+ à r, Liste m8 Der ï ete RES E x sr “+. | Fe a £ tenir | RENE NES £ : THAT Es L4 fhasits MSN DRE oi HOUCSE vjést A ed re RDS » 0 arise RATER EN vSA Aa WAVE Ex Ap SAT ges rx #" n RP RE Me Jens PS > GES API Se EE oran cr acheretth AE part ANNALES SCIENCES NATURELLES. TROISIÈME SÉRIE. LOOLOGIE. 7. j ï : | PANIMAUTA # à | PARIS, — IMPRIMERIE DE BOURG k. L Z.P. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE , L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉES DES DEUX RÈGNES , ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES ; RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIE PAR M. MILNE-EDWARDS, ET POUR LA BOTANIQUE PAR MM, AD. BRONGNIART ET J, DECAISNE. troisième Gérie. ZOOLOGIE, TOME DEUXIÈME. PARIS. FORTIN, MASSON ET C*, LIBRAIRES-ÉDITEURS, PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE, 1. 184 : oi L ADOIOOK * + * | LL RUE deg res ANNALES DES SCIENCES NATURELLES. PARTIE ZOOLOGIQUE. soc RECHERCHES Sur les mœurs, les métamorphoses, l'anatomie et l’'embryogénie d’un petit insecte coléoptère ( COLASPIS ATRA Latr.) qui ravage les luzernes du midi de la France : suivies des procédés à employer pour le détruire ; Par M, JOLY, Professeur de zoologie à la Faculté des Sciences de Toulouse. (Mémoire présenté à l'Académie des Sciences, le 46 février 4844.) AVANT-PROPOS. Déjà inscrit par Olivier de Serres au nombre des Bestioles enne- mes de la luzerne (1) , mais à peine connu des naturalistes , il y a une vingtaine d'années, le petit Coléoptère qui fait l’objet de ce travail s’est répandu avec rapidité dans plusieurs de nos départements méridionaux, et il y exerce aujourd’hui des ravages tellement considérables, que les Sociétés d’agriculture se sont émues de ses attaques, et ont cherché divers moyens pour le détruire. Or, comment parvenir au but qu’on se propose , si l’on ne connaît pas l’ennemi qu'il s’agit de combattre? Nous avons donc pensé qu’en le prenant ab ovo , etle suivant dans toutes les périodes de son existence et à travers toutes ses transformations , (1) Théâtre d'agriculture, p. 244, Genève, 1651. 6 JOLY. — SUR LE COLASPIS ATRA, nous ferions une chose utile à la Science en général , et particu- lièrement à l’Agriculture , cette mère de toutes les sciences et de tous les arts : c’est ce motif qui nous à engagé à esquisser lhis- toire qu’on va lire. Notre travail sera divisé en trois parties bien distinctes. La première comprendra l'historique des travaux, dont le Colaspis a été jusqu’à présent l’objet ; La deuxième sera consacrée à l’étude des mœurs et à la des- cription de cet animal sous ses quatre états : d’œuf , de larve, de nymphe et d’insecte parfait ; Dans la troisième enfin, seront exposés les moyens employés ou à mettre en usage pour s’opposer à ses dévastations. $ [. — PARTIE HISTORIQUE. Il est hors de doute qu'’Olivier de Serres a connu la larve du Colaspis atra ; en effet, dans son T'héâtre d'agriculture , il nous parle des petites Chenilles noires appelées BABoTEs, qui s’engendrent quelquefois à la seconde herbe de cette plante (la luzerne) , et qui la périssent, la faisant dessécher. « L’unique remède à ce mal, con- » tinue Olivier de Serres, est de faucher l’herbe incontinent qu’on » s’apercevra la cime d’icelle se blanchir ; ce qui est à l’arrivée » de ces Bestioles , sans en attendre la fleur. Car par telle coupe , » avec l'herbe les Babotes se meurent du tout; dont le jet ne crai- » gnant plus telles nuisances, en revient abondant et beau (1). » Fabricius est, à ma connaissance , le premier entomologiste qui ait décrit le Colaspis à l’état d’insecte parfait ; mais sa descrip- tion est très brève, et l’auteur indique cet animal comme lui ve- nant de la Barbarie (2). Olivier l’a désigné dans l’ Encyclopédie méthodique par la phrase caractéristique suivante : Chrysomela ovato-atra, inordinate punctata, thorace posthice rotundato. (1) Théâtre d'agriculture, p. 241. (2) Systema Eleutheratorum, tom, F, p. 719, - .SOLX. — SUR LE COLASPIS ATRA. 7 D’après l’auteur de la description qui précède, cet insecte se trouve en Provence (1). Latreille n’a rien ajouté au signalement déjà si court donné par Olivier ; il dit seulement avoir recu le Colaspis atra de son ami Dargelas (2), qui le lui avait envoyé de Bordeaux (3). Saint-Amans a dit un mot de la petite Chenille noire qui dévore la luzerne ; mais il n’en à donné aucune description (4). En 1828, M. le docteur Touchy publia dans le Bulletin de la Société d'agriculture de l'Hérault un Mémoire rempli d'excellentes observations, relatives aux mœurs de l’insecte qui nous occupe. L'auteur désigne et décrit le Colaspis sous le nom d’£umolpus obscurus (5) , et il indique un procédé ingénieux pour s’opposer à ses ravages (6). | Dans les Annales de la Société entomologique de France , M. Léon Dufour a inséré une intéressante Notice, par laquelle il nous apprend que la larve du Colaspis se trouve en abondance aux environs de Saint-Philippe (Royaume de Valence), en Espagne, où elle est connue sous le nom de Cuc (7). L'auteur de cette Notice décrit brièvement cette larve et les moyens qu’on emploie pour la détruire , mais il ne parle pas de l’insecte parfait (8). La même année et dans le même recueil, M. Daube indiqua (1) Encycl. méth., article Curysomëce, p. 749. (2) On sait que Dargelas et Bory de Saint-Vincent sauvèrent la vie à Latreille, au moment où celui-ci n’attendait plus que la mort dans les prisons de Bordeaux, où il avait été transféré pendant les orages de la révolution. On sait aussi que la rencontre fortuite d'un insecte rare (Necrobia ruficollis), trouvé par Latreille sur les murs de son cachot, fut la cause première de la délivrance en quelque sorte miraculeuse de l'illustre et savant prisonnier. (3) Histoire des Crustacés et des Insectes, tom. XI, p. 392. (4) Traité élémentaire sur les plantes les plus propres à former les prawies arti- ficielles, p.13, Introd. Agen, an 11. (5) La détermination de M. Touchy étant inexacte , le nom d'Eumolpe , sous lequel on désigne assez souvent le Colaspis, doit être nécessairement abandonné. (6) Bulletin de la Société d'agr. de l'Hérault, janvier 1828, p. 5. (7) Terme générique qui signifie ver ou chenille , et qui se retrouve dans le mot couque, employé à Perpignan pour désigner une larve quelconque. (8) Ann. de la Soc. entomol. de France, t. V, p.371. 8 SOLY. = SUR LE COLASPIS ATRA, un procédé qui paraît lui avoir réussi; mais ce procédé n’est applicable qu’à l’insecte parfait (1). Deux ans plus tard (mars 1838), M, le capitaine d’artillerie Bosquet fit paraître, dans le Journal d'agriculture pratique êt d'économie rurale pour le midi de la France, un Mémoire ayant spécialement pour objet la destruction de l’insecte dévastateur ; mais on y trouvé aussi sur ses habitudes des observations très judicieuses, dont nous avons eu maintes fois l’occasion de consta- ter l'exactitude (2). En 1840, les ravages occasionnés par le Colaspis ont surtout attiré l’attention de deux agronomes distingués du Midi + l’un d’eux (M. Dupin) a suivi le procédé indiqué par M. Touchy, et s’est plu à en confirmer l'efficacité (3) ; l’autre (M, Bouscaren) nous à indiqué un moyen nouveau pour combattre et détruire l’insecte ennemi de la luzerne (4). Enfin, l’année dernière, M. Edmond de Limairac a signalé, d’après des expériences qui lui sont personnelles, les avantages qu’on peut retirer du retard de la première coupe de la luzerne; pour s'opposer aux dégâts causés par le petit Coléoptère qui la dévore ; et il a, comme M. Dupin , rendu pleine justice à l’ingé- nieux procédé conseillé par M. Touchy (5). Après toutes ces publications , on s’étonne de ne trouver dans un ouvrage spécialement consacré à l’agriculture de la Haute- Garonne , que des notions vagues et incomplètes sur un insecte que les auteurs de cet ouvrage désignent eux-mêmes sous le nom de fléau des luxernières. Ces messieurs n’indiquent pas, même en passant, le procédé dé destruction conseillé par M. Touchy , procédé, sélon nous, le plus rationnel et le plus efficace de tous ceux qui ont été jusqu’à présent mis én usage. Tels sont les divers documents que nous avons pu nous procu- rer par nos propres recherches , ou grâce à l’obligeance de notre (1) Ann. de la Soc. entomol. de France, t. V, p. xuvi. Bull. (2) Voyez le journal indiqué, t. F, 2° série, p. 70. (3) Bulletin de lu Soc. d’agr. de l'Hérault, 1840, p. 256. (4) Même recueil, même année, p. 307. (5) Journal d'agric. pratique, etc., t. VI, 2* serie, p. 129. JOLYX. — SUR LE COLASPIS ATRA. 9 illustre et bien-aimé maître, M. le professeur Dunal, La plupart de ces travaux ont, comme on voit, un but en quelque sorte tout pratique, et leurs auteurs n’ont eu nullement l'intention de re- tracer dans tous ses détails l’histoire naturelle du Colaspis atra. Au point de vue de la Zoologie, il restait donc une immense lacune à combler : c’est cette lacune que je me suis, avant tout, proposé de remplir. $S IE — PARTIE DESCRIPTIVE. Description du Colaspis atra à l'état d'insecte parfait. _ Get insecte appartient à l’ordre des Coléoptères , et il est très voisin des Chrysomèles, avec lesquelles il a été très longtemps confondu. Les caractères génériques par lesquels il se distingue de ces dernières sont si peu tranchés, de l’aveu de Latreille lui- même, que nous pensons qu'il ne devrait point en être séparé. Antennes plus longues que le corselet et moniliformes au plus à leur extrémité, palpes maxillaires à dernier article de même grosseur que le précédent ; telles sont en effet les seules marques distinctives qui ont pu engager certains naturalistes à établir un nouveau genre aux dépens du genre, il est vrai, bien nombreux en espèces des véritables Chrysomèles. Quoi qu’il en soit de la légitimité de cette division générique, nous l’admettrons sans con- teste, afin de ne pas augmenter la confusion déjà si grande et si déplorable qui tend à s’introduire chaque jour dans la nomen- clature zoologique. . Nous donnerons donc au genre Corasris les caractères dis- tinctifs suivants : | Corps ovoïde ou ovalaire, palpes maxillaires à dernier article de la même grosseur que le précédent; antennes grossissant in- sensiblement de la base au sommet, un peu plus longues que la moitié du corps, et composées de dix articles conico-cylindriques, et d’un onzième article terminal en ovale allongé ; corselet plus étroit que les élytres, très peu rebordé, arrondi postérieurement. Nous décrirons ainsi qu’il suit la seule espèce jusqu’à présent connue qui habite la France : 3° série. Zooz. T. IT. (Juillet 1844.) ts 10 JOLY. —— SUR LE COLASPIS ATRA. Colaspis barbara, Kabricius, Systema Eleutheratorum, 1. X, p. 415. Chrysomela atra, Olivier, Encyclopédie méthodique, article CHRYSOMÈEE, p. 719. Colaspis atra , Latreille, Histoire naturelle des Crustacés et des insectes, t. XI, p. 392, et Règne animal, t. V, p. 148. Léon Dufour, Ann. de la Soc. entomol., t. V, p. 371. Daube, Id. Id. Id., p. XEv1, bull. Bosquet, Journal d’agric. pratique et d'économie rurale, pour le midi de la France, t. 1, 2° série, p. 70. Edmond de Limairac, même recueil, t. VI, 2° série, p: 129. Agriculture française, dép. de la Haute-Garonne, p. 236. Eumolpus obscurus, Touchy, Bulletin de la Soc. dagr. de l'Hérault, 1898, p. 5. Dupin, méme recueil, année 1840, p. 256. Bouscaren, même recueil, même année, p. 307. Colaphus barbarus, Mégerle. Colaspidema atra, Laporte. Noms vulgaires : Eumolpe, Négrit, Canille, Bubote, Cuc. Corps ovale, d’un noir luisant, finement et vaguement ponctué. T'éte triangulaire et presque verticale ; yeux globuleux ; antennes pubescentes, fauves sur leur moitié inférieure, noires sur l’autre moitié. Bouche formée de : 1° Un labre court, quadrangulaire, légèrement échancré et garni de poils à sa partie antérieure ; 2 Deux mandibules cornées, à cinq dents obtuses à leur sommet ; 3° Deux mâchoires bifides, portant un palpe de sci articles velus, dont le dernier en ovale allongé ; h° Une lèvre quadrangulaire, garnie de deux palpes triarticu- lés, et velus comme les palpes maxillaires, Corselet un peu plus étroit que l’abdomen, arrondi postérieure- ment, à peine rebordé, et sans angles, ce qui, d’après Olivier, distingue cette espèce de toutes les autres du même genre. Écus- son demi-circulaire. Ælytres près de trois fois aussi longues que le corselet, fortement rétrécies à leur sommet, à bords repliés en dessous, Patles ayant toutes à peu près la même longueur et la JOLY. — SUR LE COLASPIS ATRA. 11 même forme, à tarses composés de quatre articles, dont les trois premiers sont garnis en dessous de pelotes velues. Le troisième article est bilobé ; le dernier est grêle, arqué, renflé à son extré- mité libre, et terminé par deux ongles crochus. Longueur du mâle, 0", 008. Longueur de la femelle avant la fécondation, 0", 004. Id. Id. au moment de la ponte, 0", 0065. Cette espèce habite la Barbarie, le royaume de Valence, en Es- pagne, et quelques uns de nos départements méridionaux (1). Maintenant que nous connaissons notre insecte tel qu’il se montre à nous à la dernière période de son existence, étudions ses habitudes, et suivons-le dans les diverses transformations par lesquelles il passe avant d’arriver à l’état d’insecte parfait, Mœurs, embryogénie et métamorphoses du Colaspis atra. S'il fallait juger de l’importance des animaux par le volume de leur corps ou par le plus ou moins d’éclat de leur parure, le Colaspis atra ne mériterait pas de nous occuper sous ce double rapport, Mais si l’on considère ses instincts et ses mœurs, si l’on assiste à ses merveilleuses transformations, si l’on songe aux dé- gâts considérables que cet être, si chétif en apparence, cause dans nos campagnes, on ne saurait nier qu’il n’ait droit à toute notre attention, et que le poëte-fabuliste qui peignit si bien la nature n’ait eu raison d'avancer que l Parmi nos ennemis Les plus à craindre sont souvent les plus petits. Si l’on conservait le moindre doute sur la vérité de cet adage, que l’on parcoure un champ de luzerne vers la fin d’avril, ou bien au commencement du mois de mai, on y verra nos petits (4) Nous ne pouvons, faute de renseignements suffisants , fixer d'une manière précise la circonscription géographique du Colaspis atra ; mais nous savons qu'il se trouve en abondance dans les départements de l'Hérault, de l'Ariége et de la Haute-Garonne. M. Léon Dufour nous a assuré qu'il se rencontre aussi, mais rarement , dans les tréflières du département des Landes. 12 JOLY. — SUR LE COLASPIS ATRA, Coléoptères occupés, les uns à dévorer les feuilles de la plante four- ragère, les autres se livrant à l’acte de la reproduction. Ce qui frappe tout d’abord l’observateur le moins attentif, c’est la diffé- rence de taille que présentent les deux individus accouplés, sur- tout si le moment de la ponte s'approche. A cette époque, en effet, la femelle est deux fois aussi grosse que le mâle ; son abdomen est tellement distendu par les œufs, que les élytres ne peuvent plus le recouvrir qu’en partie ; les ailes elles-mêmes se déplissent, afin d'occuper moins d'espace; mais la compression qu’elles subissent ne tarde pas à les priver de leur vitalité : aussi sont-elles desséchées et complétement inutiles à l’animal. Quant au mâle, cramponné avec ses pattes à la partie postérieure de cet énorme abdomen, il se laisse porter par sa femelle, et quelquefois même il ne la quitte que lorsqu’onwveut le saisir avec elle ; mais il faut, pour le prendre en cet état, user de la plus grande précaution; car, si l’on vient à remuer, même très légèrement, la tige sur laquelle est posé le couple amoureux, on voit les deux partenaires replier leurs pattes et leurs antennes, cacher leur tête sous leur corselet, se laisser tomber lourdement sur le sol, et disparaître dans ses nombreuses anfractuosités. L’accouplement dure souvent plus d’une demi- heure, et, ce qui n’est pas ordinaire chez les insectes, il se répète plusieurs fois à des intervallés assez éloignés les uns des autres (2, h, 6 jours). Du reste, on se rend parfaitement compte de cette exception remarquable, quand on songe au grand nombre d'œufs que le mâle doit féconder : aussi la ponte elle-même se répète- t-elle comme l’accouplement. Quant au nombre d’œufs pondus à la suite d’une première fécondation, il varie un peu suivant les individus (400 à 120), mais il est toujours beaucoup plus considé- rable que lors des autres pontes. Terme moyen, le nombre total des œufs pondus par chaque femelle peut être évalué à 200 en- viron. Celle-ci les dépose par groupes ou sur les feuilles de la luzerne, ou plus fréquemment dans la terre ameublie, et elle laisse aux agents extérieurs le soin de faire éclore le germe qu'ils contiennent. Examinons d’abord ces œufs, nous étudierons ensuite le déve- loppement de l'embryon, JOLY. — SUR LE COLASPIS ATRA, 13 Description de l'œuf du Colaspis atra. Les œufs de Colaspis atra adhèrent faiblement les uns aux autres, au moyen d’un suc visqueux dont la femelle enduit leur surface. Leur figure est réniforme ou elliptique ; leur couleur, jaune ; leur grand diamètre est de 0", 001 ; le petit ne dépasse pas 0", 0005. Ils sont formés de deux membranes d’épaisseur inégale, dans lesquelles je n’ai pu apercevoir de structure bien distincte. L’externe ou Chorion offre à sa surface des espèces de lignes tortueuses, irrégulières, assez semblables à des hiérogly- phes. La membrane interne ou vitelline, beaucoup plus mince et beaucoup plus transparente que la première, paraît d’abord adhé- rer assez fortement à celle-ci; mais dès que le développement du germe a commencé, elle s’en détache peu à peu, et vers le sixième jour d’incubation, elle est tout-à-fait libre et nettement distincte. Il m'a été impossible de m’assurer de l'existence de l’albumen ; ce que je viens de dire de l’adhérence de la membrane vitelline au Chorion semble indiquer assez clairement que l’œuf du Colas- pis en est entièrement dépourvu. Le vitellus, au contraire, est très abondant, et se présente au microscope sous la forme de gra- nulations ou de globules isolés, et d’un très petit diamètre. Je n’ai point vu la vésicule de Purkinje, dont Baër à cependant constaté la présence dans l’œuf de bon nombre d’insectes. Suivons maintenant, jour par jour, le développement de l’em- bryon dans l’œuf du Colaspis. Développement de l'embryon. Vingt-quatre heures après la ponte, aucun changement essen- tiel ne s’est encore manifesté : mais dès le deuxième jour, les glo- bules vitellins, jusqu'alors isolés les uns des autres, se sont réunis en masses assez considérables, de manière à former une membrane continue, un vrai blastoderme à la face ventrale du futur embryon. Vingt-quatre heures après, les deux pôles opposés de l'œuf sont devenus plus transparents que sa partie centrale. Le quatrième jour, la tête et la partie postérieure de l'abdomen commencent à Al JOLY. — SUR LE COLASPIS ATRA, se former. Ces deux parties deviennent beaucoup plus distinctes le cinquième jour, et l’on aperçoit alors les divisions de la face ventrale et les premiers rudiments des pattes thoraciques. Le sixième jour, les antennes et les organes manducateurs se détachent de la tête. La partie postérieure de l’abdomen, nette- ment segmentée , se recourbe un peu vèrs la face dorsale ; la masse vitelline diminue considérablement , les pattes sont visibles et mieux dessinées. L’œsophage, l'intestin grêle et le rectum sont en voie de formation, mais les vaisseaux biliaires n’existent point encore. La chaîne nerveuse commence à s’organiser. Dès son origine, elle se montre d’abord sous la forme d’une masse unique, renflée d’espace en espace, et, comme elle offre alors très peu de consistance, il est très difficile de l’isoler des organes environ- nants. Le septième jour, je n’observe aucun changement considérable : seulement, quelques taches de pigmentum apparaissent sur les parties latérales du thorax et de la masse abdominale. Le huitième jour, les yeux deviennent distincts, Six taches jau- nâtres disposées sur deux rangs et àssez éloignées les unes des autres, telle est alors l’organisation de l’œil du Colaspis. On aper- çoit les vaisseaux biliaires qui viennent aboutir au ventricule chy- lifique. Celui-ci est encore incomplétement formé, et il englobe “une grande partie du vitellus. L’œsophage, l'intestin grêle et le rectum existent déjà depuis deux jours; mais ils ne contiennent pas de globules vitellins et' sont d’une transparence parfaite. Neuvième jour. La chaîne nerveuse, aujourd’hui facile à sépa- rer du reste des tissus, se compose de douze ganglions sous-intes- tinaux, tous contigus, et d’un double ganglion sous lequel vient passer l’œsophage. Une ligne obscure règne sur toute la face supérieure de la chaîne ventrale, et indique la division future de la matière nerveuse qui doit former les cordons interganglion- nairés (1). Aucun filet nerveux n’émane encore des ganglions. Les (1) D'après M. Serres, cette ligne indiquerait la duplicité primitive de la chaîne nerveuse. On verra bientôt quelles raisons nous empêchent d'adopter cette opi- nion. JOLX. — SUR LE COLASPIS ATRA, 15 pattes sont assez distinctement articulées, L'animal exécute dans l’œuf des mouvements bien marqués. Dixième jour. Les taches oculaires sont devenues noires, de jaunâtres qu’elles étaient auparavant, Toute la surface du corps est couverte de longs poils d’une transparence et d’une mollesse extrêmes. Le onzième jour, les trachées apparaissent, mais elles ne sont encore que de simples tubes très déliés, ramifiés, et dépourvus de la fibre spirale qui entrera plus tard dans leur constitution. Il est probable qu’à cette époque le vaisseau dorsal existe aussi ; mais le peu de transparence et la petitesse microscopique de l’embryon ne m'ont pas permis de constater la présence de cet organe d’une manière positive. Ce qu'il y a de certain, c’est qu’on n’aperçoit dans les pattes, qui sont alors hyalines, aucun mouvement cireu- latoire. C'est à la fin du onzième, ou vers le commencement du douzième jour que la jeune larve brise les enveloppes qui la rete- naient captive. L’œuf se fend, et l'animal en sort la tête la pre- mière, Ses paites, appuyées contre l’intérieur de la coque, lui servent à en retirer le reste de son corps. À peine est-il devenu libre que ses poils s’étalent, et qu’il commence à faire usage de ses organes locomoteurs, Indépendamment des pattes thoraciques, il possède encore deux paires de fausses pattes et un mamelon ter- minal qui lui sert tout à la fois d’organe de préhension et de lo- comotion. La larve qui vient d’éclore est de couleur jaunâtre, mais elle ne tarde pas à brunir, et au bout de quelques heures, elle est d’un noir luisant, Dès ce moment jusqu’à l’instant de la nymphose, elle ne fera plus que changer de volume, mais aucun de ses organes ne se modifiera d’une manière essentielle. Nous pouvons donc comprendre sous une même description et la larve qui vient de naître, et celle qui est parvenue à son complet développement. Les légères différences qui les distinguent sont indiquées dans nos dessins, (Voy. pl. 3, fig. 5 et 27.) 16 JOLYX. — SUR LE COLASPIS ATRA, Description de la larve du Colaspis atra. Comme celui de la plupart des larves de Ghrysomélines, le corps de la larve du Colaspis atra est allongé , terminé en pointe à son extrémité postérieure et composé de treize segments, non com- pris le segment terminal que forme le mamelon ou pied postérieur dont nous avons déjà parlé. La tête est écailleuse, arrondie, presque sphérique, et munie de très petites antennes de troisarticles très courts. La bouche se compose : 1° D'un labre corné, en forme d’hémicycle échancré dans son milieu. Une membrane mince l’unit au front, 2° De deux mandibules également cornées ; et garnies de dents aiguës, 9° De deux mâchoires courtes, velues, portant un palpe de quatre ou cinq articles peu distincts. l° Enfin, d’une lèvre à la face inférieure de laquelle on distingue deux palpes labiaux, remarquables par leur extrème brièveté, Les pattes thoraciques, assez longues relativement au reste du corps, sont portées sur des segments plus larges que ceux qui les suivent. Tous ces segments, à l’exception du céphalique et du pro- thoracique, sont munis, surtout à leur face dorsale, de tubercules noirs et saillants, sur lesquels s'élèvent des poils dont la plupart vont en divergeant du centre de chaque tubercule à sa circonfé- rence. Des poils plus courts garnissent le prothorax, la tête et les pattes thoraciques. Quant aux deux paires de fausses pattes pla- cées vers les derniers anneaux de l'abdomen, elles ressemblent à de petits cônes tronqués à leur sommet ; l’animal s’en sert tout à la fois pour se fixer et pour aider à ses mouvements de progression. Nous avons déjà dit que la larve du Colaspis atra, quoique jaune en naissant, ne tarde pas à prendre une belle couleur noire : nous ajouterons qu’elle conserve cette teinte rembrunie jusqu'au mo- ment de la nymphose. Un des instincts les plus remarquables de ces larves gloutonnes, c'est celui qui les porte à entreprendre des émigralions que l’on »“ JOLY. — SUR LE COLASPIS ATRA. 17 peut appeler lointaines, si l’on a égard à la petitesse de l'animal. Dès que le champ où elles s'étaient fixées ne peut plus subvenir à leur nourriture, on les voit se porter en foule vers les luzernières du voisinage ; les chemins qu’elles traversent pour y arriver sont noircis de leurs nombreux bataillons ; car ces bataillons se com- posent, non de plusieurs milliers, mais de plusieurs millions, mais de plusieurs milliards d'individus (4). « Une distance de plusieurs « centaines de mètres, dit M. Touchy, un mur élevé, le blé le plus « touffu, un chemin couvert d’un lit épais de poussière, ne sont « pas des obstacles capables de les arrêter; dans ce dernier cas, « les larves, chargées de poussière blanche, ne sont visibles que « par leurs mouvements. Un fossé plein d’eau est la seule bar- « rière qu’elles ne puissent franchir. » (2) D’après une observation très curieuse de M. Dupin, il paraît même que les larves de Co- laspis, guidées par le seul instinct, savent one champs où la luzerne, semée depuis quelques jours, commence à peine à laisser poindre ses feuilles séminales (3). Mues. La première mue à lieu ordinairement le quatrième jour après la naissance; les autres se succèdent à des intervalles à peu près égaux à celui qui s’est écoulé depuis la sortie de l'œuf jus- qu'au moment où la larve s’est dépouillée pour la première fois de ses téguments. Lorsque l'animal veut muer, il se fixe par son mamelon termi- nal, et la tête en bas, à l’une des feuilles de la tige de luzerne qui lui a jusqu'alors fourni sa nourriture ; un suc visqueux, dont ce mamelon est enduit, contribue encore à faire adhérer la larve d’une manière plus solide. Dès que celle-ci a pris son point d’ap- pui, la peau se fend sur la partie tergale du thorax, et l’animal ne tarde pas à en dégager sa tête, ses pattes et tout son corps. Une fois bien repues et parvenues au moment de se changer en nymphes, c’est-à-dire vingt-cinq à trente jours après leur nais- sance, les larves du Colaspis atra abandonnent les tiges de lu- zerne, et vont se creuser dans le sol un trou de forme circulaire. (1) se de e Sociélé d'agric. de l'Hérault, 1840, p. 260. (2) Id... , 1828, p. 10. ‘ (3) 14. .…., 4840, p. 259. 18 JOLY. — SUR LE COLASPIS ATRA: C’est là que, au bout de trois, quatre, et quelquefois même huit jours, elle se dépouillent de leur peau pour la dernière fois; c’est là qu'elles se montrent avec une nouvelle figure et de nouvelles couleurs. Description de la nymphe du Colaspis atra. Après sa métamorphose en nymphe, le Colaspis atra est de cou- leur jaune-orangé, et l’on aperçoit déjà en lui toutes lés parties de l’insecte parfait : seulement ces parties sont reployées et comme emmaillotées sous le thorax et l’abdomen , et les derniers anneaux de celui-ci sont encore engagés dans la peau de la larve, laquelle est, pour ainsi dire, pelotonnée sur elle-même. Les pattes, les an- tennes, les palpes, et en général tous les appendices paraissent enfermés dans une espèce de membrane transparente qui leur sert en quelque sorte de fourreau (1). Le nombre des points oculaires a augmenté, mais les yeux ne méritent pas encore le nom de com- posés. Ils sont simplement agrégés comme ceux des Iules et des Scolopendres. Il paraît que la nymphose est une opération pénible, dange- reuse et même mortelle pour un grand nombre d'individus, Presque tous ceux que j'élevais en captivité sont morts avant d’a- voir pu effectuer cette transformation. Ceux qui s'étaient changés en nymphes n'ont pu opérer leur dernière métamorphose. Il m'est donc impossible de préciser le temps qu’il faut à la nymphe du Colaspis pour arriver à l’état d’insecte parfait. Mais je crois pouvoir assurer que six semaines ou deux mois tout au plus lui suf- fisent (2). En effet, le 15 septembre dernier, c’est-à-dire 40 ou 50 jours environ après l’époque où j'avais vu les larves dis- paraître, je me suis rendu dans un champ de luzerne, et, en creu- sant le sol à 4 ou 5 pieds de profondeur, j’ai trouvé des Colaspis à l’état parfait, portant au bout de l’abdomen la dernière dépouille (1) Nous avons déjà constaté l'existence d’une membrane analogue chez la Caridina Desmarestü. Voyez notre mémoire, Ann. des Sc. nat. Janvier et fé- vrier 1843. (2) C'est donc à tort, selon nous, que M. Touchy a avancé que le Colaspis atra vit environ dix mois à l'état de nymphe. JOLYX. — SUR LÉ COLASPIS ATRA. 19 de la larve (1). Le 15 octobre, ils vivaient encore dans la terre du sablier où je les avais placés; le 12 décembre, je n’en avais plus qu’un seul en vie. Malgré cette mortalité, qui, d’ailleurs, s'explique très facilement en raison des circonstances tout exceptionnelles où més insectes se trouvaient placés, je suis porté à croire, et même presque certain que ceux qu’on rencontre maintenant dans la terre passent l’hiver enfouis dans leur trou, et comme plongés dansune espèce de léthargie. Le froid, les inondations ou l'humidité feront sans doute périr un grand nombre d'individus; mais la fécondité des femelles qui survivront sera malheureusement plus que suffi- sante pour compenser ces pertes, et pour causer peut-être encore, dès le printemps prochain, le désespoir des agronomes de nos contrées (2). Mais il est temps de nous occuper de l’anatomie intérieure du Colaspis atra, considéré aux diverses périodes de son existence. Anatomie du Colaspis atra. Appareil digestif. Nous l’avons vu chez l’embryon encore en- fermé dans l'œuf, se former au moyen du vitellus lui-même, et se présenter à nous sous l’aspect d’un tube légèrement recourbé en S à sa partie postérieure. Telle est à peu près la forme qu'il conserve chez l'embryon devenu larve. Chez l’insecte parfait, il a acquis plus de longueur, et l'intestin grêle présente une ou deux (1) J'étais aidé dans cette opération par le zèle intelligent de M. Traverse, pré- parateur d'histoire naturelle à la Faculté des Sciences de Toulouse. Quoique le champ où nous faisions nos recherches eût été dévoré par des milliers de Négrils, au bout de deux heures-de travail, nous n'avions encore trouvé que sept ou huit individus, vivants ou morts. Parmi ces derniers se rencontraient des larves et des inséctes parfaits ; les uns et les autres étaient couverts d’une espèce de Byssus, qui avait même pénétré dans l’intérieur de leur corps, et les avait, pour ainsidire, momifiés. Les larves surtout étaient devenues d’un jaune rougeûtre, et d'une con- sistance égale à celle du liége. Si nous mentionnons ce fait, c'est qu'il offre une analogie remarquable avec les effets produits par le Botrytia Bassiana, sur les vers à soie atteints de muscardine. (2) Quatre Colaspis à l'état d'insecte parfait, déterrés le 25 décembre 1843, et conservés dans mon cabinet depuis cette époque , y vivent encore aujourd'hui, 12 février 1844. 20 JOLYX. — SUR LE COLASPIS ATRA. circonvolutions. On distingue alors dans cet appareil, indépen- damment de la bouche que nous avons déjà décrite, un œsophage, un ventricule chylifique, un rectum, auquel fait suite un tube ou col qui aboutit à l’anus, et des vaisseaux biliaires. Le pharynx et l’œsophage n’offrent rien qui doive arrêter un seul instant notre attention. Le ventricule chylifique est assez long et assez large pour contenir une grande quantité d'aliments, et cela doit être chez un animal essentiellement herbivore. L'intestin grêle est assez court; le rectum, qui lui fait suite, n'offre rien de particulier. Quant aux vaisseaux biliaires, ils sont remarquables par leur longueur presque excessive, et par leur insertion ventriculo-rec- tale. Ils sont remplis, du moins en grande partie, d’un suc cou- leur de bistre ou lie de vin foncé. Quatre d’entre eux se réunissent par paires avant d'arriver au rectum. Les deux autres, moins longs que les précédents, restent isolés, et sont presque entière- ment transparents. Les nombreuses et délicates trachées qui en- tourent ces vaisseaux et les fixent au canal digestif, en rendent leur dissection très difficile : aussi m’a-t-il fallu sacrifier bien des sujets avant de parvenir à me former une idée nette de leur lon- gueur et de leur mode d’insertion. Guidé par le beau et récent travail de M. Léon Dufour, sur le foie des insectes, nous avons été naturellement conduit à vé- rifier de visu les intéressantes particularités qu’il nous à apprises au sujet de la prétendue insertion rectale, et, comme nous en avions d’avance la certitude, nous avons trouvé parfaitement exacts tous les résultats annoncés par ce savant et consciencieux obser- vateur. Nous avons vu chez le Colaspis, comme il l’a vu lui-même chez bon nombre d'insectes, les vaisseaux si improprement appe- lés urino-biliaires, continuer leur trajet sous la tunique externe du rectum, y devenir boursouflés, comme variqueux , et s’y terminer en cul-de-sac, sans pénétrer dans l'intestin. Quant aux glandes salivaires, nous ne les avons point aperçues chez l’insecte parfait, bien que nous en ayons constaté l'existence chez la larve elle-même. Chez cette dernière, elles ont la forme de deux tubes allongés , transparents, crénelés sur les bords, et JOLY. — SUR LE COLASPIS ATRA. 94 paraissant traversés dans leur milieu par un canal d’un très petit diamètre, C’est à peu près la seule différence que nous ayons remarquée entre l'appareil digestif de la larve et celui de l’insecte parfait. La ressemblance nous a même paru si grande, que nous avons cru pouvoir nous dispenser de l’exprimer par un nouveau dessin. Du reste, l'identité de régime suffit pour expliquer ici l'1- dentité de forme. Avant de’terminer ce qui concerne les organes digestifs du Co- laspis atra, disons un mot du tissu adipeux qui l’entoure. Ce tissu, plus abondant chez la larve que chez l’insecte parfait, se compose d’une foule de vésicules blanches (chez la larve) ou rougeûtres ‘(chez l’insecte parfait), et de formes assez irrégulières. C’est lui qui donne à l'abdomen de la femelle la couleur de chair qu’on y remarque, lorsqu'il est distendu par les œufs. Appareil circulatoire. Peut-on donner ce nom au vaisseau dor- sal des insectes? Ce vaisseau se ramifie-t-il, et va-t-il porter le sang dans toutes les parties de l'organisme ? En un mot, existe-il chez les insectes une véritable circulation du fluide sanguin? Des anatomistes du plus grand mérite ont soutenu la négative (Cuvier, Léon Dufour, etc.) ; d’autres, au contraire, ont adopté l’affirma- tive (Araus-Durekheim, Carus, Dugès, Newport, etc.). Quant à nous, nos observations personnelles ne nous ont rien appris de po- sitif à cet égard, et nous croyons qu'il est prudent de rester dans le doute, jusqu’à ce que des faits mieux établis nous aient permis d’asseoir un jugement définitif. Ce qu'il y a de certain, c’est que chez plusieurs larves aquatiques, d’une assez grande transparence, et notamment chez deux larves de T'ipules, qui vivent dans le bas- sin d’une des principales fontaines de Toulouse, nous avons vu très distinctement les corpuscules sanguins se mouvoir en deux sens opposés, après avoir pénétré dans le vaisseau dorsal, dont les contractions étaient manifestes. Chez la larve du Colaspis atra, nous n'avons rien observé de semblable. Il est vrai qu’une fois sortie de l’œuf, cette larve est tout-à-fait opaque. Ce défaut de transparence et la petitesse de l’insecte ne nous ayant pas permis d'étudier son appareil circulatoire (si tant est qu’il y ait appareil) avec tous les soins qu’exige l'importance de la question, nous ter- 29 JOLY. -— SUR LE COLASPIS ATRA, minons ici cette courte digression, et nous arrivons à l'appareil respiratoire. Appareil respiratoire. Cet appareil ne se distingue en rien d’es- sentiel de celui des autres insectes Coléoptères : aussi ne nous y arrêterons-nous pas. Nous ferons seulement remarquer ici l’ap- parition tardive de ce système qui, ainsi que nous l’avons déjà dit, ne se montre guère qu’un ou deux jours avant la naissance, c’est à-dire postérieurement à la formation de tous les autres organes. Les figures que nous donnons des stigmates de la larve et de l’in- secte parfait nous dispensent d'entrer, à l'égard de ces organes, dans de plus longs détails. Appareil de la génération. L'appareil générateur mâle se com- pose de deux paires de testicules, de deux canaux déférents, de deux vésicules séminales, d’un long canal éjaculateur, d’un pénis, d’une armure copulatrice, et de deux pièces cornées, élastiques, espèces dé ressorts destinés à faire jouer cette armuré. Les testicules sont formés, chacun, de deux capsules sperma- tiques, rougeâtres, irrégulièrement ovoïdes, comme framboisées à leur surface, accolées l’une à l’autre, et insérées au sommet des canaux déférents. Les canaux déférents eux-mêmes sont tubuleux, légèrement renflés à leur partie supérieure, et ils présentent, vers la moitié de leur longueur, une espèce d’ampoule ou bulbe, à laquelle viennent aboutir les vésicules séminales. Celles-ci, d’une transparence et d’une délicatesse extrêmes, et renflées dans la plus grande partie de leur étendue, finissent par un tube filiforme, qui vient s’insérer, comme nous l’avons vu, sur les ampoules médianes des canaux déférents. Le conduit éjaculateur, plusieurs fois recourbé sur lui-même, augmente de diamètre et d'épaisseur à mesure qu'il s’approche de l’armure copulatrice et du pénis, qu’elle renferme à l’état de repos. | Le pénis est filiforme et fortement recourbé en anse, disposition rendue nécessaire par l’énorme convexité de l’abdomen de la fe- nelle, au moment de l’accouplement. Enfin, l’armure copulatrice, d’une courbure également très prononcée, est formée de deux JOLY. — SUR LE COLASPIS ATRA, 23 panneaux ou valves cornées, qui constituent une espèce de forceps à branches très larges et assez semblables, quant à la configura- tion extérieure, aux semelles de nos souliers. Deux longues tiges également cornées, élastiques, fixées d’une part à la base des deux valves, de l’autre aux muscles qui entourent le col qui fait suite au rectum, servent, quand ces derniers agissent sur elles et en augmentent la courbure, à faire sortir l’armure copulatrice hors du dernier anneau abdominal. Cette armure rentre dans l’abdo- men, par suite de l’action des muscles antagonistes des précé- dents, peut-être même par le seul effet de l’élasticité dont jouissent les singuliers ressorts que nous venons de décrire. Telles sont les pièces qui entrent dans la composition de l’appa- reil génital mâle, Celui de la femelle va maintenant nous occuper. Il est formé de deux ovaires composés d’un très grand nombre de gaînes.ovigères, de deux trompes, d’un oviducte, d’un vagin et de quatre pièces vulvaires. Les gaînes ovigères sont des tubes allongés, qui ne renferment guère qu’un ou deux œufs complétement développés. Le reste de leur intérieur est rempli par une matière granuleuse, divisée en plusieurs masses séparées les unes des autres par des espaces demi-transparents. Cette matière donnera naissance aux œufs qui seront ultérieurement fécondés. Un ligament grêle et très allongé surmonte chacune des gaînes ovigères. Tous ces ligaments con- vergent les uns vers les autres, et se réunissent finalement en un ligament unique, commun aux deux ovaires, mais dont nous n’a- vons pu découvrir le point d'insertion. Les trompes, ou calices, sont très courtes, comme celles de la généralité des insectes qui se font remarquer par leur fécondité. L'oviducte se distingue aussi par sa brièveté. I vient aboutir au vagin, qui, à proprement parler, n’en est que la continuation, Celui-ci est muni de quatre pièces vulvaires, une supérieure, une inférieure et deux latérales. Les deux premières ne sont autre chose que deux lames cornées, interceptant entre elles une ouverture transversale, dans laquelle sont logées les deux pièces latérales, Celles-ci portent chacune un appendice, formé de deux articles 2h JOLY. — SUR LE COLASPIS .ATRA, velus à leur sommet, et servant peut-être à diriger les œufs lors de la ponte. Quant à la glande qui sécrète le suc visqueux qui les enduit, il m’a été impossible de la découvrir, malgré des tentatives plusieurs fois répétées. Je n’ai pas été plus heureux en ce qui con- cerne la poche copulatrice. Son absence, si elle est réelle, ne pourrait-elle pas s'expliquer par la fréquence des accouplements ? C’est une question que je soumets à ceux qui pensent que la spermotheca est destinée à tenir en réserve la liqueur séminale, et à la livrer suivant la mesure qu’exigent les besoins de la fécon- dation. Système nerveux. D’après Newport et la généralité des anato- mistes, le système nerveux des larves d'insectes hexapodes se présente, dans son état le plus rudimentaire, sous la forme de deux cordons parallèles, offrant, de distance en distance, des renflements qui viennent se toucher sur la ligne médiane, ou ne sont séparés. les uns des autres que par un très léger intervalle. Ce principe n’est cependant pas vrai d’une manière absolue; car, sans sortir de l’ordre des Coléoptères, nous trouvons, à cet égard, de remar- quables exceptions. Déjà, dans sa Biblia Nature , Swammerdam avait représenté et décrit la chaîne ganglionnaire sous-intestinale de l’Orycles nasicornis comme étant divisée en quatorze gan- glions, dont les derniers ne semblent faire qu’un seul globule plus arrondi (1). M. Léon Dufour, lui-même, a fait connaître, l’an dernier, une disposition très curieuse chez la larve de la Cetonia aurala (2). Xci, la chaîne nerveuse est formée de deux ganglions céphaliques confondus par leur base, et de onze (ou vraisembla- blement douze, dit M. Léon Dufour) ganglions rachidiens ou sous- intestinaux, dépourvus de cordons inter-ganglionnaires, et confon- dus en une masse unique en apparence. Or, c’est là précisément ce que nous avons vu chez l’embryon du Colaspis, au neuvième jour de son développement : seulement, ici, les cordons qui feront communiquer plus tard les ganglions sus et sous-æsophagiens, (1) M. Léon Dufour pense que Swammerdam a dû se tromper en attribuant quatorze ganglions à la chaîne nerveuse de l'Oryctes nasicornis. Nous partageons entièrement l'opinion de l’habile et savant entomotomiste de Saint-Sever. (2) Ann. des Se. nat. T. XVII, 2 série. JOLY. —— SUR LE COLASPIS ATRA: 25 n'existent pas encore, ét l’on n’apercoit aucune trace des filets nerveux ganglionnaires dont la larve sera bientôt pourvue. Au moment de la naissance, ces filaments existent. Les deux ganglions céphaliques sont alors complétement séparés l’un de l'autre, et de leur partie postérieure ils émettent deux longs cor- dons œsophagiens. Des cordons plus courts, mais bien distincts et parallèles, font communiquer ensemble le ganglion sous-æso- phagien, les trois ganglions thoraciques, et les cinq premiers ganglions abdominaux. Les derniers sont encore contigus. Chez la larve de quatre jours, tous les ganglions sont munis de leur cordon interganglionnaire : seulement, ces cordons sont d’au- tant plus courts qu'ils appartiennent à des renflements nerveux situés plus postérieurement, Vers le cinquième jour, les deux lobes céphaliques se rap- prochent et s'unissent au moyen d’une bandelette nerveuse, espèce de mésolobe ou corps calleux que nous n’apercevrons plus chez l’insecte parfait, Jusqu'au moment de la métamorphose en nymphe, la chaîne sous-intestinale subit peu de changements essentiels, du moins quant à sa forme. Cependant, à cette époque, on voit naître sur les ganglions céphaliques et sur les ganglions thoraciques quelques paires de nerfs qui jusqu'alors n’avaient pas existé, et les portions de cordon qui unissent les PHIBRUES entre eux sont devenues plus longues. Enfin, chez l’insecte parfait, le système nerveux se présente sous un nouvel aspect ; les ganglions céphaliques sont plus larges, plus irréguliers, plus intimement confondus que chez la larve adulte, et le nombre des ganglions rachidiens s’est de beaucoup réduit. Nous en comptions douze chez l'embryon et chez la larve ; nous n’en trouvons plus que huitchez l’insecte parfait. Le pre- mier de ces ganglions (ganglion sous-æsophagien de la plupart des auteurs; moelle allongée, medulla oblongata Newport) four- nit les nerfs qui se rendent aux organes de la manducation. Les trois ganglions qui suivent ; plus gros que le précédent , donnent les nerfs qui se rendent aux ailes, aux muscles du thorax, et aux pattes thoraciques. De ces trois ganglions, le dernier, qui est le plus volumineux, doit évidemment cette augmentation de 3° série. Zoo. T. IL. (Juillet 1844.) 3 26 JOLY, — SUR LE COLASPIS ATRA. volume aux deux premiers ganglions abdominaux, qui sont venus se joindre à lui par coalescence longitudinale. Le reste de la chaîne ventrale est formé par quatre ganglions, dont le volume augmente à mesure qu'ils deviennent plus postérieurs. Le dernier donne naissance à cinq paires de nerfs très longs qui constituent une espèce de queue de cheval , destinée à fournir l’innervation prin- cipalement aux organes génitaux. Les trois précédents ne sont munis que d’une seule paire de nerfs, qui se distribuent aux muscles de l’abdomen. Ainsi, des douze ganglions qui formaient Ja chaîne sous-intestinale de la larve, il n’en reste que dix chez l'insecte parfait, Le 1‘, le 2° et le 3°, sont libres et distincts, comme chez cette dernière ; le 4°, le 5° et le 6°, se sont confondus en une masse unique ; les quatre autres sont séparés par les cor- dons interganglionnaires ; deux ganglions (le 7° et le 8°?) sem- blent avoir disparu pendant l'acte de la métamorphose. Si nous réfléchissons un instant sur les faits que nous venons d’exposer , nous verrons que le système nerveux de l’embryon du Colaspis atra s'offre sous une forme très différente de celle qu'il affecte , dit-on , chez les larves de la plupart des insectes coléop- tères. Nous verrons qu’à ce degré de son développement , ce sys- tème représente d’une manière transitoire l’état permanent de la chaine nerveuse des larves (ou embryons éclos) de la Cetonia au- rata et de l’Oryctes nasicornis, chez lesquelles il y a eu, pour ainsi dire, arrêt de développement. Enfin , si l’on songe que les lobes céphaliques, d’abord contigus, s’écartent ensuite l’un de l’autre, pour se réunir bientôt après au moyen d’une bandelette nerveuse assez analogue au corps calleux des vertébrés ; si l’on se rappelle le peu de consistance de ceslobes, lorsque les ganglions de la chaîne sous-intestinale, et notamment les plus postérieurs, ont acquis déjà une certaine consistance , on s’étonniera peut-être avec nous du développement tardif des gan- glions sus-œæsophagiens , et l’on cherchera naturellement si la Science n'offre pas quelques faits identiques, ou du moins analo- gues à ceux que nous venons d'exposer. Or, d’après Newport, chez les Lamellicornes , les Scarabéides et les Mélolonthides , le dé- veloppement des lobes céphaliques est moins avancé chez la larve JOLY, — SUR LE COLASPIS ATRA. 27 que celui des autres ganglions. Chez la chenille de la F’anessa urlicæ, ces mêmes lobes céphaliques restent distincts l’un de l’autre jusque. vers le milieu de la deuxième période de l’état de larve, et sont simplement rapprochés sur la ligne médiane (1). Ils s'unissent davantage dans la suite, et, au moment de la nym- phose, ils forment une masse continue placée transversalement au-dessus de l’œsophage. On observe à peu près la même chose sur les larves de la Calandra Sommeri (ex Bürmeister) et de la Timarcha tenebricosa. Nous pouvons donc conclure de ces faits que les ganglions cérébraux sont ceux qui, chez la larve, se perfec- tionnent:le plus tard, tandis qu’au contraire le ganglion terminal est le premier formé. 11 n’est pas moins curieux de voir les cordons interganglionnaires suivre dans leur développement une marche tout-à-fait opposée, puisque les trois dernières paires de cordons n’existent pas encore chez la larve qui vient de naître, Quant à l'apparition des filets nerveux, très tardive relativement à celle de la chaîne ganglionnaire elle-même, elle semble ne pas s’accorder avec la loi de formation centripète ou excentrique du célèbre auteur de Anatomie comparée du cerveau (2). Nous en (4) Cyclopædia of anatomy and physiology, article Insecta. Voyez aussi Philoso- Phical Transactions, 1832, p. 384; et 1834, p. 389. (2) « Les nerfs des larves et des chenilles, dit M. Serres (Anatomie comparée du cerveau, t. 1, p. 254), se développent de la circonférence au centre; ils » sont d'abord isolés de droite et de gauche, sans lien moyen entre eux ; ils se » rapprochent ensuite, et avant de s’adosser sur la ligne médiane, chez les che- » nilles, où je les ai suivis avec le plus grand soin, un renflement ganglionnaire se » développe à l'extrémité de chaque nerf, et ordinairement au point de jonction du nerf voisin. La série des ganglions est d’abord double ; mais en se rappro- chant sur la ligne médiane, souvent deux ganglions se confondent en un seul, » et dans ce cas, un petit sillon médian indique leur séparation primitive. Telle est l'origine de la double chaîne ganglionnaire qui se rencontre sur la ligne mé- » diane des chenilles, de la plupart des insectes et chez les Crustacés, quoique ces » organes aient éprouvé chez ces derniers de singuliers déplacements. » Aux arguments que nous avons déjà fait valoir contre cette théorie de la forma- tion centripète des organes, nous pouvons maintenant en ajouter d’autres plus concluants encore qui nous ont été suggérés par l'examen attentif d'un nouveau genre de monstre, auquel nous nous proposons de donner le nom de Chélonisome {corps de tortue). Ce monstre est un veau né à terme, chez lequel les côtes, au lieu ÿ > > 3 28 JOLY. -— SUR LE COLASPIS ATRA. dirons autant de la formation des cordons rachidiens, puisqu'elle est postérieure non seulement à celle des centres principaux, mais encore à celle des filets nerveux qui en émanent (1). La concentration dans le sens longitudinal ne nous a rien offert de très particulier, si ce n’est la disparition complète de deux gan- glions et la réunion de trois autres en un seul chez l’insecte parfait. Notons encore que, soit chez ce dernier, soit chez la larve, les cordons interganglionnaires ne se confondent jamais sur la ligne médiane. Malgré les beaux travaux de Suckow, Rathke, Hérold etJ. Müller, l’histoire des insectes ne possède encore qu’un très petit nombre de notions relatives à l’'embryogénie de ces invertébrés. Désireux de combler une partie des nombreuses lacunes qui existent sur ce point de la science, j’ai pensé que l'étude attentive de l’évolution d’un œuf d’insecte Coléoptère offrirait d’autant plus d'intérêt que cette étude n’a été, je crois, jusqu’à présent, entreprise par au- cun naturaliste français. Je ne me suis point dissimulé la difficulté d’un semblable travail, D'un côté, la transparence imparfaite des membranes de l’œuf, la petitesse microscopique de l’embryon et sa mollesse extrême, tendaient à me décourager ; d’un autre côté, l'espoir de découvrir quelques faits, jusqu’à présent inapercus, de se réunir sur la ligne médiane et inférieure du corps, se sont relevées, au con- traire, vers la partie dorsale. Plusieurs d’entre elles se sont soudées ensemble ; il en est de même de presque toutes les apophyses épineuses des vertèbres dorsales ; en sorte que l'on dirait que la Nature a voulu réaliser chéz ce mammifère la for- mation d’une carapace semblable à celle de la tortue. Enfin, et ceci rend la ressem- blance avec ce reptile aussi complète que possible, les membres antérieurs, les membres postérieurs et la queue elle-même sont renfermés dans l'intérieur du thorax, absolument comme chez la tortue. .(1) Notre Mémoire était en grande partie rédigé, lorsque nous avons eu con- naissance des idées que MM. Milne-Edwards et Duvernoy ont émises à la Société Philomatique de Paris (séance du 11 décembre 4843), idées par lesquelles les nôtres reçoivent ici une honorable confirmation. Nous invoquerons à l’appui de nos paroles le précieux témoignage. de notre excellent maître et ami, M. le professeur Dubreuil, qui nous a demandé une copie manuscrite de cette partie de notretravail. Cette copie lui a été remise le 46 no- vembre 1843. JOLY. — SUR LE COLASPIS ATRA, 29 m'engageait à poursuivre mon œuvre commencée. Je ne me flatte pas d'avoir tout vu, et encore moins tout bien vu ; mais je puis dire que je n’ai rien avancé qui ne soit le résultat d'observations attentives et souvent répétées : aussi, quelles que soient les imper- fections de mon travail, j'ose espérer qu’il recevra bon accueil de la part des amis de la science; j'aime à penser qu’en y jetant un coup d'œil, ils auront présente à l’esprit cette pensée de G. Bonnet : «Comment espérer que la lumière de l’observation pénétrera » un jour bien avant dans l’organisation secrète d’un œuf d’in- » secte, qui est en quelque sorte un infiniment petit comparé à un » œuf de poulet? Quel profond abîme pour nous qu’un œuf d’in- » secte !... » (1) S III. — PARTIE PRATIQUE. Ravages occasionnés par le Colaspis atra ; moyens de les prévenir ou de les arrêter. Au nombre des ennemis de la luzerne il faut compter lÆpion flavifemoratum , V À. flavipes (2), l'Otiorhynchus sulcatus (3), Va Coccinella impunctata , la Chrysomela 6-punctata (hk), enfin le Co- (1) Au moment où j'achève de copier cette partie de mon manuscrit, je reçois (13 février) un Numéro des Annales des Sciences naturelles, où se trouve inséré un Mémoire de M. Albert Kôlliker, intitulé : Observationes de primà insectorum genesi, adjectà articulatorum evolutionis cum vertebratorum comparatione. Je regrette de n'avoir pas eu plus tôt connaissance dé cet important travail: mais je vois avec plaisir que la plupart de mes observations s'accordent avec celles de l'anatomiste de Zurich. M. Kôlliker à étudié le développement de l'œuf de deux Diptères (Chironomus zonalus, Schrank, et Simulia canescens, Brême) et d'un Coléoptère (Donacia crassipes ?); mais il avoue lui-même que ses observations sur l’embryogémie de ce dernier sont assez incomplètes (satis mancæ). Ainsi, dans tout le cours de son Mémoire, l’auteur ne dit pas un mot du système nerveux, ni des changements variés qu'il éprouve dans l'âge embryon- naire. Or, c'est précisément l'étude de ce système qui nous a offert les particula- rités les plus intéressantes. à | (2) Kirby et Spence, Introduction to Entomology, t. KE, p. 178. (3) Audouin, Histoire de la Pyrale. (4) Kollar, Naturgeschichte der schädlichen Insekten in Besichung auf Lands- toirthschaft und Forstkultir, p. 138. 30 JOLY, — SUR LE COLASPIS ATRA. laspis atra , le plus dangereux de tous. D'après M, Léon Dufour, la larve de ce Coléoptère commet de tels ravages dans le royaume de Valence, que des champs immenses, ensemencés de luzerne, ne présentent à l'observateur étonné que les tiges de la plante , et ses pétioles dépourvus de leurs folioles. En France, les dégâts causés par le Colaspis ne sont pas moins considérables, Ceux dont nous avons été témoin nous expliquent assez la crainte que cet insecte inspire aux agriculteurs, et l’'empressement qu’ils ont mis à chercher des moyens pour le combattre ou le détruire. Les procédés auxquels on à eu recours peuvent se réduire aux quatre suivants : 1° Recueillir l’insecte parfait. 2 Recueillir la larve seulement. 3° Prendre celle-ci par la famine. h° L’éloigner au moyen de certaines substances qui lui sont nuisibles. I. Le premier procédé, indiqué comme insuffisant par M. Tou- chy, en 1828, et conseillé en 1836, comme assez efficace, par M. Daube, consiste à faire ramasser les femelles au moment où elles sont occupées à pondre. « J’avais cette année, dit M, Daube, » un champ de luzerne enfermé par des murs. M’étant aperçu » que la plaine voisine était déjà attaquée par le Colaspis , je payai, » pendant huit jours, une femme qui recueillit de 35 à 40 kilo- » grammes de femelles. Aussi eus-je le plaisir de récolter environ : » 150 quintaux de fourrage, au lieu que les luzernes de mes voi- » sins ont été entièrement perdues. N'ayant plus rien à manger » de ce côté, les larves s'attaquèrent ensuite au sainfoin, et même » au blé, auquel elles firent cependant peu de mal (1). » En 1838, M. le capitaine Bosquet suivit un procédé tout-à-fait analogue à celui que M. Daube avait lui-même conseillé, et, comme ce dernier, il fit recueillir les femelles au moment de l’accou- plement, L'instrument dont il se servait n’était autre chose qu'une boîte très légère en sapin (de 0,45 de long , 0,20 de large, et 0",15 de profondeur), fixée diagonalement par le fond sur une (1) Ann. de la Soc. entomol. de France, 1. V, p. XLVI. Bulletin. JOLY. — SUR LÉ COLASP'S ATRA. 1 tringle en bois de 2 mètres de longueur. En promenant cette boîte sur les sommités des tiges où se tenaient les Colaspis, il les faisait tomber au fond. L'insecte, étourdi par sa chute et par l'agitation continuelle de l'instrument , restait comme engourdi au fond de la boîte. On l’écrasait facilement en renversant celle-ci sur le sol : car, ainsi que le fait observer M. Bosquet, le Colaspis est peu disposé à faire usage de ses ailes. Je crois même qu’il ne vole jamais. IT. Le second moyen consiste à recueillir la larve. C’est celui qu'emploient depuis longtemps les paysans du royaume de Va- lence, D'après M, Léon Dufour, ils se servent dans ce but « d’un » sac court, large, mais peu profond, formé d’une toile grossière » et forte, fixée autour d’un cerceau emmanché d’une longue ‘» barre. C’est à peu près le filet faucheur des entomologistes. Ils » le promènent sur la luzerne en faisant le mouvement de faucher, » et, en moins de deux minutes, il y a au fond du filet plusieurs » livres de ces larves. On les écrase sous les pieds pour recom- » mencer ensuite la chasse. » Il est à remarquer qu’en même temps qu'on recueille les larves, on recueille aussi un certain nombre d'insectes parfaits; mais ce nombre est au moins vingt fois plus petit que celui des larves (4). HI. Le procédé qui paraît le plus efficace est celui du docteur Touchy. Il consiste à retarder la première coupe jusqu’à l’époque où toutes les larves sont écloses, mais n’ont point encore assez grandi pour être en état d’émigrer vers les champs voisins (2). A ce moment , dit M. Touchy, « la luzerne étant fauchée, se fane » et se dessèche ; elle est alors impropre à la nourriture des in- » sectes, qui sont réduits à quelques chétifs rameaux qui cà et » là ont échappé au fer; la luzerne reste sans végétation appa- » rente pendant quelques jours, dont un ou deux suflisent pour » tuer les Æumolpes, d'autant plus vite qu’elles sont plus nom- » breuses (3). » (4) Ann. de la Soc, entom. de France, t. V, p. 372. (2) Cette époque peut être fixée du 5 au 25 mai, pour le climat de Montpellier, quinze jours plus tard pour celui de Toulouse. (3) Bulletin de la Soc. d'agric. du dép. de l'Hérault, p. 1#, 1828. 22 JOLY. — SUR LE COLASPIS AFRAS Les expériences de M. Dupin, et celles plus récentes encore de M. Edmond de Limairac, ne permettent pas de révoquer en doute l'efficacité de la méthode que nous venons d'indiquer. Ces deux agronomes distingués se sont en effet convaincus, par des expé- riences personnelles, que les luzernes coupées lorsque la larve commençait à paraître ont été complétement à l'abri de ses ra- vages, tandis que celles dont la coupe avait eu lieu quinze jours au- paravant avaient prodigieusement souffert. Quant aux objections qu’on pourrait faire contre les coupes tardives, MM. Touchy, Dupin et de Limairac y ont répondu, selon nous, de la manière la plus victorieuse: aussi, sommes-nous porté à conclure avec le dernier de ces agriculteurs que « les coupes tardives ont en elles-mêmes » et en dehors de toute idée de guerre contre la chenille, des » avantages qui se traduisent en écus pour le propriétaire (4). » IV. M. Bouscaren a eu recours au quatrième procédé, c'est- à-dire à celui qui consiste à éloigner l’insecte au moyen de cer- taines subtances qui lui sont plus ou moins nuisibles. C'est aux cendres de chaux ou à la chaux en poudre que l’agronome de Montpellier à cru pouvoir donner la préférence. Après en avoir fait répandre une certaine quantité sur les luzernières au moment où les femelles du Colaspis étaient sur le point de pondre, M. Bouscaren vit celles-ci succomber au bout de peu de temps ; les quelques larves déjà écloses ne résistèrent pas non plus à l’em- ploi de ce moyen, qui, suivant l’auteur, et contrairement à l’as- sertion de M. Touchy, ne fait aucun tort aux feuilles ni aux tiges de la luzerne. Je regrette vivement de n’avoir pu faire, l’an dernier, que des expériences de cabinet, car je sais combien ces expériences sont insuffisantes pour éclairer les questions de la nature de celle qui nous occupe. Tout ce que je puis dire à ce sujet, c’est que ja- mais une seule larve venant d’éclore et privée à dessein de nour- riture, n’a résisté à un jeùne de vingt-quatre heures ; quelques unes ont succombé beaucoup plus tôt. Du reste, ces résultats s'accordent parfaitement avec ceux dont (1) Journal d'agrie. pratiq., ete., p. 136 / JOLY. = SUR LE COLASPIS ATRA: 33 je dois l'indication à M. Lafore, professeur de pathologie à l’École royale vétérinaire de Toulouse. Des larves, écloses chez lui le 19 juin, ont été, les unes privées d'aliments, les autres ont recu pour toute nourriture de la luzerne fanée; d’autres enfin ont eu à dis- crétion de la luzerne fraîche. Les dernières seules ont vécu et se sont enfouies dans la terre pour s’y changer d’abord en nymphes, et un peu plus tard'en insectes parfaits. Celles des deux premières catégories ont succombé le soir même du jour où elles avaient été mises en expérience. Ces faits viennent donc à l’appui des idées émises par M. Tou- chy, et confirmées depuis par MM. Dupin et Edmond de Li- mairac : c’est ce qui nous à engagé à ne pas les passer sous si- lence. an Qu'il nous soit permis maintenant de soumettre quelques obser- vations aux agronomes qui s'intéressent à la destruction du Co- laspis atra. Ne serait-il pas possible d'employer contre cet insecte les moyens de destruction que certains agriculteurs allemands met- tent en usage pour protéger leurs semis contre les ravages des .Altises (Haltica oleracea)? D’après le docteur Kollar, ces moyens consistent à verser de l’eau bouillante sur une certaine quantité d’absinthe (4rtemisia absynthium Lin.), à laisser la plante infuser pendant dix ou douze heures, et à se servir de cette infusion pour arroser les plantes que l’on veutgarantir. Un gros bouchon de paille, que l’on trempe de temps en temps dans le liquide, et un vase quelconque conte- nant ce dernier, tels sont les seuls instruments nécessaires pour cette opération. | Il paraît que l’amertume que l” te communique à l’eau est tellement prononcée et tellement persistante, qu’un seul arrosage suffit pour éloigner les Altises; à moins cependant que, peu de temps après l'opération, il ne survienne’ des pluies très fortes et fréquentes. Dans ce cas, un second arrosage devient indispen- sable; mais le peu de temps qu’on y consacre et la faible dépense qu'il occasionne sont largement compensés par les résultats qu’on obtient, Le pasteur Windram, à qui l’on doit l'indication de ce ôl JOLY. — SUR LE COLASPIS ATRA, procédé, prétend l'avoir mis en usage pendant plusieurs années, et toujours avec un plein succès. Des champs ensemencés de lin, de navets, de radis, de tabac, de choux, etc., ont été préservés des Altises par cette méthode, aussi simple que peu dispen- dieuse (1). D'après l’auteur que nous venons de citer, la poussière des grands chemins (Der chausseestaub) serait tout aussi efficace que l’infusion d’absinthe, Il suffirait, pour éloigner à jamais les Hal- tica, de choisir une matinée où la rosée est très abondante, et de saupoudrer les jeunes plantes encore toutes mouillées. Soit que la poussière employée dans cette opération incommode l’insecte, soit qu’elle nuise à l’action de ses mâchoires et de ses mandibules , toujours est-il qu’il disparaît tout-à-coup, surtout si le jour où l'on a poudré les plantes, le soleil luit d’un vif éclat, et sèche promptement la poussière répandue sur les feuilles (2). Si les résultats annoncés par l’auteur sont exacts, il nous semble qu'il serait bon d'essayer ses procédés, lorsque la luzerne de la deuxième coupe commence à pousser de nouvelles feuilles. Du reste, la nature nous délivrera peut-être bientôt du Colaspis d’une manière plus sûre et plus complète que ne pourraient le faire les: moyens artificiels auxquels nous avons eu jusqu’à présent re- cours (3). [1 y a quelques années à peine, des millions de Pyrales (1) Kollar, Naturgeschichte der schadlichen [nseklen in Besiehung aùf Lands- wirthschaft und Forstkültür, p. 152. (2) Loc. cit., p. 453. (3) Au nombre des destructeurs naturels du Colaspis atra, nous pouvons pla- cer les Traquets motteux (Suxicolu ænanthe), les Traquets Culs-Blancs (Saæicola œænanthe var.), et les Rouges-Queues (Sylvia tithys), dans l'estomac desquels M. Lafore nous a dit avoir trouvé, au commencement de septembre dernier, une foule d'individus à l'état parfait, qui provenaient, sans aucun doute, des nymphes récemment métamorphosées. Les oiseaux dont nous venons de parler avaient sans doute trouvé cette abondante proie dans les sillons tracés par la charrue du laboureur. Preuve nouvelle que le Colaspis atra, parvenu à son dernier état, est réellement destiné à passer l'automne et l'hiver en léthargie. Il paraît même que pendant cette dernière saison, les corbeaux lui font une chasse active, et savent très bien le déterrer, en ouvrant et remuant la terre avec leurs becs robustes et pointus. Voy. Ann. agricoles, littéraires et industrielles de l'Ariège, p. 97. 1841. JOLY: — SUR LE COLASPIS ATRA. 39 dévoraient les riches vignobles du Midi : aujourd’hui, le natura- liste a de la peine à se procurer quelques couples de ce dange- reux lépidoptère, Le Colaspis ne pourrait-il pas disparaître à son tour (1)? Espérons, mais surveillons l'ennemi, et n “oublions pas le précepte du sage : « Aide-toi, le ciel Éasle » EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE à. Fig. 4. Colaspis atra mâle. — À, grandeur naturelle. Fig. 2. Id. femelle. — B, grandeur naturelle. Fig. 3. Nymphe vue de face. -— C, grandeur naturelle. Fig. #. La même un peu plus grossie, vue de profil. N. B. Dans les quatre figures qui précèdent, a désigne la tête; b, les yeux; ce, les antennes; d, le labre ; e, les mandibules; f, les mâchoires et les palpes maxillaires ; g,h,i, les trois paires de pattes ; j, les élytres ; k, les seg- ments de l'abdomen; !, les segments thoraciques; m, les pièces vulvaires ; n, l’écusson de l'insecte parfait; o, son prothorax ; p, ailes déplissées et compri- mées de la femelle. Fig. 5. Larve adulte. — D, grandeur naturelle. — a, tête; e,g,h, pattes thoraci- ques ; !, segments thoraciques ; k, segments Monture. Fig. 6. Tête de la larve adulte, encore plus grossie que dans la figure précédente. — b,c,d,e,f, même signification que dans les figures 1, 2, 3, 4. Fig. 7. Labre ou lèvre supérieure de la même. — a, labre proprement dit; b, épistome membraneux. Fig. 8. Sa lèvre inférieure. — «a, palpes labiaux. Fig. 9 Une de ses mandibules (côté droit). — 4, mandibule ; b, son muscle ad- ducteur. Fig. 10. Une de ses mâchoires (côté gauche). — a, mâchoire proprement dite ; b, son palpe ; c, son muscle adducteur. Fig. 41. Un de ses palpes labiaux. Fig. 12. Dernier article de ce palpe plus grossi. Fig. 43. Labre de l'insecte parfait. Fig, 14. Sa lèvre inférieure. — «, palpes labiaux. (1) Nous avons cru remarquer que les ravages du Colaspis, aux environs de Toulouse, ont été, cette année, moins considérables que les années précédentes. La grande quantité de pluie qui est tombée pendant les mois de mai et de juin 1843 en à peul-être été la cause. 36 JOLY. — SUR SE COLASPIS ATRA, Fig. 45. Sa mandibule droite. — a, dents obtuses qui la terminent; b, son mus- cle adducteur. Fig. 16. Sa mâchoire droite. — «a, mâchoire proprement dite ; b, palpes maxil-- laires. Fig. 17. Une des pattes de la larve adulte. Fig. 48. Extrémité supérieure de l'antenne gauche de la nymphe. Fig. 19. OEufs de Colaspis atra, de grandeur naturelle. Fig. 20. Les mêmes fortement grossis. Fig. 21. Un œuf dans lequel le développement de l'embryon a commencé. — a et b, ses deux pôles devenus plus transparents. Fig. 22. Globules‘vitellins devenus cohérents, très fortement grossis. Fig. 23. OŒuf examiné vers le milieu du cinquième jour d’incubation, et dépouillé de sa membrane externe. On y aperçoit l'embryon, dont a désigne la tête; k, l'abdomen; g,h,i, les pattes thoraciques; v, le vitellus. Fig. 24. Embryon de six jours, vu par transparence dans l'œuf privé de son chorion. Fig. 25. Embryon de huit jours, retiré de l'œuf, et moins grossi que le pré- | cédent. N. B. Dans ces figures, les lettres ont la même signification que dans les fig. 4, 2, 3, 4 et 23. Fig. 26. OEuf privé de son chorion et vu un jour avant l’éclosion (dixième jour). Fig. 27. Larve qui vient d’éclore, posée sur l'œuf où elle a pris naissance, forte- ment grossie. On voit ses deux paires de fausses pattes au-dessous des anneaux postérieurs de l'abdomen. Afin d'éviter la confusion, je n'ai représenté que les appendices du côté droit. Fig. 28. Tête de cette larve. — b,c,d,e,f, comme dans la fig. 6 ; q, lèvre inférieure et palpes labiaux. Fig. 29. Un des poils de l'embryon représenté fig. 26, adhérent à l'un des tuber- cules pilifères de la peau. Fig. 30. Mandibule et mâchoire droite de la larve qui vient d'éclore. — a, man- dibule ; b, mâchoire ; c, palpe maxillaire. Fig. 34. Morceau de terre dans lequel est creusé le nid où le Colaspis atra passe l'automne et l'hiver dans un état de léthargie. Fig. 32. Feuille de luzerne (Medicago sativa) rongée par une larve très jeune. PLANCHE 4. Fig. 4. Tête et canal digestif d’une femelle de Colaspis atra. a, tête; b, yeux; c, antennes; d, labre ; e, palpes maxillaires ; f, œsophage ; g, ventricule chylifique; 4, intestin grêle suivi du rectum où paraissent s'insérer les extrémités postérieures des vaisseaux biliaires ; /,M, deux de ces vaisseaux réunis par paire, et formant en o le canal cholédoque; n, vaisseau biliaire tou- jours isolé. Les vaisseaux biliaires du côté gauche ont été coupés à dessein ; JOLY. — SUR LE COLASPIS ATRA. 37 j, appendices des pièces vulvaires latérales; X, oviducte dans lequel on aper- çoit un œuf. Fig. 2. Extrémités postérieures des vaisseaux biliaires, plus grossies que dans la figure précédente, afin de montrer que l'insertion rectale de ces vaisseaux n'est qu'apparente.—{,m,n,o, comme dans la fig. 1.—a, membrane externe de l'in- testin sous laquelle rampent les vaisseaux biliaires. Fig. 3. Une des glandes salivaires de la larve. Fig, 4. Tissu adipeux splanchnique de l’insecte parfait. Fig. 5. Un des stigmates abdominaux du même, très grossi. — a, ouverture stig- matique; b, portion de la peau qui l'entoure. Fig. 6. Appareil générateur mâle. — a,a, testicules ; b,b, canaux déférents: c,c, vésicules séminales ; d,d, portion rétrécie de ces vésicules ; e, canal éjacu- lateur ; f, une des valves de l’armure copulatrice ; g, l’autre valve. Fig. 7. Armure copulatrice. — a, extrémité du canal éjaculateur ; bet c, valves de l’armure copulatrice ; d,e, pièces cornées, arquées, qui la font saillir hors de l'abdomen au moment de la copulation ; f, muscles qui servent à faire rentrer l'armure dans l'abdomen; g, muscles dont l’action détermine la saillie de l’ar- mure copulatrice ; k, rectum. | Fig 7°. d,e,f,g, comme dans la figure précédente ; h, membrane qui unit les deux ressorts d,e. \ Fig. 8. Pénis dégagé de l'armure copulatrice. — a, canal éjaculateur ; b, pénis. Fig. 9. Appareil générateur de la femelle, une fois moins grossi que celui du mâle. — a, ovaire droit ; b, ovaire gauche; c, ligaments des gaînes ovigères ; d, œuf à maturité engagé dans l'une des trompes ; g,g, les deux trompes ou calices de l'ovaire ; e, oviducte; f, pièces vulvaires. Fig. 10. Pièces vulvaires. —— «a et b, valves supérieure et inférieure; c, pièces latérales et leurs appendices. - Fig. 44. Une de ces pièces latérales plus grossie. — «a, sa base ; b,c, les deux ar- ticles de son appendice. Fig. 12. Une des gaînesovigères. — a, son ligament suspenseur ; b, œuf presque mûr vu à travers les parois de la gaîne; c, extrémité inférieure de cette gaîne. Fig. 13. Système nerveux d'un embryon de neuf jours. — a, ganglions cépha- liques ; b, ganglions formant la chaîne ventrale. Fig. 14. Système nerveux d’une larve qui vient de naître. — a, ganglions cé- phaliques; b,b,b, cordons interganglionnaires; c,c,c, filets nerveux émanés des ganglions de la chaîne ventrale ; d, les quatre paires de nerfs qui émanent du ganglion terminal ; 1-12 ganglions formant la chaîne sous-intestinale. Fig. 45. Les six derniers ganglions de cette chaîne examinés chez une larve de quatre jours, pour montrer qu ils sont, à cette époque, tous pourvus de leurs cordons interganglionnaires. Les lettres ont la même signification que dans la figure précédente. Fig. 16. Système nerveux de l'insecte parfait. 38 F. LETELLIER, — SUR L'ACTION DU SUCRE a, ganglions céphaliques ; b,b, collier œsophagien; c,c, nerfs optiques; d,d, nerfs antennaires ; e, cordons interganglionnaires ; f, nerfs qui se rendent aux mandibules, aux mâchoires et à la lèvre inférieure ; g, nerfs des pattes ét des muscles du prothorax; h, nerfs qui se rendent aux paltes, aux ailes ét aux mus- cles du mésothorax ; à, nerfs des pattes, des aileset des muscles du métathorax ; j, filets qui se rendent aux muscles, aux viscères de l'abdomen et aux organes génitaux; k,k, cinq paires de nerfs constituant une espèce de SE de cheval et se distribuant principalement aux organes génitaux. Fig. 17. Morceau de peau de la partie dorsale d'un des segments abdominaux de la larve adulte, destiné à faire voir la forme et la disposition des tubercules pili- fères. —- a, stigmate percé dans un de ces tubereules.: OBSERVATIONS SUR L'ACTION DU SUCRE DANS L'ALIMENTATION DES GRANIVORES ; Par M. F. LETELLIER, D.-M. (1). Il y a quelque temps, M. Chossat, médecin et physiologiste distingué de Genève, a présenté à l’Académie un mémoire qui donnerait, si les expériences qu'il contient se vérifiaient, la solution d’une des questions les plus controversées aujourd’hui : je veux parler de celle de l'engrais- sement. L'auteur de ce travail conclut qu'il y a production de graisse par l’u- sage du sucre. Les expériences qui avaient conduit à cette conclusion importante, toutes consciencieuses et bien dirigées qu’elles sont, ne me paraissant pas cependant offrir assez de netteté dans leurs résultats, j'ai entrepris une série d'expériences analogues, et j'ai tâché de mettre dans ces recherches toute l'exactitude qu’elles comportaient, M. Chossat a expérimenté sur treize Pigeons et quatre Tourterelles. Tous ces oiseaux ont recu par jour, pendant toute la durée de l’expé- rience, qui se terminait par la mort, une quantité dé sucre de canne équivalente à celle qu’il aurait fallu leur donner de blé. qu les entrete- nir sans perte de leur poids. Cette quantité est de 29,5":8 ne les Pigeons, et de 448,2 pour les Tourterelles. Neuf de ces animaux ont été, série l'expérience , privés de boissons. Je note ici cette circonstance qui est importante. (1) Annales de Chimie et de Physique, juin 1844, t. XI, p. 450. DANS L'ALIMENTATION, : : :: 39 La durée de la viea été en moyenne pour les Pigeons , de quatre jours seulement, de huit jours pour les Tourterelles. Voici de quelle manière M. Chossat a déterminé la graisse trouvée à l'autopsie. Dans la moitié des cas, il a pesé la peau avec la graisse qui la doublait et celle qu'il a pu recueillir par la dissection , et il a donné le poids obtenu; dans l’autre moitié, il s'est contenté de l’évaluer à la simple vue. Sur sept Pigeons du régime saccharin, la graisse a varié de 31 à 68 grammes. En moyenne, elle était de 48 grammes. M. Chossat l’a fixée à 58 grammes, à l’état normal. Il faut remarquer que tous ces Pigeons avaient été privés d'eau, cir- . constance qui avait abrégé singulièrement la durée de leur vie. Chez les Pigeons qui ont eu de l’eau à volonté, celui qui a vécu le plus longtemps (douze jours) ne présente pas de graisse. Chez un autre, elle n’est pas indiquée; chez un troisième, elle est notée en petite quantité; enfin, dans les deux derniers, qui ont vécu huit et neuf jours, on trouve les mentions suivantes : épiploon assez chargé de graisse, épiploon chargé de graisse. Quant aux Tourterelles, la vie a été longue dans deux expériences (onze jours et demi et seize jours). Elle a été de seize heures seulement chez une troisième Tourterelle, qui est notée contenir une très grande quantité de graisse. Il est évident ici que cette graisse était celle que l’a- nimal possédait vingt-quatre heures auparavant. Chez les trois autres, la graisse a été déterminée une fois par la pesée qui a donné 32sr.,3, et deux autres fois on s’est contenté de l’évaluer à la simple vue et d’expri- mer la proportion par les mots : quantité modérée, graisse conservée en totalité. Il est facile de contester ces données. On peut objecter, sans parler de la méthode d'évaluation de la graisse, que les sept Pigeons privés d’eau ont vécu trop peu de jours pour qu’on soit en droit d'attribuer au régime du sucre la graisse trouvée à l’autopsie. Il me semble que la seule conclusion que l’on soit admis à prendre, d'après les faits ci-dessus, tels qu’ils sont présentés, est la présence, dans certains cas, d’une notable quantité de graisse à la mort. Plusieurs expé- rimentateurs avaient déjà fait remarquer cette présence de la graisse à l’autopsie chez les animaux nourris exclusivement avec une substance amylacée, saccharine où gommeuse. MM. Tiedemann et Gmelin l'ont rencontrée en quantité notable sur trois Oies nourries à ces trois divers régimes. M. Chossat cite lui-même , dans son mémoire , l'expérience de MM. Macaire et Marcel, qui avaient trouvé de la graisse chez un mou- ton, après l'avoir nourri exclusivement au sucre. Cette graisse que l’on trouve ainsi à la mort est le reste de celle qui 0 F. LETELLIER. --— SUR L'ACTION DU SUCRE préexistait à l'expérience. Sa proportion se montre plus forte que dans l'inanition, où elle est à peu près nulle; parce que, pour l'entretien de sa chaleur, l'animal est obligé, quand il est privé d'aliments, de brûler sa propre substance, et sa graisse de préférence. Je ne crois pas qu’une autre explication puisse être adoptée. Je vais maintenant présenter mes expériences et les résultats qu'elles m'ont donnés. J'ai expérimenté exclusivement sur des Tourterelles , pour deux rai- sons : les oiseaux qui avaient fourni les résultats les plus favorables à l’o- pinion de M. Chossat appartenaient à cette espèce; en outre, il devenait plus facile de déterminer la quantité de graisse par le procédé que j'ai employé, les Tourterelles offrant un poids et un volume beaucoup moin- dres que les Pigeons. Je n’ai pas privé de boissons les oiseaux que j'ai nourris au sucre, puisque , dans les expériences de M. Chossat , il était arrivé que les ani- maux qui avaient été soumis à cette privation d’eau avaient vécu moins longtemps, et fait des pertes journalières plus considérables que ceux qu’on avait laissés mourir d’inanition; de telle sorte que le sucre avait agi dans cette circonstance comme une substance délétère , au lieu d’of- frir les qualités d’un aliment, qui, lors même qu'il est insuffisant, pro- longe la durée de la vie en diminuant la perte diurne. De plus, comme l’auteur du mémoire cité, j'aurais pu me trouver em- barrassé , par suite du peu de durée de la vie, pour décider si la graisse trouvée à la mort préexistait à l'expérience ; ou avait été produite sous l'influence du régime saccharin. 3 Ainsi que M. Chossat l’avait fait, j'ai donné du sucre de canne en pain, que j'ai pulvérisé et humecté avec une quantité d’eau convenable qui permit de le réunir en masses faciles à ingérer: La quantité qu’on a fait prendre par jour a été de 13 à 16 grammes ; elle a été, en général, bien supportée. I y a eu quelques vomissements. Les selles, le plus souvent modérées, ont été extrêmement abondantes chez un des oiseaux en expérience. La graisse a été séparée de la manière suivante. La peau, avec la graisse qui la doublait, était détachée par la dissection. On y réunissait la graisse trouvée dans l'abdomen, etc. ; et, lorsque la quantité en pa- raissait assez forte, on en retirait immédiatement une grande partie par la fusion à la chaleur du bain-marie. Le résidu était ensuite mis à plu- sieurs reprises en digestion dans l’éther jusqu’à parfait épuisement. On pesait énfin, après l’évaporation complète de l’éther et de l’eau qui se faisait au bain-marie. Le reste de l'animal était ensuite coupé par morceaux, desséché à 100 degrés, et mis, comme ci-dessus, en digestion dans l’éther. On finissait, DANS L'ALIMENTATION. lt après dessiccation préalable, par le pulvériser, et on le traitait de nouveau par le même agent. Pour obtenir des résultats qui présentassent quelque certitude, il était nécessairede déterminer à l'avance la moyenne de la graisse que pouvaient contenir les Tourterelles dans les conditions d’une alimentation normale, ainsi que les variations de la quantité. Sept Tourterelles ont été sacrifiées dans ce but ; toutes avaient été gar- dées quelque temps nourries avec du millet , à l'effet de s’assurer jai leur bon état de santé. On trouvera dans le tableau n° 1 les proportions de graisse fournies par ces Tourterelles, ainsi que plusieurs autres données. TasLeau N° 4. — Tourterelles au régime normal. NUMÉROS POIDS DU CORPS. GRAISSE EXISTANT NATURELLEMENT. des EXPÉRIENCES. | EE, Avec les plumes. Sans les plumes, En grammes. Proportionnelle. 1 4398r-,2 1278". ,9 138r-,0 08r: 102 2 134 ,8 125,0 70:53 0 ,138 3 154 ,2 143 ,8 171 0 4193 k 165 .4 150 ,0 49 ,2 0 ,128 5 142 ,7 135 ,1 24 ,5 0 ,159 6 479 ,5 165 ,8 24 ,2 0 445 7 À 168 ,4 154 ,6 33 ,3 0 ,215 Moyennes. 4154 ,9 483,92, 20 ,88 0 ,4585 On voit dans ce tableau combien la graisse a varié dans ses proportions : ainsi, le minimum, qui est de 10 p. cent, s'éloigne de plus de la moitié du maximum, qui s'élève à 21 p. cent. La moyenne est de 15, 85 p. cent. Occupons-nous actuellement des résultats offerts par les Tourterelles soumises au régime exclusif du sucre. Sur sept Tourterelles nourries au sucre, deux ont vu modifier leur régime au commencement du sixième jour. On a réduit à 40 grammes leur ration quotidienne de sucre , et on a ajouté 12 grammes de blanc d'œuf coagulé. On espérait par cette addition placer ces oiseaux dans des conditions plus favorables, pour mettre en évidence l’action engraissante du sucre, puisqu’au moyen d’une substance azotée leur régime s’écartait moins d’une alimentation régulière, 3° série. Zooc. T. I. (Juillet 184: ) 3 2 F. LETELLIER. — SUR L'ACTION DU SUCRE Le tableau montre qu’il n’en a rien été. La vie, il est vrai, a été pro- longée, les pertes journalières ont été moins fortes; mais, par contre, une faible proportion de graisse existait à la mort. Sur les cinq autres Tourterelles dont le régime n’a pas été modifié, deux ont offert des quantités fort minimes de graisse; une autre, une quantité de près de deux tiers inférieure à lamoyenne ; une quatrième se tient encore très notablement au-dessous; la cinquième enfin n’atteint pas cette moyenne. Pour mieux faire ressortir les différences, je vais placer en regard les quantités de graisse offertes par les Tourterelles du régime normal et " rene saccharin. RÉGIME NORMAL... RÉGIME DU SUCRE, Graisse p. 100, en Graisse p. 100, en nombres ronds. nombres ronds. 10 ne Avec addition d’alb mine. 12 4 me 13 Sri 14 3 | 15 e."6 » Sans addition d'albumine. 16 °40 : 21 15 } Moyenne, 415,8 "+6, Ces résultats parlént d'eux-mêmes. Evidemment il n'y a pas eu production de graisse pendant le régime du sucre ; seulement par la combustion, dans l’acte respiratoire, le sucre a concouru à entretenir la chaleur animale, et aservi ainsi à ménager la graisse tenue en réserve. Il est facile d’ailleurs de prouver directement ce que je viens d'avancer. ‘Qu'on fasse respirer une Tourterelle pendant plusieurs heures sous une eloche où l'air se renouvelle constamment avec vitesse, au moyen d'un appareil aspirateur, et qu'on recueille l'acide carbonique produit, on trou- “vera une grande différence dans la quantité de carbone brûlé, suivant que cette Tourterelle sera privée d’alimenñts depuis quelques jours, ou nourrie, ‘pendant le même nombre de jours, avec un aliment insuffisant , comme le sucre, le beurre, etc. D. HA I 1Les expériences que je vais citer ont été faites au moyen d’un späteh établi dans le laboratoire de M. Boussingault, pour déterminer la quan tité de carbone brûlée par une Tourterelle à l’état normal et dans l’inani- tiation: Je me suis servi de cet appareil pour déterminer l'acide CABANE produit sous l'influence des régimes du sucre et du beurre. DANS L'ALIMENTATION. hà ‘Deux Tourterelles de même poids (185sr.:,0), nourries avec du millet à volonté, ont produit pendant le jour , dans plusieurs expériences , uné quantité d'acide carbonique à peu près semblable, Cette quantité s’est élevée, par heure, en moyenne, à 08r:,852, contenant 081,232 de carbone. Une de ces Tourterelles fut soumise à la privation des aliments pendañit septjours ; on la mit pendant le jour sous la cloche à plusieurs reprises. Elle a donné, par heure, en moyenne , 05,429 d'acidé carbonique } réporidant à 08,417 de carbone. Il s’est trouvé qu’elle avait brûlé ainsi à peu près la moitié moins de carbone que dans son état normal. Une autre Tourterelle, depuis trois jours au régime du sucre, a ps 03:.,715 d'acide carbonique , contenant 05':,195 de carbone. Deux Tourterelles au régime du beurre depuis cinq et six jours ont produit : la première, 03,623 d'acide carbonique, répondant à 08'.,169 de carbone ; la seconde, 08,548 d’acide carbonique, contenant 03r:,149 de carbone. Ces résultats sont réunis dans le tableau suivant : ACIDE x CARBONE ANIMAUX POIDS CARBONIQUE produit brülé EN EXPÉRIENCES. INITIAL. par heure pendant le jour. par heure, A l'alimentation normale. 1858": ,0 Osr. 852 08r-,232 Privés d'aliments. . . . . 185 ,0 0- ,429 0 417 Au régime du sucre. . . 150 ,0 0 ,745 0 -,495 Aurégime du beurre n° 1. 185 ,2 REC TE 0 ,169 Id. n° 2. 157 ,2 0 ,548 0 ,449 Le raisonnement conduisait à prévoir que les oiseaux au régime des aliments respiratoires (sucre, beurre, etc.) se placeraient, pour la prodûc- tion de l'acide carbonique, entre les oiseaux au régime ordinaire et ceux de l'inanition. Les choses se sont à peu près passées ainsi ; cependant la Tourterelle nourrie au sucre ne s'éloigne pas beaucoup, par la quantité de carbone qu’elle a brûlée, des Tourterelles dont l'alimentation a été régulière. Dans le régime du beurre, au contraire , notablement moins d'acide carbonique a été produit. IH est peut-être permis d'expliquer cette différence en faisant remarquer que, dans ce dernier cas, la combus- tion deFhydrogène de l'aliment estintervenue,ce qui ne devait pas arriver dans le régime du sucre , où le carbone seul peut brûler. La composition chimique de ces deux substances permet tout au moins cette explication. hh F. LETELLIER. —— SUR L'ACTION DU SUCRE, ETC. Passons maintenant aux phénomènes qu'ont présentés les Tourterelles au régime du beurre. Elles fournissaient aussi un argument puissant contre la production de la graisse par le sucre: Ges expériences ont été tentées dans la pensée qu’on n’obtiendrait pas plus de graisse par ce régime que dans l’état normal. Je me refusais à admettre qu'il fût possible à léco- nomie de modifier une substance grasse pour la mettre en réserve, lorsque l'alimentation , nulle sous le rapport de l'azote , amenait une continuelle destruction du sang. Les quantités de graisse trouvées à l’autopsie et séparées par l’éther , comme il a été dit, se sont montrées bien inférieures à la moyenne nor- male, puisque, au lieu de 45,85 pour cent, on n’a obtenu, dans les trois expériences, que 3,2, 7,3 et 16,7; moyenne 7,1, Cette moyenne, chose singulière, se trouve être la même que celle du régime dusucre sans addition d’albumine. Je ferai remarquer ici que les oiseaux soumis à ce dernier régime ont toujours été maintenus saturés de beurre. Une partie du dernier repas se trouvait toujours dans le jabot quand on ingérait une nouvelle quantité de cette substance. Il suffisait de presser légèrement cet organe pour voir à l'instant sortir du beurre liquide par le bec. Les fèces en conte- naient constamment aussi en grande quantité, puisque, en moyenne, sur 148 grammes de beurre ingéré dans toute la duréede l'expérience, chaque Tourterelle en rendait par cette voie 41 grammes. Je terminerai en citant quatre expériences qui tendent à prouver que le sucre de canne n’est une substance délétère, comme le pense M. Chossat, que par l'énorme quantité qu’on en donne ; elles montreront aussi que le sucre de lait à haute dose est d’un effet bien plus pernicieux encore. On a donné à deux Tourterelles, par jour, 18 grammes de sucre de lait. Elles ont eu presque immédiatement des selles excessives et une soif continuelle. Elles moururent avant la fin du troisième jour. La moyenne que j'ai donnée de la durée de la vie au sucre de canne est de onze jours environ. Elles avaient perdu : la première, 39 grammes ; la seconde , A0 grammes dans ce court espace de temps, et étaient déjà fort maigres. On s’est contenté de peser la peau et la graisse qu’on a pu recueillir. Leur poids a été de 6 grammes chez l’une, et de 13 grammes chez l’autre. Le procédé par l’éther aurait encore donné un résultat plus faible. Une troisième Tourterelle reçut alors 12 gramm. de sucre de lait au lieu de 18. Les mêmes phénomènes se présentèrent, mais avec un peu moins d'intensité. La vie se prolongea jusqu’au commencement du cinquième jour, où je la trouvai chancelant sur ses pattes. Elle serait morte quelques heures après. Je ne donnai plus que 6 grammes de sucre de lait à une quatrième VOGT. -— SUR L’EMBRYOLOGIE DES BATRACIENS. ES) Tourterelle. Les selles, comme chez les précédentes, devenaient presque immédiatement liquides , quoique bien moins abondantes. A la fin du neuvième jour, elle était encore fort vive et volait facilement. Elle avait déjà dépassé la moyenne de la durée de la vie qui a lieu dans l'inanition, et son poids avait diminué chaque jour dans un rapport moins consi- dérable. Je cessai l'expérience vers le milieu du dixième jour. En résumé , dans les circonstances indiquées , je me crois fondé à conclure de ces expériences : 4° Que le sucre de canne ne favorise pas la production de la graisse (le sucre de lait paraît encore plus défavorable) ; 2° Que le beurre, et probablement aussi les autres matières grasses, n’est pas mis en réserve par l’économie quand il est donné comme unique aliment ; | 3° Qu'un aliment insuffisant prolonge la vie et diminue les pertes jour- nalières, pourvu qu’il ne soit pas ingéré à des doses trop élevées. QUELQUES OBSERVATIONS SUR L’EMBRYOLOGIE DES BATRACIENS ; Par M. C. VOGT, Docteur en médecine. MM. Prévost et Lebert ont donné dans ces Annales des détails très intéressants sur l’embryologie de la Grenouille, en s’attachant de préfé- rence au développement des cellules,comme base de tout tissu organique. Ayant fait, de mon côté, il y a quelques années, des études semblables sur une espèce de batracien qui, par sa génération, mérite une attention toute particulière, il n’est pas étonnant que nos résultats s'accordent en nombre de points. Néanmoins MM. Prévost et Lebert ont cru devoir s’op- poser à plusieurs conclusions que j'avais tirées de mes observations, rela- tivement au développement des cellules de la corde dorsale et du sang; mais comme les observations sur lesquelles reposent mes assertions n’ont point été rapportées par ces messieurs , je crois utile de les mettre en regard des leurs , puisque ce ne sont que des faits qui peuvent décider dans de pareilles questions. Nos dissidences portent sur deux points, sur le développement des cellules de la corde dorsale et sur celui des corpus- cules sanguins. Examinons d’abord les faits concernant le premier point. Voici comment je décris le développement de la corde dorsale dans mon embryogénie du Crapaud accoucheur (1) : (1) Untersuchungen über die Entwicklungsgeschichte der Geburtshelferkrôte (Alytes obstetricans). In-4°. Soleure, 1841. Chez Jent et Gassman. 6 VOGT. — SUR L'EMBRYOLOGIE DES BATRACIENS,. Page Al: « La corde présente, dès qu’elle peut être reconnue, un cor- don assez solide relativement au reste du corps. — La masse de ce cordon paraît, sous la loupe, plus transparente que la substance ambiante ; sés contours sont nettement accusés vers la tête, tandis qu’en arrière ils se per- dent insensiblement dans la substance embryonnale, Sous le microscope, le cordon se distingue très facilement par l'absence de toute structure cellulaire ; — la substance dont il est formé est un liquide transparent plus consistant que la gélatine. Une masse considérable de corpuscules moléculaires , de paillettes de stéarine y sont dispersés, La gaîne et le noyau de la corde ne peuvent encore être distingués ; la corde entière n’est qu’une masse homogène sans structure. » Et plus loin, pageA2:« D’au- tres formations commencent bientôt à se montrer dans la substance de ce cordon ; on y voit, d’abord vers la tête et par-ci par-là, des taches rondes, transparentes, qui ressemblent à des vacuoles, mais qu’il est fort difficile. de reconnaître, parce qu’elles sont en petit nombre et recouvertes par des corpuscules moléculaires. — Aussi longtemps qu’elles se trouvent intactes dans la substañce du cordon, on ne peut savoir si elles sont ta- pissées par des membranes particulières; mais en coupant et en com- primant la corde, on réussit souvent à les expulser, et alors on reconnait que ces vacuoles sont des vésicules libres, de forme arrondie , entourées d’une membrane fixe, remplies d’un liquide gélatineux cristallin; en un mot, on voit que ce sont de véritables cellules, J'ai cherché en vain à découvrir un autre contenu daus ces cellules ; malgré tous mes efforts, je n’ai pu y trouver de noyaux. » Page 43 : « Cette formation de cellules, une fois commencée, se poursuit rapidement. Les cellules qui se trouvent vers l'extrémité céphalique se dilatent ; il en naît de nouvelles ; et plusles cellules augmentent, plus la masse à corpuscules moléculaires, qui formait d’abord à elle seule la corde, disparaît, de sorte qu'à la fin il n’en reste que par-ci par-là dans les interstices cellulaires quelque peu comme sub- tance intercellulaire, » Page 4hk:« Les noyaux des cellules ne se montrent qu’au moment où la substance intereellulaire a disparu ; ils sont pâles , lenticulaires et accolés à la paroï de la cellule. » Page 47: « J'ai observé le même développement chez la Palée, Mais si, d’un côté, l'observation rencontre des difficultés chez ce poisson à cause de la petitesse et de la transparence des cellules, d’un autre côté l'absence de corpuscules et de paillettes, qui obscurcissent la masse embryonnale des Batraciens, met l'observateur à l’abrideserreurs qui pourraient résulter de cette cause. —La corde est parfaitement transparente, et les cellules y paraissent d’abord sous forme de petites vacuoles, comme chez les Batraciens. » J'ai donné dans mon embryologie de la Palée (1), page 96 à 103, l’histoire détaillée - (1) Histoire naturelle des Poissons d'eau douce de l'Europe centrale, par L. Agassiz. Tome I, Embryologie des Salmones. Neuchâtel, 1842. | VOGT. -— SUR L'EMBRYOLOGIE DES BATRACIENS. 7 du développement de la corde chez ce poisson. Jene veux en citer iciqu'un seul passage, qui a trait à la première apparition de la corde : « Le cor- don est parfaitement transparent, et l'on n’aperçoit dans son intérieur aucune trace de contenu nutritif, ni de noyaux ; ni quoi que cé soit qui puisse rappeler son ancienne structuré cellulaire ; circonstance qui s'ex- plique facilement par le fait que les cellules embryonnaires de la Palée n'ont que des noyaux très délicats, et que leur contenu nutritif n’est que faiblement granuleux. » Tels sont les faits sur lesquels je m’appuyais quand je déclarais que les cellules embryonnaires se fondent complétement en une masse homogène, en un cytoblastème secondaire , duquel naissent les cellules propres de la corde sous forme de petites vésicules transparentes, qui se dilatent en se développant. MM. Prévost et Lebert ont cru devoir s‘opposer à ma ma- nière de voir. Ils affirment que c’est des noyaux des cellules embryonnaires que naissent les globules de la corde. Examinons d’abord les observations sur lesquelles repose cette théorie. MM. Prévost et Lebert rapportent (p. 204 de leur mémoire) leur observation sur un têtard de 5 millim. dans les termes suivants : «C'était plutôt la netteté des contours dans tout l’axe du tronc que des éléments particuliers qui , à cette époque, caractérisait la corde dorsale. Déjà, dans ces très jeunes têtards, la membrane d’enve- loppe n’est plus bien distincte, et on y voit des globules diaphanes qui, au microscope, ressemblent presque à des vacuoles entourées de tous les côtés de petits globules primitifs en forme de paillettes. » Page 205 : « Les glo- bules de la corde elle-même sont beaucoup plus rapprochés les uns des autres ; ce sont des vésicules parfaitement diaphanes, dans lesquelles , à cette époque, on ne reconnaît nulle part de noyaux, et tout leur aspect . montre la plus grande ressemblance avec les noyaux des globules orga- noplastiques, ayant cependant augmenté de diamètre. » Je ne veux pas être long en citations ; mais en comparant la description donnée par MM. Prévost et Lebert avec mon texte, on pourra facilementse convaincre que les observations de ces messieurs confirment pleinement et en tout point les miennes. En effet, ils ont vu et décrit comme moi l’état de la corde dorsale, où l'on voit encore les cellulesisolées sous forme de vacuoles (état que j'ai représenté pl. 2 de mon embryogénie du Crapaud, et pl. 6, fig. 137, 138,140 et 142 de mon embryologie de la Palée); ils ont reconnu, comme moi, que ces vacuoles étaient des vésicules qui se dila- taient petit à petit, et formaient à la fin, à elles seules, tout le tissu de la corde. Mais si mes observations sur l’état de la corde chez l'embryon d'un âge déjà un peu avancé se trouvent ainsi être exactes, pourquoi celles sur des têtards plus jeunes encore, chez lesquels la corde présentait une masse homogène , ne le seraient-elles pas aussi? C’est cet état très transitoire, époque de la naissance de la corde, qui a échappé à MM. Prévost et Le- l8 . VOGT. — SUR L'EMBRYOLOGIE DES BATRACIENS. bert, et que peut-être je n’aurais pas reconnu non plus chez les Batraciens, si mes observations sur la Palée ne m’avaient donné la clef du phénomène. Pour moi, qui avais surtout en vue le développement du noyau des cellules, qui cherchais à défendre la thèse presque généralement adoptée mainte- nant, savoir, que le noyau n’est qu’une cellule arrêtée dans son dévelop pement, rien n’aurait pu m'être plus favorable qu’une explication pareille du développement de la corde. Mais, je le répète , l'observation de la Palée, chez laquelle ces vacuoles ne peuvent être confondues avec les noyaux des cellules primitives, m'a détourné de cette manière de voir. Il est vrai queles premières vacuoles, chez les Batraciens, ressemblent beau- coup aux noyaux des cellules primitives , et que, par conséquent, on peut _étre tenté d'envisager ces vacuoles comme les descendants directs des noyaux; mais cette ressemblance n'existe pas chez les Salmones, où il serait impossible de rencontrer deux éléments microscopiques plus dis- parates que les vacuoles de la corde et les noyaux des cellules embryon- naires, et où pourtant le même mode de développement a lieu. J'arrive au second point sur lequel MM. Prévost et Lebert ne sont _ pas d'accord avec moi : c’est le développement des globules sanguins. MM. Prévost et Lebert envisagent les globules sanguins comme les des- cendants directs des cellules embryonnaires, dont la membrane devient l'enveloppe, et dont le noyau se transforme en noyau de globule sanguin; tandis que moi je regarde le globule sanguin comme un développement du noyau de la cellule embryonnaire, et le noyau du globule sanguin comme une formation nouvelle. L'opinion de MM. Prévost et Lebert a déjà été danulée par M. Schultz dans son système de la circulation (1), pages 30 et suiv., et cet observa- teur distingué a donné dans cet ouvrage des figures ( pl. IL, fig. 4—9) qui représentent toutes les phases de développement des globules sanguins qu'il a observées. J'ai cité les observations de M. Schultz, page 72 de mon ouvrage sur le Crapaud accoucheur ; je connaissais par conséquent cette manière de concevoir le développement des globules sanguins, et j'ai cherché à la combattre par des raisons que je crois encore valables aujourd’hui ; car les observations de MM. Prévost et Lebert n’ont apporté d’autres faits nouveaux dans la discussion que des mesures micrométri- ques, dont je discuterai la valeur tout-à-l'heure. Mais je ne me suis pas arrêté uniquement aux vues que MM. Prévost et Lebert repoussent, car j'ajoute aux lignes qu’ils ont citées, les mots suivants, qui se trouvent sur la même page : « Mais je ne veux pas prétendre que la formation de nou- velles générations dans l’intérieur des celludes sanguines primitives puisse suffire pour former tous les globules sanguins des animaux adultes. Il est (1) System der Circulation. Suttgard et Tubingue. Chez Cotta. 1836. VOGT. — SUR L'EMBRYOLOGIE DES BATRACIENS. L9 plus que probable que plusieurs générations se succèdent sans inter- ruption. Peut-être aussi toutes ces formes si diverses ne descendent-elles point des cellules primitives du sang, mais sont de formation récente , tandis que les anciennes cellules disparaissent. Cela est d’autant plus pro- bable , que le nombre des globules sanguins n’est en aucun rapport avec celui des cellules primitives qui circulent dans les têtards. » Je n’ai pu répéter mes observations sur le développement des globules sanguins chez les jeunes têtards, la saison étant déjà trop avancée. Mais si la manière de voir de MM. Prévost et Lebert est juste, il faut que l’on distingue le noyau des globules sanguins dans tous les âges du têtard éga- lement, puisqu'il reste toujours le même, et que ce n’est, après eux, que la membrane externe qui se modifie , et, de globulaire qu’elle était, de- vient lenticulaire. Je viens d'examiner des têtards du Crapaud accoucheur de 5 lignes de long, qui venaient de quitter leurs enveloppes. La forme elliptique des corpuscules sanguins existait déjà ; mais malgré toute l’at- tention que j'y ai apportée, il m’a été impossible de voir des noyaux dans ces corpuscules , tandis que je les vis très facilement dans le sang d’un Crapaud adulte que j’examinai comparativement. N'oublions pas non plus que les observations les plus récentes tendent à faire envisager les noyaux des corpuscules sanguins comme des phénomènes de détérioration, et que plusieurs observateurs distingués nient même formellement la pré- sence de noyaux dans les globules, aussi longtemps qu'ils circulent dans les vaisseaux. En tout cas, le noyau transparent, ferme et nettement cir- conscrit des cellules primitives, qui se comporte comme une substance grasse, ne ressemble en rien au noyau imparfaitement accusé des corpus- cules sanguins. L'objection que j'ai tirée de la grandeur, fort différente à mes yeux, des cellules primitives et des globules sanguins , loin d’être affaiblie par les mesures micrométriques de MM. Prévost et Lebert, paraît plutôt confirmée par leurs observations. En effet, MM. Prévost et Lebert trouvent que les cellules primitives qui circulent dans le sang ont un diamètre de 0"",02 à 0,03, tandis que leurs noyaux ont un diamètre de 0"",0125. Is trouvent, en outre , que les globules sanguins au terme de leur développement ont une longueur de 0,02 à 0"*,0225 et une largeur de 0"",0425 à 0",0150. Il est évident que ces mesures ne peuvent être comparées telles quelles, puisque les cellules primitives sont des sphères régulières, arrondies de tous côtés, comme leurs noyaux également, tandis que les globules san- guins au terme du développement sont des ellipsoïdes fortement aplatis. Des corps aussi différents ne peuvent être comparés que par leur volume. Or, le volume des cellules primitives, dont le diamètre varie de 0"",02 à mm, cubes. mm, cubes L Om,03, serait de 0,0000041888 à 0,0000141372. Le noyau ayant, d'après 50 VOGT, — SUR L'EMBRYOLOGIE DES BATRACIENS, MM. Prévost et Lebert, 0"",0125 de diamètre, aurait un volume de wmm. cubes, 0,0000010226. Les globules sanguins sont aplatis ; MM. Prévost et Lebert ne donnant que les mesures de la largeur et de la longueur, j'adopte le diamètre de l épaisseur comme étant un peu plus du tiers de la longueur, c'est-à-dire de 0%%,0057. En mesurant, on le trouvera encore inférieur à ce chiffre. Eh bien, des ellipsoïdes ayant les dimensions indiquées par . cubes: MM. Prévost et Lebert varieraient en volume de 0, 000000 74613 à mm cubes. 0,0000010072755. Il résulte de ces chiffres que le noyau des cellules primitives a un volume égal à celui des globules sanguins arrivés au terme de leur déve- loppement; car le peu de différence que l’on trouve doit certainement être envisagé comme résultant de l'insuffisance de nos moyens micromé- triques, qui, surtout pour des objets tellement petits, sont loin d’avoir atteint toute la perfection désirable, Mais les différences entre les cellules primitives et les globules sanguins sont tellement énormes, que je ne sau- rais admettre la transformation directe des cellules primitives en globules sanguins. Je ne doute nullement des faits que MM. Prévost et Lebert rap- portent, et leurs dessins me paraissent très exacts; mais je ne puis en aucune manière adopter leurs conclusions, pas plus que je n’ai adopté celles de M. Schultz, et cela pour les mêmes raisons. Mais, malgré la concordance des calculs, qui est tout-à-fait en faveur de mon opinion, je suis à me demander si cette dernière, que j’ai émise il y a quelques années, n’est pas aussi erronée que celle de MM. Prévost et Lebert, persuadé que je suis maintenant que les phases observées par les différents auteurs, dans les formes des globules sanguins, ne sont point des phases successives de déve- loppement des mêmes cellules, mais plutôt des générations successives de cellules, qui se rapprochent de plus en plus du type parfait. On ne pourra prouver la connexion de ces différentes formes et les changements succes- sifs de la cellule primitive, que par l'observation directe, en suivant le même globule de sang pendant longtemps dans son trajet à travers le COTPS. Les études embryologiques ont reçu une nouvelle impulsion depuis que l’histiogénèse y joue un rôle capital, et le développement des cellules et des tissus a presque entièrement absorbé l'attention des observateurs. La vie propre des cellules embryonnaires est évidente; mais je crois qu'on lui accorde trop d'importance quant aux métamorphoses que l’on suppose aux cellules. I est vrai qu’en observant les différentes phases de développement dans le même tissu, on est naturellement tenté de croire à des transformations successives des cellules primitives qui constituaient le tissu naissant. Mais plus j’avance dans ce genre d’études sur l'embryo- logie, plus je ne persuade que les transformations que les cellules P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES, 51 subissent sont excessivement bornées, et que leur existence n’est que fort passagère , destinées qu’elles sont à donner lieu à des créations nou- velles de cellules dans leur intérieur, ou bien à être remplacées par des cellules nées à côté dans la substance intercellulaire. Ces générations nouvelles se répètent, se succèdent avec une telle rapidité, et les diffé- rentes formés qu'elles affectent sont si étroitement liées, qu’on les prend volontiers pour des phases de développement des cellules primitives. ÉTUDES SUR LES MYRIAPODES:; Par M. PAUL GERVAIS. En publiant, en 1837 (1), diverses observations et quelques vues nouvelles auxquelles j'avais été conduit par l'étude des Myriapodes qu’on trouve aux environs de Paris , j'ai cherché à réunir sous la forme abrégée d’un prodrome les principaux faits alors connus de l’histoire de ces insectes, et, tout en coor- donnanf ces observations nouvelles avec celles que l’on avait déjà données, j'ai essayé de systématiser celles-ci d’une manière plus rigoureuse qu’on ne l’avait fait encore. De Geer et Leach, Treviranus et M. Léon Dufour, étaient pour ainsi dire les seuls auteurs qui, jusque là, $e fussent occupés avec quelque détail des mêmes animaux : les deux premiers sous le rapport de la spécification , et les deux autres sous celui de l’ana- tomie. Mais les naturalistes n’ont pas tardé à s'intéresser d’une ma- hière plus suivie aux Myriapodes, et leurs travaux, aujourd'hui fort nombreux, ont fait voir combien cette classe d’animaux, convenablement envisagée, pourra fournir de renseignements utiles à la zoologie générale et philosophique. Les Myriapodes, quoi qu’on en puisse dire, forment une classe bien distincte d'En- tomozoaires, et non un ordre particulier de l’une des autres classes de ce type; et les affinités encore incomplétement appré- ciées qu'ils présentent sous des rapports divers avec les Hexapodes, (1) Ann. des Sc. nat., 2 série, t. VIE, p. 35. 