PRNTIE iatèt: Le se" ,, « » XE. der LUE AY Ye 44 + + &he 02: hit pm 2 ñ #e d'Or ve le s on ax 4e LES y? 44111: ht disais de din , sf L RPrETE LCEOT. ee LES +! MONET OR CTE 0er reite t 24 ee rare ANNALES DES SCIENCES NATURELLES enr BOTANIQUE 20 ÉD DPI, D 2 D cn PaR's — Imprimerie da L, MARTINET, rue Mignon, 2. in © 7: CE - \ ei RELLES COMPRENANT LA ZOOLOGIE, LA BOTANIQUE L’ANATOMIE ET LA PHYSIOLOGIE COMPARÉE DES DEUX RÉGNES ET L'HISTOIRE DES CORPS ORGANISÉS FOSSILES RÉDIGÉES POUR LA ZOOLOGIR PAR M. MILNE EDWARDS POUR LA BOTANIQUE PAR MM. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE QUATRIÈME SÉRIE, BOTANIQUE TOME VII PARIS LIBRAIRIE DE VICTOR MASSON PLACE DE L’ÉCOLE-DE-MÉDECINE 1857. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES PARTIE BOTANIQUE RECHERCHES SUR L'INFLUENCE QUE L’AZOTE ASSIMILABLE DES ENGRAIS EXERCE SUR LA PRODUCTION DE LA MATIÈRE VÉGÉTALE, Par M. BOUSSINGAULT. I. Dans un Mémoire lu à l’Académie dans la séance du 19 no- vembre 1855, j'ai fait voir combien les nitrates favorisent Ia vé- gétation. Dans les mêmes conditions météoriques, dans des sols de même nature, les Hélianthus mis au régime du nitrate de potasse ont pris un développement considérable ; ils ont élaboré 6 décigrammes d’albumine en produisant 108 fois autant de matière végétale que la graine en contenait. En l’absence du nitre, au contraire, quand les principes azotés assimilables de l'atmosphère sont intervenus seuls, la croissance de la plante a été des plus restreintes : en trois mois de culture, il y a eu à peine 3 centi- grammes d’albumine formée, etles Hélianthus secs n’ont pesé que trois à quatre fois autant que la semence. Les expériences faites sur le Cresson alénoïs (Lepidium sativum) ont conduit à des résultats analogues, et peut-être plus certains, par la raison que, dansles observations comparatives, les plants avaient eu l’un etl’autre à leur disposition, dans les cendres de fumier ajou- tées, bien au delà de ce qu'ils pouvaient absorber de substances minérales. Mais en avait-il été ainsi pour les Hélianthus ? On doit se 6 BOUSSINGAULT. —- INFLUENCE QUE L AZOTE demander, par exemple, si, en raison de la rapidité de l’accroisse- ment, celui qui avait eu du nitrate a réellement rencontré dans le sol assez de phosphate de chaux; et en admettant qu’il en ait été ainsi, on serait encore en droit de soutenir que le développement de l’Hélianthus élevé sans nitrate eût été plus prononcé, que le car- bone, que l’azote, que les éléments de l’eau eussent été assimilés en plus fortes proportions si la plante eût trouvé dans le sol autant de potasse que le salpêtre en avait fourni à l’Hélianthus que l'on cultivait parallèlement. C’est pour dissiper ces scrupules que j'ai entrepris de nouvelles recherches. Je tenais d’ailleurs à voir se reproduire certains faits qui s’étaient révélés inopinément dans mes travaux antérieurs : je veux parler de l’action si décisive des matières azotées assimila- bles sur la formation des organes et des principes immédiats des végétaux, action tellement prononcée, que le poids de l’organisme élaboré par une plante donne en quelque sorte la mesure de l’en- grais azoté dont elle a disposé. Cela est si vrai, qu’une graine assez ténue pour que l’albumine ne s’y trouve qu’en proportion pour ainsi dire impondérable, comme le Mimulus speciosus, le Ta- bac, etc., produit dans un terrain stérile un individu dont le déve- loppement ne va pas au delà de l’apparition des feuilles primor- diales, et qui conserve cette forme embryonnaire pendant des mois entiers, attendant l’engrais indispensable pour constituer le tissu azoté sans lequel il ne saurait croitre, parce qu'il ne peut pas fonc- tionner. C’est cet état stationnaire, cette germination persistante que j'ai eu occasion d'observer pour la première fois, en 1854, sur plusieurs semences dont les poids étaient compris en- tre et + de milligramme (Calandrinia umbellata et Campanula baldensis). J'ai reconnu, en outre , que des graines extrêmement légères, pesant 2 à 3 milligrammes , comme le Cresson, etc., produisent, quand elles sont semées sur un sol absolument stérile, des plantes frêles, délicates , pourvues cependant d'organes complets ; mais alors, comme cela ressort sans exception aucune de toutes mes expériences, après plusieurs mois d'existence à l'air libre, et à plus forte raison dans une atmosphère confinée, la plante ne pèse pas EXERCE SUR LA PRODUCTION DE LA MATIÈRE VÉGÉTALE,. 7 beaucoup plus que la semence d’où elle est sortie, comme si l’ex- tension de son organisme se trouvait limilée par la quantité de principes azotés que comporte la graine. Ainsi, il est des Semences qui ont en elles l'élément azoté juste- ment nécessaire pour, en l'absence du fumier, donner naissance à une plante excessivement réduite dans ses dimensions, parfaite- ment organisée, que j'ai désignée par le nom de plante limite, parce qu’elle représente le végétal constitué avec le moins pos- sible de matière; on y retrouve, à très peu près, l'azote de la graine, et, tout chétif qu'il est, il fleurit, porte un fruit auquel il ne faudrait qu’une terre fertile pour régénérer la plante normale, Les expériences dont je vais rendre compte ont eu d’abord pour objet de reconnaître l’action du phosphate de chaux sur la végé- tation avec et sans le concours du salpêtre. IT. J'ai suivi le développement de l’Helianthus argophyllus, à l'air libre, à l'abri de la pluie, dans un sol formé d'argile cuite concassée et dè sable quartzeux. Les matières, comme le pot à fleurs qui les contenait, avaient été calcinées après avoir été lavées à l’eau distillée. On a disposé trois expériences A, B, C. Dans l'expérience A, on n’a rien introduit dans le sol. Dans l'expérience B, on a incorporé au mélange d’argile cuite et de sable : du phosphate de chaux basique, de la cendre végétale, du nitrate de potasse. Dans l’expérience C, le sol a reçu du phosphate de chaux, de la cendre végétale, et une quantité de bicarbonate de potasse renfer- mant précisément l’alcali contenu dans le nitrate employé dans l'expérience B. Le phosphate de chaux à été extrait des os calcinés, en faisant usage, à cause de la présence de la magnésie, d'agents aussi purs que possible ; malgré cette précaution, le phosphate, précipité par la potasse, n’a pas élé exempt d'azote, 2%°,445 du sel basique en contenant 0%",00022 à l’état de phosphate ammoniaco-magnésien. Le phosphate a loujours été introduit dans le sol à l’état gélatineux, tel qu’on le recueillait sur le filtre après le lavage. Le bicarbonate de potasse a été préparé avec du carbonate d'une grande pureté. 8 BOUSSINGAULT. —— INFLUENCE QUE L'AZOTE Les cendres végétales provenaient de la combustion du foin de prairie ; elles étaient très riches en silice, blanches, sans traces de cyanures. ; Les plantes se sont développées en plein air, à 1 mètre au-des- sus du gazon, près d’une vigne plantée sur la limite d’une grande forêt. | L'eau d'arrosage, exempte d’ammoniaque, renfermait environ le quart de son volume de gaz acide carbonique, Les pots à fleurs pesaient en moyenne. . . . . . 600 grammes. La brique :eoncaséée [tance roc dater) ous 911408 Le: sable .quarlzeux, a. acbtedesiunat tanibrore 11028 Matières terreuses intervenant dans chaque expérience. 2026 ExpÉRIENCE À. Végétation dans un sol ne contenant rien autre chose que de l'argile cuite et du sable, — Deux graines d'Hélian- thus, pesant 0#",107, ont été plantées le 5 juillet. 20 août. Les premières feuilles normales sont flétries. Longueur. Largeur. Deuxièmes feuilles normales. 25 millim. 40 millim. Troisièmes feuilles normales. 45 millim. 3 millim. d'un vert pâle. Hauteur des plants, 11 centimètres ; diamètre des tiges, 2 mil- limètres. 20 septembre. Les deuxièmes feuilles normales sont flétries. Longueur. Largeur, Troisièmes feuilles normales. 418 millim. 5 millim. Quatrièmes feuilles normales. 7 millim. 3 millim. d'un vert pâle. Indices d’un bouton floral; hauteur des tiges, 11 et 13 centi- mètres. 30 septembre. L'aspect des plants n’a pas changé depuis le 20. Le bouton est épanoui en une pelile fleur jaune dont la corolle n'a pas plus de 3 millimètres de diamètre. Cette fleur en miniature est environnée de plusieurs feuilles naissantes (fig. 1). On avait obtenu une plante limite. | EXERCE SUR LA PRODUCTION DE LA MATIÈRE VÉGÉTALE, 9 gr. Les plants desséchés ont pesé. . . .', . . . 0,392 Les grains desséchés ont pesé. . . . . . . . 0,107 Matière organique développée. . . . . . . . 0,285 On a remarqué que les plants ont été assez forts jusqu’au 10 août, À partir de cette époque, les feuilles les plus anciennes se sont atrophiées, à mesure qu’il en apparaissait de nouvelles, et la vigueur de la végétation a décliné graduellement jusqu’à la floraison. L'analyse a indiqué dans la totalité de la plante sèche : re Male ui go joue losHiétie ÉR HONANEEL K à SSSR DB ME) 1.39. LU LAN 290 TUMUR 310028 0,0054 Dans les graines. . . . PAS PORTE ENT Azote acquis en trois mois de végétation, à l'air libre. 0,0023 Évaluation du carbone fixé pendant la végétation. — La ma- tière organisée pendant la végétation a pesé 03%",285. D’après des analyses exécutées sur des plantes venues dans les mêmes condi- tions, elle renfermait au degré de dessiccation où elle avait été amenée, 0,40 de carbone, soit 08,414. Ce carbone, qui ne saurait avoir d’autre origine que l’acide carbonique, représente 08,418 ou 211 centimètres cubes de gaz acide. Comme la végétation a duré 86 jours, on arrive à cette conclu- sion que, toutes les 24 heures et en moyenne, les -Hélianthus se sont approprié le carbone de 2,45 de gaz acide carbonique. Expérience B. Fégétation des Hélianthus sous l'influence du phosphate de chaux, de la cendre et du salpétre. — Le sol était exactement constitué, en poids et en nature, comme dans l’expé- rience précédemment décrite. On y a fait entrer : Phosphaie de'éhaux, 1. "1 10,0 ES HE DUMECEN Hu :: D'alntés0,5 | / Azote aS— gr, Nitrate de potasse ajouté successivement. 4,4, contenant! milable. 0,1969 | Potasse . 0,6525 10 BOUSSINGAULT — INFLUENCE QUE L’AZOTE Le 5 juillet, on a planté dans le sol, convenablement humecté, deux graines d’Hélianthus pesant 08r,107. 20 août. Les premières feuilles normales sont flétries. Deuxièmes feuilles normales. Troisièmes feuilles normales. Quatrièmes feuilles normales. Cinquièmes feuilles normales. Longueur. Largeur. 90 millim. 60 millim. 95 » 70 » 95 » 70 » d'un beau vert. Assez développées. Hauteur des plants, 25 et 30 centimètres ; diamètre des tiges, 8 millimètres. 10 septembre. Hauteur des plants, 49 et 59 centimètres ; dia- mètre des tiges, 9 millimètres. 20 septembre. Hauteur des plants, 64 et 74 centimètres ; dia- mètre des tiges, 1 centimètre. 30 septembre. Hauteur des plants, 64 et 74 centimètres; dia- mètre des tiges, 1 centimètre. L'Hélianthus le plus grand porte une belle fleur jaune dont la corolle a 9 centimètres de diamètre. De- puis le 20 août, les feuilles n’ont pas sensiblement changé d’as- pect. Les plus grandes présentent une surface à peu près égale à celle d’un Hélianthus venu en terre de jardin. Les plants desséchés ont pesé : Des analyses faites sur à grammes de matière ont indiqué que 18 de plantes sèches devaient contenir : les 218",2 Azote. . gr. Tiges . EP, 8,655 Feuilles et fleurs. . . . . . . . 7,028 Racines. 5,535 21,218 Les graines pesaient. 0,107 Matière organique développée . 21,441 Les deux graines contenaient. Azote acquis en trois mois de végétation 48r.,4 de nitrate de potasse ajouté au sol contenait : Aro Il y avait, par conséquent, 0:r,0303 d’azole de l’engrais dispo- Différence. . gr: 0,1697 0,0034 . 0,1666 0,4969 0,0303 EXERCE SUR LA PRODUCTION DE LA MATIÈRE VÉGÉTALE, 11 nible que les Hélianthus n'avaient pas fixé, azote représentant 02,219 de nitrate de potasse dont on a retrouvé une partie dans le sol ; l’autre partie avait fourni du carbonate de potasse, par suite de l’action exercée par la matière organique des racines, action déjà constatée par M. Schlæssing (1) et qu'expliquent les faits ré- cemment exposés par M. Pelouze. L'examen des cendres a montré que les plantes avaient pris au sol 0£",265 de phosphate de chaux. Carbone fixé par la végétation. — Les 21£",111 de matière or- ganisée contenaient 8*",44h4 de carbone dérivant évidemment de 305,961 d'acide carbonique, soit 15,637. La végétation ayant duré quatre-vingt-six jours, les Hélianthus, sous la double influence du salpêtre et du phosphate de chaux, ont pris toutes les vingt- quatre heures, et en moyenne, le carbone de 182 centimètres cubes de gaz acide carbonique. ExPérieNce C. Wégétation des ITélianthus sous l'influence du phosphate de chaux, des cendres et du bicarbonate de potasse. — On vient de voir que l'introduction dans le sol du salpêtre, uni au phosphate de chaux, a déterminé un développement considérable de matière organisée et l’assimilation de plus de 8 grammes de carbone. Les Hélianthus venus dans ces conditions ont offert à peu près le même aspect, la même vigueur que ceux que l’on avait cultivés en pleine terre. De l’association du nitre avec le phosphate et les cendres, il est donc résulté un engrais complet dans lequel les plantes ont trouvé tout ce dont elles avaient besoin. | L'expérience € a été entreprise pour rechercher quelle part d'influence sur la production végétale devait être attribuée au phosphate de chaux. Dans ce but, on a supprimé le salpêtre ; mais comme cette suppression entrainait nécessairement celle d’une notable quantité d’alcali, on a remplacé le nitre qui avait figuré dans l'expérience B par son équivalent de bicarbonate de polasse, sel bien moins alcalin que le carbonate; c’est d’ailleurs le bicarbo- nate que l’on trouve dans le fumier, comme dans l’urine que les berbivores répandent sur le pâturage. (1) Schlæssing, Annales de chimie et de physique, 1. XL, p. 508, 3° série. 19 BOUSSINGAULT, —— INFLUENCE QUE L'AZOTE Voici quelle était la constitution du sol dans les deux expériences Bet C : j . Expérience B, Expérience C. Vase en terre cuite. . . . 600 grammes. 600 grammes. Brique concassée. . . . ,. 400 400 Sable quartzeux . . . . . 1026 1026 2026 2026 gr. gr. Nitrate de potasse, ( Potasse. . . . 0,652 \ Bicarbonate de po- { 0,652 48r.4, contenant { Azote assimilable. d 187 tasse, 15"-,26. . { 0,000 Céndpé Hi UI/Q JOG EF JOUET GES | Phosphate de chaux . .. . . . . 10,000 Tout, dans les deux sols, était donc égal de part et d’autre, à l'exception de l'azote assimilable de l'acide nitrique qui manquait dans l’expérience C. Le 5 juillet, on a planté deux graines d’'Hélianthus pesant 05,407. 20 août. Les premières feuilles normales sont flétries. Longueur, Largeur, Deuxièmes feuilles normales, : 27 millim. 40 millim. d'un vert pâle. Hauteur des plants, 9,6 et 11 centimètres ; diamètre des tiges, 2 millimètres. 20 septembre. Les deuxièmes feuilles normales sont flétries. Longueur, Largeur. Troisièmes feuilles normales. . 40 millim. 3 millim.\ | Ê is 1 y st d'un vert très Quatrièmes feuilles normales. . 9 millim, 3 millim. er s sis 4k pâle. Cinquièmes feuilles normales. . . 5 millim. 2 millim. Chacun des plants porte un bouton. Hauteur, 13,6 et 14 centi- mètres ; diamètre des tiges, 2 millimètres. 30 septembre. Les plants n’ont pas changé d’aspect depuis le 20 ; tous deux ont une fleur jaune extrêmement petite, mais bien con- formée. Comme dans l'expérience A, dans laquelle on n’avait rien mis dans le sol, on a obtenu des plantes limites. gr. Les deux plants desséchés ont pesé. . . 0,498 Les sraines.. .. . . , ONE "O0 Matière organisée développée. . . . . 0,294 EXERCE SUR LA PRODUCTION DE LA MATIÈRE VÉGÉTALE. 15 De même que dans l'expérience À, les plants sont restés assez vigoureux jusqu'à l’âge de deux mois; après, les feuilles se sont flétries vers le bas de la tige, et la force de la végétation à décru rapidement. L'analyse a dosé dans les plantes sèches et dans les débris restés dans le sol : gr. o en ne Le LL ds RER CL Dang les rangs! 0/00 M DORE Re 7 0,0031 Azote acquis en trois mois de végétation, à l'air libre. 0,0027 Carbone fixé pendant la végétation. — La matière organisée à pesé 08,391 ; admettant 0,40 pour la teneur en carbone, on a 0%,1564 pour le poids de ce com bustible pris à 0%",573 ou 289 cer.- timètres cubes de gaz acide carbonique. La végétation ayant duré 86 jours, les plantes ont dù assimiler, toutes les vingt-quatre heures en moyenne, le carbone de 3,56 de gaz acide carbonique ; c’est à 1 centimêtre cube près ce que les Hélianihus ont assimilé dans l'observation A. Je résumerai ici les faits constatés dans les trois expériences : A ACIDE CARBO- POIDS 1 | ACQUIS PAR LES He dela récolte| MATIÈRE a L MR. sde ÉGérazLel décomposé | en 86 j. de végétation. s : ar la graine élaborée. ie PS étant 1. P mn en 24 heures. | Carbone. Aroie, Expérience À. Le sol n'ayant rien reçu. 3,6 1 or. cent. cub. r. gr. 0,285 | 2,45 | 0,414 | 0,0023 Expérience B. Le sol ayant reçu : phos- phate , cendre , nitrate de potasse. . . . . . .| 198,3 | 21,111 | 482,00 | 8,444 | 0,1666 Expérience C. Le sol ayant reçu : phos- phate, cendre, bicarbo- nate de potasse . . . . %,6 L'influence de l’engrais azoté sur le développement de l’orga- hisme végétal ressort ici de la manière la plus nette, Ali BOUSSINGAULT. — INFLUENCE QUE L'AZOTE Les Hélianthus dont le sol avait eu du salpêtre et du phosphate ont atteint la croissance qu'ils auraient acquise en poussant dans la bonne terre; ils ont assimilé 8*",44 de carbone. Des graines qui renfermaient 0%,019 d’albumine ont produit, par l'effet du sal- pêtre, des plantes dans lesquelles 1l ÿ en avait plus de 4 gramme. Sur un sol dépourvu de toutes matières azolées assimilables, avec ou sans le concours du phosphate de chaux et des sels alca- lins, les Hélianthus n’ont pas dépassé la hauteur de 14 centimètres. En fonctionnant sur l'acide carbonique répandu dans l’air ou dis- sous dans l’eau, elles n’ont pas même soutiré 0,2 de carbone, et les principes azotés de l'atmosphère qui sont intervenus dans ces circonstances ne leur ont pas apporté 3 milligrammes d’azote. Ces derniers résultats prouvent que, pour concourir activement à la production végétale, le phosphate de chaux basique, les sels alca- lins, doivent être associés à une substance pouvant fournir de l'azote assimilable. Le fumier, l’engrais par excellence, offre pré- cisément ce genre d’association. Dans les expériences où le salpêtre n’est pas intervenu, les 2 ou 3 milligrammes d'azote acquis par les plantes en trois mois de vé- gétation provenaient très probablement des vapeurs ammoniacales, des composés nitreux qui existent ou se forment dans l’atmosphère. J'ai réussi à en déceler la présence dans l’air au moyen des dispo- sitions que Je vais décrire. Appareil pour constater l'apparition des nitrates. — On a placé à la suite l’un de l’autre six tubes en U en relation avec un aspirateur. Les deux premiers tubes, que traversait d’abord l’air aspiré, étaient remplis de petits fragments de briques imprégnés d'une dissolution de carbonate de potasse (1); venaient après deux tubes pleins de pierre ponce alcaline; puis enfin deux autres tubes (4) Les fragments provenaient d’une brique neuve, mais déposée depuis long- temps dans un magasin; on les avait lavés à l'eau distillée avant de les calciner, afin d'enlever les nitrates qu'ils auraient pu contenir, et que la calcination, en l'absence du charbon, ne détruit pas toujours complétement, ou plutôt trans- forme en nitrites ou autres composés nitreux très persistants. Le carbonate de potasse avait été préparé en incinérant de la crème de tartre, et l'on s’était assuré qu'il ne renfermait pas la plus légère trace de nitrate. L 4 EXERCE SUR LA PRODUCTION DE LA MATIÈRE VÉGÉTALE. 45 contenant de la craie humectée avec la dissolution de carbonate de potasse. L'appareil était à l'abri de la pluie, dans une boîte où l’on avait pratiqué une prise d’air, à 8 décimètres au-dessus du gazon, près d’une vigne. L'aspirateur a fonctionné presque sans interruption jour et nuit depuis le 7 juillet jusqu'au 7 octobre 1856. Les matières enfermées dans les tubes ont été entretenues dans un état constant d’humi- dité. L'expérience terminée, on a constaté une quantité très appré- ciable de nitrate dans le premier tube ; 1l y avait encore une trace de ce sel dans le second tube, et pas du tout dans les tubes suivants, du moins on ne parvint pas à en manifester la réaction, bien que d’un côté la teinture d’indigo, et de l’autre la lame d’or, fussent capables d’accusér sûrement un vingtième de milligramme d’acide nitrique,. L'air aspiré parvenait directement dans le premier tube, où étaient des fragments de briques imbibés d’une solution de carbo- nate de potasse. Je n'avais pas jugé nécessaire de le faire passer à travers de la ponce sulfurique pour retenir la vapeur ammoniacale : ce que je tenais à reconnaître, c’élait simplement la présence ou l'absence de nitrate dans une matière terreuse, poreuse de sa na- ture, ét imbibée de carbonate de potasse dissous, et soumise à un courant d’air. Quelle qu’en ait été la cause, il v a eu, à n’en pas douter, apparition de nitrate : je dis apparition et non pas produc- tion, parce que l’expérience , telle qu’on l'avait instituée , ne dé- montre pas autre chose. En effet, s’il est possible que l’ammoniaque de l'air, qu’on n'avait pas éliminée, ait été nitrifiée au contact de la potasse mêlée au corps poreux par de l’oxygène ozoné, il n’est pas mvraisemblable non plus que des nitrates aient été amenés par les poussières que l’atmosphère charrie continuellement. Le sal- pêtre est partout à la surface du globe; les particules les plus té- nues de la terre végétale que transporte le vent en sont évidem- ment pourvues, et l'air appelé dans l'appareil a pu en déposer sur la brique humide des premiers tubes. Je dois faire observer ici qu'alors même que cet air eût été dirigé d’abord sur de la ponce sulfurique , afin de fixer l’'ammoniaque, on n'aurait pas, par ce moyen, empêché les nitrates d'intervenir; car, en ee qui les con- L) 16 BOUSSINGAULT. — INFLUENCE QUE L'AZOTE cerne, l’action de l'acide sulfurique se serait bornée à retenir leurs bases, et l'acide nitrique, devenu libre ou transformé en composés nitreux, aurait été entraîné par le courant, et retenu par la potasse ces premiers tubes. Quoi qu'il en soit, et en considérant uniquement le fait de l'apparition du nitre, là où il n'y en avait pas avant le passage de l'air, on reconnaitra que cette expérience, exécutée au-dessus d’un gazon, près d’une vigne, sur la lisière d’une immense forêt, con- duit à un résultat entièrement conforme à celui obtenu bien anté- rieurement par M. de Luca dans des circonstances analogues, quant à l'abondance de Ja végétation, puisque cet habile observa- teur a trouvé qu'il y a formation d'acide nitrique lorsqu'on fait passer dans une solution de potasse de l’air privé d’ammoniaque, exempt de poussières, et pris dans une serre où végètent en grand nombre des plantes de toute nature. Constatation de l'azote apporté par l’atmosphère. — On a placé près des plantes en expérience un vase cylindrique en cristal de 8 centimètres de profondeur, présentant une surface ouverte égale à celle des pots à fleurs. On y à introduit 500 grammes de sable lavé et calciné, auquel on avait mêlé 10 grammes d'acide oxalique considéré comme pur, mais contenant en réalité 0“,0011 d’azote dont on a tenu compte, Le mélange, entretenu humide, est resté exposé à l'air. Quand il pleuvait, et pendant la nuit pour éviter la rosée, on couvrait le vase avec une cloche de verre. Après sept semaines, le sable avait pris 05,0013 d’azote, dont une partie con- stituait certainement de l’ammoniaque. C’est là toutefois un simple renseignement; car tout fait présumer que la quantité de principes azotés qu'un sol humide reçoit de l’atmosphère dépend à la fois de l'étendue de la surface exposée , de la durée de l'exposition et de la localité. Je dis la localité, et c’est là une circonstance dont il faut tenir grand compte; car l'air n’est pas toujours également pur. L'impureté de la pluie accuse, peut-être mieux que ne le pourraient faire les analvses les plus délicates, le degré d’impureté de l'atmosphère. C'est ainsi que les eaux météoriques recueillies à Paris et à Lyon contiennent bien plus d’ammoniaque, de nitrales, de matières organiques, que la pluie, la neige, le brouillard et la EXERCE SUR LA PRODUCTION DE LA MATIÈRE VÉGÉTALE. 17 rosée qui tombent à une grande distance des grands centres de population (1). II. Znfluence de l'azote assimalable sur le développement de l’or- ganisme végétal. — Les expériences précédentes ont établi que le phosphate de chaux, les sels alcalins, ajoutés au sol sans le con- cours d’un engrais azoté, ne contribuent pas sensiblement au dé- veloppement de l'organisme. La matière élaborée dans cette con- dition par le végétal ne pèse guère plus que celle qui est produite lorsque la terre, rendue stérile par le feu, ne renferme aucune sub- stance saline , lorsque par exemple la végétation s’accomplit avec les seules ressources qu'elle trouve dans la semence , et qu’elle ahoutit à une plante limite. Quand au contraire le phosphate ct le salpêtre sont associés, ils agissent avec l’énergie du fumier. Il est, je crois, permis de conclure de ces faits que la croissance d’une plante est subordonnée à l'absorption préalable d’une substance azotée assimilable , dont il n’est peut-être pas impossible de me- surer les effets ; c’est, du moins, ce que j'ai tenté. Dans ce but, on a introduit dans du sable calciné, pourvu de phosphate de chaux et de sels de potasse, des proportions diverses de nitrate de soude, ou, si l’on veut, des doses différentes d’azote assimilable. Le sol calciné et amendé avec le phosphate a été réparti dans quatre vases à fleurs, franc de toute matière organique. Dans chacun des vases, on a planté deux graines d’'Hélianthus pesant 05,110. La végétation a duré cinquante jours. L'eau d’arrose- ment, exempte d’ammoniaque, tenait environ le quart de son vo- lume de gaz acide carbonique. Les plantes ont crû en plein air à l'abri de la pluie et de la rosée : Le sol du vase n° 4 n'a pas reçu de nitrate de soude. » n° 2 en a reçu 03,02. » 9 » 0 ,04. » n° 4 » 0 10: (1) D'après les observations de M. Barral à Paris, celles de M. Bineau à Lyon, comparées aux résultats que j'ai obtenus au Liebfrauenberg , et à ceux de MM. Lawes et Gilbert, enregistrés à Rotamsted. 4° série. Bor. T. VIT. (Cahier n° 4.)& 5 = 18 RBOUSSINGAURT, —— INFLUENCE QUE L'AZOTE Pendant la végétation, les plants sont restés vigoureux , les feuilles d’un beau vert. Voici quelles étaient leurs dimensions à la fin de l'expérience : Longueur Largeur Pois Hauteur. de la e Ja des plus grande feuille. plus grande feuille. plants desséchés, cent, cent, cent. gr. N°1 sans nitrate 9,0 3,7 4,5 0,507 N° 2 02r,02 de nitrate 41,2 9,4. 2,0 0,830 N° 30 ,04 À 0 À 445 6,8 2,8 1,240 No 80,76 97 91,5 9,1 à.7 3,390 En retranchant le poids des semences du poids des plantés sèches, on trouve que la matière reset élaborée pendant }à végétation a été par le : N° 4, n'ayant pas reçu d'azote assimilable. . 0397 N° 2, ayant reçu 05",0033 d'azote assimilable, 0,720 N°3, » 0 ,0066 » 1,130 N°4, » O0 ,0264 » 3,280 L'influence de l'azote assimilable est manifeste , et ce n’est pas sans étonnement que, dans le résultat de l'expérience n° 2, on re- connait que à milligrammes seulement de cet azote introduits dans le sol ont suffi pour doubler la matière organique des Héhañthus. Ainsi le rapport du poids de la semence à celui de la récolte sèche qui était : : 4 : 4,6 dans la cullure à laquelle on n'avait pas donné de nitrate, est devenu: gr. 4: 7,6 dans la culture n° 2. :: À : 11,3 dans la culture n° 3. :: 4: 30,8 dans la culture n° #. L'analyse a dosé, dans les Hélianthus n° 4, venus dans le sol sans nitrate de soude : gr. MD ee à ln NS de OU TSI OT … SN Dans les graines il y avait: Azote. . , . . 0,0033 En cinquante jours de végétation : Azote acquis. 0,0020 Pour les plantes venues dans un sol auquel on avait ajouté EXERCE SUR LA PRODUCTION DE LA MATIÈRE VÉCÉTALE. 49 du nitre, les dosages d'azote ont conduit aux résultats que VOICI : Azote dans le nitrate Azote ét les graines. dans les plantes. ! É 4 ; gr. gre gr. Hélianthus n° 2, nitre ajouté. 0,02 0,0066 0,0062 ni 7 ) 0,04 0,0400 0,0097 » n°4, » 0,16 0,0297 0,0254 On a trouvé des indices d'acide nitrique dans le sol des expé- riences n° 2 et n° 3. Dans le sol de l'expérience n° 4, il y avait un peu moins de 0°,03 de nitrate de soude, et dans aucune des plantes mises au régime de ce sel, l'azote acquis par l'organisme n’a excédé celui que le nitrate avait introduit. . Ce que cette seconde série des recherches a de frappant, c’est de montrer non-seulement combien une substance azotée, introduite dans le sol, contribue à l’accroissement du végétal, mais encore combien la matière organique élaborée par la plante augmente par l'intervention de la plus minime quantité d'azote assimilable. On peut se convaincre, en consultant les nombres exprimant la quantité de carbone fixée par les Hélianthus, que la décomposition du gaz acide carbonique a été d'autant plus prononcée, que la plante avait eu à sa disposition plus de nitrate de soude, ou, si l’on veut, plus d'engrais azoté : AZOTE CONTENU AZOTE:INTROUIT As CARB, GONTENU| ACIDE CARBON, ue dans les =. formée dans décomposé graines pesant ( en 50 jours la matière en 24 heures 05r,11. le niirate. de végétation. | organique. en moyenne, gr. gr. gr. gr. cent. cub . N° 1 0,0033 0,0000 0,397 0,459 5,3 LÉ 0,0033 _0,0033 0,720 0,288 40,6 N° 3 0,0033 0,0066 1,130 0,452 47,2 N° 4. 0,0033 | 0,0264 3,280 1812 | 40,5 À [ 1 de chaux, les sels alcalins et terreux indispensables à la constitu- tion des plantes, n’exercent néanmoins une action sur la végétation qu'’autant qu'ils sont unis à des matières capables de fournir de l'azote assimilable : | 20 BOUSSINGAULT, —— INFLUENCE QUE L'AZOTE , ETC. 2 Que les matières azotées assimilables que l'atmosphère con- tient interviennent en trop minime proportion pour déterminer, en l'absence d’un engrais azoté, une abondante et rapide produc- tion végétale ; 8 Que le salpêtre associé au phosphate de chaux et au silicate de potasse agit comme un engrais complet, puisque des Hélianthus venus sous l'influence de ce mélange étaient, sous le rapport de la vigueur et des dimensions, comparables à ceux que l’on a ré- coltés sur une plate-bande de jardin fortement fumée. J'ajouterai, en terminant, qu'il est bien remarquable de voir une plante parcourir toutes les phases de la vie végétale, germer et mûrir, en un mot atteindre son développement normal quand ses racines croissent dans du sable calciné contenant, à la place de débris organiques en putréfaction , des sels d’une grande pureté, de compositions parfaitement définies , tels que le nitrate de po- tasse, le phosphate de chaux basique, des silicates alcalins, et de constater qu’au moyen de ces auxiliaires empruntés tous au règne minéral, cette plante augmente progressivement le poids de son organisme, en fixant le carbone de l'acide carbonique, les élé- ments de l’eau, et en élaborant, avec le radical de l’acide ni- trique, de l’albumine, de la caséine, etc., c'est-à-dire les principes azotés du lait, du sang et de la chair musculaire. Au reste, il y a probablement plus d’analogie qu'on ne pense entre les sels que je viens de mentionner et l’engrais provenant des élables. En effet, le fumier dans lequel Braconnot n’a pas signalé moins de quatorze substances, change singulièrement de constitution quand il a sé- journé dans une terre convenablement ameublie. La fermentation, en continuant dans les parties molles ; la combus ‘on lente que subissent l’humus, le terreau, ces termes avancés de la décompo- sition des corps organisés et des déjections des animaux; l’action que l'air, l'eau, le sol exercent sur toutes ces matières, font que, en définitive, le fumier apporte aux plantes des sels alcalins et ter- reux, des phosphates, et, comme détenteurs de l’azote assimilable, des nitrates et de l’ammoniaque. ns RECHERCHES SUR LES QUANTITÉS DE NITRATES CONTENUES DANS LE SOL ET DANS LES EAUX, Par M. BOUSSINGAULT. Lu à l'Académie des sciences, dans la séance du 26 janvier 1857. Dans le précédent Mémoire, j'ai cherché à démontrer que le salpêtre agit directement sur le développement des plantes; j'ai mentionné les expériences faites sur l’emploi du nitrate de soude du Pérou dans la grande culture, et j'ai rappelé que les nitrates avaient été signalés depuis bien longtemps dans les terres arables douées d’un haut degré de fertilité par Bowles, Proust et Einhoff ; dans les eaux des fleuves, des rivières et des sources, dans Îles eaux météoriques, par Bergmann, Berzelius, et, plus récemment, par les remarquables travaux de MM. Bineau, Henri Sainte- : Claire Deville, Brandes, Liebig, Bence Jones et Barral. Dans les recherches dont je vais avoir l'honneur d'entretenir l’Académie, je me suis proposé d'étendre les investigations de mes devanciers, en déterminantce que, à un moment donné, 1 hectare de terre arable, À hectare de prairie, 4 hectare de sol forestier, 1 mêtre cube d’eau de rivière ou d’eau de source contient de nitrates. Les nitrates ont été dosés dans quarante échantillons de terre ; mais, avant fe présenter le résultat de ces dosages, je dois d’abord faire connaître la circonstance qui m'a décidé à entreprendre ce travail. J'avais eu l’occasion de remarquer que les plantes venues dans le potager de l’ancien monastère du Liebfrauenberg renfermaient de très notables quantités de nitrates ; des Betteraves, que j'avais cultivées en 1854 à la demande de M. Peligot, en contenaient une telle proportion, qu’il devint à peu près impossible d'en extraire le sucre, | 29 BOUSSINGAULT, —— QUANTITÉS DE NITRATES Chaque année, en automne, le potager recoit une fumure très intense de fumier consommé d’étable, Le sol est léger : c’est un désagrégat de grès des Vosges et de grès bigarré ; l’eau ne séjourne pas, parce que l’ameublissement du terrain descend à une assez grande profondeur. Le 9 août 1856, après quatorze jours de sécheresse accompa- gnée de fortes chaleurs, on a pris de la terre végétale dans un carré. Dans 4 kilogramme de cette terre séchée au soleil, on a dosé l'équivalent de 08,211 de nitrate de potasse. Le litre de terre sèche pesant 1K,500, on a 3165",5 de nitrate pour le mètre cube. De sorte que, le 9 août, on pouvait estimer à 1055 kilogrammes le salpêtre contenu dans 4 hectare du potager, en prenant 33 centi- mètres pour 1’epaisseur moyenne de la terre végétale. Une telle proportion de nitre dans un sol très abondamment fumé n'a rien de surprenant. En effet, incorporer, dans une terre bien ameublie, de l'engrais d’étable arrivé à un état de décompo- sition très avancé; faire intervenir soit des cendres, soit de la marne; labourer pour mélanger et pour favoriser l’accès de l'air ; établir des rigoles, afin de prévenir la stagnation des eaux, c’est fumer un champ , c’est le préparer à porter d’abondantes récoltes. Eh bien, pour peu qu’on réfléchisse, on reconnaitra que c’est exactement amsi que l’on procède lorsqu'il s’agit d'établir une nitrière artificielle, La seule différence consiste en ce que, dans un climat pluvieux, la nitrière doit être abritée , afin de conserver dans la terre des sels aussi solubles que les nitrates, et que, pour peu qu’elle fût persistante, la pluie ne manquerait pas d'entraîner ou toutau moins de les faire pénétrer dans le sous-sol adjacent. Ainsi, du 9 au 29 août, il plut tous les jours au Liebfrauenberg ; on avait mesuré dans l’udomètre 53 millimètres d’eau. Le 29 août, immeé- diatement après qu'il eut cessé de pleuvoir, on ramassa de la terre dans le même earré où on en avait pris le 9. Après dessiccation, 4 kilogramnie de cette terre a donné 0#",0087 de nitrate ; par con- séquent, dans À mètre cube, l'équivalent de 13 grammes de ni- trate de potasse ou 43 kilogrammes pour 4 hectare. La plus erande partie du salpêtre avait donc disparu de la surface du terrain. | CONTENUES DANS LE SOL ET DANS LES EAUX, 23 Dans le mois de septembre, il a plu quinze fois, et il est tombé 108 millimètres d'eau. Le 10 octobre, après quatorze jours de sécheresse, le sol du potager, sous l'influence d’un vent soutenu, avait perdu son excès d'humidité ; 1l était devenu assez sec pour être arrosé. De la terre prise au pied d’un mur d'appui a donné, après avoir élé desséchée, 08,298 de nitre par kilogramme, soit hh7 grammes par mêtre cube ou 1490 kilogranmes par hectare, nombre qui se rapproche , en le dépassant, de celui obtenu par le dosage du 9 août. Les alternatives de sécheresse et d'humidité que le sol avait subies expliquent les énormes variations qu’on a con- Statées dans les proportions de nitrates; quant à la forte quantité de ces sels, elle provient, à n’en pas douter, de la prodigalité avec laquelle on fume. toujours un potager, véritable type de la cul- ture intense. Il convenait done de doser le salpêtre dans des sols qui ne reçoivent jamais d'engrais , comme le sol des forêts, ou qui n'en reçoivent que dans des. proportions assez restreintes , comme la terre labourée d’une eulture normale. J'ai essayé sept échantillons du sol forestier. La terre prise le 27 octobre dans une forêt de Pins près Ferrette, dans le Haut-Rhin, n’a pas fourni d'indices de nitrates. La terre d’une forêt de Pins établie sur le sommet d’une mon: tagne des Vosges, et dans une situation telle qu'elle n’est humec- tée que par les eaux pluviales, renfermait, le 4 septembre, l'équi- valent de 0<",7 de nitrate de potasse par mêtre cube: Du sable pris le 15 actobre dans la forêt de Fontainebleau con- tenait, par mètre cube, l'équivalent de 3*°,27 de nitrate de po- tasse, Dans une terre de bruvère ramassée , le 45 août, dans la forêt de Halten, à peu de distance du Rhin, on a dosé, par mètre cube, l'équivalent de 42 grammes de nitrate. Dans des terres de prairies prises, en septembre et en octobre, sur les bords de la Saüer, dans une vallée des Vosges et dans un pâturage situé près de Roedersdorff (Haut - Rhin), l'équivalent en nitrate de potasse a varié, par mètre cube deterre, de 1 à 11 grammes. R De dix-neuf échantillons de terres arables de bonne qualité 2h BOUSSINGAULT. — QUANTITÉS DE NITRATES prises, en septembre et en octobre, dans les vallées du Rhin, de la Loire, de la Marne et de la Seine, quatre n’ont pas donné de nitre. Les terres qui en contenaient le moins provenaient d’un champ de Maïs de Hoerdt (Bas-Rhin), de la Vigne du Liebfrauenberg, d’un champ de Betteraves des bords de la Saüer ; le mètre cube deterre n'a pas contenu au delà de 0:",8, 1:",28 et 12,33, en équivalent de nitrate de potasse. | Les terres les moins pauvres en salpêtre avaient été recueillies dans un champ de blé des environs de Reims et dans un sol arable de la Touraine ; le mêtre cube renfermait 405",4 et 14%,4 en équi- valent de nitrate de potasse. Une terre de Touraine falunée depuis cinq ans a offert une richesse exceptionnelle : dans 1 mêtre cube, il y avait l'équivalent de 108 grammes de nitre. Je n’avais pas attendu ce dernier résultat pour rechercher les nitrates dans les amendements calcaires que l’on donne au sol à si hautes doses. | Le falun , formé, comme on sait, de débris de coquilles, avait été incorporé à la terre dont il vient d'être question, à raison de 70 mètres cubes par hectare. Dans 4 kilogramme de ce falun, sorti tout récemment de la falunière, je n’ai pu déceler la moindre trace de nitre. Une marne très blanche, facilement délitable, de La Chaise près Louzouer (Loiret), examinée immédiatement après son extraction, a contenu l'équivalent de 7£",2 de mitrate de polasse par mètre cube. Dans la marne du même gisement, extraite en 1853, et qui depuis cette époque était restée en tas aux bords de la marnière, on a dosé, pour le même volume, 19 grammes de nitrate. Une marne très argileuse des buttes Chaumont en contenait 25 grammes. La craie à Meudon est extraite dans trois exploitations superpo- sées. Le calcaire, pris à l'étage supérieur, dans une taille active- ment attaquée, sur un point où les carriers travaillaient, contenait, par mètre cube, l'équivalent de 16 grammes de nitrate. Un fait digne de remarque, c’est qu’on n’a pas trouvé de nitre dans les assises inférieures dela masse de craie. Quand on sait quelle est Ja masse de calcaire que l’on incorpore au sol dans un marnage, on comprend que, malgré leur faible dose, les nitrates doivent être CONTENUES DANS LE SOL El DANS LES EAUX. 25 recherchés, puisqu'ils peuvent faire partie de ces substances que les marnes ne renferment qu'en très minimes quantités, mais qui, cependant, n’en sont pas moins efficaces, comme le phosphate de chaux et les carbonates alcalins. A quelques exceptions près, on a rencontré le salpêtre dans les terres examinées , et généralement -en proportions assez faibles. Mais on ne doit pas oublier que les dosages ont été exécutés durant un automne pluvieux, et que la pluie tend à enlever, ou tout au moins à déplacer les nitrates. On à reconnu, en effet, que le nitre de 4 mètre cube de la terre d’un potager a varié de 316 grammes à 13 grammes, suivant qu’on l'avait dosé avant ou après l’arrivée des jours pluvieux. Ce qu'il faut voir surlout dans les résultats obtenus, c’est le fait de la fréquence du salpêtre dans la terre vé- gétale, soit qu’elle appartienne au sol forestier situé à une telle hauteur au-dessus des vallées qu'il ne reçoit comme engrais rien autre chose que de la pluie, soit qu’elle fasse partie d’un sol la- bouré auquel on applique la fumure la plus intense. L'eau tendant à dissoudre les nitrates, on devait s’attendre à trouver une plus forte proportion de ces sels dans une terre con- venablement fumée, tenue à l'abri de la pluie. J’ai effectivement rencontré de très notables quantités de salpêtre dans le sol des serres chaudes, qui a plus d’une analogie avec les nitrières artifi- cielles. Dans 1 kilogramme de terre d’une serre du Muséum d'histoire naturelle, j'ai dosé l'équivalent de 6 centigrammes de nitrate de potasse : 89 grammes par mètre cube; 4 kilogramme de terre prise dans une autre serre du même établissement a donné l’équi- valent de 6 décigrammes de nitrate de potasse, soit 80/4 grammes par mêtre cube (4). Notre savant confrère M. Moquin-Tandon ayant bien voulu m autoriser à prendre dans la serre du Jardin botanique de l'École de médecine les échantillons dont j'avais besoin, j'ai pu doser, dans L kilogramme de la terre noire et légère placée à la (1) Ces terres n'avaient pas la même densité; jerapporte, dans mon Mémoire, le poids du litre de chacune des terres. 96 BOUSSINGAULT, — QUANTITÉS DE NITRATES surface des bâches, l'équivalent 03,494 de nitrate de potasse, ou 161 grammes pour 4 mètre cube. Dans 1 kilogramme de terre forte, prise à 30 centimètres de profondeur au-dessous de la terre légère, on a dosé l’équivalent de *",107 de nitrate de potasse : 185 grammes par mêtre cube. Il n'est peut-être pas inutile de faire remarquer ici que c’est précisé- ment dans cette même serre de l’École de médecine que M. de Luca a exécuté ses intéressantes expériences sur la nitrification de la potasse par les éléments de l'air. Que les nitrates dont j'ai constaté la haute dose dans le sol des serres chaudes aient pour origine l'atmosphère ; ou qu’ils soient formés par suite des modifications qu'éprouvent graduellement les matières organiques du fumier en présence de bases alcalines ou terreuses ; ou bien encore qu'ils résultent simplement de l’aecu- mulation successive des nitrates apportés par l'eau employée à l'arrosement ; ou, si l’on veut enfin, dé ces diverses causes réunies : foujours est-il que leur persistance dans la terre dépend essentiellement de cetle circonstance, que les eaux pluviales ne peuvent pas les enlever; aussi tout porte à croire, en mettant à part l'influence favorable de la température et de l'humidité, que c'est dans une serre chaude qu'un engrais produit le maximum de son eflet utile. Qu’à ce sujet il me soit permis de présenter quel- ques réflexions. Daas l’état actuel de nos connaissances, il est naturel d'attribuer les principes azotés des végétaux, soit à l’ammoniaque, soit à l’acide nitrique; toute réserve étant faite sur la question de savoir si l’azote de l'acide ne passe pas à l’état d’ammoniaque sous l’in- Îluence de l'organisme végétal. L’azote de l’albumine , de la ca- séme, de la fibrine des plantes, a très probablement fait partie d’un sel ammoniacal ou d’un nitrate. Peut-être pourrait-on ajouter à ces deux sels une matière brune qu'on obtient du fumier; mais, même avec l’adjonction de cette matière encore si mal connue, il reste établi que tout élément immédiatement actif d’un engrais est so- luble, et que, par conséquent, un sol fumé, quand il est exposé à des pluies continues, perd une portion plus ou moins forte des agents fertilisants qu’on lui a donnés : aussi trouve-t-on constam- CONTENUES DANS LE SOL ET DANS LES EAUX. 97 ment dans l’eau de drainage, véritable lessive du terrain, des ni- trates et des sels ammoniacaux; et s’il est vrai que le sommet des montagnes, que les plateaux élevés n’ont pas d’autres engrais que les substances minérales dérivées des roches qui les constituent et les eaux météoriques, il ne l’est pas moins que, dans les conditions les plus ordinaires de la culture, une terre très fortement amendée cède à l’eau pluviale qui la traverse plus de principes fertilisants qu’elle n’en reçoit d’elle. En donnant à la terre un fumier à un état de décomposition peu avancé , renfermant par cela même plutôt les éléments des produits ammoniacaux et des nitrates que ces sels eux-mêmes, l'inconvénient dù à l’action des pluies prolongées est bien moindre que si l’on donnait un fumier fait où déjà dominent les sels solubles. Aussi, parmi les avantages que présente incon- testablement l'application des engrais liquides, je crois qu'il con- vient de placer en première ligne celui de n’apporter aux cultures que des matières convenablement modifiées pour être absorbables, en ne les offrant à la plante qu’au fur et à mesure des besoins : vé- ritable dosage ayant une certaine ressemblance avec les procédés les plus délicats de la physiologie expérimentale , et qui soustrait l'engrais à l’action dissolvante des eaux pluviales. Si les eaux météoriques, auxquelles l’agriculteur ne commande pas, produisent souvent un effet défavorable sur les cultures par leur abondance et surtout par l’inopportunité de leur intervention, il n'en est pas ainsi des eaux de sourcés, des eaux de rivières amenées par l'irrigation , ou de celles qui entretiennent par voie d'imbibition une vallée dans un élat convenable d’humectation. Ces eaux, quand on les mesure à la terre, lui cèdent la totalité des substances utiles qu’elles tiennent en dissolution ou en suspension : des sels calcaires et alcalins, de l'acide carbonique, des matières organiques, etc. ; et pour montrer dans quelle large proportion ces substances dissoutes ou entrainées sont introduites, je rappellerai que, dans une suite d'expériences que j'avais entreprises pour apprécier le volume d’eau nécessaire À l'irrigation dans notre cli- mat pendant l'été, j'ai pu faire absorber très facilement, par 1 hec- tare de terre forte ensemencé de Trèfle, 97 mètres cubes d’eau toutes les vingt-quatre heures. Ce n’était, après tout, qu’un arro 28 BOUSSINGAULT. — QUANTITÉS DE NITRATES sement à raison de 9,7 de liquide par mètre carré : c'était déverser sur le sol une couche d’eau dont l'épaisseur n’atteignait pas 0",041. Entre les sels utiles à la végétation que l'irrigation apporte à la terre, on doit distinguer les nitrates, dont les eflets fertilisants n'avaient pas échappé à la sagacité de M. Henri Sainte-Claire Deville, dans le travail elassique qu'il a publié sur la composition des eaux potables, et dont il a déduit comme conséquence : que l'eau des sources et des rivières est pour les prairies un puissant engrais, par la silice et les alcalis qu’elle amène, par la matière organique etles nitrates où les plantes puisentl’azote indispensable à leur organisme (1). Il n’est pas nécessaire d’insister sur l'intérêt qu'il pouvait y avoir à doser dans les eaux un engrais aussi actif que le salpêtre; les ré- sultats auxquels je suis parvenu, en montrant combien la propor- tion de cet élément est variable, justifient d’ailleurs l’opportunité de semblables recherches. | Ainsi, c’est à peine si j'ai pu doser les nitrates dans ces énormes amas d’eau que renferment les lacs des montagnes des Vosges. L'eau du lac de Stern, dans la haute vallée de Massevaux, creu- sée dans une roche syénitique, ne contenait par litre que l’équi- valent de 0er O1 de nitrate de potasse (2). L'eau du lac Seven, dans la même vallée, un peu au-dessous du lac de Stern et d’où sort la Doller, a donné par litre l'équivalent de (1) Annales de chimie et de physique, 3° série, t. XXII, p. 32. Voici le résumé du travail de M. Sainte-Claire Deville : « Ces analyses établissent : » 4° L'importance du chiffre de la silice dans les eaux potables (silice que » M. Payen avait déjà trouvée en grande quantité dans l'eau du puits de Gre- » nelle); » 20 Le rôle que cet agent , associé à la matière azotée des eaux , joue dans » la fertilisation des prairies ; » 3° Le rôle tout à fait semblable qu'on doit accorder aux nitrates dans » l'action de l'eau comme engrais, par conséquent l'importance de ces éléments » nitrés dans bien des circonstances. » (2) Eau prise le 22 octobre 1856. J'indique toujours les dates, parce que, dans les eaux comme dans les terres, la proportion de nitre n'est pas la même à toutes les époques. CONTENUES DANS LE SOL ET DANS LES EAUX, 29 Omillisr 07 de nitrate de potasse (1). L'étang de Soultzhach, près Woerth (Bas-Rhin), formé par le barrage de la petite rivière de la Soultzhach, est entouré de montagnes de grès des Vosges. Dans un litre, il n’y aurait que 08,03 de nitrate (2). Eaux de sources. — J'ai examiné les eaux de quatorze sources ; les plus pauvres en nitre ont été celles du Liebfrauenberg et des ruines du Fleckenstein : toutes deux sortent du grès des Vosges. Le litre renfermait l'équivalent de Omilisr 03 à Omillisr 44 de nitrate de potasse. Les eaux des sources dans lesquelles j'ai trouvé le plus de sal- pêtre sont celles de l’Ebersbronn (Bas-Rhin) et de Roppentzwiller (Haut-Rhin); par mètre cube, l’équivalent de 14 grammes et de 11 grammes de nitrate de potasse. Ces eaux sont utilisées pour l'irrigation. Eaux de rivières. — Des eaux de rivières analysées, les moins chargées de salpêtre sont celles de la Seltz et de la Saüer, tributaires du Rhin : 05,7 à 0,8 par mètre cube. Les rivières dont les eaux ont présenté le plus de nitrate sont la Vesle, en Champagne, et la Seine. L'eau de la Vesle en tenait 12 grammes par mètre cube, l’eau de la Seine 9 grammes. Ce dernier nombre est déduit de six déterminations faites entre le 29 novembre 1856 et le 18 janvier 1857. En 1846, M. H. Sainte-Claire Deville a dosé dans l’eau de ce fleuve, en nitrate de soude et de magnésie, l’équivalent de 18 grammes de nitrate de potasse par mêtre cube. A l’étiage, la Seine débite à Paris, par seconde, 75 mûtres cubes ; pendant les eaux moyennes, 250 mêtres cubes. En adop- tant9 grammes pour le nitrate, on trouve que dans les basses eaux, en vingt-quatre heures, le fleuve porte à la mer l'équivalent de 58,000 kilogrammes de nitrate de potasse, et dans les eaux moyennes 194,000 kilogrammes (3). (1) Eau prise le 23 octobre 1856. (2) Eau prise le 24 août 1856. (3) Le Rhône, à Lyon, débite, par seconde, dans les eaux moyennes 650 m.e. Le Rhin, à Lauterbourg, — — 41100 —— Le 48 août 1856 , le mètre cube d'eau contenait 1 gramme de nitrate. Le d0 BOUSSINGAULY, —- QUANTITÉS DE NITRATES Si maintenant on considère que le volume des eaux de la Seine est de beaucoup inférieur à celui de la plupart des grands fleuves qui sillonnent les divers continents, on comprendra combien est immense la masse de salpêtre enlevée continuellement aux bassins hydrographiques , et avec quelle incessante activité doivent agir à la surface du globe les phénomènes qui déterminent la nitrifi- cation. Eaux des puits. — J'ai trouvé plus de nitrates dans les puits foncés dans les villages et dans les explorations rurales que dans les sources et les rivières; mais encore ici les proportions ont été des plus variables. Par exemple, l’eau des puits de Bechelbronn , qui, à la vérité, n’esi pas exempte de quelques traces d’huile de pétrole, ne renferme que des indices de nitrates, tandis que l’eau des puits de Woerth et de Freischwiller (Bas-Rhin), établis dans les marnes du lias , en ont 66 et 94 grammes par mètre cube. Mais c’est dans les puits des grandes villes que l’on rencontre les plus fortes quantités de nitrates. Ce lait est connu'depuis longtemps, el M. Henri Sainte-Claire Deville a dosé dans une eau puisée à Besançon l'équivalent de 198 grammes de nitrate de potasse par mètre cube. La proportion de nitre que j'ai rencontrée dans des eaux provenant de quarante puits choisis dans les douze arrondis- sements de Paris est encore plus élevée. Les dosages ont été exé- cutés par les deux procédés que j'ai toujours employés compara- tivement, la décoloration de l’indigo et la méthode ingénieuse que l'on doit à M. Pelouze. Les eaux dans lesquelles il y a eu le moins de nitrates prove- naient de puits situés à Paris : Rue Guérin-Boisseau, on à dosé par mèt. cube l'équiv. de 206 8° de nit. de pot. Rue Saint-Martin , — — 223 — Rue Saint-Georges, — es 238 per Rue des Petites-Écuries, — 258 sé) Les eaux qui ont donné le plus de nitrates avaient été puisées dans les quartiers les plus anciens. fleuve, à cette époque , entraînait, en vingt-quatre heures, 95000 kilogrammes de salpêtre. CONTENUES DANS LE SOL ET DANS LES EAUX. o1 Dans l’eau de puits situés : kil. Rue du Fouare, on a dosé par mètre cube l'équivalent de 1,031 de nit. de pot. Rue du Foin-Saint-Jacques, —— — 4,500 —— Rue Saint-Landry, — — 2,093 — Rue Traversine, — — 2,165 2e Dans deux puits de jardins maraichers des faubourgs, le mètre cube d’eau renfermait Ailes, 268 et 4 “losr,5/6 de nitrates. On voit que 100 mètres cubes de ces eaux, exclusivement destinées à l'ar- rosement, portent dans le terrain 420 à 425 kilogrammes de sal- pêtre, dont l’utilité comme engrais ne saurait être contestée, sur- tout quand on sait qu’en été À hectare de terrain maraicher absorbe par jour 30 à 40 mètres cubes d’eau. La forte proportion de nitrates trouvée dans l’eau des puits de la capitale est due, sans aucun doute, aux modifications que subissent les matières organiques dont le sol est constamment imprégné. La pureté de l’air et de l’eau, dont les effets se manifestent avec une si grande énergie sur la santé publique, doit en être profondément affectée. J’ai montré, à une autre époque, que la pluie, après avoir balayé, en la traversant, l'atmosphère d’une grande cité, tient en dissolution ou en suspension beaucoup plus d’ammoniaque, beau- coup plus de principes organiques putrescibles que lorsqu’elie tombe au loin dans la campagne; aujourd’hui je rappelle que l’eau des puits, après s'être infiltrée à travers un terrain comparable à une nitrière, est souillée de substances évidemment nuisibles. Tant il est vrai qu’une population condensée porteen soi les germes de l’insalubrité. À Paris, en raison du milieu géologique qu’elle parcourt, l'eau rassemblée dans les puits n’est pas potable ; on n’en boit pas; on n'en fait pas usage dans la préparation des aliments : d’après cela, on pourrait croire la population parfaitement à l'abri des inconvé- ments qu'elle peut présenter. Ce serait là une erreur, ear il est fa- cile d'établir que chaque habitant prend tous les jours la totalité des substances dissoutes dans un certain volume de cette eau. D'abord on est convaincu que, dans l’intérieur des murs d'octroi, les coupages des gros vins et des liqueurs alcooliques ont lieu avec 02 BOUSSINGAULT. — QUANTITÉS DE NITRATES l'eau de puits, et il est avéré que les boulangers n’en emploient pas d’autre dans la confection du pain. Mille kilogrammes de farine, pour être panifiés, exigent pour les différents levains et la pâte 617 litres d’eau. Comme rendement, on obtient 1373 kilogrammes de pain, renfermant nécessairement toutes les: substances solubles des 617 litres d’eau. Dans 1 kilogramme de pain, il y a donc tout ce qui se trouvait dans A5 centilitres d’eau de puits. Voyons à présent ce que cette eau introduit de nitrates. L'eau du puits de l’hôtel Scipion, la boulangerie des hospices, contient, par litre, l'équivalent de 0%,31 de nitrate de potasse ; c’est une des eaux les moins chargées de sels. Un kilogramme de pain, préparé avec cette eau, doit donc en retenir 0%,14. Un kilogramme de pain obtenu avec l’eau du puits de la rue Saint-Landry retiendrait l'équivalent d'environ 4 gramme de nitrale de potasse. A ces faibles doses, il est douteux que les nitrates soient mal- faisants ; mais ce que leur présence dans le pain a de fâcheux, c’est qu’elle est l'indice de matières organiques provenant évidemment de sources suspectes, des eaux ménagères par exemple, ou des infiltrations que laissent échapper les nombreuses fosses d’ai- sances établies en contre-bas du sol. Qu'on n'oublie pas d’ailleurs que chaque année les crues de la Seine, les inondations souter- raines, mettent en communication les assises inférieures du ter- rain avec les assises supérieures, là où sont les réceptacles d’im- mondices , et que les eaux, en lavant le sol, charrient, dans ce qu'elles entraînent, des sporules de cette végéiation cryptoga- mique, de ces moisissures toujours nuisibles et d'autant plus à craindre, que leur organisme, si frêle en apparence, résiste néan- moins à la température que supporte le pain pendant la cuis- son, comme l'a reconnu M: Paven, et plus récemment encore M. Pogoiale. | Dans un Mémoire lu à l’Académie en 1859, j'ai déjà insisté sur le dégoût que les eaux des puits inspirent quand on sait, et per- sonne ne l'ignore aujourd’hui, qu’elles sont employées dans la CONTENUES DANS LE SOL ET DANS LES EAUX. 99 boulangerie. Déjà, si je suis bien informé, l'administration des hospices se met en mesure de procurer l’eau de Seine à la manu- tention de Scipion. C’est, je n’en doute pas, un exemple qui sera imité, car on ne comprendrait pas pourquoi, à Paris, on persiste rait à préparer le pain avec de l’eau impure. L De l’ensemble de ces recherches il est permis de conclure que, sous le rapport des principes fertilisants qu'elles apportent à la terre, par l'irrigation ou par l’imbibition, les eaux qui circulent à la surface ou à une petite profondeur agissent bien plus par le sal- pêtre que par l’ammoniaque quis’y trouve. Dans mon Mémoire sur l’ammoniaque des eaux, j'ai montré que l’eau des rivières tenait rarement au delà de 0%",2, et l’eau des sources au delà de 0#,02 d’alcali par mêtre cube; or les résultats obtenus jusqu’à présent indiqueraient dans À mètre cube des mêmes eaux l’équivalent de 427,10 d’ammoniaque. Ces nombres sont très rapprochés de ceux que M. Bineau a déduits de ses études chimiques sur les eaux du bassin du Rhône. La constitution géologique d’une contrée a d’ailleurs l'influence la plus prononcée sur la proportion de salpêtre. Cette influence, que M. Bineau a aussi constatée, s’est surtout révélée dans le cours de ce travail. Ainsi, dans les lacs creusés dans la syénite, les eaux n’ont offert que des traces à peine appréciables de nitre; celles qui sortent du grès rouge ou du grès quartzeux des Vosges ne parais- sent pas en avoir plus de 05%",5 par mètre cube ; tandis que dans les terrains calcaires, qu’ils appartiennent au trias, au terrain ju- rassique, au groupe crélacé, ou aux dépôts tertiaires supérieurs à la craie, les eaux de sources et de rivières ont fourni, par mètre cube, l'équivalent de 15 grammes de nitrate de potasse, et la pro- portion a varié de 6 à 62 grammes. Si, dans les sources et dans les rivières, 1l y a généralement plus de nitrates que d’ammoniaque, le contraire semble avoir leu dans la pluie, dans la neige et dans la rosée. Des expériences continuées pendant six mois, en 1852, ont établi que des eaux météoriques recueillies à une grande distance des lieux habités tenaient, en moyenne, O"FF5.,74 d'ammoniaque £° série. Bor. T. VIL. (Cahier n° 4.) 