Pibrary of the Museum OF COMPARATIVE ZOÛLOGY, AT HARYARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS, Dounde br private subscription, {nl 1861. Deposited by ALEX. AGASSIZ. No. 505$ | [ LE VOIRE NOTE ANNALES DES SCIENCES NATURELLES CINQUIÈME SÉRIE ZLOOUOLOGIE PALÉONTOLOGIE Paris. imeri \ li s. — Imprimerie de E. Mantinar, rue Mignon, 2, ANNALES DES SCIENCES NATURELLEX CINQUIÈME SÉRIE ZOOLOGIE PALÉONTOLOGIE COMPRENANT L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATIO ET L’HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE M. MILNE EDWARDS TOME X VI PARIS LIBRAIRIE DE G. MASSON PLACE DE L'ÉCOLE DE-MÉDECINE "1879 - DR UEN QE CHIEU UE MORTE MÉMOIRE SUR LE DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES, Par M. BAKHBHANE, Depuis l’époque où Herold et Rathke ont publié leurs célèbres travaux sur l’'embryologie des Animaux articulés jusqu’à nos jours, presque toutes nos connaissances relatives au mode de développement des Arachnides se bornaient à deux tvpes seu- lement de cette classe, savoir, d’une part les Aranéides, qui ont fourni à Herold le sujet d’un travail étendu, mais contenant beaucoup de lacunes et d'erreurs d'interprétation (1), et d’autre part les Scorpionides, dont quelques-unes seulement des phases embryonnaires ont été étudiées par Rathke (2). Il n'y a qu’un petit nombre d'années qu'a paru le premier travail sur l’embryo- génie des Arachnides supérieurs réellement en rapport avec les progrès des sciences physiologiques modernes, travail dans lequel l’auteur, l'éminent et regretté zoologiste Éd. Claparède, s’est proposé, comme autrefois Herold, d'étudier l’évolution des Araignées dans l'œuf (3). Plus récemment M. Metschnikoff a publié sur l'embryologie du Scorpion un mémoire dans lequel il s’est surtout efforcé de faire aux Arthropodes une application de la théorie de Remak relative à la division du germe, chez les Vertébrés, en trois feuillets distinets (4). Enfin, tont dernièrement (4) Mauritius Herold, De generatione Aranearum in ovo. Marburgi, 1824. (2) H. Rathke, Zur Entwicklungsgeschichte des Scorpions, dans ses Reisebemerkun- gen aus Taurien, 1837, p. 17. Publié en extrait dans la Physiologie de Burdacb, traduction française, {. III, 4838, p. 97. (3) Claparède, Recherches sur l'évolution des Aruignées. Utrecht, 1862. (4) Elias Metschnikoff, Emnbryologie des Scorpions (Zeitschr, f. wiss, Zool., 1871, t. XXI, p. 233). SC. NAT. JUIN 1872, ARTICLE N° 4, { 9 BB A LEE NE. le même observateur a étudié le développement d'un autre Arachnide, le Chélifère, considéré par quelques auteurs comme zoologiquement très-voisin des Scorpions, mais fort différent de ceux-ci, comme l'a montré M. Metschnikoff (1), au point de vue embryogénique, en ce qu'il sort de l'œuf à l’état de larve encore très-imparfaite, tandis que les premiers naissent, comme on sait, avec toutes les formes propres à l'adulte. Les recherches concernant les Arachnides inférieurs pendant leur évolution dans l'œuf ne s'étendent également encore qu’à un petit nombre de types. Il me suffira de rappeler à ce sujet les travaux de M. van Beneden et de Claparède sur les animaux de l’ordre des Acariens(2) ; ceux de Dohrn sur les Pycnogonides (3), généralement placés parmi les Arachnides dans les plus récentes classifications; les observations de van Beneden, Schubart, Leuckart, sur le développement des Linguatules ou Pentasto- mes ; celles de J. Kaufmann sur les Tardigrades (4). Ainsi qu'on a pu le voir par cette courte énumération des travaux concernant l'embryogénie des Arachnides, 1l existe parmi les types de cette classe les plus élevés en organisation des fa- milles entières dont le mode de développement nous est encore complétement inconnu. Telles sont celles des Solpugides ou Galéodes, des Thélyphonides, des Phalangides, des Phrynéides. Relativement à ces derniers, tout ce que nous savons jusqu'ici de leur mode de reproduction, c’est qu'ils sont vivipares comme les Scorpions, et que les petits abandonnent l'œuf dans un état de développement encore peu avancé, observations dues à Gerstäcker (5). (4) Meischnikoff, Entwickelungsgeschichte des Uhelifer (Zeïéschr. f. wiss. Zool., 4874,t. XXI, p. 513). (2) Van Beneden, Recherches sur l'histoire naturelle el le développement de PAtax ypsilophorus (Nouv. Mém. de l’'Acad. de Belg., 4850, t. XXIV).— Claparède, Sudien un Acariden (Zeitschr. f. wiss. Zool., 1868, t. XVIII, p. 445). (3) Dohrn, Ueber Entwicklung und Bau der Pycnogoniden (Jenaische Zeitschr. f. Medicin und Naturwiss,, 1869, t. V, p. 138). (4) 3. Kaufmann, Ueber die Entwicklung und system. Stellung der Tandigraden (Zeilschr. f. wiss. Zool., 1851, t, III, p. 220). (5) Gerstäcker, Sifzungsber. der Gesellsch. naturf. Freunde zu Berlin, 1862. ARTIGLE N° 4. DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES. Le présent travail sur le développement des Phalangides ne comble qu'en partie, pour cette dernière famille, la lacune qui vient d'être signalée. En effet, mes observations n’embrassent qu’une seule période de leur vie embryonnaire, celle qui pré- cède immédiatement l’éclosion du jeune Arachnide. Je n’ai donc tracé en quelque sorte que ie dernier chapitre de l’histoire gé- nétique de ces animaux. Je regrette d'autant plus que les maté- riaux dont je disposais ne m'aient pas permis de comprendre également dans cette étude les phases antérieures de l’évolution que leur connaissance m’eût grandement aidé à mieux saisir plusieurs détails de l’organisation de l'embryon que je n’ai pu le faire en observant celui-ci à un stade déjà avancé de son dévelop- pemeut. Néanmoins, si incomplètes qu'elles soient, ces observa- tions auront du moins servi à fixer la science sur l'état que pré- seutent ces Arachnides au premier âge de leur vie; pour cette raison, Je ne les ai pas jugées indignes de voir le jour. Versle milieu du mois de janvier de cette année, M. 3. Künckel, aide-naturaliste au Muséum d'histoire naturelle, eut l'obligeance de me remettre une certaine quantité d'œufs —- une trentaine environ — qui, par la forme, la taille et la couleur, présentaient une grande ressemblance avec ceux de plusieurs de nos Araignées communes, par exemple de la Tégénaire domestique. Cependant une circonstance rendait peu probable que les œufs en question appartinssent à une espèce d'Aranéides. C'est qu'ils n'étaient pas renfermés dans une poche ou bourse soyeuse, comme le sont ceux de toutes nos Araignées indigènes, mais avaient été déposés à nu par la femelle (1). Toutefois, détourné par d'autres occupations, jen ajournai l'examen, et ce ne fut que quinze (4) D’après les renseignements qui me furent donnés par M. Künckel, ils étaient rassemblés en un petit tas placé entre deux briques, dans un jardin de Paris. Suivant les observations que Menge a faites sur les mœurs et le genre de vie des Phalangides tenus en captivité, tel n’est pas le mode ordinaire de ponte chez ces animaux, qui paraissent enfouir leurs œufs dans l’intérieur du soi au moyen du long oviscapte dont les femelles sont pourvues (Menge, Ueber die Lebennweise der Afterspinnes, dans Neueste Schriften der naturf. Ges. in Dantzig, 18590, t, IV, p. 47), Il faut donc admettre que certaines espèces ont des habitudes différentes, ou bien qu'il s’agit d'une h BALIRBIAINI. jours environ plus tard que mon attention s’y reporta de nou- veau. À cette époque, plusieurs d’entre eux avaient déjà donné issue à l'embryon qu'ils renfermaient ; d’autres s'étaient flétris et présentaient une altération manifeste de leur contenu ; un petit nombre seulement avaient conservé un aspect frais et pa- raissaient renfermer un embryon bien portant. A première vue, les jeunes animaux éclos me parurent être des Araignées, mais un examen plus attentif ne tarda pas à me faire reconnaître que j'avais affaire à de petits Phalangium. Je me hâtai alors d'examiner ceux des œufs qui renfermaient encore leur embryon, afin de tâcher de surprendre, s'il en était temps encore, quelques-uns des traits du développement de ces Ara- chnides. I s’en trouva heureusement parmi ces derniers plu- sieurs dont l'embryon, tout en étant bien formé, ne touchait pas encore au terme de son évolution, ce qui me permit de saisir quelques-uns des phénomènes qui caractérisent la dernière période de la vie embryonnaire de ces animaux. L'œuf et ses membranes. Les œufs qui se trouvaient dans ces dernières conditions étaient sphéroïdaux, bien pleins, et offraient, en moyenne, un diamètre de 1°",2. La coloration blanc jaunâtre qu'ils présen- taient au moment où ils furent mis en ma possession avait fait place à une teinte grisâtre, due à la couleur du tégument de l'embryon vu à travers les enveloppes transparentes de l'œuf. Décrivons d’abord ces dernières avant de parler de l'embryon iui-même qu'elles recouvraient. L'examen des coques vides de leur contenu permettait de s'assurer facilement que les tuniques de l’œufétaient au nombre de deux, l’une externe, comparable à un chorion, l’autre interne, anomalie dans le cas qui nous occupe. Ajoutons que Menge a toujours vu les œufs de ses Phalangium se détruire pendant l'hiver, bien qu'il ne püt avoir aucun doute sur leur fécondité, ayant constaté de fréquents accouplements parmi les animaux qu’il observait. (Loc. cit., p, 56.) ARTICLE N° 4, ï DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES, 5) plus douteuse quant à sa signification, comme nous le verrons dans un instant. Le chorion (fig. 1, a) est formé par une pellicule blanchâtre et transparente, mince, mais plus résistante qu'on ne serait porté à le supposer d’après sa faible épaisseur, qui ne va pas au delà de 0"”,0011. Sa surface externe présente un aspect inégal, produit par une multitude de petites figures en relief, plus ré- fringentes que le fond de la membrane, et formées par de petites lignes sinueuses, simples ou ramiltiées, enchevêtrées les unes dans les autres à la manière de vermiculures. La surface interne est au contraire lisse et unie, comme on le voit par la netteté de la ligne interne du double contour que montre un pli de la tu- nique externe. Il n’y a aucune apparence des fines stries nom- breuses et serrées qui traversent le chorion d’une surface à l’autre chez beaucoup d'Articulés, et qu'on interprète générale - ment comme des canalicules creusés dans son épaisseur. Enfin je n’y ai pas constaté non plus d'ouverture micropylaire. L’enveloppe interne (fig. 1, b), placée en dedans de la précé- dente, à laquelle elle adhère assez faiblement, peut en êlre aisé- ment détachée à l’aide d’une pression un peu forte. Elle appa- rait alors comme une pellicule anhiste et incolore, d'une translucidité parfaite, entièrement lisse et unie sur les deux faces. Son épaisseur l'emporte un peu sur celle du chorion ; elle est de 0"*,0016. Quant à la signification de cette tunique, la première idée qui se présente est qu'elle est constituée par la membrane vitelline, mais l'existence de deux enveloppes autour de l'œuf élant un fait assez rare chez les Arachnides supérieurs(t), on (4) D’après Herold, Rathke, V. Carus et Claparède, les œufs des Araignées ne pos- sèdent qu’une seule enveloppe, assimilée tantôt à un chorion, tantôt à une membrane vitelline, Il en est de même chez les Scorpions, qui sont vivipares. La plupart des Arachnides inférieurs ont au contraire des œufs à double enveloppe. Tels sont ceux des Linguatules ou Pentastomes, d’après Schubart (Zeitschr. f. wiss. Zool., 1853, t. 1V, p.117) ct des Pycnogonides (Dohrn, dans Jenaische Zertschr., 1869, t, V, p.138). Les Acariens font exception à cette règle, leurs œufs n’ayant qu'un tégument simple, suivant van Beneden et Claparède (van Beneden, Sur le développement de l’Atax ypsilophorus, dans Mém. de l’Acad. de Belg., 14850, t. XXIV ; — Claparède, Studien an Acariden, dans Zeitschr f. wiss, Zoo!., 4868, t. XVIII, p. 452). 6 BALBEANE. peut se demander si là membrane dont il s’agit ne serait pas plutôt l’analogue d’une de ces enveloppes secondaires qui se forment pendant le cours du développement chez les Articulés, et que les observateurs les plus récents ont décrites sous des noms divers: enveloppe embryonnaire, membrane larvaire, amnios, etc. L'étude de l’œuf avant l'apparition de l'embryon pouvant seule nous éclairer sur la véritable nature de cette seconde tunique chez les Phalangides, je laisse sa signification provisoirement indécise. | Passons maintenant à l'examen du jeune animal renfermé sous les enveloppes précédentes. L’embryon, Un simple coup d'œil suffisait pour montrer que celui-ci tou- chait à la dernière phase de sa vie embryonnaire, dans tous nos œufs (fig. 2 et suiv.). Le corps avec tous ses appendices était bien formé et revêtu déjà d’un mince tégument de chitine. Les chélicères avec la pince didactyle qui les termine, les appendices palpiformes, les quatre paires de pattes ambulatoires de l’Ara- chnide, se présentaient presque avec leurs formes définitives, et montraient leurs principales divisions ou articulations. Les yeux, dont l'apparition est toujours tardive chez les Arachnides, étaient bien visibles à la face dorsale du céphalothorax. Mais avant d'entrer dans le détail de l’orgauisation de l'embryon, la position que celui-ci occupe dans l’intérieur de l’œuf mérite de nous arrêter quelques instants. Par sa face ventrale, l'embryon regarde vers lintérieur de l'œuf, tandis que la face dorsale est tournée vers la péri- phérie et placée immédiatement au-dessous du chorion (fig. 4). Le corps est courbé en arc de cercle et sa ligne dorsale est exactement parallèle à la ligne de contour de l'œuf. L’abdo- men est légèrement relevé contre le thorax, au devant duquel s’entrecroisent étroitement les membres thoraciques, comme si le jeune animal cherchait à s'en faire une défense pour ARTICLE N° 1. | DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES. 7 celte partie du corps. En un mot, l’attitude de l'embryon rappelle complétement celle des jeunes Araignées au stade correspondant de leur évolution, stade durant lequel celles-ci sont enroulées sur elles-mêmes par la face ventrale au lieu de l'être, conime aux phases antérieures, par la face dorsale. Le mécanisme par lequel s'exécute ce changement de position de l'embryon est un des phénomènes les plus remarquables de l'évolution des Araignées. Il à été étudié et décrit avec soin par Claparède (1). Ilest probable qu'ils’opère un renversement ana- logue dans la position de l’embryon du Phalangium pendant le cours de son développement, et qu’il est produit par la même cause que chez les Aranéides. C’est ce que l'on peut du moins inférer de la similitude de sa situation dans l'œuf avec celle de ces derniers, vers la fin de la vie embryonnaire. Dans l'étude de organisation, il est toujours mtéressant d’ob- server comment la nature re le plus avantageusement parti d’un espace limité. A cet égard, les grandes pattes du Faucheur, fort développées déjà vers le terme de la vie embryonnaire, devaient paraître surtout embarrassantes à loger dans la cavité étroite de l’œuf. La comparaison avec d’autres espèces où les appendices du corps atteignent aussi de bonne heure des dimensions extraordinaires, nous montre que le problème n'est pas toujours résolu d’une façon identique, et que la nature adopte des dispositions en harmonie avec les conditions orga- niques spéciales à chaque espèce, lors même que celles-ci appar- tiennent à des groupes zoologiquement très-voisins. Ainsi chez le Pholcus opilionides, Aranéide à pattes toutes fort longues, mais où celles de la première paire surtout présentent un développe- ment remarquable, Claparède nous a fidèlement dépeint la posi- tion que ces appendices affectent dans l'intérieur de l'œuf. Les pattes ambulatoires des trois dernières paires sont entrecroisées sur la face ventrale du corps avec celles du côté opposé, «comme les doigts des deux mains se joignant pour la prière», suivant la comparaison de Claparède. Quant à la première paire de pattes, (4) Claparède, loc. cit,, p. 41, S BALREANS. voici comment il décrit leur disposition : « Les deux pattes sout courbées en S devant la partie antérieure de l'animal, où l'on voit à découvert la cuisse, le génual et la plus grande partie du tibial; puis la patte droite s'enfonce entre le céphalothorax d’une part et les pattes gauches des trois dernières paires d'autre part, et le tarse vient ressortir sur le dos de l’Araignée, dans l’échan- crure qui sépare le céphalothorax de l'abdomen, entre la qua- trième patte du côté gauche et l'abdomen. De même, la patte gauche antérieure vient glisser son extrémité sur le dos, entre l'abdomen et la dernière patte droite (4).» Si nous examinons maintenant comment les appendices sont disposés chez l'embryon du Phalangium, nous observons un ar- rangement sensiblement différent de celui que nous montre le Pholeus, et qui donne au jeune Faucheur un aspect encore plus bizarre que celui qui est présenté par la petite Araignée. Ici les membres les plus développés sont les pattes ambula- toires de la seconde et de la quatrième paire. Les deux paires antérieures seules s’entrecroisent sur la face sternale de l’em- bryon, et viennent atteindre, par leurs extrémités, le bord laté- ral du céphalothorax du côté opposé, les pattes de la seconde paire, qui sont les plus longues (fig. 4, P*), s'élevant plus haut sur le dos que celles de la première paire (P'). Quant aux deux paires de pattes postérieures (P° et P”?), elles ne s’entrecroisent pas avec celles du côté opposé, mais se replient parallèle- ment en arc de cerele vers la partie antérieure du corps. Après avoir croisé à angle droit les deux paires antérieures, elles se rapprochent de la ligne médiane, où elles rencontrent les pattes correspondantes du côté opposé (fig. 3), puis, s’écar- tant de celles-ci, viennent se placer à des hauteurs différentes — la quatrième patte étant située plus en dedans et remon- tant plus haut par son extrémité — entre les chélicères d’une part, et les appeudices palpiformes d'autre part (fig. 2 et 3). Quant à ces derniers membres (fig. 2 et 3, G°?), 1ls se compor- tent comme les paites antérieures, c’est-à-dire s’entrecroisent (1) Loc. cit., p. 49. ARTICLE N° À. DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES,. 9 au devant du sternum pour venir ressortir de chaque côté par leur extrémité en arrière des deux paires de pattes ambulatoires postérieures. Entrous maintenant dans quelques détails sur le degré d'or- ganisation auquel sont parvenues les différentes parties de l'em- bryon au stade que nous considérons. Céphalothorax. — Le corps est complétement clos du côté dorsal par la voûte que forment les arceaux postérieurs des an - neaux thoraciques et abdominaux. Mais cette voûte dorsale ne présente encore aucune ligne de démareation nette entre une région thoracique et une région abdominale, les zoonites céphalo- thoraciques ne s'étant pas encore soudés entre eux pour former le bouclier dorsal (fig. 6). Ces zoonites sont au nombre de quatre, dont le plus antérieur est le plus large. I porte à sa face supérieure les veux, constitués par deux cornées hémisphériques lisses, enchässées des deux côtés de la protubérance qui leur sert de support commun, et entourées d’une masse abondante de pigment noirâtre (fig. 2, 5 et 5, oc; fig. 7). En avant du tubereule oculifère, et sur la ligne médiane du premier segment céphalothoracique, on remarque une petite saillie aiguë, semblable à une épine colorée en nor, et dépendant du tégument extérieur (fig. 2 et 6, c). L'existence de cette pointe frontale chez l'embryon du Phalangium pré- sente de l'intérêt en ce qu’elle me paraît être l’analogue d’un organe qu'en trouve chez les embryons de quelques autres Arthropodes à un état assez développé pour pouvoir être réelle- ment employé par ceux-ci dans un but physiologique, c’est-à- dire comme un instrument propre à fendre les enveloppes de l’œuf pour l'issue du jeune animal. Tel est l'espèce d’appen- dice en forme de scie ou de lame aiguë qui a été observé par plusieurs naturalistes sur la région frontale des embryons d'un certain nombre d'insectes, par exemple, par Hagen, chez l'Osmylus maculatus (1), par Rathke, chez le Pentatoma (4) Hagen, Die Entwickelung und der innere Bau von Osmylus (Linnæa entomol., 1852, t. VIL, p. 368). 10 ENRITENTR baccarum (4), par Zaddach, chez le Phryganea grandis 2). Ya observé moi-même un organe de ce genre chez les embryons des Pulicides, où il a la forme d’une petite lame cornée verticale, située sur le sommet de la tête, et j'ai pu constater directement l'usage qu’en font ceux-ci pour fendre la coque de l'œuf au mo- ment de l’éclosion. Je ne saurais dire si la pointe frontale de l'embryon du Phalangium est employée dans un but analo- gue, mais cela est peu probable, à cause de sa petitesse. Ajoutons que, de même que dans les espèces précédentes, le jeune Pha- langium se débarrasse de cet appendice en rejetant sa première peau, ét n'en présente plus aucune trace par la suite. L'intérêt qui s'attache à la présence de cet organe transitoire chez les Arachnides consiste donc principalement dans l’analogie qu’elle établit, pendant l'état embryonnaire, entre ceux-ci et les Insectes. En outre des yeux et de l'organe spiniforme que nous venons de décrire, le premier segment du céphalothorax porte trois paires de membres, savoir, les chélicères ou antennes-pinces, les appendices palpiformes et les pattes ambulatoires de la première paire (fig. 6). Chacun des trois segments suivants ne correspond, au contraire, qu'à une seule paire d’appendices, c’est-à-dire aux deuxième, troisième et quatrième paires de paltes locomo- trices. Mais il est probable que le nombre des zoonites entrant dans la constitution du troncon antérieur du corps du Pha- langium est, virtuellement du moins, plus grand que celui in- diqué plus haut. Il résulte, en effet, des observations de Clapa- rède sur les Aranéides, observations que nous aimons loujours à prendre comme termes de comparaison avec les faits d’orga- nogenèse présentés par les Phalangides; il résulte, disons-nous, que le céphalothorax des Araignées est originellement composé de six segments primordiaux ou protozonites, correspondant chacun à une paire d’appendices buceaux ou locomoteurs, et, en y comprenant le rudiment crânien de l'embryon, on obtient en (1) Rathke, Séudien zur Entwichelungsgeschichte der Insecten ( Stettiner entomol. Zeit., 1861, t. XXII, p. 176). (2) Zaddach, Die Entwickelung des Phryganiden-Fies, 1854, p. 56. ARTICLE N° À. DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES. A1 tout sept zoonites pour la composition segmentaire du tronçon antérieur du corps des Aranéides. Or, en admettant comme une loi générale du développement des Arthropodes, que chaque paire de membres céphaliques ou thoraciques correspond, au moins à son origine chez embryon, à un zoonite spécial (D), on en tirera cette conclusion que le premier segment céphalothora- cique de l'embryon du Phalangium est en réalité formé par la coalescence de trois zoonites primordiaux, ce qui, en y compre- nant le crâne, porte à sept, comme chez les Araignées, le nom- bre total des zoonites composant le céphalothorax des Phalan- gides. Mais tandis que, comme nous l'a encore appris Claparède, toute trace de la segmentation primitive du thorax s’efface de bonne heure chez les Araignées (2), les segments qui constituent celui-ci conservent beaucoup plus longtemps leur indépendance chez les Faucheurs, et ne se confondent entre eux que pendant la dernière période de l’évolution. Pièces épimériennes rudimentaires. — Aux considérations précédentes sur la composition segmentaire du corps des Pha- langides se rattache un autre fait intéressant de la morphologie de leur squelette tégumentaire : je veux parler de l'existence de vestiges de pièces épimériennes chez les embryons de ces ant- maux (fig. 6, ep, ep', ep). On sait que, se basant sur les rapports qu'il supposait exister entre la composition des anneaux thoraciques des Arti- (4) Si uous nous en rapportons aux observations de M. Metschnikoff sur le déve- loppement du Scorpion, il y aurait, chez cet animal, une exception à la loi embryolo- gique rappelée plus haut, en ce que le zoonite porteur de la seconde paire de membres, dits palpes maxillaires, produirait subséquemment une autre paire d’appendices laté- raux, lesquels, en se réunissant plus tard sur la ligne médiane, formeraient la lèvre inférieure du Scorpion (Metschnikoff, Embryologie des Scorpions, dans Zeischr. f. wiss. Zool., 1871, t. XXI, p. 222). Mais cette assertion paraît peu vraisemblable, attendu que chacun sait que ce que l’on désigne assez improprement sous le nom de lèvre inférieure chez le Scorpion ne peut être assimilé à une paire de membres, et n’est autre chose qu’un assemblage de plusieurs pièces formées par des prolonge- ments des ‘articles basilaires des première et deuxième paires de pattes ambulatoires. (2) Sauf la séparation de la tête d’avec le prothorax, laquelle se maintient plus longtemps, et ne disparaît que vers la fin de la vie embryonnaire, 49 BALBIANE. culés et la présence ou l'absence d’appendices correspon - dants à ces anneaux, Audouin en avait conclu que les pièces de l’arceau supérieur, ou les tergites, qui servent de support aux membres dorsaux ou ailes chez les Insectes, avortaient d’une manière constante chez les Arachnides et les Crustacés, et étaient remplacés par les parlies analogues à celles qui forment le flanc chez les premiers, ou les épimères. Suivant Audouin, ce seraient ces épimères qui, prenant un développement considé- rable chez les Crustacés et les Arachnides, remonteraient de chaque côté du corps, et, en se rejoignant sur la ligne médiane, serviraient à fermer le thorax du côté du dos (1). Relativement aux Crustacés, M. Milne Edwards a constaté chez ces animaux l'existence de pièces tergales et pleurales parfaitement caractérisées (2). D'un autre côté, s'il est avéré que chez la plupart des Arachnides l’arceau dorsal des segments thoraciques paraît effectivement simple, M. Blanchard a retrouvé chez un des types de cette classe, les Thélvphones, à la fois les deux éléments constitutifs ordinaires de cet arceau, c’est-à-dire le tergum et l’épimére (3). La constatation de pièces épimé- riennes rudimentaires chez les embryons des Phalangium ten- drait done à démontrer que la simplicité du squelette tégumen- taire des Arachnides à l'état adulte est plus apparente que réelle, et tient vraisemblablement à la soudure précoce de ses diffé- rentes parties constituantes entre elles. Première paire d’appendices (protognathes ou chélicères). — En plaçant l’œui de manière à contempler de face la parue antérieure de l'embryon, et ramenant en haut le côté dorsal de celui-ci (fig. 2), on remarque, sur le plan le plus antérieur, deux appendices presque contigus sur la ligne médiane, dirigés paral- (4) Dans l'opinion d’Audouin, chacun des anneaux thoraciques des Arachnides ne serait composé que de deux pièces seulement, à savoir, du sternum en dessous. et de l’épimère en dessus (Audouin, art. ARacANIDA, dans Todd’s Cyclopædia of Anat, and Physiol., 1835-1836, t. I, p. 202). (2) Milne Edwards, Histoire naturelle des Crustacés, 1834, t. 1, p. 13 et suiv. (3) Blanchard, Orgarisalion du règne animal, ARACHNIDES, p. 1/2. ARTICLE N° À. DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES. 13 lèlement en avant et en bas (fig.2, G”). Ce sont les organes géné- ralement désignés aujourd'hui sous le nom de chélicères ou antennes-pinces, car 1ls représentent anatomiquement, sinon fonctionnellement, les antennes des autres Animaux articulés. On sait que la signification de ces appendices a été très-diversement interprétée par les naturalistes, qui les prenaient d’abord pour les analogues des mandibules des Insectes et des Crustacés. Savigny lui-même, le sagace auteur de la théorie des organes de la bou- che chez les Articulés, s’y était mépris. Ce fut Latreille, d'ordinaire moins heureux que Savigny dans ses essais de détermination des appendices chez ces animaux, qui, cette fois, eut le tact le plus sûr, et pressentit que ces organes devaient être les représentants anatomiques des antennes des autres Animaux articulés ; d’où le nom de chélicères ou antennes-pinces qu'il leur appliqua, et qui rappelle d’une manière heureuse cette analogie. Mais la prévi- sion de Latreille n’acquit réellement sa valeur scientitique que du jour où il fut démontré que les chélicères des Arachnides reçoivent leurs nerfs de la même source que les antennes des Insectes et des Crustacés, c’est-à-dire du ganglion céphalique ou sus-æsophagien. Cette démonstration fut donnée à peu près à la même époque chez trois types différents d’Arachnides, à savoir, par Grube, en Allemagne, chez l’Araignée (1), par Newport, en Angleterre, chez le Scorpion (2), et par M. Blanchard (3), en France, chez la Galéode (4). L'embryologie vient à son tour appuyer les déductions tirées de la morphologie, et confirmer l'interprétation de Latreille. (1) Grube, Ernige Resultate aus Untersuchungen über die Anatomie der Araneiden (Müller’s Archiv, 1842, p. 296). (2) Newport, On the Structure, Relations and Development of the nervous and curculatory Systems, etc., in Myriapoda and Macrourous Arachnida (Philos. Trans, 1843, p. 243). (3) Blanchard, Observat. sur lorganisation d'un type de la classe des Arachnides, le genre Galéode (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1845, t, XXI, p. 1383; et Annales des sciences naturelles, 3° série, 1847, 1, VIII, p. 227). (4) Ajoutons que, peu d'années après, Zenker a constaté chez un des types les plus tlégradés de la classe des Arachnides, les Pycnogonides, que les chélicères y reçoivent également leurs nerfs des ganglions céphaliques (Zenker, Untersuchungen über Pycno- goniden, dans Müller’'s Archiv., 1852, p. 381). Enfin, plus récemment, M. Blan- Ah HA HREANE. En effet, chez nos embryons les moins avancés dans leur dé- veloppement, il est facile de voir que Les chélicères ne sont pas insérés au devant de la bouche et au-dessous du bord frontal de la tête, comme cela a lieu à une période plus tardive de l’évolu- tion, mais que ces organes sont fixés à la partie supérieure et an- térieure de la tête, au-dessus de l’ouverture orale, montrant ainsi de la mauière la moins équivoque leur nature antennaire. Mais par les progrès de l’évolution, ces appendices glissent, pour ainsi dire, à la face supérieure du céphalothorax, dépassent son bord antérieur, et viennent finalement prendre une position sous- frontale, immédiatement au-dessus de la bouche, à la manière de véritables mandibules (g. 6, G”). Chez tous nos embryons, ces organes étaient déjà bien formés et se composaient de deux articles, dont l'antérieur se terminait par l’espèce de pince ou de main didactyle qui sert d’instrument de préhension à ces animaux. Passons maintenant à l'examen de la face inférieure ou sternale du céphalothorax, où la région buccale nous fournira matière à quelques considérations intéressantes sur la composi- tion des pièces de la bouche chez les Arachnides. Par suite de la position adoptée par le jeune Phalangium pen- dant les derniers temps de la vie embryonnaire, sa partie ster- nale, et conséquemment la région buccale qui s’y trouve située, est complétement dérobée aux regards. Pour mettre celle-ci à découvert, il faut, après avoir dégagé l'embryon des membranes de l’œuf, relever les chélicères en les rabaitant vers la face dor- sale, et étendre suivant leur longueur les appendices latéraux reployés sur la face ventrale du corps. On constate alors que les éléments qui entrent dans la composition du système appen- chard, dans son Organisation du règne animal, ArAcanidEs; ph 30 es, fig. 13, a donné une belle figure représentant l’ensemble du système nerveux chez le Phalangium cornutum, où l’on voit de la manière la plus nette les nerfs antennaires naître des ganglions cérébroides pour aller se distribuer dans les chélicéres, ARTICLE N° 1, DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES. 15 diculaire de la bouche sont les suivants : 1° les chélicères; 2° Ja lèvre supérieure ou labre; 8° les appendices palpiformes; h° la première paire; et 5° la seconde paire de pattes ambula- toires. Nous ne reviendrons pas sur les chélicères, qui nous ont déjà occupé précédemment. En arrière de ces appendices, on remar- que une petite lamelle triangulaire, flexible, fixée par sa partie élargie immédiatement au-dessous de la base des chélicères, et libre par son extrémité antérieure terminée en pointe (fig. 11, 1). Cette lamelle représente le labre ou lèvre supérieure du Phalan- gium. De même que son analogue chezles Insectes, ce labre doit être regardé comme formant le prolongement antérieur de la tête, ainsi que le démontre lembryologie ; 1l ne constitue, par conséquent, jamaisau’une pièce impaireet médiane dont l’origine est toute différente de celle des appendices céphalothoraciques. Cette différence avait déjà été parfaitement saisie par M. Milne Edwards (4), réfutant l’opinion de M. Brallé, qui considérait la lèvre supérieure comme résultant de la soudure de deux pièces maxillaires réunies sur la ligne médiane (2). Après la naissance et avec les progrès de l’âge, le labre perd sa flexibilité en s’incrustant de substance chitineuse, et affecte finalement, chez l’animal adulte, la forme d’une petite crête verticale, de consistance coriace, légèrement recourbée en manière de faux, plus épaisse et convexe en dessus, amincie et comme carénée en dessous (fig. 13 et 14, l) (). Appendice buccal. — lmmédiatement au-dessous de la lèvre supérieure, on remarque, chez l’embryon, un petit prolonge- ment conique, impair el médian, légèrement comprimé sur les (1) Mine Edwards, Leçons sur la physiol. et lanat. comparée de l'Homme et des Animaux, 1859, t, V, p. 501. (2) Brullé, Recherches sur les transformations des appendices dans les Articulés (Ann. des sc. nat., 3° série, 1844, t. II, p. 345). (3) Je dirai ici, une fois pour toutes, que, ne sachant à quelle espèce rapporter nos embryons, j'ai pris, dans la comparaison des organes chez ceux-ci et chez l'individu adulte, pour type de l’état parfait, le Faucheur commun (Phalangium Opilio), 16 BAIRBEANS. côtés, ayant la forme d’une petite trompe, mais je n'y ai point observé de perforation (fig. 11, k). Ce prolongement s'implante par une base élargie sur le milieu d’un zoonite spécial paraissant dépendre de la portion céphalique du corps. Nous reviendrons plus loin sur la signification présumée de cet appendice buccal, que l’on remarque aussi chez l'adulte, mais avec des dimensions relativement beaucoup plus faibles que chez l'embryon. Pour l’apercevoir chez le premier, il faut écarter les deux lobes formant la première paire de mâchoires (fig. 13, mx’), et l'appendice dont nous parlons apparaît sous la forme d’un très-petit tuber- eule conique situé en avant de la base du labre (fig. 15, k). L'entrée de la bouche (fig. 13, o) est placée immédiatement au- dessous de ce tubercule, au fond de l'espèce d’entonnoir formé par le rapprochement des deux lobes maxillaires antérieurs dont il sera bientôt question. Deuxième et troisième paires d'appendices (deutognathes et pre- mière paire de pattes ambulatoires). —- Nous rencontrons ensuite une paire de membres dont la signification morphologique est encore fort débattue parmi les zoologistes. C’est celle communé- ment désignée par le nom de palpes mawillaires. M. Blanchard les appelle pattes-mâchoires chez les Arachnides. Nous verrons plus loin quelles sont les raisons qui ont guidé le savant profes- seur d'entomologie du Muséum dans le choix de cette dénomi- nation. Je leur donnerai provisoirement le nom d’appendices palpiformes ou plus simplement de deutognathes, en transportant aux Arachnides un des termes de la nomenclature que M. Milne Edwards a introduite dans la science pour dénommer les appen- dices thoraciques dans une autre classe d’Articulés, les Crustacés. Cette dernière expression a l'avantage d'indiquer simplement le rang que le membre occupe dans la série des parties appendicu- laires chez un même animal, en réservant entièrement la ques- tion morphologique. C’est dans le mème sens que nous devons appeler protognathes les appendices antérieurs ou les chélicères du Phalangium, comme Claparède l'avait du reste déjà fait à l'égard des parties homologues ou foreipules des Araignées. Nous ARTICLE N° 1. DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES. 417 nous servirons de préférence de ces dernières appellations, à raison de leur commodité et parce qu’elles prêtent moins à la confusion que les autres termes généralement en usage. Les deutognathes du petit Phalangium, ainsi que la paire de membres suivante, cu première paire de pattes ambulatoires, se distinguent des autres appendices par la conformation particu- lère de leur article basilaire ou hanche (coxile de M. Milne Edwards). Au lieu de s'amineir vers son extrénutésternale comme chez ces derniers, cet article s’élargit vers le miliea du sternum où il donne naissance à un lobe arrondi, creusé en forme de cuiller à sa partie interne, et dirigé en arrière et en bas (fig. 114, ma, mæ°). Ces lobes sont disposés par paires comme les appen- dices eux-mêmes dont ils dépendent. Ils représentent les deux principales paires de mâchoires du Phalangium. Dans l’état de développement le moins avancé où il m'ait été donné de les observer, les deux maxilles antérieures étaient déjà presque au contact sur la ligne médiane (mx), tandis que les deux posté- rieures se trouvaient un peu plus éloignées l’une de l’autre (mæx*). Celles-er étaient aussi un peu plus longues que les premières. En outre, les deux paires de mâchoires n'étaient pas encore arrivées à se toucher sur la ligne antéro-postérieure du corps, comme cela a lieu au moment de la naissance, et d’une manière plus visible encore chez l'adulte, où les mâchoires supérieures sont étroitement embrassées, sur leurs parties latérales, par les lobes maxillaires postérieurs (fig. 13 et 14). Indépendamment des maxilles qui naissent sur son article basilaire, le deutognathe présente vers son insertion sternale deux petites proéminences en forme de mamelon, l’une, plus in- terne, située prés de la racine de la maxille (fig. 11,æ), l’autre, plus externe, un peu plus volumineuse que la précédente, placée à la base de la portion libre ou palpiforme du deutognathe (fig. 11, y). Ces proéminences ne prennent qu’un très-faible accroissement après la naissance, avec les progrès de l’âge, car, même chez l'animal adulte, elles n'apparaissent que comme deux tres-petits tubereules couverts de poils (fig. 13 et 14, æ, y). En considérant l’ensemble des segments à partir de la hanche, SC. NAT., JUIN 1872, ARTICLE N° 4, 2 ss TT —_ 7 18 HENRI ENT ou portion libre du deutognathe, comme la branche principale de celui-c1, ou son prolopodite, ainsi que M. Milne Edwards appelle cette branche chez les Crustacés, on peut voir dans les deux petites proéminences dont il vient d’être question une tendance à la formation de branches accessoires destinées à rester à l’état rudimentaire. Or, on sait quelle importance acquièrent au con- iraire chez les Crustacés ces branches secondaires des mem bres thoraciques, ou parergopodites, à raison de leur nombre, du développement qu'elles prennent et des fonctions qu'elles rem- plissent chez ces derniers animaux. Quant à la portion libre ou palpiforme, elle présente déjà d’une manière distinete, chez nos embryons, les emq segments ou articles qui la composent chez l'adulte. Ces segments sont aussi déjà couverts de poils, surtout à leur face interne, et le dernier d’entre eux, correspondant au tarse des pieds ambulatoires, est armé comme celui-ci, d’un petit onglet en forme de griffe recourbée (fig. 6, G?). Il ya, par le fait, une ressemblance complète entre ce palpe et les pattes locomo- trices du Phalangium, ressemblance qui avait déjà été si bien saisie par Savigny, qu'il appelait le deutognathe du Faucheur et des autres Arachnides une patte déguisée (1). La portion libre de la deuxième paire de membres thoraeiques est, à tous égards, une véritable patte ambulatoire, composée de ses articulations principales ordinaires chez les Arthropodes, seulement ces articulations sont encore un peu uniformes et cylindriques chez l'embryon. Nous y reviendross avec plus de détail en décrivant le jeune Phalangium au sortir de l'œuf. Quatrième paire d'appendices (deuxième paire de pales ambu- latoires).—Ces appendices appartiennent au mème groupe orga- nique que la paire précédente. Ce sont aussi principalement, quant à leurs fonctions, des organes de locomotion, et accessoi- rement des instruments de manducauon, mais modifiés d’une manière beaucoup plus légère, dans ce but, que les deux paires (4) Savigny, Deuxième Mémoire sur la théorie de la bouche des Animaux articulés, p. 084 ARTICLE N° 1; DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES. AOL de membres précédentes. Leur article basilaire n’est pas élargi comme chez ces dernières, et ne donne pas non plus insertion à une paire de maxilles aussi caractérisées que celles que nous avons vues naître des hanches du deutognathe et de la première paire de pattes. Ce sont simplement deux petites pièces membra- neuses, allongées transversalement et effilées en pointe à leur extrémité interne (fig. 11, mx°). Ces pièces, situées un peu en dehors des maxilles placées en avant d'elles, sont par consé- quent séparées par un espace où le sternite dont elles dépendent se trouve à nu. Ce sternite lui-même donne naissance en son milieu à une petite lamelle impaire, allongée transversalement, à bord libre arqué, et qui ne paraît être autre chose qu'un pro- longement du tégument qui le recouvre. On peut comparer cette petite lame chitineuse à la lèvre sternale des Aranéides. On la retrouve aussi chez le Phalangium adulte, en arrière de la deuxième paire de mächoires, au-dessous de laquelle elle s’avance à la façon d’une mentonnière (fig. 13 et 14, ls). Elle se compose alors d’une portion adhérente plus épaisse, de consis- tance coriace, et d'une portion libre membraneuse, mince et trans- parente, dont le limbe est souvent renversé en arrière. Quant aux pièces latérales, elles se sont allongées transversalement chez l’adulte et représentent deux lamelles recourbées en gout- tière, un peu amincies à leur extrémité interne, à surface exté- rieure convexe et couverte de poils, et s’avançant de chaque côté au devant de la languette sternale médiane (fig. 43 et 14, mæ*). Ces pièces latérales sont enclavées extérieurement entre les hanches des quatre paires de pattes locomotrices, et intérieu- rement entre les secondes mâchoires et le prolongement anté- rieur du bouclier sternal (/). Elles représentent évidemment une troisième paire de lobes maxillaires (1) restés à l’état rudi- (4) Telle est également l'opinion de Savigny et de Latreille sur la signification de ces parties (Savigny, loc. cit, p. 113 ; — Latreille, Hisf, nat. des Fourmis, 1802, p. 358). Quant à Treviranus, il les considère comme des organes du toucher, et leur donne, en conséquence, le nom de palpes (Treviranus, Vermischte Schriften, t, T, p. 26}. M, Blanchard les appelle paftes-mächoires rudimentaires chez le Phalangium cornutum (loc. cit, pl. 30, fig. 7, c). 920 BALBRIANEÉ. mentaire, et ne jouent dès lors, selon toute apparence, qu'un rôle assez secondaire comme organes de mastication. Cinquième el sixième paires d’appendices (troisième et quatrième paires de pattes ambulatoires). — Ces membres appartiennent ex- clusivement au système locomoteur et ne prennent aucune part à la composition de l'appareil buccal. Leur article basilaure ou hanche se termine comme dans la paire d’appendices précédente, par une exirémité amincie, mais ne présente, en ce point, aucune pièce accessoire ou lobe buccal (fig. 414, P°, P*). Tout au plus peut-on les considérer comme intervenant d’une manière indirecte dans les fonctions de nutrition, en ce que, par Le progrès de l’âge, 1ls se rapprochent par leur portion basilaire des hanches des autres paires de membres, et servent ainsi avec ces dernières à soutenir et à consolider vers l'extérieur les pièces entrant dans la composition de la bouche. Les différents appendices céphalothoraciques des Arachnides pe paraissent pas suivre, pendant leur évolution chez une même espèce, une marche égale et parallèle, de nianière à atteindre tous simultanément leur perfection définitive. On remarque aussi que ce ne sont pas toujours les appendices homologues qui, chez les différents types de cette classe, précèdent les autres dans leur évolution. Ainsi, d’après Claparède, ce sont les mem- bres de la seconde paire ou les deutognathes qui, chez les Ara- néides, se différencient avant tous les autres, pendant le dévelop- pement embryonnaire, par la formation de leur article coxal ou hanche (1). Si nous nous en rapportons aux observations de Metschnikoff, ces mêmes appendices présenteraient une précocité encore plus grande chez les Chélifères, où ils seraient déjà très- visibles avant qu'il y ait encore aucune trace des autres appen- dices (2). Dans un troisième type, celui des Phrynéides, Ger- sticker nous apprend que c’est au contraire la deuxième paire de pattes ambulatorres qui offre l’évolution la plus rapide, en (4) Claparède, loc. cit., p. 51. (2) Metschnikoff, Entwickelungsgeschichte des Chelifer (Zeitschr', . wass, Zoo!., 1871, t. XXI, p. 513). ARTICLE N° À. DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES. 21 montrant avant les autres paires la différenciation de son article basilaire (1). Ce petit nombre d'exemples suffit à montrer qu'il est impossible de formuler de loi générale touchant l’ordre de succession suivant lequel se développent les divers membres du système appendiculaire chez les Arachnides supérieurs, malgré les affinités zoologiques étroites qui rellent entre eux les diffé- rents types de ce groupe. Chez nos Phalangium, les appendices étaient déjà trop bien formés pour que l’on püût saisir aucune inégalité dans leur développement respectif. Peut-être réussirait- on, comme chez les autres Arachnides, à constater quelque dif- férence à cet égard, en observant le développement à un stade moins avancé que celui où il m'a été donné de l’étudier. Il me reste enfin à mentionner le prolongement sternal qui s’avance entre les racines des deux dernières paires de pattes ambulatoires de l'embryon. Ce prolongement (fig. 11, f) est formé par toute la portion des sternites correspondants à ces ap- pendices qui n’est pas cachée sous les Insertions de leurs articles basilares. Ces sternites sont parfaitement distincts chez l'embryon et le jeune animal au sortir de l'œuf, mais plus tard ils se con- fondent entre eux en une pièce unique qui coustitue le plastron sternal du Faucheur adulte. C’est entre le bord antérieur de ce plastron et le bord postérieur du sternite porteur de la troisième pare de membres thoraciques qu'est située l'ouverture génitale, déjà bien reconnaissable chez l'embryon (fig. 11, og). La comparaison de l'appareil buccal des Phalangides avec celui des autres Arachnides nous montre chez les Scorpionides seulement une complication égale par le nombre des pièces qui entrent dans la composition de l’armature buccale. Nous trou- vous en effet, de part et d'autre, en dehors des appendices antérieurs ou les chélicères, trois paires de membres thoraci- ques contribuant à former les pièces de la bouche. Mais ces appendices subissent des modifications beaucoup olus profondes, dans la portion ainsi détournée de son usage ordinaire, chez les (4) Gerstäcker, Die Gliederfüssler (Arthropoda), dans Bronn’s C/assen und Ordnungen des Thierreichs, t. V, p. 184. 92 BALHRIANI. Phalangides que chez les Scorpionides. En effet, chez les pre- miers, cette portion affecte presque les caractères d’une véritable mâchoire, tandis que chez les seconds, les pièces buccales ne sont pour ainsi dire que de simples prolongements apophysaires de la partie basilaire des appendices thoraciques. Détermination homologique des appendices du Phalangium. — Une comparaison qui présente plus de difficulté et qui a con- duit les naturalistes aux interprétations les plus diverses, est le rapprochement parallélique entre les appendices des Arachnides et ceux des autres Animaux articulés au point de vue de leurs homologies respectives. En laissant de côté les chélicères que la plupart des zoologistes s'accordent, depuis Latreille, à considérer comme les représentants anatomiques des antennes des Insectes et des Crustacés, nous constatons les plusgrandes divergences de vues au sujet de la détermination des autres appendices chezles Ara- chnides (4). C’est ainsi que MM. de Siebold (2), Burmeister (3), Gersiäcker (4), et la plupart des autres naturalistes allemands contemporains, assimilent les deutognathes où appendices pal- -_piformes de ces animaux aux mâchoires des Insectes, et font de la première paire de pattes locomotrices des premiers les homologues des pièces labiales inférieures des seconds. Dans les parallèles établis par Zenker {5) et par Claparède (6), les appendices précédents des Arachnides deviennent au contraire les représentants anatomiqnes des mandibules et des mâchoires des Insectes, dont la lèvre inférieure répond, de son côté, à la deuxième paire de pattes ambulatoires des Arachnides. (4) Parmi les auteurs qui professent encore aujourd'hui l'opinion ancienne consis- tant à assimiler les chélicères des Arachnides aux mandibules des Insectes, nous cite- rons Zaddach (Untersuchungen über die Entwicklung und den Bau der Gliederthiere, 4854, p. 90), et Carl Claus (Grundzüge der Zoologie, 1872, 2° édit, p. 516). (2) Siebold, Manuel d'anat. comp., traduction française, t. [, 1850, p. 499. (3) Burmeister, Zoonomische Briefe, t. 11 (1856), p. 403. (4) Gerstäcker, Die Gliederfüssler, dans Bronn’s Classen und Ordnungen des Thier- reichs, t. V, p. 48. (5) Zenker, Critik der Erichsons’ schet Gliedmassentheorie (Archiv für Naturgesch., 4854, t. I, p. 118). (6) Claparède, Recherches sur l’évolution des Araignées, 1862, p. 82. ARTICLE N° 4. DÉVEIOPPEMENT DES PHALANGIDES, 23 En France, le problème de la détermination des appendices des Arachnides, après avoir occupé tour à tour les plus habiles naturalistes, tels que Savigny, Latreille, Audouin, a été repris, en dernier lieu, par M. E. Blanchard, dontles iravaux à ce sujet méritent une considération sérieuse à cause des éléments nou- veaux que le savant professeur du Muséum a introduits dans la question. Les recherches de M. Blanchard ont principalement porté sur un des types de la classe les plus favorables à l’élucida- tion de plusieurs des points litigieux de la morphologie des Arachnides, les Galéodes (1). Nous avons déjà vu comment ces espèces lui ont servi à fixer l'opinion des zoologistes sur la véri- table signification des appendices antérieurs des Arachnides, en montrant l'identité de leurs connexions nerveuses avec celles des antennes chez les Insectes et les Crustacés. Dans la détermination des autres appendices des Arachnides, M. Blanchard a accordé une attention toute particulière à cer- taines pièces peu apparentes situées dans le voisinage de la bou- che, pièces qui avaient déjà été remarquées et décrites par plu- sieurs de ses prédécesseurs, sans que leur importance dans la question qui nous occupe eût élé soupconnée par ceux-ci. À la suite d’une dissection minutieuse de ces parties chez la Galéode, où elles atteiguent un développement relativement plus considé- rable que chez les autres types de la mème classe, M. Blanchard n'hésita pas à y voir les représentants radimentaires des pièces buccales ordinaires des Insectes et des Crustacés. Ces premiers résultats lui servirent de jalon pour retrouver plus tard les appendices buccaux chez d’autres types d’Arachnides, où leurs homologies sont moins faciles à découvrir que chez les Galéodes, soit par suite de l'avortement plus ou moins complet d’une ou de plusieurs de ces pièces (Scorpionides), soit à raison de leur soudure confuse en un seul appendice médian (Ara- néides) (2). Ajoutons que, dans plus d’une circonstance, M. Blan- (1) E. Blanchard, Observations sur l’organisation d'un type de la classe des Ara- chaides, le genre Galéode (Ann. des sc. natur., 3° série, 1847. t. VIII, p. 231). (2) On peut se demander si l'organe transitoire en forme de trompe relativement 2! RALBIANE. chard à invoqué à l'appui de ses interprétations l’origine des nerfs qui animent ces pièces buccales rudimentaires, en faisant ressortir l'identité existant, sous ce rapport, entre les Arachnides et les Insectes (1). Ces résultats des recherches de M. Blanchard devaient avoir pour conséquence de faire exclure absolument du groupe des membres buccaux proprement dits les appendices que nous avons désignés précédemment sous le nom de deutognaihes, et d'en faire de simples mâchoires auxiliaires ou pieds-mächoires, com- parables à celles des Crustacés décapodes. Telle est effectivement, à l'égard de ces parties, la manière de voir de M. Blanchard, qui leur applique non-seulement chez les Phalangides, mais aussi chez les autres Arachnides, le nom de paites-mâchoires, par op- position avec les autres membres thoraciques ou les pattes ain- bulatoires. Revenant maintenant à nos Phalangium, il n’est pas douteux que le petit prolongement proboseiforme, impair et médian, que j'ai décrit comme existant au-dessous de la base du labre chez l’embeyon et même chez l'animal adulte, ne soit l’änalogue de l’appendice buccal de la Galéode et des autres espèces d’Arachnides. Il présente le plus de ressemblance avec l'organe auquel Latreille a donné le nom de camérostome chez la Mygale (2), et que M. Blanchard considère comme formé par la réunion intime d’une paire de mandibules et de mâchoires, et peut-être aussi d’une lèvre inférieure (3). L'appendice buccal impair du Faucheur doit-il être également considéré comme produit par la coalescence des pièces précédentes ? C’est ce qu'il gigantesque, que M. Metschnikoff décrit sous le nom de lèvre supérieure chez la larve du Chélifère, ne serait pas l’analogue de l’appendice buccal des espèces dont il est question plus haut (Metschnikoff, Entwickelungsgeschichte des Chelifer, dans Zeitschr. f. wiss. Zool., 1874,t. XXI, p. 513). N'y aurait-il pas également lieu de rapprocher des organes précédents la bouche en forme de tube des Pyenogonides, en considérant celle-ci comme formée par la soudure des pièces buccales, ainsi que nous le voyons, par exemple, pour le suçoir de beaucoup d’Insectes diptères ? (4) Blanchard, Organisation du règne animal, ARACHNIDES, passim. (2) Latreille, Cours d’entomologie, 1831, p. 486. (3) Blanchard, Loc. cit., p. 210, pl. 12, fig. 8. ARTICLE N° 1, DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES. 29 m'est impossible de décider. S'il en était effectivement ainsi, il faudrait en conclure que le segment sur lequel s'implante cet appendice, et qui paraît simple chez l'embryon arrivé au stade de développement où nous l'avons observé, que ce segment présente lui-même une composition complexe, en étant formé par la réunion de tous les zoonites correspondants aux appendices de la bouche qui se sont soudés ensemble en un organe unique. Or, cette dernière démonstration ne peut être fournie que par l'étude attentive des phases précoces du développement em- bryonnaire. Elle constitue, par conséquent, un desideratum important de la justesse des vues de M. Blanchard au sujet de la signification des parties qu'il considère comme représentant, chez les Arachnides, les pièces buccales des autres Articulés. Aussi, tant que l'embryologie n'aura pas donné son appui à cetle opinion, nous avouons ne pas pouvoir accepter sans réserve les interprétations de M. le professeur Blanchard rela-. üves à cette question de la morphologie des Arachnides, tout en reconnaissant ce qu’elles ont de séduisant et de vraisemblable. Le jeune Phalangium. De la description précédente de l'embryon du Phalangium, 11 résulte qu'au moment où il vient au monde, le jeune animal pré- sente déjà bien formées toutes les parties qui existent chez l'adulte. Toutefois, ainsi que je l'ai déjà dit, j'ai dû laisser in- déterminée l'espèce à laquelle appartiennent nos petits Faucheurs, les caractères, souvent assez légers, qui différencient entre eux la plupart de nos Phalangium indigènes ne s’aceusant probable- ment qu'à un âge plus avancé. Les deutognathes et les pattes am- bulatoires ont leur nombre de segments définitif, c’est-à-dire de cinq pour les premiers et de six pour les seconds, savoir : la hanche, le trochanter, le fémoral, le génual, le tibial et le tarse. Ce dernier présente cette particularité chez le jeune animal, d'être composé d’un nombre d'articles ou de phalanges beau- coup moindre, à toutes les pattes, que chez l'adulte. J'en ai compté : 9 à la première paire, 22 à la deuxième, 40 à la troi- 26 HAEEHRIANE. sième et 11 à ia quatrième. Or, d’après Koch, le nombre des articles du tarse varie, chez les diverses espèces de Phalangium, d’une paire de pattes à l’autre, chez un même animal, de 20 à 30, au minimum, jusqu à 60 et même 70, au maximum (1). Il en résulte que, chez ces animaux, la croissance des membres locemoteurs s'opère à la fois par l'allongement des segments préexistants et l’addition de nouveaux articles au tarse, à chaque mue. Les appendices de la deuxième paire ou deutognathes sont les seuls qui se terminent par une articulation ou dactylogna- thite simple (fig. 8 et 12, v'). On remarque, en outre, sur cha- cun des trois segments qui précèdent celle-ci, une protubérance allongée s'élevant de la partie interne de l'articulation, et cou- verte d’un nombre variable de poils roides, semblables à de petites épines à extrémité taillée en fer de lance (fig. 8 et 9). Des poils plus courts et plus fins, dont la longueur aagmente sur les dernières divisions du membre, couvrent aussi les pattes ambu- latoires. Enfin celles-ci, de même que les deutognathes, sont armées d'une petite griffe terminale simple. Chez un petitnombre de jeunes individus, j'ai constaté que toutes les pattes étaient notablement plus longues que chez leurs congé- nères, bien qu'ils fussent tous issus d'œufs provenant d’une même ponte (2). J'attribue cette différence à un caractère sexuel, car elle se remarque aussi entre adultes appartenant à une même espèce, où les mâles ont leurs différents appendices plus longs et plus grèles que les femelles(3). Mais il n'existe encore aucune trace, chez les mâles au sortir de l'œuf, des prolongements en forme de corne qui surmontent, dans ce sexe, à l’âge adulte, la base de l’article terminal des chélicères. Cet appendice ne se forme jamais que postérieurement à la naissance. Par sa conformation générale, le corps du petit Faucheur rappelle celui de l'adulte; il s’en distingue néanmoins par plu- (1) Koch, Uebersicht des Arachnidensystems, 2. Heft, 1839. (2) Notre figure 12 est précisément celle d’un petit Phalangium màle; les jeunes femelles avaient les pattes environ un liers moins longues. (3) Cela s’observe notamment chez le Phalangium (Cerastoma) {curvicorne, le Ph. (Opilio) parietinum, ete. (Koch, Die Arachniden, 1849, t. XVI). ARTICLE N° À, DÉVELOPPEMENT DES PHALANGIDES. 27 sieurs particularités qui ne laissent pas de donner à l'animal jeune un aspect encore plus singulier que celui de l'individu arrivé au terme de son accroissement. Ces changements sur- viennent surtout vers la fin de la vie embryonnaire. A cette époque, le vitellus primitivement contenu dans les cavités abda- minale et thoracique, et qui contribuait à donner au corps sa rotondité, est rapidement absorbé. Par suite de la vacuité qui en résulte dans ces cavités, leur paroi dorsale, principalement celle de l'abdomen, se déprime à sa partie centrale, tandis que Îles bords se relèvent de chaque côté sous la forme d'une crête festonnée (fig. 12). Cette apparence bizarre du petüt animal est complétée par deux veux hors de proportion avec le corps, et entourés d'un pigment abondant qui forme une large tache noirâtre à la face dorsale du céphalothorax. Tout l'animal est d’un blanc grisâtre, moucheté de petites taches irrégulières d’un vert pâle. Malgré la transparence du tégument extérieur, on ne distingue que confusément les organes internes. L’abdomen et le thorax ne contiennent qu’une quantité insignitiante de granulations vitellines, contrairement aux Arai- gnées, qui emportent de l'œuf une provision abondante de sub- stance nutritive non assimilée. De là une grande différence entre celles-ci et les Phalangium, relativement à leur faculté de survie après la sortie de l'œuf, lorsque ces animaux se sont pas à même de pourvoir à leur subsistance. Tandis que la petite Araignée peut vivre pendant des semaines sans prendre aucune nourriture, j'ai eu le regret de voir périr mes jeunes Phalan- gium dans les deux où trois jours qui suivaient l’éclosion, par suite de la privation d’aliment. Aussitôt après s'être dégagé des enveloppes de l'œuf, le petit Faucheur s'apprête à subir sa première mue. On remarque sur la dépouille qu'il abandonne le petit organe en forme d’épine que Jai signalé précédemment chez l'embryon à la partie supérieure du céphalothorax, en avant des yeux. Cette pointe frontale ne se reforme pas avec le nouveau tégument. Enfin, ajoutons comme un trait de mœurs qui complète cette description du jeune Pha- langium, qu'au moindre attouchement, au plus léger ébranle- ment communiqué à la surface qui le porte, 1l replote ses pattes, 26 BALBREIANTI. tombe dans une immobilité complète et fait le mort, habitude que ne possèdent pas, que je sache, les Phalangium à l’état adulte (1). EXPLICATION DES FIGURES. (PL. 1 ET 2.) Les lettres suivantes ont dans toutes les figures la même signification : — 4, abdo- men; C, céphalothorax; G1, protognathes ou chélicères ; G2, deutognathes ou palpes ; P1, P?, P5, P4, pattes ambulatoires; a, enveloppe externe de l'œuf ou chorion : b, enveloppe interne (membrane vitelline?); e, organe frontal transitoire de l'embryon : di, d?, segments du céphalothorax; et, e7, segments de l'abdomen ; ep, ep',epl', pièces épimériennes rudimentaires; /, sternum; g, anus; h, appendice buccal el son z00- nite; /, labre; /s, lèvre sternale; xt, premières mâchoires; "17?, deuxièmes mâchoires; »75, troisièmes mâchoires; 0, bouche; oc, yeux; og, ouverture génitale ; q, hanche ; », trochanter ; s, fémoral ; f, génual ; w, tibial; v,tarse; g/-v/, articula- tions du deutognathe correspondant à celles des pattes ambulatoires; x,7, branches accessoires rudimentaires du même appendice. Fig. 4. Portisn des euveloppes de l’œuf. Fig. 2, 3, 4 et 5. Montrant sous trois aspects différents, de face, de profil et de dos, la position de l'embryon dans l’œuf pendant le dernier stade de son développement. — Grossissement de 50 diamètres. Fig. 6. Embryon dégagé des enveloppes de l'œuf et vu de profil. Fig. 7. Tubercule oculifère vu par devant. Fig. 8. Portion libre ou palpiforme du deutognathe d’un jeune Phalangium venant d’éclore. Fig. 9. Un des poils épineux de cette partie. Fig, 10. Tarse de la troisième paire de pattes ambulatoires du même jeune individu. Fig. 11. Face inférieure du céphalothorax de l'embryon de la figure 6, montrant les articles basilaires des appendices modifiés pour former les pièces de la bouche. Fig. 12. Phalangium mâle au sortir de l’œuf, grossi environ 35 fois. Fig. 13. Région buccale d’un: individu femelle adulte du Phalangium Opilio, vue de face. Les hanches (g) des deutognathes (G?) sont soulevées pour montrer les lobes maxillaires (x1) qu'elles portent à leur partie interne, ainsi que l’appendice buc- cal (2) et l'entrée de la bouche (0). #x1, première paire de mâchoires formées par deux valves membraneuses plissées ; ma?, deuxième paire de mâchoires, composées de trois portions: une externe, coriace, en forme de croissant; une moyenne, écailleuse, convexe et arrondie, garnie de poils ; et une interne, membraneuse, fine et transparente; #23, mâchoires rudimentaires, formées d’une seule pièce écailleuse couverte de poils. Pour les autres détails de la figure, voyez l'explication générale des lettres. Fig. 14, Même région, vue de trois quarts, les hanches des deutognathes étant rabattues de manière à cacher entièrement les premières màchoires. (4) Je la vois cependant signalée par Lubbock chez le Nemastoma bimaculalum, petite espèce qui vit sous les pierres, les pièces de bois, etc. (Lubbock, Notes on the Generative Organs and on the Formation of the Egg in the Annulosa, dans Philos. Trans., 1862, t. CLI, p. 595.) ARTICLE N° 4. RÉSUMÉ DES RECHERCHES SUR LES OISEAUX FOSSILES, Par NI. ALPH, MELNE EDVVARDS. (Note lue à l’Académie des sciences le 15 avril 1872.) Au moment ou mes recherches sur les Oiseaux fossiles tou - chent à leur fin, et avant que le dernier fascicule de mon ouvrage soit livré au public (1), je demanderai à l’Académie la per- mission de lui exposer en quelques mots les résultats auxquels jai élé conduit par ces études, qui n'ont pas duré moins de douze années. Je n'ai pas besoin de rappeler en ce moment quel était l'état de nos connaissances d’ornithologie paléontologique lorsque j'ai commencé mon travail; le rapport fait sur ce sujet dans cette encelute, en 1856, par le savant membre de la commission chargée de décerner le grand prix des sciences physiques, à par- faitement mis en lumière ce que cette branche de la zoologie avait d'incomplet, et quel effort elle devait faire pour se mettre au niveau des autres parties de la paléontologie. Il me suffira de dire que j'ai réuni plus de vingt mille ossements d'Oiseaux pro- venant de terrains tres-différents, reconstitué ainsi près de cent trente espèces complétement inconnues, et sous ce rapport éla- bh les caractères des différentes faunes, depuis l'époque cré- tacée jusqu'à la période actuelle. Les faits nouveaux que j'ai pu enregistrer n’ont, dans certains (4) La quarante-troisième et dernière livraison de cet ouvrase vient de paraître chez M. G. Masson, éditeur des Annales (quatre volumes in-4°, dont deux composant l’atlas). ANN« SC, NAT, — ART. N° 2. 2 RAILS. DAELRE HEDVV ARS. cas, que confirmé les résultats auxquels avaient conduit les re- cherches sur les Mammifères ou les Reptiles fossiles; mais, dans d’autres circonstances, 1ls ont apporté de nouveaux éléments qui permettront d'apprécier plus exactement l'état physique du globe à ces époques reculées. Je crois avoir démontré, par l'étude des ossements que l'on trouve dans les terrains récents des îles Mascareignes, et qui apparüennent pour la plupart à des espèces éteintes, telles que le Dronte, le Solitaire, l'Aphanapteryæ, le Foulque de Newton, les grands Perroquets, etc., que ces îles devaient se rattacher à une vaste étendue de terres; que ces terres, peu à peu et par un abaissement lent, ont été cachées sous les eaux du grand Océan, laissant paraître quelques-uns de leurs points culminants, tels que Maurice, Rodrigues et Bourbon. Ces îles ont servi de refuge aux derniers représentants de la population terrestre de ces époques anciennes ; mais les animaux confinés dans un espace trop limité, et exposés à toutes les causes de destruction, ont disparu peu à peu, et l'Homme a pu en quelque sorte assister à leur anéantissement. Madagascar n’était évidemment pas en communication immé- diate avec ces îles; car, lorsque les Européens les visitèrent pour la première fois, ilsn’y trouvèrent pas de Mammifères, à l'exception de quelques grandes Chauves-Souris ; aucun de ces Lémuriens si remarquables et spéciaux à la faune malgache n'existait aux Mascareignes. L'étude des Oiseaux fossiles conduit au même résultat, et les trois espèces d’'Æpyornis que M. A. Grandidier et moi avons pu reconnaître parmi les fossiles recueillis dans les marais de la côte S. O. nous ont permis d'établir les liens de parenté qui rattachent ces Oiseaux aux Dinornis, aux Palapte- ryæ etaux Aplornis de la Nouvelle-Zélande. Toutes ces espèces appartiennent au même type zoologique, et font pressentir qu'à une époque plus ou moins reculée, il a pu exister des communi- cations entre ces terres si distantes l’une de l'autre; peut-être des groupes d'îles, aujourd’hui submergées, établissaient-ils des stations intermédiaires, dont malheureusement nous ne pouvons plus trouver aucune trace. ARTICLE N° 2. RÉSUMÉ DES RECHERCHES SUR LES OISEAUX FOSSILES. 2 En France, dès les premiers âges de l'Homme, nous remar— quons, soit dans les terrains meubles, soit dans les cavernes, des débris d’'Oiseaux qui nous fournissent de précieuses indications sur les conditions climatiques de cette époque. Quelques-unes de ces espèces ont aujourd'hui entièrement disparu ; d’autres, en assez grand nombre, se sont peu à peu retirées versle nord : ce sont des Tétras et la grande Chouette Harfang, qui alors étaient extrêmement communs dans nos contrées ; leur présence est des plus significatives : ear si, pour quelques naiuralistes, le Renne n’a vécu en France que parce qu'il y avait été mtro- duit par les populations finnoises, on ne peut invoquer la même explication pour des Oiseaux qui n'ont jamais été domestiqués. Enfin on trouve encore dans nos cavernes un grand nombre d'espèces identiques avec celles qui habitent aujourd'hui l'Eu- rope tempérée, et entre autres le Coq, que l’on croyait originaire des Indes, et qui, au centraire, aurait été le contemporain des premiers âges de l'Homme. Ce sont surtout les terrains tertiaires moyens qui m'ont fourni une riche moisson. Ainsi, dans le département de l’Aïlier, j'ai reconnu la présence d'environ soixante-dix espèces se rapportant à des groupes très-variés, et dont quelques-uns n’appartiennent plus à notre faune. Des Perroquets, des Couroucous, habitaient les bois; des Salanganes construisaient dans les anfractuosités des rochers des nids probablement semblables à ceux que l'on trouve aujourd’hui dans certaines parties de l’Asie et de l'archi- pel indien. Un Serpentaire, assez rapproché de celui du cap de Bonne-Espérance, cherchait dans les plaines les Serpents et les Reptiles qui, à cette époque comme aujourd'hui, devaient for- mer sa nourriture habituelle. De grands Marabouts, des Grues, des Flamants, et les Palælodus, oiseaux à formes bizarres, parti- cipant à la fois des Flamants et des Échassiers ordinaires ; des Ibis, fréquentaient le bord des cours d’eau où abondaïent les larves d'Insectes et les Mollusques ; des Pélicans nageaient au milieu des lacs; enfin les Gangas et de nombreux Gallinacés achèvent de donner à cette population ornithologique une phy- sionomie dont il est impossible de ne pas être frappé, et qui rap- 1 ALPH. MILNE EDWARDS. pelle les tableaux que Livingstone nous a tracés de certains lacs de l'Afrique australe. ( La liste que J'ai donnée des Oiseaux dont j'ai pu constater l'existence dans la partie des lacs miocènes, dont ies alluvions ont formé les terrains de Saint-Gérand le Puy, de Vaumas, etc., indique les rapports dans lesquels vivaient les différents grou- pes de cette classe de Vertébrés. Tandis que certains d’entre eux sont extrèmement communs, il en est d’autres qui ne se trouvent, pour ainsi dire, qu'accidentellement, et qui ne sont représentés dans ma collection que par un seul ou par quel- ques 05. Les espèces que l'on reucontre le plus fréquemment sont aquatiques : ainsi les Canards ont laissé de nombreux débris ; au contraire, le Cormoran ne se trouve que sur certains points. Évidemment à cette époque, ainsi qu'aujourd'hui, ces Oiseaux affectionnaient certaines places, certains rochers, dont ils séloignaient peu. Le petit Plongeon (Colymboides minutus ) est moins abondant que les Mouettes, dont deux espèces, le Larus elegans et le L. totanoides, existent à profusion. 11 en est de même pour quelques-uns des petits Échassiers de rivage appartenant aux genres Totanus et Tringa, tandis que les Elorius et les Himantopus sont représentés par de rares indivi- dus. J'ai trouvé de nombreux ossements de l'Ibis, et surtout du Palælodus ambiguus ; les quatre autres espèces de ce genre sont moins communes. Ainsi sur deux cents ossements deces Oiseaux, on en compte à peine un provenant du P. crassipes, du P, mi- nutus, du P. gracilipes ou du P. Goliath. Les pièces du squelette du Flamant se trouvent rarement entières à Saint-Gérand le Puy : au contraire, à Cournon et à Chaptuzat, elles sont bien conservées. Je n'ai jamais rencontré qu'une seule fois des os du Marabout ; ils appartenaient à deux jeunes individus, et étaient réunis dans une même excavation remplie de sable. Les Grues sont rares; leurs os sont presque toujours brisés, et souvent attaqués par la dent des Rongeurs, comme s'ils avaient séjourné longtemps sur le rivage avant d’être entraînés au fond du lac. Les Râles, les Gallinacés, les Colombes, les Gangas, les Passe ARTICLE N° 2. RÉSUMÉ DES RECHERCHES SUR LES OISEAUX FOSSILES. 5 reaux, les Rapaces et les Perroquets, n'ont laissé que peu de traces de leur existence. Ces Oiseaux, à raison de leur genre de vie, ne se trouvaient pas continuellement sur le bord des lacs ou des cours d'eau; leurs dépouilles pouvaient être dévorées ou détruites sur place, et il fallait un concours exceptionnel de circonstances pour qu'elles fussent transportées par les eaux dans les alluvious des lacs : aussi j'ai exploré pendant plus de dix années ces gisements avant d'y avoir rencontré un seul os du Perroquet, du Gauga, du Secrétaire ou de plusieurs des Rapaces, et quelques-uns, dont j'avais recueilli des débris 1l y a fort longtemps, ne se sont plus présentés depuis. La plupart de ces Oiseaux ne paraissent pas avoir seulement choisi cette région comme station de passage, et s'ils nv habi- taient pas toute l’année, du moins ils y établissaient leurs nids, ainsi que l’attestent les œufs fossiles que l’on rencontre dans un état de conservation qui Souvent ne laisse rien à désirer, et la masse énorme d'ossements de très-jeunes Oiseaux, chez lesquels les épiphyses n'étaient même pas soudées. Avec ces animaux vivaient de nombreux Mammifères appar- tenant à divers ordres : les Carnassiers, les Rongeurs, les Rumi- nants et les Pachydermes y étaient abondants. Les Cœnotherium s’y réunissaient en troupes innombrables, et servaient de pâture non-seulement aux Amphicyons, mais aussi aux petits Carnas- siers qui fréquentaient ces rivages, tels que les Lutrictis, les Plésiogales, les Plessictis, et aux Aigles, dont 1l existe plusieurs espèces. Tous les ossements d'Oiseaux recueillis dans les couches mio- cènes de Weissenau, dans le bassin de Mayence, et que j'ai pu examiner, présentent une similitude complète avec ceux du dé- partement de l’Allier. La population ornithologique du célèbre gisement de Sansan, dans le département du Gers, présente un autre caractère: au cun de ses représentants ne se retrouve dans les terrains lacustres du Bourbonnais et de la Limagne, et si la plupart des espèces appartiennent à des familles existant dans notre faune contem-— poraine, pas une n'est connue dans la nature actuelle, et plu- SC. NAT. JUIN 1872, ARTIGLE N° 2, 6) 6 AILBPHN. NANELNE HD ON ADS. sieurs d’entre elles offrent des caractères sulfisants pour consti- tuer des genres nouveaux. J'y ai trouvé un Perroquet à formes plus grêles que celui de l'Allier, et que je désigne sous le nom de Psitacus Lartehanus, pour attacher le nom de mon regretté maitre et ami à l’une des espèces les plus intéressantes qui ait jamais été trouvée dans ce riche gisement. Des Gallinacés de grande taille, et, sous ce rapport, à peine inférieurs au Paon, de véritables Faisans, ha- bitaient aussi le bord du petit lac où se sont accumulés les dépôts qui aujourd’hui forment la colline de Sansan. De très-nombreux Passereaux, rappelant les Bengalis et les Sénégalis, fréquen- taient aussi le bord des eaux. Enfin, le nombre des espèces n’était pas inférieur à trente-cinq, et certainement de nouvelles fouilles ne manqueront pas d’en faire connaître davantage. Les faluns marins de la Loire ne m'ont fourni que peu d’es- pèces d'Oiseaux ; J'ai pu cependant y reconnaitre un Cormoran presque aussi grand que celui qui vit aujourd'hui sur nos côtes ; une Oie un peu plus pelite que la Bernache, un Héron et un Faisan. Les couches de gypse des environs de Paris renferment de nombreuses empreintes de squelettes d'Oiseaux, et l'on remarque que ces animaux, à cette époque, s éloignaient davantage des formes zoologiques qui existent aujourd'hui; aussi, malgré la répugnance que j'éprouve, surtout dans des études paléontolo- giques, à augmenter le nombre déjà trop grand des coupes géné- riques, j'ai été obligé de former pour beaucoup d'entre eux des genres nouveaux. Ainsi le Cryplornis antiquus était plus voisin des Calaos que d’aueun type connu; le Laurillardia, le Palægi- thalus, appartiennent à l'ordre des Passereaux, mais se dis- tinguent de tous ceux que nous connaissons dans la nature actuelle. Les Palæortyx sont des Gallinacés de la taille des Cailles, mais bien différents de ces Oiseaux. Le Gypsorms est le géant de la famille des Rallides ; 1l devait presque atteindre la taille de la Cigogne. L'Agnopterus se rapproche des Flamants, bien qu'il revète des caractères qui lui sont spéciaux. ARTICLE N° 2, RESUMÉ DES RECHERCHES SUR LES OISEAUX FOSSILES. 7 La singularité des formes de ces Oiseaux éocènes nous fait doublement regretter de ne pas connaître ceux de la période crétacée. Il n'existe malheureuserient qu'un très-petit nombre de dépôts d’eau douce datant de cette époque ; il n’est donc pas étonnant qu'on n'y ait encore signalé que peu de traces des ani- maux terrestres qui vivaient pendant le dépôt de ces puissantes assises : peut-être y découvrira-t-on des formes zoologiques nouvelles pouvant combler l'immense lacune qui existe entre l'Archæopleryx jurassique et les Oiseaux typiques de l’époque tertiaire. NOTE SUR UNE NOUVELLE ESPÈCE DE TATOU A CUIRASSE INCOMPLÈTE ( SCLEROPLEURA BRUNETI), Par M. Alph. MILNE EDW ARDS. Pendant son dernier voyage à Paris, M. Brunet, directeur de l’École d'agriculture de Fernambouc, a bien voulu me remettre la dépouille incomplète d’un T.tou qui présente des caractères très-singuliers, et que je n’ai pu rapporter à aucune espèce décrite ni même à aucun des sous-genres déjà établis. Cet animal paraît très-rare au Brésil; il à été tué dans la province de Ceara, par un des chasseurs du pays, auquel il était auparavant complétement inconnu. Malheureusement, celui-ci se contenta d’enlever la peau sans les pattes, et, au lieu de la préparer convenablement, il la tanna, et fit tomber ainsi les poils qui couvraient la partie supérieure du corps. Les plaques dermiques sont beaucoup moins développées que chez les autres représentants du grand genre Dasypus ; elles ne couvrent pas entièrement le dos, et elles n'existent sur la plus grande partie du corps que latéralement; toute la région médiane étant au contraire revêtue d’une peau flexible et sur laquelle s’implantent, paraît-il, des poils longs et assez serrés. La tête est large et courte; la face supérieure porte une bordure for- mée en arrière par une seule rangée et sur les côtés par deux rangées de plaques, dont les dimensions diminuent graduellement d’arrière en avant ; un large espace nu occupe la portion médiane de la tête et se continue postérieurement avec la région nuchale, qui est également dépourvue de plaques. Les oreilles sont petites et très-écartées l’une de l’autre, ce qui donne à l’animal un aspect fort différent des Tatusies, dont les oreilles sont grandes et si rapprochées. qu’elles sc touchent par leur bord interne. Dans la région scapulaire, il y a sur la ligne médiane trois rangées de plaques qu’une ou deux rangées de pièces analogues relient à celles des côtés ; ces dernières sont petites et peu serrées les unes contre les autres. En arrière de cette sorte de ceinture scapulaire, la portion médiane du corps est nue sur une largeur assez considérable et qui augmente dans la région pelvienne. La queue est assez longue et entièrement dépourvue de plaques, si ce n’est dans la moitié postérieure et en dessous où il en existe quelques-unes très-petites. > ARTICLE N° 5. NOTE SUR LES OPHIURIDES ET EURYALES QUI SE TROUVENT DANS LES COLLECTIONS DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE DE PARIS, Par MI. Théodore LYMAN (1). ASTRONICDA, gen. nov. / Le disque est divisé en dix lobes radiaux, par autant de rai- nures, dont une à chaque aire brachiale et interbrachiale. La face dorsale du disque est hérissée de granules et de grosses papilles. Les bras se bifurquent plusieurs fois, comme chez le Trichaster. Le tégument du disque et des bras est revêtu d’une mosaïque de granules aplatis. Les articulations du bras sont indiquées par de petites crêles de granules portant souvent des crochets microscopiques. Les piquants des bras, modifiés par des dentelures à leur extrémité, sont disposés en rang serré au- dessus du pore tentaculaire. Les papilles de la bouche, les dents et les papilles dentaires (papillæ dentales) sont spiniformes, et se ressemblent toutes entre elles. Il y a, dans chaque aire inter- brachiale, deux fentes génitales placées le long des bras. On pourrait bien appeler cette Euryale un Astroomphus à bras divisés. ie AsTROGNIDA Îsipis, Lyman. TricHaster Isipis, Duchassaing, Animaux radiaires des Antilles, 1850. TRICHASTER ANNULATA, Valenciennes, Mss. Cat. du Mus. Diamètre du disque, 33 millimètres. Largeur du bras, près du (4) J'ai à remercier M. le professeur Deshayes, qui a bien voulu m’accorder toutes les facilités pour l’étude de cette grande et belle collection. ANN. SG NAT, — ART. N° 4, D LYMEAN. disque, 7 millimètres. Longueur totale du bras, 231 millimètres, savoir : du bord du disque à la première bifureation, 77 milli- mètres ; de la première à la seconde, 83 millimètres; de la seconde à la troisième, 14 millimètres ; de la troisième à la qua- trième, 48 millimètres ; de la quatrième à l'extrémité, 42 mul- limètres. Les papilles spiniformes de la bouche, dont les fentes buccales et la mâchoire sont armées, se ressemblent toutes; cependant les trois papilles qui remplacent les dents sont un peu plus fortes et plus aplaties que leurs voisines. Elles sont suivies d'un faisceau de papilles moins grosses, et qui occupent la posi- üon des papilles dentaires. Enfin, les papilles de la bouche gar- uissant les fentes buccales sont les plus petites de toutes, quoique celles qui se trouvent à l’angle interne aient un développement plus considérable. Les bras, plus hauts que larges et convexes en dessus, ont leur face inférieure aplatie et pavée d’une mosaï- que de granules lisses. Les petites crêtes, qui indiquent les arti- culations en traversant la convexité supérieure du bras, se composent de deux rangées de granules oblongs soudés inti- mement entre eux. Ces granules portent souvent des crochets microscopiques comparables à ceux qu'on trouve chez les Astro- gomphus et les Astrophyton. Quant à l’espace qui se montre entre ces crêtes, il est pavé de granules lisses, rangés en cinq lignes transversales irrégulières, dont la ligne du milieu se com- pose de granules plus gros que ceux des autres. Les côtes sail- lanies du disque, qui caractérisent toujours les Euryales, sont tellement larges, qu’elles occupent, pour ainsi dire, toute la face dorsale, de sorte qu’on ne voit que dix lobes radiaux séparés l’un de l’autre par autant de rainures étroites. À l’état sec, ces côtes sont très-bombées, mais l'animal vivant devait les avoir moins prononcées. Les cercles concentriques de papilles dont elles sont hérissées sont de deux sortes, c’est-à-dire que les trois ou quatre cereles extérieurs se composent de granules tout à fait pareils à ceux des crêtes des bras; tandis que les cercles in- ternes ne sont que des rangées de fortes papilles coniques ayant une hauteur de 1"",5. Le tégument de la face dorsale et des aires interbrachiales inférieures est pavé de granules lisses ARTICLE N° A. OPHIURIDES ET EURYALES DU MUSÉUM. à comme ceux des bras. Le long des fentes génitales, 1l y a des rangées irrégulières de petites papilles qui sont également semées dans les aires interbrachiales et sur les angles de la bouche. Près du commencement du bras, les piquants sont au nombre de sept: ils sont égaux, cylindriques, un peu gonflés vers leur base et à peu près aussi longs qu'une articulation. L'original de Duchassaing, provenant de la Guadeloupe, existe encore dans la collection de Michelin, mais en très-mauvais état. Le bel exemplaire rapporté, 1l y a bien des années, de la même localité, par Beaupertuis, est fixé sur un (Gorgonia verticillata, avec plusieurs individus de l’Asteroschema oligactes. ASTEROMORPHA LÆVIS, SP. NOV. Diamètre du disque, 9 millimétres. Longueur du bras, 135 millimètres. Largeur du bras, près du disque, 3°”°,5. Il n'ya ni papilles buecales (papillæ orales), ni papilles dentaires (papillæ dentales), quoique la granulation fine du tégument de- vienne de beaucoup plus grosse autour des dents, de sorte qu’on remarque quelques forts granules sur les côtés des fentes buc- cales. Les dents sont triangulaires, pointues et aplaties. Les bras, plus hauts que larges et voütés en dessus, sont divisés en arti- culations par de légères rainures transversales ; leur face infé- rieure est cependant presque unie. Les dix lobes du disque sont peu prononcés et sont revêtus, ainsi que les bras, d’une granu- lation régulière et très-fine. On compte jusqu'à neuf granules dans la longueur d’un millimètre sur la face dorsale, et davan- tage sur la face ventrale. La cavité interbrachiale, qui renferme les deux courtes fentes génitales, est assez distincte ; il est cepen- dant à remarquer que cette cavité varie beaucoup de profondeur, selon l’état de tension du tégument interbrachial. Les fentes génitales étant fermées, le tégument s'élève et la cavité parait moins prononcée ; mais si, au contraire, elles sont bien entr’ou- vertes, alors le tégument tombe et la cavité devient plus pro- fonde. Aussi faut-il remarquer que ce caractère, qui semble uni- quement séparer le genre Asteromorpha de V Asteroschema n’est ll LYMAN. pas si bien fondé qu'on pourrait croire au premier abord : mais c'est un caractère qui rapproche l’Asteromorpha du Trichaster, et qui doit ainsi avoir une valeur générique. Les deux premières paires de pores tentaculaires sont dépourvues de papilles (papillæ ambulacrales). Les cinq ou six qui suivent portent à chaque pore une papille plus longue que large, et aplatie. Au septième pore, on commence à observer une seconde papille, à côté de la pre- mière, el qui lui ressemble quoique plus petite. La couleur, en esprit de vin, est d'un brun clair. Un autre exemplaire, rapporté par A. Rousseau, de la Gua- deloupe, présente quelques différences. La granulation de la face dorsale du disque est plus fine ; quinze granules, à peu près, dans la longueur d’un millimètre ; aussi il n’y a quela première paire de pores tentaculaires qui soit dépourvue de papilles. Diamètre du disque, 7°",5. Longueur du bras, 93 millimètres. C'est là, soit une variété, soit une seconde espèce. Le genre Asteromorpha a élé établi par le docteur Lütken, sur une Euryale à bras simples, d’origine inconnue, et quil à nommée À. Steenstrupii (1). J'ai été assez heureux pour retrou- ver cette espèce dans la collection de Michelin, au Jardin des plantes, et pour m'assurer que sou Asteroschema Rousseau ui est identique. Je ne crois pas, cependant, que le nom donné par le docteur Lütken doive tomber, parce que la description de Michelin {2) est tellement vague et tellement mêlée avec la des- cription de l'A. oligactes tirée de l'ouvrage du docteur Luütken, qu'elle finit par être impossible à reconnaître. Au reste, cette Euryale intéressante provient de l’île Bourbon, et se distingue assez nettement de l’Asteromorpha lœvis par les granules du dis- que disposées en lignes, tandis que celui-ci les a répandus sur le tégument d'une manière uniforme. (1) Lütken, Additamenta ad historiam Ophiuridarum, WA, 1869 ,p.100 (avec fig.). (2) Notes sur Pile de la Réunion, par L. Maillard, 1863. Annexe par H. Michelin, p. À, 6. ARTICLE N° 4. OPHIURIDES ET EURYALES DE MUSÉUM. 5 HEMIEURYALE PUSTULATA, Martens. L’Hemieuryale puslulata est décrit par M. von Martens (1) comme appartenant aux Astrophyton à bras indivisés. Cet auteur distingué nous fait remarquer que le disque se confond plus ou moins avec les bras, et que ceux-ci sont préhensiles, c’est-à- dire qu'ils se roulent autour des objets auxquels ils s’attachent. Il hésite cependant à s'exprimer nettement sur sa position natu- relle, puisque la bouche de ses exemplaires étant fermée de ma- nière qu'on n'y voyait pas l'intérieur, 11 lui était impossible de constater la présence de dents. Or, il faut observer que l’Æemi- euryale a beaucoup de ressemblance avec les vraies Ophiures. Le disque, quoique petit, est pourvu de plaques radiales et d’écailles ; les bras sont entourés de fortes plaques, parmi les- quelles on distingue parfaitement les ventrales et les latérales. Quant aux plaques dorsales, on croit les voir remplacées par une sorte de mosaïque de petites pièces. En outre il y a, de chaque côté, un petit écusson fortement bombé, qui se trouve placé entre, et un peu au-dessus des plaques latérales, et dont la pré- sence paraît, au premier abord, ètre quelque chose d’excep- tionnel. Ce n’est qu'en cherchant à l'extrémité du bras, où les articulations se produisent, qu'on reconnaît la vraie homologie de ces pièces. Là il n’y est plus question ni de mosaïque, ni de pièces exceptionnelles. On n'y trouve guère qu'une plaque ven- trale, une latérale et une dorsale, dont celle-ci tres-petite. A la distance de quelques articulations de l’extrénuté du bras, on remarque deux ou trois granules de forme irrégulière, soudés au bord extérieur de la plaque dorsale. En descendant le bras vers le disque, ces granules ne tardent pas à devenir plus nom- breux, en même temps que deux d’entre eux, qui sont placés de chaque côté, deviennent toujours plus gros et plus domi- pants ; tandis que la plaque dorsale ne grossit pas et se confond peu à peu avec les granules supplémentaires. Il en résulte que la (1) Monatsberichi der Lôn. Akad. Berlin, 1867, p. 484. 6 LYMEAN. face dorsale du bras est revêtue de la mosaïque dont on vient de parler, et que les deux granules dominants forment les écussons bombés qui sont adossés contre les plaques latérales. C'est à peu de chose près ce qui se passe chez l'Ophioplocus (Oplhaolepis) imbricatus, où la plaque dorsale se divise en deux, et où les pièces supplémentaires se produisent ensuite entre ces deux moi- tiés, et finissent par former une sorte de mosaïque. Quant aux papilles calcaires de la bouche, toutes les homolo- gies indiquaient qu'une Ophiure munie d'écailles et d’écussons radiaux, ainsi que de plaques brachiales et buccales, devait aussi avoir des dents (dentes). Effectivement, je les ai ininédiatement découvertes au nombre de cinq. Elles sont courtes, un peu poin- tues et de forme réguhiere. Ainsi, est-il évident que l’Hemieuryale n'a aucune relation avec les Euryales, mais au contraire que c'est une vraie Ophiure à longs bras préhensiles (comme chez l'Ophiochondrus), dont la face Horde est revêtue de plaques supplémentaires très-com- pliquées (comme chez l'Op/ioplocus). D’après les exemplaires de Keraudrin, au Musée, cette te eurieuse provient du Sénégal. Il y a également plusieurs indi- vidus dans la collection de Michelin, mais malheureusement les étiquettes manquent. Le docteur Lütken vient de m'écrire que M. Ljungman possède un exemplaire de cette espèce envoyé de Saint-Barthélemy, aux Antilles, par le docteur Goës, et sur lequel il va publier les détails intéressants. Îl faut ajouter que la connaissance de l'Hemieuryale jette de la lumière sur une espèce jusqu'à présent très-obscure, et dont l'original n’existe plus. C’est l'Ophiura cuspidifera figuré dans l'Encyclopédie méthodique (Vers, pl. 122, fig. 5-8). On y re- marque des écussons bombés sur les bras et sur le disque, comme chez l'Hemieuryale. Aussi les proportions sont-elles les mêmes ; seulement les bras sont plus courts. C'est sans doute une espèce de ce genre dont l'original est à retrouver. ARTICLE N° 4. OPHIURIDES ET EURYALES DU MUSÉUM. 7 DESCRIPTIONS DE DUCHASSAING. J'avais déjà indiqué (1) que les courtes diagnoses d’Ophiures et d'Euryales données par Duchassung (2) élaient insuffisantes pour déterminer les espèces qu'il aurait voulu décrire ; surtout quand on se rend compte de la confusion qu'il a faite d'espèces étrangères avec celles qui appartiennent proprement aux Antilles. Ayant trouvé dans la collection de Michelin une grande partie des originaux de Duchassaiug, je crois utile d'ajouter la liste sut- vante comme clef à ces diagnoses : on Ophiura brevicauda, Lym. Ophioderma variegata, Duchassaing. — cinerea, Lym. == — saratilrs, id. Ophiozona impressa, Lym. — Ophiolepis annulosa, id. (non Müll., Trosch.). Ophionereis reticulata, Lik. — — albida, id. (ron Müll., Trosch.). _ | Ophiocoma scolopendrina, id. (non Lmk.). Crise HF Fr — hexactinia, id. (Müll., Trosch.). — crassispina, id. (Müll., Trosch.). Ophiocoma echinata, Agass. SAR à 1 DT — serpentaria, id. (non Müll., Trosch.). I Ophiothrix Orstedii, Lik. — Ophiothrix fragilis, id. — violacea, Lik. = — quinquefissa, id. Ophiomyxa flaccida, Ltk. — Ophiolepis Tancredi, id. Astrocnida Isidis, Lym. — Trichaster Isidis, id. Quant aux Ophiolepis trisquamosa, O. vicina, Ophiarachna Gorgonia, Euryale coslosa et E. muricala, je n'ai point trouvé d'échantillons. D'Ophiocoma punclata, Duchass., il existe un exemplaire, avec cette étiquette: « Espèce rarissime », de l'éeri- ture de Duchassaing lui-même. C’est une Ophiure qui res- semble à l'Ophiocoma pumila, seulement le disque est plus épais, les bras sont plus forts et les piquants plus larges, Je ne sais pas trop si c’est une bonne espèce ou une variété. Aux deux échantillons d'Astrophyton arborescens rapportés de la Guadeloupe (Maugé, 1799 ; Beaupertuis, 1837), j'ai à ajouter un jeune exemplaire du même, envoyé par Duchassaing à Michelin. En voilà trois de cette espèce qui habite ordinaire- (1) Hustrated Catalogue of the Museum of comparative Zoology, 1874, VI, p. 5. (2) Animaux radiaires des Antilles, 1850, p. 4, o) LYMAX. nent la Méditerranée. Ce sont les seuls, à ce que je sais, trouvés aux Antilles, et ils proviennent uniquement de la Guadeloupe. Les recherches d’Agassiz et de Pourtalès, à la Floride et près de Cuba, et de Rüse à Saint-Thomas, n’ont rien signalé de la sorte. Or, cette petite île de la Guadeloupe est placée Justement sur la partie la plus saillante du groupe des Antilles, avec Saint- Barthélemy, la Martinique, et d’autres des W'indward islands. C’est ainsi exposée au premier coup du courant équatorial du nord, qui pourrait y apporter des embryons pélagiques. En ou- tre, les échantillons d’Æemieuryale pustulala qui se trouvent dans la collection de Michelin nous portent à croire que peut-être celte espèce habite également l'Afrique et la Guadeloupe, conjecture que l'échantillon envoyé de Saint-Barthélemy à M. Ljungman tend à confirmer. En tout cas, la question d'iden- tité d'espèces européennes, africaines et américaines doit occuper sérieusement l’attention des zoologistes. ARTICLE N° 4 ÉTUDES D'ANATOMIE COMPARÉE SUR LES ORGANES DU TOUCHER MAMMIFÈRES, OISEAUX, POISSONS ET INSECTES, Par HE. JOBERT. INTRODUCTION. Les animaux comme l'Homme doivent, pour accomplir Îles divers actes de la vie, recevoir des impressions des corps qui les entourent, et, comme l'Homme, ils ne le peuvent faire qu'a l’aide d'appareils spéciaux de structure anatomique souvent très-com- pliquée, qui ont reçu le nom d'organes des sens. La vue, l'ouie, l'odorat, le goût. leur donnent les notions de la lumière, du son, des odeurs répandues dans l’air, de la saveur des aliments; mais, sans le foucher, ils ne sauraient percevoir la température, le poids et le volume : ce sens vient compléter les autres. Le tégument externe, au point de vue général, peut donc être considéré comme l'appareil du tact, car chacune de ses parties peut être impressionnée, sans que pour cela la volonté de l’animal intervienne. Quelquefois certaines parties du corps des animaux s'adaptent d’une façon toute spéciale à la fonction ; alors, en ces points, la structure anatomique se modifie, la mobilité devient plus grande, et chez l'Homme et les Singes, par exemple, la main avec son pouce opposable, la pulpe molle de ses doigts, nous présente un admirable instrument de palpation. On voit SC, NAT., JUIN 1872, ARTICLE N° 9. n 2 SORA. donc que les impressions tactiles peuvent être perçues de deux manières bien différentes : ou bien par toute la surface du tégu- ment et involontairement, ou bien à l'aide de parties spéciales de l'organisme et sous l'influence de la volonté. Avec de Blainville (4), je réserverai le nom d'organes du toucher actif à ces appareils; ce sont eux que je me suis proposé d'étudier dans quelques classes d'animaux. Les impressions produites sont de deux ordres, suivant que l’action des corps extérieurs s'exerce directement ou indirectement. Colin (2) fait observer que l’action en réalité n’est jamais directe, puisque les parties sensibles ne sont jamais complétement à découvert ; le fait est exact, mais la couche épidermique peu épaisse, et moulée sur les moindres aspérités, ne peut en réalité empêcher l'effet du contact. C’est dans les animaux supérieurs que l’on trouve ces dispositions ; dans les autres, c’est par l’ébranlement de corps solides, tels que les poils roides en connexion avec les nerfs, que s’exerce la transmission des impressions. Dans la première partie de ce mémoire, J'étudierai les organes actifs du toucher chez les Mammifères, les Poissons et les Oiseaux, prenant pour guide dans ma description les modes de terminaison des nerfs dans ces appareils ; dans la seconde partie, j'examinerai les poils du tact, agents chargés de transmettre les effets du contact. Aux descriptions anatomiques je joindrai des observations faites sur les animaux vivants en hberté ou en captivité ; mais avant d'entrer en matière il me tarde de remplir un devoir. Vest au laboratoire des hautes études, sous la direction de mon éminent et excellent maître, que jai fait toutes les recherches qui u’exigeaient pas le séjour des bords de la mer et l'observation quotidienne des animaux vivants. Chaque jour les bons enseignements de mon maître, auxquels se soni joints ceux de MM. Alphonse Milne Edwards et L. Vaillant, sont venus m’encourager et me guider dans la voie où je m'étais engagé. (4) De Blainville, Organis. des animaux, p: 51. (2) Colin, Physiol. comp, des animaux, p. 293, ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 2 À Arcachon, durant trois mois, j'ai pu poursuivre mes études, grâce à laccueil si cordial de MM. Lamarque, de Plai- sance, Lafont, Hameau, Fillioux, administrateurs de l’Aqua- rium, qui mont libéralement ouvert cet établissement, et donné place non-seulement dans leur laboratoire, mais encore à leurs foyers. Au Havre, il en a été de même de la part de MM. Lennier, directeur du musée et de l'aquarium; Grenier, G. Schmitt et Wanner. Qu'ils veuillent bien tous, maîtres et anus, agréer aujourd'hui le témoignage de mon affection et de ma profonde gratitude. PREMIÈRE PARTIE. ORGANES DU TOUCHER CHEZ LES MAMMIFÈRES, LES OISEAUX ET LES POISSONS. CHAPITRE PREMIER. Dans la peau des organes qui, chez les animaux supérieurs, sont destinés à la palpation, on rencontre des formations parti culières qui sont en connexion avec les nerfs cutanés. Ces petits corps sont de deux ordres : ou bien ils siégent dans les papilles et superficiellement ou profondément dans le derme, ou hien on les rencontre dans l’épiderme. Je m'occuperai tout spécialement de ceux-ci dans le second paragraphe de ce chapitre. $ |. — Corpuscules intrapapillaires et dermiques. Les formations intrapapillaires et dermiques ont recu le nom collectif de bulbes terminaux ; les autres sont connus sous le nom de corpuscules de Pacini ou de V'ater. C’est à Meissner, Wagner et Krause, que l'on doit la découverte des premiers; Vaier ei h JOBERT. Pacini ont fait connaître les autres. Je ne traiterai pas ici la question bibliographique, qu'on trouvera complétement épui- sée dans le travail de M. Rouget (1), et j'indiquerai seulement ce qui à été fait depuis au sujet de la structure de ces petits organes. Mammifères. Bulbes terminaux. — Tous les auteurs sont d'accord pour leur reconnaître une paroi ou enveloppe conjonctive et un bulbe central. L'enveloppe est composée de tissu conjonctif condensé, où l'on observe de grands noyaux transversaux; le bulbe central est composé d’une matière granuleuse, transparente, semée de fines granulations de nature conjonctive (Kôlliker). Une ou deux fibres nerveuses à moelle montent vers la papille et se mettent en con- nexion avec elle. Leur mode de terminaison, il y a quelques années encore, pouvait servir à faire diviser ces organes en deux catégories : la première comprenaitles corpuscules du tact pro- prement dits ou de Meissner; dans la deuxième, on rangeait les corpuscules de Krause ou bulbes terminaux. Dans ceux-ci, les fibres nerveuses à contour foncé, arrivées au contact du bulbe, se divisent, et chacun de ces filaments se termine dans l’inté- rieur par une extrémité renflée ; souvent la fibre se pelotonne daus l'intérieur du bulbe. Les corpuscules de Krause, de forme ovalaire chez l'Homme et les Singes, s observent aux papilles de la maiv, du pied (Kôlliker), aux pommettes des joues (Robin), et les plus simples dans la conjonctive. On voit des noyaux ovalaires dans leur enveloppe. Ces petits corps, suivant Lüdden et Krause, mesurent de @°°,022 à 0°°,098. Les véritables corpuscules du tact existent toujours dans des papilles non vasculaires; ils mesurent, suivant Kôllker, de 0,06 à 0"",18 ; autour d eux, des fibres nerveuses s’enroulent en spirale au nombre de deux, quelquefois de trois et quatre. C'est à Grandry (de Liége) (2) qu'on doit de connaître le véri- (4) Rougetl, Arch. de physiol., 4865.