) / et, comme celui de Gardanne, il rappelle plutôt par son aspect la véritable houille que les lignites ordinaires. Peu propre au travail de la forge, il est principalement brûlé sur la grille dans différentes fabriques. La couche présente vers son milieu, comme cela s’observe aussi à Gardanne, une veine argileuse qui la divise en deux parties. Dans quelques points, ce lignite alterne par feuillets très-minces avec des feuillets calcaires égale- ment minces. On trouve entre ces divers feuillets un grand nombre de Planorbes, dont le test écrasé est cependant reconnaissable, ou bien, dont la place est occupée par un petit dépôt ocreux. Ces Planorbes sont couchés parallèlement aux feuil- lets , et par conséquent leur plan, comme celui de la stratification, est aujourd’hui sensiblement ver- tical. Il est évident que des coquilles qui, comme les Planorbes, sont roulées en spirale dans un plan, et qui, mème lorsqu'elles ne sont pas écrasées , présen- tent la forme générale d’un disque peu épais, ont dû en général se déposer de manière à ce que le plan de ce disque soit à peu près horizontal. On peut donc, lorsqu'un grand nombre de ces coquilles sont réunies dans une mème couche, juger quelle était sa position par rapport à l’horizon , au moment de sa formation. Ici, les disques des Planorbes étant tous parallèles aux plans des couches , il est évident que ces mèmes couches ont été formées horizontalement, et que la position verticale qu'elles présentent aujourd’hui est due à un redresse- ment postérieur à leur dépôt. On peut appliquer à ce cas, et peut-être avec encore plus d'assurance , le rai- ( 382 ) sonnement fait par De Saussure , sur les galets des pou- dingues de Valorsine (1). La paroi septentrionale de la couche de lignite est for- mée par un calcaire d’un brun clair, à cassure unie et un peu terreuse , bitumineux , un peu plus compacte et un peu moins schisteux que celui qui forme la paroi méridionale. Il présente en gränd nombre des empreintes végétales peu distinctes, qui rappellent celles qu'on trouve dans les calcaires d’eau douce, sur le chemin de Montelirwart à Taulignan (Drôme), un peu après le vieux château de Monulicol. En continuant à remonter le ruisseau , en marche en- core pendant quelque temps sur les tranches de couches calcaires analogues aux précédentes, dont la stratifica- üon est fréquemment dessinée par de petites couches de lignites, plusieurs fois répétées dans des intervalles peu étendus; alternative qui rappelle celle du même genre, qu'on observe à la mine de Saint-Martin-des- Vaux, ouverte près des confins des cantons de Vaud et de Fribourg (en Suisse), sur un lignite tout pareil. Bientôt après , on voit paraître des couches d'un grès assez fin, un peu ferrugineux , intercalé dans le cal- caire ; le ciment de ce grès est caleaire, et, dans l'acide muriatique , il ne laisse pour résidu que des grains (x) Le raisonnement que je viens de faire sur les Planorbes peut également s’appliquer à tousles fossiles dont la forme approche de celle d’un disque , comme les Nummulites et les Ammouiles , et à ceux dont la forme approche de celle d’un cylindre très-allongé, comme les Bé- lemuites et les Orthocératites. Ainsi, combien de couches calcaires, aujourd’hui très-inclinées, renferment en elles-mêmes la preuve qu’elles ont été déposées originairement dans une position à peu près horizon- tale ! ER ESS ( 383) amorphes et un peu anguleux de quarz blane, et un peu d'argile grise. A peu de distance de là , le calcaire est complètement remplacé par un grès à ciment de calcaire mélangé d’ar- gile, dont certaines couches sont pétries de gros grains anguleux de quarz translucide, grisätre ou blanc ; d'an- tres couches du mème grès sont à grain fin, un peu mar- neuses, et présentent des veines et des géodes ferrugi- neuses. Dans ces grès se trouvent intercalées des couches de marne rougeûtre et d’un gris bleuâtre , qui sont ainsi colorées par le fer; car la marne rouge , mise dans l’a- cide muriatique, où elle fait une forte effervescence, est décolorée par l'ébullition, et laisse pour résidu une argile blanche. Ce système de couches de grès et de marnes de couleurs bigarrées, présente aussi des couches d’un cal- caire d’un gris jaunâtre, un peu schistoïde, à cassure inégale, un peu terreuse, pétri de Limnés, de Planorbes, et de débris de coquilles appartenant peat-être à des es- pèces différentes. Ce groupe de couches présente de nombreuses analo- gies avec celui que j'ai décrit plus haut dans la partie inférieure du dépôt tertiaire , au bac de Saint-Nazaire, à l'entrée du Royans. Il rappelle aussi les couches infé- rieures du terrain tertiaire près de Mourmoiron, de Bedoin ( Vaucluse), de Donzère , de Taulignan , et de Lus-de-la-Croix-Haute (Drôme). Enfin, il rappelle le système de couches , en partie composé de marnes rou- ges et bleuûtres, qui se trouve à la base des nagelfluhes et des mollasses de l’Entiebuch et du Rigi (en Suisse) ; et les grains de quarz qui y sont disséminés se retrou- vent, quoique en moins grand nombre, dans les grès NES) inférieurs aux couches de lignite exploitées à Sait- Martin-des-Vaux. En avançant encore vers le N.-O. , on trouve, non loin d’un four à’chaux et d’une mine de lignite aban- donnée , ‘un calcaire compacte, plus ou moins schis- toïde , analogue à ceux déjà décrits, dans lequel est intercalé un schiste à feuillets très - minces et peu solides, noir et imprégné de charbon. Parmi les calcaires lacustres dont je viens de parler, on en remarque qui sont traversés par des petits filons de spath calcaire blanc, comme cela arrive ordinairement aux calcaires de tous les âges, dont les couches ont été fortement tourmentées, Si mes notes de 1822 ne renferment aucune erreur, ces dernières couches, dont je suis certain que l’inclinai- son est considérable , doivent plonger vers Dauphin et Saint-Mayme, en s’enfonçant au-dessous de celles qui constituent l’arête de la montagne qui sépare de ces deux villages le point dont nous venons de parler, et les cou- ches caleaires que j'ai décrites en dernier lieu , doivent reposer sur les grès dont j'ai parlé auparavant : ces grès, dont les couches se plient peut-être en forme de voûte, correspondraient alors à l'axe de relèvement. La direction des couches que j'ai oublié de noter, ainsi que je l'ai déjà dit, est ici moins importante que leur forte inclinaison , parce que, placée vers l’extré- mité S.-S.-O. du dôme ellipitique que forment les cou- ches contemporaines du grès vert et de Ja craie au S.-S.- O. de Notre-Dame-des-Roches , elles ont pu s'infléchir à l’entour de cette extrémité d’une manière peu régu- lière. Mais il est essentiel de remarquer que le point (385 ) que je viens de décrire doit être placé très-près de l'axe de relèvement, et qu'une ligne tirée de ce point à Notre- Dame-des-Roches, ne s’éloignerait que très-peu de la direction N. 26° E. , dont le prolongement irait passer près de Volone et de Bayons. Après avoir suivi vers le S.-S.-O. les effets de la dis- location qui amène au jour, vers Notre-Dame-des-Ro- ches , les couches du système du grès vert et de la craie, revenons à ce point de départ pour prendre ensuite une direction opposée à la précédente. Immédiatement à l’est de Notre-Dame-des-Roches, les dislocations sont très-considérables , et il y a interrup- tion dans la série des couches. Les couches de calcaire d’eau douce et de marnes bigarrées qui existent un peu plus au sud, à Volx, et qui y contiennent des couches de lignites exploitées , manquent ici complètement; et, en descendant vers la grange de Font-Olive, située sur le bord du torrent appelé le Laye, on marche d’abord sur une série très-épaisse de couches d’une mollasse ra- rement coquillière, à grain fin, d’un aspect terreux, d’une couleur généralement d’un gris jaunâtre sale, par- semée de points verts, ordinairement solide et un peu schisteuse, et alternant avec des couches friables , très- schisteuses ; elle ressemble tout-à-fait à celle que j'ai décrite ci-dessus, immédiatement au nord de Manosque, où elle repose sur le calcaire d’eau douce; et la première variété rappelle complètement les couches de mollasse, qui, près du bac de Mirabeau , reposent presque hori- zontalement , ainsi que je l'ai dit page 294, sur les tran- ches des couches jurassiques et des couches contempo- raines du green-sand, redressées verticalement. Le vallon XVI. 25 (386) à l’est de Notre-Dame-des-Roches est creusé dans ces couches verticales de mollasse, qui se dirigent au N. 250 E. Ce système de couches, qui est très-épais, con- ünue à former la rive gauche du Laye, jusqu'au-dessous de la grange de Font-Olive; mais , en descendant le log du torrent, on voit les couches cesser d’être verticales , et prendre une inclinaison vers le S.-E., comme si elles se pliaient suivant la forme d'un cylindre, dont les arêtes plongeraient de 8 à 10° au N. 40° FE. À une petite distance au-dessous de la grange de Foni- Olive , j'ai trouvé dans ceite mollasse une couche épaisse seulement d'environ un décimètre d’une mollasse entiè- rement pétrie de fragmens de coquilles brisées , et con- tenant en mème temps de petits galets de quarz. Elle était recouverte par une couche de 3 décimèires d’une mollasse jaunâtre, très-solide et peu coquillière. Ce dernier banc était recouvert par un banc coquillier, contenant en particulier de grandes Huitres, qui m'ont paru être d'espèces analogues à celles que j'ai indiquées , page 295 , dans la mollasse de Mirabeau. L'échantillon que j'ai rapporté, quoique assez imparfait, car il avait été un peu roulé avant d’être empäté dans la mol- lasse, a paru à M. Deshayes se rapporter à l'Ostrea virginica. Comme à Mirabeau, ce banc coquillier con- tient quelques petits galets de calcaire blanchâtre ; il est recouvert par des couches alternatives de mollasse solide et friable , telles que celles que j'ai décrites précédem- ment. Les couches plongent ici du côté du S.-E., sous un angle de moins de 20°; mais si on descend encore le long du torrent pendant 2 ou 300 pas, on voit se succé- der au-dessus des précédentes une suite de couches ( 387 ) d’une mollasse peu coquillière, d’une consistance varia- ble, dans laquelle les parties plus solides forment, au milieu du reste, des ellipsoïdes irréguliers, ce qui donne aux couches un aspect tuberculeux, et on observe que ces couches s’infléchissent graduellement, et qu’au point où cesse l’escarpement de la rive gauche du Laye, un peu au-dessus du pont de Volx, elles plongent vers le S.-E., sous un angle d'environ 30°. Ces diverses couches inclinées de mollasse sont cou- pées obliquement en biseau par une surface sensiblement plane et horizontale, sur laquelle s'étend horizontale ment un conglomérat dépourvu de galets de roches pri- mitives , qui appartient à l’ancien terrain de transport qui occupe de grandes étendues sur la rive orientale de Ja Durance, et que je décrirai dans le chapitre suivant. Cette superposition discordante est représentée PI. xvrr, fig. 1. La mème mollasse reparaît, en couches plus ou moins fortement inclinées, au-dessous des conglomérats de cailloux roulés, qui s'étendent horizontalement sur les têtes des couches à Villeneuve et à la Brillanne. Ce sont aussi des couches de mollasse assez fortement inclinées qui forment les collines qui, à partir des bords de l’Auson, s'étendent au N.-N.-E., vers Lurs et Notre-Dame-du-Vic. Le village de Ganagobie, à une petite lieue N.-N.-E. de Lurs, est bâti près du bord oriental d’un plateau assez élevé, coupé à pic de tous côtés, et dont le profil se relève légèrement à l’'O.-N.-O0., de manière à montrer que les couches qui le composent se relèvent de la même manière. Ces couches sont formées d’une mollasse, qui souvent est entièrement pétrie de petits fragmens de corps marins, mélangés de petits galets de calcaire com- (388 ) pacte, grisàtre ou blanchâtre. On y remarque ün grand nombre de fragmens de pointes d’Oursin et de Polypiers, et J'ai cru y reconnaître aussi des fragmens des Peignes et des Balanes que j'ai observés à Mirabeau. Page 295. Il est probable que ces mollasses se rattachent à celles que j'ai déjà indiquées aux environs de Dauphin , et que j'ai vues se continuer jusqu'à peu de distance de For- calquier. En considérant la chose dans son ensemble, on voit que les couches tertiaires qui forment le sol faiblement accidenté des environs de Fontienne, de Forcalquier, de Montfuron, se relèvent d’abord à l'E-S.-E. pour former une ligne d'éminences, dirigée de Beaumont à Ganagobie, et pour plonger ensuite beaucoup plus rapidement vers l’'E.-S.Æ., et s’enfoncer à une pro- fondeur inconnue au-dessous des dépôts horizontaux de cailloux roulés des environs de Corbière , de Sainte- Tulle, de Manosque, de Volx, de Villeneuve ; dépôts qui couvrent de vastes étendues sur la rive orientale de la Durance. La crète formée par les couches tertiaires , le long de ce pli, se poursuit encore pendant plusieurs lieues vers le N.-N.-E., suivant la même direction , et en présentant toujours des circonstances semblables. À Peyruis, village situé à une lieue au N.-N.-E. de Ganagobie ; le redressement de la mollasse coquillière tertiaire est très-frappant. Le long de la route de Siste- ron, cette mollasse se présente en couches qui plon- gent de 30 à 70° entre l’E.-S.-E. et l'E. , et qui sont composées d’une mollasse plus solide, il est vrai, que celle de Ganagobie , mais qui est pétrie comme elle d’un ( 389 ) grand nombre de petits galets de calcaire compacte, gris et blanchàâtre, de fragmens de Polypiers et de pointes d'Oursin. J'y ai en outre observé des Peignes exactement pareils à quelques-uns de ceux de la mollasse coquiliière du Dauphiné. La solidité de ces couches fait qu’elles constituent une crête élevée et dentelée, sur une por- ion de laquelle s'élèvent, au nord de Peyruis, les ruines d’un vieux château. L’extrémité septentrionale de cette crête est envelop- pée par les conglomérats horizontaux dont j'ai déjà parlé, et plus au nord, près de Fornieu, on voit à l’est de la route surgir au milieu de ces cenglomérats les crêtes de couches verticales d’une mollasse toute pareille, qui se dirigent au N.-E. , en formant une arête dentelée. Ces couches de mollasse reparaissent probablement à diflérens intervalles jusqu'à Château-Arnoux et Volone, où la Durance coupe un sysième de couches verticales de mollasse , qui se correspondent d’une rive à l’autre, dans la direction du S.-S.-O. au N.-N.-E. , en formant des rochers à pic, qui viennent d’être désignés pour les points d'attache d’un pont en fil de fer, sur lequel doit passer la route royale de Grenoble à Digne. En sortant du village de Volone, du côté du midi, la route actuelle passe sur les tranches d’un groupe de couches de mollasse verticales, dirigées du N. 45°E., au S. 45° O., dont le prolongement S.-O. traverse la durance, et reparait sur sa rive droite près de Chateau- Arnoux, et dont le prolongement N.-E. supporte les vieilles tours de Volone et se continue au-delà. Cette mollasse est blanchâtre , parsemée de quelques paillettes de mica, et de quelques grains verts ou rougeûtres, (. 390 -) Elle est analogue à celle des environs de Mira- beau, de Manosque, de Volx , assez cohérente , un peu schisteuse , et présente quelques Peignes mal conservés. En avançant un peu plus loin vers le sud-est, on trouve de nouvelles couches de mollasse verticales comme les précédentes, auxquelles elles ressemblent complètement, mais dirigées du N. 25° E. au S. 25° O. Ceite mollasse contient des concrétions cylindroïdes, comme la mollasse en couches horizontales des carrières de Saint-Fons, près de Lyon; concrétions qui doivent peut-être leur origine à des fossiles analogues à des Alcyons. Plus loin encore, la mollasse se dirige du N. 4o° E. au S. 40° ©. : elle continue à présenter les mêmes corps cylindroïdes et les mèmes caractères miné- ralogiques ; seulement, on y remarque une plus grande quantité de petits grains verts et rouges, pareils à ceux que j'ai indiqués dans les mollasses du Dauphiné; et elle esi en même temps traversée par de petits filons de spath calcaire blanc , phénomène qui, on ne saurait trop le remarquer, est commun aux formations calcaires de tous les âges, dont les couches sont fortement tour- mentées. En avançant encore, on voit ces couches passer insensiblement à une mollasse très-calcaire et très-solide qui contient de grandes valves d'Huitres, accompagnées, comme à Volx et à Mirabeau, de petits galets calcaires. Quelques-unes de ces Huîtres m'ont rappelé celles qu’on trouve dans la mollasse coquillière horizontale, près du Mas du Loup, sur le chemin d'Aix à Salon (Bouches- du-Rhône) ; les couches se dirigent du N. 30° E. au S. 30° O., mais elles ne sont plus tout-à-fait verti- ( 591 ) cales, et plongent E. 30° S. d'environ 80°. Ces der- nières couches passent à leur tour à une mollasse ana- logue à celle des couches précédentes, contenant à la fois des valves de grandes Huiîtres et des empreintes végétales qui rappellent celles que j'ai indiquées dans la mollasse de Mirabeau , mais qui se trouvent ici réu- nies ensemble comme elles le sont à Saint-Just , dans le Royans ( Drôme). Ce dernier groupe présente des couches subordonnées d’une mollasse bleuâtre presque terreuse. Les plans des valves plates des Huitres dont je viens de parler, aussi-bien que ceux des empreintes végétales qui les accompagnent, sont à peu près paral- lèles à la stratification , et de même presque verticaux. Les couches dont il s’agit ici renferment donc en elles- mêmes la preuve qu’elles ont été formées originairement dans une situation à peu près horizontale, et redressées dans leur position actuelle à une époque subséquente. Après avoir passé sur la tranche mise à nu des diffé- rentes couches de mollasse coquillière tertiaire dont je viens de parler, la route de Digne tourne à gauche pour descendre dans un ravin profond qui vient tomber dans la durance , entre Volone et Lescale. Près du tournant, on voit s’adosser contre la mol- lasse presque verticale, un poudingue dont les fragmens, souvent deux fais gros comme la tête, sont en grande partie formés de calcaire , et beaucoup moins souvent de silex, sans mélange de galets de roches primitives. Ce poudingue, près de son adossement contre la mollasse, présente quelques indices d’une stratification verticale : le petit axe des galets approche souvent d’être perpen- diculaire à la surface de Ja inollasse; mais à mesure ( 592 ) qu'on s'éloigne des afleuremens de cette dernière for- mation , en se dirigeant vers le village de Lescale, on voit les indices de stratification s'éloigner de plus en plus de la verticale, et s’incliner vers l'E.-S.