5 3 3h G. THURET, par litre. Depuis MM. Law et Gilbert ont trouvé un nombre à peu près semblable, en observant pendant une année entière à Rothamsted. Dans l’été et l'automne de 1856, j'ai examiné 90 échantillons de la pluie recueillie au Liebfrauenberg. Dans 76 de ces eaux, il a été possible de doser les nitrates, ce qui est conforme à ce que M. Barral a constaté, et les résultats quantitatifs auxquels je suis parvenu, bien que laissant peut-être quelque chose à désirer , m'autorisent néanmoins à croire que la pluie, lorsqu'elle tombe au milieu des champs, dans la proximité de forêts étendues, renferme bien moins d'acide nitrique que d’ammoniaque. X DEUXIÈME NOTE SUR LA FÉCONDATION DES FUCACÉES, Par M. G. THURET. 11 y a quatre ans que j'ai eu l'honneur de présenter à la Société des sciences naturelles de Cherbourg le résumé de mes re- cherches sur la fécondation des Fucacées (1). Depuis cette époque, MM. Pringsheim, Cohn et de Bary ont publié des observations analogues sur les Algues inférieures. Les faits décrits par ces sa— vants présentent une analogie si frappante avec ceux que j'ai ob- servés, qu’il n’est pas douteux qu’ils appartiennent au même ordre de phénomènes, quoique cependant on ne puisse obtenir dans les Algues inférieures la démonstration directe et péremptoire de la réalité de la fécondation que fournissent les Fucacées. Celles-ci possèdent sous ce rapport de tels avantages, qu'il semble i Ampos- sible de trouver réunies des conditions plus favorables pour ré- soudre la question avec une entière certitude. En effet, les Fueus (1) Mémoires de la Sociélé des sciences nalurelles de Cherbourg , t. I, p. 164 (mai 1853). — Ce mémoire a été reproduit avec plus de développement dans les Ann. des sc. nat., 4° série, t. TI, p. 197 (1854), FÉCONDATION DES FUCACÉES. 35 sont extrêmement communs sur nos côles. Quelques-unes des espèces les plus vulgaires sont dioïques, et exérêtent durant tout l'hiver des spores et dés anthéridies en quantités innombrables, Rien de plus aisé que de se procurer ces deux organes en abon- dance, de les soumettre à des expériences comparatives, de varier celles-ci de mille manières. Chaque jour on peut avec la même facilité renouveler ses recherches et répéter sés observations, avantage inappréciable dans des questions de ce genre, et qui m'autorise à dire que, pour quiconque apporte à celle étude un peu de soin et d'attention, il n’est pas de fait physiologique plus évident, plus incontestable que la sexualité des Fucacées. J'ai cherché à profiter cet hiver des facilités que présentent les Fucus dans ces recherches, pour étudier un point de l’histoire de la fécondation que ces plantes me semblaient propres à éclaircir. On sait que les spores des Fueus, au moment où elles sortent des enveloppes qui les renfermaient , sont absolument dépourvues de toute espèce de membrane ou tégument quelconque, ét que la for- mation de cette membrane est le premier résultat de la féconda- tion (1). J'ai voulu essayer de déterminer, avec plus de précision que je ne l’avais fait jusqu'ici, le moment où cette membrane com- mence à se former. Les résultats de ces recherches me paraissent assez intéressants pour mériter d’être communiqués à la Société, Ce n’a pas été sans quelque surprise, en effet, que j'ai reconnu que la membrane des spores naît presque soudainement sous l'influence de la fécondation, et que, six à huit minutes après avoir été mises en contact avec les anthérozoïdes, les spores commencent déjà à se recouvrir d’un tégument dont il n'existait aucune trace quelques instants auparavant. Je vais entrer dans quelques détails à ce su- jet, et indiquer les procédés que j'ai mis en usage pour constater ce fait. Il serait inutile de revenir ici sur ce que j'ai dit ailleurs de la fructification des Fucacées. Pour tous les détails relatifs à ces or- ganes, je renvoie à mes précédents mémoires. Je me bornerai à rappeler que la spore des Fucus consiste en une masse de matière (1) Ann, des sc. nat., h° sûrie, t, II, p. 202, 203. 30 G. THURET., granuleuse olivâtre, parfaitement sphérique , dont la forme n'est maintenue que par la cohésion de la substance qui la compose. C'est ce dont il est facile de s'assurer en soumettant les spores à une légère pression sous une lame de verre; on les voit se défor- mer, s'étirer en divers sens, se partager quelquefois en fragments qui prennent souvent eux-mêmes une forme arrondie ; enfin, si la pression est plus forte, les spores s’écrasent et s’éparpillent en masses grumeleuses amorphes, composées de chlorophylle jaune- verdâtre et d'une substance visqueuse incolore ; cette dernière prend, sous l’action du sucre et de l’acide sulfurique, une colora- tion rose qui indique la présence de la protéine. Si, à la goutte d’eau de mer qui contient les spores, on ajoute une gouttelette d’une solution de chlorure de zinc ou d’acide sul- furique faible (1), on verra les spores, au moment où elles sont atteintes par le réactif, se contracter légèrement ; presque aussitôt il commence à exsuder de leur surface des globules d'un liquide réfringent incolore, qui grossissent et se multiplient rapidement. Au bout de quelques instants , les spores entièrement recouvertes de ces globules offrent l'aspect que représente la figure 1. Le sucre et l'acide sulfurique donnent aux globules une légère teinte rosée; il est donc probable qu'ils sont formés aux dépens de la substance visqueuse azotée dont j'ai parlé tout à l'heure, qui, par l'action du réacuf, se sépare de la chlorophylle. C’est cet effet particulier de certains réactifs que j'ai mis à profit pour déterminer l'instant où la membrane des spores fécondées commence à se former. Elle n’a point, dans les premiers temps, d'épaisseur appréciable, et il serait impossible de l’observer direc- tement. Mais aussitôt qu’elle commence à naître, sa présence se ré- vèle par l'obstacle qu’elle oppose à l’exsudation des globules, qui ne peuvent plus alors se développer librement à la surface de la spore. On appréciera la différence remarquable de l’effet produit par le réactif dans ces deux cas, en comparant la figure À, qui représente une spore non fécondée traitée par le chlorure de zine, et la figure 2 (1) La solution de chlorure de zinc étant d'un emploi plus commode que l'acide sulfurique, je m'en suis servi de préférence dans le d'épaisseur, dépasse rarement 5 à 6 pieds de hauteur : il est souvent tortueux et rabougri. De fortes racines, sortent de la base, et s'étendent horizontalement dans la tourbe. Les racines ainsi que le tronc sont tellement imprégnés de résine, que les copeaux en sontemployés en guise de bougies dans plusieurs parties du Jutland. Le Pin des marais est peut- être une espèce à part, analogue aux Pinus pumilio et uligi- nosa, qu'on trouve dans les marais alpins de l’Europe, ou peut- être une forme rabougrie et dégénérée du Pin sylvestre croissant dans un sol tourbeux. Ces deux hypothèses resteront également incertaines tant qu'on n’aura trouvé ni les fruits ni les feuilles de cet arbre. Le Pin des marais, à l’état fossile, est beaucoup plus commun que le Pin sylvestre ; dans le Jutland , 1 se montre très fréquem- ment dans les tourbieres sablonneuses. Je l'ai trouvé à profusion dans les marais qui avoisinent la rivière d'Ems, et près du monas- ère de Tirapel, sur le territoire néerlandais. Ici se terminera l’examen des matériaux qui nous fournissent des données pour la solution du problème qui fait l’objet de cette note, savoir l'alternance des espèces forestières et l'envahissement du Hêtre dans les forêts du Danemark. Les marais y tiennent na- turellement la première place à cause de la richesse des vestiges végétaux qu’ils ont conservés. Le tuf calcaire et les forêts sous-marines ont incomparablement moins d'importance , et n’acquièrent même une certaine valeur, au point de vue qui nous occupe , que par leur concordance avec les tourbières. Ils s'expliquent, pourrait-on dire , les uns par les autres, et c’est ce qui ajoute encore à la puissance des arguments que l’on en peut tirer. Les anciennes forêts danoïses, surtout celles du Jutland, étaient un mélange de Conifères et d'arbres à feuilles caduques. Le Bou- | | | DANS LES FORÊTS DU DANEMARK. CG, leau en était l'essence la plus commune; après lui venaient le Chêne et le Pin sylvestre. Le Tremble , le Saule , le Noisetier, lOrme et l'Érable n'avaient, comme aujourd'hui, qu'une importance secon- daire dans la constitution forestière. L’Aune, le Bouleau et une seconde espèce de Pin eroissaient dans les marais, Si donc nous comparons les forêts d'ancienne date avec celles de nos jours, nous trouvons que leur différence la plus frappante _consiste en ce que les premières étaient extrêmement riches en Bouleaux, qu’elles manquaient totalement de Hètres , et qu’elles possédaient une ou peut-être deux espèces de Pins. Dans les forêts danoises d'aujourd'hui , au contraire, le Hêtre est devenu l'arbre dominant, et cect est le cas de toutes les parties boisées de ce pays. Les forêts des îles danoises contiennent , à l’état spontané , une telle quantité de Hètres, que, comparativement à ceux-ei, les autres espèces d'arbres perdent toute importance. C’est le même fait qui se présente dans les magnifiques forêts de la côte orientale du Jutland. Au centre même du pays ( Sikeborg) ou vers le nord, surtout là où le sol devient tourbeux ou sablonneux , on trouve cependant quelques bois disséminés où le Bouleau, le Chêne et le Tremble abondent quelquelois au point de l'emporter sur le Hôtre : mais ces bois ont peu d’étendue, et d’ailleurs le Hêtre n’en est pas exclu. Là, comme dans les forêts de la côte orientale, cet arbre envahisseur s’est frayé un passage et a conquis sa place au milieu des essences qui occupaient le sol depuis les ‘époques les plus reculées. Le Hétre ne se trouve point dans les tourbières, dans le tuf cal- caire et dans les foréts sous-marines. On n’expliquerait pas ce faiten prétendant que le Hêtre est, plus facilement que les autres arbres, dissous par l’eau, car il est impossible de croire que l'écorce et le bois compacte de cet arbre puissent être altérés à un tel point que la recherche la plus minutieuse n’en fasse découvrir aucun vestige, dans les tourbières surtout, où des végétaux infiniment plus mous eb plus putrescibles ont laissé, en quantités énormes, les débris qui les font reconnaître au premier coup d'œil, C5 C. VAUPELL, — INVASION DU HÊTRE IT. B. Essai sur les changements naturels des essences. a. Alternance des essences. Le Pin (arbre qui n'appartient plus à la flore danoise) est, à l'état fossile, commun dans les tourbières où l’on cherche en vain le Hôtre. Ce fait, véritablement extraordinaire , a été remarqué il y a plus d’un siècle, et les savants s’en sont déjà occupés. Dès 1762, on lisait, dans la Revue économique du Danemark et de la Norweége, le passage suivant : « Comment cet arbre étranger (le Pin) a-t-il pu » s'introduire dans les tourbières du Danemark , pays où il n'existe » pas naturellement? On ne peut se l'expliquer qu'en admettant qu'il » y a été entrainé par les flots impétueux du déluge qui l’ontarraché à » son sol natal, et l’ont transporté à plus de cent lieues de là dans nos » marais.» De nos jours on a voulu expliquer la disparition du Pin, el son remplacement par le Hêtre dans nos forêts, en supposant que le climat du Danemark s’est adouer, et que les essences des anciens temps étaient appropriées à la rudesse du climat d’alors ; maissi l’on se rappelle ce que sont les conditions climatériques sous lesquelles ces mêmes essences, surtout le Pin et le Chêne, croissent dans l'Europe centrale, on ne tarde pas à se convainere que leur pré- sence actuelle dans le Danemark n'autorise en aueune manière à présumer que le climat, à des époques plus anciennes, a été plus froid. Le Hêtre, par exemple, n’exige pas une température plus douce que le Chêne ; on remarque même que partout, dans l’Eu- rope moyenne, cet arbre supporte mieux le froid que ce dernier ; il en est de même du Pin, qui peut parfaitement croître, et qui croît effectivement, dans des pays dont le climat est plus doux que celui du Danemark. Pour expliquer ce phénomène, cherchons des faits analogues, et comparons-les avec ceux dont nous parlons. Nous les trouvons, et en grand nombre, dans l'histoire des forêts de l'Amérique et de plusieurs contrées de l’Europe. La plupart des voyageurs ont observé que, lorsque les arbres conifères des forêts américaines ont été brülés où abattus, des arbres à feuillage caduc ne tardent DANS LES FORÊËTS DU DANEMARK, e) pas à les remplacer (1). On sait depuis longtemps que , lorsqu'on ouvre au Brésil des routes dans les forêts vierges, on voit appa- raître sur leurs berges des végétaux tout différents de éeux qui y croissaient auparavant, et qui ressemblent à ceux des Capoerris. Bientôt survient une Fougére, le Pteris aquilina ; puis une Grami- née visqueuse, le Capim Gordura des Brésiliens, qui chasse où étouffe toutes les autres plantes. C’est surtout dans la littérature forestière allemande et fran’sise qu'on trouve des faits propres à établir que la végétation des forêts peut ètre changée, sans que l’action de l’homme y coopère. Une forêt située près de Munich, et qui anciennement a été compo:éce de Chènes, de Hôtres, de Bouleaux et de Noisetiers, donne main- tenant plus de dix mille cordes de bois résineux par an. A Odenwald, il n'existait, il y a cent ans, aucune forêt exclusivement formée de Conifères comme aujourd’hui. L'ancienne forêt de Chênes de la bruyère de Letzling , près de Magdebourg , s’est métamorphosée, à un dixième près, en une forêt de Pins. Cet arbre a fait des pro- grès tout semblables à Lunebourg. Dans le Steiermark, des Coni- fères eroissent là où anciennement , d’après des témoignages au - thentiques , le sol était uniquement occupé par des bois de Hêtres et de Chênes. Ces faits, sur lesquels nous reviendrons, et qui ont été recueillis par Unger (2) dans un mémoire où il fait mention de la substitution naturelle de la végétation forestière , constatent qu'en Allemagne, aussi bien qu’en Danemark, l'essence des forèts a changé; toutefois ces changements se sont effectués en sens contraire dans les deux pays : en Allemagne, ce sont les Conifères qui dépossèdent les arbres à feuilles caduques , tandis que c’est le contraire en Danemark. Beaucoup de forestiers allemands 2dmet- tent de même que les essences ont changé dans le cours des siècles. Ed. Berg assure, par exemple, qu’anciennement on ne trouvait que des arbres à feuillage caduc dans les montagnes du Hartz, amsi que dans toute la plaine qui s'étend de ces montagnes à la mer du Nord, et c'étaient surtout le Hêtre etle Chêne. Aujour- d’hui ces arbres sont en décroissance, tandis que le Pin etle Sapin (1) Mackenzie et Maximilien de Neuwied. (2) Boluuische Zeitung, par MM, Mobl et Schlechtendal, 1849. 70 C. VAUPELL, —— INVASION DU HÊTRE s y mulliplient tous les jours davantage. « La plus grande partie des ‘orêts du Har(z, dit-il, se composait encore, il y a deux cents ans, larbres à feuilles caduques, dont les restes se retrouvent actuel- lement dans les tourbières. » Dureau de la Malle est le premier qui ait cherché à expliquer l'alternance naturelle des essences. Le Perche offrait à ce savant les circonstances les plus favorables pour établir que l’alternance est une loi générale de la nature, et qu’elle est la condition essen- telle de la conservation et de la reproduction des espèces végé- tales vivant en société. Il dit (4) : « Cette succession alternative des divers végétaux a pour base le fait bien établi de la longue faculté germinative des graines. Le phénomène qui le prouve se reproduit dans les futaies du Perche à chaque exploitation. La futaie en coupe n’est composée que de Chênes et de Hêtres , de quel- ques Châtaigniers, d'Ormes ou de Frênes, dans la proportion de &# envi- ron. Les sous-arbrisseaux qui végètent à l’ombre de ces dômes de verdure sont le Houx et la Bourgène en petite quantité. Le + ou le + de ces futaies est abattu chaque année. Elles sont généralement assolées à cet âge. On ne laisse en baliveaux que des Chênes et des Hêtres pour semer et reproduire; cependant à peine la futaie est-elle abattue , que le sol se couvre uniquement de plantes herbacées et de sous-arbrisseaux, de genêts , de Digitales, de Seneçons, de Vaccinium et de Bruyères; enfin apparaissent les arbres à bois blanc, Bouleaux ou Trembles. On abat ces bois blancs au bout de trente ans; à peine succède-t-il quelques arbres à bois dur , ce sont toujours des Bouleaux et des Trembles. Trente ans après, même destruction et même reproduction. Ge n’est qu’à la troisième coupe du taillis, après quatre-vingt-dix ans, que les Chênes et les Hêtres, les bois durs enfin, ont reconquis leur patrie; ils restent maîtres du terrain sans partage , et ils étouffent tous les bois blancs qui voudraient lusurper. Il faut donc 290 à 330 ans pour avoir sur le même terrain deux coupes de futaies. Les bois blancs ont occupé le sol pendant quatre- vingt-dix ans. Cependant il n’y a point de bois blancs aux environs et leurs semences ne peuvent y être portées par les vents. Ce fait, constaté tous les ans, prouve donc que dans certaines circonstances la faculté ger- minatrice des graines de Bouleau et de Tremble et des sous-arbrisseaux ou plantes que j’ai cités, peut se conserver dans la terre pendant un siècle. » (1) Ann. des sc. nat., 1825. DANS LES FORÊTS DU DANEMARK. 71 M. Dureau de la Malle tire de ces faits les conclusions sui- vanles : « La succession alternative dans la reproduction des espèces végétales, surtout quand on les force de vivre en société, est une loi générale de la nature, une condition essentielle à leur conservation, à leur développement. Cette règle s’applique également aux arbrés de haute futaie, dont la vie est la plus longue, aux arbrisseaux, aux arbustes et aux sous-arbrisseaux ; elle régit la végétation des plantes sociales, les prairies artificielles , les prés naturels , les espèces pérennes, bisannuelles ou annuelles vivant en société ou même isolées ; enfin cette théorie , base de toute bonne agriculture, et réduite en fait par le succès prouvé de l’alternement des récoltes, est une loi fondamentale imposée à la végétation par l’Auteur de tout ce qui existe. » | M. Laurens a essayé d'expliquer , par ce même fait de l’alter- nance, l’état actuel: d’infériorité des forêts de Chênes en France. Déjà, depuis 1669, Louis XIV favorisait le Chêne aux dépens des autres arbres forestiers, afin d’avoir du bois à l’usage de ses flottes. C’est dans ce sens que les forêts françaises furent gouvernées jns- qu’à l’époque de la révolution ; mais le résultat ne répondit point à l'attente : le Chêne dégénéra sans cesse (1). L'auteur que nous venons de nommer en conelut qu'aujourd'hui la France est dans la période de la dégénérescence du Chêne ; que tous les efforts qu'on a faits depuis 1669 pour favoriser cet arbre n’ont abouti qu’à le rendre moins vigoureux et plus rare ; mais qu'il y a lieu de croire qu'un phénomène contraire se manifestera, lorsque l'époque de la dégénérescence des Hêtres et des Charmes amènera la disparition de ces derniers, qui seront à leur tour remplacés par le Chêne. On explique, comme on voit, ces alternances des arbres fores- üers par la nécessité d’une sorte d’assolement, aussi vital pour les bois que pour les plantes de l’agriculture. En continuant de nourrir la même plante, le sol s’épuise et finalement devient impropre à l'entretien de cette espèce, parce que les matériaux dont elle se nour: rissait sont consommés. Mais d’autres plantes peuvent survenir , (41) Mémoires de la Société de Nuntes, 1849 : De l'alternance des essenres forestières. si C. VAUPELL. — INVASION DU HÈÊTRE et, comme elles ont un autre tempérament et d'autres besoins , elles absorbent'des substances nutritives repoussées par celles qui Jes ont précédées. Ces plantes prospèrent jusqu'au moment où elles ont elles-mêmes enlevé au sol les éléments qui leur convenaient, et comme dans l'intervalle il a récupéré ceux qu'il possédait anté- rieurement, l’ancienne essence peut revenir l’occuper de nouveau. Ainsi donc pour les bois comme pour les plantes de nos champs et les arbres de nos vergers, l’assolement ou l'alternance des espèces - serait la condition impérieuse de la vie. La doctrine de l’alternance des essences forestières a trouvé des partisans tant en Allemagne qu’en France. Cotta s'exprime ainsi à ce sujet : « Nous apprenons par l’histoire des forêts que le sol ne » Saurait nourrir, sans interruption, la même espèce d'arbre. Dans »la nature, tout tourne dans une vicissitude perpétuelle; la nuit :» succède au jour, l’êté à l'hiver. Tout se modifie, rien n’est con- » stant. Là où des Chênes séculaires se montraient, nous ne trou- » vons plus aujourd'hui que des Pins; ailleurs, au contraire, ce sont » les Conifères qui ont cédé la place au Chêne et aux autres arbres » à feuilles caduques, qui, à leur tour, reculeront dans quelques » siècles devant ceux qu'ils supplantent aujourd’hui (2). » Si l'alternance des essences forestières est si naturelle et si né- cessaire, 1l est évident qu’il conviendrait de pratiquer l’assolement dans la culture des forêts, aussi bien qu’en économie rurale. Toute- fois cette doctrine n’a pas encore recruté assez de partisans pour qu’on ait songé à la mettre en pratique, pas même en Allemagne, pays où la science forestière est plus florissante que partout ailleurs. M'étant adressé un jour, à ce sujet, au directeur général des forêts en France, M. Graves, voici la réponse que j'en ai obtenue : « On ne partage pas en France l’opinion que l'on parait avoir de » l’autre côté du Rhin sur l'alternance des essences. Aucun fait n’a » encore prouvé que la substitution d’une essence à une autre fût »le résultat d’une loi naturelle, et la persistance des mêmes » espèces depuis un temps immémorial dans nos principales » masses s’expliquerait difficilement si cette loi était vraie. Sans (4) Cotta, Grundriss der Forshvissenschaft, 1843, DANS LES FORÊËTS DU DANEMARK. 73 » (loute, il a été remarqué que, dans certaines contrées, les Coni- » fères avaient une tendance à déposséder le Hêtre, que dans » d’autres le Chêne semblait reculer devant des essences secon- » daires ; mais ces faits proviennent sans doute des modes d’explot- » {ation appliqués aux massifs dans lesquels ils ont été observés. » Il est constaté, par exemple, que le tempérament du Chêne se » concilie difficilement avec lé mode d'exploitation en taillis, et que .» ce mode a en outre pour effet d’appauvrir le sol, et de le » rendre souvent impropre à la végétation des essences dures. » C’est aussi ce qui arrive pour les Hêtres des forêts du Dane- mark. Cet arbre y est aussi ancien que l’histoire du pays, et cepen- dant rien ne porte à croire qu'il tende à disparaitre ; tout au contraire, il prospère à souhait, et ne ressemble pas aux arbres fruitiers, qui sont sujets à dégénérer avec le temps, circonstance qui semble indiquer que leur existence dans ce pays est due à une an- cienne importation par l’homme. Le Hêtre n’appauvrit pas la terre ; quoiqu'il exige beaucoup plus que le Bouleau ou le Chêne, il végète loujours avee une égale vigueur, et le sol sur lequel.il croit est toujours également fertile, aussi n’a-t-on jamais songé à lui four- nir des engrais en compensation du bois qui y est coupé chaque année. Bien que la culture des forêts et l’économie rurale aient le même but, qui est de faire produire au sol la plus grande masse de plantes possible, ces deux branches de l’art agricole emploient des moyens tout différents pour obtenir ce résultat. Le laboureur qui désire une bonne récolte doit fumer, jachérer, labourer son terrain ; la lorèt, au contraire, peut subsister sans ces ressources , et cepen- daut le sol ne se repose jamais. Cela tient à ce que les arbres enlè- vent moins à la terre ses éléments minéraux de fertilité que ne le font les céréales, par exemple ; de plus, le forestier ne dépouille ps l'arbre en entier. Tout ce que le laboureur cultive est, au con- l'aire, enlevé du champ; et quant aux céréales , qui sont une des cultures les plus épuisantes , il n’en reste sur le sol qu'une faible partie des chaumes. Dans les forêts, les jeunes rameaux et le feuil- lage, qu’on n’enlève pour ainsi dire jamais, sont précisément les parties de l'arbre qui contiennen: la plus forte qranttié de cendre’, 7 C. VAUPELL, —— INVASION DU HÊTRE car un pied cube de ces sommités herbacées contient quatre fois autant de cendres qu’un mètre cube de bois. Il en serait sans doute autrement, si ces débris qui jonchent la terre étaient soustraits à la forêt ; bien probablement alors elle s’épui- serait en quelques années , comme celles qu'une mauvaise culture ne régénère pas à l’aide d'engrais appropriés. Nous venons de voir que, non-seulement l'alternance n’est pas la condition sine qu non de la durée de la même espèce d'arbre (surtout du Hêtre) sur le même terrain, mais aussi que ce qui, en agriculture, est applicable aux céréales ne l’est pas à l'entretien des forêts. Cela nous mène à conclure que le changement des essences forestières tient à une autre cause que l'épuisement du terrain, et qu'il faut en chercher l’explication dans d’autres phéno- mènes, tels, par exemple, que l’action de la lumière et de l’humi- dité sur les végétaux. Pour nous en rendre compte , il convient done d'examiner en quoi consistent les changements d’essences qui s'effectuent de nos jours dans les forêts du Danemark. Celles de ces forêts qui sont uniquement formées de Hêtre ne fournissent rien pour la solution du problème, attendu que les changements, s’il y en a eu, sont antérieurs à la période histo- rique. Les forêts, au contraire, qui sont composées de plusieurs espèces associées, acquièrent ici un intérêt tout particulier, puis- qu'elles donnent le moyen d’observer comment le Hêtre s'empare du sol en dépossédant de plus en plus les autres essences. J'ai dit précédemment que des forêts de cette dernière catégorie existent à l'état naturel dans l’intérieur du Jutland_ C’est à surtout que j'ai eu occasion d'observer les faits sur lesquels je base mes conclu- sions, et qui, eux-mêmes , me semblent avoir un certain intérêt, Selizeborg (1) est peut-être la localité où l’on observe le mieux l’'envahissement du Hêtre et sa lutte contre d’autres arbres, surtout contre le Bouleau. Le sol montueux et entrecoupé de profondes vallées diffère notablement des autres parties boisées du Danemark. On y rencontre des bois de Bouleaux dont les branches longues,effi- lées et pendantes, descendent presque jusqu'à terre, et des landes à bruyères , plaines sablonneuses et prerreuses, parsemées çà et là (1) Petite ville située au centre du Jutland. DANS LES FORÉTS DU DANEMARK. 75 de bouquets d'arbres de cette même espèce. Mais ce qui contribue plus que toute autre chose à donner à cette contrée le cachet qui la distingue, ce sont les lacs pittoresques qu’on rencontre à chaque pas, ainsi que les grands marais auxquels d'innombrables Bouleaux forment une ceinture verdoyante. Cependant le Bouleau n’est pas l'arbre dominant dans les forêts de Seltzeborg ; le Hêtre y üent, comme partout, le premier rang ; la « grande forêt », par exemple, y est uniquement composée de Hêtres qui, malgré la pauvreté d’un sol entièrement sablonneux , y croissent avec la plus grande vigueur. Des forêts uniquement composées de Bouleaux ne se montrent, dans les environs de Seltzeborg, que sur le sable stérile ou sur le sol tourbeux. Partout ailleurs cet arbre est mêlé avec le Hêtre, qui le dépossède pour peu que le terrain lui soit favorable. C'est, par exemple, ce qui se montre à Oxensoie (1), isthme boisé baigné par les eaux du lac. Originairement la forêt ne contenait que des Bouleaux, mais le Hêtre s’y est introduit par plusieurs endroits à la fois et a insensiblement gagné du terrain. Il n’est pas sans intérêt d'observer comment s'établit la latte entre ces deux arbres. Rien n’est plus fréquent que d’y voir un Hêtre adossé à un Bouleau : ce dernier, gêné par ce voisinage incommode, s'incline du côté opposé, perdant successivement ses branches au contact du Hêtre, et ne se développant que À où il trouve le champ libre. Mais st, par hasard, de ce côté-là encore, il rencontre un autre Hêtre, son existence en est tellement compromise, qu’elle ne se prolonge gé- néralement pas un bien grand nombre d'années. Des cas comme celui que je viens de signaler ne sont nullement rares. Pressé par les branches touffues du Hêtre, le Bouleau cherche à s’élancer au- dessus de son antagoniste pour trouver un peu d’air et de lumière ; mais ces efforts sont inutiles : 1! arrive toujours un moment où le liètre, plus vigoureux, étouffe sa victime. il peut se faire cependant que le Bouleau meure de vieillesse ; mais si déjà le sol est ombragé par le Hêtre, 1l ne s’y reproduit plus, faute d’une lumière solaire suffisante. Loin done de chercher la cause de la dépossession du Bouleau (4) Oxensoie signifie œil de bœuf. 76 C. VAUPÉLL, — INVASION DU HÊTRE par le Hêtre dans une constitution nouvelle du sol , supposée telle qu'il ne serait plus en état d'alimenter le premier de ces arbres, il faut la voir uniquement dans la diminution de la lumière inter- ceptée par le Hêtre. Le Hêtre, effectivement, est doué d’une forte membrure ; ses branches étalées, ses rameaux touffus et son abon- dant feuillage, projettent autour de lui une ombre épaisse qui éloigne la plupart des autres végétaux ; le Bouleau, au contraire, se ramifie faiblement : ses branches grêles et clair-semées n’om- bragent le sol qu’à demi, aussi trouve-t-on, même au cœur de l’été, un gazon florissant dans les forêts de Bouleaux. Les plantes némorales qui vivent sous le Hêtre fleurissent au printemps ; elles se sont développées avant la feuillaison de l’arbre, et elles ne tar - dent pas à disparaître lorsqu'une fois il s’est couvert de son épais manteau de verdure, sous l'abri duquel les jeunes Hêtres seuls peu - vent croître et prospérer. Le Bouleau doit donc périr là où le Hêtre s'empare du terrain. Il laisse, sans doute, une nombreuse postérité derrière fui, mais la même cause en arrête le développement : elle meurt étouffée, et celles de ses graines qui n’ont pas germé restent enfouies dans les détritus qui jonchent le sol, attendant, pendant des siècles peut-être, que la disparition du Hêtre par la main de l’homme leur restitue les conditions de lumière et de chaleur néces- saires à leur développement. Il en est tout autrement du Hêtre, dont les graines lèvent, et dont les jeunes plants croissent avec vigueur sous le faible ombrage du Bouleau. On pourrait demander pourquoi le Hêtre n’a pas depuis long- temps dépossédé le Bouleau , ou pourquoi il n’a pas paru avant lui. Quant à cette dernière question, on peut répondre que, lors- que le sol était occupé par le Bouleau, le Hêtre n'existait pas en- core dans le voisinage, attendu que, s’il y avait existé, le sol ne lui aurait pas été favorable. Il est constant, en effet, qu’aussi longtemps que le terrain est contraire au Hêtre, celui-ci n’entre- prend point de se substituer au Bouleau , mais laisse à son adver- saire la libre possession du sol. Ce n’est qu'au moment où ce der- nier est suffisamment amélioré par les détritus des feuilles du Bouleau, qu'il tente de s’en emparcr. Ceci explique comment il se fait que, dans les forêts de Hêtres de Selzchorg, on frenve un DANS LES FORÊTS DU DANEMARK. 27 érand nombre de marais bordés par de vigoureux Bouleaux, tan- dis que les collines voisines sont entièrement occupées par le Hètre; mais on prévoit que l’œuvre de destruction finira par s’ac - complir, et que le Hêtre, s’avançant de plus en plus sur la pente, atteindra enfin les bords limoneux du marais. En réfléchissant au passé et à l'avenir des forêts de Seltzeborg, on pourrait penser que le Hêtre chassera d’iei à quelques années le Bou- Jeau de toutes les positions qu'il oecupe, et que ces forêts ont été, dans un temps encore peu reculé, entièrement composées de Bou- leaux. Toutelois les changements d’essences ne s’opèrent pas si rapidement, car nous savons, par un témoignage écrit du xvir' siècle, que les forêts de Seltzeborg étaient, dès celte époque, composées des mêmes essences qu'aujourd'hui. Ce document remarquable date de la guerre de trente ans. En 1644, les Suédois pénétrèrent dans le Jutland, et lorsque le général Wrangel campait devant la ville de Randers, il fit faire, dans les forêts des environs de Seltzeborg, des coupes con- sidérables. Les Suédois, en effet, n’'abaitirent pas moins de 120,000 arbres , sur lesquels 71,000 étaient des Hêtres, 49,000 des Chènes et 131 seulement des Bouleaux. Si le Hêtre à envahi les anciennes forêts de Bouleaux du Jutland, il ne respecte pas davantage les plantations toutes modernes de Pins du Seeland. On voit presque partout où le Pin est cultivé dans celte île, lorsque le sol n’est pas trop mauvais, et qu'il y a des Hêtres dans le voisinage, le feuillage vert-clair de ces arbres apparaitre tôt ou tard au milieu de la sombre verdure des plan- tations de Pins. Abandonné à lui-même, le Pin ne tarderait pas à disparaître comme le Bouleau ; pour qu'ilse maintienne, il faut que l'homme vienne à son secours , en extirpant périodiquement tous les Hêtres qui se sont introduits dans la plantation. Le Pin a cepen- dant été favorisé de toutes les manières; il a été planté et soigné pendant ses premières années ; le Hêtre, au contraire, s’est semé de lui-même, et contre la volonté de l’homme. Mais malgré ces avantages, le Pin ne saurait soutenir la lutte contre cet adversaire : jeune, il périt sous son ombre, tandis que le Hêtre croit lui-même avec vigueur sous l'ombre des Pins; aussi ne voit-on jamais, en 78 C. VAUPELL, —— INVASION DU HÊTRE Danemark du moins , une forêt de Hêtres se changer en forêt de Pins. | Vis-à-vis du Chêne, le Hêtre se conduit en partie autrement qu'avec le Pin et le Bouleau. Sa cime étant beaucoup plus touffue que celle des deux autres arbres, le Chêne les étouffera, s’il croît au milieu d’eux et que le terrain lui soit tant soit peu favorable ; mais comme il ne supporte pas aussi bien l’ombre que le Hêtre, il cédera le pas à ce dernier ; seulement la lutte entre ces deux rois des forêts sera plus opiniâtre et plus longue. Non-seulement le Chêne a une cime plus touffue que le Bouleau et le Pin, il est en outre doué d’une très grande longévité; c’est ce qui explique pour- quoi on rencontre çà et là de puissants massifs de Chênes dans la plupart des contrées boisées du Danemark. Toutelois le Hêtre finira par l'emporter, surtout par suite de celte circonstance que les jeunes Chênes ne peuvent se développer sous l'ombre trop épaisse du Hêtre. Ce n’est donc pas aux exigences de la marine du Danemark qu'il faut s’en prendre de la diminution des Chênes dans ce pays. La disparition de cet arbre est un fait naturel, indépendant de l’in- dustrie humaine, et qui résulte du desséchement graduel du sol, ainsi que de son amélioration par les détritus végétaux qui s’y aceumulent à la longue. Ajoutons à cela que la chasse, si nuisible au Hêtre. perd tons les jours du terrain, et que, dès à présent, elle n’a plus qu'une très faible influence sur le développement des produits forestiers. Le Chêne a d’ailleurs plus de puissance de développement que le Pin, et, de même que le Hêtre, 1l germe et croit vigoureusement dans un sol préparé par la végétation du Pin; celui-c1, au contraire, après lui avoir préparé le sol et fourni une ombre salutaire , périt peu à peu, étouffé par le Chêne. Aïnsi ce qui a eu lieu dans les an - ciennes forêts se répète encore de nos jours : le Pin recule devant le Chêne, qui est à son tour éliminé par le Hêtre. Les forêts de Pins, de Bouleaux et de Chênes, se changent finalement en forêts de Hètres, non, comme on le soutient encore, par l’épuisement du sol, mais au contraire par son amélioration graduelle. Il est certain que le sol des forêts a été anciennement noyé sous DANS LES FORÊTS DU DANEMARK. 79 des eaux stagnantes, comme le prouve la richesse des tourbières en Bouleaux fossiles. Ces arbres y sont si nombreux, qu'on peut dire, sans exagération, qu'elles en contiennent plus que de toutes les autres espèces ensemble. Tant que les eaux des marais et des lacs n'ont pas eu d’issue, le sol d’alentour, très favorable au Bouleau, était au contraire impropre au Hêtre et au Chêne, ainsi qu’on le voit encore dans l’intérieur de la Suède, où les cours d’eau, inter- ceptés à tout instant par des obstacles qui les convertissent en cha- pelets de marécages, ne sont pour ainsi dire environnés que de cette espèce d'arbre. On conçoit sans peine que le Hêtre et même le Chêne, bien que ce dernier redoute moins le voisinage de l’eau, ne pouvaient croître sur un sol aussi détrempé, où le Bouleau, par contre, régnait en maître absolu. Il n’a cédé la place que lorsque le sol, asséché et enrichi par ses détritus, est devenu capable d’ali- menter une végétalion plus noble et plus puissante. L'influence de la lumière sur ces différents arbres étant encore une des causes qui ont amené les substitutions successives des essences, il ne sera pas sans intérêt de jeter aussi un coup d'œil sur cette partie de la question. L'observation nous apprend (4) que les plantes, suivant leur organisation, exigent des quantités de lumière fort inégales ; quel ques-unes des plus inférieures, comme, par exemple , certains Champignons, peuvent croître au fond des mines et y accomplir toute leur végétation dans une obscurité complète. Beaucoup de Mousses et d'Hépatiques se contentent d’une faible dose de lu- mière, mais ne peuvent cependant pas végéler dans l’obscurité. Peu de plantes supportent l'ombre, et celles-là sont en général pâles et décolorées, comme on le voit dans le Wonotropa et le Neothia. Quelques autres , témoin l’Asperula odorata , fleurissent sous le feuillage épais du Hêtre ; mais les arbres, sous ce rapport, se conduisent différemment. Tout dépend ici de leur manière de se ramilier , car c’est ce qui décide si la cime de l’arbre sera touffue ou ne le sera pas. Le Saule et le Bouleau ne développant que peu de branches ont la cime ouverte à la lumière ; le Hêtre, le Tilleul (1) Dans la première partie de ce récit j'ai suivi G. Heyes: Das Verhallen der Waldbüume gegen Licht und Schatten, 80 €. VAUPELL. —— INVASION DU HÈTRE et l’Aubépine, doués d’une puissante ramification, ont par cela même une tête touffue ‘L). Chezces derniers, les feuilles du centre et de la partie inférieure ne reçoivent que peu de lumière ; si, mal- gré cela , ils prospérent, c’est qu'il leur suffit d’une faible somme de lumière pour subsister, et l’on peut dès lors les regarder comme capables de supporter l’ombre. | Si nous essayons de classer les arbres d’après leur aptitude à supporter l'ombre, nous pourrons les disposer dans l’ordre suivant : 1° Le Sapin; 2° le Hêtre; 3° le Tilleul et le Charme; 4e le Chêne; 5° le Frêne ; 6° l'Érable, les arbres fruitiers, l’Aune et le Bouleau ( Belula verrucosa Ehrh.); 7° le Pin de Wevmouth; 8° l’Orme; 9° le Bouleau blanc (Betula alba L.) et le Tremble ; 10° le Mélèze. Ainsi il est hors de doute que les rapports qui s’établissent entre les arbres et la lumière sont au nombre des causes qui déterminent la prédominance de telle espèce sur telle autre (2); mais ces rap- (4) On ne peut pas juger de la cime des arbres d'après les individus qui croissent isolés, car alors ils ont généralement une tête touffue que la lumière atteint de tous les côtés. Dans les massifs, celle qui arrive latéralement n'a que peu d'action sur le développement de l'arbre, il n'y a que la lumière tombant perpendiculairement sur la sommité qui ait une action prononcée. Les têtes des arbres sont d’ailleurs aussi beaucoup plus ouvertes dans ce cas que dans leur état naturel. On peut former des haies impénétrables avec le Charme ; mais lors- que cet arbre est abandonné à lui-même, la tête qu'il forme est assez ouverte pour admettre une somme de lumière relativement considérable. (2) Après avoir examiné la tourbière de Lillemose, Stenstrup émet l'opinion que quatre végétations forestières différentes se sont succédé en Danemark. Selon cet auteur, le pays a d’abord été couvert de forêts de Trembles, puis de forêts de Pins ; le Chêne est venu ensuite, el en dernier lieu l'Aune, qui est peut-être contemporain du Hêtre. Ces végétations s’étagent à peu près dans l'ordre de leur résistance à l'absence de lumière ; le Tremble d'abord et le Hêtre à la fin. A ce sujet, Fries fait l'observation suivante : « Il me paraît remarquable, dit-il, que la succession des arbres forestiers en Danemark, dont parle le professeur Stens- trup, correspond exactement avec la plus ou moins grande richesse du sol en humus, dont la présence est nécessaire à leur développement. » Forchhammer fait observer aussi que les arbres des marais marquent la limite septentrionale de la végétation arborescente en Suède, Le Pin monte jusqu aux derniers confins de la Lapenie; le Chêne dépasse à peine S'ockholm: le Hôtre cesse dans le Smd'and, | DANS LES FORÈTS DU DANEMARK. 81 ports sont en connexion intime avec la qualité variable du sol qui s’appauvrit ou s'améliore, suivant la nature des arbres qu'il nour- rit. Ceux qui exigent beaucoup de lumière, n'interceptant que fai- blement les rayons du soleil, laissent la terre se couvrir d’une vé- gétation florissante ; ceux, au contraire, dont la cime touffue projette une ombre épaisse, le Hêtre par exemple, s'opposent au développement des végétaux plus faibles, dont les germes restent pour la plupart ensevelis sous une épaisse couche de feuilles. Cet état de choses est d’ailleurs favorable au sol forestier, qui récupère par là presque autant de potasse qu’il en perd par les coupes ré- oulières auxquelles les arbres sont assujettis. Ce fait explique comment le même sol peut, pendant des milliers d'années, nourrir des massifs de Hêtres sans s’épuiser. Effective- ment, loin de s’y affaiblir à la longue, le Hêtre s’y développe chaque année avec la même vigueur, et quand il a disparu par suite de l'exploitation, le sol forestier se transforme en terre à Blé d’une fertilité remarquable. Il en est autrement des forêts composées d'arbres qui ne supportent pas l'ombre, et dont la cime à claire- voie donne un libre cours au vent et lui permet d’emporter à de grandes distances les feuilles tombées. La terre ne profitant plus de leurs détritus finit par se stériliser et n’est plus en état, au bout d’un certain temps, d'alimenter la végétation forestière qui la couvre. Mais avant que cet effet se produise, et, par différentes raisons, il peut être retardé indéfiniment, le Hêtre, ou toute autre essence vigoureuse , envahit le terrain et se substitue à l'essence primitive. On voit par là combien il deviendra difficile de conser- ver, soit en France, soit en Allemagne, des forêts uniquement composées de Chênes, en présence d’un arbre dont toutes les con- | ditions actuelles du sol favorisent l’envahissement. | Le phénomène se présente sous un autre aspect, lorsque le sol | est occupé par le Pin , arbre qui exige beaucoup de lumière. Ses | feuilles aciculaires ne sont point dispersées par le vent; elles restent au pied des arbres. La terre en même temps s’y couvre ordinairement de Mousses, qui jouent 1ci le même rôle que les | feuilles tombées dans les forêts de Hêtres; elles s’imbibent d’hu- | midité, et produisent par leur décomposition un humus abondant &* série. Bor. T. VII. (Cahier n° 2.) 2 6 82 C. VAUPELL. — INVASION DU HÊTRE qui profite aux arbres. Il est remarquable que le sol ainsi engraissé soit singulièrement propre à produire le Hêtre, à tel point que quelques auteurs soutiennent que cet arbre pousse plus vigoureu- sement et se développe mieux sur un sol préparé par le Pin que sur celui qui a été fertilisé par le Hêtre lui-même. On a acquis la preuve, en Allemagne comme en Danemark, que les forêts de Pins se transforment spontanément, et avec la plus grande facilité, en forêts de Hêtres. Le fait a été particulièrement observé dans le Vogelgebirge. « Ce n'est qu'avec peine, dit G. Heyer, qu’on obtient des bois composés exclusivement de Pins; quoi qu’on fasse, le Hêtre empiète toujours sur le terrain, et lors- qu’on néglige ces bois pendant quelque temps , le Pin est partout supplanté par le Hêtre ; c’est que, tandis que les jeunes Pins restent en massifs serrés, le Hêtre germe sous leur ombrage tutélaire ; puis, lorsqu'on a commencé à faire des coupes, il s'élance par toutes les éclaircies et commence à projeter son ombre sur les Pins qui l’ont protégé, et qu’il ne tarde pas à faire périr. Cet effet se produit souvent dès la première rotation, et 1l devient presque impossible de rajeunir la pinière par les semis, car les graines ne germent pas ou périssent peu après avoir germé, étouffées qu’elles sont sous l’ombre épaisse du Hêtre. En parcourant le Vogelgebirge, on découvre à chaque pas des bois de Pins qui sont en train de se transformer en bois de Hêtres. La supériorité du Hêtre sur le Pin étant bien reconnue, on a de la peine à comprendre ce fait, pourtant incontestable, que le Pin a dépossédé le Hêtre dans des forêts d’une immense éten- due. Observé superficiellement, ce fait semblerait démontrer que le Hêtre, lui aussi, ne prospère que pendant un certain temps, après lequel il est contraint de céder la place à une autre espèce d'arbre, pour laisser au sol épuisé le moyen de se refaire. Mais si l’on vient à examiner de plus près les causes qui ont amené cette transformation, on ne tarde point à reconnaître que cette substitution du Pin au Hêtre, loin d’être un effet naturel, est au contraire entièrement due à l'intervention de l’homme, dont la négligence ou quelquefois les entreprises mdustrielles ont amené la détérioration du sol. Comme exemple à l'appui, nous pouvons DANS LES FORÊTS DU DANEMARK. 