— Lüdden, À. Zeitschr. f. wiss. Zool., 4862. (2) Grandry, Recherches sur les corpuscules du tact (Journal de l'anatom., 1868). ARTICLEMNONO me ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 9 table mode de terminaison des nerfs dans ces organes, et lon verra qu'il ne diffère en rien de celui qui a été constaté dans les corpuscules plus petits que j'ai signalés plus haut. Sur des coupes transversales de corpuscules de Meissner, on voit à l’in- térieur de petits corps sphériques mesurant depuis 0"°,001 à 0"®,008. Un examen attentif montre que ces petits corps sont pédicalés, et se continuent avec des fibres pâles, smueuses, qui sont en continuité avec les nerfs à contour foncé. Grandry croit que la fibre à moelle, avant sa terminaison, se divise en plusieurs branches. Si l’on compare ce mode de terminaison avec celui des cor- puscules de Krause, on ne voit plus quelle peut-être la diffé- rence qui les sépare, sinon leurs dimensions et leur présence dans des papilles vaseulaires ou non. Si maintenant on jette un coup d'œil sur les corpuscules que l’on trouve à la couche profonde, on les voit composés d'une enveloppe formée de capsules concentriques, de nature conjonctive, au centre ; d'un bulbe contenant une matière granuleuse, au milieu de laquelle chemine une fibre nerveuse pâle, qui se termine par une extré- mité renflée, laquelle, chez le Chat, est composée de fibrilles réunies (Grandry). lei encore l’analogie est frappante; j'aurai dans la deuxième partie de ce chapitre à insister sur ces points. Ces corpuscules nerveux se montrent d'une manière constante sur les nerfs de la paume de la main, et c’est dans le tissu cellulaire sous-cutané des doigts et des orteils qu'ils sont les plus nombreux ; ils ont été également rencontrés dans beaucoup d’autres régions. Mes recherches sur les organes tactiles m'ont amené à rechercher les modes de terminaison des nerfs dans la peau des doigts de certains animaux qui n'avaient point été étudiés à ce point de vue : c’est ainsi que J'ai observé avec soin les doigts des extrémités du Ralon, carnassier plantigrade, qui, comme les autres Ursidés, se sert de ses membres comme d’un organe de préhension et de tact. On sait que cet animal a l’ha- bitude de saisir les divers aliments qu'on lui présente, de les plon- ser dans l’eau, d’où illes retire ensuite délicatement, ce qui lui a fait donner le nom de Raton laveur. Dans une note précé- 6 JOBERT. dente (1) je décrivais les dispositions que j'avais observées dans les doigts de cet animal, je les rappellerai en quelques mots. Dans la couche profonde du derme, au milieu des glandes sudoripares, je trouvais des corpuscules de Pacini en grand nombre : le nombre des capsules conjonctives qui formaient l'enveloppe était considérable, et je démontrais que ces enve- loppes du corpuscule ne provenaient que des couches périné- vriques. Au centre de chaque corpuseule se trouvait un bulbe central granuleux, au centre duquel montait une fine fibre ner- veuse pale, qui allait se terminer à la partie supérieure sous la forme d'une petite sphérule prenant quelquefois une forme étoilée. Le bulbe central apparaissait strié en travers. Ces corpuscules ne siégeaient pas seulement dans le tissu dermique profond; d’autres s'observaient jusque dans la région sous- papillaire, quelques-uns même pénétraient dans la partie infé- rieure des papilles, et, à mesure qu'ils montaient ainsi, leur structure se modifiait. Les capsules devenant moms nombreuses et à la base des papilles, ils étaient réduits presque au bulbe central, protégé par deux ou trois capsules conjonctives (2). Je me trouvais donc en présence de petits corps qui ne diffé- raient pas, comme structure, de ceux décrits par Lüdden dans la conjonctive de divers Mammifères. Enfin, dans de rares papilles non vasculaires, je irouvais de grands corpuscules à noyaux transversaux dans leurs parois, autour desquels ve- naient s’enrouler des tubes nerveux; me fondant sur leur dimension de 0"°,940, leur présence dans des papilles non vasculaires, je n’hésitais pas à les considérer comme com- plétement analogues aux corpuscules du tact. Du reste, Je ne les rencontrais pas ailleurs qu'à la peau des doigts. Depuis j'ai eu à étudier souvent les terminaisons nerveuses des doigts des Singes : jai toujours constaté chez eux l'existence des cor- puscules de Pacini; mais chez les Makis, rangés à tort parmi les (4) Jobert, Journal de l’anatom., 1870-71 : Contrib. à l'étude du syst. nerveux sensitif. (2) Voyez fig. 5. AATICLE N° D. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 7 Quadrumanes, je n'ai jamais rencontré de bulbes terminaux dans les papilles. Il n’en est pas de même pour certains Smges du nouveau continent, tels que les Atèles, dont j'ai étudié non-seulement la main, mais encore la queue prenante, dans laquelle existent des dispositions intéressantes. Doigts.— La description du tégument de la main de l'Homme pourrait s'appliquer presque à tous les animaux supérieurs; les mêmes formes de papilles s’y retrouvent dans les mêmes régions. L'épiderme chez les Atèles est très-coloré dans la couche muqueuse, et l’on y distingue ces petits corps étoilés pigmen- taires sur la nature desquels on est encore aujourd’hui si peu éclairé. Au milieu de cet épiderme s'élèvent les papilles, qui sont presque amorphes et dans lesquelles serpentent les vaisseaux. C'est au sommet de ces papilles que l’on rencontre des cor- puscules ovoïdes à stries transversales et à noyaux transversaux, dans lesquels, comme chez les Mammifères plus élevés, on re- connaît une enveloppe, une partie centrale granuleuse et d'aspect brillant. Vers ces corpuscules se dirigent des nerfs à moelle qui viennent s’enrouler autour d'eux. Queue prenante. — La queue prenante des Ateles offre à considérer de prime abord deux parties très-différentes : la supérieure poilue, l’inférieure glabre, et où l’on observe à l'œil nu des lignes papillaires en forme de V emboîtés, décrites avec soin par M. le docteur Alix (4); la partie inférieure de la queue esi séparée en deux parties par un sillon médian. L'épiderme est très-coloré comme celui des doigts dans sa partie profonde ; au milieu montent les papilles (2). Gelles-e1 sont rarement iso- lées ; le plus souvent elles sont groupées, quelquefois compo- sées, c’est-à-dire que sur une grosse papille viennent se greffer des papilles secondaires. Quoi qu'il en soit, on reconnaît bientôt que ces petites papilles sont de deux sortes. (4) Alix, Recherches sur les lignes papillaires, etc. (Ann. des sc. nat., 5° série, 1867-1868, t. IX, p. 32-33). (2) Voyez fig. 7, 8, 9, 40, 44, 13. 8 SOBERA'. Les unes sont coniques, terminées en pointe mousse ; les au- tres, au contraire, plus cylindriques et arrondies à leur extrémité. En haut se trouve un petit corps ovoïde, qui mesure depuis 0"*,03 à 0"”,06. De ces corps, les uns sont logés ou dans des papilles composées, ou les autres dans des papilles isolées ; quelques-uns, et ce sont les plus gros, dans des papilles où ne pénètrent pas de vaisseaux. Dans les papilles composées, quel quefois on trouve toutes les variétés : ou bien, à la base du cor- puscule, on voit une anse vasculaire ; ou bien, à côté des papilles purement vasculaires, on en voit d’autres où se trouvent les corps terminaux et où ne pénètre aucun capillaire. Ces papilles sont, comme nous le disions, le plus souvent groupées ; entre elles, on voit aboutir les conduits des glandes sudoripares. Vers ces corpuscules, qu'ils soient ou non en rapport avec les capillaires, montent des fibres nerveuses, et plus souvent deux qu’une seule, qui viennent se mettre en rapport avec la base du petit corps ovoide, et montent autour de lui en s’enroulant en spirale ; tan- tôt, après un tour de spire, ils disparaissent, tantôt ils montent jusqu'au sommet de l'organe. J'ai figuré plusieurs de ces corps et les filets qui montent vers eux; le plus souvent on observe à leur base un enroulement des nerfs, et l’on aperçoit ces noyaux, si bien représentés dans Stricker (1) à la base des corpuscules du tact de l'Homme. Comment se terminent les nerfs dans l’intérieur de ces petits organes ? Je les voyais très-distinctement monter autour du corpuscule conjonetif et pénétrer dans sa substance interne ou bulbe central. J'ai constaté dans l’intérieur de ce bulbe, sur deux de ces corpuscules, après une imbibition par le carmin, la présence de deux ou trois noyaux ; mais sont-ce là les corps terminaux ? Îls étaient ovalaires et offraient un prolongement en filament. J'ai figuré cette disposition, mais je ne voudrais rien affirmer ; ce que j'ai bien constaté, c'est la pénétration de la fibre nerveuse dans l'intérieur du corpuscule, et l'absence de myéline à partir de ce point. (4) Stricker, Lehrbuch der Histolog., p. 835. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 9 Ces corps sont-ils nombreux ? Sur des groupes composés de cinq papilles, on trouve toujours au moins deux corpuscules, et très-souvent trois. Dans certains points, sur un groupe de trois papilles, jen ai rencontré deux contenant des organes nerveux. Tous les caractères que je viens d'indiquer sont bien ceux des corpuscules que l’on observe dans les doigts de l’Atèle (ceux-ei sont cependant de dimension plus considérable ; ils mesurent en moyenne de 5 à 8 centièmes de millimètre) et des Singes supérieurs, et même de l'Homme; mais l’analogie ne se borne pas seulement à la présence de ces petits organes. Si l'on descend plus bas, on trouve un derme très-dense, au milieu duquel on observe de magnifiques réseaux capillaires, et plus bas encore des aréoles très-limitées, où sont logées des glandes sudoripares très-développées et très-nombreuses. Comme dans les doigts du Raton, le tissu conjonctif, autour d’un certain nombre de glandes, s’épaissit, formant ainsi des sortes de loges, et au milieu de ces glandes ainsi groupées on retrouve ce que Je décrivais aux doigts, c’est-à-dire de grands cor- puscules de Pacini longs d’un millimètre en moyenne, dont l'enveloppe est composée de capsules concentriques très-nom- breuses. Sur des coupes transversales j’en compte de vingt- huit à quarante. Le bulbe central apparaît très-nettement. Au milieu de lui, la fibre nerveuse pâle vient au sommet du cor- puscule se terminer en une petite sphérule, comme cela se voit chez l'Homme, les Singes et le Raton. Il est à remarquer que les corpuscules de Pacini sont assez rares, plus rares que dans les doigts ; 1ls sont toujours logés dans la couche profonde. Ana- tomiquement, on peut donc dire qu'il n'existe aucune dif- férence entre la structure du tégument digital et celui de la queue prenante, au point de vue de l'existence des éléments et de leurs agencements réciproques. L'observation d’un Atèle vivant montre de quelle sensibilité est doué l'organe que nous venons d’étudier ; c’est pour lui une main supplémentaire, dont il use avec une adresse vraiment merveilleuse dans l’exploration et la palpation des corps exté- rieurs et pour la préhension des aliments. La présence en grande 10 FOBERT. abondance des corpuscules nerveux intrapapillaires dans un organe dont l'usage est si facile à reconnaître est une nou- velle preuve du rôle physiologique qu’ils remplissent. Quant aux corps de Vater, je serai moins affirmatif : on les rencontre dans le péritoine des Chais, le pancréas et autres organes, où certes 1ls ne servent point au tact; aussi me bornerai-je à signaler leur présence sans commentaire. Dans la queue du Sajou, qui déjà est prenante, mais recouverte partout de poils, jamais je n'ai observé de corpuscules, mais bien un réseau de fibres pâles, comme celui qui à été constaté par Kôlliker dans la peau, chez les petits Mammifères. Oiseaux. Corpuscules nerveux terminaux. — C’est en 1848 que pour la première fois Herbst (1) découvrit dans le bec des Oiseaux des corpuscules terminaux analogues à ceux de Pacimi ; depuis, plusieurs travaux sur la matière ont été publiés. les principaux et les plus récents sont mdiqués dans le mémoire de Michel-. son (2). — Un des plus importants est certainement celui de Levdig sur les corpuscules qu'il observa chez le Pigeon (3) ; depuis il a publié une nouvelle étude sur la disposition des nerfs dans le bec des Bécasses (4). En France, Grandry (5) a étudié au point de vue histologique les corpuscules du bec du Canard ; Goujon a donné un travail de zoologie et d’histologie sur les corpuseules des becs des Perroquets (6) ; enfiu, plus récemment, Ihdler (7) a décrit les dispositions observées: par lui dans la langue de certains Oiseaux (Moineaux et Oies). Pour le complément bibliographique, nous renverrons aux (4) Herbst, Gütting. gel. Anz., 1848. (2) Michelson, Arch. für mikroscop. Anat., 1869, p. 145 et suiv., pl. X. (3) Leydig, Zeïtschr. f: wiss. Zool., 1854, (4) Arch. [. mikroscop. Anat., 1867. (5) L. Grandry, Journal de l'anatomie, 1868. (6) Goujon, Journal de l'anatomie, 1869, p. 450. (7) Thdler, Arch. de Reich et du Bois-Reymond, 1870. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. di mémoires que nous citons, où les titres des travaux antérieurs sont indiqués. Les corpuscules terminaux des Oiseaux ne sauraient être comparés complétement à ceux de Vater, tels qu'ils existent dans la couche profonde du derme des Mammnuïères; en effet, ils en diffèrent au point de vue de la structure. L'enveloppe est composée de capsules conjonctives, où l’on voit distinctement des noyaux ; mais entre elle et le bulbe central existe un grand es- pace sur la nature duquel on n’est pas fixé, et où l’on aperçoit un enchevêtrement irrégulier de fines fibres qui disparaissent par l’action de l'acide acétique, de sorte qu'entre les enveloppes et le bulbe central, on voit, après la réaction, un grand espace hyalin. Le bulbe central, comme l’a signalé Leydig chez la Bécasse et Grandry chez le Canard, possède deux rangées de noyaux bril- lants à nucléoles placés longitudinalement; de plus, il existe sur sa surface des stries transversales très-fines. Le tube nerveux, après avoir décrit de nombreuses sinuosités, aboutit au bulbe central, à l'entrée duquel 1l perd sa myéline, et se continue sous la forme d’une fibre pâle qui se termine en sphérule. Pour cer- tains auteurs (1), cette fibre pâle ne serait qu'un canal, le bulbe tout entier étant considéré comme renflement de la fibre ner- veuse. Telle est en résumé la structure d’un corpuscule termmail chez un Oiseau ; elle montre que si l’on pouvait la comparer à quelques-uns des organes nerveux observés chez les Mammi- fères, ce serait aux bulbes terminaux déerits par Lüdden (2) dans la conjonctive du Veau qu’il faudrait l'assimiler ; cependant chez le Raton, j'ai trouvé, ai-je dit plus haut, des corpuscules dégradés qui se rapprochent de ceux-ci (voyez fig. 5). J'ai entrepris de continuer les recherches commencées par les divers auteurs que J'ai cités plus haut, et il m'a été donné de pouvoir étudier les bees et les langues de quelques Oiseaux rares. Ce sont les diverses dispositions que j'y ai constatées que je vais décrire. (4) Leydig, loc. cit. (2) Lüdden, Zeïtschr,f. wiss. Zool., 4862, loc. c1t. 12 JORERT. Bec du Flamant rose, — Le bec du Flamant rose m'a pré- senté des dispositions intéressantes. A la mandibule supérieure, de chaque côté et à la face interne, cheminent, au milieu des os, deux nerfs énormes qui se distribuent à droite et à gauche aux bords du bec. Cette mandibule supérieure, sur les parties latérales et internes, présente des lignes analogues aux lignes papillaires des Mammi- fères ; sur les bords les papilles ont jusqu’à un millimètre de hau- teur. À la face supérieure externe la partie cornée est très-peu épaisse, et sous cet épiderme se trouve une membrane grisâtre épaisse d’un demi-millimètre environ. La mandibule inférieure reçoit de chaque côté égal deux troncs nerveux énormes qui viennent aussi se distribuer au bord du bee, lequel présente éga- lement des lignes parallèles qui ne sont que des rangées de papilles. Sur les os dépouillés des parties molles, on voit, sur les parties latérales, les orifices des canaux destinés à donner passage aux nerfs : cette disposition a été figurée et décrite par M. Alphonse Milne Edwards (1). L'examen histologique de la membrane du bec nous montre qu’elle est composée de fais- ceaux de fibres lamineuses et élastiques formant un tissu très- dense où l’on n'aperçoit aucun organe glandulaire. À la face superficielle existent des papilles qui rappellent absolument celles qui existent aux lèvres des Mammifères; ces papilles sur la face dorsale sont exclusivement vasculaires. Dans l'épaisseur de la membrane, on voit serpenter de gros faisceaux de tubes ner- veux qui vont se dissociant, et chacun de leurs tubes, après s'être enroulé plusieurs fois sur lui-même, va se terminer dans un cor- puscule. Ces petits organes sont en nombre immense, on peut dire que la couche profonde du derme en est pavée ; ils ne dépassent guère la couche moyenne, où ils sont infiltrés de pig- ment noir. On peut suivre le périnèvre des tubes autour des faisceaux nerveux, le poursuivre sur les tubes isolés, et le voir former l'enveloppe du petit corps qui est parsemée de noyaux ovalaires. Le bulbe central est intéressant à étudier dans les (1) Alph, Milne Edwards, Oiseaux fossiles, t. TI. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 15 corpuscules qui siégent dans les parties les plus superficielles ; il est ie plus ordinairement ou rectiligne, ou légèrement imcurvé, mais dans ceux de la couche profonde :l décrit des trajets sinueux quelquefois même en hélice (voyez fig. 4 et 6), et le plus souvent, dans ce cas, il ne monte pas au delà du tiers supérieur du corpuseule. La fibre nerveuse centrale est très- facilement observable ; le plus ordinairement elle monte au sommet du bulbe et se renfle en sphérule, mais je l'avais vue se bifurquer plusieurs fois d’une façon très-nette, et, comme l'ont indiqué Leydig et Michelson, chacune des branches se terminer par une sphérule (voyez fig. 3). Le bulbe central ne commence pas au niveau de l'enveloppe, mais quelquefois au niveau du quart inférieur ; sur le nerf qui s'achemine vers lui on observe des noyaux brillants qu'on retrouve sur le bulbe central; ils sont ovalaires le plus souvent, et je ne crois pas qu'ils soient de nature nerveuse : ils appartiennent à la gaîne du bulbe central. Celui-ci, comme chez tous les Oiseaux, était gra- nuleux ; les réactifs tels que lacide osique montraient que la myéline s'arrêtait à l'entrée du bulbe central. Le périnèvre, les enveloppes, sont souvent infiltrés de pigment sur les parties latérales du bec; j'ai trouvé des corpuscules sous les grandes papilles, mais jamais dans les papilles. À la partie antérieure à la pointe du bec, on ne rencontre pas les dispositions ordi- naires des Palmipèdes, point de grandes papilles, mais bien une membrane rougeâtre épaisse. Cependant, en ce point, les papilles ne manquent pas, elles sont au contraire coniques, larges à la base; au-dessous d'elles se voit un véritable lit de corpuscules nerveux ovoides; puis, montant dans leur inté- rieur, on voit des tubes nerveux isolés qui sont sinueux ; ils se dirigent vers le sommet de la papille, et viennent se ter- miner dans des corpuseules plus petits, à grands noyaux trans- versaux dans leurs parois, et où pénètre la fibre nerveuse que j'ai suivie jusqu'au sommet du corpuscule : elle s'infléchis- sait en ce point et cessait d’être visible. Dans ces papilles on trouve donc des corpuseules qui différent, par leur apparence et leur structure, de ceux qui sont situés sous les papilles. 41h JOBERT. Il en est de même pour la partie antérieure de la mandibule inférieure. Il est difficile de rencontrer un bec d'oiseau, sinon celui de la Bécasse, aussi riche en nerfs que celui du Flamant, et il n'est pas difficile de comprendre comment cetanimal peut se servir de cet organe avec une si merveilleuse adresse. Des recherches en- treprises chez un certain nombre de Palmipèdes, tels que les Céréopses, diverses espèces d'Anatides, le Cygne noir en parti- culier n’ont présenté, comme dispositions, rien de différent de ce qui existe chez l’Oie et le Canard de notre pays. Dans la langue de certains Oiseaux, j'ai rencontré des dispo- sitions intéressantes. Mes recherches se sont bornées jusqu'alors à la famille des Fringillidés, qui est très-nombreuse, et chez toutes les espèces qui en font partie la langue a toujours la même disposition. Sa partie antérieure est lancéolée et en même temps excavée en cuiller ; un épiderme épais la recouvre. Si, par macération, on enlève cet épiderme, on voit que la langue prend un aspect velouté dû aux longues papilles qui recouvrent sa surface. Ces papilles sont de deux sortes : celles qui sont au bord de la langue sont filiformes, pointues et simples; celles au contraire qui sont au centre sont claviformes et composées. De gros fais- ceaux nerveux de tubes à moelle se dirigent vers elles, mais dans la région sous-papillaire ils donnent des tubes isolés qui se terminent chacun dans un corpuseule. Cceux-c1 ne sont pas différents de ceux que j'ai observés ailleurs ; leur bulbe cen- tral est le plus souvent ou rectiligne ou incurvé, et la fibre nerveuse ne m'a jamais présenté de bifurcation. Ces corpus- cules sont en très-grand nombre. Les faisceaux nerveux qui montent dans les papilles viennent, eux aussi, se terminer dans des corpuscules. Ces organes sont de deux sortes : ou bien 1ls sont identiques avec ceux qui existent dans la couche sous- papillaire, et souvent ils sont nombreux : dans quelques papilles du Gros-bec ordinaire, j'en compte 8 ou 4 (voyez fig. 12) ; ou bien ils sont petits, mesurant de 0"",03 à 0,5, chez les Car- dinaux et les Gros-becs. ARTICLE N° ©, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 15 Thdler (4) a rencontré des organes semblables dans la langue du Moineau, mais il ne les indique pas dans les petites papilles secondaires, ou cependant, où les observe souvent à mi-hauteur. Ces petits organes sont logés dans les papilles secondaires, et à leur base ou au-dessus d’eux apparaît toujours une anse ca- pillaire qui monte au sommet de la papille. Comment les nerfs s’y terminent-ils ? Ils pénètrent dans l’intérieur : je l'ai bien constaté pour quelques-uns; pour d’autres on voit la fibre ner- veuse se renfler, et autour de ce renflement la membrane d'enveloppe avec ses grands noyaux (voyez fig. 2). Ihdler a figuré chez le Moineau un mode de terminaison analogue à celui qui existe dans les grands corpuscules ; je n'ai pas été aussi heureux que lui dans mes investigations. Quoi qu'il en soit, chez les Fringillidés : Gros-becs, Serins, Cardinaux, Bruants, etc, 1l existe une conformité complète de structure pour les papilles linguales, et dans ces papilles il existe des corpuscules analogues à ceux que l’on trouve dans les papilles tactiles de la langue des Mammifères. Si main- tenant on compare la structure de divers bulbes terminaux que Je viens d'étudier, à savoir, les corpuscules de Vater mo- difiés intra- et sous-papillaires du Raton, ceux de la conjonctive décrits par Lüdden, ceux décrits par Krause, ceux que Ihdler a vus chez le Moineau et ceux que je viens de décrire chez les Fringilidés, on verra qu'il existe entre tous ces organes des différences plus apparentes que réelles, car la fibre nerveuse se termine dans tous ces bulbes d’une facon à peu près identique. Quelles sont au juste les fonctions de ces divers petits organes, je ne saurais le dire; cependant leur présence dans les or- ganes qui, chez les Oiseaux comme les Mammifères, servent au tact, nous démontre qu’ils jouent un rôle considérable dans cette fonction, et leur présence dans le tégument des doigts des Perroquets, qui servent à la préhension, est une preuve de plus à l'appui de cette opinion. Je les ai rencontrés chez les Aras, les Jacos, les Loris, les Platycerques, les Perruches. Chez (1) lhdler, Arch. de Reich, et du Bois-Reymond, loc. cit. 16 JORERT, ces oiseaux, la peau des doigts présente à considérer de nom- breuses papilles très-visibles à l'œil nu, et qui sont disposées très-régulièrement sur des lignes horizontales; l’examen histolo- gique fait reconnaître que sur ces grosses papilles viennent s'en grefler de petites, peu élevées, et dans lesquelles on aperçoit des anses vasculaires. Au centre de la grosse papille se trouve une veine qui reçoit les capillaires qui descendent des petites papilles. C’est dans la région sous-papillaire, couchés hori- zontalement, isolés ou en bouquets de trois à six au plus, qu'on rencontre de grands corpuseules terminaux où viennent aboutir les nerfs qui décrivent avant leur arrivée aux corpuscules des trajets bizarrement contournés. Le bulbe central y est très-apparent, au centre chemine la fibre pâle. On y reconnait les mêmes noyaux, les mêmes stries que sur ceux qui se trouvent à la langue, corpuscules très-nom- breux dans cet organe, comme l’a montré Goujon. La présence de ces corpuscules est constante (voyez fig. 14). Je n'ai jamais trouvé de nerfs dans les petites papilles secondaires. C'est en vain que chez d’autres Oiseaux j'ai cherché ces corpuscules dans les doigts, jamais je ne les y ai rencontrés. Chez les Oiseaux comme chez les Mammifères, 1l existe donc dans certains organes du toucher des dispositions presque iden- tiques ; mais ces modes de terminaison, qui sont les seuls que l’on ait jusqu'alors constatés chez les Oiseaux, existent chez les Mammifères concurremment avec d’autres qui paraissent de- voir servir à la perception de sensations plus délicates encore. Leur étude fera l’objet du chapitre suivant. $ Il. — 'erminaisons interépithéliaies des nerfs. Outre les modes de terminaison que nous venons de décrire, il en existe d’autres qui ue sont connus que depuis peu d'années C’est à nn anatomiste d'outre-Rhin, Langerhans, qu'est due la connaissance de ces faits, admis aujourd'hui sans conteste en Allemagne. ARTICLE N° à. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 47 Suivant lui (1), les fibres nerveuses à moelle forment, le long du réseau vasculaire sous-papillaire, un véritable plexus de fibres à double contour, et de fibres pâles à varicosités, le long desquelles on voit une série de noyaux ; de ce réseau parti- raient des fibres isolées, qui pénétreraient dans la couche mu- queuse de l’épiderme; d'autres fibres monteraient dans les papilles, s’y diviseraient, et, franchissant la paroi de l'organe, viendraient également se terminer dans la couche muqueuse. C'est à l’aide du chlorure d’or acidifié avec l'acide acétique que ces faits auraient pu être constatés. Sur des préparations heureuses, qui sont, suivant l’auteur allemand, fort difficiles à obtenir, on voit très-disinetement les filets nerveux pénétrer dans la couche muqueuse de Malpighi, et venir se terminer à la troisième rangée de cellules par des renflements en forme de boutons. À la partie supérieure de la couche muqueuse, Lan- gerhans à constaté la présence d’un nombre considérable de corps étoilés qui seraient en connexion avec des fibres nerveuses. Des travaux sur les terminaisons nerveuses dans la peau (2) et dans les muqueuses de l'estomac(3), du larynx (4), de la vessie (5), du vagin (6) et de la cavité buccale (7), ont tous eu pour but de montrer que les nerfs peuventen effet effectuer leurs terminaisons dans la couche profonde de l'épiderme. Conheim (8) a également constaté ce fait pour la coraée : entre les cellules d’épithélium qui recouvrent cet organe, 1l a décrit un véritable réseau ner- veux, et même des terminaisons qui viendraient s'effectuer au dehors sous forme de cils courts (terminaisons flottantes). Ce dernier résultat a été très-contesté même outre-Rhin, et à (1) Langerhans, Arch. Wäirch., Bd. XLIV, Heft. 2 et 3, — Stricker, Handbuch der Lehre, etc., p. 595. (2) Podcopäew, Ueber die Endigung der Nerven, etc. (Arch, f. mikr. Anat., t. V, p. 505). (3) Trütschell, Centralblatt f. d. med. Wiss., 1870, S. 145. (4) Laodowski, ibid., 1871. (5) Boldirew, Arch. f, mikrosc. Anat., t. VIE, p. 166. (6) Chtchconowic, Sitzg. d. Acad. Wien, février 1871, (7) Elin, Arch. für mikrosc. Anat., t. VII, p. 833. (8) Voy. Külliker, Élém. d'histol, humaine, p. 843. SG. NAT. JUILLET 1872. — ART. N° D Qt 2 18 SOEUR A. l'heure présente on peut dire que les terminaisons flottantes ne sont plus qu’un souvenir; peut-être en sera-t-il de même un jour pour d’autres modes terminaux actuellement acceptés. Les corpsétoilés de l’épiderme existent, cela est incontestable ; ils sont d'autant plus visibles, que presque toujours ils sont pigmentés ; Un observateur d’outre-Rhin, d’origine suisse, A. Kôlliker, con- sidère ces éléments comme des formations qui auraient pu immigrer dans l’épiderme ; il n’a pas constaté leurs connexions avec les nerfs (4). Notre savant histologiste français, Ch. Robin, n’a jamais admis l'existence de nerfs dans la couche muqueuse de l’épiderme; jamais je n'ai été assez heureux ou assez habile pour refaire les préparations de Langerhans. Jusqu'à plus ample informé, je m'abstiendrai donc de considérer comme éléments nerveux Ces corps si nombreux, si faciles à constater surtout dans l’épiderme des Mammifères inférieurs (Chauve-Souris, Hérisson, etc.). Avec les notions qu'on possède aujourd'hui, il ne me paraît pas qu'on puisse absolument aier ou aflirmer. En ce qui concerne les Mammifères, je réserverai donc mon opinion; plus loin, le lecteur verra qu'il n’en est pas de même pour les Poissons et les Mollusques. Les terminaisons interépithéliales ont été constatées égale- ment chez les Mammifères dans certains organes spéciaux, et principalement dans la langue. C'est à Lôwen (2) et Swalbe 3) que l’on doit leur description. Sur les parties latérales des papilles caliciformes de la langue, au V lingual, se trouvent dans l'épiderme de petits corps ovoïdes, au milieu desquels les nerfs, suivant ces auteurs, viendraient effectuer leur terminaison sous forme de petits bâtonnets. On saitque c'est dans ces papilles que viennent aboutir les filets terminaux du nerf glosso-pharyngien, et ces auteurs supposent que ces petits organes doivent servir à la gustation. Plus récemment, Heimer (4), étudiant le museau de la Taupe, a trouvé une disposition semblable, et lui a con- (1) Kôlliker, Élém. d’histol. hum, édit. française, p. 59. (2) Lôwen, Arch. f. mikrosc. Anat., 4868, p. 96, tabl. VIT. (3) Swalbe, sbid., 1868, p, 154, tabl, XIL et XII. (4) Heimer, id, 1871, p. 184, tabl. XVIT, ARTICLE N° 9, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHERe 19 sacré une longue description, sur laquelle je reviendrai tout à l'heure. En poursuivant mes recherches sur des animaux que l’on à rarement la bonne fortune d'étudier, j'ai rencontré des organes semblables en connexion avec les nerfs. C'est à l'extrémité du museau des Insectivores, Hérissons el Taupes, que j'ai eu l’occasion de les observer pour la pre- mière fois; je les ai retrouvés chez les Chauves-Souris de nos pays et chez un Édenté, le Tatou ; enfin, les rostres de l'Échidné et de l’Orsithorhynque en présentent également. L'étude histologique des rostres de ces animaux n'ayant point été faite, j'en donnerai plus loin une description anato- mique. Taupe. — Chez la Taupe, Heimer a trouvé dans l’épiderme des corps ovoïdes qui étaient placés non sur le sommet de papilles caliciformes, mais au contraire dans des enfon- cements du derme formant de véritables cupules. Vers ces dépressions montent des faisceaux de tubes nerveux à double contour, qui viennent se mettre en connexion avec le fond de la cavité dermique : là quelques-uns se terminent dans des petits corpuscules ovoïdes, analogues à ceux de la conjonctive ; les autres, perdant leur moelle, montent au centre du corps épi- dermique, qu'ils parcourent sous forme de filaments extrême- ment fins et variqueux, et viennent se terminer en haut de l’or- gane, presque au contact de l'extérieur. J'avais en même temps que Heimer fait des recherches sur le museau de la Taupe, mais jamais je n’ai pu consta- ter d'une manière aussi absolue l'existence des filaments nerveux au centre du corps épidermique. I est parfaitement exact que ces organes possèdent au centre une sorte de cavité ; l'examen de l'organe frais à l’aide de l'iodoserum montre que dans cette cavité se trouve une matière granuleuse à reflets graisseux, contenant des noyaux brillants, ainsi que des gra- nulations brillantes ; mais je n’ai pas été aussi heureux que Heimer au point de vue de l'isolement du cylindre-axe. En admettant donc avec l’anatomiste allemand qu’un certain 20 JOBERT. nombre de tubes trouvent leur terminaison au centre du cor- puseule épidermique, on doit faire observer que d’autres tubes viennent se terminer dans le tissu dermique hyalin qui entoure le corps épidermique, et 1l n’est pas difficile de les y suivre. Arrivés au contact de la cupule, ces tubes perdent leur myéline, et vont en rayonnant en tous sens, montent dans le derme modifié, offrant sur leur trajet des renflements fusiformes; de ces reuflements partent des prolongements qui eux-mêmes se ren- flent irrégulièrement ; des pôles de ces petits corps polygo- naux partent de nouveaux filaments qui se divisent encore, et se perdent en pointe libre à la surface externe de la mem- brane. Les tubes ne se comportent pas autrement daus ces points que dans les autres régions où Kôlliker (1) les a signalés : c'est la terminaison en réseau pale observée enez les petits Mammifères. Hérisson. -- Y'ai cherché si, dans le Hérisson, des disposi- lions identiques ne pourraient être constatées ; mais les choses sont beaucoup moins neltes que chez la Taupe. Au boutoir du Hérisson, 1l existe de véritables papilles du derme, dans lesquelles montent des vaisseaux ; les intervalles de ces papilles sont remplis par l’épiderme, qui, chez ces ani- maux, dans la couche de Malpighi, est semé de petits corps étoi- lés, pigmentés de noir. C'est vers le fond de quelques-unes de ces vallées que se diri- gent des nerfs à moelle ; ils forment sous les papilles un véritable plexus, d’où partent des branches qui viennent à la partie super- ficielle du derme se remettre en connexion avec de petits corps ovoïdes formés de couches concentriques ; le cylindre-axe s'y termine par un noyau renflé (voy. fig. 18). Toutes mes investigations pour tâcher de trouver une con- nexicu entre les fibres nerveuses et les corps étoilés de lépi- derme sont restées infructueuses; le chlorure d’or, qui m'avait donné d’excellents résultats, ne m'a jamais permis de constater {1} Külliker, Elém. d'histol. humaine, p. 146. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCIHER. ? si des filaments nerveux franchissaient la couche dermique pour pénétrer dans l’épiderme. Chauve-Souris.— À l'extrémité du museau j'ai rencontré chez de jeunes Murins des dispositions qui rappelaient celles du nez dela Taupe; le derme, en effet, possède des cupules dans les- quelles pénètre la couche de Malpighi. Au fond de cette cupule arrivent des nerfs ; je les ai vus perdant leur moelle, rampant tout autour de la paroi, mais il ne m'a pas été donné de les suivre dans l’épiderme. Je n’ai pas non plus constaté de cavité centrale comme chez la Taupe; j'ai représenté cette disposition dans la figure 90. Ces corps, chez un jeune Murin, mesuraient en moyenne 0"",03 ; mais la disposition la plus remarquable est celle qu'il m'a été donné d'observer dans l’extrémuté du boutoir du Tatou. Tatou. — Si l’on examine l'extrémité du boutoir, on voit, à l'œil nu, qu'il est semé de petits points, qu’au premier abord on pourrait prendre poar des orifices glandulaires. L'examen mi- croscopique fait reconnaître que ces petites saillies ponctiformes ne sont autre chose que des corps épidermiques d’une nature spéciale qui reposent dans des cupules dermiques ; 1 existe chez cet animal des papilles vasculaires, mais elles sont peu élevées. Autour de ces corps, le derme s’est épaissi, a pris un aspect vitreux ; on y reconnait la présence de noyaux du üssu conjonctif très-nombreux (voy. fig. 16 et 47). Ces corps ovoïdes sont composés des céllules de la couche de Malpighi ; il est facile de reconnaitre sur des coupes longitudi- pales et transversales qu'ils ne possèdent pas de cavité cen- trale ; ils mesurent en moyenne 0°*,05 en diamètre, 0°",09 à 0"",4 en hauteur ; ils sont done facilement reconnaissables à l'œil nu ; ils soulèvent la couche supérfcielle de l’épiderme, qui est composée de grandes cellules polygonales comme chez tous les animaux. Vers le derme modifié, qui sert d’enveloppe à ces corpuscules, viennent se rendre des faisceaux de tubes nerveux à moelle, composés de douze jusqu'a vingt-cinq de ces élé- ments ; ils se contournent en hélice, comme on l'observe chez les 22 JOBERT. Oiseaux, par exemple, quand ils arrivent au voisinage des cor- puscules terminaux. Arrivés à la membrane d’enveloppe, ils se dissocient, et, à l’aide du earmin, on peut les suivre sur les parois de cette sorte de coque fibreuse ; 1ls montent en serpentant en hélice autour du corps épidermique, se rédaisent en filaments plus fins et perdent leur myéline, et se divisent alors en filaments sur le trajet desquels existent des renflements : on peut les suivre ainsi jusqu’à la limite du derme. Pénètrent-ils dans l’épithélium ? Je faisais mes recherches sur un Tatou conservé dans l'alcool ; une seule fois, après avoir traité la préparation par les alcalis, l’épiderme soulevé m'a laissé voir, émergeant du fond de la eupule, quelques filamenis très-fins qui serpentaient entre les cellules du corps ovoïde; mais je n'ai pu constater leurs con- nexions avec les nerfs. La question de terminaison ultime est donc réservée, et ne pourra être résolue que sur un animal frais. Ces corps épidermiques ne sont pas très-nombreux; sur une coupe que ai sous les yeux, et qui mesure un centimètre de long, j'en compte einq. Il est à remarquer qu'ils n'existent pas qu'à l'extrémité du boutoir et aux lèvres, on les rencontre aussi à la voûte palatine ; ils existent également à la face. Au boutoir, ils alternent avec de gros poils que j'étudierai plus loin, aux follicules desquels viennent aboutir de gros nerfs qui pénètrent le plus souvent par les parties latérales (voy. fig. 15). Je ne voudrais pas terminer cette description du boutoir du Tatou sans indiquer les dispositions st élégantes des muscles de cette région. De la face profonde du derme montent vers la surface des faisceaux musculaires striés qui vont bientôt se dissociant en éventail, si bien que chaque fibre primitive se trouve isolée. Arrivés à environ 0"",62 de la superficie, les stries disparais- sent, et l’on voit ie myolemme continter sa route, envoyant à droite et à gauche des prolongements qui se continuent avec les fibres lamineuses que l'on observe dans cette région. Une disposition aualogue existe du reste dans le boutoir de ja Taupe, du Hérisson ; mais elle ne m'a pas paru aussi nette que chez le Tatou. Chez le Hérisson, j'ai constaié la présence de glandes ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 28 assez rares qui manquent chez la Taupe; leurs conduits excré- teurs traversent l’épiderme et vont s'ouvrir au dehors. Chez le Tatou, il m'a été nupossible de constater l’existence d'organes glandulaires à cetie région. Ornithorhynque. — Chez cet animal, le pseudo-bec offre des dispositions extrèmement intéressantes au point de vue non- seulement des terminaisons des nerfs, mais encore de la struc- ture générale. On sait que le corps est couvert de poils; cepen- dant la partie inférieure de la queue et la face transformée en bec en sont dépourvues. À l'œil nu, le tégument du rostre a une couleur grisâtre, et il est semé de petits points noirs que l’on reconnait bientôt pour être des exeavations. Si l’on étudie avec soin cette partie superficielle du rostre, on constate qu'elle est formée d’un épiderme très-épaissi où l'on retrouve les deux couches fondamentales ; les cellules les plus superficielles sont polygonales sans noyau; plus bas on retrouve les cellules de la couche de Malpighi. Les cellules profondes sont pigmentées. Derme. — Au point de vue de la structure intime, le derme présente à considérer, à la partie supérieure, un enchevêtre- ment très-épais, très-dense de fibres lamimeuses ; à la face pro- fonde, les fibres lamineuses sont moins unies, mais je n'ai pas trouvé trace d’aréoles graisseuses. On observe dans cette région en assez grande abondance des fibres élastiques. — Au centre du bourrelet labial se trouve une lame cartilagineuse entourée d'une membrane fibreuse (rès-résistante. — À mesure que l’on s'élève vers la superficie, l'aspect fibreux du derme disparaît de plus en plus, et à la superficie mème il a une appa- rence presque amorphe ; ou y retrouve de nombreux noyaux du tissu conjonctif: de sa surface s'élèvent des papilles nom- breuses qui méritent d'être décrites. Ces papilles (voy. fig. 23) sont composées et rappellent par leur aspect les papilles fongiformes de la langue des Mam- milères. Elles s'élèvent tout d'abord du derme sous la forme d’un cylindre creux au centre duquel cheminent, soit les con- 21, JOBERT. duits des glandes dont je vais parler, soit les organes énider- miques en connexion avec les nerfs. À une certaine hauteur, la papille primitive se divise en petites papilles filformes qui montent verticalement dans l'épi- derme ; dans ces papilles filiformes serpentent des anses vascu- laires anastomosées entre elles. J'ai représenté (fig. 21) deux de ces papilles. À l’aide de l'action des alealis, les vaisseaux des papilles, ont apparu aussi nettement que s'ils eussent été injectés. — C'est toujours au centre de ces groupes de papilles que l’on trouve, et les conduits glandulaires, et les boutons épidermiques. Ces papilles vasculaires s'élèvent à une grande hauteur dans l’épiderme, bien au delà de la couche de Malpighi; elles sont séparées de la surface de l’épiderme par une couche de cellules très-mince. J'ai dit que dans le derme on voyait ramper et des organes glandulaires et des nerfs. Les glandes appartiennent à la ca- tégorie des glandes en tube ; elles rappellent les glandes de la sueur des animaux supérieurs; elles se composent d'un tube qui se termine en bas en un cul-de-sac renflé et qui monte ensuite vers les parties supérieures du derme en décrivant des trajets spiroïdes (voy. fig. 23). Arrivés à la région sous-papil- laire, les tubes se renflent tout à coup, comme je l'ai figuré, et s'engagent dans le centre des grosses papilies, où ils montent en décrivant quelquefois des spires, puis ils cheminent verti- calement vers l'extérieur, escortés par les papilles filiformes. Arrivés à l'extérieur, ils débouchent dans des excavations de l'épiderme que l’on voit à l'œil nu. Les tubes glanduleux sont longs de 0"°,014 à 0"”,083. Je préfère ne pas en indiquer leur longueur en chiffres, elle est très-variable ; j'en ai vu qui atteignaient plus d’un millimètre de long.— Ces glandes sont nombreuses sur une coupe d’un centi- mètre de long : J'en compte douze ; presque chaque papille est traversée par un conduit glandulaire. On voit que par ce caractère seul il existe déjà une grande différence de structure entre le bec des Oiseaux et le bec appa- ARTICLE N° 5, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 25 rent de lOrnithorhynque; au point de vue des terminaisons des nerfs, ces organes sont non moins différents. Outre les conduits des glandes analogues à celles de la sueur, il existe dans l’épiderine des corps d’une apparence particu- lière ; ils sont placés verticalement et ont la forme de petits cylindres. On distingue à leur surface des stries très-fines mon- trant qu'ils sont composés de cellules très- serrées; autour d'eux, l’épiderme est modifié etils sont entourés par une sorte d’anneau protecteur que leur font les cellules épithéliales, qui ont pris la forme de croissant. Ces corps spéciaux montent jasqu'en haut de l’épiderme, qui, en ce point, offre une légère saillie au centre de laquelle existe une ouverture circulaire, qui semble être l'ouverture d'un canal. Eu effet, ce bouton dermique est percé dans son centre d'un canal étroit qui, à mi-hauteur de l’épiderme, n'a pas plus de 0,02 de diamètre (voy. fig. 22 et 2h). Sur la préparation que j'ai figurée sous le n° 22, on voit deux de ces corps qui s'élèvent au-dessus de lépiderme, la dilacération ayant déplacé les couches superficielles. Dans leur plus grand diamètre, ces corps eylindriques de lépiderme mesurent de 0"",03 à 0°°,05. Leur partie inférieure est engagée dans une papille composée, et à leur base viennent aboutir des faisceaux nerveux (1). Ces faisceaux sont composés de tubes à moelle; ils arrivent en serpentant et forment de véritables plexus, à la face superfi - cielle du derme, en dessous des papilles ; ils parviennent ainsi a la base des corps que je viens de déerire, et là on ne peut plusles suivre; ils se dissocient. Leurs tubes vont se disséminant : que deviennent-1ls? Des recherches sur les animaux frais pour- 1aient seules faire résoudre les questions de terminaison ultime des nerfs. Au milieu des tubes qui se dissocient, comme Je l'ai dit, à la base du corps épidermique, on aperçoit presque tou- jours de petits corps ovoides mesurant de 0"",01 à 0"®,02. (1) Meckel a figuré les gros nerfs qui se rendent au bec (Deustches Arch ,t. T, p. 354, pl. V et VI). 26 HÉOHERT. Soni-ce là des corpuscules nerveux? Je ne pourrais rien aflirmer ; je me contenterai de constater leur présence. Ces organes terminaux ne sont pas très-abondants; à l’extrémité du pseudo-bec, on les rencontre assez fréquemment, mais souvent on les trouve en groupes de deux ou trois placés à côté les uns des autres et séparés des groupes voisins par plusieurs conduits glandulaires. J'ai retrouvé identiquement les mêmes dispositions papil- laires et nerveuses à un repli cutané qui entoure la base du bec comme une collerette. Les mêmes dispositions existent égale - ment sur toute la surface du bec supérieur ; dans l'intérieur, sur les parties latérales du bec inférieur, on observe à l'œil nu une série de stries transversales dentiformes, qui s'élèvent au-dessus de la surface. J'ai voulu examiner la structure de cette partie. À la face profonde ramvpent des faisceaux de fibres museu- laires striés, entrecroisés irrégulièrement, et l’on constate que chacune de ces crêtes est hérissée de papilles qui ont tout à fait le même aspect que celles qu'on observe à la face externe du rostre ; des glandes analogues s’y renconirent. Les nerfs arrivent dans les crêtes en gros faisceaux; ils y pénétrent non pas verticalement, mais en cheminant parallèlement à la surface, et c’est d'eux que partent les fibres qui viennent for- mer le plexus sous-papillaire, qui, à son tour, donne des bran- ches destinées à ce corps épidermique. Dans cette partie, les papilles sont moins élevées, les plus hautes sont placées au point culminant des crêtes ; dansles vallées qui séparent ces crêtes, les papilles sont isolées, simples, et rappellent celles qu'on observe chez les autres animaux. Il est également à remarquer que Pon ne trouve pas de corps nerveux terminaux dans ces points. Jamais je n'ai renconiré sous les papilles de grands corpuscules nerveux terminaux, comme ceux que l'on observe chez les Oiseaux. Du reste, ceux qui me liront pourront comparer cetle descripuon avec celle des becs des Oiseaux, que j'ai donnée plus haut, et ils verront qu'histologiquement les Ornithorhynques n’ont aucune analogie avec ces animaux, quant à la structure géné- rale de l'appareil que je viens d'étudier. ARTICLE N° 5, bO ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 1 Chez les Oiseaux, les corpuscules terminaux ne manqueni jamais ; 'Ornithorhynque n’en possède pas. Chez les Oiseaux, il n'existe pas au bec de glandes cutanées, et l'Ornithorhynque en possède en abondance. Voilà donc deux faits bien constatés et bien acquis autour desquels viendront se grouper d’autres résultats. Hisiologiquement, ce serait des Édentés qu'il faudrait rapprocher cet animal. Mais je ne pense pas que les caractères que j'ai indiqués soient suflisants pour conclure ; des recherches nouvelles feront connaitre peut-être des dispositions analogues chez certains Oiseaux australiens, alors la question pourra faire un pas en avant. Quant à présent, 11 ne me paraît pas qu'elle puisse être résolue d’une façon absolue. Echidné. — Après avoir étudié l’Ornithorhynque, j'ai eu la bonne fortune de pouvoir faire une étude comparative sur le rostre de l'Échidné, qui offre à considérer des dispositions pres- que semblables au point de vue des terminaisons des nerfs. Leydig, dans une note de son livre (1), constate la présence de papilles dans cet organe, et 1l suppose qu'elles peuvent être le siége de la sensibihté. Voici quelles sont les dispositions que Jai constatées. Chez l’Échidné, l’épiderme est épais, et la couche superfi- cielle est composée de grandes cellules qui, vues de profil, ont l'aspect losangique. A la pointe du rostre, l’épiderme a plus d’un demi-millimètre d'épaisseur. — Beaucoup des noyaux des cellules sont infiltrés de pigment noir dans la couche profonde. Les papilles du dernie sont simples, leur extrémité supérieure est arrondie, et elles mesurent 0"*,29 à 0"",95 ; chacune d'elles contient une boucle vasculaire. La vascularité de la pointe du rostre de ces animaux est réellement remarquable ; les vaisseaux qui montent dans les papilles ont un diamétre qui va jusqu'à 0"",02. Dans la pré- paration que j'ai sous les yeux, on voit ramper à la base des (1; Leydig, Hist, compar., p. 83. 28 FIORBEET. papilles les vaisseaux d’où partent les capillaires et ceux qui les reçoivent ; leurs dimensions sont considérables. Ni l'un ni l’autre ne possèdent de fibres musculaires. Ils mesurent, le plus petit 0"",027, le plus gros 0"",034. Les boucles inter-papillaires ne s’anastomosent pas comme chez l'Orni- thorhynque. Dans la région sous-papillaire du derme, il existe un lacis inextricable de vaisseaux. En ce point, il m'a été impossible de constater les dispositions des nerfs; il existe certainement des glandes, non pas que j'aie pu les examiner, mais on voit leurs conduits excréteurs monter dans l'épiderme eu serpen- tant et venir s'ouvrir au dehors. C'est sur les parties latérales du rostre qu'il m'a été possible d'étudier les trajets nerveux. La conche profonde de l'épiderme remplit les intervalles pa- pillaires ; vers certains d’entre eux. qui, à l'encontre de ce qui s’observe chez tous les animaux que nous avons étudiés, ne des- cendent pas jusqu'à la base des papilles, on voit se diriger des faisceaux de tubes nerveux: ces perfs, arrivés à Ce point, sont impossibles à suivre, car la couche de Malpighi est d’un noir presque compacte à cause du pigment. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'en ces points le derme devient plus dense, et lon a devant les yeux une sorte de cupuie dermique qui entoure le corps épidermique. Les vaisseaux capillaires aboutissent en ce point el sont contournés sur eux-mêmes : leur coupe apparaît sous la forme de pelites ellipses que l'on prendrait de prime abord pour des corpuscules terminaux (voy. fig. 25). Au- dessus de ces points cù aboutissent les nerfs, on distingue dans l’épiderme une sorte de cylindre plus compacte, mais quiest loin d'être apparent comme chez l'Ornithorhynque. Ici encore des recherches nouvelles faites sur l'animal frais pourront seules faire connaître les terminaisons ultimes des nerfs. Cependant il était utile de constater les terminaisons appa- rentes, qui ressemblent beaucoup à ce que nous avons trouvé chez les Tatous ; et ici le rapprochement n’a rien de forcé, car l'Échidné est physiologiquement voisin de ces animaux et des ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 39 Pangolins. Tels sont les modes de terminaison qui paraissent devoir se rapprocher anatomiquement de ceux que je vais décrire chez les Poissons. Chez les Mammifères, les terminaisons iuter-épithéliales paraissent limitées à un certain nombre de parlies déterminées de l'organisme; chez les Poissons, il n’en est pas ainsi, car ce mode est le seul qui ait été réellement constaté jusqu'alors. CHAPITRE ILE ORGANES DU TOUCHER DES POISSONS. Peu d'appareils ont été aussi peu étudiés et sont encore aussi peu connus que ceux dont je vais tenter l’étude : dans tous les traités d'anatomie comparée, quelques lignes seulement sont consacrées, non à leur description, mais à de vagues indications accompagnées d'hypothèses qui même ne sont point admises par la généralité des auteurs. En effet, peu de travaux spéciaux ont été entrepris sur la matière, et à l'heure présente, malgré les quelques recherches histologiques faites de l’autre côté du Rhin, on peut admettre comme absolument vraie l’assertion de Lon- get. « Les organes du tact des Poissons sont très-imparfaitement connus. » 1! faut remonter à Treviranus pour trouver quelque indication relative à ce sujet; il signala la présence des nerfs dans les barbillons de l’Esturgeon, et vit la peau de ces organes garnie de petites crêtes auxquelles 1l attribua une grande sensibilité. En 1817, Tiedemann (1) fit quelques recherches sur les rayons digitiformes de la nageoire pectorale des Trigles. Des opinions diverses avaient cours à cette époque sur la na- ture des organes du tact des Poissons. Cuvier (2) les divisait en barbillons placés autour de la bouche et des lèvres; en tenta- cules organisés comme les barbillons, de consistance molle comme (4) Tiedemann, Von den Hirna. und den Fingerfürmigen fortsätzen der Trigla (Meckels Arch., 1816). (2) Cuvier, Anat. comp., p. 630 et suiv. 30 BAPE A. eux et occupant diverses positions sur la tête ; enfin en doigts possédant une tige osseuse articulée semblable à celle des rayons de la nageoire pectorale, dont ces doigts ne diffèrent que parce qu'ils sont libres et séparés : c’est chez les Trigles et les Poly- nèmes qu'on les rencontre. Cuvier admettait done que les rayons libres des nageoires pouvaient servir au tact. De Blain- ville (2) était moins affirmatif que Cuvier : pour lu, il n’était pas probable que les membres modifiés des Lophies, les rayons libres des Trigles, le disque du Lompe, pussent produire « autre chose qu'une sorte de locomotion », ou une adhérence assez vive. « Quant aux barbillons, qui pourraient être regardés comme organes du iact, quoique très-sensibles, probablement ils ne sont que des parties du toucher passif plus fin, et qui proba- blement ne deviennent jamais actifs. » Carus (2) considère les lèvres et les barbillons comme étant le priucipal siége du toucher ; « à l'égard des membres du tronc, c'est-à-dire des nageoires, ils sont assurément sensibles aux dé- placements de l’eau, mais on ne saurait leur attribuer la faculté de toucher, mème lorsque leurs rayons s’isolent les uns des au- tres comme chez les Polynèmes. » On peut voir par ces citations que le désaccord le plus complet existe entre les divers anato- mistes de celte époque. En 1482h4, Bailly (3) publia une série de recherches sur les filaments de la Baudroie. La plus grande partie de ce travail est consacrée à des considérations sur l'usage probable auquel le poisson peut employer cet appareil. Peu de temps après, Geoffroy Saint-Hilaire (4) s'occupait de la morphologie des filaments pêcheurs, et plusieurs années plus tard M. Deslongchamps (5) étudiait les rayons libres des Trigles. Le premier, il eut la bonne fortune d'observer ces Poissons vivants; à ses investigations (1) De Blainville, De l’organisation des animaux. (2) Carus, Anaf. comp., t. T, p. 408 et suiv. (3) Bailly, Des filaments pécheurs de la Baudroie (Ann, des se. nat., 1" série, 1824, t. Ii, p. 323 et suiv.). (4) Geoffroy Saint-Hilaire, Mém. du Muséum, 1814. (5) Eudes Deslongchamps, Observations pour servir à l'histoire anatomique des Trigles (Mém. de la Soc. Linnéenne de Normandie, t. VH). ARTICLE N° 9. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 31 anatomiques très-complètes, surtout au point de vue de l'étude de l'appareil musculaire, il put joindre alors des considérations sur l'usage des rayons libres : j'aurai plus loin l’occasion d’ana- lyser son travail. j En 1845, M. de Quatrefages (1) déerivit le mode de termi- naison des nerfs dans la partie antérieure de la tête de lAmphio- œus lanceolatus. À parür de ce moment, les recherches sur les organes tactiles des Poissons rentrent dans le domaine de l'histo- logie proprement dite, et portent surtout sur les modes de ter- minaison des nerfs dans le tégument et les divers appareils. Paul Savi (2) découvre et décrit l'appareil folliculaire nerveux des Torpiiles. Ch. Robin (3) découvre et décrit l'appareil élec- irique des Poissons du geure Raie. Stannius (4) publie son mé- moire sur le système nerveux périphérique des Poissons, et indique sommairement les branches nerveuses qui, chez quel- ques-uns de ces animaux, vont se perdre dans les barbillons. En 18514, Leydig (5) décrit dans l’épiderme de certains Pois- sons d’eau douce des corps particuliers en relation avec des papilles nerveuses, et il les considère comme organes du tact; en 1553, il retrouve les mêmes organes chez l'Esturgeon. Un long chapitre de son histologie comparée est consacré à l'étude des organes dont je vais m'occuper. Durant ces dernières années, les travaux histologiques sur la structure des nerfs et leurs modes de terminaison chez les Poissons se sont multipliés outre-Rhin. Ceux qui se rapportent spéciale- ment au sujet dont je m'occupe sont ceux de Schultze (6), de (1) De Quatrefages, Sur ’Amphioxus (Ann. des sc, nat., 3° série, 1845, p. 197, pl: 10,11, 12 et 13). (2) Savi, voy. Verhandl. d.phys. med. Ges. in Wurtzburg, Bd. VII, 1857, p. 26-28, (3) Robin, Recherches sur un appareil qui se trouve chez les Poissons du genre Raïe, etc. (Ann. des sc, nat., 14847, p. 193). (h) Stannius, Das peripherische Nervensystem der Fische. (5) F. Leydig, Ueber die Haut einiger Süsswasserfische (Zeitschr, f. wiss, Zool., 1851).—Anatom.-histol. Untersuch. über Fische und Reptil., 1853. — Hist. comp., p. 225 et suiv. — Ueber die becherfürmigen Organe der Fische (Zeitschr. f. wiss. Zool., 1862, p. 222). 32 JOBEERT. Kôlliker (4), Boll (2), sur lesquels j'aurai fréquemment locca- sion de revenir durant le cours de ce travail. En terminant cet historique, je ne crois pouvoir mieux indiquer l’état actuel des connaissances acquises sur les organes du tact des Poissons qu’en résumant ies lignes écrites sur ce sujet par le professeur Richard Owen dans son remarquable traité d'anatomie com parée. Dans la majorité des Poissons, c’est aux lèvres qu'il faut lhimi- ter la faculté d'exercer le toucher. Ce fait s’observe chez les Cy- prinoïdes et les Labroïdes (3). Chez certains Poissons, comme le Lompe, la ventouse formée par la réunion des nageoires ventrales et pectorales servirait à l'animal à explorer tout d’abord la na- ture du fond sur lequel il voudrait se fixer : « elle semble pou- voir recueillir les impressions tactiles. » Chez les Trigles, les na- geoires peuvent être adaptées à l’exploration du fond de l’eau. Les prolongements des nageoires ventrales des Gsphronèmes, des Ophididés, doivent rentrer dans cette classe d'organes. Les bar- billons que l’on observe souvent chez les Poissons de fond, et dont les positions peuvent varier, sont aussi des organes du taet. Le filament sublingual des Üranoscopes, le tentacule rostral du Malthe et de l'Halieuthe peuvent exercer la faculté tactile. On peut voir, par cette citation presque textuelle, combien l’auteur anglais est peu aftirmatif. Les recherches spéciales sur la matière manquant d'une façon presque absolue, J'ai essayé d'entreprendre l'étude des organes du toucher des Poissons, afin de voir quelles étaient, de ces hypothèses, celles qui devaient être conservées ou oubliées. Grâce aux observations faites sur des animaux vivants captifs en aquar.um, nous avons pu acqué- rir la preuve que les Poissons possèdent de véritables organes du toucher, qui, chez certains d’entre eux, peuvent arriver à — Epithel. und Drüsenzellen (Arch. f. mikrose. Anat., 1867). — Ueber die Sinnsor- gane d. Sectenlinie bei Fischen und Amphibien (ibid., 4870). (4) F. Boll, Die Lorenzinischen Ampullen der Selachier (Arch. mikr. Anat., 1868). (2) Kolliker, Sur les corps nerveux de la peau du Stomias ef du Chauliodus (Zeitschr. f. wiss. Zool., t. IV, p. 366).— Bericht über einige im Herbste 1852, in Messina, etc.). (3) Richard Owen, On {he Anat. of Vertebr., vol. 1, p. 325. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 39 un haut degré de perfection, organes qui agissent sous l'influence de la volonté, et dans lesquels le mode de terminaison des nerfs montre que l’action exercée par les corps étrangers est directe, comme cela se passe dans la main des animaux supérieurs. Leydig (1) a déerit sous le nom d'organes du tact différents appareils qui ne doivent pas être cependant considérés comme tels, car l’auteur lui-même hésite à se prononcer sur leurs fonctions. Cependant 1l est bon d'en dire quelques mots. Les recherches spéciales que j'ai faites sur ces sujets feront l’objet d’un travail spécial, et ne doivent pas trouver place dans un mémoire où j'ai l'intention de décrire des organes actifs, c'est-à-dire ceux qui sont soumis à la volonté de l'animal et dont il se sert pour exercer la fonction du toucher. Les différents appareils décrits par Leydig sont : les sacs mu- queux de l’Esturgeon et des Myxinoïdes, qu'on trouve à la tête, sorte de sacs groupés dont chacun reçoit un troncule nerveux dont la terminaison n’est pas connue. Suivant Müller ces organes auraient une enveloppe musculaire. Le système canaliculé laté- ral est longuement décrit par Leydig chez les Plagicstomes et quelques Poissons de nos eaux douces. E. Schultze a repris cette étude, et, suivant lui, les nerfs viendraient, dans cet appa- reil, se mettre en connexion avec des cellules munies de soies roides qui feraient saillie au dehors. 11 y aurait là une sorte d'analogie avec les poils du tact des Mammiferes. Les tubes mu- queux, déjà considérés par Jacobson comme organes tactiles, sont également décrits par Leydig. Plus récemment Boll a trouvé dans ces organes des cellules à soies roides comme celles que E. Schultze à vues dans le canal latéral, et qui sont en connexion avec les nerfs. Les vésicules de Savi, boutons nerveux entourés par une membrane conjonctive, rentrent dans ces organes, mais leur étude histologique est encore à faire. Enfin l’auteur alle- mand fait rentrer également les organes électriques parmi les organes tactiles. Je ne le suivrai pas dans les descriptions qu'il donne de tous les appareils que je viens d'indiquer, et je (4) Leydig, Hislo!, comp., p. 293 et suiv. SC, NAT., JUILLET 4872. — ART. N° 5. 6 {| DORE. commencerai immédiatement l'étude spéciale des organes du toucher actif, que je diviserai, suivant leur structure, en deux catégories, à savoir : 1° les lèvres, leurs replis et les barbillons ; 2 les membres modifiés. Suivant la structure anatomique, j'appellerai barbillons mous ceux qui n'ont ni squelette inté- rieur osseux ou cartlagineux ; ceux qui possèdent une char- pente solide osseuse ou ostéoïde seront décrits sous le nom de barbillons rigides : on verra leur structure devenir fort com- plexe; enfin, en terminant, je passerai en revue des appareils divers dont quelques-uns sont à peine décrits, et les autres encore inconnus, et qui sont dus à des déplacements, à des modifica- tions de iorme des nageoires paires et impaires. Ces appareils, chez tous les Poissons, sont recouverts par le tégument externe, c’est-à-dire le derme et son épiderme ; une étude générale de cette partie de l'organisme des Poissons est donc avant tout indispensable, Derme, sa structure. — Comme chez les animaux supérieurs, c'est dans la peau des organes que je vais avoir à étudier que se distribuent les nerfs chargés de transmettre les impres- sions. {l est donc utile avant tout de rappeler sommairement la structure de ces tissus. C'est à Rathke que l’on doit la première étude histologique complète du tégument des Poissons. Leydig (1), dans son Histo- logie comparée, a consacré quelques paragraphes à l'examen de cette question. En général, le derme repose sur une couche de tissu conjonctif, lâche et gélatineux, dans lequel on voit ser- penter, en suivant des trajets sinueux, des faisceaux de fibres lamineuses qui viennent se terminer à la couche profonde. Cette disposition est surtout remarquable dans la lèvre de certains Cyprins (Barbus) ; à l'extrémité du museau, chez ce poisson, sous le derme, se voit une couche d’un blanc éclatant que l’on isole facilement par macération dans l'acide acétique affaibli, et cette (4) Leyÿdig, Histo. cump, ? Tégument des Vertébrés, p, 83 et suiv, ARTIQUE N° 0. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 0) couche, outre une trame conjonctive et élastique très-lâche, est presque exclusivement composée de graisse. Le derme chez les Poissons est en général assez peu épais. Ce- pendant chez le Poisson lune il peut atteindre jusqu'à 4 pouces d'épaisseur (Leydig). Chez nos Cyprins, et surtout chez d’autres Poissons marins, comme on le verra plus loin (Trigles, Bau- droie, Uranoscopes), le derme offre cette disposition stratifiée qui a été signalée par Rathke, et qui est la caractéristique de la peau des Poissons et des Amphibiens. En effet, on reconnaît, à l’exa- men d’une coupe faite perpendiculairement à la face de la peau, que des fibres lamineuses, souvent réunies en faisceaux, courent parallèlement à la surface de la peau, placées les unes au-dessus des autres ; on observe entre elles de longs noyaux fusiformes. Outre ces fibres, on peut voir que souvent dans la partie pro- fonde, on a sous les yeux des cercles tangentsles uns aux autres. qui ne sont autre chose que les sections de faisceaux de fibres qui étaient dirigés perpendiculairement aux premiers. Cette stratification parallèle est surtout remarquable chez les Gades : ces poissons ont un derme très-épais d'une étude facile. Outre ces fibres parallèles, on voit monter, de la couche pro- fonde du derme vers la superficie, des faisceaux de fibres qui traversent presque toute l'épaisseur, et viennent se perdre à la couche superficielle. Cette disposition, très-nette chez les Gades, a été représentée par Leydig chez l’Anguille (1). À mesure qu'on monte vers la superficie du derme, on voit les faisceaux parallèles se rapprocher de plus les uns des autres, et chez nos Cyprins 1l est facile de constater qu'il existe à la su- perlicie mème une couche amorphe dans laquelle on ne distingue plus trace de faisceaux et de noyaux du tissu conjonctif. Jus- qu'alors la présence de muscles lisses dans le tissu dérmique des Poissons n’a pas éié constatée, C’est dans le derme que se trouvent ces cellules pigmentaires étoilées si remarquables par leur étendue et leurs colorations diverses, véritables organes chromatophores à l’aide desquels, sous l'influence de la lumicre, (4) Leydig, Histol, comparée : Tégument des Vertébrés, p. 89. 806 JOBERT. le Poisson peut accommoder sa couleur avec celle du fond sur le- quel il repose. Les expériences récentes de G. Pouchet ont jeté un jour nouveau sur ce sujel si important. Suivant M. Pou- chet, ces chromoblastes seraient des masses protoplasmiques distribuées dans le tissu cellulaire et pouvant, par suite de mouvements amiboïdes, s'étendre et se contracter alternati- vement. On ne trouve jamais, dans le derme des Poissons, d'organes glandulaires analogues aux glandes sudoripares. À sa surface extérieure, le derme se prolonge en papilles; tandis que ces organes sont quelquefois si petits, qu'ils paraissent manquer où même manquent tout à fait, ils peuvent au con- traire acquérir chez certains Poissons des dimensions très-con- sidérables. Chez nos Poissons d’eau douce, aux lèvres, au bord des poches des écailles, on voit des papilles s'élever sur le derme; elles sont cylindriques et se terminent non en pointe, mais en forme de calice; la cupule ainsi formée est plus ou moins pro- fonde, mais son bord est finement dentelé et donne insertion aux cellules de l’épiderme. Leydig a constaté que, chez le Leu- ciscus Dobula, le bord de la cupule présente des prolongements assez longs. Ces papilles du derme atteignent, chez les Gades, des dimen- sions considérables ; on les voit à l'œil nu, elles sont coniques. Dans presque tous les Poissons, j'ai constaté leur présence entre les dents, où elles flottent librement. Elles existent entre les dents pharyngiennes (Mugil), sur les replis labiaux supé- rieurs et inférieurs, dans toute la cavité buccale, sur la langue rudimentaire. Les Gades en possèdent à l’arrière-bouche qui sont longues de près d’un millimètre. — Leydig a constaté chez les Polyptères l'existence de papilles cupuliformes (4). J'ai, chez les Cyprins et surtout chez la Carpe, constaté, au bord externe de la première rangée des lamelles branchiales, la présence d'énormes papilles qui ne s’étendent que dans les deux tiers supérieurs du bord. J'aurai à revenir sur ce point (voy. fig. 26). (1) Leydig, Hist. von Polypterus Bichir (Zeitschr. f. wiss, Zool,, 1854).5 ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. DA Ces papilles dermiques sont ou simples ou composées. Chez les Cyprins, à la lèvre, aux barbillons, le plus souvent, on voit s'élever du derme une grosse papille sur laquelle se greffent des papilles secondaires cupuliforme : j'ai représenté cette disposition (voy. fig. 26 et 27). Des vaisseaux sanguins et des nerfs rampent dans le derme et montent vers la superficie. Chez nos Cyprins, il est facile de voir des boucles vasculaires parcourant les papilles ; le réseau sanguin est tres-riche ; quant aux nerfs, ils doivent m'arrêter plus longtemps. De gros faisceaux nerveux rampent dans la couche profonde du derme, montent en suivant les trajets des faisceaux lamineux perpendiculaires, et viennent constituer à la couche la plus superficielle du derme un véritable plexus sous-papillaire. Les nerfs qui sont composés de tubes à moelle montent dans les papilles secondaires au nombre de un à deux tubes, arrivent jusqu’au fond de la cupule, et là ils cessent d'être visibles; 1ls semblent avoir été brusquement brisés. Il n’en est rien cependant, comme on le verra tout à l'heure ; ils pénètrent dans l’épiderme, et, avant de les y suivre, il faut donner une description de cette partie du tégument. L'étude que je viens de faire et que Je vais poursuivre s’ap- plique exclusivement au tégument nu, c'est-à-dire non recou- vert d’écailles. Ce travail, comme je le rappellerai, se bornant à la description, non pas des organes passifs du toucher, mais de ceux qui servent activement à laccomplissement de cette fonction, je renverrai aux travaux de Leydig pour la description des poches des écailles. Épiderme. — L'épiderme des Poissons est intéressant à étu- dier à plus d’un point de vue ; il se compose de cellules placées les unes à côté des autres et assez peu serrées, sinon dans la partie inférieure, ce qui explique la facilité avec laquelle il se dissocie. Les cellules profondes sont allongées, prismatiques, à grands noyaux ovoïdes, et insérées sur le derme par engrène- ment ; leur bord inférieur est dentelé. Les cellules prismatiques sont serrées en palissade les unes contre les autres; on les 1e JOBERT. irouve implantées sur la surface des papilles, et, à mesure que l’on monte vers la superficie, on voit la forme prismatique dis- paraître et la longueur des éléments diminuer. A la surface, les cellules sont presque arrondies, à noyaux très-apparents; et tout à fait superficiellement l’épithélium prend l'aspect pawi- menteux (1). Les cellules sont irrégulièrement polyédriques par pression réciproque. Au milieu de cet épiderme se trouvent les cellules dites muqueuses, organes de formes diverses, à aspect graisseux, véritables vésicules remplies de liquide. Ces cellules peuvent atteindre des dimensions très-considérables; elles existent chez tous les Poissons d’eau douce, et je les ai obser- vées chez l'Ange de mer, où elles ont la forme de petites poires. Chez les Anguilles très-jeunes, on peut les voir s’ouvrant à l'extérieur ; elles ont la forme de bouteilles. Ces organes ont été l'objet d’une étude très-longue de la part d’un analomiste d'outre-Rhin, je renverrai à son travail (2). Chez les Myxines, les Lamproies, l'épiderme contient de grandes cellules clavi- formes de nature muqueuse. Corps ovoïdes. — Outre ces cellules, l’épiderme contient des corps particuliers décrits pour la première fois par Leydig (3), et qui reposent sur le fond des cupules des papilles du derme. L'’anatomiste allemand leur a donné le nom de « Becherfür- mige »; il a signalé leur position sur les papilles et figuré leurs éléments constitutifs, qu'il considère comme analogues aux fibres lisses contractiles; au point de vue de leurs connexions avec les nerfs, il suppose qu’elles existent, mais sans plus de commentaires. Les observations de Leydig ont porté sur un certain nombre de Poissons, à savoir : Perche, Cotte, Cyprin doré, Tanche, Abramis Brama, Leuciscus Dobula et Nasus, Cobilis barbatula, Esoæ Lucius, Lota vulgaris, Anguille. Vois 280200 a ae (2) E. Schultze, Epithel. und Drüsenzellen, ete. (Arch. f. mikrosc. Anat., 4867). (3) Leydig, Histol. comp., et Zeitschr. f. wiss, Zool., 1851, p. 7. ARTICLE N° 6. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 29 Leydig n’aborde pas la question de la terminaison ultime des nerfs, la réservant, dit-il, pour plus tard. La conclusion principale est que ces petits organes servent au tact. E. Schultze (4) a repris les recherches de Leydig, principa- lement chez la Tanche, et il a décrit et figuré dans les corps ovoides deux sortes d'éléments. Au pourtour de l'organe, il observe des cellules en bâtonnets à noyaux brillants, qui prennent leur insertion inférieure au bord papillaire que j'ai dit être crénelé ; linsertion se fait par une sorte d’engrènement réciproque, les cellules offrant à leur extrémité inférieure une série de dentelures. Au milieu d'elles se rencontrent d’autres éléments, sortes de bâtonnets filiformes offrant un grand renflement sur leur trajet, et une série de va- ricosités ; ils possèdent un indice de réfraction tout particulier. Étant donnés les varicosités, l'aspect particulier, la réfrac- tion, Schulize (2) incline à penser que ce sont là des terminai- sons des nerfs que l’on voit monter dans les papilles, et cepen- dant il w’est point affirmatif. Dans la planche annexée à son travail, il représente une coupe faite au travers de la peau de la membrane palatine de la Tanche ; les papilles, les nerfs qui s’y rendent sont figurés, ainsi que les corps ovoides qui les sur- montent. Les cellules qu'il croit de nature nerveuse sont repré- sentées également isolées. Se fondant sur les recherches précédentes qui ont fait connaître dans la langue des Grenouilles, au -dessus des papilles caliciformes, l’existence de cellules de ce genre, se fondant également sur la présence des corps ovoïdes dans les organes qui sont innervés par le nerf glosso-pharyngien, c’est à-dire la langue et l’organe palatin contractile des Cyprins, l’anatomiste allemand considère les corps ovoiïdes comme de- vant servir à la perception d’impressions multiples. Ce sont peut-être des organes de tact et de gustation. Quoi qu'il en soit, ce sont ces corps ovoïdes que l’on ren- (1) E. Schultze, Zeitschr. f. wiss. Zool., 1862 : « Die becherformigen Organe wel- » cher fur die Perception chemischer als mecanischer Einwirkungen geeignet seien. » (2) Schultze, Zeïtschr, f, wiss, Zoo!,, loc, cit. L0 JOBERT. contre toujours en faisant l'étude des appareils du toucher, on les voit s’y accumuler, et, chez certains Poissons, acquérir des dimensions considérables. Dans un nouveau mémoire, E. Schultze a poursuivi ses recherches chez les larves de Batraciens (1), il y a rencon- tré les mêmes corps ovoïdes. Dans un travail récent (2), il a indiqué sur ces corps ovoïdes la présence de cils roides, qui seraient en connexion avec les bâtonnets qu'il a décrits en 1862. Ceite disposition le conduit à assimiler ces éléments à ceux qui ont été reucontrés dans l'organe olfactif du Brochet. Suivant M. E. Schultze, les nerfs se termineraient donc au milieu des cellules dont le corps ovoïde est formé et sans lieu d’élection défini. J'ai répété les recherches de Leydig et de Schultze, une première fois en collaboration avec M. Grandry, de Liége, et ensuite seul, et sur certains points nous sommes loin d’être en communauté d'idées avec l’anatomiste de Rostock. Si l’on traite par l'acide chromique affaibli ou l'acide acétique très-étendu des fragments de lèvre ou des barbillons, on obtient, après vingt-quatre heures de macération, une dénudation du derme et des papilles ; les cellules épidermiques ont été entrai- nées, et l'on voit très-nettement, sur certaines d’entre elles, la cupule remplie d’une matière granuleuse qui se résout en fibrilles excessivement fines (Carpe), lesquelles émergent de la masse granuleuse. Dans une première communication faite à la Société de biologie (juillet 1870), en commun avec M. Grandry, nous avions indiqué ces fibrilles comme se terminant par des bà- tonnets offrant des varicosités ; en effet, ces fibrilles venaient en apparence s'appliquer sur de grands éléments insérés, non pas tout à fait au bord, mais émergeant presque du fond de la cupule. De nouvelles recherches m'ont montré que les éléments épithéliaux plus internes que ceux des bords papillaires pré- sentent des varicosités au-dessous du noyau. J'ai donc aban- (1) E. Schultze, Organes du goût des larves de Batraciens (Arch. f. mikrose. Anat., 1870). (2) E. Schultze, Epithel. und Drüsenzellen, etc. (Arch, f, mikrose. Anat., 1867). ARTICLE N° 5, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. IA donné notre première opimon, éclairé par ce que j'ai constaté chez le Mullus barbatus et chez le Barbus vulgaris. Chez le Mullus, les corps ovoides atteignent des dimensions très-considérables, ils mesurent jusqu'a O0 ,01; ils ne re- posent pas directement sur la papille, mais bien à une certaine distance au-dessus d'elle, et de la papille sortent un ou deux tubes nerveux qui, à l’état de cylindraxe, montent vers la base de ces gros corps ovoïdes et se mettent en ce point en rapport avec une masse granuleuse fibrillare analogue à celle que Grandry et moi avions constatée dans les cupules des papilles labiales de la Carpe. De cette masse granuleuse, on voit chez le Mulle monter des fibrilles très-fines qui se rassemblent et occupent le centre des corps ovoïdes. Sur une coupe trans- versale, à l’aide du chlorure d’or, on voit au centre un piqueté noir très-fin, tandis que, à la périphérie, on constate les sections des cellules d’une manière très-nette. Quant aux éléments que Schultze représente comme variqueux, je les ai toujours retrou- vés, surtout avec le grossissement employé par l’auteur, et Je. n'hésite pas à les considérer comme étant de nature purement épithéliale. L’épiderme de la périphérie, qui, du reste, a été très- exactement représenté par Schullze, va perdant ses caractères si tranchés, à mesure qu'on se rapproche du centre, et ses cellules finissent par être fiiformes et variqueuses. Au centre de l'organe, il existe une cavité qui a été rendue évidente par la préparation que je mets sous les yeux du lecteur (fig. 27 et 29). Sur une papille d’un barbillon de Barbeau, après une macération dans la liqueur de Müller étendue, J'ai trouvé des corps ovoïdes parfaitement isolés, quelquefois leurs éléments étaient complétement dissociés; mais, debout sur les papilles, plusieurs corps ovoïdes étaient entr’ou- verts, et au centre on voyait très-nettement une substance qui réfractait très-fortement la lumière et qui avait conservé son aspect granuleux. Cette substance dans les corps ovoïdes que J'ai figurés monte jusqu’au deux tiers de la hauteur. Sur d’autres préparations faites au moyen de l'acide acétique très-affaibli, h2 JSOBERT. j'ai vérifié ce que j'avais déjà constaté chez le Mulle, à savoir que les nerfs émergent des papilles et ne se perdent pas toujours dans la matière granuleuse, au fond même de la cupule, mais qu'ils s'élèvent au-dessus des bords (1). Quelle est la nature de cette matière granuleuse? Je me refuse à croire qu'elle peut provenir de la division d’un ou deux cylindraxes; cependant elle est bien de nature nerveuse, comme on va le voir. À Arcachon, j'avais opéré la section des nerfs de l'appareil tactile chez dix Mulles. Les altérations des nerfs périphériques signalées par M. Vulpian (2)se produisirent ; la myéline, d’abord accumulée de place en place, finit par disparaître, et chez deux poissons qui vécurent deux mois, le chlorure d’or, qui teignait en noir foncé cette matière granuleuse et dont l’action était constante, ne me donna aucun résultat. Sur plus de cent coupes faites dans ces quatre barhillons,je n'ai pu constater l'action du chlorure d’or; je n’ai pu voir les nerfs sortir des papilles, la matière granuleuse à la base des corps ovoïdes ne devint pas apparente; cependant, sur d’autres parties de l'organisme (nageoires, lèvres), le réactif avait agi. Done je considère comme organes de protection les cellules à grands noyaux, variqueuses où non, qui prennent leur insertion au bord de la cupule et plus en dedans, et comme nerveux Île cenire seul de l'organe. J'ai (fig. 47) représenté une coupe de l'organe du toucher du Mullus barbatus ; les corps piriformes sont, on le voit, très- apparents. À côté, j'ai représenté des papilles d’où émergent des tubes nerveux pour se mettre en connexion avec la base des organes ovoïdes dont deux sont figurés (voy. fig. 48 et A9) avec leurs papilles et les nerfs qui en sortent. Ces organes sont enclos dans l’épiderme, maintenus par les cellules environnantes. Les corps ovoïdes varient de dimensions : au maximum de volume chez les Mulles, je les trouve très-petits, presque globu- leux, chez le Cottus Gobio. Si l’on examine l’épiderme par sa face supérieure, on voit (1) Voy. fig. 30 et 31. (2) Vulpian, Physiologie du système nerveux. ARTICLE N° 9 ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 15 qu'il est percé de trous destinés à livrer passage à l’extré- mité des corps ovoïdes; autour d'eux, dans la partie supé- rieure de l’épiderme, les cellules se modifient, prennent la forme de croissant (voy. fig. 32 et 28), entourent l'organe et le maintiennent en place. Une coupe faite longitudimalement montre que l'organe se termine en haut par une sorte de cupule, laquelle est toujours nécessairement remplie du mucus qui enduit le corps de tous les Poissons. Chez l'Umbrina cirrosa, aux papilles flottantes interdentaires si remarquables, que j'ai signalées plus haut, j'ai rencontré des corps ovoïdes surmontés de cils roides, mais c’est là une exception; du reste, j'attribuerai cet aspect à un accident de préparation, la légère pression exercée par la lame mince à couvrir ayant suffi à chasser les éléments épithéliaux internes et à leur faire faire saillie : jamais chez les Cyprins vivant je n'ai observé la disposition indiquée par Schulize (1). Leydig croit que les cellules des corps ovoïdes sont contrac- iles, et 1l leur attribue cette propriété à cause de l’apparence cupuliforme, qui ne devient visible que quelque temps après la mort. Il est probable qu’à ce moment, le mucus ayant disparu, la cupule terminale devient visible. Partout où l’on rencontre des papilles, on trouve, chez les Cyprins etlesautres Poissons que j'ai étudiés, des nerfs en connexion avec elles et des corps ovoïdes les surmontant; on les observe surtout aux lèvres, aux replis labiaux, aux papilles flottantes interdentaires, à celles des mâchoires et du pharynx, au bord des nageoires paires et impaires, où ils sont si abondants au bord libre. Les plus belles papilles flottantes qu’il m'ait élé donné d'examiner appartenaient à l'Umbrine. Chemin faisant, quand j'étudierai les appareils, j'insisterai sur certaines particularités qu'il est utile de signaler. (4) Schultze, Epithel. und Drüsenzellen, etc. (Arch. f. mikrose. Anat., 1867, p. 153), ll JOBERT. $ IL — KEèvres et replis lahiaux. Lèvres. — Il suffit d'observer un Cyprin doré pour voir que ses lèvres lui servent d'organes de préhension et de tact. Certains Poissons ont les lèvres extrêmement développées, d’autres au contraire en sont presque privés. Chez nos Cyprins, et parmi eux le Barbeau, qui peut êlre pris comme type, les lèvres forment deux bourrelets saillants à la périphérie de la cavité buccale ; ces bourrelets sont recouverts d'un épiderme qui atteint chez ces animaux Jusqu'à un demi-millimètre d'épaisseur. Sur la surface des lèvres sont implantées des papilles caliciformes, surmontées des corps ovoïdes de l’épiderme au milieu desquels se terminent les nerfs. Ces papilles sont extrêmement nombreuses, la plupart du temps simples. Le tissu dermique des lèvres est très-deuse à la périphérie, peu riche en fibres élastiques à sa partie profonde; il offre chez le Barbeau un aspect remarquable, il est d'apparence spongieuse. Quand on coupe une lévre per- pendiculairement, on voit que la partie profonde est gorgée de sang : on dirait qu'un véritable tissu érectile existe en cette ré- gion, et 1l existe en effet, uon-seulement la, mais aux barbillons ; la partie profonde des lèvres est divisée en une infinité de loges séparées par des cloisons composées de fibres élastiques. Chez les Gades, le tégument deslèvres est épais, mais composé de tissu conjonctif à faisceaux stratifiés ; les papilles sont si considérables, qu'elles donnent aux organes un aspect velouté. Chez les Labres et les Crénilabres, les papilles sont très-longues, et l'épiderme, épais, très-serré, composé de cellules prismatiques allongées et appliquées les unes contre les autres. J'ai pu y retrouver les organes ovoides de l’épiderme, Chez quelques Pleuronectes (Limandes, Carrelets, Soles, Tur- bots), 1l existe également aux lèvres charnues de longues pa- pilles qui sont surmontées de corps ovoïdes. En général on peut dire que c’est aux lèvres et à l’arrière-bouche que se trouvent les papilles les plus développées, comparativement à celles des autres parties du corps ; il suffit d'examiner, chez les Gades, ARTICLE N° 5, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 5 les lèvres, la langue et les rayons tentaculiformes des nageoires, pour s’assurer du fait. Chez les Uranoscopes, les papilles prennent l'apparence de pe- tites arborisations, elles se dressent sur les lèvres dans une lon- gueur de 2? millimetres. Chez nos Esox, Perca, les papilles des lèvres, larges à leur base et terminées en calice, sont longues, coniques. Le üssu des lèvres est très-dense et sa couche pro- fonde n’est pas spongieuse comme chez le Barbeau. Chez l’Ange, le Spinaæ, le Lompe, existent également de grosses papilles sur les lèvres. Les lèvres supérieures et inférieures reçoivent, on le sait, les branches terminales du nerf de la cinquième paire; la lèvre supérieure est innervée par le maxillaire supérieur, et la lèvre inférieure par la branche maxillaire inférieure. L'examen mi- croscopique montre dans les lèvres de tous les Poissons un très- riche réseau nerveux sous-papillaire, qui est destiné à donner la sensibilité à l’organe. En arrière des lèvres, si l’on pénètre dans la cavité buccale, on trouve, chez la plupart des Poissons, deux replis en forme de croissants, sortes de voiles membraneux qui s'étendent d’un bord des mâchoires à l’autre. Ce sont les replis labiaux. Chez l'Ura- noscope, 1ls atteignent un développement considérable et de- viennent organe actif du toucher. Replis labiaux. — Cuvier dit que dans les Poissons osseux, indéperdamment des lèvres, qui, même lorsqu'elles sont char- nues, n'ayant pas de muscles propres, auraient peu de force pour retenir les aliments dans la bouche, il y a généralement en dedans de chaque mâchoire, derrière les dents antérieures, une espèce de voile membraneux ou de valvule formée par un repli de la peau intérieure et dirigée en arrière, dont l’effet doit être d'empêcher les aliments, et surtout l’eau avalée pour la respira- tion, de sortir par la bouche (1). Duvernoy (2) à cherché à découvrir un rapport entre le déve- (1) G. Cuvier, Hist. nat, des Poissons, t. I, p. 497. (2) Leçons d'anatomie comparée de Cuvier, recueillies par Duvernoy, t. IV, p. 398, h6 JOBERT. loppement des lèvres externes et des lèvres intérieures : il ne parait pas, avec les exemples qu'il cite et qui sont très-contra- dictoires, qu'on puisse formuler une loi à cet égard. Chez les Cyprins, si l’on examine la structure de ces replis, on voit qu’ils sont dénués de muscles, la charpente est formée de fibres élasti- ques et de longues fibres lamineuses ; mais le fait intéressant, c'est que, sur sa surface supérieure, surtout et près du bord libre, on trouve de grandes papilles, lesquelles sont cupuliformes comme celles des lèvres et disposées par rangées. Ces papilles, comme aux lèvres, comme à la voûte palatine, sont surmontées de corps ovoïdes épidermiques. Un réseau nerveux très-riche serpente dans l’épaisseur du repli labial, et l’on voit des tubes nerveux, sinueux, ramper et venir soit isolément, ou plus sou- vent au nombre de deux, monter dansles papilles et se perdre en apparence dans le fond de leur cupule. Ces organes sont donc doués d’une grande sensibilité. Chez un poisson méditerranéen, l’'Uranoscopus scaber, le repli labial inférieur, dans sa partie mé- diane, se prolonge en une languette que j'ai vue atteindre jusqu'à h centimètres de long. Cette languette est large au maximum de 3 ou k millimètres; elle est souvent comme creusée en gout- tière longitudinale et se termine ou en pointe mousse, ou même par une extrémité arrondie. Son épaisseur maximum est de 2 millimètres environ. Comme le tégument externe de l'Ura- noscope, elle est piquetée de points noirs (voy. fig. 33). À son extrémité basilaire, on distingue au milleu un tractus blanchâtre très-résistant, qui se continue avec le sillon médian qu'on remarque sur le repli labial. Si maintenant on cherche à se rendre compte de la structure intime de cet organe, on reconnaît qu'il est formé exclusivement de üssu lamineux et élastique ; le tissu lamineux domine ; des faisceaux de fibres le parcourent dans le sens longitudinal, ils sont volumineux, et sur uue coupe transversale apparaissent comine autant de petits cercles tangents. Entre ces faisceaux on voit de petites fibres élastiques sinueuses; ces faisceaux sortent du repli labial, se divisent dans leur trajet et s’avancent jusqu'à l'extrémité libre. Les faisceaux longitudinaux qui forment la véritable trame ARTICLE N° d. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. h7 sont croisés à angle droit par des fibres lamineuses qui forment la couche la plus extérieure de l'organe; elles sont circulaires; presque toujours, vers l'extrémité basilaire, on voit sur les bords de l'organe de petits prolongements frangés, véritables pa- pilles qui sont souvent colorées en noir par une accumulation de pigment. Chez ce poisson, on trouve sur les lèvres extérieures des papilles composées dont la forme rappelle tout à fait les pro- longements tégumentaires des Lophies ; chez l'Uranoscope, la dimension de ces papilles est en moyenne de 1 à 2 millimètres. La surface extérieure de la languette est hérissée de papilles coniques extrèmement peu élevées ; à leur extrémité libre elles offrent un petit évasement. Elles rappellent également les pa- pilles des Lophies, celles que l’on trouve chez les Trigles, et en géuéral chez tous Les Poissons dont le tégument externe est très- dense ; le réseau vasculaire de la languette est extrèmement riche, Le tractus blanchätre qui est situé au milieu de l'organe, dans sa partie basilaire, est composé d'uu tissu conjonctif très-dense où l’on observe de nombreux corpuscules fusiformes ; il se con- tinue avec la partie médiane du repli labial inférieur. Les nerfs du prolongement linguiforme et ceux du repli labial sont très-faciles à observer, ils viennent se ramifier dans l'organe ; leurs tubes se dissocient et se dirigent vers les papilles. Les Poissons que j'ai étudiés avaient été conservés dans l'alcool, et je n'ai pu faire d'observations sur la nature de l’épiderme, Les papilles analogues à celles de la languette existent sur le repli labial. Si l’on recherche maintenant les rapports de cet organe avec ceux qui lavoisinent, on conslate que le repli de la muqueuse buccale qui s'étend d'un os dentaire à l’autre, en formant une une sorte de pont en demi-lune, est en continuité avec le tégu- ment qui tapisse la cavité de la bouche dans la portion sub- linguale lequel passe au-dessus des muscles abaisseurs de la mà- choire (genio-hyoïdiens de Cuvier) et forme aussi le plancher de la partie antéro-inférieure de la cavité buccale. Cette muqueuse monte sur la face iuterne des os dentaires, se réfléchit, et forme la face inférieure du repli labial, et par conséquent de h 8 JOBERTE. la languette. Le tractus blanchâtre fibreux que j'ai décrit à la base du prolongement linguiforme suit la ligne médiane, appliqué sur la symphyse des os dentaire; il se perd dans le tégument sublingual, lequel est uni intimement avec le muscle supérieur des muscies abaisseurs de la mâchoire inférieure. Je n'ai pas, ai-je dit, trouvé de muscles de la vie de relation spécialement destinés à l'appareil, cependant sou mécanisme n'est point difficile à saisir. Le poisson projette au dehors son barbillon comme il le fait d'objets qu'il a avalés, comme de l’eau qu'il rejette hors de la cavité buccale ; l'ouverture brusque de la bouche, en contractant les abaisseurs de la mâchoire inférieure, exerce nécessairement une traction sur le tégument sublingual, lequel, grâce aux connexions que j'ai indiquées plus haut, oblige la languette à rentrer brusquement dans la cavité de la bouche. L'opinion que cet organe peut servir d'appât au poisson ne peut qu'être confirmée par l'étude anatomique. Je rangerai done ce pseudo-barbillon parmi les organes du toucher actif. Les observations sur les animaux me faisant défaut, je ne saurais être affirmatif au sujet de la manière de procéder de l’animal : les légendes des pêcheurs cependant ne doivent point être rejetées ; au contraire, elles doivent être contrôlées par des observations sérieuses. $ III. — WBarhillons mous. Autour de l'extrémité du museau, au pourtour des lèvres, se trouvent, chez certains Poissons, des prolongements qui ont recu le nom de barbillons. Ceux qui sont en connexion avec la mâ- choire inférieure ont reçu le nom de barbillons labiaux. A l’ou- verture des narines se trouvent ceux qu'on appelle nasaux. Les angulaires se voient à l’angle d'ouverture de la bouche; les encisifs occupent le bord supérieur de los de ce nom. Les Poissons de nos eaux chez lesquels ces organes sont le plus développés sont les Cyprinoïdes, c’est-à-dire les Barbeaux, les Carpes, les Tanches, les Goujons, les Loches. On peut dire que c’est chez les Poissons qui vivent dans la vase que l’on constate ARTICLE N° 9. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 19 surtout ces prolongements. Offrent-ils quelque particularité de structure intéressante? On en chercherait en vain une des- cription même sommaire dans les auteurs, elle n'existe pas. Desmoulins et Magendie (1) sont les seuls qui aient fait une remarque au sujet d'une particularité qu'ils avaient observée chez le Barbeau. J'ai étudié ces appendices avec soin chez nos Cyprins, et surtout celui du Barbeau, qui possède, on peut dire, l’organe type; c’est donc lui que je vais décrire. Barbeau. — Ce poisson est muni de quatre barbillons, deux angulaires et deux situés à la partie antérieure du museau ; ils atteignent la longueur de 2 centimètres environ chez un Barbeau de moyenne taille, La dissection montre que le derme, qui est comme d'habitude protégé par l'épiderme, recouvre un tissu blanchâtre résistant, épais ; sous ce tissu, au centre de l’or- gane, est une cavité gorgée de sang, séparée en loges par des trabécules ; en outre, on trouve en cette région un gros nerf sé- paré de la cavité sanguine par une mince cloison. Voilà ce que la dissection montre à l'œil nu. Si l’on recherche d’où viennent les vaisseaux sanguins du barbillon, on voit qu’une artère naissant du vaisseau efférent de la première branchie vient s'y distribuer ; cette artèreest de petit calibre. Les nerfs viennent du triju- meau ; la dissection en est intéressante et relativement pénible. Büchner (2), qui a fait une étude spéciale du système nerveux du Barbeau, a vu dans la Carpe et le Barbeau le nerf trijumeau se diviser en cinq branches, qu'il appelle ophthalmique, maxil- laire supérieure (ptérygo-palatine de Cuvier et sphéno-palatine de Desmoulins), maæillaire inférieure (branche maæillaire supé- rieure et inférieure de Cuvier et de Desmoulins). Les branches maxillaires inférieure et supérieure sont les seules qui doivent m'arrèêter, car ce sont elles qui se perdent dans les barbillons, Chacun de ces organes reçoit deux rameaux nerveux, (4) Desmoulins et Magendie, Anat. du syst. nerv.,t. IE, p. 380. (2) G. Büchner, Mémoire sur le système nerveux du Barbeau (Mém, Soc. sc, nal, Strasb., 1836). SC. NAT, JUILLET 1872. — ART, N° 9e ea 1 50 JOBRERT. un grêle, qui chemine entre le derme et la trame fibreuse qui se trouve en dessous, l’autre volumineux, qui pénètre au centre de l'organe. Le nerf maxillaire supérieur fournit les deux rameaux pro- fonds des barbillons. Après avoir franchi le crâne dans un canal formé par la face supérieure convexe du corps du sphénoïde, et les bases de la grande aile et de la petite aile, 1l se dirige le long de la paroi interne de l'orbite, passe entre le frontal antérieur et le palatin, longe le vomer, et s anastomose avec un rameau venu du maxillaire inférieur. De ce point de réunion, qui constitue un véritable chiasma, partent trois rameaux principaux : l'un descend verticalement (fig. 35) et pénètre au centre du barbillon angulaire; un autre se dirige horizontalement et vient pénétrer dans la partie centrale du barbillon antérieur ; un troisième rameau est dés- tiné à la lèvre (voy. fig. 35). Les branches superficielles des deux barbillons sont fournies par la branche maxillaire inférieure. On sait que ce rameau du trijumeau, à sa sortie de l'orbite, se divise en deux nerfs principaux, dont lun était considéré comme le nerf maxillaire supérieur proprement dit, l’autre comme le maxillaire infé- rieur. La première branche de division, comme je l’a dit, vient s'ana- stomoser avec le maxillaire supérieur en formant une arcade le long des appareils palatins et plérygoïdiens ; il envoie un filet très-grèle qui est destiné au barbillon antérieur qui reçoit en outre un autre petit filet dont l'existence n'esl pas constante (voy. fig. 3h). La branche à laquelle Büchner donne le nom de maxillaire se dirige en bas, fournit au muscle temporal, puis se bifurque. La branche supérieure de bifurcation va se perdre dans la lèvre inférieure, après avoir franchi un canal creusé dans l'os den- taire; l’autre branche fournit quelques filets grêles et un rameau assez fort qui va se rendre au barbillon inférieur (voy. fig. 34). Telles sont les dispositions anatomiques que j'ai observées chez le Barbeau et qui se retrouvent chez les Cyprins. ARTICLE N° 9. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 51 Chez le Cobitis barbatula, les barbillons sont ainsi innervés : Des deux antérieurs, le plus interne reçoit un gros rameau central qui provient de la branche maxillaire supérieure du tri- jumeau et un filament superficiel grèle de la branche ophthal- mique. Le barbillon antéro-externe reçoit une branche centrale du nerf maxillaire supérieur et un filet grêle superficiel du même nerf, mais qui naît bien en arrière du précédent. Le barbillon angulaire recoit un nerf central qui vient de la branche maxillaire inférieure, et un rameau grêle superficiel qui provient de la branche maxillaire supérieure; ce rameau nait du nerf maxiilaire supérieur, au niveau du point où celui-ci se bifurque pour pénétrer au centre des deux barbillons antérieurs. Il se dirige en bas et en dehors, longeant le bord de la lèvre, et vient se perdre dans le tégument externe du barbillon. Si l’on entreprend l'étude histologique de ces barbillons, on constate des dispositions intéressantes qui sont communes à tous les Cyprins. Sous l’épiderme épais où l’on observe ces cel- lules muqueuses que j'ai signalées plus haut, et les corps ovoides, se trouve le derme, qui possède des papilles, la plupart du temps composées (Barbeau, Carpe), quelquefois simples (Loche). Ce derme a tous les caractères de celui des lèvres; à sa face profonde rampent des faisceaux de fibres lamineuses à trajets sinueux. Au côté externe du barbillon et dans le tissu sous-dermique, on voit les sections des faisceaux de nerfs qui appartiennent, comme je l’ai dit, à ce rameau superficiel. En outre, plus pro- fondément, on constate des aréoles remplies de sang analogues à celles qui sont situées au centre, et des orifices béants des Vaisseaux . Plus profondément on voit apparaître un cercle épais qui n'est autre que la seetion de cette enveloppe blanchâtre, résis- tante, dont j'ai parlé plus haut. L'examen microscopique fait reconnaître qu'elle est com- posée de faisceaux de fibres lamineuses anastomosés entre eux, les uns circulaires, et les autres, au contraire, allant dans le sens de la longueur (voy. fig. 36). Ces faisceaux laissent entre eux 22 JOBERT. des intervalles où serpentent de fines fibres élastiques sinueuses. Au-dessous de cette zone de faisceaux lamineux et intimement unie à elle se trouve une couche élastique très-résistante, non attaquable par les acides, et composée de fines fibres accolées les unes aux autres. Dans l'épaisseur de la zone, sur une coupe, on distingue les lumières de vaisseaux capillaires coupés en travers, et d’autres qui le traversent horizontalement pour venir s'ouvrir dans les aréoles du centre. Desmoulins et Magendie (1) remarquèrent que le barbillon coupé avait l'apparence spongieuse, et ils le comparèrent, sans chercher davantage, aux corps caverneux de la verge des Mam- mifères. L'intérieur du barbillon est en effet de nature érectile, et une étude attentive permet de constater qu’il existe dans cette partie de l'organe des aréoles remplies de sang, séparées les unes des autres par des cloisons de fibres lamineuses qui sont situées dans le sens de la longueur et bordées d’éléments élas- tiques. L’épaisseur des cloisons chez le Barbeau est considérable. Elles limitent des espaces de forme irrégulière, le plus sou- vent à section ovalaire et tout fréquemment anastomosées. Ces cavités irrégulières sont superposées les unes aux autres et communiquent entre elles. La membrane interne de ces aréoles est composée d’une matière amorphe et d'éléments à grands noyaux fusiformes très-facilement isolables. L'emploi du nitrate d'argent fait reconnaître qu’elle est tapissée d’un épithélium pavimenteux semblable à celui qu'on trouve dans les capil- laires des nageoires, où il est si facile de constater leur pré- sence par le procédé de Legros (2) (injection de gélatine et de nitrate d'argent). Quelle est la nature de ces aréoles? Il est un fait évident, c’est que sur des coupes on voit traversant la zone conjonctive si épaisse, des capillaires qui, après avoir parcouru les papilles, (4) Desmoulins et Magendie, Anat. des syst. nerveux, etc., p. 380. (2) Legros, Du tissu érectile (Journ. de l’anat. et de la physiol., 4869). ARTICLE N° 9 ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 5b) viennent se perdre dans ces sortes de sinus; à la partie supé- rieure du barbillon et en communication avec ces aréoles, se trouve une véritable poche sphérique que l’on trouve toujours gorgée de sang. Son diamètre atteint 4 et 5 millimètres, et la structure est la même que celle des aréoles. L'artère qui se distribue à l’organe est sinueuse, mais n'a pas la disposition classique hélicine; arrivée à la pointe du barbillon, elle se recourbe en boucle et se dilate immédiatement ; la cavité des aréoles lui fait suite. I faut dire également que jamais je n'ai pu constater trace de muscles à fibres lisses dans les cloisons ; mais, comme le fait observer M. Legros dans son travail, l’élé- ment élastique étant extrêmement abondant, il remplace l’élé- ment contractile. De plus, je rappellerai qu'il existe une zone conjonctive épaisse qui enveloppe tout l'organe. Au centre du barbillon, on trouve donc une disposition qui est particulière au tissu érectile, et, du reste, l'observation des ani- maux vivants montre bien que l’animal peut faire entrer ces organes en turgescence. Par quel mécanisme, je n'ai pas cher- ché à résoudre la question. Au milieu de cette cavité centrale et entouré par des cloi- sons lamineuses, se place le nerf principal, qui va se divisant en filaments nombreux, et ces filets vont se perdre dans les papilles et de là dans les corps ovoïdes. Quelquelois il est appliqué contre la zone conjonctive, mais il ne chemine Jamais en dehors d'elle; il fournit des rameaux aux cloisons, mais je n'ai pu en constater la terminaison. Chez les Barbeaux , la cavité centrale descend presque jusqu’à la pointe ; mais chez la Carpe et la Loche il n’en est pas ainsi, elle s'arrête à la réunion des deux tiers supérieurs avec le tiers inférieur. La zone conjonctive se continue alors, et forme une sorte de charpente centrale composée de ces faisceaux de fibres entrelacés qui aident à produire la turgescence. Chez la Carpe, dont les barbillons atteignent cependant une dimension assez considérable, la cavité centrale est petite; en revanche la zone conjonctive est très-épaisse. J'ai constaté une disposition semblable dans le barbillon nasal du Motella tricirrata ol} JOBERX. et le M. quinquecirrala; maïs, dans ce dernier organe, la cavité centrale n'existe qu’à la partie basilaire, et la zone conjonctive. formée de faisceaux très-serrés, tend à former une charpente solide centrale. $ IV. — wentacules. Cuvier (4) désigne sous le nom de tentacules des organes par- ticuliers qu’il différencie des barbillons uniquement à cause de leur position ; en effet, ils sont placés sur le crâne, soit sur la parte médiane, soit au-dessus des orbites. Parnii les Poissons munis de ces appendices, un des plus re- marquables de nos eaux marines est certainement la Blennie gattorugine. Chez ce poisson, au-dessus des orbites, se dressent deux prolongements rigides qui vont se subdivisant en plusieurs filaments ascendants. Chez la Gattorugine que j'ai étutiée, ces tentacules étaient longs de 2 centimètres environ (voy. fig. 39). Au centre se trouve une sorte de charpente de tissu con- jonctüif très-dense, qui permet de les maintenir, même hors de l'eau, à l’état de demi-érection ; le derme est excessivement dense ; on distingue à sa périphérie des stries concentriques; il a au plus haut degré l'apparence stratifiée, et 1l est semé de celluies pigmentaires polyehromes très-grandes et anastomosées. Sur la surface de la tige de cette sorte d'arbre et le long des bords des branches, on observe de petites papilles coniques me- surant de 0"”,007 à 0"*,009, absolument semblables à celles que je décrirai plus loin chez les Trigles et les Baudroies. Je n'ai pu malheureusement faire l'étude de l'épiderme : elle eût été importante, mais le poisson que j'ai eu à ma disposition ayant été pèché dix-sept ou dix-huit heures auparavant, l’épiderme s’é- tait détaché ; sur une coupe on constate en outre que des vais- seaux sont destinés à parcourir l'appareil. Chaque tentacule reçoit deux ou trois branches nerveuses provenant de la branche ophihalmique. En cheminant appliquée sur le plancher supé- (1) Cuvier, Anat. compar., loc. cit. ARTICLE N° D. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 99 rieur de l'orbite, elle fournit trois branches assez volumineuses qui se dirigent en haut, perforent la voûte osseuse, et pénètrent dans le tentacule. À l’aide du chlorure d'or, j'ai pu voir des filets se diriger vers les papilles et y pénétrer, mais lépiderme faisant défaut, le mode de la terminaison ultime m'a échappé. A l'entrée des fosses nasales, se trouve un petit tentacule sem- blable pour sa forme à celui qui est situé sur la tête. il recoit comme chez les autres Poissons, où l’on verra qu’il existe à l’état de rudiment, un rameau de la branche nasale de lophthal- mique ; chez les Gattorugines il est assez volumineux. À lexa- men microscopique, on retrouve les mêmes papilles qu'an tenta- cule cränien, mais plus petites encore ; l'organe lui-même n’a dans son entier que 2 à 3 millimètres de long. C'est au nombre des organes tentaculiformes que l’on doit ranger les appendices tégumentaires des Baudroies, dont les plus longs sont situés sous la mâchoire inférieure. Ces prolongements sont aplatis et peu épais, el rappellent la forme de certaines feuilles d'arbres. Ils sont tout à fait semblables, pour la struc- ture et pour la coloration, à ceux que je viens de décrire chez les Blennies. Plusieurs rameaux nerveux provenant de la branche maxillaire inférieure du trijumeau s’y ramifient. Au centre existe un amas rougeâtre, presque spongieux, qui n’est autre chose qu'un amas de longues fibres lamineuses et élas- tiques lâchement unies et au milieu desquelles rampent des vais- seaux et des nerfs. Des papilles très-peu élevées sont surtout développées à la face inférieure, c’est-à-dire celle qui est en rapport avec le fond sur lequel se repose le poisson. Les réactifs permettent de suivre les nerfs qui s’y rendent. Malgré toutes mes tentatives, je n'ai jamais pu me procurer de Baudroies en vie, elles arrivent sur le marché privées de leur épiderme. Existe-t-il sur les papilles des organes ovoïdes? Je ne voudrais pas laflir- mer, mais la forme en cupules des papilles donne tout lieu de le croire. Les tentacules ne sont pas munis à leur centre d’une arma- ture résistante qui les maintienne à l’état de rigidité ; ils flottent librenient dans l’eau et ne possèdent aucun muscle destiné à les 410 JOBERT. faire mouvoir, ils sont donc purement passifs. Plus loin j'aurai à décrire l'organe actif du toucher des Baudroies, qui est placé sur le crâne et qui est dû à une transformation de la nageoire dorsale. Pour terminer l’étude des barbillons, il me reste à indiquer quelques particularités au sujet de ces organes placés à l'entrée des fosses nasales. Barbillons nasaux. — Ils existent à l’état de rudiment chez tous nos Cyprins. En effet, on n'a qu'à jeter uu coup d'œil sur un de ces poissons, et l’on voit qu'à l'entrée des narines se dresse une sorte de crête du derme. L'étude de la structure montre que cette saillie papiliforme est richement innervée par un ou deux filets provenant de la branche ophthalmique du tri- jumeau et qu’elle est hérissée de nombreuses papilles sarmontées de corpsovoides épidermiques. Chez quelques Poissons, entre autres les Motelles, ces crêtes s’allongent et deviennent de véri- tables barbillons; ils ne sont pas érectiles comme ceux des lèvres, et déjà on voit la zone conjonctive devenir plus dense, et tendre à former au centre une charpente solide ; un gros nerf vient s’y ramifier. Chez les Motelles, les papilles du derme sont éle- vées, coniques et surmontées de corps ovoides. L’épiderme est composé de cellules serrées; le derme est très-épais, composé de faisceaux de fibres stratifiées. J'ai représenté (fig. 67) une coupe du barbillon nasal du Motella tricirrata. La cavité cen- trale, les dispositions du derme, les trajets des nerfs, les pa- pilles et les corps ovoïdes sont figurés. Les Pimelodes possèdent également des barbillons nasaux, mais chez eux il n'existe plus de cavité centrale ; c’est pourquoi je n’en ferai la description que plus loin. Avant d'entrer dans l'étude des barbillons rigides, il me reste, pour terminer ce chapitre, à consacrer quelques lignes à la des- cription du bouton sous-maxillaire de l'Umbrina cirrosa. Boutons sous-maæillaires de PUmbrina cirrosa. — Sous la mâchoire inférieure, au niveau de la symphyse, ce poisson pos- ARTICLE N° 5, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 97 sède un bouton cylindrique à extrémité inférieure convexe, long de 2 millimètres environ et large de 3 millimètres en diamètre ; il est de couleur blanchâtre. La dissection montre qu’au centre existe une charpente fibreuse, et de plus que les deux branches terminales du nerf maxillaire inférieur viennent, à leur sortie du canal de l'os dentaire, se perdre dans le tégument qui le recouvre. L'examen microscopique montre que son épiderme contient en très-grande quantité les corps ovoïdes nerveux, reposant sur des papilles très-longues du derme, lesquelles sont visibles à l’œil nu. Dans la région sous-papillaire, existe un très-beau plexus nerveux qui donne des filets dirigés vers les papilles et qui y pénètrent. Au centre, on reconnait la zone conjonctive des barbillons mous, zone épaisse, résistante, formée de fais- ceaux entrecroisés limitant une cavité où se trouvent des aréoles sanguines. Ce bouton de l’'Umbrine peut être considéré comme l'ébauche d’un organe plus parfait, qui est le barbillon rigide des Gades, au centre duquel il y a non plus une cavité, mais un os, c’est-à-dire un élément nouveau chargé de rendre perma- uente la turgescence des barbillons mous que nous avons vue être temporaire. $ V. — Barbillons rigides. Après avoir décrit les barbillons mous, c’est-à-dire au centre desquels il n'existe point de substance solide, je vais passer à l'étude détaillée des organes de même forme, mais qu’on ren- contre toujours à l’état de rigidité. Le plus simple de tous est celui qu'on observe sous la mâchoire inférieure de la plupart des Poissons de la nombreuse famille des Gadoïdes. On saitque la mâ- choire inférieure des Poissons est forméele plus souvent de deux branches réunies ensemble en avant, qui sont les os dentaires, au bord desquels adhèrent les dents, et de l’osarticulaire, dont le nom indique la fonction. Chez la Morue en particulier, les os dentaires ne sont pas réunis directement , ils sont séparés par un cartilage cylindrique, vestige de lare hœæmal embryon- 58 JOBERT. naire (4). C'esi à la symphyse même que se trouve placé le petit os qui occupe le centre du barbillon; il descend verticalement en bas; à sa partie supérieure il est enveloppé d’un tissu fibreux très-dense qui se confond avec le périoste des os dentaires. L’os du barbillon appartient évidemment à chacun des deux den- taires : il paraît être formé de deux parties entièrement soudées, et quand on cherche à rompre les symphyses, on le voit se sépa- rer en deux parties symétriques; il se termine en une pointe unique. Un tissu conjonctif très-dense le recouvre, et l’on voit de chaque côté arriver à la base de l'organe deux grosses branches nerveuses qui se distribuent ensuite au tégument. Elles ont été signalées par Owen (2), qui les fait provenir dela branche latérale du trijumeau, et par Stannius (3), qui les considère au contraire comme provenant de la branche maxillaire inférieure, laquelle, on le sait, se détache du nerf au niveau du cartilage de Meckel ; elle reçoit des rameaux de la branche mandibulaire du facial et pénètre alors dans un canal osseux creusé dans l'os den- taire. Ce canal, assez long, suit la direction de l'axe de los; à sa sortie, le nerf donne naissance à plusieurs petites branches et se termine par un filet assez volumineux qui vient se placer au côté du barbillon, pénètre dans son tissu, et se divise en filaments de plus en plus déliés destinés au tégument. Ce barbillon est-il susceptible de se mouvoir ? Chez la Morue, il peut être porté un peu en arrière par suite de la contraction des muscles abaisseurs de la mâchoire inférieure. Ces muscles sont très-développés chez ces poissons: sur la ligne médiane ils sont séparés par un feuillet aponévrotique, sur lequel s'insèrent plusieurs de leurs faisceaux ; une bride émanée de cette aponé- vrose va s’insérer à la base du barbillon. Quand les muscles abaisseurs se contractent, et principalement leurs faisceaux internes, le barbillon est alors légèrement reporté en arrière. Je rappellerai que l'os central n’est qu’une sorte d’apophyse des os dentaires, et qu’il n'existe aucune articulation à la base de l’or- (4) Rich. Owen, Anat. comp., p. 123. (2) Idem, sid., p. 303. (3) Stannius, Das peripherische Nervensyst. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 09 gane; l’élasticité seule de la charpente solide permet donc d’ex- pliquer le retour du barbillon à la position verticale sitôt que la contraction des muscles vient à cesser. J'ai pu observer la dis- position que Je viens de décrire chez les Morues; chez les Motelles, les Lotes, «lle est bien moins marquée. Plus loin, chez un Pois- son indien, je montrerai les muscles sous-mandibulaires se modifiant bien plus encore que chez les Gades, et certaines de leurs parties devenir agents moteurs des barbillons sous- maxillaires, désormais organes actifs du toucher. La peau qui recouvre le barbillon est épaisse, blanchâtre, très-molle ; elle offre comme celle des lèvres une structure caractéristique. Chez peu de Poissons on peut observer d’une facon aussi nette que chez les Gades la disposition stratifiée du tissu conjonctif ; le plexus ner- veux sous-papillaire est extrémement riche, 1l envoie des filets qui montent dans les papilles; lépiderme est très-épais. Les papilles sont hautes et donnent à l'organe l'aspect velouté qu'on observe aux lèvres. Les corps ovoides de l’épiderme sont assez considérables, ceux que nous avons observés mesuraient en moyenne 0°”,05. La description que je viens de faire résume l’ensemble de mes observations sur le Gadus Lola, les Motella tricirrata, et quinque- cirrata, les Gadus Morrhua et minutus, et le Phycis mediter- ranea. Je n’ai pas voulu m'étendre davantage, et donner des détails oiseux sur la forme, la hauteur des papilles et celle des corps ovoïdes chez ces différents animaux : chez les Motelles l'observation est fort difficile, le pigment abonde, les corps ovoïdes de l’épiderme sont très-petits ; ils sont au maximum de hauteur et de volume chez le Gadus Morrhua. Quant à l'usage du barbillon sous-maxillaire, j'aurai plus loin l’occasion d'en parler et de discuter les diverses hypothèses qui ont été émises à ce sujet. Mullus barbatus. — Parmi les Poissons à barbillons rigides, un des plus intéressants est sans contredit le Wullus barbatus, si abondant dans la Méditerranée. La description de son appareil du toucher doit s'appliquer également à ceux du Surmulet de l'Océan et de l'Upeneus des mers indiennes. 60 JOBERT. Dans son travail sur le système nerveux périphérique desPois- sons, Stanpius à figuré le nerf vague de l’'Upeneus vaïgensis, mais 1] n'a pas poussé plus loin ses investigations (1). L'appareil du toucher se compose de deux parties très-dis- tinctes : l’une basilaire, qui appartient à l'appareil hyoïdien ; l'autre qui est formée de deux barbillons coniques longs de 8 à ® centimètres, suivant la taille de lanimal, et qui, chez le poisson mort, sont toujours rétractés en arrière et logés dans uve goutlière située sous la mâchoire inférieure, entre les deux muscles abaisseurs. Les barbillons sont rigides, grâce à une charpente solide qui occupe leur centre; l'extrémité seule est molle. Si mainte- nant, à l’aide du scalpel, on cherche à étudier les diverses parties dont est composé l’appareil, on voit qu’il possède un squelette assez complexe, des muscles puissants de la vie de relation, des vaisseaux, et qu'il est richement innervé. Le squelette doit être décrit avec soin. J'ai dit plus haut qu'il fallait distinguer tout d’abord la partie basilaire de l'appareil et le barbillon. Cette portion basilaire est fournie par cette partie du squelette de la tête que Richard Owen (2) désigne sous le nom d’arche hœæmale ou hyoïdienne de la vertèbre pariétale crânienne. Suivant cet anatomiste, l'arche hœmale se compose de chaque côté d'une pleurapophyse, d’une hœæmapophyse et d’une épine hœmale impaire. Deux os concourent à la formation de la pleurapophyse, en haut l'os stylo-hyal, en dessous l'os épi-hyal. L’os cérato-hyal forme l’hæmapophyse. Quant à l’épine, elle est subdivisée en cinq os courts auxquels M. R. Owen donne le nom collectif de basi-hyal, qui, chez beaucoup de Poissons, s’articulent en haut avec los de la langue ou glosso-hyal, et en bas avec un os impair dirigé en arrière, appelé uro-hyal. C’est l'os cérato-h yal qui supporte les rayons branchiostéges, ce membre rudimentaire, suivant Owen : (4) Stannius, Das peripherische Nervensyst., pl. I. (2) Rich. Owen, Anat. comp., p. 97. ARTICLE N° 9. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. GL « Answering to the pectoral fin diverging from the hœæmal arch » in the adjoining occipital seginent (L). » Chez le Mullus, le stylo-hyal ne peut être considéré comme faisant partie de la portion basilaire de l'organe du toucher; les autres os, soudés entre eux, donnent seuls attache aux muscles. Même chez les Poissons les plus grands qu'il m’ait été donné de disséquer, toujours j'ai pu séparer très-facilement les diverses pièces de l'appareil; l'épi-hyal et le cérato-hyal surtout sont peu intimement soudés. Au point de vue de la configura- tion, il faut surlout remarquer qu'à leur face interne ils sont incurvés de manière à offrir, suivant leur longueur, une sorte de gouttière longitudinale qui regarde en dedans; l'épi-hyal possède à son extrémité postérieure une tête destinée à son arti- culation avec le stylo-hyal ; le cérato-hyal présente à son bord inférieur une surface (voy. fig. A0 et Ai) destinée à l'articulation des rayons branchiostéges. Ceux-ei sont intimement unis entre eux par des fibres nacrées aponévrotiques. Ils ont une tête ren- flée qui est plutôt juxlaposée à l'os cérato-hyal qu'articulée avec lui. Les mouvements que les rayons peuvent exercer sont très- limités. L'os basi-hyal, près de son extrémité antérieure, est perforé par un petit canal très-court dirigé sensiblement suivant l'axe horizontal des os céralo-hyal et épi-hyal soudés. Ce canal est destiné au passage d’un tendon musculaire. L'os glosso-hyal, qui en dedans n'offre rien d’intéressant, possède à sa partie externe une fossette considérable, agrandie encore par une autre dépression appartenant au basi-hyal, qui se réunit à elle. C’est dans cette fosse osseuse (voy. fig. 45) que viennent s'insérer des muscles importants. À l'extrémité de l'os basi-hyal, qui se termine par une petite portion ey- lindrique grêle, se trouve un disque cartilagineux, épais d’en - viron un mullimètre, qui se trouve en connexion avec la pièce solide qui forme la charpente du barbillon. Cette pièce osseuse n’est pas unique, elle se compose de deux parties dis- ünctes réunies bout à bout par engrènement réciproque; la (4) R. Owen, Anat. comp. p. 197, 62 JORERT. partie supérieure, qui s'articule vers l’os basi-hyal, se compose principalement d’une extrémité renflée et contournée. Un coup d'œil jeté sur les figures A2, 43, fera mieux comprendre celte disposition qu’une description, quelque minutieuse qu'elle puisse être. Au-dessous de cette partie renflée, l'os s’amincit, prend une forme presque cylindrique, cependant il est aplati à son côté externe; 1l se soude avec la pièce terminale, qui va elle-même en s’'amincissant en pointe fine et perdant de sa consistance à me- sure qu’on s'approche de l'extrémité de l'organe. L'examen histologique ne permet pas de constater la présence de corpus- cules osseux dans ce tissu, mais l'emploi du chlorure d’or et du nitrate d'argent y décèle la présence de canalicules excessive- ment fins, dirigés du centre vers la périphérie; de plus 1l parait être formé de zones concentriques. Ce tissu se gonfle par l’action des acides. Le squelette étant connu, il est facile de décrire les muscles qui sont destinés à faire mouvoir l'appareil. Ils sont au nombre de quatre. J'ai dit que les os épi-hyal et cérato-hyal, soudés, s’incur- vent de façon à former une gouttière regardant en dedans. Deux muscles sont logés dans cette dépression. L'un prend son insertion sur le bord supérieur du troisième rayon bran- chiostége et se dirige horizontalement en avant. Il est placé dans la partie inférieure de la gouttière osseuse; il aban- donne l'os à la partie antérieure du bord inférieur du cérato- hyal, au niveau de l'articulation du premier rayon branchio- stége; il se continue par un long tendon nacré très-résistant, qui va prendre son insertion mobile sur le bord interne de l'os du barbillon, au-dessous de la tête de l’os. Ce muscle, très-puissant, ramène le barbillon en arrière et le maintient couché le long de la mâchoire inférieure (voy. fig. 4h). Logé dans la gouttière osseuse immédiatement au-dessous du musele précédent, se trouve son antagoniste. Il prend son inser- tion fixe à l'épi-hyal, marche parallèlement au muscle rétracteur, duquel il est séparé par le gros neri du barbillon, et, arrivé ARTICLE N° 0: ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 65 au basi-hyal (voy. fig. #4), il se continue par un tendon très- résistant qui passe dans le canal creusé dans cet os, et va pren- dre son insertion mobile à la partie moyenne de la face anté- rieure de la tête de l'os du barbillon, sur le bord supérieur de laquelle 1l s’est réfléchi auparavant. La contraction de ce muscle a done pour but, grâce à la présence du canal osseux dans lequel passe son tendon, de faire décrire au barbillon un mouvement en avant et en haut. Les deux autres muscles, bien moins volumineux, sont logés dans la fossette située à la face externe de la charpente osseuse et creusée aux dépens du glosso-hyal et du basi-hyal. Hs prennent leur insertion dans cette fossette; ils sont épais, relativement à leur peu de longueur; leurs tendons, courts et résistants, vont s'attacher à la tête de l'os du harbillon sur les parties latérales internes et externes ; ils jouent le rôle de véritables rênes et font mouvoir le barbillon tantôt en dehors, tantôt en dedans. Leur action combinée avec celle des museles situés profondément, permet à l'appareil d'exécuter les mouvements les plus variés (voy. fig. 45). Nerfs. — Les muscles moteurs du barhillon et cet organe lui- même recoivent des branches d’un nerf appartenant à la cin- quième paire. Quand on cherche à faire ehez les Mullus une étude du trijumeau, on est frappé de la gracihité des branches maxillaires et du volume énorme du rameau destiné à l'appareil du toucher. Ce nerf, chez un Surmulet de 20 centimètres, mesure 2 millimètres de diamètre. Une branche analogue a été décrite chez les autres Poissons sous le nom de branche ou rameau operculaire (Cuvier, Büchner, Schlemm, Muller) ; Rolando lui donne le nom de nerf facial; Stannius l’a étudiée chez un grand nombre de Poissons et lui à conservé le nom de facial, réservant le nom de branche operculaire à un filet grèle qu'il considère comme purement moteur. Chezles Poissons osseux, le nerf facial, dont les racines ne sont pas toujours distinctes de celles du trijumeau (4) proprement (4) Stannius, Das peripherische Nervensystem, loc, cit, GA JOBERT. dt, sort du crâne par un canal du pétrosal (Perca Lucioperca); à sa sortie, 11 reçoit le rameau communicant du trijumeau, qui est très-court. Suivant Stannius, il ne serait pas constant, et manquerait chez les Gades, les Lophies et les Silures. Le nerf operculaire proprement dit, qui, chez certains Poissons, serait en connexion avec une branche du nerf vague et du glosso-pha- ryngien, et qui est destiné aux muscles qui vont du crâne à l’opercule, naîtrait du facial toujours avant sa réunion avec la branche communicante du trijumeau. Hyrtl a décrit chez le Lepidosiren un nerf analogue au facial des Poissons. A partir du point où le facial reçoit la branche communiquante du triju- meau jusqu à sa bifurcation, le nerf prend le nom de tronc hyoidéo-mandibulaire, et il est par conséquent nerf mixte. Il est certainement moteur, car son excitation provoque des mouve- ments tres-accentués de l'appareil branchiostége et de plus faibles de la mâchoire inférieure. Dans la portion de son trajet, durant lequel il est en connexion avec l'os temporal, le tronc hyoïdéo-mandibulaire fournit plusieurs rameaux, puis il se divise en deux branches qui ont reçu le nom de rameau hyoïdien pro- prement dit et de rameau mandibulaire. Je ne m'arrêterai pas à la description du rameau mandibulaire, qui, bien que volumineux, n'a aucune connexion avec l'appareil du toucher chez le Mullus. Quant au rameau hyoïdien, il a été bien étudié par Stannius chez divers Poissons, et les observations de cet auteur peuvent se résumer de la manière suivante : En général, ce nerf suit le trajet suivant. En quittant los temporal, qu'il perfore, il suit l'os styloïde, passe sous l'inter- opercule et l'arc de l'os lingual, et fournit des rameaux desti- nés, les uns à la peau de la face interne du subopercule et de l'interopercule, les autres aux interstices des rayons bran- chiostéges. Ces derniers rameaux ne correspondent pas exactement à la direction des rayons, mais occupent une position souvent oblique, comme où le voit chez les Lophies. Il fournit en outre des filets à la membrane branchiostége, aux muscles des rayons, et vient se perdre dans le tégument sublingual, après avoir donné des ARTICLE N° 9 ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 0h) filets aux muscles qui recouvrent la membrane branchiostége de chaque côté. Chez les Mullus et l'Upeneus, le nerf du barbillon n’est autre que la branche hyoïdienne du tronc hyoïdéo-mandibulaire du nerf facial. J'ai signalé plus haut son volume énorme ; il est accolé à son origine complétement au ganglion du trijumeau, et je n’ai pas trouvé trace du rameau communicant. I émerge du crâne après avoir traversé un canal osseux creusé dans le temporal, et vient s'appliquer à la face interne de l'appareil operculaire; sa direction devient alors verticale : durant ce trajet 1l fournit des branches musculaires grêles destinées aux muscles releveurs des rayons branchiostéges qui viennent s’insérer à l’opercule, et au tégument interne de cette région; puis il se bifurque. La branche mandibulaire est d’un volume assez considérable (voy. fig. A6); de verticale sa direction devient alors horizontale ; il est appliqué sur le stylo-hyal; puis il vient se placer derrière les os épi-hyal et stylo-hyal, longeant le bord supérieur du muscle rétracteur du barbillon. Dans ce trajet 1l fournit des branches aux muscles moteurs de lappareil, aux muscles des rayons branchiostéges; puis il quitte les os, chemine au-dessus du ten- don du muscle rétracteur, parvient au barbillon, y pénètre, et se place à la face externe de l’os central. À ce moment, il va se divisant en faisceaux de plus en plus fins, qui se subdivisent eux- mêmes et viennent se perdre dans les papilles dont le tégument du barbillon est hérissé. Chez quelques-uns des Mullus que j'ai pu disséquer, j'ai vu naître de ce nerf la branche dite latérale du trijumeau, dont l’existence jusqu'alors n'avait point été signalée chez ce pois- son (1); elle suit le trajet habituel de ce nerf, sur lequel, du reste, J'aurai l'occasion de revenir avec détail quand il sera question des nageoires et de leurs modiïications. Cette branche, que j'ai représentée (fig. A6), se dirige en arrière, contourne l'os de l'épaule et envoie des filets à la nageoire. (1) Stannius (Das periph. Nervensyst., etc., pl. À) a figuré la branche latérale du nerf vague, el ne fait aucune mention du rameau latéral du trijumcau. SC. NAT., JUILLET 1872. ART. N° 6. XVI. -— 6 66 JOBERT. J'ai figuré aussi une disposition fort importante, c’est la pré- sence d’un filet anastomotique volumineux du nerf vague avec la branche latérale ; ce nerf émerge de la huitième paire au point d'origive du nerf latéral du nerf vague, et il va rejoindre la branche latérale du trijumeau. Il me reste maintenant, pour compléter cette étude, à décrire le tégument externe du barbillon, et à indiquer la façon dont s’y distribuent les vaisseaux et les nerfs. Les vaisseaux n'offrent rien d’intéressant, ils suivent le trajet du nerfet viennent décrire une ou plusieurs anses dans chacune des papilles du derme. Quant aux nerfs, j'ai dit plus haut comment ilsse ramifiaient dansle barbillon ; comment, après avoir pénétré dans les papilles et franchi leurs parois, ils montaient dans l'é- piderme, pour venir se mettre en relation avec une masse gra- nuleuse qui se trouve à la base des corps ovoïdes et dans l'inté- rieur de ces organes. Je rappellerai seulement que ces corps sont très-volumineux ; jamais je n’en ai rencontré de dimensions sem- blables chez les autres Poissons ; ils sont très-nombreux, on les trouve aux lèvres également : sur la coupe que j'ai repré- sentée, j'en compte 34. L'observation est rendue souvent difficile à cause du pigment qui masque les trajets des nerfs. Je n'ai pu constater dans la partie superficielle du derme l'existence d’un réseau de fibres pâles nerveuses ; les nerfs qui pénètrent dans les papilles sont pourvus de leur myéline, et souvent deux ou trois tubes montent dans chaque papille (voy. fig. 46, A7, h8, A9). Quant à los central, j'ai également, au commencement de ce chapitre, indiqué ses caractères. Jamais je n'ai vu cette pièce se divisant à son extrémité, toujours elle se termine en une pointe qui s’avance jusqu'à la face profonde du derme ; elle est complétement molle à son extrémité, vers laquelle souvent son trajet devient sinueux. Je ne voudrais pas terminer la description des muscles sans émettre quelques considérations au sujet de la morphologie de l’os du barbillon. Si l’on jette un coup d œil sur la structure de lPappareil bran- AIG TR EMOS se ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 67 chiostége, on constate qu'un muscle prenant son insertion fixe à l'extrémité antérieure du basi-hyal vient s’insérer d'autre part à la partie antérieure de la tête du premier rayon branchiostége. Il exerce done une action semblable à celle du muscle prétrac- teur du barbillon, c’est-à-dire qu'il porte par sa contraction les rayons branchiostéges en avant, ceux-ci étant unis à l’aide d’une aponévrose inextensible; de plus, le dernier rayon bran- chiostége est muni d’un muscle puissant qui le tire en haut, gràce à son insertion fixe à l’opercule, c’est-à-dire que les trois rayons branchiostéges doivent donc exécuter ensemble le mou- vement; de plus, un fait important à noter, c’est que les trois rayons possèdent des muscles larges et minces qui les unissent ; la direction de leurs fibres est sensiblement perpendiculaire à leur axe, ils doivent donc rapprocher les rayons les uns des autres. En un mot, si l’on considère les trois rayons branchio- stéges comme un seul, ce qui existe en effet, puisqu'ils ne peuvent guère agir isolément, on retrouve dans leur appareil musculaire l'homologue de chaque muscle moteur du bar- billon. L’os du barbillon ne serait-il pas un rayon branchiostége ayant subi un déplacement? Bien que sa configuration générale soit en apparence différente de celle d’un de ces os, on peut y retrouver, exagérés il est vrai, les caractères ostéologiques généraux observés dans le rayon : forme aplatie, tête ren- flée donnant insertion antérieurement à des muscles, bord postérieur tranchant également, et donnant insertion à des mus- cles de fonctions semblables. À l'appui de cette hypothèse, un fait très-important doit être noté : trois rayons branchiostèges seulement sont signalés chez ces Poissons; mais J'ai toujours rencontré au milieu du tégument, couchés sous la langue, n'ayant plus aucune connexion directe avec les os hyoïdiens, de petits rayons à peine développés, longs de 1 centimètre à 1 centimètre et demi, et possédant tous les caractères ostéolo- giques des rayons branchiostéges qui sont articulés avec le cérato-hyl. Si l'on cherche dans la disposition du système nerveux quel- 63 JOBERT. que mdication, on voit que le nerf qui se distribue au barbillon n'est que la continuation de la branche hyoïdienne du tronc hyoï- déo-mandibulaire du facial, et, comme je l’ai montré plus haut, il donne des branches aux muscles des rayons branchiostéges, à la membrane qui les entoure, et aux muscles de l'appareil du toucher. En un mot, les connexions du nerf avec les barbillons, chez le Mullus, sont les mêmes que celles que l’on rencontre chez les autres Poissons avec les rayons branchiostéges. C'est un argument de plus qui vient donc militer en faveur de mon hypothèse. Desrecherches embryologiques seulespourraient résoudre la question d’une façon absolue. Je n'ai jamais pu me procurer d'œufs de Mullus. À Arcachon, où j'ai fait cette étude, jamais les Mulles n’ont pondu en aquarium ; dès la deuxième moitié de novembre ils disparaissent, et se réfugient dans les eaux pro- fondes et chaudes. Suivant les pêcheurs, ils quitteraient même les eaux du bassin pour se réfugier dans l'Océan. Je n’ai ja- mais, malgré des investigalions personnelles et de nombreuses interrogations faites aux pêcheurs, pu avoir le moindre rensei- gnement sur l'époque de la ponte. Aux bords de la Méditerranée peut-être un zoologiste pourrait être plus heureux, et alors, je n’en doute pas, ces recherches, que je regrette de ne pouvoir faire, viendraient ajouter un chapitre intéressant à l’histoire des déplacements et des transformations des organes appendiculaires chez les Poissons, déplacements qui avaient paru assez impor- tants à Cuvier pour être utilisés par lui dans sa classification. S VI. — Siluroïdes. Les Poissons de cette famille sont certainement, de tous ceux que j'ai eu à étudier, les mieux pourvus au point de vue des or- ganes du tact et du toucher actif; outre de longs appendices immobiles, demi-rigides, qui existent chez plusieurs d’entre eux, (barbillons nasaux, sous-maxillaires, etc.), tous possèdent sur les parties antéro-latérales de la face deux longs barbillons qui atter- gnent quelquefois des dimensions énormes, et peuvent même égaler la longueur du corps. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 69 Ces barbillons, dont je m'occuperai tout d’abord, sont des organes actifs du toucher ; ils possédent, comme ceux du Mullus barbatus, un squelette, des muscles très-puissants, et des nerfs de volume considérable. À l’aide de cet appareil, l'animal peut explorer, eten avant et sur les côtés, le fond avec lequel il est en contact. J'ai pu l’étudier chez le Silurus Glanis, le Pimelodus Catus, le Saccobranchus Syngü, et sa structure est la même chez ces trois poissons. Les diverses parties dont se compose cet appareil n'ont pas échappé à l'examen des anatomistes. Carus (1) fait mention des muscles et des nerfs ; dans ses T'abuleæ illustrantes est figurée la tête d’un jeune Silure, où la branche nerveuse du barbillon est très-clairement indiquée. Stannius (2) indique également les nerfs du barbillon. Je n’ai trouvé nulle part de description d’en- semble, et cependant, comme on le verra plus loin, cet appareil mérite d’être l’objet d’une étude attentive. Squelette. — Le squelette se compose d’une portion basilaire et d'une partie extérieure mobile, formée elle-même de deux os. La pièce basilaire qui de chaque côté sert de support à l'appa- reil, est le frontal antérieur, qui est extrêmement développé; à l’angle antéro-externe de cet os on voit une facette articulaire ayant la forme d'une goutlière elliptique dont le grand axe est dirigé horizontalement : la direction est cependant un peu oblique de dedans en dehors. Quand on examine de près cette extrémité du frontal, on voit que l’on peut détacher très-facilement de cet os la partie cartilagineuse qui compose la gouttière et qui est formée de cartilage pur. Est-ce le vestige d’un os sous-orbi- taire, comme le croient Cuvier et Valenciennes (3)? Est-ce sim- plement un cartilage articulaire très-épais ? Quoi qu'il en soit, c’est dans cette cavité elliptique qu'est reçu le premier os appar- tenant à la partie mobile du barbillon. Cet os et celui qui constitue la partie supérieure du barbillon (4) Carus, Anat. comp., p. 32, et Tab. illustr., I. (2) Stannius, Das periph. Nerv., ete., loc. cit. (3) Cuv., Hist, nat. des Poissons, t, XIV, et Anat. comp., t. I, p. 630 et 653, 70 BB E, seraient pour les auteurs les vestiges des os maxillaires, qui sont au nombre de deux, comme on le sait, chezles Cyprinoïdes (1), et quimanqueraient totalement chez les Anguilles (2). L'osquiesten rapport avec le frontal antérieur, auquel je conserverai le nom de maæillaire, offre une face supérieure convexe destinée à être reçue dans la gouttière du frontal ; cette convexité, dont la surface est plus grande que la cavité du frontal qui la reçoit, peut donc se mouvoir dans deux sens, glisser de haut en bas dans la gouttière frontale et se mouvoir suivant le grand axe à droite et à gauche. La face inférieure est légèrement concave, et dans son tiers an- téro-externe on y observe deux cavités qui sont destinées à rece- voir les deux têtes articulaires de l'os du barbillon proprement dit. J'ai représenté (fig. 50 et 51) cet os, qui rappelle, au point de vue de la forme, l'extrémité inférieure de certains os des membres des animaux supérieurs. Cette forme montre que les mouvements doivent être limités dans un seul sens, en avant eten arrière. Cet os est creusé d’une cavité centrale dans l’intérieur de laquelle vient se loger la charpente même du barbillon, qui se continue jusqu'à la pointe de l'organe recouverte par les vais- seaux, les nerfs et le tégument qui forme l'enveloppe extérieure. Appareil musculaire. — La disposition des os étant connue, il est facile maintenant d'étudier les muscles et les ligaments des- tinés à faire mouvoir et à maintenir l'appareil. Un seul ligament est important ; ils’insère à la partie extérieure de l’osdu barbillon dans une dépression située au-dessous des deux têtes articulaires, à leur angle de réunion (voy. fig. 52). Il est trés-résistant et va prendre son insertion à los intermaxillaire qui, très-développé chez les Silures et réuni à son congénère, forme une plaque en forme de croissant, garnie de dents en carde, fixée sous l'ethmoïde en avant du vomer. Ce ligament est long d'environ un centimètre, je l'ai indiqué (fig. 52, !); 1 n’est nullement extensible et joue un rôle très-important dans les mouvements de l'appareil. (4) Cuv. et Val., Anat. comp., p. 653. (2) Rich. Owen, Anat. comp., p. 118. (3) Cuv., Anot. comp., p. 653. ARTICLE N° D. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 11 Quatre muscles sont destinés à faire mouvoir le barbillon, ils sont tous très-puissants; deux sont destinés à s'unir à l'os du barbillon proprement dit, et sont destinés à ramener l’or- gane en arrière et en dedans; le plus superficiel est un muscle épais, charnu, à tendon très-court, qui prend son insertion fixe, au moyen d'une largeaponévrose, à l'os jugal de l’arcade ptérygo- palatine, et vient s'attacher à l'os du barbillon, au côté externe et au-dessous du condyle externe. Immédiatement derrière lui et appliqué sur les os de l’arcade ptérygo-palatine, se trouve un autre muscle moins fort, qui va par un tendon court s’atta- cher au bord interne eu dessous de la tête dn condyle interne ; ce muscle ramène le barbillon en arrière et un peu en dedans. Au-dessus de ces deux muscles s'en trouvent deux autres égale- ment très-forts, dont la direction est presque parallèle à celle des deux premiers, et qui cependant ramènent le barbillon en avant, grace à un mécanisme très-Ingénieux que je vais décrire. De ces deux muscles, le plus superficiel prend son insertion anté- rieure au bord supérieur et externe du petit os maxillaire qui s'articule avec le frontal ; son tendon est très-épais, nacré, très- court. Le muscle est appliqué sous la face profonde de l’os fron- tal antérieur ; il passe sur le plancher supérieur de lorbite et va s'insérer au frontal par une aponévrose épaisse. Un peu au-des- sous de lui et en arrière se trouve un muscle plus long, un peu grêle, prenant aussi son insertion fixe au frontal ; sa direction estla même que celle du précédent, il vient par un tendon court s'insérer au bord posiérieur de l'os maxillaire, en dedans du tendon du précédent (voy. fig. 53, 5h). Quelle est l’action de ces muscles et comment peuvent-ils ramener le barbillon en avant? Quand ils se contractent, leur action à pour but de faire glis- ser dans la gouttière de l'os frontal l'os maxillaire, qui alors est dirigé en bas et en dedans; mais dans ce mouvement le ligament qui unit l'os du barbillon à l'intermaxillaire étant inextensible, empêchel'es du barbillon de suivre le mouvement du maxillaire. Grâce à l'articulation, le barbillon se trouve donc ramené forcé- ment en avant, et d'autant plus fortement. que la contraction 72 JOBERT. des muscles fronto-maxillaires est plus considérable; de plus, suivant que l’action contractile est plus vive de la part du muscle superficiel ou du profond, le barbillon est ramené en dehors ou en dedans : si c’estle muscle le plus externe qui agit, le maxillaire exécute autour de son grand axe un mouvement de rotation en dedans et en dehors; le contraire a lieu si c’est le muscle pro- fond qui agit. Un coup d'œil jeté sur le dessin fera comprendre très-facilement ce mécanisme, qui est du reste fort curieux. Les muscles moteurs du barbillon reçoivent des nerfs qui viennent, suivant Stannius, directement du ganglion du nerf triJumeau. Nerfs. — Carus indique deux nerfs qui seraient destinés au grand barbillon, et cependant, dans ses T'abulæ, iln'en figure qu'un. Suivant Stannius, chez le Silure, la branche maxillaire supérieure proprement dite se divise en deux rameaux princi- paux, un faible qui vient se dictribuer aux parties molles voi- sines de los maxillaire inférieur, rudimentaire, et de l'inter- maxillaire, et un plus fort destiné au barbillon : c’est un nerf à tubes minces. Le nerf passe entre les deux tendons des muscles rétracteurs et vient se placer à la face externe du barbillon. Chez un Silure de taille moyenne, il mesure environ 1 millimètre de diamètre. Je n’ai pu constater d’anastomoses avec les autres nerfs crâniens. La peau du tégument du barbillon n'offre rien de particulier, sinon des papilles semblables à celles que l’on ren- contre aux lèvres. Ces papilles sont cupuliformes, tout à fait ana- logues à celles des Cyprinoïdes. Je ne puis donner de détails sur la structure externe des corps ovoïdes de l’épiderme qui les sur- montent, les Poissons que j'ai étudiés étaient depuis fort long- temps plongés dans l’alcool ; mais l'épiderme existant encore à certains endroits, quoiqu'il fût altéré, j'ai pu constater l'existence des corps ovoïdes : 1l est probable qu'ils doivent être de grande taille à l’état normal. Ce n’est que sur des Silures frais qu'on pourrait mesurer leur dimension. A l’aide du carmin on reconnait très-bien les nerfs qui montent dans les papilles, comme on le constate chez les Cyprins. Le tégument du barbillon est formé d’un tissu conjonctif très-dense, à la face profonde duquel che- minent de longs faisceaux de fibres lamineuses. Au milieu de ce ARTICLE N° 9, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 73 issu serpentent les nerfs provenant des divisions de la grosse branche du nerf maxillaire et des vaisseaux. Au centre de l’or- gane se trouve la charpente solide enveloppée par le tissu con- jonctif très-dense. Cette charpente n’est pas articulée avec los du barbillon ; cet os est très-court et creusé d’une cavité cen- trale remplie par la substance qui doit se continuer jusqu’à la pointe de l'organe. Une longue macération dans l'alcool la rend jaunâtre, friable; à la moindre pression, elle sesépare en disques, et l'examen microscopique montre qu'elle est formée, non pas d’une substance ostéoïde, mais de grandes cellules dans les- quelles on ne distingue aucun noyau. Ces cellules sont très- facilement isolables. Elles sont de formes irrégulières et parais- sent appartenir à une sorte de cartilage sous-embryonnaire. Le barbillon maxillaire atteint, chez le Silurus Glanis, une dimension égale environ au üers de la longueur de l'animal. Chez le Pimélode, 1l attemt le milieu de la nageoire pectorale. Chez le Saccobranche, sa longueur dépasse celle de la tête. On retrouve une structure analogue dans la substance centrale des barbillons des Saccobranches et des Pimélodes. Barbillons sous-maæillaires. — Chez tous les Siluroïdes que j'ai pu étudier, il existe sous la mâchoire inférieure quatre bar- billons très-longs, qui, chez lesPimélodes et le Silurus Glanis, ne paraissent pas devoir être des organes du toucher actif. Ils possè- dent aussi une charpente centrale solide, comme le grand bar- billon, mais ils n’ont ni squelette osseux, ni muscles moteurs. Ce sont aussi des organes de sensibilité, mais, on le voit, bien moins importants, moindres que les grands barbillons. Chez les Saccobranches cependant, ces filaments, bien que ne possédant pas de squelette proprement dit, possèdent des muscles à l’aide desquels ils peuvent exécuter des mouvements assez étendus; ils deviennent donc organes du toucher actif. Chaque barbillon sous-labial possède quatre muscles, deux assez longs, prenant leur point fixe sur l'appareil hyoïdien, diri- gés de dehors en dedans et venant s'insérer par un long tendon de chaque côté du barbillon. Ils sont à la fois destinés à opérer 71 FOBERT. sur organe des fractions qui le portent en arrière et latérale- ment. Deux autres petits muscles s’insèrent, d’une part au bar- billon, et d'autre part à l'os dentaire près de la symphyse, et ürent l'organe en avant et en dedans. Les premiers museles rétracteurs paraissent être des faisceaux du muscle abaisseur de la mâchoire devenus indépendants. Ce muscle est ordinairement très-développé chez les Poissons et chez les Saccobranches ; ilest représenté par un petit faisceau pro- fondément situé sousles muscles du barbillon. Ceux-ci, du reste, peuvent également exercer la fonction d’abaisseurs de la mà- choire inférieure. Quant aux muscles qui tirent le Barbillon en dedans, ils paraissent provenir de faisceaux devenus indépen- dants du muscle intermandibulaire, qui, chez les Poissons, va d’un os dentaire à l’autre (voy. fig. 54). Le nerf qui se distribue à ces organes chez les Silures, les Pimélodes et les Saccobranches, provient du rameau maxillaire inférieur de la cinquième paire, dont j'ai déjà indiqué l’origine et letrajet dans la description du barbillon des Gades au sortir du canal osseux creusé dans l'os des mâchoires. Le nerf maxillaire envoie des branches considérables qui se jettent dans le barbillon. Stan- nius à signalé celte disposition chez le Silurus Glanis. Chez le Saccobranche et le Pimélode elle est identique; il y a cependant un point quil faut noter, c’est le volume énorme de la branche maxillaire inférieure du nerf trijumeau, qui est à elle seule deux lois plus considérable que la branche maxillaire supérieure et l’ophthalmique réunies. La longueur du barbillon sous-maxillaire est, chez le Silure, trois fois plus courte quele grand barbillon. Chezle Pimélode, elle est égale à environ la moitié, l'interne étant cependant un peu moindre. Chez le Saccobranche, le barbillon sous-mandibulaire externe est égal au maxillaire, l'interne au barbillon nasal. Barbillons nasaux. —Chez le Pimélode chat, au bord anté- rieur de l'oritice supérieur de la narine, se trouve placé un bar- billon grêle, ayant à peu près une longueur égale à celle du tiers de la tête chez les Saccobranches. Les orifices des narines sont ARTICLE N° 5, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 75 situés l’un à moitié de distance de l'œil et de l'extrémité du mu - seau, l’autre est plus près du bord le plus interne ; il est pourvu d’un barbillon d’une longueur égale à celle de la tête. Ces appen- dices manquent chez le Silurus Glanis. Ce ne sont pas des or- ganes actifs du toucher; on n’y distingue pas de muscles, mais ils sont rigides, grâce à la substance conjonctive très-dense qui se trouve au centre. Ils reçoivent une grosse branche nerveuse qui provient de la branche ophthalmique du trijumeau, dont le volume est presque égal à celui de la branche du nerf maxillaire inférieur, qui se distribue au barbillon maxillaire. Le tégument est identique avec celui qui recouvre les autres parties du corps. Il est hérissé de papilles cupuliformes ; l’obser- vation des filets nerveux qui montent dansles papilles est pres- que impossible, à cause de l'énorme quantité de pigment. Je n'ai pu étudier l’épiderme, mais la disposition des papilles montre qu'elles sont évidemment surmontées de corps ovoides sem- blables à ceux que j'ai pu voir chez le Silure. $ VII. -—- Nageoires. Au début de ce travail j'ai classé les nageoires au nombre des organes du toucher. En effet, alors même qu'ils n’ont subi au- cune modification dans leur position, leur forme et leur struc- ture interne, ces appareils, dans certaines de leurs parties déter- minées, servent à percevoir volontairement les impressions produites par les corps étrangers. Au point de vue de la structure, on rencontre dans toutes les nageoires un squelette et des parties molles. Squelette. — Le squelette peut être divisé en deux portions, l’une basilaire, plongée dans les tissus et de forme variable, l'autre extérieure, composée de longs rayons osseux ou articulés avec la portion basilaire. Déjà à l'œil nu on peut reconnaître que ces rayons ne sont pas formés d’une pièce unique, mais bien de petits articles placés bout à bout, et de plus que chacun d’eux est composé non d'un 76 JOBERT. seul os à pièces multiarticulées, mais bien de deux pièces symé- triques accolées l'une à l’autre. Dans les nageoires paires, ces pièces, unies entre elles dans toute l'étendue du disque de la nageoire, se séparent au voisinage du corps : l’externe est grêle, offre une têterenflée; l’interneest au contraire plus développée, et sa tête envoie en arrière une longue apophyse. Au point de vue de la structure intime, on reconnaît que ces pièces sont symétriques, séparées l’une de l’autre; elles se divisent dichoto- miquement plusieurs fois, et leurs extrémités libres se ter- minent en apparence par un pinceau fin de fibrilles ostéoïdes. Je dis que c’est là une terminaison apparente et non réelle, bien qu'elle ait été décrite ainsi par Leydig (1), qui a figuré dans son Histologie comparée un rayon de nageoire de Poisson blanc, dont le dernier article irait se divisant en fibrilles, et par Lotz, qui à également commis une erreur du même genre, en étu- diant le développement des Salmonidés. Ces fibres terminales, dans lesquelles on ne pent distinguer aucun élément figuré, n'appartiennent pas plus au dernier ar- tiele des rayons que celles qui se trouvent sur les parties latérales, et que Leydig désigne sous le nom de lames cornées; elles se développent dans le tissu interposé aux deux aiguillons multi- articulés, qui, réunis, constituent le rayon ; le dernier article se termine réellement en pointe mousse, et les fibres terminales, dépassant alors l'extrémité des os du rayon, donnent l’appa- rence de pinceau qui est si facilement observable chez tous les Poissons. Un simple examen microscopique permet de vérifier ce que j avance. Les rayons osseux sont très-transparents. On voit les fibres terminales monter jusqu'aux 2° et 3° avant-der- niers articles; deplus, la macération permet de séparer les deux pièces du rayon : on isole ainsi le tissu interposé entre elles, et dans son épaisseur on voit ces corps que je viens de décrire appa- raître sous forme de longues aiguilles terminées à leurs deux extré- mités en fuseaux très-pointus. Ces petits corps n'ont donc avec (4) Leydig, Histol. comp., p. 174. — Lotz, Ueber den Bau der Swanzwirbelsäule der Salmoniden, ete. (Zeitschr. f. wiss. Zool., 1864). ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 77 l’article terminal des rayons que des rapports de position; ils peuvent acquérir jusqu’à 3 et 4 dixièmes de millimètre de long ; chez certains Poissons ils ont jusqu'à À millimètre (Trigle). Jai dit plus haut que lon ne distinguait dans leur épaisseur au- cun élément figuré. Ces aiguilles offrent une apparence striée longitudinalement, mais on n’y distingue pas d’ostéoplastes. Ley- dig a décrit sur les rayons des nageoires de certains Poissons osseux des ostéoplastes dégradés; tout en n'infirmant pas ce fait, il est bon de constater qu'il a figuré des éléments sem- blables sur les fibrilles terminales, qui n’en contiennent pas trace. Je n'en ai jamais trouvé, même sur les derniers articles : à la partie supérieure des rayons, on peut en voir quelques-uns. On sait du reste, par les recherches de Kôlliker, qu'un grand nombre de Poissons sont privés d’ostéoplastes. Parties molles. — Pour exécuter leurs mouvements, qui sont rapides et variés, les nageoires possèdent des muscles. Je ne pourrai ici entrer dans une description détaillée de ces organes, qui, divisés en plusieurs couches, sont destinés, soit à rapprocher les rayons, soit à les éloigner, à relever ou à abaisser la nageoire. Chemin faisant, J'indiquerai les dispositions qui se rattachent au sujet qui m'occupe. Tégument. — Le tégument qui réunit les rayons des nageoires est composé de deux feuillets dermiques très-minces, accolés et composés de tissu conjonctif de plus en plus moins dense, à mesure que l’on se rapproche de l'extrémité basilaire de l’organe. Par la dilacération on peut isoler les longues fibres lamineuses, et par transparence on voit des faisceaux de ces fibres se diriger dans la couche profonde, parallèlement aux rayons, et dans la couche superficielle suivre une direction perpendiculaire aux premiers, c'est-à-dire allant d’un rayon à l’autre. Vers le bord libre de la nageoire, le tissu s’amincit considérablement ; les cel- lules de pigment, nombreuses au point de rendre l'observation presque impossible, disparaissent, et dans cette région le tégu- ment est formé de petites fibres placées bout à bout et réunies 15 JOBERE. entre elles; leur direction est parallèle au bord libre. Elles sont facilement reconnaissables à leur grand noyau ovoïde qui con- tient des granulations brillantes. Ces fibres peuvent être isolées par la dilacération. Cette opération montre en outre, dans cette région externe, l'existence d’une substance homogène amorphe. À mesure que l’on monte vers l'extrémité basilaire de la nageoire, le tissu perd ses caractères si tranchés, les fibres s’allongent et les noyaux disparaissent. C’est chez les Cyprins que l’on peut le mieux étudier ces éléments. L’acide acétique ne détruit pas les noyaux. Dans les intervalles des rayons, au bord libre on voit distincte- ment des papilles caliciformes étranglées à la base, vers les- quelles se dirigent les nerfs; le tégument est revêtu d'un épi- derme dans lequel au-dessus des papilles existent des corps ovoides. Nerfs. — Outre les organes destinés à leur donner la faculté de se mouvoir, les nageoires possèdent un réseau vasculaire très- considérable et des nerfs de sensibilité : ce sont surtout ces der- niers dont je dois m'occuper. Les vaisseaux suivent presque toujours leur trajet. La question de distribution des nerfs dans les nageoires a été très-peu étudiée. Cuvier (1) se borne à indi- quer que la nageoire pectorale reçoit ses nerfs des deux paires spinales. La première paire, qui fournit des rameaux aux muscles abducteurs de l’organe et à sa face externe, est considé- rée par lui comme l’analogue du cubital et du radiai ; la seconde paire serait l’analogue du médian, puisqu'elle fournit aux mus- cles abducteurs et à la face interne. Stannius (2) fait observer que, chez les Poissons osseux, Îles deux premiers nerfs spinaux possèdent quatre racines au lieu de deux. Pour cet auteur, chez quelques Poissons osseux (Silure, Saumon), le quatrième rerf spinal enverrait un rameau à la na- seoire pectorale. Chez l'Esturgeon, la nageoire antérieure reçont (4) Cuvier, Hist. nat. des Poissons, p. 449. — Anat, comp., p. 266 et suiv, (2) Stannius, Das peripherische Nervensystem, ete., p. 121, ARTICLE N° 0. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 79 ses nerfs des six premières paires spinales. Chez les Squales (Acanthias, Spinax), les onze premières paires envoient des ra- meaux au membre antérieur. Quant aux uerfs de la nageoire ventrale, ils sont encore moins bien étudiés. Dans les Poissons eyprins (Carpe), les septième et huitième paires spinalesiraient, suivant Cuvier, se distribuer à la ventrale. Chez les Poissons dont le bassin est appendu aux os de l’épaule, que les na- geoires soient siluées en avant ou en arrière des pectorales, ou qu'elles soient jugulaires, ce sont les quatrième et cinquième paires spinales qui envoient les filets nerveux à la nageoire (1). Rich. Owen ne donne aucun détail sur cette question. Cepen- dant use étude du mode de distribution des nerfs dans les na- geoires était indispensable pour ce travail. J’ai disséqué dans ce but divers Poissons abdominaux thoraciques et jugulaires, et j'ai trouvé que les filets se distribuaient suivant un mode toujours uniforme, que Je ne saurais mieux faire connaître qu’en décri- vant les dispositions que j'ai rencontrées dans les nageoires paires des Barbeaux. Chez ce poisson, la ventrale est innervée par les branches internes des 15°, 16°, 17° et 18° paires dorsales; elle reçoit de plus un, deux, et même jusqu'à trois filets assez forts de la branche latérale du nerf vague. Les nerfs se distribuent de la manière suivante : Les branches internes des 15° et 16° paires, appliquées à la face profonde des muscles, descendent vers la nageoire ventrale, et à 2 centi- mètres environ au-dessus d'elle se divisent en deux branches, l’une antérieure, destinée aux rayons, l’autre postérieure, des- tinée aux muscles, et sur laquelle je n’insisterai pas davantage (voy. fig. 56). La branche antérieure de bifurcation de la 15° paire s’ana- stomose avec celle de la 16° paire, et le nerf formé par leur réu- mon, appliqué très-superficiellement sous le tégument, se dirige vers la tête arliculaire du 1° rayon de la nageoire qui est très- court: à 3 millimètres environ en avant de lui, il s’anastomose avec un où deux filets assez volumineux, qui viennent de la (4) Cuvier, Mist, nat, des Porssons, p, 445. 60 JOBERT. branche latérale du nerf de la 8° paire, puis descend presque verticalement, appliqué entre le tégument et les muscles. La dissection en est fort pénible, et chez les Barbeaux le nerf latéral atteint un volume très-considérable. J'ai vu deux fois la 45° paire recevoir une branche anastomotique extrêmement grêle de la 14° paire spinale. Le nerf formé par la réunion de tous ces ra- meaux contourne la tête articulaire du 4° rayon, et vient plon- ger dans l'intervalle compris entre le second et le troisième rayon ; là 1l se divise en deux branches, qui se subdivisent elles- mêmes et se distribuent au tégument (voy. fig. 56). Quant aux branches internes de la 17° et de la 18° paire, après s'être divisées et avoir fourni des branches musculaires, elles s’anastomosent, et leur branche de réunion vient se placer dans le canal osseux formé par l'intervalle que laissent entre elles les têtes des pièces multiarticulées qui, réunies deux à deux, forment les rayons de la nageoire. Je rappellerai qu'à la partie supérieure de la nageoire ces pièces se séparaient, et que chacune possédait une tête articulaire. À son entrée dans cet espace, le nerf se divise en deux branches, l’une antérieure, l’autre posté- rieure, et chacune d’elles,en cheminant, fournit des rameaux qui se bifurquent à leur tour et vieunent s appliquer le long des bords des rayons. Chaque pièce du rayon possède donc deux filets nerveux, ce qui fait quatre branches collatérales pour le rayon complet. Remarquons, et c’est là le fait anatomique mmportant à retenir, que le 2° et le 4° rayon recoivent à eux seuls deux branches, spinales, plus les rameaux du nerf latéral, c'est-à-dire plus de nerfs que tout le reste de la nageoire. Nageoire peciorale. — Chez le Barbeau, les quatre premières paires spinales sont destinées à aller se distribuer à la nageoire pectorale. La première branche, très-volumineuse, reçoit un filet anasto- motique de la seconde branche, et ne tarde pas à se diviser en deux rameaux, dont l’un se distribue aux muscles, l’autre con- tourne la tête du 1" rayon et vient se loger entre Juret le ARTICLE N° 0. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 8! deuxième, et se distribue au tégument qui les recouvre. Avant de s’anastomoser avec la 2° branche, 1l fournit un gros tronc qui contourne les os du carpe et se subdivise plusieurs fois, afin de donner des filets aux muscles de la nageoire. La quatrième branche se distribue presque entièrement entre les rayons, en suivant le mode que j'ai mdiqué pour la nageoire ventrale, Nageoire dorsale. -- Dans la nageoire dorsale, les dispositions sont plus simples : chaque paire spinale envoie un rameau qui monte verticalement et fournit aux muscles; 1l vient s'appliquer à la partie externe de chaque rayon, qui est donc accompagné de deux nerfs. Je reviendrai plus loin sur cette disposition. Nerf latéral, — Ce ne sont pas seulément les branches spi- nales qui envoient des filets nerveux aux nageoires, un nerf très- remarquable émanant de la 5° paire vients’ y rendre et se distri- buer principalement aux deux premiers rayons. Ce nerf appartient à ce que Stannius appelle le système des branches dorsales du trijumeau. On sait que ce nerf envoie des branches qui viennent se perdre dans la masse conjonctive gélatineuse qui entoure la cavité crânienne, et aux enveloppes du cerveau. Ces rameaux trés-grêles peuvent traverser le crâne et se distribuer à la peau de la tête et aux parties latérales du COrpPs. Le nerf latéral a été découvert par Weber (1), qui le décrivit avec détail chez le Silure et la Lotte. En 1895, Desmoulins le si- gnala chez les Gadoïdes et les Siluroïdes, sous le nom de branche ptérygo-dorsale (2). Jean Müller reconnut l’anastomose de cette branche avec le nerf vague. Cuvier (3) l’a décrit et figuré chez la Perche, le Labraæ, la Lotte, les Gades et les Silures, etc. Ce rameau latéral n'existe pas chez tous les Poissons. Stannius (4) énumère les animaux chez lesquels il l’a observé. (14) Weber, De aure et auditu. Lips., 1820. (2) Desmoulins, Anat. du syst. nerveux, 1825. (3) Cuvier, Hist. nat. des Poissons, L. 1, p. 441. (4) Stannius, Symb. ad anat. Piscium, et Das periph. Nervensyst., p. 49. SC. NAT., JUILLET 1872. — ART. N° 5. XVI. — 9 82 JOBERT. Suivant cet anatomiste, cette branche nerveuse serait formée à sa racine d'éléments du facial et du trijumeau. Chez les Silures il naîtrait d’une masse ganglionnaire indépendante. Dans la ca- vité crânienne même, il recoit une branche communicante du nerf vague; souvent c'est en dehors du crâne que le rameau communicant se réunit à lui (Anguille et Gymnote). Chez le Silure cette communication n'existe pas, suivant Weber etCuvier. Stannius, qui à analysé le nerf latéral, a reconnu qu'il était surtout formé de tubes minces, et 1l le considère, après une série de vivisections, comme un nerf de sensibilité. Quand le rameau latéral ne se limite pas à la peau de la tête, il fournit des branches nombreuses qui se dirigent en arrière : l’une, entre autres, se met en rapport avec les nerfs spinaux qui vont se distribuer à la nageoire dorsale ; une autre contourne l'épaule et fournit des branches pour les nageoires paires et la pageoire anale. Loche.— Nerf latéral.— Chez un poisson très-commun de nos eaux, le Cobitis barbatula, le nerf latéral est développé au plus haut point. Les auteurs, et particulièrement Stannius, n’en font aucune mention, et il est à remarquer que dans une espèce voi- sine, le Cobitis tænia, le nerf latéral est au contraire peu déve- loppé et réduit à ses branches dorsales seulement. J'ai donc cru qu'il était utile de consacrer quelques lignes à la description du nerf latéral de la Loche à six barbillons. Immédiatement à sa sortie du crâne, après avoir perforé l’occi- pital, le nerf se dirige en arrière, fournit quelques branches grèles destinées à la peau du crâne, puis, arrivé au bord supé- rieur de la cavité branchiale, il se divise en trois troncs, comme on peut le voir figure 57 : le supérieur se dirige d’abord en haut, puis vient se loger dans le sillon des muscles longs, au mi- veau de la nageoire dorsale, il s’anastomose avec les branches spinales, et le nerf ainsi formé monte et se distribue aux rayons de la nageoire ; cela fait, la branche continue sa route et vient se perdre dans la queue. Le deuxième rameau se dirige en arrière en suivant le canal latéral ; il est presque accolé au nerf latéral du ARTICLE N° 9. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 82 nerf vague. Cette branche, durant sa route, fournit des filets très- grèles destinés à la peau, l’un d’eux se perd sur le tégument de la nageoire ventrale; ce nerf se continue jusqu’à la queue. Le troisième contourne la cavité branchiale et ne tarde pas à se di- viser en deux branches. La plus antérieure descend appliquée sur les muscles de la face interne de la nageoire pectorale, et se bifurque; chacun de ses rameaux s'anastomose avec les branches spinales destinées à innerver le membre antérieur; puis les nerfs formés par la réunion de ces branches se distribuent à la na- geoire. La deuxième branche de bifurcation passe derrière le bord postérieur du membre antérieur, et chenne vers la na- geoire ventrale, appliquée dans la plus grande partie de son trajet sous la peau très-mince en cette région, sous laquelle on la voit par transparence ; elle se comporte avec la nageoire ventrale comme sa congénère avec la nageoire pectorale, lui fournit dans deux branches qui s’anastomosent avec les nerfs spinaux, puis continue sa route, donne à la nageoire anale des filets qui sont destinés aux rayons, et va se terminer ensuite à la queue. Quelle peut être la fonction de ce nerf? Après de nombreuses expériences, Stannius le considère comme purement sensitif, à la suite de nombreuses vivisections ; j'ai moi-même répété ces expériences sur la Loche, où le nerf est apparent et facile à cou- per. Jai reséqué des portions de ses branches dans des étendues très-considérables, et jamais je n'ai pu constater de désordre ap- parent dans les mouvements. La sensibilité générale n’était point non plus abolie, car l'animal paraissait éprouver de vives douleurs quand on serrait dans une pince le bord des nageoires, qui, ou le sait, sont trés-sensibles; mais j'ai dit plus haut que des branches mixtes des paires spinales venaient se distribuer aux nageoires. J'ai sur plusieurs Loches réussi à couper les branches spinales au-dessus de leurs points d’anastomose avec le nerf latéral, et j'ai vu une très-vive sensibilité persister dans la nageoire ; au moindre attouchement, l'animal s’éloignait vive- ment. Je ne voudrais pas de ces quelques résultats tirer une con- clusion ; quoi qu’il en soit, on peut dire que la perte de ce nerf ne paraît pas incommoder beaucoup l'animal. J'ai gardé six 8l JOBERT. semaines en aquarium des Loches auxquelles j'avais pratiqué cette section des nerfs latéraux des deux côtés. Il est bon aussi de remarquer que, comme on le verra plus tard, c’estchez les Pois- sons chez lesquels les nageoires se transforment pour s’adapter à la fonction du toucher, que l’on trouve ce nerf le plusdéveloppé. Est-il doué de quelque sensibilité spéciale ? A l'heure présente, il est impossible de l’affirmer. Cependant il est hon de noter que de tous les Cyprins, c’est la Loche seule qui possède le nerf latéral le plus complétement développé, et que c’est aussi de tous les Cyprins celui qui vit le plus sur les fonds vaseux, ram- pant plutôt que nageant, quand il se déplace, comme on peut s’en rendre compte par l'observation directe. Ces dispositions générales étant connues, et la distribution des nerfs ayant pu, au moyen de dissections, être constatée, il me reste à chercher quel est le mode de terminaison des fibres nerveuses qui se distribuent en si grand nombre au tégument de la nageoire. Je l’ai dit plus haut, il existe des papilles cupulifor- mes dans lesquelles montent les nerfs (1), et ces papilles sont surmontées d'organes ovoïdes épidermiques, au centre des- quels les nerfs viennent effectuer leur terminaison. Ces papilles sont longues, très-étranglées à leur base. Les corps ovoïdes n'ont rien de particulier; mais le fait intéressant et qu'il était du reste facile de prévoir, d’après le mode de distribution des branches nerveuses, c’est que le long des bords, non pas tout à fait sur le bord lui-même, mais un peu en arrière et sur les faces externes et internes, on observe ces papilles rangées très-régu- lièremen t;elles sont dirigées vers le dehors et dépassent les bords. A l'extrémité du premier rayon et le long du bord du tégument si mince qui réunit les rayons entre eux, on voit les papilles, soit isolées, soit groupées. C'est surtout dans l’inter- valle des trois premiers rayons et à la partie inférieure que ces (4) Leydig, dans son mémoire Ueber die Haut einiger Süswasserfische..…., avait constaté sans commentaires l'existence de ces papilles, sans donner aucune description de leur forme et de leur siége : «Es entsprechen diese Hôkerchen Hautpapillen die wie » eine nähere Untersuchung lehrt, auch den Schuppentaschen und Flossen nicht » fehlen. » (Zeitschr. f. wiss. Zool., 4851, VIII.) ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 85 papilles viennent se grouper. On les observe également plus baut ; mais il est à remarquer qu’à mesure qu’on approche au bord interne de la nageoire, soit aux extrémités libres, soit au bord interne, les papilles deviennent plus petites et plus rares. Ce fait est surlout facile à observer chez nos petits Cyprins. Chez un Goujon j'ai compté, le long du rayon externe, jusqu’à trente papilles, quand au bord interne on en voyait à peine sept ou huit très-petites, très-espacées. Il est vrai que le rayon le plus interne est plus court; mais si sur le rayon externe on compte, à partir du point d'atiache de la nageoire, les papilles dermiques sur une longueur égale à celle du rayon que l’on observe au bord interne, on est amené à constater que le nombre des papilles de cette région dépasse du double et sou- vent du triple le nombre de celles que l’on peut compter au bord interne. Comme on le verra plus loin, ce fait est d'une impor- tance extrême, car il m'amènera à conclure que, dans les Pois- sons dont les nageoires n'ont encore subi aucune modification de forme et de position, le premier et le deuxième rayon sont aptes, par la façon particulière dont ils sont innervés, à recevoir des impressions tactiles, impressions qui peuvent être perçues accidentellement, quand le poisson vient à heurter quel- que obstacle, mais volontairement, surtout comme le prouve d’une facon incontestable l’observation des animaux vivants, le poisson, à certains moments, employant évidemment ses na- geoires paires comme organes d'exploration. On va trouver une démonstration bien évidente de la conclu- sion que je tire de la connaissance. anatomique de la nageoire, si l’on étudie la structure des organes modifiés que possèdent cerlains Poissons. Chez le Trigle, comme on va le voir, ce sont les trois premiers rayons de la nageoire pectorale, et chez d’autres Poissons les deux premiers rayons de la nageoire ven- trale, qui vont devenir des organes du toucher actif ; leur appa- rence se modifiera en devenant indépendants; leur structure intime ne changera pas, et leurs connexions avec le système ner- veux persisteront. 86 JOBERT. Nageoire pectorale des Trigles. — En 1316, Tiedemann (1) si- gnala des renflements de la moelle au niveau des points d’origine des nerfs qui se rendent aux trois rayons libres de la nageoire pectorale des Trigles. Ces organes ont été l’objet de remar- ques de la part de tous les anatomistes. Cuvier signale la grosseur des nerfs qui s’y rendent; mais l’étude la plus complète de l’appareil musculaire quiles fait mouvoir a été faite par M. Des- longchamps (2), qui eut l’occasion le premier, d'observer ces ani- maux à l'état de captivité et de les voir marcher à l’aide de leurs rayons libres. Le travail de M. Deslongchamps est au-dessus de la critique au point de vue de l’étude des muscles. Je ne puis ici qu’en donner un résumé, et insister sur certains points qui n'ont pas été traités par le professeur de Caen. Le squelette de l'appareil se compose de trois rayons mobiles; chacun d’eux est formé de deux pièces qui sont fortement unies entre elles et juxtaposées à l'extrémité libre. Ces pièces sont séparées l’une de l’autre par du tissu cellulaire, c’est le fait que j'ai indiqué pour tous les rayons des nageoires. A leur extré- mité basilaire ces pièces se séparent l’une de l’autre, deviennent cylindroïdes, et se terminent par deux extrémités renflées munies d’apophyses, auxquelles viennent s’insérer des muscles puissants. Il ne faut pas oublier que les deux os juxtaposés, séparés ainsi en haut, peuvent glisser l’un sur l’autre ; mais comme ils sont au contraire étroitement unis vers l'extrémité libre, ce mouvement de glissement amène une incurvation, ensuite un redressement du rayon mobile, suivant l’action des muscles. M. Deslongchamps observe et décrit à l'extérieur deux plans de muscles. Le plus superficiel se compose de trois muscles prenant leur insertion fixe à la ceinture scapulaire et leur insertion libre à la tête de la pièce externe du rayon; ils écartent les rayons du corps; ils agissent et sont disposés exactement comme une série de petits muscles situés sur le même plan et en arrière d'eux, w# (4) Tiedemann, Von den Hirn und den fingerfürmigen Forsätzen, etc. (Mull. Arch., 1816). — Vulpian, Physiol. du système nerveux, p. 822. (2) Voy. Eudes Deslongchamps, Recherches pour servir à l’histoire anatomique et physiologique des Trigles (Société Linn. de Normandie, t. VIT, avec planches). ARTICLE N° à. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 87 qui sont destinés aux rayons de la nageoire pectorale. Sous ces muscles s’en trouvent d’autres destinés à ramener en bas les rayons mobiles qui croisent à angle aigu ceux du premier plan ; ils s’insèrent près de la tête de la pièce externe et à l’os de l'épaule. Au côté externe M. Deslongchamps décritégalement un appa- reil musculaire fort compliqué situé sur deux plans, l’un profond, l’autre superficiel. Ces organes ont pour but de relever les rayons, de les rapprocher du tronc et les serrer les uns contre les autres. C’est au plan profond qu’appartiennent de petits muscles qui semblent avoir surtout pour fonction de maintenir les rayons mobiles incurvés, comme on peut l’observer sur les animaux vivants. J'ai maintes fois répété les dissections du professeur de Caen, et j'ai pu voir que l'appareil musculaire peut éprouver chez les individus de même espèce et de même genre des variations con- sidérables. Presque toujours j'ai remarqué que les muscles exté- rieurs du plan superficiel et du plan profond sont formés de deux faisceaux superposés, séparés par une très-mince couche de tissu cellulaire et dont l’action n’est pas identique ; il en est de même pour la couche profonde, dont j'ai rencontré souvent le muscle antérieur divisé en deux chefs très-distincts, à tendons indépendants. J'ai signalé en passant les anomalies qui sont si fréquentes et dont certainement la constatation ne peut empè- cher de considérer les recherches de M. Deslongchamps comme très-complètes et de la plus scrupuleuse exactitude. Nerfs. — En 1316, comme je l'ai dit, Tiedemann (1) signala des renflements de la moelle allongée au niveau de l’origine des nerfs qui sont destinés à donner la sensibilité aux trois rayons libres. Ces renflements depuis ont été signalés par tous les auteurs, qui se sont ingéniés à trouver leur véritable signification. Suivant M. Vulpian (2), ces lobes postérieurs de la moelle allongée, (1) Tiedemann, Von den Hirn und den fingerfürmigen Forsätzen, etc. (Mull. Arch., 1816). (2) Vulpian, Physiol. du syst. nerveux, p. 822 et suiv. 88 JOBERT, très-volumineux chez la Carpe, qui en possède cinq, se rédui- sent chez la plupart des Poissons à des lamelles grises qui bor- dentlatéralementles parties postérieures du quatrième ventrieule. Ces renflements sont très-apparents chez les Trigles ; 1ls forment cinq lobes de chaque côté de la moelle allongée, ils sont réunis sur la ligne médiane. Suivant M. Vulpian, ces organes se- raient en grande partie les foyers d’origine des nerfs trijumeaux et pneumogastriques : on sait que chez les Torpilles c'est une de leurs parties très-développées qui forme ce que l’on a appelé le lobe électrique. M. Vulpian a signalé chez la Carpe la présence, dans ces ren- flements, d’une substance nerveuse amorphe et de noyaux de la substance conjonctive, ainsi que des cellules nerveuses bipolaires et tripolaires. Ces organes renferment, chez les Trigles, des cellules la plupart du temps triangulaires et assez petites. Je n'ai pu, faute de matériaux assez frais, faire une étude histologique complète de ces renflements médullaires ; je n'insisterai donc pas davantage. Ils donnent chez ce poisson naissance aux nerfs des trois premières paires spinales destinés à la nageoire pec- torale. La troisième paire, et non la seconde, comme l’a avancé Cuvier, est destinée aux rayons libres. Au sortir du canal vertébral, ces nerfs se divisent en deux branches, et chacune d’elles reçoit un petit rameau d’un gan- glion du grand sympathique, volumineux, triangulaire, placé au-dessus du trou de conjugaison. Ce ganglion est réuni par un connectif assez volumineux avec son symétrique ; les branches nerveuses descendent en longeant les bords des longs muscles placés au côté interne, destinés, comme je l'ai dit, à ramener les rayons le long du corps. Le premier rayon, c’est-à-dire le plus antérieur, reçoit une seule branche ; au niveau des têtes articulaires des pièces du ravon, elle se bifurque, l’un des rameaux passe en dehors, l’autre en dedans, et chacun d’eux se divise ensuite et va se ramifier dans la peau du tégument. Ces filets sont placés dans le sillon ARTICLE N° 9. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 89 qui est formé par les bords des deux piéces libres, et non entre elles, comme le dit Stannius (4). Les deuxième et troisième rayons sont également pourvus de nerfs qui se placent, comme dans le premier cas, en dehors et en dedans des pièces solides ; seulement le mode de distribution n’est pas le même, et il est intéressant à signaler, afin de montrer combien même, en se transformant, l'organe n’a pas cessé de garder certaines dispositions qui existent dans les nageoires. J'ai dit que le nerf, au sortir de la colonne vertébrale, se divisait en deux grosses branches. La seconde donne nais- sance à trois rameaux : un antérieur, qui descend presque verti- calement en suivant le bord du muscle releveur du deuxième rayon et vient se perdre à son bord interne ; le second rameau suit une ligne parallèle, mais ‘en arrière du premier, se place le long du bord postérieur du muscle releveur, et, arrivé un peu au-dessus du bord inférieur de l'os de l'épaule, il se divise à son tour en deux filets : l'antérieur vient se placer à la face externe du second rayon, et le postérieur à la face interne du troisième rayon ; la face externe de celui-ci reçoit sa sensibilité du troisième rameau qui vient s’y distribuer. Telles sont les dispositions qu'il est facile de constater à l’aide d'une dissection. Il ne me reste plus maintenant qu'à faire con- naître les résultats auxquels j'ai été amené par l’observation microscopique. T'égument. —Le tégument qui recouvre les rayons est mince, luisant et d’une densité considérable ; il est formé de couches de tissu conjonelif stratifié, mais à sa périphérie les noyaux du tissu conjoncüf ont disparu et il prend l'aspect amorpheé. Dans sa partie profonde on voit cheminer de longues fibres lamineu- ses et des fibres élastiques au- dessous; en contact avec les rayons osseux se trouve une couche de tissu conjonctif, moins dense, au milieu de laquelle cheminent les vaisseaux et les nerfs. Dans la partie profonde de la couche si dense du derme, s’ob- (4) Stannius, Das peripher. Nervensystem, etc,, loc. cit. 90 JOBERT. servent des cellules pigmentaires, offrant des colorations très- diverses, depuis le jaune orangé jusqu’au rouge et noir foncé. Les papilles du derme sont extrêmement petites et fort diffi- ciles à apercevoir. Je ne les ai jamais vues dépasser 0°°,004 à 0"",005. Ces petits prolongements dermiques s’enfoncent dans un épiderme à cellules très-serrées les unes contre les autres, et l’on y observe des cellules muqueuses dans la couche profonde ; au-dessous d’elles, sur des coupes bien faites, on aper- coit non pas de véritables corps ovoïdes de lépiderme, comme dans les autres Poissons, mais des cellules agglomérées et plus serrées en ces points : ces pelits organes mesurent de 0*",007 à 0°" ,009 en diamètre. Au-dessous de la couche superficielle, comme je lai dit, on voit sur une coupe (voy. fig. 58) la section des gros troncs nerveux, que la dissection permet de suivre jusqu'aux rayons libres et la lumière de quelques vaisseaux. Le chlorure d’or à 4 pour 400 permet de suivre dans le derme le trajet des nerfs qui, montant vers les papilles, viennent, comme chez les autres Poissons, se mettre en connexion avec les petits corps épider- miques; chaque papille ne reçoit jamais plus d’un tube ner- veux. Les nerfs, avant de monter dans les papilles, forment, dans l'épaisseur du derme, un plexus inextricable. Ils s’anastomosent entre eux, forment de nombreuses anses, dont les plus super- ficielles envoient des tubes destinés aux papilles. Au centre de l'appareil, comme on le voit sur la coupe n° 1 (voy. fig. 58) pratiquée vers le milieu de la longueur du rayon, se trouvent les deux pièces solides; elles sont séparées, comme je l'ai dit plus haut, par du tissu conjonctif, car elles doivent opérer l’une sur l’autre un mouvement de glissement. En faisant macérer des rayons libres dans la liqueur de Müller très-affaiblie, on obtiendra les préparations que j'ai représen- tées figure 59. Par l’action du réactif, les deux pièces solides se séparent et la trame de tissu conjonctif qui les unissait reste libre; c’est alors que l'on peut constater que dans son épais- seur se trouvent développées de longues aiguilles d'aspect hya- ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 91 lin, offrant à peine quelques fines stries en long. La coupe n° 2 (voy. fig. 60) montre bien que ces aiguilles sont situées entre les deux pièces qui forment le rayon mobile. Souvent on les voit asslomérées ou isolées ; leurs pointes dépassent la courbure des deux derniers articles des pièces du rayon; elles atteignent depuis 0"*,3 et 0"",9 jusqu'à 1 millim. Quand j'ai décrit les nageoires, j'ai eu soin d'insister sur la disposition terminale des rayons ; elle se retrouve ici, comme on le voit, mais les éléments ont aîteint des dimensions considérables (voy. fig. 61). M. Deslongchamps montrait dans son travail combien les dis- positions des muscles moteurs des rayons libres étaient sembla- bles à ceux des autres rayons de la nageoire pectorale. L'étude du mode de distribution des nerfs et celle du sque- lette prouvent combien les vues de M. Deslongchamps sont exac- tes; elles montrent une fois de plus que dans les nageoires l'idée de terminaison en pinceau du derme des rayons ostéoïdes est un fait erroné et basé sur des observations incomplètes (1). Les rayons des Trigles ne sont donc rien autre chose que les premiers rayons de la pectorale adaptés spécialement à une fonction nou- velle. Il eût été intéressant d'étudier comparativement les rayons des Polynèmes, mais je n’ai pas eu la bonne fortune de pouvoir le faire. J’ai donc dû me borner aux Cataphractés. Sur un Pristi- dion Mallarma, au point de vue histologique, j'ai constaté la présence des corps ostéoïdes fusiformes; mais au point de vue des nerfs, 1l m'a été impossible de rien trouver dans le derme, le poisson ayant séjourné plusieurs années dans l'alcool. Cet animal possède, autour de la lèvre inférieure, une quantité de petits prolongements sur lesquels on peut observer quantité de petites papilles ; on voit de grosses branches nerveuses pénétrer dans ces organes. Au centre, se trouve une charpente composée de cellules rappelant dans leur ensemble, de prime abord, l'aspect (4) En même temps que je faisais à Paris l’étude histologique des nageoires des Cyprins et des rayons libres des Trigles, M. G. Pouchet, au laboratoire de Concar- neau, poursuivant dans ses travaux ses études d’embryogénie, constatait des faits abso- lument identiques chez les Pleuronectes ; mes observations se trouvent donc non- seulement conformes, mais étendues à un plus grand nombre d'animaux. 