92 P. GERVAIS, —- SUR LES MYRIAPODES, les Crustacés et les Vers, en font, pour ainsi dire, la clef de la véritable méthode entomologique. M. Brandt, directeur du Musée de Saint Pétersboure” qui, dès 1833, avait déjà publié un essai monographique des Chilo- gnathes de Latreille, à étendu depuis lors nos connaissances sur presque tous les genres de Myriapodes ; il a donné une classifica- tion de ces animaux, et publié aussi des détails importants sur l’anatomie des Gloméris (1). M. H. Lucas a suivi mon prodrome et complété, d’après mes notes, plusieurs descriptions dont je n’avais imprimé qu’un abrégé (2). On lui doit aussi des observations intéressantes, et parmi elles la distinction du genre Platydesmus (3). Les environs de Varsovie ont fourni à M. Waga plusieurs espèces curieuses de Jules, notre genre Platyule, le genre Craspé- dosome de Leach, etc. (4); mais c’est surtout pour la finesse des observations que son mémoire mérite d’être cité (5). M. Jones a fait connaître la caractéristique de plusieurs genres nouveaux que M. J.-E, Gray propose d'établir, Enfin , M. Newport, dans ia série d'importants travaux qu’il a ed , à traité successivement du développement et de l’ana- tomie des Tules , ainsi que des systèmes nerveux et circulatoire de plusieurs groupes. On lui doit aussi la description abrégée d’un nombre assez considérable de Myriapodes nouveaux, qu'il s’est procurés dans les collections de Londres, Toutes ces recherches, quoique exécutées en quelques années seulement et dans des directions assez diverses, ont laissé bien loin derrière elles nos anciennes connaissances en myriapodologie ; mais comme elles sont restées disséminées dans des recueils diffé- rents , elles n’ont pas encore eu tous les bons résultats que l’on a le droit d’en attendre, Encouragé par l’assentiment de MM. Walckenaer et de Blain- (1) Recueil de Mém. retatifs à l’ordre des Myriapodes ; in-8°, 1841. (2) Anim. articulés. (3) Ann. de lu Soc. entom. de France. (4) Revue Cuvériegng de M. Guérin. (5) P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. 53 ville, et par l’accueil bienveillant que l’Académie des Sciences , par l'organe de M. Duméril , son rapporteur, a bien voulu faire à mon premier travail sur les Myriapodes , j’ai entrepris de coor- donner dans un second Mémoire les nombreux documents qu’on a récemment publiés. Ce travail m'a paru d'autant plus utile, que les observateurs que j'ai cités n’ont pas constamment connu leurs publications réciproques , soit à cause de la presque simul- tanéité de celles-ci, dans plusieurs cas, soit à cause de la distance qui les séparait les uns des autres, et de la difficulté qu’on éprouve souvent à se procurer les recueils périodiques ou les ou- vrages à l’époque de leur mise en vente. D'ailleurs, j'ai aussi de mon côté fait quelques études nou- velles ; et comme je ne les ai fait connaître que sommairement, et que plusieurs de mes résultats nouveaux sont même restés inédits, je profiterai de cette occasion pour les soumettre aux naturalistes. CHAPITRE PREMIER. DES MYRIAPODES EN GÉNÉRAL. Les Myriapodes sont des animaux articulés terrestres pourvus de pattes articulées plus nombreuses que celles des autres groupes du même type, et dont le nombre varie de dix paires à cent cinquante et au-delà. Tous respirent par des trachées, et leur corps ne se partage qu’en deux parties : la {éle, qui porte deux antennes , les yeux lorsqu'ils existent et les appendices buc- caux ; le tronc, formé d’anneaux semblables ou subsemblables , presque tous pourvus d’une ou deux paires de pattes , et ne pou- vant être partagés en thorax et abdomen. Cette réunion de caractères ne permet de placer ces ani- maux dans aucune des classes admises, et que l’on connaît plus généralement sous les noms d’Hexapodes, de Crustacés et d’Arachnides ou Octopodes. Les Hexapodes ont, en effet, dans leur corps, composé en général de quatorze articles et divisé en trois parties , dans leurs antennes simples, dans leurs trachées et dans leurs pattes au nombre de six, une paire à chacun des 5 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. segments thoraciques, des particularités qui les isolent nettement, et qui, jointes à la nature de leur système nerveux, de leurs sens et de leurs actes, les placent en tête des animaux articulés. Tous les Hexapodes, quoique inséparables les uns des autres) pourraient cependant être partagés en plusieurs sous-classes ; et, en effet, les différents ordres qu’on à établis parmi eux ne reposent pas sur des caractères d’une égale valeur. Les Crustacés sont plus maniféstement-dans cé cas : aussi ont-ils été partagés dans là méthode de M, de Blainville en plusieurs classes différentes , et l'on pourrait dire qu’il en est de même des Octopodes, qui con- stituent , aussi bien que les Hexapodes et les Crustacés , une des séries partielles dont se compose le re des Entomozoaires apiropodes. Doit-on admettre que les Myriapodes sont une quatrième div sion d’Apiropodes , division d’égale valeur avéc celles dont nous venons de parler? Latreille, M. Brandt et quelques autres, ont suc- cessivement admis et rejeté cette manière de voir. M. de Blainville a toujours été d’avis que les Myriapodes forment une classe dis- tincte parmi les animaux articulés; et dans son cours de 1844 à la Faculté des Sciences de Paris, il est allé plus loin que tous ses prédécesseurs en établissant que les Myriapodes doivent être par- tagés en deux sous-classes, suivant qu’ils ont une ou deux paires de pattes à chaque anneau. . Cette opinion de M. de Blainville est certainement plus en rap: port avec l'importance des caractères que la subdivision des Myriapodes en deux ordres seulement : les Chilognathes et les Chilopodes ou Syngnathes de Latreille (Syngnathes de M. Walc- kenaer). Nous nous permettrons même de demander à son savant auteur si elle satisfait complétement aux excellents prinéipes qu'il a fondés en zooclassie, et si, lorsque l’on admet que les Crustacés constituent plusieurs groupes, chacun de valeur classique, les lules doivent rester dans la même classe que les Scolopendres , ou s’il ne serait pas plus convenable de voir dans les Myriapodes un sous-type d'animaux articulés, ou du moins une division de valeur égale à celles des Hexapodes, Crustacés et Octopodes ? Si l’on admet, en effet, que les animaux articulés, comme tous’ P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. 55 les groupes du règne animal , forment une succession subordonnée de séries, et non une série unique , on pourrait retrouver parmi les espèces pourvues de pieds articulés les mêmes termes sériaux que parmi les Vers, en comprenant sous ce nom les Chétopodes et les Apodes : Un groupe d’animaux dont les segments se partagent nette- ment en trois sortes, et qui sont, pour ainsi dire, hétérocriciens; Un autre à segments de deux sortes, parhomocriciens et homo- criciens ; | D’autres, enfin, dont le corps, d’abord articulé et parhomocri- cien, tend à la forme globuleuse, comme celui des vers les plus inférieurs. | Les espèces de la première catégorie sont les Hexapodes ; celles de la seconde, les Crustacés et les Myriapodes, et les troisièmes sont tous les Octopodes. © Si les auteurs ont réuni les Myriapodes aux Insectes à six pattes, c'est que, à l'exemple de G. Cuvier et de Latreille, ils ont attaché trop d'importance à la présence des trachées; mais M. de Blainville a depuis longtemps rejeté cette manière de voir , et les derniers travaux d'anatomie entomologique nous semblent en avoir fait définitivement justice. Si l’on réunit les Myriapodes aux Hexapodes, parce qu’ils ont une respiration trachéenne, pour- quoi en séparer ceux des Arachnides qui ont les mêmes organes respirateurs (1) ; et, bien qu'il paraisse démontré que tous les Hexapodes ont des trachées, comment ne pas en distraire ceux (1) C'est cependant une chose contestable ; mais M. Brandt, qui accepte le principe, en accepte aussi la conséquence , et il a sur ses devanciers l'avantage de se conformer à ses prémisses. Voici comment il s'exprime à cet égard : « Admettant cependant ce principe de classification dérivé surtout d'organes de la respiration et de la circulation, une partie des Arachnides doit également entrer dans la classe des Insectes, notamment les Arachnides trachéennes , pendant que l’autre partie des Arachnides, les Arachnides pulmonaires, devra être réunie aux Crustacés, qui différeraient des Insectes surtout par la présence des branchies en forme de feuilles ou de sacs (poumons) et des vaisseaux apparents qui apportent le sang aux organes et aux poumons. » Il faut cependant ajouter qu'il n'y à aucune analogie de connexion entre les branchies appendiculaires des Crustacés et celles pulmonaires des Arachnides. ë6 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. qui joignent à ces trachées de véritables branchies , comme la plupart des larves aquatiques des Névroptères et quelques autres encore (1)? C'est à des branchies et non à des pattes qu’il faut comparer les appendices abdominaux de la famille des Lépismes, que Latreille et d’autres auteurs avaient invoqués pour établir un lien plus direct entre les Hexapodes et les Myriapodes par l’inter- médiaire de ces mêmes Lépismes. | Le système nerveux des Myriapodes ne fournit aucun document zooclassique qui ne soit en rapport avec les caractères morpho- logiques de ces animaux ; et l’on peut dire qu’en moyenne il est, aussi bien que leurs organes des sens et leurs actes , inférieur à ce que présentent les Insectes et même les Crustacés ; leursorganes générateurs fournissent encore moins de documents, si on les interroge à cet égard. Voyons ce que l’on peut conclure du déve- loppement de ces animaux eux-mêmes. L'étude du développement entreprise par d’habiles physiolo- gistes a déjà fourni, dans presque toutes les classes du règne animal , de précieuses indications dont la méthode à su profiter avec empressement ; mais celui des Myriapodes n’est pas encore suffisamment connu. Quelques indications précieuses déjà enre- gistrées par De Geer, quelques faits publiés par Savi, par moi, par M. Waga et par M. Newport, sont les seules que l’on possède encore, et l’on peut dire qu’elles ne sont pas établies d’une manière assez comparative dans les deux grandes séries des Myriapodes. De Geer avait admis que les Pollyxènes et les Iules naissent avec trois paires de pattes et un petit nombre d’anneaux. J'ai ajouté que chez les Tules, les articles des antennes et les yeux sont également en moindre nombre chez les jeunes que chez les adultes. J’ai également fait la remarque que les Myriapodes hexapodes ont alors moins d’anneaux au corps que n’en ont les Hexapodes, à l’exception toutefois des Podures et de quelques autres Hexapodes aptères , et qu’ils ont déjà plus de trois paires de pattes avant d’avoir acquis les quatorze paires d’anneaux de la (1) Onavait nié l'existence de trachées dans les Lepismes ; mais je les ai nou- vellement constatées chez ces animaux, et M. Burmeister avait fait antérieure- ment la même remarque. P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. 57 majorité des Hexapodes. Savi avait dit, contrairement à l’asser- tion de De Geer, que les Iules naissent apodes, et qu'ils ne devien- nent hexapodes qu'après quelque temps seulement. M. Newport a soutenu la même opinion dans un de ses importants mémoires ; qu'on me permette néanmoins de conserver encore quelques doutes, surtout en présence du fait suivant que j'ai moi-même observé (1) dans une famille différente , il est vrai, mais apparte- nant cependant à la même série : je veux parler des Gloméris. Voici ce que j'ai constaté à cet égard : Au mois d'avril, dans les environs de Paris, les ovaires du Glomeris marginatus sont chargés d’une grande quantité d’œufs, Si l'on garde de ces Gloméris en vase clos, ils ne tardent pas à pondre, Chaque œuf est isolé et enveloppé d’une petite boule de terre plus ou moins régulière, et dont le diamètre égale 3 ou h millimètres. L'œuf lui-même n’a guère plus d’un millimètre : il est blanc et parfaitement rond. Si on étudie ces œufs après quelque temps. on voit que le jeune Gloméris a commencé de s’y développer , et à son éclosion il a moins d'articles aux an- tennes et au corps que n’en ont les adultes : il n’a que trois paires de pattes, et j'ai constaté que celles-ci existaient déjà avant l’é- closion, J'ai vu de jeunes Polydesmus complanatus nouvellement nés, et je les ai vus Hexapodes, mais sans avoir eu l’occasion de les observer avant qu'ils fussent éclos ; le même fait s’était également offert à M. Waga, et il l'avait aussi constaté pour le Platyule. Les jeunes Polydèmes m’ont présenté cela de curieux, que la carène de leurs anneaux a marginalement trois crénelures comparables à celles du Polydesmus mexicanus de M. Lucas, et supportant cha- cune un poil sétiforme. Ces petits Polydèmes n'avaient que sept anneaux , la tête non comprise. L'un d’entre eux , examiné trois semaines après, montrait huit anneaux sans la tête et l’anus bi- valve, et six paires de pattes au lieu de trois : une pour le pre- mier ou le deuxième anneau , une seconde pour lé troisième, une troisième pour le quatrième, une quatrième et une cinquième (1) Bull. Soc. philomatique , dans le journal l'Institut : 1844, p. 204. 3° série, Zoo. T. IT. (Août 1844.) à ù 9 58 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES, pour le cinquième, et la sixième unique sous le sixième. Il est pro- bable que cet individu fût devenu un mâle s’il avait continué son développement ; une femelle aurait sans doute présenté deux paires de pattes au lieu d’une seule au sixième anneau ; mais ici les forcipules génitales n'étaient pas développées encore. J'ai'fait voir, en 1837, que les Lithobies étaient soumises à un mode analogue d'évolution, c’est-à-dire qu’elles avaient en naissant moins d’anneaux au corps, moins d'articles aux antennes et moins d’yeux que dans l’âge parfait, et j'ai enregistré ailleurs un fait tout différent que m'avait communiqué M. Audouin. « Une femelle de ce genre, placée encore vivante dans un flacon d’al- cool, y pondit, non des œufs, mais des petits déjà développés , que M. Audouin a bien voulu me faire voir (4). » Ges petites Sco- lopendres avaient déjà leur nombre normal de pattes, et par consé- quent d’anneaux. L'étude embryogénique des vraies Scolopendres rattachera sans doute d’une manière plus directe ce fait en apparence excep- tionnel à ceux que nous venons de rapporter, mais il ne détruit en rien les conséquences que l’on peut en tirer. Les Myriapodes ont évidemment des demi-métamorphoses-comme plusieurs insectes hexapodes. Ils constituent bien réellement une dégradation des Entomozoaires hexapodes ; mais ils n’en sont pas un arrêt de dé- veloppement, car ils manquent essentiellement de véritable abdo- men, et cet organe existe à tous les âges chez les Hexapodes ; ils semblent , sous ce rapport, comparables à des Podurelles dont les anneaux thoraciques se multiplieraient d’une manière presque indéfinie, tandis que leur abdomen aurait encore moins d’anneaux que n’en présentent ces derniers, ou en manquerait même tout-à- fait : aussi les Myriapodes peuvent-ils être cités comme l’une des meilleures preuves que la multiplication sous forme homologue d'organes, même appendiculaires , et l’élévation de ces organes, c’est-à-dire l’exagération de leur importance fonctionnelle et caractéristique , sont constamment en raison inverse l’une de l’autre. On sait d’ailleurs que chez les Vers, ét même dans la plu- (4) Dictionnaire d'histoire naturelle de M. Guérin. P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. 59 part des Crustacés, il. y à moins d’anneaux au corps chez les jeunes sujets que chez les adultes, que leur nombré, chez ces derniers, soit fixe, ou, au contraire, illimité. CHAPITRE II. DES DIPLOPODES. Comme nous l’avons déjà dit, M: de Blainville a nouvellement donné ce nom (1) aux Myriapodes dont les anneaux , dans la ré- gion adventive ou pseudo-gastrique, supportent chacun deux paires de pattes. L’explication théorique de cette disposition n’a point encore été donnée d’une manière satisfaisante ; mais le caractère lui-même est resté jusqu'ici spécial aux seuls Chilognathes de Latreille, et il est incontestablement plus important que celui dont ce dernier naturaliste s'était servi pour la distinction de ce groupe. D'ailleurs, on a démontré par de nouvelles obser- vations que la bouche des Chilognathes a ses appendices diffé- remment modifiés, suivant la famille de ces animaux, et nous verrons à l’article des Platyules et genres voisins qu’ils peuvent affecter la formé de sucçoirs. La composition elle-même des an- neaux est sujette à quelques modifications ; les organes générateurs varient dans la position de leur orifice, tandis que la duplicature des pattes est constante, Ce dernier caractère est donc le meilleur que l’on puisse assigner à cette première catégorie de Myriapodes ; il faut toutefois y joindre la composition des antennes, ordinaire- ment de sept articles inégaux, rarement de six ou de huit (2). Les Diplopodes ont des affinités réelles dans leurs caractères morphologiques avec les Crustacés. Leur système nerveux, leurs sens, leurs sécrétions, presque tout en eux démontre qu'ils sont d'une organisation supérieure à celle des Chilopodes ; c’est pour- quoi ils nous occuperont les premiers. (1) 1 est conforme aux principes de nomenclature que M. de Blainville a in- troduits dans la science, et qui sont acceptés par la plupart des naturalistes, que les caractères et les noms des sous-classes d'Entomozoaires, etc., soient tirés des mêmes organes qué ceux qui ont servi à l'établissement des classes elles-mêmes (2) Le Zulus plicatus, Guérin, a huit articles, ainsi que ie m'en suis assuré. 60 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. On pourra partager dès à présent les Diplopodes en cinq groupes, auxquels nous donnerons la valeur de familles, et dans lesquelles prendront place les Pollyxæènes , Glomeris, Polydèmes , Jules et Platyules ou Polyzonium , presque tous subdivisibles en plusieurs genres. L. POLLYXÉNIDES ( Pollyxenidæ ). Le petit nombre @e leurs anneaux et leur moindre quantité de pattes m'a engagé à les placer à la tête des Diplopodes; et quoique leur orga- nisation ne soit pas bien connue, soit dans le système nerveux, soit dans la position des organes générateurs, ils ont néanmoins assez de carac- tères particuliers pour qu’on les distingue des Gloméris, dont je les avais d'abord rapprochés. M. Lucas a nommé Pollyx:nites la famille de ces petits animaux ; MM. Gray et Jones l’appellent Pollyxenide. Genre unique, POLLYXENUS, Latreille. Il y en a des espèces en Europe (De Geer, Geoffroy, etc.), en Barbarie (M. Lucas) , et dans l'Amérique du Nord (Say). IT. GLOMÉRIDES (Glomeridæ). . La possibilité qu'ils ont de se rouler en boule, la double incisure de leur chaperon, la composition pentazonée de leurs anneaux et l’orifice tout-à-fait postérieur de leurs organes reprodücteurs sont les caractères principaux qui les distinguent. M. Brandt en a fait l’objet de plusieurs mémoires intéressants, et il les partage, d’après le nombre de pattes et des anneaux, et surtout d’après la nature des yeux agrégés, ou en série linéaire au bord externe de la tête, en deux groupes, Glomeridia et Sphærotheria, que nous per- sistons malgré ses remarques à considérer comme les deux vrais genres de cette famille. On n’a point encore reçu de Glomérides australasiens ni américains. Ai GLOMERIS, Latr. Il n’a jusqu’à présent que des espèces européennes (1). Nous nous sommes assuré que les deux qu’on avait admises aux environs de Paris se réduisent à une seule, dont les femelles ont servi à l’établissement du (1) Sauf le Gl. Klugii de M. Brandt, qui est d'Égypte et de Syrie. C'est le type de sa section a. P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPOPES. GI Gl marginala, et les mâles à celui du G/, marmorea, Celui-ci présente toujours des forcipules copulatrices, et le précédent des ovairestrès chargés d'œufs pendant tout le printemps. M. Gray, cité par M. Jones, réserve le nom de Glomeris à a section a de M. Brandt, qui ne comprend qu'une espèce nouvelle, et il donne un nouveau nom (Lamisca) à la section b (1) du même auteur, qui com- prend les espèces anciennement connues, et types du genre Gloméris lui-même. C'est une faute de nomenclature que l’on devra bien se garder d’imiter, et d’ailleurs la distinction d'un nouveau genre parmi ces animaux n’est pas du tout nécessaire. ZEPBRONIA, Gray. Nous y conserverons comme simples sections les deux genres Spha- rotherium et Sphæropœus de M. Brandt, parce que nous ne croyons pas à l'existence de six articles seulement dans les Sphæropœus : leur septième article est fort petit ou caché, mais il existe néanmoins. Il nous paraît impossible de faire avec M. Gray une famille de Zephro- xiadæ , séparée de celle des Glomeridæ ; et suivant nous M. Brandt, en établissant les tribus qu’il nomme Sphærotheria et Glomeridæ, retire à la nomenclature de ce groupe la simplicité si désirable en zooclassie, Les espèces de ce genre dont on doit la description à M. Brandt sont toutes de l'Afrique australe ou de l'Inde. C'est des mêmes contrées que proviennent celles que M. Newport à signalées plus récemment, et celles que nous avons nous-même observées. à GLOMERIDESMUS, Gervais. Les Gloméris ont douze segments dans la tête, et le premier des seg- ments est incomplet et scutiforme, tandis que le second est, comme le dou - zième , plus considérable que les autres. Les Zéphronies ont treize seg- ments comme l'indique M. Brandt ; et si M. Jones ne leur en accorde que douze, et n’en donne que onze aux Gloméris, c’est qu'il n’a pas compté le segment scutiforme. Celui-ci a pour caractère chez les Zéphronies d'être soudé à la tête ; il est libre au contraire chez les Gloméris. Les Gloméris ont dix-sept paires de pattes, les Zéphronies en ont vingt et une. Le genre que nous avons appelé Glomeridesmus nous parait être une forme curieuse et nouvelle de la famille des Glomérides, mais que ses caractères rattachent jusqu’à un certain point aux Polydèmes. (1) Peut-être faut-il lire section a et non b, comme l'a écrit M. Jones. 62 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. Le GLOMERIDESMUS PORGELLUS (4), qui est l'espèce type de ce genre, est un petit myriapode recueilli par M. Goudot en Colombie, et dont je n’ai malheureusement étudié qu’un seulexemplaire. Il est long de 0,040, mesure 0,003 dans sa plus grande largeur, et ressemble beaucoup aux Gloméris par sa forme générale. Il est cependant un peu plus aplati , plus allongé aussi et un peu plus large en avant entre les deuxième et troisième anneaux qu’en arrière , son contour formant ainsi une ellipse ovoide ; ilest de couleur gris-brun, plus clair en avant et en arrière sur le corps, ainsi qu’au bord postérieur des anneaux , surtout le dessous et aux antennes. Le corps est lisse en dessous ; les pattes ne dépassent pas ses arêtes latérales; elles sont médiocrement comprimées et sex-articu- lées ; elles décroissent de longueur à mesure que le corps se rétrécit. Leur nombre était de trente-deux (2). Malgré ce caractère remarquable , le Glomeridesmus semble bien par sa tête et par les anneaux de son corps appartenir aux Glomérides. Son chaperon est trifide, par suite d’une double échancrure intercep- tant entre elles un denticule médian, obtus, ainsi que les deux latéraux, qui se confondent par leur partie externe avec les côtés du front. La tête est irrégulièrement globuleuse dans son vertex qui cache les appendices buccaux. Les antennes, à peu près aussi longues qu’elle est large, sont en massue, assez courtes, un peu épaisses et composées de sept articles , grossissant du premier au sixième, subégaux en longueur, avec le septième en bouton presque inclus dans le sixième : il n’y a point d’yeux, mais, en arrière de chaque antenne, près sa base, une fossette subcirculaire et comparable à celle que les Gloméris ont Vu de la base externe des mêmes appendices. Le premier anneau du corps est scutiforme , ovalaire transverse, non réuni et beaucoup plus grand que son analogue chez les autres Gloméri- des. Le second est, par contre, moins considérable, ses ailes latérales étant moins dilatées et moins tombantes que chez les genres de cette famille ; mais il commence à prendre, ainsi queles suivants, la disposition demi-cir- culaire des anneaux des Glomérides; leur bords, en effet, sont amincis, et l’arceau inférieur de chaque anneau est concave, formé bilatéralement de deux lames et affectant la disposition que M. Brandt nomme pentazonée. J'ai compté en tout vingt anneaux, sauf la tête ; mais il y en avait proba- (1) Gervais et Goudot, Ann. Soc. entom., 4844, p. xxvur. (2) C’est un de plus que le nombre des pattes chez les Polydèmes femelles. — L'individu observé était sans doute femelle ; et comme ses valves anales étaient tombées, rien n’a pu indiquer si les organes génitaux s'ouvrent en arrière, ce qui en ferait un véritable Gloméride, ou sous le premier tiers, comme dans les Poly - dèmes. P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES, 63 blement vingt et un. L'angle postérieur des derniers anneaux , qui est plus bas que celui de leur insertion, donne à cette partie du bord de l’a- nimal une apparence serratiforme, d IL. POLYDESMIDES ( Polydesmideæ ). Mes recherches et celles de M. Brandt sur le genre Polydesmus de Latreille, et celles des auteurs que nous avons eu l’unet l’autre soinde citer ont porté à près de cinquante le nombre des espèces de ce groupe, toutes à corps monozoné, c'est-à-dire ayant les anneaux composés d’une seule pièce, que cette pièce soit circulaire, subcarénée ou très fortement ca- renée, et alors plus ou moins ellipsoïde. J'ai considéré comme un carac- tère non moins important des Polydèmes, que je crois devoir maintenant distraire de la famille des Jules, à l'exemple de M. Brandt, de n’avoir que vingt anneaux (la tête non comprise) et seulement trente et une paires de pattes. | Sans trouver dans ces chiffres eux-mêmes la caractéristique des Poly- desmus, on peut dire que le nombre défini des pattes et des anneaux dans ce groupe tend à lui faire donner un rang plus élevé que celui des lulides, où le nombre est au contraire variable d’une espèce à une autre, C’est pourquoi nous les avons placés entre eux et les Glomérides. M. Brandt, qui subordonne les Diplopodes d’après la considération du nombre des pièces qui entrent dans la composition de leurs anneaux ( cinq pour les Glomérides , trois pour les Iules, une seule pour les Iulides), n’admet pas les doubles aflinités que j'avais supposées aux Polydèmes, en les regardant comme un terme moyen entre les Gloméris et les Iules. Il rapporte les Polydesmides au même groupe que les Pollyxènes, place ensuite les Iulides, et, finissant par les Glomérides, il ménage ainsi les aflinités que les Glomérides et les Platyules offrent en effet sous certains rapports. Mais, quelque engageant quesoit ce mode de classification , notre peu de connaissances sur le Pollyxène et quelques caractères communs aux Glomérides et aux Polydesmides ne nous per- mettent pas de l’accepter. On connaît maintenant des Polydesmides propres à toutes les parties du monde, et les collections en possèdent encore d'inédits. Cette famille est d’ailleurs partagée en plusieurs genres, mais qui, ne reposant pas sur des caractères aussi tranchés que l'absence ou la présence des yeux, la disposition sériale ou circulaire de ces organes et autres particularités d'une égale précision, restent plus difficiles à séparer. On établit d’ailleurs des passages réels entre ces différents genres ; et depuis l'espèce la plus gloméridiforme jusqu'à celle qui est la plus cylindrique, et par conséquent le plus semblable aux Iules, les intermédiaires sont déjà connues. 64 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES: J'avais partagé les Polydèmes, en 1837, en trois groupes : 1° Polydèmes glomeridiformes, répondant, ainsi que je l'ai établi depuis lors (1), au genre Fontaria de M. Gray; 2° Polydèmes proprement dits ; 3° Polydèmes iuloïdes, le genre Strongylosoma de M, Brandt, nommé plus récemment S/osatea par M. Gray (2). Depuis lors, M. Brandt a donné un mode nouveau d'arr angement pour les espèces connues de Polydèmes , dont il continue à séparer les Strongy- losomes. MM. Gray etJones ont aussi indiqué quatre genresde ces animaux : Poiydesmus, Fontaria, Stenonia ct Stosatea, Leurs Stenonia sont caracté- risés par la forme parallélogrammique des articles du corps, dont les ca- rènes sont dentées à leur bord. J'ai moi-même observé des Polydesmides plus semblables aux Glo- méris que ceux dont j'avais fait ma première section ; et comme l’un d’eux (3) rappelle aussi les Oniscus par sa forme générale, j'en ai fait un sous-genre sous le nom d’Oniscodesmus. £ C’est par celui-ci que je commencerai, mais en faisant toutefois remar- quer combien ses caractères s’éloignent de ceux des autres Polydesmides. 4, ONISCODESMUS, Gerv. La seule espèce connue de ce groupe a été découverte par M. Justin Goudot pendant son séjour en Colombie. Elle est de couleur brune , de forme oniscoïde, c’est-à-dire convexe au dos, avec les carènes des anneaux tombantes en dchors, cachant les pattes et produisant un aspect serrati- forme par le prolongement angulaire postérieur de chaque anneau. L’an- neau périnal est petit, porte un faible prolongement médio-postérieur , obtus et aplati qui saille faiblement entre les deux saillies angulaires, également obtuses. de l'anneau pénultième. Les deux angles de l’antépé- nuiiième sont au contraire aigus, et ils arrivent au niveau de ceux du pré: cédent. Le bord postéricur de chacun des anneaux supporte une série unique de tubercules plus ou moins parallélogrammiques , et dont les sail- lies donnent quelquefois à l'anneau lui-même une apparence dentée, sur- tout en dessous. Les anneaux eux-mêmes semblent presque pentazonés, et l'on distingue, en effet, à la face inférieure que la carène dépasse, comme chez les Glomérides, deux paires de lames, l’une interne, l’autre externe (1) Revue cuviérienne de M. Guérin, IE, 2 (2) Jones, loc. cit., p. 546. (3) Polydesmus oniscinus, Gerv. et Goudot, Hip Soc. entom , 1844, p. xxvint, du sommet des Andes colombiennes. P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES: 65 et joignant celle-ci à la carène ; externe plus considérable que l'interne ; toutes étant beaucoup moins distinctes entre elles qu’elles ne le sont chez les Glomérides. Le premier anneau du corps ne se compose, comme d’ha- bitude, que de son arceau supérieur, qui est scutiforme, subellipsoïde , à bord antérieur à peu près droit, le postérieur étant un peu concave etles latéraux curvilignes obtus. Il y a, celui-ci compris , dix-huit anneaux, et les pattes , qui ne sont pas comprimées , sont au nombre de vingt- huit paires. La tête, qui a son chaperon rectiligne, manque d’yeux et de fossette auriforme. Ses antennes ont sept articles, dont les deuxième , troisième ét cinquième sont les plus longs , subégaux; les autres, c’est-à-dire le quatrième et le sixième, étant plus courts et à peu près égaux entre eux; le septième est au contraire plus petit et en bouton. Les derniers articles de ces antennes sont plus épais que les premiers, et la forme générale est en fuseau. L'antenne égale à peu près en longueur la largeur de la tête, Longueur de l'animal, 0,015. Nous n'avons vu de l’'ONISCODESMUS ONISCINUS qu’un seul exemplaire desséché. D. POLYDESMUS. En nous guidant d’après les données dont il a été précédemment ques- tion, nous sommes arrivé à la distribution suivante des Polydèmes. 1) Carènes procumbantes, cachant les pattes sousle dessousde corps, qui estun peu concave ; corps allongé, obtus à son extrémité postérieure. P. velutinus , Gerv. et Goudot; P. granoasus, iid., sont deux espèces nouvelles qui servent de type à cette section. L'une et l’autre ont été découvertes en Colombie par M. Justin Goudot. 2) Carènes transversales un peu au-dessus de la ligne médio-latérale , souvent continues, peu ou point tombantes, quelquefois épaissies en bour- relet près leur bord libre, qui est entier. a) Le dernier anneau formant une pointe plus ou moins saillante au- dessus de l'anus. C’est surtout à ce groupe qu'appartiennentles Polydèmes que j'ai nommés P. glomeridiformrs, ou les Fontaria de M. Gray, ainsi que la.section b, p. 131, des Polydèmes de M, Brandt. Tels sont les Po- lydesmus scaber, zebratus, virçiniensis et granulusus de notre Prodrome, auxquels se joignent les P. dilatatus, Brandt, P. Blainvillii, Eydoux et Gerv., ainsi qu'une espèce nouvelle de Barbarie signalée par M. Lucas. b) À carènes non continues, mais entières ; partie saillante de l'anneau péri-anal en palmette. ' P. margaritiferus, Eydoux et Gerv. ; P. Meyeni, Brandt; P. Klugu, id. ; etc. 66 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES, e) Mêmes caractères ; carènes tridentées : G. Stenonia, Gray. P. dentatus ? Olivier; — P. mexicanus, Lucas, Dict. d'Orbigny, atlas 3) A carènes non continues, formant un plan avec le dos ; anneau péri- anal portant une pointe en dessus : genre Polydesmus, Gray. a) La section A des Polydèmes de M. Brandt: P. complanatus, Latreille. — P. rubescens, Gerv. — P. diadema, id. b) A carènes un peu relevées et aliformes. h) À carènes peu ou pointsaillantes; corps cylindrique ou subeylin- drique : genre Strongylosoma , Brandt ; Polydèmes iuloïdes, Gerv.; Sto- sated, Gray. L'espèce qui m'avait servi à établir cette coupe, et que j'ai nommée Polydesmus pallipes d'après Olivier, qui en avait fait son Zulus pallipes, es aussi le Z. stigmatosus d’Eichwald et le P. Genei, Costa (1). Peut-être que le Strongylosoma monilis, que M. Newport cite d’après Bonelli, n’en diffère pas non plus. À Un passage presque insensible s'établit entre ces Polydèmes et les pré cédents, ceux du sous-genre Fontaria surtout, par plusieurs espèces exo- tiques décrites par les auteurs: P. Gervaisii, Lucas; P. Bibronii, Eydoux et Souleyet ; St. trilineata, Newport, etc. ; d’autres sont plus cylindri- ques encore : P. Guerinii, Gervais; P. cylindraceus, id.; P. vermi- formis, Eydoux et Souleyet. 5. Le genre CRASPEDOSOMA de Leach est certainement voisin des Polydes- mus, mais il s’en éloigne par un nombre plus considérable d’anneaux et de pattes, ainsi que par la présence d’yeux réunis en masse derrière la base des antennes. J'ai publié une figure de ses caractères d’après un Craspedosoma polydesmoides envoyé des environs de Varsovie à M. Guérin par M. Waga. M. Jones , d’après M. Gray, fait une famille des Craspedosomadeæ, qui comprend les genres Craspedosoma , Cylindrosoma , Reasia et Cambala donnécomme synonyme de Platyulus. Nous ne connaissons par le deuxième et le troisième de ces genres, et M. Newport, qui a étudié avec soin les collections de Londres, et en particulier celle du British Museum, dont M. Gray est directeur, n’en parle pas. Quant aux Cambala et aux Platyu- lus, il en sera question plus loin. IV. IULIDES (Zulidæ ). La caractéristique générale des lules comme famille est aisée, mais (1) Pocchi cenni interno alla Fauna del Gran saso d'Italia. P, GERVAIS, — SUR LES MYRIAPODES. 67 leur spécification est bien plus difficile. On a cependant publié un nom- bre considérable de ces animaux et distingué parmi eux plusieurs genres. Toutes les espèces du genre Zulus tel que nous l'avons défini, ainsi que les subdivisions que M. Brandt y a établies ; les Callipus de Risso; nos Blaniulus et quelques autres coupes génériques, sont de la famille des lulides, l’une des plus importantes, en même temps que l’une des plus nombreuses dans la classe qui nous occupe. Pour M. Brandt, ces animaux constituent le groupe des Trizonia, qu'il caractérisait ainsi, en 1833 : « A media corporis cingula e partibus tribus imbricatis composita , e cingulo annuliformi fere completo dorsum et abdominis latera occupante ete laminis duabus una pone alteram in medio abdominis sitis quarum posteriori margini pedes sunt (1). » Voici ce qu'il en dit en 1840 : « Comme chez quelques unes des Trizonies, toutes les lames pédigères (pétales) sont libres , chez les autres la plupart (excepté celles de deux ou trois paires antérieures de pattes qu'on trouve toujours libres) réunies par une suture aux anneaux du corps. Les Trizonies peuvent être distri- buées sous ce point de vue en deux sections, Lysiopetala et Synpodope- tala. La section des Synpodopétales, qui renferme presque toutes les espèces connues du genre lulus de Latreille, approche par la réunion de leurs lames pédigères des Monozonies, et doit ainsi, selon notre méthode, ouvrir la série des Trizonies. » La section des Lysiopétales comprend un seul genre ( Lysiopetalum, Nob.)... Ce genre par ses écailles pédigères libres montre des rapports plus intimes avec les Glomerides (2). » J'avoue que cette théorie de la composition annulaire des Iulides ne me paraît pas suflisante, et que ces animaux me semblent pouvoir être envisagés sous un autre rapport, qui rend mieux raison qu'aucune autre famille de Diplopodes du caractère singulier auquel ceux-ci doivent leur nom. Chacun des anneaux bipédigères résulte de la fusion en un seul de deux autres anneaux ; et, en effet, dans beaucoup d'espèces, le Cinqulum annuliforme fere completum de M. Brandt se partage aisément en deux cylindres, placés bout à bout et subemboîtés; une ride circulaire indique au moins leur séparation, Quant aux pétales, il y en a deux l’un après l'autre pour chaque anneau complexe, précisément parce que ceux-ci résultent de deux anneaux et non pas d’un seul, et qu'ils en sont l’arceau inférieur. Les cinq premiers segments, qui n'ont qu’une seule paire de pattes chacun, n’ont qu’un seul pétale (3), et l’on peut d’ailleurs conce- (1) Bulletin de Moscou, VE, 200. (2) Recueil, p. #1. ‘3) Souvent séparé sur la ligne médiane. 68 P. GERVAIS. -—- SUR LES MYRIAPODES,. voir, la théorie étant acceptée, qu'un seul des arceaux, le supé- rieur ou l'inférieur, soit double; c’est précisément ce qui a lieu chez les Gloméris. Des cinq pièces que M. Brandt reconnaît à leurs anneaux, celle du dos est l’arceau supérieur, et les deux inférieures dépendent de l’arceau inférieur dans sa portion qui est inférieure à la carène latérale chez les Polydèmes. Ces pièces sont doubles (pétales et lames latérales inférieures) , parce qu’il ya deux paires de pattes à supporter ; l’arceau supérieur manque donc ici à l’une des paires de lames, comme , au con- traire, c’est l’arceau inférieur qui manque à la pièce scutiforme ” Polydèmes et des Gloméris. Cette binarité caractéristique des Diplopodes est ganfaitéiéténit en har- monie avec la nature de leur système nerveux ganglionnaire ;.c’est ce dont on peut se convaincre en examinant avec attention les jolies figures que M. Newport en a publiées (1), et en les comparant avec celles que lui, et antérieurement Tréviranus et M., Müller, avaient données pour le système nerveux des Chilopodes , et nous nous en sommes nous-même assuré par la dissection. Les anneaux bipédigères des Iules ont un double ganglion plus ou moins confondu , mais que la duplicité rend très diffé: rent des ganglions uniques et bien séparés des Chilopodes. Les premiers ganglions des Diplopodes, qui ne desservent qu’une seule paire de patte: chacun , ressemblent au contraire beaucoup plus à ceux de tout le corps chez les Chilopodes. Classification. C'est également à MM. Brandt et Newport que l'on doit les nouvelles observations publiées sur ce point de l’histoire des Iulides. Sur le genre CALLIPUS. L'espèce de Iulide dont Leach a fait un genre à part, que M. Risso à publiée sous le nom de Cailipus rissonius ou longipes, (2), et que j'ai citée comme un Zulus que je n'avais pu étudier, était, en effet, fort difficile à comprendre, d’après le peu de mots qu’en avait dit M. Risso. On peut supposer néanmoins qu’elle n'est pas sans analogie avec le Zulus fœtidissimus de Savi; l'allongement de ses pieds et de ses antennes sem- ble même justifier tout-à-fait ce rapprochement. Si nous remarquons, d’une part, que le Julus fœtidissimus est pour M. Brandt un de ses LYSIOPETALUM (3), aussi bien que le Z. carinatus (plicatus Guérin), et d'autre part, que le genre PLATOPs de M. New- (1) Philos. Trans., 1843, part. IL, pl. x1, fig. 4 et 6. (2) Europ. mérid., V, 154. (3) Recueil, p. 42 (1840). P. GERVAIS. -—— SUR LES MYRIAPODES, 59 port (1) est trop peu différent des Lysiopetalum par ses caractères pour qu’on l’en sépare, au point que M. Newportle donne, quoique avec doute, comme synonyme des Callipus de Leach et Risso, il me semble possible de considérer ces trois dénominations comme ayant été imposées à un seul et même genre de Iulides, lequel genre a pour caractère l'allongement de ses antennes, la présence d’yeux en plaque trianguliforme, l’aplatisse- ment de la tête à sa face antérieure, l'allongement des pattes qui sont très nombreuses, et la forme plutôt comprimée que cylindrique des an- neaux, dont les antérieurs et les postérieurs, un peu plus petits que les médians, font paraître le corps comme atténué à ses deux extrémités ; l'extrémité antérieure étant plus étroite que la tête, et le corps mar- qué de stries plus fortes que celles des véritables Iules. J'ai publié dans les Annales de la Société entomologique (2) une note de laquelle il résulterait que le genre CAMBALA de M. Gray (3) serait voisin sous certains rapports du Zulus plicatus, et par conséquent des Callipus. Cette note, que j'ai prise sur l’exemplaire type du British Mu- seum , est contredite par celle que M. Newport à publiée sur le même animal (4); et comme elle est aussi en désaccord avec le rapproche- ment que M. Jones fait entre le Platyule et le Cambala, et que d’ailleurs la figure publiée par M. Gray m'avait d'abord conduit à une opinion fort voisine de celle de M. Jones, on comprend toute mon incertitude sur la véritable nature de ce genre Gambala. IL est donc à désirer que les naturalistes anglais en publient une nouvelle étude. M. Brandt fait du Zulus lactarius de Say, qui est le type du genre Cambala, son sous-genre SPIROSTREPHON (5). et il en dit, entre autres choses : « Differt habitu a Iulis genuinis, et Zulo (lysiopetalo) fæœtidissimo et plicato aflinis apparet, » ce qui s'éloigne peu de notre manière de voir, 2 Sur les Lules proprement dits. M. Brandt considère comme des sous-genres et non comme des genres les Lysiopetalum et Spirostrephon, ainsi que les coupes diverses, Spiro- bolus, Spirostrepsus, Spiropæus, Spirocyclistus, etc., qu'il a lui-même (1) Ann. and Mag. of nat. hist., XII, 267 (1844). (2) 1844, p. xxnr. (3) Animal Kingdom de Griffith. (4) Ann. and Mag. of nat. hist., XIII, 266. (5) Recueil, p. 90. 70 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. établies en les regardant d'abord comme autant de genres (1). Nous accep- tons cette manière de voir, et nous l’appliquons également aux coupes établies par nous sous les noms de Stemmiulus (2) et Blaniulus (3). 3. Sur les Stemmiulus. Le Tulus bioculatus, Gerv. et Goudot , est le type de ce genre. Il est surtout remarquable par ses yeux, quine sont pas multiples comme dans toutes les espèces qui précèdent, mais simples et stemmatiformes, un seul à la base postérieure de chaque antenne. Cette espèce est de pe- tite taille et vit en Colombie. V. POLYZONIDES (Polyzonidæ). J'ai nommé Platyulus (4) un genre de Myriapodes à deux paires de __ pattes sous chaque anneau, à pattes nombreuses, comme celles des Tules, à organes génitaux également ouverts près la partie antérieure du corps, mais dont la tête est fort petite, le bec en sucçoir, les yeux non agrégés, et les anneaux du corps aplatis et composés, comme ceux des Gloméris, de cinq pièces, chacun. Ce genre, dont les caractères singuliers ont été successivement établis par M. Brandt et par moi, avait déjà un nom dans les publications de ce naturaliste, mais sans qu’il me fût possible de le reconnaître avec certitude, car M. Brandt n’aréellement publiéses observa- (1) Recueil, p. 80. Je signalerai aussi comme devant être l'objet d'un sous-genre à part le Zulus Blainvillii (Leguillou, Bull. Soc. philom., 1841, p. 80) de la Nouvelle-Guinée. M. Leguillou signale dans cette notice plusieurs espèces de Diplopodes des genres Polydesmus et lulus ; son Z. Blainvillii est Certainement la plus remar- quable de toutes. Ce Iule a les yeux agrégés en triangle, les antennes de six ar- ticles évidents , le septième étant très petit et comme rentré dans le sixième. Les anneaux de son corps ont des striés saillantes, et on remarque sur presque toute la longueur du corps quatre rangées d'épines équidistantes , et le Commencement d'une cinquième médio-dorsale. Couleur brunâtre. Longueur, 0,140. Ce sera notre sous-genre ACANTHIULUS. (2) Ann. Soc. entom., 1844, p. xxxvri (3) Bulletin Soc. philom., 1836, p. 72. (4) Bull. Soc. philom., 1836, p. T1. — Ann. Se. nat., 1837, — Atlas de zoologie, pl. 55. — Aptères de M. Walckenaer, pl. 45. P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES, 71 tions que simultanément avec les miennes. Je ne puis donc accepter la prio- rité de cinq ans qu'il assigne à ses observations sur les miennes (4). Quant au nom, j'avais eu en vue de lui faire exprimer les rapports du nouveau genre avec les Iules; mais, comme ces animaux sont d’une fa- mille distincte, quoique voisine, on pourrait préférer celui de Polyzo- nium, quoiqu'en bonne synonymie il n’ait pas l’antériorité, puisque sa signification n’a été publiée que postérieurement à ma note de 1836. La famille des Polyzonides comprend, dans la méthode de M. Brandt, trois espèces seulement dont il fait trois genres distincts. C’est au même groupe que M. Lucas rapporte son genre de Platydesmus. M. Gou- (1) Voici les citations sur lesquelles M. Brandt appuie sa réclamation : 1° Rapport fait à l’Académie des Sciences de Saint-Pétersbourg, le 5 septembre 1831 ( Bull. des Mém. de l'Acad., vi° série, Sc. math. et phys., €. II, p. x1). — 2 Isis, 1834, p. 704. — 3° Bull. de l'Acad. de Saint-Pétersbourg, 1837 (2 dé- cembre), t. I, n° 23, p.178. Je recours au tome II du Bull. des Mém. de l'Acad. pour 1831, et je vois à la page citée : « Le même académicien (M. Brandt) lit un Mémoire sous le titre de : De nova insectorum multipedum seu Myriapodum familia, Glomeridiorum nomine desi- gnanda. » Et rien de plus sur les Myriapodes. La deuxième citation est plus fondée ; mais on n'y trouve pas des détails suffi- sants, même pour reconnaître le genre. La voici dans son entier : « Brandt Glaubt ausser den Latreillischen abtheilungen der Myriapoda , Chilo- poda und Chilognatha , noch eine dias anfltellen zu Konnen die Colobognatha nennt. Der typus dieser art ist ein Deutschland heinisches , bisher unbekanntes genus, Polyzonium germanicum, Brandt. » Cet ordre des Colobognatha, que M. Brandt à depuis lors nommé Siphoni- santia, etc., et qu’il considère comme de valeur égale à ceux des Chilognathes et des Chiliopodes réunis , a été caractérisé ainsi par ce savant naturaliste dans la note qu'il a communiquée à l’Académie de Saint-Pétersbourg le 6 décembre 1836, et qui ne nous est parvenue que plus tard (*) : Mandibulæ et maxillæ, nec non labia, in proboscidem plus minus ve evolutam coalita. Corpus valde elongatum, angustum, corporis media cingula ; ut in Penta- zoniis, e partibus quinque composita. a) Oramatophora. — Oculi parvi simplices in fronte inter antennas conspicui. Genre Pozvzoniuw, Brandt, Isis, 1834, p. 704.— G. Sipnonorus, Brandt. b) TypaLocexa. — Oculi nulli. G. Sipnoxopaora, Brandt. M. Brandt donne aussi les caractères abrégés de c s trois genres, mais pa: ceux de leurs espèces, qui ne sont qu'au nombre de trois. *) La mienne est du 17 décembre 1856, et a paru d'abord dans Le journal l'fnstétut, 72 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. dot et moi avons fait connaître une espèce de Siphonophoræ (1), et je trouve dans mes notes que le Craspedosoma Savii de M. Costa (2) est aussi un animal voisin des Platyules. POLYZONIUM. Le genre Polyzonium dont M. Brandt n’a publié, en 1834, que le nom, et dont j'ai indiqué quelques caractères en 1836, sous le nom de Platyulus, doit nous occuper d’abord. M. Brandt et M. Waga l'ont aussi étudié avec soin, et, d’après M. Brandt, le Leiosom1 de M. Motschulski re- pose sur le même animal. C’est un genre extrêmement curieux, mais dont l'étude offre quelques difficultés. M. Brandt a recueilli le Polyzonium en Allemagne, et l'ai nommé P. ger- manicum. M. Audouin et moi l'avons trouvé aux environs de Paris, dans le bois de Meudon surtout; mais il n’y est pas très commun. Il vit de, préfé- rence dans les endroits humides, entre les feuilles mortes qui jonchent le sol des petits fossés ou des petits ravinements aux endroits un peu en pente. Sa couleur est jaunâtre, plus pâle en dessous et aux pattes, plus foncée, - aucontraire, en dessus, principalement dans la bande transversale moyenne de chaque articulation. La longueur habituelle égale 0",015, et la lar- geur, au milieu du corps, 0",002, Le corps est subaplati, plus mince à ses bords latéraux, ainsi qu’en avant et en arrière. Ses anneaux , à l'exception des trois premiers, sont marqués au-dessus d’une ligne transversale, d’abord presque antérieure, et ensuite submé- diane, qui indique la séparation des deux anneaux composants de chaque articulation. On ne leur voit ni stries, comme chez Tules, ni granulations, comme chez les Polydèmes; ils sont lisses comme ceux des Gloméris. On en compte environ quarante-cinq ou cinquante. Comme ils sont un peu plus étroits en avant qu’en arrière, la succession de leurs angles posté- rieurs donne aux bords du corps une apparence légèrement denticulée. Le dessous n’est pas concave comme chez les Iules, et si le bord de chaque anneau est pincé comme en carène, on suit cependant bien la con- tinuation de la lame inférieure externe. avec celle dont se compose l'ar- ceau supérieur, et cette lame est moins distincte que chez les Gloméris ; les lames latérales, antérieure et postérieure, de chaque articulation y (1) Siphonophora luteola, nommé à tort Siphonotus luteolus, Ann. Soc. entom. 1844. (2) Pocchi cenni interno alla fauna del Gran saso d'Italia. (3) Bull. de Moscou, 1839, p. #4. P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. 73 sont plus séparées encore qu’au dos, et c'est au milieu de leur jonction que l'on voit la petite poche sécrétrice blanche, plus où moins sphérique, qui produit le liquide blanchâtre et laiteux que ces animaux rejettent par leurs repugnatoria. Aux cinq ou six anneaux antépénultièmes, ces poches sont bien plus considérables ; elles sont ovalaires transversalement, et quand on presse l'animal, surtout à l’époque des amours, il en laisse sortir son fluide laiteux , qui est plus consistant, et en filaments presque vermicellés. Les lames latérales inférieures cessent brusquement auprès de l'insertion des pattes, et celle-ci a lieu sur des lames de l'ordre de celles que M. Brandt nomme pétales : aussi les Polyzonides sont-ils pour ce naturaliste des Myriapodes pentazonés: Les pattes sont cachées sous le corps pendant la marche de l'animal, et celui-ci, quand on l'inquiète ou qu'il repose, s'enroule dans un plan ou spiralement. Il ne jouit pas d'une très grande vivacité; mais ses antennes sont dans une agitation continuelle. J'ai dit que le corps était obtus en arrière et en avant. Le premier an- neau est scutiforme , ovalaire transverse, plus rectiligne en arrière qu’en avant ; il cache presque. complétement la tête, qui est petite, inclinée, en forme dé petit écusson , et pourvue d’un petit bec en sucoir. La tête porte les yeux et les antennes à sa face supérieure ; celles-ci en dehors, et ceux-là près leur base interne. Les antennes ont le mode de composition qui est caractéristique des Diplopodes, c’est-à-dire sept articles; elles sont subfusiformes et près de trois fois aussi longues que la tête. Les yeux apparaissent comme une double tache noire, et l’on pourrait croire qu'il n’y en à qu’une seule paire ; cependant, il m’a paru qu'il y en avait trois de chaque côté, et MM. Waga et Brandt semblent avoir confirmé ce fait. Les trois premiers anneaux sont unipédigères, les autres sont bi- pédigères, sauf les trois derniers qui sont apodes. Dans la femelle, toutes les pattes sont semblables ; mais, dans le mâle , on voit à la base de la troi- sième paire un appendice .articulé, semblant être la seconde paire de cet - annéau, styliforme , et dirigé en arrière, et de plus, après la huitième paire de pattes, une paire de mamelons qui remplace la seconde paire de pattes du septième anneau. Le sixième et le huitième ont leurs deux paires complètes. Ainsi, malgré de légères différences de disposition , les Poly- zonium ont les organes génitaux à la même place que ceux des Iules, c'est-à-dire antérieurs ; la copulation s'opère aussi comme chez eux. Je n'ai pas eu assez de ces animaux pour en observer l'organisation interne , leur système nerveux, par exemple. | M. Waga nous a fait voir qu'ils ont le même mode de développement que les lules. Ces détails, et tous ceux qui ont été donnés précédemment dans ce Mé- moire, nous dispensent de discuter l'opinion émise par M. Brandt, que 2 série. Zooc. T. I. (Août 1844.) 6 74 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. les Polyzonium et genres voisins constituent un groupe de même valeur que ceux des Chilopodes et des Chilognathes réunis. C’est là une opinion erronée, que la trop grande importance accordée par les naturalistes aux caractères de la manducation explique suffisamment, comme la place, fautive suivant nous, que l’on assigne souvent encore aux. My- riapodes parmi les vrais insectes, est une conséquence de la valeur exagérée que Cuvier et Latreille ont accordée aux fonctions respiratoires. Tout le monde admet aujourd’hui que la forme extérieure, dans ses rapports avec l’innervation , la locomotion et les sens, est le meilleur guide pour la subordination des grands groupes d'animaux, et que les mêmes organes, dans leurs particularités d’une moindre importance, fournissent des données suffisantes pour la subordination elle-même desespèces de chaque groupe. CHAPITRE IL, DES CHILIOPODES. Chiliopodes , c'est-à-dire mille pattes : nous modifierons ainsi le nom du groupe de Myriapodes qui comprend les Scutigères , les Scolopendres et les Géophiles, et que Latreille avait nommés Chilopodes. On verra, en effet, dans un des paragraphes de ce chapitre, que la bouche de ces animaux subit des variations presque analogues à celles des Diplopodes, et que, ici comme chez ces dér- niers, la caractéristique du groupé ne peut être tirée des organes manducateurs; c’est pour la même raison que nous n’employons pas le nom de Syngnathes dont on s’est également servi. La simplicité des anneaux du corps, qui sont égaux ou alternes, mais qui ont toujours un ganglion nerveux et une paire de pattes au plus; l’insertion bilatérale de celles-ci et des trachées, par suite du grand développement de l’arceau inférieur ; la multiplicité va- riable (14 et au-delà) des articles des antennes; l’ouverture des organes génitaux en arrière du corps, dans le segment anal : tels sont les principaux caractères des Chiliopodes. Nous partagerons ces animaux en trois familles subordonnées, d’après une similitude de plus en plus complète de leurs anneaux, dont le nombre augmente d’une manière proportionnelle à l’ho- mocricie ; D’après la diminution du nombre des articles des antennes et des tarses : P, GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES, 75 D’après la simplification du sens de la vue. qui 0 ét même dans les derniers genres : Caractères en rapport avec la simplification du système ner- veux, qui est évidemment établi dans les Scutigères sur un type supérieur à celui qui est caractéristique des Lithobies, des Scolo- _pendres; et surtout des Géophiles. I. SGUTIGÉRIDES (Seutigeridæ). On savait, depuis les belles figures de Savigny, que les yeux de ces ani- maux sont agrégés et semblables à ceux des crustacés décapodes; que leurs antennes sont composées d'articles très nombreux et de trois sortes : que leurs tarses enfin sont multi-articulés. M. Brandt s’est servi de ce dernier caractère pour dénommer les Scutigérides , et il les appelle Schixolarsia , tandis que les Scolopendres et les Géophiles dont les tarses sont composés d’un seul article prennent, dans sa méthode, le nom d’ÆHo- rizopoda. : ù Genre unique , SCUTIGERA. On en connaît des espèces de toutes les parties du monde, et dont plusieurs viennent d’être signalées nouvellement par M. Newport (1) et par M. Templeton (2). LA SCOLOPENDRIDES ( Scolopendrideæ ). Elles ne répondent qu’à une partie des Scolopendroïdes de notre pre- mier travail, celles, comme les Lithobies, les Scolopendres et les Cryp- tops, qui ont : | Le nombre des anneaux du corps fixe dans chaque espèce, quelque- fois même dans chaque sous-genre ; les antennes toujours composées de plus de quatorze articles (17 à A0); l'anneau post-céphalique portant une paire de pattes modifiées en forcipules maxillaires ; tous les articles suivants pédigères, depuis le premier qui manque d’arceau supérieur jusqu’au dernier dont les pattes sont plus longues et onguiculées; les tra- chées en moindre nombre que les pattes. Le nombre décroissant des articles des anteunes, le nombre croissant, au contraire, des anneaux du corps, la similitude de plus en plus pro- noncée de ces anneaux, les yeux d’abord très nombreux, puis au nombre (4) Ann. and Mag. of nat. hist., XIE, 95. (2) Trans. entom. soc. London, t. HA. 76 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES, de quatre, ensuite nuls, tels sont les caractères au moyen desquels on établit très bien la petite série décroissante que forment ces animaux. 4, Genre LITHOBIUS. Aux cinq espèces de Lithobies que j'avais signalées, M. Newport en ajoute quatre , dont une de la Nouvelle-Zélande {1); on en à également fait connaître une du Mexique (2), et je dois ajouter qu'il en existe probablement plusieurs en Europe, ainsi que Leach l'avait établi. Les types de ces espèces d'Europe que j'ai vus au British Museum m'ontparu, comme à M. Newport, appuyer cette manière de voir; mais un examen attentif sur un grand nombre d'exemplaires frais et des deux sexes pour- rait seul la confirmer définitivement. Je m'étonne que les naturalistes qui ont cherché à établir un lien entre les Hexapodes et les Myriapodes par les Thysanoures proprement dits ne se soient pas également servis des larves aquatiques d'Éphémères et de celles des Gyrins. Une similitude remarquable de facies lie, en effet, ces animaux entre eux; mais une étude plus sérieuse montre que cette analogie est dans l'aspect extérieur et non dans les vrais caractères morphologiques. 2, Genre SCOLOPENDRA. MM. Brandt et Newport ont ajouté un grand nombre d'espèces à celles que j'avais moi-même fait connaître ou rappelées ; peut-être même, que ce nombre est trop élevé. Une de ces espèces les plus remarquables est celle dont M. Brandt fait son sous-genre Scolopendropsis (3), et qu'il appelle Scolopendra bahiensis. Elle a vingt-trois paires de pattes au lieu de vingt et une. De Geer, ainsi que je l'avais fait remarquer, parle d’une Scolopendre à vingt-trois paires de pattes (4), et Linné en cite même une qui en au- rait trente-six. Ce qui est plus remarquable encore, M. Savigny, que j'ai également cité, en figure une qui n’en aurait que dix-huit. M. Walckenaer lui a donné le nom de Sc. douteux dans une des planches non encore publiées de son ouvrage sur les Aptères. Sont-ce là autant de véritables sous-genres? On pourcalt l’'admettre ; (4) Ann. and Mag. of nat. hist , XI, 96. (2) Revue cuviérienne de M. Guérin. (3) Recueil, p. 77. (4) Mémoires, VIF, 568, pl. 43, . 36. P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES, 77 mais on peut supposer entre eux autant d'intermédiaires qu'il y à de nom- bres entre ceux qui les caractérisent. Ÿ* Genre CRYPTOPS. Ils ne diffèrent des Scolopendres les plus ordinaires, c'est-à-dire à vingt et une paires de pattes, que par leur taille, qui est moindre, la dis- position moniliforme des articles de leurs antennes et l'absence d'yeux. [LEA GÉOPBHILIDÉS (Geophilidæ). Le genre Gcophilus de Leach, déjà séparé dans la méthode de ce na- turaliste comme une tribu particulière des Chiliopodes, mérite, en cfet, cette distinction ; mais c’est moins par la grantle multiplicité de ses pattes que par quelques autres-particularités, savoir : l'uniformité des anneaux et des pieds, la présence d’un arceau supérieur au premier article pédi- gère, le nombre des trachées égal à celui des pattes, la transformation en appendices tentaculiformes des deux pattes postérieures, et la pré- sence de poches sécrétrices à la face inférieure de chaque anneau. J'avais cru les appendices tentaculiformes constamment inonguiculés ; mais M. Brandt a fait la remarque que l'ongle existe dans certaines espèces, et qu'il manque dans d’autres; cependant il croit, à tort, je pense, que les Géophiles, dont il fait sa division des Polypodes, sont les Chiliopodes les plus voisins des lules. Genre GEOPHILLS. M. Newport à établi parmi les Géophilides plusieurs genres qu'il nomme Mecistocephalus, Necrophleophagus, Geophilus et Gonibreyma- tus (1). Le premier répond aux Géophiles, que j'aiuommés Geophile marillares; Le deuxième à ceux que Leach et moi avions appelés Geophili longi- cornes ; Le troisième à mes Geophili moniliornes ; Le quatrième à pour objet une espèce nouvelle des îles Philippines (1) Procedings 30o!. soc. London, 1842. 78 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES. (Gonibregmatus Cumingii) que M. Newport rapproche du G. Walcke- naeri (1), dont nous avons fait aussi un Géophile monilicorne. La série de ces animaux reste donc, à part quelques espèces de plus et quelques noms nouveaux, telle que je l'avais établie, et ici encore notre principe conducteur nous démontre la véritable filiation des espèces. Il. serait important de constater dans des individus adultes appartenant à chacune des espèces les limites de la variation des pattes ; j'ai tout lieu de croire qu'elles ne sont pas très étendues, même dans les espèces qui peuvent acquérir le plus grand nombre de ces organes locomoteurs. Un caractère de plusieurs Géophiles est d’avoir les anneaux marqués d’une impression transversale qui est le résultat d’une disposition muscu- laire, mais qui pourrait faire croire chaque articulation composée de deux, l’une plus étroite dans son diamètre antéro-postérieur , l’autre plus large. Dans un Mémoire sur les Géophiles publié en 1835 (2), j'avais déjà parlé de ces particularités ainsi qu’il suit : «Tous les anneaux portent chacun une paire de pattes ; ils sont simples en dessous et comme doubles en dessus ; leur forme offre quelques variations , et les impres- sions qui se dessinent à leur surface sont susceptibles de fournir quelques bons caractères spécifiques. Les pattes, toujours courtes, varient en nombre, suivant les espèces ; elles paraissent aussi offrir quelques légères différences suivant l’âge ; mais néanmoins , dans l’état adulte, les indi- vidus d'une même espèce en ont toujours un nombre fixe ; l’oscillation n'est pas de plus de deux ou trois paires sur cent soixante-trois dans le Geophilus Walckenaerii. » Il est remarquable que ce soit chez les Géophilidés, c’est-à-dire chez les Myriapodes qui occupent le terme extrême de cette fraction de la grande progression animale, que soient compris les Chiliopodes qui ont le corps pourvu du plus grand nombre d’anneaux et de pattes; mais, ainsi que nous l'avons dit plus haut, c'est moins par le nombre de ces parties que par leur uniformité et quelques autres caractères indiquant l’infériorité de ce groupe par rapport à ceux dont nous avons déjà parlé. Nous en trouvons une dernière preuve dans le petit genre que nous avons nommé Scolopendrella, et dont les anneaux sont peu nombreux ainsi que les pieds, dont les antennes ont, au contraire, plus d'articles que n’en ont celies des autres Géophilidés, et qui semble être le terme connu le plus élevé dans la série des espèces de ce groupe. _{1) J'en ai publié une figure dans l'Atlas de zoologie, pl. 56, fig. 5. (2) Magazin z00log. de M. Guérin, cl, 1x, n° 132, OUR Eu ñ# : P, GERVAIS. -— SUR LES MYRIAPODES. 79 8 Genre SCOLOPENDRELLA. J'ai trouvé plusieurs fois dans un jardin à Paris, et dans les bois de Clamart et de Meudon aux environs de la même ville, un petit Myria- pode long de 3 ou 4 millimètres; il wit à l'ombre des plantes cul- tivées, sous le sable des allées, aux endroits où la terre est un peu hu- mide , ou bien sous les feuilles mortés qui recouvrent le sol dans les fourrés. Les localités où vivent les Campodés et les Nicoléties, deux genres d'Heéxapodes thysanoures dont nous avons fait connaître ailleurs les caractères (4), ont habituellement aussi ce singulier Myriapode. Deux de ces petits animaux que je trouvai d’abord me parurent être des jeunes dé Géophiles; et comme leur étude offre quelques difficultés , il me fut impossible alors de rien conclure à leur égard. Il en est question comme de Géophiles d'espèce indéterminée dans les Annales dr la Société ento- mologique. Mais, en les exaininant de nouveau, je reconnus qu'ils peuvent acquérir plus de quatorze articles aux antennes, vingt même dans l'état complet ; qu'à la base de leurs antennes, en arrière de l'insertion du premier article, on distingue un petit stemmate ; que la bouche est disposée pour sucer et manque des forcipules qui constituent chez les autres Chiliopodes (2) des mâchoires auxiliaires ; que le corps est composé de seize anneaux sans la tête; qu'il a douze paires de pattes (3) ; que le quinzième anneau porte bilatéralément un petit tubercule surmonté de petits poils en brosse et que le seizième porte de petits appendices antenniformes : caractères qui font bien de cé petit animal un Géophilidé, mais qui ne permettent pas de le laisser dans le genre Geophilus tel que Leach le caractérise. Quoique les Scolopendrelles des bois soient plus grandes que celles des jardins, je ne leur ai pas reconnu de caractères particuliers, et j'ai donné à la seule espèce que je connaisse encore dans ce genre le nom de Sco- LOPENDRELLA NOTACANTHA (4). Ses antennes sont deux fois aussi longues que la tête, moniliformes , à grains plus serrés et plus cylindriques près la base, plus sphériques au contraire dans la seconde moitié, le dernier étant coupé en bouton. Ces (1) Hist. nat. des Aptères de M. Walckenaer, LEE, 455. (2) Le nom de Chiliopodes perd ici sa généralité, comme celui de Chilognathes l'a perdu lorsque M. Brandt à fait connaitre ses observations sur les Diplopodes suceurs. (3) Ces pattes sont insérées aux anncaux suivants : 1, 2,3, #, 6, 8, 410, 11, 13,14; les 5° et 9° en manquent. (#) Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, 1839. — Revue cuvicrienne de M, Guérin, If, 279. — Atlas de zoologie, p. 16, pl. 56, fig. 3. 80 P. GERVAIS. — SUR LES MYRIAPODES, antennes sont garnies de petits poils, principalement au milieu des arti- cles sphériques, où les poils sont en couronne. Les impressions de la lame antérieure desanneaux en dessus sont plus distinctes que chez les Geophi- lus, et simulent deux petits denticules épineux sur chaque anneau. EXPLICATION DES FIGURES (Piaxcne 5). Fig. 1. OEuf grossi du GLomeris manginara. La petite pilule dé terre qui l’enve- loppe a été en partie ouverte pour le laisser voir. Fig. 2. Patte d'un animal de la même espèce, prise dans l'œuf avant l'éclosion. Fig. 3. Pattes postérieures et appendices copulateurs du Gl. marmorata où Gx. MARGINATA. Fig. 4. Tête et article clypéal du GLouerpesuus rorcezLus, quadruple de la gran- deur naturelle. Fig. 5. Un des anneaux du même, pris au milieu du corps, pour montrer qu'il a la composition de ceux des Glomeris. Fig. 6. Anneaux postérieurs du même. Fig. 7. Tête et article clypéal de l'Oxisconesmus ONISCINUS , , quadruple de la gran- deur naturelle. Fig. 8. Un de ses anneaux, au milieu du corps. Fig. 9. Anneaux de l'extrémité postérieure, vus en dessus. Fig. 10. Anneaux de l'extrémité postérieure, vus de profil, dans le Porypesuus VELUTINUS, 4 Fig. 11. Tête et premiers anneaux du Sremmuzus BroGuLatus ; sextuple de la grandeur naturelle. : Fig. 42. Tête ct partie antérieure du corps dans le Pocvzonium cermanicux ( Pla- tyulus audouinianus), au-dessus et à part ses trois paires d’ocelles. Fig. 13. Tête et article ciypéal en dessus, du SipHoNoPHoRUS LUTEOLUS. Fig. 14. Tête du même, montrant la lèvre supérieure et les mandibules écartées. Fig. 15. SCOLOPENDRELLA NOTACANTHA, grossie environ 5 fois. Fig. 16. Extrémité antérieure du même très grossie, pour faire voir les antennes, les stemmates et les deux premières paires de pattes. Fig. 17. Extrémité postérieure du même, très grossie. Fig. 18. Grormius Wazcxexaenu. Un de ses organes sécréteurs ventraux. Fig. 19. Organes terminaux postérieurs du même. a, tube intestinal dans sa partie large , ou ventricule chylifique {Léon Pu- four, Anatomie de la Scutigère). / bete, vaisseaux hépatiques (id.). d, intestin dans sa portion grêle. e, sa terminaison. f, glandes sébacécs de l'oviducte (Léon Dufour): 4, oVaire unique. ‘ Pur is à di ds E22 DE QUATREFAGES. — SYSTÈME NERVEUX DES ANNÉLIDES. 81 SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES ANNÉLIDES ; Par M. A. DE QUATREFAGES, L'histoire des animaux qui se rattachent au type des Annelés a été déjà l'objet d’un très grand nombre de travaux fort importants, qui, en nous éclairant sur l'anatomie de ces êtres, nous ont donné , sur leurs vrais rapports zoologiques , des notions de plus en plus précises : cependant on peut dire que , jusqu’à ce jour, les Zoologistes se sont plus spécialement occupés des 4nnelés à pieds articulés. Les Annelés proprement dits ont été généralement assez négligés , et c’est ce qui m'a engagé à entreprendre; sur cette portion de l’embranchement dont je parle, une série de tra- vaux dont je m'occupe depuis quatre ans. Les matériaux que j'ai recueillis sur ce sujet sont déjà assez considérables : j’espère les compléter prochainement sur les côtes de la Méditerranée. Mon intention , dans la Note actuelle , est de faire connaître seulement quelques résultats relatifs au système nerveux des Annélides , sujet sur lequel on ne possède encore que peu de chose, ce qui tient peut-être à la difficulté de ce genre de recherches. $ EL. Système nerveux de l'EUNICE SANGUINE ( Eunice sanguinca Sa.) (4). Le système nerveux de cette Annélide est très développé. J’ai pu y distinguer quatre systèmes distincts, savoir :.1° le cerveau ; ® le système sus-æsophagien où mieux proboscidien supérieur ; 3° le système sous-æsophagien labial ou proboscidien inférieur ; h° le système sous-æsophagien ganglionnaire ou abdominal ; de chacun de ces systèmes considérés comme centre, partent un cer- tain nombre de troncs ou de filets nerveux. 1° Cerveau. — Lorsqu'on a enlevé les téguments et le ds sous-jacent de la tête d’une Eunice, on trouve au-dessous une (1) PL 4, fig. 1. — Les détails suivants sur le système nerveux ‘de l'Eunice sont extraits de l'anatomie complète que j'ai faite de cet Annelé , anatomie que je ne peux publier encore , à cause du grand nombre de planches qui doivent l'ac- compagner 82 ‘ DE QUATREFAGES. — SUR LE SYSTÈME NERVEUX aponévrose blanchâtre très résistante , et composée de fibres très serrées. Cette aponévrose est surtout fort épaisse en arrière ; elle s’amincit en avant et sur. les côtés ,; et envoie plusieurs prolonge- ments dans le tissu érectile qui compose la plus grande partie des deux lobes antérieurs latéraux de la tête, C’est dans cette espèce de crâne ligamenteux ou de dure-mère qu'est placé le cerveau proprement dit ; celui-ci est considérable. Son diamètre transver- sal égale au moins la moitié de celui de la tête ; il en est de même pour les diamètres antéro-postérieurs. L’épaisseur du cerveau est un peu moindre que la moitié de celle de la tête. ‘Considéré dans son ensemble , le cerveau de l’Eunice présente la forme d’un triangle isocèle à bords et à angles arrondis, dont la large base serait tournée en avant, et dont le sommet placé en arrière serait échancré sur la ligne médiane (1) ; cette petite échancrure postérieure correspond à une autre échancrure anté- rieure beaucoup plus considérable (2) ; elles sont réunies l’une à l’autre par une gouttière profonde placée également sur la ligne médiane , d’où il résulte que la commissure qui réunit les deux lobes du cerveau est à la fois très étroite et très mince, Les deux lobes latéraux qui forment le cerveau sont épais et arrondis sur le bord correspondant à la ligne médiane , ainsi que dans toute la portion placée en arrière de l’origine de la bande- lette œsophagienne, La partie placée en avant de cette bande- lette s’amincit, au contraire , antérieurement et sur les côtés. De la partie antérieure partent un grand nombre de troncs nerveux , parmi lesquels j'ai cru en reconnaître habituellement quatre d'assez constants et plus considérables (3); ils se portent en avant, se ramifient , et leurs divisions extrêmes très fines se fondent , pour ainsi dire, dans un véritable tissu érectile qui compose presque tout le mufle de la tête de l’Annélide, Des deux côtés, à l'angle formé par la réunion de la base avec les côtés du cerveau, deux gros tronés se portent vers les côtés de la tête, se recourbent de haut. en bas, et vont se ramifier à la face inférieure du mufle (h). (SPL 1, 1 (2) PL, Big 2 (8) PL A, fig. 4, did, —- (4) PL 1. fig. 4,e. : DES ANNÉLIDES. 7. 83 Sur les bords de l’échancrure , de chaque côté, naît un filet qui se porte à un très petit ganglion placé sur la ligne médiane , en avant du cerveau (1). Les filets très grêles et,peu nombreux qui en partent m'ont paru se rendre exclusivement aux parois de l’échancruré que le mufle de l'Annélide présente en avant sur la ligne médiane. | La portion du cerveau d’où partent les nerfs que je viens de décrire forme évidemment une région distincte dans la masse cérébrale. En arrière, le nombre des nerfs est beaucoup moins considérable. Quatre très petits filets partent seulement du bord postérieur , et se rendent aux muscles ou aux téguments des premiers anneaux du corps [anneau buccal (2)]. Cette région postérieure fournit en outre les nerfs optiques et les nerfs anten- naires latéraux (3), qu’on voit placés un peu au-dessus de l’ori- giné de la bandelette œsophagienne, et prenant naissance à la face supérieure du cerveau (4); mais elle me paraît surtout destinée 4 donner naissance aux deux bandelettes qui rattachent le cerveau aux deux systèmes sous-æsophagiens. % Système sus-æsophagien ou proboscidien supérieur. — Ce système correspond évidemment à celui qu'on connaît depuis longtemps chez les Insectes. Dans les Annélides, il est destiné surtout à la trompe , et son plus ou moins de développement coïncide toujours avec le plus ou moins de complication de ce dernier organe (5). Dans l'Eunice , le système sus-æsophagien prend naissance à la face inférieure de la commissure du cerveau par deux cordons qui, près de leur origine , présentent chacun un petit renflement (4) PL.4, fig. 4,6. (2) PL, fig. 4, g. (3) Je n'ai pu reconnaître d'une manière certaine d'où partait le nerf destiné à l'antenne imtpaire médiane. (4) PL 1, fig. 4, f. (5) Pour faire comprendre cé qui va suivre, je dois faire remarquer que dans l'Eunice la trompe forme une sorte de grande poche , et que c'est à la partie su- périeure et antérieure qu'est placée l'ouverture pharyngienne ; d'où il suit qu'une grande partie de la cavité de la trompe est en arrière de cette ouverture , et que l'œsophage reposé sur les parois de la trompe elle-même, dans une assez grande étendue. ; 8! DE QUATREFAGES. -- SUR LE SYSTÈME NERVEUX ellipsoïde. 11s marchent ensuite parallèlement et très près l’un de l’autre jusqu’à l’origine de l’œsophage, où ils se réunissent pour former un ganglion allongé triangulaire, dont la base est tournée en arrière (1). De ce ganglion partent trois paires de nerfs : la première et la troisième, en comptant d'avant en arrière , sont destinées à l’œsophage ; la première (2) s'engage dans une gouttière latérale qui règne tout le long de ce conduit sous une épaisse couche musculaire ; la troisième (3) rampe sur les côtés et en haut des parois du même organe. Je les ai vues l’une et l’autre jusque tout près de l'intestin ; mais leur extrême ténuité m'a empêché de les suivre plus loin. La seconde paire de nerfs qui part du ganglion sus-æsopha- gien est beaucoup plus. forte que les deux précédentes (4) ; les deux nerfs qui la composent contournent l’œsophage à son origine au point où il se détache de la trompe, et viennent se réunir de nouveau au-dessous en formant un second ganglion (5). Ainsi, à sa naissance , l’œæsophage est entouré par un anneau nerveux, appartenant en entier à ce système nerveux supérieur ou dorsal, qui ne tarde pas, comme on vient de le voir, à devenir lui aussi sous-æsophagien , qui ne mérite le nom de sus-æsophagien qu'en ce qui concerne son origine et une très petite portion de son étendue. | , Des branches de l’anneau dont nous venons de parler, part, des deux côtés, un filet qui longe l’œsophage parallèlement au nerf que nous avons vu émaner directement du premier ganglion sus-æsophagien. Nous venons de dire que les deux nerfs qui ont contourné lœ- sophage formaient, au-dessous de ce conduit, un second gan- glion. Celui-ci est de forme allongée, 1 ne donne naissance qu'à un très petit nombre de filets nerveux qui se distribuent aux muscles de la trompe (6). De la partie postérieure du ganglion précédent partent deux filets qui marchent presque parallèlement l’un à l’autre sur la ligne médiane , et se réunissent bientôt en un troisième ganglion (4) PL 4, Gg. 4, à — (2) PL 4, fig. 4, k.,— (3) PI. 4,fig. 1, 4. — (4) PL. 1, fig. 1, m. — (5) PL 4, fig. 4, n. — (6) PL. 4, fig. A. * DES ANNÉLIDES. | 85 plus petit que les précédents (1). Trois paires de grands filets nerveux partent de ce point. Les deux antérieures pénètrent entre les couches musculaires de la trompe, et vont se réunir aux der- nières ramifications des nerfs sous-æsophagiens labiauæ (2). La troi- sième ou la plus postérieure contourne une espèce de raphé formé par les petits muscles propres des dents, et les nerfs qui ont formé ce dernier anneau viennent se réunir sur la ligne médiane, entre deux couches profondes de muscles de la trompe (3). Ils restent ainsi soudés sur une longueur assez considérable, contournent l'extrémité postérieure de la cavité de la trompe, et se séparent de nouvéau pour s’anastomoser avec deux longs filets provenant du système labial (4). Aïnsi, l’on peut dire que le système nerveux proboscidien se compose, chez l’Eunice sanguine, de quatre ganglions, dont un seul est réellement sus-æsophagien, et qu’il forme, à partir du cer- veau, quatre anneaux, dont un est placé au-dessus de læsophage ; un contourne ce conduit, et les deux autres sont sous-æsophagiens. 3° Système sous-æsophagien labial ou proboscidien inférieur. — Un peu en avant et au-dessous de la grande bandelette qui con- stitue. le collier œæsophagien des auteurs et rattache le cerveau à la chaîne des ganglions abdominaux, on voit naître, de chaque côté du cerveau , une bandelette beaucoup plus étroite et plus mince, qui se porte un peu en arrière et sur les côtés (5), en con- tournant, sous les téguments, les bords de l’orifice buccal (6). Arrivées sur la ligne médiane, ces deux portions se rejoignent et forment un petit ganglion, posé presque immédiatement sur l'espèce de périoste qui revêt les dents inférieures de l’Eunice (7). Ce ganglion donne quelques filets aux muscles de l’anneau buc- cal, et se rattache, par quelques anastomoses, à d’autres filets partis du premier ganglion abdominal (8). Mais les deux branches les plus considérables qui en émanent se portent en arrière en lon- geant un raphé profond, formé par les muscles inférieurs et laté- raux dé la trompe. Dans ce trajet, elles donnent des filets qui (4) PL 4, fig. 4, 0.— (2) PI. 4, fig. 4, u,u.— (3) PI. 4. fig. 4,p.—(4) PI.1, fig. 4,w'yu”.— (5) PI. 4, fig. 4, q,q.— (6) PI. 4, fig. 4, »,r.— (7) PL. 4, fig. 4, s. — (8) PI. 4, fig. 4, 0,1. 86 DE QUATREFAGES. — SUR LE SYSTÈME NERVEUX s’anastomosent principalement avec ceux du troisième ganglion proboscidien supérieur ; puis, continuant leur route d'avant en ar- rière dans l'épaisseur de la trompe, les branches dont nous parlons vont se réunir avec les divisions postérieures du système prohos- cidien supérieur, On voit que, de même que le précédent, le petit système ner- veux particulier que je viens de décrire est presque uniquement destiné à Ja trompe, et mérite par conséquent l’épithète de pro- boscidien infériewr que nous lui avons donnée, Il nous paraît, sous certains rapports, être l’analogue du système buccal des Mollus- ques gastéropodes. h° Système ganglionnaire ou sous-æsophagien abdominal. Dans l’Eunice, comme dans les autres Annelés de la méme classe, le système nerveux abdominal est composé d’une série de ganglions placés sur.la ligne médiane et rattachés les uns aux autres par deux filets latéraux. Une bandelette rattache cet ensemble au cer- veau lui-même, Mais cette disposition générale, déjà connue , présente des modifications dont. nous verrons 18 plus loin quelques exemples. Dans l’Eunice sanguine, la bandelette qui forme le collier Œ@SO- phagien des auteurs prend naissance vers le milieu-et sur les côtés . du cerveau, qu’elle partage en deux portions distinctes (1). Ainsi que je l’ai dit plus haut, ses racines m'ont paru partir surtout de la portion renflée postérieure de la masse cérébrale; Cette bande- lette est mince , aplatie et de dimensions sales, dans presque toute son étendue : elle ne donne naissance à aucun filet. En par- tant du cerveau, ses deux branches se dirigent obliquement d’a- vant en arrière , et de haut en bas, et contournent la masse buc- cale. Après avoir traversé le premier anneau du corps (celui dans lequel est percé l’orifice buccal), elles s’élargissent, se renflent et viennent se réunir sur la ligne médiane en formant un grand ganglion triangulaire, dont la base est tournée en ayant (2). Ce premier ganglion est donc placé dans le second anneau du corps, et cette disposition est constante chez toutes les Annélides que j'ai pu observer. (1) Pl a, fig. 4,0,0. — (2) PL. 4, fig. 4 y. DES ANNÉLIDES, LE dé + 87 Ce premier ganglion abdominal est plus avan, plus épais que les autres, Fortement échancré en avant, il porte sur la ligne mé- diane une rainure très marquée antérieurement, qui disparaît presque en arrière. Lorsqu'on examine un système nerveux d'Eu- nice entouré de son fourreau protecteur, ce ganglion semble pres- que entièrement confondu avec le suivant, Cependant il n’en est rien ; les deux ganglions sont réellement distincts, et réunis seule- ment par les filets de communication ordinaires. Les ganglions qui suivent sont de forme ellipsoïde aplatie (1). Is ne présentent pas, sur la ligne médiane, de rainure bien mar- quée. Ils sont d'autant plus distincts les uns des autres. qu'on les examine. sur un point plus rapproché de: l'extrémité posté- rieure. Tous ces ganglions sont d’un volume assez considérable, et pourtant on a quelquefois de la peine à les découvrir, parce qu'ils sont enfoncés dans une profonde gouttière, que laissent entre elles, dans chaque anneau, les deux grandes couches musculaires supérieure et inférieure. Au-dessous d’eux se trouve l’organe de la génération , ovaire ou testicule ; en dessus, le tube digestif. Une sorte d’aponévrose, qui se continue avec la membrane interne de la cavité générale du corps, leur forme une sorte de canal dans lequel ils sont logés. Au bord antérieur des prolongements qui rattachent le pre- mier ganglion abdominal à la bandelette œsophagienne , et qu’on peut considérer comme appartenant, soit à cette dernière, soit au ganglion lui-même, on aperçoit, de chaque côté, un petit nerf qui. se renfle bientôt en un petit ganglion (2). De celui-ci partent des filets nerveux très grêles, qui se distribuent aux muscles du premier anneau du corps, et dont quelques uns s’anastomosent avec d’autres filets partis du ganglion Jabial, Le nombre, le volume et la disposition des troncs nerveux qui partent de. chaque ganglion varient d’une extrémité. à l’autre. de l’Eunice. 11 y a une simplification progressive évidente à mesure, qu’on les examine sur un point plus rapproché de l'extrémité pos-: térieure, Get amoindrissement du système nerveux est en rapport (4) PL 4, fig. 1. — (2) PL 4, fig. 4, x. 88 DE QUATREFAGES. — SUR LE SYSTÈME NERVEUX direct avec la diminution des masses musculaires, et peut-être avec quelques autres circonstances que je n’ai pu suflisamment apprécier. Forcé par des circonstances impérieuses, je n’ai pu donner à cette partie de mes recherches tout le temps que j'aurais désiré y consacrer. Il en résulte, pour moi, quelques doutes sur la distribution des nerfs du premier anneau , sur celle que présen- tent les derniers anneaux. Ce qui va suivre s’applique surtout aux anneaux qui correspondent directement à l’œsophage et au com- mencement de l'intestin : ce sont eux qui m'ont paru présenter, dans cette portion de leur anatomie, le plus de complication, et qu'on peut, par conséquent, prendre comme type. Chacun des ganglions dont je viens de parler fournit cinq paires de nerfs. Les nerfs de la première, en procédant d'avant en arrière, semblent sortir du ganglion au ras de la cloison inter-annulaire (4), mais leur origine est un peu plus en arrière. Ils longent cette cloison de bas en haut, contournent le tube digestif et s’y distri- buent. | ù Les nerfs de la seconde paire sont destinés aux masses muscu- laires du démi-anneau inférieur. Ils forment à leur origine un tronc assez grêle, qui fournit d’abord un rameau à chaque inter- valle intermusculaire, déterminé par l’origine des quatre ou des cinq chefs du muscle rétracteur antérieur du pied (2). Au-delà de ce point, ces nerfs se ramifient d’une manière assez irrégulière, Les troncs nerveux de la troisième et de la quatrième paire sont beaucoup plus considérables que les précédents. Bien que réellement distincts, ils sont enveloppés par une sorte de gaine commune, qui pourrait faire croire souvent à l’existence d’un tronc unique. Ces deux troncs se portent directement jusqu’au pied. Là, le nerf de la troisième paire (3) donne une branche considérable qui se porte entre les masses musculaires supérieures du corps et les couches musculaires sous-cutanées. Cette branche fournit des rameaux à ces divers organes de locomotion. Le nerf de la qua- trième paire (4) présente une disposition analogue : seulement, ces derniers aboutissent aux muscles de la moitié inférieure de (4) PL 4, fig. 4, 4. — (2) PL 4, fig. 4, 2,.— (3) PL. 4, fig. 4, 5 — (4) PI 4, fig. 4, 4. DES ANNÉLIDES. 89 l'anneau, Après cette première division, les nerfs dont nous par- lons se ramifient brusquement et envoient des rameaux en tout sens à la base des gaînes musculaires, des soies et des acicules ; aux museles rétracteurs et protracteurs de ces gaînes ; aux divers appendicesdu pied... (1) Lenombre de ces rameaux et de leursfilets est considérable, et il n’est rien moins que facile de reconnaître . en détail leur véritable disposition, Cependant j'ai cru reconnaître que les paquets de soies et d’acicules recevaient des filets partant des deux paires; que la troisième paire fournissait ceux qui vont au cirrhe supérieur, et la quatrième paire ceux qui se portent au cirrhe inférieur, En outre, c’est à cette dernière que se rattache un petit ganglion ovoïde placé dans la partie inférieure du pied, vers la base du cirrhe inférieur, auquel il envoie une houppe de filets nerveux extrêmement fins (2). La cinquième paire de nerfs, partant des ganglions abdomi- naux , est destinée aux masses musculaires supérieures (3). Sa distribution ressemble à celle de la seconde , et se fait seulement en sens inverse, Les nerfs qui la composent partent de la partie postérieure du ganglion. Ils se divisent presque immédiatement en quatre ou cinq branches qui pénètrent entre les muscles du demi- anneau supérieur, dans les intervalles déterminés par les chefs des muscles de la cloison inter-annulaire. $ IL. Système nerveux de la NÉRÉIDE DE BEAUCOUDRAY ( N. Beaucoudrayi Aud. et Edw.) (4). J'ai reconnu dans le système nerveux de la Néréide de Beau- coudray les mêmes parties que dans celui de l'Eunice sanguine ; mais je n’ai pu l’étudier avec autant de détail. Je n’ai représenté dans la figure ci-jointe , et je ne décrirai ici que ce que j'en ai vu d’une manière bien distincte. 1° Cerveau. — Le cerveau de cette Néréide ne présente pas un volume aussi considérable que celui de l’Eunice; mais il en diffère surtout par la forme et par la disposition des parties qui le (1) PL A, fig. 4. — (2) PL A, fig 4, 5,5,5. — (3) PI 1, fig. 1,5: — 3° série. Zoo. T. Il. (Août 1844 ) 7 90, DE QUATREFAGES. — SUR LE SYSTÈME NERVEUX composent, En effet, ces diverses portions, au lieu d’être réunies et confondues en une seule grande masse, comme nous l'avons vu tout-à-l'heure, sont ici. presque isolées, en sorte que nous avons une chaîne transverse de ganglions plutôt qu’une grande masse nerveuse centrale, Il est presque inutile de faire observer que cette espèce de fractionnement du centre nerveux est en rapport avec la multiplicité et l'isolement des diverses parties de la tête, qu’on observe dans l’Annélide qui nous occupe en ce moment (4). La partie centrale du cerveau de la Néréide est formée par deux masses ovalaires que réunit une commissure plus large propor- tionnellement que dans l’Eunice, et qui forment en arrière une saillie arrondie assez forte (2). Antérieurement, et sur le bord in- terne de la commissure, nous voyons naître deux nerfs assez grêles qui se portent en avant et se réunissent en un petit ganglion, d’où partent deux ou trois petits filets (3). On voit que cette disposition rappelle entièrement ce que nous avons vu exister chez l’Eunice sanguine, À côté et en dehors des deux nerfs dont je viens de parler, se trouvent deux mamelons allongés, renflés en massue à leur extrémité (4). Leur extrémité répond à la base des yeux ; mais je n’ai pu reconnaître s’il en partait des nerfs distincts pour chaque œil en particulier, ce qui tient peut-être à la brièveté de ces nerfs optiques. En dehors de ces deux masses principales, et séparé d’elle par un étranglement à peine marqué, se trouve, de chaque côté, un petit renflement portant à son bord antérieur un nerf qui aboutit bientôt à un ganglion cordiforme (5). De ce ganglion partent les nerfs antennaires externes. Deux autres renflements, séparés par un étranglement bien marqué, se trouvent en dehors des parties que je viens de décrire, et fournissent tous deux, en avant, quelques faibles rameaux , mais ils se continuent, pour ainsi dire, avec la bandelétte œsophagienne, et donnent naissance au système labial. (4) Voir l'ouvrage de MM. Audouin et Milne Edwards, intitulé : Recherches. pour servir à l'Histoire Naturelle du littoral de la France, t. XX, pl. #4. (2). PL. 4, fig, ae. — (3) PI. 1, fig. 2, D. + (4) PL A. fig. 2,e,0.— (5) PI. 4, fig. 2, d,d. DES ANNÉLIDES, | y 2 Système proboscidien. Ge système nerveux parait très déve- loppé dans les Néréides, où il présente un degré de complication plus grand encore que dans l'Eunice , au moins à en juger par les portions que j'ai pu reconnaître. Il prend naissance au-dessous des masses centrales du cerveau par deux filets qui forment bientôt un petit ganglion allongé (4), d’où partent deux troncs assez gros. Je n’ai pu les suivre au-delà du premier anneau, vers le point où ils se réunissaient, sans doute pour former un nouveau ganglion (2). Le reste de ce système, que j'ai vu et figuré ici, est placé en entier entre les deux principales couches musculaires de la trompe. Il me semble appartenir au second des deux anneaux bien mar- qués que forme cet organe dans les Annélides qui nous occupent, comme chez presque toutes les Néréides. Des deux côtés on voit partir, des troncs dont je viens de parler, et très près du point où je les ai perdus de vue, un petit filet très grêle , qui aboutit à un ganglion à peu près sphérique (3). En avant, ce ganglion donne un ou deux filets qui vont se perdre dans les muscles. Sur les côtés, deux troncs assez considérables four- nissent un grand nombre de branches aux couches musculaires de la trompe (4). En arrière, chaque ganglion fournit deux filets. Les deux externes marchent d’abord à peu près parallèlement sur les côtés de la trompe, puis s’élargissent en formant une sorte de baändelette d’où partent plusieurs filets très fins (5). Les deux in- ternes se réunissent sur la ligne médiane en un ganglion fort petit d’où rayonnent , en tous sens, quelques nerfs également très dé- liés (6). 3° Système labial. — De chaque côté, et à peu près entre les deux masses latérales du cerveau, part un filet nerveux très grêle, qui se renfle bientôt en formant un ganglion allongé, dont l'extrémité fournit trois ou quatre petits filets (7). C’est là tout ce que j'ai pu voir de ce système labial; mais ce peu suffit pour nous donner la certitude qu’il existe ici, aussi bien que chez l’Eunice. (1) PL 4, fig. 2, f.— (2) PI. 4, fig. 9, g,g.— (3) PL. 4, fig. 2, i.—(4) PL. 1, fig. 2, jj. — (8) PL 4, fig. 2, kk. — (6) PI. 4, fig. 2, 1. = (7) PL. À, fig. 2, m,m. 92 DE QUATREFAGES. — SUR LE SYSTÈME NERVEUX Nous apercevons en outre une différence bien sensible dans sa disposition, en ce que le ganglion labial, placé, dans l’Eunice, sur la ligne médiane, semble ne pas exister ici. Cependant il pourrait se faire qu'il m’eût échappé, et que les ganglions que j'ai vus chez la Néréide fussent les équivalents de l'élargissement assez marqué que m'a quelquefois présenté , sur le côté, la bandelette labiale de l’Eunice. h° Système abdominal. — Ce système rappelle presque entière- ment ce que nous avons vu plus haut exister chez l’Eunice : seule- ment les prolongements antérieurs du premier ganglion sont plus prononcés , et ce ganglion est lui-même proportionnellement plus fort que chez cette dernière (1). Je n’ai pu, faute de temps, étudier la distribution des filets qui émanent de ces ganglions ; d’ailleurs, comme dans l’Eunice , le premier ganglion correspond au second anneau et non à l’anneau buccal. Les seules différences bien marquées que présente cette portion du système nerveux chez nos deux Annélides consistent en ce que la bandelette qui, dans la Néréide, rattache le cerveau à la chaîne des ganglions abdominaux, ne présente pas dans toute son étendue des dimensions uniformes. Un peu au-delà de son origine dans le cerveau , elle s’élargit (2) , puis se divise en un certain nombre de lanières placées à côté les unes des autres, mais qu’on sépare très facilement. Ges lanières se réunissent avant d'arriver au premier ganglion abdominal , et le point de jonction de la bandelette et des prolongements ganglionnaires est marqué par une sorte de collet , d’où partent quelques petits filets qui se distribuent aux muscles du premier anneau , et s’anasto- mosent sans doute avec les dernières ramifications du système labial (3). $ IT. Système nerveux de la PHYLLODOGÉ TRANSPARENTE (P. pellucida Nob.) (4). J'ai pu distinguer assez souvent le système nérveux abdominal chez des Annélides transparentes en les observant au microscope. (1) PI. 4, ig.-2, 0. — (2) PI. A, fig. 2, nn. (3) PL 4, fig. 2. — (4) PL 9, fig. 4, DES ANNÉLIDES. 93 Certaines espèces de Phyllodocé , entre autres la Phyllodocé aré- nicole, espèce nouvelle que j'ai trouvée dans les sables vaseux de Bréhat , se prêtent très bien à ce mode de recherches. Mais il est fort rare de pouvoir distinguer bien nettement le cerveau; cette difficulté s'explique par une circonstance d'organisation que j'ai rencontrée chez toutes les Annélides. À chaque centre nerveux correspond un centre circulatoire ; le cerveau en particulier est toujours placé dans un cercle vasculaire à détails plus où moins compliqués , et formant souvent un véritable lacis. On comprend dès lors que chez les espèces à sang rouge l’observation microsco- pique devient presque toujours impossible , et que chez celles où le sang est entièrement ou presque entièrement incolore , elle pré- sente toujours des chances d’illusion, et d'erreurs par conséquent. De toutes les Phyllodocés que j'ai observées , celle dont je vais décrire le système nerveux se prétait le mieux aux observations par le microscope. La transparence du corps était presque par- faite , et pour tout ce qui touche au système abdominal, je ne conserve aucun doute sur la certitude de mes observations ; quel- ques détails du cerveau me paraissent seulement avoir besoin de confirmation : j'aurai soin de les indiquer. 4° Cerveau. -— Le cerveau de la Phyllodocé transparente est proportionnellement plus petit que celui de lEunice ; il n’a paru plus épais ; la concentration des diverses parties y est portée plus loin même que chez cette dernière. Il est de forme presque carrée, et l’échancrure antérieure est à peine marquée (1). Des deux côtés de l’enfoncement qui la représente sont deux mamelons antérieurs, d’où partent en avant deux gros nerfs antennaires bifurqués à leur extrémité (2). Un autre nerf d’un volume bien moindre prend naissance en dehors et à la base des précédents, et se dirige vers le côté et en avant (3). Une sorte de queue de cheval , composée d’un grand nombre de filets très fins et presque parallèles , sort du cerveau au-dessous du nerf précédent, et suit la même di- rection (4). Sur les côtés du cerveau , à droite et à gauche, deux nerfs assez gros sortent d’un mamelon latéral , et se recourbent (4) PE Sig. 1, a. — (2) PI. 2, fig. 4, d,d.. (3) PL. 2, fig. d, ee. — (4) PL 2, fig 4, ff. 9h DE QUATREFAGES. — SUR LE SYSTÈME NERVEUX pour se diriger en avant (1). À la surface supérieure et anté- rieure du cerveau , on voit de chaque côté un large mamelon très prononcé , dont le sommet correspond aux yeux (2). Entre deux, et un peu avant, un nerf gros et court correspond à un organe placé sur la ligne médiane , recouvert par des grains de pigment, et qui m'a semblé présenter l’aspect d’une vacuole (3). Je suis assez certain de l’exactitude des détails précédents. H me reste au contraire des doutes sur ceux qui vont suivre. Les bords latéraux du cerveau m'ont paru se prolonger en arrière; de façon à former une sorte d’anneau qui donne naissance à deux gros nerfs à direction entièrement transversale (4). Le système sus-æsophagien naît par une racine unique à la partie postérieure du cerveau, et passe au-dessous de cette espèce d’arceau (5). On remarquera que j'ai représenté les nerfs antennaires , le nerf médian placé entre les nerfs optiques et les deux nerfs transverses postérieurs , comme terminés par un renflement sphé- rique. J'ai cru les voir ainsi, mais je n’oserais l’affirmer, Cepen- dant les nerfs sensitifs m'ont paru présenter le même mode de terminaison dans la Doyèrine (genre nouveau trouvé à Chaussey). La manière dont se termine le nerf optique des Néréides semble d’ailleurs se rapprocher de ce que nous voyons ici, et tendrait à donner quelque valeur à cette observation. Je n'ai pu reconnaître chez mes Phyllodocés aucune trace du système proboscidien inférieur ; mais on ne doit pas en conclure qu'il n'existe pas, car l'extrême petitesse de ces parties a très bien pu se dérober à mes regards. … 2° Système abdominal. — Ce système présente , chez les Phyl- lodocés , plusieurs particularités remarquables. La bandelette qui, de chaque côté , le rattache au cerveau , présente vers le milieu de son trajet un renflement , ou un véritable ganglion oblong (6) : elle est aussi plus épaisse que dans les genres que nous avons (1. 2,18 1,9,g.— (2) PL 2, fig. 1, b,b. (3) PL 2, fig. 1, c. — Cet organe serait- 1 l'organe de l’ouie? J'en doute ; car dans les Annélides où j'ai pu l'observer d’une manière très positive, je l'ai trouvé pe ri semblable à celui des Fastémpolol: el placé dans l'anneau buccal. (4) PL 2, fig. 1, Ah. — (5) PL 2, fig. 1, à — (6) PL. 2, fig. 1, 6k: DES ANNÉLIDES, Ls 95 examinés jusqu'ici. Les trois premiers ganglions sont oblongs , et leur grand axe est transversal (1). Ils ne présentent aucune trace de scissure , ni de rainure longitudinale médiane , et l’anneau qui les sépare est plus large que long. Le quatrième ganglion et les trois ou quatre autres suivants sont ovoïdes, avec une scissure peu marquée dans le milieu et une légère rainure médiane ; leurs an- neaux sont simples. À partir du septième ou du huitième ganglion, on voit la forme de ces centres nerveux tendre à devenir de plus en plus circulaire (2); en même temps la rainure médiane devient une gouttière très marquée , et le ganglion semble formé de deux moitiés réunies par une mince commissure (3). Une autre parti- cularité commence à se montrer à partir du septième ou du neu- vième ganglion : l’anneau est partagé en deux par une petite bandelette très mince , très diflicile à apercevoir, mais que je crois pourtant bien distincte de l'apparence que pourrait produire la présence d’une cloison inter-annulaire (4) ; cette bandelette de communication disparaît dans les anneaux les plus postérieurs , et enfin la chaîne ganglionnaire se termine par une anse , d’où se détachent deux petits filets qui aboutissent aux deux cirrhes aplatis qui terminent la queue des Phyllodocés (5). Les nerfs qui partent de chaque ganglion sont au nombre de trois paires : ceux de la paire médiane se rendent aux pieds, et sont les plus considérables (6) ; de plus, deux très petits filets partent de chaque cordon, au point qui correspond à la petite bandelette placée au milieu de l’anneau (7). $ IV. Système nerveux des ARICINELLES (Aricinella Nob.) (8), J'ai donné le nom d’{ricinelle à un genre nouveau d’Annélides, trouvé par moi à Chaussey et à Bréhat. Les animaux qui le com posent présentent, entre autres caractères, celui d’avoir une tête (4) PL. 2, fig. 4, LE. — (2) PL. 2, fig. 2 et 3. — (3) PL. 2, fig. 2 et 3. (4) PI. 2, fig. 2 et 3, a,a,a,a. — On voit que nous retrouvons ici une dispo- sition toute semblable à celle que M. Doyère a signalée dans le système nerveux des Tardigrades. (5) PI28, fig/'#4.-— (6) PL. 2, fig. Set3.— (7) PL 2, lig. 2 et 3.—(8) PL 2, fig. 5. 96 DE QUATREFAGES. —— SUR LE SYSTÈME NERVEUX qui se prolonge en un long mufle pointu , analogue à celui des Cirrhatules, dépourvu d'appendices, et portant deux yeux très distincts. 1° Cerveuu. -—- Le cerveau de ces Annélides est extrêmement simple ; il consiste en deux ganglions réunis sur la ligne mé- diane (1), d’où partent en avant deux petits filets qui se rendent vers l'extrémité du mufle (2) , et deux nerfs optiques très gros terminés par un renflement bien marqué (3). En arrière , deux trones nerveux forment un anneau assez semblable à celui des Phyllodocés. (4) , et se réunissent pour former un ganglion à peu près triangulaire , d’où partent plusieurs filets très fins qui se portent en arrière (5). Je n’ai pas vu d’autres traces des systèmes proboscidiens supérieur ou inférieur. 2 Système abdominal. — La bandelette qui part du cerveau est épaisse et large ; elle aboutit dans le second anneau du corps à un ganglion très allongé en navette, et présentant une dépres- sion vers son milieu (6). Les ganglions suivants présentent la même forme. Les cordons nerveux destinés à les relier ensemble sont assez gros, et très rapprochés les uns des autres (7). $ V. Système nerveux des GLYCÈRES (Glycera Aud. et Edw.) (8). Le système nerveux des Glycères est extrêmement simple. Le cerveau est réduit à deux masses peu considérables, réunies par une Commissure proportionnellement large et épaisse (9). En avant, partent deux nerfs assez grêles, qui se rendent à l'extrémité du mufle (10). J’ai reconnu chez elles l’origine du système pro- boscidien supérieur naissant à la face inférieure du cerveau, par deux très petits filets, et traversant presque immédiatement un ganglion sus-æsophagien (11). La bandelette qui rattache le cer- veau au système abdominal est assez large. Les ganglions abdo- minaux sont oblongs transversalement, et semblent presque im- médiatement accolés les uns aux autres (12). PI. fig (1) PL2, fig. 5, aa. — (2) PL 2, fig. 5, bb: — (3) : Byrc;ciots (4) PL 2, fig. 5, d,d.— (5) PI 2, fig. 5, e.— (6) PI. 2, fig. Êe —:(7) PL.2, fig. 5. — (3) PL 1, fig. 3. — (9) PL 1, fig. 3, a,a: — re PL: 1, fig. 3, b.b. à, o° fig. 3,c. — (12) PL 1, fe. 3, e,e,e. DES ANNÉLIDES. M1 et 97 Ces détails ont été observés sur une espèce de Glycère commune à Bréhat, et voisine de la Glycère de Meckel. ; $ VI. Observations générales. — Histologie. Les détails anatomiques qu’on vient de lire, ceux dont la science est redevable à divers naturalistes, montrent que le système ner- veux des Annélides errantes est susceptible de présenter, presque dans ses parties les plus essentielles, des variations extrêmes. Des recherches nouvelles et suivies avec persévérance sont néces- ‘saires pour fixer les limites de ces variations, pour nous faire une idée nette du rapport qui existe entre les modifications de ce sys- tème, si important qu’on a dit qu’il était tout l'animal, et celles qui les accompagnent dans le reste de l’organisme, Je compte me livrer assidûment à cette étude dans mes prochains voyages sur le bord de la mer. Aujourd’hui, je me bornerai à quelques déductions qui ressortent immédiatement des faits que je viens d’énoncer. Ne pouvant, d’ailleurs, dans cette courte notice, discuter tous les faits qui ont été signalés avant moi, je me bornerai à rapprocher mes observations de celles de M. Grube, le naturaliste qui, dans ces dernières années, s’est le plus occupé du sujet dont il s’a- git ici. La variabilité même dont je viens de donner des exemples doit nous rendre très réservés quand il s’agit de juger des re- cherches qui ne portent pas exactement sur les mêmes espèces, quelque voisines que puissent être, d’ailleurs, celles que deux naturalistes différents ont étudiées : aussi ferai-je remarquer seulement que, d'accord avec M. Grube sur plusieurs points prin- cipaux de la disposition du système nerveux des Eunices, j'ai pourtant rencontré dans l’Eunice sanguine des détails assez diffé- rents de ce que ce savant anatomiste a décrit dans l’Eunice de Harasse. Je n'ai rien vu qui rappelàt la petite bandelette acces- soire placée en avant du premier ganglion abdominal, et qui, d'après M. Grube, joint entre elles les deux bandelettes œsopha- giennes, Je n'ai pas vu non plus de nerfs partir de ces dernières. Enfin, la forme du cerveau, telle qu’elle est donnée par l’habile naturaliste allemand, rappelle plutôt celle que présente cet organe 98 DE QUATREFAGES. -— SUR LE SYSTÈME NERVEUX lorsqu'il est encore contenu dans son enveloppe fibreuse que celle qu'il a réellement. Peut-être la même observation s’applique--t-elle aux nerfs qui partent des ganglions abdominaux. M, Grube n’en représente qu’une seule paire par ganglion. Je présume qu’elle doit correspondre à celles qui, dans mon dessin, portent les nu- méros 3 et 4. Quant aux autres, en supposant qu'elles existent , il ne paraît pas étonnant qu’elles eussent échappé, même à un très habile observateur, dans une espèce d’aussi petite taille. Dans les Eunices sanguines de dix-huit à vingt pouces, elles étaient à peine visibles, et se confondaient presque entièrement avec les tissus voisins. Le système nerveux de la Pléione, donné par le même auteur, rappelle, par quelques détails du cerveau, celui des Phyllodocés. Il ressemble, en outre, à celui de l’Eunice, par la présence des ganglions de renforcement placés sur les côtés du corps, tandis que les filets se terminant en ganglions qui partent de l’intérieur des bandelettes œsophagiennes, rappellent ce que j'ai décrit dans là Néréide. J'ai examiné déjà un nombre assez considérable d’Annélides , bien que je n’aie pris des notes que sur quelques unes d’entre elles. Dans aucune, je n’ai vu la chaîne des ganglions abdominaux se prolonger jusque dans l’anneau qui fait immédiatement suite à la tête. Elle s'arrête toujours au second, et c’est de là que part la double bandelette qui réunit les deux systèmes abdominal et cérébral. Nous avons pu voir, d’ailleurs, dans lEunice, que cette portion du corps n’était pas pour cela dépourvue de nerfs; que même elle présente un petit système spécial. Gette circonstance, et cette autre non moins remarquable, que c’est dans cet anneau que s'ouvre la bouche, me portent à le regarder comme n’appar- tenant pas au Corps proprement dit, comme faisant plutôt partie de la tête, et devant être désigné par le nom d’anneau buccal. D'après ce que nous avons vu exister chez les Annélides er- rantes, dont je viens de décrire le système nerveux, d’après d’au- tres observations que je publierai plus tard, il me semble probable qué lon trouvera dans toute cette classe le système nerveux acces- soire que j'ai appelé prahoscidien supérieur: A sera curieux de _ DES ANNÉLIDES, +: +2 99 comparer sa disposition avec ce qu'on observe chez les Insectes. Mais, pour que cette comparaison puisse conduire à des résultats réels, il est nécessaire que le système nerveux des Insectes soit plus étudié qu’il ne l’a encore été, 11 faut aussi multiplier les re- cherches sur les Annélides. Dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons encore rien préciser sur les relations réelles de ce petit système avec le reste de l'organisme, et en particulier avec le tube digestif, si ce n’est qu'il paraît être presque uniquement destiné à la trompe. En effet, nous l’avons vu se distribuer pres: que en entier à cet organe, tant chez l’Eunice que chez les Né- réides. Mais tandis que, dans la première, il n’est placé, au-dessus de l’œsophage, que dans une courte partie de son trajet, dans les secondes, il semble conserver cette position dans la plus grande partie de son étendue. Le système proboscidien inférieur ou labial ne me semble guère avoir son analogue réel que chez les Mollusques. Le petit ganglion médian inférieur de l’Eunice rappelle, sous presque tous les rap- ports, le ganglion buccal des Gastéropodes. Ce que j'ai vu du même système dans la Néréide rappelle aussi ce qu’on voit chez ces derniers, tout en s’écartant davantage de ce terme de com- paraison. Nous avons vu que , dus l'Eunice, les ganglions devenaient de plus en plus distincts les uns des autres, mais en même temps plus petits à mesure qu’on les examinait plus près de l’extrémité postérieure. Nous avons vu aussi, chez les Phyllodocés, la rainure médiane des ganglions d’autant plus profonde que ces ganglions étaient plus postérieurs. Chez l’une et l’autre, cet amoindrissement du système nerveux coïncide avec une simplification évidente des anneaux. Ces faits me semblent cadrer parfaitement avec l'opi- nion qui veut que les Annélides errantes croissent pendant toute la durée de leur vie, On dirait que, chez elles, chaque partie suit la même marche, et qu'elle s'accroît et se perfectionne chaque jour davantage en vieillissant. Onsait que les animaux dont nous parlons sont très fragiles. On sait aussi avec quelle facilité ils reproduisent en arrière les anneaux qu'ils ont perdus ; mais si on leur accorde universelle- 100 DE QUATREFAGES. :— SUR LE SYSTÈME NERVEUX ment cette faculté pour les anneaux postérieurs, il n’en est pas de même pour les anneaux antérieurs , pour ceux qui portent la tête et le centre nerveux, qui est bien évidemment chez eux le siége de la volonté. Une observation que j'ai faite à Bréhat me porte cependant à penser que, dans des circonstances rares et sans doute exceptionnelles , les parties antérieures du corps, et par conséquent le cerveau, peuvent repousser aussi bien que les posté- rieures. J'ai trouvé une Eunice sanguine dont la tête et les pre- miers anneaux présentaient la couleur particulière qui caractérise les anneaux de nouvelle formation , couleur que j'ai eue trop sou- vent sous les yeux pour pouvoir m’y tromper. En effet, il est rare de trouver une Eunice d’une taille un peu considérable qui ne porte des traces de mutilation, J'ai cherché bien des fois, en vain, à voir comment se reproduisaient les parties dans cette formation épigénétique. Une seule fois, je trou- vai un individu de petite taille qui était en train de reproduire sa queue, et chez qui ces parties étaient assez transparentes pour permettre l’observation au microscope. Je vis bien clairement le système nerveux en voie de formation, et présentant la forme que j'ai dessinée (1). La chaine ganglionnaire était double, et composée de deux chapelets latéraux. La réunion n’avait eu lieu qu’à la partie postérieure, où se trouvait une anse qui rappelait ce que j'avais vu chez les Phyllodocés. Il est presque inutile de faire remarquer combien cette observation confirme les faits an- noncés par M. Serres, et vient à l’appui des déductions qu’en a tirées ce savant. La structure intime de certains tissus des Annélides errantes est, assez difficile à reconnaître chez les grandes espèces qui ne sont pas assez transparentes pour permettre une. observation directe sur le vivant; et de ce nombre est le système, nerveux. Quelque rapidité que l’on apporte à préparer les parties, à les placer sous l'instrument , la désorganisation à presque toujours marché plus vite encore. On se fait une idée de.ces changements si prompts, lorsqu'on étudie les petites espèces transparentes , et DES ANNÉLIDES. 