89 citer les vastes forêts d'Odenwald, qui , il y a cinq ou six siècles , occupaient un espace d’une cinquantaine de lieues d'étendue , et qui étaient pour ainsi dire exclusivement formées de Hêtres. Quelques Chênes existaient aussi dans le fond des vallées; mais par suite d’un mauvais aménagement continué pendant des siècles, et dont. l’appauvrissement de la terre a été la conséquence, le Hêtre a insensiblement cédé la place au Pm, qui s’est tellement propagé dans les sols sablonneux de cette contrée que la forêt en est devenue méconnaissable, même en ne remontant qu’à une cinquantaine d'années pour comparer son état d'alors avec celui d'aujourd'hui. On s'explique facilement cette décadence d’une des plus grandes forêts de l'Allemagne , lorsqu'on sait que, de temps immémorial , les paysans y enlèvent chaque année des masses énormes de feuilles pour servir d'engrais à leurs champs ense- mencés et à leurs vignes. Laissant de côté les changements survenus dans la constitution forestière pendant les derniers siècles, et qui ont été la suite d’un mauvais aménagement des bois, nous dirons, avec Heyer, que les substitutions des essences ont procédé en Allemagne de la même manière que dans l’île de Séeland, c’est-à-dire que le Bouleau, le Chène et surtout le Pin, ont reculé devant le Hêtre. Aujourd’hui encore le Pin forme, dans la région montagneuse du midi de PAllemagne, de vastes forêts ; il est moins repandu dans les mon- tagnes de l'Allemagne centrale, où cependant il existe. Enfin de vastes forêts, uniquement constituées par cet arbre, couvrent les plaines sablonneuses de l'Allemagne du nord, surtout dans les pro- | vinces prussiennes. « Autrefois, dit Heyer, ces trois zones boisées wétaient pas distinctes; elles étaient réunies en une immense forêt | d'un seul tenant qui couvrait la plus grande partie de l'Allemagne ; | mais après bien des siècles, lorsque le Hêtre et le Chêne eurent | commencé à croître dans le sol préparé par le Pin, ce dernier céda | insensiblement la place, jusqu'à ce qu’il ne lui restât d'autre ter- | rain que les plaines sablonneuses de l'Allemagne septentrionale | où le sol est trop maigre pour nourrir le Hêtre ou le Chêne. | Ce n'est pas en Allemagne seulement qu'on trouve la preuve de | ces changements d’essences forestières. Plusieurs parties du Dane- | | | | 8l C. VAUPELL. — INVASION DU HÊTRE mark ont, dans leur structure topographique, beaucoup d’analogie avec les Pays-Bas. Nous savons peu de chose des forêts néerlan- daises , qui déjà, depuis des siècles, ne sont plus que des débris insignifiants, et les détritus qu’elles ont laissés dans les tour- bières (4) sont beaucoup moins abondants que ceux qu'on ren- contre en Danemark ; mais tout démontre que les mêmes substi- tutions d’espèces forestières y ont eu lieu. Le Hêtre croit avec vigueur dans les bois de Haarlem et de La Haye ; mais il manque dans les tourbières , où, au contraire, sont enfouis des restes de Bouleaux, de Chênes, de Pins et d'Aunes. Le Pin est ici de deux espèces, savoir : le Pin sylvestre et le Pin des marais dont j'ai parlé plus haut. Les tourbières de la Hollande renferment un monument d’au- tant plus remarquable des antiques forêts du pays, qu'il est le seul dans son genre; ce sont les grands ponts romains découverts, en 14818, près de l’ancien monastère de Tirapel , et qui sont en- fouis sous trois à quatre pieds de terre tourbeuse, dans les vastes marais de l’Ems, aux confins de l'Allemagne. Presque tous les écrivains néerlandais qui ont traité ce sujet font remonter la con- struction de ces ponts au premier siècle de l’ère chrétienne. Lorsqu’après la défaite de Varus, Germanicus marcha contre les peuples de cette partie de l'Allemagne, l'infanterie romaine suivit le cours de la rivière d’Ems ; mais la cavalerie eut à traverser les marais pour rejoindre le reste de l’armée, ce qui nécessita la con- struction des ponts de bois. Ils sont aujourd’hui à peu près à sec et couverts de Bruyères. Les fouilles ont fait reconnaître qu'ils sont formés de fortes planches jetées en travers de troncs d'arbres soutenus par des pilotis. Longtemps on n’en a connu qu’un seul, qu’on pouvait suivre pendant deux lieues ; mais plus tard on en a découvert jusqu'à six. Ce qui a le plus d'intérêt pour nous, ce sont les espèces d’arbres qui ont été employées à la construction de ces ouvrages. Or on n’y voit point de Hêtre; je n’y ai trouvé que du Pin et du Bouleau, bien que je soupçonne que le Chêne et (4) En général, ce sont des fragments d'arbres qui ont végété sur la tourbe même, tel que le Bouleau et le Pin. Les marais de l'embouchure du Rhin ne contiennent le plus souvent aucun vestige de bois. DANS LES FORÉTS DU DANEMARK. 89 l’Aune ont dû en faire aussi partie. On reconnait de loin les troncs de Bouleaux à leur écorce blanche parfaitement. conservée. Ceux des Pins ne sont pas très gros, mais ils sont élancés ; ils appar- tiennent à l’espèce du Pin sylvestre seul ; cependant le Pin rabou- ori des marais, qui correspond avec celui que j'ai signalé dans les tourbières du Danemark , est très commun dans la tourbière d’alentour. L'Angleterre nous offre un phénomène de substitution tout semblable. Le Pin n’y croit point spontanément (1). Le Hêtre y a envahi le sol, peut-être après l'époque de César (2), et on ne l'y trouve pas à l’état fossile dans les tourbières où l’Aune et le Bou- leau sont au contraire communs, et où le Pin ne manque pas. Aujourd'hui les forêts naturelles de l'Angleterre sont composées des mêmes espèces d'arbres que celles du Danemark , avec cette seule différence que le Chêne y maintient encore sa supériorité sur le Hètre. L'état des choses est tout différent en Normandie, où le Hêtre prédomine sur toutes les autres essences, à tel point qu'aucune autre partie de la France n’est aussi riche en Hêtres que cette province. Le Chêne y existe en plus grande quantité qu’en Danemark ; mais les bois naturels de Pins y manquent totalement. Les forêts sous-marines qui longent la côte normande prouvent cependant que le Pin a jadis existé dans cette contrée, ainsi que le Bouleau, le Chêne, l'Orme et le Noisetier. On n’y trouve par contre aucun véstige du Hêtre, ce qui permet de croire que c’est à une époque comparativement récente que cet arbre a envahi le terrain. Il nous reste à examiner la question de savoir d’où le Hêtre est venu primitivement. En Bretagne, bien que le climat humide en favorise la croissance, cet arbre n’est pas très prédominant ; il est dès lors peu vraisemblable qu'il soit sorti de ce pays. On ne peut guère supposer non plus qu'il soit venu du côté de l'Est, car, en examinant sa distribution géographique , on recon- (4) C'est ce que l'on observe aussi en Irlande et dans l'Écosse méridionale ; mais le Pin n'est pas rare dans les autres parties de l'Écosse. (2) Materia cujusque generis ut in Gallia est, præter fagum el abielem (Cæsar. , Bel. Gal.). 86 €. VAUPELL, —— INVASION DU HÊTRE, ETC. nait qu'il prospère surtout dans les contrées de l'Europe centrale, dont le climat est à la fois tempéré et humide, et qu'il manque dans toute la partie orientale ou asiatique de l’Europe, la Russie par exemple, où il ne résisterait pas aux hivers rigoureux. Il est donc fort probable que le Hêtre est descendu des montagnes de l’Europe centrale, et s’est avancé de là jusque dans les pays bai- gnés par la Baltique. Il y a effectivement, à une égale distance du nord et du midi, une région plus ou moins élevée au-dessus du niveau de la mer où le Hêtre rencontre l'humidité requise , et où il croît avec la plus grande vigueur : tel est le mont Dore en France et le Thuringerwald en Allemagne. Dans cette dernière contrée, et surtout au sud de Wartburg, le Hêtre devient aussi grand et aussi beau qu’en Danemark. Il me paraît très probable qu'il a existé dans ces montagnes bien longtemps avant de commencer ses migrations vers les plaines du nord. Ainsi, au commencement de la période géologique actuelle, l'Allemagne septentrionale, le Danemark, les Pays-Bas, l’Angle- terre et le nord de la France, étaient couverts de Bouleaux et de Pins, auxquels se joignit plus tard le Chêne. Ces arbres se dispu- térent longtemps la suprématie, avant que le Hêtre lui-même prit part à la lutte, Ce ne fut que lorsque le sol fut devenu moins hu- mide, peut-être par suite des travaux de l’homme, et qu’il eut été suffisamment fertilisé par les détritus des végétations antérieures, que le Hêtre commença à se montrer. Ses progrès furent lents d’a- bord; mais chaque siècle en augmenta la puissance. Son domaine, dès aujourd’hui, est immense, et il s’accroitra encore jusqu’à ce qu'il ait atteint ces contrées stériles ou marécageuses où il ne saurait vivre, et qui seront le dernier asile des Pins et des Bouleaux. mt ip EE Em mm”. : & REMARQUES SUR LA FLORE DE L'ILE DE JUAN FERNANDEZ, Par le Dr R.-A. PHILIPPI (1). La flore des îles éloignées des continents présente ce caractère remarquable : d’abord d’être très pauvre en espèces, ensuite d’en avoir un certain nombre qui lui sont propres, et qu’on ne retrouve pas ailleurs. Ces faits semblent appuyer l'opinion des naturalistes, qu'il y a eu primitivement plusieurs centres de création, et que la variété de formes, qu’on voit presque partout à l’époque actuelle, est due à ce que les plantes primitives étaient douées de la faculté de se modifier pour s’accommoder aux conditions locales. Les mi- grations de plantes qui se continuent encore aujourd'hui, quoique sur des proportions restreintes, rendent difficile de déterminer les centres de création sur les continents ; mais, lorsqu'il s’agit d’îles écartées des autres flores, leur flore primitive n’a pu s'étendre d'aucun côté, ce qui explique pourquoi un grand nombre de formes leur appartiennent en propre ; en outre , elles n’ont pu que rare- ment recevoir des plantes venant d’ailleurs, d’où résulte leur pauvreté relative. Dans beaucoup de cas, on peut très bien com- prendre comment des espèces étrangères ont pu arriver dans ces îles ; quelquefois même préciser les points d’où elles leur sont ve- nues. Tantôt c’est parce que leurs graines, bien protégées par leurs enveloppes, ont conservé leur faculté germinative, même dans l’eau de mer, dont les courants les transportaient ; tantôt ce sont des oiseaux qui les ont avalées et rendues intactes ; tantôt enfin parce que leur légèreté a permis aux vents de lesemporter au loin, (4) Ce mémoire a été publié par M. Philippi, d'abord en espagnol, dans le cahier de juillet des Anales de la Universidad de Chili; ensuite, en allemand, dans le Botanische Zeitung, n°* 36 et 37, 5 et 12 septembre 1856, col. 625- 636, 641-650. | 88 R.=A, PHILEPPE, — REMARQUES SUR LA FLORE comme cela a lieu généralement pour les spores des Fougères et des Cryptogames. Ces faits sont bien connus pour les Canaries, les Açores, Sainte-Hélène, Tristan d’Acugna, elc.; je me propose de montrer ici qu'ils se présentént également dans l’île de Juan Fer- nandez. Malheureusement nous n'avons pas encore de flore complète de cette île remarquable. Les botanistes qui l’ont visitée sont en petit nombre ; ils n’y ont tous séjourné que peu de temps, et ce qu’ils ont écrit sur ses plantes est dispersé dans un grand nombre d’ou- vrages. On doit supposer que M. CI. Gay et ses collaborateurs ont relevé tout ce qui a été publié à ce sujet. De plus, le Musée de Santiago possède plusieurs espèces qui avaient échappé aux pre- miers explorateurs et qui ont été récoltées par le conservateur de ce Musée, M. Philibert Germain, à la fin d'octobre et au commen- cement de novembre 1854. Il est à regretter seulement que des circonstances particulières n'aient pas permis à ce naturaliste de séjourner à Juan Fernandez aussi longtemps que le Ministère le lui avait demandé ; aussi est-il vraisemblable que de nouvelles explorations feront encore découvrir quelques espèces. Toutefois il est certain que ces découvertes, si elles ont lieu, ne changeront pas essentiellement les résultats que nous pouvons déduire des ma- tériaux réunis jusqu’à ce jour. Avant de présenter l’énumération des plantes récoltées jusqu’à ce moment dans les îles de Juan Fernandez et de Masafuera, je crois devoir dire quelques mots de la constitution physique de ces îles. Juan Fernandez est situé par 33° 15’ de latitude sud, c’est-à- dire à peu près sous le parallèle de Valparaiso et de Santiago, et par 296° 56’ de longitude orientale au méridien de l’île de Fer, c’est- à-dire à 9 degrés à l’ouest de Valparaiso. Masafuera se trouve à 90 milles anglais, à l’ouest de Juan Fernandez. L'île de Pâques, celle des îles de la Polynésie qui en est la plus voisine, en est éloi- onée de 28 degrés, et la Nouvelle-Zélande de 100 degrés à l’ouest. Masafuera est entièrement formé de laves et de scories ; ses côtes sont escarpées et inabordables. Juan Fernandez s'étend presque en forme de croissant de l’est à l’ouest, de telle sorte que son extré- mité occidentale descend un peu vers le sud. En nombres ronds, DE L'ILE DE JUAN FERNANDEZ. 89 elle a près de 4 nulles allemands de longueur et À mille { de largeur. D’après les échantillons rapportés par M. Ph. Germain, sa constitution est toute volcanique ; des rochers abruptes, en par- tie coupés comme des murs et tout à fait inabordables, y alternent avec dutuf. La moitié orientale de l’ile est très élevée, et sa som- mité la plus haute, le Yunque (l’enclume), situé au sud-est de la rade , atteint 1000 mètres de hauteur au-dessus de la mer. La moitié occidentale est basse proportionnellement , unie, sèche et sans arbres, tandis que la première, particulièrement son versant septentrional, est presque entièrement couverte de bois touflus et toujours verts, au-dessus desquels un Palmier élancé , nommé Chonta, élève sa cime élégante. Ces bois rappellent les belles forêts des provinces méridionales du Chili; mais ils en diffèrent au premier coup d'œil par l’absence complète des lianes et du sous- bois qui rendent impénétrables les forêts de Valdivia, ainsi que par la grande quantité de Fougères herbacées qui y couvrent le sol de leurs détritus. | Voici la liste des plantes qui ont été trouvées jusqu’à ce jour à Juan Fernandez. Je ferai observer que toutes celles dont le nom n'est suivi d'aucune indication de localité sont propres à Juan Fer- nandez et à Masafuera : 1. MAGNoLAcEz, 1. Drymis confertifolia Ph. 2. BERBERIDEZ, 2. Berberis corymbosa Hook. 9. CRUCIFERÆ. 9. Heterocarpus fernandezianus Ph. L. Bixacez. h. Azara fernandeziana Hook. D. ALSINEZÆ. 5. Arenaria rubra L. var. polyphylla Ph. Le type de l'espèce se | trouve dans beaucoup de parties différentes du globe.— 6. Sagina 90 R.-A. PHILIPPI, — REMARQUES SUR LA FLORE chilensis Nan. Cette plante est commune dans les provinces cen- trales du Chili. G. OxALIDEZÆ. 7. Oxalis laxa Hook.; commun dans les provinces centrales du Chili. | 7. XANTHOXYLEÆ. 8. Xanthoæylon Mayu Bert. 0. RHAMNEÆ. 9. Colletia spartioides Bert. 9. Lecuminosx. 10. Edwardsia fernandeziana Ph. 10. Rosacez. A1. Fragaria chilensis Ehrh.; commun dans les provinces méridionales du Chili. —12, Margyricarpus setosus R. etP.; com- mun au Chili. A1. Haroracez, 43. Haloragis Cercodia Ait. Nouvelle-Zélande, — 44, Gunnera insularis Ph.; 15. G. glabra Ph.; 16. G. peltata Ph. 12. MYRTACEZ. 47. Myrtus Berteroi Ph. — 18. Eugenia Selkirkii Hook.; 19. E. fernandeziana Hook.; 20. E. Lumulla Ph. 13. PorRTULACE&. 21. Monocosmia corrigioloides Fenzl.; pas rare dans le milieu et le midi du Chili. Ah. SAxIFRAGEÆ. 29. Escallonia Calkottiæ Hook. — 23. E. fernandeziana Ph. 45. UMBELLIFERZÆ. _ 94. Eryngium sarcophyllum Hook. — 95. E. bupleuroides Hook. — 26. Daucus australis DC.; très commun dans tout le Chili. DE L'ÎLE DE JUAN FERNANDEZ, 91 16. LORANTHACEZÆ. 27. Loranthus tetrandrus R. et P.; très commun dans le Chili. 47. RUBIACEZ,. 28. Psychotria Hookeri Don ; 29. P. pyrifohia Don. 48. Composirz. 30. Rea macrantha Bert.; 31. R. Berteriana Dene ; 32. R. pin- nata Bert.; 33. R. nerufoha Dcne; 34. R. micrantha Bert; 90. R. marginata Bert.; 36. R. mollhis Bert. — 37. Erigeron fruticosum DC.; 38. E. rupicola Ph. — 39. Robinsonia macro- cephala DC.; 40. R. Gayana Dene; A1. R. thurifera Dene; h2. R. gracilis Dene; A3. R. longifohia Ph.; A. R. corrugata Ph.; 45. R. evenia Ph.; 46. R.? nervosa Ph. — 47. Gnaphalium Citrinum , commun dans les provinces moyennes et méridionales du Chili; 48. G. decurrens Ives ; 49. G. fernandezianum Ph.; 50. G. insulare Ph. — 51. Micropsis nana DC., commun dans les provinces du milieu. — 52. Galinsogea parviflora Cav., très commun dans tout le Chili. 19. LoBELiACEZÆ. 09. Lobelia anceps Thunb.,se trouve en différentes contrées. 20. CAMPANULACEZÆ. 5h. Wahlenbergia fernandeziana DC, — 55. W. Berteroi Hook. 21. EricacEz. 56. Pernettya Bridgesi Ph. 29, PRIMULACEZÆ. 57. Micropyæis ovalis (Anagallis R. et P.), pas encore trouvé au Chili, mais existant dans le Pérou. 23. POLEMONIACEZ. 58. Collomia gracilis Benth., commun dans le Chili. 99 R.-A, PHILIPPI, — REMARQUES SUR LA FLORE 911. ASPERIFOLIÆ. 99. Cynoglossum Berteru Colla. 25. LaBIATÆ. 60. Cuminia fernandeziana Colla; 61. C. brevidens Benth.; 62. C. eriantha Benth. 26. VERBENACEÆ. 63. Cithareæylon venustum Ph. 97. SOLANACEÆ, 6h. Nicotiana cordifolia Ph. — 65. Solanum tuberosum L., se trouve sauvage en différentes parties du Chili; 66. S. furcatum Poir., se trouve de même. — 67. Physalis pubescens L., égale- ment sauvage en différents endroits. 28. SCROFULARINEÆ, 68. Mimulus parviflorus Lindi., commun au Chili. 99, PLANTAGINEZÆ. 69. Plantago fernandeziana Bert. 20. CHENOPODEZ. 70. Blitum tenue Moq. — 71. Sahicornia peruviana Kth., sur différents points du Chili. 31. PoLYGONEZ. 72. Rumexæ Acetosella L., dans la province de Valdivia, sur la côte, etc. 02. SANTALACEÆ. 73, Santalum album L. (?), presqu’ile en deçà du Gange etiles voisines. | 99. EUPHORBIACEZÆ. 7h. Euphorbia Masafueræ Ph. — 75. Molina chilensis Rich. province de Valdivia et Chiloë. DE L'ILE DE JUAN FERNANDEZ. 93 3h. UrTicEz. 76. Bœhmeria fernandeziana Rich. — 77. Splhttgerbera de- nudata Rich. — 78. Urtica Masafueræ Ph. — 79. Freirea hu- mifusa Rich., commun dans les provinces du milieu et du nord du Chili. 99. PIPERACEZ. 80. Peperomia margarihfera Hook., dans la province de Val- divia ; 81. P. Berteroana Miq.; 82. P. fernandeziana Mid. 30. BROMELICEZ. 83. Ochogavia elegans Ph. 97. IRIDEZÆ. d 8h. Libertia grandiflora Ph. 98. PALMÆ, 85. Morenia Chonta Ph. (1). 99. JUNCEZ. 86. Juncus Dombeyanus J. Gay, se trouve en différents points du Chili. NO. CYPERACEZ. 87. Cyperus fernandezianus Colla; 88. C. refleæus Vahl, en différentes localités du Chili. — 89. Carex paleata Boot. — 90. Uncinia Douglas Boot, dans la province de Valdivia. LA. GRAMNEZ. 91. Aira caryophyllea L., commun dans tout le Chili. — 99. Piptochætium bicolor, dans la province de Valdivia. — 93. Stipa manicata E. Desv., ibid. — 94. Phalaris sp.— 95. Po- lypoyon crinitus Trin.,en différentes localités du Chili. —96. 4n- (1) Dans une note postérieure (voyez Botan. Zeit. du 21 novembre 1856, col. 818, M. Philippi dit avoir reconnu que M. de Martius a décrit ce Palmier sous le nom de Ceroxylon australe, et que dès lors la dénomination qu'il a pro posée lui-même doit être abandonnée. 9û R.-A. PHILIPPI. — REMARQUES SUR LA FLORE thoæanthum odoratum L., Europe. — 97. Trisetum varrabile E. Desv.. très commun au Chili. — 98. Hordeum secalinum Schreb., 1bid. — 99. Podophorus bromoides Ph. — 100. Pania- thera fernandeziana. h2. Fizices. 104. Blechnum pubescens Hook. — 102. Lomaria lanuginosa Knze ; 103. L. blechnoides Bory, commun dans le Chill. — 104. Adiantum chilense Kaulf., conmmun dans les provinces du milieu et du sud du Chill. — 105. Lithobrocha incisa Sw.; 106. L. patens Knze ; 107. L. appendiculata Kaulf.; 108. L. de- currens Prest. — 109. Cincinnalis chilensis Fée. — 110. Pteris chilensis Desv., en différents endroits du Chili. — 411. Æsple- nium macrosorum Bert. ; 112. A. fernandezianum Knze ; 113. “4. consimile Desv., dans les provinces méridionales du Chili; 4114. 4. magellanicum Kaulf., commun dans les provinces méridionales du Chili. — 115. Polypodium procurrens Knze. — 416. Phegopteris spectabilis Knze ; 417. P. rugulosa, dans diffé- rentes parties du Chili. — 418. Gontophlebium translucens Knze, dans différentes parties du Chili; 1149. G. cahifornicum Knze, ibid. — 120. Drynaria elongata Swartz, Jamaïque, etc. — 421 Polystichum vestitum Sw., en différentes parties du Chili ; 192. P. coriaceum Swartz, 1bid.; 123. P. flexum Knze. — 124. Diksonia Berteroana Hook. (espèce arborescente). — 425. Alsophila pruinata Kaulf., commun dans les provinces du sud du Chili. — 126. T'hyrsopteris elegans Knze (non arborescent). — 127. Hymenophyllum cruentum Cav., dans les provinces du Sud ; 128. FH. dichotomum Cav., ibid.; 129. H. tunbridgense Sm., 1bid.; 130. H. polyanthes Sw., Jamaïque, etc.; 131. 7. fu- ciforme SW., Chiloë ; 132. 7. Berteroi Hook., Chiloë ; 133. A. uniforme Hook.; 134. H. cuneatum Knze. — 135. Trichomanes exsertum Knze, Valdivia, Chiloë ; 136. T. dichotomum Ph. — 137. Mertensia cryptocarpa Hook. | Je n’ai pas porté sur cette liste les plantes que l’homme a intro- duites évidemment avec intention, comme le Pêcher, l’Abricotier, les Pruniers, Cerisiers, Figuiers, que lord Anson a plantés à Juan Fernandez, les Raïforts, les Raves, la Mélisse, bien que plusieurs DE L'ÎLE DE JUAN FERNANDEZ. ; 95 de ces espèces s’y soient multipliées, au point d'y être aujourd'hui complétement naturalisées. Comme le montre la liste ci-dessus, le nombre total des plantes vasculaires de Juan Fernandez est de 137, qui se rangent dans 43 familles, tandis quela flore de toute la république du Chili comprend aujourd'hui environ 3,000 espèces qui appartiennent à 150 fa- milles. Dans la flore du Chili, chaque famille comprend, par con- séquent , en moyenne, 23 espèces , tandis que chacune de celles de la flore de Juan Fernandez n’en compte, en moyenne, que à. Naturellement la distribution des espèces dans leurs familles est toute différente de part et d'autre ; ainsi nous voyons qu'à Juan Fernandez, les Fougères ont 36 espèces, ou 26,3 pour 400; les Synanthérées , Les espèces, ou 16 pour 100; les Graminées, 10 espèces, ou 7 pour 100. Après ces familles viennent celles des Haloragées, Myrtacées, Solanacées, Urticées , Cypéracées , chacune avec A espèces ; puis les Ombellifères , les Labiées, les Pipéracées , chacune avec 3 es- pèces ; les Rosacées, Caryophyllées, Saxifragées, Campanulacées, Rubiacées, Chénopodées et Euphorbiacées, chacune avec 2 es- pèces,; enfin les 25 familles qui restent sont représentées chacune par une seule espèce. Combien la distribution par familles des plantes de la flore du Chili tout entier diffère de celle-là! Les Fougères n’y font que 2,9 pour 100 au lieu de 26, et même ce rapport serait encore plus faible sans le contingent considérable de l’île de Juan Fernan- dez. Les Synanthérées forment 24 pour 100, et les Graminées 8,9 pour 400; ces deux familles sont done en proportion un peu plus forte, mais sans que la différence soit importante, tandis qu'elle devient énorme pour toutes les autres. Les Légumi- neuses, qui, sur le continent du Chili, font 7,5 pour 100 de l’ensemble de la végétation, ne sont représentées, à Juan Fernan- dez, que par une seule espèce, et beaucoup de familles qui sont très nombreuses au Chili manquent tout à fait dans cette île; par exemple, les Orchidées, les Malvacées, les Cactées, les Valéria- nées, les Renonculacées. On ne trouve non plus à Juan Fernandez aucun représentant de la division des Labiatiflores qui, sur le con- 96 R.-A. PHILIPPI, —— REMARQUES SUR LA FLORE tinent, forment plus que le tiers de toutes les Synanthérées, et 7 pour 400 de la flore entière. La prédominance des Fougères sur les autres plantes est un caractère commun à cette île et à toutes celles de l'Océanie ; c’est là un fait qui, comme on le sait, rend très vraisemblable l'opinion des géologues, selon laquelle un cli- mat insulaire aurait régné sur la terre à l’époque de la formation de la houille, réunissant à une assez forte chaleur une très grande humidité, et ne laissant que de légères différences dans la tempé- rature des différentes saisons. | Si l’on examine le catalogue ci-dessus des plantes de Juan Fer- nandez, on trouve qu'il ne comprend pas moins de 81 espèces étrangères au continent, c’est-à-dire beaucoup plus que la moitié du total, et que la plus grande partie de ces 81 espèces sont abso- lument propres à cette île, n'ayant été encore rencontrées nulle part ailleurs. En effet, il n’y a que six de ces espèces qui, man- quant dans le Chili, soient connues dans d’autres localités ; ce sont : l’'Haloragis Cercodia Aït. qui se trouve à la Nouvelle-Zélande, dont l’éloignement de Juan Fernandez est de 100 degrés; le Micropyæis ovala, qui existe au Pérou et vraisemblablement aussi dans le Chili, où sa petitesse a pu le faire échapper aux recherches des botanistes ; l’Anthoxanthum odoratum , vulgaire en Europe, mais que je ne sache pas avoir été encore observé dans l'Amérique du Sud; le Santalum album, qui a pour patrie les Indes orientales et les îles voisines, mais qui n’est qu'une espèce douteuse pour Juan Fernandez, comme je le montrerai plus lon; enfin une couple de Fougères. Parmi les espèces communes à l’île et au Chili, les unes se trou- vent abondamment dans toute la république , et vraisemblable- ment leur introduction à Juan Fernandez a eu lieu depuis sa dé- couverte, ou peut-être même dans ces dernières années; telles sont les suivantes : Sagina chilensis, Oxalis laxa, Margyricarpus setosus, Daucus gracilis, Loranthus tetrandrus, Galinsogea par- viflora , Gnaphalium citrinum , Collomia gracihs, Physalis pu- bescens, Solanum tuberosum et S. furcatum, Mimulus parviflorus, Trisetum variabile , Aira caryophyllea, Polypogon crinitus, Hordeum secalinum. D’autres ne se trouvent que dans les pro- are fn dr me rt tnt tem né DE L'ÎLE DE JUAN FERNANDEZ. 97 vinces situées au sud de la Conception, à Valdivia et à Chiloë, et elles manquent entièrement dans les parties du Chili qui se trou- vent vis-à-vis de Juan Fernandez ; telles sont : Rumeæx À cetosella, Molina chilensis, Peperomia margaritifera, Uncinia Douglasü, Piptochætium bicolor, Stipa manicata, Lomaria blechnordes , Asplenium consimile, Alsophila pruinata, Hymenophyllum cruen- tum, H.dichotomum, H. tunbridgense, H. fuciforme, T'richomanes exsertum, Mertensia cryptocarpa. Ce fait s'explique en partie, si l'on songe que le vent du sud est le vent dominant dans ces con- trées, et que dès lors les spores microscopiques des Fougères ont pu être transportées par lui des provinces méridionales de la ré- publique à Juan Fernandez. Les brouillards sont fréquents sur les sommités de l’île; les pluies y abondent, et il résulte de là une humidité qu'on ne retrouve que dans les provinces méridionales du Chili. Les provinces du milieu sont trop sèches pour que les Fougères puissent y prospérer. Pas un seul arbre, ni arbrisseau, ne se trouve en même temps sur le continent et sur l’île (à l'excep- tion des arbres fruitiers de l’Europe). Une particularité très remarquable de la flore de Juan Fernan- dez, c’est la proportion extrêmement considérable des arbres et arbrisseaux qu'elle comprend. On y trouve, en fait de végétaux ligneux, 4 Drimys, 1 Azara, 1 Berberis, 1 Xanthoæylon. À Col- letia, 1 Edwardsia. 1 Haloragis, 2 Gunnera, 3 Eugenia, 1 Myr- tus, 2 Escallonia, 2 Eryngium, 2 Psychotria, 7 Rea,2 Erigeron, 4 Balbisia, 8 Robinsonia, 2 Wahlenbergia, 1 Pernettya, 1 Cyno- glossum, 3 Cumina, À Cytharexæylon, 1 Santalum, 4 Boehmeria, 4 Splitigerbera, À Morenia, À Dicksonia, c'est-à-dire 50 espèces ou 36 pour 100 du nombre total. Il résulte de là que plus du tiers des espèces sont des arbres et des arbrisseaux. Le plus grand arbre est le Xanthoæylon Mayu, que les habitants actuels de l’île nom- ment Varanjillo et non Mayu, et qui est nommé Myrta dans la relation du voyage d’Anson. Le tronc de cet arbre a quelquefois 2 mètres de diamètre; Anson en fit scier des planches longues de 12 mètres 50 centimètres. Le Drimys confertifolia , l Eugenia Lumilla, \'Edwardsia fernandeziana , les Cumina, fournissent aussi du bois de charpente et de menuiserie, et leur tronc a sou- 4 série. Bor. T. VIT. (Cahier n° 2.) 3 7 98 A.-R. PHILIPPE, — REMARQUES SUR LA FLORE vent de 33 centimètres à À métre d’épaisseur. Le Cithareæylon elegans, une espèce de Rea, l’Eryngium bupleuroides, les Psy- chotria, atteignent encore une épaisseur assez considérable, tan- : dis que les Gunnera, les Robinsonia et le Chonta, ont rarement des tiges épaisses de plus'de 22 centimètres. ILest fort surprenant de trouver à Juan Fernandez des Labiées et des Ombelliféres arborescentes , ces familles ne renfermant pour l'ordinaire que des herbes où des arbustes peu élevés, même dans le Chili continental. Mais il est certamement plus étonnant éncore d'y voir des Chicoracées en arbre (le genre Rea) et des Gunnera également arborescents. Les deux espèces de ce dernier genre qui croissent dans le Chili continental sont, comme on le sait, acaules où pourvues seulement d’une tige rampante ; ‘en outre, ces G'unnera arborescents ont une végétation qui n’a guére d’analogue sur le continent voism. Leur tige ne se divise qu'en un petit nombre de branches très épaisses, couvertes pendant longtemps de grandes cicatrices de feuilles tombées, et elles ne portent qu'à leur extrémité un bouquet de grandes feuilles, du milieu duquel sortent les fleurs. La végétation des Robinsonia, du Balbisia et des Eryngium est semblable à celle des Gunnera. Le Dicksonia Berteroana n’a pas l'élégance des Fougères de la zone chaude; sa tige ne formé pas uné colonne élancée, mais elle se ramifie irréguhèrement une couple de fois, et elle est longtemps défigurée par des racines aériennes. Le Palmier Chonta est beau: coup plus beau; sa tige parfaitement lisse, d’un vert foncé et lustré , est marquée de cicatrices annulaires , espacées d'environ 21 centimètres. Ses feuilles perinées forment une gérbe imposante qui s'élève fort au-dessus des arbres de la forêt, et ses fruits glo- buleux, d'un rouge écarlate, gros comme une balle de fusil, pen< dent en élégantes panicules.du milieu de ce feuillage vert. Plu« sieurs plantes de Juan Fernandez méritent d’être introduites dans les jardins , soit à cause de la beauté de leurs fleurs , soit à cause de celle de leur feuillage ; telles sont l'Edwardsia fernandeziana, quelques espèces de Rea, le Citharexylon verustum, l'Ochagavia elegans, le Libertia grandiflora, le T'hyrsopteris eleyans, et plu- sieurs autres Fougères herbacées. DE L'ÎLE DE JUAN FERNANDEZ. 99 Un assez grand nombre de plantes de cetteile ontleurs analogues sur le continent. Le Drimys confertifolia, V'Edwardsia fernande- ziana, le Myrtus Berteroi, le Gunnera insularis, le Pernetlya Bridgesiüi, le Cüharexylon venustum, le Libertia grandiflora, correspondent au Drimys chilensis, à l’'Edwardsia Macnabiana, au Myrtus Ugni, au Gunnera magellanica, au Perneitya florida Ph., au Cithareæylon cyanocarpum , au Libertia formosa. Dans presque tous ces cas, les plantes de l’île sont plus belles, surtout à fleurs plus grandes que leurs congénères du continent. Un fait très digne d'attention , c’est l'existence du bois de Santal dans l’île. M. Caldcleugh est, à ma connaissance, le premier (1) qui en ait fait mention, puisque , dans la relation de son voyage publiée en 1825, il dit que ce bois se trouve à Juan Fernandez. Les personnes qui avaient visité cette île avant lui paraissent n'avoir pas remarqué ce bois précieux ou ne l'avoir pas re- connu. Encore aujourd'hui, on en trouve beaucoup de morceaux dispersés çà et 1à dans l’île, et cela jusqu’au sommet des rochers les plus bauts ; mais toujours on ne le rencontre qu’en fragments, dont les agents atmosphériques ont détruit l'écorce et même l’au- bier. Un de ces fragments, qui se trouve aujourd’hui dans le Musée de Santiago, a dû appartenir à un arbre de 65 centimètres de diamètre, mais creux. Nulle part on n’a observé un tronc entier couvert d’écorce, à plus forte raison un arbre vivant, de telle sorte que jé partage l'opinion de M. Gay que cet arbre a maintenant disparu de l'île. 1 est difficile d'admettre que les colons, qui par- courent l'ile entièré pour y chercher du bois d'œuvre ou de chauf- fage, et qui connaissent très bien celui de Santal, n’eussent pas remarqué les Santals vivants, s'il y en existait; mais j'avoue que je ne sais pas du tout comment on pourrait épliedéé la destruction de cette espèce. Une révolution volcanique n'aurait pas fait périr une seule espèce d'arbres, mais des forêts entières; même, dans cette supposition, il est toujours difficile de comprendre qu’elle eüt détruit en même temps la faculté germinative des (1) Dans sa note postérieure déjà citée plus haut, M. Philippi dit avoir reconnu, depuis la publication de son mémoire, que Molina avait déjà fait mention du bois de Santal de l'île de Juan Fernandez, 400 A.=R, PHILIPPI, —- REMARQUES SUR LA FLORE graines qui devaient se trouver dans le sol. Les morceaux de bois de Santal qu’on trouve à Juan Fernandez présentent souvent des trous faits évidemment par une très grosse larve de. Longicorne ; or maintenant on ne trouve pas de Longicorne aussi gros dans l'ile. Peut-être ce Santal est-il un éxemple d’une espèce végétale disparue depuis peu de temps. Nous lisons dans l'ouvrage de M. CI. Gay que cet arbre était le Santalum album L., qui, comme on le sait, croit dans la presqu'île en deçà du Gange et dans les iles voisines, c'est-à-dire à une énorme distance de Juan Fernan- dez. Mais d’où M. Gay sait-il que ces fragments d’un bois odorant, dépouillés d’écorce et même d’aubier, à plus forte raison dépour- vus de feuilles et de tout autre organe, appartiennent réellement au Santalum album? On sait qu'on donne les noms de bois de San- tal blanc et bois de Santal jaune à des bois divers odoriférants. Ainsi, par exemplé, c’est le Santalum Freycinetianum Gaudich. et non le Santalum album L. qui produit le bois de Santal des îles Sandwich, qui a été pour cet archipel la matière d’un commerce très productif avee la Chine, jusqu’à ce que presque tous les arbres en aient été détruits. Peut-être le bois de Santal de Juan Fernan- dez appartenait-il à cette espèce ; mais il est beaucoup plus vrai- semblable qu'il constituait une espèce à part appartenant en propre à cette île, de même queles autres arbres qui y croissent et qu'on ne retrouve pas ailleurs. La question ne sera peut-être jamais ré- solue, car, pour y parvenir, il faudrait faire une étude microsco- pique très attentive de ce bois en le comparant à celui des autres espèces de Santal, de manière à pouvoir décider s’il est identique avec l’un ou l’autre de ceux-ci, ou s’il en est différent. Jusque-là, je crois convenable de voir dans le bois de Santal de l’ile de Juan Fernandez celui d'une espèce mdéterminée. Les courtes descriptions suivantes feront assez connaître provi- Soirement les nouvelles espèces de Juan Fernandez : 1. Drimys confertifoha Ph. Fois confertis oblongis obltusis, basi in petiolum brevissimum attenuatis, subtus glaucescentibus ; umbellis breviter pedunculatis subquadrifloris ; carpellis 3-6. Arbor procera Insulæ Juan Fernandez, foliis confertissimis, vix 4 4’ DE L'ÎLE DE JUAN FERNANDEZ. 101 inter se remolis, ad apices ramulorum congestis, subtus minus albis, longius breviusve petiolatis, minoribusque facili negotio a D. chilensi distinguitur ; cortex præterea crassior ramique breviores et magis conferti ; lignum quando comburitur odorem minus gravem spirat. 2. Heterocarpus fernandezianus Ph. Crucifera annua hirta humilis ; caule basi ramoso foloso; ramis erectis subaphyllis ; fo- lis radicalibus petiolatis ovatis acutis, caulinis oblongis sessili- bus; floribus (dimorphis ?) alus lateralibus aliis terminalibus ; sili- quis priorum oblongis longe pedunculatis deflexis monospermis, seminibus compressis ancipihibus ; siliquis terminalibus erectis bre- viter pedunculatis linearibus cirea 7-spermis, seminibus margina- his. — Juan Fernandez. Specimen unicum semina matura gerens lectum plantula est, quadri- pollicaris ; petiolus foliorum radicalium 6” longus', lamina eorum circa 8” longa et 4/” lata; pedunculi radicales ce. 12’ longi; siliquæ radicales 4" longæ , 1 4” latæ; racemi subquinqueflori, pedicelli modo 2 {”” longi, siliquæ 10’ longæ, modo 1” latæ. Siliquæ utriusque formæ compressæ, enerves, stigmate sessili coronatæ. Semina uniserialia, lutescentia ; funi- culi umbilicares capillares; placentæ filiformes , manifestæ. — Semina pauca, quæ remanserant examini accuratiori non subject, sed in horto CI. Doctoris Segeth terræ commisi. Mox quatuor plantulæ surrexerunt, sed post aliquot dies eas a limacibus penitus comesas inveni. 8. Arenaria rubra L. var. polyphylla Ph. Hæc varietas a typo differt foliis confertissimis internodia mullo supe- rantibus floribusque albis; fortasse species propria est. Occurrit prope Rancagua et alibi. - h. Edwardsia fernandeziana Ph. Foliis synanthiis glabriuscu- hs; foliolis circa 47-19 spathulatis apice rotundatis ; petalis ca- rinæ falcatis acutis. — Juan Fernandez. Arbor 30-pedalis et altior; folia 2 4-3” longa, foliola 7° longa; ca- lyx 5-6”, carina corollæ fere 18” longa. Petioli dense sericei; foliola Supra pilis aliquot appressis vestila, subtus pallida iisdemque pilis sed frequentioribus obsita, minime villosiuscula. — Ab Æ. Macnabiana Grah., quam pro Æ. microphylla descripsit Cl: Gay, numero et forma foliolorum satis superque discrepat. Magis fortasse affinis est Æ. gran- - 102 A.-R, PEILIPPI. — REMARQUES SUR LA FLORE difloræ Salisb. in Nova-Zelandia indigenæ, a qua tamen foliis sublan- ceolatis- synanthiis, foliolis spathulatis nec oblongo-linearibus et pubes- cenlia distincta videtur. 5. Gunnera insularis Ph. Foliis reniformibus supertficialiter lobatis , lobis rotundatis denticulatis, in nervis præsertim subtus birüs; nervis principalibus quinque, medio plerumque e basi dichotomo ; floribus ignotis. — Juan Fernandez. Petioli 8-pollicares ; lamina folii fere 6” lata, a sinu ad apicem 2 à poll. longa; stipulæ 9” longæ. — Differt a G. magellanica foliis haud crenatis sed obscure lobatis, dentibus distantibus munitis, nec non statura mullo majore. Flores octobri non aderant. 6. Gunnera glabra Ph. Caulescens glaberrima; caule orgyali erecto, ex apice folia floresque emittente ; folis magnis reniformi- bus superficialiter lobatis, lobis rotundatis, hine inde dentibus mucroniformibus munitis ; margine ad basim utrinque ipso nervo formalto ; spica fominea composita; rhachibus partialibus fili- formibus. — Juan Fernandez. Caulis, ut supra dixi, orgyalis simplex cicatricosus. Petioli fere 2 4 pedes longi; lamina a sinu ad apicem 8 poll. longa, ultra pedem lata; pedunculus communis fere pedalis , ultra medium nudus, bracteis linea- ribus fere pollicem longis ad basin pedunculorum partialum munitus; hi 2-2 +” longi. Flores fœminei distantes; dentes calicini valde dis- tincti; styh duo. Flores maseuli in apice pedunculi aderant; an spica sem- per aut casu tantum androgyna ? 7. Gunnera peltata Ph. Caulescens ; caule bi- triorgyali erecto simplici, ex apice folia et flores emittente ; folis magnis peltatis concavis lobatis, lobis acutis, dupliciter dentatis rugosissimis su- pra seabris ; petiolo nervisque muricatis ; spiea fœminea composita, pedunculis partiahbus filiformibus elongatis. — Juan Fernandez. Caulis crassitie femoris humani, cicatricosus. Petiohi 2-8-pedales ; lamina folii £-8-pedalis, peltata, concava, supra tuberculis siccitate albidis asper- rima, quæ spatla inter rete nervorum occupant; nervi basi valde promi- nuli, rete angustissimum formantes, majores petiolique ut in G. scabra valde muricati. Pedunculi partiales fere 6” longi; flores multo magis- conferti quam in G. glabra. DE L'ÎLE DE JUAN FERNANDEZ, 105 8. Eugenia Lumilla Ph. Arbor ramulis glabriusculis; foliis distincte petiolalis ovatis longe acuminatis, apice 1pso obtusius- eulo, subtus pallidioribus reticulatis ; pedunculis axillaribus ra- cemosis 9-10-floris, sicut calix et ovarium, pubescentibus. — Juan Fernandez. Arbor excelsa, incolis Lumilla dicta. Rami graciles, novelli rufi; folia usque ad 17// longa, 5°” lata; petiolus fere bilinearis. Lobi calycint vix 4 2"! longi; petala paulo majora, sed stamina stylusque petala longitudine bis æquant. Fructus.... Æug. Selkirkii Hook. foliis obovatis obtusis pe- dunculisque solitariis unifloris distinctissima est, nec minus Eug. fernan- deziana ejusdem auct., quæ pedunculis unifloris,et magnitudime discrepat; a Cl. Gay, arbolillo de varios prés; arbuscula aliquot pedes alta vocatur. — Valde differre videtur. . 9. Myrtus Berteroi Ph. Ramis junioribus, peduneulis calycibus- que puberulis ; foluis valde confertis oppositis breviter petiolatis ovatis obtusiuseulis valde coriaceis opacis subtus albidis pune- talis ; floribus axillaribus ; pedunculis folia majora vix æquantibus ; calyce albo-piloso; bracteis duabus persistentibus , tubo calycis longioribus, lacmtisque calycinis reflexis linearibus ; petalis albis (?) exquisite glanduloso-punctatis; staminibus brevibus. — Juan Fernandez. Differt a M. Ugni Mol., foliis confertis, latioribus, obtusioribus, subtus eximie glanduloso-punétatis; pedunculis brevioribus; calyce pilis albis vestito ; corollis glanduloso-punetatis. 10. Escallonia fernandeziana Ph. Arbor glaberrima; folis ovalis utrinque ædqualiter attenuatis reticulatis subserratis, den- tibus nigro-glandulosis ; floribus terminalibus racemosis secun- dis coccineis ; peduneulis calyeem æquantibus; dentibus calycinis e basi lata triangularibus, apice subulatis ; petalis longe unguicu- latis. — Juan Fernandez. | Arbor 12-15-pedalis; folia majora fere 14! lohga, 6 4" lata ; racemi 9-12-fori; pedunculi 1 +”! longi, calycem æquantes; petala 4 {//' Jonga; stamina petalis minora ; stylus stamina æquans. Ab Æ. Calkottiæ flori- bus racemosis et foliis minoribus subdentatisque distinguitur, quæ præterea frutex humilis est et flores roseos profert, 10% R.-A. POHILIPPI. -— REMARQUES SUR LA FLORE 41. Erigeron rupicola Ph. Suffruticosum humile glaberrimum ; foliis spathulatis, in petiolum longum attenuatis, ad basin ramorum confertis; ramis subnudis , folia cireiter bis æquantibus, oligo- cephalis ; peduneulis elongatis bracteolatis ; squamis involucri linearibus, interioribus albo-marginatis; ligulis albis, discum paulo superantibus ; achæniis hispidis. — Masafuera. Folia fere 24’ longa, 3-2" lata ; diametrum capitulorum 5" æquat. 49. Robinsonia longifohia Ph. Foliis lineari-lanceolatis longe acuminatis integerrimis ; capitulis pedicellatis ; pedicellis sulcatis bracteolatis, capitulo duplo longioribus; squamis imvolueri fere usque ad apicem unitis; pappi setis coronæ membranaceæ insi- dentibus. — Juan Fernandez. Ramuli 4 ?’” lin. crassi, etiam sicci téretes; cicatrices foliorum dis- tinctæ, fere 1'”” inter se distantes ; folia 8 poll. longa, 11 lin. lata, basi dilatata dimidium ramum amplectentia, sensim in acumen longum atte- nuata ; ligulæ subintegræ ; pappus setis circiter 15 compositus. A3 Robinsonia evenia Ph. Foliis lineari-lanceolatis subinte- gerrimis præter nervum medium omnino evenis ;. floribus in corymbum densum dispositis ; pedicellis bracteolatis, eapitula bis æquantibus; squamis involueri hberis; ligulis mvoluerum sub- æquantibus, apice integris; pappi setis cireiter 15. — Juan Fer- nandez. Frutex orgyalis, ramulis atro-purpureis; cicatricés foliorum circa 4!" inter se distantes, 2/” latæ, et circiter tertiam circumferentiæ partem occupantes ; folia ad apicem ramulorum conferta, eirca 5 poll. longa, vix 40 lin. lata, acuta , sed minus cuspidata quam in aliis speciebus, ad api- cem obscure denticulata ; cyma folia æquat ; capitula 3-linearia, desicca- tione turbinata.— À R. gracili, quacum squamis involucri liberis conve- nit, longe cæteris notis recedit, similior est À. Gayanæ propter habitum foliaque integerrima, sed ab hac involucro summopere discrepat. Ah. Robinsonia corrugata Ph. Ramulis 3 lin. crassis, siccitate valde corrugatis , angulatis ; cicatricibus foliorum confertissimis vix distinctis ; fohis lineari-lanceolatis, longe acuminatis, supra in basi et subtus glaucis , integerrimis; corymbo polycephalo, den- DE L'ILE DE JUAN FERNANDEZ. 105 siusculo, pedicellis bracteolatis capitula bis æquantibus ; squamis involucri ultra medium coalitis ; ligulis subintegris, vix 4 # lin, longis ; pappo setis 15 formato. — Juan Fernandez. Cortex valde succosus, siccitate collabens, unde ramuli angulato-corru- gati fiunt et cicatrices conferlissimæ , quæ parum distinctæ hanc speciem perfecte distinguunt. Folia 4 poll. longa, 7 + lin. lata. Plantam mascu- lam tantum vidi. _ 15. Robinsonia? nervosa Ph. Ramis 7 lin. crassis; cicatricibus foliorum parum distinctis ; follis 6 poll. longis, 44 lin, latis, li- neari-lanceolatis , acuminatis, integerrimis, glabris, nervis 7 æqualibus valde prominentibus exaratis ; floribus ignotis. — Juan Fernandez. Species foliis nervosis valde distincta. Plantæ paucæ quas vidit cl. Ger- main modo bipedales erant. 16. Gnaphalium insulare Ph. Annuum humile molliter floc- coso-lanatum ; caule adscendente, basi ramosissimo ; foliis oblongo- linearibus, non decurrentibus, lanatis cinereisque; capitulis in olomerulos plerumque terminales dispositis ; involuerti lana brevi immersi squamis oblongo-linearibus, obtusiusculis, medio viridi- bus, apice margineque albidis. — Masafuera. Planta 2-8-pollicaris ; caules adscendentes, robusti. Folia 7 lin, longa, usque ad 2 lin. lata ; capitula ultra À ! lin. longa. — Nulla species chilensis huic similior quam illa quæ mihi Gn. aldunateoides videtur, sed planta masafuerana caulibus robustis duplo saltem crassioribus, lana minus longa (unde caules et folia tantummodo cinerei, nec omnino alba fiunt), capitulis duplo majoribus demumque squamis nervo mediano viridi munitis nec basi fuscis, differt. 17. Gnaphalium fernandezianum Ph. Annuum humile mol- liter floccoso-lanatum ; caule erecto, basi simplici, deinde sæpe ramosissimo ; foliis oblongo-linearibus, non decurrentibus, sub- spathulatis, lanatis ; capitulis in glomerulos terminales dispositis ; involueris lanæ immersis ; squamis interioribus oblongo-lineari- bus peracutis basi virescentibus apice fuscescentibus, exterioribus ovatis floccosis. — Juan Fernandez et Masafuera. Caulis 4-12 pollices altus; folia 8 lin, longa, 4 À lin. lata; capitula 106 R.=A. PIHILIPPI, — REMARQUES SUR LA FLORE oblonga , À À lin. longa. — A speciebus affinibus facili negotio squamis involucri floccosis lanæ immersis distinguitur; a. Gn. sphacelato præte- rea capitulis multo minoribus. 18. Pernettya Bridgesii Ph. Glabra fruticosa erecta; folus oblongis acutis, utrinque æqualiter attenuatis, appresse serratis, subtus reticulatis; peduneulis folia subæquantibus, bracteosis ; flo- ribus nutantibus. — Juan Fernandez. Frutex orgyalis et major. Folia sæpe 12 lin. longa, 4 lin. lata , acuta, ‘sed minime cuspidata vel mucronata ; dentes valde appressi utrinque cir- citer 8 ; corollæ 8//’ longæ, vix 2 lin. latæ ; calyx quinquefidus. 19. Citharexæylon venustum Ph. Arbuscula spinosa ; ramis no- vellis pubescentibus; foliis ovatis acuminatis breviter petiolatis glabris ; floribus magnis, fere 45 Im. longis; pedunculis calycem :superantibus ; corollæ atroviolaceæ tubo calycem quater æquante. — Juan Fernandez. C. cyanocarpum in provinciis Conception, Valdivia, ete, frequentissi- mum; valde differt corollis 6 © lin. longis, pallide violaceis, fructibusque cæruleis. In €. venusto fructus nigri calyce includuntur. 20. Vicotiana cordifolia Ph. Fruticosa ; folus petolatis corda- tis suborbiculatis vel ovato-orbiculatis vix acutis subtus albidis , tomento brevissimo tectis, quod in pagina superiore venas so- ‘Jummodo oceupat; floribus paniculatis ; calyce brevissime quin- _quedentato ; corolla calycem ter æquante, dense pubescente, atro-violacea ; limbo brevissime quinquelobo, lobis obtusissimis rotundatis; capsula calyce imelusa, bivalvi. — Masafuera. Caulis fere crassitie digiti, tomento albo brevissimo dense vestitus; petioli 2-2 * pollices longi, canaliculati; folia majora 5 poll. longa, h & poll. lata; calvx 4 lin. longus, dentibus viridibus membrana alba conjunctis quasi formatus; corolla 12-13 lin. longa ; semina granulata. — Differt a N. solanifolia, quam in ora deserti atacamensis collegi, pubes- centia florum, forma calycis, corolla calycem tantummodo ter æquante, capsula bivalvi, etc. 21. Euphorbia Masafueræ Ph. Tubere lignoso, caules plures pedales pilis longis albis dense vestitos denseque foliosos emit- L DE L'ÎLE DE JUAN FERNANDEZ, : 107 tente; folis 9” longis, 2-2 ! Jin. latis, linearibus acuminatis ci- nereis supra glabris subtus pilosis univerviis margine revolutis, dentibus distantibus circiter 6 utrinque serratis ; floribus..…. — Masafuera. Propter magnam similitudinem cum alia specie nova, in Andibus prope Linares lecta, nullum de genere mihi dubium remansit.— Cellulæ epider- midis in pagina superiore foliorum majusculæ, suborbiculares, bullati. 29. Urtica Masafueræ Ph. Annua inermis; caule gracil ra- mosissimo glabriusculo; foliis oppositis longe petiolatis ovatis, pilis brevibus sparsis hirtellis, profunde crenato-serratis , subin- cisis, inferioribus septem- vel raro novemdentatis, supremis tri- lobis ; floribus glomeratis. — Masafuera. Caulis pedalis tenuis : ; petioli usque ad 15 lin. longi, filiformes; folia majora 8 + lin. longa, fere 6 lin. lata , dentibus utrinque 3-4 magnis rotundatis munita, superiora magis incisa aut fere lobata, suprema per- fecte triloba ; na Eu pilis albis sparsis obsiti; ATARI TR album compres- sum ovatum et rugosum. 22 bis. Ochagavia Ph. Nov. gen. Bromeliacearum. Char. gen. Perigonti superi sexfidi basi coriacei et in tubum connati laciniæ exteriores æquales, calycinæ erectæ, interiores paulo longiores corallinæ æquales apice subreflexæ. Stamina in fauce tubi calyeini inserta ; filamenta longa filiformia basi dila- tala ; antheræ oblongæ lineares basi emarginatæ infra. medium ns Ovarium lriquetrum triloculare; ovula plurima, im lo- eulorum angulo centrali-biseriatim . horizontalia. Stylus filiformis, stamina paululo superans, indivisus; apex ejus in- crassatus truncatus subtrilobus infundibuliformis stigma est. Fruc- tus bacca. Dixi in memoriam cl. Sylvestris Ochagavia, doctrinæ publicæ in Republica chilensi annis 1853 et 1854 ministri. 93. Ochagavia elegans Ph. Caulescens dense foliosa; foliis | breviusculis, subtus argenteo-lepidotis, margine spinoso-dentatis ; | Spica terminali; floribus roseis bracteas æquantibus elongato- rhombeis. — Juan Fernandez. Caulis circiter pedalis, parum ramosus aut simplex. Folia A poil. longa, 108 R.=A, PHILIPPI, — REMARQUES SUR LA FLORE 6 lin. lata. Ovarium cum tubo calycis 10-12 lin. longunr; laciniæ caly- cinæ fere 7/’, corollinæ 9-10 lin. longæ. 2h. Libertia grandiflora Ph. Foliis radicalibus caule breviori- bus, margine lævibus, usque ad 5 lin. latis ; floribus dense fasci- culatis; pedunculis flore brevioribus; floribus magnis, diametro pollicem æquantibus; laciniis exterioribus perigonii ovatis, inte- rioribus ovato-orbicularibus; staminibus corolla brevioribus, stylos æquantibus ; filamentis usque ad medium monadelphis. — Juan Fernandez. Differt a. L. formosa Grah. fasciculis florum multo densioribus, flori- bus multo majoribus , sepalis interioribus haud cordatis retusisve, etc. ; a. L. elegante floribus triplo majoribus , calycibus in apice tantum peni- cillatis, cæterum glaberrimis, etc.; a. L. ixioide denique floribus sextu- plo majoribus, peduneulis multo brevioribus , etc., extemplo dignoscitur. Num hæc nostra species illa est planta, quam CI. Gay in Flora chilena, vol. VI, p. 32, sub L. ixioide indicat, ubi ait : In insula Juan Fernandez est varietas notabilis robore suo, caulibus magis foliosis et pedunculis du- plo longioribus quam in typo ? Nonne longioribus lapsu calami pro bre- vioribus dictum est ? 25. Morenia Chonta Ph. Caudice elato Iævissimo obscure vi- ridi; foliis pinnatis, pinnulis linearibus À ?-2-pedalibus ; spadici- bus bis ramosis; calyce minuto eupulari tripartito, lacinuis valde acuminatis ; laciniis corollinis quam calyeinæ duplo majoribus tri- angulari-ovatis basi callosis ; drupis solitartis globosis coccineis. — Juan Fernandez, ubi incolis Chonta dicitur. Lignum exterius ad baculos et alia hujus modi conficienda quæsitum. Caudex usque ad 80 pedes altus, diametri 5-8-pollicaris ; cicatrices foliorum cireiter 6-8 pollices inter se remotæ. Folia novem pedes et ultra longa ; pinnulæ 20 poll. longæ vix ultra 4 lin. latæ ; diametrum fructus 6-6 À lineas metiens ; laciniæ calycinæ in fructu persistentes, 21 longæ, corollinæ fere 1 {”” longæ et 1 1 lin. latæ. — Staminum rudimenta vel reliquiæ e filamentis sex, filiformibus, bis tertiam partem petalorum æquantibus constantia. Flores non vidi. Secundum ornat. Germain planta dioica est. De genere vix dubium esse potest, etsi charactercs generici a CII. Ruiz et PAvox dati paullulum discrepent. In AZ. fragrante KR. et P., calyx DE L'ILE DE JUAN FERNANDEZ. 109 enim trifidus longitudine petalorum et drupæ tres adsunt ; sed in M. Pœp- pigiana Mart. baccæ nunc tres in singulo flore evolutæ, nunc unica coccinea , ut in nostra specie, quæ tamen drupam stigmate unico centrali notatam habet,. Podophorus Ph. Nov. gen. Graminum. Char. generici. Flores paniculati; spiculæ magnæ, unifloræ, cum rudimento floris secundi. Glumæ calycinæ duæ inæquales, lanceolatæ , acuminatæ, dorso rotundatæ, 5 nerviæ. Flos calyce major ; palea inferior valde coriacea , teres, dorso Iævissima, enervia , sensim in aristam scabram divergentem palea longiorem attenuata, paleam superiorem involvens ; palea superior inferiorem æquans, semiteres, enervia, in dorso sulco angustissimo exarata, lævissima, apice bidentata. Lodiculæ tres. Stamina tria. Ovarium glabrum, apice pilis paucis brevibus munitum. Stylus breviuscu- lus, pilosus; stigmata. duo, plumosa. Rudimentum floris secundi pedicellus est filiformis, aristam pilis brevibus basi stipatam apice gerens. ; 26. Podophorus bromoides Ph. Culmo circiter pedali adscen- dente ramoso; vaginis foliisque elongatis planis molliter villosis ; hgulis elongatis laciniatis ; panicula 3-{4-pollicari laxiuscula ; ramis subgeminis scabris 2-/ -floris ; paleis circa 6-7 lin longis ; aristis pollicaribus. — Frequens in insula Juan Fernandez. Ultimus nodus a panicula circiter 6 pollices distat ; vagina ultimi fol fere 2 poll. longa, lamina 5 poll. longa, 2 lin. lata. Ligulæ multifidæ usque ad basin divisæ valde singulares. Pantathera Ph. Nov. gen. Graminum. Char. generici. Flores magni, paniculati; spiculæ trifloræ cum rudimento floris quarti. Calyx bivalvis; gluma inferior carina(a, trinervia, margine membranacea, sensim in aristam valva paulo breviorem attenuata, carina serrulata; gluma superior inferiori simils, sed paulo longior et aristam longiorem gerens. Flores distantes ; rachis glabra. Paiea inferior glumæ subæqualis, sed latior et sensim in aristam multo longiorem attenuata, basi pilis brevibus suffulta, compressa, acute carinata, uninervia, ad apicem in carina et in arista spinulosa. Palea superior fere omnino inelusa 110 R.