POTIDPMEMIOE miens HUHEI : ons ; : | GHENS iron 74 HANAHHHRNE bte nEht HRANENS int t: L1é + . HNHUNE HHHAEOTIENE Anù RHHES i ; rt L2L be eh HU . £ H { THHETE te f QHECHONTRE HRURR Cr : he [nt DAIAALSS | ï Noesis î ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. TOME XIX. 1 + No. 74 |— | | 7) 14 éTIANM 640 2% de. SM, : Rue du Cloître Saint-Benoît , n. 4. ù 3% pu” AT" bi } M À st “4 [y 4 (TL Feu tn 4 JTA" ali? HE k XIX SMOT \ I L 1 < G N - st É ” LA à È #t É ; \ ei. L2 IMPRIMERLE DE VEUVE me DUT PAR MM. AUDOUIN , ao. BRONGNIART Er DUMAS, COMPRENANT LA PHYSIOLOGIE ANIMALE ET VÉGÉTALE, L'ANATOMIE COMPARÉE DES DEUX REGNES , LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE, LA MINÉRALOGIE , ET LA GÉOLOGIE. TOME DIX-NEUVIÈME, ACCOMPAGNÉ DE PLANCHES. PARIS. CROCHARD, LIBRAIRE - ÉDITEUR, CLOITRE SAINT-BENOIT, Ne 16, ET RUE DE SORBONNE, N° 3. 1830. al. Se “s Je 33 | SS ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. CHAN AN ANNEE RAA ua VIS Recuerones sur quelques-unes des Révolutions de la surface du globe, présentant. différens exem- ples de coïncidence entre le redressement des couches de certains systèmes de montagnes; et les changemens soudains qui ont produit les lignes de démarcation qu'on observe entre cer- tains étages consécutifs des terrains de sédi- ment ; : i dl (Mémoire lu par extrait à l’Académie des Sciences , le 22 juin 1829.) Par M. L. Eure De BEAUMONT. (Sel *G) we à re CHAPITRE TV: Révolution, de: la surface du globe qui est arrivée pendant la durée du dépôt des terrains qu’on ©) Voyez les premières parties de ce Mémoire, tom. XVIIE } pag. 5 et 284. ï XIX, — Janvier 1830. I is (6) appelle d’atterrissement , de transport, ou d’al- luvion. Le redressement des couches d’un sys- 1ème de montagnes qui comprend les chaines du V’entoux, du Leberon et de la Sainte-Baume (en Provence), et la chaine principale des Alpes (du Valais, en Autriche) , a eu lieu LA ‘cette révolution. Je serai obligé, dans ce chapitre ,,de commencer par faire la description de deux grands dépôts de sédiment , lun et l’autre plus récens que les terrains tertiaires ; dépôts encore peu connus , et qu'on est dans l'habitude dé confôndre sous le nom dé ‘terrains d’atterrissément ou de transport, d’' aluvions anciennes ou de diluvium. C’estentredeuxdémembrémensde cetensemble, regardé à tort comme indivisible;iqhe se trouve la solution de continuité dont je vais mocquper, et que je vais cher- cher.à mettre. en rapport avec.une des dislocations qu'a éprouvées l’écorce minérale du globe terrestre. Ce chapitre se divisera naturellement en trois para- graphés:, dont des deux premiers auront pour cbjet là description des deux ter rains, d’atterrissement où de transport les plus anciens du $.-E. de la France, et dont le troisième sera consacré à là mise en rapport de la solu- tion de continuité, quise-manifeste entre ces deux dépôts, avec la dislocation!des couches d’un système de montagnes , dont, font partie les chaînes du Ventoux, du Lebérbn ‘dé l'Étoile’, de la Sainte- Baume , et plu- SEnVS autres ! qui travhigent dé même la piSVerieé de VE.-NE; à l'O.-S.-0., ainsi que la chaine principale des Alpes (du Valais ,en Autriche). CR) à $ I". Description du terrain d’atterrissement le plus ancien des vallées de l'Isère, du Rhône , de la Saône, et de La Durance. — Preuve qu'il a été déposé depuis le redressement des couches secondaires et tertiaires dans la partie occidentale des Alpes. J'ai fait connaître plus haut que la vallée longitudi- nale, dans laquelle s’élèvela petite ville de Saint-Laurent du - Pont (1) (département de l'Isère), présente à l'observation trois formations, dont les couches sont inclinées , et même quelquefois verticales ; savoir : la formation jurassique, la formation du grès vert et de la craie, et la mollasse coquillière tertiaire, Quoiqu'on n’aperçoive cette dernière qu'en un petit nombre de points, on en. voit assez pour être sûr qu'elle partage les, inflexions de la stratification des deux autres formations; que ses tranches , plus ou moins inclinées, forment la base du terrain de toute la partie centrale de la vallée de Saint-Laureut, depuis Voreppe jusqu'aux Echelles, et qu'elle s’y verrait presque partout à découvert, sans les dépôts plus récens qui y constituent généralement la sur- face du sol. Sur la tranche de ces couches de mollasse, aussi bien que sur celle des couches calcaires qui la supportent, on voit s'étendre, en beaucoup de points, de grandes masses de cailloux roulés, agglomérés, dont la stratifica- (1) Carte de Cassini ,n° :19. (8) tion, à la vérité peu prononcée, n’a évidemment subi aucun dérangement depuis la première époque de leur dépôt. Entre Saint-Laurent-du-Pont, et l’entrée de la gorge qui conduit à la grande Chartreuse , le fond de la vallée du Guyer est creusé dans la mollasse coquillière; maïs les flancs et les sommets des collines, qui s'élèvent de part et d’autre, sont formés par un dépôt de cailloux roulés , arrondis, sans aucun mélange de blocs angu- leux. Ces cailloux roulés, enveloppés d’un sable fin , un peu micacé, constituent des masses plus ou moins solidement agglutinées. On les voit former quelques escar- pemens au $.-E. de Provina, au-dessus des points où le Guyer coupe des couches de mollasse à peu près vertica- les. Ce dépôt , sans présenter lui-même de traces de stra- üfication bien nettes, paraît s'étendre horizontalement, et il est évident qu’il ne forme pas le prolongement des couches dé mollasse, mais qu'il repose sur leurs tran- ches. On a représenté cette disposition PIX VS GERS où M représente la mollasse, et À , le conglomérat de cailloux agglutinés. ‘Ce même dépôt a très-probablement rempli tout le fond de la vallée de Saint-Laurent ; mais il n'existe plus maintenant que le long des escarpemens des montagnes de la grande Chartreuse, qui bordent cette vallée du côté de l’est; il constitue , à leur pied, dés collines considé- rables qui leur sont adossées, et qui n’ont pu évidemment se former que depuis que les couches inclinées de ces mêmes escarpéemens ont été redressées. Ces collines elles-mèmes présenteut en divers points, du côté de la vallée de Saint-Laurent, des escarpemens de plus de (91) 200 mètres de hauteur, qui dévoilent la structure du dépôt de cailloux qui les compose. Ce terrain de trans- port'ne se divise nulle part en une série d'assises nette- ment séparées ; il semblerait plutôt former une couche unique de plusieurs centaines de mètres de puissance, divisée, en quelques points, en strates irrégulières d’une très-grande épaisseur. Ces strates sont souvent incli- nées ; mais, comme l’inclinaison varie d’un point à l’autre sans qu’il y ait aucun indice de rupture ni de plis, il est évident qu’elle n’est pas l’effet d’un redressement , mais que les strates se sont formées dans la position où on les voit aujourd'hui, comme les strates obliques, qu’on observe sur une échelle moins grande dans presque toutes les couches arénacées ; et mème dans les calcaires ooli- thiques. Le ciment sableux qui unit les cailloux est souvent assez cohérent pour former, de la masse entière, un pou- dingue très-solide , et qui ressemble beaucoup, abstrac- tion faite de la nature des cailloux qu'il contient , au nagelfluhe de la Suisse , tandis que les parties du même dépôt, dans lesquelles le ciment se trouve accidentelle- ment dépourvu de cailloux, rappellent tout-à-fait les parties les plus grossières de la mollasse, dont elles sont cependant bien distinctes par l’époque de leur forma- tiôn. L'absence des cailloux roulés dans des portions d’une forme tuberculeuse , et irrégulièrement ramifiée, de la masse sableuse qui leur sert de ciment, est une circonstance très-fréquente dans ce grand dépôt de trans- port, et tient probablement à la manière dont il a été accumulé. Ces portions, sans cailloux, présentent des contours trop irréguliers , et se fondent trop insensible- { 10 } ment dans la masse générale du poudingue , pour qu'om puisse les considérer comme des couches ; ou même comme des strates. On ne peut y voir que le résultat de variations brusques dans la quantité des cailloux em- patés. Ces cailloux sont d’une grosseur variable, mais qui ne dépasse que rarement celle de la tête; ils sont tous bien arrondis. On en trouve de granite et de gneiss talqueux , de schiste talqueux, ei surtout d’une roche amphibolique plus ou moins schisteuse , qui est très-abondante dans la: rangée de cimes primitives qui s'étend du Mont-Blanc à la montagne de Taillefer dans l’Oisans; roche qui, à cause de sa ténacité , a dû naturellement se conserver mieux qu'aucune autre dans le transport. On voit aussi un petit nombre de galets, d'euphotides , de roches ser- pentineuses , et de variolites du Drac : on en remarque très-souvent d’un. jaspe rouge ; enfin on en trouve, en grande abondance , de calcaire compacte gris et blanc, plus ou moins siliceux, ou même de silex; tels queceuxqui abondent dans les couches jurassiques et dans les cou- ches du système crayeux des contrées voisines. Enfin, on en voit un grand nombre d’un quarz blanc micacé, plus ou moins grenu, très-répandu dans les hautes montagnes de la Tarentaise et de la Maurienne, où il paraît n'être qu'une transformation des grès du sysième jurassique. Le grand amas de cailloux roulés ne forme pas une masse entièrement continue le long du pied des mon- tagnes de la grande Chartreuse ; il est profondément découpé par les vallées dans lesquelles coulent les torrens qui desceudent de ces montagnes, et il présente aussi, le Jong de ces vallées, de grands escarpemens. C’est dans CU une vallée de cette espèce, nommée Vallon de Roïze, qui débouche près de Pomiers, que se trouve le gite de combustible fossile qui porte le nom de ce village. L’aflleurement est situé à mi-côte de la pente sep- tentrionale de la vallée, qui est creusée jusqu'à son fond dans le grand dépôt de cailloux qui présente ici, presque partout , un poudingue assez solide. Cette roche constitue, sur le flanc méridional et opposé de la mème vallée, un escarpement qui s'élève depuis le lit du tor- rent jusqu’à plus de 100 mètres au-dessus de ses eaux. Les énormes strates qu’elle y présente sont inclinées de 30° ; mais, comme celles de la partie supérieure et celles de la partie inférieure plongent dans des sens opposés, sans qu'il y aît entre elles aucune trace de rupture, il est évi- dont que cette inclinaison date du moment où s'est fait le dépôt, et que les masses qui la présentent sont des strates plutôt que des couches. * Lecombustible fossile, qui est supporté et recouvert par une grande épaisseur du poudingue dont je viens de parler, est renfermé dans une assise d’un grain très- fin , et même tout-à-fait terreuse, qui s’y trouve inter- callée. £a masse charbonneuse est formée de petites strates planes , sur la surface desquelles se trouvent sou- vent un assez grand nombre de planorbes, dont le test, aplati , est blanc, friable , et comme calciné, Sa cassure trausversale est quelquefois conchoïde, presque pisci- forme, et analogue à celle du jayet; quelquefois au contraire , surtout dans les parties les plus schisteuses , elle est terne et presque terreuse : le lignite est alors effer- vescent par l'effet sans doute d’un mélange de la marne qui lui sert de toit et de mur, ou peut-être d’un mé- (12) lange de détritus de coquilles. Un très-petit nombre d'échantillons présentent d’une manière distincte des traces d’une texture ligneuse, et il est probable que ce combustible ne provient pas principalement de bois en- fouis. Les tentatives d'exploitation dont il a été l’objet, en ont fait connaître trois couches , de 1 ou 2 décimètres de puissance, qui sont supportées , séparées et recou- vertes par des bancs de marne grisâtre , de quelques mètres d'épaisseur. On trouve , dans cette marne, des veines d’un grès eflervescent, solide, d’un grain assez fin , sans mélange de cailloux; mais on n’y voit aucune trace de ces calcaires d’eau douce fétides , qui accompa- gnent si constamment , et toujours de si près, les lignites tertiaires, sans trace de tissus ligneux , de la Provence et de la Suisse. Il parait d’après cela très-probable que le lignite de Pomiers , outre qu'il se trouve dans une autre formation géologique, a été formé d’une manière un peu diflé- rente ; mais il est important de remarquer que, quoique renfermé dans un terrain de transport peu régulier, et qu'on aurait pu croire accumulé rapidement, il présente des traces incontestables d’un dépôt lent par petites assi- ses successives dans une masse d’eau qui renfermait un grand nombre de mollusques fluviatiles. Au-dessus des assises sans consistance qui renferment les trois couches de lignite, se trouve une masse assez épaisse d’un grès calcaire qui ne contient pas de cailloux : ce n’est autre chose que le ciment ordinaire des cailloux qui s’en trouve ici accidentellement dépourvu , mais qui plus haut en contient de nouveau en grande quantité. Ce grès est en effet recouvert par une grande masse de (13 ) poudingue qui constitue les pentes situées au dessus de l’ancienne exploitation, et qui s’adosse aux premiers escarpemens calcaires des montagnes de la grande Char- treuse. Sur la rive opposée du torrent qui traverse le vallon de Roiïze, le même dépôt d’atterrissement forme aussi de grandes masses qui se rattachent à celles qui , comme je l'ai dit dans le chapitre précédent, recouvrent, à stratification discordante, la mollasse tertiaire exploitée dans les carrières de Voreppe. Les torrens qui, prenant naissance au pied des escar- pemens de calcaire jurassique qui constituent à l’E.-S.-K. de Voreppe la roche de Lambernay, descendent de part et d'autre du vieux château qui domine les carrières de mollasse, ont creusé leurs lits profonds et très-inclinés dans cette grande masse de poudingue qui s’adosse aux escarpemens calcaires, qu'elle masque jusqu'à une grande hauteur. Comme je l’ai déjà indiqué tome X VII, page 350, et comme le montre la figure 3, PI. xv, ce poudingue repose sur les couches coupées en biseau de la mollasse coquillière tertiaire, sans présenter avec elles aucune liaison. Parmi les galets de ce poudingue, tous assez bien arrondis comme près de Saint-Laurent et de Pomiers, on en trouve de granite , de roches ser- pentineuses , de variolite du Drac, et un petit nombre de quarz grenu schistoïde. Un plus grand nombre sont formés de silex analogues à ceux que présentent les for- mations calcaires des parties adjacentes des Alpes ; et la plupart sont de calcaire, et offrent les diverses variétés de cette roche qu’on rencontre dans lesmèmes formations : il y en a qui ont deux fois la grosseur de la tête. Dans la pre- (14) mière masse de poudingue qui repose sur la mollasse de Voreppe, j'ai trouvé un galet de calcaire compacte gris , contenant un grand nombre de Nummulites, et percé de beaucoup de trous de coquilles perforantes ; ces trous étaient remplis de sable agglutiné par un ciment calcaire formant une masse analogue à de la mollasse , mais qui ressemble aussi beaucoup au ciment même du poudingue que nous décrivons. En effet le sable fin agglutiné par un ciment calcaire, qui sépare et unit les galets présente avec la mollasse une ressemblance , qui devient trés-marquée dans les points où les galets laissent entre eux de grands intervalles , et plus encore dans certains strates tout-à-fait dépourvus de cailloux , qui s’intercallent entre les strates obliques du poudingue ordinaire. On voit même , dans les coupures des ravins, quelques uns de ces strates présenter assez d’étendue pour qu'on put être tenté de les prendre pour des couches subordonnées de mollasse , si on ve- nait à perdre de vue la solution de continuité et la dis- cordance de stratification qui se manifestent si claire- ment entre les couches de mollasse dans lesquelles les carrières sont ouvertes, et la première masse de poudin- gue qui repose immédiatement sur leurs tranches. Nous avons vu d’ailleurs que la mollasse était déposée au moment où les montagnes calcaires, dont la roche de Lambernay fait partie, ont éprouvé leurs dernières convulsions ; et la manière dont notre pondingue s’adosse à ces mêmes escarpemens , montre qu'ils existaient dans leur forme actuelle au moment de son dépôt, circons- tance qui rappelle et qui confirme celle du même genre que j'ai indiquée près de Saint-Laurent. (15) * La mème remarque peut être faite sur un lambeau du mème système de cailloux roulés agglutinés , qui com- pose, au N.-0. de Saint-Quentin, la rive gauche de l'Isère. La montagne autour de laquelle tourne l'Isère , entre Voreppe et Saint-Quentin , est formée de couches calcaires pliées en forme de voûte, qui plongent vers V'E.-S.-E. et vers l'O.-N.-O., sous des angles d'environ 45°. Sur la pente de cette montagne se trouve, près de la rive gauche de l'Isère , un peu au-dessus de Saint-Quen- tsn, un monticule qui supporte une tour ruinée , et qui est composé de cailloux agglutinés par un sable fin. Il ne présente aucun mélange de blocs anguleux, et, par suite de cette dernière circonstance , il fait évidemment partie de l’ancien terrain de transport dont nous nous occupons. Si cet amas de cailloux faiblement agrégés avait existé au moment où les couches calcaires dont il est si voisin ont subi une flexion violente, il aurait sans doute été désagrégé, ou du moins divisé par une nombreuse série de fractures qu’on n'y observe nulie- ment. En suivant notre 4errain de transport ancien jusqu’à Saint-Quentin, nous venons déjà de sortir de l’ancienne vallée longitudinale qui renferme Saint-Laurent-du- Pont et Voreppe. En effet , les couches calcaires arquées en forme de voûte , qui constituent les escarpemens autour desquels tourne l'Isère, entre Voreppe: et Saint- Quentin , ne sont autre chose que le prolongement de cellés dont se compose le barrage qui borde à l'O.-N.-O. la-vallée de Saint-Laurent. Ces dernières forment aussi le dos -d’äne , et, après s'être relevées de dessous Vo- reppe , Saint-Laurent et les Echelles , elles replongent , (16) de manière à s’enfoncer au-dessous de Voiron , de Chi. rens et de Saint-Geoire. Des bords de l'Isère, entre Vo- reppe et Saint-Quentin, on aperçoit au-dessus de Ja Buisse et de la croix de Moiran, entre Voreppe et Voiron, des escarpemens dans lesquels cette disposition des couches se dessine clairement. Comme elle ne se reproduit pas dans les amas de cailloux qui s'appuient dessus , il est évident que ceux- ci ont été déposés depuis qu'elle a pris naissance. Du sommet du monticule de mollasse, situé au sud de Rat, on distingue très-bien , sur les flancs opposés des vallées de Saint-Nicolas et de Saint-Aupre , au-dessus des Parins , des escarpemens formés par les parties les plus solides du grand amas de caïlloux. Ces escarpemens se prolongent horizontalement , et il est indubitable qu’ils iraient en s’abaissant vers l'O.-N.-O. , si les masses qui les composent eussent existé à l’époque où les couches calcaires de la porte de Chaiïlle , et des escarpemens voi- sins de la Buisse, ont reçu leur inclinaison actuelle, car il est évident que ces dernières couches se prolongent au-dessous du poudingue en question. Elles auraient donc influé sur lui tout au moins comme celles de la montagne au sud de Saint-Nazaire ont influé, ainsi que je l'ai dit plus haut , sur la mollasse située plus à l'ouest. Quoique la mollasse du Royans ne soit pas très bien stratifiée , surtout dans les parties où elle est peu inclinée, elle m'a cependant toujours présenté, dans la disposition de ses masses, la trace de l'in- fluence qu'a exercée sur elle le redressement des cou- ches voisines du système du grès vert et de la craie. Cette influence ne se retrouve nulle part dans les (am ) dépôts de cailloux dont je m'occupe ici , partout où on y distingue une véritable stratification : cette stratification est horizontale. Il est done clair, d’après la manière dont se transmet de proche en proche, ou s'arrête brus- quement l’inclinaison des couches des montagnes, que le grand amas de cailloux est.distinct de la mollasse co- quillière sur laquelle on le voit d’ailleurs reposer à stra- üfication discordante ; et on reconnait en mème temps que le redressement des couches alpines s’est opéré-entre les: époques des formations de ces deux dépôts. La discordance de stratifieation des deux dépôts ne se manifeste pas moins .en dehors du barrage qui borde à V’O.-N.-0. la vallée de Saint-Laurent , que dans l’inté- rieur de cette vallée. Lé vallon. dans lequel se trouve l’ancienne chartreuse ‘dé Saint-Aupre, au N.-E. de Voiron (1) ,court au pied extérieur de ce même barrage, et est même en partie creusé,à.ses dépens. Le flanc O.-N.-0. de cette vallée est formé; sur la-plus grande partie de sa hauteur, par des couches d’une mollasseana= logue à celle de Voreppe ; qui plongent vers l'O: 26° N. sous un arigle d'environ 70°. Mais, vers le haut du coteau qui sépare la vallée de Saint-Aunpre de celle des Antas, on voit s'étendre horizontalement ; sur la tranche des couches de mollasse , un poudingue analogue à ceux que j'ai indiqués daus la vallée de Saint-Laurent | Üne circonstance remarquable ; c’est que les cailloux du poudingue pénètrent à 3 où 4 décimètres dans l’ex- trémité des couches de la mollasse, comme s’ils y avaient été enfoncés par pression à ‘une époque où cette roche (1) Carte de Cassini, no 110. XIX. 2 (318) n'aurait encore présenté qu'une masse sableuse peu co- hérente. Du reste, à un mètre du contact, la mollasse ne contient pas de cailloux, et comme en même 1emps sa stratification ne se continue pas dans le poudingue placé sur le prolongement de ses couches, on voit que les deux dépôts sont parfaitement distincts. Ce poudingue se rattache à ceux du même genre, qui, plus à l'O. et plus au N. , constituent la petite montagne nommée Cray de Bartacuchet, et celles adossées an Cray de la Serre, ét par eux au masses du même genre, dont sont formés les coteaux qui bordent au Sud la val- lée du Guyer , depuis Vaussères jusqu’à peu de distance de Chimillin. Il se lie également au grand système de dépôts analogues , qui s'étend jusqu'aux rives du Rhône et de la Saône , et dans toute la Bresse, et qui a de toui temps fait naître dans l'esprit des observateurs l’idée d’un vaste atlerrissement produit par des eaux qui, à une cer- taine époque ; seraient descendues des Alpes. *On peut'remarquer sous ce dernier point de vue que les collines de cailloux agglomérés , situées au nord de Voiron , sont en effet placées, relativement au Cray dé la’Serre et au reste de la crête calcaire qui borde à l'O.::N: 0. la vallée de Saint-Laurent, comme devraient l'être des dépôts laissés par des courans par rapport aux- quels ce barrage aurait joué le rôle de déversoir : ce sont à peu près les plus élevées de tout le vaste ensemble dont elles-font partie. Da pied de la roche de Lamber- nay, près de Voreppe, on voit très-bien qu’à mesure qu’on avance vers l’ouest ou. vers le Rhône, les collines de ce système deviennent de moins en moins élevées, en mème témps qu'elles deviennent de moins en moins (49 ) découpées par des vallées, et se dessinent à l'horizon par des lignes horizontales de plus en plus étendues. Le niveau de ce dépôt n’est encore que très-peu abaissé dans les collines élevées situées aux environs de Rives et de Tullins , et le Fure, qui sort du lac de Paladru, et traverse ces deux villes, y a creusé son lit profondé- ment. Le lit du Fure ne se trouve guère à plus de 200 mètres au-dessus de la mer; et, comme les collines qui le bordent atteignent une hauteur de plus de 800 mè- tres , on voit que le terrain de transport qui nous occupe présente ici une épaisseur de plus de 600 mètres. Ce même dépôt ne s'élève déjà plus tout-à-fait aussi haut dans les côteaux sur lesquels passe la route de Lyon, entre la Frette et Bourgoin , et il se termine plus bas encore , près de cette dernière ville. Dans ces diverses localités , 1l présente la mème com- position et les mêmes accidens de structure que dans la vallée de Saint-Laurent. Les cailloux roulés de quarz, provenant de l’intérieur des Alpes, y sont toujours très- nombreux, et on y voit de même des portions d’un contour irrégulier et comme ramifié , dans lesquelles le sable, qui forme généralement le ciment de toute la masse , se trouve dépourvu de cailloux. Quelques par- ües du sysième sont très-solidement agglutinées ; et, sui- vant qu'elles contiennent ou non des galets, elles for- ment un poudingue qui rappelle le nagelfluhe, ou un grès qui rappelle la mollasse. Entre Vermelle et Bour- goin , ces parties uniquement sableuses prennent le dessus, et on pourrait, à leur aspect, se croire au milieu de collines de mollasse. Au nord de Bourgoin se trouvent des collines élevées, ( 20,) . dont toute la partie inférieure est composée d’un sable fin en strates minces et souvent presque schisteux, mais toujours faiblement agglutiné. La partie supérieure pré- sente des cailloux , et est souvent assez solide pour deve- nir un poudingue. Au nord de la route qui conduit de Bourgoin à la Tour-du-Pin, ce système forme un plateau assez étendu qui constitue de ce côté l'extrémité septentrionale du dépôt de transport doni je m'occupe. De divers points de ce plateau on voit très-bien le mème dépôt s'étendre, en se relevant peu à peu vers les montagnes de la grande Chartreuse et les rives de l'Isère, et se découper de plus en plus en collines arrondies à mesure qu'il s'en ap- proche. En montant sur ce plateau au nord de la Chapelle, par la nouvelle route qui conduit de la Tour-du-Pin vers Saint-Sorlin et Morestel, on peut observer, le long des escarpemens qui le bordent , une coupe assez étendue du dépôt de transport, dont la disposition générale est la même que près de Bourgoin. Les cailloux roulés , rares dans le bas, sont au contraire très-abondans dans le haut ; vers le milieu on voit un poudingue à pâte de sable micacé, plus ou moins fortement agglutiné , alterner ou plutôt se mélanger par grosses veines irrégulières et quelquefois ramifiées , quelquefois brusquement inter- rompues , avec des masses du même sable dépourvues de cailloux. Les cailloux que contient le poudingue sont principalement composés de quarz schistoïde, de cal- caire compacte noir, de granite , de jaspe rougeàtre. J'y en a trouvé un de porphyre rouge avec paillettes de mica et d’amphibole pareil aux porphyres des Vosges. Le sable (273) x agglutiné est quelquefois très-ferrugineux ; il pré- sente souvent une division en strates obliques, assez pro- noncée : son degré d’agglutination est variable, et, au milieu d’une masse peu cohérente, on observe souvent des parties très-solides , en forme de sphéroïdes irrégu- lièrement aplatis. On y trouve même des rognons de cal- caire presque compacte, qui se fondent en partie dans le reste de la masse. Des portions considérables de ce sable agglutiné sont assez solides pour pouvoir être em- ployées comme pierres de taille, en guise de véritable mollasse. Dans ses parties les moins fortement agglutinées, ce sable mélangé de mica rappelle d’une manière frappante les dépôts que forment actuellement le Rhône , l'Isère et la Durance. Le mème sable , en devenant très-fin , passe à une marne jaunâtre ou verdâtre ; quelquefois aussi il devient bleuâtre, schisteux, micacé , et passe à une es- pèce de mollasse schisteuse, un peu charbonneuse. Ces mêmes parties sableuses et presque marneuses du terrain de transport contiennent des fragmens de boïs qui passent à l’état de lignite, mais qui présentent en- core la texture ligneuse. Ce bois fossile, en devenant plus abondant en certains points, produit les amas de lignite ligneux , mentionnés par M. Héricart de Thury dans sa Statistique minéralo- gique du département de l'Isère , à Bevenais , à Longue- Chanal, à Saint-Didier-sur-le-Lent, à Brizonnes, à Biol, à Montrevel , à Droisin , à Blandin , à Virieu, à Panis- sage, à Chelien , au Passage, à Saint-André, à Saint- Didier, à Sainte-Blandine , à Saint-Jean-de-Soudain , à Serezin , à Cessieux, à Montereau , et autres points des (22) environs de la Tour-du-Pin. Dans ces différentes locali- tés , les lignites forment des couches de quelques déci- mètres d'épaisseur, intercallés entre des couches d’argile, de marne ou de sable agglutiné, qui alternent avec des amas de cailloux , et qui font partie du grand dépôt de transport ancien dont nous nous occupons. Les lignites qu’on exploite à peu de distance de Saint- Didier, des deux côtés de la grande route de la Tour- du-Pin au Gaz, un peu en avant la Cassole , sont inter- callés entre deux couches d’argile comprises dans la masse terreuse et sableuse, inférieure à la masse principale de poudingue. L'exploitation se fait par galeries inclinées, qui toutes sont ouvertes dans un poudingue à pâte de sable micacé, agglutiné, et dans lequel dominent les ga- lets de quarz grenu et de calcaire compacte blanchätre , siliceux. Les matières extraites n’offrent aucune trace de coquilles fossiles, ni de couches ou veines calcaires; elles présentent, avec le lignite, un grès schistoïde , friable , presque terreux, sur lequel on voit quelques impressions végétales. Ce grès alterne avec une argile ou un sable très-fin , d’un éclat micacé. Les lignites dont je viens de parler, et particulière- went ceux de Saint-Didier, se composent de troncs d’ar- bres aplatis, dans lesquels on reconnaît encore la texture ligneuse ; ils présentent souvent des parties noires com- pactes, à cassure éclatante, et semblable à celle du jayet. Ils brülent en donnant, comme la plupart des lignites , une fumée épaisse, et en répandant une odeur tantôt aromatique , tantôt fétide et pénétrante. On voit qu'ils diffèrent sensiblement du lignite de Pomiers, dont ils sont toutefois contemporains ; ils sont (33) au contraire tout-à-fait analogues à ceux qu'on exploite dans les parties adjacentes de la Savoie, à Novalèse , à Barberaz , à Bisses, à Motte-Servolex, et à Sonnaz, près Chambéry, dans un terrain de transport de même nature et de même âge. La couche de lignite exploitée à Motte- Servolex est recouverte par des couches horizontales d’un sable micacé, faiblement agglutiné, analogue à celui qui, près de la Tour-du-Pin, se trouve dans la partie inférieure du terrain de transport, et qui renferme les lignites. Au-dessous de Chambéry, sur le flanc droit de la vallée, à peu de distance de Sonnaz, j'ai trouvé un poudingue peu solide, tout pareil à ceux des environs de la Tour-du-Pin. Les lignites de la Tour-du-Pin sont aussi tout-à-faît comparables , tant pour leur nature que par l’époque de leur dépôt, à celui qu’on trouve aux environs de Cuzeau (Saône-et-Loire), dans le terrain d’atterrissement qui constitue la plaine de la Bresse. Dans l’intérieur de cette plaine unie , on ne peut voir de coupes du terrain que dans un petit nombre de vallées qui entament un système d’argiles ou de marnes, de sa- bles et de cailloux agelutinés , pareil à celui dont nous venons de nous occuper; mais les vallées du Rhône et de la Saône qui comprennent cette plaine, ou plutôt ce plateau marécageux, dans l’angle qu’elles forment entre elles , mettent sa composition à découvert en beaucoup de points, et sur une grande hauteur. Dans les es- carpemens qui bordent le Rhône , depuis le point où il reçoit l'Ain jusqu’à Lyon . on voit reparaitre exactement le terrain de transport que nous avons suivi sur la rive opposée de ce fleuve, dans le département de l'Esère. (24) Tout près du pied du Jura, ce terrain se reconnaît aisément dans les collines des environs d’Ambronay et d’Ambrutrix , collines dont le profil, terminé aux deux extrémités par des escarpemens , et supérieurement par une ligne horizontale, montre clairement que les masses qui les composent n’ont pas participé aux mouvemens qu'ont éprouvé les couches des parties voisines du Jura, et ont au contraire été déposées depuis le redressement de ces couches. En effet, si ce dépôt eût existé à l’é- poque de la dislocation du Jura, il est évident que, quelque désagrégeable qu’il soit, on en trouverait des lambeaux sur les pentes des montagnes voisines; ce qui n'a pas lieu, et ce qui prouve qu'il a été déposé à, leur pied lorsqu'elles avaient déjà leur forme ac- tuelle. À Lyon même, où j'ai pu examiner ce terrain avec quelque détail , j'ai reconnu que sa partie inférieure est principalement composée, comme à la Tour-du-Pin, de sables agglomérés, tandis que les cailloux roulés, très- abondans dans sa partie supérieure , en font un poudin- gue des mieux caractérisés , qui est souvent très-solide. Les points de la ville de Lyon où, en 1828, on pouvait le mieux observer le terrain de transport qui nous oc- cupe, étaient le chemin dit de la Boucle, qui monte de la porte Saint-Clair à la Croiïx-Rousse , et un clos appar- tenant à M. Ferrez, situé entre ce chemin et l’intérieur de Ja ville. Différentes fouilles qui se trouvaient ouvertes dans ce clos, à des hauteurs diverses, mettaient à décou- vert plusieurs assises différentes. Dans la partie la plus basse du clos, à quelques mètres au-dessus du niveau du Rhône, le terrain se trouvait (25 ) entamé par suite de la démolition récente de deux petites fabriques de carton. L'emplacement de celle qui était la plus basse et la plus voisine du Rhône, présentait , dans un petit escar- pement, des couches horizontales, mais composées de strates obliques , d’un sable un peu micacé , faiblement aggluuné; contenant de petites veines terreuses, un peu ochreuses , dont j'aurai de fréquentes occasions de citer les analogues dans d’autres parties du mème terrain. Dans ce sable se trouvent des veines plus solides, en forme d’ellipsoïdes très-aplatis, qui sont un véritable grès à ciment calcaire, analogue à celui que j'ai indiqué dans les collines au nord de Bourgoin. Un peu plus haut, dans le mème clos, on exploite pour les constructions un sable à gros grains de quarz et de feldspath, qui provient évidemment de détritus de roches granitiques , et qui sans doute doit son origine au granite qui aflleure dans la ville mème de Lyon, et en quelques points des environs ; ce sable , très-faiblement agglutiné, est mélangé de veines de sable fin, stratifiées obliquement. On voit cette masse sableuse passer, dans sa partie supérieure, à un poudingue qui nest autre chose que le même sable, mélangé de cailloux roulés et consolidé par un ciment calcaire. La superposition et le passage insensible de lune des masses à l’autre se voient de la manière la plus claire. Dans une carrière ouverte encore plus haut, on voit le mème poudingue, grossièrement stratifié, alterner avec de grosses strates sableuses sans mélange de cailloux. On observe aussi très-bien ce poudingue dans les escar- pemens qui bordent le chemin de la Boucle, où on le voit (26) reposer sur la grande masse sableuse inférieure , décrite ci-dessus, et dans ceux qui s'étendent le long du Rhône, sur la route de -Genève : partout ses masses, grossière- ment stratifiées, s'étendent horizontalement. En beau- coup de points , il contient de grosses strates irrégulières de sable dépourvu de cailloux ; les galets qu’il renferme sont quelquefois presque aussi gros que la tête, et tou- jours bien arrondis. La plupart sont pareils à ceux que j'ai indiqués dans la vallée de Saint-Laurent et près de la Tour-du-Pin , et proviennent évidemment des Alpes; quelques-uns rappellent au contraire les roches primi- tives du Forez : ces dernières roches seulement se pré- sentent quelquefois dans le poudingue en fragmens anguleux. Ainsi , dans le poudingue qui forme des escar- pemens sur la rive gauche de la Saône , entre Lyon et l’île Barbe, on trouve des blocs anguleux d’un granite analogue à celui de Lyon ; mais jamais on n’y trouve de fragmens non roulés de roches provenant de contrées lointaines; circonstance qui, comme on le verra plus loin , est très-importante à remarquer. J'ai déjà indiqué plus haut, tome XVIÏIE, page 364, l'existence du même dépôt de transport ancien à Saint- Fons, où sa présence offre un intérêt particulier , à cause de sa superposition sur la mollasse coquillière ter- tiaire , qu’on y exploite comme pierre à bâtir, dans plu- sieurs carrières tant à ciel onvert que souterraines. Les escarpemens des carrières mettent à découvert la ligne de contact des deux dépôts , et permettent de voir elai- rement que, quoique restés l’un et l'autre dans la si- tuation horizontale dans laquelle ils ont été formés, ils ne présentent cependant aucune liaison entre eux. (27) On remarque an contraire, comme J'ai cherché à le figurer PI. xv, fig. 4, et PI. xvi, que la surface de la mollasse était entamée et sillonnée par de petits ravins qui en coupaient plusieurs couches, lorsque les parties inférieures du terrain de transport ancien sont venues la recouvrir. Ce terrain présente ici la même composi- tion qu'à Lyon; et, dans l’escarpement qui surmonte l'entrée d’une des carrières souterraines, il présente, comme l'indique la PI. xvr, un exemple assez remar- quable de la division en strates diversement inclinées , que j’ai mentionnée plusieurs fois. Aux carrières mêmes , le dépôt de transport ancien est en partie incohérent, et en partie seulement agglu- tiné en un poudingue assez solide. Le long de la grande route , au sud du village de Saint-Fons , il se présente sur une grande hauteur en poudingue très-solide, qui forme des rochers escarpés, pareils à ceux que J'ai indiqués plus haut sur les bords du Rhône, près de Lyon. Ce poudingue se retrouve plus au S.-E. , dans l'espèce de cap qui s’avance entre le Rhône et l'Ozon, près de leur confluent, et il fait partie de la masse de terrain de transport qui s'étend sur la rive septentrionale de cette dernière rivière. Le poudingue se trouve ici associé et mème en quelque sorte subordonné à une grande masse d’un sable fin et cohérent qui est en géné- ral très-abondant dans toute la partie du terrain du transport ancien qui avoisinne le pied des montagnes du Forez. En descendant du village de Solaise , bâti sur le plateau, vers l'Oson, qui coule au sud, on suit un chemin creux, profondément encaissé dans ce dépôt (28) sableux. Des portes qui s'ouvrent le long du chemin , donnent accès dans des caves creusées dans ce même dépôt. Le sable qui le constitue est jaunâtre , assez fin, et légèrement aglutiné par un ciment calcaire ; presque partout il est dépourvu de cailloux roulés ; cependant ceux-ci se montrent tout-à-coup en grand nombre dans des portions de la masse sableuse, dont le contour est elliptique, et qui sont comme isolées au milieu du reste. Ce système repose immédiatement sur le gneiss qu’on trouve au bas du.chemin creux, presqu’au niveau de l’'Ozon. On voit de grands escarpemens au sud de Vienne, le long de la côte qu’on monte en se dirigeant vers Au- berive. Ils sont formés en partie par un poudingue pareil à celui de Lyon et de Saint-Fons, eten partie parun sable fin et cohérent , pareil à celui de Solaise. Le poudingue et le sable, sans présenter de stratification distincte, of- frent des indices d’une disposition en masses horizontales; mais ces masses ne se continuent pas à une grande dis- tance , car, en deux points situés à peu de distance l’un de l’autre, et exactement à la même hauteur, j'ai trouvé dans l’un du poudingue, et dans l’auire du sable sans cailloux. On voit donc clairement que le poudingue et le sable ne forment que de grosses veines qui s’enchevètrent irrégulièrement les unes dans les autres; circonstance que j'ai déjà mentionnée près de Saint-Laurent , de la Tour-du-Pin, etc. , etc. Ce même sable, présentant des amas isolés pétris de cailloux roulés, et contenant en quelques points des couches bleuâtres, un peu argileuses, analogues à celles qui , en d’autres points , avoisinent les amas de bois fos- (29) sile , forme tout le plateau qui s'étend au sud de Chonas, et remplit toute la dépression dans laquelle se trouve Saint-Prim. Des chemins creux le mettent à découvert en beaucoup de points. J'y ai remarqué un grand nom- bre de petits rognons tuberculeux, dans lesquels le sable est empâté, et très-fortement agglutiné par un suc cal- caire très-abondant ; leur cassure inégale présente une grande quantité de petites cavités irrégulières , qui rap- pellent celles que présentent certains calcaires d’eau douce. Le terrain de transport ancien dont je viens de décrire diverses manières d'être, forme la côte située au sud d’Auberive ; dans sa partie supérieure, comme à Lyon et à Bourgoin , les cailloux roulés sont très-abondans. Ils sont formés , comme dans ces deux endroits, de ro- ches alpines ; maïs parmi eux on remarque des blocs anguleux du gneiss du Forez. Ce mème dépôt constitue aussi tout le plateau entre Auberive et le péage de Ros- sillon ; de mème que ceux qui, de Vienne et d’Auberive, s'étendent vers Bourgoin, vers la côte Saint-André, vers Ajou. Près d’Ajou on y trouve des dépôts de bois bitumineux, à l’occasion desquels on a fait des recherches qui, d’après M. Héricart de Thury ( Description minéralogique du département de l'Isère ; Journal des Mines , tom. 33, pag. 60), ont fait connaître , au-dessous d’amas de cail- loux de tout diamètre et de marnes argileuses , la série dé coûclies suivantes. 1°. Un banc d’argile bleue; 2°. Un premier bane de lignites; 3°, Un banc de galets et de cailloux; 4‘. Une couche d'argile bleue ; 5°. Un banc de lignite; 6. Un banc d'argile bleue, contenant des bran- (:800 ches , des troncs d'arbres et des racines plus ou moins bien conservées; 7°. Des argiles rougeâtres et bleuâtres, souvent en couches séparées , et quelquefois mélangées ou confondues ensemble; 8. Un banc de bois très-bitu- mineux, très-épais et très-compacte. M. Héricart de Thury ajoute que le premier banc de lignite renferme quelquefois des cailloux et des galets, avec des terres argileuses. On y trouve une grande quan- tité de coquilles fluviatiles et terrestres , qui sont toutes aplaties ou écrasées, ce qui rappelle le lignite de Po- miers. Le même dépôt de transport se retrouve au sud de la plaine caillouteuse qui s'étend de la côte Saint-André à Saint-Rambert , et constitue les coteaux sur la pointe avancée desquels s'élève la tour d’Albon, et ceux qui séparent Creure de Saint-Uze et de la vallée de la Ga- laure , et qui sont couronnés par un large plateau élevé de plus de 320 mètres au-dessus du niveau de la mer. I] constitue aussi les collines situées immédiatement à l'est des buites de roches primitives qui forment la rive gauche du Rhône, près de Saint-Vallier et de Tain. Au pied oriental de ces protubérances granitiques , le terrain de transport dont nous nous occupons présente principalement des masses sableuses , faiblement agglu- tinées , souvent disposées par grandes strates obliques, qui s’inclinent dans diverses directions ; quelquefois il devient très-grossier, et tout-à-fait analogue à des détri- tus, à peine remaniés , de granite qui serait décomposé presque sur place ; circonstance que j'ai déjà remarquée à peu de distance de là, dans le dépôt tertiaire de la mollasse. Il présente souvent des veines ferrugineuses , N ( 2% ) ‘ irrégulières , plus solides que celles que j'ai indiquées à Lyon, dans la masse sableuse qui forme la partie inférieure du mème terrain de transport. J’ai observé entre Blonac et Saint-Barthélemy, dans un sable grani- tique faiblement agglutiné , des veines assez pures de fer oxidé rouge. On remarque aussi en grand nombre , dans ce dépôt sableux, comme dans celui au sud de Chonas de petites masses tuberculeuses, dans lesquelles le sable est fortement agglutiné par un ciment calcaire , et dont la cassure est celluleuse , et rappelle celle de certains calcaires d’eau douce ; elles sont disposées par lits, comme les silex, dans la craie, et rappellent les concrétions de marne endurcie ressemblant à du calcaire d’eau douce , que M. Voltz, danr son Aperçu de la topographie miné- ralogique de l'Alsace, indique sous le nom de Kupstein dans les glaises d’alluvion des environs de Strasbourg. Des chemins creux sont souvent creusés très-profondé- ment dans cette masse sableuse, dans laquelle on a mème en beaucoup de points pratiqué des caves, comme, par exemple, près du Soulon , le long du chemin qui con- duit vers l’exploitation de kaolin de Larnage. Ce sable est très-souvent dépourvu de cailloux sur de grandes étendues; mais, dans différens points, on y trouve inter- callés des amas pétris de cailloux , parmi lesquels domi- nent ceux de quarz grenu schisteux : on y en trouve aussi beaucoup de jaspe rouge , de roche amphibolique schisteuse , etde calcaire compacte noir, gris et blanc. Il paraïtrait que les parties du dépôt de transport ancien que je viens de décrire ont été déposées dans une sorte d’anse comprise entre les masses primitives des environs de Saint-Vallier et de Tain , et les collines de (3) mollasse des environs de Clavezon et de Saint-Donat. je ne connais jusqu'ici aucun dépôt du mème genre dans la partie de la vallée du Rhône située plus au sud. On voit au contraire ces dépôts se développer rapidement à mesure.qu’on s’avance vers le nord et le nord-est; la mollasse coquiilière disparaît sous ceux qui s'étendent d’Albon et de Creure vers le Grand-Serre, Montrigaud et Roybon. Mais si de ces divers lieux on s’avance au midi, vers Saint-Donat, on voit le dépôt de transport ancien s’amincir graduellement; bientôt il ne forme plus que de petits lambeaux qui couronnent les coteaux de mollasse coquillière tertiaire, et, d’après le peu d’é- paisseur et la composition en partie argileuse de ces lambeaux , je crois que le terrain de transport ancien ne s’est jamais étendu beaucoup au sud de Saint-Donat. À une lieue au uord de ce dernier endroit, le coteau assez élevé qui domine , du côté de l’ouest, le village de Baternay, est formé à sa partie supérieure par l’extré- mité méridionale d’un petit lambeau détaché de terrain de transport ancien , qui présente une assise de cailloux roulés , en partie calcaire et en partie quarzeux , repo- sant sur une couche argileuse qui contient un grand nombre de tubercules calcaires irréguliers , dont la cas- sure compacte et un peu celluleuse a une apparence lacustre. Le même dépôt de transport ancien constitue les parties supérieures des coteaux qui s'étendent au nord de Charaix et du château de Langon (1), et il y pré- sente de même , dans des couches de glaise sableuse, (1) Carte de Cassini, n° 119. (33) de gros tubercules calcaires à surface très-rugueuse ét irès-irrégulière , dont la cassure grisâtre , compacte , un peu celluleuse , rappelle celle du calcaire d’eau douce. Aux environs de Montrigaud, et sur les plateaux cou- verts de boïs et de bruyères qui s'étendent de Montri- gaud vers Roybon, le terrain de transport ancien est principalement formé d’une glaise sableuse , colorée par de l’oxide de fer, et contenant de petits tubercules ferrugineux , analogues par leur forme aux tubercules calcaires dont je viens de parler, mais beaucoup plus petits. Lorsque le lavage naturel , opéré par les pluies, les a réunis en grand nombre dans les petites dépressions de la surface , ils rappellent tout-à-fait certains minerais d’alluvion de la Franche-Comté et de l'Alsace. Ce sys- ième de glaise sableuse , avec grains de minerai de fer pauvre , ressemble tout-à-fait à celui qui forme le sol d’une partie de la Bresse, de la plaine basse du déparie- ment de la Côte-d'Or (de Chälons-sur-Saône, à Pontoælier et à Dijon) , et celui de la plaine du Suntgau , aux envi- rons de Ferette (Haut-Rhin ). Le mème dépôt de glaise sableuse, avec grains de minerai de fer pauvre, constitue au nord-est de Roybon le plateau des bois de Chamber- ran. Lorsqu'on descend de ce plateau, soit par le che- min de Roybon, soit par celui qui conduit à Moulin- Ruet et à la plaine plus basse de la côte Saint-André, on trouve dans la partie inférieure de la glaise sablon- neuse une assise épaisse, composée presque entièrement de galets de grès à grain fin, à cassure terreuse , devenu Jjaunâtre par décomposition , mélangés avec des galets de quarz grenu schistoïde. Un peu plus bas, tant dans l’une que dans l’autre descente , on trouve une couche IX. 3 (54) dans laquelle abondent les galets calcaires. La manière semblable dont ces assises se süccèdent dans les deux descentes , m'a semblé indiquer, avec une grande pro- babilité, qu’elles se continuent au-dessous du plateau des bois de Chamberan , et qu’'ainsi le terrain qui nous occupe est formé ici d'assises étendues, d’une certaine régularité. En voyant qu'aux environs de Baternay, de Montri- gaud et de Roybon, la composition de ce terrain de trans- port ancien rappelle si fort les parties du même dépôt qui constituent le nord de la Bresse, il m'a paru natu- rel de conjecturer que les unes et les autres ont été dé- posées aux deux extrémités d'un même lac, dont les eaux douces se seraient étendues entre le Jura et les montagnes du Forez et du Beaujolais, et auraient été empêchées, par quelque disposition particulière , de prendre leur cours vers le midi. Cette supposition se trouve appuyée par la circon- stance que la partie supérieure de ce système présente à l’est de Roybon , au sud de Plan Michard , un calcaire marneux qui à l'apparence de calcaire d’eau douce; il forme une couche d’environ un mètre , qui renferme quelques cailloux roulés , et il est intercalé dans la masse de cailloux qui forme en ce point la partie supérieure du terrain dont je m'occupe en ce moment. M. Fénéon, à qui cette dernière observation est due, n’a pas trouvé de fossiles dans ce calcaire; maïs son aspect permet peu de douter qu'il n'ait été déposé dans l’eau douce, et les caractères lacustres qu'il présente s'accordent avec la présence de coquilles d’eau douce entre les strates des lignites de Pomiers et d’Ajou, pour indiquer que le (35 ) terrain très-récent , dont ces diverses couches font par- tie, a été déposé en entier dans des eaux douces. On doit convenir cependant que le grand dépôt dont nous nous occupons ne présente pas toute l’unifor- mité qu’on devrait s'attendre à y trouver s'il avait été formé sous une grande masse d’eau complètement en repos. La prédominance du sable , au pied des buttes granitiques qui bordent le Rhône, s’expliquerait par la superposition de courans qui entrainaient tous les maté- riaux de ce terrain, et qui n'avaient pas toujours la force d’amener les cailloux jusqu’au pied des collines graniti- ques des bords du Rhône, mais toujours celle d'y amener les sables. La présénce de masses de cailloux, à section elliptique irrégulière, doit faire présumer que de temps en temps un courant plus fort serait venu sillonner le sable, et y amener des cailloux, Ces circonstances seraient dificiles à concilier avec l’idée d’un dépôt dans un lac, si on n'avait pas la faculté de supposer, comme on y est naturellement conduit par des remarques qui se pré- senteront plus loin, que les eaux de ce lac ne s’élevaient pas à une grande hauteur, et qu’il se comblait progressi- vement , à partir du point par lequel il recevait les eaux des Alpes, par l'effet même de la quantité de matières charriées que ces eaux amoncelaient de plus en plus loin en avant de leur embouchure. Quelle que soit au reste la manière dont ce vaste atterrissement a été formé, l’origine des matériaux qui le composent ne saurait être douteuse: presque tous les fragmens reconnaissables qu’il présente sont des roches alpines, complètement arrondies dans le transport. La route que ces matériaux ont suivie n’est pas moins éVI- ( 36) dente. De Lyon, des collines qui dominent Vienne, Saint-Vallier, ete., on aperçoit le Mont-Blanc et les cimes voisines, presque jusqu’à leur base , par une échancrure ouverte entre les montagnes de la grande Chartreuse et l'extrémité méridionale du Jura. Cette échancrure, con- sidérée de plus près, se trouve barrée par des montagnes d’une hauteur comparativement médiocre, formées de couches du système jurassique , de couches du système de grès vert et de la craie, et de couches de mollasse co- quillière tertiaire , toutes fortement inclinées et quel- quefois verticales. Cette série presque continue de mon- tagnes d’une hauteur à peu près uniforme s’étend de Belley à Voreppe ; le Rhône la traverse dans le défilé de Pierre-Châtel, le Guyer dans celui de la porte de Chaille, et la route de Chambéry dans une galerie sou- terraine. Ainsi que je l’ai indiqué, elle a évidemment joué , à l’époque dont nous nous occupons , le rôle de déversoir par rapport aux eaux qui descendaient des Alpes, soit que ces eaux, formant une nappe très- étendue, aient couvert toute l’arête du barrage, soit qu'elles n’aient passé que par les points les plus bas de cette mème arête. Les masses du mème dépôt de sables et de cailloux qui se trouvent en avant du barrage, dans la vallée de Saint-Laurent, au pied des premiers escarpemens des montagnes de la grande Chartreuse, semblent avoir été déposées dans un remous des mêmes courans. M. d’'Epine, en examinant les terrains de transport dans lesquels se trouvent, non loin de Chambéry, à Sonnaz, à Motte-Servolex, à Bisses, à Barberaz et à No- valèse , des couches horizontales de lignites ligneux , a (37 ) été conduit à attribuer aussi leur formation à de pareils courans, de l’action desquels il serait peut-être égale- ment possible de reconnaître des traces aux environs de Rumilly, de la perte du Rhône, et de Genève. Il me semblerait beaucoup plus diflicile de dire po- sitivement ce que devenaient ces mêmes eaux dans le cas où elles n'auraient pas été dissipées par l’évaporation du grand lac qui paraît avoir couvert à cette époque la partie N.-O+du département de l’Isère , ainsi que la Bresse. Comme dans la vallée du Rhône, au-dessous du confluent de l'Isère, on ne trouve aucun dépôt de la date de ceux que nous décrivons en ce moment ; il parait évident que les eaux qui les produisaient ne se diri- geaient pas de ce côté. Il n’est pas aussi certain qu'on ne puisse un jour tracer leur ancien cours jusque dans la vallée du Rhin, qui n’est séparée de celle de la Saône que par un détroit terrestre peu élevé. Lorsqu'on remonte la Saône , de Lyon à Chälons-sur- Saône, on voit près de Neuville, de Genay, de Trévoux, le plateau de terrain de transport ancien de la Bresse venir, comme à Lyon, se terminer au bord de la Saône en coteaux très-rapides, et même en falaises escarpées. Il présente , comme en beaucoup de points déjà décrits, une grande épaisseur de sable jaunàtre agglutiné, et n'offre que dans sa partie supérieure un mélange de cailloux roulés, qui forme alors un poudingue peu cohé- rent. Les deux rives de la Saône deviennent ensuite tout-à-fait plates sur une certaine étendue; mais presque en face de Villefranche , au nord de Beauregard , des collines s'avancent de l’intérieur de la Bresse jusqu’au bord de la Saône , et forment sur sa rive gauche un cap ‘ (38 ) peu élevé, composé de sable agglutiné , analogue à celui de Trévoux. En continuant à remonter, on voit le pla- teau de terrain de transport ancien s'éloigner de nouveau de la Saône , dont il se rapproche ensuite brusquement pour former le cap sur lequel s'élèvent, au S.-E. de Belleville , l’église et le château de Montmerle , et plus loin, celui qui s’avance près d'Orme , entre Tournus et Chàlons. Dans les intervalles, la rive gauche de la Saône, formée d’alluvions récentes , serait constamment plate, si les collines de calcaire oolithique , situées au sud-est de Tournus , ne venaient interrompre son uniformité. La même alternative de collines du terrain de trans- port ancien et de plages basses d’alluvions récentes, con- ünue sur la rive gauche de la Saône jusqu’à Verdun- sur-Saône , et sur celle du Doubs , de la Loue et de la Cuisance, jusqu'au sud-est de Dôle. La route de Dôle à Lons-le-Saulnier, après avoir traversé ces trois rivières, rencontre sur la rive gauche de la dernière un petit coteau qui n’est autre chose que le bord du plateau de la Bresse. Ce coteau continue à border la vallée de la Cuisance jus- qu'à Mont-sous-Vaudrey, et présente çà et là divers es- carpemens , qui permettent d’en étudier la composition. Entre Nevy et Souvans, par exemple, il présente de grandes masses de sable plus où moins agglutiné et plus ou moins argileux , contenant en quelques points des cailloux roulés qui en formentun poudingue plus ou moins solide. Parmi ces cailloux roulés , on en trouve un grand nom- bre de quarz blanc schistoïde , plus ou moins grenu, de Jaspe rouge, de grauwacke, analogue à celle des Vosges. Les cailloux roulés de granite y sont très-petits et très- peu nombreux. Ces cailloux roulés, particulièrement (39 ) ceux de quarz , se retrouvent dans un grand nombre de vallées du département de la Haute-Saôae, où ils sont fréquemment mélangés avec les minerais de fer en grains. Ces mêmes cailloux de quarz se trouvent naturellement en grand nombre dans le lit du Doubs, à Dôle, et dans celui de la Saône , à Châlons, et on s’en sert pour paver ces deux villes, comme on se sert de leurs analogues pour paver les petites rues de Lyon et toutes les villes des bords du Rhône. La hauteur au-dessus des rivières des collines formées par le terrain de transport ancien , va sans cesse en di- minuant depuis Lyon, et même depuis Saïnt-Vallier, jusqu’au nord de la Bresse, parce que la hauteur de ces rivières au-dessus de la mer se trouve être de plus en plus grande à mesure qu’on remonte vers leurs sources , tandis que la hauteur absolue qu’atteint le dépôt de transport ancien se trouve être de moms en moins grande à mesure qu'on avance vers le nord. Entre Saint-Uze et Creure, au N.-E. de Saint-Val- lier, les coteaux formés par le terrain de transport an- cien , qui sont peut-être moins élevés aujourd’hui qu'ils n'ont été à des époques antérieures , attendu qu’ils sont dominés de beaucoup par les plateaux que forme le mème terrain aux environs de Montrigaud et de Roy- bon , s'élèvent encore à plus de 320 mètres au-dessus de la mer. Au sud-est de Dôle, et aux environs de Mont-sous-Vaudrey, les collines de terrain de transport les plus élevées, qui donnent à peu près la hauteur du plateau de la Bresse vers son extrémité septentrionale , ne s'élèvent guère au contraire à plus de 220 mètres au- dessus de la mer. (40) La plaine basse qui s'étend au pied de la Côte-d'Or jusqu'à Dijon, et qui , sauf l’interposition de Ja vallée de la Saône, forme la continuation de la Bresse , est mème encore un peu moins élevée. La ville de Dijon, bâtie au bord et plutôt au-dessus qu'au-dessous du niveau général de cette plaine, se trouve à 217 mètres au-dessus de la mer; ce qui donne un abaïssement de plus de 100 mètres depuis les coteaux situés au N.-E. de Saint-Vallier jusqu'à Dijon ; différence qui se trouverait portée à 300 et même à 5 ou 600 mètres , si, s’éloignant du Rhône et des bords du massif central de la France, on comparait le plateau de la Bresse aux plateaux de mème formation, et d’une composition analogue, des environs de Roybon , et aux collines que forme le ter- rain de transport ancien près de Tullins et de Voiron. Le fait de cet abaissement de niveau, qui s’opère gra- duellement en allant de la partie N.-0. du département de l'Isère vers le nord de la Bresse , et qui est trop régu- lier pour qu’on puisse y voir l'effet d’une destruction partielle du terrain de transport ancien, deviendra plus frappant lorsque je pourrai publier le tableau des me- sures barométriques par lesquelles je l’ai constaté. Cet abaissement est d'autant plus important à remar- quer, que le terrain de transport ancien ne s’élevant pas sensiblement sur les pentes des collines et des monta- gnes calcaires qui circonscrivent la Bresse , il est évident que des points pris sur ces mêmes pentes , à la hauteur des parties voisines de ce plateau , marqueraient 1æ hau- teur jusqu’à laquelle elles ont été baignées par les eaux qui ont déposé le terrain de transport ancien. D’après , (41) ce qui vient d’être dit, l’ensemble de ces points, qui a dû être de niveau si ce même terrain a été déposé dans un lac, a cessé depuis lors d’être horizontal. Je n’ai pu jusqu’à présent lier d’une manière continue le terrain de transport de la Bresse avec le terrain de même nature, qui, dans le midi du département du Haut-Rhin, forme en partie le sol fertile du Suntgau, et particulièrement les plaines faiblement ondulées des environs de Dennemarie et d’Altkirch , au milieu des- quelles se fait le partage des eaux entre le Rhône et le Rhin (1). Ce terrain s'élève maintenant à un niveau (1) L'espace compris entre Montreux et Dannemarie, dans lequel ce partage s’opère, au lieu de présenter la chaîne de montagnes que la plu- part des cartes y figurent , ne présente que de faibles ondulations ou de petites collines , qui se soutiennent presque au même niveau jusqu’au bord de l’Ill, où ce plateau se termine par des coteaux peu élevés. De divers points de la route de Dannemarie à Aspach , par exemple entre Ammertzwiller et Brunhaut-le-Bas , où cette route se trouve sensible- ment au même niveau que le bief de partage du canal de Monsieur, on voit s'étendre de toutes parts, à une grande distance, la plaine un peu ondulée du terrain de transport, dont le niveau général s’abaisse légèrement vers Illfurth, pour se relever ensuite à peu près au même niveau, au sud et à l’est d’Altkirch, sur les routes de Ferette et de Bâle. Ce terrain présente une grande masse de glaise sableuse et un peu ferrugineuse , jaune, marbrée , bleuâtre ou noire , où j'ai trouvé dans la tranchée du canal de Monsieur, au-dessous de Dannemarie, un grand nombre de petites coquilles probablement terrestres. Elle con- tient souvent une quantité plus ou moins considérable de cailloux rou- lés, de quarz ou de grauwacke , dont la grosseur varie de celle d’une noisette à celle de la tête : on en trouve aussi quelques-uns de jaspe rouge. Quoiqueles grauwackes rappellent celles des Vosges, j'ai cherché presque vainement parmi ces galets, dans les environs d’Aspach, d’Ammertzwiller, de Dannemarie, de Montreux , des granites et des porphyres de ces montagnes : ce n’est qu'entre Montreux-le-Chäteau (42) beaucoup plus élevé (de plus de 200 mètres) que celui du nord de la Bresse ; mais il ne faudrait pas se hâter et Froïde-Fontaine que jy ai trouvé un fragment de porphyre quarzi- fère en décomposition. Au contraire , les cailloux de quarz rappellent assez souvent ceux qu’on observe dans le dépôt de transport ancien du uord du département de l'Isère et de Lyon, et qu'on peut présumer venir des Alpes ; mais je dois dire aussi que je ne saurais assigner l’ori- give d’un grand nombre de ces cailloux , surtout des quarz schisteux à feuillets plans, souvent micacés , qui constituent un grand nombre des plus gros et des moins arrondis. Il ÿ en a aussi de grès des Vosges, et d’autres qui rappellent les galets quarzeux, grisätres, un peu grenus , du grès des Vosges, les parties les plus solides du grès inférieur du Las de la Haute-Saône et de la Haute-Marne, les arkoses de Saône-et- Loire, certaines roches quarzeuses de la forêt de Serre, et même cer- taines variétés des grès quarzeux tertiaires du nord de la France, etc. Quelques-uns de ces galets de quarz sont pénétrés de cavités irrégu- lières et comme cariées, circonstance que M. Voltz a déjà remarquée dans les galets que présente le même terrain aux environs d’Altkirch. (Voyez la Géognosie des deux départemens du Bhin, par M. Voltz, ingénieur en chef des mines, p. 38.) Je crois me rappeler que les roches primitives et les porphyres des Vosges et de la forêt noire se trouvent au contraire assez abondamment dans les galets du même dépôt, entre Altkirch et Ferette, et si ce fait se confirme, il sera difficile de ne pas en conclure que les galets des environs de Dannemarie ont dù étre charriés par des eaux qui coulaient, non de Alsace vers la Franche- Comté, mais au contraire de la Franche-Comté vers l'Alsace et vers le pied des montagnes des Vosges et de la forêt Noire. Les galets de por- phyre rouge et quelquefois quarzifère , et ceux de quarz provenant de l4 formation du grès des Vosges, sont assez fréquens dans les dépôts de cailloux roulés de même en partie quarzeux des environs de Delemont, qui s'élèvent , ainsi que les minerais de fer, sur les pentes des monta- nes , jusqu’à près de 800 mètres au-dessus du niveau de la mer. La glaise sableuse du Suntgau, jaunâtre et souvent comme mar- brée le long des fissures de teintes diversement foncées et de quelques nuances de bleu, rappelle , jusque dans ces légers accidens, le; glaises du nord de la Bresse et de la plaine basse qui en forme la cou- tinuation dans le département de la Côte-d'Or, aussi-bien que eelle (43) d'en conclure qu’il n’a pu se former sous une nappe d’eau intérieure, liée à celle de la Bresse, et dans la- quelle même cette dernière se serait déchargée ; car la différence de niveau actuelle des deux dépôts peut s'être produite depuis leur formation, comme la différence non moins grande qui existe entre les niveaux des parties des plateaux des environs de Montrigaud et de Roybon (Isère). Ici comme dans ces divers lieux, la glaise est presque toujours mé- langée de grains irréguliers de minerai de fer plus ou moins riche, qui restent fréquemment isolés à la surface du sol par l’eflet du lavage saturel opéré par les pluies. fls se lient évidemment aux minerais de fer en grains, qui se trouvent sur toute la circonférence de la plaine du Suntgau , soit à la surface ‘du sol, soit dans les cavités du calcaire jurassique, et qui se présentent de même sur les bords de la plaine de la Bresse, d’où ils entrent dans les vallées du département de la Haute-Sadve , où ils contiennent des cailloux roulés de quarz, des csse- meus de Rhinocéras et d’Ours, et où ils se lient à ceux qui pénètrent sous forme de boyaux dans le calcaire jurassique (1). Ou voit par là que le terrain de transport ancien dont nous nous occupons est contemporain de la formation de minerai de fer pisi- forme, décrite par M. Brongniart (2), et de la formation des gîtes d’ossemens des cavernes de la Haute-Saône et de diverses autres con- trées. On devra probablement rapporter à la même époque et à la même origine le dépôt de transport considérable qui s'élève à environ 80 mè- tres au-dessus du Rhin (200 mètres au-dessus de la mer), dans les collines et les plateaux situés au S.-E. de Lauterbourg (Bas-Rhin), où il a été observé depuis long-temps par M. Voltz, et où il est devenu récemment l’objet des recherches de M. Rozet. (1) Voyez la Notice sur les grottes du département de la Haute-Saône, et sur les ossemens fossiles qu’elles renferment; par M. Thirria, ingénieur au corps royal des mines. Annuaire de la Haute-Saône , 1829. (2) Voyez la Notice sur les brèches osseuses et les minerais de fer pisiforme de même position géognostique , par M. Al. Brongniart, Ann. des Sc. nat., t. XIV, p. {ro ; et les Observations additionnelles à cette même Notice, que M. Brongniart a consignées dans les Ann. des Sc, nat, ,t. XVI, p. 80. (44) septentrionale et méridionale du dépôt de la Bresse, et il ne serait peut-être pas impossible de trouver, dans les parties du Jura qui avoisinent Delemont et Saint-Ur- sanne , des traces de mouvemens considérables du sol , qui se seraient produits après la formation du terrain de transport ancien. Nous allons bientôt voir sur les bords de la Durance des dépôts du même âge, dont le niveau a été bien plus fortement dérangé , et qui ont même été disloqués. Dans le troisième chapitre de ce Mémoire, J'ai eu plusieurs occasions , t. XVIIT, p. 373 et suiv., de faire mention du terrain de transport ancien dans lequel est en partie creusée la vallée de la Durance , entre Volone et le Per- tuis de Mirabeau. J’ai dit qu'il compose les collines qui forment, entre Mirabeau et Sainte-Tulle , le flanc droit de cette vallée, et j'ai aussi indiqué son existence dans celles des environs de Manosque, de Volx, de Ville- neuve, de Ganagobie et de Volone. Je vais maintenant le décrire le plus succinctement possible , en le prenant d’abord sur la rive gauche de la Durance , où il occupe une surface considérable , puis- qu’il s'étend jusqu'aux Moutiers , jusqu’au-delà de Mezel , et jusqu’à peu de distance de Digne. Ce terrain, qui couvre d’assez grandes étendues entre Cotignac (Var) et Greoux ( Basses-Alpes) , forme , près de cette dernière petite ville, presque toute la rive droite du Verdon et ensuite du Colostre (x); ily est super- posé , tantôt à un calcaire contemporain du grès vert, et tantôt à un calcaire tertiaire lacustre , qui rappelle celui de Manosque. (x) Carte de Cassini, n° 153. (4 ) Sur le flanc septentrional de la vallée du Colostre, entre Greoux et Saint-Martin de Bromes , on voit pa- raître le long de la route de Riez un calcaire d’eau douce évidemment supérieur au calcaire contemporain du grès vert dans lequel le lit du torrent est profondément creusé. Ce calcaire d’eau douce s'élève brusquement en divers points à travers un poudingue principalement composé de galets calcaires, réunis par un sable fin ag- glutiné, qui en enveloppe fréquemment des blocs plus ou moins considérables. Tout annonce que ce poudingue est venu embrasser des escarpemens de ce calcaire , bor- dés d’éboulemens, et qu’ainsi il appartient à une forma-- tion plus récente que la sienne , et qui en est nettement séparée; ce qui va se trouver confirmé par un grand nombre d’autres observations. Plus haut, dans la vallée du Colostre, à peu près à moitié chemin de Saint-Mariin-de-Bromes à Allemagne, on voit sur la gauche de la route de Riez, le calcaire d’eau douce alterner avec des marnes souvent un peu schisteuses, grises, d’un gris bleuâtre, brunes et noires ; ces couches , dont la composition rappelle naturellement celle du dépôt d’eau douce des environs de Manosque, sont presque horizontales. La surface supérieure de la masse totale , sans être fortement inclinée dans son en- semble, présente des inégalités qui entament les cou- ches. Sur cette surface qui porie ainsi l'empreinte d’une ancienne dégradation du dépôt tertiaire, repose un agglo- mérat qui ne s’y lie par aucun passage; il se compose d'assez gros galets calcaires, réunis par un sable fin agglutiné , et rappelle entièrement par son aspect celui qui constitue en grande partie, près de Voreppe, le (46) terrain de transport ancien. Dépourvu de couches fria- bles , il forme des rochers escarpés. Comme il n’y a pas un seul caïllou roulé dans les couches calcaires et marneuses sur lesquelles il repose, tandis qu'il ne présente lui-même, du moins jusqu'à une certaine hauteur, aucune assise marneuse , le contraste des deux formations est aussi brusque et aussi tranché que possible. Ce poudingue forme la base d’un système très-épais d'assises alternatives de conglomérats et de marnes, tan- iôt rouges , tantôt d’un gris bleuätre ou jaunâtre sale, dans lequel est creusée toute la partie su périeure de la vallée du Colostre , aussi-bien que celle de ses divers afluens : les cailloux roulés qu’il y présente sont pour la plupart calcaires. Entre Allemagne et Riez , j'en ai remarqué un grand nombre d’un calcaire compacte, très-bleu , et quelquefois traversé de petites veinules rouges contournées, rappelant à la fois les calcaires blancs, qui. dans les chaînes de la Sainte-Baume et de l'Étoile, font partie du système du grès vert et de la craie , et certains calcaires d'eau douce du département des Bouches-du-Rhône. En allant de Riez à Puymoisson , village situé à une lieue plus au nord, on remarque aussi un grand nom- bre de ces galets composés de calcaires blancs, présen- tant les caractères et même, à ce qu'il m'a paru, les fossiles de certzines couches que présente le système du grès vert et de la craie sur les bords de la Méditerranée, et d’autres d’un aspect lacustre assez prononcé. Ces der- niers offrent souvent, comme certains calcaires d’eau douce du département des Bouches-du-Rhône, beaucoup ( 47 ) de petites cavités tapissées où remplies de spath cal- caire. Le village de Puymoisson est bâti sur le bord d’un plateau, dont les diverses ramifications remplissent l’es- pace compris entre les vallées du Colostre, de l’Asse et de leurs affluens, et qui est entièrement formé par le terrain ancien dont je m'occupe. Sa surface n’est pas entièrement horizontale ; elle se relève au nord , et je ne doute pas que la surface supérieure du terrain de transport ancien n’aille ainsi en se relevant d’une ma- nière presque uniforme, du midi vers le nord , depuis Brue et Cotignac ( Var) jusqu'à la vallée de l’Asse ; nous verrons même plus loin qu’elle continue encore à s’éle- ver graduellement au-delà de cette dernière vallée. Le sol de ce plateau est couvert et même en grande partie composé de cailloux roulés qu’on pourrait être tenté de comparer à ceux de la Crau, s’ils n'étaient pas pour la plupart calcaires , tandis que ceux de la Crau, qui d’ail- leurs appartiennent à une autre formation , sont pour la plupart quarzeux. On conçoit aisément qu'un sol ainsi composé est assez pauvre ; aussi les amandiers qui y sont plantés en grand nombre y forment-ils un des objets de culture les plus importans. Ce plateau se termine au N.-N.-O, , vers la vallée de l'Asse , profonde de plus de 200 mètres, par une pente très-rapide , déchirée par de nombreux ravins , qui met- tent à découvert sur une grande hauteur la composition du terrain de transport ancien. Le long de la descente qui conduit à la Begude blan- che , il présente une succession de grosses assises à peine distinctes de marnes quelquefois sableuses , tantôt rou- (48 ) ges , tantôt d’un gris jaunâtre ou bleuâtre , et d’un con: glomérat plus ou moins solide , à ciment terreux ou sa- blonneux, dont les galets, le plus souvent calcaires , sont fréquemment ‘plus gros que la tête. Les plus nom- breux sont formés de diverses variétés de calcaire noiï- râtre ou gris, souvent marneux ou schistoïde , appar- tenant soit au terrain jurassique, soit à celui du grès vert et de la craie, qui constitueni en grande partie les montagnes situées à l’est de Digne et des Moutiers. Tou- tefois , j'y ai aussi remarqué en assez grand nombre des fragmens de calcaire et de silex d'apparence lacustre , dont les analogues n’existent, du moins dans des con- trées peu éloignées , que dans les dépôts tertiaires d’eau douce de Forcalquier, des Bouches-du-Rhône et du Var; j'ai même remarqué entre autres un fragment de calcaire , à noyaux composés de couches irrégulièrement concentriques , tout pareil à celui qu'on rencontre fré- quemment dans le terrain d’eau douce, entre Aix et Gardanne (Bouches-du-Rhône). On doit aussi remar- quer la ressemblance qui existe entre les marnes rouges qui forment une partie assez considérable de ce terrain de transport, et celles qui font partie des terrains d’eau douce des départemens de Vaucluse et des Bouches-du- Rhône. Les deux circonstances se réunissent pour prou- ver que notre terrain de transport, évidemment plus récent que les dépôts tertiaires sur lesquels il repose, sans se lier à eux, a été formé en partie de matériaux provenant de leur destruction. Je dois encore ajouter qu'avec les galets que je viens de mentionner, j'en ai trouvé plusieurs d’un calcaire compacte gris, nuancé de jaune, analogue à des varié- ( 49) tés très-fréquentes du muschelkalk du Var ; ce qui con- courrait à établir que les matériaux du terrain de trans- port sont venus du midi et de contrées dans lesquelles il paraît d’ailleurs très-probable que le muschelkalk et les dépôts d’eau douce n’ont jamais occupé un niveau aussi élevé que celui auquel on trouve ici leurs matériaux (ce niveau est, entre Puymoisson et la Begude blanche, de plus de 650 mètres au-dessus de la mer); d’où il résulte 1° que la direction des cours d’eau a com- plètement changé dans ces contrées depuis la forma- tion du terrain de transport ancien ; 2° que depuis cette même époque, les niveaux relatifs des diflérens points de ces contrées ont changé, de manière à ce que les points où nous nous trouvons se sont élevés de beau- coup par rapport à ceux qui sont situés plus au sud et plus près des côtes ; deux circonstances qu'il était im- portant de faire remarquer, et sur lesquelles je revien- drai plus loin. Sur la rive droite de l’Asse, entre cette rivière et la Bleonne , le même terrain de transport s'élève , dans l’é- tat actuel des choses , à une hauteur plus grande encore. Il constitue un plateau incliné et profondément découpé, qui se ramifie entre les grands ravins qui tombent dans l’Asse, au-dessous de Mezel , et se relève graduellement versune crète irrégulière située un peu au N.-N.-0O. dela ligne qui joindrait le Puy-Michel à Mezel et dont le plan forme sensiblement le prolongement de celui du plateau que j'ai indiqué ci-dessus , au midi de l’Asse. Ce relève- ment uniforme de la surface du terrain de transport an- cien du midi vers le nord , se présente très-clairement à l'œil, lorsque , placé sur la montagne de Notre.Dame- XIX, 4 (50) des-Roches , au nord de Volx, sur la rive droite de la Durance , on observe les coteaux de la rive opposée, que le terrain de transport ancien compose en totalité. La crête irrégulière qui, comme je viens de le dire, s'étend un peu au N.-N.-O. d’une ligne tirée de Puy- Michel à Mezel , présente à l'observation des faits cu- rieux , que je vais successivement faire connaître , en la parcourant à partir de son extrémité occidentale, qui est la plus voisine de la Durance , et la moins élevée. On s’élève de la petite ville des Mées, bâtie dans la vallée de la Durance , jusqu'à la cime des coteaux élevés qui la séparent du village de Puy-Michel , en remontant des ravins creusés profondément dans des poudingues pareils à ceux dont jai parlé ci-dessus, et présentant toujours principalement des galets calcaires et quelque- fois siliceux , dont la grosseur est fréquemment double de celle de la tête. Ces poudingues , qui rappellent par leur aspect celui qui constitue le terrain de transport aucien près de Voreppe , sont ici assez solides ; ils pré- sentent même près des Mées des parties très-résistantes , que l’action atmosphérique a taillées en une suite de pyramides qui produisent, sur le bord de la vallée de la Durance , un effet plus bizarre que pittoresque. Près du point culminant du sentier, on trouve intercallé , dans la partie supérieure du poudingue, un grès très- calcaire, un peu marneux, à surfaces tuberculeuses , présentant dans l’intérieur de petites géodes de spath calcaire. Son aspect rappelle les dépôts lacustres , cir- constance qui doit être rapprochée de celle du même genre que présente le terrain de transport ancien aux environs de Roybon (Isère). Il est en effet assez proba- (51) ble que tout le système dont il fait partie a été déposé, comme les systèmes contemporains du N.-O. du dépar- tement de l'Isère et de la Bresse, et celui du Suntgau, sous une grande nappe d’eau douce, Si on s’avance du côté du nord , dans la direction de la Bastide de haute montagne, on atteint bientôt la ligne de partage entre le penchant qui regarde la rivière d'Asse, et le penchant beaucoup plus rapide qui regarde le Rhône. Sur le premier, le plan supérieur de la masse de cailloux s'incline légèrement au sud , et va corres- pondre , comme je l'ai déjà fait pressentir, au plateau que forme le même dépôt au midi de l’Asse; mais vers le nord on n’aperçcoit pas la mème régularité. Sur la rive septentrionale de la Bleonne , le dépôt de transport ancien constitue, au nord des Guillaumonds et d’Ay- glun , de petites montagnes que la prolongation du plan légèrement incliné dont je viens de parler irait couper vers le milieu de leur hauteur ; ce qui indique que le même terrain y a subi des dérangemens que devaient aussi faire présumer les faits curieux que j'ai indiqués (t. XVII, p. 392) entre Volonne et Lescale. Près de la Bastide de haute montagne, la ligne de partage entre l’Asse et la Bleonne se trouve déjà à plus de 750 mètres au-dessus de la mer, et, à partir de ce point, elle présente une série de proéminences qui vont en s’é- levant vers l’est, et le long desquelles je. vais essayer de conduire le lecteur. Elles finissent par atteindre , au sud du Chaffaut, une hauteur absolue d’environ 850 mè- tres ; hauteur peu différente de celle qu’atteint le terrain de transport ancien dans les collines les plus élevées des environs de Voiron (Isère ). (52) Si d’abord nous descendons dans les vallons très-pro- fonds qui prennent naïssance près de la Bastide de l’hô- pital, les ravins considérables qui entament leurs pentes nous montreront un poudingue à gros galets , la plupart calcaires , mais parmi lesquels on en trouve aussi quel- ques-uns d’un quarz grenu blanc, un peu schisteux , fréquent dans différentes parties des Alpes. Quant aux galets de roches primitives, ils sont ici excessivement rares ; je n’en ai trouvé qu'un seul : c'était un fragment d’un schiste micacé, dont on pourrait trouver l’analogue sur le littoral du département du Var. Je n'ai pas réussi à trouvér une seule des roches de l’Oisans. Ce poudin- gue grossier alterne par gros bancs avec des marnes rouges , d’an gris bleuâtre , et jaunes, qui contiennent en un grand nombre de petits tubercules calcaires très- irréguliers, d’an aspect lacustre , et qui rappellent ceux que j'ai mentionnés dans le terrain de transport ancien du N.-O0. du département de l'Isère (Chonas, Bater- naÿ; etc. ). Parmi ces couches , j'en ai aussi trouvé une d’un grès calcaire à grain assez fin , qui rappelle assez bien la mollasse , mais qui rappelle encore mieux celui qui se trouve intercallé dans le dépôt de transport ancien de Voreppe et de Pomiers (Isère ). Ces couches ne présentent pas ici d’inclinaïson bien sensible ; mais si on monte sur les hauteurs très-décou- pées situées au sud du village d'Epinouse, on commence à y'apercévoir d’une manière bien marquée une double inclinaison , qui, comme celle de la surface extérieure, s'incline d’une part légèrement au midi, vers lAsse, et de l’autre plonge au nord , vers la Bleonne , sous un angle beaucoup plus prononcé. (55) Des hauteurs situées en face de la vallée de l'Eduye, on voit les couches de l’arête escarpée, située près du Teisson et des escarpemens voisins, plonger au N. 15° O. sous un angle très-sensible à l'œil, et que j'ai évalué à 5 ou 6°. Du côté opposé, les couches plongent , entre le S. et le S. : S.-E., sous un angle qui ne dépasse guère 2°; elles forment ainsi une espèce de toit, dont les deux pentes sont inégales , et dont l’arête se dirige et se relève légèrement vers l'E. © N.-E, , de manière à aller passer à une demi-lieue O.-N.-O. de la petite ville de Mezel, entre les Bastides de Bautujas et de Creas. En me dirigeant vers ce point à travers les extrémités supérieures de plusieurs vallons très-profonds, j'ai vu se reproduire dans le terrain de transport ancien les eir- constances déjà mentionnées, et j'y ai seulement remar- qué de plus, entre Chemillers et Bautujas, quelques galets de roches serpentineuses , et de variolites analo- gues à celles du Drac. Un point situé un peu à l’ouest du milieu de la ligne qui, sur la feuille 153 de la carte de Cassini, joindrait la Bastide de Bautujas à celle de Creas , est remarquable en ce que les couches du terrain de transport ancien, qui y sont horizontales sur une petite étendue , plongent de toutes parts, à partir de ce point, sous des angles que j'ai vu aller jusqu’à 70°. Cette inclinaison se commu- nique d’une manière plus ou moins marquée aux cou- ches du terrain de transport, dans un espace de deux lieues de diamètre, qui, comprenant le territoire de Mezel , s’étendrait jusque vers Estoublon, Beynes et Château-Redon (1). Dans tout cet espace, les couches (1) La diligence de Marseille à Digne passe à Mezel. La grande (54) se relèvent à peu près vers le point que j'ai indiqué , offrant ainsi la disposition qu’on remarquerait dans un cratère de soulèvement très-dégradé, dont ce point serait le centre. La fig. 2 de la PI. xvrr du tome XVIIT pré- sente une coupe figurative des couches redressées, faites par un plan dirigé de V'E.-S.-E. à l'O.-N.-O., qui passe par Mezel et par le centre de relèvement. Les portions des couches redressées qui s'élèvent le plus haut sont situées un peu à l'O. de Creas, et au N.-O. du centre de relèvement. Le torrent qui tombe dans l’Asse au-dessous de Mezel, après avoir passé un peu au sud de Bautujas et du centre de relèvement, prend naïssance derrière leur crête , et les entame pro- fondément. Au centre de relèvement, j’ai trouvé un grès calcaire en couches horizontales, que j'ai vu ur peu plus à l'O. plonger de 70° vers PO.-S.-0. Il serait fa- cile, à l’aide des nombreuses déchirures que présente le terrain , de construire une coupe rigoureuse de toutes les couches depuis les précédentes, qui sont les plus basses qu’on puisse voir, jusqu'aux plus élevées, qui constituent les escarpemens à l'O. de Creas. Pour faire connaître leur nature, qui est à peu près la même dans toute la hauteur, je me bornerai à décrire deux points. Un peu à l’O. du centre de soulèvement, on voit al- terner le long du principal ravin de nombreuses couches de poudingue, de grès calcaire et de marnes , souvent d’un rouge très-foncé, qui plongent à l’O.-S.-O. sous un angle qui dépasse fréquemment 45°. Au sud du ravin, sur la pente en face et à l'O. de Bautujas , on voit alter- route traverse presque suivant son plus grand diamètre l’espace que je viens d'indiquer. (55) ner avec le conglomérat des marnes dont les couches sont alternativement rouges ou d’un gris rougeâtre , et qui contiennent de petits tubercules calcaires irréguliers, semblables à ceux que j'ai décrits plus haut : les cou- ches plongent de 45° à l’O.-S.-0. Un peu plus haut, le poudingue alterne avec des marnes rouges, d’un gris rougeâtre , et jaunes par couches, dont l’inclinaison, di- rigée à l'O. 30° S$., est seulement de 30°. Les galets, tous bien arrondis , sont quelquefois deux fois gros comme la tête ; ils sont principalement composés de calcaire gris ou jaune, schistoïde, à cassure terreuse, de calcaire com- pacte, gris ou blanchâtre, et de silex. On y trouve aussi, mais en très-petit nombré, des galets de roches serpen- tineuses et feldspathiques, et d’euphotide. Si on fait attention à la position du point central duquel les couches plongent de toutes parts vers l’ex- térieur, on voit que si, à partir de ce point, on tire une ligne vers l'O. 10° S., cette ligne coïncidera avec la ligne de faite que forment les couches du terrain de transport en plongeant d’une part de 5 à 6° au N. 15° O. du côté de la Bleonne , et de l’autre de 2° environ vers le midi , du côté de l’Asse. Cette ligne de faite s’abaisse graduellement et les pentes des couches deviennent en même temps de plus en plus faibles à mesure qu’on approche de la vallée de la Durance où , près des Mées, le dépôt devient presque horizontal. Il est toutefois à remarquer que vers le point où le prolongement de l’arête de cette espèce de toit rencontre le flanc occidental de la vallée de la Durance, on ob- serve des faits qui sembleraient indiquer aussi , quoique ( 56 ) d'une autre manière , une dislocation postérieure à la formation du dépôt de transport ancien. Entre Giropuy et Pont-Bernard , l’entaille creusée pour donner une largeur suflisante à la grande route de Marseille à Grenoble, met à découvert, d’une ma- nière presque continue sur près d’une lieue de lon- gueur, la composition du sol. Près de la serre, par exemple, elle est coupée dans des couches de calcaire un peu marneux du système du grès vert et de la craie qui se relèvent vers le midi sous un angle de quelques degrés. Une partie de ces couches sont comme hachées en place un peu au-dessus du niveau de la route , et vont, pour ainsi dire, se perdre dans un conglomérat très- grossier, dont leurs parties les plus solides composent les noyaux, tandis que leurs parties les plus tendres en sont devenues le ciment. Ce conglomérat recouvre les tranches des autres couches coupées brusquement , et forme les pentes qui s'élèvent au-dessus de la route. Si on monte sur ces pentes vers le pied des escarpemens de mollasse de Ganagobie , on voit paraître en abondance dans ce même conglomérat très-grossier, des marnes rouges et des cailloux roulés calcaires, pareils à ceux que J'ai décrits plusieurs fois ci-dessus, et qui ratta- chent évidemment ce même conglomérat au terrain de transport ancien. Maïs, ce qui est surtout remar- quable, c’est qu’on y remarque à diverses hauteurs de nombreux et très-grands fragmens , des lambeaux en- üers de couches du calcaire inférieur contemporain du grès vert; les variétés peu schisteuses forment dans le 8 conglomérat des blocs dont les uns ont 5 ou 6 mètres (57) de côté et dont les autres sont de toutes les grosseurs au-dessous jusqu’à celle des fragmens ordinaires. Les variétés schisteuses forment des plaques de plus de 10 mètres de long sur 0"30 de puissance, couchées dans le poudingue parallèlement à ses strates grossiers qui plongent d'environ 10° au N.-N.-0. ; il résulte de là en quelques points l'apparence d’une alternance entre le calcaire et le conglomérat. J'ai indiqué plus haut, t. XVII, p. 392, dans le dépôt de transport ancien entre Voloneet Lescale des lambeaux de couches tertiaires. Ces deux faits doivent être rappro- chés, car au milieu de leur singularité encore inexpli- cable pour moi (1), leur existence simultanée prouve qu'ils n’établissent pas une identité de formation entre le conglomérat et le terrain qu'il recouvre , puisque ce conglomérat ne pourrait se lier à la fois et d’une ma- nière semblable au green-sand et à la mollasse coquillière tertiaire : de là il résulte nécessairement qu'il appartient à une formation indépendante à la fois des deux que je viens de nommer , et plus récente à la fois que l’une et que l’autre , ce qu'établissaient du reste les diverses superpositions que j'ai mentionnées. Il me reste encore à décrire l’une de ces superposi- tions, que je n’ai fait que citer, et qui est indiquée PI. xvir, fig. r, du tome XVIII. Sur la rive gauche du torrent appelé le Laye , au-des- sus du pont de Volx , à peu de distance de la route de poste de Grenoble à Marseille, les couches de la mollasse (1) Un fait analogue s’observe dans la vallée de Provesieux, à deux lieues au nord de Grenoble. Ces faits mériteraient d’être étudiés avec plus de détail. (58) coquillière tertiaire, inclinées sous un angle qui varie de 10 à 30°, sont coupées en biseau par une surface sensi- blement horizontale. Sur cette surface s’étend horizon- talement un agglomérat plus ou moins solide de galets, pour Ja plupart calcaires et assez souvent de quarz grenu un peu schisteux , parmi lesquels je n’en ai pas trouvé de roches primitives. Les premières assises sont très-grossières et composées de gros galets posés con- fusément sur la tranche des couches de mollasse. Les couches suivantes prennent l’aspect ordinaire du terrain de transport ancien dans ces contrées ; elles sont en quelques points colorées en rouge par le ciment. Le dépôt de transport ancien est ici très-épais et s'élève jus- qu’au sommet des collines situées entre Villeneuve et Notre-Dame des Roches. En général , comme je l’ai déjà dit, il entre dans la composition d’une partie des collines qui forment le flanc droit de la vallée de la Durance depuis Peyruis jusqu’au Pertuis de Mirabeau. Sur la base des pentes qu’il constitue, on trouve souvent des lambeaux du terrain de transport diluvien qu’on distinguerait diflici- lement du terrain de transport ancien sous l'abondance des galets des roches primitives de l’Oisans et autres matériaux des Hautes-Alpes, qui en font une partie intégrante essentielle. Il résulte des faits précédens , qu’à une époque plus récente que le redressement des couches dans le système de montagnes, dont font partie les Alpes occidentales {de Marseille à Zurich), la contrée comprise entre Digne et Manosque , a présenté une dépression en par- tie circonscrite par des montagnes , et probablement ( 59 ) remplie par un lac d’eau douce; dépression dans laquelle s’est accumulé un dépôt de transport très-épais, dont les matériaux venaient en partie du midi. Immédiate- meut après sa formation, la surface supérieure de ce dépôt était sans doute à peu près horizontale, et le relè- vement qu’elle présente aujourd'hui, du midi vers le nord, paraît s'être produit après coup, comme le relè- vement moins rapide, il est vrai, que présente au- jourd'hui du nord au sud le fond de l’ancien lac de la Bresse. Ici le fond du lac a mème été disloqué, et les couches qui s’y étaient déposées ont été redressées. Je reviendrai plus loin sur ces faits. Les deux lacs dont je viens de parler , et auxquels on peut joindre celui qui paraîtrait avoir couvert à la même époque le bassin du Suntgau, et même probablement l'Alsace entière , et auxquels on pourrait peut-être aussi associer le lac plus grand et plus élevé que le lac de Cons- tance actuel, dans lequel s’est déposé le terrain d’eau douce d'OEningen, devraient figurer sur une mappe- moude où on chercherait à représenter l’état de la surface du globe pendant la période de tranquillité qui a suivi le redressement des couches du système de montagnes dont font partie les Alpes de la Savoie et du Dauphiné. Cette mappemonde présenterait aussi des mers dans lesquelles a dû se former, comme pendant les périodes antérieures et pendant la période actuelle, un système de dépôts marins. On voit clairement, d’après cela, qu'on doit s'attendre à trouver quelque part des dépôts marins qui, sans se lier à ceux de l’époque actuelle, seront plus récens que les mollasses coquillières, les fah- fans et le crag, et en seront distincts. La description que no prépare M. Lyell de certains dépôts marins de la Sicile, en présentera peut-être déjà un exemple. N'ayant pas moi-mème à décrire de terrains de cette nature , j'ai conservé aux dépôts formés dans les anciens lacs dont j'ai parlé , la dénomination de dépôts d’atter- rissement, de transport ou d’alluvion , sous laquelle les aggrégations de cette sorte ont été comprises jusqu'ici ; mais je ne l’ai fait que pour ne pas m'écarter, sans une nécessité immédiate, de la nomenclature généralement employée , et peut-être aurai-je contribué par là à faire sentir combien cette nomenclature est imparfaite. Quoi qu’il en soit, l’état de choses pendant lequel se sont accumulés les dépôts que j'ai décrits, a depuis long-temps cessé d’exister ; sa terminaison a été suivie par une débâcle dont les effets , que nous allons étudier, ont été si considérables, que leurs traces, quoique sans doute fort anciennes, paraissent encore aujourd’hui presque toutes fraîches. $ IL. Description du second terrain de transport des vallées de la Durance , du Rhône et de l'Isère ( Diluvium de quelques géologues ). Depuis les travaux de De Saussure, la plaine caillou- teuse de la Crau (département des Bouches-du-Rhône) a constamment fixé l’attention des géologues qui se sont occupés du midi de la France. Les blocs anguleux de roches alpines, transportés sur les pentes du Jura, ont excité encore plus de curiosité, et tout le monde connaît les travaux que MM, Léopold de Buch , Deluc , et plu- (61) sieurs autres géologues ont publiés à leur sujet. On a généralement considéré ces deux grands dépôts isolément; ils semblent être susceptibles de devenir plus intéressans encore , si on prouve qu'ils remontent l’un et l’autre à la même époque , qu'ils ont été produits tous les deux dans une même révolution de la surface du globe. Or, pour voir ces deux dépôts se confondre, il suffit de suivre l’un des deux jusqu'en des points où l’autre existe en même temps d’une manière reconnaissable, et où on les voit passer l’un à l’autre; circonstance qu’on rencontre en remontant les vallées de la Durance ou du Rhône. | Il est difficile , en parcourant la partie orientale de la Crau, de jeter les yeux vers le N.-N.-E, , sans remar- quer l’échancrure qui , au pied oriental de l’ancien chà teau de Lamanon , donne passage au canal de Craponne, et sans être porté à conjécturer que c’est en partie par cette ouverture que sont arrivés les courans d’eau qui ont amené les cailloux roulés sur lesquels on marche, que c’est par là en particulier que sont arrivés les roches des montagnes du Briançonnais et de l’Oisans. L'examen de la partie de la vallée de la Durance, si- tuée vers l’entrée septentrionale de l’échancrure dont nous venons de parler, confirme pleinement cette sup position. En effet , le sol de la plaine basse qui est située entre les canaux de Craponne et de Boisgelin , à l’ouest de Pont-Royal , est formé de cailloux roulés qu’on peut attribuer aux anciennes excursions de la Durance ; mais au milieu de cette plaine on voit s’élever, en monticu- les isolés, les débris d’un plateau également couvert de cailloux roulés , mais plus élevé que le précédent d’une (62) dixaine de mètres , et dont on ne sanraît attribuer l’ori- gine aux causes actuellement agissantes. Ces monticules sont composés de cailloux roulés, réunis par un sable fin et micacé , faiblement aggrégé , qui en forme un pou- dingue peu cohérent, analogue à celui qui constitue le fond du sol de Crau. La nature des cailloux est aussi la même que dans la partie orientale de la Crau; on y trouve entre autres des roches serpentineuses , analogues à celles du mont Genèvre, des granites à feldspath rose, pareils à ceux de la Val-Louise (Hautes-Alpes), etc... Tout conduit en un mot à voir dans cet ancien plateau caillouteux une continuation de la Crau , ou plutôt une trace du passage des courans qui, plus loin, ont pro- duit la partie orientale de la Crau (près d’Istres et de Salon ). Des monticules du même genre, et sans doute produits par les mêmes causes , s'observent en remontant la val- lée de la Durance , tant au-dessous du Pertuis de Mira- beau qu'au-dessus. Du Pertuis de Mirabeau à Volone (1), la vallée de la Durance a été en partie creusée , ainsi que je l'ai dit plus haut, dans le terrain de transport ancien , qui forme de part et d’autre des coteaux de plusieurs centaines de mètres de hauteur. Les conglomérats qu'il présente se distinguent au premier abord de celui dont nous parlons ici par l'absence des roches primitives , telles que le gra- nite à feldspath rose de Val-Louise, qui abondent tou- jours dans le dernier. Celui-ci ne s'élève pas non plus à beaucoup près à d'aussi grandes hauteurs que les con- (1) Carte de Cassini, no 153. (65 ) glomérats anciens ; il reste au fond de la vallée, et forme des lambeaux adossés au pied des pentes qui la bordent (ainsi qu'on l’a figuré en B, PI. xvir, fig. 2, du t. XVIII), et de petits plateaux interrompus , couverts d’un grand nombre de cailloux roulés , et dont l’aspect rappelle immédiatement la Crau. Près du pont de Pastre , au sud de la Brillanne, le lit de l’Ansor est creusé dans le terrain de transport an- cien sans galets primitifs, divisé en grosses strates, qui, plus obliques encore que celles dont j'ai parlé près de Saint-Fons et de Pomiers (Isère), plongent de 3o à 5o° vers l’E.