101 qu'on voit les tissus changer d’aspect , entrer presque en décom- position , alors même que l'animal semble encore plein de vie. Voici cependant quelques observations dont je suis certain. Dans une Phyllodocé de grande taille que j'ai trouvée à Bréhat (Ph. mégarème Nob.), j'ai pu observer le système abdominal à de forts grossissements. Les cordons latéraux sont composés de fibres bien marquées , et revêtus d’une sorte de membrane qui les accompagne d’une extrémité à l’autre du corps; cette membrane est homogène, transparente, mais paraît néanmoins très résistante ; elle représente évidemment une sorte de dure-mère , et est sans doute en continuité avec l'enveloppe propre du cerveau (1). Letissu général propre aux ganglions est une sorte de pulpe trans- parente, globulineuse et homogène , au travers de laquelle on voit les cordons latéraux se continuer (2) ; il n’est pas très difficile de suivre leurs fibres d’une extrémité à l’autre du ganglion. Vers le milieu des ganglions, un certain nombre de ces fibres se détachent de chaque cordon, et passent au cordon situé de l’autre côté en croisant les fibres que celui-ci envoie à son tour au premier (3). Comme ce sont toujours les fibres internes qui présentent cet entrecroisement, il s'ensuit que leur trajet est ondulé , et qu’elles passent alternativement d’un côté à l’autre du corps, tandis que les fibres externes poursuivent leur trajet en ligne droite, et appartiennent constamment à la même moitié latérale. Je crois que cette singulière disposition n’avait encore été signalée par personne. On distingue assez bien chez la grande Phyllodocé , dont je parle, les fibres des nerfs, surtout à leur origine dans les gan- glions. On voit ces fibres prendre naissance par deux paquets bien distincts, dont l’un est supérieur, l’autre inférieur (4). Ainsi les nerfs des Annélides errantes ont une double racine, aussi bien que ceux des Insectes et des animaux Vertébrés; ces nerfs sont d’ailleurs entourés par un prolongement de la dure- mère qui sert à les protéger (5). Dans l’Eunice sanguine , j'ai fait des observations analogues à (1) PI. 2, fig. 7, d,d,d. — (2) PI. 2, fig. 7, a,a. — (3) PI. 2, fig. 7,b. — (4) PL. 2, fig. 7. — (5) PL 2, fig. 7. 102 DE QUATREFAGES, -—, SUR LE SYSTÈME NERVEUX celles qui précèdent : seulement elles n’ont pu avoir lieu que sur des préparations isolées ; j'ai retrouvé d’ailleurs toutes les cir- constances que je viens d'indiquer. On peut voir en outre ; par lé dessin que je mets sous les yeux de mes lecteurs, que les fibres des cordons abdominaux semblent se continuer directement au sortir du premier ganglion pour former la grande bandelette œsophagienne qui rattache le système abdominal au cerveau (4). L'origine des nerfs dans le cerveau m'a présenté des faits entièrement semblables, si ce n’est que je n’ai pu distinguer de doubles racines. Dans les Syllis, dans des Annélides de plus petite taille, et surtout dans celles qui méritent presque le nom de microscopiques , on ne distingue plus la moindre trace de fibres dans les nerfs, non plus que dans les cordons abdominaux ; ces organes montrent alors une texture entièrement homogène. Les ganglions abdominaux présentent cependant toujours deux sub stances distinctes : l’interne est manifestement granuleuse, tandis que l’externe est entièrement diaphane, et présente à peine un léger aspect globulineux, On voit que dans ces petites Annélides ces organes rappellent entièrement la structure signalée par M. Doyère dans sa belle anatomie du Milnesium tardigradum. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE A. Fig.. 1. Système nerveux de l'Euxice sanGuINE, E. sanguinea. Say. a,a, partie antérieure du cerveau. — b,b, partie postérieure. — €, ganglion cervical. — d,d, nerfs qui se rendent au mufle de l’Annélide. — e,e, nerfs qui &é rendent à la face infériéure de la tête. — [,f, nerfs optiques et antennairés. —g,g, nerfs qui vont aux muscles du premier anneau. — h,h, origines du sys- tème proboscidien supérieur. — i, premier ganglion. — #,k; 1,1, filets qui lon: gent l'œsophage. — m,m, anneau œsophagien formé par le système probosci- dien supérieur. — n, deuxième ganglion : celui-ci est placé sous l'œsophage, au-dessus de la masse de la trompe, ainsi que les deux suivants, o et p.—q,q, origine du système proboscidien inférieur où système labial. — 7,r, filets qui se distribuent aux muscles du premier anneau.—: s, ganglion labial.—#,f, nerfs f (4) PL 2, fig. 8, a’,a'. DES ANNÉLIDES. 103 qui en partent, pénètrent dans la trompe , et fournissent les filets w,u,u,u, qui s’anastomosent avec ceux du système proboscidien supérieur. — tv, anneau œsophagien des auteurs. — +,œ, nerfs et ganglions dont les ramifications s'a- nastomosent dans les muscles du premier anneau avec les filets r,r.—y, pre- mier ganglion abdominal. — x%,:,5, ganglions de renfoncement placés à la partie inférieure de chaque pied — 4,1, première paire de nerfs allant aux cloisons inter-annulaires et à l'intestin. -— 2,2, seconde paire de nerfs ou nerfs musculaires inférieurs. — 3,3 ; 4,4, troisième et quatrième paire de nerfs-se distribuant aux pieds et aux masses musculaires du corps : c'est à la quatrième . que se rattachent les petits ganglions 5,5. — 5,5, cinquième paire de nerfs ou nerfs musculaires supérieurs. Fig. 2. Système nerveux de la Nénéine pe Beaucoupray, N. Beaucoudrayi. Aud. et Edw. a,a, masses principales du cerveau. — b, ganglion cervical. — c,e, nerfs optiques. — d,d, nerfs antennaires. — e,e, masses latérales du cerveau. — [, premier ganglion sus-æsophagien ou proboscidien supérieur. — g,g, grands nerfs qui en partent et que je n'ai pu suivre plus loin. — h,h, filets qui pénè- trent plus profondément et forment les deux ganglions latéraux i,i, d'où partent quatre paires de nerfs, dont la première remonte dans les muscles de la trompe ; la seconde, j, donne plusieurs filets latéraux et forme le petit ganglion p; la tfoisième s’élargit en k, et fournit aussi plusieurs filets; enfin la quatrième se réunit dans le ganglion !. — m,m, système proboscidien inférieur ou labial. — x,n, anneau œsophagien des auteurs. — 0, premier ganglion abdominal. Fig. 3. Système nerveuæ de la GLycène ne Meckez, G. Meckelii. Aud. et Edw. . a,a, cerveau. — b,b, les deux seuls nerfs que j'aie vu en partir en avant.— e, origines du système proboscidien supérieur. — d,d, anneau œsophagien. — e,e,e, ganglions abdominaux. PLANCHE 9, Fig. 1. Système nerveux de la PayLLODOCE PELLUCIDA. a, Cerveau. — b,b, mamelons des nerfs optiques. — c, nerf allant à l'or- gane en vacuole. — d,d, nerfs antennaires. — e,e; f,f, nerfs qui vont au mufle de l’Annélide. — g,g, nerfs latéraux. — h,h, nerfs latéraux postérieurs. — 1, origine du système proboscidien supérieur.—k,k, branches de l'anneau œso- phagien, — {,1, ganglions abdominaux. Fig. 2. Un des ganglions abdominaux appartenant au quart antérieur de la Phyl- lodocé. a,a, bandelette de communication qui partage en deux les anneaux nerveux abdominaux. | Fig, 3. Ganglion abdominal du milieu du corps. Les lettres a,a, ont la même signification que dans la figure précédente. 40! BISCHOFF. — SUR L'OŒUF DE L'HOMME L Fig. 4. Terminaison de la chaîne ganglionnaire abdominale chez la même Annélide. Fig. 5. Système nerveux de l'Aricinelle. a,a, Cerveau.—b,b, nerfs qui se rendent au mufle de l’Annélide.—c,c, nerfs optiques. — d,d, origines du système proboscidien supérieur. — e, ganglion appartenant à ce système, et d'où partent plusieurs nerfs. — f,f, branches de l'anneau œsophagien. — g,g, ganglions abdominaux. Fig. 6. Portion postérieure de lu chaine ganglionnaire abdominale d'une Eunice sanguine, en voie de reproduction. a, ganglion intact. — b, ganglion appartenant au dernier anneau d’ancienne formation. — c,c,c,c, ganglions des anneaux de nouvelle formation , disposés en deux chapelets latéraux. — d, anse terminale. Fig. 7. Ganglion abdominal de la Phyllodocé mégarème , vu à un grossissement de 150 diamètres. a.a; cordons nerveux latéraux. — b, entrecroisement de leurs fibres dans le milieu du ganglion. — c,c,c,c; nerfs dont les fibres prennent naïssance en deux faisceaux distincts au milieu de la substance propre du ganglion. Fig. 8. Les deux premiers ganglions abdominaux de l’Eunice sanguine. Les lettres ont la même signification que dans la figure précédente. éntrahrtmrene gaie hié het die Keep MÉMOIRE Sur la maturation et la chute périodique de l'œuf de l'Homme et des Mammifères , indépendamment de la fécondation ; Par M, TH.-L-W. BISCHOFF, Professeur ordinaire de médecine, Directeur de l'Institut vnutomique et physiologique . + à Geissen, etc. (1). Tout homme qui jette un coup d’œil sur l’histoire des théories de la fécondation ne tarde pas à se convaincre que la cause de la plupart de leurs erreurs à été et est encore pour les mammi- fères et l’homme, malgré tout l'intérêt qu'ils offrent, l’ignorance de la substance destinée à former l'être futur , l’œuf, et celle de sa préexistence dans l'ovaire, sur laquelle l’accouplement n’exerce aucune influence. C’est ce qui établissait une diffé- rence énorme, un véritable abîme, entre les mammifères et l’homme d’un côté, et tous les autres animaux de. l’autre. (4) Cette traduction, faite sous les yeux de l’auteur par M. Sacc, de Neuchâtel, est augmentée de notes et accompagnée de planches inédites, la plupart dessinées par l'auteur. salt Re. 3 s. 1 L ET DES MAMMIFÈRES, 0 00 105 Ilest vrai qu'en se basant sur des hypothèses, beaucoup de sa- vants ont cherché à le combler ; mais ils ont tellement senti que, pour y arriver, il fallait absolument des observations directes, que les plus distingués d’entre eux ont préféré rester dans le doute et l’erreur, plutôt que de se prononcer, I y a peu d’objets d’études qui, mieux que celui qui nous oceupe, montrent à quel point les connaissances humaines sont dépendantes de l'observation directe, Dans tous les siècles, les philosophes, les théologiens, les méde- cins et les naturalistes se sont vainement épuisés à vouloir sup- pléer au manque d'observation directe de l'œuf des Mammifères et de l'Homme : toutes leurs savantes combinaisons, toutes leurs brillantes théories ne leur ont servi qu'à s’égarer, C’est ce qui amena l’intime conviction que les Mammifères et l'Homme sont, par leur mode de génération, une exception, et qu’en cela ils dif- fèrent de tous les autres êtres. Chez tous les autres êtres, Plantes et Animaux, nous voyons qu’à très peu d’exceptions près, la reproduction dépend en général de ce que les organes des parents sécrètent certaines matières, œufs et semences, dont l’action réciproque produit le germe ca- pable de se développer. Nous voyons, de plus, qu’en général, quoique la formation et l’union de ces matières soient absolument indispensables à la conservation des espèces, elles sont cependant tout-à-fait indépendantes l’une de l’autre, au point qu’envisagée sous cé rapport, leur union peut être regardée comme abandonnée au hasard. Les œufs se forment, mûrissent et sont expulsés des organes maternels à des époques ordinairement bien déterminées , et lais- sant entre elles un certain temps également fixe, sans qu’il y ait aucune coïncidence entre leur développement et celui du sperme masculin, qui, comme eux, müûürit périodiquement , ou bien est sécrété sans interruption. Ce sont des conditions accessoires qui peuvent être tout-à-fait extérieures et fortuites, ou bien dépen- dantes de certaines manifestations de la vie, développées en même temps que les œufs et le sperme, qui font que, ces deux matières se rencontrant, elles permettent au germe de se développer. Lors- que ces conditions ne se présentent pas, ou qu'un accident les dé- 3° série. Zoo. T. IE. ( Août 1844.) 8 : 106 BISCHOFF, — SUR L'OEUF DE L'HOMME range, les matières génératrices n’en sont pas moins sécrétées , quoiqu’elles ne produisent pas de germe capable de se dévelop- per. Les exemples tirés à ce sujet des plantes et des animaux in- férieurs, ainsi que des Poissons, Amphibies et Oiseaux, sont trop connus pour que j'essaie de les reproduire. Cette explication n’avait-point été admise pour l Homme et Le Mammifères, chez lesquels on croyait que le développement. du germe était la suite de la fécondation, qui, par conséquent, n'avait point seulement pour unique fonction de communiquer au germe la faculté de se développer, mais était aussi la cause .de sa for- mation. 13 a4 Cette manière de voir n’a pas d'autre base que l'ignorance où l’on était de la préexistence de la matière génératrice femelle , de l'œuf, et de ce qu’on ne savait pas qu'elle se développait sans avoir pour cela besoin d’une fécondation préalable. Après des disputes continuées pendant bien des siècles, voilà-où en étaient les choses, lorsqu'enfin de Baër découvrit, en 1827, l'œuf ovarique des Mammifères et de l'Homme, et trouva dans son excessive petitesse, la cause pour laquelle il avait été pendant si longtemps inconnu. Je suis extrêmement surpris que cette dé- couverte d’un si haut intérêt pour tout le genre humain n'ait pas excité une attention plus grande et plus générale. Les uns l'ont admise, d'autres l'ont niée, d’autres, enfin, l’ont ignorée; et il n°y a absolument. que les embryologues quis’en soient occupés, uni- quement à cause du développement de l'embryon, et non point relativement à la théorie de la génération, Cette théorie, si sou- vent basée sur l'existence d’un œuf hypothétique, était trop solide- ment ancrée pour ne pas comprimer, pendant quelque temps, l'envie qu’on avait de voir comment elle s’adaptait aux faits qu’on venait de découvrir. Quoiqu'on eût prouvé que l'œuf préexistait à la fécondation, et qu’il en est indépendant, on n’en persista pas moins à croire que la fécondation était la seule cause néces- saire de la maturation et de la chute des œufs, en sorte que tous les phénomènes qui précèdent cet acte, quelque. saillants qu’ils soient, n’avaient d'importance qu'à cause de lui. Cette théorie me dominait moi-même, au point qu'elle seule ET DES MAMMIFÈRES, + 107 m'a dirigé dans toutes mes premières recherches sur le dévelop- pement des Mammifères. Il est vrai qu'elles avaient essentielle- ment pour but le développement de l'œuf fécondé, quoiqu’elles embrassassent cependant aussi et d’une manière spéciale, le pro- cédé lui-même de la fécondation ; aussi, mettant à profit, dans ce but, ma connaissance de l'œuf, ai-je eu le bonheur de rectifier et d’éclaircir plusieurs points inconnus à mes prédécesseurs, Je n’en restai pas moins convaincu que la sortie des œufs de l'ovaire, et par conséquent la première condition de leur développement, est absolument dépendante de la fécondation. Comme tous mes pré- décesseurs , je ne cherchai à déterminer sur les animaux que l’é- poque à laquelle, après le premier accouplement, l'œuf se détache de l’ovaire, et quel rôle le sperme joue dans ce cas. Je fus assez heureux pour résoudre, même de cette manière, plusieurs ques- tions importantes : je prouvai, par des expériences décisives, que le sperme masculin entre en contact matériel avec l'œuf, et qu'il pénètre à travers l'utérus et l’oviducte jusqu’à l'ovaire. Dans le sens de l’ancienne école, j'établis que la fécondation de l’œuf des Mammifères se fait sur l'ovaire, et que, chez plusieurs espèces d'animaux, les œufs ne se détachent de l'ovaire qu'un certain temps après l’accouplement, durant lequel le sperme arrive jus- qu’à lui, Ayant continué ces Méohéchéié, elles ont confirmé toutes mes précédentes observations, sur lesquelles j'avais fondé cette pro- position; mais en même temps, elles m'ont convaincu que cette proposition n’était nullement l'expression de la loi qui régit la gé- nération des Mammifères et de l'Homme; car cette loi est beau- coup plus générale qu’on ne le supposait, puisqu'elle s crane à tous les êtres organisés. Voici cette loi : | . Les œufs qui se forment dans les ovaires des individus femelles sont. soumis à une maturation périodique , même chez les Mam- mifères et l'Homme. Leur maturation est tout-à-fait indépendante de l'action du sperme masculin. C’est à l'époque appelée , chez les animaux, rut , et, pour la Kemme , ordinairement menstruation , que ces œufs mûrs se détachent. de l'ovaire et sont eæpulsés ; alors 108 BISCHOFF, — SUR L'OEUF DE L'HOMME se manifeste chez les animaux femelles et chez la Femme, à cette époque plus qu'à aucune autre, le désir vénérien. Quand l'ac- couplement a lieu , l'œuf est fécondé par l’action toute matérielle du sperme masculin ; lorsqu'il n’a pas lieu, l’œuf ne s'en détache pas moins de l'ovaire et descend dans l’oviducte , méme jusque dans Putérus, où il se détruit. Le temps nécessaire à l'apparition de ces divers phénomènes, quoique variable, ne dépasse cependant pas certaines bornes fixes. Le sperme peut avoir tout le temps qu'il lui faut pour arriver à l'ovaire, avant que l'œuf en sorte ; il se peut aussi que l'œuf soit déjà sorti, et que le sperme le trouve dans l’ovi- ducte. Quoi qu'il en soit, l'action du sperme sur l'œuf est absolu- ment indispensable à son développement ultérieur ; qui commence déjà dans l'oviducte. Ce n’est qu'au temps de la maturation pério- dique des œufs que l'accouplement peut étre suivi de fécondation. Je ne regarde pas comme nécessaire de donner les preuves à l’appui de chacun des faits énoncés dans cette loi, parce que plusieurs d’entre eux sont déjà admis comme incontestables ; aussi ne m'attacherai-je essentiellement qu'à prouver que les œufs des Mammifères sortent de Povaire au temps du rut, et descendent dans l'utérus, qu’il y ait eu accouplement, ou non, ou, ce qui revient au même, que la semence soit ou non parvenue jusqu’à l’œuf. Avant tout, je ferai les observations qui suivent : Il y a longtemps qu’on connaît une partie des changements que subissent les organes génitaux femelles des Mammifères au temps du rut, qui n’est pas autre chose qu’une excitation pério- dique de ces parties. C’est M. Barry et moi qui avons fait con- naître les changements que subit l’œuf à cette époque, et quels - sont les indices de sa maturité. Ils ont trait d’abord à la grosseur de l'œuf: les œufs les plus près de la maturité sont aussi les plus gros. C’est le cas de rappeler ici la loi découverte par de Baër et Valentin, et confirmée par moi, relativement aux différentes parties de l’œuf et à la vésicule de Graaf , savoir , que les parties contenues sont, relativement à celles qui les contiennent, d’autant plus petites que l’œuf est plus près de la maturité. Ce sont les œufs mûrs qui renferment le jaune le plus com- pacte et le plus dense, Le nombre des plus grosses gouttelettes de ET DES MAMMIFÈRES., 50 00 109 graisse qui s'y trouvent paraît diminuer à mesure que la maturité s’avance, et, par contre, celui des granules du jaune augmente. La vésicule germinative qui, dans les œufs non mûrs, se trouve presqu’au, centre. du jaune, s'approche, dans les œufs mûrs, tellement de sa surface , qu’elle y. devient presque aussi visible que si on l’avait séparée d’avec le jaune, ainsi que je l’ai remar- qué pour le Chien. Elle peut même manquer à des œufs tout-à- fait mûrs ; et quelques observations faites sur des Chiens, m'ont même amené à penser qu’il serait possible que la disparition du noyau de la cellule germinative, qui précède celui de la cellule elle-même, füt le signe de la parfaite maturité de l'œuf. Le changement le plus remarquable et le plus facile à reconnaître de la maturité certaine, de l’œuf, du moins pour le Chien et le Lapin, est la métamorphose que subissent les cellules du Discus prolige- rus autour de la zona , où elles commencent à s’allonger en fibres, qui, partant de la zonà, donnent à l’œuf tout.entier un aspect rayonné. Enfin, je suis bien sûr que, pour le Chien, la formation du corps jaune commence dans la vésicule de Graaf, sous forme d’ex- croissances analogues aux granules qui en tapissent l’intérieur, avant qu'elle ne s'ouvre pour laisser échapper l’œuf; en sorte qu’on peut l’envisager comme un dernier signe de la parfaite ma- turité de l’œuf. J'espère que ces données sufliront à ceux qui se vouent à l'étude de l’embryologie, pour décider si les œufs qu'ils rencontrent sont mûrs, ou ne le sont pas encore. Maintenant, nous allons prouver que ce n’est point l’action du sperme masculin qui fait sortir les œufs mûrs de l'ovaire, et pour cela, rapporter et discuter avec soin les expériences faites à ce sujet par Nuck, Haighton, Cruikshank, Grassmeyer, Blundell et Haussmann, et répétées par moi. Nuck(4denographiacuriosa, p. 69.0pp. omn. Lugd. Bat. 1773) lia la corne gauche de l'utérus d’une Chienne trois jours après l’ac- couplement, et trouva, 21 jours après, deux œufs qui s'étaient développés dans la partie de l'utérus qui se trouvait au-dessus de la ligature, et, point au-dessous. Quoique ce résultat soit rendu très douteux, par ce qu'il ajoute, « fœtus jam consumtos et in ma- 110 BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME «teriam pene purulentam conversos fuisse , » et que l'embryon du Chien, 21 jours après le. premier accouplement, existe à peine dans ses rudiments les plus faibles; cependant, admettant cette observation comme juste, il ne faut point être surpris de ses ré- sultats. Chez le Chien, le sperme pénètre dès l’accouplement jus- qu’à l'extrémité de l'utérus, en sorte que, trois jours après, il y a déjà longtemps qu’il se trouve dans l’oviducte et qu’il a fécondé les œufs qui alors sont déjà sortis de l’ovaire ; la ligature de l’u- térus n'empêche donc que la descente des œufs au-dessous de là partie liée. Tout le resté n’a pas besoin d'explication. ji Haighton (Reis Archiv, HT, p. 46) coupa à plusieurs Lapins un oviducte ou tous les deux. Dans la plupart des cas, il vit dis- paraître totalement le désir vénérien (probablement parce qu'il avait aussi coupé les vaisseaux aboutissant aux ovaires ; ce qui, empêchant la maturation et le développement des œufs, an- nulait aussi le rut et le désir vénérien). Quelques uns de ceux qui s’accouplèrent le firent infructueusement, et les ovaires furent trouvés abîmés sur la plupart d’entre eux. Trois Lapins, cepen- dant, auxquels il n’avait coupé qu'un oviducte, s’accouplèrent et concurent. Les deux ovaires présentaient des corps jaunes, mais il ny avait d’œufs développés que dans l’oviducte resté intact. C'est ce qui l'amène à penser que les ovaires sont affectés par . l'excitation que produit l’accouplement, tandis qu'il n'aurait dû en conclure rien autre chose, sinon que les œufs sortent de l’o- vaire, même sans qu'ils aient été en contact avec lé sperme. Un autre Lapin, auquel il coupa un oviducte 6 heures après l’accouplement , lui présenta des corps jaunes des deux côtés, et des œufs seulement du côté non amputé. Ce fait aussi est facile à concevoir ; il est même susceptible de deux interprétations. D'a- bord, Barry et moi avors trouvé, chez le Lapin, le sperme déjà sur les ovaires, 9 à 40 heures après l’accouplement ; en sorte qu'après 6 heures, il pouvait bien avoir déjà passé au-delà de la partie liée, où il aurait pu féconder les œufs et produire une grossesse de l’oviducte. Ou bien, rejetant cette explication, il est possible qu’au moment de l'opération les œufs mürs, n’ayant pas encore été en contact avec le sperme, se soient abîmés, parce qu'ils n°6- BE DES MAMMIFÈRES. 0 ui taïient pas fécondés ; tandis que les corps jaunes étaient développés tout aussi bien que de l’autre côté. Les recherches de Grassmeyer (De fecundatione et concéptione human. Dissert, Gætting. 1789, p. 48), ne méritent pas toute confiance ; aussi ne peut-on pas en tirer parti. Il lia Poviducte ou l'utérus de quatorze Lapins ; deux seulement survécurent à cette opération cependant si simple, ce qui prouve à quel point elle avait été mal faite. L'un de cés deux Lapins , auxquels il lia l'o= viducte, portait; par suite de l'opération , il avorta. Quatre jours après , le désir vénérien se manifesta avec force , et l’accouple- ment eut lieu. Ayant tué l’animal 44 jours après, il trouva bien les cornés de l'utérus gonflées à quelques places, mais pas d'œuf, non plus que d’embryon , et rien d’extraordinaire dans les ovaires. Dans la cavité abdominale, il remarqua des hydatides, qu'il crut être quelque chose de très merveilleux , bien que Blumen- bach les lui ait désignées comme telles. Le second Lapin avait eu aussi l’oviducte lié ; Grassmévyer prétend, sans l’avoir vu toute- fois, qu’il s’accoupla 2 jours plus tard ; et 9 jours ensuite , il ne trouva absolument rien de ser à l’état des ovaires, non plus que de l'utérus. Cruikshank fit aussi une recherche, ayant trait à la méme question ; malheureusement elle est restée sans résultat. Un jour, après l’accouplement, il lia l’oviducte gauche d’un Lapin, tout près de l'utérus. Quatorze jours après , il trouva l'utérus droit sans embryon, quoiqu'il contint un placenta en train de se ré- sorber ; il n’y avait rien d’extraordinaire à l'ovaire. Du côté gauche, l'utérus ne présentait pas trace de fécondation ; il n°v avait pas de placenta ; la trompe était vaste et délicate ; l’ovaire, deux fois aussi gros que celui de l’autre côté, rouge et couvert de lymphe coagulable. Dans l’oviducte se trouvait une hydatide remplie d’un fluide limpide , mais pas d’embryon; de plus, toute Ja cavité abdominale présentait les traces d'une péritonite et d’é- panchements. D’après mes expériences , dans le cas qui nous occupe , la f6- condation et la sortie des œufs de l'ovaire aurait dû se faire 24 heures après l’accouplement ; mais ilparaît que la violente its BISCHOFF, — SUR L'OEUF DE L'HOMME inflammation causée par l’opération avait détruit les œufs, tant du côté gauche que du côté droit, bien qu’ils fussent un peu plus développés dans ce dernier. (Philosophical Transactions , 1797 , t. L, Recherches , A1 et 16.) Blundell (Medico-Chirurgical Transactions, vol. X , p. 264, 1819 ; Meckel's Archiv, N, p. 422. — Principles , and practice of obstetricy. London, 1824, p. 60), ayant enlevé à des Lapins l’une des cornes de l’utérus avant l’accouplement, trouva, après cet acte, qu’il n’y avait d’œufs que dans la corne intacte; mais sur les deux ovaires des corps jaunes, qu’il était impossible de distinguer entre eux ; et qu'après l’ablation du col de l'utérus , il n’y avait jamais d’œufs dans cet organe, mais des corps jaunes sur les ovaires. Ilobserva qu’alors le désir vénérien devenait insa- tiable. Haussmann enfin (Ueber die Jeugung des wahren weiblichen Eïies, p. 93), dans sa 53° recherche, dit avoir vu sur une Truie, dont il avait enlevé les franges de l’oviducte de dessus les ovaires, des corps jaunes se développer , mais point de fécondation avoir lieu. Une seconde observation, la 54°, dans laquelle il n’avait en- levé les franges que de dessus un seul des ovaires , n’est pas bien sûre, ; Je vais exposer maintenant celles de mes recherches que j'ai entreprises dans le même but. Le 29 janvier 1842, à 8 h. 1/2 du matin, je fis couvrir une Lapine , dans la vulve de laquelle. je trouvai ensuite beaucoup de spermatozoïdes. À 2 h. 1/2 après midi, donc 6 heures plus tard, je l’ouvris, et lui enlevai l’oviducte et l'ovaire droits; je ne vis.qu'a- lors que ce Lapin était précisément un de ceux auxquels j'avais enlevé l'utérus pendant l’été précédent. Malgré cela, l'ovaire et l’oviducte présentaient tous les deux, bien nettement , les traces du rut; ils étaient très gorgés de sang; plusieurs vésicules de Graaf étaient fortement gonflées : les cils de l’épithelium de lovi- ducte s’agitaient fortement , bien qu'il ne contint naturellement pas de spermatozoïdes. : Passant ensuite à l'inspection des quatre vésicules de Graaf les plus fortement gonflées, je les trouvai encore fermées, et, dans ET DES MAMMIFÈRES.. 2 2 113 chacune d'elles, un œuf, Les cellules de la membrana granulosa étaient très développées, et celles du discus, étirées en fuseaux,, comme je l'ai toujours vu sur les œufs destinés à la fécondation la plus prochaine. Le jaune de l’un de ces œufs paraissait ponctué ; celui des autres n’avait rien de semblable. Malgré tous mes soins, je ne pus découvrir de vésicule germinative dans aucun de ces quatre œufs. Le diamètre de l’œuf extrait de la plus grosse vési- cule de Graaf, était, avec son discus, de 0,0100 ; avec sa zona, de 0,0060 ; celui du jaune, de 0,0045 ; enfin celui de la zona était de 0,0006 pouces de Paris. A 6 heures 1/2 du soir, je fis tuer ce lapin, donc 10 heures après l’accouplement, par conséquent au moment où on trouve toujours les œufs sortis de l'ovaire. L'’utérus avait aussi été coupé du côté gauche, et l’oviducte s’était soudé avec l'ovaire. Malgré cela, ce dernier présentait plusieurs vésicules de Graaf très gon- flées, mais contenant encore les œufs. Les cellules du discus de trois d’entre elles étaient déjà devenues fusiformes. Leur jaune présentait des taches très foncées, qui n'étaient point dues à une texture cellulaire quelconque. Bien plus, je crus reconnaitre que le jaune de ces œufs était plutôt en train de subir une métamor- phose rétrograde, due à l’état de l’ovaire; car d’autres vésicules de Graaf, qui n'étaient point très gonflées, contenaient aussi de ces mêmes œufs à jaune couvert de taches foncées, dont en même temps les cellules de la membrana granulosa et du discus étaient métamorphosées en granules de couleur foncée. Les œufs de ce côté ne me présentèrent pas non plus de vésicule germinative. Ni l’un: ni l’autre des ovaires ne présentait de corps jaunes. Le 22 avril 18/41, j'avais enlevé à une Lapine, couverte 8 jours auparavant, les deux utérus, en lui laissant les ovaires et les ovi- ductes.. L'animal ne tarda pas à se rétablir tout-à-fait; aussi, la - remis-je avec le mâle le 22 juin. Le désir vénérien était devenu tel, que, non seulement elle se laissa couvrir sur-le-champ, mais aussi que, pendant que le mâle se remettait un peu, elle sautait sur les autres femelles jusqu’à ce que le mâle la couvrît de nou- veau , et ainsi de suite. Quatre jours après, cette Lapine fut tuée, Sur l'ovaire gauche je trouvai trois, et sur le droit, cinq corps & If BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME jaunes tout récents ; plus, une vésicule dé Graaf rémplie d’un sang noir et caillé. Content de ces résultats, je n’étudiai malheureuse ment les oviductes que pour v découvrir les mouvements des cils que j'y trouvai fortement prononcés. Dans l'été de 1841, j'avais coupé Futérus droit à un autre Lapin, que je laïissai vivre, sans lui enlever l’oviducte et l’ovaire. Plus tard, cet animal parut entrer très fortement en chaleur; car il ne cessait de poursuivre les femelles avec lesquelles il se trouvait, Malgré cela, chaque fois que je lui donnai le mâle , cette femelle refusa de se laisser couvrir ; entre autres fois , les 15 et 16 mai 1842. J'avais totalement oublié que je lui avais fait cette opé- ration ; aussi la fis-je mettre, sans y penser, avec le mâle, du 17 au 21 mai, et je m’en servis pour une autre expérience. À ma grande surprise, je trouvai alors les traces de la précédente opé- ration, et de plus, je vis qu’elle s'était enfin laissé couvrir. Dans là partie supérieure de l'utérus gauche se trouvait un œuf, qu'on y décoüvrait à cause de la petite protubérance trans- parente qu'il y produisait ; il était aussi avancé que les œufs de 9 jours le sont ordinairement sur les Lapins. L’ovaire avait un Corps jaune. L'utérus droit manquait ; son extrémité coupée s’était soudée avec celle de l’oviducte, et tous les deux étaient fermés, Entre eux se trouvait une masse épaisse, d’aspect caséiforme ; mon- trant sous lé microscope des globules de pus, enveloppant les ligatures qu'avait nécessitées l'opération. L'ovaire avait quatre corps jaunes, tout aussi avancés que celui du côté gauche. Cela me donna l’idée d'examiner l’oviducte , au milieu duquel je trou- vai, à ma grande surprise, quatre œufs. Il était facile de voir qu'ils avaient commencé à se développer, puis étaient restés stationnaires , et enfin étaient maintenant en train d’avorter. Le discus proligerus avait disparu ; à sa place s’élait déposée, autour de la zona qui était un peu tuméfiée, une légère couche d’albu- mine. Le jaune ne remplissait pas la cavité de la zona , et présen- tait des traces bien marquées de résorption ; 11 était irrégulier , très pâle , granuleux et petit, Dans le jaune d’un de ces œufs, Je vis des granules de couleur foncée. «ch ET DES MAMMIFÈRES, 115 Le 19 et le 20 janvier 1843, je coupai en quatre fois à une Chienne-loup, couverte depuis trois semaines, des morceaux des deux utérus, dans lesquels je trouvai cinq œufs. L'animal sup- porta à merveille cette opération ; ét, comme je voulais le laisser vivre, je fis sortir toutes les ligatures employées par la plaie exté- rieure, que je fermai en la cousant. Cette chienne fut bientôt rétablie ; les ligatures tombèrent , et la plaie extérieure se ferma. J'emmenai l'animal chez moi, où il devint gras et singulièrement gai. La sensibilité du véntre à la pression ne tarda pas à se perdre, de même que toute trace de douleur. Le 14 mai de la même année, je remarquai pour la première fois que les chiens commencaient à la suivre ; elle les mordait en jouant , et resta très gaie jusqu'au 17, où la vulve devint for- tement gonflée, et sécrétait passablement de sang. Ce jour-là elle fut triste, et ne mangea pas; dès le jour suivant, elle recouvra sa gaîté , et les chiens recommencèrent à la poursuivre avéc plus d’ardeur qu'auparavant. Néanmoins, elle ne se laissa approcher par aucun d’eux jusqu’au 20 mai , où, dans [a matinée, un Chien la couvrit en ma présence, et resta trois quarts d’heure accouplé. Dès lors, elle se laissa couvrir chaque jour et par dif- férents chiens, pendant toute la semaine suivante jusqu’au 98. Le 29, elle se laissa “encore couvrir ; mais l’accouplement ne fut point achevé, par la faute du mâle. J’hésitais beaucoup sur le temps où je voulais l’examiner. J'étais convaincu que les œufs étaient Sortis dés ovaires, et qu'ils dévaient être dans les ovi- ductes ; de plus, je pensais qu'ils y avorteraient. Mais, d’un autre côté, je désirais attendre le momént où, dans l’état normal, commence la division du jaüne , afin de voir si je n’y en décou- vrirais pas de tracés, comme sur les œufs non fécondés des Poissons et des Grenouilles. Mais , comme cette division ne com- mence que daus la partie inférieure de l’oviducte, et que les Chiennes se laissent couvrir d'habitude jusqu’au moment où les œufs sônt prêts à entrer dans l'utérus, cela me décida à laisser cet animal aussi longtemps en vie. D'un autré côté, l'envie de s’accoupler durant déjà depuis huit jours, je craïgnis pour les œufs, et fs tüer la Chienhe ; lé même jour, à 10 heures, # 6. % CRE € 3 116 BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME À l'ouverture de la cavité abdominale , je trouvai les traces de l'excision de l’utérus en général peu marquées ; la vessie uri- naire était attachée par-devant par une espèce de mésentère à la cicatrice de l’abdomen; de tous les autres organes , aucun n’avait contracté d'adhésion semblable. Le péritoine était tout-à-fait soudé avec le reste de l’utérus et son mésentère , ainsi qu'avec l'enveloppe de l'ovaire gauche, et renfermait complétement, d’une manière particulière , tout le conduit intestinal, qui cependant s’y trouvait tout-à-fait mobile ; quant aux parties génitales , la vulve, le col et le corps de l'utérus , étaient à l’état normal, Au corps de l'utérus s’attachait un lambeau d’utérus , parfaitement normal aussi, long du côté droit d’un pouce, et du côté gauche d’un demi-pouce. Des deux côtés, ces fragments des cornes de l’utérus étaient fermés hermétiquement par en haut ; du côté droit venait ensuite une partie calleuse, provenant de la substance de la cica- trice et longue: seulement de deux lignes: elle unissait immédia- tement le morceau de la corne droite de l’utérus, long de plus d’un pouce, avec l'ovaire et l’oviducte qui étaient à l’état normal, et n'avaient pas contracté d'adhésion; du côté gauche s'était formé , sur le morceau inférieur de l’utérus, un fort amas de substance de la cicatrice, qui avait aussi contracté l'adhésion la plus complète avec le péritoine. Cette partie supérieure de la corne gauche de l’utérus s’unissait avec l’oviducte et l'ovaire ; ce dernier était sensiblement gonflé par le pus qu'il contenait ; mal- gré cela, l’oviducte et l’ovaire n’en étaient pas moins tout-à-fait normaux. Je cherchai d’abord du sperme, et trouvai des spermatozoïdes, bien qu’en général peu nombreux, dans le corps et la partie infé- rieure des deux cornes de l’utérus. Ils ne se mouvaient plus ; ce qui me surprit, tout autant que leur petit nombre : car la chienne s'était laissé couvrir tous les jours précédents. Les recherches les plus exactes ne parvinrent pas à me faire trouver, dans la partie supérieure.de l'utérus, la moindre trace d’un spermatozoïde ; du côté gauche, le pus rendait toute recherche impossible et inutile. L'ovaire droit présentait deux corps jaunes tout frais, gros et parfaitement développés ; le gauche en présentait quatre ; ils res- ET DES MAMMIFÈRES, 117 semblaient, sous tous les rapports, aux corps jaunes qu’on trouve ordinairement sur les chiennes, huit jours après laccouplement : ils avaient la même grosseur, étaient, comme eux, gorgés de sang et couleur de chair ; à l'intérieur , ils montraient la même texture rayonnée , et contenaient, comme eux, une petite cavité centrale remplie d’une masse gélatineuse transparente. La sur- face de la plupart d’entre eux était lisse ; il n°y en avait qu’un seul avec une espèce d'ouverture , bien que cette ouverture ne se trouve que rarement sur d’autres chiennes au bout de huit jours, parce qu’elle se referme d'habitude immédiatement , de manière à ne plus en laisser voir la moindre trace. Enfin, je trouvai bien distinctement sur les deux ovaires les cinq corps jaunes de la der- nière portée, en janvier ; ils avaient un aspect lenticulaire, et une couleur jaune. Ensuite, j'examinai avec le plus grand soin les oviductes et la partie supérieure droite de l'utérus, et j’y cherchai des œufs ; mais je n’y en trouvai point. Je ne crois pas qu’ils aient pu m'é- chapper , même dans le cas où leur aspect aurait subi de notables changements. Je n’en suis pas moins convaincu, d’après l’état des corps jaunes , et l'expérience acquise , à l’aide d’autres Lapins, que les œufs étaient cependant sortis des ovaires, entrés dans l’oviducte et peut-être déjà dans l’utérus, où, n'ayant pas été fécondés, ils avaient disparu. Cette expérience aurait dû être faite plus tôt, c’est-à-dire le troisième ou le quatrième jour, et non pas le neuvième. Le 44 août 1842, j'ouvris une autre Chienne, la croyant pleine ; mais je trouvai qu’ellé ne l'était point. Alors, je fis à peu près au milieu de l'utérus gauche une forte ligature, puis le coupai, sans l'enlever de l'abdomen , et laissai vivre l'animal. Le 4 janvier 1843, cette Chienne entra de nouveau en chaleur et fut couverte à neuf heures du matin, et les jours suivants , par deux chiens. Je la fis tuer le 13 janvier. Au milieu de l'utérus gauche, à l’en- droit où j'avais fait la ligature , se trouvait une excroissance de la grosseur «d’une noix, à laquelle le péritoine adhérait fortement ; au-dessus d'elle, une petite partie de l'utérus conservait son dia- 118 BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME mètre normal; ensuite venait la partie supérieure de lutérus , dans laquelle se perdait l’oviducte : elle avait pris la forme d’un sac de la grosseur d’un œuf de poule; elle était très tendue et remplie d’un fluide. L'ovaire droit présentait trois corps jaunes, et le gauche quatre, tout aussi bien, développés les uns que les autres, J’examinai d’abord l'utérus droit, dans lequel je trouvai les trois œufs, l’un à peu près au milieu, l’autre à environ deux pouces de lui,.et le troisième à l'extrémité de l'utérus. Hs étaient arrivés justement au stadium, où la vésicule blastodermique com: mence à naître, des globules du jaune. Je reviendrai dans un autre mémoire sur ce phénomène, Du côté gauche, les renharshen les plus attentives ne parvinrent malheureusement pas à me faire trouver des œufs. Comme , ce- pendant, les quatre corps jaunes prouvaient qu’ils étaient, sortis de l'ovaire, il est à croire qu’ils avaient traversé l’oviducte et qu'ils étaient entrés dans le gonflement sacciforme de l'utérus. Comme ce dernier était rempli, de même que la protubérance existant à la ligature, d’un pus vert extrêmement fétide ; il n°y avait pas moyen d’y chercher les œufs. Ces recherches, tant celles de mes devanciers que les miennes propres, me semblent prouver de la manière la plus positive que, lors même que le sperme masculin ne peut arriver dans l’oviducte et sur l’ovaire, et que, par conséquent, il ne peut agir sur les œufs, ces derniers, aussi bien que les ovaires, n’en présentent pas moins, au temps du rut, absolument les mêmes phénomènes qu'à l’état normal. Les œufs mürissent ; les vésicules de Graaf se gon- flent et s’ouvrent; les corps jaunes se forment ; les œufs sortent et arrivent dans l’oviducte, où ils semblent commencer à parcourir les premières phases de leur développement. Cependant, comme ils n’ont pas subi l’action du sperme mâle, ils ne continuent pas à se développer ; mais avortent et disparaissent, Gette dernière cir- constance prouve que ces phénomènes-là sont, en particulier, tout spécialement indépendants de l’aceouplement , et qu’ils n’appar- tiennent qu’au seul développement des œufs. En présence de faits semblables, il n’y a plus moyen de songer à une aura seminalis , à une résorption du sperme ou à une action encore plus mystérieuse ER DES MAMMIFÈRES, ; 2 : 119 de l’accouplement, regardée comme prouvée par quelques anciens observateurs, justement pour ce cas-ci; j'ai démontré que le sperme entrait en contact matériel avec les œufs, et réfuté ces anciennes manières. de voir, en faisant toucher au doigt ce fait, que les œufs qu'on empêchait d'entrer en contact matériel avec le sperme ne pouvaient se développer, et s’abimaient. Si c'était le sperme ou l’accouplement qui, dans les cas que nous venons d'examiner, avaient occasionné la sortie des œufs , le développement des corps jaunes, etc. , il est clair que les œufs aussi auraient été fécondés, et qu'ils auraient, continué à se développer. En conséquence, je crois que, bien que dans ces expériences l’accouplement ait eu liew, elles n’en prouvent pas moins que les œufs se développent par eux-mêmes, et non pas sous son influence. De plus, j'ai eu le bonheur de faire une observation qui prouve d’une manière bien plus décisive encore, à quel point la matura- tion et la sortie des œufs sont indépendantes de l’accouplement. Dans le: but de savoir jusqu’à quel point parvient, chez les Chiennes, le sperme marculin immédiatement après l’accouple- ment, je m'étais procuré une jeune et forte chienne qui n'avait pas encore porté. Gomme il fallait, pour cela, que je connusse avec la plus grande exactitude le temps du premier accouplement, je la pris chez moi, afin de ne pas la perdre.de vue, Au commence- ment de juin 1843, je m’aperçus qu'elle ne tarderait pas à entrer en chaleur, parce que les chiens commencaient à la suivre avec ardeur, et qu'il.s’écoulait du sang de la vulve, Malgré cela, elle refusa de se laisser couvrir le 9 juin. Je la mis à la chaîne et la laissai tout-à-fait seule jusqu’au 11 à midi. Ce jour-là, à 1 h. 3/4, je lui amenai un chien, par lequel elle se laissa couvrir, pour la première fois, après s'être auparayant défendue, comme le font ordinairement les chiennes, lors du premier accouplement. . Immédiatement après l’accouplement, j’enlevai l'utérus, lovi- ducte et l’ovaire gauches, puis je fermai la plaie par une couture, J'inspectai d’abord l'utérus, que je trouvai rempli jusqu'à son ex- trémité supérieure, de spermatozoïdes bien vifs, Voulant ensuite voir si lesperme avait déjà pénétré dans l’oviducte, je trouvai, à ma grande surprise, en le préparant et mettant l'ovaire à décou- 420 BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME vert, que les œufs, que je m'attendais à trouver encore dans les vésicules de Graaf, venaient de sortir de l’ovaire. J’acquis cette conviction en trouvant sur l’ovaire cinq petites ouvertures, d’où sortait une petite masse rouge, ce qui me prouva que cinq vési- cules de Graaf venaient de s'ouvrir. À en juger par la profondeur et les parois du follicule, la formation des corps jaunes était déjà assez avancée, quoiqu'ils continssent encore une cavité bien dis- tincte remplie d’un sérum limpide dans lequel ne se trouvait pas d'œuf, Gette découverte me fit pensèr que la vue d’un état analogue pouvait bien avoir fait dire aux anciens observateurs, qui ne con- naissaient pas l'œuf lui-même , que, dans ce cas, les follicules ne s'étaient pas encore ouverts. Je ne tardai pas à acquérir la preuve qu'ils s'étaient ouverts en trouvant ces cinq œufs, tout près les uns des autres, avancés déjà de 2 pouces dans l’oviducte. Leur étude ne m'offrit rien de nouveau. Ils avaient la même constitution qu’af- fectent les œufs de ce stadium, c’est-à-dire qu’ils ressemblaient en tous points aux œufs parfaitement mûrs de l'ovaire. Par contre, je cherchai vainement des spermatozoïdes dans tout l’oviducte, jusqu’à l’ostium uterinum; il me fut impossible d’en trouver un seul. J’ai employé à cette recherche tant de temps et de soins, que c’est en toute confiance que j'aflirme que le sperme n’était point encore parvenu dans l'oviducte, Le lendemain à 10 heures du matin, par conséquent 20 heures plus tard, temps durant lequel mes précédentes observations m’avaient appris que le sperme parvient jusqu'à l'ovaire, je fis tuer cette chienne. L’ovaire droit présentait aussi cinq petites ou- vertures, cinq corps jaunes, dont le développement était plus. avancé que celui des précédents, et une grosse vésicule de Graaf, qui ne S’était pas encore ouverte. L’oviducte contenait aussi cinq œufs, descendus jusqu'au milieu de cet organe, et éloignés entre eux de plusieurs lignes. Trois d’entre eux étaient normaux et analogues à ceux du jour précédent. Les deux autres étaient bien décidément anormaux, et abortifs; la zona n’était pas nettement prononcée; le discus proligerus, développé d’une manière extraor- dinaire ; et le jaune constituait une petite masse irrégulière de globules vitellins, Je trouvai, cette fois, des spermatozoïdes dans d'un-c CLS *, ET DES MAMMIFÈRES. 121 l'oviducte; les.uns en mouvement, les autres immobile: ils n’é- taient avancés dans cet organe qu'à 3 lignes de l'ostium uteri- um. Îln°y en avait aucun dans tout le reste de l'utérus, non plus que sur les œufs et autour des œufs , qui, bien certainement , n'avaient pas encore été fécondés. 11 me semble que cette obseryation prouve d’une manière in- contestable que les œufs, parvenus à leur maturité, quittent l'o- vaire et descendent dans l’oviducte , sans qu’il y ait eu d’accou- plement préalable. Cette expérience-en fait foi, car les précautions prises sont un sûr garant qu'aucun accouplement n’avait eu lieu avant celui qu'on a observé. Il est impossible d'admettre que les œufs soient sortis pendant et à cause de l’accouplement , puisque, premièrement, il est prouvé que cet acte n’a pas toujours cet effet, car j'ai trouvé moi-même, à plusieurs reprises, les vésicules de Graaf encore fermées sur des chiennes qui s’étaient cependant acçouplées à plusieurs reprises, et que, secondement, il n°y a pas moyen-de penser que les œufs traversent dans l’oviducte si étroit un espace de 2 pouces en un quart d'heure, tandis qu’il leur faut près de huit jours pour faire les "2 ou 3 pouces qui restent. S'il est bien vrai qu'ici les œufs se soient détachés de l'ovaire, tout-à-fait indépendamment de l’accouplement , qu'’ainsi ils. soient parvenus , non fécondés , dans l’oviducte , et qu'ils y aient été reconnus pour tels encore 20 heures après, il reste à savoir comment.ces faits sont compatibles avec mes précédentes obser- vations , dans lesquelles j'ai trouvé sur des chiennes, 6, 18 et 20 heures après le premier accouplement, les vésicules de Graaf encore fermées, et le sperme parvenu jusque sur l'ovaire ; après avoir traversé tout l’oviducte. On ne trouve de solution possible à cette énigme que dans ce fait évident, qu’il ya une certaine latitude pour le temps et l'endroit où s'opère. la fécondation des œufs. Il dépend, à ce qu’il paraît, de l'individualité de la‘chienne ainsi que des circonstances, que l’ac- couplément ait lieu , ou lorsque les œufs sont encore dans l'ovaire, ou lorsqu'ils viennent. d’en sortir, et qu'ils sont déjà descendus dans l’oviducte, Quand.les animaux sont libres, et qu'ils peuvent s’accoupler lorsqu'ils le veulent, il paraît qu’ils le font avant que série. Zooc. T. [T. (Septembre 1844.) 9 192 BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME les œufs soient sortis. Si l’accouplement a lieu alors, le spérme a le temps de traverser l’oviducte et d'arriver jusqu’à l'ovaire ; ce qui peut arriver chez le Chien , ainsi que le prouvent mes précédentes - observations, au bout de 20 heures. IT ést vrai qu'il y a des chiennes qui ne se laissent couvrir que plus tard , volontairement, ou faute d'occasion; et c’est ce qui a eu lieu pour le cas qui nous occupe , puisque la chienne est restée enfermée ; malgré cela les œufs sortent et peuvent encore être fécondés, s’il y à accouple- ment. Il m'est impossible de fixer avec précision pendant combien de temps la copulation peut être encore féconde après la sortie des œufs; cependant, comme les chiennes se laissent, en général, couvrir pendant huit jours , et que la première trace bien saillante du développement des œufs, c’est-à-dire la division du jaune, apparaît dans la partie inférieure de l’oviducte, où elle a lieu du septième au huitième jour , il est probable que ce temps est aussi celui pendant toute la durée duquel les œufs sont susceptibles d’être fécondés chez le Chien. La connaissance de ces faits me fit donner une attention toute particulière aux résultats que j’avais-tirés de mes précédentes ob- servations, auxquels je m'étais peu intéressé, et que j'avais inter- prétés d’une tout autre manière, Je croyais, ainsi que je l'ai déjà dit, que la copulation était la cause de la sortie des œufs de l’ovaire : aussi, comme tous mes prédécesseurs , avais-je pris l'habitude de calculer mes résultats à dater du premier accou- plement. Sur ces entrefaites, le hasard voulut que la plupart des chiennes que j’employais à ces recherches se fussent laissé couvrir avant la chute des œufs. Je vois maintenant que, dans plusieurs de mes observations, je fais la remarque que, bien que les œufs fussent descendus déjà dans le tiers supérieur de l’oviducte, je ne découvris de spermatozoïdes que dans sa partie inférieure : sachant, d'autre part, qu'ils pouvaient traverser tout l’oviducte, je crus qu'ils m’avaient échappé dans sa partie supérieure , parce qu'ils ÿ étaient en trop petit nombre, ou que je n’avais pas procédé avec assez de soin à leur rechérche, Eh bien, aujourd’hui , je suis per- suadé que, dans ces cas, que je ne pouvais m'expliquer alors, les œufs étaient sortis avant que l’accouplément eût eu lieu et que ET DES MAMMIFÈRES, * M2 193 lé sperme eût eu le temps dé parvenir jusqu’à la partie supérieure de l’oviducte. En outre, chez les chiennes, je n’ai trouvé constam- mént les spermatozoïdes sur les œufs que dans le tiers inférieur de l'oviducte, et rarement au-dessus de lui. Chez le Lapin, où l'existence du rut n’est point aussi facilé à saisir que chez les chiennes, dont les mâles profitent dès qu’il se manifeste , il paraît que, quand la femelle se laisse couvrir , les œufs ne sortent pas en général avant que le sperme soit par- venu jusque sur l'ovaire, qu’il atteint, d’après les observations de Barry et les miennes, au bout de 9 à 10 heures : aussi, sur le Lapin, ai-je toujours trouvé des spermatozoïdes sur les œufs, dans le tiers supérieur de l’oviducte. Le jaune de leurs œufs com- mence aussi à se diviser déjà dans l’oviducte; ce qui rend pro- bable la supposition que le temps durant lequel les œufs peuvent être fécondés est plus court chez le Lapin que chez le Chien. _ De tout ce que nous avons dit, on péut conclure que la manière admise dé compter la sortie des œufs , comme datant du premier accouplement , n’est point sûre, et qu’elle ne peut qu’approcher de la vérité, sans y arriver jamais. Puisque nous avons prouvé que les œufs taire l'ovaire avant l’accouplement , et qu’ils descendent dans l’oviducte , il n’y a pas moyen de nier que la même chose arrive lors même qu’il n’y a pas copulation ; à ceci près seulement que, dans ce dernier cas, lès œufs se détruisent. Les auteurs qui m'ont précédé n’ont donné que peu d'expériences relatives au sujet qui nous occupe ; encore ont-elles toutés trait, non point à l'œuf, mais uniquement aux vésicules de Graaf et aux corps jaunes, Suivant Kuhlemann (Observ. quæd. cirea negot. generationis , p. 45, Epierisis) , les Brebis en chaleur qui ne sont pas couvertes, ou, du moins, qui ne peuvent l'être avec fruit, ne présentent pas de vésiculés de Graaf ouvertes, non plus que de corps jaunes ; äuwmoins croit-il qu'on peut regarder comme des exceptions les cas où le contraire a liea. Quelques expériences faites par Haussmann ne fournissent pas des préuves aussi certaines qu'elles l’auraient été, si cet auteur n'avait pas rejeté et nié l’éKistence de l'œuf dans l'ovaire, T] 12, BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME empêcha une Chienne , en chaleur depuis le 29 octobre jusqu’au h novembre, de s’accoupler. L’ayant tuée, il trouva sur les ovaires des vésicules de Graaf qui avaient tout l'aspect de corps jaunes, mais ne montraient pas trace de rupture ; ils contenaient une substance limpide, mais pas d'œufs (1. c., p. 73, recherche 95°). Une autre fois (p. 87, expérience 41°), il ne laissa pas couvrir une Truie en chaleur, le 23 juin. Elle rentra en chaleur le 9 juil- let, et voulut se laisser couvrir le 14: mais on l’en empêcha, Le 192, enfin, on la laissa s’accoupler, et on en fit l'ouverture 20 minutes après. Sur l'ovaire droit, il y avait cinq vésicules de Graaf mûres, mais non-pas ouvertes , et six corps Jaunes : sur le gauche se trouvaient cinq vésicules mûres, et trois corps jaunes. Hauss- mann pense que ces Corps jaunes provenaient du rut du 23 juin. Relativement aux Moutons, Haussmann dit (4 c., p. 94): « Qu’'une Brebis soit couverte avec ou sans fryt, dans lun et » l’autre cas aucune vésicule de Graaf ne s’ohvre ; cependant il » semble que, lorsqu'elle à. été plusieurs fois en chaleur sans » avoir été couverte , une vésicule de Graaf s'ouvre, et il se forme » un corps jaune, mais imparfaitement développé. » Sur une Bre- bis (expérience 56°, p. 95), il trouva, outre les corps jaunes de l’ovaire gauche provenant des derniers rut et fécondation, un corps jaune sur l'ovaire droit, mais moins bien développé, qu'il considère lui-même comme la preuve « qu'une vésicule de Graaf » peut s'ouvrir, même sans qu'il y ait eu accouplement. » Il prétend (expérience 58°, p. 96) avoir trouvé, outre une vésicule de Graaf qui s'était ouverte par suite d’un accouplement, un corps jaune sur l'ovaire , « quoique cette Brebis n'eût pas été couverte, » bien qu’elle eût été plusieurs fois en chaleur. » . Voici les observations que j'ai faites jusqu'ici relativement à cet objet : | Le 7 décembre 1843, on m'apporta à 4 heures du soir une Brebis présentant, depuis une heure, tous les signes du rut, et qui n’avait pas été couverte. Je la fis enfermer immédiatement. Le lendemain à 10 heures, je lui présentai le bélier, qui voulut la couvrir à plusieurs reprises, mais on l’en empêcha. Comme Kuh- lemann (le. pl. 13. Nota) prétend que ‘le rut ne dure que nd — : ET DES MAMMIFÈRES, ali 2e Li 125 24 Héires, et que lui et Haussmann assurent avoir trouvé une vé- sicule de Graaf ouverte, 12 heures après l’accouplement; comme, de plus , de Baër veut avoir trouvé l'œuf d’une brebis dans l’ovi- ducte avant la fin du premier jour, après l’accouplement, j'en conclus que l’œuf devait être sorti de l’ovaire déjà pendant les premières 24 heures du rut: aussi fis-je tuer l’animal entre 3 et k heures de l'après-midi. | Encore dans la même après-midi, j’eus la joie de trouver qu’une vésicule de Graaf s’était ouverte sur l'ovaire droit. Elle ne s’éle- vait pas au-dessus de la surface de Fovaire, mais était facile à reconnaître à la belle couronne vasculaire d’un rouge vif qui entou- rait la petite ouverture, et que j'avais appris depuis longtemps à connaître sur les chiens et les lapins ; néanmoins il est bien pos- sible qu’elle puisse échapper aux personnes qui sont peu habi- tuées à ‘ce genre de recherches ; et elle a en effet échappé déjà à plusieurs d’entre elles. La petite ouverture avait un dia- mètre de 9/10"" (2/5 1. P.). J'inspectai ensuite avec le plus grand soin la vulve, ainsi que tout l'utérus, afin d’avoir la certitude qu’il n'y avait pas eu d’accouplèment; je n’y trouvai naturellement pas trace de spermatozoïdes , la copulation ayant été mie sn em- pêchée. Le lendemain, je me mis à la recherche de l’œuf. Je placai l’o- viducte sur une plaque de verre ; puis écartai avec le plus grand soin les franges de sa trompe, que j'étudiai d’abord à la loupe. de n'y trouvai rien, et remarquai seulement un fil muqueux entrant dans là trompe et ressemblant à des cellules détachées de la mem- brana granulosa d’une vésicule de Graaf, Je coupai ensuite avec | des ciseaux fins le premier tiers de l’oviducte , dont j'écartai les bords , et j'étudiai tous les plis sous la loupe en m’aidant d’une aiguille fine. Je fus assez heureux pour trouver l'œuf à 44°" 1/4 (54: P.) de l'entrée de l’oviduete. Je dus cette satisfaction au ha- sard; car, malgré toute mon häbitude dans ce genre d’observaz tions, l'inspection est ici tellement difiicile, qu’il y a lieu de s tonnér si, dans dix expér iences semblables, il n’y en a pas ur infructueuses. Cet œuf, extrait de l’oviducte; présentait ; au microscope, tout 126 BISCHOFF, — SUR: L'OEUE DE L'HOMME l'aspect d’un œuf de l’ovaire. La zona était encore entourée des cellules du discus qui, quoiqu’elles ne se fussent pas encore éti- rées en fibres, commencaient déjà à s’agglomérer! visiblement entre elles. Le diamètre de l’œuf, avec le discus, était de 11/50" (0,0079 p. P.=1/1M1 L P.). Le jaune , sous forme de masse fine- ment granulée et de couleur peu foncée, remplissait tout Fintérieur de la zona. Après avoir enlevé, avec une aiguille fine, les cellules du discus de dessus la zona, je mesurai l’œuf, dont le diamètre dans la zona était de 7/50" (0,0054 p. P.=1/15 1. P.); la zona avait elle-même 41/59"% (0,0006 p. P.=1/133 1. P.) d'épaisseur. Il me fut tout-à-fait impossible de voir chatoyer au travers du jaune la vésicule germinative , ainsi que cela arrive presque toujours aux œufs de l’ovaire pour la Brebis.… Après avoir laissé cet œuf pendant quelque temps dans de l’al- bumine étendue d’eau, à laquelle on avait ajouté un peu desel, il s'y développa plusieurs changements, assez remarquables pour que je les rapporte ici. D'abord, la zona fit endosmose; ce qui fit. qu’elle s’étendit, et que l’œuf devint un peu elliptique, au point qu'après quelque temps son plus grand diamètre était de 19/4100": _(0,0074 p. P.=1/12 1. P.), et son plus petit de 8/50 (0,0060 p. P.=—1/13 1. P.). Par suite de la même action, le; jaune ne remplissait plus tout l’intérieur de la zona, mais restait à une certaine distance de sa paroi intérieure, Il était possible maintenant de distinguer, dans l’espace qui se trouvait entre lui et la zona, une petite-vésicule ou granule brisant fortement la lu: mière, à reflets jaunâtres; son diamètre était de 1/77" (0,0005 _p. P.=1/1671, P.), ressemblant tout-à-fait à celles que j'ai vues et décrites sur des œufs de chiens et de lapins, dans le tiers supé- rieur de l’oviducte, outre le jaune, qui ne remplissait plus alors la cavité de la zona. J'ai supposé que ce corps était le noyau (de la vésicule germinative qui s'était dissoute, et j'avoue que cette nou- velle observation m'a confirmé dans cette idée, puisqu'ici aussi la vésicule germinative ne devait très. D. avoir dis- paru que depuis bien peu de temps. : Le jaune de cet œuf, après s'être séparé de la zona, moflrit l'aspeel le plus trompeur-que j'aie jamais rencontré, d'une enve- ce RE En ide SE ON di de CS PET à ER ri : ; b k 4 3 4 k. + à " CR EL, DES. MAMMIFÈRES. 0 127 loppe vitelline spéciale, A ce propos, je me rappelle que plusieurs observateurs, tels que le professeur Bruns, par exemple, assurent que c’est sur l'œuf de Brebis qu’ils ont vu le plus distinctement cette enveloppe vitelline. Les contours du jaune étaient très tran- chés; dans une certaine position du microscope, ils s’offraient sous forme de ligne foncée, absolument comme s'ils étaient dus à la présence. d’une membrane. Bien plus, il semblait même qu'il y avait un intervalle entre eux et la masse granuleuse du jaune, Néanmoins je restai, même dans-ce cas, persuadé que le jaune n’a pas d'autre enveloppe. vitelline que la zona, et qu'il n’est lui- même qu’une sphère de gélatine et d’albumine, dans laquelle les globules vitellins sont suspendus et répartis. Moins les globules du jaune sont nombreux ,. relativement à la masse qui les unit, moins aussi le jaune est opaque et foncé, comme cela a lieu pour l'œuf de la Brebis. La surface et, par conséquent aussi, les bords de cette sphère étant formés essentiellement par la-substahce qui unit les globules, c’est elle qui donne au jaune ces contours si nets, qu'ils semblent être dus à une mince enveloppe transpa- rente. Nous trouvons les preuves de la justesse de cette manière de voir; premièrement , en faisant les observations , avec le plus grand.soin , à l’aide d’un bon microscope, comme sont ceux d’O- berhœuser, qui, seuls, donnent des images si nettes, qu'il est facile de se. convaincre directement de l’état des objets qu’on voit, en changeant leur aspect à l’aide de légères modifications du foyer ; secondement, en continuant cette observation, je vis distincte- ment que:le jaune absorbait peu à peu le fluide qui avait pénétré au travers de:la; zona; il se gonfla tantôt ici, tantôt là; ici, le contour si.net, qui l’entourait disparut, tandis qu'ailleurs il per- sista.; en. sorte qu’il est impossible d'attribuer ces changements à la rupture d’une. enveloppe très déliée ; troisièmement, après avoir écrasé l'œuf sous le compressorium, quelques uns des fragments dujaune présentèrent encore le contour tranché, qui ne peut donc absolument pas venir d’une.membrane enveloppante ; quatrième ment enfin ,.le: granule, quesnous avons observé avec le jaune, vient.prouver. qu'il ne possède pas d’enveloppe spéciale, puisque , enfermé, d’abord.dans le jaune, quoique près de sa surface, il se 128 BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME trouvait alors libre, dans l’intervalle existant entre la zona et le jaune ; ce qui n'aurait pu se faire si le jaune possédait cette en- veloppe. J’attache un grañd poids à ce point, parce que cette question d’une enveloppe vitelline spéciale est décisive pour le développe- ment futur de l’œuf, Je cherche , par mes travaux ; à faire mettre de côté cette manière de voir, et désire que les autres naturalistes avancent des preuves à l'appui de leur opinion , ou y renoncent. Mais ce que prouve, de la manière la plus complète et la plus indubitable, cette observation faite sur un animal jeune et qui , n’ayant pas encore été en rut, n’avait point non plus encore été fécondé , c’est que la maturation et la chute des œufs sont abso- lument indépendantes de l’accouplement. | “Les 18 et 19 décembre 1843, je remarquai pour la première fois qu’une forte chienne qui m'appartenait commençait à entrer en rut. La vulve était très tuméfiée, et les chiens poursuivaient cette chienne avec ardeur. Le 49, j'essayai si elle était disposée à se laisser couvrir; mais, quoiqu’elle jouàt avec le chien , elle ne lui permit pas d'approcher. Je la tins enfermée et ne lui rendis le chien que le 21. Cette fois elle parut vouloir se laisser couvrir : je ne voulus cependant pas que la copülation eût lieu , et je fis séparer de nouveau ces animaux. Le 23, à 10 heures du matin, j'enlevai à cette chienne l'ovaire et l’oviducte gauches, puis je fer- mai la plaie par une suture. Je trouvai que les follicules de Graaf ne s’étaient pas encore ouverts, mais qu'il y en avait quatre très fortement gonflés, du diamètre de 4 à 5°" (2 à 2 1/21. P.). Je les séparai avec le plus grand soin du stroma de lovaire, et les portai sur une plaque de verre, après les avoir préparés aussi bien que possible. Au moment où j’ouvris le premier d’entre eux , il s’en élança avec le fluide un ovule avec son disque , dont le dia- mètre était de 11 /50°* (0,0078 p. P.). À ma grande surprise, cette vésicule de Graaf contenait un second œuf, dont le diamètre était, avec sa zona , de 1/4"" (0,0081 p. P.). Chacun des trois autres follicules contenait aussi un œuf de la même grandeur à peu près. La surface intérieure des follicules de Graaf était tapissée de gra nulations délicates, premières traces de la substance destinée à (l ele à” er dE, 2e ET DES MAMMIFÈRES, 7 129 former les corps jaunes qui me semblent naître des cellules de la membrana granulosa. J'eus’ ici l’occasion de voir, sur plusieurs vésicules de Graaf, de quelle manière elles enferment les œufs : les cellules'du discus forment un petit tubercule dont la tête ar- rondie enveloppe l'œuf, avec lequel'il s'étend librement dans le fluide qui remplit la cavité du follicule de Graaf; il est attaché par sa base à un point de la paroi du follicule qui est probablement celui où il s'ouvrira. Tous ces œufs ne semblaient pas être encore assez mûrs pour devoir bientôt sortir, car non seulement les vésicules de Graaf n’é- taient pas très minces, mais aussi les cellules du discus n’avaient pas encore subi la métamorphose en fibres, qui est le caractère de la maturité des œufs. Le diamètre des œufs extraits de la zona, à l’aide de l'aiguille, était de 8/50 à 1/16°* (0,0060 à 0,0065 p. P. ); dans tous, le jaune remplissait toute la cavité de la zona, et ce n’était que sur une étendue très restreinte que les granules vitel- lins paraissaient s’en être éloignés , comme si la vésicule germi- native se trouvait en cet endroit-là. Malgré cela, il me fut im- possible de la voir bien distinctement , ni sur les œufs intacts, ni’après les avoir écrasés sous le compressorium. De ce que nous venons de voir, je crois pouvoir conclure que, si cette chienne avait été couverte, les spermatozoïdes auraient eu tout le temps de par- venir jusqu'à l'ovaire avant que les vésicules de Graaf se fussent vavertes. Je ne fis tuer cette chienne que cinq jours après , afin d’être bien sûr que les follicules s'étaient ouverts, On reconnaïîtra au premier coup d'œil jeté sur l'ovaire qu’ils s'étaient effectivement ouverts ; la tunica vaginalis de l'ovaire , formée par le péritoine, contenait une quantité notable de sérum limpide ; l’ovaire lui- même contenait quatre Corps jaunes bien prononcés : sur deux d’entre eux, la masse granuleuse qui les formait faisait fortement hernie au-dehors de l ouverture du folliculé , comme je l'ai va rarement sur lé Chien. L'ouverture des deux autres s'était pro- bablément fermée plus tôt, avant que la masse du corps jaune fût aussi développée : aussi étaient-ils plus profondément enfoncés dans le strôma de l'ovaire. 130 BISCHOFF, — SUR L'OEUF DE L'HOMME Après avoir préparé avec soin l’oviducte et Pavoir étendu sur une planchette, je le fendis avec des ciseaux fins, et j’y trouvai les quatre œufs sortis, déjà bien avancés, tout près les uns des autres, à 8 centimètres (3 p. P.) de l’ostium abdominale. L'oviducte avait 18 centimètres (5 p, P.) de long. Trois de ces œufs étaient ronds, comme les œufs normaux : le quatrième, en échange, avait une forme elliptique , presque en guitare, comme je l’ai souvent vu sur le Chien. Tous avaient encore le disque et la zona’; cependant il était visible que ces cellules ne possédaient plus l’aspect tout- à-fait normal, et qu’ellestavaient déjà commencé à se dissoudre. Les œufs avaient un peu grossi ; ils mesuraient, avec le disque, 0,0090 à 0,0097 p. P.; le jaune ne paraissait pas avoir-participé à cet accroissement ; au contraire, il semblait plutôt s’être un peu condensé, puisque dans tous les œufs il ne remplissait plus la totalité de la capacité de la zona ; il possédait, du reste, sa forme accoutumée , et ne présentait pas trace de. division. Dans l’inter- valle existant entre ie jaune et la zona, se trouvait sur l’un d’eux la même vésicule ou granule, large de 1/62*" (4/140.1..P.), qui paraît se trouver dans tous les œufs au commencement de lu- térus, et que j'ai dit avoir été auparavant le noyau de la vésicule germinative, Les trois autres œufs ne présentaient rien d’analogue, Aucun de ces œufs ne présentait de trace visible de la vésicule germinative. cf à | _ Je ne crois pas qu’il soit possible de prouver d’une manière plus complète que je ne l'ai fait par ces deux expériences sur le même animal comment s’opèrent la maturation et la sortie des œufs pendant le rut, et sans l'intervention de l’accouplement. Le {4 janvier 1844, on me remit les parties génitales d’une Truie qui, depuis 24 heures, avait donné tous les signes les plus caractéristiques du rut, mais qu’on n'avait point laissé couvrir, Les vésicules de Graaf étaient eñcore fermées ; il est vrai que les deux ovaires en présentaient un assez grand nombre fortement développées. et distinctes des autres, surtout parce qu’elles étaient plus riches en vaisseaux et plus gorgées de sang. En enlevant l’une d'elles de l'ovaire et ouvrant sur une plaque de verre, il me fut facile d'en extraire lovule, Comme-toujours, ilétait entouré 2, VÉEPOR a e EL DES ,MAMMIFÈRES. 4 p000 pou 151 des cellules de son diseus encore arrondies et n'ayant pas com- mencé à s’allonger en fibres. Avec la zona, son diamètre était de 0,0060 p. P. Le jaune, composé essentiellement d'assez grosses gouttelettes de graisse, ne remplissait pas toute la cavité de la zona. Après avoir enlevé avec l’aiguille les cellules du discus , je mis sur une plaque de verre l’ovule, dont le diamètre était de 0,0068 p. P. : il avait donc grossi + aussi remplissait-il mainte- nant tout l’intérieur de la zona, La même cause ayant amené une moindre condensation dans ses éléments , on put voir arriver, sur un point de sa périphérie, une tache ronde et transparente, qu’un œil exercé reconnaissait aussitôt pour la vésicule germinative, quoiqueses bords, recouverts par les granules du jaune, ne fussent pas visibles. En soumettant l’œuf à une légère pression, on par- venait à voir aussi, outre la vésicule, la tache germinative ; cette dernière, à peine visible , ne paraissait pas composée lorsqu'on la regardait avec des grossissements plus forts, L'animal avait donc été tué trop tôt, puisque le rut n’était pas assez avancé pour avoir amené l’ouverture. des vésicules de Graaf et la sortie des œufs. Quelques semaines auparavant, le 4 décembre. 1843 , j'avais examiné les parties génitales d’une autre Truie. qui, dès sa jeu- nesse , avait été tenue éloignée du verrat. Son maître m’assurait qu’elle avait déjà montré plusieurs fois les signes du rut , et tout récemment encore, mais sans pouvoir spécifier bien positivement à quelle époque. L'examen des ovaires démontra sur tous les deux des corps jaunes tout récents ; il y en avait huit sur l’ovaire droit : tous étaient de la grosseur d’un fort pois , et s’élevaient beaucoup au-dessus de la surface de l'ovaire ; leur couleur était brun-rouge foncé, On voyait sur la partie la plus saillante de tous une petite tache rouge vif, sans pouvoir y distinguer d'ouverture distincte ; mais elle apparaissait justement à cette même place, lorsqu'on enlevait de déssus ces corps jaunes la tunique propre de l'ovaire avec son enduit séreux. Les corps jaunes étaient formés d’une couche extérieure, d'à peu près une |, P. d'épaisseur, de granu- | lations charnues, telles qu'on les voit se développer à Fintérieur 182 BISCHOFF. — SÛR L'OŒUF DE L'HOMME des vésicules de Graaf, lorsqu'elles se changent en corps jaune. Elle enfermait une cavité assez grande , remplie de sang coagulé, rouge foncé, qui était intimement liée avec les granulations 4e ne pus trouver d’œuf dans aucune d’elles. L'ovaire gauche pré- sentait deux corps jaunes formés de la même manière, et deux autres beaucoup plus gros, presque transparents ; et tirant sur le rougeâtre ; ils présentaient tous aussi, sur le point le plus saillant, la petite tache rouge. Leur couche périphérique était beaucoup moins développée que celle des premiers ; elle contenait un coagu- lum rougeâtre, translucide , plus, une quantité assez forte d’un fluide de ‘propriétés analogues , mais non coagulé; il se prit en masse aussitôt que je l’exposai à l’air, en le faisant tomber sur une plaque de verre. Ce coagulum était aussi intimement uni avec les parois. On aurait pu prendre ces deux corps jaunes pour des vésicules de Graaf qui ne s'étaient point encore ouvertes, puisque, du moins chez les Chiens , les corps jaunes commencent à se former sur les parois des vésicules de Graaf avant même qu'elles s'ouvrent. Mais il n’en était pas ‘ainsi , car, 1° la pré- sence de la petite tache rouge sur leur point culminant et la posi- tion de cette ouverture , ® l’épanchement de sang déjà survenu dans leur intérieur , 3° l’absence d’ovule que , du moins, il me fut impossible de découvrir , me prouvèrent que ces deux vésicules s'étaient aussi ouvertes, et que leur ouverture s'était déjà refer- mée, comme je l'avais vu sur les chiens , dans lesquels j'avais trouvé les œufs dans l’oviducte, et qu’ensuite il était survenu dans leur intérieur une sécrétion de ... qui les avait de nouveau remplies et distendues. Il me fut malheureusement impossible de découvrir les œufs dans les oviductes, quoique je les y aie cherchés avec le plus grand soin pendant plusieurs heures. Je ne puis néanmoins regarder cet insuccès comme une preuve de leur absence , car l’oviducte de ces animaux est si long, si large et tellement rempli de plis, que la recherche en est rendue excessivement difficile. J’ajouterai que, . de plus, il est vraisemblable que les œufs, n’ayant pas été fécondés, s'étaient déjà dissous, Le développement si avancé de la plupart ET, DES, MAMMIFÈRES, y 19% 00 133 des corps jaunes me sembla prouver, ainsi que le peu de conges- tion de l'utérus et de:la vulve ; qu'il v avait déjà quelque temps que l’animal avait cessé d’être en rut. Je trouvai sur une autre Truie, qui, dès sa jeunesse, avait été tenue séparée du verrat, 15 jours après qu’elle eut manifesté les signes du rut , des corps jaunes parfaitement bien développés sur . les ovaires, et regardai comme superflu de me mettre à la re- cherche des œufs. : | Bientôt. après, je reçus les parties génitales d’une jeune Truie n'ayant pas encore porté, et que je savais bien positivement avoir été enfermée seule depuis 13 jours. Depuis 5 jours , elle montrait les premières traces du rut, et,, au moment où elles commen cèrent à s’affaiblir, on la tua, le matin du 5° jour. En voyant les ovaires , je m’aperçus immédiatement que les œufs venaient d’en sortir, à ce que l’un d’eux avait sept, .et l’autre six corps jaunes tout récents, On n’y voyait plus d'ouverture ; ils ne contenaient pas non plus de cavité remplie de sang ou de sérosité; mais les vésicules de Graaf étaient déjà toutes remplies de granulations , ainsi que cela arrive habituellement. On remarquait cependant, à leur couleur rouge bien distincte, l'endroit où les vésicules s’é- taient ouvertes. Je passai immédiatement à l'étude de l'oviducte, long de 41 p. P., et très rempli de plis, surtout dans sa partie su- périeure. En en enlevant par places l’épithélium, que j’examinais ensuite à la loupe , je réussis à découvrir dix œufs dans la partie inférieure de l’oviducte, où ils se trouvaient, à quelque distance les uns des autres, à 2 ou 4 pouces de son ostium uterinum, Sous le microscope, -ils ressemblaient, en général, à un œuf de l'ovaire, dépouillé de son discus proligerus ; leur diamètre était de 4/6" (0,0064 à 0,0068 p. P.=1/13 1. P.), à peu près. Il n°y avait pas trace d’albumine autour de la zona , qui formait leur unique enve- loppe, épaisse, sur la plupart d’entre eux, de 1 18°" (0,0005 p. P. =1/17 1. P.). Sur la plupart des œufs, le jaune ne remplissait pas toute la cavité de la zona ; son diamètre variait de 1/9 à 7/50" _ (0,0040 à 0,0054 p. P.=1/20 à 1/15 1. P.). Je le trouvai cont- posé de ces mêmes grosses vésicules de graisse, qui caractérisent l'œuf ovarique du porc ; dans la plupart des œufs, elles se trou- 13h BISCHOFF, -— SUR L'OEUF DE L'HOMME vaient répandues assez irrégulièrement dans le jaune, pour lui donner un aspect irrégulièrement tacheté. Dans ce cas, le contour du jaune se montra de nouveau tellement prononcé , surtout lors- qu’on donnait une certaine position au microscope, qu’on aurait pu le croire enfermé dans une enveloppe vitelline spéciale (comme cela est arrivé à M. le docteur Meyer, précisément pour l’œuf du porc) ; mais lés mêmes considérations que j'ai déjà exposées en parlant de l’œuf de Brebis me donnèrent encore ici la preuve la plus complète de sa non-existence. Je ne pus plus rien voir de la vési- cule germinative ; il se trouvait cépendant encore , dans ce cas, sur quelques œufs , entre le jaune et le zona, un granule très pâle, pouvant correspondre , ainsi que je l’ai dit tout-à-lheure, au noyau de la vésicule germinative, à la tache germinative. Peu de temps après, je recus les parties génitales d’une Truie qui avait montré, le 17 mars 1844 et les jours suivants, les signes habituels du rut, Jusqu'à cette époque , elle avait vécu dans un endroit où ne se trouvait pas de verrat, et n’en rencontra pas non plus chez le boucher auquel on la vendit. Le 22, au matin, on tua l'animal : les signes du rut avaient déjà cessé ; les ovaires conte- naient chacun huit corps jaunes , tout récents, d’une grosseur considérable, On pouvait reconnaître avec précision , sur la plu- part d’entre eux, l’endroit où ils s'étaient ouverts; dans leur intérieur se trouvait un coagulum de sang rouge foncé, tandis que la masse destinée à produire le corps jaune s'était déjà fortement développée , à partir des parois du follicule, J’examinai vaine- ment l’un des oviductes, dans le but d'y trouver des œufs. Je regardais déjà comme inutile de continuer cette recherche, quand l'idée me vint d'enlever et d'étudier lépithélium de l'extrémité de l'utérus , où j'eus le bonheur de trouver d’un côté quatre, et de l’autre sept œufs ; ils n'étaient pas plus gros que ceux de l’ovaire sans discus ; leur diamètre était de 19/100 à 8/50"* (0,0064 à 0,0068 p. P.=1/13 à 4/12 1. P.); leur unique enveloppe était due à la zona, épaisse de 4/53"* (0,0007 p. P.=1A/118 1. P.), Autour de l'œuf on ne voyait pas d’albüïnine , ni la moindre trace du discus.: Dans quelques œufs , le jaune ne formait qu’une seule masse: mais, dans la plupart d’entre éux, il était déjà partagé en RE ee num ET DES MAMMIFÈRES. | 1355 un nombre variable de sphères : l’un d'eux l'était en deux, l’autre en deux grosses , et probablement quatre petites ; un troi- sième les avait beaucoup plus nombreuses , et tellement entassées les unes sur lés autres que je ne pus les compter : j'estime qu’il y en avait de seize à vingt. Dans cet œuf aussi, elles n'étaient point toutes de là même grandeur ; le diamètre de quelques unes dés plus grosses était de 4/22"" (0,0045 p. P.—1/50 1. P.); les autres étaient à peine la moitié aussi grandes. J’examinai scrupu- léusement Ces sphères, et me convainquis encore mieux par là qu'elles n'étaient point formées de cellules, ainsi que je l’ai déjà dit (Histoire du développement de l'œuf du Lapin, p. 610 et suiv.) ; mais que les granules vitellins qui les constituent sont réunis entre eux par une espèce de ciment, ce qui était facile à voir sur les grosses vésicules de graisse que contient l’œuf du porc. En échange, il me fut impossible de découvrir dans ces sphères, même à l’aide du compressorium , la vésicule transparente, qu’on y découvre toujours lorsque les œufs sont à l’état normal. Il me fut bien agréable de voir les premières traces de la divi- sion du jaune sur des œufs qui n’avaient pas été fécondés, et qui, par conséquent, allaient bientôt se détruire , surtout parce que je né m'y attendais pas le moins du monde. Il est bien prouvé que la division du jaune se fait dans les œufs des Poissons et des Gre- nouilles, lors même qu’ils n’ont pas été fécondés, mais qu’elle devient bientôt irrégulière , et finit lorsque l'œuf s’abîme. Il est clair que, dans le cas dont nous nous occupons , les œufs de Porc se-comportent ab$olument de même, Je pense que, lorsqu'ils sont fécondés, la division de leur jaune s'opère de même que celle des œufs de Chiens et de Lapins, sur lesquels on trouve tous les œufs contenus dans lé même animal , ayant leur jaune absolument divisé dé la même manière ; s’il y a entre eux une différence, elle n'est jamais au plus que d’un seul degré. Il n’en était point ainsi dans ce cas où les œufs n'avaient point été fécondés, puisque le jaune de quelques uns n’était point du tout divisé, et que celui des autres l'était d’une manière très variée , et que les sphères étaient d’une grandeur fort inégale, Tout leur aspect me donne à penser que ces œufs n'étaient point normaux , quoique je n’eusse point 136 BISCHOFF. —— SUR L'OEUF DE L'HOMME vu d'œufs fécondés de Porc à ce stadium. Il estitrès vraisemblable que la division du jaune avait complétement cessé sur ces œufs, et qu'ils allaient se dissoudre, Je fus confirmé dans cette idée par l duge d’une autre True 4 dont je trouvai les œufs de même encore à l’entrée.de l'utérus. Cette truie avait été en rut peu de temps avant qu’on la tuàt, et n'avait. pas été couverte ; sur les ovaires se trouvèrent des corps jaunes moins développés que les précédents, Les œufs présen- taient les traces bien visibles d’une destruction prochaine : ils étaient un peu plus petits que les précédents ; leur. jaune n "était pas aussi dense que celui des œufs mûrs l’est habituellement ; il était régulièrement tacheté , mais n’était plus divisé en sphères, qui s'étaient probablement déjà dissoutes. Ces observations faites sur le Porc fournissent par conséquent aussi uné idée complète de la manière dont se passent chez cet animal la maturation, la chute et les différentes altérations des œufs pendant le rut, lorsqu'il n’y à pas accouplement et. fécon- dation ; elles donnent encore une nouvelle preuve de la justesse de la loi que j'ai établie. | Je crois nécessaire d'ajouter ici l’observation LE faite sur un Rat. Get animal, qui avait été pris dans une trappe pendant la nuit du 1° au 2 février 1844, y fut laissé en vie jusqu’au 3, à 11 heures du matin. Après l’avoir noyé, je trouvai sur ses ovaires une foule de gros corps jaunes tout frais. Comme j'en. conclus qu'elle devait porter depuis peu de temps, j’examinai avec le plus grand soin la vulve, l’utérus et l’oviducte, sans pouvoir y découvrir la moindre trace de sperme masculin ; en échange , je trouvai les œufs dans le commencement de l’oviducte. Ils sont aussi difficiles à trouver dans l’oviducte que chez la souris; Car cet : organe est tellement étroit qu'il est impossible de l’ouvrir, même avec Jes ciseaux les plus fins. 11 ne reste rien autre chose à faire qu’à préparer les circonvolutions de l’oviducte; ce qui n’est pas peu de chose, à cause de la manière dont elles sont rappro- chées les unes des autres , et parce qu'il est à peine. épais d’une ligne de Paris. Ensuite on divise l’oviducte. en morceaux, qu'on vide l’un après l’autre en les grattant avec précaution sur une - . méntet ts ET DES MAMMIFÈRES. | 137 plaque de verre, et l’on observe avec soin ce qu’on en tire avec la : loupe simple ou le microscope pancratique d'Oberhœuser. Même alors, les œufs sont encore très difficiles à trouver ; car non seu- lement ils sont excessivement petits, mais aussi parfaitement transparents, ce qui vient de ce que le jaune est formé. par une matière très pâle, et divisée en granules excessivement ténus. Malgré tous ces obstacles, je réussis néanmoins, ainsi que je lai déjà dit , à trouver les œufs dans le tiers supérieur de l’oviducte ; leur diamètre était avec la zona de 1/9" (0,0041 p. P. — 1/20 1. P.); la zona avait environ 1/166"" (0,0002 p. P. — 1/400 I. P.) d'é- païsseur. Autour de la zona, on ne voyait plus trace des cellules du discus. Be jaune remplissait, sur tous les œufs, tout l’intérieur de la zona : aussi n’y pus-je découvrir ni vésicule, ni corpuscule, ni quoi que ce soit d’analogue. Je regarderais cette dernière cir- constance comme du plus haut intérêt, si cette observation était parfaitement sûre , parce que le jaune de ces œufs étant d’une transparence parfaite, il est clair qu’on peut suivre sur eux, mieux que sur les œufs de tous les autres Mammifères étudiés sous ce rapport, les changements que subit la vésicule , ou tache germinative, depuis le moment où a commencé la division du jaune. Malheureusement , les matières contenues dans l’oviducte sont en quantité si minime , qu’on ne peut observer les œufs sans leur ajouter un' peu de fluide étranger (ici de la salive), dont on ne connaît pas l’action sur le contenu si délicat de l’ovule. Un œuf de l'ovaire, que j’examinai, avait à peu près le même diamètre; mais le jaune était encore plus pâle, et j'y découvris une vésicule germinative de 4/31" (0,0011 p. P.—1/70 1. P.), avec sa tache germinative bien prononcée, dont le diamètre était de 1/93" (0,00039 p. P. = 1/20 I. P.). La tache germinative brisait fortement les rayons lumineux, avait des contours très fon- cés , et ressemblait à une gouttelette de graisse. Je pense que ce Rat n’avait pas été couvert, ce qui n’avait pas empêché les œufs de sortir de l'ovaire , et de descendre dans lo- viducte, Si l’accouplement avait eu lieu , d’après tout ce que j'ai observé sur d’autres animaux, comme les œufs se trouvaient encore dans la partie ‘supérieure de l’oviducte , j’aurais sans doute 3° série. Zoo. T. IE. {Septembre 1844.) 10 138 BISCHOFF. — SUR. L'OEUF DE L "HOMME rencontré des spermatozoïdes sur un point quelconque des parties sexuelles. Une Souris, dont je trouvai, il y a deux ans, les œufs à peu. près au même endroit dans l’oviducte , avait tout l'utérus et les oviductes remplis de spermatozoïdes, qui se trouvaient jusque sur la zona des œufs, Nous pouvons conclure de ces di- verses observations que le Rat que nous avons examiné était au commencement du rut, qu'il avait été pris au moment où il était à la recherche d’un mâle, et que, par conséquent, les œufs étaient sortis des follicules de Graaf sans qu'il y eût eu ac- couplement. Des observations antérieures, au nombre desquelles on contpte celles de Barry (Reseurches in Embryology, second ser., p. 819, S 161), prouvent qu’on a souvent vu sur le Lapin , dans l'ovaire , des vésicules de Graaf remplies de sang. Moi aussi j'en ai vu plu- sieurs fois, mais seulement sur des lapins qui avaient été pendant longtemps séparés d'avec le mâle. Dans leur intérieur, je n'ai Jamais trouvé d'œufs, mais seulement des globules de sang plus ou moins reconnaissables. Ces corps étaient probablement les vésicules de Graaf du dernier rut, dont les œufs étaient sortis sans accouplement , donc aussi sans avoir été fécondés. Il y a peu de mois que j'ai eu à examiner un lapin, 6 à 8 heures après l’accouplement ; les œufs n'étaient pas encore sortis des vésicules de Graaf, qui se trouvaient très fortement gonflées. En outre, les deux ovaires offraient des corps jaunes assez gros, qui ne pou- vaient provenir d’une gestation précédente, puisque l'animal avait été isolé, depuis plusieurs semaines, et que d'ailleurs ils étaient beaucoup trop grands pour qu’on pût l’admettre, Je me crois donc en droit de penser queces corps jaunes venaient d’un rut antérieur qui n’avait pas été satisfait, Tout ce que nous venons de dire et de démontrer prouve que chez les Mammifères, pendant le rut, les œufs se détachent de l'ovaire sans, accouplement préalable , puis descendent dans l’o- viducte ou ,même dans l'utérus, où ils: se détruisent ; et que les corps jaunes se forment sur les ovaires: absolument de même que lorsqu'il y a eu accouplement et fécondation. Comme complément des précédentes observations prouvant EX DES MAMMIFÈRES: 1359 que la maturation et la chute des œufs sont indépendantes de l'influence du sperme masculin , je rapporterai un autre fait dé- montrant d'autre part que la marche du sperme masculin n’est pas influencée par la présence des œufs chez la femelle, Le 6 mars 1842, j’ouvris une chienne qui avait été couverte. pour la première fois à une époque que je ne connaissais pas; je savais seulement qu'elle l’avait été encore peu de jours aupara= vant. L'ovaire gauche présentait trois corps jaunes ; au milieu dé l'oviducte, je trouvai les trois œufs à l'état normal et parvenus au degré de développement appartenant à leur âge. L'ovaire droit , en échange , était très petit, et ne présentait pas plus de vésicule de Graaf gonflée ou ouverte que de corps jaune: aussi n’y avait- il naturellement pas d’œuf dans l’oviducte de ce côté. Néanmoins ‘je trouvai des spermatozoïdes dans l’utérus, les deux oviductes et jusque sur les deux ovaires ; ce qui prouve bien clairement que le sperme masculin ne possède point de tendance spéciale pour arriver au but qu’il est appelé à atteindre. D’après la manière dont on a l'habitude d'envisager les phénomènes vitaux, auxquels on assigne toujours un but prévu à l’avance , on aurait dû croire que le sperme ne se porterait point là où il n’y avait pas d'œuf à féconder : or, nous venons de voir que le sperme a suivi la route qu’il prend toujours , absolument comme le font les œufs, lors même: qu’ils ne sont pas fécondés. Il n’y a donc point ici d'attraction , de polarité , ni rien de semblable ; ces explications banales ne peuvent s’appliquer au fait qui nous occupe. L’œuf et le sperme sont parfaitement indépendants l’un de l’autre ; toute nécessaire que soit leur rencontre pour la conservation de l’espèce, il n’en est pas moins vrai qu’elle est purement accidentelle, ainsi que d’ailleurs nous le voyons si souvent dans la nature sur d’au- trés êtres organisés, Nous venons de prouver pour les Mammifères que leur géné- ration et leur multiplication dépendent en premier lieu, non point dé l'accouplemeént , mais bien de la formation et de la maturation périodique, spontanée, des œufs ; l'analogie nous amène directe- ment à conclure qu'il en ést absolument de même chez l'Homme, 140 BISCHOFF, — SUR L'OEUF DE L'HOMME pour lequel nous n'avons, relativement à cet objet, que des preuves indirectes. ; Il y a longtemps déjà qu’on a comparé la menstruation de la Femme au rut des Mammifères. Cette manière de voir à été adoptée par presque tous les naturalistes et les médecins les plus savants , bien qu’elle ait été vivement combattue par d’autres, tout aussi distingués. Le plus remarquable d’entre ces derniers est Burdach, dont l’objection la plus forte contre cette hypothèse est la différence existant entre le rut et la menstruation, relativement au désir vénérien et à l’accouplement. Les animaux s’accouplent seulement au temps du rut, tandis que l'Homme n’est repoussé par la Femme qu’au temps de la menstruation. Si cette assertion était vraie et juste, elle constituerait aussi à mes yeux une différence notable entre eux ; mais des observateurs attentifs ont remarqué ce que j'ai confirmé, à savoir, qu’elle est dénuée de fondement. II est facile de le prouver, car les animaux montrent aussi à l'entrée du rut les symptômes d’un état maladif, durant lequel ils ne se laissent jamais couvrir : ce n’est que lorsque les phénomènes ac- compagnant le rut sont arrivés à un certain degré que l’accouple- ment a lieu. D'autre part, il est connu que, pour la Femme , à la menstruation succède un état de bien-être tout particulier, durant lequel se manifeste surtout le désir vénérien ; il y a donc concor- dance parfaite à ce sujet entre l'Homme et les animaux : aussi j'envisage comme tellement bien prouvée l’analogie existant entre le rut et la menstruation, que je crois inutile d’en développer d’autres preuves. Il y a longtemps que des anatomistes, des physiologistes et des médecins distingués ont fait connaître la conviction qu'ils avaient, que c’est dans les ovaires qu’il faut chercher la cause de la mens- truation , du désir vénérien, en général de tout le caractère fémi- nin, et, qu'envisagé sous ce rapport, l’utérus n’a que des fonctions tout-à-fait secondaires, quoiqu'il soit pour les parties sexuelles l’organe le plus caractéristique des classes ainsi que des espèces : c’est ce que prouvent de nombreux cas pathologiques très variés, de même que les déviations du type primitif datant de la vie ET DES MAMMIFÈRES. ul embryonnaire, À cet égard, je ne citerai qu’une seule observa- tion nouvelle et peu connue, rapportée par le docteur Roberts sur les castrates féminins , dans l'ouvrage qu’il a publié sur son voyage de Delhi à Bombay. Les personnes qu’il a vues avaient à peu près vingt-cinq ans, étaient grandes , musculeuses et très bien portantes ; elles n'avaient pas de sein, pas de mamelons , et point de poils sur les parties génitales. L'entrée de la vulve était complé- tement-fermée , et l’arcade pubienne si étroite, que les branches ascendantes de l’ischion et les branches descendantes du pubis se touchaient presque. Les alentours des parties sexuelles ne mon- traient pas d’amas de graisse, non plus que les fesses, qui n’é- taient pas plus développées que chez les hommes , tandis que le reste du corps était assez gras. Il n’y avait pas trace de menstrua- tion , ou d’un autre écoulement qui le remplaçât, non plus que de désir vénérien. Tout récemment sont arrivées des preuves anatomiques directes. Malgré les nombreuses et interminables disputes nées au sujet des corps jaunes, il n’en est pas moins irrévocablement admis maintenant qu’à chaque menstruation l'ovaire entre dans une acti- vité extraordinaire , qu’une vésicule de Graaf se développe beau- coup, éclate, et qu'un corps jaune se forme à sa place. Les recherches de R. Lee, Paterson, William Jones, Négrier, Gendrin, Raciborsky et Pouchet ne laissent plus aucun doute à cet égard ; je regrette que leur longueur m'empêche de les repro- duire ici. Je me contenterai d’ajouter que j'ai eu , moi-même, quatre fois l’occasion d’observer des faits appartenant à. cette question sur de jeunes et fortes personnes, dont trois s'étaient noyées, et la quatrième avait péri de mort subite. Toutes les quatre me présentèrent les symptômes de-la menstruation ; je trouvai dans trois d’entre elles sur l'ovaire une vésicule de Graaf éclatée, et remplie de sang caillé ; chez la quatrième, la vésicule était d’une grosseur extraordinaire : elle avait environ 7 lignes de Paris, de diamètre. J’appris plus tard , avec certitude, que l’une de ces jeunes personnes était morte justement pendant la menstruation. A l'instant , je recois de M. le docteur Ecker, prosecteur à l'Université de Heidelberg, la nouvelle qu'il a trouvé sur une 142 BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME femme de vingt-cinq ans, exécutée il y a peu de temps dans cette ville, et qui avait été menstruée douze jours avant sa mort, une vésicule de Graaf éclatée et remplie de sang tout récemment coagulé. Ayant vainement cherché pendant longtemps et avec soin l’œuf dans le tuba , il est à penser qu’il avait déjà été détruit, Il est encore possible que l’œuf lui ait échappé ; car, suivant moi, l’œuf humain devant avoir un jaune peu compacte et une zona à contours peu nets, il doit être excessivement difficile à trouver dans l’oviducte. Nous ne serons donc pas étonnés que beaucoup d’anciens ob- servateurs, tels que Valisneri , Santorini, Rœderer, Haighton, Home, Brugnoni, Cruikshank, Meckel, Blundell et autres , aient trouvé des corps jaunes sur les ovaires de femmes qui n’a- vaient jamais conçu, et même de vierges et de petites filles. Ces cas ont toujours été envisagés comme des exceptions à la règle générale, comme des cas pathologiques dus à une excitation vé- nérienne non suivie d’accouplement, tandis qu’ils n'étaient in- contestablement que la suite d’une menstruation qui avait eu lieu peu de temps auparivant , de l'ouverture d’un follicule et de la sortié d’un œuf. . | Enfin , on sait depuis longtemps que c’est immédiatement après la menstruation que les femmes concoivent le plus facilement , et on à plus d’un exemple où la conception n’a eu lieu qu’à cette époque. Il est encore bien positif qu’il n’y a pas de manière plus sûre de connaître le temps de la grossesse que de le compter à partir ‘ de la dernière menstruation. M. le conseiller intime Nœgele m'a dit qu’il comptait que les grossesses étaient de 9 mois et.8 jours à partir de la dernière menstruation, et qu’il ne s’était jamais trompé dans ses calculs lorsque la grossesse était normale. 1] ajouta qu'il avait souvent mis fin à la stérilité en conseillant le coïtus immédiatement après , ou même pendant la menstrua- tion. Quoiqu’ici il nous manque encore la connaissance , établie sur des observations directes , de ce-que devient l'ovule pendant et | après la menstruation, et qu'il soit à désirer qu'on ait bientôt loc: ao NS OP PO EX DES MAMMIFÈRES, © 143 cäsion de les faire avec toute l’habileté et la précision nécessaires il n’y a pas à douter : " Que chez la Femme aussi, pendant tout le temps qu ‘elle est fé- conde , existe une maturation et une sortie des œufs de l'ovaire , revenant toutes les quatre semaines, el accompagnée d’une sécrétion sanguine simultanée de l'utérus. Cette maturation périodique d'un œuf est la condition essentielle de la conception. Ce n’est qu'à cette époque que l’accouplement est suivi de grossesse ; il'est infruc- bueux à tout autre moment. . Je ne doute pas qu’une fois qu’on cherchera à appuyer cette loi sur l’observation directe qui est à acquérir encore , on ne la trouve parfaitement juste et propre à expliquer une foule de faits restés jusqu'ici sans explication possible (1). | (1) 11 y à quelque temps que le docteur Panck, de Dorpat, à fait connaître un cas dans lequel il eroit avoir découvert, immédiatement après la conception, entre le tuba et l'ovaire, une remarquable liaison organique , au moyen de laquelle le passage de l'œuf de l'ovaire à l'oviducte se fait en toute sûreté. Quant à moi, je suis persuadé qu'il est impossible de prouver qu'ici il y ait eu accouplement, puisque , 1° le professeur Bidder n'a pas trouvé de spermatozoïdes dans les par ties génitales; 2° que, bien qu'on ait supposé que le coïtus avait eu lieu cinq jours auparavant, comme il n’y avait pas encore de vésicule de Graaf ouverte, on a eu incontestäblement affaire ici à un commencement de menstruation, et non point à une conception. Jeregarde comme pathologique cette connexion organique entre l'oviducte et l'ovaire. On trouve très souvent dans les organes génitaux de la femme de fausses membranes très délicates et analogues à celle qu'a décrite le docteur Panck. C'est d’une manière analogue qu'il faut expliquer aussi le débat qui s’est élevé il y a quelque temps dans la Lond. Med. Gaz., 1842, novembre, p. 198, dé- cembre, p. 365, entre MM. R. Lee et Paterson, au sujet d'un corps jaune trouvé sur une femme assassinée. À cet égard, je suis totalement de l'avis de M. R. Lee, et je dis avec lui que ce corps jaune ne signifie point qu'il y a eu coïtus et concep-- tion , | puisqu' on trouve des corps jaunes après chaque menstruation; mais lors- . qu'il affirme qu'on peut distinguer à leur structure les corps jaunes formés sans fécondation de ceux qui l'ont été après fécondation , je dois le désavouer. en me : basant sur tout ce que j'ai vu chez tous les animaux que j'ai examinés. Chez eux, les corps jaunes formés pendant le rut, sans accouplement, ressemblent sous tous les rapports à ceux qu'on trouve après l'accouplement. Il n'y a pas de raison pour croire que chez la Femme l'accouplement influe sur la formation des corps jaunes, puisque tout ee qui se passe dans ses ovaires s'y passe de même que chez les LRU BISCHOFF. — SUR L'OŒUF DE L'HOMME C’est alors qu’on verra dans quelle étendue elle est applicable à l'Homme. Il paraît que la sécrétion sanguine de l’utérus com- mence lorsque l’œuf est encore enfermé dans sa vésicule .de Graaf, et qu'il n’en sort qu’à la fin de cet écoulement. Il est pro- bable qu’une fois dans l’oviducte, l’œuf peut y. être fécondé pendant plusieurs jours par l’accouplement qui se fait plus tard. Les observations directes sur ce temps-là nous manquent totale- ment. En admettant pour l'Homme, comme je crois qu’on peut le faire, que la fécondation de l’œuf a lieu dans l’oviducte, où il est très probable que commence déjà son développement , nous pourrions conclure, puisque l’œuf du Lapin reste 3 jours dans l’o- viducte , celui des Ruminants 4 à 5 et celui du Chien 8 à 10 , que l'œuf de l’homme est susceptible de fécondation 8 à 12 jours après sa sortie de l'ovaire , donc probablement 8 à 12 jours aussi après la cessation de l'écoulement des menstrues. Il ne faut cependant pas s’y méprendre, une semblable conclusion , basée uniquement sur l’analogie , est très hasardée, puisque nous savons à quel point diffère le temps passé par l’œuf dans l’oviducte chez les différents Mammifères ; c’est au point, par exemple, que, d’après les ex- périences du docteur Ziégler et les miennes propres, il paraît que animaux. De plus, les différences observées par R. Lee, entre un corps jaune vrai et faux, ont bien certainement et essentiellement leur source dans une fausse manière d'envisager la formation des corps jaunes. Je me suis expliqué à cet égard déjà dans mon Traité du développement de l'Homme et des Mammifères, p. 37. Je regarde comme parfaitement certain que le corps jaune naît de la face intérieure de la tunica propria des follicules de Graaf: c'est sur le Chien qu'il est le plus facile de s'en convaincre, où, ainsi que je l'ai déjà dit, la métamorphose des gra- nules en corps jaune commence déjà avant que le follicule s'ouvre. Il est probable que R. Lee, et en général tous les défenseurs d’une autre manière de voir, n'ont pas eu l'occasion d'étudier d'assez bonne heure la formation des corps jaunes, et surtout avant que les follicules s'ouvrissent. Il n'y a absolument aucune raison d'admettre que cette marche ne soit pas en général la même chez tous les animaux et même chez l'Homme. Je n'ai remarqué de différence qu'en ce que sur quelques animaux, par exemple, chez le Porc, et, à ce qu'il paraît aussi, chez la Femme, il y a presque toujours dags le follicule , surtout dans le commencement de sa formation, un épanchemeat de sang qui forme un coagulum destiné à produire le corps jaune, ce qui n'arrive pas chez d'autres animaux, tels que les Chiens et les Lapins, 2 0 ET DES MAMMIFÈRES. 145 l'œuf du Chevreuil emploie des mois pour traverser l’oviducte. Relativement à ce point, il est impossible d'appeler à notre secours les données de temps tirées d’œufs qu’on prétendait âgés de 12, 14 ou 24: jours , et dont l'embryon était déjà fort avancé ; on ne peut avoir aucune confiance en elles, puisqu'elles ont été prises à dater du jour du coït, qui, n’indiquant que l’époque de la fécon- dation de l'œuf, et non point celle de sa sortie de l'ovaire, ne peut fournir aucune espèce de conclusion sur cette dernière. Il pourrait se faire aussi que ce fût parce que l'œuf de l’homme est pendant plus longtemps que celui des autres animaux sascep- tible d’être fécondé , que l'observation n’a fourni, à cet égard , que des données incertaines. En échange, il ne paraît pas que des circonstances ordinaires, physiques ou morales, puissent: facile- ment produire un changement dans l’ordre de maturation des œufs , et amener ainsi la’ possibilité d’une fécondation. Cette hy- pothèse est en opposition avec ce que nous savons sur la mens- truation, qui ne peut être avancée ou retardée que par des cir- constances douées d’une profonde action sur tout l'organisme. Il est clair qu'on peut appliquer à ce sujet toutes les observations connues sur la menstruation , puisqu'elle est la preuve de la ma- turation d’un œuf, C’est justement la comparaison de toutes ces observations qui prouve que ce changement dans le type de la maturation, par le fait de la seule augmentation de l'excitation du désir vénérien, est quelque chose de très rare. Les expériences faites, dans ces derniers temps, sur la formation des corps jaunes, prouvent aussi que de semblables actions leur donnent difficile- ment naissance. Il est certainement inutile de m’appesantir sur l’extrème im- portance de la découverte d’une loi qui intéresse autant tout le genre humain ; elle intéresse à un haut degré la science, mâis bien plus encore la société : voilà la raison pour laquelle je désire ardemment voir surgir de toutes parts de nombreuses et nouvelles observations, capables de renverser ces vieilles traditions, si solidement enracinées , et qu’on regarde comme dues à l’expé- rience. Tout homme qui voudra se vouer à l'étude de cette loi devra auparavant s'en rendre capable par de solides études em 146 BISCHOFF. —— SUR L'OEUF DE L'HOMME. bryologiques , le fait qu’il doit démontrer n'étant point des plus faciles ; c’est ce que prouve l'erreur de tant de siècles auxquels cette question n’était point indifférente. J’espère pouvoir répondre à des doutes bien fondés, et je m’occuperai d'abord de réfuter une des objections qu’on m’a faites le plus souvent ; la voici : « Si la » conception est liée à la menstruation et celle-ci à la maturation » d'un œuf, comment peut-il se faire que des femmes qui n’ont » jamais été menstruées aient concu? » Je répondrai que, si l'écoulement de sang est un phénomène normal accompagnant la maturation de l’œuf, et aussi saillant que facile à observer , il n'y est point lié d’une manière absolument nécessaire. Nous n'avons qu'à jeter un coup d’œil sur l'échelle des êtres pour fous en convaincre, et nous verrons que la maturation pério- dique des œufs s’y effectue avec écoulement de sang , mais bien plus souvent sans lui. Il est vrai que la menstruation est pour l'Homme un caractère .normal et important, mais il n’est point indispensable ; donc il est accidentel. La menstruation peut n’a- voir pas lieu, et cependant les œufs mürir, et par suite être fé- condés : c’est ce dont on se convaincra facilement en voyant que lés femmes qui présentent ce phénomène ont les mêmes carac- tères que les autres, et ne montrent rien de pathologique. De plus, je crois que la loi que nous avons établie paraîtra problématique à beaucoup de personnes , uniquement parce qu’il est incroyable qu’un objet d’une telle importance ait échappé pendant aussi longtemps aux observations des anatomistes et des médecins , durant toutes leurs querellés au sujèt des corps jaunes, À ceci je répondrai d’abord que , bien qu’on en connût dépuis longtemps plusieurs des points les plus intéressants , tels que la dépendance de la fécondité de la Femme, de la menstrua- tion , la facilité avec laquelle a lieu la conception, immédiatement après la menstruation, le calcul de la grossesse à dater de la dernièrè menstruation, et autres , tous ces faits n’ont pu amener à la connaissance complète de cette question, uniquement sans doute à cause du fréquent retour de la menstruation, de la ma- turation des œufs, et de la possibilité d’une conception. Si la Fémme n'était menstruée qu’une ou deux fois par an , il y aurait ET DES MAMMIFÈRES. 