-E., sous un angle de moins en moins grand. Ce poudingue ren- ferme de vastes fragmens , ou pour mieux dire , des lam- beaux d’une mollasse qui alterne , dans ces fragmens même, avec des marnes grises et quelquefois noires, qui alors sont pétries de petites coquilles enroulées en spirale (Hélix, Planorbes ou Cadrans), et elle passe en quel- ques points à un grès tuberculeux très-calcaire d’appa- rence lacustre , et qui rappelle à l'esprit la formation d’eau douce sur laquelle on voit reposer la mollasse ma- rine en tant de points de ces contrées. Ces grands frag- mens , dont la longueur atteint et dépasse même 40 à 5o mètres, sont généralement placés dans le sens des indices de stratification que j'ai mentionnés : les petits axes des galets du poudingue sont fréquemment dans une position sensiblemeñt perpendiculaire à leur surface ; cependant , à peu de distance d’un de ces grands frag- mens placé dans une position faiblement inclinée, j'en ai particulièrement remarqué un autre plus petit, plat, qui était placé dans une position à peu près perpendicu- laire à celle du premier , et dans lequel les galets du poudingue qui les enveloppaient l’un et l’autre, péné- traient en partie comme s'ils y avaient été enfoncés par pression. Cette position remarquable des lambeaux de mollasse, montre clairement que le poudingue qui les renferme appartient à une formation différente et moins ancienne ; ce poudingue est en eflet le même que celui dépourvu de mème de fragmens de roches primitives, k ( 395 ) , qui, comme je l'ai indiqué ci-dessus, p. 387, et PI. xvir, fig. 1, s'étend horizontalement près de Volx, sur les tranches des couches de mollasse redressées. La disposition des chgges , dans le lieu dont je viens de parler , est du reste fort singulière, et j'indique sur- tout cette localité, dans l’espérance qu’elle fixera l’at- tention d’obsérvateurs, qui, à portée d’y séjourner plus long-temps que moi, parviendront à résoudre tous les problèmes qu’elle présente. Il sera sans doute diflicile d'expliquer les apparences qui s’y trouvent exposées , sans admettre qu’en ce point il y a eu deux convulsions, dont lune a été antérieure, et l’autre postérieure à la formation du grand dépôt de cailloux roulés sans ga- lets primitifs. En décrivant ce dernier dépôt de cailloux, je reviendrai sur ce fait, qui se lie à quelques autres que j'y ai observés en d’autres points. J'ignore jusqu'à quelle distance les couches verticales de mollasse de Volone se prolongent du côté de Beau- dument et d’Abros ; il est certain qu’elles finissent long- temps avant les masses gypseuses de Saint-Geniez de Dromon et de Bayons, qui sont enveloppées par des cou- ches secondaires de l’époque du lias. Avant de quitter ces contrées , je crois devoir appeler encore l'attention sur la ressemblance générale que pré- sentent entre eux les dépôts tertiaires de la Provence, du Dauphiné , de la Savoie, de la Suisse , et des petits bassins de l’intérieur du Jura ( Tavannes , Dele- mont, etc.). Dans ces diverses localités, les dépôts ter- tiaires présentent une succession de couches, dont les inférieures sont d’eau douce, et les supérieures marines, ? \ . . et qu on retrouve à de grandes distances , avec des traits ( 394 ) de ressemblance que j'ai eu soin de faire ressortir à me- sure qu'ils se sont présentés à moi dans les descriptions particulières. Il me paraît évident que tous ces dépôts, placés aujourd’hui à des haute@rs absolues si diverses , ont dû se former sous des nappes d’eau communiquant entre elles, et par conséquent de niveau , qui s’étendaient dans les parties basses d’un sol déjà fort accidenté(1), mais (1) Il est certain que durant la période pendant laquelle les dépôts tertiaires se sont déposés , la contrée où s'élèvent aujourd’hui les Alpes était déjà un pays de montagnes , et c’est seulement autour de ces mon- tagnes, et dans leurs sinuosités, qu'ont pu s'étendre les nappes d’eau dont je parle ici. Dans le chapitre III de ce Mémoire, j'ai déjà men- tionné les observations de MM. Boué et Keferstein à cet égard; mais je regrette de n’avoir pas alors cité textuellement les importantes remar- ques que fait M. Boué, dans son Mémoire intitulé : $ynoptische darstellung der die erdrinde ausmachenden formazionem , so wie der Wichtigsten , ihnen untergenduntem massen, qui est imprimé dans le Zeitschrift fur Mineralogie de M. Leonhard , juillet et août 1827. On y lit p. 21-24 : « Les circonstances géologiques prouvent que les abaissemens du « niveau de la mer, ou les soulèvemens des montagnes, ont eu lieu « particulièrement vers la fin de l’époque des alluvions anciennes, après « la formation des terrains tertiaires , après le dépôt de la craie, ainsi « qu'avant Île commencement des formations secondaires, des roches « de transition récentes , et même peut-être avant le dépôt de certains « terrains de transition anciens. « Dans la théorie des soulèvemens, on doit bien distinguer deux « opinions différentes. Dans l’une , les chaînes de montagnes résultent « de soulèvemens qui ont eu lieu depuis les temps les plus anciens jus-. « qu'après la formation de la craie , ou même jusqu’après la formation « des terrains tertiaires. L'autre opinion place au contraire (ous ces « soulèvemens après le dépôt de la craie, ou pendant l’époque des'al- « luvions. Cette dernière opinion paraît sujette à beaucoup plus d’ob- « jections que la première , quoique l’une et l’autre soient fondées sur « les positious individuelles et respectives des masses primitives, secon- « daires et tertiaires, sur la forme des vallées et des montagnes , etc. « D'abord si de pareïls soulèvemeus avaient eu lieu récemment , = EE 4 « \ ( 395 4 que Ja dislocation des Alpes occidentales, dont nous étu- dions en ce moment les effets, est venue accidenter bien « d’où viendrait que les hautes montagnes ne présentent pas de forma- « tions tertiaires, ni d’alluyion? Comment certains bassins tertiaires « auraient-ils pu se remplir, si leurs bords n'avaient pas déjà été for- « més à ; l’époque où ce remplissage s’est opéré? D’où vient que des bassins tertiaires très-voisins ne présentent ni la même composition, «ni la même structure ? Si ces difficultés n’étaïient pas insurmonta- « bles, les dépôts tertiaires des deux versans des Alpes, dont les ana- « logies ne sont fondées que sur un petit nombre de pétrifications, « devraient au moins se rencontrer en un point où un autre de la chaîne « eten Franche-Comté, en decà du Jura , et les dépôts tertiaires de « la Bohême ne devraient pas être si différens de ceux de l'Autriche ; « ceux de la vallée du Rhin ne devraient pas diflérer si fort de ceux de « la Westphalie... « Toutefois, cette absence des formations tertiaires dans les val- « lées alpines, n’a lieu que dans Les hautes Alpes ; car à leur extrémité « orientale , les derniers rameaux des Alpes embrassent les bassins ter- « tiaires de La Mur, du Leitha, etc. En outre, ces dépôts récens remon- « tent assez haut dans les vallées longitudinales de la Drave et de « la Save, et pénètrent même dans la vallée longitudinale de l’Znn, là « où elle commence à prendre une direction transversale. Ces faits « prouvent qu’un certain nombre des vallées actuelles existaient déjà « dans les Alpes à l’époque où s’opéraient les dépôts tertiaires. « D’un autre côté , on rencontre ces formations dans un grand nom- « bre de vallées du Jura, des Apennins, des Karpathes, lorsque ces « vallées ne se sont pas trouvées barrées on trop élevées. Le même « fait s’observe aussi dans les grandes vallées qui entourent le groupe « de montagnes central de la France; et la plaine du Roussillon, « dans les Pyrénées, présente un exemple du mème geure. Comme les « dépôts tertiaires n’ont jamais été trouvés sur les cimes qui environ- « nent ces vallées , on voit clairement que celles-ci doivent avoir existé « avant que les formations ont il s’agit aient pris uaissauce ; et le plus « souvent on voit Les roches se lier tellement à celles des grands bassins « lertiaires, qu’on ne peut croire que les montagnes qui environnent « ainsi les vallées remplies, se soient élevées après leur remplissage. « L’absurdité d’une telle supposition résulte déjà de la uon existence ( 396 ) plus fortement encore, en enveloppant dans les nou- velles convulsions les terrains tertiaires qui venaient d’être déposés. « des dépôts tertiaires dans les montagnes au-dessus d’un certain « niveau: « Des soulèvemens ont eu lieu à des époques beaucoup plus arcieunes, « car les roches secondaires ne recouvrent pas les chaînes... » Plus loin , M. Boué semble admettre qu’à l’époque de la formation du terrain houiller, les Alpes, les Pyrénées, les montagnes de la Scandi- navie , devaient présenter des cimes à peu près aussi élevées qu’aujour= d’hui ; mais j'avoue que celte opinion me paraît impossible à concilier avec les faits que j'ai réunis, et qu’il me paraît même bien douteux qu'avant le dépôt de la craie il existât sur la terre aucune montagne d’une hauteur comparable à celles que je viens de nommer. Dans son ouvrageintitulé : Gengnostiches gemaelde von deutschland, imprimé à Francfort en 1829, M. Boué ajoute ce qui suit aux impor- tantes remarques consignées dans les passages précédens. Il dit, page 392: « ÎL est singulier que les formations tertiaires de ce bassin (celui de « la Suisse et de la Bavière) s’étendent dans beaucoup de vallées du « Jura, de la Suisse et du Würtemberg, tandis qu’au contraire aucune « vallée transversale ou longitudinale des Alpes proprement dites, à « l’exception de celles de la Save, de la Drave et de la Mur, n’en con- « lient aucune trace. Comment arrive-t-il que les formations tertiaires « finissent à l'entrée de leurs bassins ou de leurs coupures? Cet état de « choses si remarquable est général, et est surtout très-clair sur la « pente sud des Alpes. [1 doit être lié de quelque manière avec la cre- « vasse, la structure et la hauteur actuelle des Alpes. Plus tard, nous « remarquerons les lignites de Haering, en Tyrol, placés dans un assin « formé par les grès et les calcaires des Alpes ; mais les plantes qui « les composent doivent avoir erù sur une terre ferine ; ainsi, il w’y a a rien d’étonnant à ce que, tandis que quelques-unes étaient portées « beaucoup plus bas dans les plaines, d’autres soient restées sur les « pentes des montagnes. « Si les vallées des Alpes avaient été formées avant la période ter- « tiaire, elles devraient être en partie remplies 4e dépôts tertiaires. D’après cela, on doit admettre que ces dépôts ont été emportés plus nude ( 397 ) Dans celles de ces dislocations que nous venons de suivre, en remontant la valiée de la Durance, la di- tard par des courans d’eau, où que les rivières qui les iraversaient alors ont empéché les dépôts tertiaires de s’y former; mais cette idée est incompatible avec la disposition de ces vallées, qui n’ont pas toutes été creusées par l’action lente des eaux , mais qui sont plutôt l'effet de crevasses et de soulèvemens, qui paraissent avoir eu lieu après la formation des derniers dépôts tertiaires. Les Alpes se sont- elles élevées d’un seul coup, ou bien les vallées actuelles auraient- elles été formées par le dernier soulèvement ? Cela conduit à de sin- gulières conclusions; mais il paraît tout-à-fait impossible de considérer les vallées des Alpes comme ayant été tout-à-fait fermées durant la période tertiaire. D’un autre côté, si les Alpes avaient été élevées d’un seul coup, comment pourrait-on expliquer lexistence des cou- ches de lignites ? Les plantes qui les ont formées auraient-elles pu venir des montagnes éloignées du Jura, du Boehmer-Wald ou des Karpathes? Pourquoi les formations tertiaires présenteraient-elles des différences si remarquables sur les deux pentes des Alpes ? Si on n’ad- mettait pas plusieurs soulèvemens qui se sont succédés Les uns aux autres, comment pourrait-on s'expliquer la hauteur de certaines parties du Jura ? Cette dernière chaîne devait cependant exister déjà durant la période tertiaire; autrement on devrait trouver les forma- tions tertiaires ex Franche-Comté, en Franconie , etc. De tout cela il devrait résulter une grande différence entre la structure extérieure des Alpes et du Jura. Si, dans cette dernière chaîne , il s’est produit des crevasses et de nombreuses révolutions, elle doit cependant occu- per encore en grande partie la place dans laquelle elle a été formée, puisqu'elle repose sur des grès peu inclinés et non disloqués, et forme au-dessus d’eux une muraille perpendiculaire. Elle doit , d’après sa manière d’être particulière , étre en grande partie redevable de cette forme extérieure au travail des animaux marins, et elle prouverait que la mer dans laquelle a été formée s'élevait entre 2500 ou 3000 pieds au-dessus du niveau des mers actuelles, et s’est retirée depuis lors , ou que le sol sur lequel elle repose s’est lui-même élevé de 1000 ou 2000 pieds au-dessus de l'Océan. » (Voyez, sur ie Jura, Les Observations de M: Mérian , que j'ai rap- portées plus haut, p. 346.) ( 398 ) rection des couches redressées n’est pas, il est vrai, absolument constante. Quoiqu’elle se rapproche très- souvent de la direction N. 26° E., elle s’en éloigne quelquefois vers le nord, et plus souvent encore vers le N.-E. Les différentes portions de couches redressées pré- sentent ainsi différens élémens rectilignes plus ou moins obliques entre-eux, et qui ne peuvent par conséquent se trouver exactement dans le prolongement les uns des autres ; mais les points dans lesquels ils sont situés font tous partie d’une zône étroite, et à peu près recti- ligne, qui ne s’écarte jamais que d’une petite quantité d’une ligne , qui, passant un peu au sud de Manosque , se dirigerait du N. 26° E. au S. 26° O.; ligne qui, indépendamment des faits qui s’observent près des points qu'elle traverse, joue dans la structure générale du sol de la Provence, un rôle important, mais qui trouvera mieux sa place dans le IV® chapitre de ce Mémoire. Je me bornerai, quant à présent, à mentionner les accidens du sol que rencontre son prolongement. Si on la suit d’abord vers le S.-S.-0., on remarque qu’elle passe près de l'extrémité occidentale de la mon- tagne de Sainte-Victoire, puis entre la montagne de l'Étoile et celle de Garlaban , près du col qui, séparant l’une de ces montagnes de l’autre, conduit de la Pomme à Plan-de-Cuques et à Alauch. Plus loin encore, lais- M. Boué a encore remarqué dans d’autres ‘endroits de ses ouvrages qu’il doit s’être opéré un soulèvement dans les Alpes pendant l’époque alluviale ; mais comme je crois que cette remarque se rapporte platôt à la chaîne principale des Alpes qu'aux Alpes occidentales, je me réserve d’en faire mention dans le chapitre suivant , aussi-bien que des idées émises par plusieurs autres géologues. ( 399 ) sant Marseille un peu à l’ouest, elle passe près de la terminaison occidentale des montagnes qui séparent cette ville de Cassis. Enfin, elle entre dans la Méditer- ranée en passant par la petite ile de Riou, placée en avant de l'angle saillant que forme la côte du départe- ment des Bouches-du-Rhône , entre Marseille et Cassis. Prolongée au contraire du côté opposé, c’est-à-dire vers le N.-N.E., la ligne qui à Manosque coupe le méridien sous un angle d'environ 26°, traverse les Alpes à peu de distance de la limite occidentale de la région des ser- entines. Après avoir passé, comme je l’ai indiqué ci- dessus , non loin des masses gypseuses de Saint-Geniez de Dromon et de Bayons, elle laisse, à environ 8,000 me- tres seulement de distance sur la gauche, les masses de variolite du Drac et de gypse de Notre-Dame-du-Laus et de Saint-Etienne d'Avancon (Hautes-Alpes), ainsi que le pied du groupe de montagnes que domine le grand Pelvoux , groupe remarquable par sa hauteur et par sa disposition circulaire autour du hameau de la Bérarde. Un peu plus loin , elle laisserait à gauche , à peu près à la mème distance, la masse d’eurite amphibolique du col du Chardonet, qui, comme je l’ai montré ailleurs (1), dérange et altère d’une manière si remarquable le grand dépôt jurassique, et pousse entre ses couches des rami- fications dont Je contact change l’anthracite en graphite. Arrivée en Maurienne, à la vallée de l'Arc, la même ligne laisserait d’abord à gauche la masse d’enphotide qui se montre entre Modane et Bramant, et à droite les masses de gypse remarquables, situées entre Bramantet (1) Note surun gisement de vegétaux fossiles et de graphite situé au col du Chardonet ; Annales des Sciences naturelles » tome XV, p 1353, LA ( 400 }) Termignon. Plus loin, elle laisserait à droite la masse d’euphotide de Bonneval, et la presque totalité du groupe du mont Iseran ; pénétrant ensuite dans la vallée d'Aoste, elle traverserait la Doire-Baltée un peu au-dessous d’A- vise et de Livrogne , où des masses de roches serpenti- neuses produisent dans les couches secondaires des dis- locations et des altérations si remarquables. En Valais, elle passerait à peu de distance de la source thermale des bains de Loëche. Les points que je viens d’énumérer ne sont pas les seuls remarquables, pour les géologues, qui s’alignent à peu près dans le sens de la direction dont je m'occupe. Cette direction est parallèle à l'alignement général des masses serpentineuses qu’on observe dans les montagnes dont les eaux coulent vers les hautes vallées du Pà, de la Doire de Suze et de la Doire-Baltée, par exemple, autour du mont Viso, au mont Genèvre , aux environs de Suze , de Cogne, du mont Cervin. On peut remarquer en outre qu’elle coupe oblique- ment la vallée d’Aoste et le Valais dans une direction parallèle à celles d’un grand nombre de vallées latérales ; direction qui est celle qu’affecte généralement la stratifi- cation, tant dans ces mêmes vallées que sur les monta- gnes qui les entourent, dans les cas extrèmement fréquens où elle ne court pas parallèlement aux directions géné- rales des deux grandes vallées principales. La direction comprise entre le N.-N.-E. et le N.-E., dont se rapproche si souvent celle de la stratification , est en même temps celle de plusieurs des accidens du sol les plus remarquables de cette partie , la plus haute et la plus compliquée des Alpes ; c'est celle des escar- ( 4oi )* pemens presque perpendiculaires que les colosses du Mont-Blanc et du Mont-Rose présentent l’un et l’autre du côté de l'E.-S.-E. , et qui sont loin d’être des acci- dens isolés. En effet, le premier fait suite aux princi- paux traits du relief de la chaîne primitive qui joint le Mont-Blanc à la montagne de Taillefer (dans l'Oisans ), et le second n’est que le commencement de la suite d’es- carpemens qu’on voit si bien du mont Mergozo ou Mon- terone (près Baveno) se prolonger, d’une manière à peu près continue, depuis le Mont-Rose jusqu’au Madre- Horn (au nord du Simplon) , en présentant vers l'Italie la tranche d’un énorme système de couches primitives, qui s’enfoncent à l'O.-N.