-S.-E. Ce dépôt , qu'on suit jusqu’à la Bril- lane, y est adossé à des couches de mollasse coquillière tertiaire, qui se dirigent au N. 15° E. , et qui sont tantôt verticales, et tantôt inclinées vers l'E. de 80°. Sur le tout s'étend horizontalement le dépôt de transport dilu- vien, caractérisé par ses galets de roches des Hautes- Alpes , parmi lesquelles on remarque surtout le granite à feldspath rose de l’Oisans , et un poudingue quarzeux, dont une partie des noyaux sont roses. Ce même dépôt diluvien forme , au nord de la Bril- Janne, un plateau uni et assez étendu que traverse la route de Sisteron; on en retrouve d’analogues près de Peyruis , et ils se continuent vers Château-Arnoux, où ils forment sur les bords de la Durance des berges es-. carpées. De là ils se prolongent, en s’élevant sensiblement, jusqu’à l'entrée de la CZuse ou défilé que traverse la Durance à Sisteron , et, en s’en rapprochant, ils pré- sentent des berges perpendiculaires de plus en plus éle- vées, dans lesquelles les grosses strates irrégulières et (64) souvent obliques qui les composent, se dessinent par des saillies inégales. Je citerai, particulièrement sous ce rapport, le plateau caillouteux situé à l'O.-S.-0. de Solignac, et celui situé au nord de Beaulieu (1). On remarque dans ces divers dépôts un grand nombre de gros galets ou de petits blocs parfaitement arrondis de roches primitives de l’Oisans, telles que le granite à feld- spath rose de la Val-Louiïse, ainsi qu'un poudingue quar- zeux, dont les noyaux sont souvent roses, et qu'on trouve dans les hautes vallées de la Durance, du Guil et de l'Ubaye. Ces dépôts renferment aussi un grand nombre d'assez gros blocs anguleux de calcaire, arrachés selon toute apparence aux parois de la Cluse de Sisteron ; mais de plus on ÿ remarque, tant sur la surface du plateau que dans les escarpemens terminaux , un grand nombre de petits blocs (de 0,60 à 0®,70 de longueur ), de roches primitives, qui viennent probablement des points de départ des courans diluviens. Au-dessous de Sisteron , à la hauteur de Peypin , ces courans paraissent avoir, pendant un certain instant de leur durée, atteint une assez grande hauteur ; car sur l’une et l’autre rive de la Durance, on voit le dépôt que nous décrivons couronner des collines assez élevées au- dessus des eaux de cette rivière. Ce fait se lie à la circon- stance que la surface supérieure des dépôts diluviens ne présente pas toujours un plan unique. Au-dessous de Sisteron , sur la rive droite, on remarque l’une à côté de l’autre deux portions de dépôt terminées par des plans presque horizontaux, dont l'un est élevé au- (x) Caite de Cassini, no 152. (65) dessus de l’autre de 20 ou 30 mètres et plus , et se ter- mine à une berge rapide; disposition qui semble indi- quer que le courant diluvien , après avoir formé un premier dépôt, s’y est recreusé un autre lit. On voit diflérens exemples du, même fait Gans le grand dépôt de cailloux qui s'étend au nord de Sisteron, vers le Poet et Ventavon, et qui forme des falaises es- carpées sur les bords de la Durance, dont le lit se trouve coupé dans sa masse en divers points, notamment au N.-O. de Theze (r). En suivant la route de Gap, on aperçoit et on a même à monter plusieurs de ces berges, qui partagent la nappe caillouteuse en portions discon- tinues, de niveaux diflérens. Je citerai en particulier celle sur laquelle sont bâtis les villages de la Silve et de la Clapisse. À mesure qu’on avance vers le nord , on voit la gros- seur, maximum des galets qui couvrent la plaine aug- menter ; ce sont souvent de petits blocs , dont la lon- gueur dépasse 0m,70 où Om ,80. Déjà même près du Poet on trouve d'assez gros blocs, dont les arêtes sont à peine émoussées ; et, à mesure qu'on avance, On voil croitre le nombre et la grosseur de ces blocs , ainsi que la vivacité de leurs arêtes. Ces blocs commencent à donner un caractère particu- lier aux lambeaux du dépôt diluvien qu’on observe entre les lits des torrens creusés profondément dans le schiste argilo-calcaire jurassique près de Ventavon, du Mones- (1) Les plateaux escarpés sur lesquels sont bâties les villes d'Embrun et de Mont-Dauphin, sont aussi formés de conglomérats que je crois de la même époque queceux-ci. XIX. 5 ( 66 ) tier-Allemont, du Vivas, de la Saulce; et, avec eux, on y voit paraître un grand nombre de fragmens angu- leux , de diverses natures. On peut même dire que de la Saulce à Gap, à la Bâtie-Neuve et au-delà , le dépôt diluvien se compose principalement de débris anguleux ét de très-menus frag- mens de diverses roches, au milieu desquels de gros blocs se trouvent enveloppés. On en trouve des lambeaux considérables sur la route de Sisteron à Gap, au haut de la côte de la Tour-Ronde, et sur celle de Gap à Veyne, entre la Fressinouze et la Baume-des-Arnauds. Mais souvent il est arrivé que tous les petits fragmens que présentait le dépôt diluvien ont été emportés , et que les blocs sont restés seuls et isolés sur la surface du sol. Telle est sans doute l’origine des blocs de roches amphiboliques fragmentaires , de granite rose et blanc de l'Oisans, etc., dont le diamètre surpasse souvent 2 mètres ; qu’on trouve épars près des piles ainsi que sur les montées d'Oris-Neuf et de la Tour-Ronde, et de ceux qu’on trouve répandus sur le sol des environs de Gap, au pied du col de Bayard. On voit , en résumant les faits ci-dessus énoncés, que les grandes pierres primitives alpines , répandues aux environs de Gap, peuvent être considérées comme ap- partenant à la partie la plus voisine de son point de départ d’un vaste dépôt de transport , qu'on peut suivre de proche en proche en descendant la vallée de la Du- rance. On trouve les matériaux qui le composent de moins en moins volumineux , et de plus en plus arrondis à mesure qu'on les observe en des points situés plus bas, et on finit par les voir entrer dans la plaine caillouteuse ( 67 ) de la Crau, dont la partie orientale n’est autre chose que l’extrémité inférieure de ce même dépôt. Des faits analogues se présentent lorsque , partant de même de la Crau , on remonte la vallée du Rhône (x). M. le professeur Marcel de Serres , dans ses Observa: tions sur la Crau , insérées dernièrement dans les Mé- méires du Muséum d'Histoire naturelle ; dit que les galets qui couvrent cette « mer de cailloux, » s'étendent avec une simple diminution dans leur grosseur, mais sans changement dans leur nature, jusqu’au-delà de Nimes et de Montpellier, et ne se terminent de ce côté qu’au bord de la Méditerranee. Cette remarque judi- cieuse peut être étendue à une grande partie des galets qu’on rencontre en remontant la vallée du Rhône. Cette vallée offre, en effet, sur divers points , tels que la petite Crau , au nord de Saint-Remy, les environs d'Avignon, ceux de Château-Neuf-du-Pape, de Donzère, de Montélimart , etc. , des amas de cailloux roulés de la même nature que ceux de la Crau, amas dont les surfa- ces supérieures présentent des plaines caïllouteuses qui forment , pour ainsi dire, une continuation interrompue de la Crau proprement dite. Il n’est pas nécessaire, pour mon objet actuel, de décrire ces diverses parties d’un même ensemble ; car les plaines caillouteuses des environs de Romans (Drôme) (x) Peut-être arriverait-on aussi à des résultats analogues si, partant du grand dépôt caillouteux qui supporte les bois de Rustenwald et la forèt dela Hart, non loin de Neu-Brissack ( Haut-Rhin), où recherche- vait de proche. en proche les dépôts semblables , en remontant le Rhin et ses afluens , tels que l’Aar , la Reuss, la Liminat. ( Voyez à cet égard les travaux de MM. Voltz et Merian. ) ( 68 ) et de Saint-Rambert (Isère) sont encore évidemment des fractions du mème tout , et il me suflira par conséquent de rattacher ma description à ces dernières localités. Pour atteindre ce but, j'irai prendre jusqu’au fond de quelques-unes des vallées dont il est sorti, le dépôt dont font partie les grandes pierres alpines transpor- tées (1), et je le suivrai depuis ces points de départ jus- qu'aux plaines caïllouteuses dont je viens de parler. Le dépôt diluvien dont j'ai fait connaître la composi- tion dans les environs de Gap, au pied méridional du col de Bayard , se retrouve avec des caractères analogues au pied septentrional du même col , dans le fond de la vallée du Drac, entre Champoléon et Saint-Bonnet ; mais il est remarquable que sur le col même et sur ses deux pentes ; jusqu’à un niveau assez bas, on ne trouve que des blocs de roches secondaires , et jamais de blocs de roches primitives ; d’où il suit que les courans dilu- viens des vallées du Drac et de la Durance n’ont jamais eu aucune communication : partis de points presque con- tigus , ils ne se sont confondus que dans la Crau, à laquelle ils sont arrivés par des circuits divergens et Inégaux. Le dépôt devailloux presque horizontal qui borde le torrent de Brutinel , ne m’a pas présenté de fragmens rimitifs ; je n’en ai pas non plus trouvé dans les dépôts P ; P P (x) Voyez le Mémoire sur le phénomène des grandes pierres primi- tives alpines, lu par M, J. A. Deluc (neveu) à la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève, le 21 septembre 1826. Voyez aussi, quoiqu’ils se rapportent à des lieux plus éloignés de ceux dont je m’oc- cupe ici, les, Mémoires publiés sur le même objet par M. Léopold de Buch et par M. Escher. ( 69 ) de blocs de grès à Nummulites et de calcaire, qu'on trouve en montant vers le col qui conduit de Brutinel à Chaudun ; d’où il suit que le courant diluvien qui a-dû. amener des fragmens primitifs de la vallée de Champo- bon , s’est tenu tout-à-fait dans le fond-de la vallée su- périeure du Drac. Ce dépôt , mélangé de fragmens primitifs, commence à s'élever plus haut sur les pentes, à partir de Lesdi- guières et du débouché du val Godemard ; il forme une partie de la surface du sol le long de la montée que pré- sente la route de Grenoble , à partir du pont sur la Se- veraise , et il recouvre souvent le calcaire jurassique en face d’Aspres , et dans les traverses de Corps. La petite ville de Corps est bâtie au pied des pentes d’une montagne principalement formée de schiste argilo- calcaire de la formation jurassique, et au commence- ment d’une espèce de terrasse formée par ce même dépôt diluvien, qui s’avance presque horizontalement entre le Drac et le torrent des Salettes. Ce dépôt se présente sur une très-grande épaisseur le long des deux rives de la Bonne, qui sort du Val-Bonnais pour se jeter dans le Drac, entre Corps et Lamure, après avoir traversé la route de Grenoble sous le pont de Pontaux. De part et d'autre de ce torrent, qui a coupé son lit profondément dans le schiste argilo-calcaire noir juras- sique , on voit le dépôt de transport qui repose sur ce schiste , s'élever en pentes escarpées jusqu’à une grande hauteur. [l se compose de plusieurs étages assez nette- ment distingués , et séparés par des lignes sensiblement horizontales ; ces étages diflérent par la proportion des (70) matières triturées en parties fines , et des blocs ou gros cailloux roulés. La partie inférieure du dépôt est principalement éom- posée de gros galets de roches primitives ; il y en a de toutes grosseurs , jusqu’à 1 mètré de longueur: ces der- niers sont plutôt de petits blocs, dont les angles sont seulement légèrement arrondis ; quelquefois même dans les plus gros ils sont à peine émoussés ; ceux qui ont plus de 0",30 de longueur, ont encore toutes leurs formes reconnaissables. Parmi ces galets, on en trouve entre autres de très-gros, qui sont formés de variolite du Drac. Cette portion du dépôt est fréquemment agglutinée en un poudingue qui fait saillie en quelques points, et dans lequel on remarque des galets et des blocs suspendus en sur- plomb. Les assises supérieures se composent principale- ment d’une masse incohérente, formée d’une multitude de petits fragmens anguleux ou mal arrondis , et de parties tout-à-fait triturées de roches primitives et cal- caires. On y trouve enveloppés un petit nombre de galets arrondis, et quelques gros blocs de roches primitives. L'action des pluies les découpe en pyramides aiguës, de l'aspect le plus ruineux. Les blocs sont très-nombreux et très-gros dans ces parties supérieures du dépôt, près du point culminant de la route de Grenoble, au sud des Meyers, Ils sont principalement formés d’un granite pareil à celui du col de la Pisse. Ces diflérences entre les divers étages du dépôt sont importantes à remarquer, en ce qu'elles prouvent que le phénomène du passage du torrent diluvien dans la vallée du Drac n’a pas été tout-à-fait instantané, et que , dans les derniers momens , ce courant a été capa- (71) ble de transporter de plus gros bloc que dans le commencement, circonstances dont la première trouve sa confirmation dans les dépôts diluviens de la vallée de la Durance et du N.-O. du département de l'Isère. Sur la rive septentrionale de la Bonne , la surface du dépôt de transport forme un plateau presque horizontal, à l'extrémité duquel s’élève la ville de La Mure, dans une position comparable à celle de Corps. Le sol de ce plateau est jonché d’un grand nombre de blocs de roches primitives et de variolite du Drac, et on en rencontre de même un grand nombre en allant de La Mure au hameau du Crest, situé à une lieue au nord. Il paraît que le dépôt de transport a rempli d’ancien- nes vallées jusqu’au niveau marqué par Îes terrasses dont je viens de parler. (Cette disposition est indiquée dans la fig. 3 de la PI. xvrr du tome XVIII. ) Une suite de terrasses semblables se présente sur la rive gauche du Drac ; elles sont séparées les unes des autres par les lits des torrens qui ont coupé le dépôt diluvien , et entamé, comme le Drac lui-même, le schiste argilo-calcaire qui supporte ce dépôt. Elles se prolongent très-avant dans la vallée qui descend du Devoluy, et, passant derrière la protubérance que forment les couches jurassiques au midi du pont de Coignet, elles vont se joindre au pla- teau couvert de gros cailloux roulés, qui supporte Saint- Jean d’'Herans ; plateau dont la tranche, le long des coupures des ravins, présente un poudingue grossier , d'une cohérence variable. De Saint-Jean d'Herans, ces mêmes terrasses dilu- viennes s'étendent vers le Monestier de Clermont, où le dépôt de cailloux qui les constitue présente un grand. (72) nombre de galets de variolite du Drac, et continuant ensuite à suivre la même vallée, elles ne se terminent qu’à l'entrée de la plaine de Grenoble, et forment encore sur ses bords les coteaux entre lesquels passe le Drac, un peu au-dessous du point où il reçoit la Ro- manche (1). (1) Des dépôts comparables à ceux dont je viens de parler s’obser- vent en Maurienne, dans la vallée de l’Arc. Jen ai remarqué un très- bel exemple presque au pied du mont Cenis, entre Lans-le-Bourg et Termignon : il présentait , le long de la grande route , des escarpemens remarquables par l’obliquité des grosses strates qui les composaient. La vallée de l'Arc tombe dans celle de l’Isère, dans laquelle j'ai observé, vers les confins'de la Savoie et de la France, des terrasses analogues à celles dont j'ai parlé plus haut. Le fort de Barault est bâti sur l’une d'elles, une autre est adossée , près de Belle-Combette , à la base de la dent de Granier. Il est remarquable que la pente de cette montagne, qui présente une sorte d’éperon entre les vallées de l’Isère et du lac du Bourget, sont couvertes de blocs de roches primitives, et de poudingue analogue à celui d'Ugine, en partie enveloppées dans une masse de cailloux roulés, mal arrondis, et de débris incohérens , jus- qu’à plus de 4oo mètres au dessus du niveau des terrasses de Belle-Com- bette et de Barault ; d’où il paraît résulter que ces terrasses marquent seulement le dernier niveau auquel ont coulé les torrens diluviens qui s'étaient auparavant élevés beaucoup plus haut , du moins eu certaius points où existaient peut-être des remous. On voit que les vallées de la Durarce, du Drac, de la Romanche, de l'Arc, de l’Isère, présentent des faits analogues À ceux observés par MM. Deluc, de Buch, Escher, dans celles de l’Arve, du Rhône, de l’Aar, de la Renss, de la Limmat, du Rhin, dans les vallées qui des- vendent vers les plaines de la Bavière , etc. On sait aussi que des faits du même genre s’observent dans toutes les vallées dont les eaux descendent vers le bassin du Pô , depuis le mont Viso jusqu’au-delà de l’Adige. Les traces qu'ont laissées ces courans dans la vallée de la Doire- Baltée, les digues de débris qui s'élèvent de part et d’autre du débouché de cette vallée dans la plaine du Piémont, sont bien connues. - mime (73 ) Un grand courant diluvien est aussi arrivé par la val- lée de cette dernière rivière, qui reçoit en partie les eaux des plus hautes montagnes de l’Oisans. Sur sa rive droite, sur le penchant de la côte que monte la route de Vizille à Grenoble, j'ai observé une grande quantité de débris diluviens, parmi lesquels j'ai particulièrement remarqué un bloc de roche amphibo- lique , de plus de 2 mètres de côté. Il paraît que ces débris sont répandus sur toute la surface des collines élévées qui séparent Vizille de Grenoble; car j'en ai trouvé jusque sur leur penchant septentrional , qui m'a présenté, près d'Eybens, un bloc de granite de plus d’un mètre et demi de longueur. ( Voyez la Statistique minéralogique du département de la Doire, par M. Daubuisson ; Journal des Mines , t. XXIX , p. 343 , année 1811.) Le val Anzasca, qui, du pied du Mont-Rose descend vers le lac Majeur, présente aussi bien que la vallée d’Aoste des terrasses de débris diluviens , que les lignes horizontales qui les terminent fout distinguer de loin. Quelquefois elles viennent se terminer en falaise escarpée sur le bord du torrent , rappelant jusqu’à un certain point , par cette dispo- sition, les coulées basaltiques de certaines vallées du Vivarais et de l’Au- vergne. Les derniers travaux de MM. Léopola de Buch et de La Bêche ont rappelé l'attention des géologues sur les accumulations de débris diluviens , et sur les énormes bloes de roches alpines (il y en a de plus de 20 mètres de longueur) que présentent les pentes des montagnes que baïgnent les eaux du lac Majeur et du lac de Côme. Ils appartiennent à la parlie supérieure du vaste dépôt diluyien qui forme le sol du plateau faiblement incliné qu'on traverse en allant de Varèse à Milan, et en général de tous ceux de la rive gauche du PÔ, de Saluces à Côme, et au-delà. Entre Va: èse et Sarouno , ce plateau est découpé par de pro- fonds vallons, le long desquels le dépôt diluvien se présente souvent agglutiné en un poudingue, dont les galets ne sont presque jamais qu'imparfaitement arrondis, et dans lequel j'ai remarqué çà et là des blocs anguleux , plus où moius gros. ( 74 ) Des blocs pareïls , quoique ordinairement moins;vo- lumineux , se trouvent sur les pentes de la montagne autour de laquelle tourne l’Isère pour sortir, en quittant Grenoble, de la vallée de Graisivaudan. Le coteau qui supporte la bastille de Grenoble , en présente plusieurs, et on y trouve, même dans des parties rentrantes de la surface, des dépôts de frag- mens anguleux et de parties triturées de roches di- verses , dans lesquels sont empâtés des blocs plus ou moins gros de roches primitives et de grès à anthracite. Lorsqu'on monte d'un côté ou de l’autre de la montagne de Rachel , savoir, de la Porte-de-France vers la Frete, ou de la Tronche vers Vence et le Sapey, on trouve aussi des blocs de roches primitives , ainsi que des grès et des poudingues du système à anthracite, qui , comme je l’ai annoncé ailleurs, forme dans cette partie des Alpes la base du terrain jurassique. Des blocs pareils sont répandus au-delà du Sapey , dans les montagnes de la grande Chartreuse , et jusque dans la gorge du Guyer- Mort , entre la grande Chartreuse et Saint-Laurent-du- Pont. Sur la rive gauche de l'Isère, les côtes de Sassenage m'ont présenté des blocs anguleux de roches primitives, de plusieurs mètres de côté. Ils ont été examinés an- térieurement , et avec plus de détail, par M. Victor Jacquemont , qui, avant d’aller explorer l'Hymalaya, a observé à plusieurs reprises les parties les plus intéres- santes de nos Alpes. Enfin , au débouché de la gorge majestueuse par Ja- quelle les eaux du Drac et de YIsère sortent des Alpes , les pentes qui dominent la petite ville de Voreppe, pré- (7 ) sentent à l'observation des faits du mème genre, avec des circonstances remarquables. Les torrens qui , prenant naissance au pied des escar- pèmens de la roche de Lambernay, viennent descendre de part et d'autre du vieux château , qui domine les car- rières de Voreppe , ont creusé leurs lits comme je l’ai dit plus haut, dans un terrain de transport horizontal, qui ne renferme pas de gros blocs anguleux. On ne rencontre même pas de ces blocs dans le fond des ra- vins ; mais dans les espaces intermédiaires les pentes qui, par suite des contours de la surface du sol , se trouvent faire face d’une manière plus au moins directe à la par- tie ascendante de la vallée de l'Isère et à celles de la Romanche et du Drac, en présentent au contraire un grand nombre. Ils ne sont pas tous entièrement dégagés ; ils sont au contraire, en grande partie, enclavés dans une masse incohérente composée de fragmens anguleux en très-imparfaitement arrondis de roches diverses et de parties presque triturées de ces mêmes roches, et con- tenant aussi de gros galets à angles à peines émoussés ; quand même ce dépôt peu cohérent ne contiendrait pas de gros blocs , il se distinguerait au premier aspect par sa composition du poudingue à galets bien arrondis , sur lequel ii repose. Mais la présence des blocs dispense d’entrer dans le détail de leur contraste. Ces blocs sont pour la plupart composés de roches primitives, granite , gneiss , schiste talqueux : il y en a aussi un grand nom- bre de grès et de poudingue du système à anthracite. La fig. 4 de la PI]. xvir du tome XVII, indique Ja disposition du terrain de transport diluvien sur le terrain de transport ancien, posé lui-même sur la mollasse. ( 76 ) La vallée de l'Isère fait un coude à Voreppe, pour prendre une direction presque parallèle à celle de la stratification dans les Alpes occidentales. Au-dessous de ce coude elle a été creusée presque entièrement dans le dépôt d’atterrissement ancien, et dans la mollasse coquil- lière tertiaire, et son fond offre un second dépôt de trans- port dans lequel, à mesure qu’on l’observe en des points de plus en plus bas, on voit des traces de plus en plus évidentes de l’action d’un courant d’eau violent. On a rappelé, par une liaison entre les fig. 5 et 4 de la PI. xvir, tome XVIIT, la liaison qui existe entre ce dernier dépôt et celui qui recouvre , au-dessus de Vo- reppe , le dépôt de transport ancien. On peut citer plusieurs exemples de l’espèce de plaine représentée dans la fig. 5. Sur le chemin de la fonderie de canons de Saint-Gervais à Izeron (1), après avoir traversé un torrent sur un pont en fil de fer, on voit affleurer sur la pente du petit coteau qui borde sa rive gauche, un dépôt incohérent, composé en partie de petits blocs anguleux, parmi lesquels on en remarque un grand nombre de grès à anthracite, de roches primitives des Âlpes, et un nombre plus grand encore de calcaire compacte blanc, provenant du système du grès vert etde la craie. Entre ces blocs sont interposés une grande quan- tité de cailloux roulés, parmi lesquels il y en a beau- coup de roches amphiboliques schisteuses. Le sol hori- zontal de la plaine unie sur laquelle on marche jusqu’à la petite vallée de Cognin , est formé par ce même dépôt, qui se continue plus loin encore , toujours sensiblement au même niveau, jusqu'au delà d’Izeron. (1) Garte de Cassini, n° 110. pr Qi) La gorge dans laquelle coule le torrent qui passe au S.-E. d’Izeron , est creusée dans la mollasse coquillière, Sur les deux flancs de la gorge on voit notre dépôt de transport posé sur la surface irrégulière de la mollasse, avec laquelle , comme on doit bien s’y attendre , il ne se lie en aucune manière. J'ai trouvé dans ce dépôt de trans- port des blocs anguleux de roches alpines de même na- ture que près de Saint-Gervais , associés de même à des cailloux roulés plus ou moins parfaitement arrondis : le tout réuni par une masse sableuse peu cohérente. Ce dépôt atteint , de part et d'autre du ruisseau , le niveau de la plaine qu’on traverse entre Cognin et Izeron , et il forme la continuation du dépôt de blocs et de cailloux qui constitue le sol de cette plaine, et se retrouve encore à la même hauteur, sur la rive opposée de l'Isère , entre Vinay et Saint-Marcellin. Ces terrasses , beaucoup plus vastes que celles que j'ai indiquées dans la vallée du Drac , leur sont du reste comparables. Entre Izeron et Beauvoir , l'Isère coule dans :une vallée encaissée dans Ja mollasse coquillière, qui se relève dans un sens opposé à son cours. En sortant de ce défilé, près du vieux château de Beauvoir, on commence à voir se déployer une plaine plus étendue et un peu plus basse que la précédente , et qui s'étend presque horizon- talement jusqu'aux environs de Saint-Nazaire et de Ro- mans. Quoique les cailloux roulés soient plus visibles à sa surface que dans la plaine entre Saint-Gervais et Ize- ron, les blocs anguleux ne sont pas étrangers au dépôt de transport qui forme son sol. En traversant au sud de Beauvoir la petite vallée de Saint-Romans , creusée dans ce dépôt, j'ai remarqué un grand nombre de blocs assez (78 ) gros, dont les uns, à angles un peu émoussés , étaient formés d’un calcaire compacte blanc , provenant évidem- ment des montagnes voisines, et dont les autres, d’après leur nature, ne pouvaient provenir que des Alpes , et avaient cependant leurs arêtes presque vives. Parmi ces derniers on en distinguait de protogine, de gneiss tal- queux et autres roches primitives des Alpes , et de grès à anthracite : il y avait de ces blocs qui avaient près d’un mètre de diamètre. Les plus gros étaient les seuls dont les arêtes fussent vives ; dans ceux de grosseur médio- cre, les arêtes étaient déjà un peu émoussées, et les frag- mens moins gros que la tête étaient presque toujours complètement arrondis. Le sol rougeâtre de la plaine unie et en partie cou- verte de müûriers , qu'on traverse entre Saint - Ro- mans et Saint-Nazaire, présenté partout une quan- tité plus ou moins grande de cailloux ellipsoïdaux, de la grosseur du poing ou des deux poings. On en dis- tingue un assez grand nombre de quarz grenu schistoïde ; mais ils ne forment pas la majorité : il y en a davantage de gneiss talqueux, d’un granite mal caractérisé à élé- ment schisteux vert auquel passe le premier, et mème de véritable protogine. Il y en a plus encore de roche amphibolique schisieuse ; on en trouve d’euphotide , de serpentine , de calcaire gris analogue à celui de la porte de France de Grenoble, et de grès à anthracite; on trouve aussi beaucoup de fragmens arrondis du calcaire com- pacte blanc des montagnes voisines ; il y a passage insen- sible des cailloux aux blocs, qui ne sont que des caïlloux plus gros et moins arrondis. L’arrondissement des frag- mens et leur grosseur paraissent être en raison inverse monte htntt (79) l’un de Pautre, et dans une dépendance réciproque. Les cailloux sont toujours plus ou moins nombreux dans les champs, et en quelques points on en trouve de grands tas relevés à leurs angles. En approchant de Saint-Nazaire , les cailloux deviennent trop nombreux pour qu’il soit possible d’en débarrasser les champs ; la charrue, dans les parties qu’on cultive, ne relève, pour ainsi dire, que des cailloux: c’est en quelque sorte une copie de la Crau. On marche sur ce même dépôt de Saint-Nazaire au pont de Furan (route de Saint-Marcelin à Romans), et, des Fauries à Romans, on retrouve sa continua- tion. En approchant de Romans, les cailloux roulés, dont la grosseur varie de celle du poing à celle de la tête, deviennent extrêmement abondans ; et, en des- cendant vers cette ville, on trouve des escarpemens, des carrières , dans lesquels on peut étudier le dépôt dont ils forment la superficie. On remarque d’abord que l’espèce d’uniformité que présente la grosseur des galets qui couvrent la plaine, n’existe pas dans l’en- semble‘du dépôt : celui-ci présente un mélange de gra- vier, de cailloux roulés et de biocs presque angu- leux, dont quelques parties, disposées irrégulière- ment au milieu de la-masse, se trouvent agglutinées en poudingue par un ciment calcaire, Les fragmens, qui tous appartiennent à des roches alpines, sont de toutes grosseurs ; les plus petits sont les mieux arron- dis , et les plus gros, qui ont souvent plus d’un demi- mètre de longueur, et de = de mètre cube, ont seulement leurs arêtes émoussées. On peut encore reconnaître dans ces derniers les blocs à arêtes vives de la vallée de Saint- ( 80) Laurent , de Saint-Gervais , d’Izeron ; et lenr présence montre que le dépôt dont nous parlons n’appartient pas à l’ancien terrain de transport qui renferme les ligniies de Pomiers , de la Tour-du-Pin , d’Ajou , etc: La plaine qu'on traverse entre le bac de Saint-Nazaire, et le pont de Furan , est une des plus caillouteuses de tout l’ensemble dont je parle ici : dans beaucoup de parties, quelques petits chênes croissent seuls entre les cailloux. On remarque au milieu de ces derniers un assez grand nombre de petits blocs d’un demi-mètre de longueur. En général, partout où on a cultivé, on a enlevé ces blocs , qui le plus souvent ont été employés comme pierres à bâtir. Quelque près que ces blocs se trouvent de l'Isère, on ne saurait attribuer leur trans- port aux crues , même les plus fortes, qu’a pu éprouver cette rivière dans l’état actuel de la surface du globe. En effet , l'Isère ne roule pas de galets d’une grosseur com- parable à beaucoup près à celle de ces blocs, et d’ailleurs, la plaine ou plutôt le plateau qui en est jonché se trouve à plus de 40 mètres au-dessus de ses eaux. Leur trans- port n’a pu être que l’effet d’une catastrophe donton ne voit plus d'exemples. On trouve ici réunis le résultat du phénomène qui a produit, sur les bords du Rhône, les plaines caillouteu- ses dont la Crau n’est qu’un exemple particulier, et celui du phénomène qui a produit le wansport des grandes pierres alpines. On peut mème remarquer que d’après la suite d'observations que je viens de rapporter. les | dernières plages caillouteuses que je viens de décrire ne sont que des termes plus avancés de cette série dé plates-formes qui, jusque vers le baut de la vallée du (8r) Drac, présentent tant de galets plus ou moins gros et de blocs répandus sur leur surface ou empâtés dans linté- rieur de leur masse. Nous allons d’ailleurs nous trouver conduits à des résultats tout-à-fait analogues , en étudiant d’autres lits parcourus par des courans de la même nature. La partie basse de la Savoie présente, dans presque toute son étendue , notamment aux environs d'Annecy : d’Alby, de Rumilly, des lambeaux plus ou moins épais, plus ou moins étendus, d’un dépôt de transport qui paraît n’être autre chose que la continuation de celui que M. J. A. Deluc (neveu) a si bien étudié dans tous les environs de Genève. Il se compose de galets mal arron- dis, souvent quarzeux ou calcaires, enveloppés dans une masse de débris de roches diverses, concassées et triturées, qui enveloppe fréquemment aussi de gros blocs. Les courans qui opéraient les dépôts n’ont pas épar- gné la vallée de Chambéry , et ils semblent être venus buter particulièrement contre la montagne qui s'élève derrière Saint-Sulpice , car en montant de Cognin vers ce village, on marche sur une grande accumulation ‘des débris dont je viens de parler. Les courans affluaient sans doute en partie par les grands débouchés que présente la vallée, mais il en est en outre arrivé par de petites vallées latérales. Celle par exemple qui descend de la Thuile à Saint-Jean d’Arvei, offre en plusieurs points des lambeaux très-épais d’un dépôt incohérent, composé de matières triturées de petits et de moyens fragmens et de blocs, parmi lesquels domine le calcaire compacte, gris ou noirâtre , de certaines montagnes du voisinage ; mais parmi lesquelles on trouve aussi beaucoup de blocs XIX. 6 Ç 88) des roches primitives et arénacées de l’intérieur des Alpes. Des dépôts de la même classe se trouvent dans la vallée de Novalèse ; il y a notamment une graude accu- mulation dans ces débris au pied occidental du mont d'Épine. Le torrent diluvien a débouché de là dans la vallée du pont de Beauvoisin par le défilé de la Bri- doire en face duquel on trouve au milieu de débris de toute grosseur des blocs de roches primitives de plus de quatre mètres de longueur. La vallée des Echelles et de Saint-Laurent-du-Pont , comme les précédentes, auxquelles elle est contiguë, présente une grande quantité de débris diluviens, de grosseurs diverses. Entre le village appelé la Cime de la Paroisse et Po- miers , près du point culminant de la route de Voreppe aux Échelles , j'ai trouvé un grand nombre de blocs de protogine, de granite mal cristallisé, de gneiss, de schiste talqueux , de poudingue d’Ugine , et de grès à anthra- cite. Ces blocs sont renfermés dans un dépôt peu cohé- rent , contenant en même temps beaucoup de cailloux plus ou moins arrondis des mêmes roches et de schiste amphibolique , ainsi que de divers calcaires, et particu- lièrement de calcaire blanc du système du grès vert et de la craie. Le vallon de Roïze, dans lequel se trouve l’aflleurement de lignite dit de Pomiers dont j'ai parlé ci-dessus, est creusé, sur toute sa profondeur, dans le terrain de trans- port ancien sur lequel ou voit reposer un grand nombre de blocs anguleux de roches primitives et secondaires, de la nature de celles qu’on trouve dans l’intérieur des Alpes. Ces blocs sont répandus dans tonte étendue du QE vallon de Roize ; ils ne diminuent ni en nombre n: en volume en approchant des escarpemens calcaires qui le dominent; mais ils ne se trouvent jamais intercalés dans l’ancien terrain de transport dont ils couvrent la surface. Aux environs de Pomiers , aussi-bien qu'entre ce village et Saint-Laurent, on voit de très-grands es- carpemens taillés dans le dépôt de transport ancien , qui n’y laisse apercevoir que des cailloux roulés arrondis, dont la grosseur ne dépasse que rarement celle de Ja tète, ef qui n'y présente jamais aucun de ces blocs à arêtes presque vives, qui ont souvent plus d’ux mètre dans plusieurs de leurs dimensions. Des blocs pareils aux précédens sont aussi répandus en abondanee sur les montagnes calcaires qui bordent à l’ouest la vallée de Saint-Laurent. J'en ai trouvé un grand nombre entre Baboulin et les ruines du signal géo- désique qui avait été élevé au N.-E. de la Garenière. Ils s'élèvent jusqu’à la cime du Cray de la Serre et sur le revers occidental de cette montagne, on trouve un grand amas de débris diluviens qui renferme des blocs considérables. Cet amas assez étendu m'a paru couvrir la ligne de jonction du calcaire dépendant du système du grès vert et la craïe avec le terrain de transport an- cien. Les débris diluviens se divisent pour ainsi dire en deux trainées séparées, qui sortent de la vallée de Saint - Laurent, par deux voies différentes. D'une part ceux qui sont répandus près de Pomiers, se continuent de proche en proche jusqu'a Voreppe , où ils se joignent à ceux qui ont descendu la vallée de l'Isère où nous Jes avons déjà suivis. D'une autre part, dépassant le bar- (84) rage qui limite à l’O.-N.-O. la vallée de Saint-Laurent ; ils se trouvent surtout en grande quantité à l'issue de la dépression qui conduit vers Saint-Etienne--de-Crossay et l'étang Dauphin : la route qui descend à Voiron est tracée sur une accumulation considérable de débris en partie triturés , de galets mal arrondis et de blocs de diverses grosseurs. Ces blocs sont généralement de même nature que ceux déjà cités ; seulement j’en ai remarqué dans le nombre qui étaient formés du poudingue du terrain de transport ancien, poudingue qui constitue la petite montagne appelée Roche de Vouisy, qui domine la ville Voiron, et dans laquelle ont été creusées la plu- part des vallées qui l’avoisinent, et particulièrement celle qui contient le dépôt dont nous parlons. La plupart des vallées des environs de Voiron sont parsemées de blocs ; on en remarque particulièrement un grand nombre en approchant de Chirens ; maïs on en trouve surtout en grande quantité et de très-gros, lorsqu’en se dirigeant vers Rives par la traverse, on monte vers le hameau des bruyères. Le sol des environs de ce hameau en présente un grand ñombre, qui ont un à deux mètres de longueur ; ils sont encore formés de granite , de gneiss, de schiste talqueux et de grès à an- thracite. Plus à l'O. encore, les vallées qui débouchent sur le côté S. de la plaine de la côte Saint-André, m'ont présenté près Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs , de Saint-Pierre-de-Bressieu, de Moulin-Ruet, des blocs de mème nature ; mais de moindres dimensions et en moindre nombre. On en trouve de même sur le pen- chant du coteau qui, près de la Frète, domine du côté du N., la plaine de la côte Saint-André. Sur le sol (85 ) même de cette plaine qui ocenpe le fond d’une large vallée creusée dans le terrain de transport aucien, on ne voit que des cailloux roulés, dont la longueur ne dé- passe pas 3 ou 4 décimètres , et qui sont formés , le plus souvent , de roches primitives ou de quarz grenu schis- toïde ; mais il est bien probable qu'ici, comme à Ro- mans, ces galets ne forment que la superficie d’un dépôt de transport très-épais, contenant un grand nom- bre de blocs. Cette nappe de caïlloux roulés va se ter- miner sur les bords du Rhône , entre le pont de Bancel et Saint-Rambert. Si l’on parcourt avec attention les feuilles numérotées 118 et 119 de la carte de Cassini, on voit que les par- ties du département de l'Isère , que j'ai désignée comme principalement composée par le terrain de transport an- cien, se divisent en vallées qui courent parallèlement les unes aux autres de l’'E.-N.-E. à l’O.-S.-O., ou du bar- rage ci-dessus mentionné vers le Rhône. On pourrait difficilement citer un exemple plus palpable de vallées qui doivent leur origine à l’action diluvienne. Il est évi- dent que les courans qui ont dû parcourir ces vallées sont venus tomber dans celle du Rhône , qu’ils ont peut-être contribué à creuser ou à élargir. Leurs flancs présen- tent souvent un grand nombre de blocs de roches al- pines , et leurs fonds sont généralement occupés , sur- tout vers leurs parties inférieures , par des plages cail- louteuses analogues à celles dont j’ai parlé ci-dessus. De Saint-Rambert à Auberive, la route de Marseille à Lyon traverse plusieurs plaines de ce genre , situées à des niveaux différens (1). Je citerai particulièrement, sous (4) Cartesde Cassini, n° 88 et 119. ( 86 } ce rapport , la plaine élevée et très-unie entre le Péage et Auberive. Cette plaine , couverte d’un grand nombre de gros cailloux, la plupart de quarz grenu un peu schis- teux, est située en face des débouchés des vallées de la Vareïze et de la Sonne, et dominée par les côteaux qui s'élèvent derrière Saint-Alban de Vareize, Assieu, et Ville-Sous-A jou ; coteaux qui sont composés du terrain de transport plus ancien , dans lequel se trouve le lignite d’Ajou. L'espèce d’uniformité qu'on remarque sur de grandes étendues de ces différentes plaines caillouteuses, dans la grosseur des cailloux roulés , n'existe qu’à la surface. Lorsqu'on entame le dépôt de transport qui forme leur sol, on le trouve constamment formé d’un mélange de gravier, de galets de toutes grosseurs, et même de quel- ques blocs à peine arrondis : les cailloux qui jonchent la surface sont sans doute ceux qui n'ont pu continuer à ètre entraînés par le courant d’eau, lorsqu'il s’affaiblis- sait. Îl sera arrivé un moment où les courans ne pou- vaient plus rouler que des cailloux d’une certaine gros- seur ; et, à partir de ce moment, ils auront seulement emporté ceux dont la grosseur ne dépassait pas cette Hmite , et ils auront laissé tous les autres. Les dernières plages caïllouteuses dont j'ai parlé, y compris celle de la côte Saint-André, ont cela de parti- culier, qu’une partie très-considérable des galets dont elles sont couvertes sont formés de ce quarz grenu , un peu schisteux, si abondant dans les hautes montagnes de la Tarentaise et de la Maurienne, où il parait n’être qu'une modification du grès à anihracite du terrain Ju- rassique. En cela elles diffèrent des plaines caillouteuses (87) produites , aux environs de Romans et de Saint-Nazaire, par les eaux qui ont débouché par la grande vallée de l'Isère. Dans celles-ci on voit, en quantité prédominante, le granite , le gneiss talqueux et la roche amphibolique schisteuse, qui abondent dans les montagnes de l'Oisans. On observe le passage de l’un des systèmes de cailloux à l'autre , lorsqu'on va de Romans à Tain ; à mesure qu'on approche de cette dernière ville, on voit les galets de quarz dominer de plus en plus parmi ceux dont la plaine est jonchée. La prédominance des galets de quarz dans les nappes caillouteuses qui atteignent les bords du Rhône, vers Tain et au-dessus, comparées à celles des bords de PI- sère, au-dessus de Romans, coïncide avec la circonstance que les courans qui ont produii les premières ont coulé pendant beaucoup plus long-temps sur le dépôt de trans- port ancien, dans lequel les galets quarzeux sont au nombre des plus communs et des plus gros , et surtout des plus résistans. Il serait, d’après cela, naturei de penser que ces galets se sont introduits dans le dépôt récent par l’effet de la dégradation et du triage naturel que les torrens diluviens opéraient dans le dépôt ancien ; ce qui entrainerait la conséquence que ce sont ces mêmes torrens diluviens qui ont eux-mèmes creusé les larges vallées, dans le fond desquelles sont restées une partie des matières qu’ils charriaient. Cette conséquence se wouve d’ailleurs confirmée par la considération de la diversité des hauteurs auxquelles se présententles plans caillouteux. Le monticule de mollasse sur lequel s'élèvent, près de Chatillon , les ruines de la chapelle de Saint-Jean, ( 88 ) est couronné par un dépôt de gros galets , presque tous quarzeux. Ces galets , se trouvant à une hauteur de plus de 4o mètres au-dessus de la plaine voisine, semblent n'avoir pu être apportés par les mêmes courans que ceux qui couvrent cette dernière. On peut remarquer, au contraire , qu'ils se rattachent par une série de dépôts intermédiaires de même nature à ceux qui sont répan- dus en grande quantité sar les plateaux que forment la mollasse coquillière et le dépôt de transport ancien entre Montrigaud et le Rhône. L’analogie de tous ces dépôts de cailloux avec le grand dépôt de la plaine plus basse de la côte Saint-André, m'a paru telle, qu'il serait difficile de ne pas attribuer les uns et les autres aux mêmes courans; seulement, cette supposition conduit à admettre que ces courans auront coulé pendant un certain temps, comme nous l’a déjà indiqué l'examen des dépôts dilu- viens de la vallée du Drac. Les vallées dont la plaine de la côte Saint-André et d’autres du même genre occupent le fond, auront été creusées pendant ce temps, et saus doute par l’action de ces mêmes courans. Des plateaux voisins de Montrigaud et de Roybou, on voit la partie centrale et la plus élevée du mont du Chat, situé entre le lac du Bourget et la vallée de Novalaise, s'élever au-dessus de l'horizon comme une masse isolée, parce que sa base et tout ce qui s'y rattache se trouve caché ; il se présente de même lorsqu'on le considère du côté opposé, en parcourant les parties de la Savoie dont la superficie est également couverte par le dépôt de transport diluvien. Il parait donc que le plan légèrement incliné que présentait la surface des courans diluviens, passait un peu au-dessus des cols du mont du Chat et du ( 89 ) mont d’Epine, qui isolent de part et d’autre la masse supérieure du mont du Chat. Ils couvraient ainsi à peu près en totalité le barrage qui, comme je l'ai dit plus haut , sépare aujourd’hui la partie basse de la Savoie des parties basses du département de l'Isère ; et cela s'accorde avec la position des grandes pierres alpines transportées, qu'on trouve à toutes sortes de hauteurs sur les pentes du barrage en question. Le creusement des vallées dont nous venons de parler n’est pas un effet supérieur à céux qu’on peut attendre de pareils courans. J'ai encore à parler des dépôts diluviens qui s’obser- vent à Lyon et dans le voisinage. Ils présentent un in- térêt particulier, à cause des ossemens de grands Marm- mifères d'espèces perdues, qu’on y a découverts. Au sud-est de Lyon on voit s'étendre sur la rive gau- che du Rhône, entre la Guillotière et Saint-Fons, une plaine dont le sol est formé par un dépôt de cailloux roulés non agglutinés. On pourrait, au premier abord, ne voir dans ce dépôt que des alluvions déposées par le Rhône ; peut-être en est-il ainsi de la partie qui se trouve dans la portion de la plaine qui est la plus basse et la plus rapprochée du fleuve ; mais il s’en faut de beaucoup qu'il en soit de même des cailloux qui se trouvent déposés plus loin , et à un niveau plus élevé. On trouve, au milieu de ces derniers, des blocs anguleux qui font reconnaître en eux le produit d’un courant semblable à ceux qui sont venus déboucher entre Saint-Nazaire et Romans, dans Ja plaine de la côte Saint-André , ete. Les cailloux de quarz compacte ou légèrement grenu , blanc, schis- toïde et un peu micacé, y dominent: on en voit aussi beaucoup, mais d’un diamètre généralement moindre , (90) de calcaire gris noiràtre. Au S.-0. de Cremieu, aux environs du Chafar. on remarque, dans le dépôt dilu- vien, des fragmens grossièrement roulés des silex qui se trouvent dans les calcaires oolithiques des collines situées, plus à l'est. Les cailloux roulés qu’on voit en abondance sur la colline calcaire qui domine vers le sud- est le village de la Verpilière , appartiennent probable- ment au même dépôt de transport. Le courant diluvien n’est pas arrivé à Lyon uni- quement par le défilé dans lequel le Rhône.est encaissé, entre Grôlée et Lagnieu ; il semble avoir dû déboucher en partie par la vallée dans laquelle se trouvent les marais du Bourgoin , vallée qui n’est séparée, par aucune élé- vation considérable , de celle du Rhône, près de Cordon et de Grôlée. De nombreux blocs de roches primitives et arénacées alpines se trouvent dans tous les environs de Belley, soit isolés , soit mélangés à des masses peu cohérentes de petits fragmens et de galets grossièrement arrondis, qui se trouvent en outre disséminés sur la surface du sol en un grand nombre de points. C’est un intermédiaire entre les dépôts diluviens du nord de la Savoie, et ceux des bords du Rhône, au-dessons de Cordon. Sur la rive gauche du Rhône , depuis Passin et Solomieu jusqu’à Bourgoin (1), la vallée dans laquelle se trouvent les marais qui portent le nom de cette dernière ville, est bordée à droite par des collines de calcaire ooli- thique , dont les couches se relèvent sous un petit angle vers le N.-0., et dont la surface s’éléve progressi- (1) Cuile de Cassini, no 118, Got ) - vement lorsqu'on les suit dans cette direction. La mème vallée est bordée à droite par des coteaux beaucoup plus abrupts et plus élevés, formés par le dépôt de sable et de cailloux qui constitue aussi les coteaux des environs de la Tour-du-Pin et de Bourgoin , dont j'ai fait connaitre la composition dans le paragraphe précédent. Il est évi- dent que la vallée des marais de Bourgoin a été creusée en grande partie aux dépens de cet ancien terrain de transport, qui, au moment de son dépôt, ne pouvait présenter la pente abrupte qu’il offre du côté des marais de Bourgoin, mais devait s'étendre jusque sur le calcaire qui se trouve en face, de l’autre côté de la vallée , et qui en est aujourd'hui complètement débarrassé. Le second dépôt de transport est venu à son tour, après le creusc- ment de la vallée, recouvrir la surface mise à nu. Sur le calcaire se trouvent en diflérens points, notamment dans l’espace compris entre Frontonas et Saint-Hilaire de Brens , de grands blocs anguleux de roches alpines : on en rencontre aussi au midi des marais de Bourgoin , sur les collines de calcaire oolithique qui s'élèvent près de Saint-Alban de Roche, de Vaulx-Milieu et de Gre- nay. On en rencontre de même à Saint-Quentin , sur la route de la Verpilière à Vienne. Les blocs de la côte de Grenay, dont la longueur va souvent à 2 mètres , et ceux qui se sont arrêtés en grand nombre au S.-O. de Cremieu , entre Bethenou et Cho- seau, derrière les coteaux de calcaire oolithique qui dominent cette localité, sont placés, par rapport à la plaine caillouteuse située au S.-E. de Lyon, absolument comme les blocs entre Voiron et les bruyères par rap- port à la plaine caillouteuse de la côte Saint-André. La (92) plage de cailloux commence en effet à peu de distance de Grenay; elle s'étend, par Saint-Laurent de Mures, lusqu'aux portes de Lyon, et elle comprend de grands éspaces sur la rive droite du Rhône, au sud de Mexi- mieux. Elle n’est pas en entier sur un mème plan ; mais elle présente plusieurs plans de hauteurs diverses , rac- cordés par des berges rapides ; circonstance que j'ai déjà mentionnée dans les plateaux caillouteux des environs de Sisteron , et qui s’observe aussi dans la plaine de la côte de la côte Saint-André. Les blocs ne sont pas entièrement étrangers à la com- position de son sol. Un fossé de la route de Lyon à Gre- noble, qui entame une des berges qui partagent cette plaine en différens compartimens, a mis à découvert un bloc anguleux d’une roche granitoïde en décomposition, de près d’un mètre de diamètre, qui se trouve enve- loppé de toutes parts dans un dépôt de cailloux roulés, et qui prouve d’une part que ce dépôt n’a pu être formé que par un courant d’eau incomparablement plus fort que le Rhône, et de l’autre , qu’il diffère totalement du dépôt de transport ancien , dans lequel un bloc angu- leux de cette grosseur serait une très-grande anomalie. Comme dans les autres exemples de plaines caillou- teuses déjà décrits, les coteaux qui bordent celle dont nous parlons ici, présentent un grand nombre de bjocs de roches alpines. On peut citer pour exemple ceux des environs de Montluel , ainsi que le dépôt de blocs alpins et de cailloux qui couvre la pente des coteaux de la Croïix- Rousse et de la Boucle , dans la ville même de Lyon. Les fouilles occasionées par les nouvelles constructions qu'on exécute sur le coteau de la Croix-Rousse , y ont f 2 (:9b}") fait découvrir un très-grand nombre de ces fragmens an- guleux renfermés dans le dépôt de graviers et de cailloux, qui forme la superficie de ce sol incliné. La longueur de ces blocs surpasse rarementun demi-mètre, et leurs angles sont toujours plus ou moins émoussés. Outre les roches primitives des Alpes, on y reconnait le poudingue d’u- gine, le grès à anthracite, le calcaire de la porte de France , des calcaires compactes gris ou blancs, à points spathiques , souvent pétris d’un grand nombre de bival- ves très-contournées ( Caprines ou Dicérates?}), dont le point de départ est encore plus facile à assigner, et se trouve sans aucun doute dans la partie antérieure des Alpes, entre Grenoble et Genève : on y trouve aussi des cailloux roulés de serpentine. Le dépôt de gravier et de cailloux qui contient ces différens blocs , était mis à découvert en plusieurs points par les fouilles qui se trouvaient ouvertes, en septem- bre 1828, dans le clos de M. Ferrez, près du chemin de la Boucle, qui monte du faubourg Saint-Clair à la Croix-Rousse. Dans la partie supérieure du clos, une carrière se trouvait ouverte dans le terrain de transport ancien , qui y présentait une série de grosses strates irré- gulières de sable faiblement agglutiné, et de poudin- gue sans blocs anguleux. Ce dépôt était terminé, à sa partie supérieure , par une surface irrégulière dont l’in- clinaison générale coupait ses différentes assises. Sur cette surface irrégulière on voyait reposer un second dépôt qui ne faisait pas du tout continuité avec le premier, et qui s’en distinguait par les blocs de roches alpines à angles émoussées , mais encore très-sensibles , qu'il renfermait en grand nombre. Ce second dépôt de ( 94) transport forme la surface inclinée du sol de tout le clos, et des coteaux dont le clos fait partie : plusieurs autres fouilles , ouvertes dans le clos même , le mettent encore à découvert, Dans quelques-unes il ne présente qu'un amas confus de gravier, de cailloux roulés, et de blocs à arêtes émoussées , parmi lesquels on reconnait, outre les différentes roches alpines que j’ai indiquées ci-dessus, des blocs plats, de près d’un mètre carré, et à angles presque vifs , des parties les plus solides du sable agglu- tüiné, et du poudingue , qui forment la masse des coteaux sur la pente desquels le dépôt qui contient ces blocs se trouve déposé. Cette circonstance prouverait à elle seule combien les deux dépôts de transport sont distincts l’un de l’autre. Le plus récent , celui qui forme la surface au sol, et dont nous nous occupons ici, est très-mince dans la partie supérieure du clos ; ii est au contraire très-épais en d’autres points situés plus bas, et il y est d'autant plus irrégulier. Des masses informes de cailloux et de blocs, et d’autres d’un sable fin terreux , quelquefois entière- ment dépourvu de cailloux , semblent s’envelopper mu- tuellement ; les blocs et les cailloux sont mélangés entre eux de la manière la plus confuse : ils sont quelquefois agglutinés par une infiltration calcaire assez visible , qui en forme un poudingue pareil à celui que j'ai indiqué ci- dessus, près de Romans, dans un dépôt de même age. Les parties les plus fines du dépôt présentent des espèces de strates contournées et inclinées dans tous les sens ; on voit affleurer ces parties fines à la même hauteur que les parties les plus grossières , et elles y passent latérale- ment. Ces parties fines du dépôt de transport sont ex- (9% ) ploitées comme terre à briques, et sont aussi suscepti- bles d’être employées comme terre à pisé; on y trouve en quelques points des coquilles d’'Hélix , qui sont peut- être la preuve d'un remaniement récent. Dans la partie inférieure du clos, la démolition de deux petits bâtimens , bâtis il y a quelques années pour y établir des fabriques de carton, met à découvert la composition du sol, qui se trouve composé d’une petite épaisseur du dépôt de transport récent reposant sur le sable un peu agglutiné des assises inférieures du dépôt de- transport ancien. Les fondations des deux bâtimens reposaient sur ce sable; mais l'emplacement du plus petit, qui était situé à un niveau plus élevé, avait été excavé dans le dépôt de transport récent. Ce dépôt pré- sentait, à sa partie supérieure, une agglomération de gravier, de cailloux et de blocs, qu'on voit encore en place sur les parois de l’excavation ; au-dessous se trouvait une terre brune , dont on s’est servi comme terre à pisé, et qui par conséquent était très-distincte du sable agglutiné sur lequel elle reposait, sable dont on ne pourrait faire un pareil usage. Il est clair que c'était une partie de la masse sablo-terreuse qui se mélange irrégulièrement à la masse de galets et de blocs, et qui se trouvait ici au-des- sous de tout le reste. En achevant de creuser l’emplace- ment du petit bâtiment en question, les ouvriers trouvè- rent dans cette terre à pisé un ossement de dimensions considérables, et bien conservé ; M. Ferrez a déposé cet ossement au Musée de Lyon , et M. Bredin, professeur à l'École vétérinaire de cette ville, l’a reconnu pour un fémur de l'Elephas primigenius. Un autre squelette de l’'Eléphant fossile a été trouvé ( 96 ) à la Croix-Rousse , dans une fouille faite à l'extrémité septentrionale de ce faubourg , près du chemin de {la Boucle , dans un clos qui appartenait alors à M. Krauss. Il était enfoui à 4 pieds au-dessous de la surface du sol, et renfermé dans un sable calcarifère faiblement agglu- tiné, très-fin, un peu terreux, très-peu. différent de la terre à pisé du clos de M. Ferrez, et probablement de la même formation : il se trouvait à près de 70 mètres plus haut que le fémur dont j'ai parlé précédemment ; mais cela n’a rien d'étonnant, puisque le dépôt de trans- port, dans lequel l’un et l’autre paraissent avoir été enfouis , couvrait toute la pente du coteau. On peut reconnaître ce même dépôt de transport dans la terre rouge, mélangée de cailloux, qui supporte la terre végétale sur le plateau de la rive gauche de la Saône, entre Lyon et Trévoux. Le sol de ce plateau, qui n'est autre chose que l'extrémité S.-O. de la plame de la Bresse, présente un grand nombre de cailloux de quarz, souvent deux fois.gros comme le poing, qui se mélangent fréquemment à la terre végétale , et qu’on voit relevés aux angles de beaucoup de champs. Entre Tou- sieux et Trévoux , la surface du plateau présente ‘au-dessous de la terre végétale cette terre rouge ferrugi- neuse , contenant des cailloux quarzeux , disséminés en plus ou moins grande abondance. En descendant vers Trévoux, on voit paraître au-dessous un dépôt de sable et de caïlloux, sans trace de matière ferrugineuse , qui fait évidemment la continuation de celui qui constitue la masse des coteaux des environs de Lyon, et qui appar- tient au terrain d’atterrissement ancien, antérieur au transport des grandes pierres alpines. L'absence de la ( 97 ) matière ferrugineuse distingue ici cet ancien terrain de üansport de celui qui le recouvre , et qui contient, non seulement une terre ochreuse , mais encore des veines plus ou moins abondantes, et des géodes de fer hydraté. Dans la partie de ce dépôt récent qui se trouve répan- due sur les pentes qui regardent Saint-Didier sur Fro- men, près des Balmes de Beauregard:, on a trouvé une dent de Mastodonte, que M. Dugas-Ponchon, adjoint du maire de Lyon, possède dans sa collection, et qu’il a eu la complaisance de me montrer. L’émail de cette dent , quoique parfaitement conservé ; est couvert dans ses enfoncemens d’une couleur ochreuse, et la surface tuberculeuse de la racine est tout hérissée de grains quarzeux , agglutinés par un ciment ferrugineux. Cette circonstance confirme ‘pleinement le rapport d’après le- quel elle aurait été trouvée dans ce dépôt de eailloux et de terre, rouge , contenant des géodes ferrugineuses. Des dents d'Eléphant ont encore été trouvées en d’au- tres points des environs de Lyon, dans des positions géologiques que j'ai regretté de ne pouvoir complètement éclaircir ; mais il suffit que la dent du Mastodonte de Trévoux, le squelette d'Eléphant de la Croix-Rousse , et surtout le fémur d’Eléphant du clos de M. Ferrez, aient été trouvés dans le dépôt de cailloux roulés, mêlés de blocs anguleux , ou immédiatement au-dessous , pour montrer que les Mastodontes et l’£lephas primigenius out habité l'Europe au moins jusqu’au moment du trans- port de ce dépôt, qui comprend à la fois les grandes pierres alpines transportées sur le Jura, et les cailloux roulés de la Crau. Le transport d’un dépôt dans lequel se trouvent de si |XIX. 7 (58) gros blocs à une distance aussi considérable du lieu de leur origine ; a exigé le développement de forces méca- niques immenses ; il correspond évidemment à l’une dés plus grandés débâcles dont nos contrées aient été le théâtre. Les observations rapportées ci-dessus prouvent que cette débâcle est survenue long-temps après le re - dressement des couches de la partie occidentale des Alpes, qui avait mis fin au dépôt des terrains tertiaires ; et à la suite d’une nouvelle période de tranquillité, pendant laquelle s'était déposé l’ancien terrain d’atterrissement on de transport qui a formé le sujet du paragraphe précédent. L'épaisseur de ce dernier dépôt, et les caractères qu’il présente dans plusieurs de ses parties, permettent de penser que l'intervalle de temps qui s’est écoulé entre le redressement des couches des Alpes occidentales et la catastrophe à laquelle est dù le transport des grandes pierres alpines et des cailloux de la Crau , a été long, et a suffi pour que les Eléphans , les Mastodontes , les Fhinocéros, l'Ours des cavernes , etc., pussent se mul- tiplier dans nos contrées. Le dépôt dans lequel les blocs anguleux sont souvent engagés ne se lie en aucune manière au dépôt de trans- port ancien , sans blocs anguleux ; il est au contraire dé- posé irrégulièrement dans les dépressions qui ÿ ont été creusées postérieurement à sa formation ; à peu près comme l'argile plastique dans les dépressions de la craie. Ces grandes pierres anguleuses et ces cailloux roulés , iransportés probablement pendant un intervalle de temps irès-court, doivent être considérés comme le premier terme de la série de couches de sédiment qui a dû se for- mer sur la surface du globe pendant la période de tran- ( 99 ) quillité qui aura suivi la grande catastrophe dont nous venons de citer quelques eflets. * On pourrait s'attendre à trouver des traces d’eflets ana- logues' à la partie inférieure @e chacun dés étages bien prononcés des terrains de sédiment; et par exemple, d'après ce qu'on a vu dans le chapitre précédent , il y aurait quelque probabilité que les blocs répandus à l’en- tour des Alpes scandinaves, appartiennent à la partie inférieure de létage dont fait partie notre dépôt de transport ancien. ( La suite au cahier de février.) Norte sur le Pieris cornuta de Palisot-Beauvois , espèce du genre Ceratopteris ; Par M. Le-Pereur. Sons le premier de ces noms, Palisot a désigné , dans sa Flore d’'Oware ét Benin, une espèce de Fougère superbe , qui croit, selon son indication , dans les eaux salées des bords marécageux de la mer. Souvent, pour ne pas dire toujours, on avait confondu cette espèce avec le Ceratopteris thalictroides, qui en diffère Lota- lement ; cette belle fougère habite les parties peu pro- fondes de quelques marais d’eau douce de la presqu'ile du Cap-Vert, ét du pays de Mboro , dans le royaume dé Cayor. Elle y est vivace et ses frondes ne sont pas iinmergéés , ainsi que son habitation aurait pu le faire supposer. Les frondes stériles n'existent que dans la jeune planté, qui n’a pas éncore ni fructilié ni acquis tout son dévéloppement ; dès qu’élle est assez forte , les bords des expansions foliacées se roulent sur eux-mêmes pour deve- ( 100 ) hir les protecteurs de la génération qui doit en provenir. Cette plante n’est pas munie, comme nos Fougères européennes, d’une tige souterraine, ou rhizome ; le point d'où partent les feuilles donne naissance à un grand nombre de petites racines fibreuses , verticillées , qui lui servent de point d'appui; les feuilles aussi partent dn mème point, et, comme dans les palmiers, les plus jeunes sont toujours au centre , pour remplacer les plus anciennes , qui se détruisent successivement. La plante est d'autant plus chargée de fructifications, que son existence date de plus loin; ses frondes acquièrent sou- vent jusqu'à trois pieds de haut. Il me paraît probable qu'Adanson n’a pas visité les maraïs où je lai trouvée, car elle y est abondante et n'aurait pas sans doute échappé à un aussi bon observateur. Palisot de Beauvois était le seul voyageur qui, jusqu’à ces derniers temps , eût fait connaître, par un fragment trouvé dans le pays d'Oware, une plante aussi remar- quable : j'en avais eu connaissance avant mon voyage dans la Sénégambie; de plus, M. Bory-Saint-Vincent m'avait beaucoup engagé à la rechercher dans les marais des bords de la mer. Lorsqüe, pour la première fois , je rencontrai cette belle Fougère, je fus très-étonné de ne pas trouver les petits faisceaux de feuilles figurées dans la Flore d'Oware et Benin; voulant alors me rendre compte d’une semblable différence , je cherchai sur divers indi- vidus , et mes peines ne furent pas inutiles , car je trou- vai des individus entièrement couverts des faisceaux de feuilles que Beauvois avait figurés ; j'acquis alors la con- viction intime que la plante de Beauvois était un frag- (L re) ment détérioré sur lequel de jeunes Fougères avaient pris naissance , et en suivant tous les passages de développe- ment, je nr'assurai également que ce n’était pas une plante appartenant aux genres Marsilea où Salyinia, ainsi qu’on pourrait le croire d’après Palisot , qui dit : « Elle « présente une particularité remarquable à la base de « presque toutes les divisions des pinnules; on voit « une petite plante parasite qui y prend racine, et « pousse quatre ou cinq feuilles rondes , veinées à la « manière des fougères , et ayant à l'extrémité un point « brun, qui est, comme dans beaucoup d’autres fougères, « le commencement d’un faisceau de racines. Cette pe- « tite plante adhère tellement au Pteris, que sans un « examen particulier on la prendrait, comme je l'ai fait « d’abord, pour des feuilles qui lui appartiennent : je « ne l'ai jamais vue dans un état plus avancé, et je suis « porté à croire qu'elle se rapproche des genres Mar- « silea ou Salvinia. Mais ce n’est qu'une conjecture « que l’observation seule peut confirmer. » Ainsi s'exprimait l'infatigable botaniste, qui le pre- mier avait trouvé cette belle Fougère, et j'ai été assez heureux pour étendre des observations imparfaites qu’il n'avait pas eu le temps de continuer. Des observations réitérées , et un plus grand nombre de jeunes individus du Pteris cornuta dans tous ses états, m'ont mis à même de pouvoir affirmer aujourd'hui que Palisot de Beauvois avait eu raison de voir dans les faisceaux de feuilles qui existaient sur cette Fougère, une plante différente de celle qui les portait ; mais il s’était néanmoins trompé en les prenant pour une plante ap- partenant aux genres Warsilea ou Salvinia , tandis que ( 102) ve ne sont que des développemens du Ceratopteris ui- mème : erreur que. sans doute 1l n’eüt pas commise , s’il avait eu, comme moi, les moyens de pouvoir à plusieurs reprises observer le développement de cette plante. Je suis, d’après mes différentes observations , porté à croire, sans pourtant vouloir l’aflirmer, que cette nais- sauce demi - parasite est une conséquence nécessaire de l'habitat de la plante (dans des eaux de 5 à 6 pouces de profondeur). En effet , il serait difficile à des sporules aussi petites que celles de cette plante, de se développer si elles étaient couvertes par 5 à 6 pouces d’eau , tandis que, tombant sur des feuilles étalées à la surface de l’eau, et qui déja commencent à se détériorer , elles trouvent toute l’humidité nécessaire pour un premier développe- ment , un point d'appui pour le plateau et les premières racines qui devront suffire pendant les premiers jours de l'existence de la jeune plante. Palisot dit qu'il n’a observé ces faisceaux de petites feuilles que dans les bifurcations de la fronde ; mais on peut aussi les observer partout, soit sur le limbe, soit sur les bords des feuilles, tant jeunes que vieilles, et souvent mème on rencontre de ces jeunes Fougères qui ont pris naissance sur des plantes qui ont à peine un pouce de hauteur ; d’ailleurs partout où les sporules se trouvent dans des circonstances favorables, elles peuvent se déve- lopper ; aussi se développent-elles quelquefois sur l’eau tranquille et peu profonde, ou sur la vase humide, comme je l'ai souvent observé, ainsi que M. Perrotèt. Dès qu’une sporule du Ceratopteris est tombée sur un objet quelconque, où eïle peut se gonfler en absorbant l’hu- mité, elle ne tarde pas à changer de forme; la partie ap- ( 105 ) pliquée sur l’objet où elle est tombée, s’élargit en un petit plateau muni de suçoirs ou de bouches aspirantes, au moyen desquelles 'elle s’aflermit dans sa position. Bientôt après, au centre , apparaît un point proéminent qui, au bout de quelque temps, s'élève, prend une forme ovoïde, et finit par laisser passer par son sommet en- tr'ouvert les premières feuilles de la jeune plante, tandis que dans le même temps de petites racines fines comme des cheveux sont produites par le plateau. EXPLICATION DE LA PLANCHE IV. 4. Jeunes individus du Ceratopteris cornuta,, croissant sur des feuilles de la même plante , à différens degrés de leur développement. Sur les feuilles du Malaxis paludosa ; Par M. J. S. Hexsiow, Professeur de botanique à l'Université de Cambridge. Dans le quatrième volume de la Flore anglaise, James Smith a décrit les feuilles du Malaxis paludosa, comme « rugueuse vers l'extrémité, souvent un peu frangée , de sorte que cette plante peut avoir donné lieu à l'opinion d’un Orchis à feuilles poilnés , etc. » Cette plante se trouve en grande abondance dans les marais sur la bruyère de Gamlingay , dans le Cambrid- geshire , où j'eus occasion de l’examiner il y a quelques jours , et de m’assurer de la cause de. cette apparence frangée dont parle Smith. Chaque échantillon que je recueillis présentait cette circonstance à un degré plus où moins grand, et je n’eus besoin que d’une loupe or- dinaire pour voir que cela était occasioné par de nom- breux petits germes bulbeux, sortant du bord et vers ( 104 ) le sommet de la feuille, comme on le voit représenté dans l’esquisse ci-jointe { PI. rv, fig. B. 1 , 2). Ils étaient de la mème couleur que les feuilles , vert sur celles qui étaient le plus exposées à la lumière , et tout-à-fait blancs - sur celles qui étaient les plus basses sur la tige, et à moitié ensevelies dans la tourbe et la mousse. Quelques- uns de ces germes étaient tellement avancés qu’ils avaient produit les rudimens de deux ou trois feuilles (4, 5); d’autres étaient moins avancés (3 f). Ces plantes se présentent souvent par petites touffes d'une demi-douzaine d'individus ou plus, réunis ensem- ble ; ce qu'on peut expliquer par l'existence de plusieurs des germes arrivant à leur perfection, tandis que le reste périt; car il m'a paru, autant que j'ai pu l’observer, que la plante se développait en un seul rameau , et on peut trouver trois où quatre des vieux bulbes qui ont péri, l’un au - dessous de l’autre parmi la tourbe, et encore attachés à tige vivante. Cetie plante et le Malaxis Loeselii sont probable- ment de véritables parasites. REMARQUES appirionnez£us sur les Molécules actives ; Par M. R. Browx, EF. R.S. I y a environ un an, je publiai un exposé des obser- vations microscopiques, faites dans l'été de 1827, sur les particules contenues dans le pollen des plantes ; et sur l'existence générale des molécules actives dans les corps organiques et inorganiques (1). {r) Voyez les Ann. des Sc.nat., tome XIV, p. 4r. . (105 ) Dans le présent supplément à cet exposé, mon inten- tion est d'expliquer et de modifier quelques-uns de ces résultats, et de répondre à quelques-unes des remar- ques qui ont été faites, soit sur l’exactitnde on l’origina- lité de ces observations, soit sur les causes qu’on a considé- rées comme suflisantes pour expliquer ces phénomènes. D'abord j'ai à parler d’une assertion erronée émise par plus d’un écrivain, savoir que J'ai établi que ces molécules actives étaient animées. Cette méprise est pro- venue probablement de ce que j'ai communiqué les faits dans le même ordre dans lequel ils s’offrirent à moi, en les accompagnant des idées qui se présentèrent dans les différentes époques de mes recherches , et de ce que dans un cas, j'ai adopté, par rapport à cette opinion, le langage d’un autre observateur qui s'était occupé de la première branche de ce sujet. Quoique j'aie tàché de me borner strictement à l’ex- position des faits observés, cependant, en parlant des mo- lécules actives, je n’ai pu, dans tous les cas, éviter d’in- troduire des hypothèses ; telle est la supposition que les particules également actives de plus grande taille , et souvent de forme très-différente , sont des composés primaires de ces molécules. Quoique cette supposition ne fût évidemment qu'une conjecture , je regrette d’avoir insisté sur elle, spécialement parce qu’elle peut sembler liée avec l’opinion de l'identité absolue des molécules, de quelque source qu’elles dérivent. Les deux seuls points de ce dernier sujet que j'ai essayé d'établir, étaient leur grandeur et leur forme, et quoique je fusse porté à penser qu’à cet égard les molécules étaient semblables, quelle que füt la substance dont elles { 106 ) provenaient , cependant les faits rapportés pour soutenir cette supposition étaient loin d'être suflisans, et je puis ajouter que je suis encore moins satisfait à présent à cet égard; mais l’uniformité des molécules sous ces deux rapports eüt-elle été absolument établie, il ne s’ensui- vrait pas, et je ne lai dit nulle part, comme cela m'a été imputé , qu’elles fussent semblables aussi dans toutes leurs autres propriétés et dans toutes leurs fonctions. J'avais remarqué que certaines substances, nommé- ment le soufre, la résine, et la cire, ne fournissaient pas des particules actives, ce qui cependant provenait d'un défaut de manipulation : car depuis je les ai promp- tement obtenues de tous ces corps ; en même temps je dois dire que leur existence dans le soufre fut antérieu- rement mentionnée par mon ami M. Lister. En poursuivant mes recherches après la publication de mes observations , jai employé principalement le microscope simple , mentionné dans mon premier Mé- moire, comme ayant été fait pour moi, par M. Dollond , et dontles trois lentilles que j'ai généralement employées sont d’un quarantième, d’un soixantième et d’un soixante- dixième de pouce de foyer. Plusieurs des observations ont été répétées et con- firmées avec d'autres microscopes simples ayant des len- tilles de mêmes pouvoirs, et aussi avec les meilleurs microscopes achromatiques composés , qui étaient en ma possession ou qui appartenaient à mes amis. Le résultat de ces nouvelles recherches s'accorde essen- tiellement avec celui qu'on peut déduire de mon Mé- moire imprimé, et on peut l'exposer ici brièvement dans les termes suivans , savoir : (107 ) Que les particules extrémement délicates de la ma- üère solide, soit qu'on les obtienne de substances or- ganiques ou inorganiques , lorsqu'elles sont suspendues dans l’eau, ou dans quelque autre fluide aqueux, présen- tent des mouvemens dont je ne puis me rendre compte, et qui, d'après leur irrégularité et leur indépendance apparente, ressemblent à un degré remarquable aux mou vemens les moins rapides de quelques-uns des animal- cules infusoires les plus simples ; que les petites parti- cules mouvantes que j'ai observées et que j'ai nommées molécules actives , paraissent être sphériques ou presque sphériques, et avoir entre un vingt-millième et un trente- millième de pouce en diamètre; et que d’autres par- ticules d’une taille beaucoup plus grande et plus variée, et d’une forme ou semblable ou très-différente , présen- tent aussi des mouvemens très-analogues dans de sem- blables circonstances. J'ai anciennement dit que je croyais que ces mou- vemens des particules ne provenaient, ni de courans dans le fluide qui les contenait, ni des mouvemens intérieurs qu'on peut supposer qui accompagnent son évaporation, Ces causes de mouvement cependant, soit seules , soit combinées avec d’autres telles que l'attraction et la répul- sion parmi les particules elles-mêmes, leur équilibre imparfait dans le fluide dans iequel elles sont suspen- dues, leur action hygrométrique ou capillaire, et dans quelques cas le dégagement de la matière volatile, ou de petites bulles d’air , ont été considérées par plasieurs écrivains, comme expliquant suflisamment les phéno- mènes apparens, Quelques-unes des causes que J'ai allé ( 108 ) guées ici, ainsi que d’autres qu'il me semble inutile de mentionner , seront facilement aperçues et ne pour- ront tromper des observateurs ayant quelque expérience dans les recherches microscopiques; et l'insuffisance des causes les plus importantes parmi celles que j'ai énumé- rées peut, je pense, être démontrée d’une manière satis- faisante , par le moyen d’une expérience très-simple. Cette expérience consiste à diviser la goutte d’eau qui contient les particules en partie d’une petitesse micros- copique, et à prolonger son existence en la plongeant dans un fluide transparent d'une gravité spécifique inférieure, avec lequel elle ne puisse se mélanger, et dont l’évapo- ration soit extrêmement lente : si on ajoute à de l’huiïle d'amande, fluide qui possède ces propriétés, une portion considérablement plus petite d’eau entièrement imprégnée de particules , et qu'on secoue et mélange en- semble ces deux fluides, il en résultera des gouttes d’eau de différentes tailles, depuis un cinquantième jusqu’à un deux-centième de pouce en diamètre. Les plus petites de ces gouttes ne contiennent nécessairement que peu de particules , et on peut en observer quelques-unes qui en contiennent seulement une. De cette manière, les petites gouttes qui se dissiperaient en une minute, si elles étaient exposées à l'air, peuvent se conserver plus d’une heure. Maïs , dans toutes ces gouttes ainsi formées et protégées , le mouvement des particules s'opère avec une activité qui ne diminue pas ; tandis que les causes principales assignées pour ce mouvement, nommément l'évaporation, et leur attraction et leur répulsion mu- tuelles , sont ou considérablement réduites, ou absolu- ment nulles, ( 109 ) On peut remarquer ici que ces courans du centre à la circonférence, d’abord à peine perceptibles, ensuite plus visibles, etenfin très-rapides, qui existent constam- ment dans les gouttes exposées à l'air , et qui dérangent ou empêchent entièrement le mouvement propre des particules , sont entièrement évités dans des gouttes d’une petite taille plongées dans l'huile. C’est un fait qui n’est cependant apparent que dans les gouttes qui sont aplaties , parce qu'elles sont presque ou absolument en contact avec le porte-objet du microscope. On peut prouver, en faisant l'expérience inverse, que le mouvement des particules n’est produit par aucune cause agissant à la surface de la goutte; car, en mêlant une très-petite proportion d'huile avec l’eau qui contient les particules , on trouvera sur la surface de la goutte d’eau des gouttes d’huile microscopiques d’ane extrême petitesse , dont quelques-unes ne dépassent pas en gros- seur les particules elles-mêmes , et qui sont presque immobiles , tandis que les particules placées au centre, ou vers le fond de la goutte , continuent à se mouvoir avec leur degré habituel d'activité. Par le moyen que je viens de décrire pour réduire la taille et prolonger l'existence des gouttes qui contien- nent les particules, et qui, malgré sa simplicité, ne s’est présenté à moi que dernièrement , on peut se for- mer une idée plus étendue de ce sujet , suffisante peut- ètre pour nous permettre de déterminer la cause réelle des mouvemens en question. Quelques-unes des expériences que j'ai faites depuis que J'ai adopté cette manière d'observer, me paraissent si curieuses , que Je ne risquerai pas d’en parler avant (pamo }) de les avoir vérifiées par de fréquentes et soigneuses répétitions (x). Rapport fait à l’Académie des Sciences, par MM. Fourwær et Duméris , sur un Mémoire inti- tulé : De l’'Influence de la température sur la mortalité des enfans nouveau-nés, par MM. Vir- LERMÉ 4 Mise Enwanrps. (Séance du 2 février 1820.) Nous venons rendre compie à l’Académie d’un Mé- moire de MM. Villermé et Milne Edwards, qu'elle a chargé M. le baron Fourier et moi d'examiner. Ce tra- vail est le résultat de recherches statistiques relatives à la population ; il a pour titre : De l’Influence de la température sur la mortalité des enfans nouveau-nés. On avait reconnu depuis long-temps que chez les très-Jeunes animaux à température constante, comme les Mammifères et les Oiseaux, l'acte de la respiration ne pouvait seul suflire à maintenir ou à conserver la chaleur qui leur est nécessaire pour l'exercice de la vie. Aussi , par un instinct naturel , les parens et surtout les mères sé tiennent-ils constamment en contact avec leurs nouveau-nés, afin de les préserver des causes de refroi- dissement. Dans ces dernièresannées même, M. Edwards aîné a démontré , par des expériences positives , qu’en (x) A la suite des observations précédentes, que nous avons traduites littéralement , M. R. Brown cousacre quelques pages à rappeler quel- ques observations analogues, faites anciennement ou à des époques plus récentés , mais qui ne nous ont pas paru assez importantes pour être rapportées. (R.) amRs-cmtie (-etin }) eflec les très-jeunes animaux ne sont pas encore organi- sés de manière à conserver une température supérieure à celle de l'atmosphère dans laquelle ils se trouvent plongés. Ce sont ces faits bien avérés, et dont l'influence sur la conservation de la vie est si grande, qui ont engagé les auteurs du Mémoire dont nous rendons compte, à rechercher dans quels rapports se trouvent les tempéra- turés basses et élevées avec le nombre des-enfans qui périssent dans les trois premiers mois de leur naissance. C’est dans ce but qu'ils ont fait avec le plus grand soin le relevé des états de naissance et de mortalité des enfans, mois par mois, dans tous les départemens de la France, pendant les années 1818 et 1819. Il résulte de ces recherches que, dans toute la France, la mortalité des enfans de zéro à trois mois d’âge est constamment plus prononcée dans le 1rimestre d'hiver que dans les trois autres saisons ; tandis que, depuis l’âge d'un an jusqu'à la vieillesse, le nombre des individus ‘qui meurent dans la saison froide est notablement moins considérable. MM. Villermé et Milne Edwards attri- buent en grande partie cette mortalité à l'usage ; et mème à la nécessité établie par nos lois, de faire pré senter les enfans, dès les premiers jours de leur nais- sance , dans des lieux publics, où la date en est consta- tée, et où ces petits êtres doivent être transportés souvent à de grandes distances, quelle que soit l’intempérie de la saison. Ils font remarquer que déjà plusieurs savans italiens avaient fait la mèmé observation, comme T'oaldo à Padoue, Zeviani à Vérone, et Trevisen à Castel- Franco. Le travail principal des auteurs du Mémoire est con- (xx ) signé dans une série de tableaux de tous les départemens de la France , disposés par ordre alphabétique , et indi- quant mois par mois le décès de tous les enfans nouveau- nés, de zéro à trois mois d'âge, pendant les années 1818 et 1519. Un autre tableau, dressé dans le mème but, indique les rapports du nombre des décès des enfans de ce mème âge, et mois par mois, dans deux séries de dé- partemeus , les uns situés au nord du 47° degré de lati- tude , et les autres au midi du 45° degré. Il résulte de cêtte comparaison, que cette mortalité diminue sensible- ment au sud dès le mois de mars, et qu’elle se prolonge jusqu’à la fin d'avril, dans le nord de la France. Comme l'ont fait trèc-bien sentir MM. Villerméet Milne Edwards, ces résultats sont intéressans pour la physiologie et la médecine ; mais ils sont, en outre, de nature à provoquer l'attention et les soins du Gouverne- ment et des législateurs ; car, de même que pour consta- cer les décès , l'officier civil ou son subdélégué se rend au domicile du défunt, indépendamment de l'acte qui en est dressé , ils pensent qu’il ne serait pas impossible, avec quelques déclarations préalables exigées, de faire constater l’acte de naïssance, chez la mère de l'enfant, pendant la saison rigoureuse. D’après cet exposé et d’après l'importance des vues présentées dans ce Mémoire, nous pensons que l’Aca- démie doit encourager le zèle de ces jeunes médecins, en les engageant à poursuivre ces recherches statistiques dans la bonne direction qu’ils ont prise. Signé le baron Fourier , Dumériz , rapporteur. 1 Académie adopte les conclusions de ce Rapport. — - —— (i5887) Norice GÉOGNOSTIQUE sur quelques parties du département des Ardennes et de la Belgique; Par M. Rozer, Officier au corps royal des Ingénieurs-Géographes. ( Lue à PAcadémie des sciences, le 9 mars 1829. } Pendant la campagne de 1828 , mes travaux topogra- phiques ont eu lieu dans cette portion du département des Ardennes, comprise entre les rivières de l’Aïsne, de la Sormone et du Thin. Profitant de quelques instans de loisir , j'ai exploré la plus grande partie de l’ Ardenne proprement dite , et j'ai même suivi la vallée de la Meuse jusqu’à Liége. Tout ce pays est peu connu ; je ne sache pas que l’on ait encore rien publié, en France, sur le département des Ardennes (1); les écrits de MM. d'Omalius d'Hal- loy, Cauchy, Engelspach , etc. , sur l’Ardenne, les pro- vinces de Namur , de Liége et de Luxembourg, quoi- que faits avec tout le talent qui distingue ces cbserva- teurs, laissent néanmoins beaucoup à désirer. L'âge relatif des différentes époques géognostiques n'y est pr à parfaitement établi. Dans son Essai d’une description SFOBROSTR 0 du grand duché de Luxembourg, publiéà Bruxelles’, ,8:; M. Steïninger dispose les groupes de travsition de Ar. denne, groupes qui se prolongent jusque sur le territoire (1) Au moment où j'écris, M. Boblaye s’occupe d’un travail sur le terrain oolithique du département de la Meuse et de la partie orientale de celui des Ardennes. — Ce Mémoire est actuellement imprimé dans ces Annales. Voyez tome XVII, p. 35. (R.) XIX. — Février 1830. 