147 déjà longtemps qu’on aurait remarqué que ce témps est le seul où la conception ait lieu ; et il y aurait longtemps aussi qu'on aurait trouvé , dans la menstruation , l’analogue parfait du rut des ani- maux, quoiqu'on ignorât le point capital, savoir , la maturation des œufs. D'un côté , le retour mensuel de la menstruation re- nouvelle si souvent la possibilité de la conception, qu'il n'était pas facile de décider , sans autre preuve, le temps auquel elle se fait ; et, d’un autre , la menstruation se passe si souvent sans at- teindre son but , qui est une grossesse, qu’on en fut naturellement porté à étudier cette dernière , plutôt que la dépendance où elle se trouve de da première. Pour les animaux , c’est justement l’op- posé qui a empêché dé saisir l’analogie existant entre le rut et la menstruation. Chez eux , elle n’a lieu que très rarement , une ou deux fois par an , ou quand elle se répète plus souvent, comme c'est le cas, par exemple, pour les vaches, les brebis, les truies , etc., son retour naturel est masqué par les circonstances dans lesquelles sont placés ces animaux, ainsi que par le but économique auquel nous les destinons ; tantôt ils sont couverts sur-le-champ, tantôt le retour de la maturation des œufs est em- pêché par la sécrétion du lait. Geci est bien certainement la cause pour laquelle l’analogie, si frappante, existant avec un de nos animaux domestiques les plus répandus , la vache, à été Lauren si longtemps en grande partie méconnue. Relativement aux observations des anatomistes et physiolo- gistes, nous dirons qu’ils ont fait quelques observations réelle- mént justes ; par exemple, celles qui ont prouvé que les corps jaunes se formaient sans accouplement préalable. S'ils n’ont pas su donner à ces observations une juste explication , et surtout s’ils ne les ont pas poursuivies , cela prouve combien il est vrai que , pour bien voir , il faut se servir , non point seulement de la main et de l’œil matériel, maïs aussi de Pœil intellectuel, et qu'il est absolument indispensable qu'une idée dominante dirige nos ex- périences , lors même que nous voulons leur donner une explica- tion toute naturelle. Mais ces idées n'étaient point mûres , et ne pouvaient pas l'être : aussi ne pouvaient-elles g guider l'esprit de ces hommes, quelque distingués qu'ils fussent d’ailléurs, Enfin ; il faut 118 __ BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME faire aussi, dans ce cas-ci, une large part à la difficulté de l’obser- vation , qu’il est bien difficile de faire après une mort naturelle due à la maladie. La menstruation , la maturation et la sortie des œufs sont d’ailleurs trop intimement liées à l’état de santé , pour qu’il ne survienne pas-en elles, avant toute espèce de mort, des dérangements tels qu’à la section on ne puisse plus en découvrir de traces. Ce n’est que sur des personnes mortes de mort violente qu'on peut espérer de trouver des faits propres à l’observation : or , il y en a beaucoup d’entre elles qui meurent justement à l’é- poque de la menstruation, et sont parfaitement propres à de sem- blables expériences. Il n’y a pas de doute que des qécutions , faites justement dans le temps où se passent les phénomènes que nous désirons connaître , ne nous mettent en état de décider cette question. En terminant ce travail ; il m’a paru nécessaire d'y ajouter quelques notes historiques et critiques sur le sujet que j'y ai traité. Je dirai d’abord que je crois pouvoir affirmer que la conclusion que j'en ai tirée est parfaitement neuve. Il me serait facile de citer un grand nombre de traités de physiologie et d’obstétrique, pu- bliés tant en France qu’en Angleterre et en Allemagne , pour prouver qu’on ne trouve nulle part exprimée ou prouvée cette pro- position : « Qu'il y a entre la génération des Mammifères et celle » de l'Homme la plus parfaite harmonie avec celle de tous les au- » tres animaux, et que chez tous elle dépend de la maturation et » de la chute périodique des œufs de l’ovaire, phénomène connu » sous le nom de rut et de menstruation; en sorte que leur mul- » tiplication dépend , non point de l’accouplement, mais unique- » ment de cette maturation, » Je m’abstiendrai cependant de toutes ces citations; elles me paraissent inutiles, parce que je crois être _sür de n’être contredit par personne relativement à ce point. Ce sont les travaux que je continue depuis plus de dix ans sur la génération et le développement des Mammifères et de l'Homme qui m'ont amené à reconnaître que mes prédécesseurs avaient suivi une fausse voie , et qui m’en ont fait découvrir une autre, plus en rapport avec la vérité. L'observation que je fis sur une ET DES MAMMIFÈRES, 419 Chienné, le 41 juin 1843, de la sortie des œufs de l'ovaire , et de leur descente dans l’oviducte, sans qu’il y eût eu fécondation préa- lable, m'ouvrit enfin les yeux , en me donnant l'explication d’une foule d'e expériences contradictoires dont jusqu'alors je n'avais point saisi le sens. Le hasard m’offrit l’occasion de communiquer, en juillet 1843, la conviction que je venais d'acquérir, à M. Breschet, qui eut la bonté d’en parler à l’Académie , dans sa séance du 17 juillet ; donc le même jour où M. Raciborsky y lisait les résultats auxquels l’a- vaient amené , relativement à la menstruation, ses recherches sur l’ovaire de la Femme et des Mammifères. (Comptes - rendus, t. XVII, n° 3, 17 juillet 1843.) Dans la séance suivante de l’Académie , M. Duvernoy dit qu’il avait présenté la même proposition au congrès scientifique de Strasbourg , de l’automne 1842. ( Revue zoologique de 1842.) 11 n’y à donc pas moyen de doutefque, conduit par ses études aussi savantes que complètes en Histoire Naturelle , et par les preuves si frappantes que lui fournissait l’analogie , M. Duvernoy ne soit parvenu avant moi à saisir et à publier ces données si intéres- santes. M. Duvernoy n’a cependant pas prétendu avoir appuyé sa découverte par ces observations directes , dont personne ne con- naît mieux que ce savant distingué toute la nécessité, pour faire d’une idée , quelque probable qu’elle soit, une vérité incontes- table. A la fin d'août 1843 , je recus de M. Breschet l'ouvrage de M. Pouchet , professeur de Zoologie à Rouen , ayant pour titre : Théorie positive de la fécondation des Mammifères , basée sur l'ob- servation de toute la’série animale (Paris, 1842), qui m'était resté parfaitement inconnu jusqu'alors, à cause du peu de rapports - existant entre les libraires allemands et francais. M. Pouchet écrit dans la Gazette médicale , n° 36, le 9 septembre, p. 585, qu'il a déjà exposé le contenu de son livre dans ses cours publics de 1835, et qu’il l’a publié en mars 1842, ce qui l’'engagea à élever à ce sujet contre moi des prétentions de priorité qu’il a soutenues dans la Gazette médicale d'octobre, et dans les Ænnales d'obstétrique de 1844, n° 4, p. 70. 150 BISCHOFF, — SUR L'OEUF DE L'HOMME I suffit de lire l'ouvrage de M. Pouchet pour se convaincre qu’il a reconnu, énoncé et prouvé par analogie avant moi la loi qui préside à la génération des Mammifères et de l'Homme, Telle est la concession que j'ai faite à M. Pouchet, tant en public qu’en particulier, quoique , ainsi que je l’ai déjà dit, son livre me fût resté tout-à-fait inconnu : j'ai toujours fait néanmoins cette ré- serve, que M. Pouchet n’avait point fourni, à l’appui de la loi qu’il avait posée, les observations directes qui étaient nécessaires pour l'élever à la hauteur d’une vérité prouvée, C’est aussi par l’analogie que.M. Pouchet, comme Zoologiste, a été amené à saisir cette loi, à l’appui de laquelle äl à fourni d’une manière aussi complète que possible toutes les preuves que pouvait donner l’analogie, M. Pouchet à aussi étudié avec succès les phénomènes du rut, de la menstruation et de la formation des corps jaunes sur l'ovaire ; il a parfaitement bien reconnu qu’il se forme des corps jaunes sur l’oWire à chaque menstruation , et qu’il y a analogie parfaite-entre le rut.et la menstruation, Ces données ont, sufli à sa perspicacité pour lui faire reconnaître immé- diatement la vérité. Néanmoins j'ai soutenu alors, et je soutiens encore, que ces faits ne suffisent point pour faire regarder cette loi comme acquise à la science, C’est ce qu'il est facile de prouver, en faisant voir que les faits sur lesquels se base M. Pouchet, et qu'il a confirmés par des observations qui-lui sont propres , étaient connus avant la publi- cation de son livre, et qu'ils n'avaient cependant point amené reconnaitre la loi qu'il à formulée. Il paraissait si certain qu l'accouplement était la cause de la maturation et de la chute des œufs chez les Mammifères et chez l'Homme, que des observations directes sur la maturation et la chute des œufs sans accouplement préalable pouvaient seules donner aux preuves indirectes toute là valeur.et la force qui leur manquait, Ve M, : Pouchet a répondu à cela qu'il avait aussi donné dans son livre ces preuves directes. En effet, ileroit « avoir découvert long- ».temps avant:moi des œufs sortant de l'ovaire et émis sponta- » nément, » IF croit qu'entre nos observations il n’y à que cette différence, savoir, que j'ai vu les œufs dans l’oviducte, tandis que ® > . EN DES MAMMIFÈRESsuun vnoe A51 lui les a vus « prêts à sortir.des follicules, ou.en sortant. » C’est- à-dire que nos 6bservations ne diffèrent entre elles que par l’en- droit où nousavons vu les œufs ; il avance même que, si « un troi- » sième ‘observateur venait aujourd'hui à rencontrer des œufs: » non, fécondés dans l'utérus , il ne-démontrerait rien de plus.que » moi et que lui. » Pour prouver cette assertion , M, Pouchet cite les pages 64, 65 et 68 de son livre, Ce sont. ces prétentions qui me forcent à exposer maintenant ce que M. Pouchet à fait connaître de neuf, tant dans les endroits cités que dans d’autres de son livre, relativement aux œufs des Mammifères et de l'Homme, et à leurs caractères dans les ovaires. Je dirai tout d’abord que ses connaissances à cet égard sont très incomplètes, M. Pouchet savait, il est vrai, parfaitement bien ce qu'est l’œuf d’un Mammifère ; bien plus, je ne doute même pas qu'il ne l'ait vu; mais sa véritable constitution, ainsi que ses ca- ractères , lui est restée étrangère. S'il n’en était pas ainsi , com ment aurait-il pu dire (p. 64) qu'il a vu des œufs dans les ovaires d'une chatte venant de mettre bas , et”parler de plusieurs corps jaunes, ou plusieurs vésicules de Graaf d’une grosseur remar- quable et contenant des œufs, sur une vache en gestation (p. 66) ? Comment encore aurait-il pu conclure de la présence de cicatrices et de plusieurs vésicules de Graaf contenant des œufs sur une jeune personne , qu'il devait découvrir les œufs sur quelque point ‘de ses organes génitaux (p. 65) ? Il y a longtemps qu’on sait, en Allemagne du moins , qu’on trouve chez la plupart des Mammi- fères et souvent chez l'Homme , depuis le moment de la nais- sance jusqu'à celui de la cessation des facultés génératrices, des vésicules, de Graaf et des œufs dans l'ovaire, à des degrés de développement aussi différents que possible. Comment cette con- naissance-là peut-elle apprendre que les œufs sont soumis à une mäturation et à un chute périodiques , sans qu'il y ait eu ac= couplement préalable? M. Pouchet n’expose nulle part les: ca- ractères de, la maturation de ces œufs ; bien plus, lorsqu'il.dit. (p. 65).que l'œuf qu'il a trouvé sur, une chatte , et qui avait 1/3 dela grandeur de la vésicule.de Graaf, dans laquelle il se trou- vait, était destiné au rut le plus prochain, il prouve qu'il ne 152 BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME connaît aucunement les rapports existant entre la vésicule de Graaf et l'œuf mûr. L’œuf le plus mûr d’une chatte atteint tout au plus 1/4°", ce qui porterait la grandeur de la vésicule tout au plus à 3/4" ; et cependant il est bien prouvé que la vésicule de Graaf, d'un œuf bien mûr, atteint, chez les chattes en général, 1 diamètre de 4 à 6 millimètres : cet œuf et ce follicule étaient donc encore bien loin d’être mûrs. Quant à ce qui me regarde, j'ai au contraire donné bien en détail, tant dans ce Mémoire que dans les deux Traités que j'ai publiés auparavant (Traité du développement de l'Homme et des . Mammifères , p. 32 et 4h, et Histoire du développement de l'œuf du Lapin, p. 570 et suiv.), tous les caractères et les changements de la vésicule de Graafet de l’œuf lorsqu'ils sont mûrs, caractères dont M. Pouchet ne dit absolument rien. C’est ce qui me force à regarder comme très douteux qu'il ait bien vu, dans les observations où il prétend avoir vu des œufs sortant de l’ovaire. Maïs en admettant même qu’il ne se soit pas trompé , la différence existant entre les observations de M. Pou- chet et les miennes serait encore très grande, quoiqu'il passe si légèrement sur elles : c'est une différence que le temps ne pouvait effacer, et de laquelle dépendait le tout. En effet, qu'est-ce qui prouve que ces œufs, que M. Pouchet prétend avoir vus sortant de l'ovaire, en seraient sortis , s’il n’y avait pas eu d’accouplement ? Ne pouvaient-ils pas tout aussi bien y rester et s’y détruire ? Ne pouvait-on point se demander encore s’ils n’avaient pas besoin de subir l’action du sperme pour s’en détacher , et par conséquent trouver, même dans cette observation , une nouvelle preuve en faveur de l’ancienne manière de voir? Ce n’était donc point une chose de peu d'importance que de découvrir les œufs dans l’ovi- ducte ? Pourquoi, jusqu’à il y a peu d’années, n’y a-t-il eu tout au plus que deux ou trois observateurs assez heureux pour trou- ver les œufs des Mammifères, et seulement en très petit nombre, dans les oviductes ? Pourquoi les caractères qu’ils présentent dans l’oviducte sont-ils restés presque totalement ignorés ? Enfin y a- til une autre cause que celle-là, à laquelle on puisse attribuer toute l’obscurité qui enveloppe encore l’histoire de la génération et ET DES MAMMIFÈRES, 153 du premier développement de l'Homme et des Mammifères ? Il ne peut avoir échappé à un homme doué d’une sagacité aussi grande que l’est celle de M. Pouchet, que c'était la découverte de l’œuf des Mammifères dans l’oviducte qui devait donner la clef de toutes les questions si embrouillées relatives à la génération et aux premiers stades du développement. Il aurait aussi dà reconnaître qu'il en était ainsi dans la question qui nous occupe, et l’avouer publi- quement. Il fallait suivre les œufs parvenus à maturité et sortis des ovaires , pendant le rut et la menstruation ; il fallait exposer Jes caractères de leur maturité ; il fallait les retrouver dans les oviductes : telles étaient les preuves directes, indispensables pour placer dans leur vrai jour la foule des expériences indirectes déjà connues , et pour avoir enfin une, vérité au lieu d’une probabilité, Ce sont toutes ces preuves que moi seul ai fournies ; aussi je me crois d’autant plus en droit d'élever des prétentions, relative- ment aux conclusions qu’on en a tirées, qu’elles sont le fruit de pénibles recherches continuées pendant de longues années, et dont la question qui nous occupe ne fait qu’une petite partie. M. Pouchet, n’ayant fait en échange aucune observation sur la fécondation , est resté dans de nombreuses erreurs. Sous ce rap- port, son livre est remarquablement faible : ses Lois physiolo- giques fondamentales IV et X , ainsi que toutes ses Lois physiolo- giques accessoires, sont absolument fausses. J'ai prouvé, par l'observation directe , que le sperme peut arriver, au travers de l'utérus et de l’oviducte, jusque sur l’ovaire , avant que les folli- cules s'ouvrent; et mes observations sur ce point ont été confir- mées par celles de Barry et de R. Wagner. J’ai fait voir que le développement des œufs commence déjà dans l’oviducte ; ce qui rend bien probable aussi que la fécondation peut avoir lieu déjà dans cet organe, mais non pas dans l'utérus. Tous ces différents points ont été prouvés , publiés et livrés à l'impression , par moi, déjà en 1839. J’ai déjà prié M. Pouchet de vouloir bien s’expli- quer à cet égard , et j'espère qu’il reconnaîtra maintenant d’une manière. plus satisfaisante qu'il ne l’a fait jusqu'ici, de quoi il s’agit dans la question , au sujet de laquelle cette discussion s'est élevée entre nous. M. Pouchet a , je le répète , reconnu et formulé 3° série. Zooz. T.. I. (Septembre 184: ) u 154 BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME avant moi cette loi; mais il ne l’a point prouvée, et C’est moi seul qui lui ai fourni les preuves directes qui lui manquaiïent, Mais, relativement à la priorité , j’ai encore affaire à un autre rival. M. Raciborsky a publié dans ces dernières années plusieurs Mémoires sur la menstruation , et lu à l’Académie , comme je Pai dit, le même jour où M. Breschet lui communiquait ma lettre, un Mémoire sur la menstruation. M. Raciborsky, ayant aussitôt communiqué les parties les plus essentielles de ce Mémoire à l’Académie de médecine., et les ayant publiées dans la Gazette médicale de décembre et dans la Gazette des hôpitaux , n° 150, croit avoir la priorité sur moi, parce qu'il se figure avoir décou- vert et prouvé, comme moi, cette loi de la génération des Mam- mifères et de l'Homme. Il à exposé et soutenu ses prétentions dans la Gazette médicale du 2 septembre 1843, n° 35, p. 54, dans l’'Expérience du 2 novembre, n° 231 , dans les Annales d'Obsté. trique, 1844, n° 4, p. 66, et enfin, à ce qu'il paraît aussi, dans un écrit qui ne m'est pas encore parvenu, et qu'il vient de publier ‘ sous ce.titre : De la Puberté et dé l Age critique chez la femme ; au point de vue physiologique, hygiénique et médical, et de la Ponte périodique chez la Femme et les Mammifères. Paris, 1844: Il est clair que de toutes ces publications de M. Raciborsky , nous n’avons à nous occuper que de celles des 43 décembre 1842 et 17 juin 18/43, et que toutes celles qui ont paru plus tard sont hors de la question , et ne peuvent l’influencer. Maïs en nous bor- nant à l’étude de ces deux Mémoires , et des propositions énoncées dans la Gazette des hôpitaux , et les comptes-rendus de ces mêmes jours, je soutiens qu’on n’y trouve absolument rien qui puisse justifier la prétention de priorité qué M. Raciborsky élève contre moi, M. Raciborsky s’est essentiellement occupé des phénomènes accompagnant la puberté , ainsi que des changements qui se pas- sent dans les ovaires et les parties génitales des animaux Mam- mifères et de l'Homme pendant le rut et la menstruation. I a étudié ces changements avec zèle et succès, ce qui l’a amené à découvrir des faits qui s'accordent , en général, avec tout ce que nous connaissons de mieux là-dessus ; ce qui Pa naturellement aussi amené à étudier et à rectifier plusieurs des points de la ques= ds TE ir ni in 2" x à Sn ET DES MAMMIFÈRES. 1 10M IN 155 tion en litige, Malgré cela, j'affirme qu'il n’y à ajouté rien d’ab- solument nouveau, et encore bien moins une 16i, seule chose dont il s’agit ici. On sé convaincra facilement de la vérité dé mes paroles, en lisant et en retenant bien les points suivants : | 4, Que les expériences des physiologistes, accoucheurs et patho- logistes ont prouvé que c'est dans les ovaires qu’il faut chercher. la cause dernière de la menstruation. 9, Que les phénomènes qui se passent dans les ovaires des ani- maux pendant le rut, savoir : leur gonflément, Paccroissément dé la masse de sang qui s’y porte , le gonflement de quelques vési- cules de Graaf, et même, ce qui résulte de plusieurs observations, la formation de corps jaunes sur les ovaires d'animaux qui ne s’é- taient pas accouplés M iip-ué le rut, sont de même connus depuis longtemps. 3. Que la formation d’un corps jaune à chaqué meénstruation a été aussi prouvée de la manière la plus concluante par les tra- vaux de Montgomery, R. Lee, Paterson, Gendrin et Négrier. ‘h, Que tous les physiologistes ét les médecins savent depuis longtemps que la fécondité de la Fer est entièrement liée à la menstruation. 5. Qu’enfin il y à longternps qu'on sait et qu'on à publié que c’est immédiatement après la menstruation su la concéption se fait avec le plus de facilité. Tous ces points sont décisifs pour la question qui nous écéupé, et les travaux de M. Raciborsky leur ont donné une nouvelle force, sans que pour cela.ils aient rien appris de nouvéau : la loi de la- quelle dépendent tous ces phénomènes, et qui les régit, resta cachée aux veux de M. Raciborsky comme aux yeux de tous ceux dé ses prédécesseurs qui s'étaient occupés du même objet. Ses tra- vaux l'avaient mené assez loin pouf qu’au moment où il'enténdit la lecture de mon Mémoire à l’Académié, ses yeux s’ouvrissent, et qu’il saisit à l'instant la force à laquelle obéissaient toutes les ex- périënées faites par lui. Une fois que j'avais énoncé cette lot, il lai était facile de leur donner à toutes leur juste explication , et c'est aussi ce qu'il à fait dans ses réclamations , Sans pouvoir Con- 156 BISCHOFF. -— SUR L'OEUF DE L'HOMME vaincre cependant ceux qui ont étudié le fond de la question. Qu'on lise les résultats qu'il a publiés lui-même dans les Comptes- rendus du 17 juillet 1843, et on verra qu'aucun d’eux ne parle de la loi de la maturation et de la chute périodique des œufs de l'ovaire pendant le rut et la menstruation ; non plus que des rapports existant à cet égard entre les Mammifères et l'Homme , et tous les autres êtres organisés ; non plus que de la dépen- dance absolue où leur multiplication se trouve de ces phénomènes ; enfin il ne réfute aucune des erreurs admises là-déssus, parce que chacun de ces résultats a trait à l’une ou à l’autre des propositions que nous avons énoncées plus haut. Est-il donc concevable que M. Raciborsky ait préféré communiquer une partie insignifiante de son Mémoire plutôt que sa partie essentielle ? Gé Nous nous demandons maintenant pourquoi cette partie essen- tielle est restée cachée aux yeux de M. Raciborsky, et pourquoi il a été si près du but sans pouvoir cependant y toucher. M. Raciborsky me prouve de lamanière la plus incontestable qu’en suivant la voie dans laquèlle ils’est engagé, il était absolument impossible de prou- ver cette vérité, quand même on l’aurait énoncée comme l’a fait M. Pouchet: c’est qu'il manquait aussi à M. Raciborsky ces preuves directes, qui ne pouvaient-être données que par l’observation des œufs, de leur maturation, de leur chute de l’ovaire, et de leur descente dans l’oviducte, sans intervention de l’accouple- ment. C’est justement ce dont il ne s’est pas du tout occupé: aussi ses résultats n’en parlent-ils pas : c’est ce dont il paraît s'être aperçu plus tard, puisqu'il en a appelé aux observations directes qu'il a faites sur ce sujet. Heureusement que le temps qui s’est écoulé jusque là me dispense de faire la critique de ces dernières observations, qui ont soulevé chez noi plus d’une espèce de doute. Il ne s’agit donc enfin entre nous que de la priorité. Eh bien! cette priorité ; je l’ai sur lui, puisque j'ai reconnu d’autres faits que lui et avant lui: aussi puis-je envisager cette discussion comme ter- minée, V { Ce que je viens de dire à l’occasion de MM, Pouchet et Raci- borsky s’applique aussi à M. le docteur Argenti, de Padoue. Je viens de lire dans un journal allemand (Schmidt®s Jahrbücher der A Li né dla E<. lines bete Do, con à Ci, ET DES MAMMIFÈRES. 1 157 gesammten Medicin , febr. 1844 ) un extrait du travail publié par lui dans les Omodei Annali universali di Medicina, febbrajo’et marzo 1843, dans lequel , à l'instar de M. Pouchet, il énonce assez clairement la loi qui nous occupe. Il avoue toutefois qu'il lui manque des observations directes et spéciales, et ne s'appuie; lui aussi, que sur l’analogie , sur les faits connus , relatifs x la menstruation , à la conception et à la formation des corps jaunes; et sur la relation existant entre le rut et la menstruation : lui aussi n’a point fait connaître d'expériences et d'observations directes sur la fécondation ; lui aussi connaît à peine l'œuf des Mammi- fères : aussi sa théorie ne repose-t-elle de même que sur des preuves indirectes. En conséquence, il est facile de concevoir qu’il soit tombé dans des erreurs : ainsi, par exemple, il regarde comme impossible que le sperme pénètre dans l’oviducte et jus- qu'à l'ovaire , et il croit que la fécondation doit se faire dans l’u- térus. C’est, la même cause qui le rend si peu sûr de sa théorie, qu’il conclut enfin qu’il n’est pas nécessaire qu’à chaque menstrua- tion un œuf descende dans l'utérus. ? Je terminerai ce travail par quelques Msretaes et par l’ex- pression des vœux qu'il me permet de former. Jusqu'ici l'humanité n’a presque jamais vu une grande et im- portante découverte terminée dès labord et jaillir toute parfaite : pour formuler une vérité, il a presque toujours fallu réunir de plu- sieurs côtés les éléments nécessaires à sa création. Les innombra- bles observations et expériences faites au sujet de la génération peuvent être envisagées comme l’introduction aux découvertes que nous faisons , et-à celles que nous ferons plus tard. On a souvent vu déjà que des hommes doués d’un génie transcendant , di- rigés par des idées générales et par des analogies, aient énoncé de ces grandes vérités, qui n ‘ont pu être prouvées et reconnues vraies que plus tard. C’est ce qui est toujours arrivé et ce qui ar= rive encore à présent, lorsqu'une de ces vérités n’est pas soutenue par les preuves directes dont les Sciences Naturelles exigent qu’elles soient appuyées, Cette loi pouvait donc trouver des partisans , mais non-point être généralement admise, et'la vérité qu’elle énonce W'aurait jamais prévalu sur les erreurs basées sur des 158 BISCHOFF, —- SUR L'OEUF DE L'HOMME hypothèses semblables, si des preuves directes n’en avaient fait pour la sciencé une vérité, non plus subjective , mais tout-à-fait objective. . Voilà pourquoi l’histoire a été en général assez juste, pour attribuer tout l’honneur d’une découverte à celui qui a fourni ces preuves directes, sans laquelle elle n’aurait jamais pu être un fait accompli. Je désire que ce soit de la même manière qu’on apprécie le cas actuel, . : Beaucoup de faits très importants, cités par moi à l’appui de ma. loi, ont été découverts par des observateurs antérieurs ; qui se sont occupés aussi de l’histoire du développement. Tantôt ici, tantôt là, on a vu éclore de ces pensées lumineuses , qui attei- gnaient de bien près la vérité. Enfin, on arriva au point d’é- noncer cette loi, et de la formuler avec précision ; mais les preuves directes lui manquaient, Je crois ne pas me tromper en regardant comme la pers la plus difficile et la plus importante de ces preuves , l’indication des caractères de la maturité des œufs, et surtout la découverte de la descente des œufs dans l'oviducte sans accouplement préalable, Seul j'ai parcouru cette voie , sur laquelle je n’ai été suivi par aucun de mes collègues : c’est en marchant dans cette voie que je suis arrivé à prouver , de la manière la plus irréfragable ; une proposition dont la simplicité et la clarté prouvent déjà la vérité : aussi est-ce sans inquiétude que je la livre au public, bien sûr qu’elle y trouvera de l’écho. ° EXPLICATION DES FIGURES. Fig. 1.-- (PI. 7.)— Parties génitales d'un Lapin dont où a enlevé l'utérus droit. Après quelque temps il se laissa couvrir, et, sept jours plus tard, on trouva ces parties dans l’état où nous les représentons.—4, vulve; b, utérus gauche ; c, en- droit où se trouve un œuf au stade qu'il atteint normalement le septième jour ; d, oviducte ; e, ovaire du même côté; f, corps jaune provenant de la sortie de l'œuf que nous venons de voir: g, masse amorphe qui s'est formée à l'endroit -où l'utérus droit avait été coupé; k, ligature dont on s'était. servi pour le PP Fr ê 1 Fe" PP É ES SOS ET DES MAMMIFÈRES, à 00 por 159 couper ; à, oviducte droit ; 4, ovaire droit, présentant en nv quatre corps jaunes doués des mêmes caractères que celui de l'autre côté ; k, endroit où se-trou- vent les quatre œufs sortis, présentant les traces les plus claires d’un commen- cement de résorption. Fig. IL et IL. — (PI. 7.) — Deux de ces œufs ; ils ont encore en général les ca- ractères des œufs de l'ovaire. — a, légère couche d'albumine qui s'est déjà formée autour d'eux ; b, zona pellucida ouenveloppe vitelline ; e, jaune com- mençant bien nettement à se résorber. Fig. IV.— (PI. 8.) — Parties génitales d'un Lapin auquel on a enlevé les deux utérus, et qui, malgré cela, était rentré en chaleur. — a, vulve ; b, vessie uri- naire ; c, extrémités fermées des deux utérus ; d, oviducte gauche ; e, ovaire ; _ f, corps jaune ; g, oviducte droit, soudé par son extrémité fermée avec l'ovaire, et fortement gonflé par un fluide; k, rectum ; ÿ, masse enfermée, formée de pus épaissi Fig. V. — (PI. 9.) — Parties génitales d'une petite Chienne à laquelle on a lié la corne gauche de l'utérus. Au bout de plusieurs mois, elle rentra en chaleur, se laissa couvrir, et, neuf jours plus tard, ses parties génitales offraient l'aspect suivant : — a, vulve et corps de l'utérus ; b, sa corne droite intacte; e, trois œufs à leur stadium normal du neuvième jour; d, oviducte droit ; e, ovaire du même côté ; f, ses trois corps jaunes ; g, endroit où l'on a lié la corne gauche de l'utérus ; », portion supérieure de l'utérus gauche, distendue par un amas purulent ; 4. oviducte gauche ;.k, ovaire gauche; , ses quatre corps jaunes, analogues en tous points à ceux du côté droit. Fig. VI. — (PI. 40.) — Parties génitales d’une Chienne à laquelle j'ai enlevé , à plusieurs reprises, pendant la gestation, des morceaux de l'utérus contenant des œufs. Après plusieurs mois, elle rentra en chaleur, se laissa couvrir pendant neuf jours de suite, et présenta à l'ouverture les caractères qui suivent : — a, vulve enlevée ; b, orifice de la matrice; c, corps de l'utérus ; d, partie infé- rieure de la corne gauche de l'utérus : e, cicatrice formée dans l'endroit où cet utérus gauche avait été coupé: f, partie supérieure de l'utérus gauche gonflée par du pus ; g, oviducte gauche; h, ovaire avec quatre corps jaunes de for- . mation toute récente ; i, partie inférieure de l'utérus droit ; k, cicatrice formée à . l'endroit où cet utérus avait été coupé : !, partie supérieure de l'utérus droit ; m, oviducte droit ; », ovaire droit, avec deux corps jaunes tout récents ; 0, vessie urinaire ; p, rectum. Fig. VII. — (PI. 6.) — Ovaire, oviducte et pointe de l'utérus d’une Brebis en _chaleur, qui n'avait point été couverte. = a, oviducte ouvert à son extrémité, où se {rouve l'œuf sorti de l'ovaire. —+, ovaire petit et arrondi, sur lequel on | rema remarque plusieurs vésicules de Graaf encore fermées et, en c, la petite ouvert rturé de l'une d'elles, par laquelle l'œuf est sorti. Fig: VIN. — — (PI. 8.) -— Détail de l'ouverture de ce corps jaune. — 4, vésicule pd Graaf, grossie dix fois ; autour d'elle se trouve une couronne de petits vais- 160 BISCHOFF. — SUR L'OEUF DE L'HOMME seaux sanguins, tandis que les deux branches vasculaires b et c passent sur elle. ; Fig. IX.— (PI. 8.)— L'œuf de cette Brebis, dessiné à la camera lucida, sous un grossissement de 280. — «, cellules de la membrana granulosa, enveloppant l’œuf sous forme de discus proligerus ; b, zona pellucida ou enveloppe vitelline ; c, jaune. Ÿ Fig. X. — (PI. 8.) — Le même œuf, après en avoir enlevé avec une aiguille les cellules du discus proligerus de dessus la sona. Un fluide à pénétré par endos- mose dans l’œuf, dont il a tellement gonflé la zona , que le jaune ne remplit plus en entier sa cavité. Dans l’espace existant entre la zona et le jaune, on voit un corpuscule ou une vésicule d, qui est probablement le noyau de la vési- cule germinative. Le jaune n’a pas d'autre enveloppe que la zona ; il permettait de voir de la façon la plus évidente qu'il était formé de deux substances, dont l’une, c, plus homogène et compacte , retenait les granules ou gouttelettes vi- tellines b, déposées dans sa masse. Fig. XI. — (PL. 6.) — Ovaire et oviducte enlevés à une Chienne, dans les pre- miers jours du rut; l'ovaire « offrait quatre vésicules de Graaf b très fortement gonflées et encore fermées. Fig. XIL.-— (PI. 7.) — OEuf extrait de l'un de ces follicules, et vu à la camera lu- cida, avec un grossissement de 280.—a, discus proligerus ; b, zona ; €, jaune ; d, place du jaune où se trouvait probablement la tache germinative. Fig. XIII. — (PI. 7.) — Deux autres œufs extraits de ces follicules, dessinés à la camera lucida, avec un grossissement de 70. La figure À montre quelle est là position de l'œuf dans le follicule : il est enfoncé dans une masse b de cel- lules du discus proligerus, formant une espèce de cône attaché par sa base à la face interne du follicule, et adhérant en ce point avec sa membrana granulos«, tandis que son autre extrémité reste libre et fait saillie dans l’intérieur du fol- licule. Fig. XIV. — (PI. 6.) — Ovaire et oviductes droits de la méme Chienne, cinq jours plus tard. Quatre follicules de Graaf se sont ouvertes sur l'ovaire , et il s'y est formé quatre corps jaunes ; deux d’entre eux étaient totalement enfoncés dans la substance de l'ovaire, et on pouvait encore distinguer à leur surface une petite ouverture entourée d'une couronne de vaisseaux Sur les deux autres de ces corps jaunes , on voyait les granules qui leur avaient donné naissance faire hernie au-dehors par cette petite ouverture. Ces quatre œufs se trouvaient dans l'utérus en à. Fig. XV. — (PI. 11.) — Ces quatre Bufs, grossis 70 fois et dessinés à la camera lucida. L’un d'eux présente une forme anomale analogue: à celle d'un biscuit. Fig. XVI, — (PL. 11 ) — L'un de ces œufs dessiné à la camera lucida , sous un grossissement de 280. Fig. XVET, — (PI 11.) — Le même œuf après qu'on a enlevé les cellules du discus proligerus de dessus la 5ona. — à, zona; b, le jaune, ne remplissant à à ë CA 3, $ } F1 ET DES MAMMIFÈRES, 161 plus en entier la cavité de la zont, parce qu'il y a pénétré un fluide. Dans l'in - tervalle existant entre les deux se trouve le corpuscule c, que nous prenons pour le noyau de la vésieule germinative. Fig. XVIII. — (PI. 6.) — Ovaire et oviducte d'une Truie en chaleur; l'ovaire présente des follicules de Graaf, &,a,a, encore fermés, et fortement gonflés. Fig. XIX. — (PI. 40.) — OEuf extrait de l'un de ces follicules, et dessiné à la camera lucida , avec un grossissement de 280. — a, cellules du discus proli- gerus ; b, zona pellucida ; c, jaune ne remplissant pas toute la zona , ainsi que cela arrive fréquemment chez le Porc. Il ne possède pas d'enveloppe vitelline spéciale. Fig. XX. — (PI. 10.) — Le même œuf après avoir enlevé les cellules du discus proligerus de la surface de la zona, et l'avoir placé, nu, sur le porte-objet. — a, zona; b, endroit libre dans lequel on voit la vésicule germinative. Fig. XXI. — (PI. 10.) — Celte même vésicule germinative grossie 390 fois, et dessinée seule à la camera lucida. — a, la vésicule; b, tache germinative ou noyau de la vésicule. Fig. XXII. — (PI. 6.) — Ovaire d'une Truie après le rut. On y remarque sept *corps jaunes tout récents, et très riches en vaisseaux sanguins ; quelques uns d’entre eux présentent même encore dans leur intérieur du sang caillé. Fig. XXII —(PI. 9.) — OEuf de cette même Truie, trouvé dans la partie infé- rieure de l'oviducte. Les cellules du discus proligerus ont disparu d'autour de la zona, où elles n'ont point été remplacées par une couche d'albumine. Le jaune b ne remplit pas non plus toute la zona ; il ne possède pas d'enveloppe spéciale, et ses éléments sont si inégalement répartis, qu'il en prend un aspect tout tacheté. ; Fig. XXIV 4,B,C;D,E.— (PI. 41.) — Cinq œufs de Truie trouvés, après ces- sation complète du rut, dans la pointe de l'utérus ; leur sona, encore bien com- plète, forme aussi leur unique enveloppe vitelline. Le jaune de plusieurs de ces œufs à déjà commencé à se diviser, mais très irrégulièrement et inégalement, au point que l'un ae ces œufs n'en présente pas trace, tandis que le jaune de l'un des autres est partagé en deux, et celui des trois autres en 4, 8, 12, 16 ou 32 globes de grandeur fort différente entre eux. L'aspect du jaune lui-même a changé aussi. Les globules vitellins n’ont plus des contours aussi tranchés, et ne sont plus aussi gonflés : ils présentent les traces évidentes d'un commence- ment de résorption. | Fig. XXV.— (PI. 9.) — Deux œufs de Truie, extraits aussi de la pointe de l'u- térus après cessation du rut : on, n'y distingue déjà plus de trace de division du jaune, qui a bien visiblement commencé à se détruire, Fig. XXVI. — (PI. 8.) — OEuf d'un Rat en chaleur, déposé à nu sur le porte- objet, et dessiné à la camera lucida, avec un grossissement de 2$80.— a, zona pellucida; b, jaune très pâle: ce, vésicule germinative: d, tache germinative brisant la, Jumière avec force. . 162 OWEN. — SUR LE PLAN ORGANIQUE Fig. XXVIE. — (PI 8.) — Ouf du même Rat, extrait du tiers supérieur de l'o- viducte, et probablement non encore fécondé El est dessiné sous un grossisse- ment de 280 : on n'y distingue plus de trace de vésicule germinative. CONSIDÉRATIONS SUR LE PLAN ORGANIQUE ET LE MODE DE DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX; l Par M, OWEN (1). Les Animaux invertébrés les plus inférieurs ressemblent à des cellules locomotiles : ils se reproduisent par division spontanée et s'accroissent par assimilation ; quelquefois ils offrent dans l’intérieur d’une capsule commune des divisions géométriques plus ou moins multipliées. Les pre- miers phénomènes du développement de l’œuf des Mammifères offrent la plus étroite analogie avec ceux des Gonium et des Volvoces ; des phéno- mènes analogues ont été constatés dans le germe vitellin de la Grenouille et des Poissons. Mais c’est en rassemblant les observations faites sur le développement de l'embryon dans les différentes classes d'animaux sans vertèbres, et en les comparant avec ce qui se passe dans le développe- ment des animaux vertébrés (et suivant toute probabilité aussi dans les. premières phases de la formation de l'embryon humain) , que l'on est arrivé à établir la généralité de ces phénomènes de division spontanée , de multiplication fissipare de cellules à noyau, de leur accroissement par assimilation et de leur coalescence autour de centres déterminés, (41) Ces considérations ont été publiées dernièrement dans la leçon de clôture du cours sur l’Anatomie comparée, donné en 1843 par M. Owen, et comme elles offrent beaucoup d'analogie avec quelques unes des vues que j'ai exposées dans, mon Mémoire sur la théorie des classifications naturelles (voyez Annales, cahier: de février 1 844), l'auteur m'a prié de les faire connaître aux lecteurs de ce re- cueil. Je m'acquitte de ce soin avec plaisir, et je suis heureux de me trouver d'accord avec un homme qui est si bon juge en pareilles matières. J’ajouterai seu- lement que si les idées de M. Owen ont été rendues publiques par la voie de la presse quelques semaines avant la publication de mon Mémoire , les miennes ont peut-être encore l'antériorité, car je les avais depuis longtemps exposées dans mes leçons à la Faculté des Sciences , et on en trouvera les bases dans mon Mémoire sur les changements de forme des jeunes Crustacés, lu à l'Académie des Sciences en 1833 (Ann. des Sc. nat., 2 série, t. III), et dans les Considérations sur la classification , insérées dans le premicr volume de mon Histoire naturelle de ces animanx. t. [, p. 226 (Paris, 1834). HOME. ME Le ET LE DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX, 163 comme étant les propriétés du germe primordial qui déterminent les changements les plus remarquables dans le vitellus. Depuis que des observations récentes ont démontré la justesse des vues que j'avais été le premier à émettre touchant la propriété générale que possèdent les corpuscules sanguins de se diviser spontanément en vésicules plus petites, il devient très probable que le travail préliminaire à leur trans formation en tissu est le même que celui qui se manifeste dans les cellules à noyau du germe de l'animal tout entier, et on ne peut plus taxer d’'exa- ‘ gération cette proposition que le phénomène de division spontanée, phé- nomène dont les Monades nous offrent les exemples les plus remarquables, est l'opération la plus importante et la plus générale de l'organisme animal, Les résultats les plus extraordinaires de la propriété fissipare des cellules à noyau se montrent dans la série des animaux vertébrés ; nous en avons un exemple dans la reproduction sans fécondation préalable de l'individu procréateur. Ce phénomène, qui, en se manifestant chez les Pucerons, a tant embarrassé les physiologistes, devient aujourd’hui parfaitement compréhensible, et peut être ramené aux lois générales du développement. d La Monade se divise sous nos yeux de manière à constituer deux indi- vidus, puis quatre, puis huit, et ainsi de suite. La vésicule germinale fécondée qui, dans la nature, est représentée d’une manière perma- nente par cette Monade, développe*de la même manière par division spontanée ét par assimilation un certain nombre de cellules fécondées semblables à elle-même. La plupart de ces cellules se transforment en tissus pour constituer l'embryon en voie de formation ; mais toutes ne le font pas nécessairement : certaines cellules nuclées produites par la cellule primordiale , et ayant hérité des propriétés que celle-ci possédait, peuvent, sans éprouver l'influence d’un nouveau stimulant, devenir le centre d'un travail de développement semblable à celui qui a déterminé la formation du corps dans lequel elles sont renfermées ; elles peuvent - bourgeonner sur la tige de l'Hydre, et constituer par gemmation de nouveaux individus ; elles peuvent bourgeonner de la même manière sur la larve polypoide des Méduses qui alors se reproduit, étant encore dans un état incomplet ou en quelque sorte vierge, comme le font les larves aptères du Puceron en été ; enfin, ces mêmes cellules peuvent pévétrer l'oviducte non fécondé de ces Insectes, et là se développer suivant le procédé que j'ai décrit ailleurs (1). Si le temps me le permettait, il me serait facile de multiplier les exemples de l'utilité directe de l'étude des animaux inférieurs dans la re- cherche des lois générales les plus importantes de Ja Physiologie ; mais je (4) Leçon XVEEL. p. 235. 164 owEn/ — SUR LE PIAN ORGANIQUE me bornerai à en citer un qui a rapport à une question dont se sont occupées les intelligences les plus élevées de l'époque actuelle : celle de la théorie morphologique et de la doctrine de l'unité d'organisation, qui a été tant discutée par Goëthe, Oken, Guvier et Geoffroy... ) Hunter lui-même paraît avoir été frappé d’étonnement en entrevoyant la grandeur des résultats auxquels le conduisaient ses vastes recherches sur la structure des animaux inférieurs et les formes embryonnaires des êtres plus élevés ; nous pouvons nous en convaincre par ses efforts pour. exprimer d’une manière incomplète des idées qui alors étaient si nou- velles. « Si nous pouvions, disait-il , suivre le développement successif des diverses parties de l’économie depuis leur première apparition jus- qu'à leur entier achèvement chez les animaux les plus parfaits, nous pourrions probablement le comparer au mode d'organisation de quelques uns des animaux imparfaits, appartenant à chaque ordre de la création, ear, à aucune période, il ne diffère de certains de ces êtres inférieurs ; ou , en d’autres mots, si nous prenons une série d'animaux depuis le plus imparfait jusqu'au plus parfait, nous y trouverons probablement un ani- mal imparfait correspondant à quelque période du développement du plus parfait (1). » A l’aide du grand nombre de faits dont l’Anatomie comparée a été de- puis lors enrichie , et dont la plupart nous sont fournis par les Monogra- phies relatives à l’organisation des animaux inférieurs, nous pouvons essayer maintenant d'énoncer d’une manière plus exacte les ressem- blances qui existent entre les animaux supérieurs, considérés aux divers degrés de leur développement , et V'état permanent des animaux infé- rieurs. Nous pouvons mieux juger jusqu'à quel point la loi de « l'Unité d'organisation » doit, sans équivoques dans les expressions , être admise relativement à la structure des animaux; et si nous trouvons des motifs pour croire que l'animal parfait, à aucune période de son développe- ment, ne diffère de quelque espèce inférieure, nous voyons aussi que ces états correspondants ne répondent pas à tous les ordres d'animaux que nous offre la création. Le degré auquel la ressemblance , désignée. par les termes « Unité d'organisation » peut être constatée entre les animaux élevés et les ani- maux inférieurs, est en raison inverse de leur. progrès vers la maturité. Tous les animaux se ressemblent entre eux dans la première période de leur développement, qui commence par la manifestation des propriétés assimilatrices et fissipares de l’animalcule polygastrique : le germe po- tentiel du Mammifère est comparable par sa forme et ses fonctions vitales” à la Monade seulement, et, à cette période, l'unité d'organisation peut être (4) Manuscrits de Hunter, cités dans le Catalogue phynologique, LE, p; #7 ET LE DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUX. 4165 admise aux deux extrêmes du règne animal. Le germe du Polype porte cette ressemblance plus loin en acquérant les organes locomoteurs de la Monade (les cils-vibratiles superficiels), avant que d’avoir revêtu le type radiaire. L'Acalèphe passe par les deux degrés d’Infusoire et de Polype, et se multiplie par gemmation , aussi bien que par division spontanée , avant de prendre sa forme permanente et de posséder des organes sexuels. L'étendue de l'unité d'organisation existant entre les Polypes et les larves des Acalèphes , diminue à mesure que ces derniers avancent vers la ma- turité et acquièrent leur forme particulière, Les Mollusques Ascidiens représentent d’une manière plus faible et plus transitoire l'état Polypoïde, lorsqu'ils cessent d’être des larves ciliées cer- cariformes , pour prendre les caractères propres aux Mollusques. Les Gastéropodes et les Bivalves obéissent à la loi de l'unité d'organisation, lorsque leur germe amorphe se divise spontanément, et acquiert un épithélium cilié, à l’aide duquel il exécute des mouvements rotatoires dans l'intérieur de l'œuf ; mais en avancant dans la vie, ils révèlent de suite le type propre aux Mollusques sans prendre la forme du Polype ; les Bivalves conservent la forme acéphale, tandis que les Univalves s’é- lèvent davantage en acquérant une tête, des mâchoires et des organes des sens. Ainsi tous les Mollusques ressemblent aux Monades pendant une pé- riode de leur développement, et aux Acéphales à une autre période; mais il n’en est que fort peu qui représentent le type Polype , et aucun d’entre eux ne peut jamais être comparé au type Acalèphe. Chez les En- céphalés, nous trouvons aussi plusieurs exemples intéressants de l'exis- tence de l'unité d'organisation durant les premières périodes, et de sa disparition lorsque les progrès du développement amènent la diversité des formes spécifiques. Ainsi, dans divers ordres de Gastéropodes, l’em- bryon est nudibranche ; mais peu de ces Mollusques conservent pendant toute la vie cette disposition de l'appareil respiratoire. Les Gastéropodes nus sont d'abord des Mollusques univalves , ainsi que l’immense majo- rité de ces animaux le sont pendant toute la vie. Les Céphalopodes testa- cés construisent d’abord une coquille uniloculaire , semblable à celle qui persiste ordinairement chez les Gastéropodes , et plus tard ils y ajoutent les chambres et le siphon caractéristique. Ce simple fait sufirait pour renverser la théorie de l’évolution , si d’autres observations embryolo- giques n'avaient depuis longtemps fait justice de cette doctrine. + Ainsi, en suivant le développement des animaux mollusques, nous voyons l'application de l'expression « Unité d'organisation » se res- treindre à mesure que ce développement avance; car, tandis que tout Mollusque offre, dans la période la plus reculée et la plus transitoire de son existence , une ressemblance avec les Zoophytes les plus inférieurs 166 OWEN. -— SUR LE PLAN ORGANIQUE ou Monadiformes , ce sont seulement les MoHusques de l’ordre le plus bas qui, dans la seconde période, représentënt les Polypes; et toute analogie avec le type radiaire est ensuite perdue, jusqu'à ce que l’on arrive au sommet de la série des Mollusques où nous én apercevons une trace curieuse, mais illusoire, dans la couronne des organes locomoteurs et préhensiles insérés sur la tête des Céphalopodes. Dans le grand embranchement des animaux Articulés, l'unité d'orga- nisation avec la série des Mollusques s’observe dans les prémières pé- riodes du développement, en tant que le germe se divise, se subdivise et se multiplie ; mais la concordance ne s'étend pas jusqu’à l'apparition de cils vibratiles locomoteurs, et la lignée des cellules nuclées primitives et fissipares commence de suite à s'arranger , de façon à prendre la forme d’un Vibrion ou d’un Ver apode ; tandis que, chez le germe du Mollusqué, ces parties revêtent la forme d’un Polype ou se modèlent d'après un typé plus spécial. L'unité d'organisation prédomine dans une grande portion de la série des Articulés, relativement à l’état primitif de Vers apodes qu'affectent ces animaux. Les Arachnides paraissent être les seuls chez qui les cellules nuclées s’agrègent pour constituer un ensemble ayant la forme de l'a- nimal adulte, avant que de s'être métamorphosées en tissus divers, Chez les Condylopodes plus inférieurs ou plus vermiformes, l’état rudi- mentaire des appendices locomoteurs qui est persistant chez les Annélides, s’observe transitoirement pendant le développement des membres arti- culés. Dans la grande série des Insectes à respiration aérienne, nous avons vu que la branche divergente des Myriapodes présente, à une cer- taine période de la vie embryonnaire, le type Hexapode qui prédomine | dansce groupe, et que tous les Insectes sont d'abord aptères et acquièrent des pattes articulées avant que leurs ailes soiènt complétement déve- loppées. Un animal articulé ne passe jamais par l’état de Polype, d’Aca- lèphe, d'Échinoderme ou de Mollusque ; il n’est soumis à la loi de l’unité organique que pendant sa période monadaire: en quittant cette forme il manifeste ses relations d’uniformité les plus étendues, comme ver apode ou vibrion, et ensuite l'expression exacte de cette loi se resserre pro- gressivement dans son application à mesure que les divers animaux arti- culés divergent vers les types spécifiques qui leur sont propres à l’âge adulte. Le même principe se laisse apercevoir dans la série des Radiaires pro- prement dits : le type radiairé prédomine chez les Échinodermes, mais les espèces où la forme typique est la plus prononcée, et que l’on dé- signe sous le nom expressif d'Étoiles de mer (celles d’une famille au moins), sont pédonculées, lorsqu'elles sont à l’état d'embryon et avant d'acquérir leurs facultés locomatriecs,, montrant ainsi une certaine con- ET LE DÉVELOPPEMENT DES ANIMAUXS : +” 167 formité d'organisation avec les Polypes et avec le groupe presque entiè- rement éteint des Encrinites. Lorsque je traiterai du développement de l'embryon des Vértébrés, je ferai voir que son unité d'organisation avec les invertébrés est restreinte à une période aussi courte et aussi transitoire que l’est celle des Articulés avec la série des Mollusques. Après que le germe a manifesté les mêmes propriétés monadaires, on voit les produits fissipares se coordonner et se : métamorphoser en un organisme, vermiforme apode qui se distingue de l’état correspondant chez l’insecte par le caractère des centres nerveux propres aux Veértébrés, savoir : l'existence d’un cordon rachidien et sa Lo- sition dorsale; disposition qui le rèend comparable à un Poisson apode, plutôt qu'à un Ver. Ainsi, tout animal, pendant son développement, devient le type ou re- présente quelqu'uné des formes permanentes des animaux qui lui sont inférieurs; mais il ne représente pas toutes ces formes inférieures, et il n’acquiert l’organisation d'aucune des formes qu'il représente transitoire- ment. Si le règne animal constituait, comme on le pensait jadis, une seule chaîne continue d'êtres s’élevant progressivement depuis la Monade jus- qu'à l'Homme, l'unité d'organisation aurait pu être démontrée avec toute l'extension qui à été donnée à cette théorie par les disciples de l’école de Geoffroy. Il n'existe qu’une seule forme qui se trouve réiélénté soit transi- toirement, soit d' une manière permanente, dans tout le règne animal : celle de l’infusoire monade, forme par l'étude de laquelle nous avons commencé ce coup d'œil sur les animaux invertébrés, et que nous devons considérér comme étant la forme primitive ou permanente. D'autres formes sont représentées d’une manièré moins exclusive dans le développement du règne animal, et peuvent être regardées comme des formes secondaires : ce sont Les formes .du Polype, du Ver, du Tuuicier et de la Lamproie; elles sont secondaires par rapport à l’ensemble du règne animal, mais primaires relativememt aux divisions primitives ou sous-règnes. | Ainsi, le Radiaire, après avoir passé par l’état monadaîire, prend la forme du Polype; beaucoup d'espèces s'arrêtent là dans leur développe- ment, tandis que d’autres se métamorphosent ensuite en Acalèphe ou en Échinoderme. . Tous les Articulés, à une sétiie peu sine de leur développement, affectent la forme d’un Ver apode acéphale ; quelques uns arrivent alors à l'état adulte, les Entozoaires parasites, par éxemple ; mais d’autres, avancant davantage, acquièrent des divisions annulaires : une tête, des pieds rudimentaires, des pieds articulés, et enfin des ailes, s’irradiant dans , 168 . MARCEL DE SERRES. —— SUR LES FOSSILES des directions différentes, et s’éloignant à des distances variées, de la forme primaire ou fondamentale de ce sous-règne. Les Mollusques passent de l’état de Monades ciliées à celui d'Acéphales nus, et, de même que les précédents, achèvent le développement de ce type, ou divergent, pour acquérir une coquille, une tête, un pied ventral ou des bras céphaliques, ainsi que toute la complication organique, dont l'étude vient de nous occuper dans ces lecons. L'œuf des Vertébrés, après avoir manifesté ses relations monadaires par la division spontanée, l'accroissement et la multiplication de ses cellules nuclées , acquiert, par suite des métamorphoses de ces cellules et de leur arrangement primitif, la forme et la condition organique des Poissons cartilagineux dépourvus de nageoires ; et c’est de cette forme fondamen- tale que le développement rayonne dans des directions variées et à des distances différentes pour arriver enfin à un degré de complication et de perfection auquel aucun des types secondaires inférieurs ne paraît susceptible d'atteindre. NOTICE SUR LES TERRAINS D'EAU DOUCE DU BASSIN ÉMERGÉ DE CASTELNAUDARY (AUDE); Par M. MARCEL DE SERRES. _ Castelnaudary, une des villes principales du département de l'Aude, se trouve comme au centre d’une belle plaine , traversée dans sa plus grande étendue par le canal du Midi. Cette plaine, remarquable par sa fertilité, à raison de l'épaisseur de la terre végétale qui y est comme accumulée, est couronnée au sud par un grand développement de terrain lacustre. Ces terrains appar- tiennent aux formations d’eau douce émergées, dont l’étendue et la puissance sont extrêmement considérables dans ce département. Les formations de cet ordre aux environs de Castelnaudary of- frent un intérêt non moins grand que celles d’Issel, à raison des débris organiques d’un tout autre genre que l’on y rencontre. Au lieu de se rapporter à des Mammifères terrestres ou à des Reptiles, comme dans la dernière de ces localités, les fossiles de Castel- naudary, ou pour mieux dire de Villeneuve-le-Comptal , se bor- nec tit set tt fé Des DE. CASTELNAUDARY. &+ moon . 169 nent à peu près uniquement à des Mollusques terrestres et fluvia- tiles, dont les espèces paraissent à peu près toutes nouvelles pour la science. A la vérité, on rencontre avec ces coquilles quelques restes peu nombreux de Palæotherium et de Tortues avec des corps organisés ovalaires, que l’oi a rapportés à des œufs d'Oi- seaux ; ces corps comparés à des œufs de Tortues d’eau douce ont paru tout-à-fait analogues à ceux de nos Emydes d'Europe , ainsi qu'ên peut en juger d’après les dessins que nous en donnons. Avant. de décrire ces divers fossiles, disons un mot des forma- tions où on les rencontre. Vers le sud et à l’ouest , la vallée de Castemaudary est fermée par une série de collines peu élevées , composées principalement de: couches puissantes de calcaire d’eau douce sans aucune trace de dépôt ou de produit marin. Ges couches paraissent appartenir à l’un des étages inférieurs des for- mations émergées du midi de la France. Ces formations com- mencent dans le département de l’Aude, dans les ‘environs dé Roubia, petit village situé sur le canal du Midi à environ dix lieues à l’est de Carcassonne. Ainsi toute la partie orientale de ce département ne présente d’autres terrains tertiaires que les im- mergés ; mais à partir de Roubia, il en est tout différemment. Les formations émergées sont les seules qui font partie des terrains tertiaires. Ainsi toute cette portion septentrionale et oc- cidentale du département de l’Aude avait été abandonnée par les eaux de la Méditerranée, lorsque toute la partie orientale, à partir de Roubia, et la portion méridionale, étaient encore occupées par les eaux salées, qui ont aussi laissé des traces de leur présence à cette époque tertiaire. “Si nous cherchons les analogies de ces dépôts émergés, com- posés uniquement de couches d’eau douce, avec d’autres forma- tions tertiaires, on pourrait croire que ces dépôts doivent avoir de grands rapports avec les Gypses palæothériens ; à raison des . espèces de Mammifères terrestres que l’on découvre aussi: bien dans les uns que dans les autres ; mais ces Gypses appartiennent à des formations immergées , tandis que les Grès ou Macignos : de l’Aude se rattachent aux formations émergées d’une date plus ancienne que les Gypses des énvirons de Paris. Ces Macignos 3° série. Zoo. T. II. (Septembre 4844.) 12 L 170 MARCEL DE SERRES. — SUR LES FOSSILES sernblent se rapporter à l’étage le plus récent des terrains d’eau douce inférieurs ou de la formation Æocène des Anglais. On peut les croire de cette époque, à raison des débris orga- niques que l’on y rencontre ; du moins ils signalent encore plus un climat tropical que les espèces organiques des terrains d’eau douce les plus inférieurs de l’étage Miocène des bassins de Paris et de Montpellier. A la vérité, on n’observe pas, dans les envi- rons de la capitale , de traces de formations émergées ; mais cèlles ; qui existent auprès de Montpellier sont loin d’offrir des Tortues de la taille de celles d’Issel , et des coquilles terrestres d’une dimen- sion de 120 à 495 millimètres de longueur , les plus considé- rables qui aient été observées, du moins jusqu’à présent, parmi les espèces fossiles. Le grand diamètre de ces Tortues est au moins d’un mètre. Cependant l’époque des terrains ‘tertiaires moyens ou Miocène des auteurs anglais est celle où ont été pro- duits les dépôts les plus étendus et les plus puissants. Ces dépôts sont , en effet, plus considérables que ceux de la période Æocène. Cette circonstance pourrait contrébalancer en quelque sorte cé qu’indiquent les débris organiques. On est, du reste, fort embarrassé lorsqu'on veut comparer les formations tertiaires émergées avec les immergées et déterminer leurs rapports d'ancienneté. Tout ce qui nous paraît.certain, rela- tivement à celles du bassin de Castelnaudary : comme à toutes celles de l’Aude , c’est qu’on peut les comprendre parmi les plus anciennes formations de ce genre du midi de la France ; elles le sont moins cependant que les grands dépôts de lignite analogues à ceux qui sont exploités dans les environs de la Gpunttie (Hérault). Leur date est du moins éinilaiisne à celle des formations im- mergées ; car lorsque les deux ordres de dépôts se montrent en contact, on voit les Macignos plonger au-dessous des terrains tertiaires marins et même en gisement contrastant. Cette super- position ; que l’on voit rarement et seulement vers les points ex- trêmes des dépôts émergés , annonce que l’ancien système était déjà opéré avant que les formations tertiaires marines eussent été : précipitées dans le sein des eaux salées. La plus grande partie du RE TR PR PT ET D DE CASTELNAUDARY, #7 +" 171 département de l’Aude, sauf la portion orientale , avait dû être complétement abandonnée par les eaux des mers pendant la pé- riode tertiaire : aussi n'y observe-t-on uniquement , à part la por- tion que nous venons d’en excepter , que des couches d’eau douce tertiaires, exemptés de tout dépôt ou produit marin. Ce dernier ordre de formation , le seul que l’on rencontre dans toute la par: tie occidentale et septentrionale de: ce département ; annonce assez , d’après la nature de ses dépôts, que les eaux salées avaient délaissé le sol sur lequel il a été précipité. Dans le bassin de Castelnaudary, comme dans plusieurs autres du département de l'Aude, les formations tertiaires émergées se _ composent essentiellement de deux principaux systèmes : le su: périeur, formé par des couches de Calcaire ou des Marnes d’eau douce plus où moins compactes , mais qui ne prennent jamais un développement comparable à celui qu’ils acquièrent dans le bas- sin dont nous nous occupons ; l’inférieur offre, au contraire , des roches arénacées dont l'épaisseur, et surtout l’étendue, sont plus grandes que celles des dépôts qui les surmontent. Ces roches arénacées comprennent les Macignos compactes décrits sous le nom de Grès de Carcassonne ; elles fournissent aux constructions des pierres d'appareil aussi belles que d’une soli: dité à toute épreuve, lorsque leur couleur d’un gris légèrement verdâtre est uniforme dans toute leur masse (4). Ce système inférieur n’est guère apparent dans le bassin de Castelnaudary, tandis qu'il domine singulièrement dans ceux d’Issel , de Carcassonne et de Cesseras (Hérault). Une circonstance assez particulière, relative à ces deux sys- tèmes tertiaires , c’est que le supérieur offre à peu près seul des coquilles terrestres et fluviatiles, très rarement des débris de : Mammifères (Palæotherium), presque jamais des restes de Rep- tiles ( Emys et Tryonix ), quoique l’on y rencontre un grand nombre du premier de ces genres , ainsi que nous l’avons fait ob- sérvér. Ces animaux vertébrés sont au contraire assez fréquents dans l'étage le plus inférieur de ces formations ; où ‘il n’est pas (1) Traité de Géognosie de M. Daabrasson, t. 11, p. 437. 472 MARCEL DE SERRES. -— SUR LES FOSSILES encore constaté que l’on ait rencontré le moindre débris de co- quilles. Toutefois les Macignos, en contact immédiat avec les cal- caires d’eau douce qui les surmontent , offrent, comme ces roches ‘elles-mêmes, quelques traces de Planorbes et de Limnées. Cette circonstance , du reste fort rare, ne s’est encore présentée qu’une ou deux fois au plus, et cela, non dans le département de l’Aude, mais dans les environs de Cesseras (Hérault) : aussi , dans cette dernière localité, les Macignos ont acquis une puissance et une élévation considérables. Ces roches s’y montrent en recouvrement sur des Craïes com- pactes du système inférieur, caractérisées par de petites espèces de Nummulithes. On sait quel énorme développement elles pren- nent auprès du village de Cesseras. Les vastes cavernes de Faus- san, dont l’étendue est de plus de deux lieues , sont ouvertes dans leurs masses. Les roches tertiaires se trouvent donc dans cette lo- calité en superposition immédiate sur des roches secondaires de l'étage inférieur du système crayeux; par cela même les pre- mières appartiennent probablement à un âge déjà ancien parmi les dépôts-de cette époque. Une pareille superposition n’est pas encore connue dans le dé- partement de l’Aude, peut-être à raison de ce que nulle part on n’y observe des coupes aussi profondes que celles de la localité de l'Hérault, où sont situées les cavernes de Faussan, Quoi qu'il en soit, le système tertiaire supérieur se compose, dans les envi- rons de Castelnaudary, d’une suite de couches calcaires assez . constamment pareilles entre elles, et qui paraissent n'avoir pas été soulevées d’une manière très irrégulière ni très violente. Ces calcaires composent constamment le sommet des collines situées au sud et à l’ouest de Castelnaudary, depuis Villa-Savary jus- qu'aux environs du Mas, pendant un espace d'environ quatre lieues. Il est du reste possible qu’elles se prolongent encore plus loin, non seulement depuis la localité que nous avons considérée comme leur point de départ, mais aussi depuis celle que nous avons envisagée comme l’extrémité des terrains calcaires. Quoi qu'il en soit, ce système alterne avec des marnes argileuses en couches plus ou moins épaisses, et quelques banes de sables fluviatiles. : ‘: 4 ; : a Eee re DE CASTELNAUDARY. 173 © Ces roches sont l’objet d'exploitations régulières sur une infinité de points, principalement depuis Villeneuve jusqu’au Mas; on en fait usage dans la fabrication de la chaux hydraulique et dans les constructions. Cette circonstance nous a facilité le moyen de re- cueillir des coquilles terrestres et fluviatiles, dont nous allons donner la description. ‘11 n’est peut-être pas inutile de faire ob- server que ces calcaires , d’autant plus compactes qu'ils appar- tiennent aux lits inférieurs , sont parfois colorés en rose, nuance plus vive encore dans les marnes qui alternent avec eux. Les co- quilles paraissent uniquement disséminées dans les calcaires : on n’en voit jamais du moins dans les couches marneuses. Comme elles y sont profondément empâtées, on ne les en détache qu'avec peine : aussi est-il bien difficile d’en obtenir d’entières. Le système inférieur se compose, dans les lits les plus superfi- ciels, de sables plus ou moins graveleux et plus ou moins chargés de cailloux roulés, lesquels alternent avec des marnes calcaires légèrement sableuses. Des lits plus ou moins puissants de Ma- cignos compactes , le plus généralement d’un gris verdâtre, leur succèdent ; ceux-ci alternent beaucoup moins avec les Marnes dans les parties les plus inférieures. À mesuré qu’on s’enfonce dans ces bancs de Macignos, on voit leur solidité augmenter de plus en plus, et leur épaisseur devenir de plus en plus considérable. Si ces Macignos ne paraissent pas avoir été violemment sou- levés dans les environs de Carcassonne , d’Issel , de Castelnau- dary et de la partie occidentale et septentrionale du département de l'Aude, il n’en est pas de même auprès de Cesseras (Hérault). Ainsi, tandis que, dans les premiers bassins , l’inclinaison des bancs de Macignos dépasse peu. 19 ou 20 degrés, ces mêmes bancs sont à peu près verticaux dans le second. Le soulèvement a été si violent, que les calcaires d’eau douce se montrent rarement cou- ronnant les hauteurs ; ils se maintiennent au contraire constam- ment adossés vers la base de ces collines, en quelque sorte pyra- midales : seulement, lorsque ces collines offrent à leurs cimes des plateaux. étendus, les calcaires, restés dans leur position primitive, -encouromnent encore les sommets. Du reste, dans les environs de Césseras, Wlextrémité occidentale du département de l'Hérault , u 174 MARCEL DE SERRES. — SUR LES FOSSILES les formations tertiaires émergées sont parvenues à la plus grande hauteur ; elles dépassent 500 ou 600 mètres , et composent alors … les plateaux les plus considérables et les plus élevés. Ce système inférieur est caractérisé principalement par des dé- bris d'animaux Vertébrés qui appartiennent à des Mammifères terrestres et à des Reptiles. Notre but n’est pas de les décrire dans ce travail : nous nous bornerons à indiquer leurs espèces, voulant nous restreindre pour le moment à l'examen détaillé des Mollus- ques que F on découvre dans le système supérieur, I. MAMMIFÈRES TERRESTRES. PACHYDERMES. 4 Palæotherium medium Cuvier. Palæotheriur parvulum Nobis. 2. Lophiodon magnum Nobis. (Lophiodon de Batzberg, Cuÿ. ) Lophiodon Isselianum CGuvier. 3: Anaplotherium , espèce indéterminée. IL REPTILES. CHÉLONIENS. 1° Testudo. — Une espèce terrestre , de la‘taille des plus grandes Tor- tues de l’Inde, trouvée à deux reprises différentes, présentant sa carapace à peu près entière. Cette carapace, extrêmement bombée, peut avoir de 60 à 70 centimètres dans son grand diamètre, et de 45 à 50 dans son petit ; elle offre de nombreux enfoncements à sa partie supérieure, et un rebord assez aplati en dessous. Les pièces qui composent ce rebord sont au nom- bre de onze. Cette circonstance, jointe à la grande convexité de cette partie du squelette , ne laisse aucun doute que le Chélonien auquel elle se rapportait n’appartint à une Tortue terrestre , analogue à celles de l'Inde ; du reste, le grand relèvement de cette carapace et sa forme bombée l'ont fait reconnaître au milieu des Te graveleux qui la ren- fermaient. p Ces caractères indiquent assez que ces débris dé Chéloniens se rap- portent à des espèces terrestres, qui, avec des Tortues d’eau douce et des Crocodiles , sont les seuls restes organiques des Reptiles qui se trou- vent dans les formations émergées d’Issel, de Carcassonne et de Cesseras DE : CASTELNAUDARY, % 4 175 (Hérault). M. Cabanis , notaire d'Issel, a découvert dans les grès de cette localité deux individus à peu près entiers de cette espèce. Une seconde espèce d'une plus pétite dimension , et ve se rapporte également aux Tortues de terre. 2° Emys. — Ce genre a été reconnu non seulement par différentes parties du squelette, soit de la carapace, soit du plastron, soit des membres, mais encore par des œufs. Ces œufs , d'une forme ovalaire , dont le grand diamètre a de 0°,025 à 0,030, offrent les plus grands rap- ports avec les Emydes d'Europe, ainsi que nous l'avons fait observer. On pourra facilement en juger en jetant les yeux sur les trois figures 18 de la planche 12. 3° T'rionyæ. — Ce genre, dont les débris qui se rapportent au plastron et à la carapace sont si faciles à reconnaître à raison des vermiculations qu'ils présentent, a été déterminé d’après un grand nombre d’autres parties du squelette. Il en a été de même des diverses espèces de Pachy- dermés et de Reptiles que nous avons déjà indiquées. Les Trionyx et les Crocodiles avaient été signalés , il y a longtemps, par Cuvier, comme se trouvant dans les graviers agglutinés du pied de la Montagne Noire. SAURIENS. Crocodilus. — Le genre des Crocodiles, de la tribu des Reptiles sau- riens , a été reconnu dans les Macignos par plusieurs dents. Nous igno- rons si les Coprolithes, assez nombreux , que l’on déeouvre dans ces roches, particulièrement auprès de Cesseras, appartiennent à des Cro- codiles; mais ce qui paraît certain, c’est qu’ils proviennent de Reptiles de cet ordre, c’est-à-dire de celui des Sauriens. I. MOLLUSQUES TERRESTRES. 1, CYELOSTOMA, 1. Cyclostoma éxcavatum. — Testa parva orbiculata planulata, transver- sim striata , profonde inferneque excavata. Anfractibus quinque, strigis circularibus elevatis eleganter ornatis, ullimo mullo majore. Ce Cyclostome, d’une assez petite dimension , appartient aux espèces de ce genre qui sont fortement aplaties, et profondément excavées à la partie inférieure de leurs tours, L'espèce fossile de Castelnaudary offre , sous le rapport de sa forme, d'assez grandes analogies avec le Cyclostoma Blanchetianum ou Nobile d'Orbigny, à raison surtout du grand enfonce- ment que présentent les circonvolutions des tours de la spire dans la partie ARC et inférieure de Ja coquille, Ce Cyclostome à cin« 176 MARCEL DE SERRES. — SUR LES FOSSILES tours ; le dernier est de beaucoup le plus grand. Ces tours offrent de nombreuses stries circulaires, bien distinctement espacées, et séparées les unes des autres par des intervalles égaux. Quoique ce Cyclostome soit assez aplati, en comparaison des espèces de ce genre qui sont cylindriques, les tours de la spire n’en sont pas moins très distincts, et le dernier même assez saillant. Cette disposition est une suite de dla profonde excavation que l'on observe à la partie moyenne et inférieure de la coquille , excavation produite par l’écarte- ment et la séparation des tours. HU CSS SL NS 0,046 Do diamètre. "HAS LS RU dre 0 0 ,014 Plue grande:hanteur. 2x aient dou aitys 0 ,044 Cette espèce se trouve assez rarement dans les calcaires d’eau douce des environs de Castelnaudary ; elle s’y rencontre avec les espèces que nous allons décrire, et paraît conserver constamment son test. Comme cette coquille est toujours empâtée dans ces calcaires, il nous a été im- possible d’en découvrir la bouche , et de nous assurer de la présence de l'opercule. (Voyez cette espèce, représentée, pl. 12, fig. 1, de grandeur naturelle, et vue en dessous.) 2. Cyclostoma elongatum. — Testa cylindrico-conica, apice acuminata. Anfractibus septem conveæis suturis excavatis ; strigis numerosis longi- tudinalibus inflexis notataque. Apertura rotundata incrassata , labro margineque reflexo. Ce Cyclostome est remarquable par sa taille, sa forme pyramidale et conique , ainsi que par la grande largeur et la convexité de son premier tour. On y distingue sept tours , séparés les uns des autres par des sutures profondément excavées. Des stries nombreuses, fines et déliées, légère- ment fléchies , le caractérisent encore. Au lieu de suivre ici le contourne- ment des tours, comme dans l’espèce précédente , ces stries sont longi- tudinales et se maintiennent en quelque sorte parallèles à l'axe de la spire. La bouche arrondie de cette espèce est bordée par un repli saillant très distinct et très épais; la lèvre est légèrement réfléchie vers son bord. Nous ne saurions rapprocher ce Cyelostome d'aucune espèce fossile ; il nous serait également fort difficile de le comparer avec aucune espèce vivante. Du moins nous ne possédons pas dans nos collections de Cyclos- tome actuellement vivant dont les dimensions soient aussi grandes et en même temps les formes aussi allongées. C'est uniquement parmi les espèces aplaties que nous en avons qui ont une pareille taille, non en longueur, mais en hauteur. Les mesures suivantes et notre figure ren- . :: DE CASTELNAUDARY.t® 1? x 177 dront les caractères de cette espèce faciles à saisir, en même temps LT ‘ils en feront comprendre les particularités. Longueur ou hauteur. rh , 0,058 Grand diamètre du dernier tour, la Fred comprise. 0 ,028 Grand diamètre du dernier tour, mesuré au-dessous de | Le la bouche. . . . . Rae à réténéit CR . Grand diamètre de la Sonde: MR te 6 ax 0,049 Petit diamètre de la bouche. . . . . . . . . 0 ,016 Cettè coquille, extrêmement commune dans les calcaires d'eau douce de Castelnaudary , s’y trouve cependant rarement bien conservée et avec le test. La plupart des individus qui en font partie s’y rencontrent brisés et en fragments épars. — Ce Cyclostome a été décrit par M. Boubée , (Bulletin géologique , pag. 212) sous le nom de Bulimus Munii. 11 paraît cependant, d’après la forme de sa bouche , se rapporter plutôt aux Cy- clostomes qu'aux Bulimes. Probablement, M. Boubée n’en a eu que des in- dividus mal conservés et dépourvus de leurs caractères spécifiques. Nous avons représenté cette espèce vue en dessous, dans notre figure 2. II, PLANORBIS. 1. Planorbis planulatus. — T'esta discoidea, superne plano-depressa ; an- fractibus quatuor rotundatis, ultimo majore. Inferne paululum excavata. Cette espèce se distingue de la suivante par sa forme générale, le plus grand aplatissement de ses tours, et leur nombre plus considérable , qui est ici de quatre. Elle a quelque analogie avec une espèce que nous avons reçue d'Amérique; cette dernière en diffère cependant en raison de ce qu’elle offre un plus grand nombre de tours. RE . 0m,027 , OL... 0 ,024 Cette espèce est assez rare parmi les coquilles des calcaires d’eau douce de Castelnaudary. Nous l'avons fait représenter, fig. 3, vue en dessous, de grandeur naturelle. 2. Planorbis ammonitiformis. — T'esta discoidea, superne anfractibus con- veæis rotundatis distincte profundeque separatis ; inferne anfractibus pro- funde canaliculatis. Les tours de cette espèce, au nombre de quatre, sont plus convexes et plus inégaux que dans l'espèce précédente. Le dernier est particulière- 178 MARCEL DE SERRES. — SUR LES FOSSILES ment beaucoup plus grand et plus arrondi. Ces tours sont également plus distinctement séparés les uns des autres, surtout vers le dessous de la co- quille. L'ensemble de la forme de ces deux Planorbes les éloigne encore : ‘aussi, d’après l'ensemble de ces caractères, avons-nous cru devoir les distinguer. Grandir 0: 22100060 OR NS te 0,029 Potit Giamétreine. de, 15. 2-0. a. NORGE 0 ,025 = Ces dimensions font saisir également les différences qui séparent ces deux espèces, du reste assez rapprochées. Ce Planorbe, aussi rare que l'espèce précédente, se trouve dans les mêmes calcaires d’eau douce. Nous l’avons fait représenter de grandeur naturelle, vu en dessous, fig. 4. 3° Planorbis crassus. — Testa orbiculato convexæa crassa; anfractibus quinque rotundatis, ultimo maximo ; superne planulatis, inferne profunde- que separatis, strigis tenuissimis numerosis eleganter ornatis. Ce Planorbe, épais, convexe, à tours arrondis, diffère des deux es- pèces précédentes par la grandeur comparative du dernier tour. Il en diffère encore en ce qu'il y en a ici cinq; tandis que, dans les espèces précédentes, on n’en voit pas plus de quatre. Ces tours, très distincts, fort nettement séparés, sont profondément excavés. Des stries fines et transverses en ornent également la convexité, Grand diamètre. : | HIOSAUE BE AD OUSFRNEE 3 0,027 PEUVENT SIOMNIOC HE 75 410) 296,9h 114 0 ,023 La plus grande largeur du premier de ces diamètres tient aux dimen- sions de plus en plus considérables que prend le dernier tour de la co- quille, à mesure qu'il $’approche de la bouche. Cette espèce se trouve dans les mêmes terrains que les -espèces précédentes; elle y est tout aussi rare. — Nous avons fait figurer le Planorbis crassus, vu en dessous, de grandeur naturelle, fig. 5. III. LIMNEUS. 4° Limneus inflatus. — T'esta ovato acuta, ventricosa, longitudinaliter substriata. Ultimo anfractu majore inflato convexoque. Anfractibus sex convexis distincte profundrque separatis ; primo brevi vix distincto. Aper- tura magna, ovali labro repando. | Ce Limnée allongé, singulièrement ventru à son dernier tour, est strié DE CASTELNAUDARY, 179 longitudinalement comme tous les autres. Leur nombre est de six en to- talité. Ces tours, convexes , profondément distincts et séparés les uns des autres, sont caractérisés par la grandeur du dernier, en quelque sorte enflé, et la brièveté du premier. L'ouverture de cette coquille, grande, ovale, est caractérisée par un bord sinueux et assez étendu. Hauteur ou longueur tit adertiié oil AÜiU 0®,044 Diamètre pris dans le milieu du dernier tour... . 0 ,049 Ce Limnée, assez commun dans les dire d'eau douce de Castel- naudary, y est cependant rarement entier. Il conserve peu son test. Ce dernier a presque toujours complétement disparu. Nous avons fait dessi- ner celte espèce, vue en dessous, de grandeur naturelle, fig. 6. 2° Limneus elongatus. — Testa elongato-turrita, longitudinaliter sub- striata, Anfractibus quinque convexis distincte profundeque separatis, primo brevi, viæ distincto ; ultimo majore, sed paululum vpertura mediocri, vvalique. Ce Limnée se distingue de l'espèce précédente par sa forme plus al- longée et plus étroite, ainsi que par ses plus petites proportions. Le nombre de ses tours est réduit à cinq; le dernier, quoique plus grand, l'est proportionnellement à un moindre degré. D'un autre côté, il n’est jamais aussi dilaté ni aussi ventru que dans le Limneus inflatus. Les deux espèces sont également sillonnées longitudinalement ; chez l'une et chez l’autre, les stries sont fines et nombreuses. Il est probable, cependant, qu’elles étaient plus caractérisées chez les individus vivants, et qu’elles ont disparu en partie chez les fossiles qui ont perdu la plu- part des traits qui les distinguent. L'ouverture du Limneus elongatus, grande et ovalaire , ne paraît pas avoir été munie d’un bord réfléchi et distinct. Ce Limnée se trouve dans les mêmes couches d’eau douce que le Lim- neus inflatus; comme ce dernier, il y conserve rarement son test, et s’y présente peu dans un certain état d’intégrité. Nous avons reçu du Pérou une espèce vivante qui offre les plus grandes analogies avec l'espèce fos- sile, à l'exception que la taille de la première est‘bien plus petite. Cette espèce a été dessinée de grandeur naturelle, vue en dessous, fig. 7. (BY IV, ACHATINA. 4° Achatina Viahaï. — Testa elongato ovata longitudinaliter striata; ul- timo anfratu, spira longiore, maximo, inflatoque. Anfractibus sex convexis, primo vix dictincto. Apertura magna ovali simplicique. 180 MARCEL DE SERRES. — SUR LES FOSSILES Cette Agathine appartient à la division de celles qui ont leur dernier tour ventru et non déprimé. D'une grandeur, médiocre, elle a quelques rapports de forme avec l'Achatina glans; mais celle-ci offre le dernier de ses tours déprimé et s’atténuant vers la base. Elle est caractérisée par six tours, dont le dernier, plus long que la spire entière, est légère- ment renflé. Le premier est d’une brièveté remarquable ; les autres, con- vexes, finement striés longitudinalement, sont distinctement séparés les uns des autres par de profondes cannelures. L'ouverture de la bouche est grande, rn et siapie. Hauteur ou longueur totale. . . . LACS 0,057 Diamètre mesuré au milieu du duvet toùe. 10H04: 0 ,026 Cette espèce, fort rare au milieu des frais d'eau douce de Castel- naudary , s'y rencontre peu entière, et surtout avec le test. Nous avons dédié cette espèce à M. Viala, habile pharmacien, et membre du jury de médecine de l’Aude. Nous lui devions, à bien des titres, cette marque de nôtre gratitude pour l'extrême obligeance qu’il a mise à nous faire re- cueillir les coquilles des terrains d’eau douce des environs de Villeneuve, parmi lesquelles nous avons observé cette nouvelle espèce d’Agathine. Nous avons fait représenter cette Agathine, vüe en dessous, fig. 8. _V. BULIMUS. 1. Bulimus lævolongus BOUBÉE. — T'esta magna turrita, cylindrica, si- nistrorsaque. Anfractibus undecim vel duodecim convexis, eleganter stria- tis ; strigis longitudinalibus numerosis elevatis notatis. Ultimo majore. Apertura ovali irregulari ad basim in trianqulum lacuütum terminata. Labro marginato parum inflexo. , Ce Bulime, remarquable par sa taille et sa forme cylindrique, a. onze ou douze tours convexes ; le dernier est le plus grand et-surtout le plus large. Ges tours sont très distinctement séparés les uns des autres par un sillon fortement exprimé. Des stries longitudinales ; nombreuses, fines, rapprochées et légèrement saillantes; les caractérisent. Cette espèce sinistrorse , dont la bouche est disposée à gauche , a son ouverture d’une forme ovalaire très irrégulière, terminée vers sa base en triangle aigu. Le bord de cette ouverture est entouré par un bourrelet saillant assez épais. Nous n’oserions dire si elle est armée de dents, comme les Clausilies, avec lesquelles cette espèce a quelques rapports généraux de forme, car les individus que nous en ayons vus ayaient leur bouche obstruée par le calcaire compacte qui en compose le moule intérieur, Dès lors il est impossible de rien distinguer dans l'intérieur dela bouche, DE CASTELNAUDARY. | 181 cette partie étant remplie par la roche calcaire tout aussi bien que la coquille. Si la bouche de cette espèce était armée de grosses dents, on ne pourrait pas en conclure qu’elle appartient aux véritables Clausilies , car le Bulimus pentagruelinus du Brésil, décrit par M. Deshayes, a la bouche complétement dentée. 11 en est de même du Pulimus auris Sileni de Brugnière (Auricula capella Lamarck), qui offre des dents nombreuses dans cette partie de la coquille. L’Achatina vulpina de Férussac offre également un grand repli ou une espèce de dent à son ouverture. La forme allongée du Bulimus lævolongus n’est pas non plus un motif suflisant pour ne pas comprendre cette espèce parmi les Bulimes. En effet, les Bulimus maritimus de Spix et Obeliseus de Moricand ont des dispositions tout-à-fait analogues. Enfin, la saillie du bord de l'ouverture du Bulime fossile ne s'oppose pas non plus à le laisser parmi un genre terrestre qui, avec les Agathines, se distingue par ses dimensions de plusieurs espèces : seulement, la taille du Bulimus lævolongus est remar- quable parmi les espèces connues de ce genre ; elle surpasse même celle de tous les Bulimes vivants que nous avons eu occasion d'observer , ainsi que le feront facilement juger les mesures suivantes : Hauteur ou longueur totale. . : . aan AT 0,425 . Diamètre mesuré au milieu du douter tou GotrpirU 0,046 à 0 ,047 Nous avons conservé à ce Bulime le nom que M. Boubée lui a donné dans la 5° section du bulletin d'histoire naturelle de la Revue , et nous l'avons laissé comme lui dans le genre des Bulimes. Le Bulimus lævo- longus, abondant dans les calcaires d'eau douce de Castelnaudary, s’y trouve dans les âges les plus différents ; rarement entier , il conserve peu son test. Pour en donner une idée précise , nous en avons fait représenter unindividu adulte , de grandeur naturelle, vu en dessous, fig. 9. . 2. Bulimus elegans. — Testa ovali cylindrica , strigis numerosis tenuibus longitudinalibus eleganter notata. Anfractibus sex convexis distincte separatis, ultimu majorée, primo vix distincto. Apertura ovali simplici , margine dilatato. Ce Bulime’ n’a aucun rapport de forme avec les espèces vivantes que nous possédons dans nos collections ; il se distingue par son test ovalaire légèrement cylindrique, et les stries fines et longitudinales dont il est orné. Les tours de la spire sont au nombre de six, dont le dernier est le plus grand et le premier à peine visible. Is sont distinctement séparés les uns des autres par un sillon nettement tranché, quoique peu large 182 MARCEL DE SERRES. — SUR LES FOSSILES : et peu profond. La bouche ovale est simple, et son bord légèrement saillant. Cette espèce est la plus rare de toutes celles que l’on découvre dans en calcaires d’eau douce de Castelnaudary. Nous l'avons fait représenter vue en dessous, de grandeur naturelle, dans la fig. 10. En voici du reste les dimensions : Hauteur ou longueur totale... . +: :. , ", 0®,055 Diamètre ou largeur, mesuré au milieu & grand ou BU pe TR ne ee À: VI : CAROCOLLA, 1° Carocolla lapidicites. — Testa orbiculari superne parum elevata ; subltus convexa imperforata, tenuissime striata ; apertura ovali medio- cri, labro margine reflexæo , parum Dr Anfraclibus quinque, _ultimo majore. Cette Carocolle , que M. Boubée a indiquée sous le nom de Æelix lapi- dicites , a quelque analogie de forme avec la Carocolla lapicida de La- marck ; elle en diffère cependant, en ce qu'elle est plus élevée en dessus ‘ et n’est point ombiliquée comme la première ; quant aux dimensions. de ces deux espèces , elles Sont à peu près les mêmes. La Carocolle fossile a cinq tours marqués de stries fines et serrées , dont le dernier est le plus grand. En dessous elle est légèrement convexe et fortement carénée ou ” aiguë à son dernier tour, caractère essentiel des Carocolles ou plutôt de ‘cette division aussi naturelle que bien tranchée du grand genre Hélice ; sa bouche, médiocre, à péristome épais et saillant, est irrégulièrement ova- . laire. Grand diamètre .. . . ... . . 0,020 . à 0®,021 Petit diamètre. 2. . .. . . 0 ,047 : à 0 ,018 Cette espèce n’est pas très rare dans les calcaires d’eau douce de Castel- naudary ; on l’y trouve peu entière , conservant encore son test. Elle est représentée, vue en dessous, de grandeur naturelle, fig. 40°. VII. HELIX. SALE 4° Helix Boubetiana. — Testa magna superne, parum re bite convexa imperforata ; anfractibus quinque, ultimo majore ad aperturam incrassato, Apertura ovali angustaque, labro margine reflexo. Cette Hélice , très distincte par sa forme, légèrement élevée en dois et convexe en dessous , et par l’étroitesse de sa bouche ovalaire, est ÿ | 4 DE CASTELNAUDARY. : 183 encore caractérisée par la grandeur de son dernier tour , surtout vers son extrémité ; les tours n'en croisseñt pas moins d’une manière assez régu- * lière. Cette coquille ne présente aucune trace d’ombilic ; elle est donc complétement imperforée. (in re 11007 1. PSE MES SRYE EE RRT TS Le Q ASE ASE 0,045 PORT OMMOMOi NN, 5 Ar gUCE AMSNPURS Lacie: 0 ,036 Nous avons dédié cette coquille à M. Boubée , qui le premier a fait con- naître les fossiles de terrains d’eau douce du bassin émergé de Castel- naudary. Il ne paraît pas cependant avoir connu cette espèce : aussi , à raison de cette circonstance, nous avons cru devoir la lui consacrer. Elle est du reste fort rare, et nous ne l'avons pas encore observée avec son test. Nous avons fait représenter l’ÆHelix Boubetiana dans la fig 11, de grandeur naturelle, vue en dessous. 2° Helix Nemoralites. — T'esta suhylobosa imperforata tenuiter striata ; anfractibus quinque distincte profunde que separatis, ultimo majore : sul - tus convexæa imperforata ; labro ovali, margine reflexo. Cette Hélice a des rapports assez éloignés avec l'Helix nemoralis, à la- quelle M. Boubée l’a comparée. Elle s’en. distingue par la plus grande - . élévation de ses tours, dont le dernier est bien plus ‘considérable , pro- portionnellement aux autres, qu'ils ne le sont chez Helix nemoralis ; elle s'en distingue également par ses dimensions, qui sont ici plus grandes, et surtout par la forme de sa bouche. En effet, le grand diamètre de son ouverture est dans le sens vertical , tandis qu’au contraire, chez l'espèce vivanté, il se trouve dans le sens transversal : aussi ses rapports avec l'Helix nemoralites, de laquelle M. Boubée l’a rapproché, sont-ils fort éloignés. (Voyez Bulletin géologique, pag. 212.) L'une et l’autre ont pour caractères communs de n’avoir pas d'ombilic, d'être tout-à-fait imperforées., et enfin de présenter le même nombre de tours. : | Grid Mihétre! 2 0 ©0270" HOUR MENT ES (ee Qm088 PER GamOUS. DLTMNOT RNCS, BAS 5 2 0 ,030 Nous avons fait figurer, de grandeur naturelle , cette espèce, que l'on rencontre avec les précédentes dans les calcaires d’eau douce du bassin émergé de Castelnaudary. Elle a été représentée fig., 12, vue en dessous. 3° Helix obtusata.— Testa conoïdea, subtilissime transversim striata, im- perforata; anfractibus sex gradatim distincta ; ultimo majore, profunde canälieutato. Apertura medioeri ovali ; labro margine reflexo. 184 MARCEL DE SERRES. —— SUR LES FOSSILES “Cette Hélicea , en quelque sorte , la forme d’un Trochus ; elle diffère cependant beaucoup des Toupies ; par la disposition et l’ensemble de sa bouche. Elle à donc une forme conique ; des stries transverses très fines en sillonnent le test. Ses tours, au nombre de six, sont distinctéement séparés ; le dernier , le plus grand, est profondément canaliculé , surtout à mesure qu’il s'approche de la bouche. Grand diamètre. ul on Ve cor Re à 0,032 Petit diamètre … …:... .. x . … 0 ,027 à 0 ,028 Cette espèce a été représentée , fig. 13, de grandeur naturelle, vue en psg he est assez rare dans les calcaires d’eau douce de Castelnau- dary. l° Helix cinètites. — Testa globosa , elevata , orbicularique ; anfractibus- quinque convexis , ullimo majore , distincte profundeque separatis. Lin- : perforata, subtus convexa , apertura rotundata inæquali, labro margine infleæo. Cette espèce a quelques rapports PA ie à de forme avec l'Helix cincta d'Alger , ou plutôt avec l'Helix ‘melanostomia de la Provence ; ‘ mais elle est encore beaucoup plus-globuleuse et sphérique. Elle a cinq tours; les deux derniers sont téllement grands , relativement aux deux autrés , qu'ils composent presque à eux seuls la totalité de la coquille. L’'Helix cinctites n’a pas d’ombilic ; sa bouche , assez grande ét arrondie, estinégale , et sa lèvre a son bord fléchi. LPS disméttos FPS ont nns nl matt Mucé 0,030. Pot diametre: de L'E Sel SU affa itent ends 2 0 ,026. L2 Cette espèce. se trouve fort rarement au milieu des calcaires d’eau douce de Castelnaudary ; du moins nous n’en n'avons observé qu’un petit nombre dans les couches les plus inférieurés de ces terrains. Nous l’avons fait représenter , fig. 44, de grandeur naturelle , vue en dessous. 5. Helix: serpentinites. - — T esta orbiculata convexa subtilissime striata “vix umbilicata, subtus convexiuscula. Anfractibus quinque, distincte pro- fundeque separatis præsertim ultimo. Apertura transverse ovali, margine parum reflexo. Statura facieque Helix Niciensis, sed multo major et magis convexa. Cette espèce, décrite sous le nom d’Æelix serpentinites par M. Boubée . (Bulletin géologique, p.212), à raison probablement des rapports qu'il lui a trouvés avec l’Helix serpentina ; nous paraît en avoir de. plus pro- DE CASTELNAUDARY. 185 noncés avec l'AHelix Niciensis. Elle en diffère cependant d’une manière assez essentielle par l'ensemble de ses caractères , ses dimensions et sa plus grande convexité : aussi, à raison de ces dispositions, elle a peut-être encore plus de rapports avec l’Aelix Olonensis d'Espagne, dont elle a le port et la taille. Cette coquille, d’une forme orbiculaire, aussi convexe en dessus qu'en dessous, est marquée de stries transverses nombreuses, fines et serrées : à peine y voit-on quelques traces d'ombilic. Elle offre cinq tours très distinctement séparés, surtout le dernier ; ces tours croissent en grandeur d'une manière fort régulière , ce qui donne une certaine élé- gance à cette Hélice. Son ouverture transversale à une forme ovalaire assez prononcée, et le bord est légèrement réfléchi. Can ŒRMArO. eu ht mn #1 iQ) ste if 0,032 PEUT nets. tt à ce ADS 0 ,028 Cette espèce est la plus commune de toutes celles que l’on découvre dans les terrains d’eau douce des environs de Castelnaudary : on l'y trouve dans les âges les plus différents, et, pour en donner une idée, nous dirons que nous en possédons plusieurs individus à peu près complets, dont le grand diamètre a pour mesure 0,010, et le petit 0",008, c’est-à- dire moins du tiers des individus adultes. On l'y rencontre peu cependant dans un certain état d'intégrité, et surtout possédant son test. — Nous avons fait figurer cette espèce , de grandeur naturelle, vue en dessous, fig. 15; cette figure pourra faire juger les rapports que cette espèce pré- sente avec les Helix Niciensis et Olonencis, Aont nous l'avons rapprochée. 6. Helix pyramidalis.— T'estä conico-pyramidata, mediocri, imperforata ; strigis tenuibus transversis numerosis eleganter ornatu. Anfractibus quinque convexis, ultimo majore, distincle profundeque separatis. Aprr- tura transverse ovali mediocrique. Geite espèce est remarquable par sa forme conique et pyramidale, ainsi que par les stries fines, nombreuses et transverses qui en ornent le test. Elle a cinq tours de spire convexes, dont le dernier est de beaucoup le plus grand ; son ouverture médiocre, ovale, a son diamètre dans le sens transversal ; elle est tout-à-fait dépourvue d’ombilic. D'après tous ces ca- ractères, l’Helix pyramidalis à de grands rapports avec certaines variétés de l'Helix arbustorum , qui offrent leurs tours de spire extrêmement élevés. Grand diamètre. + . . … . . 0,022 à 0",024 Petit diamètre. . ee 0 ,019 à 0 ,020 Hauteur ou élévation de la coquille. . . . . . . 0 ,019 :elté espèce, beaucoup moins commune dans les calcaires de Gastel- 3° série. Zoou. T. I. (Octobre 1844.) 13 186 MARCEL DE SERRES. — SUR LES FOSSILES naudary que la précédente, s’y trouve néanmoins dans les âges les plus différents. — Nous avons fait figurer cette espèce de grandeur naturelle, vue en dessous, fig. 16. 7. Helix Olla. — Testa globosa angustata orbiculari, superne planiuscula, subtus convexa. Anfractibus quatuor, ultimo mullo majore ; strigis vix perspicuis , subtilissime striatis. Umbilico parvo parum profundo. Aper- tura mediocri transverse ovali. Cette espèce, à raison de sa forme aplatie en dessus et de la grandeur du dernier tour de la spire en comparaison des trois premiers, rappelle en dessus la Vatica Olla : aussi, à raison de cette circonstance, lui avons- nous donné le nom d’Helix Olla ; ce nom peut très bien en donner une première idée , et peindre à l'esprit le rapprochement singulier que nous avons fait. Les stries de cette Hélice sont si fines, qu'elle paraît lisse à l'œil nu et non armé d’une loupe : c’est seulement lorsqu'on est armé de cet instru- ment qu’elles deviennent sensibles. | Elle est encore remarquable par sa faible largeur, ce qui surprend d'autant plus que le dernier tour arrondi est très grand relativement aux autres. L'ombilic est ici petit et peu profond, et l'ouverture de la bouche , mé-- diocre, est ovalaire dans le sens transversal. CON DURS Ce mue ue, à uen OU eines, 0",022 PO OMMER uen … .: VEUT LES 0 ,018 Cette espèce, assez rare dans les calcaires d’eau douce de Castelnau dary, s’y trouve peu avec le test. Nous l'avons fait représenter figure 17, de grandeur naturelle, vue en dessous. Telles sont les différentes coquilles fossiles que nous avons ren- contrées jusqu’à présent dans les calcaires d’eau douce du bassin émergé des environs de Castelnaudary. Probablement d’autres espèces ont échappé à nos recherches, malgré tout le soin que nous ayons mis à les recueillir ; cependant nous en avons observé un assez grand nombre pour en déduire quelques conséquences générales assez importantes. Si nous comparons les espèces du bassin de Castelnaudary avec celles des bassins soit émergés, soit immergés, des diverses parties de la France, nous n’en trouvons presque pas d’identiques. Ainsi, DÉ CASTELNAUDARY. 187 par exemple, on ne voit pas dans le bassin de Castelnaudary une seule des coquilles décrites par M. Brongniart comme caractéri- sant les formations d’eau douce des environs de Paris ; de même celles que l’on découvre dans le premier ne se trouvent pas dans le second. Cette différence pourrait peut-être dépendre ici de ce que les formations d’eau douce de Paris appartiennent à des bassins im- mergés, tandis que celles de Castelnaudary se rattachent à un bassin tertiaire émergé. Mais en supposant que la diversité de ces circonstances pût avoir quelque influence sur la dissimilitude des espèces, il s’agit de comparer deux bassins dont les dépôts tertiaires soient postérieurs à l’époque où les mers les avaient to- talement abandonnés. | Nous avons donc rapproché les espèces fossiles du bassin de l’Aude de celles des terrains d’eau douce des environs de Som- mières, dans le département du Gard. Ces deux bassins n’offrent pas, comme celui de Paris, un mélange de formation d’eau douce avec des dépôts et des produits marins ; par conséquent ils appar- tiennent l’un et l’autre à des basëins émergés : outre ce dernier avantage , leur comparaison présente encore celui de mettre en parallèle l'ensemble de deux formations séparées par une distance horizontale beaucoup moindre que celle qui existe entre les bas- sins de l’Aude et de la Seine. Get examen prouve qu’il n’y a rien de commun entre les espèces des deux bassins, soit sous le rap- port de leur nombre , soit même sous celui des genres auxquels elles se rapportent. Le même rapprochement entre les espèces des bassins émergés de l’Auvergne, du Cantal, de Vaucluse et de l’Aude, démontre également qu'il n’y a aucune parité entre elles. En effet, chacun de ces bassins présente des espèces de Mollusques toutes particu- lières et complétement différentes de celles qui existent dans d’au- tres bassins. N'est-il pas naturel de conclure de cette diversité que les for- mations tertiaires, surtout celles des terrains d’eau douce des bas- sins émergés, sont des formations essentiellement locales? Quoi- qu'on puisse ou , si l’on veut, quoique l’on doive les considérer 188 MARCEL DE SERRES. — SUR LES FOSSILES comme se rapportant à une même époque, les coquilles renfermées dans les dépôts qui les caractérisent sont essentiellement diverses, même dans des localités peu éloignées les unes des autres, par leurs espèces, et, ce qui est encore plus remarquable, par leurs genres. Les Bulimes , les Agathines, remplacent à Castelnaudary les Paludines, les Mélanies ou les Potamides, si abondants dans les formations d’eau douce de la Seine, de Vaucluse, du Cantal et de l'Auvergne. Ailleurs et, par exemple, dans le bassin de Sommières (Gard), les Pupa ou Maillots sont substitués aux Bulimes et aux Agathines , indépendamment de ce que les espèces des Hélices , des Limnées et des Planorbes que l’on y découvre, sont différentes de celles des autres bassins. Enfin, lorsque les terrains d’eau douce sont accompagnés par des lignites, le genre Mulette ( Unio) les caractérise généralement. De nombreuses espèces de Planorbes et de Limnées, la plupart distinctes de celles que l’on découvre dans les autres bassins, accompagnent ordinairement ce genre bivalve: on peut citer, comme exemples de ce fait, les bassins de la Cau- nette (Hérault), et celui de Gardanne et de Fuveau (Bouches-du- Rhône). | Dans d’autres circonstances, les formations d'eau douce émer- gées sont caractérisées par des Néritines (Vaucluse) ou par des Cyclades (Assas [ Hérault ]), ou par des Cyrènes ( Narbonne [Aude], et les bassins émergés des environs d’Alais et d’Uzès [Gard]). Si donc on voulait caractériser chacun de ces bassins par leurs coquilles, on serait obligé de reconnaître que chacun d’entre eux à des espèces distinctes, et souvent même des genres diffé- rents,. ] Il en serait de même si l’on voulait classer les terrains d'eau douce d’après les débris organiques végétaux qu'ils renfer- ment; loin de trouver dans ceux qui appartiennent à la même époque les mêmes espèces végétales, on reconnaîtrait qu’il en est tout différemment. Pour en être convaincu , il suffit de comparer sous ce rapport les bassins émergés d’Arnissan, près de Narbonne, et d’Aix en Provence. Comme nous avons déjà ublié la flore fossile de ces deux localités, qui ne sont point éloi- à + tie DE CASTELNAUDARY. 189 gnées par une distance horizontale bien considérable, nous n’en dirons pas davantage , les faits étant ici plus puissants que les paroles. Il résulte encore, de la comparaison que nous venons de rap+ porter, que l’on ne découvre jamais de dépôts ni de produits ma- rins tertiaires au milieu des bassins émergés. Ceux de l'Aude, comme tous ceux des autres parties de la France, prouvent la justesse de cette distinction , qui du reste tient à la nature des choses. On pourrait encore faire observer que , tandis que certains bassins émergés sont caractérisés uniquement par des coquilles , d’autres par des coquilles et des végétaux, d’autres par des Mam- mifères terrestres et des Reptiles, plusieurs présentent une seule classe de ces êtres divers. Il ne suffit donc pas; pour tracer lhis- toire des terrains tertiaires, d’embrasser l’ensemble des forma- tions qui les composent, et qui appartiennent à la même époque des bassins immergés ou émergés, mais il faut encore étudier chacun de ces bassins en particulier, afin de reconnaître les diffé- rences qui les séparent, comme les analogies qui les rapprochent. La comparaison à laquelle nous venons de nous livrer aura peut-être fait juger l'importance de ce genre de description, et l'intérêt que peut présenter la monographie de chaque bassin ter- tiaire. C’est aussi ce qui nous a porté à donner une attention par- ticulière à l'étude du bassin de Castelnaudary, aussi intéressant par l'étendue des formations d’eau douce qui le composent que par les coquilles qu’il renferme. \ EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 19, {Toutes les coquilles sont vues en dessous.) Fig. 1. Cyclostoma elevgtum. Fig. 6. Limneus inflatus. Fig. 2. Cyclostoma elongatum. Fig. 7. Limneus elongatus. Fig. 3. Planorbis planulatus. Fig. 8. Achatina Vialaii. Fig. #. Planorbis ammonitiformis. Fig. 9. Bulimus levolongus. Fig. 5. Planorbis crassus. Fig. 10. Bulimus elegans. 