-A. PHAILIPPI. — REMARQUES SUR LA FLORE, ETC. angusta bieuspidata, nervis dorsalibus serrato-ciliatis , inferiori subæqualis. Aristæ florum divaricatæ. Stamina et pisüillum exa- minare non potui, quia in omnibus specimibus quamvis numero- sis, flores et genitalia ab insecto quodam, ut videtur Cecidomya, comesa fuerant. | 27. Pantathera fernandeziana Ph. Culmo pedali adscendente ramoso ; foliis planis aut siccitate convolutis elongatis valde acu- minatis lævibus margine serrulatis, ut vaginæ ipsæ glabriusculis ; ligula elongata multifida; panicula laxiuscula pauciflora ; ramis plerisque 2:35 spiculas solummodo geréntibus.— Juan Fernandez, ubi frequens videtur. Panicula A-5-pollicaris ; spiculæ 10 lineas longæ, aristæ 18-20 lin. longæ ; pedicelh apicem vérsus dilatati, ancipites, margine hirtelli. Ulti- mus nodus a panicula 6 pollices distat; vagina folii ultimi 2 3 poil. longa ; lämina 5 poll. longa, 2 lin. lata. Species hæc magnitudine, caule ramoso, foliorum vagina multifida , panicula pauciflora laxa, aristis divaricatis et magnitudine spicularum miro modo eum antecedente convenit. — Planta quam peregrinatores Avenam insulæ salutarunt videtur hæc esse species atque antecedens. 28. T'richomanes dichotomum Ph. Humile glaberrimum, fronde bis ter quaterve dichotoma, integerrima ; ramis apice subemar- ginatis ; involuéris paucis, solitariis. — Juan Fernandez: Plantula ad sammum 2 À pollices alta ; frons vix ultra À lineam lata, sensim in stipitem capillarem nigrum attenuata, qui nunc A lineas , nanc pollicem longus est : involucra in quavis planta unum ad tria, pro planta majuscula , À lineas longa ; columella longe ultra involuerum exserta. NOTICE SUR L’'AHIPA ET L’ARICOMA, PLANTES ALIMENTAIRES DU HAUT-PÉROU, Par H.-A. WEDBELX. li est peu de pays qui offrent une aussi grande diversité de eli- mats que la Bolivie ou le Haut-Pérou. Quelques points de leur ter- ritoire sontmèême situés d’une manière si spéciale que les habitants, en quittant leur ciel tempéré, peuvent gagner, en quelques heures et à volonté, la zone des neiges perpétuelles ou celle de la végéta- tion tropicale. Telle est en particulier la position de la ville de La Paz, bâtie au fond d’un ravin qui la fait communiquer, d’une part, avec les vallées tropicales du versant oriental des Andes , et, de l'autre , avec les glaciers de la grande Cordillère, qui se dressent majestueusement au-dessus d'elle. On comprend les avantages d’une situation semblable au point de vue des produitsalimentaires végétaux , qui doivent presque nécessairement s’y montrer bien plus variés que dans des lieux moins favorablement placés. C'est, en ellet, ce que l’on remarque; aussi, lorsque, dans mon dernier voyage en Amérique, je voulus faire le relevé des plantes comestibles qui se trouvaient en vente sur le marché de La Paz, ne fus-je pas surpris de voir figurer, à côté des Fraises, des Pommes et des Pêches, les Bananes, les Grenadilles et les Ananas ; mais les produits qui attirèrent plus particulièrement mon attention, furent ceux qui paraissent avoir quelque analogie avec la Pomme de terre, à la- quelle on cherchait alors un suecédané ; et je m'intéressai d’au- tant plus à cet examen qu'à côté des tubercules de l'Oxalis tube- rosa, de l'Ullucus et du T'ropæolum tuberosum , dont on parlait beaucoup en Europe, je crus en remarquer deux autres qui m'étaient encore inconnus et qui présentaient à peu près l'aspect des racines renflées du Dahlia, Mais ce n'étaient plus , comme les 419 H.-A, WEDDELL, — NOTICE précédents et comme la Pomme de terre, des produits des parties tempérées ou froides des Andes, car ils provenaient l'un et l’autre de la zone subtropicale, et on les voyait, à ce titre , tenir compa- gnie, dans les étalages des marchandes, aux racines ou tubercules féculents du Manioc, de l’Arracacha, du Canna edulis ou du Colo- casia esculenta. | L'un de ces tubercules, long de 10 à 15 centimètres, effilé aux deux bouts et de couleur jaunâtre, porte, à La Paz, le nom d’4hipa (ou Ajipa) ; l'autre, plus gros, plus trapu et de couleur plus fon- cée, y est connu sous ceux de Yacon ou Aricoma. Tous les deux sont apportés en quantités considérables des parties chaudes du ravin, où ils paraissent être cultivés depuis un témps immémoria]. Lors de mon passage, la saison était malheureusement trop avancée pour que je pusse me procurer les matériaux qui m'auraient fait reconnaître leur origine botanique; j'eus donc le regret de quitter le pays sans avoir pu satisfaire ma curiosité ; et, malgré de nom- * breuses démarches, ce n’est que tout dernièrement que j'ai obtenu des échantillons (4) qui me mettent à même d'éclairer la question. Or, ceux que j'ai reçus de la plante qui fournit le premier de ces tubercules, l’Ahipa, bien que dépourvus de fleurs et de fruits, me permettent cependant d'affirmer qu’elle appartient à la famille des Légumineuses et à la tribu des Phaséolées, et j'ai cru tout d’abord que ce devait être une espèce de Dolichos , peut-être le D. tube- rosus Lmk., que l’on prétend ( Emk., Encycl., I, 295) avoir été porté du continent de l’Amérique du Sud, aux Antilles, par les Caraïbes. Je dus cependant renoncer bientôt à cette idée, car, si je trouvai d'assez grands rapports entre les feuilles de V'Ahipa et celles de la plante représentée par Plumier, et cultivée au Muséum sous le nom de Dolichos tuberosus , je constatai en même temps, entre leurs parties souterraines, des différences qui ne permettaient pas de les confondre; la plante bolivienne est, en effet, munie, le plus ordinairement, d’un nombre assez considé- rable de tubercules de la nature de ceux que j'ai décrits, chacune (1) Je suis redevable de ces échantillons, ainsi que de précieux matériaux pour ma Flore des hautes Cordillères, à l'extrême obligeance de mon ami M, Gil- bert Mandon, qui vient de faire, en Bolivie, un séjour de plusieurs années. SUR L'AHIPA ET L'ARICOMA. 113 de ses racines principales en offrant souvent deux ou trois ; tandis que dans la plante des Antilles, au contraire, non-seulement on ne trouve, en général, qu'un tubercule, mais celui-ci atteint parfois des dimensions énormes (1). Pour comparer ces deux plantes , j'étais parti de l’hypothèse qu'elles appartenaient au même genre, ce qui n’est pas encore démontré; j'ajouterai même que M. Bentham , auquel j'ai envoyé quelques-unes des feuilles que je venais de recevoir de Bolivie, m'a dit qu’elles pourraient fort bien être celles d’une espèce de Stenolobium. On m'a suggéré également qu'il se pourrait que ma plante fût une des espèces de Rhynchosia qui sont actuellement cultivées dans l’Inde pour leurs racines tubéreuses. Mais s’il est vrai , ainsi que les habitants de La Paz le préten- dent, que la culture de l’Ahipa remonte au temps des Incas (2), nous ne pourrions guère avoir affaire ici qu'à une espèce améri- caine. Les recherches que j'ai faites dans les livres et dans les her- biers, d’après les indications de M. Bentham, ne m'ont du reste conduit à aucun résultat positif; et bien qu'il me semble probable que l'espèce n’a pas encore été décrite, j'attendrai pour l’affirmer de plus amples informations (à). (4) M. Bélanger, directeur du jardin botanique de Saint-Pierre à la Martinique m'a assuré que les tubercules du Dolichos tuberosus acquéraient quelquefois le poids énorme de 30 kilogrammes; leur saveur, m'a-t-il dit, est assez compa- rable à celle de la Betterave. La plante n’est pas cultivée, mais elle se rencontre, à l'état sauvage , dans la commune des Trois-lslets, où les nègres recherchent quelquefois son tubercule pour le ràper et en mêler la farine brute à celle du Manioc. (2) On montre un endroit, au pied de l’Illimani , où les anciens avaient eu la patience d'amener de trois lieues , au moyen d’une rigole , l'eau nécessaire pour arroser les gradins de la montagne sur laquelle on cultivait ce légume. (3) Pour faciliter les recherches ultérieures, je crois néanmoins qu'il est utile de donner ici la diagnose de ce Dolichos (ou Stenolobium) Ahipa, telle que les matériaux à ma disposition me permettent de la formuler : D.? radicibus fusiformi-incrassatis, esculentis ; caulibus ramisque volubilibus, angulatis, adpresse retrorsum pilosulis ; foliolis rhombeo-ovatis , breviler acumi- natis, basi late cuneatis, lateralibus breviler (foliolo impari longiuscule) peliolalis, inlegerrimis, trinervis, ulrinque parce brevilerque pilosulis ; floribus..…. &* série. Bor. T. VII. (Cahier n° 2.) * 8 11h A. WEDDÉLL -— NOTICE Les échantillons de la plante qui produit le second tubercule, celui qui est connu à La Paz sous le nom de Yacon où Aricoma, sont bien plus complets que ceux de l’Ahipa, aussi n'ai-je eu au- une peine à y reconnaître une espèce tout à fait médite. J'ai dit que les tubercules étaient, en général, plus volumineux et plus trapus que ceux de la plante précédente ; ils résultent d’ailleurs comme eux et comme ceux du Dahlia d’un développement particulier des ra- cines, et on peut d'autant mieux les comparer à ces derniers qu’ils sont le produit d’une plante de la même famille. Cette plante est une espèce du genre Polymnia , pour laquelle je propose le nom de P. edulis , et que je vais décrire comme il suit : PozymniA EpuLIS, + « P, tuberosa; caule robusto, ramoso, angulato-sulcato, inferne » aspero et plus minus villoso glabratove, superne ut rami (ad » nodos præsertim ) et peduneuli hirtis et sub hirsutie villoso-to- » mentosis ; foliis oppositis, amplis, ovatis, sensim acuminatis, » deorsum subabrupte cuneato-attenuatis , sessilibus imaque basi » cordato-auriculalis, inæqualiter sinuato-dentatis, sinubus denticu- » latis, dentibus denticulisque acutis, supra breviter hirtis demum » que asperulis, subtus pubescentibus pallidioribusque; involueri » exterioris foliolis ovatis, subacuminatis, basi plus minus connatis, » puberulis ciliatisque; paleis oblongis, longitudine flores disci » æquantibus, apice denticulatis; corollis radi involucro brevio- » ribus : ligula ovata, apice longiuscule tridentata, basi tuboque » brevi hirsulissimis. » « Sponte crescit prope Quetame, in declivitate orientali Andium Bogo- » tensium, ad altitudinem 2000 metr. (Triara); colitur in regione » subtropica Peruviæ et Novæ Granatæ, ubi, teste cl. Triana, nuncupatur » Jiquima et Jiquimilla, » Le volume des tubercules que j'ai vus en vente, au marché de La Paz, était en moyenne celui du poing, mais on m'a assuré qu'il y en a qui pèsent prés de 2 kilogrammes ; chaque souche en produit en moyenne hou 5; il y en a cependant, à ce qu'il parait, qui en fournissent 45 ou 20, SUR L'AHIPA ET L'ARICOMA. 415 Pour compléter ce que j'avais à dire de ces deux légumes, il me reste à parler de leurs qualités nutritives et de leur saveur. Disons d’abord que l’un et l’autre se mangent crus comme des Pommes, et qu'ils sont tenus en aussi grande estime que ces fruits par toute la classe inférieure de la population. Doit-on en conclure que leur saveur est aussi agréable ? C'est là , on le comprend, une affaire de goût ; quant à moi, je me contenterai de dire que |A hida m'a paru avoir quelque analogie de saveur avec le Navet, dont il a aussi la consistance. L’Aricoma, que je lui préfère, m'a paru ressembler d'avantage, sous ée rapport, à une mauvaise Poire. Il ne contient d'ailleurs qu'une très petite quantité de fécule, tandis que l’Ahipa en renferme en proportion assez notable, et pourrait se comparer, au point de vue de ses propriétés nutritives, au (u- bereule de l'Ullucus tuberosus, tandis que l’Aricoma serait l’ana logue du Topinambour, dont il diffère néanmoins par une bien plus forte proportion de sucre. En résumé, ce que j'ai vu de ces deux tubercules m’a con- vaincu que, s’il pouvait y avoir quelque avantage à en essayer l'in troduction dans nos cultures, et je ne doute pas qu'ils ne prospé< rassent sous le climat de l'Algérie, ce ne serait pas comme végétaux alimentaires pour l’homme, mais plutôt comme plantes industrielles, destinées à servir soit à la fabrication de l'alcool, soit à la nourriture des bestiaux ; et, sous ce double rapport, le Po- lymnia edulis serait bien , sans aucun doute, celle des deux plantes qu'il faudrait prélérer , tant à cause de la quantité plus considé: rable de matière saccharine de ses tubercules qu'à cause de son grand produit. F'ajouterat mêmé que cette plante, considérée comme succédanée du Topinambour, présenterait suf ce dernier un avantage : celui de ne pas tracer, et d'être ; par conséquent, beaucoup plus facile à extirper des terrains où on la cultiverait. Ses parties vertes sont d’ailleurs encore plus abondantes et surtout plus tendres que celles du Topinambour, et seraient , sans doute, par cette raison, plus recherchées des bestiaux. SUR LA DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES TROIS ESPÈCES DE LA SECTION GAMON , DU GENRE ASPHODELUS, Par M. Jacques GAY. ( Communication faite à la Société botanique de France , séant à Montpellier, le 12 juin 1857.) Le genre Asphodèle compte aujourd’hui une vingtaine d’espèces, et peut être divisé en cinq groupes naturels, que distinguent les caractères combinés de la végétation, de l’inflorescence et de la direction des parties florales. De ce nombre est le groupe Gamon, qui seul présente à la fois une racine vivace avec de grosses fibres radicales façonnées en Navet, des bourgeons écailleux, de larges feuilles carénées semblables à celles du Poireau, l’inflorescence en grappe avec fleurs solitaires à l’aisselle des bractées, la fleur blanche obliquement ouverte vers le zénith, et enfin les étamines rayonnant également en tout sens autour de leur point d'attache, caractères dont pourtant les trois premiers, ceux qui tiennent à la végétation, sont seuls particuliers au groupe dont il s’agit. Ce groupe ne renferme que trois espèces, mais ce sont de toutes leurs congénères les plus difficiles à distinguer et celles dont l'histoire est la plus embrouillée, tant pour la synonymie que pour la distribution géographique. Ces trois plantes jouent un rôle trop considérable dans la flore de l’Europe méridionale, pour qu'on puisse supposer qu’elles soient restées inconnues des anciens. Cependant on ne trouve que deux espèces de la même section mentionnées par Clusius en 1601 et par C. Bauhin en 1695, et encore est-il impossible d'y recon- naître avec cerlitude deux des trois espèces que nous distinguons : aujourd’hui, tant sont imparfaites les descriptions et la figure qu’en a laissées Clusius. | Aussi Linné n’y vit-il qu'une seule espèce, à laquelle il donna, en 1753, le nom d’Asphodelus ramosus. DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES ASPHODÈLES, ETC. 117 Philippe Miller en jugea autrement, et il rétablit, en 1768, les deux espèces de Clusius sous les noms d’Asphodelus ramosus et d’Asphodelus albus, en quoi il a été suivi par Willdenow et par presque tous les auteurs subséquents. Mais longtemps le caractère des deux espèces ne reposa que sur deux différences dont la première n'avait aucune valeur, tandis que la seconde échappait à l'observation faite sur le sec : tige rameuse et lobes floraux marqués d’une nervure purpurime pour PA. ra- mosus; üge simple et fleur toute blanche pour l’albus. Les vrais caractères n'avaient point été signalés , et on prit l’habitude de considérer comme albus tout échantillon à tige simple, comme ra- mosus tout ce qui était rameux, sans considérer que c'était là un caractère très variable, et qui ne rendait nullement compile des véritables différences spécifiques. De là une confusion presque inextricable, qui a été encore augmentée par l'existence d’une troi- sième espèce, plus rameuse que les deux autres, et à laquelle on a naturellement aussi appliqué le nom d’Asphodelus ramosus. Tel étant l’état des choses, je conserve le nom d’Asphodelus albus à l'espèce que Clusius me paraît avoir suffisamment désignée par sa fleur toute blanche, et qui est plus rarement rameuse que les deux autres. Mais j'estime que le nom de ramosus, appliqué d’une manière si diverse et originairement si obscure, doit être entièrement rayé de nos catalogues. J’adopte pour la seconde espèce le nom d’Asphodelus microcarpus, proposé par Salzmann en 1822, et par Viviani en 1824 ; et je l’adopte, quoique de beau- coup postérieur à son synonyme, l’Asphodelus æstivus de Brotero, qui impliqué une idée fausse, attendu que tous les Asphodèles, et avant tous autres ceux de la section Gamon, fleurissent au prin- temps et nullement en été. Quant à la troisième, il lui faut un nom nouveau, et je suis heureux. de l’maugurer à Montpellier, où la plante est si commune (1), en l’empruntant à un ancien auteur qui l'avait vue et décrite sur place, lorsqu’au xvie siècle il achevait ses (4) M. Gav montre des échantillons vivants et fructifères des trois espèces, l’albus, apporté du département de Lot-et-Garonne par un des assistants, le cerasiferus, récolté au pic de Saint-Loup dans une herborisation toute récente , le microcarpus, pris à l'école du Jardin des plantes de Montpellier. 118 à. GAY. — DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES ASPHODÈLES études médicales au sein de cette école déjà célèbre : « Flores stel- » lati, Ornithogali majores, foliis albis stria rubra notatis constantes, » apicibus luteis : quibus decidentibus capitula Succedunt cerasis » paria, semen continenltia, etc., » dit J. Bauh, Æist., Il, p. 625. De là le nom d’Asphodelus cerasiferus que je propose aujourd’hui, et qui rappelle parfaitement le volume ainsi que la forme du fruit de l'espèce dont il s’agit. | Je donnerai ailleurs la description et la synonymie à peu près complète des trois espèces. lei je n'indiquerai que très som- mairement leurs caractèrés, mon but étant principalement de les considérer sous lé rapport géographique, én montrant le rôle que chacune d'elles joue sur le terrain. Ce que je vais en dire est le fruit non-seulement de mes lectures qui ont épuisé à peu près tous les auteurs à consulter, mais de nombreux documents recueillis à ma prière par plusieurs botanistes du midi de l’Europe, ou par des voyageurs qui avaient préalablement reçu mes questions, documents presque loujours accompagnés de plantes vivantes ou desséchées. C’est l’abondance de ces matériaux qui, pour le dire en passant, m'a permis de débrouiller en grande partie la synonymie des espèces dé ce groupe, qui m'avait d’abord semblé un chaos inextricable ; mais je réserve cette partie de mon travail pour une autre publication. 1. ASPHODELUS ALBUS Mill. A. caule simplici vel parce ramuloso ; bracteis alrofuscus ; peri- gont laciniarum nervo viridulo; filamentis usque ad medium pa- pilloso-scabris, unguibus oblongis, cuneato-ovatis, dorso plano- convemis, apice in filamentum sensim atlenualis ; capsulu mediocri, ellipsoidea (8-12 mm. longa, 6-12 lata). C’est une plante exclusivement européenne, dont l'aire occupe tout le territoire compris d’une part entre le 49° et le Ale degré de latitude, d'autre part entre le 44° et le 33° ou le 34° degré de longitude orientale, à partir de l’île de Fer, et qui manque jusqu'ici à toutes les iles de la Méditerranée , ainsi qu’à l’Allemagne cisal- pine tout entière, quoique celte dernière soit comprise pour une bonne partie dans l'aire générale qué je viens d'indiquer. DU GROUPE GAMON. 419 C’est généralement une plante des montagnes, croissant ou au fond des vallées, comme au fort de Bard, dans le val d’Aost, où sur des collines élevées, comme à Turin, ou plus ordinairement dans la zone des Hêtres et des Sapins, quelquefois même jusqu'à la limite supérieure de cette dernière zone, jusqu'à 2,000 mètres d'altitude , comme dans les Pyrénées , dans le Dauphiné et dans les Alpes maritimes. La France occidentale est la seule contrée connue de moi où la plante joue un autre rôle, celui d’une plante largement établie dans les plaines, et s’élevant graduellement dans les montagnes. C'est là aussi, et à seulement, qu'elle atteint son extrême limite nord, limite sinueuse qui traverse les départements du Loiret, d'Eure-et-Loir, de la Mayenne, d’Ille-et-Viläine, du Finistère et du Morbihan, entre les 47° et A9° degrés de latitude, sans atteindre nulle part ce dernier degré. De là jusqu'aux Pyrénées il y a 6 de- grés de latitude ; il y en a 5 de longitude des bords de l'Océan au plateau central de l'Auvergne, et l’Æsphodelus albus occupe tout cet immense espace, comme pourrait le faire une plante exclusivement propre aux pays de plaine, ce que pourtant elle n’est pas, puisque arrivée sur les bords de l’Adour, elle s'élève insensiblement sur les flancs des Pyrénées. Une fois parvenue à ces montagnes, la plante suit la chaine dans toute sa longueur, en se tenant à des altitudes plus ou moins con- sidérables , à où dans sa marche vers l’est elle ne trouve plus les plaines qui auraient pu l'amener, car là elle reprend tont à fait son rôle de plante montagnarde ou subalpine. Les localité pyrénéennes françaises connues de moi, auxquelles il faut ajouter, sans aucun doute, loutes celles que Lapeyrouse rapporte à l'Asphodelus ramo- sus, sont les montages des environs d’Irun, département des Basses-Pyrénées ; la montagne de Serre, le pie de Viscos, le Mont Aigu, les environs de Cauterets et la montagne d'Endretlis près Baréges, dans le département des Hautes-Pyrénées ; Superha- gnéres, le lac de Seculejo et Esquierry , dans celui de la Haute- Garonne; le Canigou, dans celui des Pyrénées-Orientales. La plante n’est sans doute pas moins répandue dans la partie espa- gnole de la chaîne; inmais à je ne connais avec certitude que 129 3. GAY. — DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES ASPHODÈLES trois localités : les environs de Pampelune dans la Navarre, la montagne de Castanèze et la vallée d’Astos de Benasque dans l’Aragon. En Espagne, je ne trouve notre plante colonisée nulle part , à distance des Pyrénées, si ce n’est dans la Sierra de Guadarrama , cette chaîne de montagnes qui, continuée au sud-ouest par la Sierra de Gador, sépare sur une longueur de 40 lieues la vieille de la nouvelle Castille. Au rapport de mon excellent correspondant de Madrid, M. Graells , l’Asphodelus albus se trouve dans cette chaine en beaucoup d’endroits, notamment à la Granja, à Peñalara, à Navacerrada, à Marichiva, à Navaluenga et au Puerto del Pico, et ce qu’il appelle Asphodelus albus est bien l’espèce pyrénéenne du même nom, d’après les échantillons vivants et desséchés qu’il a bien voulu m'envoyer, provenant des Prados tobares, près le vil- lage de Pequerinos, dans les montagnes de l’Escorial, où la plante est cantonnée, là comme dans le reste de la chaîne, dans les pâturages de la région supérieure, à 7 ou 8,000 pieds d’altitude. Nous sommes ici sous le 41° degré de latitude, et c’est là que s'arrête la plante dans sa marche vers le sud , d’après mes infor- mations actuelles. Je ne la connais nulle part ailleurs dans l’inté- rieur de la péninsule, ni en Portugal, ni dans le royaume de Gre- nade, ni dans les montagnes de Valence. Revenons à sa région septentrionale, où j'ai dit qu’elle occupait une vaste contrée dans les plaines de l’ouest de la France, entre l'Océan et les montagnes d'Auvergne. Existe-t-elle dans ces der- nières montagnes ? Elle y a été indiquée dans une seule localité ; mais l’auteur même de l'indication, M. Lecoq, n’a pu lv retrou- ver, l’ayant cherchée l’année dernière à ma prière. Les environs de Mende sont pareillement douteux , l'échantillon que j'ai reçu de là ayant été insuffisant pour résoudre la question spécifique. Pour retrouver la plante en marchant vers l’est, 11 faut franchir la vallée du Rhône et arriver jusqu’à la chaîne des Alpes, sur les confins de l'Italie. C’estlà qu’elle a son troisième centre de création, et. c’est de là qu’elle rayonnera au loin, d’abord dans la péninsule italique, puis au delà de l’Adria'ique, jusque dans les montagnes de la Croatie et de l’Albanie, se tenant toujours, sauf de rares DU GROUPE GAMON, 491 exceptions, à un niveau très élevé, qaetaneieis même dépassant la limite supérieure des arbres. Au sud de la chaine, on la trouve également répandue sur les deux versants : en Dauphiné, dans le Valgaudemar , au mont de Lans, au Lautaret et aux Bayards de Gap; en Piémont, aux bains de Vinadio, à la Madonna delle Finestre et à Santo-Martino Lan- tosea dans la vallée de la Vesubia. Le Valais est, après le Dau- phiné, la seule contrée où on puisse la retrouver sur l’autre ver- _sant de la chaîne, et cela en deux endroits, dans les montagnes de Lens et au pied du glacier d’Aletsch, où elle a été découverte il y a peu d’années par feu le chanoine Riou de Sion. Partout ailleurs, c'est sur le versant sud ou italien qu'il faut la chercher, et elle y compte de nombreuses stations depuis la colline de Superga près Turin jusqu'au fond du golfe Adriatique. De ce nombre sont entre autres le fort de Bard dans le val d’Aost, le mont Generoso dans la Suisse italienne , les monts Baldo, Bondone et Lefre dans le Tyrol italien , les montagnes de Bassano, et Lippiza près Trieste (où la plante s’abaisse dans la plaine, comme fait celle de notre France occidentale), toutes localités dont j'ai vu des échantillons, moins celle de Bassano , que j'emprunte à Bertoloni pour complé- ter la série. | Près de Trieste est le mont Nanas. Au sud est le monte Mag- gore en Istrie, et le village de Kamengak dans ce qu'on appelle le htloral autrichien. Plus loin, à l’est, est la Croatie, à la frontière occidentale de laquelle s'élèvent les monts Czizer et Prologh. Au- tant de lieux, autant de localités pour l'Asphodelus albus , les deux dernières ayant pour autorité MM. Kummer et Sendtner (in Flora : od. Bot. Zeit., 189, p. 762), les autres s'appuyant sur des échan- tillons vus et examinés par moi. Au sud du littoral autrichien s'étend la longue chaine de mon- tagnes qui sépare la Dalmatie de la Bosnie, et qui, plus loin, va se ramifiant à l’infini dans l’Albanie et la Roumélie. Là est le mont Dinara, dont j'ignore la position exacte, mais où se trouve notre plante, entre 2,500 et 3,000 pieds d'altitude, d’après un échan- üllon que je dois à l’auteur du Flora dalmatica, M. de Visiani. Mais là n’est point sa dernière limite dans cette direction, car 199 g. GAY. — DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES ASPHODÈLES M. Grisebach l'indique encore au mont Peristeri, près Bitolia ou Toli Monastir, sur la frontière de la Roumélie et de l’Albanie, où elle vit en société, mais à un seul endroit, à environ 4,000 pieds d'altitude, Je ne sache pas que lAsphodelus albus se trouve nulle part, si au sud, ni à l’est de Bitolia, et il est remarquable que cette dernière station connue au delà de l’Adriatique , soit située pré- cisément sous le 41° degré de latitude, le même où j'ai dit que s'arrête notre plante dans la péninsule espagnole. Un autre appendice de la grande chaîne des Alpes, c’est l’Apen- nin , qui, après avoir Suivi de très près la côte septentrionale de l'Italie, où il se détache des Alpes maritimes, finit par prendre à peu près le milieu de la péninsule, de manière à la partager sou- vent en deux parties égales. Le domaine de l’Asphodelus albus s'étend encore ici, ét c’est le dernier que lui a assigné la nature. L’Asphodelus albus croît donc, d’après Bertoloni, dans les Alpes della Scaggia de la Ligurie occidentale, la plus voisine des Alpes -maritimes, dans les montagnes del Bracco dg la Ligurie orientale, à Jola, près Fanano, dans l’Apennin de Modène, à Depiano et au monte Acuto de l'Apennin de Bologne, au pied du mont Beni, près Pietramala , dans l’Apennin de Florence , dans les montagnes de Pistoja et à Panna in Mugello en Toscane, au mont Birro dans l’Apennin de Macerata de la Marche d’Ancône , au mont Priore et à Capo di Tenna près Montefortino dans le Picenum (une autre partie de la Marche d'Ancône), ét enfin au mont Gargano, toutes localités que Pauteur affirme sur le vu d'échantillons. On peut y _ ajouter, je crois avec toute sûreté, le monte Amiata, en Toscane, indiqué par Viviani (Bot. Etrusc., H, p. 213), Taburno, dans la Campanie ou Terre de Labour, cité par Tenore (Syll., p. 476), la Majella, Vitulano et les Prati di Pettorano, dans l'Abruzze, men- tionnés par le même auteur (F1. nap., 1, p.184 ; et Syll., p. 176). JI faut y ajouter encore le monte Senario près Florence, d’après les échantillons qui m'ont été envoyés de là par M. Parlatore; plus, deux localités du voisinage de Rome, le monte Gennaro près Tivoli, et la Selva di Neltuno près Portod’Anzo, d’après les communica- ons toutes récentes de M. le comte de Rayneval, et enfin le monte $. Angelo près Castellamare, d'après un échantillon que M. Cosson DU GROUPE GAMON, 493 a récolté sur cette montagne en juillet 1846, et que je vois dans son herbier. | J'ai deux observations à faire sur ces localités italiennes de l’Asphodelus albus. La première , c'est que, échelonnées du nord au sud, elles n’atteignent ni les Calabres, ni même la Province ei- térieure. Après le mont Gargano, dans la Pouille, la plus méridio- nale est le monte S. Angelo près de Naples, qui est placé sous le 40° 42 de latitude, de sorte que la plante trouve ici, à quelqués minutes près, la même limite méridionale qu’en Espagne et au delà de l’Adriatique, bien que cet arrêt subit ne soit point expliqué par un abaissement du terrain , puisque l’Apennin se continue au delà du point indiqué jusqu’à l'extrémité de la péninsule. Ma seconde observation, c’est qu’en Italie, comme presque par- tout ailleurs, lAsphodelus albus est une plante des montagnes. Le fait est certain, d’après le témoignage unanime des auteurs, quoique je n’aie aucune donnée positive sur les altitudes que la plante peut atteindre ou ne pas atteindre. Jei pourtant, comme à Trieste , comme à Turin, comme dans notre France occidentale, il y à une exceplion remarquable à cette loi physiologique de l'espèce, et une exception plus remarquable que toutes les autrés, vu le lieu où elle se produit. J’ai dit que l’Asphodelus albus avait été trouvé récem- ment par M. de Rayneval dans la forêt de Nettuno, et je puis ajou- ter que c’est dans les parties basses, humides et sablonneuses de la forêt, sans mélange d'aucune autre espèce, l’Asphodelus micro- carpus qui se trouve à proximité, ayant besoin d’un terrain plus élevé, plus sec et plus compact. Or, la forêt de Nettuno est située au sud-ouest de Rome, entre le 29° et le 30° mille de la route qui conduit de la capitale à Porto d’Anzo, au delà de tous les derniers contre-forts des montagnes albaines, et dans le voisinage immédiat de la côte méditerranéenne. Cette exception est d'autant plus re- marquable, qu'elle se montre entre le 41° et le 42e degré de lati- tude, c’est-à-dire à moins d’un degré de la limite méridionale de l'espèce, là où on pourrait naturellement supposer que, pour vivre ou prospérer, elle a besoin d’une plus grande altitude. Le fait est néanmoins certain ; j'ai eu beau tourner et retourner les échan- tillons fructifères qui m'étaient gracieusement envoyés à li date du 42% à. GAY. — DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES ASPHODÈLES 28maidernier, et soumettre ensuite à la plus sévère analyse les fleurs qui y étaient jointes, conservées dans l'alcool ; il m'a été impossible d'y voir autre chose que l’Asphodelus albus. 1 résulterait seule- ment du témoignage de M. de Rayneval qu'ici les bractées ne sont pas noires comme dans le vrai albus, mais colorées comme les pé- lales , ce qui probablement signifie blanchâtres , et dans ce cas il y aurait à distinguer la plante comme variété, puisque, dans le vrai Asphodelus albus, j'ai toujours vu les bractées colorées d’un brun noir très foncé. Mais ceci est un caractère très'secondaire, sur le- quel il serait impossible de s'appuyer pour établir une espèce par- | ticuliére. Concluons que l’Asphodelus albus est une plante très répandue dans la Sierra de Guadarrama, dans les Pyrénées, dans la chaîne des Alpes, dans l’Apennin, et même au delà de l’Adriatique , mais en deçà de la Hongrie, de la Servie et de la Roumélie; qu’elle occupe dans ces montagnes des régions très diverses, depuis la zone du Hêtre jusqu’au maximum de 2,000 mètres ; qu’elle peut même vivre et prospérer au niveau de la mer, comme on le voit à Trieste dans le voisinage des montagnes , à Nettuno près de Rome, et surtout dans les plaines du sud-ouest de la France, où elle s'élève vers le nord jusqu’au 49° degré de latitude , c’est-à-dire plus loin que partout ailleurs; que, si elle occupe partout les deux versants des montagnes, elle est néanmoins très rare sur les versants occi- dental et septentrional de la chaine des Alpes, ce qui ne se voit qu’en Dauphiné et sur deux points seulement du Valais. Ajoutons, pour être entendu de la nouvelle génération, que nous comprenons sous le nom d’Asphodelus albus les Asphodelus sphæ- rocarpus et subalpinus de la Flore de France de MM. Grenier et Godron, dont les différences supposées ne reposent que sur le plus ou moins d’écartement des valves de la capsule déhiscente, carac- tère des plus variables, et dont on peut souvent observer tous les degrés dans une seule et même grappe fruclifère. 2. ASPHODELUS MICROGCARPUS Salzm. et Viv. A. caule ramosissimo thyrsoideo, ramis 1psis ramulosis passim ‘ paniculato; bracteis saltem novellis pallidis, fulvescentibus ; lacr- DU GROUPE GAMON. 495 miarum floralium nervo carneo ; filamentis supra unguem usque fere ad medium papilloso-scabris, unguibus elliphico-subrotundis, sulco dorsali lato divisis, apice in filamentum abrupte attenuatis ; capsula parva, obovoideo-qlobosa (7-5 mm. longa, 5-6 lata). Celui-ci est plus méridional que le précédent. Pour le rencon- trer en venant du nord , il faut franchir ici les Pyrénées , là les montagnes de Provence, et plus loi toute la chaine des Alpes, -continuée jusqu’au Balkan et à la mer Noire. Mais au delà de cette limite, la plante se trouve à peu près partout, depuis Lisbonne jusqu’en Syrie et en Égypte, depuis Toulon, Fiume et Constanti- nople jusqu’au delà du Tell algérien, embrassant ainsi dans toute son étendue le bassin de la Méditerranée , au delà duquel elle se pro- page même jusqu'à Lancerotte, Ténérifle et Canaria, c’est-à-dire jusqu’à l'archipel des îles Canaries. C’est une plante des lieux bas qui ne s'élève jamais dans les montagnes, bien qu'elle se risque quelquefois sur des plateaux élevés, comme fait aussi quelquefois l’Asphodelus fistulosus, notam- ment à la Granja et lieux circonvoisins , au pied de la Sierra de Guadarrama, où elle se trouve dans le voisinage de l’Æsphode- lus albus, et où, sous cette longitude, elle a, je crois, sa limite nord, notamment aussi à Boghar et à Djelfa, sur les grands plateaux du Sahara algérien, où je suppose qu'elle a, dans cette direction, sa limite méridionale , à 2 degrés de latitude au delà des côtes de la Méditerranée. C’est à cette même région des hauts plateaux qu’ap- partiennent plusieurs des localités indiquées par M. Cosson pour l’Asphodelus ramosus (que je suppose être le nôtre) dans la rela- tion de son second voyage algérien , entre autres les environs de Batna, le poste d'El Outaïa et les vallées de l’Aurès, qui sont à peu près à la même distance de la mer. (Voy. Ann. des sc. nat., h° série, t. IV et V.) Partout ailleurs, comme je l'ai dit, lAsphodelus microcarpus ne vit que dans les plaines basses, et il est si commun sur toutes les côtes de la Méditerranée, africaines, asiatiques, helléniques, dal- mates, italiennes et françaises, ainsi que dans les îles nombreuses de ce vaste bassin, qu'il serait absolument superflu de citer no- minativement les localités. Les lacunes auraient plus d'intérêt ; Â926 s. GAY. — DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES ASPHODÈLES mais ici les données que j'ai pu recueillir sont loin d’être suffi- santes. | | y Je dirai seulement, pour me renfermer dans l’ouest de l'Europe, mieux connu de.moi sous. ce rapport, que lAÆsphodelus microcar- pus est fort répandu en Provence, depuis Fréjus jusqu'à Hyères et au cap Brun ,; y comprises les iles d'Hyères, mais qu'il manque à Toulon même, ainsi qu'à Marseille (la plante indiquée sous ce nom, page 133 du Catalogue de M. Louis Castagne , n’est que l’Aspho- delus fistulosus , d’après les échantillons qu’à bien voulu me com- muniquer l’auteur lui-même). Il manque pareillement à tout le litioral du Languedoc, et, pour le retrouver, il faut aller jusqu'à Collioure et Port-Vendre, c'est-à-dire à l’extrème frontière du Rous- sillon, où peut-être commence une autre lacune, qui peut-être aussi s’étend fort loin vers le sud. Il est remarquable, en effet, que je n'ai pu trouver jusqu'ici aucun indice certain de la présence de l'Asphodelus microcarpus ni à Barcelone, ni à Valence, ni à Car- thagène, ni sur aucun point intermédiaire de la côte orientale d'Espagne, ni même au delà sur la côte de l'Andalousie. Je ne le connais en Espagne que dans la nouvelle Castille, dans l’'Estre: madure, dans la province de Jaen, et sur les côtes de l'Océan, entre Tarifaque et Vejer et aux environs de Cadix , ce qui me fait soupeonner qu'ici la plante pourrait bien être exclusivement relèguée dans la moitié occidentale de la péninsule. Le Portu- gal fait partie de cetle bande occidentale; aussi l’Asphodelus microcarpus y est-il très répandu depuis les Algarves jusqu'à Coïmbre et au delà, C’est celui que Brotero a décrit, dès l'an: née 1804, sous le nom trompeur d'Asphodelus œstivus, Si l'4sphodelus microcarpus est très distinct de l'albus par soû port, par la forme de l'onglet de ses ‘étamines et la petitesse de son fruit, semblable à celui de l'Asphodelus fistulosus, on voit qu'il n’en diffère pas moins par sa distribution géographique, 1} est plus méridional ; son domaine est beaucoup plus étendu tant en longis tude qu’en latitude, d'où il suit qu'il cecupe des contrées entières où l’autre manque complétement ; les îles Canariennes, l'Algérie, les régences de Tunis et de Tripoli, l'Égypte (Auch, eæsice,, n° 2162! in herb, mus, Paris.), ln Syrie, les côtes de l'Asie Le bu GROUPE CAMON. 197 Mineure, avec celles de la mer de Marmara, les îles et le conti- nent de la Grèce, le Portugal, ete. Enfin , c’est une plante parti- culière aux plaines et aux collines du bassin de la Méditerranée , tandis que l'autre ne pénètre dans ce bassin que par les montagnes, où, sauf de très rares exceptions, elle se lient toujours, à une cer- taine élévation, parmi les Hêtres et les Sapins. 3. ASPHODELUS CERASIFERUS N. A. caule simplici vel in ramos paucos longosque diviso ; brac- teis sallem novellis pallidis, fulvescentibus ; laciniarum floralium nervo carneo ; filamentis supra unguem lœvibus vel ima basi solum papilloso-scabris , unguibus elliphco-subrotundis | sulco dorsali lato divisis, apice in filamentum abruple attenuatis; capsula maæima, sphæroidea (15-20 mm. longa lataque). On voit que c’est une plante très voisine de la précédente, puis- qu'elle n’en diffère guère que par ses gros fruits et par sa tige tan- tôt simple, tantôt divisée en un petit nombre de rameaux allongés, Mais cela suffit pour lui imprimer un aspect particulier qui n’est ni celui de l’Asphodelus albus, ni celui du microcarpus, et en la comparant à ces deux espèces que je tiens à la main, personne ne peut douter qu'elle ne constitue une espèce parfaitement distincte, Elle a frappé d’ailleurs déjà tous ceux de mes auditeurs qui, con- naissant bien les deux autres espèces, ont rencontré celle-ci , ces jours derniers, dans la campagne de Montpellier, Comme le précédent, l’Asphodelus cerasiferus est une plante du bassin de la Méditerranée; mais son aire géographique est bien moins étendue, puisqu'il manque non-seulement aux iles Canaries. non seulement à l'Algérie presque entière, mais encore à toute la Méditerranée orientale, jusques et y compris l'Italie, sans exception de la Sicile ni de la Sardaigne. C'est à, du moins, ce qui ressort des innombrables recherches que j'ai faites depuis dix-huit mois, et pour lesquelles j'ai épuisé d'ailleurs tout ce qu'il pouvait y avoir d’Asphodèles dans les herbiers de Paris , ainsi que dans ceux de MM. De Candolle et Boissier à Genéve. Un seul indice jusqu'ici recueilli pourrait faire soupçonner que ma plante vient en [talie, au moins sur un‘point de la péninsule, le 198 3, GAY. — DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES ASPHODÈLES côté occidental et maritime du monte Argentario, promontoire de la côte de Toscane. C’est une figure que je trouve à la page 17 du Catalogus plantarum horti Pisani, publié par Tilli en 1793, figure où l’auteur a représenté une variété panachée d’un Asphodèle, qui appartient sans aucun doute à notre groupe. Pour faire entrer la figure dans le cadre qui lui était donné, l'artiste a supprimé tout le haut de la plante, ne conservant de la grappe florale que les quatre nœuds inférieurs. Or deux de ces nœuds portent des fruits qui, pour le volume et pour la forme, ressemblent parfaitement à ceux de lAsphodelus cerasiferus. Mais la figure est de tous points grossière, et il serait imprudent de s’y fier. Il est d'ailleurs certain que si notre plante existe au monte Argentario , c’est à l’insu de tous les explorateurs. modernes de cette parte de l'Italie, y com- pris M. Parlatore que j’ai consulté à ce sujet. Elle manque done jusqu'ici à l'Italie, ainsi qu’à la Sicile et à la Sardaigne ; mais elle vient en Corse en plusieurs endroits, notam- ment dans le Niolo et à la montagne de Cagne, et sur la route de Bastia à Corte, toujours à distance de la mer, et formant une région supérieure à celle de l’Æsphodelus microcarpus. Elle se trouve de même dans les iles Baléares, à Majorque et à Iviça, où elle se ren- contre pareillemment avec l’Æsphodelus microcarpus. Sur le continent, rien n'indique sa présence dans la riviére de Gênes , entre Gênes el Nice. Mais à quelques lieues en deçà du Var, la route s'élève sur les flancs d’une basse chaîne de mon- tagnes qu’on appelle l'Esterel, et là est pour notre plante la limite orientale d’une nouvelle zone, dans laquelle elle s’étendra au loin vers l’ouest en suivant les côtes de la Méditerranée. En Provence, c’est à l’Esterel, à Toulon età Marseille, qu’on l'indique spécia- lement , et qu’elle est effectivement abondante, sans que je sache encore si là elle s’avance plus ou moins dans les terres, ou si elle y est purement littorale. C’est la seule des trois espèces qui soit à Marseille. La plaine de la Crau, qui vient après cette ville, paraît être le domaine exclusif de l’Asphodelus fistulosus; mais là finit la Pro- vence et là commence le Languedoc, dans lequel notre espèce va se propager sans interruption, au moins, jusqu’à l'embouchure de | | 1! | | | h. | | DU GROUPE GAMON. 199 l'Aude , aa travers des départements du Gard et de l'Hérault, en- core une fois sans mélange de l’Asphodelus microcarpus, ni même du fistulosus, que je ne crois pas être vraiment indigène à Béziers. Et, puisque je lai vu de mes propres yeux, puisque vous l'avez vu comme moi, et que beaucoup d'informations me sont arrivées à son sujet dans le cours de notre session extraordinaire, je puis dire qu'il règne partout en maitre dans celte contrée. Il n’y sert pas à _grand’chose, puisqu'on ne trouve plus de profit à en extraire un alcool de mauvaise qualité ; mais 1l fait l’ornement des campagnes, et il forme un des traits caractéristiques de cette végétation méri- dionale qui frappe si vivement les nouveaux venus du 49° degré de latitude. L’Æsphodelus cerasiferus , donc , croit partout dans cette partie du Languedoc, depuis le bord même de la mer jusqu’à Saint-Ambroix, Saint-Jean du Gard, Salagosse, la Baume-Oriol et Saint-Pons, c’est-à-dire jusqu'aux Cévennes et à la montagne Noire, à une distance de la côte qui varie de 40 à 80 kilomètres, partout enfin où prospère l'Olivier, mais subitement arrêté au delà de cette limite par le changement de température qu’amène le rehaussement du terrain. Je l’ai cueilh à Mireval, sur la route de Montpellier à Frontignan , à même où il a été vu et observé par J. Bauhin. Vous l’avez vous-mêmes récolté au pic de Saint-Loup et à Saint-Guilhem du Désert, et je pourrais citer plusieurs autres localités du voismage de Montpellier où 1l se trouve en abondance, connu là sous le nom d’Aledo (au pluriel A ledes). La qualité miné- ralogique du sol parait lui être indifférente. Il croit généralement sur le calcaire, dans ces terrains compacts, âpres et incultes, qu’on nomme ici garigues; mais c’est sur le granit qu'il croit à Sala- gosse, dans le département du Gard. Les sables siliceux, pourvu qu’ils soient tassés et un peu humides, lui conviennent pareille- ment , et c'est sur un pareil sol qu’on le trouve, au sud de Nimes, Montpellier et Béziers, sur la côte de la Méditerranée, particulière- ment sur l’étroite langue de terre qui, entre Cette et Agde, sépare la mer de l'étang de Thau. Ajoutons que, s’il se tient là au niveau même de la mer, il s'élève jusqu’à 400 mètres sur les flanes du pic de Saint-Loup, à 700 mètres sur le calcaire jurassique de la Baume- rio! et jusqu'a 800 mètres sur le granit de Salagosse. à: £° série, Bor. T, VIT. (Cahier n° 3.) 4 9 x AOÛ 4, GA, = DISPRINUMION GÉOGRAPHIQUE DES ASPHODÈLES Tel est le rôle que notre Asphodéle jaue dans les départements du Gard et de l'Hérault; mais il n’est pas à ma connaissance qu'il se propage à l’ouest dans le département également littoral de l'Aude, quoiqu'il reparaisse dans le département limitrophe des Pyrénées-Orientales, où il a une dernière station française à Notre- Dame-de-Consolation près Collioure; c’est la seule, du moins, qui soit connue de moi en Roussillon, d’après un échantillon du doc- teur Penchinat, conservé dans l’herbier de M. Godron. : Au delà de notre frontière , je ne trouve aucun renseignement qui puisse me faire même soupçonner la présence de l’Asphodelus cerasiferus sur la côte orientale d'Espagne , ni en Catalogne, ni dans le royaume de Valence. Il parait y manquer complétement, comme nous avons vu que faisait aussi l'Asphod. microcarpus, au moins d’après les documents jusqu'ici recueillis ; mais. s'il y a lacune, elle s'arrête à la frontière méridionale du royaume de Va- lence, à partir de laquelle notre espèce se répand à l’ouest sur Ja surface peut-être entière du royaume de Grenade et de l’Andalou- sie, tantôt dans les plaines, tantôt dans les montagnes, et là jus- qu’à 6500 mètres d'altitude. Carthagène et Murcie d’un côté, Cadix à l’autre extrémité de la région, sont des localités certaines à citer dans les plaines. De même la Sierra de la Fuen-Santa près Murcie ( Bourg ! ). Dans les montagnes d’une certaine élévation , nous comptons d’abord la Sierra de Gador, près et à l’ouest d’AI- meria, qui s'élève jusqu'a 7000 pieds (Bourg. in herb, Coss. | ), puis la Sierra de Mijas, près et à l’ouest de Malaga, qui ne s'élève qu’à 3500 pieds, mais qui est couverte de notre plante de la base jusqu’au sommet (4, albus Boiss., Voy, et herb.!); puis enfin la Sierra-Nevada, la plus haute chaîne de l'Espagne, sur le flanc nord de laquelle cette mème plante monte jusqu'à la ferme dé la Vibora et à celle de S. Geronimo , les dernières habitations permanentés de la Sierra, à 5000 et 5550 pieds d'altitude absolue ( 4. albus Boiss., Voy. et herb.!). C’est plus du double, quant aux chiffres, de ce que notre plante peut atteindre en Languedoc; mais c’est plus du triple quant à la signification climatérique; car ici 5500 pieds ou 4833 mètres répondent à la limite supérieure du Châiaignier et du Cerisier, tandis-que les 800 mètres de Salagosses | DU GROUPE GAMON, 161 département du Gard, sont encore compris, je le crois du moins, dans la zone de l'Olivier. Il y a là un phénomène que la différence de 7 degrés de latitude n’explique point suffisamment , puisqu'il paraît, d’après M. Boissier, que sur le versant nord des montagnes de l’Andalousie, l'Olivier s'arrête à 4200 pieds ou 1400 mètres. L’Asphodelus cerasiferus vient, sans doute, en Portugal, et c’est lui probablement que Brotero indique à Lisbonne, à Coïmbre, ete, sous le nom de ramosus; mais je n’oserais l’affirmer d’après le - seul échantillon que j'ai pu en voir jusqu'ici (À ramosus Welw., eæsicc.