8 ( 114 ) du Grand-Duché, suivant leur âge relatif, absolument dans le mème ordre que moï ; mais ce savant n’a pas cherché à rapprocher ses formations de celles d’Angle- terre et des autres contrées bien connues. Enfin, les observations de MM. Oeynhausen et de Dachen , sur le terrain schisteux de la Belgique ( Æerta, v. 8, page 201 à 268), sont aussi parfaitement d'accord avec les mien- nes ; mais les conclusions de ces géognostes, nront paru présenter le même inconvénient que celles de M, Steininger. Dans le pen de temps qu'il m’a été possible de con- sacrer à l'étude de ces contrées, J'ai été assez heureux pour rencontrer des points où les superpositions sont évi- dentes ; et j'ai pu, d’après cela, déterminer avec une certaine exactitude, l’âge relatif des diflérens groupes de transition, qui se développent en Belgique depuis lAr- denne jusqu’au bassin de Liége, et qui se retrouvent en France, le long de la Meuse , depuis Givet jusqu’à Mézières. Mes observations n’ont point eté assez multipliées p ‘our me permettre de donner une description complète du‘ pays ; aussi cette notice n'est-elle écrite que dans le but d'être utile aux observateurs qui pourront consa- crer à l'étude de ’Ardenne, et des contrées qui s’y rat- = F è ? ? . x tachent , beaucoup plus de temps que je n'en n'avais à ma disposition. e s » # ere 4 Ces observations äyant été faites dans un cadre très- étendu , il m'est impossible de joindre une carte à ce ravail; mais ivera toutes les localités que je cite travail; mais On trouv que j sur celle de Cassini. Le pays que j'habitais cetie année est occupé par des collines et de petites montagnes qui se rattachent au ( 115 ) système général des Ardennes ; j'étais placé sur la ligne de partage des eaux entre la Meuse et la Seine. À partir de cette ligne, les montagnes baissent à mesure que l’on s’avance au sud-ouest , vers la rivière de l’Aïsne; mais elles s’élèvent en allant au nord-est vers la Meuse; en sorte que la région la plus élevée de la contrée se trouve située entre la Meuse et sa ligne de partage avec la Seine, C’est un fait remarquable, et dont on a déjà plusieurs exemples. Il résulte de ce que je viens de dire, qu’en partant des bords de l’Aïsne, on voit des mon- tagnes s'élever de plus en plus à mesure que l’on avance vers l’Ardenne, dont les sommets atteignent jusqu’à 5oo mètres au-dessus du niveau de la mer. Si on faisait passer deux plans par les points les plus élevés de la contrée dont nous nous occupons , l’un en France et l’autre en Belgique, ces plans atteindraient, dans la chaîne des Ardennes, une hauteur de 500 mètres au-dessus de lamer , et ensuite ils baisseraient progressi- vement en allant l’un au sud-ouest , et l’autre au nord- est. [l ne faut point perdre de vue ce fait important qui nous sera très-utile dans la suite. $ I. La formation la plus ancienne qui se montre au jour dans la portion de pays que je vais décrire, est composée de schistes associés avec des couches de quar- zites , de diorites, de psammites, etc. Cette formation , connue depuis très-long-temps, constitue tout le sol occupé par la vaste forèt des Ardennes. Ce groupe géognostique est partout divisé en deux étages : le plus ancien, où dominent les roches schis- 8 SC teuses ; et le plus nouveau, où ce sont au contraire les roches compactes qui ont pris le plus grand dévelop- pement. a. Dans les ardoiïsières de Rimogne et dans les nom- breux escarpemens des montagnes de l’Ardenne , où j'ai pu étudier facilement le premier étage de cette forma- tion , j'ai reconnu qu'il est composé d’une énorme masse de schistes luisans, passant au schiste ardoise et quelque- fois au phyllade, Ces schistes ont une couleur grise bleuâtre ; ils sont rarement bien stratifiés ; ils renfer- ment des couches subordonnées de psammites , dè trapps, de quarzites , de diorites , d'hémithrènes et des bancs d'un calcaire sublamellaire gris bleuâtre. Souvent ces diverses roches sont intimement liées avec les schis- tes auxquels on les voit passer par degrés insensibles ; elles présentent aussi fréquemment la structure schis- teuse ; et alors, au point de contact, elles se confondent entièrement avec le schiste. Dans le premier étage les couches de schiste sont sou vent ondulées ; j'ai remarqué, dans la masse, des galets de quarzite enveloppées. Les quarzites sont ordinairement compactes , à cassure ci- reuse, mais quelquefois ils offrent une texture grenue , une cassure droite, et passent à un véritable grès dont la couleur est souvent parfaitement blanche. Toutes les roches de cet étage sont coupées par des veines de quarz blanc , laiteux ou gras, qui deviennent très-nombreuses vers le haut. Les diorites, quoiqu'un peu compactes , peuvent se rapporter, en général, à la variété granitoïde ; les hémithrènes sont schistoïdes; enfin, les trapps sont noirs, compactes, et contiennent beaucoup de fer pyriteux en petits cristaux cubiques. (ram Dans les environs du Mont-Hermé , à Rimogne et sur quelques autres points, les schistes renferment une grande quantité de fer pyriteux , en cristaux cubiques , gros comme des dés à jouer , et du fer oxidulé en oc- taèdres. Ces derniers cristaux sont si petits et si abon- dans dans certaines couches qu’au premier coup-d’œil la roche paraît criblée d'une infinité de petits trous ; elle agit alors très-fortement sur l'aiguille aimantée. Les diorites, les hémithrènes ei les trapps, agissant aussi, mais faiblement, sur cette aiguille, doivent con- tenir un peu de fer oxidulé. Cet étage a une puissance considérable , que l’on n’a pas encore pu déterminer, parce que nulle part on n’a atteint la roche sur laquelle il repose. b. Vers la partie supérieure de l'étage précédent, les quarzites deviennent de plus en plus abondans, les schistes prennent une couleur pâle et passent souvent au phyllade. Bientôt les quarzites , qui alternaient d’a- bord régulièrement avec des masses schisteuses à peu près d’égale épaisseur, se présentent en couches assez régulières, qui ne sont plus séparées que par des lits, extrêmement minces, de phyllades. Comme je l'ai déjà dit, ces roches sont généralement compactes, et, dans plusieurs endroits, elles passent à un quarz grenu sou- vent très-blanc ; d’autres fois (Château-Renaud , Mont- Hermé), elles deviennent schisteuses et passent, rare- ment , à un véritable schiste micacé. Cet étage renferme aussi quelques couches acciden- telles de psamruites grisàtres ou jaunâtres, souvent schisteux. Partout il est traversé par une imfinité de veines de quarz blanc, laiteux où gras, qui coupent les ( 118 ) strates dans tous les sens; ces strates ne sont jamais très-épais : l'épaisseur de ceux que j'ai mesurés variait depuis o",4 jusqu’à 1"; on remarque dans chacun une infinité de fissures, obliques et parallèles à la stratifica- tion , déterminant des clivages qui donnent des fragmens rhomboïdaux, souvent assez réguliers. Le fer pyriteux des schistes pénètre dans les quarzites où on en voit quelques cristaux; mais je n’y ai point remarqué de fer oxidulé, et ces roches n’agissent pas sur l’aiguille aimantée. On a creusé à Rimogne un puits, nommé par les ouvriers puits d’aplomb, dont la profondeur est de 5o7 pieds. Pour cela, il fallut traverser entièrement la masse des quarzites, à laquelle on a reconnu une puis- sance de 50" ; au-dessous s’est présentée celle des schistes telle que je l’ai décrite plus haut; le reste du puits a été creusé dans cette masse. Je n’ai pas remarqué une seule trace de restes orga- niques dans toutes les roches que je viens de décrire. Aux environs du Mont-Hermé, certains feuillets de schiste présentent des empreintes, que les ouvriers nomment des tétes, à cause de leur forme ; ces em- preintes adhèrent très-peu à la roche et ressemblent à des feuilles de certaines plantes aquatiques ; mais M. Cauchy m'a dit que l’on avait trouvé dans les schistes des végétaux analogues à ceux des houillères , et il m'a montré plusieurs échantillons de psammites , recueillis par lui-même au milieu de la grande formation ardoï- sière, dans lesquels j'ai reconnu des encrinites, des pentacrinites et des spirifères. Les deux étages que je viens de décrire sont parfai- ‘ ( 119) tement liés entre eux , et constituent évidemment une seule et même formation. L’inclinaison générale des strates est vers le sud sous un angle qui varie de 30° à 6o°. Cette formation a pris un développement extrè- mement considérable dans toute la partie de la France et de la Belgique , connue sous le nom d’Ardenne ; sur quelques points elle présente des particularités que je vais faire connaître. A Mézières et à Fumay , deux points éloignés de neuf lieues l’un de l’autre , le schiste passe au phyllade et prend une couleur rougeâtre , et les quarzites sont schisteux et passent souvent à un schiste micacé ou phyllade quarzeux. À Mézières , le phyllade n’est point exploité; mais à Fumay il y a de très-belles exploita- tions, qui fournissent des ardoises plus estimées que celles de Rimogne , parce qu’elles sont plus solides et en même temps beaucoup plus minces. Je n’ai pas vu un seul cristal de fer sulfuré ni oxidulé dans les ardoises de Fumay. La couleur rougeàtre passe quelquefois brusquement au gris bleuâtre, et on peut obtenir ces deux nuances dans un échantillon assez petit. Cette variété des schistes est placée immédiatement sous l’assise des quarzites ; ce qui me porte à croire qu'elle appartient à la même époque que ceux de Ri- mogne et de l’Ardenne , dont la couleur dominante est le gris bleuàtre. Entre Givet et Rocroy, les diorites sont très-com- munes dans la masse schisteuse. À Vireu, village situé entre ces deux villes, sur la rive gauche de la Meuse, (120) ces roches paraissent remplacer les quarzites , et consti- tuer l'étage supérieur de la formation. Près de Nau, sur la rive droite de la Semoy, on ex- ploite dans les schistes deux bancs de calcaire sublamel- laire, d'un gris bleuâtre, que l’on emploie dans les forges voisines pour faire de la castine. À quelque dis- tance de là , en suivant le sentier qui conduit aux forges de Linchant , on trouve des mines de fer, qui provien- nent d’uñ lit assez mince de fer hydraté, compris dans les schistes. À Deville, près du Monthermé, des roches subor- données à l’ardoise renferment des cristaux de feldspath bien prononcés. Suivant M. d'Omalius , « ces roches se « lient aux ardoises par une série de nuances ; les mieux « caractérisées ont pour base un quarz grenu bleuàtre, « ou une ardoise stéatiteuse, qui renferme du quarz « hyalin et du feldspath. Le premier est en globules « presque limpides , avec une légère teinte blanchâtre « ou enfumée; le second est blanc , et forme soit des « cristaux très-bien prononcés , soit des globules ou « petites masses qui atteignent quelquefois jusqu'à la « grosseur d'un œuf. » M. Brongniart regarde ces roches comme des phyllades porphyroïdes. Je n'ai pas remarqué que l'on exploitài un seul filon métallique dans les schistes ; cependant, suivant M. d’O- malius, on aurait entrepris d'y exploiter du plomb, du cuivre pyriteux et du manganèse. Le sol occupé par la formation que je viens de décrire présente une chaine de montagnes très-élevées. Ces montagnes , qui sont ordinairement terminées par des plateaux plus ou moins étendus, offrent souvent des Seb in ee”: (121) flancs très-inclinés, et même des escarpemens assez droits, par exemple le long du cours de la Meuse et de celui de la Semoy, Monthermé , Château-Renaud, etc. Rarement on remarque des crêtes assez étroites , où les blocs de quarzite, ayant plus résisté à la destruction que ceux de schiste, forment des pics. Les vallées , qui sont toutes de fracture , tombent les unes dans les autres sous des angles aigus; elles sont étroites, à flancs courts souvent très-inclinés : l’inclinaison du thalweg est assez régulière. Ces vallées commencent ordinairement par un évasement à pentes douces. Le fond des vallées et les flancs des montagnes sont couverts, dans plusieurs localités, de blues erratiques assez gros, appartenant aux quarzites, quelquefois aux diorites , dans les endroits où ces roches sont communes. On trouve aussi de ces blocs sur les petites montagnes et les plateaux bas. Tout le sol occupé par la formation schisteuse est impropre à la culture; on n’y rencontre que des bois, dont quelques-uns sont cependant d’une belle venue, de maigres pâturages, et quelques mauvaises terres, où l’on sème de temps en temps du seigle. $ IT. En suivant le cours de la Meuse, depuis Méziè- res jusqu’à Vireu, on marche constamment sur la for- mation n° 1, dont on coupe les strates à peu près à angle droit. Là , on trouve une autre formation qui repose sur les schistes en stratification concordante, et dont les couches inférieures commencent mème par alierner avec eux. Les strates des deux groupes sont très-incli- nés, et plongent au sud. Le long de la berge, sur la rive ( 122 1} droite de la Meuse ( PI. ë fig. 1), la superposition est bien claire, et les couches sont peu inclinées. Ici, le schiste passe au phyllade, et contient beaucoup de dio- rites , qui paraissent y remplacer les quarzites. La formation qui recouvre les schistes, à Vireu, est composée de deux étages parfaitement tranchés, intime- ment liés l’un à l'autre , et qui ontune grande épaisseur. a. La roche qui occupe la partie inférieure du pre- mier est un grès quarzeux , à grains de quarz distincts et quelquefois assez gros : la couleur varie du gris rou- getre au rouge. Ce grès passe insensiblement à un autre à grains fins et entièrement rouge, avec lequel il alterne ensuite ; mais ja dernière variéié est dominante, On y remarque des passages à un psammite schisteux, qui diffère très-peu du grès ; vers le haut, ce psammite à une structure fibreuse. | Dans toute la masse que nous venons de décrire, il existe , au milieu des grès et des psammites, des couches de poudingues formés de cailloux quarzeux, dont la grosseur ne dépasse guère celle d’un œuf , réunis par un ciment quelquefois siliceux , mais ordinairement formé par la pâte du psammite, contenant une grande quan- tité de fer hydroxidé. b. À la partie supérieure de la masse rouge, les psami- mites et les grès rouges commencent à alterner avec un psammite gris, schisteux, contenant des lits de o",3 d’é- paisseur d’un quarzite gris jaunâtre. Cette roche, dont la cassure est inégale , avec une texiure presque Com- pacte et une structure subschisteuse , domine bientôt sur les schistes , qui finissent par ne plus exister qu’en lits minces séparant les strates, souvent très-épais, de ( +25 ) quarzite. Cet assemblage de psammite schisteux et de quarzite , forme un étage dont la puissance est quelque- fois de près de 100 mètres ; cet étage et le précédent sont intimement liés , la stratification est identique dans tous les deux ; ainsi, je les regarde comme constituant une seule formation. Ce groupe est très-pauvre en espèces minérales; Je n’y ai reconnu que le fer hydroxidé , qui forme le ciment des poudingues, et quelques cristaux de quarz hyalin tapissant certaines fissures de stratification. Les restes organiques paraissent manquer entière- ment. En France, je n'ai observé la formation du grès rouge qu'entre Fumay et Givet; mais en Belgique elle occupe des espaces très-étendus le long du cours de la Meuse. Sur la rive gauche, entre Rouillon et Burnot (fig. 2), ce groupe est parfaitement développé ; dans Île village d’Anserème , près de Dinant, on le voit plonger sous les calcaires noirs ; on le trouve un peu avant d’en- trer à Huy, en venant de Namur; enfin , il sort de des- sous le calcaire entre Flaune et Aupire (fig. 3), sur la route de Huy à Liége. Dans tout ces points, la formation n° 2 est identique : on y retrouve absolument les choses telles que je viens de les décrire. La puissance de cette formation est , entre Rouillon et Burnot, de plus de 150 mètres. La stratification est assez régulière. Les strates plongent , tantôt au nord et tantôt au sud, sous un angle qui varie de 50° à Go°. SHL. À Vireu (fig. 1 ) il existe sur le grès rouge une petite masse de.calcaire noir ; à Rouillon (fig. 2), le ( 124) calcaire noir repose évidemment, et en stratification con- cordante , sur les quarzites du second étage : il existe ici une petite dépression entre les deux formations. Les parties inférieures de la masse des calcaires noirs de Dinant, alternent avec des psammites gris, plus ou moins schisteux, qui sont identiques avec ceux du second étage de la formation n° 2. Près de Huy, le calcaire noir est exploité sur le grès rouge. Enfin, entre Mal- lieue et Aupire (fig. 3), la masse des grès rouges est tellement disposée , qu'il esi évident qu'elle doit ètre recouverte par cette grande formation calcaire qui s’é- tend tout le long de la vallée de la Meuse , depuis Di- nant jusqu’au bassin de Liége. Les faits que nous venons de faire connaître établis- sent clairement que le groupe n° 2 est immédiatement recouvert et en stralification concordante , par la grande masse calcaire. Cette masse constitue une formation bien caractérisée composée de deux étages : au premier, appartiennent les calcaires noirs de Givet, Dinant et Namur ; au second, les calcaires gris qui les recou- vrent , et qui sont si bien développés entre Huy et Liége. a. La roche qui occupe la partie la plus ancienne de cette formation, est composée d’un calcaire noir, com- pacte, à cassure plus ou moins conchoïde, et souvent traversé par de nombreuses veines de spath calcaire blanc. Ce calcaire est très-fétide, et phosphorescent par la chaleur; dans l'acide hydro-chlorique , il se dissout en donnant une effervescence assez vive, et laisse un ré- sidu noir qui, suivant M. Cauchy (1), « blanchit ins- (1) Mémoire sur la Coustitution géologique de la province de Namur, page 10. (139 :3 « tantanément au chalumeau sans donner aucune odeur = « bitumineuse, mais qui ne s’y dissipe jamais complé- «€ tement , et y fond quelquefois en une scorie verdàtre « ou noirâtre. » Cette roche est parfaitement stratifiée , mais l’épais- seur des strates est très = variable : ce sont tantôt des lits minces de o",1 à 0",3 , tantôt des bancs épais de 2", sé- parés les uns des autres par des lits très - minces d’un schiste bitumineux calcaire. En général , et surtout dans les environs de Dinant , la stratification est très -tour- mentée : on y remarque une infinité de plis, beaucoup de couches arquées, enfin l’inclinaison varie depuis l'horizontale jusqu’à la verticale. Les strates calcaires contiennent beaucoup de phta- niteen rognons , et en lits minces parallèles à la stratifi- cation. La figure { présente un exemple de cette dispo- sition. Sur beaucoup de points, et principalement dans les environs de Namur, les joints de stratification sont couverts par des plaques d’anthracite métalloïde; on trouve aussi de petites veines de cette substance dans le calcaire. Les veines de chaux carbonatée, qui traversent les couches , présentent souvent des cristaux violets de chaux fluatée , on voit aussi, par places , dans la masse noire, de la barytite lamellaire. Les fossiles du calcaire noir ne sont pas très-communs ni très-bien conservés ; les plus nombreux sont des caryophytllies , des encrinites et des madrépores bran- chus. Parmi les coquilles , j’ai reconnu : l’euomphalus pentagulatus , le productus antiquatus, des spirifers et deux espèces de strophomène , ou peut-être deux indivi- dus appartenant à la même espèce , et d’àges différens. ( 136 ) Cet étage acquiert un développement et une puissance très-considérable : c’est lui qui occupe tout le sol des environs de Dinant, une grande partie de celui de Na- mur , d’où il s'étend jusqu'à Huy le long du cours dela Meuse ; enfin il forme la base du rocher de Charlemont. b. À Thon, carrière de Gorbe, point situé en Bel- gique, entre Sclayn et Namur, fig. 4, au rocher de Charlemont, etc. , le calcaire noir est recouvert par un calcaire gris , auquel il paraît souvent passer insensible ment. À Charlemont , il n’y a point de séparation tran- chée ; mais à Thon, il existe un lit mince de schiste bi- tumineux entre les deux étages. Le second ne contient plus de phtanite , les strates sont plus épais , et la stra- tification est beaucoup moins régulière que dans le cal- caire noir ; même , sur plusieurs points, elle n’est pas du tout apparente, et alors la roche se présente en grosses masses. Dans les parties inférieures , le calcaire est plus ou moins noir; mais cette couleur se perd peu à peu, et on arrive bientôt à un calcaire gris de fumée ou gris blanchâtre , qui est la roche dominante dans cet étage. Ce calcaire est compacte ou sublamellaire ; sa cassure varie de la conchoïde à l’inégale , il se dissout lentement dans les acides en donnant une effervescence assez lente ; comme celui du premier étage, 11 présente la phospho- rescence par la chaleur , maïs il est très-peu fétide. Vers le haut de la formation, on trouve des strates de calcaire à entroques, et d’autres remplis de madrépores branchus. Toute la masse de calcaire gris est traversée par des veines , souvent très-considérables , de chaux carbonatée laminaire qui donne, par le clivage, des rhomboïdes assez parfaits, mais , en général, très-peu transparens, Nr. (127) Due T1 n'existe plus d’anthracite dans les fissures de stratifi- cation. Les fossiles de cet étage sont ordinairement plus nom- breux et mieux conservés que ceux du premier. Je n’en ai pas beaucoup trouvé en Belgique ; mais à Charlemont ils sont extrèmement abondans. Parmi les zoophytes, j'ai reconnu : des madrepores branchus , semblables à ceux du premier étage , des tu- bipores , des caryophyllies , des encrinites et des cya- thophyllum. Les coquilles sont : des strophomènes , très-nombreux à Charlemont, des spirifers, des productus et des euom- phalus. La puissance de cet étage est très - considérable : à Thon, où il repose sur le calcaire noir et où il est recou- vert par la formation houillère , fig. 5, cette puissance dépasse 50". Depuis Namur jusqu’à Liége , sur les deux rives de la Meuse , il existe de grandes masses de dolomies grises, qui font évidemment partie de la formation que je viens de décrire : non -seulement on y trouve les mêmes fos- siles, mais encore il est facile de reconnaître que ce sont véritablement des portions de la masse calcaire ; elles se présentent au milieu des calcaires, et je ne doute pas que , sur plusieurs points , elles n’y passent insensible- ment. Ces roches sont quelquefois à l’état puivérulent, mais ordinairement leur solidité est assez grande. La couleur est le gris de cendres ; la cassure droite présente une texture grenue et une infinité de points brillans ; la texture de la roche est celluleuse et se rapproche beau- coup de celle de certaines laves volcaniques ; les dolomies (27259 sont phosphorescentes par la chaleur. Suivant M. En- gelspach (1), elles sont composées de 20 à 4o pour 100 de carbonate de magnésie, et de 35 à 54 de carbonate de chaux ; elles se dissolvent entièrement dans l'acide ni- trique avec une légère effervescence. La masse de dolomies se présente quelquefois en cou- ches presque horizontales , mais ordinairement elle n’est point stratifiée : on y remarque une infinité de fissures dans tous les sens, des sillons verticaux et recourbés plus ou moins larges. Les rochers offrent des pointes ai- guës, des dentelures ; et, à une certaine distance, on prendrait cette masse pour une formation pyroïde. Les fossiles de la dolomie sont les mêmes qüe ceux du calcaire. J'ai observé qu’à la surface des roches ils étaient d’un blanc mat. M. d'Omalius prétend que dans l’inté- rieur ils n’ont pas cette couleur. Ces roches magnésiennes sont très-bien développées entre Huy et Liége ; il en existe une grande masse qui s'étend depuis Malieue ( fig. 3), où elle paraît recouvrir le grés rouge, jusqu’à Huy ; je n'ai pas pu en déterminer la puissance. La formation que je viens de décrire renferme des fi- lons de fer hydroxidé qui traversent toutes les roches. Quelques-uns de ces filons contiennent de la galène , qui s’y présente : «en veines , en filets, tantôt plats, tantôt « droits , et tantôt inclinés. On y trouve aussi quelquefois « de la pyrite blanche , de la blende et de la calamine.s La grande formation calcaire , renfermant des do- lomies, est très-peu développée en France : je ne lai re- (x) Notice sur le calcaire magnésien de la province de Liége. (129) trouvée qu'à 11 montagne de Charlemont, où les deux étages sont bien développés , maïs sans dolomies , et près de Vireux, où il en existe un lambeau sur le grès rouge (fig. 1). Mais , en Belgique , le même groupe a pris un développement considérable le long du cours dela Meuse; il forme la masse des montagnes depuis Falmignioule jusqu’à Rouillon ; on le retrouve ensuite au-delà de Na- mur , d'où il s'étend jusqu’au bassin de Liége. Le sol occupé par cette formation présente des pla- teaux souvent très-étendus, interrompus par des vallées de fracture , généralement très-étroites , et même par de véritables gorges. On y remarque beaucoup d’escarpe- mens à pic, surtout le long de la Meuse, et des cavernes, souvent très-spacieuses et tapissées de fort belles stalac- ütes ; il parait que l’on a découvert des ossemens dans quelques-unes d’entre elles : le peu de temps que j'avais à ma disposition ne m'a pas permis de les visiter. Certaines couches du calcaire noir prennent un très- beau poli, et sont exploitées comme marbres; on les connaît dans les arts sous les noms de marbres de Dinant et de Namur. Quelques-unes de celles du calcaire gris sont aussi exploitées pour le même usage ; mais les mar- bres qu’elles donnent sont beaucoup moins estimés que ceux du calcaire noir. Le sol occupé par la formation n° 3 est peu fertile : on yremarque beaucoup de bois et de friches. $ IV. Entre Huy et Liége on trouve un grand nombre d'exploitations de schistes aluminifères. Ces schistes reposent sur le calcaire gris, et, suivant M. Cau- chy, « c’est toujours à la jonction du terrain calcaire XIX. 9 ( 130 ) « avec le terrain houiller qu’ils sont placés. Il n'est « pas rare de rencontrer entre les feuillets quelques « veines continues de honillés ; et enfin , les filons, per- « cés au milieu du calcaire, ne pénètrent pas plus dans « ces couches que dans celles des houillères. » À l'entrée du bassin de Liége (fig. 3), le calcaire gris plonge au nord - est sous la formation houillère , et on remarque une petite dépression au point de contact entre les deux groupes. À Thon , carrière de Gorbe, la formation houillere , composée d’une alternance de psammites gris, argiles schisteuses , avee empreintes végétales et lits de fer car- bonaté , repose en stratification concordante et peu in- clinée (fig. 5) sur le calcaire gris. Ici se trouve un lit de poudingue calcaire , assez irrégulier , placé entre le cal- caire et les schistes houillers, et dans ces derniers il n'existe pas un seul fossile du calcaire. Maïs en France, au rocher de Charlemont , les choses se passent autre- ment: Sur le côté nord di rocher, au pied des ouvrages de fortification (fig. 6) ; les strates du calcaire gris , qui plon- gent au nord sous l’angle de 55° à Go°, deviennent moins épais à mesure que lon avance vers le haut de la for- mation; enfin ce ne sont plus que des lits minces d’un calcaire gris blenâtre, à structure fragmentaire , et rem- plis d’une grande quantité de fossiles , qui sont : des Ca- ryophy Lies, des Madrépores branchus , des Tubipores, des Spirifères, des Strophomènes et quelques productus. Vers le haut, ces lits calcaires alternent avec des argiles schisteuses, qui renferment les mêmes fossiles. Mais bientôt ces argiles, contenant des lits réguliers de fer U54) carbonaté lithoïde en nodules plus où moins aplatis, se développent seules , et tous les fossiles y pénètrent jusqu’à une certaine distance; les petits madrépores branchus et les tubipores y sont surtont très-ahondans ; mais au-delà de certaines Ximmités, on ne trouve plus de fossiles , et l'alternance d'argile et de lits de fer carbonaté se continué, s'enfonce sous les oùviages, et reparaît, surtout à côté du fort, dans les fossés et les talus de ces mêmes ouvrages. Cette alternance de lits de fer carbonaté et d’argiles schisteuses fait évidemment partie de la grande forma- tion houillère , qui doit très - probablement occuper le bassin situé au nord de la montagne de Charlemont: On voit qu'ici cette formation ; an lieu de reposer brusque- ment sur le calcaire , conime en Belgique , commence par alterner avec lui, et qu'elle contient même ses fos- siles pendant quelque temps. C'est un fait très-remar- quable, et qui prouve que la formation houillère se lie intimement avec le terrain de transition. N'ayant pas eu le temps d'observer avec soin la grande formation houillère de la Belgique, je n'entreprendrai point ici d’en décrire les différentes parties; mon but était seulement de montrer qu'elle recouvre immédiate- went , eten stratification concordante , la masse calcaire. Ce fait , bién établi, nous sera très-utile dans la séconde partie, pour en déduire la position, dans la série géognos- tique , des différens groupes que nous venons de faire connaitre. $ V. En France, le long de la forèt des Ardennes, dans la partie comprise entre Mézières et Maubert-Fon- ( 162) taine, on ne voit plus, comme en Belgique , succéder aux schistes des formations semblables à celles des Nos», 3 et 4. Dans toute cette partie, le terrain secondaire re- couvre ces mêmes schistes en stratification transgressive. J'ai vu d’une manière bien évidente cette superposi- tion à Lavalmorency, dans un ravin au nord-est du village, le long du chemin qui conduit au Trembloy (fig. 7). Le strate qui recouvre immédiatement les schistes est composé d’un calcaire gris jaunâtre , à cassure inégale et à texture subgrenue; ce calcaire est un peu siliceux. Les autres strates, qui viennent après , sont séparés par des lits minces d’une marne bleuâtre. Peu à peu l’épais- seur des lits de marne augmente, les strates calcaires , qui deviennent marneux et lumachelles , alternent assez régulièrement avec des couches de marne; et, vers le haut, c’est la marne qui domine. # Les strates de ce groupe sont horizontaux , assez ré- guliers et peu épais; la plus grande épaisseur ne va ja- mais à 0",. Ici, la puissance du groupe entier n'excède pas six mètres. Les strates sont coupés par des petites veines de spath calcaire. La marne contient quelques traces de lignite pici- forme. Les deux roches renferment des coquilles assez mal conservées ; cependant j'ai pu y reconnaître des Peignes, le Gryphea arcuata, de grandes Bivalves Unio concinna? des fragmens d’Æmmonites et des Bélem- nites. La marne présente assez rarement des débris de grands Sauriens , dont je possède une vertèbre. Le long de la rivière j'ai suivi ce calcaire jusqu’au- delà du viliage de Sormonc : on y retrouve partout les (133) mêmes fossiles , et souvent parfaitement conservés. Près du Châtelet, à Sormone, Lonny, etc., le calcaire à une couleur bleuâtre , ilest très- solide et on s’en sert pour les constructions ; il renferme beaucoup d’Æ/mmo- nites, de Peignes et de Gryphées. M. Boblaye l’a vu recouvrir la formation n° 1, comme à Lavalmorency, en stratification transgressive sur plusieurs autres points situés plus à l’est ; à Izel , à Houldizy et à Florenville . Dans ces deux dernières localités , il existe , en stratifi- cation concordante sur le schiste, un grès rouge qui pourrait bien être de la mème époque géognostique que celui du n° 2. En: quittant les schistes pour entrer sur leterrain,cal- caire, on est frappé du changement brusque dans l'aspect du pays : au lieu de friches et de bois, on voit des plaines et des plateaux très-bien cultivés , produisant en abon- dance du froment, de l'orge et d’autres céréales. Les vallées sont beaucoup plus larges, et leur fond est sou- vent occupé par une partie plane , assez étendue , cou- verte de belles prairies. Les montagnes présentent des pentes très-douces ; toutes les sommités sont arrondies ou terminées par des plateaux ; en un mot, l’œil le moins exercé peut juger qu'il est sur un sol d’une nature bien différente. $ VI. Les marnes bleuâtres ,'de la formation précé- dente, se montrent sur plusieurs points de la grande vallée dans laquelle coule la rivière: d’Audry , et dans d’autres vallées secondaires. Ici, de mème qu’à Laval- morency, reposent immédiatement sur ces marnes des couches horizontales d’une roche fissile , composée de * ( 154 ) calcaire et d’une grande quantité de fer. oolithique mèlé de grains pisiformes qui paraissent avoir été rou- lés avant d'être agglutinés. . |: Cette roche contient du spath calcaire en veines et en géodes ; elle‘se brise facilement, et présente un clivage parallèle à la siratification ; sa cassure est inégale et sa texture grenue. ‘ | 1} | - Les fossiles de cet étage ferrugineux sont : des Zéré- bratules , de grands Peignes, et, vers le haut , une pe- üte Huître , Ostrea acuminata , devenant extrêmement abondante dans les strates {süpériéurs , qui sont encore ferrugineux , mais qui ne contiennent plus de fer ooli- thique : ilsysont composés d'un calcaire jaunâtre ferru - gino-sableux , toujours fissile, etqui renferme, avec . uné grande quantité dé petites huîtres , des bélemnités dont plusieurs. ont 0",2 de longueur. Cette roche est imparfaitement oclithique, mais elle passe insensiblement à une oolithe miliaire très-caracté- risée. Aux carrières de l’Épinette,, près d’Aubigny, les derniers:strates ferrugineux contiennent une petite co- quille turritellée extrèmement abondante , ce qui donne à la cassure un aspect tout-à-fait semblable à celui d’une viande ‘piquée de lard. :Ces strates et ceux de l’oolithe supérieure présentent une grande quantité de : débris végétaux , parmi lesquels on remarque des empreintes de tiges , de fruits, et des feuilles én assez bon état, dont les plus communes sont longues et étroites ; les autres, beaucoup plus rares, appartiennent à des Cycadées. M. Ad. Brongniart y a reconnu le Zamia pectinata, 8 y ] qui sé trouve à Stonesfield. Comme je viens de le dire , au-dessus de l’étage ferru- (135) gineux vient une oolithe miliaire bien caractérisée, en strates de 0",3 à o",7 d'épaisseur, Ces strates présentent un elivage presque toujours parallèle à la stratification , et souvent une infinité de fissures verticales et obliques qui , les forçant à se diviser en fragmens , empèchent que l’on puisse en tirer des pierres de taille; mais cepen- dant , sur plusieurs points , les fissures sont moins nom- breuses , et on en tire d’assez belles plaques et des jam- bages pour les portes et les croisées. Les fossiles de cette partie sont: des T'érébratules lisses et striées , de petites Zurritelles et des végé- taux. Dans toutes les carrières autour d’Aubigny , sur l’'É- péron, Vaux, Logny, etc., on voit l’oolithe passer insen- siblement à un calcaire compacte, d’un blanc mat, sou- vent très-tendre et tachant les doigts comme de la craie. La cassure de cette roche est inégale , un peu terreuse, rarement conchoïde dans les parties les plus dures. La stratification est très-irrégulière ; et, comme dans le se- cond étage , la masse est coupée par une infirité de fis- sures , cependant on en tire d’assez belles pierres de taille. Au-dessus de l'Éperon , ce calcaire est très-bien stra- tifié, il se présente en gros bancs horizontaux qui ont jusqu'à deux mètres d'épaisseur et qui sont assez solides. La seule espèce minérale que j'aie trouvée dans cet étage est de la chaux carbonatée en veines et en géodes. Les fossiles sont peu communs , je n'y ai recueilli que quelques bivalves, et une Rostellaire. Les trois étages que nous venons de décrire sont in- timement liés entre eux, et constituent ure grande for- mation oolithique , dont les strates sont presque hori- ( 136 ) zontaux, comme ceux du calcaire à gryphées qu’elle recouvre. En récapitulant ce que nous avons dit, on voit que le groupe précédent est très-pauvre en espèces minérales ; je n’y ai remarqué que du fer hydroxidé oolithique , et de la chaux carbonatée. Voici la liste des fossiles rangés dans les diflérens étages : OOLITHE CALCAIRE OOLITHE FERRUGINEUSE. BLANCHE. COMPACTE. Ammonites. Ostrea acuminata. Rostellaria. Bélemnites compres- | Terebratula subun- | Plagiostoma punctata. sus. data. Lucina ? Pleurotomaria tuber- | T. biplicata. culosa. T.. octoplicata. T'urritella ? Mucleolites. Plicatula. Pecten. Végétaux. Ostrea acuminata. Z'amia pectinata Ad, B. Végétaux. — Tiges et feuilles. ‘ Ilest à remarquer que dans cette formation , et sur- tout dans la partie oolithique , les univalves sont extrè- mement rares , ce qui la distingue essentiellement de la suivante , où ces coquilles dominent. La grande formation oolithique, que je viens de dé- crire , a pris un développement très-considérable entre la Meuse et l’Aisne. D’après les différences de niveau calculées , je conclus que sa puissance dépasse 100 mè- tres dans les environs d'Aubigny ; les montagnes que ce groupe constitue, sont toutes arrondies et terminées chti = (Caemt ] par des plateaux plus ou moins étendus. Ces montagnes s’allongent quelquefois beaucoup en venant mourir dans les vailées. La hauteur moyenne est de 260 mètres au- dessus de la mer; qnelques sommets atteignent 315 mè- tres et même 320 mètres. Les vallées sont larges, et les différens ordres se coupent sous des angles assez ouverts. Je n’ai pas remarqué un seul escarpement ; partout les talus sent formés, et, à quelques petites exceptions près, ils présentent des pentes douces. Le sol occupé par la grande formation oolithique est assez fertile ; il produit toutes sortes de céréales; et le fond de la plus grande partie des vallées est couvert de belles prairies. S VIT. Sur les hauteurs au sud d’Aubigny , le long du chemin qui conduit de ce village à Signy-l’Abbaye, on voit paraître au jour , dans une petite étendue, un calcaire oolithique dont les grains sont plus gros que ceux du précédent. La stratification de ce calcaire est presque horizontale comme celle de la grande oolithe sur laquelle il repose , et dont il se distingue par la grande quantité de nérinées et de madrépores qu’il renferme. Cette roche est exploitée près de Signy dans un escarpement où j'ai pu l’observer facilement. La masse est bien stratifiée, les strates ont jusqu’à 1 mètre d'épaisseur ; vers le haut ils sont un peu plus minces ; des fissures, obliques à la stratification, les cou- pent dans tous les sens , mais ce calcaire n’est point fis- sile comme celui du n° 6, les parties inférieures sont composées d’un calcaire siliceux, peu oolithique, passant par degrés insensibles à un calcaire marneux blanc jau- ( 138 ) nâtre, qui, vers le haut, devient parfaitement oolithique. La seule espèce minérale que j'ai tronvée dans les ro- ches est de la chaux carbonatée, en veines et en cristaux. Les fossiles sont extrèmement nombreux dans cette seconde formation oolithique. Les nérinées et les téré- bratules striées y dominent ; il y existe aussi beaucoup de madrépores , quelques nucléotites, mais point de vé- gétaux. " Voici le tableau des fossiles que j'ai recueillis : Nerinea, deux espèces. Melania. Ammonites. Terebratula , plusieurs espèces. Ostrea. Pholodomia Protei, Brong. Avicula echinata. Nucleolites. Le plus grand nombre des Madrépores appartient au genre Astrée ; j'ai aussi trouvé un Millepore ? oviforme, de la grosseur d’un œuf de pigeon , mais plus allongé. Je n’ai vu que quelques lambeaux de cette formation; lus 4 ë ; ainsije ne puis rien dire sur les formes du sol qu’elle occupe. $ VII. Sur le versant ouest de la grande vallée qui s'étend du village de Marlemont à celui de Logny-Bogny, on: voit succéder au groupe n° 6 une glauconie très-bien caractérigée, et dans laquelle la matière verte domine beaucoup ; la masse n’est point stratifiée. Cette roche, que l’on exploite comme cendres, contient une grande quantité de fer pyriteux , tellement divisé, qu'on a de fa Tr ( 139 ) peine à l’apercevoir sans loupe. Sur quelques points, le calcaire devient dominant, et la roche passe au grès vert commun (green sand ): elle ne paraît pas contenir d’autres espèces minérales que le fer pyriteux disséminé. Malgré toutes mes recherches, je n’ai pas pu découvrir un seul reste organique , et je crois bien qu’il n'y en existe point. La masse glauconiense occupe toutle sol compris entre la vallée dont nous venons de parler , et la route d'Au- bigny à Rumigny. Dans les marnières , à l’ouest du vil- lage de Liart, on voit la glauconie recouverte par une marne argileuse bleuâtre, quidevient grise et finit par passer à la craie tufeau ; celle - ci passe à la craie blanche , dans laquelle on trouve quelques silex pyro- maques. Toutes ces roches ne sont pas stratifiées; les marnes blezes et la craïe tufeau contiennent des nodules radiés de fer pyriteux. La craie blanche et les parties supérieures de la craie ufeau contiennent quelques fossiles : des Spatangues et des Zérébratules lisses. Mais, en général, les restes organiques sont très-rares daus ioute cette formation; la glauconie paraît en être entièrement dépourvue. La formation que nous venons de décriré est évidem- ment celle de Ja craie , offrant la réunion des trois étages bien établis maintenant par les géognostes: Les deux su- périeurs, et surlout la craie blanche, ne se présentent que par lambeaux ; la portion si riche en silex pyromaques a été en partie détruite, et ces silex sont restés en grande abondance, dans les alluvions, comme pour attester celle destruction. La butte de Marlemont , élevée de 296 mètres au-des- ( 140 ) sus du niveau de la mer, est formée de craie blanche recouverte par le terrain diluvien. Les environs de Liart presentent plusieurs lambeaux de cette roche, recou- vrant la craie tufeau. Toutes les collines occupées par cette grande quantité de bois et de prés, qui sont com- pris entre la vallée de Liart, celle de Marlemont et la route d'Aubigny à Rumigny , se trouvent formées par la craie verte. Il est bon de remarquer ici que la végétation est très-active dans tout le sol occupé par cette roche ; ce qui explique pourquoi on l’emploie à l'amendement des terres ; les cultivateurs attribuent ses qualités au fer pyriteux qu’elle renferme. Les sommets les plus élevés des montagnes de craie, atteignent 296 mètres au-dessus du niveau de la mer, le fond des vallées est à 200 mètres ou 210 mètres au- dessus de ce mème niveau ; ce qui donne à toute la for- mation une épaisseur de plus de 80 mètres. $ IX. Ce morcellement de la formation crayeuse, dont nous venons de parler , annonce qu’à une certaine épo- que, une grande révolution est venue bouleverser la surface du pays qui la contient. Cette grande catas- trophe est attestée par une foule de faits irrévocables , et que nous allons exposer. En décrivant la formation des schistes, [, nous avons dit que les sommets , les plateaux peu élevés et les flancs des vallées étaient couverts de débris des roches compactes contenues dans cette même formation. Les mêmes roches existent le long du cours de la Meuse et sur le versant Est de la chaîne des Ardennes ; elles se présentent souvent à la surface du sol ; mais le plus Ci4) communément elles sont renfermées dans une couche de transport, très-épaisse, avec une grande quantité d’autres débris du terrain de transition ; il en existe aussi quelques-unes sur les plateaux calcaires. Ces roches sont en bloes plats, assez minces, 0,3 à 0",4 d'épaisseur, plus longs que larges, et dont les angles sont le plus ordinairement à peine émoussés. En France, sur les formations nos 5, 6,7 et 8, il existe une grande quantité de ces blocs : ils gisent à toutes les hauteurs ; ils sont aussi abondans et aussi gros sur les plateaux que dans les vallées. Les blocs de quar- zite sont accompagnés de fragmens de Psammites jau- nâtres, de blocs de véritables poudingues siliceux qui ressemblent à ceux de la formation n° 2 ; et dans les en- virons d’Etrebay et de Prez , on trouve , avec des pou- dingues , une grande quantité de Psammite rouge et de grès provenant de la mème formation. Quelques-uns des blocs de quarzite passent au Phtanite; circonstance citée par M. d'Omalius pour les quarzites de l’Ardenne (1), mais que je n'ai pas eu occasion d'observer sur les roches en place. Dans toutes les localités, il existe aussi des blocs de grès blanc semblable à celui du n° 1. Les fragmens de poudingue et de grès rouge ont des formes arrondies; leur volume ne dépasse guère un mètre cube. Ceux de quarzite et de grès blanc sont plats, plus longs que larges ; mais la longueur r’excède jamais deux mètres ; l'épaisseur varie entre 0",2 et 0",4 ; les angles sont à peine émoussés. Ces roches , identiques avec celles qui composent le second étage de la forma- (1) Mémoire pour servir à la Description géologique des Pays-Bas et de la France, p. 38. (142) ton des schistes et le groupe n° >, sont accompagnées d’une grande quantité de cailloux roulés de quarz blanc, identique avec celui des veines qui coupent toutes les roches de la formation n° 1 ; quelques-uns de ces cail- loux , qui ont une structure lamellaire et dont le quarz est mélangé de paillettes de miea, sont regardés par M. Boblaye comme appartenant à une formation plus ancienne que celle des schistes; mais M. d'Omahius cite des filons de ce même quarz dans cette formation (1)- Vous ces débris du terrain ancien se trouvent répan- dus, à la surface du sol , sur les montagnes et dans les vallées. Ils sont aussi souvent renfermés dans une couche de transport , tantôt marneuse et tantôt composée d’un sable jaunâtre assez pur , qui a plus de trois mètres d’é- paisseur. Près de la ferme de Malgrétout , on les trouve à 293" au-dessus de la mer, dans une masse de sable; il existe aussi de ces mêmes blocs à la surface du sol, sur le point culminant de cette région, 314" au-dessus de la mer, situé à oo” à l’est de cette ferme , sur le chemin de Neufmaison. Le sommet de la butte de Marlemont , qui s'élève à 296" au - dessus de la mer, est couvert d’une masse de sable très- épaisse, contenant une grande quantité de blocs erratiques , les plus grands que j'aie vus , et des cailloux roulés. Au pied de cette butte, où existent des lambeaux crayeux, le terrain diluvien ren- ferme avec les blocs une grande quantité de silex pyro- maques noirâtres , qui sont tous plus ou moins brisés. Dans la partie au nord-ouest de la vallée dans laquelle coule la rivière d’Audry, les blocs de Psammites, de grès rouges et de poudingues siliceux sont beaucoup plus (1) Mémoire cité, p. 38. (145) nombreux que dans celle située au sud , où ce sont au contraire les quarzites qui dominent. Les environs de l'Éperon, de Vaux et de Neufmaison en présentent des quantités considérables. Au nord d’Aubigny, près de Cernion, Havy, etc., ces gros blocs sont extrèmement rares ; mais il existé toujours une grande quantité de dé- bris de quarzites, de grès et des cailloux roulés de quarz blanc. En arrivant dans la grande vallée qui s’é- tend depuis Liart jusqu’au-delà d’Aubenton , je n’ai plus trouvé que quelques blocs , de petits fragmens de quar- zite et de grès blanc mêlés avec des silex pyromaques. À l’ouest de cette vallée , les débris du terrain de transi- tion ont presque entièrement disparu, et le terrain dilu- vien , qui couvre les collines et le fond des vallées, ne contient plus que des silex pyromaques. Ainsi cette vallée peut être regardée comme Ja limite Ouest du trans- port des blocs; elle est distante de 16,000" à 20,000" des points les plus près où le terrain de transition se montre au jour : Lavalmoreney , Rimogne , etc., et de 40,000" du centre de la chaîne des Ardennes. Son éléva- tion au-dessus de la mer est de 200" , célles des sommets de l’Ardenne varient de 480" à 5oo". Aïnsi il y aurait une différence de niveau de 280" au moins entre ces deux régions. Pour la portion des blocs de l’Ardenne transportée en France , la translation parait être effectuée dans la di- rection du N.-E. au S.-O.; mais en Belgique, sur le flanc Est de la chaîne, le transport a eu lieu en sens con- taire. Je remarque, avant de terminer cét article, queje n'ai reconnu aucun rapport entre la grosseur des blocs et les distances auxquelles ils ont été transportés : ceux de (144) Marlemont , qui sont les plus éloignés du point de dé- part, sont aussi des plus gros que j'aie vus ; et sur les points intermédiaires on en trouve de toutes les grosseurs mèlés les uns avec les autres. CONCLUSIONS. 1°, La grande formation houillère, qui est exploitée dans tout le bassin de Liége, est un excellent horizon géognostique, puisque tous les observateurs sont d’ac- cord sur sa position relative. Dans la description du bassin du Bas-Boulonnais (1), j'ai regardé cette forma- tion comme faisant partie de la grande époque à laquelle on donne le nom de terrain de transition. Les observa- tions que je viens de rapporter confirment pleinement cette opinion : la houille se lie intimement avec le cal- caire inférieur (fig. 3). Les fossiles de l’un pénètrent dans l'autre, et la stratification est parfaitement concor- dante dans les deux groupes. M. Steininger ( page 37) range aussi cette formation dans le terrain de transition ; et c’est, selon moi, la place qui lui convient le mieux, tant à cause des circonstances de la stratification que parce que les restes organiques qui y sont enfouis , vé- gétaux et animaux, ressemblent toui-à-fait à ceux du terrain de transition, et différent complètement de ceux du terrain secondaire. Ainsi , la grande époque des houilles forme le dernier terme de cette autre époque plus étendue après laquelle se préseritent les couches horizontales ; circonstance qui (x) Description geologique du Bas-Boulonnais , Paris, 1828. Sel- ligue, Levrault, etc. (145) avait faii donner le nom de terrain horizontal par les anciens observateurs à l’époque qui suit immédiatement; ce qui prouve qu'entre les deux il s’est opéré une des grandes révolutions qui ont affecté toute la surface du globe. 2°, Le calcaire n° 3, qui est recouvert en stratification concordante par les psammites et les argiles schisteuses des houilles , est tout-à-fait identique avec celui du Bas- Boulonnais ; c’est la mème nature de pierre , présentant le mème aspect , contenant les mêmes espèces minérales ; et enfin les restes organiques sont identiques dans les deux localités: hors de place, les calcaires noirs de Boulogne et ceux de Dinant et de Namur ne pourraient pas être distingués. J'ai aussi reconnu des masses de do- lomies grisés dans le Boulonnais, et ce que j'ai nommé silex corné n’est autre chose que du phtanite. Alors J'avais regardé le calcaire noir et le calcaire gris comme appartenant à deux formations différentes ; mais , d’après ce que j'ai exposé dans le courant de ce Mémoire , il est évident qu'il faut maintenant les considérer comme deux étages d’une seule et même formation. Je dois aussi convenir que je me suis complètement trompé ( page 96 ), en disant que le calcaire du Boulon- nais contient des Ammonites : ce sont des Euomphalus tout-à-fait semblables à ceux de Namur. J'ai commis cette erreur, parce qu’alors je ne connaissais pas ce genre de coquille. D’après les observations du docteur Fitton , la forma- tion des: calcaires du Boulonnais est la même que celle du Mountain - Limestone des Anglais. Il en résulte que XIX. 10 C 146 ) le groupe identique de Givet, Dinant, Namur, etc. , ap- partient aussi à cette époque géognostique. 3°. La formation n° 2, composée de deux étages , dont les dernières couches alternent sur plusieurs points avec les calcaires noirs, et les premières avec les schistes et les quarzites , occupe dans la série géognostique absolu- ment la même place que l’OZd red Sandstone des géo- gnostes anglais ; en outre , elle s'en rapproche beaucoup par la nature des roches qui entrent dans sa composition ; comme lui , elle renferme très-peu de restes organiques. Ces considérations me semblent assez puissantes pour me faire regarder la formation n° 2 comme l’équivalente géognostique du groupe auquel, en Angleterre, on donne le nom d’Old red Sandstone, et qui est le dernier de ceux décrits dans l’ouvrage de MM. Phillips et Cony- beare. 4°. La grande formaiion ardoiïsière n° 1 constitue une époque géognostique bien tranchée, et qui, d’après les restes organiques qu'on y rencontre, appartient sans aucun doute au terrain de transition. Cette formation, la plus ancienne de toutes celles que j'aie observées dans l’Ardenne , repose sur le terrain primitif à Ottré (1), grand duché de Luxembourg. M. de Humboldt (2) en fait le troisième groupe de transition, et l'appelle : « Thonschiefer de transition , renfermant des grauwa- « ches , des grunsteins, des calcaires noirs , des syé- « nites et des porphyres. » La formation de schistes ardoises, grès quarzeux et phyllades , décrite par M. Boblaye, dans son excellent (1) Mémoire de M. Steininger, p. 87. (2) Essai sur le gisement des roches, p. 140. (147) travail sur la Bretagne (1), et à laquelle, suivant lui. doivent ètre rapportés les schistes ardoises d'Angers, si riches en trilobites , est absolument la même que celle de l’Ardenne ; elle repose aussi sur le phyllade primitif. La place que j'assigne , dans la série géognostique , à chacune des formations qui se montrent au jour dans l’Ardenne et le long de la vallée de la Meuse , dépuis le mont Hermé jusqu’à Liége, est parfaitement confirmée par les observations de M. Steininger ; dans le résumé placé à la fin de son travail, les positions assignées à ces formations sont identiques avec les miennes. Les travaux de MM. Oeynhausen et Dechen, dont j'ai lu un extrait dans le Bulletin des Annales scientifiques, mai 1828 ; viennent encore confirmer mon opinion, qui, du reste , Jose le dire , est appuyée sur des faits bien constatés. Enfin j'ai eu l'avantage de rencontrer chez M. Bron- gniart , M. Van Breda , chargé de la direction de la carte géologique du royaume des Pays-Bas, et qui, après un long entretien sur la constitution géognostique de l’Ar- denne et du pays de Liége , m'a écrit de sa main le billet suivant : « M. Van Breda , professeur à l’université de « Gand, est parfaitement d'accord avec M. Rozet sur « la grande succession des terrains dans les Ardennes, « qu'il vient de lui communiquer chez M. Brongniart, « aujourd'hui le 5 janvier 1629. » A mon passage à Namur, j'eus l'honneur de voir MM. d'Omalius et Cauchy, et nous discutämes beau- coup ensemble sur l’âge relatif des différens groupes (1) Essai sur la configuration et la constitution géologique de la Bretagne, Mémoires du Museum, tome XV. ( 148 ) géognostiques de l’Ardenne et de la province de Namur. Le seul fait sur lequel nous fûmes parfaitement d'accord, c’estque les houilles recouvrent les calcaires sur plusieurs points de la vallée de la Meuse. Après avoir quitté ces savans , je traversai de nouveau l’Ardenne , depuis Dinant jusqu’à Rimogne , en passant par Givet, Fumay et Rocroy ; tout ce que je vis alors confirma pleinement les conclusions que j'avais tirées de mes premières observations. Dans un ouvrage publié en 1828 (1), M, d'Omalius regarde les groupes que je viens de décrire comme se confondant tous plus ou moins : et il ajoute que plu- sieurs des systèmes qu'ils composent doivent être consi- dérés comme parallèles plutôt que comme le résultat de formations successives : « Maïs, dit-il , s’il fallait abso- « lument établir un ordre de succession , je dirais que je « regarde le calcaire anthraxifère, tel qu'il se trouve « dans le Condros , comme le terrain le plus ancien de «ces contrées , qu'il a été suivi successivement par les « schistes et les psammites jaunes, par le calcaire mé- « tallifère, par les poudingues du terrain anthraxifère « (OUd red Sandstone ), par le terrain houiller , par le « terrain ardoisier et par le terrain trappéen. » Si jamais M. d'Omalius peut être rendu entièrement à la science qu'il a tant illustrée (2), et qu'il veuille ob- server de nouveau l’Ardenne et les différentes contrées qui s’y rattachent, il reconnaîtra lui-même que les choses sont beaucoup plus simples qu'il ne le pense (x) Déjà cité ,p. 195. (2) Depuis plusieurs années, M. d’Omaïius est gouverneur de la province de Namur. (149) maintenant, et surtout qu’elles ne sont pas disposées les unes par rapport aux autres, d’une manière différente de celle que l’on a reconnue dans toutes les localités où des groupes analogues se trouvent réunis. 5°. En France, sur le versant ouest de la chaîne des Ardennes, on ne trouve plus les formations 2, 3 et 4; mais une autre , n° 5 , qui recouvre les schistes en stra- tification transgressive, et qui, d’après les fossiles et les autres caractères que nous avons décrits $ V, est évi- demment celle du Lias. 6°. La grande formation oolithique, qui recouvre en stratification concordante le n° 5 , est identique , tant par ses fossiles que, par les roches qui la composent, avec celles du Jura , de la Bourgogne , du Boulonnais , et avec le Great oolithe des Anglais ; les végétaux et les coquilles sont les mêmes qu’à Stonesfield. Le calcaire crétacé com- pacte , qui forme le troisième étage de ce groupe, existe également, dans la mème position , en Bourgogne et sur le littoral de l'étang de Berre, Bouches-du-Rhône. 7°. Quant au calcaire oolithique contenant des Néri- nées , c’est le mème que celui que j'ai observé dans le Boulonnais, et qui, suivant M. Fitton , est identique avec le Coral-Rag des Anglais. Depuis deux ans j'ai eu occasion de voir plusieurs fois ce calcaire superposé à la grande formation oolithique (Boulonnais, Bouches-du- Rhône, Nièvre, Saône -et - Loire , etc.), toujours j'y ai irouvé une grande quantité de Nérinées. Jusqu'à présent , l'abondance de ces coquilles est pour moi un caractère certain pour distinguer cette seconde formation oolithique de la première , n°6 , avec laquelle on lui trouve la plus grande ressemblance. ( 150 }) 8°. La description que j'ai donnée du groupe des Glauconies et des autres roches qui se lient avec elles, sufit pour faire reconnaitre dans la formation n° 8 celle de la craïe bien caractérisée et composée de trois étages, ayant été tous plus ou moins détruits par la grande révo- lution qui a couvert le sol de nombreux blocs erra- tiques. 9°. Ces blocs , que l’on trouve en si grande abondance sur plusieurs points de la Belgique et dans toute la por- tion du département des Ardennes que nous avons dé- crite, viennent évidemment de la grande formation ar- doisière et de celle du vieux grès rouge ; l’identité entre chaque bloc et l'espèce de roche en place d’où il provient peut être constatée. Partout où les blocs erratiques exis- tent en grande quantité , ils sont placés les uns sur les autres , tout-à-fait comme s'ils avaient été déposés tran- quillement dans la place qu'ils occupent ; et un exa- men attentif démontre que la surface inférieure n’a point éprouvé de bouleversemens depuis leur dépôt ; la couche diluvienne, qui les renferme souvent, existe sur les mon- tagnes comme dans les vallées. Ces considérations me portent à penser que le transport de ces masses est d’une époque postérieure à la formation des vallées , ou tout au plus contemporaine de cette formation. Les géologues qui admettent que les vallées ont été creusées par l’action lente des eaux, et que le transport des blocs erratiques s’est effectué antérieurement à ce creusement , n'éprouveront aucune difliculté pour expli- quer comment ces blocs se trouvent maintenant sur des montagnes séparées par plusieurs vallées des points d’où ils proviennent ; car, d’après les deux plans de pente que ( 25 ) nous avons établis au commencement de ce Mémoire, ces masses pourraient avoir glissé sur ces plans lorsqu'ils étaient continus. Mais plus j'observe les chaînes de montagnes et les accidens qu’elles présentent, moins je puis admettre le creusement des vallées par les eaux; pour moi, les mon- tagnes et les vallées ont été formées ensemble; celles-ci ne sont autre chose que les vides laissés entre les diverses productions des masses. f Si, comme l’ont pensé plusieurs géologues , la cause qui a répandu les blocs erratiques sur toute la surface du globe est la même que celle qui a soulevé certaines par- ties des chaînes de montagnes, on comprend, très-bien comment, en imprimant une grande vitesse à ces blocs, elle a pu les transporter à des distances souvent très-con- sidérables , et les déposer , comme dans les Ardennes, sur des points dont le niveau est moindre que celui de la région d’où ils sont partis, malgré qu'il se formàt des vallées entre eux et cette région. Mais si cette cause est postérieure au creusement des vallées, elle doit être surnaturelle : c’est une force infi- niment plus considérable que tout ce que nous connais- sons aujourd'hui, puisqu'elle aurait pu imprimer aux roches de la Scandinavie une impulsion assez grande pour les faire passer par dessus le bassin de la Baltique , et les porter jusque dans les plaines de la Basse- Alle- magne. Quelle que soit l'hypothèse que l’on fasse, il est bien difhcile de ne pas admettre que les eaux ont joué un grand rôle dans cette circonstance ; partout on a des preuves non équivoques que de grands courans ont sil- (262) lonné la surface de la terre et déposé en même temps de nombreux ‘débris. Dans les Ardennes, la formation de la craie a été en partie détruite, et les silex pyro- maques sont restés là comme pour attester cette destruc- tion par un liquide qui semble avoir dissout la matière crayéuse. Si l'on suppose que les montagnes existaient alors, et que ce cataclysme soit le résultat d’une irruption de la mer actuelle sur les continens , il faut que ‘cette masse se soit élevée à plus de 320" au-dessus de son ni- veau, ce qui nécessite une force extraordinaire, et qui dépasse tout ce que l'imagination peut raisonnablement eoncevoir. Cette: force aurait pu lancer les blocs comme des boulets de canon, et les faire passer ainsi par dessus des vallées et des montagnes. Dans cette dernière hypo- thèse , les bloes les plus gros , ayant reçu la plus grande quantité de mouvement , devraient être les plus éloignés du point de départ; c’est effectivument ce qui a'souvent lieu dans le pays que nous décrivons. Ce que je viens d'exposer prouve que je suis bien loin d’avoir des idées fixes relativement à la cause qui a dis- persé les blocs erratiques sur la surface de la terre. Mais, d’après les observations que J'ai déjà faites sur plusieurs points de la France ( Provence, Bourgogne, Boulonnais , ‘etc. ), je suis convaincu que cette disper- sion est due à un ordre de choses différent de l’ordre ac- tel, et qui me paraît avoir déposé en même temps les diverses parties du terrain diluvien. ‘Il résulte de ce que nous venons d'exposer dans cette seconde partie, que les formations géognostiques qui se miéntrent au jour le loug de ka vallée de la Meuse, ( 153 ) depuis le mont Hermé jusqu’au bassin de Liége , sont par ordre d'ancienneté , les schistes ardoises , le vieux grès rouge, la grande masse calcaire; la formation houillère et le terrain diluvién , renfermant des blocs erratiques ; et; en France , depuis la forèt des Ardennes jusqu’à la vallée d’Aubenton , Les schistes ardoises, le lias, la grande oolithe, le coral-rag, la craie et le terrain diluvien. Sur quelques Circonstances de la naissance, de lu vie et de la mort de la fille bicéphale Rita- Cristina ; Par M. le docteur Marrin SaAINT-ANGE. Un grand nombre d'articles ont paru depuis un mois sur Rita-Cristina , soit dans les recueils scientifiques , soit mème dans les journaux quotidiens ; une foule de détails ont été ainsi répandus dans le public, soit sur la conformation extérieure, soit sur les phénomènes phy- siologiques et psychologiques si remarquables qu'elle a présentés : il n’est pas jusqu'aux détails de son organisa- tion intérieure qui n'aient été publiés, et cela: avans même que.l’autopsie les eùt fait connaitre d’une manière exacte. De là des erreurs multipliées , et des assertions tellement contradictoires, que, sauf les points les plus importans, sur lesquels tout le monde est d'accord, il devient presque impossible à ceux qui n’ont pu étudier par eux-mêmes Rita-Cristina, de se former une: idée (154) exacte de cet être extraordinaire , et de résoudre d’une manière certaine les questions si curieuses auxquelles il peut donner lieu. MM. Geoffroy Saint-Hilaire et Serres doivent publier, sur l’organisation de Rita-Cristina, un Mémoire étendu et complet , qui ne laissera rien à désirer sur ce sujet, et qui lèvera entièrement les doutes qu'ont pu faire naître toutes les descriptions mutlées et inexactes qu’on a pu- bliées jusqu’à ce jour. Je crois qu’il ne sera pas non plus sans quelque uu- lité de présenter quelques détails, qui du moins sont les résultats d'observations attentives et souvent répétées sur les phénomènes de la vie, et sur les circonstances de la mort de Rita-Cristina. Ayant passé plusieurs années en Italie, les parens de Rita-Cristina ont cru trouver en moi un compatriote, et se sont souvent adressés à moi pour les diriger dans les soins à donner à leur enfant. Cette circonstance m'a mis à même de l’étudier avec tout le soin possible, et elle m'oblige d’ailleurs de répondre aux plaintes consignées dans quelques jour- naux, qui attribuent la mort de Rita-Cristina au manque de soins et de conseils médicaux. Ce ne sont pas les con- seils qui ont manqué aux parens de cet enfant ; mais, comme on le verra, le moyen de mettre à profit ceux qui lui ont été donnés de toute part. Rita et Cristina sont arrivés à Paris le 26 octobre 1829, ét dès cette époque on s’empressa de les étudier avec beaucoup de soin , principalement sous le rapport phy- siologique. M. le professeur Geoffroy Saint-Hilaire me procura pour la première fois l’avantage de bien exami- ner Rita-Cristina; nous applicames le stéthoscope sur ( 165 ) différens points de la poitrine ; les battemens du cœur nous parurent simples, mais ils étaient confus, et ne pouvaient être appréciés exactement , à cause de la fré- quence des inspirations. Les artères radiales furent in- terrogées avec soin ; leurs battemens semblaient isochro- nes à ceux du cœur : chaque individu offrait 90 pulsa- tions par minute. Cela fut vérifié à plusieurs reprises , et il demeura constant que les pulsations étaient en même nombre chez les deux enfans. Nous examinàmes aussi les inspirations qui se faisaient alternativement , et cependant un même nombre de fois, dans un temps donné. Tel fut le résultat des recherches qui furent faites le premier jour au Jardin du Roi. Voici maintenant ce que J'ai pu constater par la suite. Rita-Cristina n'avaient que huit mois à peine , et déjà toutes deux paraissaient reconnaître la voix de leurs parens, surtout celle de leur père; Cristina était plus éveillée que sa sœur : toutes deux reposaient ensemble ou alternativement , et, dans ce dernier cas , l'un pou- vait rire ou pleurer, éternuer ou tousser, et prendre le sein , sans que l’autre en éprouvât le moindre dérange- ment. Il ne m'a pas été possible de constater si les ma- tières excrémentitielles étaient expulsées pendant le sommeil de lune d'elles ; la nourrice assure cependant s’en être convaincue plusieurs fois. Il était curieux de voir l’une d’elles endormie , pendant que l’autre veillait ; dans ce cas la première respirait paisiblement , l’autre s’agitait , et déterminait des mouvemens à leur ventre commun ; il semblait qu’à chaque inspiration le paquet intestinal fût porté non de haut en bas, mais bien laté- ralement de gauche à droite ou de droite à gauche, selon ( 156 ) que c'était l’une ou l’autre qui veillait. Lorsque toutes les deux veillaient ou dormaient en même temps, il y avait plus de régularité dans les mouvemens d'inspira- tion ; dans l’état de sommeil, on pouvait mieux juger que dans l'état de veille des pulsations artérielles, mieux aussi de celles du cœur, mais jamais d’une manière assez précise pour que l’on püût reconnaître un double batte- ment du cœur. Il y avait une telle confusion de monve- mens dans la poitrine , que le stéthoscope ne pouvait apprécier au juste ce qui devait s’y trouver. Que lon ajoute à cela la fréquence des inspirations qui se faisaient alternativement, et l’on concevra combien il était difi- cile d'apprécier les mouvemens du cœur par l’ausculta- tion. On éprouve souvent une semblable difficulté dans certaines affections de poitrine, où la respiration , deve- nue très-accélérée , empêche l'observateur de bien juger des altérations du cœur. Pendant que Rita-Cristina dormaient, l’on pouvait les éveiller l’une après l’autre, en chatouillant le pied correspondant à l’une d'elles ; aussitôt des mouvemens du membre avaient lieu, et bientôt on vovait sur qui on agissait. On pouvait aussi produire le rire, et quelque- fois des mouvemens convulsifs , au point de faire agiter tout le corps de l’une d'elles, sans pour cela déranger l’autre de son sommeil. Il en était de même pour les mains , que le chatouillement faisait d’abord retirer, et qui finissait par troubler leur repos. Ces sensations étaient donc spéciales à chacune d'elles ; chacune sentait seule pour ses deux bras, et, ce qui est surtout remar- quable, pour le membre inférieur de son côté. Mais il n’en était pas ainsi lorsqu'on irritait les parties (159) génitales ou l’orifice de l’anus, les deux filles ressen- taient en même temps la sensation ; tous leurs membres se remuaient à la fois avec vivacité. Ce fait avait déjà été constaté par le docteur Demichelis, dans la Notice qu'il a donnée sur cet enfant. Les urines et les matières stercorales étaient expulsées avéc facilité, en petite quantité il est vrai, mais à des intervalles très-rapprochés. Rien de la part des enfans n'indiquait à l'avance le moment de la défécation ; mais souvent toutes deux semblaient réunir leurs contractions d’expulsions , et se livraient à des empreintes forcées , sans pourtant rier expulser dans ce moment. Du reste, il n’y à jamais eu constipation , ni difliculté d’uriner. Ces deux enfans semblaient pouvoir continuer à exis- ter. La position où se sont trouvés les parens de Rita- Cristina est la principale cause de leur mort ; des écono- mies d’ailleurs mal entendues les privaient du nécessaire; cette famille, quoique d’un pays plus chaud que le nôtre , a éprouvé les premières rigueurs de l'hiver sans chercher à s’en garantir : il n’y avait jamais de feu dans leur chambre, et l’on conçoit combien Rita-Cristina , encore si jeune , devait soufirir d’une telle température. Ces enfans sont véritablement morts de froid; déjà, depuis trois jours, des symptômes d’une bronchite in- iense se manifestaient chez la plus faible, Rita ; l’autre, Cristina, ne toussait pas encore : la fièvre ne tarda pas à s'emparer de la pauvre Rita. Dès ce moment, la tem- pérature de celle-ci s'éleva beaucoup au-dessus de celle de sa sœur, e il devint facile de reconnaitre que le cœur devait être double. Les pulsations des artères ne sem - blaient plus être en harmonie chez les deux individus ; (158 ) il y avait confusion, difficulté et alternance dans les battemens du cœur : le pouls de Rita battait 120 pulsa- tions par minute , celui de Cristina 102. La respiration de la première était cependant presque la même que celle de la seconde ; toutes deux s’agitaient également. Rita souffrait seule , mais Cristina devait se ressentir de l’état de sa sœur; elle souflrait par la gène qu’elle éprou- vait en respirant ; son côté du diaphragme était sans cesse refoulé en haut par le paquet intestinal que lui renvoyait pour ainsi dire sa sœur, en bas, par la nécessité de rece- voir de l’air dans ses poumons. Cette lutte était forcée, et en cela Cristina devait éprouver du malaise. Cet état d’angoisse dura pendant trois jours, Je fis prendre à Ja petite malade quelques médicamens internes, et appli- quer de la flanelle sur la poitrine: par ordonnance d'un autre médecin, on mit les pieds à l’eau. Je vis Rita-Cris- tina trois heures avant leur mort ; Rita ne prenait plus le sein depuis la veille, Cristina n’avait cessé de le prendre. Je percutai légèrement leur poitrine, qui était partout sonore. Rita avait une peine extrème à respirer ; sa face était pâle et défaite ; les ailes du nez étaient immobiles, les yeux ternes et à demi ouverts ; le visage et le cou étaient couverts d’une sueur froide. Rien de cela ne s’ob- servait chez Cristina. La sensibilité était tout-à-fait perdue pour Rita; on pouvait surtout s’en assurer en pressant ou en chatouillant le pied qui lui correspondait. Le même résultat n’était pas obtenu lorsqu’on touchait Cristina ; tous les membres de celle-ci étaient dans l’état ordinaire : la jambe de Rita, au contraire, paraissait infilirée et augmentée de volume. Les urines avaient conservé leur cours ordinaire, les (159) matières stercorales avaient même été rendues quelques heures avant la mort ; le ventre d’ailleurs n'était ni dou- loureux, ni ballonné, mais bien dans une agitation conti- nuelle : on aurait dit que le paquet intestinal était sans cesse renvoyé d’un enfant à l’autre. Dans les derniers momens dela vie de Rita-Cristina, cesmouvemens de l’ab- domen devinrent si rapides, qu’on ne voyait plus qu’une ondulation latérale ; c’étaient les deux diaphragmes qui refoulaient sans cesse les intestins. Au milieu d’une telle agitation , Cristina , quoique sa respiration füt devenue plus fréquente et gènée , semblait jouir d’une vie pleine et entière , et devait prolonger son existence. Elle pre- nait encore le sein de sa nourrice; mais, de même qu'elles avaient vécu ensemble , elles furent toutes deux frappées de mort presque au mème instant: Rita mou- rut au milieu de quelques mouvemens convulsifs; Cris- una , qui venait de prendre le sein de sa nourrice , s’é- tæignit aussi presque aussitôt , comme si une àme commune eût animé ces deux êtres ; si diflérens cepen- dant par leurs sensations et leur volonté. À l’autopsie, on a trouvé le rectum disiendu par les matières fécales , et on s’est empressé de dire que c'était là la seule cause de leur mort, sans s’occuper de l’état antécédent , et sans tenir compte de plusieurs circon- stances qui ne permettent guère d'admettre une telle opinion. La constipation peut-elle en effet déterminer des accidens si funestes ? Si l’on voulait se rappeler ce que nous montrent les enfans nouveau-nés, on serait loin de penser ainsi. J'ai fait environ six cents autopsies à l'hôpital des Enfans-Trouvés ; j'ai presque constam- ment vu le rectum seul , distendu par le méconium, ( 160 ) ou par du lait coagulé. C’est là une des causes que peu- vent déterminer la dilatation de cet intestin ; mais, dans le cas qui nous occupe, il fallait faire attention aux cir- constances qui occasionent la sortie des matières sterco- rales. Un anus extrêmement petit existait; deux dia- phragmes qui, quoique confondus, n’en formaient qu’un seul, avaient leurs mouvemens bien distincts, comme nous l’avons déjà dit , et qui n’agissaient pas de manière à presser les intestins de haut en bas, mais bien à les pousser en avant. Je crois que ce fait explique pourquoi les efforts que faisaient les deux enfans pour provoquer l’excrétion des matières fécales étaient presque inutiles ; ajoutons à cela l’extrème petitesse de l’orifice du rectum, et nous aurons trouvé la cause déterminante de la dila- tation de celui-ci. Il ne faut pas non plus perdre de vue que dans le cas qui nous occupe, deux appareils diges- tifs se réunissaient pour se terminer en un seul, et que rien n'est plus naturel que de voir la terminaison du gros intestin offrir une capacité plus grande. Il en est de cela comme de deux troncs vasculaires qui se joignent; mais encore , si l'ouverture anale avait été suflisamment grande , l'accumulation des matières stercorales n'aurait pas été aussi considérable. Si telles étaient done les causes de cette dilatation, je demande de quelle utilité aurait pu être l'injection d’un liquide dans le rectum ? Dans un article d’ailleurs plein d'intérêt, qui a paru dans le journal du temps, on a avancé que la vie de Rita-Cristina n'avait tenu qu’à la négligence d’une si petite précaution. Sans doute on aurait mis de l’eau dans le gros intestin, mais cela n'aurait servi qu’à le distendre encore davantage; car il n’y avait ni matières endurcies , ( 16x ) ni paralysie : il y avait seulement obstacle à ce qu’une grande partie des matières ait pu sortir à la fois par une petite ouverture. Cet obstacle était-il de nature à com- promettre leur existence? non sans doute; car tous les jours, et plusieurs fois mème , les enfans se débar- rassaient des matières stercorales : il en a été ainsi, comme on l’a vu même le jour de la mort, Il est donc certain que l’on s'est trompé à cet égard, et cela tient sans doute à ce que l’on a prononcé sans avoir eu une connaissance exacte des antécédens. Il est d'ailleurs facile de concevoir que, si la mort eût dépendu de la constipation , ou d'un état quelconque du gros intestin , Cristina eût dû présenter les mêmes symptômes que Rita, puisque cet organe était commun à l’une et à l’autre. D’autres causes de la mort presque simultanée de Rita-Cristina ont été encore indiquées par quelques médecins ; mais aucune d'elles ne semble entièrement satisfaisante. Sans doute, la description anatomique que préparent MM. Geoffroy Saint-Hilaire et Serres, pourra donner la solution du problème. Après avoir fait connaître , d’après mes propres ob- servations , les principaux phénomènes présentés par Rita-Cristina pendant leur vie et à l’époque de leur mert , j'ajouterai quelques détails que j'ai recueillis du père et de la mère, et qui se rapportent aux circonstan- ces de la grossesse et surtout de l’accouchement. La mère , Maria-Teresa Parodi, âgée de trente-deux ans , avait déjà eu huit enfans bien conformés ; sa neu- vième grossesse , qui donna naissance à Rita-Cristina , fut troublée par quelques accidens ; du reste elle ne pré- sentait rien d’extraordinaire , et ne pouvait nullement XIX. 11 ( 162 ) faire prévoir son résultat si remarquable. A la fin de la grossesse ; le ventre était plus volumineux qu'il n’avait été dans les grossesses précédentes ; la forme paraissait avoir été. modifiée : on remarquait sur les côtés , et vers les fosses iliaques, deux saillies, une de chaque côté. Ce fait n'a été constaté que vers les derniers temps, et lorsque, comme on le dit vulgairement , le ventre est tombé. Des douleurs se firent ressentir à la fin du neu- vième mois ;.elles partaient principalement des lombes : il paraît que la sage-femme prévit un accouchement long et pénible ; elle se basait sans doute sur ce que les dou- leurs ne portaient pas sur la matrice. Cependant , au bout de quatre heures, les contractions de l’utérus com- mencèrent ; on plaça la femme sur un lit de misère, et, quelque temps après, de fortes douleurs déterminèrent la rupture des enveloppes fœtales, et une petite quantité de liquide en sortit. Il est dit, dans le rapport imprimé de M. le docteur Demichelis, que les deux têtes se pré- sentèrent ensemble au détroit supérieur, et qu’elles le franchirent facilement l’une après l’autre : il nous laisse ignorer le reste. Si nous voulons en croire le sieur Parodi , on se serait servi de lacs pour retenir quelques membres ; il ajoute cependant que l'accouchement fut terminé par la tète. Nous croyons , malgré son témoi- gnage , devoir révoquer ce fait en doute. Gardien et un grand nombre d’accoucheurs disent que dans le cas où deux têtes appartenant au mème tronc se présentent en même temps au détroit supérieur du bas- sin , il faut diminuer le volume de ces têtes en les ou- vrant , et les extraire ensuite à l’aide de crochets. Il nous semble en effet difficile d'admettre la possibi- lité d’un accouchement par les têtes dans le cas de R ita- (163) Cristina. On sait que l’accouchement naturel peut avoir lieu dans six positions qui correspondent aux diamètres obliques du bassin et autres parties. Dans le cas qui nous occupe, une tête devait être placée dans la même diagonale que l'autre; par conséquent, en supposant pour une d’elles la position occipito-cotyloïdienne gau- che , l’autre devait se trouver dans la troisième position, occipito-sacro-iliaque droite; ou bien encore, ces deux têtes pouvaient se trouver dans l’autre diagonale, et alors un occiput devait correspondre à la cavité cotyloïde droite, et l’autre à la symphyse sacro-iliaque gauche. Les deux occiputs ne pouvaient pas se trouver dans une cinquième ou une sixième position ; car alors il serait arrivé plutôt que locciput de l’un d’eux se serait dirigé du côté de la cavité cotyloïde gauche, et celui de l’autre vers la cavité cotyloïde droite ; ou bien encore, les deux occiputs dirigés du côté du sacrum , et regardant l’un la symphyse sacro-iliaque gauche, l’autre la symphyse sacro-iliaque droite. Ainsi donc , les positions possibles étaient la première et la troisième en même temps, la deuxième et la quatrième, ou bien la première et la deuxième simultanément, et enfin la troisième et la qua- trième. Si telles étaient les positions possibles , il nous semble évident que les deux têtes ne pouvaient franchir en même temps le détroit supérieur ; il aurait dû y avoir nécessairement un intervalle quelconque , car les dia- mêtres de chaque tête de fœtus se seraient rencontrés inévitablement, dans quelque sens qu’elles fussent si- tuées. Actuellement , si l’on suppose les deux têtes arri- vées dans le petit bassin, il devient impossible d'ad- mettre que l’une d’elles ait pu franchir le détroit infé- rieur séparément, et ici, au contraire, les deux auraient ( 164 ) dû nécessairement se présenter en mème temps à la vulve, ayant les deux occiputs tournés vers la symphyse du pubis, ou vers le sacrum. On concevra facilement l'impossibilité de ce cas, en se rappelant combien est difficile et pénible le passage d’une seule tête à travers le détroit inférieur et la vulve. Il est vrai de dire que chaque tête n’était pas tout-à-fait du volume de celle d’un fœtus à terme; mais la différence était si petite, qu'il n’en reste pas moins établi l'impossibilité d’un tel accouche- ment par les seules forces de la nature ; aussi a-t-on conseillé , dans des cas semblables , de perforer le crâne pour diminuer le volume de chaque tête. Il est pourtant certain que Teresa Parodi est la mère de Rita-Cristina, que rien n'a été tenté pour dimi- nuer le volume des deux têtes, que le forceps n’a pas mème été appliqué; tout cela nous fait présumer que l'accouchement a dû être terminé autrement : ce qui a été fait dans la manœuvre vient à l’appui de cette asser- tion. La sage-femme , dit-on , s’est servie de lacs ; à quoi bon ces lacs? Si les deux têtes se fussent présentées comme on le dit, il est présumable qu’une des extrémi- tés se sera présentée à la vulve, et que la sage-femme aura décidé et jugé convenable de faire la version. On ne sait pas si le toucher lui avait appris quelque chose de remarquable sur l'existence des deux têtes; il paraît qu’elle a agi sans connaissance de cause, et qu'elle a cherché à faire la version de l'enfant par la seule raison qu'une des extrémités s'était présentée. IL semblerait donc que l’accouchement a eu lieu par les pieds; et, en effet, ce dernier mode est le plus admissible. D'abord, l'extrémité la plus petite a pu se présenter et franchir librement le détroit inférieur ; les deux têtes ont dùû ( 165 ) franchir l’une après l’autre toujours le détroit supérieur, s'engager simultanément dans le petit bassin, et de là être retirées au dehors, en employant toutefois une trac- tion assez forte pour comprimer les deux têtes , et aider ainsi les contractions de la matrice , qui, quoique très- active, n'aurait jamais pu, sans le secours de la main, se débarrasser du produit de la conception. Si ce fait demeure constant , et tout porte à le croire, on doit en pareil cas tenter la version de l'enfant avant de se déci- der à perforer les deux crânes, comme l'ont conseillé certains accoucheurs dans le cas de Rita-Cristina. La délivrance ne tarda pas à se faire ; un seul placenta fut expulsé, n'ayant qu’un cordon ombilical : rien de ficheux ne survint à la mère. Rita-Cristina paraissait également bien se porter ; l’une et l’autre se nourrirent sans peïne dès les premiers jours : les deux têtes présentaient un égal volume , et il est à remarquer que toutes les deux offraient un aplatissement sur les pariétaux correspor- dans. (Voyez la Planche.) (1) De la Génération chez le Séchot ( Mulus gobio }; Par M. le docteur Prevosr. (Mémoires de la Société de Physique de Genève. ) Les observations que nous avions faites, M. Dumas et moi, nous meltaient en droit de conclure que les prin- (1) Ce Mémoire est extrait du Journal hebdomadaire de Médecine, Nous avons eru utile, en le reproduisant, d’y ajouter une planche faite d’après nature par M. Martin. ( 166 } cipaux phénomènes de la génération étaient, dans les poissons, identiques à ceux dont nous avions décrit la marche chez les autres vertébrés. J’ai cependant désiré présenter à mes lecteurs quelque chose de plus qu’une analogie probable ; et, en étudiant le Séchot , j'ai trouvé les moyens de le faire. Ce poisson, dont ia longueur n'excède pas dix centimètres , fraie chez nous en abon- dance le long des bords du Rhône, dès les commence- mens du printemps. L'appareil générateur du mâle n’offre rien de compli- qué ; il se compose de deux testicules et de leurs conduits excréteurs (voy. la PI. 1). Placés symétriquement à droite et à gauche dans l'abdomen , en arrière du rectum , au devant des reins et de la vessie , qui se déjette un peu à droite, les testicules, volumineux vers le temps de la fé- condation, le sont très-peu après cette époque : leur forme se rapproche de celle d’une pyramide allongée, dont la baseserait tournée en haut; leur couleur est blanche, mais le tissu noirâtre du péritoine qui les enveloppe de tous côtés leur donne une apparence tigrée ; leur parenchyme consiste en un assemblage de culs-de-sac étroits plus ou moins ramifiés, juxtaposés les uns aux autres, et liés entre eux par du tissu cellulaire : ils renferment la li- queur spermatique sécrétée par la membrane qui les re- vêt intérieurement. Un lacis de vaisseaux très-déliés, et qu'on ne saurait bien voir qu’au moyen d’une injec- tion fine, couvre leur surface externe. Les culs-de-sac s’abouchent entre eux, et les derniers rameaux qui résultent de cette disposition s'ouvrent dans un canal déférent, disposé ie long du bord interne du testicule ; après s'être un peu prolongés au - delà de celui-ci, les ne ( 167 ) canaux déférens viennent s'ouvrir à droite et à gauche de la ligne médiane , très-près l’un de l’autre à la paroi antérieure du col de la vessie, et vis-à-vis de l'insertion des uretères. Le col de la vessie descend le long du rec- tum, et aboutit immédiatement derrière l'anus; il se termine par une papille pointue, qui fait distinguer au premier coup d’œil le mâle de la femelle ; en pressant un peu le testicule on fait jaillir de la papille la liqueur spermatique : elle est d’un blanc de lait, et fort épaisse. Si nous la plaçons sous le microscope , nous yremarquons deux espèces de corps très-diflérens : les uns sont des globules légèrement elliptiques , de 0"008 de diamètre; les autres, les animalcules spermatiques : ceux ci se meuvent d’une manière si rapide, et sont en si grand nombre , qu’ils donnent à l'œil qui les observe la sensa- tion d’une vibration de tout le liquide où ils nageni; pour les bien voir, il faut un peu délayer la semence : leur extrémité antérieure est ovoïde ; la postérieure est une queue peu eflilée , et tellement transparente, qu'elle échappe aisément aux regards, et qu’on ne saurait l’a- percevoir qu'au moyen d’un éclairement parfait. La lon- gueur de tout l’animalcule est entre 0,007 et 0",008. Les organes femelles de la génération sont également simples ; ils consistent en un oviducte , poche profondé- ment bilobée , située en avant des reins et de la vessie, en arrière du rectum ; ses deux divisions communiquent largement entre elles, et s'ouvrent dans un conduit très - court qui s’abouche avec celui de la vessie; on trouve derrière l’anus lorifice commun à l’un et l’autre conduit : il est bien plus large que son analogue chez le mâle , et west point terminé par une papille ; à la paroi ( 168 ) postérieure de chacune des divisions de l’oviducte , entre les feuillets qui composent son tissu , est placé un ovaire. Étendus sur une assez grande surface, les ovaires pré- sentent fort peu d'épaisseur; leur parenchyme est un tissu cellulaire lâche , entre les lames duquel sont enga- gés les œufs : ils reçoivent un grand nombre de vaisseaux sanguins d’un volume considérable , dans le temps qui précède la ponte. Les œufs sont de toutes grosseurs , de- puis 2,5 jusqu’à 0",005 , où l’on commence à les bien distinguer; ils sont sphériques , et d’abord d’un blanc perlé ; lorsqu'ils ont atteint les deux tiers de leur volume , ils commencent à se colorer en jaune , d’abord d’un ambre pâle , puis d’une teinte dorée ; en grossissant, les œufs font saillie à l’intérieur de l’oviducte ; là mem- brane interne de cet organe cède d’abord , puis revient sur elle-même, en vertu de sa tenacité, dé manière à donner à l’œuf une enveloppe mince et un pédoncule qui le fixe à l’oviducte ; parvenus à leur maturité, les œufs rompent ce feuillet, ét roulent librement dans la cavité qui les renferme ; ils reçoivent à leur surface un enduit gluant qui les lie les uns aux autres; ils sont enfin pondus en masse ; au moment où ils tombent dans l’eau , l’enduit qui lés couvre durcit et les fait adhérer fortement , soit entre eux, soit aux cailloux sur lesquels ils sont déposés. Les œufs n’ont qu’une seule enveloppe , assez résis- tante, mais mince et transparente ; elle est élastique , et composée de petites couches de tissu cellulaire fort serré : Ja surface interne de cette enveloppe est lisse comme une membrane séreuse ; l’externe l’est moins : elle est recouverte par l’enduit que nous venons de mentionner; ( 169 ) cet enduit n'est point un mucus, comme on pourrait le croire à son apparence dans l’oviducte; il dureit au contact de l’eau, davantage encore lorsqu'on le plonge dans les acides ; il est légèrement soluble dans les alcalis. Les contenus de l’œuf forment trois corps distincts : 1°. Un jaune extrêmement fluide , enveloppé (1) dans une membrane si mince , qu’elle se rompt toujours alors qu’on ouvre l’œuf, et qu’on n’en retrouve que des lam- beaux sous le microscope. Le jaune consiste en globules de cette couleur, fort petits, puisqu'ils n’ont guère que 0®,0016 de diamètre, nageant dans un liquide transpa- rent; à la surface supérieure du jaune , se rassemblent quelques gouttelettes d’une huile moins colorée ; 2°, Une glèbe blanche en forme de caloite sphérique, placée au-dessous du jaune : c’est un assemblage de glo- bules blancs, semblables à ceux que l’on rencontre dans (x) Je dois à l'obligeance de M. Morin, chimiste très-distingué de notre ville, les observations suivantes sur les propriétés chimiques des contenus de l'œuf du Séchot. Ils présentent infiniment d'analogie avec les jaunes d’œuf de poule et Les corps jaunes de Povaire de la vache : comme eux, ils donnent beaucoup d’albumine, et une huile grasse, ” jaune , soluble dans l’éther; ils en diflèrent en ce qu’ils ne contiennent point de gélatine , mais quelques traces de mucus. L’albumine des œufs de poissons , mise en contact avec l’acide muriatique étendu d’eau , ue se prend pas en gelée, comme lorsqu'on fait agir ce réactif sur elle au travers de l'enveloppe de l’œuf : elle se dissout aussi dans l’acide muria- tique concentré, le coagule , mais une nouvelle addition d’eau la redis- sout. Ce caractère se retrouve encore dans l’albumine du blanc d'œuf de poule ; et, si elle est moins soluble, c’est vraisemblablement à l’ab- sence de la matière grasse interposée entre les molécules d’albumine , que cette différence doit s’attribuer ; car, si l’on triture le blanc d'œuf avec de l’huile d'amande douce avant de faire agir l’aeide muriatique concentré , il s’en dissout aussitôt une grande quantité par l'addition subséquente de l’eau. (170 ) le jaune de l’œuf de poule, vers le cinq ou sixième jour de l'incubation. Ils sont enfermés dans un sac particulier, collé à la membrane du jaune : le système que forme ces deux corps est entièrement isolé de l’enveloppe externe, de sorte qu'il peut rouler dans la cavité qu’elle comprend ; et la glèbe blanche , formant un point plus pesant, re- prend toujours la position la plus déclive alors qu'on re- tourne l’œuf de manière à l’amener au-dessus; 3°. La cicatricule, ceue partie la plus importante de toutes , est si diaphane qu’elle échappe aux regards; sa situation est moins constante que dans l'œuf des oiseaux ; elle est placée sous la membrane du jaune, et en général vers le bord de la glèbe blanche; pour la retrouver au moment de la ponte , et préalablement à tout développe- ment , nous sommes obligés d’immerger l’œuf dans une solution d’acide muriatique étendu d'eau : le jaune durcit sans perdre sa transparence , la cicatricule blanchit, et prend un peu de consistance : elle s’oflre à la vue sous la forme d’un disque ovalaire de 0",6 de longueur; alors que le fœtus commence à se développer, la cicatricule prend des dimensions plus considérables , se lacère moins aisément , et il convient de s'abstenir de cette préparation. La fécondation chez les Séchots a lieu comme chez les Batraciens : au moment où les œufs sortent de l’oviducte, le mâle répand sa semence dans l’eau ; l'œuf qui tombe dans ce milieu en absorbe une portion , et le courant qui résulte de cette absorption porte les animalcules à la sur- face de l'œuf. Je me suis assuré de ce fait en prenant un œuf dans l’oviducte , et le plaçant dans une eau sperma- üsée ; si dans le moment 6n examinait au microscope, l’on voyait les animaleules portés à la périphérie de l'œuf | (171) par un courant très-fort , et le fœtus manquait rarement de se développer. Nous devons avertir toutefois ceux qui voudraieut répéter cette expérience, qu'elle ne réussit qu’en tant qu’on replace l’œuf immédiatement en eau courante : il se détériorerait bientôt , si l’on en agissait autrement. Le fœtus se montre, comme chez les oïseaux, au centre de la cicatricule , sous la forme d’un trait renflé à l’une de ses extrémités, un peu eflilé vers l’autre, qui est la postérieure ; il ne m'a pas été possible de le‘distin- guer nettement avant qu'il eùt atteint de o",r5 à o",2 de longueur. Ün peu plus tard , nous voyons se dessiner le bord antérieur de la tête : il offre une ligne disposée comme la courbe d’une parabole , lorsque le jeune ani- mal a acquis une longueur de 1", on voit les cercles des yeux, et la trace de la moelle épinière sous la forme d'un canal renflé postérieurement; l’animal est encore très-peu consistant : il repose sur le porte-objet comme ferait une gelée, et ne se courbant de préférence en au- cun sens ; un peu plus tard il en est tout différemment. À cette époque, la cicatricule a augmenté en surface et en transparence ; elle s’avance peu à peu, de manière à envelopper finalement le jaune : elle ne présente en- core aucune vascularité. ; Chez le fœtus de 2", les vésicules qui forment les yeux se prononcent, ainsi que le cercle noirâtre de l'iris; l'on distingue les vésicules cérébrales postérieures : leur cavité est maintenant bien petite ; mais dans les périodes subséquentes, on la verra augmenter rapidement. Chez celui de 3", les rudimens du système osseux de- viennent très- visibles : l’épine , les arêtes se dessinent (172 nettement; les cavités du cerveau ont beaucoup aug- menté ; les os operculaires prennent leur place en arrière de l'œil : c’est l’orbiculaire qu’on aperçoit le premier ; le cœur est en mouvement , mais ne saurait suivre de circulation ; le cœur est encore un boyau presque droit, à chaque extrémité duquel est un renflement. L’anté- rieur , peu perceptible , est le buibe de l'aorte; le pos- térieur, beaucoup plus considérable, est l'oreillette. Lorsque l'embryon a pris davantage d’accroissement , que sa longueur est entre 5" et 6*, on peut reconnaître presque toutes les parties qui constitueront l'animal par- fait; on le voit s’agiter vivement dans l’œuf, et avec un peu d'attention l’on divise celui-ci sans toucher à son contenu ; le jeune poisson sort, et se met à nager dans l’eau avec assez de vitesse , entrainant avec lui le jaune sur lequel il est placé : il n’est point, comme les mam- mifères et les oiseaux , renfermé dans un amnios : cette membrane n'existe pas, à moins qu'on ne veuille don- ner ce nom au feuillet qui , se prolongeant du péritoine, enveloppe le jaune. Le poisson, à l'égard des membranes, se rapproche des Batraciens ; il s’en éloigne par rapport à l'enveloppe de l'œuf , qu'il perce , et dont il se sépare au lieu de s’en revêtir comme eux. Quant au cerveau , les vésicules cérébrales, qui jus- qu’à présent avaient beaucoup grossi, se dépriment , et sont proportionnellement moins volumineuses que dans les âges précédens ; cette marche de diminution coexiste avec l’abord du sang autour de ces cavités. Elles s'étaient formées par l’afflux du liquide ambiant au travers de leurs tissus : ce liquide est réabsorbé par le système ver - neux, C’est dans les lois qui règlent le mouvement des (173) liquides au travers des membranes que nous devons chercher la solution des problèmes de ce genre et tout ce qui a rapport à la formation des cavités ; mais un pa- reil travail doit être l’objet d’une investigation spéciale, dont pour le présent je ne veux point m'occuper. L’œil éprouve le mème sort que les vésicules cérébrales ; son accroissement s'arrête. Les os du cerveau sont tous re- connaissables ; les operculaires aussi; l’on en voit des- cendre en avant les cartilages de la membrane périostége, qu'un peu plus tôt on entrevoyait à peine ; l'animal meut les nageoires brachiales et pectorales , et s’en sert pour se tenir en équilibre ; une lame membraneuse, mince et transparente , assez large, entoure Île poisson dans le sens de sa longueur : elle part de la partie postérieure de la tête , et vient aboutir à l'anus: plus tard elle s’ef- face ; les écailles se dessinent sur la peau : la transpa- rence de celle-ci permet de suivre la formation de toute la charpente osseuse, ainsi que celle des viscères ; le caual alimentaire présente l’estomac et les circonvolu- tions des intestins; derrière le rectum, on voit sous l'apparence d’un corps rouge un peu allongé, les reins : leur vascularité est extrême. Lorsque, pour le mieux examiner, on a placé le fœtus sur le côté, le cœur un peu tiré en bas est très-bien placé pour être observé ; le ventricule s’est un peu recourbé, et le bulbe de l'aorte à la partie antérieure se déjette de gauche à droite, et se dirige en avant et en haut; on le perd de vue sous la mem- brane périostége, à laquelle il donne de nombreux ra- meaux, que l’on suit le long des bandes cartilagineuses de cettemembrane ;ilse porteaux branchies , dans lesquelles il se subdivise en un lacis infiniment volumineux. Un (174) peu au-dessous du point où la membrane périostége est en contact avec les os operculaires, on voit sortir l’aorte descendante (1), formée par la réunion des divisions branchiales ; elle descend le long de la colonne verté- brale jusque vers l’extrémité de la queue ; l'aorte se re- plie ici sur elle-même, et devient la veine de retour, qui rapporte au cœur le sang qui a circulé : elle forme un angle très-aigu avec sa première portion , et marche parallèlement et immédiatement au - dessous d’elle ; elle s’en écarte en arrivant près du cœur pour descendre dans l’auricule ; dans son trajet, l’aorte donne des vaisseaux aux diverses parties du corps. Je n’entrerai dans aucun détail à cet égard , et me contenterai de dire un mot de ce qui concerne la circulation du jaune : assez en arrière de la nageoire pectorale, se détache une grosse artère qui croise la direction du rectum près de l’anus , et remonte le long du bord inférieur de cet intestin jusque vers une masse granuleuse , rougeàtre , soutenue immédia- tement par le jaune; ce corps, dont la position se rap- porte à celle du foie, est très - volumineux : il reçoit dans son parenchyme le vaisseau dont nous décrivons la marche, et qui s’y ramifie beaucoup ; les capillaires qui en résultent se prolongent à la face interne de la mem- brane du jaune , surtout postérieurement et à droite ; arrivés à la partie inférieure , ils se réunissent de nou- (2) Nous retrouvons des vestiges de cet arrangement chez le fœtus de tous les vertébrés. Du bulbe de l’aorte partent un certain nombre de rameaux, qui se réunissent de nouveau pour former l’aorte descen- dante; mais cette disposition demeure à son état le plus rudimentaire , ou même disparaît entièrement chez ceux où les branchies ne se déve loppent pas. (179 ) veau en une grosse veine qui remonte en avant, et un peu à droite, et vient s'ouvrir dans l’auricule; les glo- bules du sang commencent à devenir elliptiques : ils w’ont point toutefois encore ces formes régulières qui distinguent le glébule sanguin de l’animal adulte; un peu plus tôt, lorsque le fœtus n'avait que 3" de long, les globules étaient sphériques : le diamètre des plus réguliers était 0,013 ; l'enveloppe du noyau central pré- sentait un aspeci granuleux comme dans le globule du tétard ; et , comme chez celui-ci, cette apparence s’est bientôt effacée (1). Le jaune diminue sensiblement lorsque le fœtus com- mence à acquérir du volume ; il rentre dans l’abdomen , ainsi que cela a lieu chez les oïseaux , et le jeune poisson perce l’œuf et commence à nager en liberté : ses mou- vemens sont d’abord embarrassés par son gros ventre ; mais au bout de quelques jours le jaune est absorbé , et la vie fœtale entièrement terminée. EXPLICATION DE LA PLANCHE I. Fig. 1. Séchot mâle , ouvert de manière à laisser voir les or s*tés de la génération contenus dans l'abdomen. Fig. 2. L'appareil générateur. Dans sa position à l'égard des reins , de ‘(x) Le Protée anguiforme est le seul animal adulte sur les globules sanguins duquel j'aie retrouvé cette granulation de la matière colorante. On peut, à cet égard, consulter la fig. 2 que j'en ai donnée dans la planche jointe à ce Mémoire. Ces globules sont encore remarquables par leur grosseur ; je Les ai placés à côté de ceux du Séchot, pour qu’on pèt s’en faire une idée : les uns et les autres sont grossis cinq cents fois linéairement. ( 176 ) la vessie ct du rectum , on a figuré en ayant la papille, qui termine antérieurement le conduit urinaire. Fig. 3. La liqueur spermatique examinée au microscope : le grossisse- ment linéaire est 500. Fig. 4. Une portion du testicule et du canal déférent, grossis vingt fois, pour montrer la disposition des culs.de-sac. Fig. 5. Le Séchot femelle, f’abdomen ouvert iaisse voir les deux por- tions de l'ovaire. Fig. 6. Des œufs fixés à une portion d’oviducte. Fig. 7. Une masse d’œufs pondus et liés entre eux. Fig. 8. Un œuf de Séchot grossi six fois linéanwrement , de manière à présenter la glèbe blanche. Fig. 9. Autre œuf , sur lequel le fœtus commence à se développer. Fig. 10. Œuf sur lequel on voit un Séchot fœtus bien développé. Fig. 11. Cicatricule examinée au moment de la ponte, grossie vingt fois. — 11, a. Autre cicatricule , sur laquelle on voit le fœtus com- mençant à se développer. Grossissement linéaire , 20. Fig. 12. Fœtus de 3" de longueur, vu du côté gauche, et avec un grossissement linéaire de 10. L’on distingueles yeux, les os opercu- laires , et les vésicules du cerveau , qui sont très-développées. Fig. 13. Fœtus de 5m, grossi dix fois linéairement , placé sur le côté droit. Au-dessous de la tête, on voit le cœur, le bulbe antérieure- ment, l’auricule en arrière ; elle est dessous la membrane périostége. On voit sortir deux vaisseaux : le supérieur est l’aorte descendante , l’inférieur la veine de retour ; l'artère qui se sépare de l’aorte descen- dante est celle dont nous avons décrit le trajet dans le jaune. Fig. 14. Globules sanguins sphériques du sang du fœtus ; globules ellip- tiques du sang du Séchot adulte ; grands globales elliptiques appar- tenant au sang du Protce anguiforme. Un gros globule sphérique : c’est le globule central du globule sanguin du Protée. Tous ces objets sont vus avec un grossissement linéaire de 500. Les dimensions du globule sanguin du Protée sont les suivantes : Long axe. om,0/ 1 Petit axe. om,0019 Diamètre du globule central. Om 009 (1779 Recuercues sur quelques-unes des Révolutions de la surface du globe , présentant diférens exem- ples de coïncidence entre le redressement des couches de certains systèmes de montagnes , et les changemens soudains qui ont produit les lignes de démarcation qu'on observe entre cer- tains étages consécutifs des terrains de sédi- ment ; (Mémoire lu par extrait à l’Académie des Sciences , Le 22 juin 1829.) Par M. L. Ezre De Beaumonr. (Suite et fin.) CHAPITRE IV. 6 TL. Mise en rapport de la discontinuité qui existe entre les deux terrains de transport des vallées de l'Isère, du Rhône, de la Saône et de la Durance, avec le redressement des couches d’un système de monta- gnes dont font partie les chaînes du Ventoux, du Leberon , de l'Etoile et de la Sainte-Baume (en Provence) , et la chaîne principale des Alpes (du Valais en Autriche). Nous avons vu dans les deux paragraphes précédens que les vallées de l'Isère, du Rhône, de la Saône et de XIX. 12 (178 ) la Durance, présentent deux terrains d’atterrissement ou de transport, très-distincts l’un de l’autre, entre les- quels on observe un défaut de continuité, et une varia- tion brusque de caractères , qui constituent une nouvelle interruption dans la série des dépôts de sédiment. Nous allons examiner s’il ne serait pas encore possible de rattacher cette interruption, et la catastrophe avec laquelle elle se trouve évidemment liée, à la disloca- tion de quelque partie de l’écorce minérale du globe ter- restre. Une des grandes différences que présentent les deux dépôts de transport dont nous venons de parler, consiste en ce que les eaux qui ont transporté les matériaux du premier, semblent avoir été reçues dans des lacs d’eau douce, qui couvraient d’une part la partie N.-O. du département de l'Isère, la Bresse et peut-être l’Al- sace, etc. , et de l’autre, la partie du département des Basses-Alpes comprise entre Manosque et Mezel: tandis que les eaux qui ont entraîné les matériaux du second terrain de transport, se sont écoulées directement vers la Méditerranée. On ne trouve ni dans la vallée du Rhône , au-dessous de Lyon, ni dans celle de la Durance, au-dessous de Ma- nosque, aucune trace de barrages assez élevés pour qu’on puisse attribuer à une simple rupture qui s’y serait opé- rée ce changement dans le régime des eaux. Il paraît donc évident qu’à l'époque du commencement de la grande débâcle à laquelle est dû le second des deux dépôts de transport, un grand changement s’est opéré dans les niveaux relatifs des différens points de la con- trée située entre la Bresse et la Méditerranée , de ma- ( 179 ) nière, par exemple, que la pente générale du sol , diri- gée auparavant d'Arles vers Saint-Vallier, a commencé dès-lors à être dirigée de Saint-Vallier vers Arles. L'augmentation progressive des hauteurs auxquelles on trouve la mollasse coquillière , à mesure qu’on s’é- loigne de la Méditerranée vers le nord , donne la preuve directe qu’un pareil changement entre les niveaux des différens points dont nous parlons, s’est opérée à une époque postérieure au-moins au dépôt de cette mollasse. Les monticules de Château-Neuf-du-Pape, de Vedène et des environs de Barbantane , composés d’un calcaire compacte blanc qui appartient au système du grès vert et de la craie, présentent sur leurs pentes et dans leurs anfractuosités des encroûtemens de mollasse coquillière , qui, en quelques points, ne sont presque formés que de fragmens de coquilles et de polypiers, et dont la com- position semble prouver que les masses calcaires qui les supportent formaient des îlots ou des écueils à fleur d’eau dans la mer, sous les eaux de laquelle se déposait la mol. lasse coquillière. L'ancienne surface de niveau, marquée par cet en- croûtement coquillier sur la surface des montagnes pré- existantes, a subi depuis la fin de la période des terrains tertiaires d'énormes perturbations , qui montrent bien que depuis lors tout le sol de la contrée a éprouvé de violentes convulsions. La mollasse coquillière qui, près d'Arles, de Salon et d'Avignon , ne s'élève qu'à 4o ou 5o mètres au-dessus de la mer, et celle qui, près de Saint-Paul-Trois-Chà- teaux ou à Puygiron, à la Bâtie-Rolland et au Fort des Coquilles , près de Montélimart, s'élève à 2 ou 300 mé- ( 180 ) tres plus haut, et celle enfin qui, près de Saint-Donat, de Clavezon et de Baternay (1), atteint une hauteur absolue de plus de 4oo mètres, ont sans aucun doute été formées sous une même nappe d’eau marine, et à une profondeur au-dessous de son niveau, qui ne pouvait être très-différente , attendu qu'elle était très-petite. Les Balanes de Lyon et de Saint-Fons ont dû aussi. se déposer à peu de distance au-dessous de la surface des mêmes eaux marines; mais leur élévation au-dessus de la mer n’est aujourd’hui que de 200 mètres. On voit, d’après cela , que lorsqu'on se borne à em- brasser le long du Rhône une zone de peu de largeur, les coteaux de mollasse coquillière, élevés de plus de 400 mètres au-dessus de la mer, à l’est de Saint-Vallier, forment un point de maximum de hauteur, à partir duquel le niveau de cette formation , après s'être gra- duellement élevé depuis les rivages de la Méditerranée jusqu'à ce même point, paraît redescendre vers le nord. Cette seconde inclinaison , en sens inverse de la pre- mière , est partagée, du moins en partie, par le dépôt de:transport ancien dont nous avons vu précédemment que la surface s’abaisse de plus de 100 mètres , depuis les coteaux de Saint-Uze jusqu'aux plaines voisines de Dijon , et même d’une quantité beaucoup plus grande (qui va à plus de Goo mètres), si l’on prend pour l’un des termes de comparaison les hauteurs auxquelles s’é- lève le transport ancien près de Baternay, de Roybon, de Tullins et de Voiron , et si on les oppose à celles gra- (1) Carte de Cassini, nos 121 , 120 et 119. De" ( 167 À duellement décroissantes que présente la partie supé- rieure du mème dépôt lorsqu'on le suit vers le N.