190 SARS. — SUR LE DÉVELOPPEMENT Fig. 10°. Carocolla lapidicites. ‘Fig. 14. Helix cincliles. Fig. 11. Helix Boubetiana. , Fig. 15. Helix serpentinites. Fig. 12. Helix nemoralites. Fig. 16. Helix pyramidalis. Fig. 13. Helix oblusata. Fig. 17. Helix olla. Fig. 48 a. OŒuf qui paraît se rapporter à l'Emyde d'Europe { Emys Europæa) : c'est le plus gros des œufs de Tortue qui ait été rencontré dans les formations d'eau douce de Castelnaudary, où ils sont fort abondants. : Fig. 18 b. OŒuf d'Emyde, d'une dimension moyenne. Fig. 18 c. Le plus petit des œufs d'Emyde qui ait été rencontré dans les mêmes formations d'eau douce. + MÉMOIRE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES ASTÉRIES ; Par M. SARS (i). (Extrait par l'auteur de son ouvrage encore inédit sur la Faune de la Norwége.) Comme la publication de l'ouvrage dans lequel se trouvent con- signées toutes mes observations sur les animaux qui font ie sujet de ce Mémoire, a éprouvé un retard inattendu, je crois devoir communiquer ici les résultats principaux de mes recherches sur le développement de l’Æchinaster sanguinolentus, Nob, (2) (Æsterias sanguinolenta O. F. Muller), et del Æ#steracanthion Mülleri Nob,, nouvelle espèce très voisine de V4. glacialis (3). (1) Archiv für Naturgeschichte, m-8. Berlin, 1844, p. 169. (2) C'est. sans aucun doute, l'£chinaster Sarsii Mull. Trosch , décrit à la page 179 de ce volume (Archio für Naturgeschichte, 1844), et dont la cavité in- cubatrice contenait encore des petits, quand je le reçus de la part de M. Christie, chanoine de Bergen. L’Asterias sanguinolenta de Retz (Diss., p. 22) est, d'après l'examen de l'individu même qui servit à son travail, l'Echinasier sepositus de Müller et Troschel (Syst. der Asteriden, additions, p. 126). On ne peut déterminer d'une manière certaine à quelle espèce appartient l'A. sanguinolenta de O.F. Müller, car il existe trois Echinaster de cette couleur dans la mer du Nord. (Note de J. Müller.) (3) Les faits exposés dans ce Mémoire ne sont pas communs à toutes les Asté; ries; il parait que chez les diverses espèces, même chez celles qui sont le plus rapprochées et qui ont été réunies en moins grand nombre dans de petits groupes, les phénomènes de la reproduction sont subordonnés aux phénmènes de la vie animale. PP UN EE SR SE "ASE DES ASTÉRIES. LEE 191 I. Chez les Astéries , les organes males et les organes femelles sont portés par des individus distincts. Le travail reproducteur se fait au printemps : des œufs se forment dans les ovaires, et pré- sentent la vésicule de Purkinje , dans laquelle est enfermée la vésicule de Wagner (PI, 13 4, fig. 3, 4, 5 et 6). Ces œufs se dé- veloppent successivement dans l'ovaire, et sont mis au jour en plusieurs couvées, dans diverses saisons de l’année ; probablement ils sont expulsés par des orifices particuliers, situés à la face ven- trale, après s'être détachés de l'ovaire et être tombés dans la ca- vité du corps ; mais, jusqu'à présent, je n’ai pu constater ce fait d’une manière positive. Remarque. Pour conclure que les œufs sont mis au jour par couvées successives et à diverses saisons de l’année, on peut s’ap- puyer sur ce fait, que l’on trouve dans les ovaires des œufs arrivés à des périodes différentes (fig. 4 et 5), ‘et sur celui de l'existence simultanée d'œufs et de petits inégalement développés, dans la cavité incubatrice de la mère. 11. Indépendamment du chorion, les œufs pondus (fig, 7) sont composés d’un vitellus et d’un peu d'albumen. Le vitellus pré- sente bientôt le phénomène ordinaire du sillonnement, constaté dans la grande majorité des classes du règne animal (fig. 8, 9, et 10). Ces œufs ne sont pas abandonnés dans les eaux ; ils sont reçus dans une cavité que prépare la mère, en ployant la face ventrale de son disque et en rapprochant ses bras (fig. 4 et 2). C’est, en quelque sorte , une espèce de matrice externe, analogue, jusqu’à un certain point, à la poche des Marsupiaux. C’est là que les œufs éclosent, et que les petits qui en sortent restent aussi longtemps que dure leur développement. Gette cavité incubatrice est hermétiquement fermée pendant la ponte des œufs, et jusqu'au moment où les organes d'attache sont tout-à-fait développés chez les petits. Il est probable que , pendant tout ce temps, la mère ne peut prendre aucune nourriture, car la cavité incubatrice, close inférieurement , interrompt toute communication entre la bouche et l'extérieur; et, en effet, les Astéries qui sont dans cet état restent courbées dans la position que nous venons de décrire (fig. 2), à peu près privées de mouvement, et sans quitter le licu 192 SARS. — SUR LE DÉVELOPPEMENT où elles se trouvent, pendant au moins onze jours. C’est un exemple remarquable des soins que prodigue à ses petits un animal placé sur les derniers degrés de l’échelle des êtres. Remarque. Nous connaissons, chez les animaux inférieurs, plu- sieurs autres exemples d’œufs qui exigent une espèce d’incubation pour éclore. Ainsi, chez les Méduses, les œufs passent des ovaires dans les poches situées dans quatre gros bras buccaux ; chez les coquilles fluviatiles (Unio, Anodonta), ils sont reçus dans les feuil- lets branchiaux externes; chez les Crustacés, ils sont transportés sous le ventre ou sous la queue, pour subir.une incubation pen- dant un certain espace de temps (1). Mais il n'existe, à ma connai- sance, aucun exemple d’une cavité incubatrice formée volontai- rement par ces animaux, au moyen d’une partie de leur corps. L'instinct de l’Astérie est unique sous ce rapport. Le jeûne que supporte cet animal, pendant cette incubation, rappelle un sem- blable phénomène chez plusieurs autres animaux, chez les ser- pents, par exemple, puisque, d’après l'observation de M. Valen- ciennes, un Pithon n’a rien mangé pendant cinquante-six jours que dura l’incubation de ses œufs (2). III. Le vitellus est tout entier transformé en fœtus. À sa sortie de l’œuf, celui-ci est d’une forme ovoïde ou subsphérique (fig. 14), sans organes externes, et nage librement dans l’eau qui l’entoure, au moyen des cils en nombre immense qui garnissent son corps. La forme des Infusoires et celle des jeunes de Méduses, de Corynes et d’Alcyons qui viennent de naître, ressemble beaucoup à la sienne. C’est le premier état, l’état infusoréiforme des Astéries. Après un petit nombre de jours, sur l’extrémité du corps située en avant pendant la nage, il se développe des organes (fig. 12, &,a) qui serviront, plus tard, à fixer ces animaux. Ces organes d’attache paraissent sous la forme d’éminences, une d’abord sur un côté (fig. 12), puis deux plus petites sur l’autre (fig. 13, 43 0, a,a); (1) D'après M. Joly (Mémoire sur la Caridina Desmaresii; Annales des Sciences naturelles, 2° série, t. XIX, p. 61, 1843), on ne peut, jusqu à une époque déter- minée, soustraire les œufs de Crustacés aux soins maternels, sans que leur des- truction ne soit la conséquence de cette séparation. (2) Annales des Sciences naturelles, 2° série, t. XVI, p. 65. DES ASTÉRIES. 195 plus tard, la première se subdivise en deux autres; de sorte qu’on voit alors quatre de ces éminences en massue ayant à peu près la même grosseur (fig. 14,15 et 16, a,a); au milieu d'elles apparaît une autre éminence plus petite (fig. 14, 45 et 16, b.). C’est au moyen de cet organe que le petit se fixe aux parois de la cavité incubatrice. Le corps du petit s’aplatit peu à peu, s'ar- rondit (fig. 14, 15, 16 et 17), et, sur une de ses faces, que l’on reconnaît ainsi pour la face ventrale, il se développe des tentacules sous forme- de protubérances globuleuses, disposées en dix ran- gées concentriques , qui sont composées chacune de deux de ces protubérances, et alternativement plus rapprochées et plus éloi- gnées les unes des autres (fig. 14, c,c). Si l’on détache le petit du lieu où il s’est fixé, il nage encore dans l’eau environnante au moyen de ses cils vibratiles, portant toujours l’organe d’attache dirigé en avant; sinon, il reste constamment , et dans une immo- bilité presque complète, à l'endroit où il s’est attaché. Je donne à ce second état le nom de crinoïdien, car je ne puis mieux le com- parer qu'à ce qu’on voit chez les Crinoïdes, les seuls Échino- dermes qui se fixent au moins dans le jeune âge. A cette époque, la jeune Astérie est encore bilatérale, car, dans ses mouvements, l'organe d'attache se dirige toujours en avant, et'ses deux côtés ne sont pas parfaitement semblables (fig. 14,15, aa) : on peut donc reconnaître une extrémité antérieure et une extrémité postérieure, un côté droit et un côté gauche; la face dorsale et la face ven- trale sont déjà rendues distinctes par les tentacules. Mais, peu à peu, cette forme bilatérale fait place à la forme radiaire qui carac- térise le troisième état, l’état parfait de l’Astérie. Alors le corps devient pentagonal , le bord se développe de facon à former des bras très courts et obtus (fig. 48 et 19); les tentacules, garnis d’un sucoir à leur extrémité, se prolongent en tubes cylindriques (fig. 20, c,c), et servent à ramper. On remarque à l'extrémité des bras l’organe que M. Ehrenberg regarde comme un œil (fig. 18, b). La bouche se montre au centre de la face ventrale; des piquants nombreux (fig. 49, 20) naissent sur la surface du corps et des bras. Enfin, l'organe d’attache commence à diminuer de volume (fig. 20, a,a), et finit, peu à peu, par disparaître complétement ; 194 SARS. — SUR LE DÉVELOPPEMENT l'animal ne peut plus nager au moyen des cils vibratiles, ces or- ganes n’existant plus, et la jeune Astérie, devenue maintenant par- faitement radiaire (fig. 21, 22), rampe en liberté à l'aide de ses tentacules, qui sont très longs par rapport au corps (fig. 22, c,c). Ce développement est complet en six à sept semaines; cependant la jeune Étoile de mer, au moins chez une des espèces qui a été le sujet de mes observations ({steracanthion Mülleri), prolonge son séjour dans la cavité incubatrice, et se trouve ainsi transportée de place en place par sa mère. J’ai trouvé les petits d’une autre espèce, de l’Echinaster sanguinolentus, sous la forme radiaire, dans l’intérieur de la poche incubatrice ; les organes d’attache n’avaient pas disparu, mais je n’ai pu apprendre, par l'observation, ni si les petits continuent de séjourner dans cette cavité, ni à quelle époque ils la quittent. IV. Les Astéries subissent ou ne subissent pas de métamor- phoses, selon l’étendue qu’on accorde à la signification de ce mot. Si, par métamorphoses, on entend, avec certains naturalistes, un passage occulte d’un état x un état différent, comme cela arrive pour le développement des Insectes qui quittent leur forme pri- mitive pour passer de l’état de larve à celui de nymphe, et de ce dernier état à celui d’insecte parfait, non, les Astéries n'éprouvent aucune métamorphose. Mais si l’on comprend ce-mot dans son acception ordinaire, telle que Lamarck l’a définie (1) : « Je nomme métamorphose cette particularité singulière de l’Insecte de ne pas naître soit sous la forme , soit avec toutes les sortes de parties qu’il doit avoir dans son dernier état, » on doit alors aflirmer qu'il y a métamorphose chez l'Astérie, car sa forme, dans les deux premiers états que nous avons décrits , est bilaté- rale au lieu d’être radiaire, et elle vient au monde sans offrir aucune trace de la plupart des organes qui seront les plus impor- tants dans son dernier état, tels que la bouche, les bras, les ten- tacules, ét qui ne se montrent que plus tard. En outre, ces animaux, dans leur jeune âge, sont pourvus de parties qui disparaissent complétement dans la suite, comme le font les (4) Histoire naturelle des animaux sans vertèbres, t AH, p. 277. « Def DE FSC SI EN et DES ASLÉRIES, " 195 organes d'attache que nous avons tant de fois nommés , et qui ne fonctionnent qu'aux premières époques de la vie. Sous ce dernier rapport, leur métamorphose peut être considérée comme une sorte de marche rétrograde, et être appelée , d’après Rathke, « Metamorphosis retrograda per dissobutionem (1). » La raison de la disparition de l'organe d'attache est que les tentacules, organes d’une nouvelle locomotion; sont alors en voie de développement, et rendent, par le fait, la première absolument inutile (2). Remarque. Nous venons de suivre , aussi longtemps que nous avons pu le faire, les traces bien reconnaissables de l’organe d'attache, persistant sous la forme de deux éminences verru- queuses très petites placées l’une à côté de l'autre , et qui sem- blent se rétracter toujours de plus en plus sur la face dorsale du disque. Je suis actuellement convaincu , bien que je ne sois pas encore arrivé à la preuve positive de ce fait, que les plaques qu'on appelle madréporiques, et qui existent chez les Astéries adultes, ne sont autre, chose que ces deux éminences confondues en une seule , un reste de l'organe d'attache. J, Müller et Tros- chel , en parlant de ces plaques madréporiques ; dont la nature a été jusqu'ici si difficile à pénétrer , s'expriment de la manière suivante (3) : « On voit au premier coup d'œil qu’il y a analogie, quand on compare la plaque madréporique de l’Astérie et celle de l'Oursin avec le bouton des Comatules ; et comme le pédicule d'autres Crinoïdes correspond à ce dernier , la plaque madrépo- rique peut aussi être comparée à ce pédicule. Sa position excen- trique ne saurait être considérée comme une objection fondée, car, chez les Clypeasters , elle existe au pôle dorsal. Cependant l'existence constante de plaques madréporiques, en nombre mul- (1) Rathke, Reisebemerkungen aus Scandinavien, appendice, p. 123.— Je dois faire remarquer, à cette occasion , que M. Rathke m'a mal compris quand, dans l'ouvrage que je viens de citer, il affirme , d'après mon Mémoire inséré dans les Archives de Wiegmann pour 1837, p. 422, que « les Astéries offrent , dans leur extrême jeune âge, un pédicule grêle qui sort de la face dorsale, et sert à les fixer sur d'autres corps. » (2) Rathke, Reisebemerkungen, ete., p. 151. (3) System der Asteriden, p. 134 196 SARS. — SUR LE DÉVELOPPEMENT tiple chez certaines espèces d’Astéries ; combat l’exactitude de cette manière de voir, et peut-être l’histoire du développement de ces êtres pourrait seule jeter du jour sur la nature de ces organes. D’après l'observation de Sars, les Astéries sont libres dans leur jeune âge et non fixées sur la terre. » Si ma supposition est fondée, si les plaques madréporiques ne sont autre chose que les restes de l’organe d'attache , on peut les comparer avec justesse aux boutons des Gomatules et aux pédi- cules d’autres Crinoïdes ; et, bien que les auteurs que je viens de citer aient cru que mes observations, rapportées dans les {rchives de Wiegmann pour 1837, sont contraires à cette manière de voir, je pense, moi, qu’elles sont plutôt de nature à donner du poids à cette comparaison. En effet, les organes d’attache rem- plissent, chez les jeunes Astéries , la même fonction que les pédi- cules chez les Crinoïdes, c’est-à-dire qu'ils servent à fixer les petits. Mon hypothèse sur les plaques madréporiques, considérées comme restes de l'organe d’attache ,; est appuyée de la manière la plus remarquable et la plus inattendue, par la description admirable du type bilatéral des Échinodermes que nous devons à M. Agassiz ; car non seulement la position de l’organe d'attache est indiquée dans l’espace interradiaire , en un point tel que l’axe longitudinal de l’Astérie le traverse , maïs encore la manière de voir de M, Agassiz touchant la détermination de l’extrémité antérieure et de l’extrémité postérieure se trouve confirmée : celle par laquelle se fixe le corps de la jeune Astérie doit être regardée comme l'extrémité postérieure. Il est vrai que , dans le jeune âge, l’Astérie dirige cette extrémité en avant, et qu’on pourrait, en conséquence , la considérer comme antérieure ; c’est même un peu dans ce sens que nous en avons parlé ; mais l’a- nalogie avec les petits d’autres animaux voisins , tels que ceux des Méduses , d’après mes observations (1), et ceux des Ascidies composées , d’après les observations de M. Milne Edwards (2), (1) Archiv für Naturgeschichte. \841 ; heft I ( Annales des Sciences naturelles, 2e série, t. XVI, p. 321). (2) Observations sur les Ascidies composées des côtes de la Manche. DES ASTÉRIES. 197 nous démontre que l'extrémité dirigée en avant pendant la nata- tion est celle qui se fixe plus tard, et qui en définitive devient postérieure, Quant. aux Astéries pourvues de plusieurs plaques madrépo- riques , on ne peut rien affirmer de certain ; peut-être ces espèces offrent-elles, dans leur jeune âge, des organes d'attache mul- tiples. Pour terminer, je répète ce que j'ai dit plus haut, qu’il faut être très réservé quand il s’agit de poser des généralités; car, en ce qui regarde la reproduction , il y a probablement entre les genres et les espèces d’Astéries une plus grande différence qu’on ne le pré- sumerait d’abord, L’Echinaster sanguinolentus , dont l'ouverture des organes génitaux se trouve à la face ventrale , diffère essen- tiellement de l’Æsteracanthion rubens, chez lequel cette même ouverture est située , d’après Müller et Troschel , sur la face dor- sale ; de sorte que, probablement , ses œufs tombent dans la mer et sont abandonnés à eux-mêmes. C’est encore, selon toute pro- babilité, à cette circonstance que je dois, malgré les recherches les plus actives entreprises dans toutes les saisons de l’année , de n'avoir pu rencontrer un seul indice du soin que les mères de cette espèce prendraient de leurs petits. Cependant une autre espèce du même genre , l’Asteracanthion Mülleri Nob., ressemble , comme nous l’avons déjà vu, pour ce qui regarde la reproduction, à l'Æ- chinaster sanguinolentus. I y à plus d'anomalies encore dans le développement d’autres Astéries. L'animal appelé par moi Bi- pinnaria asterigera (A) est probablement, d’après de nouvelles recherches que je ferai connaître dans une autre occasion, une Astérie en voie de développement , et pourvue d’un grand appa- reil de natation. : Enfin, je ne puis omettre ici de remarquer que le développe- ment des Astéries, autant que nous en pouvons juger actuelle- ment, présente des différences considérables avec celui des autres animaux radiaires (Polypes, Acalèphes), parmi lesquels un grand nombre offrent des formes particulières dans le jeune (4) Beskrivelser og Jagttagelser, ete., p. 37, pl. 15, fig. 50. 198 SARS. — SUR LE DÉVELOPPEMENT âge, formes désignées en Allemagne sous le nom de Generations- wechsels (transformations génératives). Les Astéries éclosent , se développent, et revêtent leur caractère typique sans offrir ces trans- formations génératives; et, en cela, elles ont quelque rapport avec les Vertébrés et les animaux annelés, vers lesquels elles semblent avoir quelque tendance , non seulement par le sque- lette calcaire articulé qui leur est particulier, mais encore par l'instinct remarquable avec lequel elles PIE des soins à leur progéniture. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 13 4. Fig. 1. L'Echinaster sanguinolentus de grandeur naturelle, vu par sa face ven- trale ; la cavité incubatrice est à demi ouverte, eton aperçoit dans sonintérieur des petits vivement colorés en rouge. Fig. 2. Le même animal vu de profil, fixé et accroupi, et ayant sa cavité inçuba trice complétement fermée. — «, plaque madréporique. Fig. 3. Ovaire d’un petit individu examiné le 22 février. Fig. 4. Le même organe grossi: on y aperçoit des œufs à des états divers de développement. Fig. 5. Une poche du même ovaire, encore plus grossie. Fig. 6. Un des œufs les plus petits retiré de cette poche, offrant la vésicule de dj et celle de Wagner. ; Fig. 7. Un œuf qui venait d'être ponda (le 7 mars); le chorion était incolore , le Rte lisse et d’un rouge vif, et entre deux existait un albumen limpide comme de l'eau. Fig. 8, 9, 10. Sillonnement du vitellus sur ce même œuf : — fig. 8, le 9 mars, au matin ; — fig. 9, le même jour au soir ; — fig. 10, le lendemain, 10 mars, dans la soirée. Fig. 11. Le jeune, sorti de cet œuf, et trouvé, le 17 mars, dans la cavité incuba- trice. Ce petit est sphéroïde, sans organes externes visibles, et couvert de cils. C’est le premier état, l’état infusoréiforme des Astéries. Fig. 12 à 20. Second état de développement, état crinoïdien des Astéries. Fig. 12 et 43. Petits trouvés dans la cavité incubatrice,, le 47 mars, et offrant des organes d'attache en voie de développement, a,a.—Dans la figure 12, l'in- dividu très peu déprimé , et encore presque sphéroïdal , offre les rudiments de l'organe d'attache sous forme de deux éminences, a,a, dont l'une est plus saillante que l'autre : le jeuné ne peut s'en servir pour se fixer. — Dans la fi- DES ASTÉRIES, PUL 199 gure 43, une de ces éminences se trouve déjà subdivisée en deux autres , et toutes les trois servent déjà à fixer le jeune animal.—Fig. 43 b. Le même petit, vu par son extrémité antérieure. — Fig. 13°. Sa grandeur naturelle. Fig. 44 à 17. Petits trouvés, le 3 avril, dans la cavité incubatrice ; ils sont assez aplatis, pourvus de quatre organes d'attache parfaitement développés en forme de massue, a,a, et d'une éminence plus petite , b, placée au milieu des quatre autres. Au moyen de cet organe, les jeunes se fixent aux parois de la cavité in- cubatrice.— Fig. 14. Petit vu par sa face ventrale, où l'on aperçoit des tenta- cules, c,c, en voie de croissance, sous forme de très petites éminences, disposés en dix séries rayonnant du centre du corps, deux pour chaque série , les séries alternativement plus rapprochées et plus éloignées.— Fig. 15. Le même petit, vu par sa face dorsale.— Fig. 16. Le même, vu par son extrémité antérieure. — Fig. 17. Un jeune, pourvu d'un organe d'attache à trois massues, vu par son extrémité antérieure. | Fig. 48, 19 et 20. Passage des jeunes, de leur état jusqu'alors bilatéral à leur troisième état ou état radiaire. Fig. 18. Un des jeunes dessinés aux figures 14, 15 et 16, arrivé à un état de dé- veloppement plus avancé (45 avril). Il est vu par sa face ventrale; le corps est pentagonal, les angles placés dans les intervalles des bras épais et ployés en dedans ; les tentacules sont devenus plus volumineux et plus marqués, et, à l'extrémité de chaque bras, existe une petite éminence arrondie, que M. Ehren- berg considère comme un œil. Fig. 19. Le même petit, vu par sa face dorsale. On remarque le disque AA séparé des bras par un sillon ; la peau est garnie d'un grand nombre de piquante. — Fig. 49°. Le même animal de grandeur naturelle. Fig. 20. Le même petit, huit jours plus tard (23 avril), vu par sa face dorsale. Les tentacules, c,c, sont allongés en forme de tube, et servent à cette époque pour ramper ; les organes d'attache, a,a, commencent à diminuer de volume. Fig. 21. Le même petit (4 mai), vu par sa face dorsale. Fig. 22. Le même ; vu par sa face ventrale. La bouche est visible ; l'organe d'at- tache a disparu , et le petit, maintenant complétement radiaire, rampe à l’aide de ses tentacules. — Fig. 22’. Le même, de grandeur naturelle. A la fin du mois de mai, les bras étaient plus allongés et devenus plus grêles ; . le nombre des tentacules augmenté était de cinq dans chacune des rangées des dix séries, etc. 200 RATHKE. — SUR LE CORYNA SQUAMATA. L OBSERVATIONS SUR LE CORYNA SQUAMATA; Par M. H. RATHKE (1) Près de Zoppot, bain de mer, dans le voisinage de Danzig , je trouvai, vers la fin de juillet, un grand nombre de Corynes adultes agglomérées en tas, ayant des formes variées, et établies sur des fucus. J’étudiai ces animaux pendant qu’ils étaient encore vivants; et je vais rapporter ici ce qui me paraît propre à com- pléter les observations que d’autres naturalistes ont faites sur les Corynes. Ces Polypes, quand ils ont atteint leur complet développement, ont un demi-pouce et plus de longueur, et sont formés principale- ment de deux portions : d’une tête, ou plutôt d’un corps, et d’un pédicule. Le corps, ordinairement d’une forme ovoïde allongée , est aminci et presque pointu à son extrémité buccale (PI. 13 B, fig. 1); cependant cette extrémité prend parfois d’autres formes , et, par exemple, celles qui sont représentées dans les fig. 2 et 3. Ce corps est susceptible de s’allonger et de se raceourcir ; il peut se renfler soit au milieu, soit vers l’une des extrémités. Le pédicule, cylindrique et mobile, paraît être un simple prolongement du corps ; son épaisseur est, proportion gar- dée, plus considérable que celle de ce dernier, qu’il dépasse trois à quatre fois en longueur ; cette épaisseur reste à peu près la même, à quelque hauteur que l'on pratique une coupe transversale. Il peut rapidement se raccourcir , au point de n’avoir plus que la moitié de sa longueur habituelle; mais ce n’est que lentement qu'il peut reprendre sa dimension première, Quand il est ré- tracté, il présente un grand nombre de sillons annulaires peu marqués ; à l’état ordinaire, il paraît être parfaitement lisse. Quand j’enlevais le corps avec un instrument tranchant , le pédi- cule, resté attaché au fucus, conservait encore, pendant vingt- quatre heures environ, la faculté de s’allonger et se raccourcir. Dans l'extrême jeune âge, c’est par l'extrémité inférieure de son (1) Archiv für Naturgeschichte, in-8, p. 155, Berlin, 1844. RATHKE, — SUR LE CORYNA SQUAMATA, 201 corps que le Polype se fixe sur les objets environnants , car alors il manquë complétement de pédicule ; mais peu à peu ce pédicule se forme et s’allonge. Du corps naissent plusieurs tentacules grêles, filiformes, tout-à-fait simples, présentant partout la même épaisseur , mais arrondis à leur extrémité libre ; ils peuvent se raccourcir avec vivacité , et arriver à n’avoir plus que la moitié de leur longueur. Dans cet état, ils offrent des rides nombreuses, non seulement en travers, mais aussi dans le sens de leur lon- gueur , ce qui détermine à leur surface la formation d’une foule de petites éminences. J’ai compté cinq tentacules sur des indivi- dus très jeunes , et trente sur ceux qui étaient les plus âgés et les plus gros. Chez les premiers , ils étaient un peu plus longs que le corps; mais chez les derniers, ils étaient dépassés en longueur par le corps , qui avait pris un développement considérable. Ils étaient du reste disséminés sans ordre sur le corps, et nullement arrangés en un ou en plusieurs cercles, suivant une disposition concentrique. Au-dessous des tentacules , et dans le voisinage de la ligne de jonction du corps avec le pédicule , existaient, chez les individus adultes , des excroissances courtes , épaisses , tout- à-fait lisses , serrées les unes contre les autres, sans offrir non plus aucun ordre déterminé, présentant l’aspect de bourgeons ou gemmes , et-ayant pour but la reproduction. Leur nombre variait beaucoup suivant les individus ; mais il était en raison directe de leur grosseur , et s'élevait jusqu'à quarante et plus. L'espace qu'elles occupaient était également en rapport avec l'étendue de la partie du corps qui était garnie de tentacules, et qui devenait d'autant plus grande proportionnellement que le nombre de ces ex- croissances devenait plus élevé ; de telle sorte que, sur les individus les plus gros et qui avaient la quantité la plus grande de ces ex- croissances, la longueur que celles-ci occupaient sur le corps était sensiblement la même que celle de la partie qui portait les tenta cules. En outre, ces excroissances étaient disposées en faisceaux de trois à neuf, chaque faisceau présentant la disposition ramifiée : un tronc très court, et un petit nombre de branches très courtes aussi (PI. 13 B, fig. 4,). Examinées isolément, ces excroissances 3e série. Zooc. T. IT. (Octobre 1844.) 14 202 RATMKE, — SUR LE CORYNA SQUAMATA. offraient une forme et un volume très différents. Les plus petites réssemblaient à de courtes massues , et leur extrémité libre était très peu renflée ; les plus grosses, au contraire, avaient la forme d’une cornue ordinaire ou celle des champignons du genre Bo- vista, c’est-à-dire qu'elles étaient composées d’un corps épais et arrondi, et d’un col ou pédicule qui, proportion gardée , était court, grêle , infundibuliforme, s’effilant vers le pédicule commun. Ges organes manquaient complétement sur les jeunes individus. La bouche , tout-à-fait ronde, n’est, par rapport au corps, qu’une très petite ouverture, susceptible cependant de s’élargir considérablement ; elle conduit dans une cavité digestive simple qui s'étend jusqu’au pédicule , et parcourt par conséquent toute la longueur du corps. Chez plusieurs individus, j'ai trouvé ‘dans cette cavité de petites Navicelles dont plusieurs étaient d’un vert d’émeraude ; quelques unes vivaient encore. Chez un indi- vidu, outre’ ces Navicelles, j'ai trouvé un très petit Crustacé Cyclope, et de plus ; ainsi que chez plusieurs autres, quelques petits œufs , dont il sera question plus tard (1). La cavité diges- tive se prolonge dans le pédicule, qu’elle traverse dans toute son étendue sous la forme d’un canal étroit, Je n’ai pu distinguer dans l’intérieur de ce canal , non plus que dans le corps et dans les tentacules , aucun mouvement de liquide. Proportionnellement à la capacité de la cavité digestive , les parois du corps ont une épaisseur médiocre; elles sont composées, aussi bien que celles des excroissances ou organes reproducteurs, et celles du pédicule entier , de deux substances très différentes par leur couleur et par leur consistance, La première , celle qui forme le manteau ou tégument externe du corps , est d’un blanc de lait, ferme et presque coriace ; la seconde, d’un rouge jau- nâtre , est molle et presque muqueuse. Dans le corps du Polype , cette dernière couche est la plus développée , et. la première est (1) J'ignore Comment ces corps ont été introduits par le polype dans cette ca- vité : serait-ce à l'aide de ses tentacules, où par lé mouvement de cils vibratiles placés autour de la bouche? Co ut nn Sn né RO CPE PSE PR ST RATHKE, — SUR LE CORYNA SQUAMATA, 203 tellement mince que le corps est fortement coloré en rouge jau- nâtre. La couche externe revêt la couche interne jusque autour de la bouche, où la première disparaît. Tout au contraire du corps , le pédieule est formé d’une couche épaisse de la substance blanche, qui enveloppe, comme dans un fourreau , un cylindre médiocre- ment épais de la substance muqueuse , dont la couleur ne se montre ainsi que faiblement à travers l'enveloppe externe. Sur une coupe transversale de ce pédicule, faite après que l’animal a été , pendant quelque temps , plongé dans l'esprit de vin , l’é- paisseur du cylindre intérieur atteint à peine le tiers de celle du eylindre extérieur ou fourreau. Les tentacules sont composés uni- quement de substance blanche. Puisque les tentacules et le pédi- cule possèdent au plus haut degré la faculté de se contracter , il s'ensuit que le siége de cette faculté doit être principalement placé dans la substance blanche du corps de ces Polypes. Ces deux substances, examinées au microscope sous un gros- sissement de 560 diamètres, m'ont offert la composition suivante : la substance rouge-jaunâtre renfermait, dans toutes ses parties, un grand nombre de cellules arrondies qui n'avaient au plus que 6/10000 de pouce en diamètre, et un noyau de 3/10000 à 7/29000 de pouce. La masse qui remplissait l'intervalle situé entre les parois de la cellule et le noyau était incolore, sans gra- nulations, ct tout-à-fait limpide. Mais le noyau était formé d’une enveloppe membraneuse, continue, d’une grande délicatesse , renfermant un petit nombre de granules sphériques nettement - circonscrits et d’une couleur rouge-jaunâtre très foncée. La plus grande partie de la couche coloré ée, la partie qu’il me reste à décrire, était, au contraire, très légèrement teintée en rouge jaunâtre ; elle renfermait des cellules nombreuses, cependant peu serrées les unes contre les autres, qui avaient au plus 4/10000 de pouce en diamètre, et qui étaient irrégulièrement arrondies, assez claires et à peine granulées. Je ne puis dire si ces dernières cellules étaient lés moyaux d’autres cellules, ou plutôt des cellules indépendantes. — La substance blanche paraissait être en grande partie muqueuse etamorphe ; sur le corps, aux organes reproducteurs, au pédicule 204 RATHKE. — SUR LE CORYNA SQUAMATA, et dans la partie intérieure ou fixe des tentacules, elle renfermait dans sa masse des cellules arrondies et disséminées de 6/10000 à 8/10000 de pouce en diamètre, et qui, évidemment, conte- naient elles-mêmes une matière granuleuse ; mais, excepté ces granulations assez volumineuses et très pressées les unes contre les autres, on n’y voyaitaucun noyau proprementdit. Cette circonstance m'a fait penser que le tissu dont il s’agit n’est peut-être autre chose que la réunion de noyaux de cellules dont les parois ne peu- vent être distinctement aperçues. Proportion gardée, elles étaient plus nombreuses aux organes reproducteurs. Dans la plus grande étendue des tentacules, il y avait un nombre considérable de cel- lules plus petites, de 4/10000 de pouce, au plus, en diamètre, et très faiblement granulées; mais le reste de l’espace était occupé par des cellules semblables à celles qui viennent d'être décrites. Dans cette même substance blanche, on remarquait en outre, mais couchés tout près de la surface, des corpuscules très petits, tout- à-fait clairs et nettement arrêtés dans leur contour; la forme du plus grand nombre d’entre eux était ovoïde, allongée, rarement subsphérique, leur plus grand diamètre dépassant à peine 2/10000 de pouce. Sur le corps, au pédicule et aux organes reproducteurs, il ne s’en trouvait qu’un petit nombre; sur les tentacules, au con- traire, ils étaient nombreux et serrés les uns contre les autres. Leur disposition était telle, qu’une de leurs extrémités se dirigeait toujours en dehors. J’ai remarqué encore, à diverses reprises, que plusieurs de ces corpuscules, même quand on n'avait exercé au- cune pression sur l'organe , faisaient saillie à l'extérieur, comme de petites pointes, en présentant une extrémité effilée. 11 m'est impossible de dire si ces corpuscules, transparents comme le cristal, sont des organes urticants ou piquants, analogues à ceux qu'on observe chez les Méduses et les Polypes d’eau douce. En effet, je n’ai pu constater s’ils renferment dans leur intérieur un fil que l’animal aurait la faculté de faire saillir au-dehors. Ce qui est certain, c'est que ce sont des vésicules dont les parois sont assez épaisses, comparées à leur volume, et qui contiennent un liquide tout-à-fait limpide. Ces corpuscules et les parties qui les RATHKE, — SUR LE CORYNA SQUAMATA, JUS unissent aux tentacules forment en outre une couche de substance plus molle que celle du tissu sous-jacent, et, quand le polype a été plongé quelque temps dans l'esprit de vin, il est assez facile, par une compression entre deux plaques de verre, de séparer cette couche de la couche à laquelle elle adhère. Je n’ai pu reconnaître la moindre trace de faisceaux LARMES ni de pinceaux nerveux chez les Corynes. Les organes gemmiformes, qui prennent naissance sur le corps au-dessous des tentacules (fig. 4 et 5), sont constitués en entier, dans les premiers temps de leur formation, par les deux sub- stances qu’on rencontre sur le corps et sur le pédicule du Polype; la substance blanche y forme une couche proportionnellement très mince autour de celle qui est colorée en rouge jaunâtre. Chacun de ces organes, en même temps qu'il se renfle de plus en plus à son extrémité, se creuse d’une cavité entre les deux substances, et quand enfin il a pris la forme sphéroïdale à pédicule court, la sub- stance rouge-jaunâtre n'existe plus que dans le pédicule (fig. 4, b); dans le corps de l’organe, la substance blanche constitue seule les parois internes de la cavité (fig. 4, c), qui ne présente ni cloisons ni saillies costiformes. Je n’ai pu reconnaître l’existence d’une ouverture communiquant avec l'extérieur, bien qu’il puisse en exister une, Rud. Wagner trouva dans cette cavité plusieurs petits œufs contenant encore une vésicule germinative (1). Je fus donc fort surpris d’y rencontrer, non pas des œufs, mais unique- ment des spermatozoïdes, chez toutes les grandes Corynes que j'examinai, et dont le nombre s’élevait à 20 environ. Dans les organes gemmiformes qui avaient atteint un volume considérable à la maturité, existait, en effet, une masse blanche tirant un peu sur le jaune, composée tout entière de sperma- tozoïdes. Quand on mettait cette masse en contact avec l’eau de la mer, ces spermatozoïdes se désagrégeaient bientôt , -et exé- cutaient des mouvements d’une extrême vivacité. Chez le plus grand nombre, le corps avait la forme d’un cylindre court, ar- (1) Prodromus historiæ generationis hominis alque animalium, p. 5. Lipsiæ , 1836. 206 RA'THKE. — SUR LE CORYNA SQUAMATA. rondi à ses deux extrémités, droit ou faiblement courbé; chez quelques uns, il était plus volumineux à une extrémité ; chez d’au- tres, il était pyriforme ou ovoïde (ig. 6); chez tous, il était telle- ment petit qu'il ne me paraît pas mesurer 1/10000 de pouce. Il existait bien une queue ; mais, à cause de son extrême finesse, on ne pouvait que l’entrevoir. La masse, contenue dans les or- ganes moins gonflés, se mettait en mouvement après qu’on l'avait extraite et humectée avec de l’eau; mais ce mouvement ne con- sistait que dans des trémulations, des contractions et des allon- gements de toute la masse, dont il se détachait de très petites portions mobiles aussi, mais d’une très grande lenteur, Ces por- tions, ainsi séparées, étaient, pour la plupart, des corpuscules irrégulièrement ärrondis dont les mouvements dans l’eau étaient tels qu’on aurait cru qu’ils étaient garnis de cils vibratiles. Par un examen plus approfondi, j'ai acquis la conviction que ces parties étaient des spermatozoïdes qui n'avaient point encore at- teint leur maturité, dont les corps étaient serrés les uns contre les autres , comme collés ensemble, et dont la queue, déjà formée, se dirigeait en dehors. En général, ces corpuscules présentaient un aspect semblable et des phénomènes analogues à ceux que j'ai pu observer plus distinctement sur les spermatozoïdes qui n’é- taient point complétement mûrs, chez les Vers et les Mollusques d’eau douce, c’est-à-dire que c’étaient de petits amas de globules groupés entre eux, GOMposés chacun d’une queue en forme de cil, dirigée en dehors, et d’une extrémité céphalique inclinée en dedans. Je n’ai pu apercevoir d'œufs dans aucun des organes gem- miformes que j'ai examinés. C’est seulement, comme je l'ai déjà dit, chez quelques gros individus que j'en ai trouvé dans l’in- térieur de la cavité digestive, après avoir coupé le corps trans- versalement, et l’avoir comprimé légèrement entre deux plaques de verre. Ges œufs étaient parfaitement sphériques, d’un diamètre de 24/40000 à 26/10000 de pouce, et paraïssaient posséder deux membranes, car, lorsqu'ils avaient été vidés complétement par une forte pression , on pouvait distinguer chez plusieurs, en RATHKE. — SUR LE CORYNA SQUAMATA. 207 un point plus ou moins étendu de leur circonférence , deux lignes médiocrement éloignées l’une de l’autre. Quant au contenu, c’est- à-dire au ,vitellus, il était, au centre, coloré d’une teinte pâle rouge-jaunâtre, et d’une teinte verdàtre vers la circonférence ; la couleur rouge-jaunâtre de la partie centrale était due à la présence d’un assez grand nombre de petites gouttelettes de graisse, Je n'ai pu découvrir sur ces œufs une vésicule gérminative, quoique je l’aie cherchée avec beaucoup de soin; j'ai dû, par conséquent, en conclure qu'ils étaient arrivés au point de maturité convenable à la formation de l'embryon. Il m'a été impossible aussi de trouver dans la masse du corps, ni des œufs plus petits et pourvus de la vésicule germinatrice, ni des organes particuliers destinés à la production de ces œufs. A la vérité, sur plusieurs individus forte- ment gonflés, on voit, dans la substance rouge-jaunâtre du corps, six à huit raies longitudinales foncées, alternant avec d’autres raies plus claires, disposition qui pourrait faire croire à l’existence de six à huit poches que leur teinte foncée rendrait distinctes, et s’effilant vers l'ouverture buccale du Polype ; mais, chez d’autres individus, ces raies ne présentent plus la même régularité; plu- sieurs d’entre elles se confondent les unes avec les autres, D’après cette considération, et parce que, comme je l’ai déjà dit, R. Wag- ner a trouvé des œufs en voie de développement dans l’intérieur des organes gemmiformes du Coryna squamata , je suis persuadé que ce n'est point dans les parois du corps que se forment les œufs, et que ceux que j'ai trouvés dans la cavité digestive de plusieurs Corynes y avaient été introduits de la même manière que l'avaient été les Navicelles que j'y rencontrai en même temps, c’est-à-dire, du dehors par déglutition, En complétant mes obser- vations par celles de Wagner, toujours est-il certain que, chez les Corynes , les organes des deux sexes sont portés par des individus distincts ; car il n’est pas possible de croire que , sur un même ani- mal, les mêmes organes produisent, à une époque, des œufs, et, à une autre époque, de la liqueur séminale. Toutefois, un fait ex- traordinaire, c’est que Wagner, qui s’est tant occupé de recher- ches sur les spermatozoïdes, et qui en aurait immédiatement con- 208 RATHKE. — SUR LE CORYNA SQUAMATA. staté la présence chez les Gorynes, s’ils se fussent offerts à ses yeux, n’a vu que des œufs dans leurs organes reproducteurs, tan- dis que moi, après avoir examiné vingt individus environ d’une colonie de ces mêmes animaux, je n’ai constamment trouvé que le produit de l’organe mâle. Il faudrait donc examiner si, parmi les petites colonies de ces Polypes, certaines ne sont pas exclusive- ment composées d'individus mâles , et d’autres seulement de fe- melles. 4h Pour clore ce Mémoire, j’ajouterai les remarques suivantes : J'ai comparé les Corynes que je trouvai près de Danzig avec celles que j'avais pris dans le Christinia-Fiorde, golfe de Norwége, et qui furent conservées dans l’esprit de vin ; je ne pus y recon- naître aucune différence considérable : les unes et les autres me - paraissent donc appartenir à la même espèce. Cependant, sur les individus pris en Norwége, le corps n’était pas d’un rouge jau- nâtre, mais d’un rouge rose assez foncé , et les organes reproduc- teurs , autant que je puis me le rappeler, ne présentaient pas une teinte verte dans leur état de tuméfaction , peut-être à cause des œufs renfermés dans leur intérieur (1). Du reste, le nom spéci- fique de cet animal , Squamata , tiré des organes reproducteurs, n’est pas convenable , car ces organes ressemblent plutôt à des bourgeons qu’à des squames. Dans deux espèces de Polypes de mer non ramifiés, dans le C. aculeata Wagner (2) et le C. Fritillaria Steenstrup (3), des parties semblables à des bourgeons, et servant à la reproduction, se forment également au-dessous des tentacules, mais en nombre moins considérable que dans l'espèce que j'ai examinée. Elles contiennent une cavité, dans laquelle, au moins chez le C. aculeata , on a trouvé des œufs : à l'extrémité de cette cavité, existe une large ouverture infundibuliforme, bordée par plusieurs (1) A peu près à la même époque que moi, dans le voisinage de Danzig, mais dans une autre localité, le docteur Zaddach a pris plusieurs Corynes, qui, d'après la communication orale qu’il m'en a faite, étaient d'un rouge rose vif. (2) Oken's Isis de l'année 1833. (3) Uber den Generationsiwechsel. Copenhague, 1842. RATHKE. — SUR LE CORYNA SQUAMATA. 209 prolongements simples, comme articulés. Plus tard, ces prolon- gements se détachent du corps sur lequel ils se sont développés , et nagent en exécutant des mouvements qui leur sont propres ; analogues à ceux des Méduses , avec lesquelles ils ont d’ailleurs plusieurs points de ressemblance. Chez le €. squamata, au con- traire, ni R. Wagner, ni moi, n’avons vu de prolongements de cette nature, ni de grande ouverture aboutissant dans la cavité du corps (1) ; il est donc probable qu'une ouverture un peu consi- dérable ne s’y développe que lorsque les œufs ou la liqueur séminale sont sur le point d’être expulsés. Il n’est pas non plus à ma connaissance qu'on ait vu d’une manière positive des corps se détacher de ce Polype, et nager librement dans l’eau par des mouvements propres (2). Les naturalistes , à l'avenir, dirigeront leurs recherches sur ce sujet; d'autant plus que MM. Ehrenberg et Loven ont avancé que les capsules remplies d'œufs, dont il est question chez les Coryna aculeata , et l'organe analogue dans le genre Syncoryna , ne sont pas, à proprement parler, des organes particuliers, mais plutôt (à priori) des individus femelles qui ont pris naissance sur des individus mâles (3). De même aussi, (1) Sur le grand nombre d'individus apportés de la Norwége, j'ai rencontré les organes gemmiformes bien plus souvent que sur ceux qui provenaient de la mer de l'Est, etilest, en raison de ce fait, assez probable que ces organes renfermaient des œufs , bien que je n'aie pu m'en assurer d'une manière positive , à cause de l'effet de l'esprit de vin sur les parties. Mais, même chez ces individus, ces or- ganes représentaient des capsules fermées, et ne laissaient en aucune façon aper- cevoir de saillies cornées ou filiformes. (2) Dans l'explication des figures de la planche #4 de la première partie de sa Zoologia Danica , O.-F. Müller s'exprime de la manière suivante sur les organes reproducteurs : Ova an gemmeæ essent, diu dubius fui, donec, uti suspicabar, in fundo deciduas progerminare viderim ; mais, d'une part, il n'est pas dit dans ce passage que Müller ait vu en effet les organes se détacher, et, d'autre part, cet excellent observateur aurait considéré les petits des Corynes déjà fixés, dans leur extrême jeune âge, comme un développement ultérieur de ces mêmes organes , ce qui est contraire à ce que nous connaissons de positif aujourd'hui relativement à ces animaux. (3) Annales des Sciences naturelles, 2° série, t. XV, p. 157. 210 RATHKE, — SUR LE CORYNA SQUAMATA,) Steenstrup a trouvé des organes en forme de cloche sur son Coryna Fritillaria, et les a considérés comme des individus dis- tincts. L R. Wagner, dans ses Zcones Zootomicæ, pl. 34, a, d’après un Mémoire, qui m'est inconnu, de M. Erdi sur l’Hydra viridis, re- présenté, au-dessous des tentacules , deux petites excroissances globuleuses remplies de spermatozoïdes, et qui ont été, pour cette raison, considérées comme les testicules de l'animal. Ce fait, rapporté par M. Erdl, et celui que j'ai moi-même constaté relativement au Coryna squamata , sont, à ma connaissance, les seuls qui établissent que, chez les animaux aussi simplés que le sont les Polypes de la famille des Æydrina d'Ehrenberg , les organes mâles sont, non point cachés dans l’intérieur du corps , mais placés à la surface. Il serait maintenant de la plus grande importance, pour la connaissance des Polypes les plus inférieurs, de savoir si ceux de ces animaux qui produisent des organes in- fundibuliformes remplis d'œufs, et qui se détachent après un certain espace de temps pour se mouvoir par leurs propres forces, possèdent des testicules distincts , et, dans le cas où ces organes existeraient , d’en connaître la place et l’organisation. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 13 B. Fig. 1, 2 et 3. Trois Corynes.—Dans les figures ? et 3, le pédicule n’.st pas com- plétement développé. Fig. 4. Un faisceau de testicules diversement développés. Fig. 5. Coupe d'un testicule arrivé à son complet développement. a,a,a, couche de substance blanche ; b, substance rouge-jaunâtre qui se trouve dans le pédicule du testicule; e, cavité que remplissent les spermato - zoïdes. Fig. 6. Quatre spermatozoïdes. BOUSSINGAULT, — SUR L'EXHALATION DE L'AZOPE, Et 214 RECHERCHES SUR L'EXHALATION DE L'AZOTE PENDANT LA RESPIRATION DES GRANIVORES ; Par M. BOUSSINGAULT. — Extrait (1). — Les recherches que je vais exposer ont été faites dans le but de cons stater si les Granivores émettent, pendant l'acte de la respiration , de l'azote provenant de leur organisme ; en d’autres termes, on s’est pro- posé d'examiner si un oiseau adulte , nourri d'une manière régulière et dont le poids n'augmente pas, rend dans ses déjections la totalité de l'azote qui faisait partie des aliments qu'il a consommés. Gette émission d'azote est assez généralement admise aujourd'hui, par suite des expériences de Dulong et de M. Despretz. I1 y a quelques années , j'ai été conduit à une semblable conclusion en déterminant , pär. l'analyse élémentaire , la composition de la nourriture prise et celle des. produits rendus par le Cheval et la Vache ; néanmoins, comme, dans l'appli- cation des préceptes de la théorie à l'économie des engrais, il est d’une importance extrême de savoir s'il y a réellement une partie de l’azote des fourrages consommés qui est perdue pour la production animale et pour le fumier, j'ai cru devoir étudier de nouveau la question, en fai- sant porter mes recherches, non sur de grands Herbivores , mais sur un oiseau qui, par son peu de volume et la nature de ses déjections , per- mettait d'espérer un plus grand degré de précision. La Tourterelle que j'ai soumise a l'observation était, depuis longtemps, nourrie uniquement avec du millet; elle a été mise dans une cage dont le fond, recouvert par üne plaque de verre , laissait recucillir sans aucune perte les excré- ments. Le millet, donné comme nourriture , était contenu dans un vase de porcelaine un peu profond, ayant une capacité sensiblement conique, la petite base du cône formant l'orifice de la mangeoire ; à l’aide de cette disposition , la Tourterelle n’a pas laissé tomber un seul grain de millet dans la cage. Dès le commencement des expériences, le millet destiné à l'alimenta- tion a été conservé dans un flacon bouché, afin que , pendant toute leur durée , la proportion d'humidité qu'il contenait restât constamment la même. Chaque jour , à la même heure, on pesait une certaine quantité de graine que l’on mettait dans la mangeoire , après avoir enlevé et pesé celle qui restait de la ration donnée la veille. On connaissait ainsi avec exactitude le millet qui avait été consommé en vingt-quatre heures; et (1) Annales de Chimie et de Physique, 3° série, t. XI, p. #33. — On a ren- fermé entre parenthèses les parties qui ne sont pas textucllement citées, mais qu'on a résumées et abrégécs. M2 BOUSSINGAULT. — SUR L’EXHALATION DE L’AZOTE bien que la nourriture ait été de la sorte donnée à discrétion , la Tour- terelle s’est rationnée elle-même avec assez de régularité. Ses excréments étaient recueillis tous les jours, au moment où l’on donnait la ration de millet ; ils ont constamment offert la même appa- rence , la même forme sphéroïdale , et leur consistance permettait de les enlever avec facilité ; à la fin d’une expérience, on détachait de la plaque de verre qui recouvrait le plancher de la cage les quelques parcelles de matières qui étaient restées adhérentes. Les excréments rendus dans les vingt-quatre heures ont d'abord été pesés humides ; immédiatement après la pesée, on les desséchait dans une étuve chauffée à 40 ou 50 degrés. On s’est astreint à dessécher à cette basse température, dans la crainte , probablement exagérée , de dissiper quelques principes vola- tils azotés. La température de la chambre dans laquelle séjournait la Tourterelle ne dépassa jamais 10 à 41 degrés; de sorte que les déjec- tions, avant de passer à l’étuve, se trouvaient à l’abri de toute fermenta- tion qui aurait pu donner lieu à des vapeurs ammoniacales. Les expériences ont été divisées en deux séries : la première série comprend cinq jours d'observations ; la seconde , sept jours. (Le millet consommé à l’état sec était composé : COUR. NUS AYANT Aæoteit-#iure re ecrit Oxygène, ni 1 aerler eh 476 Matières salines. . . . . 2,58 100,00 La composition des excréments secs de la première série présentait : Garboinir . «10111 1 SUN0NSMOB Hydrogène... .. . . . | 5,11 ADR, A RIAAT Lo t, 9,24 Re ro ue. à 34,20 Matières salines. . . . . 41,80 100,00 La composition des excréments secs de la deuxième série présentait : LSTDDOS à... le OS Hydrdgene.". "005, SA 08 Azoleutii., "310 JUN, OÙ FRE 9,142 Oxygène. 15, dust #66196,88 Matières salines. . . . ,. 140,72 100,00 ) Le résumé des deux expériences se trouve consigné dans le tableau suivant : 213 PENDANT LA RESPIRATION DES GRANIVORES. + + +: ‘einou oun SUEP 904 Een # « « « &1&'0 " « gro 69'Y tL'0 01e "+ + + -soanoq oaenb-JSu1A uo soeurs sodiourtq « &6°1 0£‘9g | +ç'8 48 9 À" : : : : : -samof oznop ue souruno sodrouuq « LEA £6€E | 91'S gs‘gg |" "7": 7 sanof des uo soute sodouugq La 9er * " " " “‘'uyey| 852 0Z'& 1£'8 0&'1 LL'6 |FE6'eE |9ç0‘Y& | 66 9 | ‘SNPUISJUEWQIIXF 02-3981 ‘juouooueumo ny| 198 | EE AA 9e'9 | 09og |'LTor | SHION] e9 LIV |" © ‘PUUOSU09 III CPE *2102Y “oua8$x ‘aua$o0ap. “auoque “oouotodxa,} saade yo so12nep À TS | ei *anuaju02 dd à por SE *LNANAUDXA,T SNVŒ LA LNANVIV'I SNYG Le Ep ATIAVALUNOL V'T AG SAIOd SANILNOD SHdIDNIWd Ava saioa sa1oë *HONYIVHAIXE ,% — ‘sanof 3dos quepuod ‘oyjosozmoz, san sed snpuos syuouwu910x9 39 soumosuos syuauury SANAINOD SY4I9NIUd « 8L‘o | Le‘es- | 8c'e pe |": " * ‘eanof buu wo souris sodouuq Le 981. 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D'où il résulte que l'azote exhalé provenant de l’organisme est à peu près le centième en volume de l'acide carbonique produit, résultat conforme, quant au fait de l’exhala- tion de l'azote , à celui obtenu par Dulong et par M. Despretz, mais qui. en diffère notablement sous le rapport quantitatif, en ce que l'azote exhalé , si on le compare au gaz acide carbonique, est en proportion beaucoup plus faible que dans les expériences de ces physiciens. Néan- moins, toute minime que soit cette quantité d’azote , elle constitue ce- pendant le tiers de celle qui entre dans la ration alimentaire de la Tour- terelle ; dans la condition de nourriture où se trouvait placé ce Granivore, les déjections ne renfermaient plus que les deux tiers de l'azote qui préexistait dans le millet consommé. Ainsi, indépendamment des modifications que les dimehts, ou plutôt le sang qui en dérive, subissent pendant la combustion respiratoire, on peut concevoir qu’une partie des principes azotés de l'organisme éprouve une combustion complète , de manière à donner lieu à de l’acide carbo- nique, à de l’eau et à de l'azote ; à moins de supposer que, sous certaines influences, l’azote des composés quaternaires peut être éliminé en partie, en donnant naissance , par cette élimination , à des composés ternaires. En consultant le tableau qui résume les deux expériences , on s’aper- çoit que l'hydrogène et l'oxygène éliminés ne sont pas dans le rapport voulu pour constituer l'eau. En effet, l'oxygène dissipé dans un jour étant hs",69, exigerait 05,636 d'hydrogène ; par conséquent, l'hydrogène excédant, qui est brûlé comme l’est le carbone par le concours de l'oxy- gène de l'air, est alors 05,07. En considérant la respiration comme un phénomène de combustion , les données précédentes indiqueraient qu’une Tourterelle du poids de 187 grammes, respirant librement dans une atmosphère à 8 ou 10 degrés centigrades, où elle brûie en vingt-quatre heures 55,1 de carbone et 05,07 d'hydrogène , peut dégager assez de chaleur pour entretenir sa masse à une température à peu près Constante de 41 à 42 degrés, tout en. volatilisant l’eau qui sort par la transpiration pulmonaire ét cutanée. (En tenant compte de l’eau contenue dans le millet, de l’eau que la Tourterelle a bue directement, de l’eau renfermée dans les excréments, et de celle qui se formait en un jour par les 0#':,07 d'hydrogène excédant, on peut estimer à 35,36 la quantité d’eau totale éliminée en vingt-quatre heures par la transpiration pulmonaire et cutanée.) PENDANT LA RESPIRATION DES GRANIVORES. 915 Observations sur la quantité d'acide carbonique formée pendant la respira- tion de la Tourterelle. Il m'a semblé d'autant plus nécessaire de contrôler, par des expé- rienées directes, les résultats obtenus par là méthode indirecte qui vient d’être exposée , que ce contrôle peut, en quelque sorte , donner la me- sure du degré de confiance que doit inspirer l'application de l'analyse organique à la physiologie. (Pour doser l’acide carbonique formé par la respiration , j'ai placé uné Tourterelle sous une cloche tubulée, qui communiquait avec un système de tubes absorbants à l’aide d'un aspirateur. Voici les résultats que j'ai obtenus sur la respiration de la Tourterelle, qui avait été l’objet des ob- servations précédentes, et qui recevait le même régime : ) ACIDE : ! À TEMPÉRATURE | ACIDE CARBONE!" à : 0 CARBO- ÉPOQUES RPREAN CARBO= | our | vrüté & R Pre DE LA CLOCHE. NIQUE: QUE sis < de périencée. | produit Le LA JOURNÉE. Au dosé. x heure. = tommen- A Ia fin. en 1 heure. cement. gr. À gr. h. m. h. m. 150,5 [4,579 | 0,854 |0,223 |Dejour. Dett.12à 4.25) 6.43 |[43°,0 | 45 ,0 [7,644 |1,433 | 0,309 |Dejour. De 7.48 à 2.34, 13 ,0 [5,100 | 0,850 |0,232 |Dejour.'De10.55à 4.55 15 ,0 [4,844 | 0,537 |0,147 |De nuit..De 6.13 à 9.39 5.44 144 ,0 [42 ,2 | 3,197 | 0,651 | 0,177 |De nuit.|De 5.39 à 10.53 Un fait que l’on remarque à la première inspection du tableau, c’est la différence considérable qui existe entre les quantités d'acide carbonique exhalé durant le jour et durant la nuit. On a déjà observé une différence dans ce même sens, en étudiant la respiration de l’homme. Dans la se- conde expérience , la Tourterelle a produit dans le même temps beau- coup plus d'acide carbonique que dans les deux autres observations faites le jour. Les deux expériences exécutées dans la nuit ont donné, d’ailleurs, pour le carbone brûlé dans une heure, des nombres qui sont assez dis= cordants. Le phénomène de la respiration paraît donc assez irrégulier , êt il est vraisemblable qu'en déduisañt d’une expérience de courte durée l'acide carbonique qu'un individu exhale dans un jour, on est exposé à obtenir un résultat peu exact. La grande différence qui existe entre les 216 BOUSSINGAULT. — SUR L'EXHALATION DE L’AZOTE produits de la respiration pendant l’état de veille, ou durant le sommeil d’un animal, explique en quelque sorte cette irrégularité ; car, dans le jour, surtout chez les animaux confinés dans un appareil, il survient souvent un état voisin de l’assoupissement, auquel succède quelquefois une extrême agitation, (Les analyses de la nourriture et des déjections ont donné , pour le carbone brûlé dans une beure par la Touterelle, en moyenne, 05",211. — En prenant le résultat moyen des observations directes consignées dans le tableau ci-dessus, et en supposant pour le jour entier douze heures de veille et douze heures de sommeil , ce qui‘était à peu près le cas à l’é- poque où les expériences ont été faites, on a, en moyenne, pour le carbone brûlé en une heure , 05,198.) Observations sur la respiration de la Tourterelle mise à l'inanition. Un animal privé de nourriture éprouve chaque jour , dans son poids, une perte assez régulière , jusqu'à ce qu’il meure d’inanition. Les sub- stances à composition ternaire , comme le sucre, la graisse , qui con- courent évidemment à la nutrition quand elles sont associées à un prin- cipe azoté nourrissant, deviennent insuffisantes comme aliment unique ; leur effet se réduit alors à prolonger un peu l’existence de l'individu qui les consomme. Sous ce rapport, le rôle de ces substances non azotées est analogue à celui des corps gras fixés dans les tissus. On sait, en effet, que les animaux chargés de graisse sont aussi ceux qui résistent le plus longtemps à une privation absolue de nourriture ; et après leur mort, on peut constater la disparition presque totale de la graisse. Un animal doué d’un certain embonpoint, quand il a succombé d’inanition par suite d’un régime au sucre , peut présenter un cadavre notablement plus gras que si le même animal avait été soumis à une abstinence rigoureuse; dans cétte circonstance , le sucre ingéré ménage en quelque sorte la matière grasse tenue en réserve dans l’organisme, mais sans empêcher que la plus grande partie en soit détruite, et des expériences faites sur des Tourte- relles, par M. Letellier, montrent que le beurre, administré seul comme aliment, agit à peu près comme le sucre (1). La graisse ingérée ne s’assi- mile plus quand il n'entre pas dans le régime un principe azoté nutritif. Dans cette circonstance, le sang brûlé pendant la respiration n’est plus régénéré par l'alimentation , il y a destruction des tissus propres à loger les globules, et l'énergie vitale indispensable à l'alimentation décroît avec rapidité. Les modifications des principes azotés du sang en urée, en acide urique, (1) Ann. des Sc. nat., 3° série, t. IT, p. 38. PENDANT LA, RESPIRATION DES GRANIVORES. N7 en bile, etc., sont, sans aucun doute , tout aussi nécessaires à la vie que la combustion du carbone et de l'hydrogène qui produit la chaleur ani- male ; ces modifications, qui sont peut-être la conséquence de cette combustion , ne cessent pas pendant l'inanition; seulement elles sont moins intenses, comme le deviennent d’ailleurs les phénomènes de la respiration. J'ai donc cru qu'il pouvait être intéressant de déterminer la proportion. d’acide carbonique exhalé , et la composition des déjections fournies pendant l'inanition; et afin de pouvoir comparer les résultats avec ceux obtenus sur un animal suflisamment nourri , j'ai mis en expé- rience la Tourterelle qui avait été le sujet des recherches précédentes. La température de la pièce dans laquelle la cage était placée a varié de 7 à 12 degrés. La Tourterelle avait de l’eau distillée à discrétion ; mais en sept jour , elle n’en a bu qu’une quantité insignifiante. (Au commencement de l'expérience , son poids était de 1865".,8 ; elle a perdu pendant les sept jours 535,9, c'est-à-dire 75,7 par jour.) La Tourterelle qui , au commencement de l'expérience, était grasse et vigoureuse , aurait très probablement supporté encore plusieurs jours d'abstinence avant de mourir , quoique déjà, au bout des sept jours, elle eût maigri considérablement, Cependant elle se tenait toujours perchée , - mais elle était dans un état de torpeur , dont elle ne sortait qu’à de rares intervalles. (Pour déterminer les quantités d'acide carbonique fournies par la Tourte- relle durant l’inanition, j'ai fait cinq observations conduites comme celles dont j'ai donné plus haut le tableau. La moyenne des trois premières obser- vations indique 05,417 pour le carbone brûlé dans une heure. Une cir- constance assez remarquable , qu'on pouvait d’ailleurs prévoir par suite de la régularité des pertes diurnes, c’est que l’animal a exhalé, à toutes les époques de l'expérience, sensiblement la même quantité d'acide carbonique dans un temps déterminé. La Tourterelle soumise à l'inani- tion a produit , durant le sommeil, moins d'acide que pendant l’état de veille, comme cela a eu lieu lorsqu'elle recevait une alimentation abon- dante, En admettant l'égalité dans la durée du jour et la durée de la nuit, le carbone brûlé en vingt-quatre heures s'élèverait a 25,280. La quantité de carbone brûlé par la Tourterelle nourrie avec du millet a été, dans le même temps, de 55,1). ; : Il était assez curieux de déterminer la rapidité avec laquelle la Tourte- relle inaniliée tendrait à revenir à son poids initial ; en conséquence, im- médiatement après la dernière pesée exécutée pendant l'inanition , on a donné 20 grammes de millet, qui ont été mangés en treize minutes. La Tourterelle a bu abondamment ; le lendemain , elle a mis une heure pour consommer la même dose de graines ; les jours suivants, le repas a eu lieu comme dans les circonstances ordinaires. 3° série. Zooc. T. I. (Octobre 4844.) 15 918 BOUSSINGAULT. -— SUR L'EXHALATION DE L'AZOTE Dans les deux premiers jours d'alimentation ; l'augmentation de poids a été considérable (de 165,8 et de 195,8); mais il y a eu subitement un temps d'arrêt. Après sept jours d'une nourriture abondante (165 grammes de millet) , la Tourterelle avait gagné 35%:,4 (55,06 par jour), et avait retrouvé toute sa vivacité ; cependant elle était restée maigre : elle n'avait pas récupéré, à beaucoup près, le poids qu’ellé avait perdu. Ges faits s'expliquent , jé crois, tout naturellement, quand on adopté l'opinion que nous professons sur l’engraissement , MM. Dumas, Payen et moi. En effet, la perte éprouvée durant l'inanition à été la conséquence de là combustion du sang, et de celle de la graisse accumulée dans l’organismé de la Tourterélle ; nous avons vu que cette perte s’est élevée à 538":,9. Dès la première période de l'alimentation , le gain en poids vivant a été de 355,4. L'animal n’a repris en sept jours qu’à peu près les deux tiers dé ce qu'il avait perdu. L'augmentation de poids vivant , si rapide dans cette circonstance , est due vraisemblablement au sang régénéré par l’a liment et la boïissoti. Le millét consommé contenait, et au-delà , tous les éléments de cette régénération ; mais ce qu’il ne contenait pas, cé qu'il n’a pu par conséquent restituer à l'organisme, c’est la totalité de la graisse qui avait été détruite par l’inanition : aussi la Tourterelle n’a pas recouvré son embonpoint ; moins de sept jours d’un réghne abondant ont suffi pour la remettre en chair, mais nullement pour l’engraisser, pour la ramener à la condition de gras où elle était au commencement de l’ex- périence. La raison en est facile à saisir ‘ le millet, d’après une analyse faite dans mon laboratoire , contient, dans l’état où il a été consommé, trois pour cent d’une matière grasse solide , très fusible, d'un blanc lé- gèrement jaunâtre. Les 165 grammes de millet ingérés en sept jours n'ont donc pu apporter que 4 grammes de graisse : or l’on sait, par les expériences de M. Letellier, qu'une Tourterelle d’un embonpoint ordi- naire perd , en vingt-quatre heures d’inanition, environ 25,5 cle graisse. En sept jours, l'individu qui a fait le sujet de l'observation actuelle a dû en perdre 175,5 ; et l'on voit maintenant que Ce même individu devait consommer au moins 583 grammes de millet pour remplacer la graisse qu'il avait perdue. Examen des exeréments de la Tourterelle soumise à l’inanition. Pendant la durée de l'inanition, la Tourterelle à rendu chaque jour des matières excrémentitielles demi-liquides, glairéuses , d’un vert d'herbe, et daris lesquelles on apercévait des parties blanches d'acide urique. Cette matière glaireuse a tous les caractères d’une sécrétion bilieuse ; de sorte qu'il est , je crois, permis de conclure qué les produits de la diges- tion du sang et de la graisse de la Tourtérelle sont de la bile, et les prin- cipes azotés qui font partie de l'urine dés oiseaux. PENDANT LA RESPIRATION DES GRANIVORES. 919 Les excréments ont été recueillis sur une plaque de verre et desséchés chaque jour à une douce chaleur , pour prévenir toute altération putride. A la fin de l'expérience, on les a broyés pour les mêler ; puis on a achevé la dessiceation dans le vide sec, à la température de 130 à 1435 degrés. La matière recueillie en sept jours, et amenée à cet état de siccité, a pésé 24,755; sa couleur , par suite du mélange intime de l'acide urique avec la bile, était d’un vert pâle. (En vingt-quatre heures, la Tourtérelle, privée de toute nourriture, a rendu 05°,3935 de déjections supposées sèches, dans lesquelles le car- bone , l'hydrogène et l'oxygène renfermés ne sont que le dixième des mêmes éléments compris dans les excréments provenant d’une alimenta- tion normale. Pour l'azote, on a le tiers.) Si, en partant de la composition du sang, nous cherchons à déterminer la quantité de ce fluide qui est brûlée pendant la respiration de la Tour- térelle mise à l’inanition, nous arrivons à une conclusion d’un certain in- térêt physiologique; car nous avons ainsi une nouvelle preuve de l’inter- vention de la graisse dans la respiration d’un animal inanitié, Soit, en effet, la composition du sang, privé de cendres (d’après l’ana- lyse due à M. Bæckmann) : Carbone: TE LT HAE Hydrogène: ; à 6e; “Arret Asotes oct eelran-bauer 85, 40 : Oxygène sroth LEBL purs 8 0,8 100 ,0 Si, en se fondant sur les résultats des recherches exposées dans la pre- mière partie de ce Mémoire, on admet que l'azote exhalé par la respira- tion des Granivores est la moitié de l'azote qui se trouve dans les déjec- tions, on a, pour la totalité de ce principe rendu en vingt-quatre heures parda Tourterelle à l'inanition : Dans les déjections. . . 08r,097 Par la respiration. . . : 0 ,0485 0 ,1455 . quantité d'azote qui représente 0sr,915 de sang sec, et renfermant : C70,498, H 0,069, O0 0,203, A 0,145. La quantité de carbone indiquéeici est évidemment beaucoup trop faible, puisque nous avons reconnu , par une observation directe, que la Tourterelle en brûle réellement 2,406 ; à ce nombre on doit ajouter les 0,126 de carbone de déjections. Il faut donc, comme le prouvent d'ailleurs les expériences de M. Letellier, que la graisse concoure avec le sang à entretenir la chaleur et à prolonger la vie des animaux qui Sont privés de nourriture. 290 BOUSSINGAULT. — SUR L'EXHALATION DE L'AZOTE La totalité du carbone émis par la Tourterelle étant, . 25r:,532 Le carbone ayant le sang pour origine. ... . . . 0 ,498 La différence. . . : 2 ,034 doit provenir de la graisse, dont on peut représenter la composition (moyenne des analyses de la graisse de Porc, du suif et de la graisse hu- maine, données par M. Chevreul) par : Cétboné 0:29, "770 ETS à HydtOpÈne, SU OUEST USA. 4 OVER CHEMNN OAS D, CE D LR 100 ,0 (Les 25,034 de carbone, provenant de la graisse, représenteraient alors 2,575 de matière grasse contenant des quantités proportionnelles de carbone, d'hydrogène et d'oxygène ; si à ces éléments on ajoute ceux qu’on doit supposer dans le sang digéré, et si de cette somme on re- tranche les éléments trouvés dans les déjections, les différences C 2,406, H 0,277, O 0,136, indiquent la quantité des éléments du sang brûlée en vingt-quatre heures.) Les 0sr.,136 d'oxygène prendraient 0,017 d'hydrogène pour former de l’eau; par conséquent, en vingt-quatre heures, la Tourterelle à l’inani- tion brûle G 2,41, H 0,26 fixant 11,20 d'oxygène de l'air. La Tourterelle alimentée avec du millet brûle G 5,10, H 0,12 fixant 19,79 d'oxygène de l'air. | Dans ses belles recherches sur l’inanition, M. Chossat a reconnu que les Tourterelles privées de nourriture conservent néanmoins, pendant leur existence, une température peu différente, seulement un peu inférieure, à ce qu'elle est pendant l'alimentation normale (1). On devait s'attendre, d’après cela, à trouver que, dans le cas de l’inanition, une Tourterelle brûlerait à peu près la même somme d'éléments combustibles qu’elle en brûle dans les conditions ordinaires. Nous voyons cependant que, par le fait de la respiration, l'animal inanitié ne brûle qu'environ la moitié du carbone et de l'hydrogène qu’il consomme sous l'influence du régime alimentaire : ce résultat peut paraître assez surprenant. Il est vrai que, par suite de l’abstinence, la masse de la Tourterelle diminue rapidement ; il faut encore ajouter que, dans l'alimentation, il y a chaque jour près de (4) Il résulte, en effet, des observations nombreuses recueillies par M. Chossat sur des Pigeons et des Tourterelles, que, pendant l'inanitiation et à l'heure de midi , la chaleur animale ne s'abaisse que d’un demi-degré au-dessous de celle observée à la même heure dans l'alimentation régulière , et qu’elle ne descend pas PENDANT LA RESPIRATION DES GRANIVORES, 2921 38r. 4/2 d’eau vaporisée par la transpiration, et que la boisson et l’ali- ment , ingérés à la température de l'atmosphère , donnent lieu à 85": 4,2 d’excréments qui sont expulsés à la température de 42 degrés, Dans le cas d’inanition , le poids des déjections humides ne dépasse certainement pas 2 grammes, et comme la Tourterelle buvait ? peine, on peut concevoir que la presque totalité de l'humidité éliminée provenait du sang digéré ou brûlé, et dans cette supposition très vraisemblable, l’eau entraînée par la transpiration n’atteindrait pas 2 grammes. On entrevoit ainsi que, dans l'inanition, il doit y avoir beaucoup moins de chaleur animale dépensée pour échauffer ou pour volatiliser, que durant la nutrition. J'ai admis, en partant de l'azote des déjections, qu’en vingt-quatre heures la Tourterelle inaniliée à consommé 05':,915 de sang sec. Cette sup- position semble confirmée par la perte diurne éprouvée par l'animal. En effet, MM. Dumas et Prévost ont trouvé dans le sang de Pigeon 0,80 d’hu- midité; adoptant ce nombre, on a pour le sang aqueux digéré ou brûlé en vingt-quatre heures par la Tourterelle. , . . . . . As',58 La graisse brûlée ou digérée à été. .. … ue oo 0: 287,58 Principes éliminés par l'organisme en vingt-quatre heures. 78,16 Or la Tourterelle a perdu par jour, pendant l'inanition. . 78,70 en moyenne, à minuit, de plus de 3 degrés au-dessous de celle de l'état normal à la même heure. Midi. Minuit. Ces températures sont en moyenne, dans l'état normal. . 42°,22 449,48 pendant l'inanitiation. 41°,70 38°,42 Différence. . 0°,52 3°,06 Les expériences de M. Chossat établissent encore les faits suivants : 1° La chaleur animale éprouve toutes les vingt-quatre heures une oscillation régulière, au moyen de laquelle elle s'élève pendant le jour et s'abaisse pendant la nuit, et cette oscillation, qui est = 0°,74 dans l'état normal, devient dans l'i- nanitiation = 3°,28. 20 L'oscillation diurne inanitialé est d'autant plus étendue que l'inanitiation a déjà fait plus de progrès ; de telle façon que l'oscillation de la fin de l'expérience est à peu près double de celle du début. 3° Les heures de midi et de minuit sont bien les époques du maximum et du minimum de la chaleur animale ; mais l'oscillation diurne n'attend pas ces heures- là pour se développer. C'est ainsi que, pendant les différentes parties du jour pro- prement dit, la chaleur se rapproche plus ou moins de celle de midi, tandis que, pendant la nuit, elle se rapproche de celle de minuit. 4° Enfin, dans le cours d’une même expérience, l'abaissement nocturne se pro- longe d'autant plus avant dans la matinée, et commence d'autant plus tôt dans l'après-midi, que l'animal se trouve déjà plus affaibli par la durée préalable de l'i- nanitiation. (Ann. des Sc. nat., 2° série, t. XX, p. 293.) 229 PRÉVOST ET LEBERT, — SUR LA FORMATION / MÉMOIRE SUR LA FORMATION DES ORGANES DE LA CIRCULATION ET DU SANG DANS L’EMBRYON DU POULET ; Par MM. PRÉVOST et LEBERT, Docteurs en médecine. ( Troisième Mémoire (1).) Malgré les nombreux travaux sur le développement du poulet, dont la physiologie, depuis Haller et Malpighi, abonde, cette partie de l’embryogénie, de beaucoup la plus cultivée, nous pa- raît offrir à peine les premières ébauches de bases solides, tant pour l’organogénie que pour l’histogénie. En effet, à mesure qu’une science fait des progrès , elle ne peut plus se contenter de notions générales et superficielles ; mais elle a besoin, pour établir des doctrines solides, de s’appuyer sur l’observation la plus exacte et la plus détaillée. : L'embryogénie, par cette raison, ne peut plus désormais s’ar- rêter à des notions élémentaires sur les principaux phénomènes du développement; elle ne pourra faire de progrès réels que lorsque ses principales parties seront traitées comme monogra- phies, et avec les détails les plus circonstanciés que nous offrent nos moyens actuels d'investigation. Partant de ce principe, nous avons étudié avec une attention toute spéciale le développement des organes de la. circulation et du sang dans les animaux vertébrés. Mais à mesure que nous sommes entrés dans les détails d'observation de toutes les questions ies plus importantes de ce sujet, nous avons rencontré de nouvelles difficultés, et sur l'embryon du poulet surtout, nous avons re- connu qu'il existait des opinions si divergentes dans les auteurs, et, pour beaucoup de points Capitaux, un vague et une confusion si grande, que nous nous sommes vus obligés de soumettre à un (1) Voyez Ann: des Sc. nal:, 82 série, t, 1, p. 493 et 265. DES ORGANES DE LA @IRGULATION, : 225 nouvel examen toute l’histoire de l’hématose, Par cette raison, nous avons cru qu'il était de notre devoir de mettre sous les yeux du lecteur, comme nous l'avons fait dans notre précédent Mé- moire , les détails de nos observations, pour montrer de quells manière nous sommes arrivés à l’histoire générale de notre sujet. Si cette méthode à offert l’avantage de donner des images plus vivantes et plus naturelles, nous ne nous sommes pas fait illusion sur la difficulté qu'éprouverait le lecteur d’en déduire l’ensemble des lois organogéniques qui résultent de nos observations, Nous compléterons donc, par le Mémoire actuel, les détails de notre travail précédent, et nous y tracerons l’histoire générale du déve- loppement de tous les éléments qui concourent à l'établissement de la première circulation, | Nous passerons ainsi successivement en revue le développement de l’œuf, ses premiers changements par la fécondation et par l’in- cubation, et après quelques remarques sur les aréoles de la cica- tricule en voie de développement, nous étudierons l’ensemble des phénomènes les plus intéressants dans la formation du cœur, des vaisseaux et du sang. I. Du développement de l'œuf, et de ses éléments à l’état de maturité. Lorsqu'on examine un ovaire, soit de Mammifère, soit d’Oi- seau, soit de Reptile ou de Poisson, on y rencontre des ovules à divers degrés de maturité, les uns à peine visibles par les instru- ments grossissants, les autres prêts à se détacher de l'ovaire, En général, ces ovules sont entourés d’une capsule, recouverte elle- même d’arborisations vasculaires, Dans le poulet, l'enveloppe vasculaire est déjà visible autour des fort petits ovules ; elle est tellement adhérente à la membrane du jaune qu’à cette époque il est difficile de la disséquer ; le jaune, qui se forme de très bonne heure, entoure la vésicule germinative, très volumineuse en proportion, Bientôt, cependant, le jaune se développe davantage , et on est frappé de la petitesse de la cicu- tricule dans l'œuf mûr. Du reste, cela n'étonne pas, lorsqu'on réfléchit à quel haut degré de développement l'Oiseau arrive ayant de briser la coquille qui le renferme, et pendant combien de temps 29h PRÉVOST ET LEBERT, — SUR LA FORMATION le jaune constitue son unique nourriture, tandis que l'embryon du batracien, par exemple , commence déjà à ne plus vivre exclusi- vement du vitellus à une époque qui correspond à peine au troi- sième jour de l’incubation de l'embryon du poulet, Nous avons donc vu que l’ovule, dans son origine, était essen- tiellement composé d’un jaune granuleux et de la vésicule germi- native. Mais bientôt les granules se groupent et s’agglomèrent, et finissent, en subissant une espece de condensation périphérique, par former de grands globules granuleux. Un principe oléagineux le pénètre de plus en plus, et lui communique sa teinte jaune. Des vésicules graisseuses , incolores, qui n’y existent qu’en petite quantité, se groupent vers le centre et y constituent en partie les globules vésiculeux de la substance blanche de la cavité centrale. Cette dernière paraît servir à la cicatricule comme intermédiaire de communication et d'absorption avec les éléments du jaune. Le blastoderme repose sur l’infundibulum; celui-ci, d’abord canaliculé, va en s’élargissant, pour former la cavité centrale, qui a le volume d’un noyau de cerise oblong ; de cette cavité par- tent quatre ou cinq cônes de substance blanche, qui forment les halos. La cicatricule qui, avant la fécondation, forme une tache blan- che à la surface de l’œuf, est transparente au milieu, et renferme à sa circonférence beaucoup de globules ou de simples agminations de granules et de petites vésicules. En passant à l'examen de l'œuf mûr et propre à l’incubation, nous ne pouvons nous empêcher de signaler une lacune dans cette partie de la science , savoir, la détermination rigoureuse de l’état de la vésicule germinative de la cicatricule avant et après la fécondation. Nous avouons que nous n’avons pas encore pu arriver à des résultats tout-à-fait positifs à ce sujet. Résumons , de notre précédent Mémoire, les éléments de l'œuf mür et fécondé. La coque et le blanc dé l’œuf sont des parties essentiellement protectrices. Vient ensuite le jaune, dont l’enve- loppe extérieure est constituée par une membrane mince , dans laquelle le microscope montre une structure ‘finement ponctuée et fibreuse, Le jaune lui-même est composé : 1° de granules DES ORGANES DE LA CIRCULATION. ! 295 de 0"",001 à 0"",002 ; 2° de grands globules granuleux jau- nâtres de 0°*,02 à 0,06, prenant , par la coction, une forme polvédrique ét cristalloïde ; et 3° de vésicules graisseuses de 0%,005 à 0"",02, La cavité centrale qui s’'épanouit vers la cica- tricule est remplie d’une substance blanchâtre composée de grands globules blancs et de globules albumineux et graisseux, renfermant de petites vésicules d'apparence graisseuse dans leur intérieur. Le principe jaune et oléagineux paraît y exister en fort petite quantité, La cicatricule est séparée de la fovea par un liquide transpa- rent ; elle est formée d’une vésicule aplatie, remplie de globules, et renfermant probablement encore la vésicule germinative; ce- pendant nous n'avons pu démontrer son existence par la dis- section. Quant aux globules qui se trouvent dans la cicatricule, on peut les classer dans les catégories suivantes : 4° les granules de la cicatricule de 0"",0042 à 0"®,0015 : 2° les petits globules homo- gènes de 0"",0028 à 0"*,0054 ; 3° les agminations composées du groupement de petits globules et de granules ; 4° les globules ag- minés de la cicatricule de 0"",02 à 0,04, composés des mêmes éléments, mais entourés de membranes d’enveloppe; 5° des glo- bules granuleux de 0"",02 à 0°*,03 montrant un mouvement moléculaire dans leur intérieur ; 6° des globules gélatiniformes de 0,005 à 0°”",02 offrant parfois un noyau, et montrant, lorsqu'ils sont déchirés ou fendillés , que leur contenu n’est pas liquide, mais d’une consistance comme gélatineuse. Ces globules, du reste, ne nous paraissent être qu’une modification des globules grais- seux. Tous ces éléments se trouvent irrégulièrement mêlés dans la cicatricule de l’œuf non incubé. Nous avons indiqué dans notre second Mémoire le mode de formation de tous ces globules. Répétons seulement ici le résumé de notre théorie, savoir, que la cicatricule absorbe un liquide sé- crété au-dessous d'elle, entre la cavité centrale, la fovea et sa partie inférieure ; il paraît que ce liquide, entre la cicatricule et le cumulus, est le vrai blastème de ses cellules, qui, à leur tour, se forment par agmination de granules et de petites vésicules , dont 226 PRÉVOST ET LEBERT, — SUR LA FORMATION un certain nombre finit par s’entourer d’une membrane d’enve- loppe, formée par confluence à la circonférence, et que c’est ainsi que nous pouvons le mieux nous expliquer la présence simultanée de granules ou de vésicules isolées, d’agminations vésiculo-granu- leuses et de globules agminés ou granuleux. IT. De la première ébauche de l'embryon, et du trait embryonnal. .. Le travail de la séparation des éléments qui doivent former l'embryon commence dès les premières heures de l’incubation. Mais on n’en a un résultat bien positif sousles yeux qu'après la douzième heure. On distingue alors dans l’aireembryonnale (l’area pellucida des auteurs) une masse plus opaque vers le milieu, dans le sens de son axe longitudinal, d’un blanc grisâtre, ayant, d’une manière analogue à la première ébauche de l'embryon du batra- cien , presque la forme d’un bouclier. L’embryon se développe entre le feuillet séreux et le feuillet muqueux, Parvenu à une cer- taine longueur, il se recourbe dans le sens de la courbe du jaune, et c’est ce mouvement qui détermine les plis du capuchon. A cette époque, la tête fait saillie entre la membrane propre du jaune et le feuillet séreux, Une bonne partie de l’axe longitudinal de l’em- bryon, à douze heures, est déjà partagée en deux, et on voit dans le milieu le trait embryonnal qui a donné lieu à des hypothèses si diverses, et aux explications les plus divergentes, dont nous lais- sons ici les détails de côté, en recommandant au lecteur qui voudrait avoir le résumé de l'historique de la question l'excellent Mémoire de M. Serres sur ce sujet (Comptes-rendus de l'Institut, avril 1843). D'après nos observations, le trait embryonnal est formé vers la douzième heure par un vide médian, dont la largeur ne dépasse guère. 0*,002 ; il est parfaitement transparent et ne montre aucun élément globuleux, et justifierait l’opinion de la dualité de M. Serres. 11s’étend en bas jusqu’à la limite de l'aire embryonnale, mais en haut, il n’atteint que le bord inférieur du tiers supérieur de l'embryon, qu'il ne traverse pas ; il n'occupe, par conséquent , que les deux tiers inférieurs de l’aire. Latéralement, le vide mé- dian est limité par deux rebords saillants d’un blanc grisàtre ; DES ORGANES DE LA CIRCULATION, 227 s’aplatissant vers la périphérie; ce sont les lames vertébrales dans lesquelles se différencient bientôt les premières plaques verté- brales, A dix-huit heures d’incubation, nous trouvons le trait em- bryonnal exactement dans la même étendue de l’axe ; mais les deux lignes qui bordaient latéralement le vide médian tendent à se rap- procher, et sont déjà soudées par places, formant dans cet endroit une véritable gouttière. À vingt-quatre heures, la soudure est Su complète et le vide médian est remplacé par une gouttière, se formant entre les six premières paires de plaques vertébrales ; mais inférieurement, l'é- cartement persiste, formant le sinus rhomboidalis, qui offre l’aspect d’un fer de lance, et à sa partie inférieure, les deux lignes du vide médian, quoique très rapprochées, ne sont cependant pas sou- dées et se continuent parallèles jusqu’au bord de l'aire. Gette même disposition persiste encore à vingt-huit heures ; mais, de- puis ce moment-là, elle s’efface de plus en plus à mesure que le nombre des plaques vertébrales augmente. Le trait embryonnal est donc pour nous, dans le principe, un vide médian et ensuite une gouttière, qui, plus tard, finit par être fermée et par constituer un canal ; mais ce n’est que le réceptacle d'organes futurs, de la corde dorsale et de la moelle épinière, et nullement la première ébauche des centres nerveux de l’axe eux- mêmes, Nous sommes, du reste, occupés d’un travail spécial sur le trait embryonnal , dans lequel nous déterminerons avec plus d’exactitude plusieurs points de son développement, sur lesquels nous n’avons pas encore d'opinion arrêtée, III. Des globules organoplastiques. Nous avons eu sous les yeux tout-à-l’heure le premier et le plus important phénomène organogénique du développement. Nous arrivons tout naturellement à la question : quels sont les premiers changements moléculaires produits par la fécondation et par l’incubation? et cette question en soulèvera, plus tard, une autre non moins importante , sur les dispositions générales des aires du germe, pendant la première période plastique. 298 PRÉVOST ET LEBÉRT. — SUR LA FORMATION Nous avons vu, dans notre premier Mémoire, sur le dévelop- pement de l’hématose dans l'embryon du Batracien, qu’un des premiers effets de la fécondation était la séparation des éléments globuleux en globules du vitellus et en globules organoplastiques. Mais leur existence, dans un ordre inférieur d'animaux vertébrés, ne nous aurait pas autorisés à en admettre l’existence dans les animaux vertébrés supérieurs; et en général, on ne peut pas assez s'élever contre la tendance, encore trop répandue aujour- d’hui, de conclure par analogie, source de beaucoup d'erreurs graves, méthode vicieuse, souvent démentie par l'observation directe : aussi étions-nous d’autant plus contents d’avoir constaté par cette observation directe l'existence de globules organoplas- tiques dans l'embryon de l’Oiseau et du Mammifère. Avant d’en donner la description, remarquons toutefois qu’il faut de forts grossissements de 4 à 500 diamètres pour bien les voir, et qu’on les reconnaît mieux à mesure que le liquide sur lequel le blastoderme se trouve étendu diminue et en masque moins les détails. Nous en avons constaté l'existence depuis la douzième heure jusque vers le sixième jour de l’incubation, et l'étude de l’ensemble de leurs détails nous à amenés à les re- garder comme élément plastique de presque tous les premiers organes, et en cela, ils présentent une grande analogie avec l’or- ganogénie du Batracien , et forment ainsi la base d’un véritable tissu cellulaire; maïs ils ont cela de propre , comparés à ceux des Batraciens, qu’ils diffèrent essentiellement des globules sanguins, et ne se transforment jamais directement en ces derniers. C’est même une des différences les plus importantes entre le déve- loppement des animaux vertébrés supérieurs et celui des vertébrés inférieurs. Ces globules organoplastiques de embryon du Poulet ont en moyenne 0"*,0195 ; ils sont parfaitement ronds, d’un blanc pâle n’offrant jamais de teinte jaunâtre ; leur surface est ordinairement comme saupoudrée de granules moléculaires, ce qui rend leur étude difficile; dans leur intérieur, ils renferment un noyau rond à contours marqués, placé plutôt vers la circonférence qu’au centre, et contenant un à deux nucléoles dans son intérieur ; le DES ORGANES DE LA CIRCULATION. 229 noyau offre de 0"",006 à 0"",0075, les nucléoles de 0"",002 à 0%,00925 de diamètre. A douze heures, ils composent déjà, d’une manière encore peu distincte, une bonne partie de la masse embryonnale, mais mélan- gée avec beaucoup de granules; le tout offre plutôt au premier aspect une masse granuleuse comme amorphe. À dix-huit heures, on rencontre ces globules dans toute la partie inférieure de l’aire embryonnale , et à vingt-quatre heures, on voit qu’ils occupent d’une manière irrégulière les deux tiers inférieurs de cette aire ; mais dans le tiers supérieur, limité par les replis, ou plutôt les branches ascendantes du capuchon céphalique, il n’en existe point ; cette aire n’est donc transparente que dans une petite partie de son étendue, et le nom d’aire transparente pour son ensemble est, par conséquent, fautif, tandis que celui d’aire embryonnale ré- pond davantage à sa véritable nature, Atrente-deux heures, on reconnaît les globules organoplasti- ques d’une manière évidente dans les plaques vertébrales (au nombre de sept paires); on en aperçoit, bientôt après, une disposi- tion rayonnée, sur la nature de laquelle nous n’avons pu arriver à une opinion positive, A trente-six heures, on les reconnaît comme élément principal du cœur, dont le développement a déjà fait de grands progrès. Les globules organoplastiques ; qui n’existent pas dans l’œuf non fécondé , sont donc un des premiers résultats de la féconda- tion, et constituent la base de la formation des premiers organes. N'oublions pas de faire observer que, quoique nous ayons cher- ché à déterminer leur formation avec une attention toute spéciale, nous n’avons également pas pu y confirmer la formation cellulaire, telle que M. Schwann (1) l'indique, savoir, la formation du noyau autour du nucléole, et du globule entier autour du noyau. Si elle existe, elle échappe à l’observation directe, et pour les globules organoplastiques du Poulet, elle est au moins hypothétique. Nous avons indiqué, dans notre précédent Mémoire, la diffé- (1) Schwann, Microscopische Untersuchungen ueber die Uebereinstimmung in der Structur und dem Wachstheim der Thiere und Pflansen. Berlin, 4839, 230 PRÉVOST ET LEBERT, — SUR LA FORMATION rence marquée qui existe entre les globules sanguins et les globules organoplastiques, et cela, dès l'apparition des premiers. IV. De la disposition générale des aires du germe pendant les premiers jours du développement. Quoique nous ayons déjà donné quelques détails sur notre ma- nière d'envisager les aires du germe pendant le commencement de l’incubation, détails qui se trouvent dans la quatrième obser- vation de notre second Mémoire, nous nous croyons pourtant obligés de revenir sur ce point de doctrine, parce que nous l’en- visageons comme un des plus importants de l’embryogénie. Dès les premières heures de l’incubation, tous les embryologistes ont reconnu la séparation du germe en deux champs, l'un opaque, et l’autre plus transparent. Nous avons déjà exposé les raisons pour lesquelles nous préférons, pour cette partie de la cicatricule, le nom d’aire ou d’aréole embryonnale. En effet, les globules orga- noplastiques qui en occupent une partie, l’embryon qui remplit lPaxe et une partie des deux côtés, font qu’il n’y a qu’à peu près le tiers supérieur des deux compartiments latéraux qui soit trans- parent. L’aire embryonnale paraît, au premier abord, formée dans le principe par une vésicule close; au moins le bord latéral est visible dans toute la circonférence, et l'observation démontre que les globules de l’aire quil’entoure n’en touchent que la surface, et ne pénètrent pas dans son intérieur. D'un autre côté, on serait aussi en droit d'envisager l’aire embryonnale comme composée de deux feuillets qui se touchent par leurs bords, sans être soudés. Gette manière de voir est tout aussi probable que la précédente, cor nous trouvons un feuillet, que nous appelons angioplastique, s'étendre depuis le centre de l’aire embryonnalé jusqu’au sinus circulaire, et traverser, par conséquent, l'aire embryonnale dans toute sa circonférence, Nous avouons que nous Ras plutôt pour cette dernière manière de voir. - L’aire embryonnale paraît donc libre à sa à Burfacé , recouverte seulement par la membrane du jaune; elle repose par sa face in- férieure sur de liquide de la cavité du cumulus et sur la fovea, DES ONGANES DE LA CIRCULATION: 231 Mais elle n’est pas libre latéralement. Là, elle ést entourée d’une membrane offrant un feuillet supérieur et un feuillet inférieur, contenant les globules particuliers de la cicatricule. Ces deux cou- ches de globules, limitées en haut et en bas par une membrane, forment l’area vasculosa des auteurs. En effet, elle est destinée à la formation du sang; mais comme la formation des matériaux du sang est distincte et séparée, dans l'embryon du Poulet, de la formation des vaisseaux, nous avons été amenés, tant par l’obser- vation que par la dissection , à séparer anatomiquement la partie hémoplastique de la partie angioplastique. Les deux couches de globules forment ce que nous appelons l'aire hémoplastique’, parce qu'ils fournissent aux vaisssaux les matériaux que ces derniers absorbent, et qui, dans les canaux vasculaires, forment le sang. La partie angioplastique est une membrane qui, partant du cœur, traversé l'aire embryonnale et l'aire hémoplastique, formant, dans l’une et l’autre, la couche intermédiaire. Nous lui avons donné le nom de membrane angioplastique; sa seule fonction est la for- mätion des vaisseaux qui absorbent les matériaux du sang. Dès l'apparition du vaisseau circulaire (et sa démarcation préexiste à son développement complet), Faire hémoplastique se divise en deux parties, dont l’une en dedans, l’autre en dehors du vaisseau términal. Le feuillet angioplastique ne s'étend pas dans cette dernière. Nous lui conserverons son nom d’aire-ou d'aréole lim- baire, ou vitelline. Du reste, vers la fin du quatrième jour, lorsque le vaisseau circulaire disparaît ; elle s’identifie de nouveau avec l'aire hémoplastique, dont elle recoit les vaisseaux, Les aires du germe se divisent donc, en procédant de dedans en dehors, en aire embryonnale et en aire hémoplastique ; cette dernière offre, pendant deux à trois jours, la subdivision en aire hémoplastique proprement dite et en aire vitelline. Les feuillets du germe, en procédant de haut en bas, sont donc, pour l’aire embryonnale, le feuillet supérieur, feuillet séreux où animal des au- teurs, le feuillet inférieur, muqueux ou végétatif des auteurs, et entre deux, le feuillet angioplastique qui va en s’epaississant du centre à la circonférence et est commun à: Paire embryon- nale et à l'aire hémoplastique, dont les couches supérieures et 232 PRÉVOST ET LEBERT. — SUR LA FORMATION inférieures recouvrent son expansion périphérique jusqu’au cercle veineux ; ainsi, l'aire hémoplastique offre aussi trois feuillets, tan- dis que l’aire limbaire n'offre que diverses espèces de globules renfermés et mêlés indistinctement entre deux feuillets membra- neux. | Quant aux dimensions des aires de la cicatricule et de leur dia. mètre proportionnel à la longueur de l'embryon, nous les avons souvent prises avec beaucoup de soin; mais nous y avons reconnu trop. de variabilité pour osèr en tirer des conclusions, et nous y croyons la réserve d’autant plus obligatoire que l'erreur des pro. portions dans ces-déductions serait de beaucoup plus grande que ne le ferait supposer la différence, quelquefois peu considérable, des chiffrés ; et si, en physiologie, les calculs mathématiques sont de rigueur, lorsque les chiffres dont on se sert offrent les chances d’exactitude , il faut , d’un autre côté, en bannir toute application lorsque leur variabilité est trop grande pour être réduite à des moyennes un peu constantes. Observons , du reste, que la circon- scription des aires est bien moins importante que la détermina- tion des couches. V. De la formation du cœur. Les premiers vestiges non douteux du cœur se montrent vers la fin du premier jour de l’incubation. À vingt-quatre heures ; on trouve cette première ébauche de l’organe central de la circulation placée à la jonction du tiers supérieur, avec le tiers moyen de l’embryon, au-dessous de la partie céphalique et au-dessus des premières plaques vertébrales, et immédiatement au-dessus de la convexité de la voûte du capuchon céphalique. C’est un canal incomplet ou- vert des deux côtés, trop court encore pour être recourbé, se per- dant en haut, dans les globules plastiques de l'embryon ; mais pouvant être plus facilement distingué en bas, sur la voûte du ca- puchon, dont les piliers latéraux ont été souvent pris dès l’abord pour le premier vestige du cœur, et, plus tard; pour ses deux cuisses, Une attention soutenue nousa permis de rectifier ce qu’il ya de faux däné l’une et dans l’autre de.ces suppositions. À trente-deux heures, cé premier rudiment à un peu augmenté DES ORGANES DE LA CIRCULATION. 233 de volume ; ses contours latéraux sont devenus plus distincts, mais il n’y existe pas encore de cavité close. … Ce n’est qu’à trente-deux heures que le cœur offre réellement l'apparence d’un organe. Ses deux parties latérales, qui, en haut, se perdaient indistinctement dans la masse embryonnaire, se sont rapprochées et forment, à leur partie inférieure, une cavité qui repose presque sur le milieu, plutôt un peu à droite de la voûte si- gnalée; on y observe les premiers rudiments des oreillettes, réunies, à cette époque, en une seule cavité, bien plus volumineuse que tout le reste du cœur. Le canal cardiaque, déjà légèrement re- courbé, se rétrécit ensuite et passe au rudiment du ventricule, dont les deux parties latérales sont tellement rapprochées, que cela leur donne la fausse apparence de se terminer en une pointe mousse, | À trente-quatre heures, on reconnaît dans le cœur, avant que ses premiers mouvements se soient manifestés, la communication du centre circulatoire avec les premiers vaisseaux qui viennent de se former. A trente-cinq heures, la séparation en oreillette et en ventricule | est encore plus manifeste, et on voit alors distinctement que ce dernier se continue en haut dans un vaisseau, qu’on ne peut ce- pendant pas encore suivre bien loin. A trente-six heures, nous n’avons eu d’autre particularité à no- ter que le commencement des contractions du cœur, qui, à cette époque, consistent en un mouvement oscillant et ondulatoire, res- semblant au mouvement péristaltique des intestins. Le liquide, mû ou plutôt ballotté dans son intérieur, ne montre pas encore de globules sanguins. À trente-neuf heures, la partie supérieure de l'embryon s’est tournée sur le côté gauche. Le corps de l'embryon, qui, en pre- mier lieu, a présenté le dos à l’observateur, montre, plus tard, la tête tournée reposant sur sa partie gauche, et un peu plus tard tout le corps suit ce mouvement. Le cœur, qui d’abord pend sous le thorax, se place ensuite à gauche lorsque le fœtus tourne ; et alors il se fléchit en arc de cercle, dont la convexité est à gauche. Il forme une saillie latérale semi-ellipsoïde, Ses contractions sont 3° série, Zoo. T. II. (Octobre 1844.) 16 23 PRÉVOST ET LEBERT. — SUR LA FORMATION devenues rhythmiques et régulières. L’oreillette a moins aug- menté de volume que le ventricule , dont le bord externe sur- tout s’est allongé, ce qui lui donne un aspect bombé; l’auricule, encore simple, présente déjà une apparence bilobée, offrant un léger rétrécissement à l’endroit de son passage au ventricule. Le ventricule, qui près de l’auricule s’était courbé de droite à gauche, se recourbe de nouveau en haut en sens inverse, et, après un léger rétrécissement de sa substance, il se dilate pour former le commencement du bulbe de l'aorte, qui donne origine aux ar- tères. Depuis l’impression de notre deuxième Mémoire , nous avons fait l'observation importante, que nous poursuivrons du reste encore pour l'étudier tout particulièrement, savoir: qu’à quarante heures on voit la première ébauche du ventricule droit. Le bord interne, qui plus tard devient le supérieur, montre le vaisseau ou plutôt le bourrelet qui marque la place du ventricule droit : un peu plus tard, cette partie, par le changement de position, devient supérieure et antérieure ; alors l’artère pulmonaire passe en avant et à gauche du bulbe aortique. À quarante-deux heures, le bord interne du ventricule s’est encore raccourci davantage, tandis que sa convexité a continué à s’allonger ; le bulbe de l'aorte est devenu plus marqué, et on reconnait aisément sa division en vaisseaux branchiaux qui, après avoir passé à travers les fentes branchiales, se réunissent de nou- veau en un tronc commun , l'aorte, qui passe derrière l’auricule déjà bilobée , et se divise ensuite en deux grands troncs qui mè- nent le sang au vaisseau terminal. À quarante-huit heures, on reconnaît plus distinctement les veines qui se rendent à l’auricule, et de plus on commence à apercevoir la pointe du cœur ; le ventricule , toujours saillant sur le côté gauche, a continué à se bomber davantage et à devenir plus volumineux. A cette époque, une partie du bulbe et du ven- tricule est cachée par l’auricule, qui n’est guère plus volumi- neuse que le bulbe lui-même. A soixante heures, le cœur offre l'aspect d’un 8 dont les con- tours sont quelquefois assez difficiles à bien déterminer, Les DES ORGANES DE LA CIRCULATION. : 235 oreillettes, probablement en voie du travail de séparation inter- auriculaire, sont placées en arrière et en bas par rapport au ven- tricule ; ensuite le rétrécissement de la substance du cœur entre les cavités veineuses et artérielles se dirige de gauche à droite (l'embryon étant couché sur le côté gauche ), et de bas en haut ; puis le ventricule se recourbe en arrière , de haut en bas et de droite à gauche, et l’origine des artères croise légèrement la partie postérieure des ventricules, qui sont placées en mi-profil ; ensuite la partie des ventricules qui passe-dans les gros troncs vasculaires se tourne de nouveau de bas en haut et de gauche à droite , tout près de l'oreillette, que des vaisseaux contournent en arrière, pour passer derrière lui, le long de la colonne vertébrale. A cette même époque, on reconnaît bien plus distinctement le ventricule droit , qui longe transversalement la partie supérieure et anté- rieure du ventricule gauche, et se continue dans l’artère pulmo- naire : dans l’une et l’autre on ne voit pas encore circuler de sang au début de leur formation, et nous voyons ici de nouveau que ce n’est pas le sang qui se fraie mécaniquement le chemin qu’il doit parcourir, mais que les voies de la circulation se préparent tou- jours antérieurement au passage du sang. L’artère pulmonaire , dans sa première apparition, se trouve placée à côté du bulbe de l'aorte, et marche parallèlement avec ce dernier vaisseau sur une certaine étendue de son trajet. Plus tard, le canal artériel va per- sister comme vestige de leur rapprochement primitif, tandis que chacun des deux grands troncs vasculaires va se répandre dans les organes dans lesquels ils sera destiné à circuler. Il paraît que, dans le principe, le ventricule droit se forme par une cloison transversale dans le ventricule commun , dont la pointe appar- tiendra encore pendant longtemps exclusivement au ventricule gauche. | , À soixante-douze heures, on voit les quatre cavités du cœur bien formées ; entre les deux auricules, on remarque encore une protubérance , une espèce de lobe moyen faisant surtout saillie en haut ; la pointe du cœur, toujours appartenant au ventricule gauche, n’est plus située dans l'axe de l’organe, mais plutôt un peu à droite, | 236 PRÉVOST ET LEBERT. — SUR LA FORMATION : À quatre-vingt-seize heures, le cœur, placé auparavant plus ou moins transversalement , a commencé à occuper une position tout-à-fait verticale, la pointe tournée en bas, ce qui provient très probablement du tiraillement que les gros troncs vasculaires, qui descendent le long de l’épine dorsale, font éprouver au cœur. Les deux auricules sont bien développées , le ventricule droit a aug- menté de volume, le sang y circule librement; l’artère pulmonaire est encore très rapprochée de l'aorte. Quant à la position du cœur relativement aux parties qui l’entourent, nous renvoyons aux détails des observations communiquées dans notre précédent Mémoire. Nous signalerons ici une lacune dans la science , sur laquelle malheureusement notre attention n’a été attirée que trop tard : c’est l'étude du mode de formation des parois de sépara- tion, et des valvules des diverses cavités du cœur. Nous avons noté plus haut que c'était à trente-six heures que les contractions du cœur commençaient comme une faible oscilla- tion , comme une espèce de mouvement péristaltique. Mais n’ou- blions pas d’insister sur ce fait, que les premiers globules du sang existent avant les contractions du cœur, et plus tôt au bord de l’aire embryonnale ; que, par conséquent, ce ne peuvent pas être des globules organoplastiques détachés de l’intérieur du cœur, et poussés ainsi dans le torrent de la circulation, Les premières con- tractions du cœur mettent du reste ce sang en mouvement, et c’est bien de l'organe central que partent à cette époque tous les mou- vements circulatoires. À quarante-deux heures, les contractions sont déjà bien régulières, et on peut voir que ces mouvements dépendent d’une contraction de la totalité de la masse musculaire du cœur, et non de la somme de mouvements partiels de rappro- chement et d’éloignement de globules. 11 est donc évident que la substance musculaire commence à y exercer pleinement ses fonc- tions bien longtemps avant que sa structure ait atteint son déve- loppement complet, et que partout la fonction des organes et des tissus préexiste à leur évolution parfaite. On serait disposé à croire, dans l’étude des premiers jours de l’incubation , que les premiers mouvements du cœur ne s’effectuent pas sous l’influence du système nerveux, dont on n’apercoit sous le microscope , à DES ORGANES DE LA CIRCULATION. 237 cette époque, aucune action directe sur le cœur. Cependant il fau- drait de nouveau étudier ce point avec beaucoup de soin avant de le décider d’une manière positive. On voit même que, dès que le cœur est assez volumineux pour pouvoir être isolé par la dis- section, il continue dans cet état à se contracter pendant plusieurs heures, et même, lorsque ces contractions ont cessé spontané- ment , l’attouchement avec une aiguille métallique les provoque encore , ce qui tient à une action galvanique. Il est donc probable que le cœur possède une contractilité propre et indépendante de l’action motrice du système nerveux et de l'influence excitante du sang, Si nous résumons en abrégé nos observations sur la formation de la substance du cœur , nous trouvons que, pendant les deux premiers jours de l’incubation, ou plutôt depuis la vingt-quatrième jusqu’à la quarante-deuxième heure , le cœur est tout composé de globules organoplastiques, renfermés dans une substance intercel- lulaire finement granuleuse. À quarante-deux heures, on reconnait déjà le péricarde, qui entoure de toutes parts le cœur. A cin- quante-cinq heures, les globules plastiques commencent à ne plus paraître généralement sous leur forme complète de membrane cellulaire munie d’un noyau qui renferme un ou deux granules. On y remarque un certain nombre de noyaux sans parois d’enveloppe, et la substance intercellulaire a pris un aspect réticulaire, d’appa- rence fibreuse ; le péricarde a déjà à cette époque une structure plus franchement fibreuse, mêlée cependant de tissu fusiforme. A soixante-douze heures, on reconnaît dans la substance du cœur, outre les noyaux et les globules intacts, un certain nombre de corpuscules aplatis et allongés ; mais on ne voit pas encore de faisceaux musculaires distincts, qui ne commencent à avoir leur forme particulière qu’à quatre-vingt-seize heures, époque à la- quelle on reconnaît de plus les noyaux, quelques globules organo- plastiques intacts, etun certain nombre d’autres d'aspect filiforme. Les faisceaux musculaires que nous venons de mentionner y existent alors en grand nombre, et s’entre-croisent dans tous les sens, for- mant ainsi le premier réseau musculaire dy cœur ; mais dans l'in- térieur de ces faisceaux on ne reconnaît point encore de fibres 238 PRÉVOST ET LEBERT, — SUR LA FORMATION primitives distinctes, mais plutôt une substance irrégulière et gra- nuleuse. À cent quarante heures, la substance musculaire à pris sa co- loration rouge de chair; les faisceaux montrent bien dans leur in- térieur des fibres primitives très fines, mais en outre on voit encore beaucoup de globules organoplastiques tout autour des faisceaux. Du reste, nous donnerons ailleurs plus de détails sur le développement de la substance musculaire du cœur. Notons, en terminant, que le cœur et les vaisseaux se forment à peu près en même temps, et qu’ils nous paraissent, d’après nos observations, être dès le commencement de leur apparition en communication directe. VI, De la formation des vaisseaux. Vers la vingt-quatrième heure de l’incubation, à peu près en même temps qu'on reconnaît les premières traces du cœur, se voient obscurément autour des plis latéraux du capuchon cépha- lique les premiers vestiges des vaisseaux ; mais ce n’est que vers la vingt-huitième heure que leur existence devient bien manifeste. Il est très probable que déjà à cette époque leur communication directe avec le cœur existe, cachée par des plis latéraux, avec lesquels ils ont l’air d’être en continuité directe, ce qui cependant n’est qu’une apparence, qui a bien contribué à accréditer l’er- reur, déjà signalée, que ces plis étaient les branches latérales du cœur. Les vaisseaux, à cette époque, forment un réseau dont le cœur est le centre, et dont la périphérie est marquée par la place que doit bientôt occuper le vaisseau terminal. Ges canaux vascu- laires se forment dans un feuillet particulier, que nous avons appelé angioplastique, et qui absorbe les parties liquides de la membrane et des globules hémoplastiques. Le liquide , qui pénètre aïnsi entre les lamelles du feuillet susdit, y produit un décollement partiel , qui constitue les premiers canaux vasculaires. Les- intervalles entre les vaisseaux ne sont autre chose que des plans non décollés du feuillet angioplastique. A trente-deux heures, les vaisseaux sont encore bien plus visi- blés, et quoique les globules sanguins n’y existent pas encore, il DES ONGANES DE LA CIRCULATION. . 