-O. , au-dessous des vallées du Rhône et de Saint-Nicolas. Cette direction se retrouve plus à l’est encore, dans celle de plusieurs vallées qui sillonnent le massif du Saint-Gothard; dans celle des grandes dépressions que remplissent en partie les eaux du lac Majeur et celles du lac de Côme ( de Côme à Chiavena ) ; dans celle enfin de la haute vallée de l’Inn, en Tyrol, et en général dans celles d’un grand nombre des accidens les plus remarquables du sol des Alpes occidentales. Il est facile de s’en convaincre en jetant les yeux sur la carte chorographique d’une partie du Piémont et de la Savoie, qui fait partie de l’atlas joint aux opérations géodésiques et astronomiques pour la mesure du parallèle moyen (Milan, 1827), et en exa- minant la carte de la Suisse , par M. Brué. Sur l’une comme sur l’autre, on reconnaît très-bien la coordi- nation des chaînons de montagnes du Piémont à deux directions , dont l’une court à peu près du S. 26° O. au N. 26° E., tandis que l’autre, sur laquelle je reviendrai XVHI. 26 "C402) dans le chapitre suivant , court à peu près de 'O.-S.-0, à l'EeN.-E. Dans les points où elle traverse ainsi la partie la plus haute et la plus compliquée des Alpes, la ligne que nous venons d’y suivre, depuis les bords de la Durance, se trouve presque équidistante des couches tertiaires à peu près semblables , redressées d’une part aux envi- rons de Saint-Laurent-du-Pont (Isère), et de l’autre à la colline de Superga , près Turin. Il est toutefois néces- saire de remarquer qu'à la colline de Superga, et en quelques autres points du voisinage de Turin , les cou- ches de mollasse coquillière tertiaire plongent au N.-0., et courent du S.-O. au N.-E.; direction qui s’éecarte déjà assez sensiblement de celle qui nous occupe, et qui est presque intermédiaire entre celle-ci et la seconde direction que nous venons de mentionner. Enfin, la ligne de direction que nous avons conduite des bords de la Durance jusqu'à Loëche , peut être pour- suivie jusqu’au centre et au nord de la Suisse ; prolongée à cette distance , elle ne couperait plus la ligne nord-sud tout-à-fait sous le même angle qu’au point de départ. Cet angle qui, sur les bords de la Durance , était de 26°, serait en Suisse de près de 27°. Dans les montagnes pittoresques qui flanquent en Suisse les grandes Alpes , cette ligne rencontre de nou- veau la formation tertiaire de la mollasse, qui, comme l’ont démontré les savantes recherches de M. le profes- seur B. Studer, comprend à peu près sans exception les grès et les nagelfluhes de l’Entlebuch. Entre les lacs de Thun et de Lucerne , notre ligne passe vers le point de jonction des nagelfluhes de l’Entlebuch et des calcaires ( 403 ) du Pilate, en courant parallèlement à la ligne tracée par les crêtes presque continues du Honeggen, du Ramis- gum, du Gerstengrat, du Ramoæser-Enzi, etc. (1) ; crêtes à peine interrompues par les étroits défilés où coulent l'Emme et l’Ilsis, et dans lesquelles les couches de mol- lasse et de nagelfluhe qui se relèvent de dessous la grande vallée de la Suisse, sous un angle souvent considérable, viennent présenter vers les Alpes leurs escarpemens presque verticaux. L'influence de la série d’accidens dont ces escarpemens font partie, se retrouve dans la contrée dont la mollasse forme le sol, jusqu’au pied du Jura. M. le professeur B. Studer remarque dans sen excellent ouvrage sur la mol- lasse (2), page 10, « que toutes les chaînes et les massifs « de montagnes des environs de Berne , qui sont prinei- « palement composés de mollasse, sont coupées subite- « menñt et abruptement suivant une ligne qui, partant « du Molézon , court parallèlement au Jura, vers Wiet- « lisbach ou Aarburg. » À partir de cete ligne, la surface de Ja mollasse s'élève à l’E.-S.-E. vers l’Entlebuch, tandis qu à l'O.-N.-O. on voit s'étendre vers le Jura la contrée basse qui comprend les lacs de Neufchâtel, de Bienne , de Morat , et les prairies presque horizontales qui les sé- parent. Or, cette ligne remarquable de Molézon à Wiet- lisbach, à partir de laquelle la surface et les couches de la mollasse s'élèvent à l'E.-S.-E. vers l’Enilebuch , fait avec le méridien de Berne un angle d’environ 30°. La (x) Voyez la Carte de Suisse , par Weiss. Feuilles de Berne et de Lucerne , nos 6 et 7. (2) Beytrage zu einer Monographie der Molasse , von B, Studer. Bern , 1825, ( 404 ) ligne de direction, que nous avons poursuivie jusque dans l’Entlebuch, coupe le même méridien sous un angle d'environ 27°. Une différence de 3° peut être con- sidérée comme bien petite dans des objets de ce genre. Dans le canton de Zug et les contrées voisines , comme M. Stüder le fait remarquer et comme je l'ai vérifié de Schachen à Lucerne et de Lucerne à Kæpfnach , sur les bords du lac de Zurich, la surface de la mollasse se relève au contraire du côté du midi, et nous verrons en effet, dans le chapitre suivant, que cette contrée se trouve principalement sous l'influence d’un autre système d’ac- cidens (Rigi, Pilate, etc.), qui coupe le méridien sous un angle de 50 à 95°. Mais, au milieu de ces accidens , on en retrouve une série dans laquelle la direction N. 27° E. est très-nettement prononcée; je veux parler de la suite de dépressions dans lesquelles se trouvent les lacs de Lungeren et de Sarnen, ainsi que les raineaux du lac de Lucerne, qui vont d’Alpnacht à Kussnacht, et dont l'alignement se trouve continué par les parties inférieures des lacs de Zug, de Zurich, de Greiffensee et de Constance, Sans doute il ne faut pas pousser à l’extrème la recher- che de ces sortes de coïncidences , et c’est peut-être par hasard que la direction prolongée des couches de PEnt- lebuch va rencontrer, sur la rive droite du Rhin, les collines volcaniques du Hohgau, dont le dôme phono- liüque de Hohentwiel forme le point le plus oriental et le plus proéminent. Mais j'avoue qu'en voyant plusieurs des grands lacs de la Suisse se terminer près du prolon- sement de la même ligne, près de laquelle viennent expirer, soit à droite, soit à gauche, ainsi que je le ( 405 ) montrerai plus au long dans le chapitre suivant, la plu- part des chaînes qui traversent la Provence de l'E.-N.-E. à l'O.-S.-O. , il me semble difficile de ne pas considérer cette ligne, dont la colline de phonolite de Hohentwiel et la petite île de Riou forment en quelque sorte les deux jalons extrêmes, comme jouant un rôle essentiel dans la structure de la contrée qu’elle traverse. Peut-être faut-il aussi faire la part du hasard dans Ja circonstance curieuse que la direction des couches ter- tiaires redressées de l’Entlebuch, est le prolongement presque mathématique d’une partie des couches de Ja mème formation, et caractérisées à peu près par les mèmes fossiles, qui encaissent au-dessous de Sisteron la vallée de la Durance ; mais il n’en est pas moins vrai de dire que ces deux masses de couches , redressées dans une direction commune , forment à peu de chose près les deux extrémités opposées d’une vaste série d’accidens, de stratifications , qui, conservant dans toute cette lon- gueur de plus de cent lieues, et dans une zône très- large , une direction constante, s’enchaînent de telle ma- nière, qu'il paraît naturel de penser qu’ils ont dû être produits en mème temps, et pour ainsi dire du même coup. Ces accidens, dont les plus hautes cîimes des Alpes font partie, se sont évidemment produits après le dépôt des couches tertiaires les plus récentes , puisque celles-ci s’y trouvent enveloppées ; et il n’est pas moins clair qu’ils remontent à une date antérieure au dépôt du terrain de transport ancien , qui, dans la vallée de la Durance, repose sur les tranches de ces couches redres- sées. Aïnsi Ja base très-étendue que nous venons de par- courir, nous conduit , comme la base plus restreinte que ( 406 ) nous avions d’abord étudiée, en Dauphiné et en Savoie, à conclure que ceux des traits du relief des Alpes oc- cidentales, qui courent parallèlement à la ligne tirée de l'ile de Riou à Hohentwiel, ou, en termes plus généraux, de Marseille à Zurich , ont pris naissance entre la période de tranquillité , pendant laquelle se sont déposés les ter- rains tertiaires les plus récens, et la période de tranquillité subséquente qui a vu se former les plus anciens des dépôts, qu'on appelle d’atterrissement, de transport ou d’alluvion. Chaque grand système de montagnes semble avoir une organisation qui lui est propre. Dans le système pyrénéo-apennin, nous pouvions suivre de proche en proche des chainons parallèles et peu éloignés les uns des autres. La masse de montagnes que nous venons de suivre depuis les bords de la Méditerranée jusqu’à ceux du lac de Constance , ne se prolonge ni d’un côté ni de l’autre, et. semble d’abord isolée. Cependant, on peut remar- quer sur le globe terrestre d’autres masses de montagnes qui, au premier abord, présentent un égal isolement, mais que leur direction semble conduire à rapprocher des Alpes du, Dauphiné et de la Savoie , malgré la dis- tance qui les en sépare. Si, plantant une suite de jalons alignés de proche en proche les uns sur les autres , on prolongeait à travers l'Allemagne et la Russie la direction des Alpes occiden- tales que nous avons déjà suivie depuis l'ile de Riou , au sud de Marseille, jusqu’à la colline phonolitique de Hohentwiel, au N.-O. de Constance, la ligne ainsi ( 407 ) tracée , après avoir traversé la mer Baltique et la mer Blanche , irait passer près de l'entrée du golfe d’Obi , et ce ne serait que sur les plages glacées et presque incon- nues de la Nouvelle-Zemble , qu’elle pourrait rencontrer des accidens du sol exactement coordonnés par leur di- rection à ceux des Alpes du Dauphiné et de la Savoie. Mais cette même ligne laisserait sur la gauche, à une distance de 150 à 170 lieues au plus , les principaux acci- dens du sol de la grande péninsule scandinave, et lon- gerait, pour ainsi dire, le pied de leurs dernières pentes suivant une direction presque parallèle à celle qui domine dans les plus considérables d’entre eux. Si l’on jette les yeux sur des cartes suflisamment dé- taillées de la Norwége et de la Suède, on reconnaît assez aisément que les principaux traits des montagnes de la côte orientale se coordonnent à deux directions diffé- rentes , dont la combinaison détermine toutes les formes de cette côte. La première de ces deux directions, qui s'aperçoit surtout dans la disposition des îles de Loffoden , dans celle des bras de mer et des lacs qui avoisinent Dron- theim, et dans celle des monts Dovre-field , entre Drontheim et Christiania, court entre le N.-E. et lE.-N.-E., parallèlement aux principaux accidens de la surface du sol et de la stratification sur la côte sud du golfe de Finlande (1), en coupant le méridien de Christiania sous un angle d’un peu plus de 60° ; elle est très-oblique par rapport à la direction prolongée des Alpes de la Savoie : aussi est-elle coupée sous un (1) Voyez les Mémoires de M. Strangways dans les Transactions de la Société géologique de Londres. (408 ) angle très-marqué par les chaînons les plus étendus des Alpes scandinaves; le plus considérable de ces chai- nons, connu sous le nom de Kïioel, partant de l’ex- trémité N.-E. du Dovre-field, sépare la Suède de la Norwége septentrionale ; et, après s'être partagé à son extrémité N.-N.-E., entre les différentes baies du Finmarck , il se termine à la mer glaciale, par le Sver- holt, entre le Laxefiord et le Porsangerfiord , et par le Nord-Kyn, entre cette dernière baïe et le Tanaford (1), après avoir suivi une direction sensiblement parallèle au prolongement de celle des Alpes du Dauphiné et de la Savoie. Le chaînon de montagnes qui, sous le nom de Har- danger-field , part de l'extrémité S.-0. du Dovre-field pour se diriger vers l’angle S.-O. de la Norwége, ne court pas , il est vrai, tout-à-fait dans la même direction que le Kioel, il semble se rapprocher un peu plus du méridien; mais la différence n’est que d’un petit nombre de degrés. Au pied des montagnes dont je viens de parler, et qui sont principalement composées de roches primitives, s’étendent des formations de transition qui, de la pointe méridionale de la Norwége, se dirigent à travers l'Ag- gershuus, la Dalécarlie, le Herjedal, la Jemtie, sans atteindre les côtes de la Helsingie. Ces roches de transi- tion , célèbres par leurs trilobites et leurs orthocératites, sont malheureusement les plus récentes qui se montrent dans le voisinage des roches primitives, qui constituent Ja longue arète des Alpes scandinaves. Aïnsi , les moyens (x) Voyez le Voyage de M. Léopold de Buch en Norwége et en Laponie. ( 409 ) que nous avons employés précédemment seraient insuf- fisans pour fixer l’époque à laquelle cette arête a pris le relief qui la distingue aujourd’hui des vastes contrées, comparativement, presque planes, quoique formées aussi de roches primitives ou de transition, que présentent la partie Sud-Est de la Norwége, la Suëde et la Finlande. Maïs ici, une ressource inattendue vient suppléer en partie à ce défaut de couches récentes , et se joindre aux inductions qu'on peut tirer de la direction des chaînons de montagnes. Depuis les côtes du Northumberland jus- qu'aux environs de Moskow, les plaines de l'Angleterre, des Pays-Bas , du Danemarck, du nord de l'Allemagne, de la Pologne et de la Russie, sont couvertes d’un nombre immense de blocs , souvent d’une grosseur pro- digieuse , de roches primitives, dont les analogues n'existent que dans les montagnes de la Scandinavie, d'où ils ont été transportés jusqu’à leur gite actuel par quelque violente débâcle (1); ces blocs sont répandus , non-seulement sur la surface des terrains secondaires , mais aussi sur celle des terrains tertiaires (2) ; et si l’on admet, avec d’illustres autorités, que ce transport évidemment plus récent que les derniers de ces terrains a eu lieu au moment de l'élévation de la chaîne, de (1) Voyez le Mémoire de M. le professeur Sedgwick, sur l’origine des formations alluviales et diluviales, Annals of Philosophy, avril et juillet 1825 , et la Notice sur Les blocs de roches des terrains de trans- port de Suède, par M. Brongniart, insérée dans les Annales des Sciences naturelles , tome XIV, p. 6 (mai 1828 ). (2) M. le professeur Sedgwick annonce que le transport de ces blocs est au moins aussi récent que le dépôt du Crag de Suffolk. Voyez une note jointe au Mémoire cité, Annals of Philosophy, nouvelle série, tome IX , p. 255. (40) laquelle les blocs sont partis, on voit qu'il reste seule- ment à demander si la chaîne principale des Alpes scandinaves à éprouvé sa dernière convulsion immédia- tement après le dépôt des terrains tertiaires, c’est-à-dire au moment de l'élévation des Alpes de la Savoie, ou bien à une époque plus récente encore ; et la conformité de direction, mentionnée plus haut, semble suflire pour faire préférer la première supposition, savoir , que les Aïpes scandinaves ont pris leur relief actuel en même temps que les Alpes de la Savoie et du Dauphiné. Toutefois craignant qu’on ne soit tentéd’exagérer l’im- portance du dernier motif dé rapprochement, je dois faire observer que les blocs de roches alpines ont été transpor- tés sur le Jura, non au moment de l'élévation des Alpes occidentales, mais au moment de l’apparition de la chaîne principale des Alpes, qui court du St:-Gothard au Brenner et en Autriche. Quoiau’il soit sans doute très-probable que les blocs des plaines de la Prusse, et ceux des pentes du Jura, ont été transportés par des agens mécaniques du même genre , il n’est pas pour cela nécessaire d'admettre qu’ils l'ont été dans le même moment; tout indique, au contraire, que des phéno- mènes de cette espèce ont dû successivement faire partie de chacune des révolutions de la surface du globe. Il ne serait même pas impossible que les blocs de roches primitives répandues sur les plaines du nord de l'Europe, n’eussent pas tous été transportés dans une même révolution de la surface du globe (x). (r) Voyez en particulier à cet égard les curieuses Observations sur les gros blocs de roches que lon trouve épars ou accumulés sur des terrains de natures très-diverses , rapportées par M, le comte G. Ra- C4) La ligne qui passe à Manosque (Basses-Alpes), en se dirigeant du N. 26° E. au $. 26° O., et que nous avons suivie dans les Alpes occidentales et jusqu’à l'ile de Riou, au sud de Marseille, étant prolongée dans la Méditerranée , atteint la côte de la Barbarie , à peu de distance du port de Tenez ou Tennis, et ne coïncide en ce point avec aucun accident remarquable, si ce n’est, toutefois, qu’elle est presque parallèle à la direction des montagnes , que Ja carte de M. Lapie place à l'O. de la vallée de la rivière Mina. Elle est aussi parallèle à quel- ques chaïnons de montagnes qui traversent la partie orientale du royaume d'Alger et celui de Tunis, chai- nons dont l’un se termine au cap Bon, et dont la direc- tion se retrouve dans quelques-uns des accidens du sol de l'angle occidental de la Sicile; mais on remarque sur- tout qu’au sud du détroit de Gibraltar, les traits les plus saillans du relief du sol de l'angle N.-O. du continent africain, paraissent ne faire , avec cette même direc- tion , que des angles de quelques degrés. Sur la carte jointe au voyage d’Aly-Bey , et sur quel- ques autres cartes spéciales, on voit assez clairement que les nombreux chaînons de montagnes qui traversent ces contrées se coordonnent à deux directions principales. L'une qui court à peu près O. 15° S.-E. 15° N. comme les principaux chaînons de l'Atlas d'Alger et de Tunis, visités par M. Desfontaines, se reconnaît dans les mon- tagnes qui s'étendent entre la côte de la Méditerranée et la ville de Fez. La seconde , qui nous importe principalement ici, se soumovsky, Ænnales des Sciences naturelles, tome XVIII, p. 133 (octobre 1829 ). ( 412) reconnaît dans une série de chaînons de montagnes et de vallées longitudinales, qui, partant du cap 7res For- cas où Rusadir, au nord de Melilla, sur la côte de la Méditerranée , et comprenant le flanc occidental de la vallée de la rivière Mulvia, Moulouia ou Molochath, dont le cours est presque aussi long que celui de la Seine , s’étend vers un point de l’intérieur situé à l’est de Tarodant , environ par 30° de latitude nord , et 10°; de longitude ouest de Paris. Entre cette ligne et la côte de la Méditerranée, on trouve plusieurs chai- nons de montagnes qui s'étendent dans des directions parallèles , et que différentes rivières traversent dans des défilés. Les montagnes blanches qui se terminent au cap Blanc, presque en face des îles Canaries , sont le prolon- gement le plus méridional de tous ces chaînons. La direction générale de ces mêmes chaînons de mon- tagnes étant prolongée du côté du N.-N.