92 JOBERT. de la uotocorde. C'était une substance analogue à celle qui existe daws les barbillons des Siluroïdes. Ces barbillons étaient, chez le poisson que J'aiétudié, courts, non munis de muscles; ils étaient au nombre de trente environ. $ VIII. — Nageoire ventrale. La nageoire ventrale, comme je l’indiquais plus haut, se com- pose d’une portion basilaire et de rayons mobiles. Je n'ai pas à revenir sur la description des rayons; ils s’articulent directement avec la pièce qui représente les os du bassin et ceux du membre inférieur. Chez les Poissons, l'os des iles, la cuisse, la jambeet le tarse sont représentés par un seul os qui est généralement triangulaire. La pointe du triangle est dirigée en avant. Chez les Poissons subbra- chiens, los basilaire est en rapport avec l’huméral, tandis que chez les véritables abdominaux, comme ies Cyprins (voy. fig. 62), il est libre dans les chairs. C’est au côté postérieur que s’atta- chent les rayons des nageoires; presque toujours le côté interne s’unit à celui de los correspondant. Chez la Vive et l’'Urano- scope (voy. fig. 63), où ils sont portés très en avant, ils sont soudés par leur bord interne. Je ne suivrai pas les auteurs dans les dis- cussions qu'ils ont poursuivies au sujet de l’assimilation de ces os avec ceux des membresdes Vertébrés supérieurs; ces recherches sont en dehors du cadre de ce travail. C’est donc sur cette pièce basilure que viennent s’articuler les rayons de la nageoire ven- trale, qui sont munis de muscles destinés à les rapprocher, à les éloigner les uns des autres et à les élever et les abaisser. On a vu que chez les Cyprins cette nageoire avait la forme d’un trapèze irrégulier dont les côtés supérieurs et inférieurs sont incurvés. Je vais montrer que, dans d’autres Poissons, cet organe se modifie dans sa position, sa forme générale et sa (4) Voyez Cuvier, Hist, nat. des Poiss,, t. [, et pl. 3, fig. 80, — Anal. comp., p. 567. — Rich, Owen, Anat. comp. ARTICLE N° 9, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 93 fonction. On sait que ces nageoires se portent en avant des pec- torales, soit un peu en arrière, soit au-dessous, et même sousles branchies : les noins de thoraciques et jugulaires ont été appli- qués aux Poissons chez lesquels existent ces diverses dispositions. Or, en même temps que la nageoire se déplace, elle subit une modification dans sa forme. Chez les Poissons thoraciques elle est à peme changée, mais chez les jugulaires la transformation est déjà considérable. Nageoire ventrale des Gadoïides. — Chez les Gadoïdes, ces organes perdent une partie de leur largeur; les rayons internes deviennent plus courts, moins nombreux, mais en revanche le premier et le second rayon se sont considérablement allongés (voy. fig. GA et GA bis). Comme cela se voit chez les Cyprins et comme on le consta- tera toujours, le premier rayon, si considérable que soit le développement qu'il ait pu acquérir, est toujours moins long que le second. Ces deux rayons si développés sont devenus, à leur extrémité, d'une consistance molle ; le fégument blanchâtre est hérissé de papilles semblables à celles que l’on observe à lalèvre, moms longues qu'elles cependant. Ce tégument est composé comme aux lèvres de couches de tissu conjonetf stratifié, au milieu desquelles on voit ramper et monter vers l'extérieur des faisceaux nerveux volumineux qui pénètrent dansles papilles, et de là dans l’épiderme, car ces papilles sont surmontées des corps ovoides. Au centre de cet organe tentaculiforme on trouve accolées l’une à Pautre et séparées par du tissu lamineux, les deux pièces qui forment le rayon osseux de la nageoire, et autour de ces pièces les vaisseaux et les gros troncs nerveux. La dissection montre que cette partie, qui a pris dans les Pois- sons Jugulaires une importance considérable par la longueur de sa Charpente osseuse, n’est pas moins intéressante par la richesse de son appareil nerveux. Chez la Loche, j'ai montré que le nerf latéral envoyait une branche à la nageoire ventrale. Dans la fa- mille des Gadoïdes, un rameau nerveux de même origine, d’un 9 JORBERT. volume considérable, se dirige vers la ventrale modifiée, s’ana- stomose avec les nerfs spnaux venant des troisième, quatrième et cmquième paires, et se perd dans le tégument qui recouvre les premiers rayons. Le reste de la nageoire est pauvre en filets nerveux ; 1l recoit des rameaux très-grèêles de la cinquième paire spinale principalement. Cette partie postérieure de la nageoire existe encore, mais pour ainsi dire déjà à l’état de vestige; l'or- gane tout entier paraît s'être concentré dans les deux et premiers rayons, eu égard à ses nouvelles fonctions. La transformation de la nageoire ventrale peut être poussée plus loin encore dans certains genres des Gadoïdes, tels que les Phycis. Nageoire ventrale des Phycis. — J'ai, dans une des planches annexées à ce travail, représenté les dispositions de la ven- trale du Phycis medilerranea. Chez ce poisson, la forme de l’os du bassin s'est considérablement modifiée (voy. fig. 65), la nageoire paraît être réduite à un long filament fourchu ; mais si on l’examine de près, on constate tout d'abord: 1° que le filament antéro-externe est plus court que le filament postéro- interne ; enfin qu'à la partie supérieure du bord postérieur se trouve un petit appendice long d’un millimètre environ qui flotte librement (voy. fig. 65 bis). Si l’on cherche à étudier la structure de l'organe, on reconnaît que la charpente de chacune des branches de la fourche est con- stituée par deux os réunis formés d'articles placés bout à bout, comme cela existe dans tous les rayons de nageoire ; mais qu'au- dessus de la bifurcation on trouve, non plus deux rayons, mais trois, le troisième étant rudimentaire, long d'environ 2 cen- timètres, composé, lui aussi, de petits articles surajoutés les uns aux autres {voy. fig. 65 ter). Son extrémité inférieure va se ter- miner dans ce petit filament que je signalais au bord postérieur de la nageoïire. Il est facile de reconnaitre ici la disposition d'une ventrale. Les deux premiers rayons, qui ont acquis un développement énorme, sont à leur place, le premier est plus court que le second : la règle n’a changé en rien. Quant à ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 95 cette partie de la nageoire si peu innervée, qui déjà chez les Morues est si peu importante, si peu riche en nerfs, elle est représentée chez les Phycis par un rayon à peine visible qui se perd dans un prolongement papilliforme du tégument qui est à peine visible, et cependant vers ces trois rayons qui représentent la nageoire, se dirigent deux branches spinales nerveuses d'un volume considérable, ainsi que la branche du nerf latéral, qui atteint dans ces Poissons un volume vraiment énorme. Après avoir auparavant fourni des filels aux muscles, les branches spinales s’anastomosent avec la branche du nerf latéral, et les nerfs ainsi formés vont se perdre dans le tégument qui recouvre les rayons. Le derme a tous les caractères que j'ai indiqués pour les Morues, il est hérissé de papilles dans lesquelles on voit monter des nerfs. Il semblerait que c'est chez les Phycis qu'on doit trouver le dernier terme de la modification du membre postérieur; ce- pendant l'étude peut être poussée plus loin encore. C’est un poisson méditerranéen de la famille des Ophididés qui va fournir l'exemple le plus frappant de la modification de la nageoire ven- trale et de son adaptation spéciale à la fonction du toucher. Pseudo-barbillons de l’'Ophidium. — L’Ophidium barbatum à été classé par Cuvier parmi les Poissons apodes. Kaup a suivi son exemple; un seul ichthyologiste moderne, M. À. Gunther (1), l'a rangé parmi les Gades. Chez ce poisson, dit-il, les ventrales sont remplacées par deux barbillons; le savant ichthyologiste anglais n a pas cherché dans des dissections la preuve de son assertion. Cependant si l’on cherche à se rendre compte de la structure des barbillons de l’'Ophidium, si l’on étudie les rapports de ces or- ganes avec les appareils voisins, on reconnait que les soi-disant barbillons de ces poissons sont des parties bien définies des nageoires ventrales, auxquelles jusqu'alors on n'avait accordé aucune attention. Un premier coup d'œil nous montre que, de ces deux appen - (1) À. Gunther, Catalogue des Poissons du British Museum. 96 JOBERT. dices suspendus sous l'os lingual, le plus court est l'antérieur ; et si l'on cherche à se rendre compte de leur structure, on reconnaît qu'ils possèdent une charpente osseuse formée de deux pièces Juxtaposées étroitement vers leurs extrémités in férieures et formées d'articles placés bout à bout, comme les rayons des nageoires (voy. fig. 66 et 66 bis). De plus, ces pièces sont séparées par du tissu conjonctif dans l’épaisseur duquel se trouvent développées les aiguilles terminales fusiformes qui existent d'une manière constante à l'extrémité des rayons des nageoires et que J'ai décrites et figurées plus haut. Ces aiguilles, qui ont chez l’Ophidium barbatum les mêmes carac- tères que chez les autres Poissons, sont longues de 0°",08 à 0"*,3. À leur partie supérieure, les os qui forment la charpente du second barbillon se séparent l’un de l'autre (voy. fig. 68 et 68 bis) ; ils ont gardé avec quelques légères modifications la forme de tous les rayons des nageoires ventrales; ils viennent s’articuler avec un os triangulaire réuni par son bord interne avec le bord correspondant de son symétrique (voy. fig. 69). Ces os de forme triangulaire, avec leurs apophyses dirigées en arrière, leurs facettes arüculaires, ne sont pas autre chose que ceux qui représentent le membre inférieur; 1ls n'ont pas même changé de forme, et, bien que placés sous la langue, ils ont gardé avec les os de l'épaule les rapports normaux. En effet, chez l'Ophidium, l'os de l'épaule s’est modifié comme chez l’Ura- noscope, comme chez l'Anguille ; 1l a envoyé en avant deux longs prolongements. Ces deux clavicules (Parker) s'avancent Jusque sous l'appareil hyoïdien, et c’est dans leur angle rentrant que se trouve placé l'appareil du toucher qui est uni aux clavicules par des ligaments (voy. fig. 70, 74 et 72); un autre ligament unit les os de l’épaule à l'os de la langue. L'appareil est richement pourvu en nerfs et en muscles. Deux muscles le rattachent à l'os de la langue et le font basculer en avant; deux longs muscles, qui s'insèrent à l'os de l'épaule, viennent prendre leur insertion mobile à l'os du bassin, et ramènent l'appareil en arrière. Chaque barbillon possède en outre ses inuscles propres, qui, insérés d’une part aux pièces osseuses mobiles, et d'autre ARTICLE N° 6. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 97 part aux deux faces des os basilaires, agissent dans leurs con- tractions sur les appendices, et les portent alternativement laté- ralement en dehors et en dedans. Cette disposition n'est-elle pas à peu de chose près celle qui existe dans toutes les nageoires paires. J'ai représenté (voy. fig. 71 et 72) ces dispositions qui sont extrêmement intéressantes et qui montrent de quelle mo- bilité est doué ce petit appareil. Le mode de distribution des nerfs après l'étude des os offre à constater les faits les plus inté- ressants, qui prouvent une fois de plus que ces barbillons ne sont autre chose que les deux premiers rayons de la nageoire ven- trale ; quatre branches nerveuses se distribuent aux barbillons, deux proviennent des quatrième et cinquième paires spinales. Au sortir du canal vertébral elles se réunissent; le nerf passe sous l'os huméral qu’il croise obliquement et vient se placer sur le muscle rétracteur, lui donne un ou deux filets grêles, le suit jusqu’à son insertion, fournit aux muscles des barbillons et s’anastomose alors avec une grosse branche nerveuse qui n'est autre que le rameau latéral du nerf trijumeau très-développé chez les Ophidium, lequel, suivant la règle générale, vient se dis- tribuer aux deux premiers rayons de la nageoïre ventrale. J'ai suivi et figuré (voy. fig. 72) cette branche jusqu’à son origine intra-crânienne; dans ces poissons si petits, elle atteint, je le répète, un volume considérable, et, après s'être anastomosée avec les branches spinales, elle se perd dans les pseudo-bar- billons. Le troisième nerf, qui est fort intéressant au point de vue des fonctions probables de l'appareil, provient du nerfde la langue ; il est extrèmement grêle, je l’ai représenté figure 72; il provient par conséquent du nerf glosso-pharyngien que l’on sait être nerf du goût et qui, chez les poissons, se distribue à la pre- iière branchie, à la langue, et à l'organe palatin contractile des Cyprins que l’on considère comme siége de la gustation. La dis- position du système nerveux de l'appareil est, on le voit, identi- que avec celle des nageoires jugulaires. J'aurais voulu porter plus loin mes investigations, et rechercher si chez l’'Ophidium (4) Voy. Parker, Ray. Society. 1869. SC. NAT. JUILLET 1872. — ART. NS 5. 10 96 JOBERT. F'ierasfer, privé de barbillons et de nageoires ventrales, jen’aurais pas trouvé trace de quelques rayons rudimentaires perdus dans le tégument. Malheureusement je n’ai pu me procurer ee poisson pas plus que d'autres Ophididés qui possèdent des nageoires ré- duites à un seul filament, et qu'il eût été intéressant d'étudier ; j'espère pouvoir combler plus tard cette lacune. C’est chez l'Ophidium barbatum, comme on a pu le voir, qu'il est possible de rencontrer le dernier terme de la modifica- tion de la nageoire ventrale; on peut donc dire que chez ce poisson un organe nouveau se trouve formé ; dans un para- graphe suivant, je parlerai de ses fonctions. Nageoires dorsales. — La partie basilaire des rayons des na- geoires dorsales est l'os interépineux; quelquefois, comme le fait remarquer Cuvier, et c'est un fait capital, Vos interépineux peut supporter deux rayons de nageoires. Cuvier le compare à un poignard à 4 tranchants dont le manche serait en connexion avec le rayon mobile. Cet os est placé dans les chairs entre les grands muscles latéraux, et sa pointe pénètre entre les apophyses épineuses des vertèbres. Les rayons des nageoires ventrales s’ar- üculent sur les osselets interépineux à l'aide d’un ligament lâche. : et à cet eflet la base se sépare en deux petites branches termi- nées par un tubercule articulaire qui entre dans l'enfoncement latéral et le reste de l’interépineux; entre ces deux tubercules, comme le fait remarquer Cuvier, est uu petit osselet sur lequel se meut le rayon ; ses mouvements sont surtout prononcés dans le sens vertical, ce qui permet le déplacement de la nageoire. « Quelquefois les deux branches de l'os interépineux se rejoi- gnent et forment ainsi un anneau transverse qui s'enlace avec un anneau longitudinal de l’interépmeux (1). » Cuavier décrit six muscles destinés à faire mouvoir l'appareil, 2 superficiels, 4 profonds. | Les uns sont destinés à coucher le rayon sur le dos, les autres sont releveurs, adducteurs et abducteurs. Les dispositions géné - (1) Cuvier, ist, nat. des Poissons, LU 1, fi 363. ARTICLE N° 6. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 99 rales de la nageoire dorsale étant connues, je vais décrire un appareil qui chez les Lophies devient un organe actif d’explo- ration et qui est formé par des rayons isolés de la dorsale qui se sont avancés sur le crâne. Plusieurs fois déjà l'attention avait été appelée sur ces transformations de la nageoire dor- sale; c’est à l’une d'elles, et peut-être la plus curieuse qui soit connue jusqu'ici, qu'est due la formation du disque des Remo- ras qui à été ces dernières années si bien décrit par M. Baude- lot (1), et qui depuis longtemps du reste était considéré comme étant la nageoire dorsale modifiée. L'appareil de la Baudroie a de tout temps excité la curiosité des naturalistes, mais une description anatomique en a été donnée pour la première fois seulement en 1814 par Bailly (2). Cette description est lom d'être complète; certains points, tels que les distributions des nerfs, sont même complétement omis. Cependant l'étude en est importante ; j'ai cherché à compléter le travail de Bailly par de nouvelles dissections et des observations microscopiques. La Baudroie possède sut la partie médiane du crâne une longue gouttière dirigée longitudinalement et qui s’étend depuis le maxillaire jusqu'à l’occipital. Dans cette gouttière se trouve une pièce solide, que Bailly appelle le porte-filet et qui, osseuse dans toute sa partie antérieure, devient cartilagineuse dans sa partie postérieure, et non gélatineuse comme le dit l’auteur. En effet, le microscope permet de reconnaître la présence de chondroplastes très-nombreux dans ce lissu ; en avant le porte-filet se termine par un anneau (voy. fig. 73) ; un peu en arrière se voit une sur- face lozangique, et en arrière de celle-ci une crête qui bientôt s’efface. L'anneau termiual antérieur reçoit l’anneau du premier rayon libre (voy. fig. 73); ce mode d’articulation qui se rencon- tre chez d’autres poissons, tels que les Silures par exemple, per- met absolument tous les mouvements. En arrière de la suriace losangique, à sa réunion avec la crête que je viens d'indiquer, (4) Baudelot, Ant: des se, nüt., 1867, 5€ série, fi. 153. (2) D, Bailly; Description des filets pécheurs de la Baudroié (Ann: des sc. nüt.; 1824, 17e série, t, Il; et Comptes rendus de l'Académie des sciences, 4824, séance du 17 mai). 100 JOBERT. vient s’articuler un autre rayon mobile, mais cette fois l'anneau n'existe plus, on retrouve ici le mode d’articulation ordinaire des rayons de la nageoire dorsale, le second rayon a deux apophyses qui viennent reposer sur l'os basilaire dont la crête passe longi- tudinalement entre les deux têtes articulaires. A la base de ces rayons mobiles en avant en arrière se trouvent des apophyses qui servent à des insertions musculaires. M. Bailly considère comme faisant partie de l’appareil un troisième petit rayon reporté en arrière sur l’occipital ; il n’en est rien cependant; cet os qui ne possède que de très-petits mou- vements est le troisième rayon de la nageoire dorsale et n’a rien qui le différencie de ceux qui sont situés plus arrière. Des muscles uombreux sontdestinés à faire mouvoir l'appareil, et, de plus,ces muscles sont souvent multifasciculés, ce qui permet l'exécution de mouvements plus étendus. La planche annexée au travail de Bailly est littéralement incompréhensible, en ce qui concerne les muscles, leurs trajets, leurs Insertions, j'ai donc dû tenter de refaire cette étude aussi complétement que possible. Les muscles les plus superficiels sont ceux du deuxième filet; ils sont disposés de la manière suivante : Deux longs muscles dont les insertions fixes sont à l’occipital, au niveau du troisième rayon libre, viennent prendre leur inser- tion mobile au deuxième rayon à deux apophyses situées au- dessus des têtes articulaires et à la face postérieure; en se contractant, ils couchent par conséquent le rayon sur la tête. Les muscles antagonistes de ceux-ci sont courts, charnus; ils prennent leur insertion fixe à l'os basilaire dans toute l'étendue des deux bords antérieurs de losange et viennent s’attacher à la partie antérieure et inférieure du rayon mobile, deux autres muscles assez grêles s’insèrent sur la partie médiane du porte- filet et sont destinés à ramener en dedans le rayon libre qui est au contraire entraîné en dehors, quand deux autres muscles essentiellement abducteurs agissent (voy. fig. 74, a, b). Au dessous de ceux-ei se trouvent les muscles très-puissants qui font mouvoir le premierrayon libre. Deux gros muscles pren- nent leur insertion fixe sur les parties antérieures et latérales de ARTICLE N° 9. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. AO l'os porte-filet, et leur insertion mobile par deux gros tendons aux apophyses situées au-dessus de lanneau et à la partie postérieure de l'os; ces deux museles ont pour but de coucher le rayon sur le crâne, tandis qu’au-dessous d'eux deux autres muscles s’insèrent aux parties latérales de l'os basilaire et vien- nent prendre leur insertion mobile aux deux apophyses, qui sont situées à la partie antérieure de los au-dessus de l'anneau. Ces muscles sont releveurs de l’appareil. Bailly les à très-bien vus et décrits (voy. fig. 75). Nerfs.— « Le nerf sous-occipital, c’est-à-dire le nerf de la pre- mière paire spinale, se distribue entièrement à l'appareil », dit Bailly. Cette simple assertion n’est appuyée d’aucune descrip- tion, et de plus elle est inexacte. Immédiatement en arrière des origines de la huitième paire, on voit naître antérieurement et postérieurement, par deux ou trois racines, un gros nerf qui, Im- médiatement à sa sortie, se divise en deux gros rameaux ; un de ces rameaux qui monte verticalement vient s'appliquer sur la voûte du crâne et se distribue à l'appareil du toucher, c’est-à-dire aux deux premiers rayons; l’autre rameau est destiné à la nageoire pectorale. Le troisième rayon libre que Bailly considère comme faisant partie de l’appareil recoit des nerfs de la deuxième pin spinale qui fournit également à la nageoire pectorale. Aux points d’émergence du canal vertébral, on voit ces nerfs se mettre en connexion avec le système sympathique. En effet, en ce point existe un gros ganglion nerveux, lequel est réuni à son symétrique par un long connectif qui passe au devant de la colonne vertébrale, fournit des rameaux aux nerfs de la première et de la deuxième paire spinale, comme chez les Trigles, et donne une petite branche spéciale au rameau nerveux de l'appareil tactile. Si l’on suit le sympathique dans son trajet vers la tête, on le voit se mettre en connexion avec le ganglion du pneumogas- trique, se renfler et aller se perdre sur le trijumeau ou point de division de ce nerf. La dissection permet également de suivre le nerf maxillaire inférieur jusqu'aux tentacules flottants sous 102 JOBERT. maxillaires. J'ai dit qu'une branche de la première paire mon- tait verticalement vers les rayons libres; voyons comment elle se comporte. Au sortir du crâne, ce nerf, après avoir fourni quelques filets internes, se dirige en avant, passe sous les muscles du troisième rayon libre appliqué sur les os, et vient se placer au bord de l'os basilaire de l'appareil du toucher, après avoir recu auparavant un filet anastomotique du nerf du rayon libre au moins du tiers postérieur de l'os; il se bifurque : une des branches, l'interne, suit le bord interne du muscle rétracteur du deuxième rayon libre, fournissant chemin faisant des filets aux muscles, il monte le long du deuxième rayon placé à son bord externe et se perd dans le tégument; son symétrique se comporte identi- quement de la même manière. L'autre branche de bifurecation suit le bord externe de l’os basilaire, fournit ce muscle du premier rayon, et vient se placer au bord externe de cet os le long duquel il monte jusqu'au dra- peau membraneux dont il est surmonté, Ce petit organe charnu qui manque généralement au sommet du deuxième rayon a une forme qui n’a rien de constant, c’est une sorte de lambeau de tégument très-mince attaché en bas à l'extrémité du rayon osseux et frangé sur son bord hbre, il est figuré dans tous les auteurs. Sa composition histologique est absolument la même que celle que j'ai signalée dans le té- gument qui réunit entre eux les rayons de toutes les nageoires; superficiellement ce tissu est très-dense et, comme dans les ten- tacules que j'ai plus haut décrits, ces deux feuillets sont séparés par une couche de tissu lamineux dont les longues fibres sont très-facilement isolables. On y observe à la périphérie de nombreux noyaux de tissu conjonctif; les branches ner- veuses que je viens de décrire s’y rendent, elles s’anastomosent entre elles et forment une série d’arcades et des anses d’où par- tent des filets qui vont se perdre dans les petites papilles dont la surface et le bord libre sont hérissés. Ces papilles cupuliformes sont très-peu saillantes. J'ai dit plus haut que je n'avais pu étudier l’épiderme, il est à remarquer que le long des autres rayons libres de la nageoire dorsale on retrouve de petits ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 108 lambeaux semblables à des drapeaux dont les rayons représen- teraient la hampe, et qui sont les vestiges du tissu qui chez les autres poissons réunit entre eux les rayons et qui, eux aussi, ont une structure anatomique complétement analogue à celle du lambeau tégumentaire qui surmonte le premier filet. Les filets pêcheurs épicrâniens de la Baudroie sont bien, comme on le voit, des rayons de la nageoire dorsale devenus indépendants, et l'étude du mode de distribution des nerfs fournit un argument de plus à ajouter à ceux déjà si probants que Geoffroy Saint-Hilaire tirait de la disposition du squelette. L'os porte-filet de Bailly n'est pas autre chose que les os en-épiaur des deux premières vertèbres soudés entre eux, qui, suivant Geoffroy Saint-Hilaire (1), seraient des parties con- stituantes de la première vertèbre. Au point de vue morpholo- gique, Cuvier et Valenciennes ont combattu cetie opimon et ils donnent aux os en-épiaux, de Geoffroy Saint-Hilaire, le nom d’interépineux, faisant observer avec quelque raison que dans certains poissons il'existe deux inter-épineux pour une ver- tébre. Quant aux filets eux-mêmes ils représentaient pour Geof- froy les pro-épiaux que Cuvier nomme rayons mobiles. Quoi qu’il en soit, si l’on n’est pas d'accord au point de vue de la morphologie de ces organes, il est impossible de ne pas recon- naître des rayons de nageoires dans les filaments pêcheurs. Les deux os interépineux sont soudés et sont couchés sur le crâne et donnent insertion aux rayons mobiles ; les muscles sur la disposition desquels il est imprudent à la vérité de fonder des ho- mologies viennent en ce cas aider à montrer que l’interépineux a subi un mouvement de bascule, et que de vertical il est devenu horizontal. Les nerfs apportent une preuve de plus : comme dans toutes les nageoires dorsales, ils se trouvent à droite et à gauche du rayon. Du reste, chez certains-poissons, on peut constater une ten- dance à la formation d'organes semblables à ceux de la Bau- droie. Chez le Callyonyme, que les pêcheurs de l'Océan nomment - (1) Geoffroy Saint-Hilaire, Mém. du Muséum, 1824. 10/4 JOBERT. la petite Baudroie, ne voit-on pas le premier rayon de la dor- sale augmenter en volume et en longueur et devenir tentaculi- forme, tout en restant cependant en connexion avec le reste de la nageoire. Il me reste, pour terminer cette partie de mon travail, à ex- poser les résultats des observations qu'il m'a été donné de faire sur les animaux vivants. Quelles sont les fonctions des appen- dices que je viens d'étudier? Sont-ils, comme le croyait de Blain- ville, de simples organes à sensations vagues? Jouent-ils au contraire, dans la vie de l'animal, le rôle important que semble indiquer leur structure anatomique, souvent, comme je l'ai montré, si complexe et si ingénieuse? Telle était la question que je m'étais posée. J'ai observé longtemps des poissons d’eau douce à barbillons mous et particulièrement le Barbeau; ses organes étant privés des muscles qui lui permettraient d'explorer le fond dans diverses directions, il se tient en nageant au ras du fond ; ses barbillons deviennent rigides par suite de l’afflux du sang, ces organes effleurent le sol, et au moindre contact suspect, il s'arrête, se recule, puis avançant de nouveau il dirige ses mouvements de façon à explorer l'obstacle à l’aide de la pointe de ses barbillons. La Loche tient étendus autour d'elle comme autant de vibrisses ses longs tentacules; mieux douée que le Barbeau, elle peut augmenter l’action de la turgescence à l’aide de la contraction de deux petits muscles qui prennent leur insertion fixe aux os maxillaires supérieurs, et qui sont rele- veurs de ces petits organes ; elle les maintient ainsi à l'état hori- zontal, elle explore le fond de l’eau, comme le fait le Barbeau, rampant plutôt que nageant et fouillant de l'extrémité de sestenta- cules les intervalles des pierres, d’où elle espère faire fuir sa proie. Animal paresseux, elle reste au fond de l’eau, immobile, le plus souvent appuyée sur le bord de ses nageoires pectorales, atti- tude commune à beaucoup de poissons de fond, et surtout tres- facile à observer chez la Vive qui, dressée sur ses nageoires Jugu- laires, reste dans cette position durant des heures entières. Les Morues, au contraire, toujours en mouvement, effleurent comme les Barbeaux de leur prolongement sous-maxillaire les obstacles ARTICLE N° 9. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 105 qu’elles rencontrent. Suivant Couch, une Morue aveuglée peut à Vaide de son barbillon trouver ses'aliments de chaque jour ; Pau- teur anglais en présence de ce fait va jusqu’à supposer qu'un sens nouveau a pu se développer dans cet organe, afin de rempla- cer celui que l’animal avait perdu. Les Pimélodes en nageant laissent également leurs barbillons sous-maxillaires effleurer le fond de l’eau, mais chez eux comme chez les Barbeaux, les Lo- ches, les Morues, ces organes, qui ne sont autre chose que des parties très-sensibles du tégument, plus sensibles que d’autres certainement, sont loin d'acquérir comme organes de toucher actif la perfection des barbillons maxillaires des Silures, des Mulles et des nageoires modifiées des Gades, des Trigles, des -Baudroies et des Ophidium. À l'aquarium d'Arcachon, durant trois mois j'ai eu une ving- taine de Mulles sous les yeux, Je les observais chaque jour et du- rant des heures entières ; ils nageaïent cependant assez rarement et aimaïent vivre sur le fond de sable de leur prison, qu'ils ne cessaient de bouleverser, de labourer pour ainsi dire à l’aide de leurs longs barbillons. Tantôt, s'ils rencontraient un petit obstacle, ilsles étendaient horizontalement et de leurs fines pointes explo- raient les diverses faces du corps qu'ils avaient devant eux, tantôt en donnant de coups, tantôt en exerçant une simple palpation ; souvent Je les ai souvent vusessayant de saisir de petites proies en- tre leurs deux barbillons, qu'ils rapprochaient brusquement. A certains moments ils nageaient doucement effleurant le sable de l'extrémité de leurs tentacules, puis tout à coup ils s’arrêtaient; en un clin d'œil à l’aide de ces organes comme ils l’eussent pu faire avec des mains, ils creusaient dans le sable un trou assez profond d’où je voyais s'enfuir quelque petit Crustacé qui était saisi et avalé sur-le-champ. Afin de pouvoir étudier les altérations des corps ovoïdes que j'ai décrits plus haut, je dus, chez un certain nombre d’entre eux, faire la section des nerfs des barbillons; dès ce moment les animaux opérés cessèrent de faire usage de ces organes, bien que la section du nerf eût été faite bien au-dessous du point d’où naissaient les filets moteurs des muscles; retirés, cachés presque dansles coins du bac, ils refu- 106 JOBNR'E. sérent durant quelques jours de prendre toute nourriture, la plu- part se laissèrent mourir; d’autres, au contraire, cherchaient à l'aide de leurs lèvres à fouiller le sable, pour rechercher leurs aliments, mais bientôt les téguments du bord des lèvres furent dégarnis d’épiderme, devinrent sanguinolents et les pauvres animaux se retirerent à leur tour dans les coins les plus obscurs du bac, refusant la nourriture que l’on répandait à profusion malin et soir autour d’eux et ne tardèrent point à mourir. Ceux que j'ai pu conserver le plus longtemps n'avaient été opérés que d’un côté : les premiers jours ils restèrent immobiles, mais bientôt à l’aide du barbillon qui leur restait, ils continuërent à explorer le fond de l’eau et à faire la chasse aux petits crustacés; ils tentèrent de suppléer par des efforts plus grands à la perte. d’un organe si important pour eux, je les vis mourir l’un après l’autre, je ne pus les conserver plus de deux mois. À la ménagerie du Jardin des Plantes on peut encore aujour- d'hui observer de très-beaux Pimélodes chats. Ils emploient leurs longs barbillons maxillaires à explorer le fond en avant et autour d'eux, mais leurs mouvements sont loin d’être aussi actifs, aussi prompts que ceux des Mulles; dans leur course aperçoi- vent-ils devant eux un obstacle, à instant leurs longs tentacules sont dirigées en avant; l’objet est palpé, examiné, et d’après le résuHat de l'examen le poisson avance ou recule. On peut par observation directe constater que les nageoires sont suscepübles de transmettre des impressions tactiles. M. Gou- riet (1), dans une note de son travail sur le vessie natatoire des Poissons, indique que le bord des nageoires lui a paru être d’une sensibilité extraordinaire. « L'action tactile de la nageoire pecto- rale, dit M. R. Owen{(2),peut être constatée quand on transporteun cyprin doré dans un vase nouveau ; il comprime sa vessie nata- toire et se laisse couler au fond de l’eau qu'il balaye, pour ainsi dire, par des vibrations rapides et délicates de sa nageoire pec- torale, s’assurant apparement qu'il n'existe pas de pierres poin- (1) Gouriet, Ann. des se. nat., 1866, t. VI, 5° série, p. 378. (2) R. Owen, Anat. comp. (Locom. of fishes, p. 256). ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 107 tues ou de bâätous placés sur sa route, obstacles qui pour- raient le blesser durant ses mouvements rapides autour de sa prison, » Les poissons sur lequel l'observation est la plus facile sont certainement les Gades. J'ai montré combien chez ces poissons la nageoïre ventrale s'était modifiée en se déplaçant, combien ses deux rayons externes s'étaient allongés et étaient devenus tentaculiformes (1). Déjà à Arcachon j'avais pu voir quel usage les Motelles font de leurs nageoires jugulaires ; celles que J'avais sous les yeux, relativement agiles mais encore très-paresseuses, ne cessaient en nageant à peu de distance du fond d’agiter ces longs prolonge- ments, mais le fait me fut démontré d'une façon bien plus nette à l’aquarium du Hâvre. Dans un très-grand bac vivaient environ une douzaine de Gades (Gadus Callarias); ces animaux sont pres- que toujours en mouvement ; quand ils nageaïent en pleine eau, et rapidement, jamais leurs nageoires jugulaires n'étaient dé- ployées, au contraire, elles étaient soigneusement repliées le long de l’abdomen. Le bac était garni de petits rochers arüficiels re- couverts de plantes marines, d’Algues de toute espèce; les pa- rois du bassin en étaient également tapissées, et à l'abri sous les herbes vivait tout un monde de petits crustacés; les poissons n’ignoraient pas ce fait, aussi quand ils arrivaient au voisinage de ces rochers et des murailles de leurs prisons, à l'instant les nageoires jugulaires étaient dressées; le fond reconnu, étudié, palpé, et à l’aide de l’extrémité des rayons tentaculiformes, cha- que Gade agitait l'herbe d’où les petits crustacés ne s'enfuyaient que pour être saisis. Cela fait, le poisson repliait soigneusement ses nageoires, et reprenait ses pérégrinations autour de son do- maine, jusqu'au moment où il lui plaisait de recommencer sa (1) Je rappellerai que dans quelques Cyprins il existe un premier rayon externe à peine visible et que, en réalité, c’est le second et le troisième rayon qui sont inner- vés d’une façon toute particulière, afin d’être adaptés à la fonction du toucher. Chez les Gades il n’en existe pas de trace; ces motifs m'ont amené à laisser en général aux rayons tactiles les noms de premier et second, quand, en réalité, quelquefois ce sera plutôt le deuxième et le troisième qui remplissent la fonction. 108 JOBERT. chasse. Dans un bassin voisin étaient placés des Merlans, qui, on le sait, sont privés de barbillons ; on pouvait encore les voir user de leurs nageoires jugulaires comme d’organes du toucher, mais chez eux cet appareil était déjà bien moins parfait que chez les Morues ; la nageoire jugulaire est en effet plus large, les rayons extérieurs sont moins longs. Je n’ai pu observer de Phycis ; chez ces poissons, J'ai montré que la nageoire jugulaire est réduite à un filament fourchu formé des deux rayons externes très-déve- loppés, mais après mes observationssur les autres Gades je n’hé- site pas à croire que l'animal doit les employer très-activement à l'exploration des fonds sur lesquels il vit; il en est certainement de même des Ophidium que je n’ai pu également posséder vi- vants ; mais après avoir étudié les dispositions anatomiques de leurs pseudo-barbillons, je n'hésite pas un instant à croire que les organes ne puissent, à l’aide de leurs muscles, exécuter des mouvements nombreux et rapides, suriout après mes nombreuses observations sur les Mulles et les Gades. Ces organes sont bien, comme on le voit, destinés à toucher d’une facon active ; mais est-ce bien là leur seule fonction ? Il ne faut pas oublier l’assertion de Couch : «une Morue aveuglée trou- vait ses aliments à l’aide, dit-il, de son barbillon »; j'ajouterai et certainement à l’aide de ses nageoires jugulaires dont le rôle avait échappé à l'observateur anglais. Quelle est la fonction de cette branche nerveuse du trijumeau si considérable qui vient se distribuer dans ces organes? Quelle est la fonction de la branche communicante du ‘trijumeau et du nerf vague que j'ai toujours rencontrée ? Il ne faut pas non plus oublier que chez l’'Ophidium, le barbillon recoit une branche du glosso-pharyn- gien, qui se distribue à la langue et à la première branchie, le- quel chez les animaux supérieurs est bien nerf du goût; les ob- servations que j'ai faites sur les Mulles et que je viens de relater tendraient à confirmer les hypothèses qui prennent leur source dans la connaissance anatomique, macroscopique et microsco- pique des organes. Nageotres pectorales. — Pour tous ceux qui ont pu observer ARTICLE N° 5, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 109 les Trigles, il est hors de doute que les rayons libres de la na- geoire pectorale constituent un organe actif du toucher, en même lemps qu'un appareil de locomotion. M. Deslongchamps qui le premier les observa vivants, a décrit sommairement leurs allu- res; j ai pu également durant de longs mois les observer. Sitôt qu'ils arrivent au niveau du fond de l’eau, ils cessent d’agiter rapidement leurs nageoires, les rayons libres sont développés et l'animal de leur extrémité effleure le sable ; ils semblent alors marcher et avancent en effet à l’aide de cet appareil; mais que le moindre obstacle soit rencontré, à l'instant même l’animal s’ar- rête, à l’aide de ses nageoires 1l se relève un peu, et grâce au volume d’eau que déplace son corps et surtout son énorme tête, il pose à peine sur l'extrémité de ces pseudo-doigts, région où se sont multiphiées à l'infini les papilles, où viennent aboutir les nerfs. Pour que les contacts puissent devenir plus parfaits, à l’aide des muscles qui exercent leur action sur le rayon interne, chaque doigt est recourbé en un arc dont la convexité regarde le sol de facon que l'extrémité mousse puisse seule toucher les corps exté- rieurs. Privés de leurs pseudo-doigts, les Trigles deviennent gauches, embarrassés, mais cependant 1ls vivent; j'en avais à Arcachon mutilé deux qui ont vécu parfaitement jusqu'au moment de mon départ. Il me resterait à faire connaître exactement l’usage des fila- ments de la Baudroie, mais je n’ai pu observer de Baudroies vivantes, jusqu'alors il a été impossible d'en conserver en aqua- rium, il faut donc se contenter de la tradition qui veut que ce poisson puisse en effet pêcher avec les filaments qu'il possède sur le crâne. Bailly (1) a consacré la plus grande partie de son tra- vail à l'examen de cette hypothèse, et 1l l’admet pleinement; 1l suppose même que les Baudroiïes peuvent avec son aide pêcher, soit seules, soit en famille ; il est vrai qu'il n'apporte à l'appui de son dire aucune observation faite sur l’anima] vivant. Le jeu des muscles prétracteurs du premier rayon permet en effet au filament d’être porté horizontalement en avant, mais il faudrait supposer (1) Bailly, Ann. des sc, nat,, 1824, t, LL, 176 série, p. 223 et suiv. 110 JOBERT. que la Baudroie laisse avaler cet appât, qui est fort sensible et risquerait fort d’être lacéré souvent. 11 faut attendre que l’on puisse posséder des Baudroies en aquarium, et alors le pro- blème sera résolu. Quoi qu'il en soit, la Lophie est fort bien pourvue au point de vue des organes tactiles ; elle est avertie de la nature du fond par ses nombreux tentacules sous-maxillares ; le long de la ligne latérale, des prolongements semblables exis- tent, et enfin il lui est loisible de dresser et de diriger dans tous les sens les rayons devenus libres de la nageoire dorsale. Quant à l’Uranoscope, les pêcheurs méditerranéens n’hésitent pas à affirmer qu'il se sert de son prolongement labial comme d’un appât, et cette tradition est parfaitement d’accord avec les dispositions anatomiques que j'ai indiquées ; le barbillon flotte . au devant de la bouche et est animé de petits mouvements, la future proie alléchée est ainsi attirée presque à l'entrée de la bouche; celle-ci s’ouvrant brusquement, la contraction des abaisseurs fait rentrer le barbillon et la proie est immédiatement saisie. Les faits anatomiques que je viens d'exposer, les observations faites sur les animaux vivants, montrent combien ce travail est incomplet, et quel chapitre mtéressant et nouveau pour la science un chercheur aurait à écrire s'il pouvait avoir la bonne fortune d'étudier, non pas, comme je l'ai fait, les représentants de quel- ques familles, mais tous les Poissons à organes tactiles spéciaux. Que l’on jette les yeux sur latlas de Cuvier et Valenciennes, sur l’'admirable publication de M. Bleeker, et l’on verra par ce qu'il reste à faire combien peu J'ai fait. Malheureusement les Pois- sons les plus intéressants habitent les mers chaudes, et un voya- geur seul pourra finir ce que je n'ai fait qu'ébaucher; quoi qu'il en soit, si en terminant Je cherche à tirer une conclusion, Je la formulerai ainsi : * Chez les Poissons il existe, outre des organes tactiles, de véri- tables organes actifs du toucher, qui, comme chez les Vertébrés supérieurs, appartiennent aux appareils du mouvement, lesquels se modifient suivant les habitudes, le milieu, le genre de vie, afin de s'adapter à leur nouvelle fonction, ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 111 $ IX. — @Généralités. Ce n'est pas seulement chez les Vertébrés que l'on rencontre des terminaisons de nerfs interépithéliales et des corps ovoïdes dans l’épiderme. Leydig a trouvé chez les Sangsues (1) des modes de terminai- sons analogues et les a représentés; c’est à la partie antérieure du corps, dans la région péribuccale, que se trouvent ces petits organes qui, au dire de l’auteur, auraient à leur centre des cel lules d'un aspect spécial qu’il considère comme étant de nature nerveuse. Chez les Mollusques, au bord du manteau, Boll (2) a rencontré des corps ovoïdes faisant saillie hors de l’épiderme ; pareille disposition a été observée par lui chez le Pterotrachea coronata. Flemming (3), dans le manteau des Moules et les tentacules des Helix, a rencontré des organes nerveux entre les cellules de l'épiderme. J'ai moi-même décrit dans une note précédente les dispositions que j'avais observées chez l'Helix Pomatia, dans les tentacules, les papilles de la région péribuceale et les replis cutanés pla- cés sur les parties latérales de la bouche, où les nerfs viennent se terminer sous la forme de prolongements placés entre les cellules de l'épithélium qui recouvre le bouton du tentacule. Ces organes ne dépassaient pas la cuticule épidermique, mais leur réaction avec le chlorure d'or, leurs formes, surtout leurs connexions mont montré que J'avais bien devant les yeux des fibrilles nerveuses, et non de lépithélium modifié. Il existe, il est vrai, d’autres modes de terminaisons dans les Mollusques ; Leydig avait constaté qu'on voyait chez les Paludines émerger (4) Leydig, Ueber Bau der thier. Kôrp. vergl, Anat. v, pl, 3 et suiv. (2) Boll, Beitrag zur vergleich Hist, des Molluskentypus (Arch. f. micros. Anat., 1869). (3) Flemming, Die Haare eragenden sinnenneszellen,ete.(Arch. f, micros. Anat.,1869). Flemming, Untersuch. über Sennesepithelien der Mollusken (Arch. f, micros, Anate, 10). 112 SOBERT. des soies roides de l’épithélium vibratile ; depuis, Boll a re- trouvé et figuré chez les Carinaires des dispositions semblables. Il est probable que les cellules qui se terminent par un pinceau de cils qu'il a vues dans le second tentacule de l'Haliotide sont de même espèce. Ces modes de terminaison appartiendraient non plus à celles que je viens de décrire, mais seraient analo- gues aux vibrisses dont je vais m'occuper dans le chapitre sui- vant. DEUXIÈME PARTIE RECHERCHES SUR LES POILS DU TACT. Poils du tact. — Dans la première partie de ce travail, j'ai éludié des organes qui, par leur forme, leur mobilité, peuvent s'appliquer exactement sur la surface des corps, et apprécier leur configuration, leurs aspérités, leur température (mains des Qua- drumanes, queue prenante etc., mains de Plantigrades). Chez les Oiseaux j'ai montré que les nerfs affectent un mode de ter- minaison presque analogue à celui que l’on observe chez les Vertébrés supérieurs (langue, papilles du bec, papilles des doigts). 11 me reste maintenant à étudier certaines parties de l'organisme, qui, chez divers animaux, semblent destinées à re- cueillir des impressions tactiles à l’aide d'agents qui viennent constituer de véritables conducteurs chargés de transmettre aux nerfs avec lesquels ils sont en connexion les effets du contact avec les corps étrangers. Ces agents sont les poils du tact. L'homme en est privé ; les Mammifères même les plus élevés en possèdent; on en rencontre, comme on le verra plus loin, chez presque tous les Invertébrés. Depuis longtemps l’attention des naturalistes a été attirée vers ces organes si faciles à observer chez les Mammifères. Buffon, ARTICLE N° 9. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 113 Heusinger (1), Eble (2), Erdl (3), Andral, et plus récem- ment Gegenbaur (4), Leydig (5), Vaillant (6), Gurtl (7), Odenius (8), H. Carpenter (9), ont donné des détails sur le rôle physiologique de ces organes. Mon intention n’est pas de refaire ici la description complète de ces petits organes qui ont été tant étudiés ; je renverrai donc le lecteur aux travaux spéciaux, ceux surtout de Leydig, d'Odenius et de Gegenbaur, accompagnés de planches, et sur lesquels je reviendrai plus loin. Les poils du tact sont beaucoup plus répandus qu'on ne le pense généralement, et plusieurs auteurs ont cru devoir attri- buer la faculté tactile à des portions de l'organisme dont les poils, qui avaient passé inaperçus, peuvent être seuls les agents du tact. Je citerai comme exemple le boutoir du Porc, celui du Tatou, où des poils courts, roides, sont implantés et n’ont point été observés, grâce à leurs petites dimensions. Le premier chapitre de la deuxième partie de ce mémoire sera consacré à l'étude des organes tactiles pilifères des Verté- brés supérieurs ; dans le second, je décrirai avec détail des dis- positions que jai eu l'occasion de constater chez les animaux invertébrés articulés. CHAPITRE PREMIER. POILS DU TACT DES MAMMIFÈRES. C'est comme je le disais au début de ce chapitre, c’est chez les Mammifères inférieurs, et particulièrement chez les Rongeurs, (1) Heusinger, Meckel’s Arch., 1822-93. (2) Eble, Die Lehre von den Haaren. Wien, 1831. (3) Erdl, Abhand. d, Münch. Acad., III, 11. (4) Gegenbaur, Zeitschr. f. wiss, Zool., 1851, t. III. (5) Leydig, Ueber die ässeren, ete. (Arch. f. Anat., 4859). (6) L. Vaillant, Gaz. méd., 1862. (7) Gurtl, Müller’s Arch., S. 272. (8) Odenius, Arch. microsc. Anat., 1866. (9) Carpenter, Todd’s Cyclopædia of Anat., vol. IV, p. 1167. SC. NAT., JUILLET 1872. — ART. N° 5. 11 A1 JOBERE. que ces organes sont le plus développés; leurs dimensions pa- raissent en rapport avec les habitudes des animaux, et c’est sur- tout chez les nocturnes et ceux qui vivent dans des galeries obscures, que ces poils atteignent leur dimension maximum : les Rongeurs albinos, chez lesquels on sait que la vision est diffuse, emploient d’une manière très-visible leurs longues moustaches à se diriger durant la locomotion. Parmi ces animaux, on en rencontre chez lesquels existent des dispositions de ces organes si remarquables, qu'un expérimentateur du dernier siècle, au- quel leur rôle avait échappé, a pu croire à l'existence d’un sens spécial. Je veux parler des Chéiroptères : chez ces animaux l’ap- pareil tactile siége particulièrement dans le derme modifié transformé en feuillets minces qui constituent de véritables ailes et des membranes que j'aurai plus loin l’occasion d'étudier en détail; auparavant je crois qu'il est uüle de donner quelques aperçus sur la structure anatomique des poils du fact, qui, au point de vue anatomique, peuvent se diviser en deux catégories très-distinctes. Je parlerai done tout d’abord des poils des mous- taches, ou vibrisses proprement dites. Les poils du tact ont été sigualés dans plusieurs régions; mais je ne crois pas qu'on ait insisté suffisamment sur leur nombre, qui est réellement très- considérable. Aux parties latérales des lèvres, au-dessus des yeux, ou les reconnait facilement, ils sont plus longs que les auires, plus roides ; mais aux lèvres, et surtout à la lèvre mfé- rieure, ils ne sont pas distincts et ne dépassent guère les autres poils. ils sont en ces points petits et fort nombreux, et consti- tuent par leur ensemble un appareil tactile véritable. Chez les Chiens, les Chats, les Cobayes, les Kanguroos, les Singes, je les ai toujours rencontrés en graude quantité. Dans certaines par- ties de l'organisme de quelques Mammifères, que ces animaux emploient pour lexploration, tels que le boutoir du Porc, leur présence n’a pas été constalée, car ils sont extrêmement courts. Âu point de vue anatomique, ôn peut les diviser en deux catégories, les poils à sinus sanguins el les poils sans sinus sanguins. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. li S 1. — Poils tactiles à sinus sanguin, Boutoir du Porc. — Je parlerai tout d’abord des prenuers en décrivant les dispositions que j'ai constatées dans le boutoir du Porc. Tout le monde a vu cet animal fouiller la terre du grom eten marchant en effleurer le sol. Si l'on examine le disque ter- minal de cette région, on voit qu’il est semé de points blanchà- tres au milieu desquels un examen attentif fait reconnaitre la présence d’une petite soie roide, ayant à peine un demi-centi- mètre de long. Tout le disque terminal est couvert de ces petits poils, qui manquent au bourrelet périphérique et à l’ouver- ture des fosses nasales. Si l’on cherche à étudier la structure interne de l'organe, on reconnait que chacun de ces poils est renfermé dans un follicule de grande dimension, qui appa- rait rougeûtre, grâce au sang qu'il contient dans son intérieur. Ces poils sont logés dans l'intervalle de papilles du derme lon- gues et dans lesquelles montent des vaisseaux et des nerfs, ceux- ci assez peu nombreux. Ces papilles ont été déjà signalées par Leydig (L), elles sont situées au milieu d’un épiderme épais dont la couche profonde est formée de longues cellules prismatiques. Les nerfs qui cheminent dans les papilles se terminent dans de petits corpuscules très-simples, analogues à ceux de la con- jonctive; ils sont très-pelits et assez difficiles à apercevoir. D’au- tres tubes cheminent également dans les papilles, et ne parais- sent pas se terminer dans des bulbes terminaux. Je n’ai pu con- stater leur mode de terminaison : est-elle interépithéliale ? Vers les follicules des poils se dirige la plus grande partie des fais- ceaux nerveux ; Je vais essayer de suivre leurs trajets, mais au- paravant je rappellera en quelques mots ce que l’on sait de la structure de ces poils. La membrane externe du follicule est épaisse, blanchâtre, formée de fibres lamineuses ; on y voit de nombreux noyaux fusiformes, Sous cette membrane se voit un espace qui est gorgé (4) Leydig, Histol, comparée, TÉGUMENT DES VERTÉBRÉS, p. 83. 116 JOBERT. de sang, divisé en loges par des trabécules élastiques : c’est le corps spongieux ; le tissu devient dense à mesure qu'il se rap- proche de la membrane vitrée. À la partie supérieure du corps spongieux exisie un grand espace qui a reçu le nom de sinus sanguin, et immédiatement au-dessus de lui, appliqué sur la membrane vitrée, en un point limité, se trouve le corps conique, d'aspect hyalin, où l’on voit de longs noyaux. Au-dessus du corps conique (1) se trouvent les glandes sébacées, qui, dans les poils du tact, sont placées dans l'épaisseur de la membrane propre du poil. Le poil avec ses gaines occupe le centre du fol- licule. Telle est en quelques mots la structure de ces poils, telle que l'ont fait connaître les travaux récents de Gegenbaur (1), Leydig (2) et Odenius (3). Les nerfs pénètrent dans le bulbe, suivant les auteurs, par la partie inférieure le plus souvent; leurs fibres primitives s’y divi- sent (Gegenbaur), et viennent, suivant Odenius, se terminer dans le corps conique sous la forme de petits noyaux renflés, après avoir perdu leur myéline. Je ne contredirai pas les conclusions d'Odenius au sujet du mode de terminaison, mais je crois que sa description a besoin d’être complétée. Chez la Taupe et chez le Porc, au boutoir, je vois les nerfs monter vers la partie supérieure du follicule en décrivant des trajets spiralés ; puis, en effet, à uue certaine distance du corps conique, perdre leur moelle, et monter verticalement. Mais, outre ces nerfs, 1] en vient d’autres qui, suivant paral- lèlement la face extérieure du derme, viennent se mettre en connexion avec le follicule, à sa partie supérieure, et y pénètrent de plusieurs côtés, et viennent, en décrivant des trajets sinueux, se perdre dans la région située au-dessous des glandes sébacées. On peut suivre les tubes nerveux dans leurs trajets spiralés, leur voir perdre leur myéline, et donner sur leur trajet naissance à des renflements fusiformes d’où partent un ou deux prolonge- ments : sur des coupes parallèles ou à la surface du derme, on (1) Gegenbaur, Zeitschr. für. wiss. Zool., 1851, loc. cit. (2) Levydig, in Reich. und du Bois-Reym. Arch. f. Anat., 1859, loc. cit. (3) Odenius, Arch, f. mikrosc. Anat., loc. cit. ARTICLE N° 0, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 117 voit distinctement ces dispositions ainsi que sur des coupes per- pendiculaires. Il existe donc dans le follicule une région parfaitement déli- mitée, vers laquelle Odenius avait vu déjà, et où d’autres arrivent également, se diriger les tubes nerveux qui montent de la partie inférieure du follicule, dans laquelle les nerfs forment autour du poil une sorte de collier : en ce point, le poil est étroitement entouré par l'enveloppe, qui est épaisse; le moindre mouvement du poil ne peut avoir lieu sans être immédiatement perçu. Quel est l'usage du sinus sanguin? Jusqu'alors il est resté in- connu, mais dans le boutoir du Porc, de la Taupe, il est constant dans les grands poils. Les dispositions que je viens d'indiquer au boutoir du Porc montrent donc que cet organe est doué d’une grande sensibilité. Elle doit exister chez tous les Suidés : chez les Phacochères, les petits poils sont apparents, ils sont noirs, et la moindre traction opérée sur eux provoque chez l’animal une douleur qu'il mani- feste à l'instant. Il me reste à étudier maintenant les organes à poils tactiles sans sinus sanguin, organes doués d’une exquise sensibilité, C'est chez les Chéiroptères que leur structure paraît être portée au plus haut degré de perfection. $ IL — Poils tactiles sans sinus sanguin. Organes tactiles des Chéiroptères. — En 1794, Spallan- zani (1) publiait le résultat d'expériences longues, délicates et nombreuses qu'il avait entreprises sur des Chéiroptères. Après avoir privé des Chauves-Souris de la vue, soit par des appli- cations de glu sur les yeux, soit par l’emprisonnement de la tête dans un capuchon hermétiquement fermé, soit par la cautérisation de la cornée au moyen du fer rougi, soit même par (1) Lettere sopra in sospetto di un nuovo sensu dei Pipistrelli. Torino, 1794, in-8°. — Jean Sennebier, Journal de physique (Compte rendu des expériences de Spallan- ani), 4794, t. XLIV, p. 318). 118 JORERT,. lablation du globe oculaire, le physiologiste italien avait re- connu que les animaux mis en expérience n'avaient pas perdu la faculté de se guider pendant le vol. La perte de l’odo- rat et la privation de l’organe de l'audition ne changeant pas le résultat final de l'expérience, Spallanzani n’hésita pas à affir- mer que les Chéiroptères devaient posséder un sens spécial qui leur permettait de se guider avec une telle dextérité. Jurine (4), qui répéta les expériences de Spallanzani, n’obtint pas les mêmes résultats : 1l vit en effet que des Chéiroptères aveuglés, et mis en liberté dans un appartement où des filets à larges mailles et per- cés de grands trous avaient été tendus, pouvaient franchir ces solutions de continuité et éviter en volant des baguettes d’osier placées verticalement et peu distantes les unes des autres. Mais, dit-1l, « un Oreillard clairvoyant, doxt les oreilles avaient été préalablement oblitérées, s'embarrassa dans les mailles du filet et se précipita daus les osiers.. son vol était incertain. » Après des expériences nombreuses (2), Jurine conclut que c'était à l’aide de l'ouïe que les Chauves-Souris pouvaient ainsi se diriger sans le secours de la vue.— Georges Cuvier avaitde son côté répété les expériences de Spallanzani, et après une longue discussion (3) combattant l’hvpothèse d’un sixième sens, et se fondant sur l’anatomie de la membrane de Paile, il émettait cette idée vraie, que e’était à un tact exquis qu'étaient dus les résul- tats obtenus par Spallanzani. « Les membranes de l'aile sont, dit-1, très-fines, très-minces, entièrement dénuées de poils, très-fournies de nerfs, et par conséquent très-sensibles.… » Des recherches antérieures sur les organes du toucher des différents animaux m'ont amené à répéter les expériences de Spallanzani. Pai cherché avant tout à étudier la structure ana— tomique de l'aile ; ce sont mes diverses observations que je vais relater, heureux de pouvoir confirmer par des recherches micros- (4) Jurine, Some Experiments of Bats deprived of sight (Philosoph. Magazine. 1798). (2) Voy. Peschier, Journal de physique, 1798, t. XLVI, p. 145, 148. (3) G. Cuvier, Conjectures sur le sixième sens des Chauves-Souris {Mil!, Magaz. Encyclop., 1795, p. 237, 304). ABTICLE N° 5 ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 119 capiques l’opinion de notre grand anatomiste français, qui, tout en n'étant pas «maître en microscope », comme le dit au début d’un mémoire que j'aurai à juger plus loin un jeune anatomiste d'outre-Rhin (4),n'en a pas moins en cette circonstance trouvé la véritable explication des faits observés. A l’exposé de mes recherches amatomiques je joindrai les diverses observations intéressantes faites sur des animaux conservés en captivité. Les travaux anatomiques publiés sur la matière dont je vais m'occuper sont peu nombreux. Cuvier (2) a consacré à l'anatomie des Chéiroptères plusieurs pages dans son Analomie comparée, je citerai son beau travail sur la myologie du Pteropus; plus récemment Gratiolet (3) et M. le professeur Blanchard (4) en France, Jones (5) en Angleterre, Leydig (6), Kôlliker (7) et Schôbl (8) en Allemagne, ont publié divers travaux sur lesquels nous aurons à revenir plus loin. Les divers Chéiroptères que j'ai étudiés sont parmi les Ves- pertilonidés : le serofinus, Pipistrellus, Murinus et auritus, le peut Rhinolophe. Un Molosse, le Molossus plicatus, Temm., et un Tapluien, le Taphozous melanopogon, le Dinops Cestoni et le Pteropus edulis, Temm. Je décrirai successivement les dis- positions anatomiques que j'ai constatées dans l’aile, la mem- brane interfémorale, l'oreille externe, et les membranes nasales des Rhinolophes. Membrane alaire. — On sait que chez les Chéiroptères c’est le système cutané qui se modifie, afin de présenter une surface permettant à l'animal de prendre un point d'appui sur l’air am- biant. Ces membranes sont formées par deux feuillets dermiques très-minces et très-étroitement juxtaposés; — les os des mem- (4) Schôbl, Die Flughaut der Fledermäuse Namentlich, etc. (Arch. f. Mékrosc. Anat., 48714, p. 4, pl. I-V). (2) Cuvier et Laurillard, Anat. du Pteropus et de La Céphalote de Péron. (3) Gratiolet,Sur les réseaux admirables de la main desChauves-Souris (Institut),1853, (4) Blanchard, Organisation du Règne animal. (9) Jones, Philosoph. Trans., 1852. (6) Leydig, in Reich. una du Boïs-Reym., Arch. f. Anat., 1859, loc. cit. (7) Külliker, Elém. d'histol., édit. FAN Cp A7 Le 120 JOBERT. bres, très-légers, leur servent de support; aux os du métacarpe, très-allongés, fontsuite des phalanges très-longues et très-grêles, qui, ainsi modifiées, «soutiennent et tendent la membrane, comme les baguettes d’un parapluie maintiennent le taffetas qui les couvre » (1). Mais les téguments ainsi modifiés ne s'étendent pas seulement entre les doigts : une large membrane réunit les parties latérales, du corps avec le petit doigt et le membre infé- rieur ; un voile membraneux s'étend également d’un des mem- bres pelviens à l’autre, enveloppant ainsi la queue dans son épaisseur ; à l'entrée des narines, du conduit auditif, se trouvent également, suivant les genres, des feuillets membraneux destinés à augmenter les surfaces. Maintenant il me reste à entrer plus intimement dans l'étude de la structure de ces membranes. Comme je le disais plus haut, ce tissu n’est composé que des deux feuillets dermiques très-amincis et très-étroitement unis ; cependant le long des flancs les deux feuillets sont séparés par du tissu conjonctif très-lâche, contenant des aréoles remplies de graisse. On y retrouve absolument la structure du derme des autres parties du corps. La graisse s’observe également dans les autres parties plus éloignées, mais elle se concentre en cer- tains points visibles à l'œil nu, qui forment de petits mamelons blanchâtres. Cette disposition est surtout très-apparente chez le petit Rhinolophe. Chez le Molossus plicatus, dans le segment alaire le plus voisin du corps, la couche de graisse qui occupe le tiers interne est épaisse de près de 3 millimètres. Chez cet ani- mal, entre les deux feuillets de la membrane interfémorale, qui est, comme on le sait, très-peu développée, 1l existe une couche de graisse épaisse de 4 à 5 millimètres d'épaisseur. Chez le Taphien, la graisse existe également entre ces feuillets, mais en couche très-mince, et s'étend dans toute la membrane inter- fémorale; dans les segments interdigitaux elle diminue de plus en plus, et même on ne l'y rencontre plus. Les feuillets dermiques ainsi amincis sont très-extensibles ; leur trame est composée de longues fibres lamineuses entrecroisées (4) Quatrefages, Dictionnaire d'histoire naturelle, art. CHÉIROPTERE. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 1921 et très-serrées ; il est facile de les isoler. Mais l'élément qui donne à l’aile sa solidité est certainement le tissu élastique. Chez les Sérotines, Schôbl a décrit très-minutieusement le trajet des faisceaux appartenant aux différents systèmes. Leydig, Kôlliker, avaient déjà signalé leur présence. Chez les différents Chéiro- ptères de notre pays, on retrouve des dispositions analogues. Chez les Murins, les faisceaux paraissent plus nombreux. Chez les Pipistrelles, ilssont moins nombreux, plus faciles à compter. Chez le Molossus plicatus, les faisceaux sont extrêmement nombreux, entrelacés, formant, surtout dans la partie du premier segment de l'aile voisine du petit doigt, un réseau à grandes mailles (voy. fig. 76). Comme l'ont indiqué les auteurs que j'ai cités, ces divers faisceaux élastiques, dont la direction générale est parallèle au bord libre de l'aile, ont pour but de rapprocher les doigts les uns des autres, et ceux-ci du corps de l'animal. Il est utile d'étudier leur structure avec de forts grossissements, et c’est ce qu'ont omis de faire les divers auteurs. Ils sont formés par la réunion de fibres extrêmement fines, parallèles, non sinueuses, qui sont situées dans la trame de l’aile et que l’on voit venir s’ac- coler les unes aux autres pour former les faisceaux ; sinueuses dans la trame, comme le sont ordinairement les fibres de ce genre, elles perdent cet aspect avant de venir constituer les fais- ceaux. Chez uu petit Rhinolophe, j'ai rencontré une disposition fort curieuse du faisceau bordant l'aile : en certains points, les fibres élastiques formaient, en s’enroulant en hélice, des anneaux au milieu desquels passaient les vaisseaux et les nerfs; puis, après avoir formé cette sorte de gaîne supplémentaire, elles se per- daient de nouveau dans la membrane alaire. J'ai également représenté cette disposition (voy. fig. 78). Muscles. Dans l'épaisseur des lames dermiques se trouvent des mus- cles de la vie de relation plus ou moins développés, suivant les 122 | JORERT. genres et les espèces que l’on examine, et qui ont pour but de maintenir la membrane alaire fortement tendue pendant le vol. On peut les diviser en deux catégories très-distinctes : les uns prennent sur divers points du corps une insertion ; les autres, au contraire, sont intrinsèques de l'aile, ils prennent dans son tissu leurs deux insertions. — Schôbl a décrit très-minutieu- sement chez les Sérotines, et considère souvent comme des muscles séparés, des faisceaux qui sont distincts chez nos Chéiroptères, mais qui dans certains genres, comme les Molosses, sont réunis, et constituent des muscles uniques appartenant au système des muscles peaussiers. Cuvier s'est occupé de la morphologie de ces muscles, je renverrai à son travail. C'est donc au système des muscles peaussiers antérieurs et postérieurs, très-développés chez les Mammifères, qu'il faut ratta- cher les muscles de la membrane de l’aile. Chez la Taupe, Cuvier signale l'existence d'un peaussier cen- tral à deux tendons rejoignant la portion oblique du grand pec- toral, l’autre sa portion transverse. Un muscle tenseur de l’aile est décrit, chez la Sérotine par Schôbl; Cuvier l’a décrit avec détail chez la Roussette et la Cé- phalote. Chez la Sérotine, c'est en effet un digastrique, dans les Murimes également ; la partie charnue qui correspond au muscle redresseur du pouce est très-courte; dans le Molossus plicatus, elle est nulle, les deux muscles n’en font qu'un. Chezles Pipis- trelles et le Taphien, les deux chefs sont réunis par une bande de tissu élastique qui, dans ce dernier, a un centimètre de lar- geur. Deux muscles relativement très-développés existent à la partie supérieure du premier segment alaire. Schôbl les décrit en eriti- quant la description donnée par Kolenati. De ces deux muscles, l’un est déja connu et signalé par MM. Siebold et Stannius (4); il s'imsère à la partie postérieure de lhumérus, dans son tiers supérieur, sur une surface aplatie, (1) Siebold et Stannius, Manuel d'anatomie comparée, t. U, p. 416. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 495 longe l'os du bras en le contournant, et descend dans le pre- mier segment alaire en se dirigeant vers l'extrémité du petit doigt. L'autre, situé en dessous, est figuré par M. Blanchard (1) dans son anatomie du Murin, s’insère à la clavicule par un long tendon nacré. L'auteur allemand nous apprend que ces muscles viennent de l'épaule; ce qui est, on le voit, très- vague et même inexact, surtout dans le premier cas. Ce muscle, au niveau du üers inférieur du bras, plonge perpen- diculairement versle bord libre de l'aile. On le retrouve, ainsi que le précédent, chez tous les Chéiroptères que j'ai étudiés. En des- sous, émergeant du flanc de l'animal, s’observent, dit M. SchGbl, quatre ou cinq muscles qui vont se perdre sur des tendons élas- tiques dans la membrane de l’aile. Ces tendons se bifurquent. Chez les Sérotines, je n'ai jamais vu moins de sept ou huit de ces faisceaux ; ils sont moins développés chez les Murins et les Chéiroptères de nos pays. «ils émergent du flanc de l’animal », dit Schôbl. Mais à quel système appartien- neut-ils. Je les ai suivis : ce sont des faisceaux du peaussier an- térieur, faciles à disséquer chez les Sérotines surtout, et venant se perdre à la partie antérieure du thorax et de l'abdomen. Distincts et séparés chez les Chéiroptères de notre pays, ils for- ment chez le Molossus plicatus un muscle large, aplati, à fais- ceaux innombrables, descendant dans l'aile, et se-perdent sur les tendons élastiques. Au-dessous de ce muscle large s’en trouve un autre dont les faisceaux, également isolés chez les Sérotines, iraient, suivant Schôbl, « de la cuisse au bras ». Cette appréciation est loin d’être exacte. Les faisceaux muscu- laires, isolés chez nos Chéiroptères, forment chez les Molosses un musele épais, large de près de 3 centimètres, qui s’insère en haut au bras. En bas, ce muscle passe en arrière de la cuisse et vient se perdre dans le tégument de la région lombo-sacrée : c'est un (1) Blanchard, Organisation du Règne animal, Mammif. (Anatom. du Vespert. Murinus). 12h JOBERT. muscle peaussier dorsal. Un muscle également fort remarquable est celui dont Cuvier (Myologie de la Rousstte noire) et M. Blan- chard avaient déjà indiqué l’origine sans explication ; il s’insère à la portion inférieure du tibia, et s’élargit en éventail dans le premier segment alaire. Ces divers faisceaux iraient, suivant Schôbl, quiles indique ainsi dans la planche (1) de son mémoire, s'insérer à la paume de la main et au petit doigt. Or, cette asser- tion n’est pas exacte, même pour les Sérotines; jamais les fais- ceaux n'arrivent au delà de la réunion des deux tiers postérieurs delavant-bras avec le tiers extérieur. Les faisceaux indiqués par Schôbl, excessivement gréles et faciles à observer, n’appartiennent pas à ce muscle. Chez les Pipistrelles, il ne donne naissance qu’à quatre ou cinq faisceaux secondaires. Chez le Taphien, il s’insère en bas dans presque toute l’étendue de la jambe, depuis le tarse jusqu’au genou ; ses faisceaux sont courts, à peine distincts les uns des autres. Chez le Molossus plicatus, il s'insère à la partie inférieure de la jambe par un tendon court et très-fort, et ses faisceaux vont en éventail, se dirigeant vers le membre supérieur. Un muscle large à faisceaux parallèles, tous distincts, se trouve dans la membrane de l’aile dirigé perpendiculairement au bord libre. Schôübl compte trois gros faisceaux chez les Sérotines, mais il en existe davantage le plus souvent. Chez les Pipistrelles, il existe de douze à seize faisceaux ; ils sont fusiformes, terminés à chaque extrémité par un tendon élastique. Chez les Chauves- Souris exotiques que j'ai pu étudier, ce muscle était très-déve- loppé. Chez le Taphien surtout, ses faisceaux étaient au nombre de plus de soixante. Chez le Molossus plicatus, ils étaient très-nom- breux. Règle générale, à mesure que ces faiseaux approchent du petit doigt, ils vont diminuant de longueur. Chez le Pteropus, ces muscles sont extrêmement développés et dirigés parallèlement à la direction du petit doigt. Sur un petit Pieropus desséché, j'en compte jusqu'à quatorze très-forts. Ces muscles sont représentés très-fidèlement, mais sans descrip- (4) Schôbl, Arch. anat. mür. pl, I. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 195 tion d'aucune sorte, dans le dessin de Cuvier et Laurillard, et ceux du grand ouvrage sur l'Égypte, chez la Roussette égyptienne décrite par Geoffroy Saint-Hilaire. Chez le Taphien et le Molosse, j'ai également constaté l’exis- tence d’un musele dont les faisceaux rayonnants, qui partent du coude et de l’avant-bras, dans son tiers postérieur, se dirigent vers le petit doigt, croisent ainsi obliquement le muscle que je viens de décrire plus haut. Le nombre de ces faisceaux dé- passe trente. J'ai représenté dans une des planches annexées à ce travail la disposition qui existe chez les Pipistrelles. Un musele perpendicu- lairement dirigé au bord hbre de l'aile vient par un tendon unique s'insérer sur un des faisceaux élastiques ; les fibres de son tendon s’entrecroisent d'une manière inextricable avec celles du fais- ceau élastique et vont les renforcer; mais dans son trajet le muscle a dû croiser perpendiculairement d’autres faisceaux élas- tiques, et ceux-ci ont donné au perimysium des muscles des fibres qui viennent le renforcer (voy. fig. 79). Comme l’a fait remarquer Schôbl avec juste raison, chez les Sérotines le bord libre du premier segment alaire est renforcé d'une bande musculaire large qui va du pied à la troisième pha- Jlange du petit doigt. Cette disposition est constante chez tous les Chéiroptères que j'ai eu l’occasion d'examiner. L'absence des muscles dans les segments interdigilaux paraît exister égale- ment chez tous les Chéiroptères. Le rôle des muscles que je viens d'étudier n’est pas douteux : la contraction simultanée de tous ces organes a pour but de maintenir la membrane alaire très-tendue ; plus loin je dirai dans quel but. Il serait intéressant de poursuivre cette étude, et d'étudier avec soin les muscles du membre supérieur et ceux des doigts, mais ce travail sort du cadre de mes recherches. Muscles de la membrane interfémorale. — Chez la Sérotine, Schôbl à décrit des faisceaux transversaux appartenant à un même muscle qui s'étend du membre inférieur à la queue. Les faisceaux, dont la direction générale est oblique de haut en bas 126 JOBERT. et d'avant en arrière, ont pour but, par leur contraction simul- tanée, de relever l'extrémité de la queue, et de transformer ainsi la membrane interfémorale en une véritable poche, sur l'usage de laquelle Je reviendrai plus loin. Chez les Chauves-Souris murines, les faisceaux sont considé- rables, ils ont un millimètre de diamètre; vers leurs insertions, ils se séparent en faisceaux secondaires. Chez le Molosse, où la membrane interfémorale est très-courte, je n’ai trouvé qu'un long muscle semblable à celui que Cuvier a figuré chez la Céphalote, mais sans indiquer sa véritable nature. Chez le Taphozous melanopogon, la membrane interfémorale acquiert un ires-grand développement, et les faisceaux muscu- laires sont si nombreux, si rapprochés, qu'il est impossible de les compter d’une manière exacte. Mais on peut voir, qu'il existe deux plans de muscles superposés : les uns sont dirigés horizon- talement et vont du membre inférieur à la queue; les autres ont une direction tout à fait oblique de haut en bas et croisent ceux- ci à angle aigu; ils sont releveurs de la queue, et agissent très- activement pour transformer la membrane fémorale en une véritable poche. Membranes nasales. — Au point de vue de la disposition des faisceaux élastiques et des muscles, les feuillets nasaux n'offrent rien d’intéressant. Ce dernier élément manque même compléte- ment, la trame est constituée comme celle de l'aile; entre les deux feuillets dernriques de la membrane du Fer-de-lance se trouve interposée une masse nofable de graisse. Membrane auriculaire. — Un muscle dont les faisceaux vont s’épanouissant en éventail monte dans l'oreille externe; en outre on remarque sur cette membrane des stries transversales qui sont constituées par des faisceaux striés placés à côté les uns des autres. Ces muscles permettent à l'oreille d'exécuter les mouvements si nombreux que l'on observe quand lPamimal est poursuivi: l'oreille se recourbe alors, sa pointe se dirige en avant et en bas, les bords extérieurs se rapprochent; l'oreille externe ARTICLE N° de ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER, 127 est ainsi transformée en conque et les moindres vibrations de l'air sont perçues. Vaisseaux. — Un très-riche réseau vasculaire existe dans les membranes ; je ne décrirai pas 1ci les diverses dispositions obser- vées, Je rappellerai seulement que l'on doit à Jones (4) un très-beau travail sur ce sujet : lanatomiste anglais a décrit les veines pulsa- tiles de l'aile. On doit à Gratiolet un travail intéressant sur les ré- seaux admirables dela région palmaire des Chauves-Souris (2). Pois et glandes. — Plus haut j'ai dit que la graisse interpo- sée aux feuillets dermiques qui, accolés, forment l'aile, semblait s'accumuler en certains points visibles à l’œil nu, et former de petits mamelons de couleur blanchâtre; en ces points se trouvent non-seulement des amas de cellules adipeuses, mais encore des poils et des glandes dont je dois m'occuper. Ces points blanchâtres chez quelques Chéiroptères ne sont pas disposés sans ordre. La plupart du temps ils se trouvent placés aux points d’intersection des nerfs, des vaisseaux et des muscles et des faisceaux élastiques. Chez le petit Rhinolophe, dans le premier segment alaire, ils sont disposés très-régulièrement; ce qui donne à cette partie du tégument, principalement celle qui est la plus près des flancs, un aspect quadrillé particulier trés-élégant. — En ces points, l'examen microscopique fait reconnaître la présence de glandes sébacées volumineuses et de poils. Les poils ont échappé pendant longtemps à l'attention des analomistes. Cuvier ne les a pas aperçus ; Leydig les a décrits chez les Murins (3), ainsi que les glandes sébacées et les grosses glandes sudoripares. Je ferai remarquer en passant que, suivant les espèces, les poils du corps affectent des formes différentes (1) Jones, Philos. Trans., 1852 : Discovery that the veins of the Bats wing which is furnished with valves are endowed with rhythmical contractility. (2) Gratiolet, Institut, 1853, n° 1042, p. 433 : Sur les réseaux admirables de la région palmaire de l'aile des Chauves-Souris. (3) Leydig, Arch. f. Anat:, 1859, loc, cit, 128 JOBERT. qu’il est utile de connaître; ces modifications de l’aspect se re- trouvent dans les petits poils des ailes. Ces organes se retrouvent dans la membrane interfémorale, dans les feuillets nasaux des Rhinolophes, dans l’intérieur du pavillon de l'oreille, et par groupes chez les Murins et les Oreillards (voy. pl. V, fig. 80). De plus, sur les parties latérales des lèvres etsur les bords, on observe les vibrisses des grands Mammifères. Chez les Sérotines et les Murins, sous le menton, se trouvent sur la ligne médiane un groupe de vibrisses, ainsi qu'à l'entrée de la conque de l'oreille. Je renverrai, pour la description des poils chez les Chéiroptères, au travail de J. Queckett (1) et à l'Organisation du Règne animal de M. Blanchard (2). Ces poils, suivant les espèces, sont isolés ou groupés. Chez É Sérotines, les Murins, ils sont le plus souvent isolés, surtout dans les trois segments externes de l'aile; chez le petit Rhinolophe, au contraire, ils sont réunis par groupes, etil est rare d’en trouver de solitaires. Le long des bords libres de l’aile et de la membrane interfémorale on les voit disposés par rangées bien régulières, ils dépassent le bord libre; il en est de même à l'oreille externe. Suivant Schôbl, les membranes d’enveloppe des follicules ne seraient pas très-distinctes, et le follicule pileux serait situé dans un stroma onduleux du tissu cellulaire de l’aile sans déli- mitation bien marquée; il n'est cependant pas difficile de con- stater nettement l'existence de la membrane fibreuse d’enveloppe à la présence de longs noyaux et à son aspect brillant spécial. La membrane vitrée est surtout apparente, comme le dit Schobl, et sous la couche de Malpighi elle forme un anneau à bords accu- sés, sur lequel on voit des stries longitudinales qui, du reste, existent dans d’autres poils, stries qui, suivant Külliker (3), sont en relief sur la face interne de la membrane. Cette membrane vitrée, comme dans tous les poils, descend jusqu’au pédicule de la papille des poils, papille qui est toujours visible, mais plus ou (4) John Queckett, Observ. on the struct, of Bats hair (Trans. Microsc. Societ., 1844, p. 58, 62). (2) E. Blanchard, Organis. du Règne anim., Mammifères (Anat. du Vespert. Murinus). (3) Klliker, Élém. d'histol., édit. franç., p. 174. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 129 moins développée et dont Schôbl ne fait pas mention; la plupart des follicules pileux présentent environ au point où finit le poil dans l’intérieur du follicule, un étranglement au-dessous duquel le follicule s'élargit de nouveau en un renflement terminé en pointe mousse, et dont la forme, suivant Schôbl. serait celle d'une pomme de pin. Ce renflement, très-fréquent il est vrai, n'existe pas à l'extrémité de tous les follicules, beaucoup de poils en sont privés. Sous la membrane vitrée se voient les gaines du poil, l’ex- terne avec les cellules analogues à celle de la couche de Malpi- gh1 et qui descendent jusque dans les papilles ; la gaine interne du poil est très-apparente et a presque l'aspect amorphe. — La tige du poil occupe le centre du follicule, la papille n’est pas développée dans tous ces organes d'une manière uniforme; dans les uns elle est très-haute et monte presque jusqu’au point ou finit la tige du poil, quelquefois elle est au contraire réduite à un petit renflement à peine pédiculé, mais toujours elle est reconnaissable aux grands noyaux dont ses parois sont pourvues. J'insiste sur ce point qui tout à l'heure va me servir à combattre l'opinion de Schôbl, qui attribue à ce renflement terminal du poil une structure étrange ; les poils sont tous munis d'appareils sébacés, bilobés ou trilobés et assez volumineux; ils sont très-fa- ciles à apercevoir. J'ai dit que les poils qui existent dans toutes les espèces de Chauves-Souris qu'il m'a été donné d'étudier étaient groupés ou isolés, chez les Chauves-Souris de nos pays, ils suivent la direction des faisceaux élastiques, comme Leydig l’a fait remar- quer (1); chez le Molossus plicatus, ils sont au contraire disposés longitudinalement en groupes et parallèlement à la direction des doigts, les trainées blanchâtres que l’on voit à l'œil nu dans la trame de l’aile ne sont autre que les poils et leurs glandes séba- cées ainsi disposés à côté les uns des autres. Glandes sudoripares. — Leydig a décrit sous ce nom de gros (4) Leydig, Arch; Reich., etc., 1859, loc. cit, SC. NAT., JUIN 1872. — ART. N° 5, 19 150 JOBERT. organes que j ai représentés figure 84. Ilsont la forme d’amphores à long col sinueux et viendraient s'ouvrir à l'extérieur au point même d'émergence du poil. Ce fait n’est pas exact, les deux ouvertures, comme on peut s'en assurer, sont très-rapprochées mais non confondues (voy. fig. 82). On peut s’en assurer sur l’épiderme détaché et étalé; on voit l’orifice de sortie du poil et celui de la glande, séparés par une cloison de cellules de l’épiderme. Chez les Sérotines comme la constaté Schôbl, 1l n'existe qu’une glande le plus souvent; chez le Murin, deux le plus souvent ; on les retrouve aux oreilles. Ces organes sont-ils bien destinés à sécréter la sueur, je n’oserais l’'affirmer, mais il est un fait intéressant, c’est qu’ils manquent absolument chez le petit Rhinolophe, chez la Pipistrelle, chez le Molosse et le Taphien. Chez un tout jeune Pteropus, je n’en ai pas trouvé trace, pas plus que chez le Dinops Cesloni. Nerfs. -— Suivant Schobl les nerfs seraient disposés sur cinq couches différentes. Je ne crois pas qu’il soit bien utile d'adopter cette manière de voir, qui est absolument théorique. Ce qui est exact, cest que l’on voit profondément ramper dans le derme et accompagnant les artérioles et les veinules des faisceaux de tubes nerveux à moelle; ces faisceaux se divisent en même temps que se divisent eux-mêmes des vaisseaux, de sorte qu'à des réseaux sanguins profonds correspondent des ré- seaux nerveux. C'est de ces faisceaux que se détachent un cer- tain nombre de tubes que l’on voit se diriger vers la partie supé- rieure des poils où je les suivrai tout à l'heure. Les autres tubes continuent à accompagner les vaisseaux, et à côté des capillaires les plus superficiels on voit ramper des fibres pâles offrant sur leur trajet des renflements; de ces fibres pales, quelques- unes montent vers la partie la plus superficielle du derme en donnant naissance à des renflements sur leur trajet; ces petits amas de substance nerveuse sont ou triangulaires ou étoi- lés. Schôbl les compare comme forme à des ostéoplastes; de leurs pôles partent des filaments qui se subdivisent encore et qui viennent se placer immédiatement sous ja couche de Malpighi. ARTICLE N° à ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 131 Quand on a enlevé l’épiderme, on voit l'extrémité de ces fibrilles apparaître sous la forme de points brillants. Sur une préparation obtenue par le chlorure d’or et sur laquelle l’épiderme était con- servé, je vois la fibrille se terminer par une série de petits points colorés en noir et rampant entre les cellules épidermiques pro- fondes. Le résultat de mes recherches coïncide sur ce point presque entièrement avec ceux de Schôbl. Cependant J'ai observé souvent des renflements cellulaires dans la couche où lui n’en décrit pas. J'ai représenté figures 83 et 88 les dispositions que m out présentées les ailes du petit Rhinolophe et du Murin. L'épiderme de l’aile a été fort bien représenté par M. Blan- chard (1) qui a donné de tres-belles figures des cellules dont il est formé. Je renverrai le lecteur à son travail ; il me reste mainte- nant, et c'est le point important, à voir ce que deviennent ces tubes nerveux à moelle que j'ai montrés plus haut se dirigeant vers le poil. Suivant Schôbl, qui considère ce résultat comme le point ca- pital de son mémoire, ces nerfs à moelle qu’il fait provenir de la deuxième couche, après avoir décrit deux ou trois tours de spire, traverseraient la membrane du poil, pénétreraient dans l’an- neau formé par la partie supérieure de la membrane vitrée ; puis, après s'être divisés comme il l'indique dans son dessin, ils descendraient dans le follicule placé entre la membrane vitrée et la gaîne externe épithéliale. Ils franchiraient l’étranglement inférieur du follicule, et, arri- vés dans le renflement terminal qu’il compare à une pomme de pin, leurs tubes dissociés formeraient un écheveau inextricable, sorte de nœud gordien dont il omet du reste de nous donner la terminaison réelle. Je mets sous les yeux du lecteur, traduites mot à mot, les lignes écrites par l’auteur allemand. Après avoir déclaré que longtemps 1l était resté dans l'obscurité au sujet de la structure de ces corps, qui lui apparaissaient tantôt comme renfermant des éléments cellulaires ou rhomboïdaux, etc., etc, (4) Blanchard, Urgantsution dt règne animal, Maum. cHiropt,, pl 64 132 JOBERT. Enfin dit-il, « je réussis à obtenir une préparation qui me laissa voir dans le tiers de son étendue des entrelacements clairs. des corpuscules spécialement favorables m'apparaissaient tout à fait remplis d’entrelacements, comme des pelotons enveloppés artificiellement. Comme un éclair, je sentis descendre en moi le soupçon que j'avais à faire avec la terminaison des nerfs sensi - tifs, etc., etc... Et plus loin... «enfin je trouvai un corps ter- minal très-favorable pour l'observation. La membrane vitrée étant déchirée, je pus voir les entrelacements avec une clarté d'autant plus grande, car la membrane hyaline me laissa voir les empreintes qu'ils avaient laissées sur elle, etc., etc. » Voyons si cette opinion est soutenable. Tout d'abord une observation sérieuse montre que les tours de spire décrits n'existent pasen réalité ; arrivés à l'extrémité du bulbe, les tubes nerveux se dissocient et viennent, de plusieurs côtés, se mettre en connexion avec le follicule, dans la partie située au-dessous des glandes sébacées, comme je l'ai représenté figure 89 ; là, ces poils perdent leur myéline, pénètrent jusqu’à la membrane vitrée en rampant autour du follicule, formant ainsi par leur réu- niou une sorte de collier nerveux ; en ce point même la mem- brane vitrée s’étrangle et le follicule prend un aspect spécial : on y reconnait de grands noyaux transversaux. Je n’ai pu suivre les nerfs au delà de la membrane vitrée, et autour de laquelle ils sont à l’état de fibre pâle. Jamais tubes à moelle n'existent entre la membrane vitrée et la gaîne externe. Dans une séance de janvier 1872 de la Société de microscopie de Londres, sir Lyonnel Beale mettait Schôbl au défi de mon- irer les faisceaux de fibres pâles parallèles, tels qu'il les avaient figurés accompagnant les vaisseaux. Je suivrai l'exemple du savant micrographe anglais et je dirai que jamais Schôbl ne pourra produire la préparation des poils telle qu'il l’a dessinée dans son mémoire; en effet, la pomme de pin de l’anatomiste d'outre-Rhin est composée de deux sortes d'éléments très- simples : la papille etles cellules de la couche de Malpighi, sou- vent pigmentées. Il n'existe pas en ce point trace de tubes ner- veux à moelle, une simple opération suffit pour le prouver. ARTICLE N° 9, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 155 Que l’on emploie, suivant le procédé de Schôbl, l'acide pyro- ligneux pour détacher l’épiderme, il arrive presque toujours qu'on entraîne en mème temps avec lui les poils, ceux-ci restant entourés de leurs gaines épithéliales ; or cette gaîne épi- théliale est souvent assez résistante pour ne pas se briser au niveau de l’étranglement du follicule, et l’on a alors sous les veux (voy. fig. 82) le poil, et à sa base on voit le renflement en pomme de pin de Schôbl, mais ce renflement en pomme de pin est lui-même creusé en doigt de gant à sa base, pour recevoir la papille du poilqui est alors isolée et debout au fond du follicule et le plus souvent assez développée. Les cellules de Malpighi de la pomme de pin sont de forme allongée, disposées à côté les unes des autres, c’est ce qui a pu faire croire à Schôbl qu'il existait un enroulement de tubes nerveux. On les obtient isolées par dilacération. J'ai en vain cherché dans son mémoire le mot papille, 1} n’est pas plus écrit que l'organe n’est figuré dans le dessin; lopinion d’un enroulement de tubes nerveux en ce point n’est point soutenable, basée qu'elle est sur une erreur d'observation et l'oubli de la structure du poil. Tels étaient les arguments que, dans le journal de l’Institut (février 1872), je présentais pour combattre les opinions de Schôbl, qui avait retrouvé dans l'oreille de la Souris une dis- position identique avec celle qu’il avait observée dans l'oreille de la Sérotine (4). Chez le Rat, où je l'ai recherchée et où je l’ai trouvée, j'ai constaté plus manifeste encore l'existence d’une papille considérable dans les poils qui, comme le fait observer avec juste raison Stieda, ne possèdent pas tous ce prolongement en forme de pomme de pin. Cependant tous sont en connexion avec des nerfs nombreux. Que devient alors le corps tactile spécial ? Chez le Rat comme chez la Chauve-Sou- ris, J'ai constaté que les nerfs venaient se mettre en contact avec le follicule pileux. J'ai suivi les tubes nerveux et je les ai vus toujours perdre la moelle, et se continuer par une fibre pâle, laquelle offre sur son trajet un renflement avec un noyau bulleux, d’où partait un filament qui semblait se continuer avec une des (4) Schôbl, Archiv of Microscop. Anat., 1870, 15 JOBERT. stries de la membrane vitrée ; ce n’était probablement qu’une apparence, mais jamais nous n'avons pu poursuivre plus loin son trajet. Je continuaisactivement mes recherches, quand, ayant eu l’oc- casion de faire quelques investigations sur le boutoir de la Taupe elles lèvres de différents Mammifères, je rencontrai des poils dont l'observation était beaucoup plus facile que chez les Chéiro- ptères, et qui offraient des dispositions absolument identiques avec celles que j'avais constatées dans l'oreille du Rat et l'aile de Ja Chauve-Souris. Outre les gros poils à sinus sanguins, desquels j'ai parlé plus haut, il existe dans les lèvres de presque tous les Mammifères (je les ai rencontrés chez les Singes, Sajou, Macaque, Kanguroo, Lapin, Cobaye, Chien, Chat, Taupe, grouim et lèvre, Rat, Souris) des poils roides, peu volumineux, qui à l'œil nu ne se distinguent pas des autres. Une observation attentive montre sou- vent que, de deux directions opposées, des tubes nerveux à moelle se dirigent vers eux et viennent se mettre en Connexion avec leur follicule, dans cette partie qui est immédiatement située au- dessous du conduit des glandes sébacées et dans une étendue va- riable, mais qui ne dépasse guère 0,02 de millimètre. En ce point, ce follicule a subi dans sa structure une modification : il est renflé et d'aspect hyalin, et l’on observe de longs noyaux fusi- formes très-serrés les uns contre les autres ; une sorte d’anneau fibreux existe donc en ce point. C'est là qu'arrivent les nerfs, leurs tubes se dissociant passent autour du follicule, l'entourent en partie, y pénètrent, perdent leur myéline et se dirigent vers la membrane vitrée en offrantsur leur trajet des renflements fusi- formes (voy. fig. 92, 92); arrivés à la membrane vitrée 1l a été impossible de suivre leur trace. Chez beaucoup d'animaux et probablement chez tous, je le répète, souvent les poils pos- sèdent le renflement en pomme de pin; mais souvent aussi ils ne l'ont point. Ce qui ne les empêche pas de posséder le collier nerveux, et, chez ceux-là surtout, la papille est très-développée. Stieda (1), qui a cherché à vérifier les assertions de Schôbl, et (1) Stieda, Arch. f. Micros. Anat. Janvier 1872. ARTICLE N° 9. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 99 qui n'a pas vu l’écheveau nerveux terminal, ne voit dans la pomme de pin qu'unorgane d'attente, sorte de germe d'un nou- veau poil destiné à remplacer celui que la mue fera disparaître et qui ne se trouve plus à la base des poils dont la croissance est terminée. Un autre auteur allemand, Nathusius (4), a figuré et décrit le même organe, et le considère comme de même nature. L. Stieda (2) n'aborde pas dans sa critique les questions de terminaison des nerfs et, tout en déclarant qu'iln'a pas vu l’éche- veau, dit cependant que l’on voit des nerfs se diriger vers la pomme de pin; ces paroles auraient besoin d’être suivies d’expli- cations. J'ai vu plusieurs fois chez les Chéiroptères une ou deux fibres pâles à renflements se diriger vers la base des folli- cules et y pénétrer, mais jamais de tubes à moelle ne se dirigent vers les papilles en suivant le trajet fantastique indiqué et figuré par Schôbl ; pour toutes les raisons que j’ai données plus haut, je ne crois pas qu’il y ait lieu de partager l'enthousiasme dont cet auteur est transporté au sujet de sa propre découverte, et pour employer son langage hyperbolique, l'éclair qui l’a illuminé sou- dain, au lieu de lui montrer des enroulements de tubes, en forme de nœud gordien, là ou jamais tubes nerveux n’ont pénétré, eût dû lui faire apercevoir et la papille, et les cellules qui la revêtent; de cette facon M. Schôbl n’eût pas commis, avec l’aide des puissants objectifs de M. Hartnack, une erreur d'obser- vation et de doctrine autrement grave que celle qu'il reproche à Cuvier, lequel observait avec ses yeux, et qui tout en « n'étant pas maître en microscope » comme nous l’apprend finement M. Schôbl, n’en a pas moins le premier trouvé la véritable rai- son de l’extrème sensibilité de l'aile des Chéiroptères (3). En terminant je rappellerai qu'il n'existe jamais dans ces petits poils de sinus sanguins analogues à celui des vibrisses, et que dans les lèvres supérieures et inférieures de presque tous les (4) Nathusius, Arch. Rei, et Dub-Ray. 1869. (2) Stieda, Arch. f. Microc. Anat. 1872. (3) Arch. Mie. Anat.— A la fin du mois d’avril 1872, M. Schôbl a publié un nouveau mémoire sur l’oreille du Hérisson considérée comme organe tactile. Il décrit le collier ner- veux, mais cette fois il n’est plus question de la pomme de pin et de son écheveau nerveux, 136 JOBERT . Mammifères, on retrouve les mêmes dispositions que celles que présente l’aile de la Chauve-Souris, Je n'ai trouvé nulle part de description de ces poils sans sinus, c'est pourquoi j'ai insisté sur cette particularité de structure. Physiologie. — Ces particularités anatomiques étant connues, il reste à exposer le résultat d’un certain nombre d'expériences ayant pour but de contrôler celles de Spallanzani et de Jurine. Le Chéiroptère, aveuglé de prime abord, ne retrouvait pas, comme le disent les auteurs, les issues et n’évitait pas les obstacles; il volait avec beaucoup de précaution au voisinage des mu- railles, et bien certainement percevait la sensation d’un obstacle voisin, car son vol devenait plus prudent, plus hésitant, puis il se cramponnait au mur et y restait attaché quelques instants : on eût dit qu'il faisait une sorte d’excursion préparatoire. Le surlendemain il volait d'une pièce dans l’autre, et cette fois évitait avec une sûreté merveilleuse les divers objets appendus au plancher. La section des muscles intrinsèques de l’aile à été faite et ne m'a donné aucun résultat appréciable ; j'expérimen- tais sur des Pipistrelles non aveuglées, et montre en main jeles ai vues voler aussi longtemps après la section des muscles qu'avant; elles s’accrochaient au mur après avoir volé durant quatre à cinq minutes. J'ai tenté d'opérer la section des nerfs dès leur entrée dans les membranes de l'aile. Cette opération est d’une difficulté très- grande à cause de la ténuité extrême des filets nerveux, un cer- tain nombre doivent pour cette raison échapper au scalpel. Malgré cela j'ai constaté après deux expériences une irrégula- rité manifeste du vol ; l'opération avait été peu sanglante, mais après deux tentatives, je le répète, le vol m'a paru très-nette- ment irrégulier et indécis, les Chéiroptères (Murins), refusèrent obstinément de s'envoler. Je pus durant plusieurs jours les nourrir, mais jamais ils ne tentèrent des’élever au-dessus du sol, et, jetés en l'air, ilsse laissaient lourdement retomber. Cependant ils acceptaient avec un certain plaisir les aliments, et à part le refus de s'envoler ils ne paraissaient pas le moins du monde ARTIGLE N° 59. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 137 éprouver de désordres fonctionnels. J'aurais voulu pouvoir faire une expérience qui eût été peut-être décisive et eût montré que les poils des ailes étaient le principal agent du tact, c'était de priver les membranes de leurs poils; or l'épilation est impossible. Il eût fallu tenter l'opération au moyen de quelque agent chi- mique spécial détruisant les poils et je n’en possédais pas ; il serait intéressant d'entrer dans cette voie. Cette opération étant pra- tiquée ainsi que la section desnerfs, on pourrait dès lors formuler un jugement ; du reste la connaissance anatomique des organes permet de supposer comment l'impression est transmise. Sur l'aile tendue à l’aide des muscles intrinsèques, se dressent nécessaire- ment les poils, comme il est facile du reste de le constater sur un Chéiroptère dont on étend artificiellement la membrane alaire. Chaque mouvement du poil ainsi roidi est transmis au collier nerveux qui l’enserre (1), et par conséquent l'impression est re- cueillie et transmise. , La sensibilité générale de l’aile n’est pas grande. Si l’on serre ce tissu entre des pinces, l'animal réagit peu; au contraire, il manifeste une douleur réelle, si à l’aide d’une pince fine on tire sur les petits poils et surtout si on les arrache. Il me reste à faire connaître quelques détails sur les usages de la membrane interfémorale. Je conservais en captivité une grande Sérotine d’une voracité remarquable, et afin de pouvoir l’observer plus aisément je la te- nais enfermée sous unegrande cloche de verre. Tout le jour l’ani- mal immobile semblait dormir, se contentant, aux excitations de toutes sortes, de répondre par des bâillements et quelques petits cris. Au coucher du soleil ma Sérotine sortait de sa torpeur et faisait tous ses efforts pour sortir de sa prison. C'est alors que je lui présentais ses aliments consistant en hannetons, dont elle était fort fraude ; elle se précipitait sur sa proie, et au moment où elle (1) Dans une communication faite devant la Société de Biologie (août 1871), j'avais indiqué dans le collier des éléments allongés, fusiformes, disposés transversalement, en tout semblables aux muscles lisses que l’on observe sur les vaisseaux; j'ai pu isoler ces éléments (oreille du rat), et sans être absolument affirmatif j'ai tout lieu de croire que ces éléments sont de nature contractile. Cependant des recherches nouvelles sont nécessaires, 138 JORERT. la saisissait, elle poussait ce cri court et le plus aigu qu’il soit pos- sible à une oreille humaine de percevoir. L’insecte saisi bruta- lement, le Chéiroptère s'appuyant sur ses coudes se recour- bait en avant, et grâce aux muscles que j'ai décrits, la queue s'était relevée, la pointe rapprochée de l’abdomen et la mem- brane fémorale se trouvait transformée en une véritable poche, dans laquelle le Chéiroptère retournait en tous sens la proie dont il venait de s'emparer. Quand il relevait la tête, le hanneton n'avait plus de pattes, elles venaient de lui être arrachées l’une après l’autre, sa tête était saisie entre les dents et l’Insectivore, {ouJours appuyé sur ses coudes, sans s’aider de ses membres, dé- vorait l’insecte jusqu'à l'extrémité de l’abdomen, rejetant à droite et à gauche les élytres et les ailes. Il fallait à cette Sérotine de vingt à trente hannetons pour apaiser sa faim. Durant vingt jours j'ai assisté quotidiennement à ce spectacle, et toujours j’ai vu le Chéiroptère opérer comme je viens de le dire; au bout de vingt jours de captivité il mourut, je l'avais avec intention privé de toute boisson. On comprend donc comment les Chauves-Souris peuvent dé- vorer des insectes d’un volume assez considérable sans être obligées de suspendre leur vol, la membrane interfémorale de- venant dans ce cas un organe aidant considérablement à la préhension des aliments. Il est à remarquer que chez les Chéiroptères frugivores (Pze- ropus) qui, on le sait, sont une véritable plaie dans les pays chauds pour certaines plantations fruitières, la membrane fémo- rale a disparu et la queue est réduite à un rudiment; ces ani- maux rongent le fruit sur l'arbre sans le détacher peut-être ; mais ceux qui vivent à la ménagerie du Jardin des plantes saisissent leurs aliments avec l'extrémité de leurs membres postérieurs. Chez les Chéiroptères de nos pays, et il doit en être de même pour les autres, la membrane interfémorale, quand elle existe, joue un rôle considérable dans la parturition. À la suite d’une chasse fructueuse j'avais rapporté deux Murins femelles et sur le point de mettre bas. J'ai eu la bonne fortune d'assister à l’expulsion du fœtus, les Murins se suspendirent aux ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 139 parois de la cage, non la tête en bas, mais à l’aide de leurs pattes et des ongles des pouces ; les memcres postérieurs dans les deux cas furent ceux qui apparurent les premiers à l’orifice vulvaire, et durant trois à quatre heures les animaux firent des efforts consi- dérables pour hâter la délivrance. Les douleurs devaient étre très- vives : ilstremblaient par intervalles et l’on voyait les parois de l’ab- domen se contracter comme chez les animaux supérieurs. Le petit fut reçu dans la membrane interfémorale transformée en poche ; la mère lui donna les premiers soins, 1l fut léché, nettoyé. A l’aide de ses dents, la Chauve-Souris exercait des tractions sur le cordon ombilical, afin d'extraire le placenta ; le cordon rompu, le petit se traîna jusqu'à la mamelle, la saisit entre des lèvres et se tint étroitement cramponné à l'abdomen de la mère, qu'il ne quitta plus (1). Je ne pus malheureusement les conserver vivants, je ne pus assister à l'expulsion du placenta dont je ne retrouvai nulle trace et qui dut être dévoré. Mes observations se trouvèrent for- cément interrompues par la mort de mes Murins, qui refusèrent toute nourriture et moururent bientôt. Des faits semblables à ceux que J indique ont été observés par MM. Daniell et Pouchet, le premier sur la Noctule, lesecond sur desRhinolophes ; mais cepen- dant bien moins complétement : il est probable même que les petits Chéiroptères observés par M. Pouchet étaient déjà assez âgés; j'ai aussi observé de petits Murins attachés à leur mère dans la posi- tion qu'indique M. Pouchet, maisils étaient déjà de grande taille. Mon intention est de poursuivre ces observations; les Chéiroptères sont des animaux mystérieux grâce à leur genre de vie, il serait utile de les connaître mieux et surtout, au lieu de les détruire, de les protéger. Les observations que je viens de relater prouvent combien les insectes nuisibles ont en eux un ennemi implacable, ils sont les auxiliaires précieux de l’homme des campagnes, qui, esclave de sa superstitieuse ignorance, ne voit en eux que des messagers de malheur, et les détruit d’une facon aussi stupide que cruelle. (4) Ce fait a été constaté chez des Rhinolophes par M. Pouchet. Voy. Comptes rendus de l'Académie des sciences : Notes sur les mœurs des Chauves-Souris, 1842, p. 230. 140 JORBERT, CHAPITRE II POILS TACTILES DES INVERTÉBRÉS. Les poils, comme je le disais au commencement de ce chapitre, sont des agents du tact, non-seulement chez les Vertébrés, mais encore chez les Invertébrés; on peut même dire que chez la plupart des animaux les impressions tactiles ne sont pas recueil- lies par un autre procédé. Je dirai tout de suite que ces poils n’ont avec ceux des Mammifères qu’une ressemblance apparente, et que, suivant les classes d’Invertébrés, ils varient de dimensions et de formes. Ce n’est que depuis un nombre d’années assez restreint que les travaux se sont multipliés sur ce sujet. C’est Leydig qui, le premier, a montré la connexion des nerfs avec les poils chez la larve de la Corethra plumicornis. Peu de temps après, cet ana- tomiste décrivit des dispositions semblables chez le Branchipus, le Polyphemus monoculus. Plus tard, dans deux mémoires con- sidérables, il a étendu ses observations à un grand nombre d'Insectes et de Crustacés. Citons également les travaux de Schôüdler, Meissner, Müller, Gegenbaur, de Hyks, de Lespès, de Claparède, et ceux, plus récents encore. de Landois, de Grimm et de Lyman (1). . C'est sur les animaux articulés et particulièrement sur les Insectes qu'ont porté mes investigations, et avant d'entrer en maiière je crois qu'il est utile de rappeler en quelques mots (4) Leydig, Zeit. f. w. Zool, 1851, p. 299, et Anat. comp., p. 241; Arch. f, Anat. Reich., 1859; Anat. der Insecten; Arch. f. Anat. Reich., 1860; Ueber Gehürgan der Krebse und der Insecten. — Schôdler, Arch. f. Naturg., 1856. — Meissner, Zeit. f. w. Zool., v. 4 et 7; Sur les Mermis, Alb. et Wig. — Hyks. On a Structure in the anten. of Insect. (Transact. Societ, Linn. Lond., XXII, 1857). — Lespès, Ann. des sc. nat., t. IX, 4858 ; avec l'indication des travaux antérieurs de Dufour, Müller, Siebold, Erichson, Dugès, Lacordaire. — Claparède, Ann. des sc. nat., t. X, 1858. — Landois, Das Gehürgan des Hirschkäfers (Arch. f. An. Microc., 1868, p. 88, tabl. VI). — Von O. Grimm, Mem. Academ de Petersbourg, 1869, p. 66. Zur Anat. der Fühler der Insecten. — Lyman, Anat. and Physiol. of the blown fly proceed, Soc. entom. Lond., 14869. ARTICLE N° 5, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. AA la structure du tégument externe de ces animaux. On peut y distinguer deux couches très-distinctes : l’une, externe, chitinisée et pouvant acquérir une très-grande dureté ; l’autre, profonde, molle, composée le plus souvent de cellules à grands noyaux. Leydig (1) considère cette couche comme l’analogue du chorion des Mammifères ; la couche externe, chitinisée, est tra- versée perpendiculairement à sa surface par des canaux que Leydig appelle canaux poreux, lesquels s’élargissent en ampoule à leurs deux extrémités, surtout à l'extérieur. Quelquefois ils se ramifient. Leydig considère ces canaux poreux comme jouant dans les couches de la substance homogène fondamentale un rôle ana- logue à celui des corpuscules du tissu conjonctif chez les Verté- brés. On verra plus lon ce qu’il faut penser de cette opinion, quand je décrirai les usages de ces canaux. Ajoutons que chez les Diptères j'ai vu fréquemment entre la couche de cellules molles et la couche chitineuse proprement dite une couche de grandes cellules pigmentées de jaune clair très-résistantes. Sur les cupules formées par les orifices des canaux poreux, le plus souvent sont placés des poils dans les- quels on distingue quelquefois de petits canaux, quand ils acquièrent de grandes dimensions, comme chez certaines che- nilles (2). Mais le plus souvent les parois sont homogènes, et au centre du poil se trouve une cavité qui communique par con- séquent avec celle du canal poreux au-dessus duquel elle est placée. Quelquefois les poils placés sur les cupules sont rudi- mentaires. J'ai recherché les terminaisons nerveuses dans cer- taines parties de la bouche des Insectes (Diptères, Hyménoptères et Orthopières). Ce sont les résultats de ces recherches que je Vals exposer. Lèvres des Diptères. — Les Diptères que j'ai étudiés sont la Mouche domestique, le Sarcophaga, la Theichomyze obscure, la (4) Leydig, Hist, comp., p. 120, (2) Leydig, Hist. comp. loc. cit. 142 JOBERT. Lucilia Cæsar, Musca vomitoria, le Syrphe du groseillier, l'Éry- stale et le Taon des Bœufs. Structure de la bouche. — On sait que chez les Diptères l'ap- pareil buccal se compose d’une grosse trompe coudée dont l'extrémité hbre s'élargit en un disque qui n’est autre chose que la lèvre inférieure renversée aussi en bas et en dehors. — Cette trompe, outre un certain nombre de pièces qui représentent les diverses parties de l'appareil buccal, porte deux palpes clavi- formes garnis de poils plus ou moins longs (1). Dans les Muscidés, la lèvre inférieure forme un disque à peu pres circulaire. Chez les Syrphes et les Tabaniens, elle est formée de deux lobes ovalaires séparés. Suivant les genres, les palpes sont plus ou moins développés. — La structure du disque terminal offre une disposition extrèmement élégante; de l’ou- verture du conduit digestif partent des prolongements dont l'apparence est tout à fait celle des trachées. Un examen attentif montre que ces prolongements ne sont pas des cylindres com- plets, mais bien des replis de la membrane chitinisée du disque. Entre les colonnes trachéiformes se voient, chez tous les Diptères que j'ai étudiés, de petites cupules sur lesquelles reposent des poils extrêmement courts qui, chez certaines Muscidés, ne dépassent pas en longueur 4,04 ou 5 centièmes de millimètre. Au bord postérieur du disque on voit de grands poils implantés qui dépassent le bord de cette lèvre. Ils sont longs à leur base et se voient à l'œil nu; ils reposent sur des cupules creusées dans la membrane chitinisée; on voit leurs extrémités, si l’on regarde le disque de profil, dépasser la face antérieure, si bien que quand l'insecte projette sa trompe en avant, ces longs poils sont les premiers organes qui se trouvent au contact des corps extérieurs. — Chez les Diptères, où ce disque est complet, un examen attentif montre qu'il est composé de deux parties symé- triques qui se Juxtaposent comme les deux feuillets d’un livre quand l'insecte rétracte sa trompe. (4) Voy: Milne Edwards, Leçons de physiologie, & V, p, 5144 et suiv. ARTICLE N° 0. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 143 Deux gros nerfs provenant de la partie antérieure des gan- glions cérébroïdes viennent se distribuer aux diverses parties de l'appareil, et surtout au disque terminal. Ils marchent escortés de gros troncs trachéens qui se divisent à mesure que le nerf se subdivise lui-même. Ces nerfs, chez la mouche bleue surtout, où ce fait est très- facilement observable, sont souvent recouverts par un épithélium pavimenteux à grandes cellules infiltrées de pigment jaune. Cet épithélium se retrouve sur les organes terminaux. Cet épithé- lium, pigmenté chez les grandes Mouches, rend trés-facile l'observation du trajet des gros troncs nerveux qui apparaissent en jaune bistre. Le disque terminal de la trompe est une grande cavité close qui contient, outre les nerfs que je vais décrire, des glandes mo- nocellulares agglomérées en quatre masses distinctes et qui vien- nents’ouvrir par l'orifice du tube digestif. Chez les Taons. elles sont visibles à l'œil nu et atteignent jusqu’à 1 millimètre de diamètre. Chaque cellule possède son conduit excréteur propre. Quel est le rôle de ces glandes ? Sécrètent-elles un liquide de nature sali- vaire ? Je ne saurais l’affirmer. Aussitôt arrivés dans le disque, les deux nerfs se séparent et chacun se rend dans une des moitiés du disque, où il se divise immédiatement en un grand nombre de branches. Les unes, rampant sur la face postérieure du disque, montent vers la base des longs poils ; les autres se dirigent vers les petites cupules situées entre les colonnes trachéiformes de la face antérieure et qui sont, on le sait, surmontées de poils rudimentaires, dont l'existence chez le Hanneton a été constatée par E. Claparède (1). Ün peu avant d'arriver à la base des poils, le filet nerveux se renfle et l'on se trouve en présence d’un organe piriforme irès-nettement délimité. Sa paroi est hyaline sans noyaux. Par sa partie inférieure il est en rapport avec le filet nerveux ; par sa partie supérieure, avec le fond du canal poreux qui tra- verse la couche chitineuse. Sa partie supérieure s’évase d’une (1) E. Clapatède, Ann, des se, nat., ts XL 14h JSOBERT. façon très-nette, après avoir traversé la couche molle des cellules sous-chitineuse (voy. fig. 93, 94 et suiv.). L'existence de ce renflement a été constatée par Hyks dans les antennes, par Leydig dans la lèvre de la Mouche de viande, et par Grimm dans les antennes des Coléoptères. L'intérieur contient une matière finement granuleuse au milieu de laquelle s’observent de grandes cellules à contours très-délimités conte- nant un gros noyau granuleux (voy. fig. 95). L'imbibition par le carmin de ces noyaux de cellules se fait très-rapidement, soit sur des préparations extemporanées, soit après macération dans la liqueur de Müller |très-étendue. Sous l'influence de l'acide osmique très-étendu on voit l’inté- rieur du sac se teindre rapidement en noir et les contours des cellules s’effacer; bientôt on n’a plus sous les yeux qu'une masse granuleuse. Dans ces petits saccules on po compter jusqu’à sept ou huit de ces cellules. L’enveloppe se colore difficilement par le carmin et à peine par l'acide osmique; le chlorure d’or ne m’a pas donné de résultat, chose fréquente quand on le fait agir sur des Insectes. Il existe donc des cellules et une matière granuleuse au centre de cette cavité. De la partie ceutrale du sac, on voit s'élever et cheminer vers la partie supérieure un filament à double contour réfractant très-fortement la lumière. Quelle en est la nature? Ce filament, que j'observe dans leslèvres des Diptères, est bien l’ana- logue de celui que Landois a vu dans les organes terminaux nerveux des antennes du Cerf lucane, et qu'il figure comme se terminant par un petit renflement à la base du poil. Pour Landois, ce filament est de nature nerveuse, car il le qualifie de cylindre-axe (1). Au premier abord, chezles Diptères, on pourrait croire que ce fil brillant est tout simplement un canal existant au centre de l'organe, mais une observation at- tentive montre bien que l’on a affaire à un filament cylindrique à parois résistantes. Il arrive que dans la dilacération, les nerfs et les organes terminaux sont violemment arrachés de la (4) Landois, Arch. ÿ, micr, Anat., 1868. ARTICLE N° De ) /y # CG l'épr } ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER, (ET couche chitineuse. On aperçoit alors, comme je l’ai représenté (fig. 95-96), la paroi extérieure du sac déchirée, mais le filament central émerge de l’organe dans une longueur qui est variable. Il apparaît donc alors isolé; son extrémité est brisée en bec de flûte, et il est facile de constater son indice de réfrac- tion considérable. Où s'arrête-t-1l ? Quand on fait une dilacération après avoir fait agir l'acide osmique étendu, il arrive qu'en certains points la couche de cellules molles sous-chitineuse se détache par lambeaux. Sur des préparations heureuses on peut suivre au milieu des cellules les organes nerveux et leur voir dépasser la limite (voy. fig. 97) de séparation des deux couches. Le fait n’a rien qui étonne, parce que l’extrémité de ces organes se met en rapport avec les cupules internes de la couche chitineuse, au- dessus desquelles se trouvent les canaux poreux ; à cette limite extrème le filament central émerge de l'organe encore dans une étendue de 0,003 ou 0,004. Où peut-il s'engager, si ce n'est dans le canal poreux? Mais je ne le suis pas bien loin : ici encore il apparaît brisé en bec de flûte; mais en revanche on trouve flottants dans la préparation des poils isolés par la dilacération, qui portent à leur base un filament brisé, lui aussi, en bec de flûte (voy. fig. 98), ayant les mêmes caractères optiques que le filament de l'organe nerveux ter- minal à la base du poil ; il devient impossible de le suivre, car il pénètre dans la cavité du poil, et celui-ci est coloré en noir. Si maintenant je cherche à interpréter les faits, je me trouve en présence d'hypothèses très-diverses. Ce filament est-il de nature nerveuse, comme le croit Landois ? Je ne le pense pas, à cause de son aspect inorganique et de sa cassure aussi nette que présenterait un cylindre de verre brisé. Est-ce un mode de terminaison des irachées? J'écarterai également cette hypothèse. On voit nettement des trachées sur les parois des organes terminaux, mais vers leurs extrémités leur diamètre est infiniment plus petit que celui du filament central, qui est relativement considérable. Il est vrai que les trachées se renflent sur leur trajet, mais le filament central a ANN. SC. NAT. XVI. 49. — ART. N° 0e 146 SOBERT. un diamètre uniforme. Il est plus probable, et c’est l'hypothèse à laquelle je m’arrête, que ce filamentest de nature chitmeuse. Il apparaît en effet comme un tube creux qui continuerait la cavité centrale du poil ; ce serait donc non pas un nerf, mais un organe de transmission destiné à aller communiquer à l’inté- rieur de l’organe nerveux les ébranlements reçus du dehors. Jusqu'à plus amples résultats, je considérerai cette hypothèse comme la plus probable. La paroi externe de l'organe va en s’évasant, comme le montrent mes préparations, et paraît se continuer avec la couche chitineuse profonde au-dessus de l’épithélium à grandes cellules pigmentées, qui, chez certaines Mouches, vient recouvrir l’or- gane terminal et le nerf. Il est à remarquer que les organes terminaux qui correspon- dent aux grands poils sont presque globuleux; ceux qui, au contraire, sont en connexion avec la base des petits poils, sont allongés et rappellent tout à fait par leurs formes les tubes mu- queux des Sélaciens. Il est à remarquer également que, dans leur trajet le long des parois du disque terminal, les nerfs souvent offrent des renfle- ments remplis de cellules, et dans la trompe des Syrphes et des Érystales quelquefois on constate quatre ou cinq de ces renfle- ments placés bout à bout, le dernier d’entre eux est en rapport avec le poil. C’est par dilacération que j'ai opéré pour obtenir mes préparations qui proviennent des lèvres de la T'echomyze, de la Mouche domestique et du Syrphe du Groseillier. (Voy. Pexpli- cation des planches.) Leydig a constaté, dans les palpes d’un certain nombre d'in- sectes coléoptères et de larves, des terminaisons. nerveuses en connexion avec les poils. Il existe chez les Mouches, dans les petits palpes placés sur la trompe, des organes analogues à ceux que je trouve dans le disque terminal; mais c'est chez les Orthoptères que j'ai rencontré les dispositions les plus imté- ressantes. Chez ces insectes (Locusta, Gryllo talpa), on sait que les palpes sont terminés par un article claviforme. La paroi est peu " ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. tA7 résistante, et à l’œil nu on voit que l’intérieur est rempli par une pulpe blanchâtre facilement dissociable. Si l'on examine plus attentivement la paroi de l'organe, on reconnaît qu'elle est hérissée d’une quantité de petits poils reposant sur des cupules creusées dans la couche de chitine, et que ces cupules commu- hiquent avec des canaux, comme cela a lieu chez tous les Insectes. De ces poils, les uns sont très-courts, les autres plus longs, plus larges à leur base; tous sont creux. Si maintenant on cherche à se rendre compte de la structure de la matière pulpeuse, on voit que l'intérieur de la massue est rempli de longs organes fusiformes fortement pressés les uns contre les autres ; chacun d’eux se meten rapport en haut avec un canal de la chitine. De ces organes on voit sortir en haut de petits fila- ments très-courts et très-brillants. En bas chaque organe fusiforme se continue avec une fibre nerveuse. Chez les Courtilières, tous ces organes terminaux sont fortement pigmentés à leur extrémité externe. Tous ces organes fusiformes proviennent de la dissociation de deux gros troncs nerveux qui viennent des ganglions céré- broïdes, et sont accompagnés dans leur trajet par un énorme tronc trachéen, lequel à son extrémité se recourbe en crosse, et envoie des filets qui pénètrent entre les organes nerveux. J'ai représenté cette disposition (voy. fig. 99). Comme je lai figuré, ces organes contiennent des cellules à grands noyaux; les réactions que j'ai décrites pour les Dipteres sont les mêmes pour les Orthoptéres. Les antennes chez les Locustes présentent des poils, à la base desquels on retrouve des corps fusiformes nerveux; on peut observer des dispositions presque identiques dans la langue et dans les renflements des tarses. Hyménoptères. — Mes observations chez les Hyménoptères ont été peu étendues, la plus intéressante est celle qu’il m'a été douné de faire chez l’'Eumène pomatine. On sait que cet insecte est commun dans le Midi ; il fabrique avec de la terre pétrie de petits nids très-intéressants, qu'il ap- 118 JOBERT. plique contre les murailles (1). M. Sichel a observé cet insecte aux environs de Paris; je l'ai retrouvé en Lorraine, où il est assez commun : il place son nid à la face inférieure des pierres sèches et empilées qui constituent les clôtures des vignobles. Chez ces insectes, comme chez les autres Hyménoptères, et les Guépiaires en particulier, la lèvre inférieure est formée par une pièce médiane plus large à son extrémité libre, terminée latéra- lement par deux pointes, qu'à sa base, de chaque côté de laquelle sont placés deux petits organes en forme de languette (para- glosses), terminés en pointes de fuseaux. Les palpes labiaux ont quatre articles et sont garnis de poils. À l'extrémité des deux pointes latérales de la langue, et à celle des paraglosses, se trouvent deux corps sphériques d’un jaune foncé, dont la teinte tranche vivement sur celle de tout l’appa- reil. Ces sortes de sphérules, percées à la base, sont hérissées de petits poils jaunâtres très-courts et très-roides, qui reposent sur les cupules de la paroi. Vers chacun de ces organes spéciaux, on voit se diriger, et des muscles striés, et deux troncs nerveux volumineux qui, en pénétrant dans la sphère, se dissocient et se comportent abso- lument comme je l'ai décrit dans les palpes des Orthoptères ; par transparence, on voit qu’à chacun de ces poils courts, cor- respond un organe fusiforme nerveux, contenant des cellules. Si histologiquement cette disposition n'offre rien de nouveau, il est cependant intéressant de constater la localisation de ces appa- reils ; peut-être sont-ils le siége de quelque sensation spéciale. Des recherches que j'ai entreprises sur les palpes de certains Coléoptères ne m'ont donné aucun résultat nouveau, sinon que chez certains de ces insectes (Carabiques), il existe dans les palpes des glandes monocellulaires isolées, destinées à verser au dehors un liquide. Chez ces insectes l'élément glan- dulaire paraît dominer. Leydig a indiqué et figuré des glandes analogues (2), nous renverrons à son travail spécial. (4) Voy. Blanchard, Métam. des Insectes. (2) Leydig, Anat. der Insecten (in Reich. und du Bois-Reymond Arch., 4859), ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 119 En termimant, j'aurais voulu pouvoir apporter quelques con- tributions physiologiques relatives à l’usage des organes que je viens d'étudier; malheureusement les expériences que j'ai entre- prises ne m'ont rien donné de précis. On sait combien les auteurs sont divisés au sujet des fonctions des antennes; de nombreuses expériences ont tenté de prouver qu'elles étaient le siége de l’or- gane de l'audition. Landois a décrit comme organe d’audition les renflements observés dans les antennes du Lucane; mais on vient de voir que ces dispositions anatomiques qu'il a décrites, sont presque identiques avec celles que j’ai observées dans la trompe des Dip- tères, les palpes des Orthoptères et la lèvre inférieure des Eumènes. Il suffit d'examiner une Mouche explorant une surface à l’aide de sa trompe, pour voir qu’elle ne fait pas que goû- ter avec, mais encore qu'elle touche. Il suffit de jeter un regard sur un Longicorne en marche, pour voir à l'instant, à la façon dont il manœuvre ses antennes, qu’il possède en elles un organe d’audition peut-être, mais encore un certain agent d'exploration. L'animal avance lentement; de ses antennes, alternativement soulevées et abaissées, il frappe légèrement le sol : un aveugle n'agit pas autrement avec le bâton qu'il tient à la main. Un bruit léger se fait-il entendre, l’insecte s’arrête, 11 relève ses antennes, les agite en tout sens: écoute-t-il alors ? Tous les entomologistes ont observé des Lamellicornes copro- phages : à voir la facon dont ils usent de leurs antennes, qui offrent, au point de vue de la structure anatomique, des dispositions semblables à celles qui existent chez les Hannetons et chez tous les Coléoptères, on pourrait croire que, chez eux, ces organes sont aussi le siége de l’olfaction. Que des fèces soient rejetées par des animaux domestiques dans quelque endroit bien découvert, bientôt on voit arriver à tire-d’aile, remontant la direction du vent, des Lamellicornes en grand nombre : l’odeur spéciale de leurs aliments a été portée jusqu’à eux par le courant d'air. Arrivés à quelques mètres de la proie, ils s’arrètent, dressent leurs antennes dont ils écartent les minces feuillets ; puis tout à 450 JORERT. coup ils fondent d’un vol assuré sur les débris qui vont servir à leur repas. Si je relate ici ces faits, c’est afin de montrer com- bien serait peu rationnel de conclure de la structure des organes à leurs fonctions. Dufour, Leydig et la plupart des entomologistes les regardent comme multiples (4). Cette opinion parait être la seule raisonnable, tant que des expériences sérieuses n’auront point été instituées dans le but de résoudre définitivement la ques- tion. Quoi qu’il en soit, si au point de vue de l'existence de sens spéciaux, siégeant dans ces organes, on peut être divisé, l’obser- vatiop des animaux vivants ne peut pas laisser de doute sur leur emploi comme organes du toucher, bien imparfaits peut-être, car la carapace chitineuse empêche les surfaces de palper le corps extérieur, et c’est à ce titre seulement que leur description a trouvé place dans ce travail. CONCLUSIONS. En terminant ce mémoire, je rappellerai en quelques mots les points principaux que j'ai développés. En entreprenant l'étude des organes du toucher, j'avais voulu rechercher si dans les appa- reils qui Chaque jour devant nous servent aux animaux à l'accom- plissement de cette fonction, on retrouverait des corps nerveux terminaux analogues à ceux que possède la main de l’homme. La queue prenante des Singes, la patte du Raton laveur, les paites des Perroquets, les bees et la langue des Fringillidés, ont mon- iré qu'entre la fonction du toucher et la présence des corpuscules terminaux, ilexiste d'étroites relations,et que de plusles différences de structure entre ces divers petits organes sont loin d’être aussi cousidérables qu’on l'a dit, car on rencontre des transitions insensibles entre eux. Comme je l’ai montré, les corpuscules de Pacini intrapapillaires du Raton diffèrent peu de ceux des Ciseaux. Chez tous les animaux que j’ai étudiés, ce sont toujours les mèmes parties de l’organisme (la queue prenante fait excep- üon cependaut) qui sontadapiées au toucher, quels que soient du (1) Leydig, in Reich. und du Bois-Reymond Arch., 1860.—Dufour, Ann. sc. nat.,1850. ARTICLE N° 5, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 454 reste les instruments chargés de recueillir et de transmettre lesim- pressions, et ce sont celles qui avoisinent la bouche, à savoir, les lèvres, l'extrémité du boutoir, les barbillons, les palpes, qui sont chargées de ce soin. De plus, dans les Vertébrés, une loi, qui ne varie pas, montre que les extrémités des membres deviennent les agents de cette fonction, agents imparfaits d’abord, quoique sensibles, car chez la plupart d’entre eux ils servent en même temps la locomotion ; cependant on les voit se perfectionner de plus en plus à mesure que le principe si vrai de la division du travail est mis en application par la nature. Chez les Singes anthropomorphes, les mains antérieures peu- vent, accidentellement il est vrai, ne servir qu’à la préhension et au tact ; mais chez l'Homme il n’en est plus ainsi, notre main est l'instrument du toucher par excellence. Que voit-on chez les Poissons ? Les nageoires paires, ces organes de mouvement, sont destinées en certaines de leurs parties, celles qui sont le plus en contact avec les corps extérieurs, à servir au toucher actif, mais ces parties sont liées aux autres d’une façon intime; la fonction ne peut s'exercer que difficilement. Le principe de la division du travail intervient; bientôt les nageoires ventrales, par exemple, changent de place; en même temps leurs parties tactiles s’allon- gent, déjà elles sont libres dans leur extrémité inférieure (Gades), et chez les Ophidium elles sont indépendantes, isolées l’une de l’autre, et avec elles l'animal, comme avec une main qui serait réduite à deux doigts, explore le fond de l’eau et recherche ses aliments. Ce que je viens de dire s'applique à la nagevire pecto- rale et à la nageoire dorsale, comme on l’a vu plus haut. Au point de vue physiologique, on voit que la nature, dans la formation des organes du toucher, emploie toujours des procé- dés identiques ; au point de vue anatomique, on peut constater également une uniformité des modes de terminaison des ners dans les appareils. Corpuscules terminaux, poils, terminaisons interépithéliales, on ne trouve pas autre chose, el de plus, si l’on examine de près certains de ces modes interépithéliaux, on ne peut s'empêcher de les rapprocher des poils tactiles. Chez le Tatou, chez la Chauve-Souris, on peut voir les tran- 152 JOBERX. sitions entre les follicules pileux et les amas de cellules de Mal- pighi placées dans les cupules du derme. Chez le Tatou, ne trouve-t-on pas les poils et les organes terminaux entremélés. Que l’on étudie la formation des poils tactiles du boutoir du Pore à un Certain moment de la vie fœtale, n'a-t-on pas devant les yeux une cupule dermique hyaline remplie de cellules en con- nexion avec les nerfs? Le poil à cet âge n'existe pas encore, on croirait voir un des corps terminaux que l’on trouve chez le Tatou adulte. Ces organes seraient-ils des poils ayant sub: un arrêt de développement? Entre les poils du tact trouve-t-on, au point de vue de la structure, des différences considérables ? Qu'ils possèdent ou non le sinus sanguin et le corps spon- gieux, les nerfs viennent former autour d'eux un collier au milieu duquel passe la tige qui vibrera au contact des corps et transmettra l'effet du contact. Chez les Insectes, le mode d’ac- tion est plus difficile à saisir, mais cependant j'ai montré qu'il devait en être à peu près de même, à cause de la présence du long filament qui va du poil au renflement nerveux qui est au-dessous de lui. La solution des diverses questions que j'ai étudiées dans le cours de ce travail, questions si épineuses au point de vue de l'anatomie philosophique, était subordonnée à des recherches hérissées de difficultés pratiques : en histologie, à l'heure pré- sente, si l'on possède des réactifs puissants, il faut avouer qu'ils sont souvent infidèles, et que souvent aussi le résultattant désiré, et que l’on croyait atteindre, échappe à l'observateur le plus consciencieux. En terminant, je puis dire qu'il n’est pas un résultat indiqué dans ce travail qui ne puisse être facilement vérifié. J'ajouterai que s’il eût suffi de laborieuses recherches pour résoudre les problèmes que j'ai abordés, mon but serait atteint; mais 1l n’en est pas ainsi, ei j'espère que d’autres obser- vateurs viendront, qui s’'engageront dans la voie que j'ai par- courue, et qui compléteront des recherches qui n’ont d’autre valeur que celle d'avoir été longtemps et consciencieusement poursuivies. ARTICLE N° ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 153 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 3. Fig. 4. Cardinal gros-bec. — Une papille linguale avec corpuscules nerveux termi- naux (acide osmique, obj. 2 Nachet). F, faisceau nerveux qui monte au centre de la papille et dont les tubes se dissocient pour aller se mettre en connexion avec les corpuscules CG, C, G. V, vaisseaux qui forment un réseau autour de la papille et décrivent une boucle qui monte jusqu’au sommet de l’organe. Fig. 2. Cardinal. — Un corpuscule lingual isolé (acide osmique, obj. 3 Nachet). ñn, noyaux dans l’enveloppe. T, tube nerveux qui pénètre dans le corpuscule et se confond avec le renfle- ment R. Fig. 3. Flamant rose. — Un corpuscule du bec. Mandibule supérieure (acide osmique). Le bulbe central B présente des stries et deux rangées de noyaux. La fibre pâle f se bifurque, et chacune de ses branches se termine en haut du bulbe par un petit renflement r. Fig. 4. — Flamant rose. — Un corpuscule terminal dont le bulbe central B se contourne en spirale (acide osmique). Fig. 5. Raton. —: Un corpuscule terminal de la peau du doigt médius du membre supérieur. Il siégeait dans la couche la plus superficielle du derme ; son extrémité supérieure pénétrait dans une papille. Les capsules c, qui forment l'enveloppe, sont très-peu nombreuses ; le bulbe central à volumineux; la fibre pâle nerveuse vient se terminer par un renflement ovoïde r. Fig. 6. — Flamant rose. — Un corpuscule terminal de la membrane que recouvre la mandibule supérieure du bec. Le bulbe central à présente des noyaux des stries et se contourne plusieurs fois. Fig. 7. Atèle hybride. — Groupe de papilles de la peau du doigt indicateur de la main supérieure droite ; les unes contiennent des anses vasculaires, les autres des corpuscules ovoides cc, autour desquels viennent s’enrouler des tubes nerveux. Eig. 8. Atèle hybride. — Deux groupes de papilles du tégument de la partie nue de la queue prenante. Deux d’entre elles contiennent des corpuscules ovoïdes G, G, en connexion avec les nerfs; entre ces deux groupes vient aboutir le conduit d’une glande sudoripare g. Fig. 9 et 10. Atéle hybride. — Deux corpuscules intra-papillaires de la queue pre- nante isolés (obj. 3 Nachet) et traités par l’acide osmique. Les tubes nerveux che- ninent autour d’eux en décrivant des trajets sinueux; l’un d’eux présente, dans son intérieur, des noyaux elliptiques »,#/, pédiculés, Fig. 41. Ateles marginatus. — Coupe verticale au travers du tégument de la partie nue de la queue prenante. E, épiderme pigmenté. G, glandes sudoripares et leurs conduits réunis en groupes. c, ©, deux corpuscules de Pacini coupés en travers. 154 JOBERT. Fig. 12 et 43. Gros-bec. — Deux papilles isolées de la langue du Gros-bec, conte- nant des corpuscules nerveux terminaux G, GC, et des anses vasculaires. L'une d’elles (fig. 12) renferme deux petits corpuscules à noyaux, GC, C, analogues à ceux de la langue des Cardinaux. Fig. 44. Platycercus versicolor. — Coupe au travers d’une grosse papille composée des téguments d’un doigt. P,P,p, papilles secondaires où rampent les vaisseaux. f, f, faisceaux de tubes nerveux qui viennent se terminer dans les corpuscules ec, c, e au centre de Ja papille. v, vaisseau. Fig. 15, Tatou. — Coupe verticale au travers du tégument de l’extrémité du boutoir. M, M, M, muscles striés. C, corps épidermique à la base duquel vient se ramifier un faisceau de tubes nerveux. F, follicule d’un poil sur les parties latérales duquel viennent se perdre des faisceaux de tubes nerveux. Fig. 16. Tatou. — Un corps épidermique grossi. F, faisceau nerveux, C, corps épidermique. Fig. 17. Tatou. — Coupe faite parallèlement à la surface du tégument. P, p, papilles dermiques coupées en travers. D, derme ayant pris l'aspect vitré au centre duquel s’enfoncent les corps épi- dermiques €, c. PLANCHE /. Fig. 18. Hérisson. — Coupe au travers du tégument du boutoir. N, faisceau de tubes nerveux qui viennent se mettre en connexion avec des cupules dermiques où s’enfoncent des prolongements de la couche épidermique de Malpighi (chlorure d’or). Fig. 19. Condylure. — Epiderme du boutoir étoilé du Condylure, vu par sa face supérieure ; les corps épidermiques sont, comme chezla Taupe vulgaire, percés d’un canal qui vient s’ouvrir au dehors. Fig. 20. Ornithorhynque. — Coupe au travers du bourrelet du pseudo-bec, après dé u dation du derme au moyen de la potasse étendue. P,P, papilles du derme qui se décomposent en petites papilles secondaires p, p: G, G, glandes en tube enroulées, dont les conducteurs traxersent les papilles mères et qui se terminent en bas par des renflements ?. Fig. 21. Ormithorhynque. — Deux papilles P, P, avec leurs boucles vasculaires V, V, ce, conduit de la glande qui traverse l’épiderme pour aller en o s'ouvrir au dehors. Fig, 22. Coupe au travers du tégument du pourtour du bec. E, épiderme dont la couche superficielle est soulevée et lacérée. G, G, G, partie supérieure des conduits glandulaires et leur orifice de sortie au dehors en O. N,N, nerfs à moelle venant se mettre en connexion avec des corps épider- miques C, C. B,B, pièces d’un petit canal qui s’ouvre au dehors. ARTICLE N° 9. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 459 Fig. 23. — Coupe transversale au milieu de la couche de l’épiderme. P,p,p, papilles secondaires et lumière des vaisseaux. 2 e, au centre lumière du conduit de la glande sudoripare. Fig. 24, Vue de la couche superficielle de l’épiderme. B, Bouton terminal avec son orifice. Fig. 25. Coupe au travers du tégument de l'extrémité du rostre de l’Échidné. N, nerf qui vient se mettre en connexion avec le bouton épidermique, PLANCHE 5. Fig, 26. Carpe. — Bord externe d’une lamelle branchiale. N, gros tronc nerveux qui va se distribuer dans les orandes papilles dermiques P, P surmontées des petites papilles secondaires, p,p,p. Fig. 27. Barbeau. — Une papille composée du barbillon angulaire traitée par la liqueur de Müller {obj, 3 Nachet). P, papille, P,P, papilles secondaires qui sont surmontées des corps ovoides de l’épiderme 0,0, dont quelques-uns sont entiers et debout sur les papilles, d’autres sont plus ou moins dissociés et leurs éléments c, c, cependant sont encore en place. Fig. 27 a. Deux éléments cellulaires des corps ovoïdes de l’épiderme, isolés et très- grossis (350 fois). Le premier, a, est tout à fait périphérique; l’autre, d, appartient à la partie plus profonde, il est renflé au-dessous du noyau. Fig, 28. Barbeau. — Cellules de l’épiderme, isolées par la macération dans la liqueur de Müller, a, cellule de la couche profonde. a, a!, a/!, cellules de la couche moyenne. Fig. 29. Barbeau. — Corps ovoide isolé et entr'ouvert (liqueur de Müller); au centre, on voit la matière granuieuse sous forme de fins pointillés (350 fois). Fig, 30 et 31. Goujon. — Papilles des bords des nageoires traitées par l'acide acé- tique affaibli. n,n, nerfs. m, matière granuleuse qui se résout en fibrilles et remplit la cupule papillaire et l’intéricur du corps ovoïde. Fig, 32. Barbeau, — Épiderme détaché et étalé pour montrer les ouvertures 0,0 qui donnent passage à l'extrémité des corps ovoïdes. Fig. 33. Uranoscope. — Tête de l'Uranoscopus scaber; la languette est rejetée au dehors. P,p, saillies papilliformes dont elle est hérissée. Fig. 34. Barbeau. — Nerfs superficiels des barbillons ; les muscles ont été coupés et les nerfs disséqués ; chaque barbillon reçoit un filet superficiel 7, 7. Kig. 35. Barbeau. — Nerfs profonds des barbillons se rendant au centre de l’organe. Fig. 36. Barbeau. — Coupe verticale au travers de la zone fibreuse qui entoure la cavité centrale du barbillon pour montrer les faisceaux verticaux et les faisceaux horizontaux dont les sections apparaissent, suivant des cercles plus ou moins régu- liers. 156 JOBERT. Fig. 37. Barbeau. — Coupe transversale de la partie centrale du barbillon. z, Z0ne fibreuse et faisceaux verticaux et horizontaux. a, a, aréoles sanguines séparées par des cloisons conjonctives, n,n, faisceaux nerveux. Fig. 38. Loche à six barbillons. — Extrémité d’un barbillon, grossi 200 fois pour montrer les corps ovoides de l’épiderme en place, 0,0,0. Fig. 39. Blennie gattorugine. — Nerfs du tentacule. T, trijumeau à son origine. 0, branche ophthalmique d’où partent les filets #,7 qui se distribuent au ten- tacule. PLANCHE 6. Fig. 40. Mullus barbatus. — Portion basilaire de l’appareil du toucher. Face interne. E, épi-hyal C, cérato-hyal. r b, surface articulaire des rayons. B, basi-hyal composé de cinq pièces soudées. 0, os du barbillon. G, gouttière des muscles rétracteurs. G’, glosso-hyal. Fig. 44. Mullus barbatus. — Même portion du squelette, Face externe. F, fosse osseuse des muscles adducteurs et abducteurs, Fig. 42 et 43. Mullus barbutus. — Os du barbillon. Face interne et face externe. Fig. 44. Mullus barbatus. — Appareil musculaire du barbillon. a, muscle rétracteur. b, muscle prétracteur dont le tendon passe dans la gouttière G du basi-hyal et vient s’insérer sur la tête du barbillon. Fig. 45. Mullus barbatus, — Appareil musculaire du barbillon. A, muscle abducteur. B, muscle adducteur, dont les insertions fixes se trouvent dans la gouttière de la fossette du basi-hyal, et l'insertion mobile à droite et à gauche de la tête de l’os du barbillon. Fig. 46. Mullus barbatus. — Nerfs du barbillon. I, ganglion du trijumeau. O, branche ophithalmique. M, maxillaires supérieure et inférieure. H, tronc hyoido-mandibulaire. M', branche maudibulaire. N, nerf du barbillon. V, tronc latéral du nerf vague. L, tronc latéral du trijumeau. R, rameau communicant qui réunit les nerfs de la cinquième et de la huitième paire. Fig. 47. Mullus barbatus. — Coupe au travers du barbillon du Mullus O, os central et ses canalicules, N, faisceaux nerveux coupés en travers, ARTICLE N° 5, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 457 V, V, lumière des vaisseaux. D, derme et ses papilles p. E, épiderme. C, corps ovoïdes. Fig. 48. Papilles dénudées et tubes nerveux avec pinceaux de fibrilles qu en émergent pour monter à la base des corps ovoides. Fig. 49. Deux corps ovoides en place dans l’épiderme. N,N, nerfs. M, masse granuleuse basilaire des corps ovoïdes. Fig. 50. Squelette du barbillon du Sélurus Glanis. M, os maxillaire. B, os du barbillon proprement dit et ses deux apophyses articulaires 4,b, qui sont réunis dans les deux cavités de l’os maxillaire. Fig. 51. Os du barbillon vu de face. PLANCHE 7. Fig. 52. Silurus Glanis. — Appareil musculaire du grand barbillon, F, frontal antérieur. m, maxillaire. B, barbillon. L, ligament qui unit l’intermaxillaire au barbillon. Mr, muscle rétracteur. Mp, M/p’, muscles prétracteurs et adducteurs. N, nerf du barbillon. Fig. 53. Pimelodus Catus. — Muscles du barbillon du Pimélode chat. Mr, muscle rétracteur. B, barbillon. m, maxillaire. Mp, muscles adducteurs et prétracteurs. Fig. 54. Saccobranchus Syngii. — Muscles des barbillons sous-maxillaires. m,m, muscles rétracteurs des deux barbillons. m, nd muscles adducteurs. Fig. 54 a. Coupe au travers du barbillon. Fig. 55. Figure schématique représentant la distribution des nerfs dans une nageoire ventrale du Barbeau. b,b,b,b, branches spinales nerveuses qui se réunissent et viennent se distribuer à chaque rayon de nageoire. Fig. 56. Barbeau. — Nerfs de la nageoire ventrale. b,b,b,b, branches spinales. Nv, nerf vague d’où partent deux filets /, f/qui viennent s’anastomoser avec la branche de réunion des deux premières paires spinales. À. Loche, Bord de la nageoire ventrale. — Nerfs et papilles. Fig. 57. Cobitis barbatula. — Nerf latéral du trijumeau. T, tronc commun d’où partent les filets F, F’, F/!, destinés à la nageoire dorsale, à la ligne latérale et aux nageoires ventrales. B,B, branches spinales qui s’anastomosent avec la branche latérale. Je) 158 JOBERT. Fig. 58. Trigle. — Coupe au travers d’un rayon libre du Trigle (chlorure d'or, obj. 3 Nachet). 0,0, os du rayon. F, faisceaux nerveux coupés en travers. D, derme stratifié et papilles. P, plexus nerveux sous-papillaires et filets qui vont aux papilles. Fig. 59. Tissu conjonctif interposé aux os du rayon libre (liqueur de Müller affaiblie). R,R, os articulés formant le rayon et se terminant en pointe. T, tissu conjonctif interposé. À, À, aiguilles ostéoides interposées qui donnent au dernier arücle osseux l’appa- rence d’un pinceau. Fig. 60. Coupe d’un rayon libre au milieu du dernier article. R,R, pièces osseuses formant le rayon. À, A, aiguilles ostéoides coupées en travers. Fig. 61. Aiguilles ostéoïdes isolées (liqueur de Müller très-faible). Fig. 61 a. Loche. — Bord de la nageoire ventrale, — Nerfs et papilles. PLANCHE 8. Fig. 61 bis. Coupe longitudinale du bouton sous-maxillaire de l’'Umbrina crrosa. C, charpente conjonctive centrale. N,N, nerfs. E, épiderme, D, derme, papilles et organes ovoides, Fig. 62. Barbeau. — Os du bassin, face interne. a, surface d’articulation avec l’os correspondant. b, surface articulaire des rayons libres. Fig. 63. Os de l’épaule de l'Uranoscope. C, clavicule, B, os du bassin articulé avec l'os de l'épaule. n, nageoire jugulaire. Fig. 64. Gadus Callarias, — Nageoire jugulaire dont les deux premiers rayons, ce et b, sont tentaculiformes. Fig. 64 bis. Os de l'épaule du même poisson. Fig. 65. Os de l'épaule du PAycis mediterranea. a, surface d’articulation avec l’os correspondant. b,. surface d’articulation des rayons. Fig. 65 bis. La nageoire fourchue du PAycis. a etb, premier et deuxième rayons. c, vestige du reste de la nageoire. Petite saillie papilliforme. Fig. 65 ter. Coupe transversale de la nageoire du Phycis au-dessus de la saillie papilliforme, N,N, nerfs coupés en travers. 0,0, os dont la réunion deux à deux forme les rayons. or, coupe transversale des pièces du rayon rudimentaire qui correspond à la papille et représente la partie postérieure de la nageoire. ARTICLE N° 5, ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 159 Fig. 66. Ophidium barbatum. — Fragment d’une des pièces osseuses qui forment le barbillon antérieur, pour montrer les articles placés bout à bout. Fig. 66 dis. Coupe transversale du barbillon de l’'Ophidium. 0,0, pièces osseuses. n,n, faisceaux nerveux. Fig. 67. Coupe au travers du barbillon nasal de l’Umbrina cirrosa. C, cavité centrale. ñn,n, faisceaux nerveux. n',n,n, faisceaux nerveux qui rampent dans le derme D surmonté des papilles P, et qui se rendent vers elle pour se terminer dans l’épiderme. C, C9 C) Corps ovoides. Fig. 67 bis. Coupe transversale du rayon tentaculiforme de la nageoire de l’Umbrina cirrosa. 0,0, coupe des pièces osseuses qui forment le rayon. F,F, faisceaux nerveux coupés en travers. n, n, nerfs qui vont se rendre dans les papilles. E, épiderme et corps ovoïdes. Fig. 67 ter. Aiguilles ostéoides qui terminent le barbillon et qui se développent entre les deux pièces osseuses. Fig. 68 et 68 bis, Pièces osseuses qui forment la charpente du premier et du second barbillon de l'Ophidium barbatum ; ils sont formés de pièces multiarticulées mu- nies de têtes renflées auxquelles s’insèrent les muscles. Fig. 69. L’os basilaire (bassin) des barbillons. a, tête articulaire des rayons mobiles, Fig. 70. L'os de l'épaule de l'Ophidium pour montrer son développement considé- rable de la clavicule c, à l'extrémité de laquelle vient s’articuler l’os basilaire des barbillons. Fig. 71. Appareil musculaire des rayons du barbillon. m,m, muscles prétracteurs qui font basculer l’appareil en avant. Ke m! m!, muscles rétracteurs qui tirent l'appareil en arrière. m!, m'!, ml, muscles propres des rayons. Fig. 72. Muscles et nerfs de l’appareil du toucher de l’Ophidium barbatum. H, os de l'épaule. M, muscle rétracteur. m', muscles prétracteurs qui s’insèrent à l’os glosso-hyal. L, ligaments qui maintiennent l'appareil. B,B, barbillons. N, nerfs spinaux naissant en arrière des nerfs de la nageoire pectorale; ils croisent l’huméral et viennent, en suivant le trajet du muscle rétracteur, se distribuer aux barbillons. L, nerf latéral du trijumeau qui vient s’anastomoser avec les paires spinales. n, branche grêle du nerf de la langue qui vient se distribuer à l'appareil. m, m, muscles moteurs des barbillons. Fig. 73. Lophius piscatorius (Baudroie), — Os basilaire de l'appareil du toucher et filaments pêcheurs: 460 JSOBERT. O, anneau articulaire du premier rayon libre R. L, surface losangique qui donne insertion aux muscles. R, deuxième rayon libre. Fig. 74. Lophius piscatorius. — Muscles et nerfs des rayons libres. M,M, muscles rétracteurs du deuxième rayon. m,m, muscles abducteur et adducteur. m,nu, muscles prétracteurs. M, muscles moteurs de l'appareil. Fig. 75. Muscles moteurs du premier rayon libre. M, muscle prétracteur qui s’insère au rayon en avant, m/, muscle rétracteur. PLANCHE 9. Fig. 76. Molossus plicatus. — Fragment de l’aile (premier segment) pour montrer le réseau élastique. f,f, l, faisceaux secondaires qui partent du faisceau membraneux F et forment entre eux des mailles, Fig. 78. Petit Rhinolophe. — Fragment de la membrane alaire ; au bord inférieur la bande du tissu élastique forme de distance en distance des anneaux formés de fibres enroulées en hélice H, H, au milieu desquelles passent les capillaires, Fig. 79. Pipistrelle. — M, un muscle intrinsèque de la membrane alaire; son ten- don T vient s’insérer sur un des faisceaux élastiques transversaux. F, faisceaux élastiques qui vont renforcer le périmysium du muscle. 2 q P M Fig. 80. Vesp. Murinus. — Fragment de la membrane externe de l’oreille. N,N, gros troncs nerveux qui vont se distribuer aux groupes de poils tactiles. D, P,p, poils bordant l'oreille et vésicules adipeuses, Fig. 81. Noctule. — Un poil de la membrane alaire avec son follicule p; sa papille est à l'extrémité du renflement, G, glandes sébacées. S, glande sudoripare. Fig. 82. Vesp. serotinus. — Un fragment de l’épiderme détaché par macération dans une solution d'acide pyroligneux. Le poilp a été entrainé avec ses graines épithéliales M et une partie de l’épithé- lium des glandes sébacées; à la partie inférieure du poil se trouve le renflement qui à été pris par Schôbl pour un enroulement de nerfs, et en bas, à la partie inférieure en P, se trouve la dépression où était logée la papille. Fi 83. Vesp. serotinus. — Un fragment de l’aile traité par du chlorure d’or. V,V, vaisseaux sanguins de transition. n,ñn, fibres pâles, nerveuses, offrant des renflements sur leur trajet, quelques- uns ont un noyau. Fig. 84, 85, 86, 87, 88. Petit Rhinolophe. — Réseau nerveux superficiel et diverses formes des renflements à fibres pâles observés dans cette région. Fig. 89. Vesperugo serotinus. — Fragment de l'aile traité par l'acide acétique affai- bli et par l'acide osmiquer. — Goss. 340 fois. F, follicule pileux dont le poil et les gaines ont été enlevés. ARTICLE N° 5. ÉTUDES SUR LES ORGANES DU TOUCHER. 61 N,N, faisceaux nerveux de tubes à moclle qui viennent en directions différentes, pour former autour du follicule un collier nerveux en dessous des glandes sébacées G, CG; quelques-uns des tubes nerveux viennent former autour de l'ouverture du poil un réseau de fibres pâles. S, glande sudoripare dont le canal excréteur s'ouvre au dehors, en dehors du point d’émergence du poil. Fig. 90. Vesp. Murinus. — Coupe perpendiculaire à la surface du derme de l'extré- mité du nez. P, poil et glandes. E, épiderme. C, corps épidermiques. m, muscles striés. Fig. 91. Taupe. — Un poil tactile de l'extrémité du groin de la Taupe. P, poil et ses membranes. N,N, nerfs venant de directions différentes se rendre au-dessous des glandes sébacées g et formant le collier nerveux. Fig. 92. Taupe. — Coupe transversale pour montrer les nerfs N,N, arrivant aux fol- licules, y pénétrant, et se distribuant sous la forme de fibres pâles / à renflements sur leur trajet, P, poil. G, gaines interne et externe. V, membrane vitrée. M, membrane externe du follicule épaissi, PLANCHE 40. Fig. 93 a Musca domeshica. — Fragment étalé de la lèvre inférieure de la Mouche domestique. — Gross, 350 fois. R, replis trachéiformes de la membrane chitineuse. P, P, poils rudimentaires posant sur les cupules situées entre les replis trachét- formes. Fig. 93 D. Techomyze obscura. — F, fragment de la lèvre inférieure du Techomyze. N, Tronc nerveux qui se termine par deux renflements R, R, recouverts d’une enveloppe épithéliale pigmentée GC, qui est en partie enlevée; ces renflements sont en connexion avec les poils P, P, P. (Acide osmique.) — Gross. 390 fois, Fig. 93 c. Musca domestica, — Nerf de la lèvre inférieure isolé et ses renflements terminaux. (Acide osmique ; obj. 7 Nachet.) T, trachée qui accompagne le nerf, R, renflements terminaux. F, filament central qui émerge du renflement. Fig. C4, Syrphus Ribesi. — (Acide osmique ; obj. 5 Nachet.) Un nerf de la lèvre inférieure et ses renflements terminaux. Nmierr HA Atrachées R, renflement terminal qui traverse la couche des cellules molles sous- chitineuses. F, filament central. SC. NAT., JUILLET 4872. XVI. 14, — ART, N° à. 162 JOBERT. Fig. 95. Sarcophaga. — Nerf de la lèvre et un renflement terminal correspondant à un poil rudimentaire. (Acide chromique faible ; obj. 3 Nachet.) N, nerf, R, renflement terminal contenant des cellules G à grands noyaux. Fig. 96. Techomyze obscura. — Un nerf de la lèvre inférieure et ses deux renflements terminaux, (Acide osmique.) — Gross. 350 fois. N, nerf. R, R, renflements terminaux. C, couche de cellules sous-chitineuses. F, F, filaments qui émergent du renflement et montent dans le canal poreux. Fig. 97, Locusta viridissima. — Palpe de la Sauterelle verte. N, un des troncs nerveux qui se rendra à cet organe, F,F,F, ses renflements terminaux fusiformes contenant des cellules nerveuses T, tronc trachéen qui se recourbe en crosse et dont les ramifications viennent se perdre entre les corps fusiformes. Fig. 98. Gryllotalpa. — Palpe maxillaire. Un renflement de palpe de la Taupe-grillon F,F, renflements nerveux fusiformes contenant des cellules. C, couche de cellules sous-chitineuses. S, couche de chitine et les cupules correspondant aux poils P,P, qui sonten connexion avec les corps nerveux terminaux. Fig. 99, Eumène pomatine, — Fragment de la lèvre inférieure de l’'Eumène pomatine. Lnlèvre: R, renflement de couleur jaune foncé, surmonté de soies roides en connexion avec les terminaisons des nerfs N, N, qui se dirigent vers lui. P, paraglosse. R, renflement analogue à celui de la lèvre et en connexion, comme lui, avec les nerfs F, N. ERRATA. Page 32, ligne 31 (note), au lieu de Sérnsorgane de Sectenlinie lisez Sinnesorgane d. Seitenlinie. Page 107, ligne 35 (note), au lieu de quand, en réalité, quelquefois ce sera plutôt le deuxième et le troisième /sez quand, en réalité, ce sont plutôt les deuxièmes et troisièmes. Page 133, ligne 33, au lieu de avec un noyau bulbeux /isez avec un noyau brillant. Page 160, ligne 31, au lieu de avec ses graines épithéliales lisez avec ses gaines épithéliales. ARTICLE N° 6. ESSAI EXPÉRIMENTAL SUR LA LOCOMOTION HUMAINE ÉTUDE DE LA MARCHE Par M. &. CARLET, Docteur en médecine de la Faculté de Paris, L'étude de la locomotion a, depuis longtemps déjà, occupé les physiologistes. La question est en effet intéressante à plu- sieurs points de vue ; mais elle est aussi plus compliquée qu’elle ne le paraît au premier abord. Il suffit de lire les belles lecons du professeur Marey sur le vol de l'insecte et de l'oiseau, pour apprécier toutes les difficultés du problème. Mes recherches expérimentales sur la locomotion humaine ont été faites dans le laboratoire de M. Marey, avec cette mé- thode graphique qu’il a si justement définie « le microscope du mouvement ». Cest fort des conseils du maître que j'ai entre- pris ce travail. Qu'il me soit 1e1 permis de lui témoigner ma vive reconnaissance. ANN, SC. NAT., JUILLET 1872, XVI, 1. — ART. N° 6. 2 G. CARLIET. CHAPITRE PREMIER. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET HISTORIQUES SUR LA LOCOMOTION HUMAINE. La locomotion est l'ensemble des phénomènes au moyen des- quels le corps se transporte de lui-même d’un lieu à un autre. Ce terme implique l’idée de mouvement, et l’on a tort de lui faire souvent comprendre les questions de mécanique animale qui dépendent de la séation. Un fait digne de remarque et qui domine toute l'histoire de la locomotion, c’est la tendance qu'ont eue les savants à soumettre la question au calcul. À peine l'observation avait-elle donné quelques résultats, qu'en 1670 Borelli essayait de leur appliquer les lois de la mécanique ; mais il se montra plus judicieux obser- vateur qu'habile mécanicien. Une seconde tentative fut faite par Poisson ; malheureusement les données sur lesquelles il se fonda n'avaient pas reçu le contrôle de l'expérience, et le calcul ne lui servit que d'intermédiaire entre l'inexactitude du point de départ ei celle du point d'arrivée. L’expérimentation permit enfin de mesurer les phénomènes qu’on s’étaitjusqu'alors contenté d'observer. Les frères Weber, en Allemagne, publièrent, à la suite de l'exposé de leurs re- cherches expérimentales, une théorie mathématique des prin- cipaux modes de la locomotion humaine. Leur procédé opé- ratoire était des plus simples, mais il ne comportait pas une précision suflisante, et l'erreur servit, encore cette fois, de base au calcul. Depuis cette époque, l'électro-phystologie et l'observation des faits pathologiques ont montré l’inexactitude de la théorie alle- mande. C’est M. Duchenne (de Boulogne), en France, qui lui a porté le premier coup. Nous diviserens cet historique de la locomotion en deux grandes périodes, l’une d'observation et l’autre d'expérimentation. ARTIGLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. à 1° PÉRIODE D'OBSERVATION. — Elle s'étend depuis Aristote jus- qu'aux frères Weber, et peut être subdivisée en trois phases principales que nous allons successivement passer en revue. a. Phase métaphysique. — C'est celle pendant laquelle la métaphysique, régnant en souveraine, venait en aide à l’insuffi- sance des connaissances anatomiques. Dans l'étude des mouve- ments, on commença par croire que la volonté agissait directement pour les produire; puis on fit intervenir, comme instruments intermédiaires, les esprits animaux qui servaient à établir une communication entre l'esprit et la matière. Aristote étudia la locomotion sans connaîlre l’action des mus- cles. Il croyait queles mouvements deflexion et d'extension étaient produits par les esprits animaux qui, arrivés daus les articulations, attiratent les os ou les repoussaient. C'était à Erasistrate, petit- fils d'Aristote, qu'était réservée la gloire de découvrir la contrac- tion musculaire. b. Phase anatomique. — Elle commence avec Galien qui, dans un ouvrage sur la dissection des muscles, décrit la plupart de ces organes en indiquant leurs principaux usages. Son traité De usu partium contient quelques détails intéressants sur la loco- motion, mais l’auteur prend souvent pour guide la théorie des causes finales, qui l’entraîne loin de la vérité. Fabrice d'Acquapendente donne une description minutieuse des organes de la locomotion, et signale déjà cette espèce de mouvement circulaire par lequel le pied se déroule sur le sol. Glisson démontre l’irritabilité de la fibre musculaire, c’est-à- dire la faculté qu’elle possède de se contracter sous l'influence des excitations. Mayow explique la contraction musculaire par l’action réci- proque de l'air et des matières combustibles du sang. Il avait donc entrevu, dès 1670, la véritable origine de la force méca- nique des muscles. Gassendi fait observer l'influence de la longueur du pied sur la grandeur du pas; mais il croit que, dans la marche, le tronc se trouve porté en avant dans un plan entièrement horizontal. C'est dans Gassendi qu’on trouve la première idée de l’assimila- î G. CARLET. tion du mouvement des membres supérieurs de l’homme avec celui des membres antérieurs des quadrupèdes. ©. Phase mécanique.— Jusqu'ici la locomotion n’est pas encore nettement définie, et l’on ne voit intervenir dans le problème aucune considération sur la force motrice, le point d'appui du corps ou les résistances à vaincre. En s'adressant à ces éléments, Borelli va inaugurer une ère nouvelle, qu'on peut appeler la phase mécanique de la période d'observation. Borelli compare la marche de l’homme au mouvement d’un bateau que le batelier pousse à l’aide d’une gaffe, Mais 1] commet une grave erreur en attribuant au point d'appui de la gaffe un mouvement réflexe qu'il regarde comme la cause de la progression. Membrede l’Académie del Cimento. 11 subit l'influence des savants au contact desquels il se trouve, et c’est à lui que revient l'hon- neur d’avoir fait la première tentative d'expérience sur la loco- motion. Borelli dit, en effet, que si l’on marche dans la direc- tion de deux poteaux placés à une distance assez grande l’un de l’autre, il est impossible de voir l’antérieur couvrir toujours le postérieur. Le poteau le plus éloigné apparaît tantôt à droite, tantôt à gauche de l’autre, et le savant napolitain er déduit que la marche s'accompagne d'oscillations alternatives du corps à droite et à gauche. Quant à la démonstration des oscillations de bas en haut, et réciproquement, elle se trouve contenue en germe dans la comparaison que fait Borelli de la marche de l'homme avec celle d'un compas qu'on ferait progresser par rotation sur ses pointes. Barthez, dans sa Nouvelle Mécanique des mouvements de l’homme et des animaux, ajoute peu aux faits énoncés par Borelli. Il démontre cependant que le sol agit par sa seule résistance, et qu'il faut mettre de côté toute espèce d'action réflexe de sa part. On doit donc à Barthez d’avoir, le premier, introduit dans la science des idées nettes sur la force motrice du corps, en mon- trant qu’elle réside tout entière dans l’action musculaire. Magendie, dans son Précis élémentaire de physiologie, signale un ‘ mouvement de rotation horizontale du bassin sur la tête du fémur qui est resté fixe, et il attribue à l’inégalité des arcs de- cercle ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 5 décrits de part et d’autre la déviation qui se produit toujours dans la marche quand la vue ne vient pas en aide pour la corriger. En 1821, M. Roulin fait paraître dans le journal de Magendie des Recherches théoriques et expérimentales sur le mécanisme des attitudes et des mouvements de l’homme. C’est une critique fine et quelquefois un peu mordante des travaux des prédécesseurs. On y trouve des détails intéressants sur le mécanisme de la colonne vertébrale et des principales articulations. Quelques années plus tard, Chabrier publie un Mémoire sur les mouvements progressifs de l’homme et des animaux. I pose comme règle générale, que, dans la progression, les muscles du membre à l’appui ont leur extrémité fixe en bas, et leur extré- mité mobile en haut, tandis que, dans les muscles du membre qui a quitté le sol, les points fixes et les points mobiles sont mver- sement disposés. C’est là l’idée dominante et le point essentiel du mémoire de Chabrier. Il regarde, de plus, les muscles des gouttières vertébrales comme des muscles locomoteurs. Dans sa Physiologie médicale, didactique et critique, Gerdy traite longuement de la locomotion. Ilexamine surtout les phé- nomènes qui se passent dans le tronc, pendant la marche, et décrit, entre autres, le mouvement de bascule du bassin autour d’un axe qui traverserait horizontalement d'avant en arrière la tète du fémur immobile. Je citerai, pour mémoire seulement, les calculs de Pois- son sur la quantité de travail produite pendant la marche. On trouvera, dans son Traité de mécanique, ses hypothèses et ses résultats. 2° PÉRIODE D’EXPÉRIMENTATION. — Elle fut maugurée, en Alle- magne, par les recherches des Weber sur la mécanique des organes de la locomotion. Après avoir étudié d’une manière toute spéciale l'anatomie de l'appareil locomoteur, ils instituërent des expériences dont les résultats devaient servir de base à leur théorie mathématique de la marche, de la course et du trotter. Un coup d'œil rapide jeté sur le travail des Weber permettra d'en apprécier la valeur. 6 G. CARLET.,. Leurs recherches anatomiques portèrent principalement sur les articulations. C’est à eux que l’on doit la connaissance exacte du mécanisme des articulations coxo-fémorale et fémoro- tibiale. Ils firent ensuite des expériences afin de mesurer : 1° la longueur et la durée des pas; 2° le temps de l’appui et celui de l’oscillation de la jambe; 3° la valeur de l’inclinaison du tronc pendant la marche et la course; 4° l'amplitude de ses oscillations verticales pendant ces deux modes de progressier. Ils cherchèrent enfin à déterminer, d’une manière précise, la situation du centre de gravité du corps,que Borelli avait trop vaguement définie en disant que ce point se trouvait entre les fesses et le pubis. 1° Pour mesurer les éléments du pas, les Weber se servirent d'un espace couvert et offrant un sol horizontal d’une quaran- taine de mètres de long. Le sujet soumis à l'expérience faisait marcher, au moment d'entrer dans la carrière, une montre arrêtée jusque-là par un crochet d’enrayure, et il comptait le nombre de ses pas. En divisant par ce nombre la longueur du trajet et le temps employé à le parcourir, on avait la longueur et la durée moyenne du pas. 2° Les temps de l'appui et de l’oscillation de la jambe furent obtenus de la manière suivante. a. Pour avoir le temps de l'appui, on introduisit une montre à tierces dans un bloc de bois massif qui fut ensuite enfoncé dans le sol. Le bouton de la montre faisait saillie au dehors, et il suf- fisait d'exercer sur lui une pression pour que l’instrument se mît en marche. Une planche longue et mince, sur laquelle le pied devait s'appuyer, fut ensuite appliquée sur le bouton, qui demeu- rait abaissé tant que le pied restait en contact avec elle. La du- rée de l’appui se trouvait en observant l’état de la montre avant et après. b. La durée de l’oscillation de la jambe fut déduite de celle de l'appui par la considération du double pas. Pendant un pas double, en effet, chaque jambe est une fois à l'appui et une fois au soutien. Si donc, de la durée d’un double pas, on retranche celle de l’appui, le reste obtenu représentera le temps d’une oscillation de la jambe. ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 7 3° Pour mesurer l'étendue de l’inclinaison du tronc et voir comment elle varie avec la vitesse, les Weber avaient installé une lunette à 100 mètres sur le côté de la carrière parcourue. L'oculaire de cette lunette était mobile et contenait un fil qu'on pouvait faire coincider avec l’image d’une ligne tracée à l'avance sur le tronc. Il était facile d'obtenir ainsi l'angle du tronc avec la verticale. | h° C'est en observant un point du tronc au moyen d’une lunette horizontale contenant un micromètre, que les Weber mesurèrent l'amplitude de ses oscillations verticales. Je ne rendrai pas compte ici du procédé expérimental des deux frères pour déterminer la situation exacte du centre de gravité du corps. Cette détermination précise peut-être utile dans l'étude de la station, mais elle est complétement illusoire dans celle de la locomotion. Le moindre déplacement d’une par- tie quelconque du corps suffit en effet à changer la position du centre de gravité, et il est impossible d'indiquer, d'une manière précise, les variations que subit ce point pendant les diverses phases de la progression. L'expérimentation ne peut d’ailleurs se prêter à l’étude directe de son mouvement, et je me suis imposé, dans ce travail, de n’avoir pour guide que la méthode expérimentale. Il ne faut pas, non plus, se laisser abuser par la précision fictive que les Weber ont donnée à leurs mesures en disant que « le centre de gravité du corps est situé à 8°",7 au-dessus de l’angle sacro-vertébral. » L’exactitude sera, au contraire, indis- pensable quand il s'agira de mesurer la longueur et la durée du pas, pour chercher, par exemple, s’il existe une relation entre ces quantités. Or, les deux frères se sont adressés, dans ce cas, au calcul des moyennes, qui ne pouvait leur donner qu'un résultat approché. Il est presque inutile d'ajouter que les procédés employés par les Weber pour mesurer l'amplitude des oscillations verticales du tronc et la valeur de l’inclinaison, laissent beaucoup à désirer sous le rapport de la précision. Aucun de ces procédés ne peut donner ia hauteur du tronc ou son inclinaison à chaque instant. 8 G. CARLET. Ils ne permettent d'apprécier qu'approximativement les écarts extrèmes. | Pour en finir avec la partie expérimentale de l’ouvrage des Weber, je rappellerai que l'expérience, si connue, de l’un d’eux, sur l'articulation coxo-fémorale, fut le point de départ de re- cherches qui tendaient à prouver que les muscles ne jouaient aucun rôle dans l’oscillation de la jambe. Sur un homme vivant dont les muscles étaient relàchés, le membre inférieur fut écarté de la verticale, puis abandonné à lui-même, et les Weber crurent voir qu'il oscillait comme sur un cadavre. Ils conclurent de là que «le membre inférieur soulevé se porte en avant par la seule impulsion de son propre poids, absolument comme un pendule, et suivant les mêmes lois. » On comprend que, dans l’expérience précédente, il soit très- difficile de relâcher entièrement les muscles du membre hbre et de les soustraire complétement à l’action de la volonté. Il est done téméraire de vouloir fonder sur une telle base une théorie aussi importante que celle de l’oscillation des membres inférieurs. C'est sans plus de fondements que les Weber ont attribué à la pesanteur les oscillations du membre thoracique qui se font en sens contraire de celles des membres abdominaux. Il résulte de ce qui précède qu'on ne doit pas attacher une grande importance aux résultats expérimentaux des Weber. Quant à la partie mathématique de leur ouvrage, elle offre, outre l’inexactitude des données, des erreurs nom-— breuses qui amènent des impossibilités dans les résultats nu- mériques. Le travail des Weber fut à l’abri de toute atteinte jusqu'à l’époque où M. Duchenne (de Boulogne) publia ses observations cliniques sur le rôle des muscles du membre inférieur pendant la période de soutien. « Il suffit, dit-il, de la paralysie des muscles fléchisseurs de la cuisse sur le bassin pour rendre toute progression absolument impossible. Quelque effort que fasse alors le sujet, dans le but de soulever ses membres inférieurs et de les porter en avant, il ne peut les détacher du sol. » ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 9 Le même auteur démontra ensuite que la paralysie des fléchis- seurs de la jambe sur la cuisse, ou du pied sur la jambe, gène considérablement le mouvement d’oscillation. Le pied butte alors contre le sol, et le malade est obligé d’exagérer la flexion du pied ou celle de la cuisse, ce qui occasionne une sorte de claudication. Se basant sur ses observations, M. Duchenne (de Boulogne) conclut à l’insuftisance de la pesanteur pour produire l’oscilla- tion de la jambe. Il montra enfin que, contrairement à l’asser- tion des Weber, c'est l’action musculaire qui est la cause des mouvements oscillatoires des membres supérieurs. Ces mouve- ments sont en effet abolis consécutivement à l’atrophie des muscles deltoides. Ce ne sont pas là les seuls faits que M. Duchenne (de Boulogne) ait introduits dans la science. On lui doit encore d’avoir éclairé d’un jour nouveau la physiologie musculaire des organes de la locomotion. Il n°y à pas longtemps qu’on déterminait l’action d’un muscle par le seul examen de ses insertions et de la direction de ses fibres. Bichat avait posé, comme règle générale, « qu'il suffit de voir un muscle sur le cadavre pour prononcer sur ses usages ». L'électro-physiologie est venue enlever à cette règle une partie de sa généralité. M. Duchenne {de Boulogne) a parfaitement démontré, par l'excitation électrique de chaque muscle en par- ticulier, que les anatomistes s'étaient souvent trompés. C’est ainsi qu'il a prouvé que le tenseur du fascia lata n’était pas extenseur de la jambe sur la cuisse, comme on Pavait cru d’abord, mais uniquement fléchisseur de la cuisse sur le bassin. D’après lui, ce muscle est destiné à modérer l’action rotatrice en dehors du psoas iliaque, afin de faire osciller le membre inférieur directement en avant. Il semble qu’il n’y ait rien à ajouter aux travaux de M. Du- chenne (de Boulogne) sur la physiologie des muscles. Cepen- dant la méthode graphique, en permettant de constater la con- traction volontaire, pourra encore éclaircir quelques points. En prenant, pour ainsi dire, les muscles sur le fait, elle donnera des 10 &. CARLET. indications plus précises sur le rôle de certains d’entre eux pendant la progression. Dans son Traité de mécanique animale, M. Giraud-Teulon consacre un chapitre à l'examen de la théorie des Weber. Il signale les erreurs mathématiques des physiologistes allemands, mais on le voit aussi quelquefois admettre leurs résultats erronés. On trouvera, dans le chapitre suivant, la description des appa- reils qui m'ontservi à étudier les phénomènes de la marche. CHAPITRE II. APPAREILS ET PROCÉZÉ OPÉRATOIRE Pour obtenir un trajet d'une longueur suffisante dans l’espace qui m'était offert, et dans le but aussi d'utiliser le manége que le professeur Marey avait fait construire pour ses recherches sur le vol de l'oiseau, j'ai dû étudier les phénomènes de la locomo- tion sur un chemin circulaire. La circonférence de ce chemin avait une longueur d'environ 20 metres. Son rayon de courbure élait donc assez grand pour ne gêner en rien la marche qu'on pouvait considérer comme s’effectuant en ligne droite. Le sol du laboratoire servit d’abord aux expériences, mais il fallut bientôt renoncer à son emploi. Ce sol offrait en effet des différences de niveau qui s’accusaient sur les tracés. Pour re- médier à cet inconvénient, un chemin circulaire de plâtre fut coulé sous le manége. Il avait le même centre que ce dernier et lhorizontalité de sa surface fut obtenue de la manière suivante. On commença par construire, à l’aide d’un fort gabarit de bois, une rigole circulaire en plâtre de 80 centimètres de large, à bords verticaux. On fixa ensuite à l’un des bras du manége deux règles verticales dont les extrémités inférieures étaient si- tuées sur un même plan horizontal. Chacune de ces extrémités portait un crayon dont la pointe s’appliquait contre les bords de la rigole. On fit alors tourner le manége, et les deux crayons dé- crivirent sur chaque bande une ligne circulaire horizontale. On écrêta les deux bandes jusqu'au niveau de ces lignes, puis on ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 41 coula dans la rigole du plâtre qu'on étendit au moyen d’une règle qui glissait sur ses deux bords. Il est clair que tous les points du chemin ainsi obtenu se trouvèrent situés sur un même plan horizontal, et par là fut supprimée la cause d’erreur qui tenait à l'inégalité du sol. Au centre du chemin circulaire que je viens de décrire s’élève une table de photographe (voy. pl. 41). Sa planchette, parfaite- ment horizontale, supporte une pièce de fonte qui, destinée à donner de la stabilité par son poids, soutient en outre l’axe de rotation du manége. Les bras de ce dernier ont chacun 8 mètres de long et leurs bords sont taillés en biseau, afin d'offrir à l’air moins de résistance. A l'extrémité de ces bras et perpendiculai- rement à leur longueur, est fixée, de chaque côté, une règle ho- rizontale destinée à empêcher les vibrations verticales et la tor- sion des bras du manége. Elle porte pour cela, à ses extrémités, deux fils qui vont au plafond s’accrocher à une plaque métal- lique mobile autour d’un pivot, lequel est enfoncé dans une poutre, suivant l’axe nième du manége. Pour analyser les phénomènes de la marche, j'ai employé deux appareils, l’un explorateur et l’autre enregistreur, reliés entre - eux par des tubes de communication destinés à transmettre au second appareil les indications fournies par le premier. L'appareil enregistreur sera toujours le même. L'appareil ex- plorateur variera au contraire avec le genre de recherches qu’on se proposera de faire. Ce sera une baguette qui servira à explo- rer les oscillations verticales ou horizontales d’un point du tronc, et l'inclinaison de ce dernier sera appréciée par le moyen d’un parallélogramme. C’est avec une semelle de caoutchouc qu’on trouvera la valeur des éléments de la foulée et du pas; enfin c'est un tambour explorateur qui rendra compte des contrac- tions musculaires. APPAREIL ENREGISTREUR. — C'est celui dont le docteur Marey s’est servi pour étudier le vol de l'oiseau (1). Je n'ai fait qu'y (4) Marey, Deuxième Mémoire sur le vol des insectes et des oiseaux (Ann, sc. nat., 4869, t. XII). 49 G. CARLET. substituer un cylindre fixe au cylindre mobile du régulateur de Foucault. Cet appareil se compose essentiellement d’un cylindre fixé sur l'axe du manège, et de tambours à levier (1) destinés à tracer des indications sur une feuille de papier enfumé qui recou- vre la surface du cylindre. Les tambours sont adaptés à une tige verticale dont les tourillons reposent sur deux coussinets fixés au manége. Cette tige pivote sur son axe de façon à éloigner du ey- lindre les leviers enregistreurs ou à les mettre en contact avec lui. Grâce à ce dispositif, dû à M. Marey, on peut faire en sorte que les pointes écrivantes ne touchent le cylindre qu’au moment où se produit le phénomène que l'on veut enregistrer. La tige pivolante est, pour cela, mise en rapport avec un tam- bour vertical où l’on peut comprimer de l'air. La compression se fait au moyen d’une poire de caoutchouc que l’expérimenta- teur tient à la main et qui est reliée au tambour vertical par un tube qui longe le bras du manége. Si l’on cesse de presser la poire, un ressort ramène les tambours à leur position première. et les leviers ne sont plus en contact avec le cylindre. Il est utile que la longueur des leviers enregistreurs soit la mème. Les indications qu'ils fournissent alors sont exactement superposées, et tous les points situés sur une même génératrice du cylindre sont enregistrés au même instant, ce qui facilite beaucoup la lecture des tracés. Avant de passer à la description des appareils explorateurs, il est indispensable de dire comment on écrit sur le cylindre le temps, l'espace et la vitesse. Mesure du temps, de l’espace et de la vitesse. — 1° Le temps est enregistré par un compteur électrique dont le levier, ter- miné par une plume, s'élève ou s'abaisse toutes les fois qu'un mélronome vient ouvrir ou fermer un courant de pile. La ligne 4 de la figure 1 est le tracé graphique du compteur enregistrant. Le métronome bat la demi-seconde, et l'intervalle qui sépare, sur la figure, deux montées ou deux descentes du levier, représente la durée d’une seconde. (4) Pour la description des tambours à levier, voyez Marey, Du mouvement dans les fonctions de la vie, p. 148. ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 15 2° L'espace parcouru se trouve enregistré par le manége lui- même. Les circonférences sont en effet entre elles comme les rayons. Or. le rayon du manége a 3 mètres et celui du eylindre 6 centimètres; leur rapport est, par suite, celui de 50 à 4. I suffira donc de multiplier par 50 la longueur d’un arc de la cir- conférence du cylindre, pour avoir la longueur correspon- dante du trajet parcouru par l’homme sur le chemin cireulaire. 9° La vitesse sera donnée par la combinaison des graphiques du temps et de l’espace. Il est évident qu’elle sera proportion nelle à la longueur de l'intervalle qui, dans le tracé du temps, mesure la durée d’une seconde. Aiusi, dans la figure 1, la vitesse va en augmentant, à mesure qu’on s'avance dans le seus de la flèche, car la longueur qui mesure la durée d’une seconde est de plus en plus grande. APPAREILS EXPLORATEURS. — Ils sont au nombre de quatre et servent à étudier : 1° les éléments des foulées et des pas; 2° les mouvements oscillatoires du tronc ; 3° ses mouvements d’incli- naison; {4° les contractions de certains muscles. 1° Apparel explorateur des foulées. — Chaussure exploratrice. — L'acte par lequel le pied passe de l'appui au lever, pendant la progression, constitue ce qu'on appelle une foulée. Il résulte des considérations dans lesquelles je viens d'entrer au sujet de la mesure du temps, de l'espace et de la vitesse, que, si l’on pouvait écrire sur le cylindre les foulées du pied, il serait facile d'obtenir séparément la longueur et la durée de chaque pas en particulier, ainsi que le temps de l’appui et celui de los- allation de la jambe pendant que ce pas s'effectue. C’est dans le but d'enregistrer les foulées que j'ai imaginé la chaussure explo- ratrice. J’appelle ainsi une semelle de caoutchouc qu'on peut fixer sous le pied avec des courroies, à la manière antique. Cette semelle (pl. 12, fig. 2) est creusée, dans son épaisseur, de deux chambres à air séparées, qui s'étendent, l’une sous la région an- térieure et l’autre sous la région postérieure du pied. Chaque chambre communique avec un tambour enregistreur, par l'in- termédiaire d’un tube de caoutchouc. Ces tubes ont des parois Al G. CARLET. très-épaisses qui leur permettent de résister à l’écrasement, et ils sont maintenus, le long de la jambe, par de larges bandes de caoutchouc, en forme de jarretières, qui les empêchent de flotter pendant la progression. Ils se rendent à l'appareil enregistreur en suivant le bras du manége. Voyons maintenant de quelle nature sont les indications four- nies par cette sandale exploratrice. Si l’on vient à presser le sol par le talon seulement, avec le pied chaussé de la semelle de caoutchouc, l’air contenu dans la chambre sous-jacente sera comprimé et soulèvera le levier enre- Fic. 4. — Oblenue en faisant communiquer, pendant la marche, les chambres à air de la chaussure exploratrice avec deux tambours enregistreurs. — T, graphique du talon (partie postérieure du pied). — P, graphique de la pointe (partie antérieure du pied). — té, une série de secondes enregistrées pendant la marche par le compteur électrique. ( Dans cette figure et les suivantes, le sens de la marche est indiqué par la flèche.) gistreur correspondant. Si le pied, continuant son mouvement, s’appuie sur le sol par toute sa longueur, l’air de la chambre an- térieure sera aussi comprimé, et le levier du tambour auquel il se rend s’élèvera aussitôt. Quand le talon quittera le sol, le pre- mier levier reviendra au zéro. Tant que le pied reposera par sa partie aniérieure, le second levier restera soulevé. Il ne s’abaissera au zéro que lorsque le pied se détachera par la pointe pour osciller, et il restera horizontal tout le temps de l’os- cillation. ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 15 Pendant la progression, le corps en mouvement communique sa vitesse au manége, et par suite aux tambours enregistreurs qui y sont fixés. On aura donc, avec les sandales exploratrices, des courbes décrites au moment de l'appui de la jambe et des lignes horizon- tales tracées au moment de son oscillation. Les lignes P et T de la figure 1 représentent respectivement les graphiques de la partie antérieure et de la partie postérieure de l’un des pieds pendant la marche. Les tracés des deux pieds pourraient être obtenus de la même manière, au moyen de deux semelles et de quatre tambours à levier ; mais, pour ne pas multiplier les tambours et simplifier en même temps les graphiques, j'ai fait communiquer les deux chambres à air de chaque chaussure avec un seul tambour à levier, au moyen de la disposition suivante. Un tube de verre, en forme d’Y, reçoit, par chacune de ses branches latérales, le tube de caoutchouc de l’une des chambres Fig. 2. — Représentant le tracé graphique d’une foulée obtenue en faisant commu- niquer, pendant la marche, les chambres à air de la chaussure exploratrice avec un seul tambour enregisteur (1). à air, et la branche terminale est mise en rapport avec un tam- bour enregistreur. Les contacts successifs du talon et de la pointe du pied avec le sol s’enregistrent alors sur la même ligne (fig. 2), se signalant par deux saillies A et B que sépare une dé- pression C. Le soulèvement ACB représente done une foulée, et l'intervalle qui le sépare du soulèvement suivant est produit par (1) Dans cette figure, la marche s'effectue avec des chaussures à lalon, ce qui mo- difie légèrement la forme de la foulée. Tous les autres graphiques {obtenus avec des chaussures sans talons) offrent une dépression C moins accentuée par rapport aux deux saillies À et B. 16 G. CARLET. le retour du levier à sa position horizontale, pendant que la jambe effectue son oscillation. Mais ce n’est pas seulement la forme de la foulée que la san- dale exploratrice permet d'obtenir , elle peut encore en donner la valeur numérique. La semelle est, en effet, suffisamment épaisse pour que les chambres qui y sont creusées résistent à l’écrasement complet, de sorte que l'augmentation de pression du pied se traduira toujours par un accroissement de l’ordon- née du tracé. On conçoit alors que si l’on remplace le pied par une surface égale supportant des poids marqués qui produisent le même écart du levier enregistreur, ces deux pressions seront égales et l’une pourra servir à la mesure de l’autre. Les san- dales exploratrices sont donc de vrais dynamomeètres qui permet- tront d'apprécier à chaque instant la valeur de la pression du corps sur le sol. 2 Appareil explorateur des mouvements oscillaloires du tronc. — Il est disposé à l’extrémité de l’un des bras du manége (pl. 11), Fig. 3. — Élévation d'une partie de l'appareil explorateur des mouvements oscillatoires du tronc. — Articulation de Cardan. et un poids lui fait équilibre à l’autre bras. Une baguette B doit transmettre les mouvemenis d’un point du tronc à deux tambours explorateurs T et T'. Elle est, pour cela, encastrée à l’une de ses extrémités dans une articulation de Cardan (fig. 3), et porte à l’autre extrémité une pointe qu'on enfonce dans les vêtements, ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 47 au niveau du point exploré. Avant d'arriver au Cardan, la ba- guette exploratrice porte deux petites tiges £ et #/, perpendicu- laires à sa direction, et contenues dans un plan qui passe par le centre de l'articulation. La première de ces tiges est horizontale et la seconde verticale. Cette dernière est seule visible sur la figure 3. Le Cardan est appliqué contre une virole qu'on peut fixer, à l’aide d’une vis, sur un axe vertical qui est implanté sous le bras du manége. (PI. 12, fig. 1.) Parallèlement à la baguette exploratrice et devant elle, se trouve une tige dont on voit le tronçon sur la figure 3. Elle porte les deux tambours explorateurs dont les leviers sont, l’un hori- zontal, L, et l’autre vertical, L’. Cette tige est lerminée par une potence bifurquée, dont les branches d et b' donnent attache à deux fils de caoutchouc R et R’, qui vont aboutir aux leviers L et L’. Ces leviers sont, d’un autre côté, reliés anx deux tiges £ et #” par des fils inextensibles f et f’ que les fils antagonistes R et R/ doivent toujours tenir tendus. Les deux tambours explorateurs sont mis en communication avec deux tambours enregistreurs, par le moyen de tubes de _caoulchouc fixés sur le bras du manége. Voyons maintenant la nature des indications fournies par cet appareil, quand les leviers in sont en contact avec le cylindre enfumé. | Si l’on vient à faire mouvoir la baguette nos dans un plan vertical, il est clair que le levier L’ sera seul influencé par ces mouvements, et que le levier L restera immobile. Ainsi, les mouvements verticaux sont tous transinis à l'appareil enre- gistreur par le levier vertical de l'appareil explorateur. Si l’on fait mouvoir la baguette dans un plan horizontal, le levier L suivra seul son mouvement, et, par suite, les mouvements horizontaux sont tous transmis à l'appareil enregistreur par le levier horizontal de l'appareil explorateur. Si l'on promène enfin la baguette exploratrice dans un plan incliné, les deux leviers L et L’ seront influencés, et par consé- SC. NAT. JUILLET 1872, XVI. 2, — ART. N° 6. 18 G. CARLET. quent les mouvements obliques sont tous transmis a l'appareil en- registreur par les deux leviers de l'appareil explorateur . Supposons maintenant les appareils que je viens de déerire réglés de telle sorte que les pointes écrivantes tracent à la sur- face du cylindre des ares égaux, quand on écarte la baguette du même angle dans le plan vertical et dans le plan horizontal. Si. 123 Z 567 8 90. Fic. 4. — Représentant les foulées des deux pieds et les mouvements oscillatoires du pubis.— P, d., tracé du pied droit.— P.g., tracé du pied gauche. — O.P.x., gra- phique des oscillations verticales du pubis. — O0.P.h., graphique de ses oscillations horizontales. (Le sens de la marche est indiqué par la flèche.) dans ces conditions, un homme marche en poussant devant lui le manége au moyen de la baguette exploratrice fixée en un certain point du corps, les mouvements de ce point seront écrits par les deux leviers enregistreurs à la surface du cylindre. Ces courbes, ramenées à leur vraie grandeur, seront les projections verticale et horizontale du trajet décrit dans l’espace par le point consi- déré. La réunion des deux courbes formera l’épure de la tra- jJectoire. La planche 11 représente l’expérimentateur au moment où il enregistre à la fois les foulées des deux pieds et les mouvements ARTICLE N° G: LOCOMOTION HUMAINE. 19 oscillatoires d'un point du tronc. La poire de compression, qu’il tient à la main droite, lui sert à recueillir les graphiques au mo- ment opportun, Deux lignes tracées à l’avance sur le chemin de plâtre guident sa marche. La figure 4 montre les résultats obtenus dans les conditions précédentes, quand on explore les mouvements de la symphyse du pubis. Il est clair que, {si l’on connaît le rapport de similitude entre l'arc décrit par la pointe de la baguette et celui qui est tracé par la pointe du levier enregistreur, on pourra trouver la valeur numérique de l'amplitude des oscillations du pubis et construire sa trajectoire en vraie grandeur. F1G. 3. — Parallélogramme d’inclinaison. 3° Appareil explorateur des mouvements d'inclinaison du tronc. — Paralléloyramme d’inclinaison. — J'ai dit (voyez page 7) comment les Weber mesuraient l’inclinaison variable du tronc. Leur procédé ne permettait d'obtenir que les valeurs extrêmes. L'appareil que je décris sous le nom de parallélogramme d'incli- naison donne les variations angulaires du tronc à chaque instant. Îl'est constitué par un parallélogramme articulé ABCD (fig. 5), 20 G. CARLET. . dont le plan est vertical. Son côté AB doit être appliqué sur la ligne médiane du tronc. Le côté opposé CD agit sur le levier vertical d’un tambour explorateur, par l'intermédiaire d’un fil inextensible DL auquel est opposé un fil antagoniste. Ce parallélogramme est rendu mobile dans son plau par le moyen d’une virole V, qui tourne autour d’un axe horizontal ; mais il peut aussi effectuer des mouvements de latéralité, c'est- a-dire se mouvoir de droite à gauche ou de gauche à droite. Ce dernier mouvement s'exécute autour d’une seconde virole V' soudée perpendiculairement à la première, et 1l a pour axe une petite tige qui est implantée à ses deux extrémités £ et # dans le côté CD. Le fonctionnement de l'appareil est facile à comprendre. a. Les mouvements verticaux de AB n'agiront pas sur CD, et, par suite, les oscillations verticales du tronc ne seront pas enregistrées. b. Les mouvements horizontaux de AB n'auront pas d'autre effet sur CD que d'amener la rotation de ce côté sur son axe. Les oscillations horizontales du tronc ne se transmettront donc pas au levier explorateur, puisque le fil DL s'implante sur l'axe mème de CD. e. Les mouvements angulaires de AB, soit en avant, soit en arrière, agiront sur CD, de manière à le maintenir constam- ment parallèle à AB. Le fil DL et son antagouiste joueront alors leur rôle pour transmettre le mouvement. Le parallélogramme ne pouvant éprouver de torsion autour de son point de suspension, il s'ensuit que : Les mouvements d’inclinaison du tronc dans le plan vertical sont tous transmis par le parallélogramme à l'appareil enregistreur, et ils Lur sont seuls transmis, à l'exclusion de tous les autres. La figure 6 montre la courbe C.i. obtenue avec le parallélo- gramme d'inchinaison, dans le cas de la marche naturelle. Il est facile de voir que les ordonnées de cette courbe varient comme les tangentes trigonométriques des angles que fait le tronc avec la verticale, l’axe des abscisses répondant à la position du levier enregistreur quand le côté AB est vertical. ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 91 h° Appareil explorateur de la contraction musculaire. — J'ai fait mes premières expériences avec la coquille cardiographique de Marey; mais cet instrument ne peut donner d'indications précises que lorsqu'il est appliqué sur la peau. J'ai trouvé plus commode et aussi exact de me servir du tambour avec lequel F6. 6. — Représentant les foulées des deux pieds et la courbe obtenue avec le parallélogramme d’inclinaison. — P.d., tracé du pied droit. — P.g., tracé du pied gauche. — G.i., courbe d’inclinaison. M. Marey interrogeait le durcissement pectoral de l'oiseau pen- dant le vol, C’est un tambour à fond métallique, recouvert d’unemembrane de caoutchouc, et contenant à son intérieur, un ressort-boudin qui appuie sur le musele dont on explore la con- traction. Cette dernière est recueillie par un tambour à levier enregistreur. J'ai pu obtenir ainsi les tracés graphiques des muscles locomoteurs les plus importants. La figure 7 représente, en À, la contraction des muscles posté- rieurs de 1a cuisse, et en C, celle du droit antérieur pendant la marche. G. CARLET. 22 (ynvono,;g op anoyepn8#au np arrqour 24purA9 9j OX DAPUNAD NE JUENJHSNS U2 NU9JEO 91) E JOUA] 29) ‘ogouus poid np So9pnoy ‘{ — ‘ouones ossmo tv] ap ANOHQJUE JLOAP NP DALJNISNUL UOTOUAJUOD EL 2P 9904) D — ‘oUONS 9SS1N9 EI 9P SANIHYISOË SO[OSNUL SP UO1IC1}U09 UJ 2P 99847 Y — ‘29IN0J QUNP Sos SOSIPAID XNE 95819 ET 9P SOOSNUL Sop SHOr2UTUO SA] quequosoidoy — °Z ‘91 ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE, 93 CHAPITRE III. DES FOULÉES ET DU PAS. La marche est ce mode de locomotion dans lequel le corps ne quitte jamais le sol. Elle se distingue nettement, par là, de la course et du trotter, où le corps reste un certain temps sus- pendu en l'air. Je ne m’occuperai ici que dela marche en avant sur un terrain horizontal, et je diviserai la question pour en faciliter l'étude. Dans une première partie, qui fera l’objet de ce chapitre, je m'occuperai des foulées et du pas; dans une deuxième, j exa- minerai le rôle des membres inférieurs. Je passerai ensuite en revue les divers mouvements du tronc. ainsi que ceux des membres supérieurs. La dernière partie, enfin, contiendra une théorie de la marche qui sera, pour ainsi dire, la synthèse des différents phénomènes que j'aurai analysés dans les sections pré- cédentes. Cette théorie différera sensiblement de toutes celles qui ont été données jusqu'alors, et c’est elle qui servira de conclusion à mon travail. ARTICLE 1°. Des foulées. J'ai déjà défini les foulées. Elles consistent dans le temps d’ap- pui du pied sur le sol, vendant la marche, depuis son poser jus- qu’à son lever. Les foulées offrent à étudier : 1° la manière dont chacune d’elles s'accomplit; 2° la manière dont elles se succèdent; 3° la valeur numérique de la pression qu'elles représentent ; 4° leur durée ou ie temps d'appui du pied sur le sol ; 5° la durée des intervalles qui les séparent ou le temps d’oscillation de la jambe ; 6° la valeur de l’empiétement des foulées ou le temps du double appui. 1° Manière dont s’accomplit une foulée. — La figure 1, qui donne l'indication du moment où le talon et la pointe d’un même 2h G. CARLET., pied sont à l’appui ou au lever, montre clairement que le pied commence à se poser par le talon, et se déroule ensuite sur le sol pour le quitter par la pointe. 