-N.-O. d’abord près des Abrets et de Bourgoin , puis près de Meximieux, de Cuzeau, de Poligny, de Dôle et de Dijon. Le redressement des couches des Alpes occidentales, survenu depuis le dépôt de la mollasse coquillière, a pu sans doute contribuer à altérer les rapports des niveaux des différens lambeaux de mollasse, dont j'ai parlé ci-dessus ; mais il est évident que si, comme tout porte à le croire, le terrain de transport ancien s’est déposé sous une nappe d’eau en repos dont il aura nécessairement encroûté les différens rivages jusqu’à un méme niveau, la pente que sa surface totale présente aujourd'hui, du midi vers le nord , a dû lui être impri- mée depuis sa formation , et par conséquent à une épo- que postérieure au redressement des couches des Alpes occidentales, dont il avait en quelques points recouvert les tranches. Il n’est pas moins évident que la vallée du Rhône , au- dessous de Saint-Vallier, n’ayant pas été ouverte au dépôt de transport ancien, et ayant au contraire donné un libre cours aux torrens diluviens , c’est entre l’époque de la formation du terrain de transport ancien et celle du passage des torrens diluviens qu'elle a dû recevoir sa pente actuelle , qui est inverse de celle indiquée dans la Bresse. C’est une circonstance assez curieuse pour la faire remarquer dès à présent , que la ville de Saint-Vallier, à la hauteur de laquelle se fait la rencontre de ces deux pentes opposées, se trouve presque exactement sur le \ ( 183) prolongement de la bande de mélaphires et de dolomies, qui, d’après les observations de M. Léopold de Buch, se présente au pied de la chaîne principale des Alpes, le long des plaines septentrionales de FPlialie. La coïnci- dence devient plus remarquable encore, lorsqu'on ajoute que cette même ligne prolongée va traverser les dépar- temens de la Haute-Loire et du Cantal, où des dépôts lacustres , dont j'ai déjà indiqué l’analogie avec ceux de la vallée inférieure du Rhône, s’observent à des hauteurs auxquelles on conçoit difficilement comment des lacs pourraient exister aujourd'hui. Pour expliquer, sans admettre de changement dans le niveau général du sol, la position des terrains d’eau douce de l’Auvergne à leur hauteur actwelle , on a eu recours à la supposition d’une suite de lacs, dont les eaux se seraient écoulées de l’un dans l’autre dans la direction du sud au nord (1), et, par suite, à celle d'anciennes digues aujourd’hui détruites. Cette dernière supposition est, pour ne rien dire de plus, bien difh- cile à concilier avec la petitesse des effets dont les ob- servations, faites en Auvergne, ont prouvé que la cause est due à l’action érosive des eaux , exercée pendant la (1) Voyez; relativement à la disposition graduellement ascendante des terrains d’eau donce , depuis les plaines des départemens du Loi- ret, du Cher et de la Nièvre jusqu’à Aurillac, les importantes obser- vations renfermées dans les Mémoires pour servir à la Description géologique des Pays-Bas, de la France, et de quelques contrées voi- sines, par M. J.-J. d'Omalius d'Halloy ( Namur, 1828), ainsi que le Mémoire, et particulièrement la coupe d’Aurillac à Lempdes, par MM. Ch. Lyell et R,. [. Murchison, Ænnales des Sciences natu- relles, tome XVIII, p. 172, aimsi que les travaux de M. Bertrand- Roux , les Recherches sur les Ossemens fossiles du département du Puy-de-Dôme, par MM./labhé Croizet et Johert aîné, etc: ( 183 ) totalité ou pendant une très-grande partie du temps qui s’est écoulé depuis la fin des dépôts tertiaires de la Li- magne (1). On n’a mème jamais examiné si Jes divers points jusques auxquels on pourrait reconnaître que les eaux de ces lacs ont baïgné leurs diflérens rivages, sont encore à une même hauteur absolue dans toutes les parties qui ont dù appartenir à un même lac, et je suis bien porté à croire que si on entreprenait cet examen , le baromètre à la main , on serait conduit à un résultat du mème genre que celui que j'ai obtenu pour la Bresse. On peut en effet remarquer que les dépôts lacustres des vallées de la Loire , de l'Allier et du Cantal, d’une part, et de l’autre le dépôt de transport ancien et le dépôt tertiaire marin des vallées de la Saône et du Rhône, forment aujourd’hui, malgré la diversité de leur origine, deux rampes ascendantes, parallèles ( de Bourges à Au- rillac, et de Dijon à Voiron), dont les longueurs sont égales entre elles, aussi-bien que les hauteurs absolues de leurs points de départ et de leurs points d’arrivée , et dont les pentes moyennes sont par conséquent les mèmes. Tout conduit à n’y voir que deux parties acci- - dentellement distinctes d’un vaste plan incliné, qui se présente même naturellement comme la prolongation de celui qui va en s’élevant des bords du lac de Constance et des plaines du Danube vers la chaîne principale des Alpes. Dans toute cette étendue des dépôts les uns lacustres et les autres marins, dont chaque portion a (1) Voyez particulièrement le Mémoire intitulé : On the excavation ofthe valleys, as illustrated by the volcanic rocks of central France, par MM. Ch. Lyell et R, L. Murchison. £dinburg new philosophical Journal, juillet 1820. ( 184 ) été formée à peu près horizontalement à des époques toutes assez peu reculées , vont maintenant en s’élevant d'une manière inappréciable à l'œil, mais qui devient sensible quand on emploie des moyens rigoureux (1), suivant un plan ascendant , du N.-N.-O. au S.-S.-E. , et il paraît naturel de supposer que les dépôts de chaque époque ont été déposés dans chaque conirée (comme la close est évidente pour la Bavière et pour la Bresse} sous une nappe d'eau unique, et que tous ont ensuite été inclinés en même temps par un même mouvement de bascule de tout l’ensemble du sol. Quand on con- sidère sous ce point de vue général la disposition qui nous occupe, et quand on remarque qu'une partie des dépôts qui y participent sont marins, on voit du moins combien l’hypothèse de lacs en étages les uns au-dessus des autres, se trouve au-dessous du phénomène aussi vaste que simple qu'il s’agit d'expliquer (2). (x) Voyez à cet égard les résultats consignés par MM. l'abbé Croizet et Jobert , Discours préliminaire , p. 22 à 37. (2) Je suis loin de supposer que les nappes d’eau douce sous les- quelles se sont déposés les terrains tertiaires de l'Auvergne, ne fussent pas dés lacs; je pense seulement que ces lacs devaient être vasteS, peu nombreux, et situés à des niveaux absolus bien moindres que ceux auxquels se trouvent aujourd’hui les dépôts qui s’y sont formés : pent-être leur niveau était-il peu différent de celui des eaux douces dans lesquelles se sont formés les dépôts lacustres des dépar- temens de la Nièvre, du Cher, du Loiret, etc. Je suis loin aussi de repousser l'hypothèse de lacs plus circonscrits, et d’une date plus récente , pour expliquer certains phénomènes locaux que présente le sol de l'Auvergne et des contrées adjacentes. Il me semble, au contraire, qu'on pourrait difficilement se refuser à ad- mettre celle déjà discutée par MM. l'abbé Croizet et Jobert, p. 80 et suivantes, et adoptée par MM. Murchison et Lyell, du dépôt , dens un lac, du terrain de transport de la montagne de Perrier ou ( 185 ) Il me semble au contraire qu’on est assez naturellement conduit à remarquer que la rampe formée par les dépôts de Boulade, si célèbre par ses ossemens de quadrupèdes d’espèces perdues. Ce lac pourrait , aussi-bien que celui dans lequel s’est formé le dépôt de Menat , avoir appartenu à la même période de tranquillité que le lac beaucoup plus vaste dans lequel s’est formé le terrain de transport ancien de la Bresse. Ce serait à partir du soulève- ment en masse du sol de ces contrées , arrivé à la fin de cette même période de tranquillité , qu’auraient commencé à se creuser les vallées qui coupent à la fois le terrain de transport et le terrain d’eau douce de la montagne de Perrier ; vallées dans lesquelles ont ensuite coulé, comme l'ont remarqué MM. Lyell et Murchison , les laves des volcans modernes de l'Auvergne. Le coude à angle droit que forme au-dessous de Briare la direction générale de la Loire, coude qui, comme l’a remarqué M. d’Omalius d'Halloy, s’explique si peu par la simple action érosive des eaux , ré- sulte simplement de ce qu’à partir de ce point, la Loire se jette dans la dépression déterminée par l’intersection des deux pentes opposées que présente la surface des dépôts tertiaires, l’une de la haute Auvergne vers la Sologne, et l’autre dela Sologne et de la Touraine jusqu’au haut des coteaux des départemens de l’Aisne, de l'Oise, de l'Eure, et jusqu’au baut des falaises de la Manche. Cette dernière pente, non moins remar= quable par son étendue et sa régularité , que celle à laquelle elle fait face et dont elle semble être en petit la contrepartie, a déjà été indiquée et figurée par M. d'Omalius d'Halloy. La contemporanéité d’origine de ces deux pentes , qui ne sont peut-être à vrai dire que les deux extré- mités d’une même courbure concaye , dont le cours inférieur de la Loire suit la partie centrale et la plus basse, me semble d'autant plus probable, qu’il est naturel de chercher un rapport entre la grande élévation de la craie et des terrains tertiaires dans les falaises de la Normandie, et le redressement des mêmes couches de l’autre côté du canal de la Manche. Le rivage septentrional de ce bras de mer court, depuis les masses serpeutineuses du cap Lizard jusqu’à Folkstone et Douvres (1) , dans (1) Voyez le Mémoire de M. de la Bêche sur les amphibolites de Tor-Bay, et les travaux de M. le docteur Fitton sur le Bas-Boulonnais. ( 186 ) inclinés de la Bresse et de l'Auvergne, vaen se relevant vers une ligne de faîte, dirigée de Voiron vers Bater- une direction très-sensiblement parallèle à celle de la chaîne principale des Alpes, et qui semble avoir été en partie déterminée par ia disloca- tion que les couches jurassiqnes , crayeuses et tertiaires, ont subie dans le Dorsetshire et l'ile de Wight , suivant une direction qui ne s'éloigne que légèrement dela précédente. Ce rapprochement dans Les directions est d’autant plus remarquable, que si la direction générale des couches redressées de la craie, de l’argile plastique et de l’argile de Londres dans l’île de Wight est à la vérité un peu plus rapprochée de la ligne E.-O. que ne le serait une parallèle à la direction de la chaîne priu- cipale des Alpes, cette dernière direction se retrouve presque exacte- ment un peu plus au nord, dans une partie des accidens qu'a subi, depuis le dépôt des couches tertiaires, le sol du Hampshire et du Wiltshire, Les vallées d'élévation de Bower-Chalk, de Pewsey, de Shalbourne , si bien décrites par M. Buckland (x), courent dans une directiou qui approche beaucoup de la ligne O. + S.-0.—E. + N.-E., et qui s’éloigne très-peu du parallélisme avec la chaîne principale des Alpes, La vallée de Kingsclere offre seule une exception peut-être acci- dentelle à cette loi. L’inclinaison que présentent les couches tertiaires près de Kingsclere et de Highclere, presque à la base de l’Inkpen Bea- con, point le plus haut de la craie, en Angleterre, prouve qu'ici, comme dans l’île de Wight et dans le Dorsetshire, le redressement des couches a eu lieu à une époque qui ne peut être plus ancienne que le dépôt de Pargile plastique et de largile de Londres , et qui par conséquent est bien diflérente de celle à Haquelle se sont produites les bosses crayeuses dans lesquelles ont été creusées (comme j'ai cherché à l'indiquer t. XVIII, p.314 ) la dénudation du pays de Bray, et celle du Surrey, du Sussex , du Kent et du bas Boulonnais, après que les dépôts ter- tiaires les plus anciens dela France, de la Belgique et de l'Angleterre, étaient venus les entourer et recouvrir leurs bases. Il est à regretter que la différence de hauteur entre les couches ter- (1) Memoir on the formation of the valley of Kingsclere and other valleys by the elevation of thestrata that enclose them ; and on the evidence , of the original continuity of the basins of London and Hampshire , inséré dans les Transactions de la Société géologique de Londres, deuxième série, L, IL, p. 119: ( 187 ) nay, Saint-Vallier, le Puy, Aurillac, ligne qui coïncide à peu près avec la prolongation de l’axe de la zone subal- pine des mélaphires et des dolomies , et que tous les points des dépôts récens, situés à des élévations extraor- dinaires, sont compris dans la prolongation de la large bande occupée par la chaîne principale des Alpes, et par ses appendices latéraux, et à en inférer que si les inductions tirées de la direction ne sont pas entièrement sans valeur, il y a lieu de regarder le mouvement as- censionnel inégal, dont nous venons de signaler les indices dans le sol de l’intérieur de la France, comme ayant fait partie du phénomène de dislocation qui a donné à la chaîne principale des Alpes (d'Autriche en Valais) la forme qu’elle nous présente aujourd’hui (1). tiaires récentes , dans l’île de Wight et dans le Hampshire , soit la seule trace visible de dérangement qu’elles présentent , et que l’absence du Crag sur tous les rivages de la Manche (à l'exception des côtes du Cotentin et de la Bretagne. Voyez les Mémoires déjà cités de M. Des- noyers), soit presque le seul moyen que fournisse l'observation pour vérifier la supposition que ces mêmes rivages ont été façonnés long- temps après son dépôt. \ L'existence , sur le plateau des bruyères de Bissières , de Cesni , d’Ai- ran , etc, ( Calvados), d’un dépôt de transport qui ne descend pas dans les valiées , et dans lequel on trouve des fragmens de grès et de poudin- gue tertiaire, s’accorderait très-bien avec l’idée d’un mouvement très- récent du sol des bords de la Manche , à dater duquel beaucoup de val- lées auraient été approfondies. j (1) Le plateau du Mexique semble n’être que la prolongation de la crête des montagnes rocheuses dont la direction est presque perpendi- culaire à la ligne des volcans mexicains , de même que la direction de la chaîne principale des Alpes est presque perpendiculaire à la ligne des monts Domes. Cousidéré , comme nous venons de le faire, dans son ensemble, le grand phénomène du relèvement de dépôts très-récens du N.-N.-0. au S.-S.-E., que présente l’intérieur de la France, ne se ( 188 ) La contrepente qui se trouve au sud de la ligne de faite, est beaucoup plus rapide que le plan incliné situé au nord ; il y a même une chute assez brusque dans le niveau des dépôts tertiaires , qui ne reparaissent au midi du bassin d’Aurillac qu'à une hauteur assez peu diflé- rente de celle qu'ils occupent dans les plaines de la Gascogne. Cette disposition est une analogie de plus avec celle de la chaîne principale des Alpes, qui pré- sente une chute beaucoup plus rapide, plus considérable et plus accidentée du côté du midi que du côté du nord: Cette influence exercée par la dislocation des couches de la chaîne principale des Alpes jusque sur le sol de l'intérieur de la France, peut être comparée à celle que les dislocations des Alpes occidentales ont eue sur la partie du sol de la Provence qui forme aujourd’hui la vallée de la Durance , entre Volone et le Pertuis de Mi- rabeau ; seulement nous n’observons en Auvergne qu’une simple élévation du sol, tandis qu'en Provence il y a eu (chap. ur, t. XVIIT, p. 373 et suiv.) une dis- location complète des couches secondaires et tertiaires. trouve que partiellement en rapport avec les soulèvemens volcaniques- de l'Auvergne. Les collines élevées que forme le terrain de transport ancien aux environs de Voiron , sont déjà aussi rapprochées du Saint- Gothard que du Cantal et du Mont-Dore. Ainsi, loin de voir dans l'élévation de tous ces dépôts modernes une simple conséquence des phénomènes volcaniques qui se sont passés dans le voisinage de quel- ques-uns d’entre eux , il y aurait peut-être lieu de partir du relèvement général auquel se rattache la hauteur de ces derniers, pour se demander si lapparition de la chaîne principale des Alpes n’aurait pas été le signal de l'élévation des cratères de soulèvement du Mont-Dore et du Cantal, et de la mise en activité des cônes d’éruption situés dans leur voisinage. ( 189 ) Si ces rapprochemens n'étaient pas fondés sur des aperçus trop généraux, il demeurerait établi que la chaîne principale des Alpes a pris son relief actuel au moment où le sol, s’infléchissant près de Saint-Val- lier, autour du prolongement de la ligne des méla- phires et des dolomies du nord de l'Italie, comme autour d’un axe de flexion , a pris de part et d’autre de cet axe les pentes opposées , qu’il a conservées jusqu’à nos jours , sauf les seuls changemens produits par les torrens dilu- viens, et par l’appro fondissement naturel ultérieur des vallées. Il résulte évidemment de ce qui précède, que ce dernier mouvement, qui a influé sur le reliefd’une partie considérable de l'Europe (1), a coïncidé avec l’époque géo- logique qui nous occupe en ce moment, c'est-à-dire, avec la révolution de la surface du globe qui est survenue entre la formation du dépôt de transport ancien et le pas- sage des courans diluviens. Mais les distances géographi- ques que nous avons été obligés de franchir pour par- venir aux aperçus qui viennent d’être exposés relative- ment aux Alpes, étant considérables, je ne considérerai ces mèmes aperçus que comme un motif propre à attirer (1) La connaissance des faits que je viens de rappeler contribuera peut- être à rendre plus facile l'explication du phénomène des cavernes à ossemens. Îl est en eflet évident que si diférentes parties de l’Europe ont , sans être disloquées , subi un exhaussement notable à l’époque de l'apparition de la chaîne principale des Alpes (du Valais en Autriche), beaucoup de vallées ont dù par suite s’approfondir considérablement , et que les courans d’eau souterrains, qui devaient circuler alors comme aujourd’hui dans l’intérieur des plateaux calcaires pour sortir en sources considérables au pied de leurs pentes, ont dû changer de niveau, et abandonner leurs anciens lits souterrains, qu’ils auront laissés rem- plis en partie des objets qu’ils y avaient entraînés pendant tout le cours de la période de tranquillité précédente. ( 190 ) plus d'attention sur une série d’observations assez éten- due, qui tend à les confirmer, en faisant remarquer que si réellement elles les confirment, il en résultera un nou- vel argument en faveur de l’importance des directions, L’altération dans les rapports de niveaux que nous avons signalée dans la vallée inférieure du Rhône, se manifeste également dans toutes les parties de la Pro- vence , qui présentent à cet égard des moyens d’investi- gation. Il suffit, pour s’en convaincre, d'observer la position des couches les plus récentes , depuis les bords de la Méditerranée jusqu'à Digne et Sisteron , en mar- chant parallèlement à la ligne que nous avions suivie, d'Arles et d'Avignon vers Saint-Vallier. Des lambeaux de mollasse coquillière s’observent à plusieurs centaines de mètres au-dessus de la Méditerra- née , sur les montagnes qui se trouvent au nord de Lam- hesc (1) (Bouches-du-Rhône); près de Marseille., au contraire , à 4 myriamètres plus au sud , on ne trouve pas la moindre trace de cette formation , même au niveau de la mer, et certainement il serait resté sur les rochers calcaires des encroûtemens de mollasse coquillière , aussi-bien que près d'Avignon et de Château-Neuf-du- Pape, si la mer qui déposait celle-ci les avait baignés jusqu'à une hauteur plus grande que la mer actuelle. On a là une preuve évidente du changement relatif de niveau qui, depuis la formation des derniers dépôts ter. tiaires , a élevé les masses qui forment le sol de l’inté- rieur de la Provence, par rapport à celles qui, plus au sud , forment la côte de la Méditerranée. Au nombre des couches ainsi relevées du midi vers le (1) Carte de Cassini, n° 123. (rgr) nord , sé trouvent non-senlement la mollasse coquillière tertiaire , mais aussi le dépôt de transport ancien quej’ai décrit ci-dessus , entre Manosque et Mezel. J'ai eu soin, en effet , de faire remarquer que la surface de ce terrain augmente d’abord peu à peu de hauteur depuis les envi- rons de Brue, de Cotignac, de Barjols, jusqu’au haut des flancs de la vallée du Colostre , et forme un plan assez régulier, dont l’œil suit aisément, plus au nord, sur les deux rives de l’Asse , l'élévation graduelle , jusqu’à la ligne de partage des eaux entre l’Asse et la Bleonne. In- dépendamment de la difficulté de concevoir qu’un plan aussi régulier se soit formé autrement que par un dépôt presque tranquile sous une nappe d’eau peu agitée, et, par suite, dans une position telle, que tous les points de son contour fussent compris dans un même plan hori- zontal , nous avons trouvé la preuve directe qu’il a reçu après coup l'élévation qu’il atteint aujourd’hui, sur les rives de l’Asse, dans la présence de cailloux roulés, for- més de calcaires et de silex d’eau douce et de fragmens de musclielkalk, dont les analogues existent, près des rivages de la Méditerranée , à des niveaux plus bas, et qui ne peuvent évidemment devoir cette infériorité à la simple dégradation de la surface extérieure des masses par les agens atmosphériques. Ce dépôt, formé dans un lac probablement contem- porain de celui dans lequel s’est formé le dépôt de trans- port ancien du N.-O. du département de l'Isère et de la Bresse, a donc subi comme ce dernier dépôtunrelèvement après sa formation. Le relèvement s’est fait ici dans un sens diamétralement opposé à celui qui a eu lieu dans la Bresse; ce qui prouve que l'axe général de relèvement (192) était intermédiaire entre les deux, comme nous avons déjà été conduits à l’admettre. Il s’est fait dans le même sens que celui de la mollasse coquillière , qui va en s’élevant graduellement d'Arles vers Saint-Vallier; et cela prouve qu'il y avait lieu de rapporter, comme nous l’a- vons fait, à une seule et même époque les deux pentes opposées qui se sont établies au nord et au sud de Saint- Vallier, dans les contrées contiguës aux cours du Rhône et de la Saône. Il est toutefois à remarquer que, sur les bords de l’Asse et de la Bleonne, le relèvement a produit une pente beaucoup plus rapide que dans le bassin de la Bresse, pente qui se rattache de la manière la plus directe aux dislocations que les couches du terrain de transport ont éprouvées, comme je lai dit précédemment, au N.-O. de Mezel. On a vu, dans le paragraphe précédent , qu’aux envi- rons de Mezel les couches du terrain de transport ancien se relèvent de toutes parts, comme l'indique la fig. 2 de la PI. xvir du tome XVIIT, vers un centre commun, situé non loin des Bastides de Creas et de Bautujas. Les inclinaisons vont souvent à 30°, 40°, et même à 70°; nous avons de plus remarqué que ce centre de soulève- ment est situé à l'extrémité d’une arèête que présentent plus à l’ouest les mêmes couches, en se pliant en forme de toit à pentes inégales, pour plonger d’une part de 5 à 6° du côté du nord , et de l’autre d’environ 2° du côté du sud; disposition qui se lie intimement à l’inclinaison générale de tout le dépôt, du nord au sud , et qui con- firme que cetie inclinaison s’est produite après sa for- mation, (195) L’arète de cette espèce de toit se dirige à peu près vers l'O. :S.-0. ; direction sensiblement conforme à la direction générale des chaînes de la Sainte-Baume , du Leberon, du Ventoux; ce qui semble déjà indiquer une liaison entre le relèvement du sud au nord, qu’a éprouvé le sol de ces contrées et les grandes failles qui sont venues le traverser de l'O. = S.-0. à l'E, : N.-E,., et qui ont donné naïssance aux montagnes dont je viens de parler. La même liaison se trouve confirmée de nouveau par l'élévation considérable qu’a acquise le terrain de trans- port ancien dans les petites montagnes qui, comme je l'ai dit dans le paragraphe précédent , s'élèvent au nord d'Ayglun et des Guillaumonds, et s'étendent vers le nord, de manière à traverser le prolongement de la direction des couches calcaires de la montagne de Lure, et à aller presque s'appuyer, près de Mellan et d’Abros, contre l’extrémité des couches jurassiques redressées , dans lesquelles est coupée la Cluse, ou défilé qui donne passage , à Sisteron , aux eaux de la Durance. Il est difficile, en effet, de ne pas croire que la hau- teur tout-à-fait anomale qu'atteint de ce côté le. dépôt de transport ancien , est une conséquence du redresse- ment de ces couches, dans lesquelles on retrouve la direction qui domine en général dans la classe d’acci- dens du sol de ces contrées , sur laquelle j'ai déjà appelé ci-dessus l'attention du lecteur. Les couches de calcaire jurassique qui constituent les deux parois de la Cluse de Sisteron, se dirigent de l'O. 142 S. à l'E. 14° N., en se relevant, du côté du nord, sous un angle qui, surpassant le plus souvent 80°, XIX. 13 ( 194 ) atteint quelquefois la verticale , et la dépasse même en quelques points. Cette direction est encore à peu près celle des couches calcaires du système du grès vert et de la craie, qui se relèvent de Mallefougasse et de Cruis vers l’arète de la montagne de Lure , et elle se retrouve dans une partie des accidens partiels des crêtes qui se continuent à l’ouest, jusqu’au Ventoux. Toutes ces couches plus ou moins fortement redressées font partie d’un système d’accidens dont la direction générale court à peu près de FO. 10° S. à l'E. 10° N., depuis les masses de gypse situées entre Gigondas et les Baumes de Venise (Vaucluse ) (1) jusqu’à celles de Barles (Basses- Alpes). Ce système d’accidens ne peut s'être produit à une époque plus ancienne que le dépôt des couches ter- tiaires les plus récentes; on en a la preuve matérielle dans la très-forte inclinaison ( de 60 à 80°) des couches de mollasse coquillitre, entre lesquelles on passe en montant de la Baume (à l’est de Malaucene, Vaucluse) vers le Ventoux ; et les observations ci-dessus mention- nées permettent même d’ajouter qu’il s’est produit plus récemment aussi que le dépôt de notre terrain de trans- port ancien. Il est, du reste , évident que ce mème système d’acci- dens remonte à une époque antérieure au passage des torrens diluviens. Il est clair en effet, d’après la dispo- sition des dépôts qu'ils ont laissés , que ces torrens sont venus déboucher par la Cluse de Sisteron , des parois de (1) Je dois la connaissance des accidens curieux que présente la struc- ture du sol à l'extrémité occidentale des dislocations du Ventoux , près de Gigondas, aux bienveillantes communications de M. Gasparin, correspondant de l’Académie royale des Sciences de l'Institut. ( 19 ) laquelle ils ont enlevé des blocs calcaires , et qu'ils ont contribué à élargir. Tant au-dessus qu'au-dessous de Sisteron , ces dépôts s'étendent sur les tranches des cou- ches affectées par le système d’accidens dont je viens de parler, sans cesser de présenter en masse, sinon une exacte horizontalité , du moins une pente légère dans le sens du cours actuel des eaux, telle qu’ils ont dùû la prendre au moment de leur formation. Ainsi, le redres- sement des couches dont nous parlons a eu lieu entre le dépôt du terrain de transport ancien et celui du terrain de transport diluvien , c’est-à-dire, précisément à l’épo- que géologique dont nous nous occupons ; et tou indi- que qu'il en est de mème, comme Je l'ai déjà annoncé, des couches qui , dans toute la Provence, sont redressées à peu près dans le même sens. Le groupe d’accidens dont la date vient d’être déter- minée fait partie d’un système beaucoup plus étendu, qui embrasse toute la contrée dans laquelle nous avons suivi la pente ascendante qu'ont reçu les dépôts récens , depuis les bords de la Méditerranée jusque vers Saint- Vallier et Sisteron. Ces accidens paraissent résulter de grandes fractures qui sont venues traverser le sol de la Provence dans une direction à peu près perpendiculaire à celle dans laquelle sa surface s’est inclinée ; disposition qui indique à elle seule un rapport entre les fractures et l'inclinaison de la surface. Ce rapport d'ensemble se trouve en mème temps établi par la connexion que nous avoñs reconnue ci-dessus entre l’inclinaison générale de la surface et quelques-uns des accidens en question. En effet, comme ceux d’entre ces accidens qui ne rencontrent pas le dépôt de transport ancien affectent du moins pres- (196 ) que tous la mollasse coquillière tertiaire, ikest clair que la plupart ne remontent pas à une époque plus reculée que ce dernier dépôt , et on ne saurait concevoir l’idée que des failles, resserrées dans des limites aussi étroites d'espace et de temps , soient parallèles entre elles sans être contemporaines. De Château-Neuf du Rhône vers le revers nord de la montagne de Poet (1) s'étend , de l'O.-S.-0. à l'E. - N.-E. , une faille par l'effet de laquelle les couches de l’époque du grès vert et de la craïe , ainsi que les cou- ches tertiaires qui se trouvent immédiatement au sud de sa direction , sont à un niveau plus élevé que celles qui se trouvent immédiatement au nord. C’est en grande partie à cette faille qu'est due la forme générale du bassin qui s'étend de Montélimart à Soupierre et à Puy-Saint-Martin , et dans lequel s'élèvent les monti- cules isolés de Puy-Giron et de la Bâtie-Rolland , cou- ronnés chacun par un petit lambeau de mollasse co- quillière. Cette faille est située au nord de la ligne de dislocations dont le Ventoux fait partie, et est à peu près parallèle à ces dislocations , aussi-bien qu’à celles des petites chaînes du Leberon, des Alpines, de Sainte-Victoire, de l'Etoile, de la Sainte-Baume , et à celles qui sillonnent le plateau situé au nord de Draguignan, de Bargemon et de Grasse. Pris dans leur ensemble, ces divers accidens du sol présentent une série d’aspérités allongées , dont les directions , à peu près parallèles les unes aux autres, coupent le méridien sous un angle moyen d'environ 74°. (x) Cartes de Cassini , n9% go et rar. (197 ) En examinant de près l’une quelconque de ces petites chaînes, on voit qu’elle est due, ainsi que je l'ai déjà annoncé , à une faille parallèle à sa longueur. Ces failles ont cela de très-remarquable que, dans le voisinage d’une grande partie d’entre elles ,.le prolongement des couches calcaires de quatre formations différentes, le muschelkalk , le terrain jurassique, le terrain du grès vert et de la craie, et le terrain tertiaire, se présente très-fréquemment à l’état de dolomie. La direction de celle de ces failles, qui donne lieu aux montagnes de la Sainte-Baume, passe dans les montagnes de l’Esterel, et près d'Antibes , à peu de distance de différentes masses de mélaphires, roches avec lesquelles M. Léopold de Buch a montré que les dolomies sont généralement en connexion. Dans le chapitre précédent, après avoir décrit les accidens que présentent les couches tertiaires le long d’une ligne qui, passant un peu au sud de Manosque , court du S. 26° ©. au N. 26° E., j'ai annoncé, t. XVII, P- 398, que cette ligne, dont j'ai indiqué comme les deux jalons extrèmes la petite île de Riou (au sud de Mar- seille) et la butte phonolitique de Hohentwiel (au N.-O. de Constance), joue dans la structure du sol de la Pro- vence un rôle important , sur lequel j'aurais à revenir. C’est ici le lieu d’en parler. On peut en effet remarquer que, parmi les diverses chaînes qui sillonnentle sol de la Provence, del’O.:S.-0. à VE. © N.-E., il n’y en a pas une seule qui coupe la ligne que je viens d'indiquer, quoique plusieurs en appro- chent très-près. La chaîne de l'Etoile , entre Marseille et Aix, pourrait au premier abord paraître faire excep- ( 198 ) tion; mais la discontinuité qui existe entre sa masse principale et la montagne de Garlaban, se manifeste justement à peu près sur le prolongement de la ligne dont nous parlons. La chaîne de la Sainte-Baume , dont les montagnes entre Cassis et Marseille forment l’extré- mité occidentale, la chaîne de Sainte- Victoire et l’arète en forme de toit que présentent les couches du terrain de transport ancien à l’ouest de Mezel, se terminent vers l’ouest à une petite distance de cette ligne, maïs sans la couper. Les montagnes du Leberon et de Lure, et les couches redressées qui courent de Sisteron à En- trepierre et vers Abros, présentent du côté opposé une disposition tout-à-fait analogue. Si cette ligne de dislo- cation n'arrête pas toujours complètement l'influence des rides O. = S.-0.—E. ; N.-E. , elle les empèche tou- ours de se continuer à la même hauteur, et cette ma- nière d'influer sur elles me semble tendre encore à prou- ver que ces mêmes rides se sont formées après la ligne de dislocation $S. 26° O.—N. 26° E., comme nous l’a- vons déjà reconnu, par d’autres moyens. De part et d'autre de cette dernière ligne de disloca- tion , les rides O. ©: S.-0.—E. : N.-E. ne présentent nulle part une exacte correspondance , quoiqu’elles sui- vent toutes en général une direction à peu près sembla- ble. Cette disposition est analogue à celle qui se produi- rait dans une feuille de carton, dans le milieu de laquelle on ferait une inc'sion rectiligne , et qu'on chercherait ensuite à froncer, de manière à ce que les rides produites fussent à peu près perpendiculaires à la direction de l’incision. n e . ») Si maintenant nous suivons, comme nous l'avons (199 ) déjà fait plus haut, notre ligne de dislocation des bords de la Durance, suivant sa direction N. 26° E., jusqu’en Suisse, nous retrouverons un fait entièrement analogue aux précédens , dans la manière dont la ligne de cimes calcaires escarpées à laquelle appartiennent les deux Myten et le Pilate, vient se terminer brusque- ment vers l’ouest, à la vallée de l’Entlebuch. (Voyez la carte jointe à ce Mémoire, PI. 1.) Nous verrons même dans l’intérieur des Alpes une influence semblable se manifester à l’approche de cette même ligne, ou plutôt à l'approche des grands accidens du sol auxquels elle est parallèle. En eflet, la principale crête des Alpes, après s'être étendue avec une continuité et une régularité remarqua- bles, depuis les confins de l'Autriche jusqu’au Saint. Gothard, devient moins distinete à partir de la source du Rhône, par suite de la complication résultant de l’entre-croisement des accidens qui dépendent du sys- tème des Alpes occidentales. Elle s’interrompt à l’ap- proche de la ligne des escarpemens que le massif du mont Rose présente vers l’E.-S.-E., et ne reparaît que divisée en trois branches parallèles sur les flancs du Valais et de la vallée d'Aoste , où elle expire pour ainsi dire en approchant de la ligne des escarpemens E.-S.-E. du Mont-Bjlanc. Toutefois , je ferai remarquer que les deux ordres de pentes ou d’escarpemens indiqués par M. Brochant , le long des vallées de la Tarentaise (1), comme des indices de deux époques de creusement , et les faits encore iné- (x) Observations géologiques sur la Tarentaise, par M. Brochant, Journal des Mines , tome XXIII (1808), p. 333. ( 200 ) dits qui ont conduit M. Chaper à une conclusion ana- logue pour la vallée du Breda (Isère), peuvent s’expli- quer d’une manière très-simple , par un soulèvement en masse des montagnes déjà faconnées de ces dernières contrées. Ces faits, joints à l'élévation extraordinaire. du terrain de transport ancien aux environs de Voiron, deBaternay, de Saint-Vallier, et à celle des terrains ter- tiaires en Auvergne, me semblent, comme je l’ai déjà indiqué , être des traces de la propagation à travers les Alpes occidentales , et jusqu’au milieu de la France , du mouvement de dislocation qui a donné à la chaîne prin- cipale des Alpes son relief actuel. Qui pourrait même à la rigueur assurer que l'élévation si évidemment ré- cente, mais jusqu'à présent si problématique des bancs d’huitres de Saint-Michel-en-l'Herm (Vendée }, si bien décrits par M. Fleuriau de Bellevue (1), ne se lie pas à la même série de phénomènes (2) ? (x) Carte de Cassini, no 133. Voyez la Description des buttes co- quillières de Saint-Michel-en-l'Herm, par M. Fleuriau de Bellevue. Journal des Mines , t. xxxv, p. 426. (2) On est si généralement habitué à considérer comme un tout unique la réunion de montagnes qu’on désigne par le nom unique d'ALPES , qu'on aura peut-être quelque peine à admettre que cette vaste agglomération résulte du croisement de plusieurs systèmes indé- pendans les uns des autres , et distincts à la fois par leur âge et par leur direction. Le fait le plus saillant qui résulte de ce croisement a été reçu dans la science comme un résultat direct d'observation inutile à discu- ter. On a admis que la crête des Alpes forme, à la hauteur du Mont- Blanc, un coude qui a été considéré comme un exemple avéré d’une iuflexion subite et considérable daus la direction d’une chaîne de mon- tagnes. Le changement que je propose dans la manière d’envisager ce fait, est comparable à celui qui s’est introduit dans la manière de con- sidérer les cristaux de Sraurotide où pierre de croix , lorsqu'on eut ( 20€ ) Par suite de la disposition croisée des deux systèmes qui concourent principalement à la formation des Alpes, reconnu les lois si simples suivant lesquelles se groupent les cristaux. Il me semble que les Alpes réduites, comme j’essaie de le faire , à leurs élémens constitutifs, rentreraient de même dans certaines lois, qui semblent se déduire de l’observation d’autres groupes de montagnes, plus simples à quelques égards. Le changement que je propose me semble d’autant plus essentiel , que de là dépend réellement l’importance qu’on peut attacher aux inductions de contemporanéité déduites de la direction des chainons de montagnes. Je ne saurais donc trop multiplier les moyens d’investi- gation auxquels on peut soumettre la question de savoir si réellement le système de la chaîne principale des Alpes pénètre, sans s’infléchir, le système des Alpes occidentales. Parmi tant de phénomènes curieux qui semblent se rattacher à la dislocation du sol qui a donné à la chaîne principale des Alpes son relief actuel , un des plus remarquables peut-être consiste dans les irré- gularités reconnues dans les longueurs des degrés de latitude qui vien- nent aboutir à son pied. De toutes les irrégularités de ce genre consta- tées jusqu'ici, la plus considérable, et en même temps une des plus certaines , est celle que présente , en traversant les plaines du Piémont, le méridien du Mont-Rose, qui est eu même temps à peu près celui d’Andrate , de Turin et de Mondovi. L’arc mesuré d’Andrate à Mon- dovi, une première fois en 1762-1764, par le P. Beccaria, et une seconde fois en 1822, par MM. Plana et Carlini, présente, sur une longueur totale de 126,394m,60 , l'énorme excédant de longueur de 1487%,10 , d’où il suit , en d’autres termes , que l’amplitude géodési- que d’Andrate à Mondovi surpasse l'amplitude astronomique de 47”,84, ce qui constitue, comme le font remarquer MM. Plana et Carlini (Opérations géodésiques et astronomiques pour la mesure d'un arc du parallèle moyen, t. XI, chap. 8, p. 347), un fait des plus remar- quables. Cet excès de la distance effective des observatoires d’Andrate et de Mondovi, sur celle qu’on pourrait conclure de la différence qui existe entre leurs latitudes astronomiques , parait résulter de ce que la verticale d’Andiate se dévie, en cédant à une attraction exercée par le Mont-Rose , de manière à reporter le zénith d’Andrate de 28”,1 vers le sud, tandis que la verticale de Mondovi éprouvant de la part des ( 202 ) il est pour ainsi dire reçu que ces montagnes forment un coude à la hauteur du Mont-Blanc, et qu'après s'être Alpes maritimes une action diamétralement opposée , le ‘zénith se trouve transporté vers le nord de 19”,34. Cette action des montagnes sur le fil à plomb n’est probablement pas due en totalité à la portion de leurs masses qui s’élève au-dessus de l’ho- rizon : il est beaucoup plus vraisemblable qu’elle dérive en partie d’irré- gularités dans la structure intérieure du globe , qui peut-être sont elles- mêmes en rapport ayec les mouvemens intestins qui ont donné lieu. à l'élévation des montagnes. MM. Plana et Carlini, parlant de l’anomalie constatée par la mesure de l’arc de méridien , de Mondovi à Andrale, remarquent (t. IL, chap. 8, p. 847) que « si les causes extérieures pou- « vaient suflire pour expliquer cette espèce de perturbation dans la direc- « tion du fil à plomb, il faudrait l’attribuer, du côté du sud , à la chaîne « des Alpes maritimes, et, du côté du nord, à la chaîne des Alpes groïen- nes ; mais il est possible aussi que ce singulier phénomène soit pro- « duit en grande partie par une irrégularité dans la densité des couches « terrestres. Les données nécessaires pour séparer ces deux effets man- « quent. Si l’on était disposé à vouloir considérer la masse des mon- « Lagnes comme cause prépondérante, on serait aussitôt arrêté, en « comparant la latitude géodésique de Parme, déduite en partant de « Milan, avec la latitude géodésique qui y fut observée. Ici l’on trouve « une différence de 20,4 ; et cependant ces deux villes sont situées au « milieu d'uve plaine, à une distance telle des montagnes , qui ne per- « met guère de regarder l’attraction de leur masse extérieure comme « capable de produire un effet aussi considérable, Au reste , le principe « de l’analogie , et le résultat de plusieurs autres observations, concou- « rent à faire croire que les anomalies que l’on vient de citer ne sont « pas purement locales. Il est probable que la cause qui les produit s’é- « tend à toute la Péninsule , et même à toute l’Europe, en se modi- « fiant différemment. » Turin étant placé plus près d’Andrate que de Mondovi, et action exercée par le Mont-Rose étant d’ailleurs la plus forte, comme le prouve la comparaison des déviations du fil à plomb aux deux stations extrè- mes , le zénith de Turin se trouve légèrement déplacé dans le même sens que celui d’Andrate , c’est-à-dire vers le sud , et la latitude astro- nomique de Turin se trouve par suite plus faible de 87,1 que celle { 203 ) dirigées depuis l'Autriche jusqu’en Valais , suivant une 8 P Jusq ; direction peu éloignée de l'E. : N.-E. à l'O. : S.-0O. qu’on peut déduire des opérationes géodésiques qui lient observatoire de Turin à d’autres observato res qui ne sont pas soumis à de pareilles influences. L'observatoire du Mont-Cenis , placé à peu de distance du méridien du Mont-Blanc, a lui-même son zénith déplacé, vers le sud, d’une quantité un peu plus grande que celui de Turin : 8°,5. Les observatoires de Milan, de Vérone, de Padoue, de Venise, situés à des distances variables du pied sud de la chaîne principale des Alpes , ont aussi leur zénith déplacé, vers le sud , de quantités plus ou moins grandes. Au contraire, les observatoires de Vienne et de Munich, situés du côté nord de la même chaîne, ont leur zénith déplacé vers le nord, par suite sans doute d’une influence du même genre qui dévie de même le pied de la verticale, vers la base de la chaîne située au sud des deux stations. La même action se manifeste d’une manière analogue à Ins- pruck. À Genève, où la déviation est encore dans le même sens, elle se trouve être très-faible, par suite peut-être de l’action du Jura, dont une des principales cimes, la Dôle , est située presque exactement au nord. Cette influence d’une chaîne différente des Alpes se mani- feste d’une manière bien plus sensible à Wells , entre Vienne et Munich. Le zénith de Wells se trouve fortement déplacé vers le sud ; mais aussi cette ville se trouve au pied sud du Bœhmerwald-Gebirge, qui agit sur sa verticale précisément comme les Alpes maritimes sur la verticale de Mondovi. D’après cet ensemble de résultats, il semble déjà permis d’assurer que si des chaînes de triangles venaient à étre établies du sud au nord, par dessus la crête de la chaîne principale des Alpes, de manière à lier directement les plaines de la Lombardie avec celles de l'Autriche et de la Bavière , elles dévoileraient dans les degrés de latitude un raccourcissement anomal , indice d’une courbure trop rapide de tous Les méridiens qui se trouvent à cheval sur les Alpes. Ces anomalies sont comparables à celles qui , sauf quelques incerti- tudes qui subsistent encore dans les latitudes astronomiques de certains points dela méridienne de France, ont paru se manifester dans les résultats de la mesure de l'arc de Carcassonne à Evaux, qui se trouve lui-même à cheval sur le prolongement mathématique de la chaîne prän- ( 204 ) Elles tournent rapidement pour se rapprocher de la ligne N.-N.-E.—$.-S.-0. Les Alpes voisines du Mont-Blanc, cipale des Alpes, en même temps qu’il passe dans le voisinage de dépôts tertiaires , relevés vers le sud, comme ceux de la Bavière, jusqu’à une hauteur extraordinaire. Il est sans doute à remarquer que, dans ce même intervalle , la méridienne passe à côté des masses volcaniques du Cantal et du mont Dore; mais, d’après les observations faites jusqu’à ce Jour et consignées dans l'ouvrage intitulé: Base du système métrique, les anomalies existantes en Auvergne seraient plus grandes que celles que présente l’arc du même méridien , qui se trouve à cheval sur les Pyrénées, et par conséquent hors de proportion avec les petites mon- tagnes du centre de la France, comparées à celles du Roussillon et de la Catalogne. Il y a d’autant plus à parier, ce me semble , que de nouvelles observations astronomiques ne parviendront pas à faire disparaître cette partie des anomalies que présente l’opération de la méridienne de France, que les déviations du fil à plomb, en Auvergne, se lieraient à la hauteur extraordinaire qu’y atteignent les dépôts tertiaires sans se disloquer, à peu près comme les déviations dans la direction du fil à plomb , observées à Gênes, à Pise, à Florence, à Parme, à Rimini, et en quelques autres points de la même contrée , semblent se lier à la hauteur extraordinaire que les terraius tertiaires atteignent dans le voisinage, sans cesser d’être à peu près horizontaux. Après avoir discuté la réalité de l’anomalie indiquée dans la longueur des degrés de latitude en Auvergne, on pourrait encore se demander si ce phénomène ne serait pas indépendant du phénomène analogue qui se présente dans les Alpes. Le meilleur moyen de résoudre cette difficulté serait de voir ce qui a lieu sur un méridien intermédiaire , par exemple sur celui de Lyon ; de comparer entre elles, si elles étaient rigoureuse- ment connues , Les latitudes astronomiques et géodésiques de deux points de ce méridien qui correspondissent à peu près à Carcassonne et à Évaux ; celles, par exemple, d'Arles et de Chälons-sur-Saône: mais, à défaut de cette comparaison , on peut être porté , par des considérations d’un autre genre, à présumer que les solutions définitives des deux questions ci-dessus seront aflirmatives, et que les deux phénomènes rentréront dans un même phénomène général, commun aux méridiens d’une grande partie de l’Europe. En effet, M. Biot , dans son Mémoire sur la figure de la terre , inséré ( 205 ) du Mont-Rose, du Finsteraarhorn, sont le nœud de deux systèmes qui se rencontrent sous un angle de 45° dans les Mémoires de l’Académie des Sciences , t.8, p. 1°*, remarque, p- 19, que les irrégularités observées dans le décroissément de la lon- gueur du pendule à secondes , sur le méridien de Paris, de Dunkerque à Formentera sont en rapport avec celles que les degrés du méridien présentent dans le même arc. D’où résulte d’abord , ce me semble , une grande probabilité que les anomalies des degrés ne disparaîtront pas par suite d’observatiuns astronomiques qu’on puisse complètement garantir. De plus , la variation de la longueur du pendule à secondes de Paris à Toulon suit une loi comprise dans celle des variations qu’il éprouve de Dunkerque à Formentera , ce qui semble bien indiquer que, sur les méridiens intermédiaires entre celui de Paris et celui de Toulon, et, par exemple, sur celui de Lyon; la variation des degrés suivrait à peu près la loi que l'observation a indiquée sur le méridien de Paris lui- même , ainsi qu'on aurait peut-être pu l’inférer aussi de la similitude des dérangemens qu'ont subis, sous les parties correspondantes des méridiens de Lyon et de Paris , les dépôts de sédiment les plus récens. M. Biot, parlant des inégalités qui existent entre les longueurs ob- seryées du pendule et celles qui correspondraient à un aplatissement elliptique régulier , dit, page 8, qu’elles se montrent avectrop de con- tinuité et dans une proportion trop énergique pour qu’on puisse les attribuer à des attractions purement locales accidentelles, ou pour qu’on doive les confondre avec les erreurs des observations. Il résulte, en eflet , de l’ensemble des comparaisons que renferme son Mémoire , que ces inégalités ne sont pas particulières au méridien de Paris, et que, sur les méridiens compris entre celui de Bordeaux et celui de Fiume, les varialions de la longueur du pendule à secondes suivent des lois différentes au nord etau sud du 45e parallèle ; ce qui, d’après les positions des lieux d’observation , revient à peu près à dire que la loi de ces variations change aux points où les méridiens sont coupés par la ligne de direction de la chaîne principale des Alpes. Ce résultat , comme celui des observations géodésiques, conduirait à supposer que les méridiens qui passent entre Fiume et Bordeaux se composent tous de deux parties en quelque sorte discontinues , qui se joindraient lune à l’autre au point où ces mêmes méridiens se trouvent ( 206 ) à 5o°; et, d’après cela, on ne doit pas s'étonner que leur structure paraisse embrouillée , lorsqu'on la com- à cheval , soit sur la chaine principale des Alpes , soit sur son prolonge- ment à travers la France. On pourra trouver , sans doute , que ce qu’il y a encore d’incertain dans les résultats d’une partie des observations astronomiques desquelles nous sommes partis , et ce qu'il y a de conjectural dans quelques-unes des considérations par lesquelles nous ayons passé est plus que suffisant pour empêcher d’attribuer une grande valeur aux rapprochemens que je viens d'indiquer. On doit toutefois remarquer, ce me semble, que ce serait un hasard assez étrange que celui qui aurait disposé les inégalités des degrés et du pendule de manière à ce que, sans tirer aucune con- séquence forcée des résultats actuellement publiés, on puisse croire qu’on voit déjà se dégager du milieu des incertitudes dont une partie d'entre eux, pris individuellement, se trouvent environnés, une nou- velle manifestation de l'influence qu’a exercée jusqu’au milieu de la France la cause du redressement des couches de la chaîne principale des Alpes, et par suite un nouveau moyen de reconnaître que cette cause a prolongé son action en ligne droite à travers le système des Alpes occidentales. En discutant toutes les irrégularités qui résultent des déviations qu’éprouve la direction du fil à-plomb dans le voisinage des Alpes, on ne peut s'empêcher d’être frappé de la circonstance qu’elles sont plus fortes et moins inconstantes sur les versans italiens que sur ceux qui regardent l’Allemagne, la Suisse et la Savoie. C’est aussi sur ces ver- sans que viennent principalement au jour les mélaphires et les serpen- tines , ‘et ce rapprochement semble favorable à l'hypothèse qui regarde ces roches comme les agens du soulèvement des chaînes dont elles font partie. Les irrégularités qui me paraissent se trouver plus particulièrement en rapport avec la bande des serpentines et avec le système des Alpes occidentales (Voyez la carte pl. 2.) sont celles qui ont été constatées par les opérations géodésiques et astronomiques pour la mesure d’un arc du parallèle moyen exécutées en Piémont et en Savoie par une commission composée d'officiers de l’état major général et d’astronomes piémontais et autrichiens en 1821, 1822, 1823. MM. Carlini et Plana établissent , dans leur 2° volume, chap, 7 , une ( 207 ) pare à celle d’une chaine d’un seul jet, comme les Pyrénées. S'il n’y avait là qu’une inflexion pure et simple dans une chaîne de montagnes unique, qui vint seulement à s'arquer, on verrait peu à peu la direction des couches s’infléchir, pour passer de la direction N. 70° E, qui domine vers le Saint-Gothard, à la direction N. 26°E., qui domine vers le Moni-Blanc et en decà : il en est tout autrement. Les deux chaînes de montagnes qui s’éten- dent de part et d'autre du Valais, jusqu’à la hauteur de Martigny, courent exactement dans la direction des principaux accidens du sol du Saint-Gothard et de la chaine principale des Alpes, jusqu’en Autriche, et, dans ces deux mêmes chaînes de montagues , on observe un grand nombre d’actidens de stratification , et plu- sieurs vallées du second ordre, qui courent dans la di- rection du système des Alpes occidentales. Je pourrais comparaison entre les arcs mesurés de Milan à Turin, de Turin au Mont-Cénis, du Mont-Cénis au Mont-Colombier (près de Seyssel, département de l'Ain) et du Mont-Colombier au Puy d'Usson (près d’Issoire, département du Puy-de-Dôme }; et il résulte de cette compa- raison que les deux arcs extrêmes Milan —Turin et Colombier— Usson sont relativement plus longs que les ares intermédiaires et contigus Turin — Mont-Cénis et Mont-Cénis — Colombier. Or, il est à remar- quer que l’arc Turin — Colombier, qui est composé de la soînme des deux derniers , et qui, considéré dans son ensemble , se trouve présen- ter une courbure trop rapide , est, pour ainsi dire , à cheval sur le sys- tème des Alpes occidentales , et coupe perpendiculairement la ligne de direction tirée de Marseille à Zurich , ligne qui , comme je l’ai montré dans le 3° chapitre de ce Mémoire , peut être considérée comme repré- sentant la direction qui domine dans les Alpes occidentales , ét qui peut même être regardée comme étant de son côté un des axes principaux du continent européen. ( 208 ) ester à cet égard plusieurs vallées du bas Valais , et par- ticulièrement celles de Bagnes , d'Entremont et de Fer- ret , où cette direction de la stratification à été observée par M. de Charpentier, qui me l’a fait remarquer dès 1822, tant sur le terrain que sur les cartes géologiques qu'il avait dès-lors commencé à dresser. Ainsi, les deux directions, loin de passer l’une à l’autre , se coupent et se pénètrent mutuellement sous des angles de 45 à 5o°, et ce phénomène s’observe sur une grande étendue, puisque la direction. N. 26° E., qui domine dans les Alpes occidentales, est encore à peu près celle des lacs de la Lombardie et de la haute vallée de l’Inn. (Voyez la carte, PI. 11.) Cette disposition des principaux accidens de la struc- ture de la vaste réunion de montagnes qu’on appelle les Alpes, est en rapport avec celle des accidens minéralogi- ques les plus remarquables qu’on y observe, et n’en est probablement qu’une conséquence. La crête des Alpes orientales et centrales, qui court des confins de l’Au- triche vers le Breuner et le Saint-Gothard , est parallèle à la bande de mélaphires ei de dolomies qui , d’après les mémorables observations de M. Léopold de Buch, s’é- tend entre le faîte de la chaîne et les plaines de l'Italie septentrionale, depuis Bleyberg en Carinthie jusqu'à Lugano et à Baveno , sur les bords des lacs de la Lom- bardie. Plus à l’ouest, cette bande semble s’arrèter à l'approche de celle des serpentines (voyez la carte, PI. 17), à moins cependant qu'on ne voie une trace de sa prolongation dans les gypses et les dolomies avec tre- molite de Cogne. La ligne moins fortement dessinée des gypses, des ( 209 ) dolomies et des gîtes de cristaux du Saint-Gothard (1), accompagne en Valais (Binn, Tourtemagne, Pfynn) les crêtes moins étendues , parallèles à la direction dont nous nous occupons , ét ne finit guère que là où cette direction s’efface complètement , au milieu des accidens du sol dépendans du système des Alpes occidentales. En considérant avec attention la situation de masses dont tous les traits principaux se coordonnent à la direc- tion des Alpes occidentales, on pourrait encoreremarquer que les cîmes collossales du Mont-Blanc, du Mont-Rose, de l’Ortler, s’alignent comme d’énormes jalons , suivant une direction parallèle à celle de la chaîne principale des Alpes et de la bande subalpine des mélaphires et des dolo- mies. Cette disposition remarquable pourrait faire présu- mer que les trois massifs proéminens queje viens de citer doivent leur saillie, au-dessus de tout ce qui les envi- ronne , à un surcroît de hauteur qu'ils auraient acquis au moment où la chaîne principale des Alpes { du Valais en Autriche )a pris son relief actuel. Mais l'examen de cette question spéciale m’entraîne- rait dans de trop longs détails (2}; je me hâte de reve- (1) Voyez la belle carte géologique du Saint-Gothard, par M. Lardy. Lausanne, 1829. (2) En poursuivant à travers la Lorraine les traces de la dislocation qui a donné à la Côte-d’Or son relief actuel, nous avons vu le prolon- gement de sa direction marqué par des protubérances de roches an- ciennes , qui s’élevaient cà et là comme des espèces de jalons géologiques (voyez chap, Ier, t. XVIII, p. 11). Les masses proéminentes du Mont- Blanc, du Mont-Rose , de l’Ortler, en s’alignant sur une même ligne droite , parallèle à la direction de la chaîne principale des Alpes et à la bande des mélaphires et des dolomies , présentent un nouvel exemple du même genre de disposition. La chaîne principale des Alpes pourrait, dans une révolution future , XIX. 14 ( 210 ) nir au rapprochement que j'ai pour. but d'établir entre la chaine principale des Alpes et les chaînes qui , à une devenir en grande partie sous-marine sans que ces trois cimes colossa- les cessassent de marquer au-dessus des flots la direction de ses couches et de ses accidens minéralogiques. Cette disposition est d’autant plus remarqueble et d'autant plus propre à faire sentir l'importance des ali- gnemens , qu'abstraction faite du surcroît de hauteur qui les détache de ce qui les enyironne , les traits individuels de ces hautes montagnes, ou du moins ceux du Mont-Blanc et du Mont-Rose, les lient intimement au système des Alpes occidentales. On trouve réunis en elles les signes caractéristiques des deux systèmes, à peu près comme dans les îles Ponces;, qui chacune en particulier s’allongent du nord au sud , et qui s’alignent entre elles de PO.:N.-0. à l'E.-S.-E., on trouve réunis les traits distinctifs du système des îles de Corse et de Sardaigne et du sys- tème pyrénéo-apennin. Dans le langage populaire de la ville de Lyon, d’où on apercoit le Mont-Blanc dans uve direction presque transversale par rapport à la direction des Alpes occidentales , on l’appelle souveut le chameau ou le dromadaire. Cette figure familière n’est pas dénuée de toute justesse. Le massif de'roches primitives, dont la cime du Mont-Blanc forme le point cui- minant, s'élève au-dessus du niveau général de toutes les crêtes voi- sines, à peu près comme la bosse du dromadaire au-dessus du reste de l'animal ; et, de même que cette bosse s’allonge dans le sens du dos, de même ‘aussi le massif du Mont-Blanc s’allonge dans la direction des dos de montagnes qui suivent et qui dessinent la direction dominante des Alpes occidentales. Une remarque du même genre pourrait s'appli- quer au massif du Mont-Rose. Ces deux bosses sont réunies l’une à Vaulre par une crête qui rencontre leurs directions sous un angle de 45°, et qui est comparable à un joug placé obliquement entreclles. La hauteur proéminente des deux bosses au-dessus de tout ce qui les entoure semble étroitement liée à l’existence de cette même irête de jonction. Celle- ci, qui, est l’une des plus hautes et des plus continues des Alpes, court entre le Valais et la vallée d’Aoste daus une direction parallèle à celle de la ligne de dolomies,, de gypses et de gîtes de cristaux de Pfynn, Tourtemagne, Binn, Airolo, à celle de la chaîne principale des Alpes (du Valais en Autriche), et enfin à celle de la: bande des mélaphires et des EL, ha { 211 ) époque géologique déjà déterminée , sont venues sillon - ner la Provence dans une direction parallèle à la sienne. Considérées sous un point de vue général, les crêtes de la Sainte-Paume , de Sainte-Victoire, du Leberon, du Ventoux , de la montagne de Poet, la crête principale des Alpes , qui court du Valais vers l'Autriche, la crète moins haute et moins étendue qui comprend en Suisse le mont Pilate et les deux Myten, etc., sont différens chainons de montagnes, qui, malgré leur inégalité, sont comparables entre eux, à cause de leur parallélisme et des rapports analogues qu'ils présentent avec les acci- dens des Alpes occidentales , représentés par la ligne tracée par diverses dislocations, de l'ile de Riou à Hohentwiel. Le parallélisme, l'asalogie de rapports dont je viens de parler, me sembleraient à elles seules de fortes raisons de croire que tous ces chaïînons de montagnes ont pris naissance en même temps, et ne sont que diflérentes parties d’un même tout d’un sys- tème de fractures unique, opéré en un moment. On pourrait tout au plus concevoir l'idée de les diviser en deux groupes, celui de la Provence et celui des dolomies ( de Baveno à Bleyberg) (voyez la carte, PI. 11). Le Mont- Blanc , le Mont-Rose et l’Ortler, qui s’aligne avec eux, pourraient donc bien devoir leur saillie, au-dessus de tout ce qui les entoure, à un nouveau mouvement que leurs masses auraient éprouvé au moment de la dislocation qui a donné à la chaîne principale des Alpes son relief actuel. Si on admettait une supposition du même genre pour cette partie des montagnes de l'Oisans qui se trouve disposée à peu près en forme de cratère de soulèvement à l’entour du hameau de la Berarde, on ex- pliquerait de la manière la plus simple comment aucun galet des gra- nites de l'Oïsans n’a été entraîné dans le grand lac qui s’étendait de Manosque à Mezel, a (12129) Alpes; mais nous avons vu que les crêtes et les fail- les dont nous avons parlé en Provence, et au nombre desquelles se trouve la faille qui , partant du pied de la montagne de Poet , vient traverser le Rhône à Château- Neuf du Rhône, sont étroitement liées à la pente géné- rale qu’a contractée la surface du sol de la contrée, après la formation du terrain de transport ancien , et avant le passage des courans diluviens ; nous avons vu que cette pente n’est qu’un des effets du mouvement qui s’est fait sentir dans le sol de la vallée du Rhône à cette mème époque, et qui a fait naître deux inclinaisons opposées, l'une vers le nord, l’autre vers le sud , dont la rencontre a lieu à la hauteur de Saint-Vallier; or, la ligne de faite de Saint-Vallier se trouvant exactement dans la prolongation de la ligne de mélaphires qui dessine le pied méridional de la chaîne principale des Alpes, on voit qu'il ne s’agit pas d’un simple parallélisme entre des directions éloignées, mais que deux des accidens principaux des deux groupes dont on vient de parler sont précisément dans le prolongement l’un de l’autre; comment donc pourrait-on croire que ces deux groupes soient distincts par leurs dates ? Il est évident que l'un et l’autre font partie d’un même ensemble, dont la date se trouve complétement déterminée par les seules obser- vations faites dans les vallées de la Durance et du Rhône, La question de d'époque à laquelle a eu lieu la der- nière des révolutions qui ont contribué à donner sa forme actuelle à l’agglomération de montagnes qu’on appelle les Alpes, se trouve d’ailleurs déjà réduite dans d’étroi- tes limites : on peut même dire que l'opinion admise à cet égard par les géologues qui se sont le plus occupés C3) des phénomènes particuliers à ces montagnes, conduit déjà par une autre voie à la solution que je viens d’in- diquer. Il serait véritablement à peu près superflu d’éta- blir la date géologique de cette dernière dislocation sur des considérations de la nature de celles qui précèdent s’il ne régnait encore quelque incertitude (1) sur la manière (x) Les effets des courans diluviens sont beaucoup mieux connus que leur origine. On ne doit pas perdre de vue qu’au moment de la convul- sion qui a donné son relief actuel à la chaine principale des Alpes ( du Valais en Autriche), la contrée au milieu de laquelle elle parut, présen- tait déjà de très-hautes montagnes, puisque le système des Alpes occi- dentales existait depuis long-temps, et n’était baigné, au moins dans une grande partie de ses contours , que par les eaux de quelques lacs d’eau douce, élevés eux-mêmes au-dessus des mers d’une quantité plus ou moins grande. Les neiges dont ces hautes montagnes ne pouvaient manquer d’être couvertes , ont dù être fondues en un instant par les gaz auxquels est attribuée l’origine des dolomies et des gypses , et les eaux provenant de leur fusion ont sans doute concouru, et peut-être pour beaucoup, à la production des courans diluviens des Alpes. Les Alpes scandinaves donneraient lieu à une remarque du même genre. La chaîne des Pyrénées au contraire, si remarquable par la sim- plicité, et, si l’on peut s’exprimer ainsi, par l'unité dé sa structure, semble s’être élevée en une seule fois du milieu de dépôts horizontaux , et, selon toute probabilité , du fond même des mers où s'étaient formés les derniers d’entr’eux; aussi ne présente-t-elle pas, au moins sous une forme bien marquante, le phénomène des grandes pierres transpor- tées. M. de Charpentier ne l’y mentionne pas; MM. Dufrenoy et de Billy m'ont assuré ne l’y avoir jamais remarqué. Le témoignage d’aussi habiles observateurs me fait supposer que les blocs du pic du midi d’'Ossau , remarqués par Palassou , sont un phénomène purement local, et probablement l’effet d’un éboulement. Tout porte à croire que le phénomène des grandes pierres trauspor- tées n'existait pas non plus dans les Alpes occidentales avant le redres- sement des couches de la chaîne principale des Alpes. Si la cause que j'ai indiquée précédemment a eu une grande part à La ( 214 ) dont a été produite la dispersion des blocs alpins: les explications de ce phénomène , qui regardent le trans- port des bloes comme ayant coïncidé avec le dernier bouléversement des Alpes, étant sans contredit les plus vraisemblables. En effet, il est d’abord certain que le soulèvement de la chaîne principale des Alpes a eu lieu après le dépôt des terrains tertiaires subapennins (1). On à de ce fait le production des courans diluviens, le célèbre torrent de la vallée de la Bagnes, produit par la rupture subite de la digue de glace qui retenait un très-petit lac, a dù en présenter, quoique en petit , une image assez fidèle, et d’habiles observateurs ont en effet été frappés de l’analogie des eflets qu’il a produits avec ceux des courans diluviens. On peut encore déduire de ce qui précède que , si les Pyrénées ont commencé à se couvrir de neige pendant le dépôt de l'argile plastique et du calcaire grossier, cette neige n’a été fondue subitement dans au- cune des révolutions de la surface du globe qui sont arrivées depuis lors. On ne pourrait peut-être pas dire que les Vosges aient de même élé préservées, depuis leur dernière convulsion , de fontes de neige instantanées. On y observe en divers points quelque chose d’analogue au phénomène des blocs transportés. Si on objectait à ce qui précède que le peu de permanence de la neige et de la glace les fait sortir du domaine de la géologie, je rappellerais que les glaces voismes de embouchure des fleuves Lena et Viloui n’ont pas fondu depuis le redressement des couches de la chaîne principale des Alpes , époque à laquelle ont cessé de vivre les espèces d’Eléphans et de Rhinocéros, dont un certain nombre d'individus se sont conservés dans ces glaces , avec leur poil, leur peau, et leur chair encore man geable, L'état de conservation presque parfait de ces énormes cadavres serait une raison de présumer gue la catastrophe qui les a transportés jusqu’à leur position actuelle , 2 eu lieu pendant l'hiver de notre hémi- sphère boréal , ce qui supposerait beaucoup plus de force encore à la cause dont j'ai essayé de faire admettre au moins le concours dans la production des torrens diluviens des Alpes, (1) Vovez le Mémoire de M. Léopold de Büch , intitulé : Ueber die ( 15 ) mème génre de preuves que pour le Ventoux, t'est-à- dire, que les dépôts tertiaires les plus récens sont re- verbreitung grosser Alpengeschiebe, Annaleu der Phisick und Che- mie, par M. Poggendorf, t. IX, p. 575 (année 1827). M. de Buch dit, p. 587 : « Depuis cinq ou six ans j'ai cherché à mon- « trer par la liaison d’une grande quantité de faits réunis dans un « grand nombre de montagnes très diverses , que toutes les chaînes de « montagnes ont été élevées par le porphyre pyroxénique ( mélaphire) « et par des fluides gazeux très-variés, agissant en même temps que « lui sur des fentes produites par rupture, comparables à celles qui ont « recu les filons, feutes qui déterminaient l'extension des chaînes de « montagnes. Ces fentes puissantes se sont ouvertes à travers les cou- « ches super-incumbentes du système secondaire qui, par l’action de « Ja force qui produisait les fentes , a été repoussé sur les côtés, et. en « même temps élevé d’une manière très-frappante et même considéra- « blement changé dans sa nature. Les fluides gazeux ne traversaient pas « seulement les couches de roches primitives qu'ils élévaient de Pinte - « rieur én hautes montagnes et en chaînes , mais ils traversaient aussi « les roches fendues du voisinage, et ils les remplissaient de métaux « et de beaucoup de substances qui paraissent ne s’être oxidées que « depuis qu’elles sont sorties. Cette apparition et cette élévation des « chaînes de montagnes primitives ne peuvent avoir eu lieu qu'après le « dépôt des formations qu'on nomme tertiaires, car celles-ci sont aussi « élevées , fendues et altérées: Toutes les vallées des pays de montagnes « résultent des fentes latérales des couches qui étaient élevées, et qui « par suite étaient étendues sur une surface plus grande qu'elles n’au- « aient pu embrasser sans se rompre. Ainsi, elles sont contempo- « raines de l'élévation des montagnes primitives : tout a pris naissance À én même temps. » Voyez aussi le Mémoire dé M. dé Buch, joint à sa carte gologique du terrain entre le lac d’Orta et éélui de Lugaño, Ænn.-des Sc. nat., t XVII, p. 258, ét, relativement aux observations de M. de Buch citées plus haut, consultez particulièrement sa lettre à M. de Humboldt, renfermant le tableau géologique de la partie méridionale da Tyrol (Ann. de Chimie et de Physique, t. XXI, p. 276), et son Mémoire sur quélqués phénomènes géognostiques que présente la position rela- tive du porphyre et des calcaires dans les environs du lac de Lugano (Ann, des Sc, nat. ,t. X ,p. 195). ( 216 ) dressés comme les autres à l'approche de cette chaîne (1). De plus, les géologues qui se sont occupés, de la manière la plus approfondie , du transport des blocs de roches alpines loin de leur gisement originaire, ont con- sidéré ce phénomène, ainsi que je l’ai déjà indiqué, comme ayant été lié à celui du soulèvement de la chaîne. Ces blocs étant répandus sur les dépôts ter- tiaires aussi-bien que sur les terrains plus anciens, ils admettaient par là même que le soulèvement avait eu lieu après le dépôt des terrains tertiaires (2) ; et, comme nous avons vu ces blocs répandus de même en abon- dance sur la surface du terrain de transport ancien , on voit que, dans la même manière de raisonner, on est obligé de supposer que le soulèvement a eu lieu après le dépôt du terrain de transport ancien lui-même. Si donc, en travaillant à établir que les couches des Alpes ont subi plusieurs redressemens à des époques et dans des directions diverses , je me suis écarté de l’opi- nion des géologues qui se sont occupés de ces questions, j'ai du moins la saisfaction de ne pas me trouver en contradiction avec eux quant à la date à laquelle la chaîne principale, dirigée du Valais en Autriche, a pris son relief actuel, puisque je suis conduit à admettre que (1) Voyez les ouvrages déjà cités de MM. Boué et Keferstein , et le Mémoire de M. Murchison , intitulé : On the relations of the tertiary and secondary rocks forming the southern flank of the Tyrolese Alps near Bassano , Philosophical magazine and Annals, juin 1829. {2) M. Deluc, dans le post-scriptum du Mémoire déjà cité, dit positivement : « Il résulterait aussi de là que les montagnes primitives « des Aipes, avec les formes et la hauteur que nous leur voyons, ne « seraient pas aussi anciennes qu’on l’imagine ordinairement , qu’elles « seraient même postérieures à la formatiéh des couches de mollasse. » (217) : cet événement a eu lieu, pour cette chaîne comme Je le prouve directement pour le Ventoux , le Leberon , la Sainte-Baume, etc., au moment même où les torrens diluviens ont exercé leurs ravages. J'ajonte seulement qu'avant ce moment, avant le passage de ces torrens, un terrain de transport ancien , dont on ne s'était pas encore occupé , était déjà venu recouvrir la surface des terrains tertiaires, antérieurement disloqués eux-mêmes dans une autre direction. Une série d'observations assez diverses dans leur na- ture, mais concordantes daus leur résultat , vient de nous conduire à rapporter à une mème époque de dislocation une série de crêtes qui s'étendent parallèlement les unes aux autres dans la partie de l'Europe dont la structure est la plus compliquée. On doit d’abord remarquer que cette nouvelle application ajoute encore à la force des inductions de contemporanéité tirées de la direction pa- rallèle des chainons de montagnes. Indépendamment de la grande extension que ces in- ductions nous ont porté à attribuer aux systèmes de mon- tagnes dont nous nous sommes précédemment occupés , il serait en soi-même assez singulier que la cause, quelle qu’elle soit, qui a produit sur la surface du globe un accident aussi considérable que la chaîne principale des Alpes ; ait limité son action dans un espace compa- rativement aussi restreint , et nous n'avons surtout aucun motif pour présumer que cette action ail été précisément circonscrite dans le champ qui s’est trouvé le plus acces- ( 218 ) | sible aux recherches des géologues de l’Europe centrale. Il est donc naturel d'examiner si, en nous éloignant des montagnes dont la constitution nous est plus où moins complètement connue , pour nous diriger vers d’autres dont nous ne connaissons que la position et les traits les plus généraux de forme et quelquefois de composition , nous ne pourrions pas suivre de proche en proche la pro- longation du groupe que nous venons d'étudier. En effet, si l’on considère d’abord un globe terrestre et qu'on suive ensuite sur des cartes plus développées les détails de sa configuration , on peut remarquer que les arêtes du mont Pilate (en Suisse), de la chaîne princi- pale des Alpes, du Ventoux, du Leberon, de la Sainte- Baume , etc., font partie d’un vaste ensemble de cha- nons de montagnes qui, répandus à l’entour de la Médi- terranée, et se prolongeant à une grande distance à travers le continent asiatique, semblent se lier à la fois les uns aux autres par leur parallélisme et par la simi- litude de leurs rapports avec les cours d’eau actuels et avec les grandes dépressions du sol remplies par les eaux des mers ou peu élevées au-dessus de leur surface. D'après les observations que M. Cambessèdes a eu la complaisance de me communiquer, tout annonce que, dans l’île de Majorque, la direction de la stratification est à peu près réprésentée par une ligne tirée le long de la côte N.-0., du cap Formenton au cap Lebèche, ligne qui passe très-près des plus hautes sommités. Cette ligne serait en même temps à peu près parallèle à celle qui terminerait l’Archipel des Baléares du côté du S.-E., en passant au sud des îles de Minorque, de Majorque et d’Iviza , le plus près possible des îlots de (219 ) Ayre, de Cabrera et de Formentera , et qui irait joindre le cap Palos près Carthagène, sur la côte d'Espagne. On peut dire que la moyenne des deux directions très- voisines que je viens d'indiquer, représente celle qui domine dans les Baléares, et que cette direction est sensiblement parallèle à celle des accidens du sol, qui forment aujourd’hui les traits les plus caractéristiques du littoral de la Méditerranée, entre Gênes et l’embou- chure du Rhône. En eflet, des parallèles à ces direc- tions , tirées à travers la Provence, seraient comprises entre les directions légèrement obliques entre elles, dont on est obligé de prendre la moyenne pour avoir ce qu’on peut appeler la direction générale des -accidens qui la traversent de l'E. + N.-E. à l'O.: S. O. Aïnsi, comme je l'ai indiqué ailleurs (1), la chaîne des Baléares parait ne différer de celles de la Provence , auxquelles elle ressemble par sa composition minéralogique , que pare qu'elle est en partie sous-marine. La direction dont je viens de parler domine, comme Va fait voir M. Bory de Saint-Vincent, dans une grande partie de l'Espagne et du Portugal. Les hautes montagnes du royaume de Grenade présentent un grand nombre de chainons et de vallées qui courent dans la direction, et presque dans le prolongement des îles Baléares, Cette mème direction se reproduit dans la Sierra -Morena , dans les montagnes de Tolède et de Guadarama, et dans plusieurs parties des vallées de la Guadiana , du Tage et du Duero. La Notice lue à la Société de Gœttingue par M. le professeur Haussmann, à son retour du voyage (x) Note sur la Constitution géologique des îles Baléares, Ænnales des Sciencee naturelles ,t, X , p. 423. (L 20) qu'il a fait en Espagne en 1829 , ne laisse aucun doute sur le parallélisme des principaux accidens du sol de la Péninsule, et sur le contraste de leur direction avec celle des Pyrénées. Dans le nord de l'Afrique, le sol de la Barbarie pré- sente plusieurs séries d’accidens qui se croisent dans dif- férentes directions , dont l’une , comme je lai déjà in- diqué plus haut, est parallèle à celle du système pyrénéo- apennin , et dont une autre ne s'éloigne que légèrement de la direction des Alpes occidentales. Au milieu de ces divers accidens , les chaînons de montagnes les plus éle- vées , ceux qui se coordonnent le plus directement à la direction des vallées longitudinales et des côtes de la mer, et auxquels s'appliquent spécialement les noms de petit et de grand Atlas, courent dans des directions très- sensiblement parallèles à celle qui domine dans les îles Baléares et en Espagne , et à celle des différens chaînons de montagnes qui traversent la basse Provence, de l'O. ; S.-O.à l'E. : N.-E. Si on pouvait prolonger vers l’'E.-N.-E., par une suite de jalons, la direction de celle des branches de l’Atlas qui vient mourir au nord de Tunis, elle traverserait la Sicile à peu de distance de sa côte septentrionale, et à très-peu près suivant l’axe de la chaîne qui s'étend du val Mazzara vers Messine. Plus loin elle traverserait la Calabre parallèlement à beaucoup d’accidens du sol du royaume de Naples , tels que la chaîne calcaire qui , de l'ile de Caprée et du cap della Campanella, se dirige vers l’E.-N.-E. Cette même ligne passerait au nord de la Grèce parallèlement au rivage septentrional de la mer de l’Archipel, à la chaîne du Balkan et à quelques-uns ( 221 ) ’ des chaînons de montagnes de la Transylvanie. Elle tra- verserait ensuite l’Asie-Mineure dans une direction paral- lèle à la direction générale de ses côtes septentrionales et méridionales , et à celle de la plupart des chaînons de montagnes et des vallées longitudinales qui sillonnent son sol dans toute son étendue; direction qui tranche si nettement avec celle des chaînes de la Grèce, qui forment le rivage opposé à la mer de l’Archipel , mais qui se retrouve dans la partie orientale de l’île de Candie. La direction dominante des accidens du sol de l’Asie- Mineure semble être principalement déterminée par celle de la chaîne du Taurus, qui borde la côte de la Mé- diterranée , et ensuite les déserts de ia Syrie et les plaines de l'Euphrate , depuis les côtes qui font face à l’ile de Rhodes jusque dans le Kurdistan , et qui est parallèle à la chaîne centrale porphyrique et la plus élevée du Cau- case (1), dont la direction est bien distincte de celle (1) Voyez, sur la carte de M. Klaproth, la disposition de cette chaîne, qui se prolonge de l'O. à VE. à travers la vaste réunion de mon- tagnes souvent dirigées dans le sens des Pyrénées, qui composent le vaste massif du Caucase, dont on sait que l’Elburz, qui s’élève sur cette crête si distincte, est la cime la plus haute. M. Kupfer, dans la lettre qu'il a écrite à M. Arago, à la suite de son ascension sur l’Elburz ou l’Elbroutz, en juillet 1829 , donne une idée de l'aspect que présente la chaîne centrale du Caucase, observée d’une station haute de 14,000 pieds. Cette chaîne centrale est entière- ment formée de porphyre. Figurez-vous un plateau de 8 à 10,000 pieds d’élévation , allongé dans la direction de l’est à l’ouest , déchiré dans tous les sens par des vallées étroites et profondes, traversé au milieu , et selon sa longueur, par une crête de rochers escarpés qui présentent un aspect pittoresque, et dont les sommets sont couverts d’une neige éternelle ; formez sur cette crête, à peu près à moitié de sa longueur, une excavation très-large et peu profonde, dont le milieu soit occupé par un cône qu'on croirait entièrement composé de neige si lon ne ( 298 ) de beaucoup de rameaux qui s'y rattachent, tels que celui qui court sur la côte de la mer Noire , au nord-est de l’Abasie. Les diverses chaînes parallèles entre celles de l'Asie- Mineure et celles du Paropamissus de lIndou-kosh et de l’'Hymâlaya , forment, d’après les cartes les plus récen- tes , une série de grands chaînons tous à peu près paral- lèles à la direction de l'Atlas, supposée prolongée par une suite de jalons. Il existe un rapport de disposition difficile à méconnai- tre entre la situation de l’Hymälaya au nord des plaines du Gange et celle de la chaîne principale des Alpes au nord des plaines du P6. Les cours d’eau qui s’échappent de l’une ou l’autre chaîne de montagnes s’infléchissent de la même manière dans la contrée basse qui la borde pour tomber les unes dans le Gange comme les autres dans le P6 ; ce qui semble indiquer que la première plaine doit être, comme la seconde , formée par une vaste al- luvion descendue des montagnes voisines. Le système géologique de la presqu’ile occidentale de l'Inde s'élève, au midi des plaines du Bengale , à peu près comme celui des Apeñnins au midi des plaines de la Lombardie; et on pourrait, par suite de cet ensemble de rapports, re- marquer des analogies de situation géographique et commerciale entre Milan et Dehly, entre Venise et Cal- cutta , entre Ancône et Madras, entre Gênes et Bombay. Les rapports que je signale deviendraient plus frappans encore, si le cours de l’Indus, étant barré par des mon- voyait par-ci par-là paraître à uu le roc qu’elle recouvre: c’est PEI- broutz, dont la hauteur surpasse de 3 à 4,000 pieds celle de toutes les montagues environnantes. ( 225 ) tagnes comparables en position à celles qui vont de Gênes au col de Tende, les eaux de ce fleuve et celles de la rivière Setlej et de ses autres affluens étaient obligées de franchir le seuil peu élevé qui les sépare de la grande vallée du Gange. Toutefois, pour compléter la similitude , il faudrait retrouver au pied sud de PHy- mâlaya, des lacs comparables à ceux de la Lombardie. Mais si les lacs manquent, les traits de ressemblance qu'ils dévoileraient ne manquent pas entièrement. Les lacs de la Lombardie remplissent des dépressions paral- lèles à la direction des Alpes occidentales, coupée sous un angle de 45° à 50° par celle de la chaîne principale des Alpes ; et M. de Humboldt a depuis long-temps com- paré l'angle que présentent la direction de l'Hymâlaya et celle du Belour-Tagh, qui se trouve plus au nord dans Ja Fartarie, à l'angle qué présentent nos Alpes à la hauteur du Mont-Blanc (1). On voit donc que certaines considérations accessoires viennent déjà se joindre à l’irduction tirée de la confor- (1) Voyez les Mémoires de M. de Humboldt sur les montagnes de l’inde, Annales de Chimie et de Physique, t. NL, p. 297, et t. XIV, p. 5. | Quand on cousidère sur un globe les directions des principales iné- galités de la terre, on pourrait être porté à croire que le Belour-Tagh , les accidens qui semblent en prolonger la direction dans les déserts de la Perse à l’ouest de l’Indus, et la chaîne des monts Lupata, qui borde la côte d'Afrique du cap Guardafui au cap de Bonne-Espérance , paral- lèlement au canal de Mozambique et à l'ile de Madagascar, forment un système unique et comparable à ceux dont nous nous sommes occupés. Ce système, s’il correspond réellement à une époque unique et dis- tincte, ne saurait être d’une date très-ancienne, si l’on s’en rapporte à la liaison remarquable qu’il présente avec la distribution encore sub- sistante des contineus et des mers. ( 224 ) mité de direction pour faire regarder PHymälaya et la chaîne principale des Alpes (du Valais en Autriche) comme étant deux élémens d'un vaste système de sillons saillans qui se seraient produits dans l'écorce minérale du globe terrestre au moment où se sont redressées les couches du terrain de transport ancien des environs de Mezel (Basses-Alpes ), et avant le passage des courans qui ont laissé tant de traces de leur action dans la plu- part des vallées des Alpes, et particulièrement dans celles de la Durance, de l'Isère et du Rhône. CONCLUSION. Vouloir attribuer à des modifications lentes et progres- sives la totalité des changemens qui sont survenus sur la surface du globe , méconnaître les traces des révolutions subites qui sont venues presque périodiquement renou- veler l’état de cette surface , ce serait supprimer un des traits les plus importans et les plus frappans à la fois de son histoire. Tout semble de plus en plus conduire à diviser les faits que les terrains de sédiment présentent à notre observation , en deux classes distinctes ; l’une com- prenant les faits relatifs à la marche tranquille ei pro- gressive qu'a suivie l'accumulation de chacun des dépôts de sédiment, et l’autre renfermant les faits relatifs aux interruptions subites qui ont établi des lignes de démar- cation entre les divers dépôts consécutifs. Après avoir fait, pour ainsi dire, la part des phénomènes violens et passagers , on aperçoit plus facilement l’analogie que pa- raissént avoir présenté , avec les phénomènes de la pé- (2459 riode actuelle (1), ceux qui se sont répétés sur la surface du globe pendant les différentes périodes de tranquillité qui s’y sont succédées. La cause des phénomènes passagers que je viens de rap- peler n’est entrée pour rien dans l’objet de mon travail actuel : les questions que je me suis proposé de résoudre n'étaient que des questions d’époques et de coïncidences de dates. Les résultats auxquels je suis parvenu , relati- vement aux époques auxquelles plusieurs systèmes de montagnes ont recu les traits printipaux de leur forme actuelle , sont absolument indépendans de toute hypo- thèse relative à la manière dont ils ont recu cette forme. En admettant mes résultats, on resterait libre, à la ri- gueur, de choisir entre l'hypothèse de Deluc, qui expli- quait le redressement des couches par l’affaissement d’uue partie de l'écorce du globe , et l’hypothèse géné- ralement admise par les plus célèbres géologues de notre époque, et qui consiste à supposer que les couches secondaires qu'on trouve redressées dans les chaînes de montagnes , l'ont été par le soulèvement des masses de roches primitives, qui constituent généralement leur axe central et leurs principales sommités. IT me semble, du reste, que la ressemblance mutuelle des diflérens systèmes qu’on parvient à former en grou- (x) Mentionner cette analogie, c’est rappeler aux géologues les im- portans travaux qui l’ont mise pleinement en lumière , et particulière- ment ceux de M. C. Prévost ( voyez , dans le tome IV des Mémoires de la Soc. d’'Hist. nat. de Paris , la Dissertation de M. C. Prévost sur cette question : Les continens actuels ont-ils été à plusieurs reprises submergés par la mer ?), et les travaux plus récens de M, Lyell, dont l’ouvrage, encore inédit , est cependant déjà en partie connu eu France par les communications amicales de l’auteur. xx 15 ( 226 ) pant les chaînes de montagnes d’après les dates de leur apparition , se trouve plus particulièrement en rapport avec la similitude de structure des chaînes de montagnes comparées entre elles , qui est devenue si frappante par les savantes re cherches de M. Léopold de Buch. Les résultats auxquels je suis parvenu , sur la coïnci- dence de l'apparition de certains systèmes de montagnes avec les révolutions successives de la surface du globe et avec le renouvellement presque périodique de la popu- lation animale et végétale de chaque contrée, s’éloignent à la vérité de la supposition que toutes les chaines de montagnes se seraient élevées en mème temps; mais ces mèmes résultats n’ont rien de contraire à la partie de cette supposition qui se déduit, je crois, le plus directe- ment d'observations posilives ; savoir que chaque chaînon de montagnes, convenablement circonscrit, présente, malgré la diversité des roches qui peuvent entrer dans sa composition , un tout unique qui a pris son relief ac- tuel en un moment, et, pour ainsi dire, d’un seul coup. ; D'un autre côté, mes résultats s’éloignent aussi et peut-être plus encore de la supposition d’un nombre presque illimité de soulèvemens partiels arrivés à des époques réparties sans règle fixe dans toute la durée des périodes géologiques : supposition qui semblerait entrai- ner l’idée d’un défaut complet d'ensemble dans les directions des couches redressées; mais , en montrant que des systèmes de montagnes de dates et de directions diverses se coupent et se pénètrent mutuellement , mes résultats semblent expliquer comment on a souvent occa- sion d'observer, dans une contrée très-circonscrite, et, 227 ) pour ainsi dire, dans un même point, des traces de plusieurs soulèvemens, et comment on à pu par suite être conduit à croire que le nombre des phénomènes de ce genre aurait été beaucoup plus considérable qu'il n’a été en réalité. Peut-être la manière de grouper les faits, à laquelle j'ai été conduit, finira-t-elle par paraître s’accorder également bien avec ce qui, dans les deux manières de voir opposées que je viens de rappeler, dérive le plus directement de l’observation (r). Si on recherche ce que peuvent avoir de commun les montagnes dans lesquelles on reconnaît que les couches ont été redressées à une même époque, on ne trouve pas toujours ce lien commun dans une nature parti- culière des roches non stratifiées, qui peuvent en former les noyaux; mais on est bientôt conduit à remarquer une certaine constance dans la direction des couches redres- sées, et dans celle des crêtes que ces couches consti- (1) Je n'aurai sans doute accompli que très-imparfaitement le désir que j'avais en commençant , d'appuyer les idées que j’expose dans ce Mémoire par la citation de tous les passages dans lesquels différens auteurs ont dit plus ou moins explicitement que telle ou telle montagne, telle ou telle chaîne s’est soulevée avant ou après telle ou telle époque géologique. Le temps m’a manqué pour achever les recherches que com- portait cette tâche ; mais, pour mettre le lecteur sur la voie d’y sup- pléer, je crois devoir rappeler ici l’énumération d'auteurs qui se trouve daus les dernières pages da Mémoire ‘déjà cité de M. Boué, imprimé dans le Zeitschrift de M. Leonhardt (juillet 1827, page 125). On trouvera en outre plusieurs indications de passages, et même de faits de ce genre , dans les nombreux articles insérés par M. Boué dans le Bulletin de M. de Férussac. On peut aussi consulter à cet égard le Mémoire de M. Desnoyers, imprimé dans les Annales des Sciences naturelles , tome XVI , p. 1791 et 4o2, et les citations nombreuses et istructives dont il est accompagné. ( 228 ) tuent, et on se trouve ainsi ramené au mode de distine- tion que M. Léopold de Buch a depuis long-temps établi, comme je l’ai rappelé en commençant , entre les diffé- rentes montagnes de l'Allemagne. Le nombre limité, la distinction tranchée de ces di- rections, la propriété qu’elles ont de se croiser sans se confondre , sont importantes à remarquer , en ce que, abstraction faite de toute autre considération, elles s’ac- cordent mieux avec l’idée que chaque système de mon- tagnes, caractérisé par une certaine direction, a été pro- duit d’un seul jet entre deux périodes de tranquillité, qu'avec celle d’une série presque indéfinie de soulève- mens partiels qui se seraient succédés pendant toute la durée des temps auxquels remontent les observations géologiques. C’est en quelque sorte un garant d’exactitude pour mes recherches de- voir leurs résultats se rattacher à un fait aussi important et aussi connu que celui de la con- stance de la direction des couches dans de grandes éten- dues de pays, et de la variation subite de cette direction d'une contrée à une autre , et ne pas emprunter d’autre intermédiaire pour se lier aux traits les mieux dessinés des formes de nos continens. La forme des continens dépend, en effet , d’une ma- nière évidente, de celle des chaînes de montagnes qui les traversent. L'Europe, quelque compliquée que soit sa structure , comparée à celle d’autres grandes contrées, en offre un exemple frappant. Sa forme générale est celle d’une pointe qui s’avance dans les mers, du N.-E. au S.-O, depuis l’Oural ei le Caucase jusqu'aux côtes occi- dentales et méridionales du Portugal et de l'Espagne. (29) sv Il est vrai que , pour des rapports de ce genre, la li- mite fournie par une coupure aussi étroite et aussi acci- dentelle que le détroit de Gibraltar, a quelque chose d’as- sez précaire ; mais on doit remarquer que la disposition angulaire dont il s’agit se présente d’une manière encore plus marquée peut-être, lorsque, comprenant avec l'Europe les contrées montueuses de l’empire de Maroc et de la Barbarie, on substitue comme limite à la Médi- terranée cette vaste mer de sable qui, sous le nom de grand désert de Sahara, va se lier aux déserts de l'Arabie et de la Perse, et par eux aux plaines basses du haut Indus et du Bengale. La plupart des systèmes de montagnes que nous avons considérés dans cette extrémité occidentale du grand massif asiatique, courent , sinon du N.-E. au S.-0O., du moins vers des points de l’horizon compris entre l'O. etle S., et plus ou moins rapprochés de la direction h. 3—4 de la boussole de Freyberg , qui , comme M. de Humboldt la remarqué dès 1792, est la moyenne des directions les plus fréquentes en Europe. La ligne N.-E.—S.