-E., coïncide à peu de chose près avec la direction générale des côtes orientales de l'Espagne, depuis le cap de Gates jusqu’au cap de Creuss. La ligne tracée par cette longue succession d’accidens du sol, fait, avec la direction prolongée des Alpes de la Savoie et du Dauphiné, un angle qui, quoiqu’un peu plus grand que celui que fait avec elle, en sens inverse, le chaînon méridional des Alpes scandinaves , ne dépasse pas 15°. On peut aisément vérifier sur un globe terrestre que la légère obliquité des directions que je viens d’indi- quer dans la presqu'ile scandinave et dans le royaume de Maroc, les fait converger vers les Alpes de la Sa- voie. Le Mont-Blanc , situé à peu près à égale distance ( 413 ) du cap nord de la Laponie , et du cap Blanc d'Afrique , forme comme le pivot de la charpente de la partie de l'ancien continent, qui est comprise entre ces deux exwèmes , et dont il est en même temps le point le plus élevé. Quel que doive être le sort ultérieur de ces rapproche- mens , il me paraît toujours curieux de remarquer que la direction des Alpes de la Savoie et du Dauphiné, qui est presque une direction moyenne entre les deux direc- tions légèrement obliques dont je viens de parler, est en mème temps à peu près parallèle à la ligne générale du littoral de l’Europe, depuis le cap nord de la Lapo- nie jusqu’au cap Blanc d'Afrique. Au sud du cap Blanc, la côte de l'Océan Atlantique est basse et sablonneuse sur une grande étendue ; et, à l’est du Nord-Kyn, voisin du Cap-nord de la Laponie, la côte estde mème assez peu élevée. Dans l’intervallede cesdeux points , au contraire , les côtes qui regardent la haute mer sont généralement formées par des terres élevées , qui, lorsqu'elles ne sont pas composées de roches primi- tives, opposent du moins à l'Océan une barrière de couches redressées ; disposition qui semble indiquer que le long de cette ligne tous les terrains plats et peu éle- vés ont été submergés. Il est, dans le nouveau continent, une contrée qui oppose aux flots de l’Atlantique un bourrelet de mon- tagnes aussi simple dans sa forme que celui que leur pré- sente la péninsule scandinave, mais qui est double en étendue. Je veux parler en ce moment de la côte E.-S.-E. du Brésil, comprise entre le cap Roque et l'embouchure de la rivière de la Plata. Ce rapport de forme n'est peut- (414 ) être pas le seul que présentent ces deux contrées. Sup- posons en effet qu’on prolonge indéfiniment au S.-S.-0. la ligne qui, partant des environs de Zurich et passant près de Marseille, coupe le méridien de Manosque sous un angle de 26°. Cette ligne qui, après avoir presque suivi jusqu’à Sierra-Leone la direction de la côte occidentale de l'Afrique, et avoir traversé l’étranglement que présente l'Océan Atlantique entre la Guinée et le Brésil, va prendre l’Archipel des nouvelles Schetland du sud, dans le sens de sa longueur, passera dans l’intervalle à 400 lieues , il est vrai, au large des côtes du Brésil, mais sa direction sera exactement parallèle à celle de la Cordilière littorale (Serra-do-Mar) qui, d’après les observations de M. d'Eschewège, suit à une distance variable la ligne des côtes de cet empire, du cap Roque, à sa pointe méridionale près de Monte-Video (1). Si, d’après les résultats auxquels j'ai été conduit pré- cédemment en examinant divers chaînons de montagnes qui traversent parallèlement des contrées dont la consti- tution géologique est connue, on admet que la condi- tion d’être parallèles à une mème ligne géodésique pas- sant dans leur voisinage, constitue pour diverses chaînes de montagnes , un indice de contemporanéité, on devra être porté à conclure que les Alpes scandinaves, les Alpes de la Savoie et du Dauphiné, certaines chaînes de l'empire de Maroc, et enfin , la Cordilière littorale du Brésil, ont pris leur relief actuel dans le même mo- ment. (1) Voyez l’Esquisse géognostique du Brésil, par M. d’Eschewège ; extrait traduit de l'allemand , par M. Combes. Annales des Mines, tome VIIL, p. 4o1. (415 ) L'obliquité que j'ai signalée entre quelques-uns des élémens que j’essæie de combiner, loin d’être, comme on pourrait le croire au premier abord , un obstacle à leur rapprochement, ajoute peut-être , au contraire , par suite de sa direction et de la position dans laquelle on l'observe aux autres motifs qui peuvent porter à les considérer comme faisant partie d’un tout unique. En effet, ces divers élémens ne sont pas exactement sur une mème direction, et si on voulait essayer de les lier sur la surface d’un globe par une ligne légèrement sinueuse, image , si l’on veut, d’une ligne de fracture sur laquelle ils se trouveraient tous, les inflexions les plus simples qu'on put donner à cette ligne, seraient précisément dans le sens des directions légèrement obliques dout j'ai parlé. La longue interruption produite dans cette ligne, moins sinueuse que la crète des Andes, par l’interposi- tion de l'Océan Atlantique entre la Cordilière littorale du Brésil et les montagnes du N.-O. de l'Afrique, se- rait comparable à celle que la même mer établit entre la chaine des Alleghanys et la masse principale du système pyrénéo-apennin. Quelle que puisse être la cause de l'interruption, il semble permis de croire qu’elle serait la même dans les deux cas. Du reste , il s’en faut de beaucoup qu’on aperçoive aussi bien la liaison des parties de ce nouveau système, que celles des diverses chaînes dont se compose le sys- ième que j'ai proposé de nommer pyrénéo-apennin. J'ai même eu soin d'isoler tout à la fin du présent chapitre les conjectures que je hasarde sur la liaison mutuelle de cette série de chaînes de moniagnes qui semble con- (416) duire du nord de l'Europe au midi de l'Amérique, parce qu'on est presque réduit à leur égard aux inductions tirées des directions qui dominent dans des massifs sé- parés par de longs intervalles. Nos connaissances sur la constitution géologique de l’empire de Maroc se ré- duisent à bien peu de chose, et malheureusement les Cordilières du Brésil et de la Norwége ont en même temps cela de commun, qu'on n’y cite pas de terrains tertiaires. Quelque frappant que soit le phénomène des blocs de roches répandus sur les plaines qui environnent la base de la grande chaîne scandinave , la donnée qu'ils fournissent est encore, à la rigueur, incomplète et hypothétique. Ainsi, l’âge de la longue série de montagnes que nous venons de parcourir, en supposant qu'il soit le même pour toutes les parties que nous avons cherché à réunir , nous serait resté inconnu si le groupe, en quelque sorte détaché, que domine le Mont-Blanc, ne s'était formé que par le bouleversement d’une contrée où les terrains tertiaires les plus récens couvraient d’assez grandes éten- dues, et où la tranche des couches redressées de ces mêmes terrains a été ensuite recouverte par de très- anciens dépôts d’atterrissement. ( Les additions que l’auteur a faites à son Mémoire depuis que le manuscrit a élé remis aux rédacteurs des Annales, l'ayant considérablement allongé, le chapitre 4° et dernier n’a pu entrer dans ce cahier ; et paraîtra dans celui de janvier 1830.) (417) Sur la Distribution des Ammonites en familles ; Par M. Léopoiv De Bucn. Il est très-probab le que toutes les Ammonites se ran- geraient facilement en familles naturelles , si on s'était donné la peine de les comparer entre elles , et de com- parer aussi celles d’une mème espèce qui proviennent de différens pays, pour saisir avec précision ce qui est général et ce qui n’est que spécifique. Maïs je crois que personne, jusqu’à présent, n'a essayé d'établir ces familles , si ce n’est M. Pierre Me- rian de Basle , dans l’arrangement qu'il a fait du Musée de l’Université de cette ville. La géologie et la zoologie y sont également intéressées : la première , parce que les différentes espèces d’Ammonites, les familles mêmes, caractérisent très-bien les différentes formations géolo- giques ; la dernière, parce que l’ensemble des carac- tères, qui seuls peuvent établir une famille, doit tou- jours jeter du jour sur la nature de l'animal, qui jadis a habité ces singulières coquilles. Je suis loin de me croire appelé à déterminer ces familles ; beaucoup d’espèces me sont même absolument inconnues. Mais plusieurs d’entre elles me paraissent tellement claires et frappantes , qu’elles méritent peut- être l'attention des naturalistes , d'autant plus que leur étude pourra faire naitre, chez d’autres observateurs plus habiles et plus exercés, des rapprochemens qui feront. créer de nouvelles familles, dans lesquelles le reste des Ammonites devra être rangé. XVII, 27 ( 418 ) Les Æmmonées sont des coquilles cloisonnées, dispo sées en tube droit on courbé , traversées par un siphon dorsal qui est attaché à la circonférence des lobes. Les cloisons sont partagées dans leur pourtour en six lobes, qui s’enfoncent entre le bord de la cloison et le tube. Le premier de ces lobes, le Zobe dorsal, embrasse le siphon et se termine vers le fond en deux bras, dont la cloison s'attache au siphon même. Les deux lobes les plus voisins des deux côtés du lobe dorsal, sont les lobes latéraux supérieurs ; ceux qui sont plus éloi- gnés , les lobes latéraux inférieurs; enfin, celui qui se trouve opposé au lobe dorsal et au siphon est le Zobe ventral (1). Les Ammonées sont divisées en trois grandes sections. ‘5. Les Bacuzires à tube droit. ? 5, Les Hamrres à tube recourbé à l'extrémité infé- ‘ricure. 3, Les Ammonires à tube tourné en spirale. FAMILLES DES AMMONITES. 1. Les Béziers. Ærietes. Leur siphon est saillant sur le dos et constamment en carène. Les côtes des flancs sont simples et finissent de part et d'autre en. saillie assez forte sur le bord de la carène. La selle latérale s’élève du double au-dessus de la selle ventrale ei dorsale, et le lobe dorsal est deux fois plus enfoncé que le lobe latéral supérieur. Voy. pl. 6, fig. 1. Ammon. Turneri, de Wintertingen , can- ton de Basle: (1) Voyez notre Mémoire sur les Ammonites , tome XVI , p: 267. ( 419 ) Les Ammonites de cette famille sont presque toutés particulières à la formation du lias. Les espèces les plus remarquables sont : 1. Æmmonr. Ducklandi. 6. Ammon. Brooki. Sow., tab. 2. Conybeari. 190. 5: Turneri. LE stellaris. 4. rotiformis. 8. multicostatus. Sow. n. obtusus. Sow., tab.167. etc, 2. Les AwazTnés. Amalthei. À dos aigu; le siphon saillant, souvent crénelé. Les côtes passent au-dessus du dos. Elles augmentent en nombre à mesure qu’elles en approchent. Ordinairement les tours sont embrassans, de manière que le dernier tour de spire enveloppe plus ou moins profondément les autres, et que par conséquent les lobes principaux sont augmentés de plusieurs petits lobes auxiliaires. (Voy. Am. Amaltheus dans mon premier Mémoire, t. XVIF, PL. 11, fig. 5.) Elles sont souvent garnies d’épines sur les côtés. 1, Am. amaltheus. Mont, 6. Am. Lamberti. ( Stockesi. Sow.). 7. — omphaloides. 2. — cordatus. Sow. 68. — Leachü. Sow. 3. — acutus.Sow. ge — crenularis. Philips. 4 — nodosus. Sow. 10. — clevelandicus. Philips. 5. — quadratus. XI, — flericostatus. Phil, etc. 3. Les Farcirëres. Falcifer:. À dos aigu; siphon saillant, lisse; les côtés plans: l'arête inférieure des côtés très-aiguë et élevée sur l’a- vant-dernier tour par un plan qui est plus ou moins perpendiculaire au côté. Ces côtés sont garnis de plis (420 ) contournés en forme de faux, et fortement recourbés dans le haut vers la partie antérieure. Les selles des lobes sont toutes dans un même niveau , de même que les petits lobes dont elles se composent. Les parois des lobes principaux descendent perpendiculairement. Voy. fig. 2. Æmmon. opalinus Rein. , de Wasseralfin- gen près d’Aalen, Souabe. La selle dorsale est ordinairement du double plus large que le lobe latéral supérieur. Ses lobes secondaires sont, par conséquent, assez apparens. L’extrémité du bras, du lobe dorsal , se réplie un peu obliquement vers l’ex- térieur du lobe. 1. Am. serpentinus. Rein. 7. Am. sigmifer. Philips. 2: — strangwwaisii. Sow. Yorkshire. x111. f. 4. 3... — depressus. Schloth. 8. — lythensis. Id. f. 6. 4. — discus. Sow. 9: — erxaratus. Id.f. 7. 5. — concavus. 10. — ovatus.Id.f. 10. 6. — subradiatus. 11. — elegans. SOw. —f. 12. 12 — Walcotti. Cette famille, si singulièrement caractérisée par les côtes ou plis en forme de faux, par l’arête aiguë du bord inférieur , et par les selles des lobes au même ni- veau , renferme dés Planites , des Ammonites, des Glo- bites et des Discites. Ce serait donc disperser les familles les plus naturelles, que d'admettre ces genres peu utiles à la science. L'Ammonite de Walcott a le siphon en carène , comme les Béliers, et l’arête du bord est assez arrondie. Elle paraît donc mal placée dans cette famille; mais la dis- position des côtes et celle des lobes sont absolument celle des Falcifères, et ne conviennent nullement aux Béliers , et les plis des côtés ont la mème forme falci- (421) fère que les autres espèces. La dépression remarquable du côté se retrouve également dans l’Æmmon. depres- sus, très-fréquente aux environs de Soleure, ce qui rapproche encore plus l’Ammon. de Walcott des Falci- fères. Peut-être fait-elle le passage à quelque autre famille. 4. Les Pranurires. Planulati. Le dos et les côtés sontarrondis, de manière que dans quelques espèces le contour de l'ouverture est un cercle parfait. Les plis des côtés se partagent à une plus ou moins grande élévation vers le dos et puis le passent sans interruption. Ce partage est ou double ou triple, ou mème en plus grand nombre. Mais il ne part jamais d’un nœud ou d’un tubercule décidé , et si le partage est plus que double , les différens plis ajoutés commencent à des hauteurs inégales. La disposition des lobes est assez particulière. Le lobe latéral supérieur est grand, très-enfoncé, et se trouve au milieu du côté. Après le lobe latéral inférieur, sui- vent un ou plusieurs lobes auxiliaires , qui s’interposent dans une direction oblique, quelquefois même horizon- tale. Pour cet effet ils s’enfoncent dans un lobe auxi- liaire commun, qui descend quelquefois bien au-dessous du lobe latéral supérieur. Voy. fig. 3 et fig. 4. Æmmo- nites decipiens Sow., de Kilehberg, canton de Basle. Les selles sont très-découpées et dentées, quelquefois jusqu’à paraître presque entièrement partagées en lar- geur. Cette position particulière des lobes auxiliaires , quoi- que presque générale pour la famille des Planulites, ne ( 422 ) lui appartient pas exclusivement. Elle se retrouve dans quelquesespèces de la famille des Coronaires et démontre le rapprochement de ces deux familles. 1. Am. planulatus. Schloth. 9. Am. fimbriatus. Sow. 2. — polyplocus. Reïnicke. 10, — Brownü. 3. — decipiens. Sow. 11. — Koenigü. 4. — mutabilis. Sow. 13. — Brodioei. 5. — communis. SOW. 13. — Davoei,etc. 6. — plicatilis. 7. — giganteus. Ces deux derniers se rapprochent 8. — colubrinus. Rein. beaucoup des Coronaires. Il règne une grande confusion dans la détermination des espèces de cetie famille. 5. Les Cononarnes. Coronati. Le dos est arrondi et très-élargi, sans siphon appa- rent. Le côté est armé d’une rangée de tubercules ou de pointes, qui paraissent s'élever au-dessus des tours de spire en forme de couronnes. Les tours accroïssent rapidement, ce qui fait naître un ombilic souvent très-enfoncé. Le côté est garni, de- puis la base, de stries ou de plis simples ; ils se parta- gent en deux ou trois plis qui s'élèvent des tubereules ou des pointes, et ils traversent le dos. Le lobe latéral supérieur est placé entre le dorsal et la série des pointes; le lobe latéral inférieur se trouve au-dessous des pointes. Cette disposition est constante et facilite beaucoup à reconnaître les coronaires. Le lobe ventral est très- grand et accompagné de deux bras, qui ne lui cèdent pas beaucoup en grandeur. Le lobe dorsal est presque aussi large qu'il est profond. Voy. fig. 5, À. Ammon. ( 428 ) coronarius Schloth. Blagdeni? Sow. de Bayeux (fig. 5). B. Æmmon. Brackenridgü Sow., inæqualis. Merian , d’Arau en Suisse. 1. Am. Blagdeni. Sow. 6. Am. Brackenridgu. Sow. 2. — humphreysianus. 7. — anceps. Rein. 3. — Bancksü. 8. — crenatus. Rein. 4. — Bechei. 9. — sphæricus. Sow. Goniati- 5. — Brongnartü. les sphœr. De Haan. * * Les échantillons complets, tels que ceux que M. Hoœninghaus con- serve dans sa belle collection, où comme on les voit dans le cabinet de Bonn, prouvent que cette Ammonite appartient aux Coronaires. Le manque de dents des lobes n’est certainement pas suffisant pour en faire une division particulière. 6. Les Macnocépuazes. Macrocephali. Leur dos est arrondi et se combine avec les côtés sans arête. Les tours de spire augmentent si rapidement, que le dernier iour embrasse ordinairement tous les autres. Il en résulte un ombilic très-profond. La dispo- sition des lobes est ainsi : le lobe ventral , très-grand, est accompagné de deux bras aussi larges que lui; un ou plusieurs lobes auxiliaires les suivent. La division prin- cipale du ventral est opposée au dorsal comme à l’ordi- naire; le lobe latéral supérieur est opposé au bras du ventral. Le lobe latéral inférieur est opposé au premier lobe auxiliaire intérieur , mais il est toujours au-dessus de l’arête arrondie qui représente la pointe des coro- uaires et par laquelle le côté se combine au plan plus on moins vertical, qui joint le dernier tour à celui qui le précède. Voy. fig. 6. Æmmonites macrocephalus Schloih. , des Vaches noires, Calvados. (424 ) t. Am. macrocephalus. Schloth. 5. Æm. sublœævis. Philips. York- 2. — Herveyi, Sow. shire. vr.f. 22. 3. — Bernouilli. Merian. 6. — convexus. Merian. 4. — Gervillii. Sow. 7. — inflatus. Rein. f. 25. — nulfieldiensis. Sow. etc. 7. Les Armées. Armati. Elles sont armées de plusieurs séries de varices ou d'épines sur les côtés , quelquefois aussi sur le dos. Ces séries laissent un espace libre à peu près au milieu du côté dans lequel s'enfonce le lobe latéral supérieur. Il en résulte que le côté reste plan et qu'il n’est un peu bombé que très-rarement. Le dos est souvent aussi large que le côté, et se joint à lui en angle droit, de manière que l’ouverture en devient presque carrée. La selle dorsale est très-large , elle est ordinairement le double de la largeur du lobe latéral supérieur. Les petites selles de ses lobes secondaires sont toutes au même niveau. Le lobe secondaire du milieu de cette selle est assez grand pour pouvoir être méconnu pour le lobe latéral supérieur. Mais celui-ci le surpasse con- stamment très-considérablement et en longueur et en largeur. Voyez fig. 7, À. Æ#mmon. Spiniger Merian, de Zeglingen, canton de Basle, et fig. 7, B. 4mmon. perar- matus , des Vaches noires, Calvados. 1. Am. perarmatus, Sow. 6. — rhotomagensis. Defr. Sus- 2. — catena. Sow. sexiensis. 3. — spiniger. Merian. 7. — monile. Sow. 4. — nodosoides. Schlotheim, 8. — varians. Sow. de Mischelup en Bohême. Q. — coupæi. b. — inflatus, Sow. non Rein. 10. — Birchiü. _ (425 ) 1. Am. longispinus. Th. 13. — Williamsoni. Philips. 1. 12. — histrix. Philips. t. 1. 1v. f. 13. f. 44. 14. — athleta. Phil. t. vi. f. 19. 8. Les Denrées. Dentali. À dos plans et à plis ou côtes saillantes sur le dos sans le passer. 1. Am. noricus. Schloth. Jason. 4. — Duncani. Sow. Rein. 5, — . Gulielmi. 5. — dentatus. Sow. 6. — lautus. 3. — splendens. 9. Les Comrrimées. Complanati. Elles ne présentent que des stries extrêmement fines à leur surface extérieure, sans varices, ni côtes, ni plis saillans. Elles sont ordinairement très-minces , en com- paraison de leur hauteur, embrassantes, de manière qu'on y observe jusqu'à cinq ou six lobes auxiliaires au- dessous du ventral. Les petites selles secondaires, ou la partie supérieure des dents des lobes, est en forme de cuiller, ovale et beaucoup plus grande que la partie inférieure de ces dents, qui est pointue, comme dans toutes les Ammonites. (Voy. notre premier Mémoire , Am. heterophyllus , tome XVII, PI. 11, fig. 4.) 