| in herb. Coss.), échantillon fructifère que je ne trouve pas suffisamment caractérisé, et qui semble différer de notre plante par ses fruits de moitié plus petits. Un second échantillon , mieux conformé, ferait peut-être disparaître cette différence. Ce qui n’est l’objet d'aucun doute, c’est qu’en Espagne l’4s- phod. cerasiferus pénètre fort loin dans l'intérieur des terres, qu'il couvre les plateaux de la Manche et de la Nouvelle-Castille, et qu'il s’avance par cette route jusqu'à Aranjuez et Cienpozuelos, dans le voisinage de Madrid qu'il paraît ne point dépasser. J'ai pour garants de ce fait le témoignage, accompagné d’échan- tillons, de M. Graëlls, mon correspondant de Madrid, qui me fournit deux autres renseignements au sujet de cette plante : le premier, c'est qu’en Castille on arrache ses racines napiformes pour en nourrir les pores qui en sont très friands ; le second, c’est qu’à Aranjuez, du moins, et à Cienpozuelos, elle recherche de prés férence les collines gypseuses , c’est-à-dire une nature de terrain toute différente des trois sur lesquelles on la voit prospérer en Languedoc, Ajoutons encore cette particularité , que la Flore de Madrid, étendue au sud jusqu’à Aranjuez, au nord jusqu’à la Sierra de Guadarrama , embrasse les trois espèces que nous venons de passer en fevue, ce que ne fait, je crois, aucune autre Flore de la même circonscription. Nous avons vu l’Asphodelus DR RE très répandu en Algérie, depuis le bord de la mer jusque sur les hauts plateaux du Sahara. Le cerasiferus se trouve aussi dans le nord de l'Afrique, mais, à ce qu'il paraît, dans l'ouest seulement , et jusqu'ici seule- ment en deux endroits : à Tanger, sur la côte marocaine , où il a 132 3. GaAx. -— DISTRIBUTION GÉOGRAPHIQUE DES ASPHODÈLES été récolté par Salzmann; et au Djebel-Bou-Kaschba, près Aïn-ben- Kbelil, dans la province d'Oran, où il a été observé l’année der- nière par notre confrère M. Cosson. C’est Le seul point de l’Algérie où l'existence de cette plante ait pu être constatée jusqu’à ce jour. Un dernier trait de l’histoire géographique comparée de l’As- phodelus cerasiferus, c’est qu'il peut , même en France, vivre et prospérer spontanément en dehors de la région des Oliviers , ce que-ne fait nulle part l’Asphodelus microcarpus. Personne n’a en- core signalé l’Asphodelus cerasiferus dans la grande vallée du Rhône, au nord des basses montagnes qui abritent le port de Mar- seille. Il n’a encore été vu n1 à Avignon, ni à Valence, ni à Vienne, ni à Lyon , et pourtant il a une colonie certaine à Grenoble , dans la vallée de l'Isère, à 2 degrés de latitude au nord de la Méditer- ranée, et à À degré moins minutes de Mondragon (entre Orange et la Palud , département de Vaucluse), où se trouvent, je crois, les derniers Oliviers remontant dans cette direction l'échelle des latitudes, Et non-seulement l’Asphodelus cerasiferus se trouve là, mais il s’y étage, sur le mont Rachet et sur les côteaux de Com- boire , jusqu'à une altitude absolue de 1000 mètres , supérieure , par conséquent, de 200 mètres à celle que nous l'avons vu atteindre dans les vallées méridionales du département du Gard. L'écart est assurément considérable , mais il l’est bien plus encore dans la Sierra-Nevada, comme nous l’avons vu tout à l’heure. Il est vrai que la plante de Grenoble diffère de celle du midi par ses fruits un peu moins gros et par ses bractées d’un brun noir très foncé, non pàles et ne brunissant qu'avec l’âge. Mais 1l serait ridicule d’altacher une importance spécifique à ces carac- tères, même au dernier qui m'a paru constant pour la plante méridionale. J’ai déjà montré l’Asphodelus albus, que caractérisent si bien ses bractées noires, variant à bractées pâles dans la forêt de Nettuno. C’est l'inverse de ce que nous offre l’Asphod. cerasi- ferus de Grenoble. On dirait que c’est l’effet du climat qui , chaud, blanchit les bractées, et froid les noircit. Concluons de tout ce qui précède que, géographiquement comme spécifiquement, l’Æsphodelus cerasiferus est une espèce fort dis- tincte du microcarpus. DU GROUPE GAMON, 133 Ce dernier remplit dans sa totalité le bassin de la Méditerranée, avec son annexe de l'archipel canarien. L'autre n’occupe que la moitié occidentale du bassin ; il manque à tout l'Orient, ainsi qu’à l'Italie entière , à la Sicile et à la Sardaigne. Il existe pourtant en Corse, et c’est à partir de là qu'il se répand à l’ouest pour se mêler désormais à Pautre espèce, aux îles Baléares, en France et en Espagne, mais sans franchir l'Océan et sans passer aux îles Cana- ries. Sur la côte d'Afrique, où l’autre espèce forme à la Méditer- ranée une ceinture continue depuis l'Océan jusqu’en Égypte, celle-ci se tient cantonnée à l'extrême ouest du continent où on ne Jui connaît que deux localités, l’une au Maroc, l’autre en Algérie. Au nord de sa région, l’Asphodelus microcarpus ne quitte pas les bords de la Méditerranée , et il est impossible de le trouver ail- leurs qu’à Fréjus, Hyères et Collioure. Le cerasiferus dépasse ces limites de 2 ou même 2 degrés de latitude, soit en se propageant de la côte vers l’intérieur d’une manière continue et sans interrup- tion , comme on le voit dans le département du Gard, soit par un saut brusque qui le transporte tout à coup à une grande distance, pour former là une colonie lointaine en pays tout à fait étranger, ce dont le territoire de Grenoble fournit un exemple, le seul connu de moi. Ici la plante prospère loin du dernier Olivier, à une altitude de 14000 mètres. De même dans la Sierra-Nevada où elle atteint l'altitude de 1833 mètres , laissant le dernier Olivier à 433 mètres au-dessous de lui. C’est une faculté que n’a pas l’Asphodelus mr- crocarpus, qui ne quitte point les lieux bas, à moins que ce ne soit pour s'élever sur des plateaux chauds et d’une médiocre alti- tude, comme est celui de la Nouvelle-Castille (608 mètres, altitude de Madrid), et comme sont ceux du Sahara algérien (environ 1000 mètres). Disons en finissant que l’Asphod. albus de la nouvelle Flore de France de MM. Grenier et Godron , est un synonyme de notre Asphod. cerasiferus, et que s’il y à à féliciter M. Grenier d’avoir su y comprendre la plante dauphinoise qui y appartient réelle- ment , il y a deux points essentiels à rectifier dans la phrase de douze mots par laquelle il rend compte de la distribution géogra - phique de l'espèce. Région méditerranéenne , c’est bien. Bords de 13 C. MONTAGNE. l'Océan, c'est à supprimer complétement. Basses montagnes des Alpes et des Pyrénées, c’est à remplacer par la seule mention de Grenobie. Tout le reste, y compris les bords de l'Océan, appartient à l’Asph. albus, qui, dans l’herbier de M. Grenier, est effective- ment mêlé au cerasiferus. L’Albus 6 ramosus de cet herbier appar- lient seul à notre espèce. HUITIÈME CENTURIE DE PLANTES CELLULAIRES NOUVELLES, TANT INDIGÈNES QU'EXOTIQUES, Par Camille MONTAGNE, D. M. Décanes IV Er V (1). ALGÆ. 81. EREBONEMA oprurans Montag. Bull. des séances de la Soc. ump. et centr. d’Agric., 2 sér., t. XIE, n° 6, p. 546 : filis flac- cidis ramosissimis ramisque divaricatis articulatis , in massam mucoso-gelatinosam immersis, articulis longissimis intus et extus granulatis umbrinis. — Has. In tubis laterariis Drains appellatis , ad aquas solo commorantes derivandas , quos obstruit, prope Versalias lecta species, mecumque a cl. Baudry. communicata. Desc. Fila ramosissima, fuscidula, flaccida, longitudine maxime varia- (1) Ces deux nouvelles décades se composent de plantes indigènes et exotiques de provenances diverses, mais pour la plupart dignes d'attention. Quelques-unes . étaient depuis longtemps sans nom dans ma collection, et attendaient pour être étudiées, que d'autres travaux me laissassent le loisir de le faire. D'autres, en petit nombre, mais fort intéressantes aussi, m'ont été communiquées par M. Bolle, botaniste distingué de Berlin, et seront décrites au long dans une Flore du cap Vert, d’où elles sont originaires, qu'il est sur le point de publier. Deux autres, recueillies à la Martinique par mon ami, M. Ch. Bélanger, m'ont paru assez remarquablement distinctes, pour que je n'hésite pas à les désigner sous son nom. Je finirai, pour abréger, par dire que MM. Fendler, Tuckerman, Crouan, Guépin, baron Cesati, Baudry, Soleirol et Moquin-Tandon, ont fourni les autres matériaux de ces deux décades, PLANTES CELLULAIRES NOUVELLES, 135 bili sæpius indeterminabili insignia, centimillimetrum et quod excedit diametro æquantia , arliculata. Rami patentissimi , hine inde incrassati, extus intusque granulati. Articuli diametrum sextuplo decuplove superant. Hæc alga in matricem gelatinosam tandemque tubos subterraneos ad aquas corrivendas inservientes obstruit. O8s. Deux autres espèces constituent ce genre aussi obscur que son nom. Il a été fondé dans les Agen Deutschlands, p. 70, par M. Rœmer, et adopté par M. Kützing. Ces mycophycées qui, comme les Leptomitus, _ne sont peut-être que des mycelium de Champignons auxquels le lieu acci- dentel de leur végétation ne permet pas d'atteindre leur développement normal ; ces mycophycées, disons-nous, ont été observées jusqu'ici seule- ment dans des galeries de mines profondes en Allemagne. L’habitat de la nôtre est analogue sans être semblable. La gangue gélatiniforme dans la- quelle se fait l’évolution des filaments contient une foule de globules d’une excessive ténuité, et en outre, celon M. Belin, pharmacien-chimiste de Ver- sailles, des substances minérales comme des sulfures et des oxydes de fer et d’alumine. C’est de mon ami M. F. Baudry, ancien bibliothécaire de l’Insti- tut agronomique, que j'ai reçu la matière obstruante. Les dommages qu’elle peut occasionner à la pratique du drainage m'ont excité à en entre- tenir la Société impériale et centrale d’agriculture. Notre savant secrétaire perpétuel , M. Payen, a bien voulu se charger d’en faire l'analyse chi- mique. L’Ereb. obstruans diffère de l'E. hercynicum par ses dern'ers ra- meaux cylindracés et ses filaments granuleux; il se rapproche, par ce dernier caractère, de l'E. divaricatum. * Microcozeus Corium Montag. in Castag, Suppl. au Catal. des pl. de Marseille, p. 113. Ogs. Madamie la comtesse Fiorini-Mazzani , la croyant nouvelle , n’a adrèssé cette Algue l’an dernier sous le nom mss. de Sirosiphon strati- gerus. Elle me dit lui avoir imposé ce nom à cause de sa propriété de former chaque année une nouvelle couche sur les salines de Corneto (États Romains). « On a grand soin, dit-elle, de conserver ce stratum, parce que plus son épaisseur est grande, plus est parfait et blanc le sel qui se cris- tallise au-dessous. » 22. CLanopnora (Ægaoropila) GaLEGensis Montag. mss. : pulvinata, D densissime intricata ; filis basi crassissimis dichotomis superne 136 C. MONTAGNE. pinnatim ramosis (carbonate calcario sæpe incrustatis) ramis Oppositis patenti-erectis, articulis diametro (1/2-1/4 millim.) duplo-triplo longioribus, supremis vix eumdem superantibus obtusis sæpissime monarthris. — Has. In littora insulæ africanæ Galega dictæ legit Alc. d'Orbigny. | Desc. Pulvinata, oblonga, 2-3 centim. lata , albo-viridis. Fila centralia crassissima, diametro semimillimetrum æquantia, decolorata, corneo-ri- gida, maxime, ut tota alga, intricata , inter sese varie concreta , longis- sime articulata, ex apice fila altera diametro minora et brevius articulata ramosissima producentia. Rami vel irregulares vel superne pinnatim ra- mulosi. Ramuli oppositi, approximati, patenti-erecti. Articuhi elliptici, longitudine diametrum duplo superantes, ultimi vero æquantes , virides , ad genicula leniter constricti. Os. Parmi les espèces de ce groupe qu'a figurées M. Kützing dans ses Tabulæ Phycologicæ, je ne, vois que l'Ægagropila cælothrix, qui offre quelque ressemblance avec celle-ci. Elle diffère toutefois de la nôtre par des filaments plus déliés, plus longuement articulés, mais surtout par leur dernier article qui en dépasse de quatre à six fois le diamètre. 33. UDoTEA AMADELPHA Montag. mss. : fasciculata; frondibus mem- branaceis flabellato-spathulatis stipitatis, stipitibus stuposis simul concretis. — Has. [In littore ejusdem insulæ cum priori, ata cl. Leduc lecta. DEsc. Cæspitem efficit hæc species 7 centimetr. altum et apice cras- sum. Frondes quamplurimæ membranaceæ, haud incrustatæ , nune spa- thulatæ, nunc ex orbiculato flabelliformes, À ad 2 centim. longæ, centi- metrum et ultra latæ, subzonatæ , luteo-olivaceæ, stipitatæ. Stipites complanati, 2 ad 3 millim. lati, flexiles, fere ad medium stupæ fulvæ ope densissime simul concretæ. Structura : fila continua cylindrica aut submo- niliformia seu distantiis æqualibus constricta, materie viridi granulosa farcta, hic et illic imprimis ad apices ramorum fulva, À ad 2 centimillim . æquantia, maxime inter sese intricata. Oss. Il n'existe aucune espèce connue qu’on puisse comparer à celle-ci. Son stipe spongieux et l’absence d’un dépôt calcaire la rapprochent ce- pendant de l’'U. Desfontainu ; mais elle en diffère essentiellement par sa structure, PLANTES CELLULAIRES NOUVELLES. 437 911. PEYSSONNELIA ORBIGNIANA Montag. mss.: fronde coriacea cras- siuscula atrofusca, irregulariter ex orbiculato flabelliformi, mar- gine inflexa , supra lineolis trradiantibus zonisque concentricis obscuris notata, subtus fulvo-stuposa , filis verticalibus breviter articulatis apice dichotomis, medio fructiferis. — Has. Ad littora insulæ Galegæ cum penultima alga a el. Ale. d’Orbigny lecta. O8s. Espèce très singulière , et qui n’appartiendrait pas à ce genre si l’intumescence toute particulière des articles du milieu des filaments ver- ticaux constitue véritablement une forme de fructification, ainsi qu’on est porté à le supposer. Celle-ci est analogue ou semblable à celle du Cruoria pellita Harv., Phyc. Brut., t. 117, Petrocelis cruenta J. Ag. ; mais la structure de la fronde est plutôt celle d'un Peyssonnelia. En effet, la couche inférieure de cette fronde , celles d’où naissent les radicelles qui fixent la plante au rivage est formée de deux ou trois rangées de cellules oblongues. De ces cellules partent des filaments dressés, non ascendants, composés de 11 à 15 articles deux fois plus épais que longs, et consé- quemment lenticulaires ou transversalement oblongs. Chacun de ces fila- ments se partage à son sommet en une double dichotomie ou en quatre autres articles (15 à 20) quadrilatères , lesquels étroitement serrés constituent la couche supérieure de l’Algue. Tous les nucléus (cytoblastes) renfermés dans les trois sortes de cellules sont d’un brun roux sous le microscope, et, quant à leur forme , représentent, les inférieurs, des parallélipipèdes, les moyens, des disques lenticulaires, et les supérieurs, des cubes parfaits. Si l’on pratique dans la fronde des tranches verticales très minces, et qu’on en couche une sous la lentille d’un microscope , non-seulement on recon- naît très bien la description que je viens d’en donner, mais on distingue, en outre, que plusieurs articles des filaments qui constituent la couche intermédiaire sont renflés et soudés dans la hauteur de manière à former une sorte de spore longitudinalement oblongue, entourée, comme les au- tres nucléus restés stériles , d’une membrane transparente ou périspore. Toutes ces spores occupent le milieu du filament, et sont alignées en cha- pelet les unes à côté des autres. Je n’ai rencontré aucune autre fructifi- cation à la face supérieure. La fronde, dont M. d’Orbigny ne m’a remis, quelque temps avant son décès, que deux exemplaires, et encore fort endommagés, paraît mesurer 9 centimètres en diamètre. L’un des deux, oblong, flabelliforme, n’a pas 2 centimètres de largeur dans son milieu. L’épaisseur est de 1/3 à 1/2 millimètre. La couche moyenne a environ 1/4 de millimètre , et la 938 C. MONTAGNE. supérieure 1/6° seulement. Les spores et leur enveloppe ont une longueur d'environ 1/12° de millimètre sur un diamètre de 1/20° de millimètre. Cette espèce forme une sorte de transition entre les Petrocelis et les Peyssonnelia. Le port et la substance m’ont déterminé à la placer provi- soirement parmi celles de ce dernier genre, où , sans doute, elle ne res- tera pas, quand des exemplaires plus complets l’auront fait mieux con- naître. 35. Ryripuuora BeLanceri Montag. mss.: fronde filiformi areolata rugosa tripinnala, pinnis pinnulisque oppositis (!) ultimis secun- dis subulatis inflexis tetrasporophoris. — Has. In littore Marti- nicensi à cl. Belanger lecta et ei ut par erat dicata. Desc. Frons filiformis, nec nisi ad conjunctionem pinnarum dilatatam complanata , diametro sesquimillimetrum æquans , decem centimetr. (in nostro specimine) longa, supra medium tripinnata et apice ad 9 centim. expansa. Pinnæ pinnulæque patentes, ferme oppositæ, ad ortum dilatatæ, sinu amplo rotundo , a superioribus spatio bin. millim. circiter discretæ ; subulatæ , sensinique attenuatæ minoresque. Pinnulæ tertii seu ultimi ordinis ad latus interius ramellos secundos cornuformes simplices aut in axillis pinnarum fasciculatos tetrasporophoros producunt. Tetrasporæ triangule divisæ, diametro decimillimetrum cum cellula matricali metien- tes. Color fusco-ruber nigrescens. Cortex regulariter impressa. Structuraà generis. Cfr. R. pinastroidem, in Cuba, Crypt., t. IV, f. 1, L. OBs. Je ne connais aucune congénère dans laquelle la ramification de là fronde soit aussi régulièrement tripennée. La dilatation observée dans la fronde au niveau de l’opposition des pinnules est surtout caractéris- tique. Le Rytiphlæa Belangeri a le port d’un Desmarestia. Voyez le Sporochnus medius Ag. Icon. Alg. ined., t. XVI. | * DIGENEA SIMPLEX Ag. Sp. Alg., I, p. 389. Subr, Flora, Junio , 1636, fig. 34. Montag., Soc. bot. de France. D. Wulfeni Kg. Phycol. gen., t. 50, f. 1, Anatomia, et Sp. Alg., p. 844: O8s. Jusqu'ici la fructification conceptaculaire de ce genre était restée inconnue. Les seules stichidies , découvertes sur des individus recueillis aux Antilles, avaient été décrites et figurées par Suhr. Ces organes indi- quaient déjà une grande aflinité avec les Rhodomélées, et sur ce seul ca- ractère on pouvait dès lors conjecturer que la place assignée à ce genre par les premiers phycologistes de notre époque serait confirmée par des PLANTES CELLULAIRES NOUVELLES. 139 observations ultérieures. Avant eu l'avantage de rencontrer les concepta- cles de cette Algue sur des exemplaires rapportés des îles du cap Vert par M. Bolle, je saisis cette occasion opportune de les faire connaitre, dans l'incertitude où je suis si la description que j'en ai donnée pour la Cryptogamie de la Flore de ces îles que prépare M. Bolle paraitra ou non prochainement. Les céramides du Digenea sont placées latéralement et près de l’extré- mité des ramules qui hérissent comme des crins sa fronde et ses branches. Elles sont tout à fait semblables, et pour la forme et pour l’organisation, à celles du genre Polysiphonia. Celles que j’ai sous les yeux sont ovoïdes ou presque sphériques, sessiles, mousses et arrondies au sommet, longues de 1/3 ét épaisses d'environ 1/4 de millimètre. De leur base intérieure ou placenta central irradient en s’élevant des filaments dont le sommet renferme dans des périspores hyalins des spores pyriformes qui deviennent libres. Le plus grand diamètre de ces spores est de 1/10e, et le plus petit de 1/20e de millimètre. | Mais les beaux exemplaires de cette Algue ne m'ont pas seulement offert des céramides , ils m’ont encore fourni l’occasion d’observer ce que Je regarde comme des anthéridies , par suite de l’analogie de forme et de position qu’elles ont avec celles des autres espèces de la même tribu. Ces anthéridies, au nombre de trois ou quatre, terminent les ramules. Elles sont pâles et décolorées , ovoïdes , très finement granuleuses inté- rieurement, à granules hyalins presque cuboïdes , mesurant tout au plus en grosseur à à 4 millimètres. Le diamètre des anthéridies elles-mêmes est assez variable, selon l’âge, entre 1/4 et 1/8° de millimètre. J’interprète la signification de ces organes par la comparaison que j'en fais avec ceux qu'ont parfaitement figurés, pour les Polysiphonies, MM. Derbès et Solier et Thuret. | L 36. AGLAOPHYLLUM cRYPTONEURON Montag. mss. : cæspitosum ; fronde subsessili tenuissime membranacea, pinnato-flabellata, hine inde maculis pallidis oblongo-rotundis conspersa venisque longitudinalibus inconspicuis pereursa , segmentis linearibus, primaris margine appendiculatis proliferisve, ultimis obtusis.— Has. Ad litiora peruviana præsertim in portu Callao a cl. Ale. d'Orbigny lectum.— Syn. Delesseria lacerata Montag. in d'Or- bigny, Flor. Boliv., p. 33, non Ag. Desc. Frondes cæspitosæ, subsessiles, 7 ad 12 centim. et quod excedit 140 C. MONTAGNE. longæ , a basi enerves dichotome divisæ , sursum pinnato-flabelliformes. Segmenta inferiora linearia, 1/2-1 centim. lata, margine in adultis ap- pendiculata proliferave , superiora flabellato-expansa , apice rotundato- lobato, sinubus obtusis, maculas oblongas aut orbiculares , diametro millimetrum et ullra metientes præbentia venisque tenuissimis ramoso- anastomosantibus , oculo nudo vix, at tantum vitrorum augentium ope manifestis longitrorsum percursa. Structura : lamina inferne duplici su- perne simplici cellularum strato venisque tenuissimis composito. Cellulæ eximie penta-hexagonæ, gonidiis moniliformi-concatenatis cinctæ, nunc granulis farctæ, nuñc præsertim, in maculis, quæ forsan in vivo antheri- diorum sedes, vacuæ. Venæ longitudinales , flexuosæ , anastomosanti-ra- mosæ, sub microscopio composito facile conspicuæ et e cellulis cubico-sub- parallelipipedis, siphones Polysiphoniarum ad memoriam revocantibus, serie duplici triplicique factæ , ad apicem usque laciniarum extensæ. Conceptacula supra frondem et juxta marginem quandoque in ipsis pro- cessubus frondis marginalibus posita, convexa aut depressa, 1/2 ad 2/3 millim. lala, 1/4 ad 1/5 millim. alta, ex adverso visa lumine punc- tato-radiata, cæterum tenuia. Sporæ copiosæ a placenta plana erectæ , longe clavatæ, 5 ad 7 centimillim. longæ, apice incrassato, Oum 015 dia- metro æquantes, primo perisporio inclusæ, dein liberæ, erumpentes. Color lilacino purpureus, exsiccatione livens, chartæ arctissime adhæret. Oss. Cette espèce ressemble à de grands individus d’Aglaophyllum laceratum, et un peu aussi, par ses appendices marginäux , au Callo- phyllis laciniata. Toutefois l’absence de stipe et surtout de ces nervures si évidentes dans l’espèce de nos côtes, la disposition flabelliforme elle- même des dernières divisions de la fronde, qui donne à cette Algue un facies étrange, la place des conceptacles ou coccidies sur la fronde , la forme en fuseau ou en massue allongée des spores qui y sont renfermées, tout nous engage à la considérer comme une espèce légitime et bien dis- tincte de ses congénères. Je terminerai en disant que, pour la division des frondes, elle a aussi une ressemblance éloignée avec le Callophyllis fla- bellata Crouan, Alg. mar. Finist., n° 197. Dois-je imiter mon savant ami de Lund, qui a écrit une longue disser- tation philologique pour justifier le nom de Nitophyllum que je me suis permis de changer, ce qui m’a valu de sa part le surnom de Algologorum castigator philologus? Tel n’est pas mon dessein. La correction que j’ai proposée dans le temps et que je maintiens, n’avait d'autre but que de substituer un nom régulier à un autre qui pèche également contre les PLANTES CELLULAIRES NOUVELLES. 4/1 règles de la grammaire et les lois de l’onomatologie , substitution provo- quée par des observations de Fries et admise par un grand nombre de phy- cologistes, en tête desquels je puis citer un linguiste renommé, l’illustre Endlicher. 97. ARACHNOPHYLLUM DELILEL Montag. mss. : cæspitosum, confer- voideo-sericeum ; frondibus tenuissimis æqualibus subsimplici- bus planis, cellulis biseriatis, fructu......— Has. Alias algas in mari Rubro degentes indumento lanato pallido investiens detexit amicus Delile, cujus memoriæ dicatum volui. DEsc. Cæspites magnos algas varias investientes pallescentesque effcit. Frondes subsimplices vel rarissime ramelli rudimentum emittentes, subti- lissimæ , tenerrimæ, fere arachnoideæ, imtricatissimæ , flexuosæ , decolo- ratæ (an normaliter ? ), longitudine incerta, quam forsan À ad 2 centim. metitur, gaudentes, lineares, planiusculæ, 0mm,025 latæ, fine attenuatæ e cellulis biserialibus subgeminatis quadrato-oblongis inæqualibus constan- tes. Neutrum fructum frustra quæsitum invenire potui. Ogs. Mon ancien compagnon d'Égypte et ami, feu le professeur Delile, m'avait remis, dès 1844, de magnifiques exemplaires de cette Algue re- cueillie par lui-même dans la mer Rouge lors de l’expédition. Analysée par moi à plusieurs reprises, l’absence de toute espèce de fructification m'avait toujours rendu sa détermination difficile. Je voyais bien qu’elle ne pouvait appartenir aux Confervées dont elle a le facies, mais je me demandais si c'était une Floridée, comme semblait l'indiquer son tissu, composé de deux rangées de cellules placées à côté l’une de l’autre sur un même plan. L’ex- cessive ténuité des frondes qui présente à peine sa pareille dans les Algues filamenteuses, me tenait toujours éloigné de cette manière de voir. Étant enfin revenu une autre fois tout dernièrement à l’étude de cette curieuse plante, je me ressouvins que j'avais reçu dans le temps de M. Zanardini un exemplaire de son Arachnophyllum confervaceum. J’y eus recours sur- le-champ, et la comparaison des deux Algues, l’une de l’Adriatique, l’autre de la mer Rouge, me montra une structure identique. Cette identité est telle que les deux esquisses faites à la chambre claire ne peuvent se distinguer l’une de l’autre que par les dimensions de l’Algue européenne, outre la division dichotome de ses frondes, offrant dans celles-ci une lar- geur plus que double. L'absence de fructification dans la nôtre est fort à regretter. | Je partage complétement l'opinion de M. J. Agardh sur la valeur de Ah? €, MONTAGNE, ce gente; dont il a fort bién exposé les caractères, et cette nouvelle espèce, qu'il ne viendrait dans l’idée de qui que ce fût de rapporter aux Aglao- phyllum ant son port est différent, me semble lui donner raison et servir merveilleusement à établir sur des bases solides ce genre arachnoïdien parmi les Floridées membraneuses,. Je ne dois pas non plus passer sous silence que parmi les Algues, qu’enveloppait d’un épais tomentum ce nouvel Arachnophyllum , comme Mesoglæa gracilis Her. et Mart., Amphiroa fragilissima, etc., se ren- contrait une fronde de mon Polycladia Commersoni (1), dont l'habitat était encore fort douteux. 38. ScHIMMELMANNIA BozLei Montag. mss. : fronde elata, stipitata gelatinosa compresso-plana ancipii irregulariter ramosa, ramis Jongissimis subdichotomis ex utroque margine pinnas dentieu- lato-pinnulatas subulatasque emittentibus ; fructu..….... — Has. Ad oras insulæ Sancti-Nicolai (cap Vert) in littore de Prainha dicto legit hancce speciem anno 1851 cl. Bolle, cui libenter dicavi. Os. Ayant reçu dans le temps, de feu mon ami Barker-Webb, un exemplaire Lype de ce genre, j’observe que, à part les dimensions, l’Algue du cap Vert, bien que stérile, offre un port et une structure tels que je ne crois pas n’éloigner de la vérité en la rapportant à ce genre. *TurBINARIA DENUDATA Bory, var. savanica Montag, mss, in collect, Jaubertiana : caule ramoso angulato..……. folis petiolatis semi- peltato-cordatis ambitu crenulatis, petiolo haud vesiculoso- inflato. — Has, In portu Batavia insulæ Javæ, Zolling, Zter secund. a, 6. Ops. Cette Algue offre quelque singularité, Est-elle jeune et encore imparfaitemont développée? Appartient-elle , en effet, comme forme ou comme variété au T'urbinaria , ou doit-elle former une espèce de Sar- gassuim bien distincte? L’exemplaire unique et dont il n’existe que la base ne permet pas de répondre à ces différentes questions. (4) Voyez Flor, Chil,, t. VII, p, 329, et Sylloge, p. 431. Iiem, Kützing, Sp, Alg., p. 769, j PLANTES CELLULAIRES NOUVELLES, 148 CŒNOGONIEÆ, 30, Coëxoconiun Tuckermani Montag, mss, : thallo effuso € filis rugulosis articulatis ramosis in fibrillas ramulosas confertissi- masque isidiomorphas longitrorsum coalitis composito, excipulo plano-concavo armeniaceo margine pellucido, disco ascigero ; ascis clavulatis inter paraphyses pisülliformes nidulantibus octo- sporis, sporis cymbilformibus medio transversim uniseptatis seu binucleolatis. — Has. Ad cortices in Venezuela hanc speciem distinctissimam a el. Fendier lectam cum aliis lichenibus multis mihi misit sub Leptogio? n° 1, celeberrimus Tuckerman cui hbente anino dicavi. | Ors. L’exemplaire incomplet reçu de M. Tuckerman, qui a partagé avec moi celui recueilli par M. Fendler, ne me permet pas de donner une bonne description de ce Lichen vraiment remarquable. C’est, sans doute, par quelque transposilion d’étiquette, ou par suite d’un lapsus calami, que ce Lichen est inserit : Leptogium n. sp., car ce n’est pas là le thalle d’une vraie Collemacée. Ce n’est point non plus une simple forme du vul- gaire Cœnogonium Linkt, que je retrouve, au reste, dans le même en- voi. L'aspect extérieur et la structure anatomique du thalle indiquent à première vue bien autre chose, et les caractères fournis par les organes de la reproduction confirment notre distinction spécifique ; car, dans des apothécies semblables en apparence , on observe des spores cloisonnées et non pas continues, LICHENES. h0. Sricra LeucoBzernaris Tuck. et Montag. mss. : thallo mema branaceo orbiculato lævi plumbeo laciniato, laciniis dilatatis ainbitu crenato-lobatis albo-ceiliatis, subtus pallido ad centrum reticulato-tomentoso fuscescente, .cyphellis planis marginatis niveis, apotheciis sparsis adpressis, junioribus albo-setulosis tandem nudis, margine denticulalis, disco fusco. — Has. In | Venezuela a cl. Fendler lectam mecum sub Sticta n° 3 et 4 celeb, | Tuckerman communicavit. | Desc. Thallus membranaceus, orbicularis, diametro 6 ad 7 centim, et quod superest adæquans, supra lævis, plambeus et illo S, limbatæ quoad | colorem haud absimilis, subtus villosus, pallidus, centro tomento contexto All C. MONTAGNE. reticulato albo vel fusco vestitus, ambitu (ad centrum usque ) profunde laciniatus. Laciniæ dilatatæ, flabellares, iterum lobatæ, crenatæque, cilis albis fasciculatis brevibus patentibus ornatæ. Cyphellæ magnitudine sat variabiles, niveæ, fundo planæ vix pruinosæ, tenuiter marginatæ. Apothe- cia sparsa, nec rara nec conferta , erumpentia , subtus impressa margine primitus denticulato albo-setoso, tandem demisso dilute fulvo ( chamois ) instructa , juniora. 2/5°-adulta vix millim. lata, thallo adpressa. Discus plano-convexus, rubro-fuscus. Asci clavæformes inter paraphyses capillares nidulantes conferti, octospori, undecim centimillim. longi, 2-2 1/2 centi- millim. superne crassi, basi attenuati. Sporæ inordinatæ, fusiformes , h centimillim. longæ , 0"*,0075 medio crassæ, quadrinucleolatæ seu septis ternis transversim divisæ. À Os. Par plusieurs de ses caractères, cette espèce se rapproche du S. cometia, ayant comme lui les lobes de son thalle et le bord de ses apo- thécies garnis de cils. Mais que de différences entre l’une et l’autre, et qu'il est facile de les distinguer ! Le Shcta d’Acharius a son thalle carti- lagineux et dur, il est membraneux et souple dans le nôtre ; les poils ou les cils du premier sont noirs et drus, ceux de l’espèce de Venezuela sont blancs, fasciculés, rares, et ne persistent point sous les scutélles adultes. Je ne parle ni de la couleur de Ja face supérieure , brune ou luride dans la première , plombée ou ardoisée dans la seconde, ni du duvet de l’infé- rieure de celle-ci, lequel simplement composé de villosités blanches sur le pourtour, se feutre au centre en un tomentum brun réticulé assez épais. Il est encore une espèce ciliée comme la nôtre avec laquelle il faut bien se garder de la confondre : c’est notre S. ciliaris V. de B. et M., Plant. Junghuhn., p.35 (et Montag. Sylloge, p. 326); on l’en distinguera assez aisément à ses cils noirs comme dans le S. cometia, à ses cyphelles urcéo- lées, à ses apothécies jamais hérissées, même dans le premier âge, enfin à ses spores elliptiques, non fusiformes. hA. Sricra Fenpzeri Tuck. et Montag. mss. : thallo membranaceo- cartilagineo stellato orbiculato laciniato lævi nitido glaucescente, subtus pallido fusco-tomentoso acyphellino , laciniis linearibus imbricatis sinuato-lobatis, sinubus rotundis , apotheciis margi- nalibus foliolatis, disco fusco. — Has. Cum priori sub n° 41 mIssA. Desc. Thallus membranaceus, rigidulus et fragilis orbiculatus, supra lævis nitidus glaucescens, subtus pallidus ambita nudus tandem tomento PLANTES CELLULAIRES NOUVELLES. 4,5 brevi fusco nervum mentiente vestitus, stellatim laciniatus, diametro G ad 7 centim. metiens. Laciniæ lineares, angustæ , lobato-pinnatifidæ, lobis sinubusque ut in Æalymenia cyclocolpa (F1. Alg. et Canar.) rotun- datis. Apothecia in ambitu laciniarum obvia, satis magna , 3-4 mm. lata, margine foliolis patentibus instructa. Discus planus, fuscus. Asci clavati, paraphysibus concomitali, 8-spori ? Sporæ initio ventricoso-cymbiformes seu utroque fine acuminatæ continuæ , tandem fusiformes triseptaiæ seu _quadriloculares. Oss. On pourrait croire, en voyant ces folioles qui bordent les apothé- cies, que cette espèce n’est qu’une forme du Parmelia crenulata Hook., surtout en l’absence de cyphelles ; mais la couleur et les découpures du thalle ne permettent pas ce rapprochement. Ges découpures ont quelque ressemblance avec celles des P. lævigata Ach. et P. relicina Fr.; mais le dessous du thalle lisse et glabre sur les bords, et tomenteux seulement le long de la ligne médiane des divisions, comme dans le S. Peltigera Del. ou le S. retigera Bory, s'oppose à touie confusion. Tout bien considéré , nous pensons que les caractères exposés dans la diagnose et la description en font une espèce bien distincte de ses nombreuses congénères. * RoccezLa Fucirormis Ach. var. venrricosa Montag. mss. : cæs- pitosa ; thallo compresso coriaceo molli, intus stuposo , extus Iævi palido impresso subsimplici mferne ventricoso-subinflato , superne corniformi fertili ; apotheciis conferlis lecidineis erum- pentibus aterrimis (haud pruinosis) minultis angulatis thallo irregulariter rupto sublevatoque marginatis. Asci et sporæ ut in typo. Forma valde smgularis! an species legitima ? — Has. Ad rupes maritimas insularum Gorgonearum (cap Vert) a cl. Bolle lecta. Oss. Ce Lichen, peut-être anormal , est trop remarquable pour être passé sous silence ; mais sur quelques rares exemplaires , il serait témé- raire de le distinguer spécifiquement du type. FUNGI. h2: Senæria Mererrx Montag. mss, : caulicola, sparsa agore- galave; perithecis velatis subsphærico-depressis atro-fuscis nitidis, ostiolo mamillari minuto, ascis cvlindracco-subelavatis octosporis paraphysatis, paraphysibus dichotomis, sporis serie 4° série. Bor. T. VIT {Cahier n° 3.) ? 10 416 C. MONTAGNE. unica imbricatis ex ovoideo oblongis tandem olivaceis. — H48. Ad caules Meliloti leucanthæ circea Montaud-lès-Miramas Gallo- Provinciæ à cl. Castagne lecta mecumque sub n° 2660 commu- nicaia. Desc. Perithecia duplici forma et natura inveniuntur mixta. Perithecia vera seu ascophora sparsa vel sparsim gregaria, sphærico-depressa, cuti- cula caulis, quam tandem sublevant, tecta, nitida, diametro fere semi- millim, æquantia , atro-fusca, centro ostiolum mamillulatum proferentia. Nucleus bibulus hyalinus ascis paraphysibusque gelatina immersis con- stans. Asci cylindrici vel paululum clavati, 7-8 centimillim. longi, medio centimillim. crassi, sporas octonas uniseriatas foventes. Sporæ autem magnitudine inter À et 2 centimillim., forma vero inter ovatam, oblongam (rectam aut curvulam } aut cymbiformem variantes, omnes primitus hya- linæ, mature dilute olivaceæ, medio transyersim septatæ. Paraphyses fili- formes tenuissime dichotomo-ramosæ. Pseudo-perithecia adsunt numero- siora, multo minora, 4/10 millim. ad summum diametro æquantia, dimidiata, poro albo pertusa et a cuticula commutata originem ducentia. Nucleus hyalinus e spermatiis oblongis vix 0"”*,003 longitudine metientes motu browniano incitatis constans. Os. J'ai tiré, comme on a pu le remarquer, le nom de cette espèce de la concomitance des deux sortes de périthèces sur les mêmes tiges, considérant les petits, avec beaucoup de mycologues de notre époque, comme un des modes divers de fructification des grands et véritables péri- thèces. Il y a encore là, on ne saurait se le dissimuler, des voiles bien épais à écarter qui nous cachent de profonds mystères. Espérons que le temps nous donnera le mot de ces énigmes. LS. Srnæria AspEruLA Ces. et Montag. in lift. : denudata, sparsa, gregaria sparsimque agglomerata ; peritheciis minimis ovoideis atris opacis asperulis, ascis inter paraphyses nidulantibus eylin- dricis sporas octonas oblongas continuas tandem fuscidulas serie unica foventibus. — Has. Ad ramos dejectos cortice denudatos cirea Brixiam ltaliæ invenit el. baro Cesati. DEsc. Perithecia gregaria sparsaque intérdum 3-5 glomerata , super- ficialia, minuta vix tertiam millimetri partem magnitudine æquantia, ovoi- dea, aterrima, opaca, aculeis vix oculo armaio manifestis at ope micro- L PLANTES CRULULAIRES NOUVELLES. 417 scopii compositi perspicuis prorsus obruta, ostiolo haud distincto confluente parietibus crassis munita , tandem diffracta nec collabentia. Asci hyalini, cylindrici, deorsum attenuati, sporas octonas foventes, paraphysibusque capillaribus comitati. Sporæ e sphærico oblongæ, majori diametro centi- millim. longæ, initio hyalinæ, dein fuscidulæ, continuæ serie simplici ascis inclusæ. Ogs. Cette espèce se rapproche par ses caractères , soit du Sphæria * pilosa Pers. dont elle se distingue par ses spores continues , lesquelles sont presque fusiformes, hyalines et iransversalement unicloisonnées dans la plante de Persoon , soit du S. ovoidea Fries , qui ne m’est connu que par une diagnose fort insuffisante, mais où il n’est nullement fait mention des aspérités remarquables du périthèce. hh. Capnonium Crouani Montag. mss. : epiphyllum, maculare : peridus carnosis sphæricis vel subtus applanatis atris, centro tandem ruptis, ambitu ad basin pauciciliatis, cilüs brevibus hyalinis continus ; thalli floccis subeylindricis, alis atro-fuscis . Varie ramosis arliculatis , articulis diametrum æquantibus vel parum superantibus , alus helvolo-hyalinis longius articulatis reticulum satis compactum eflormantibus; ascis.....…. ? Sporis badis oblongis transversin triseptis loculis medüs iterum lon- girostrum divisis. — Has. Ad paginam superiorem foliorum Salicis Capreæ (?) circa Brivatem (Brest) observavit cl. Crouan qui mecum communicavit. Oss. Les filaments qui constituent le thalle ou l’espèce de stroma d’où naissent les péridions sont de deux sortes : les plus inférieurs , cylindri- ques, plus longuement articulés et de couleur moins obscure, forment un réseau compacte par leurs anastomoses; les supérieurs, plus bruns, ont une longueur égale au diamètre , et ce diamètre mesure Om»,0075 : les articles en sont plus courts. Les péridions varient considérablement de grosseur entre 1/6° et 4/3 de millimètre ; la couche extérieure de leur paroi est formée de nombreuses petites cellules irrégulièrement polyèdres ; l'intérieure est gélatineuse, Je n'ai pu rencontrer de thèques, mais j'ai observé des spores cloisonnées assez semblables à celles des congénères qui en sont pourvues. La chose est à revoir de nouveau. h5, Sricuirel rPazusrris Montas. mss. : amphigena: peritheciis Lo) k t A8 C. MONTAGNE. innatis eonico-depressis atris opacis in macula brunnea congre- gatis ore amplo tandem apertis, nueleo niveo, ascis cylindrico-ela- vatis, sporas suboctonas oblongo-fusiformes foventibus, sporis sporulas quaternas includentibus.— Has. In foliis Elodis palus- tris invenit cl. Guepin, qui mecum sub n° 114 communicavit. Desc. In utraque pagina foliorum conspiciuntur puncta atra in macula brunnea congregata ; hæc sunt perithecia , sub epidermide enata et cum eadem concreta, minuta, vigesimam millimitri partem diametro metientia, atra, opaca, conico-depressa, poro secundum ætatem plus minus amplo pertusa , ore albo-pruinosa. Nucleus niveus. Asci erecti, basi vero pedi- cellati seu constricti, subclavati vel oblongi, 0"”,045 longi, centimilli- meirum et quod excedit crassi, hyalini, suboctospori. Sporæ oblongo-fusi- formes, utroque fine obtusæ, quindecim millimillim. longæ, quatuor millimillim. crassæ, sporulas quaternas globosas uniseriatas foventes. Oes. Ce genre, fondé par Fries, s’est accru d’une foule d’espèces de Dothidées foliicoles dont jusqu'ici les caractères n’ont pas été convena- blement exposés. Il nous serait conséquemment peu facile de dire com- ment cette espèce ressemble à ses congénères , ou en quoi elle en diffère véritablement. 6.7 Cronartium GRAMINEUM Montag. mss. : pseudoperidiis elon- gatis aggregalis incurvis celluloso-membranaceis, axi fasciculo vasorum lineatorum percursis , extus fibrilloso-ramentaceis, fibrillis ramosis septalis, apice incrassato, corpuscula ovoideo- oblonga hyalina foventibus. — Has. E nodis culmi Poæ nemo- ralis erumpens. Invenit hanc speciem cl. Guépin circa Ande- gavum mecumque sub n° 443 communicavit. Desc. Pseudoperidia gracilia, in glomerulum centimetrum diametro æquantem coacervata, e nodo culmorum erumpentia, incurvata flexuosaque centimetrum et ultra longa 4/8° millim. crassa, fulva , ex axi vasculari cellulis elongatis circumdato composita. Axis seu medulla illorum ex ternis quaternisve vasis lineatis aggregatis constat, quem cellulæ membranaceæ, magnæ, quadruplo-sextuplo eorum diametro longiores, laxe circumdant. In apice tuborum quandoque aliquantulum inerassatorum observantur cor- puscula aut cellulæ solutæ, oblongæ , 5 centimillim. longæ , ovoideæ vel piriformes, hyalinæ, quæ an ut sporæ considerandæ dubius hæreo. PLANTES CELLULAIRES NOUVELLES. 119 Oss. Chacun sait que le genre auquel je rapporte avec doute cette pro- duction, avait été d’abord distrait des Erineum , pour être mis plus tard à côté des Æcidium à péridion colomnaire ou cératoïde. Notre espèce a bien le port d’un Cronartium , mais elle en diffère par une organisation qui la rend analogue à ces excroissances que j'ai signalées et décrites dans la Flore des Canaries, et dont Bory de Saint-Vincent avait fait son Cla- varia Lauri. Depuis lors j’ai observé deux autres prétendues plantes qui . doivent rentrer probablement comme celle-ci dans le domaine de la téra- tologie végétale. L’une d’elles, de forme et de ramification élégantes, m'avait été adressée de Toulouse par mon collègue M. Moquin-Tandon, qui l’avait cueillié sur les racines d’un Robinier ; j'ai trouvé l’autre dans la collection de M. le comte Jaubert, sous le nom de Sarcorhopalum tu- bæforme Rabenh. mss. J’ignore si ce genre, nouveau selon l’auteur, a été publié quelque part. Il est originaire des Nilgherries , et se développe sur l’Aspidium curvifolium. Gette excroissance cylindroïde , un peu ra- meuse , se compose d’un axe de vaisseaux spiraux entouré de plusieurs couches de cellules renfermant de la fécule. Traités par la teinture d’iode, les grains de cette fécule deviennent du plus beau bleu. Ces deux faits, que je suis aise de trouver l’occasion de faire connaître, ne sont peut-être pas aussi étrangers qu’on pourrait se l’imaginer , à celui qui nous est fourni par le Cronartium. HEPATICÆ. h7. Juncermannia WenpeLzziana Montag. in litt. et in collect. Mus, Paris.: caule radiculoso repente subsimplici innovante flexuoso, folüs adproximatis imbricatis semiverlicalibus obovalo-subro- tundis integerrimis, amphigastriis subdistantibus ex ovato oblon- gis pateni-erectis basi uni-bidentatis seu utrinque calcaratis, profunde bifidis , laciniis longissimis subulatis inflexis. Color atro-fuscus. — Has. Inter caules Mastigobryr superbi ("Ja Cen- tur., n° 24) repens in provincia carabayensi Peruviæ a celcb. Weddellio lecta et ejus nomine nuneupata. Os. Après avoir étudié cette belle espèce que j'avais trouvée entrelacée avec les tiges allongées du AZastigobryum superbum, j'avais cru remar- quer tant de caractères communs entre elle et le J. Chamissonis, du mois sous le rapport des amphigastres, que je résolus d'attendre pour la publier, si elle en dilférait réellement , que j’eusse consulté l’un des au- teurs de celle-ci pour m'assurer de l’exaclitude de ma détermination ; car 450 C. MONYAGNE. il faut bien dire pour mon excuse qu’on ne trouve dans le Synopsis Hepa- ticarum , p. 668 , qu’une simple diagnose sans description, et tous les eryptogamistes savent, par expérience, combien cela est insuflisant quand on à affaire à une plante voisine, mais nouvelle. Des exemplaires du J'un- germannia Chamissonis véritable, accompagnés de figures représentant les périanthes, m’ayant été, sur ma demande, adressés avec empressement par mon savant confrère d’Altona, M. le docteur Gottsche , il me fut dès lors facile de me convaincre que nos deux Hépatiques différaient essentiel- lement par la couleur et la laxité des feuilles, par la forme elle-même de celles-ci, par la longueur et lespacement des amphigastres, ete., etc. Notre espèce péruvienne étant donc décidément inédite , je la dédie au savant voyageur qui l’a découverte. Sa description paraîtra ailleurs. MUSCI. U8. WeïssiAa BELancErIaNa Montag. mss. : dioica, cæspitosa ; caule humili innovanti-ramoso , foliis striclis ovato-lanceolatis plicalis, nervo crasso continuo percursis, supremis comanti-, bus inferne parallelogramme — superne quadrate areolatis, peri- chætialibus amplexantibus subulatis strictis subhomomallis , capsulæ ovoideæ oblongæve operculo convexe rostrato , peri- siomii dentibus irregularibus brevibus crassis varie pertusis opacis conniventibus. — Has. In terra arenosa insulæ Martini- censis invenii eam cel. Bélanger cui mecum communican!i sub n° 501 libenter dicavi. | Desc. Humilis, dense cæspitosa, dioica. Caulis gracilis, erectus, sim- plex vel innovatione hypogynæa superveniente ramosiusculus , 6-8 mm. longus, deorsum radicellis copiosis intertextis tomentosus. Folia inferiora breviora, ovata, media ovato-lanceolata , suprema comantia ovato-subu- lata, omnia nervo crasso continuo vel sub apicem evanido percursa, mar- gine altero erecto, altero revoluto concava, supra medium ad speciem plicata, siccitate erecta, madore patulo-erecta. Perichætalia vaginulam teretem amplectentia, apice subulata , subhomomalla luteo-viridia vel lu- rida. Pedunculus tenellus flavus, dextrorsum tortilis, quatuor millim. longus. Capsula primo ovoideo-oblonga, leptoderma, luteola, basi atte- nuata, matura brunnea, cylindracea, evacuata longitrorsum plicata, milli- metro longior, medio semimillimetrum diametro metiens. Peristomi dentes sedecim, breviusculi, triangulares aut lancevlati, valde irregulares, PLANTES CELLULAIRES NOUVELLES. 151 basi crasse trabeculati, interdum bifidi, cruribus mæqualibus et difformi- bus, altero crasso brunneo articulato , altero hyalino filiformi-articulato , ciliiformi, madore conniventes osque capsulæ claudentes. Operculum e con- vexa basi longe rostratum, subulatum, 2/3 capsulæ longitudine adæquans. Calyptra latere fissa, straminea, mature et facile labilis. Flos masculus in individuo diverso, simplici vel ramuloso terminalis, ovoideo-gemmiformis. Folia perigonialia ovato-acuminata, nervosa, acumine exteriorum longis- simo, interioris enervis breviore, antheridia paraphysesque sinu foventia. . Antheridia subdena, inæquilatera, nempe hinc recta, illinc convexa. Para- physes mediocres, curvatæ, basi longi. — Apice brevi-articulatæ. Ogs. Sous le spécieux prétexte d’y appliquer la méthode naturelle, on à tellement morcelé, dans ces derniers temps, les anciens genres d'Hedwig et de Bridel, qu’on éprouve aujourd’hui, pour quelques espèces, une assez grande difficuté de les classer convenablement , surtout lorsque, comme chez celle-ci, l'irrégularité du péristome vient ajouter de nouveaux motifs d’indécision et de doute. Je n’ai rencontré dans nulle autre mousse, seize dents plus dissemblables entre elles. Un second caractère peut encore ser- -xir à la faire distinguer de ses congénères , et ce caractère consiste dans une sorte de demi-torsion du limbe de-la feuille caulinaire , qui la fait paraître comme pliée au-dessus de sa longueur. On observe quelque chose d’approchant dans mon Dicranum Hilarianum , devenu un Angstræmia pour M. Karl Müller; mais, outre les différences génériques, le sommet des feuilles est aigu et non mousse dans l’espèce que je viens de décrire. h9. Bryux (Pohlia) axomonox Montag. mss. vel. in litt, ad cl. Bolle : dioicum? caule fertili ovoideo brevissimo, innovationibus bypogynæis simplicibus subternis fastigiatis, foliis innovationum imbricatis ex ovato lanceolatis, nervo purpureo longe cuspidatis, périchætialibus interioribus lanceolatis concavis aculis margine revolutis, peristoni utriusque dentibus anomalis. — Far. Cum -Roccellis in montibus insulæ Sancti-Antonii (cap Fert) invenit cl, Bolle. Os. Cette espèce a le port d’un Brachymenium. Elle a quelque res- semblance avec le Bryum flaccidisetum C. Müll., dont je possède un échantillon de l’auteur lui-même; mais elle en diffère essentiellement par son péristome, qui n’a rien de brachyménioïde, On trouvera sa description dans la Flore du cap Vert. 15? C. MONTAGNE, | 00. Payscomirriun Sozerrozn Montag, mss, : dioicum ? pusillum; caule simplici erecto basi nudo, foliis paucis ex orbiculari ovatis concavis apice in bulbum subconniventibus, breviter acuminatis, margine integro subincrassatis laxe et hexagono-reticulatis, nervo evanido instruclis, capsulæ elongato-piriformis evacuatæ infundibulformis operculo plano. — Has. In sylva Perticalo dicta in insula Corsica a cl. Soleirol lecta et in herbario ejus sub n°.5098 (pro parte) servala. Ogs. Quand mon ami le commandant du génie militaire, M. Soleirol , soumit à ma révision, en 1839, toutes les plantes cryptogames de son her- bier qu’il avait recueillies en Corse, je trouvai sous le numéro 5028 un Physcomitrium que je rapportais alors au P. Bonplandii de Bride}, comme le firent aussi les auteurs de la Bryologia europæa , MM. Bruch et Schimper. Deux années auparavant, M. De Notaris (Cfr. Bals. et Dntrs., Pug. I, n° 27, et Lisa, Elenco dei Muschi, etc.) avait distingué sous le nom de Gymnositomum ericetorum une espèce confondue avant lui par MM. Hooker et Taylor, et notre savant compatriote M. de Brébisson, avec le Gymnostomum fasciculare d'Hedwig. Toutefois dans son Syllabus, qui parut l’année suivante , notre ami le professeur de l’Université de Gênes rapporte cette même espèce au Physcomitrium Bonplandi. Si l’on y eût fait attention, on aurait pu s’apercevoir que la diagnose de Bridel ne pou- vait convenir de tout point à l’espèce européenne. En effet , ce caractère, « foliis paucis latissime ovatis concavis, » qui s’applique parfaitement au P. Soleirolit, ne saurait convenir à la plante fort bien distinguée du Ph. fasciculare sous le nom de P. ericetorum. Les auteurs de la Bryo- logie d'Europe ayant obtenu de l’herbier de Berlin communication d’un exemplaire de la mousse de Bonpland, qui manque vraisemblablement dans celui de Paris , car, à cette époque, il fallait bien s’adresser aux An- glais ou aux Allemands pour faire nommer les plantes de cet ordre, ont pu constaler les différences qui la séparent du P. ericetorum. Ces dif- férences consistent principalement dans des feuilles beaucoup plus larges, très concaves et entourées d’une marge épaisse ; or, ces caractères tirés des feuilles, je les retrouve, en partie du moins, dans la plante dont je viens de donner la diagnose. Ils ne s’accordent pas moins avec ceux que Thomas a donnés d’une congénère du même pays qu’il a nommée, et Bri- del après lui, Physcom. latrfolium. Je pencherais plutôt à croire, et la chose serait assez vraisemblable , que ma prétendue nouvelle espèce se confond avec la plante restée douteuse de Thomas, quoiqu'on lui ait donné PLANTES CELLULAIRES NOUVELLES, 153 comme synonyme l’Æntosthodon Templetom, qui croît aussi dans les mêmes lieux. Mais ce n’est là qu’une présomption que la comparaison seule avec un exemplaire authentique peut justifier ou détruire. Tout ce que je puis ajouter, c’est que ma mousse est sans péristome. Elle a été recueillie dans la même forêt de Perticato que le P. ericetorum, et presque mélangée avec lui. Ainsi réunies sur la même motte de terre, on les distinguera aisément l’une de l’autre à l’aide d’une simple loupe , la {aille de l’une étant moins élevée que celle de lPautre, sa capsule mince, _pyxidée plutôt que piriforme , et ses feuilles entières réunies en bulbe à peu près comme dans la Funaire ; la plus intérieure est entièrement privée de nervure. Je réserve pour la Flore de Corse, à laquelle mon savant collègue Moquin-Tandon et moi nous travaillons de concert , chacun dans sa spé- cialité, une description détaillée de cette Mousse et un parallèle avec ses congénères. * BarTramia (Breutelia Schmp.) arcuaTa Brid. Os. De très beaux exemplaires de cette espèce rare et nouvelle pour notre Flore ont été rapportés, stériles à la vérité, du mont Cauro en Corse, par M. Moquin-Tandon , et de la Pineta de Bastelica par M. Fabre, qui l'avait prise pour un Dicranum. PRODUCTION DE LA CHLOROPHYLLE , ET DIRECTION DES TIGES, SOUS L'INFLUENCE DES RAYONS ULTRA-VIOLETS, CALORIFIQUES ET LUMINEUX DU SPECTRE SOLAIRE, Par M. le Br C.-M. Guillemin, Professeur agrégé de physique à la Faculté de médecine de Paris. On doit à l'abbé Tessier les premières recherches relatives à l'influence des divers éléments de Ja lumière blanche sur les végé- taux (4). En soumettant des plantes à l’action de lalumière transmise par quatre verres de couleurs différentes, blanc, bleu foncé, jaune clair et jaune foncé, ce savant remarqua que l'intensité de la teinte verte des feuilles va en décroissant du verre blanc au verre jaune foncé ; il observa d’un autre côté que les feuilles verdissent sensi- blement sous l'influence de la lumière des lampes et de la lumière de la lune. Tessier étudia, en outre, le phénomène du penchant des plantes vers la lumière, et il établit par des expériences ingé- nieuses les conditions dans lesquelles elles s’infléchissent le plus. D'après cet auteur, les tiges s’inclinent fortement quand on étend derrière les plantes une étoffe noire ; l’inclinaison est faible quand l'étoffe est blanche ; enfin elle est nulle lorsqu'on dispose une glace derrière les végétaux. Les tiges des plantes s’inelinent d’autant plus vers la lumière qu’elles sont plus près de leur naissance, et leur sensibilité dépend en partie de la position qu’on donne à la graine quand on la sème. Plus tard Senebier reprit ces recherches, et fit germer des graines dans de la lumière transmise par des dissolutions colorées de carmin, de safran, de curcuma et de tournesol ; les plantes se développèrent mieux dans le violet que dans le rouge, et mieux dans le rouge que dans le jaune; la lumière blanche parut plus active qu'aucun des rayons qui la composent (2). (4) Mémoires de l'Académie des sciences pour l’année 1783, p. 133. (2) Mémoires physico-chimiques, t. I, p. 55. PRODUCTION DE LA CHLOROPHYLLE. 455 Le docteur Sébastien Poggioli soumit le premier, en 1817, des plantes à l’action du spectre solaire, et reconnut que dans les rayons violets elles se courbaient plus rapidement , et se dévelop- paient mieux que dans les rayons rouges (1). Pendant l’été de 4842 , M. Payer fit un grand nombre d’expé- riences avec de la lumière transmise par des verres colorés. En exposant des plantes dans des boîtes éclairées, Pune par un verre rouge monochromatique , et l’autre par un verre aurore laissant passer du rouge, de l’orangé, du jaune et du vert, ce botaniste observa que les végétaux conservaient leur position verticale. Ce fait le conduisit à admettre que, sous l'influence de la lumière rouge , orangée , jaune et verte, les plantes ne se courbent pas, qu’elles se conduisent comme dans l’obscurité complète , et que dans Ja lumière blanche deux rayons seulement, le bleu et le violet, concourent à la production du phénomène qu’on désigne sous le nom de tendance des tiges vers la lumière. D’autres plantes furent disposées dans une boîte à deux ouvertures , placées sur le même côlé, dont l’une était fermée par un verre de couleur ama- rante, et l’autre par un verre jaune. Au bout de quelques heures, la plante, située à égale distance de l’une ou de l’autre ouverture, s'étant tournée du côté du verre jaune, l’auteur crut devoir en con- clure que c’est la lumière bleue qui a le plus d'influence. Dans une expérience semblable, l’une des ouvertures était fermée par un écran d’eau, l’autré par un écran d'essence de térébenthine ; la tige se courba toujours dans la direction de la bissectrice , c’est-à-dire qu'elle se comporta comme s’il n’y avait pas d’écran interposé. M. Payer n’hésita pas à affirmer que le spectre chimique est sans action , et que pour le phénomène du mouvement du moins, l’é- cran placé entre la plante et la lumière n’a aucune influencé. Tous ces résultats furent d’ailleurs, suivant l’auteur, confirmés par de nombreuses expériences sur le spectre solaire obtenu au moyen d'un prisme et d’un héliostat (2). (1) Opuscules scientifiques dé Bologne, t. I, p. 9. (2) Comptes rendus de l'Académie des sciences, le 26 décembre 4842, p. 4194, et Journal de pharmacie et de chimie, février 1843. 156 C.