2° Manière dont se succèdent les foulées. — J'ai déjà expliqué comment j'ai pu, par l’intermédiaire d’un tube en Y, faire communiquer les deux chambres à air de la chaussure explo- ratrice avec un seul tambour à levier, ce qui permet d’en- registrer sur la même ligne les foulées successives du talon et de la pointe du pied. La figure 4 a été ohtenue en marchant avec deux semelles wises chacune en communication avec un seul tambour. P.d. est le graphique des foulées du pied droit, et P.g. celui des foulées du pied gauche. On voit, à l'inspection de ces tracés, qu'au moment où le talon gauche, par exemple, se pose sur le sol (ligne 1, fig. 4), la pointe du pied droit y est encore. Il y a donc un moment où le corps repose sur les deux jambes, et il est indiqué, sur la figure 4, par l’empiétement (1-3) des'deux foulées. Le pied gauche, continuant se mouvoir, porte ensuite sur toute sa longueur et est à l'appui complet. Alors le pied droit quitte le sol (ligne 3), oscille (3-5), et va se poser (ligne 5) par le talon, avant que le pied gauche se soulève par la pointe. Les deux pieds touchent donc de nouveau le sol (5-7), et les mêmes phénomènes se reproduisent; mais, cette fois, c’est le pied droit qui se comporte comme tout à l'heure se comportait le gauche, et réciproquement. On peut, de cette longue énumération, donner la traduction lttérale suivante, qui n’est autre que l'explication des gra- phiques P.d. et P.g. de la figure 4. 4°. ge 3°. 4. D°. Pied droit. . .| Appui de la pointe. Lever. Appui de la pointe. Appui du talon. | Appui. Pied guuche..| Appui du talon. Appui, Appui de la pointe, Lever. Appui du talon. Telle est la série des phénomènes qui s'accomplissent dans les foulées, pendant que le corps passe de la position qu'il occupe à une position exactement semblable. Cette période, pendant la- ARTICLE N° G, LOCOMOTION HUMAINE. 25 quelle chaque jambe est une fois à l'appui et une fois au soutien, constitue ce qu’on appelle un double pas, ‘et elle est représentée (fig. 4) par l'intervalle (1-9). 3° Valeur numérique de la pression que représentent les foulées. — Pour la trouver, j'ai cherché l'écart que produisait, sur un levier enregistreur, le poids de mon corps reposant par le talon seulement sur la chambre postérieure de la semelle explora- trice. J'obtins ainsi un arc de 9 millimètres, correspondant à mon poids, qui est de 70 kil. Je remplaçai ensuite mon talon par un morceau de bois arrondi, de même surface, sur lequel je fixai un prisme triangulaire en forme de couteau, destiné à supporter un fort levier (voy. pl. 11, fig. 3). Ce levier était mo- bile dans un plan vertical, autour d'un point fixe pris au dehors. Des divisions marquées sur sa longueur permettaient d'arrêter un poids de 10 kil. à des distances connues du point d'appui et du couteau. Je trouvai le même arc de 9 millimètres pour un poids dè 70 kil., et j'augmentai la pression en rapprochant le poids de l'extrémité libre du levier. J’observai alors que, pour les poids de 80 et 90 kil., j'avais les longueurs respectives de 11 et 12 millimètres. Fixant alors la sandale à une chaussure sans talon, je fis divers pas de marche, toutes choses égales d’ailleurs. Les plus grands écarts que j'obtins ne dépassèrent pas 12 millimètres; mais je trouvai toujours des arcs supérieurs à 9 millimèires. J’opérai de même sur la chambre antérieure de la semelle, et je vis la pression augmenter avec la grandeur des pas, tout en restant comprise entre les mêmes limites. Je suis donc autorisé à dire que : 1° La pression du pied sur le sol est plus forte pendant la pro- gression que pendant la station. 2° Celle pression augmente avec la grandeur des pas. 3° L'augmentation de pression ne dépasse pas un poids de 20 kil. Les tracés graphiques de la figure 1 montrent que la foulée du talon alteint son maximum un peu après son poser, et celle de la pointe un peu avant son lever. La même figure permet aussi de voir que la foulée du talon atleint rapidement son maximum, tandis que celle de la pointe n’y 26 G. CARLET,. arrive que plus lentement. Il faut en chercher la raison dans le choc déterminé par la chute du tronc, quand le membre anté- rieur se pose sur le sol. On peut conclure des considérations précédentes que : Dans la marche naturelle, le pied commence à se poser en tom- bant sur le talon, puis il continue son mouvement en S appliquant par loule la plante, el se déroule en S'appuyant fortement sur sa partie antérieure pour se détacher en/in par la pointe. L° Durée de la foulée ou temps d'appui du pied sur le sol, — 1 s’agit d'évaluer le temps correspondant à l'intervalle qui sépare les lignes 1 et 7 (fig. 4). Soient L la longueur de l'intervalle 1-7, et À celle de la se- conde enregistrée, pendant ce temps, par le compteur électri- que. En désignant par + le temps d'appui, on aura : D'UN sé T —= LÉ dou 5 Le temps de l'appui du pied sera donc exprimé par le rapport de la longueur de la foulée à la longueur de la ligne qui repré- sente la seconde correspondante. Il est clair qu’on pourra ainsi calculer le temps de l'appui pour chaque partie en particulier. 5° Durée de l’oscillation du membre inférieur. — On l’obtien- dra en cherchant la durée de l'intervalle 7-9 (fig. 4) qui sépare deux foulées consécutives du même pied. Soit & le temps mconnu. Désignons par / la distance 7-9 et par À’ la longueur de la seconde correspondante. On aura : Le temps de l’oscillation de la jambe sera donc donné par le rapport de la longueur de l'intervalle d’oscillation à la longueur de la ligne qui représente la seconde correspondante. On voit aussi qu’on pourra calculer séparément la durée de chaque oscillation en particulier. ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 27 Remarque. — La seule inspection de la figure 4 suffit à mon- trer que, dans la marche, le temps de l’oscillation d’une jambe (3-5) est toujours plus court que le temps d’appui (1-7) de la jambe opposée. Cela résulte d’ailleurs de la définition même de la marche. Dans la marche, en effet, le corps ne doit jamais quitter le sol. Or, au moment où une jambe se lève pour osciller, l’autre est à l’appui et elle y reste encore après que l’oscillation est ter- minée. La durée de l'appui d’une jambe est donc forcément plus longue que celle de l’oscillation de l’autre. On peut même dire que, si les pas se suivent et se ressemblent (ce qui a lieu le plus souvent), la durée de l’appui d’une jambe est égale au temps de l'oscillation de l’autre, plus deux fois le temps du contact simul- tané des pieds avec le sol. On peut vérifier cette égalité sur la figure 4, et nous l’expri- merons par l'équation : (1) Te =To + 22. où To, To, Ta, représentent respectivement les durées de l'appui unilatéral, de l’oscillation et du double appui. Cette relation permettra de calculer l’une quelconque de ces quantités, quand on connaîtra les deux autres. 6° Valeur de l’empiétement des foulées, ou temps du double appui. — On peut déduire ce temps de l'équation précédente, ce qui donne : DE es T CP C'est-à-dire que la durée du double appui est égale à la demi: différence de la durée de l’appui unilatéral et de celle de l’oscilla- tion de la jambe. On peut aussi trouver directement la durée du double appui, en divisant sa longueur graphique 1-3 (fig. 4) par celle de l’u- nité de temps correspondante. Ce temps n’est done pas « inap- préciable », comme le dit M. Giraud-Teulon, dans l’article Loco- MOTION, que vient de publier le Dictionnaire des sciences médicales. 98 G. CARLET. ARTICLE II. Du pas. On appelle pas, l’espace mesuré dans la direction du chemin, qui sépare les points où les deux pieds ont touché le sol l’un après l’autre par le talon ou l'ont quitté par la pointe. Il est clair qu'on pourrait aussi prendre, pour mesure du pas, l’espace compris entre deux autres points symétriquement placés dans les deux pieds ; mais la distance entreles talons ou les pointes de ces pieds étant plus facile à apprécier que celle qui existe entre deux points intermédiaires quelconques, on a dû prendre l’une ou l’autre de ces extrémités pour définir le pas. Nous choisirons ici de préférence le talon, à cause du soulèvement plus brusque de sa foulée. On peut voir (fig. 2) que, dans la marche, il est plus difficile de saisir le moment précis du lever que celui du poser. Cette simple considération nous fera prendre toujours la distance entre les faulées du talon pour la représentation graphique de la longueur du pas. Chaque pas présente deux éléments essentiels à considérer : 1° sa grandeur, 2° sa durée. © 4° Grandeur du pas. — Pour trouver la grandeur du pas, d’après sa représentation graphique 1-5 (fig. 4), appelons £ le rapport des rayons du chemin circulaire et du cylindre enfumé. Si d est la longueur de l'intervalle 4-5, il est clair que Æd sera la grandeur réelle du pas correspondant. La grandeur d'un pas s’obtiendra done.en multipliant la lon- sueur de son tracé graphique par le rapport des rayons du che- min sur lequel s'effectue la marche et du cylindre sur lequel elle s'enregisire. Dans lesexpériences que j'ai faites, ce rapport était égal à 50. 2° Durée du pas. — On la trouvera en cherchant le temps employé à parcourir l'espace 1-5 (fig. 4). Soient d la longueur de l’espace 1-5, et 2" celle de la seconde ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 29 enregistrée dans cet Intervalle, on aura, appelant æ la durée du pas : œil À s 4 d " = ve d'où æ — ti La durée d'un pas est donc égale au quotient de sa longueur graphique par celle de la seconde correspondante. Remarque 1. — On peut voir, sur la figure 4, que la durée d’un pas est égale à celle du double appui, plus celle de l’oscilla- tion de la jambe ; ce qu'on pouvait d’ailleurs facilement prévoir, d'après la définition même du pas, et ce qu’on peut exprimer par l'équation : (2) La de TL: où T, représente la durée du pas, les autres lettres ayant la même signification que dans l'équation (1). Remarque IT. —. Pour trouver la durée des phénomènes que je viens d'analyser, on est obligé de prendre comme mesure du temps la longueur de la seconde qui correspond à l'intervalle que l’on considère ; or ce dernier ne comprend que très-excep- tonnellement la longueur d’une seconde. FIG. 8e Soit, par exemple (fig. 8) à mesurer la durée d'un espace HK qui tombe entre Îles points extrêmes c et d de la longueur d’une seconde. Voici comment j’opère : 30 _ G. CARLET. En chacun des points c et d j'élève, sur la ligne des temps, des perpendiculaires eC et /D égales respectivement à la longueur de la seconde précédente, et je joins CD. Cherchant alors le point F milieu de HK, j'élève sur cette ligne la perpendicu- laire EF, que je prolonge jusqu’à sa rencontre en E avec CD. Je prends la ligne EF aivsi obtenue pour représenter la longueur de la seconde correspondant à l'intervalle HK. La démonstration est des plus simples. Si, pour évaluer la durée de l'intervalle HK, on prenait la longueur de l’une des perpendiculaires élevées aux points H ou K, on aurait certainement un résultat plus exact qu’en prenant la longueur trop grande dD de la seconde cd. Un résultat encore plus approché sera donné par l'emploi de la ligne EF qu'on sait être égale à la demi-somme ou à la moyenne des per- pendiculaires élevées aux extrémités de l'intervalle à mesurer. Rapport entre la durée et la grandeur des pas. — Les frères Weber ont cru pouvoir poser. comme règle générale. que «le nombre des-pas faits dans un temps donné est directement pro- portionvel à leur longueur ». Ils expriment le même fait en di- sant encore : « Dans la marche naturelle et sans efforts, mais variée quant à la vitesse, la longueur des pas croît avec la vi- LESSEEePEE Moins un pas coûle de temps, plus il est grand. » Cette assertion des Weber a été vivement attaquée. Tout le monde sait, en effet, qu’on peut marcher trés-vite en faisant de petits pas, et aller au contraire très-lentement en en faisant de grands. Mais cette objection n’est pas aussi sérieuse qu’on pour- rait croire, car les Weber disent fort bien: « Nos déductions théoriques ou expérimentales sur la marche naturelle ont con- staté un accroissement simultané de la grandeur des pas et de leur nombre dans un temps donné. » Or ils entendent par marche raturelle, celle dans laquelle les pas ne sont ni trop pe- tits ni trop grands, et ne s'effectuent ni trop vite ni trop lente- ment. Nous verrons que, dans ce cas, l'opinion des Weber n’est pas très-éloignée de la vérité. ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 31 Pour mieux faire concevoir la loi qu'ils énoncent, les Weber en donnent une représentation graphique. Ils prennent deux axes rectangulaires et portent sur l’axe des æ, à partir de l’ori- gine, diverses longueurs de pas. Les durées de ces pas sont comp- tées sur des perpendiculaires élevées aux extrémités des abscisses. En joignant par un trait continu les sommets des ordonnées ainsi obtenues, on a la courbe de la loi du rapport de la longueur des pas à leur durée. Comme cette courbe, sur le dessin qu'en don- nent les Weber, se rapproche beaucoup d'une ligne droite, ils sont fondés à dire que « les changements correspondants de la longueur et de la durée des pas sont presque proporütonnels les uns aux autres ». LONGUEUR DURÉE DU PAS. TEMPS TEMPS du pas. de l'appui. de l’oscillation, mn s s S 0,52 0,91 0,05 0,88 0,96 0,78 0,84 0,73 0,60 0,73 0,81 0,66 0,67 0,69 0,74 0,65 0,71 0,69 0,74 0,65 0,79 0,69 0,74 0,69 0,79 0,69 0,74 0,69 0,82 1,69 0,7% 0,69 0,89 0,68 0,73 0,65 0,87 0,67 0,72 0,62 0,90 0,69 0,70 0,60 0,93 0,695 0,70 0,60 0,97 0,65 0,70 0,60 Pour vérifier, par la méthode graphique, la valeur de l’asser- üon des Weber, J'ai fait diverses marches dans lesquelles la grandeur des pas allait en augmentant ; puis j'ai calculé exacte- ment la durée et la grandeur de chacun de mes pas au moyen du procédé dont la figure 8 donne la démonstration géométrique. Jai cherché, en outre, la durée de l'appui et celle de l’oscilla- ion pour chaque pas en particulier. Rapportant alors ces don- nées à deux axes rectangulaires, j'ai obtenu trois courbes pour les durées respectives du pas, de l'appui et de l’oscillation. Je donne, dans le tableau ci-dessus, les résultats numériques d'une de mes expériences, 32 G. CARLET. La figure 9 représente les tracés construits avec ces données. AA est la ligne qui joint les sommets des ordonnées dont chacune correspond à la durée de l'appui, pour un pas dont la grandeur est prise pour abscisse. Je l'appellerai , pour simplifier, la courbe de la durée de l'appui. PP’ et O0" sont, en employant le même langage, les courbes respectives des durées du pas et de l’oscillation de la jambe. L'origine à partir de laquelle sont comptées les longueurs de pas est située à gauche du point a. Le centimètre est repré- senté par une longueur de 2 millimètres sur la ligne des abscisses, ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 99 et le centième de seconde répond à 4 millimètre de la longueur des ordonnées. Cette expérience est, de toutes celles que J'ai faites, celle qui est le plus favorable à la théorie des Weber. Il n’est pas rare de voir les trois courbes AA', PP’, 00", présenter unelégère courbure à concavité inférieure, en un point de leur trajet; mais on peut dire néanmoius, qu'en général, la durée du pas diminue à me- sure que sa longueur augmente. Seulement, je n'ai point con- staté, entre ces deux éléments, la variation inversement propor- tionnelle dont parlent les Weber. Ainsi, on peut voir (page 31) que des pas de 0°,67, 0", 71, 0",75, 0",79 et 0",82 ont mis le même temps 0°,69 à s'effectuer. Je me borne donc à signaler le fait de la diminution de durée du pas, coïncidant généralement avec son augmentation de longueur, et j'adopte entièrement la raison qu'en donne M. Giraud-Teulon. « Au moment, dit-il, où le corps ne re- pose que sur une seule jambe, à mesure que l'angle antérieur de cette jambe avec l'horizon diminue, la chute devient de plus en plus imminente ; il est done important, pour la pré- venir, que la jambe antérieure arrive vite à son poste, en avant ou à l’aplomb de la ligne de propension. C’est cette nécessité qui crée une sorte de rapport entre la longueur du pas et sa vitesse, » Relations entre les foulées et les pas.— Les lignes 1 et 9 de la figure 10 représentent les foulées respectives de la partie anté- rieure et de la partie postérieure du même pied obtenues en far- sant des pas d’abord très-petits, puis de plus en plus grands, au fur et à mesure qu'on s'avance dans la direction de la flèche. Or, il est manifeste que les /oulées de la pointe accusent une augmenta- hion de pression qui coïncide avec l'augmentation de longueur des pas, tandis que les foulées du talon restent très-sensiblement con- slantes. La ligne 8 de la figure 10 donne l'explication de ces deux ré- sultats de l'expérience. Cette ligne représente le tracé des oscil- SC NAT., JUILLET 1872, XVI. 3. — ART. N° 6. al &. CARLET. lations verticales du pubis, obtenu dans les mêmes conditions que le graphique des foulées. On voit que tous les maxima de la courbe des oscillations ver- Fi6. 10. — Représentant les foulées d'un pied et les mouvements oscillatoires du pubis, quand la grandeur des pas va en augmentant à mesure qu’on s’avance dans le sens de-la flèche. -- 4, graphique de la pointe du pied gauche. — 2, graphique du talon gauche, — 3, oscillations verticales du pubis. — 4, ses oscillations horizon- tales. licales du pubis sont situés sur une ligne horizontale, tandis que le niveau des minima s’abaisse de plus en plus. J'aurai plus tard à revenir sur ces faits; mais, dès à présent, leur simple constata- tion suffit pour qu’on puisse dire : 4° Le tronc, s’'élevant constamment au même niveau, tombera toujours de la même hauteur sur le talon, dont la foulée aura par suite aussi toujours la même hauteur (1). 2° Le tronc s'abaissant de plus en plus, l'effort musculaire du membre inférieur devra être de plus en plus considérable, pour pouvoir porter le tronc à la même hauteur. Cet effort se tra- duira par une augmentation de pression de la parte antérieure (4) Il est bien entendu que je laisse ici de côté cetie espèce de marche à très- grands pas où l’on fléchit fortement le genou avant de toucher terre, et où, par suite, le tronc parcourant un plus grand trajet, le talon frappe le sol avec plus de force. Il n’est question, dans ce travail, que de la marche naturelle (tout le monde sait ce que c’est). Je ne prétends pas assigner des lois générales à des phénomènes qui offrent tant de cas particuliers à étudier. ARTICLE N° Ge LOCOMOTION HUMAINE. 39 du pied, qui seule alors touche le sol; d’où Lenementatiqn de hauteur constatée dans la foulée de la pointe. Relation entre la durée d’un pas et les temps d'appui et d'oscil- lation des jambes. —On n’a qu'à jeter les veux sur la figure 9, pour voir que les points P et P” sont les milieux des lignes AO et A'O’. On constatera de même que tous les points intermédiaires de la ligne PP’ sont situés à égale distance des points correspon- dants des lignes AA et O0". On peut exprimer ce fait en disant que les ordonnées de la ligne PP" sont égales à la demi-somme des ordonnées correspondantes des lignes AA’ et 00"; ou encore que la durée d’un pas est égale à la demi-somme des durées de l’appui et de l’oscillation des jambes qui l’effectuent. On aura donc, en se servant de la notation déjà employée : Ta + To = 9 Ce résultat pouvait être prévu. Nous avons vu, en effet, page 27, et plus lon, page 29,'qu'on a les équations : (1) Ta — To + 2 Toae (2) T, — 1h + To. Or, si nous éliminons T entre ces deux équations, il vient : te Los d'où T,— To + LT » , formule identique avec celle que nous venons de trouver expé- rimentalement. Remarque. — On ne saurait, après cela, admettre la loi sui- vante, qui a été formulée par les Weber : « La durée d'un pas, dans la marche la plus rapide, est égale à la demi-durée d’une oscillation de la jambe. » 36 G. CARLET. Mais, si rapide que soit la marche, il y aura toujours un temps d'appui, et, Ta n'étant pas nul, jamais la dernière équation ne pourra se réduire à : D'ailleurs, les expériences que j'ai faites sur la marche rapide, en caleulant directement les durées du pas et de l’oscllation, ne m'ont jamais donné le résultat annoncé par les Weber. J'ai con- stamment trouvé que T, l’'emportait notablement sur ee Plus la marche est rapide, plus ces deux quantités se rapprochent l’une de l’autre, mais elles ne deviennent jamais égales, comme le veulent les physiologistes allemands. CEA IPPIUE PTE DES MEMBRES INFÉRIEURS DANS LA MARCHE. Les membres inférieurs sont des appuis qui peuvent s’allonger ou se raccourcir, par l'extension ou la flexion de leurs segments \es uns sur les autres. Trois articulations sont destinées à produire l'allongement ou le raccourcissement du membre inférieur : 1° l'articulation que la cuisse forme avec la jambe, au genou; 2° l'articulation que la jambe fait avec le pied ; 3° l'articulation que font les orteils avec le reste du pied. On trouvera, dans lous les traités d'anatomie, la description de ces articulations ; mais je rappellerai 1e1 que c’est surtout aux tra- vaux des Weber qu’on doit la connaissance de leur mécanisme. Je considérerai le membre inférieur dans ses deux positions successives d'appui et de soutien. 1° Du MEMBRE INFÉRIEUR À L APPUI. — Âu moment du poser, la jambe est étendue ou très-légèrement fléchie. Cette flexion aug- mente au début de l'appui, comme j'ai pu m'en assurer en mar- ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 27 chant, avec un genou ankylosé artificiellement. J'ai vu alors paraître, dans la courbe des oscillations verticales du pubis, deux séries de minima situées sur deux plans différents. Ceux dont le niveau était le plus élevé se produisaient quand la jambe anky- losée se posait sur le sol; les autres se rapportaient à la jambe normale. Immédiatement après son poser, l'articulation du genou se fléchit donc, mais elle s'étend presque aussitôt, et son exten- sion est complète au moment où le talon quitte le sol. Les arti- culations du pied avec la jambe et les orteils s'ouvrent ensuite successivement l’une après l’autre. Ainsi se produit un allon- sement du membre, qui peut aller, suivant les Weber, jusqu’au septième de sa longueur. Par le fait de cet allongement, le tronc se trouve poussé en avant. La jambe à l'appui joue donc un double rôle, et la comparai- son de Borelli est incomplète. La gaffe sert bien à la progression du bateau, mais c'est l’eau qui le porte, tandis que la jambe doit en même temps soutenir le tronc et le faire avancer. Quand l'extension du membre inférieur est arrivée à son maximum, le pied quitte le sol par la flexion du genou, et non pas, comme on pourrait le croire, par une action de ses muscles fléchisseurs. Le pied ainsi que les orteils restent étendus, et le lever s'effectue alors sans frottement, 2° Du MEMBRE INFÉRIËUR AU SOUTIEN, — Suivant les Weber, la jambe suspendue est chassée par son propre poids et oscille, comme un pendule, d’arrière en avant. « Pendant ce temps, disent-ils, les muscles qui unissent le membre inférieur au tronc tombent dans l’inaction. » M. Duchenne (de Boulogue) soutient, au contraire, que la projection du membre inférieur en avant ne peut avoir lieu sans l'intervention des muscles. En rendant compte du procédé expérimental des Weber, rai montré (voy. page 8) le peu de cas qu'il fallait faire de leur assertion. Pour apprécier la valeur des observations de M. Du- chenne (de Boulogne), j'ai cherché à enregistrer, au moyen du tambour explorateur de Marey, la contraction des principaux muscles du membre inférieur, dans la marche. Les résultats que 28 G. CARLET. j'ai obtenus confirment la théorie de M. Duchenne et peuvent mème servir à la compléter. Les deux graphiques À et C de la figure 7 répondent res- pectivement aux contractions des muscles postérieurs et du droit antérieur de la cuisse. Le tracé intermédiaire B représente les foulées du pied correspondant, et, par suite, l'intervalle 1-2 est la période d’oscillation de la jambe. Or, on voit que la con- traction des muscles de la région postérieure de la cuisse com- meuce bien avant que le pied vienne se poser sur le sol. Le droit antérieur lui-même, en faveur duquel M. Duchenne (de Boulogne) avait fait une exception, se contracte pendant plus de la première moitié de la période de soutien, fléchissant ainsi la cuisse sur le bassin (fig. 7, ligne C, intervalle 1-2). Il résulte de ce qui précède que la théorie de l’oscillation pendulaire imaginée par les Weber est entièrement fausse. Si l'on veut assimiler le membre inférieur à un pendule, il faut ajouter que ce pendule est soumis, non-seulement à l’action de la pesanteur, mais encore à l’influence musculaire. DE LA TRAJECTOIRE DÉCRITE PAR LE SOMMET DU MEMBRE INFÉRIEUR (GRAND TROGHANTER). — On lit, dans l'ouvrage des Weber (trad. Jourdan, p. 248) : « Lorsque, dans la marche, la jambe s'étend peu à peu, la sphère de la tête du fémur peut se mouvoir en ligne horizontale. » Plus loin (p. 269), les mêmes auteurs disent encore : «Pour empècher la jambe qui pèse sur le sol de faire tourner le tronc, le point du pied qui appuie sur le sol, la tête du fémur qui appuie sur le bassin, et le centre de gravité du corps peuvent facilement être maintenus dans un plan vertical paral- lèle au chemin, ce qui, en réalité, arrive aussi. » Autrement dit, les Weber prétendent que la tête du fémur, pendant la marche, se meut à la fois dans deux plans, l'un hori- zontal, et l’autre vertical, parallèle à l'axe du chemin. Sa trajec- toire serait alors la ligne d’intersection de ces deux plans, c'est- à-dire une ligne droite horizontale parallèle au chemin. Or, c'est là une erreur si grossière et tellement mcompatible avec le pas- sage qu’on va lire, que j'hésite à en tenir compte. Les Weber ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 99 disent, en effet (loc. cit., page 386) : « Pour faire des expé- riences précises à ce sujet (oscillations verticales du tronc), nous employämes le moyen suivant. L'un de nous, dont on devait observer la marche, portait à la main une mesure blanche, divisée en millimètres par des lignes droites, et tenue appliquée contre le grand trochanter, dans une situation telle que l’autre pou- vait la voir avec la lunette, quand le marcheur lui tournait le dos. Comme le sommet du grand trochanter est de niveau avec le centre de la tête dufémur, et qu'il conserve toujours cette même bauteur relative pendant la marche, on pouvait, dans nos expé- riences, l’observer à la place de la tête du fémur elle-même. La lunette fut établie à la même hauteur que les têtes des fémurs et dans la direction du chemin. Si l’on observait le marcheur à l’aide de cet mstrument, en voyait la mesure qu’il portait monter et descendre par rapport au fil immobile contenu dans la lunette, suivant que le trone s’abaissait ou s'élevait. » Ainsi les Weber conviennent eux-mêmes que, dans la marche, le grand trochanter et la tête du fémur se comportent l’un comme l’autre. Comment alors expliquer leurs deux opinions contraires au sujet de la trajectoire de ces points ? Je ne chercherai pas ici à les mettre d'accord avec eux-mêmes, et je laisserai entière- ment de côté une discussion qui roulerait sur les mots, afin de m'occuper uniquement des choses. Pour trouver la trajectoire du grand trochanter, je n'ai eu qu'à fixer en ce point la baguette exploratrice des mouvements oscillatoires du tronc. La marche, effectuée dans ces conditions, m'a fourni les deux courbes représentées par la figure 11. Le sraphique T.g.v. est donné par le tambour explorateur à levier vertical, et la courbe T.g.h. est transmise par le levier horizontal de l’autre tambour. Ces deux tracés indiquent, le premier, que le grand trochanter s'élève ou s’abaisse par rapport à un plan horizontal ; le second, qu’il se rapproche et s'éloigne d’un même plan vertical parallèle à l'axe du chemin parcouru. Il faut donc, d’après cela, regarder comme entièrement dénuée de fondement l'hypothèse de la trajectoire rectiligne et horizontale du grand trochanter. 10 G. CARLET. Pour décrire les divers mouvements du trochanter pendant la marche, je les rapporterai à trois axes rectangulaires. Le pre- mier (axe des æ) sera dirigé horizontalement en avant, dans le sens de la marche; le second (axe des y), également horizontal, sera perpendiculaire à la direction du chemin, et le troisième enfin (axe des z) sera vertical. FiG. 41. — Représentant les rapports de la trajectoire du grand trochanter avec les foulées et les pas. — P. g, tracé du pied gauche fla partie ponctuée répond au pied droit). — T.g,v, graphique des oscillations verticales du grand trochanter gauche (la courbe ponctuée correspond au grand trochanter droit). — T. g. h, gra- phique des oscillations horizontales du grand trochanter gauche (la courbe ponctuée correspondant encore au grand trochanter droit), 1° MOUVEMENT HORIZONTAL DU GRAND TROCHANTER DANS LA DIREC- TION DU CHEMIN, OU D ARRIÈRE EN AVANT (suivant l'axe des x). — On peut voir, sur la figure LL, que si l’on mène des lignes verti- cales à l’origine ou à la fin de deux foulées consécutives d’un même pied, les points de rencontre de ces lignes avec les deux tracés T.g.v. et T.g.h. seront semblablement situés sur les deux courbes. Or, d’après la manière dont ces courbes ont été obtenues, ceux de leurs points qui se trouvent sur une même ligne verticale répondent à un même point de l’espace. Il suit de là que : 1° La série des phases par lesquelles passe le grand trochanter, ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. hA pour effectuer une révolution complète, s'accomplit dans l'intervalle d'un double pas. 9° La distance des deux extrémités de la trajectoire décrite par le grand trochanter, pendant un double pas, est égale à la longueur de ce double pas. Il était, on va le voir, facile de prévoir ce dernier résultat de l'expérience. Représentons, pour simplifier, le membre inférieur par une ligne droite, le pied par un point, et partons de l'instant où les deux jambes à l'appui font le même angle avec horizon, et où, par suite, le triangle qu'elles déterminent est isocèle. Soient, dans cette hypothese (fig. 12), OA la jambe anté- Fic. 42, rieure, et OP la jambe postérieure. Quand cette dernière sera venue! en O'P’, c’est-à-dire dans une position parallèle à celle de départ, un double pas aura été effectué, dont la longueur sera P P'. Il est clair que, pendant ce temps, le point O sera venu en O0", et que le trajet OO0’0" sera égal au chemin PAP’, puisque les deux lignes 00" et PP’ sont des parallèles comprises entre parallèles. Nous verrons plus loin la quantité dont le grand trochanter s’avance, dans la direction du chemin, pendant un pas simple. h2 G. CARLET. 2° MOUVEMENT HORIZONTAL DU GRAND TROCHANTER PERPENDICU- LAIREMENT A LA DIRECTION DU CHEMIN, OU DE GAUCHE A DROITE, ET RÉCIPROQUEMENT (suivant l'axe des y). — La considération de la courbe T.g.h. (fig. 11) montre que le trochanter, pendant la marche, oscille de droite à gauche, et réciproquement. Or, si l’on se couvient de la description de l'appareil explorateur des mou- vements oscillatoires du tronc (voy. page 17), et si l’on jette les yeux sur la planche 11 ou sur la figure 1 de la planche 12, on verra que les maxima de la courbe T.g.h. correspondent aux déviations extrèmes du grand trochanter à droite, et ses minima aux déviations extrêmes de cette apophyse à gauche. Eu d’autres termes, quand la courbe monte, sur la figure, cela veut dire que le grand trochanter va de gauche à droite, et quand elle descend, qu’il se dirige au contraire de droite à gauche. Si l’on rapproche le graphique T.g.h. du tracé P.g. (fig. 11), on voit (ligne 1) que le trochanter gauche est à son maximum d'écart à droite, quand le pied droit est au milieu de sa période d'appui et le gauche au milieu de celle de soutien. La ligne à de la même figure montre que ce point est à son maximum d’é- cart à gauche, quand au contraire le pied gauche est au milieu de l'appui, et, par suite, le droit au milieu du soutien. Les lignes 2 et A sont aussi faciles à comprendre. Elles indiquent qu'au moment du double appui, le grand trochanter est au milieu de son oscillation horizontale. Le trochanter droit se comporte évidemment avec le pied droit comme le trochanter gauche avec le pied gauche. On peut donc dire que : A Les deux trochanters sont chacun à leur maximum d'écart à gauche, quand le pied gauche est au milieu de sa période d'appui, et à leur maximum d'écart à droite, quand ce méme pied est au milieu de la période de soutien. 9 Les deux trochanters sont chacun au milieu de leur période d'oscillation bilatérale, quand les deux pieds sont en contact avec le sol. Il faut bien faire attention que les maxima et les minima des ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. là deux courbes d’oscillation horizontale sont situés deux à deux sur une même ligne verticale, tandis que les points d’inflexion se trouvent, dans ces deux courbes, sur des perpendiculaires diffé- rentes. (Voy. fig. 11, lignes 4 et 5, 6 et 7). Cela veut dire que : 3° Les deux trochanters se trouvent, au milieu de la période d’ap- put unilatéral, dans un méme plan vertical perpendiculaire au che- min. À lout autre instant de la marche, cette condition cesse d'avoir lieu, et le trochanter de la jambe postérieure se trouve situé derrière celui de la jambe antérieure. 3° MOUVEMENT VERTICAL DU GRAND TROCHANTER, OU DE HAUT EN BAS, ET INVERSEMENT (suivant l'axe des z).— Une particularité offerte par la courbe T.g.v. (fig. 41) des oscillations verticales du grand trochanter, c’est que les maxima et les minima y pré- sentent deux séries de grandeurs. Ainsi, pour aller sur la courbe du maximum situé le plus haut, M, au minimum situé le plus bas, N, il faut passer d’abord par un minimum n plus élevé que N, et ensuite par un maximum # moins élevé que M. Tout ce que je viens de dire, au sujet de la courbe décrite par le grand trochanter gauche, peut s'appliquer à celle qui est four- nie par le grand trochanter droit. J'ai représenté une partie de cette dernière, en traits pointillés, sur la figure 11, où deux fou- lées du pied droit se trouvent aussi indiquées. S1 l’on rapproche les tracés des oscillations verticales du tro- chanter de ceux des foulées correspondantes, on voit que les maxima M, M’ répondent au milieu de Ja période de soutien, et les maxima »,"” au milieu de celle d'appui. Or ces deux périodes ont lieu en même temps. Au milieu de l'appui unilatéral, les deux trochanters sont donc dans un même plan vertical (ce que nous savions déjà), mais ils s’y trouvent à des hauteurs diffé- rentes. Celui du membre à lappui est toujours situé plus bas que l’autre. Que si l’on considère maintenant la série des minima, on verra qu'ils ont tous lieu au moment du double appui ; mais le grand trochanter de la jambe antérieure est toujours situé plus haut que celui de la jambe postérieure. Or, nous savons qu’à ce mo- L! G. CARLET., ment, le premier trochanter est situé en avant du second. Il y a ainsi, entre les deux trochanters, un double mouvement de bas- cule, sur lequel j'aurai à revenir plus tard. Par le fait de ce mou- vement, l'un des trochanters s'élève ou s’abaisse par rapport à l'autre, en même temps qu'il s'approche ou s'éloigne de lui. De même qu'il y à un moment où les deux apophyses se trouvent dans un plan perpendiculaire au chemin; de même 1l y aura un moment où elles seront situées dans un plan qui lui sera parallèle. Ce dernier moment est indiqué, sur la figure 14, par l'intersection des deux courbes au point L Il suit presque immédiatement le lever du pied postérieur, ainsi qu’on pou vait s’v attendre (voy. fig. 11, lignes 5 et 9). Donc : 1° Le grand trochanter passe par deux maæxima d'élévation situés à des niveaux différents. Le plus élevé correspond au milieu de la période de soutien, el le moins élevé au milieu de la période d'appui de la jambe correspondante. 2 Le grand trochanter passe par deux minima d'élévation situés à des niveaux différents. Ils ont leu au moment du double appui. Le plus élevé correspond à la jambe antérieure, et le moins élevé à la jambe postérieure. 9° Il y a un moment où les deux trochanters sont situés a la méme hauteur. Ce moment arrive presque tmmédiatement après le lever du pied postérieur. RAPPORTS DES OSCILLATIONS VERTICALES ET HORIZONTALES DU 1° Les deux trochanters sont soumis à un double mouvement de bascule par lequel l'un s'élève ou s abaisse par rapport à l’autre, en même lemps qu'il s'approche ou s'éloigne de lui, Si l’on consulte la figure 11, on verra facilement que : 9° Chaque trochanter atteint ses limites extrêmes d’oscillation horizontale au moment méme où arrivent ses maxima d’élévation. 3° Chaque trochanter arrive au milieu de sa période d’oscil- ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. h5 lation horizontale en méme temps qu'il passe au minimum dans la verticale. Enfin on peut voir que les maxima M sont situés à droite, et les maxima m à gauche de l’axe de la trajectoire du grand tro- chanter gauche. Inversement, les maxima M'sont situés à gauche et les maxima m/ à droite de l’axe de la trajectoire du grand tro- chanter droit. Il suit de là que : h° Les maxima les plus élevés de la trajectoire du grand tro- chanter sont siluës plus près de l’axe du chemin parcouru que les maæima les moins élevés. D'où il est facile de conclure que : 5° Dans la trajectoire du grand trochanter, les maxima les plus élevés correspondent aux minima d'écart, et les maæima les moins elevés aux maæima d'écart, par rapport à l'axe du chemin parcouru. Tous ces faits sont rendus évidents par la figure 17, dont je donnerai plus tard l’explication. VARIATIONS DE L'AMPLITUDE DES OSCILLATIONS DU GRAND TRO- CHANTER AVEC LA GRANDEUR DES PAS. — Nous avons déjà vu (fig. 40) que l'amplitude des oscillations verticales du pubis augmentait avec la grandeur des pas. Le niveau des maxima reste sensible- ment constant, et celui des minima s’abaisse au fur et à mesure que les pas deviennent de plus en plus grands. On voit ce phéno- mene se produire également sur la figure 11, où les maxima M, M',m,m/, sont tangents à deux lignes horizontales, tandis que les minima N, N',n,n/,se trouvent situés sur des lignes qui se dirigent vers le bas de la figure. On peut d’ailleurs mesurer directement la grandeur de chacun des pas du tracé P.g. (fig. 11) et l'on verra qu'ils augmentent à mesure que l’on s’avance dans le sens de la flèche. Ainsi, dans la marche naturelle : 1° Les maæima de la trajectoire décrite par le sommet du membre inférieur sont tous situés à la même hauteur. 6 G. CARLET. 2° Le niveau des minima s’abaisse à mesure que la grandeur des pas augmente. Je suis, à ce sujet, en opposition complète avec les Weber. Ces physiologistes, en effet, admettent la constance de Pamplitude des oscillations verticales du grand trochanter, et je viens de mon- trer qu'au contraire, cette amplitude augmente avec la grandeur des pas. Il faut chercher la raison de cette contradiction dans là valeur du procédé opératoire employé de part et d'autre. Les Weber observaient avec une lunette placée au loin les oscillations d’une mesure blanche, divisée en millimètres, portée à la main et tenue appliquée contre le grand trochanter du sujet en expérience. La division en millimètres de lamesure semble don- ner aux recherches des physiologistes allemands une précision mathématique; mais le moyen de fixité de cette mesure qu'on tient àla main, appliquée contre le grand trochanter, fait bien vite évanouir ce semblant de précision. De plus, avec la lunette, il était impossible de noter la valeur exacte de l'amplitude d’oscil- lation, et il fallait apprécier cette valeur «au moment où le mar- cheur arrivait à la distance pour laquelle la position de la lunette avait été déterminée. » Si l’on rapproche de ce procédé celui que j'atemployé, et pour l’application duquel j'ai été obligé de me mettre à l'abri des légères inégalités du sol, on n’aura, j'espère, nulle peine à admettre mes résultats et à rejeter ceux des Weber. Quant aux oscillations horizontales du trochanter, on peut se convaincre, en jetant les yeux sur la figure 11, que leur ampli- tude est sensiblement constante. Donc : 9° L'amplitude des oscillations horizontales de la trajectoire décrite par le sommet du membre inférieur est constante, si l'écart des pieds, compté perpendiculairement à la direction du chemin, est lui-même constant. Les expériences faites en écartant plus où moins les jambes pendant la marche permettent de conclure que : h° L'amplitude des oscillations horizontales du grand trochanter ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. hi augmente ou diminue avec l'écart des jambes compté perpendicu- lairement à la direction du chemin. VALEUR NUMÉRIQUE DE L AMPLITUDE DES OSCILLATIONS VERTICALES ET HORIZONTALES DU GRAND TROCHANTER. — Pour obtenir la valeur réelle de l'amplitude des oscillations verticales et horizontales du grand trochanter, je fis décrire un arc À à l'extrémité de la baguette trochantérienne, et j obtins, sur le cylindre enfumé, un arc correspondant d’une longueur a. Si D et d sont les ampli- tudes maxima et minima des oscillations du trochanter, enregis- trées respectivement pendant les grands et les petits pas, la vraie grandeur de ces amplitudes, dans l’espace, sera représentée par les expressions : 0 .D el L 7 a \ (1 Les deux valeurs extrêmes que j'ai obtenues, pour les’ oscilla- tions verticales, pendant la marche naturelle, sont : DA tetes: Les lettres À et a avaient alors les valeurs : À = 120 millim., eta—13 millimetres ; ce qui donne, pour l'expression de la plus grande et de la plus petite amplitude d'oscillation verticale, les nombres 92 nuillimètres et 46 millimètres, dont la moyenne est de 69 millimètres. Quant à l'amplitude des oscillations horizontales, elle est d’en- viron 74 millimètres en moyenne. Remarques. — 1° 11 faut bien faire attention que les courbes T.g.v. et T.g.h. (fig. 11) ne sont pas géométriquement les projections verticale et horizontale de la trajectoire du grand trochanter. Elles ne représenteront son épure qu’à la condition d'être rapportées à la même échelle, dans tous leurs éléments. Or, les abscisses sont réduites dans le rapport de À à 50, qui est celui du rayon du cylindre au rayon du chemin circulaire sur lequel 18 G. CARLET. s'effectue la marche. Les ordonnées subissent une réduction moins considérable, car nous avons vu qu'une amplitude de 120 millimètres, dans l’espace, correspondait à un are enregistré de 13 millimètres, Ainsi, les ordonnées ne sont réduites que dans le rapport de 13 à 420, ou de 1 à 9, 23. Il faudrait donc mul- tiplier les abscisses par 50 et les ordonnées par 9, pour avoir, en vraie grandeur, les projections de la trajectoire elle-même dans l’espace. 2° Je donnerai plus tard le moyen de construire pratique- meut la trajectoire que décrit dans l’espace le sommet du membre inférieur. Les considérations dans lesquelles j'entrerai à ce sujet seront mieux comprises, quand J'aurai résolu le problème pour le cas plus simple de la trajectoire du pubis. 3° Les Weber ont parfaitement observé que, dans tout mouve- ment de progression, le corps se divise en deux sections distinctes. L'une représente le poids à porter et à mouvoir : elle comprend le tronc, la tête et les bras; l’autre, constituée par les membres inférieurs, doit supporter le fardeau et le mettre en mouvement. Il faut, d’après cela, s'attendre à voir le membre inférieur trans- mettre au tronc les mouvements du grand trochanter. C’est, en effet, ce qui a lieu, et ce sont même ces mouvements que J'étu- dierai, dans un instant, sous le nom de mouvements d’oscillation du tronc. he Le grand trochanter est encore suscepuble d’un autre mou- vement, qui provient de la rotation du membre suspendu, autour du membre à l'appui. L'étude de ce mouvement sera beaucoup mieux placée plus loin, quand il sera question de la dynamique du bassin. DE LA CAUSE DES MOUVEMENTS DU MEMBRE INFÉRIEUR. — Ce n est pas ici le lieu d'examiner les muscles qui entrent en jeu pour produire les mouvements du membre inférieur, pendant la marche. On trouvera leur description détaillée dans tous les traités d'anatomie. Leur action est mieux étudiée que nulle part dans l'excellent ouvrage de M. Duchenne (de Boulogne), sur la physiologie des mouvements. ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. h9 CHAPITRE V. DES MOUVEMENTS D'OSCILLATION DU TRONC. On peut considérer dans le tronc quatre sortes de mouve- ments : 1° des mouvements d’oscillation, 2° des mouvements d’inclinaison, 3° des mouvements de rotation, k° des mouvements de torsion. Pour bien comprendre ces divers mouvements du tronc, pen- dant la marche, il faut les rapporter aux trois axes rectangu- laires qui nous ont servi à étudier la trajectoire du grand tro- chanter dans l’espace (voy. p. A0).Ce chapitre sera consacré uniquement à l'étude des mouvements d’oscillation. Dérinition. — Les mouvements oscillatoires du tronc ne sont autres que ceux qui lui sont transmis par les têtes fémorales dans lesvariations de longueur et d'incidence qu'éprouvent les membres inférieurs pendant la marche. L'analyse de ces mou- vements sera considérablement simplifiée par celle que nous avons faite de la trajectoire du grand trochanter. J'ai choisi, pour étudier les mouvements oscillatoires, la sym- physe du pubis comme point d'exploration (1). Ce point étant en effet très-rapproché de l'axe bicotyloïdien, autour duquel s’ef- fectue le mouvement angulaire du tronc, n’est pas Imfluencé par ce mouvement. En prenant un point plus élevé, j'aurais enregis- tré le mouvement résultant à la fois de l'inclinaison du tronc et du changement de longueur ou d'incidence des membres inférieurs, ce qu’il fallait éviter. De plus, la symphyse est très-rapprochée du centre de gravité du corps, et les trajectoires de ces deux points doivent différer très-peu l’une de l’autre. Cela posé, passons à l'examen des mouvements oscillatoires du tronc par rapport aux trois axes coordonnés. (4) J'emploietai souvent, par abréviation, le mot de pubis pour désigner la sym- physe du pubis. SC. NAT., JUILLET 1872. XVI. {4 — ART. N° 6. 50 G. CARLET. 1° MOUVEMENT HORIZONTAL DU TRONC DANS LA DIRECTION DU CHEMIN, OU D ARRIÈRE EN AVANT (suivant l’axe des x) —Si l’on se reporte à la figure A, on verra que l'intervalle compris entre les lignes 1 et 9 se termine par des points semblablement situés sur les courbes O.P.v. et O.P,h., c’est-à-dire que 1° La série des phases par lesquelles passe le pubis, pour revenir à une position semblable à celle du point de départ, s'effectue dans l’interval led’un double pas. 2° La distance des deux extrémités de la trajectoire décrite par le pubis, pendant un double pas, est égale à la longueur de ce double pas. Si l’on prend l'intervalle compris entre les lignes 1 et 5, qui représente la longueur graphique d’un pas simple, on voit que cet intervalle se termine par des points semblablement situéssur la courbe O.P.v. et par des points situés à la même distance de l'axe sur la courbe O.P.h.; ce qui prouve que: 3° La distance, comptée sur la direction du chemin, entre les deux extrémités de la trajectoire décrite par le pubis, pendant un pas, est égale à la longueur de ce pas. | Ces résultats de l'expérience pouvaient être facilement prévus au moyen d’une démonstration analogue à celle que j'ai donnée pour le mouvement du grand trochanter suivant l'axe des 7. (Voy. De M2) 2° MOUVEMENT HORIZONTAL DU TRONC, PERPENDICULAIREMENT A LA DIRECTION DU CHEMIN, OU DE GAUCHE A DROITE, ET RÉCIPROQUEMENT (suivant l'axe des y).— C'est le mouvement par lequel le tronc se porte alternativement à droite et à gauche sur le membre à l'appui. J'ai donné, avec la description de l'appareil explorateur des mouvements oscillatoires du tronc (voy. p. 18), le moyen d’ob- tenir le tracé des mouvements bilatéraux du pubis. Le gra- phique O.P.h. (fig. 4) représente la courbe des oscillations horizontales de ce point pendant la marche. Je rappelleraï ici ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 51 que les maxima de cette courbe correspondent aux moments où le pubis est le plus éloigné à droite, et les minima aux moments où ilest le plus éloigné à gauche. L’ascension de la courhe exprime que le pubis se porte à droite, et sa descente qu'il se dirige au contraire vers la gauche. De plus, il résulte de la symétrie de la courbe que ses points d’inflexion (4) correspondent aux moments où le pubis se trouve au-dessus de l’axe du chemin. a. Forme de la courbe des oscillations horizontales du pubis. — À en juger par la figure 4 (p. 18), la courbe O.P.h. se rapproche énormément d'une sinussoïde. Elle en diffère cependant beau- coup eu réalité. Dans la figure 4, en effet, les ordonnées et les À Ve LR Lo cape à me DS Le Fig. 13. — Représentant au dixième les projections de la trajectoire du pubis sur les trois plans coordonnés. — A, projection sur le plan vertical xz parallèle à la direction du chemin. — B, projection sur le plan vertical yz perpendiculaire à la direction du chemin. — C, projection sur le plan horizontal xy parallèle à la direction du chemin. — ( La longueur de ces courbes correspond à la durée d’un pas double.) abseisses ne sont pas rapporlées à la même échelle, et, pour avoir une idée exacte de la forme de la courbe, il faudrait réduire ces coordonnées dans le même rapport. C'est ce que j'ai fait dans la figure 13, où la courbe C représente, réduite au dixième, la projection horizontale de la trajectoire décrite en vraie grandeur par le pubis La longueur de cette courbe cor- respond à l'intervalle d’un double pas et à la distance qui sépare, dans la figure 4, deux minima consécutifs de la courbe O.P.h. (4) On appelle points d'inflexion d'une courbe, ceux où la courbure change de sens. Ils sont représentés, sur la figure 4, par les intersections des lignes 2, 6, 10 avec la courbe O.P.h, : 52 G. CARLET. La courbe des oscillations horizontales du pubrs est une sinussoïde considérablement surbaissée, où l'angle que fait, aux points d’in- flexion, la courbe avec l'axe est d'environ 7 degrés, tandis que cet angle a, dans la sinussoïde, une valeur de 45 degrés. b. Rapports des oscillations horizontales du pubis avec les fou- lées. — Ils sont clairement indiqués par la figure 4, où P.d. et P.g. représentent respectivement les foulées du pied droit et du pied gauche, pendant la marche. 1° Le pubis est à son maximum d'écart à gauche (ligne 4) quand le pied gauche est au milieu de sa période d'appui et le droit au mihieu de celle de soutien. 2° Le pubis est à son maximum d'écart à droite (ligne 8) quand le pied droit est au milieu de sa période d'appui et le gauche au milieu de celle de soutien. 3° Le pubis est au milieu de sa période d’oscillation horizontale (lignes 2, 6,10) quand les deux pieds sont au milieu de leur période de double appui. La figure 4 montre encore que, si l’on rapporte la situation du pubis à l'axe du chemin, on aura les formules suivantes,qui correspondent à chacun des temps de la marche : k° Au début de la période du double appui (lignes 1, 5, 9), le pubis est situé, par rapport à l'axe du chemin, du méme côté que la jambe postérieure. 5° Au milieu de la période du double appui (lignes 2, 6, 10), le pubis est situé au-dessus de l'axe du chemin. L° A la fin de la période du double appui (lignes 3, 7, 11), le pubis est situé, par rapport à l'axe du chemin, du même côté que la jambe antérieure. 7° Pendant tout le temps de l'appui unilatéral, le pubis est situé, par rapport à l'axe duchemin, du méme côté que la jambe à l'appui. c. Rapports des oscillations horizontales du pubis avec la grandeur des pas. — Le tracé A de la figure 10 représente la courbe des oscillations horizontales du pubis quand la grandeur des pas va ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 53 en augmentant, à mesure que l’on s’avance dans le sens de la flèche. Les propositions suivantes résultent des expériences que j'ai faites . 1° Si l'écart transversal des pieds reste le méme (marche natu- relle), l'amplitude des oscillations horizontales du pubis est sensi- blement constante quand la grandeur des pas augmente. 9° Si l'écart transversal des pieds reste le méme (marche natu- relle), la distance entre deux points semblablement situés sur la courbe des oscillations horizontales du pubis augmente dans le méme rapport que la grandeur des pas. 3° Si l'écart transversal des pieds varie, l'amplitude des oscil- lations horizontales du pubis varie dans le même sens, augmen- Lant ou diminuant avec lui. 3° MOUVEMENT VERTICAL DU TRONC, OU DE HAUT EN BAS, ET INVER- suMENT (suivant l'axe des 2). — Ce mouvement a été l'objet de l'étude des Weber, et j'ai rapporté (voy. page 7) les expériences qu'ils ont faites pour en mesurer l'amplitude. Le tracé O.P. v. de la fiugre 4 représente la courbe des oscil- lations verticales de la symphyse pubienne pendant la marche. Les maxima et les minima de cette courbe répondent respectivement aux positions les plushautes et les plus basses du pubis. Ea courbe s'élève donc et s'abaisse avec lui, a. Forme de la courbe des oscillations verticales du pubis. — Les détails dans lesquels je suis entré au sujet de la véritable forme de la courbe des oscillations horizontales du pubis (voy. p. 51) me permettent de dire immédiatement que la courbe de ses oscil- lations verticales n’est pas non plus une sinussoïde. Je renverrai le lecteur à la courbe A de la figure 13, pour lui montrer, réduite au dixième, la projection verticale de la trajectoire décrite en vraie grandeur par le pubis. La longueur de cette courbe correspond à l'intervalle d’un double pas et à la distance qui sépare, dans la figure 4, deux maxima consécutifs de la courbe O.P,v. O1 G. CARLET. La courbe des oscillahons verticales du pubis est une sinussoïde très-surbaissée, où l'angle que fait, aux points d’in flexion, la courbe avec l’axe, est d'environ 9 degrés, tandis que cet angle à, dans la sinussoïde, une valeur de A5 degrés. On ne saurait donc admettre cette phrase de M. Giraud- Teulon : « La ligne décrite par le centre de gravité n’est pas continue ; c’est une courbe offrant à chaque pas un point de rebroussement comme on en observerait dans la représentation d’une série de branches de cycloïdes posées à la suite les unes des autres. » La figure ci-dessous, empruntée à M. Giraud-Teulon, montre l’idée qu’il se fait de la courbe déerite par le pubis €. Il admet que la portion CG de la courbe arrive rapidement au maxi- pes 7 DD W////IM D Fi. 14 (empruntée à l’ouvrage de M. Giraud-Teulon). mum, par suite de l'ouverture de l'angle du genou, et 1l attribue la portion GC' à l'ouverture de l'articulation du pied qui suit celle du genou. « Les ordonnées de la courbe, dit-il, croissent proportionnellement aux sinus des angles déterminés par l’ou- verture successive de l'articulation du genou, puis du pied. Comme ces sinus croissent beaucoup plus rapidement dans la première phase du pas que dans la suivante, le maximum de hauteur du centre de gravité correspond nécessairement à cette première phase. » ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 60) Rien de semblable ne m'a été révélé par les tracés gra- phiques que j'ai obtenus, tant sur les autres que sur moi. Jamais la courbe des oscillations verticales du pubis n'offre de points de rebroussement, et les maxima de cette courbe sont presque toujours situés à égale distance des deux minima VOISINS. La théorie de M. Giraud-Teulon serait exacte si, au moment du minimum, la jambe antérieure était à l’état de repos. Le membre inférieur étant alors fléchi dans ses articulations, et celle du genou s’ouvrant brusquement, il se produirait en C’ (fig. 14) un point de rebroussement près duquel serait situé le maximum. Mais pendant la marche, au moment du minimum d’oscillation verticale du tronc, en même temps que s'ouvre l'angle du genou, le sommet du membre inférieur se meut en avant. Ce mouvement résulte, tant de la vitesse acquise du tronc que de l'effet d'extension de la jambe postérieure. Pour cette double raïson, le point C' ne peut arriver brusque- ment à son maximum malgré l'ouverture brusque de l’arti- culation du genou, et c’est aussi pourquoi il ne se produit pas de point de rebroussement en C', comme l’admet M. Giraud- Teulon. b. Rapports des oscillations verticales du pubis avec les foulées. — Les propositions suivantes sont faciles à vérifier sur la figure A : 1° Le pubis passe au maximum de son oscillation verticale (lignes 4, 8) quand l’un des pieds est au milieu de sa période d’ap- pui et l'autre au milieu de celle de soutien. 2% Le pubis passe au minimum de son oscillation verticale (lignes 2, 6, 10) quand les deux pieds sont au milieu de leur période de double appui. Toutes ces positions peuvent être reliées entre elles par les formules que voici : 3° Au début de la période du double appui (lignes 1, 5, 9), le pubis descend. 56 G. CARLET. h° À la fin de la période du double appui (lignes 3, 7, 11), le pubis monte. 5° Pendant la première moitié de l'appui unilatéral (inter- valles 3-4, 7-8), le pubis s'élève. 6° Pendant la seconde moitié de l’appui unilatéral (intervalles h-5, 8-9), le pubis s’abaisse. c. Rapports des oscillations verticales et horizontales du pubis.— Nous avons vu (page 52) les rapports qui lient les oscillations horizontales du pubis aux foulées, et nous venons de voir ceux qui existent entre ces mêmes foulées et les oscillations verticales du pubis. Nous avons done maintenant un terme de comparai- son (les foulées) entre les courbes d’oscillation du pubis dans deux plans rectangulaires, et nous pouvons, par suite, étudier les rapports qu’affectent ces deux courbes, indépendamment de toute autre considération. Cette étude sera singulièrement faci- litée par la lecture de la figure 4. Nous voyons en effet sur cette figur que : 1° Tous les minima de la courbe O.P.v. correspondent aux points d’inflexion de la courbe O.P.h., ou autrement dit : Le pubis passe au minimum de son oscillation verticale toutes les fois qu'il se trouve au milieu de son oscillation horizontale, c'est-à-dire sur l'axe du chemin parcouru. 2 Deux maxima consécutifs de la courbe O.P.v. corres- pondent respectivement à un maximum ou à un minimum de la courbe O.P.h. En d’autres termes : Le pubis passe au maximum de son oscillation verticale toutes les fois qu’il se trouve le plus loin possible, à droite ou à gauche de l'axe du chemin parcouru. Remarques. — 1° Si l'on considère (fig. A) les segments des courbes Ô.P.v. et O.P.h. compris dans l'intervalle 1-11, et que l’on rapporte ces segments à l'échelle qui a donné la figure 18, ou aura la raison de l’énoncé mnémotechnique suivant : ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. à 57 Dans l’espace de deux foulées consécutives, le pubis décrit une M ronde majuscule, considérablement surbaissée, dans le plan verti- cal, et une S italique couchée, considérablement allongée, dans le plan horizontal. 2° On peut encore préciser davantage les rapports des oscilla- tions du pubis avec les foulées. La figure 15 représente les rapports des oscillations du pubis avec une seule foulée, celle du pied gauche. Le tracé t.y. est le Fig. 45. — Représentant les rapports des oscillations du pubis avec les éléments d’une foulée. -— p.g, tracé de la pointe du pied gauche. — t.g, tracé du talon de ce pied. — 0.P.v, oscillations verticales du pubis. — O,P.h, ses oscillations hori- zontales. graphique du talon, et le tracé p.g. celui de la pointe du pied. La ligne 2 montre que le minimum de l’oscillation verticale du pubis a lieu au moment où la partie antérieure du pied com- mence à toucher le sol (O0.P.v. et p.g.). La ligne 3 fait voir que la symphyse passe au maximum de son oscillation verticale quand le talon quitte le sol (0.P.v. et t.g). Ainsi : Le minimum de l’oscillation verticale du pubis a lieu au mo- 58 G. CARLET. ment où le pied antérieur commence à toucher le sol par toute la plante. Le maximum de l'oscillation verticale du pubis a lieu au mo- ment où le talon du membre à l'appui quitte le sol. Dans le tableau ci-dessous, je résume les rapports qui unissent les oscillations verticales et horizontales du tronc avec les foulées. Ce tableau rend un compte exact des phénomènes qui se passent dans l'intervalle d’un pas double, et contient l'explication détaillée des figures 4 et 15. PIED GAUCHE. PIED DROIT. SYMPHYSE DU PUBIS. Re EE à Situation Situation dans un plan horizontal P » OINTE POINTE dans par rapport la verticale. à l'axe du chemin, est levée. est levé. est à l'appui. |} descend. à droite, est à l'appui. se pose, est levé. est à l'appui minimum. sur l'axe. est à l'appui. | est à l’appui. est levé. se lève. monte. à gauche. se lève. est à l'appui. oscille. oscille. maximum, à gauche. est levé. est à l'appui. se pose. est levée. descend. à gauche. est levé. est à l'appui. | est à l'appui. se pose. minimum. sur l'axe. est levé. se lève. est à l'appui. | est à l'appui. monte, à droite. oscille. oscille. se lève. , est à l’appui. maximum. à droite, se pose. est levée. est levé. est à l'appui. descend. à droite. _d. Rapports des oscillations verticales du pubis avec la grandeur des pas. — J'ai déjà eu l’occasion {voy. page 34) d'appeler l’at- tention du lecteur sur ce point. Il est clair que plus la longueur d’un pas sera considérable, plus aussi sera grand l’angle d'écart des jambes qui l’effectuent, et par suite plus le tronc sera rapproché du sol. L'amplitude des oscil- lations verticales du corps augmentera done avec la longueur des pas. Ces faits semblent évidents; cependant les Weber sont venus les infirmer : «D’après nos mesures, disent-ils, ces oscillations ne sont pas plus petites dans les petits pas, ni plus grandes dans ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 59 les grands pas. En général elies offrent peu de différence, toutes circonstances du dehors égales d’ailleurs; tout au plus sont-elles au contraire un peu plus grandes dans les petits pas, et un peu plus petites dans les grands. » J'ai montré, à propos des oscillations du grand trochanter (voy. page AG), le cas qu'il fallait faire des observations et des mesures des physiologistes allemands. Je ne reviendrai done pas sur ce sujet et je passerais Immédiatement à l'examen d’une autre question si la théorie des Weber sur la constance de l'amplitude des oscillations verticales du tronc n'avait trouvé, dans M. Giraud- Teulon, un hardi défenseur. Il dit, en effet, après avoir essayé de faire comprendre la figure 14 : «Maintenant, comme ce rayon vecteur doit s meliner d'autant plus en avant que le pas s’allonge davantage, on devrait donc, à mesure que le pas augmente, observer un abaissement, une dépression plus notable du centre de gravité. Pourtant il résulte des expériences de MM. Weber, qu'il n’en est rien; ces oscillations demeurent approximativement les mêmes pour de très-longs pas ou des pas très-courts. On se rendra compte de cette apparente anomalie, si l'on ré- fléchit aux circonstances suivantes : Dans la marche à grands pas, il faut que la jambe antérieure arrive en contact du sol, fléchie sur elle-même d’une certaine quantité sur le corps mcliné en avant, de façon que la verticale de la gravité vienne rencontrer le sol vers le talon. Si alors la jambe fixe opérait son mouvement d’ex- tension par l'ouverture simultanée des articulations du genou et du pied, il est clair qu’on ne pourrait comprendre comment les oscillations verticales ne seraient pas de beaucoup supérieures dans la marche à grands pas... {1 faut donc penser que l'angle du pied avec la jambe, celui de la jambe avec la cuisse, ne s’ou- vrent pas simultanément, mais bien successivement l’un après l’autre. Cette succession d'ouvertures angulaires a pour conse- quence un accroissement plus longtemps soutenu des ordonnées de la courbe, quoique ces accroissements, pris en totalité, con- servent la même valeur absolue, ce qui établit la constance de la hauteur de l’oscillation verticale, que le pas soit long ou qu'il 60 G. CARLET. soit court.» Et M. Giraud-Teulon termine en disant : «Ainsi se trouvent clairement et facilement expliquées les propositions expérimentales de MM. Weber, concernant l'étendue des oscilla- tions verticales; ainsi se voit justifiée leur constance pour les différentes longueurs du pas. » J'avoue qu’il m'est impossible de me rendre au raisonnement de M. Giraud-Teulon. L'ouverture successive des articulations du genou et du pied,— fait exact signalé par les Weber, — n'empêche pas que la jambe antérieure n’ait son sommet situé plus bas dans les grands pas que dans les petits, ainsi que je l’ai montré (voy. page 45), et ainsi que l’admet lui-même M. Giraud-Teulon. puisqu'il dit que, dans les grands pas, la jambe antérieure arrive au contact du sol fléchie sur elle-même. J'ai même démontré que cet abaissement était encore plus considé- rable pour la jambe postérieure. Comment, après cela, accepter la constance de l'amplitude des oscillations verticales du tronc ? Cette première erreur, commise par M. Giraud-Teulon, l'en- traîne dans une seconde. Il dit, en effet (article Locomorion du Dictionnaire des sciences médicales) : « Dans les pas longs, les oscillations demeurent bien comprises entre les mêmes limites, mais alors les deux plans horizontaux entre lesquels s’opèr ent ces oscillations sont plus rapprochés du sol que pen- dant les pas courts, et d'autant plus que le pas est plus long. » Mais M. Giraud-Teulon admet (voy. fig. 14) que le maxi- mum de l'oscillation verticale du tronc a lieu immédiatement après l'appui complet du pied, au moment où la jambe est à peu près normale au sol. Or, que le pas soit long ou qu'il soit court, 1l arrivera toujours un moment où le pied sera à l'appui complet et la jambe normale au sol (1). C’est immédiatement après ce moment, quand le talon quittera le sol, qu'aura lieu le maximum (voy. fig. 15). On peut donc établir que : 1° Le niveau des maxima des oscillations verticales du tronc pendant la marche naturelle est constant. (1) Il reste bien entendu que je m’occupe de la marche naturelle seulement, et que je laisse ici de côté cette espèce de marche accroupie qui se fait à grands pas, la jambe antérieure restant toujours fléchie dans ses articulations. ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 61 Si les maxima sont tous contenus dans un plan HO punEn il n’en est pas de même des minima. 2 Le niveau des minima des oscillations verticales du tronc descend de plus en plus, à mesure que la grandeur des pas aug- mente. Les deux lois précédentes sont clairement démontrées par le graphique à de la figure 10 qui représente le tracé des oscilla- tions verticales du pubis, quand la grandeur des pas va en aug- mentant, à mesure que l’on s’avance dans le sens de la flèche. VALEUR NUMÉRIQUE DE L’AMPLITUDE DES OSCILLATIONS VERTICALES ET HORIZONTALES DU PUBIS. — Soit a la grandeur d'un arc enre- gistré, correspondant à un arc À décrit dans l’espace par la pointe de la baguette exploratrice. Si D et d sont respectivement les valeurs maxima et minima de l’aniplitude des oscillations enre- gistrées sur le cylindre, les vraies grandeurs de ces amplitudes dans l'espace seront représentées par les expressions : “ci et hs: « Dans une de mes expériences J'avais : A= 150"", a —2h"", D—9"",d = 3"", pour les oscillations verticales; ce qui donne les valeurs respectives 56°" et 15°" pour représenter la plus grande et la plus petite de ces oscillations dont la moyenne est de 37 millimètres. Ce nombre ne diffère pas sensiblement des 32 uullimètres trouvés par les Weber; seulement l'amplitude n’est pas constante, comme ils l’admettent. Elle peut varier, sur le même individu, de 18 à 56 millimètres. J'ai trouvé que l'amplitude des oscillations horizontales était, dans la marche naturelle, environ le double de l’amplitude des oscillations verticales. On peut donc assigner une valeur moyenne de 74 milhimétres à l'étendue des oscillations horizontales du tronc, 62 G. CARLET. FORME DE LA TRAJECTOIRE DU PUBIS DANS L'ESPACE. MOYEN DE LA CONSTRUIRE. — On sait que les courbes A et C (fig. 13) sont les projections verticale et horizontale de la trajectoire du pubis réduite au dixième de sa longueur. Ces courbes vont nous servir à réaliser la trajectoire elle-même dans l’espace. Prenons deux planchettes de forme rectangulaire sur cha- cune desquelles nous tracerons la courbe C de la figure 13. Dis- posons-les parallèlement l’une au-dessous de l’autre, de manière que les courbes soient exactement superposées, et fixons les plan- chettes dans cette position, au moyen de quatre tiges qui réunis- sent leurs sommets. Menons ensuite d’une courbe à l’autre et perpendiculairement à leurs plans un grand nombre de fils parallèles équidistants. Si sur chacun de ces fils, à partir d'un même niveau parallèle aux planchettes, nous portons des lon- gueurs égales aux ordonnées correspondantes de la courbe A (fig. 13), il est clair que nous obtiendrons amsi une série de points de la trajectoire du pubis. En joignant ces points par un fil qui les relie tous, nous aurons sous les yeux la représentation d’une trajectoire qui sera la réduction au dixième de celle que parcourt en réalité le pubis dans l'espace. Si l'on possède quelques connaissances en géométrie analy- tique, on verra facilement que les courbes À, B, C (fig. 43) sont respectivement les projections de la trajectoire pubienne sur les trois plans des æ3, des yz et des æy. Le premier de ces plans est vertical et parallèle à la direction du chemin; le second, éga- lement vertical, est perpendiculaire au chemin; le troisième enfin est horizontal, et par suite parallèle au plan sur lequel on marche. Il résulte de la considération des trois courbes À, B, €, de la fig. 13, qu’on peut regarder la trajectoire du pubis comme étant inscrite dans un demi-cylindre creux au fond duquel se trouvent les minima, et sur les bords duquel viennent se terminer tangentiel- lement les maxima. On peut encore prendre une très-bonne idée de cette trajectoire en décalquant la courbe C (fig. 13) sur une bande de papier de même largeur qu’elle, mais dont la longueur permette de pro- ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 63 longer la courbe au delà des limites de la figure 13. Si l’on trace alors l'axe de la courbe, et qu'on incurve, de chaque côté, la bande en forme de gouttière, on aura sous les yeux l’image même de la trajectoire du pubis réduite des neuf dixièmes dé sa lon- gueur. RAPPORTS DE LA TRAJECTOIRE DU PUBIS AVEC CELLE DU GRAND TROCHANTER.—Les considérations précédentes suffisent à montrer qu'on pourra construire la trajectoire du grand trochanter de la même manière que celle du pubis, maisle cylindre sur lequel sera tracée la courbe trochantérienne différera beaucoup de celui de la courbe pubienne.Les maxima, qui sont tous situés à la même hau- teur dans la trajectoire du pubis, se trouvent à des niveaux diffé- rents dans celle du trochanter, et il en est de même des minima. On peut donc considérer la courbe trochantérienne comme appar- tenant à deux cylindres dans la concavité desquels elie serpente. Ces cylindres ont deux génératrices communes ou d’intersection, auxquelles la courbe est tangente. Fi. 16. — Représentant la projection de la trajectoire du grand trochanter sur un plan perpendiculaire à l’axe du chemin parcouru (plan yz) On peut encore dire que la trajectoire du trochanter est tracée à la surface d’un cylindre dont la section droite serait représentée par la figure 16. Les lettres M, m, N, », représentent les mêmes points que dans la figure 11, et le sens du mouvement est indiqué par les 6 G. CARLET. flèches. En d’autres termes, la courbe NMnmN (fig. 16) est la projection, sur un plan vertical perpendiculaire au chemin, de la trajectoire que décrit un trochanter qui part de sa position la plus basse pour y revenir après avoir accompli un double pas. Nous savons déjà (voy. page 45) que les maxima les plus élevés correspondent aux points où le trochanter est le plus rapproché de l’axe du chemin parcouru. La courbe de la figure 16 repré- sente donc indifféremment la trajectoire décrite par le trochan- ter gauche d’un homme qu'on regarde marcher par derrière, ou celle du trochanter droit d’un homme qu’on voit s’avancer de face. Les points M et m, qui paraissent anguleux sur la figure, ne le sont pas en réalité dans l’espace. En ces points, la courbe est tangente aux génératrices les plus élevées du cylindre. Cette apparence sera facilement comprise par les personnes qui sont familiarisées avec l'étude de la géométrie descriptive. ER | Fig. 47. — Épure schématique des trajectoires du pubis et des trochanters. (La marche s’effectue sur le plan horizontal, dans le sens des flèches.) Pour donner une idée nette des rapports qui existent entre les trajectoires des trochanters et du pubis, je ne saurais mieux faire que d’en construire l'épure. La figure 17 représente cette épure, abstraction faite des dimensions réelles des trajectoires. La marche s’effectue dans le sens des flèches, sur le plan horizontal. ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 65 Par conséquent, sur le plan vertical, la courbe N'M' n/m! repré- sente la projection du trochanter droit, tandis que la courbe NM nm répond au trochanter gauche. PpP’ est la projection de la courbe pubienne sur le même plan, avec l'hypothèse que les deux trochanters et le pubis sont situés sur une ligne droite dont le pubis occupe le milieu. Les points N;,M,,n;, mu, sont respectivement les projections horizontales des points de l’es- pace dont N,M,n, m, sont les projections verticales. Ils corres- pondent à la trajectoire du grand trochanter gauche. Les points Ni, M, #1, m', sont de même les projections horizontales des points de la trajectoire du trochanter droit, qui ont respective- ment N',M',n', m', pour projections verticales. Le double mouvement de bascule des trochanters, dont j'ai parlé à la page A4, se trouve nettement accusé sur l’épure. Ainsi, quand le trochanter gauche se trouve dans sa position la plus basse, NN;, le droit est en nn, plus élevé que le gauche et situé en avant de lui. Les deux trochanters sont à la même distance du plan vertical quand le gauche est arrivé en MM, et le droit en m'm',, mais cette fois c’est le gauche qui est le plus élevé. En nn, le gauche passe devant le droit et reste plus élevé que lui. Ce dernier occupe alors la position N'N'. En mm, MM, le droit reprend le dessus et arrive à la même distance du plan vertical que le gauche. À partir de ce moment, ils descendent tous deux; mais le droit repasse devant et arrive, en n/n', dans une situation plus basse que le gauche, etc. Tels sont les phé- nomènes qui relient les deux trochanters ut à l’autre pendant qu’un double pas s’effectue. Quant au pubis, il oscille entre les deux trochanters el se com- porte comme le milieu d’une tige qui les relierait l’un à l’autre. ILest intéressant de chercher le rapport qui existe entre ces oscil- lations. Nous avons vu que l'amplitude des oscillations verticales du trochanter était d'environ 69 millimètres, celle du pubis étant de 37 millimètres, dont le double est 74 millimètres. La valeur de l’oscillation verticale du trochanter est donc plus petile que le double de l'oscillation correspondante du pubis, ou, ce qui revient SC NAT., JUILLET 1872. XVI. D. — ART. N° 6. 66 G. CARLET. au même : L'oscillation verticale du pubis est plus grande que la moitié de celle des trochanters. Ce résultat pouvait être prévu. Supposons, en effet (fig. 18), que T soit l’un des trochanters, et T; l’autre, P étant le pubis. Si le trochanter T était immobile pendant que l’autre va de T, en Te, le trajet du pubis serait représenté par PP’ et égal à la moitié de TT. Mais quand le trochanter T, se meut, le tro- chanter T se déplace aussi, et vient, par exemple, en T'. Alors, par le fait de ce déplacement, le point T, se trouve transporté jusqu'en T;, et le trajet du pubis devient PP”. Il s’agit de comparer PP" et T,T:. Or on a : PTE DD = P'P'=— ne + DT ; c T, Te ; T, D TL me T T. mais 5 DE > & se : > + c’est-à-dire PP' > LT son ro Te 1500! La différence entre ces deux quantités étant égale à TEA il s'ensuit que : L'amplitude des oscillations verticales du pubis est plus grande que la demi-amplitude de celles du trochanter. Elle en diffère d'une ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 67 quantité égale à la moitié de la distance qui sépare le maximum le moins élevé du minimum le plus élevé, dans l’oscillation tro- chantérienne. Nous savons déjà que Les amplitudes des oscillations horizontales du pubis et du tro- chanter ont la même valeur. RAPPORTS DE SITUATION DU PUBIS DANS LA PROGRESSION ET DANS LA STATION. — J'ai démontré (voy. fig. 15) que le maximum de l'oscillation verticale du pubis a lieu au moment précis où le talon quitte le sol. L'un des membres mférieurs est alors à l’ap- pui et l’autre au soutien. Le premier est dans la rectitude et nor- mal au sol, tandis que le second est au contraire fléchi dans toutes ses articulations. Soient (fig. 17) m le sommet du membre à l'appui, et M’ celui du membre au soutien, le pubis sera en P, et mm/ représentera la ligne de station. Le point P est nécessairement situé au-dessus de cette ligne ({), et j'évalue à 40 millimètres environ la distance qui l'en sépare. Ainsi : Au moment où le pubis atteint le maximum de son oscillahion verticale, 1 s'élève d'environ 10 millimètres au-dessus de la position qu'il occupe dans la station. CHAPITRE VI. DES MOUVEMENTS D'INCLINAISON DU TRONC. Dérinirion. — Les mouvements d'inclinaison du tronc sont ceux qui déterminent les angles qu'il fait, pendant la marche, avec les axes coordonnés. (1) Pour obtenir, sur kes graphiques, la ligne de niveau du pubis dans la station verticale, il suffit de faire tourner le cylindre sur son axe, le sujet en expérience étant dans la position de la station et ayant la baguette exploratrice fixée à la hauteur du pubis. Le levier enregistreur décrit alors sur le cylindre une circonférence qui est la ligne de niveau cherchée. 68 G. CARLET. Dans la station verticale, le tronc est dirigé suivant l’axe des z, mais, pendant la marche, il s'incline en avant, et en même temps alternativement à droite ou à gauche. Pour étudier ce double mouvement, il convient de le décomposer en deux autres : l’un ayant lieu parallèlement au plan yz, ou de droite à gauche, et réciproquement, l’autre s’effectuant dans le plan +3, c'est-à-dire directement en avant. MOUVEMENT D'INCLINAISON DU TRONC DE DROITE A GAUCHE, ET RÉCIPROQUEMENT (parallèlement au plan yz). C'est à ce mouve- ment que Gerdy fait allusion quand il dit : «Pendant ce temps- là (l'accomplissement du pas) le corps se balance au-dessus du bassin par un mouvement d’inclinaison qui, se faisant en sens inverse de celui du bassin, infléchit latéralement l’axe du tronc sur l’axe de cette cavité. À chaque pas, en effet, le corps se penche du côté du bassin qui s'élève, et l'épaule correspondante s’abaisse. » Nous verrons tout à l'heure, en étudiant les mouvements du bassin, qu’il est impossible d'admettre cette opinion de Gerdy, qui consiste à croire que le tronc se penche du côté du bassin qui s'élève. C’est le contraire qui est vrai. Toujours est-il que le mouvement d’inclinaison latérale du tronc s’effectue, à chaque pas, du côté du membre à l'appui,et arrive à son maximum quand ce membre est normal au sol, c’est-à-dire au moment où l’oscil- lation verlicale du tronc atteint son maximum du même côté. L'inclinaison diminue à partir de cet instant, pour devenir mi- nima lorsque les deux pieds sont en contact avec le sol. Le tronc n'est alors penché ni à droite ni à gauche, et ce mo- ment coïncide avec celui du minimum de son oscillation verticale. On peut donc dire, en résumé : Le tronc s'incline alternativement à chaque pas du côté du membre à l'appui. Cette inclinaison latérale est nulle quand le tronc, occupant sa position la plus basse, est situé sur l'axe du che- min. Elle augmente à mesure que le tronc, s'éloignant de cet axe, s'élève, et diminue à mesure que, s’en approchant, 1l s'abaisse. ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 69 L'observation suffit à rendre compte de ce fait. On n’a, pour cela, qu'à se regarder marcher devant une glace qui permette de se voir en pied et qui soit située perpendiculairement à l’axe du chemin que l’on parcourt. 2° MOUVEMENT D'INCLINAISON DU TRONC D'AVANT EN ARRIÈRE, ET RÉCIPROQUEMENT (dans le plan xz. — Ce mouvement, qui n'a pas été isolé par Gerdy, a été singulièrement compris par les Weber. Ils partent, pour le faire concevoir, de l'assimilation du tronc «à une baguette supportée par sa partie mférieure, imeli- née en avant et qui serait transportée d'arrière en avant. » Ils disent ensuite : «On marche plus vite quand le corps penche davantage en avant, et moins vite quand il penche moins. En un mot, dans la marche, on établit un tel accord entre l’incli- naison du tronc et le mouvement des jambes, que le tronc, pen- dant qu’il est transporté, demeure de lui-même en équilibre inalgré sa mobilité sur les têtes des fémurs, que toute la force musculaire qui serait nécessaire sans cela pour établir et conser- ver cet équilibre, soit épargnée, et qu'aucun muscle n'entre en jeu pour obtenir ce résultat. Aussi reconnaît-on tout de suite, d’après le sens dans lequel s'incline le tronc d’un homme qui marche, quelle est la direction qu’il suit, et apprécie-t-on la vitesse de sa marche d’après le degré de cette inclinaison. » Ainsi, variation proportionnelle de l’inelinaison et de la vitesse, constance de l’inclinaison pour une vitesse donnée, négation de l'effort musculaire pour produire linelinaison: tels sont les trois ordres de faits admis par les Weber et qu'ils croient avoir démontrés. Nous verrons bientôt que ce sont là autant d'erreurs. J'ai déjà dit comment les deux frères opéraient pour 1ne- surer linelinaison. Ils se servaient d’une lunette dont l’oculaire mobile contenait un fil qu'on pouvait faire coïneider avecuneligne tracée sur le tronc, el c’est la variation angulaire de cette ligne avec la verticale qu’ils étudiaient. Il est évident qu'un pareil procédé, s’il permet d'apprécier le maximum de linclinaison, ne peut donner aucun renseignement sur la valeur de cette Imcli- naison à un moment donné. Elle sera, au contraire, indiquée 70 G. CARLET. à chaque imstant par le paralléloyramme d’inclinaison. Je ne re- viendrai pas ici sur son emploi, et je renverrai à la description que j'en ai donnée (voy. page 19) pour faire comprendre la manière dont a été obtenue la courbe C.1. de la figure 6. a. Forme de la courbe d’inclinaison.—Klle est représentée par la série d’arceaux de la courbe C.1. (voy. fig. 6). Les ordonnées de cette courbe varient proportionnellement aux tangentes trigo- nométriques de l’angle que fait le tronc avec la verticale ; par conséquent l'inclinaison du tronc en avant croîtra et décroitra avec elles. Les minima de la courbe C.1. ont une très-forte courbure qui les fait presque ressembler à des points anguleux, tandis que ses maxima offrent au contraire une courbure peu considérable, qui serait encore moins accentuée, si l’on faisait subir à cette courbe un développement analogue à celui que représente la figure 13. Il faut conclure de là que : L'inclinaison du tronc dans le plan vertical varie brusquement au environs de son minimum, et lentement, au contraire, aux envi- rons de son maximum. b. Rapports de la courbe d'inclinaison avec les diverses phases des foulées. — Ils sont indiqués sur la figure 6, où P.d. et P.g. repré- sentent respectivement les foulées du pied droit et du pied gauche. On voit que : L’inclinaison du tronc dans le plan vertical est minima au milieu de la période du double appui, et maxima au milieu de celle de l'appui unilatéral. c. Rapports de la courbe d'inclinaison avec les éléments du pas. — Il résulte de mes expériences que : L’inclinaison du tronc en avant augmente avec la grandeur des pas. Les Weber regardent cette coïncidence comme liée d’une facon obligée à la résistance de l'air, mais nous verrons plus tard qu'il est impossible d'adopter cette opinion. Remarquons seule- ARTICLE N° 6, LOCOMOTION HUMAINE. 74 ment ici que, dans les grands pas, la jambe antérieure doit arri- ver plus vite à son poste, et que l’inclinaison du tronc en avant contribue à produire ce résultat. On ne saurait, avec les Weber, «apprécier la vitesse de la marche d’après le degré d’inclinaison du tronc». On peut, en effet, se tenir très-droit el marcher vite, ou au contraire se tenir très-incliné et marcher /entement. RAPPORT DES INCLINAISONS ANTÉRO—POSTÉRIEURE ET LATÉRALE DU TRONC. — Il résulte des considérations précédentes que : Le tronc s'incline de côté en méme temps qu'il s'incline en avant, etles maxima de ces inclinaisons coïncident de méme que leurs minima. VALEUR NUMÉRIQUE DE L'INCLINAISON DU TRONC. — J'ai élé con- duit, par l'observation et l'expérience, à admettre que : Dans la marche naturelle, l'angle du tronc avec la verticale ne dépasse pas un maximum d'environ 10 degrés (1). Le minimum ne peut être fixé d’une manière absolue, car le tronc est, suivant les cas, légèrement incliné en avant, vertical ou même incliné un peu en arrière quand a lieu ce minimum. Ces trois cas sont faciles à reconnaître sur les tracés graphiques. Dans le premier, le minimum de la courbe d'inclinaison est situé un peu au-dessus de la ligne de station; dans le second il lui est tangent; dans le troisième, enfin, il est situé au-dessous, RAPPORTS DES MOUVEMENTS D'INCLINAISON ET DES MOUVEMENTS D'OSCILLATION DU TRONC. — Ils ressortent de la comparaison des ligures 4 et 6. Si l’on rapproche les tracés de ces figures, on verra que : 1° L'ainclinaison minima du tronc en avant a lieu au moment (4) Je fais ici abstraction de ces espèces de marches où le tronc est rejeté en arrière, comme dans certaines allures théâtrales, où le tronc est maintenu dans la rectitude, comme dans beaucoup d’exercices militaires, où enfin le tronc est constamment penché en avant, comme chez les vieillards. La marche naturelle de l’homme adulte est la seule dont je m'occupe, 72 G. CARLET. du minimum de l'oscillation verticale du pubis, et par conséquent lorsque ce point est situé au-dessus de l’axe du chemin par- couru. 2 L’inclinaison maæima du tronc en avant a lieu au moment du maæimüm de l’oscillation verticale du pubis, et par conséquent lorsque ce point est situé le plus loin possible de l'axe du chemin. 3° L'inclinaison du tronc en avant augmente ou diminue quand sa partie inférieure (le pubis) s'élève ou s’abaisse. Le tronc est doncsoumis en même temps à deux mouvements de sens contraire : l’un qui tend à l’élever (mouvement d'oscillation en haut), l’autre qui tend à l’abaisser (mouvement d'inclinaison en avant). Pour apprécier la résultante de ces deux effets, il faut chercher à les évaluer séparément. Solent (fig. 19) OA la colonne vertébrale supposée rectiligne et verticale au moment où le pubis est au minimum, et O'A' cette même colonne quand le pubis est au maximum d’élévation. Fic. 19, Menons OA’ parallèle et égal à O'A"; puis abaissons A'B perpendiculaire sur OA. Il est clair que, pour passer de OA à O'"'A", le sommet À du rachis ou le vertex (en supposant toute la colonne rigide) s’est élevé de la hauteur O'O" en même temps qu'il s’est abaissé de la.quantité AB. Or, nous connaissons déjà la valeur de O'0", qui est égale à 37 millimètres en moyenne, et ik est facile d'évaluer AB. ARTICLE N° 6 LOCOMOTION HUMAINE. 7à On a en effet : AB — AO—BO —AO — A'O cos O0, AB— AO (1—cos O), AB — 240 sin° s On trouvera toujours que, dans la marche naturelle, AB est plus petit que 0'0", c’est-à-dire que : Dans la marche naturelle, si la téle se meut d'une seule pièce avec le rachis, elle s’abaisse, par le fait de l’inclinaison du tronc, moins qu'elle ne s'élève par suile de son mouvement d’oscillation. L'amplitude des oscillations verticales est donc moins considérable pour le vertex que pour le pubis, ou, d’une manière plus générale : L'amplitude des oscillations verticales du tronc diminue de la base au sommet. _ D'après ce que nous savons, le contraire aura lieu pour les oscillations horizontales, et par conséquent : L'amplitude des oscillations horizontales du tronc augmente de la base au sommet. CHAPITRE VII. MOUVEMBNTS DE ROTATION ET DE TORSION DU TRONC. — MOUVEMENTS DES MEMBRES SUPÉRIEURS. Dérinirions. — Si l’un des côtés du bassin et l'épaule corres- pondante sont animés de mouvements de rotation dans le méme sens, le tronc est aussi animé d’un mouvement de rotation. Si l’un des côtés du bassin et l'épaule correspondante sort animés de mouvements de rotation en sens contraire, le tronc est animé d’un mouvement de lorsion. Les mouvements de rotation et de torsion du tronc étant ainsi 71 G. CARLET, nettement définis, je vais, avant de passer à leur étude, m’oc- cuper des mouvements de rotation du bassin et de l’épaule. MOUVEMENTS DE ROTATION DU BASSIN.— Si l’on transporte l’ori- gine des trois axes coordonnés au centre de la tête du fémur à l’appui, il est clair que tous les mouvements de rotation du bas- sin s’effectueront autour de ces axes. 1° Mouvement de rotation autour de l'axe des x. — I à été décrit par Gerdy sous le nom de mouvement de bascule. Voici comment s'exprime le savant physiologiste : « Chacun des côtés du bassin, dit-il, s'élève et s’abaisse alternativement, et c’est toujours du côté correspondant au pied sur lequel se décharge et s'appuie le poids du corps, que s’observe l'élévation. Dans cette inclinaison, le bassin se meut en bascule de haut en bas, sur la tête du fémur immobile et autour d’un axe qui la traverserait horizontalement d'avant en arrière. » « Cette matière, dit à son tour M. Giraud-Teulon, est déli- cate et d'observation difficile. Voici cependant ce qui nous semble devoir se passer : «Le côté le plus élevé du bassin est toujours celui qui corres- pond à la jambe suspendue, au moins dans les trois premiers quarts de son mouvement. C’est une nécessité pour que la jambe oscille sans heurter le sol. » Ainsi il y a opposition complète, au sujet du mouvement de bascule du bassin, entre Gerdy et M. Giraud-Teulon. Le pre- mier veut que le bassin s'élève du côté de la jambe à l'appui; le second veut, au contraire, qu'il s’abaisse de ce côté. Toutefois M. Giraud-Teulon n’est pas très-sûr de son dire, car il se hâte d'ajouter : « Des observations répétées nous ont toujours conduit à cette même conclusion dont nous nous étions longtemps défié, à raison de l'opposition où elle nous met avec notre savant maître M. Gerdy. Cependant il nous semble qu'elles sont l’ex- pression de la vérité. Si des observations plus positives venaient à établir le contraire, nous ne ferions pas difficulté de modifier sur ce point nos assertions. » ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 75 L'expérimentation permet d’être plus affirmaüf, et l'on peut dire que, contrairement à l'opinion de Gerdy : Le bassin s'élève toujours du côté correspondant à la jambe qui oscille. Nous savons, en effet, par l'étude des mouvements du grand trochanter (voy. fig. 11), que cette apophyse est plus élevée dans le membre au soutien que dans le membre à l'appui. Il en est, par suite, de même pour le côté du bassin correspondant. 2° Mouvement de rotation autour de l'axe des y. — Ce mouve- ment a lieu en même temps que l’inelinaison du tronc dans le plan antéro-postérieur (voy. page 69). 3 Mouvement de rotation autour de l'axe des z. — C'est le mouvement de rotation horizontale décrit par Magendie. Il s'effectue autour dela tête du fémur qui est à l'appui, et l’on peut facilement l’observer sur soi-même, en appliquant, pendant la marche, les mains sur les hanches. Ce mouvement a été nié par les Weber. «On l’aperçoit bien, disent-ils, chez certains individus, mais il est facile de le reconnaître, quand on le ren- contre, pour un défaut qui défigure beaucoup la marche. » L'expérience donne un démenti formel à l’assertion des Weber. Nous savons, en effet (voy. page 43), qu'au moment du double appui, le trochanter de la jambe postérieure est situé en arrière de l’autre. Il est au contraire situé en avant de celui-ci quand la jambe, après avoir oscillé, est devenue antérieure. Autrement dit : Pendant la durée d'un pas, le trochanter de la jambe au soutien parcourt un plus grand espace que celui de la jambe à l'appui. Considérons l'intervalle qui sépare, sur la figure 11, les deux points N, n, énoncés dans le sens de la flèche. Il représente l’es- pace que parcourt, pendant un pas, le trochanter de la jambe suspendue. La distance »N est, dans les mêmes conditions, le trajet du trochanter de la jambe appuyée. Si nous comparons deux intervalles consécutifs, Na, nN, nous verrons que le pre- mier est loujours plus grand que le second. Ainsi se trouve véri- 76 G. CARLET. fiée expérimentalement l'existence du mouvement de rotation horizontale du bassin. Remarque. — On pourrait croire que, par suite de la rotation du bassin, le trochanter de la jambe suspendue décrit autour de l’autre une courbe dont la concavité regarde du côté de cet autre. C’est le contraire qui a lieu. Soient, en projection horizontale (fig. 17), N’, et n, les tro- chanters droit et gauche, au moment du double appui. Quand un pas 5’est effectué, les points N/ et n, sont respectivement venus en n/, et N,. La distance N',n' est plus grande que la distance n,N,, ainsi que nous le savions déjà; mais la courbe N',n’, tourne sa concavité à droite, ce qui, à première vue, semble paradoxal. Il est cependant facile d'expliquer cette parti- cularité. Le grand trochanter de la jambe qui oscille est soumis à l’in- fluence de quatre mouvements, dont deux horizontaux et deux verticaux. Les mouvements horizontaux sont ceux d’oscillation et de rotation horizontales du bassin. Les mouvements verticaux sont, l’un celui de bascule et l’autre celui d'oscillation verticale. Or, ces deux derniers mouvements sont moins étendus que les deux premiers. Le grand trochanter de la jambe suspendue obéira donc aux mouvements horizontaux, et, comme le mouve- ment d’oscillation horizontale est le plus fort, c’est lui qui impo- sera sa loi. Ainsi s'explique pourquoi : Malgré le mouvement de rotation horizontale du bassin, la courbe décrite par le trochanter au soutien a sa concavité dirigée dans le même sens que celle de la courbe décrite par le trochanter à l'appui. MOUVEMENTS DE ROTATION DE L'ÉPAULE. — MOUVEMENTS DES MEMBRES SUPÉRIEURS. — Le plus important des mouvements de rotation de l’épaule et le seul, pour ainsi dire, qu'il y ait à con- sidérer dans l’étude de la locomotion, est celui qui s'effectue au- ARTICLE N° 6. LOCOMOTION - HUMAINE. WT" tour de la verticale. Il correspond au mouvement de rotation horizontale du bassin; mais il faut ici faire une distinction. Les mouvements du bassin ne peuvent être considérés indé- pendamment de ceux des membres inférieurs auxquels ils sont forcément liés. Il n’en est pas de même pour les mouvements de l’épaule et des membres supérieurs. On peut, en effet, marcher sans bras; mais, si les membres thoraciques ne sont pas indis- pensables à l’accomplissement de la locomotion, ils lui sont cependant utiles dans une certaine mesure. Parlant du mouvement de rotation horizontale des épaules, Gerdy s'exprime ainsi : « La poitrine, les épaules surtout, et particulièrement lorsque nous balançons les bras, tournent horizontalement autour d’un axe vertical qui semble passer par la colonne vertébrale, et, dans ce mouvement, elles se portent alternativement en avant et en sens inverse des côtés du bassin et des membres inférieurs cor- respondants. Ainsi il se passe habituellement et simultanément un mouvement de rotation inverse à chaque extrémité du tronc, et le corps en est, pour ainsi dire, tordu. » . Le même auteur décrit, de la manière suivante, les mouve- ments des membres supérieurs pendant la marche : « Les mouvements des membres supérieurs, dit-1l, se font habituellement en sens inverse de ceux des membres inférieurs. Ces mouvements sont analogues à ceux des membres antérieurs de la plupart des Mammifères quadrupèdes, et particulièrement du cheval dans la marche ordinaire et naturelle. Ils disparaissent lorsque nous marchons les bras croisés sur la poitrine, derrière le dos, ou les mains dans les poches de nos vêtements ; en un mot, toutes les fois que les bras restent attachés au tronc et per- dent leur liberté. Alors les mouvements de rotation du bassin se propagent jusqu'aux épaules, qui se portent en avant, chacune en même temps que la jambe correspondante s'y porte elle- même. Dans ce cas, 1l n’y à qu'un seul mouvement de rotation dans letrone ; et la marche de l’homme rappelle, pour ansidire, la marche des animaux connue sous le nom d’amble. Ainsi - 78 G. CARLET. l’homme, dans son marcher, ressemble plus aux bêtes qu'il ne s’en doute. » | Cette assimilation du mouvement des membres thoraciques de l’homme et de ceux des grands quadrupèdes pendant la mar- che est due à Gassendi. Elle est certainement intéressante, mais il ne faudrait pas la pousser trop loin et dire avec son auteur : « Il est à remarquer que, dans ce balancement des extrémités supérieures, celle qui vient d’être portée en avant ne rétrograde jamais. Elle s'arrête à la limite du degré d’osciilation en avant et comme si elle s’y fixait. Le tronc vient l'y retrouver, et alors l’autre bras part à son tour.» C'est là une observation inexacte, Le bras de l’homme ne rencontre pas d'appui n1 d'obstacles comme la patte de devant des Mammifères, et il rétrograde tou- jours pour compléter son oscillation en arrière. M. Duchenne (de Boulogne) a d’ailleurs nettement établi ce fait, en démontrant que, dans l’atrophie de la moitié antérieure du deltoïde, l'oscil- Jation antérieure du bras disparaît, tandis que l’oscillation pos- térieure continue en arrière sous l'influence de la partie saine du muscle, et vice versd. MOUVEMENTS DE ROTATION ET DE TORSION DU TRONC.