-0O., qui partagerait en deux parties égales l'angle formé par les deux côtés de cette pointe , est pa- rallèle à la direction du système de l’Erzgebirge, de la Côte-d'Or et du Pilas, et divise aussi en deux parties à peu près égales l’angle formé par les directions du sys- tème des Alpes occidentales et du système de la chaîne principale des Alpes , systèmes les plus récens de l’Eu- rope , et qui sont, pour ainsi dire , les deux axes prin- cipaux auxquels se lient les traits les plus saillans de sa forme. La direction des Pyrénées , à laquelle se rat- tachent les principales dentelures des côtes de la Médi- ( 230 ) terranée, forme l’anomalie la plus considérable qu'on puisse signaler dans cette disposition. Cette anomalie ne pouvait échapper aux vastes et profondes recherches auxquelles M. de Humboldt s’est livré depuis la pre- mière émission des idées qu'il avait d’abord rattachées à l'expression de loxodromisme des formations, idées dont la poursuite a contribué, comme il nous l’apprend lui-même, à l’attirer, 1l y a trente ans, vers les régions équinoxiales du nouveau continent. Plus d’une fois cet illustre voyageur a eu la bonté de me faire remarquer cette différence de direction , aussi-bien que celle qui existe entre la direction des Alleghanys et celle des Andes, et la dissemblance que présentent les parties méridionales de cette dernière chaîne et les montagnes du Brésil. Ainsi , les idées qui se rattachent aux directions des couches et des montagnes, de même que celles qui déri- vent de la distinction rigoureuse des populations dont les débris sont enfouis dans les sédimens successifs, sont depuis un grand nombre d'années en possession de fixer l'attention des esprits les plus éminens , et j'espère que ce motif servira d’excuse pour le nombre des détails souvent minutieux que jai cru nécessaire d’accumuler, en essayant de présenter quelques vues sur une liaison long-temps inaperçue entre des objets qui en eux-mêmes seraient de beaucoup au-dessus de mes forces. Si le résultat général de mon travail était exact (et il pourrait l'être encore quand même un examen plus approfondi viendrait à changer quelques-uns des résul- tats partiels de l’ensemble desquels il me paraît se déduire), on pourrait exprimer brièvement , en disant ( 231 ) que l’INDÉPENDANGE DES FORMATIONS (1) de sédiment est une conséquence et une preuve de l’INDÉPENDANCE DEs SYSTÈMES DE MONTAGNES DIVERSEMENT DIRIGÉS. Je crois inutile de récapituler, autrement que par la table des matières qui terminera ce Mémoite, les révo- lutions de la surface du globe dont je me suis occupé, et les systèmes de montagnes avec lesquels j'ai cru les trouver en rapport. Quand mème les recherches dirigées vers ce but au- raient été poursuivies pendant long-temps, il serait difli- cile que le nombre des connexions de ce genre qu’on aurait reconnues présentàt quelque chose de fixe et de dé- finitif. Outre les quatre coïncidences auxquelles j’ai con- sacré les quatre chapitres de ce Mémoire, j'en ai ensuite indiqué d’autres dans les notes qui y sont ajoutées ; et ces premiers résultats , s’ils sont exacts, ne seront peut-être encore que la moindre partie de ceux qu'on peut pré- voir lorsqu'on considère combien d’autres interruptions présente la série des dépôts de sédiment, et combien d’autres systèmes de montagnes hérissent la surface du globe. Plusieurs indications d'interruption dans la série des dépôts de sédiment , ne sont peut-être si peu marquées , dans les parties connues de l’Europe , que parce que les systèmes de montagnes auxquels elles correspondent n’y envoient aucune ramification considérable. (r) Cette expression , non moins heureuse que celle d’horizon géo- gnostique, a été de même introduite dans notre langue par M. de Humboldt. ( Voyez, dans le Dictionnaire des Sciences natarelles, l’aiticle INDÉPENDANCE DES FORMATIONS , réimprimé sous le titre d’Æs- sai gévgnostique sur Le gisement des roches dans les deux hémi- \ LPS sphères, } ( 252) L'apparition d’une chaine de montagnes , qui, à en juger par quelques-uns des résultats que j'ai cités, a produit dans les contrées voisines des effets si violens ; à pu au contraire n'influer sur des contrées 1rès-loin- taines que par l'agitation qu’elle a causée dans les eaux de la mer, et par un dérangement plus où moins grand dans leur niveau ; événemens comparables à l’inonda- tion subite et passagère, dont on retrouve l'indication à une date presque uniforme dans les archives de tous les peuples (1). Mais si le nombre des révolutions de la surface du globe et des systèmes de montagnes réellement distinets est encore indéterminé, si la série formée par ces termes successifs n’est encore que très-imparfaitement connue , les observations déjà faites circonscrivent pourtant déjà entre certaines limites la loi qui, lorsqu'ils seront tous complètement connus, pourra se manifester dans leur succession. Par cela seul que la hauteur actuelle du Mont- Blanc ei du Mont-Rose ne date que des dernières révo- lutions de la surface du globe, il est visible que, quelle que soit la place définitive que viendront occuper dans la mème série d’autres montagnes plus hautes encore, cette série ne prendra jamais cette forme longuement et régu- lièrement décroissante , qui conduirait directement à (x) Si cet événement historique n’était autre chose que la dernière des révolutions de la surface du globe, on serait natureliement con- duit à demander quelle est la chaîne de montagnes dont l'apparition remonte à la même date, et peut-être serait-ce le cas de remarquer que la chaîne des Andes, dont les soupiraux volcaniques sont encore géné- ralement en activité, forme le trait le plus étendu, le plus tranché , et pour ainsi dire le moins effacé de la configuration extérieure actuelle du globe terrestre. (26371 conclure que la limite est atteinte, et que des phénomènes dont les derniers paroxysmes ont produit de tels effets ne se renouvelleront plus. Quelque provisoire que soit la succession de termes qui résulte de ce Mémoire, il est diflicile d’y prévoir une modification qui change son aspect au point de porter à supposer que l'écorce minérale du globe terrestre ait perdu la propriété de se rider successivement en diflérens sens, et de permettre d'assurer que la période de tranquillité dans laquelle nous vivons ne sera pas troublée à son tour par l’appa- rition d’un nouveau système de montagnes , effet d’une nouvelle dislocation du sol que nous habitons , et dont les tremblemens de terre nous avertissent assez que les fondemens ne sont pas inébranlables. On peut d'autant moins donner cette assurance , que rien n'indique que les systèmes de montagnes les plus récens le cèdent plus aux autres én étendue et en régu- larité qu’en hauteur. Suivis aussi loin que possible par tous les moyens d'observation et d’induction qui se sont présentés à nous , tous ont également paru se composer d'un ceriain nombre de chaînons rangés parallèlement à une demi-circonférence de la surface du globe. En exa- minant ces divers systèmes les uns après les autres, abstraction faite des détails , on croirait voir autant d’ap- plications différentes d’une même formule dans laquelle on ferait varier à la fois le temps et la direction , autant d'effets distincts d’un même phénomène naturel succes- sivement répété. Si jamais une étude prolongée, après avoir suivi ce grand phénomène dans tous ses résultats, venait à faire connaître d’une manière complète et rigoureuse les rap- ports d'âge qui paraissent exister entre les étages succes- (234) sifs des terrains de sédiment et les différentes chaînes de montagnes qui sillonnent la surface du globe dans des directions si diverses , il resterait sans doute encore à faire le calcul des temps écoulés pour qu’on püt se flatter d’avoir rempli le vœu exprimé par Buffon, il y a cin- quante ans (1), de « fixer quelques points dans l’im- « mensité de l’espace, et de placer un certain nombre « de pierres numéraires sur la route éternelle du « temps: » mais du moins on serait à même de donner un cadre assez simple à la table des matières d’une partie de la géologie. La table suivante expliquera mon idée, en même temps qu'elle permettra de retrouver plus aisément, dans cinq Numéros successifs des Anna- les , les objets dont je me suis occupé. On sentira aisé- ment combien il serait facile de mettre cette table en rapport avec un tableau général des formations de sédi- ment , analogue à celui qui a été publié récemment par M. de la Bèêche. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES OU INDIQUÉES DANS CE MÉMOIRE. ConsrDÉrATIONS PRÉLIMINAIRES. ‘T. XVIII, p. 5 1) Révolution de la surface du globe qui est arri- vée entre le dépôt des couches appelées exclusi- vement de transition et le dépôt de la série houillère (Old-red-sandstone, mountain limes- tone, coal measures). Le redressement des couches de quelques parties des Vosges , de {1) Epoques dela nature, p. 1. ( 2861} quelques-unes des collines du Bocage (Calva- dos ), et de certaines parties de l’Angileterre , a eu lieu dans cette révolution. (Note (1).) Tome XVIII, page 313 2) Révolution de la surface du globe qui est arri- vée entre la période du dépôt de la série houil- lère et la période du dépôt du grès rouge des Vosges. — Le redressement des couches du sys- ième des Pays-Bas a eu lieu dans cette révolu- ion. { Note.) 313 3) Révolution de la surface du globe qui est arri- vée entre la période du dépôt du grès rouge des Vosges et la période du dépôt du grès bigarré , du muschelkalk et des marnes irisées. Les failles qui ont donné naïssance à la falaise orientale des Vosges , et aux autres traits distinctifs du système du Rhin, se sont produites dans cette révolution. ( Note. ) 312 4) Révolution de la surface du globe qui est arri- (1) La plupart des notes dont ce Mémoire est accompagné ont été ajoutées depuis l’époqne où MM. Brouguiart, Brochant et Beudant en ont rendu compte à l’Académie, et le corps du Mémoire a recu lui- même depuis lors de nombreuses additions qu’il n'a pas été possible de distinguer. Le Rapport de M. Brongniart a été imprimé dans les Annales de Chimie et de Physique, tome XLIT, page 284 (novembre 1 829): ( 236) vée entre la période du dépôt du grès bigarré , du muschelkalk et des marnes irisées , et la période du dépôt du terrain jurassique (lias et calcaire oolithique). == Le redressement des couches d’un système de montagnes dont font partie les côtes S.-O. de la Bretagne, la Vendée, le Morvan , et probablement aussi le Thürin- gerwald et le Bœmerwald-Gebirbe, a eu lieu dans cette révolution. (Note.) T.XVIIH,p. 31: 5) Révolution de la surface du globe qui est arri- vée entre la période du dépôt du calcaire juras- sique et celle du dépôt du grès vert et de la craie. Le redressement des couches d’un sys- tème de montagnes qui comprend l’Erzgebirge, la Côte-d'Or et le mont Pilas , a eu lieu dans cette révolution. ( Chap. I.) 9 Côte-d'Or. II Erzgebirge. 15 Mont Pilas. 16 Vallées longitudinales du Jura. 18 Côte septentrionale de la Bretagne, et Coten- tin. (Note.) Sa2 ( C’est principalement en combinant les résultats des im- portantes observations faites en Ecosse par MM. Murchison et Sedgwick avec la considération de la direction qui domine dans les Highlands, que j'ai eru pouvoir, dans la Planche 1ü, rapprocher les montagnes du nord de la Grande-Bretagne du système qui a pris son relief actuel entre le dépôt du sys- tème jurassique et celui du système crayeux. ) ( 237 ) 6) Révolution de la surface du globe qui est arri- vée entre la période du dépôt de la craie et la période du dépôt des terrains tertiaires. — Le redressement des couches d’un système de mon- tagnes qui comprend les Pyrénées et les Apen- ins, a eu lieu dans cette révolution. (Chap. Il.) T. XVII, p. Pyrénées. Provence. Apennins. Dalmatie. Grèce. Carpathes. Harz. Dénudation du Bas-Boulonnais et des Wealds de Kent , de Sussex et de Surrey. Conjectures sur les Gates. — sur les Alleghanys. 7) Révolution de la surface du globe qui est arri- vée entre le commencement et la fin des dépôts tertiaires. — Le redressement des couches d’un système de montagnes qui comprend les îles de Corse et de Sardaigne, le Liban (?), l'Ou- ral (??), etc. , a eu lieu dans cette révolution. (Note. ) 8) Révolution de la surface du globe qui est arri- 284 286 288 297 302 305 306 310 312 319 320 306 ( 238 ) vée entre la période du dépôt des terrains ter- tiaires et la péricde du dépôt des terrains qu’on appelle d’atterrissement , de transport ou d’al- luvion. — Le redressement des couches de la partie occidentale des Alpes (de Marseille à Zurich)a eu lieu dans cette révolution. (Ch. IIL.) T. XVII, p. Faits observés en Dauphiné et en Savoie. — en Provence. — en Suisse. Conjectures sur les Alpes scandinaves. — sur les montagnes du N.-O. de l'Afrique. — sur la Cordilière littorale du Brésil. 9) Révolution de la surface du globe qui est arri- vée pendant la durée du dépôt des terrains qu'on appelle d’atterrissement , de transport ou d’alluvion. — Le redressement des couches : d'un sysième de montagnes qui comprend les chaînes du Ventoux, du Leberon et de la Sainte- Baume (en Provence), et la chaîne principale des Alpes (du Valais en Autriche), a eu lieu dans cette révolution (Chap. IV.) T. XIX. 6 I. Description du terrain d’atterrissement Île plus ancien des vallées de l'Isère, du Rhône, de la Saône et de la Durance. Preuve qu'il a été déposé depuis le redressement des couches se- condaires et tertiaires de la partie occidentale des Alpes. 326 327 373 400 406 zx 415 ( 239 ) $ IL. Description du second terrain de transport des vallées de la Durance, du Rhône et de l’I- sère { Diluvium de quelques géologues ). T. XIX, p. STE. Mise en rapport de la discontinuité qui existe entre les deux terrains de transport des vallées de l'Isère , du Rhône , de la Saône et de la Du- rance, avec le redressement des couches d’un système de montagnes dont font partie les chaî- nes du Ventoux, du Leberon, de l'Étoile et de la Sainte-Baume (en Provence), et la chaine principale des Alpes (du Valais en Autriche ). Mouvement général du sol, dont on reconnaît les traces dans les vallées de la Saône , du Rhône et de la Durance, et dans une partie considé- rable de la France. Dislocation des couches du terrain de transport ancien près de Mezel (Basses-Alpes ). — Mont Ventoux et autres petites chaînes de la Provence. — Chaîne du Pilate et des deux Myten en Suisse. — Chaîne principale des Alpes. — Son influence sur les résultats des opérations géodésiques. (Note. ) Incertitude de la cause des phénomènes diluviens. (Note. ) Conjectures relatives aux îles Baléares et à l’Es- pagne. — à l’Atlas, à la Sicile, au Balkan, à la Tran- sylvanie. go i ( 240 ) Conjectures relatives à l’Asie-Mineure , au Tau- rus , à la chaîne centrale porphyrique du Cau- case. T. XIX, p. 221 — à l’'Hymâlaya. 16. 10) Déluge historique. — Apparition de la Cor- dilière des Andes ?? (Note. ) 232 Conciuston. 294 (Il m'a semblé que l’ensemble des résultats réunis dans cette table des matières deviendrait plus facile à saisir, si on en donnait une sorte de récapitulation graphique. C’est ce que j'ai essayé de faire dans la Planche ITZ, intitulée : FssAr D'UNE COORDINATION DES AGES RELATIFS DE CERTAINS DÉPÔTS DE SÉDIMENT ET DE CERTAINS SYSTÈMES DE MON- TAGNES, AYANT CHACUN LEUR DIRECTION. On y « figuré tous les systèmes de montagnes dont je me suis occupé, tant ceux qui forment l'objet de chapitres spéciaux , que ceux qui ne sont encore indiqués que dans des notes. Ils sont placés de gauche à droite, dans l’ordre des dates de leur apparition , et cet ordre est justifié dans le dessin méme par l'indication des formations dont les couches sont sujettes à se trouver, sur les pentes de chaque système, redressées ou horiontales.) Nore sur un Charanson de l'Ile-de-France ; Par M. Dessarnins. M. Desjardins, croyant celte espèce nouvelle, nous en a envoyé la description ; mais l’examen que nous en avons fait nous a montré que c'était le Curculio striga de Fabricius, qui appartient au genre Menætius de M. Schœnherr (Catal. de M. Dejean, p. 94 ) ; on le sa- vait de l'Ile-de-France, mais on ne connaissait rien de ses habitudes. M. Desjardins , qui l’a observé , nous ap- prend qu'il a été trouvé, au mois de décembre , en très- grande quantité, dans les forèts du quartier de Flacq, sur les tiges des arbrisseaux qui y croissent. Lorsqu'on veut le prendre, il se blottit et se cache derrière les feuilles ; mais il ne se laisse pas tomber à terre, comme le font un grand nombre d'espèces de cette famille. Cafi) Cowsipérarions sur les Mollusques, et en particulier sur les Céphalopodes ; Par M. le baron Cuvrer. ( Lues à l’Académie royale des Sciences, février 1830. ) Les Mollusques , en général , maïs plus particulière- ment les Céphalopodes , ont une organisation plus riche, et où l’on retrouve plus de viscères analogues à ceux des classes supérieures que dans les autres animaux sans vertèbres. Ils ont un cerveau , souvent des yeux qui, dans les Céphalopodes , sont plus compliqués encore que dans aucun Vertébré ; quelquefois des oreilles; des glandes salivaires ; des estomacs multipliés ; un foie très- considérable , de la bile; une circulation complette , et double ; pourvue d’oreillettes, de ventricules, en un mot de puissances d’impulsion très-vigoureuses ; des bran- chies; des organes mâles et femelles très-compliqués , et d’où sortent des œufs dans lesquels le fœtus et ses moyens d'alimentation sont disposés comme dans beau- coup de Vertébrés. Ces différens faits résultaient déjà des observations de Rédi, de Swammerdam, de Monro et de Scarpa , ob- servations que j'ai fort étendues, appuyées de prépara- tions nombreuses et dont Je me suis prévalu , il y a main- tenant trente - cinq ans ; pour établir que des animaux aussi richement pourvus d'organes ne pouvaient pas être confondus , comme ils l’étaient avant moi , avec les Po- lypes et autres Zoophytes dans une seule classe , mais XIX, — Mars 1830. 16 ( 242) qu'ils devaient en être distingués et reportés à un plus haut degré de l'échelle , idée qui me paraît aujourd’hui adoptée d’une manière ou d’une autre par l’universalité es naturalistes. Cependant je me suis bien gardé de dire que cette or- ganisation , approchant, pour l'abondance et la diversité de ses parties ; de celle des animaux vertébrés , fût com- posée de même, ni arrangée sur le même plan; aucontraire, j'ai toujours soutenu que le plan qui jusqu’à un certain point est commun aux Vertébrés, ne se continue pas chez les Mollusques ; et, quant à la composition, je n’ai jamais admis que l’on püt raisonnablement la dire une, même en ne la prenant que dans une seule classe , à plus forte raison dans des classes diflérentes. Tout nouvellement encore , dans le premier volume de mon Histoire des Poissons , j'ai exprimé mon sentiment à ce sujet, sans doute avec le ton modéré que les sciences réclament et avec la politesse qui appartient à tout homme bien élevé, mais cependant d’une manière assez claire, assez positive, pour que personne n'ait pu s’y méprendre. Mon opinion est sous les yeux des naturalistes avec ses preuves ; c’est à eux qu'il appartient de la juger, et je me serais abs- tenu, comme je m'en abstiens depuis dix ans , d’en en- retenir l’Académie , si une circonstance dont elle a été témoin ne me contraignait de renoncer à une résolution que me dictaient le désir d'employer plus utilement mon temps aux progrès de la science, et la persuasion que c'est par une connaissance plus approfondie des faits que la vérité en histoire naturelle est plus assurée de se faire jour. Deux jeunes et ingénieux observateurs , examinant la ( 245 ) manière dont les viscères des Céphalopodes sont placés mutuellement, ont eu la pensée qu’on retrouverait peut- être entre ces viscères un arrangement semblable à celui qu'on leur connaît dans les Vertébrés , si l’on se repré- sentait le Céphalopode comme un Vertébré dont le tronc serait replié sur lui-même en arrière, à la hauteur du nombril , de façon que le bassin revienne vers la nuque ; et un de nos sayans confrères, M. Geofiroy Saint-Hilaire, saisissant avidement cetle vue nouvelle , a annoncé qu'elle réfute complètement tout ce que j'avais dit sur la distance qui sépare les Mollusques des Vertébrés ; allant mème beaucoup plus loin que les auteurs du Mémoire , il en a conclu que la zoologie n’a eu jusqu’à présent aucune base solide, qu'elle n’a été qu’un édifice con- struit sur le sable, et que sa seule base désormais indes- tructible est un certain principe qu’il appelle d'unité de composition, et dont il assure pouvoir faire une appli- cation universelle. Je vais examiner la question dans son rapport particu- lier avec les Mollusques ; dans une suite d’autres Mé- moires je la traiterai relativement aux autres animaux ; j'espère le faire avec la même urbanité dont notre savant confrère a usé avec moi, et comme les écrits qu’il a di- rigés depuis dix ans contre mamanière de voir n’ontjamais altéré en rien l'amitié que je lui porte, j'espère qu'il en sera de mème de ceux par lesquels maintenant je vais successivement défendre mes idées. Mais, dans toute discussion scientifique, la première chose à faire est de bien définir les expressions que l’on emploie ; sans cette précaution, l'esprit s’égare prompte- ment; prenant les mèmes mots dans un sens à un endroit (244) du raisonnement et dans un sens différent à un autre endroit , on fait ce que les logiciens appellent des syllo- gismes à quatre termes, qui sont les plus trompeurs des sophismes. Que si dans l'exposé de ces mêmes raisonne- mens, au lieu du langage simple, des mots propres rigou- reusement exigés dans les sciences, on emploie des méta- phores et des figures de rhétorique , le danger est bien plus grand encore ; on croit se tirer d’un embarras par un trope, et répondre à une objection par une paronomase ; et, en se détournant ainsi de sa route directe, on s’enfonce promptement dans un labyrinthe sans issue. Mais, j'en demande pardon à l’Académie , je vois que je me perds moi-même dans le langage que je repousse, et je m'em- presse de revenir à celui que je continuerai de parler dans le reste de ce Mémoire. Commençons donc par nous entendre sur ces grands mots d'unité de composition et d'unité de plan. La composition d’une chose signifie, du moins dans le langage ordinaire, les parties dans lesquelles cette chose consiste , dont elle se compose ; et le plan signifie l’ar- rangement que ces parties gardent entre elles. Pour me servir d’un exemple trivial, mais qui rend bien les idées, la composition d’une maison, c’est le nombre d’appartemens ou de chambres qui s’y trou- vent ; et son plan, c’est la disposition réciproque de ces appartemens et de ces chambres. Si deux maisons con- tenaient chacune un vestibule , une antichambre, une chambre à coucher, un salon et une salle à manger, on dirait que leur composition est la méme; et si cette chambre , ce salon, etc., étaient au même étage arran- gés dans le même ordre, si l’on passait de l’une dans C5) l’autre de la même manière, on dirait aussi que leur plan est le méme. Mais si leur ordre était différent , si, de plain-pied dans une des maisons , elles étaient placées dans l’autre aux étages successifs , on dirait qu'avec une composition semblable ces maisons sont construites sur des plans différens. j Ainsi la composition d’un animal se détermine sans doute par les organes qu’il possède , et son plan par la position relative de ces organes, ou ce que notre savant con frère appelle leur connexion. Mais qu'est-ce que l’unité de plan et surtout l'unité de composition qui doit servir désormais de base nouvelle à la zoologie? Voilà ce que personne ne nous à encore dit clairement , et cependant c’est là - dessus qu'il faut d’abord fixer ses idées. Un argumentateur de mauvaise foi prendrait ces mots dans leur sens naturel , dans le sens qu’ils ont en fran- çais et dans toutes les langues, il prétendrait qu'ils signi- fient que tous les animaux se composent des mémes organes arrangés de La méme manière ; et, partant de là , il aurait bientôt pulvérisé le prétendu principe. Maïs ce n’est pas moi qui supposerai que les natura- listes , même les plus vulgaires, aient pu employer ces mots , unité de composition, unité de plan, dans leur sens ordinaire , dans le sens d'identité. Aucun d’eux n’oserait soutenir une minute que le Po- ‘lype et l'Homme aient, dans ce sens, une composition une , un plan un. Cela saute aux yeux. Unité ne signifie donc pas , pour les naturalistes dont nous parlons , iden- tité ; il n’est pas pris dans son acception naturelle , mais’ dit li donne un sens détourné pour signifier ressem - (246) blance, analogie. Ainsi, quand on dit qu'il y a entre l'Homme et la Baleine unité de composition , on ne veut pas dire que la Baleine ait toutes les parties de l'Homme, car les cuisses, les jambes , les pieds lui manquent ; mais seulement qu'elle en a le plus grand nombre. C’est une expression du genre de celles que les grammairiens appellent emphatiques. Unité de composition ne signifie ici que très-grande ressemblance de composition. De même quand on dit qu’il y a unité de composition entre l’'Homine et la Couleuvre, qui n’a point d’extré- mités antérieures et dont les postérieures se réduisent à de légers vestiges, on veut dire seulement qu'il y a entre eux une certaine ressemblance de composition , déjà moindre qu'entre l'Homme et la Baleine. Il est évident qu’il y aurait contradiction formelle dans les termes à appeler une ou identique une composition qui, de l’aveu même de ceux qui emploient ces mots, change d’un genre à l’autre. Ce que je dis de la composition s'applique aussi au plan. Nous croirions faire injure à ces naturalistes si nous prétendions que par ces mots, unité de plan, ils entendent autre chose que ressemblance plus ou moins grande de plan. Sans cela, il suflirait d'ouvrir devant eux un oiseau et un poisson pour les réfuter à l'instant. Or, ces termes extraordinaires une fois définis ainsi, une fois dépouillés de ce nuage mystérieux dont les enve- loppe le vague de leurs acceptions, ou le sens détourné dans lequel on en use, l’on arrive à un résultat bien inattendu sans doute, car 1l est directement contraire à ce qui a été mis en avant; c’est que , loin de fournir des bases nouvelles à la zoologie, des bases inconnues à ( 247 ) vous les'hommes plus ou moins habiles qui l'ont cultivée jusqu’à présent, restreints dans des limites convenables, ils forment au contraire une des bases les plus essen- telles sur lesquelles la zoologie repose depuisson origine, une des principales sur lesquelles Aristote, son créateur, l’a placée, base que tous les zoologistes dignes de ce nom ont cherché à élargir , et à l’affermissement de la- quelle tous les efforts de l’anatomie sont consacrés. Ainsi chaque jour l’on peut découvrir dans un animal une partie que l’on n’y connaissait pas , et qui faitsaisir quelque analogie de plus entre cet animal et ceux de genres ou de classes différentes. Il peut en être de même de connexions , de rapports nouvellement aperçus. Les travaux auxquels on se livre à cet effet méritent tous nos éloges. C'est par eux que la zoologie agrandira ses bases ; mais que l'on se garde de croire qu'ils l'en feront sortir. Si j'avais à citer des exeraples de ces travaux dignes de toute notre estime, c'est parmi ceux de notre savant confrère M. Geoffroy que je les choisirais. Lorsque, par exemple, il a reconnu qu’en comparant la tête d’un fœtus de Mammifère à celle d’un Reptile ou d’un Ovipare en général, on remarquait des rapports dans le nombre et l’arrangement des pièces qui ne s’apercevaient point dans les têtes adultes ; lorsqu'il a prouvé que l'os , appelé carré dans les oiseaux , est l’analogue de l'os de la caisse dans les fœtus de Mammifères, il a fait des découvertes très réelles , très - importantes auxquelles j'ai été le pre- mier à rendre pleine justice dans le rapport que j'ai eu occasion d’en faire à l'Académie. Ce sont des traits de plus qu'il a ajoutés à ces ressemblances de divers degrés qui existent entre la composition des diflérens animaux ; (248 ) mais il n'a fait qu'ajouter aux bases anciennes et connues de la zoologie; il ne les a nullement changées ; il n’a nullement prouvé ni l’unité, ni l'identité de cette com- position, ni rien enfin qui puisse fournir un nouveau principe. Entre quelques analogies de plus dans certains animaux et la généralisation de l’assertion que la com- position de tous les animaux est une, la distance est aussi grande, et c’est tout dire, qu'entre l'Homme et la Monade. Ainsi nous savons tous, et depuis bien long - temps, que les Cétacés ont aux côtés de l’anus deux petits os qui sont ce que nous appelons des vestiges de leur bassin. Il y a donc là, et nous le disons depuis des siècles , une ressemblance , et une ressemblance légère , de composi- uon.Mais aucun raisonnement ne nous persuadera qu'il y ait unité de composition, lorsque ce vestige de bassin ne porte aucun des autres os de l’extrémité postérieure. En un mot, si par unilé de composition on entend identité, on dit une chose contraire au plus simple té- moignage des sens. Si par là on entend ressemblance, analogie, on dit une chose vraie dans certaines limites , mais aussi vieille dans son principe que la zoologie elle-même, et à laquelle les découvertes les plus récentes n’ont fait qu’ajouter dans certains cas des traits plus ou moins importans sans rien altérer dans sa nature. Mais en réclamant pour nous, pour nos prédécesseurs, un principe qui n’a rien de nouveau , nous nous gardons bien, et c’est en quoi nous diflérons essentiellement des naturalistes que nous combattons, nous nous gardons bien:de le regarder comme principe unique ; au con- ( 249 ) aire, cen’est qu'un principe subordonné à un autre bien plus élevé et bien plus fécond, à celui des condi- tions d'existence , de la convenance des parties , de leur coordination pour le rôle que l’animal doit jouer dans la nature. Voilà le vrai principe philosophique d’où décou- lent la possibilité de certaines ressemblances , l’impos- sibilité de certaines autres; voilà le principe rationnel d’où celui des analogies de plan et de composition se déduit , et dans lequel en même temps il trouve ces li- mites que l’on veut méconnaître. Cependant cette observation me mènerait trop loin ; je la reprendrai dans un autre moment. Je reviens à mon sujet. Tout ce que je viens de dire sur le plan et la composi- tion étant posé et convenu, et, je le répète, cela est convenu et posé depuis Aristote, depuis deux mille deux cents ans , les naturalistes n’ont autre chose à faire, et ils ne font en effet pas autre chose que d'examiner jusqu'où s'étend cette ressemblance , dans quels cas et sur quels points elle s’arrèête , et s’il y a des êtres où elle se réduise à si peu de chose que l’on puisse dire qu’elle y finit tout-à-fait. C’est l’objet d’une science spéciale que l’on nomme l'anatomie comparée , mais qui est loin d’être une science moderne , car son auteur est Aristote. Dans la nouvelleédition de mes Lecons d’Anatomie com- parée que je prépare , excité par le désir de réduire à de justes bornes ce qui a été dit vaguement sur ce sujet, je considérerai beaucoup les animaux sous ce point de vue; j'aurai soin d'y profiter de toutes les découvertes récentes qui établissent des analogies nouvelles, mais j’aurai un soin non moins grand de marquer les limites de ces ana- (2802 logies , et de prévenir contre les conclusions trop géné- rales que l’on voudrait en tirer. Je prendrai la liberté de soumettre de temps en temps quelques chapitres de ce travail à l'Académie ; mais au- jourd’hui je lui demande la permission de lui offrir seu- lement quelques considérations sur les Céphalopodes, sujet qui a été très-heureusement choisi par notre savant confrère ;, car il n’en est aucun où l’on puisse voir plus clairement ce que les principes en discussion ont de juste et ce qu'ils ont de vague et d’exagéré. Supposons, nous a-t-on dit, qu'un animal vertébré se replie à l’endroit du nombril , en rapprochant les deux parties de son épine du dos comme certains Bateleurs ; sa tête sera vers ses pieds et son bassin derrière la nuque ; alors tous les viscères seront placés mutuellement comme dans les Céphalopodes; et, dans ceux-ci , ils le seront comme dans les Vertébrés ainsi ployés. Cette partie, qu'à eause de sa couleur brune vous appeliez le dos , ré- pondra à la moitié antérieure du ventre, le fond du sac répondra à la région ombilicale; ce que vous appeliez le devant du sac sera la moitié postérieure ou inférieure du ventre. Cette mâchoire plus saillante , que vous pre- niez pour l'inférieure , sera la supérieure ; tout rentrera dans l’ordre; unité de plan , unité de composition, tout sera démontré. Je dirai d’abord que je ne connais aucun naturaliste assez ignorant pour croire que le dos se détermine par sa couleur foncée ou mème par sa position lors des mou- vemens de l'animal ; ils savent tous que le Blaireau a le ventre noir et le dos blanc, qu'une änfinité d'autres ani- maux , surtout parmi les Insectes, sont dans le même ( 25a ) cas; ils savent qu’une infinité de Poissons nagent sur le côté, ou le dos en bas et le ventre en haut; mais ils ont pour reconnaître Je dos un caractère plus certain, c’est la position du cerveau. Dans tous les animaux qui en ont un, il est en dessus, et l'œsophage et le canal intestinal sont en dessous. Notre savant confrère lui-même l'avait fait remarquer dans un de ses anciens Mémoires ; c’est là pour nous comme pour lui le vrai critérium, et non pas une puérile remarque sur les couleurs. Partant de jà, j'ai pris d’une part un animal vertéiré, je l'ai ployé comme on le demandait, le bassin vers la nuque; j'ai enlevé tous les tégumens d’un côté pour bien montrer en situation ses parties intérieures ; d'autre part j'ai pris un poulpe, je l’ai placé à côté de l'animal vertébré dans la position indiquée, et je me suis rendu compte de la situation respective de ses organes. Les ébauches très-grossies que je mets sous les yeux de l’Académie pourront faire saisir les détails compara- tifs où je vais entrer aux personnes qui n’ont jamais observé ces animaux par elles-mêmes. Dans ces esquisses, le système nerveux est coloré en jaune , l’artériel en rouge, le veineux en bleu, le canal intestinal en brun , le foie en vert, les organes génitaux en blanc; les organes respiratoires sont blancs piquetés de rouge. Il est vrai que dans cette position la mâchoire la plus saillante du Poulpe répond à la mâchoire supérieure du Mammifère ; mais, pour en conclure que c’est la mâchoire supérieure du Poulpe, il faudrait que le cerveau fût placé vers l’entonnoir , comme il l’est dans le Mammifère ( 253 ) vers la nuque. Or, c’est tout le contraire. Le cerveau du Poulpe est vers la face opposée à l’entonnoir. Voilà déjà un terrible préjugé contre l'idée que l’en- tonnoir est un bassin replié vers la nuque. Mais continuons. Pour que ce côté sur lequel se replie l’entonnoir füt le côté de la nuque, il faudrait encore que l’œsophage passät entre ce côté et le foie, comme on le voit dans le Mammifère ; c’est encore tout le contraire : il passe du côté opposé, du côté que nous appelons dorsal. Pour qu'il y eût analogie dans la position du cœur et de l'organe respiratoire, il faudrait qu’ils fussent, comme on les voit dans le Mammifère, au-dessus du diaphragme, du foie et de l’estomac, ce qui les porterait de ce côté que nous appelons dorsal, mais que l’hypothèse appelle ven- tral. C’est tout le contraire: les branchies et le cœur sont plus loin de la tête que le foie et l’estomac , et au-dessous de cette partie que l’on a voulu appeler diaphragme et où l’on a même cherché à voir des piliers analogues au psoas, piliers qui ne sont autres que les muscles de l’'entonnoir, déjà décrits dans mon Mémoire sur les Poulpes. Pour qu'il y eût analogie dans la position des gros vaisseaux , il faudrait que la principale veine et la prin- cipale artère marchassent ensemble le long du même côté où serait le cerveau. Cela est vrai pour l'artère, dans le sens où nous prenons les viscères du Poulpe ; mais c’est tout le contraire pour la veine : elle marche précisément du côté opposé ; en cela elle se conformerait à la vue des nouveaux auteurs ; mais on ne peut regarder la veine comme un régulateur préférable au cerveau , à (298) l'artère , à l’œsophage , au foie et aux branchies. La si- tuation opposée où elle se trouve est seulement une preuve plus palpable qu'il ne peut pas y avoir identité de plan. Pour qu’il y eût analogie dans la position des orga- ues de la génération, il faudrait qu’ils fussent , dans la partie repliée sur la nuque , adossés à la portion de ce repli qui reviendrait sur la partie dite dorsale par les auteurs. C’est tout le contraire ; ils sont dans le fond de la bourse , immédiatement enveloppés par le sac dans la partie qui dans l'hypothèse répondrait au ventre et même au nombril. Pour qu’il y eût analogie dans l’issue des organes gé- nitaux, il faudrait que leurs orifices fussent voisins de anus , soit en avant comme dans les Mammifères, soit à ses côtés comme dans les Poissons. Point du tout: dans la femelle du moins il en est tout autrement : les oviduc- tes s'ouvrent fort loin de l’anus, et près des branchies. Je ne parlerai pas des reins, ni de la vessie, qui n’exis- tent pas dans les Céphalopodes, ou que l’on ne croit du moins retrouver dans le tissu spongieux qui communi- que avec les veines que par une hypothèse sans preuves. Voilà des démonstrations plus amples, plus abon- dautes qu’il ne faut pour montrer que le problème de l'identité de plan entre les Céphalopodes et les Verté- brés n’est pas encore résolu. En voilà en même temps assez pour prouver : 1°. Que le côté brun , qui est celui du cerveau, est le côté dorsal ; 2°, Que la mandibule la plus saillante du bec, celle qui embrasse l’autre, répond à la mâchoire inférieure. (254 ) On en a une preuve de plus dans la position de la langue qui est sur cette mandibule, et dans celle du pha- rynx qui est sous l’autre ; 3°. Qu'il serait plus facile d'établir quelque analogie de situation, en supposant l'animal ployé en sens in- verse de celui de l'hypothèse ; car alors le cerveau , le foie , l’œsophage, les estomacs , la grande artère reste- raient dans la mème position respective que dans les Vertébrés ; mais le cœur, la veine, les branchies, les organes de la génération seraient toujours autrement disposés, et le problème ne serait pas encore résolu. Je vais plus loin; je dis qu'il est impossible qu'il le soit en entier. Les cœurs et les branchies, ces organes si impor- tans, toujours en rapport avec l’œsophage dans les Ver- tébrés, en sont ici à une grande distance , et sans aucune connexion. Il en résulte nécessairement une tout autre direction dans les vaisseaux ; en effet, la grande veine est d’un côté opposé à la grande artère ; au lieu d’une veine unique entrant dans une oreillette unique , la veine ici se partage en deux pour donner dans deux cœurs bran- chiaux , qui font l’oflice du cœur branchial unique des Poissons. Le cœur aortique, qui manque aux Poissons , est ici prononcé comme dans les animaux à sang chaud ; mais il est entièrement séparé et même assez éloigné des cœurs branchiaux. L’aorte , qui, dans les Vertébrés, naît toujours dans la poitrine , soit au-dessus de l'œsophage, comme dans les Poissons , soit en le contournant, comme dans les animaux à sang chaud , naït ici dans le fond du sac au point le plus opposé à l’œsophage ; en sorte que ses rameaux les plus éloignés, qui, dans les (255) Vertébrés , sont ceux de l’extrémité postérieure, sont ici précisément ceux de la tête. Or, comme le plan d’un animal dépend essentielle- ment de la distribution des vaisseaux qui portent à ses organes la nutrition et la vie, on peut à priori soutenir que l'identité de plan des Céphalopodes et des Vertébrés ue.se démontrera jamais que très-partiellement. Un autre élément générateur du plan des animaux, plus essentiel peut-être encore que leurs vaisseaux , c’est leur système nerveux. Or, comment veut- on qu’il y ait ici la moindre analogie ? Le cerveau est enfermé dans une cavité de l’anneau cartilagineux qui sert de base aux tentacules ; il fournit en avant les nerfs de la masse buccale , puis une expan- sion qui occupe le côté de l'anneau cartilagineux et donne les nerfs des grands tentacules. De la base de’cette expan- sion naît le filet qui se renfle pour produire l'énorme ganglion de l'œil; une autre branche se renfle un peu plus loin en un ganglion d’où les nerfs du sac partent en rayonnant ; une troisième , jointe à sa correspondante , descend dans l’abdomer et se distribue aux viscères. Un petit filet va à l'oreille. Il n’y a pas la moindre trace d’une moelle épinière , ni de ces nombreuses paires de nerfs qui en sortent si régulièrement dans les Vertébrés ; aussi n'y a-t-il ni épine du. dos, ni aucune des paires de membres ou des paires de côtes qui s’y rattachent. Ce qui à fait illusion aux jeunes auteurs du Mémoire, c’est la position de l’oreille du côté de l'anneau cartilagi- neux opposé au cerveau. Comme dans les Vertébrés l’o- reille est vers l'arrière de la tête, ils ont cru qu’elle mar- quait la nuque ; mais l'oreille , dans les Vertébrés, n’est ( 366 }) pas seulement à l'arrière de la tête, elle est aussi sous cet arrière, sous le cerveau ; dans le Poulpe elle est placée de même, puisque cette partie de l'anneau est l’inférieure ; seulement les deux oreilles, au lieu de rester simplement aux côtés de l’œsophage , descendent plus bas, et l’em- brassent en dessous; mais c’est toujours en dessous qu’elles sont situées. Ce que je viens de dire du système nerveux me ra- mène à la composition des Céphalopodes. ‘ Ils ont donc, comme nous l’avons dit, un cerveau enfermé dans une cavité à part, des yeux , des oreilles, un bec formé de deux mandibules , une langue, des glandes salivaires , un œsophage, un gésier, un second estomac, un canal intestinal, un foie, des branchies, des cœurs , des artères , des veines, des nerfs; des orga- nes des deux sexes : ovaires, testicules, oviductes ,,épi- didymes, verge , toutes choses qui leur sont communes avec certains Vertébrés ; maïs tout cela autrement dis- posé , presque toujours autrement organisé. En même temps ils manquent de tous les os du crâne, de tous ceux de la face , de vraies mâchoires, de tous les os de l'appareil hyoïdien et de l'appareil branchial, de toutes les vertèbres , de tous les os des extrémités, des côtes, du sternum , des muscles adhérens à toutes les parties, de la moelle épinière, de tous les nerfs qui en sortent , du pancréas , des reins , de la vessie. En même temps encore ils ont beaucoup de parties dont il n’y a nulle trace dans les Vertébrés, un appareil musculaire tout différent , et approprié à leur forme si extraordinaire; souventune coquille d’une structure vrai- ment remarquable, et dont aucun Vertébré n'offre le ( 257 ) moindre vestige ; un organe excrémentitiel qui produit cette liqueur noire, connue sous le nom d’encre de Seiche ou de Sépia ; un appareil sporigieux ou glanduleux qui communique directement avec leurs veines par une foule d’orifices. Ces tentacules mêmes , que l’on a voulu comparer aux barbiilons des Poissons, ne leur ressemblent ni par l’organisation, ni par les connexions. Leur com- plication est prodigieuse ; des nerfs renflés d'espace en espace, en nombreux ganglions, fournissant d’innom- brables filets, des vaisseaux très-prononcés , divisés aussi en innombrables rameaux, les parcourent et les animent; des ventouses d’une structure admirable leur fournissent une armure d'un genre unique. Enfin, le principal bar- billon des Poissons n’est qu’un prolongement de leur os maxillaire, et les tentacules des Céphalopodes ne sont pas même attachés au bec, qui, sans représenter abso- lument les mâchoires, en remplit cependant les fonctions. Je le demande maintenant : comment avec ces nom- breuses , ces énormes différences, en moins d’un côté, en plus de l’autre, pourrait-on dire qu’il y a entre les Céphalopodes et les Vertébrés, identité de composition , unité de composition, sans détourner les mots de la langue de leur sens le plus manifeste ? Je ramène tous ces faits à leur véritable expression, en disant que les Céphalopodes ont plusieurs organes qui leur sont communs avec les Vertébrés, et qui remplis- sent chez eux des fonctions semblables ; mais que ces or- ganes sont attrement disposés entre eux , souvent cons- truits d’une autre manière, qu'ils y sont accompagnés de plusieurs autres organes que les Vertébrés n’ont pas, xx. 17 ( 258 ) tandis que ces derniers en ont aussi de leur côté plusieurs qui manquent aux Céphalopodes. J'avoue qu’en disant cela, je ne dis autre chose que ce qu'ont dit beaucoup d’autres avant moi; mais , si Je n'ai pas le mérite de la nouveauté, je me flatte du moins d’avoir celui de la vérité et de la justesse, et celui de ne point embrouiller l'esprit des commencçans par des expressions non définies , qui semblent, dans le vague qui les enveloppe, présenter un sens profond ; mais qui, analysées de près, ou sont entièrement contraires aux faits, ou ne signifient que ce que l’on a dit de tous les temps avec plus ou moins de détail dans l'application. Dans mes communications suivantes, j’examinerai plusieurs autres principes , plusieurs autres lois annon- cées par divers naturalistes ; mais pour que ces lectures ne se bornent pas à des questions métaphysiques , j'aurai soin qu’elles se rattachenttoujours, comme celle d’aujour- d’hui, à quelques déterminations de faits dont la science puisse tirer un parti plus solide que de ces oïseuses généralités. EXPLICATION DE LA PLANCHE XII. La fig. 4 représente lo coupe d’un quadrupède ployé sur lui-même, de manière que le bassin revienne sur la nuque. La fig. B est la coupe d’un Poulpe dans son état naturel. Dans les deux figures , les mêmes lettres indiquent les mêmes organes. a, a, le cerveau. b,b, l'oreille. c, «, la mâchoire ou mandibule supérieure. d, d, l’inférieure. e, e’, e”, l’œsophage, l’estomac et le canal intestinal. JS J; le foie. ( 259 ) 8 &, l'organe respiratoire; poumon dans le Mammifère, branchie dans le Céphalopode. k,h, le cœur aortique. i, le cœur veineux, qui, dans le Poulpe, est double et séparé de l’aortique. k,k, la principale veine. Z, 4, la principale artère. m ,m , l'organe de la génération. n , le rein propre au Mammifère. 0, la vessie id. p , ventonnoir propre au Cépkalopode. r.r, l'anus. s, s, l’orifice des organes génitaux. t,t,la moelle épini ère propre au Mammifère! Rapport sur deux Mémoires de M. Virlet, relatifs à la Géologie de la Messénie , et notamment à celle des environs de Modon et de Navarin, fait à l’Académie royale des Sciences, par M. Alexandre Brongniart. (Lu dans la séance du 21 septembre 1829.) Le canton parcouru, étudié et décrit par M. Virlet, dans les deux Mémoires qui nous ont été remis, a peu d’étendue. Les terrains qui le composent sont peu va- riés et faiblement caractérisés; mais, si la géologie de la Grèce est en général peu connue, celle de la Morée oc- cidentale l’est encore moins. Les voyageurs géologues, dont les observations sur la Grèce sont venues à notre connaïssance (MM. Parolini, Webb, Holland, Haw- kins, Woods, etc.), ont à peine fait mention de quel- ques points de la Messénie. ( 260 ) Les descriptions de notre voyageur, les résultats qu'il en a tirés, et ceux qu'on pourra encore eu déduire, auront donc le double intérêt de nous fournir des ma- tériaux précieux pour la connaissance de la structure de cette partie de l'écorce du globe , et pour le développe- ment des lois de la Géologie. Nous allons y retrouver cette constance de phénomènes qui, se présentant sous toutes les latitudes , sous tous les méridiens , distinguent si éminemment les produits du règne minéral de eeux des règnes organiques. Les parties de la Messénie , que M. Virlet a exami- nées ,se bornent aux petites vallées de Modon, de Na- varin , à celle qui comprend les plaines d’Androussa, et aux collines qui séparent ces vallées. Il y a reconnu quatre terrains ou formations dis- tüinctes, dont trois nous paraissent clairement et sûre- ment déterminés ; le quatrième est tout-à-fait incertain. En allant des plus nouvelles formations à celles qui paraissent les plus anciennes, nous reconnaîtrons d’abord dans le fond de quelques vallons, dans celui des vallées , surtout vers leur embouchure, deux sortes de terrains d’alluvion qui se recouvrent immédiatement , qui offrent à peine quelques différences extérieures, maïs qui ne se mêlent cependant pas. M. Virlet, guidé par les carac- tères savans que MM. Sedgwich et Buckland ont assi- gnés à ces terrains , a très-bien su les distinguer. Le terrain alluvien, le plus nouveau de ces terrains de sédiment grossier, est dù au dépôt des fleuves, des torrens , et de toutes les eaux continentales. La mer n’a dû y contribuer en rien, car ces sédimens alluviens sont au-dessus de son niveau actuel ; et, depuis les (261) temps historiques les plus reculés, on n’a pas remarqué que ce niveau ait changé : or, si ce phénomène avait eu lieu , où trouverait-on sur le globe un pays qui, mieux que le Péloponnèse , ait pu en conserver la tradition. Cependant ces terrains, composés de limon , renfermant des débris des arts humains, notamment des fragmens de briques, présentent aussi des coquilles marines et des galets qu'on ne peut attribuer aux faibles cours d’eau qui les sillonnent ; M. Virlet a reconnu avec beau- coup de sagacité que ces galets et ces coquilles n'étaient pas le produit de la mer actuelle, mais qu'ils prove- naient des collines qui bordent ces terrains; collines composées de ces deux sortes de maiériaux et d’une tout autre origine que les dépôts alluviens, dans les- quels ils ont été charriés et enveloppés. Le terrain diluvien , pour nous servir de cette expres- sion des géologues anglais, est placé sous le précédent dans le fond des vallées, mais d'une manière indépen- dante et superficielle dans les points où l’alluvion n’a pu se former et le recouvrir. Il se montre à l’est de Pylos dans la rade de Navarin, immédiatement sur la marne argileuse inférieure. Il ne renferme aucun reste de l’industrie humaine, mais du minerai de fer en gra- vier, probablement de celui qu’on appelle limoneux, et que M. Virlet croirait susceptible d’exploitation. Voici deux terrains bien déterminés. On les regarde en général comme peu importans , comme dénués d’inté- rêt ; aussi ne sont-ils ordinairement que très-superficiel- lement observés : ce sont cependant les terrains qui, par l'intégrité de leur conservation , par la fraicheur pour ainsi dire de leur formation, peuvent nous donner les ( 262} notions les plus nombreuses et les plus précises sur les derniers phénomènes géologiques qui ont modifié la croûte extérieure du globe. Avant ces terrains, dans l’ordre du temps , maïs non pas toujours au-dessous d'eux, s'étaient déposées dans le fond de l’ancienne mer des roches calcaires à gros grains, enveloppant les débris organisés qui vivaient alors dans la mer, et formant des couches puissantes étendues sur tout le globe. Ces terrains si répandus , si superficiels, par conséquent si faciles à observer, étaient cependant entièrement méconnus des géologues , il y a à peine trente ans : ils sont souvent composés d’un cal- caire à texture lâche et grossière, comme notre pierre à bâtir des environs de Paris. C’est sous cet aspect qu'ils se sont présentés à M. Virlet sur les sommets de la plu- part des collines qui bordent les vallées de Modon et de Navarin , offrant tous leurs caractères géologiques de nature , de texture, de position, et de débris organi- ques ; ce sont surtout ces derniers, aussi remarquables par leur constance et leur généralité, que précieux pour la détermination précise des formations, qui ont offert à M. Virlet des caractères tranchés et indépendans de tout autre moyen, pour reconnaître en Grèce les ter- rains de Paris. Ainsi, les Cérites, les Cônes, les Rostellaires , les Cythérées, les Bucardes, et les autres coquilles connues sous la dénomination vague, mais suffisante pour nous, de littorales, dont M. Virlet donne l’énumération , et dont il a envoyé de nombreux échantillons, suffiront pour établir l’idéntité de ce terrain, soit avec celui des collines subapennines, soit avec celui du bassin de Paris. + ( 263 ) Nous voici arrivés à la formation incertaine, à celle qui semble plus caractérisée que les précédentes , et qui cependant ne nous fournira aucun moyen pour la rap porter avec quelque certitude à l’une des grandes en- veloppes de l'écorce du globe. C’est un terrain composé de lits inclinés, quelque- fois courbés , de roches calcaires schisteusés et sableuses , de calcaires quelquefois compactes , quelquefois sableux et schistoïdes , alternant avec des schistes passant au psammite , qui lui-mème passe au poudingue, d’abord peu puissant, et ensuite recouvert ou remplacé entière- ment par des masses énormes de poudingue. Cette roche forme les montagnes les plus boisées et les plus élevées de la Messénie , atteignant jusqu’à 1000 mètres d’éléva- tion au-dessus du niveau de la mer. Ces montagnes sont souvent presque coniques, offrant d’un côté des pentes tellement abruptes , qu’elles semblent presque verticales. Les vueset profils pris par M. Baccuet donnent une idée très-claire de ces formes. Les amas gigantesques de débris de roches, qui dé- rivent tous des roches environnantes , forment la plus grande partie des montagnes qui se montrent au Levant, au-delà des vallons de Navarin et de Modon , quand on pénètre dans la Messénie; et au! nord, dans les chaînes et chainons de Banzi (Neda) et d’Arkadie (Cyparisia ). M. Virlet les compare ici au gompholite, c’est-à-dire, à ces poudingues que les habitans de la Suisse appellent Nagelflue, et qui constituent, comme ceux de cette partie de la Morée, des montagnes très-élévées; mais n'oublions pas que ce mème naturaliste dit qu'ils alter- nent ailleurs avec un calcaire qu'il rapporte à une.for- ( 264 ) mation beaucoup trop ancienne, pour qu'on puisse admettre, dans cet autre cas, le rapprochement qu’il propose ici avec beaucoup de fondement. Ce mème calcaire , compacte, schistoïde, sablonneux, base et continuation inférieure des psammites et des poudingues, dans les vallons de Modon et de Navarin, et dans la chaîne qui sépare ces vallons de la plus grande vallée d’Androussa au Levant, passe sur le revers orien- tal de cette chaîne par le psammite déjà décrit à une roche homogène , entièrement siliceuse, et qni offre d’une part toutes les variétés de jaspe grossier , jaunâtre, rougeàtre, brunâtre, noirâtre et schistoïde, par consé- quent de celle à laquelle Hauy a donné le nom de Phta- nite, et, d’une autre part, plusieurs variétés de silex cor- nés et pyromaques. Il est stratifié comme les roches qu'il accompagne et se présente, tantôt en bancs puissans, tan- tôt en lits minces, soit continus, soit interrompus, tan- 1ôt enfin, en gros nodules aplatis, ellipsoïdes, ou en nodules plus petits, plus sphéroïdaux, qui sont toujours déposés sur un même plan, et non pas dispersés au hasard dans la roche psammitique ou calcaire, qui al- terne avec eux, ou qui les renferme. Telle nous paraît être la disposition générale du ter- rain, depuis les côtes de Navarin et de Modon, jusqu'à la vallée de l’ancienne Messénie , d’après l’idée que les descriptions de M. Virlet ont pu nous en donner. Ce qu'il en dit suffit pour faire admettre sans hésita- tion les rapprochemens qu'il a établis entre les trois premières formations et les terrains nommés Ælluviens, Diluviens et Tertiaires; mais ce qu’il nous apprend du quatrième de ces terrains, si singulièrement composé de sit ( 262 3 calcaire compacte, de psammite, de masses énormes de poudingue et de jaspes divers, nous laisse, comme à lui, une grande incertitude sur l’époque de formation à laquelle on peut le rapporter. M. Virlet savait bien qu'il devait chercher dans les débris organiques ou dans les minéraux , que ce terrain pourrait renfermer , des moyens d’en déterminer, ou au moins d'en présumer l’époque, et on voit qu’il n’a pas négligé cette recherche; mais il n’a trouvé aucune coquille dans aucune des trois roches principales qui le composent, et il n’a pas vu d’autre espèce minérale que des veines plus ou moins nombreuses de calcaire spathique, parcourant, et le calcaire compacte, et le psammite, et les jaspes. Néanmoins la texture compacte et fine du calcaire in- férieur des versans occidentaux, et son alternance avec des schistes , ont fait présamer à M. Virlet que ce cal- caire, et par conséquent le terrain dont il fait parte, pourrait appartenir à ce qu’on appelle vulgairement Calcaire alpin ; dénomination maintenant si vague ou si fausse, qu’on ne sait quelle valeur lui donner. Nous pensons qu'il a eu en vue ce terrain déterminé d’une manière beaucoup plus précise et auquel M. d’'Omalius a donné le nom de Penéen , et dont , en effet , le Zeches- tein des Allemands fait partie. Mais nous ne voyons entre cette formation et le sol en question que des ressemblances bien rares , bien fai- bles et bien incertaines. L'auteur les tire de la texture, de l'alternance avec les schistes et de l’absence des débris organiques , absence locale qui paraît cependant en in- diquer au moins la rareté habituelle. Il aurait peut-être pu appuyer son rapprochement de Ja texture grenue et ( 266 } cellulaire et du toucher rude que présente ce calcaire : particularités qui semblent lui donner de la ressemblance avec la dolomie, roche calcaire qui fait souvent partie des terrains penéens. La structure de Sphacteris et de Paleo-Castro, telle qu’elle est indiquée par les jolis des- sins de M. Baccuet, rappelle très-bien celle des mon- tagnes de dolomie, montagnes sans stratification et à fissures et déchiremens verticaux. Malgré ces indices, dont M. Viriet à pu apprécier la valeur bien mieux que nous qui ne connaissons pas les lieux, nous ne pouvons admettre encore un tel rappro- chement. Les formations qui se sont présentées presque partout entre les terrains penéens, terrains anciens et profonds, et le terrain dit tertiaire, sont trop nombreuses , trop puissantes, trop bien caractérisées pour croire qu’elles aient pu manquer ainsi toules et totalement. Ce terrain reste donc, du moins pour nous, encore à déterminer. I! en est de même de celui qui le couvre et qui paraît le suivre , de celui sur lequel M. Virlet ne s’est pas pro- noncé , et qui présente ces amas immenses de poudin- gues. Ils ont frappé M. Virlet et ont jeté de l’incertitude sur le rapprochement qu’il proposait, car il fait remar- quer qu’on ne connaît aucun amas aussi immense de débris dans les terrains de sédiment inférieur, dont Vancien. calcaire alpin fait partie. Il est vrai que de telles masses de poudingues, se présentant, pour ainsi dire , d’une manière presque indépendante , ne se sont pas en- core montrées avec cette puissance ou dans les terrains penéens ou entre ces terrains et ceux qui ies recouvrent. Néanmoins , il paraît que les poudingues de l'Alsace, ( 267 ) qui font partie du grès bigarré (terrains pœciliens ), of- frent un exemple de cette réunion. Maïs on doit observer que ces poudingues , leur ciment et les roches avec les- quelles ils sont en liaison , paraissent très - différens de ceux de la Morée. Enfin , on reconnaît, dans les calcaires ‘qui accompagnent les poudingues de cette dernière con- trée , des lits de silex, de la variété des jaspes, qui ap- partiennent plus spécialement aux terrains inférieurs qu'aux supérieurs. RÉGAPITULATION. Tels sont les faits et les raisonnemens dont on peut appuyer le rapprochement proposé par M. Virlet. Ils ne sont pas sans valeur, mais ils n’en ont pas assez pour le faire admettre sans un nouvel examen; car nous pour- rions présenter des raisons presque aussi nombreuses et aussi prépondérantes pour rapporter ces terrains , soit à la formation crétacée, soit à la formation jurassique. La présence des débris organiques pourra seule apporter des preuves d’un poids suflisant pour faire adopter l'un de ces rapprochemens. S’il s’agissait d'émettre une opinion positive sur l'im- portance et le mérite des travaux de M. Virlet et sur la certitude des conséquences qu’il en a déduites ; nous ne pourrions le faire avec une pleine assurance de ne pas errer, car le mérite des observations géologiques ne peut, en général, être jugé que sur les lieux mêmes de l’obser- vation. Mais s’il s’agit d'examiner si l’auteur a su tirer un parti complet et judicieux de tous les moyens dont il pouvait disposer; s’il pouvait reconnaitre, pour le mo- ( 268 ) ment , les environs de Modon , de Navarin et de Mes- sène, mieux qu'il ne l’a fait; si l'incertitude qui reste sur la détermination du terrain principal ne résulte pas de l’absence de caractères qu’il n’était pas en son pouvoir de découvrir ou de faire naître, nous pouvons dire alors que nous présumons qu'il a fait tout ce qui lui était possible dans le lieu et dans les circonstances où il se trouvait. Nous pouvons juger, par la manière dont les observations ont été recueillies et présentées, que M. Virlet, bien instruit de ce qu’il fallait observer, a senti et fait ressortir les points importans, qu'il a rappe- lés aux naturalistes et mème aux économistes l'influence des différens sols sur la culture, qu’il leur a montré le parti qu’on avait tiré et qu'on pourrait tirer encore des pierres calcaires compactes , qu’il a reconnu du minerai de fer disséminé dans le sol diluvien, et fait remarquer qu'il pourrait peut-être devenir susceptible d’exploita- tion. M. Virleta donc assez bien fait connaître , dans les deux Mémoires qu’il a adressés au ministre, la petite partie de la Grèce qu’il lui a été donné de parcourir et de décrire. Nous avons dit, au commencement de ce Rapport, que les géologues n'avaient aucune notion ou n'avaient que des notions vagues sur les côtes occiden- tales de la Morée. M. Parolini est peut-être le seul qui ait encore dit que ces côtes consistaient en calcaire de sédiment (Flœtzkalk). Or, on voit combien il y a loin d’une indication aussi vague aux observations de détails, aux faits curieux et importans pour l’avancement de la géologie en général et aux conséquences sages qui sont présentées dans les Mémoires de M. Virlet. ( 269 ) Conczusrons. Nous croyons donc que ces premiers travaux méritent les encouragemens de l’Académie, et que, si on n’a pas d’ailleurs d’autres connaissances sur cette contrée , il est à désirer qu'on donne à ce jeune géologue les moyens d'en poursuivre l’étude aussi loin que les circonstances pourront le lui permettre. Monocrapmie du genre Næmaspora des auteurs modernes, et du genre Libertella, Desmaz., PL. crypt. du nord de la France, fascicule x. Par M. J. B. H. J. Desmaziëres. Le genre Nœæmaspora, \ong- temps composé de cinq Cryptogames remarquables (1), mais très-diflérentes dans leur organisation, a été judicieusement divisé en deux groupes distincts par Fries, Ehrenberg , Nées et plusieurs autres savans mycologues. Celles qui offrent un véritable réceptacle ou péridium ont donné naïssance au genre Cytispora, et celles qui en sont dépourvues et dont les sporules , mêlés à une substance mucilagineuse et tant soit peu celluleuse, se développent librement sous l’épiderme des végétaux morts ou mourans, et y restent contenus jusqu’à ce qu’il se déchire pour leur livrer pas- sage sous forme de cirrhes ou filamens gélatineux, ont (1) Pers., Syn,. fung., p. 108. (270 ) été seules maintenues dans le genre Nœmaspora. Le pre- mier de ces genres renferme maintenant une vingtaine d'espèces et appartient aux Pyrenomycetes ; le second fait partie des Gymnomycetes et repose sur deux ou trois Cryptogames imparfaitement décrites et si peu connues dans leur organisation intime, que les auteurs les plus recommandables appliquent encore aujourd’hui le nom de l'espèce qu'ils croient la plus vulgaire ( le Næmaspora crocea), à trois ou quatre productions distinctes qui doivent être séparées en deux genres dif- férens. Nous allons faire connaître, par des phrases diagnosti- ques et des figures, le résultat des observations quenous avons faites à l’aide du microscope , instrument encore trop négligé aujourd’hui et sans lequel il n'était pas possible de caractériser exactement les espèces qui vont nous occuper. Ces espèces , au nombre de six, seront réparties également en deux genres. Nous conserverons au premier l’ancienne dénomination Væmaspora (1), et nous décrirons le second sous celle de Libertella. Tous les botanistes, nous osons l’espérer , voudront bien sanctionner notre choix qui rappelle un nom célèbre dans la science. (1) On doit écrire, avec Wildenow ( Berol. ; no 1207) et Persoon ( Obs. mye., 1, p. So), æmaspora et non IVemaspora, parce qu’il est évident que ces auteurs ont fait dériver ce mot de Vama, Væœma ( courant , flux ). Les mycologues qui écrivent IVemaspora le font venir de Vema (fil), et veulent ainsi rappeler la forme filamenteuse que prend la masse dés sporules lorsqu'elle s'écoule au dehors, Cette étymo- logie serait également bonne si l’on ne devait pas respecter les intentions du botaniste qui a créé le uom. (271) [. NÆMASPORA. Char. essent. Receptaculum nullum. Sporidia sim- plicia , globosa vel ovoidea massa gelatinosa juncta , sub epidermide plantarum mortuarum effusa, in cirrhos pro- deuntia. Obs. Genus Næmaspora a genere Melanconio in quo semper sporidia atra et nuda sunt , sporidiis pellucidis mucosisque in cirrhon ascendentibus distinguitur. Species. r. Næmaspora microsporA, Nob. (tab. 5, fig. I) (1). N. sporidiüis ovoideis , aurantiaco-rubris , circiter — millimetris longis. Næmaspora encephalum : sporidiis minimis gelati- nosis rubro-aureis, in gyros bicolores collectis, sub epi- dermide bullata sine lege coacervatis, demum (sæpè cirrorum magnorum forma) per rimam ejectis. Ehrenb., Syl. Berol., p. 22. (1) Les espèces des genres Væmaspora et Libertella offrant toutes, sous l’épiderme des végétaux , des masses à peu près semblables et d’une couleur orangée , qui ne varie que par une légère teinte de rouge ou de jaune , nous ne figurerons dans ce Mémoire que les formes diverses de leurs sporules, qui seules peuvent fournir des caractères invariables et essentiels. La représentation des filamens sporulo-mucilagineux , sous lesquels ces masses se montrent au dehors, ne pourrait satisfaire que le plaisir des yeux, puisque ces prolongemens cirrhiformes n’affectent aucune figure particulière à l'espèce; souvent même, dans les temps pluvieux où brumeux , ils n’existent pas : l'humidité les dissout à me- sure qu'ils naissent, et l’on ne trouve sur l'écorce qu'un tubercule arréndi ou convexe , ou une couche plus ou moins effuse. ( 272) Næmaspora encephaloides : massa gelatinosa gyrosa rubro-aurea, sub epidermide concreta, in cirrhos cras- sos erumpente. Spreng., Syst. veg., t. 1V, p. 533. Habitat ad cortices Quercinos, Carpinos, etc., in Europa (v. v.). Cette espèce se trouve assez communément en France ; nous l’avons observée dans les départemens du nord, et elle nous a été adressée de ceux du midi et de Paris, sous le nom de Næmaspora crocea, Pers. Nous devons à notre savant ami, le professeur Kunze de Leipzig, un échantillon du Næmaspora encephalum , qu’il tenait d'Ehrenberg même , et c’est d’après l’examen microsco- pique que nous en avons fait qu’il nous a été possible d'établir notre synonymie. Sans cette communication , il nous aurait été difficile , sans doute , de connaître la Cryptogame d’Ehrenberg et de Sprengel, puisque les descriptions qu'ils en ont données sont applicables à presque toutes les espèces des genres Næmaspora et Libertella. 2. NæmasporA iNcARNATA, Kunze (tab. 5, fig. IT ). N. sporidiis ovoideis, incarnatis , circiter —— millime- iris longis. Nob. Næmaspora incarnata : receptaculo nullo, massa in- carnata deformi in cirrhos copiosos, tenuissimos , co- lore dilutiore, erumpente.Kunze, Myk., Heft., 1, p.92. Næmaspora incarnata : stromate nullo, massa defor- mi incarnata, in Ccirrhos copiosos tenuissimos dilutiores abeunte. Spreng., Syst. veg., t. 1v, p. 537. Næmaspora incarnata. Fries, Scler. suec. exsicc., n°. 108. (273) Habitat ad corticem Salicum , in Europa (v. v.). Le Næmaspora incarnata paraît plus rare que l’es- pèce précédente, du moins en France, où nous ne l'avons observé qu’une fois. 3. Næmaspora crocea , Pers. (tab. 5, fig. IT). N. sporidiis minutis, globosis, aurantiacis, Link ( Myxosporium croceum , Spec,, p. 2, p. 99.). Næmaspora crocea : nuda, cirrhis confertis inæqua- libus fruticulosis flavo - croceis. Pers. , Obs. myc., 1, p.81,ejusd., Syn. Fung., p. 109. Næmaspora crocea : massa gelatinosa crocea, in cir- rhos crassos compressos persistentes concolores erum- pente. Spreng., Syst. veg., 1. iv, p- 537. Næmaspora crocea, De C., F1. fr. ,2, p. 309. — Encyc. supp., 1. 1v, p.79. — Nées, Syst., p. 321, fig. 366 (non Fries, Scler. suec. exsicc. n° 107, nec Moug. et Nest. Siirp.n°. 175.). Habitat frequens Mines fagineos cæsos, in Eu- ropa ( v. icon. ). Cette espèce est le refuge de productions diverses que l'on y fait entrer sans examen de leur organisation : notre Næmaspora microspora et plusieurs Libertella y soni tous les jours introduits. La confusion qu’elle a fait naître dans les herbiers et dans les livres prouve assez qu'elle n’est pas aussi répandue qu’on le croit générale- ment ; nous déclarons qu’elle ne s’est pas encore pré- sentée dans nos fréquentes herborisations , et que nous ne la connaissons que d’après les descriptions: de: De Candolle, Nées et Link, Ces auteurs assurent que les XIX. 18 ( 274 ) sporules sont globuleuses ; nous devons même à Nées une figure qui les représente avec cette forme, et ce sont les sporules de cette figure, dont on ne connaît point le degré de grossissement qui ne peut être comparé avec celui que nous avons employé, que nous reproduisôns dans notre planche. Des témoignages aussi respectables ne peuvent laisser aucun doute sur l’existence de cette espèce ; nous l'avons adoptée avec la phrase de Link qui , bien qu’insuflisante , est encore la meïlleure que nous ayons. Quant à la synonymie de ces botanistes, nous la croyons un peu hasardée ; rien ne prouve, en effet, d’après la description de Persoon , qu’il ait voulu parler d’un Væmaspora à sporules globuleuses. Pour nous éclairer sur ce point, nous nous sommes adressés à ce mycologue , dans l'espoir de soumettre à notre examen le type qui a servi à établir son espèce, mais ce type n'existait plus dans son herbier ; néanmoins il crut pou- voir nous assurer que son Væmaspora, ramassé il y a plus de trente ans , sur les troncs du hêtre, dans les en- virons de Gottingue , offrait « des sporules très-petits, presque imperceptibles, même sous le microscope, et qui n'avaient point la forme d’un fuseau. » Quoique cette réponse ne dissipe pas tous nos doutes, nous avons, pour nous conformer à la synonymie de De Candolle, Nées et Link, rapporté le Næmaspora crocea de Per- soon à l'espèce dont il est ici question, bien que la description du Synopsis Fungorum püût convenir égale- ment au Libertella faginea que nous allons caractériser ci-après. Link a changé le nom de Næmaspora en celui de My- æosporium ; mais nulle raison valable ne pouvant faire ( 275 ) recevoir cette innovalion, nous avons conservé l’ancienne dénomination sanctionnée par tous les auteurs. Link, en proposant son nouveau nom (en 1824 seulement) , a peut-être voulu que l’on conservàt le genre Næmaspora pour toutes les espèces de Cytispora ; mais si l’on se _conformait aux intentions que nous lui supposons, il faudrait rejeter ce dernier nom créé par Ehrenberg, dès l’année 1818, et adopté aujourd’hui dans tous les livres. IT. LIBERTELLA, Nob. . Char. essent. Receptaculum nullum. Sporidia fusi- formia, recta aut magis minusve curva massa gelatinosa juncta , sub evidermide plantarum mortuarum effusa , in cirrhos prodeuntia. Observ. Genus Libertella a genere Cryptosporio (Kunze) , ut genus Næmaspora a genere Melanconio præcipuè differt. Le caractère qui différencie le genre ZLibertella du genre Væmaspora est d’une importance majeure dans la famille à laquelle ces deux groupes appartiennent; aussi les cryptogamistes les plus célèbres qui, de nos jours, se sont livrés à l’étude des espèces microscopi- ques et à leur classification naturelle, ont-ils constam- ment, dans les Gymnomycetes, séparé avec soin dans des genres distinets , les espèces qui difilèrent entre elles, ou par la forme de leurs sporidies , ou par l’absence ou la présence des cloisons que l’on remarque quelquefois dans cet organe qui constitue souvent à lui seul la plante entière. C’est donc appuyé des autorités les plus re- commandables , et surtout en suivant les principes que ( 296 ) le professeur Link a établis à presque toutes les pages de son savant Species (1), que nous avons créé un nouveau genre dédié à mademoiselle M.-A. Libért de Malmédy, dont les vastes connaissances et les consciencieux tra- vaux en cryptogamie sont si Justement estimés par les botanistes de toutes les nations. Species. 1. Lisertezza 8eruzinA, Nob, (tab. 5, fig. IV ). L. sporidis aurantiaco rubris, fusiformibus, sub- recuis, circiter -*. millimetris longis. Desmaz., PI. crypi. du nord de la France, Fasc. x. Nœmaspora crocea, Fries, Scler. suec. exsicc., n° 107. Habitat ad cortices Betulinos , in Europa (v. v.). Cette espèce, que nous allons faire connaître en na- ture dans le dixième volume de notre Collection eryp- iogamique, se trouve assez communément dans le nord de la France : il n’est pas rare de la rencontrer pendant l'hiver sur les fagots exposés en meule à l’humidité de l'atmosphère. Ses beaux filets, d’un rouge orangé très- brillant , se détachent agréablement sur le fond blanc de l’épiderme du Betula alba et la font remarquer à une assez grande distance. 2. LIBERTELLA FAGINEA , Nob. (tab. 5, fig. V). L. sporidüs aurantiacis, fusiformibus , curvissimis , tenuissimis , cireiter millimetris longis. {1) Willdenow, Species plantarum , t. VX. Berol, , 1824. ( 277 ) Næmaspora crocea , Moug. et Nest., Stirp., n° 195. Habitat ad cortices fagineos , in Europa (v. v.). Cette espèce est aussi répandue que la précédente. L'analyse microscopique à laquelle nous avons sou- mis les échantillons que MM. Mougeot et Nestler ont donnés dans les Surpes des Vosges pour le Næmas- pora @ocea, nous a mis à même de les rapporter à uotre Libertella faginea. Cependant, comme dans cette sorte d'ouvrage tous les exemplaires peuvent ne pas être parfaitement identiques, nous ne pouvons répondre de notre synonymie que pour ceux que nous avons pu con- sulter. Les personnes qui possèdent la collection de MM. Mougeot et Nestler pourront , avec un microscope, s'assurer si cette synonymie est applicable aux individus que lon a placés dans leurs fascicules. Du reste , il est probable que les échantillons qui ont servi à la confec- tion de l'ouvrage ont été pris à la mème époque , dans la même localité; et cette circonstance peut faire croire qu’ils appartiennent tous à l'espèce dont il est ici ques- uon. Le 3. Luserrezza Rosz, Nob. (tab. 5 , fig. VE). L. acervis oblongis, coniluentibus ; sporidiis auran- liacis, tenuissimis, circiter ;- millimetris longis, in semi-circulum curvatis. Obs. Hæc descriptio illam Cryptosporii aurantiaci revocat in memoriam. Habitat in cortice ramorum Rosæ caninæ , in Prus- sià (v. v.). 1] ne faut pas confondie cette rare et intéressante (278 ) espèce avec le Næmaspora Rosarum de Greville , qui : n'est, comme nous le dirons dans un instant, que le Cytispora leucosperma de Persoon. Species inquirendæ. Næmaspora grisea : sémplicissima, cirrho solitario albido-griseo. Hab. rarius ad cortices Coryli Avella- næ. Pers., Syn. Fung., p. 110. Næmaspora Ribis : Sporidiis minimis gelatinosis au- reis sub epidermide in acervos irregulares concretis, demum per rimam (sæpè cirrhorum parvorum forma juxta Sphæriam ribesiam) ejectis. Ehrenb., Sylv. myc. Berol., p. 22. Nous citons ici, comme obscures ou douteuses , deux espèces que nous recommandons aux recherches des mycologues, et qu’il n’est pas possible de placer dans lun ou l’autre des genres que nous venons de caracté- riser , d'après le peu de connaissance que nous en ont donnée les auteurs. # Le Næmaspora epiphy lla de De Candolle (Syn. PL., p- 63) , ne peut trouver place dans notre Monographie, parce que, suivant ce botaniste, il est pourvu d’un ré- “ceptacle. On trouve encore dans le Scottish Cryptoga- mic flora de Greville un Næmaspora magna (Vol, 6, t. 349), et un Næmaspora Rosarum (vol. x , t. 26); mais il est évident que le premier est un Melanconium et le second le Cytispora leucosperma , ainsi que l’auteur l’a reconnu dans le Synopsis ( p. 17) placé à la fin de son bel ouvrage. Quant au Næmaspora nigra Pers., que l’on trouve dans le VNomenclaior botanicus de (279) Steudel (PI. crypt., p. 296), Persoon lui - même nous a déclaré qu’il n'avait décrit nulle part un Næmas- pora sous ce nom. Toutes les autres productions mentionnées par les au- teurs sous les noms de Næmaspora hyalosperma, me- ‘lasperma , leucosperma , chrysosperma, ete. , appar- tiennent au genre Cytispora. Il en est aussi plusieurs qui sont de véritables Sphæria; et la plante trouvée au Brésil par M. de Chamisso , et que Ehrenberg a décrite sous le nom de Næmaspora tularostoma (Hor. Berol. , p- 87, t. 18, fig. 7), est un Phoma particulier aux feuilles des Myrtes et des Lardizabala. De l’ergot du Maïs , et de ses effets sur l'homme et sur les animaux ; Par M. Rouzin. (Lu à l'Académie royale des Sciences, séance du 19 juillet 1829.) On sait depuis long-temps que le Seigle ergoté, pris comme aliment, donne naissance à des maladies con- vulsives et gangréneuses ; on sait encore qu'administré convenablement , il exerce une action spéciale sur l’uté- rus, et son eflicacité, comme moyen thérapeutique, semble aujourd’hui suffisamment prouvée. L’analogie a porté à penser que l’ergot développait dans toutes les Graminées qu'il attaque des propriétés semblables ; mais , jusqu'à présent , aucune expérience directe n’a prouvé la légitimité de cette supposition ; l'observation ( 280 ) non plus n'a rien appris à ce sujet, attendu que, dans les Céréales, dont l’usage est le plus répandu, dans le Froment , lOrge et lAvoine, le nombre des épis malades est, en général, trop petit pour avoir de l’in- fluence sur le produit de tout une récolte. Il serait donc possible , à la rigueur, que l’ergot ne communi- quàt à ces grains aucune propriété délétère, et que, comme le chancre et la nielle, il leur enlevât seulement leurs qualités nutritives. Si, comme cela est plus pro- bable , il leur donne sur l’économie animale une action nuisible , peut-être les accidens produits sont-ils tout diflérens de ceux qui caractérisent l’épidémie de Sologne, le raphania , le kriebel krankheit. Il serait intéressant d’éclaircir cette question , d’au- tant mieux que la maladie qui a régné épidémiquement cet hiver à Paris a présenté, suivant quelques praticiens, des signes d’ergotisme qui pourtant , dans la plupart des cas, ne sauraient être atiribués à l'usage du Seigle. J'ai eu ; pendant mon séjour en Amérique , l’occasion d'observer l’ergot sur une Céréale qui, en Europe, n’en a jamais été attaquée, sur le Maïs, qui, dans toutes les parties chaudes de Colombie, entre pour beau- coup dans la nourriture du peuple. Les symptômes ressemblaient bien, sous certains points, à ceux que produit le Seigle ergoté; mais, sous d’autres , ils en différaient sensiblement. Je n’ai pu obtenir de renseignemens bien précis sur les circonstances qui favorisent le développement de l'ergot dans le Maïs ; quoi qu'il en soit des causes qui le produisent , cet ergot se présente toujours sous forme d’un petit tubercule d’une à deux lignes de diamètre ét ( 281 ) de trois à quatre de longueur. Ce n’est point, comme dans le Seigle, un allongement de tout le grain, mais un petit cône enté sur une sphère; de sorte que l’en- semble représente une poire, ou, mieux encore, une gourde. L’ergot se distingue des parties voisines par une couleur un peu livide; quant à l’odeur, elle ne m'a pré- senté rien de remarquable ; mais peut-être cela tenait-il à ce que le grain était anciennement cueilli. Quelquefois plusieurs plantations voisines sont atta- quées en même temps de l’ergot; mais il est rare que la maladie envahisse à la fois tout un canton. On donne au grain ainsi altéré le nom de Maïs pela- dero , c'est-à-dire, qui cause la pelade : il fait , en effet, tomber les cheveux des hommes qui en mangent, et cest un accident qui se remarque beaucoup dans un pays où la calvitie est presque inconnue , mème chez les vieillards. Quelquefois aussi, mais plus rarement, il cause l’ébranlement et la chute des dents; jamais je ne lai vu produire de gangrène des membres, ni de mala- dies convulsives. Au reste, si les effets de l’ergotisme sont moins terribles dans ce pays que dans le nôtre, cela tient aussi , sans doute, en partie au moindre usage qu'on y fait des Céréales. Le paysan américain con- somme à peine en Maïs la moitié de ce que le nôtre consomme en Seigle, parce que, dans un grand nombre de cas, la banane remplace pour lui le pain. On pourrait supposer aussi que cette différence d’effets tient à la diflérence de composition des deux grains. Le Maïs , en effet, ne renferme pas de gluten, matuèreor- tement animalisée et éminemment putrescible. Au reste, remarquons en passant que le Froment, qui en con- ( 282 ) tient presque deux fois autant que le Seigle, est très- rarement attaqué de l’ergot. Les porcs témoignent d’abord quelque répugnance pour le Maïs peladero ; cependant, si l’on n’a pas soin de les éloigner du lieu où l’on renferme ce grain , ils y prennent bientôt goût, et le recherchent avidement. Après qu'ils en ont mangé pendant quelques jours, leur poil commence à tomber, sans que d’ailleurs leur santé paraisse être altérée. Plus tard, on remarque de la gène dans les mouvemens du train de derrière ; les membres abdominaux semblent s’atrophier, et l'animal peut à peine s'appuyer sur eux. Je n’ai pas été en position d’ob- server par moi-même le développement ultérieur de la maladie , et je n’en ai pu rien apprendre par le récit des paysans; car, sitôt que l'animal commence à maigrir, on le tue, afin de profiter de sa chair. Je n'ai jamais entendu dire que l’usage de cette viande ait été suivi d’accidens. Les mules à qui on présente le Waïs peladero, le mangent comme s’il était sain. Si l’on continue à leur en donner, leur poil tombe , leurs pieds s’engorgent , et quelquefois même le sabot s’en détache. Comme , dans cet état, l'animal n’est plus propre à servir, on le relègue communément dans des pâturages éloignés des habita- üons ; en ces lieux, la cause de la maladie ne subsiste plus, la santé se rétablit communément, et le pied se recouvre d’une corne nouvelle. Je ne trouve dans mes notes rien qui indique préci- sémegt que les membres postérieurs soient les seuls affectés ; cependant cela est probable , puisqu’en espa- gnol, les pieds de deyant , dans les bêtes chevalines, ( 283 ) étant désignés par le mot de mains, on n’eûüt pas manqué de les mentionner séparément dans le cas où ils eussent été aussi atteints de la maladie. Les poules qui mangent du Maïs ergoté pondent assez fréquemment des œufs sans coquille. On ne comprend ‘pas trop d’abord comment ce genre de nourriture peut influer sur la formation du carbonate de chaux dont l’œuf est habituellement revêtu ; cependant il me semble que le fait s'explique assez bien, en concevant que l’ergot produit, dans ce cas, un véritable avortement; en un mot, qu'il excite dans les organes destinés à l'expulsion de l’œuf des contractions qui chassent ce produit de l’oviductus avant qu'il ait en le temps de s’y revêtir de son enveloppe terreuse. J'insiste sur ce fait, parce que plusieurs des médecins qui ont préconisé l’usage du Seigle ergoté comme médi- cament, ont avancé en même temps qu'il était incapable de produire l'avortement, Peut-être ont-ils été conduits à soutenir cette opinion, moins par une véritable con- viction que par le désir de prévenir des tentatives cou- pables. S'il en est ainsi, tout en louant leurs intentions, Je suis loin d'approuver leur réserve, et je crois que, dans ce cas, comme dans bien d’autres, il.y a moins d’inconvénient à dire toute la vérité qu’à en céler une partie. Si l’on n’avait pas observé que l'usage du Seigle ergoté mêlé aux alimens produisait des accouchemens préma- turés , on ne voit guère ce qui eût porté à l’administrer pour hâter les accouchemens à terme. L’avortement a été observé dans des épidémies d’ergotisme par plusieurs praticiens , entre autres par M. Courhaut, qui même est a. ( 284) parvenu à le produire sur une chienne , après six jours de l'usage du Seigle ergoté donné à quatre onces par jour. Nul doute que la dose qui peut amener l'expulsion d’un fœtus à terme , lorsque la matrice et ses annexes sont dans les conditions les plus favorables de dévelop- pemens, ne soient souvent insuffisantes à une époque moins avancée de la gestation; mais il est un grand nombre de cas dans lesquels un médicament qui excite les contractions de l'utérus, lors mème que cet organe ne contient autre chose qu'un polype , produira presque à coup sûr l'avortement. Je dois confesser ici que je n'ai jamais eu l’occasion de constater directement l’avortement déterminé chez un Mammifère par l'usage du Seigle ergoté , et que les renseignemens que j'ai recueillis à cet effet ne m'ont pas même paru suflisans pour bien établir ce fait , que d’ail- leurs je suis très-porté à admettre. On sait que le Seigle ergoté n’agit jamais avec plus de force que lorsqu'il est fraichement récolté; la mème chose a lieu pour le Maïs peladere , avec ceute seule différence que le poison semble encore plus actif avant que le grain ait acquis sa parfaite maturité. Le Maïs, depuis l'instant où il commence à entrer en épis jusqu'au moment de la récolte, est environné de nombreux ennemis : les Mammifères et les Oiseaux s’en montrent également avides , et il n’y a que la surveillance la plus active qui puisse les en tenir écartés. Lorsque la récolte est gâtée par l’ergot, on se relâche communément d’une garde aussi fatigante, alors de jour et de nuit les animaux viennent pour se gorger de ce mauvais grain qui agitsur eux avec la plus effrayante rapidité. I n'est ( 285 ) pas rare de voir des singes, des perroquets tomber comme ivres au milieu du champ , et sans pouvoir jamais se re- lever. Des chiens indigènes ; des cerfs qui sont égale- ment frionds de Maïs , maïs qui ne viennent se repaître que: dans l'obscurité , éprouvent quelquefois le même sort. Le matin, on les trouve dans les halliers voisins de la plantation, et le vol des zamurros indique le lieu où ils sont allés se coucher pour mourir. Après ce que je viens de rapporter, croirait-on qu’un grain, capable de causer si subitement la mort, pût perdre en peu de temps ses propriétés délétères, et devint sus- ceptible de servir d’aliment ; c'est pourtant ce qui semble prouvé , autant du moins qu'une chose peut l'être par un concours de témoignages désintéressés. Nombre de gens dignes de foi m'ont assuré que lorsque le Maïs pe- ladero à passé les Paramos , hautes montagnes où règne un froid éternel, il se trouve dépouillé de toute qualité nuisible. Ce qu'il y a de certain , c’est qu'on porte assez fréquemment ce grain dans les villages de la Cordilière, situés sur le versant opposé , et là il est acheté par des hommes qui n’ignorent pas le danger qu’il y aurait à s’en servir dans le lieu où il a été récolté. Ce faitne pourrait-il pas, jusqu’à un certain point, rendre raison des différences qu’on remarque dans l’ac- tion du Seigle ergoté , quand on l’emploie comme médi- cament. Îl serait intéressant de constater si le grain qui se trouve sans vertu n'a pas été exposé dans quelques magasins mal clos, à tous les froids de l'hiver; tandis que celui qui agit encore avec énergie aurait été conservé dans un lieu dont la température varie peu , dans une cave ou dans un appartement habituellement chauité. ( 286 ) Il ne paraît pas que l’ergot du Maïs soit une maladie fort répandue; on ne le connaît point au Pérou, au Mexique, ni dans les républiques du centre. En Co- lombie, je n'ai jamais appris qu’elle existât hors des provinces de Neyba et de Mariquita. Dans ces provinces, on ne l’observe que dans les parties chaudes , quoique, d’ailleurs, le Maïs prospère dans des climats constam- ment froids. J’ai vu, sur les bords de'la lagune de Fu- quène , à 2200" d’élévation au-dessus du niveau de la mer, des plantations de Maïs , dont les tiges dépassaient communément sept pieds. Il paraît que la température influe beaucoup sur la proportion des principes immédiats qui entrent dans la composition de cette plante. Pour le grain, je n'ai pu m'en assurerdirectement ; je n'étais pas en état de faire une analyse comparée d’une exactitude suflisante ; mais, pour la tige, je m'en suis parfaitement assuré. Je lus un jour, dans la première lettre de Cortez à l’empereur Charles V , que les Mexicains faisaient avec le suc du Maïs un sirop aussi agréable que celui du sucre de canne. J'étais alors à Bogota, j'allai le jour même goûter des tiges de Maïs , et je ne leur trouvai qu'un goût fort insipide ; depuis , me trouvant dans un climat chaud, à Mariquita, je fis le même essai, et ayant alors trouvé à cette tige une saveur très-fortement sucrée, j'en fis moudre une assez grande quantité dans un mou- lin à rouleau (trapiche) ; je recueillis de deux à trois litres de jus d’un vert glauque, opaque, mais qui s’é- claircit après quelques minutes d'ébullition. Je traitai ce jus exactement comme on fait dans le pays pour celui de canne, c’est-à-dire, qu'après avoir bien écumé, j'y ( 287 ) jetai à un certain moment une lessive de cendre, et je poussai convenablement le feu. J'obtins ainsi un sirop blond d’une saveur sucrée, très-franche , et qu'il eût été impossible de distinguer du sirop ordinaire , sans une petite pointe d’acidité qui Jui restait. Le sirop placé à l’étuve me donna plus de deux onces d’un sucre pris en masse, parfaitement sec, mais qui attira bientôt l’humidité de l'air, peut-être à cause d’un peu d’acide malique dont la lessive alcaline ne l'avait pas bien purgé. Rarrorr fait à l’Académie royale des Sciences sur le Voyage de M. d'Urville; Par M. le baron Cuvier. (Séance du 26 octobre 1820.) L'Académie, qui a déjà entendu avec intérêt le rap- port qui lui a été fait par M. de Rossel, sur le voyage de découvertes exécuté sous les ordres de M. le capilaine d'Urville , a désiré qu’il lui füt rendu un compte parti- culier des travaux des naturalistes attachés à cette expé- dition , et elle nous a chargés, MM. Geoffroy - Saint- Hilaire, Latreille, Duméril et moi, d'en examiner la partie zoologique. I nous a été d’autant plus facile de nous acquitter de ce devoir, que déjà trois fois nous avons eu occasion d'entretenir V Académie des envois de ces savans naviga- ( 288 ) teurs , et que nous n'avons en quelque sorte aujourd'hui qu'à résumer nos rapports précédens , et à les compléter par une indication des objets qu’ils en ont déposés eux- mêmes , à leur retour, soit à l’Académie, soit au Muséum d'histoire naturelle. . MM. Quoy et Gaïmard , zoologistes de l'expédition , étaient déjà glorieusement connus de l’Académie et de tous les amis de l’histoire naturelle par leur participation au voyage de M. le capitaine Freycinet et par le volume plein d'observations curieuses et nouvelles dont ils ont enrichi la relation. On ne pouvait pas douter que l’ex- périence acquise lors de cette première expédition et les études qui leur avaient été nécessaires pour en publier les résultats ne les eussent mis à même de rendre la se- conde encore plus profitable à la science ; et on l’espé- rait d'autant plus que le capitaine d’Urville devait se rendre dans des parages encore plus abondans en riches productions et encore moins connus des naturalistes que ceux qu'avait traversés le capitaine Freycinet. Ces espérances n’ont point été trompées , malgré les malheurs et les contre-temps que l'expédition a éprou- vés , et bien qu'elle n'ait pu séjourner, autant qu'il eût été à désirer, sur ces côtes encore presque neuves pour la science , de la Nouvelle - Guinée, MM. Quoy et Gai- mard ont envoyé et rapporté des collections plus consi- dérables qu’il n’en avait été formé jusqu'à ce jour, ni par leurs prédécesseurs , ni par eux-mêmes. Fidèlement déposées au Cabinet du Roi , il en a été fait des catalogues exacts, qui spécifient classe par classe les nombres des genres , des espèces et des indi- vidus de chaque espèce; ious ces animaux, depuis les mani ( 289 ) plus grands jusqu'aux plus petits et aux plus frèles , sont d’une conservation qui annonce la plus grande habileté et la patience la plus soutenue. Nous ne répéterons point ici ce que nous avons dit dans nos trois rapports précédens sur les nombres des éspèces et des individus qui ont composé ces envois. Les catalogues les comptent par milliers (1), et rien ne prouve mieux l’activité de nos naturalistes que l'embarras où se trouve l’administration du Jardin du Roi pour placer tout ce que lui ont valu les dernières expéditions , etsur- tout celle dont nous rendons compte. I a fallu descendre au rez-de-chaussée , presque dans les souterrains , et les magasins même sont aujourd’hui tellement eucombrés, c’est le véritable terme , que l’on est obligé de les diviser par des cloisons pour y multiplier les places. Nous ferons remarquer seulement que , dans les cata- logues généraux qui ont été présentés à l’Académie, ne sont pas comprises de nombreuses petites espèces conte- nues dans six cent cinquante bocaux , dont plusieurs en renferment dix ou douze, l'examen que MM. Quoy et Gaimard en font eux-mêmes n'ayant pas encore été ter- miné. Une partie des objets auxquels leur nature donnait du prix ont été achetés des deniers de ces naturalistes , et même M. Gaimard a fait à lui seul les frais de son excursion particulière à Madagascar. On conçoit d’ailleurs tout ce qu'il a dû en coûter de fatigue, ce qu’il leur a fallu d'attention et d'adresse pour (1) Ces catalogues , qui ont demandé plusieurs mois de travail, ont été faits par MM. Latreille, Valenciennes , Isidore Geoffroy et Audouin. , | XIX. 39 ( 290 ) ne rien laisser échapper de tant d'êtres fugitifs, surtout de ceux que l’œil même a peine à saisir au milieu des vagues dont ils ne se détachent point par la couleur; aussi se font-ils un plaisir de reconnaitre que le zèle de tous les officiers, de tous les hommes de l'équipage pour ce genre de recherches , la complaisance qu’ils ont mise à les seconder , les ont puissamment aidés à remplir cette partie de leur mission. Lé corps de la marine fran- çaise est trop éclairé aujourd’hui pour dédaigner rien de ce qui se rapporte aux sciences , et nous regarderons toujours comme un devoir de la part des naturalistes de témoigner publiquement toute la reconnaissance qu'ils lui doivent. Depuis plusieurs années, l’histoire natu- relle , et surtout la zoologie, s’est plus enrichie peut- être , par suite des ordres donnés de la part du ministère de la marine, et du zèle que MM. Les officiers ont mis à les exécuter , que par les efforts particuliers d'aucun de ceux qui la cultivent, et même que par les expéditions scientifiques d'aucune des époques précédentes. Dans cette occasion, ce zèle a pu se montrer d'autant mieux, que le commandant de l'expédition , ML. le capitaine d'Urville lui-même , très - profond dans plusieurs branches de la science, a partagé , autant que ses devoirs de chef le Jui ont permis, les travaux des naturalistes; et qu’én lui doit personnellement une grande partie des insectes de la collection. On en doit aussi beaucoup à M. Loutn, l’un des officiers, et leurs contributions, pour cette partie seulement, montent à près de cinq cents espèces. À Madagascar, M. Ackermann, chirurgien-major de l'établissement francais, en a usé également envers M. Gaimard avec la plus grande générosité. (291 ) Ce qui ajoute encore à la reconnaissance que les amis de l’histoire naturelle doivent au ministère de la marine et au gouvernement du Roi en général , c’est l’attention que l’on met aujourd’hui à publier aussitôt les résultats des expéditions, et avec une magnificence égale, à quel- que science qu'ils se rapportent. Onse souvientcomment tout ce qu'avaient produit le voyage de Bougainville et le séjour de Commersondans les mers de l’Inde, s’est trouvé dispersé. Je ne parle®i pas de l'expédition de La Pérouse, ni de celle de d'Entrecasteaux , l’une et l’autre si mal- heureusement terminées, quoique d’une manière dif- férente; mais Péron lui-même, dont l’activité lors de l'expédition de Baudir avait été si productive, n’a pu obtenir que la publication d’un mince atlas, et le grand nombre de dessins qui avaient été faits sous ses yeux ont mème disparu après sa mort, sans qu'aucune auto- rité se soit mise en peine d’en faire la recherche. I] n’en a pas été de même des trois derniers voyages. Celui de M. de Freycinet a déjà produit, pour la seule zoologie , un volume où l’on ne peut reprendre que deux ou trois figures faites sur des dessins non vérifiés d’un artiste qui n'était pas naturaliste. Celui de M. Duperrey se publie maintenant avec encore plus de magnificence, et l’ordre a été donné de publier également celui dont nous rendons compte. Rien ne lui manquera en exacti- tude, sous le rapport des dessins. M. Quoy , pour beau- coup d'objets, ne s’en est reposé que sur lui-même ; il s’est en quelque sorte adjoint à M: Sainson , peintre de l'expédition , et son talent, comme dessinateur, ne se montre pas moins dans les recueils que nous avons sous les yeux, que ses connaissances comme naturaliste. Tous ( 292 ) les objets dont l’art ne pouvait entièrement préserver les formes ou les couleurs , ont été représentés d’après le vivant, ou au moins sur le frais; et, ce qui est vraiment prodigieux , ils ont tous été dessinés deux fois ; les au- teurs ont gardé par devers eux les premiers dessins ; et, dans la crainte d’événemens qui pouvaient anéantir leurs travaux, ils ont saisi toutes les occasions d’en en- voyer des copies correctes à l'Académie, qui , déposées au secrétariat, leur ont été exacihent remises lors de leur retour. Ces dessins , que rien ne pourrait remplacer, ne por- tent, comme cela était naturel, nisur les Mammifères , ni sur les Oiseaux , ni sur les Insectes , trois classes qui se conservent assez bien en nature, pour ne pas exiger celte précaution ; mais ils représentent quelques Qua- drupèdes (à cause de leurs attitudes) et tous les Reptiles, les Poissons , les Mollusques , les Annélides et les Zoo- phytes qui ont paru offrir quelque intérèt. Ils forment 525 planches in-4°, contenant 3350 figures ou détails anatomiques relatifs à 1263 espèces différentes d'animaux des classes que nous venons d'indiquer. En même temps que ces observateurs pleins de zèle se livraient à ce pénible travail, ils consignaient dans des registres tenus dans le meilleur ordre , tout ce qu’il y avait à remarquer d'intéressant sur chaque espèce. Des numéros de concordance fort exacts renvoient de l'observation écrite , au dessin, et à l’objet même con- servé en nature; en sorte que , par la combinaison de ces trois documens , on peut toujours en compléter l'histoire. L'examen de ces riches recueils est fait à la fois pour ( 293 ) effrayer l'imagination sur les prodigieuses richesses de la nature, et pour rendre modestes les naturalistes les plus habiles, en leur apprenant combien ils sont encore reculés dans la connaissance de ces êtres dont ils préten- dent dresser le catalogue. Chaque pas , chaque coup de filet, pour ainsi dire, a fourni à nos voyageurs des choses singulières et inconnues. L'Académie se souvient que, dès la baie d’Algésiras, pendant un séjour que les vents contraires les obligèrent d'y faire , ils découvrirent , en quelque sorte, une famille tout entière de Zoo- phytes, celle des Diphydes, dont on n'avait encore qu'une seule espèce et un individu mutilés. Ce sont des animaux presque incomprékensibles; tou- jours se tenant deux à deux, mais où les individus de chaque couple ne sont pas semblables; l’un des deux emboitant l’autre en partie, et fournissant une guirlande d’ovaires et de tentacules qui traverse un canal de l’em- boité pour pendre dans la mer. Cet arrangement, dont on ne se faisait aucune idée , qui ne se laisse pas bien expliquer maintenant qu’on le connaît, se répète ce- pendant en huit ou dix espèces différentes, toutes d’une mer très-voisine de nous, et tellement communes, qu’il n'a fallu que quelques jours à nos observateurs pour les rassembler. Depuis lors, ils en ont trouvé plusieurs autres exemples dans d’autres mers , et nous ne doutons point que les navigateurs , maintenant avertis, ne les multiplient encore beaucoup. MM. Quoy et Gaimard eux-mêmes ont découvert et décrit plusieurs genres qui conduisent par degrés de ceux-là aux Acalèphes hydrostatiques ordinaires , dont la série se termine aux Physalies. Les formes et les com- (294) binaisons les plus extraordinaires se rencontrent dans ce groupe dont les Physsophores de Forskahl ne donnent qu'une légère idée. Il y en. a dont les vésicules , prenant des formes stéréométriques prononcées, se rassemblent en prismes, en pyramides, en sphères. Les guirlandes de tentacules, de suçoirs , d’ovules suspendus à ces amas de vésicules , présentent aussi les formes et les couleurs les plus variées. C’est encore là une famille d'êtres qui promet les observations les plus curieuses. Marsigli, Donaü, Ellis, nous avaient fait connaître les animaux du Corail, des Gorgones et des Pennatules. M. Savigny avait donné des idées encore plus précises de ceux des Alcyons ; mais on n'avait encore que des idées assez vagues de ceux des divers sous-genres que l’on a établis dans le genre des Madrépores , tels que les Caryophyllies, les Méandrines , les Astrées. Nos voyageurs les ont observés avec soin, et nous en donnent des figures coloriées ; on voit que, dans les Méandrines, ce sont des oscules ouverts çà et là dans les sillons ; que les Astrées ont des Polypes assez voisins des Actinies ; que dans les Caryophyllies, chaque extré- mité de branche fait sortir un faisceau de tentacules. Plus de cent planches , contenant pour la plupart de nombreuses figures, sont consacrées aux animaux des coquilles. La conchyliologie ne sera plus réduite , comme elle l'était presque encore il y a trente ans, à jouer, comme disait Müller , avec de petites productions pier- reuses plus ou moins bien colorées. Ce qu'Adanson avait commencé, ce que Müller lui-même, malgré son ironie, n'avait pu porter bien loin, se trouve fort avancé par les observations de nos savans voyageurs. Il n’est guère de (29 ) genre ni de subdivision de genre dont ils n'aient repré- senté l’animal dans toute son expansion et avec ses cou- leurs naturelles. Deux de ces genres cependant restent encore dans le doute. Ïls n'ont eu du Nautile qué des fragmeus ; encore n’ést-ce qüe par conjecture qu'ils les supposent appartenir à cette coquille. Quant à l'Argo- naute, l’Académie a déjä appris , par une de leats lettres, qu'un Hollandais , établi depuis long-temps aux Molu- ques, les à assurés que éetté coquille était habitée par un Mollu:que dont il à fait dé mémoire une esquisse , et qui paraitrait de l’ordre des Gästéropodes ; mais MM. Quoy et Gaimard eux-mêmes n'ont vu ce Mol- lusque ni mort, ni en vié, én sorte que ce problème, qui à tant occupé, dans ces derniers temps, quelques na- turalistes , ne peut être encore considéré comme tout-à- fait résolu. MM, Quoy et Gaimard , ayant bien voulu se souvenir que l’un de nous s’otéupe d’un grand ouvrage sur les Poissons , ont donné tüne atténtion particulière à cette classe d'animaux. Ils lui ont consacré 136 planches, dont la phupart contiennent plusieurs figures, en sorte que le nombre des espèces représentées va à près de 300. Les aulêurs se sont concertés avec leurs collègues MM. Lesson et Garnot , qui publient en ce moment la partie zoologique du voyage du capitaine Duperrey, et avec MM. Cuvier ét Valenciennes , auteurs de l’histoire générale des Poissons, afin que lés espèces qui seront représentées dans un de ces ouvrages ne soient pas répé- tées dans les deux autres , et que l’on n'y figure, autant qu'il séra possible , que des espèces qui n’aient point en- core paru ailleurs, en sorte que, si l’on y réunit la partie (296 ) zoologique du voyage du capitaine Freycinet, la France aura produit , en peu d'années , une masse de figures de Poissons coloriées d’après le frai, qui enrichira consi- dérablement l’ichihyologie. Parmi ceux que l’on devra à MM. Quoy et Gaimard , nous ferons remarquer particulièrement un grand nom- bre de grands Squales et de grandes Raïes difficiles à rapporter , deux nouvelles espèces de Moles, un nou- veau Sternoptyx et cinq ou six poissons qui forment des genres nouveaux, et dont, avec la permission de nos voyageurs , l’un de nous a déjà indiqué une partie dans la nouvelle édition de son Règne animal , mais qui exi- geraient trop de détails pour être expliqués ici. Ce qui , dans cette parüe des travaux de MM. Quoy et Gaimard, plaira surtout aux amateurs, ce sera une suite de Poissons de couleurs charmantes qui n'avaient point encore été rendus avec cette vivacité. On ne peut revenir dela beauté de ces inimitables assortimens de couleurs dont la nature s’est plu à revêtir des êtres des- tinés à demeurer dans les profonds abimes de la mer. Nos naturalistes n'ont pas négligé l'anatemie des Poissons. Leurs planches représentent lesguiscères de plusieurs espèces , et ils se sont attachés surtout aux cerveaux des grands Squales et des grandes Raïes. Ils ont rapporté aussi plusieurs pièces anatomiques relatives aux animaux supérieurs, et dans ces classes supérieures elles-mêmes, ils ont assez d'espèces nou- velles pour enrichir leurs ouvrages de planches inté- ressantes, D'après cet exposé, il nous paraît que les travaux exécutés pour la zoolosie par les naturalistes de l’expé- Ï sie F (297 ) dition commandée par le capitaine d’Urville , répondent parfaitement à ce que les amis des sciences pouvaient attendre, et que l'ouvrage où ils en rendront compte ne pourra que faire honneur à la France et à son gouver- nement. Signé Georrroy Saint -Hicaime , Larreizre, Du- MÉRIL; Cuvier , rapporteur. "L'Académie adopte les conclusions de ce Rapport. ExPÉRIENCES sur la Génération des Plantes ; Par M. C. Girou DE BuzAREINGUES, Correspondant de l’Académie royale des Sciences. Ares en avoir rendu compte à l’Académie , j'ai pu- blié les faibles résultats que j'avais obtenus en 1827 et 1828, de quelques expériences sur la reproduction des plantes. J'ai voulu m’assurer , en 1829, si ces mêmes résultats se présenteraient encore dans de nouvelles expériences , et si les lois de reproductions végétales auxquelles j'avais été conduit par des aperçus physiologiques , existaient réellement. Mon chanvre de l'expérience de 1828 avait été soumis à une circonstance particulière ; J'avais arraché presque tous les mâles avant la fleuraison ; deux ou trois seule- ment étaient fleuris lorsque je les arrachai; et il était pour moi vraisemblable : 1°. Que si, comme l’aflirme Spallanzani , le chanvre ( 298 ) femelle produit des graines susceptibles de germer, quoiqu'il n'ait pas été fécondé par le mâle, il ÿ aurait dans ma peêtite récolte de 1838 des graines de chanvre qui seraient dans ce cas ; 2°, Que, s’il y avait quelque analogie entre le règne végétal et le règne animal, si le chanvre se comportait dans sa reproduction , comme le puceron, ces grains, formés sans le coucours du mâle, produiraient spéciale- ment des femelles , et que j'obtiendrais , en somme , de ce chenevis un plus grand nombre relatif de femelles , que de tout autre qui n’aurait pas été soumis à la même circonstance. Une expérience de Spallanzani affaiblissait cependant l'espérance de ce dernier résultat. Je me suis procuré d’autre chenevis, dont une partie m'a été donnée comme venant d'Issoire, ét une autre partie comme recueillie à Cassagnes, près Buzareingues. Sur le chenevis de mon expérience de 1828 , j'ai pu séparer les grains formés par le haut de la tige, de ceux qui l'avaient été par ses grappes inférieures ; et sur cha- cune de ces divisions , ainsi que sur le chenevis d'Issoire , j'ai séparé les grains les plus gros des plus petits, afin de m’assurer, éncoré par moi-même, si le résultat obtenu par M. Autenrieth, et rapporté par M. De Candolle, était général ; si les grains les plus gros donnaient constam- ment plus de mâles que les grains les plus petits , ou s'il n’én serait pas de ce sentiment comme de celui qu'a- vaient adopté les Romains sur les œufs, et qui nous est conhu par ces vers d'Horace : « Longa quibus facies ovis exitilla memento, « Ut suceci melioris et ut magis alta rotundis « Poncre : namque marem cohibent callosa vitellum. » ( 299 ) Toutes mes divisions étant faites, je les ai seméés sé- parément dans mon jardin ; au commencement de mai, quinze jours plus tôt qu’on ne sème le chanvre dans le canton dont fait partie le domaine dé Buzareingues ; je les ai semées à l'Est et sous l’abri d’une haute muraille qui intercepte parfaitement le vent du couchant , le seul qui eût pu apporter sur mon chanvre Îe pollen que pouvait fournir la seule chenevière voisine, éloignée d'environ huit cents mètres de mon jardin. J'ai pris ces précautions, parce que, étant dans l’in- tention de détruire les sujets mâles avant la fleuraison , il m’importait aussi de soustraire les sujets femelles au pollen étranger ; où plutôt de prévenir tout doute là- dessus; car je suis convaincu que les influences du pollen transporté par les vents sunt moindres qu’on ne le pense. S’ilen était ainsi, en effet, il serait presque im- possible de conserver les espèces dans leur pureté; l’hy- bridation serait inévitable et générale. Une expérience de Spallanzani sur la mercuriale des jardins montre , d’ail- leurs, que ce n’est qu'à de petites distances que le pol- len de ces sortes de plantes féconde les femelles. J'ai été singulièremeni contrarié par les limaces , les araignées , plusieurs insectes et les oiseaux. Ceux-ci, au mépris de tous les épouvantails, au mépris même d'un faucon empaillé, se portaient en foule sur mon chanvre naissant , parce qu'il était seul dans la contrée. Je suis bien certain d’avoir arraché et détruit tous les sujets mâles avant la fleuraison. Il n’y a pas eu de fleurs mâles sur les sujets femelles. Je suis enfin très-persuadé que mon chanvre femelle n’a reçu aucune influence du pollen étranger, parce qu'il était fleuri et son chenevis ( 500 ) déjà formé avant la fleuraison de tout autre chanvre mâle du voisinage ; précocité que j'avais ménagée tout exprès. Cependant mon chanvre femelle m’a donné beaucoup de chenevis, et indifféremment dans toutes ses grappes et sur toutes les faces de ses tiges; autant m'en ont donné les plantes les plus rapprochées de l'abri, que celles qui en étaient les plus éloignées. J'ai semé 300 grains de ce chenevis , ils ont parfaitement germé ; j'en eusse peut-être obtenu une seconde récolte, si la tem- pérature de l’été dernier eût été plus chaude. Je suis donc convaincu que le chanvre femelle peui se reproduire sans le concours du mâle ; mais le chanvre ainsi formé est-il apte à produire, comme tout autre, des mäles et des femelles, et dans les mêmes propor- tions ? Voilà une question dont la solution m'intéresse beaucoup, et sur laquelle je n’ai encore acquis à poste- riori qu'un léger adminieule ; mais que j'espère résoudre l'an prochain d’une manière positive. Je passe aux autres résuliats de mon expérience; en voici le tableau : J Chanvre provenant de l'expérience de 1828, et fécondé par un petit nombre de méäles. Rapport Mäles. Femelles. des mâles aux femelles. Part. iuf. de latige. Semence grosse. 