-M. GUILLEMIN. Des expériences faites par le docteur Gardner, de New-York, dans le sud de la Virginie , de juillet en octobre 1843 , à l’aide d’un spectre provenant d’un prisme de flint, fournirent des résultats nouveaux et très importants (1). Les feuilles des plantes exposées au rayonnement dans des compartiments séparés, verdirent plus promptement, et présentérent une teinte verte plus intense dans le jaune que dans les autres rayons colorés. En disposant sur le trajet dela lumière des solutions de bichromate de potasse et de persulfo- cyanuré de fer, qui arrêtent toute action sur les papiers photogra- _phiques, l’auteur vit que ces écrans liquides étaient impuissants à empêcher le développement de la chlorophylle et la flexion des tiges végétales. En remarquant en outre, que le maximum de dé- veloppement de la teinte verte dans le jaune ne correspond pas au maximum de chaleur, qui est dans le rouge extrême, M. Gardner émit comme probable cette opinion, que les effets ne sont dus ni aux rayons chimiques ni aux rayons calorifiques. Enfin le même auteur observa, le premier, un phénomène dont la production est constante, quand les divers rayons ne sont pas isolés les uns des autres par des écrans , et qui consiste en une tendance des tiges à s’infléchir vers les rayons indigo, suivant la longueur du spectre, et dans un plan perpendiculaire aux rayons. Ce phénomène a reçu le nom de flexion latérale, par opposition à l’autre mode qu’on a appelé flexion directe. D'après M. Gardner, les rayons indigo sont le centre du premier mode de courbure, et présentent le maximum de flexion directe. M. Draper arriva l’année suivante à des résultats analogues ; il observa de plus que la quantité de gaz dont se couvrent les feuilles immergées dans de l’eau chargée d’acide carbonique , est à son maximun dans le jaune , et devient nulle dans le rouge et dans le violet extrêmes (2). | Dutrochet, dans son rapport sur le mémoire de M. Payer(3), éta- (1) Numéro de janvier du London, Edinburgh and Dublin Philosophical Maga- zine, A8kà. Le numéro de février 14844 de la Bibliothèque universelle de Genève contient un extrait du Mémoire du docteur Gardner. (2) Bibliothèque universelle de Genève, t. LIV, p.391, année 1844. (3) Annales des sciences naturelles, Botanique, 3° série, t. If, p. 96. PRODUCTION DE LA CHLOROPHYLLE. 157 blit, contrairement aux faits avancés par cet expérimentateur, que les tiges s’infléchissent plus ou moins dans tous les rayons colorés du spectre , et que le maximum d’action est dans les rayons vio- lets. Il vérifia plusieurs résultats obtenus par M. Gardner, et vit, en l'absence d'écrans limitant la partie colorée , la flexion latérale s’é- tendre au delà du rouge et du violet; mais il ne prit aucune pré- caution pour isoler les radiations invisibles, afin de voir jusqu’à quel point elles concourent à la production du phénomène dont il s’agit. Les savants dont je viens de rappeler les travaux avaient, comme on le voit, à peu près complétement négligé l'étude des rayons calorifiques moins réfrangibles que le rouge extrême, et des rayons chimiques plus réfrangibles que le violet, ou autrement des rayons ultra-violets (1), Mes recherches ont en Séfcipidienent pour but de déterminer le mode d'action de ces radiations extrêmes, sur le développement de la matière verte, et sur la direction des tiges végétales. Mon premier soin a été de varier la nature des prismes, afin de mettre à profit la transparence spéciale que chaque substance pré- sente pour des rayons d’une frangibilité déterminée. J’ai choisi le quartz pour tous les rayons plus réfrangibles que le bleu, le sel gemme pour les rayons rouges et les rayons calorifiques, et le flint pour les rayons moyens du spectre coloré. Le flint pesant, que j'ai employé plusieurs fois, est le plus dispersif de tous; mais il absorbe en grande partie les rayons calorifiques et les rayons ultra-violets, dont il ne transmet que les moins réfrangibles. 4° Production de la chlorophylle sous l'influence des rayons ultra-violets et calorifiques. Les expériences deM. Gardner et deM. Draper, danslesquelles la chlorophylle s’est formée sous l’action de la lumière transmise par le bichromate de potasse, indiquent quelesrayonscolorés voisins du jaune ontune grande part dans la production du phénomène ; mais elles n’entrainent pas, comme conséquence nécessaire, l’maptitude des rayons chimiques invisibles à déterminer la formation de Ja (1) Voir le chapitre intitulé : Rayons excilateurs de la végélalion, dans Île Répertoire d'optique moderne de M. l'abbé Moigno, 3° partie, p. 4095, 158 C.-M. GUILLEMIN, chlorophylle. La manière dont ces auteurs ont interprété leurs intéressantes observations parait avoir été soumise à l'influence des idées adoptées à cette époque par un grand nombre de. physi- ciens, qui admettaient que la chaleur, la lumière et les actions pho- togéniques sont dues à des agents essentiellement distincts. Pour résoudre cetle question , il était donc nécessaire de faire agir sur des plantes étiolées des rayons chimiques dépourvus de la propriété d’impressionner la rétine. Les rayons plus réfrangi- bles que le violet se trouvant dans cette condition , j'ai cherché à déterminer leur action à l’aide de la disposition suivante : Deux prismes de quartz, placés verticalement l’un près de l’autre dans une chambre obscure , reçoivent successivement le même faisceau solaire réfléchi par le miroir d’un héliostat , et lui impri- ment un angle de déviation voisin de 90 degrés. L’axe optique de chaque prisme est presque parallèle à l’une des faces, et situé dans un plan perpendiculaire aux arêtes, en sorte qu’ils ne donnent qu’une seule image non polarisée, lorsque les rayons les traversent suivant ce même axe; alors les prismes sont dans la position de la déviation minimum. Deux écrans, placés à une distance de 3 mè- tres l’un de l’autre, éliminent suffisamment la lumière atmosphé- rique, et permettent de varier à volonté les dimensions du faisceau, dont la hauteur a été maintenue constante de 20 millimètres, et la largeur variable de 6 à 8 millimètres. Le spectre, reçu sur écran à 2 mètres de distance, présente dans sa parie visible une longueur de 12 centimètres Les rayons ultra- violets, projetés sur une lame de porcelaine dégourdie, ne donnent pas de lumière violette sensible, et produisent au contraire abon- damment de la lumière par fluorescence sur une lame de verre d’urane , dans une étendue qui dépasse généralement celle de la partie visible. Les vases qui contenaient les jeunes plantes, maintenus jusque-là dans l’obscurité, ont été placés dans les rayons les plus fluorescents, et séparés des autres radiations par des écrans de carton noirci. D'auires plantes semblables ont été exposées dans des comparti- ments séparés à l’action des divers rayons du spectre coloré. Au bout de six ou huit heures, les feuilles d’Orge plongées dans PRODUCTION DE LA CHLOROPHYLLE, 159 les rayons ultra-violets, ont présenté une teinte verte très visible, mais moins intense que celle qui se développe sous l'influence des rayons indigo, jaunes, et en général des rayons colorés. Les autres plantes semblables qui recevaient les rayons visibles ont indiqué un maximum d'action dans le jaune, comme M. Gardner l'avait observé avec un prisme de flint. Les parties qui reçoivent directement les rayons ultra-violets - offrent une temte verile contrastant avec la teinte jaune carac- téristique du reste de la feuille étiolée, qui présente ainsi des stries vertes très visibles. Quand on place un miroir derrière les plantes, lamatière verte se répand plus uniformément. Les feuilles exposées dans les rayons violeis, dont la coloration en vert est un peu plus foncée, n’ont pas non plus verdi sur toute leur surface. J'ai eu soin d'évaluer l'effet de la lumière diffuse en disposant des plantes au-dessus et au-dessous du spectre étalé horizontale- ment , et de les comparer chaque fois à celles qui recevaient les rayons régulièrement réfractés. Les feuilles qui ont été soumises à la lumière diffuse n’ont pas, dans l’espace de huit heures, verdi d’une manière sensible. L'Orge convient beaucoup mieux à cet usage que le Cresson alénois et la Moutarde blanche ; ces deux dernières plantes doi- vent, au contraire , être préférées pour l'étude du phénomène de la tendance des tiges vers les rayons solaires. Les rayons chimiques et invisibles ne sont donc pas dépourvus de la propriété de faire verdir les feuilles; mais ils en jouissent à un degré moins élevé que les rayons colorés compris entre le rouge et le violet extrêmes. Pour déterminer l’action des rayons calorifiques, j'ai eu recours au prisme de sel gemme, qui est, comme on le sait, le plus trans- parent de tous pour ces radiations. Un semis d'Orge, fait dans un caisse de 65 centimètres de long, présentant des feuilles dépassant leur gaine de 2 ou à centi- mètres, a été disposé dans le spectre ayant une longueur de 25 cen- timètres du rouge au violet. Les plantes de la partie moyenne recevaient ainsi les rayons colorés , et celles des extrémités étaient exposées aux rayons ultra-violets et calorifiques. Des écrans limi- 460 C.-M, GUILLEMIN. taient le spectre visible et isolaient les rayons rouges , orangés , jaunes, verts, bleus, indigo, violets. Deux expériences faites au mois d'août , de huit heures du matin à cinq heures du soir , ont montré qu’à partir du développement maximum de la matière verte, dans le jaune et l’orangé, l’action décroit rapidement dans le rouge extrême , dont elle dépasse les limites, et s'étend dans la région calorifique à une distance de la raie A, égale à l’intervalle du rouge extrême au jaune , c’est-à-dire jusqu’à la région où Melloni place le maximum de chaleur. Le sel gemme donne une bande lumineuse diffuse suivant le prolongement du spectre, qui s'étend très loin au delà des deux extrémités sans variation d'intensité sensible. Les feuilles placées dans cette bande lumineuse, plus loin que le maximum de chaleur et au delà des rayons fluorescents, n’ayant pas verdi d’une manière sensible, je me crois autorisé attribuer l’effetobservé à l’action des rayons calorifiques comprisentre la raie À et lemaximum dechaleur. De même que dans les rayons ultra-violets, la temte verte ne s’est pas développée sur toute la feuille, mais seulement sur les parties directement exposées au rayonnement calorifique. Au début de l’expérience, les plantes des rayons bleus et indigo présentaient aussi un phénomène semblable ; mais à la fin, toute la feuille est devenue uniformément verte. Il est donc à présumer que si l’in- solation était suffisamment prolongée les feuilles verdiraient sur toute leur surface, dans les rayons violets, calorifiques etultra-vio- lets, comme dans les rayons qui avoisinent le jaune. En résumé, la matière verte se forme principalement sous l’ac- tion de la partie colorée du spectre; mais les rayons qui n’impres- Sionnent pas la rétine peuvent aussi, pour une part moindre, concourir à son développement (1). Si l’on prolongeait la courbe des intensités lumineuses , d’une part jusqu'aux derniers rayons fluorescents, et d’une autre part jusqu’au maximum de chaleur, sans l’abaisser brusquement au delà du rouge et du violet, elle représenterait à peu près en chacun de ses points l’aptitude relative de chaque rayon à déterminer la production de la chlorophylle. (4) J'admets ici, d'après l'opinion généralement acceptée, que la partie visible du spectre est terminée aux raies À et H, du rouge et du violet extrêmes, PRODUCTION DE LA CHLOROPHYLLE. 161 Les feuilles des végétaux étiolés verdissent, comme on le sait, plus promptement quand elles sont exposées à la lumière diffuse de l’atmosphère, que lorsqu'elles sont frappées par les rayons solaires directs ; j'ai reconnu queles rayons rouges, orangés, jaunes, vertset bleus agissent aussi plus rapidement. Les rayons jaunes d’un spectre intense se sont montrés aussi actifs que la lumière diffusée par l'atmosphère correspondante à toute la moitié nord de la voûte céleste ; dans ces rayons il suffisait d'une demi-heure pour la pro: - duction d’une teinte verte très appréciable. Les rayons ultra-violets, rendus visibles par fluorescence sur une lame de verre d’urane, ont montré moins d'aptitude à déter- miner la formation de la chlorophylle que les mêmes rayons avant la fluorescence , malgré la précaution que j'avais de renvoyer sur les plantes, à l’aide de plusieurs miroirs, la lumière diffusée dans tous les sens. Comme tous les rayons colorés sont plus actifs que les rayons invisibles, il faut en conclure que dans le phénomène de la fluorescence, une bonne partie des rayons est absorbée ou transformée en d’autres radiations inactives. | Cette observation présente ici un intérêt particulier ; en effet , les feuilles d'Orge sont enveloppées à leur naissance par une gaîne cellulaire assez fluorescente. J’ai dù me demander si la modifica- tion imprimée aux rayons ultra-violets par cette membrane n’était pas la cause du développement de la teinte verte ; l'expérience qui précède permet de répondre négativement à cette question. 2° De l’action des rayons ultra-violets et calorifiques dans le phénomène de la tendance des tiges vers les rayons solaires. Dans le courant des recherches précédentes ; j'avais observé que les tiges s’infléchissent plus fortement dans les rayons ultra- violets que dans tous les autres rayons colorés ou calorifiques. Ce résultat, totalement contraire aux conclusions des auteurs dont j'ai rappelé les travaux, qui pour la plupart, refusent aux rayons chi- miques et aux rayons calorifiques toute participation dans ces phé- nomènes , m'a conduit à faire des essais comparatifs , avec des prismes de différente nature, dans l'espérance de pouvoir discer- ner, au milieu des résullats variables que je m'attendais à obtenir, 4° série, Bor. T. VII. (Cañier n° 3.) 3 li 162 C.-M. GUILLEMIN, l'influence de la plus ou moins grande transparence du prisme pour les divers rayons. Les expériences ont été disposées de telle manière que, dans chacune, les plantes fussent dans des conditions semblables, et qu'il n’y eût d’autres différences que celles qu’on peut attribuer à la diaphanéité spéciale et au pouvoir dispersif de chaque substance, je Les prismes, tous d’un angle réfringent de 60 degrés, noircis sur toutes les parties qui ne livrent point passage aux rayons , ont élé placés dans la position de la déviation minimum , les arêtes étant verticales. La largeur du faisceau solaire, maintenu fixe par un héliosiat, a été ordinairement de 4 millimètres, quelquefois de 6 et même de 8 millimètres. Le spectre, étalé horizontalement, se trouvait ainsi suffisamment exempt de lumière diffusée par l’atmo- sphère suivant sa longueur. Cette lumière subsistait dans le sensde sa largeur, mais les teintes et même les raies du spectre de la lumière atmosphérique correspondaient verticalement à celles du spectre solaire; en sorte que la pureté de ce dernier n’en était pas altérée dans le sens horizontal, et cette condition était suffisante. Jai évité l'emploi des lentilles, au moyen desquelles on peut éli- miner plus complétement la lumière atmosphérique, afin de ne pas absorber un trop grand nombre de rayons, surtout au delà du rouge et du violet, et de ne pas déplacer le maximum de chaleur et d'action chimique. Avec un faisceau large de 4 millimètres que j'ai employé habituellement, on voyait, à l’aide du prisme de flint, très distinctement les raies de la partie colorée, et de la partie fluo- rescente, en recevant le spectre sur la solution aqueuse d’esculine. Les prismes de quartz et de sel gemme donnaient les raiesles plus visibles et les principaux groupes des rayons ultra-violets. Les spectres colorés avaient, en général, 25 centimètres de longueur, excepté celui du quartz, qui a élé réduit à 18 et même à 42 centi- mètres, à cause du faible pouvoir dispersif de cette substance , et des dimensions restreintes de ma chambre obscure. Les semis de Cresson alénoiset de Moutarde blanche, contenus dans des caisses remplies de terre de bruyère de 65 centimètres de longueur, ayant 5 centimètres sur leurs deux autres dimensions, recevaient tes rayons du spectre qui étaient séparés en différentes: DIRECTION DES TIGES. 163 régions par des écrans suffisamment nombreux. Toute lumière diffuse autre que celle des prismes a été soigneusement écarlce, et pour tenir compte de cette dernière, des semis semblables aux premiers, faits dans des caisses moins longues , ont été comme précédemment, disposés au-dessus et au-dessous du spectre hori- zontal ou de son prolongement. Pour chaque expérience, dont la durée a varié de deux à quatre heures, j'ai noté avec soin l’état de l'atmosphère, la date, l'heure _de la journée, et la température qui a toujours été comprise entre 20 à 25 degrés centigrades. Trente-cinq expériences faites à Ver- sailles, pendant l'été remarquablement beau qui vient de s’écouler, oni fourni des résultats assez différents, suivant la nature du prisme employé. | _ Prisme de sel gemme. —Douze expériences faites à l’aide de ce prisme m'ont indiqué, quand j'opérais vers le milieu de la journée, par un ciel pur : L° un maximum de flexion dans les rayons ultra- violets, que j'appellerai premier maximum ; 2° un autre maximum, tantôt dans la région calorifiqué , tantôt dans le rouge, que je dé- signerai sous le nom de second maximum ; à° enfin un minimum de flexion dans le bleu. Le second maximum s’est rapproché de l’orangé et même du jaune, en tendant à s’effacer, quand l’expé- rience était faite le soir avant le coucher du soleil, ou bien quand , dans le milieu de la journée, l'atmosphère était chargée de vapeurs qui en troublaient la transparence. Prisme de quartz. — Le spectre du prisme de quartz a donné dans seize expériences, pour la position du premier maximum , l'intervalle compris entre les raies H et [ au delà du violet. La po- sion du second maximum a varié comme avec le prisme de sel gemme, du rouge à la région calorifique ; le minimum s’est encore montré dans le bleu. La hauteur du soleil au-dessus de l’horizon et l’état de l'atmosphère ont apporté les mêmes variations que pré- cédemment. | Dansles rayons ultra-violets, la flexion s’est étendue au delà des raies O et P, et des derniers rayons que manifestent Îles substances fluorescentes et l’iodure d'argent, à une distance ordinairement égale à deux fois la longueur de la partie colorée. Dans cette ten 161 C.-M. GUILLEMIN. due, la flexion à été beaucoup plus forte et plus rapide qu’à la lu= mière diffuse, au-dessus et au-dessous du prolongement du spectre; elle a même plusieurs fois surpassé la flexion produite par les rayons bleus. G Prisme de flint. — Dans trois expériences, le spectre provenant du flint a indiqué un premier maximum dans le violet et les rayons ultra-violets des deux côtés de la raie H ; un second maximum entre les raies D et E dans le jaune au commencement du vert; enfin un minimum dans le bleu. La flexion s’est étendue peu au delà des rayons fluorescents. En opérant deux fois, de cinq à sept heures du soir, le premier maximum s’est montré dans le violet. Prisme de flint pesant. — Deux expériences, faites en septembre, ont montré un premier maximum dans le violet, un second maxi- mum près de la raie E à la jonction du jaune et du vert, et un mini- mum dans le bleu, Les plantes se sont courbées très peu au delà des derniers rayons fluorescents, ét comme le prisme de flint pesant en éteint environ les deux tiers, la flexion ne s'est pas étendue jusqu’au point où la raie Paurait dû être située ; elle s’est arrêtée à une distance égale à la moitié de l’intervalle des raies H et P. On aperçoit aisément la concordance de ces résultats en appa- rence très variés, quand on tient compte de la transparence plus ou moins grande de chacune de ces substances pour les diverses radiations. L'ordre décroissant de leur transparence pour les rayons les moins réfrangibles est : sel gemme , quartz, flint. fint pesant. Ces deux derniers, et surtout le flint pesant, absorbent une grande partie des rayons calorifiques et chimiques ; l’atmosphère jouit d’une propriété semblable , elle absorbe les rayons des deux extré- mités du spectre, d'autant plus que l’épaisseur de la couche tra- versée est plus grande. Le quartz est de beaucoup le plus trans- parent de tous pour les rayons les plus réfrangibles. Ce qui est relatif À l’absorption des rayons calorifiques a été établi par les travaux de plusieurs physiciens ; le maximum de cha- leur passe de la région calorifique au rouge , à l’orangé et même au jaune, dans Jes conditions de transparence qui viennent d’être exposées. Quant à la variation d'intensité des rayons chimiques et fluoreseents, elle est faciie à suivre, à l’aide d’une lame de verre | DIRECTION DES TIGES, 165 d’urane. De neuf heures du matin à trois heures du soir, la lon- eueur de. la partie fluorescente située au delà du violet dépasse un peu la longueur de la partie colorée ; le prisme de quartz la présente avec sa plus grande intensité ; le sel gemme et le fint la montrent à peu près dans toute son étendue, mais avec une inten- sité moindre; le prisme de flint pesant ne laisse passer que la partie la moins réfrangible, c’est-à-dire un tiers environ de la lon- eueur totale. A mesure que le soleil s'approche de l'horizon la _Jueur fluorescente pâlit, diminue peu à peu de longueur, et dispa- rait presque totalement avec une partie du violet au soleil couchant, L'interposition de plusieurs lames de verre sur le trajet du faisceau produit des effets analogues. Enfin j'ai observé plusieurs fois des changements dans la lon- oueur et l'intensité de la partie fluoreseente du spectre, sans qu'il y eut de variation visible dans la transparence de l'atmosphère. D'après ces données , on comprend facilement pourquoi le se- cond maximum passe de la région calorifique au rouge et à l’orangé, quand on se sert successivement des prismes de sel gemme, de quartz, de flnt et de flint pesant, ou quand on opère après cinq heures du soir, ou enfin quand la transparence de l’atmosphère est troublée ; le maximum de flexion des tiges suit à près le déplace- ment du maximum de chaleur. Le changement beaucoup moins sensible de la position du pre- mier maximum varie de même avec l'intensité des rayons fluo- rescents. M. E. Becquerel a démontré que les rayons les plus réfrangibles du spectre sont les éléments les plus absorbables par les écrans transparents, el que le lieu du maximum d'action chimique dans les rayons indigo varie très peu, malgré l’absorption des rayons (1). Gette notion explique la faible variation de la position du premier maximum dans mes expériences. Si cette variation est un peu plus grande que celle du maximum d'action chimique, cela tient à ce que, dans les conditions normales, le maximum de flexion des tiges se produit dans des rayons plus réfrangibles que les rayons violcts. Mes recherches me conduisent done à admettre que les rayons (4) Annales de chimie et physique, 3° série, t. IX, p. 289. 166 C.-M, GUILLEMIN, ultra-violets, compris entre les raies H et T, sont de tous les plus actifs. En présence des résultats contraires auxquels sont arrivés les autres expérimentateurs, j'ai dû analyser avec plus de soin toutes les conditions de l'expérience. J'avais cru d’abord que le carton couvertde noir de fumée diffusait très peu les rayons ultra- violets , tandis qu’il diffusait très sensiblement les rayons visibles. D'après cette supposition, ces derniers pouvaient ralentir ou dimi- nuer la flexion des tiges plongées dans la partie visible, en tendant à leur imprimer une courbure en sens opposé, mais plus faible que celle qui les incline vers le prisme ; tandis que cette force con- traire n'existant pas pour les rayons ultra-violets, les tiges devaient se courber sous la seule influence des rayons émanés RECIEMEN du prisme. Pour lever cette objection , 1] m’a suffi d’ isoler deux faisceaux, violet et ultra-violet, et de les faire projeter sur un écran noirci, placé à une distance de 2 ou 3 mètres, après leur trajet dans les . compartiments qui contenaient les plantes. Ces dernières se trou- vaient ainsi exposées par leur face postérieure, très sensiblement aux mêmes rayons diffusés par l’écran. Or dans toutes les expé- riences, la flexion a été plus forte dans lés rayons ultra-violets que dans les rayons violets, quand l'écran était recouvert de noir de fumée , de papier noirci avec de l’encre ou d’une étoffe de laine noire. L'action de ces radiations ayant d’ailleurs toujours surpassé celle des autres rayons colorés ou invisibles, j'en conclus qué les rayons ultra-violets sont les plus actifs dans le phénomène de la tendance des tiges vers les rayons solaires. Les expériences que j'ai faites avec le prisme de flint m'ont dé- montré que, dans le spectre qui en provient, les rayons violets et ulfra-violets ont sensiblement la même énergie. La différence de ce résultat avec celui de Dutrochet, qui accordait le maxirnum d'action aux rayons violets, m’a paru dépendre de la différence des procédés d’expérimentation. Ce savant avait placé sur le tra- jet du faisceau solaire, avant sa réfraction dans le prisme, une lentille convergente suivie d’une lentille divergente, dans le but d'éliminer le plus complétement possible la lurnière atmosphé- rique ; tandis que, dans mes expériences , les rayons né traver- CI DIRECTION DES TIGES. 467 saient pas d’autres milieux réfringents que le prisme, ainsi que je l'ai déjà expliqué. La disposition employée par Dutrochet a eu évi- demment pour but de diminuer l'intensité des rayons altra-violets plus que celle des rayons violets, et de reporter dans ces derniers le maximum de flexion, F’ai pu en effet reproduire ce résultat en disposant deux lames de flint sur le trajet du faisceau solaire , avant ou après son entrée dans le prisme, les rayons violets se sont alors montrés les plus actifs. | M. Gardner a sans doute attribué le maximum d'action aux rayons indigo, parce qu’ils sont le centre du phénomène de la flexion latérale ; d’ailleurs la plupart de ses expériences pararssent avoir élé faites,sans écrans, et il est indispensable de les multi- plier quand on veut étudier l'énergie relative des divers rayons du spectre, abstraction faite du phénomène de la flexion laté- rale. | Dans les éléments de botanique qu’il vient de publier, M. Payer s'exprime ainsi : « L'expérience a prouvé qu’il n’y à que la par- tie la plus réfrangible du spectre solaire, c’est-à-dire la lumière bleue, la lumière indigo et la lumière violette, qui produit cette action si singulière sur les racines et sur les tiges ; et que dans un appartement éclairé par une lumière jaune, orangée ou rouge, la plañte se comporte comme dans l’obscurité, quelle que soit l’in- tensité de cette lumière, c’est-à-dire que ni la tige ni la racine ne s'infléchissent (1). » En résumé, M. Payer émet en principe que le rayon bleu est le plus énergique ; il refuse toute action aux rayons chimiques, aux rayons rouges, orangés, jaunes, verts, et prétend de plus, que les écrans placés entre les plantes et la lumière n’ont aucune in- fluence. Il résulte au contraire des expériences que je viens d'exposer, que les rayons bleus sont moins énergiques que tous les rayons colorés, chimiques ou calorifiques du spectre, pourvu qu'on limite l’éténdue de ces derniers à une petite distance du maximum de cha- leur ; que les rayons chimiques plus réfrangibles que le violet (1) Éléments de botanique, 1*° partie, p. 23, ; 468 C.-M. GUILLEMIN, sont les plus actifs de tous; que les rayons calorifiques rouges et même orangés viennent en seconde ligne pour l'énergie; enfin que les propriétés optiques et le nombre des milieux transparents , ou des écrans placés entre les plantes et les rayons, ont une in- fluence capitale sur la nature des résultats. L'expérience qui a conduit M. Payer à adinettre que le rayon bleu est celui qui a le plus d'influence a été faite sur le Cresson alénois, au moyen d’un verre jaune laissant passer du rouge, de l’orangé, du jaune, du vert et du bleu, mais point de violet, et avec un verre amarante qui transmettait du rouge et du violet, mais point de bleu. L'auteur dit s'être assuré préalablement que les plantes ne se courbent point sous l'influence de la lumière transmise par un verre rouge monochromatique, et par un verre aurore laissant passer du rouge, de l’orangé, du jaune et du vert; il ne pouvait évidemment tirer de son expérience aucune conclu- sion, sans que ce dernier point füt établi d’une manière incon- testable. Quant à moi, j'ai placé un grand nombre de jeunes tiges de Cresson alénoiïs dans des boîtes noircies à l’intérieur, et éclairées au moyen de la lumière transmise par un verre coloré avec de l’oxydule de cuivre qui laisse passer du rouge à peu près pur, par un verre de teinte verte presque monochromatique, ou par des assemblages de plusieurs verres superposés laissant passer de l’orangé, du jaune, du vert, et j'ai toujours vu les plantes s’inflé- chir plus ou moins sous l'influence des rayons transmis par ces écrans transparents. En variant les expériences de toutes les ma- nières, je n'ai pas pu saisir la cause de la différence qui sépare mes résultats de ceux que M. Payer a obtenus. La flexion des tiges, que j'ai observée très loin au delà des der- niers rayons chimiques, en faisant usage du prisme de quartz, qui est le plus transparent pour ces rayons, tend à faire supposer qu'il existé dans le spectre solaire , au delà des derniers rayons fluorescents, d’autres rayons plus réfrangibles, qui ne se mani- festent à nous que par leur action sur l'organisme végétal. D’après la manière dont l'expérience a été faite, 1l est difficile d'attribuer l'effet observé à la lumière diffuse. Le peu d’étendue de la flexion que j'ai obtenue avec le prisme de flint pesant, qui absorbant les DIRECTION DES TIGES, 169 deux tiers des rayons fluorescents voisins de la raie P, doit proba- blement éteindre les autres rayons plus réfrangibles encore , con- stitue un argument de plus en faveur de l'existence de ces rayons de réfrangibilité extrème. J'avais d’abord pensé que les rayons ultra-violets pouvaient se prolonger très loin suivant la ligne du spectre, en présentant assez peu d'intensité pour qu’on puisse les voir facilement au moyen des substances fluorescentes ; mais en concentrant, à l’aide d’une Jentille de quartz, ces rayons sur le verre d’urane, sur les disso- lutions d’esculine et de sulfate de quinine , je me suis convaincu qu'il n’y avait pas de rayons ultra-violets au delà des limites que j'avais primitivement reconnues. Une lame de collodion impre- gnée d’iodure d’argent n’a pas non plus indiqué de limite plus re- culée. Quand on prolongeait trop longtemps l’action du spectre, toute la surface de la lame s’impressionnait sous l’influence de la lumière diffuse, lors même que pour la diminuer, on arrêtait toutes les parties du spectre moins réfrangibles que celles qui avoisinent les raies O et P. Il m’a été impossible de déterminer la limite de la flexion des tiges dans la région calorifique, à cause de la bande lumineuse blanche que le sel gemme donne suivant le prolongement du spectre. Mais en pensant que les rayons calorifiques solaires peu réfrangibles, sont les analogues des rayons émis par les sources de basse température, j'ai soumis des plantes très sensibles à l’ac- tion d’un fourneau à reverbére , dont la surface extérieure était chauffée jusqu’à 250 degrés environ. Au bout de deux heures, les plantes n’ont pas présenté la moindre courbure ; elles se sont au contraire légèrement infléchies sous l'influence du rayonnement d'un réehaud plein de charbons ardents. Il est donc probable que les rayons calorifiques solaires les moins réfrangibles ne déter- minent pas la flexion des tiges végétales. La flexion latérale s’est étendue habituellement au delà des rayons rouges et violets ; elle a dans tous les cas eu pour centre les rayons Indigo; souvent ele s’est produite malgré la présence des écrans, et, pour l'empêcher, il fallait en augmenter le nombre ou diminuer l'intensité du spectre. 170 C.-M. GUILLEMIN. En polarisant de la lumière rouge, jaune, bleue et violette à l’aide du prisme de Nicol, j'ai reconnu que la malière verte se forme , et que les tiges se aéré par son action, comme sous fab de la lumière naturelle. Pour que ces expériences soient comparables entre elles, il faut que toutes les plantes aient atteint le même degré de développe- ment. Le Cresson alénois convient parfaitement, en cé que les graines germent presque toutes dans le mêmé espace de temps, eh quatre ou cinq jours. Les tigés altéignent, un jour où deux plus tard, une longueur de 15 à 20 millimètres, et c’est alors qu'elles abatirent leur plus grande sensibilité “éd elles ont élé complétement privées de lumière. | Après qu'elles se sont fléchies sous l'influence des he les tiges se redressent dans l'obscurité au bout de trois ou quatre heures. On peut ainsi faire servir deux ou trois fois les mêmes plantes pendant deux jours, sans que leurs indications varient d'une manière notable ; plus tard, elles deviennent trop longues et trop peu sensibles pour servir de nouveau. | La Moutarde blanche présente aussi une très grande sensibilité aux rayons solaires ; ellé offre sur le Cresson alénois l'avantage de se courber angulairement, la partie inclinée faisant avec celle qui est restée verticale, un angle qu’on peut évaluer à quelques degrés près, tandis que le Cresson se courbe en arc de cercle. Mais cette plante à l'inconvénient de germer irrégulièrement, en sorte qu'une même caisse contient des individus très inégalement développés. Malgré la régularité que ne les semis de Créé alé- nois, et la précaution que j'avais chaque fois d'enlever quelques plantes qui se trouvaient en retard et d’autres qui étaient en avance, toutes les tiges n'étaient pas également sensibles. IT y avait sou- vent des différences individuelles, dont on peut attribuer là cause à la position de la graine , d’après la remarque de Tessier ; mais ces différences s’effacaient dans le nombre, car les semis conte- naient une plante par centimètre carré, ce qui faisait pour le Cres- son environ trois cent vingt-cinq individus dans chaque caisse. L'Orge ne s’infléchit qu'autant que les feuilles sont enferméés DIRECTION DES TIGES. 171 dans leurs gaines; dès qu'elles en sont sorties, une exposition même très prolongée des plantes dans les rayons les plus actifs ne détermine qu'une courbure très faible. | Plusieurs fois j'ai fait verdir légéremeut les plantes avant de les exposer dans le spectre, afin de les rendre moins sensibles ; mais alors elles obéissent à l’action des rayons avec une lenteur trop grande pour qu'on puisse les employer commodément. La température a paru avoir une grande influence , ün abaisse- - ment de 3 ou 4 degrés diminuait très notablement la sensibilité des jeunes plantes. Dans tous ces essais, je me suis borné à l'emploi de trois espèces seulement, afin d'avoir des résultats plus comparables. Il sera in- téressant de répéter ces expériences sur un plus grand nombre d'espèces, sous un autre climat, par une latitude moins élevée et sous un ciel plus pur, afin de mieux étudier la limite des rayons les plus réfrangibles, et de voir si les maæima de flexion des tiges végétales conservent la même position , ou si au contraire ils s’eloignent encore de la partie colorée du spectre. En prenant les résultats du spectre du prisme de quartz pour lés rayons très réfrangibles, du spectre du sel gemme pour les moins réfrangibles , et du spectre du flint pour les rayons de ré- frangibilité moyenne, je puis résumer mon travail dans les conclu- sions suivantes : | 1° Les jeunes plantes étiolées se courbent sous l’inflüence de tous les rayons du spectre solaire ; les rayons calorifiques les moins réfrangibles, ou les rayons de basse température, paraissent seuls faire exception. 2 Les rayons calorifiques moins réfrangibles que le rouge et les rayons chimiques plus réfrangibles que le violet présentent deuxmaæima d'action pour la flexion des tiges végétales ; les rayons _ colorés intermédiaires déterminent au contraire, plus activement que les précédents, la formation de la chlorophylle. 3° Le premier maximum de flexion des tiges est situé entre les raies H et I, dans les rayons ultra-violets. h° Dans le spectre obtenu à l’aide du prisme de quartz, la hmite à laquelle s'arrête la flexion des tiges dépasse celle des rayons plus 172 C.-M. GUILLEMIN, — DIRECTION DES TIGES. réfrangibles que le violet indiquée par les substances fluorescentes et l’iodure d'argent. | 5 Le second maximum de flexion des tiges, moins prononcé et moins fixe que le premier, est situé dans la région calorifique; ce maximum se rapproche d'autant plus des raies E et b, dans le vert, que la hauteur du soleil au-dessus de l'horizon est moindre, ou que l’atmosphère est plus chargée de vapeurs qui en troublent la transparence. 6° Ces deux maæima sont séparés par le minimum qui est situé dans les rayons bleus, près de la raie F de Fraunhofer. 7° La flexion latérale s'étend au delà du rouge et du violet extrêmes ; elle a pour centre les rayons indigo : elle se produit souvent malgré la présence des écrans qui séparent les différents rayons colorés. 8° La production de la matière verte est à son maximum dans le jaune; elle diminue lentement en allant vers le violet, dépasse cette limite et devient nulle dans les derniers rayons fluorescents, 9% Du côté du rouge, l’aptitude des divers rayons à déterminer la formation de la chlorophylle décroit plus rapidement; les rayons orangés el rouges la possèdent à un haut degré : elle diminue au voisinage de la raie A, dépasse cette limite et ne cesse que dans les rayons calorifiques, près du maximum de chaleur. 10° Les rayons bleus, verts, jaunes, orangés et rouges font verdir plus rapidement les feuilles étiolées que les rayons solaires directs; l’action du jaune est presque égale à celle de la lumière diffuse atmosphérique. 11° Les rayons polarisés paraissent agir, à l'intensité près, comme les rayons naturels. 12° Le principe de l'identité des radiations, qui repose déjà sur l'observation d'un grand nombre de phénomènes physiques, est ici pleinement confirmé, dans l’ordre physiologique, par l’analogie du mode d'action desrayons calorifiques etdes rayonsultra-violetssur la - flexion des tiges végétales et le développement de la matière verte. * NOTE SUR QUELQUES ASCOBOLUS NOUVEAUX ET SUR UNE ESPÈCE NOUVELLE DE VIBRISSEA, Par MM. CROUAN frères. AscopoLuS PELLETIERI, Cr. Nov. spec. Très petit, de À à 2 millimètres de diamètre, blane ou blanc gris, sessile, hémisphérique ou subeylindrique , quelquefois en forme de cône tronqué au sommet ; hyménium plane , à marge à peine sentie, d’une consistance gélatineuse ; thèques grandes, larges, nombreuses, renfermant chacune trente-deux spores l'ovées, hyalines ; paraphyses incolores, simples, filiformes, dépassant les thèques et plongées dans un gélin. La substance est formée par un tissu cellulaire flamenteux d’une excessive ténuité, s’anastomo- sant entre des cellules rondes ou ovoïdes et donnant au réceptacle une consistance solide, Les thèques, dans cette très curieuse espèce, sont très saillantes au-dessus de l’hyménium et présentent l’aspect de petits cristaux hyalins. Croit sur les crottins du cheval et les bouses de vache anciennes dans les marais et les prairies aux environs de Brest. Printemps, automne. Rare. Nous avons dédié cette intéressante et rare espèce à M. le capitaine Pelletier, de Morlaix, qui peint, avec un talent remarquable, les Champi- gnons du Finistère. ASCOBOLUS MACROSPORUS, Gr. Nov. spec. Très petit, à peine visible à l'œil nu, d’un vert jaune clair, glabre , subeylindrique ou hémisphérique ; hyménium plane ; thèques grandes et larges renfermant huit spores ovoïdes très 47h CROUAN. — NOTE erosses, entourées par une large membrane hyaline ; elles sont, vues au microscope, d'un beau pourpre violet; paraphyses imco- lores, filiformes. Le réceptacle est mince, et les cellules qui le composent s’anastomosent entre elles, de manière qu’elles forment un tissu réticulé. Croît sur les bouses de vache anciennes aux environs de Brest. Automne. Rare. . Nous avonsremarqué souvent au microscope, sur l’Ascobolus macro- sporus, le phénomène se passant sous nos yeux, que les huit spores, con- tenues dans la thèque, sortaient toutes d’un même jet et se tenaient toutes d’une seule masse qui, examinée attentivement, nous a offert une disposi- tion régulière et constante dans la manière dont les spores sont réunies. Nous avons toujours vu les spores disposées sur deux rangs, chacune d'elles entourée, comme nous l’avons dit, par une membrane hyaline très large, laquelle, par sa compression avec sa voisine , offrait une forme pen- tagonale, et pouvait faire croire à une soudure complète des spores; tandis qu’elles ne sont que conniventes, vu qu’elles sont susceptibles de se séparer en emportant chacune la membrane qui les circonscrit. AscoBoLUS BRASSICÆ, Cr. Nov. spec. Il est blanc, de 1 à 3 millimètres de diamètre, sessile, hémisphé- rique, concave ; réceptacle dépassant le pourtour de la cupule, et formant une sorte de collerette redressée, étroite et celluleuse ; hyménium d’un brun violet élair, formé par des thèques grandes, larges, renfermant huit spores rondes d’un violet brunâtre; paras= physes hyalines bifurquées à leurs sommets d’une manière tor- tueuse, se soudant quelquelois entre elles à cet endroit et plon- gées dans un gélin. Le tissu cellulaire du réceptacle est lormé par des cellules hexagonales incolores. Croit sur les troncs de Choux pourris, aux environs de Brest. Rare. AscoBoLus coccINEuS, Cr. Nov. spec. Très petit, de 4 à 3 millimètres de diamètre, d’un jaune orangé à l'extérieur, sessile, hémisphérique, glabre, à cupule d’abord plane, puis convexe ; hyménium rouge; thèques grandes, dilatées à leurs sommets, droites ou incurvées, renfermant huit spores SUR QUELQUES ASCOBOLUS NOUVEAUX. 175 oblongues, non atténuées aux extrémités, offrant dans leur inté- rieur deux sporidioles globuleuses; paraphyses simples, droites ou incurvées en crosse à leurs sommets qui sont un peu épaissis el colorés en jaune orange, La substance est formée par des cellules rondes ou ovoiïdes. Dans les coteaux rocheux, sur la terre, parmi les petites Mousses. Printemps, automne. Rare. Environs de Brest, Nob.; de Morlaix. Le Guernisac. AscopoLus mMicroscoPicus, Gr. Nov. spec. Extrêmement pelit, sessile, subhémisphérique, brunâtre, à hy- ménium plane ; thèques nombreuses, claviformes, très dilatées (ce qui leur donne un aspect raccourci), renfermant huit spores sphé- riques brunes, paraissant échinées à leur maturité; paraphyses simples, grosses, incolores, incurvées , légèrement épaissies à leurs sommets. La substance est formée par une masse de fila- ments incolores soudés entre eux, plongés dans un gélin , et for- mant un lacis où anastomose d’une grande ténuité. Croît en petits groupes sur l’Album græcum aux environs de Brest. Automne. Très rare. Les spores, dans le genre Ascobolus, offrent des couleurs et des formes presque aussi variées que dans les Pezizes ; il en est de même du tissu cellulaire : cependant nous serions disposés à accorder une organisa- ton plus élevée aux Ascobolus par rapport aux thèques , qui nous offrent à leur parfaite maturité un opercule à leurs sommets, ce que nous n’avons jamais pu voir dans les Pezizes. M. le docteur Léveillé, dans son inté- ressant et savant article Pezize, du Dictionnaire universel d'histoire naturelle, dit : « Les spores des Pezizes sont lancées en l’air, d’un- mo- » ment à l’autre, avec élasticité, et forment une espèce de nuage ; mais ce » qu’il ya de plus étonnant, c’est qu’on ne voit pas d’où elles s’échap- » pent; les recherches que j'ai faites sur ce sujet ne m'ont. jamais rien » appris de satisfaisant. Comme les thèques sont pressées les unes contre » les autres, les spores doivent nécessairement sortir par l’extréinité libre; » il faut donc qu’elles s’ouvrent à cette extrémité, et qu’elles se referment » aussitôt, car on ne voit pas d'ouverture, même quand elles sont entiè- » rement vides: » Nous-mêmes n’avons pas été à plué heureux dans nos recherches sur les 176 CROUAN. — NOTE thèques de ce genre, tandis qu’il n’en a pas été de même de celles que nous avons faites sur les thèques des Ascoboles, Un fait d’organographie très intéressant dans le genre Ascobole, c’est que la thèque est pourvue, à la partie supérieure , d’un opercule dont la suture est peu apparente au microscope ; elle ne s’aperçoit bien que lors de la dissémination des spores. On remarque à cette époque l’opercule qui s’est détaché circulairement du sommet de la thèque, et à laquelle il tient encore par une partie de son bord; on observe alors très bien une sorte d’anneau transparent qui limite le limbe de la thèque à l’endroit où la scission a eu lieu ; souvent l’oper- cule se détache entièrement par la sortie prompte et instantanée des spores. Ce fait, que nous venons de signaler dans ce genre , vient ajouter un nouveau caractère pour la diagnose générique à celui qui, jusqu’à ce jour, avait été considéré comme étant le seul propre à faire distinguer les Ascoboles des Pezizes; savoir, que quelques thèques font saillie au-des- sus de l’hyménium. Ne serait-il pas préférable , dans la méthode, de placer le genre Asco- bole avant le genre Pezize, la thèque étant plus élevée en organisation que dans ce dernier genre ? Vigrissea GuEernisacr, Cr. Nov. spec. Très petit, de À à 3 millimètres de diamètre, sessile, épais , gélatineux, lentiforme ou turbiné, un peu brun en dessous ; hymé- nium plane ou convexe, blanc, jaune verdâtre ou jaune d’ocre, gris pâle ou gris bleuâtre ; les thèques, ordinairement droites, contiennent huit spores blanches, longues, filiformes, incurvées, très atténuées et d’une excessive finesse ; paraphyses nombreuses, comme articulées, offrant à leurs sommets de une à trois bifurca- tions caténées , dont les extrémités se terminent par une cellule ronde ou en poire plus grosse que celles sous-jacentes ; organisa- tion très remarquable, qui nous rappelle un peu l'aspect des bou- quets sportières que l’on observe sur le Callithamnion seirosper- mum dans les Phycées, Cette très intéressante espèce croît sur les branches mortes et submergées de différents Saules dans les fossés des marais ou des prairies aux environs de Brest. Printemps, automne. Rare. Dans le curieux genre Vibrissea, Fries, les thèques font saillie au- dessus de l’hyménium , et rappellent tout à fait par ce caractère ce que | | SUR QUELQUES ASCOBOLUS NOUVEAUX. 177 l’on observe sur le genre Ascobole. Ce dernier genre appartient, dans la savante classification mycologique de M. le docteur Léveillé, aux Théca- sporées ectothèques, 2° tribu Cyathidées, 2° section Pezizées; tandis que le genre Vibrissea , dans la même classification, est placé dans les Théca- sporées ectothèques, 4e tribu Mitrées, 1" section Géoglossées, où sor organisation le rapporte. En exposant ce petit Champignon à l'air, on peut voir le phénomène de la dissémination des spores qui a lieu avec élasticité ; il s’observe très bien à la loupe : c’est un spectacle des plus curieux ; il dure assez longtemps, et ne s’accomplit pas, comme dans les Pezizes et les Ascoboles, instantané- ment sous la forme d’un petit nuage ; les spores sont, au contraire, lancées isolément des différentes parties de l’hyménium avec une telle vélocité, que l’on croit voir passer sous ses yeux de petites flèches. On observe aussi que le chapeau du Vtbrissea est couvert d’un duvet neigeux dû aux spores qui se montrent en masse à la surface de l’hyménium , et présentent presque l'aspect d’une cristallisation aciculée. Nous avons observé les mêmes phé- nomènes sur le Vibrissea truncorum, que nous irouvons aussi dans le Finistère. M. Duby, dans son Botanicon gallicum, l'indique sur les branches de Pin dans les ruisseaux des Vosges ; tandis que, dans le Finis- tère, nous ne l'avons encore rencontré que sur les branches mortes ou vivantes de l’'Ulex europœus, dans nos marais, et dans les fossés d’eaux stagnantes et courantes. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE À. À. Ascobolus Pelletieri, Cr. Fig. 4. Grandeur naturelle. À Fig. 2, Grossi à la loupe. . 3. Thèques et paraphyses grossies au microscope. Fig. 4. Tissu cellulaire du réceptacle grossi 340 fois. B. Ascobolus macrosporus, Cr. Fig. 5. Grandeur naturelle. | Fig. 6. Grossi à la loupe. | Fig. 7. Thèques et paraphyses grossies au microscope. Fig. 8. Spores réunies et sorties de la thèque, C, Ascobolus brassicæ, Cr. g. 9. Grandeur naturelle, &° série. Bor. T, VII, (Cahier n° 3.) # 12 178 CROUAN. — NOTE SUR QUELQUES ASCOBOLUS NOUVEAUX. Fig. 10. Grossi à la loupe. Fig. 44. Thèques et paraphyses grossies au microscope. Fig. 12. Thèque offrant son opercule grossie 340 fois. Fig. 43. Membrane cellulaire entourant le bord de la capsule. Fig, 44. Tissu cellulaire du réceptacle. D. Ascobolus coccineus, Cr. Fig. 45. Grandeur naturelle. Fig. 46, Grossi à la loupe. Fig. 17. Thèques et paraphyses grossies au microscope. Fig. 18, Spores et thèques grossies 340 fois. Fig. 19. Tissu cellulaire du réceptacle. E. Ascobolus microscopicus, Cr. Fig. 20. Grandeur naturelle, Fig. 24. Grossi à la loupe. Fig. 22. Thèques et paraphyses grossies 340 fois. Fig. 23. Spores müres paraissant échinées. F. Vibrissea Guernisaci, Cr. Fig. 24. Grandeur naturelle. Fig. 25. Grossi à la loupe. Fig. 26. Thèques et paraphyses grossies 340 fois, Fig. 27. Spores filiformes incurvées grossies 340 fois. RECHERCHES MICROSCOPIQUES SUR LA CHLOROPHYLLE, Par M. Arthur GRIS, Mon père ayant démoniré qu’une planie chlorosée reverdit el se ranime sous l'influence des sels de fer, je songeai à étudier au microscope comment la matière verte se modifie dans la chlorose, et comment se fait la revivification de celte matière verte sous l’in- fluence des composés ferrugineux ; mais je m'aperçus bientôt qu'il fallait, pour comprendre ces phénomènes, connaître d’abord la chlorophylle normale à l’état jeune , puis à l’état adulte. Je com- mençai donc par étudier son mode de développement , et ce sujet forme le premier et le plus long chapitre de ma thèse. Il me fut ensuite plus facile de comprendre Îles phénomènes de la chlorose et de la revivification de la chlorophylle par le fer, phénomènes que j’expose dans un second chapitre. Pour compléter l’histoire des aliérations maladives de la chlorophylle, j'examinai les modifi- cations qu'elle subit sous l'influence d’une respiration nocturne longtemps prolongée, et le résultat de ces observations fait l'objet d’un troisième et dernier chapitre. Résumé historique. je vais exposer ici, sans les discuter, les faits et les opinions avan cés par les auteurs sur le sujet qui fait l’objet de ce travail, sauf à y revenir plus tard s’il en est besoin. Le principe qui donne leur coloration aux parties vertes des feuilles était très imparfaitement connu avant les travaux de Pel- letier et Caventou. Ils reconnurent , après lavoir isolé, que ce principe est insoluble dans l’eau; que l'alcool, les graisses, les huiles grasses , l’éther, les dissolutions alcalines de soude et de potasse le dissolvent ; que l'acide sulfurique et l'acide acétique 180 A. GRIS. —— RECHERCHES MICROSCOPIQUES peuvent aussi le dissoudre sans l’altérer; que l’acide chlorhy- drique lui fait prendre une teinte jaunâtre ; enfin que l’acide ni- rique le colore en jaune grisâtre et le décompose. Ces savants placèrent la malière verte des plantes parmi les substances végé- tales très hydrogénées, et lui donnèrent le nom de chlorophylle. Des travaux de Berzelius et Mulder, il résulte que la chloro- phylle pure renferme de l'azote, et qu’elle est toujours mélangée avec de la graisse. Dans une thèse soutenue à la Faculté des sciences de Paris en 1849, M. Morot confirma le fait du mélange constant de la graisse avec la chlorophylle. « La chlorophylle, dit-il, semble se former avec l'intervention des matières amylacées et de l’am- moniaque sous l'influence de la lumière diffuse, et sa formation est accompagnée (l’un dégagement d’eau et d'oxygène. » C'*H°AZO$ est la formule adoptée par M. Regnault dans son Traité élémentaire de chimie, comme expression de la composition chimique de la chlo- rophylle. Ce n’est guère qu’en 1837 qu’on commença à avoir des idées assez précises sur la structure et sur la nature des grains de chlo- rophylle. Nous ne jetterons donc qu’un coup d'œil rapide sur les opinions des auteurs qui ont précédé dans la carrière MM. Mobhl, Meyen, Nägel, etc. . Sprengel et Treviranus (1802-1806 ) crurent que les grains de chlorophylle étaient des vésicules qui donnaient naissance aux cel- lules nouvelles. Cette idée fut reprise en 1827 par Turpin, et en 4834 par Raspail. Ils admirent de plus que ces vésicules étaient attachées par un trophosperme à la paroi des cellules dont elies dérivent. Agardh, en 1831, et Mirbel, en 1833, admirent de même la nature vésiculeuse des grains de chlorophylle. Moldenhaver (4812) pensa que les grains de chlorophylle résultaient de la coa- oulation du suc vert des cellules ; Walhenberg crut de même, en 1806, que la chlorophylle dans le végétal vivant était un liquide visqueux, vert, mais qui ne se coagulait en globules qu’après son extraction de la plante. Treviranus qui, en 1814 , avait considéré les grains de chlorophylle comme des globules albumineux avec lesquels la matière verte serait entremêlée, annonça, en 1835, que les grains de chlorophylile nagent dans un suc vert moins foncé , SUR LA CHLOUOPHYLLE. 