239 est pourtant infiniment probable que leur intérieur est rempli d’un liquide incolore et homogène. Les vaisseaux n'offrent encore qu'une grande inégalité de calibre ; mais malgré cela on y voit une tendance bien manifeste à l’augmentation des anastomoseés. Les vaisseaux poussent des saillies latérales par décollement par- tiel des lamelles du feuillet vasculaire , saillies plus ou moins arrondies ou pointues , allongées, formant des espèces d’éperons qui souvent finissent par se rencontrer, provenant de deux côtés différents, et établissent ainsi des vaisseaux de communication. Dans le principe, on ne distingue pas encore de gros troncs vas- culaires ni de cäpillaires ; tous les vaisseaux, quoique d’un calibre variable sur les divers points de leur trajet, ne diffèrent cependant pas beaucoup les uns des autres en largeur et en capacité. Quant aux détails sur la manière dont les anastomoses s’établissent, nous renvoyons à notre précédent Mémoire. L'existence de ce feuillet angioplastique n’est du reste nullement une simple supposition ; mais , déjà vers la trente-cinquième heure de l’incubation , nous avons pu l’isoler par une dissection, il est vrai, difficile ; plus tard cette dissection s’opère facilement. Ce n’est qu’à trente-neuf heures que le sinus circulaire est bien formé ; le sang y circule, mais il est encore trop entouré d’é- paisses couches de globules pour pouvoir y suivre la circulation sous lé microscope : cependant , au moyen de la dissection, on en fait aisément sortir des globules sanguins. À quarante-huit heures, la circulation y est bien facile à constater, et on reconnaît ses parois bien distinctes, Par rapport au calibre des vaisseaux, nous ferons observer que, tandis qu’ils étaient peu différents les uns des autres à vingt-huit heures , à trente-cinq heures la proportion de leur largeur varie entré 4 et 4, savoir, entre 0"",044 et 0"",056. À quarante-huit heures , la différence est déjà bien plus tranchée ; la proportion varie entre À et 10, savoir, entre 0"",016 et 0"",16. Les parois vasculaires, à quarante-huit heures, se sont aussi dé- veloppées davantage, et les vaisseaux paraissent déjà composés d'une double membrane. | Vers la fin du troisième jour, le vaisseau terminal commence à disparaître, et c’est le meilleur moment pour isoler par la dissec- 240 PRÉVOST ET LEBERT. — SUR LA FORMATION tion la membrane angioplastique ; on voit alors qu'il existe entre les vaisseaux une expansion membraneuse fine et transparente. Vers la fin du quatrième jour, le vaisseau terminal a à peu près disparu , les vaisseaux commencent à devenir plus réguliers , et bientôt après les éperons disparaissent complétement, leur calibre devient plus égal ; les veines suivent le trajet des artères ; la différence entre les gros troncs vasculaires et les capillaires devient de plus en plus tranchée quant aux diamètres de la capa- cité intérieure. En un mot, les vaisseaux se rapprochent de plus en plus de leur forme complète et définitive. VII. De la formation du sang. … Avant d'aborder l’histoire de la formation des globules du sang, nous tracerons en deux mots celle des globules hémoplastiques : ce sont eux qui remplissent en bonne partie l’aire hémoplastique ; ils varient entre 0°",02 et 0"",04; ils sont remplis de granules et de petites vésicules ; ils remplissent au commencement de l’incu- bation presque tout le blastoderme , ensuite ils sont refoulés au- tour de l’aire embryonnale, et dès que le feuillet angioplastique est devenu bien manifeste, ils l'entourent en haut et en bas dans la partie qui se trouve en dehors de l'aire transparente. Ges glo- bules augmentent considérablement en nombre pendant les pre- miers jours de l’incubation ; ils se forment surtout par transfor- mation des éléments du jaune absorbés par la face inférieure du blastoderme. A leur retour, ils se transforment ensuite en sang par l'intermédiaire du feuillet angioplastique , qui en absorbe, comme nous avons vu, une partie liquide dans laquelle s’organi- sent ensuite les globules sanguins. 11 va sans dire que nous ne parlons ici que de la première formation du sang. Cette absorption a pour effet de donner à la membrane hémoplastique un aspect arborisé, parce que ses globules se groupent et s’attachent autour des vaisseaux. Par ce travail endosmique , bon nombre de ces globules perdent leurs membranes d’enveloppe, d’autres se défor- ment, et finalement ils sont beaucoup moins rapprochés les uns des autres, ce qui provient de ce qu’il s’absorbe plus de sang qu’il ne se forme de globules hémoplastiques. C’est aussi la cause pour DES ORGANES DE LA CIRCULATION. PAIE laquelle plus tard la membrane hémoplastique devient trouée, Nous arrivons à présent au point le plus important de l’héma- tose, à la formation des globules sanguins. Nous avons déjà vu plus haut que les vaisseaux sanguins com- mençaient à se former entre la vingt-quatrième et la vingt-huitième heure de l’incubation ; il est probable que dès l’origine ils con- tiennent un liquide, mais sans couleur, et à l’état homogène. Ce n’est que vers la trente-quatrième heure de l’incubation , après que le cœur et les vaisseaux ont déjà pris un certain développe- ment, que nous avons commencé à noter la présence des globules du sang, non point dans le cœur ni dans les vaisseaux qui en étaient les plus rapprochés, mais dans les capillaires périphériques autour de l'aire embryonnale, nouvelle preuve en faveur de la for- mation des globules du sang par l'intermédiaire des globules hé- moplastiques, qui en effet constituent l’élément le plus rapproché, et qui n’en sont séparés que par des parois très minces. Les glo- bules du sang offrent d’emblée un cachet particulier, se distinguant par des caractères tranchés de toute autre espèce de globules qu'on a occasion d'observer pendant le commencement de la vie embryonnale. Ils existent au commencement en fort petit nombre ; mais jamais on n’en voit nulle part en dehors des parois du cœur et des vaisseaux : leur diamètre varie dans leur première appari- tion entre 0"",0083 et 0"",0195 ; ils sont ronds, aplatis, à peu près incolores, sans noyaux visibles tant qu’ils sont renfermés dans les capillaires, mais faisant voir un noyau de 0"",005 lors- que, sortis des vaisseaux, on les traite avec l’acide acétique. Nulle part on ne reconnaît de noyaux sans enveloppe cellulaire, et rien ne nous autorise à supposer que le noyau se forme le premier. Chaque globule sanguin a ses contours parfaitement nets, quoique pâles, et on voit facilement qu’ils ne se forment point par désa- grégation des globules agminés. Le premier sang homogène et incolore les tient en suspension, et ils s’y forment de toutes pièces par la combinaison directe des éléments qui les composent ; leur première formation précède le commencement des mouvements du cœur. Nous avons de plus montré ailleurs leurs différences tran- chées avec les globules organoplastiques. Au moment où la cireu- 2h2 PRÉVOST ET LEBERT. — SUR LA FORMATION lation commence à s'établir, les globules du sang prennent une teinte jaune-rougeûtre , et après leur sortie des vaisseaux on re- connaît la position du noyau de 0"*,005 plutôt périphérique que centrale. | | À quarante-huit heures, le sang prend dans le cœur et dans les vaisseaux une teinte de plus en plus rouge, ce qui tient d’un côté à l'augmentation de leur nombre, et d’un autre côté surtout au développement plus grand de la matière colorante du sang dans l'intérieur de ces globules. Vers la fin de ce second jour de l’incu- bation, nous avons déjà rencontré quelques globules du sang à forme ovalaire. À cinquante-cinq heures , nous avons noté quel- ques particularités qui sont plutôt des variétés que des phases de développement , savoir : 1° l'existence de granules moléculaires entre la paroi d’enveloppe et le noyau, forme qui rappelle celle des globules sanguins des Batraciens au début de la vie fœtale : 2 l'existence de deux noyaux dans un seul globule ; 3° l'existence d’un granule, qui se rencontrait parfois dans l’intérieur du noyau, qui du reste n’a pas changé de dimensions. Pendant le troisième jour de l’incubation, il ne s’est point opéré de changement important dans les globules sanguins. Dans le courant du quatrième jour, nous avons vu que le cœur se déve- loppait au point d'acquérir la forme qu’il doit garder ; en même temps, le foie a commencé à se développer. C'est à cette même période que les globules du sang deviennent plus généralement elliptiques ; leur dimension alors est de 0"*,015 de long sur 0"",01 de largeur ; le noyau a 0°*,005 ; les globules ronds ont conservé 0"",0125. Du cinquième au sixième jour, nous ne notons pas d’autre changement important qu’une grande prépondérance des globules elliptiques ; le noyau est devenu granuleux dans son intérieur, En traitant ces globules avec de l'acide acétique ou avec de l’eau, on peut se convaincre que la matière colorante n’est pas contenue dans le noyau, mais qu’elle est renfermée entre ce dernier et la paroi cellulaire , et en disparaissant sous l'influence de l'acide, elle reste encore pendant quelque temps visible autour du noyau incolore. Vers le huitième jour, nous avons rencontré, outre les DES ORGANES DE LA CIRCULATION, 2h3 globules ronds et elliptiques, une autre espèce de globules san- guins blancs, dépourvus de matière colorante, ronds , aplatis, biconvexes, et quelques uns montrant un noyau : ces globules ont de 0"*,0056 à 0"",0085. On voit en outre dans le sang , à cette époque , beaucoup de granules moléculaires. Nous n’avons plus depuis lors d’autres particularités à noter, si ce n’est qu’à mesure que le sang se forme , les nouveaux globules sanguins sont à peu près tous elliptiques. Quant à la circulation, telle que nous l’avons observée pendant les diverses phases du développement, nous renvoyons le lecteur aux détails que nous avons indiqués dans le courant de notre pré- cédent Mémoire. Nous observons en général , depuis le milieu du deuxième jusqu’au milieu du troisième jour, une circulation auri- culo-ventriculaire simple ; le sang provenant du ventricule passe dans le bulbe de l'aorte, qui se divise en vaisseaux branchiaux, qui se réunissent en une seule aorte, qui se divise en deux grands troncs aboutissant au cercle veineux, et revenant de ce dernier d'en haut et d’en bas dans l'oreillette; et ce n’est qu’à la fin du troisième ou au commencement du quatrième jour qu’on commence à voir la double circulation aortique et pulmonaire qui, au bout de peu de temps, a pour effet la disparition du vaisseau terminal. Les détails de la répartition du sang dans les divers organes de l’em- bryon ayant été étudiés par beaucoup d'auteurs , parmi lesquels nous citerons MM. Serres, Thomson, de Baer, Burdach et Valentin, nous n’avons rien de nouveau à ajouter aux observations de ces : célèbres physiologistes , et nous arrivons ainsi aux conclusions générales de notre travail. 1. L'’ovule de l'Oiseau est formé dans l’ovaire comme, du reste, dans les autres classes des animaux vertébrés; il est composé, dans le principe, de la vésicule germinative et d’un jaune granuleux ; ce dernier augmente de volume chez Oiseau en bien plus forte pro- portion que dans les autres classes d’animaux. La cicatricule reste très petite par rapport à l’embryotrophe. 2. L'œuf apte à la fécondation est composé, outre ses parties ex- térieures et protectrices, du jaune et de la cicatricule, l’un et l'autre rénfermés dans une membrane commune très fine. Le 214 PRÉVOST ET LEBERT, — SUR LA FORMATION jaune est composé de granules moléculaires de 0"*,001 à 0°",002, de vésicules graisseuses de 0"”,005 à 0"”,02 et de grands globules de 0"",02 à 0“",06. Il renferme de plus une huile particulière. 3. Le jaune de l’œuf après la coction semble, sous le micros- cope, être composé de corps cristalloïdes, qui ne sont autre chose que les grands globules déformés. Par la coction, la cicatricule devient violette. k. La cicatricule non fécondée est composée de granules mo- léculaires, de petites vésicules graisseuses , d’agminations de ces deux éléments, de globules agminés de 0"",02 à 0"",04, de glo- bules granuleux de 0"",02 à 0"",03 et de globules gélatiniformes graisseux de 0°",005 à 0"”,02. _… L'existence d’une vésicule qui répondrait plus tard à l’aire em- bryonnale n’a pas pu être directement démontrée. 5. La cavité centrale de l’œuf sert d’intermédiaire pour la trans- formation des éléments du jaune en éléments de la cicatricule. 6. La formation des cellules de la cicatricule se fait par con- fluence périphérique et condensation en membrane d’enveloppe de la surface des agminations de granules ou de vésicules, ou de l’un et de l’autre. Ce n’est nullement une formation de cellules autour de noyaux préformés. 7. Le trait embryonnal n’est probablement autre chose qu’un vide médian, limité des deux côtés par des bandes saillantes, les lames vertébrales. Plus tard, le vide médian est remplacé par une gouttière et ensuite par un canal médian; cependant, des recher- ches ultérieures sont nécessaires pour que la science puisse pro- noncer le dernier mot sur ce point important. 8. Un des premiers effets de la fécondation est la fnaoliée des globules organoplastiques très analogues à ceux que nous avons signalés pour l’embryon des Batraciens. 9. Ils constituent la base de tous les organes, depuis la dou- zième heure de l’incubation jusqu’au sixième jour, époque à la- quelle les divers tissus commencent à se différencier. Ils ont en moyenne 0°",0195, renfermant un noyau de 0°”,006 à 0"”,0075 qui contient un à deux granules de 0"",002 à 0"*,0025. 10. Pendant les premiers jours de l’incubation, la cicatricule DES ORGANES DE LA CIRCULATION. 245 est composée, en procédant de dedans en dehors, de l’aire em- bryonnale, de l’aire hémoplastique et de l’aire vitelline, et en pro- cédant de haut en bas, du feuillet supérieur, animal ou séreux, du feuillet inférieur, végétatif ou muqueux (ces deux feuillets ap- partenant à l’aire embryonnale), et entre deux, du feuillet angio- plastique, dont le centre dans l’aire embryonnale est le cœur, et la circonférence dans l’aire hémoplastique est formée par le vais- seau terminal. Les globules de l’aire hémoplastique en recouvrent les parties qui se trouvent en dehors de l’aire embryonnale. A1. Le cœur, dans ses premiers rudiments, comme canal ouvert des deux côtés, paraît vers la vingt-quatrième heure de l’incu- bation. 12. L’auricule est formée la première ; viennent ensuite le ven- tricule et le bulbe de l'aorte. Le cœur se recourbé à mesure qu'il se développe, n'ayant pas assez d’espace pour se développer dans le sens vertical. 13. Le cœur est, dès le principe, en communication directe avec le système vasculaire. 14. Les premières contractions du cœur se montrent à trente- six heures ; ce sont plutôt des mouvements oscillatoires et comme péristaltiques que de véritables contractions rhythmiques, qu’on ne voit que depuis la trente-neuvième heure. 15. Le développement du ventricule, plus considérable que celui de l’auricule, est la cause de la forte saillie latérale du cœur dans la deuxième moitié du second jour. 16. Vers la fin du deuxième jour, la pointe du cœur devient bien visible, le bord externe du ventricule s’étant allongé, tandis que l’interne s’est raccourci. 17. Le ventricule droit devient bien manifeste dans la première moitié du troisième jour sur la partie antérieure et supérieure du ventricule gauche, probablement par l'établissement d’une cloison dans le sens vertical et transversal; on en reconnaît le premier rudiment déjà à quarante heures. 18. La circulation ne se fait, dans le ventricule droit, que quel- que temps après sa formation. 19. C’est pendant le quatrième jour que les quatre cavités du 246 PRÉVOST ET LEBERT. — SUR LA FORMATION cœur prennent la forme qu’elles doivent garder. C’est vers la fin de ce jour que le cœur prend une position verticale, la pointe étant tournée en bas. 20. La substance musculaire du cœur commence à exercer pleinement ses fonctions longtemps avant que les éléments qui la composent soient bien développés. . 24. La contraction, pendant ce temps, appartient à toute la masse charnue, et ne consiste pas dans un mouvement de rappro- chement ou d’éloignement des globules et autres molécules. 22. L'observation directe n’a pas encore démontré que les con- tractions du cœur, pendant les premiers jours du développement, dépendent de l'influence motrice du système nerveux et de l’ac- tion excitante du sang. La substance musculaire y paraît posséder, dans le principe, une force pAFHGUHÈRe de contractilité et de di- latabilité. | 23. Le péricarde paraît dès la quarante-deuxième heure; il se développe d’emblée comme tissu fibreux. 2h. La substance du cœur est d’abord composée de globules organoplastiques, cimentés ensemble par une substance inter- cellulaire, Ensuite, une partie des globules perdent leurs parois d’enveloppe : on voit des éléments plastiques fusiformes. Plus tard, on remarque quelques cylindres musculaires, granuleux dans leur intérieur. Ce n’est que pendant le sixième jour qu’on y reconnait les fibres primitives ; mais pendant longtemps encore les éléments globuleux restent mêlés avec les faisceaux musculaires. 25. Les vaisseaux se forment dans un feuillet particulier, le feuillet angioplastique, dont le cœur est le centre et le vaisseau ter- minal la limite périphérique. | 26. Les vaisseaux s’y forment par décollement de ses lamelles, au moyen du sang, dont les éléments y sont portés par absorption. 27. Les premières anastomoses s’opèrent par des décollements latéraux en forme d’éperons, qui finissent par se rencontrer et par former de nouveaux canaux. 28. À mesure que les vaisseaux se développent et deviennent plus nombreux, la différence entre les gros troncs vasculaires et les capillaires devient plus tranchée, | DES ORGANES DE LA CIRCULATION, 247 29. Le vaisseau terminal, en activité depuis la trente-neuvième heure, disparaît le quatrième jour, lorsque les cavités du cœur ont pris leur forme permanente, 30. Le sang est formé dans l’aire hémoplastique, dont les glo- bules fournissent ses matériaux au feuillet angioplastique, qui les absorbe par un travail endosmique. 31. Les matériaux du sang, dans le premier rudiment de vais- seaux, sont d’abord homogènes et incolores. Les globules ne pa- - raissent que vers la trente-quatrième heure de l’incubation, ronds et incolores, de 0"",008 à 0"",012, et d’emblée différents de toute autre espèce de globules, 32, Ils se forment, dès le principe, de toutes pièces, et nulle- ment autour d’un noyau préformé. 33. Les premiers globules du sang paraissent à la périphérie du feuillet hémoplastique. 3h. Le sang ne devient rougeâtre qu’au moment où la cireu- lation est bien établie. La coloration du sang dépend de l’augmen- tation du nombre des globules et de la matière colorante qui s’est développée dans leur intérieur. . 25, Les globules du sang commencent déjà à être ovalaires vers la fin du deuxième jour ; mais ils ne le deviennent générale- ment qu'après le développement plus complet du cœur, et après l'apparition du foie, depuis la fin du quatrième jour. 86. On rencontre quelquefois dans les globules sanguins deux noyaux, et parfois dans ces derniers un ou plusieurs granules. Exceptionnellement, on y voit aussi des granules entre l’enveloppe cellulaire et le noyau, phénomène analogue à celui qu'on observe dans le sang des embryons des Batraciens. 87. On peut se convaincre que la matière colorante du sang est renfermée entre l’enveloppe des globules et le noyau. 38. Vers la fin de la première évolution du sang, on y voit, outre les globules ronds et elliptiques, beaucoup de granules mo- léculaires et de petits globules presque incolores de 0*",0056 à 0"",0085, contenant généralement un noyau, 218 VALENCIENNES. -— SUR LE DITHYRIDIUM LACERTÆ, OBSERVATION D'une espèce de ver de la cavité abdominale d’un Lézard vert-piqueté des environs de Paris, le DITHYRIDIUM LACERTÆ, Nob. ; Par M. VALENCIENNES (1). Plus on se livre à l'étude de l’helminthologie, plus les ani- maux variés et nouveaux que l’on découvre augmentent l'attrait attaché à cette sorte de recherches. Les zoologistes sont aujourd’hui d'accord pour les diviser en deux grands ordres. Les uns, appelés Cavitaires ou Nématoïdes, ont une organisation assez complexe; un canal digestif entouré, comme je l’ai fait voir pour les Filaires, d'organes glanduleux qui doivent jouer un rôle dans leurs fonctions digestives : cet in- testin, distinct des tuniques du corps, est enveloppé dans les nom- breux replis des canaux qui constituent l’appareil reproducteur. D’autres Helminthes, nommés Parenchymateux , ont pour tube digestif distinct de la peau, des canaux ramifiés et creusés dans le parenchyme celluleux du corps ; on voit, dans le liquide qui gonfle le ver, des granules nombreux qui y sont tenus en suspension : c’est à peine si l’on aperçoit des organes reproducteurs. Il semble que ces deux ordres de vers appartiennent à des groupes isolés, éloignés les uns des autres; mais la nature nous présente, dans les Linguatates, le lien qui les réunit, et elle nous fait voir alors une sorte de création particulière, tantôt complexe, tantôt très simple, mais continue pour tous les êtres parasites vi- vant dans les divers organes des êtres animés. Celui que je vais décrire me semble offrir aux zoologistes plu- sieurs genres d'intérêt, car ‘il va fixer une des espèces douteuses de Rudolphi, et constituer en même temps un genre nouveau. J'ai trouvé, dans la cavité abdominale d’un Lézard vert-piqueté ( Lacerta viridis, Lin.), un nombre assez considérable de petits Heélminthes que je ne tardai pas à reconnaître pour être d’un genre et d’une espèce particulière. (1) Comptes-rendus des séances de l’Académie des Sciences, t. XIX , séance du 16 septembre 1844. VALENCIENNES. — SUR LE DITHYRIDIUM LACERTÆ, 249 Soixante-trois individus étaient libres sous le’ péritoine ; ils s'étaient développés dans la cavité péritonéale, car, ayant insufflé l'intestin pour m’assurer s’ils n’auraient pas pu sortir du tube di- gestif par une déchirure de ses tuniques , je l’ai rempli d'air et gonflé. Ayant ensuite examiné le canal intestinal, je n’y ai pas trouvé un seul Helminthe. Ces parasites de l'abdomen du Lézard étaient tous de couleur blanche, de forme un peu ovoïde , leur longueur de 3 millimètres, leur largeur de 4 seul : on les aurait pris aisément pour de pétites graines. En remplissant la cavité du ventre d’eau à peine tiède, j'en ai vu plusieurs s’allonger, et leur plus grande extension n’a pas dépassé 4 centimètre ; le corps n’a pas paru diminuer sensiblement de largeur, mais il devenait plus mince. | Avec l’aide d’une loupe simple, on remarque les plis nombreux dont le corps est traversé , et l’on voit à l’une des extrémités un petit renflement, comme un petit bouton, et indiquant que la tête du petit ver est de ce côté ; elle rentre en se repliant à la manière de celle de la plupart des vers parenchymateux. En plaçant main- tenant le petit animal sous le microscope, il est facile d’observer, à travers la transparence de ses téguments, que les rides ne sont autres que des plis de la peau, que le corps n’est pas articulé, que l’intérieur du corps est rempli de granules irréguliers angu- leux , nombreux en avant, et devenant plus rares vers la partie postérieure. On observe de chaque côté deux canaux longitudi- naux étroits , très onduleux , semblables à ceux des Scolex. Quand la tête est tout-à-fait sortie, elle se montre sous la forme d'un disque convexe portant quatre oscules creux. S'ils ne sont pas tout-à-fait ouverts, leurs deux bords rapprochés dessinent un petit trait longitudinal ou transversal. Quelquefois il y a plusieurs plis, si les bords se sont froncés. Il est rare de voir les’ oscules complétement ouverts. Je ne les ai ainsi observés que deux ou trois fois. L'extrémité postérieure du corps est remplie par une masse _ jaunâtre d’une apparence celluleuse , un peu plus dense que les parties antérieures, et que M. Dujardin considère, avec beaucoup de raison, comme une ébauche des organes reproducteurs. 3° série. Zoos. T. II. (Novembre 1844.) 17 250 VALENCIENNES. — SUR LE DITHYRIDIUM LAGERTÆ: On n’observe rien de plus dans la simplicité de l’organisation de ces petits êtres. y | Leur forme générale, la présence des canaux ondulés internes , prouvent qu’ils sont. voisins des Scolex ; mais la disposition des oscules de la tête, et la nature anguleuse des granules intérieurs établissent des différences appréciables entre ces vers et le genre qui vient de leur être comparé. En cherchant , dans l’ouvrage de Rudolphi, si cet infatigable helminthologiste n’avait pas observé un ver semblable, j'ai trouvé, dans la liste des espèces laissées par lui comme douteuses , etren- core inçertaines , deux observations qui ont les plus grands rap- ports ayec les miennes, et qui lui ont été communiquées par le célèbre Bremser, de Vienne. Celui-ci a vu, dans des tubercules du foie d’un Lézard vert, six Helminthes, à la tête desquels il n’a signalé que deux oscules ; le même savant a observé un autre ver d’une espèce très probablement semblable dans le Lézard gris (Lacerta muralis) ; mais Rudolphi croit cependant que ces deux Helminthes sont du même genre que deux autres petits vers ob- servés aussi par Bremser dans une Perdrix de roche , et qui au- raient eu quatre oscules autour du disque céphalique. Rudolphi dit qu’il aurait désigné les vers du Lézard sous le nom de Dithy- ridium , s’il ne lui était pas resté des doutes, à cause de leur grande ressemblance avec ceux de la Perdrix , et s’il avait pu les étudier avec plus de détails ; mais les individus que M. Bremser lui avait communiqués n'étaient pas assez bien conservés, Comme je n’ai trouvé ces Helminthes indiqués dans aucun autre auteur, comme nous ne connaissons encore qu'un très petit nombre d'observations sur les vers des Reptiles, et enfin , comme je crois retirer des espèces douteuses une de celles que Rudolphi y avait laissées, j’ai pensé qu'il était utile de publier la description de cet animal , en l’accompagnant d’une figure détaillée , et faite sur les animaux au moment où ils venaient de mourir, afin de fixer da- vantage les idées. | M. Dujardin est tout-à-fait du y}... (3 avis que moi sur la déter- mination de cette espèce. Il a bien voulu me dire, quand je lui ai communiqué mon L. AGASSIZ, — SUR LES POISSONS: FOSSILES: 251 observation, qu'il avait vu un Helminthe très semblable sur la plèvre d’un Singe d'Amérique. La Note qu'il a conservée et le dessin qu’il en à fait offrent les plus grandes ressemblances avec ceux que j'ai vus en grand nombre dans ce Lézard. Il y à lieu de croire que d’autres Mammifères nourrissent aussi de ces parasites, car un célèbre anatomiste, à qui j'ai montré cette espèce de ver, croit se rappeler en avoir observé de très voisins sur le péritoine d’un Lapin. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE D. Fig. 20. Le Dithyridium Lacertæ, Nob., de grandeur naturelle, et contracté. Fig. 20 a. Le même étendu; 20 b, le même dans sa plus grande extension. Fig. 21. Le ver grossi. Fig. 22, 23. Le ver à un plus fort grossissement, et montrant sa ventouse orale dilatée avec ses quatre oscules fermés , ses canaux ondulés latéraux, ses gra- nules intérieurs, et l'organe glanduliforme (probablement reproducteur) de l'extrémité. Fig. 24, 25, 26. Différentes positions de la ventouse orale. Fig. 24. La ventouse tout-à-fait rentrée, on ne voit les oscules que par transparence. Fig. 25. La ventouse plus avancée, et montrant les oscules près du bord. Fig. 26. La ventouse étalée, avec les quatre oscules très ouverts. Fig. 27. Granules intérieurs grossis 350 fois. NOTICE SUR LA SUCCESSION DES POISSONS FOSSILES DANS LA SÉRIE DES FORMATIONS GÉOLOGIQUES ; Par M, L. AGASSIZ (1). En considérant l’ensemble des êtres organisés que l’on trouve dans la série des formations géologiques, on reconnaît dans leur succession une marche ‘bien différente de celle que faisaient en- trevoir les premiers aperçus publiés par les auteurs du commen- (1) Cet écrit, dans lequel M. Agassiz expose ses vues générales sur la distri- bution géologique des Poissons fossiles, est tiré de la dernière livraison du grand ouvrage que ce savant publie sur la paléontologie ichthyologique. 11 nous est im- 252 L. AGASSIZ. —— SUR LES POISSONS FOSSILES, cement de ce siècle. On est surtout surpris de remarquer que l'idée d’un développement progressif du règne animal tout entier, tel qu’il avait été d’abord posé en fait, et d’après lequel les classes se seraient succédé dans un ordre conforme au rang que leur as- signe leur organisation, ne s'accorde nullement avec les résultats des recherches paléontologiques les plus récentes. En effet, l’ob- servation n’a point confirmé que les animaux rayonnés aient pré- cédé les mollusques et les articulés dans les formations les plus anciennes , ni que les animaux vertébrés soient apparus plus tard. On trouve, au contraire, que dès la première apparition des ani- maux à la surface du globe, il y a eu simultanément des Rayonnés, des Mollusques, des Articulés et même des Vertébrés. Il y a plus, nous savons que les trois embranchements des Invertébrés se trouvent représentés dès les temps les plus anciens par des types de toutes les classes, autant que la nature de leur organisation leur a permis de laisser des traces de Jeur présence. Parmi les Rayonnés, nous avons, dès l’origine, des Polypiers et des Échi- nodermes en très grand nombre ; les Crinoïdes surtout sont très variés; quant aux Æcalèphes, il n’est pas surprenant qu’on n’en trouve pas de débris, puisque leur corps est trop mou pour avoir pu laisser l'empreinte de leurs formes dans des roches aussi alté- rées que le sont ordinairement les terrains de transition. Mais le fait qu’on en a observé dans les schistes lithographiques de So- lenhofen prouve du moins que leur existence remonte à une épo- que bien antérieure à la création actuelle. Les trois classes des Mollusques sont représentées dans tous les terrains paléozoïques ; les Æcéphales en particulier nous offrent un type prépondérant dans le groupe des Brachyopodes ; les Gastéropodes , quoique moins connus, sont aussi assez nombreux ; les Céphalopodes enfin comptent de prime abord des genres très divers, tels que les Go- niatites et les Orthocères. On peut presque en dire autant des Arti- culés, car la classe des F’ers est représentée par les Serpules ; et possible de rendre compte de la partie descriptive de ce travail important ; mais les considérations que nous reproduisons ici suffiront pour donner à nos lecteurs une idée nette des principaux résultats dont la science a été enrichie , grâce aux recherches de M. Agassiz. R. L. AGASSIZ. — SUR LES POISSONS FOSSILES. 253 les Trilobites, qui appartiennent incontestablement à la classe des Crustacés, sont très nombreux dans les terrains de transition. Il n’y a que les /nsectes dont la présence n’a pas été constatée dans des formations plus anciennes que la houille. Cet apercu suffit pour nous convaincre de l’existence simultanée de toutes les classes d’animaux sans vertèbres, jusqu'aux époques les plus anciennes du développement de la vie sur la terre, Il n’est dès lors pas conforme aux résultats de l'observation de repré- senter l’ensemble du règne animal comme offrant une série pro- gressive dans l’ordre des temps géologiques. Loin de là, toutes les classes d'animaux sans vertèbres (dont l'apparition simultanée dans les terrains de transition est un fait maintenant acquis à la science) continuent d'exister sous des formes diverses à travers toutes les époques géologiques postérieures, et nous les retrou- vons également toutes jusque dans la création actuelle. Parmi les animaux vertébrés, la classe des Poissons seule re- monte, avec les diverses classes d’invertébrés, jusqu’à l’époque de la première manifestation de la vie à la surface du globe, tandis que les Reptiles, les Oiseaux et les Mammifères se suc- cèdent dans la série des formations géologiques dans l’ordre de leur gradation organique, et nous présentent, au terme de leur développement, le genre humain ; dont l'existence ne remonte pas au-delà de la création des êtres organisés qui peuplent maintenant avec lui la surface de la terre. Nous devons dès lors nous représenter le règne animal comme formé de deux séries distinctes, dont l’une, composée d'animaux construits d’après le même plan d'organisation que l’homme, nous offre un développement graduel et progressif dès les temps les plus anciens ; tandis que l’autre comprend une grande diversité de types contemporains qui se perpétuent dans les mêmes rela- tions sous des formes toujours nouvelles, à travers toutes les for- mations géologiques. L’'enchaînement progressif des quatre classes d'animaux verté- brés est un fait qui contraste à tous égards et d’une manière bien frappante avec le développement uniforme et parallèle de toutes les classes d’invertébrés. La gradation des vertébrés est même 254 L. AGASSIZ. -— SUR LES POISSONS FOSSILES, d'autant plus remarquable, qu'elle se rattäche directement à la venue de l’homme, que nous pouvons non seulement considérer comme le terme, mais aussi comme le but de tout développement, Voyons d’abord les Poissons, qui apparaissent les premiers. Ploh- gés dans un milieu plus dense et moins mobile que l'atmosphère, ils sé trouvent et se sont toujours trouvés dans des conditions d'existence moins variées que les animaux terrestres : aussi leur corps est-il tout d’une venue: leur tête ne se détaché point du tronc, dont elle n’est qu’un simple prolongement! leurs organes des sens sont obtus, et leurs facultés très bornées ; leurs membres pairs ne sont point encore les principaux organes du thouvement, ét il n’existe que des rapports très passagers entre les PRE d’une même espèce. Les Reptiles, qui succèdent aux poissons dans l’ordre des temps, nous offrent déjà une organisation plus par- faite : leur tête se détache plus ou moins du reste du corps: elle péut même se lever au-dessus de la ligne horizontale que forme encore le tronc ; les membres pairs, lorsqu'ils existent, sont de véritables organes locomoteurs ; cependant ils ne peuvent pas encore soulever toute la masse du corps, qui est traînée plutôt qu’elle n’est portée par les pattes. Ces animaux sont évidemment supérieurs aux poissons par le développement des organes des sens ét des facultés intellectuelles : aussi existe-t-il chez eux des relations plus diverses entre lés individus de la même espèce. Chez les Oiseaux, qui viennent ensuite, nous observons un déveé- loppement très remarquable. Sans m'attachér à démontrer la supé- riorité incontestable de leur organisation sur celle des deux classés précédentes, j'insisterai sur ce seul fait, que leur corps peut s s’en- lever complétement du sol au moyen de membres locomoteurs qui offrent, par leur dégagement, un contraste des plus frappants “avec les allures des poissons et des reptiles. Avec cela, nous trou- vons constamment chez les oiseaux deux sortes dé membres loco- moteurs, des ailes pour le vol, et des pieds pour la marche ou la natation ; et, chose curieuse, lorsqu'ils se posent, ces animaux ne s'appuient que sur les membres postérieurs , le corps et la tête inclinés en avant-et en haut. Chez les Mammifères, nous trouvons, pour la première fois, une organisation où les membres s’harmo- L. AGASSIZ, — SUR LES POISSONS FOSSILES. 255 nisent, tout en maintenant le corps dans une position élevée, Nous ne devons cependant pas être surpris de rencontrer, dans cette classe, des types aussi variés que les Cétacés, lés Quadrupèdes proprement dits, les Chéiroptères et les Quadrumanes ; car, après un développement aussi exceritrique que celui des oiseaux } quoi de plus naturel que de voir lés mammifères reproduire, dans leur sphère ; des formes qui rappellent les types inférieurs ; conimie pour vainere définitivement les rapports qui lient les animaux au sol; avant d'atteindre à la noble démarche et aux allures libres qui caractérisent l’homme et qui lui permettent d'élever la face vers son Créateur; de contempler l’ensemble de l’ünivers, dé ré- connaître les lois qui lé régissent, et de 8e prostèrner avec recon- naissance et amour devant celui à qui il doit de si fherveilléuses prérogatives ! Tels sont en abrégé les rapports généraux des classes du règne animal entre elles et avec l’homme, dans l’ordre de leur succes- sion génétique. Il n’est pas moins indispensablé d'examiner le rôde d'association des espèces dans toutes les époques géologi- qués; pour se faire une idée nette de la nature des changements survenus dans le développement de l’ensemble. Tout le monde sait qu’à cet égard les travaux de Cuvier ont été le point de dé- part d’une ère nouvelle dans la paléontologie. Après avoir reconnu qu'il existe dans certaines couches super- ficielles de l’écorce de notre globe des débris de grands mammi- fères appartenant à des espèces qui diffèrent de celles que l’on trouvé vivantes à sa surface, Cuvier fut le premier à proclamer le fait d’une création antérieure à celle de l’homme ; et toutes les recherches ultérieures n’ont fait que confirmer ce grand résullat, en nous faisant connaître un nombre toujours plus considérable d'espèces dont le type s’est perdu. Mais là ne devaient pas se borner les conséquences des nouvelles recherches. On apprit en même temps que ces espèces éteintes étaient limitées à certains dépôts dont la géognosie traçait les limites avec plus ou moins de précision{ et; en poursuivant ces études, on arriva bientôt à la conviction que les fossiles diffèrent d'autant plus des êtres orga- nisés de notre époque, qu'ils appartiennent à des terrains plus 2EG L. AGASSIZ. — SUR LES POISSONS FOSSILES, anciens. Ces résultats, dont on pouvait d’entrée pressentir la haute portée, conduisirent à distinguer plus rigoureusement qu'on ne l'avait fait jusqu'alors certains étages géologiques que l’on appela quelquefois du nom même des fossiles caractéristiques qu’ils ren- ferment, En même temps, la géologie trouvait dans les disloca- tions des terrains stratifiés un moyen de déterminer les limites de ces formations, en démontrant que ces dislocations coïncident avec le soulèvement de divers systèmes de montagnes, dont on parvint de cette manière à fixer l’âge relatif. Ces aperçus ingé- nieux, en donnant à l'étude des formations géologiques un degré de précision qu’elle n’avait point eu auparavant, réagirent d’une manière très heureuse sur l'étude des fossiles. Les comparaisons entre les débris des diverses formations furent multipliées à l’in- fini, et elles eurent en général pour résultat de démontrer que les espèces ne passent pas d’une formation à l’autre, mais qu’elles sont circonscrites dans des limites qui correspondent en grand aux divisions des terrains, telles que l’étude des dislocations les avait fait distinguer. La paléontologie est ainsi arrivée , par l’ob- servation directe , à reconnaître autant d’époques indépendantes que l'étude des terrains pérmet de distinguer de formations géo- logiques. . Je n’ignore pas qu’en exprimant ces faits d’une manière aussi absolue, j'anticipe, à certains égards, sur les résultats proclamés jusqu’à ce jour ; car il est une foule de points de détails sur les- quels les paléontologistes et les géologues ne sont pas d'accord. Mais, d’un autre côté, les résultats de la paléontologie et de la géologie s'accordent d’une manière trop frappante, pour que l’on puisse assigner aux divergences qui existent encore entre ces deux branches de la science une autre cause que l’imperfection de nos observations ; et j’aime à me persuader que tous ceux qui se sont occupés d’une manière sérieuse de ces recherches entrevoient avec confiance le moment où toutes ces divergences seront conciliées. Il est cependant un point dont la solution exigera encore bien des: recherches : c’est la question des limites dans lesquelles les es- pèces sont complétement différentes les unes des autres. Le fait de la différence des espèces, dans des limites plus ou moins éten- L. AGASSIZ. — SUR LES POISSONS FOSSILES. 257 dues , n’est contesté par personne. Les divergences entre les pa- léontologistes ne portent que sur un nombre restreint d'espèces très voisines, auxquelles on assigne une existence plus ou moins prolongée dans certains terrains. Mais le fait que le nombre de ces espèces réputées identiques dans des limites géologiques très étendues , diminue de jour en jour, à mesure qu’on les compare plus attentivement entre elles et avec les espèces vivantes, me semble autoriser cette conclusion, que ces identifications résultent d’une étude incomplète, ou de l’exagération de certains principes, d’après lesquels on procède dans la détermination des espèces. Pour ma part, du moins, je ne connais jusqu'ici, dans les classes que j'ai spécialement étudiées, aucune espèce qui se rencontre dans deux formations géologiques à la fois, ou qui reparaisse iden- tique dans la création actuelle : aussi ai-je la ferme conviction qu'il en sera un jour de toutes ces espèces controversées , comme il en a été de l’ensemble des fossiles, que l’on envisageait, à une époque qui n’est pas bien éloignée de nous, comme des débris d’espèces vivantes, enfouies dans les couches de la terre par de violentes révolutions. À mesure qu’on les étudiera avec plus de soin, on finira par connaître toujours plus exactement leurs carac- tères propres. À cet égard, je me bornerai à une seule obser- vation. | Il n'est pas un zoologiste au courant de la science, qui ignore combien il est difficile d'arriver à une détermination rigoureuse des animaux vivants, et qui ne connaisse les nombreuses incerti- tudes qui planent encore sur la distinction des espèces de diffé- rentes familles, alors même qu’on en possède des exemplaires très bien conservés. Dans l’état actuel de nos connaissances, il n’est personne, je crois, qui voulût prendre sur lui de distinguer toutes les espèces de Chauves-souris, de Rongeurs, de Passereaux, de Lézards, de Serpents, de Grenouilles, de Perches, de Spares, de Scombres, de Labres, de Clupes, de Cyprins et d’Anguilles, d’a- près la seule inspection de leur squelette, et cependant c’est uni- quement sur l’étude de ces parties solides que reposent les dé- terminations des paléontologistes : aussi l’histoire de la z00- logie nous apprend-elle que les familles dont les espèces sont le \ 258 L. AGASSIZ. — SUR LES POISSONS FOSSILES. feux connues sont justement celles qui comptent lé plus grand nombre d’espèces fossilés, parce que, pour déterminer ces der- nières, il à fallu étudier les espèces vivantes d’une manière beau- coup plus complète que les zoologistes n’ont l'habitude de le faire, et tenir Compte d’une foule de caractères dont l'histoire naturellé descriptive s'occupe rarement. Il est un autre géhré de difficultés qüe jé ne dois pas passer sous silence : c’est la variété dés formes qu’afféctent certaines espèces, et qui est telle, par exemple, Chez certains Crustacés, que les jeunes et les adultes , les mâles ét les femelles ont été successivement décrits Comme des espèces dis- tinctes, ét mème comme dés types de genres dilférents. Effin, et c’est Surtout le Cas de plusieurs familles d’Insectes, dé Mollusques ét de Polypiers, il ÿ a des types dont les espèces sünt téllemént semblables, que l'observation la plus minutieuse peut seulé Con- duire à des déterminations rigoureuses : et je doute fort qu'il y ait ün éntomologiste qui pût reconnaître certain Diptère qui aürait été simplement comprimé, où cértain Lépidoptèré dont les äiles séraient privées des petites écailles qui les recouvrent, où tel Co- léoptère auquel on aurait enlevé les élftres. Il en sérait de même pour un conchyliologiste auquel on soumettrait une collection d'Hélices et de Mulettes (Unio) privées de leur épiderme. Or, je tiens à faire remarquer que c’est précisément à des familles sem- blablés qu'appartiennent la plupart des éspèces fossiles dui passent encore maintenant pour identiques avec des espèces vivantes. Je crois dès lors qu'il serait prématuré de fairé éhtrer en ligne de compte de sétibläbles identifications, dafs les Comipäraisons que l'ôn fait des Tôssilés des divéisés formations, Surtout mainténant que l’on a äcquis la certitude que la très grandé majorité des és- pèces diffère de la manièré la plus incontestable d’une époque à l’autre: Je sortirais dé mon plan si j'entreprénais d’éxposer, à cette fin, l'histoire du développement de l’ensemble des êtres or- ganisés dans toutes lés époques biologiques. Je me bornerai pour Jé moment à résumer les résultats les plus généraux de mes ré- cherches sur lés poissons. De tout temps, l'étude de lichthyologie a été malheureusement beaucoup plus négligée que celle des autres branches de l'Histoire LE L. AGASSIZ. — SUR LES POISSONS FOSSILES. 259 nalurelle, La difficulté d'observer les poissons dans leurs profondes retraites, et de recueillir dés faits certains sut léürs mœurs et toute leur économié animale, à rendu cette science moins at- trayañté ee l'histoire des grands mammifères et des chantres des Bois. Même les reptiles, si hideux et souvent si dangereux , ont trouvé plus d'amateurs que lés poissohs. Qui ne connaît l’ät- trait dé l’entomologie et dé là conc liélogie? Au miliéu dé tant de richésses, les poissons sont restés bérdus pour nous dans les vastés océans qu'ils habitent, car le nômbre de ceux qui sont bien éonnus est très petit: ét si la grande Ichthyologie de MM. Cüvier et Valenciennes nous promet là description dé 5 à 6,000 espèces, nous avons à regretter que les VOITURES qui ont paru j üsqu'ici n’en difficultés, que cette étude ést ntfäthälite? lorsqu als: avoir Fait les premiers pas dans la Carrière , on parvient peu à peu à se moü- voir librement au milieu de ce monde encore nouveau qui récèle tant de mystères sur les abîmes de l'Océan, et sur les demeures inaccessibles des créatures qui l’habitent ! Mais, pour arriver là, il laut Se frayer soi-même la voie : car les auteurs anciens né nous offrent que dé bien faibles ressources , et, parmi les modernes, le plus complet nous abandonne au milieu dé la route. Or, cômiie l'examen des espèces fossiles que j'ai cherché à déterminer né- cessité une connaissance Egalement détaillée de toute la faune ichthyologique actuelle, j'ai dû, pour établir par-devers moi l'é- quilibré entre les différéhles parties de cétte science, poursuivre mes récherchés d’üné manñièré én quelque sorte indépendante de tout cé qui éxiste ; car on conçoit facilément que les mémoires pu- bliés sur r les ichthyolithes, il Y a PA vingt ans, ne sent maihténant sur lés poissons vivants, das les gré musées d'Europe. : Dé cét Etat de choses, et de la manière dont j'ai été obligé d’é- tudier les poissons vivants pour les comparer avéc les fossiles, il est résulté pour moi un grand avantage, c’est celui de l’indépén- dance de \ vues la plus complète sur les rapports assignés j jusqu ici aux poissohs entre eux. Le gränd nombre dé genres nouveaux, 260 L. AGASSIZ. — SUR LES POISSONS FOSSILES,. découverts depuis le commencement de ce siècle, et qui ont dû être intercalés dans les cadres des familles naturelles, ont successive- ment fait disparaître tous les rapprochements qui avaient été pro- posés par les anciens ichthyologistes. Il n’est pas étonnant dès lors qu’en revoyant leurs caractères, je sois arrivé à une classification qui diffère considérablement des divers arrangements proposés par mes devanciers. Cette classification est basée sur des considéra- tions importantes que l’on avait complétement négligées. Il est, en effet, incontestable que l’un des caractères distinctifs de la classe des poissons est d’avoir une peau garnie d’écailles de forme et de structure particulières. Cette enveloppe, qui protège l’ani- mal au-dehors, est, d’après toutes les observations que j'ai pu faire jusqu'ici, en rapport direct avec l’organisation inté- rieure de ces animaux, et avec les circonstances extérieures au milieu desquelles ils vivent. Sous ce point de vue, les écailles acquièrent une grande importance, et peuvent être envisagées comme le reflet superficiel de tout ce qui se passe à l’intérieur et à l'extérieur du poisson : aussi, en les examinant attentivement, j'ai trouvé que, lorsqu'on se laisse guider par les particularités de leur structure , on peut disposer les poissons dans des ordres beaucoup plus naturels que ceux qui ont été admis jusqu'ici. Je ne puis reproduire ici les caractères des grandes coupes que j'ai désignées sous les noms de Placoïdes, de Ganoïdes, de Cté- noïdes et de Cycloïdes. Cependant, pour bien comprendre les résultats généraux que je puis présenter sur le développement progressif des poissons fossiles , il est nécessaire, je crois, de jeter encore un coup d'œil sur les poissons vivants, En tenant compte de toutes les espèces inédites, on peut estimer le nombre des poissons vivants qui sont épars dans toutes nos col- lections à environ huit mille. De ce nombre, plus des trois quarts appartiennent à deux ordres, dont l'existence ne remonte pas au- delà des terrains crétacés, savoir, aux Gycloïdes et aux Cténoïdes ; tandis que l’autre quart se rapporte aux ordres des Placoïdes et des Ganoïdes, qui sont très peu nombreux maintenant, mais qui ont existé seuls durant toute la période qui s’est écoulée depuis LL L. AGASSIZ. — SUR LES POISSONS FOSSILES. 261 que la terre a commencé à être habitée, jusqu’au moment où les animaux de la craie ont vécu. Cette balance entre les ordres de la classe qui nous occupe est un phénomène d'autant plus remar- quable, que ce n’est pas en grand seulement que nous pouvons remarquer cette dispensation régulière des groupes, mais dans chaque ordre, et même dans chaque famille ; en sorte que les dif- férences d'organisation deviennent des caractères distinctifs pour les époques biologiques, même dans les espèces que l’on voit pour la première fois. J’ose maintenant affirmer ce résultat avec assu- rance , après avoir vu les conclusions générales que j'avais tirées de l'étude de cinq cents espèces de ces fossiles, corroborées par la découverte d’un nombre triple d’espèces, sans que j'aie ren- contré plus d’une seule exception aux premières lois que j'avais reconnues, Ces différences organiques essentielles ont surtout trait à la nature des téguments et à la manière dont la colonne verté- brale se termine dans la nageoire caudale, c’est-à-dire à la ma- nière dont l’animal est en rapport avec le monde extérieur qui l'entoure, et à la structure de l’organe essentiel de la locomotion. Pour apprécier à sa juste valeur l'importance de l'étude des poissons en général, et des poissons fossiles en particulier, il ne faut jamais perdre de vue la position de cette classe dans la série zoologique des animaux. Placés par leur organisation au-dessus des Rayonnés, des Mollusques et des Articulés, ils présentent des . particularités de structure plus variées et sujettes à des différen- ciations plus nombreuses : aussi remarque-t-on chez eux, dans des limites géologiques plus étroites, des différences plus considé- rables que chez les animaux inférieurs. Nous ne voyons pas, dans la classe des poissons, des genres, ni même des familles, par- courir toute la série des formations avec des espèces souvent très peu différentes en apparence, comme cela a lieu parmi les Poly- piers ; au contraire, d’une formation à l’autre, cette classe est re- présentée successivement par des genres très différents qui appar- tiennent à des familles qui s’éteignent bientôt aussi, comme si l’appareil compliqué d’une organisation supérieure ne pouvait pas se perpétuer longtemps sans modifications profondes, ou plutôt comme si la vie animale tendait plus rapidement à se diversifier 262 L. ARASEUE — SUR LES FPIBSONS FOSSILES, lons inférieurs. F\ cet égard, il en est des Poissons à à peu près comme des Mammifères et des Reptiles : non seulement toutes les espèces sont différentes d’une formation à l’autre ; mais à des dis- tances verticales peu considérables dans la série des terrains, les espèces appartiennent encore à des genres différents, qui ne pas- sent pas insensiblement d’une formation à l’autre, comme on lob- serve fréquemment parmi les Mollusques et les’ Rayonnés. C'est là un des faits les plus intéressants que j’aie observés, et qui doit avoir d’autant plus de poids pour la zoologie géologique , que la classe des Poissons s'étend à travers toutes les for mations, et offre ainsi , dans une des grandes divisions des vertébrés, un point de comparaison pour apprécier les différences que peuvent présenter, dans le plus grand laps de temps, des animaux construits sur un même plan, mais dont les affinités avec les espèces vivantes sont aussi éloignées que celles qui rattachent les Crinoïdes aux Échi- nodermes libres, les Nautiles et les Seiches aux Bélemnites et aux Ammonites, les Ptérodactyles, les Ichthyosaures et les Plésio- saures à nos Sauriens, les Pachydermes vivants à ceux qui habi- taient jadis le bord des lacs des environs de Paris ou les vastes plaines de la Sibérie. Nous sommes sans doute loin de connaître tous les espèces de poissons fossiles ; mais leur répartition dans les différentes forma- tions n’en est pas moins d’un haut intérêt pour l’histoire du déve- loppement des animaux en général, et pour la connaissance de leur mode d’association avec les représentants des autres classes. On ne connaît encore que fort peu d’espèces des terrains dilu- viens; il n’y en a même qu ‘une qui ait été déterminée d’une ma- nière rigoureuse, c’est l’Ésoæ Otto, qui a.été trouvé en Silésie avec des ossements fossiles d’ Éléphants ; mais il est à présumer que la faune ichthyologique de cette époque ressemblait beaucoup à celle de nos jours, et que les espèces appartenaient pour la plu- part aux genres les plus répandus dans les eaux actuelles. Les poissons des terrains tertiaires sont fort nombreux et se rapprochent en général beaucoup des poissons vivants, ce qui fait que leur, étude peut être entreprise au moyen des ouvrages que L. AGASSIZ. — SUR LES POISSONS FOSSILES. 263 l’on possède déjà sur l’ichthyologie. Néanmoins il est souvent très difficile, vu leur état de conservation, de les identifier, ou plutôt d'apprécier exactement leurs caractères distinctifs. Jusqu'à présent, je n’ai pas trouvé une seule espèce qui fût parfaitement identique avec celles de nos mers, excepté ce petit poisson que l’on trouve en Groënland dans des géodes d'argile, dont j'ai long- temps ignoré l’âge géologique, mais que je sais maintenant être de notre époque. Les espèces du crag d'Angleterre, de la formation subapennine et de la molasse, se rapportent pour la plupart à des genres communs dans les mers des régions tropicales et tempérées, tels que les Platax, les grands Carcharodons , les Lamies, Myliobates à larges chevrons, etc. Une comparaison détaillée de ces poissons nous montre que, tout en appartenant aux genres de notre époque, les espèces de ces terrains indiquent, dans nos climats, des en- sembles de poissons dont le mode d’association rappelle plutôt ceux des zones plus chaudes que les localités dans lesquelles on découvre maintenant leurs débris fossiles. Dans les dépôts lacustres de cette époque, on trouve de nom- breuses espèces de Cyprins, des Cyprinodontes, des Anguilles, des Brochets et des Cottus. On rencontre même déjà des genres qui n’ont pas de représentants dans la création actuelle, tels que les Smerdis et les Sphenolepis. Les Muges sont caractéristiques des dépôts d’eau saumâtre. Enfin, la présence de Cyprinodontes dans les terrains d’eau douce de nos latitudes est un fait qui con- firme les indications que nous donnent déjà les plantes et les au- tres animaux sur le climat de ces localités, à l’époque de leur déposition. Dans les formations tertiaires inférieures, dans l’argile de Lon- dres et dans le calcaire grossier de Paris, un tiers au moins des espèces appartient déjà à des genres qui n’existent plus. Les re- cherches que j'ai faites sur ces espèces n'étant pour la plupart pas contenues dans cet ouvrage, au lieu de les énumérer ici, je ren- voie aux tableaux comparatifs de tous les poissons fossiles qui se trouvent à la fin des volumes suivants, et dans lesquels j'ai indiqué les noms des genres et des espèces de toutes les époques géolo- 26h L. AGASSIZ. — SUR LES POISSONS FOSSILES, . giques. Je me bornerai à mentionner ici les Notæus et les Sphe- _ nolepis de Montmartre, et le genre Hemirhynchus du calcaire grossier ; et parmi les poissons de Sheppy, les Esturgeons, les Chimérides, les Myliobates, le genre Phyllodus, qui est propre à cette localité, les Sciénures et les nombreux représentants de la famille des Scombéroïdes, qui dominent dans l'argile de Londres. Le caractère tropical de cette faune ichthyologique ressort surtout de la fréquence d’espèces appartenant à des genres dont les re- présentants de notre époque ne remontent pas, pour la plupart, jusque dans nos latitudes. Les genres éteints même appartiennent à des familles plus développées dans la zone torride que dans les zones tempérées. Les poissons de Monte-Bolca paraissent appartenir à une épo- que intermédiaire entre les terrains tertiaires et la formation cré- tacée. Ils sont très nombreux. On a trouvé dans cette localité un Squale, des Raies, des Sclérodermes, des Gymnodontes, des Pic- nodontes, des Lophobranches, des Percoïdes, des Sparoïdes, des Sciénoïdes, des Cottoïdes, des Gobioïdes , des Teuthyes, des Ché- todontes, des Aulostomes, un Pleuronecte, des Scombéroïdes, des Sphyrénoïdes, un Labre, un Lophius, un Blennioïde, des Halécoïdes, des Ésocides et des Anguilliformes. Les espèces de la craie appartiennent pour plus des deux tiers à des genres qui ont entièrement disparu; l’on voit même déjà apparaître quelques unes de ces formes singulières qui prévalent dans la série oolithique. Cependant , dans leur ensemble, les pois- sons de la craie rappellent davantage le caractère général des pois- sons tertiaires que celui des espèces de l’oolithe. On trouve, en effet, dans les terrains crétacés, auxquels j’associe les schistes de Glaris, des Squalides, des Gestraciontes, des Raies, des Chiméri- des, quelques Pycnodontes, deux Sauroïdes, un Célacanthe, dés Sclérodermes, des Percoïdes, des Scombéroïdes et des Halécoïdes. L’analogie de cet ensemble avec les poissons tertiaires est telle- ment frappante, que, n'ayant égard qu'aux poissons, dans un rapprochement général des formations géologiques, il me parai- trait plus naturel d’associer la formation de la craie et du grès vert aux terrains tertiaires, que de les rapprocher du groupe des L. AGASSIZ. — SUR LES POISSONS FOSSILES, 265 terrains secondaires. Au-dessous de la craie, il n’y a plus un seul genre qui ait des espèces vivantes, et ceux de la craie même qui ont des représentants récents comptent en général un plus grand nombre de fossiles. Je crois pouvoir conclure de ces faits que les conditions climatologiques qui ont prévalu pendant l’é- poque crétacée ne différaient pas sensiblement de celles des pre- miers temps de l’époque tertiaire, Dans aucun cas, je ne saurais admettre l'opinion de ceux qui attribuent aux formations secon- daires un climat hypertropical ; car, du moment où les eaux de la mer auraient pu atteindre une température beaucoup plus élevée que celle qu’elles offrent maintenant dans les régions les plus chaudes du globe, les conditions nécessaires aux animaux qui res- pirent par des branchies n'auraient pu se maintenir pendant le laps de temps qui a dû être nécessaire au développement de tous les êtres organisés qui caractérisent ces terrains. | La série oolithique, jusqu’au lias inclusivement, forme un groupe très naturel et très bien limité, qui doit comprendre aussi la for- mation veldienne, dans laquelle je n’ai pas trouvé une seule es- pèce appartenant aux genres de la craie. A partir de cette époque, et en descendant toujours, les deux ordres qui prévalent dans la création actuelle, les Cycloïdes et les Cténoïdes, ne se retrouvent plus , tandis que ceux qui sont en minorité de nos jours se pré- sentent subitement en très grand nombre. Parmi les Ganoïdes, ce sont les genres à caudale symétrique que l’on trouve ici, et en particulier les genres Dapedius, Tetragonolopis, Lepidotus, Semionotus, Nothosomus, Pholidophorus, Notagogus et Propte- rus, de la famille des Lépidoïdes; le seul Coccolepis Bucklandi est hétérocerque. Les Sauroïdes sont également nombreux; ils ap- partiennent aux genres Eugnathus, Ptycholepis, Conodus, Pa- chycormus, Caturus , Amblysemius, Thrissonotus, Sauropsis, Thrissops, Leptolepis, Aspidorhynchus, Belonostomus, Megalurus et Macrosemius. Les Célacanthes ne sont représentés que par les genres Undina, Ctenolepis et Gyrosteus; mais les Pycnodontes sont nombreux en espèces appartenant aux genres Pycnodus, Gyronchus, Scrobodus, Microdon, Sphærodus et Gyrodus. Parmi les Placoïdes, ce sont surtout ceux à dents sillonnées sur leurs ‘3° série. Zooc. T. IE. (Novembre 1843.) 15 266 I: AGASSIZ. -- SUR LES POISSONS FOSSILES. deux faces et à grands rayons épinieux, les Hybodontes, qui pré- dominent. On sait, en eflet, maintenant que ces grands raÿôns, que MM. Buckland et de la Bêche ont appelés Ichthyodorulithes ne proviennent ni de Silures ni de Balistes, Mais que ce sont des rayons de la dorsale de grands Squales, dont on trouve les dents dans les mêmes couches. On y trouve aussi de nombreux répré- sentants de la famille des Cestraciontes, et en particulier des es- pèces des genres Acrodus et Strophodus. Les Chimérides sont également représentées à cette époque. En somme, la faune des poissons de la série oolithique est tellement différente dé celle des terrains plus récents, qu'un ichthyologiste qui aurait fait une étude très complète des poissons de notre époque, en lisant l’'énuméra- tion que je viens de faire des genres du Jura, se doutérait à peine que c’est à cette classe qu’appartiennert les fossiles dont il vient de lire les noms. On parviendra sûrement un jour à recueilli un grähd nombre de faits relatifs aux mœurs de ces animaux et à leur organisation intérieure. La découverte des coprolithes nous permet déjà de reconnaitre les êtres organisés qui faisaient la pâture des Sau- roïdes et des Requins du Lias; car, dans ces matières fécalés, qui sont assez nombreuses dans les dépôts qui contiennent des pois- sons de la famille des Sauroïdes, on découvre aisément les écailles des poissons qu’ils mangeaient, et quelquefois ces écailles sont déterminables. Même les intestins sont conservés dans quélqués cas; par exemple, dans un exemplaire de Mégalichthys, où l’on voit une portion du canal alimentaire. Lés paquets d’appendices pyloriques et les intestins enroulés des espèces de Leptolepis et dé Thrissops de Solenhofen, connus sous le nom de Lombricaires, ne sont pasrares dans les schistes de cette intéressante localité, Parmi les poissons de la craie, on voit même, dans la collection de M. Mañ- tell, des exemplaires de Macropoma, où l'estomac entier est con- servé avec ses différentes membranes, qui se séparent én feuillets. Dans un grand nombre de poissons de Sheppv, de la craie et de la série oolithique, la capsule du bulbe de l’œil est encore intacte : et dans beaucoup d'espèces de Monte-Bolca, dé Solenhofen et du Lias, on voit très distinctement toutes les petites lames qui con- L. AGASSIZ. — SUR LES POIssoNS FOSSiLES, 967 Stituaient les branchies ; dañs d’autres, j'ai reconnu des œufs rem- plissant la cavité abdominale; dans d’autres, le foie a laissé une empreinte foncée ; enfin, il n’y a pas jusqu'aux muscles dont je n’aie reconnu des traces très distinctes dans un poisson de la craie du Brésil. Il paraît Cependant que la nature des roches contribue à conserver certaines parties plutôt que d’autres, En quittant le Lias pour passer aux formations inférieures , l'on observe une grande différence dans la forme de l'extrémité postérieure du corps des Ganoïdes. Tous ont la colonne verté- brale prolongée à son extrémité en un lobe impair qui atteint le bout de la nageoire caudale. Cette particularité est également pro- pré aux poissons plus anciens. Les formations triasiques et lé Zechstein forment un groupe des plus remarquables par sa faune ichthyologique. Des Chimérides de forme étrange, les Ceratodus et les Némacanthes sont nom- breux ; des Cestraciontes appartenant aux genres Dictæa, Janassa, Acrodus et Strophodus, et des Hybodontes, sont, à cette époque, les représentants de l’ordre des Placoïdes. Parmi les Ganoïdes, on distingue des Lépidoïdes des genres Platysomus, Gyrolepis et Palæoniscus; des Sauroïdés des genres Acrolépis, Pygopterus et Saurichthys ; des Célacanthes et des Pycnodontes, parmi lesquels les genrés Platodus et Colobodus sont surtout caractéristiques pour le Muschelkalk. Les terrains houillers nous offrent aussi des types très variés. Parmi les Placoïdes, on distingue surtout des Cestraciontes ap- pärtenant aux genres Psammodus, Pœcilodus, Pleurodus, Co- chlisdus, Chomatodus, Helodus, Orodus, Ctenoptychius et Peta- lodus , si tant est que ce dernier genre ne constitue pas une fa- mille à part. Les Chimérides remonteraient aussi à cette époque, si, comme je le crois maintenant, c’est à cette famille qu'il faut rapporter le genre Ctenodus. Les défenses de poissons cartilagi- héux Sont très nombreuses dans cette formation : j'en ai distingué plusieurs genres sous les noms d'Oracanthus, de Ctenacanthus, de Ptychacanthus, de Leiacanthus, d’Onchus, de Spinacanthus, dé Tristychius, etc. Les Hybodontes sont représentés par les genrés Cladodus et Diplodus, Ï1 n’y a pas jusqu'aux Squalides 968 , IL. AGASSIZ. — SUR LES POISSONS FOSSILES. qui ne soient déjà représentés par le genre Carcharopsis. Les Ganoïdes sont tout aussi nombreux ; il y a des Lépidoïdes des genres Acanthodes, Palæoniseus, Amblypterus et Eurynotus ; des Célacanthes, des genres Holoptychius, Cœlacanthus, Phyllolepis, Hoplopygus et Uronemus. Enfin, c’est dans la houille que l’on trouve les plus grands de ces monstrueux poissons sauroïdes, dont l'ostéologie rappelle, à bien des égards, les squelettes des Sau- riens, soit par les sutures plus intimes des os de leur crâne, soit par leurs grandes dents coniques et striées longitudinalement, soit encore par la manière dont les apophyses épineuses sont arti- culées avec les corps des vertèbres, et les côtes à l'extrémité des apophyses inférieures. L’analogie entre les Sauroïdes et les Sau- riens ne s'étend pas seulement au squelette ; dans l’un des deux genres qui existent maintenant, j'ai trouvé une organisation in- térieure des parties molles très particulières, qui rapproche en- core plus ce groupe des reptiles qu’il ne paraissait d’abord. Il y à en effet dans le Lepidosteus osseus une glotte, comme celle des Sirènes et des reptiles salamandroïdes, et une vessie natatoire celluleuse, avec une trachée-artêre. Enfin, leurs téguments ont _souventune apparence sisemblablé à ceux des Crocodiles, qu’il n’est pas toujours facile de les distinguer. Cet ensemble de caractères me fait penser que les poissons antérieurs à la déposition des ter- rains jurassiques ont dû vivre dans des océans plus profonds ; l’analogie qui existe entre la forme de la queue des Ganoïdes de cette époque et celle des Placoïdes de tous les temps me paraît con- firmer cette supposition. J’ajouterai même que les Ganoïdes an- ciens saisissaient probablement leur proie en se renversant, comme les Squales de nos jours. La position de leur bouche, qui est sous le bout du museau dans la plupart d’entre eux, jointe à l’inégalité des lobes de leur queue, semble du moins l’indiquer. Les poissons trouvés dans les terrains de transition se distin- guent par des caractères encore plus étranges. Les Placoïdes y sont à la vérité faiblement représentés; cependant on distingue déjà des espèces d'Onchus, de Ctenacanthus, de Ptychacanthus, de Ctenoptychius et d’autres genres encore mal déterminés, tandis que les Ganoïdes sont très nombreux et bien caractérisés. J'ai L. AGASSIZ. -— SUR LES POISSONS FOSSILES. 269 distingué les genres Cephalaspis, Pterichthys, Pamphractus, Po- lyphractus, Coccosteus, Chelonichthys, Dipterus, Ostcolepis , Acanthodes, Diplacanthus, Cheiracanthus, Cheirolepis, Diplo- pterus, Platygnathus, Dendrodus, Lamnodus, Cricodus, Megalich- thys, Holoptychius, Glyptosteus, Phyllolepis, Glyptolepis et Psam- molepis, appartenant aux familles des Lépidoïdes ou plutôt aux nouveaux groupes que j'en ai détachés sous les noms de Cepha- laspides, de Diptériens et d’Acanthodiens, et aux familles déjà mieux connues des Sauroïdes et des Célacanthes. Si l’énumération de tous ces noms de genres ne peut point encore rappeler d'images précises, puisque je n’en ai encore décrit que quelques uns, elle prouve du moins que les poissons ont été très nombreux dès leur apparition, qu’ils ont appartenu, de prime abord, à des familles très différentes, et que les types qui se sont succédé dans cette classe ne descendent pas plus les uns des autres, par voie de transformation ou de génération directe, que les diverses classes du règne animal tout entier. Ce qu’il y a cependant de plus remarquable dans l’ensemble des poissons inférieurs à la série oolithique , outre leur analogie avec les reptiles, et même avec les Trilobites, c’est, d’un côté, la plus grande uniformité des types, et de l’autre, la grande unifor- mité des parties d’un même animal entre elles, qui est souvent telle, que les écailles, les os et les dents sont difficiles à distinguer les uns des autres. S’il était permis de hasarder quelques conjec- tures sur cet état de choses, tel qu’il se présente à nous mainte- nant, je dirais que le principe de la vie animale, qui, plus tard, s’est développé sous la forme de poissons ordinaires, de reptiles, d'oiseaux et de mammifères, existait en quelque sorte à l’état de germe dans ces singuliers poissons Sauroïdes qui tiennent à la fois des poissons et des reptiles. Aussi bien, ce caractère mixte se perd-il de plus en plus avec l'apparition d’un plus grand nombre de reptiles , et nous voyons les Ichthyosaures et les Plésiosaures participer, par leur ostéologie, aux caractères des Cétacés de la classe des mammifères , et les grands Sauriens terrestres à ceux des Pachydermes , qui n’ont été créés que beaucoup plus tard ; 970 L. AGASSIZ. — SUR LES POISSONS FOSSILES, tandis que les poissons contemporains de ces curieux reptiles de- viennent en quelque sorte toujours plus poissons, C’est ainsi que l'observation directe, de concert avec la syn- thèse, nous fait entrevoir un développement organique régulier dans tous les êtres créés, développement qui est en rapport avec les différentes conditions d'existence qui se sont réalisées à la sur- face du globe, à la suite des changements qu’il a subis lui-même < mais ce développement progressif ne se manifeste que dans l’em- branchement des vertébrés; les animaux sans vertèbres ne s’y rat- tachent pas directement. | En tenant compte de tous ces faits, je vois dans la série des formations géologiques deux grandes divisions, qui ont leurs limites aux étages inférieurs de la formation crétacée. La pre- mière, la plus ancienne, ne comprend que des Ganoïdes et des Placoïdes. La seconde, plus intimement liée avec les êtres actuels, comprend des formes et des organisations beaucoup plus diversi- fiées; ce sont surtout des Cténoïdes et des Cycloïdes et un très petit nombre d'espèces des deux autres ordres qui disparaissent insensiblement et dont les analogues vivants sont considérablement modifiés. Ne trouvant pas dans les poissons de la première grande période desdifférences correspondantes à celles que nous observons maintenant entre les poissons d’eau douce et les poissons marins, il me paraît que l’on va peut-être au-delà des faits, en admettant dans la série oolithique, et plus bas, des terrains d’eau douce et des terrains marins distincts. Je pense plutôt que les eaux de ces temps reculés, circonscrites dans des bassins moins fermés, ne présen-- taient pas encore les différences tranchées que l’on remarque de nos jours, Tel est le cadre abrégé de l’histoire du développement de la classe des poissons. Pour en exposer les détails, je devrais rap- porter une masse de faits qu’il serait difficile d'aborder saus re- produire une partie des considérations que j'ai rattachées à la description des familles et des genres qui me les ont suggérées, et anticiper même sur les résultats que j’ai obtenus par l’examen des espèces nouvellement découvertes, et qui ne sont point encore BRULLÉ, — TRANSFORMATIONS DES APPENDIGSS, rc. 274 décrites dans cet ouvrage. Le champ des recherches sur les pois- sons fossiles s’est tellement accru depuis quelques années par le soin que l’on a mis partout à recueillir leurs débris, que l’activité d’un homme ne saurait plus suflire à les décrire au fur et à me- sure qu’on les découvre, Espérons que l'intérêt toujours croissant qui s'attache à l'anatomie des poissons portera les naturalistes à s'occuper également d’une manière active d’un domaine dans le- quel je n'ai encore planté que quelques jalons, mais dont la ferti- lité ne saurait plus être contestée. RECHERCHES SUR LES TRANSFORMATIONS DES APPENDICES DANS LES ARTICULÉS ; Par M. BRULLÉ, Professeur à la Faculté des Sciences de Dijon. INTRODUCTION. Ce travail est le précis des longues et minutieuses recherches qui m'ont occupé pendant les deux dernières années, et dont la circonstance suivante a été l’occasion. Ayant eu à traiter dans deux ouvrages différents (4) des parties de la bouche dans les Articulés , j'avais été conduit par la théorie à supposer toutes les pièces de leur bouche analogues entre elles sous le rapport de leur composition. J’avais dit en conséquence que , d’une manière générale , on pouvait regarder la bouche des Articulés comme formée d’appendices disposés par paires et en nombre variable, suivant les classes, et que certains appendices étaient restés libres , tandis que d’autres se sont réunis. Depuis longtemps, déjà , On avait dit que la lèvre inférieure n’était qu’une paire de mâchoires réunies ; on avait, en outre , démontré l’analogie des pieds-mâchoires des Crustacés avec les pattes et les mâchoires de (4) Introd. à l'Hist. des Articulés, par MM, de Castelnau , Lucas et Blanchard. — Dictionnaire universel d'Histoire naturelle, art. Boucux. 272 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES ces animaux ; il y avait donc tout lieu de croire que les mandi- bules et la lèvre supérieure étaient aussi des mâchoires modifiées. Mais cette supposition , que la théorie pouvait autoriser, était-elle vraie ? L'observation des parties viendrait-elle la justifier ? C’est ce que j'ignorais alors , et ce que je crois être en mesure de prou- ver aujourd’hui. On peut donc dire sans hésiter que, dans la bouche d’un Crustacé, d’une Arachnide, d’un Myriapode ou d’un Insecte , les seuls dont je me sois occupé dans ce Mémoire, tous les appendices sont de la même nature ; et cette proposition doit même s'étendre à tous les appendices du corps indistinctement, si l’on en excepte les ailes. Indépendamment des mandibules et du labre, j'avais encore à étudier les pièces du pharynx, assez peu connues jusqu’à ce jour , et qui sont aussi des appendices semblables aux autres. Je tenais, en outre, à vérifier certaines assertions, très fautives d’ailleurs, que j'avais émises de mémoire ou sur des renseignements in- complets. Telles sont celles qui avaient pour objet les prétendus palpes des Myriapodes et le prostheca de la mandibule des Sta- phylins , que j'avais supposé aussi être un palpe, me trompant complétement sur le mode d'insertion de cette pièce. Je l’ai re- trouvée dans d’autres Insectes ; mais elle est toujours située au côté interne de la mandibule , au lieu de se montrer , comme je le pensais, au côté dorsal. Il me restait encore des doutes sur quelques autres parties. Ainsi, je me demandais jusqu'à quel point on pouvait comparer la mâchoire d’un Insecte à celle d’un Crustacé ; si le palpe de la première répondait au fouet de la seconde , etc. Je voulais re- chercher ce qu'était l'organe appelé langue par les auteurs, et j'ai vu qu'il régnait à cet égard une très grande confusion , malgré les travaux de M. Savigny. On sait que ce savant avait reconnu qu’il existe au pharynx des Insectes, dans le cas le plus complet, deux pièces ou organes , qu'il a nommés, d’après leur position, Épipharynx et Hypopharynx. Ce sont, en d’autres termes , deux langues, qui sont rarement développées en même temps dans le même animal, excepté dans quelques Hyménoptères. Le résultat d’ailleurs de toutes mes recherches , outre un grand DANS LES ARTICULÉS, 9273 nombre de faits nouveaux sur la structure particulière de chaque appendice , fut que tous les appendices semblent se transformer lesuns dans les autres , au moyen de l’hypertrophie ou de l’atro- phie de leurs éléments. Ceux qui, par leur plus grand dévelop- pement , présentent le type le plus complet, sont les mâchoires, tandis que les pièces du pharynx , au contraire , sont d'ordinaire les plus imparfaites. Lorsqu’on examine les divers appendices en les comparant entre des groupes différents, on les trouve modifiés diversement , sans qu’ils cessent pour cela d’être comparables ; et tandis que l’un de ces appendices arrive au maximum de déve- loppement dans une classe, il ne s’y maintient souvent pas dans une autre. Enfin, les transformations indiquées par les différents degrés de développement des appendices n'existent pas seulement dans un sens figuré ; elles ont lieu en réalité, dans un même appendice , aux divers âges d’un même Articulé. Il en résulte qu’un appendice , avant de devenir une mâchoire , par exemple, passe par différents états moins parfaits, qui sont le mode per- manent de la structure d’autres appendices. Il est surtout fort remarquable qu’un appendice se montre d'autant plus tôt, qu'il doit acquérir un développement plus complet : c’est ce que dé- montrent aujourd’hui les faits que possede la science au sujet des premiers développements de certains Crustacés; mais il reste à étendre ces recherches aux autres Articulés, dont les premiers changements paraissent avoir lieu d’une manière analogue, si l’on en juge par la forme des mâchoires dans les larves de certains Insectes. CHAPITRE PREMIER. OBSERVATIONS GÉNÉRALES SUR LES APPENDICES. $ 1°". Définition des transformations. Depuis les belles recherches de M. Savigny sur la bouche des animaux articulés , on sait que les Insectes suçeurs ont, aussi bien que les Insectes broyeurs, des mandibules , des mâchoires et deux lèvres, l’une supérieure et l’autre inférieure. En effet, quelle que soit la forme de ces parties, leuf position étant essen- 274 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES tiellement la même , il fallait bien que leur nature le fût aussi; les appendices buccaux sont donc les mêmes dans tous les In- sectes. Mais en pourra-t-on dire autant des appendices buccaux des autres Articulés, tels que les Crustacés , les Arachnides et les Myriapodes, ou, autrement, les pièces de leur bouche seront-elles les mêmes que celles des Insectes ? Évidemment non; car le nombre des appendices buccaux étant plus grand dans certaines classes d’Articulés que dans d’autres, il existe dans les premières, telles que les Crustacés et les Myriapodes, des appendices surnu- méraires , qui ne se trouvent pas dans les secondes , c’est-à-dire dans les Insectes et les Arachnides. Or, M. Savigny a reconnu que ces appendices surnuméraires n’étaient autre chose que des pattes plus ou moins modifiées, qui ont recu, à cause de cette cir- constance même, le nom de pieds-mâchoires dans les Crustacés. Cette hypothèse de la transformation des pattes, que l’observation rend très vraisemblable, conduisait directement à regarder tous les appendices de la partie inférieure du corps des Articulés [en y comprenant les antennes | comme ayant entre eux une grande analogie ; aussi est-elle à peu près généralement admise aujourd’hui (4) ; et ce qui semble surtout lui donner de l’impor- (4) « Malgré la diversité extrême qui existe dans les formes aussi bien que dans les fonctions des membres appartenant aux différents anneaux du corps d'un même Crustacé, ou au même anneau dans des espèces diverses , il n’en est pas moins vrai que, sous le rapport de leur mode de formation, ces organes présen- tent en général une tendance remarquable vers l’uniformité de composition, etc. » (Milne Edwards, -Hist. nat. des Crustacés, I, p. 50.) Et plus loin, page 54 :« L’é- tude du squelette tégumentaire des Insectés conduit: à des résultats analogues. » « Chez les Myriapodes, les Crustacés, les Arachnides et les Insectes, toutes les fois qu'il doit y avoir section ou trituration de l'aliment. c’est l'appareil locomo- teur qui fournit les instruments des actes mécaniques dont il s'agit. Pour cet effet, un certain nombre des appendices antérieurs de cet appareil se modifient pour faire l'office de mâchoires. Celles-ci sont si réellèment le résultat d'une transforma- tion des membres antérieurs, que, chez les Myriapodes et dans quelques Crustacés, on peut en quelque sorte suivre cette transformation de degré en degré, tant les mâchoires postérieures ressemblent encore à des pieds par leur forme et leur Jon- gueur. » (Hollard, Anat. comp., p. 35.) , « Dans les Articulés en général , et dans les Crustacés en particulier, tous les DANS LES ARTICULÉS, y 279 tance, c’est la parfaite ressemblance qu’offrent entre eux la plu- part des appendices des Myriapodes, dont les premiers seulement sont modifiés en lèvres et en mâchoires. Il en résulterait donc qu'il y 4; chez les Articulés, un appendice générateur UQUE à qui Eh lieu à la formation de pattes, de mandibules , de mâ- choires ou d'antennes, selon les changements que doivent lui im- primer les différences d’âge ou d’ espèce , comme nous le verrons, C’est donc une véritable transformation que subissent les appendices des Articulés, puisqu'ils se présentent avec des formes différentes dans les divers groupes et dans les différents âges de ces animaux ; mais cette transformation est tantôt métapho- rique ou spéculative , et tantôt réelle, Ainsi, lorsqu'un appendice de même rang présente une structure différente dans deux ani- maux appartenant à des groupes distincts , on peut le dire trans- formé , Car il offre dans l’un de ces animaux la structure d’une patte, par exemple , et dans l’autre celle d’une mâchoire ; mais c’est là une transformation figurée plutôt que réelle. Au contraire, si un même appendice, examiné à des âges différents dans le même individu, se montre successivement sous des formes diffé- rentes , il est évident qu’il y à ici transformation dans toute l’exac- titude du mot, Ce sont les lois de ces deux espèces de transfor- mations que je me propose d'étudier dans le présent travail, $ II. Transformations des appendices , comparées aux métamorphoses dans les végétaux. Comme conséquence de ce qui précède , on doit admettre qu’il existe, pour les appendices des Articulés, un mode de transfor- mation comparable à ce qui a lieu dans les végétaux pour les appendices préhensiles, masticateurs, ambulatoires et natateurs, qui appartiennent à la, face inférieure (abdominale) du corps (*), se transforment évidemment les uns dans les autres , suivant les ordres ou les familles : ce ne sont que des modi- fications d'un même plan. » Duvernoy, Organisation des Limules (Ann. des Sc. nat,, 2% série, t. XV, p. 19). (*) Déjà M. Milne Edwards avait dit: « Les membres de l'arceau inférieur sont les plus importants, sinon les seuls qui existent chez les Crustacés. » (Hist. nat. des Crustacés, t, I, p. 41.) 276 BRULLÉ. —— TRANSFORMATIONS DES APPENDICES parties dites appendiculaires : donc les métamorphoses des plantes et les transformations des appendices dans les Articulés seront des faits du même ordre. Lorsque, dans une rose double, une étamine est remplacée par un pétale ; lorsque , dans une tulipe , les feuilles les plus voisines de la fleur ont la coloration et l’aspect des pièces du périgone ; lorsqu’enfin les parties de l’ovaire lui- même se changent-en quelqu’un des appendices qui constituent la fleur ; n’est-on pas en droit de regarder comme analogues les organes qui se remplacent ainsi? c’est du moins ce que pensent aujourd'hui le plus grand nombre des botanistes, Or, dans les animaux articulés, lorsqu'une paire de mâchoires correspond par sa position (et plus ou moins aussi par sa structure) à l’organe que l’on appelle lèvre ; lorsque des appendices antenniformes, c’est-à-dire fractionnés en un très grand nombre d'articles, occu- pent la place d’une paire de pattes ; lorsqu’une patte même, mais légèrement modifiée, vient se présenter au lieu d’un pied-mà- choire, n'est-il pas évident aussi que ces divers appendices , appelés lèvres, mâchoires, pieds-mâchoires et antennes, sont tous de la même nature ? Ce sont assurément là des parties homo- logues , quoique leur structure ne soit pas identique ; et de même que , dans les végétaux, la feuille , la foliole du calice, le pétale, l’étamine et le pistil, avec des formes, une structure et une colo- ration différentes, peuvent se remplacer mutuellement ; de même aussi, dans les animaux articulés , les mâchoires , les lèvres , les pieds-mâchoires, les pattes et lés antennes, sont susceptibles de prendre des positions variées, suivant le groupe dans lequel on les considère. Il y a toutefois une différence essentielle, sous le rapport de la transformation des parties, entre les plantes et les articulés ; en effet , tandis que, dans les plantes , les modifications des pièces appendiculaires se remarquent sur certains individus d’une espèce , et que d’autres de la même espèce ne les présentent pas, les transformations ne s’observent , chez les Articulés , que sur des individus de groupes différents : aussi les métamorphoses des plantes affectent-elles des races entières : ce sont en quelque sorte des cas de monstruosité permanente ; tandis que , dans les Articulés, s’il existait des cas de monstruosité tels, qu'une mà- DANS LES ARTICULÉS. 277 choire, par exemple, pût devenir une mandibule, ceserait un simple accident , une sorte d'arrêt de développement , ou autrement un cas de monstruosité transitoire, comme cela a lieu d’ailleurs dans les animaux et les végétaux , en général , à l'égard de certaines parties. Ainsi, il y aurait monstruosité dans le cas de la transfor- mation d’une mâchoire en mandibule chez une même espèce d’Ar- ticulés ; tandis qu’il y a seulement transformation , dans un sens figuré , lorsque , dans un Articulé, on trouve une antenne à l’en- droit même où , sur un autre Articulé, on rencontre une patte. De même , on reconnaît dans les plantes, comme dans les animaux , des cas de monstruosité bien évidents ; on observe, en outre, des transformations constantes de parties appendiculaires, qui portent le nom de métamorphoses. IT est donc vrai que les métamorphoses des plantes ne sont pas toutes des cas de monstruosité, et que, dans les appendices des Articulés , les organes qui sont transformés ne le sont pas toujours d’une manière anomale ; les transformations des appendices dans les animaux articulés rappellent donc les métamorphoses des parties appendiculaires des végétaux CE (1) Les transformations des parties appendiculaires, tant dans les végétaux que dans les animaux articulés , établissent entre ces deux groupes d'êtres organisés des rapports bien dignes de remarque, et dont il serait curieux de connaître la cause. Ne pourrait-on pas la trouver dans un certain parallélisme qui doit exister entre les animaux et les végétaux, et que l'on peut établir sur les considérations suivantes? Si, comme un grand nombre de faits tendent à le démontrer aujour- d’hui, les animaux peuvent être distribués en séries parallèles, il est plus que pro- bable que la même disposition doit se reproduire dans les végétaux, et que ceux- ci peuvent également se subordonner en séries. Dans ce cas, il doit nécessairement arriver que les animaux et les végétaux , c'est-à-dire les deux branches du grand rameau des êtres organisés, puissent se ranger parallèlement entre elles. Un lien s'établira alors entre ces deux branches par quelque portion que ce soit , absolu- ment comme cela a lieu dans chacun des deux règnes pour les subdivisions dont ik se compose; c'est-à-dire que des faits du même ordre se manifesteront dans l'un et l'autre de ces deux règnes. Or, le fait des métamorphoses dans les végé- taux,.et celui de la transformation des appendices dans les animaux articulés, peut constituer un des rapports des animaux aux végétaux, un des points de concor- dance d’un règne à l’autre, puisque l'on trouve exactement les mêmes phénomènes “dans quelques uns de leurs groupes, savoir: dans les Phanérogames pour les vé- gétäux, et dans les Articulés pour les animaux. Ainsi donc, si le parallélisme des 978 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES $ HI. Transformations des appendices dans tine inême espèce. Le phénomène qui se remarque dans les végétaux, lorsqu'on examine une fleur simple ou double , se rétrouve donc aussi dans les Articulés , quand on compare des espèces différentes, Des cir- constances particulières de culture produisent d’une manière constante , dahs des plantes de la même espèce , des changements qui se manifestent aussi d’une manière permanente dans les Arti- culés de groupes différents. Lorsque, dans une plante, on voit des pétales dans une région de la fleur où se montrent des éta- mines sur une autre plante de la même espèce , ce qui est le cas des fleurs doubles, on a des conditions tout-à-fait pareilles à celles où se trouvent les Articulés de différents ordres : seulement, ces phénomènes ont lieu pour la plante dans une même espèce , tandis que, dans les animaux articulés, ils se passent entre espèces différentes. C'est même en cela que consistent les caractères les plus apparents des divers groupes d’Articulés; il semble que, dans quelques uns , telle sorte d’appendices ait usurpé la place d’un autre appendice, en même temps qu’elle s’en appropriait les fonctions. Mais il existe encore des données plus certaines pour reconnaître l’homologie des appendices chez les Articulés : ce sont les transformations véritables qu’ils subissent aux différents âges dé ces animaux (1). On voit alors comment un même appeñ= dice peut revêtir successivement la formé d’une patte ou d’une êtres peut être admis chez les animaux, il n° y a pas de raison pour qu'il ne le soit aussi dans les végétaux ; par suite encore, rien ne pourrait empêcher qu'il ne s’é- tablisse entre les animaux et les végétaux. Là se trouverait en quelque façon la cause du rapport que l’on remarque éntre les Articulés et les Phanérogames, elle tiendrait à un certain parallélisme qui se manifesterait entre les animaux et les végétaux. (1) « La forme et les usages des appendices varient suivant la partie du corps à laquelle ils appartiennent , suivant les espèces et même suivant l’âge de ces ani- maux (les Crustacés). » Si on examine les membres au moment de leur pre- mière apparition dans l'embryon d'une Écrevisse, par exemple, on voit qu'ils ont tous la même forme; mais bientôt après ils deviennent dissemblables entre eux, et ces différences augmentent de plus en plus, jusqu’à ce que l'animal ait atteint l'état parfait. (Milne Edwards, Hist. des Crustacés, t. I,p. 40 et 41 7 DANS LES ARTICULÉS. 079 atiteññié , puis celle d'une mâchoire où d’une mandibüle ; on voit cofment a lieu lé passage d’une de ces formes à l’autré , et pour- quoi l’on peut dire, par exemple, que les pattes se transforment en mdchoirés , mais que les mdchoïres ne se transforment pas en pattes (4). Cela vient simplement de ce que les pattes ont un état de développement moins avancé que les mâchoires , et que, par conséquent , elles peuvent encore se transformer ; tandis qué les mâchoires , étant des appendices parvenus à leur développement complet , né peuvent rétrograder pour devenir des pattes. Cepen- dant cette même assértion, qui est vraie À ce point de vue, cessé dé l’être à celui d’où l’a émise M. Savigny : ainsi, il est évident que les mâchoires peuvent être regardées Commé se transformant en pattes , lorsqu'on les considère dans les Crustacés adultes , par exemple. Les piéds-mâchoires des Décapodes sont , en effet, plus voisins des mâchoires que les pattes par l’ensemble de léuür struc- türe ; cependant quelques espèces, telles qué les Décapodes acroürés , ont les pieds-mâchoires extérieurs plutôt en forme de pattes ; et pouvant être considérés avec autant de raison commé dés mâchoires qui se transformeraient en pattes. Ces considérations sont suffisantes pour montrer qué l’exameñ des appendices, dans les Articulés de groupes différents et adultes, né permet pas de reconnaître avec certitude la marché de leurs transformations. Il est encore nécessaire d’avoir recours à la série des développements de ces animaux pour $e faire une idée éxacte des phénomènes, et étudier ceux-ci dans les différents âges. Autrement , la question de savoir si les mâchoires peuvent se transformer en pattes, où si, au conträire, ce sont les pattes qui se changent en mâchoires , équivaut à celle-ci : les transformations des appendices ont-elles lieu d'avant én arrière, où au contraire "(1 Je crois avoir prouvé, dit M. Savigny, que, chez les Apiropodes, les organes dé la locomotion aident et quelquefôts même remplacent complétement les organes spéciaux de là manducation. Maïs la proposition inverse ne/peut étre établie, et si l'on est conduit par mille exemples à penser que les pattes font souvent l'officé dé mandibules et de mâchoires, l'on n’en a aucun qui porte à croire que les mandi- bules et les mâchoires fassent jamais l'office de pattes. » (Mém. sur les anim. sans vert., p. 66.) 280 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES d’arrière en avant? Or , il n’y a pas de raison apparente pour que ce soit plutôt l’un que l’autre. Ainsi, dans les plantes , on trouve des exemples de ces deux cas parmi ceux mêmes que j'ai déjà cités. Lorsque , dans une rose double , les étamines se sont trans- formées en pétales, c’est un exemple d'organes d’un rang supé- rieur qui se changent en d’autres d’un rang inférieur : la même chose a lieu encore , lorsque des parties de l'ovaire viennent à se transformer ; mais lorsque des feuilles voisines de la fleur pren- nent l’aspect de pièces du périgone , on à un exemple d'organes inférieurs pour la position qui se changent en organes supérieurs, Les deux modes de transformation semblent donc également possibles, et c’est là surtout ce qui prouve l'homologie des organes transformés. | Or , il en est de même dans les Articulés. Si l’on considère que les mâchoires de ces animaux sont situées à la bouche, et par conséquent dans une position plus antérieure que les pattes, on se demande si, dans les Crustacés décapodes, ce ne sont pas des mâchoires qui se sont en partie transformées en pattes pour deve- nir ce que l’on nomme pieds-mâchoires. C’est, il me semble, un exemple de transformation rétrograde qui contredirait l’assertion . de M. Savigny, savoir , que les mâchoires ne se transforment pas en pattes. D’un autre côté , lorsque l’on voit, dans les Phrynes, les premières pattes offrir la forme d’antennes , n’a-t-on pas un exemple de transformation en sens inverse , c’est-à-dire que des appendices postérieurs, tels que les pattes, se changent en appen- dices antérieurs, en antennes ? On a donc ici, comme dans les végétaux, une preuve d'autant plus incontestable d’homologie , que l’on ne peut assigner de préférence une marche plutôt qu’une autre à la transformation des parties. Il n’en est pas de même, au contraire , lorsqu'on examine les appendices aux différentes pé- riodes du développement d’un même Articulé : on voit ces appen- dices, d’abord très simples et semblables entre eux, se compliquer davantage et d’une manière inégale à mesure que l’animal avance dans son développement. C’est alors qu’il est facile de recon- naître, d’après l’ordre dans lequel se manifeste la structure des différentes sortes d’appendices, comment on doit déterminer leur DANS LES ARTICULÉS. VIT 281 prééminence , lorsqu'on les compare chez les adultes d’espèce dif- férente : c’est ce que feront mieux comprendre les détails dans lesquels je vais entrer. (FR, & IV. Lois de la transformation des appendices. Dans certains Articulés plus simples , les Pycnogonides, par exemple , les appendices offrent une si grande uniformité de struc- ture, qu'ils ne sont pour ainsi dire que des pattes. Plusieurs espèces de ce groupe sont dépourvues d’appendices à la bouche : dans ce cas , ils n’ont véritablement que des pattes , dont les pre- mières sont conformées en sortes d'antennes, que leurs usages ont fait nommer fausses-pattes ovigènes. Chez d’autres, une nouvelle modification se présente : c’est l'existence d’un appen- dice préhensile, désigné sous le nom d’antenne-pince, et qui n’est autre chose qu’une patte, dont l’avant-dernier article atteint l'extrémité libre du dernier : cette même disposition se remarque dans les antennes-pinces de certaines Arachnides, et dans la plupart des pattes des Limules. On observe, en outre, chez ces derniers animaux, une troisième modification des pattes : elle consiste dans la. présence d’une saillie en dedans du premier article de chaque appendice ; la première paire seule en est dé- pourvue. Les appendices des Limules offrent donc un degré d’or- ganisation plus élevé que ceux des Pycnogonides ; on y trouve la première indication d’une véritable pièce de la bouche ou d’une mâchoire proprement dite. On voit, en outre , dans ces premiers Articulés , les mêmes éléments, les mêmes appendices , devenir tantôt une patte avec son crochet unique, tantôt une antenne- pince avec son double crochet, et tantôt une mâchoire caracté- risée par la saillie interne du premier article. Ces éléments se compliquent d'autant plus qu’on les considère dans des espèces plus différentes ; c’est en cela que consiste le premier mode de transformation des appendices, le seul que l’on ait reconnu jus- qu'à ce jour. Dans ce cas, il n’y à transformation que dans un sens métaphorique , et la théorie seule permet de l’admettre. Mais il existe un mode de transformation plus réel, en rapport avec les développements de l’Articulé : c’est celui qu’offrent les appendices 3° série. Zoo. T. IT. (Novembre 1844 ) 19 289 BRULELÉ. —— TRNANSFORMATIONS DÉS APPENDICES aux différents âges. Les changements successifs que l’oh remarque dans ces appendicés démontrent d’une maïière plus fraphañte encore leur analogie. Ainsi, par exemple, que l’on remonte chez les Limules à une époque de leur développement plus rapprochée de la naissance , et l’on verra les pattes dépourvues de la saillie interne : ce sont alors des antennes= pinces, comine les pattes antérieures des Pycnogonides. Peut-être qu’en fémohtant plus haut encore ; on trouverait les pattes des Limules dépourvues de pinces , c’est-à-dire terminées par un seul crochet ; elles rappellé- raient alors les pattes simples des Pycnogonides. On voit done qu'en réalité les appendices sont formés d'éléments identiques ; qui se modifient par les progrès de l’âge chez un mémé individu ; comme als semblent $e modifier par les progrès de l’organisation chez les individus d'espèce différente. On peut voir , par ces divers cas de transformation , quel nou< veau genre d'intérêt présentera l'étude du développement des Articulés, dans les espèces surtout'où cé développement semblé se faire d’une manière continué, c'est-à-dire lorsqu'il n’y à pas de métamorphoses proprement dites, dans les Crustacés par exemple. C’est, en effet, une chose aussi-curieuse de voir se produire une mâchoire là où $e trouvait primitivement une patte, que de reconnaître sur une espècé une pairé de mâchoires à l’én- droit même où, dans une autre espècé, on voit une paire de pattes, Mais ce qui n’est pas moins digne d’atténtion , c’est l’ordre dé succession dar lequel se montre chaque sorte d’appéndices sur un même Articulé ; à cet égard, l'observation nous déroule des faits remarquables. En suivant, comime on l’a fait dans ces der- niers temps, les phases du développerñent des Crustacés , on voit que les pièces de la bouche et les antennes &e manifestent avant les pattes ; celles-ci ne se montrent que par suite des développe- ments ultérieurs. De leur côté, les antennes sont encore fort peu développées , que les pièces de la bouché le sont déjà plus ; enfin, c’est lorsque les appendices buccaux ont revêtu la forme qu’ils doivent conserver que les pattes commencent à paraître. Il en résulte donc cette conséquence remarquable, que les appendices se montrent d'autant plus tôt que leur structure doit étre plus complexe. DANS LES ARTICULÉS. 283 On trouve, en outre ; dans ces développements divers une nou- velle preuve de l’analogie des appendices. Ainsi, les pattes n’ont pas de transformation à subir ; elles ne se montrent que quand les autres appéndices ont déjà revêtu la forme de mâchoires ou d'antennes. Donc, dans un animal articulé, les appendices sè montrent d'autant plus tard qu’ils ont moins de transformations à subir : c’est le complément de la loi précédente. On peut, par conséquent, juger du degré d'importance et de complication d’un appendice par l’époque même à laquelle il commence à se mani- fester. Il résulte de ce qui précède que la doctrine de la transforma= tion des appendices ne doit pas être regardée comme une simple hypothèse , ingénieuse il est vrai, mais faite pour rapporter à un type unique des modèles d'organisation différents, Les change- ments qu'un même appendice subit avec l’âge font rentrer cette doctrine de la transformation dans le domaine de la réalité , lors- qu'il s’agit d’un même individu , et ne lui laissent le caractère de la spéculation que lorsqu'il est question d’espèces différentes. C’est donc à tort que l’on a imprimé dans ces derniers temps,: « Les mâchoires ne sont pas plus des modifications des membres que les membres des modifications des mâchoires (1) ; » car le fait de la transformation des appendices dans un même individu jus- tifie complétement , et individualise en quelque sorte cette pensée de la transformation des appendices d’un groupe à l’autre. (Note 4.) $ V. Les monstruosités par scission expliquées par la structure normale des appendices. On reconnaît facilement, dans les appendices des Articulés, deux modes de division différents : ainsi, d’une part , on observe la disposition bout à bout des pièces élémentaires de ces appen- dices , dans le cas le plus ordinaire, qui est celui des pattes et des antenñes ; mais on remarque de plus une autre disposition con- sistant dans une véritable bifurcation , dans une sorte de dédou- (1) Gerdy, dans les Archives générales de médecine, 2° série, t. IX, p. 251. 28 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES blement d’une partie des appendices ; dans ce dernier cas sont les antennes des Écrevisses et autres Crustacés décapodes, des Squilles, les appendices antenniformes des Apres, etc. Or, il est à remarquer que tous les appendices peuvent offrir ce mode de division par bifurcation. Ainsi, on en voit des exemples perma- nents dans les mâchoires de tous les Articulés, et dans les pattes, tant thoraciques qu’abdominales, d’un grand nombre de Crustacés ; on les retrouve d’une manière accidentelle dans les pattes mon- strueuses de certains Insectes , les seuls Articulés chez lesquels cé cas se soit présenté jusqu’à présent, et dans les antennes égale- ment monstrueuses des mêmes animaux. Et de même que, dans les mâchoires et les antennes de certains Crustacés, dans les mâchoires des Insectes, il peut exister simultanément trois séries parallèles de pièces placées bout à bout; de même aussi, les pattes et les antennes des Insectes se présentent, dans certains cas de monstruosité, avec une triple série de pièces qui sont exactement les mêmes dans chaque série. N'est-ce pas une chose digne de remarque , au point de vue de l’analogie , que de voir reparaître comme anomalie , dans une classe d’Articulés, une dis- position appartenant à l’état normal dans une autre classe d’Arti- culés? Il n’y aurait donc pas anomalie réelle dans le cas où un appendice ordinairement simple se multiplie, en quelque sorte, contre les règles les plus générales de sa structure, puisque ce même appendice présente, dans certains groupes d’Articulés ; cette multiplication d’une manière constante. Sous l’apparence d’une monstruosité , il y a ici un véritable retour à l’état normal, ou, mieux peut-être , à l’état de développement plus complet, vers lequel semblent tendre tous les appendices. Ainsi , les mâ- choires , les lèvres, ou du moins les lèvres inférieures , étant di- visées plus ou moins distinctement , dans tous les Articulés, en plusieurs séries longitudinales , et les antennes, ainsi que les pattes d’un grand nombre de Crustacés , affectant aussi cette dis- position , on peut la regarder, en s’aidant des lois déjà connues du développement des appendices, comme le caractère de l’ap- pendice le plus complet, On sera donc conduit à en tirer cette conclusion, que, dans la formation d’un appendice , il entre en DANS LES ARTICULÉS, 285 général deux modes de division : l’un transversal , ou par articu- lation bout à bout, ce qui forme les articles de chaque série ; l’autre longitudinal, ou par bifurcation ou dédoublement, auquel sont dues les différentes séries d'articles de chaque appendice : donc , la scission longitudinale étant une des deux conditions de la structure d’un appendice , les cas d’anomalie apparente ren- trent ainsi dans la règle. Ces considérations fournissent, en outre, une nouvelle démonstration de l’homologie des appendices , qui se montrent tous soumis aux mêmes lois, tantôt d’une manière ré- gulière et constante , tantôt au contraire d’une façon transitoire , en ce sens qu’il n’est question que des individus isolés et non pas de l'espèce entière (1). (1) Le mode de scission longitudinale des appendices est quelquefois très re- marquable, comme le prouvent les organes du Scorpion, que l'on a nommés peignes à cause du grand nombre de pièces qui sont implantées parallèlement sur un article principal. Une disposition du même genre, quoique moins prononcée, se retrouve dans la dernière patte des Limules . où l'on remarque aussi plusieurs pièces parallèles, mais placées à l’entour du dernier article. Il semble en outre que l'on puisse rapporter au même mode de structure la disposition des crochets et autres pièces terminales des tarses en général dans les Insectes et les Arach-- nides. Nulles d'ordinaire, ou représentées par un seul article dans les Crustacés et les Myriapodes , ces pièces sont la plupart du temps au nombre de deux dans les Insectes, et souvent au nombre de trois dans les Arachnides ; elles sont si- tuées sur le dernier article du tarse, comme les deux séries d'articles qui, dans une antenne bifurquée, sortent à la fois d’un article unique. On trouve d’autres exemples de scission longitudinale dans les appendices terminaux de l’abdomen d'un grand nombre de Crustacés , comme nous le verrons en étudiant les pattes. C'est sans doute l'observation du mode de scission longitudinale des mâchoires qui a porté M. Straus (*) à regarder celles-ci comme formées de deux paires de pattes, dont l’une serait le palpe, et l'autre le galéa. Mais il faudrait admettre une troisième paire pour représenter la série intérieure formée par l'inter-maxillaire et ses dépendances (voyez plus loin la description des mâchoires), tant dans les mâchoires des Insectes que dans les pieds-mächoires des Crustacés décapodes ; il faudrait, par la même raison , admettre deux ou trois paires d'antennes pour ex- pliquer les antennes ramifiées de certains Crustacés. En outre , si ce que j'ai dit des peignes du Scorpion est fondé, combien ne faudrait-il pas faire intervenir d'appendices dans la composition de ces parties ! Comment expliquer, dans cette même hypothèse, les crochets et autres dépendances du dernier article des tarses ‘*) Anal. comp., V, A0. 286 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES CHAPITRE Il, EXAMEN COMPARATIF DES MACHOIRES, DES PATTES ET DES ANTENNES, $ I:". Objet de cette comparaison. — Nouvelles recherches à faire sur les trois sortes d’appendices, Jusqu'à présent les recherches auxquelles ont donné lieu les appendices des Articulés, ont eu pour but de démontrer d’une manière générale l’analogie des organes de manducation avec ceux de locomotion : c’est ce qu’a entrepris avec succès M, Savi- gny. Cependant ce savant naturaliste n’a guère étudié les appen- dices sous le rapport de leur composition que dans les Crustacés ; il n’a pas cherché à déterminer, dans les autres classes d’Arti- culés, les pièces élémentaires de chaque appendice. Depuis, M. Milne-Edwards s’est livré également à l’étude des appendices dans les Crustacés, et a fait ressortir non seulement l’analogie des pattes avec les mâchoires , mais encore celle des antennes avec les mâchoires , ou, d'une manière plus générale, l’analogie de tous les appendices de la portion inférieure du corps. Pour cela , il a dû étudier d’abord la structure des mâchoires , qui sont les appendices les plus complexes, afin de pouvoir leur comparer les autres appendices, Il restait à étendre ces recherches aux appendices des autres Articulés , et à reconnaître d’abord la composition de ces appen- dices pour les comparer à ceux des Crustacés. Or, qu’y avait-il de fait dans cette voie ? Rien, si ce n’est la détermination des pièces de la mâchoire dans les seuls Insectes Coléoptères, et la compa- raison de la lèvre inférieure des mêmes Insectes avec leurs mâ- dans les Insectes et les Arachnides? On serait forcé, dans ce cas , d'admettre comme une loi générale la composition multiple de chaque appendice , sans pou- voir presque assigner de limites à cette multiplicité. Quoique cette manière de considérer les appendices semble rentrer à la rigueur dans celle que j'ai déve- loppée, il me semble qu'elle ne rend pas aussi bien raison de cette propriété qu'ont les appendices de se ramifier dans tous leurs articles indistinctement, comme le démontrent les antennes normales des Crustacés , les pattes et les antennes monstrueuses des Insectes. DANS LES ARTICULÉS. 