— Il résulte de ce qui précède que : 1° Si les bras sont fixés au tronc, l'allure de l'homme rappelle l’amble des quadrupèdes. 2° Si les bras sont libres, l'allure de l’homme rappelle la marche ordinaire des quadrupèdes. Autrement dit : 1° Si les bras sont fixés au tronc, l’un des côtés du bassin et l'épaule correspondante sont animés de mouvements de rotation dans le méme sens. Le tronc est donc aussi animé d'un mouve- ment de rotation. 2 S1 les bras sont libres, l’un des côtés du bassin et l'épaule correspondante sont animés de mouvements de rotation en sens contraire. Le tronc est donc animé d’un mouvement de torsion. ARTICLE N° 6, LOCOMOTION HUMAINE. 79 Les lois de la mécanique permettaient de prévoir que, si les bras sont libres, ils oscilleront en sens inverse des jambes ; mais il ne faut pas, je le répète, attribuer ces oscillations à la seule influence de la pesanteur. Les muscles y prennent au contraire une large part. DES MUSCLES QUI PRODUISENT LES DIVERS MOUVEMENTS DU TRONC. — L'étude de ces muscles sort des limites du cadre que je me suis tracé. Je renverrai, pour leur description, aux traités d’anato- mie et à l'ouvrage de M. Duchenne (de Boulogne) sur la Physio- logie des mouvements. Je m’occuperai seulement ici du rôle que jouent dans la marche les muscles spinaux postérieurs, et encore me bornerai-je à étudier l’action de quelques faisceaux du sacro- lombaire et du long dorsal. Ces faisceaux s’attachent supérieu- rement aux quatre ou cinq dermières côtes et aux apophyses trans- verses des vertèbres lombaires. Ils constituent physiologiquement un seul muscle désigné par M. Duchenne ‘de Boulogne) sousle nom de spinal lombaire superficiel, et qui est extenseur fléchisseur laté- ral des vertèbres lombaires et des dernières vertèbres dorsales. Quand ce muscle se contracte synergiquement avec son symétri- que, il produit l'extension directe des vertèbres lombaires et des dorsales inférieures. Gerdy fait allusion à ces muscles spinaux su- perficiels quandil dit : «Enfin, 1l se passe dans le tronc, et particu- lièrement dans les gouttières vertébrales, de continuels efforts. sensibles à la main chez un homme recouvert de ses vêtements, sensibles à l’œilchez un homme nu. Mais ils me paraissent de deux sortes : Le premier de ces efforts produit un gonflement ou une augmentation manifeste de consistance dans les muscles verté- braux correspondants au côté dont le pied se détache du sol, s'élève ct reste suspendu; l’autre gonfle aussi, mais beaucoup moins, les mêmes muscles du côté correspondant au pied immobile. Ces deux efforts succèdent immédiatement l’un à l’autre, et celui de droite alterne avec celui de gauche, comme les pas de nos membres. Jenomme le premier effort d’élévation, parce qu’il est dû à la con- traction des muscles sacro-spinaux, qui font effort pour élever ou fixer le bassin, et par suite pour détacher le membre du sol et le 30 G. CARLET. maintenir suspendu en l'air. Le second agit pour modérer l'im- pulsion communiquée au tronc par le pied qui se trouve en arrière et prévenir la chute du corps en avant. Je le nomme effort de station, parce que c’est le même qui, dans la station, s oppose au mouvement du tronc en avant et qu'il est le principal agent de l'équilibre dans la marche. » Gerdy croit donc que la contraction des muscles spinaux est nécessaire pour prévenir la chute du tronc et le maintenir en équilibre. Les Weber prétendent, au contraire, « que le tronc demeure de lui-même en équilibre, et qu'aucun muscle n'entre. en jeu pour obtenir ce résultat. » J'ai pu enregistrer la contraction des muscles spinaux, pen- dant la inarche. Je me suis servi, pour cela, du tambour explo- rateur de Marey (voy. page 21). I était appliqué sur la région spinale et maintenu avec une ceinture de gymnase sanglée autour des reins. Le tracé L.g. (fig. 20) représente le graphique des contrac- tions du muscle spinal superficiel gauche. Fi6. 20. — Représentant les rapports qui lient la contraction des muscles spmaux superficiels aux foulées et aux oscillations du tronc. — P.g., foulées du pied gauche.—O, v. p., oscillations verticales du pubis. — L, g., contraction du muscle lombaire gauche. Dans l'intervalle 1-2, la contraction du muscle augmente, et elle diminue dans l'intervalle 2-1. Si l’on regarde à quoi correspondent ces contractions, dans le tracé des foulées, ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 81 on reconnaît que le gonflement ou le durcissement du muscle spinal lombaire gauche commence au moment oùle talon droit se pose sur le sol et avant que la pointe du pied gauche le quitte. Ce gonflement persiste tout le temps que la jambe gauche oscille, et1l ne diminue qu'après que les deux pieds ont été de nouveau en contact avec le sol. Il est évident, à cause de la symétrie, que le muscle lombaire droit se comportera avec le pied gauche de la même manière que le lombaire gauche avec le pied droit. De là résulte que : 1° Au moment du double appui, les muscles spinaux lombaires sont tous deux fortement contractés. 2° Au moment de l'appui unilatéral, un seul des muscles spi- naux est fortement contracté : c’est celui qui correspond à la jambe suspendue. La contraction de l’autre diminue pendant ce lemps. On sait qu'au moment du double appui, le tronc est à son. minimum d'inclinaison dans le plan vertical antéro-postérieur. Les deux muscles lombaires sont alors fortement contractés. Cette double contraction a pour but d'étendre le tronc et de le maintenir dans un plan vertical. Au moment de l'appui unilatéral, le tronc est incliné en avant et du côté de l’appui. Or, c'est précisément le muscle lombaire de ce dernier côté qui est peu contracté, tandis que l’autre l’est fortement. Voyons à quoi cela tient. Dans la contraction peu énergique du muscle lombaire, qui a lieu du côté de l’appui, il faut reconnaître l’effort de station dont parle Gerdy. Cet effort résiste à l’action des muscles de la paroi antérieure de l'abdomen qui inclinent le tronc en avant, au mo- ment de l'appui unilatéral. Quant à la contraction énergique du muscle lombaire, c’est elle que Gerdy désigne sous le nom d’ef- fort d’élévation. Cette contraction ne peut, en effet, qu’étendre le rachis en le fléchissant de son côté, ou bien élever la partie cor- respondante du bassin. Or, nous venons de voir qu’à ce moment le rachis est incliné de l'autre côté; l'élévation du bassin peut donc seule se produire. Mais c’est, contrairement à l'opinion de Gerdy, du côté opposé à l'appui qu’on observera cette élévation. 3C NAT., JUILLET 1872. XVI. 6. — ART. N° 6. 82 G. CARLEN. Pendant l'effort de station, les muscles lombaires ont leur point fixe en bas, tandis qu'il est au contraire en haut pendant l'effort d’élévation. On peut donc dire finalement que : 1° Au moment du double appui, les muscles spinaux lombaires sont contraclés FORTEMENT de chaque côté et prennent leur point fixe en bas pour étendre le rachis. 2° Au moment de l'appui unilatéral, les muscles spinaux lom- baires sont contractés de chaque côté, l'un rAicemEnT (effort de station, Gerdy) et l’autre rorTemenT (effort d'élévation, Gerdy). Le premier correspond au côlé de l'appui et a son point fixe en bas pour soutenir le tronc; le second correspond au côté du soutien, et a son point fixe en haut pour soulever et soutenir le bassin. Les muscles spinaux des lombes jouent donc un rôle considé- rable dans les mouvements du tronc. Ainsi se trouve démontrée l'erreur des Weber, qui attribuent l’inclinaison en avant du trone à la seule résistance de l’air. Leur comparaison s'écroule, qui assimile le mouvement du trone sur les tètes fémorales à celui d'une baguette portée verticalement sur le doigt et qui penche du côté vers lequel on se dirige. CHAPITRE VIII. CONCLUSIONS. — THÉORIE EXPÉRIMENTALE DE LA MARCHE, Les principaux résultats de mes recherches expérimentales sur la marche peuvent être résumés dans les propositions suivantes : 1 .-— La foulée du talon atteintson maximum un peu après le poser, et celle de la pointe un peu avant le lever (voy. p. 25). 9. — La foulée du talon atteint rapidement son maximum, celle de la pointe n’y arrive que plus lentement (voy. p. 25). 3.— La pression de la foulée dynamique est plus forte que celle de la foulée statique. Autrement dit: L’effort du pied contre le sol est plus graud pendant la marche que pendant le repos (vOy. p- 25). h.— Dans les foulées, la pression augmente avec la grandeur des pas (voy. p. 25). ARTICLE N° CG, LOCOMOTION HUMAINE. 89 5. — L'augmentation de pression ne dépasse pas un poids d'environ 20 kilos (voy. p. 25). 6. — Quand la grandeur des pas augmente, la foulée du talon reste constante et celle de la pointe s'accroît (voy. p. 33). 7.— Dans la marche naturelle, le pied commence à se poser, en tombant sur le talon; puis 1l continue son mouvement, en s'appliquant par toute la plante, et se déroule, en s'appuyant fortement sur sa partie antérieure, pour se soulever enfin par la pote (voy. p. 26). 8.— La durée de l'appui d’une jambe est égale au temps de l'oscillation de l’autre, plus deux fois le temps du contact simul- tané des pieds avec le sol (voy. p. 27). 9.— La durée du double appui est égale à la demi-différence entre la durée de l'appui umilatéral et celle de l’oscillation de la jambe (voy. p. 27). 10.— La durée d’un pas est égale à la somme des durées de l’oscillation et du double appui (voy. p. 29). 11.—La durée d’un pas est égale à la demi-somme des durées de l’appui et de l'oscillation des Jambes qui leffectuent (voy.: p. 39). 12.— On ne saurait admettre, avec les Weber, que : « Dans la marche la plus rapide, la durée d’un pas est égale à la demi- durée d’une oseillation de la jambe.» Plus la marche est rapide, plus ces deux quantités se rapprochent l’une de l’autre ; mais elles ne deviennent jamais égales (voy. p. 36). 15. —- En général, la ire des pas diminue à mesure que leur longueur augmente (voy. p. 33). 1%. — Le rapport inverse, admis par les Weber, entre la durée des pas et leur A n'existe pas (voy. p. 33). 9. — Au début de l'appui, la flexion du genou augmente, jusqu’à ce que le tronc soit arrivé à sa situation la plus D ste (voy. p. 86). 16. — Si l’on veut assimiler le membre qui oscille à un pendule, il faut ajouter que ce pendule est soumis à l’action musculaire fvoy. p. 38). 17. — Le muscle droit antérieur de la cuisse se contracte 8! &. CARLET. au début de la période d’oscillation (voy. p. 38 et 22, fig. 7). 13. — Les muscles de la région postérieure de la cuisse se contractent, au commencement et à la fin de la période d’oscil- lation (voy. p. 22, fig. 7). 19. — Le grand trochanter (1) ne se meut pas en ligne droite. Il décrit dans l’espace une courbe gauche (vov. p. 40). 20.— La série des phases par lesquelles passe le grand tro- chanter, pour arriver à une position semblable à celle que l’on considère, s’accomplit dans l’intervalle d’un double pas (voy. TON 21. — La distance des deux extrémités de la trajectoire décrite par le grand trochanter, pendant un double pas, est égale à la longueur de ce double pas (voy. p. 41). 29, — Pendant la durée d’un pas, le trochanter de la jambe au soutien parcourt un plus grand espace que celui de la jambe à l'appui (voy. p. 75). 23. — Les deux trochanters sont chacun à leur maximum d'écart à gauche, quand le pied gauche est au milieu de sa période d'appui, et à leur maximum d'écart à droite, quand ce même pied est au milieu de sa période de soutien (voy. p. 42). 2h. — Les deux trochanters sont chacun au milieu de leur période d’oscillation bilatérale, quand les deux pieds sont en contact avec le sol (voy. p. A2). 25. — Les deux trochanters se trouvent, au milieu de la période d'appui unilatéral, dans un même plan vertical perpen- diculaire au chemin. À tout autre instant de la marche, cette condition cesse d’avoir lieu, et le trochanter de la jambe posté- rieure se trouve situé derrière celui de la jambe antérieure (voy. p. A3). 26,-— Le trochanter passe par deux maxima d’élévation situés à des niveaux différents. Le plus élevé correspond au milieu de la période de soutien et le moins élevé au milieu de celle d'appui de la jambe correspondante (voy. p. AA). (4) Le grand trochanter est employé ici pour désigner le sommet du membre inférieur. ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 85 97 .— Le trochanter passe par deux minima d’élévation situés à des niveaux différents. Ils ont lieu au moment du double appui. Le plus élevé correspond à la jambe antérieure et le moins élevé à la jambe postérieure (voy. p. 4h). 28. — Il y a un moment où les deux trochanters sont situés à la même hauteur. Ce moment a lieu très-peu après le lever du pied postérieur (voy. p. 44). 29. — Les deux trochanters sont soumis à un double mou- vement de bascule par lequel l’un s'élève ou s’abaisse, par rap- port à l’autre, en même temps qu'il s'approche ou s'éloigne de lui(voy. p. 4h). 30. — Chaque trochanter atteint ses limites extrèmes d’oscil- lation horizontale, au moment même où arrivent ses maxima d’élévation (voy. p. 44). 31. — Chaque trochanter arrive au milieu de la période d'oscillation horizontale, en même temps qu'il se trouve au minimum d’élévation (voy. p. 45). 32. — Dans la trajectoire du grand trochanter, les maxima les plus élevés correspondent aux minima d'écart, et les maxima les moins élevés aux maxima d'écart, par rapport à l’axe du chemin parcouru (voy. p. 45). 39. — Les maxima de la trajectoire décrite par le sommet du membre inférieur sont tous situés à la même hauteur (voy. p. 45). 3%. — Le niveau des minima de la trajectoire du grand tro- chanter s'abaisse, à mesure que la grandeur des pas augmente (voy. p. A6). 35. — L'amplitude des oscillations horizontales de la tra- Jectoire du grand trochanter est constante, si lécart des pieds, compté perpendiculairement à la direction du chemin, est lui-même constant (voy. p. A6). 86.— L’amplitude des oscillations horizontales du grand tro- chanter augmente ou diminue avec l'écart transversal des pieds (voy. p. A6). 37. — L'amplitude des oscillations verticales du grand tro- chanter est, en moyenne, de 70 millimètres, et celle des oscil- lations horizontales d'environ 75 millimètres (voy. p. 47). 86 G. CARLET. 38. — On doit considérer, dans le tronc en marche, quatre sortes de mouvements : 1° des mouvements d’oscillation, 2° des mouvements d’inclinaison, 3° des mouvements de rotation, h° des mouvements de torsion {voy. p. 49). 89. — La distance, comptée suivant la direction du chemin, entre les deux extrémités de la trajectoire décrite par le pubis, pendant un pas, est égale à la longueur de ce pas (voy. p. 50). 40.— La courbe des oscillations horizontales du pubis est une espèce de sinussoide considérablement surbaissée, où l’angle que fait, aux points d’inflexion, la courbe avec l’axe est d’en- viron 7 degrés (voy. fig. 13, p. 51). . A. — Le pubis est à son maximum d'écart à droite ou à gauche, quand le pied est au milieu de sa période d’appui, à droite ou à gauche (voy. p. 52). h2. — Au milieu de la période du double appui, le pubis est au milieu de son amplitude d’oscillation horizontale (voy. p. 52). h3.— Au début de la période du double appui, le pubis est situé, par rapport à l'axe du chemin. du même côté que la jambe postérieure (voy. p. 52). kh.— Au milieu de la période du double appui, le pubis est situé au-dessus de l’axe du chemin (voy. p. 52). h5. — À la fin de la période du double appui, le pubis est situé, par rapport à l’axe du chemin, du même côté que la jambe antérieure (voy. p. 52). h6. — Pendant la période de l'appui unilatéral, le pubis est situé, par rapport à l’axe du chemin, du même côté que la jambe à l’appui (voy. p. 52). h7. — Si l'écart transversal des _.. reste le même pendant la marche, l'amplitude des oscillations horizontales du pubis est sensiblement constante, quand la reel des pas augmente (voy. p. 5). h8. — Si l'écart transversal des pieds varie, amplitude des oscillations horizontales du pubis varie dans le même sens, aug- mentant ou diminuant avec lui (voy. p. 53). h9. — La courbe des oscillations verticales du pubis est une espèce (le sinussoïde très-surbaissée, où l'angle que fait, aux ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 87 points d’inflexion, la courbe avec l’axe est d'environ 9 degrés (voy. fig. 13, p. 51). 50. — La ligne décrite par le centre de gravité n'offre pas de points de rebroussement (voy. p. 55). 51. — Le pubis passe au maximum de son oscillation verti- cale, quand l’un des pieds est au milieu de sa période d'appui et l’autre au milieu de celle de soutien (voy. p. 55). 52. — Le pubis passe au minimum de son oscillation verti- cale, quand les deux pieds sont au milieu de la période du double appui (voy. p. 55). 53. — Au début de la période du double appui, le pubis s’abaisse, et il s’élève à la fin (voy. p. 55). 5h.— Le pubis passe au minimum de son oscillation verticale toutes les fois qu'il se trouve au milieu de son oscillation hori- zontale, c’est-à-dire sur l’axe du chemin parcouru (voy. p. 56). 55.— Le pubis passe au maximum de son oscillation verticale toutes les fois qu’il se trouve le plus loin possible, à droite ou à gauche, de l’axe du chemin (voy. p. 56). 56. — Dans l’espace de deux foulées consécutives, le pubis décrit une M ronde majuscule, considérablement surbaissée dans le plan vertical, et une S italique couchée, considérable - ment allongée dans le plan horizontal (voy. p. 57). 97.— Le minimum de l’oscaillation verticale du pubis a lieu au moment où le pied antérieur commence à toucher le sol par toute la plante (voy. page 57). 58.—Le maximum de loscillation verticale du pubis a lieu au momentoù le talon du membre àl’appui quitte le sol (voy. p. 58). 59. — Il est impossible d'admettre les théories des Weber et de M. Giraud-Teulon, au sujet de la constance d'amplitude des oscillations verticales du tronc pendant la marche (voy. p. 60). 60.—Le niveau des maxima des oscillations verticales du tronc, pendant la marche naturelle, est constant. Celui des minima descend, au contraire, de plus en plus, à mesure que la grandeur des pas augmente (voy. p. 61). | 61. — L'amplitude moyenne des oscillations verticales du tronc, dans la marche naturelle, est d'environ 37 millimètres; 88 G. CARLET. celle des oscillations horizontales est à peu prèsle double et d’en- viron 74 millimètres (voy. p. 61). 62. — On peut construire pratiquement la trajectoire du pubis et celle du trochanier (voy. p. 62). 63. — On peut regarder la trajectoire du pubis comme étant inscrite dans un demi-cylindre creux, au fond duquel se trouvent les minima, et sur les bords duquel viennent se terminer tan- gentiellement les maxima (voy. p. 62). 64.— On peut considérer la trajectoire du trochanter comme tracée à la surface de deux cylindres, dans la concavité desquels elle serpente. Ces cylindres ont deux génératrices communes ou d’intersection, auxquelles la courbe. est tangente. La section de ce double cylindre ala forme d’un croissant (voy. fig. 16, p. 63). 65.— L’épure dela figure17 montre les rapports qui existent entre les trajectoires des trochanters et da pubis (voy. p. 64). 66. —L'amplitude des oscillations verticales du pubis est plus grande que la moitié de celle des trochanters (voy. p.65). 67. — Les amplitudes des oscillations horizontales du pubis et des trochanters ont la même valeur (voy. p. 67). 68.— Au moment où le pubis atteint le maximum de son oscil- lation verticale, il s'élève d'environ 10 millimètres au-dessus de la position qu’il occupe dans la station (voy. p.67). 69.— Le tronc s'incline alternativement à chaque pas, du côté du membre à l'appui. Cette inclinaison latérale est nulle quand le tronc, occupant sa position la plus basse, est situé sur l'axe du chemin. Elle augmente à mesure que le tronc, s'éloi- gnant de cet axe, s'élève, et diminue à mesure que, s'en rappro- chant, 1l s’abaisse (voy. p. 68). 70.— On ne saurait accepter la théorie des Weber, qui con- siste à admettre la variation proportionnelle de l'inclinaison avec la vitesse, ainsi que la constance de cette inclinaison, pour une vitesse donnée, et à nier la nécessité de l'effort musculaire pour incliner le tronc (voy. p. 70, 71 et 82). 71. — L'inclinaison du tronc dansle plan vertical varie brus- qnement aux environs de son minimum, et lentement aux envi- rons de son maximum (voy._p. 70). ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAÏNE. 89 72. — L'inclinaison du tronc dans le plan vertical est minima au milieu de la période du double appui, et maxima au milieu de celle de l’appui umilatéral (voy. p. 70). 73.—L'inclinaison du tronc en avant augmente avec la gran - deur des pas (voy. p. 70). 7h. — Le tronc s'ineline de côté en même temps qu'il s’in- cline en avant, et les maxima de ces inclinaisons coïncident, de même que leurs minima (voy. p. 71). 75.— Dans la marche naturelle, l'angle du tronc avec la ver- ticale ne dépasse pas un maximum d'environ 10 degrés (voy. Ds) 76.—- L’inclinaison maxima ou minima du tronc en avant a lieu en même temps que le maximum ou le minimum de loscil- lation verticale du pubis (voy. p. 71). 77. — L'inclinaison du tronc en avant augmente ou diminue, quand sa partie inférieure (le pubis) s'élève ou s’abaisse (voy. p. 72). 78. — Dans la marche naturelle, si la tête se meut d’une seule pièce avec le rachis, elle s’abaisse, par le fait de l’inclinaison du trone, moins qu’elle ne s'élève par suite de son mouvement d'os- cillation verticale (voy. p. 75). 79.— L'amplitude des oscillations verticales du tronc dimi- nue de la base au sommet; celle des oscillations horizontales augmente, au contraire, de la base au sommet (voy. p. 73). 80.— Contrairement à l’opinion de Gerdy, le bassin s’élève toujours du côté correspondant à la jambe qui oscille (voy. p. 75). 81. — Malgré le mouvement de rotation horizontale du bas- sin, la courbe décrite par le trochanter au soutien, a sa concavité dirigée dans le même sens que celle de la courbe décrite par le trochanter à l'appui (voy. p. 76). 82. — Si les bras sont fixés au tronc, l’un des côtés du bassin et l'épaule correspondante sont animés de mouvements de rota- tion dans le même sens. Le tronc est donc aussi animé d’un mouvement de votalion (voy. p. 73). 83. — Si les bras sont libres, l’un des côtés du bassin et 90 G. CARLET. l'épaule correspondante sont animés de mouvements de rotation en sens contraire. Le tronc est donc animé d’un mouvement de torsion (voy. p. 78). 84.— Au moment du double appui, les muscles spinaux lombaires sont contractés fortement de chaque côté, et prennent leur point fixe en bas, pour étendre le rachis (voy. p. 82). 85. — Au moment de l’appui unilatéral, les muscles spinaux lombaires sont contractés de chaque côté, l’un faiblement (effort de station, Gerdy) et l’autre fortement (effort d’élévation, Gerdy). Le premier correspond au côté de l'appui, et a son point fixe en bas, pour soutenir le tronc; le second correspond au côté du soutien, et a son point fixe en haut, pour soulever et soutenir le bassin. VHÉORIE DE LA MARCHE. Les propositions précédentes constituent un ensemble qui per- met d'établir la théorie expérimentale de la marche. Laissant ici de côté les divisions numériques, je distinguerai le temps du double appui et celui de l’appui umilatéral. Chacun de ces temps peut se subdiviser en trois périodes qui seront successive- ment celles du début, du milieu et de la fin. AÀ.— TEMPS DU DOUBLE APPUI. A° Au début du double appui, c’est-à-dire quand le pied anté- rieur ne touche le sol que par le talon, la jambe postérieure est étendue. Elle n’appuie que sur les extrémités des métatarsiens et les phalanges. La jambe antérieure est étendue ou légerement fléchie dans l'articulation du genou. L’axe bicotyloïdien est oblique d'avant en arrière et de haut en bas. Le tronc descend, en même temps que son inclinaison en avant et de côté diminue. Le pubis est situé en dehors de l’axe du chemin, du côté de la jambe postérieure. 9° Au milieu du double appui, c’est-à-dire quand le pied antérieur commence à toucher le sol par toute l'étendue de la plante, la jambe postérieure ne le touche que par les phalanges. La jambe antérieure est fléchie davantage qu'au début dans l'ar- ARTICLE N° 6. LOCOMOTION HUMAINE. 91 ticulation du genou. L’axe bicotyloïdien est toujours oblique; d'avant en arrière et de haut en bas. Le tronc a fini de des- cendre et est parvenu à sa situation la plus basse. Son inclinaison en avantet de côté est également arrivée à son minimum. Le pubis est situé au-dessus de l’axe du chemin. 3° À la fin du double appui, c’est-à-dire quand la jambe pos- térieure ne touche plus le sol que par l'extrémité des phalanges, la jambe antérieure à commencé à ouvrir son articulation du genou. La ligne bicotyloïdienne est oblique comme précé- demment. Le tronc commence à s'élever en même temps qu’il s’inchine en avant et de côté. Le pubis est situé en dehors de l'axe du chemin, du côté de la jambe antérieure. B. — TEMPS DE L'APPUI UNILATÉRAL. 1° Au début de l'appui unilatéral, c’est-à-dire quand le pied postérieur vient de quitter le sol et que l’antérieur repose par toute la plante, la jambe à l'appui continue à ouvrir son artieu- lation du genou pendant que celle au soutien commence à la fermer. L’axe bicotyloïdien est toujours oblique, mais d'avant en arrière seulement, et il est horizontal. Le tronc continue à s'élever, en même temps qu'il s'incline en avant et de côté. Le pubis s’écarte de l'axe du chemin, du côté de la jambe antérieure. 2° Au milieu de l’appui unilatéral, c’est-à-dire quand le talon de la jambe à l'appui quitte le sol, elle a ouvertau maximum son articulation du genou. La jambe au soutien a au contraire fermé la sienne au maximum. L'axe bicotyloïdien est tou- jours oblique, mais de haut en bas seulement. Il est situé dans un plan vertical, et son extrémité inférieure répond au membre à l'appui. Le tronc a fini de s'élever et est parvenu à sa situation la plus haute. En même temps son inclinaison en avant et de côté est maxima. Le pubis est à son maximum d'écart de l’axe du chemin, du côté de la jambe à l'appui. 3° À la fin de l'appui unilatéral, c’est-à-dire quand le pied à l’appui ne touche le sol que par sa partie métatarso-phalangienne et que la jambe au soutien a dépassé le milieu de sa période d’os- cillation, l'articulation du cou-de-pied de la jambe à l'appui s’ou- 92 G. CARLET. vre, pendant que celle du genou continue à être au maximum d'extension. L’axe bicotyloïdien redevient oblique d'avant en arrière et de haut en bas; mais cette fois son obliquité est diri- gée dans un autre sens, et l'extrémité qui était en avant et en haut, dans la période du double appui, est maintenant en arrière et en bas. Le tronc s’abaisse, en même temps que son inclinaison en avant et de côté diminue. Le pubis se rapproche de l'axe du chemin. Ces phénomènes ont lieu, quelle que soit la grandeur des pas. Si la grandeur des pas augmente, on voit, en général, dimi- nuer leur durée, mais toujours augmenter l’abaissement du tronc et son inclinaison. Un fait remarquable, c’est la hauteur de l’é- lévation du tronc, qui reste constante, quand la grandeur des pas augmente ou diminue. Dans la marche naturelle, ni trop lente, ni trop rapide, si les bras sont fixés, le tronc subit un mouvement de rotation, qui devient un mouvement de torsion si les bras sont libres. La collection des faits que j’ai analysés dans ce mémoire, et dont je viens de donner une rapide synthèse, a été établie d’a- près une série d'expériences faites sur un grand nombre de per- sonnes différentes. Je dois, en particulier, des remerciments à mon ami Phelebon, qui a bien voulu répéter plusieurs fois avec moi les expériences les plus délicates, s’associant ainsi à une œuvre qui ne pouvait offrir d'intérêt qu’à un véritable ami de la science. ÉTUDES SUR LE PRÉTENDU CRUSTACÉ AU SUJET DUQUEL LATREILLE À CRÉÉ LE GENRE PROSOPISTOMA ET QUI N’EST AUTRE CHOSE QU'UN VÉRITABLE INSECTE HEXAPODE PAR N. JOLY, Professeur à la Faculté des sciences de Toulouse, ET E. JOLY, Médecin major au 7° bataillon de chasseurs à pied. S 1. Signalé pour la première fois par Geoffroy aux environs de Paris, sous le nom de Bénocle à queue en plumet (1); appelé ensuite successivement Pénocle pennigère par Latreille (2), Binocle pisciforme par C. Duméril (3); baptisé plus tard par l’auteur des Familles du règne animal du nom générique de Prosopistoma; enfin admis, avec de prudentes réserves, sous cette dernière dénomination par M. Milne Edwards, dans son Histoire naturelle desCrustacés (h), l'être énigmatique qui fait l'objet de ce mémoire a été retrouvé par lun de nous (le docteur Émile Joly), vers la fin du mois de septembre 1868, (4) Geoffroy, Hist, abrégée des Insectes des envir. de Paris, t, 11, 1799, p. 660, pl. xxi, fig. 3, e, f, g. (2) Latreille, Hist. nat. des Crustacés et des Insectes, t, IV, p. 119 : Bénocle pennigère (Binoculus pennigerus), 804. (3) GC. Duméril, Dict. des sc, nat., Lenorm,, art. BINOGLE. (4) Op cit., t'AIIT, p.552. SC. NAT., SEPTEMBRE 1972. XVI. 19, — ART, N° 7. À) N. IX Æ. SOLY. dans le bassin de la Garonne, tout vrès de l’île des Grands- Ramiers (1). Le titre seul du mémoire de Latreille tendrait à consacrer une grave erreur que nous tenons à relever tout d'abord, en déclarant que le prétendu Crustacé que notre grand entomolo- giste désigne sous le nom de Prosopistoma, et qu'il range dans la famille des Branchiopodes, n’est pas un Crustacé. Chose bizarre! c’est sur des individus desséchés reçus de Madagascar, et non sur des exemplaires du mème genre re- cueillis vivants aux environs de Paris, que Latreille a fait toutes ses observations. Aussi, bien des particularités ont-elles échappé à son attention et a-t-1l commis plusieurs erreurs regrettables, entre autres celle qui consiste à faire entrer dans une classe un animal qui appartient à une classe toute différente. Nouvel exemple du danger auquel on s'expose quand on étu- die les êtres de la nature uniquement sur des spécimens quasi momifiés ou conservés dans l’alcool. Au reste, il est bon de citer ici les propres paroles de La- treille : « Au milieu d’un nombre considérable d’Insectes coléoptères envoyés dernièrement de Madagascar au Muséum d'histoire naturelle par M. Goudot jeune, se trouvaient con- fondus plusieurs individus d’un petit animal ayant la forme d’un Gyrin, et peu propre, à raison de sa taille et de ses teintes obscures, à frapper les regards, comparativement surtout aux autres objets qui l’environnaient. Mais je n'ai pas tardé à re- connaître que ceux-Ci, quoique pour la plupart très-mtéressants par leur nouveauté, rentraient dans les coupes génériques déjà établies, tandis que celui-là, quoique semblable, au premier coup d'œil, à un Coléoptère, s’éloignait beaucoup des insectes de cet ordre, et qu'il n'appartenait même pas à cette classe d'animaux, mais à celle des Crustacés, division des Branchio- podes (2). » (4) E. Joly, Note sur le prétendu Crustacé dont Latreille à fait le genre Prosori- sroMA (Mérn. de la Société des sciences nat, de Cherbourg, 1871, t. XVD). (2) Latreille, Description d'un nouveau genre de Crustacés ( Nouv. Annales du Muséum, t. IL, p. 23). ARTICLE N° 7, DU GENRE PROSOPISTOME. 9 Après l'avoir soigneusement examiné et même disséqué, La- treille conclut, en dernière analyse, que son animal madécasse « est formé sur un type particulier ou sw generis », et il crée tout exprès pour lui le genre Prosopistoma, qu’il caractérise ainsi qu’il suit : GENRE PROSOPISTOME (PROSOPISTOM A) (1). « Corps ovoido-hémisphérique, recouvert presque entière- ment par un bouclier divisé en deux segments, l'antérieur plus petit, presque semi-circulaire, ayant en dessus deux yeux à réseau écartés et deux autennes très-petites, sétacées et sim- ples ; offrant en dessous deux paires de mäâchoires, épineuses au bout, recouvertes par une lame serui-circulaire; second seg- ment caréné longitudinalement dans son milieu, tronqué et échancré postérieurement. Trois paires de pattes filiformes, simples et mutiques, insérées sur les côtés d’un plastron trian- gulaire, appliquées sur les côtés de la poitrine et coudées. Abdomen en forme de petite queue, composé de quatre seg- ments, dont le dernier aplati, presque semi-circulaire, portant des filets barbus, branchiaux et rétractiles (2). » À la diagnose qui précède, Latreille ajoute ce qui suit : « Ce genre semble devoir former à lui seul une famille particulière, terminant la division des Crustacés dentés où munis de mâ- choires. Cependant, jusqu’à ce que de nouvelles recherches nous aient dévoilé l’organisation buccale, et que nous soyons assuré qu'il n'existe point de siphon, nous suspendrons notre jugement (3). » Précaution us et sage, en eflet; car nos Der per- (4) Ce mot, tiré du grec (roccwmuwv, petit masque, et ozoux, bouche), signifie bouche couverte d’un petit masque, et convient bien à notre animal, en ce sens que ses organes buccaux sont en grande partie cachés par la lame semi-circulaire ou plutôt quadransulaire dont il est question dans la diagnose ci-dessus indiquée. (2) Latreille, Description d'un nouveau genre de Crustacés (Nouv. Annales du Muséum, 1833, t. XID). (3) Latreille, Mém. cit, p. 33. l N. DE H. JOLY. sonnelles nous ont convaincus que non-seulement le Prosopi- stoma n’est pas un Crustacé branchiopode, mais encore, comme nous l'avons déjà dit, qu'il n’est pas même un Crustacé. Mais qu’est-1l donc? Un véritable Insecte, encore incomplétement développé, en- core dans cet état que les naturalistes anglais désignent sous la dénomination heureuse, mais un peu élastique, de « an imma- ture condition », UNE LARVE AQUATIQUE D ÉPHÉMÉRINE. Telle est du moins la conclusion à laquelle nous amènent toutes nos recherches, toutes nos dissections, bien que jusqu'à présent nous n'ayons pas eu le plaisir, vivement désiré, de pouvoir suivre notre singulier Insecle jusqu’à sa dernière mor- phose. Singulier, en effet, est bien le nom qui lui convient. Qu'on se figure une Coccinelle ou Bête à bon Dieu, dont le corps serait terminé par une queue garnie au bout d’un plumet, ou inieux encore, « sè parva magnis componere licet », qu’on s'imagine une Tortue d’eau douce à queue plumeuse et à six pattes fixées sous le plastron, et l’on aura une idée approximativement exacte de la forme extérieure générale de notre bestiole. Mais il est temps de la décrire avec quelques détails. & 2. Organisation extérieure. Ainsi que l'indique la diagnose générique de Latreille, le corps de l’animal représente un ovoïde coupé en deux parties symétriques par un plan vertical dirigé dans le sens du grand diamètre. Il est recouvert presque en entier par un bouclier divisé en deux segments, l’un céphalique et l’autre thoraco-abdo- minal (1). Le bouclier céphalique, beaucoup plus petit que celui qui re: (4) Voyez planche 13, fig. 2. ARTICLE N° 7. : DU GENRE PROSOPISTOME. à) couvre entièrement et forme en grande partie le thorax, est de figure à peu près demi-circulaire, et offre en dessus deux yeux latéraux, très-écartés l’un de l’autre, lisses et non pas à réseau, quoi qu’en dise le prince des entomologistes. Outre ces deux yeux simples, on en voit trois autres plus petits, également lisses, disposés en triangle (ocelles ou stemmates), que Geoffroy a très-bien signalés, mais dont Latreille ne parle pas dans sa caractéristique du genre Prosopistome. Deux antennes courtes, sétacées, de cinq articles chacune, se voient non loin du bord antérieur du bouclier céphalique, qu'elles dépassent à peine de quelques millimètres. En dessous (1), le bouclier céphalique est constitué par une lame cornée, pareillement semi-cireulaire ou platôt obtusément quadrangulaire, laquelle recouvre en très-grande partie etmême presque en totalité les organes buecaux, que nous décrirons tout à l'heure. Vu par sa partie supérieure, le second segment ou bouclier thoraco-abdominal est échancré à son bord antérieur, pour s’ar- ticuler avec le bouclier céphalique; il l’est plus encore à son bord postérieur, au niveau de cette partie de l'abdomen qu'on nomme improprement /4 queue, et présente à la partie moyenne de ce bord deux valves pouvant alternativement se rapprocher ou s'éloigner comme deux lèvres. Ce bouclier est, comme la irès-bien observé Latreille, uni à sa surface, caréné longitudi- nalement dans son milieu, et solidement fixé par ses bords laté- raux avec ceux du thorax, ainsi qu'avec ceux de l’arceau ven- tral (2) de chacun des cinq premiers anneaux de l'abdomen, (1) Voyez planche 13, fig. 3. (2) L’anatomie philosophique nous fait voir dans la région postérieure du bouclier thoraco-abdominal de notre petit insecte, mais fondue en deux masses juxtapasées et soudées, la partie dorsale de chacun des cinq premiers segments abdominaux. L'ensemble des demi-anneaux supérieurs {horaciques, mis en œuvre de semblable facon, forme la région antérieure de ce même bouclier, En somme, l'organe protecteur que nous décrivons, considéré isolément, n’est autre chose que le résultat de la juxtaposition et de la soudure consécutive des deux moi- tiés parfaitement symétriques d’une sorte de calotte rigide, allongée, et tronquée aux extrémités d’un diamètre situé dans l'axe du corps de l’animal. Quant à ces deux demi-calottes, elles sont elles-mêmes le produit de l'agrégation par développemen 6 N. EU Æ. JOLY. bords latéraux qu’il dépasse sensiblement en formant une marge aiguë. N'était la carène longitudinale qui rappelle la suture des élytres soudés chez certains Insectes coléoptères, le bouclier thoraco-abdominal du Prosopistome offrirait une ressemblance presque parfaite avec la carapace de la Tortue. La poitrine de l'Insecte représenterait le plastron du même animal. En effet, soudée comme chez ce dernier à la carapace, elle est large, aplatie ou à peine légèrement convexe, et son ster- num, également très-élargi, se termine à la partie postérieure en pointe triangulaire (1). Le thorax porte en dessous trois paires de pattes courtes, grêles, presque filiformes, très-écartées les unes des autres, soit dans le sens longitudinal, soit dans le sens transversal, d’une longueur à peu près égale. Chacune d’elles est reçue en partie dans une petite fossette située immédiatement sous les bords confus d’un nombre déterminé d'éléments anatomiques identiques empruntés à un fonds commun primordial. Notons que ce fonds commun eût tout aussi bien pu, à tel moment du travail organogénique dans l'œuf, servir à constituer les strates supérieures des arceaux dorsaux parfaitement distincts, d’un total mathématique de huit zoonites, Savoir, des trois thoraciques et des cinq premières abdominales, en lesquelles se résume, en définitive, la carapace complexe, quoique simple au premier abord, dont il est ici question. Nous n’avons pas à insister davantage en ce moment sur les procédés toujours pleins d’ingéniosité que la nature sait employer au besoin pour arriver à ses fins, et réaliser ainsi ses conceptions même les plus fantaisistes. La portion ventrale des cinq premiers segments abdominaux est, chez notre Insecte, très-bien indiquée par cinq bandes, à la vérité mcomplètes, qui vont successivement en augmentant de largeur de la première à la cinquième, et dans ja partie moyenne desquelles, la dernière exceptée, s'enfonce comme un coin la pointe triangulaire sternale. Ces bandes, nous devons l’ajouter, ne sont pas toujours faciles à voir, surtout sur des individus desséchés ou même conservés dans l'alcool. Aussi ont-elles probablement échappé aux investigations de Latreille, qui, du reste, n’en fait nulle part mention dans son mémoire. La grande loi du balancement organique nous donne aisément l'explication du développement remarquable de la pointe terminale du sternum : il est en effet hors de doute, pour nous, que ce dernier organe a bénéficié de ce qui manque aux bandes abdominales dont nous parlons. (A) PIMS 213; ARTICLE N° 7. DU GENRE PROSOPISTOME. 7 latéraux du sternum. Elles se composent d’une hanche assez grosse, suivie d’un petit trochanter, d’une cuisse allongée, d’une jambe mince et d’un tarse grêle terminé par un petit onglon (4). Les antérieures sont fixées sur un prosternum très-étroit dans le sens antéro-postérieur, sur une sorte d’avant-poitrine (2), comme dit Latreille, servant d’appui au volet labial. Toutes sont plus ou moins velues à leur surface extérieure; elles rem- plissent l'office de rames, peu puissantes dans les mouvements de locomotion de l’animal. Mais son organe locomoteur par excellence, c’est sa queue, ou plutôt la seconde moitié de son abdomen (3). Cette queue se compose de quatre segments plus ou moins rétractiles, arqués, pouvant s’emboîter sucessivement l’un dans l’autre, et offrant à leurs angles latéro-postérieurs une pointe obtuse; le dernier, plus étroit, plus long et plus aplati que les autres, porte à son extrémité trois soies courtes et transparentes, élégamment ci- liées sur les bords, et formant ainsi une sorte de plumet ternunal qui, d’après Latreille, sert tout à la fois à la locomotion et à la respiration. Ces soies caudales, auxquelles aboutissent des fibres musculaires spéciales striées, peuvent se retirer, et se retirent (1) P1.13, fig. 16. (2) Et ici encore, qu'est-ce que cette avant-poitrine à laquelle soni réellement annexées (et non semblent être annexées) les deux pattes antérieures, sinon évidem- ment le demi-anneau inférieur du premier segment thoracique? N’avons-nous pas là un témoin éloquent, une affirmation nette, une preuve palpable de l'existence cer- taine de ce prothorax que Latreille a incontestablement touché, et que cependant, quoique contemporain d’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire, alors à l’apogée de sa gloire scientifique, le célèbre entomologiste n’a pas su reconnaître (*) à la face dorsale de son Prosopistoma ? Quant à nous, disciples convaincus de l’illustre auteur de la Philosophie anatomique, nous voyons très-bien par les yeux de l’esprit ce prothorax comme entrant matériellement par son anneau supérieur dans la constitution du bouclier thoraco- abdominal, comme faisant partie intégrante de cette armure, en apparence homogène, dont nous devons toutefois considérer spéculativement le bord antérieur comme légili- mement thoracique, et le bord postérieur comme légitimement abdominal. (3) PI, 43, fig. 2. (*)_« Si cet animal (Prosopistoma variegatum), par le nombre et la forme des pattes et par celle du bouclier, paraît d’abord se rapprocher de quelques Coléoptères à élytres soudés, on voit cependant qu'il en diffère essentiellement (sic) en ce que ce bouclier succède immédiatement à la tête, et qu'il n'y a point de prothorax proprement dit ou de corselet.» (Latreille, Mémoire cité, p. 24.) 8 N. ET E. JOLY. en effet, pendant le repos ou après la mort, dans l’intérieur de l'anneau terminal. Jusqu'à présent nous n'avons rien dit de la bouche de notre Insecte (1). Sans doute sa dissection offre de grandes difficultés, à raison de la petitesse des organes dont elle se compose. Nous avons pu constater néanmoins la présence d'un labre, d’une paire de mandibules, de deux maxilles et d’une lèvre inférieure flanquée de deux palpes à deux articles chacun, c’est-à-dire la structure buccale d’un Znsecte broyeur, dans le sens actuel et précis de ce mot. Le labre (2), fixé par sa base à la partie antérieure du bou- clier céphalique, est arrondi et légèrement velu sur son bord libre. Comme celle du bouclier, auquel il adhère, sa forme est à peu près demi-circulaire. Les mandibules (3) sont formées d’une plaque quadrangulaire demi-transparente et surmontée de trois épines cornées, brunes, rapprochées en un faisceau. Deux ou trois soies roides, recour- bées, s’observent plus en dedans et à la base des crochets épi- neux. Plus allongée que la plaque mandibulaire et presque diaphane comme elle, la plaque maxillaire (4) est surmontée aussi de trois crochets épineux écartés à leur sommet ; plus, d’une sorte d’é- pine bifurquée; quelques soies roides, situées un peu plus bas et en dedans de cette épine, rappellent tout à fait celles des man- dibules (5). (14) PL. 43, fig. 4. (NPI 45; 5.5: (3) P1. 43, fig. 7. (4) PI. 13, fig. 8 et 9. (5} Si nous ne parlons pas ici de palpes maxillaires, c’est tout simplement parce que ces appendices n'existent pas chez notre Insecte. Rien, d’ailleurs, d’insolite dans ce fait, qui nous rappelle ces autres cas de dégradation physiologique si fréquents dans la plupart des groupes vraiment naturels de l'empire organique. En zoologie notamment, en ce qui concerne la famille des Éphémérines, après nous avoir montré ces palpes maxillaires à leur maximum de développement dans la larve de l’'Ephemera vulgata, et surtout dans celle du Baetis fluminum, la nature nous les présente considérablement réduits dans la larve du C/0e Rhodani, et enfin rudimentaires dans celle du Potaman- thus erythrocephalus. De là à la suppression totale des organes appendiculaires des ARTICLE. N° 7e DU GENRE PROSOPISTOME. 9 Enfin la lèvre inférieure (1) paraît être représentée par cette espèce de lame cornée que Latreille compare à un masque, et qui, nous l’avons déjà dit, recouvre presque en totalité les organes de la manducation. Cette pièce, fixée seulement par sa base, et mobile de haut en bas et d'avant en arrière, nous sem- ble être 1c1 l’analogue du masque des LiBeLLuLINES, ou plutôt du labium, Si développé chez certains Orthoptères (2). 8 3. Preuves péremptoires que le prétendu Crustacé de Latreille est un Insecte hexapode, S il pouvait rester encore quelques doutes sur la vraie nature du prétendu Crustacé de Geoffroy, de Duméril et de Latreille, tous ces doutes seraient dissipés à la fois par la seule présence des trachées qu’on observe chez lui. Or, des dissections minutieuses et que nous croyons exemptes d'erreur, nous ont appris qu’il existe sous la carapace, à la par- tie latérale des cinq premiers segments abdominaux de notre animal, cinq paires de fausses branchies (3), très-analogues à celles de plusieurs larves d’ÉPHéméRines, et notamment du genre Cæœms. Ces fausses branchies constituent des espèces de houppes elles- maxilles, il n’y avait qu’un pas à franchir , et il a été franchi. Nouvel argument, et non le moins décisif, à notre sens, en faveur de la légitimité de la place que nous croyons devoir assigner dans le sous-embranchement des animaux articulés à l’'Entomozoaire si curieux qui fait l’objet de ces études, (4) Nous insistons sur ce dernier rapprochement: car il vient tout à fait à l’appui de l’opinion des naturalistes allemands, lesquels, à bon droit, selon nous, rangent, comme on le sait, la famille des Éphémérines, non dans l’ordre des Névroptères, comme le veut M. le professeur Pictet, mais dans l’ordre des Orthoptères. Et comme conséquence secondaire, remarquons que Latreille ne pourrait plus dire aujourd’hui que les Orthoptères n’out point d'espèces aquatiques. Car aux Trédactylus, qui vivent sur les bords humides des fleaves méridionaux, ét aux Tetrix, qui sont spé- cialement riveraines, il convient d’ajouter désormais comme étant exclusivement aqua- tiques, du moins dans la majeure partie de leur existence, tous les représentants de la famille des Éphémérines, y compris, bien entendu, notre petit insecte. (2)PEMS Pet 6: (3) PI. 13, fig. 10, 11 et 12. 10 N. ET KE. JOLX. mêmes formées d’un plus ou moins grand nombre de cæcums pour la plupart bifurqués à leur extrémité la plus éloignée du pédicule auquel ces houppes sont en partie suspendues. Ce pédicule n’est rien autre chose qu'une branche émanée d’une grosse trachée située de chaque côté de l'abdomen, branche subdivisée elle-même en rameaux et en ramuscules de plus en plus déliés, qui se répandent dans les cæcums respiratoires. Enfin, ceux-ci sont recouverts par une lamelle très-mince, fine- ment frangée ou dentée sur ses bords, parcourue elle-même par une trachée et ses subdivisions, et d’une transparence si par- faite, qu'elle avait d’abord échappé à notre observation. Mais aujourd'hui nous ne conservons plus le moindre doute sur la réalité de son existence; nous l'avons vue et revue plusieurs fois, et les dessins qui accompagnent ce mémoire suffiront pour donner une idée de sa forme et de ses dimensions un peu variables, suivant la paire de houppes trachéennes qu’elle recouvre. L'ensemble des houppes branchiales d’un même côté constitue une sorte de fouillis presque. inextricable au scalpel, par suite de la superposition mutuelle des houppes contiguës appartenant à chaque anneau ; mais avec un peu de patience, on parvient à les isoler les unes des autres et à en démêler la structure curieuse et compliquée. Quant aux mouvements de ces houppes, on les aperçoit très- distinctement, même à travers :a carapace. Elles s'élèvent et s’abaissent alternativement toutes ensemble et d’une manière rhythmique. Inutile de dire que la lamelle qui accompagne chacune d'elles la suit dans ce mouvement respiratoire. Existe-t-il des stigmates ? Nous les avons vainement cherchés. Du reste, 1ls ne sont pas indispensables pour une respiration exclusivement aquatique, et ils n'existent pas chez les Hydropsyches. Eu égard à la manière dont s'exécute cette respiration, il n’est pas facile, dans l’état actuel de la science, de s’en faire une idée bien nette. Dutrochet, le premier, croyons-nous, a essayé de s’en rendre compte. Léon Dufour et Dugès l'ont tenté à leur ARTICLE N° 7. DU GENRE PROSOPISTOME. 11 tour; mais l'explication qu'ils ont proposée ne nous. paraît guère acceptable. Celle que M. Monnier vient de donner dans les Comptes rendus de l Académie des sciences (séance du 22 janvier 1872, p. 235) ne nous satisfait pas davantage, et mème bien moins encore. Quoi qu'il en soit, et toutes réserves faites jusqu'à nouvel ordre au sujet du délicat problème relatif à la manière dont s'exécute, au point de vue chimique, la révivification du liquide nourricier chez les véritables Insectes aquatiques, passons ac- tuellement à l'examen du mécanisme au moyen duquel s'opère le renouvellement du véhicule destiné à fournir à notre petite créature l'oxygène dont elle à besoin. Par suite de la contraction des faisceaux musculaires qui abou- üssent à ses soies caudales, l'animal provoque la rétraction de ces dernières, et celles-ci, agissant alors à la façon des pistons d’une pompe aspirante à trois corps, entraînent à leur suite une certaine quantité d’eau. Cette eau, parvenant aux organes respiratoires et séjournant sous le bouclier thoraco-abdominal autant qu'il est nécessaire pour que l'échange des gaz ait lieu, ne tarde pas à devenir impropre à la respiration. C'est alors que, par regorsement, et en vertu de l’incompressibilité des liquides d'une part, et de l'élasticité des tissus d'autre part, c’est alors qu'entrent en jeu les deux valves dont nous avons signalé l’exis- tence au bord postérieur de la carapace. Il en résulte l'issue du liquide formant ainsi un courant, qu'il est facile de rendre très- sensible, si l’on projette du carmin en poudre sur la lame de cristal, creusée en cuvette, qui supporte au milieu d’un bam d’eau convenable lindividu objet de l’observation. Ajoutons, pour être complets, que le mouvement d'expulsion dont nous parlons est presque instantanément suivi d’une nouvelle con- traction des muscles rétracteurs des soies caudales, acte qui a pour effet l’introduction d’une nouvelle quantité de véhicule respirable, égale à celle qui vient d’être rejetée par l’orifice des valves. Ici donc, comme en une foule d’autres circonstances, qu'il serait oiseux de rappeler, la nature, on le voit, a eu recours, 19 N. ET E. JOLY. pour assurer le parfait accomplissement de l’importante fonction respiratoire, à un appareil déjà destiné à des usages spéciaux, et, nouvelle analogie avec les Crustacés (Limnadia, Artemia, Branchipus, Apus), c’est précisément à l’apparel de la locomo- tion qu'ont été empruntés les nouveaux instruments dont le besoin se faisait sentir. Le manque de sujets vivants ne nous à pas permis de dissé- quer le canal digestif et le système nerveux avec tout le som qu’exigerait ce travail. Mais ce que nous a révélé le scalpel suffit et au delà pour nous donner la certitude que, de même que la bouche, le tube alimentaire, notamment, est conslitué sur le même type que celui des Insectes. OEsophage, ventricule chylifique, intestin grêle, rectum, vaisseaux de Malpighi surtout, rien n’y manque pour nous prouver que nous avons affaire à un Insecte qui sert de trait d'union entre sa classe et celle des Crustacés, mais qui n'est pas lui-même un Crustacé. $ L. Mœurs du Prosopistoma. Cet Insecte vit en société sous les pierres immergées et plus ou moins rugueuses de nos eaux douces; il y adhère assez for- tement pour qu'on ait quelque peime à l'en détacher, comme s'il pouvait opérer le vide au moyen de son plastron et de sa carapace faisant l'office de ventouse, à la manière du disque anal des Sangsues. Il se nourrit des détritus de toute sorte qu'il trouve sous les pierres qui lui servent d’abri. Ses mouvements sont rapides, saccadés, capricieux : la queue surtout s'agite presque sans cesse, et contribue d’une façon très-efficace à faire monter ou descendre l’animal dans le liquide au sein duquel il se meut alors à la manière d’un ludion. Habitat. — Le type du genre Prosopistoma de Latreille n'a encore été trouvé en France qu'à Paris et à Toulouse. I a été rencontré aux environs de Paris, d’abord par Geoffroy, puis par C. Duméril, qui dit lavoir recueilli plusieurs fois au bois de ARTICLE N° 7. DU GENRE PROSOPISTOME. 13 Boulogne, près de la mare du château de la Muette. Malgré les investigations les plus minulieuses et les plus actives, nous ne l'avons trouvé que dans un seul endroit très-restreint du bassin de la Garonne, à savoir, sous les pierres de la chaussée du Aa- nuer, Situé non loin du Chdteau Narbonnais. Avant et pendant la gucrre désastreuse à laquelle 1l a pris part en qualité de mé- decin militaire, l’un de nous l’a vainement cherché dans la Seine, le Rhône, la Saône, la Meurthe, la Moselle, et sur les bords du lac de Genève. L’Insecte dont il s’agit peut donc être considéré comme très- rare en France, même aux environs de Paris, où aucun natura- liste ne l'avait rencontré depuis Geoffroy, lorsque, en 1815, M. C. Duméril signala de nouveau la présence du Binocle à queue en plumet, désigné par lui sous le nom de Binoculus piscinus, et par Latreille sous celui de Prosopistoma punchfrons. Une espèce, celle-là même qui a servi à ce dernier naturaliste pour établir son genre Prosopistoma, et qu’il nomme P. variegatum, habite Madagascar. Enfin Brodie signale dans les terrains secondaires de la Grande- Bretagne des traces parfaitement reconnaissables de Prosope- stoma à côté d'empreintes très-neltes d'ailes d'Éphémérines. 1 8 5. Résumons-nous?et concluons. Le prétendu Crustacé dont Latreille a fait un genre nouveau sous le nom de Prosopistoma est un véritable Insecte à l’état d'immaturité (in an immature condition, comme disent les natu- ralistes anglais). Cette détermination s'appuie : 41° Sur la constitution chimique du dermato-squelette (1) et (4) Nous croyons devoir insister sur ce point de notre travail, en faisant bien obser- ver que les soies caudales n’agissent ici que comme agents mécaniques de la respira= tion, et nullement comme agents chimiques, Latreille a donc mal présumé en disant que ces filets barbus, que Geoffroy et Audouin seuls ont bien vus avant nous, font 1% N. ET E. JOLY. sur la division du corps de l'animal en trois régions distinctes (tête, thorax, abdomen), comme chez les Insectes hexapodes les mieux caractérisés. 2° Sur la présence de trois paires de pattes seulement, sem- blables pour leur structure à celles de ces derniers. 3° Enfin et surtout sur la présence des trachées et des vais- seaux de Malpighi (1). h° Par l’ensemble de son organisation (nombre et disposition des yeux et des ocelles, appareil buccal, branchies trachéales, forme des pattes, nombre des anneaux de l'abdomen, soies cau : dales ciliées), le Prosopistoma de Latreille se rapproche beaucoup des Insectes de la tribu des Éphémérines, dans laquelle il faudra trés-probablement le ranger, lorsque l’on connaîtra sa dernière morphose (2). 5° Il sert de trait d'union entre la classe des Insectes et celle des Crustacés. 6° L’Insecte trouvé à Toulouse et celui de Madagascar offrent des analogies (3) aussi curieuses qu'inattendues avec les Rep- l'office de branchies; et en outre il a, comme nous le démontrons manifestement, commis deux erreurs patentes dans le membre de phrase que nous faisons ressortir ci-dessous (*) : 4° puisque son Prosopistoma n’est pas un Crustacé ; et 2° puisque notre commun Articulé est bel et bien pourvu d’appendices tout spéciaux (houppes et lamelles pseudo-branchiales) chimiquement propres à la respiration. (4} Voyez planche 13, fig. 43. (2) Le squelette tégumentaire du Prosopistoma, essentiellement formé de chitine, présente en effet uniquement cette consistance analogue à celle de la corne, propre à tous les Insectes, et non cette dureté pierreuse que l’on observe en général chez les Crustacés, et qui est due, comme la chimie le démontre, à une proportion très- considérable de carbonate de chaux. D'ailleurs, que l’on porte à l’aide d’un tube de verre, comme nous l'avons ‘fait, sur la carapace ou sur le plastron de l'animal, quelques gouttes d’un acide énergique, sulfurique ou azotique, et on ne verra pas la moindre effervescence se produire. (3) Si, comme tout nous porte à le penser, notre insecte est réellement une larve d'Éphémérine, cette larve à fausses hranchies complétement enfermées sous une cara- pace formée par le bouclier thoraco-abdominal se rattacherait, d’une manière toute naturelle, aux larves à fausses branchies entièrement nues (Ephemera, Palingenia, (*) « Il est probable que ces organes (les soies caudales) servent à la natation et à la respiration, et font l'office de branchies ; car Geoffroy a observé que l’espèce par lui décrite agite précipitamment la queue. Ces Crustacés (les Prosopistomes) n’ont aucun autre appendice que l’on puisse regarder comme propre à cette fonction. » (Latreille, Mémoire cité, p. 31.) ARTICLE N° 7. DU. GENRE PROSOPISTOME. 45 tiles CHÉLONIENS, en ce qu’ils ont, comme ces derniers, une carapace soudée à un plastron sternal, carapace sous laquelle peuvent se retirer et se cacher en partie la tête et la queue en plumet de cet Entomozoaire (1). EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 13. Fig. 1. Prosopistoma punctifrons Latreille (le Binocle à queue en plumet de Geoffroy), trouvé à Toulouse. — Grandeur naturelle. Fig. 2. Le mème, considérablement grossi. — À, bouclier céphalique ; B, bouclier thoraco-abdominal ; sw, sa suture médiane ; v,v, les deux valves en forme de lèvr?s à travers lesquelles l’eau s'échappe après avoir servi à la respiration; c, queue ou partie libre et mobile de l’abdomen, terminé par trois soies rétractiles, s,s,s; a, antennes ; y, yeux latéraux ; 0, 0, 0, ocelles disposés en triangle; p, p, p, pattes. À travers la carapace demi-transparente, on aperçoit les pattes qui la débordent, et même, mais très-obscurément, les houppes trachéo-branchiales fixées par paires aux cinq premiers anneaux de l’abdomen soudés entre eux. On voit aussi, sous la forme d’une ligne large et obscure, l’intestin 2, qui se prolonge de la partie posté- rieure de la tête jusqu’à l'ouverture anale, an. Baetis, Cloe, Potamanthus) par l'intermédiaire du genre Cœnis. En effet, la nymphe du Cœnis maxima? présente de chaque côté de l’abdomen, et ramenées à la sur- face dorsale du corps, à la façon des organes respiratoires externes de la nymphe de l’'Ephemera vulgata, quatre branchies trachéales simplement recouvertes d'un opercule quadrangulaire, convexe à sa face supérieure, uni par sou bord antérieur au bord correspondant du second anneau de l’abdomen, et pouvant alternativement se soulever ou s’abaisser au gré de l'animal (*). (1) Ces analogies, assurément dignes du plus haut intérêt, viennent justifier une fois de plus les belles idées d'ensemble exposées par M. Milne Edwards dans son remar- quable ouvrage, malheureusement non encore achevé, intitulé: fntroduction à La Zoologie générale. Elles nous amènent à conclure, avec le savant doyen de la Faculté des sciences de Paris, que « la diversité dans les résullats et l’économie dans les moyens d'exécution semblent être les premières conditions imposées à la nature dans la constitution du règne animal », et que « le perfectionnement des organismes est une des causes les plus puissantes de cette diversité des espèces zoologiques. » En effet, au point de vue du degré de protection ou de sécurité des organes respira- toires, on voit l'échelle du perfectionnement dont il s’agit ici, réalisée d’une façon saisissante dans la famille des Éphémérines, que nous avons plus spécialement en vue aujourd’hui, par les termes suivants : a, larve de l’Ephemera vulgata; b, larve de Cœnis maxima ; c, larve de Prosopistoma punctifrons. ©) Voyez, pour plus de détails, dans le Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Toulouse (t, IV, p. 142 et suiv.), le mémoire publié par l’un de nous (E: Joly) et intitulé : Contributions pour serbir à ‘histoire naturelle des Éphémérines, n° À (genre Cœxis). 16 N. ET EE. JSOLY. Fig. 3. Bouclier céphalique et thoraco-abdominal, vu en dessous et très-grossi, — a, a, organes buccaux et notamment lèvre inférieure "», l'espèce de masque qui a porté Latreille à donner le nom de Prosopistoma (houche à masque) à son pré- tendu Crustacé ; b, b, bords de la carapace repliée en dessous et s’unissant en partie avec le thorax, en partie avec les cinq premiers anneaux de l’abdomen c, €, c, c, c, soudés entre eux; p, prothorax ; », mésothorax ; #/, métathorax ; 1, 2, 3, 4, 5, les cinq premiers anneaux de l’abdomen; v, v, les deux valves à travers l’orifice des- quelles s'échappe l’eau qui à baigné les fausses branchies; s, sternum ; p', proster— num; *#, mésosternum ; mt, métasternum; f f, f, fossettes où se loge le premier article des pattes. Fig. 4. Bouclier céphalique et thoraco-abdominal, avec les organes buccaux @, b, et le masque » vu en dessus. Fig. 5. Le labre. Fig. 6. La lèvre avec ses palpes p, p. Fig. 7. Mandibule. — d, ses dents; s, ses soies; », muscle adducteur de la mandi- bule. Fig. 8. Maxille, — d, ses dents; s, ses soies ; e, son épine bifurquée. Fig. 9. Maxille (extrémité interne) un peu moins grossie et vue sous un aspect un peu différent que la précédente. Fig. 10 et 41. Lamelles et cæcums trachéo-branchiaux. — #, tronc trachéen principal envoyant de fines ramifications dans la lamelle et dans les cæcums. Dans la figure 42, la lamelle recouvre les cæcums que l’on voit à travers par transparence. Fig. 12, Ces mêmes cæcums avec leurs trachéoles, fortement grossis. Fig. 13. Une des pattes de la première paire. Fig. 14. Portion du canal digestif. — ‘v, ventricule chylifique; v/, v', vaisseaux de Malpighi ; #, intestin; an, anus; s,s,s, segments abdominaux écartés les uns des autres et traversés par l'intestin, Nous ne donnons pas cette figure comme très-exacte; mais elle est utile, en ce qu'elle indique sérement l'existence des tubes de Malpighi. Fig. 15. Vue des antennes. Fig. 16. Les deux valves du bord postérieur de la carapace. — On voit en a les molé- cules de carmin qui s’en échappent, entrainées par l’eau qui a servi à la respira- üon, — Fortement grossies, ARTICL N° 7. ÉTUDES SUR LA PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS, Par Hi. PANCEREA, Professeur d'anatomie comparée à l’université de Naples (À). $ 1. DE LA LUMIÈRE ÉMANANT DE LA GRAISSE (2). En m'occupant de l'étude de la phosphorescence de quelques animaux marins, il m'arriva de faire, en 1870, sur des poissons morts une observation que je communiquai, à celte époque, à l’Association des naturalistes et médecins de Naples(3). Ces pre- nières expériences furent faites sur un Trachypterus Iris. Pèché depuis un jour, cet animal était assez lumineux, le soir, pour que je pusse reconnaître les personnes du visage desquelles je l'approchais, et même lire les heures sur le cadran de ma montre. La lumière était verdâtre, et tout le corps présentait à la superficie ce phénomène, excepté sur les bulbes des yeux, sur les membranes interradiales des nageoires, et sur diverses régions de la tête et des opercules, où la peau adhérait à los sans l'intermédiaire de tissus sous-jacents. Quelques parties du reste du corps qui d'abord ne s'étaient pas montrées lumineuses, le devinrent ensuite. La peau ayant été incisée et les chairs mises (4) L'auteur a bien voulu nous adresser pour les Annales cette traduction de la série de ses Mémoires sur la phosphorescence, Les locutions qu’il emploie s’éloignent souvent de celles dont les écrivains français font usages ; mais nous avons cru devoir ne pas les changer, (R.) (2) Extrait des Comptes rendus de l’Académie royale des sciences physiques et mathématiques de Naples, livr. IV, avril 4874. (3) Bulletino, agosto, 1870. SG. NAT., SEPTEMBRE 4872. &VI. 20, -- ART. N° 6 2 PANCHIRE. à nu, celles-ci luisaient jusque dans leur épaisseur, et les muscles du Trachypterus étant aqueux et peu compactes, comme ceux d’autres poissons, il en découlait un liquide qui, en courant comine du métal fondu, rendait lumineux tout ce qu'il touchait. Après l'ouverture de la cavité abdominale, peu à peu les viscères commencèrent à luire aussi, particulièrement les appendices pancréatiques, dont les digitations, donnant une lumière plus blanche et plus intense, permettaient de lire des imprimés de caractère ordinaire. Le thermomètre n'indiquait aucune aug- mentation de température dans ces parties. Je recueillis ensuite le liquide qui découlait spontanément de l'incision des muscles, ainsi que celui que j'en obtins en les pressant dans un filtre de toile, et je les soumis à un examen attentif. L'eau douce, l'alcool, l’éther, éteignaient la lumière immédiatement; mais celle-ci, au contraire, se communiquait amplement à l’eau de mer dans laquelle un peu du liquide des chairs était versé. Cette eau lumineuse, conservée dans des vases, luisait à la surface le lendemain, et, si on l’agitait au moyen d’un petit bâton, elle devenait de nouveau entièrement luisante ; enfin la même eau s’illuminait encore faiblement, le quatrième jour, quand on l’agitait. Dans d’autres vases d’eau de mer, où j'avais placé des morceaux des muscles, comme terme de com- paraison, la putréfaction s'étant déclarée, la lumière s’éteignit le deuxième jour. Les observations ordiuaires, les expériences chimiques et l'examen au microscope m'ont amené à affirmer que c’est la graisse el rien que la graisse qui, dans le Frachypterus, est le siége du mouvement lumineux. L'oeil, les membranes interra- diales des nageoires, la peau adhérente aux os de la tête, n'ayant pas de graisse sous-cutanée, sont restés obscures, comme je l'ai dit précédemment. Déjà Canton, en 1769 (1), avait rendu lumineuse l’eau de mer recueillie dans des vases dans lesquels il délayait de ja chair de Hareng et de Merlan, et il avait remarqué que l'émission (4) Philos. Transactions. ARTICLE N° 8. ; PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. d de la lumière était plus sensible à la superficie du liquide qu’ail- leurs. Au commencement de ce siècle, Ulme et Dessaigne ont démontré que le sulfate de magnésie employé dans des pro- portions déterminées, ainsi que l'air et oxygène, est favorable à la phosphorescence des Harengs morts, tandis qu’au contraire le vide et les gaz non respirables l’éteignent. Ils remarquèrent aussi que la matière lumineuse tend à surnager ; mais cette ob- servation, ainsi que celle de Canton, au lieu d'éclairer les chi- mistes sur la nature de la substance qui est le siége de la phos- phorescence, avait fait croire que de la décomposition des animaux marins se formait une huile spéciale qui devenait la cause de Îa phosphorescence des eaux. Comme mes premières observations sur le Trachypterus m’a- vaient convaincu que le siége du phénomène lumineux est la graisse ordinaire, j'ai pu, en répétant les expériences d'Ulme et de Dessaigne, et en en faisant d’autres ensuite, m'assurer que le phénomène dans son essence était une oxydation. Les chairs du Trachypterus, celles d’autres poissons, ainsi que celles des Céphalopodes, lorsqu'on les met dans des vases fermés ou dans l'acide carbonique, deviennent obscures de lumineuses qu'elles étaient auparavant, tandis que daus l'oxygène elles deviennent brillantes. Pourtant le procédé est si lent, que, pour que le mouvement lumineux s’anime dans l'oxygène ou pour qu'il s’éteigne dans l'acide carbonique, l’immersion ne sn pas, il faut atiendre encore quelques heures. Notre collègue, le docteur Paris Palmieri, voulut bien sou- mettre à l'analyse prismatique, entre autres lumières, celle des chairs de l’£/edoue moschata, qui, depuis quelques heures, étaient placées dans l'oxygène. Quelque vive et blanche que nous semblât cette lumière, elle n'apparaissait que sous la forme d'une bande pâle comme les lumières monochromatiques. D’après ce que j'ai rapporté et par suite d'observations faites successivement sur d’autres espèces, je puis aflirmer en prin- cipe. que la graisse, livrée à une orydation lente et dans certaines circonstances spéciales, peut être une source de lumière naturelle. Puisque dans la Luciole, d’après les observations faites par Kol- li PANCEHIRE. liker et par Schultze, la substance qui, dans l'organe lumineux, est la source de la lumière, est albumineuse, on peut donc dire aujourd’hui que la lumière animale se dégage des deux sortes de substances, Il est aussi à noter que la lumière de la Luciole, selon les observations d'Owsjannikow et de Targioni, serait composée de rayons de réfrangibilité différente, d’où résulte le spectre. il est très-probable que le Scymnus fulgens qui, selon les ob- servations de Bennet et de Giglioli (4), luit lorsqu'il est vivant, et d’autres poissons dont la lumière pourrait être constatée, doivent cette singulière propriété à l'oxydation de la graisse sous-cutanée. Il est encore très-probable, à mon avis, que les exsudations et les plaies phosphorescentes que l’on cite, et même les auréoles lumineuses que l’on a observées quelquefois autour de la tête des T'abides, doivent leur lumière à de la graisse qui s’oxyde au contact de l'air. L’équivalence entre la lumière et la chaleur, quelque étroite que soit leur affinité, n’est pas bien connue et est difficile à re- chercher; pourtant si, non-seulement les thermomètres, mais les thermo-multiplicateurs, nous assuraient qu'il n'y à pas une augmentation considérable de température dans les substances animales pendant la phosphorescence, je ne serais pas éloigné de croire et même Je croirais que, dans ce cas, durant l’oxyda- tion, le mouvement lumineux remplace le mouvement calorifique, d'autant plus que la lumière devient plus intense quand on active davantage l'oxydation. Enfin ma conviction est que l'étude de ce phénomène envisagé au point de vue physico-chimique devra être féconde en résultats d’une certaine importance. 8 2. DU SIÉGE DU MOUVEMENT LUMINEUX DANS LES MÉDUSES (2). Ayant entrepris de faire une étude spéciale de la lumière ani- (1) La Fosforescenza del mare (Bullet. della Soc. geol., 4870). (2) Extrait des Comptes rendus de l'Académie royale des sciences physiques et mathématiques, cahier VIIL août 4874. ARTICLE N° 6. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. ) male, j'ai porté mon attention sur les habitants de la mer, dans le but de rechercher le siége, jusqu’à présent inconnu, et les conditions de &e mystérieux phénomène. Je suis parvenu ainsi, après de nombreuses recherches, à découvrir dans quelques-uns de ces animaux, notamment aans les Pholades, les Chétopières, les Pennatules et les Béroïdes, les organes spéciaux de la phos- phorescence. Je présenterai bientôt un mémoire sur ce sujet, aujourd’ hui je me bornerai à parler brièvement du siége de la production de lumière chez certaines Méduses. La phosphorescence de ces Acalèphes, qui sont ceux que l'on rencontre le plus communément dans les courants de la mer, est un phénomène si splendide, qu'il à éveillé de tout temps la curiosité des naturalistes, et, depuis Pline jusqu’à nos jours, on en a fait de nombreuses descriptions. Dans les limites que je me suis imposées pour cette note, il serait trop long de repro- duire les opinions diverses émises à ce sujet, d'autant plus que, dans Ehrenberg (1) et dans Forbes (2), on en trouve d’érudites relations, sans parler du savant article de Coldstream sur la phosphorescence animale (3). Je préfère commencer, quant à présent, par énumérer les cas dans lesquels les Méduses pré- sentent ce phénomène, soit d’après ce que d’autres ont observé, soit d’après ce que j'ai pu constater moi-même. I. 11 y a des espèces de Méduses qui ne luisent dans aucun cas, comme, par exemple, le Æhëizostoma Cuvieri, la Geryonia proboscidalis, la G.exig u, et la Lizzia Küllikeri. Ayant soumis ces Zoophytes à toute sorte de suimulants, 1l ne m'a Jamais été possible de les voir phosphorescents, et ainsi se trouve démentie I l’assertion d’'Eschsehol{z, que tous les Acalèphes sont lumineux. ne faut pas croire cependant que ce manque de puissance lumi- neuse soit commun à toutes les espèces des genres désignés ci-dessus, puisque des /?hk2zostoma luisants ont été observés par le professeur Giglioli (4) dans les eaux de Batavia et de la côte du (4) Das Leuchten des Meeres, 1835. (2) À Monography of the British naked-erged Medusæ, 1848. (3) Todd’s Cyclopædia of Anatomy and Physiology. (4) La Fosforescenza del mare (Bullet. della Soc. geogr. ital., 1870, 6 PANCEHMRE. Chili, ainsi que des Geryonia luisantes dans diverses mers. Ce fait d'espèces du même genre, les unes phosphorescentes, les autres non, se remarque également dans d'autres classes, et je citerai à co sujet les Salpes, les Cléodores, les Créséides, les Sagites, les Saphirines, et jusqu'aux célèbres Pyrosomes, dont une espèce, qui, à ce qu'il paraît, ne luisait pas du tout, fut trouvée dans le Pacifique par le même professeur Gigliohi. IL. 1 y a des Méduses chez lesquelles l'émission lumineuse a son siége dans les boutons marginaux situés à la base des tentacules. C’est le cas des Thaumantias, des Mesonema, des Lyriope, et même de quelques Geryonia. Macartney et Forbes avaient déja observé, dans le Thaumantias hemispheærica et le T. lucida, ainsi que dans le Mesonema coelum-pentsile de la Méditerranée, ce fait facile à constater dans le 7. mediterranea. Dès qu’on élève la température de l’eau, ou que l’on soumet la Méduse à l’action d’un courant électrique, on voit apparaître immédiatement autour du disque une guirlande de points lumi- neux qui correspondent aux élevures désignées ci-dessus. HT. Au contraire, d’autres Méduses, et c’est le cas le plus ordinaire, manifestent une phosphorescence sur la surface extérieure du corps en tout ou en partie, par exemple la Crina moneta, la Pelagia noctiluca, si commune dans nos eaux, et la Pelagia phosphorea, qui est certainement l'espèce à laquelle se rapportent les observations si renommées de Spallanzani (4). intérieure. IV. Il peut arriver, au contraire, que les parties lumineuses soient des organes internes, tels que les canaux radiaux et les ovaires. Pour les canaux, nous avons l'exemple de la Dianæa appendiculata, cité par Forbes, et, pour les ovaires, l'Oceania pileata, chez laquelle ces organes émettent un tel éelat, qu'Erhen- berg la comparait à! un globe de lampe éclairé par une flamme Après avoir, pour plus de précision, noté ces distinctions, il importe d'ajouter qu'il peut arriver que la lumière extérieure coexiste avec la lumière intérieure,comme je l'ai remarqué dans (4) Viaggio alle Due Sicilie, t. IV, cap. xxvnr. ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 7 la Pelagia noctilcaa, chez laquelle, outre un cercle lumineux que l’on aperçoit autour des organes génitaux, on peut voir s’é- clairer pareïllement les canaux radiaux ; et il est à propos de se souvenir que, chez les Taumantias, le disque, de même que les boutons marginaux, peut s’éclairer à l’intérieur : Macartney l'avait déjà observé dans le Thawm. hemisphærica, et je lai vu moi-même, sous l'influence du courant, dans le TX. mediterranea. Pour mentionner une autre chose importante observée à propos de la lumière des Méduses, je citerai le fait constaté par Forbes, qui, en juillet 1845, se trouvant avec Andrew dans lile de Zetland et ayant recueilli des myriades de petites Méduses des genres Turris, Dianæa, Thaumantas, Oceania, dont il avait observé autrefois la phosphorescence, ne put parvenir d'aucune manière à produire l'émission lumineuse, tandis que, l'année sui- vante, à la même époque, avec les mêmes espèces, sur les côtes de Cornouailles, il obtint toujours une lumière très-vive. IL est à remarquer, quant au premier cas, qu'il n’y avait aucune circon- slance relative aux récipients que l’on puisse supposer avoir em- pêché le développement de la lumière des Méduses; effective- ment il yavait dans les mêmes vases des individus de la Mnemia norvegica en pleine phosphorescence. En terminant cet exposé, je dois dire que, cette année, m’étant remis à l'étude des T’haumantias, j'en ai eu un si petit nombre, que je n'ai pu réaliser des investigations anatomiques sufii- santes pour me rendre bien compte de la structure des boutons dont j'ai parlé plus haut comme étant les principaux organes de la phosphorescence. Par suite, j'ai pu m'occuper avec plus de succés de la Pelagia noctiluca et de la Cunina moneta; je par- lerai de la première d’abord, de l’autre ensuite. La Pelaqin noctiluca luit beaucoup moins que la P. phosphorea observée par Spallanzani, et ne brille jamais comme celle-ci, spontanément; mais plutôt, comme font la plupart des animaux phosphorescents, elle attend pour émettre de la lumière qu’elle ait subi l'influence d’un stimulus : soit un attouchement ou une secousse, soit l’action de l’eau douce, du lait ou d’autres liquides, soit celle de la pile, ou d’une élévation de température 8 . PANCRMRE. du milieu dans lequel elle se trouve, ou bien encore simplement le contact de l'air. Si on la touche, par exemple, au sommet de la cloche, ou si on l’agite dans l’eau avec un bâton, aussitôt la superficie du disque s’éclaire d'une lumière verdâtre qui, par des courants très-rapides, ou, je dirai mieux, par des ondées qui cessent tout à coup, se précipite en bas par les bras. Si l’on prend la Méduse dans les mains et si on l’agite, on détermine, soit par l’action de l'air, soit par celle de la chaleur de la main, une augmentation de lumière, et c'est alors qu’on voit également s’éclairer les parties internes, comme il à été dit ci-dessus. Les mains restent lumineuses et baignées d'une humeur visqueuse; en les frottant entre elles où contre tout autre corps, on voit que la lumière augmente sensiblement avec l'agitation, mais finit par disparaître en quelques instants. Aussitôt qu'on met dans de l’eau douce ou dans du lait les Pelagia, elles deviennent lumineuses ; la lumière s'attache aux corps étrangers et se répand dans le liquide, puis elle cesse peu à peu, pour se rallumer de nouveau par l'agitation. L'action du lait, que j'ai employé dans beaucoup d’autres cas, ne me paraît pas plus énergique que celle de l’eau douce, comme l’a affirmé Spallanzani ; c'est plutôt l'effet qui est différent, par la raison que chaque petit globule du lait, réfléchissant par lui-même la lumière, fait que la masse semble avoir une plus grande inten- sité lumineuse. 1} ne sert à rien que la température de l’eau douce soit diminuée, car la lumière apparaît et se manifeste aussi bien à la température ordinaire qu'à celle de la neige fon- dante. Si l’on place les Pelayia entières et vivantes dans des vases contenant de l'oxygène ou de l'acide carbonique, ou bien de l'air ordinaire, il n'y a pas de différence notable; elles s'éteignent peu à peu pour luire de nouveau chaque fois qu’on les secoue. Les vases, dans ce cas, se recouvrent à l’intérieur d’un brillant mucus, et, en observant ce mucus avec la lentille, il semble qu'il soit composé en effet de fines et nombreuses bluettes. La Pelagia noctiluca est du nombre des Méduses sur lesquelles ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 9 le courant électrique n’exerce qu'une très-faible action comme excilant de la phosphorescence. L'influence de la lumière so- laire ne modifie point sa puissance lumineuse. Quelques indi- vidus placés dans l'eau douce, et en outre agités avec un bâton, ont servi pour l'analyse spectrale de la lumière; mais, comme je l'ai déjà dit au sujet de lÆ/edone dans une note précé- dente, on ne put obtenir aucun spectre, on aperçoit seulement, ainsi qu'il arrive pour les lumières monochromatiques, une bande lumineuse verdâtre et pâle. Je ne m'étendrai pas davantage au sujet de la lumière de la Pelagia, mon but étant particulièrement de faire connaître le siége du phénomène lumineux. Depuis les temps anciens. pour les Méduses, et en général pour les animaux qui laissent sur les corps qui les ont touchés un mucus brillant, on attribuait purement et simplement au mucus la puissance lumineuse, et c’est ce qu'a fait Spallanzani lui-même. Si cependant, en em- ployant des moyens de grossissement suffisants, nous examinons ce que peut contenir cette humeur chez les Pelagia, nous y verrons deux sortes de corps solides : des organes urticants et d'innombrables cellules épithéliales. Ces cellules sont faites comme celles de l’épithélium pavimenteux, et de plus elles con- tiennent, outre le nucleus, des amas de granulations fines, très- réfransibles, jaunes, nuancées de la couleur de paille à l'orangé, auxquelles s'ajoutent de petits grains de pigment rouge. Quel- ques cellules sont bourrées et gonflées par ces granulations, à tel point que le nucleus disparaît, et qu'elles présentent l'aspect de cellules dont le contenu est devenu adipeux. Réellement, par les réactions et par l'apparence, ces granulations ressemblent plus à de la graisse qu'à toute autre chose. Je tiens pour certain que l'émission de la lumière dans les Pelagia se fait par cet épithélium ; on peut déjà le déduire de ce que les pots brillants du mueus semblent correspondre exacte- ment à ces cellules détachées de lPanimal; mais le fait que j'énonce peut être démontré jusqu'à l'évidence. Ceux qui croyaient que le mucus était le siége même de la phosphorescence s'étaient déjà aperçus, en prenant la Méduse 10 PANCERI. entre les mains et en la touchant que, si l'on enlevait à plusieurs reprises, du même endroit de la superficie de l'animal, l'humeur luisante, cet endroit devenait obscur. Afin de mieux démontrer l’importance de ce muceus, ils pensaient qu'il fallait laisser à la Méduse le tempsd’en sécréter d'autre, et, la remettant daus l’eau, ils la reprenaient peu après pour la toucher de nouveau; et, comme il arrivait qu’on ne la touchait jamais au même endroit qu'auparavant, en voyant couler en abondance le mueus bril- lant, on en inférait qu’il s'était reproduit. Si, au contraire, pro- cédant d’une autre manière, on tient la Méduse entre les mains et qu'on la frotte légèrement tout entière et à plusieurs reprises avec un linge, on la verra bien vite s’obscurcir. Cet obscurcisse- ment coïncide évidemment avec la chute de l’épithélium, dont il ne reste plus rien, si ce n’est là seulement où il y a des sillons ei des creux, ainsi qu'on peut s’en assurer en plongeant ensuite dans l’eau douce les Pelagia qui ont subi ce traitement; eflec- tivement, cette eau fait resplendir jusqu’au dernier des moindres lambeaux restés de l’épithélium. Dans quelques Siphonophores, j'ai remarqué le même phénomène, et, pour le moment, je citerai seulement l’Abyla pentagona et la Praya cymbiformus. Considérant donc L'ÉPITHÉLIUM COMME SIÉGE DE LA PUISSANCE LUMINEUSE, Je ne doute nullement que la lumière que l’on voit émaner des canaux internes et des contours des organes géni- taux ne provienne également de lépithélium interne qui les recouvre. Je parlerai maintenant de la Cunina moneta (À), qui, de même qu'elle est une des plus élégantes et des plus singulières Méduses de notre mer, est une des plus importantes pour notre étude. Elle à l'éclat du cristal le plus pur et le plus poli; tenant déployées ses roides tentacules, elle ressemble à une étoile, et elle a reçu des pêcheurs le nom de Soe. Ce nom lui conviendrait véritablement encore, à raison de la lumière qu'elle projette, lumière très-vive, azurée, et tellement intense, que, par des temps sombres et pluvieux, j'ai pu la voir (4) Beitrüge zur Medusenforma von Nizza, 1856. ARTICLE N° 8. ? PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. A1 même en plein jour, rien qu'en voilant l'animal avec la main. La lumière de la Cunina n'apparaît jamais dans son disque, mais seulement dans les tentacules et dans la membrane qui pend au-dessous de la couronne de ces organes. Le choe, le frotte- ment, le courant électrique, font éclater sur-le-champ sa lumiere phosphorique, et l’eau douce la fixe tout particulièrement. Si l’on agite un peu la Méduse dans l’eau douce, on voit de grosses étincelles se détacher de la partie lumineuse et errer dansle vase jusqu'à ce qu'elles arrivent à surnager. La membrane susdite et les tentacules, lorsqu'on les observe au microscope, appa- raissent recouverts d’une épaisse pellicule homogène, dans l'épaisseur de laquelle sont éparses de très-nombreuses granu- lations jaunes, irés-réfrangibles et qui flottent sur l’eau. De semblables granulations se rencontrent également dans le tégu- ment de l’Agéneta corona.et elles sont figurées sans aucune in- dication dans l'ouvrage de Keferstein et d'Ehlers (4), à lendroit où, pour en expliquer la structure, ils donnent le dessin d’un tentacule grossi. Il suffit d’une macération peu prolongée pour faire voir com- ment cette pellicule, compacte et homogène en apparence, se résout en un épithélium à éléments polyédriques, dont chacune des cellules contient des granulations que je n'ai pu trouver différentes des gouttelettes adipeuses. L'épithélium adipeux de ces Méduses rappelle celui qui se détache des petits canaux rénaux dans la néphrite albumineuse. Ainsi encore, dans le cas de la Cunina, on aurait pour stéG DE LA LUMIÈRE L EPITHÉLIUM, OU, pour mieux dire, la substance que contiennent les cellules de l’épithélium et qui ressemble à la graisse. S 1l est vrai, comme il me semble l'avoir démontré dans l'ar- ticle précédent sur /a lumière émanant de la graisse, Si est vrai que la graisse puisse être l'élément qui, en s’oxydant lentement, donne lieu quelquefois au phénomène lumineux, il me paraît que telle peut être également l’essence du phénomène de la (1) Zoologische Beiträge, 4861, Lav. xiv, fig. 9. 12 PANCERI. phosphorescence dans les Méduses à lumière superticielle et diffuse. Queles Pelagia ne brillent pas beaucoup mieux dans l’oxy- gène, ou qu’elles ne s’éteignent pas dans l'acide carbonique, ce ne sont pas là des arguments qui portent contre l'hypothèse de l'oxydation, puisqu'il a été démontré, dans la note précédente, que l'action de ces gaz se manifeste très-lentement et seulement après quelques heures; fait qu'il n’est pas facile de vérifier sur des Méduses, car ces animaux meurent quelques instants après avoir été tirés de l’eau, et l’on sait que lorsqu'elles sont mortes, la phosphorescence n’a plus lieu en elles. Outre les nombreux problèmes qui sont à résoudre relative- ment à l’action des diverses substances sur les animaux marins lumineux, il y a encore à présent la question qui se rapporte spécialement à l’épithélium. Qu'on veuille ou qu’on ne veuille pas admettre l'explication que je propose au sujet de la phosphorescence des Méduses que j'ai étudiées, il est certain que l’on ne voudra pas en tout cas mettre en doute que le siége du phénomène lumineux ne soit l’épithélium. Si, en agissant avec un stimulant appliqué exclu- sivement sur un point de la superficie du corps d’une Pelaqra, on voit la lumière se répandre par ondées à tout l’épithélium de l'animal, il faut nécessairement admettre que cet épithélium est sujet à l'action de ce stimulant, ce qui ne concorde pas avec les idées que l’on a sur les épithéliums communs, facilement caducs, et qu’on regarde comme de simples revêtements. Comme suite de cette note, on ne sera pas surpris si, dans une autre occasion, j'essaye de démontrer qu'il y à des ani- maux dans lesquels l’épithélium, se repliant dans la profondeur des téguments, constitue des glandes spéciales à produit phos- phorescent. ARTICLE M° 8. PIHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 13 6 ORGANES LUMINEUX ET LUMIÈRE DES PENNATULES (1). Le mémoire présenté à l'Académie, sous le titre indiqué ci-dessus commence par l’énumération des auteurs qui furent témoins de la phosphorescence des Zoophytes en question. Bien que faisant ici abstraction des observations qui se bornèrent à constater le fait de la lumière émise par les Pennatules, je dois pourtant signaler Spallanzani, Blainville, Delle Chiaje et Forbes comme ayant déjà mentionné les ondes lumineuses qu'on voit parcourir ces petits polypes, quand ils viennent à être touchés. Toutefois il n’a été fait jusqu'ici ni expériences méthodiques dans le but de déterminer les conditions de ce phénomène, mi recherches spéciales dans l'intention de connaître si ces animaux possèdent réellement de véritables organes lumineux. On croyait généralement autrefois que le mucus qui revêt l'extérieur des pinnules avait la faculté de devenir phosphorescente, en sorte que le doigt qui le touchait et comprimait les petits polypes se couvrait lui-même de matière lumineuse. Après les citations historiques, le mémoire se divise en deux parties, l’une anatomique, dans laquelle se trouvent décrits pour la première fois les organes lumineux des Pennatules, l’autre physiologique, dans laquelle il est rendu compte de toutes Îles expériences faites pour étudier ce qui a trait au phénomène de la lumière. Je profite de l’occasion pour remercier publiquement le professeur Francesco Gasco, qui fut mon compagnon assidu dans ces dernières. Les résultats des recherches anatomiques peuvent être résu- més comme 1l suit : L. Dansles Pennatulés et les genres voisins, et vraisemblable- (À) GA Organi luminosi e la luce delle Pennatule, Memoria del socio ordinario; prof. Panceri, adunanza del 44 octobre 4874. — Traduit par V. Fatio, sur l'extrait donné par l’auteur aux Comptes rendus de l'Académie royale des sciences physiques et mathématiques (Naples, fase. X, ott. 1871). Al PANCERE. ment dans tous les Pennatulaires phosphorescents, la lumière émane exclusivement des polypes et des zooïdes (polypes rudi- mentaires). H. Les organes phosphorescents des Pennatules consistent en huit cordons, cordon luminosi, qui adhèrent à la superficie externe de l'estomac des polypes et des zooïdes et se continuent dans chacune des papilles buccales des uns et des autres (4). IT. Ces cordons sont composés principalement d’une substance qui est contenue dans des vésicules ou cellules, et qui a tous les caractères des matières grasses, y compris celui de ne pas se décomposer tout de suiie après la putréfaction des polypes. Il s’y ajoute des cellules multipolaires et des granulations albu- mides. Dans la Pennatula phosphorea se trouve de plus une substance minérale, blanche, granuleuse et déterminée dans sa composi- tion, mais qui n’est ni un carbonate ni un phosphate calcaire. Cette matière manque dans la Pennatula rubra, dans le Pteroides griseuin et dans la Furculina quadranqularis, qui présentent pourtant des organes et des phénomènes lumineux semblables à ceux de la P. phosphorea; d'où il résulte que l’on ne peut pas lui attribuer une importance spéciale. Cependant elle rend les cordons de la P. phosphorea très-blanes, et permet ainsi de les reconnaître par transparence à travers les téguments des petits polypes. La mollesse et la fragilité des cordons lumineux sont telles qu’elles rendent impossible toute recherche histologique un peu minutieuse ; c’est donc à la nature grasse de la substance qui com- pose ces cordons qu'il faut attribuer le fait que les anatomistes qui ont étudié la structure anatomique des Pennatules sur des exemplaires conservés dans lalcool, n’ont pu retrouver ces organes. Pour peu que l’on comprime us petit polype, les cor- dons lumineux se rompent aussitôt, et il se peut alors que la matière photogénique aille se jeter dans la cavité des tentacules, d’où il esi facile de la recueillir pour l’étudier ; mais si la pression (1) Voyez planche 44; fig. 4. ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 15 agit vers le polypier, cette même matière se trouve, par contre, rejetée dans les canaux de celui-ci. On comprend ainsi com- ment Spallanzani, comprimant dans la main la totalité de l'éten- dard (vessillo) d'une Pennatule, oblint, par le pore extréme de la uge, un jet lumineux. On peut s'expliquer de même comment Delle Chiaje a vu le bulbe d’une Furiculina briller comme un üson enflammé. J'ai vérifié moi-même le cas de la Funiculina ; mais la lumière venait de la substance phosphorescente qui s'était mêlée à la sérosité laiteuse des canaux du polypier, et qui se voyait par transparence à cause de la transparence du tégument externe. Je reconnus en effet très-facilement cette matière au microscope. Le professeur N. Wagner, de l’univer- sité de Kazan, me dit avoir vu une fois, à Naples, une lueur pale sortir du rachis d’une Pennatule, ce qui m'aurait beaucoup étonné, après avoir trouvé des organes lumineux spéciaux, si je navals pensé quil s'agissait sans doute d'un fait analogue à celui que j'ai cité à propos de la Frriculina. I arrive dans ce cas que la matière lumineuse luise de manière ou d’autre,si elle est mise en mouvement, soit par un choc, soit par des pressions régulières exercées sur le rachis. La lumière qu'on peut développer dans la substance liquide en laquelle s’est transformé, par la décomposition l’étendard d'une Pennatule, est due à la même matière photogénique que nous avons vu être la dernière à se décomposer. La partie physiologique du mémoire commence par un cha- pitre où 1l est parlé des divers états dans lesquels peut se trouver une Pennatule sur laquelle on veat étudier le phénomène de la lumière. Quand ces Zoophytes, vivant à la profondeur de 40 à 100 mètres ei plus, se trouvent délogés de leurs demeures pro- fondes et portés dans un aquarium, ils subissent un tel change- ment dans dans la pression, la température, la salaison de l’eau, les conditions d'existence en général, que peu à peu ils se gon- flent prodigieusement jusqu’à doubler de volume. Dans cet état, qui fut nommé hydropique, comme aussi dans l’état tétanique auquel sont sujettes les Pennatules, lorsqu'elles sont soumises à des manipulations répétées, où encore dans un autre état qui 16 PANCHEL. est celui de l'épuisement, conséquence inévitable d’un séjour prolongé dans un aquarium ou d'expériences répétées, les tissus du polypier ne sont plus doués d'aucune conductibilité par exci- tation, et les polypes ne donnent de la lumière que quand ils sont stimulés directement et individuellement. S'il arrive, au contraire, qu'on fasse des expériences sur des individus à peine sortis de la mer, et, par conséquent pas encore hydropiques, ou sur d’autres chez lesquels l’hydropisie ait déjà diminué, ou, en général, sur des individus qui soient loin de l'épuisement, on se verra en présence de phénomènes d’une grande importance physiologique et d'une très-belle apparence. Lorsqu'on manipule sans règle spéciale une Pennatule qui est dans l'état que nous avons appelé d'opportunité, on obtient, dans tous les cas, une apparition d’étincelles sur les bords poly- pifères, un va-et-vient de petites clartés, comme si la lumière jaillissait du doigt ou de l'objet qui touche le polype, allant tou- jours de l’un à laure. Si, par contre, agissant avec beaucoup de soins, on-applique méthodiquement le stimulant, on aura des courants lumineux réguliers ; comme si les petits polypes s’allu- maient rapidement les uns après les autres, ceux d’un rameau avant ceux d'un autre qui lui fait suite, de telle manière qu'on arrive aux conclusions suivantes: | IV. La matière grasse des cordons lumineux peat être appelée à devenir lumineuse dans les polypes et dans les zooïdes, non- seulement par des exeitations agissant sur le polype ou le zooïde directement, mais encore par des stimulants appliqués sur un point éloigné du polypier. Dans ce cas, les courants lummeux, qui peuvent parcourir dans tous les sens les phalanges des polypes et des zooïdes, représentent évidemment la direction et la vélocité de propagation de l'excitation. Dans l'étude des cou- rants, 1l à été tenu compte, en premier lieu de leur direction, puis de leur rapidité. Si l'on agit sur l'extrémité de la tige, comme eu 5 de la figure { ,on aura dans l’étendard un courant lumineux ascendant, comme e’est indiqué dans la même figure. Si le sti= mulant est appliqué au contraire à la sommté de l’élendard, on produira un courant descendant, comme dans la figure 2, ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. A7 Si, enfin, on fait agir l’excitant sur le milieu de la partie plumée du rachis, on obtiendra deux courants divergents, comme dans la figure 3. Faisant en sorte que les deux extrémités de l’étendard soient excitées simultanément, comme cela est indiqué dans la fig. h, on aura deux courants convergents, lesquels cessent d'ordinaire après un moment de grande vivacité à leur rencontre. Il m'est arrivé une seule fois de voir, dans une Pennatule très-sensible, les deux courants convergents continuer, apres leur rencontre, chacun leur chemin, comme si l’autre n'existait pas. Les indica- tions de la figure 5 représentent les deux courants qui se sont déjà dépassés. Si l'excitation S se produit à l'extrémité d’une pinnule, on verra courir la lumière sur son bord, et, par conséquent, SG. NAT., SEPTEMBRE 1872. XVI. 24. — ART. N° 8. 