1. Am. heterophyllus. Sow. 3. — rotula. Sow. 2, — complanatus, Rein. 4. — capellinus. Cæcilia. Rein. Dans ces diverses familles ne sont pas compris l4m. capricornus (planicosta Sow. ), ni lAmmon. costatus, Rein (Hawskerensis Philips, xu1, fig. 8), deux Ammo- uites fréquentes et très-remarquables. On n'y trouve ( 426 ) pas non plus l’Æmmon. nodosus de Muschelkalck, V'Æmmon. asper Merian , des marnières de Neufchâtel , le radians Rein. , le Pollux, le Castor , le pustulatus (proboscideus Sow.), ou tant d’autres. Elles attendent d'être examinées plus particulièrement dans leurs rap- ports. EXPLICATION DE LA PLANCHE Vi. Fig. 1. Famille des Béliers. Fig. 2. Famille des Falcifères. Fig. 3 et 4. Famille des Planulites, Fig. 5. 4 et B. Famille des Coronair.s. Fig. 6. Famille des Macrocéphales. Fig. 7. 4, B. Famille des Armées. Explication des lettres pour les diverses familles. L’, lobe latéral inférieur ; L, lobe latéral supérieur: 2, lobe doisal ; F, lobe ventral ; S7, selle ventrale ; SZ , selle latérale; SD , selle dorsale ; a, lobe auxiliaire. Nore sur les Os fossiles de Palæothérium , de Lo- phiodon et de Crocodile, découverts à Provins dans un banc régulier de calcaire lacustre (1); Par M. Naupor, Docteur en médecine ; Inspecteur des eaux minérales de Provins. Avant de décrire nos fossiles, il est nécessaire de jeter un coup d'œil sur le lieu de leur gisement, et sur l’en- (1) La plupart des fragmens de dents atiribués, d’abord par M. Nau- ( 427 ) semble des couches de terrain qui constituent la coiline des Éparmailles, d’où ils sont extraits. À l’orient de la ville, cette colline présente un cap rapide, qui s'élève de 45 mètres environ au-dessus de la rivière Voulzie, domine le bassin de Provins, et sépare le vallon de Saint-Brice de la vallée de la Voulzie. La base de la col- line est formée par la craie , et, comme dans les terrains de troisième formation, c’est le plus ancien dépôt ma- rin que nous puissions observer (voy. PI. 8 ). Un banc puissant d'argile plastique est superposé à la formation crayeuse; vient ensuite un premier dépôt de sable et de grès, recouvert par un banc de pierre calcaire. Le sys- tème des couches qui le compose , l’origine différente de ses précipités , les dépouilles d'animaux extraordinaires ensevelis dans cette roche, répandent beaucoup d'intérêt sur l'étude de l’importante formation de chaux car- bonatée , et méritent d’être décrites avec quelques détails. î Le calcaire est stratiforme : la position des couches est horizontale ; les inférieures les plus rapprochées du sable ne se mélangent point avec lui, aussi la ligne de straüfication est-elle parfaitement distincte ; sa couleur est d’un blanc jaunâtre. C’est une véritable brèche for- mée de fragmens plus ou moins arrondis, manifeste- ment roulés par les eaux ; et, en cela , ils ressemblent aux galets des rivages de la Seine. Ces fragmens sont d’un petit volume ; on y reconnaît des grès fort durs, et dot, à des Palæothériums ou à des Tapirs, ont paru à MM. Cuvier et Laurillard être de Lophiodon. L'existence de ces ossemens dans nu calcaire situé sous le calcaire grossier, est un fait nouveau et très-in- téressant. (R.) ( 428 ) deux variétés de carbonate de chaux, l’une tendre, blanche et crétacée , l'autre très-dure, compacte, d’un brun foncé , provenant évidemment de la destruction de roches préexistantes, dont on ne retrouve pas les ana- logues dans nos cantons ; ils ont été enveloppés par une pâte calcaire, d’un grain fin assez serré, servant de ci- ment à ces différens élémens. Dans le même lieu vi- vaient, à la mème époque, de nombreuses familles de mollusques, qui furent également enveloppés par le précipité calcaire : il ne reste plus d’autres témoins de leur existence que le moule intérieur des coquilles , et leur empreinte extérieure ; quelquefois l'intervalle qu’a- vait occupé la coquille est rempli par des cristaux de spath.La pres que totalité sont d’eau douce, tels que Lym- nées , Planorbes, Hélices ; quelques unes, comme les Cyclostomes, sont terrestres. Dans quelques parties, la roche est comme semée de miliolithes; l’intérieur de ces petits corps sphériques est rempli par des cristaux spathiques. La partie supérieure du banc est coupée à diverses hauteurs par des veines, tantôt de marne blanche, très- minces, peu étendues, tantôt par du carbonate de baryte et de chaux. C’est dans cette roche , et au milieu de ces différens corps, que j'ai trouvé les ossemens de grands animaux. Au-dessus du calcaire lacustre , qui doit évidemment son origine à des alluvions , on rencontre plusieurs lits de marne blanche ; l’assise inférieure est un mélange de carbonate de chaux et de marne , où dominent les frag- mens calcaires ; elle semble être la continuation du dé- pôt précédent. Les couches suivantes sont moins alté- ! (429 ) rées par le calcaire ; on observe ensuite un lit de marne argileuse très-pure , d’une belle couleur verte, sur la- quelle repose une couche de marne jaune. Sur ces divers lits de marne s'appuie un banc de cal- caire marin, à cérithes ; son grain est fin et serré, sa teinte est d’un jaune isabelle , nuancé des plus vives couleurs ; dés veines noires et des cristaux spathiques coupent la pierre dans divers sens, et donnent à ce marbre un aspect très-agréable. À mesure qu’on s'éloigne du lit de marne jaune, sur lequel repose ce calcaire marin, et qui semble lui avoir transmis sa coloration , la teinte pâlit, et les coquilles se multiplient considérablement ; quelques-unes sont entières et ont mème conservé leur éclat nacré, tandis qu’on ne retrouve aucun vestige des autres ; il ne reste que le noyau intérieur et l'empreinte extérieure. Un second dépôt de marne re couvre le calcaire marin, et supporte un banc puissant de calcaire siliceux d’eau douce , où l’on aperçoit çà et là quelques Lymnées : par fois le carbonate de chaux domine, d’autres fois c’est la silice. En général, la silice est prépondérante dans la partie supérieure du banc. Au-dessus du calcaire siliceux , on trouve une couche de sable, etdes marnes alternativement vertes et blanches. Toutes ces diverses formations sont enveloppées par un dernier dépôt terreux , d’un rouge brun , dans lequel on rencontre un minerai ferrugineux assez abondant. (#07. P1.8 , la coupe du cap des Eparmailles.) Les ossemens trouvés dans le banc de calcaire lacusire des Eparmailles se partagent en plusieurs séries : Ja ( 430 ) première comprend un grand nombre de dents aiguës, toutes semblables par leur structure et leur configura- üon; elles ne diffèrent les unes des autres que par la grandeur ; elles sont coniques, striées , légèrement ar- quées; deux arêtes tranchantes se remarquent sur les côtés. Ces caractères suflisent pour déterminer le genre des animaux qui les ont fournis ; ce sont bien certaine- ment des amphibies du genre des Crocodiles. Plusieurs de ces dents ont 22 millimètres de hauteur, et 12 au diamètre de la base , au centre de laquelle on remarque une dépression plus ou moins profonde, mais toujours en rapport avec la grandeur de la dent. La proportion de ces dents annonce qu'elles appartenaient à une grande espèce de Crocodile; d’autres dents ne portent pas plus de trois à quatre millimètres de hauteur ; elles proviennent donc d'individus d’une très-petite espèce. Parmi les dents de Crocodiles, seules portions du sque- lette qui me soient parvenues, il s’en trouve qui n'étaient point encore sorties de l’alvéole lorsque l’animal mou- rut. Nous voici donc en possession de plusieurs espèces de crocodiles, mais il n’est pas facile de les distinguer les unes des autres. La deuxième série ne comprend que deux dents mo- laires, sur lesquelles j'avais cru reconnaître les carac- tères distinctifs des Tapirs, mais que MM. le baron Cu- vier et Laurillard m'ont démontré ètre des Lophiodons ; malheureusement les dents sont mutilées. La couronne est carrée comme chez les herbivores ; ses angles sont fortement arrondis ; à la base est une ceinture saillante ; sur sa surface broyante on remarque deux collines transversales , dont le sommet est usé et laisse voir une ( 431 ) dépression dont le fond est formé par la substance os- seuse circonscrite par l'émail (Pi. 9, fig. 1 et 2). A en juger par la grandeur des molaires , on est en droit de conclure que notre Lophiodon aurait été d’une taille assez grande. Dans la troisième série, j'ai réuni plusieurs espèces de dents. J'avais à ma disposition trop peu de moyens pour assigner la place véritable que les animaux aux- quels elles ont appartenu occupent dans l'échelle des êtres; je me bornerai à en donner une copie fidèle. La PL. o, fig. 3, reproduit une derit molaire qui semble avoir appartenu aussi à un Lophiodon. La figure 4 est une canine du même Lophiodon ; c’est un cône droit, court, reposant sur une ceinture saillante fort large , d'où s'élève de chaque côté une arête saillante légè- rement contournée. J'ai négligé de dessiner un certain nombre d'os plus ou moins mutilés, restés engagés dans la roche, et, entr’autres, un fémur ; leur friabilité est telle qu’ils ne pourraient être débarrassés de la gangue qui les enveloppe, sans risquer de tout perdre. La sub- stance osseuse de nos fossiles est en général d’un brun foncé ; cette coloration est accidentelle, et due évidem- ment à des infiltrations ferrugineuses, car les os qui n'ont point ressenti les atteintes de cette cause sont d’un blanc laiteux très-pur. La quatrième série se compose de plusieurs grandes portions de mâchoires inférieures , arinées de leurs dents et de quelques dents isolées ; l’un de ces morceaux porte quatre dents molaires; une fissure de la pierre a divisé l'os maxillaire et ses dents par sa partie moyenne; un second morceau en montre cinq ; sur un troisième, (432) on en compte sept avec l'empreinte de la presque tota- lité de l'os maxillaire ; les sept molaires ont ensemble 22 centimètres , tandis que l’os a 10 centimètres de lar- geur, mesuré depuis la base de la mâchoire à la partie supérieure des alvéoles. La couronne des molaires est cassée ; à la base règne une ceinture saillante, supportée par des racines très-fortes ; la surface triturante pré- sente de profondes inégalités ; les crêtes qui la termi- nent, lorsqu'elles sont un peu usées, montrent des lignes creuses, où l’on voit la substance osseuse bordée par la saillie de l'émail. (PI: 9, fig. 5 et 6.) Des observations précédentes il résulte, 1°. que la surface de nos environs a subi de grandes et profondes révolutions, et chacune d’elles est empreinte d’un cachet particulier et irrécusable : la plus ancienne que lon puisse constater est due à une irruption marine. Après avoir envahi et recouvert long-temps notre pays, et y avoir déposé tranquillement des bancs puissans de craie, d'argile et de sable, la mer l’a abandonné ensuite pour faire place à une irruption d’eau douce ; cette deuxième période est marquée par la formation d’un calcaire qui enveloppa les innombrables familles de coquillages qu'elle nourrissait, ensevelissant en même temps les animaux qui vivaient sur le sol qu’elle n'avait point re- couvert. La troisième période est caractérisée par le re- tour de la mer dans nos contrées ; elle y laissa pour témoin de son passage les nombreuses reproductions qu'elle nourrit. Enfin, une irruption d’eau douce sub- mergea long-temps encore nos collines et leurs vallées, déposant sur le calcaire marin et ses marnes des bancs puissans de calcaire siliceux , où se voient, mais en petit (433 ) nombre , des coquilles fluviatiles. Avant leur retraite et le déssèchement complet de notre territoire , les eaux douces précipitèrent, à des époques fort rapprochkées , une couche de sable quarzeux et des lits de marne. Telle est la quatrième et dernière période de Fhistoire géologique de nos cantons. 2°. Pendant la durée de la seconde période , s'éteignit la race des Lophiodons , et on peut dire que les Croco- diles ont subi la même loi, du moins pour le continent européen. 3°. La grande question, jusqu'ici très-douteuse , de savoir s’il existe dans une même couche un mélange d'animaux perdus ou antédiluviens, avec des espèces vivant encore à la surface du globe, me paraît donc résolue par l'association des Lophiodons avec les Cro- codiles. Mémoire sur lAcrosiome , nouveau genre de vers vésiculaires ; Par M. Lesauvace, Docteur en médecine. J'adressai, l'an dernier, à la Société philomathique, la description d’un ver vésiculaire inédit, que j'avais ren- contré à l’intérieur , et fixé aux parois de la membrane amunios des vaches. Par sa conformation, ce ver offrait des caractères qui l’éloignaient des genres connus, et J'avais proposé de créer pour lui un genre nouveau sous le nom d’Æcrostome (bouche à l'extrémité), dénomi- nation tirée d'un de ses principaux caractères. À la description de ce ver était joint un dessin repré- XVIIL, 28 (454) sentant “exactement les individus sur lesquels j'avais analysé ‘ses caractèrés j enfin, j j'avais envoyé ces individus eux-mêmes, conservés dans l’esprit-de-vin. | La Société nomma une commission pour lui faire un rapport sur montMémoire , et ce fut, je n’en doute pas, après un examen approfondi, que le rapporteur de la commission conclut qu'on ne pouvait admettre l’exis- tence de l’Acrostome. J'ai, sans doute, la plus entière confiance aux lu- mières du savant rapporteur que la Société avait choisi ; mais sa décision ne pouvait altérer une conviction qui reposait sur des observations multipliées ; cependant j'ai des remercimens sincères à lui adresser , parce qu’il m'a mis dans le cas de faire de nouvelles recherches , et qu'il en sera résulté une histoire plus complète ei bien capable , je pense, de faire rentrer dans des droits légi- timement acquis, un pauvre animal qui, presque en naissant , avait vu sa chétive et bien éphémère existence frappée d'incapacité vitale. Je rapporterai succinctement la description que j'avais donnée de l’Acrostome, et j'y ajouterai les résultats de mes nouvelles recherches. Son corps, qui a de deux à quatre lignes de lon- gueur , est arrondi et divisé par quelques rides superfi- cielles et transversales. Il est terminé par une vessie cau- dale, mais qui n’est point distincte du corps comme dans les cysticerques, son extrémité antérieure ne présente aucun renflement : il est terminé par une ouverture transversale qu’on peut appeler bouche. Les lèvres sont arrondies dans leur pourtour, et elles peuvent fermer la bouche en s'appliquant l’une contre l’autre. (455 ) Les individus de cette espèce éprouvent dans leurs formes des modifications assez variées , et sur trois que j'ai plus particulièrement observés, un seul m'a offert exactement la disposition que j'ai indiquée. Un second avait le corps moins distinct de la vessie caudale dont il se détachait sous la forme d’un cône allongé, terminé par la bouche qui était irrégulièrement bilabiée. Un troisième avait le corps très-grêle , cylindrique, et terminé par deux vessies placées l’une au-dessus de l’autre. On peut corisulter le dessin que j’en donne , et où ils sont représentés dans une proportion double de leur grandeur. Enfin , j'avais reconnu que l’organisation. de ces ani- maux était extrêmement simple. Les cavités du corps et de la vessie qui sont réunis, ne contiennent aucune masse viscérale , et leurs parois n’offrent aucune trace de système vasculaire ou autre. C’est en détachant avec précaution quelques-uns de ces êtres, que je pus facilement connaître leur mode d'adhérence et leurs moyens de nutrition. C’est par la bouche qu'ils étaient fixés à la membrane, et la suc- cion, disais-je, qu'ils y opèrent, détermine l’allonge- ment sous forme de mamelon, du point de cette mem- brane où cette succion a lieu. Ce mamelon se prolonge dans la cavité du corps de l'animal, se moule à sa forme intérieure , et atteint quelquefois plus de la moitié de son étendue. J'avais remarqué que la succion produi- sait un développement des vaisseaux capillaires de ces mamelons , et qu'ils offraient à leur sommet une cou- leur rouge qui allait en s’atténuant vérs la base. ( 436) Après avoir mdiqué que ces êtres, d’une simplicité remarquable dans leur organisation, différaient de quel- ques antres vers vésiculaires {les cysticerques, etc.) qui sont enfermés dans des kystes, tandis qu'ils étaient libres sur la membrane et plongés dans le fluide qu'elle contient , j'ajoutais qu'on pouvait peut-être considérer comme des débris d’enveloppes, des pla- ques irrégulières, blanchâtres , adhérentes sur plusieurs points de la membrane, et tout-a-fait pseudo-membrani- formes , et c'est à ce point, surtout , que mes observa- tions manquaient d’exactitude, puisque, aiusi qu'on va le voir, ces plaques membraneuses sont le ver lui-même aux premiers momens de son développement. Cet animat apparaît sur la membrane comme une tache ou point blanchâtre qui s'étend en largeur, et prend bientôt la forme d’un disque arrondi. Dans cet état, il a souvent l'aspect d’une fausse membrane, mais sa cou- leur se rapproche de celle d’un émail laiteux. Le premier changement qu'éprouve le disque con- siste en un bombement de son centre qui semble se dé- tacher de la membrane , et forme par suite une sorte de bourse. Pour que ce changement s'opère, on conçoit qu'il est nécessaire que la circonférence revieune vers le centre, et seu rapproche successivement. Dans cette rétraction de la ewrconférence , il paraît qu’elle ne glisse point sur la membrane amnios, mais qu’elle la com- prime, la resserre au point qu'elle lui fait faire une saillie en forme de mamelon à l'intérieur de la bourse. Le ver s'allonge de plus en plus. Son corps devient une tige cylindroïde , terminée par la vessie caudale, et 7 ( 437 ) il imprime sa forme au mammelon resserré dans son intérieur. Avant d’être arrivé au degré de développement que je viens d'indiquer, l’Acrostome prend une couleur jaune- mat, qui devient intense de plus en plus. Elle est abso- lument semblable à celle que revêtent les Æcéphalo- cystes dans leurs diverses dégradations, et je suis per- suadé que sa vie ne parcourt pas tout le temps de la gestation de l'animal qui le recèle. Ce ver n'offre pas toujours la forme et le développe- ment que je viens de décrire. Quelquefois le disque acquiert de quatre à six lignes de diamètre ; il devient ovale, plus ou moins allongé, même anguleux, ét je pense que souvent il reste dans un état stationnaire sous ces formes diverses, par l’effet d’une sorte d’avorie- ment, mais la complication qu'on remarque le plus or- dinairement est une agglutination d’un nombre souvent considérable de ces animaux, qui se présentent alors sous l’aspect d’une grande plaque irrégulièrement angu- leuse, surmontée par beaucoup d’ampoules qui sont évidemment les vessies caudales des vers dont le corps n’a pu prendre la forme qui le caractérise lorsqu'ils sont isolés. J'ai rarement trouvé des Acrostomes aussi complète- ment développés que ceux qui furent mis sous les