87 07 5. 1000, : "TTID — — — Semence petite. 63 67 :: 1000 : 1063 Total. 150 ,164 : : 1000 :. 4093 72 ( 301 ) Part. sup. de la tige. Semence grosse. 103 117 :: 1000 : 1136 — — — Semence petite. 77 118 :: 1000 : 1532 Total des quatre sections. 330, 429 : : 1000 : 1209 me rt, ee Chanvre présumé d'Issoire. Semence grosse. 256 307::: 1000 «:. 1199 Semence petite. 163 AS Ne UTOON EEE O0 Total. . 419 455 : : 1000 : 1088 Chanvre de Cassagnes. 3030840: I0OD ER 122 Résumé. Le chenevis provenant de l'expérience de 1828 , et que je suppose n'avoir pas été tout fécondé par du pol- len , est celui qui m'a donné le plus de femelles ; et la semence fournie par la partie inférieure de la tige men a donné, comme en 1828, moins que celle qui prove- nait de la partie supérieure. Dans celle-ci, la semence petite , fournie spécialement par le sommet des grappes, a donné un peu plus de trois femelles contre deux mäles , tandis que dans l’autre partie , la semence petite a donné plus de mâles que la semence grosse. Dans le chanvre présumé d’Issoire, la semence petite a réellement donné plus de mâles que de femelles, tan- dis que la semence grosse a donné plus de femelles que de mâles. Enfin, le chanvre de Cassagnes a produit un plus grand nombre relatif de femelles que celui d'Issoire : résultat opposé à un autre résultat de l'expérience de , 1828, que j'ai dû rapporter , quoique j'en fusse surpris. ( 302 ) Les semences les plus petites ne m'ont done donné un plus grand nombre relatif de femelles, qu’autant qu'elles provenaient du haut des grappes. Or, telle est la condition dans laquelle se trouve spécialement cetie qualité de semence, toutes les fois que le chanvre a été semé dru, comme on le sème ordinairement, et n'a pu, par ce motif, produire que des épis terminaux très-courts. On ne peut donc rien conclure de mon observation contre celle de M. Autenrieth ; mais elle rend vraisem- blable, s’il n’est certain du contraire, que la semence qu’il a employée dans ses expériences provenait du som- met des tiges : et, dans ce cas, il aurait trop généralisé sa proposition, supposé , d’ailleurs, que mes résultats , encore un peu mesquins , soient confirmés par d’autres expériences. da végétation du chanvre provenant de l'expérience de 1818 a suivi la marche de l'inflorescence : celle de la semence fournie par le bas de la tige a devancé celle de la semence fournie par le sommet. J'ai remarqué le même fait dans d’autres expériences sur des épinards , desquelles je ne puis encore rendre compte. La végétation de la semence grosse a été plus belle et a mieux réussi que celle de la semence petite. Cepen- dant je dois entrer ici dans quelques détails qui seraient assez curieux, s'ils se reproduisaient dans de nouvelles expériences. k En mème temps que j'arrachais les brins de chanvre mâle, je les classais , suivant leur grandeur, en deux sections, grands et petits; et, lorsque j'ai arraché Je ( 303 ) chanvre femelle, je lai lout mesuré brin à brin. Je 17 joins ici le tableau des résultats de cetie double opéra- tion, qui m'ont été donnés par mon chanvre de l’expé- rience de 1828. RAPPORT LONGUEUR MOYENNE des femelles, du nombre des mâles petits à la totalité. {mesurée du collet au sommet. | Bas de la tige. Semeuce grosse. 666 à 1000 0,582 — — Semencpctite. 603 à 1000 0,516 Haut de la tige. Semence grosse, 779 à 1000 0,607 — — Semence petite. 718 à 1000 0,677 (1) Résumé de ce Tableau. … La grandeur des brins femelles a suivi un ordre in- verse de celle des brins mâles; et, chose assez remar- quable , la semence petite du haut de la tige, à laquelle j'avais supposé une plus grande tendance à produire des femelles que des mâles, m’a donné non seulement le plus de femelles, mais encore les plus grandes femelles ; tandis que les mâles qu’elle a fournis ont été les moins nombreux et les plus petits. Je pe puis dire quelle part ont prise à ce singulier ré- sultat des circonstances étrangères à la semence elle- même, telles que le hasard , la culture, la distribution du fumier et l'inégalité de l’arrosement ; et quoique je (1) Mon chanvre paraîtra de bien petite taille : il y avait cependant des sujets de plus de six pieds ; mais, comme j'avais fait en sorte de tout conserver, il y en avait anssi un certain nombre de très-petits, ( 304 ) sois autorisé à la croire bien petite, si elle n’est pas tout- à-fait nulle, je m'abstiens de rien déduire de cette obser- vation solitaire. Bien résolu de faire quel, si elle est confirmée dans les expériences auxquelles je me propose de me livrer encoré, ce soit d’une manière concluante. Sur quoi vous êtes-vous fondé d’abord , me dira-t-on peut-être, pour supposer que le haut des tiges du chanvre femelle doit produire , plus spécialement que le bas , des grains aptes à former des femelles ? Sur des faits connus de tous les botanistes. 1°. Si Je considère l’action propre de la femelle indé- perdamment du mäle , je suis conduit à ma supposition par les faits suivans. Le sommet des grappes, des épis, des rameaux, et surtout des tiges principales , représente plus spéciale- ment que leur base l'axe fibreux ou l’étui médullaire de la plante, dont les organes féminins sont la continua- tion; tandis que la base représente ‘plus spécialement que le sommet, et l'enveloppe de l’étui médullaire ou les couches superposées , et l'écorce dont les organes mascu- lins principalement sont la continuation. Dans les plantes monoïques dicotylédones, sauf un petit nombre d’exceptions, les fleurs femelles naissent au sommet de la tige et les fleurs mâles sur ses côtés. Dans les plantes dioïques dicotylédones , le mâle est plus rameux, a une plus grande force de végétation ho- rizontale que la femelle , qui est plus élancée , qui a une plus grande force de végétation verticale que le mâle. 29, Si je considère l’action du mâle dans la reproduc- tion des deux sexes : Le chanvre mâle fleurit quinze jours et mème trois ( 3059 semaines avant la femeile. Le pollen des sujets les plus hauts, les plus vigoureux.et les plus précoces , celui qui tomberait spécialement sur le sommet des femelles, est donc répandu bien avant l'apparition des pistils et sur- tout de ceux du sommet de la tige. Il est d’ailleurs sujet à être dissipé par les vents ou entrainé par les eaux plu- viales, avant de pouvoir servir à la fécondation ; tandis que celui des sujets les plus tardifs et les plus petits, qui doit atteindre spécialement les bas rameaux de la plante femelle ou les ramuscules inférieurs de ses épis, ne par- vient souvent à sa maturité et ne tombe que lorsque les femelles fleurissent ou sont sur le point de fleurir ; d’où je suis induit à conclure que c’est spécialement sur ces parties inférieures de l'inflorescence féminine que de- vient sensible l’action des mâles. En juillet dernier, et lorsque le fruit du chanvre de l'expérience dont je viens de faire le rapport était déjà formé, j'ai semé, encore dans mon jardin, d'autre chanvre dont je me proposais de détruire et dont j'ai dé- truit , en effet, les produits màles les plus petits avant leur fleuraison, ne conservant que les plus grands. La semence que j'en ai obtenue sera mise en expérience en 1830. Je crains bien qu’elle n’ait pas acquis une suflisante maturité. J'ai fait aussi des expériences sur les épinards ; mais la température extraordinaire de l'été dernier s’est op- posée à leur complète fleuraison. Peut-être , cependant, en obtiendrai-je quelques résultats le printemps prochain. XIX. 20 ( 306 ) Mémone sur les Vices de conformation du rein , et sur les variétés qu’il présente dans sa struc- ture chez les Mammifères , et dans ses formes chez les Oiseaux ; Par M. le docteur Martin SaINT-ANGE, Membre de la Société anatomique de Paris. Tous les organes sont susceptibles d’être modifiés dans leur forme, et de présenter des conditions plus ou moins différentes de celles qu'ils offrent dans leur état normal ; mais le nombre des anomalies auxquels ils sont sujets est loin d’être le mème pour ious. Le rein est sans contredit l’un de ceux qui offrent le plus fré- quemment des variétés. Ces variétés dépendent le plus souvent de la compression que l'organe a éprouvée par suite d’un déplacement qui l’a mis en rapport avec des organes plus denses que lui. Une autre cause peui faire changer la forme d’un organe : c’est celle qu’on désigne sous le nom d'arrêt de développement ; maïs celle-ci n’agit que plus rarement, et, dans ce cas, l’organe n’est véritablement point dif- forme. La seule anomalie est la persistance d’une forme qui n'aurait dù être que transitoire. Or, de ce qu'un organe'est resté ce qu'il était dans son principe, on ne doit pas conclure qu'il est difforme , pas même dans les cas où son arrangement el sä forme se seraient arrêtés au même point où ils restent constamment chez un être très-inférieur. En effet, beaucoup de faits prouvent que ce vice de conformation est le véritable point de ( 307 ) départ de l’organe que l'on examine : c’est ainsi, par exemple, qu'on voit le rein du chat ou du lapin res- sembler parfaitement à celui de l’homme, non adulte, mais à l’état d’embryon. Cela prouve, je crois, qu’un organe est toujours parfait à l'époque à laquelle on l’exa- mine , abstraction faite de l’âge du sujet qui le produit. De plus, cela prouve aussi que souvent un organe reste chez l’homme ce qu’il est chez les animaux. Ces variétés se rapportent à des vices de conformation qui ne le sont véritablement que par rapport à l'individu que lon examine ; et, en effet , ce qui est l’état complet de déve- loppement d’une partie pour tel être, nel’est plus pour tel autre plus élevé dans l’échelle animale, c’est-à-dire, dont l’organisation offre quelques degrés de plus de com- plication : ce qui permet d’établir une succession non interrompue de manières d’être d’un organe, et de mon- ter à l’unité de composition organique, en établissant qu'un organe se montre sous la plus grande simplicité chez un être très-inférieur, pour devenir de plus en plus compliqué et se modifier ainsi à l'infini, en passant par un grand nombre d’intermédiaires qui le conduisent au maximum de composition. En envisageant ainsi la chose, nous nous voyons portés à examiner les variétés de formes , ou la diffor- mité, sous le rapport du mode de développement ; ce qui nous conduit à examiner la structure de l’organe que nous étudions, chez l’homme et les animaux, com- parativement. Avant cependant de considérer les anomalies du rein comme étant souvent le résultat d’un arrèt de dévelop- pement dans la forme , il est convenable de rechercher ( 308 ) tous les vices de conformation de cet organe, soit qu’ils aient été produits par une action mécanique , soit qu'ils aient eu pour point de départ un vice quelconque dans le mode de développement. Il sera facile de distinguer ces deux cas au moyen de l'anatomie comparée. Un rein sera difforme pour avoir seulement changé de figure, sa structure étant ce qu’elle doit être ; maïs il ne sera pas difforme pour avoir changé en mème temps et de forme et de structure, et avoir persisté , par un arrêt de déve- loppement , dans un état qui n'aurait dù être que tran- sitoire , et que d’ailleurs nous retrouvons d’une manière permanente chez des êtres inférieurs. Enfin, après avoir établi qu’un rein n'est jamais difforme par défaut de développement , nous comparerons les variétés produi- tes par anomalie, chez l’homme , aux modifications qui forment l’état normal chez les animaux , et nous ferous voir que, chez les Mammifères , la forme est toujours la même, tandis que la structure varie , et que l'inverse a lieu chez les oiseaux. Cette différence nous fera con- naître qu'il y a de nombreuses divisions à établir chez les premiers, quant à leur structure ; et , chez les se- conds , quant à leur forme. V'ices de conformation. Les vices de conformation des reins sont très-nom- breux et en mème temps très-variés. Les auteurs rap- portent un très-grand nombre de cas de reins manquant complètement, très-peu développés, inégaux en volume, ou bien ayant subi un déplacement plus ou moins grand: tous ces cas sont considérés par eux comme des cas de difformité. { 309 ) On cite des exemples de reins uniques. Chabrol a vu un.cas de cette nature ; le rein avait un volume énorme, et était placé sur les dernières vertèbres lombaires. Eustachi a cité l'exemple d’un seul rein. Gavard dit avoir trouvé un rein sur la colonne vertébrale, se con- fondant un peu avec les deux autres. Ce rein avait un uretère particulier qui allait s'ouvrir vers le tiers infé- rieur de l’uretère droit (1). M. Portal a mis sous les yeux de l’Académie des Sciences , année 1767, un rein volumineux et unique. M. Roux a rencontré sur un ca- davre un fait singulier : les deux reins , réunis en haut, formaient sur la colonne vertébrale un croissant à con- cavité inférieure. M. Monod a vu un rein très-volumi- neux placé sur le corps des vertèbres lombaires. J'ai moi-même observé un cas analogue sur un sujet que je disséquai à la Pitié, en 1822. La réunion des deux reins ensemble a lieu de telle sorte , qu’on ne peut distinguer quelquefois le point où les deux organes se sont réunis. Souvent un rétrécissement plus ou moins marqué indi- ‘que l'endroit de leur jonction , qui a lieu le plus souvent par une de leurs extrémités. Il est assez rare que la (1) M. Marjolin dit que le plus souvent , lorsqu'il y a trois uretères, deux se réunissent ensemble avant de traverser les parois de la vessie ; cependant il n’est pas rare de voir les uretères perforer la vessie iso- lément , et à quelque distance l’un de l’autre. M. Bérard a montré à la Société anatomique , en février ou mars 1828, une vessie ayec quatre uretères , allant à deux reïus seulement; il n’y avait point de double bassinet, mais il y avait une bifurcalion de chaque bassinet, bifurca- tion résultant de lPadossement de deux calices. M. Monod a aussi montré à la même Société un cas à peu près analogue ; enfin, j’ai moi- mème fait voir un très-pelit rein oflrant deux uretères, qui perforaient la vessie séparément. ( 310 ) réunion des deux reins ait lieu dans toute leur hauteur, comme Haller paraît l'avoir observé. Il est aussi d’autres vices de conformation qui ont rapport au nombre. Blasius parle d’un sujet qui avait trois reins, un d'un côté, et deux de l’autre. Rhodius dit en avoir vu trois; Fallope l’a observé de mème. Gavard en a vu aussi trois sur le même individu : deux étaient latéraux et occupaient leur place ordinaire, tandis que le troisième était couché transversalement au devant du rachis; les trois reins avaient leurs bassinets et leurs uretères , dont deux s’unissaient avant de per- forer la paroi de la vessie. Dulaurent dit avoir vu quatre reins ; Molinetti cinq. Enfin , on a aussi observé d’au- trés variétés de forme , dépendant de la position contre nature qu'occupent les organes, et que l’on a rangées parmi les vices de conformation : ce sont en effet les seules peut-être qui méritent le nom de diflormité (1). L'un des exemples les plus remarquables de déplace- ment du rein est celui qui a été vu et décrit par M. Pa- coud , sur le cadavre d’un homme ägé de cinquante ans. Le rein gauche était placé dans l’excavation du petit bassin derrière la vessie, à côté de l'intestin rectum, qui s'était porté un peu à droite et devant la partie anté- rieure ou concave du sacrum, recouvert par le péritoine ; ce rein était plongé dans une masse de tissu cellulaire , dont les lames, assez compactes, formaient là comme (1) Je pense que, lorsque la difformité affecte la forme sans la struc- ture , elle est toujours due à une action mécanique qui n’a poiut em- pèché la structure d’être la même, mais seulement la forme; et dans ce cas , le vice de conformation est réel, puisque le developpement de l'organe n’est arrêté que dans sa forme , et non dans sa structure, (: 3211) deux brides ligamenteuses qui s’attachaient au sacrum. Cette position avait , sans aucun doute, singulièrement influé sur la forme de l'organe. Ce rein était triangu- laire, pour s'être accommodé à la forme des parties dures sur lesquelles il était appuyé; il recevait trois artères, dont l’une venait de l’angle que forme l'aorte abdomi- male en se divisant, et chacune des deux autres de l’ar- tère hypogastrique : il n’y avait qu'une veine rénale (1). J'ai observé et publié (2) un fait analogue, qui a fourni à M. Geoffroy Saint-Hilaire l’eccasion de pré- senter quelques vues théoriques , et de mettre sous un nouveau jour la loi organique qu'il appelle principe des connexions. Ce fait est peut-être moins curieux, à cause de l’âge de l'individu , qui ne change cependant rien au fait observé. C’était un enfant né avant terme , qui avait succombé à une pneumonie, je crois, et au troisième jour de sa naissance. Le rein gauche se trouvait placé en partie dans l'excavation du petit bassin ; il était en rap- port, par sa face postérieure, avec la dernière vertèbre lombaire et la face antérieure et supérieure du sacrum ; sa face externe était cachée par le péritoine, qui la re- couvrait immédiatement et dans toute son étendue, et par le rectum, qui croisait sa partie supérieure. Le bord interne était très-concave ; à sa partie moyenne on voyait l’origine de l’uretère ; à son côté externe se trouvait le rectum , qui appuyait sur le bord du rein. Le bord ex- (1) Il est utile de remarquer que les autres viscères de ce même sujet présentaient différentes anomalies. J'ai déjà observé plusieurs fois qu’un organe est rarement seul difforme , et qu’une seule cause d’ano- malie peut amener le trouble dans plusieurs organes à la fois. (2) Voyez Annales des Sciences naturelles , janvier 1826. (53220) terne était eonvexe, et décrivait une courbe presque cireulaire ; il était cotoyé par l'artère iliaque primitive. Ce rein, plus petit que celui du côté droit, était comme ramassé sur lui-même, bosselé, et comme arrêté dans son développement (1); il recevait deux artères : l’une venait de la partie supérieure , antérieure et interne de l'iliaque primitive gauche, tout près de son origine; son calibre ne le cédait en rien à celui de la rénale droite; elle ne donnait aucune branche avant d’en distribuer à l'organe. L'autre artère, qui se portait aussi sur le même rein, naïssait de la partie postérieure, supérieure et interne de l’iliaque primitive gauche , gagnait le bord interne du rein, pénétrait dans cet organe, et s’anasto- mosait avec l’autre branche déjà décrite (2). Un autre cas bien curieux est celui d’un enfant de quatre à cinq jours, qui a été disséqué à la Pitié, et se trouve dans le cabinet anatomique de M. Serres. On voit chez cet individu les deux reins descendre dans le bassin, ayant une forme toute particulière; ïls sont arrondis , bosselés, et comme rapprochés par les deux (1) Ici on né pouvait point dire que le vice de conformation tenait à un arrêt de développement. A cet âge, les lobes qui forment le rein sont encore Lien distincts , et ce n’est que plus tard que la difformité aurait eu lieu. (2) D’après les idées de M. le professeur Serres, plus un organe reçoit de vaisseaux, plus il doit avoir de volume ; cependant le contraire paraît avoir lieu : deux artères se distribuent à un organe qui se trouve être plus petit que son semblable ; l’une d’elles est cependant aussi grosse que celle du rein le plus volumineux. Cette exception nous paraît tenir à la compression qu’a subie le rein descendu dans le bassin : dans ce cas, la présence d’une artère de plus ne pourra rieu faire, si l'organe ne peut se développer par défaut d’espace. Slt (33) extrémités. Les artères de ces reins paraïissaient venir des iliaques primitives ; les veines avaient été enlevées : j'ignore si les deux uretères allaient s'ouvrir dans la vessie, et au lieu accoutumé. La vessie était très-petite , et l'insertion des conduits rénaux paraissait se faire au sommet de cet organe : sans doute cette apparence était le résultat de la dessiccation de la vessie. Au reste, des cas semblables et bien authentiques ont déjà été obser- vés ; l’on a vu quelquefois les uretères traverser les pa- rois de la vessie dans un tout autre point que celui où se trouvent ordinairement leurs orifices. Les auteurs rapportent encore un assez grand nombre de cas de transposition des reins, mais sans remarque aucune sur leur forme ; il est cependant utile d'indiquer tout ce que les auteurs ont dit sur leur déplacement. Il nous sera facile de conclure que, d’après telle ou telle disposition , le rein devait avoir une forme plus ou moins variée; car toujours un organe s’accommode avec son voisin, et le moins résistant, dans ce cas, prend la forme que lui donne celui qui est le plus dense : c’est du moins ce que l’on rencontre le plus ordinairement. Ruysch a vu un rein descendu fort au-dessous de sa place , dans la région hypogastrique. Riolan a parlé d’un rein trouvé dans la région ombilicale. Eustachi et Bau- hin ont rapporté chacun une observation d’un rein placé antérieurement dans la cavité du bassin. Les Hé- moires de la Société royale de Médecine (1. X , p.66) contiennent un fait analogue. L’organe déplacé était dans intervalle de la bifurcation de l'aorte : le sujet de cette observation était un homme de cinquante ans. Drouin à vu le rein droit placé dans le bassin, sur l'os (314) _sacrum , chez une fille qui mourut à l’âge de dix-sept ans, Ce rein contenait huit pierres, pesait une livre et demie, et ne présentait aucune trace de vaisseaux rénaux ni d'uretères (1). Thouret a vu l’un des reins descendre dans le bassin ; la mème chose a été observée par Cho- part. Le rein droit occupait sa place au-dessous du foie ; le gauche était en partie derrière la fin du colon, devant les muscles iliaque et psoas, et s’étendait dans le petit bassin : il n'avait pas la forme ordinaire des reins; il était très-large , inégal et d’un grand volume , et conte- nait treize pierres volumineuses. M. Chaussier a trouvé un rein droit dans le bassin. On voit, au cabinet de ia Faculté de Médecine de Paris, une pièce anatomique qui présente un rein droit dans la cavité pelvienne. C’est à peu près tout ce que les au- teurs ont dit sur les vices de conformation du rein. Meckel distingue les vices de conformation primitifs des reins, qui dépendent plus ou moins évidemment d’une suspension de développement ; tels sont : 1°. L'absence d’un des organes ou de tous les deux. »°. La petitesse. Dans ce cas il arrive souvent , mais non toujours, lorsque cetie anomalie exisie d’un seul (1) Ce fait nous paraît bien singulier. Drouin ne dit pas s’il existe une substance corticale et une substance mamelonnée, et ne nous apprend pas comment il a reconnu cet organe. Le prétendu rein était aussi dépourvu de bassinet , ce qui nous ferait croire que ce n’était qu'une tumeur accidentelle. Cependant les calculs et l’absence d’un rein pouvaient éclairer jusqu’à un certain point sur la nature de la tumeur. Il est seuiement à regretter que Drouin w’ait point recherché ce qu'é- taient devenues les artères rénales, chose qu'il pouvait faire en exami- sant leur point d’origine , et aussi ce que pouvait être devenu l’uretère du côté de la vessie. ( 53259 côté, qu'elle se trouve compensée par le volume plus considérable du rein de l’autre côté. 3°. La différence plus ou moins considérable de vo- lume entre les deux reins. 4°. Le volume excessif de ces deux organes. . 5°, Leur réunion en un seul. Cette anomalie offre plu- sieurs différences sous le rapport de la position des par- ties et de l’étendue de la jonction , comme nous l'avons déjà vu. 6°. La forme plus oblongne qu’à l'ordinaire. 7°. La situation du bassinet sur la face antérieure (1). Ces deux dernières anomalies, dit Meckel, coïnci- dent ordinairement avec l’excès du volume ; mais on les rencontre aussi quelquefois sans qu’il y ait aucune trace d’hypertrophie. 8°. La structure lobuleuse, qui est portée quelquefois jusqu’au point de donner naissance à plusieurs reins séparés. 9°. La situation plus déclive qu’à l'ordinaire est telle mème quelquefois, qu’on trouve les deux reins dans le bassin. Enfin, Meckel admet que plusieurs de ces anomalies se développent aussi dans le cours de la vie seulement : c’est ce qui a lieu en particulier pour l’hypertrophie et l'atrophie. Il n’est pas rare , en effet, que les reins aug- mentent de volume , quelquefois mème à un point énorme, quoiqu’à la vérité en changeant de texture , ou (1) Chez les oiseaux cette disposition existe constamment ; le sas- sinet se trouve placé en avant , surtout pour les lobes inférieurs des reins , chez les oiseaux qui en présentent quatre , tels que les aigles et les canards, ( 316 ) qu'au contraire ils disparaissent et s’eflacent presque eu- üèrement. Dans ce dernier cas, tantôt ils diminuent beaucoup de volume, mais leur masse demeure solide ; tantôt ils conservent leur volume , ou même en acquiè- rent un plus considérable ; mais leur substance se détruit presque en totalité, et ils se trouvent convertis en un sac à paroïs minces. L’atrophie de la première espèce survient à la suite d’une maladie de l’organe ; la seconde ne reconnaît pas toujours pour cause une maladie anté- cédente , et dépend souvent d’un obstacle à l’écoule- ment de l'urine , qui existe au-dessous de la glande. D’après ce qui précède , on voit que les vices de con- formation du rein sont très-nombreux ; qu'ils dépendent en grande partie de la position insolite qu'ont occupée les organes; que les vices de conformation , résultat d’un défaut de développement, sont très -rares, et qu’aiusi tous les cas cités comme étant des difformités , ne le sont pas en réalité, si nous exceptons les variétés que les reins nous ont présentées, l'organe étant dans son lieu accoutumé ; et, à cet égard, nous voyons bien peu de cas de vices de conformation, qui encore ne dé- pendent le plus souvent que d’un volume plus ou.moins considérable : résultat pathologique que nous ne regar- derons pas comme difformité. Tous les cas de difformités du rein que les auteurs nous ont laissés peuvent être rangés en deux classes ; celles produites par un arrèt de développement mécanique, et celles qui dépendent d’un arrêt de développement spontané. Les premières sont le résultat d’une compression que le rein a subie; nous en avons cité plusieurs exemples. Toutes les fois qu'un rein se trouve en contact avec des parties solides, ce qui (317) arrive ordinairement lorsqu'il a changé de place , il con- tinue à se développer du côté où il ne rencontre pas d’obstacle ; de là un défaut dans la forme. Mais si l’on examine attentivement cet organe, ainsi changé dans sa configuration ordinaire , on le trouvera atrophié dans un point, plus développé dans un autre, et partout formé des mêmes principes, une substance corticale, des tubes, etc. C’est, selon nous, les seuls cas réels de difformité, car ceux qui sont produits par un arrêt spon- tané de développement peuvent se ramener, quant à leur forme, à un état primitif qui ne devait exister que dans l’une des périodes précédentes de développement. Il est donc évident que le mot difformité ne leur con- vient plus, à moins qu'on n’ajoute, produite par un arrêt de développement. Quant aux vices de conforma- tion par arrèt de développement spontané (1), nous dirons qu'il en existe fort peu ; et, dans ce cas, l’on voit la nature s'arrêter véritablement dans sa marche. Ainsi, un rein qui n'aura subi aucune compression , qui aura été exempt de toute adhérence insolite, offrira une infi- nité de lobules bien distincts , et quelquefois tout-à-fait isolés. Certes, dans ce cas l’on doit admettre un arrêt de développement ; et, en effet, l’on connaît la composi- tion de l'organe urinaire chez l'embryon, le fœtus, et même chez l'enfant. Pourquoi ces lobules se réunissent- ils ordinairement chez l’adulie? Pourquoi restent-ils séparés dans d'autres circonstances ? Ces questions ne peuvent être résolues, et ne pourront l’être que quand on aura saisi tous les changemens qu’un organe est suscep- (1) Nous employons ce mot spontané pour indiquer les vices de con- formation qui ne sont pas le résultat évident d’une action mécanique, C2436:) üble d’éprouver, et doit éprouver pendant son accrois- sement. Déjà l'absence de plusieurs parties qui entrent dans la composition d’un organe a fait que chez l’homme, par exemple , un rein qui manque de substance mame- lonnée se rapproche de celui du chat, par cela mème que, chez cet animal et chez beaucoup d’autres , il n’y a point de mamelons. De même encore qu’un rein chez l’homme présente plusieurs calices séparés , il sera com- paré à celui des oïseaux , qui a cette structure. Aïnsi je ne vois aucun fait de difformité de ce genre qui ne puisse se rapporter à un état premier en organisation , lorsque l'on compare le rein de l’homme aux reins des animaux. Le cas le plus remarquable que je connaisse, et celui qui, en apparence , était le plus exceptionnel , est celui que j'ai trouvé chez une femme âgée de vingt-cinq ans : j'ai présenté la pièce à la Société anatomique. Les deux reins existaient et ne présentaient rien d’insolite dans leur forme ; le rein droit était cependant bosselé et un peu plus petit que le gauche ; en outre il présentait un bassinet bien plus petit en apparence que celui du rein opposé; autour de lui se voyaient quatre conduits en tout semblables aux uretères : il y en avait de plus petits, de plus gros. Tous ces conduits se réunissaient en un seul avant d’arriver à la vessie ; ils provenaient des ca- lices, qui, au lieu de s’aboucher immédiatement dans un bassinet, avaient franchi de beaucoup la scissure du rein , et s'étaient allés réunir assez loin pour ne former qu'un uretère ; le bassinet n'existait véritablement pas, et ce n’était qu'un des calices qui présentait une dilata- tion plus grande à la sortie du rein. Une chose bien remarquable, c’est que le rein était bosselé ; plusieurs ( 319 ) lobes le formaient, et ces lobes pouvaient très-facilement se séparer, et se séparer bien distinctement jusqu’au- près des conduits divers qui partaient de la scissure de ce rein. Ainsi, chaque lobule était un rein à part, qui offrait un uretère aussi distinct. Ce rein , que je présen- tai à la Société anatomique , ne fut pas vu avec beaucoup d'intérêt , ce qui me le fit abandonner, Ce fait m'a sem- blé, depuis mes recherches sur les reins des animaux, un des cas les plus curieux qui se soient encore offerts ; il montre en eflet jusqu'à quel point l’organisation de l’homme peut , dans ses anomalies, se rapprocher des êtres inférieurs dans leur état normal; et, mieux encore, nous montre qu'un organe tel que le rein est, chez les Cétacés et les Ours, à cela près d’un degré de äéveloppement, ce que ce mème organe est chez l'homme. Chez les premiers il y a multiplicité de lobes qui persistent jusqu’à l’âge adulte; chez l’homme le même fait peut se reproduire, bien que ce ne soit pas là ce qui arrive le plus souvent. D'où l’on peut conclure que le premier mode de formation est le mème pour tous les êtres , et que pour chaque espèce il doit subve- nir une modification ; cette modification est réelle , et on va voir qu'elle est de deux manières. Variétés de structure du rein chez Les Mammifères. Chez l’homme et chez les Mammifères ; ce quilya de variable, c’est la structure ; chez les Poissons, les Oiseaux et les Reptiles, c’est la forme. Voici , à cet égard, ce que j'ai observé chez l’homme ( 320 ) et les Mammifères. La forme extérieure des reins est presque toujours la même, et l’on pourrait même dire constamment la même; car, si elle change, ce n’est, comme nous l’avons déjà dit, que par une cause méca- nique ou par un arrêt de développement , qui peut-être aussi est une cause déterminée par quelques vices peu appréciables dans l’organisation. Cette forme toujours constante des reins , chez l’homme et les Mammifères , est due à une cause tout-à- fait matérielle, et dépend , je crois, de la forme du bassin , ou plutôt de la position que les organes affectent chez les individus pourvus de gros muscles tapissant la colonne vertébrale et le bassin. En outre , cet organe est toujours , chez les Mammifères, entouré d’une quantité plus ou moins considérable de graisse ; et ce sont autant de conditions qui concourent à rendre leur forme con- stamment lisse et polie. Mais, s’il en est ainsi de leur forme, 1l n’en est pas de même de leur structure , et, si la première est une chose constante pour tous les Mam- mifères , la seconde ne l'est pas: et, d’après ces varié- tés, l’on pourrait jusqu’à un certain point classer les espèces. Les variétés de structure du rein sont nombreuses ; cependant elles n’empèchent pas que cet organe ne pré- sente chez tous les Mammifères la même composition, et ne renferme des élémens semblables, quoique dispo- sés quelquefois d’une manière diverse. En effet, au fond et en bien considérant la chose, le rein est toujours par- faitement identique en ce qui concerne sa structure essentielle et ses fonctions ; nous le verrons toujours (31) formé des mêmes parties, et se présentant cependant sous des formes bien différentes , et paraissant plus ou moins compliqué. Ainsi, par exemple, chez l'homme le rein nous présente une substance corticale , c’est la plus extérieure ; une dite tubuleuse , et l’autre mame- lonnée ; en outre, on y distingue des calices enveloppant les saillies que forment les tubes réunis en cônes, et constituant ce que l’on a nommé substance mamelon- uée ; enfin , un bassinet se trouve être chez l’homme le réceptacle commun de tous les calices, qui vont y abou- ür. Ainsi, chez l’homme, qui, selon moi, présente le rein le plus compliqué, on voit une substance corticale, une tubuleuse , une autre mamelonnée, des calices et un bassinet. Certes, ce sont là bien des choses qu'il serait impossible de troûver dans un rein de chat ou de chien ; par exemple : le rein des singes seul offre une ressemblance presque complète avec celui de l’homme. Celui du bœuf, quoiqu’en apparence très-ressemblant aussi , à ses dimensions près, commence déjà à s’écarter un peu de celui de l’homme: on y voit à la vérité une substance corticale , une mamelonnée et une tubuleuse; mais souvent, sur ces reins, des communications ont lieu d’un calice à l’autre , et toujours déjà l’on peut iso- ler, quoiqu'un peu difficilement , les lobes qui le com- posent; on peut en quelque sorte former autant de reins qu'il y a de mamelons, chose que l’on ne peut déjà plus faire sur le rein d’un homme adulte. L’on voit aussi chez le bœuf tous les calices ne se réunir souvent qu'après être sortis un peu de la scissure du rein, et, d’autres fois , le bassinet n’est constitué que par la réunion de tous les calices affluant vers le même point. Ces variétés XIX. 21 ( 328) ne se vemarquent pas chez l’homme , bien entendu que nous considérons la structure de son rein dans ce qu’elle doit ètre , et dans son état normal. Si du rein du bœufnous passons à l'examen de celui du chat, par exemple , mous le voyons ainsi formé. Une substance corticale plus ou moins bosselée, point de mamelons, point de calices ; un bassinet assez vaste, de forme cireulaire , envoyant des prolongemens qui forment comme des languettes, au nombre de six à huit, qui s’introduisent, en accompagnant les vaisseaux, jusque dans la substance corticale ; ces languettes mem- braneuses entourent et séparent les conduits urinifères de distance en distance : cet arrangement peut seul faire distinguer des faisceaux ou cônes formant ce que l’on nomme substance tubuleuse; mais ces faisceaux ne se trouvent pas embrassés par les calices , ce qui fait que la substance mamelonnée manque entièrement chez beau- coup de Mammifères , et d’ailleurs elle existerait si la membrane du bassinet embrassait tous les sommets des cônes formés par les tubes urinifères. Ce manque de dé- veloppement de la membrane du bassinet fait que tout ce qui devait être substance mamelonnée ne se trouve pas séparé par autant de brides, qui constitueraient les calices, et que le sommet de tous les cônes où les ma- melons se réunissent ne forment plus qu’une voûte, pour ainsi dire , à l’intérieur de la substance cortieale , voûte qui correspond par sa face libre dans l’intérieur du bas- sinet. Cette face interne n'étant donc formée que par le rapprochement de petits tubes urinifères, il en résulte que l’urine suinte à la face interne , dans ce que nous nommons voûte, pour tomber et s’accumuler dans le ( 323.) bassinet , sans être obligée de passer préalablement par d’autres voies , les calices. L'’arrangement des parties constituant le rein que nous venons d'examiner, est certainement digne de remarque. Plusieurs Mammifères ont aussi cette mème disposition, mais tous peut-être avec de petites modifications : tou- jours est-il que , dans ce cas, le rein de l’homme se pré- sente comme le plus compliqué en organisation, et cependant il est formé des mêmes élémens. L’arrange- ment des parties constitutives d’un organe peut donc le faire changer de forme , au point de le rendre mécon- naissable. Il est en effet certain que rien , en apparence, ne peut faire comparer le rein d’un oiseau à celui de Phomme, et cependant rien de plus semblable , quant aux élémens qui le constituent et à l’arrangement qu'ils présentent. Que faut-il à l’organe que nous examinons pour qu'il puisse exécuter ses fonctions ? toujours les mêmes principes , une substance qui sécrète, et que l’on pense être la corticale (x), des tubes , voies de commu- (x) D’après quelques recherches que j'ai entreprises sur la structure du rein des oïseaux , j’ai cru remarquer que des tubes urinifères allaient sous la membrane propre du rein , et que cette membrane pouvait peut- être sécréter. Voici ce que j’ai dit à ce sujet ( Annales des Sciences naturelles, t, XIT). L'origine des tubes urinifères varie selon qu’on examine le rein d’un Mammifère ou le rein d’un Oiseau : dans le pre- mier cas , les petits tubes paraissent venir de l’intérieur de la substance corticale ; dans le second, il y a une disposition que voici. Si l’on fait une injection au mercure dans l’intérieur de l’uretère, on voit la surface corticale s’injecter, et cela d’une manière bien singulière et qui ne res- semble en aucune facon aux autres injections. Ce sont de petits filets excessivement ténus, qui s’embranchent de chaque côté d’un gros tronc, comme le font les filets , ou barbes d’une plume , sur leur tige com- mune. Les filets ne paraissent pas se toucher par leurs extrémités , bien “ ( 324 ) hication pour transmettre le liquide sécrété : rien de plus ; et cependant sous combien de formes diverses se montrent ses parties ? C’est là une différence à saisir dans la composition des reins chez les Mammifères, qui présentent toujours la mème forme extérieure. Quant à leur structure , on parviendrait , je crois , à reconnaître le rein de tel ou tel Mammifère , en exammant attenti- vement sa structure ; mais un arrêt dans le développe- que ceperdant très-rapprochés l'an de Yautre par le moyen de nom- breuses tiges , toutes disposées comme il vient d’être dit. Si l'injection est poussée avec plus de force dans l’'uretère , on voit bientôt sortir de pétites gouttelettes par l'extrémité libre de chaque filet terminal prove- nant d’une tige commune. Ce fait prouve , ce me semble , qu’il y a une infinité de conduits ex- trêmement déliés qui pourraient être regardés comme des vaisseaux absorbans qui vont à la surface libre de la substance corticale, sous la membrane ‘propre : il reste à savoir ce qu’est cette membrane, et si elie ne peut sécréter comme les séreuses. Dans ce cas, les vaisseaux dont j'ai parlé, qui ne sont autre chose que les tubes qui s’abouchent dans le bassinet, seraient les seuls peut-être qui pomperaïent le liquide sécrété , l'urine, Des injections très-fines, faites dans les artères, ne m'ont jamais donné ces belles tiges dont j'ai parlé, et qui se remarquent seulement à la surface libre du rein. Ainsi il n’y aurait point, comme on l’a dit, communication des tubes urinifères avec les ramifications artérielles. Cependant, si l’on injecte de l'air dans l’artère aorte , préalablement liée au-dessous de la naissance de la rénale, on fait arriver de l'air daus les tubes, et, chez les oiseaux , le cloaque peut ainsi être dilaté. Ce fait tendrait à prouver qu’il y a une communication entre les artères et les tubes, ce qui a été déjà dit par plusieurs anatomistes, et ce qui peut être réellement ; mais je crois m'être aperçu que l'air injecté lentement ne pénètre point dans l’uretère, mais qu’au contraire , lorsqu'il est poussé avec force, il y pénètre et dilate le cloaqne : ce qui tient , selon moi , à la rupture d’un ou de plusieurs filets artériels qui vont se perdre dans l’épaisseur des parois: de l’urétère. Ce qui me confirme dans cette opinion, c’est que jamais l'air ne paraît venir des tubes vers Le bassinet. ( 25) ment du rein peut faire que ce même organe se trouve en tout ressembler à celui d’un être plus ou moins élevé en organisation : c'est ainsi, par exemple, que, chez l’homme , on peut trouver un rein semblable à celui du chat, je suppose , et sans qu’il ait la moindre différence. Sans doute un tel changement doit déranger une classi- fication que je supposais pouvoir s'établir; mais cela nous montre aussi que le premier degré de formation peut se rencontrer chez l’homme, et qu’on peut trouver, dans l’état adulte, des conditions organiques qui ne devaient appartenir qu’à une époque peu avancée de développement. Et, en eflet, que l’on examine un lobe séparé du rein d’un fœtus humain , il aura une sub- stance corticale et quelques tubes embrassés par un ca- lice qui , s’il était seul’ et isolé des lobes circonvoisins, serait exactement ce qu'est le bassinet chez le chat. Que l’on suppose done chez l'homme un arrêt dans le déve- loppement de la membrane du bassinet, et l'on verra tous les faisceaux des tubes se réunir pour former ce que nous avons appelé voûte des tubes urinifères. Ainsi, le rein que nous avons trouvé chez homme, manquant de substance mamelonnée, et qui manquait par cela même de calices , ne peut s'expliquer qu’en rappelant,ce qui arrive chez tous les Mammifères dépourvus de. sub- stance mamelcnnée et de calices ; et, si chez ceux-ci le défaut de complication dans la structure dépend d’un défaut de développement de la membrane du bassinet, on pourra conclure que la même chose a eu lieu pour le rein humain dont j'ai parlé. D'où il résulte véritable- ment que rien n’est changé dans la structure du rein, que tout dépend d’un arrangement différent des parties ( 326 ) qui le constituent, et que tout se ramène à l'unité de composition , au mode de formation primitif. Variétés dé forme du rein chez les Oiseaux. Si de la structure du rein chez les Mammifères nous passons à celle des Oiseaux, nous trouverons encore les mêmes principes constituans , mais différemment ran- gés, et, chose bien remarquable , disposés de la même manière dans toute la classe, de sorte que le rein offre une forme qui varie à l'infini , et une structure d’arran- sement toujours la mème. Cette structure. peut être comparée à celle du rein chez l’homme (1); mais, en (x) En effet , tout rein d’oiseau est composé : 10. D'une substance corticale très-molle , de l'épaisseur d’une ligne environ ; 20. De faisceaux composés de tubes très-distincts , au nombre de quinze à trente ou quarante, contenus dans une enveloppe très-mince ; 30. D’un canal évasé en plusieurs endroits , rétréci en d’autres, dans lequel s’abouchent , au moyen des calices , les conduits urinifères. Si l’on compare actuellement la structure de ces reins à celle du rein de l’homme, on a 10 la substance corticale dans les deux cas ; 20 la tubuleuse , plus marquée chez les oïseaux ; car les faisceaux de tubes sont plus évidemment entonrés d’une membrane , et écartés les uns des autres , chez les oiseaux, par une plus grande quantité de substance corticale. De plus, les tubes urinifères eux-mêmes sont très-gros, et l’on peut facilement les injecter et les compter, ce qui rend cette sub- stance tubuleuse on ne peut plus marquée chez les oïseaux , tandis que les conduits urinifères , chez l’homme , sont d’une ténuité extrême, et qu’il est impossible de les isoler. D’où il résulte que la substance tubn- leuseest plus développée chez les oiseaux que chez l’homme , avec cette différence, toutefois , que dans les premiers il y a , toutes choses égales d’ailleurs, un bien moins grand nombre de tubes que dans les reins des Mammifères. Les calices ne paraissent point exister chez les oiseaux ; cependant il ( 327 ) négligeant cette ressemblance , nous pouvons, chez les Oiseaux, classer aussi les espèces en examimant leurs reins. Chez les Mammifères , nous avons pu distinguer jusqu’à un certain point les espèces d'animaux d’après la structure de leurs reins ; chez les Oiseaux, nous pôu- vons aussi et même mieux distinguer les espèces ; mais, pour ceux-ci , la forme seule pourra nous guider, tandis que, pour les Mammifères , la structure sert de guide. Nous avons dit que la constance de la forme des reins des Mammifères tient à la disposition du bassin et des muscles qui le tapissent. Chez les Oiseaux, le bassin offre des variétés de formes infiniment nombreuses; done, chaque bassin doit imprimer une forme différente aux reins qu'il devra contenir, et cela, parce que ces orga- ues sont immédiatement appliqués sur des parties dures, uon garnies de muscles ou de graisse, En partant de. ce principe , nous verrons que , quant à la forme des reins chez les oiseaux , elle varie pour chaque familie, en sorte que chaque groupe a pour ainsi dire sa forme propre de y a, comme je l'ai dit plus haut, une membrane qui entoure les tubes urinifères, Cette membrane se continue avec le canal, plus ou moins évasé, qui conduit au hassinet; de manière qu'il y a évidemment, comme chez l’homme, nne enveloppe des tubes destinés à conduire urine plus loiu dans le bassinet. C’est à celte enveloppe qu'on a donué Le nom de calice. Enfin , lo bassinet , qui n’est qu’un réservoir commun à tous les ca- lices, s’observe chez les oiseaux. Il y à en effet chez ceux-ci, outre le cänai plus ou moins évasé qui longe le rein , un bassirel ou évasement plus considérable du canal vers la partis inférieure des reins: il ya même deux et quelquefois trois petits réservoirs. Ainsi, d’après ce qu'il vient d’être dit, les reins des oiseaux ont non-seulement deux substan- ces , une corticale et l’autie tubuleng , mais cn outre des calices , et un ou plusieurs bussinets, (3287 rein. L’on peut, en effet, par la forme qui se rapporte au développement plus ou moins complet de l'organe, dire que l'oiseau à qui tel rein appartient, se trouve placé plus ou moins bas dans l'échelle animale. Voici , à cet égard , ce que j'ai observé. En prenant pour point de départ le rein du poisson, on le voit unique et d’une forme plus ou moins triangu- laire. Si de ce rein unique nous cherchons un oiseau qui présente aussi cette disposition, on verra celui-ci être le plus rapproché des Poissons , soit par ses habitu- des, soit par son organisation. Les Grèbes (1), par exemple, qui vivent sur les eaux , n’ont qu’un reim. Ce rein offre, ïl est vrai, deux lobes ou têtes séparées et bien distinetes ; en outre , il présente des saillies et des sillons qui semblent les partager, mais qui sont superfi- ciels, et ne l’empêchent pas d’être unique , comme l’on peut s’en assurer en suivant les faisceaux des tubes uri- nifères. Ils naissent de toutes parts , et vont tous vers le même canal, qui conduit au bassinet. Si du reim de cette famille on passe à celui d’une autre, et que l’on observe, par exemple, celui de la Foulque, on le verra divisé en deux lobes placés chacun sur les côtés de la ligne médiane. Cette division, très-manifeste supérieurement, ne l'est plus vers la terminaison du rein à l’extrémité caudale ; il est facile de voir que là les deux lobes sont confondus : il est vrai que le point de contact est très- faible, mais du moins il existe, et forme, selon moi, un passage assez tranché pour qu’à ce seul caractère lon puisse dire que ce rein appartient à un oiseau aquatique, 1) L'espèce que j'ai disséquée est le Grèbe cornu. il que } q ( 329 ) assez voisin du Grèbe, et un peu plus éloigné des Pois- sons que ne l’est le Grèbe lui-même. L’Hirondelle de mer vient ensuite se placer entre la Foulque et les Oiseaux terrestres. Ce rein offre deux lobes bien distincts, divisés sur la ligne médiane ; chaque moitié latérale présente plusieurs sillons profonds, dis- posés de manière à circonscrire de petits espaces carrés. Ces sillons font, qu'au premier abord, on croirait le rein de l’Hirondelle de mer composé de sept à huit lobes bien séparés. Ici l’on voit évidemment deux lobes sépa- rés et bien distincts l’un de l’autre; nul doute que ce rein doive suivre le précédent. Enfin, le rein des Oiseaux terrestres peut être placé après le rein de l’Hirondelle de mer par son développement plus grand , sa forme, ses limites. Parmi les reins de cette division, ceux des Aigles , par exemple , ont quatre lobes bien distinets et séparés ; il n’y a cependant pas quatre uretères , mais il y a quatre bassinets et un conduit intermédiaire de cha- que côté , de manière que l’uretère de droite, par exem- ple , arrive au premier lobe, se dilate un peu, et consti- tue ainsi un bassinet ; ensuite il se continue en se rétré- cissant pour gagner Îa plus grosse glande rénale; une fois qu’il y est parvenu , il se dilate de nouveau , et con- stitue le second bassinet. L'on voit déjà plus de compli- cation dans la structure de ces reins ; aussi les Oiseaux qui présentent cette organisation sont-ils plus éloignés des Poissons , et par cela même plus élevés dans l’é- chelle animale (1). (1) Je dis à dessein que tous les reins des aigles, et tous ceux qui pré- seutent quatre lobes, sont plus compliqués et d’une formation plus élevée que ceux des oiseaux aquatiques, au lieu deles cous:dérer comme ( 330 ) Presque tous les Oiseaux ont quatre lobes pour les. reins ; mais il ne s'ensuit pas qu'ils appartiennent tous à la même famille. Il y a aussi des variétés dans la forme qu'affectent les lobes rénaux : on voit, par exemple, chez l’Aïgle, les deux lobes supérieurs bien plus volu- mineux que les deux lobes inférieurs, et dans les Fai- sans, par exemple, le contraire avoir lieu. Ce sont là des différences moins importantes , il est vrai, mais qui cependant suffisent pour distinguer les familles (1). L'on voit, d’après cela, que la forme des reins, chez les Oiseaux , varie d’un genre à un autre , qu’elle varie étant l'effet d’un arrêt de développement, comme je l'ai établi à l'égard des Mammifères ; mais ici les choses sont bien différentes. Un rein qui a plusieurs lobes dans le commencement de sa formation, chez l’homme, et qui persiste dans cet état à l’âge adulte, présente réellement un arrét de développement ; mais, comme le rein d’un oiseau commence par autant de lobes qu’il en doit conserver pendant toute la vie, on ne devra pas regarder les quatre lobes séparés comme un arrêt de déve- loppement , ma s plutôt comme une formation parfaite. Si au contraire on considérait les reins des oiseaux , soit aquatiques , soit terrestres, par rapport à ceux de homme et de la plupart des Mammifères, on pourrait les regarder comme des organes arrêtés dans leur développement. Ainsi, les reins des oiseaux terrestres sont supé- rieurs , par leur degré de complication , à ceux des oiseaux aquatiques, puisqu'ils ont un plus grand nombre de lobes ; mais les uns et les autres sont inférieurs à ceux des Mammifères, puisque ces lobes ne sont pas réunis. Il est même à remarquer que les reins des Cétacés et des Ours se trouvent intermédiaires entre ceux des Oiseaux, tels que les Aigles et ceux de la plupart des Mammifères, puisqu'ils ressemblent aux pre- miers par lPexistence de lobes non réunis, et aux seconds par leur forme générale. (1) Parmi les Oiseaux de familles diflérentes dont j'ai disséqué les reins , je citerai seulement le Casoar de la Nouvelle-Hollande. Son rein st composé de deux lébeë, dont linférieur est extrêmement allongé, et le supérieur assez pelit. ( 331 À en se rapprochant d’une formation moins complète à une plus élevée, et que des lignes de démareation bien établies font reconnaitre le développement successif de l'organe , lorsqu'il ést envisagé dans la série des êtres, et que l’on voit sa composition devenir de plus en plus complexe , et par cela mème tendre à arriver au maxi- mum de développement. CONCLUSION. 1°. Un rein est difforme quand son changement est le résultat d’une action mécanique, qui le plus souvent dépend d’un changement de position de l'organe ; 9°, Tout changement dans la forme du rein qui recon- naît pour cause une modification dans sa structure, n’est pas une diflormité, mais bien un arrêt de développe- ment , qui fait que l’organe que l’on examine est resté parfait , eu égard à ce qu'il était à un àge moins avancé ; 3°. Un rein n’est véritablement difforme que lorsque le développement de l'organe à été arrêté dans sa forme seulement, et non dans sa structure ; 4°. On peut ranger en deux classes les vices de confor- mation du rein, 1° ceux produits par une aciion méca- nique ; 2° ceux produits par un arrèt de développement spontané ; 59. Il n’y a véritablement pas de vices de conformation dépendant d’un arrêt de développement, la difformité pouvant toujours , dans ce cas, se rattacher à une figure que l'organe avait déjà présentée ; 6°. Tout rein est formé d’une substance au moins, et de deux au plus, si l’on regarde comme telle celle Com- posée par les'tubes urinifères : (C3) 7°. La forme .des reins est la même pour tous les Mam- mifères ; leur structure varie pour chaque famille ; 8. Chez les Oiseaux , la forme varie d’une famille à l’autre; la structure est constamment la même chez tous ;, 9°. De ce que la forme est toujours constante chez les Mammifères, et la structure variée, on peut, d’après celle-ci , établir des divisions pour chaque famille ; 10°. De même, chez les Oiseaux, la structure est toujours la même , et l’on peut, par la variété de leur forme, établir des divisions pour chaque famille ; 11°. Le rein de l’homme et les reins des singes sont, de tous, ceux qui présentent le plus de complication dans l’arrangement de leurs parties constitutives ; 12°. Ceux qui en offrent le moins sont ceux du chat, du chien, du lapin , etc. ; 13°. Ce qui fait que l'organe urinaire du chat est le plus simple, c’est le manque de calices ou le défaut de développement de la membrane du bassinet ; 14°. Le rein des Oiseaux est formé des mêmes parties qui composent celui des Mammifères , c’est-à-dire , qu'il y a substance corticale, tubes urinifères constituant la substance mamelonnée et la tubuleuse , des calices et des bassinets ; 15°, Le rein de l’homme subit des modifications dans sa forme et dans sa structure aux diverses périodes de développement. Ces changemens , dans la structure sur- tout, font que souvent le premier degré de formation subsiste , l'individu continuant à croître ; de là un arrêt de développement ; 16°. En étudiant le rein chez les animaux, on voit (3383 sauvént que ce qui était arrêt de développement pour l’homme , constitue l’état normal d’un autre ètre ; 17°. Que le rein, malgré les nombreuses modifica- üons qui afféctent soit sa forme , soit sa structure , peut être comparé à un organe identique, mais présentant des degrés divers de développement ; 18°, Enfin , il y a une succession bien remarquable dans les variations de forme et de structure du rein, qui indique très-bien le degré d’organisation des êtres. Descriprion des genres Glaucothoëé, Sicyonie, Sergeste et Acète, de l’ordre des Crusracés DÉCAPODES ; Par M. H. Mine Epwarps. (Mémoire présenté à l’Académie des Sciences le 2 novembre 1820.) À mesure que nous découvrons des animaux nouveaux pour la science, nous en rencontrons un certain nombre dont les formes sont si éloignées de tout ce que nous avions vu jusqu'alors, qu’ils semblent être comme isolés et séparés par une grande lacune de iout ce qui les en- toure. Ce sont ces êtres bizarres qui excitent le plus vi- vement notre curiosité ; mais les animaux qui établissent le passage d’un type organique à un autre, et font dis- paraître quelques-unes de ces anomalies apparentes, en remplissant les Aiatus dont nous venons de parler, ne sont pas moins importans à connaître , et il arrive sou- vent que c’est l'étude comparative de ces modifications (354 ) intermédiaires de l’organisation qui contribuent le plus au perfectionnement de nos méthodes naturelles, Lies Crustacés que je vais faire connaître ici me paraissent devoir intéresser les zoologistes sous ce double rapport; en eflet, la plupart d’entre eux établissent de nouveaux liens entre des genres qui jusqu'ici semblaient irès-éloi- gnés, et ceux que je désigne sous les noms de Sergeste et d’Acète montrent que, pour assigner à l’ordre des Déca- podes des limites naturelles , il faut prendre pour base de classification des caractères plus importans que ceux fournis par le nombre des pattes ambulatoires, sujet sur lequel je me propose de revenir dans une autre occasion. Genre GLAUCOTHOÉ. C'est en examinant quelques crevettines rapportées par MM. Péron et Lesueur, mais malheureusement trop mal conservées pour être déterminées , même générique- ment, que j'ai trouvé le petit Crustacé auquel je donne ce nom; il appartient à la division des Décapodes Ma- croures, mais ne paraît pouvoir ètre rapporté à aucun des genres naturels déjà établis. C’est un des plus peuits Décapodes connus, et son organisation le rapproche à la fois des Pagures et des Callianasses (voy. PI. vuix, fig. 1). La portion céphalo-thoracique du corps de cet animal est presque ovoïde, et son abdomen , étroit et allongé, n’est nullement contourné sur lui-même comme chez les Pagures; son enveloppe tégumentaire est cornée ou plutôt semi-membraneuse comme chez les Callianasses ou chez certains Salicoques, et elle présente partout à peu près la mème consistance. La carapace ou bouclier céphalo- thoracique est lisse et ne présente point de prolongement (335 ) rostriforme ; le sternum est.assez large en arrière, et l'anneau qui supporte les pattes de la dernière paire n'est pas soudé aux précédentes comme chez la plupart des Décapodes, disposition qui se rencontre aussi chez les Pagures, les Galathées, les Porcellanes et quelques genres voisins; enfin l’ahdomen est divisé, comme chez vous les Macroures normaux, en sept segmens symé- tiques , dont le dernier ne constitue plus qu'une lame natatoire. Les yeux sont saïllans, grands, mobiles et à peu près pyriformes. Les antennes, au nombre de quatre, sont insérées sur deux lignes; celles de la paire supérieure sont courtes, cylindriques et coudées , comme chez les Pagures ; le troisième article de leur pédoncule est Île plus long de tous et porte à son extrémité deux petits appendices multi - articulés, très-courts et assez gros; l’un de ces filets, plus grand que l’autre, est garni de beaucoup de longs poils ( voy. PI. vuix, fig. 9). Les an- tenne$ inférieures ou externes sont, au contraire, grèles et terminées par un seul filet sétacé; leur pédoncule est encore coudé , el son premier article donne insertion à une petite écaille qui ne recouvre nullement les articles suivans ( fig. 10). L'appareil buccal se compose, comme à l'ordinaire, de six paires de membres et de deux replis tégumentaires impairs; savoir : les mandibules, les deux paires de mâchoires, les trois paires de pattes-mà- choires , le labre et la languette. Les mandibules sont à peine dentées sur le bord, et portent un palpe grêle et court (fig. 3); le labre , la languette et les màchoires ne présentent rie n de remarquable (fig. 4 et 5); ilen est de même des pattes - mèchoires de la première paire (-536.) (fig. 6); celles de la seconde paire diminuent de grosseur depuis le troisième article, et portent en dehors un palpe assez grand (fig. 7). Les pattes-màchoires externes sont très-allongées; leur article basilaire supporte un palpe semblable à celles de la seconde paire ; le second article, guère plus gros que les suivans, est armé, du côté interne , d’une série de dents , et les dernières sont garnies de cils nombreux. Les pattes proprement dites sont au nombre de dix, comme chez tous les autres Crus- tacés du mème ordre que l’on ait encore fait connaître ; celles des trois premières paires sont très-longues et diri- gées en avant, mais les quatre dernières sont fort petites et relevées sur les côtés du corps, comme cela se voit chez les Pagures et les Callianasses. Les pattes de la première paire sont terminées par une grosse maïn didac- tyle bien formée; leur volume est très-différent; celle du côté droit étant beaucoup plus forte et plus longue que la gauche. Les pattes des deux paires suivantes sont toutes exactement semblables entre elles, leur longueur égale celle de la grosse pince antérieure , mais elles sont grêles et terminées par un article pointu. Les pattes de la quatrième paire n’ont guère plus du tiers de la lon- gueur des précédentes ; elles sont aplaties , assez larges et imparfaitement didactyies , le doigt immobile de leur main n'étant formé que par un tubercule peu saillant (fig. 11); enfin , celles de la cinquième paire sont encore plus petites; mais la main didaciyle qui les termine, quoique lamelleuse, est assez bien formée ( fig. 12). Le premier anneau de l’abdomen est beaucoup plus étroit que les suivans et ne porte point d'appendices ; les quatre segmens suivans donnent, au contraire, attache . ( 337 ) chacun à une paire de fausses pattes natatoires assez grandes, formées par un article basilaire, cylindrique, et deux lames terminales , dont l’une très-petite et obtuse, l’autre grande, terminée en pointe, et garnie sur les bords de longs poils ciliés (fig. 13). Les appendices du sixième anneau , symétriques comme les précédens, cons- tituent les parties latérales de la nageoire caudale, dont la lame médiane, arrondie et ciliée , est formée, comme nous l’avons déjà dit, par le septième segment de l’ab- domen. Le pédoncule de ces appendices est assez grand, et leur écaille interne est petite et arrondie , tandis que l’externe est grande et allongée. D’après la description que nous venons de donner de ce petit Crustacé, on a pu voir combien: il a d’analogie avec les Pagures. Si on ne connaïssait que la moïtié an- térieure de son corps, il serait même facile de le confondre avec ces animaux; Car ce ne serait guère que d’après quelques particularités dans la structure des pattes pos- térieures qu'on aurait pu l'en distinguer; mais l’orga- nisation de son abdomen et des appendices natatoires qui y sont fixées est toute diflérente de ce que l’on voit chez ces animaux singuliers, et le rapproche des Callia- nasses et des Axies. Les Prophylaces de M. Latréille Jui ressemblent encore davantage; mais l’abdomen de ces Paguriens paraît soutenir simplement des filets suc fères (1) , tandis qu'ici nous trouvons de fausses pattes (1) D’après le Rapport que M. Latreille a fait sur ce Mémoire à VAcadémie des Sciences , on voit que ce savant pense que notre genre Glaucothoé ne devrait pas être distingué de celui qu'il avait déjà établi sous le nom de Prophylace. N'ayant pas eu l’occasion d'observer les- pèce de Pagure qui sert de type à cette division, et qui n’a pas encore été XIX. 22 (338) natatoires très-développées. En un mot, cette partie du corps de notre Crustacé nouveau n'offre rien d’anomal et ne diffère pas de celle des Macroures qui constituent le iype de ce groupe. Son aspect rappelle aussi celle des deux genres d’Astaciens dont nous venons de parler ; enfin la forme et la disposition de ses, pattes postérieures. sont semblables à ce que l’on voit chez ces animaux, et font soupçonner des mœurs analogues; on n’y voit pas de cés tubérosités presque calleuses qui existent chez: les Pagures, et qui servent à fixer l'animal dans la coquille qu'il habite ; mais ces organes sont aplatis, presque la- melleux et dirigés en dehors comme, chez les. Callia- masses et les Axies, où ils servent à creuser sous le sable des espèces de galéries souterraines. Dans la méthode de classificauion de M. Tatreille, c’est dans la tribu des Paguriens que ce petit Crustacé nous parait devoir prendre place, mais nous croyons qu’il serait peut-être plus naturel de le rapprocher des Axies'et des Callianasses. Quoi qu'il en soit, voici en peu de mois Jé résumé des caractères du genre qne nous décrite, nous ne pouvous avoird’opimion arrêtée à cet égard; mais voici les raisons pour lesquelles nous en avons distingué les Glaucothoés. M. Latreille divise la tribu des Paguriens en deux genres, les Birgus et les Pagures , et distingue parmi ces derniers trois sous-genres, les Cénobites, les Pagures propres et les Prophylaces."« Leur queue (dit-il), les Birgus exceptés, n’oflre, et dans les femelles seulement, que trois fausses pattes situées sur l’un des côtés , et divisées chacune en deux branches filiformes et velues » (p.55); et plus loin il ajoute que les Prophylaces ont denx rangées de fausses pattes abdominales ; mais comme,ni le nombre ni la forme de ces appendices ne sont indi- qués, on doit croire qu'ils sont semblables à ceux des deux autres sub- divisions dumême genre, c’est-à-dire de simples filets ovifères ; tandis que, chez les Glaucothcés, leur nombre est de quatre paires, et leur forme ne diffère pas de celle des fausses pattes natatoires des Salicoques. (Règre animal, deuxième édition , t. IV, p. 795 et 78.) | ( 339 ) proposons d'établir pour le recevoir, et quenous nomme- merons GLAUCOTHOÉ ( Glaucothoe, Nob. ). Abdomen symétrique, corné comme le reste du corps, divisé en anneaux supportant quatre paires de fausses pattes natatoires semblables à celles des Salicoques , et terminées par une nageoire caudale. Pattes de La pre- mière paire grandes et didacty les; pattes de la seconde et de la troisième paire grandes et monodactyles; enfin celles des deux dernières paires petites et plus ou moins parfaitement didacty les. Nous dédierons à Péron l'espèce de Glaucothoé que nous venons de faire connaître; sa longueur est d’envi- ron 8 lignes ( voyez fig. 2), et sa formé assez svelte. Nous ignorons la patrie de ce petit Crustacé', qui fait partie des collections du Muséum ; mais il est à présu- mer que € ’est dans les mers d'Asie qu’il a été trouvé par le célèbré voyageur que nous venons de citer. Genre Sicyonrt. Parmi les Crustacés que j'ai recueillis dans la baie de Naples, il en est un qu’au premier abord j'ai pris pour une Penée, mais qu'après un examen plus attentif j'ai reconnu devoir constituer un genre nouveau (voy. PI. 1x, fig. 1). En effet, s’il ressemble à ces Salicoques par la terminaison des antennes supérieures , par la disposition foliacée des palpes mandibulaires, et par la forme di- dactyle des six premières pattes, il s’en éloigne par l’ab- sence des appendices palpiformes qu'on voit chez les Penées à la base de chacune des pattes ambulatoires, ainsi que par la structure des fausses pattes natatoires de l’abdomen , et ces caractères extérieurs coïncident avec des différences encore plus grandes dans l’appareil ( 340 ) respiratoire. En effet, chez les Penées, les branchies sont disposées par faisceaux comme chez les Astaciens ; on en compte dix-huit de chaque côté du thorax, et, entre chacun des groupes qu’elles forment, est une appendice flabelliforme qui nait de l’article basilaire de la patte correspondante, et remonte verticalement dans la cavité branchiale. Dans le Crustacé dont je vais donner la des- cription, les branchies ne sont qu’au nombre de onze de chaque côté du corps, savoir : une fixée au-dessus de la patte de la quatrième paire, deux sur les anneaux thoraciques qui correspondent aux pattes des trois pre- mières paires, et autant au-dessus des pattes-màchoires de la troisième ei deuxième paires; enfin il n’y a point d’appendice flabelliforme fixée à la patte-mâchoire ex- terne. Ce Crusiacé , que nous nommons SICYONIE SCULPTÉE (Sicyonia sculpta, Nob.) (1), est long d’environ deux (1) Il me paraît probable que ce Crustacé est le même que celui décrit et figuré par Olivi , sous le nom de Cancer carinatus ( Zoologia Adriatica , PI. 3, fig. 2 ): car je ne connais aucun autre Salicoque de la Méditerranée qui y ressemble, mais je n’oserais l’affirmer. En eflet, d’après la figure que je viens de citer, il n’y'aurait que quatre pattes chiliformes au lieu de six, et le nombre des épines dorsales serait plus grand que chez la Sicyonie sculptée. Le Cancer pulchellus de Herbst (Ærabben , tab. 43 , fig. 3), et l_AÆstacus squilla de Vetagna ( Znstitu- tiones entomologicæ ), pourraient bien appartenir aussi à la même espèce; mais les descriptions et les figures qu’on en a données ne sont pas assez détaillées pour que nous en ayons la certitude. Enfin, M. La- treille, qui avait également observé ce Crustacé , et qui, dans ses notes manuscrites, l'avait désigné sous le nom de Peneus sculpteus , pense que c’est encore la même espèce qui a été décrite deux fois par Olivier, d’abord comme le Palemon lancifer, et ensuite comme le Palemon carinatus (qu’il ne faut pas confondre avec le Cancer carinatus d’Olivi) ; mais nous hésitons à adopter cette dernière opinion. Le Palemon lancifer d'Olivier, qu'on voit figuré dans l'Atlas de (341) pouces et recouvert de tégumens cornéo-calcaires , ru- gueux (voy. PI. 9, fig. 1) ; son thorax se termine anté- rieurement par un rostre à peu près droil, qui n’atteint pas l’extrémité des antennes supérieures, mais dépasse de beaucoup les yeux, et qui se continue en arrière avec une série de trois épines situées sur la ligne médiane de la ca- rapace ; depuis l'origine de l'abdomen jusqu’à la pointe du rosire, on compte six de ces épines , et au bord infé- rieur du rostre, près de l'extrémité, on en voit une qui est très-petite. Sur les côtés de la carapace, on remarque l'Encyclopédie méthodique, PL. 317, fig. 2, a été rapporté de la mer des Indes par Pérou, et appartieut probablement à notre genre Si- cyonie ; mais il se distingue de la Sicyonie sculptée par le nombre des dentelures de la carène dorsale de la carapace , qui est de cinq ou six depuis la base jusqu’à l’origine des yeux , Landis que dans la se ulptéei n’y en a que:trois , et par l’existence de trois petites épines sur les côtés inférieurs de chacun des segmens de l'abdomen. Voici la description qu'Olivier en a donnée. « PALEMON LANGIFÈRE , P. lancifer. P. 1horace carinato , serrato , utrinque aculeato caudæ carin& marginal&. Ik est plus court que le Palémon squille : le rostre est cassé dans lindividu que je décris. Le corselet est un peu raboteux , élevé eu carène dans toute sa longueur, avec cinq ou six dents de scie depuis La base jusqu’à l'origine des yeux. On voit de chaque côté, à quelque distance du bord, uue très-forte épine avancée. La peau est nn peu raboteuse. Chaque segment est élevé en carène, un peu aplati et rebordé à son sommet , et les côtés inférieurs sont armés de trois pelites épines ; le dernier est Lerminé, au sommet et de chaque côté, par uue épine assez forte, Le feuillet supérieur est creusé en gouttière, et terminé en pointe; les côtés sont ciliés. Les autres feuillets sont ciliés, et ont une arête à leur mieu. Les yeux sont gros et pédiculés. Les pattes sout petites, fort minces ; Les deux premières sout les p'us courtes, et Les deux troisièmes les plus longues. Les bras sont un peu plus grands que les pattes, et fortement ciliés. Les antennes manquent. » ( Æncyclopedie méthodique, Hist. des Insectes, par Olivier, t. VIT, p. 664.) Quant au Palémon caréné du même auteur, nous verrons plus loin qu'il diffère aussi de la Sicyonie sculptée et qu'il ne faut pas le confondre avee le Palémon lancifère. ( 542 ) aussi une épine située à peu près au niveau de l’inser- tion de la patte-mâchoire externe ; mais, dans le reste de son étendue, ce bouclier céphalo - thoracique est seulement inégal et pubescent. Les épines qui garnissent supérieurement le thorax se continuent avec une carène élevée qui règne dans toute la longueur de l’abdomen ; près du bord postérieur de chaque anneau, cette carène se bifurque pour recevoir celle de l’anneau suivant, si ce n’est sur le sixième, où elle se termine en pointe; enfin , de chaque côté de la crête longitudinale ainsi formée , on voit plusieurs sillons irréguliers qui se diri- gent en bas. Le sternum est assez large entre les pattes de la cinquième paire ; mais entre celle de la quatrième, il devient linéaire et présente une forte épine dirigée en avant; les cinq premiers anneaux de l'abdomen ont aussi en dessous une armature semblable. Les antennes supérieures sont courtes et terminées par: deux filets moins longs que leur pédoncule; la base de celui-ci ne présente pas, comme chez les Penées, un appendice lamelleux qui vient se recourber sur les yeux; ces der- uiers organes sont saillans, mais courts. Les antennes inférieures ent , comme. à l'ordinaire , une grande écaille qui en recouvre la base, mais le bord externe de cette lame et l’épine qui la termine sont beaucoup plus forts que dans les espèces voisines ; le pédoncule de la tige de ces antennes est très-court, et le filament qui les termine est cylindrique et glabre. Le palpe des mandibu- les, comme nous l’avons déjà dit , est grand et lamelleux (fig. 2). Les mâchoires n'offrent rien de remarquable (fig. 3 et 4). Les pieds-mâchoires de la première paire présentent en dehors un grand palpe flabelliforme au- dessus duquel est fixé un appendice vésiculeux, qui est ( 343 ) l'analogue du fouet des membres suivans (fig. 5 ); celles de la seconde et de la troisième paire ressemblent beau- coup à ce que l’on voit chez les Penées ; seulement elles sont dépourvues de palpes , tandis que chez ces derniers ces appendices sont très-grands et d’une forme particu- lière (fig. 6 er 7). Les pattes des trois premières paires sont grèles et didactyles, les antérieures sont moins longues que les pattes-mâchoires externes, mais celles de la troisième paire les dépasse de beaucoup et s’avancent au-delà du rostre et des filets terminaux des antennes supérieures; les pattes des deux dernières paires sont termimées par un artiele court et pointu; celles de la cinquième paire sont plus longues que les précédentes ; enfin leur pénultième article n’est pas annelé comme dans un genre voisin, celui des Sténopes. Les cinq premiers anneaux de l'abdomen supportent chacun une paire de fausses pattes natatoires terminées par une seule lame, qui est grande, pointue et ciliée sur les bords (fig. 8), tandis que dans tous les genres voisins il existe constamment deux de ces lames cornées. Les appendices du sixième segment forment, avec le septième anneau, la nageoïre caudale; ce dernier segment, au lieu d’être caréné en dessus comme les pré- cédens, présente sur la ligne médiane un sillon longitu- dinal et se termine par une pointe aiguë de chaque côté de laquelle est une épine qui se continue supérieurement avec une ligne légèrément saïllante, de facon que la lame médiane de la queue paraît creusée de trois sillons longitudinaux ; ses bords sont fortement ciliés; enfin les James latérales de la nageoire caudale sont arrondies äü bout et ne présentent rien de remarquable. Le genre Sicyonie appartient, comme on le voit, à la tribu des Salicoques de M. Latreille, et y trouve natu- (344) rellement sa place à côté des genres Penée et Sténope. On peut le distinguer des autres Décapodes macroures à l’aide des caractères suivans : Pieds des trois premières paires didacty les , et dont la longueur augme nte progressivement; point de di- visions annulaires sur les pieds des deux dernières paires ; point de lame palpiforme à la base des pieds; fausses pattes natatoires de l'abdomen portant une seule lame terminale. La couleur de la Sicyone scuzrtée est d’un brun terreux ; son test légèrement pubescent , et :sa longueur est d'environ deux pouces. J'en ai déposé plusieurs in- dividus dans les collections du Muséum. ( Depuis que j'ai présenté ce Mémoire à l’Académie des Sciences, Jai eu l’occasion d'examiner un autre Crustacé qui appartient également au genre Sicyonie (voy. PI. 9, fig. 9). 11 se distingue de l'espèce précédente, 1° par la brièveté du rostre, qui s’avance à peine au-delà des yeux et ne présente sur le bord supérieur que deux petites dents situées près de sa pointe; 2° par le nombre des den- telures de la carène dorsale faisant suite au rostre; depuis la base des yeux, on n’en compte que deux au lieu de trois , de façon que le nombre total des épines situées sur Ja ligne médiane de la carapace, depuis la pointe du rostre jusqu’à la base de l’abdomen, est seulement de quatre, tandis que chez la Sicyonie sculptée il est de six; 3° par l'existence d’une petite épine aiguë au bord antérieur de la carapace, immédiatement derrière l'in- sertion des antennes supérieures; 4° par la brièveté de ces antennes, dont l'extrémité du pédoncule n’atteint pas, à beaucoup près, l'extrémité de l’écaille des an- ( 545 ) tennes inférieures; 5° par la longueur de l’article basi= laire de la tige des antennes inférieures qui atteint presque l'extrémité de l’écaille qui le recouvre ; 6° par la forme du filament terminal de ces dernières antennes qui, au lieu d’être circulaire, est aplati et fortement cilié sur ses deux bords; 5° par le développement des pattes- mächoires externes’, qui avancent presque aussi loin que les pattes de la troisième paire, et par plusieurs autres particularités qu’il serait trop long d’énumérer ici. Ce Crustacé, qui se trouve dans les collections du Muséum d'Histoire naturelle, mais sans indication de localité, me paraît être le Palémon caréné d'Olivier (1); l’individu qui a servi pour la description que cet ento- mologiste en a donnée, avait été rapporté de la Nouvelle- Hollande par Péron, et se voit dans les galeries du Muséum; mais c’est évidemment un jeune, et il est tellement défiguré par la dess'ccation, qu’il m'a paru impossible de retirer quelque fruit de son examen ; son aspect est le même que celui de la Sicvonie dont je viens de parler ; seulement ce dernier a plus de deux pouces (x) Voici la description qu'Olivier donne de son Palemon carinatus. « P. thorace cariñato , bidentato ; rostro porrecto, obtuso , dentato , pedibus sex anticis chelatis. I est très-petit, n’ayant guère que quinze à dix-huit lignes de longaeur. Le corselet est caréné dans toute sa lon-- gueur, et la carène est armée de deux dentelures. Le rostre est avancé, vbtus , armé de deux ou trois petites dentelures à sa partie supérieure, et d’une forte épine à sa partie inférieure. Les antennes externes sont de la longueur du corps; les internes sont terminées par trois filets lrès-courts, dont un à peine distinct. Les yeux sont pédiculés. Les six pattes antérieures sont petites, terminées en pince ; Les deux premières sont les plus courtes , et les deux troisièmes les plus longues. Tous les scgmeus de la quene sont élevés en carène. Les feuillets ont une arête au milieu ; le supérieur est obtus et fortement cilié. » ( Op. cit, article Palémon , t. VEIL, p. 667.) ( 346 ) de long. Je proposerai donc de la nommer Sicyonie ca- rence: Sicyonia carinata, Nob. Genre SERGESTE. Dans la division des Édriophthalmes , les appendices thoraciques qui suivent les pattes-mâchoires ont tous la forme de pattes ambulatoires, et par conséquent le nombre normal de ces appendices est de quatorze, tandis que chez les Crabes on n’en compte que dix ; les pattes- mâchoires des deux dernières paires ne servant plus à la locomotion, mais appartiennent spécialement à l'appareil buccal, Le Crustacé que je vais faire connaître ici tient le milieu entre ces deux modes d'organisation et conduit de l’un à l’autre; car le nombre de ces pattes ambula- toires est de douze, et les pattes-mächoires des premières paires appartiennent encore à l'appareil buccal. Sous ce rapport il établit donc le passage entre les deux ordres dont nous venons de parler; mais les autres caractères qu'on y remarque ne permettent pas de le séparer des Décapodes : il appartient évidemment au groupe des Sa- licoques de M. Latreille, et doit être placé près des limi- tes qui séparent ce tribu de celui des Schizopodes. Son corps est grêle, allongé et un peu aplati ( voyez PI. x, fig. 1); le bouclier céphalo-thoracique s'étend jusqu’à l'abdomen et présente antérieurement une petite épine qui tient lieu de rostre. L’abdomen n'offre rien de remarquable, si ce n’est que les parties latérales de l’arceau supérieur de ses cinq premiers anneaux ne se prolongent pas inférieurement, de manière à cacher l'insertion des fausses pattes, comme cela a lieu chez les autres Salicoques. Les yeux sont fort saillans, et leur pédoncule, dont la longueur varie suivant les sexes, ( 347 ) s’insère sur un tubercule médian qui n’est pas com- plètement recouvert par la carapace, disposition ana- logue à celle qui existe chez les Alimes, eic. Les antennes sont placées sur deux rangs : les supérieures ou internes sont extrêmement longues ; leur pédoncule est composé de trois articles bien ‘distincts, dont le dernier est au moins aussi long que les précédens; et, outre le filet multi-articulé, grêle et sétacé qui le termine, et qui est beaucoup plus long que le corps, on distingue à son extrémité deux petits appendices filiformes rudimen- taires (fig. 8 ). Les antennes inférieures sont également très-longues , et leur base est recouverte, comme chez toutes les autres Salicoques, par une grande lame cornée, ciliée du côté interne (fig. 7). Les mandibules sont grosses , leur bord interne est large et pas sensiblement denté; le palpe qu’elles supportent est très -long et grêle (fig. 2). Les quatre mâchoires proprement dites et les pattes-mächoires de la première paire ne présentent rien de remarquable ( fig. 5, 4 et 5 ); celles de la seconde paire sont presque pédiformes et ne portent ni palpe ni appendice flabelliforme ; elles sont grêles , très-longues, reployées sur elles-mêmes et appliquées sur les autres parties de l'appareil buccal (fig. 6). Les appendices qui correspondent aux pattes - mâchoires externes n’offrent rien qui puisse les faire distinguer des pieds ambulatoires ; elles sont minces, très-longues, ciliées et terminées par un article styliforme (fig. 1, c). Les autres pattes ont Ja mème structure ; toutes sont grèles , filiformes , mo- nodactyles et garnies de beaucoup de poils: elles s’in- sérentprès dela ligne médiane du sternum, etne présentent à leurbase ni appendice flabelliforme ni aucun vestige de à) . . x palpe. Celles de la seconde paire, qui, correspondant à ( 348 ) celle de la première chez les autres Décapodes, sont beau- coup moins longues que les précédentes, tandis que les deux paires qui suivent ont à peu près la même lon- gueur; enfin, celles de l’avant-dernière paire (fig. 1, 8) sont très-courtes et les dernières sont presque rudimen- taires (a). Les cinq premiers segmens de l'abdomen sup- portent chacun une paire de fausses pattes assez grandes, dont l’arucle basilaire est renflé inférieurement et se ter- mine par deux lames natatoires étroites, allongées, pointues, ciliées sur les bords et d’inégale grandeur, si ce n’est à la première paire , où l’on ne voit qu’un de ces appendices foliacés ; chez les mâles, l’article basi- laire de ces fausses pattes antérieures présente aussi une disposition particulière ; à son côté interne, il existe un prolongement corné , d’une forme bizarre , qui va s’ar- ticuler sur la ligne médiane avec celui du côté opposé, et qui paraît appartenir à l'appareil de la génération (fig. 10, a). Enfin le septième segment de l'abdomen, petit et pointu, forme la pièce médiane de la nageoire caudale, dont les pièces latérales sont étroites, à peu près ovalaires, terminées en pointe, et d'autant plus longues qu’elles sont plus externes. Le genre que nous proposons d'établir pour recevoir ee petit Crustacé, et que nous désignerons sous le nom de SerGeste ( Sergestes, Nob. ), se rapproche, comme on le voit, des Pandales de M. Leach ; mais chez ceux-ci les pieds de la seconde paire sont didactyles, tandis que chez l'animal dont nous venons de parler aucun de ces organes ne présente une siructure semblable. I diffère de tous les Décapodes connus par le nombre de ses pattes ambulatoires ; mais, sous ies autres rapports, son orga- . , A * , nisation est la ineéme; et, du reste, ce caractère n est Pas ( 349 ) un de ceux auxquels il faut attacher le plus d'importance dans la distribution naturelle des Crustacés. Pour nous, le caractère le plus important et le plus invariable des animaux qui composent le groupe naturel auquel on a donné le nom de Décapodes, réside dans la structure et la position des branchies. Or, dans les Sergestes, ces organes sont fixés sur les côtés du thorax, dans une cavité spéciale formée, comme chez les Crabes et les Écrevisses, par les flancs d’une part, et par le bouclier céphalo-tho- racique de l’autre, et leur organisation est la même que chez ces animaux : aussi n’hésitons-nous pas à les ranger dans le même ordre. La forme générale de ces animaux, l'existence d’une grande lame cornée au-dessus du pédon- cule des antennes inférieures, et l'absence des appendices qu'on peut considérer comme l’analogie des palpes et qu’on remarque à la partie externe des pieds chez les Schizipodes , feront reconnaître , au premier abord, des Crustacés pour des Salicoques ; enfin pour les distinguer des autres genres de la même tribu, il suffira de se rap- peler les caractères suivans : Six paires de pattes ambulatoires filiformes et mo- nodactyles, dont les dernières très-courtes. L'animal qui nous a présenté ce nouveau type d’or- ganisation , et que nous nommons Sergeste Atlantique (S. atlanticus, Nob.), nous a été communiqué par notre ami M. Reynaud, dont les riches récoltes, conser- vées au Muséum du Jardin du Roi, serviront aux pro- grès deftoutes les branches de la zoologie. Il l’a rencon- tré dans l'Océan atlantique , à une grande distance des côtes, et sa longueur est d'environ un pouce, ( 350 Genre AGCETE. Un autre Crustacé macroure, qui a été découvert par le même naturaliste, et qui doit également être pris pour type d’une division générique , est encore plus curieux ; en effet, bien que les pattes-mâächoires externes y aflec- tent aussi la forme de pattes ambulatoires, le nombre total de ces organes n’est que de huit, car ceux des deux dernières paires, au lieu d’être plus ‘ou. moins rudimentaires , comme dans les Sergestes, manquent complètement. Ce genre nouveau , que nous désignerons sous le nom d'Acire (-Acetes, Nob.), a les plus grands rapports avec le précédent (voy. PI. x1, fig. 1 ). La forme géné- rale est la même ; la carapace est lisse et présente-à son extrémité antérieure une série longitudinale de trois pe- tites dents, mais il n y a point de rostre proprement dit. Les yeux sont sphériques et portés sur des pédoncules assez longs; les antennes supérieures, placées au-dessus des externes, ont un long pédoncule (fig. 7), mais son dernier article est plus court que le premier et ne porte que deux soies, dont l’une ayant à peu près deux fois la longueur du corps. Les antennes inférieures ou ex- ternes présentent un filet terminal non moins allongé : et leur base est recouverte par une grande lame cornée (fig. 8). Les mandibules , les mâchoires proprement dites et les deux paires de pattes-màchoires ne diffèrent pas no- tablement de celles des Sergestes (fig. 2, 3, 4, 5 et 6). Il en est de même des pattes ambulatoires, qui sont fili- formes et terminées par un article pointu; mais, comme nous l'avons déjà dit, celles des deux paires postérieures manquent complètement ; cependant en arrière des der- ( 35%) nières qui existent, on distingue encore un segment tho- racique portant des branchies comme les précédens, mais sans appendices locomoteurs. L’abdomen ne pré- sente rien de remarquable ; les fausses pattes natatoires se terminent toutes par deux lames étroites et pointues, qui sont d’abord à peu près de mème longueur, mais dont l’interne devient plus courte sur les derniers seg- mens. Le pédoncule de ces appendices présente des modifications tout opposées, car sur les premiers an- neaux de l’abdomen, il est long et étroit, tandis que sur les derniers, il devient gros et court. La nageoire caudale n'offre rien de remarquable (voy. fig. 9 ). Bien que ce Crustacé n'ait pas dix pieds, il n’en est pas moins évident que c’est au groupe naturel des Dé- capodes macroures qu’il appartient, et c’est encore dans la tribu des Salicoques qu'il devra prendre place. On peut caractériser le genre Acète de la manière suivante : SALICOQUE ayant les pattes ambulatoires au nombre de quatre paires , filiformes et toutes monodacty les. Si l’on voulait aussi des caractères tirés de l’organi- sation intérieure de ces animaux, les branchies nous en fourniraient, car ces organes ne sont qu'au nombre de cinq de chaque côté du corps, disposition dont nous ne connaissons pas d'autre exemple parmi les Macroures. L'espèce d’Acète qui nous a servi de type pour ce genre habite le Gange et portera le nom d'AcÈre INDIEN ( 4. indicus , Nob. ) ; sa longueur est d'environ un pouce. EXPLICATION DES PLANCHES. PI. vx, fig. 1. Guaucornoé pe PÉRON beaucoup grossi et vu de profil. Fig. 2. Le corps du même animal, pour montrer sa grandeur naturelle. Fig. 3. Mandibule grossi , de même que toutes les parties suivantes, Fig. 4. Mâchoire de la première paire. (352) Fig. 5. Mâchoire de la seconde paire, portaut en dehors la grande ais cornée , qui est un des caractères distinctifs de tous les Déca- odes. Fig. 6. Patte-mächoire de la première paire. Fig. 7. Patte-mâchoire de la seconde paire , avec son palpe. Fig. 5. Patte-mâchoire de la troisième paire , portant également un palpe très-développé. Fig. 9. Antenne interne ou supérieure. Fig. 10. Antenne inférieure. Fig. 11. Patte thoracique de la quatrième paire. Fig. 12. Patte thoracique de la cinquième paire. Fig. 13. Fausse patte natatoire de l'abdomen. PI. 1x, fig. 1. Sicyonte sCULPTÉE de grandeur naturélle. Fig. 2. Mandibule grossie. Fig. 3. Mâchoire de la première paire, également vue au microscope. Fig. 4. Mâchoire de la seconde paire. Fig. 5. Patte-mâchoire de la première paire. Fig. 6. Patte-mâchoire de la seconde paire, portant à sa base un fouet et deux branchies rudimentaires. Fig. 8. Fausse patte natatoire de l'abdomen. Fig. 9. Sicxonte CARÉNÉE de grandeur naturelle. PI. x, fig. 1. SenGesre ATLANTIQUE vu de profil, et beaucoup grossi ; sa grandeur naturelle est indiquée par la ligne placée au-dessous. — a, patte thoracique de la sixiéme paire ; ce, patte ambulatoire de la première paire, qui correspond à la patte - mâchoire externe des autres Crustacés décapodes. Fig. 2. Mandibule, Fig. 3. Mâchoire de la première paire. Fig. 4. Mâchoire de la seconde paire. Fig. 5. Patte-mâchoire de la première paire. — a, vésicule membraneux - résultant d’une modification du fouet. Fig. 6. Patte-mâchoire de la seconde paire. Fig. 7. Portion basilaire de l’antenne inférieure. Fig. $. Portion basilaire de l’antenne supérieure. Fig. Fausse patte natatoire du premier anneau de l'abdomen du mâle , pour montrer l’appendice cornce qui existe an côté interne de son pédoncule. PI. x1, fig. 1. AGÈTE INDIEN grossi : la ligne placée au-dessous indique sa grandeur naturelle. — 4, patte-mâchoire de la seconde paire; b, patte ambulatoire de la première paire, correspondant à la patte- mâchoire externe des autres Décapodes; c, patte ambulatoire de la seconde paire , correspondant à la patte thoracique de la première aire chez les autres Décapodes. Fig. 2. Mandibules. Fig. 3. Mâchoire de la première paire. Fig. 4. Mâächoire dela seconde paire. Fig. 5. Patte-mâchoire de la première paire. — à, le fouct transformé en ane vésicule membraneuse. Fig. 6. Patte-mâchoire de la seconde paire. — a, modification de l’ap- pendice flabelliforme. Fig. 7. Pédoncule de l’antenne supérieure. Fig. 8. Portion basilaire de l’antenne inférieure. Fig. 9. Nageoire caudale. (353) Mémoire sur Les Rapports de volumes des deux sexes dans le règne animal ; Par M. Cu. Grrou DE BuzAREINGUES, Correspondant de l’Académie royale des Sciences. IL a semblé difficile à Buffon d'expliquer pourquoi, chez les oiseaux de proie, comme chez les insectes et les poissons (il eût pu ajouter, et les reptiles), la femelle est plus grande que le mâle ; tandis que c’est , en général, le contraire chez les autres oiseaux et chez les mammifères. Je n’aurais pas eu, sans doute, la pensée de m'occuper d’un problème qu’un aussi puissant génie n'avait pu ré- soudre , si la solution de la principale difficulté qu’il renferme ne m'avait été offerte par les faits observés dans mes recherches sur la reproduction des animaux. Pourquoi le mâle naît-il ordinairement plus gros que la femelle chez les ruminans , les rongeurs , etc. , parmi les mammifères ; et pourquoi, lors même qu'il n’est pas plus gros, qu’il est mème plus petit qu’elle, en naissant, la surpasse-t-il le plus souvent en volume, chez presque ous les mammifères et chez la plupart des oiseaux , lors- qu'il a atteint le terme de son accroissement ? Pour résoudre cette question , il ne suffit pas de savoir quelles causes peuvent déterminer ces rapports entre individus ; il faut encore pouvoir assigner celles qui les rendent inhérens aux espèces ; indépendamment de leurs causes premières. La solution dé cette seconde branche de la question s'étant présentée la première à mon es- prit, Je vais aussi la présenter la première. XIX. — Avril 1830. 