257 choires. Quant aux mâchoires des Arachnides et des Myriapodes ; quant à celles mêmes des ordres d’Insectes autres que les Coléop- tères , on ne les ayait pas étudiées. Ainsi, on ne savait pas que les mandibules des Myriapodes sont de véritables mâchoires sous le rapport de leur composition ; on ne savait pas de quelle ma- nière se simplifient les mâchoires dans les divers ordres d’In- sectes, depuis les Goléoptères , où elles atteignent leur plus com- plet développement, jusqu'aux Hémiptères, où elles se présentent à l’état le plus simple. L'étude de ces appendices, entreprise comparativement dans les différentes classes et dans les ordres d’Articulés , conduit à reconnaître que , dans les Crustacés, les véritables mâchoires, au point de vue de la structure, sont pré- ‘eisément celles que l’on a nommées mâchoires auxiliaires ou pieds-mâchoires. : L'examen comparatif des mâächoires et des pattes, dans les Crustacés, démontre d’une manière certaine à quelle portion des mâchoires correspondent les pattes. Il doit en être de même dans les autres Articulés , chez lesquels on n’a guère pour guide que l’analogie générale qui existe entre les Crustacés. Rien ne montre, en effet, dans la structure des pattes , soit des Arachnides , soit des Myriapodes ou des Insectes, le passage des mâchoires aux pattes, qui est si remarquable dans les Crustacés. Il en est autre- ment pour les antennes, et si ces organes présentent dans les Crustacés des traces incontestables de la structure des mâchoires, on retrouve aussi ces mêmes traces dans les antennes de quelques Insectes. Entre les pattes et les antennes, il existe des appendices intermé- diaires pour la structure, et que je désigne sous le nom d’antennes- pattes. Ces appendices remarquables se présentent à la fois dans les Crustacés, les Arachnides et les Myriapodes ; ils font le passage des tarses aux antennes, ou plus généralement des pattes aux antennes. Enfin , les antennes-pinces des Arachnides, ou ce que l’on ap- pelle aussi leurs forcipules ou leurs mandibules, méritent un examen particulier à cause de leur position avancée , par suite de laquelle on les a prises pour des antennes, tandis que d’autres cu 288 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES font des mandibules. L'examen de leurs connexions ou de leurs rapports de voisinage avec certaines pièces de la bouche jette quelque jour sur leur détermination. Ces appendices n'existent pas seulement dans les Arachnides ; on les retrouve dans les Li- mules et les Pycnogonides, animaux qui semblent former deux groupes bien distincts entre les Crustacés et les Arachnides. L'examen comparatif des mâchoires, des antennes et des pattes, et l'étude des antennes- pattes et des antennes -pinces , donnent lieu à quelques considérations sur la nature des appen- dices en général, et permettent de déterminer , autrement que par des vues purement théoriques, et indépendamment de la structure des appendices, ce que l’on doit appeler pattes , an- tennes et mâchoires. Je veux parler de la position des appendices à l’égard de la cavité du pharynx ou de l’orifice du tube intesti- nal, orifice qui semble en quelque sorte influer sur les appendices les plus voisins, de manière à produire les lèvres et les pièces que j'appelle pharyngiennes (langue, épiglotte, etc.). Les rapports de ces pièces et des lèvres avec les autres appendices permettent de déterminer ceux-ci d’une manière certaine ; et lorsqu'elles viennent à manquer , on remarque entre les divers äppendices des transitions plus prononcées que lorsqu'elles existent, 8 II. Des mâchoires. Ces appendices sont plus compliqués qu’aueun autre, moins par le nombre , il est vrai, que par la disposition des pièces élé- mentaires qui entrent dans leur composition. Comme les pièces terminales des mâchoires sont les seules qui varient beaucoup , on les a étudiées de préférence , et l’on a généralement négligé l'examen de celles qui servent de support aux premières : aussi M. Burmeister fait-il remarquer avec raison « que les simples contou"s qui sont reproduits dans la plupart des ouvrages, même les plus récer!s, suffisent à peine pour en donner une idée (1). » (1) Handbuch der Entomologie, t. IUT, p. 18.— On doit affranchir de ce blâme L2s planches du bel ouvrage de l'£xpédition d'Égypte et celles de l'Zconographie du règne animal (édition Crochard, maintenant Fortin et Masson), qui sont signées Doyère. DANS LES ARTICULÉS, 289 Malgré leur complication, néanmoins, les mâchoires présentent partout les mêmes éléments , sauf les cas de soudure , qui devien-- nent caractéristiques pour certains groupes. Afin de mieux étudier la structure de ces appendices, qui sont les plus importants sous le rapport anatomique, nous les examinerons dans tous les groupes où ils nous montrent quelque différence, en commençant par les Insectes, chez lesquels seuls on les a jusqu’à présent déterminés avec quelque soin sous le rapport de leur composition élémen- taire. | «. Mâchoires des Coléoptères. —C'est à peu près le seul ordre de la classe des Insectes dans lequel les mâchoires aient été le sujet d’un examen sérieux. Les premiers auteurs qui, à ma connais- sance, se soient livrés à cet examen, sont MM. Kirby et Spence (1). Ces deux savants ont, avec raison, donné des noms aux diffé- rentes pièces des mâchoires, et ces noms auraient dû être , sinon adoptés, au moins rappelés par tous les auteurs qui ont traité le même sujet, postérieurement au travail des auteurs anglais. Aussi peut-on s'étonner que M. Straus (2), qui s’en occupa le premier après eux , ne les ait pas cités une seule fois ; M. Burmeister (3), au contraire, leur a mieux rendu justice en adoptant quelques uns de leurs noms. En comparant les travaux des différents auteurs, qui ont donné, d’une manière plus ou moins complète, la nomenclature des pièces qui entrent, comme.éléments, dans la composition des mâchoires, on voit que cette nomenclature est loin d’être homogène. De tous ces auteurs, qui sont, indépendamment de ceux que j'ai déjà nommés, MM. Latreille, Mac-Leay, Newmann, Erichson et Au- douin, il n’en est qu’un seul qui ait parfaitement reconnu toutes les pièces de la mâchoire des Coléoptères : c’est M. Audouin, dont la nomenclature se trouve seulement indiquée dans l’explication d’une des planches de l’Iconographie déjà citée du règne animal, mais qui n’a rien publié lui-même sur ce sujet. Il en résulte donc que la synonymie des pièces de la mâchoire est assez nombreuse, (4) Introduction to Entomology. (2) Anatomie comp. des anim. articulés. (3) Handbuch der Entomologre. 290 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES comme le prouveront surabondamment les détails dans lesquels je vais être forcé d'entrer, En général , on distingue dans les mâchoires des Geléapières les parties suivantes : 1° Une pièce basilaire ou de support (PI. 44, sm), au moyen de laquelle elles sont insérées sur la tête: c'est le cardo de MM. Kirby et Spence, Burmeister ; la branche transverse de M. Straus; le style de M. Audouin. Je propose , pour des raisons que je donne- rai plus loin , de la nommer sous-maæillaire. Cette pièce est arti- culée. par gynglime avec le reste de la mâchoire, qui joue sur elle, comme une porte sur ses gonds, pour exécuter les deux mouvements latéraux d’abduction et d’adduetion, ce e qui au le nom que lui ont assigné MM, Kirby et Spence. … . | 2 Une pièce ordinairement triangulaire (m), articulée par sa base avec la précédente, et par les deux autres côtés avec quelques unes des pièces suivantes : .c'est le stipes de MM, Kirby et Spence , Burmeister ; la pièce dorsale de M, Straus ; l’épistyle de M. Audouin ; le maæilla ge M, Newmann. Je propose de la nom- mer maæillaire. 5 3 Une pièce (im) , plus variable que la paéobdenté bout la forme et les dimensions , appelée : lobe interne , pardatreille (+) ; lobe inférieur, par MM. Kirby et Spence ; mando; par M, Bur- meister ; entognathe, par M, Audouin ; lacinia, pax Mac-Leay ; stipes, par M. Erichsons; et que je nommerai avec M. Straus intermaxillaire, Cette pièce occupe le côté opposé de la précé- dente ; elle est, par conséquent, située en dedans de la mâchoire, tandis que l’autre se trouve en dehors (côté interne, côté externe); son bord libre est souvent garni d’une rangée de poils , et quel- quefois armé de dentelures ou d’épines. 4° Une pièce (pg) située en dehors de la mâchoire, c'est-à- dire du même côté que le maxillaire , et ordinairement longue et étroite , quelquefois au contraire élargie d’ane manière remar- | quable (Lucanides et autres). MM, Kirby et Spence ne paraissent (4) Ce savant n'ayant eu pour but, dans l'examen de la mâchoire des Insectes, que la classification de ces animaux, n’a fait usage que du lobe interne, du lobe externe et des palpes : le reste formait pour lui le corps de la mâchoire. DANS LES ARTICULÉS, 291 pas l'avoir reconnue. M, Straus l’a nommée palpigére , et ce nom a été adopté par MM. Burmeister et Audouin : c’est celui que je lui conserve, 5° Une pièce (sg) située au milieu de la face postérieure ou _labiale de la mâchoire, et qui semble n’avoir été distinguée par aucun auteur, si ce n’est par M. Audouin seulement : c’est, à n’en pas douter, ce qu’il nommait kypodactyle, parce qu’elle est située au-dessous du galéa, qu'il appelait dactyle. Cette pièce, que je propose de nommer sdus-galéa , n’est pas toujours distincte , cé qui explique pourquoi on ne l’a pas généralement reconnue ; très souvent elle reste soudée et confondue avec l’intermaxillaire. Telles sont les cinq pièces élémentaires qui constituent le corps de Ja mâchoire ;. dans le cas du développement complet de ces appendices. Examinons maintenant ses dépendances , qui sont : 6° Le galéa (g), ainsi hommé par Fabricius et Olivier , à cause de. J’analogie qu’on à cru Jui trouver avec un casque , dans les Insectes Orthoptères, où il fut d’abord reconnu. Cette pièce, qui existe dans tous les Insectes et même dans les Crustacés et les Arachnides, a été appelée, dans les Coléoptères, le lobe eæterne de la mâchoire, pour la distinguer du lobe interne que nous avons appelé intermaxillaire.4 c’est le lobe supérieur de MM. Kirby et Spence, Quelle que-soit sa figure dans les Coléoptères , qu'il se compose de deux articles palpiformes (carnassiers) ou d’un seul , comme dans le cas le plus ordinaire , on lui donne généralement aujourd’hui le nom de galéa, car c’est toujours le même organe. M, Audouin, comme nous l’avons dit, l'avait appelé dactyle. Cette pièce est située à l'extrémité du sous-galéa , quand celui-ci est distinct , ou, dans le cas contraire, sur la réunion du sous- galéa et de l’intermaxillaire. 7° Le palpe (p), composé d’un nombre d'articles variable dans les différents ordres, et surtout dans les différentes classes d’Articulés. On le nomme palpe maxillaire, pour le distinguer de celui que porte la lèvre inférieure ; on l'appelle, en outre, palpe maxillaire externe , par opposition avec le galéa, que l’on désigne quelquefois, à cause de sa forme, sous le nom de palpe maxillaire 292 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES interne. Le palpe véritable, ou le maxillaire externe , est inséré sur le palpigère. 8° Le prémaæillaire (pm ). C’est ainsi que M. Straus a nommé tout récemment (1) une pièce que Latreille désignait sous le nom d’onglet, M. Audouin sous celui d’ongle, MM. Kirby et Spence sous celui d’uncus, et qui se trouve à l'extrémité de l’inter- maxillaire. On l’a remarquée depuis longtemps dans presque toute une famille de Coléoptères (Cicindelètes) ; mais elle existe dans les autres familles, avec cette différence qu’elle est soudée avec l’intermaxillaire, au lieu d’être mobile. Déjà M. Audouin l'avait trouvée avec le même caractère de mobilité que dans les Cicindelètes, dans un genre de Coléoptères Carnassiers, les T'ri- gonodactyles (2) ; je l'ai revue depuis, suivie même d’une seconde, dans le grand Hydrophile de nos pays (H. piceus). Le prémaxil- laire est donc formé d’une ou de deux pièces ; et, dans les Crus- tacés décapodes, nous en trouverons un plus grand nombre en- core. Dans certains Coléoptères carnassiers , le prémaxillaire est soudé avec l’intermaxillaire, dont il forme le crochet terminal. Telle est la nomenclature des différentes pièces dont se com- posent les mâchoires : on voit qu’elle est assez compliquée. Celle à laquelle je donne la préférence est empruntée en partie à M. Straus ; elle a l’avantage d’être plus homogène que celle de M. Audouin. J’ai cru devoir profiter d’une idée assez heureuse de M. Straus, en introduisant autant que possible le mot maxil- laire , dont il avait déjà fait usage pour une des pièces , l’inter- maxillaire , et qu’il a employé dernièrement encore à dénommer. le prémaxillaire, Ainsi, les noms dont je ferai désormais usage seront, suivant l’ordre des parties, en commençant par la base de la mâchoire : 4° le sous-maæillaire ; 2° le maæillaire; 3° l’inter- maæillaire et ses dépendances (prémaæillaire) ; 4° le palpigère et son appendice le palpe; 5° le sous-galéa et son appendice le galéa. Les pièces de la mâchoire des Coléoptères, telles que je viens (1) Traité d'anatomie comparative, 1, 210. (2) Audouin et Brullé, Hist. des Insectes. DANS LES ARTICULÉS. 293 de les faire connaître , ne sont pas toutes également distinctes, Quelques unes d’entre elles restent réunies dans certains groupes ; d’autres sont constamment séparées. Dans le premier cas, se trouve surtout le sous-galéa ; dans le second, sont le sous-maxil- laire et le palpigère, Ces deux dernières pièces , en effet, m'ont toujours paru séparées des autres , et toujours j'ai pu les isoler par la macération. Au contraire , le sous-galéa est fréquemment soudé avec l’intermaxillaire, et quelquefois le galéa lui-même se réunit également à lui, bien que ce cas soit assez rare, Mais on rencontre des espèces dans lesquelles le corps de la mâchoire est pour ainsi dire plus compacte , et formé par la soudure complète de l’intermaxillaire , du sous-galéa et du maxillaire : cela se voit dans certaines mâchoires très robustes, comme celles du Scarabé hercule par exemple. En général, c’est le sous-galéa qui se montre le plus rarement distinct; quant au galéa , il se développe en rai- son inverse des autres pièces , et surtout de l’intermaxillaire , qui est quelquefois rudimentaire. (Note B.) 6. Mächoires des Orthoptères. — Après avoir pris pour type la structure des mâchoires dans les Coléoptères, parce que c’est chez ces Insectes qu'elle atieint son plus grand développement , il nous reste à voir en quoi diffère de ce type la conformation des mâchoires dans les autres ordres. Ces appendices , dans les Or- thoptères, diffèrent de ce qu’ils sont dans les Coléoptères , tant par leur consistance, généralement moindre , que par l’espèce de fusion qui semble exister entre les différentes pièces. Ces deux propriétés sont d’ailleurs dans une dépendance réciproque ; ainsi, de ce que la consistance des mâchoires est à peu près uniforme, il en résulte nécessairement que les pièces élémentaires sont peu ou point séparées. On distingue entre les différentes pièces plutôt des plis que de véritables sutures , et c’est sans doute pour cela qu’on n’a pas cherché à déterminer les pièces de la mâchoire des Or- thoptères , comme on l’a fait pour celle des Coléoptères ; cepen- dant les plis, ou les enfoncements que présente la mâchoire des Orthoptères, permettent d’en reconnaître la structure , et de la comparer à celle de la mâchoire des Coléoptères. On y retrouve alors les mêmes pièces que dans ces derniers , moins une seule »9/ BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES qui parait manquer constamment ; ais quelques unes sont rudi- mentaires. Voici celles que l’on reconnait toujours : 1° Le sous-macillaire (sm) ; 2 Le maæillaire (m), qui supporte à la fois le palpe et le galéa. Le sous-galéa n’est pas indiqué , mais le palpigère l’est dans quelques cas ; 5° L’intermawillaire (im), armé de dents à son extrémité Une de ces dents est ordinairement mobile, ét représente le pré= maæillaire (pm) ; h° Le galéa (g), toujours formé dé deux articles ; 5° Le palpe (p), qui à toujours cinq articles, ce qui permet de reconnaître le palpigère (pq), ou ses traces dans un sixième article , le premier de tous, où mieux dans une expansion plus ou moins saillante du maxillaire , sur laquelle s'articule le palpe. Il n'y a donc, à vrai dire, que le sous-galéa dont on ne retrouve pas de traces dans la mâchoire des Orthoptères ; mais on sait que ce cas est assez fréquent dans la mâchoire des Coléop- tères, Toutefois le caractère principal de la mâchoire des Or- thoptères, c’est la position avancée de l’intermaxillaire, qui est devenu la portion terminale du corps de la mâchoire. Pour cela, il est inséré sur le maxillaire, tandis qu’il ne touche ce dernier que par son bord interne dans la mâchoire des Coléoptères ; en outre, l’intermaxillaire des Orthoptères est mieux armé que celui des Coléoptères , même dans les Orthoptères herbivores , ce qui coïncide avec la voracité bien connue de ces animaux, Les parties de la mâchoire des Orthoptères qui varient lé plus sont, en première ligne, l’intermaxillaire , puis le palpe et lé galéa. On voit chez quelques uns l’intermaxillaire usurper les fonctions du galéa de certains Coléoptères lignivores , tels que les Mésolonthidés , chez lesquels cé galéa eët robuste et pourvu de très fortes dents. Le galéa des Orthoptères est , au contraire, toujours inerme , et ne sémble avoir pour objet qué de protéger l’intermaxillaire, C’est même cé rôle du galéa qui doit nous éx- pliquer pourquoi sa forme semble varier en même temps que celle de l’intérmaxillaire ; pourquoi il s’allonge en même temps que ce derniér , ét vice versd. Néanmoins le galéa prend quelquefois DANS LES ANTICUÉS, "°°" 205 un développement invérse de celui de l'ifteraxilläiré , comme cela se remarque surtout dans quelques espèces dé Phäsriides. y. Mâchoires des Névroptères.—Dans les Insectes Névroptères, les mâchoires ont exactement le même caractère que dans l’ordre des Orthoptères, c’est-à-dire qu’elles ont l’intermaxillairé situé en avant du maxillaire. Get intermaxillaire est armé , dans les Libellulines, de plusieurs dents aiguës, dont quelques unes, à cause de leur mobilité , représentent lé prémaxillaire ; mais, dans là plupart des Névroptères , l’intérmaxillaire est inerme et frangé à son bord interñé , comme dans beaucoup dé Coléoptères, On reconnaît deux types fort distincts dans la mâchoire des Névroptères ; ainsi, les uns sont dépourvus de palpes : ce Sont toutes les espèces de la famille des Libellulines ; les autres ont un palpe éomme à l'ordinaire, et c’est le plus grand nombre, puis- qu'il renferme toutes les autres familles. C’est le caractère singu- lier de la mâchoire des Libellulines, savoir, l’absence du palpe (4), qui à fait dire à MM. Kirby et Spence (2) que le galéa, ou, sui- vant eux, le lobe supérieur, est formé de la réunion du palpe et du galéa ; ils fondent cette opinion sur ce que le galéa s'articule avec la mâchoire, de la même manière que le palpe : il faut avouer que cette raison n’en est vraiment pas une. D’ailleurs , ce qué ces deux auteurs ajoutent laissé une certaine obscurité dans la détermination des pièces de la mâchoire. Suivant eux, en effet, le crochet (mucro), qui part du lobe, ou le crochet terminal de cé lobe , a l’aspect d’un palpe rudimentaire , et correspond en quél- que sorte au palpe labial des mêmes Insectes : or, ce crochet n’est autre chose que l'extrémité même du galéa. Il n’y à d’ail- leurs pas d’éxemple qu’un palpe soit inséré sur le galéa, et ce mode singulier d'insertion est contrairé à toute éspècé d’analogie. Nous verrons ailleurs que l’absénce du palpe est tellement carac- téristique dans les Libellulines , qu’on n’en trouve non plus aucune trace sur la lèvre inférieure de ces mêmes Insectes. (4) Cuvier dit que ces Insectes n'ont point d'articulation à leurs palpes , $oit maxillaires, soit labiaux ( Anat. comp., V, 451). Cela prouve que, dans les mà- choires, il a pris pour palpe le galéa. (2) Introd. to Entomology, t. WE, p. 449. 296 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES En résumé, les mâchoires des Névroptères, en général, se montrent formées : 4° Du sous-maæillaire (sm) ; 2 Du maæillaire (m); 3° De l’intermaæillaire (im) ; L° Du galéa (g) ; 5 Du palpe (p) (excepté dans les Libellulines): indépendamment des dents mobiles de ces mêmes Libellulines, qui correspondent au prémaæillaire (pm) , et des traces plus ou moins distinctes de palpigère (pq) dans quelques espèces. Je termine en faisant remarquer la disposition distinctement bi-articulée du galéa dans les Névroptères , où ce galéa est tout- à-fait palpiforme (Savigny, PI. d'Égypte, Névropt., pl. 2, fig. 18, 15, 0), et son expansion singulière dans un Insecte de là famille des Hémérobes (Ég., ibid., pl. 3, fig. 19,0). Dans ce dernier cas, le galéa n’a plus qu’un article , et l’intermaxillaire a disparu, ou plutôt il est resté confondu avec le maxillaire , comme cela a lieu, du reste, dans quelques groupes de Coléoptères xylophages, tels que les Scarabées , les Priones et autres. d. Mächoires des Hyménoptères. —La structure particulière des mâchoires de l’'Hémérobe , que je viens de citer en terminant le paragraphe relatif aux Névroptères, se reproduit exactement dans l'ordre des Hyménoptères. Ici, en effet, les mâchoires se recon- naissent au grand développement du galéa et à l’atrophie plus ou moins complète de l’intermaxillaire, On voit donc que ces deux pièces élémentaires des mâchoires sont dans un rapport de développement inverse, ainsi que cela arrive ordinairement dans l’ordre des Coléoptères. D'ailleurs la structure des mâchoires est plus simple dans les Hyménoptères que dans ces derniers Insectes ; on n’y remarque , en effet, ni palpigère, ni sous-galéa, ni prémaxillaire. Les pièces de leurs mâchoires se réduisent donc aux suivantes : 1° Le sous-maæillaire (sm) ; 2 Le maæillaire (m) ; 8 L’inter-maæillaire (im) ; h° Le galéa(g); DANS LES ARTICULÉS, 297 5 Le palpe (p). La famille des Mellifères se caractérise par le grand développe- ment du galéa ét l’atrophie correspondante de l’intermaxillaire, disposition qui rappelle la mâchoire des Lucanes. Dans ceux-ci, comme dans les Mellifères , l’intermaxillaire n’est, pour ainsi dire , indiqué que par les poils dont son bord libre est garni dans toute sa longueur. Dans les autres familles d'Hyménoptères , le galéa prend moins de développement : c’est ce que l’on remarque déjà dans les Guêpes, où il paraît formé de deux articles, et devient membraneux comme l’intermaxillaire. Dans les Hymé- noptères fouisseurs , le galéa et l’intermaxillaire donnent lieu a une expansion membraneuse , bilobée , dont le lobe inférieur, qui est aussi le moins développé , constitue l’intermaxillaire. 1] faut remarquer le nombre à peu près constant des articles des palpes, qui est généralement de six ; quelques exceptions se rencontrent dans les Fourmis. Les Névroptères , au contraire , ont presque toujours cinq articles à leurs palpes, de même que les Orthoptères : on n’en trouve ordinairement que quatre dans l’ordre des Coléoptères. Ainsi, d’après le nombre des articles des palpes , il y a parmi les Insectes broyeurs trois divisions princi- pales, savoir, celle des Hyménoptères, celle des Orthoptères et des Névroptères réunis, et celle des Coléoptères. Or, la confor- mation des mâchoires elles-mêmes est en rapport avec le nombre des articles des palpes, sauf le cas tout exceptionnel des Libellu- lines ; mais, dans ces Insectes eux-mêmes, la mâchoire est essen- tiellement celle d’un Névroptère, et par conséquent aussi celle d'un Orthoptère. Ce ne sont. pas là, du reste, les seuls rapports qui lient les Névroptères aux Orthoptères ; on en trouve d’autres dans les antennes , etc. (1). * (4) C'est encore de la mâchoire des Orthoptères et des Névroptères que se rap- proche celle des Lépismes (ordre des Thysanoures) : on y remarque un sous- maxillaire, un corps de mâchoire répondant au maxillaire, un intermaxillaire armé de dents à l'extrémité, un palpe, un galéa, et même l'indication d’un sous- galéa ou d'un palpigère. Le caractère de la mâchoire des Orthoptères et des Né - vroptères se reproduit surtout, chez les Lépismes , dans la position avancée de l'intermaxillaire, qui est accompagné et comme protégé par le galéa. Il n'y a donc en réalité que trois types de mâchoires dans la série des Insectes broyeurs. 3° série, Zooc. T. IE. (Novembre 1844.) 20 298 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES . Mächoires des Insectes suceurs. — Lépidoptères. — ‘La structure des mâchoires dans les Hyménoptères conduit directe- ment à l'explication des mâchoires des Lépidoptères. Qu'est-ce, en effet, que cette partie de la trompe des Lépidoptères qui est située au-delà ou en avant du palpe ; sinon un galéa parvenu au maximum de développement ? N'est-ce pas une disposition tout à-fait semblable à ce que l’on remarque dans les mâchoires de certains Mellifères , des Bourdons par exemple ? En dehors de ce galéa si développé des Lépidoptères , on aperçoit le palpe, situé ici comme dans les Hyménoptères et les Insectes en général. L'état rudimentaire du palpe des Lépidoptères est un des traits caractéristiques de la mâchoire de cet ordre d’Insectes. Quant au corps de la mâchoire, il est nécessairement formé de la réunion des pièces appelées sous-maxillaire, maxillaire , inter- maxillaire , sans compter le palpigère et le sous-galéa ; mais ces pièces sont réunies de manière qu’on aperçoit à peine les tracés de leur séparation. 11 en résulte une base plus solide pour supporter les mouvements du galéa, qui constitue à lui seul toute la trompe. Ici, le rapport inverse du développement existe , non plus entre le galéa et l’intermaxillaire, comme dans les ordres d’Insectes broyeurs, mais bien entre le galéa, et la mâchoire tout entière. | Diptères. — Les mâchoires de cet ordre d’Insectes sont aussi simples dans leur composition que celles des Lépidoptères. On y reconnaît de même un galéa fort grand (1), mais beaucoup moins développé ; en revanche le palpe l’est davantage , et en même temps il est plus large et presque aussi long que le galéa. Ces deux parties , le palpe et le galéa, sont supportées par une pièce qui rappelle le corps de la mâchoire des Eépidoptères par la simplicité de sa structure , et qui doit contenir en rudiment les éléments divers du corps de mâchoire des autres Insectes. Il y à donc de l’analogié entre les mâchoires des Lépidoptères et celles des Diptères, et ce qui les rend surtout remarquables , c’est le grand développement de leur galéa. Nous avons vu que ce même (1) Sav., IV, 4,°e. | DANS LES ARTICULÉS. 299 caractère commençait déjà à se manifester dans la mâchoire des Hyménoptères. Hémiptères. -— Ici les palpes ont disparu tout-à-fait ; déjà rudimentaires dans les Lépidoptères , ils ne se montrent plus dans les Hémiptères. On peut considérer la mâchoire de ces derniers Insectes comme composée d’un galéa très long , très eflilé , et dont la base s’appuie sur un renflement qui constitue le corps de mâchoire. C’est donc l’état le plus simple des mâchoires , le corps et le galéa ; c’est aussi celui dans lequel elles ressemblent le plus aux mandibules , qui, dans ces mêmes Insectes, ont aussi la forme de soies qui caractérise les mâchoires. Nous retrouverons cette analogie entre les mandibules et les mâchoires dans les groupes d’Insectes eux-mêmes où ces parties sont le plus déve- loppées. C. Mâchoires des Crustacés. — En passant à une autre classe d’'Articulés, celle des Crustacés, nous trouvons une nouvelle forme de mâchoires , que l’on peut cependant ramener à celle des Insectes ; mais il se présente ici des faits tout nouveaux. Ainsi, il existe plusieurs paires de mâchoires, comme nous verrons qu'il y à dans les Myriapodes plusieurs paires de lèvres. En outre, les mâchoires qui, par leur composition, correspondent à celles des Insectes, ne sont pas placées immédiatement après les mandibules ; ce sont au contraire les appendices que l’on a nommés pieds-mâchoires , à cause de la ressemblance plus ou moins grande qu’ils ont avec les pattes. Les appendices qui sont situés entre les pieds-mâchoires et les mandipules se composent d'éléments moins distincts, et sont vraiment intermédiaires entre les mâchoires et les mandibules. On pourrait les regarder comme de fausses mâchoires dans les Crustacés supérieurs, tandis que, dans les Crustacés inférieurs, ce sont souvent de vraies mandibules dépourvues de palpe. On trouve à cet égard des variations , dans l'examen desquelles la nature de ce travail ne me permettrait pas d'entrer. | Lorsqu'on recherche parmi les pieds- mâchoires des Crustacés ceux qui offrent la structure la plus complexe, on trouve que, dans les Décapodes brachyoures (Crabes et autres), ce sont les 300 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES pieds-mâchoires de la première paire, ou les appendices qui occupent le troisième rang après les mandibules ; dans les Décapodes macroures, au contraire, tels que les Écrevisses , ce sont les appendices du quatrième rang après les mandibules , ou les pieds-mâchoires de la deuxième PE Étudions donc leur composition. Le premier pied-mâchoire des inst brachyoures est divisé en trois parties parallèles entre elles, et qui correspondent aux trois divisions longitudinales de la mâchoire des Coléoptères , c’est-à-dire , au palpe avec son palpigère, au galéa et à l’inter- maxillaire. La plus extérieure de ces trois parties est le palpe (p), multi-articulé comme les antennes des mêmes Crustacés, et précédé de son palpigère (pg) sous la forme d’une pièce plus longue que le palpe. En dedans se voit le galéa (g), ordinairement formé d’une seule pièce, c'est-à-dire confondu avec le sous-galéa. Enfin, plus en dedans encore , on voit une ou deux pièces qui représentent l’intermaxillaire (im) : cet intermaxillaire est même frangé sur toute.la longueur de son bord externe , comme cela a lieu dans les Coléoptères. Les autres pièces de la mâchoire ne sont pas distinctes. Quant à la pièce appelée le flagre , ou le fouet, elle pourrait représenter le sous-maxillaire, mais ses rapports et.ses usages ne sont pas les mêmes que dans les Insectes. — Le deuxième et le troisième pied-mâchoire des mêmes Déca- podes brachyoures ne se composent que de deux séries d'articles, dont la plus extérieure est formée par le palpe (p) et son palpi- gère (pg), comme dans le premier pied-mâchoire ; la série des pièces intérieures est constituée par l’intermaxillaire (im) et le pré- maxillaire (pm ), ici formé de plusieurs articles, comme dans les mâchoires de certains Coléoptères (Hydrophile). Le maxillaire (m) est distinct dans le pied-mâchoire de la troisième paire, et forme la pièce basilaire de la mâchoire ; il est confondu avec le palpigère dans le pied-mâchoire de la deuxième paire. Le fouet constituerait encore dans ces deux appendices la pièce appelée sous-maxil- laire (sm). On voit que, dans les deux derniers pieds-mâchoires, le galéa a tout-à-fait disparu. On pourrait donner une autre interprétation des pièces élé- DANS LES ARTICULÉS, . 301 mentaires des pieds-mâchoires des Crustacés ; elle consisterait à regarder la première pièce du prémaxillaire (pm) comme représentant le sous-galéa , et, les pièces suivantes comme le galéa ; de cette manière , le troisième pied-mächoire représenterait pièce pour pièce la mâchoire des Coléoptères. Mais cette inter- prétation est moins générale que la première, puisqu'elle ne s’appliquerait pas au pied-mâchoire de la deuxième paire, dans lequel le galéa se continue visiblement avec l’intermaxillaire ; en outre , elle ne conduirait pas aussi bien à l’explication des pattes, qui ne sont autre chose , comme nous le verrons , que la série de l’intermaxillaire et du prémaxillaire. Les mâchoires proprement dites des Décapodes brachyoures ne montrent pas une composition aussi complète que les pieds- mâchoires. On retrouve bien dans la pièce interne et frangée de la seconde paire de mâchoires l’analogue de l’intermaxillaire (im), puis en dedans une sorte de galéa (g) ; mais tout- à-fait en dehors on remarque une pièce plus volumineuse que le reste de la mà- choire (p), que M. Milne Edwards regarde comme l’analogue du fouet, ou flagre, des pieds-mâchoires, et qui devrait correspondre au palpe ou au palpigère ; et dans la mâchoire de la première paire , on voit aussi un intermaxillaire frangé (im), un galéa (g), et en dehors une sorte de palpe (p), supporté par un palpigère. Passons maintenant aux Décapodes macroures. Ici le troisième pied-mächoire est déjà une véritable patte, portant à son côté externe un palpe d’une seule pièce (p) , inséré sur un palpigère accolé à la hanche ou premier article de la patte. Le deuxième pied-mâchoire se compose surtout d’une série de pièces formées par l’intermaxillaire (im) et le prémaxillaire (pm) ; c’est une patte plus large, mais plus courte que la précédente , et pourvue également au côté extérieur d’un grand palpe d’un seul article (p), ‘en dehors duquel serait le sous-maxillaire (sm). Le premier pied- mâchoire diffère surtout du deuxième par son intermaxillaire d’une seule pièce , et par l'expansion située à la base du palpe, et qui représenterait le palpigère. Les deux paires de mâchoires peuvent s'expliquer de la même manière que dans les Décapodes brachyoures, 302 . BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES Dans les Crustacés Stomapodes (Squilles) , il n’y a plus de pieds-mâchoires : ce sont des pattes de forme variée ; quant aux mâchoires , la seconde paire est une série d'articles placés bout à bout , et la première ne diffère presque du même appendice dans les Décapodes que parce qu’elle est dépourvue de palpe. Enfin, dans les Crustacés plus inférieurs, les mâchoires , et quelquefois un des pieds-mâächoires (Isopodes), ont tantôt la forme dé mandibules dépourvues de palpe, et munies à leur extrémité d’un crochet ou sorte de prémaxillaire, tantôt ces mâchoires sont pourvues d’un palpe et ressemblent assez aux mandibules (Branchiopodes). =: Foyez l’histoire des Crustacés de M, Milne Edwards et l’Iconographie du règne animal , dont les planches sont dues à ce même auteur. n. Mächoires des Myriapodes. — De même que , dans les Crustacés , nous avons retrouvé la structure des mâchoires dans des appendices qui n’en portent pas exclusivement le nom ; de même aussi les Myriapodes nous offrent le type des mâchoires dans ce qu’on nomme leurs mandibules. Ainsi les premiers appendices de la bouche des Scolopendres se composent : 4° d’un sous=-marillaire (sm) , sur lequel se meut le reste de ces appen- dices ; 2 d’un maæillaire (m), situé au-dessus du précédent ; 3 d’un intermaæillaire (im), qui constitue la partie la plus développée de tout l’appendice , et se termine par une rangée de fortes dentelures ; 4° d’un palpigère (pg), situé au côté extérieur, et recourbé de manière à former une saillie que l’on prendrait au premier abord pour un rudiment de palpe. Ce palpigère est indi- qué par M. Savigny (Mém., Il, pl. 2, fig. 2, ‘), et semble supporter un bouton qui serait le palpe rudimentaire ; mais je nai rien trouvé de semblable dans les diverses espèces de Scolopendres que j'ai examinées. La figure citée de M. Savigny présente , en outre, sur le bord de l’intermaxillaire et au-devant du palpigère , une lamelle qui en paraît distincte ; cette espèce de lamelle est formée par des poils plus fins que ceux du bord opposé, et ne constitue pas une pièce particulière de la mâchoire. Il ne manque donc ici que le palpe et le galéa , pour que nous ayons une mâchoire complète. Ce mode de développement des DANS LES ARTICULÉS. 208 mâchoires forme donc un type particulier, caractéristique de la classé des Myriapodes. Si nous examinons ces mêmes mâchoires dans les lules, nous en trouverons les pièces élémentaires plus nettement séparées encore que dans les Scolopendres , et mobiles les unes sur les autres, comme dans les pieds-mâchoires des Crustacés : aussi, tandis que les mâchoires des Scolopendres se rapprochent d’une manière remarquable de celles des Insectes , la disposition des parties , dans les mâchoires des Iules, en fait en quelque sorte des pieds-mâchoires de Crustacés décapodes. Les pièces y sont placées bout à bout comme dans ces derniers ; et si l’on supprime le palpe dans le troisième pied-mâchoire d’un Décapode , on aura une idée assez exacte de la mâchoire d’un lule. Cette disposition remarquable des pièees dans le premier appendice de .la bouche des lules et la composition même de cet . appendice n’ont pas encore, que je sache , été remarquées. Ainsi, M. Savigny , qui à figuré dans leur entier les mâchoires (mandi- bules) des Scolopendres , sans en déterminer toutefois les pièces élémentaires ; s’est contenté de reproduire une partie seulement de la mâchoire des Lules; tantôt c'était la partie supérieure (pl. 4, fig. 4, 2), tantôt l’inférieure (1, o), mais nulle part ce . savant n’a donné la figure de l’appendice dans son entier, Quand on examine la mâchoire d’un Iule, on y reconnait facilement : 1° un sous-maæillaire (sm) de forme quadrilatère ; 2 un maxillaire aussi large et deux fois aussi long que le sous- maxillaire , et dont 3° le palpigère se détache par son extré- mité seulement; 4° un intermaæillaire , plus court que le sous- maxillaire ; 5° un prémaæillaire, formé de plusieurs dents mobiles ; 6° enfin un galéa , situé en dehors de ces dents, et qui paraît comme destiné à les protéger. — Dans les figures de M. Savigny, c'est le maxillaire qui est représenté en « et l’intermaxillaire en x; les dents du prémaxillaire sont marquées e ; enfin, le sous- maxillaire est la pièce située au-dessous de « , dans la figure 4, o de la planche 1 (Mémoire sur les animaux sans vertèbres). En résumé , les mâchoires des Ghilognathes, ou Jules, diffèrent de celles des Chilopodes (Scolopendres) par une séparation plus complète des pièces élémentaires, et par le nombre plus grand de » 304 BRULLÉ. —- TRANSFORMATIONS DES APPENDICES ces pièces. L'existence du prémaxillaire dans les mâchoires des Iules rappelle la mâchoire de certains Insectes (Cicindèle, Hydro- phile, etc.), tandis que la disposition du palpigère les iéleigna en général de ce type. …. Mächoires des Arachnides. — Ici les appendices qui nous occupent sont beaucoup plus simples que dans tous les groupes précédents ; leur principal caractère dans les Arachnides paraît être l’absence du galéa. Un autre caractère les distingue aussi : c’est la saillie que forme , dans un assez grand nombre de cas, la pièce qui correspond à l’intermaxillaire. Get intermaxillaire est , en outre, disposé d’une manière analogue à la même pièce de la mâchoire des Orthoptères, et sans l’absence du galéa, la mâchoire d’une Æranéide et celle d’un Orthoptère se ressem- bleraient assez bien. Tantôt l’intermaxillaire est distinctement séparé du corps de la mâchoire , comme dans les Épéires du sous- genre Argyope par exemple , tantôt il est confondu avec lui, ce qui se voit le plus ordinairement. Il varie d’ailleurs beaucoup, tant par son degré de saillie plus ou moins grand, au-delà du corps de la mâchoire, qu’il soit ou non confondu par sa base avec ce dernier, que par sa manière d’être, soit à son bord interne plus ou moins velu , soit à son extrémité quelquefois armée d’une ou. plusieurs épines. Les palpes sont, comme on le sait, souvent terminés par une épine ou ongle dans les femelles , ce qui donne encore plus à ces mâchoires le caractère d’une patte, qu'elles offrent si bien d’ailleurs dans la forme générale du palpe; elles ne sont, à vrai dire , que des pattes, dont la hanche , ou premier article, est plus développée qu’à l'ordinaire : c’est ce que l’on-voit, en général, dans les premières pattes ambulatoires des Scor- pions , qui sont plutôt organisées en mâchoires que les appendices appelés de ce nom. La rencontre de ces mêmes pattes , dans les Scorpions, sur la ligne médiane du corps, donne lieu à une véri- table lèvre, et suffirait pour indiquer la nature des lèvres dans les Articulés. Déjà M. Savigny avait reconnu que, dans les Faucheurs (Pha- langium), le corps de la mâchoire représentait la hanche (1) : de (1) Mém. anim, s. vert., 1, 58. DANS LES ARTICULÉS. » 305 là découle naturellement l’analogie du palpe avec le reste de la patte. On voit, dans les Aranéides , que la hanche diffère en dé- veloppement selon qu’elle appartient à un appendice ambulatoire, à une patte, ou bien à une mâchoire; dans ce dernier cas, elle s’élargit beaucoup , au moins dans certaines espèces , se revêt de poils au côté interne, et constitue un corps de mâchoire. C’est surtout dans la classe des Arachnides que la transition entre les deux sortes d’appendices est le mieux marquée. Dans quelques Aranéides , telles que les plus grandes Mygales, par exemple, tous les appendices , même les mâchoires , semblent destinés à la locomotion ; c’est tout au plus si quelques poils garnissent le de- dans de la hanche, et celle-ci remplit l'office de mâchoires sans offrir plus de volume que la hanche des pattes proprement dites. Cependant, si l’on en juge par certaines figures de l’ouvrage d'Égypte, la hanche se diviserait en plusieurs pièces assez dis- tinctes , que l’on pourrait même comparer à celles de la mâchoire des Insectes. Mais, en général, on peut dire que la mâchoire des Arachnides est une paire de pattes formée d’un corps de mà- choire , -ou la hanche , et d’un palpe qui représente le reste de la patte. Quelquelois l’intermaxillaire se détache de la hanche pour devenir une pièce distincte ; quelquefois aussi on n’en voit pas de traces. Enfin , le palpe prend, dans certains cas , l'aspect des premières pattes , ou des pattes chélifères de l'Écrevisse. et du Homard : c’est ce qu’on voit dans les Scorpionides. Dans la plu- part des cas, au contraire, ce même palpe a la forme d’une patte ordinaire , comme cela est surtout remarquable dans les Galéodes ou Solpuges. x. Mâchoires des Limules. — La tendance de la portion basi- laire des pattes à constituer une mâchoire , tendance si remar- quable dans les Arachnides , est au moins aussi marquée dans les pattes des Limules. On sait que, dans ces animaux, qui ne sont, à vrai-dire , ni des Arachnides ni des Crustacés , toutes les pattes sont converties en mâchoires à leur base. A cet effet, comme dans les mâchoires des Arachnides et dans les deux premières paires de pattes des Scorpions, la hanche s’élargit en dedans pour pré- 306 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES senter à son bord intérne un véritable intermaxillaire (im), ordinairement hérissé d’épines ; de plus , toutes les pattes se tér- minent en pinces comme les mâchoires des Scorpions : c’est tout- à-fait une disposition d’Arachnide, avec le même nombre d’ap- pendices, La ressemblance est même si complète, que la première paire d’appendices est organisée, dans les Limules, comme les forcipules des Scorpions, et située, comme dans les Aranéides, au voisinage d’une sorte de lèvre. Il y a , toutefois, de plus que dans les Arachnides, des appéndices abdominaux qui rapprochent les Limules de certains Crustacés , auxquels ils tiennent d’ailleurs par leur mode de respiration, Enfin, la dernière paire des appendices thoraciques , ou la sixième, porte en dehors de la hanche un article isolé, qui représente soit le palpe extérieur, soit le galéa des Crustacés décapodes et des Insectes. Cette pièce singulière prouve qu’en général, dans les Articulés , la portion des pattes qui fait suite à la hanche , qu’ellé soit ou non modifiée en manière de palpe , n’est autre chose que la série des pièces prémaxillaires , comme nous l’ont déjà démontré les pieds-mà- choirés extérieurs des Crustacés décapodes macroures. - $ III. Des pattes. Nous sommes arrivé, en terminant le paragraphé précédent, à reconnaître que les pattes ne sont autre chose que la série des pièces prémaæillaires ; la hanche représentant non seulement l’intermaxillaire , mais le corps tout entier de la mâchoire. Cette détermination devient évidénte ; lorsqu'on examine le pied-mä- choire extérieur , ou le troisième , dans les Crustacés décapodes macroures : on y voit, en effet, une véritable patte, portant à son côté externe un palpe d’un seul article, qui présenté encore à sa basé une sorte de palpigère. Dans les trois dernières pattes tho- raciques des Squilles, que l’on appelle aussi leurs pattes nata- toires, on remarque à l'extrémité du premier article un palpe analogué au précédent ; il n°y a plus qu’un pas à faire pour arti- ver à la structure du deuxième pied-mâchoire des Squilles , qui est une véritable patte, à cause de l'absence de toute espèce de. DANS LES ARTICULÉS. 307 palpe (4). Quant à l'absence du crochet terminal , 6h ne peut pas la regarder comme lé caractère exclusif des pieds-mâchoires , puisqu'on lé retrouve dans les pattes antérieures de plusieurs genres de Lépidoptères diurnes. L’analogie qui se présente éntre les pattes et la série interne dés pièces dé céttains pieds:mâchoirés a été indiquée déjà dans cés dernières années par M. Duverñoy. Voici ce qu’en dit ce sa vant : « Il faut avouer cépendant qué ce n’est que dans le qua trième ét le cinquième (des appendieës préhensilés de la bouche dés Crustacés décapodes) que l’of trouvé toutes les parties des pattes thoraciques , la hanche , le trochanter et la cuisse, la jambe et le pied proprement dit, composé de trois articles , et que ces deux seuls, portant des branchies comme les pieds thora- ciques , méritent encore sous ce rapport de leur être comparés ; ce sont de véritables pieds raccourcis ét rapprochés de la bouché, pour devenir des appendices préhensiles (2). » 11 est évident que ces appendices ont dù subir une transformation de plus que les pattes , et le résultat dé cette transformation a été le développe- ment du palpe, qui est presque aussi volumineux que la patte elle-même dans les Crustacés décapodés macroures. 1 résulte de cette défnière remarque que les palpes he sau- raieht correspondre réellement aux tarses, comme l'avait pensé M. Oken (3), et comme l’a dit de son côté M. Straus (4); en effet , si les tarses terminent la série des pièces qui répondent aux prémaxillaires des mâchoires, les palpes sont, au contraire, Pap= pendice extérieur dé ces mêmes mâchoires. Nous verrons plus loin que les tarsés ne sont autre chose que l'extrémité même des paites fractionnée en manière d’antetines. Ce n’est pas seulement dans les pieds-mâthoires que l’on 6b- serve cette structure particulière , dont on peut déduire la nature des pattes proprement dites ; on retrouve cette structure dans (1) La deuxième mâchoire elle-même , dans les Squilles , est plutôt une patte qu'une mâchoire. (2) Anat. comp. de Cuvier, 2 6d., t. V, p. 108. (3) Jsis, 1818, p. 480. (4) Anatomie comparätive (Des Scolopendres). 308 BRULLÉ. — JRANSFORMATIONS DES APPENDICES certains appendices, qui sont bien réellement des pattes. Ainsi , parmi les Décapodes macroures , on trouve en dehors et à la base des pattes thoraciques (genre Pénée) un véritable palpe , qui ne diffère du palpe des pieds-mâchoires que par un moindre déve- loppement. La même disposition se remarque aussi dans les pattes thoraciques d’autres Salicoques (genres Thysanopode, Pasiphaé , Mysis) ; dans ces derniers mêmes il existe une si grande ressem- blance entre les pattes et leur propre palpe, que l’on dirait deux pattes naissant d’un même article, comme cela se voit aux pattes des Insectes dans certains cas de monstruosité. Dans les Cryp- topes, que M. Milne Edwards regarde comme n'étant peut-être que des Pénées à l’état de larve, et où , par conséquent, le déve- loppement des appendices peut n'être pas achevé ; le palpe des pattes thoraciques est plus grand que les pattes elles-mêmes , et le palpigère s’unit à l’un des articles de ces pattes. Enfin , dans les pattes abdominales des Crangons, on retrouve encore cette disposition de pattes pourvues de palpe, qui conduit à mieux comprendre la structure des pattes abdominales en général, dans lesquelles on remarque ordinairement deux pièces terminales et parallèles, dont la plus extérieure représenterait le palpe. Ce palpe est composé d’un seul article dans les Atyes, les Pasi- phaés , etc. ; mais il est multi-articulé dans les Pénées et autres Salicoques (1). Après ces différents exemples de la structure complexe des pattes dans certains Crustacés décapodes , on ne sera pas surpris de voir les pattes des Phyllosomes pourvues d’un palpe beaucoup plus développé que celui de leurs pieds-mâchoires mêmes. Cette disposition se retrouve aussi dans les pattes des Erichtes , mais elle y est moins prononcée ; elle se montre encore dans certaines pattes des Corophies, des Crevettes, etc. ; enfin, dans les Gy- clopes et genres voisins, quelques pattes se terminent en deux : (4) « Les cirrhes flagelliformes (palpes) des mâchoires auxiliaires sont insérés à l’article qui. dans les pattes, prendrait le nom de hanche, et par cette insertion ils représentent exactement la division extérieure de ces pattes bifides, qui gar- nissent la queue de presque tous les Crustacés, et qui se montrent même au thorax des Squilles et des Mysis. » (Savigny, Mém., 1, 50.) DANS LES ARTICULÉS, 309 séries d’articles semblables, dont l’externe représente le palpe. On peut en dire autant de certaines pattes du genre Argule , des antennes du Branchipe, et la disposition des grandes pattes antenniformes de l’Apus n’est, pour ainsi dire , qu’une exagéra- tion de cette tendance à se ramifier ; on y remarque , en effet, deux séries d'articles appartenant à la portion qui correspond à un corps de mâchoire, et deux autres plus développées, à celle qui représente le palpe. Il résulte donc de la structure des pattes , dans les Crustacés, qu’il existe une grande analogie entre les pattes et les mâchoires ; ce fait n’a pas échappé à M. Milne Edwards, qui l’a surtout mis en relief dans les planches de l’Iconographie du règne animal (1). Les pattes sont donc des mâchoires incomplètes et réduites, dans le cas le plus simple, à la série interne des pièces qui forment la tige pour M. Milne Edwards. S'il en est ainsi dans les Crustacés, qui nous offrent çà et là des pattes plus complètes , c’est à plus forte raison le cas des autres classes d’Articulés, c’est-à-dire des Myriapodes, des Arachnides et des Insectes. Dans chacune de ces trois dernières classes, on ne retrouve plus à la patte qu'une série de pièces , qui répondent par conséquent à la tige de l’ap- pendice des Crustacés, ou autrement à l’intermaxillaire , suivi des prémaxillaires plus ou moins développés. S IV. Des antennes. Lorsque l’on compare les antennes aux deux espèces d’appen- dices que nous venons d’étudier , c’est-à-dire aux mâchoires et aux pattes, on y retrouve tantôt la structure des mâchoires et des pattes palpigères , tantôt celle des pattes ordinaires. Ainsi, dans (4) Voici d’ailleurs ce qu'en dit ce savant : « Dans le groupe des Décapodes macroures, nous trouvons des exemples de l'existence simultanée des trois parties constituantes des membres, non seulement aux pattes-mâchoires, mais aussi à tous les pieds ambulatoires. Les Pénées sont dans ce cas; mais en général les pieds proprement dits manquent de palpe... Quant aux fausses pattes abdomi- nales, elles se composent d’une pièce basilaire portant deux appendices, que l’on peut considérer comme étant de simples modifications de la tige et du palpe des membres en général, » (Hist. nat. des Crustacés, 1, #7, 48.) 310 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES les Écrevisses, les Salicoques en général, les Pagures et les Squilles, ou autrement dans les Crustacés décapodes macroures et les Stomapodes , on voit que les antennes externes , ou celles de la seconde paire, sont formées : 1° d’une tige composée d’un grand nombre d'articles , ce que nous retrouverons bientôt dans certaines pattes soit de Crustacés , soit d’Arachnides et de Myria- podes ; 2° d’une écaille située au côté externe de la tige. Cette écaille représente le palpe des mâächoires ou l’appendice palpi- forme de certaines pattes (1), et la tige multi-articulée de l’an- tenne correspond à la tige des mâchoires et des pattes, ou à la série des pièces prémaxillaires et intermaxillaires. Les antennes internes , ou celles de la première paire ,. diffèrent surtout des antennes externes en ce qu'elles sont généralement ramifiées, et que leur écaille est nulle ou rudimentaire. Dans quelques Crusta- cés inférieurs, tels que les Nébalies, l’antenne interne , ou mieux la première antenne, présente aussi une tige et une écaille bien distincte ; mais ces deux parties se trouvent placées à l'extrémité de l’antenne et sont dans un rapport inverse, c’est-à-dire l’écaille en dedans et la tige en dehors. Ges deux parties , à cause de leur position terminale , ne correspondent donc pas à la tige et à l’é- caille des antennes de la seconde paire : elles reproduisent plutôt la bifurcation de certaines antennes de Décapodes macroures , telles que celles des Gébies , etc.; mais l’une des branches de l’antenne s’est développéé en écaille, au lieu de se fractionner à la manière ordinaire.‘Dans les Crustacés décapodes brachyoures, les antennes internes se partagent à l'extrémité en deux branches multi-articulées ; l’article basilaire de ces antennes est très large , et semble composé à la fois de l’écaille et de l’origine de la tige, Le premier article des antennes externes est lui-même très volu- (1) M. Milne Edwards appelle aussi cette écaille le palpe ou la lame sus-pé- donculaire de l'antenne ( Zconogr. Crust., pl. 4k). — C'est même plutôt le palpi- gère que le palpe, car cette écaille semble représenter l'article basilaire du palpe des pieds-mâchoires, qui existe souvent seul. « Les antennes, dit ailleurs ce savant, sont presque toujours réduites à une tige, et, lorsqu'elles présentent un palpe, cet appendice ne. se préseute qu'à l'état: , de vestige. » (Hist. nat. des; Cnust., 4, 47.) DANS LES ARTICULÉS. un JA mineux , et supporte une antenne simple qui constitue la tige de l’appendice , tandis que son écaille est confondue avec la base de la tige , et autrement avec le premier article. On voit, par ces différents exemples, que les antennes peuvent, à l’instar des pattes , être regardées comme la série interne ‘des pièces d’une mâchoire, et qu’elles ont quelquefois aussi leur palpe. Ce sont des appendices en général aussi simples que les pattes, sauf leur division en une multitude d’articles, division que nous retrouvons, comme je l’ai dit ci-dessus, dans certaines pattes (voy. le $ suivant). Les autres classes d’Articulés nous montrent en général des antennes simples, ou formées d’une tige seulement. Cependant, parmi les Insectes, on voit quelquefois en dehors de l'antenne une pièce qui reproduit le palpe des pieds-mâchoires et des pattes de certains Crustacés : c’est ce que, dans les Gyrins, on nomme l’auricule de l'antenne. Une disposition à peu près sem- blable se remarque dans les antennes des Dryops (1). On trouve même, d’après MM. Kirby et Spence, une conformation d'antennes plus singulière encore dans certains Hémiptères du genre Otoce- rus; ces antennes sont pourvues d’un double auricule, c’est-à-dire qu’en tout il y a trois séries d'articles, qui représenteraient les trois parties principales des mâchoires dés Insectes et de certains pieds-mâchoires des Crustacés, ou autrement la tige, le palpe et le galéa (2). Je citerai enfin l'antenne remarquable d’un petit (4) L'usage de cet auricule est assigné par MM. Kirby et Spence. « Dans quelques Coléoptères aquatiques (Gyrinus, Parnus), les antennes sont pourvues à leur base d'un auricule qui, semblable au couvercle d'une boîte, les enferme pendant le repos, et les préserve du contact de l'eau. » (Introd. to Entom., NH, 516.) | (2) Voici ce qu'en disent les auteurs anglais : « Dans un genre établi récem- ment (Otiocerus, Kirby)... les espèces semblent au premier abord avoir quatre antennes , et même dans quelques cas six ; mais comme deux seulement de ces antennes sont terminées par une soie, les autres peuvent peut-être représenter de simples appendices. Germer, qui a décrit une espèce de ce genre sous le nom de Cobax Wintheri, considère ces appendices comme analogues aux palpes ; mais comme ils ne proviennent pas des organes buccaux.…. on devrait certainement les regarder plutôt comme des accessoires des antennes que comme les représentants des palpes. » (fbid., IH, 510.) — On est à même aujourd'hui de concilier ces 312 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES Coléoptère (T'esserocerus insignis (1) ); elle se compose d’une tige arquée portant au milieu de sa courbure une petite série d’articles (au nombre de cinq), qui représente un palpe, tandis que la tige, ou le premier article de l’antenne , semble formée de deux parties qui seraient un corps de mâchoires suivi de son intermaxillaire. $ V. Des antennes-pattes, Les Phrynes, qui appartiennent, sous tous les rapports, à la classe des Arachnides, ont la première paire de pattes fractionnée, dans la plus grande partie de sa longueur, en un très grand nombre d’articies. C’est là, suivant l'expression de Latreille (2), «un organe tellement modifié, que ses fonctions primordiales n'existent plus et ont fait place à de nouvelles; il faut donc lui im- poser une dénomination convenable, » Si cette portion multi-arti- culée de la patte antérieure des Phrynes était un tarse, comme le pensait Latreille (3), il n’y aurait pas, dans ce cas, d’organe nouveau; mais la portion fragmentée est évidemment plus qu'un tarse, puisque le reste de l’appendice correspond à la cuisse, et qu'il n’y aurait rien dans ce cas qui pût représenter la jambe. Voilà donc un appendice dont la structure est celle d’une patte et d’une antenne à la fois, et qui, sous le rapport des usages, ne peut fonctionner que comme une antenne, Comment le désignerg si ce n’est par un nom qni indique sa structure vraiment anomale , tel que celui de patte-antenne ou antenne-patte? comme on l’a déjà fait pour les pieds-mâchoires des Crustacés, pour les antennes- pinces des Arachnides, pour le pédipalpe ou la deuxième paire d’appendices des Phrynes, des Scorpions, etc. L'introduction de ces doubles noms dans la science des Articulés est une preuve des rapports qui existent entre les divers appendices de ces animaux, deux opinions, puisque la nature des appendices, soit des antennes , soit des mà- choires, est tout-à-fait la même. (1) Mag. de Zool., 1839, Ins., pl. 3. (2) Savigny, Mém., I, 84. (3) « Les Phrynes... ont les deux tarses antérieurs très longs , très menus, semblables à des antennes, en forme de soies.»(Règne anim., éd. 2, t. IV, p.266.) DANS LES ARTICULÉS. 313 et le choix de ces noms détermine la nature de ces rapports et fa- cilite beaucoup, d’ailleurs, la description des espèces. Les antennes-pattes des Phrynes en particulier nous font con- naître un nouveau passage des pattes aux antennes. Dans les Thé- lyphones, où ce passage existe, il est moins remarquable; leurs premières pattes sont fractionnées dans une petite partie de leur longueur, et si ce n’était l’absence des crochets terminaux, on pourrait prendre pour un tarse cette extrémité en forme d'antenne, Il y a donc entre le tarse et l’antenne des rapports frappants; et comme le tarse est la terminaison ordinaire des pattes, on pour- rait dire, sans autre analogie, qu’une patte et une antenne sont un même appendice, mais diversement fractionné. On ne saurait, d’ailleurs, méconnaître le rapport des pattes et des antennes entre elles en examinant ces appendices dans certains Insectes, tels que les Mastigus parmi les Coléoptères, où l’on ne trouve, pour ainsi dire, aucune différence dans le mode de fractionnement des deux espèces d’appendices. Ce n’est pas seulement dans les Arachnides, c’est-à-dire dans les Phrynes et les Thélyphones , que se montrent des antennes- pattes; on les retrouve encore dans les Crustacés et les Myria- podes. Les Crustacés ont, d’ailleurs , leurs antennes-pattes plus distinctement en forme d’antennes, peut-être, que les Phrynes mêmes. Sans parler des appendices des Apus cités précédemment sous le nom de pattes antenniformes, on trouve, dans certaines Sa- licoques, les Alphées, les Nika et autres (1), des pattes fraction nées en manière d'antennes dans une portion plus ou moins con- sidérable de leur extrémité libre. Ces pattes sont même terminées en pinces, comme pour ne pas perdre entièrement le caractère de pattes. Les pattes antenniformes des Apus, au contraire, ont le caractère d'antennes, c'est-à-dire qu'elles se ramifient. Eu égard à leur position, ces pattes des Apus sont situées, comme dans les Phrynes, entre la bouche et les pattes; on les a prises maintes fois pour des antennes, tant est grande leur ressemblance avec ces organes. Dans les Myriapodes, les antennes-pattes revê- tent le même caractère que dans les Crustacés, en ce qu’elles se terminent à la manière des pattes. Ainsi, tandis que, dans les (4) Icon., pl. 52, 53, #4. 3° série. Zoo T. IT. (Décembre 1844 ) 21 all BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES Salicoques, elles finissent en pinces, ellesse montrent, dansles Scu- tigères, pourvues de crochets, comme les tarses dans les Insectes. Par la structure de leurs pattes et de leurs antennes, les Scuti- gères établissent le passage des Myriapodes aux Insectes; les tarses de toutes leurs pattes sont formés, d’ailleurs, d’un plus grand nombre d'articles que dans les Insectes. Ces tarses des Scutigères sont précédés d’un plus grand nombre d'articles for- mant le corps de la patte, que dans les Insectes, et cette disposi- tion se reproduit dans les Thélyphones ; elle les rapproche donc, à son tour, des Arachnides, Mais ce qu'il faut surtout remarquer dans les Scutigères, c’est le dernier appendice du cofps, qui pré= sente encore un plus grand nombre d'articles qu'aucun des ap- pendices précédents. 1] diffère peu, sous ce rapport, de l’antenne- patte des Phrynes; mais, dans celle-ci, il n’existe qu’un grand article avant la portion antennaire , tandis qu'il y en a deux chez les Scutigères. En résumé, cette disposition du dernier appendice de certains Myriapodes est une sorte de passage de l’antenne-patte des Phrynes , des Apus, etc., à la paire d’appendices qui termine en arrière le corps de ces derniers et de quelques autres Crustacés du dernier ordre, tels que les Rhoës, les Caliges et autres. L Ainsi, nous avons vu les pattes ayant avec les mâchoires des caractères communs , tels que la présence des palpes , et les an- tennes pourvues à leur tour d’un rudiment de palpe, ou plutôt d’une écaille représentant le palpigère, qui existe seul dans les mâchoires d’un grand nombre de Crustacés ; il est curieux de trou- ver maintenant des pattes ayant en partie la structure des an- tennes, comme dans les Phrynes et les Thélyphones, et gardant encore , dans quelques cas, la disposition terminale des pattes, tout en se fractionnant à la manière des antennes, ainsi qu’on le voit dans les Scutigères. Enfin , lés Mastiges, parmi les Insectes Coléoptères, fournissent un exemple si frappant du passage des antennes aux pattes, que nous pouvons désormais admettre la plus complète analogie , dans les quatre classés d’Articulés, entre les mâchoires, les pattes et les antennes, $ VI. Des antennes-pinces , et en général des appendices dans lès Arachnides. | La détermination des pièces de la bouche des Arachnides donne DANS LES ARTICULÉS. #5 lieu à des interprétations différentes en raison du caractère par- ticulier qu’elles affectent dans cette classe d'animaux. Ainsi, les pièces que les utis désignent sous le nom de mandibules, et qu'ils regardent comme les analogues des mêmes parties dans les au- tres Articulés, sont nommées par d’autres antennes-binces, et par d’autres encore forcipüles, la première analogie ne leur parais- -sant pas bien établie. Cette divergence dans les opinions tra- duit évidemment une conformation nouvelle dans les organes, et il est peut-être aussi peu exact de dire que les premiers appen- dices des Araächnidesso nt des mandibules que de les appeler des antennes. D’un autre côté, il est peut-être aussi facile de justifier l’une de ces dénominations que l’autre ; il suffit, pour cela, d’in- terpréter différemment les parties qui viennent à la suite de cette première paire d’appendices, c’est-à-dire celles qui se trouvent placées entre elle et les mâchoires. Ces parties sont l’ouverture du pharynx et une sorte d’organe semi-membraneux que l’on a appelé la langue. C’est au-dessous de cette langue que s’ouvre le pharvnx, par une large fente que l’on apercoit facilement en sou- levant la langue. Cette fente permet de déterminer l'organe qui la surmonte, et qui corre&pond certainement à cette portion de la lèvre supérieure des Insectes qui s’en détache plus où moins, et s'appelle épipharynæ. L’épipharynx est donc, dans les Arachnides, dépourvu de la partie solide, à laquelle il se trouve plus ou moins fixé dans les Insectes, c’est-à-dire la lèvre supérieure ou labre. Or; la position de l’épipharynx entre les mâchoires et la première paire d'appendices ne permet pas de regarder ceux-ci comme des matdibules, par cette raison que l’épipharynx est ordinaire- ment situé au-dessts où en avant des mandibules, ou autrement, entre celles-ci et la lèvre Supérieure ; à laquelle il adhère d’une manière plus où moins complète. Il en résulte donc qu’il n’y a pas de vraies mandibules dans les Arachnides, comme, du reste, il ny a pas non plus, chez elles, de lèvre supérieure. Ainsi, les premiers appendices des Arachnides restant sans détermination, on à pu les Cüriparer à des antennes, et, en tenant compte de leur structure toute spéciale ; 1és appeler antennes-pinces. D’un autre côté; comme rien ne prouve non plus que ce soient des antennes, il a encore été plus logique, peut-être, de leur donner un nom 316 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES particulier, incapable de faire naître une idée fausse : c'est la con- dition que remplit surtout le nom de forcipules. Ces organes ne sont donc des antennes que par leur position; on ne peut pas prétendre que ce soient des mandibules à cause de leurs fonctions; de sorte qu’en réalité ce sont des organes propres aux Arach- nides, des appendices modifiés d’une manière nouvelle. Il sera donc toujours permis de dire que les Arachnides sont dépourvues d'antennes dans le sens précis que comporte ce mot; mais il sera permis aussi d'ajouter que ces Articulés n’ont ni mandibules ni lèvre supérieure. Ce sont en quelque sorte des animaux contractés sur eux-mêmes, et chez lesquels il s’est développé un nombre de segments moindre, en raison des lois particulières qui président à leur organisation. ÿ M. Savigny a fort bien démontré l’analogie qui existe entre les mâchoires, les forcipules etles pattes dans les Arachnides (1) ; il en conclut que ces Articulés n’ont ni vraies mandibules ni vraies mâchoires : donc les Arachnides n'auraient, à la rigueur, que des pattes modifiées, ce qui est vrai, comme je le démontrerai tout- à-l’heure. Mais sur quoi M. Savigny se fonde-t-il pour n’accor- der aux Arachnides que des pattes et leur refuser de vraies mà- choires et de vraies mandibules? Tout simplement, sur la diffé- rence qui existe dans le nombre des appendices de la tête et du thorax entre les Articulés qui ont le plus de ces appendices, tels que les Crustacés décapodes, et ceux qui en ont le moins, comme les Insectes et les Arachnides. Les Crustacés décapodes ayant trois paires de pattes ramenées vers la bouche et transformées plus ou moins en appendices buccaux, tous les Articulés chez lesquels le nombre des appendices désignés plus haut est moins grand seront dépourvus, selon M. Savigny, des appendices les plus antérieurs. Ainsi, les insectes n’auront pas de pattes proprement dites : elles correspondront aux pieds-mâchoires ; leurs mâchoires, leur lèvre inférieure et leurs mandibules seront les deux paires de mâchoires et les mandibules des Crustacés décapodes. Pour les Arachnides, écoutons M. Savigny lui-même : « Les organes antérieurs et ar- ticulés du Crabe , retranchés dans l’Arachnide, sont , 4° les an- tennes, 2° les mandibules, 3° les premières et les secondes mâ- (1) Mém., p. 60 et suiv. DANS LES ARTICULÉS. 317 choires, 4° les premières mâchoires auxiliaires, 5° les pinces ou premières pattes du thorax (1). Il est assez singulier, continue M. Savigny, que les mâchoires auxiliaires du Crabe, moins la première paire, fassent les mandibules et les mâchoires de l'A- rachnide , et que les pattes thoraciques du même, moins la pre- mière paire, fassent également les pattes ambulatoires de cette même Arachnide (2). » On comprend difficilement pourquoi M. Savigny a recours à la suppression de deux paires d’appen- dices pour expliquer ceux des Araignées, et surtout de deux paires séparées l’une de l’autre, comme les premières mâchoire s auxiliaires et les premières pattes. On se demande encore pour- quoi M. Savigny ne tient pas compte de la lèvre inférieure des Araignées, qui est évidemment, d'après sa propre opinion, le rudiment d’une paire d’appendices soudés. Ne semblerait-il pas, d’après cela, que M. Savigny n'aurait pas reconnu l'identité primitive, et, par suite, la remarquable ana- logie que présentent tous les appendices entre eux? Ne paraîtrait- il pas qu’il s’est plus attaché au nombre qu'aux fonctions et à la structure de toutes ces pattes? C’est pour cela, en effet, qu’il a refusé la tête à certaines classes d’Articulés, comme les Arachnides, chez lesquelles, cependant, on ne peut pas dire qu’il n’y a point de tête (3). C'est une raison du même genre qui a fait dire à M. Sa- vigny que les Myriapodes n’ont point d’abdomen, parce que tous les anneaux de leur corps sont pourvus d’appendices ou de pat- tes (4). Est-il besoin de faire remarquer que la tête ou l’abdomen, que le thorax lui-même, ne consistent pas seulement dans la pré- ( 1) Ces pinces ou premières pattes du thorax des Crustacés décapodes sont réellement représentées dans les Arachnides par ce que l’on nomme les palpes dans les Scorpions et dans les Pinces (Chelifer), qui doivent leur nom français à ces organes. | (2) Mém., p. 57, note a. (3) « On peut dire de la plupart des Crustacés qu'ils ont la tête confondus avec le corps, et des Arachnides qu'elles n'ont pas même de tête. » (Mém., p. 62.)— Il est plus vrai de dire que, dans les Crustacés et les Arachnides, la tête est con- fondueavec le thorax; on sait toutefois qu'il y a exception pour certains Crustacés. (4) « On pourrait considérer les Myriapodes comme des Arachnides pourvues d'une tête et d'un nombre de pattes indéfini, sans aucun abdomen. » (Wém., p. 74.) 315 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES sence de tels ou tels appendices, et qu'il faut bien aussi tenir compte des parties intérieures et même des parties extérieures autres que les appendices mobiles , comme les yeux et la bouche dans les Arachnides? Pour en revenir aux antennes-pinces, ce sont des appendices développés d’une manière toute spéciale, qui sont cependant plus semblables à des pattes qu’à des antennes ou à des mandibules. Ce qui le prouve, c’est la manière dont elles sont conformées dans les Scorpionides et animaux voisins, dans lesquels elles se terminent en pinces, comme les prétendus palpes des Scorpions, et comme les premières pattes des Décapodes parmi les Crustacés, Cette analogie des antennnes-pinces et des palpes des Scorpionides avec les premières pattes de certains Crustacés, conduit à reconnaître la nature de tous les appendices du corps dans les Arachnides, D'après ce que nous avons vu au sujet de la structure des pattes en général, les appendices des Arachnides répondent à la série interne des pièces de la mâchoire. Rien, chez eux, ne rappelle ni le palpe ni le galéa, pas même ce que l’on nomme palpe dans les Arachnides ; Car si on considère ce palpe dans les Mygales et quel- ques autres, on voit qu’il fait immédiatement suite à l’article qui le supporte, et que le tout ensemble n’est qu'une véritable patte. Il n’y a guère de différence que dans la longueur entre cette patte et les suivantes ; et l’article de la base, qui se dilate en mâchoire dans la plupart des Aranéides, n’a pas encore ici cette disposition, . C'est encore ce que l’on remarque à l’appendice qui porte le nom de mâchoire dans les Scorpions, les Phrynes, les Thélyphones, etc. ; la base de cet appendice a beaucoup moins l’aspect d’une mà- choire que dans les appendices qui viennent après lui, et qui sont de véritables pattes. Ainsi, l’on peut dire avec M. Savigny que les Arachnides n’ont pas de vraies mandibules ni.de vraies mà- choires, mais en partant de considérations différentes. Tous les appendices, dans ces animaux, présentent plus ou moins le carac- tère des pattes, et ne peuvent, sous ce rapport, être comparés qu'aux pattes des Crustacés et des Myriapodes mêmes, mais nul- lement à celles des Insectes , si ce n’est comme formés d'u série de pièces correspondant aux prémaxillaires et à la hanche qui leur sert de support. (Note C.) DANS LES ARTICULÉS. 319 $ VI. Structure particulière des appendices. Il existe en général pour chaque espèce d’appendices, pattes, mâchoires, antennes, etc., un mode de division à peu près con- stant dans les différents groupes d’Articulés. Ainsi, les antennes sont formées, dans un très grand nombre d'insectes, de onze ar- ticles : c'est le cas de la plupart des Coléoptères. Dans d’autres, les antennes ont douze articles dans les femelles, et treize dans les mâles; on sait que cette disposition est propre à plusieurs grandes familles d'Hyménoptères, Il semble que, ce nombre de onze à treize une fois dépassé, le nombre des articles des antennes devienne en quelque sorte illimité : c’est ce que l’on remarque dans quelques familles de Coléoptères, telles que les Longicornes ; dans la grande tribu des Ichneumons parmi les Hyménoptères, et dans des ordres d’Insectes presque entiers, tels que les Ortho- ptères, les Névroptères, les Lépidoptères : c’est encore ce que l’on voit dans le plus grand nombre des Crustacés : aussi ne peut-on faire usage , dans la classification de ces derniers groupes d’Ar- ticulés, du nombre d’articles que présentent les antennes , parce que, souvent, il n’est pas le même, soit dans les individus de sexe différent, soit dans ceux d’un même sexe; il est donc alors indé- terminé. Il y a donc aux antennes un nombre d'articles, variable suivant les groupes, au-dessus duquel on ne peut plus les compter avec fruit ; le nombre des articles de ces appendices cesse alors d’être régulier. Il existe des lois analogues pour les pattes et pour les mà- choires. Dans chaque groupe naturel, quelle que soit, d’ailleurs, son étendue, le nombre des pièces de ces appendices est caracté- ristique, pourvu, toutefois, que ce nombre ne dépasse pas cer- taines limites, comme cela arrive, par exception, aux antennes- pattes des Phrynes, aux pattes des Scutigères, etc. C'est à la fixité du nombre de ces pièces que sont dues les diverses désigna- tions des parties de la patte des Insectes en cuisse, jambe et tarse, bien que ces pattes aient des rapports plutôt apparents que réels avec leurs homonymes dans les Vertébrés. Ces mêmes parties, dans la patte des Crustacés, des Arachnides et des Myriapodes. ne présentent pas, quoi qu'on en ait dit, les analogues des divi- 320 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES sions de la patte des Insectes, et prennent alors un mode de frac- tionnement propre à chacun de ces groupes. Les mâchoires sont dans le même cas : leur corps et surtout leurs palpés présentent, dans chaque classe ou dans chaque ordre d’Articulés, un nombre de pièces qui devient caractéristique, et dont on n’a pas encore retiré tout le profit qu’on peut en attendre. - Les pièces dont se composent les pattes sont, ai-je dit, plus faciles à reconnaître par leurs proportions relatives que lorsqu'on les examine dans la classe des Insectes, En effet, dans les Crustacés et les Myriapodes, les différentes pièces de la patte se ressem- blent toutes, si ce n’est dans les pattes chélifèrés, tant par leur forme que par leur longueur; c'est la même chose dans les Arachnides et les Myriapodes. Dans quelques cas, on remarque à la base des pattes un article plus long que l’on compare à la cuisse des Insectes : c’est ce qui arrive aux Aranéides. Quant à la jambe et au tarse, on ne saurait les déterminer. Ici les rap- ports sont tellement changés, que certains naturalistes, et M. Sa- vigny en particulier, ont cru devoir admettre que la: jambe avait deux articles (1); mais souvent il est impossible d'adopter ce mode de détermination , et l’on est obligé de reconnaître entre la cuisse et la jambe des articles surnuméraires, comme les Phrynes en donnent un exemple. Encore ces rapports varient-ils dans les pattes de paires différentes ! Donc, dans les Scorpions et les Aranéides, et en général dans les Arachnides , il n°y a pas de distinction à établir entre les pièces qui font suite à la cuisse; il n'y à plus ni jambe ni tarse proprement dits; dans les Crustacés et les Myriapodés, il n’y à même plus lieu à distinguer la cuisse. En général, dans ces deux classes, toutes les pièces de la patte, se ressemblent ; la dernière seule est terminée en pointe. Puisq\'il en est ainsi dans les pattes de trois classes d’articulés sur quatre, on ne peut donc pas retrouver dans ces trois classes des divisions qui n'existent que dans la quatrième; et puisque les noms de cuisse, de jambe et de tarse n’indiquent qu'une fausse analogie , n'est-il pas préférable, ou d’assigner à chaque article (1) « La jambe des Apiropodes est composée généralement de deux pièces et non pas d'une seule, comme celle des Hexapodes. » (Wém., T, 46, note c.) — On ai- merait à en savoir la raison ; mais l’auteur se tait à cet égard. DANS LES ARTICULÉS,. EL 321 des pattes un nom particulier, comme l’a fait M. Walkenaër pour les Aranéides, ou, ce qui serait peut-être plus simple encore et plus commode , de les désigner par un numéro d'ordre ? La similitude ou l’analogie qui se fait remarquer entre tous les appendices du corps des articulés se reproduit dans les articles d’un même appendice : c’est ce que l’on voit clairement à l'égard des antennes dans les Crustacés, les Myriapodes et les Insectes ; à l'égard des pattes dans les Crustacés, les Myriapodes et les Arachnides ; et enfin, à l'égard des mâchoires dans les Crustacés et les Arachnides. On peut donc affirmer d’une manière générale que les divers articles d'un même appendice sont entre eux comme les appendices eux-mêmes, c’est-à-dire qu'ils tendent à se répéter. De là l’inutilité des noms assignés aux diverses pièces d’un appen- dice, lorsque ces pièces se répètent exactement pour la forme ; de là également la difficulté de retrouver dans ces pièces toutes semblables les mêmes pièces des appendices autrement fraction- nés d’une classe différente, comme lorsqu'on vient à comparer les pattes des Arachnides à celles des Insectes. On remarque, en général, que les articulés dont les appendices se ressemblent le plus sont aussi ceux dont chaque appendice est formé d'articles semblables; c’est surtout le cas des Myriapodes. $& VIT. Détermination relative des appendices. Après avoir recherché par divers moyens quel devait être le mode le plus sûr de reconnaître la vraie nature des appendices, envisagés sous le rapport des fonctions , puisque la structure nous les fait voir tous semblables, il m'a semblé que la bouche seule pouvait nous conduire à ce but. Ainsi, la bouche est limitée en avant et en arrière par une ou plusieurs lèvres : donc tous les appendices qui sont insérés entre les deux sortes de lèvres , anté- rieure et postérieure, doivent appartenir incontestablement à la bouche. Le nombre des appendices buccaux varie , comme on le sait, d’une classe à l’autre et même d’un groupe à l'autre dans une même classe, lorsque celle-ci est hétérogène, comme les Crustacés nous en fournissent la preuve. Dans ces derniers Arti- culés, la bouche n’est pas toujours limitée en arrière par une véri- table lèvre : c’est le pied-màchoire extérieur qui en tient lieu dans 822 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES quelques uns (Décapodes brachyoures); mais, dans les Limules , où il existe deux sortes de lèvres, l’une en avant, l’autre en arrière, on trouve un moyen de détermination pour les cinq paires d’appendices , qui, par la structure, sont à la fois pattes et mâchoires , mais qui, eu égard à leur position, sont bien plutôt des mâchoires que des pattes.. Il existe en avant de ces cinq paires de mâchoires deux appendices situés sur les côtés de la lèvre supérieure, et qui, à cause de leur position, correspon- dent exactement aux forcipules des Arachnides ; et en particulier des Arachnides pédipalpes. Ainsi donc, la position de ces appen- dices à l’égard de la bouche entraîne encore avec elle leur déter- mination. Il résulte de cette considération qu'il existe une grande différence entre les Limules et les Arachnides, avec lesquelles ces prétendus Crustacés ont tant de rapports. Ainsi, d’après la posi- tion des lèvres dans ces deux groupes d’Articulés , les Arachnides ont quatre paires de vraies pattes , tandis que les Limules en sont dépourvues ; et l’on trouve, au contraire, chez les Limules , cinq paires de mâchoires et une paire seulement chez les Arachnides. De cette manière, le nombre des mâchoires et des pattes semon- trera différent dans chaque groupe naturel , ce qui n’empêchera pas de considérer ces deux espèces d’appendices comme étant homologues. La bouche semble alors une sorte de pôle, autour duquel, ou mieux au-dessus et au-dessous duquel , pivotent les appendices , qui viennent s’y fixer en nombre plus ou moinsgrand suivant les lois particulières de l’organisation de chaque groupe: c'est ce que l'on peut remarquer en considérant d’une part les Arachnides avec leur unique paire de mâchoires, et de l’autre, les Limules , les Apus, etc., dans lesquels le plus grand nombre des appendices vient se grouper de chaque côté de la bouche. CHAPITRE MX. COMPARAISON DES MANDIBULES ET DES LÈVRES AVEC LES MACHOIRES. — DESCRIPTION DES PIÈCES DU PHARYNX. $ I. Objet de ce chapitre. Je me suis proposé, dans ce Mémoire, de rechercher les rap- ports de tous les appendices entre eux et en particulier de ceux de la bouche , qui n’ont pas tous été étudiés jusqu’à présent à ce DANS LES ARTICULÉS. nr nan 323 point de vue. Ayant donc traité dans le chapitre précédent des caractères communs que présentent les antennes, les paites et les mâchoires, il me reste à examiner s’il n'existe point de traces d’analogie entre ces appendices et ceux de la bouche, c’est-à-dire les mandibules , les lèvres et les pièces du pharynx. Comme les mâchoires sont en réalité les appendices les plus déve- loppés , c’est avec elles que la comparaison devra nécessairement s'établir. Déjà même elle a été essayée entre la lèvre inférieure des Insectes et les mâchoires par M. Burmeister , après avoir été indiquée longtemps auparavant par MM. Oken, d’une part, et Savigny, de l’autre, Il reste donc à établir cette même compa- raison entre les mâchoires et les mandibules, puis entre ces mêmes mâchoires et le labre. Il reste à examiner la structure des pièces du pharynx ou intrabuccales, que M. Savigny a désignées sous les noms d’épipharynx et d’hypopharynx, et que les autres auteurs ont confondues sous le nom de langue. Ge n'était pas assez , en eflet, que d’avoir entrevu le moyen de faire disparaître de la bouche des articulés, comme organe distinct, la lèvre inférieure simple ou multiple de ces animaux ; il fallait obtenir le même résultat à l'égard des autres parties buccales, si toutes ces parties sont réellement homologues. Autrement, il se trouverait dans la bouche des Articulés des éléments hétérogènes : d’une part, les mâchoires et une ou plusieurs lèvres inférieures (Myriapodes) ; et de l’autre , un labre ou lèvre supérieure, des mandibules, des pièces du pharynx. Cependant , dès l’origine même de la nomen- clature des différentes pièces, on voit que les mandibules ont porté le nom de mâchoires , tant leur analogie avec les mâchoires était évidente. Quant à la lèvre supérieure, on l'a crue plus simple qu’elle ne l’est réellement , et je m'étonne que les mêmes natura- listes qui ont vu dans la lèvre inférieure une paire de mâchoires , n'aient pas cherché si l’on pouvait en dire autant de la lèvre supé- rieure ,; qui correspond si bien à l’autre par sa position à l'égard de la bouche des Insectes. Il reste enfin les pièces du pharynx, qui sont deux paires d’ap- pendices plus rudimentaires que les autres, et qui doivent leur nom à la situation qu’ils occupent auprès de la naissance du tube intestinal. Ge qu'on peut dire de plus général à leur égard , c'est 921 BRULLÉ. —- TRANSFORMATIONS DES APPENDICES qu’elles présentent dans leur développement des alternatives remarquables; en effet, l’une de ces deux pièces est presque tou- jours dans un rapport inverse de l’autre, et quelquefois aussi dans un rapport inverse avec la lèvre contre laquelle elle est appliquée. Les pièces du pharynx ont été méconnues la plupart du temps, parce qu’elles semblent faire partie de l’une ou l’autre lèvre, et qu’on les a prises pour un des éléments de ces lèvres. . Get examen des différentes pièces de la bouche dans les Crus- -tacés, les Arachnides, les Myriapodes et les Insectes établit d'une manière certaine leur analogie de structure , quelles que soient d’ailleurs leur figure et leur position. On reconnaît ainsi que la lèvre supérieure , bien que différente des mâchoires , en apparence beaucoup plus qu'aucune autre pièce de la bouche, est cependant formée, comme la lèvre inférieure, de deux appen- dices réunis entre eux et souvent encore à l’épipharynx. On y rencontre même, dans certains cas, jusqu’à des rudiments de palpes, organes si rares dans les mandibules , qu’ils ne s’y mon- trent que dans les Crustacés et qu’on a pu même leur refuser ce nom , comme l’a fait M. Milne Edwards. Et cependant les man- dibules se rapprochent beaucoup plus des mâchoires que la lèvre supérieure même. On trouve dans leur composition presque tous les éléments des mâchoires, et quelques uns de ces éléments mieux indiqués peut-être que dans ces dernières. De tous les appendices buccaux , ce sont les pièces du pharynx qui se mon- trent le plus rudimentaires ; mais elles présentent encore, dans certains cas, plusieurs des éléments des mâchoires. Ainsi, en admettant, comme on est forcé de le faire, que les mâchoires sont les appendices les plus développés de la bouche des Articu- lés, on peut passer d’une manière non interrompue des mâchoires aux lèvres, en commencant par la lèvre inférieure, puis de celles- ci aux mandibules , qui sont souvent d’une structure plus com- plexe que le labre, et enfin l’on arrive aux appendices du pharynx, en retrouvant partout une analogie de structure que l’on ne pour- rait pas raisonnablement contester, II. De la lèvre inférieure. En général , le lèvre inférieure est formée par la réunion de DANS LES ARTICULÉS. . 325 deux paires de mâchoires : c’est ce que l’on remarque dans les Insectes, dans les Myriapodes, dans les Arachnides et dans un certain nombre de Crustacés. Il est cependant quelques groupes de cette dernière classe dans lesquels la lèvre inférieure n'existe pas à proprement parler; les deux mâchoires sont dans ce cas tout-à-fait séparées et ne ferment la bouche que dans le repos. La composition de la lèvre inférieure, au moyen de deux mâchoires unies entre elles, a été indiquée en France pour la première fois par M. Savigny (1). Quelques années auparavant, le même fait avait été signalé en Allemagne par M. Oken (2), comme l’a fait remarquer M. Burmeister dans son T'raité d’Ento- mologie (HIT, 23). Un passage de Leach, cité par le même auteur, prouve que cette opinion était également adoptée par l’auteur an- glais(3). C’est qu’en effet il suffit d’examiner la lèvre inférieure de certains Articulés pour y reconnaître les pièces de la mâchoire, Dans le système de nomenclature le plus généralement adopté, qui est celui de Latreille, la lèvre inférieure des Insectes se com- pose, comme on le sait, du menton ou pièce de la base, de la languette et des palpes. Le menton est une pièce généralement (1) « Dans un Orthoptère.… la lèvre inférieure ou lèvre proprement dite est plus ou moins fendue, et peut être considérée comme formée par la réunion de deux secondes mâchoires. » (Mém., I, 41.) (2) « Peut-être la lèvre inférieure est-elle la troisième paire de pattes. » (Lehr- buch der Naturphilos., n° 3097.) — Plus tard (1818), l'auteur ajoute : « Cette proposition peut être démontrée surabondamment , et j'ai prouvé, soit dans mes leçons publiques, soit dans mon Manuel d'histoire naturelle, que la lèvre infé- rieure n'est en réalité que la réunion de deux pattes pourvues de leurs tarses, qui deviennent ici les palpes labiaux. Ainsi, les appendices de la bouche des Insectes se composent de trois paires de pattes , les antérieures. ou les man- dibules, les moyennes ou les mâchoires, et la lèvre inférieure. A vrai dire, celle-ci n'est qu'une mâchoire postérieure , et les mâchoires proprement dites devraient être appelées des mâchoires moyennes. De cette manière , trois paires de pattes rendent trois paires de mâchoires , ce qui est le cas de tous les Insectes à six pattes. Lorsqu'il y a plus de trois paires de pattes, il y a aussi plus de paires de mâchoires ; elles ont dû alors s'atrophier, ce qui arrive fréquemment dans les In- sectes à pieds nombreux , et les pieds ne sont souvent alors que de véritables tronçons. » (Isis, 1848, p. 480.) (3) « Insecta. labio e maxillis exterioribus confluentibus efformato. » (Zoolog. miscell., IN, 57.) 396 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES unique et impaire , Sur laquelle on ne voit souvent que de légères traces d’une division médiane. La languette, au contraire, est plus constamment partagée en deux portions semblables ; ce qui à lieu surtout dans les Orthoptères et les Névroptères ; elle porte ordinairément les deux palpes et les deux galéa. Ces derniers sont les paraglosses de Latreille et probablement aussi les palpules dé M. Straus (1). En dedans ; on voit deux pièces qui sont sépa- rées chez les Orthoptères et qui ne peuvent être que les lobules de ce même savant. Ces pièces médianes, ou ces lobules ; sont réu- nies dans la lèvre des Coléoptères, et forment une portion impaire peu ou point saillante, qui est} au contraire, fort développée dans les Hÿménoptères mellifères ; elles RE aux inter- maxillaires. On retrouve donc facilement dans la lèvre inférieure des Insectes les deux palpes, les deux galéa et les deux intermaxillaires, tantôt séparés , tantôt réunis , de deux mâchoires plus ou moins soudées entre elles. Quant aux autres parties de ces mâchoires que doit présenter aussi la lèvre inférieure , voici ce qu’en dit M. Burmeis- ter , le seul auteur qui aît décrit jusqu’à ce jour la composition de cette paire d’appendices dans les Insectes (2): « La portion basilaire simple de la lèvre inférieure , ou le véritable menton, est formée par la réunion des deux cardo (3) entre eux et avec la tige (stipes) (4)... Je trouve que l'élargissement latéral du menton et la saillie qu’il forme auprès des lobes terminaux, comme cela _se voit dans beaucoup de Coléoptères, et en particulier dans les Carabiques et les Hydrocanthares , sont la preuve que la pièce. dorsale ou tige (mäxillaire), cette grande, forte et épaisse plaque triangulaire de la mâchoire, prend une part dans la formation du menton (5). » À l'égard du palpigère, M. Burmeister en voit les. traces dans la portion inférieure et solide de la languette, portion à laquelle il donne le nom d'os case Les palpes, suivant le. (1) Traité d'Anat. comparative, 1, 240. té (2) La lèvre inférieure de certains Crustacés, celle des Myriapodes ; avaient. déjà été étudiées par M. Savigny, comme nous le verrons plus loin. (3) Ce sont les sous-maxillaires ou les pièces transverses de M. Straus. (4) C'est la pièce dorsale de M. Straus , ou le maxillaire. (5) Handbuch der Entomol., IE, 25. DANS LES ARTICULÉS. À AM 327 même auteur, sont insérés en partie sur cet os hyoïde , et en partie sur le bord supérieur du menton (1). Tandis que M. Burmeister cherchait avec raison à retrouver dans la lèvre inférieure des Insectes les pièces des mâchoires , d’autres auteurs récents regardaient cette lèvre comme uñ organe sui generis. Ainsi, M. Straus irpose un nom nouveau à la lan- guette de Latreille, et l'appelle lippe. Quant à la portion de la lèvre qu’il nomme prélippe, je n’ai pu m'en faire une idée exacte; parce que , en dehors du menton et de la lippe , il ne reste plus que les pièces appelées par M. Straus palpes,{palpules et lobules, dont j'ai indiqué l’analogie. Je ne vois pas quelle différence il peut y avoir entre la prélippe et les lobules. Voici, du reste, le passage même de l’auteur : « On distingue dans la lèvre inférieure le corps ou partie moyenne, les deux palpes, les deux palpules et les deux lobules. Le corps de la lèvre se compose lui-même de trois parties successives : la première est le menton; la seconde , je la nomme lippe, et à la troisième, je donne le nom de prélippe. Les palpes… sont d'ordinaire insérés sur les côtés ; à l’extrémité de la lèvre sont placés les lobules , et en dedans les palpules (2). » La nomenclature des parties de la lèvre inférieure des Insectes est la même , sauf la différence des noms, pour M. Duvernoy que pour M. Straus. Ce que ce dernier nomme lippe, M: Duvernoy l'appelle lèvre proprement dite , et il réserve le nom de languette à ce que M. Straus nomme prélippe; ou mieux encore à la réu- nion des lobulés ou intermaxillaires (3). M: Duvernoy dit en outre que l’on appelle improprement languette ce qu’il nomme la lèvre (4). 11 est cependant hors de doute que l'usage a prévalu (1) « L'os hyoïde, près duquel ou sur lequel, lorsqu'il est distinct, les palpes labiaux sont articulés, représente la portion des mâchoires qui porte le nom de palpigère. » (Loc. cit., p. 25.) (2) Loc. cit., p. 240. (3) « La lèvre inférieure. s'appelle seulement la lèvre; on y distingue troïs ou quatre parties : «, le menton ou la ganache qui en fait la base , lequel est gé- néralèment fixé, et rarement mobile ; b, la lèvre propremént dite, repli membra- neux qui supporte les parties suivantes : c, deux palpes articülés ; d, entre ces deux palpes, là lèvre à souvent un prolongement étroit : c'est la lañgüette. » (Anat. comp. de Cuvier, 2° 6d., V, 449.) (4) « La lèvre se composé (dans les Coléoptères) de frois parties distinctes , 328 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES d'appeler languette toute cette portion de la lèvre inférieure qui est située entre le menton et les palpes, tandis que le nom de lèvre sert à désigner l’ensemble de l’organe , y compris le menton. Quoi qu’il en soit, on reconnaît assez facilement une paire de mâchoires dans la lèvre inférieure des Insectes, et l'opinion de MM. Oken et Savigny se trouve ainsi pleinement justifiée. On aurait donc pu se dispenser d’assigner des noms particuliers aux différentes parties de la lèvre inférieure et les rapporter simple- ment aux parties correspondantes des mâchoires ; mais comme il arrive que certaines parties se trouvent réunies d’une manière constante, on conçoit que des noms différents soient devenus nécessaires. Ce n’est qu'au point de vue des analogies que l’on doit chercher à rapporter autant que possible les pièces de la lèvre à celles de la mâchoire, parce qu'il n’est pas douteux que cette lèvre ne soit elle-même une paire de mâchoires. | «. Lèvre inférieure des Orthoptères. C’est dans cet ordre d’In- sectes que la lèvre inférieure atteint son plus grand développe- ment ; c’est pourquoi je le choisis pour type, ainsi que l’a fait M. Burmeister. Lorsqu'on examine la lèvre inférieure d’une Sauterelle verte, on remarque à la base ce qu'on appelle le menton. Cette pièce unique et impaire paraît formée par la réunion des deux sous-maxillaires. Sans traces de division médiane dans les Saute- relles, elle en offre dans les Acridiens , tels que les Tryxales, les Xiphicères , etc. De plus, elle se prolonge de chaque côté en arrière, ce qui semble rappeler son origine. La forme et la gran- deur du menton varient beaucoup d’un groupe à l’autre. : Au-dessus du menton se trouve une pièce également impaire, qui est la première partie ou la portion engagée de la languette. Elle est le résultat de la soudure des deux maxillaires. Située au- dessous des palpes dans la Sauterelle, dans le Taupe-Grillon, elle est placée entre ces organes dans les Tryxales, les Xiphi- sinon dans tous, du moins dans la plupart : le menton, qui en fait la base ; la lèvre proprement dite, que l'on appelle aussi languette, mais improprement, articulée sur le menton. portant sur son bord libre les deux palpes labiaux.… ; enfin la languette, prolongement étroit de la lèvre, qui se voit le plus souvent entre la base des deux palpes, mais qui manque quelquefois, » (Ibid., p. 156.) DANS LES ARTICULÉS. LRRE 390 cères, les Tetrix , et généralement dans les Acridiens. Dans cer- tains groupes d'Orthoptères , cette pièce est divisée en partie ; dans d’autres, elle l’est complétement, comme dans les Pneu- mores ; elle est entière dans les Tetrix ainsi que dans les Phas- mes et les Phyllies, bien qu’on y apercoive des traces d’une suture médiane. Dans les Empuses, cette pièce n’est pas distincteet semble réunie au premier article du galéa et des intermaxillairés. Quant au palpigère , il fait corps avec les maxillaires, sans que l'on puisse aisément reconnaître les traces de leur réunion. La portion libre de la languette, ou celle qui vient après les maxillaires en partant du menton, est divisée en trois paires d’appendices qui sont les palpes, les galéa et les intermaxillaires, Les palpes occupent le côté extérieur de la languette et les inter- maxillaires le milieu ; il arrive quelquefois que les intermaxillaires sont à peine visibles. M. Burmeister s'exprime , je crois, d’une manière trop absolue, lorsqu'il dit (loc. cit. p. 25) que les in- termaxillaires , ou les deux lobes médians de la languette , sont toujours formés d’un seul article. Ils paraissent, au contraire , en avoir deux dans certaines Mantes (les Empuses), dans les Phyl- lies et surtout dans les Taupes-Grillons, tandis qu’ils n’en ont qu'un dans les Phasmes (Ph. géant ), les Sauterelles (S. verte), les Tetrix ; ces intermaxillaires paraissent ne pas exister dans les Forficules , les Pneumores , les Tryxales , les Xiphicères, les Cri- quets ( Acridium), où la lèvre inférieure est dite simplement bilo- bée ; mais dans ce cas, les galéa sont très développés en largeur, et leur volume semble être le résultat de l’atrophie des inter- maxillaires qui existent à l’état rudimentaire comme le montrent les Acridium (1). Les galéa, de même que les intermaxillaires, sont tantôt bi- articulés , tantôt formés d’un seul article , avec des traces plus ou moins marquées de divisions transversales. Ils n’ont qu’un seul article dans les Phyllies, par exemple, où ils sont très développés (1) IL est à remarquer que dans les Tetrix, qui sont voisins des Acridium , la lèvre inférieure a quatre lobes bien développés (deux intermaxillaires, deux galéa), ce qui aurait lieu de surprendre si, comme on l'a représenté jusqu'à présent , la lèvre des Acridium n'avait que deux lobes. 3° série, Zoo. T. HE. (Décembre 1845.) 22 330 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES en longueur ; dans les Sauterelles, où ils sont au contraire fort larges ; dans les Tetrix et peut-être aussi dans les Phasmes pro- prement dits ; mais il existe à leur base, dans ces derniers Insectes, un petit article qui semble leur appartenir, Ils offrent deux articles plus ou moins distincts dans la plupart des autres Orthoptères, et semblent former, avec les maxillaires de quelques genres, tels que les Forficules, les Pneumores, les Xiphicères, etc., un appendice de trois articles qui donne à la lèvre inférieure de ces Insectes, plus qu’à aucun autre, l’apparence d’une paire de pattes transformée en mâchoires. 6. Lèvre inférieure des Névroptères, Ges Insectes doivent ici être partagés en deux groupes , d’après la forme de leur lèvre. Dans l’un de ces groupes, la lèvre est pourvue de palpes con- formés à la manière ordinaire ; l’autre a des palpes anomaux. Le premier renferme tous les Névroptères planipennes de Latreille, l’autre se compose des Subulicornes ou du moins des Libellulines. Parmi les Névroptères à palpes ordinaires , on trouve encore deux formes de lèvres. Ainsi, les Termites, chez lesquels il existe, comme chez les Orthoptères, un menton suivi d’une pièce formée par les deux maxillaires (presque détachés ici l’un de l’autre), ont la lèvre divisée en quatre lobes, c’est-à-dire en deux galéa et deux intermaxillaires. Les dimensions de ces lobes varient sui- vant les sexes dans ce groupe d’Insectes. Les Embies, qui er sont voisins, ont la lèvre conformée de la même manière, mais avec l’intermaxillaire moins développé et qui semble réuni au galéa , dont il n’est séparé que par une simple ligne ou suture (1). On trouve donc, dans ces deux exemples, la structure quadrilo- bée et le passage à la structure bilobée de la lèvre des Ortho- ptères. Les autres Névroptères planipennes ont une lèvre de la seconde sorte ; elle ne se compose que d’un seul lobe évidemment formé des intermaxillaires et des galéa réunis. C’est la lèvre d’un Acridium dans laquelle les deux lobes n’en font plus qu’un seul ; une suture médiane plus ou moins marquée est la seule trace qui reste de cette réunion. Telle est la disposition de la lèvre des Myrméléons, des Ascalaphes, des Hémérobes et des Némo- ptères. Dans ces derniers, le lobe unique est long et étroit comme (4) Voyez la fig. 9 u de la planche II des Névroptères de l'ouvrage d'Égypte DANS LES ARTICULÉS. 331 le lobe médian de la lèvre des Hyménoptères mellifères, En général, tous ces Névroptères ont la portion engagée de la lan- guette, ou les deux maxillaires, très peu développée , tandis que le menton l’est davantage , en sorte que ces deux parties sont entre elles dans un rapport inverse. Les Névroptères à palpes anomaux ou les Libellulines ont aussi la languette pourvue d’un seul lobe, comme les Myrmé- léons et autres genres de planipennes. Ce lobe, petit et triangu- laire dans les Libellules proprement dites, est au contraire fort grand et de forme quadrilatère dans les Æshnes, en demi-cercle et profondément échancré dans les Agrions. Les palpes ne va- rient pas moins que le lobe médian. Outre la forme si excep- tionnelle de leur grand article , le terminal, tantôt simple, tantôt composé, tantôt épineux et tantôt inerme, en fait un organe im- portant sous le rapport de la classification (4). Le menton et les deux maxillaires sont peu développés, et ce qui caractérise cette lèvre singulière, ce sont évidemment les palpes et le lobe médian, qui semblent s'être développés aux dépens des pièces de la base. L'espèce d’atrophie de ces dernières et la réunion des quatre lobes: de la languette en un seul, font d’ailleurs de cette lèvre une des plus simples parmi les Névroptères et les Orthoptères. y. Lèvre inférieure des Coléoptères. La condition simple dans laquelle se trouve la languette de la plupart des Névroptères se reproduit dans le plus grand nombre des Coléoptères : aussi est-il beaucoup plus facile de comprendre la lèvre inférieure de ces derniers Insectes, lorsqu'on à vu les changements qu’elle éprouve lorsqu'on passe des Orthoptères aux Névroptères. Au premier abord, la disposition de la lèvre inférieure des Coléoptères ne paraît pas, comme le dit M. Burmeister, offrir une grande ana logie avec les mâchoires ; mais lorsqu'on a reconnu cette analogie dans les Orthoptères , lorsqu'on en a suivi les traces dans les Névroptères , il devient facile de la retrouver encore dans les Coléoptères. | Il n'existe généralement dans ces derniers insectes , de même (1) Cet article terminal, atrophié dans quelques espèces , présente tantôt les conditions de l'antenne de certains Diptères , tantôt celles des forcipules d’une Aranéide. 322 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES que dans les Myrméléons, que trois parties distinctes, savoir : le menton, la languette et les palpes, Le menton est des plus variables sous le double rapport de la forme et des dimensions, et doit correspondre, comme dans les Orthoptères et les Névro- ptères , aux deux sous-maxillaires réunis. La languette s’appuie sur le menton ; mais au lieu de faire suite à ce dernier et de se trouver sur le même plan que lui, elle est située d'ordinaire sar un plan antérieur. Enfin, les palpes sont insérés, soit entre la languette et le menton, soit sur la languette même, ce qui arrive le plus fréquemment, Le menton est en général plus développé dans les Coléoptères que dans les deux ordres précédents : c’est ce qui a fait émettre à M. Burmeister l'opinion rapportée plus haut, « que l’élargisse- ment latéral du menton et la saillie qu’il forme auprès des lobes terminaux, dans beaucoup de Coléoptères , et en particulier dans tous les Carabiques et les Hydrocanthares, sont la preuve que la pièce dorsale (stipes), ou les-maxillaires, prend une part dans la formation du menton (1). » Cette réflexion du naturaliste alle- mand a pour but d'appuyer une assertion émise par lui au sujet de la bouche des Orthoptères, dont il disait : « On-retrouve dans les deux lobes extérieurs , en partie bi-articulés , de la lèvre infé- rieure , les galéa des mâchoires , et dans les deux lobes intérieurs plus étroits et plus courts, on reconnaît les deux mando (inter- maxillaires ). » Cela est vrai; mais l’auteur ajoute : « Par consé- quent , la portion basilaire. simple de la lèvre inférieure, ou le véritable menton, est formé par la réunion des deux cardo (sous- maxillaires) entre eux et avec la tige (maxillaires). » Cette con- clusion ne me parait pas fondée , car on retrouve dans les Ortho- ptères la pièce que forment par leur réunion les deux maxillaires, Cette pièce est plus ou moins rudimentaire dans les Névroptères, mais elle constitue pour ainsi dire à elle seule la languette des Co- léoptères. Elle a chez eux, comme partout, pour caractère princi- pal d’être en rapport avec les palpes. La portion médiane de la languette, qui répond aux inter- maxillaires, est cependant très développée dans les 4nthia, où elle représente le lobe moyen de la lèvre des Hyménoptères melli- | (1) Loc cit, p. 25. | DANS LES ARTICULÉS, 299 fères , auquel on a donné improprement, comme nous le verrons, lenom de langue. Cette portion médiane n’est pas moins déve- loppée dans les Lucanides, où elle est bifide , comme pour rap- peler son origine. Elle est bien moindre dans les Carabés en général, tels que les Procères , Procrustes , Calosomes, etc.; mais elle y est indiquée par une partie en forme de losange. Elle est encore assez grande dans les Pogonophores , où se présentent de chaque côté les deux saillies appelées paraglosses, et qui correspondent aux galéa. Toutes ces pièces, qui constituent la languette , sont extrêmement réduites dans les Gicindelètes ; où la languette n’est représentée que par un très petit article (4). La lèvre inférieure des Coléoptères est établie sur deux types principaux, ainsi que le fait remarquer M. Burmeister. Dans les Hannetons et dans beaucoup de Lamellicornes lignivores ou phy- tophages et dans les Mélitophiles (Cétoines), la languette est appliquée intimement contre le menton, et il ne reste souvent que peu detraces de leur réunion. Dans quelques grandes espèces, telles que le Scarabée hercule, la soudure est même tout-à-fait complète , comme cela arrive aussi dans le Prione cervicorne, Le second type est caractérisé par la séparation et le plus grand développement de la languette, comme on le remarque en parti- culier dans les Lamellicornes coprophages (ÆAteuchus, Copris, Géotrupes, etc.), chez lesquels il existe, suivant M. Burmeister, «un galéa membraneux, mou et en forme de lobe, » ou plutôt un intermaxillaire placé en avant du menton et des maxillaires. Ici, les palpigères existent et sont détachés l’un de l’autre ; c’est entre eux que sont situés les intermaxillaires qui sont très développés et à la base desquels se trouve la langue ou hypopharynx (2). (1) Zconogr. du Règne anim., Ins., pl. 17. fig. 4 et 4 b. (2) Je n'ai rien vu de semblable à ce que dit M. Burmeister de la structure de la lèvre dans les Passales. « Cette lèvre, suivant lui, est remarquable par sa ressemblance avec les mâchoires, et elle offre une particularité intéressante dans son galéa allongé, corné, crochu et très mobile. » Or, dans le Passalus interruptus, je trouve le menton à peu près semblable à celui des Anthia, c'est-à-dire qu'il emboîte la languette ; celle-ci est formée d'une seule pièce « cornée , très dure, comme le dit M. Burmeister, mais cependant mobile et réunie au menton par une simple articulation. » Or cette pièce unique est formée, comme dans beaucoup d'autres Coléoptères, tels que les Timarcha, les Cantharis (vesicatoria), etc., par 33 BRULLÉ. —— TRANSFORMATIONS DES APPENDICES La “disposition remarquable de la languette dans les Lamelli- cornes coprophages est réellement exceptionnelle dans les Goléo- ptères, et son développement inusité semble avoir entrainé quelquefois l’atrophie du menton d’une manière plus où moins complète. Les palpes ne sont pas la partie de la lèvre la moins remarquable dans certains Coprophages, à cause de la forme de leurs articles, Sous ce rapport, ils diffèrent beaucoup des palpes de la mâchoire dans les mêmes Insectes. Dans une autre famille, les Longicornes, la languette n’est pas moins curieuse à cause de la forme de ses deux lobes, qui, dans les Sté- nodères , les Toæotes et surtout les Rhagies , sont séparés par une échancrure quelquefois très profonde. Dans quelques Leptures , ces lobes sont encore remarquables par leurs dimensions, qui rappellent le galéa des Orthoptères à languette bilobée ou des Acridium. Ces lobes peuvent correspondre, soit aux galéa , soit aux intermaxillaires réunis ; mais ils font en même temps corps avec les maxillaires, dont ils sont la continuation. Dans ce cas , la languette diffère essentiellement de ce qu'elle est dans les Passales , les Carabes et beaucoup d’autres, en ce que les deux intermaxillaires sont écartés, au lieu de constituer une portion médiane et unique. d, Lèvre inférieure des Hyménoptères. — Les parties élémen- taires de la lèvre sont généralement plus distinctes dans cet ordre d’Insectes que dans le précédent; quelques unes surtout se font remarquer par leur développement. Telles sont les deux pièces im- paires, et placées l’une à la suite de l’autre, que forment par leur réunion les maxillaires et intermaxillaires. Les sous-maxillaires constituent la pièce de support, qui s'articule même avec les mà- choires dans les Mellifères; cette pièce de support répond au menton des autres Insectes broyeurs ou à mandibules. Les pal- pes labiaux des Hyménoptères sont très grands, ou du moins leurs deux premiers articles; les galéa sont peu développés et manquent quelquefois, soit par avortement réel, soit qu’ils se réunissent au lobe médian que forment les intermaxillaires, la réunion complète des deux maxillaires, des intermaxillaires, et l'adjonction de la langue ôù hypopharynx. On n'y découvre pas d'autres pièces accessoires que les palpes, qui sont fixés à sa face postérieure, c'est-à-dire contre le menton. DANS LES ARTICULÉS. “44 355 Ce lobe médian et impair à été appelé langue par quelques au- teurs. Très long et très étroit dans les Mellifères, il est singulière- ment large et raccourci dans quelques Fouisseurs, et quelquefois aussi il semble manquer ; mais il est d’autres Fouisseurs dans les- quels il ne le cède guère en longueur aux Mellifères mêmes. Souvent il se divise en deux parties qui rendent évidente sa cofhposition, Les galéa sont quelquefois plus longs que les palpes ; mais le plus ordinairement ils sont plus courts et ne semblent formés que d’un seul article. Les palpes, de même que cela arrive aux Névroptères, se présentent sous deux aspects différents, Tantôt ils ont la forme ordinaire , c’est-à-dire une épaisseur égale partout, ce qui est le cas le plus fréquent ; tantôt leurs premiers articles sont élargis , comprimés et plus semblables à un palpigère qu’à un palpe, comme cela se remarque dans le plus grand nombre des Mellifères. & Lèvre inférieure des Insectes suceurs. — La lèvre des Lépi- doptères se compose de deux maxillaires réunis en partie ou en totalité sur la ligne médiane, et qui sont de forme triangulaire. Ils constituent la languette, qui porte des palpes bien développés. Les sous-maxillaires (ou le menton) sont tout-à-fait rudimen- taires, et si les intermaxillaires existent, il faut les supposer confondus avec les maxillaires, de même que les galéa. Ainsi, én réalité, la lèvre des Lépidoptères est très simple et se composé seulement des maxillaires et des palpes. Dans les Hémiptères , la lèvre inférieure , divisée en articula- tions semblables entre elles et creusée à sa face interne d’un sillon longitudinal , donne bien l’idée de la formation d’une lèvre au moyen de deux appendices pédiformes. C’est dans cet ordre d’In- sectes que la lèvre est en effet disposée de la manière la plus favorable pour faire comprendre la transformation des pattes en appendices buccaux , ce que nous avons déjà trouvé en observant la bouché des Squilles parmi les Crustacés. Dans les Hémiptères, les uns, tels que les Pentatomes, sont tout-à-fait privés de palpes, et les articulations de la lèvre sont tout-à-fait semblables entre elles ; les autres ( Vèpes) offrent des rudiments de palpes , et la présence dé ces organes semble avoir introduit des éléments de dissémblance dans la composition du corps de la lèvre. 