yeux de la Société , et dont je reproduis un dessin. Les vaches pleines , tuées dans nos boucheries , sont à peine parve- nues au troisième ou au quatrième mois de leur gesta- ton , etalors les vers n’out j u atteindre leur état adulte. Je me rappelle qu'au nombre de quelques objections que me lit le savant rapporteur, il témoigna sa surprise ( 458 ) dé ce qu'aucun observateur n'avait encore parlé de ce ver, J'ignore pourquoi ce silence, gardé par les physiologistes qui ont fait avant moi des recherches sur les membranes du fœtus dans les Mammifères. . Cependant l'animal à dû fréquemment s'offrir à leurs regards ; car les nou- veaux individus que j’adresse à la Société ont pour la plupart été trouvés dans troïs utérus qui m'étaient par- venus le même jour. C’est autour de l'insertion cotylé- donaire du cordon , et même quelquefois sur lui, qu’ils sont plus particulièrement agglomérés. Je le répète, l’organisation singulière, mais assez simple, de ces vers , et surtout leurs modes d’adhérence et de nutrition , impriment à ces animaux des caractères spéciaux , bien faciles à déterminer. Je propose donc de nouveau le nom d’ÆAcrostome (bouche à l'extrémité) pour les désigner, et leurs carac- tères génériques seront : Acrostome : Bouche simple, terminale, plus où moins irrégulièrement bilabiée ; corps cylindroïde, légèrement annelé, terminé par une, et quelquefois deux vessies caudales. À l'aide de ces caractères , il sera toujours facile de reconnaître l'espèce , tant qu'elle sera unique: on peut la nommer À. de l’amnios , Æcrostoma amnii. EXPLICATION DE LA PLANCHE, XI. B. Fig. 1. Acrostome fixé à la membrane aminios , et grossi du.double de sa grandeur naturelle. . Fig. 2. Uu autie individu détaché et grossi du double. — a, la mem- brane amnios prolongée en un mamelon ; b , l’Acrostome détaché du imamelen qu'il embrassait exactement, DR de { 459 ) Descrierion du Maillotin (Pupina), nouveau genre de coquilles ; Par M. Vicnann. M. Keraudren , inspecteur-général du service de santé de la marine, ayant bien voulu me donner quelques petites coquilles qui étaient cousues sur un ornement dont se parent les aborigènes de la Nouvelle-Guinée; je les ai examinées avec soin, et je n’ai pas tardé à recon- naître qu’elles constituaient non-seulement une espèce nouvelle , mais qu'il fallait en faire un genre nouveau, à cause des caractères bien tranchés qu’elles présentent, L'aspect de cette petite coquille rappelle un Maillot ou un très-petit Bulime. La courbure de son bord droit en demi-cerele qui forme la moitié de la bouche, mais sur- out la fente qui sépare les bords à gauche , et le pli ou plutôt la lamelle dentiforme qu’on voit au côté opposé, sont les traits les plus caractéristiques de cette coquille: La fente du bord gauche, qui n’a aucun vestige de saillie , pourrait être assimilée à l’échancrure des Buc- cins si elle était large comme cette dernière , et située à l'extrémité antérieure; mais ici la fente est étroite et linéaire à l'intérieur de la coquille , tandis qu’extérieu- rement elle est évasée, surtout à son sommet , où elle devient infundibuliforme. Quant à la lamelle dentiforme qu'on voit intérieurement au côté opposé, elle paraît un vestige des dents souvent très-nombreuses qu’on remar- que dans les Maillots , ou bien peut-être elle représente ( 449 ) ces callosités décurrentes qu’on remarque dans quelques Olives et beaucoup d’autres genres. On doit regretter que l'animal de cette coquille ne soit pas connu. Je suppose qu’elle vit sur le bord des lacs ou des rivières de la Nouvelle-Guinée. Je propose de caractériser ce genre de la manière sui- vante : Coquille turbinée, ovale; ouverture profondément fendue ; columelle recourbée, tronquée. L'espèce unique qui a servi à l’établissement du genre n'atteint pas 3 lignes de longueur; je l’ai dédiée à M. Keraudren (Pupina Keradrini), et je lui donne pour caractères : Coquille turbinée, ovale , cornéo-calcaire, mince, semi-transparente , lisse, luisante ; spire rétuse, à som- met papillaire ,à cinq tours un peu convexes. Ouver- ture ronde, marginée , une échancrure au bord gauche, évasée extérieurement ; une Jlamelle denuiforme au côté droit. Columelle tronquée, recourbée , très-faiblement calleuse à sa base. EXPLICATION DE LA PLANCHE XI. C. Fig. 1 Maillotin vu du côté de la bouche. Fig. à. Le même vu du côté opposé. — & , grandeur naturelle ( 441 ) Essai d’un Tableau géognostique de l'Oural; Par À. G. Kurrrer (1). (Extrait lu à l’Académie des Sciences à Saint-Pétersbourg, le 29 avril 1829. ) La surface du pays compris entre le Volga et les mon- tagnes de l’Oural, dans toute l'étendue où je l'ai exa- minée, est formée d’une roche calcaire secondaire, entremêlée de gypse; les roches primitives et intermé- diaires qui composent la chaîne de l’Oural, sortent pour ainsi dire comme d’une fente , qui a rompu le terrain calcaire dans la direction du sud au nord. La roche calcaire est partout compacte , d’une cassure raboteuse , d’une couleur blanc grisätre , de peu de dureté , quelquefois même friable ; elle est disposée par- tout en couches plus ou moins horizontales, quelquefois très-minces. Dans quelques endroits elle alterne avec du gypse, par exemple à Serguievsk (eaux sulfureuses), et dans les environs de Bougoulma. Quelquefois le gypse remplit des cavités dans la roche calcaire, par exemple à Akbach, sur la route de Bougoulma à Oufa. Près de la ville de Kazan, au pied de la citadelle, on trouve quel- ques bancs d’un grès calcaire, et on verra dans la suite que les dépôts de silice se rencontrent assez fréquem- ment dans cette formation. Dans cette vaste contrée, les roches qui forment la base du sol percent rarement jusqu’au jour ; elles sont ordinairement recouvertes d’une couche épaisse d'argile (1) Ce Mémoire nous a été remis il y à quelques mois par M. Arago; 1 LP = , * . , nl mais l'abondance des matériaux ne nous a pas permis de Pinsérer plus tot, ( R.) ( 442 ) rouge : les grandes rivières seulement, le Volga et te Kama , se sont creusé leurs lits jusque dans la roche calcaire qui forme quelquefois, à leurs rives droites, des pentes rapides, de 200 pieds de hauteur (1). Mais lors- qu'on s'approche de l’Oural, en s’avançant vers l’est , et même encore avant Oufa, le pays devient montagneux. A Acbach, près de Bougoulma , la roche calcaire s'élève en collines escarpées et en même temps arrondies , qui ressemblent beaucoup aux montagnes de calcaire co- quillier de l'Allemagne (Muschelkalkstein), et dont les pentes arides, recouvertes çà et là d’une verdure fanée , contrastent d’une manière agréable à la vue avec les couleurs fraîches de la vallée. On trouve rarement des pétrifications dans la roche calcaire de cette contrée : on dit cependant qu'il s’en trouve une grande abondance sur plusieurs îles du Kama. Le terrain calcaire est traversé par un grand nombre de grandes et de petites rivières , qui cependant se réu- nissent toutes dans la vallée du Volga. Les rives de ce grand fleuve méritent une description particulière ; ce sont ici les seuls points où l’œil de l'observateur peut pénétrer jusqu’à une profondeur considérable. La rive droite du Volga est partout élevée, et plus ou moins escarpée; la rive gauche, au contraire, forme (1) Par exemple à Tetiouche, petite ville à 3o lieues au midi de Kazan, sur le Volga, dans une situation pittoresque. Dans le baromètre que j'avais emporté avec moi , le mercure baissait jusqu’à 743mm,6 à la tem- pérature de 210,6 sur le point le plus élevé de la montagne, tandis qu'il se tenait, sur la rive du Volga, à 751"5%,4 à la température de 2920 + cent. _ (443) üne steppe étroite et longue , limitée du côté de l'est, et à la distance d’une lieue et davantage , par une chaine de collines. Dolgopolène, petit village sur la rive droite, situé à une petite distance de Tetiouche , est élevé de 500 pieds (1) au-dessus du niveau du Volga. Sur la rive gauche du Volga, les collines de Matouchkina, à 5 lieues de Kazan , ne s'élèvent qu’à la hauteur de go pieds; la hauteur, qui est recouverte des ruines de Bolgari , l’an- cienne capitale des Bolgares, au confluent du Volga et du Kama, a 130 pieds; la montagne enfin sur laquelle est bâtie la citadelle de Kazan, s'élève de S0 pieds au- dessus du niveau du Volga. La contrée la plus intéressante sous le rapport géo- gnostique, dans les environs de Kazan, est celle de Sou- keïeva , grand village sur la rive droite du Volga, habité par des Staroverzi (d’ancienne croyance, secte très- nombreuse dans l’est de la Russie}, à 25 lieues au midi. de Kazan. Le village est situé dans une plaine, entre- coupée de petites collines ; en la traversant de l’ouest à l’est, on se trouve sans s’y attendre sur le bord d'un précipice , au pied duquel le Volga coule lentement. Un sentier étroit et escarpé conduit à la rivière, qui forme ici une espèce de rade. Ces pentes rapides , sur la rive droite du Volga, sont composées d’une roche calcaire compacte, argileuse et grisätre, qui alterne très-irrégulièrement avec du gypse; ce dernier y est plutôt disséminé en masses arrondies et plus où moins grosses, d’une blancheur éblouissante ; il est le plus souvent d’une texture lamelleuse et très- (1) Toutes ces données reposent, comme la précédente, sur des mesures birométriques. 2 (444 ) rarement fibreuses. La roche calcaire enveloppe en même temps des masses irrégulières d’un jaspe argileux blanc, qui prennent quelquefois la forme de géodes sphériques ou ellipsoïdes ; quelquefois elles contiennent un noyau de chaux sulfatée laminaire , d'une transpa- rence parfaite. Les cavités de la roche calcaire sont sur plusieurs points remplies de soufre natif, cristallisé dans les formes connues. Là, où la roche calcaire s’est déposée en couches très-minices, et où des fentes nombreuses la traversent dans le sens de ces couches, la quantité de soufre, qui en tapisse l'intérieur, n’est pas seulement très-considérable, mais il est encore accompagné d’unt substance bitumineuse noire et visqueuse, d’une odeur pénétrante, qui imbibe la roche, et qui se rassemble çà et là en petites gouttes, Les sources qui jaillissent de ces roches se chargent de soufre et de pétrole, et sont em- ployées alors pour guérir des maladies rhumatismales. Non loin de ces eaux sulfureuses on trouve une caverne, dans laquelle on descend par une ouverture assez large ; l’eau, qui en remplit le fond, est glacée pendant la plus grande partie de l’année; ce qui est assez difficile à expliquer , vu que la température du sol, dans cette contrée, s'élève constamment de plusieurs degrés au-dessus du point de congélation de l’eau. La seule cause probable qu’on peut assigner à ce phéno- mène, qui du reste se répète sur plusieurs points du globe, est que l’air froid, qui, pendant un hiver long et rigoureux, s’accumule dans les profondeurs, à cause de sa plus grande pesanteur spécifique, se renouvelle avec une grande difliculté pendant l'été; c'est ainsi que les puits profonds présentent presque toujours une tem- (44 ) pérature moyenne plus basse que celle des sources environnantes. Le voyageur, qui visitera après moi ces contrées, fera bien de suivre encore le cours du Volga, jus- qu'aux moulins de Malastvof; ici, la rive de ce fleuve s'élève à sa plus grande hauteur ; en montant la vallée étroite , dont le fond est occupé par un petit ruisseau qui se jetie dans le Volga, on se voit entouré de préci- pices, couronnés de bois de sapin, et on atteint avec beaucoup de fatigue la plaine de Dolgopolène, village dont nous avons déjà parlé, et qui est élevé de 500 pieds au-dessus du niveau du Volga. La vallée du Volga n’est pas la seule où les produits de l’activité souterraine se soient frayé un chemin jusqu’à la surface. À 12 lieues de Kazan, dans les terres de M. le général Tchortof, on a découvert plusieurs sources sulfureuses , que j'ai eu occasion d’examiner ; elles sourdissent au milieu des marais qui occupent les par- ties les plus basses de la vallée , et sont très-faibles, à cause de la grande quantité d’eau douce dont elles sont mélées; elles tiennent beaucoup de gypse en dissolu- tion, et déposent, en coulant , un mélange de gypse et de soufre. On trouve encore plusieurs sources sulfureuses le long du Soka , qui se jette dans le Volga ; les plus abon- dantes sont ceiles de Serguievsk, à 70 lieues au midi de Kazan. Les eaux contiennent une quantité assez considé- rable d'hydrogène sulfuré ei d'acide carbonique ; elles dé- posent également du soufre, de la sélénite en petits cris- taux, et de la chaux carbonatée ; elles sortent d’une roche calcaire qui alterne avec du gypse. Dans les bas-fonds (446 ) qui environnent ces sources, on trouve souvent des amas d’eau douce, dont le fond est recouvert d’asphalte qui se renouvelle de temps en temps, et dont les parties les moins visqueuses montent à la surface de l’eau, La température moyenne des sources sulfureuses s’é- lève un peu au-dessus de celle des sources d’eau douce de la même contrée, ce qui prouve que les premières tirent leur origine d’une profondeur considérable. La température des eaux sulfureuses est de 6°: R., c’est- à-dire exactement la même que Pallas a trouvée il y a quarante ans ; elle varie extrêmement peu d’une saison à l’autre. On voit que la constitution géologique du pays , com- pris entre le Volga et la chaine de l’Oural , est très-uni- forme. Les formations ne changent, sur le parallèle de Slatoouste , qu’à Aïlina, petit village à une lieue et demie à l’ouest de la forge de Satka, et à 20 lieues à l’ouest de la chaîne de l'Oural. En s’avancçant d'ici vers l’est (sur le parallèle de 55° à peu près ), les roches se suivent dans l’ordre suivant : Non loin du village cité, une roche calcaire intermé- diaire , grise et compacte, s’élève à des hauteurs consi- dérables ; elle est traversée par l’Aï, rivière qui se jette dans l'Oufa, et communique par la Bélaïa et le Kama, avec le Volga. Des rocs taillés à pic, des crevasses pro- fondes, des précipices perpendiculaires de 500 pieds de hauteur , caractérisent cette formation ; elle n’a pas une grande étendue, et est bientôt remplacée par un grès intermédiaire, sur lequel elle semble reposer, et qui re- pose à son tour sur le micaschiste, dont nous allons parler tout à l'heure. Ce grès forme des montagnes de (447) 500 pieds de hauteur au-dessus du niveau de la mer, et s'étend sur une longueur considérable, dans la direc- tion du sud-ouest au nord-est; c'est en mème temps la direction générale des couches dans toute cette partie de l'Oural. Le grès intermédiaire repose ordinairement , comme nous l'avons déjà dit, sur le schiste micacé, qui forme une chaine de montagnes particulière, et parallèle à celle de l’Oural proprement dit; quelquefois cependant il en est séparé par des couches de schiste argileux, alternant avec une roche psammitique. La chaine de micaschiste, qui, dans les environs de Slatoouste, se partage en trois élémens, portant des noms différens, Ourenga, Taganaï et Yourma, comprend les crêtes les plus élevées de l’Oural ; le Taganaï, par exemple, atteint une hauteur de 3500 pieds au-dessus du niveau de la mer, et de 2300 au-dessus de Slatoouste; tandis que la chaîne de l'Oural, proprement dit, n’est élevée , à Sla- ioouste, que de 2000 pieds au-dessus du niveau de l'O- céan, Elle est séparée de cette dernière chaîne par une vallée étroite, dont le fond est occupé par la forge de Slatoouste. Les couclies du micaschiste sont presque per- pendiculaires et très-peu inclinées vers l’ouest ; elles sont traversées par des couches épaisses de quarz, qui, ayant mieux résisté à la décomposition, forme souvent des crêtes très-escarpées et presque inaccessibles, sur les sommets des montagnes citées. La pente occidentale de l'Oural est formée du même schiste micacé , qui compose la chaîne de l'Ourenga et du Taganaï. Elle est séparée de la chaine de l'Gurenga par une large vallée que l’Aï parcourt dans toute sa lon ( 448 ) gueur, c’est-à-dire, dans la direction du sud-ouest au nord-est. Dans cette vallée, on trouve cà et là des couches d’un grès qui contient beaucoup de carbonate de chaux, et qui atteint à peu près la même hauteur que le grès intermédiaire à l'ouest de Slatoouste , dont nous avons déjà parlé ; on y trouve aussi des dépôts considérables de fer oxidé hydraté, etenfin (comme si dans l’Oural aucune chaîne de hauteurs considérables ne pouvait exister, sans être accompagnée, à l’est, d’une ligne parallèle dé masses granitiques) des couches étendues d’une roche grani- tique très-remarquable, sur laquelle nous reviendrons encore. En descendant la pente orientale de l'Oural , on ren- contre le mème schiste micacé qui eonstitne sa pente occidentale ; mais il alterne ici avec des couches de roche amphibolique et de granite; ces couches sont toujours encore inelinées vers l’ouest, de sorte qu’une partie du micaschiste semble reposer sur lamphibole ; il faut cependant observer que toute cette partie de l’Oural est couverte de bois, et qu'on ne peut examiner les points de contact des deux roches en question. La pente orientale de l'Oural est très-douce, et con- duit insensiblement à une plaine entrecoupée de collines isolées et ne formant point de chaîne; ce sont partout des roches dioritiques, serpentineuses, amphiboliques et des calcaires intermédiaires. Miars, le centre de l'exploi- tation de l'or de lavage dans cette partie de lOural, est environné de ces formations ; l’or se trouve disséminé dans leurs débris. Ici les couches sont inclinées vers l'est; leur direction est encore la même, c’est-à-dire celle du sud-ouest au nord-est; la diorite et la serpen- ( 449 ) une compose les hauteurs les plus considérables; la roche calcaire occupe les points les moins éievés. La roche cal- caire de cette contrée ressemble tout-à-fait à celle de Satka , à l’ouest de la chaîne de l’Oural. Lorsqu'on s’avance encore plus vers l’est, on ren- contre enfin, au-delà de Miars, une chaîne particulière de montagnes granitiques, connues sous la dénomination de montagnes d’Ilmène. Cette chaîne est parallèle à celle de l’'Oural proprement-dit; elle-est d’une moïndre hauteur, et déchirée en plusieurs portions ; la roche qui la forme offre une grande variété dans sa composition ; le feldspath est toujours prédominant; on y trouve beau- coup de mica et peu-de quarz; les zircons, l’éléolithe, ler fer titané jet magnétique, la topaze, l’émeraude, en sont. les élémens accidentels les plus remarquables. Plus au nord, le granite est souvent interrompu, ou plutôt remplacé par d’autres formations paralièles. Ces roches granitiques reposent généralement sur le calcaire inter- médiaire dont nous avons parlé tout à l’heure; c’est la dernière des roches intermédiaires. Leigranite intermé- diaire, de l’Oural a une grande analogie avec la siénite’ zirconifère de Norwége ; mais je n’ose lui donner le nom? de siénite, parce qu'il ne contient point ou presque point d'amphibole. BE La! coupe géologique de lOural , que je viens de donner, est celle de Slatoouste; c’est la seule que! j'aie’ pu examiner avec quelque som. Vers le nord , l’obsérva- teurrencontre plus d'obstacles, les montagnes s’abaïsseñit considérablément.et se couvrent d’une couche épaisse de terre végétale , qui rend impossible toute’ observation suivie. Au reste, l'Oural présente dans tonte sa longuéur XVIL. 21) ( 450 ) une grande analogie de composition ; c’est partout à peu près le même ordre général, et il n’y a des différences que dans l’étendue des formations , dans la hauteur à laquelle elles s'élèvent, et dans la proportion des élé- mens qui composent ces roches diverses. Après avoir donné un tableau général de la constitu- tion géologique de FOural , il me reste encore à en dé- velopper les détails, d'autant plus nécessaires, que la multiplicité des observations doit ici suppléer à leur inco- hérence. 