23 (354 ) La prédominance en volume n’est pas de l’essence du sexe masculin; puisque, loin d’être générale, elle est restreinte dans une partie peu nombreuse du règne ani- mal. D'ailleurs, si elle était un effet des organes sexuels, la suppression de ces organes dans le bas âge devrait la prévenir : or, il arrive précisément le contraire; la perte des testicules, qui rapproche, sous tant de rapports , le mâle de la femelle, semble l’en éloigner, par l’accrois- sement de volume quien est la suite; ces mêmes organes sont donc réellement un obstacle au développement. J'ai déjà combattu , dans mon ouvrage sur la généra- uon , le sentiment des physiologistes qui pensent que le sexe est déterminé par la nourriture que reçoit l'embryon, soit dans l’œuf, soit dans l’utérus ; et qu’il devient mâle, si cette nourriture est suffisante ou forte , ou qu'il reste femelle , si elle est insuffisante ou faible (x). Depuisla publication de cet ouvrage, j'ai prouvé par des observations positives qui ont été communiquées à l’Académie , que, si les mâles naïssans présentaient les sujets les plus forts , ils présentent aussi les plus faibles. Je vais, avant de passer à l’objet principal de ce Mémoire, tâcher de prouver que le mâle doit spécialement sa taille à son père, et la femelle à sa mère. Cette proposition déjà énoncée par noi dans de précédens Mémoires, n'ayant pas été appuyée d’un assez grand nombre de faits, son importance m'engage à y revenir. J'ai déjà dit que , parmi les produits que j'ai obtenus de l’accouplement d’un étalon arabe avec des jumens plus grandes que lui, les femelles ont été, en général , (1) Voyez cet ouvrage, p. 231. (355) plus grandes que les mâles (1). A ce fait et à d’autres relatifs à l'espèce humaine , que j'ai rapportés aussi (3), J'ajouterai les suivans. J'ai introduit à plusieurs reprises , dans mes étables, des taureaux appartenant à des races bien plus fortes que celles de mes vaches ; et j'ai remarqué constamment que, parmi les produits, les mèles, bien plus que les femelles , se ressentaient, sous le rapport de la taille, des influences de ces introductions. J'ai fait croiser un troupeau d’environ 250 brebis de forte taille par des béliers mérinos bien plus petits qu'elles ; les agneaux mâles qu’a donnés ce mélange ont été, en général, plus petits que les femelles, tant au commencement de la naissance qu’à l’époque du parfait accroissement. Les cultivateurs de ma connaissance qui , possesseurs de races indigènes fortes comme la mienne, ont tenté le mème croisement , en ont obtenu de semblables résultats. Je citerai M. Amans Rodat, connu de tous les agronomes par ses excellens articles sur l’agriculture publiés dans/la Feuille villageoise ou dans le Propagateur de l'Aveyron, et insérés en grande partie dans les Annales de lAgri- culture française. Je lui ai adressé la question suivante : « Vous souvient-il si, dans les produits que vous avez « obtenus du croïsement de vos brebis indigènes par des « béliers mérinos, il y a eu, entre les mâles et les fe- « melles, le mème rapport de volume, qué parmi les « agneaux indigènes de pure race? » Voici sa réponse : (1) Ouvrage cité, p. 122. (a) Thid , p.29. ( 356 ) « Dans les métis des deux premières générations , les « femelles étaient magnifiques ; elles égalaient leur « mère en taille, et les surpassaient en grosseur. « M. Châteauvieux a mesuré une de ces métisses du 2° « degré qui avait 27 pouces de hauteur et une conforma- « tion parfaitement proportionnée. Les màles étaient « beaux aussi; mais ils ne surpassaient guère les fe- « melles , et plusieurs ne faisaient que les égaler. Il me « paraît meme qu'il arriva quelquefois que les ante- « noises l’emportaient sur leurs frères de même àge; « mais il faut noter que ceux-ci étaient nourris sur des « pâturages moins substantiels. Tout ce que je puis « dire avec assurance, c’est que le rapport entre les deux « sexes n’était pas le mème dans la race métisse que « dans la race pure. » C’est parce que les mâles métis ont été de beaucoup inférieurs en taille aux mâles de pure race indigènes , qu'on a éprouvé beaucoup de difficultés pour les vendre, qui ont fait proscrire les croisemens sur tous les points du département de l'Aveyron , où la race indigène s’est trouvée plus forte que les mérinos ; tandis qu'on a con- tinué de les pratiquer dans l'arrondissement de Saint- Affrique ; où la brebis, qui donne le fromage de Roque- fort, n’est pas plus grande que celle d’Espagne; et où, d’ailleurs, on n’élève que très-peu de mâles. Dans le cours d’une exploitation de dix-huit ans du domaine le plus considérable du département de l’Avey- ron , dont mon beau-père était fermier, et où l’on tenait une vingtaine de jumens poulinières d’assez belle taille, qu'on livrait presque toutes au baudet , j'ai pu observer que les mules étaient, en général , plus grandes que les ( 357 ) mulets. Jai vérifié souvent cette observation dans les foires. D'après des renseignemens que j'ai obtenus, ce serait tout le contraire chez les bardeaux issus du cheval et de l’ânesse ; mais je n’ai point, sur ce dernier fait, d’obser- vation personnelle. Autorisé enfin par de nombreuses observations , Je considère comme constant que les deux sexes, et surtout la femelle, concourent à déterminer le volume de leurs produits ; mais que le père transmet le'sien plus’spécia- lement au mâle qu’à la femelle ; et la mère, le sien plus spécialement à la femelie qu'au mâle. Donc les circonstances qui rendent le volume du mâle supérieur à celui de la femelle tendent à établir cette même supériorité dans l'espèce , puisqu'une fois intro- duite, elle se reproduit. 4 Il ne s'agit donc plus que de signaler ces causéstipre- mières , dont l’acüon immédiate sur les individus 'a in- troduit chez la plupart des oïseaux , et surtout des mam- mifères, des rapports de volume entre les deux sexes, différens et mème inverses de ceux que l’on rericontre dans les classes inférieures du règne animal, et les'cir- constances qui ont soustrait à l’action de ces causés ceux des animaux de ces deux hautes classes qui y ontéchappé. On voit déjà que je considère comme exception à la loi générale sur les rapports de volume des sexes ; non la prédominance de la femelle sur le mâle , mais celle du mèle sur la femelle. Test, en éflet , dans l’ordre primi- tif de la nature que le sujet destiné à transmettre la vie el à l’entretenir après l'avoir transmise, aït une plus grande puissance de nutrition que'‘celui qui n’a à nourrir (358) que lui seul : et cela est réellement ainsi, non seulement dans l’immense majorité des animaux , maïs encore dans toutes les plantes dioïques. Les travaux des zoologistes laissent très-incomplètes nos connaissances sur Îles rapports exact du volume des sexes ; et mon travail se ressentira nécessairement de cette lacune dans la science. Il n’y à guère de grandes masses où le mâle prédomine notablement sur la femelle , que les gallinacés , les échas- siers et les palmipèdes chez les oiseaux; l'espèce humaine, les quadruümanes , les earnassiers , les ruminans, les ron- geurs et les amphibies chez les mammifères. Cette pré- deminance devient plus grande dans la domesticité que dans l’état sauvage; et elle est plus générale chez les mammifères que chez les oiseaux. C’est donc dans les progrès du perfectionnement que le. mâle devient plus gros que la femelle. Mais un autre résultat de ces mêmes progrès esi de rendre nécessaire et de prolonger l'éducation tant utérine qu’extra-utérine de la famille dont.les soins deviennent de plus en plus onéreux et exclusivement imposés à la femelle, et dont le mâle est affranchi, en partie du moins , par la nature, et-quelquefois totalement par ses appétits ou sa volonté. Or, neserait-ce pas à cette exclusive et progressive dé- viation de la nutrition de la femelle, ou aux longues privations qu’elle s'impose , que nous devons rapporter le retard relatif, l’arrèr même de son développement ? L'oiseau femelle est soumis ,.pendant la durée de l’in- cubation et de l'édugation, à une abstinence que ne connaissent ni lesreptiles, ni les-poissons; et la femelle du mammifère est soumise, soit pendant la gestation, ( 359 ) soit pendant l'allaitement, à une plus grande déviation de la nutrition que celle de l'oiseau , et elle est en outre détournée , comme celle-ci , du soin de sa propre con- servation , pour veiller à celle de ses petits. Si nous considérons cependant cette double cause de déperdition ou ce double obstacle au développement, dans ses diverses phases, nous le trouverons constam- ment d'accord avec les faits dont nous cherchons la solution. Les oiseaux de proie sont ceux qui produisent le moins : ils ne font que deux ou trois œufs, et n’élèvent qu’un ou deux petits, qu'ils expulsent mème du nid, après une très-courte éducation , et quoiqu'ils puissent à peine se suflire. {ls sont monogames; le mäle partage avec la femelle l’éducation des peuits ; le temps de l’incubation ne profite guère plus à l’un qu’à l’autre, ear le prin- temps est pour eux une époque d'abstinence : il dérobe leur proie à leurs poursuites , par les abris ou les refuges que la végétation des plantes offre et l’exubérance de vie qu'elle donne aux timides animaux que l’hiver leur livre sans asile, sans mouvement et sans force. Aucune cir- coustance enfin ne trouble chez l'oiseau de proie la pré- dominance naturelle de la femelle sur le mâle. Lorsque l’époque périodique de son plus grand ou de son plus rapide développement , ou celle qui lui présente le plus de nourriture, est arrivée , la femelle ne pond pas, ne couve pas , n'élève pas de petits , elle chasse ; et la supé- riorité de sa force se maintient par celle des avantages qu’elle en. obtient. Chez ceux des oiseaux de proie qui produisent le plus d'œufs et qui donnent le plus de soins à leurs petits ( 360 ) chez l’émérillon , un des derniers de cet ordre , ou chez la pie-grièche , le premier de l’ordre suivant , la femelle est aussi petite que le mâle. Ne serait-ce pas parce que les squales se trouvent dans des positions analogues à celles des oiseaux de proie, qu’ils sont aussi, de tous les poissons , ceux qui offrent les plus grandes disproportions de volumeentre la femelle et le mäle. Les rousselettes , chez lesquelles cette dispro- portion a été le plus "observée, ne produisent que de neuf à treize petits ; elles vivent au fond des eaux , près de la vase dans laquelle une foule de poissons ou de mollusques vont passer l'hiver; elles se reproduisent par accouplement réel, la femelle est vivipare , et son mâle, peut-être; monogame. Chez les oïseaux polygames , le mâle s’affranchit des soins de l’incubation et de l'éducation, exclusivement réservés à la femelle. Chez eux aussi, il devient plus gros qu’elle ; et la prédominance de son volume est en rapport avec les facilités de se procurer une abondante nourriture aux époques de Fa reproduction; elle est re- marquable chez les gallinacés et chez les échassiers her- bivores, ou chez les palmipèdes piscivores, parce que l’époque de leur ponte est aussi celle qui leur fournit le plus de nourriture : la terre se couvre alors d’insectes, d'herbes tendres , de feuilles nouvelles, où de grains; les mollusques, les crustacés, les poissons, se rendent par myriades à la surface des eaux. Or, le mâle met à profit toutes ces causes de rapide développement , tandis que la femelle , cédant à l'instinct de conserver l'espèce, couve ses œufs, conduit ou réchaufle ses petits , leur pro- cure, les invite à prendre de la nourrituré, partage avec ( 361 ) eux celle qui lui serait nécessaire ; et non seulement elle se prive ainsi, dans la saison de l'abondance , des moyens d’accroïissement , mais encore elle supporte alors une plus rude abstinence que dans les époques de disette. Tout concourt à l’empêcher de croître : déviation de la nutrition , dans la formation d’un grand nombre d'œufs, et privation de la nourriture , dans les soins de l’incuba- tion et de l’éducation. Cetté dernière circonstance lui est plus préjudiciable encore que la première : la ponte cesse toujours du jour de l’incubation, et elle recom- mence lorsque celle-ci a cessé : les mâles lascifs ont l'instinct de ces rapports ; ils détruisent les œufs comme obstacles à leurs jouissances. La femelle oiseau peut se maintenir grasse pendant la ponte; mais elle maigrit infailliblement pendant la couvaison, et ne reprend sa graisse qu'après que l'éducation de ses petits est terminée. Les oiseaux appartenant à un même ordre offrent des rapports différens de volume entre Les deuxsexes, suivant qu’ils sont monogames ou polygames, suivant que les mâles partagent ou ne partagent pas avec les femelles les soins de la famille. Ainsi, ces rapports ne sont pas les mèmes chez les pigeons que chez les poules ; chez les pies, les geaïs , les freux , les corbeaux , que chez les moineaux ou les alouettes; chez la bécasse , le vanneau, le pluvier, que chez l’outarde. Quoiqu'étrangère à l’ordre des oiseaux de proie , la femelle du coucou reste plus grande que le mäle , parce que, étant dégagée des soins de l’incubation , la nutri- tion n'éprouve pas chez elle de plus grande déviation que chez la femelle de l'aigle ou du faucon. Chez les oïseaux insectivores qui vivent entre les tra- ( 362 ) piques, se trouvent des espèces où la femelle est plus grande que le mâle (le tinamoux (perdrix de la Guiane } le barbichon et le tyran de Cayenne, la moucherolle du Sénégal). Il n’en est pas ainsi des mêmes espèces, ou de celles qui en sont voisines, sous des latitudes polaires où tempérées (nos gobe-mouches ). Or, la nourriture s'oflre en plus grande abondance aux animaux insecti- vores , sous les climats chauds et humides, que sous les climats froids ou tempérés : là, bien plus qu'ici, la fe- melle trouve à sa portée les moyens de réparer ses pertes. Dan; les espèces où le mâle trop lascif s’épuise dans l'acte trop souvent répé'é de l’accouplement, il reste plus petit que la femelle , surtout lorsque celle-ci rencontre près d'elle, pendant la couvaison, une abondante nour- riture (la caille , le canari). Chez les mammifères, la prédominance du mâle sur la femelle est plus générale et plus grande que chez les oiseaux. Il y a une notable disproportion entre le bœuf et la vache, le bélier et la brebis , le bouc et la chèvre. Or, chez les mammifères, la femelle est soumise à une bien plus grande déviation de la nutrition que chez les oiseaux. La vache, dont le poids est à peu près égal à la moitié de celui du bœuf, vit dans un perpétuel état de gestation ou d'allaitement ; il en est de même de la brebis et de fa chèvre. I n'y a pas de cultivateur qui ignore que les jeunes femelles cessent de croitre après qu’elles ont produit; et que l'allaitement est encore plus préjudiciable que la gestalion à leur accroissement. Les ruminans et les lamantins produisent plus que les pachydermes ; les petits de ceux-là consomment plus de ( 363 ) lait que ceux de ces derniers : chez les uns aussi, le mâle prédomine plus constamment et davantage sur la femelle que chez les autres. Les cochons sont les seuls des pachydermes qui pro- duisent beaucoup : chez eux aussi, le mäle prédomine plus sensiblement sur la femelle que chez ces derniers. De tous les rongeurs , les rats sont les plus féconds : la prédominance du rat mâle sur sa femelle est aussi plus grande que celle de tout autre mäle rongeur sur la sienne. Les chéiroptères et les insectivores; ceux des mam- mifères carnassiers qui vivent et d'insectes et de fruits, n’offrent pas la même différence de volume entre les deux sexes , que les carnivores proprement dits ; or, la femelle de ceux-là peut aisément trouver et saisir, soit les larves d'insectes qui pullulent, soit les fruits qui tombent où mürissent près de son repaire; tandis que la femelle de ceux - ei est obligée de poursuivre une proie alerte et agile qui souvent sait l’éviter et se soustraire à ses pour- suites ; elle fait beaucoup de petits cependant; elle éprouve donc une grande déviation de la nutrition, et de grandes privations dont le mâle, toujours libre , dis- pos et occupé de lui seul, est affranchi. Voilà pourquoi, si je ne me trompe , la femelle de la chauve-souris, du hérisson , de Ja taupe , est au moins aussi grande que Île mâle; tandis que la lionne est bien plus petite que lelion. Chez les marsupiaux, qui ne produisent , pour ainsi dire , que des embryons, que des rudimens de fœtus, lesquels voyagent toujours avec leur mère, ei ne la re- tiennent pas captive loin des lieux où elle peut trouver sa subsistance, la femelle estau moins aussi grande que le mâle. (364 ) Lorsque , par sa qualité, la nourriture ne développe que très-faiblement , tant chez l'oiseau que chez le mam- mifère, la force musculaire du mâle , les masses fibreuses de celui-ci restent grêles , appauvries , atrophiées ; il con- somme peu , parce qu’il agit peu ; ilest privé de la cause qui porte la vie de l’intérieur à l'extérieur ; le dévelop- pement de sa vie d'action ne compense pas celui de la vie de nutrition de la femelle; il doit rester plus petit qu'elle. Or, tel est, en effet, le rapport des sexes chez tous les fourmiliers et chez les édentés. Je dois signaler encore ici une autre circonstance qui peut aussi préparer et déterminer enfin ce résultat. La femelle de ces ani- maux est plus apte que le mâle à saisir les insectes dont elle se nourrit ; car c’est à l’aide de la langue, organe ordinairement plus développé chez la femelle que chez le mâle, que les fourmiliers atirapent les fourmis, ali- ment toujours à la portée de la femelle, et abondant au- tour d’elle, dans les lieux qu’habitent ces animaux. Les plus légères différences dans les causes presque conti- nuellement agissantes, peuvent en produire de grandes dans les résultats ultérieurs de leur action. Un résultat semblable au précédent se présente encore chez les tardigrades : le mâle du guignard ( petit pluvier), oiseau très-paresseux, et celui de la foulque , que sa pa- resse livreau busard, sont plus petits que leurs femelles ; tandis que celui du combattant, échassier comme les précédens, mais actif, ardent, colère, devient plus grand que la femelle, On ne peut être surpris que les animaux que leur tempérament ou des causes quelcon- ques rapprochent des reptiles ou des poissons, en su- bissent les lois. ( 365 ) Lorsque, dans les animaux domestiques, la femelle est destinée au travail, comme le mâle, et qu’elle n’est soumise , d’ailleurs , hi à une trop fréquente reproduc- tion , ni à un trop long et épuisant allaitement, il ne la dépasse point en volume : l’ânesse est aussi grande que le baudet ; la jument que le cheval; la chienne que le chien; parce que l’homme pourvoit à leur nourriture selon leurs besoins. Les naturalistes ont considéré la marte comme une fouine domestique , et la fouine comme une marte sau- vage. Or, chez l’une, le mâle n’est pas plus grand que la femelle ; il est plus grand chez l’autre. Le lièvre se tient plus près de nos habitations que le lapin ; l’un, pour me servir des expressions du bon La Fontaine , passe la vie à songer en un gite ; l’autre rôde, trotte , fait mille tours. La femelle du premier fait ses petits au centre de nos récoltes ; celle du second fait les siens dans ses terriers au sein de pâturages arides ; celle- là, d’ailleurs, produit moins que celle-ci : or, la hase est plus grosse que le lièvre, et la lapine est plus petite que le lapin. Cependant le moineau mâle est sensiblement plus gros que la femelle ; tandis que, chez les autres passe- reaux , il ya peu de différence de volume entre les deux sexes. Mais le moineau mâle, libre de tous soins étran- gers à sa propre conservation , vit dans l'abondance des grains que l’homme rassemble près de ses habitations , à l'époque où sa femelle est livrée aux soins répétés de l’incubation et de l'éducation ; tandis que celle-ci ne peut s'occuper exclusivement de sa propre nourriture , , \ . ’ r # qu'après que les grains ont été enserrés dans les meules ( 366 }) ou dans les greniers , qu'après que les chenilles ont été changées en papillons , et ne s'offrent plus en paquets serrés sur les branches des arbre$ ou des arbrisseaux. Toutes les substances alimentaires ne contribuent pas également au développement physique des animaux : les substances végétales mucilagineuses ou herbacées y contribuent plus puissamment que les substances fi- breuses ou animales ; celles-ci plus que les substances acides; toutes les précédentes plus que les substances sucrées. Ainsi, parmi les mammifères , les cétacés , les lamantins , les pachydermes et les ruminans deviennent plus grands que les carnassiers, qui deviennent plus grands que les fourmiliers; et, parmi les oiseaux, les échassiers et les palmipèdes deviennent plus grands que les oiseaux de proie , qui deviennent plus grands que les buccivores et les fourmiliérs , qui deviennent plus grands que les colibris ou les oiseaux- mouches. La nourriture ne tourne au profit de l’accroissement qu’au préjudice de la reproduction ; car les difficultés de se la procurer en suflisante quantité deviennent plus grandes pour les grosses espèces que pour les petites. L'exercice cependant dirige ou appelle la nutrition vers les organes de locomotion ou de préhension , et les dé- tourne de ceux de reproduction : l'aigle mâle adulte a les testicules comme des pois, tandis que le poulet de quatre mois les a comme des olives. Le bélier les a plus gros que le cheval. Les grandes espèces doivent donc être nécessairement rares sur le globe , à moins que l’industrie humaine ne supplée à l'insuffisance de leurs propres moyens de con- servation : les petites races de chèvres ou de brebis pour- (367 ) raient exister par elles-mêmes dans nos climats tempérés, mais il n'en serait pas ainsi des grandes races de ces mêmes animaux ; et, à plus forte raison , du cheval, du bœuf, ou de l'âne. La cause qui rend le volume du mâle prédominant sur celui de la femelle établirait à la longue une énorme disproportion entre eux, si elle ne devenait en même temps, par les combinaisons de la génération que nous avous précédemment exposées, une cause d’accroisse- ment de la femelle elle- mème, de laquelle résalte un ralentissement dans les progrès de l'inégalité, qui n’est point tel cependant qu’il rende tout-à-fait nulle la pro- gression de celle-ci ; puisque , comme je l'ai déjà fait observer , le père influe dans la génération plus spé- cialement sur la taille du mâle que sur celle de la femelle. La prédomimance du mâle devrait donc être plus sen- sible dans les grandes espèces que dans les petites ; et elle l’est en eflet , comme on peut le remarquer chez les oiseaux échassiers , sur les grandes outardes comparées aux petites ; chez les gallinacés, sur les poules domesti- ques comparées aux gélinottes ; chez les hirondelles, sur les grands martinets comparés aux petites hiron- delles ; chez les alouettes, sur les calandres comparées aux spiplettes; chez les mésanges , sur les charbonnières comparées aux remiz, etc. Et, parmi les mammifères , chez les rongeurs, sur les gros rats com parés aux petites souris ; chez les ruminans, sur nos fortes races , soit de bœufs , soit de moutons , comparées aux petites, etc. L’inégalité de volume des deux sexes serait plus re- marquable encore dans les grandes espèces, si une de ( 368 ) ces causes premières , la déviation de la nutrition chez la femelle , n’y devenait progressivement moindre par une progressive diminution de la fécondité. Parmi ceux de nos animaux domestiques dont les femelles nous fournissent du lait, l’inégalité devient énorme dans les grandes espèces , parce que la fréquente mulsion est encore plus nuisible au développement, qu’une très-grande fécondité : les bonnes vaches s’en- graissent pendant la gestation ei s’amaigrissent pendant l'allaitement, quelle que soit la qualité et la quantité de la nourriture qu'on leur offre. Il y a donc, dans la cause première de cette inégalité qui nous occupe, un principe de retour à l'équilibre ; et cette observation pourrait rendre problématique si autrefois les mâles des cicognes et des grues parmi les oiseaux , et des pachydermes parmi les mammifères , ne furent pas relativement plus gros qu’ils ne le sont au- jourd’hui, comme permet de fe soupçonner l'inégalité encore existante chez les amphibies, qui produisent plus de petits que les éléphans, les rhinocéros et les hippo- potames. Cependant, lorsque la capacité de reproduction s’é- teint , l'espèce touche à sa fin. Ne serait-ce point parce qu’elle s’est trop affaiblie chez les pachydermes , que cet ordre offre, plus spécialement que chez les autres , des fossiles dont on ne retrouve plus le type chez les asimaux vivans ? Les espèces, comme les individus, déclinent et meurent, lorsqu'elles sont parvenues au plus haut degré de leur accroissement. De ce qui a été dit précédemment, on peut conclure, à priori, que les ordres d'animaux où le mâle est ordi- ( 369 ) nairement monogame et partage avec la femelle l’éduca- tion des petits , ne sont point, en général , susceptibles d’un aussi grand développement que ceux où il est po- lygame. Or, cette déduction est confirmée par les faits ; on ne trouve point d'aussi grandes espèces chez Îles oï- seaux de proie, les fourmiliers et les passereaux, que chez les gallinacés, les échassiers et les palmipèdes. Mais, puisqu’en croisant, les espèces tendent à leur fin , il serait donc généralement vrai que , dans l’ordre naturel , comme dans l’ordre social, l’égoïsme est nui- sible ; et que l'instinct moral , qui, confondant l'amour et l'amitié, unit le père à sa famille, est à la fois le principe de la conservation des individus et de celle de l'espèce. En créant les sentimens affectueux , la nature aurait donc posé les fondemens de la plus utile morale. Je n’ai garde de dire que les solutions que je vies de proposer des divers faits que j’ai essayé de résoudre , sont les seules ou les meilleures que l’on puisse donner ; mais je considère comme certain : 1°. Que la nourriture est la cause première de l’ac- croissement, et que la nutrition en est le premier moyen; d’où il suit que , sous une égale nourriture , la femelle devrait croitre plus que le mâle, comme étant douée d'une plus grande force nutritive , si chez elle la nutri- tion, n’éprouvait pas une plus grande somme de dévia- tionique chez le mâle. 2°. Que la femelle étant soumise à des privations de nourriture, et sa nutrition à des déviations plus ou moins complètement étrangères au mâle, il doit en ré- sulter des variations dans les rapports de leur volume, proportionnées en partie à l’action de ces causes. XIX. 24 C2 ( 370 ) 3°. Que, dans la génération , les capacités de déve- loppement des produits naissent de la transmission de celles du père et de la mère , sous des combinaisons spé- ciales pour chaque sexe de ces produits ; d’où il suit né- cessairement que les rapports de volume, déjà déterminés entre les sexes des ascendans , doivent se maintenir dans les espèces, non seulement par la continuation de leur cause première , mais encore par cette transmission. Descriprion du Theligonum Cynocrambe ; Par M. le professeur Deus. Le Theligonum Cynocrambe est une des plantes printanières du midi de la France, et qui se trouve à Montpellier, à Toulon, en Italie, sur le littoral et dans plusieurs îles de la Méditerranée : elle était regardée chez les Grecs comme une herbe potagère. Gaspard Bauhin la découvrit à Montpellier en 1671 ; mais elle avait été décrite auparavant, à Florence, par Césalpin, qui l’appelait Æ/sine, du nom sous lequel Columna l'avait fait connaître aux botanistes de son temps, leur en ayant communiqué des graines de l'ile de Caprée. H Si nous consultons Dioscoride , nous trouvons que ce qu'il dit, d’une manière fort abrégée, du Cynocrambe est assez applicable à la plante décrite par Gaspard Bauhin et par Césalpin, pour nous donner lieu de pen- ser que c’est bien la même plante que ces divers auteurs ont indiquée successivement. Le nom de Cynocrambe, (371 ) chou de chien, tel que les Grecs l’ont donné à cette plante ; est propre à inspirer quelque dégoût et suffit pour faire voir qu’ils ne la classaient que parmi les herbes pota- gères les plus viles. Je rie crois point qu’elle soit malsaine, parce que je l'ai vue souvent maugée verte par les lapins et par les moutons. Cependant sa saveur est âcre et non pas fade, comme l’a décrite Gaspard Bauhin; son odeur est un peu celle du chou et n’est point agréable. Cette plante semble être un pourpier d'hiver; et si elle n’est point en usage comme alimentaire à Montpellier, où l’on mange beaucoup d’herbes sauvages, on peut l’attri- buer à sa rareté et à ce qu’elle ne croît que dans un seul lieu écarté, en sorte qu'il ne serait possible d’en recueillir une certaine quantité que si on la cultivait. I y a un assez grand nombre de plantes, mème sus- pectes, que l’on peut manger sans accident, principa- lement en hiver. Ainsi on n'est point incommodé, à Montpellier, de manger abondamment le coquelicot sauvage (Papaver rhœas ). On en fait un grand usage comme d’épinards, seulement en hiver et au printemps. Cette plante serait dangereuse et narcotique en été. Les circonstances seules ne m'ont pas été favorables pour pouvoir essayer de goûter le Z'heligonum préparé par la cuisson qui probablement lui enlève son âcreté. J'ai principalement examiné cette plante sous ses rap- ports organographiques. Elle à été décrite succinctement par Tournefort, qui Jui a conservé son ancien nom Cynocrambe, et qui en a établi principalement le genre, d’après les caractères extérieurs du fruit, Linné a changé ce nom pour celui ( 372) de Theligonum, qui était un des noms grecs de la pariétaire. Ïl a été inexact en décrivant un style très- long dans la fleur femelle , où ce style est proportionné aux autres parties petites et difficiles à apercevoir. Adan- son a placé le Cynocrambe à côté du Thesium, parmi ses Eléagnées, à cause de quelque ressemblance exté- rieure entre les fruits. M. de Jussieu à décrit la position et la persistance latérale du calice de la fleur femelle, genre d'insertion beaucoup moins fréquent que celle infère ou terminale. Gœrtner a fait connaître la struc- ture intérieure du fruit, et M. De Candolle y a puisé l'observation des aflinités qui réunissent cette plante à la famille des Chénopodées. Le Theligonum est une herbe annuelle un peu char- nue; sa racine est droite, fibreuse et très-mince ; sa tige se ramifie et s'étale dans les crevasses des rochers à l’abri des gelées. Ses rameaux sont opposés dans le bas de la tige, où les feuilles sont pareillement opposées, tandis que les supérieures sont alternes. Les feuilles sont char- nues, ovales , pétiolées et glabres comme toute la plante. Les stipules rendent les feuilles inférieures connées au moyen d’une membrane mince, dentelée. Ces stipules se convertissent en gaine enveloppant la tige à la base des feuilles supérieures alternes. Les pétioles dispa- raissent dans les feuilles terminales sessiles, mais les stipules y subsistent en gaine. Les fleurs sont monoïques; il n'y en a point d'hermaphrodites. Les femelles pa- raissent les premières et garnissent les aisselles des feuilles. | Les fleurs mâles ne se trouvent que sur les rameanx (33) terminaux , aux côtés de la tige précisément opposés aux fleurs femelles. Les fleurs femelles sont agglomérées au nombre de trois assez ordinairement dans les aisselles des feuilles alternes , et correspondant à des fleurs mâles; mais, dans les aisselles des feuilles opposées , il ne se trouve, des deux côtés de la tige, que des fleurs femelles. IL y a autour des fleurs femelles des feuilles rudimentaires et des bractées constantes dans leur disposition pour le nombre de trois fleurs, mais dont on ne peut plus suivre l’arrangement dans les paquets de fleurs plus nombreuses. Le calice des fleurs femelles est tubuleux en massue , posé d’abord au sommet de l'ovaire avant de s'ouvrir, et qui s’abaisse et devient latéral en proportion de l’ac- croissement que prend l'ovaire. Ce calice donne passage par le sommet à un stigmate subulé. Les fleurs mâles ont un calice en manière de sachet, oblong, comprimé, tronqué aux extrémités , et qui se sépare au sommet et par les bords en deux lames roulées en dchors. Les étamines naissent du fond de ce calice; elles varient depuis le nombre ordinaire de huit à neuf jusqu’à quinze ou seize, et sont réduites à deux ou trois dans quelques fleurs terminales où la végétation semble épuisée. Les filets des étamines sont fins comme de la soie, de la lon- gueur du calice et portent des anthères linéaires. Le fruit est un drupe globuleux d'environ une ligne de grosseur, sur lequel l’extrème ténuité du style laisse à peine subsister de trace. La base de ce drupe est rétrécie de manière à former un court pédicelle charnu. On découvre, au collet de ce pédicelle, la trace de l'ancien point d'attache calicinal et du style. Le drupe ( 374 ) est peu charnu et se conserve sec de lui-même ; mais sur la terre humide, il se dépouille de son épiderme et de sa pulpe , en se corrompant, et reste quelque temps couvert d’une poussière blanche, d’un aspect amiantacé, qui résiste à la décomposition. Cette poussière consiste en une quantité prodigieuse de cristaux en aiguilles, ressemblant, pour la forme, à des poils de malpighia- cées , acérés aux deux extrémités, épaissis au milieu, et portant d’un côté sur ce milieu une facette plate, ce qui ne peut se voir qu'au microscope. Ces cristaux , d’un ordre particulier, sont plus gros que ceux d’aucun autre végétal que j'aie observé. Ils sent agglomérés par fais- ceaux, de manière à donner une apparence un peu ver- ruqueuse au fruit, en dessous de l’épiderme tendre et desséché. On trouve des aiguilles cristallines moins nom- breuses dans la tige et dans toutes les parties fibreuses de cette plante, mais c’est du fruit seul que j'ai pu les retirer blanches , opaques, ayant un point médian aplati, et telles qu’elles ressemblent à des parcelles amiantacées. La plus grande partie de la masse du fruit consiste en un noyau sphérique caché sous la pulpe. Une cicatrice semi-lunaire très-fine sur la base de ce noyau correspond à un repli prolongé dans sa cavité intérieure , de manière à la partager jusqu’à moitié de sa hauteur en deux com- partimens. L’embryon courbé en anse et enveloppé d’un endosperme farineux est logé, par son extrémité cotylédonaire, dans la partie du noyau qui répond à la convexité de la cicatrice, tandis que l'extrémité radi- culaire de cet embryon se loge dans la partie qui répond au côté concave de la même cicairice. Cette disposition ne varie point. L'insertion précise du style, lorsque (UE 5 ENS toute trace en est disparue de la surface du fruit, est indiquée par le point de ce fruit où la pulpe couvre le milieu convexe de la cicatrice semi-lunaire du noyau, et en coupant ce noyau dans le sens longitudinal de la cicatrice, on partage constamment l'embryon par le mi- lieu, en deux parties, dont l’une est celle radiculaire et l’autre celle cotylédonaire ; tandis que si l’on coupe le noyau de manière à partager la cicatrice par le travers en deux parties, l’une de droite, l’autre de gauche, on obtient une coupe de l'embryon dans toute sa longueur en deux moitiés égales. La cicatrice semi-lunaire résulte de l’occlusion du passage des vaisseaux nourriciers et fécondateurs de la graine; et, quand la germination s'opère , elle a lieu par l’écartement des bords de cette cicatrice , qui livre passage à la radicule et à la tigelle. L'organisation du tissu de la feuille de cette plante m'a paru régulière sous les rapports suivans : l’épiderme du dessous des feuilles est seul pourvu de siomates, et il ne s’en trouve point à la face supérieure de ces feuilles. La face supérieure est très-finement chagrinée au moyen de bosselures régulières qui résultent d’une couche de cellules hyalines contiguës, et qui imitent les cellules des poils blancs cloisonnés de beaucoup d’autres plantes. Mais sur les feuilles du Zheligonum Cynocrambe, les cellules sont étendues en une couche, tandis que dans des poils elles sont superposées. Au-dessous de ces pre- mières cellules le disque foliacé se compose d’une couche d'utricules oblongs en massue, perpendiculaires, pressés les uns contre les autres, au-dessous desquels le reste de l'épaisseur de la feuille consiste en utricules sem- blables qui, au lieu d’être contigus avec régularité, ( 376 ) s'anastomosent en réseau et en grillage, de manière 4 former des mailles le plus souvent pentagones. Elles aboutissent à l’épiderme aréolé et pourvu de stomates de la face inférieure des feuilles. Ces utricules sont longs d’un millimètre, très-visibles et se désagrègent facile- ment si on les râcle dans l’eau pour les détacher de la feuille. Ils sont remplis de masses distinctes de globules verts qui donnent la couleur aux feuilles et qui rentrent parfaitement dans l’ordre du tissu végétal que M. Turpin a nommé globulines. En résumé, j'ai décrit le Theligonum Cynocrambe , pour faire connaître la structure presque ignorée de la fleur et du fruit. J'ai indiqué le premier exemple d’ai- guilles cristallines dans le fruit, où elles sont suscep- uibles d’être recueillies plus facilement que dans tout autre végétal. J'ai de plus insisté sur l’examen de la structure des feuilles, pour offrir un point de compa- raison propre à éclairer l'anatomie des mèmes parties dans d’autres végétaux. EXPLICATION DE LA PLANCHE XIII. Un petit échantillon de la plante jeune et entière, de grandeur natu- relle , est représenté au milieu de la planche. Les autres figures sont plus grandes que nature , à l'exception de celles, en petit nombre, qui sont désignées dans le cours de l'explication comme étant de grandeur naturelle. Fig. 1. Fleurs mâles géminées , détachées de la tige. Fig. 2. Une des fleurs mâles vue en devant, par rapport à son ouver- ture, tandis que les fleurs de la fig. 1 sont vues de côté. Fig. 3. Un paquet régulier de fleurs femelles, dans l’ordre suivant lequel elles sont placées à l'opposé des fleurs mâles sur la tige. (37) à, a ; coupe horizontale de la bractée qui sépare les fleurs femelles de Ja tige. b,b, feuilles florales qui sont d’autant plus petites qu’elles se trouvent dans la partie la plus élevée des rameaux. Ces mêmes feuilles florales, plus grandes, pétiolées, sont représentées ombrées dans leur situation paturelle aux aisselles des feuilles mayennes de la plante entière du milieu de la planche, c, e, écailles trèe-petites qui font office de stipules aux côtés des feuilles florales b, en même temps que leur position contre les ovaires d, d, et e leur fait rempiir les fonctions de bractées. d , d, fleurs femelles latérales qui sont le plus sujettes à avorter. e , fleur femelle médiane du groupe des fleurs ternées. Fig. 4. Fleur femelle entière. Fis. 5. Fleur femelle plus avancée, dont l'ovaire est devenu latéral d’in- fère qu’il était. Fi Fi a , point d’attache du tube calicinal et du style. On voit en D la posi- tion naturelle du calice et du style , qui persistent contre le fruit ; b* est une section longitudinale du calice qui contient le style; e, base du fruit. Fig. 8. Fruit mür, de grandeur naturelle, Fig. 9. Le même considérablement grossi. + 6. Fleur femelle , dans laquelle le style a percé le tube calicinal. . 7. Le fruit noué , entier. ga CE Fig. 10. Le même dans une situation renversée , pour faire voir sa base creusée en dessous , et formant une espèce de bourrelet qui a servi à l'implantation de ce fruit sur la tige. Fig. 11, Coupe longitudinale du fruit. Fig. 12. Coupe transversale du même fruit. Fig. 13. Autre coupe du fruit après que la pulpe en a été’enlevée. a , indique l’attache du sac ovulaire , devenu le tégument de la graine, b:, le calice et le pistil, dont l'insertion répondait, lors de la féconda- tion , au point & de l'ovaire. c, endocarpe ou noyau du fruit. d , tégument de la graine. e, endosperme. J; embryon. Fig. 14. Noyau dépouillé de tout le sarcocarpe. Ce noyau est représenté renversé ; pour faire voir la cicatrice semi-lunaire de sa base, ( 378 ) Fig. 15. Le même noyau, dont la cicatrice offre une figure un peu différente. Fig. 16. Aiguilles cristallines du tissu du sarcocarpe; elles sont vues au microscope ayec lequel M. Lebaillif, après les avoir placées sur un micromètre , m'a donné l'évaluation de leur épaisseur d’un trois-cen- tième de millimètre. Fig. 17. Graine en germination, de grandeur naturelle. Fig. 18. La même graine grossie. Fig. 19. La même dépouillée du noyau qui l’enveloppait. Fig. 20. Coupe de la même graine en germination , démontrant le peu de développement des cotylédons encore retenus dans l’endosperme, et l’allongement de la tigelle et de la radicule. Fig. 21. Germination plus avancée. Fig. 22. Plantule de taille naturelle, dont les cotylédons ne sont pas encore tout-à-fait débarrassés de leurs enveloppes. Fig. 23. Sommet grossi des parties pareillement au sommet dans la figure 22, Fig. 24. Plantule à l’époque à laquelle les cotylédons sont épanouis. Fig. 25. Coupe transversale des parties de la plante , à la hauteur d’an des nœuds floraux. a , bractée qui sépare les fleurs femelles e, d, d, dela tige g. b,b, feuilles florales. c, c, écailles additionnelles aux feuilles florales b , b. d, fleurs femelles latérales, € , fleur femelle médiane. f$, fleurs mâles. £ » tige. h , pétiole et gaîne stipulaire de la feuille. Fig. 26. Portion considérablement grossie d’un rameau florifère , afin de faire voir la position relative des parties principales et accessoires des fleurs. a , fleur femelle médiane, axillaire, mise à découvert par une coupe longitudinale faite sur l'épaisseur de la tige. b, fleurs mâles. ce, une fleur mâle séparée , non épauouie. d , autre fleur mâle à segmens écartés, pour montrer l'insertion des étamines , en ligne transversale , au bas des segmens. Fig. 27. Portion du tissu d’une feuille, près d’un très-mince lambeau ( 579 ) coupé sur la tranche de la feuille, depuis sa face supérieure jusqu’à l’épiderme de sa face inférieure. a, cellules transparentes, régulières, formant l’épiderme chagriné de la face supérieure des feuilles. b , utricules implantés verticalement , et juxtaposés dans l’épaisseur de la feuille. e, utricules anastomosés , situés au-dessous de la couche des utricules verticaux. Fig. 28. Assemblage d’utricules détachés de l’épiderme de la face infé- rieure des feuilles. Fig. 29. Epiderme du dessous d’une feuille. Il présente, au centre d’aréoles sinueuses , des points arrondis ou stomates , cernés par un étroit bourrelet sur les premières feuilles de la plante tendre et non adulte. Ce bourrelet prend l'aspect de deux vésicules séparées par une fente dans Les feuilles de la plante adulte. RecHERCHES anatomico-physiologiques et chimi- ques sur la Matière colorante du placenta de quelques animaux ; Par M. Gizsent Brescaer, D.-M., Chef des travaux anatomiques de la Faculté de Médecine de Paris, Membre de la Société philomatique. « Par est, omnes omunia experiri. » ({Lues à la Société philomatique , séance du 20 mars 1830.) Parmi les Mammifères , et principalement parmi les Carnassiers , dans le genre Canis , on aperçoit, sur les bords du placenta disposé en ceinture et situé à la partie moyenne de l’œuf , deux bandelettes de plusieurs ( 380 ) lignes de largeur et d’une teinte d’un vert d’émeraude très-remarquable. Ces deux bandes circulaires et termi- nales du placenta sont unies intimement, d’une part, à la substance propre de cet organe avec laquelle il semble qu’elles se continuent ; de l’autre, par leur face extérieure ou utérine, aux deux feuillets de la membrane caduque, et paraissent comme confondues avec elle. Cependant les zônes vertes dont je parle semblent appartenir bien plus au placenta qu'aux membranes caduques ; mais, en examinant leur structure, on reconnaît qu’elle diffère essentiellement de celle du placenta et que cette struc- ture est propre aux deux bandelettes colorées dont je parle. Dans le tissu réticulé de ces zônes existe une matière d’un beau vert d’émeraude. C’est de cette matière que je désire entretenir quelques instans la Société Philoma- tique. Déjà , dans une autre séance, jai fait connaitre les premiers résultats de mes recherches et de l'analyse chimique que je devais à M. Barruel. Aujourd'hui , je viens indiquer de nouveaux faits qui pourront servir à l’histoire de cette substance organique d’une teinte si remarquable et si rare parmi les liquides animaux. De premières recherches anatomico-chimiques étaient tout-à-fait insuffisantes, et comme nous n’avions pu agir que sur de petites quantités de cette liqueur, nous dési- rions reprendre nos études à cet égard. C’est pourquoi je remis il y a quelques mois à M. Bar- ruel, chef des travaux chimiques de la Faculté de médecine, plusieurs placentas de foetus de chienne que j'avais immergés dans une certaine quantité d'alcool ; ( 381 ) mais, soit que ce liquide spiritueux ne füt pas en suffi- sante quantité, soit que l'alcool ne se soit pas de suite combiné convenablement avec la matière colorante, ou que les vases aient été mal bouchés , cette matière colo- rante fut altérée , disparut , et lorsque le chimiste, au bout de six semaines , voulut procéder à son analyse, il ne fut plus possible de retrouver la matière verte et de la distinguer du propre tissu du placenta. Je me procurai de nouvelles chiennes en gestation, j'enlevai le placenta sur tous les fœtus renfermés dans la matrice, et je re- cueillis de la sorte une assez grande quantité de liqueur verte qui fut remise aussitôt à M. Barruel, qui en fit l'analyse chimique. Voici les résultats qui ont été obtenus par cette ana- iyse: je ne vais exposer ici que les parties principales du travail de ce chiiniste. La dissolution alcoolique des placentas, évaporée au bain-marie jusqu’à pellicule, était d’une belle couleur verte; cette liqueur a laissé sur le filtre une matière verdâtre insoluble dans l’eau et dans l'alcool , se dissol- vant très-bien dans l'acide nitrique et lui communiquant une couleur rouge-hyatinthe. La dissolution alcoolique traitée par l’ean s’est trou- blée très-fortement ; mise à filtrer, la filtration a marché avec une extrême lenteur, et il est passé un liquide verdâtre d’une odeur particulière ; le résidu resté sur le filtre a été mis à part etétiqueté A. La liqueur aqueuse, évaporée au bain-marie jusqu’à siccité, a laissé dans la capsule une matière brune-ver- dâtre; cette matière n'avait pas de saveur amère, mais une saveur salée: elle attirait promptement l'humidité ( 382 ) de l'air; on y a reconnu la présence de l’hydrochlorate de soude en grande quantité. La matière insoluble restée sur le filtre À, réprise par l’alcool à chaud, s’est dissoute et a donné une belle couleur verte émeraude. Par le refroidissement , il s’est précipité une matière de couleur fauve qui, recueillie par la filtration, a présenté tous les caractères des ma- tières grasses et surtout celle du cerveau, et qui n’avait aucune saveur amère ou désagréable. La liqueur alcoolique , privée de cette matière grasse et évaporée au bain-marie jusqu’à siccité, a donné une matière d’un beau vert, d’une consistance molle n’ayant aucune saveur. Comme, suivant Berzélius, la matière résineuse de la bile ne seraït qu’un composé d’une matière particulière analogue au picromel et d’acide, il était important de connaître si cette matière verte des placentas de chiennes était la matière résineuse verte de la bile, et comme pour son extraction on n'emploie aucun acide, qu'elle est toute formée dans les placentas , il faudra nécessairement admettre comme principe immédiat de la bile cette ma- tière verte. Il a donc fallu analyser comparativement cette matière du placenta avec la matière résineuse de la bile. Voici le résultat des expériences. Matière résineuse de La bile de Matière verte du placenta. bœuf. Insoluble dans l’eau à froid, assez Insoluble dans l’eau à froid et à soluble dans l’eau, à laide de chaud. la chaleur. Insoluble dans l'alcool à froid, très- | À peine soluble dans l’alcool à froid, soluble dans l'alcool à chaud, et | très-soluble dans l’alcool à chaud, donnant une dissolution verdà- et dounant une dissolution d’un tre. beau vert émeraude. (383) Matière, résineuse de la bile de Matière verte du placenta. bœuf. : Cette dissolution ne se trouble nul- Cette dissolution se trouble par lement par l’eau, qui ne fait l’eau ; il se précipite une matière qu’étendre la couleur. blanche, et la liqueur reste co- lorée en verdûtre. Le chlore décolore la dissolution alcoolique , en y formant un pré- Idem. cipité blanc. L’acide nitrique concentré , versé à froid dans la dissolution alcoo- lique , la colore en bleu violacé, puis la couleur passe au beau rouge vineux. Idem. La matière résineuse traitée par l’acide nitrique à chaud , il y a dégagement rapide de deutoxide d'azote, et la liqueur se colore en fauve. | ; Idem. L'eau versée dans cette liqueur en | L'eau sépare à peine de la matière précipite une matière jaunâtre, | jaunâtre de la dissolution nitri- qui s’agglomère et devient cas- que. sante comme de la cire. Cette matière résineuse donne par sa distillation des produits am- Idem. monliacaux. Il résulte des expériences ci-dessus relatées que la ma- tière verte qui se trouve dans le placenta des chiennes doit être considérée comme la matière verte delabilepure, ue contenant pas de matière jaune ni de matière amère. L'action de l'acide nitrique à froid sur ces deux ma- uüères semble confirmer l'opinion de M. Chevreul (Diet. des Sc. naturelles, art. Picromel), que la bile contient twois principes colorans : un bleu, un rose et un jaune. Il était important pour la physiologie de retrouver cette matière coloranie verte des placentas dans la bile. C'est pourquoi de la bile de chienne avant été recueillie ( 384 ) * par M. Breschet, M. Barruel commença par en précipiter lamatière jaune par l'acide nitrique, et par la séparer par le filtre, puis il traita la liqueur filtrée, comme l'indique M. Thenard , par le sous-acétate de plomb fait avec huit parties de plomb du commerce et une partie de litharge ; il en précipita la matière verte avec l’oxide de plomb ; et le précipité, recueilli sur un filtre et bien lavé, fut traité dans un tube à expérience, avec de l’acide nitrique étendu : celui-ci opéra la dissolution de l’oxide de plomb et en sépara la matière verte sous forme de glèbes vertes en grande abondance. Cette matière, recueillie et lavée, a présenté tous les caractères de la matière verte des placentas. Des expériences récentes sur la feuille du petit houx, faites dans le but de comparer le chlorophylle ou la matière verte de ses feuilles avec la matière verte de la bile établissent la plus grande analogie, pour ne pas dire une similitude parfaite , entre ces deux principes immé- diats , et tendent à confirmer l’opinion depuis émise par M. Barruel , que la matière verte de la bile n’est autre chose que de la chlorophylle. Telles sont les recherches chimiques de M. Barruel ; maintenant nous dirons que toutes les personnes qui cultivent les sciences physiologiques savent que depuis long-temps on a comparé le placenta au foie, parce que, dans le premier de ces organes , il s’opère , pendant la vie intrà-utérine , une hématose analogue à celle qui s'opère aussi dans le foie, hématose qui est exercée principalement et presque exclusivement par le poumon, lorsque la vie intrà-utérine est terminée et que le jeune animal respire l’air atmosphérique. f (385) On sait aussi que beaucoup de physiologistes , à la tête desquels je placerai Harvey (Opera omn. 1766), ont considéré le placenta comme un organe hématopoïétique; quelques-uns enfin ont prétendu qu’il réprésentait dans son action celle des poumons pendant la respiration , et ils alléguaient en faveur de cette opinion que la respira- tion étant une fonction indispensable à l'existence , elle ne pouvait être représentée, pendant la vie fœtale , que par le placenta (Girtanner ; Anfangsgr. Der anti-phlogis- tischen Chemie, Zweyte Auss. s. 218). M. Lobstein considérant enfin le placenta comme un organe vicariant ou de suppléance, son action doit, selon ce physiologiste, se continuer tant que les fonctions de l’organe qu’il rem- place ne sont pas en exercice, et cet organe auquel le placenta supplée n’est autre que le poumon. (Æssai sur la nutrition du fœtus.) Le mélange des deux espèces de sang du fœtus dans le placenta , les modifications apportées à ce liquide qui vaau placenta pâr Les artères ombilicales avec des carac- tères particuliers, et qui est ramené au fœtus par la veine ombilicale avec d’autres caractères et avec la pro- priété stimulante, et cela sans communication immédiate avec la circulation de la mère, démontre que le placenta est un véritable organe d’hématose (r). (x) De nombreuses expériences , faites par moi sur la femme et sur la femelle de beaucoup d’animaux , m'ont démontré qu’il n'existe au- cune communication directe, immédiate ou par continuité de vaisseaux, entre le placenta et l’utérus. On pourrait en quelque sorte comparer les rapports médiats du placenta et de l’œuf lui-même avec la mère , à ce qui se passe dans les bronches entre le sang et l'air atmosphérique , qui n’ont aussi entre eux que des rapports médiats. es XIX. 29 ( 386 ) « On sait aussi que le foie est un des premiers organes développés dans le fœtus, que son volume est considé- rable , puisque cette glande à elle seule occupe la ma- jeure partie de la capacité abdominale ; on sait que la partie gauche qui reçoit les principales divisions de la veine ombilicale en est la partie la plus considérable et que cette prépondérance diminue à mesure que le canal intestinal se développe, et avec lui le système de la veine porte ; on sait aussi que la vésicule biliaire et la bile elle- même paraissent bien avant le canal intestinal et surtout bien avant que ce canal soit assez développé pour exer- cer une fonction comparable à la digestion. À quoi donc peut servir celte bile si tôt préparée, lorsque aucun ali- ment n’est encore élaboré dans les voies digestives ? Pourquoi le sang, revenant du placenta par la veine om- bilicale, se disiribue-t-il en grande partie dans le foie ? et pourquoi n'est-il pas directement et en totalité versé dans la veine cave ou dans l'oreillette droite? C’est qu'il éprouve dans le foie une élaboration particulière et qu'il s’unit dans cet organe à un fluide particulier sécrété par cette glande dont l'apparition est häuve et le développe- ment considérable. Je ferai aussi remarquer que la teinte de la bile pendant les premières phases de la vie fœtale est d’un beau vert, et que par cette teinte elle ressemble parfaitement à la matière verte du placenta dont nous venons de faire connaître l'analyse. N'est-ce pas encore une analogie entre ces deux liquides ? Enfin, je dirai que rien n’est plus commun que de remarquer une teinte jaune-verdâtre dans tous les tissus de jeunes fœtus pendant la gestation , que rien n’est plus commun que de voir une teinte jaune sur toute la sur- ( 387 ) face extérieure du corps des enfans nouveau-nés , teinte principalement remarquable sur ceux qui naïssent avant terme , sur ceux qui sont faibles ou sur ceux chez les- quels, par une circonstance accidentelle quelconque , la respiration s'établit difficilement ou fort imparfaitement. Cette teinte constituant le principal symptôme de la ma- ladie nommée ictère des nouveau-nés , dépendrait -elle du défaut de la matière colorante rouge dans le sang ou de sa circulation isolée et de la quantité prédominante de la sérosité dans le sang des fœtus nouveau-nés? ou enfin dépendrait-elle de la présence d’une matière colo- rante particulière dans cette sérosité , lorsque le sang n’a pas encore été élaboré suffisamment par la respira- tion pulmonaire ? D'habiles chimistes auxquels j'avais remis de ce li- quide (1) y ont trouvé une matière analogue à la matière colorante de la bile, et cette circonstance me porterait à penser qu'il existe dans le sang lui-même, ou dans la sérosité qui en est une des parties constituantes, une substance colorante particulière provenant , soit de Ja bile, soit d’une sécrétion exécutée par le placenta. N'est-ce pas, Messieurs, une nouvelle analogie entre des liqueurs sécrétées par des organes différens et servant les uns et les autres, pendant la vie intrà-utérine, à la circulation et mieux encore à l'hématose ? On m'objectera sans doute que, pour admettre l’ana- logie entre certains principes de la bile et la matière co- lorante verte du placenta de quelques Carnassiers, pour (1) Du sang , de la sérosité de fœtus à terme ou d’enfans nouveau- nés affectés d’ictère, — Du sang , de la sérosité de fœtus à terme ou d’enfans nouveau-nés non affectés d’ictère. ( 388 ) admettre l’analogie entre les fonctions du foie et celles du placenta pendant la vie intrà-utérine et celles du poumon d'autre part lorsque la respiration s'exerce, il faudrait d’abord établir qu'il y a constance dans les dis- positions , c’est-à-dire qu'il faudrait démontrer qu’une matière colorante , analogue à la bile, se trouve dans tous les placentas, et cependant cette matière colorante ne se voit que dans un petit nombre d'animaux. L'objection est plus spécieuse que forte; car le fait, établi une fois dans un genre, dans un ordre , dans une classe d'animaux, les différences que nous observerons dans d’autres classes ou ordres ne seront qu'apparentes ; une étude plus approfondie les fera peu à peu dispa- raître, et ces différences finiront par se réduire à de simples degrés de développement. Ne voyons- nous pas, dans la disposition du placenta lui-même , d'énormes dif- férences dans les Rongeurs et les Ruminans , et surtout entre les granulations des Solipèdes et la ceinture des Carnassiers , ou le vaste gâteau de l'espèce humaine? S’est-on permis, pour cela, de nier l’existence de cet organe dans aucun genre de Mammifères, si nous en exceptions quelques animaux marsupiaux ? encore la ges- tation de ces animaux est trop peu connue pour que cette exception en soit une véritable. En nous bornant rigoureusement aux faits, ne pou- vons-nous pas dire : 1°. Qu'il existe sur le placenta de quelques Carnas- siers deux bandes circulaires colorées en vert ; 2°, Que l'analyse chimique a fait reconnaître une identité de composition entre cette substance colorante et la matière colorante verte de la bile ; ( 389 ) 3°. Que cette similitude est une preuve de plus en faveur de l’analogie des fonctions du placenta et du foie pendant la vie intrà-utérine : 4°. Que ces deux organes paraissent former un petit appareil d’hématose chez le fœtus , et que cette matière colorante du placenta ou celle de la bile elle-même , déjà reconnue dans le sang par plusieurs chimistes, porte à croire que ce fluide est nécessaire à l’hématose et à l’en- tretien de la vie du fœtus , en donnant au sang les qua- lités propres à cet entretien ? Mais je m'arrète par la crainte de m’égarer dans ce champ si vaste des comparaisons et des analogies. Je ne voulais , Messieurs, que vous faire connaître les résul- tats d’une analyse chimique et faire pressentir quelques- unes de ses conséquences et de ses importantes applica- tions à la physiologie ; j'ai de beaucoup dépassé les limites dans lesquelles je voulais me renfermer. Votre réflexion suppléera à tout ce que je pourrais dire; qu’il me suflise donc d’avoir appelé votre attention et vos “méditations sur ce point intéressant de l’embryologie. ( 390 ) Sur les Formes et les Relations des Volcans, d’après M. Léorozv pe Bucu, et particulière- ment d'après sa Description physique des îles Canaries (1). (Extrait par M. L. Elie de Beaumont. }) Une grande partie de ce qui, dans le relief du sol, n'a jamais pu être sérieusement attribué à l’action érosive des eaux , a été long-temps considéré comme l'effet du hasard ; mais l’importante découverte de la formation des montagnes par le soulèvement des masses qui les constituent, a fait comprendre que les principaux traits de leur forme actuelle sont encore ceux de la forme même avec laquelle elles se sont élevées à leur hauteur actuelle, et a donné l’idée de rechercher dans cette forme quelques traces des circonstances du grand phénomène de leur élévation. L'examen de la forme des montagnes est de- venu depuis lors une des parties essentielles de leur étude , et la reproduction de cette forme par le dessin, la gravure et la lithographie, est une des parties impor- tantes d’un bon ouvrage géologique. Tels sont les motifs qui, sans doute, ont déterminé (1) Physikalische beschreibung der Canarischen inseln von Leopold von Buch. Berlin , 1825. L’ailas qui accompagne cet ouvrage renferme 3 planches lithographiées dent M. Léopold de Buch a bien voulu enri- chir les Annales des Sciences naturelles; et, n’ayant pas eu le loisir d'y joindre un texte explicatif, il a suggéré l’idée de réimprimer en aême temps une partie d’un article inséré l’année dernière dans la Revue francaise de M. Guizot. ( 3a1 ) M. de Buch à joindre à la description des îles Canaries un très-bel atlas in-folio , composé de cartes et de vues perspectives d’une exécution également soignée. Des quatre cartes principales , celles des îles de Téné- rifle , de la grande Canarie , de l’île de Palma et de l’île de Lancerote, les deux dernières sont lés seules dont la gravure soit terminée en ce moment, et elles font vive- ment désirer la publication des deux premières. Tous les hommes instruits de Paris ont admiré dans la bibliothèque de l’Institut la belle carte de l’île de Palma , que M. de Buch y a déposée, et qui forme en ce moment la première planche de son atlas. Il serait difi- cile, sans doute , de mieux exprimer qu’il n’a réussi à le faire , avec l’aide de M. Tardieu , le relief d’un sol très -inégal ; mais aussi il est rare de découvrir un sol qui mérite à plus juste titre les soins dont celui-ci a été l'objet. Au milieu de la partie septentrionale et la plus large de l’île s'élève une montagne qui forme le point de départ de toutes les pentes du terrain , et dont les irrégularités déterminent celles du contour des côtes. Cette élévation, qui joue ainsi, par rapport aux mouvemens du sol qui l'entoure, un rôle pour ainsi dire normal, présente la forme générale d’un cône peu élevé sur sa base , et dont le sommet serait tronqué et remplacé par une vaste cavité en forme d’entonnoir. Les flancs extérieurs faible- ment inclinés du cône sont en-partie cultivés; mais le fond et les parois de la cavité centrale , appelée par les habitans de l’ile Za Caldera, présentent partout des ro- chers incultes , pelés , et presque complètement dénués de végétation. Les bords de l’enionnoir de la Caldera ( 592 ) sont si rapides , que , lorsqu'on est parvenu sur les flancs extérieurs et en pente douce du cône jusqu’à la crête cir- culaire qui le borde , on est réduit à promener ses regards dans cette vaste enceinte de deux lieues de diamètre, sans pouvoir trouver aucun sentier pour y descendre. On réussit cependant à s’y introduire en suivant un grand ravin qui coupe la circonférence du cirque, et qui aboutit au bord de la mer, à côté des plantations de cannes à sucre d’Argual. La figure première de la Planche xvir repré- sente cette entrée de la Caldera. La vue est prise du côté de l'ouest. Elle est exécutée d’après le dessin très-fidèle qui se trouve sur la carte marine de Borda. L'œil pénètre dans la fente profonde du Baranco de las angustias;, et aperçoit dans le lointain les rochers élevés et escarpés qui forment l’enceinie du cratère de soulèvement. A droite, sur le premier plan, on voit s'élever en amphi- théâtre les plantations de canne à sucre d’Argual. Les flancs de la gorge affreuse qui conduit dans la Caldera , aussi-bien que les parois intérieures de cette enceinte, présentent d'énormes rochers décharnés, taillés à pic, ou diversement dentelés, d’un aspect véritablement alpin. Le débouché de la gorge, dans la Caldera, rappelle celui qui surprend toujours si agréablement le voyageur lorsque après avoir passé le pont du Diable, sur le chemin du Saint-Gothard , il arrive enfin au bout du passage de Schoœællenen , et aperçoit tout-à-coup devant lui la vallée unie et encaissée d’'Urseren , dont il ne manque ici que les rians villages et la culture. Des rochers inaccessibles s'élèvent circulairement jusqu'à une hauteur de plusieurs milliers de pieds, et présentent à leur partie supérieure une arèête dégarnie ( 395 ) d'arbres et complètement nue. Partout où on peut at- teindre leur pied, on ne trouve que des masses basal- tiques. Les parties inférieures des escarpemens présen- tent une énorme épaisseur de fragmens agglomérés de basalte, supportant le basalte solide. Les assises plongent de toutes parts, du point central de la Caldera, vers l'extérieur, parallèlement à la surface conique extérieure de la montagne. Tout annonce que ces assises s’étaient entassées les unes sur les autres dans une position hori- zontale, et que l'inclinaison régulière qu’elles présentent aujourd'hui est l’effet d’un changement survenu après coup dans leur position , changement qui doit avoir été lié à la formation de l’entonnoir de la Caldera, à la forme duquel la disposition modifiée des couches se coordonne si régulièrement. En parcourant l'énorme fente qui conduit du bord de la mer jusque dans l’entonnoir de la Caldera, on recon- naît, non sans étonnement, un grand nombre de blocs détachés de roches de la classe de celles qu’on est con- venu d'appeler primitives , roches qui sont étrangères à la surface des îles Canaries, mais qui, sans doute, exis- tent au-dessous d'elles , dans les profondeurs de la terre, et dont les fragmens épars sont ici un gage assuré de la communication qui à existé un moment, dans ces sites tourmentés , entre l’intérieur et la surface du globe. On est ainsi conduit à chercher la cause des mouvemens du sol, liés à la formation de l’éntonnoir de la Caldera, au-dessous des roches primitives , dans ces profondeurs où , depuis les travaux de Dolomieu, nous savons qu'est situé le foyer des phénomènes volcaniques. Les cavités, en forme de cône renversé ou d’enton- ( 394 ) noir, sont communes dans les contrées dans lesquelles les feux volcaniques se sont fait jour , et toutes avaient été confondues sous la dénomination commune de cratère. Les canaux de communication entre l’intérieur du globe et sa surface , auxquels s'applique spécialement le nom de volcans, sont généralement situés dans l’axe d’un cône plus ou moins régulier. Ils viennent constamment s'ouvrir dans le fond d’une cavité en forme d’entonnoir, doni les bords sont formés en partie par les scories et les matières incohérentes qui , rejetées par les courans de matières gazeuses qui s’échappent par intervalle de la cheminée volcanique , s’entassent circulairement autour de son orifice. La cavité ainsi produite au sommet d’un cône d’éruption est ce qu’on appelle cratère d'éruption. Lorsque Guettard eut reconnu, dans beaucoup de montagnes de l’ Auvergne et du Vivarais, les caractères et la forme des montagnes volcaniques ; lorsque , réuni à Desmarets , à Monnet et au célèbre Malesherbes, il y eut ‘signalé à l'attention publique un grand nombre de cra- tères d’éruption , aujourd’hui complètement éteints, mais encore aussi nets que si nos pères les eussent vus fumer, on s’habitua à voir un cratère dans chaque cavité en forme d'entonnoir, mème dans un lac d'un contour circulaire. Il était réservé à M. de Buch de montrer que, mème dans les contrées dont toutes les roches présentent d’une manière plus ou moins complète les caractères des pro- duits volcaniques, beaucoup de ces cavités , en forme de cratère , n’ont Jamais été des cratères d’éruption. Rien, par exemple, dans l'enceinte de la Caldera de l'ile de Palma , ne rappelle ni cône d’éruption , ni cou- rant de lave , ni scories, ni rapilli; rien n'autorise à ( 395 ) penser que jamais elle ait joué dans la nature un rôle comparable à celui du cratère du Vésuve. Elle a deux lieues marines de diamètre ; et peut-être parmi les vol- cans connus, n’y en a-t-il aucun dont le cratère d’érup- tion soit aussi grand. La croûte oxidée de la terre a été poussée, soulevée et ouverte par l’action d’une puissance intérieure; un cratère de soulèvement a été formé ; mais il ne s’est éta- bli dans cette ouverture aucun canal de communication permanente entre l'intérieur du globe et sa surface, il n'y a pas de cratère d’éruption, et ce n’est, jusqu'à présent, qu'un volcan manqué. Cependant, l’action volcanique qui a produit ce commencement de volcan a quelquefois réussi à se faire jour à peu de distance, et a produit, en deux points de l’île de Palma, de petits cônes d’éruption composés de scories accumulées, d’où sont sortis, en ébréchant leurs bords, des courans de laves assez considérables. Il est bien remarquable que ces petits cratères d’érup- tion sont situés sur une ligne droite qui passe par le centre du cratère de soulèvement. On ignore si, verticalement au-dessous de la Caldera de l’île de Palma, l’action volcanique qui lui a proba- blement donné naissance est assoupie pour toujours; mais on connait sur la surface du globe d’autres mon- tagnes d’une composition analogue , de même évidées dans leur milieu, et dans la cavité desquelles le feu volcanique semble chercher journellement, où même à réussi à se faire jour. Si les eaux de l'Océan venaient à s'élever d’un peu plus de 6,000 pieds , les bords du cirque de la Caldera, ( 396 ) dont le point le plus élevé atteint maintenant 7,160 pieds - au-dessus de la mer, formeraient une couronne incom- plète dont le centre serait occupé par un golfe presque circulaire de près de 4,000 pieds de profondeur. Ce golfe serait tout-à-fait analogue , tant par sa forme générale que par la structure et la disposition de ses bords et par sa profondeur, à celui qu’entourent les îles de Santorin, de Therasia et d'Aspronisi, dans lar- chipel de la Grèce, golfe dont le diamètre ne surpasse que d’un quart celui de la Caldera. Les trois îles que je viens de citer sont composées de conglomérats et de tufs trachytiques recouverts de pierres ponces agglomérées. Les assises de ces roches , aussi-bien que la surface des trois iles, plongent sous un angle peu considérable vers l’extérieur du groupe, et se perdent sous la mer qui l’entoure. Les mêmes couches sont, au contraire , coupées presque perpendiculairement du côté du point central vers lequel elles se relèvent , et les trois îles offrent, du côté du golfe presque circulaire dont elles composent l’enceinte, des bords également escarpés. L'ile de Santorin , qui forme à elle seule les deux tiers de la circonférence, présente du côté du golfe un escarpe- ment de six lieues de développement , sur le haut duquel se trouvent plusieurs villages, et le long duquel néan- moins on n’a pu pratiquer que deux petits sentiers pour descendre à la mer. Il n'existe pas de grève au pied des rochers ; ceux-ci s’enfoncent immédiatement dans la mer, et ils ne sont pas moins escarpés au - dessous de ses eaux qu’au-dessus. Tout près du bord , la sonde n'a trouvé le fond qu’à 500 pieds ; un peu plus loin , elle est descendue à 1000 pieds sans l’atteindre. ( 597 ) Les couches de conglomérats et de tufs trachytiques qui constituent les trois îles de Santorin , de Therasia et d'Asprouisi, ne peuvent avoir été formées dans la posi- tion où nous les voyons. Tout annonce qu’elles se sont accumulées horizontalement les unes sur les autres au fond de la mer, et qu’elles ontété soulevées ; et, en effet, les îles de Santorin et de Therasia présentent sur leurs côtes extérieures des lambeaux du schiste argileux qui paraît constituer le fond des mers voisines. Ces lambeaux ont, sans aucun doute , été entraînés dans le soulève- ment, et leur présence rend Santorin une des îles les plus remarquables et les plus instructives de la terre. Les trois îles font évidemment partie d’un seul et même tout, et elles ne pourraient avoir été soulevées l’une après l’autre. L'accord qu'elles présentent dans leur disposition annonce une cause de formation sem- blable et unique, et non l’action d’une force aussi irré- gulière que le seraient des éruptions arrivées à des siècles d'intervalle. On est donc conduit à reconnaître là les effets d’une force unique qui , agissant vers le centre du golfe , aura relevé symétriquement de toutes parts tout ce qui résistait à son action, et à voir, dans l’espace em- brassé par les îles de Santorin, Therasia et Aspronisi, un cratère de soulèvement, et même l’un des beaux, des plus réguliers et des plus entiers de ceux qui ont été décrits jusqu'à présent. Ce point du globe est surtout important en ce qu’on y trouve dévoilées à la fois l’histoire des îles soulevées et celle des îles volcaniques. Aussi loin que l’histoire et la tradition peuvent remonter , la nature n’a pas cessé de faire des efforts pour établir un volcan au milieu de ce ( 598 ) cratère de soulèvement : 144 ans avant l’ère chrétienne, on vit paraître la petite île d'Hiera, nommée maïîntenant Palaio-Kameni, et vraisemblablement d’autres rochers s’élevèrent plus tard dans son voisinage. En 1427, cette île reçut un nouvel accroissement. En 1578, la petite Kameni sortit au milieu du bassin , accompagnée d’une grande quantité de pierres ponces , et d’un grand déga- gement de vapeurs. Enfin, de 1707 à 1709, s’y forma la nouvelle Kameni, qui continue encore à exhaler des vapeurs sulfureuses. Ces îles sont des rochers d’un tra- chyte brun , présentant souvent une cassure résineuse, et dans lequel se trouvent empâtés en grande abondance les cristaux de feldspath vitreux qui forment le caractère distinctif de cette roche. Ces petites îles trachytiques isolées , soulevées dans le voisinage l’une de l’autre, mais séparément , au milieu du cratère de soulèvement, y sont placées comme nous verrons plus loin que le pic de Teyde, à Ténériffe, est placé lui-même au centre de son enceinte. La sortie de chacune d'elles semble avoir été une tentative de la nature pour l'établissement d’un cône d’éruption. Maïs , jusqu’à présent, toutes ces tenta- tives ont manqué ; aucune des îles soulevées ne contient de cratère d’éruption; les étroites ouvertures qu’on ren- contre sur la petite Kameni sont plutôt de simples fentes que de vrais canaux conduisant dans l’intérieur. Aïnsi , le volcan n’a pas été durable. La communication de l’in- térieur avec l'atmosphère n’a pu s’établir d’une manière permanente , et Santorin n’est toujours qu'une île de soulèvement , et n’aurait encore aucun droit à être inscrite sur la liste des volcans réellement brülans. Les choses sont plus avancées dans l'ile dite Barren- P ( 399 ) Island , située dans le golfe de Bengale. Vue de la haute mer, cette île présente presque de tous côtés des rochers pelés qui s'élèvent en pente douce vers l’intérieur. Mäis il y a un côté par lequel une échancrure permet aux re- gards de pénétrer dans le centre , et de voir qu’il est oc- cupé par un vaste bassin circulaire rempli par les eaux marines , bordé tout autour de rochers escarpés, et au milieu duquel s'élève le cône d’éruption d’un volcan, C'est de ce côté qu'a été dessinée la vue qui forme la figure 2 de la Planche xvit. La hauteur de ce cône n’est que de 1690 pieds ; mais, comme beaucoup de petits vol cans, il est doué d’une grande activité, Depuis 1792, épo- que de sa découverte, on l’a vu fréquemment vomir d’é- normes nuages de fumée , et des pierres incandescentes. La hauteur de sa cime étant la même que celle du rebord circulaire qui forme l'enceinte du bassin, on ne peut l’apercevoir de la haute mer que par la seule échancrure qui joue précisément ici le rôle de la gorge profonde par laquelle on pénètre dans la Caldera de l'ile de Palma , et dont on retrouve l'équivalent d’une manière plus ou moins marquée dans tous les cratères de soulèvement. L’enceinte circulaire de Barren-Island est en effet un cratère de soulèvement des mieux marqués , au centre duquel s’est élevé un cône d’éruption, avec son cratère d'éruption au sommet. On a ici, au niveau de la mer, eten partie cachée par sés eaux , l’exacte répétition de ce qu'on trouve à une grande hauteur sur la pente du pie de Teyde ; dans l’île de Ténériffe. Le cône parfaitement régulier du pic de Teyde s'élève de même au milieu d’un cratère de soulèvement; mais il en remplit presque tout l'intérieur, et il en surpasse (400 ) de beaucoup les bords. Cette double circonstance rend naturellement le cirque moins apparent qu'il ne l’est à Palma, où il est resté vide , et dans les îles de Santorin et de Barren-Island, où il ne s’est élevé que de très- petites masses dans le milieu de l’entonnoir, dont la mer dessine les contours tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. On ne peut toutefois refuser de reconnaître une forme tout-à-fait analogue dans le cirque qui entoure la base du pic de Ténériffe, et dont M. de Buch a reproduit l'aspect, sous plusieurs points de vue, dans son atlas. La PI. xrv présente une vue de la cime du pic de Ténériffe et du cratère de soulèvement qui l'entoure, prise du côté de l’est, et d’un point dont la hauteur surpasse déjà la limite de la végétation des arbres. Elle montre non-seu- lement l’exacte configuration du pic et la blancheur éblouissante qui provient des pierres ponces , comme si le pic était couvert de neïge , mais on voit distinctement aussi les courans d’obsidienne, qui s’échappent de la pente, et dont la plupart n’atteignent pas le sol. L'un seulement d’entre eux disparait derrière la montagne de pierres ponces sur laquelle se trouve, au bord de ce même courant d’obsidienne, la première Æstancia de los Ingleses. Le courant descend jusque dans la Canada. À gauche on aperçoit le cirque de rochers perpendicu- laires qui entoure le cratère de soulèvement : la plus haute pointe des rochers est celle de los Æzulejos. L’es- carpement se continue sur le revers postérieur des col- | lines qui se voient sur le premier plan du dessin, et ne finit qu'avec elles. C’est en parlant de ce mème escar- pement circulaire que M. de Buch dit que le pic consi- déré d'en bas, dans un grand nombre de directions, ( 401 ) paraît entouré , du côté de l’orient, par une espèce de couronne, et ressemble à une tour fortifiée, avec son fossé et son bastion. Lorsque , par une espèce d’étroit passage situé entre Tigayga et l'extrémité orientale de la couronne , et appelé eZ Portillo , on atteint le véri- table pied du piton , on voit se déployer en demi-cercle les rochers escarpés qui entourent avec une étonnante régularité ce grand cône sur sa face méridionale, et jusque du côté de l’ouest, en face de l’île de Gomera. C’est là le cirque auquel il a déjà été fait allusion , ou le reste de la paroï intérieure du cratère de :oulèvement dans le milieu duquel le pic s’est probablement élevé avec une forme peu différente de celle que nous lui voyons. Les côtés occidental et septentrionäl de l’en- ceinte ont été en grande partie emportés et détruits par les éruptions du volcan. Les rochers qui la composent sont coupés à pic du côté de l’intérieur, et on voit s’y dessiner une série de couches superposées. Les assises inférieures présentent un conglomérat, non de basalte, comme à Palma, mais de trachyte , comme à Santorin. Les plus élevées sont formées de trachyte solide ; seu- lement , tout-à-fait à la partie supérieure, au-dessus de l’Angostura , il s’en trouve de basalte. Le coup-d’œil dont on jouit du sommet de cette en- ceinte circulaire, est de la plus intéressante variété. C’est de là seulement que lœil peut bien mesurer la hauteur du pic; on l’aperçoit jusqu’à son point le plus élevé , et ses côtés se détachent complètement. Le pic est une montagne placée sur une autre montagne; on n'en atteint réellement le pied que lorsque, ayant gravi la pente inférieure , et passé le défilé appelé e/ Portillo, do 26 ( 402) on entre dans l'enceinte du cirque. Là commence , à proprement parler, la masse de roches qui forme du pic de Teyde une montagne distincte de toutes les autres. Tout ce qu'on voit autour , quelque élevé qu’il puisse être, n’est qu’une enveloppe extérieure qui n'appartient pas essentiellement au pic. + La profondeur du cirque semble pour ainsi dire s'éva- nouir lorsque l'œil la compare aux hauteurs qu'il mesure sur le pic, quoique l'élévation des rochers qui en for- ment l’enceinte ne soit jamais au-dessous de 1000 pieds , et en ait souvent 1800. ‘ Si on se retourne, et que de l’arête du cirque située au-dessus des limites de la végétation des arbres, on porte ses Pegards vers les rivages de la mer, couverts d’une végétation presque tropicale, le sol semble s’a- baisser vers la côte en pente douce et uniforme : seule- ment d'innombrables petits cônes d’éruption , plus nombreux encore. vers le bas de la pente que dans sa partie supérieure, en interrompent luniformité. Ils ne sont jamais très-élevés, et ne changent pas d'une ma- pière considérable la configuration extérieure du sol. On ne doit pas voir dans chacun d’eux un volcan ; mais une bouche latérale du grand volcan du pic, quia cessé, depuis un temps très-considérable , d'agir par le cratère placé à son sommet. Ces bouches latérales elles-mêmes sont éteintes depuis plusieurs siècles. C’est à une dis- tance plus grande encore que se sont fait jour toutes les éruptioys dont on a gardé le souvenir. Quelques-uns.des élémens de ce vaste ensemble sont reproduits. dans la Planche xvr ,; qui présente une vue du pic de Ténérifie, prise du port de lOrotava: La ( 403) longue montagne basaltique de T'igayga, qui borde la vallée de Taoro , cache une grande partie du pic : on n’en voit que la pointe. En avant paraissent les trois cônes d’éruption de la vallée d’Orotava; d’abord , le courant de lave sur lequel est bâti Puerto Orotava même , avec la maison de campagne du gouverneur ; en- suite le cône de los Frayles ; enfin, le petit cône en avant du village de Ralejo de Ariba , qu’on aperçoit au pied de Tigayga. La Planche xv présente une vue du pic de Ténériffe et de Chahorra , prise du côté de l’ouest. Dans les autres directions, le pic de Teyde cache si complètement Cha- horra, que pendant long-temps cette dernière montagne est restée tout-à-fait inconnue. Ce n’est que d’un petit nombre de points situés vers l’ouest que les deux monta- gnes paraissent complètement séparées l’une de l’autre. Ces deux dernières Planches (xv et xvr) ont princi- palement pour but de compléter la connaissance indivi- duelle du pic et de l’ile de Ténériffe ; mais les deux autres (x1v et xvi), indépendamment des objets qu’elles peignent individuellement , sont importantes pour la théorie des volcans. Les vues du cratère de soulèvement de Palma, de l'ile Barren-[sland et du pic de Téuériffe, montrent clairement aux yeux, et bien mieux qu'on ne peut le faire par le discours, combien un cratère de soulève- ment diffère d’un volcan, et quels sont les traits extérieurs qui caractérisent principalement cette différence. Les quatre exemples de Palma, de Santorin, de Barren-{sland et du pic de Teyde, montrent pour ainsi dire les diverses phases successives de l'existence d’un volcan. Le pic de Ténériffe, parvenu à l'extrême vieil- ( 404 ) lesse, ne produit plus que des éruptions latérales par des ouvertures qui se forment vers la base. C’est un volcan parfaitement régulier, qui a eu son entier déve- loppement, et qui se trouve réduit de fait au même état que les volcans imparfaits , ou peut-être dans l'enfance, qui n’ont jamais agi par l'intérieur de eur cratère de soulèvement , mais dont les éruptions ont eu lieu par diverses petites bouches qui se sont formées à l’entour, comme cela a eu lieu, par exemple, dans l’île de Palma. Le cône de l’Etna s’élève aussi au milieu d’un cirque formé en partie de colonnades basaltiques. Le cône du Vésuve est dans une position semblable par rapport à la crête circulaire de la montagne de la Somma , qui entoure sa base de plusieurs côtés en forme de croissant. Les mêmes formes dans les mêmes rapports ont été retrouvées d’une manière plus ou moins décidée dans la plupart des volcans considérables qu’on a examinés avec quelque soin. La constance de ces rapports paraît dériver de la rela- tion qui existe entre la cause violente , mais non con- tinue dans son action, qui a occasioné la formation des cratères de soulèvement , et la cause permanente qui agit par intervalles, par les canaux de communication entre l'intérieur et l'atmosphère qui constituent les volcans. Il y a sans doute connexion, mais il n’y a pas identité entre la cause de l’action mécanique dont les cratères de soulèvement ont été l'ouvrage, et celle qui continue à entretenir les phénomènes volcaniques. De ces deux effets différens, l’un paraît avoir en licu une fois pour toutes dans chacun des poinis qui en ont été le théâtre, ( 405 ) tandis que l’autre se renouvelle d’une manière plus ou moins périodique partout où il a une fois commencé à se produire. Il semblerait que l’action intérieure quelconque, qui s’est manifestée à la surface du sol par la formation d’un cratère de soulèvement, a constitué du mème coup au- dessous un laboratoire volcanique permanent, dont les éruptions ont eu lieu , tantôt par le centre du cratère de soulèvement , qui leur offrait souvent moins de résis- tance que les points voisins , tantôt par d’autres points peu éloignés. Il est certain, et les seules observations faites par M. de Buch dans la fente qui donne accès dans la Cal- dera de l’île de Palma suflisent pour le démontrer, que l’action mécanique qui a produit les cratères de soulève- ment, s'est développée au-dessous des roches primitives. On savait déjà , depuis Dolomieu , que le foyer des érup- tions volcaniques est aussi placé au-dessous de ces mêmes roches. Deviner comment se sont formés les cratères de sou- lèvement paraît être aujourd’hui un des principaux pro- blèmes de la géologie. Sa solution donnerait immédia- tement la clef des phénomènes volcaniques , et condui- rait probablement aussi à trouver celle du phénomène bien plus important du soulèvement des chaînes de montagnes. Les cratères de soulèvement se sont rarement produits isolément ; le plus souvent, au contraire , plusieurs se sont formés dans le voisinage l’un de l’autre , soit en se groupant autour d’un volcan central et principal, soit en s’alignant suivant une direction en rapport, comme ( 406 ) nous le verrons plus loin, avec les grands accidens du sol de la contrée. C’est du premier de ces deux modes de développement que sont résultés les groupes d’iles volcaniques , comme les Acores, les Canaries, etc., dont chacune contient un cratère de soulèvement et un centre particulier d’éruptions volcaniques. Ces centres d'éruptions ainsi groupés ne sont pas complètement indépendans les uns des autres. Ainsi il n'arrive jamais que deux foyers d’un même groupe fas- sent éruption en même temps; il semble que chacun d'eux ait la propriété de servir de soupape de sûreté à tous les autres ; il n’arrive jamais qu’un même foyer fasse éruption deux fois de suite, ou que l’éruption d’un foyer soit immédiatement suivie par une éruption d’un des foyers immédiatement voisins du même groupe ; mais il arrive toujours que deux éruptions consécutives sont produites par deux foyers très-éloignés l’un de l’autre. La connaissance de ce genre de relations entre des centres d’éruptions groupés permet de reconnaître si des bouches volcaniques , placées sur la surface du globe à une petite distance l’une de l’autre , font ou non partie d’un même groupe. En comparant des catalogues d’é- ruptions, on a pu reconnaître, par exemple, que le Vésuve, l’Etna et le Stromboli, non-seulement sont des volcans distincts, mais appartiennent à des groupes séparés. Des observations du même genre prouvent que les phénomènes volcaniques qui se sont produits sur les iles Canaries ont été au contraire dans la dépendance les uns des autres. Mais , quoique ces rapports entre les diverses éruptions connues semblent tendre à faire considérer le ( 407 ) pic de Teyde comme le centre autour duquel se coor- donnent ces phénomènes , ce serait aller trop loin que de réunir par Ja pensée les îles séparées en un seul tout, et de les considérer comme des lambeaux d’une grande terre qui aurait été brisée par l’action volcanique, et divisée en plusieurs parties isolées. Chaque île est évi- demment et essentiellement à elle seule un tout; chacune contient dans son centre un cratère de soulèvement. d’un diamètre considérable, vers l’arête extérieure duquel les assises basaltiques se relèvent. de toutes parts. Cela, est parfaitement clair sur la grande Canarie , où main- tenant encore la circonférence extérieure des côtes indi- que presque exactement la direction et la forme de la Caldera , située au milieu: La: forme presque circulaire que cette circonstance donne à l'ile est si frappante , qu'elle montre d’un seul coup d'œil comment elle ne peut être un lambeau, mais comment au contraire toutes: les parties se coordonnent autour d’un centre , point de départ de la force qui éleva probablement toute l'ile du fond de l'Océan. Cette apparence et la conséquence qui en résulte sont également frappantes, et peut-être encore plus claires dans l’île de Palma, qui est plus petite et en mème temps plus élevée , ce qui fait que le relèvement en pente douce de toutes les couches , depuis la circon- férence de l'ile jusqu’à l’arête de la Caldera , peut d’au- tant moins échapper à l'observation. Les cratères de soulèvement sont moins prononcés sur les iles de Fuerta- Ventura et de Lancerote. Ces deux îles ont été formées par des masses sorties en: forme de filon , et se sont par suite allongées ; cependant on reconnait encore très-bien des cratères de soulèvement à Lancerote , dans les bords ( 408 ) escarpés et presque à pic du bras de mer de Rio, qui la | d "sépare de la petite île de Graciosa , et à Fuerta-Ventura, dans le bassin au sein duquel s'élève la capitale de l’île , Santa-Maria de Bethencuria. 