336 BRULLÉ. — IRANSFORMATIONS DES APPENDICES Les Diptères ont la lèvre inférieure plus transformée que celle des Hémiptères. Elle se compose, dans ces Insectes, de trois pièces impaires , dont la dernière ou terminale est ordinairement divisée en deux parties par une suture longitudinale et représente les intermaxillaires. La pièce précédente est formée des deux maxil- laires et porte des palpes plus ou moins développés. La pièce d'attache, ou la première de toutes, doit nous rappeler les sous- maxillaires et répondre en même temps au menton, tandis que les deux autres pièces correspondent à la languette des divers ordres d’Insectes broyeurs. Il est à remarquer que dans les suceurs, dont les Hyménoptères font partie sous certains rapports, la distinction entre le menton et la languette est moins nettement établie, ce qui provient du développement plus grand des différentes parties de la languette, dont le menton paraît alors faire partie. C. Lèvre inférieure des Apiropodes. — Dans les Crustacés et les Myriapodes , la lèvre inférieure est beaucoup plus simple que dans les Insectes, et ne se compose en réalité que d’une paire de pattes , soudées au moyen de leur premier article. Elle est encore plus simple dans les Arachnides et surtout dans les Aranéides ; où elle est réduite à un rudiment de pattes. C’est dans les Crustacés que la lèvre inférieure se rapproche le plus de celle des Insectes ; mais on ne la trouve que dans quel- ques groupes d’un ordre inférieur, les Crevettines en particulier , où elle n’est autre chose que la réunion d’une paire de pieds- mâchoires. On y retrouve en effet les mêmes parties que dans les pieds-mâchoires des Décapodes, avec cette différence que le palpe est tout-à-fait. pédiforme et plus développé que les portions intérieures, c’est-à-dire les galéa et les déux corps de mâchoire. Les Myriapodes ont deux sortes de lèvre inférieure. La lèvre de la première sorte, ou la lèvre proprement dite de M. Savigny, est double, c’est-à-dire formée de deux paires d’appendices qui sont pourvus de palpes tout-à-fait rudimentaires dans les Tules, et plus développés , au moins pour les deux portions extérieures, dans les Scolopendres. Cette lèvre est fort incomplète sous le rapport des éléments qui la constituent, La seconde sorte de lèvre inférieure des Myriapodes à été. appelée lèvre auxiliaire par M. Savigny. Il y en a deux placées l’une à la suite de l’autre. DANS LES ARTICULÉS, 397 Chacune de ces deux lèvres auxiliaires est munie d’appendices plutôt pédiformes que palpiformes, et ce n’est pas une des par- ticularités les moins curieuses de l’organisation des Scolopendres, que la forme et les usages de ces appendices dans la seconde des lèvres auxiliaires. Ces lèvres n’ont en réalité ni palpes ni galéa, et doivent rentrer dans le cas des mâchoires et des pattes des Arachnides en général, ou mieux encore dans celui de la lèvre “inférieure des Crevettines , en y supposant atrophiées les parties intérieures qui représentent les corps de mâchoire et les galéa, (Note D.) | Enfin , dans les Arachnides, la lèvre inférieure est formée de deux corps de mâchoire réunis en une pièce impaire; c’est le cas des Aranéides. Cette disposition ne se retrouve plus dans les Arachnides pédipalpes et dans les Scorpions en particulier, chez lesquels les quatre premières pattes, en se rapprochant à leur base , constituent une sorte de double lèvre comme la pre- mière des Myriapodes. Sous le rapport de la composition , les quatre éléments de cette double lèvre, ou les quatre pattes, repro- duisent chacun en particulier la moitié de l’une des lèvres acces- soires d’un Myriapode, $ III. Des mandibules. On ne peut refuser à ces organes d’être une paire de mâchoi- res. Cela est si vrai que , dans l’origine , elles en ont recu le nom (Linné), et qu'aujourd'hui même certains auteurs le leur resti- tuent (Carus , etc.). On les a par la suite appelés mandibules, tant à cause de leur position en avant des mâchoires que des différences qu'elles présentent avec ces dernières. Ce qu’il y a de certain, c’est que les fonctions de mâcher, de diviser, de broyer les aliments, sont bien plutôt de leur ressort que de celui des mâchoires , comme l’indiquent leur forme et leur disposition. En réalité, les mandibules sont de véritables mâchoires dont les pièces élémentaires ne sont point ordinairement séparées ; ce sont des mâchoires imparfaites quant à leur développement, mais qui agissent par cette raison même avec plus de force sur les ali- ments pour les diviser ou les broyer (1). La conformité des man- (1) Les pieds-mâchoires des Limules sont à ce titre de véritables mandibules | 338 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES dibules et des mâchoires est démontrée d’ailleurs par la présence d’un palpe bien développé sur les mandibules d’un grand nombre de Crustacés. Dans les autres classes d’Articulés , le palpe s’atro- phie constamment. Le corps de la mandibule, qui répond à la hanche comme le corps de la mâchoire même, reste plus simple dans les mandibules en général; mais dans les mandibules membraneuses de certains Insectes , on retrouve des parties s0- lidés qui rappellent la structure complexe des mâchoires , tandis que, dans d’autres articulés À mandibules solides, on retrouve ces pièces plus ou moins distinctes, quoique la plupart du temps en moindre nombre que dans les mâchoires. a. Mandibules des Crustacés. — Ces organes ne sont pas égale- ment simples dans toutes les espèces. Ils présentent, dans les Crustacés décapodes, quelques pièces accessoires qui semblent faire l'office de tendons ; mais les pièces élémentaires y sont réunies d’une manière intime, et chaque mandibule paraît formée d’une seule pièce. On y reconnaît cependant une portion termi- nale que Guvier compare à la couronne des dents molaires des Mammifères, et qui, tantôtsimple (Décapodes brachyourés), tantôt divisée (Décapodes macroures , Stomapodes ), répond à l’inter- maxillaire de la mâchoire des Insectes. La portion basilaire re- présente à son tour le sous-maxillaire. Le milieu .de la mandi- bule est formé d’une portion. que des sutures plus ou moins visi- bles laissent quelquefois deviner, et qui est le maxillaire. Le palpigère existe tantôt sous la forme d’une saillie ( Décapodes brachyoures), tantôt sans se laisser distinguer du corps de la mandibule, et il supporte un palpe de trois, de deux ou même d’un seul article. La présence du palpe sur les mandibules est le caractère le plus remarquable de ces organes dans les Crustacés, mais ils’en faut qu’il soit général, On ne le retrouve pas dans les Phyllosomes, les Chevrolles, les Cloportes et genres voisins; il manque aussi à certains Amphipodes, Læmodipodes et Isopodes, quoique sa présence soit le cas le plus ordinaire. Dans quelques espèces \dépourvues de ce palpe , le corps de la mandibule offre ainsi que les mâchoires des Aranéides, des Arachnides pédipalpes, et les pre- mières pattes de ces derniers Articulés (Scorpions). DANS LES ARTICULÉS. 339 üne saillie qui représente le palpigère des Myriapodes , comme où le voit dans les Talitres en particulier. Ainsi, le plus ordinairement le corps de la mandibule est simple dans les Crustacés, et son palpe peut ne pas exister ; mais on trouve fréquemment une modification des mandibules qui con siste dans la présence d’une pièce mobile située au côté intérieur, Cette pièce, qui a été représentée dans plusieurs Crustacés par M. Mine Edwards (Iconographie du règne animal), et qu'il nomme l'appendice mobile de la mandibule, paraît aussi exister quelquefois au côté intérieur des mâchoires en forme de mandi- bules de certains.Isopodes ( Cirolanes). Déjà M. Savigny l'avait représentée dans la mandibule des Crevettes (Mém. , pl. IV, fig. 4, i). et tout récemment M. Lereboullet l'a mentionnée dans ses re- cherches sur les Ligidies (Ænn. Sc. nat., 2° série, t. XX, p. 109 et suiv.), et il annoncé l'avoir retrouvée dans les Isopodes et les Amphipodes, etc. « Ne pourrait-on pas considérer cet organe , dit M. Lereboullet, comme représentant le lobe interne des mâchoires de la première paire ét comme indiquant, par conséquent , une tendance de la mandibule à se diviser pour se rapprocher de la formé des autrés appendices büccaux ? » Cette conclusion me semble fort juste, et lorsque l’on vient à comparer la mandibule d’un Gloporte avec une de ses mâchoires, où remarqué que ces dernières sont formées de deux branches, dont l’externe, dépourvue de palpes, répond au maxillaire et au galéa (celui-ci étant la portion terminale et dentéé de cette branche), tandis que la branche interne représente l'intermaxillaire et ses dépendances (prémaxillaires). En appliquant aux mandibules le même raisonnement , on trouve que le corps de ces mandibules doit, lui aussi, être formé par le maxillaire et le galéa, et que l’ap- penñdice mobile et interne ne peut être que l’intermaxillaire (1). 8. Mandibules des Insectes broyeurs. — Le palpe n'existe (1) IL faut ajouter à ces pièces le sous-maxillairé, qui, de même que dans les mâchoires, forme la base de l'organe éntier, = Dans les mändibules d'une seule pièce des Crustacés décapodes , la portion terminale , ou la couronne de la dent, suivant Cuvier, esbformée par l'intermaxillaire et le galéa réunis. C'est le galéa qui constitue la pièce terminale et dentée ie mandibules dans les Cloportes , dans les Crevettes et autres. 340 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES jamais aux mandibules des Insectes ; c’est le caractère invariable de ces appendices. Il n’y à même jamais de palpigère indiqué, comme cela arrive aux mandibules de quelques Crustacés isopodes et des Myriapodes. Sous ce double rapport, les mandibules se dis- tinguent facilement des mâchoires, et c’est sans doute pour cela qu’on leur à donné un nom particulier. Ges organes ont été regar- dés jusqu’à présent comme étant formés d’une seule pièce. C’est à peine si l’on a fait attention au prostheca de MM. Kirby et Spence, bien que ces deux auteurs l’aient fait connaître depuis longtemps. Quant aux autres parties que je décrirai, on ne les a pas déterminées, et cependant on les a représentées plusieurs fois, surtout dans ces dernières années, On remarque chez les Insectes broyeurs trois modes de déve- loppement des mandibules. Dans le premier, elles sont composées d’une seule pièce ; dans le second mode, on y reconnaît un ap- pendice mobile comme dans certains Crustacés, et cet appendice est plus ou moins mou, plus ou moins développé ; c’est lui que MM. Kirby et Spence ont nommé prostheca; enfin, dans le troi- sième mode de développement des mandibules, on distingue quelques autres pièces qui rappellent la structure complexe des mâchoires, structure à laquelle les mandibules ne paraissent pas pouvoir aiteindre dans la plupart des Insectes. 4. C’est dans les Coléoptères coprophages que les mandibules présentent une structure plus complexe. Lorsqu'on examine ces organes dans un Ateuchus, un Phanœus ou un Copris, on trouve qu'ils sont formés de plusieurs pièces réunies par une membrane commune et qui sont : 4° le long du bord extérieur , une pièce dorsale correspondant au maæillaire des mâchoires et formant le corps de la mandibule ; 2° une pièce basilaire située au bord in- terne et répondant au sous-maæillaire; c’est une dent robuste appelée mola par MM. Kirby et Spence (dent molaire de M. Marcel de Serres); 3° au-dessus du sous-maxillaire, une pièce allongée, étroite et garnie de poils, qui occupe le milieu du bord intérieur ; elle représente l’intermaæillaire; l° enfin, à leur extrémité libre, les mandibules se terminent par des poils nombreux qui rap- pellent le galéa velu des mâchoires dans la famille des Lucanides. Les Scarabées mélitophiles (Cétoines, Trichies, etc.) nous DANS LES ARTICULÉS, 31 offrent un type de mandibules très rapproché du précédent, et dont les diverses pièces sont encore mieux isolées. On pourrait dire que les mandibules de ces Insectes nous présentent une dé- composition opérée par la nature même. On y remarque : 1° un sous-maæillaire comme dans les Æteuchus ; ? un maæillaire, espèce de lobe allongé et libre à l’extrémité; 8° enfin, entre les deux parties précédentes, une pièce de forme quadrilatérale, velue extérieurement, qui répond à l’intermaæillaire, Le galéa manque complétement, ce qui donne aux mandibules des Cétoines l'aspect particulier qu’on leur connaît. 2, Le deuxième mode de développement des mandibules con- siste dans la réunion des parties précédentes, mais dans la- quelle on reconnaît cependant encore les éléments des mâchoires, Ainsi, le sous-maæxillaire existe toujours sous la forme d’une grosse molaire qui sert véritablement à broyer. L’intermaæillaire est indiqué par une membrane velue le long de tout son bord libre, et qui occupe le côté interne des mandibules. Le corps des mandibules , enfin , est formé par la réunion du maxillaire avec le galéa , en sorte que les dents terminales des mandibules (incisives de M. Marcel de Serres) appartiennent au galéa : c'est ce qu’on voit dans les Géotrupes (1). Ce mode de développement conduit au type des Lamellicornes phytophages , dans lesquels le sous-maxillaire des mandibules est encore une dent robuste surmontée de poils nombreux, qui sont ceux de l’intermaxillaire, constituée dans ce cas par une membrane (1) Les dents appelées incisives et canines par M. Marcel de Serres appartien-- nent indistinctement au galéa , quelle que soit leur position. Ainsi, dans les 4n- thia , les Carabes et autres, il existe une dent au milieu du bord interne; elle in- dique la fin du galéa. Dans les Cicindèles, tout le bord interne des mandibules est denté ; une dent d’une forme différente se trouve même vers la base, et cepen- dant, au-dessous de cette dent, on voit les poils de l’intermaxillaire. Dans ce cas, le galéa est très développé, le maxillaire est rudimentaire, ainsi que l'intermaxil- laire ; le sous-maxillaire n’en est pas distinct. — Ce galéa dentelé rappelle celui des mandibules de certains Crustacés (Cloportides), et reproduit en outre le galéa, dentelé aussi, mais mobile, de la mâchoire des Hannetons et autres Lamellicornes phytophages ; il porte donc à la fois les dents incisives et canines lorsqu'elles existent. Dans certains cas il est dépourvu de dents, et se termine seulement en crochet, comme on le voit dans les Cerambyx et beaucoup d’autres Longicornes. 312 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES autrement disposée : c’est ce qu’on voit dans les Hannetons (M. Fullo), dans les Macraspis (clavata), etc, Dans les Sca- rabées hercules, la membrane de l’intermaxillaire et ses poils forment une frange longitudinale en dedans de la mandibule, qui se rapproche de la disposition déjà indiquée dans les Géotru- pes. C’est la manière d’être la plus commune de l’intermaxillaire dans les mandibules des Coléoptères ; mais il faut remarquer que, la plupart du temps, l’intermaxillaire est indiqué seulement par la rangée de poils ordinairement roux qui garnit le bord interne des mandibules (1). Souvent même cette rangée disparaît, soit que la mandibule offre encore la rainure dans laquelle ils sont d'ordinaire implantés, soit que cette rainure n’existe pas, On voit des exemples de ces deux cas dans diverses familles, comme il est facile de s’en assurer en examinant les mandibules des Anthia, des Carabus et genres voisins (Procerus, Procrustes, etc.), et celles des Sphodrus; ou encore en regardant les mêmes organes dans les Cerambyæ, chez lesquels ils sont garnis de poils à leur bord interne, comme dans les Æniha et les Carabus, tandis que dans les Saperdes, comme dans les Sphodrus , ces poils ont disparu. Dans ce dernier cas, il n’y a plus de traces de l’inter- maxillaire , et il en reste peu ou point du sous-maxillaire, Tous les éléments se sont réunis pour former une mandibule d’une seule pièce, dans laquelle on ne reconnaïîtrait certainement pas l’analogie d’une mâchoire, si l’on s’en tenait à ce seul exemple. 3. Enfin, le troisième mode de développement des mandibules est celui dans lequel l’intermaxillaire ne tient aux mandibules que par une partie de son étendue. Il constitue alors ce que MM. Kirby et Spence ont nommé prostheca. C’est dans les Sta- phylins que ces deux savants ont observé cette pièce. Elle rap- pelle l’intermaxillaire des Géotrupes, si ce n’est que dans ces derniers il est engagé sur toute sa longueur. Le prosthecau des Staphylins n’est autre chose que l’intermaxillaire à l’état mem- braneux ou cutané, garni de poils nombreux à son bord externe (1) Dans les Taupins (Ælater porcatus) et les Cébrions (C. gigas) ; le bord ex- térieur des mandibules présente une rainure ou excavation plus ou moins garnie de poils :.c'est un rapport digne de remarque entre la structure des deux bords opposés de ces organes. Est-ce là un rudiment de palpigère ? DANS LES ARTICULÉS. 3h38 et engagé par sa base seulement dans une rainure des mandibules, Il n’est pas, comme le représente inexactement la figure donnée par MM. Kirby et Spence (Introd., pl. XI, fig, 7, €”), bi-arti- culé et détaché dans presque toute son étendue , mais bien formé d’une seule pièce, revêtue d’un bouquet de poils qui ont pu, aux yeux du dessinateur, simuler un second article, Ce prostheca est situé en arrière et au-dessous de la dent médiane des mandibules, comme dans les Anthia, les Carabus et autres, c’est-à-dire là où finit le galéa, qui, d’ailleurs, est soudé avec le maxillaire (1). Les Blaps ont aussi un intermaxillaire libre à l'extrémité, mais d’une tout autre forme que dans les Staphylins. Il se présente sous l’aspect d’un gros mamelon membraneux ou d’une vésicule, situé entre le sous-maxillaire bien développé et les dentelures robustes (galéa ) qui terminent les mandibules. Cette sorte de vésicule est creuse et sert peut-être en quelque chose à la gustation, — Les Meloe ont une vésicule du même genre, située, comme dans les Blaps, entre le sous-maxillaire et le galéa ; c’est encore un intermaxillaire membraneux.— Les Cantharides ( Lytta ouCantharisvesicatoria) ont l’intermaxillaire conformé comme dans les Staphylins, c’est-à-dire qu’il est comprimé et velu sur le bord, ce qui le distingue de l’intermaxillaire des Blaps et des Méloé, Cependant les mandibules des Cantharides ont, comme ces deux derniers genres d’Insectes, un sous-maxillaire bien développé, Le galéa qui termine les mandibules semble moins intimement soudé au maxillaire ; du moins on aperçoit par transparence une diminution dans l'épaisseur de la mandibule , une sorte de sépa- ration entre les deux parties. Une autre disposition, plus curieuse encore, et qui paraît due à l’intermaxillaire , est celle que l’on remarque dans les mandibules des Passales et des Hydrophiles. — Dans les Passales (P. inter- ruptus) , cet intermaxillaire se présente sous la forme d’une dent mobile, que l’on avait déjà remarquée et qui occupe le milieu du bord interne des mandibules , entre la saillie du sous-maxillaire et les dentelures terminales du galéa. Ce mode de structure de l’in- termaxillaire est plus remarquable que les précédents, à cause (1) C'est dans le Staphylinus olens que le prostheca est le plus développé parmi nos espèces indigènes. SA BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES de sa mobilité et de sa solidité plus grandes. Dans les Hydro- philes (47. piceus), ce même intermaxillaire est composé de deux dents mobiles , articulées ‘assez étroitement l’une au-dessus de l’autre et enchâssées dans une cavité qui ne leur permet, de mêmé qu’à la dent unique des Passales , que des mouvements assez bornés d’avant en arrière. Ces dents ont leur extrémité libre ‘dirigée en arrière, c’est-à-dire vers la bouche, ce qui permet aisément de les distinguer des dents terminales du galéa (1). Toutes les formes de mandibules étudiées jusqu’à présent s’observent dans les Coléoptères. La structure de ces appendices est beaucoup moins variée dans les autres Insectes broyeurs. Ainsi, dans les Orthoptères, on ne retrouve aucune des pièces élémentaires; les dents seules peuvent, dans quelques genres, indiquer des régions différentes : telles sont les incisives et les molaires , dans certaines espèces herbivores. D’autres herbivores n'ont cependant que des dents incisives toutes semblables et dis- posées sur le bord tranchant des mandibules. — Dans les Névro- ptères , on remarque des dents nombreuses et acérées aux man- dibules des Libellulines ; elles ne sont toutefois que des incisives. Les Termès ont une molaire bien distincte. On trouve tantôt une, tantôt deux sortes de dents parmi les autres familles de Névro- ptères. — Enfin, les Hyménoptères ont aussi des’ mandibules simples, dont les dentelures sont généralement d’une seule espèce et correspondent aux dents incisives des autres Insectes. Elles sont répandues quelquefois sur tout le bord tranchant des mandibules, comme cela a lieu dans les Guêpes. Mais ce que les (4) 11 faut remarquer ici la rangée de poils situés, comme à l'ordinaire, le long du bord interne des mandibules et sur la face inférieure ou labiale de ces organes. Ces poils, qui sont insérés dans l'Hydropbhile sur une membrane qui reste adhé- rente aux mandibules, après qu'on en a séparé les dents mobiles, sont peut-être, ayec la membrane qui les porte, les vrais représentants du prostheca des Staphy- lins, comme cela a lieu dans les Géotrupes. Dans ce cas, la dent mobile et unique des Passales, les deux dents mobiles des Hydrophiles, ne seraient autre chose que les dents canines ou médianes de la mandibule des Anthia, des Carabus, etc.; elles seraient encore les analogues de la dent complexe et garnie de poils qui se trouve à la base de la mandibule dans les Cicindèles. En conséquence, les dents canines des mandibules, qu'elles soient fixes ou non, appartiendraient à l'intermaxillaire, les incisives au galéa, les molaires au sous-maxillaire. DANS LES ARTICULÉS. 345 mandibules des Hyménoptères ont de plus remarquable, c’est la rangée de poils, quelquefois très longs, qui se trouve à leur côté extérieur , comme dans les Eater et les Cebrio parmi les Coléo- ptères. Une autre rangée de poils, moins remarquables par leur longueur, est située au côté opposé ou intérieur, et répond à la frange de l’intermaxillaire des Coléoptères. Enfin , il existe quel- quefois encore une troisième rangée de poils, située entre les deux autres à la face supérieure des mandibules. Ces trois rangées de poils sont reçues dans autant de sillons différents. y. Mandibules des Insectes suceurs. — 11 y a fort peu de chose à en dire. C’est dans les Lépidoptères que les mandibules se rapprochent le plus de ce qu’elles sont dans les Insectes broyeurs, mais elles restent rudimentaires, comme l’a démontré M. Savi- gny. Elles portent à leur bord interne, d’après les figures qu’en à données ce savant, une rangée de cils qui doit corres- pondre à celle des mandibules des Coléoptères et des Hyméno- ptères. Il semble même que l’on y reconnaisse quelquefois les éléments des mandibules de certains Coléoptères , comme l’indi- querait la fig. 1, à de la pl. IIT (Savigny, 1° Mém.). — Dans les Diptères, les mandibules ont la forme d’une lancette, et l’on y aperçoit encore certaines divisions qui accusent une structure complexe. -— Dans les Hémiptères enfin, les mandibules ressem- blent tout-à-fait aux mâchoires et sont réduites, comme ces dernières, à un état de simplicité qui fait évidemment de ces deux sortes d'organes des appendices de la même nature. $ IV. De la lèvre supérieure. Nous savons que la lèvre inférieure est le résultat de la réunion d’une paire d’appendices ; nous savons aussi que cette disposition se retrouve dans plusieurs paires d’appendices à la fois, chez les Myriapodes. Nous pouvons nous demander maintenant si la : lèvre supérieure ou labre n’est pas due à un mode de formation analogue, Au point de vue de la théorie, rien n'empêche qu’il n’en soit ainsi. Examinons donc la lèvre supérieure pour voir ce que nous montrera sa structure, Les variations que présente cet organe dans sa composition 3° série. Zoo. T. IL. (Décembre 1844.) 23 - 346 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES répondent à celles des mandibules, en ce sens, que c’est dans les Coléoptères qu’elles sont le plus remarquables. Dans les autres ordres d’Insectes , la lèvre supérieure est d’une structure généra- lement plus simple , et dans les autres classes d’Articulés, elle est ou nulle ou rudimentaire, Gette lèvre n’est pas formée, comme on le croit généralement, d’une seule pièce ; on y remarque la plupart du temps, soit en dessus, soit en dessous, une suture ou sillon médian qui indique la présence de deux moitiés semblables entre elles, On n’y observe pas ordinairement de palpes comme on en voit à la lèvre inférieure , et jamais on ne la trouve formée de plusieurs articles, bien qu’on ait dit le contraire (1). «. Coléoptères. — Lorsqu'on examine la lèvre supérieure d'un Ateuchus par sa face inférieure ou mandibulaire , on voit qu’elle est formée de trois parties que rend très distinctes la transpa- (1) Dans l'ouvrage déjà cité de MM. Kirby et Spence (/ntrod. to Entom., t. III, p. 419), il est dit que les femelles du genre Halictus (Hyménoptères mel- lifères) ont la lèvre supérieure pourvue d’un petit appendice (a slender appendage). La figure donnée par ces auteurs (pl. 26. fig. 30) ferait même croire à l'exis- tence de trois pièces articulées, ce qui ne répond pas éntièrement au texte. Or, quand on compare la lèvre supérieure d’une femelle d'Halictus avec cette figure, on reconnaît aisément que la première pièce, marquée &’ dans la planche citée, n’est autre chose que le chaperon ou bord antérieur de la tête, tandis que les deux autres pièces répondraient seules à la lèvre supérieure ; mais on voit de plus que la pièce marquée a n’est autre chose que la portion la plus étroite de la lèvre, portion séparée de la base par un étranglement, mais non pas articulée avec elle. Ainsi la figure citée est très inexacte, et donne une fausse idée de la forme de ces parties. Quand on examine en nature la tête d'une Halicte femelle , on voit que les poils représentés au bord de la pièce a’ sont ceux qui bordent le chaperon, ce qui met hors de doute la détermination de la pièce a’. Dans le mâle, au contraire, c'est la lèvre supérieure, et non point le chaperon, qui est garnie de poils. Cette disposition est sans aucun doute la cause de la méprise dans laquelle sont tombés MM. Kirby et Spence ; cette rangée de poils leur a paru située au bord de la lèvre dans la femelle comme dans le mâle. Déja même un savant auteur, M. Walkenaër, dans son travail remarquable sur les Halictes, publié en 1817, avait pris aussi le chaperon pour la lèvre dans les femelles de ces insectes. Il dit, en effet, en parlant du mâle de son Halictus ecaphosus : « Le labre est d’un jaune pâle » (p. 62), tandis que c'est le chaperon qui offre cette couleur ; et, en parlant de la femelle: « Le labre... garni à son extrémité de poils ciliés » (p. 59), ce qui doit se rap- porter au chaperon et non pas au labre. DANS LES ARTICULÉS. 347 rence même de la lèvre. Ces parties sont une moyenne et deux latérales. La partie moyenne est la plus étendue et constitue une pièce dont il sera traité dans le paragraphe suivant et que Linné nommait palatum. Les parties latérales répondent à deux mà- choires ou à deux mandibules d’une seule pièce et garnies de poils roides ou d’épines tout le long de leur bord interne, Ces mandi- bules ou mächoires sont engagées dans les téguments communs avec le palatum et sont par conséquent immobiles. Elles obéissent, avec le palatum , aux mouvements de la lèvre elle-même, La face supérieure de la lèvre, presque aussi transparente que la face opposée , laisse voir aussi les mandibules ou mâchoires et se trouve disposée de manière àrecevoir à sa base les muscles destinés à la mettre en mouvement, Les téguments qui forment cette face de la lèvre sont communs à la fois aux mandibules et au palatum. Telle est la structure de la lèvre supérieure dans les Ateuchus, dans les Phanœus, dans les Copris, qui tous ont la lèvre transpa- rente. Cette disposition est encore la même dans les Géotrupes (Stercorarius), etc. ; mais la face supérieure de la lèvre, de- venue épaisse comme le menton de la lèvre inférieure , empêche de la reconnaître aussi facilement. C’est la même chose dans les Cetonia, les Trichius, qui se rapprochent aussi des Insectes pré- cédents par la structure de leurs mandibules. Dans les Lamellicornes à mandibules solides, c’est-à-dire dans ceux qui ne sont ni coprophages ni mélitophiles, la structure de la lèvre est un peu différente. Examinée à sa face inférieure, cette lèvre ne présente plus que deux lobes qui se rapprochent jusqu’à se toucher sur la ligne médiane et représentent encore des man- dibules ; la pièce moyenne à disparu ou n’est plus que rudimen- taire : c’est ce qu'on voit dans les Macraspis , dans les Hannetons (AL. Fullo, ete.), dans les Scarabées (S. hercules), dans les Passales. Dans ce cas, la lèvre supérieure n’est plus réellement composée que d’une paire d’appendices réunis par leur bord interne, Ce que je viens de dire des Lamellicornes s’applique à d’autres familles de Coléoptères. On y retrouve les deux modes de structure que j'ai décrits. Dans les Hydrophiles, par exemple (H. piceus), la face supérieure de la lèvre est solide et paraît formée d’une seule pièce ; mais la face inférieure présente de chaque côté un | di 308 BRULLÉ. —- TRANSFORMATIONS DES APPENDICES lobe mandibulaire garni de poils et au milieu un palatum dont la base en saillie forme le soutien de la lèvre entière. Dans les Nécrophores , au contraire, la lèvre ne présente que deux lobes très velus, entre lesquels les téguments ne se prolongent pas, d’où elle est dite échancrée, La même disposition se remarque dans les Hister et dans beaucoup de Carabiques. Il faut en excepter les espèces où la lèvre est dite trilobée, telles que les Scarites, dans lesquelles le lobe médian n’est peut-être pas autre chose que le palatum. Dans les Cerambyæ (heros), un bouquet de poils, situé à la face inférieure et dans l’échancrure de la lèvre, semble représenter le palatum. Dans les Lamia (tristis), ce palatum est une membrane dépourvue de poils,. située entre les deux lobes mandibulaires et très velus de la lèvre. Dans les Saperdes (S. carcharias), la disposition de la face inférieure de la lèvre se rapproche de celle des Æteuchus à cause du développement du palatum. Ainsi, la lèvre supérieure des Coléoptères est évidemment formée de deux appendices mandibulaires ou maxillaires, dans le cas le plus simple. IT s’y joint un palatum dans le cas le plus compliqué. D’ailleurs les lobes mandibulaires ne consti- tuent pas à eux seuls les deux appendices latéraux. Il s’y ajoute dans beaucoup de cas une pièce de support qui pénètre dans l'intérieur de la tête. Entre cette pièce de support et la lèvre elle-même, on trouve encore une partie moyenne, qui forme un bourrelet transversal situé entre les supports de chacun des côtés, et que l’on peut considérer comme la réunion des deux maxillaires, tandis que les supports seront les sous-maæillaires et que les lobes mandibulaires représenteront les intermaæxillaires : c'est ce qu’on voit dans beaucoup d’Insectes, et en particulier dans les T'imarcha (tenebricosa), dans les Cerambyæ (heros), dans les Lamies (L. tristis), ete. De cette manière, la lèvre supérieure se montre-formée des mêmes éléments que les autres appendices de la bouche et se trouve seulement accolée à un autre organe , le palatum, de même que la lèvre inférieure l’est également à ce qu'on à appelé la langue. Dans certains cas , la lèvre supérieure est soudée avec le bord de la tête, comme les Lucanes (L, cervus) nous en fournissent D RU NTI 7 Re DANS LES ARTICULÉS. 349 un exemple. On dit alors qu'il n’y a point de labre , ce qui n’est pas exact, Dans d’autres cas, où la lèvre paraît manquer , elle “est seulement cachée, comme dans le mâle du Scarabée hercule, où elle est membraneuse, fixée contre la paroi interne de la partie supérieure de la tête, et semble perdue dans les poils. Elle peut encore exécuter des mouvements d’avant en arrière, Enfin, j'ai observé un cas tout-à-fait remarquable dans la structure de la lèvre supérieure des Dytiques (Dyticus margina- lis, Cybister Ræselii). On y observe à l'extrémité libre de chacun des lobes mandibulaires, qui sont ici tout-à-fait membraneux, une pièce conique et très consistante, qui ressemble à l’article terminal d’un palpe. Sera-ce un palpe rudimentaire, comme ceux de la lèvre complexe ou de la première lèvre inférieure des Jules? Sera-ce un galéa ou même un prémaxillaire, comme à la mâchoire des Cicindèles? Quelque opinion que l’on adopte à l'égard de cette pièce, on ne saura y méconnaître un nouvel indice de la structure complexe et de l’analogie du labre avec la lèvre inférieure des Insectes. 8. Orthopières. —La lèvre supérieure de ces Insectes offre des traces évidentes d’une structure semblable à celle du même or- gane dans les Coléoptères. Ainsi, qu’on examine la lèvre d’un Grillon (Gr. campestris) ou d’un Æcridium (Lineola), et l’on remarquera à sa face inférieure deux lobes mandibulaires ou maxillaires indiqués par deux rangées de poils. Cependant cette disposition n’est pas 8 générale, car dans les Sauterelles (L. viri- dissima), dans les Taupes-Grillons (Gryllotalpa vulgaris), la face inférieure de la lèvre offre simplement une dépression longitudi- nale, un véritable sillon, qui divise cette face de la lèvre en deux parties ; quant aux lobes mandibulaires , il faut les voir dans cha- cune des deux moitiés de la lèvre, où ils sont à peine indiqués par les poils courts qui garnissent les bords mêmes du sillon mé- dian. Les deux lobes mandibulaires sont encore assez bien indi- qués dans les Blattes (B. orientalis ), chez lesquels on remarque aussi deux rangées de poils. Ils le sont peu ou point dans les For- ficules. C’estun repli ou même une simple côte qui en indique la limite dans les Mantes, les Empuses , etc. y. Névroptères.. — La lèvre supérieure des Libellulines offre une 390 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES particularité remarquable. C’est la présence de deux petites pièces, analogues pour la forme aux deux sortes de palpes rudimentaires du labre des Dytiques, mais qui sont, de plus que dans ces der- niers, hérissées d’une touffe de poils roides. Ces petites pièces se voient très bien dans les grandes espèces d’Æshnes (je les ai re- connues pour la première fois dans une espèce de laNouvelle-Hol- lande), et dans les Libellules, si j’en juge par une de nos espèces indigènes ( L. depressa). Cependant elles m'ont paru réduites à la seule touffe de poils roides dans l’Æshna forcipata. Cette diffé- rence est-elle en rapport avec la grosseur de l’Insecte? Cela se pourrait jusqu’à un certain point; mais il serait peut-être plus probable que c’est une différence spécifique où même générique , puisqu'on trouve les parties en question presque aussi apparentes dans notre Libellula depressa que dans la grande vers d’Æshna que j'ai citée plus haut. Je n’ai rien vu de semblable dans les Névroptères planipennes ; mais il est bon de dire que je n’ai pu examiner que l’Æemerobius chrysops. d. Hyménoptères. — La lèvre supérieure est généralement cornée et plus ou moins divisée par un sillon ou une côte sur son milieu, Quelquefois elle se partage en deux lobes, dus à une échancrure plus ou moins profonde; c’est ce que montrent les Xy- locopes. On peut regarder comme une différence très grande entre la lèvre supérieure des Névroptères, et celle des trois ordres pré- cédents, que l’épipharynx n’est pas fixé contre elle; c’est pour- quoi cette lèvre n’est pas membraneuse à sa face inférieure ou interne. «. Insectes suceurs. — Chez ces animaux, la lèvre supérieure tend à s’allonger , comme les autres parties de la bouche : c’est ce que montrent les Lépidoptères à lèvre simple ; les Hémiptères, dans lesquels le bout de cette lèvre est recu et enveloppé par l’étui que forme la lèvre inférieure; et enfin, les Diptères , dont la lèvre supérieure est quelquefois divisée en deux parties par un sillon longitudinal. Malgré la structure simple de cet organe, il est moins atrophié dans les Insectes suceurs que les mâchoires et les mandibules. De même que la lèvre des Insectes broyeurs sert à fermer la cavité buccale, car c’est là, ainsi que pour la — on Gti noms DANS LES ARTICULÉS. 301 lèvre inférieure, une des fonctions incontestables de ces parties; de même aussi, dans les Insectes suceurs, cet organe sert à recou- vrir les mâchoires et les mandibules, dont le développement en longueur semble avoir entraîné, mais à un degré diflérent, celui des deux lèvres. {. Apiropodes. — La lèvre supérieure des Myriapodes , toute rudimentaire qu’elle soit, est visiblement formée de deux parties, comme l’indiquent les deux dentelures médianes des Iules, Dans les Scolopendres, la lèvre supérieure, quoique fixée au chaperon, est plus développée que celle des Tules, et l’on voit à sa face infé- rieure comme deux lobes mandibulaires qui sont garnis de poils nombreux. Dans les Crustacés, il existe une lèvre supérieure quelquefois en partie solide et quelquefois tout-à-fait molle. Dans les Décapodes, elle semble présenter un lobe médian et charnu. Dans les Amphipodes et autres, elle montre plus distinctement les deux parties qui entrent dans sa composition. $ V. De la langue ou hypopharynx. On appelle langue dans les Articulés un organe que les auteurs ne paraissent pas tous avoir bien compris, comme le prouvent les passages suivants : « La langue est attachée à la tête, de chaque côté du pharynx, par sa partie supérieure, et à la lèvre inférieure par sa partie opposée, de manière à faire corps avec cette lèvre, dont elle forme l’extrémité. Dans les Orthoptères et les Libellulines , elle est plus libre et ressemble un peu pour la forme à la langue des quadrupèdes (1). » Plus loin, les mêmes auteurs ajoutent : « Dans les Insectes carnassiers, où la langue n’est pas couverte par la lèvre (labium) , elle est presque dure et cornée , témoin le genre Ænthia ; c'est le contraire dans les Or- thoptères et les Libellulines. Dans quelques Abeilles, la langue s'articule avec la lèvre ; dans l’Abeille ordinaire, elle se termine en une espèce de n@ud ou de bouton que l’on a regardé à tort comme étant percé pour le passage du miel pendant la succion. La partie supérieure de cette langue est cartilagineuse et remar- quable par des anneaux transversaux nombreux , etc. Dans les (1) Kirby et Spence, Introd. to Entom., HE, 451, 352 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES Stenus , cet organe est rétractile, et se-compose de deux arti- cles (1). » Il est évident par ces deux passages que MM. Kirby et Spence n’ont pas regardé la langue comme un organe distinct et séparé de la lèvre inférieure, puisqu'ils disent qu’elle est attachée à la lèvre de manière à faire corps avec elle, et que la langue forme l'extrémité de la lèvre. Or, ceci ne saurait s’appliquer ni aux Li- bellules ni aux Orthoptères, dont la langue n’est pas terminale, Au contraire, s’il s’agit des Anthia, la prétendue langue dure et cornée n’est autre chose que la languette que nous avons examinée précédemment. On peut en dire autant du genre Stenus, et dans les Abeilles la langue ne serait qu’une portion de la languette ici plus complexe. On voit par là que si la langue des Anthia , des Stenus, des Abeilles, telle que l’entendent les deux savants anglais, n’est réellement qu'une partie de la lèvre inférieure (ou la réunion des intermaxillaires ), il ne peut plus en être ainsi dans les Orthoptères et les Libellulines, dont la langue, d’après MM. Kirby et Spence , est plus libre et ressemble à celle des qua- drupèdes ; ici, en effet, il n’est.plus question d’une portion de la languette, mais bien d’un organe nouveau, C’est cet organe que Latreille et les autres entomologistes ont appelé langue, et que M. Savigny a désigné sous le nom d’hypopharynæx, à cause de sa situation. 11 s’en faut qu’il soit toujours aussi visible que dans les Libellules et les Orthoptères; mais on le retrouve plus ou moins développé. Je continue à citer : « La langue des Abeilles est très longue et celle des autres Insectes est très courte, disent encore MM. Kirby et Spence (2). Dans les Tenthrèdes, elle se termine par trois lobes égaux ; dans les Stomis et les Géotrupes, par trois lobes inégaux, dont l'intermédiaire est très court.» On reconnaît encore dans cette description la languette et non pas la langue. D’après la fig. 24 de la pl. XXVI du même ouvrage ( Zutroduction to Ento- mology) , la:langue e’ du Géotrupe est composée de la pièce mé- diane de la lèvre et se termine par les deux paraglosses a ou palpes internes (galéa). C’est bien là le corps de la lèvre ou deuxième paire de mâchoires ; c’est la lèvre inférieure et non pas (1) Ibid., 453. — (2) Ibid., 453. DANS LES ARTICULÉS. 399 la langue. Il faut en dire autant de la prétendue langue des Ca- rabes, des Pogonophores, des Guêpes, qui n’est encore que la lèvre même. Il n’y aurait donc aucune différence entre la langue et la lèvre inférieure, dans l’idée des auteurs anglais: c’est ce que démontreraient encore les figures 23 à 35 de la planche XXVI déjà citée. MM. Kirby et Spence disent d’ailleurs que la langue renferme les paraglosses (1). Or, nous savons que les paraglosses appartiennent à la lèvre inférieure. « Ce que nous appelons lan- gue , ajoutent en notè MM. Kirby et Spence , dans les Hyméno- ptères, a été généralement regardé comme la lèvre (labium ) ; mais il est certain que cet organe, qui ramasse et lèche en quelque sorte le miel pour le faire passer dans le pharynx, doit être con- sidéré comme la langue. » Soit; mais il faut ajouter que cette langue n’est autre chose qu’une portion de la lèvre inférieure, et qu’en aucune façon elle ne saurait être l’analogue de la langue des Orthoptères et des Libellules ; dès lors, ces deux parties doivent porter des noms différents. « La lèvre elle-même (labium) , disent encore dans la même note MM. Kirby et Spence, paraît représentée par ce qu'on a appelé le menton, etle vrai menton est à sa base, dans la situation ordinaire de cette pièce. Ge fait, bien qu'indiqué depuis long- temps déjà (Kirby, Monogr. Apium Angliæ) n’a pas été remar- qué suffisamment par les entomologistes modernes. » Cette déter- mination de la lèvre inférieure , située ainsi entre la langue et le menton, serait fort incomplète et ne pourrait d’ailleurs se rap- porter qu'aux Hyménoptères mellifères, aux Bourdons (Bombus), par exemple. En effet, dans ces Insectes, la pièce marquée a” (fig. 3 de la pl. VII, Introd. to Entom.), répond aux deux sous- maxillaires réunis: c’est bien le véritable menton; la pièce b”, placée au-dessus de la précédente , est formée par la réunion des deux maxillaires : c’est elle que MM. Kirby et Spence regar- deraient comme la lèvre, tandis qu’elle n’en est-qu’une partie ; à l'extrémité de la pièce b”, et de chaque côté, en b”, se trouvent le palpigère et le palpe, et en dedans les paraglosses ou galéa +”; enfin, entre ceux-ci, se voit la pièce e”, formée par les deux inter- (1) Ibid, 359. 291 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES maxillaires; c’est elle que les deux entomologistes anglais ont proposé d’appeler langue. On trouve la même incertitude au sujet de la détermination de la langue, dans l’ouvrage déjà cité de M. Burmeister (Hand- buch der Entomol. t. HT, p. 25). Il dit, en parlant des Ortho- ptères et des Névroptères : « La languette (ligula) , très bien déterminée , se compose d’une partie intérieure charnue, et d’une lame extérieure plus cornée, sur laquelle la partie charnue est seulement adossée, sans être en aucune facon soudée avec elle, Cette languette très bien déterminée est la langue ou l’épipha- rynx , tandis que la lame extérieure cornée n’est autre chose que la lèvre inférieure : c’est ce que démontre lui-même M. Burmeis- ter lorsqu'il ajoute : « Il n’est pas difficile de reconnaître dans la partie charnue intérieure et libre, une véritable languette, qui adhère par sa base en même temps aux mâchoires et à la lèvre inférieure. » Voila donc pour la langue, que M. Burmeister nomme languette. Le même auteur ajoute, en parlant de la lame extérieure cornée : « On retrouve , dans les deux lobes extérieurs, en partie bi-articulés, de la lèvre inférieure , les galéa des mà- choires, et dans les deux lobes intérieurs , toujours formés d’un seul articie, et en même temps plus étroits et plus courts, on reconnaît les deux mando (intermaxillaires) ; par conséquent la portion basilaire et simple de la lèvre inférieure , ou le véritable menton, est formée par la réunion des deux cardo (sous-maxil- laires) entre eux et avec la tige (maxillaire). » Voilà pour la lèvre inférieure elle-même. Comment , après cela, admettre avec M. Burmeister que la languette se compose d’une. portion inté- rieure charnue, véritable languette, et d’une lame eætérieure cornée qui n’est que la réunion de la languette et du menton ? Ce serait dire que la languette se compose à la fois et de la langue et de la lèvre inférieure. Ge n’est donc pas une languette, d’après la définition de l'auteur lui-même, car il avait commencé par dire : « Que , dans l’échancrure du menton, chez les Coléoptères, il vient se fixer une seconde partie constituante de la lèvre infé- rieure, que l’on appelle la languette (ligula). » Ilexiste donc, d’après les propres recherches de MM. Kirby et Spence d’une part, et de M. Burmeister de l’autre , un organe DANS LES ARTICULÉS. LSs3408 399 distinct de la lèvre inférieure, mais que ces auteurs n’ont pas bien reconnu, Get organe, qu'ils ont vu dans son plus grand état d'isolement et de développement chez les Orthoptères, leur à échappé dans les autres Insectes, bien qu’ils aient cru le retrou- ver dans certaines parties de la lèvre inférieure. Il en résulte que la langue, pour MM. Kirby et Spence, la languette, pour M. Burmeister, n’est pas toujours une partie de la même nature. Cependant M. Burmeister semble parfois avoir été sur le point de reconnaître son erreur. C’est ainsi, par exemple, qu’il dit en parlant des Coléoptères : « Je pense que la languette simple, en forme de plaque plus ou moins échancrée ou même formée de deux articles , se compose particulièrement des deux galéa réunis de chacune des deux secondes mâchoires. » Il s’agit, dans ce cas, de la lèvre inférieure proprement dite; puis l’auteur ajoute : « Tandis que la véritable languette est refoulée profondément dans la cavité de la bouche, mais se trouve ici pareillement réunie d’une manière intime aux mâchoires. » On voit que, dans ce der- nier passage, il est bien question de la langue, et ce qui le prouve encore, c’est la phrase suivante : « Quant aux deux rangées de _ cils qui généralement divergent en avant et que l’on voit d’ordi- naire à la face interne de la lèvre inférieure , elles montrent l'existence d’une véritable languette, et sont sans aucun doute les restes de deux rangées de dents, d’épines ou de poils que l’on remarque dans la plupart des Orthoptères, à la surface de la véritable languette charnue. » Il est évident, par ces citations, que M. Burmeister a distingué la langue de la languette. Dès lors on peut se demander pourquoi ce naturaliste désigne la pre- mière sous le nom de véritable languette, au lieu de lui donner un nom particulier. Il eût évité facilement par là des circon- » locutions comme celle-ci : « La lèvre inférieure des Lamellicorres est formée sur deux types principaux , suivant que l’organe ré- _ sultant de la réunion du galéa, du mando et de la languette proprement dite, est soudé avec le menton ou simplement fixé contre lui, » Il eût évité en même temps l’obscurité qui règne dans tout le chapitre où il est question de la lèvre inférieure, et dans le dernier passage que je viens de citer et qui se réduit à ceci : L'organe provenant de la réunion de la languette et de la langue 396 BRULLÉ. —— TRANSFORMATIONS DES APPENDICES est soudé ou non avec le menton. C’est cet organe mixte que M. Burmeister a nommé la portion linguale (ligulartheil), et qui établit, comme nous le verrons, une grande conformité de struc- ture entre la lèvre inférieure et le labre dans certains Insectes et principalement dans les Coléoptères. Passons maintenant à l’opinion de Cuvier au sujet de la langue : « Dans les trompes allongées des Hyménoptères qui sucent le nectar des fleurs, c’est la langue, dit Cuvier, qui forme la partie essentielle. Dans l’Abeille, dit-il un peu plus bas, les deux premiers articles des palpes labiaux se prolongent et for- ment à la langue un premier étui ; la partie extérieure de la mâ- choire se prolonge pour en former un second : c’est ce que Fabricius a nommé lingua quinquefida. Dans l'Eucère, deux écailles de la base de la langue... se prolongent autant que la langue et la trompe devient septemfida. Même dans ceux où la langue ne se prolonge pas en trompe , elle s’ouvre toujours en dessous , etc. (1). » On voit par ces divers passages que Cuvier envisageait la langue comme l'ont fait de leur côté MM. Kirby et Spence et beaucoup d’autres. M. Duvernoy, dans les additions faites à l’Anatomie comparée, a partagé la même manière de voir, comme le prouve ce passage en particulier : « Dans les Guêpes (Polistes, Latr.), la lèvre semble se prolonger sur les côtés de la langue, pour former les deux pièces latérales de cet appareil, tandis que la pièce moyenne, beaucoup plus large , bilobée... est la langue , proprement dite (2). » La même détermination de la langue a eu lieu dans les autres ordres d’Insectes. Ainsi, Guvier dit, en parlant des Névroptè- res : « Une lèvre inférieure , terminée par une langue simple dans la plupart (3), »et plus loin, au sujet des Panorpes : « La divi- sion de la lèvre inférieure en ganache , ou pièce cornée à sa base... et en langue, ou pièce membraneuse, placée à l’extré- mité.. est ici très marquée (4). » Mais, en parlant des Ortho- ptères, Guvier donne le nom de langue, non plus à l’extrémité de la lèvre inférieure, mais à l’hypopharynx, ou langue proprement dite. Ainsi, «ce qu'on a nommé languette dans les Orthoptères, (1) Anat. comp., éd. 2, t. V, p. 163.— (2) Jbid., p. 166.—(3) Jbid., p. 161. — (4) Jbid., p. 162. DANS LES ARTICULÉS, 397 ou l'extrémité membraneuse de la lèvre inférieure, mérite à peine ce nom ; mais il y a sur elle une vraie langue charnue, libre par sa pointe seulement, et qui rappelle la figure de la langue des quadrupèdes (4). » Cuvier nommait donc languette dans les Or- thoptères ce qu’il appelait langue dans les Hyménoptères et les Névroptères. C’est pourquoi il dit : « Les principales différences des genres (dans les Orthoptères) tiennent à la division de la languette et à l'égalité ou l'inégalité de ses laciniures (2). » M. Duvernoy paraît, de son côté, avoir reconnu la langue dans les Coléoptères; mais il en dit trop peu de chose pour en donner une idée exacte. Voici ses paroles : « Il y a, outre ces parties (le menton, la lèvre proprement dite et la languette), une lan- gue charnue et mobile, située sur le menton, en dedans de la bouche (3). » Ce savant est plus explicite lorsqu'il dit, en parlant de la bouche des Insectes en général : « Sous le labre se voit quelquefois une valvule placée à l'entrée du pharynx, c'est l'épipharynx (4); » et plus loin : « En dedans de la lèvre (inférieure) et très près de l'ouverture du pharynx, se voit quelquefois une lange charnue , dont les fonctions sont analogues à celles de la langue des vertébrés. » Voilà donc enfin les deux espèces de langues, supérieure et in- férieure , indiquées comme deux organes distincts. Il faut dire, cependant , que cette distinction a été faite pour la première fois par M. Savigny, qui, en 1816, s’exprimait ainsi : « Le pha- rynx des Hyménoptères est non seulement caché par la lèvre su- périeure, mais encore exactement recouvert par un organe parti- culier que Réaumur a déjà décrit : c’est une sorte d’appendice membraneux qui est reçu entre les deux branches des mâchoires, Cette partie ayant pour base le bord supérieur du pharynx, peut prendre le nom d’épipharynæ ou d’épiglosse. Dans quelques gen- res, et notamment dans les Eucères, le bord inférieur de ce même pharynx donne naissance à un autre appendice, plus solide que le précédent, et qui s’emboîte avec lui. Je donnerai à ce dernier le nom de langue ou d’hypopharynæ (5). Voilà donc la bouche des (1) Anat. comp., éd. 2, t. V, p. 459. — (2) Jbid., id. — (3) Zid., p. 457. — (4) Ibid., p. 149. (5) Je n'ai pas aperçu cet hypopharynx solide dont parle M. Savigny, bien que 358 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES Hyménoptères composée de quatre organes impairs, sans y com prendre la ganache ou le menton (4), savoir : la lèvre supérieure, l’épipharynx, l’hypopharynx et la lèvre inférieure,et de deux orga- nes pairs, les mandibules et les mâchoires (2). » M. Savigny admet aussi de semblables organes dans les Diptères, dont il dit : L’hypo- pharynx et l’épipharynx sont la soie ou les deux soies intermédiai- res (3). » Et plus loin, en parlant des Hémiptères : « Entre les mà choires se trouve une petite production du pharynx , comparable à la langue charnue des Blattes, des Sauterelles , etc. (4). » Ce même sayant à fait remarquer une erreur qui à échappé à Cuvier dans son Anatomie comparée, et qui, malheureusement , a été reproduite dans la seconde édition de cet ouvrage. Elle consiste à regarder l'ouverture du pharynx comme située en arrière de la langue dans les Hyménoptères, c’est-à-dire en arrière de la lèvre inférieure, Ge serait, suivant lui, un caractère remarquable . de ces Insectes, de ne pouvoir broyer leurs aliments avec leurs mandibules, parce que la nourriture « irait difficilement trouver le dessous de la langue pour être avalée (5). » Par opposition à ce caractère , Cuvier dit que, dans les Coléo- ptères, « l'ouverture du pharynx est percée sur la langue et non en dessous, comme dans les Hyménoptères, de façon que le résultat de la mastication s’y porte naturellement (6). » Et plus loin, en parlant des Orthoptères : « Le pharynx s’ouvre sur la langue et non en dessous, comme dans les Hyménoptères, ce qui fait que ces Insectes sont vraiment masticateurs (7). » je l’aie cherché dans l’Eucera longicornis; il est vrai que c'était dans la femelle. En général, l'hypopharynx me paraît tout-à-fait rudimentaire dans les Mellifères : c'est dans les Fouisseurs qu'il faut le chercher. (1) Mém. sur les anim. sans vert., t. I, p. 13. (2) M. Savigny ajoute en note : « Les Hyménoptères n’ont point de mentum proprement dit; c’est même là uu des principaux caractères de cetordre. » Je ne suis pas d'accord avec M. Savigny sur ce point, et l’on a pu voir, dans la des- cription que j'ai donnée de la lèvre inférieure. que le menton existe chez les Hy-- ménoptères, mais qu'il y est moins développé : c'est la pièce de support de la lèvre inférieure. Voilà la seule diflérence que présentent les Hyménoptères à l'é- gard de la disposition du menton. (3) Mém. sur les anim. sans vert., t. I, p. 414. — (4) Ibid:,:p. 15: (5) Anal. comp., éd. 2, 4, NV, p. 464.—4(6) Jbid , p. 456.—(7) Jbid., p. 159. DANS LES ARTICULÉS. 359 Après cet examen de l'opinion des auteurs au sujet de la langue , je passe à son examen dans les différents ordres d’Insec- tes, Elle est formée , comme les autres pièces de la bouche, de deux mâchoires, ou autrement d’une paire nouvelle d’appendices, plus rudimentaires que la lèvre elle-même, et réduite le plus ordi- nairement à deux lobes garnis de cils, qui ont, dans certains cas, l'aspect des intermaxillaires velus de certaines mâchoires. C’est dans les Névroptères et les Orthoptères qu’elle se montre le plus développée ; elle l’est encore d’une manière remarquable dans certains genres de Coléoptères et d’Hyménoptères; mais en général, dans ces deux derniers ordres , elle est à peu près rudi- mentaire. «. La langue des Névroptères, ou du moins des Libellulines, est fort grande. Elle forme un lobe dont le contour est trapézoïdal et qui ne présente aucune trace de la division en deux portions égales que la théorie doit y faire supposer. Elle est hérissée de poils courts, et se trouve appliquée contre la base de la lèvre inférieure, comme dans le cas le plus ordinaire chez les autres Insectes. 6. La langue des Orthoptères est presque aussi développée que celle des N évroptères; mais elle est divisée dans une partie de sa longueur, de manière à faire reconnaître la présence de deux appendices. Ce sont deux lobes allongés, membraneux et garnis de poils courts, surtout à leur bord interne, dans quelques genres seulement, car dans d’autres ils en sont dépourvus, comme dans les Grillons (Gr. campestris). Ces deux lobes ne sont pas toujours séparés ; c'est du moins ce que montrent les Forficules (Æ. auricularia) , dans lesquelles ils sont soutenus par de petites pièces solides. Nulle part ces lobes ne m'ont paru aussi remar- quables, ni aussi évidemment analogues à deux mâchoires (rudi- mentaires), que dans les Blattes, et en particulier dans le Kakerlac d'Amérique (B. americana ). y. La langue des Coléoptères constitue un organe tout-à-fait indépendant chez quelques uns. Tels sont les Hannetons (Meso- lontha ), chez lesquels la langue est formée de deux lobes allongés et velus , supportés à leur base par une pièce commune qui s’ap- puie elle-même sur deux branches longues et étroites, que 360 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES M. Straus nomme apophyses glosso-pharyngiennes. Ces apophy- ses répondent aux sous-maxillaires ; la pièce commune de la langue, ou le corps de l’organe , represente les deux maxillaires réunis, et les lobes terminaux sont les analogues des intermaxil- laires des mâchoires. M. Straus distingue dans ces deux dernières pièces un lobe antérieur et un postérieur qui ne sont guère à distinguer, Dans les Lamellicornes coprophages , la langue est déjà plus rudimentaire et plus molle, quoique soutenue par des parties s0- lides. Ainsi , les grands Copris d'Egypte (C. Zsidis), où le déve- loppement des palpes labiaux semblerait avoir entraîné l’atrophie presque complète du corps de la lèvre, ont en avant du menton, c’est-à-dire à sa face maxillaire ou interne , deux grands lobes velus et membraneux au bord interne, solides au contraire au bord opposé, qui semblent une répétition de la lèvre elle-même ; ce sont les intermaxillaires. La langue, dans ce cas, est un organe de forme conique , en grande partie membraneux et situé à la base de ces lobes intérieurs. C’est encore à peu près ce que l’on remarque dans les Géotrupes (G. stercorarius, etc.), dans les Ateuchus et autres. Cependant la langue des Coléoptères n’est pas toujours à beaucoup près aussi isolée ni aussi distincte que dans les Insectes que je viens de citer. Elle est réduite, la plupart du temps, à deux rangées de poils qui sont appliquées contre la languette , à peu près comme les lobes mandibulaires sont fixés sur le labre dans les espèces à lèvre supérieure épaisse : c’est ce qu’on voit dans les Carabiques, où le lobe médian de la lèvre inférieure, formé par les intermaxillaires, vient se placer entre les deux lobes de la langue ; c’est ce qu'on voit encore dans les Nécrophores, chez lesquels les deux lobes linguaux sont situés à la base de deux autres lobes très velus, qui représentent les galéa de la lèvre inférieure. La même disposition se retrouve encore dans les Hister, dans les Staphylins. Les Longicornes ont souvent la face interne de leur lèvre inférieure entièrement tapissée de poils, qui semblent appartenir à l’hypopharynx. C’est surtout cet hypopharynx , ou langue, qui forme la saillie que l’on remarque dans les Saperdes et autres genres, à la base de la lèvre inférieure. D DANS LES ARTICULÉS. FT. 361 La disposition de l'hypopharynx-en deux lobes, appliqués à la face interne de la lèvre, est la plus ordinaire dans les Coléoptères. Il arrive cependant aussi que cet organe est tout-à-fait atrophié ; c'est le cas du genre Cicindèle, Dans les Anthia , la langue est encore rudimentaire et indiquée par trois lobes velus, fort courts à la vérité, qui sont situés à la base de la lèvre et s’en distinguent facilement, parce que celle-ci est tout-à-fait dépourvue de poils. Enfin, comme dernier exemple, je citerai les Passales, chez lesquels la langue n’est représentée que par deux plaques de poils asséz rares, situées de chaque côté de la face inférieure de la lèvre. à. La langue des Hyménoptères est quelquefois rudimentaire, et semble d'autant plus atrophiée que la lèvre inférieure a pris un plus grand développement. Aïnsi, cette langue est, dans les Melli- fères, une portion plus ou moins molle et velue, située à la base de la lèvre, avec laquelle elle a des rapports de continuité ; sa membrane est soutenue par des pièces glosso-pharyngiennes, semblables à celles de certains Coléoptères, comme on le voit en particulier dans les Bourdons et les Xylocopes. En général, la langue ou hypopharynx m'a paru rudimentaire dans les Mellifères et même dans le genre Eucère , où M. Savigny dit que cette pièce est solide (1); mais dans les Fouisseurs ( Sphexæ, Pepsis, Scolies), elle est si développée et représente si bien la lèvre membraneuse et molle, plus ou moins bilobée , de certains Crustacés, que son existence prouve suffisamment en faveur de la signification que j'ai attribuée à la partie moyenne de la lèvre inférieure. Celle-ci, en effet, ne saurait être, dans les Hyménoptères , la véritable langue, puisque celle-ci se montre en arrière du pharynx. M. Savigny devait, sans aucun doute, partager cette manière de voir, puisque l’hypopharynx est pour lui la même pièce que la langue. $ VI. De l’épipharynx. Cette partie de la bouche des Insectes est encore moins connue que la précédente, bien qu’elle ait déjà été signalée sous le nom (4) Mém. sur les anim. sans vert.,t. EF, p. 42. 3e série Zoo. T. IE. (Décembre 1844.) 24 362 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPÉNDICES que je lui conserve, M. Savigny , qui l’a mentionnée le premier sous ce nom , l’appelle aussi épiglosse , et Latreille épiglotte. C’est encore le même organe que M. Savigny appelle langue dans les Crustacés. Il tient quelquefois lieu de lèvre supérieure, ainsi que cela arrive dans les Aranéides, où cette lèvre n'existe pas. L’épipharynx est bilobé dans les Crustacés et simple dans les Aranéides. Latreille, en parlant des lobes de l’épiglotte des Crus- tacés, dit qu’ils sont les analogues des lobes des mâchoires, et que , d’après sa forme et sa situation, il ne croit pas qu’on puisse assimiler l’épiglotte à la lèvre des Insectes (1). Ce savant ento- mologiste était moins exact quand il désignait encore sous le nom d’épiglotte la pièce molle et charnue située derrière la lèvre inférieure, c’est-à-dire à sa face interne, dans les Aranéides, les Scorpions, les Orthoptères, les Libellules; car, dans ce cas, la pièce qu'il avait en vue est située de l’autre côté du pharynx, et ne peut, par conséquent, pas être la même que celle qui est placée au-dessus, ou l’épipharynx. On a donné aussi à l’épipharynx le nom de langue, lorsqu'il se détache de la lèvre supérieure, C’est du moins ce que paraît indiquer un passage de MM. Kirby et Spence (2), d’après le- quel la langue serait située au-dessus du pharynx, et se montre- rait ainsi dans les Lamellicornes (Introd. pl. XXVI, fig, 26, 29, e), On voit, en effet, par la fig. 29 de la planche citée, que la langue en question est réellement l’épipharynx suivi même de ses deux supports (glosso-pharynx supérieurs ou sous-maxillaires). Mais lorsque ces deux savants ajoutent que , dans quelques Hyméno- ptères, la langue sort du labium (Introd. PI, VIT, fig. 2, 3, é), il est évident qu'ils ont fait la même confusion que Latreille, en désignant sous le nom de langue, tantôt l’épipharynx, tantôt l’hy- popharynx, c’est-à-dire deux organes situés d’une manière essen- tiellement opposée à l'égard du pharynx : c’est ce que rend plus manifeste encore cet autre passage où il est dit que, dans un très grand nombre d’Insectes, la langue semble adhérer au labium, dont elle forme la face interne. Nous avons vu que cette disposi- tion est, en effet, celle de l’hypopharynx. (4) Dict. d'Hist. nat., éd. Deterville, art. Boucue. (2) Introd. to Entomol., III, 358. DANS LES ARTICULÉS, 363 C’est encore l'épipharynx que Latreille a nommé sous-labre. Réaumur regardait cet organe comme la langue dans les Abeilles, où il est charnu et peut changer de forme. MM. Kirby et Spence disent avoir trouvé, dans une espèce de Harpalide , l'épipharynx semblable à celui des Hyménoptères; mais ce fait exceptionnel laisse à regretter que les auteurs anglais n’aïent pas mentionné le nom de l’espèce qui le leur a présenté, L'épipharynx se présente sous deux états différents, comme l’hypopharynx, c’est-à-dire que tantôt il est complétement sé- paré du labre, et tantôt il lui est adhérent, Le premier cas est celui des Hyménoptères en général, C’est une pièce membraneuse de forme variable, simple ou bifide, soutenue par deux apophyses glosso-pharyngiennes, et mise en mouvement par des muscles qui s’attachent à ces apophyses, Je ne la connais pas à l’état de val- vule cornée, comme le mentionnent MM, Savigny et Latreille, Le cas d’épipharynx adhérent au labre est le plus ordinaire; c’est ainsi qu’on le trouve constamment dans les Coléoptères, les Or- thoptères et les Névroptères, a, Hyménoptères. — Tandis que, dans la plupart des Coléo- ptères et dans tous les Orthoptères et les Névroptères, l’épipha- rynx est une partie à peine reconnaissable, cet organe acquiert dans les Hyménoptères un développement remarquable, Dans les Mellifères , l’épipharynx constitue un lobe membraneux plus ou moins saillant, tout-à-fait distinct, ne tenant à la lèvre supé- rieure que par sa base, et pourvu de pièces glosso-pharyngiennes, qui représentent les sous-maxillaires, I s’avance d'autant plus sur l’ouvérture du pharynx que l’hypopharynx est plus rudimentaire. C’est pourquoi, dans les Fouisseurs, où l’hypopharynx est aussi développé que l’épipharynx, ce dernier ne forme plus qu’une sorte de lèvre plate plus ou moins bifide, tandis qu’elle est simple et comme vésiculeuse dans les Mellifères (1). 6. Coléoptères. -— Réuni au labre, ce qui constitue sa seconde (4) Cet épipharynx vésiculeux et mou des Mellifères se trouve aussi dans les Crustacés décapodes , où il est réuni à cette espèce de lèvre supérieure, plus ou moins solide, qui est située au-dessus ou entre les mandibules. — C'est encore à l'épipharynx que répond la lèvre supérieure des Arachnides. 36/4 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES manière d’être dans les Insectes, c’est surtout ainsi que l’épipha- rynx se présente dans les Coléoptères. Il est alors appliqué contre la face interne ou mandibulaire du labre, comme l’hypopharynx à la face interne ou maxillaire de la lèvre, C'est lui qui forme, dans les Æteuchus, ce lobe médian, revêtu de poils, surtout au bord supérieur de la lèvre même. Cet épipharynx, très visible dans les Æteuchus à cause de la transparence. de la lèvre, est ce- pendant plus développé dans d’autres Coléoptères ; tels sont les Géotrupes (G. stercorarius), telles sont encore les grandes espèces de Copris (Zsidis), dans lesquelles l’épipharynx forme un bourrelet saillant sur toute la ligne médiane du labre. En général, cet or- gane est bien développé dans les Lamellicornes coprophages. Ilne l’est plus, au contraire, dans les autres Lamellicornes, tels que les Macraspis, les Hannetons surtout (Melolontha), les Scarabées, les Passalés, On ne peut alors le retrouver que dans l’espace moyen qui sépare les deux lobes mandibulaires du labre, avec lesquels il se réunit à la base. C’est également ainsi qu’il se présente le plus ordinairement dans les autres familles de Coléoptères, ce qui veut dire qu’il est presque toujours atrophié. Il n’en est pas de même, toutefois, dans les Scarites (S. pyracmon), chez lesquels le lobe moyen de la lèvre supérieure, qui représente l’épipharynx, est au moins aussi développé que les lobes mandibulaires eux-mêmes. Cette disposition est d'autant plus remarquable qu’elle n’existe pas dans d’autres Carabiques à lèvre supérieure trilobée, les Pro- crustes, par exemple. La différence de structure que présente le labre de ces deux genres de Coléoptères doit nécessairement cor- respondre à une différence dans leur mode d’alimentation. Enfin, dans les Dytiques (D. marginalis), l’épipharynx est recu dans une excavation de peu d’étendue, qui est située væs le bord supérieur du labre, entre les deux grands lobes mandibulaires, Ici, l’épi- pharynx ne consiste guère qu’en une toufle de poils; déjà même dans le g. Cybistes, qui est si voisin des Dytiques, la touffe de poils a disparu. Il n’en reste que l'emplacement, sur lequel se montrent de petits poils roides et courts. On remarque dans les Cérambyx (C. heros) une petite touffe de poils semblable à celle des Dytiques, et située de la même manière. Enfin, les Hydro- Le ‘once cfntie se leds DANS LES ARTICULÉS. : D6E philes (H. piceus) ont au bord supérieur du labre une excavation linéaire , véritable fente, d’où sortent des poils courts qui ne me paraissent pas représenter l’épipharynx. On doit plutôt le recon- naître dans la partie médiane de la lèvre , où se trouvent super- posées, de la base au bord opposé, plusieurs parties saillantes , dont la plus inférieure, et en même temps la plus développée, fait corps avec les lobes mandibulaires de la lèvre. De chaque côté de cette espèce de support, il existe une pièce glosso-pharyn- gienne qui n’atteint pas l’épipharynx, mais qui se perd dans les téguments communs de la bouche. y. Orthoptères. — L'épipharynx des Orthoptères est rudimen- taire, du moins dans les Sauterelles (L. viridissima) , car dans les Gryllons (G. campestris), il est un peu plus développé. Il est situé à la base du labre entre les deux lobes mandibulaires. En général, ilest confondu avec la lèvre inférieure, dont il forme en partie la face mandibulaire ou interne. d. Névroptères. —L'épipharynx est disposé ici comme dans les Orthoptères , c’est-à-dire qu’il est rudimentaire et ne se distingue pas de la face interne de la lèvre supérieure. C’est probablement lui qui en constitue la portion médiane , comme cela a lieu dans les Coléoptères, et, par analogie, dans les Orthoptères. NOTE A. — Les passages qui suivent viennent à l'appui des considéra- tions que j'ai présentées sur la transformation des appendices dans les Crustacés. | « Les pattes provisoires de l’/saura cycladoïdes, dit M. Joly (Annales des sciences nut., 2 série, t. XVII, p. 328), deviennent des antennes en rames, c’est-à-dire que, sous cette nouvelle forme, elles sont à la fois des organes de rotation, de toucher, et peut-être aussi de respiration, comme elles l’étaient dans l’origine. Les pattes de la seconde paire, au contraire , qui étaient en même temps natatoires, manducatrices et respi- ratoires, ne servent plus qu’à la manducation. Vorlà donc de véritables pieds changés, les uns en antennes, les autres en mandibules. » « Nous pensons, dit ailleurs le même auteur ( Annales des sciences nat. , 2° série, t. XIX, p. 70), que les organes essentiellement locomoteurs que nous avons désignés (dans la larve de la C'aridine) sous le nom de pattes bifides. …. se transforment dans la suite en mâchoires auxiliaires ; nous pensons enfin que cette larve est privée, non seulement de pattes abdo- minales , mais encore de pattes thoraciques. » « IL nous semble donc très probable, ajoute M. Joly (p. 71) que : 1° les trois paires de pattes bifides de la larve sortant de l'œuf, se changent 366 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES plus tard en mâchoires auxiliaires ; 2 les pattés thoräciques, dont l'appari- tion est plus tardive, commencent elles-mêmes par être bifurquées, etc. » J'ajoutérai à ces passages un fait des plus remarquables, et qui ressort encore des recherches de M. Joly, c’est que, dans lés Caridines, les pattes bifides , ou celles qui se changent par la suite en mâchoires auxiliaires, se montrent dans l’œuf avant les vraies mâchoires. Or, la structure de ces pattes bifides sera plus complexe que celle des mâchoires, ce qui explique leur plus prompte apparition, d’après la loi que j'ai indiquée. Il faut noter d’ailleurs qu'au moment où ils se montrent, tous ces appendices ont absolument la même forme. Je terminerai cette note par un passagé du travail de M. Dujardin, relatif aux métamorphoses du Porcellana longicornis. L'auteur dit, en parlant de la larve de ce Crustacé : « Il n’y a point encore ici d’appen- dice thoracique, ni pieds, ni branchies ; il n’y a que deux paires d’an- tennes et cinq paires d’appendices buccaux , au lieu de dix que l’on doit trouver plus tard. Ces appendices, ainsi que les antennes, sont garnis de soies...… et servent sans doute à la respiration, en attendant qu'ils soient modifiés pour contribuer à la manducation. » (Comptes-rendus, 1843, t. XVI, p. 1025). NOTE B. — Les changements les plus remarquables que présentent les mâchoires des Coléoptères ont lieu dans les palpes , l’intermaxillaire et le galéa. On sait qne la forme des palpes est employée comme caractère de genre dans les ouvragés descriptifs. Il en est à peu près dé même du galéa, quoiqu’on l'ait considéré moins fréquemment. Quant à l’intermaxil- laire, on en a fait usage moins souvent encore. Ces trois parties de la mà- choire sont importantes dans les travaux de classification. Je ne dis rien ici de la forme des palpes, parce qu’elle est à peu près généralement connue. Le galéa leur ressemble beaucoup dans les Coléoptères carnassiers, où il est formé de deux articles ; mais d’autres Insectes du même ordre offrent aussi cette disposition dans le nombre des articles du galéa, bien qué chez eux il ne soit pas palpiforme. Dans les Hannetons (Melolontha fullo , vulgaris) et autres genres lignivores ou phyllophages, le galéa, formé d'une seule pièce, est armé de plusieurs grosses dents à la manière des mandibules de certains Coléoptères et Orthoptères herbivores. Dans les Coléoptères qui se nourrissent de sucs végétaux ou animaux , le galéa, au contraire, se termine en un bouquet de poils. Cette pièce ne manque dans aucun cas, bien qu’on ait prétendu le contraire. Ainsi, les Cétoines de nos pays ont un galéa aussi bien que les 7richius, et je m'étonne que M. Straus ne l’ait pas reconnu. Il n’y a même pas de différence essen- tielle dans la forme du galéa de ces deux genres d’Insectes. D’où vient donc que M. Straus dit que le galéa n’existe point chez les Cétoines (1)? Le seul cas dans lequel on pourrait croire à l'absence du galéa , c'est lorsque cette pièce est soudée avec l’intermaxillaire, comme dans le Scarabtus hercules, Y'Acrocinus longimanus, etc. Dans les Pselaphus, au contraire , le galéa est très développé et quelquefois plus grand que le palpé même. L'intérmaxillaire varie beaucoup aussi, soit sous le rapport de sa con- figuration, soit à cause de la mobilité ou de l’immobilité de la pièce qui le termine, et que M. Straus, lorsqu'elle est mobile, a nommée prémaxil- (1) Anat. comp. des anim. articulés, p. 229. DANS LES ARTICULÉS. 367 laire, Cette pièce, comme on le sait, est articulée et mobile dans presque toutes les Cicindelètes; mais cette disposition se rencontre également dans d’autres Coléoptères, tels que l’Æydrophilus piceus et les Lamelli- cornes coprophages. La forme et la consistance de ce prémaxillaire varient beaucoup ; mais il est, en général , soudé avec l’intermaxillaire, dont il forme le crochet terminal. Suivant MM. Kirby et Spence (1) les mâchoires des Coléoptères n’ont quelquefois qu'un seul lobe ; exemple : les Scarabéides, les Némo- gnathes, etc. Ceci est vrai plutôt en apparence qu'en réalité. Dans ce cas, en effet, l’intermaxillaire n'est pas toujours saillant ; mais il existe tou- jours, quoique réuni au sous-galéa. C’est le cas des Lucanes et genres voisins, ainsi que d’autres groupes de Coléoptères, dans lesquels l’inter- maxillaire et le galéa sont dans un rapport de développement inverse (2). On retrouve cette disposition dans quelques Téléphores d'Amérique et dans les Ripiphores (3), et sans doute aussi dans les Némognathes, que je n'ai pu examiner. De plus, MM. Kirby et Spence disent qu'il n’y a qu'un seul lobe très court à la mâchoire des ZZister, C’est une erreur facile à reconnaître, et du même genre que celle que M. Straus a commise à l'égard des Cétoines. Les Gyrins n’ont aussi qu’un seul lobe , d’après les mêmes auteurs, lobe « qui représente une mandibule en forme de dent canine (laniairy) et qui est angulaire et aigu. » Or, en examinant la mà- choire de ces Insectes, on reconnaît que ce lobe est le galéa , sous la forme d’une dent robuste et pointue ; mais on trouve en dehors de cette dent , ou mieux , au côté interne de la mâchoire, un intermaxillaire indi- qué par une saillie revêtue de poils roides. On observe une disposition semblable dans les Dytiques, avec cette différence que, dans ces Insectes, l'intermaxillaire fait moins desaillie. Enfin, dans le Scarabée hercule, sui- vant MM. Kirby et Spence, les mâchoires n’ont qu’un seul lobe armé d’épi- nes aiguës. Ce lobe unique est le galéa, et l’intermaxillaire, quoique peu saillant , existe réellement ; mais il est réuni au maxillaire avec le sous- galéa et même le galéa , qui ne forment dans ce cas qu’une seule pièce. Je terminerai cette note par une dernière remarque au sujet du galéa, M. Lacordaire , dans son /néroduction à l'entomologie, dit que « M. Straus applique ce mot (dé galéa) au lobe terminal tout entier, #nnovafion , ajoute M, Lacordaire , donf nous ne voyons pas la nécessité, Avec Latreille, nous lui conservons la signification qu'il a toujours eue depuis sa créa- tion (4). » Il y à là quelque méprise dont je ne puis me rendre compte , car il est évident que le galéa de M. Straus répond exactement au lobe supérieur ou interne des entomologistes, et au vrai galéa des Orthoptères. Ce que dit en outre M. Lacordaire (5) au sujet de la mâchoire des Wa- craspis , Semblerait prouver qu'il a regardé l'intermaxillaire comme une (1) Introd. to Entom., t.. IE, p. #42. (2) Dans certains groupes de Coléoptères, tels que les Prioniens et les Luca - nides, les mâchoires présentent en quelque sorte les conditions rudimentaires des pieds-mâchoires des Scorpions, des Araignées et des Limules. Leur premier ar- ticle, ou la hanche , est moins fractionné que d'ordinaire; il est presque rudimen- taire, tandis que la portion articulée, ou le palpe, s’est développée dans une plus grande proportion. 3) Hentz. à T. I, p. 298, en note. 5) Ibid, p. 298. 208 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES des parties du. galéa. Peut-être cet auteur entend-il par lobe terminal l’ensemble des deux lobes de Latreille et de MM. Kirby et Spence, c'’est- à-dire l'intermaxillaire et le galéa, On s’expliquerait alors pourquoi M. Lacordaire dit en outre que le lobe terminal des mâchoires est simple dans le Melolontha vulgaris et les Scarabées, Ge lobe terminal n’est que le galéa , qui est simple aussi dans les Macraspis ; mais, dans ces Insectes, outre le galéa , on reconnait facilement l'intermaxillaire, qui est le lobe inférieur pour M. Lacordaire lui-même. Dans ce cas , comment ce même lobe, qui est l’interne ou l’intermaxiliaire, peut-il correspondre au galéa des Orthoptères et au palpe interne des Goléoptères carnassiers, qui forment leur lobe externe ? IL y a nécessairement eu ici quelque con- fusion, et la note relative à la détermination de M. Straus se trouve désormais sans valeur. NOTE C. — On retrouve dans un groupe fort remarquable d’Articulés , les Pycnogonides, la même disposition d’appendices que dans les Arach- nides, c’est-à-dire qu’il y a quatre paires d’appendices locomoteurs constants. C’est le cas des Pycnogonons et des Phoxichiles. Au devant se trouve quelquefois (Nymphons ) une paire d’appendices chélifères comme les palpes des Scorpions, mais pourvus eux-mêmes d’un palpe, ce qui en fait de véritables pieds-mâchoires , dans lesquels la portion interne, ou celle qui se termine en pinces, représente la série interne de la mà- choire des Crustacés décapodes. Les appendices chélifères sont d’ailleurs quelquefois dépourvus de palpes, comme dans les Pallènes (John) et les Phoxichilides (M. Edw. }, qui sont, sous ce rapport, dans les mêmes conditions que les Arachnides, c’est-à-dire dépourvus de palpe. Ainsi, les Pycnogonides se partagent évidemment en deux groupes distincts, les uns n’ayant que quatre paires d’appendices, et les autres un plus grand nombre, surtout si l’on considère les appendices ovigères qui ne se montrent que dans lesfemelles. La forme et la position de ces appendices sont fort remarquables et rappellent très bien celles des antennes , aux- quelles on doit sans doute les comparer. Mais ce qu’il y a de plus saillant dans les Pycnogonides, c’est l'ambiguïté de leurs caractères, par suite de laquelle on les a promenés des Crustacés aux Arachnides, et réciproque- ment. Ce fait seul prouve que les Pycnogonides tiennent de chacune de ces deux classes , sans y rentrer complétement : c’est ce que démontrent d’ailleurs certains caractères, tels que l’absence d'organes de respiration, mais surtout la position des yeux , qui sont situés, non pas sur la tète ou sur le premier anneau du corps, mais bien sur l'anneau suivant. Cette disposition singulière et tout-à-fait insolite pourrait faire regarder les Pycnogonides comme des Arachnides dépourvues d’une apparence de tête ; c'est dans ce sens seulement que serait justifiée l'opinion de M. Sa- vigny, savoir : que les Arachnides sout des Articulés dépourvus de tête. NOTE D. — La bouche des Myriapodes se laisse ramener au cas de la bouche des Insectes et des Crustacés, en admettant la supposition que Ja lèvre proprement dite est double dans les Myriapodes. On trouve alors, indépendamment de la lèvre supérieure, qui est rudimentaire dans les Myriapodes comme dans la plupart des Crustacés : 1° une paire de man- dibules ; 2° deux paires de mâchoires réunies dans la lèvre proprement dite; 3° deux paires de mâchoires auxiliaires formant les deux lèvres accessoires. Ainsi, les Myriapodes ont, de la bouche des Insectes, les trois DANS LES ARTICULÉS. 269 paires d’appendices qui viennent après le labre, et de la bouche des Crusta- cés, deux paires d'appendices accessoires ou lèvres auxiliaires. Cette manière simple de considérer la bouche des Myriapodes, qui est due à M. Savigny, n’a pas été généralement admise. Cuvier, d'abord, dans son Anatomie comparée, paraît avoir dit le premier que la lèvre pro- prement dite des lules est composée de la lèvre inférieure et des mà- choires soudées ensemble ; mais il n’a pas reconnu cette lèvre complexe dans les Scolopendres. 11 la regarde, chez les Articulés. comme de simples mâchoires sans palpes, ayant une paire de palpes sous elles (1), c'est-à-dire après elles. 11 admet enfin une grande lèvre inférieure, dont les palpes articulés et pointus forment ensemble une forte pince. En sorte que la bouche des Scolopendres se composerait, suivant Cuvier, de mandibules, de mâchoires ayant leurs palpes détachés et situés au-dessous ( en arrière ) d'elles et d'une grande lèvre inférieure ; par conséquent, aucune analogie entre la bouche des Iules et celle des Scolopendres, puisque Cuvier admettait dans cette dernière deux parties de plus que dans la première, savoir : les palpes de la prétendue mâchoire simple et la grande lèvre formant une pince. Je ferai remarquer seulement que la paire de palpes admise à l’état d'isolement par Cuvier, c'est-à-dire comme étant séparée des mâchoires , doit être considérée comme formant une paire d'appen- dices bien distincts, une véritable lèvre ( Savigny). Elle trouve son ana- logue dans une patte un peu modifiée chez les Iules, et située immédiate- ment après la lèvre proprement dite. M. Duvernoy, dans la 2° édition de l’'Anafomie comparée, ajoute à ce que dit Cuvier de la grande lèvre en pinces des Scolopendres, que « cette pré- tendue lèvre inférieure externe, ou deuxième lèvre auxiliaire, suivant M. Savigny , est un anneau du corps, dont le développement est propor- tionné aux muscles du premier article du crochet qu'il devait contenir. La lèvre proprement dite, ajoute-t-il, consiste en deux petits articles dentelés à leur bord, qui sont articulés sur cet anneau (2). » Il résulterait de cette interprétation que le prétendu anneau porterait deux sortes d'appen- dices, savoir : une lèvre , celle décrite par M. Duvernoy, et une paire de pattes, ce qui est contraire à toute espèce d’analogie. En effet, s’il existait à la fois une paire de pattes et une lèvre , la paire de pattes ne saurait être qu’une dépendance de la lèvre, dont elle constituerait les appendices, et la réunion de ces pattes avec la lèvre formerait précisément ce qu'a admis M. Savigny. Que la petite lèvre de M. Duvernoy soit ou non articulée, peu importe; elle ne saurait être autre chose qu'une des pinces qui forment, par leur réunion, le corps de la mâchoire ou la moitié de la grande lèvre accessoire elle-même. Enfin , M. Straus, dans son Zraité d'anat. comp. (1, 205), semble avoir basé en partie son opinion, à l'égard de la bouche des Scolopendres, sur celle de Cuvier. Suivant lui, les organes masticateurs des Chilopodes, et spécialement des Scolopendres, se composent d'un labre, ou lèvre supérieure , de deux #andibules, de deux mâchoires et d'une lèvre infé- rieure ; parties, ajoute-t-il, qui se retrouvent chez les Insectes broyeurs , où ces organes ont été ainsi nommés; et ces noms, une fois établis, ont (1) Anat. comp, 2° éd., t. V, p, 153.—Et, deux pages auparavant, on trouve: « Le genre Scolopendre est le seul où il y ait des palpes au-dessous des mâ- choires, sans étre attachés à ces organes. » (2) Jbid, 370 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES dû être également appliqués à leurs analogues chez les Myriapodes , quoique leur disposition ne soit pas absolument la même, surtout pour les deux derniers, qui devraient, vu leur disposition, changer leurs noms. » L'assertion de M. Straus, à l'égard de la position des mâchoires et de la lèvre inférieure , et surtout à l’égard de la composition des mâchoires, s'appuie sur une manière de voir aussi étrange que celle de Cuvier, qui transportait les palpes après les mâchoires. M. Straus, à son tour, transporte les palpes avant les mâchoires , et pour lui, les mâchoires sont la grande lèvre auxiliaire ou la lèvre en pinces de Cuvier, tandis que les mâchoires de Cuvier sont la lèvre inférieure dé M. Straus. On voit qu’il n'y a de commun entre Cuvier et M. Straus que l’idée de séparer les palpes de la mâchoire à laquelle ils appartiennent , suivant eux. « Les mâchoires des Scolopendres, dit M. Straus, sont deux très grands crochets placés latéralement sous les mandibules, mais insérés. sur le second segment céphalique, dont ils sont bien évidemment les pattes transformées. Elles se portent en avant et se recourbent en dedans, en se mouvant également de côté, pour servir à saisir et à dépecer la proie. » Or, ces prétendues mâchoires ne sont pas placées sous les mandibules,. mais bien en arrière d'elles, et élles en sont séparées par deux sortes d'appendices, savoir : la lèvre, pour M. Straus, et les palpes des mâ- choires. « Immédiatement en arrière de ces crochets, ajoute M. Straus, (bien que ce soit én avant, en partant des yeux), le même segment paraît porter une petite paire de pattes semblables à celles du reste du corps, mais ne servant pas à la locomotion. Ces pattes appartiennent très probablement à un troisième segment, qui a en grande partie disparu en se confondant avec le second céphalique, et dont les pattes sont devenues les palpes maxillaires, ainsi qu'on le reconnaît assez facilement en comparant ces parties aux organes buccaux des Insectes. » Les pattes, devenues palpes maxillaires, n’appartiénnent certainement pas plus aux mâchoires qui les suivent ( Straus) qu’à celles qui les précèdent ( Cuvier ). Elles feraient certainement double emploi avec les appendicées de l’une où l’autre de ces mâchoires. Elles ont d’ailleurs leur insertion très distincte sur une portion basilaire qui constitue la première lèvre acces- soire de M. Savigny. Or, deux paires d’appendices, placées l’une à la suite de l’autre, répondent évidemment à deux organes distincts ; il y a donc ici quelque chose de plus que Cuvier et M. Straus ne l’admettent ; il y a une lèvre ou une paire de mâchoires, ce qui revient exactement au même. Voyons maintenant où M. Straus place la lèvre inférieure. « La lèvre, dit-il, qui, chez les Insectes, ferme la bouche en dessous, est au con- traire placée, chez les Scolopendres, entre Les mandibules et Les mâchoires, et cachée par cés dernières. Cette lèvre ressemble beaucoup, pour la forme, aux mâchoires, mais elle est beaucoup plus petite, et porte de même un palpe en forme dé petit pied. » Évidemment, les choses étant disposées comme le prétend M. Straus, l'organe qui représente pour lui les mâchoires étant placé à la suite de la lèvre, il devrait constituer au moins uné paire de mâchoires auxiliaires, et comme ces mâchoires sont soudées par leur base, il en résulte qu’elles forment une lèvre. Pourquoi donc M, Straus lui refuse-t-il ce nom , puisqu'il le donne à la première lèvre et que, d’ailleurs, il trouve une grande ressemblance entre la lèvre et les mâchoires? C’est que, pour M. Straus, le corps de la grande lèvre auxiliaire des Scolopendres constitue le second segment DANS LES ARTICULÉS. we 371 céphalique ; opinion qui rappelle la manière de voir , citée plus haut, dé M. Duvernoy. En définitive, il y aurait, dans la composition de la bouche des Scolo- péndres, d’après les idées de M. Straus, une simplicité apparente qui réduirait cette bouche à celle des Insectes ; mais il faudrait admettre pour cela : 4° une transposition, que rien ne justifie, entre la lèvre inférieure et les mâchoires : 2° une insertion particulière pour les mâchoires et une äutre pour léurs palpes (1), qui seraient fixés immédiatement sur une portion du troisième segment céphalique ; 3° enfin, l'insertion également iminédiate dés mâchoires sur un deuxième segment céphalique. Or, ces suppositions ne sont pas admissibles, et d’ailleurs, comment les mâchoires peuvent-elles être situées Sur lé deuxième segment céphalique, tandis que leurs prétendus palpés, situés avant elles, seraient attachés à un troisième segment ? APPENDICE, Jé terminerai ce Mémoire par l'examen de quelques passages dés travaux de M. Okén, qui ont rapport au sujet. « Quoique depuis plus de dix ans déjà, dit M. Oken, j'aie dé- montré que les deux (paires de) mâchoires des Insectes et leur lèvre inférieure ne sont que les trois paires de pattes thoraciques répétées et que toutes les parties de la bouche, trompe, bec, lan- JE , he sont autre chose que des mâchoires réunies. etc. » (Isis, 818, p. 447.) — Et ailleurs, « Lorsqu'il existe cinq paires de paltes ou davantage, comme dans les Écrevisses, il y a autant de paires de mâchoires. » (Manuel de philosophie naturelle , 2° édition, n° 3349.) La répétition des pattes thoraciques ne saurait avoir lieu d’une manière exacte qu’en faisant abstraction de la lèvre supérieure et des deux appendices du pharynx. Alors, il y aurait, dans les Insectes seulement, autant de mâchoires que de pattes. Mais si, comme le dit M. Oken lui-même , toutes les parties de la bou- che sont formées dé mâchoires réunies, il en résulte que, dans les Insectes, il y a six paires d’appendices à la tête, sans y com- prendre les antennes, tandis qu’ils n’en ont que trais à leur thorax. % (1) C'est sans doute cette structure présumée des mâchoires dans les Scolo- — pendres qui a fait dire à M. Straus que les mâchoires des Insectes sont formées de — deux paires de pattes. C'est encoré pour la même raison qu'il regarde le galéa de ces mêmes Insectés comme « un second palpe plus interne, l'analogue dés grands crochets des mâchoires des Scolopendres , représentant, comme ce der - nier, la première paire de pattes qui entre dans la composition des mâchoires. » C’est enfin par suite de cette définition du galéa que le palpe représente , suivant le mémé auteur, « l'extrémité de la seconde patte qui constitue la mâchoire. » (P. 210.) Ainsi la première des deux pattes qui entrent dans la composition d'une mâchoire est la plus postérieure; la seconde est la plus antérieure : celle-ci représente le palpe, et l'autre le galéa, L'étude de la structure des mâchoires ne permet pas d'admettre cette conclusion , qui n’est même pas plus applicable aux Mÿriapodes qu'aux autres Articulés. 372 BRULLÉ. — TRANSFORMATIONS DES APPENDICES Ilest donc difficile de trouver dans le nombre des appendices la démonstration de cette autre proposition de M. Oken, savoir, que la tête n’est que la répétition du tronc (Zsis, p. 478). On peut dire avec ce savant que les pattes se répètent dans la tête (Zsis, h80), bien que les palpes ne paraissent pas correspondre aux tarses, comme le pense M. Oken. Mais lorsqu'il ajoute « que les ailes se reproduisent dans la tête sous la forme d’antennes, et qu’ainsi la tête des Insectes est un thorax complet ( Manuel de philos. nat., 2° édit., 3351), il est à remarquer que rien ne milite en faveur de cette opinion. Au contraire , la place qu’occupent les antennes dans les Crustacés indique que ce sont bien des ap- pendices de la face inférieure du corps, comme l’a fait remarquer M. Milne Edwards. Or, il est difficile d'admettre que ces appen- dices ne soient pas dans les Myriapodes et dans les Insectes ce qu'ils sont dans les Crustacés, bien que leur position ne soit plus la même. * Il serait difficile d'appliquer aux Myriapodes ce que dit M. Oken au sujet de la répétition dans la tête des appendices du thorax. Il 1 y à ici évidemment moins de parties à la bouche qu’il n’y a de pattes au thorax. Mais peut-on expliquer cette anomalie par le. défaut de développement, par l’atrophie des membres qui devraient se trouver à la tête, comme le pense M. Oken? c’est ce dont il est permis de douter. Il faut avouer du moins que cette interpréta- tion ne s’appuie sur aucun fait connu. Après ces remarques critiques, qui n’ont d'intérêt qu’en raison même du grand mérite des travaux auxquels elles s’appli- quent , je me plais à citer les propositions suivantes : « Les pattes des Insectes ne sont autre chose que les antennes annelées des Vers, devenues plus solides. » « Puisque les membres des Insectes sont les antennes des vers devenues solides , il faut peut-être les comparer aux côtes ; de là leur nombre considérable. » (Fsis, p.479.) « Comme les membres des Insectes ne sont autre chose que les soies latérales du Ver, et sont creux par conséquent, on ne peut pas encore les regarder comme de véritables pattes ; on doit les comparer seulement aux arcs branchiaux ou aux côtes, auxquelles d’ailleurs ils se laissent assimiler à cause de leur grand nombre.» (Manuel de philos. nat., 3335.) k On trouve dans ces passages une coïncidence remarquable entre les idées de l’auteur et celles publiées il y a longtemps déjà par M. Geoffroy-Saint-Hilaire, au sujet de la signification des pattes dans les Articulés. Il paraît certain que les pattes de ces animaux ne sont nullement comparables aux membres des Vertébrés. Ge- DANS LES ARTICULÉS, 378 pendant M. Oken paraît douter encore de l'exactitude de cette assertion, car il dit que les pattes des Insectes « représentent d’ailleurs de véritables membres. La patte complète d’un Insecte, ajoute ce savant, se divise absolument comme le membre de l’homme. On y reconnaît une cuisse , une rotule, une jambe , un tarse et même une sorte de doigt; mais ces parties sont aujour- d’hui déterminées dans nos systèmes d’une manière fautive, » (Isis, p. 479.) Et ailleurs : « On ne doit pas diviser et désigner les parties du pied d’une manière aussi contraire au bon sens que cela a lieu malheureusement dans nos systèmes, où la cuisse porte le nom de hanche , la rotule celui de trochanter, la jambe celui de cuisse et les doigts ensemble celui de tarse. » (Manuel de philos. nat., 2: édit. , 3336.) Enfin, je crois devoir citer l'opinion de M. Oken, relativement aux antennes. « L'oreille se trouve, dans les Écrevisses, à la base des antennes. C’est une simple cavité tympanique pourvue d’un osselet, » « L’antenne est donc vraisemblablement l’analogue du pavillon de l'oreille, Le pavillon des Mammifères à aussi la signification de la main, et par conséquent celle d’un organe de tact. » « Cependant les antennes peuvent aussi être une transforma- tion des ailes. Les osselets de l’ouïe sont alors des articles prove- nant des branchies. Peut-être les antennes sont-elles les osselets mêmes de l'oreille qui se sont portés au-dehors comme dans les Poissons, » (Manuel de phil. nat., 2° édit., 3355.) EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 14. APPENDICES DE LA BOUCHE DES INSECTES, ETC. Les différentes parties sont indiquées par les mêmes lettres que dans le texte. sm désigne le sous-maxillaire ; — m, le maxillaire ; — im, l'intermaxillaire ; — pm, le prémaxillaire ; — pg, le palpigère ; — p, le palpe ; — g, le galéa; — sg, le sous-galéa ; — éph, l'épipharyux ; — hyp, l'hypopharynx ; — Im, les lobes mandibulaires ou maxillaires. Fig. 4. Mâchoire du Blaps producta. — 4 a, l'extrémité de la mâchoire, pour montrer la prémaxillaire. Fig. 2. Mâchoire de l'Hydrophilus piceus. — 2 a, l'extrémité de l'intermaxillaire, pour montrer le prémaxillaire. Fig. 3. Mâchoire du Lucanus cervus mâle. On y remarque la réunion du maxil- laire, de l’intermaxillaire et du palpigère, qui est très élargi. Fig. 4. Mâchoire du Copris Isidis mâle, d'Égypte. Fig. 5. Mâchoire du Locusta viridissima femelle. — 5 a, la même, pour montrer le prémaxillaire mobile. Fig. 6. Mâchoire d'une Æshna de la Nouvelle-Hollande. — 6 a, la même, pour montrer les trois épines mobiles ou prémaxillaires. 371 TABLE DES MATIÈRES. Fig. 7. Mâchoire du Xylocopa violacea. Fig. 8. Màchoire d'un Pepsis du Brésil (à ailes bleues). Fig. 10. Mâchoire d'un grand Iule de la Colombie. — 410 «, l'extrémité de la . même, pour montrer la dent molle et velue que l’on remarque en la regardant par sa face labiale ou interne, Fig. 41. Mâchoire d'un très grand Iule des îles Seychelles, pour montrer la saillie qui représente le palpigère. — Cette saillie n'est indiquée que par un petit tu- bercule dans l’Iule de la Colombie. Fig. 42. Lèvre inférieure du Gryllotalpa vulgaris. — Les intermaxillaires ont été écartés pour laisser voir la langue ou hypopharynx. Fig. 13. Lèvre inférieure d’un Acridium (de France). — Les deux galéa ont été un peu écartés, pour laisser voir les intermaxillaires rudimentaires. Fig. 14. Lèvre inférieure du Copris Isidis, vue en dehors ou à sa face externe, Fig. 15. La même, vue en dedans ou à sa face maxillaire.— Les intermaxillaires ont été écartés, pour laisser voir la langue ou hypopharynx. Fig. 16. Lèvre inférieure d’un grand Sphex du Brésil. Fig. 47. Mandibule de l’Ateuchus semi-punctatus. Fig. 18. Mandibule du Cetonia aurata. Fig. 49. Mandibule du Staphylinus hirtus, pour montrer le prostheca. Fig. 20. Mandibule du Blaps producta, pourvue d’un prostheca vésiculeux. Fig. 21. Mandibule du Passalus interruptus, pourvue d’un prostheca solide ou d’une dent mobile. Fig. 22. Mandibule du Geotrupes stercorarius. Fig. 23. Labre de l’Ateuchus semi-punctatus, vu à sa face interne ou mandibulaire. Fig. 24. Labre du Dyticus marginalis vu en dessous, pour montrer les deux rudi- ments de palpes. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE. Observations sur l'action du sucre dans l'alimentation des Granivores : par M. F. Lerezuer, D. M. FER 118 DR NS Ct ORNE: Pt | Quelques observations sur 'embryoogie des héhé Lot M.C 1 Vocr, ’ D. M. . , , . 0 . . ‘. 45 Recherches sur la maturation et la chute périodique de le de l ARE et des Mammifères ; par M. Tu-L..W. Biscnorr . . NÉE AE 1 À Recherches sur l’exhalation de l'azote É là respiration de Php res; par M, BoussinçGauzr , . . PA Le à à TN 7 f | Mémoire sur la formation des organes ä la ciroiladidé et du sang dans l'embryon du Poulet; par MM, Prévosr et Legerr, . .: : . : , 299 ZOOLOGIE GÉNÉRALE, Considérations sur le plan organique et le mode de es des ani- maux; par M. Owex. . , … , . 162 ANIMAUX VERTÉBRÉS. Notice sur la succession des Poissons fossiles dans la série des formations géologiques : par M. Acassigiifiss ee nt malien 0 sion) ol mate o@bt ANIMAUX ANNELÉS. A $ j TABLE DES MATIÈRES, Recherches sur les Mibenses des appendices dans les Articulés ; par M. Bruuté , + . . . Recherches sur les mœurs, 1eé blu isece Labétéonte + el nuyèst- nie d’un petit insecte Coléoptère (Colaspis atra), qui ravage les luzernes du midi de la France; suivies des dote: à Hi pour le détruire; par M. Jozy Études sur les Mantes: as M. pi RE : Sur le système nerveux des Annélides ; par M. pe QuATRErAGEs, . Observation d’une espèce de Ver de la cavité abdominale d'un Lézard vert- piqueté des environs de Paris, le Dithyridium lacertæ ; par M. Vazen- CIENNES Notice sur les terrains d'eau douce du bassin émergé de Castelnaudary : — Coquilles ; par M. ManCEL DE SERRES. Mémoire sur le développement des Astéries ; par M. Sans . Observations sur le Coryna squamata ; par M. RatTuxe. TABLE DES MATIÈRES PAR NOMS D'AUTEURS. Acassiz. — Notice sur la succession des Poissons fossiles dans la série des formations géologiques. Biscuorr. — Recherches sur la maturation et la chute pério- dique de l'œuf de l’homme et des Mammifères. BoussiNGAULT, — Recherches sur l'exhalation de l'azote pendant la respiration des Granivores Bruzzé. — Recherches sur les transformations des appendices dans les Articulés Gervais. —- Études sur les My- riapodes . . . . Jouy. — Recherches sur 1e mœurs, les métamorphoses, l'anatomieet l'embryogénie d’un petit insecte Coléoptère (Colaspis atra) qui ravage les luzernes du midi de la France; suivies des procédés à employer pour le détruire. . Leserr et Prévosr. — Mémoire sur la formation des organes de la circulation et du sang dans + 271 1848 51 81 248 MOLLUSQUES. 168 ZOOPHYTES. 190 200 Lerecuier, — Observations sur l'action du sucre dans l'alimen- . 251 tation des Granivores . 38 Mancez De Serres. — Notice sur les terrains d’eau douce du bas- sin émergé de Castelnaudary : . 104 — Coquilles . 168 OwEx. — Considérations sur le plan organique et le mode de . 211 développement des animaux, . 162 Prévosr et Leperr, voyez LeBERT. QuarreraGes (DE). — Sur le sys- . 274 tème nerveux des Annélides. . 81 Raraxe, —Observations sar le Co- 51 ryna squamala . . 200 Sars. — Mémoire sur le dévelop- pement des Astéries. 190 VALENCIENNES. — Observation d'une espèce de Ver de la ca- vité abdominale d'un Lézard vert-piqueté des environs de 5 Paris, le Dithyridium lacertæ . 248 Vocr, — Quelques observations sur l'embryologie des Batra- ciens . 45 222 l'embryon du Poulet. TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS GE VOLUME, P zs. À. | RS hr on à : Système nerveux des Annélides. Mn à 4: | AE CL 4 et Ua ht: 64 Organisation et embryogénie du Colaspis atra. . 5. Fig. 1-19. Organisation des Myriapodes. Fig. 20-27. Dithyridium lacertæ Val gi G.:\ 7. 8. : F” 9 Ovologie des Mammifères, 10. 41. 12. Fossiles de Castelnaudary. 13. A. Développement des Astéries. B. Organisation du Coryna squamata. * 14. Appendices de la bouche des Insectes, etc. ERRATA. Page 117, Ligne 20, lisez : à l'aide d'autres chiens, au lieu de : d’autres lapins. Page 421, ligne 3, lisez : oviducte, au lieu de : utérus. Page 124, ligne 15, lisez : qu'une brebis en chaleur ne soit pas couverte, ou bien qu'elle soit couverte sans fruit. Page 144, ligne 34, lisez : formation d’un corps jaune, au lieu de : formation. \ FIN DU SECOND VOLUME. a ET PU ET EN Zool Tom .2.PL .r. CS ee SE Sn ua té | Visto sc ) Systeme nerveux des Annelides. ! & des Annelides. serre HeTUeUL Y. 4 Fe ST PT N. Remond un». Jéiene nat . Serie . Zool.Tom. 3. PL. 3. à Organisation exterteure et embryogente du (olaspis aéra [Lar) $ < 4 Lemond tmp Tool. Tom .2.PL. 5. PACE " x # +2] à a s à A PACA PET PE ï ALL no À tel + * > Fig. 1 -19. Orgarusalon des Myrtapodes. Pig. 20-27. Dithyridium lacertæ Vat. uv. des Science. nat. 3° Sorie Cvologie des Mammifères / Lol Tom. 2. PL .7. | M ’ WMarmnmfères. dvologie ere , “1 >. des Seine . nat. ITS, oh mm lt feet re mn cam déni D RL. Ann. des Seine. nat. I Se x Zool .Tom .2.PL . 8. erte. S fer es. U des Mamn 71e Ovole » Ann. dar Seienc . natb. 3% Série. : Zool.Tom.2.PL . 9. ? lat. nm that 7 on nc ut SA à Mboo née. nn: 5 -Sûé LÉ eme pou E à de ST nn Re nl ad ce mit ns ÉGÈR St Ovologe des Mammufères 4x tés dk { «\ Zemond imp. Zool. Tom. 2.71 .10. "] CJ'eS. f. que des Mann N.Aemond imp Cvote érie 6. PS tienc. na È Ÿ i Nb . - a : ” Fos z Le ue u = ne — mile that samir "4. de dd - 6. oi ant nt À Le mn 2 ane 4 jun écrite (= dci sc et dt A din, db 210 te plestiiée de be Ann. des Seienc. nat. 3° Serte. Zool Tom .2 .PL..u. 24. À doolge des Mammiéres. N. Rémond imp . 9. PL.1s, Æool . Tom * Ann . des Seine nat, 3% Série fosses de Castenaudary. PR 2er Ann, des Seine. nat. 3° Serie. Zool Tom. 2, PL .11. À. Développement des Asteries B. Organisation div Coryna squamata . NN Raman, sus . D snésanl eme Mr 6 sh cit VE" Le sd + « LL d 7 Zool . Tom. 2. PL . 14. mire LA Hd l bouche des Insectes: ete. hp à PRE RES ns Cu Fa j 2 des j RAA Part ter DONS gere ÉTEND À Dee de ‘ #1 PAR EE TEL EE LES a fe MER den ce. EAP PAPA Re. ses Dr En 2 à Ë 2 Di PAST Eee a PPENE L 2 : «ie CIE diriatsts tr tra arr Smet EE RIRE ER: NT") Les, sn ours } ere 4 heltal sense ENSCLA PSE es PE MILITE lora ie Vis