1. Micaschiste. Le micaschiste ( glimmerschiefer ) compose les éléva- tions les plus considérables de lOural. L’Ourenga, le Taganaï, le Yourma, qui forment, comme nous lavons déjà dit, une chaîne de montagnes particulière et paral- lèle à celle de l’Oural proprement dit, en sont composés ; la chaîne de l'Oural même, près de Slatoouste, en est presque entièrement formée dans les environs de Cathe- rinenbourg seulement, et au-delà vers le nord , le mica- schiste s’abaisse tellement, qu'il ne partage plus les eaux; et les roches de ce qu’on appelle dans ces con- trées la crète de l’Oural, appartiennent aux formations dioritiques. Le micaschiste des environs de Slatoouste est ordimai- rement très-riche en quarz. Des masses énormes de quarz pur, ou légèrement micacé (aventurine), forment les sommets des principales montagnes dans les environs de Slatoouste. Le micaschiste du Taganaï s'élève en une pente douce, de sorte qu’on la peut monter com- modément à cheval; mais, arrivé sur la hauteur , qui (451) forme un plateau long et étroit, on se trouve encore au pied d’un rocher de quarz escarpé et nu, de près de 500 pieds de hauteur, sur lequel on grimpe avec la plus grande difiicalté, et sautant d’un bloc à l’autre, on est conti- nuellement exposé au danger de se précipiter dans une crevasse. Ce rocher est déchiré en trois portions, dont celle du milieu est la plus haute, et forme une crête allongée; ses pentes perpendiculaires sont couvertes de blocs énormes , qui semblent s'être détachés du sommet par l'effet de la décomposition. Le schiste micacé du Taganaï est remarquable par les grenats et les stauro- üdes, qu'il contient en grande quantité. Les grenats sont d’une couleur rouge sombre , et tellement enve- loppés par le mica, qu’on ne distingue pas leur forme extérieure ; la staurotide est noire, et se rencontre quel- quefois en cristaux croisés. La chaîne du Taganaï est séparée par une vallée pro- fonde des montagnes de Narimsky, qui offrent une com- position semblable; c’est encore un schiste micacé, por- tant sur le sommet un rocher de quarz. Non loin d'ici on a trouvé, comme au Taganaï, mais à une élévation beaucoup moindre, des grenats qui ont quelquefois un peu de transparence, et qui offrent presque toujours une forme extérieure régulière; il paraît qu'ici la roche a pu cristalliser plus tranquillement , toutes ces masses ayant été déposées dans une excavation. Les grenats rem- plissent ordinairement les fentes et les cavités d’un schiste chloriteux, qui semble former une couche dans le schiste micacé; la terre végétale et les arbres qui la couvrent empèchent d'en juger avec certitude. On y trouve aussi de la chlorite en 1rès-heaux cristaux et de ( 492) l'épidote ; mais ce qui mérite particulièrement l’atten- tion de Fobservateur, c’est une roche calcaire blanche ét cristalline, qu'on trouve à une petite distance de là, dans la mème excavation ; cette roche me paraît devoir son aspest cristallin au contact du schiste chloriteux ; nous allons voir plus tard que ce phénomène se répète sur plusieurs points de l’'Oural. À une lieue de Slatoouste, vers l’est, sur la route de Mars, où l’on traverse la Tesma, on trouve une roche granitique remarquable, dont nous avons déjà fait men- üon, et qui a quelque analogie, sinon dans son aspect, au moins dans sa manière d’être , avec la roche granati- fère, dont nons venons de parler; ces deux formations interrompent la monotonie des roches micacées, et s’é- tendent dans les excavations et crevasses de celles-ci, qu'elles ont peut-être traversées de bas en haut. Cette roche granitique est composée d’un feldspath très-blanc et compacte, d’un mica verdâtre, et d’une petite quan- tité de quarz ; on y trouve disséminés du grenat rouge, des prismes hexaèdres d’émeraude blanche verdàtre, et de petites masses microscopiques d’une substance bleue, peut-être de tourmaline. Nous avons déjà parlé d’une autre couche très-éten- due de granite dans le schiste micacé, sur la pente orientale de l’Oural proprement dit. Ce granite est d’un grain fin, il est presque entièrement composé de feld- spath et de mica, le quarz n’y entrant qu’en petite quan- cité; le,mica même y est disséminé en petites paillettes seulement, mais qui se font distinguer par leur couleur noire ; il se dispose souvent en couches, et, dans ce cas, le granite ressemble au gneiss. ( 453 ) Amphibole, diorite et serpentine: Ces trois roches passent insensiblement les unies dans les ‘autres, ‘et alternent d’une manière très - variée. Entre les chaines dé l’'Oural et de V'Tlmène, dans les environs de Miars, sur une largeur de’8 lieués à peu près, elles composent des collines peu élevées; plus au midi cependant, aux montagnés de Narali, elles atteignent la hauteur de 1500 pieds, et formént une chaine de peu d’étendué et parallèle à celle de l’Oural. Vers Catherinenbourg et Nigeney-Taguilsk, cette fôr- mation s’élargit considérablément en $’abaiséant. Dans lé nord, aux environs de Bogoslowsk et au-delà, elle se relève de nouveau et compose les hauteurs Les plus con- sidérables de cette contréé. TES a. La sérpentiné de Sirostan, entre Slatoouste et Miars, sur la pente orientale de l’Oural, FREE évi- demment sur le schiste micacé. La serpentine se mêle quelquefois au diorite, avec lequel elle alterne, ét form alors une roche intermédiaire qui ‘a l'apparence d’ün porphyre à base de serpentine. ei dr À Anninsky, au pied d’uné montagne nomméé Oucl koul, la serpentine est mêlée de diallage et dé petits cris- taux de fér oxidulé. Cette Serpentine est éminemment magnétique; plusieurs des monticules qu’elle compose agissent très-fortement sur l'aiguille aimantée, et la re- tournent complètément (de 180%). La base de l'Ouch- koul est composée de cette même serpentine à diallage métailoïde , mais le sommet est formé de quarz grossier ;, cetle montagne s'élève à 2000 pieds au-dessus duniveau de la mer. (454 ) La serpentine est fréquemment entrecoupée de couches d’asbeste ; elle alterne avec du tale schistoïde. Une roche talqueuse particulière, qui sert de gangue à l'or natif de Beresow, et qui a été nommée bérésite par les miné- ralogistes de l’Oural, mérite une description particulière. Beresow. est à 4 lieues au nord-est de Catherinenbourg ; c’est la seule mine d’or de l’Oural où ce métal précieux soit exploité dans sa gangue, et où il ait conservé son gisement originaire. Les collines qui environnent cette mine consistent en diorite, en partie schisteux, et en chlo- rite schisteuse , dont les couches sont dirigées dn sud- ouest au nord-est; la bérésite y forme deux ou trois couches étendues , traversées de filons de quarz, paral- lèles entre eux, et perpendiculaires à la direction des couches de bérésite ; l’or natif est disséminé dans les cavités de ce quarz. La bérésite paraît être une espèce de tale endurci (1), elle est d’une couleur blanche jaunàtre; tantôt elle semble composée de petites paillettes de tale, tantôt elle offre plutôt l'apparence d’un grès; elle est toujours plus où moins grasse au toucher et tenace; on la rencontre cependant souvent dans un état de décom- position, qui la rend mème friable entre les doigts ; des points d’oxide de fer, et quelquefois mème de petits cristaux de fer sulfuré passé à l’état d'hydrate d'oxide, sont disséminés dans sa masse. L'or contenu dans les cavités du quarz s’y trouve, tantôt isolé, tantôt enve- loppé d’oxide de fer ou mème de fer sulfuré. Les plombs chromaté et phosphaté, accompagnés de (1) Plusieurs géologues ont peñsé'que cette roche était un granile décomposé; mais je ne conuais aucune observation sur laquelle on pourrait établir cette hypothèse. (455) plomb sulfuré et carbonaté, se rencontrent égalemernit en couches dans la bérésite. b. Le diorite de l’'Oural est ordinairement d’un grain fin, et ne se distingue ordinairement des roches am- phiboliques pures, que par une couleur plus claire; dans le nord de l’Oural seulement , dans les environs de Bazoslowsk, aux montagnes de Konjakowsky , les deux élémens du diorite se séparent; ce sont ici des gros cris- taux d’amphibole noire enveloppés dans une pâte com- pacte de feldspath. Au pied du Blagodat, montagne de fer oxidulé, près de Kouchva, le diorite est très-tenace et d’un grain très-serré; cette masse, d'un vert très- sombre, enveloppe des cristaux d’amphibole , et res- semble à quelques variétés de basalte. À Bogoslowsk, on a rencontré un diorite amygda- loïde, dont les cavités sont remplies de mésotype; à Neviansk enfin, et dans d’autres endroits, les cavités de cette roche sont remplies de chaux carbonatée. c. L’amphibole de l'Oural est presque toujours com- pacte et rarement lamellaire, comme à Catherinenboursg ; il accompagne constamment le diorite et la serpentine. L'or de lavage , dont nous parlerons dans la suite, est toujours accompagné de pierres roulées de diorite , d’am- phibole et de serpentine. 3. Roche calcaire intermédiaire. La roche calcaire de l’Oural porte tous les caractères du calcaire intermédiaire; elle est très-compacte, tenace, d’une couleur grise ; elle présente quelquefois des cavernes d’une profondeur considérable ; elle renferme, quoique assez rarement , des orthocératites , et d’autres coquilles ( 456 ) de la même époque. C’est dans la roche calcaire, ou plutôt sur les points de contact de cette roche avec les roches dioritiques , que la nature a déposé les mines de cuivre qui forment une des principales richesses de l'Ou- ral. À Bogoslowsk, de cuivre natif et oxidulé, le cuivre carbonaté vert, le cuivre sulfuré, etc:, sont disséminés dans une roche calcaire recouverte 'de diorite ou d’un grenat compacte, qui constitue une formation très-re- marquable et parallèle à celle du granite intermédiaire, dont nous parlerons tout à l'heure. Il me parait très- digne de remarque , que la roche calcaire intermédiaire , qui est ordinairement compacte , prend ici, ét dans d’autres endroits où elle est en contact avec une forma- tion granitique intermédiaire, une texture cristalline; il est visible que la roche granitique , ou celle qui la rem- place, lorsqu'elle fut déposée sur la roche calcaire, agis- sait sur celle-ci physiquement et sans altérer sa compo- sition, ce qu’elle ne pouvait faire que par la chaleur ; au moins ne connaissons-nous pas une autre matière qui puisse pénétrer les corps, et changer la disposition de lenrs molécules, sans altérer leur composition chi- mique. Les riches mines de: cuivre de Nigeney-Taguilsk se trouvent également dans une roché calcaire lamellaire ; recouverte de fer oxidulé en roche, qui, dans cette con- trée, forme des montagnes entières; nous verrons plus tard que le fer oxidulé en roche est une formation paral- lèle à celle du granite intermédiaire. Les substances mé: talliques se rencontrent éncore ici sur le contact des deux formations ; et pénètrent presque également l’une et Vauire, car on trouve dans les couches inférieures du = = — (7457) fer oxidulé une si grande quantité de cuivre, qu'on l’exploite avec avantage. 4. Roches quarzeuses , grès intermédiaire , psammite, schiste argileux. Le grès intermédiaire contient toujours beaucoup de carbonate de chaux; c’est pour ainsi dire un quarz poreux qui s’est imbibé de carbonate de chaux ; quelquefois ce quarz est tout-à-fait pur et compacte. Le quarz grossier , qui compose le sommet de la montagne d’Ouchkoul!, près d’Anninsky, au midi de Miars , que nous avons déjà citée, contient de petits cristaux de chaux carbonatée, qui sont disséminés dans sa masse. Voilà donc encore du carbonate de chaux qui devient cristallin au contact d’une roche serpentineuse. Le psammite et le schiste argileux ne sont pas très- fréquens à l'Oural, et ne méritent pas une description particulière. 5. Granite intermédiaire. J'appelle ici granite intermédiaire une roche composée comme le granite, mais qui ; dans ses rapports géognos tiques, ressemble à la siénite zirconifère de RME L comme on va le voir tout à l'heure. Le granite intermédiaire forme une chaîne de môn- tagnes particulière, qui s'étend à l’est de l'Oural , paral. lèlement à sa direction. C’est à Miars et à Verkhotourié que cette formation atteint la hauteur la plus considé- rable ; sur les autres points, elle s’abaisse et se cache sous la terre végétale, ou est remplacée par d’autres. roches semblables par la place qu’elles occupent dans P p q P ( 458 ) l’ordre des superpositions, mais différentes par rapport à leur composition; par exemple , la roche magnétique (fer oxidulé en roche), et le grenat compacte dont nous avons déjà parlé. À l'est de Miars, le granite intermédiaire compose les montagnes d’Ilmène, devenues si célèbres par les dernières découvertes ; il s’y élève, tantôt en collines d’une forme très-irrégulière , tantôt en plateaux entre- coupés de bas-fonds marécageux. La couche de terre végétale qui la couvre est quelquefois mince, et la dé- composition, causée par le contact de l'atmosphère, ne pénètre pas bien avant dans la roche; mais le plus ordinairement , elle est recouverte de forêts. La composition du granite intermédiaire des mon- tagnes d’[Imène est très-variée, et change plusieurs fois dans un espace très-limité. Il est ordinairement d’un grain très-gros sur les points les plus bas, et c’est ici qu’on rencontre les zircons, les spinelles, et tant d’autres espèces minérales remarquables ; au sommet des mon- tagnes , le grain de cette roche est plus fin, sa compo- sition plus simple ; elle s’y dispose souvent en couches, qui sont dirigées vers le nord-est et inclinées vers l’est. Le feldspath blanc domine toujours dans sa composi- tion ; l’amphibole s’y rencontre en très-petite quantité, à moins qu'il n’y forme des couches séparées ; le mica est toujours d’une couleur noire; le quarz s’y rencontre en assez grande quantité, et sous des formes variées. Les mines de zircon les plus rapprochées de Miars en sont éloignées d’une lieue et demie, et sont situées dans le voisinage du lac d’'Ilmène. On trouve ici, dans plusieurs fosses de quelques pieds de profondeur, creusées dans ( 459 ) la roche , à peu de distance l’une de l’autre, première- ment un granite, dont le grain est d’une grosseur mé- diocre, composé de feldspath blanc , de mica noir, d’é- léolithe et d’un peu de quarz, avec des zircons disséminés dans la masse. Les zircons sont nettement cristallisés, d'une couleur brune, rarement transparens : il yen a d'un pouce de longueur. Un peu plus loin, le même feldspath en masses laminaires de dimensions très-consi- dérables ; le même mica noir en tables hexaèdres plus ou moins régulières , d’un à deux pieds de circonférence ; de l’éléolithe en masses plus distinctes , et traversées de veines bleues de lazulithe outre-mer, qui présente sur quelques points un clivage assez net, dont les joints font un angle de 120° entre eux. A la distance d’une lieue ou deux de ces mines , on en trouve d’autres où les zircons se trouvent aussi en grande abondance; un peu plus haut, en montant la colline , on rencontre le spinelle disséminé dans le même feldspath blanc et laminaire, avec un peu de mica uoir ; un peu plus loin, on découvre une nouvelle espèce minérale semblable à la gadolinite , et composée , selon une analyse récente , de titane et de zircon ; enfin, de la chaux phosphatée, du fer titané, du fer oxidulé. Au pied de cette colline , on trouve une masse considérable d'amphibole rayonné, entremèlé de mica couleur de bronze, et contenant quelquefois des cristaux microsco- piques de zircon : sur la hauteur méme le mica du gra- uite se dispose en couches, à la manière du gneiss. A deux lieues d'ici, dans une vallée serrée de toutes parts de montagnes escarpées et couronnées de bois, on trouve des blocs de la même roche, avec du corindon harmo- ( 460 ) phane, en morceaux irréguliers, d’un pouce et davantage de diamètre, d’une couleur brune foncée; la chaux phosphatée et le fer titané, en très-gros cristaux, s’y ren- contrent plus fréquemment. Il ÿ à une caverne remar- quable sur la hauteur la plus proche; des morceaux, que je détachaï des blocs circonvoisins, présentaient des cristaux cylindroïdes dé chaux phosphatée , enveloppés dans une roche calcaire devenue lamellaire : voilà donc encore une roche calcaire devenue cristalline par le contact du granite. Cette localité mérite d’être examinée avec plus de soin : toute cette masse paraît être soulevée par le granite; la roche calcaire ne s'élève nulle part dans les environs à cette hauteur. Non loin d'ici, on a trouvé des topazes incolorés , et même des bérils, dont j'ai vu un échantillon à Miars. Le lac d’Ilmène est entouré vers l’est d’une chaîne de collines demi-circulaire , de peu d’élévation , et entre- coupée dé fondrières qu’on ne peut passer qu'à cheval et avec difficulté. La roche qui compose ce terrain est un granite qui appartient certainement à la même formation que’ le granite intérmédiaire dont nous avons parlé; le feldspath y est quelquefois d’une belle couleur verte (pierre d’amazones), le quarz est ordinairement brun ou noir, et Le mica noir. Outre les zircons et le fer titané ; on y rencontre des topazes, du grenat, de là chaux phosphatée , et très-rarement de la titanite. Le feldspath blanc a quelquefois une texture rayonnante et excen- trique , et il est alors souvent coloré en brun par le fer tilané, ce qui lui donne l'apparence de l’anthophyllite. Nous citerons encore ici une autre formation remar- quable qu’on trouve à Kychiim , à 25 lieues au nord de ( 467 ) Mars , disposée en blocs ou en pierres roulécs dans les sables aurifères : c’est un feldspath compacte et blanc, qui enveloppe des cristaux de corindon bleu. A: Verkhotourié, le granite consiste presque. seule- ment en un feldspath laminaire blanc, avec peu de mica et encore moins de quarzet de grenat. C’est sur la rive gauche de la Toura, en montant, où elle forme des rochers escarpés , qu'on peut l’étudier avec soin. Dans celui de la rive droite, on trouve disséminés des prismes rhomboïdaux de 115° à peu près d’une substance noire, très-fusible, au chalumeax , que je n'ai pas encore. pu déterminer. 