481 et qu’ils résultent de la transformation de ce sue, lequel s'applique à la face interne de la cellule. En 1824, Dutrochet, dans ses Recherches sur les mouvements des feuilles , ayant remarqué qu’à la base du pétiole des feuilles dites articulées, on voit un bourrelet composé d’un tissu cellulaire fin et délicat, et garni d’une très grande quantité de petits grains verts, considéra ces grains comme autant de corpuscules nerveux. Nous arrivons enfin à l’année 1837, pendant laquelle les obser- vations se multiplient. Nous avons consulté les Éléments de philosophie botanique de Link, publiés en 1837 (4). On lit au paragraphe 41 : « Les cellules contiennent souvent des vésicules dans lesquelles la matière verte n’est pas encore à l’état parfait, ou bien a pâli » Au paragraphe 44, l'auteur s'exprime ainsi : « Un sue vert se trouve surtout dans les cellules exposées à la lumière d’une très jeune tige, des feuilles, du calice, de l'embryon. Rarement tout celui qui existe dans les cel- lules est renfermé dans ces vésicules dont nous avons parlé plus haut, et, la plupart du temps, il est répandu autour des vésicules à la façon d’un nuage que Mevyen a vu elliptique dans la Vallisnérie, et que j'ai vu moi-même. Il est des cellules, mais rarement, dans lesquelles un suc vert sc trouve sans vésicules ; ces vésicules sont quelquefois composées, c’est-à-dire que de grosses vésicules en renferment quelquefois de plus petites... Le pigment vert ne semble pas se préparer dans les vésicules, mais les vésieules sem- blent plutôt se former dans la chlorophylle. » Dans son Vouveau système de physiologie des plantes (2), Meyer nie la structure vésiculaire des grains de chlorophylle, qu'il avait admise, en 1828 et en 1830, après l’examen de spores de Con- ferves à l’aide de faibles grossissements, Il présume que les grains de chlorophylle sont formés de petites masses albumineuses teintes en vert par la chlorophylle proprement dite. Il a remarqué, sur- tout dans les Cycadées, des masses irrégulières d’une substance teinte en vert colorant la paroi intérieure des cellules , et souvent (1) Grundlehren der Kräuterkunde, von Heinr. Fried. Link. Berlin, 1837. (2) Neues System der Pflanzen Physiologie, Von P.-J.-F. Meyen. Berlin, 1837. | 189 A, GRIS, —— RECHERCHES MICROSCOPIQUES accompagnées de grains ordinaires, lesquels sont formés de cette même substance. Quant à la disposition des grains de chlorophylle, ils sont placés, en général, sans ordre , et attachés la plupart du temps à la paroi de la cellule. Cependant ils nagent hhrement quand le jus de la cellule se meut : dans les Aloe, les grains sont souvent disposés en croix, tandis que chez les Cactus, outre cette dernière disposition, les grains , liés par une masse glutineuse et incolore, semblent réunis en petits amas. [l observe dans le ’allisneria spi- ralis, et sur un grand nombre de plantes sueculentes , des appen- dices d’un vert pâle qu'il appelle atmosphères muqueuses des grains de chlorophylle. Tpense encore que la substance muqueuse du nucléus est peut-être la même qui sert au substratum de la cou leur verte dans les grains de chlorophylle. Le premier travail de M. Mohl sur la chlorophylle (4) a eu beaucoup de retentissement, et a servi de base à tout ce qui a été dit sur la matière colorante verte des végétaux dans nos traités de botanique. M. Mohl reconnut que la chlorophylle se présente , tantôt en masses irrégulières , tantôt en corpuseules de forme déterminée : il appelle, dans le premier cas, chloro- phylle amorphe. Quant à la disposition des grains, ils sont le plus souvent fixés à la paroi cellulaire et ne possèdent pas de tropho- sperme, comme l'avaient era Turpin et Raspail, Quelquefois ils na- gent dans le suc cellulaire (Stratotes, V alhisneria). I n’est pas rare de les voir réunis en une masse dense au milieu de la cellule. Dans ce cas ils sont placés quelquefois autour du nucléus (Oron- tium ) ; dans d’autres cas le nuecléus manque , ou lorsqu'il existe , la position des grains n’a aucun rapport avec celle qu'il prend lui- même. Pour ce qui regarde leur structure, M. Mobhl déclare que les grains de chlorophylle bien développés montrent toujours un ou plusieurs noyaux d'amidon plus ou moins volumineux, au eentre d’une masse gélatineuse teinte en vert. Cette présence con- stante des grains d’amidon au milieu de grains de chlorophylle a été considérée comme le fait principal le plus intéressant sous le rapport anatomique et physiologique (voyez les travaux de Berzelius et Mulder, la thèse de M. Moroi). (1) Annales des sciences naturelles, IX, p. 450 (mars 4837). SUR LA CHLOROPHYLLE. 183 M. Nägeli a publié, en 1646 (4) , un travail qui a pour but de démontrer la nature vésiculaire des grains de chlorophylle. L’iden- lité entre la cellule et la vésicule est pour lui aussi claire que le jour. Si la cellule est l'élément immédiat des plantes, dit-il, la vésicule en est l'organe élémentaire médiat, comme constituant une partie de la cellule. Comme les cellules , les vésicules peuvent passer de la forme sphérique à la forme tabulaire, filiforme, étoilée, enfin parenchymateuse sous l'effet de la pression. Dans l’altération _maladive des feuilles de Fougères, d’'Hépatiques , de Mousses, les vésieules sont plus grosses, l’intérieur se décolore, et devient une masse liquide, transparente, semée de grains. A cet état, il n’est pas possible de la distinguer d’une cellule. Quant à la naissance des vésicules de couleur, qui se développent librement à l’intérieur de la cellule , l’auteur ne sait rien : ce sont de petits grains verts qui, après un développement suffisant , laissent reconnaitre une structure vésiculaire. Ces vésicules se développent ensuite par di- vision d’une vésicule mère. La masse s'étend en longueur, se divise par une paroi, et se sépare en deux nouvelles vésicules colorées ( Nitella, Fougères, Algues ). L’accroissement des vésicules est le plus grand possible chez celles qui naissent libres dans la cellule , et qui se manifestent d'abord comme de petits grains ; il est le plus faible chez celles nées par la division d’une cellule-mère. Pour ce qui est des modifications qui se passent dans les vésicules, 1°l'inté- rieur peut demeurer homogène pendant toute la durée de la vie de la cellule ; 2° il se développe un, deux, cinq gros noyaux, ou bien des grains excessivement pelits d'amidon; à° dans l’intérieur homo- gène et coloré naissent des grains qui grossissent et remplissent la vésicule , la chlorophylle et la membrane de la vésicule dispa- raissent, et le noyau d’amidon reste libre dans la cellule ; 4° quel- quefois, mais rarement, on voit au centre des vésicules de petits grains dont la nature est voisine de celle de l’inuline. On lit dans un travail de M. Quekett sur le développement de Pamidon et de la chlorophylle (2) : « Relativement à l’origine de (1) Zeitschrift für Wissenschuftliche Bolanik, von M.-J. Schleiden und Carl Nägeli. Zurich, 1846. | (2) Annales d'histoire naturelle de Londres, t. XVII, p. 193; 1846. A8/ A. GRIS, — RECHERCHES MICROSCOPIQUES la chlorophylle dans les plantes que j'ai examinées, le même mode de développement parait avoir lieu que pour lamidon , à savoir que les granules prennent naissance d’une cellule nucléaire. » L'auteur cite la cuticule de la très jeune fronde de Scolopendrium vulgare comme en offrant un exemple ; mais il ajoute que la pre- mière origine de la chlorophylle est tellement confondue avec la formation de la cellule elle-même, qu’il est impossible par la dissec- tion d'arriver à savoir où a lieu sa formation. MM. Goeppert et Cohn (4) ont publié, en 1849, un travail sur le Nitella fleæilis, dans lequel on trouve l’exposé de quelques faits favorables, selon eux, à la théorie vésiculaire des grains de chlo- rophylle soutenue par Meyen et Nägeli, et contraire aux idées de M. Mohl. On ne saurait, selon eux, découvrir la structure des grains de chlorophylle que renferme la cellule vivante ; maïs si l’on tue cette cellule par une blessure mécanique ou chimique, les globules se transforment, et laissent voir aisément leur contenu intérieur qui consiste en plusieurs corpuscules solides... Quand les grains se sont échappés dans l’eau, ils se gonflent : la coloration verte se répartit faiblement sur toute la surface du globule; en certains cas, elle reste étendue, sur le porte-objet, comme un petit amas vert, tandis que le reste devient incolore comme l’eau. Ils se crèvent ensuite par l'effet de l’endosmose, laissent échapper les corps in- térieurs qu’ils renferment, s’amincissant, se déforment peu à peu, et disparaissent finalement à l'œil par dissolution. Ces phénomènes, disent les auteurs, prêtent un grand poids à cette idée que, dans le Vitella, les globules de chlorophylle sont des vésicules cellulaires délicates, composées d’une membrane transparente comme le verre, qui se gonflent dans l’eau , et qu’elles renferment un fluide vert avec plusieurs noyaux solides. M. W. Hofmeister, dans son étude sur l’Anthoceros lœvis (2), a remarqué que, chez de très jeunes cellules, une matière colo- rante, composée de nombreuses particules colorées, incommensu- (1) Botanische Zeitung, 1849, p. 681 : l'eber die Rotation des Zellinhatles in Nitella flexilis. (2) Vergleichende Untersuchungen der Keimung , Entfaltung und Fruchtbil- dung hüherer Kryptogamen, etc,, von Wilhelm Hofmeister, Leipzig, 4854. | | | SUR LA CHLOROPHYLLE. : 185 rables, apparaît à la surface extérieure du nucléus. Chez les cel- lules plus anciennes , la matière colorante semble enveloppée par une vessie qui entoure le nueléus. Celte vessie, en général sphé- rique, devient aplatie ou fusiforme dans les cellules allongées de l’intérieur des branches de la tige. La division de ces cellules est toujours précédée de la duplication de la vésicule de chlorophylle. Chez le Fissidens, l'auteur a vu une mucosité homogène verdâtre entourer le nucléus des cellules situées à la base de la feuille. Quand les cellules sont prêtes à se diviser, la mucosité verdâtre se partage en deux masses sphériques , dont chacune renferme un des deux nucléus formés aux dépens du nucléus primaire. A l’intérieur des cellules plus âgées, le nucléus disparaît, mais en même temps le nombre des vésicules s'élève de 2 à 4, 6 et plus. Dans une note, page 10, l’auteur s'exprime ainsi : « L'histoire vitale des cor- puscules de chlorophylle est encore obscure. Quelquelois ce sont, à n’en pas douter, des vésicules, à la paroi intérieure des- quelles la substance verte est appliquée, à demi molle, transparente ou grumeleuse ; d’autres fois, elles apparaissent comme de petites masses homogènes, ou qui renferment des noyaux plus solides. Il n'est pas invraisemblable que même les corpuscules de chloro- phvlle de cette dernière espèce sont des vésicules à leur pre- mier degré de développement. Je suis disposé à croire que la naissance des corpuscules de chlorophylle est celle-ci : Dans les jeunes cellules, la chlorophylle apparaît informe, c’est-à-dire que la substance colorante s’y trouve répartie en petites particules inappréciables mêlées au fluide muqueux. Lors du développement ultérieur, les parties colorantes se réunissent en gouttes sphériques ; celles-ci peuvent plus tard se revêtir d’une membrane, et se pro- pager par division. La première partie de cette manière de voir se base presque exclusivement sur les recherches pratiquées sur V’Anthoceros, et que j'ai communiquées dans la section précédente ; cependant des observations sur les boutons de Blasia, de Metzge- ria, ne sont pas en contradiction avec elles. Une solution complète de Ja question ne sera sans doute possible qu'après un nouveau perfectionnement du microscope. » En 1853, M. Nägeli, admettant toujours que les grains de chlo- 186 A. GRIS. — RECHERCHES MICROSCOPIQUES rophylle sont des vésicules, reconnaît que ces vésicules n’ont pas une membrane cellulosique. « Dans les formations qui existent dans le suc cellulaire, dit-il, et qui sont compos‘es de substances protéiques , les surfaces présentent une condensation membrani- forme, là où elles sont en contact avee le suc cellulaire par l’action de celui-ci, » Examinons maintenant le dernier travail de M. Mohl. Après avoir nié la structure vésiculaire des grains, il reconnaît, quant à leur structure, deux variétés de ces grains : les uns ne renfermant pas d’amidon, mais des granules qui brunissent par l’iode, et chez lesquels la matière verte subit des changements remarquables sous l'influence de l’eau ; les autres renfermant un ou plusieurs grains d’amidon, et dont la matière verte n’est point influencée par l’eau (dans son premier travail, M. Mol était bien loin d'admettre cette division des grains amylacés et non amylacés). I considère encore que lamidon et la chlorophylle sont deux formations compléte- ment indépendantes. Quant à la position des grains, on ne les trouve jamais nageant librement avec le suc cellulaire ; constam- ment, ils sont reliés au protoplasma. Dans la grande majorité des cas, ils s’appliquent contre les parois des cellules, enfoncés pour la plupart du temps dans une matière mucilagineuse, transparente, qui les rattache à la face interne de l’utricule primordiale, ou avec laquelle ils se meuvent en courants (Vallisnérie). Le plus souvent on ne constate pas de rapport précis entre les grains pariétaux de chlorophylle et le nucléus, pas plus qu'avec les petits courants de protoplasma quien partent, tandis que quelque- fois ces rapports sont évidents, comme on le voit à l’intérieur des cellules parenchymateuses de la tige des Selaginella, dans les cel- lules sous-jacentes à la couche subéreuse, chez les Pommes de terre qui reverdissent à la lumière. M. Mohl a vu, comme M. Hofmeister, le nucléus des cellules de lÆnthoceros lævis entouré d’une masse de protoplasma, qui s'étend en prolongements rayonnants, et colo- rée en vert vif. « Pour qu’il se forme de la chlorophylle, dit-il, d’après les faits qu'il a observés sur le Zygnema et l’Anthoceros, il faut seulement que de la matière verte, se développant dans une cellule, se rattache à une masse de substance protéique, quelle que SUR LA CHLOROPHYLLE, 187 soit la disposition de celle-ci. II n’existe pas d’organe élémentaire comparable pour son organisation à la cellule qui se montre uni- formément le même pour toutes les plantes pourvues de chloro- phylle, ni auquel soit spécialement confiée la production de cette matière. CHAPITRE TL DÉVELOPPEMENT DE LA CHLOROPHYLLE, Les feuilles centrales, et par conséquent très jeunes de la rosette du Sempervivum tectorum, ne renferment souvent, au milieu des cel- lules, qu’un grand nucléus d’où partent des rayons qui se bifurquent, et dont les dernières dichotomiés s’effacent près des bords de la section (pl. 5, fig. 4). Ces rayons sont constitués par des courants d’une matière demi-fluide , et contenant un nombre immense de granulations , les unes très petites, les autres plus volumineuses et de couleur verte. Tantôt les granulations cheminent lentement en se dirigeant vers le nucléus, tantôt s’en éloignent en se mêlant à d’autres courants pour aller s’accoler contre les bords de la section, etse réunir par confluence en petites masses vertes. Le nucléus pré sente de même, par la fusion des petites granulations que les cou- rants lui apportent des gouttelettes d’un beau vert qui s'accumulent en quelque point de sa surface. On peut aussi le voir complétement recouvert d’une gelée verte, qui souvent déborde autour de lui (pl. 5, fig. 2). Examinons maintenant les changements de volume et de consti- tution du grain de chlorophylle, en allant des feuilles internes aux feuilles externes de la rosette. Les grains que nous allons mesurer, en prenant, comme nous le ferons constamment par la suite, le centième de millimètre pour unité, ont été pris dans nos Coupes parmi ceux qui pouvaient le plus facilement être étudiés quant à leur constitution , et par conséquent pris au hasard quant à leur volume, Une feuille de 4 centimètre 1/2 de longueur présentait des grains sphériques formés d’une masse d'apparence incolore, et contenant de deux à trois granules, verts qui apparaissent sous la forme de 188 A. GRIS. -—— RECHERCHES MICROSCOPIQUES ponctuations noires, si l’on fait varier convenablement la distance focale. Le diamètre des grains était d'environ 0,25. Une feuille de À centimètre 75 de longueur renfermait des grains contenant de quatre à six granules. Le diamètre des grains sphériques était de 0,33 (voyez successivement les figures 21, 29, 23, 2h, 25 de la planche 9). Une feuille de 2 centimètres de longueur présentait des grains contenant de six à huit granules. Le diamètre du grain mesuré était encore de 0,33. Une feuille de 2 centimètres 25 contenait des grains offrant de douze à quinze ponctuations ; le diamètre d’un grain sphérique étant de 0,49. | | Une feuille de 2 centimètres 75 présentait des grains contenant de quinze à vingt ponctuations ; le diamètre des grains sphériques étant de 0,50, Enfin, chez la feuille adulte, le diamètre d’un grain sphérique était environ de 0,67, et le nombre des granulations relativement considérable. Dans ces grains, on reconnait aisément que.les gra- nulations sont amylacées, mais sur les jeunes grains les ponc- tuations sont si petites, qu’on ne peut pour ainsi dire que deviner leur nature. Il résulte de tout ceci qu’à mesure qu’on s'éloigne des feuilles supérieures ou internes vers les feuilles inférieures ou externes, le diamètre des grains de chlorophylle augmente. Dans cet exemple, nous l’avons vu successivement grandir comme les nombres, 2, 3, L, 5,6, en sorte qu'il a triplé de longueur, et en même temps le nombre des granulations s’accroit, mais en proportion beau- coup plus forte. Si l’on examine les cellules du parenchyme d’une feuille cen- trale d’un bourgeon du Vanilla planifolia, on trouve que chaque cellule porte en un point quelconque de ses paroïs un nucléus assez volumineux, tantôt couvert de matière verte (pl. 5, fig. 6), tantôt laissant déborder autour de lui cette matière qui s'étend sur les parois de la cellule. Dans une jeune feuille un peu plus avancée cependant en âge, les grains commencent à apparaître autour du nucléns. J’en ai vu d’ellipsoïdes, dont le diamètre variait SUR LA CHLOROPHYLLE, 159 de 0,32 à 0,40, et qui contenaient chacun une, deux ou {rois gra- nulations. Au fur et à mesure que la feuille grandit, on voit le diamètre des grains et le nombre des noyaux. qu’ils contiennent s’accroitre parallèlement. A tous ces élats de développement, on trouve autour du nucléus, et des grains de chlorophylle, des granules mobiles, qui semblent tout à fait analogues à ceux que contiennent ces mêmes grains. Remarquons encore que plus la cellule et son contenu s’approchent de leur complet état de dé- veloppement, plus le nombre des grains de chlorophylle qui se sont écartés du nucléus est considérable, Enfin dans la feuille adulte et normale, le diamètre des grains s’élève de 0,80 à 1 cen- ième de millimètre, et ils contiennent un grand nombre de gra- nules , qui semblent parfois hérisser la surface du grain. Si on les traite par l’éther bouillant, puis par le chloro-iodure de zine, la pâte du gram rougit, les noyaux prennent une couleur fon- cée, mais qui n’est pas encore assez caractéristique. Si alors on les traite par la potasse caustique, puis de nouveau par le chloro- iodure de zine, les noyaux apparaissent d’un bleu noir au milieu de la masse rouge du grain, ou bien toute la masse du grain prend une teinte d’un bleu foncé. Si l’on observe maintenant ce qui se passe dansles cellules sous- épidermiques d’une feuille adulte, on remarquera que des grains à divers états de développement enveloppent le nueléus. Lei, comme attachées à la surface du nucléus, sont de petites sphères d’un dia- mètre de 0,32 à 0,40, présentant un seul petit noyau vert (pl. 7, fig. 8 et 4). Là les grains, semblant toujours adhérer à la surface du nucléus, présentent 4, 5 où 6 noyaux, et leur diamètre peut s'élever jusqu’à 0,50 (pl. 7, fig. 13). Ailleurs les grains , plus ou moins rapprochés du nucléus, etdont le diamètre est de 0,64, sont d'un vert très intense, et présentent un nombre de granulations assez notable. Enfin on rencontre chez ces mêmes cellules des grains qui ont atteint à peu de chose près leur état normal, et qui semblent en général s’être écartés du nucléus. Examinons main- tenant les cellules sous-épidermiques des feuilles de Vanille en voie de développement. Des cellules d’une très jeune feuille, à peu près sphériques et d’un diamètre de 2 centièmes de millimètre, 190 A. GRIS. — RECHERCHES MICROSCOPIQUES renfermaient un nucléus ressemblant à une grosse goutte demi- fluide, incolore ou légèrement bleuâtre (pl. 8, fig. 7). Il n’y a en- core là, en général, aucune trace de matière verte : mais dans la même coupe, au troisième rang des cellules sous-épidermiques, les bords du nucléus laissent déjà échapper une sorte de gelée, qui s’enduit partiellement de vert intense (pl. 5, fig. 15), tandis que l’on voit sur les cellules profondes du parenchyme des grains de chlorophylle verts disposés en cercle autour du nucléus. Ces premières observations démontrent que la chlorophylle subit un arrêt de développement à l’intérieur des cellules sous-épidermiques. Mais observons actuellement une feuille un peu plus développée. Le premier rang des cellules sous-épidermiques nous offrira des nu- cléus recouverts ou bordés de cette gelée verte, qui n’apparaissait qu'à l’intérieur du troisième rang des cellules sous-épidermiques de la feuille plus jeune (pl. 5, fig. 48 et 14); d’autres cellules présen- teront même des nucléus entourés d’un cercle de véritables grains de chlorophylle, dont le nombre et le diamètre peuvent varier d’une cellule à l'autre (pl. 9, fig. 12). Mais ce nombre est toujours peu considérable, et le diamètre des grains ne dépasse pas en gé- néral 6,32 sur les coupes que j'ai examinées. Chez les cellules parenchymateuses de la même coupe, le diamètre des grains s’éle- vait de 0,64 à 0,80, et leur nombre était très considérable, rela- livement à ce même nombre dans les cellules sous-épidermiques (pi. 9, fig. 14); de plus, il y avait une uniformité, une constance dans le degré de développement de ces grains, qui n’existait pas pour les cellules sous-épidermiques. Il résulte de ces dernières observations que le ralentissement dans le développement de la chlorophylle ne se fait pas avec une égale intensité chez les diffé- rentes cellules sous-épidermiques. Nous ferons une dernière re- marque. L'apparition des sphérules imcolores à un seul noyau qui . adhèrent à la surface du nucléus , et font en quelque sorte corps avec lui, ces grains de chlorophylle d'âge différent, rangés autour de ce même nucléus, au milieu des cellules sous-épidermiques des feuilles adultes, ne semblent-ils pas démontrer l’existence d’une création nouvelle de grains de chlorophylle, création dont le mode est peut-être un peu différent de celui qui s’observe sur = SUR LA CHLOROPHYLLE. 191 les mêmes cellules, à l’époque de la première jeunesse de la feuille ? Les très jeunes feuilles de l’Æucuba Japonica nous montrent dans leurs cellules un nucléus entièrement recouvert d’une gelée verte, lisse (pl. 6, fig 5,a); quelquefois cette gelée verte se divise en deux prolongements, qui vont s'appuyer sur les bords de la section transversale de la cellule, et s’étendent peu à peu le long de ces bords (pl. 6, fig. 5, b). À un degré de développement un peu plus avancé, cette gelée verte se mamelonne à la surface ou autour du nucléus (pl. 6, fig. 6 et 7). Les mamelons ainsi formés s’isolent peu à peu, se dégagent de la masse verte qui les baigne, et forment enfin des grainslibres qui sont presque toujours disposés en cercle autour du nucléus (pl. 6, fig. 8, et pl. 9, fig. 17). Si l’on traite par l’eau iodée ces grains de chlorophylle libres, on les voit bleuir sensiblement, et cette couleur apparaître déjà sur les ma- melons qui se montrent au sein de la gelée verte. L'isolement des grains résulte donc du développement dans la gelée verte de gros noyaux d'amidon qui s’enveloppent de cette gelée. Les différents états que je viens de décrire peuvent se présenter sur la même coupe; mais telle ou telle forme prédomine en général dans l’ensemble des cellules, suivant l’âge de la feuille, comme il est naturel de le penser. Des cellules hexagonales très petites, observées sur de jeunes feuilles de Pomme de terre, présentaient un nucléus central en- touré, à une petite distance de ses bords, d’un cercle de fines gra- nulations vaguement colorées en vert, et formant une sorte d’au- réole nuageuse (pl. 6, fig. 10). Des cellules d’une forme un peu irrégulière, mais d’une dimension à peu près égale, présentaient un réseau granuleux très vert (pl. 6, fig. 12). Enfin des cellules oblongues, examinées chez des feuilles un peu plus avancées dans leur développement, étaient entièrement remplies d’une matière verte, granuleuse, d’une coloration très vive (pl. 6, fig. 11). Sur plusieurs d’entre elles, le nucléus formait un cercle blane, d’un diamètre égal à 0,64... Si, maintenant, nous examinons une feuille beaucoup plus dé- veloppée, et dont les cellules longitudinales, situées sousl’épiderme 192 A. GRIS. — RECHERCHES MICROSCOPIQUES supérieur, peuvent atteindre 9 centièmes de millimètre, nous ver- rons que, dans cette même feuille et sur la même coupe, on trouve la chlorophylle à divers états de développement. Une cellule, par exemple, sera remplie d’une gelée verte complétement granuleuse; une cellule placée à quelque distance de celle-ci offrira sur sa paroi antérieure des grains de chlorophylle aplatis, isolés, de forme polyédrique, lisses ou ne présentant que de vagues ponctuations (pl. 6, fig. 13); enfin une troisième cellule, que je considère comme présentant un état de développement plus avancé, contiendra des grains sphériques d’un diamètre variant de 0,32 à 0,50, formés d’une sphère peu colorée, et contenant quelques granulations (pl.9, fig. 16). Des granulations analogues sont éparses à l’intérieur de la cellule, et s’agitent d’un mouvement brownien autour de ces grains. Quand la feuille a atteint son état adulte, les grains de chlo- rophylle ont un diamètre variant de 0,50 à 0,64; ils présentent tantôt des ponctuations à peu près sphériques et quelquefois un peu vagues, tantôt des noyaux qui semblent lenticulaires et à contours bien arrêtés. Si l’on soumet ces grains à l’action de la potasse , les noyaux se gonflent; tandis qu'en les traitant directement par le chloroiodure de zine, 1ls bleuissent (pl. 6, fig. 18). J'ai vu dans de jeunes feuilles d’Aydrangea Hortensia une gelée verte s’épancher du nucléus sur les parois de la cellule ; ces parois se revêtir complétement de la gelée verte granuleuse ; enfin des noyaux plus sombres apparaitre au milieu de cette masse, puis s'iso- ler peu à peu pour former les grainsde chlorophylle (pl. 9, fig. 48, 19, 20). Ceux-ci sont sphériques ou oblongs à l’état adulte, et leur diamètre peut varier de 0,64 à 1,50, ce dernier nombre repré- sentant la longueur du grand axe dans les grains oblongs. Ces orains renferment souvent plusieurs noyaux amylacés, volumi- neux, qui bleuissent par la simple application directe de l’eau iodée ou du chloro-iodure de zinc. Ces noyaux sont répandus en grand nombre au centre de la cellule, et se meuvent autour des grains de chlorophylle. | J'ai observé des feuilles à divers états de développement et de coloration sur un oignon de Lilium album, qui commençait à se développer au printemps dans une demi-obscurité. J'ai suivi le SUR LA CHLOROPHYLLE. 493 développement de la chlorophylle dans de jeunes feuilles présen- tant des états de coloration variant du blanc au vert, étudiant jour par jour l’évolution de la matière verte qui, sous l'influence de la lumière , produisait ces degrés successifs de coloration à l’inté- rieur des feuilles. De jeunes feuilles complétement blanches, dont le plus grand axe des cellules était de 2 centièmes de millimètre environ, conte- naient chacune un nucléus dont le plus grand diamètre pouvait atteindre 1,64 (pl. 7, fig. 14),en un mot qui remplissait presque la capacité de la cellule. Ces cellules renfermaient parfois de très pelites granulations mobiles, mais sans rapport de position avec le nucléus. Sur de jeunes feuilles d’un vert jaunâtre (pl. 6, fig. 2), la face in- terne des cellules est parcourue par un réseau de courants émanés du nucléus dont les mailles se relient sur les parois antérieure et postérieure de la cellule. Ces courants charrient de très petites granulations ou goutteleltes vertes. 11 est presque impossible d'a- chever à la chambre claire un dessin de ce réseau , et de fixer la dimension des granules qu’il charrie, ces granules verts augmen- tant presque subitement, et passant tout à coup d’un diamètre inappréciable à un certain volume. Dans une jeune feuille d’un vert un peu plus intense, les bords de la section transversale des cellules sont limités par une zone uniforme verte qui suit les ondulations des parois (pl. 6, fig. 2). Si on considère ces cellules sur des coupes faites parallèlement à la surface de la feuille, on les trouve contenant une matière gra- nuleuse verte qui, tantôt remplit complétement la cellule et voile le nucléus (pl. 6, fig. 3), tantôt laisse autour de cet organe un espace vide incolore plus ou moins considérable. Considérons enfin une feuille d’un vert franc; dans une coupe perpendiculaire à la surface de la feuille, la zone verte, qui s'étend le long des parois de la cellule, présente des noyaux obscurs, qui sont les premiers indices de la formation des erains de chloro- phylle. D’autres cellules montrent des grains hémisphériques d'un beau vert, appliqués par la partie plane de leur surface Sur les bords de la section transversale de la cellule (pl. 6, fig. b). &° série. Bor. T, VIL. (Cahier n° &.) 1 13 494 A. GRIS. — RECHERCHES MICROSCOPIQUES -! Mais revenons un peu sur nos pas. Dans des feuilles d’un vert jaunâtre, certaines cellules contenaient des sphères nombreuses voisines du nucléus , bordées d’une auréole de granulations inco- lores semblables à d’autres granulations qu’on retrouve en grand nombre dans les cellules. Ces sphères sont, tantôt complétement incolores, tantôt contiennent une petite ponctuation verte. Chez des feuilles assez vertes, certaines cellules présentent de mème des sphères régulièrement bordées de petites granulations blanches et colorées très faiblement. Enfin à l’intérieur des mêmes feuilles , mais dans les cellules voisines des vaisseaux, la surface du nucléus est souvent couverte ou entourée de petites sphères incolores, contenant un , deux ou trois granules verts d’un diamètre sensible, qui bleuissent sous l'influence de l’eau iodée (pl. 6, fig. 9). Ces sphères concourent, pour leur part, à la coloration générale de la feuille, et ces grains de chlorophylle semblent avoir un mode de génération différent de celui que nous avons décrit pour ceux qui procèdent de la gelée verte primitive Dans des feuilles de Magnolia (pl. 6, fig. 16), de Fève, de Haricot, le développement de la chlorophylle se fait comme nous l'avons indiqué , pour l’Hydrangea hortensia, le Lis, elc. Étudions maintenant, sous le rapport de leur forme, de leur structure et de leur développement, les grains de chlorophylile qui donnent une belle coloration aux bulbes des Phajus et des Acantho- phapprum. Les cellules sous-épidermiques du bulbe vert des diverses es- pèces de Phajus contiennent des grains de chlorophylle qui, sous des formes diverses, ont une structure uniforme. Ils sont fortement colorés en vert, très granuleux : si on les traite par l’éther bouil- lant, ils deviennent ineolores en conservant leur structure granu- leuse. Sous l’action du chloro-iodure de zinc étendu d’eau, la masse du grain est fortement rougie; mais ni la liqueur générale verte, ni la couleur parüculière des petits granules, ne présentent des grains d’amidon. La forme de ces grains est très variable sui- vant les espèces et même dans la même espèce. Tantôt ils sont sphériques, et leur diamètre varie de 0,50 à 0,75; tantôt ils sont SUR LA CHLOROPHYLLE, 195 ovoïdes, et peuvent atteindre 4 centième de millimétre en longueur, 0,75 en largeur. Ailleurs ils sont très allongés, comme fusiformes ; dans ce cas leurs extrémités sont incolores, et ils présentent à leur partie moyenne une ligne ou une sorte de raphé pareillement incolore (pl. 5, fig. 7). Dans le Phajus grandiflorus, on trouve des grains quadrilatères à angles arrondis, et qui présentent une zone très faiblement colorée et dirigée suivant Ja diagonale. La largeur de ces grains est de À centième de millimètre environ, et - leur largeur de 0,75 (pl. 5, fig. 4e). A côté de grains de chlo- rophylle complétement verts, on voit souvent dans les cellules sous-épidermiques , du Phajus W'allichii, par exemple, des sphères aussi incolores que l’eau, et dont une partie de la surface seulement est enduite de matere verte. Ces sphères sont presque toujours, comme les autres grains, {rès régulièrement disposées autour du nueléus (pl. 6, fig. 44). Comme on pourrait penser que ces sphères , partiellement enduites de matière verte , présentent seulement un eurieux phénomène des effets de l’eau sur ces grains de chlorophylle , phénomène plus ou moins analogue à ceux que MM. Mohl, Gœppert et Cohn ont observés dans certains cas, nous ferons remarquer que des préparations placées à sec sur le porte- objet du microscope nous ont offert les mêmes résultats. Nous croyons que ces sphères, partiellement enduites de matière verte, sont des grains de chlorophylle qui n’ont pas encore atteint leur état adulte. En effet, des sphères analogues s’observent autour du nucléus à l’intérieur des couches externes du tissu vert d’une Pomme de terre soumise à l’action de la lumière (fig. 17, pl. 6). - Les cellules sous-épidermiques du bulbe des Acanthophippium, contiennent des grains de forme très variable. Mais les parties très vertes du bulbe, offrent des grains , en général, ellipsoïdes renflés et qui présentent un raphé peu coloré à leur partie moyenne. Leur longueur est de 0,80, et leur largeur d'environ 0,60. D'autres grains offrent une forme aussi rare qu'élégante (pl. 5, fig. 4, e). Ils sont renflés en leur milieu, et terminés, à chacune de leurs extrémités, par une pointe fine assez longue et incolore, la partie moyenne seule étant colorée en vert vif. Le grain tout en- üer a une longueur d'environ 1,50; la partie verte renflée a 196 A. GRIS, —— RECHERCHES MICROSCOPIQUES 0,50 de longueur sur 0,40 de largeur. Dans les cellules sous- épidermiques d’une partie peu colorée du bulbe, on trouve des corps allongés, légèrement teintés en vert, finement granuleux, tantôt renflés , tantôt amincis à leurs deux extrémités , et attei- gnant en longueur de 4 centième de millimètre à 4,50 (pl. 5, fig. 10). Si on les traite par l’éther, puis par l’eau iodée, ils se dissolvent en laissant un résidu muqueux, granuleux , jaunâtre , qui indique qu'ils sont composés, comme les formations analogues étudiées plus baut, de graisse et d’une matière protéique. Si on pénètre à l’intérieur du parenchyme, on trouve des grains oblongs, qui peuvent atteindre 4,50 en longueur et 0,50 en largeur. Ils sont très verts et présentent la même structure. Enfin si on atteint les régions centrales du bulbe, on rencontre des grains de chloro- phylle qui ressemblent à des glands de Chêne (pl. 9, fig. 2 et à), dont le fruit serait représenté par un volumineux noyau d’amidon, et la cupule par une enveloppe albumino - graisseuse recouverte de matière verte et fortement granuleuse. La structure de ces grains est donc analogue à celle des grains qu’on trouve dans les cellules sous-épidermiques ; mais 1l s’y est ajouté un nouvel élément : c’est ce gros noyau d’amidon qui fait hernie au dehors. Ce grain peut attemdre en longueur, du sommet amylacé à la base verte de la cupule, 2,50, la largeur maximum du grain d’amidon étant de 1 centième de millimètre. On voit par la série des figures a, b, e, d, e, fig. 4, pl. 9, comment ce noyau se développe. Il nous semble que la forme du grain de chlorophylle, que nous venons de décrire, ne saurait entrer ni dans l’une ni dans l’autre des deux divisions établies par M. Hugo Mohl. Sa structure très complexe doit lui assurer une place à part. On re- trouve cette structure chez certaines espèces de Begonia (fig. 4, pl. 9). Mas comment se developpent ces sphères, ces batonnets , ces corps fusiformes ou quadrilatères qui adhèrent au nucléus, ou se pressent autour de lui dans les cellules sous-épidermiques des Phajus et des 4 canthophippium? Des formations analogues se présentent à l’intérieur de l’épiderme des bulbes de ces mêmes SUR LA CHLOROPHYLLE. 197 plantes. Chez le Phajus W'allichii, par exemple , les bâtonnets qu'on trouve dans les cellules de l’épiderme peuvent atteindre 1 centième de millimètre en longueur et 0,16 ou 9,17 en largeur, et sont appliqués tantôt par une de leurs extrémités , tantôt par leur partie moyenne à la surface du nucléus (fig. 4, pl. 8). Ils sont incolores ou très légèrement bleuâtres, et présentent à leur surface de fines granulations, et deux ou trois noyaux bleus un peu plus volumineux. Ils ont une structure analogue à celle des formations situées dans les cellules sous-épidermiques, sauf la couleur verte. Les bâtonnets de l’épiderme des Æcanthophippium peuvent atteindre 2 centièmes de millimètre en longueur et 1,40 en largeur (fig. 3, pl. 8). Sauf les dimensions, ils sont semblables à ceux que nous venons de décrire dans le Phajus Walhichu. Mais ces mêmes Acanthophippium, à l'intérieur des cellules, situées immédiatement sous l’épiderme , des bâtonnets qui ne différent de ceux de l’épiderme que par la couleur verte qui leur est propre. Les bâtonnets de l’épiderme des Phajus et des Acan- thophippium sont un arrêt de développement des formations si- tuées dans les cellules sous-épidermiques : comment se développent ces bâtonnets de l’épiderme ? Si on observe le bulbe d’un Phajus, on le voit divisé en étages superposés formés par les points d'insertion des feuilles de Ja plante. La partie la plus âgée de cet axe est la base ; un tissu très jeune le termine. En examinant des fragments d’épiderme enlevés aux différents étages de ce bulbe, il sera peut-être possible de suivre le développement des bätonnets. Observons done un lam- beau d’épiderme pris à l’étage supérieur du bulbe du Phajus Tankervillæ, par exemple. La plupart des nucléus présentent un nombre plus ou moins considérable de petits noyaux bleuâtres (pl. 8, fig. 2) ; dans d’autres cellules il part du nucléus un ou deux filets muqueux, présentant à leur extrémité libre un des petits noyaux dont nous venons de parler (pl. 8, fig. 1). Plus bas le nombre de ces filets augmente, mais ils sont très vagues. A la partie moyenne du bulbe, ils forment un corps allongé déjà nettement limité (pl. 8, fig. 5). Enfin, à l'étage inférieur du bulbe, les bâtonnets com- plétement formés ont leur aspect ordinaire, et présentent deux ou 198 A. GRIS, —— RECHERCHES MICROSCOPIQUES trois petits noyaux bleus analogues à ceux qu’on trouve mêlés aux courants ou filets muqueunx des étages supérieurs. L'origine des bâtonnets de l'épiderme est done le nucléus, et leur substance un filet muqueux plastique qui en émane. Ces bâtonnets sont un arrêt de développement des formations analogues situées dans les cellules sous-épidermiques : ces formations ont donc ia même origine. Les cellules sous épidermiques d’une partie très blanche de ce même bulbe présentaient des sphères complétement incolores. Quelle est l'origine de ces sphères ? Le nucléus contenu dans les cellules de ee bulbe contient des noyaux on nucléoles bleuâtres. A l’intérieur de certaines cellules, ces nucléoles environnent le nucléus en plus où moins grand nombre, comme si elles en étaient sorties (fig. 6, pl. 8); mais dans d’autres cellules ; on trouve ces mêmes nucléoles enveloppées d’une sphère adhérente à la surface du nu- cléus (fig. 8, pl. 8). Il y a une nucléole pour chaque sphère. Ima- ginons maintenant que celte partie du bulbe actuellement incolore soit exposée à la lumière : ces sphères se recouvriront de matière verie , d’abord partiellement , puis en totalité. C’est , en effet, ce que nous observons sur les parties du bulbe qui commencent à se colorer. Les grains de chlorophylle, ainsi formés dans ces plantes, procèdent donc directement et sans intermédiaire du nucléus. Nous avons vu plus haut qu’à la première période de son déve- loppement, la chlorophylle apparait autour du nucléns sous la forme d’une gelée verte : l’Hortensia, le Sempervivum, la Fève, la Pomme de terre, le Lys, le Magnolia, la Vanille, Aucuba, en fournissent des exemples. On observe la même chose sur les écailles des bourgeons du Marronnier d'Inde, du Tilleul, du Lilas (pl. 5, fig. 9), du Groseiller (fig. 14, pl. 5). Quand la gelée verte s’est transformée en grains de chlorophylle, ceux-ci peuvent per- sister longtemps autour du nucléus, comme il est aisé de s’en as- surer par l’étude d'un grand nombre de jeunes feuilles. On trouve encore les grains disposés autour du nucléus dans les cellules sous- épidermiques des feuilles à l’état adulte (Æria velutina, Physosiphon, Cœlogine fimbriata, Pleurothallis (pl. 9, fig. 14), Bolbophyllum umbellatum, Saæwifraga Aixoon, Pellia epiphylla, ete., ete.), mais SUR LA CHLOROPHYLLE, 199 plus rarement à l’intérieur du parenchiyme des feuilles adultes (Sempervivum tectorum , Eria velutina, Aloe tortuosa (pl. 7, fig, 6), Aloe obliqua, Vanille, Crassula, ete.); alors le nombre des grains de chlorophylle, disséminés à une assez grande distance du nueléus, est plus ou moins considérable. Pourquoi, dans beaucoup de plantes, la présence des grains de chlorophylle autour du nucléus est-elle aussi manifeste à l'intérieur des cellules sous-épidermiques, tandis qu'elle ne s’observe pas au centre des cellules parenchy mateuses de la feuille? Nous voyons là un arrêt de développement : la chlorophylle se développant dans des cellules qui n’appartiennent déjà plus à l’épiderme, mais ne sont pas encore parenchymateuses, se trouve dans des conditions exceptionnelles mixtes qui influent sur sa position, sa forme, son mode de coloration. D'après les faits nombreux que nous venons d’exposer, est-il possible de nier l'influence du nucléus sur le développement de la chlorophylle? M. Adolphe Brongniart, dans ses leçons, a fixé le rôle de cet organe singulier, en le considérant comme l'organe nourricier de la cellule. Nous citerons ici quelques passages d'un mémoire très récent de M. Pringsheim relatifs aux fonctions du nucléus : « On distingue dans le plasma de la paroi cellulaire deux couches : une extérieure, informe, qui ne contient pas de granulations ; l’autre intérieure, épaisse, composée d’une masse granuleuse gluante, avec laquelle sont placés les grains de chloro- phylle et le cytoblaste, ete. M. Schleiden a attribué un rôle trop im- portant au cytoblaste, en lui attribuant la formation de la paroi de la cellule. D'après les expériences de M. Nägeli, la formation de la paroi n’est pas le moins du monde affectée par la surface du cytoblaste. L'existence du cytoblaste est d’une importance particulière pour la vie de la cellule ; cette importance se démontre par ce fait que son existence est concomitante à la formation de la cellule. Il est certain que, dans les cellules de libre formation qui ont un cyto- blaste , cet organe est le point de départ de la jeune cellule qui apparait, et il est certain aussi que, dans la division des cellules, Papparition du cytoblaste est la première manifestation du com- meneement de la division pour les cellules sœurs. … Le eytoblaste 200 4. GRIS. — RECHERCHES MICROSCOPIQUES gouverne à l’intérieur de la cellule l'ordonnance de cet inté- rieur. » Nos propres observations nous semblent de nature à don- ner un grand poids aux considérations qui précèdent, et surtout à ce rôle nutritif attribué par M. Brongniart au nucléus. MM. Hofmeister et Mohl ont remarqué dans quelques cas, comme nous l'avons vu par notre résumé historique, les rap- ports de la chlorophylle avec le nuclèéus, mais sans s'y arrêter. M. Mohl s'exprime ainsi à notre grand étonnement : « Le plus souvent, on ne constate pas de rapport précis entre les grains pa- riétaux de chlorophylle et le nucléus..…. » Cette proposition, d’après les observations qui précèdent, pourrait être changée en celle-ci, pour ce qui regarde le parenchyme des jeunes feuilles et les cel- lules sous-épidermiques des feuilles adultes : Le plus souvent, on observe un rapport précis entre les grains de chlorophylle et le nucléus. Nous avons cité plus haut à ce sujet l’opinion de M. Quekeit. Nous avons vu par ce même résumé que M. Hofmeister, d’après trois ou quatre observations sur les plantes inférieures, avait été disposé à croire que, dans les jeunes cellules , la chlorophylle apparaît informe : cette supposition est aujourd’hui confirmée. D'après les nombreux exemples que nous avons cités en nous occu- pant des plantes supérieures, il est démontré pour nous que la chlorophylle, avant d’apparaître en grains, se présente la plupart du temps à l’état amorphe, que cet état amorphe est un état Jeune et transitoire. Il n’y a plus aujourd’hui deux formes de chlorophylle, la chlorophylle informe et la chlorophylle en grains. Il y a deux états de la chlorophylle, l’état jeune informe, l’état adulte glo- bulaire. Pour expliquer la formation des corpuscules de chlo- rophylle, M. Hofmeister suppose que les fines parties colorantes se réunissent en gouttelettes sphériques , et que celles-ci se re- vêtent d’une membrane et se propagent par division, mode de multiplication adopté déjà par M. Nägeli. Je n'ai jamais rien vu de semblable. | Je suis forcé, pour des raisons que j’exposerai plus haut, de reporter à ce chapitre les propositions qui résument, comme je l'entends, le mode de développement de la chlorophylle. SUR LA CHLOROPHYLLE. 201 CHAPITRE I. DE LA CHLOROSE ET DE L'ACTION DES SELS DE FER. Nous entendons par chlorose cet état de langueur et de faiblesse qui se manifeste par une pâleur plus ou moins prononcée des feuilles sur une plante placée cependant dans les conditions ordi- naires de la vie végétale, exposée à l’air libre et à l'influence de la lumière. Tantôt la chlorose est partielle, c’est-à-dire qu’elle affecte spécialement telle ou telle partie de la plante, une branche, une feuille , une portion de la feuille; tantôt elle est générale, et toute la plante languit. C’est seulement, en effet, sous l'influence des parties vertes, que s'opère la décompositon de l'acide carbo- nique de l'air, et par suite la fixation du carbone. Il y a déjà long- temps que mon père à attaqué directement cette maladie par les composés ferrugineux solubles, sulfate, chlorure, pyrolignite de fer, qu’il a proposé contre elle le fer comme spécifique. Dans ses premières expériences, il faisait absorber les sels de fer solubles par les racines. Les plantes chlorosées, languissantes, se ranimaient bientôt, verdissaient, émettaient de jeunes pousses colorées, don- naient des fleurs plus belles, présentaient bientôt, sous l’action des sels de fer, une végétation vigoureuse. Par suite de ses expériences, mon père fut amené pas à pas à établir que l’action des sels de fer était spéciale et indépendante du sol. Il appliqua la dissolution saline sur le limbe même de la feuille. Son action fut locale, c’est- à-dire que le point seul de ce limbe en contact avec la dissolution, reverdit avec plus ou moins d'intensité. On peut donc à volonté faire reverdir une ou plusieurs, ou toutes les feuilles chlorosées, même la moitié, le tiers d’une feuille d’un végétal; on peut tracer sur des feuilles chlorosées des signes, des dessins, des let- tres, des mots mêmes lisibles qui ressortent en beau vert sur le fond jaunâtre du limbe. Avec un pinceau imbibé d’une dissolution de sulfate ou de chlorure de fer, mon père a écrit fer sur une feuille pâle, comme autrefois Franklin écrivit sur une prairie : « Cela a été plâtré. » Singulière analogie établie entre les deux règnes, que cette identité de l’action du fer dans la chlorose ani- male et dans la chlorose végétale! 202 A. GRIS, — RECHERCHES MICROSCOPIQUES La question que nous nous sommes proposé de résoudre est celle-ci : Que se passe-t-il dans cette partie mouillée du limbe qui reverdit seule au contact d’une dissolution ferrugineuse ? Que se passe-t-1ldanslesnombreuses cellules, dansla cellule unique soumise à cette influence revivifiante ? Pour le savoir, j'ai appliqué à quel- ques plantes chlorosées le procédé si simple indiqué par mon père, J'ai mouillé une seule fois, avec un pinceau imbibé d’une disso- lution de sulfate de fer, la moitié d’une feuille jaune de Digitalis micrantha. Au bout de trois jours toute la partie du limbe, située à droite de la nervure médiane, et qui avait été mouillée, avait déjà sensiblement reverdi, l’autre moitié étant demeurée jaune (pl. 10, fig. 8). Je soumis alors à l'observation microscopique le tissu vert et le tissu jaune. Les cellules du tissu jaune contenaient pour la plupart une sorte de gelée granuleuse jaunâtre s'étendant sur la paroi des cellules (pl. 10, fig. 1), ou bien un nuage de petites ponc- tuations à peine colorées enveloppant le nucléus (pl. 10, fig. 2). Quelques cellules présentaient çà et là quelques grains pâles à peine ébauchés, et se détachant d’une masse gélatineuse ponctuée (pl. 10, fig. 3). Les cellules du tissu reverdi contenaient au contraire des grains de chlorophylle nombreux, d’un vert très gai et à divers états de développement. Les uns étaient d'apparence polyédrique, plats, comme si la gelée verte s'était segmentée sur les parois des cel- lules (pl. 10, fig. 15). Ces segments atteignaient parfois 0,80 en longueur et 0,50 en largeur. Les autres plus avancés dans leur développement étaient à peu près sphériques , et contenaient des granulations qu’on retrouvait libres sur les parois de la cellule entremêlés aux grains de chlorophylle. Le diamètre de ces grains variait de 0,50 à 0,64. Tandis que la partie étiolée de la feuille du Gratiola officinalis présentait dans certaines cellules, comme dans le Digitalis mi- crantha, des nuages granuleux et vaguement teintés autour du nucléus , d’autres présentaient des grains de chlorophylle à peine indiqués comme forme et comme couleur dans la partie de la feuille, reverdie sous l'influence des sels de fer. Des cellules con- tenant des segments polyédriques verts, dont le diamètre pouvait atteindre À centième de millimètre, se trouvaient entremêlées à des SUR LA CHLOROPHYLLE. 208 cellules pleines de grains sphériques d’un vert très gai, d’un dia- mètre maximum de 0,64. J'appliquai une seule fois une dissolution d’eau ferrée sur les folioles du côté droit d’une feuille chlorosée de Glycine de la Chine. Soixante-douze heures après, les folioles mouillées avaient pris une légère teinte verte. Voici ce qui s'était passé : tandis que les folioles non traitées présentaient des cellules, dans lesquelles une sorte de gelée jaune s’épanchait à peine du nucléus sur les parois de la cellule (pl. 10, fig. A ets), les feuilles reverdies, au contraire, avaient un nucléus entouré comme d’un corselet d’une gelée granuleuse d’un vert très intense ; ou bien cette gelée s’étendait tout le long des parois de la cellule, en dessinant à leur surface des aréoles plus ou moins régulières (pl. 19, fig. 6 a, b). J'ai mouillé de même une certaine étendue d’une feuille jaune d’Iris. Au bout de quelques jours , des tigrures vertes apparais- saient dans la partie traitée. Les taches vertes étaient constituées par un üssu contenant des grains de chlorophylle nombreux et très colorés. Les cellules appartenant au reste du tissu chlorosé étaient remplies de fines granulations jaunûtres. Dans un Petunia, les cellules de la partie chlorosée de la feuille renfermaient des granulations formant comme un nuage autour du nucléus (pl. 40, fig. 17), une gelée incolore tapissant les parois ou des grains à peine ébauchés incolores. On voyait dans la partie reverdie certaines cellules pleines d’une matière verte, amorphe, granuleuse (pl. 10, fig. 16); d’autres où le nucléus était entouré de segments polyédriques verts (pl. 6, fig. 12); d’autres enfin où les grains étaient à peu près sphériques, et contenaient des noyaux bien limités (pl. 40, fig. 18). Des feuilles chlorosées de Poirier, de Chéne, de Smilax (pl. 10, fig. 14 et 10), d'AHortensia (fig. 13 et 11), soumises au même traitement, m'ont présenté des résultats semblables en tout point. De l'observation des faits étudiés dans ce dernier chapitre, nous tirons Les conclusions suivantes : 1e La chlorose est caractérisée par un arrêt de développement qui S’oppose à l’évolution parfaite des grains de chlorophylle; 204 A. GRIS. — RECHERCHES MICROSCOPIQUES 2 Les sels de fer agissent sur la chlorose végétale, en rendant à la chlorophylle, arrêtée dans son développement, la faculté de con- linuer son évolution. Ils raniment la vie interrompue de la cellule, et démontrent son individualité et son indépendance; car si l’on pouvait mouiller une seule cellule d’un tissu chlorosé , cette cellule en reverdissant accomplirait seule les fonctions physiologiques dont dépend la vie de la plante. Le développement de la chlorophylle dans les cellules adultes, chlorosées, qui se raniment sous l'influence des sels de fer, m’a permis de constater que le revêtement granuleux vert des parois des cellules se segmente en fragments polyédriques, ou se mame- lonne immédiatement en grains, comme on a pu le voir dans mes dessins. Je sais que tous les auteurs considèrent ces segments po- lyédriques comme des grains primitivement globuleux, qui ont pris cette forme régulière sous l'effet d’une pression réciproque. Je ne nie pas que ce phénomène ne puisse se présenter, mais ici tout me semble indiquer que ces grains polyédriques résultent de la segmentation de la couche verte. D'abord ces segments ne se touchent pas dans beaucoup de cas; ce n’est donc point en se pressant l’un contre l’autre qu’ils ont pris cette forme polyédrique. ILest vrai que M. Hugo Moh]l admet que les grains polyédriques, qui ne se touchent pas, sont enveloppés dans une couche mu- cilagineuse qu'on ne peut toujours reconnaitre au microscope, et à l'intermédiaire de laquelle est due cette pression. Mais je ne pense pas que cette explication puisse s'appliquer au cas qui nous occupe ; la forme souvent sinueuse des bords des grains, leur position asymétrique, leur grand diamètre, leur aplatisse- ment, leur écartement, tout me porte à les considérer comme des segments de la couche verte granuleuse primitive : c’est le premier pas de la chlorophylle à l’état informe vers l’état parfait olobulaire. Cette dernière observation complète la série des faits qui m'ont conduit à comprendre , comme on va le voir, le mode de déve- loppement de la chlorophylle. C’est donc ici que je devais placer SUR LA CHLOROPHYLLE. 