1 On ne peut d'après cela considérer le groupe entier des îles Canaries que comme une réunion d'îles qui ont été élevées les unes à côté des autres, et isolément , du fond de la mer. Le principe d’action qui a produit un effet aussi considérable doit s'être rassemblé et renforcé pendant long-temps avant d’avoir pu vaincre la résis- tance qui le comprimait. La force intérieure , parvenue à un degré suflisant de développement, souleva jusqu’à la surface les assises composées , par exemple , de con- glomérats et de basalte, qui s’étaient formés au fond de la mer, ou même plus profondément dans l’intérieur de la terre , et se fit jour par un grand cratère de soulève- ment. Cependant une aussi grande masse soulevée ne put manquer de retomber sur elle-même, et ferma bientôt l'ouverture , qui n'avait pris naissance que pour donner passage au principe d’action intérieur. Jusque-là il n'existe pas de volcan. Mais le pic s'élève au milieu d’un de ces cratères de soulèvement , sous la forme d’un dôme surhaussé de trachyte : alors une communication perma- nente est ouverte entre l’intérieur et l'atmosphère ; les matières, gazeuses se dégagent continuellement , et si quelque obstacle s'oppose à leur sortie, elles peuvent le pousser en dehors, vers le pied du volcan , ou à quel- que distance , sous la forme d’un courant de lave isolé, et n’ont pas besoin , pour le vaincre, de soulever une île entière. Le volcan, ne se bouchant que dans sa partie supérienre, par des masses fondues qui se refroïdissent ( 409 ) et qui retombent , demeure le centre de ces éruptions. D’après cela, il n’y a qu’un seul volcan dans les îles Canaries , le pic de Teyde; c’est un volcan central. Tous les volcans de la surface de la terre se partagent en deux classes essentieiiement différentes l’une de l’autre , les volcans centraux et les volcans alignés. Les premiers constituent toujours le point central d’une grande quantité de bouches d’éruption réparties presque également à l’entour dans toutes les directions. Les seconds , les volcans alignés , sont rangés en ligne droite l’un à la suite de l’autre , et souvent à de petits intervalles, comme seraient des cheminées placées sur une grande fente ; et peut-être , en effet, ne sont-ils pas autre chose. On compte ainsi quelquefois vingt, trente ou mème un plus grand nombre de volcans, qui traversent , par longues rangées , des portions considéra- bles de la surface du globe. Relativement à leur position, les volcans alignés se divisent en deux espèces ; tantôt ils s'élèvent du fond de la mer comme des îles coniques isolées, et alors une chaîne de montagnes primitives court près d’eux dans une direction exactement paral- lèle : ils semblent en marquer le pied ; tantôt les volcans sont placés sur la crête de la chaîne de montagnes, et en forment les sommités. Relativement à leur composition et à leurs produits, ces deux espèces de volcans alignés ne diffèrent pas les uns des autres; ce sont de part et d’autre, avec peu d'exceptions , des montagnes de trachytes ; et les pro- duits solides qui en proviennent se rapportent également aux trachytes, Lorsque l’on considère les chaînes des montagneselles- ( 410 ) mêmes comme des masses qui, se, sont élevées, sur de grandes crevasses. par l’action des porphyres noirs ou pyroxéniques (mélaphires ), on comprend jusqu’à un certain point celte position de bouches volcaniques : tantôt le principe d'action, qui agit dans les volcans, trouve plus de facilité à parvenir à la surface par la cre- vasse principale, alors les volcans s’élèvent sur les mon- tagnes mème ; tantôt les masses de roches primitives qui surmontent la crevasse sont pour eux un trop grand obstacle ; alors ils s'élèvent à la surface comme le por- phyre noir l’a souvent fait lui-même au bord de la cre- vasse ; au point où les montagnes ont commencé à se soulever, c’est-à-dire, au pied de la chaine. Mais quand ce qui tend à se faire jour ne trouve pas une pareille crevasse qui lui trace la route à suivre, ou même lorsque sur une crevasse de ce genre il se pré- sente un obstacle trop considérable, la force doit aller croissant au-dessous de la surface , jusqu'à ce qu'elle puisse vaincre la résistance, et faire crever la masse même des roches qui composent le sol. Il arrive un mo- ment où, devenue assez forte , elle fait naître une nou- velle crevasse , et s’y constitue une cheminée de commu- nication avec l’atmosphère. Ainsi se forment les volcans centraux. Mais ils ne s’é- lèvent que rarement avant de s’être préparé la voie au moyen d’iles soulevées renfermant des cratères de sou- lèvement. Ce dernier mode de formation ne paraît pas demander un contours extraordinaire de circonstances très-favo- rables , ou même peut-être un état tout différent de la surface du globe , comme la formation des chaînes de (4u ) montagnes. Il pourrait donc toujours se continuer; et il paraît que c’est en effet ce qui a lieu. Des îles se sont élevées sous nos yeux du fond de la mer ; et lorsqu'on suit les nouvelles découvertes des navigateurs dans l’océan Pacifique , ou qu’on étudie le tableau spirituel et instructif des îles de la mer du Sud, tracé par M. de Chamisso , on ne peuts’empècher de croire qu’un. nombre considérable d’iles nouvelles contmue à s’y élever, soit immédiatement au-dessus du niveau des eaux , soit à une petite distance au-dessous de la surface, et comme pour servir de base aux travaux des madrépores , qui élèvent bientôt leur sol jusqu’au niveau des flots. L'histoire seule de la végétation qui couvre les îles de ces parages suffi- rait pour prouver le peu d'ancienneté d’un grand nombre d’entre elles. Pour citer ici quelques exemples de volcans alignés, je dirai que l’archipel de la Grèce présente ; de l’isthme de Corinthe à l’île de Santorin , une suite d’iles formées de trachytes , et renfermant plusieurs cratères de soulè- vement. Cette rangée de masses soulévées, dans lesquelles il n’a pu s'établir encore de véritablé volcan, court du nord-ouest au sud-est. Elle est parallèle à toutes les chaînes de montagnes qui traversent la terre ferme de la Grèce , et dont les autres îles de l’Archipel paraissent être la continuation , non-seukement d’après leur posi- tion, mais aussi d'après l'identité que présente. leur composition avec celle des montagnes dans le prolonge- ment desquelles elles se trouvent. À Java, dans l’archipel de la Sonde, vingt-cinq vol- cans d’une prodigieuse activité sont rangés sur des lignes (412) parallèles à la plus grande longueur de l’île , dont l’une se continue vers l’est jusqu’à l’île de Banda. Cette même zone de volcans semble se prolonger en. se détournant un peu au nord-ouest, suivant la plus grande longueur de l’île de Sumatra , jusqu’à l'ile de Barren-Island, dont j'ai cité plus haut le cône d’érup- tion situé au milieu d’un magnifique cratère de soulève- ment (PI. xvir, fig. 2). A son autre extrémité, cette zone de volcans se rat- tache à une autre d’une direction toute différente , qui, de l’île de Banda , va gagner l’île de Luçon, l’une des Philippines , en traversant les Moluques. La réunion de ces deux zones entoure comme une ceinture l'extrémité sud-est du continent de l'Asie, ainsi que le système d'îles qui se groupent autour des dente- lures qu’il présente de ce côté. Suivant la remarque de M. de Buch, cette ceinture fournit un motif pour réunir au continent asiatique, plutôt qu’à l'Océanie , toutes les îles qu’elle traverse , et celles qui, comme Bornéo, sont comprises entre elle et les côtes de l’Inde et de la Chine. L'origine de cette même ceinture semble liée à l’élé- vation du continent de l’Asie, au-dessus du niveau des mers. Îl paraît que la grande masse oxidée et soulevée qui constitue le continent empêche la communication de l’intérieur avec l'atmosphère , mais que cette communi- cation se trouve rétablie près de la ligne qui termine le continent par d'immenses crevasses, sur lesquelles les volcans s'élèvent comme des canaux de communication. La Cordilière des Andes , qui forme un bourrelet de 3000 lieues de long sur le bord occidental du continent (413) américain , présente sur ses crêtes plusieurs files de vol- cans alignés suivant la longueur de la portion de la chaîne sur laquelle ils s'élèvent comme d’énormes jalons. Ce n’est pas toujours par une conformité de direction que les lignes de volcans se rattachent aux grands acci- dens de la surface du globe qui se trouvent dans leur voisinage : ainsi, on voit les volcans des petites Antilles joindre l’extrémité de la Cordilière littorale de Venezuela à l'extrémité de la chaîne parallèle, et également com- posée en partie de roches primitives , qui traverse les grandes Antilles. De même , les grands volcans du Mexique sont rangés de l’est à l’ouest, sur une ligne droite qui coupe sous un angle très-ouvert la direction générale des masses de trachytes et de porphyres qui constituent le plateau élevé de l’intérieur de ce pays. Ces volcans semblent placés sur une énorme crevasse qui, sur une longueur de 137 lieues, traverse tout le continent mexicain, mais dont la liaison avec la forme de ce continent se manifeste en ce qu’elle se termine aux rivages de l'océan Pacifique et du golfe du Mexique , rivages en dehors desquels il n’y a plus de vol- cans. On doit dire cependantque lesiles de Ravillagigedo, situées dans l’océan Pacifique , se trouvent sur le prolon- gement de la ligne de volcans qui traverse le Mexique, et que, malgré la distance de 120 lieues qni les sépare des côtes , on a quelquefois regardé les productions vol- caniques qu'elles présentent comme faisant partie du système des volcans mexicains. En parlant des volcans , on est toujours conduit à par- ler des trachytes et des basaltes, et cela seul est déjà une preuve de la liaison intime qui existe entre les causes (414 ) qui ont produit ces roches, et celle dont l’action donne naissance aux phénomènes volcaniques ; mais cela, tou- tefois, n’empèche pas qu’on ne puisse assigner des diffé- rences considérables entre leur mode de formation et celui des laves qui descendent sous nos yeux par bandes étroites des cratères des volcans. Les produits volcani- ques , les trachytes et les basaltes, sont trois groupes voisins , mais distincts , de roches non stratifiéés, Certaines laves présentent la plus grande ressemblance avec le basalte, et peuvent être prises pour des basaltes refondus. L'ile de Lancerote offre plusieurs séries d’émi- nences rangées en ligne droite. L’une de ces rangées est formée par une suite de cratères composés de scories accumulées, dont plusieurs, lors de la trop fameuse éruption de 1730 , ont vomi des courans de laves qui se sont étendus sur près d’un tiers de l’île, en formant une nappe horizontale de plusieurs lieues carrées de surface qui atléignit la mer en plusieurs points. Un tiers de l’île, auparavant le plus fertile, reste depuis lors recouvert d'une croûte pierreuse entièrement dépourvue de végé- tation. Cette nappe de laves si étendue rappelle, à cer- tains égards , les nappes de basalte. Des laves de la même nature, en se précipitant dans la mer, et en s’y refroi- dissant rapidement, se sont plus d’une fois divisées en prismes pareils aux prismes basaltiques. On en voit un exemple à Lancerote ; mais M. de Buch remarque que cette lave n’alterne pas avec des conglomérats, comme les basaltes le font toujours dans les îles Canaries ; ee qui montre qu’il n’y a pas eu identité complète entre les phé- nomènes qui ont produit les basaltes et ceux des volcans de l’époque actuelle. (415 ) Aux environs du port d'Orotava, dans l’île de Téné- riffe, on voit des conglomérats composés de fragmens de basaltes irréguliers , scoriacés, à peine cimentés, brunis par un commencement de décomposition , alterner con- tinuellement avec des assises solides de basalte. Ces der- nières assises plongent parallèlement à la surface exté- rieure des masses, et ce n’est jamais que très -rarement qu’on y reconnaît positivement les caractères d’un cou- rant. Îl ne serait pas possible de suivre individuellement aucune de ces espèces de couches à une grande distance; elles conservent toujours l'irrégularité de stratification, ou plutôt l'absence de toute stratification régulière et suivie qui forme un des caractères communs à toutes les masses volcaniques. On voit cependant en certains points, sur de petites étendues , des séries d’assises très-régulières de ces roches , comme , par exemple, au cap Martianez. Ici on pourrait prendre certaines nappes basaltiques pour des courans de laves , avec d’autant plus de raison qu'on y observe des indices qui montrent clairement qu'elles ont coulé. Mais elles n’atteignent pas la puis- sance que présente toujours un courant de lave, etil demeure vraisemblable que leur production appartient à une classe de phénomènes sensiblement différente de celle qui fait maintenant sortir les courans de laves des cratères. Les rapports que je viens de signaler entre les basaltes et les conglomérats qui les accompagnent , rapports qui tendent à les éloigner des produits volcaniques propre- ment dits, sont, au contraire, exactement pareils à ceux qui existent entre les trapps et les conglomérats qui s’insèrent entre leurs masses, et il arrive en même tenips ( 416) que le voisinage , soit des trapps , soit des basaltes , pro- duit des effets absolument pareils sur les couches de grès que ces couches traversent quelquefois en forme de co- lonnes irrégulières ou de filons. On pourrait donc dire qu'il y a eu plus rapports entre le mode de formation des trapps et celui des basaltes, qu'entre le mode de formation des basaltes et les phénomènes volcaniques proprement dits; les basaltes, comme les trapps , pa- raissent s'être élevés à la surface de la terre par des ou- vertures irrégulières ou par des fentes de la croûte solide, accompagnés de même d’amas considérables de fragmens incohérens de leur propre substance déjà solidifiée , qui sont restés intercalés, sous forme de conglomérats, entre leurs diverses masses, lorsque celles - ci se sont étendues en nappes sur la surface du sol préexistant. Les basalies , sortis plus récemment , se sont souvent épanchés à travers l'écorce minérale de la terre dans les points marqués d'avance par la disposition des élémens de notre globe , pour présenter au Jour des cratères de soulèvement, au milieu desquels s’élèveraient les cônes des véritables volcans d’éruption. Ces cônes sont, pour la plupart, formés en partie par une classe de roches , les trachytes, qui a de tels rap- ports avec certaines variétés de laves très-communes, qu’on a souvent eu l’idée de regarder ces dernières comme des trachytes refondus. Les masses trachytiques accompagnées de leurs con- glomérats , en se produisant au jour sous forme de cônes, de dômes ou de masses arrondies plus ou moins irrégu- lières, semblent avoir préparé l'emplacement des foyers volcaniques. Quelques-unes d’entre elles, en forme de (49 ) cloches coniques, produisant des effets plus complets qu’à Santorin, ont donné passage dans leur intérieur à ces canaux de communication entre l’intérieur du globe et la surface auxquels on doit restreindre le nom spécial de volcan. Les cheminées des laboratoires volcaniques se sont le plus souvent ouvertes dans ces roches. Ce sont elles qui constituent les cônes de la plupart des grands volcans. Le cône élancé du pic de Ténériffe paraît en être composé , et tout ce qui en est sorti rappelle le tra- chyte et ne rappelle jamais aucune autre roche. Le volcan de Ténériffe a donc son gisement dans les tra- chytes. Il semble que ces roches, dont les masses se sont si souvent élevées au centre mème des cratères de soulèvement , sont plus directement en connexion avec les foyers volcaniques que ne le sont les basaltes, qui ne s'y présentent que comme parties constituantes des masses soulevées dont est formée l’enveloppe conique extérieure de ces mêmes cratères. Les trois cratères de soulèvement des iles les plus con- sidérables du groupe des Canaries , la grande Canarie, Ténériffe et Palma, sont sensiblement alignés dans la direction du sud-est au nord-ouest. Cette circonstance paraît bien n'être pas l'effet du hasard, mais résulter de quelque cause intérieure ; il y aurait de la hardiesse peut-être, mais il y aurait aussi de la vraisemblance, à chercher cette cause dans les trachytes. Les îles de Lan- cerote et de Fuerta-Ventura, placées dans une tout autre direction, ne contiennent aucune trace de trachyte ; mais Palma en présente dans l’intérieur de la Caldera , le pic de Ténérifle en est formé eu entier dans toute la partie qui est comprise dans le cratère de soulèvement, XX 27 (418) et la grande Canarie présente dans la même direction ses plus grandes et ses plus hautes montagnes de trachyte. On peut croire que ces roches auront , pour ainsi dire, cherché à crever l'écorce minérale du globe suivant une ligne droite, qui n’est autre chose que la direction sur laquelle se trouvent les trois cratères de soulèvement. La présence de plus en plus fréquente des cristaux de feldspath dans le basalte, à mesure qu'on approche du pic de Ténériffe , a conduit à penser que dans la profon- deur il s'établit une sorte de passage du basalte au véri- table trachyte qui parait former le noyau du volcan ; mais les exemples de ce genre sont rares , et le plus sou- vent les basaltes et les trachytes se présentent nettement séparés, et forment sur la surface du globe des groupes détachés; peut-être mème pourrait - on dire que les ba- saltes , étendus en grandes nappes , et les trachytes, élevés en dûmes ou en cônes, semblent différer les uns des autres par le mode de leur formation, plus qu’ils ne diffèrent de certains produits des volcans actuellement brülans. Il est surtout évident qu'ils diffèrent plus les uns des autres, qu’ils ne diflèrent les uns des trapps et les autres des porphyres du grès rouge. Quoique les basaltes et les irachytes aient évidemment été produits par des phénomènes souterrains dans les- quels la chaleur jouait un grand rôle, on ne peut les appeler des produits volcaniques qu'en donnant au mot volcan une extension plus grande que celle qu’il a dans le langage ordinaire, et qu'il serait peut-être avantageux de lui restituer dans le langage géologique. On ne voit pas, en eflet , pourquoi, appelant les tra- chytes volcaniques, on n’appellerait pas aussi volcaniques ( 419 ) les porphyres quarzifères liés au grès rouge ; car, comme on vient de le dire, ceux-ci différent moins , à certains égards , des trachytes , que les trachytes ne diffèrent des laves qui coulent de nos volcans ; si on appelle volca- niques les porphyres quarzifères, on ne voit pas pour- quoi on refuserait ce nom au granite, qui cependant, formant une des parties principales de la croûte solide au-dessous de laquelle s’exerce l’action volcanique, peut être considéré comme servant d'enveloppe au théâtre de cette action , et doit sans doute son origine à des phéno- mènes plus généraux dont ceux des volcans ne peuvent être qu'une conséquence , où peut-être tout au plus un reste et un cas particulier. Si on range les roches non stratifiées d’après les ana- logies de composition , de structure et de position dans la croûte oxidée du globe qui existent entre elles, on parvient à en former une série dont les laves de nos volcans , composées principalement de feldspath et de pyroxène, occupent une extrémité, dont le milieu est formé par des porphyres composés de feldspath et de quarz , et dont la fin présente les granites composés de feldspath , de quarz et de mica. Cette série se partage en un certain nombre de groupes plus ou moins nettement séparés entre lesquels il est certain qu’il y a ressem- blance, mais non identité d’origine. En la parcourant depuis les laves des volcans actuellement brülans jus- qu'au granite, on observe entre ses termes successifs uné suite non interrompue, mais continuellement dé- croissante , de ressemblances , et une suite continuelle- ment croissante de différences. Ces ressemblances et ces différences , également im- { 420 ) portantes pour la science , ont toujours vivement frappé les savans qui se sont occupés de géologie, et suivant qu'ils ont attaché plus d'importance aux unes ou aux autres, ils ont réuni ou séparé les différens termes de la série et leur ont attribué une origine analogue ou opposée. Ceux qui ont été plus frappés des ressemblances ont dit que le granite avait été formé par le feu comme les laves des volcans. Ceux qui ont été plus frappés des dif- férences, en attribuant au feu la formation d’une partie plus ou moins grande de la série des roches non strati- fées, ont attribué à la cristallisation par voie humide celle de l’autre partie, et particulièrement du granite; de là les dénominations de vulcanistes et de neptuniens , dénominations devenues presque des injures , à cause du ridicule attaché à d’interminables discussions , mais qui n’en rappellent pas moins à l'esprit un ordre de faits très-réel et des notions positives qui sont une des parties les plus importantes de la science géologique. Si les géologues sont aujourd’hui trop bien instruits des rapports et des différences que l'observation indique entre le mode de formation du granite et celui des laves des volcans, pour qu'aucun d’eux consente à être appelé vulcaniste ou neptunien , il est entre eux une autre dis- tinction qui les partage entre deux grandes classes. Les uss, en effet, frappés surtout des rapports que beaucoup de parties de l'écorce minérale du globe présentent avec les dépôts formés sous nos yeux par l’action des eaux, ont suivi plus particulièrement le fil d'induction qui con- duit, des dépôts qui s’opèrent actuellement jusqu'aux parties les plus anciennes de la série des dépôts stratifiés. (421) Les autres , s’attachant plutôt au genre de rapports par lesquels les diverses roches non stratifiées se rapprochent ou s’éloignent des laves des volcans , ont suivi plus par- ticulièrement le fil d’induction qui sert à remonter des produits volcaniques aux termes de plus en plus éloignés de la série des roches non stratifiées. Les premiers ont été conduits à s'occuper spécialement de l'étude des gé- nérations successives d'êtres organisés divers, dont les débris se trouvent enfouis dans les dépôts de sédiment ; il a été beaucoup plus nécessaire aux autres d’avoir une connaissance profonde et pratique des nombreuses es- pèces minérales qui se rencontrent dans les produits volcaniques et dans presque toutes les masses non stra- tifiées , ainsi que dans les portions de couches de sédi- ment qui ont été altérées par l'effet de leur contact , et dans les nombreux filons qui se trouvent en connexion avec elles. Tandis que les géologues qui s'occupent de l'étude des dépôts stratifiés ont trouvé moyen d'y faire servir les sciences nées de l'examen des êtres organisés, les géologues qui s'occupent de la série des roches non stratifiées ont trouvé de puissans secours dans la plupart des sciences qui s'occupent des corps inorganiques. Non- seulement ils se sont servis avec avantage de la minéra- logie, qui est une application directe de plusieurs de ces sciences ; mais la géographie est venue aussi à leur aide, et des observations qui embrassent d'immenses étendues de pays leur ont dévoilé des relations aussi intimes que curieuses entre les volcans et les termes de la série des roches non stratifiées qui sont les plus éloignés des pro- duits volcaniques. Les principales dislocations de l'écorce minérale du (422) globe se sont opérées suivant des séries de lignes paral- lèles ; sur lesquelles se sont élevées autant de chaînes de montagnes de la classe de celles qu’on est convenu d’ap- peler primitives , chaînes dont le granite forme si géné- ralement l’axe central, et au pied desquelles paraît si sou- vent le porphyre pyroxénique (mélaphire), qui n’est ni primitif ni volcanique, mais qui se trouve vers le milieu de la série des roches non stratifiées. D’autres roches non stratifiées percent aussi très-fréquemment la surface du sol au pied de leurs pentes les plus escarpées , et on voit en même temps beaucoup de réunions de volcans s’éten- dre parallèlement à leur longueur dans une connexion souvent plus éloignée, mais toujours analogue. Il résulte évidemment de là que les rapports de composition, de structure et de forme des grandes masses qui rappro- chent les unes des autres les différens termes de la série des roches non stratifiées , ne sont pas les seuls liens qui les unissent, mais que les produits volcaniques , les trapps , les porphyres et les granites, se rattachent en- core entre eux par les rôles dépendans les uns des autres qu’ils jouent dans les grands accidens que nous offre la surface du globe. Ces différentes roches se rattachent également les unes aux autres par les rapports qu’elles présentent avec plu- sieurs des phénomènes les plus importans qui se passent à la surface de la terre. Les sources thermales et les tremblemens de terre, phénomènes si fréquens dans les contrées volcaniques, ne s’y montrent pas exclusivement. S'ils se présentent rarement dans les grandes plaines formées d’une grande épaisseur de dépôts stratifiés en couches horizontales, (423 ) ils sont , au contraire , très-fréquens dans les parties du globe où, sans rencontrer aucune trace de volcans, on voit les couches de sédiment jadïs horizontales se re- dresser à l'approche de masses de roches non stratifiées qui paraissent les avoir soulevées; et ils concourent ainsi à établir une connexion entre les termes extrèmes, ci différens l’un de l’autre , de la série des roches non stratifiées , les produits volcaniques et les granites. D’après les seuls rapports de position géographique qu’on remarque entre les volcans, les roches qu'on est convenu d'appeler primitives , les sources thermales et les tremblemens de terre, ainsi qu'entre les volcans ran- sés en ligne droite et les chaînes de montagnes, il est évident qu’on ne peut plus faire sur les phénomènes volcaniques que des hypothèses qui embrassent dans leur généralité la structure entière du globe terrestre, et que celles qui tendaient à les expliquer par la combus- tion de couches de charbon de terre ou de masses de soufre ou de bitume, ou par la décomposition de masses de pyrites, disparaissent d’elles-mêmes, par leur seule petitesse , devant l'étendue des objets embrassés par les rapports que je viens de rappeler. EXPLICATION DES PLANCHES. PI. xiv. Vue de la cime du pic de Ténériffe et du cratère de soulève- ment qui l’entoure. PL. xv. Vue du pic de Ténérifle et de Chahorra, du côté de l’ouest. P!. xvr. Vue du pic de Ténériffe, prise du port de l’Orotaya. PI. xvir. Vue du cratère de soulèvement de l’île de Palma. — Vue de Barren-Island , au nord des îles de Nicobar. ( 424 ) Nornce sur la Formation d'un Lac dans le département de la Drôme ; Par M. De GAsPARIN, Correspondant de l’Institut. Âu commencement de novembre 1829, le bruit se répandit à Orange que l’éboulement d’une montagne près de Lamothe Chalancon venait de barrer le passage aux eaux de l’Oule, affluent de la rivière d'Eygues, et avait ainsi formé un lac, qui, par son écoulement subit, pouvait présenter des dangers pour les contrées situées sur le cours de cette rivière. Bientôt plusieurs habhitans de Lamothe, munis de certificats de leur maire, vinrent confirmer cette nouvelle, en sollicitant des se- cours que la perte de leurs propriétés leur rendait né- cessaires. Je formai dès-lors le projet d’aller vérifier ce fait, soit pour apprécier le danger que pouvait courir mon pays, soit pour examiner les circonstances elles- mêmes de léboulement. Un hiver rigoureux, en rompant toute communication avec ces vallées écartées et d’un difficile accès, me fit ajourner ce voyage que je n'ai pu exécuter que le 16 mars dernier (1830), et les jours suivans. Aussitôt arrivé à Lamothe Chalancon, je me rendis au nouveau lac, qui en est éloigné d’un quart de lieue, et situé entre ce bourg et le village de Rotier ( voyez la carte de Cassini, n° 121); son premier aspect me fit aussitôt connaître que cet événement si fâächeux pour les habitans dont il avait submergé les propriétés, ou en- trainé les terres situées sur les pentes de la montagne, ( 429 ) ne pouvait présenter aucun danger sérieux pour les rive- rains inférieurs. La petite dimension de cette nappe d’eau ne pouvait pas faire craindre beaucoup son écou- lement subit, et le barrage solide et peu élevé qui le formait le rendait tout-à-fait improbable. En effet, son étendue est bornée aujourd’hui à 5 ou 600 mètres de longueur sur une largeur de 6o mètres environ, et sa profondeur n'excède pas 3 à 4 mètres. Ce n’est plus aujourd’hui, à proprement parler, qu’un renflement du cours de la rivière plutôt qu’un lac. D’après les dimen- sions que nous venons de lui assigner, il ne présenterait pas une masse de plus de 126,000 mètres cubes d’eau, et il en sortait, lors de ma visite, environ 15 mètres cubes d’eau par seconde, fournies par la rivière d'Oule. — Pour juger combien cette quantité est faible, il faut savoir seulement que , d’après les calculs du général Andréossy, le réservoir artificiel de Saint-Ferréol , qui alimente le canal du midi, contient plus de six millions de mètres cubes d’eau. Si l’écoulement subit du lac de Lamothe venait à avoir lieu, nul doute que l’eau qu’il contient ne causàt quelque dégât dans la plaine située au-dessous ; mais ensuite les nombreuses circonvolutions de la rivière, son lit resserré, et la diminution de la pente, en réglant le cours de cette masse d’eau, en allongeant la colonne par l'inégalité de vitesse de ses molécules, ne lui permettraient d’arriver à quelque distance que sous forme d’une crue médiocre et très- passagère. Je pense donc que les pays situés à plusieurs lieues au-dessous du lac n’auraient rien à en craindre, si l'événement improbable de l'enlèvement de sa digue venait à avoir lieu. ( 426 ) Après ce premier coup-d’œil donné à l’état actuel des choses , il faut chercher à se faire une idée de l’événe ment qui l’a causé, et ce ne peut être qu’en faisant con- naître la nature des montagnes qui dominent la vallée. La partie sud-ouest du Dauphiné est assez uniforme dans sa formation. La roche la plus profonde qu’elle présente est une espèce d’argile où marne schisteuse, à feuillets très-minces et entrecoupés , de distance en dis- tance, de couches calcaires plus dures, qui forment le long des pentes des espèces de chaînes qui en affermissent les assises. La couleur générale de ce terrain est noi- râtre où bleu foncé ; il a quelquefois une grande puis- sance et acquiert jusqu'à 2 ou 300 mètres au-dessus des vallées dans certaines positions. Les fossiles y sont rares, ce n’est que dans les couches supérieures en contact avec la formation qui le recouvre, que l’on trouve quelques ammonites de la craie; mais dans les couches centrales je n'ai vu que des géodes marno-ferrugineux renfermant à leur centre un cristal de quarz hyalin, et enfin des pyrites. C’est dans cette formation que se trouve la fon- taine ardente , une des merveilles du Dauphiné. Ce ter- rain si étendu et si puissant appartient-il aux marnes du lias, ou ne serait-il qu’un développement extraor- dinaire des marnes des terrains épiolithiques de M. Bron- gniart ? C’est à M. Élie de Baumont, qui a tant et si bien vu le Dauphiné, à prononcer sur ce point, qui ne peut être décidé par le petit nombre de corps fossiles que j'y ai vu, mais qui doit l'être par la superposition de cette roche. Nous observerons, au reste, que si elle appartient au lias, il faudra admettre que ce terrain s’étend au sud de Dieu-le-Fit vers le village d’'Allençon, ( 427 ) où on le voit en couches très-puissantes, et enfin entre Rochegude et Uchaux près d'Orange, où il se montre encore au jour sous de plus petites dimensions, mais avec les mêmes caractères géologiques. Les marnes que nous venons de décrire, de même que le calcaire qui les recouvre et dont nous allons parler, présentent des couches fort inelinées de diverses manières et dans divers sens , mais en stratifications con- cordantes et dirigées du nord-est au sud-ouest. Au-dessus de ces masses argileuses, sur lesquelles rampent de tous côtés les chemins de montagne qui deviennent si pénibles et si mauvais en temps de pluie, et qui présentent des éboulemens si fréquens, se place en général du calcaire souvent très-compacte, quelquefois marneux et exfolié , d’autres fois fragmenteux, qui appartient incontesta- blement à la craie, soit par ses fossiles (ammonites, bélemnites, trigonies, etc.), soit par sa position fréquente au-dessus des grès verts. Ses masses couronnent ious les sommets , débordent de toutes parts les marnes décom- posées et minces qui les portent, s'élèvent à pic au-dessus d'elles et couvrent leurs flancs de nombreux débris; les chutes de ces masses sont très-fréquentes, parce que les marnes se décomposant sans cesse et étant entrainées par les eaux, la base des roches calcaires s’excave con- tinuellement et elles se trouvent porter à faux ; et quand leur saillie est telle que le poids de la masse qui est en l'air excède la tenacité de la couche, il y a rupture et chute. Ainsi, peu à peu la marne se couvre de débris calcaires, les eaux supérieures entraînent les terres et les menus débris qui couvrent les sommets et viennent les déposer entre les blocs calcaires entassés. Il se forme ( 428 ) ainsi, au pied des escarpemens, des dépôts calcaires souvent fort épais et fort étendus qui recouvrent les marnes, quand celles-ci ne sont pas trop inclinées ; car, si leur inclinaison est forte, les débris ne tardent pas à glisser sur leur surface. Quand un terrain de débris un peu considérable est parvenu à se former sur une pente moins abrupte, ce terrain très-perméable laisse filtrer l’eau de pluie qui se trouve arrêtée par les couches argileuses ; alors il s’établit une espèce de nappe d’eau qui coule entre l'argile et les débris calcaires, et, suivant les parties les plus déclives du terrain, se résout en sources qui viennent percer plus bas à la surface du terrain. Maïs quand les pluies ont été très-fortes, l’eau s'étend à toute la surface du terrain marneux qui devient glissant; alors la masse de débris qu'il supporte s’en sépare, descend le long du plan incliné, et arrive plus ou moins rapidement au fond de la vallée, selon le plus ou moins d’inclinaison et l'abondance des eaux qui forment le plan mobile interposé entre les deux terrains ; on sent combien cet accident doit ètre fréquent dans un pays qui présente partout les circoristances que nous venons de décrire, aussi n’y fait-on aucune attention quand il n’a lieu qu'en petit; mais se présente-t-il sur une vaste échelle et dans des circonstances qui causent des malheurs considérables, alors on les remarque comme des événemens extraor- dinaires, quoiqu’ils ne soient que la répétition d’un phénomène journalier. C’est par un effet de ce genre que fut formé le lac du Luc en 1442 ; ce sont aussi des causes analogues qui causèrent l’ébouiement du Ruf- berg, en Suisse ,en 1866. Ainsi, quoique rassuré sur les ( 429 ) suites de l’éboulement actuel, on peut prévoir qu'il se renouvellera, et que d’autres lacs se formeront dans la suite dans ces vallées resserrées. Ce qui rend surtout ces désastres plus fâcheux, c’est que les flancs de la montagne , couverts ainsi de débris el de terrains de transport accumulés de longue main, sont ordinairement bien cultivés, parce que le sol en est éminemment propre à la culture des arbres, qui étendent leurs racines à l'aise dans ces terres meubles et que si la pente n’est pas très-grande, toutes les autres cultures y réussissent très-bien, même celle des prairies et des jardinages, favorisées par les sources qui yjaillis- sent; enfin, parce que, dans un pays dont les vallées sont très-resserrées , et les flancs des montagnes ravinés, la moindre portion de terrain cultivable devient si pré- cieuse que l’on n’en laisse rien échapper. — Or, la pente dont nous allons décrire l’'éboulement se présentait sous ces conditions favorables ; c’est celle qui est au nord-est de la montagne désignée sur la carte de Cassini par le nom de Bois de Cornillon. Les mois de septembre et d'octobre 1829 ont été très- pluvieux dans nos contrées comme dans le reste de la France et des pays voisins. A Orange, il est tombé en septembre 169 millimètres d’eau et 94 en octobre. Dans les vallées fermées au nord, comme celle de Lamothe, il a dû en tomber une quantité plus grande encore. Ces pluies succédaient à un printemps qui avait donné une quantité d’eau de pluie presque double de la moyenne, à un été froid et où l'évaporation avait été peu consi- dérable : le sol était donc déjà saturé d’eau quand l’au- tomne est venu combler la mesure; on s’aperçut alors ( 430 ) d’une séparation de terrain dans le haut de la montagne, qui fit naître les premières craïîntes. — Le 3r octobre, à neuf heures du soir, Combo! , propriétaire d’une ferme sur le penchant, voulut aller chercher de l’eau à sa fon- taine, et s’aperçut que sa source en était larie ; une autre fontaine, située au-dessus de la première, ne laissait plus échapper que des eaux troubles; déjà un mouve- ment existait sans doute à la partie inférieure du ter- rain, et ouvrait de nouvelles issues aux eaux. Aussitôt il donne l’alarme, et les troïs fermes situées sur la pente furent promptement déménagées. Cette opération dura tout le jour suivant. Le 1° de novembre, à minuit, on s’aperçut que le terrain était en mouvement sur une vaste étendue; alors on se met à l’œuvre de tous côtés , une foule d'ouvriers vient aider les malheureux, on scie les arbres, on les coupe, on les emporte, on évacue tout ce qui peut l'être de ce terrain prèt à s’abimer; on tra- vaille sans relàäche sur ce terrain qui glisse en entier, comme si l’on était en pleine sécurité. Le mouvement progressif était lent et ne causait pas d’abord de boule- versement, tout avançait en masse et sans secousse ; l’'éboulement ne parvint au bord de la rivière que le lendemain, et ce ne fut que le mardi qu'il en encombra le lit. Mais dès qu'il eut rencontré un obstacle vers le bas, aussitôt les couches supérieures, continuant à pous- ser, il y eut bouleversement complet; le terrain se re- dressait, roulait sur lui-même, les rochers saillaient de toutes parts, et enfin un nouvel équilibre s'étant établi, le terrain s'arrêta présentant à l’œil l’image d’un labour gigantesque qui aurait retourné les couches meu- bles à une immense profondeur, mêlé et confondu les (43r) élémens les plus divers qui la composaient, ne laissant à la place des vergers, des prés et des jardins qu’un chaos infertile de pierres et de rochers ramenés du fond à la surface, et où l’on cherchait en vain quelque trace de deux fermes qu'on y voyait auparavant, et quiavaient été retournées et mêlées avec le reste du sol. L’éboule- ment, parti d'environ 280 mètres au-dessus de la rivière, parcourant une distance d'environ 1000 mètres sur une surface qui devait ainsi être inclinée de 15 degrés 38 minutes, n'avait pas eu la rapidité de celui de Rufhberg, qui descendait sous un angle de 25 degrés. Mais dans cette rapidité doit sans doute aussi entrer, comme élé- ment, l’état du sol inférieur plus ou moins libre et plus ou moins enduit d’eau. Très-large à son point de départ, l’éboulement se réduisait en largeur en avançant vers le bas, par la ren- contre de deux promontoires solides qu’il rencontra, ce qui causa le bouleversement le plus complet à l'endroit de cet étranglement , où le mouvement latéral des cou- ches refoulées vers le centre vint s'unir à un mouvement direct vers le bas de la pente, et se partagea en deux courans d'environ 300 mètres de largeur; arrivé à la rivière, il forma un barrage de roches et de terres sur une longueur de 140 mètres; ce barrage, fort élevé d'abord, exista dans cet état pendant une partie du mois de novembre ; mais aux premières pluies de ce mois, le lac qu'il avait formé s'étant gonflé, balaya toutes les parties supérieures du barrage, plus meubles et moins solides, et descendit de 10 mètres environ, mettant ainsi à sec une grande partie de la surface qu'il avait d'abord occupée, et prenant ses dimensions actuelles (432) qui paraissent être définitives, si l’on en juge par le fond de sa digue formée seulement aujourd’hui par d'énormes rochers, par son épaisseur et par le peu d’élévation qui lui reste ( de 3 à 4 mètres). Il est pro- bable que les eaux troubles de l’Oule, se déposant dans ce bassin , l’altéreront peu à peu, et qu'il ne restera plus alors de tout ce désordre qu’un cours rapide à l’en- droit du barrage, et l'aspect de désolation de l’éboule- meut qui sera plus long-temps inculte. On est saisi d’une profonde pitié quand on voit errer sur ces débris ces familles qui ont passé tout-à-coup de l’aisance à une misère complète, ne sachant pas encore se résigner à leur destinée, semblant chercher la place où fut leur maison, leur jardin , leur prairie, et usant, dans ces stériles regrets, un temps et des forces qui deviendraient leur véritable ressource si elles avaient le courage de surmonter cet abattement moral, et de se créer un nouvel avenir en oubliant un passé irrévoca- blement détruit. Je ne quitterai pas cette partie du Dauphiné, sans insister sur l’état de délabrement de ses montagnes. Ce sont d'immenses ruines s’éboulant de toutes parts. Pour les pentes abruptes , la faute en est sans doute à leur nature, à leur mode de formation; mais quand on voit les plateaux et les pentes les plus douces, dépouillés de toute couche de terre végétale, ne présenter qu'une surface pierreuse et nue, à côté de quelques sommets préservés par la dificulté de leur abord ou par les soins de leurs propriétaires et garnis de beaux bois, on ne peut s’empècher d'attribuer leur aspect repoussant à la main des hommes. Il est constant , en eflet , que la fatale (433) ordonnance qui encourageait les défrichemens a causé tout ce mal dans un espace de temps très-court; les bois étant extirpés sur des terrains qui n'étaient recouverts que d’une mince couche de terrain , les habitans en ont retiré quelques récoltes , et bientôt après la terre a été abandonnée sans abri à l’action des pluies et des vents qui en ont achevé la ruine. Que de temps ou que de soins n’exigeront pas aujourd'hui le rétablissement et le reboisement de ces montagnes! Les amateurs d’hypsométrie trouveront peut-être ici avec plaisir les résultats de nivellement barométrique de la route que j'ai parcourue, et qui donnera une idée de l'élévation du pays. Au-dessus de la mer. Nyons. 162,23 Col de Monréal , entre Lahune et Remuzat. 707 ,54 Remuzat. 498 ,5x Lac de Lamothe. 583 ,78 Lamothe-Chalancon. 589 ,97 Col entre Lamothe et Arnayon. 760 ,07 De ce col, la montagne la plus élevée que l’on dé- couvre au nord , est celle qui est entre Brette et Vole- vent, désignée sur la carie par le nom de Bois de Fagny. On passe, en allant à Bouvières , derrière la montagne d'Angelle, qui doit avoir près de 1600 mètres d’élé- vation. Bouvières. 647,49 Dieu-le-Fit, 366 ,4r XIX. 20 ( 454 ) Montagnes autour de Dieu-le-Fit, mesurées dans un autre voyage. La Lance. 1335m,08 Mialandre. 1469 ,56 Plate-forme du château de Grignan. 308 ,60 IconocrarmiE de deux Plantes cryptogames à ajouter à la Flore française ; Par M. J. B. H. Desmazières. Tode, en 1790, dans son excellent Traïté des Cham- pignons du duché de Mecklenbourg, a créé le genre Stilbum pour de très-petites fongosités stipitées, géla- tineuses, agrégées et terminées par une tête diaphane, luisante, solide, persistante, offrant extérieurement Îa fructification. Ce genre, qui renfermait alors six espèces, croissant sur les tiges mortes des plantes herbacées ou sur le bois pourri et les écorces des arbres, à été con- sidérablement augmenté par les travaux des cryptoga- mistes modernes, et tel que le présente aujourd'hui Sprengel, qui y réunit la plupart des Periconia ou Ce- phalotrichum, quelques Ætractium de Schmidt et de Link, l{saria microscopica de Greville, etc. ; le genre Stilbum est caractérisé par cette phrase : Capitulum nudum stipitatum in sporidia fatiscens. L'auteur alle- mand en mentionne vingt-cinq espèces, auxquelles il ‘faut encore ajouter celle que nous allons décrire. ( 435 ) Sriisum ærueinosuM, N., PI. 8, fig. r, stipite recto , rigido, albido, demum badio; sporidiis ærugi- nosis, exactè globosis, creberrimis, minutissimis, in capitulum sphæricum collectis. — {labitat in ramulis foliisque putridis, in locis humidis umbrosis, in Gallia. Cette espèce n’a pas plus d’une ligne de hauteur; son pédicelle est droit, raide, grèle, d’abord blanchâtre, ensuite d’un brun rougeûtre peu foncé, à peine plus élargi à la base, et terminé au sommet par une petite iète sphérique, quelquefois ovoïde, qui forme à peu près la cinquième partie de la hauteur du champignon. Cette tête est composée, d’un nombre prodigieux de sporules de la couleur du vert-de-gris, exactement glo- buleuses, d'environ —— de millimètre de diamètre, et affectant souvent une disposition sériale. Ce joli Stilbum qui, par son exiguité, a échappé jusqu’à présent aux recherches des mycologues, croît en petits groupes, pen- dant tout l’automne , sur des débris très-pourris de plantes couchées sur la terre humide de nos champs ombragés. Nous l'avons trouvé, pour la première fois, au mois d'octobre 1828, à Lambersart près Lille, dans un champ de pommes de terre où nous récoltions le Cyathus vernicosus. Depuis cette époque, nous avons encore observé le Sulbum æruginosum dans d’autres localités, ce qui nous a mis à même de renouveler nos observations et de confirmer les caractères que nous lui avions reconnus. (436) Fusisrorrum BerÆ, N. (PI. crypt. du nord de la France, n° 305 ). PI. 18, fig. 2. PF. Thallo aurantiaco, in crusitam tremellosam ef- fuso ; floccis densis, ramosis, vix septatis ; sporidiis copiosissimis fusiformibus , tenuissimis , subcurvis, obscure septatis, circiter — millimetris longis. Habitat ad radices Betæ rubræ putrescentes in Gal- lia , vere. Nous trouvons tous les ans cette espèce sur les racines putréfiées de la betterave rouge. Nous l'avons observée, pour la première fois, au printemps de l’année 1826. Depuis cette époque, l’auteur d’une Flore locale a cru devoir, sans la décrire, la rapporter, comme variété, au Fusisporium aurantiacum de Link ; maïs cette dernière espèce en diffère considérablement, et rien que la couleur ne peut justifier un rapprochement aussi étrange. Le Fusisporium Betæ, vu sous la lentille, présente des filamens rameux, hyalins, cloisonnés , et des sporidies très-nombreuses , souvent un peu arquées, d’un vingt- cinquième de millimètre de longueur sur une largeur d'un cent quatre-vingtième de millimètre environ. Au plus fort grossissement , nous y avons distingué plusieurs cloisons (ordinairement trois ou quatre). Fries admet aussi que le genre Fusisporium présente quelquefois des sporidies obscurément cloisonnées ; mais notre estimable ami , le professeur Kunze, a observé souvent que l’eau, mise sur le porte-objet, pénétrant, suivant lui, dans les sporidies , y formait quelques vésicules que l’on pouvait prendre facilement pour des loges ou pour des cloisons. ( 437) Quoi qu'il en soit de cette opinion , que nous ne sommes pas éloigné de partager, le Fusisporium Betæ se dis- tingue encore du Fusisporium aurantiacum par la gran- deur de la croûte qu’il forme et par sa substance tré- melleuse. Nous nous sommes assuré que les cloisons des filamens du Fusisporium , pour n’être pas toujours bien distinctes, n’en existent pas moins; et, lorsque Link, qui a créé le genre, lui a reconnu ce caractère, lorsque Fries (Syst. orb. veget.), et tous les myco- logues qui ont écrit depuis le savant professeur de Berlin, ont observé des cloisons, on ignore pourquoi le floriste dont nous avons parlé plus haut vient annoncer, dans une Botanographie belgique, que les filamens des Fu- sisporium sont non cloisonnés : il eût été intéressant sans doute, pour les progrès de la science , qu’il fit con- naître ses observations ou plutôt ses autorités. EXPLICATION DE LA PLANCHE XVIII Fig.:.a, Stilbum æruginosum de grandeur naturelle. B , Stilbum æruginosum vu à la loupe. C, un individu vu au microscope avec une lentille assez forte. D , sporidies vues au plus fort grossissement. Fig.2.a, Fusisporium Betæ de grandeur naturelle. B , coupe de cette espèce, pour en faire voir l'épaisseur. C, filamens et sporidies vus au microscope. (438) OBSERVATIONS sur le nouveau genre Melanorrhæa, ou Arbre à vernis des Birmans, avec des Remarques sur les genres dont il se rapproche ; Par N. Warzricu, Surintendant du Jardin botanique de Calcutta (1). MELANORRHÆA. SepaLa 5 in calycem calyptraceum, 5-nervium, ca- ducum, valvatim cohærentia. PetaLA 5, raro 6, æstiva- tione imbricantia, persistentia, infra fructum aucta. STAMINA plura, distincta, toro convexo inserta. Prsriz- LUM 1. Ovarrum obliquè lenticulare, stipitatum, :1- loculare , 1-sporum : ovulo suspenso corda funiculari libera, e fundo loculi adscendente. Srvzus lateralis e ver- tice ovarii. ST1GMA parvum convexum. Frucrus indehis- cens , coriaceus , depresso-reniformis , obliquus , pedi- cellatus, involucro corollino stellatim patente maximo suffultus. Semen exalbuminosum, decumbens. Corvyr- vONES carnosæ crassæ. RAprcuLA lateralis, ascendens et in commissuram cotyledoneam replicata. Classis Linnæana , PoryannrrA Monogynia. Ordo naturalis, TeregiNrHAGEARUM tribus AnAcAR- DEÆ, Brown. Habitus : arbores magnæ facie Semecarpi, omnibus partibus scalentes succo viscido, ferrugimeo , contactu atmosphærico citù in atrum converso ; coma latè pro- (1) Traduit de l’£dinburgh Journal of Science , janvier 1830. (439 ) tensa ; folia ampla , coriacea , simplicia, integerrima , decidua , penninervia. Paniculæ florum axillares, oblon- gæ ; fructuum amplæ , laxæ , involucris maximis, rufis, demunm ferrugineis ornatæ. Obs. Characteres generici quoad florem præcipuè a M. glabra, quoad fructum a M. usitata desumpui ; ha- bitus ferè totus posteriorem speciem respicit. MELANORRHÆA USITATA. Foliis obovatis, obtusissimis, villosis. Provenit in convalle magna Kubbu dicta , regni Mu- nipuriani hindustaniæ, Sillet et Tipperæ contermini ; in imperio Burmanico , et ad oram Tenasserim usque ad Tavoy, inter gradum xxv et xiv latitudinis meridionalis. Ipse observavi juxta ripam sinistram [rawaddi fluminis ad Prome, in provincia Martabaniæ ad urbem Martaban, ad Kogun fluminis Salum et ad Neynti fluminis Attran. Floret initio anni; fructus maturi a fine Martii ad medium Maïi. Nomen vernaculum : munipurensibus Xheu ; Bur- manis Z'heet-tsee vel Zit-si. ARBOR vasta, ramosa et umbrosa, trunco robusto, cortice sordidè fusco, rimoso, ligno ponderoso , com- pacto , e fusco rufescente, viliori varietati ligni Swie- teniæ mahagoni haud absimili. Ramuzr crassi , cylindrici, grisei, villosi, a lapsu fo- liorum cicatricibus majusculis frequentibus notati ; no- velli ferrugineo-villosi. GEmmMz axillares et terminales parvæ, ovaiæ , acutæ , squamis paucis , coriaceis, villosis , cit dilabescentibus. F'orra versus ramorum exiremitates approximata, Ssparsa, ( 440 ) patentia, decidua , obovata , obtusa, rard subretusa , nunc oblongo-cuneata, deorsum valdè attenuata, basi acula, integerrima, subsinuosa, lateribus quandoque dis- paribus, coriacea et firma , spithamæa ad pedalia, utrin- que ferrugineo villosa, mollia, ætate glabriora ; supra atroviridia , subtus nervo principali crasso, elevato, se- cundariis numerosis , suboppositis parallelis , obliquë peripheriam excurrentibus, parvèque ab illà distantià areuatim anastomosantibus ; venis numerosis, prominu- lis, reuculatis. Psriorus brevis, nudus, villosus , crassus, basi intumescens , supra planus, à folio subde- currente parum marginatus. Sripuæ nullæ. Inriores- ceNTIAM baud vidi, flores aliquot delapsos, emarcidos et _cariosos , tantum, observavi. Erant parvi et inconspicui, pedicellis insidentes brevibus, teretibus, villosis. Nullum vestigium calycis nisi forsan lineola obsoleta infra co- rolam. PeraLA 5 lanceolata, acuminata , bilinearia, purpu- rascentia, uninervia, pubescentia, ciliata, intus minutim glanduloso-punctata, persistentia , tria exteriora parum majora. S'rAmINA 20-30 libera erecto-patula, petalis paulè breviora, toro conico, elevato undique inserta ; filamenta glabra, capillacea ; antheræ ovatæ oscillatoriæ, bilocu- lares , utrinque dehiscentes albicantes. Ovarium obliquè lenticulare, margine altero rectiore, altero gibboso, parvulum, pubescens, pedicello suflultum proprio, inter stamina e centro toro surgente, 1-loculare, 1-sporum. Ovurum reniforme, sustentum funiculo hibero, e fundo loculi orto, secus angulum hujus rec- tiorem adscendente, apice incurvato. SryLus lateralis e. vertice ovarii, subulatus pubescens, deciduus. Srrewa ( 441 ) parvulum , convexum. Discus hypogynus nullus. Panr- CULA FRUCTUUM terminalis , ampla, patens , laxa , villosa, constans cymis pluribus , pedunculatis, oblongis, nutan- tibus, 6-7 pollicaribus , ramosis, axillaribus foliorum delapsorum. Penuncuzr teretes , villosi , infra divisuras cicatricibus bractearum caducarum. Frucrus coriaceus, indehiscens , transversè ovatus, depressus , subrenifor- mis, vertice planà nudus , hinc gibbosior et porrectior (ideoque excentricus), magnitudine Cerasi, glaber, reti- culato-venosus, venis viridibus demum nigricantibus, ruber, glaucescens , plenà maturitate fuscescens , stipi- tatus thecaphoro clavato, tereti, unguiculari ; 1-locularis, 1-spermus, involucratus. InvozucruM 5 rard, 6-phyllum, patentissimum demüm subreflexum; foliola oblonga , obtusa vel paulo retusa, integerrima , 2-3 pollicaria, pubescentia, ruberrima, furfuracea, demüm fusca, coriacea , arida, supra convexiascula, subtüs eleganter reticulato-venosa, venis mediis in fasciculum collectis latiusculum , prominulum , ultra basin in unguem bre- vissimum subproductum. SEMEN transversè decumbens, magnum. SPERMODERMIUM chartaceum, læve, embryo- nem arcte cingens, vertice crassius et ad latus ejus radi- culare exsculptum sulco pro recipienda chorda funicu- lari lata plana, e basi fundi oriunda , adscendente, partem spermodermii apici radiculæ oppositam perfo- rante moxque evanida. EmBryo magnus, semini con- formis , exalbuminosus. CoryLEDONESs crassæ , carnosæ semiovatæ , obtusæ, gibbosæ, rugosulæ, ad paginam internam planæ, arcitèque sibi invicem accumbentes, hypogeæ. Rapicuza brevis, planiuscula, ad extremi- tatem elevatiorem embryonis locata, adscendens, com- ( 442) missuræ cotyledonum adpressa , basi subbifida, apice inclinata et obtusa. PLrumura minuta, occulta, lan- ceolata. La première fois que je rencontrai cet arbre intéres- sant, ce fut à un petit village au-dessous de Prome , sur la rivière Irawaddi, où on en avait planté quelques-uns ; et, à mon retour d’Ava, je le retrouvai en abondance sur les collines qui entourent la ville ci-dessus mentionnée ; mais , dans ces deux cas , les arbres étaient sans fructifi- cation. Dans la province de Martaban, j'eus la satisfaction de voir ces arbres en grand nombre , en mars 1827, sur un petit monticule qui s'élève derrière la ville de Mar- taban. Ils étaient chargés de paquets de fruits rouges presque mürs, mais ils n'étaient pas très-grands ; quel- ques-uns seulement dépassaient trente pieds de haut et avaient un tronc court n'ayant pas plus de quatre à cinq pieds en circonférence. Les feuilles étaient entièrement tombées et couvraient la terre dans toutes les directions. À Neynt, village sur la rivière Attran , derrière la sta- tion militaire de Moalmeyn, j'observai aussi quelques arbres ; et dernièrement aussi, sur la rivière Saluen, vers Kogen. Ici , ils étaient de dimensions plus grandes que ceux dont je viens de parler ; un d’eux ayant qua- rante pieds de haut avec une tige longue de douze pieds et de onze pieds de circonférence à quatre pieds au-dessus de la terre. Un de mes aides m’apporta un échantillon portant des fruits, de Tavoy sur la côte Tenasserim. Au Bengale , je pris avec moi une grande quantité de fruits mürs de l'arbre à vernis, qui germèrent librement et produisirent 500 plantes fortes et bien portantes. De (443 ) plusieurs individus que j'avais avec moi à bord du vais- seau dans lequel je revins en Europe, je ne réussis à conserver qu’une seule plante vivante qui fut présentée au jardin de Sa Majesté à Kew par la Société des Indes- Orientales. Depuis, plusieurs autres plantes ont été apportées du jardin de Calcutta en Angleterre. Avant de quitter le Bengale, j'eus occasion de con- fronter notre arbre avec le majestueux Kheu, ou arbre à vernis du Munipur, principauté de l'Indoustan qui borde au N.-O. les districts de la frontière de Sillet et Tippera. M. Georges Swinton, secrétaire en chef du gouvernement du Bengale (à la bonté duquel je dois beaucoup d'informations importantes concerrant le pro- duit de cet arbre et d’autres arbres utiles des Indes) , obtint de là, pour moi, un supplément de fruits mûrs, qui , à aucun égard , ne différaient de ceux que J'avais vus à Martaban. Ils entraient promptement en végéta- tion , et produisaient des plantes semblables à celles que nous possédions déjà. Le capitaine F. Grant, qui a un commandement militaire à Munipur, eut la bonté de me fournir les particularités suivantes : Ces arbres croissent en grande abondance à Kubba, vallée étendue dans la principauté ci-dessus mentionnée ; ils y formentde grandes forêts en commun avec les deux arbres de constructions de l'Inde continentale : le Saul etle Teak (Shorea robusta et Tectona grandis) , spécialement le pre- mier. On y trouve aussi mêié en grand nombre le gigan- tesque arbre à bois huileux ( Dipterocarpus). Leur grandeur varie; mais, en général, ils atteignent de très - grandes dimensions. Le capitaine Grant parle d'arbres ayant des tiges de quarante-deux pieds iusqu'à ( 444) la première branche, avec une circonférence de treize pieds près de la terre; et il dit qu’on sait qu'ils atteignent une beaucoup plus grande taille. Tous les individus croissent de la même manière, c’est-à-dire qu'ils attei- gnent une très-grande hauteur avant de pousser aucune branche. Depuis l’année 1812, feu M. M. R. Smith, qui habite Sillet depuis près de quarante ans , et qui, dans les derniers temps de cette longue période , a con- tribué avec zèle à enrichir le jardin de botanique de Calcutta , a fourni quelques informations très -curieuses concernant notre arbre , à M. H. Colebrooke , chargé alors de cet établissement. Il doit être par conséquent considéré comme la première personne qui fit mention de cet arbre utile, quoiqu'il ne réussit pas, dans ces essais, pour en procurer, soit des échantillons secs , soit des semences fraîches. Je joindrai ici quelques - unes de ses remarques. « J'ai découvert une sorte de vernis que je considère « comme identique avec celui employé par les Chinois « dans leurs provinces de l’est et du nord-est. On se le « procure en grande quantité de Munipur, où on l’em- « ploie pour vernir les vases destinés à contenir des li- « quides, tels que l'huile , le ghee (beurre clarifié), le « lait, le miel et l’eau. Cette drogue est transportée à « Sillet par les marchands , qui viennent annuellement « avec des chevaux et autres objets de commerce. Les « arbres qui le donnent deviennent d’une taille éton- « nante. Je suis informé qu'ils atteignent cent cubits en « hauteur, et vingt cubits en circonférence, et mème « plus. Il forme des forêts étendues qui commencent à « une distance de trois jours de voyage de la capitale, (°445 ) « et s'étendent dans une direction nord et est vers la « Chine pendant plusieurs milles. » Il ne peut y avoir aucun doute que le Kheu que M. Smith décrit ne soit le même que celui trouvé par le capitaine Grant ; il ne peut y en avoir non plus qu'il soit identique avec le Theet-tsze ou arbre à vernis des Bir- mans. Il suit de là que cet arbre a une étendue géogra- phique considérable , puisqu'il se trouve depuis Muni- pur (en latitude 25° nord, et en longitude 94° est) jus- qu’à Tavoy (en latitude 14°, en longitude 97° ). La vallée de Kubba, qu’on a déterminé , par des observations ré- centes faites par le lieutenant Pemberton, n’être qu’à 5oo pieds au-dessus des plaines de l'Inde , est distante de 200 milles du rivage de la mer le plus proche. L'arbre atteint là sa plus grande taille , et je crois qu’il devient plus petit à mesure qu’il approche de la mer sur la côte de Tnasserim, où, par comparaison , il croît dans des situations basses. Notre arbre appartient à la classe de ceux à feuilles caduques , car il perd ses feuilles en novembre , et reste dépouillé jusqu'au mois de mai; c’est durant cette pé- riode qu’il produit ses fleurs et ses fruits. Durant la saison pluvieuse, qui dure cinq mois, du milieu de mai jusqu’à la fin d'octobre, il est en plein feuillage. Chaque partie abonde en un fluide épais et visqueux d'un brun grisätre , qui devient noir aussitôt qu’il est mis en contact avec l’air extérieur. Dans le Journal des Sciences d' Édimbourg , vol. 8, pag. 96 et 100 , on trouve deux intéressans articles , contenant d’u- tiles informations concernant le vernis produit par notre arbre, et ses effets délétères sur la constitution humaine. ( 446 ) C’est un fait curieux que, à ma connaissance, les natifs du pays où l'arbre est indigène n’éprouvent jamais aucune conséquence fàcheuse en touchant à son jus : les étran- gers seulementen sont quelquefois affectés , spécialement les Européens. M. Swinton et moi-même nous y avons fréquemment exposé nos mains sans aucune suite sé- rieuse. J'ai mème risqué d’y goûter dans son état récent et comme il est exposé pour la vente à Rangoon , et je n’en ai jamais été affecté. IL possède très-peu de piquant et est entièrement sans odeur. Je connais cependant des exemples où son contact a produitdes érysipèles écailleux, étendus, suivis de douleur et de fièvre, mais de peu de durée. De ce genre, fut l'effet qu'il produisit sur feu M. Carey ; fils du révérend docteur W. Carey, qui ré- sida plusieurs années dans l'empire des Birmans. Parmi les gens qui m’accompagnèrent à Ava, Hindous et Maho- métans , il n’arriva aucun accident, quoiqu'ils touchas- sent fréquemment le vernis , excepté à un léger degré, à un de mes aides, dont la main pela et continua à être douloureuse pendant deux jours. Le docteur Brewster m'informa , qu'après avoir résisté à ses eflets pendant long-temps, il en fut enfin attaqué au poignet avec une telle violence, que la douleur était presque intolérable, Elle était plus vive que celle d’une violente brülure , et le docteur fut obligé de dormir plusieurs nuits , ayant la main trempée dans l’eau la plus froide. Il considère cette substance comme une drogue très-dangereuse à manier. Un de ses domestiques fut deux fois presque tué par elle. Dans le voisinage de Prome, on extrait une quantité considérable de vernis de l’arbre ; mais on en obtient très-peu à Martaban ; cela est dû, m'a-t-on dit, à la (44) pauvreté du sol, et en partie aussi à ce qu'il n’y a per- sonne dans cette contrée dont l’état soit d'exécuter ce procédé. Ce dernier est très-simple : on insère dans une direction oblique, dans des blessures faites à travers l'écorce du tronc et des principales branches , de courts articles d’une sorte de bambou , épais , taillés à un bout comme une plume à écrire, et fermés à l’autre bout. On les laisse là 24 ou 48 heures, après quoi on les retire et on verse dans une corbeille faite de bambou ou de Rattan, qu’on a préalablement vernie extérieurement , leur contenu qui excède rarement un quart d'once. On voit quelquefois cent bambous fichés dans uni seul trone, pendant la saison de la récolte, qui dure aussi long- temps que l'arbre est dépouillé de feuilles, nommément de janvier jusqu’en avril, et on les renouvelle tant que le jus coule. On reconnaît qu'un bon arbre doit produire d’un demi à 2, 3 et même 4 viss annuellement (un wiss étant égal à environ 3 iv. : avoir du poids). Dans son état pur, on le vend à Prome au prix d’un tical ou 2 s. 6 d. (3 fr. 15 ec.) le viss. À Martaban, où tout était cher lorsque j'y fus , la drogue était détaillée à deux roupies de Madras par viss; elle était d’une qualité inférieure et mêlée avec de l'huile de Sesame , altération qu’on pra- tique quelquefois. L'usage étendu auquel on applique le vernis indique qu'il doit être d’un emploi très -économique. Presque chaque article de fourniture de ménage destiné à conte- nir une nourriture où solide ou liquide est vernie par son moyen. À un village voisin de Pagam sur l'irravaddi, appelé Gnannee, où cette sorte de manufacture est exécutée d’ane manière très-étendue et avec une grande ( 448 ) perfection, j'essayai d'obtenir quelques informations relatives au mode précis du lacquage; maïs je ne pus rien apprendre, sinon que l’objet qui doit être verni doit être préparé avec une couche d’os calcinés , pulvé- risés ; après quoi, on pose le vernis assez épais , soit dans son état pur, ou diversement coloré par le moyen du rouge ou d’autres couleurs. On me dit que la partie la plus essentielle , aussi-bien que la plus difficile de l’opé- ration , consistait dans l’action du séchage , qu'on doit exécuter d’une manière lente et graduelle ; dans ce des- sein, on place les articles dans une voûte souterraine, froide et humide , où on les garde plusieurs mois jusqu’à ce que le vernis soit devenu parfaitement sec. Un autre objet pour lequel on emploie cette drogue en grande quantité est comme colle ou glue dans l’action de dorer, ce qui consiste simplement à enduire la surface d’un vernis épais, et alors à y appliquer immédiatement la feuille d’or. Si on considère combien la pratique de cet art par la nation birmane est étendue , leurs actes les plus fréquens de dévotion et de piété consistant à dorer leurs nombreux édifices religieux et leurs idoles, il sera évi- dent qu’une grande quantité de cette drogue doit être consommée rien que dans ce but. Enfin, le bel ouvrage Pali , taitant de l’ordre religieux des Birmans, exécuté sur ivoire , feuilles de palmier ou métal , est entièrement fait avec ce vernis dans son état naturel et pur. Je ne fus pas assez heureux pour voir l'arbre tandis qu'il était en fleur, ou pour m'en procurer des échan- tillons dans cet état; mais l’examen de son fruit et de quelques vieilles fleurs tombées , que je trouvai sous les arbres, m'a permis d’en former un genre nouveau par- ( 449 ) faitement distinct. Quelques jours avant que je quittasse Inde, j'obuns des échantillons en fleur, mais sans aucun fruit, d’une seconde espèce venant de Tavoy; ils m'ont aidé à compléter le caractère générique. Ce genre est allié à la plupart de ceux qui forment la tribu des Ænacardeæ; mais il en diffère, parce qu'il a un calice caduc monophylle en forme de coiffe, une corolle persistante qui s’élargit en un involucre étendu , des étamines indéfinies , un ovaire libre, et un fruit sec, soutenu par un pédicelle propre, non altéré. Je finirai par quelques remarques sur chacun des genres dont se rapproche le Jelanorrhæa. Les Ænacardium et les Semecarpus ont leur fruit reposant sur un pédoncule charnu et élargi ou torus, et le dernier de ces genres a trois styles et un disque hypo- gyne. L’/Joligarna, genre que M. Brown a établi il y a plusieurs années dans son Appendice à l’'Expédition au Congo de Tuckey , est très-distinet par son fruitin- férieur et adhérent. L’/. longifolia et V H. racemosa, Roxb., produisent un jus âcre qu’on emploie comme vernis. Mon ami et prédécesseur le docteur Hamilton m’informa qu'il ne savait rien sur l'arbre à vernis des Birmans, ni s'il différait des espèces d’Æoligarna. Dans la collection d'échantillons qu'il rapporta d’Ava, et parmi les dessins et les descriptions qui y sont rela- tifs, et qui sont déposés dans l’herbier de Banks , je ne pus trouver aucune trace de cet arbre , et je ne pus le rencontrer durant ma visite dans ce pays. Le Buchanania a un disque crénelé ou lobé autour de l'ovaire sessile , 5 styles et un drupe bacciforme. L'Astronium ressemble à notre genre, en ayant un & XIX. 20 ( 450 ) fruit avec involucre; maïs c’est le calice persistant ’et non Ja corolle qui s’élargit ; il a, en outre, un ovaire sessile et trois styles. Les feuilles sont composées. L’Augia de Loureiro (qu'on ne doit pas confondre avec l’Augia de Thunberg, plante du Cap appartenant à une famille extrêmement différente) a des fleurs po- lyandres ; mais le fruit est nu et sessile ; ses feuilles sont pinnées. Selon Loureiro , le vernis produit par cet arbre est celui qu’on emploie communément en Chine et à Siam. Ni ce genre , ni celui qui suit n’a été mentionné par les botanistes subséquens. Le Stagmaria verniciflua , Jack. (dans les Walayan miscellanea, vol. 11, append. 3, p. 12), a un calice tu- buleux , 5 étamines , un ovaire stipité à trois loges, et une baie nue contenant un embryon pseudo-monocoty- lédon. IL est natif des îles Malaises, et est le même que l’Arbor vernicis de Rumphius. D’après cela, M. Jack observe que c’est l'arbre qui fournit la laque ou vernis si célèbre du Japon, de même que celui de Siam ou de Tonquin, quoique Loureiro représente le vernis des deux derniers pays comme étant le produit d’un arbre différent. M. Jack ajoute que, à l’article Sanga, dans l'Encyclopédie botanique, on donne une partie des observations de Rumphius : mais, par une méprise sin- gulière, on conjecture que l’arbre est un /Zernandia , et, dans le premier volume du même ouvrage, l'Ærbor vernicis est changé en Terminalia vernix ; erreur qui n’a pas été corrigée par les derniers auteurs. Le Rhus et le Mauria diffèrent en ayant un fruit nu et sessile, et des cotylédons foliacés. Je prends cette occasion de remarquer que mon ARhus juglandifolia , ( 451) queje ne puis distinguer du Sitz ou Sitzdsju de Kemp- fer, doit son nom spécifique à une indication publiée par cet auteur. Comme il existe un arbre appelé de même par Wildenow, le professeur De Candolle a changé le nom en À. vernicifera. La coïncidence du nom birman du Melanorrhæa usitata avec celui de l'arbre à vernis du Japon est très-remarquable. Mémoire sur une disposition particulière de l'appareil branchial chez quelques Crustacés ; Par M. H. Mine Enwanns. ( Présenté à l’Académie des Sciences le 15 mars 1830.) Dans la belle collection de Crustacés dont le Muséum est redevable à M. Reynaud , et dont l’examen m'a été confié par ce naturaliste, on pouvait distinguer, au pre- mier coup d'œil, un grand nombre d'espèces d’un haut intérêt pour les zoologistes , à cause des formes bizarres et encore inconnues qu’elles offraient; mais une ‘étude plus attentive de ces animaux m'a fait voir que plusieurs d’entre eux sont non moins importans à éonnaîire pour l’anatomiste que pour le classificateur; car ils enrichi- ront la science de types d'organisation dont nous ne connaissions pas encore d'exemple, Les Crustacés dont je vais entretenir aujourd'hui l’Académie sont dans ce cas. En effet, ils doivent former dans nos méthodes naturelles un genre distinct , etils fournissent à l’anato- mie comparée de nouveaux élémens, par le mode de structure particulier de leur appareil respiratoire. Ces petits animaux, qui se trouvent dans l'Océan Atlantique, loin des côtes, et que je désignerai sous le nom ( 452) générique de Tuaysanopopes, ressemblent, par leur forme extérieure, aux Mysis (voy. PJ. x1x). Leur corps présente les mêmes divisions que chez les Décapodes macroures ; Ja carapace qui recouvre la tète cache aussi tout le thorax, et l'abdomen , dont la longueur excède beaucoup celle du céphalo-thorax, est étendu en arrière , et se compose de sept segmens , dont les trois médianes présentent à leur bord postérieur et supérieur une petite épine diri- gée en arrière. La carapace est lisse , et se termine anté- rieurement par un petit rostre pointu , qui n’atteint pas le niveau de l'extrémité des yeux , dont les pédoncules sont gros et courts. Les antennes , au nombre de quatre, s’insèrent sur deux lignes, et leur longueur est à peu près égale; les supérieures ont un pédoncule recourbé à sa base pour recevoir les yeux, et composé de trois articles cylindroïdes ; enfin , elles se terminent par deux uüges filiformes assez longues. La base des antennes infé- rieures est recouverte par une longue écaille lamelleuse, dont l'extrémité et le bord interne sont ciliés; leur tige terminale ne présente rien de remarquable. La bouche , située à peu de distance du point d'insertion des antennes inférieures , est entourée, comme d’ordi- naire, d’un labre assez gros, d’une languette bifide, et d’une paire de mandibules : ces derniers organes sont armés , sur leur bord interne , de quelques dents aiguës, et portent un palpe court, aplati, et divisé en trois arti- cles. Deux paires de màchoïires entrent également dans la composition de l'appareil buccal , et sont appliquées sur les mandibules et la languette. Celles de la première paire n’offrent rien de remarquable. Les secondes sont composées de trois articles lamelleux, dont les deux premiers sont bilobés du côté interne ; on n'y voit au- cune trace de ce grand appendice foliacé qui existe tou- jours au côté externe de ces organes chez les Décapodes, et qui sert au mécanisme de la respiration ; leur forme et leur structure sont absolument les mêmes que chez les Squilles , les Alimes , etc. Les huit paires de membres thoraciques qui suivent les mâchoires, et qui correspon- dent à la fois aux pieds-màchoires et aux pieds ambu- latoires des Crustacés décapodes, ont ici tous la même (453 ) forme et les mêmes usagés ; aucun d’eux n'entre dans la composition de l'appareil buccal , mais tous servent à la locomotion. Ces pattes, à l'exception de ceïles de la dernière paire, sont longues , grèles et bifides , comme chez les Mysis; leur article basilaire, gros et court, porte en dedans une longue tige, garnie de poils nom- breux , et, en dehors, un palpe composé de deux pièces, dont-la dernière est mince , lamellaire , et ciliée sur les bords. La longueur de ces pattes natatoires augmente un peu depuis la première jusqu'à la cinquième paire , puis diminue; enfin, celles de la huitième et dernière paire manquent de tige interne, et ne consistent que dans la branche exterue ou palpe. Les cinq premiers segmens de l'abdomen supportent aussi de petites pattes natatoires formées d’un pédoncule cylindrique portant deux lames allongées et ciliées sur les bords, dont l’in- terne , moins longue que l’externe , présente à son tour un petit appendice cylindrique. Enfin , les membres du sixième anneau de l'abdomen, et le septième segment devenu lamelleux, constituent une nageoïre en éventail, dent la pièce médiane, étroite et pointue, se termine par trois épines acérées ; et les latérales, également étroites , sont garnies sur les bords de longs poils. Jusqu'ici l’organisation de nos Thysanopodes a la plus grande analogie avec celle des Mysis, et ne diflère pas beaucoup de celle de certains Salicoques; mais, si l’on examine la structure de l'appareil respiratoire de ces Crustacés, on verra qu’elle s'éloigne considérablement de tout ce que l’on connaissait encore. Chez les Décapodes, les branchies sont renfermées dans une cavité spéciale , située de chaque côté du tho- rax, et se composent de deux gros vaisseaux sanguins, sur les côtés desquels on trouve un grand nombre de lamelles empilées les unes sar les autres, ou de petits cy- lindres simples, implantés comme les poils d’une brosse. Chez les Thysanopodes, au contraire, les branchies ne sont pas renfermées dans des cavités respiratoires, mais sont situées à l'extérieur du corps, et flottent libre- ment dans l’eau qui baigne Panimal. La structure de ces. organes ne ditlère pas moins de ce qu'on voit chez les (454) Décapodes ; car chacun d'eux est formé d’une espèce de üge , d’où naissent à angle droit un certain nombre de branches latérales , dont le bord inférieur est garni à son iour d'une série de longs filamens cylindriques. Le nombre de ces branchies , qui ressemblent à des pana- ches rameux , est de seize; elles sont fixées à la base de chacun des huit membres thoraciques qui servent à la natation , et leur grandeur augmente progressivement d'avant en arrière (voyez PI. xix, fig. 6, 7 et 8). Si l’on compare maintenant ce mode d'organisation de l'appareil respiratoire des Thysanopodes avec celui que nous présentent les Squilles, on sera frappé de la ressemblance qui existe entre les branchies de ces Crus- tacés. En eflet, chez les Squilles comme dans le genre nouveau que nous venons de faire connaître, ces organes sont externes , et flotient dans l’eau ambiant; enfin, ils sont aussi en forme de panache, et ils se composent d’un pédoncule conique , d’où part une rangée de tubes cy- lindriques , qui à leur tour donnent naissance à de nom- breux filamens. Mais , chez les Squilles, c’est à la base des pattes natatoires fixées sous l'abdomen que les bron- ches s’insèrent , tandis que, chez les Thysanopodes, ces espèces de franges respiratoires sont suspendues aux pattes thoraciques (1). Des recherches anatomiques, que nous exposerons ailleurs , nous ont convaincus que c’est dans l’organisa- tion de l’appareil respiratoire qu'il faut chercher les premières bases de la division des Malacostracés à yeux (r) Voici , en peu de mots, les caractères les plus saillans qui distin- guent le genre Thysanopode des autres Malacostracés à yeux pédon- culés : Carapace recouvrant tout le thorax; huit paires de pattes natatoi- res bifides, dont la branche externe est formée au moins de deux arti- cles bien distincts, et dont la base donne insertion à une branchie ramifiee en forme de panache. J’appellerai Thysanopode tricuspide l’espèce que j'ai décrite ci-dessus, à cause des trois épines qui terminent la lame médiane de la nageoiïre caudale, (455 ) pédonculés en deux ordres, qui portent les noms de Décapodes et de Stomapodes. D’autres caractères d’une moindre importance viennent confirmer les coupes ainsi établies ; mais c’est seulement d’après ces considérations qu'on peut tracer des limites rigoureuses et naturelles entre ces deux groupes. Aussi est-ce d’après ce principe que nous chercherons maintenant la place que les Thy- sanopodes doivent occuper dans nos méthodes. Nous avons vu combien l’organisation de l’appareil branchial de ces animaux s'éloigne de celle des mêmes organes chez les Décapodes ; nous ne pouvons par con- séquent les ranger dans cet ordre sans y introduire des élémens disparates, ce qui serait contraire à l'esprit de toute classification naturelle; mais il n’en sera pas de mème si nous placons nos Thysanopodes dans le groupe qui renferme les Squilles. Le principe de la subordina- tion des caractères , établi depuis long-temps par M. Cu- vier, conduit à adopter cette marche; car, sous le rap- port de l’un des appareils les plus importans de léco- nomie animale, ces Crustacés ne diffèrent que peu entre eux. Chez les uns comme chez les autres, les branchies ont une position analogue, et leur structure est la même; tandis que, chez les Décapodes , tout est différent. Nous n’hésiterons donc pas à placer les Thysanopodes dans l’ordre des Stomapodes; et la disposition des membres thoraciques fournit des caractères d’une im- portance secondaire, qui viennent à l'appui de ce rap- prochement. En effet, chez tous les Stomapodes , l’ap- pareil buccal ne se compose essentiellement que des mandibules et des mächoires, et les huit païres de mem- bres qui font suite à celles-ci servent comme organes de préhension ou de locomotion (1). Il en est de raêème chez les Thysanopodes , tandis que , chez les Décapodes pourvus de branchies intérieures, il n’y a jamais plus de cinq ou six paires de pattes ambulatoires ou préhensiles, et les deux ou trois premières paires de membres thoraci- (1) À moins toutefois qu'ils ue soient réduits à l’état rudimentaire, comme cela se voit pour les pattes-mächoires antérieures des Phyllo- somes. ( 456 ) ques qui suivent les mächoires entrent dans la composi- ton de l'appareil buccal, et se transforment en pieds-mà- choires. La structure des mächoires de la seconde paire, considérée d’une manière comparative chez les Décapo- des et les Sitomapodes , vient encore à l'appui de cette manière de voir. En efïet, chez les premiers elles por- tent toujours à leur côté externe une grande lame qui agit à la manière d'une valvule à registre, et sert au mécanisme de la respiration , tandis que, chez les Sto- mapodes , on ne trouve rien de semblable. Les Thysa- nopodes sont dans le mème cas. On cbjectera peut-être que l’analogie qui existe entre les Mÿsis et les T'hysanopodes est trop grande pour qu'ou puisse placer ces derniers dans l’ordre des Stomapodes, tandis que les premiers se trouvent dans celui des Déca- podes. En eflet, ces deux genres se tiennent par une multitude de liens, et leur ressemblance est si grande , qu'à moins d'examiner leurs organes respiratoires , il faut descendre à des détails minutieux pour les distin- guer. Mais les Mysis doivent-ils réellement faire partie du groupe naturel auquel on les rapporte? Les zoolo- gistes ne sont pas entièrement d'accord sur ce point ; jusqu'ici aucun anatomisie n’a cherché à décider la question par l'examen des organes qu’il importe le plus de connaître pour arriver à la solution de la question, et on ignore complètement la structure de leur appareil respiratoire. Si l’on dissèque un de ces petits Crustacés sous une forte loupe , on voit que la carapace ne recouvre pas les derniers segmens du thorax , tandis que, sur les autres anneaux, il descend jusqu'à la base des pattes, et en- caisse les flancs ; disposition qui tient pour ainsi dire Île milieu entre ce qui existe chez les Décapodes à pattes onguiculées et la plupart des Stomapodes. Mais, si l’on enlève cette partie latérale de la carapace, on ne trouve pas de branchies au-dessous ; les flancs sont parfaite- ment lisses , et ne donnent attache à aucune espèce d’ap- pendice. Enfin, il n’existe à la base des pattes aucun organe respiratoire, el le seul appendice que Il on puisse regarder comme un dernier vestige de l'appareil bran- (457) chial, est une petite lame flabelliforme , fixée à la patte- mâchoire de la première paire. Sous le rapport des organes respiratoires, les Mysis diffèrent donc complètement des Décapodes proprement dits , et ressemblent au contraire à certains Stomapodes également dépourvus de branchies. D’autres particula- rités de leur organisation les rapprochent aussi de ces derniers Crustacés, et nous croyons par conséquent , qu'ainsi que les Thysanopodes, ils doivent prendre place dans le groupe naturel des Siomapodes. La structure d’un genre nouveau de Schizopodes , établi dernièrement par M. Thompson sous le nom de Cynthia, vient encore confirmer ce rapprochement entre les Crustacés dont nous venons de parler et les Stomapodes. En effet, ces animaux, dont la forme géné- rale diffère à peine de celle des Mysis et des Thysano- podes, sont dépourvus de branchies thoraciques, mais présentent à l'extrémité de l’article basilaire de chacune des pattes natatoires de l'abdomen un appendice mem - braneux, que, d’après un examen attentif, nous n’hé- sitons pas à regarder comme une petite branchie. Sur les membres du premier segment de l’abdomen, cet organe est presque rudimentaire; mais, sur ceux des quatre anneaux suivans, il a la forme de deux filamens cylindriques assez longs, réunis sur un pédoncule com- mun, et enroulés sur eux-mêmes. Le mode d'insertion de ces branchies est le même que chez les Squilles, et leur structure ne diffère pas essentiellement de ce qu’on voit chez les Alimes, où les premières fausses pattes abdominales présentent des appendices respiratoires rudimentaires. Quant à ces Crustacés singuliers dont M. Thompson a formé le genre Lucrrer (1), et que ce naturaliste place anssi dans la famille des Schizopodes , bien que les pattes ne soient pas bifides, je me suis assuré qu'ils (1) Ce serait trop m'éloigner du sujet principal de ce Mémoire , que de donner ici la description de ces divers Crustacés, que M. Rey- naud a également recueillis pendant son voyage à bord de {a Chevreite: mais ous y reviendrons dans une autre occasion. (458 ) sont dépourvus de branchies comme les Mysis ; et, sui- vant moi, ils doivent également rentrer dans l’ordre des Stomapodes. En résumé , nous voyons donc : 1°. Que chez les Mysis, les Cynthia, les Thysano- podes et les Lucifers, de même que chez les divers Crus- tacés déjà placés dans l’ordre des Stomapodes, il n'existe jamais de branchies semblables, par leur structure , à celles des Décapodes , et logées dans une cavité respira- toire , situées de chaque côté du thorax comme chez ces derniers ; et que, lorsque ces animaux sont pourvus d’érganes spéciaux pour la respiration , ces organes sont extérieurs , et plus où moins ramifiés ; 2°. Que les Cynthia et les Alimes portent ces organes suspendus aux pattes natatoires de l’abdomen , comme les Squilles, mais réduits à un état plus ou moins rudimentaire ; 3". Que chez les Thysanopodes , les branchies sont au contraire très-développées , et ont la forme de pana- ches touffus, comme chez les Squilles, mais qu'au lieu de s’insérer à l’abdomen , elles sont suspendues au thorax ; 4°. Que chez les Mysis et les Lucifers, de même que chez les Phyllosomes, etc., il n'existe plus de branchies, et que c’est probablement par la surface générale du corps que la respiration s’eflectue. Les faits que nous venons de rapporter nous portent aussi à penser que ces divers Crustacés doivent rentrer dans l’ordre des Stomapodes , qui comprendra alors tous les Malacostracés à yeux pédonculés, n'ayant pas de branchies intérieures logées dans une cavité située de chaque côté du thorax (1). Dans ce groupe on trouvera, (1) En adoptant cette manière de voir, il faudrait distribuer les Sto- mapodes en quatre familles ; savoir : les Mysiens, les Thysanopodiens, les Squilliens etles Phyllasoniens. Les deux premiers établissent le passage entre les Décapodes et les Squilles , ainsi que les Phyllosomes ; mais , si l’on voulait classer les divers Stomapodes suivant la compli- cation plus ou moins grande de leur organisation , il faudrait placer à ( 459 ) il est vrai, des animaux dépourvus d'organes spé- ciaux pour la respiration , et d’autres portent des bran- chies dont la position et la forme varient beaucoup, tandis que , dans l’ordre des Décapodes , la disposition de l'appareil respiratoire sera toujours la même. Mais cela ne doit pas nous étonner ; car la science possède déjà un grand nombre de faits de même nature. l'extrémité mférieure de la série les Mysis et les Phyllosomes , et ranger sur deux lignes parallèles Les genres où la respiration s’est localisée et est deyenue l’apanage d’organes spéciaux, au lieu de s’opérer par la surface générale du corps. Les Thysanopodes, dont les branchies sont thoraciques , formeraient alors le passage eutre les Mysis et Les Salico- ques , tandis que les Cynthia lieraient les premiers avec les Squilles. Enfin , on passerait également des Phyllosomes aux Squilles, par l’iu- termédiaire des Alimes. Ainsi, l’une des branches de l’ordre des Sto- mapodes irait se joindre aux Salicoques , pour se continuer jusqu'aux Crustacés les plus élevés dans lécheile , tandis que l’autre branche s’arrêterait aux Squilles. Si l’on divise de la sorte les Crustacés à yeux pédonculés , ou Mala- costracés podophthalmes de M. Leach, d’après la présence ou l’absence de branchies fixes sur Les côtés du thorax, et renfermés dans une cavité spéciale formée par les côtés de la carapace , on n’aura plus d’incerti- tude sur la place que doit occuper un genre très-curieux, que Bosc a établi sous le nom de Zoé, et que les naturalistes ont rangé tantôt parmi les Décapodes, tantôt parmi les Entomostracés. En effet, un examen attentif de ces petits animaux m’a convaincu que, non-seule- ment. leurs yeux sont portés sur des pédoncules, mais aussi que de chaque côté de leur thorax il existe sous la carapace une cavité respi- ratoire renfermant des branchies, semblables, par leur structure et leur position , à celles des autres Macroures. IL est donc évident , pour moi , que le Zoé est réellement un Crustacé de l’ordre des Décapodes : M. Thompson assure que cet animal n’est autre chose que le jeune du Crabe commun. Cette opinion ne me paraît pas soutenable; mais néanmoins il serait possible que les Zaés observés jusqu’ici ne soient pas des animaux adultes ; et alors il se pourrait bien que, par les pro- grès de l’âge, ils deviennent assez semblables aux Megalops. Question que nous nous proposons de traiter plus au long dans une autre occasion. ( 460 ). En effet, chez les Décapodes, la structure des tégu- mens est telle, que l'influence vivifiante de l’oxigène ne peut se faire sentir à travers l'enveloppe dure et épaisse qu'ils fournissent à toutes les parties du corps ; et, par conséquent , le rôle que jouent les branchies est de la plus haute importance. Or, des exemples nom- breux ont appris qu’en général plus un organe est essen- tiel à la vie, plus sa structure est uniforme. Chez les Stomapodes, au contraire, les tégumens , devenus minces et plus ou moins membraneux, n’oppo- sent pas d'obstacles invincibles à l’action de l’oxigène sur le sang par tous les points de la surface du corps , et les branchies deviennent d’auiant moins nécessaires à l'entretien de la vie, que cette respiration cutanée est plus active; aussi ne tardent-elles pas à devenir rudi- mentaires , puis à disparaitre complètement, et, en éprouvant ces dégradations successives , elles présentent des modifications diverses. Il en est de mème pour la plupart des organes, lorsqu'ils ne sont pas d’une utilité bien grande äans l’économie animale. On rencontre alors à chaque pas des anomalies plus ou moins fortes , et il semblerait que la nature, lorsqu'elle commence à localiser les fonctions, marche pour ainsi dire en täton- nant, essaie divers modes de structure, et choisit ensuite, pour ne plus s’en départir, celui qui est le plus propre à atteindre le but qu’elle avait en vue. EXPLICATION DE LA PLANCHE XIXe Fig. 1. THYSANOPODE TRICUSPIDE grossi; la ligue placée au-dessous en. indique fa grandeur naturelle, — €, pattes de la première paire, cor- respondantes aux pattes-mâchoires antérieures des Décapodes ; b, pattes de la septième paire; a, pattes de la huitième paire. Fig. 2. Mandibule vue au microscope. Fig. 3. Languette. Fig. 4. Mächoire de la première paire. Fig. 5: Mächoire de la seconde paire. à Fig. 6. Patte de la première paire, ayant à sa base une petite branche rameuse. Fig. 7. Patte de la septième paire , avec sa branchie. Fig. 8. Patte de la huitième paire, réduite au palpe ou branche externe. Fig. 9. Fausse patte abdominale. Fig. 10. Nageoire caudale. FIN DU DIX-NEUVIÈME VOLUME. TABLE PLANCHES RELATIVES AUX MEMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME, —— 9 ——— PI. r. Génération du Séchot. PL. 2. Carte de la direction de quelques systèmes de montagnes. PI. 3. Coordination des âges des dépôts de sédiment et de certains systèmes de montagnes. PL. 4: Développement du Ceratopteris , et bulbille du Malaxis palu- dosa. PI. 5, Væœmaspora et Libertella. PI. 6. Coupes géologiques des Ardennes, PL. 7. Rita-Cristina. PL.8,9, 10, 11. Crustacés. PI. 12. Comparaison des Mollusques et des animaux vertébrés. PI. 13. Theligonum Cynocrambe. PL 14, 15, 16. Vues du Pic de Ténériffe. PI. 17. Vues de l’île de Palma , et de Barren-Island. PI. 18. Siilbum æruginosum et Fusisporium Betæ. PL 19. Thysanopode tricuspide, Edw. FIN DE LA TABLE DES PLANCHES, TABLE MÉTHODIQUE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. = ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE ANIMALES, ZOOLOGIE. Pages, Rapport fait à l'Académie des Sciences, par MM. Fourier et Duméril, sur un Mémoire intitulé : De l’[nfluence de la tem- pérature sur la mortalité des enfans nouveau-nés, par MM. 7'i- lermé et Milne Edwards. 110 Sur quelques Circonstances de la naissance, de la vie et de la mort de la fille bicéphale Rita-Cristina; par M. le docteur Martin Saint- Ange. 155 De la Génération chez le Séchot ( Mulus gobio); par M. le docteur Prévost. 165 Note sur un Charanson de l’Ile-de France ; par M. Desjardins. 240 Considérations sur les Mollusques, et en particulier sur les Céphalopodes ; par MT. le baron Cuvier. 247 De l’ergot du Maïs, et de ses effets sur l’homme et sur les ani- maux ; par M. Roulin. 279 Mémoire sur les Vices de conformation du rein , et sur les varié- tés qu’il présente dans sa structure chez les Mammifères, et dans ses formes chez les Oiseaux; par M. le docteur Martin Saint- Ange. 306 Description des genres Glaucothoé, Sicyonie, Sergeste et Acète, de l’ordre des Crustacés décapodes ; par M. H. Mine Edwards. 333 (463) Mémoire sur les Rapports de volumes des deux sexes dans le règne animal ; par M. Ch. Girou de Buzareingues. Recherches anatomico-pathologiques et chimiques sur la Matière colorante du placenta de quelques animaux; par M. Gilbert Breschet. * Mémoire sur une disposition particulière de l’appareil branchial chez quelques Crustacés ; par M. H. Milne Edwards. ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALES , BOTANIQUE. Note sur le Pteris cornuta de Palisot-Beauvois , espèce du genre Ceratopteris ; par M. Le Prieur. Sur les feuilles du Halaxis paludosa; par M. J. S. Henslow. Monographie du genre Væmaspora des auteurs modernes , et du genre Libertella; par M. J. B.H. Desmazières. Expériences sur la Génération des Plantes; par M. C. Girou de Buzareingues. Description du Theligonum Cynocrambe ; par M. le professeur Delile. Iconographie de deux Plantes cryptogames à ajouter à la Flore francaise ; par M. J. B. H. Desmazières. Observations sur le nouveau genre Melanorrhæa, où Arbre à vernis des Birmans, avec des Remarques sur les genres dont il se rapproche; par IV. Wallich. MINÉRALOGIE ET GÉOLOGIE , CORPS ORGANISÉS FOSSILES. Recherches sur quelqwes-unes des Révolutions de la surface du globe , présontant différens exemples de coïncidence entre le redressement des couches de certains systèmes de montagnes, et les changemens soudains qui ont produit les lignes de dé- marcation qu’on observe entre certains étages consécutifs des terrains de sédiment ; par M} Elie de Beaumont. 5 ét Notice géognostique sur quelques parties du département des Ardennes et de la Belgique; par M. Rozet. Rapport sur deux Mémoires de M. l’irlet, relatifs à la Géologie de la Messénie, et notamment à celle des environs de Modon et Pages. 353 © un © 438 ( 464 ) Pagos. de Navarin, fait à l’Académie royale des Sciences, par M. Alexandre Brongniart. 259 Sur les Formes etles Relations des Volcans , d’après M. Zéopold de Buch, et particulièrement d’après sa Description physique des îles Canaries. ( Extrait par M. Ælie de Beaumont. ) 390 Note sur la Formation d’un lac dans le département de la Drôme ; par M. de Gasparin. 424 MÉLANGES. Remarques additionnelles sur les Molécules actives ; par M. R. Brown. 104. Rapport fait à l’Académie royale des Sciences sur le Voyage de M. d'Urville; par M. le baron Cuvier. 287 FIN DE LA TABLE DES MATIÈRESs Apres Je nat. Tom 19 . 7° y Generation du Sechot . Annales des Science. ES DE MONTAGNES . V4 ARE) Q FL Tinne Danube Î HONGRIE de M! Deudant. haakbns S d'ur Jaone y Has £-Srope et Zenore . 2. Dumened Pérextt. Dép asanraranre ane s || .«- Apennei eme /}/ (ere Tord-J'ud comprenant ANR late vrmnemats tin alter la Corse, la Sardaigne. ete. de txt tacre vrincrrde As pes. DES DIRECTIONS 6 Joeroes" naturelles . To HONGRIE de M Beudant. L A Jehro © o Picence e /erone AE Fentoux ar de luae W/ furteron En pe a : TE La | 5.4 (12 Victodre u =] AT Braun F ue France. JZreues Convnunes de 272 25 à L 70 20 MA. l'autel trope el Zënore. . Toyex Les Cartes de P. Durnéncl Pere Est de Paris: > d'Or etdu Lilas: scmsmmmmms/}/ {71e — _ ), lenne " 0 à + mn lemme du ire + mme" /0nre de L'hragebge; de la Ce mm 071 de mmmmmms./}y "(ere des {pes Overtentrles enenen /}/u' En 1e Word.Jud comprenent Apennut : la Core. la Sardaigne. ete. Pyrenepsz fx Charte p encre des Hpas . FOLDOUT BLANK 7 ——————————— A 1 on un Tan e Æ _ =. 2 [ ; ; n embramant sou | L le dactémme du dprtème comprenant dprtéme comprenint dpctème comprenant ane comprenant arte comprenant eme comproure b ts | Collnes tu Pacty RARE AUS Pan CPL OM tr Pretrgne elite L'Erspébtrge. ln Côte d'Or de Pyrrnées Fer Her de Conre Ctuntos laps Dis LL La Fenie, le Morin vtr le Pitars | # et le point de vue de vaste étendues du étallitères te Ja fpenncns pes Occritentrter et ile Srrbrigne Wancetllei Zurich) da Chaine prinepute dos Hp ue Phi en Autrrehe À ae,les Aprantne, alles Condiliéres da Mexique Sales v'augno & encore dns iles ouvrages 4r sclan l'âge des fomalions (HUMNOUN bpenhnee tes Fsrmutrens Ænner és = gate rue le gyérementutes Rocher dans le domr Miomgplérne, Paye 48.) EE E] PRE mentir 0 Crée vert Zérraime Tértatres 6 Vantenae ont le place ne ke nsttées lels + Car fe Max hmient entr moffontions yue sAmgenrient 4ffsitemrent on point d hrmitniet yhe VE Ténorbur Tertiirtres Lénine cle Thngrort Pérevnbé de Lrunapurt Tr RATES 720727 cb Crue Zpfirieurs je fier anatrement en diem v ESSAL D'UNE COORDINATION D AGES RELATIFS DE Barémse le Nonbrgnoe figuré dt CERTAINS DÉPÔTS DE EDIMENT ET DE CERTAINS SYSTÈMES DE tte svbrtine argredles ae renau per MONTAGNES AYANT CHACUN LEUR Pénamiéne dde rot de gurtehe à ovite Euprèc 4 DIRECTION . dbovritian grue s'est avéré dame ehireee cents fée Conrhe ES Ann :des Je-nat: Tom’ 19 . 71: 4. P.Dumenil Dirextt. À Developpement di C CralopleTtS cor'rttlx B Arlbiller du Malatvis paludosa Ann.des Je.nat. Torn . AIX . F1 IV Ÿ 2 NS 2ù 5 0 2 UT AS Pa PERS 2 2 cù LS NA 5 PS, e% 1 D S SR PS o8 Il | ZAR SZ à N UN EN RS +0 Ÿ DÇ0 | Q D) ee \ | ) | RE DIT OT TS « : | È 2 © © ocre © o COTE Eee o °o ° ‘ = 000. 99 0 o DS 080 © o$e 0, 06 9, 000 5 00 © o © Li °095 0e O1 © 9 370 à 88028 o ° CERTES #4 99 9 0 SV 06090 © 990 ° 50 0, ° 9 do oe 9 Lo. 8 S 2% co, , 00 90 « As + se 88 © 00 °go , God 94 9 0% 9 9% oo 50,0 00° 0, AR 0 | LL oporihes du Neriagport marospore. IL orcher du Nemeaspore trcarrale IL Jporutes du Nerraspora crocea . IV Jporches du Libertella Betulina . V_ gporidies du fiber tell laginea VE Jorities de Libertella Dose Ann. des Se. naturelles Tor 19. 21. 6 J\ireux Jehasles te: cs Cres rouge Caleatre not 272 \ Cres rouge Quarsiles et lan | Pram#et foudinques | Grès à-gros grains É t É À Burnot Caleaire noir Calatre Bassin Houller de. FU SRE Flaune LF'Thullere = | j : : | Calcatre}) Ro te ESA /0rrial L ve 1 —- ” Cal Trot Fc avec Phlan r ouillere » 776." Cal gris € an Jéherces C oupes Geolbgiques des Ardennes . LA hoxec f{ Ann .der Jécencer nat. Tom. 19. la - Cristina - FE: 7: el Ann des Se nat: 10m : 19 : PU. Glaucothoe de Lrron. Clatwothoce Peront. Le. Ann. des Jecences Nat. Tom:10 . Ï Pt NE Genre Ju Yonte Ed [La 4e sd : > rails dr Cite Clef te RE See he RS der À ms CS. à ss Ann. des Je. nat. Zom . 19. 1.20. Jergerte- langue? Jergerles Aulardicics : Edo Ann. des le. nat. Tom. 19 . LE: Acele Lan Aceles Lrdicies , Lo . és éd: lan. nv E-mr msCs dun Dont fn ne mes. + PP PT. Cf pute A en ner en 3 Ann ae Je ral. Zom 1 Lire, ÉERCISPEN PE TRES EST PTE 4 ” x ons pe er RÉ dr nc COTE 2 a Ca Ar nd) RE qu dar Jrtencar natur Tom . 19. = f CF à © Fig . 29 (À \S 29 EVARA VA US 9 é LA TUE AAC \ J 4 Se UE ) (= 47 ji PL. Dument Dtrexii Zhehgonan Cnocrambe % L 2 E l ) { Æ N7 il 1 NT Ê I EN LIEV T SO Ann des Se naturelles tom S EN hu I HA MOTINTI DNA TE NÉTRIF FE ÆT DU CRATERE DE SOULEVEMENT OUALLA NTUTRE à PL, LA 22 À ft ANOHVEH AC LA ARIRIMIR LL HT Tdi DC MMA VAFLONMO.T 4Q IMMO (Id A À (Î QE AS ALL" VA M ARTE AI Fe | LE DE PALNA . Lith 5 Fr w: Ex IS DIE NICOBAR . RS es | Ann. des Se natireller tom. VUE DU CR ATERE DE SOULEVEMENT DE L'ISLE DE PALMA , Lithe de MI VWoël, x: Dauphine, 44 - Marche. F° VUE IDÉ BARREN-ISLAND AU NORD DES ISLES DE NICDBAR . Ann. des Je.nat. Tom .AXIX. I c 1 J'élbumn œruginosurr Des. Le I lits poruun ele Dern. Lhassanopode Lriusvite. Lt. ç V4 7/4 ( 17 «te: (72 fi fs AU ti S HAN BH ra