6. Fer oxidulé en roche (roche magnétique, magnet- fels). Cette roche est située sur la ligne des formations gra- nitiques intermédiaires dont nous venons de nous occu- per ; elle forme des montagnes isolées , et est composée de feldspath rouge et de fer oxidulé : sur quelques points cependant , le fer oxidulé se rencontre sans mélange, et c’est là qu’on l’exploite. Les dépôts les plus considé- rables de la roche magnétique se trouvent à l’est de Kouchva ei de Nigeney-Taguilsk; à Kouchva, elles composent le Blagodat, montagne magnétique de 450 pieas de hauteur ; à Nigeney-Taguilsk, la roche magné- tique repose sur le calcaire intermédiaire, comme le granite zirconifère de Miars. La plupart des mines de cuivre de Nigeney-Taguilsk se trouvent sur le contact de deux roches. 7. Roche greuatique (granatfels). Dans les mines de cuivre de Frolow, près de Bogos- ( 462 ) lowsk, la roche calcaire métallifère est couverte d'une couche épaisse de grenat compacte. À Miars, le granite intermédiaire contient déjà quelquefois du grenat de la même couleur brune ; mais , dans les mines de Frolow, le grenat est pur, à l'exception de quelques morceaux de diorite, qui s’y trouvent enveloppés. La roche cal- caire est encore lamellaire et blanche aux points de con- tact ; c’est un véritable marbre. Ordinairement, la roche grenatique repose sur le calcaire; dans quelques points seulement c’est le contraire : il est cependant impossible de regarder la roche calcaire comme une couche dans la roche grenatique; c’est plutôt comme si celle-ci avait percé l’autre , et s'était répandue sur la surface. 8. Or et platine. Ces deux métaux se trouvent disséminés dans les al- luvions qui couvrent la partie orientale de l’Oural. L'or de lavage se rencontre presque partout où il y a des ser- pentines et des diorites ; on n’a qu'à enlever le gazon pour arriver à une couche d'argile sablonneuse, conte- nant jusqu’à 25 gr. d’or en petits grains sur 1000 livres de sable , et quelquefois des pepites d’un poids considé- rable. Cette couche a ordinairement une petite épais- seur, et la quantité d’or qu’elle contient diminue dans la profondeur. Outre les débris de diorite , de serpentine , d’amphi- bole et de roche calcaire qui composent ces alluvions, l'or est toujours accompagné de fer oxidulé en petits cristaux ; le platine est toujours accompagné de fer titané, et quelquefois enveloppé d’une petite couche de cette (463) substance (1). La forme aplatie des pepites d’or, leur grosseur, la netteté des cristaux dont elles sont quelque- fois composées , et enfin la constance des rapports géo- gnostiques dans lesquels elles se trouvent , démontrent clairement qu'elles ne peuvent avoir été charriées de loin. L'or de lavage contient toujours un peu d'argent, qui lui donne quelquefois une couleur pâle, mais dont la quantité paraît variable. Les plus gros morceaux d’or qu'on a trouvés sont de 26 livres; ceux de platine de 11 livres. LeTrre adressée aux Rédacteurs des Annales des Sciences naturelles ; Par M. Srraus-Durckarrm. Monsieur, Je viens de lire, dans le numéro du mois de septembre 1929, p. 107 de votre estimable Journal, l'extrait d’une lettre que vous a adressée M. Müller, professeur à l'Université de Bonn, et dans laquelle il cherche à réfu- ter ce que j'ai dit sur l’organisation des yeux des in- sectes , et spécialement de ceux du Hanneton { Melolon- tha vulgaris), dans mon ouvrage intitulé : Consid. génér. sur l'anat. comp. des anim. articulés, etc. M. Müller prétend avoir découvert, dans les yeux du Hanneton, des cristallins d’une forme particulière, dont je ne parle pas, et il regarde en conséquence la description que je donne de ces organes, comme ni assez détaillée, ni entièrement exacte. Je ne (1) M. G. Rose a déconvert de petits cristaux octaédriques de Ceyla- nite dans les résidus de platine, après qu’il a été traité par l’acide nitro- muriatique. ( 464 ) m'attendais pas à ce, reproche ; j'aurais pensé plutôt qu'on attaquerait tout autre point de mon travail, et non celui où jusqu'à présent j'ai précisément cru avoir poussé la dissection des organes le plus loin possible, jusqu'à des détails de parties qui ont à peine un trentième de millimètre de grosseur , mais que j'ai réellement dis- séquées, dans l’acception que les anatomistes attachent à celte expression, ne m'étant pas contenté de racler, pour cet effet, l’intérieur de la cornée avec Le revers de la pointe d’un scalpel, comme M. Müller recommande de le faire. Les instrumens dont je me sers sont mieux proportionnés à la petitesse de ces parties que ceux qu'emploie le professeur de Bonn ; et vraiment je ne conçois pas comment on peut, par ce moyen , parve- nir à reconnaitre la vraie structure d'organes aussi pe- üts. Mais il suflit que M. Müller ait bien reconnu la nature, la structure , la forme et.la fonction de ces cris- tallins, qui m'ont échappé, pour qu'il ait fait un pas de plus que moi dans la vérité, et je lui en adresse mes félicitations dans l’intérèt de la science. Idit donc avoir découvert, dans les yeux du Hanneton, derrière la facette de la cornée, les vrais cristallins, dont je ne fais point mention. N'ayant pas dans ce mo- ment de ces insectes dans l’esprit-de-vin, il m'est im- possible de vérifier la découverte qu'il vient de faire; mais je lui demanderai seulement s’il pense que les in- sectes ont des cristallins de deux espèces? la petite pièce de la cornée en étant évidemment, comme l’ont admis tous les naturalistes jusqu’à présent. J'ai dit que toutes les parties extérieures des yeux des grands animaux, telles que la paupière, la cornée et l'iris , disparaïssent danse les insectes, et que les cristal- lins, en nombre fort considérable, se trouvent par là adhérens aux tégumens, avec lesquels ils sont confon- dus , et en même temps soudés entre eux , formant en- semble , dans chaque œil, une calotte sphérique connue sous le nom de cornée. Que, pressés les uns contre les autres, ils prennent la forme de petits prismes hexaèdres ( 465 ) de 0,00007 m. de long sur 0,00003 m. de diamètre , et terminés par des bases convexes, forme nécessaire à leur fonction, leur donnant la propriété de pouvoir faire converger les rayons lumineux , comme cela a lieu dans les cristallins des vertébrés. J’ai dit aussi que ces petits prismes , qui, par leurs faces opposées , convexes, leur transparence et leur fonction , ressemblent aux cristallins des animaux supérieurs, leur ressemblent encore , en ce qu’ils sont composés de plusieurs couches non fibreuses parallèles aux bases, et de plus par leur consistance, qui est toutefois un peu plus grande, mais non entièrement dure, comme l’affirme M. Müller. Si ces caractères ne suflisent point pour faire reconnaître dans ces parties les analogues des cristallins des verté- brés , et faire dire à votre correspondant que je Les ap- pelle à tort des cristallins, j'avoue que je ne sais pas ce qu'ils doivent avoir de plus pour mériter ce nom. D'ailleurs, ayant reconnu cette espèce de cristallin , que tout le monde connaissait déjà, mais peut-être avec un peu moins de détails, je ne m'attendais pas qu’on en trouverait encore d’une seconde espèce ; et, sans sus- pecter l'exactitude des observations de M. Müller , je ne conçois guère leur fonction , et l’auteur ne l’explique pas (1), ce qui cependant était de toute rigueur, pour que sa découverte en soit réellement une profitable à la science ; nous avons de là, plutôt, le droit de lui adres- ser le reproche de donner des descriptions qui ne sont pas assez détaillées. Il dit bien qu’ils sont placés der- rière Les facettes de la cornée ( mes cristallins), et que leur forme est parfaitement conique. Singulière forme de cristallins ! Il pense que je les ai peut-être confondus avec la partie la plus interne des facettes de la cornée, mais je puis l’assurer que non, car jai trop bien examiné cette dernière ; et, s'ils existent, Je ne les ai réellement point aperçus. J'ai dit encore que les nerfs optiques se terminent derrière leurs cristallins respectifs, chacun à un renfle- (1) L’explication qu’il donne de la vision des insectes dans le Mémoire qui précède sa lettre , est au moins, pour moi, tout-à-fait insuffisante. XVII. 30 (466) ment pyriforme , que je regarde comme autant de globes d'yeux simples , mais que leur extrême petitesse ne m'a as permis de disséquer, n'ayant qu'un trentième de millimètre de grosseur. J'ai avoué par‘là que ni la sûreté de ma main , ni la finesse de mes instrumens, ne m'ont permis d'ouvrir ces globes pour voir ce qu'ils contien- nent, et je me suis contenté de faire de simples con- jJectures à cet égard, admettant qu'il serait possible et même probable qu’on y trouvât des parties analogues à celles que renferme la partie postérieure de l'œil des animaux supérieurs , mais non pas des cristallins qui se trouvent au devant; et, qu'en considérant l'épaisseur de ces derniers, et le degré de convexité de leurs bases, on trouve que leur foyer doit nécessairement être dans l’intérieur de ces globes, qui doivent par conséquent renfermer aussi la rétine correspondante à chaque cris- tallin, M. Müller ajoute que , peut-étre si j'avais examiné de plus près les renflemens pyriformes, y aurais-je reconnu les petits corpuscules coniques transparens. Veut-il dire que ces renflemens sont eux-mêmes les cristallins qu'il a vus, ou bien qu'ils les renferment ? car cette phrase peut s'entendre de l’une et de l'autre ma- nière. Quant à la première interprétation , je puis assu- rer à M. Müller que ces renflemens ne sont aucunement des cristallins; ce sont des corps mous, pyriformes, non transparens , moins longs que les cristallins dont il parle , et qu’ils font corps avec le nerf optique , absofu- ment comme la selérotique etle nerf optique dans les ani- maux supérieurs. À la seconde manière de comprendre sa phrase, je réponds que je n’en sais rien, ayant avancé déjà que je ne sais pas ce qui se trouve dans ces renfle- mens ; et je penserais que ce doit être en effet là où se trouvent les cristallins coniques que M. Müller a dé- couverts, et qu'il a été assez habile pour les en extraire, quoique sur ce point important il ne s'explique point dans sa lettre; mais, malheureusement, les cristallins dont il parle ont 0,00009 m. de longueur , et les renfle- raens 0,0000 m. tout au plus. Les premiers ne peuvent donc pas être contenus dans les seconds. ( 467) Une chose qui m'étonne, c’est l’assertion de l’auteur; d'après laquelle ces cristallins coniques seraient assez gros pour être wisibles à un grossissement de huit fois le dianètre ; et cependant ils m'ont échappé à une am- plification de près de cent cinquante fois, sous laquelle J'ai disséqué les yeux du Hanneton. Si la description et les dimensions que M. Müller en donne sont exactes, comme je n’en doute aucunement , ces cristallins coniques doivent en eflet être fort grands proportionnellement aux autres parties; il dit qu'ils forment une couche derrière la face postérieure de la cornée; cette couche est un peu plus épaisse que la cornée elle-même, car son épaisseur est à la largeur des facettes de la face postérieure de la cornée, comme 3:1; or, la largeur des facettes est de 0,00003 m., et l'épaisseur de la couche de cristallin serait de 0,00009 m., qui est aussi la longueur des cristallins, lesquels ont parfaitement la forme d'un cône, plats à l'un des bouts, pointus à l’autre ; forme, je le répète, bien ex- traordinaire pour des cristallins. L'auteur ajoute que Les Jfilamens du nerf optique, sans renflement, s'étendent jusqu'aux pointes de ces cônes transparens ; mais il ne dit pas où est la rétine ou ce qui en tient lieu? et on conviendra qu'il manque par là encore quelques détails importans à la descrip- tion que M. Müller donne des yeux des insectes. Tout en admettant l'exactitude des observations du professeur de Bonn , je dois cependant lui faire remarquer que la forme des corps qu’il appelle cristallins , pris isolément, ne s'accorde pas avec l’idée que les anatomistes, les phy- siologistes et les physiciens se font de cette dénomina- ion; et il serait, ce me semble, fort diflicile à qui que ce soit d'expliquer comment la vision à lieu chez les insectes par le moyen de tels cristallins. M. Müller ajoute, en outre, qu'il est nécessaire, pour voir ces petits corps, de faire préalablement tremper les yeux dans l’alccol. Un cristallin (qui est un corps so- lide), dont la grosseur est à peu près d’un dixième de millimètre, doit être visible sans cette macération ; et j'engage ce savant à faire de nouvelles observations, (468 ) pour s assurer de l’existence , de la nature, et surtout de la fonction de ces petits corps, et voir si par hasard ce ne seraient point ce que j'ai, peut-être improprement, appelé les globes des yeux simples, quoique , comme je l'ai fait remarquer plus haut , sa description ne s'accorde pas avec la mienne ; car, pour ma part, je persiste, en attendant des renseignemens plus satisfaisans, dans l’opi- nion que j'ai avancée, et que M. Müller attaque. FEN DU DIX-HUITIÈME VOLUME» | | PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME: 2 1h ——— PI. 1. Tapir pinchaque. PI, 2. Tête du Tapir pinchaque et de Palæotherium. PI. 3. Tête du Tapir de Cayenne , et œuf d’Ornithorynque. PI. 4. Tête du Tapir de Sumatra. PI. 5. Tapirs et Griffon. PI. 6. Familles des Ammonites. PL. 9. Carte géologique du terrain entre le lac d'Orta et celui de Lugano. PI, 8. Coupe du cap des Eparmailles , près Provins. PI. 9. Dents fossiles des environs de Provins. PI. 10. Opercules de diverses coquilles. PL. 11. 4. Hectocotyle du Poulpe. — B. Acrostome de l’amnios. — C. Maillotin de Keraudren, PI. 12, 13. Coupes géologiques des environs du Canal. PI, 14. Coupe de la montagne de Lagrave, dans la Limagne. PL. 15, 16, 17. Coupes relatives aux époques de soulèvement des mon- tagnes. FIN DE LA TABLE DES PLANCHES, TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. D ff ——— ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, ZOOLOGIE. Mémoire pour servir à l'Histoire du Tapir; et Description d’une espèce nouvelle appartenant aux hautes régions de la Cordilière des Andes ; par M. Roulin. Observations sur quelques maladies des oiseaux ; par M. Flou- rens. Sur les Yeux et la Vision des Insectes, des Arachnides et des Crustacés ; par M. F. Muller. ( Suite et fin.) Sur la Structure des yeux du Hanneton ( Melolontha vulgaris) ; par le méme. Lettre adressée aux Rédacteurs des Annales, relative au Mémoire précédent ; par M. Strauss-Durckeim. Observations sur la Structure et la Formation de lopercule chez les Mollusques gastéropodes pectinibranches; par M. Ant. Dugèés. Mémoire sur un Ver parasite d’un nouveau genre ( Æectocotylus octopodis) ; par M. le baron Cuvier. Considérations sur les œufs d'Ornithorynque, formant de nou veaux documens pour la question de la classification des Mono- trêmes ; par M. Geoffroy Saint-Hilaire. Description d’un nouveau genre de Mammifères inseetivores, sous le nom d'Eumère, Æumerus; par M. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire. Question d’entomologie mise au concours par la Classe de Physi- que de l’Académie de Berlin , pour l’année 1831. Pages 164 224 (471) Expériences sur l’action de la moelle épinière sur la circulation ; par M. Flourens, Note sur le Faisan doré ou tricolor ( Phasianus pictus, Linn.); par M. Dureau de La Malle. Sur la distribution des Ammonites en familles; par M. Léopold de Buch. Mémoire sur l’Acrostome, nouveau genre de ver vésiculaire ; par M. Lesauvage. Description du Maillotin {Pupina), nouveau genre de coquilles ; par M. Vignard. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALES > BOTANIQUE. Sur la nature de la végétation d’une partie du Mexique; extrait de deux lettres du docteur Schiede. MINÉRALOGIE ET GÉOLOGIE, CORPS ORGANISÉS FOSSILES. Recherches sur quelques-unes des révolutions de la surface du globe, présentant différens exemples de coïncidence entre le redressement des couches de certains systèmes de montagnes , et les changemens soudains qui ont produit les lignes de démar- cation qu’on observe entre certains étages consécutifs des ter- rains de sédiment ; par M. L. Elie de Beaumont. 5 et Des gros blocs de roches que l’on trouve épars ou accumulés sur des terrains de uatures très-diverses ; par M. le comte Rasou- movski. Sur les Dépôts lacustres tertiaires du Cantal, et leurs rapports avec les roches primordiales et volcaniques ; par MM. Charles Lyell et R. S. Murchison. Mémoire sur le fait de la division des terrains en un grand nom- bre de couches de différente nature ; par M. Jobert atné. Considérations théoriques sar les cavernes à ossemens de Bize , près Narbonne ( Aude) , et sur les ossemens humains confon- dus avec des restes d'animaux appartenant à des espèces per- dues ; par M. Tournal fils. Carte géologique du terrain entre le lac d’Orta et celui de Lu- gano ; par M. Eéopold de Buch. Pages. 215 133 172 225 (472) Note sur la forme la plus ordinaire des objections relatives à l’o- rigine attribuée à la Dolomie; par M. L. Elie de Beaumont. Note sur Les os fossiles de Palæotherium, de Lophiodon et de Crocodiles, découverts à Provins, dans un banc régulier de cal- caire lacustre ; par M. IVaudot. à Essai d’un Tableau géognostique de l’Oural ; par 4. G. Kupfer. MÉLANGES. Lettre adressée à M. le Président de l’Académie des Sciences, dans la séance du 23 novembre 1829 , par M. Dutrochet. FIN DE LA TABLE DES MATIÈRES, Errata du dix-huitième volume. Page 31, ligne 25 (voyez PI. 4, no 4) ; lisez: ( PL. 2, fig. 4). Errata relatif aux Planches. Pages. 269 426 44r 276 La Planche 2 porte au bas le nom de Salæotherium ; lisez : Palæothe- rlum, PI. 8. Coupe da cap des £pernailles ; lisez : Eparmailles. bijou d DOD/ OT CIHO TZ "INIOU ©" IV SID Ann . des le. nat. Zom. 16. [y LL fin Fig 128 Ve du lopur puchaque Lip j Tete de Saleothertunt Ann. des Je. nat: Tom . 14. VENT: Bg.1,2, 8, Tele du Tapir de Cayenne. Fig he, Eu A, Ornahorynque LL 0 lan. des Je. natur . Tom. 18: LES TT À D) DS: qe K N WT KN Jete du Zpur de lunalre. Adnn.der Je. natur. Tbm. 1. LINE, lag .2. Me des Chinois. Fy. 2. Tepir anrur .Biy.3. Le meme Transforme en OTrt fon par l'adlhion des aides et de la Queue : ls Le naber Ton.16. 146. Dr 54 FUMNTASEN SD D EN L'on a AE M 4% LL #$ A Ps 2 7 Vs 2 1% QU a 4 a FAN Te 2 Fe ve _ (ou Polmanhae Marne blancle.. Marne verte. Ma-ne blanche . Meane béanehe’ et brune. Marne dülanche AE 11) \’1 “HI LA e = A Coupe sur La rive, droite du torrent de T'hiesac pres de . si - rivtrere de Cer. 1 Le Coupe des couches lacustres de la vissiere pres Mu rat, presentant trous frulles, de but recouvert por des conglomerats volconiques. FX Su LINE € [4 rt TRE + J AE ES (PES. ) & \ 2 re. Pa Jonctro 7 avec la des Jéienc: naturelles. Tor. 18. CS des f* Marne blanche . EE 74 Mourne verte C Ma ie blanche {| À Mune blanche el bruni | Marne blanche’ 2727 2 22 Annecles das Se mer L'on. 19. Æ]. Z,. Montaotne del AOYAVE pres de Neschers Catlets VER (leaires À railes 4 Grès CGranits VAN] Grès, argiles A EE 3 ECHE LEE pour T'Eyarsseur des couches W 2 « 37. Er — — MOT EPS Pi Poe. CALCAIRES DE EA LIMAGNE . 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