205 les propositions suivantes qui résument ce mode de développe- ment : L Une gelée verte émanée du nucléus s'étend sur les parois des cellules ( parenchyme et cellules sous-épidermiques jeunes des feuilles de Vanille; parenchyme dans les feuilles de la Pomme de terre, de l’Hortensia, de la Fève, du Magnolia, de la Gly- CHIS, IL. Etc). 1r Cette gelée est souvent précédée d’un réseau muqueux, siége de courants entrainant de petits globules verts (Sempervivum, a Lilium , etc.). HI. La gelée peut ne s’écarter que peu du nucléus , ou ne pas s’en écarter du tout (Aucuba Japonica). EX. La gelée verte se divise en fragments polyédriques plus ou moins considérables, ou s’isole en petites masses sphériques. V. La formation des grains peut résulter du développement de gros noyaux d’amidon qui s'enveloppent de gelée verte et s’isolent peu à peu (Aucuba J'aponica). LVL. En général, les noyaux amylacés qu’on trouve au milieu des grains de chlorophylle sont postérieurs à la transformation de la gelée en granules (Pomme de terre, Hortensia, Magnolia). alé Soit que la segmentation se soit opérée primitivement autour du nucléus, dans le cas où la gelée verte recouvre toutes les pa- rois de la cellule, soit que la gelée verte ne s'étant pas écartée de cet organe, la segmentation n'ait pu se faire qu’autour de lui, on 206 A. GRIS. — RECHERCHES MICROSCOPIQUES voit le nucléus très fréquemment entouré de grains de chlorophylle dans le parenchyme des jeunes feuilles et les cellules sous-épider- miques des feuilles adultes. A côté de ce mode général de développement que nous venons de décrire, nous avons cependant vu des grains se former d’une autre façon, mais exceptüionnellement. Nous voulons parler des sphérules dérivant du nucléus, et s’accroissant, soit à sa surface, soit à peu de distance de lui, dans les cellules sous-épidermiques de la feuille de Vanille adulte , dans les couches vertes du tubercule de la Pomme de terre, dans les cellules voisines des vaisseaux du Lis. Nous voulons parler aussi des sphères, bâtonnets, corps fusiformes, et autres formations incolores émanées directement du nucléus, se développant à sa surface ou autour de lui, se revêtant peu à peu de matière verte, comme on le voit sur les bulbes des Phajus et des Acanthophippium. Quant à la structure des grains de chlorophylle , nous croyons que, dans l’immense majorité des cas, ce sont des globules solides albumino -graisseux , résultant de la transformation de la chloro- phylle amorphe primitive; tandis que, pour les Phajus et les Acan- thophippium , nous serions porté à croire que ce sont de simples vésicules ayant la même composition chimique. Avant de terminer ce sujet, je dirai quelques mots des grains de chlorophylle singuliers que m'a présentés le Colocasia odora. Le tissu lacuneux des pétioles de ses admirables feuilles, ren- ferme des grains contenant des granules assez volumineux, tantôt mobiles , tantôt immobiles : dans le premier cas , ces pelits granules, qui sont blanchâtres, exécutent des mouvements d’oseil- lation et de trépidation très vifs , mais ne sortent jamais du cercle limité par la surface du grain. Si l’on fait agir la potasse caustique, les granules s'arrêtent et le grain tout entier subit un brusque mouvement de recul. Au bout d’une ou deux secondes de repos, un ébranlement général se produit, le grain se crève et laisse échapper un jet de granules qui se mettent à tourbillonner autour du grain pendant un temps très considérable. On croit assister à la rupture d’un grain de pollen sous l'influence de l’eau. SUR LA CHLOROPHYLLE. 207 CHAPITRE HI. DE L’'ÉTIOLEMENT. Nous appellerons éfiolement l’état produit sur une plante nor- male, qu'on soumet pendant un temps plus ou moins long à une respiration nocturne constante. On sait qu'un végétal, soustrait à l'influence de la lumière, prend une couleur plus ou moins pâle et -un rapide accroissement. M. Boussingault a remarqué depuis long- temps que la constitution chimique des tissus des plantes, sou- mises à l'obscurité , est très altérée, et que la plante, tout en gagnant en volume, perd en poids une grande partie de ses éléments essentiels. Voyons si, en ce qui touche la chlorophylle, l'examen microscopique des modifications qu’elle peut subir sous l'influence de l'obscurité pourra rendre compte des faits observés par M. Boussingault. Si on place un pied de Sempervivum tectorum dans l'obscurité , en recouvrant sa roselle de feuilles d’un vase à parois opaques, les feuilles commencent, au bout d’un temps plus ou moins long, à pàlir par la base, de sorte que, à un moment donné , la couleur verte s’atténue insensiblement de la pointe de la feuille, où elle est encore tres intense, à la base de cette même feuille où elle est com- plétement nulle, J'ai examiné des coupes faites à diverses hauteurs sur cette feuille , m'attachant à la constitution du grain de chlorophylle, et mesurant le diamètre de ceux dont l'examen m'avait été le plus facile. Une coupe passant par la partie très verte de la pointe de la feuille présente des grains ovoïdes contenant de sept à dix ponctuations, et dont le grand axe est de 0,66 environ (voyez pl. 9, fig. 43, a, b, c, d, é, successivement; f et g sont deux grains normaux). Un peu plus bas, là où la teinte verte est encore assez intense , le grand axe des grains ovoïdes est de 0,55 environ. Si on atteint la partie de la feuille où le vert semble un peu jau- nâtre, le grand axe des grains ovoides est de 0,50 ; le nombre des ponctuations est de quatre à cinq. De plus, j'ai remarqué souvent 208 A. GRIS, — RECHERCHES MICROSCOPIQUES que ces grains étaient doués d'un mouvement lent sur les parois de la cellule , et comme charriés par un courant qu’il ne m'a pas été possible de distinguer nettement. Une coupe faite dans cette région moyenne qui n’est plus verte , mais qui n’est pas encore tout à fait blanche, présente des grains ovoïdes dont le grand axe mesure de 0,40 à 0,33, et qui renfer- ment de deux à trois ponctuations. On voit en même temps apparaître sur les parois des cellules de très fines granulations vertes. Enfin, sur la partie inférieure et complétement blanche de la feuille, les parois des cellules sont, en général, tapissées de ces fines granulations dont nous venons de parler, qui sont mobiles et comme entrainées par des courants. On remarque parmi elles des granules d’un volume relativement un peu plus considérable , et qui sont peut-être tout ce qui reste de ces grains de chlorophylle de la feuille adulte d’un si beau vert et d’un volume si considé- rable (voy. pl. 7, fig. 4). Au milien de certaines cellules, on trouve parfois un nucléus très developpé vers lequel convergent des co- lonnes de grains de chlorophylle, munis de deux ponctuations situées aux extrémités du grand axe comme deux pôles , et dont ce grand axe mesure de 0,20 à 0,25 (pl. 7, fig. 2). C’est peut- être une nouvelle génération de grains de chlorophylle qui viennent remplacer ceux que nous venons de voir se détruire insensible- meñt, mais que l'absence de lumière va arrêter dans leur dévelop- pement. R De l'examen de ces faits, nous voyons, en résumé, que, dans une feuille de Sempervivum qui s’étiole , le diamètre des grains de chlorophylle diminue comme les nombres 6, 5, 4, 3 et probable- ment 2 ; que le nombre des granulations contenues au centre de chaque grain diminue aussi, mais dans une proportion plus consi- dérable, bien que parallèle. Remarquons en outre que l’accroisse- ment des grains de chlorophylle des feuilles, en voie de développe- ment, se fait suivant la série ascendante de ces mêmes nombres, le nombre des granulations augmentant de la même manière qu'il diminue par l’étiolement. Ce sont deux phénomèënes précisément inverses que l'accroissement de la chlorophylle dans l’état normal SUR LA CHLOROPHYLLE. 209 de la plante, et sa destruction dans l’état d’étiolement de cette même plante. | Les diverses modifications de la chlorophylle dans le Semper- vivum en voie d’étiolement viennent d’être étudiées avec soin et comme pas à pas. Nous serons moins explicites dans l’examen des plantes étiolées dont il nous reste à parler. Un Sempervivum Haworthu, un Sedum dendroideum ; un A loeobliqua furent placés à l’état normal sous un grand pot à fleurs vide et renversé, et main- tenus à la tiède chaleur de la serre des plantes grasses au Musénm. Les grains de chlorophylie, pris dans la feuille adulte et nor- male du Sempervivum Haworthi, sont elliptiques ou sphériques. Le grand axe des grains elliptiques peut atteindre une longueur de À centième de millimètre, et le diamètre des grains sphéri- ques 0,64. Ils renferment deux, trois, cinq noyaux, dont le dia- mètre est d'environ 0,32, et qui bleuissent sous l'influence succes- sive de l’éther à froid et de l’eau iodée (pl. 9, fig. 5, a, b, c). Je laissai la plante soumise à l'expérience quinze ou vingt jours dans l’obscurité, puis j'examinaides feuilles qui avaient conservé une certaine coloration verte. Le diamètre des plus gros grains ne sem- blait pas dépasser 0,50 : ils étaient finement ponctués, et déjà lamidon ne s’y pouvait plus reconnaître (pl. 9, fig. 6). J’en dessinai d’autres qui ne mesuraient plus que 0,45, 0,32 et enfin 0,25 (pl. 9, fig. 7, a, b, ec, d, e). Le nombre des grains diminuait dans les cellules avec le diamètre de ces grains. Quelque temps après, J'examinai une feuille complétement jaune. Certaines cellules ne contenaient plus que trois à cmq petits grains verts d’un dia- mètre égal à 0,16, et entremêlés de fines ponctuations ; dans d’autres cellules on ne trouvait plus que deux à trois grains, dont Ja coloration avait passé du vert au jaune; enfin, dans un grand nombre de cellules, on ne trouvait plus que des amas de granula- tons quelquefois tachées de jaune, le plus souvent incolores, et qui étaient, sans doute, les dernières traces des grains de chloro phylle. Ces petits granules m'ont semblé de nature albuminoïde, et résultent, sans doute, de la dissolution de la masse plastique du grain. En outre, de fines ponctuations tapissaient les parois des cellules (pl. 7, fig. 11). 4° série. Bot. T. VII. (Cahier n°4.) ? 4 PS] 9210 A. GRIS. —— RECHERCHES MICROSCOPIQUES Les grains de chlorophylle, pris dans la feuille adulte du Sedum dendroideum à l’état normal, sont à peu près sphériques ou oblongs. Ceux-ci peuvent atteindre À centième de millimètre en longueur, et les premiers 0,64 en diamètre. Ils renferment de volumineux noyaux amylacés, dont le nombre varie de un à quatre (pl. 9, fig. 8, a, b). Si on observe des feuilles étiolées, on re- marque que la décoloration commence par le sommet, qui peut être jaunâtre ou blanc, tandis que la base est encore verte. Dans le Sempervivum tlectorum , la décoloration avait commencé par la base. Si donc on observe la dégénérescence de la matière verte en s’élevant de la base au sommet, on voit le diamètre des grains aller en décroissant, en même temps que l’amidon disparait (pl. 9, fig. 8, c). | L'Aloe obliqua demeura plus de deux mois dans l'obscurité. Quand je découvris la plante pour l’examiner, la longueur et la pâleur de certaines feuilles la rendaient méconnaissable. Quatre feuilles de la base étaient complétement vides et desséchées. La feuille 5 était encore vivante, mais d’un vert lavé de brun , et pré- sentait déjà des indices d’une profonde altération. La feuille 6 était vigoureuse, charnue, d’un beau vert dans sa moitré supérieure, et blanche dans sa moitié inférieure. La partie verte qui existait , sans aucun doute, avant que la plante ne fût soumise à l'obscurité, avait été soulevée par l’accroissement de la base de la feuille. La feuille 7 était excessivement longue, colorée à sa pointe, et blanche dans la plus grande partie de sa longueur. Cette feuille, sauf la pointe verte, était, sans doute, renfermée dans le bourgeon. La feuille 8, étroite, très longue, presque complétement blanche, devait être entièrement recouverte par les feuilles plus extérieures. J’examinai attentive- ment la feuille 6 à cause de son bon état de conservation , et je lui comparai une feuille normale du même âge. Jai fait des coupes à peu de distance du sommet dans les deux feuilles ; tandis que dans la feuille normale les cellules, placées à la partie moyenne du parenchyme vert, contenaient des grains présentant trois, quatre, cinq noyaux cunélformes amylacés, les grains situés dans les cel- lules semblablement placées de la feuille étiolée étaient peu modi- fiés, quant à leur diamètre et à leur couleur, mais finement ponc- SUR LA CHLOROPHYLLE. 211 tués. Ces ponctuations devenaient presque noires dans la masse rouge du grain, quand on traitait celui-ci par le ehloro-iodure de zinc. Seraieut-elles done les dermiers vestiges des gros noyaux amylacés que contenaient ces grains à l’état normal ? La feuille 7 présentait, comme nous l'avons dit, une pointe assez verte, et dont la teinte allait en s’éteignant insensiblement de haut en bas. Dans la partie très verte on trouvait des grains qui _ avaient encore 0,55 de longueur, d'une couleur verte très vive et finement ponctués. Là où la teinte commençait à s’affaiblir, les grains contenant un petit nombre de ponctuations , mais encore verts, n'avaient plus que 0,32 en diamètre. Ces ponctuations de- viennent très foncées sous l’action du ehloro-iodure de zinc. Dans la partie presque incolore de cette même feuille, on trouvait des grains formés d'une petite sphère d’un vert pâle ou incolore , et contenant deux à trois noyaux très petits, amylacés, ou enfin un seul de ces noyaux. Les grains qui présentaient ces modifications suc- cessives dans la feuille 7 étaient presque toujours rangés sur un ou plusieurs rangs autour du nucléus. Les grains observés dans cette partie de la feuille où la teinte verte va en s’affaiblissant doi- vent, il me semble, être considérés comme de jeunes grains arrêtés dans leur développement, et non comme des grains d’abord adultes, puis successivement détruits. En effet, s’il est vrai que Jes grains naissants ressemblent, dans le Sempervivum, par exemple, aux grains mourants, nous avons vu, d'autre part, que ce n'était pas ainsi que les grains adultes se détruisaient dans la feuille 6, où ils diminuent très peu en volume et en couleur. La pointe de la feuille 8 était d’un vert jaunâtre pâle. On y voyait des cellules présentant des nucléus bordés d’une frange mince et verte, tantôt nuageuse, tantôt visiblement formée de très petits globules verts. L'examen de la feuille 5 et de la feuille 6 me fait croire que dans cette plante le phénomène d'étiolenient n’est pas com- plet. En effet, les parties anciennement formées ne blanchissent pas, et les tissus semblent s’altérer et se détruire avant que les grains de chlorophylle aient subi toutes les modifications que nous avons indiquées dans les exemples précédents. Jai eu l’occasion de constater les résultats produits par l’étiole- 219 A. GRIS. — RECHERCHES MICROSCOPIQUES ment sur une Érythrine et un Oæalis développés dans les caves des serres du Musémn. Les tiges de l’Érythrine avaient atteint plus d’un mètre de longueur , et, jaunâtres ou incolores , portaient des folioles violacées d’un centimètre de longueur. Les parois des lon- gues cellules sous-épidermiques de ces folioles étaient tapissées d'une gelée granuleuse jaunâtre (pl. 5, fig. 8). Certaines cel- lules du parenchyme contenaient un liquide violacé. Dans le pa- renchyme cortical de la tige (pl. 8, fig. 10), un grand nombre de cellules, complétement dépourvues de toute matière solide , ne semblaient contenir qu'un liquide très aqueux; dans d’autres cellules , on voyait autour du nucléus des amas de petites gra- nulations incolores. Le parenchyme cortical de la tige et le tissu des feuilles d'une Érythrine, à peu près de même àge et à l’état normal, présentaient, au contraire, des grains de chlorophylle bien développés. L'examen de la tige, des pétioles et des feuilles de l'Oxalis étiolé m'ont présente le même phénomène. Le pa- renchyme cortical des axes ne présentait que de rares et de fines ponctuations incolores disséminées çà et là et une à une dans les cellules. Les folioles des feuilles, dont la longueur était de 6 milli- mètres et la couleur jaune, présentaient dans toutes leurs cellules un nucléus d’un aspect huileux., d’où s’épanchait une gelée jaune lisse qui s’étendait le long des parois de la cellule. Des grains de chlorophylle bien développés existent dans les mêmes parties de la plante normale et de même âge. Dans les feuilles de l'Éry- thrine et de l'Oxalis , l’étiolement a produit, comme on vient de le voir, un arrêt de développement, et non une destruction de la matière verte. L'arrêt de développement a porté sur la forme de la ehlorophylle et sur sa couleur. J'ai fait gérmer une graine de Haricot dans l’obseurité. Quélques jours après l'avoir semée, j'examinai l’une des feuilles de la pre- mière paire située au-dessus des cotylédons : elle était d’un jaune pâle. Les cellules longues, situées sous l'épidermé supérieur, con- tenaient une gelée granuleuse jaune interceptant sur les parois de la cellule des espaces circulaires ou irréguliers incolores. Sur un pied de Haricot germé à l’air libre, j'examinai ces mêmes cellules longitudinales dans une feuille de même situation , mais peut-être SUR LA CHLOROPHYLLE. 213 un peu moins développée. Ces cellules étaient plus volumineuses , et contenaient une matière granuleuse d’un vert très vif dessinant de même un réseau sur les parois de la cellule. Une feuille de ce même pied, un peu plus développée, présentait dans ces mêmes cel- lules des grains de chlorophylle d’un vert vif, et contenant de nom- breux granules amylacés. On voit done que dans cette plante qui a germé dans l'obscurité, qui n’a jamais pratiqué que la respiration nocturne, l'arrêt de développement à porté, comme dans le cas précédent, sur la coloration de la chlorophylle informe, et a re- tardé la transformation de cette chlorophylle informe en chloro- phylle globulaire. Une jeune foliole étiolée de Vicia Faba présentait dans ses cel- lules un réseau d’une gelée jaune légèrement granuleuse. Jai exposé la plante à la lumière. Au bout de seize heures de cette exposition la gelée jaune avait pris une teinte verte très intense, et dans certaines cellules semblait plus granuleuse. En résumé , si nous laissons de côté notre observation sur l’Aloe obliqua , nous dirons que l’étiolement produit un arrêt de développement de la chlorophylle dans les organes en voie de développement, et une destruction de cette chlorophylle dans les organes bien développés. L'arrêt de développement porte à la fois sur.la manière d’être et sur la couleur de la masse plastique qui doit constituer le grain. La destruction porte sur la masse albu- _minoïde du grain qui diminue insensiblement en diamètre à me- sure que la feuille blanchit, sur l’amidon qu'il peut contenir, enfin sur la matière colorante proprement dite. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE D. Fig. 1, 2, 3. Cellules appartenant à de jeunes feuilles de Sempervivum tectorum. Dans la figure 4 on voit un nucléus volumineux, d’où partent des courants muqueux et granuleux. À la surface de ce nucléus s'accumulent de petites gouttelettes vertes, résultant de la confluence de fines granulations vertes apportées par les courants. Dans la figure 2, on voit les nucléus recouverts d'une gelée verte granuleuse. Dans la figure 3, le nucléus est entouré et même partiellement recouvert de jeunes grains de chlorophylle. DA ET A. GRIS. — RECHERCHES MICROSCOPIQUES Fig. 4. b,c, d, grains de chlorophylle pris dans le bulbe vert du Phajus gran- diflorus , et observés directement sans l'intermédiaire de l’eau ; e, e, grains de Chlorophylle pris dans la partie très colorée du bulbe d'un Acanthophippium. Fig. 5. Portion d une cellule appartenant à une feuille de Sempervivum tectorum, d'abord complétement étiolée, puis commençant à reverdir sous l'influence de la lumière. Le nucléus est enveloppé et partiellement recouvert d’une matière muqueuse granuleuse , laquelle est enduite çà et là de matière verte, et pré- sente quelques jeunes grains de chlorophylle. Fig. 6. Cellules d'une jeune feuille de Vanilla planifolia, avec leurs nucléus recouverts de matière verte granuleuse. Fig. 7. Portion d'une cellule appartenant au bulbe vertd’un Phajus. Des corpus- cules de chlorophylle adhèrent par une de leurs extrémités ou par leur partie moyenne à la surface du nucléus. Fig. 8. Cellules sous-épidermiques des folioles d'uné Érythrine étiolée. Éd parois sont tapissées d'une gelée granuleuse jaunûâtre. Fig. 9. Cellules prises dans le tissu des écailles protectrices d'un jeune bour- geon de Syringa vulgaris. On voit la gelée verte formant comme une auréole autour du nucléus. Fig. 410. Portion d'une cellule sous-épidermique prise dans la partie peu colorée du bulbe d'un Acanthophippium. Des corps allongés , légèrement teintés de vert, finement granuleux , sont disposés autour du nucléus. Fig. 11. Cellules prises dans le tissu des écailles protectrices de jeunes bour- geons de Ribes. Les nucléus sont recouverts ou entourés de gelée verte, et souvent de grains nouvellement formés. Fig. 12. Un nucléus observé dans les cellules d'une jeune tige de Solanum tube- rosum. Il est recouvert à la fois de gelée verte , de petits corpuscules d’ami- don , et de grains de chlorophylle contenant des noyaux amylacés. Fig 13 et 14. Cellules appartenant au premier rang des cellules sous-épider- miques d'une jeune famille de Vanilla planifolia. | Fig. 15. Cellule prise au troisième rang des cellules sous-épidermiques d’une très jeune feuille de Vunilla planifolia. Les bords du nucléus laissent échapper une sorte de gelée qui s'enduit partiellement d’un revêtement vert intense. PLANCHE 6. Fig. 1,2, 3, &. Lilium album. Fig. 1. Cellule parenchymateuse d’une jeune feuille d'un vert jaunâtre. Ses pa- rois sont parcourues par un réseau de courants émanés du nucléus qui ohar- rient de très petites granulations ou gouttelettes vertes. Fig. 2. Une cellule parenchymateuse d’une jeune feuille d'un vert un peu plus intense. Les bords de la section transversale de la cellule sont limités par une zone uniforme verte, SUR LA CHLOROPHYLLE. 945 Fig. 3. Cellule prise dans une coupe parallèle à la surface de la même feuille Elle est remplie d'une matière granuleuse verte. Fig. 4. Cellule appartenant à une feuille bien verte. Des grains hémisphériques sont appliqués par la partie plane de leur surface sur les bords de la section transversale de la cellule. Fig. 5, 6, 7, 8. Aucuba japonica. Fig. 5. Cellules appartenant au tissu d’une jeune feuille : a, le nucléus est entiè- rement couvert de gelée verte; b, cette gelée verte s’épanche sur les parois de la cellule. - Fig. 6 et 7. Cellules parenchymateuses d'une feuille un peu plus développée ; la gelée verte se mamelonne sur le nucléus. Fig. 8. Les mamelons, formés par des noyaux d'amidon Se . de gelée verte, s'isolent peu à peu. Fig. 9. Portion d’une cellule voisine des vaisseaux dans une feuille verte de Lilium album. Le nucléus est couvert ou entouré de petites sphères incolores conte- nant À, 2, 3 granules verts amylacés. Fig. 40, 44, 12, 43, 15, 17, 18. Solanum luberosum. Fig. 10. Cellule appartenant au tissu d’une jeune feuille. On voit le nucléus en- touré d’un cercle de fines granulations vaguement colorées en vert. Fig. 41. Cellule d'une feuille un peu plus avancée dans son développement, entiè- rement remplie d'une matière granuleuse très verte. Fig. 42. Jeune cellule présentant un réseau granuleux vert. Fig. 13. Portion d'une des cellules sous-épidermiques d’une feuille beaucoup plus développée. La paroi est tapissée de grains de chlorophylle aplatis , isolés, _polyédriqnes et vaguement ponctués. Fig. 15. Un nucléus appartenant à une cellule de la tige. Il est entouré et recou- vert de sphères , dont les unes sont incolores, et les autres partiellement ou entièrement enduites de matière verte granuleuse. Fig. 17. Sphères partiellement colorées, observées dans les cellules sous-jacentes à la couche subéreuse dans les tubercules de Pomme de terre qui ont verdi sous l’intluence de la lumière. Fig. 48: Grains de chlorophylle appartenant aux cellules d'une feuille adulte. Fig. 14. Une cellule sous-épidermique du bulbe vert du Phajus Wallichi. Des sphères partiellement enduites de matière verte entourent le nucléus. Fig. 16. Cellule parenchymateuse d'une jeune feuille de Magnolia grandiflora. La gelée verte s'éloigne du nucléus en deux prolongements qui vont s'appuyer sur les parois de la cellule. PLANCHE 7. Fig. 4 et 2. Cellules prises dans la partie complétement blanche d'une feuille de Sempervivum tectorum étiolée dans l'obscurité. Fig. 3 et 4. Nucléus pris dans les cellules sous-épidermiques d'une feuille adulte 216 M. GRIS. — RECHERCHES MICROSCOPIQUES de Vanilla planifolia. De petites sphères , d'apparence incolore et à noyau vert, font corps avec la substance même du nucléus ou en sont D déga- gées. Fig. 5. Cellule parenchymateuse de l’écaille protectrice d’un jeune bourgeon de Tilleul. La matière verte se développe autour du nucléus. Fig. 6. Cellule parenchymateuse d'une feuille adulte d’Aloe, pour mo ntrer les rapports des grains de chlorophylle avec le nucléus. ; Fig. 7. Cellules parenchymateuses de l’écaille protectrice d’un jeune bourgeon de Marronnier d'Inde : on voit une gelée verte (a) ou des grains de chloro- phylle (b) enveloppant le nucléus. Fig. 8. Cellule appartenant au tissu d'une feuille adulte étiolée de Sempervivum teclorum. | Fig. 9. Portion d'une cellule prise dans une feuille adulte de Sempervivum tec- torum, d'abord étiolée, puis reverdie sous l'influence de la lumière. On voit des grains de chlorophylle nouvellement formés entourant pour la plupart le nu- cléus , et plongés dans une gelée granuleuse incolore dessinant un réseau sur les parois de la cellule. Fig. 10. Cellule parenchymateuse d'une feuille de Myriophyllum , pour mbbitiE la disposition des grains de chlorophylle autour du nucléus. Fig. 44. Portion d'une cellule parenchymateuse d'une feuille de Sempervivum Haworthii étiolé. Elle ne renferme plus que des amas de granulations inco- lores. Fig. 12. Cellules d’une jeune feuille d'£ria velutina, pour montrer les rapports des grains de chlorophylle avec le nucléus, Fig. 13. Nucléus pris dans les cellules sous-épidermiques d’une feuille adulte de Vanilla planifolia. Des grains de chlorophylle à divers états de développement adhèrent à la surface de ce nucléus. Fig. 14. Une cellule appartenant à une jeune feuille complétement blanche de Lilium album, Le nucléus remplit presque la capacité de la cellule. PLANCHE à. Fig. 1, 2, 5, 6, 8. Phajus Tankervillæ Fig. 1. Cellule épidermique prise à la partie supérieure ou jeune du bulbe. On voit de vagues filets muqueux émanés du nucléus, et présentant à leur extré- milé libre un petit noyau bleuâtre. Fig. 2. Une cellule de l’épiderme prise à la même hauteur. Le nucléus présente de petits noyaux bleuûtres. Fig. 5. Cellule prise à la partie moyenne. plus âgée, du bulbe. Les filets mu- queux sont déjà mieux limités. Fig. 6. Un nucléus entouré de nucléoles dans une partie blanche du bulbe. Fig. 8. Des sphères incolores ont enveloppé les nucléoles. SUR LA CHLOROPHYLLE, 217 Fig. 3. Le nucléus d'une cellule épidermique du bulbe d’un Acanthophippium, entouré de ses bâtonnets. Fig. 4. Cellule épidermique du bulbe du Phajus Wallichii. Des bâtonnets sont appliqués par une de leurs extrémités, ou par leur partie moyenne à la surface du nucléus. Fig. 7. Coupe verticale d’une très jeune feuille de Vanilla planifolia. Chaque cel- lule sous-épidermique du premier et du deuxième rang contient un gros nu- cléus ressemblant à une goutte demi-fluide incolore ou légèrement bleuâtre. Fig. 9. Cellules prises sous l’épiderme de la tige rampante du Calla palustris. -Fig. 10. Coupe faite dans le parenchyme cortical de la tige d’une Érythrine étiolée, développée dans l'obscurité. Les cellules incolores sont, ou entiè- rement dépourvues de matières solides, ou présentent quelques fines granu- lations. Fig. 11. Cellule appartenant au tissu vert du bulbe du Phajus Wallichü, pour montrer les rapports des grains de chlorophylle avec le nucléus. Fig. 12. Jeune tissu dans le pétiole des feuilles du Æichornia specicsa. PLANCHE 9. Fig. 4, 2, 3. Grains de chlorophylle pris dans les régions centrales du bulbe d'un Acanthophippium. Fig. 41. On voit en a, b, c, d, e comment le noyau amvylacé se développe et finit par faire hernie au dehors. ‘ Fig. 2 et 3. Le grain de chlorophylle ressemble à un is de Chêne dont la cupule serait représentée par une enveloppe albumino-graisseuse fortement granuleuse et verte, et le fruit par un volumineux noyau d'amidon. Fig. 4. Grain de chlorophylle appartenant au tissu d’une feuille de Begonia. Fig. 5. a, b, c, grains de chlorophylle pris dans la feuille adulte et normale du Sempervioum Haworthii. Fig. 6 et 7. Grains de chlorophylle pris dans la feuille étiolée du Sempervivum Haworthii, Fig. 8. a, b, grains de chlorophylle appartenant au tissu d’une feuille adulte et normale de Sedum dendroideum; c, grains de chlorophylle altérés par l'étio- lement. Fig. 9. Portion d’une cellule appartenant au tissu d’une feuille de Sempervivum tectorum, d’abord étiolée dans l'obscurité , puis reverdissant sous l'influence de la lumière. Les grains de chlorophylle se pressent autour du nucléus. Fig. 40, 44 et 12. Vanilla planifolia. Fig. 10. Une cellule prise dans les couches profondes du parenchyme d'une très jeune feuille. Des grains de chlorophylle verts sont disposés autour du nucléus, tandis que, dans les cellules sous-épidermiques, l’évolution de la matière verte est arrêtée dans son développement (voyez fig. 7, pl. 8, et fig. 45, pl. 5). 918 A. GRIS. — RECHERCHES MICROSCOPIQUES Fig. 11. Cellule parenchymateuse appartenant au tissu d'une feuille un peu plus développée que celle qui a servi à faire la figure 10. Fig. 12. Cellule appartenant au premier rang des cellules sous -épidermiques de la feuille qui a servi à faire la figure 14. Le nucléus est entouré de grains de chlorophylle, dont le diamètre et le nombre sont peu considérables relative- ment au diamètre et au nombre de ces grains dans les cellules parenchyma- teuses de la même feuille. Fig. 13. Grains de chlorophvlle appartenant au tissu des feuilles de Sempervivum teclorum ; f et g sont deux grains normaux; a, b,c, d, e sont des grains de chlorophylle à divers états d'altération produits par l'étiolement. Fig. 14. On voit dans cette cellule sous-épidermique d’une feuille de Pleurothallis = les rapports de position des grains de chlorophylle avec le nucléus. Fig. 15. Cellule prise dans le parenchyme d'une jeune feuille verte de Lilium album. Les grains sont parfaitement sphériques (voyez pour le développe- ment successif de ces grains, pl. 6, fig. 4, 2, 3, 4). Fig. 46. Portion d’une cellule sous - épidermique d'une jeune feuille de Solanum tuberosum. Elle contient des grains sphériques granulés (voyez, pour le déve- loppement successif de ces grains, pl. 2, fig. 40, 44, 12, 13,48). Fig. 17. Cellule d’une jeune feuille d’Aucuba japonica. Les grains, devenus libres, sont disposés en cercle autour du nucléus (voyez, pour le développement suc- cessif de ces grains, pl. 6, fig. 5, 6, 7, 8). Fig. 48, 19, 20. Développement de la chlorophylle dans le parenchyme des jeunes feuilles d'Hydrangea Hortensia. Fig. 24, 22, 23, 24, 25. Développement sicbpatif des grains de chlorophylle dans té ÉAACRENT tectorum (voyez aussi pl. 5, fig. 4, 2, 3). PLANCHE ‘A0. Fig. 4, 2, 3, 45. Cellules prises dans le parenchyme d’une feuille chlorosée de Digilalis micrantha. Fig. 4. Coupe transversale d'une cellule pour montrer la gelée jaunâtre qui _ tapisse ses parois. | Fig. 2. Une cellule présentant un nuage de granulations à peine colorées entou- rant le nucléus. Fig. 3. Une cellule présentant une masse gélatineuse ponctuée d'un vert très pâle, et l'ébauche de quelques grains. Fig. 15, Cellule appartenant au tissu de la partie reverdie de la même feuille sous l'influence du sulfate de fer. On voit des grains polyédriques, plats, fine- ment ponctués , résultant de la segmentation de la gelée verte dont les parois de la cellule se sont revêtues. Fig. 4, 5, 6, 9. Wistaria sinensis. Fig. 4 et 5. Cellules prises dans le tissu des folioles jaunes d’une feuille chlo- SUR LE CHLOROPHYLLE. 219 rosée. Une gelée jaune s'épanche à peine du nucléus sur les parois des cel- lules. Fig. 6. Cellules appartenant au tissu des folioles reverdies sous l'influence des sels de fer. Le nucléus est entouré comme d'un corselet d'une gelée granu- leuse d’un vert intense (a), ou bien cette gelée granuleuse s'étend tout le long des parois de la cellule en dessinant des aréoles plus ou moins régulières (b). Fig. 9. Coupe transversale de la cellule (b) de la figure 6. Fig. 8. Feuille de Digitalis micrantha mouillée sur sa moitié droite avec une dis- solution de sulfate de fer. Cette partie a reverdi; l’autre est demeurée dans son état primitif. Fig. 10 et 14. Cellules appartenant au tissu d'une feuille chlorosée de Smilax maurilanica. Le reverdissement commence à s’opérer sous l'influence du fer. Fig. 11, 43. Hydrangea Hortensia. Fig. 14. Cellule appartenant au tissu d'une feuille reverdie sous l'influence du fer, et présentant à la fois des grains sphériques et des segments polyédriques. Fig. 13. Cellules prises dans le tissu d'une feuille chlorosée. Fig. 42, 16, 47, 18. Petunia violacea. Fig. 47. Cellule prise dans le tissu de la partie chlorosée d'une feuille. Un nuage de granulations incolores enveloppe le nucléus. Fig. 16. Sous l'influence des sels de fer, on voit une cellule qui s’est remplie d'une matière granuleuse verte. Fig. 12. L'évolution de la chlorophylle se continue. Le nucléus est entouré de segments polyédriques verts finement granuleux. Fig. 18. Les grains de chlorophylle ont pris la forme globulaire, et contiennent des noyaux bien limités. NOTICE . SUR LA GUITA-PERCHA DE SURINAM, Par M. le professeur BLEEKROD, De l’Académie de Delft. Quoique la Gutta-Percha soit connue en Europe depuis une douzaine d’années , et que son emploi dans l’industrie l’ait en quelque sorte rendue populaire, la science n’a pas encore dit son dernier mot ni sur les usages auxquels elle peut être appliquée, ni sur les sources qui peuvent la fournir au commerce. On a lieu d’être surpris qu'une substance qui doit être homo- gène et toujours semblable à elle-même, comme le sucre ou la fécule, soit cotée sur les marchés à des prix qui varient de plus de 90 pour 100. On en a la preuve par ce qui s’est passé au mois de mai 1857, à la Bourse d'Amsterdam, où la masse vendue a été classée dans les qualités suivantes : À, 2,365 kilogr. estimés de 3 fr. 24 c. à 3 fr. 32 c. AA,31,330 ;. » » AV. 60 2-20 B,75,000 » » A 64 1.70% BB, 47,500 » » A 56 4 84 C, 46,350 » » 4 56 2 04 CC, 26,800 » » 4 04 2 08 [D, 5,630 » » 0. ., 72 0 0 Ces 234,975 kilogrammes de Gutta-Percha provenaient des possessions néerlandaises de l’Inde orientale, qui a été jusqu'ici la seule contrée productrice de cette matière. Mais tout récemment, : j'ai donné la preuve que la Guyane, au moins la Guyane hollan- daise, pouvait envoyer à l’Europe son contingent de Gutta-Percha, ce qui est un fait du plus haut intérêt, si l’on considère que l’em- ploi industriel de ce produit augmente sans cesse, et qu’on a déjà exprimé des craintes sur le rendement futur des pays exploi- NOTICE SUR LA GUTTA-PERCHA DE SURINAM. 291 tés. Ces craintes se fondent en partie sur l’accroissement graduel des prix moyens auxquels la Gutta-Percha a été successivement cotée ; néanmoins l'importation n’a fait que s’accroïître, comme en fait foi le relevé suivant : De 4851 à 1855 inclusivement, on a exporté de Java, par navires hollandais et pour la Hollande, des quantités de Gutta- Percha estimées : En 1851, à 6850 florins { 13768 fr. 50 c.). 4852, à 2520 ( 5065 20: 1833, à 27000 ( 54270 :» ). 1854, à 38132 ( 76645 32% ). 1855, à 166920 (168589 20. ©}; Mais ces chiffres ne s'appliquent qu’à l’île de Java ; de vastes pays dans l’Inde continentale et la Malaisie msulaire expédient aussi de la Gutta-Percha en Europe. On jugera de la quantité ré- coltée par les chiffres d'importation à Java, qui devient par là un entrepôt commercial. Ainsi la masse de Gutta-Percha entreposée dans cette ville, et provenant de tout l'archipel malais, s’est élevée : picols. kil. En 1854, à 221,27 ou 13612,53 1852, à 248,80 ou 413306,18 1853, à 122,59 ou 7541,74 1854, à 1033,81 ou 63600,00 1855, à 5114,20 ou 314441 ,43 Les exportations de Java, exprimées en picols, ont été : En 28 5 7% ist. | 1852. 1855. 1854. 1855. Pour la Hollande. . . . , 15 47,0 3,5 | 287,68 | 3799,92 Pour l'Amérique. . , . . 29 » k 29 135 Pour la France. 905, , | » 4 4 46 712 Pour Sincapour . , , , . 29 76,9 | 58,7 | 102,55 | 708,92 Pour l'Angleterre , . . . » » » 23 3 Map Brème. 1... .. ., » » » » 160 : Pour Macao et la Chine, . » » » » A1 Totaux. . . 73 127,9 | 70,2 | 488,23 | 5529,84 229 | BLEEKROD. On peut remarquer que les accroissements etles ralentissements de l’exportation ne suivent pas loujours ceux de l'importation; cela tient aux vicissitudes commerciales, aux circonstances plus ou moins favorables pour l'expédition, et aux prix variables du: fret. Les lieux de provenance de la Gutta-Percha, entreposée à Java pour être de là exportée en Europe, ont été : En, 60.18 1851. | 1852. | 1853. 1854. 1855. La côte ouest de Sumatra, | qui a fourni, en ion. 224,27 | 242,901 79,49 | 258,47 | 961,16 Bornée . 5 à » » 43 314,23 | 255,51 Palembants"s" 5, » » 0,4 461,11 11282,38 FAO UEC, TEAM DU » » » » 310,15 | Totaux. ...| 224,27 | 242,90 | 422,59 | 1033,84 2809,20 | On voit, par ce tableau , que l'exportation de la Gutta-Percha a pris chaque année plus de développement dans les possessions néerlandaises; c’est le contraire qui a eu lieu à Sincapour, pos- session anglaise, où la masse du produit exporté a diminué gra- duellement par suite de l'exploitation inconsidérée de l’Zsonan- dra; on en jugera à la statistique suivante : On a expédié de Sincapour en Picols , 8 En. PA : 1854. 1855. 1 856. (les six Met mois Pour l'Angleterre . . .. .| 27428 13879 7925 3554 Pour à France. ". ...". » L48 24 » Pour Hambourg . » 59 » » Le reste du continent eu- phon LU CR JROSTR 1381 » » » L'Amérique septentrionale. » 841 596 33 Motaux : | .* 28809 15297 8545 3587 Ainsi il est évident que les sources qui ont fourni la Gutta-Per cha à l’entrepôt de Sincapour se sont rapidement appauvries, alors | | | | | | | NOTICE SUR LA GUITA=PERCHA DE SURINAM. 293 que, dans les colonies néerlandaises , l'exportation était en voie d’accroissement, ce qui tient, à n’en pas douter, au mode d’exploi- tation. Les observations ont effectivement démontré qu’en abattant un Zsonandra (le Njeto ou Vielo des Malais) de 1°,50 de circon- férence et de 12 mètres de hauteur, on récolte 2 $ catties (1645,3) de Gutta-Percha ; tandis qu'un arbre de 0®,9 de circon- férence seulement, sur 9°,6 de hauteur, qui, au lieu d’être abattu, est simplement saigné, donne à chaque saignée, pendant la saison A des pluies, 4 à cattie (79,2), et pendant la saison sèche, 2 $ catties (1385,3), résultat qui fait toucher du doigt l’impru- dence qu’on à commise en laissant abattre les arbres. De ces don- nées, on peut conclure aussi combien d'arbres ont du être détruits pour fournir aux exportations. Le seul district de Soengei-Sambeb, à Bornéo, a livré au commerce 200 picols, ou 12 300 kilogrammes de Gutta-Percha. À Java, la récolte de la Gutta-Percha est apportée dans les comp- toirs par les naturels, quil’extraient d'arbres sauvages très âgés. Le gouvernement hollandais prévoyant toute l'importance que ce pro- duit allait acquérir, et craignantque bientôt les sources n’en fussent épuisées, prit des mesures pour multiplier l'Zsonandra dans ses possessions de la Guyane. Cet arbre était alors le seul connu qui donnât de la Gutta-Percha ; mais on en découvrit bientôt un autre de même famille, à la Guyane même, dont la séve concrétée est identique avec celle de l’Zsonandra, et a été acceptée avec le même empressement par l’industrie, qui n’y a vu aucune différence avec cette dernière. L'arbre d’où on l'extrait est une espèce nouvelle de Sapotillier, à laquelle M.. Blume a donné le nom de. Sapota Mulleri. 1 n’est nullement improbable que d’autres arbres du même groupe puissent être exploités au même point de vue. Les Anglais ont fait, dans ces dernières années, beaucoup de recherches sur les produits naturels de la Guyane et des Antilles ; mais dans les rapports qu'ils ont publiés à ce sujet, il n’est pas fait mention de la Gutta-Percha, bien qu'on y signale plusieurs arbres à suc Jaiteux. Lors de l'Exposition universelle de Paris, j'ai eu occasion d'examiner les riches collections de produits transatlan- tiques, mais jy ai vainement cherché cette substance. Tout ce 29h BLEEKROD. que j'ai pu découvrir, c’est qu'un passage du rapport concernant les produits de la Jamaïque y fait vaguement allusion ; il est ainsi conçu : « The Achras Sapota, of which the fruit is called Neesberry, » yields abundantly a milky substance like Gutta-Percha; the fruit » is delicious, superior in flavour to medlars ; the seeds are said to » be a valuable diuretie in cases of strangury and the bark has » been employed as a substitute for Cinchona. » De ce passage, il n’y avait rien à conclure en faveur de l'existence à la Jamaïque du produit en question. En octobre 1856, on m’a envoyé de Surinam le sue d’un arbre nommé dans cette colonie Bolletrie (le Bullet tree des Anglais), dont le bois excellent et très recherché pour la menuiserie est connu sous le nom de Paardenvleesch (chair de cheval), à cause de sa couleur. Ce suc à un aspect laiteux, et remplace chez les peuplades indigènes de la Guyane le lait de vache ; elles le boivent délayé avec de l’eau, Le suc qu'on m'avait fait parvenir avait le même aspect ; mais, quoiqu'il füt contenu dans des flacons her- métiquement fermés et scellés, il s'était altéré pendant le voyage, et répandait une odeur de lait aigri. Au surplus , eet échantillon n'aurait pas suffi pour me renseigner, attendu qu'il existe à la Guyane deux arbres à la vache : l’un, le Hya-Hya (Taberncæ- montana utilis), dont le suc contient du Caoutchouc; l’autre, nommé Ducali par les indigènes qui en tirent également un lait " potable, et dont le nom botanique m'est inconnu. Dans son ouvrage descripüf de la Guyane, publié en 1770; et devenu classique aujourd’hui, J.-T. Hartsinck, jadis gouverneur de cette colonie, ne fait aucune mention du sue laiteux du Bolle- trie. Cependant il décrit cet arbre sous le nom de Boerewy, qui'est dérivé de la langue Arrouak. C’est en effet le Boerowé des indi- vènes, dont les Anglais ont fait Bouroeh, mot qui est pour eux synonyme de Bullet tree. Sir Robert Schomburgk, qui, comme chacun le sait, a parcouru dans ces dernières années toute la Guyane anglaise pour en explo- rer les productions, n’est guère plus explicite au sujet de l'arbre qui nous occupe. Il le décrit, dans son British Guiana, comme un des plus grands arbres du pays, le tronc pouvant acquérir jusqu’à | | | | | NOTICE SUR LA GUTTA-PERCHA DE SURINAM. 295 2 mètres de diamètre. I ajoute : « The leaves, branches and trunk » produce a waitish milk. The fruit 1s of the size of a coffee berry, » very delicious and refreshing, the Sapotilla. » Robert Schomburgk le rapporte au genre Mimusops. Sir William Hooker, reproduisant l'artiele de ce voyageur dans son Rapport sur l'exposition univer- selle de 1855, dit, par erreur, que le Bullet tree exsude un suc laiteux de son écorce ; 1} ajoute toutefois que la Guyane produit un autre arbre à lait nommé Ducuria , et ressemblant par ses carac- tères botaniques au Bolletrie, Dans la Revue coloniale (juillet et août 1855), il est question d’un Figuier, ou d'un arbre supposé appartenir à ce genre qui serait commun à la Guyane française, et dont le suc participe aux caractères du Caoutchouc et de la Gutta-Percha. Dès que les analyses chimiques et les essais industriels m’eurent démontré l'existence d’une vraie Gutta-Percha dans la séve du Bolletrie , je pris des mesures pour me procurer Îles matériaux d’une description botanique exacte de l'arbre. Je les dois à la com. plaisance de M. le docteur J.-A. Müller, résidant à Paramaribo, qui me les fit parvenir à l’aide de M. le gouverneur Rammelman. Quant à la description, elle a été faite par mon ami M. le profes- seur Blume , qui a démontré les grandes différences qui existent entre notre plante et le Lucuma mammosa, avec lequel on était tenté de la confondre, à cause de la ressemblance du feuillage, SAPOTA MuLLErI BI. S. foliis ellipticis v. oblongo-lanceolatis utrinque acutis v. apice obtusiuseulis coriaceis transverse venulosis supra glabris subtus : et in apice ramulorum pube fere inconspicua appressa obsitis ; pedunculis axillaribus paueis umifloris fructiferis petiolos ad æquantibus, calycis segmentis senis biserialis ovatis aculis ; fructibus globoso-ovoideis abortu monospermis. Lucuma mammosa (haud Gærtner fil. neque auctt.) W. H. de Vriese Handel in Getah-Pertsja, bi. 29, VI, exclus. omnib. synon. præler nomen vulgare Bolletrie in Surinamia. DEscr. Arbor procera, auctore divo Splitgerber in sylvis sæpe ad alti- 4° série. Bor. T. VII. (Cahier n° 4.) * 415 926 BLEEKROD. tudinem centum pedum succrescens, ligno ad opus fabrile idoneo, inci- sionee cortice copiam lactis glutinosi stillans. Ramuli crassi, cylindracei, e griseo fusci, glabri, inferne cicatricibus foliorum delapsorum salis mag- is approximatis plano-depressis trigonis ac lenticellis subrotundis pallide cl omeis notati, superne foliosi, ad apicem sicut et petioli foliorum pagina inferior, præsertim juvenilhum, et stipulæ pube parca subtilissima pressa sericea conspersi. F'oha spiraliter approximata, patentissima, re- eurva, absque petiolo 5-10 poll. longa, 2 <-4 poll. lata, plerumque elliptica v. interdum oblongo-lanceolata, utrmque acuta v. ad apicem obtusiuscula et plus minus carinulata, coriacea, venis plurimis transversalibus, parallelis utrinque nonnisi parum conspicuis Strliformibus, nervo medio supar cana- liculato subtus crasso et rotundato-extuberante, discolora, utpote in facie superiore intense viridia, glaberrima et niida, in dorsali griseo-virescentia absque nitore. Petioli 4-1 + poll. longi, teretes, ecanaliculati, ad basin paulo crassiorem subirigoni. SAPOTÆ etsi existimantur exstipulaceæ, hac in re tamen sunt exceptiones, siquidem hæc arbor juxta basin petiolorum sti- pulas gerit circiter 2 lin. longas, laterales sessiles subulatas erectas satis crassas, sed cito deciduas et eam ob rem facile latentes. Pedunculi fruc- tiferi in axillis solitarii, rarius gemini, nutantes, subclavati, petiolos ad- æquantes. Bacca pollicaris v. paulo major , globoso-ovoidea , stylo subu- lato terminata, epidermide punetis lenticellatis raris exasperata, glabra, olivacea, ad basin calyce vegeto-persistente suffulta, foliis senis biseriali- bus appressis triangulari-ovatis, acutis constante, interioribus tenuioribus et apice cito abscissis loculorum complurium (nisi fallor quinque) abortu monosperma. Caro crassa, carnosa, in loculamento seminis membrana lævigata obvestita. Semen nucamentaceum, elongato-obovoideum, rectum, in extremitate superiore rotundatum, basi obtuse attenuatum, lenticulari- convexum, atro-brunneum, lævigatum, nitidum, ventre paulo planius et paulo supra basin ad medium usque hilo umbilicali oblongo depresso albicante notatum. esta dura, fragilis, intus cum membrana seminis tenui vasculosa pallide rufescente cohærens. Mucleus semini conformis, ad basin modo acutior, testam exacte replens, lævis, albuminosus. Albu- ‘men amygdalaceum, margine tenerrimum, ad latera et basin versus cras- sius. ÆEmbryo centrale, erectum, fere albuminis longitudine, lacteum. Cotyledones foliaceæ, ovales, accumbentes, nonnihil inæquales neque omnino planæ, sed tenuiter incurvæ, quod e sectione transversali apparet, _obsolete nervosæ, radicula duplo longiores, Radicula teres obtusiuscula, recta, infera. NOTICE SUR LA GUTTA= | 19 © = Obs. — Les plantes qui constituent ce genre se distinguent, à première vue, des autres Urérées, par leur fruit brusquement aminci en bord tranchant, pré- sentant sur chaque face une petite fossette garnie de tubercules, et ordinairement très penché ou même réfléchi sur un pédicelle doublement articulé (voyezp. 22). En l'absence des organes de la fructification, elles peuvent être recconaues à leurs stipules axillaires profondément bifides et à laciniures linéaires, ainsi quà la forme allongée de leurs cystolithes. Les Fleurya cordata, æsluans et spicata ! DE LA FAMILLE DES URTICÉES. 399 peuvent être comptées au nombre des espèces les plus largement répandues de la famille. IV. —- LAPORTEA. Unucxæ spec. Auct. — Laporrea Gaudich., Bot. Voy. Uran., 498. — Unrrica c. Laportea Endlich., Gen. pl., p. 283. — Unrica c. Laportea et Discocarpus Liebmann, in k. danske Vidensk. Selsk. Skr., (4854), 294. — Denprocxine Miq., Plant. Junghuhn., 29. — Larorrea et Urerzx spec., Wedd., in Ann, sc. nat , sér. k, [, 184. — Scixpsion Rafinesque, mscr., in schedul. pl. exsice. FLores diclini, dioici v. monoici, glomerulati, glomerulis in inflores- centias paniculiformes semperque unisexuales digestis, paniculis femineis ac masculis apud species monoicas ex axillis distinclis orlis, masculis su- perioribus ; pedicellis florum masculorum articulatis. Masc. : Perigonium h- v. 5-partitum, segmentis ovatis glabrisque aut magis minusve hispidis, apice membranaceis; alabastro in medio depresso. S{amina 5. Pistilli rudimentuim globosum. FE. : Perigonium A-partitum v. 4-lobum, segmentis s. lobis fere æqualhbus aut inæqualibus, nempe interioribus sæpe multo majoribus ovatis rotundatisve glabris vel dorso et margine pilosulis exteriorumque altero (denique superiore) latiore rotundato et sæpius cucullato v. pileato, altero lanceolato multo breviore. Ovarium junius rectum, sed mox obli- quum, ovoideum. Ovulum erectum v. adscendens, funiculo brevi aut longiusculo suffultum. Stigma sessile, lineare elongatumque v. rarissime breve etoblongum, villosum, in fructu persistens. Achænium oblique ovatum rotundatumve, raro veniricosum, pericarpio nonmhil sacculento, plerum- que compressum et haud raro discoideum, margine æquali vel parum incrassato, faciebus læviusculis aut rarius granulosis, pedicello plus minus oblique insidens perigonioque membranaceo subimmutato vestitum. Semen pericarpio conforme. Albumen tenue. Embryo cotyledonibus rotundatis. apice subtruncatis, basi emarginatis ; radicula conica brevi. Herbæ perennes aut frutices aut arbusculæ vel arbores, in America boreali Asia tropica et Oceania indigeni, stimulis raris aut crebris armati ; foliis alternis aut integerrimis, crenulatis serratisve, penni- nervts; cystolithis minutis punctiformibus ; shpulis axillarious, bi- nerviis, integris ©. bifidis, deciduis, cymis s. paniculis sæpe distiche ramosis ; floribus haud raro ebracteatis, ut plurimum virentibus, pedicellis femineorum cylindricis aut varie dilatatis incrassatisve interdumque subfastigiato-coadunatis. Species neogeæ. . — gerontogeæ . . 13 396 H.-A. WEDDELL,, Obs. — Quelques espèces de ce genre, à fleurs femelles pourvues d’un péri- gone presque campanulé et assez également lobé ou denté, ne diffèrent des Urera que par le moindre accroissement que prend cette enveloppe après la féconda- tion, et une espèce, en particulier, le L. microstigma, s'en rapproche d'autant plus que le stigmate s’y trouve extrêmement raccourci. Les Laportea à péri- gone irrégulier ont d'autre part une grande analogie avec les Fleuryu, dont ils se distinguent d’ailleurs par plusieurs caractères importants, tels que l'absence d'articulations aux pédicelles des fleurs femelles, la forme des achaines, etc. Une des particularités les plus intéressantes de l'organisation de beaucoup de ces vé- gétaux est la singulière dilatation des pédicelles dans les inflorescences femelles. J'ai déjà dit qu’une des espèces de ce groupe pouvait à juste titre être comptée au nombre des géants du règne végétal; une autre en est regardée comme une des plus dangereuses. V. — URERA. Urnicæ