18 PANCERI. apparaître des courants dans toutes les autres pinnules dans le sens de la diffusion de l'excitation, comme dans la figure 6. Sans parler du mode employé pour mesurer la vélocité de ces courants lumineux, nous indiquerons maintenant quelques chiffres. Le courant ascendant d’une Pennatula rubra emploie à par- courir l’étendard : Au minimum 1° ‘/,, au maximum 3° ‘/,, en moyenne 2° ‘/s. Le même courant dans une P. phosphorea emploie, au mini- mum, À°°/;, au maximum 2° ‘/;, en moyenne 2°. Ayant observé, dans tous mes essais, un intervalle entre le moment de l'application de l'excitation et le commencement du courant, je le mesurai et le trouvai de “/; de seconde. Dans certains cas, le courant ascendant emploie moins de ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 19 temps et dans d’autres plus; dans un seul il a employé A secondes. — La durée du courant partiel de chaque rameau n’a pu être estimée ; elle est cependant beaucoup plus courte que ”/; de seconde. Les chiffres obtenus pour le courant descendant et pour les courants des zooïdes ne diffèrent pas de ceux qui ont été déjà cités. : _ L'étendard des Pennatules étant en moyenne de 0",1 de lon- oueur, et le courant lumineux employant 2 secondes environ à le parcourir, on peut présumer que le même courant mettrait environ 20 secondes à parcourir un mètre. On peut aussisupposer que, s1l devait parcourir les 30 mètres que l'excitation motrice des nerfs de la Grenouille parcourt, suivant Helmhollz, en une seconde, le courant lumineux des Pennatules emploierait 600 secondes, ou 10 minutes, pour faire le même trajet. H lui fau- drait 660 secondes, ou 11 min. pour parcourir les 33 metres que parcourt en une seconde la sensation des nerfs de l'Homme ou de la Souris. En tout cas, la vélocité de propagation de l'excitation dans les Pennatules est 160 fois plus petite que celle qui fut con- statée par Schiff dans les nerfs des Chats ivres, chez lesquels la transmissibilité avait été réduite jusqu'à 8 mètres par seconde. Va les limites qui me sont imposées, je laisse de côté, dans ce résumé, les considérations et les comparaisons. Je ne ‘puis ce- pendant w'abstenir d'appeler l'attention des physiologistes sur la singulière propriété des Pennatules, de rendre visibles, par la clarté de leurs polypes, la direction et la vélocité de propagation de l'excitation, comme si, dans ces animaux, le mouvement molé- culaire intérieur qui se produit par suite de l'excitation, mettait le contenu des cellules des cordons lumineur dans un état qui lui permet de se combiner avec l'oxygène, action chimique accompa- gnée de développement de lumière plutôt que de chaleur. Les faits exposés inspirent maintenant le désir de savoir si les Pennatules ont réellement des nerfs. Bien qu'ayant signalé les observations de Külliker, ainsi que les miennes, à propos des fibres pâles, minces et transparentes vues dansles petites cloisons et dans les muscles des polypes, je dois cependant reconnaître que le champ demeure largement ouvert à des observations 920 PANCERIL. ultérieures, qui devraient être faites sur les Polypes en général. II me semble pourtant que si le système nerveux existait chez les Pennatules, il devait vraisemblablement être social, comme celui qui fut observé dans quelques Bryozoaires, chez les Sérialaires, par exemple. Si, par contre, les fibres sus-mentionnées n'étaient pas nerveuses, les Pennatules devraient entrer, etavec elles peut- être tous les Polypes, dans la catégorie des animaux chez les- quels les fonctions nerveuses ne sont pas confiées à des éléments histologiques spéciaux. Après avoir parlé longuement, dans le mémoire, des différents moyens d’excitation aptes à déterminer des phénomènes lumi- neux dans les polypes et dans les zooïdes, il s’agit maintenant de déterminer quelle action ces mêmes agents peuvent avoir sur la matière lumineuse prise en dehors des polypes, en insis- tant tout particulièrement sur le pouvoir qu'exerce l’eau douce sur la matière lumineuse, soit des Pennatules, soit d’autres animaux qui seront cités plus bas. Nous arriverons ainsi à la conclusion suivante : V. La matiérelumineuse des Pennatules peut être appelée dr- rectement à luire en dehors du polype et du zovide, parle choc. par le frottement, par l’action de l’eau douce, par un courant électrique et par le réchauffement, non-seulement tout de suite aprés qu'elle a été extraite des polypes vivants, mais encore après Ja décomposition de ceux-ci. Le mémoire traite ensuite l’action de l'électricité, de la chaleur et de la lumière sur la phosphorescence des Penna- tules, et parle aussi de l'analyse spectrale de leur lumière. Nous terminerons ce résumé en exposant diverses autres conclusions du mémoire, qui sont les suivantes : VI. Admettant ce qui a été démontré dans une autre occa- sion (1), c’est-à-dire que la phosphorescence des substances grasses est un phénomène qui accompagne leur oxydation lente, il paraît tres-probable que la clarté des Pennatules accompagne l'oxydation de la matière grasse des cordons lumineux. Par la (4) Voyez ci-dessus, $ 1. ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS, 91 même raison que, dans la Torpille, le pouvoir électromoteur des éléments des organes électriques vient de l'action de la volonté ou de l'excitation artificielle des nerfs, etde mème que, par l'action des nerfs, l'intensité de l'oxydation et le développement de la chaleur peuvent être augmentés ou diminués chez un Vertébré à sang chaud, on peut supposer que les nerfs des Pennatules, ou les éléments qui en tiennent lieu, soient capables de produire, dans les batteries lumineuses des polypes et des zooïdes, une oxy- dation momentanée, plus rapide et plus intense, accompagnée d'une manifestation de la lumière. VIL. La substance photogénique des Pennatules présente, dans l'ensemble de ses caraclères, la plus grande ressemblance avec la matière grasse contenue dans les cellules de l'épithélium des Méduses phosphorescentes (Pelagia noctiluca et Cuninu moneta (1), ainsi qu'avec celle que j'ai trouvée dans les Béroïdes, dans les Pholades, les Chétoptères, et les Noctiluques étudiées par Quatrelages. Ces matières réagissent aux diverses excilations et se comportent comme sil y avait en elles une substance qui les rendit phosphorescentes, et qui fût la mème que celle qui rend lumineuses les Penpatules. VIII. Sans nier qu'il puisse se trouver des animaux marins qui, de même que les Lucioles terrestres, luisent par la com- bustion lente d'une substance albuminoïde, ou par quelque autre raison, 1l est cependant certain qu'une partie des animaux phosphorescents de la mer doivent leur pouvoir lumineux à une matière spéciale qui présente tous les caractères d'une graisse phosphorescente, en même temps que la particularité de s’al- lumer dans l'eau douce, ainsi que dans les autres cas spécifiés dans ce mémoire. (4) Voyez ci-dessus, $ 2. 29 PANCERI. & 4. ORGANES LUMINEUX ET ÉCLAT DES PYROSOMES (1), Le mémoire présenté par moi à l’Académie a pour but de faire connaître les résultats des recherches que j'ai entreprises l'hiver dernier, et que j’ai même continuées en décembre et en janvier de cette année, sur le Pyrosoma giganteum, à la suite d’autres études faites déjà par moi sur la lumière animale. Dans l’apercu historique qui sert d'introduction à mon mé- moire, jai cité d’abord les observations faites par Péron dans l'Atlantique, entre le 19° et le 20° degré de longitude ouest de Paris, et le 3° et le 4° degré de latitude nord, lorsque en dé- cembre de l’année 1800, en route pour l'Australie, il rencontra un banc de Pyrosomes qui, par une nuit sombre, illuminaient splendidement les vagues agitées par la tempête (3). Bennet, en 1833, dans l'Atlantique, près de la ligne équa- toriale, vit la mer toute en feu, à cause des Pyrosomes, et il denne sur ce phénomène des renseignements précieux (4). J'analyse ensuite le mémoire de Meyen (5), dans lequel il décrit un organe lumineux. Mes observations démontrent l’er- reur dans laquelle tombèrent Meyen et Bennet en attribuant une puissance lumineuse aux cellules pigmentaires rouges qui sont répandues sur la surface de l’œsophage et de l'estomac. L'ouvrage de Huxley (5), quoique l’auteur se soit proposé comme but principal de faire connaître les parties du Pyrosome et ses analogies naturelles avec les autres Tuniciers, contient aussi quelques données sur la lumière qui émane de cet animal, (4) Extrait des Comptes rendus de l'Académie royale des sciences physiques et mathématiques, 30 mars 1872. (2) Annales du Musée, Paris, 1804. (3) Edinburgh Philos. Mag., 1833. (4) Beiträge zur Zoologie, V Abh. (Nov. Acta nat. cur., t. XNI). (5) Observat. upon the Anat. and Physiol. of Salpa and Pyrosoma (Philos. Trans. 1850). ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 23 et il yest fait mention des points lumineux qui se répandent et se propagent sur un Pyrosome qui s’illumine. Huxley parle aussi de la lumière qui parcourt la colonie d’un bout à l’autre. Ces auteurs, comme d’autres aussi qui ont observé le Pyro- some, ne sont pas parvenus à constater où peut avoir son siége le mouvement lumineux de cet animal; c’est pourquoi, comme préliminaire de mon mémoire, j'indique par quel moyen j’ai pu parvenir à déterminer avec certitude quels sont les organes photogènes de cet animal, Toutes les fois que j'ai eu à ma disposition des Pyrosomes, j'ai pu constater que la lumière provient réellement d’une myriade de points ou taches brillantes placées presque à égale distance les unes des autres dans la paroi du tube; mais je m'aperçus aussi que ces taches étaient disposées par couples. Au premier abord, il est difficile de déterminer exactement le siége de ces points étincelants ; pourtant, dans la direction de chacun des tubercules coniques plus grands et qui rendent hérissée la surface du tube, il arrive parfois de voir une couple de points lumineux plus relevés que les autres. Pour déterminer avant tout l'endroit précis où se trouvent ces points lumineux, je pensai de me servir de l’eau douce, qui est amplement douée du pouvoir de fixer la lumière chez les animaux phosphorescents de la mer, et lorsqu'une colonie entière fut toute illuminée par ce moyen, je coupai le tuyau par le travers. Par ce procédé, je pus observer que les couples des points lumineux se trouvent très-rapprochées de la paroi exté- rieure du tube et dans la même couche presque où l’on trouve les ganglions des ascidies (1). En observant les tubercules coniques auxquels correspond toujours une ascidie plus grande que les autres et à cou très- allongé, je m’aperçus que les deux points lumineux apparte- naient à cette ascidie, et qu’à raison de la forme allongée du cou, ils étaient bien plus relevés que les autres. Par cette observation (1) L'auteur désigne ainsi les Pyrosomes individuels, dont la réunion constitue la colonie cylindrique sus-mentionnée, 9h PANCERI. je pus me convaincre que dans le Pyrosome la lumuère a sa source dans des parties déterminées qui sont au nombre de deux pour chaque ascidie (\). En examinantensuiteles petites ascidies à l'endroit où devraient correspondre les points lumineux, je ne trouvai autre chose que deux corps, que Lesueur et Savigny avaient déclaré être les ovaires. Pourtant, avant de refaire l'étude de ces organes, il était nécessaire de s'assurer si c'était vraiment par eux ou par d'autre source que pouvait jaillir la lumière. Ayant fait avec le rasoir des sections transversales des parois du tube tellement minces, que chaque branche ne pouvait contenir qu'une seule couche d’ascidies, j’employai de nouveau l’eau douce, et je soumis ces sections au microscope. Les observations furent faites le soir, et lorsque par un grossissement faible les deux corps sus-indiqués apparaissaient en même temps dans le champ du microscope, j'éteignis la lampe; aussitôt, au même endroit et dans les mêmes formes, les deux taches lumineuses m’appa- rurent. Je dis sous la même forme, car s'il arrivait qu'un des organes fût incliné de côté, et par conséquent eût des contours très-différents de l’autre, la forme lumineuse, vue dans l’obscu- rité, répétait les mêmes contours. Par cette épreuve, je me suis assuré que les organes lumineux des ascidies du Pyrosome sont réellement ceux que les deux naturalistes sus-nommés croyaient être des ovaires (2). Comme un Pyrosome qui a par exemple 8 centimètres de longueur, peut contenir environ 3200 ascidies, on aura alors dans toute la colonie 6400 points étincelants. Les organes phos- phorescents que j'ai reconnus comme tels dans le Pyrosome ne sont donc pas ignorés des anatomistes, et on les prit pour des ovaires jusqu’à ce que Huxley, en 1851, eût prouvé que l'ovaire est placé auprès du testicule et se compose d’un ovisac et d’un seul œuf, comme chez les Salpes. Après ces observations, les fonctions de ces organes étant devenues problématiques, Huxley (4) Voyez pl. 14, fig. 2. (2) Voyez pl. 14, fig. 3. ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 25 se borna à les nommer cell-masses, et il les figura sous le même nom chez l’adulte et chez le jeune né par bourgeonnement, exprimant pourtant le soupçon qu'ils pouvaient être des organes urinaires. Vogt (1) aussi, dans les dessins annexés aux renseigne- ments qu’il donne sur le Pyrosome, représente ces organes sans en faire mention ; enfin et Keferstein et Ehlers (2), sous l’indi- cation de Znsenformiger Kürnerhaurifen, les décrivent exacte - ment sans parler de leur signification. Ces organes se trouvent donc dans chaque ascidie à la base du cou, près du bord supérieur des deux branchies, au-dessous de chacune des arches latérales de la bande vibratile, et immédiate - ment au-dessous des deux nerfs qui constituent la première paire ou paire supérieure des nerfs latéraux du ganglion (3). Le contour de ces organes est ovale, ou quelquefois trian- gulaire, et si on les observe de côté, on s'aperçoit qu'ils se trouvent dans l’espace lacunaire sanguin placé entre les deux tuniques du tégument, mais qu'ils sont exclusivement attachés à la tunique extérieure. Quant à leur structure, ils sont compo- sés exclusivement de cellules sphériques du diamètre de 0"",02, en moyenne, qui ne se trouvent pas renfermées dans une men:- brane commune, mais baignées directement par le sang de la lacune. Ces cellules n’ont pas de nucleus et contiennent une substance soluble dans l’éther et une substance albumineuse. Malgré le voisinage de ces organes et du nerf cité plus haut, on n'aperçoit aucun filament qui, en partant de celui-ci, aille y aboutir ; l'organe en question reçoit très-probablement ses nerfs des filaments cutanés. Les organes lumineux une fois reconnus dans leur structure, je me suis occupé de leur origine dans les embryons. Par les recherches de Savigny et par celles de Huxley, on sait que les Pyrosomes ont deux espèces d’embryons : 1° les embryons com- posés, qui proviennent de l'œuf, ou, pour mieux dire, d'une nourrice où larve génératrice, appelée cyathozovide par Huxley, (1) Recherches sur les animaux inférieurs, 11° mémoire. (2) Voyez pl. 14, fig. 3. (8) Zoologische Beiträge, tav. XI 26 PANCERI. laquelle produitles quatre jumeaux qui deviennentles fondateurs d’une nouvelle colonie ; 2° d’autres embryons produits par le bourgeonnement sur un tubercule spécial qui se trouve à la base del’endostyle. Ces derniers sont destinés à rester dans la colonie, qui, de la sorte, s'accroît et grandit. J'ai suivi le développe- ment des deux espèces d’embryons à la fois, et j'ai observé que les organes lumineux se forment de la couche extérieure du blastoderme dont ils font partie. On voit déjà distinctement les cellules qui composent cet organe lorsqu'on aperçoit les premières traces des fenêtres branchiales. J'ai pu constater, en employant l’eau douce, que les organes lumineux des embryons des jeunes colonies qui sont sur le point d'être pondues, ont déjà le pouvoir de briller, de sorte que ces organes sont de telle nature que, de l'embryon des deux espèces à l’adulte, ils ne changent ni de forme, n1 de fonctions. Ayant constaté que la phosphorescence peut se manifester dès le premier âge des jeunes colonies, je m'occupai ensuite de l'étude de ce phénomène chez l'adulte, et je constatai d’abord les différents états dans lesquels peut se trouver l’animal, surtout à cause de l’affaiblissement dans lequel il tombe souvent quand cn le soumet à l’expérimentation ; ensuite je décris les courants lumineux. Dans les Pyrosomes ces courants peuvent se comparer à ceux des Pennatules, parce que la lumière part du pointexcité, et se répand dans toute la masse ; ils ne sont cependant pas aussi rapides ni aussi flamboyants que les premiers, et ne se répètent pas spontanément après une seule stimulation; on n'a pas non plus observé que les deux courants convergents se soient jamais dépassés. Il est aussi fort important de remarquer le fait des différentes couleurs que la lumière peut produire chez te Pyrosome. Dans l'espèce étudiée par moi (P. giganteum), de même que dans celle étudiée par Huxley dans le Pacifique, la lumière était azur clair ; dans le P. atlanticum, étudié par Péron et ensuite par Bennet, elle paraissait d'abord rouge, puis elle devenait aurore, orangée, ensuite verdâtre, et enfin bleu d'outremer. Ce phénomène du changement de couleur de la lumière dans le ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS, 27 mème individu, peut se comparer seulement à la phosphores- cence tricolore des Appendiculaires observés par Giglioli dans la traversée de Montevideo à Batavia (1). Les études spéciales faites dans le but d'expliquer la transmis- sion de l'excitation qui produit progressivement la lumière dans les diverses ascidies de la colonie, m'ont conduit à la découverte d'un système musculaire social particulier par lequel toutes les ascidies se trouvent liées entre elles. Ayant décrit les muscles du diaphragme qui se trouve à l'entrée du cloaque commun, on doit aussi mentionner des rubans musculaires spéciaux qui, en s’entrelacant, lient ensemble les ascidies, s'attachant à elles, à où correspond dans chacune le muscle constricteur du cloaque. Ces rubans musculaires ne sont pas toujours très-réguliers dans leur parcours, ni toujours en nombre égal, par rapport aux ascidies ; on pourrait néanmoins les classer en deux caté- gories, selon leur direction. Appartiennent à une première catégorie ceux qu’on remarque dans une section du tuyau du Pyrosome, et qui se trouve per- pendiculaire à l’axe ; ils passent ordinairement de l’une à l’autre ascidie en se croisant, de façon que le faisceau qui se trouve au dos de l’une aille cemdre le ventre de l’autre pour retourner au dos de la troisième, et ainsi de suite. Appartiennent à une seconde catégorie ceux qui vont d'une ascidie à l’autre, parallèlement à l'axe du tuyau, réunissant ainsi les individus d’un verticille avec ceux de l’autre par leurs côtés homonymes. Après avoir parlé de la conformation spéciale des organes qui servent à dilater l’orifice du diaphragme, j’examine celle des muscles du système social qui sont formés de fibres allon- gées et nucléées, et qui ressemblent aux fibres lisses des animaux vertébrés. Puisqu'il existe entre les ascidies un système spécial muscu- laire social, on peut bien croire que les nerfs de ce système sont ceux qui, allant de l’une à l’autre, serventa la transmission de (4) Giglioli, /a Phosphorescence de la mer (Bulletino della Soc. geogr. ital., 1870). 28 PANCERI. l'excitation, dont résulte l’illumination générale de la colonie. Les recherches que J'ai faites jusqu’à ce jour ne m'ont pas donné des résultats certains à l'égard de l'existence de ces nerfs, cependant la supposition ne cesse pas d'être raisonnable. En dernier lieu, j'expose les résultats servant à constater les divers agents qui peuvent déterminer l'apparition de la lumiere. Le choc imprévu et rapide, le frottement, le toucher, suffisent pour exciter la lumière et les courants dans des exemplaires frais. Si, comme faisait Pline avec les Pholades, on màche un fragment de Pyrosome, la bouche devient resplendissante, et lorsqu'on l’ouvre, la lumière qui en sort peut servir à faire dis- tinguer facilement les traits d'une personne placée à peu de dis- tance. L'eau douce, comme il a été déjà prouvé, a une action : énergique ; si l'on y trempe un Pyrosome, après quelques mi- nutes on le verra illuminé, et la lumière durera plusieurs heures, jusqu’à la mort de l'animal. L’abaissement de température de l’eau douce ne contribue nullement à en diminuer l'intensité : effectivement, ayant placé deux individus, l’un dans la glace fondante, et l’autre dans l’eau douce à 35 degrés centigrades, j'ai obtenu, en excitant l'animal par le toucher, les mêmes effets qu’en opérant dans de l’eau à la température ordinaire. Dans l’eau douce réchauffée par degrés, la clarté du Pyrosome s'éteint à A5 degrés. L'alcool et l’éther excitent immédiatement la lumière dans le Pyrosome entier, et la phosphorescence s’étemt avec la vie de l'animal, un quart d’heure environ après l'immersion ; mais si ces liquides parviennent à se mettre en contact avec la matière lumineuse des organes, la lumière disparaît immédiatement. Ce fait a été également constaté dans les Méduses et dans les Penna- tules ; on le démontre aussi en employant le liquide qui s'écoule quand on presse le corps de l'animal écrasé dans un linge. Ce liquide contient la matière des organes lumineux écrasés, et, peu après qu’on l’a extrait, il s’obseurcit. Mais, si après qu'elle a perdu son éclat,on y mêle de l’eau douce, la lumière redevient très-vive, tandis que si l’on emploie au contraire l'alcool, la ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 20 lumière ne paraît plus, ou si elle a été développée au moyen de l’eau douce, elle s'éteint immédiatement. Les courants électriques n’ont point d'action spéciale sur le Pyrosome pour le contraindre à s’illuminer, et probablement cela dépend du manque de conductibilité dans le tissu muqueux du manteau commun. Ni la lumière du jour, ni laction des rayons solaires, ne peuvent amoindrir son pouvoir lumineux, comme il arrive chez les Béroés. En diminuant la température de l’eau de la mer jusqu’à 1 degré, on ne voit pas pour cela le pouvoir lumineux du Pyro- some s’affaiblir, et si au contraire on la réchauffe, la lumière disparaît vers 60 degrés. Mes investigations au sujet du Pyrosome m'ont porté à cun- ciure que la substance photogénique de cet animal est, selon toute probabilité, une matière grasse. Dans tous les cas, elle présente les mêmes phénomènes que la matière trouvée par moi dans les organes lumineux des Penna- tules, dans les cellules de l’épithélium extérieur des Méduses phosphorescentes (Pelagia nochiluca et Cunina moneta), comme aussi dans des organes spéciaux chez les Pholades, chez les Chœætopterus et chez les Béroés ; enfin elle se comporte avec les stimulants comme celle qui est contenue dans les Noctiluques et dans les Thalassicoles. Dès que le Pyrosome est mort, on ne peut plus faire jaillir la lumière de son corps en voie de putréfaction; néanmoins la malière extraite du corps de l'animal vivant, par le moyen de la pression dont j'ai déjà parlé plus haut, et laissée dans l'eau” de mer, garde pendant un certain temps le pouvoir de rede- venir encore lumineuse au moyen des actions mécaniques où de l’eau douce, et cela même après qu’elle a été desséchée. 30 (IPANCERI. & 5. ORGANES LUMINEUX ET LUMIÈRE DES PHOLADES (1). En continuation des études faites déja sur les animaux lumi- neux, je présente aujourd'hui à lPAcadémie un travail qui a pour objet les Pholades, et qui concerne spécialement l’espece la plus commune dans notre mer, qui est le PAolas dactylus à. La connaissance de la phosphorescence de ces Mollusques et des nuages lumineux qu'ils répandent dans l'eau pendant qu'ils sont touchés où maniés, date de lom. Pline décrivit ce phénomène dans un paragraphe spécial du livre IX (2). Les observations furent par la suite répétées et confirmées par plu- sieurs auteurs, et Réaumur, écrivant à son tour sur ce sujet (3), exprima l'opinion que la superficie entière de la Pholade émet ceite matière luisante qui 1lumine les objets qu'elle touche, et l’eau dans laquelle on se lave les mains. Selon Réaumur, la même matière desséchée brille de nouveau si on la remouille. Monti, Beccari et Galeati, quasi contemporains de Réaumur, s’occupèrent aussi de ce sujet (4), et firent des observations qui ne diffèrent guère des précédentes. [ls constatérent que les Pho- lades brillent au suprème degré dans le lait. Les auteurs, cités dans mon mémoire, qui vinrent ensuite, se bornerent à déerire le phénomène sans en préciser le siége. J'ai à mon tour constaté le fait des nuages resplendissants répandus dans l’eau où sont plongées les Pholades, lorsqu'on la secoue et l’agite ; J'ai vu également leur corps illuminé après l'ouverture du manteau et des valves, et cela à cause d’un liquide abondant qui rendait lumineux les corps qu’il touchait. J'ai ensuite pensé que, s'agissant d’une sécrétion, deux eas pouvaient se présenter : toute la superficie des Pholades, et, sui- (1) Séance du 6 août 1872 (résumé de l’auteur). (2) Historia mundi. (3) Mém. de l'Acad. des sciences, 1723, Paris. (4) Comm. Benon., xol. Il, 1724. ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 21 vant toute probabilité, l'épithélium extérieur, pouvaient en être le siége, comme cela à lieu ‘dans leslMéduses et les Siphono- FIG, 7. — Pholade vue dans l’obscurité. phores, ou bien la sécrétion lumineuse pouvait avoir sa source dans des organes glandulaires spéciaux. Pour résoudre ce problème, je n’employai autre chose qu’un petit filet d'eau qui, tombant dans l'obscurité sur l'animal, 32 PANCER1. dont on avait ouvert le manteau et le siphon antérieur, emporta la partie exubérante du liquide muqueux, et me laissa voir les organes lumineux de ces Mollusques. J'ai pu constater ainsi qu'après le lavage, on voyait la lumière fixée dans des endroits déterminés, tels que : 1° wn arc correspondant au bord supérieur du manteau, et qui se prolongeait jusqu'à la moitié environ des valves; 2 deux peñtes taches trianqgulaires placées à l'entrée du siphon antérieur ; &° deux longs cordons parallèles situés dans le même siphon (fig. 7). On pouvait observer que si le courant d'eau venait à cesser, tout le corps de l'animal se recouvrant de matière lumineuse, 1l redevenait comine auparavant res- plendissant en totalité. De cette façon, je découvris qu'il existe des organes spéciaux desquels jaillit la matière lumineuse, qui, pour les observateurs qui ne se serviraient pas du procédé du lavage, a l'apparence d'être sécrétée par toute la superficie de l'animal ; procédé qui paraîtavoir été négligé par tous ceux qui, jusqu’à ce jour, avaient étudié la phosphorescence des Pholades. Ayant examiné beau- coup d'individus de l'espèce en question, qui abonde dans Île golfe de Baja, il ne m'est jamais arrivé d'en trouver un qui différât des autres en ce qui concerne la disposition des organes photogènes. En ‘amputant les parties correspondantes à ces organes, tout pouvoir lumineux s'éteint. Toutes ces choses vérifiées, il était nécessaire de connaître ce qui se trouve dans les pointes correspondantes aux endroits d'où jaillissait la matière lumineuse. Au bord supérieur du manteau, il n’y a point d’organe qui se montre au premier abord, mais au contraire aux parties sus-indiquées correspondent des organes circouscrits, et je ne comprends pas vraiment comment ils aient pu échapper aux observations des naturalistes qui se sont accu- pés de décrire les parties et la structure de ces Mollusques. Poli, qui du reste ne fit pas de recherches spéciales sur la lumière des Pholades, est le seul auteur qui ait fait mention des parties que nous avons nommé organes trianqulaires et cordons, et d’ailleurs il ne s’est nullement douté de leurs attributions. « Quinam vero sit eorum usus pronuntare non audemus. » ARTICLE N°.8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 39 La place des organes triangulaires et des cordons une fois connue, et voulant les examiner de près, on voit que ces organes font partie du manteau sur lequel ils restent en relief, et leur blancheur brille sur la couleur grise de l'animal. Les organes triangulaires (1) présentent des sillons parallèles, qui les parcourent et qui les partagent en cinq à douze lobes; les cordons du siphon (2), amoindris aux deux extrémités, se présentent aussi sillonnés en travers ; on dirait presque crèpés, car ces sillons diminuent ou s’augmentent, selon que le siphon se contracte ou se relâche. Les injections faites dans le but de découvrir si ces organes avaient des vaisseaux sanguins spéciaux me mirent à même de connaître qu’une artère provenant de l'aorte inférieure se dirige vers les organes trianqulaires, mais ne leur donne pas de ramifications spéciales; ces organes triangulaires, comme les cordons, tirent leurs vaisseaux du réseau des capillaires de la partie interne du manteau. Les recherches faites dans le but de connaître les nerfs de ces organes m'ont appris que du ganglion branchial ou infé- rieur partent deux troncs qui constituent ensuite chacun deux autres petits ganglions, d'où émanent les ramifications destinées à la portion imférieure du manteau, ainsi que d’autres destinés aux siphons. Des uns comme des autres se détachent des fila- ments très-fins, que j'ai pu suivre jusqu'aux organes trianqu- laires et aux cordons. Voulant maintenant parler de la structure de ces orga- nes, Je dirai que les sections, faites dans tous les sens et avec diverses méthodes de préparations, n’ont permis de constater qu'il ne s'agissait que de rehaussements formés du tissu con- jonctif du derme, qui à la surface sont revêtus d’un épithélium spécial. Cet épithélium constitue la petite couche superficielle très- blanche de ces organes, et ce revêtement est digne d’une des- (4) Voyez pl. 14, fig. 6, 6, 4. (2) Voyez pl. 14, fig. 6, c, c. SC, NAT., SEPTEMBRE 1872. XVI. 22. — ART. N° 8. ôli PANCERI. cription spéciale, puisque c’est lui qui produit la matière phos- phorescente. Les Pholades, comme les Mollusques analogues, sont revêtues dans les parties molles d’un épithélium qui, ordinairement, est ciliaire à la surface du pied, sur les branchies, et à la surface interne du manteau et des siphons, mais cylindrique, et pourvu d’une cuticule spéciale au bord du manteau, et à la partie externe dessiphons, qui, chez les Pholades, est fournie en outre de papilles spéciales. Cet épithélium ne suit pas exactement la superficie des organes, mais s’introduit profondément dans des sillons spé- ciaux, qui ressemblent à ceux qui bornent les circonvolutions cérébrales, de manière que la superficie épithéliale est plus grande qu'elle ne le paraît d’abord, de même qu'on l'observe pour l’épithélium intestinal de beaucoup d'animaux qui n'ont pas de glandes entériques proprement dites. Les sillons que nous avons observés dans les organes triangulaires, et même ceux que l’on voit en travers sur les cordons, ont la même signi- fication que les sillons que nous venons de mentionner ; cepen- dant ils sont plus profonds et plus faciles à voir, à cause de la forme de l'organe. Les organes triangulaires et les cordons, en raison de ce qu’ils font partie de la portion interne du manteau, sont donc revêtus d’un épithélium ciliaire de la même forme, et des mêmes dimen- sions que celui dont sont recouverts les organes adjacents ; mais le contenu de ses cellules est tout à fait spécial. Le nucleus de ces cellules se présente tout d'abord granuleux, et ces petites granulations sont saillantes à la surface ; ou peut facilement les égrener. Cette particularité du nucieus s'étend ordinairement à tout le contenu de ces cellules, qui apparaissent aussi toutes granuleuses, de sorte que leurs contours se confondent, et il n’est pas toujours facile de les déterminer. Ces cellules, bien loin de ressembler à celles de l'épithélium ciliaire des autres parties, sont fragiles et laissent échapper faei- lement leur contenu. Il suffit de toucher avec le porte-objet la surface d’un de ces organes qui n’a pas encore été touché, pour voir immédiatement attachée au verre une matière blanche qui ARTICLE N° 6. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 29 luit, et qui, soumise au grossissement nécessaire, se montre composée de nucleus granuleux, de granulations très-fines, de gouttelettes graisseuses, et même de masses grumeleuses qui représentent en entier le contenu des cellules dont elles conser- vent la forme. Un pli de l’épithélium de la même nature, est la partie qui rend lumineuse la bande placée au-dessous du bord supérieur du manteau (1), et c’est par ce moyen qu'est produit l'arc lumi- ueux dont J'ai parlé plus haut. Après avoir comparé cet épithélium à celui des Méduses phosphorescentes, et exposé la différence qui existe quant à la disposition et la forme de la matière qu’il contient, j'ai comparé les organes phosphorescents des Pholades à ceux du Pyrosoma. J'ai fait remarquer que dans ceux-ci les organes lumineux sont également formés de cellules qui appartiennent à la couche exte- rieure. Dans le Pyrosome pourtant, les organes sont profonds, et leurs éléments sont fixes, tandis que chez les Pholades ils sont formés d'éléments placés sur des protubérances spéciales et fragiles, de sorte que leur produit, ainsi qu'il arriverait pour une sécrétion, peut être versé à l'extérieur. La matière lumineuse contenue dans les cellules de l’'épithé- leu lumineux se dissout dans l'alcool et dans l’éther, il serait de toute importance pourtant que les chimistes l’étudiassent bien, d'autant plus qu'il est aisé de s'en procurer dans les régions où les Pholades abondent. Dans la seconde partie de mon mémoire, j'expose les résultats des expériences faites sur les animaux entiers et sur la matière isolée, et je m'occupe aussi de l’action énergique de l’eau douce distillée, employée tant à zéro qu'à une température élevée, comme aussi de l’action de l'alcool et de l’éther qui réveillent la lumière, mais quelques minutes après l’éteignent. Effet de l'air et de l'oxygène. — Les Pholades une fois mortes. soit que les corps de plusieurs individus arrachés de leurs co- (4) Voyez pl. 14, fig. 6, a, «. 36 PANCERI. quilles soient réunis pour les faire putréfier, soit qu'on expose chaque individu séparément à l’action de l'air, la phosphores- cence persiste pendant un certain temps ; mais, dans le premier cas, l’éclat continue jusqu’à un moment où les animaux sont dans un état de putréfaction très-avancée, et dans le second cas, jusqu’au moment où les organes photogènes ne conservent plus leur humidité. Dans ce second cas, la lumière se fixe de préférence dans les organes triangulaires, qui sont plus profonds, et s'éteint plus vite dans le bord du manteau et les siphons, qui se dessèchent plus aisément. Il m'est ainsi arrivé d'observer dans une Pholade laissée à sec, que la lumière pouvait se pro- longer durant le laps de dix jours dans les organes trianquluires, et que, s’étergnant enfin, elle se manifesta de nouveau par l'emploi de l’eau douce. Je fis un autre essai. Je suspendis des Pholades dans une cloche d'oxygène, et j'en mis dans une cloche qui contenait de l'air ; or, pendant que les pieds et les entrailles tombaient en dissolution, dans les deux cas et après dix Jours, la lumière se manifestait encore dans les organes trianqulaires, qui, avec le manteau, étaient restés attachés aux valvules de la coquille. Cette lumière n’était pas apparente, mais le secouement suflisait pour qu'elle le devint. Les expériences faites sur les Pennatules et sur les Méduses prouvérent que l’action de l'oxygène sur la matière phos- phorescente des animaux marins n'est pas immédiate, et qu’elle n’est pas plus énergique que celle de l'air, mais qu'elle est plus efficace et plus prompte sur la graisse d’autres ani- maux, par exemple les Élédones. Effet de l'acide carbonique. — Ce gaz éteint la lumière des Pholades; il est indispensable done que je prouve comment et dans quelles circonstances cela arrive. Si l’on met dansde l’auide carbonique une petite bande trempée d’abord dans la substance lumineuse d’une Pholade, la lumière ne s'éteint pas, et se mani- feste avec la même persistance que dans l'air et l'oxygène, c’est- à-dire qu’elle dure pendant quelques minutes. Cela prouve que la matière lumineuse continue à briller, malgré l'acide earbo- ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 37 nique, jusqu'au moment où l’eau de la mer avec laquelle elle est mêlée, cesse de contenir de l'air. Si l’on prend une Pholade vivante avec le manteau et le siphon fendu, et qu’on la sus- pende dans une cloche remplie d’acide carbonique, on la verra resplendissante pendant un certain temps, surtout à l’endroit des organes lumineux; mais si l’on prolonge l'expérience durant une heure, toute lumière s'éteint et ne reparait jamais, ni par l’action du temps, ni quand on secoue l'animal. Et si, par contre, après que la Pholade vivante ou morte est restée une journée dans l'acide carbonique, on l’expose de nouveau à l’action de l'air, après quelques heures elle redeviendra lumi- neuse comme auparavant. Ces essais, qui ressemblent -à ceux que Matteucei fit avec les Vers luisants des champs, me portent naturellement à croire que le phénomène se produit par l'effet d’une combustion lente, avec la différence que pour les Pholades il faut attendre des heures, et non des minutes, pour vérifier le fait en question. J'ai cru superflu de faire les mêmes expériences avec l'azote et l'hydrogène, puisque le retour de la lumière dans les Pholades restées pendant un jour dans l'acide carbo- nique prouve que ce gaz n’altère nullement la matière lumi- neuse de ces Mollusques. Le fait que la malière lumineuse des Pholades, dans de l’eau de mer réchauffée, brille jusqu'à 73 degrés, et mème 76 degrés centigr., est digne d’une mention spéciale. L'action de l’élec- tricité n'est pas très-énergique, et l'effet de la lumière solaire ne modifie point le pouvoir lumineux des Pholades. De nombreux essais prouvent la grande analogie de la matière phosphorescente de ces Mollusques avec celle des animaux déjà étudiés précédemment. Pour l'analyse de la lumière, je trouvai utile, plus que tout autre, le spectroscope de Sorby et Browning appliqué au micros- cope, et M. le docteur Ray Lankester eut la bonté de me l’offrir, et de faire lui-même les observations. Ce spectroscope étant à double rayon passant par le même prisme, présente l'avantage d'offrir deux spectres contigus, l’un de la lumière solaire, l’autre dela substance en examen, Ayant employé dans cette circonstance 38 PANCERI. la lumière du gaz, il était nécessaire de faire passer cette lumière par une substance qui eût à fournir des lignes d'absorption dont la place füt déjà fixée par rapport aux lignes solaires. La sub- stance employée dans notre expérience fut la solution de per- manganate de potasse, qui donne cinq lignes bien distinctes. Les choses ainsi disposées, on soumit à l'observation les organes lrianqulaires, et ensuite les cordons, employant l’éther pour les exciter. La lumière fut très-vive pendant quelques minutes, de sorte que l’on put les examiner bien à l'aise. La lumière des Pholades est monochromatique comme celle des Béroés. des Alei- noés, des Hippopodium, des Méduses et des Elédones déjà obser- vés; pourtant sa bande azurée à une place permanente, et elle s'étend de la ligne E à la ligne F, dépassant celle-ci de très-peu. Il serait très-important de constater si les lumières des autres animaux marins, qui sont aussi monochromatiques, se trouvent à la même place. Nous rapportons en entier les conclusions du mémoire. Les voICi : 4° Chez les Pholas dactylus, on trouve des organes spéciaux qui s’illuminent dans certains cas particuliers, et qui produisent comme par sécrétion une matière photogene. 2° Ces organes se composent en grande partie d’épitbélium ciliaire contenant dans ses cellules la substance granuleuse spéciale qui rend l’eau luisante, et qui se mélange à la muco- sité fournie par la superficie de l'animal. Cette matière est soluble dans l'alcool et dans l’éther. 3° Cet épithélium, chez l'espèce susdite, se trouve dans un pli au-dessous da bord supérieur du manteau, et dans les &6:- œanes auxquels nous avons donnéle nom d'organes hr'ianqularres et de cordons. h° La matière lumineuse de l'épéthéluun phosphorescent jaillit des organes cités lorsqu'on soumet l’animal à l'action de plu- sieurs stimulants. Il arrive cependant que la matière phospho- rescente extraite de l’animal peut encore s'illuminer de nouveau à la suite de l'agitation, de l’action de l'eau douce, de l'électri- cité et de la chaleur, comme cela a lieu pour la matière luisante ARTICLE N° à, PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 39 des Pennatules, des Méduses, de Pyrosomes et d’autres animaux marins également phosphorescents. 5° La même matière luit également, si on la mouille et qu’on l’agite, soit qu'on l'ait extraite et fait sécher à l'air, soit - que les organes phosphorescents aient été desséchés en entier sans avoir été séparés du manteau. 6° L'air et Poxygène excitent et maintiennent la lumière des Pholades, même pour longtemps, pendant la putréfaction, acide carbonique au contraire l’éteint, mais l’air peut la faire repa- raître. C’est pour cela qu'on peut croire que le développement de lumière est un phénomène qui accompagne l'oxydation de la matière luisante. 7 La lumière des Pholades est monochromatique, et sa bande à une place constante par rapport aux lignes du spectre solaire, UN (er) SUR UN FENNATULAIRE PHOSPHORESCENT ENCORE INCONNU DANS LES ENVIBONS DE NAPLES (|). Je présente à l’Académie deux exemplaires vivants d'un Po- lype très-rare. Il appartient au genre Cavernularia, et fut pêché avec la drague par le docteur fgnazio Cerio, à Capri, non loin de la pointe de Mulo, au sud de l’île, à la profondeur d'environ hO brasses, et trouvé aussi plus tard par le professeur Francesco Gasco dans les mêmes parages. Ces deux professeurs s'empres- sèrent de me les envoyer immédiatement, de sorte que J'ai pu les étudier, et de cela je leur rends grâces publiquement. Le genre Cavernularia, qui ressemble beaucoup aux Vere- lillum, a été fondé par Valenciennes sur des exemplaires de la collection du musée de Paris provenant des mers des Indes ; mais la Cavernularia obesa de cel auteur n'a pu être décrite, (1) Séance du 13 avril 1872, L0 PANCERI. de sorte que ce genre se trouva pendant longtemps établi sur des caractères insuffisants et faux, comme par exemple le manque de l’axe sclérobachique. Ce fut Filippi qui trouva pour la prenuère fois, en 1835, près de Palerme, un Polype qu’il décrivit etillustra, en lui donnant le nom de Veretillum pusillum (1), et que Herklots (2) rapporta ensuite au genre dont il est question ci-dessus. La Cavernularia Valenciennes d'Herklots, qui fut aussi trouvée dans la bae de Palerme, ne me paraît pas pouvoir être distinguée de la C. pusilla, et je crois, d’après ce que j'ai lu dans la Monogra- phie des Pennatulaires du professeur Ricciardi (3), qu'il y à malentendu, car chez l’un les zooides quise trouvent chez les Polypes sont appelés granulations par Filippi, pendant que Herklots les nomme dépressions circulaires. N'est vrai pourtant que chez les deux, comme cela arrive aussi pour les individus que nous avons sous les yeux, les zooides ont la forme des gra- nulations ayant une dépression circulaire qui correspond au contour de la bouche. Ne négligeant nullement les figures et les descriptions de Fi- lippi, et celles de Herklots qui sont citées dans la monographie déjà mentionnée, je ne crains pas de soutenir que ces petits Polypes sont de la même espèce que ceux trouvés par Filippi : Cavernularia pusilla. Cest cette espèce que nous possédons dans la Méditerranée, et la description assez incomplète de la C. obesa de Valenciennes, qui peuvent le mieux nous donner une juste idée de ce genre, puisque c'est d’après elle qu'on a étudié et déterminé les individus vivants. Les deux autres espèces de ce genre que Ricciardi appela C. Haimesi et C. Filippü, je ne les ai jamais observées. Le polypiéroïde est trapu et de petite taille en vie. On ignore tout à fait la provenance de la première; mais l'autre lrès-pro- bablement est originaire de la Méditerranée, puisqu’un des deux individus décrits par Ricciardi a été donné par Verant à (1) Arch. für Naturgesch., 1835. (2) Notices sur les Polypes nageurs, 1859. (3) Archivio per la Zoologia, l'Anatomia et la Fisiologia, serie 2, vol. I, 1869. ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. IA M. de Filippi. On pourrait même la comparer à la ©. pusilla, chez laquelle j'ai aussi observé que les zooïdes peuvent même s'étendre au-dessous de la portion poiypifère dans une certaine longueur sur la tige, disposition que Ricciardi signala dans cette espèce seulement. L'axe scléreux de la Cavernularra pusilla que j'extrayai d’un troisième imdividu, est quasi aussi long que le corps ; 1l se trouve amoindri aux deux extrémités, et ressemble pour la forme à celui des Pennatules. De quelque façon qu'on envisage la chose, il est certain que la Cavernularia pusilla est très-phosphorescente, comme les Veretillum et comme les Pennatules. Si on l'observe dans l'obscurité, au moindre attouchement, on la voit briller d’une lumière vive et azurée; mais ce qui est plus important encore, c’est qu’elle présente des courants lumineux comme ceux que l’on observe chez les Pennatules. Il me fut facile de vérifier que les courants lumineux sont provoqués par l’attouchement, de sorte que l’on peut distinguer les courants ascendants, descen- dants, convergents et divergents, comme dans les Pennatules. Vu la brièveté du polypier, qui ne dépasse pas 5 centimètres, Je n'ai pu mesurer la rapidité de ces courants, qui d’ailleurs se bornent à la portion polypifère. Le siége du mouvement lumineux se trouve aussi chez les polypes et chez les zooïdes, qui, isolés, brillent vivement au contact de l’eau douce, ainsi que dans d’autres liquides qui les excitent, comme l'alcool, l'éther, lammoniaque : dans ces cas pourtant, la lumière dure peu. Ces polypes, qui peuvent s’al- longer jusqu'à 2 centimètres, sont pareils à ceux des Veretl- lum, soit par la transparence des parois, soit par la couleur brune del’estomac, qui est due aux cellules hépatiques, soit par les filaments qui pendent du bord inférieur de l'estomac et sont liés à la marge libre des plis mésentéroïdes. Pour les organes lumineux, je puis dire que j'ai observé les mêmes mamelons blancs de la bouche que j'ai vus luire dans les Pennatules ; mais ils ne sont pas suivis de cordons descendant le long de l'esto- mac, comme dans ces derniers. Ces mamelons sont formés d’une matière analogue à celle des organes phosphorescents des Pen- h2 PANCERI. natules, et l’on peut les voir lumineux avec l'emploi de l’eau douce, en coupant un petit polype de facon à n’avoir sur le verre que la couronne des tentacules et la bouche. SET: SUR LA LUMIÈRE QUI JAILLIT DES CELLULES NERVEUSES DU PHYLLIRHOË BUCÉPHALE (1). Les observations de Péron, d’Eschscholtz, de Quoy et Gai- mard, de Cantraine, de Souleyet, de Leuckart, de Krohn, de Henri Müller et d’autres, firent amplement connaître aux natu- ralistes les petits Mollusques pélagiques pisciformes, qui sont désignés sous le nom de PAyllirhoés, et qui dans la Méditerranée sont représentés par le PA. Bucéphale. La iransparence vitrée des Phyllhirhoés est telle, qu'on ne peut que difficilement distinguer leur petit corps, lorsqu'ils nagent dans l’eau des courants de la mer, et qu'ils laissent apercevoir tous leurs organes jusqu’à la dernière cellule. Les naturalistes qui étudièrent ce Mollusque ne se sont pas apercus qu'il est phosphorescent ; mais si l’on agite l'eau dans laquelle il se trouve, ou si on le louche, on verra des éclats de lumière Jjaillir de son corps. Et si, dans le but de provoquer la complète 1llumination des éléments phosphorescents de l'animal, quels qu'ils soient, on le stimule avec une goutte d’ammoniaque, immédiatement la superficie de son corps et ses tentacules gigan- tesques brillent d’une lumière vive et azurée. (Voy. fig. 8.) Le bord supérieur et le bord inférieur du corps sont les endroits où la lumière est plus vive et plus abondante, de sorte qu'on voit parfaitement le contour de l’animal, La lumière ne se communique point aux liquides et aux solides mis en contact, comme cela arrive pour bien d’autres animaux lumineux. Si l’on fait tomber la goutte d'’ammoniaque sur le Phyllirhoé lorsqu'il est étendu sur le porte-objet du microscope, et qu'immé- (1) Réunion du 413 avril 1872, ARTICLE N° 8, PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. UE) diatement après on se place dans l'obscurité, on voit, même avec un faible grossissement, que la lumière s'échappe d'une myriade de points luisants, qui sont plus ou moins gros et Fig. 8, — Phyllürhoé siimulé par l’action de l’ammoniaque, et représenté dans l'obscurité pour montrer les points lumineux, étincelants, et plus abondants au bord supérieur et inférieur de l'animal que partout ailleurs. En cherchant le véritable siége du mouvement lumineux dans ll PANCERI. cet animal, il est utile d’exclure en premier lieu l’idée que ce puisse être, comme dans les Méduses, l’épithélium cutané, qui est très-mince, et qui pourtant devrait communiquer la phos- phorescence aux corps extérieurs. On ne peut pas non plus avoir de doutes au sujet de ces cel- lules qui contiennent une matière jaune dorée, qui se trouvent semées vers les bords des Phyllirhoés, et qui sont des chroma- tophores, puisque la lumière se manifeste chez cet animal dans chaque partie de son corps. On peut pourtant croire que le siége du mouvement lumineux est plus profond, c’est-à-dire placé dans des organes qui peuvent se trouver un peu partout, et qui gisent dans le tissu fondamental très-transparent de l'animal, au-dessous de la petite membrane élastique qui représente le derme. Grâce à cette transparence, les anatomistes purent étudier les parties internes sur le vivant, et ils purent observer les nerfs, même dans leurs panaches touffus, et dans leurs réseaux très-fins. EL c’est ainsi que Leuckart, en 1853 (1), a pu décrire les nerfs périphériques des Phyllirhoés, faire remarquer le nom- bre de ceux destinés en partie à la peau et en partie aux muscles, enfin s'occuper de leur conformation et de leur parcours. Après avoir indiqué la marche des fibres qui vont aux muscles, il signala les renflements inombreux qui se trouvent sur Île passage des nerfs cutanés, qui ont la forme de cellules nerveuses placées à la bifurcation des filaments, comme aussi sur leurs troncs plus ou moins gros, et qui contiennent un nucleus. Dans la même année, Henri Müller (2) écrivit aussi qu'au tégument externe qui est muni d'un épithélium plus ou moins visible, se réunissent une quantité de nerfs avee de très-nom- breuses ramifications sur lesquelles sont attachées en abondance des cellules de différentes grandeurs, granuleuses à l'intérieur, comme on les retrouve aussi chez d’autres Mollusques transpa- rents. Outre cela, on voit tout à proximité de la superficie entière (1) Nachträgl. Bemerk. über den Bau der Phyllirhoe (Arch. für Naturgesch., 1853, p. 243). (2) Zeitschrift für wiss. Zool., 1853. ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 45 du corps, et répandues presque partout, des cellules sphériques qui ont un contour sombre très-marqué, placées sur les plus fines diramations nerveuses, qui contiennent non-seulement un nucleus, mais aussi un corps sphérique plus ou moins gros, Jaune et réfringent (1 )- Ces cellules, pour lesquelles je propose le nom de celui qui les à découvertes, furent ensuile citées par Gegenbaur et même par Leydig (2). En étudiant ces Phyllirhoés qui se trouvent dans nos mers peu- dant l'hiver et le printemps, il me fut très-facile de confirmer les observations de Leuckart et de H. Müller, surtout lorsque je me servais de l'animal vivant, chez lequel on voit très-bien les fibres les plus fines, de sorte que les rapports des nerfs avec les cellules périphériques ne sont nullement douteux. Les nerfs périphériques des Phyllirhoés sont de trois es- pèces : 1° Les branches qui procèdent des troncs venant directement des ganglions, sont ordinairement simples, et se ramifient dichotomiquement. 2° Les petites branches qui se rapprochent de la superficie du corps, deviennent touffues, s’introduisent parmi les faisceaux des muscles longitudinaux et se montrent variqueuses et recou- vertes de nombreux renflements pédonculés qui sont pourvus de nucleus, et qui ont le caractère de cellules nerveuses. En com- mençant par les petits renflements fusiformes placés sur le cours d’une fibre et la simple varicosité triangulaire située sur les bifurcations, on observe toutes les formes et les variétés de renflements, jusqu'aux cellules sphériques spéciales men- tonnées par Müller. 3° En dernier lieu, des fibres motrices plus fines, sans aueun renflement, et qu'on peut y suivre jusqu'aux muscles superficiels, partent à angle droit des fibres principales longitudinales, dont Leuckart avait déjà fait mention. Dans les tentacules, les nerfs preunent leur origine des deux (1) Voyez pl. 14, fig. 7et 8. (2) Leydig, in Reich, und du Bois-Reymond Arch., 1860. h6 PANCERI. troncs centraux qui dérivent du ganglion tentaculaire placé à la base de ces organes (appelé ganglion olfactif). Ces nerfs sont si riches en renflements, que le tentacule vu à l’aide d’un faible grossissement, apparait formé d’une masse de granulations, qui ne sont autre chose que des cellules nerveuses, lesquelles arrivent jusqu'en dessous de la petite membrane élastique cuta- née. Le diamètre de ces cellules est au maximum de 0*",02, et cette dimension est la même que celle des cellules sphériques découvertes par Müller. Les cellules sphériques dont il à été question ci-dessus sont plus nombreuses aux bords supérieur et inférieur de lanimal. Si on les examine chez des exemplaires déposés depuis plu- sieurs jours dans l'alcool, ou dans léther on trouvera que la matière contenue dans leur intérieur a été dissoute. r Dans le but de vérifier si le siége du mouvement lumineux Ç dans le Phyllirhoé réside dans les cellules nerveuses péri- phériques, il est indispensable de prendre une connaissance exacte de ces cellules, et pendant qu'on les observe à un faible grossissement, il faut mouiller l'animal avec une goutte d’ammo- niaque, et éteindre la lampe immédiatement après. Si le gros- sissement est faible, afin que la lumière puisse traverser les lentilles, on verra qu’à la même place et à la même distance réciproque où les renflements cellulaires sur le cours des neris se distinguaient à la clarté ordinaire, 1l y aura autant de pots lumineux plus ou moins brillants et plus ou moins grands. En éloignant ou en rapprochant les lentilles du Phyllirhoé, les points deviendront pâles et confus, tandis qu'ils reprendront leur éclat lorsqu'au foyer du microscope on aura les renflements susdits avec les cellules sphériques. Et si par hasard, à cause de la singularité du fait, on venait à soupçonner que la lumiere a son siége dans tout autre tissu où partie du corps, 1l serait utile de réfléchir que là où les cellules de Müller se trouvent les plus abondantes, là aussi les points lumineux sont plus nom- breux et plus grands, comme cela se remarque aux bords supé- rieur et inférieur de l'animal. Le doute disparaîtra tout à fait lorsqu'on aura examiné de la même manière un tentacule dans ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. h7 lequel on ne retrouve que le tissu muqueux fondamental, les muscles et les nerfs avec leurs renflements cellulaires. Si l’on coupe chez un Phyllirhoë vivant un de ses organes et qu’on l’observe d’abord à la lumière ordinaire, puis dans l'obscurité, à l'aide de lammoniaque, on s’assurera facilement du grand nombre de points lumineux qui correspondent parfaitement à un grand nombre aussi de cellules ganglionnaires. Cette expérience sur le tentacule fait connaître que la lumière dans le Phyllirhoé ne provient pas seulement des cellules de Müller, mais qu'elle s'échappe aussi des cellules ganglionnaires ordinaires répandues sur les nerfs : car ce sont celles-là qu'on trouve dans les tentacules, ces appendices étant tout à fait privés des premières. Plusieurs essais et des expériences répétées sur des parties isolées de l'animal m'ont donné la certitude que le mouvement lumineux dans les Phyllirhoés à son siége dans les cellules ganglionnaires périphériques, et même il m'est arrivé de voir, chez des individus se tordant sous les étreintes de la pince, se manifester daus leur corps un éclat qui correspondait exacte- ment, pour l'emplacement, au collier ganglionnaire æsophagien. Je dois ajouter que dans d’autres circonstances j'ai vu luire aussi les deux ganglions tentaculaires. Pendant que la lumière des nerfs périphériques est un fait non encore observé, la lumière qui provient des ganglions pour- ralt être la même que celle que lon dit jailir des ganglions de certains Crustacés et de certaines Ascidies, si toutefois on peut donner à ces observations une importance positive. Ayant pourtant établi le fait que chez les Phyllirhoës la lumière s'échappe des éléments nerveux décrits, on peut établir ce dilemme : Chez le Phyllirhoé est-ce le mouvement mtme des nerfs qui se transforme en mouvement lumineux, ou dans les cellules ter- minales des nerfs se trouve-t-il une matière spéciale qui pour- rait s'isoler, qui serait annexée d’une certaine façon à la sub- stance nerveuse, et qui pourrait s'illuminer même lorsqu'elle se trouverait soustraite à l'influence des nerfs? h8 PANCERI. Dans le premier cas, le Phyllirhoé pourrait se comparer à la Torpille et aux Poissons électriques, dont le mouvement élec- trique se développe dans les cellules terminales des nerfs élec- triques; seulement les organes producteurs de la lumière ne seraient pas agglomérés, mais répandus dans leurs éléments près de la superficie du corps. Dans le second cas, on verrait se vérifier un fait d'un autre ordre, et suivant toute probabilité un fait chimique : la matière photogène, qui prendrait sa place dans les cellules nerveuses, serait peut-être la même que celle que nous avons retrouvée dans les épithéliums des autres animaux marins, ou dans des organes spéciaux, chez les Pyrosomes et les Pennatules. C'est en vue de ce dilemme que je me suis livré à des expériences. J'ai pensé que si la lumière était une propriété des nerfs, elle se montrerait à chaque stimulation, et cesserait ensuite avec la mort; tandis que s’il était constaté que la matière phosphorescente fût une substance associée d’uue certaime facon aux nerfs, la lumière pourrait se manifester même irré- gulièrement, et continuer en dehors de lPanimal, et probable- ment après la mort, comme 1l m’arriva de l'observer chez les Pyrosomes et les Pholades. Ayant essayé de stimuler l’animal de diverses façons, je m a- perçus que les procédés mécaniques que j'employais sur lui agissaient d'abord en provoquant des décharges lumineuses, mais que celles-ci cessaient ensuite, quoique chez l'animal il y eût réaction, puisqu'il s’agitait et se contractait. Si on le laissait un peu en repos et qu'on le stimulât encore, les décharges lumi- neuses se répétaient pour s’affaiblir ensuite, comme si se fût consumé dans les nerfs quelque chose qui, pour se renouveler et briller, eût eu besoin d’un certain temps. Sachant que chez les Torpilleset chez le Gymnoteles décharges s'affaiblissent si elles ont été provoquées et répétées l’une à la suite de l’autre, l’affaiblissement et la cessation de la lumière chez les Phyllirhoés n'étaient pas des arguments suffisants pour résoudre le problème. J'essayai alors de l'électricité, et ayant placé un individu sur un verre, entre deux petites plaques de ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 119 platine, pour éviter l’action des sels qui se forment lorsqu'on emploie les électrodes de cuivre dans l’eau de mer, et qui auraient agi à leur tour comme stimulants, je fis usage de faibles courants, mais ceux-ci ne me donnèrent aucun résultat : de sorte que je tombai dans le doute, et je pus croire que le üssu muqueux fondamental de l’animal était, comme dans le Pyrosome et les Méduses, un mauvais conducteur du courant électrique. Ayant augmenté la force du courant, je n’obtins non plus aucun effet lumineux, et cependant le courant avait indu- bitablement passé au travers du corps de l'animal, comme on pouvait s’en assurer en observant que le cœur cessait de battre lorsqu'on fermait le circuit, et reprenait ses pulsations si l’on venait à le rouvrir. Je dois avouer que je m'attendais à un tout autre résultat, c'est-à-dire que je croyais obtenir toujours le développement de la lumière par la stimulation électrique ; mais tous les essais que je pus faire m'assurérent du contraire. En écrasant presque en entier un individu vivant, on observa pendant l'opération, partout, une clarté pâle et blafarde. J'employai ensuite l’action de l'eau douce sur d’autres indi- vidus, et, au moyen de cet agent, je vis la lumière s'échapper d'abord par éclairs, et puis devenir fixe, lors même que la température était à zéro. Si l’on écrasait un Phyllirhoëé dans l'eau douce, la lumière devenait alors très-vive. On tenta ensuite l'effet de la chaleur, et, pour cela, on réchauffa au bain-marie un petit tube contenant un Phylli- rhoé vivant, dans l’eau de mer. À 85°,6, on observa un éclair ; à Ah degrés, la lumière fut permanente, quoique pâle, et elle se soutint jusqu’à 61 degrés. L'alcool et l'éther fixent la lumière, et puis l’éteignent après quelques minutes ; mais on obtiendra jamais autant d'éclat qu’en employant l’'ammoniaque et même la solution de potasse caus- tique. Ayant trempé des individus très-vivaces, l’un dans l'acide sulfurique étendu d’eau, et l'autre dans l'acide azotique aussi affubli, nous n'oblinmes pas la plus petite étincelle, fait que nous remarquänes aussi chez le Pyrosome. La lumière du jour SC, NAT., SEPTEMBRE 1872, XVI, 29, — ART. N° 8, 50 PANCHRE. et même les rayons directs du soleil ne modifièrent nullement la phosphorescence des Phyllirhoés. Dans l'intention de vérifier si l’on pourrait extraire la matière lumineuse du corps de l'animal, je pressai quelques individus dans un linge, et ceux-ci, tout en luisant, laissèrent échapper quelques gouttes d’un liquide resplendissant qui s'obscurcit immédiatement ; mais bientôt après l’eau douce le rendit lumi- neux de nouveau. Dans le but de rechercher si l’on pouvait oblemir la lumière même après la mort de l’animal, je laissai sécher tout naturelle- ment à l'air un Phylirhoésur un verre. Le jour suivant, l’ani- mal était déjà sec et fragile; j'eus l’idée alors de le mouiller avec de l’eau douce. En le froitant ainsi avec le doigt, Je vis que l’eau qui en dégouttait commençait à briller d’une lumiere uniforme et blafarde. À mesure que l'animal absorbait l’eau, il se détacha du verre, et alors l'ayant pressé et frotté entre mes doigts trem- pés dans l’eau douce, une matière lumineuse commença à se répandre, ressemblant tout à fait à un pâle nuage qui, en se dilataut, 1lluinina bientôt le vase tout entier. Un autre individu desséché fut mouillé avec de l’'ammoniaque, et une lumière très-vive se manifesta, comme aussi on obünt un résultat semblable avec des Phyllirhoés qui étaient déjà en état de putréfaction et de décomposition. | Sans raisonner davantage sur ce sujet, il me semble, d'après tout ce que j'ai exposé, pouvoir énoncer les conclusions suivantes : 4° Il existe dans les cellules nerveuses du PAyllirhoé bucé- phale Pér. une matière qui peut devenir lumimeuse. 2 Cette matièrese trouve également dans les cellules nerveuses périphériques de forme ordinaire, et dans celles des ganglions centraux, ainsi que dans les cellules sphériques spéciales qui contiennent une matière jaune réfringente, soluble en grande partie dans l'alcool et dans Péther. 3° La lumière dans les cellules nerveuses se manifeste pendant l'excitation nerveuse, puis elle s'éteint petit à petit, pour ensuite reparaître après le repos. h° Pendant que l'électricité n'a pas d'action apparente sur ARTICLE N° 84 PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 51 cette matière, l'eau douce, lammoniaque, la potasse, l'alcool, l’éther, l’exciteur, la poussent à briller, comme cela arrive pour d’autres animaux marins phosphorescents. 5° Après que l'animal est mort et desséché, ou en putréfac- tion, cette matière peut s’illuminer de nouveau par l'action de l’eau douce et de l’ammoniaque. De ces conclusions, il résulte avec une grande évidence qu’il n’est pas question d’un mouvement lumineux qui aurait son siége dans la matière nerveuse proprement dite, mais plutôt d’une matière associée aux éléments nerveux, qui devient lumi- neuse à la suite des s#mulus pendant la vie, mais qui brille éga- lement par le moyen de certains réactifs spéciaux, lorsqu'elle est extraite de l'animal, et aussi après sa mort. Après avoir mesuré, chez certains nerfs que l’anatomie n'a pas encore démontrés, la rapidité de la propagation de l'excitation dévoilée d’une façon admirable par les courants lumineux chez les Pennatules et les Pyrosomes, je me félicite d’avoir décou- vert un cas dans lequel la matière lumineuse est tellement liée aux nerfs, qu’elle fait partie des cellules ganglionnaires ordinaires, et même de cellules spéciales en rapport avec les nerfs, comme le sont les cellules de Müller. Je ne serais nullement surpris si lon parvenait à découvrir que, dans beaucoup d’autres animaux, les cellules nerveuses brillent dans certains cas spéciaux. J'entends parler de la substance nerveuse vivante, parce que J'ai déjà vu bien des fois le cerveau des Poissons morts devenir lumineux, et chacun pourrait bien observer ce mème phéno- mène sur celui des Mullus. 8 8. EXPÉRIENCES FAITES DANS LÉ BUT DE DÉCOUVRIR S'IL Y A AUGMENTATION DE TEMPÉRATURE PENDANT LA PHOSPHORESCENCE. Tous ceux qui ont étudié la phosphorescence chez les ani- maux vivants ont voulu tenter de constater avec le thermomètre à mercure si, au moment où ces êtres s'illuminaient, il y a augmentation de température, et presque tous ont été d'accord 92 PANCERE. pour déclarer qu'ils n’ont rien obtenu par ce moyen. On envi- ronna aussi la boule du thermomètre d’une quantité de Vers luisants, et on la mit en contact avec l'abdomen des animaux phosphorescents, comme le fit Matteucei (1), et même on l’en- toura de Noctiluques brillantes en masse, comme l'indique aussi Quatrefages (2); mais jamais on ne s’aperçut de la moindre augmentation dans la température. Il faut que je fasse remarquer cependant qu'en consultant bien des livres et des mémoires, 1l m'est arrivé de lire que Kuhl, à Java, trouva, avec un thermomètre ordinaire, que la tempé- rature de l’eau douce dans laquelle il avait trempé un Pvro- some s'était élevée d’un degré centigrade (3). J'ai lu aussi dans Gavarret (4) le résultat des observations de Valentin (5) sur la Pelagia denticulata, qui constata dans la cavité de l'estomac une augmentation de 0°,20 à 0°,75, sur la température de l’eau salée dans laquelle baignait l'animal, et qu’on observa à la superficie du corps une augmentation d’un degré. Les Pyrosomes dans l’eau douce s'illuminent complétement, et leur éclat dure assez longtemps, et quoique Valentin ne parle nulle- ment de phosphorescence chez les Pelaqia,'épithélium de la su- perficie du corps est ordinairement phosphorescent, ains l’aug- mentation de température annoncée par Kubl dans un cas, etpar Valentin dans l’autre, me détermina à vérifier leurs observations. Je pense qu’il suffit de connaître les premiers rudiments de la thermométrie pour se croire autorisé à mettre en doute le résul- tai des observations de Kuhl; car, avant tout, il ne mesura la température de l’eau douce ni avant, ni après l'essai, de sorte qu’on ne put vérifier d'aucune façon si la température de l’eau s'élevait indépendamment de la présence du Pyrosome. Ensuite il ne prit pas davantage la précaution de mesurer en même (1) Lecons sur les pliénomènes physiques des corps vivants. Paris, 1847. (2) Mémouwe sur la phosphorescence de quelques Invertébrés marins (Ann. se. nat., vol. XIV, 1851). (3) Schweigger, Journal, 1824, et Ehrenberg, Das Senchten des Meores, p.81. (4) De la chaleur produite par les élres vivants, Paris, 1855, (5) Répert. d'anat. et de physiol, 1839, t, IV. ARTICLE N° 6e PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS, 5 CG temps la température de l'eau d’un vase pareil; enfin il ne s’occupa pas de savoir si, en mettant un Pyrosome dans l’eau douce, la température venait à être altérée du plus au moins, à cause du mélange de l’eau douce avec l’eau de la mer. En ce qui regarde les observations de Valentin, je n’ai pu répéter les expériences, car nous ne possédons pas cette espèce dans la Méditerranée ; mais je puis certifier que le thermomètre à mercure ne marque pas d'augmentation quand on l’emploie pour observer la superficie phosphorescente du corps de la Pelagia noctiluca. J'ai pu, par contre, examiner les Pyrosomes, et alors je me suis mis en devoir de vérifier si un thermomètre à mereure qui marque les cinquièmes et mème les dixièmes de degré pouvait être ulile dans cette circonstance. J'ai mis d'abord dans un vase contenant de l’eau douce portée à 1/ degrés un volume d’eau de mer aussi à cette température, égal au volume d’un Pyrosome, et j'ai vérifié une diminution de température qui correspondait à 1/10° de degré. Je crois que l’on devrait tenir compte de cette diminution due unique- ment au mélange sus-indiqué. J'ai ensuite essayé de mesurer la température naturelle du Pyrosome, mettant le thermomètre dans l’eau qui entourait l'animal, et puis, sur un autre individu pareil, je l'ai mis en contact avec la superficie externe et interne du manteau, et j'ai même introduit la boule dans l’épaisseur de sa paroi. De cette manière-là, je vérifiai que la température des ani- maux marins inférieurs, qui, dans leur organisation, con- tiennent une grande quantité d'eau, n’est nullement supérieure à celle de l’eau dans laquelle ils se trouvent. Après ces essais préliminaires, j'ai mis le Pyrosome dans l’eau douce, ayant eu soin de mesurer d’abord comparativement la température de l’eau et celle d’un vase égal dans lequel j'avais mêlé à l'eau douce la quantité d’eau salée qui corespondait au poids d’un Pyrosome. Petit à petit la colonie s’illumina, et, lorsqu'elle fut complétement resplendissante, je mesurai la tem- pérature de l’eau et successivement celle du vase égal, cellede O1 PANCERE. la superficie externe et interne du manteau, comme aussi celle de la paroi, en y enfonçant la boule du thermomètre. Dans tous ces essais, on n’obtint aucune augmentation de tem- pérature, et je dois même ajouter qu'en répétant l'épreuve, j'observai que pendant l’incandescence du Pyrosome à la suite de l'immersion dans l’eau douce, ou lorsque ce phénomène commezçait à se manifester, le thermomètre marquait une légère diminution de température, lorsqu'on mettait la boule en contact avec la superficie de l'animal, ou dans la partie interne du tuyau. Il est certain que cet abaissement de température .provenait du mélange de l’eau de mer, qui entre en si grande quantité dans la constitution de l'animal, avec l’eau douce dans laquelle on l'avait plongé. Pour faire en sorte qu'il ne restât aueun doute, je mesurai de nouveau la température des eaux qui avaient servi aux expé— riences et aux comparaisons, et je ne trouvai aucune variation du degré constaté avant l'épreuve. Les recherches les plus scrupuleuses faites avec le thermomètre à mercure sur les Pholades, sur les Pennatules, sur les Sipho- nophores et sur les Méduses, m'ont convaincu que les thermo- mètres à liquide ne sont pas des instruments propres à ces expériences, et qu'il serait utile de faire usage de la pile thermo- électrique et du galvanomètre. Et c’est d’après ces observations que M. le professeur G. Gior- dano eut la bonté de mettre à ma disposition les meilleursinstru- ments que possède le cabinet de physique de notre université, comme aussi ceux qui servirent à Melloni dans ses recherches classiques. Je ferai pourtant observer qu'en général, avec ces instru- ments, il faut beaucoup de temps pour arriver à une grande exactitude de données, et que nous n’avons guère d'animaux qui résistent à l'épreuve que nous leur faisons subir en les tirant de leur élément pour les mettre dans de petits vases. Chez ces animaux, la phosphorescence est précaire, comme chez les Méduses, les Siphonophores, les Crustacés, chez qui le pouvoir lumineux est rapidement transitoire, et comme chezles Ophiures, ARTICLE N° & PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 55 les Polynoës, les Pennatules et les Béroïdiens. Il est donc nécessaire de se procurer desanimaux : 1° qu'il soit facile de réumr en grand nombre pour que l’on puisse répéter les expériences toutes les fois qu’un nouveau doute vient à surgir ; 2° qui puissent vivre longue- ment dans les laboratoires pour se prêter aux recherches au moment favorable choisi au gré de celui qui doit faire les expé- riences ; 8° qui aient des organes d’un certain développement faciles à être isolés, et qui puissent fournir une certaine quantité de matière lumineuse. {° 1 importe aussi que ces organes soient de nature à résister pendant un certain temps et se maintiennent vivants et lumineux même lorsqu'ils sont détachés de Fanimal. Ces conditions, et je dirai plutôt ces prérogatives, on les trouve dans les Pholades, qui peuvent vivre pendant l’espace de vingt jours, réunies dans un aquarium de petite dimension, pourvu que l’on ait soin d'en renouveler l’eau tous les jours ; et de même que la Grenouille est si bien appropriée aux expériences d'électricité, les Pholades peuvent se prêter à leur tour avec la même facilité à celles qui concernent la lumière. Lorsqu'on veut soumettre les animaux phosphorescents à des expériences de physique, il est nécessaire de prendre en considération que la lumière doit être continue pour que les observations puissent donner des résultats utiles. Repassant dans mes souvenirs les expériences faites par les écrivains sur la ma- tière, et même celles faites par moi, j'ajouterai qu’il est indis- pensable dese convainere quela lumière desanimaux marins peut être provoquée et rendue fixe : 1° par le choe, la pression et le frottement; 2° par la chaleur ; 3° par les courants électriques; h° par l’action de l'eau douce, ou des réactifs, comme les alcalis, les sels, l’éther, l'alcool. Ces derniers, lorsqu'ils agissent, non pas sur la matière isolée, mais sur les organes, avant que la lumière s'éteigne définitivement, ont le pouvoir d'en prolonger la durée encore pour quelque temps. Lorsqu'on veut faire des expériences avec les piles thermo-électriques et le galvanomètre, il est évident qu’il faut user avec précaution du choc et du frottement, pour ne pas se tromper sur la provenance de la chaleur qui se déve- lopperait par l'effet de l’attrition. Il est clair qu'après avoir écarté 56 PANCEEE. la chaleur et l'électricité, il est aussi prudent d'abandonner les réactifs qui, mêlés à l'eau ou dissous, peuvent développer de la chaleur ou au contraire faire abaisser la température de l'eau. Il faut toujours considérer l’eau douce comme le meilleur moyen à employer; d'autant plus que les animaux qu’on sou - mel aux expériences doivent être entièrement submergés pour pouvoir les examiner, afin d'éviter le refroidissement que l’éva- poration produit très-rapidement, quand on les retire de l’eau. Après avoir passé en revue toutes ces considérations, et avant de m'occuper de la manière d'employer l'eau douce, j'ai voulu essayer si les organes des Pholades que l’on ferait briller parun léger frottement qui cesserait tout de suite après, pouvaient dé- terminer une élévation de température appréciable à l’aide des aiguilles thermo-électriques de cuivre et de fer. Mais l’eau de mer soumise à l’action d’une pile est si prompte à subir des mo- difications chimiques, à cause des sels qu’elle contient, qu'au bout de quelques minutes on voyait l'aiguille du galvanomètre osciller, et l'on ne parvenait pas à la remettre en repos. On pensa alors à fixer l'aiguille un peu au-dessus de la surface de l’eau du petit bassin et à entourer son extrémité avee un fil de platine à spirales contiguës, qui puisse tremper dans l’eau et se termine par un tortillon ayant la forme d'un petit disque horizontal. On fit arriver sous ce petit disque un organe triangulaire de Pholade, détaché de l'animal avec un morceau du manteau et fixé sur une petite plaque de liége. Le liége, qui, à raison de sa légèreté, surnage toujours, maintenait parfaitement le contact entre l’or- gane luisant et le petit disque de platine; mais par ce procédé on n’obtint aucun résultat, pas même après qu'on eut soudé le fil de platine à une petite plaque du même métal, qui touchait une des faces de la pile thermo-électrique de l'appareil de Melloni. Ayant abandonné l’idée de faire usage des couples de cuivre et de fer, et du platine comme conducteur, je me servis d’un cou- ple de bismuth et antimoine que l’eau de mer n’altère pas si facilement. M'étant assuré de la chose, je m'occupa de déter- miner la température naturelle des Pholades, où au moins celle ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS, 57 de leur superficie. L'appareil était si sensible, que la chaleur da doigt appliquée pendant quelques secondes sur la soudure du couple faisait dévier de A0 degrés l'aiguille du galvanomètre. Malgré cette grande sensibilité, je n’observai aucune augmenta- tion de température, n1 sur les branches, ni sur la superficie du pied, ni sur le manteau. La non-existence d’une température plus élevée que celle de l’eau, même de très-peu de chose, a été notée par d’autres observateurs, ainsi que par moi, dans ces conditions, chez d’autres animaux voisins des Pholades. Les Pholades ne jouissant pas d’une température propre appréciable à leur superficie, 1! devenait plus facile de constater si les cordons des siphons et les organes trianqulaires se ré- chauffent ou non pendant qu'ils brillent. Ayant fixé dans l’eau le couple hismuth et antimoine, j'employai derechef les organes triangulaires avec un lambeau du manteau disposés sur une plaque de liége qui les tenait fixés sur la soudure du couple qui trempait dans l’eau ; mais pendant que les organes brillaient au point de me permettre de lire l'heure à la montre, le galva- nomètre ne marqua rien. Ces faits me donnèrent la conviction qu'avec une seule Pho- lade et un seul couple thermo-électrique, on ne pourrait obtenir aucun résultat en se servant de l’eau de mer, et qu'il était indis- pensable de réunir beaucoup d'éléments, et un grand nombre de Pholades dans les organes desquelles la matière lumineuse serait, par le moyen de l’eau douce, forcée de briller plus longtemps et sans Intermittence. J’employai done une pile thermo-électrique de 196 éléments, qui, placée dans une coupe métallique, servit à mesurer la température des liquides. Quelques heures à l'avance, on avait rempli le vase d’eau douce, et lorsqu'on la trouva arrivée à une température invariable, on commença les épreuves. L'appa- reil était sensible au point qu'il suffisait d’une Irès-faible agita- tion de l’eau, ou du léger frottement d’un petit corps sur les éléments de la pile, pour produire avec une chaleur très-petite une grande déviation de l'aiguille. Je me suis proposé de mettre dans cette eau la substance 58 PANCERE. lumineuse des organes de quatre Pholades, quantité suffisante pour illuminer toute la coupe, et pour cela j'écrasai ces orga- nes dans une éprouvette fichée dans un cylindre de liége pour que la main ne püût la réchauffer ; je mis dans cette éprouvette un peu d’eau de la coupe aspirée avec promptitude par le moyen d’un tuyau, et lorsque l'eau fut rendue complétement lumi- neuse par le moyen de lintroduction de la matière phosphores- cente, j'observai l'aiguille du galvanomètre. Avant pourtant de me livrer à tous ces essais, il était néces- saire de connaître quelle pouvait être la déviation produite par la chaleur qui résulte de l’agitation de l’eau, et m'étant servi, pour m'en assurer, de fragments de Pholades pris dans d’autres parties du corps de l'animal, je fis mon essai afin de constater quelle durée pouvait avoir cette déviation. Ayant répété plu- sieurs fois cette épreuve préliminaire, je constatai qu’en agissant toujours de même, la déviation ne dépassait jamais 40 degrés du galvanomètre, et cette déviation cessait dès que l’eau rede- venait tranquille ; de sorte qu'après quelques minutes l'aiguille était à zéro. En employant la matière des organes phosphorescents de quatre Pholades, j'obtenais dans l’eau douce une lumière qui durait longtemps, c’est-à-dire au delà d’une demi-heure, et qui me suffisait pour lire à mon aise Quelques minutes après l'in- troduction de cette matière dans la coupe, et tout étant rentré dans le calme, une élévation de température déterminée par le contenu luisant de cette coupe serait done appréciable sur le cadran du galvanomètre. Or, ayant agi avec la plus scrupuleuse exactitude, et selon les enseignements de la science, j'eus d’abord, avec les organes des quatre Pholades, la même déviation; mais lorsque l’eau redevint tranquille, ce qui arriva après trois ou quatre minutes environ, la lumière étant toujours très-vive dans la coupe, et continuant encore de même longtemps après, l’aiguille retourna à zéro et y resta. Je continuai pourtant mes observations, et j’employai de la même manière cinquante Pholades. J’eus la patience d’amputer ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 99 à tous ces animauxles organes triangulaires ainsi que les cordons, et de cette facon je réunis à peu près un centimètre cube de matière luisante que j'écrasai dans l’éprouvette de la facon que j'ai déjà exposée. Jintroduisis ensuite cette matière dans la coupe en la versant partiellement sur différents points, et j'agi- tai faiblement l’eau. Après un certain temps, l’eau redevint tranquille, e{ le contenu de la coupe étant très-brillant, l'aiguille du galvanomètre redescendit tout doucement à zéro et s’y tint, quoique la lumière durät encore longtemps. Il est utile de noter que le galvarnomètre était très-sensible ; c'était celui-là même avec lequel Melloni avait déterminé la température des rayons de la lune. J'aurais pu continuer les épreuves avec un plus grand nom- bre de Pholades ; mais étant persuadé que même par ce moyen, la lumière n'aurait pas été plus intense que celle obtenue avec la matière lumineuse de cinquante individus, j'ai cessé de faire ces expériences, étant convaincu que les organes phos- phorescents des Pholades, et probablement ceux aussi des autres animaux phosphorescents présentent une incandescence spéciale sans chaleur appréciable. Je m'arrête donc à l’idée émise par moi autrefois, que chez les animaux phosphorescents l'oxydation, ou les phénomènes chimiques qui se manifestent dans les organes lumineux, sont accompagnés du développe- ment de la lumière en substitution de la chaleur. S 9. DES ORGANES LUMINEUX ET DE LA LUMIÈRE DES BÉROÏDIENS (1). Dans le mémoire que je présente aujourd’hui, j'ai cru inutile de faire l'historique des observations recueillies jusqu'ici sur la phosphorescence des Béroïdiens, car tous les auteurs qui ont parlé (1) Extrait d’un mémoire présenté à l'Académie des sciences de Naples le 40 août 1872. 60 PANCEIA. de la lumière émanée par ces Acalèphes se bornèrent à dire qu’elle s'échappe des côtes ambulacraires, Aucun n’a poussé plus lein ses recherches. Le phénomène de phosphorescence des Béroïdiens, que je vais étudier dans tous ses détails, a été observé chez le PBeroe albens Forsk., le Beroe rufescens Forsk., diverses espèces de Cydippe, la Bolina hibernica Patters., 'Alcynoe papillosa D. Ch., l'E£sch- scholtzia cordata Kôll., le Cestum Veneris Lesueur. Les observations de Allman nous ont fait connaître que, dans les Béroés, la lumière commence à se manifester chez l'embryon, lorsque celui-ci est encore contenu dans l'œuf. Il est aussi à noter que jamais la lumière provenant d'organes profonds ne se communique aux corps externes, comme cela s’observe chez les Méduses, les Siphonophores et les Pholades. Les Béroés abandonnés à eux-mêmes ne brillent guère; si au contraire ils sont excités artificiellement, ils émettent de leurs côtes des éclairs très-vifs qui se répètent chaque fois que l’exci- tation est renouvelée. Siun Béroé est retiré de l’eau et placé sur un support plat, et qu'on louche alors une de ses côtes au moyen d’un corps quelconque, l’animal s’illumine, et la lumière affecte l'apparence de courants qui partent du point stimulé et envahis- sent rapidement le reste de la côte. Ainsi, lorsqu'on excite une côte près du pôle anal du Béroé, la lumière court vers le pôle buccal, et le contraire a lieu si l'on stimule l'animal près du pôle buccal. Si l'on excite l'animal vers la moitié de la côte, on obtien- dra deux courants lunineux divergents qui gagnent ordinaire- ment les deux points extrêmes de cette côle; mais qui, parfois aussi, s'arrêtent à moitié chemin. Ces courants rappellent ceux dont il a été question chez les Pennatules, les Pyrosomes, et que l’on remarque aussi chez certaines Ophiures (Amphiura squa- mata Auct.) On constate facilement tous ces phénomènes chez les Béroës, lorsqu'on expérimente avec beaucoup de précaution; mais si le choc imprimé à l'une des côtes se transmet à la masse gélati- neuse de l'animal et si celui-ci commence à trembler, toutes les côtes s’illuminent presque en même temps, mais la lumière appa- ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 6 rait d’abord dans chaque côte, à l'endroit où l'excitation arrive en premier lieu. Ainsi, on voit que le contre-coup occasionne de la sorte et détermine des courants dans toutes les directions dans le système des côtes, et souvent aussi des courants en sens inverse dans les côtes adjacentes. Pour obtenir une illumination complète et simultanée dans les huit côtes, il suffit de prendre un Béroé dans le creux de la main et de le faire passer ensuite brusquement dans l’autre main. Par ce procédé, non-seulement toutes les côtes s'illuminent très- rapidement, mais l'animal devient si brillant, que l’on pourrait reconnaitre dans l'obscurité une personne dont la figure en serait éclairée ou bien lire un imprimé quelconque. Si l’on continue cette expérience, on voit qu'après un laps de temps très-court, le pou- voir photogène s épuise, et lorsque le Béroé aura donné quarante à cinquante éclairs consécutifs, phénomènes qui s’accomplissent en une minute environ, la lumière cesse complétement. L'espèce d'épuisement qui a été observé chez les autres animaux lumi- neux, tels que les Phyllirhoés, se manifeste done chez le Béroé, mais un quart d'heure environ suffit à cet Acalèphe pour re- prendre son état normal. Si un Béroé plongé dans l’eau de mer se contracte, ou si on le broie avec la main, on voit immé- diatement l’eau du bocal où l'animal se trouve s'illuminer de mille points brillants qui peu après perdent leur éclat, mais qui le retrouvent dès que l’eau du récipient est agitée de nouveau. Si l’on blesse profondément une des côtes el si lon met ensuite le Béroé dans l’eau, on voit s'échapper de la blessure une quantité d’étincelles qui se répandent dans le liquide d’alen- tour. Si, dans l’obscurité, on lance une Cydippe, un Béroé, un Alcynoé ou un fragment de Ceste, à terre ou contre le mur, on aperçoit, au moment du choc, un éclair de lumiere qui s'échappe des fragments du corps et se répand en rayons étin- celants. Le pouvoir lumineux des Béroés ne dure que peu de temps après la mort de l’animal, et les côtes séchées, soit à part, soit avec les restes du corps, ne redeviennent pas phosphorescentes dans l’eau douce par le frottement ou par l’action de l’ammoniaque, comme 62 PANCEHMRS. cela a été constaté pour la matière lumineuse des Pholades, des Pyrosomes et des Phyllirhoés. Après avoir étudié les caractères généraux de la phospho- rescence des Béroïdiens , et avoir constaté qu’ils sont les mêmes dans les différents genres de ce groupe zoologique, j'ai cherché à démontrer le véritable siége du phénomène. Pour bien résoudre cette question, 1l faut d'abord déterminer si la lumière provient exclusivement des côtes et n’est pas déve- loppée par le parenchyme commun du corps de l'animal. En effet, d'apres l'observation que je viens de citer relativement au jullissement d’étincelles nombreuses, lorsqu'on broie un Bé- roïdien, on pourrait être porté à croire que le parenchyme serait susceptible de fournir sa part de lumière. L’ablation des côtes sur un Béroé ou sur un Cestum permet de constater expérimentale- ment qu'avec le parenchyme seul on n'obtient aucune lumiere. J'ai désiré ensuite connaître quelles sont les parties des côtes ou quels sont les organcs en connexion avec elles, qui pos- sèdent le pouvoir de s’illuminer, et à la suite de recherches des plus minulieuses, j'ai pu m'assurer que la lumière est produite par une matière particulière qui environne le gros tronc gastro- vasculaire des côtes. Cette matière est renfermée dans des vési- cules microscopiques de différentes grandeurs ; elle est jaunâtre; elle est en partie soluble dans léther et dans l'alcool, et elle est susceptible de se coaguler partiellement ; elle ressemble à la ma- tière phosphorescente qui se trouve, dans les cellules de Müller, chez les Phyllirhoëés, ainsi que dans les organes lumineux des Pyrosomes et des Pennatules. Les utricules qui la contiennent sont les mêmes chez tous les Béroïdiens et n’ont jamais le carac- ière de vraies cellules, car elles sont toujours dépourvues de nucleus. On ne peut guère douter que ce ne soit cette matière qui s’illumine, car si l'on place un Béroé vivant entre deux verres et si on l'observe ainsi au microscope, on le voit s’illuminer toutes les fois qu’on le soumet à une pression méthodique. En règle générale, la matière phosphorescente se trouve répan- due comme une gaine autour des troncs vasculaires des huit côtes dans le Beroe albens, dans les Alcinoés, dans les Cy- ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 09 dippes (4). Cependant, chez le Beroe rufescens et les Cestes, il n'en est pas ainsi. Le Beroe rufescens Forsk. diffère du Beroe albens Forsk. en ce que les canaux secondaires qui partent des huit canaux principaux des côtes ne se terminent pas en eul-de- sac comme chez cette dernière espèce ; après quelques ramifica- tions, ils se répandent dans le parenchyme et s'anastomosent entre eux de façon à constituer avec ceux des côtes voisines des réseaux qui envahissent tout le corps de l'animal. Ce réseau est très-beau à voir, il est très-connu de ceux qui ont étudié ces Béroés. Si l’on place les deux espèces l’une en regard de l’autre daus l'obscurité, on voit que chez le Beroe albens la lumière n'apparaît que le long des huit côtes, tandis que chez le Beroe rufescens elle se répand, sous l'influence des stimulants, dans le réseau vasculaire dont je viens de parler. Ce phénomène, ina- percu jusqu'à présent, est vraiment surprenant, et l’on pourrait comparer ses effets à ceux qu’on obtient lorsque le mercure d’une injection envahit rapidement le réseau lymphatique super- ficiel d’un organe, avec cette différence seulement qu'ici c'est | lumière propre de ces organes, au lieu d’être la splendeur du métal. Partout où l’on touche l’animal, on voit apparaitre le réseau lumineux, et si on le secoue, on voit qu'il s'illumine et brille en totalité. L'analyse microscopique démontre que dans cette espèce la matière photogène, après avoir revêtu le canal costal, entoure aussi les canaux secondaires du réseau vasculaire. Dans le Cestum il y a aussi à noter quelque chose de spécial, car non-seulement les canaux des deux côtes supérieures sont phosphorescents, mais aussi le canal marginal inférieur, qui dans les autres Béroïdiens n’est jamais entouré de matière photogène, ainsi que les canaux que M. Milne Edwards appelle les canaux costaux des petits ambulacres, pour les assimiler à ceux des Béroés el des Alcinoés ; et puisque dans ce genre de Béroïdiens (1) Je dois rappeler ici que M. le professeur Milne Edwards, dans ses Leçons sur l'anatomie et la physiologie des animaux (t. VII), avait déjà exprimé Je soupçon que la lumière des Béroïdiens vient des canaux, paroe que le mouvement nutritif doit être plus vif près de cés organes. GA PANCERS. ces canaux ne correspondent pas à des séries de cils vibratiles, ce canal qui parcourt la ligne médiane da ruban constitué par le corps de lanimal et correspond dans ses deux faces à une crète spéciale. Ces faits, que j'ai constatés chez le Ceste et chez le Beroe rufescens, démontrent que la matière lumineuse peut se trouver aussi autour des canaux auxquels ne correspond pas un système de lames vibrantes. Cette matière contenue dans de petites vésicules est celle qui se répand et brille comme le feraient des étincelles lorsque les Béroés se brisent ou qu'on les écrase, et c’est elle aussi qui sort sous forme de petits points luisants par les blessures des côtes dans les expériences mentionnées plus haut. L'eau douce agit sur les Béroés de la même manière que sur les autres animaux phosphorescents marins, c’est-à-dire en rendant la lumière fixe: ainsi, lorsqu'on écrase un Béroé dans ce liquide, la lumière persiste pendant une heure, et si l’on répaud la matière photogène sur une pelite bande de papier, on peut, après que la lunnère s'est éteinte, la raviver en trempant la bande de papier dans l'eau douce, même dans l’eau bouillie ou distillée. Les acides énergiques éteignent très-vite toute lumière; l'al- cool, l’éther, la solution de potasse et d’ammoniaque agissent au premier moment comme shmulants, et un Béroë qui est plongé dans un de ces liquides s'illumine, mais bientôt il s'y éteint dès que le réactif arrive en contact avec la substance photogène. Quand un Béroé est placé tout entier entre les électrodes d’une pile, même d’une force considérable, aucun phénomène lumineux n’est provoqué, parce que le tissu muqueux fonda- mental de l'animal n’est pas bon conducteur de l'électricité; mais si l’on soumet à l’action du courant électrique un frag- ment de côte avec le canal vasculaire correspondant entouré de sa matière photogène, il s'illumine constamment chaque fois qu'on ferme le circuit. La chaleur n’a pas grande influence sur la lumière des Béroës. ARTICLE N° 8e PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 65 Si l'on chauffe un de ces animaux dans l'eau de mer, on obtient des éclairs par intervalles ; mais toute lumière est éteinte entre 40 degrés et 50 centigr. En abaissant la tempé- rature jusqu'à un degré et même jusqu’à zéro, soit dans l’eau douce, soit dans l’eau de mer, on obtient les mêmes effets qu’à la température ordinaire. L'influence de la lumière sur la phosphorescence des Béroés et des autres Béroïdiens est un fait très-important. M. Allman fut le premier à le constater, mais il ne fit aucune recherche spéciale sur ce phénomène. La lumière directe du soleil, la lumière diffuse, la lumière des lampes à l'huile ou au pétrole, et celle du gaz ordinaire, privent promptement les Béroës du pouvoir éclairant; et si l'observateur place dans la chambre obscure des exemplaires qui ont subi l'influence de la lumière, il pourra constater que la phosphorescence n’est excitable d'aucune manière. En laissant ces animaux tranquilles dans l'obscurité, on voit paraitre, après quelque temps, des éclairs; de sorte qu’en les stimulant après un quart d'heure ou une demi-heure, on les voit de nouveau revenir à l'état normal. La lumière lunaire a aussi son influence, et quelques indi- vidus du Beroe albens laissés longtemps aux rayons de la pleine lune ne se montrèrent que faiblement lumineux ; pourtant dans lobscurité, la phosphorescence redevint vive et resplen- dissante. Ilest bien entendu que dans ces expériences, les conditions étaient toujours identiques, et que jamais l'œil de l’observateur ne subissait l'influence d'une lumière extérieure. J'ai fait des essais pour convaître si la phosphorescence, après avoir été éteinte par la lumière, reviendrait sous l'influence de la chaleur ou de l'électricité, mais inutilement; jamais je n'ai vu les Béroés briller, si ce n’est après un certain temps de repos. Ce fait de l’influence que la lumière exerce d’une manière si évidente sur la matière lumineuse des Béroés en la modifiant, SC. NAT., SEPTEMBRE 1872, XVI, 24. — ART, N° de 66 PANCERE. de sorte qu'ils ne s'illuminent plus, à moins d’être placés dans l'obscurité, est bien remarquable, par cela même que les cas bien avérés d'influence exercée par les rayons lumineux sur les fonctions des animaux sont très-peu nombreux. Les auteurs qui ont écrit sur la couleur de la lumiere des Béroés ont toujours parlé de lumière vert-émeraude ou d’une lumière très-vive et azurée. Le professeur Giglioli seulement observa dans l'océan Indien et dans l'océan Atlantique austral une lumière jaune rouge chez quelques Cestes d’une espèce indéterminée. Les Béroïdiens de la Méditerranée resplendissent tous d’une lumière d'azur vivace, et on les voit de même toutes les fois que l'œil n’est pas sous l'influence d’une autre lumière ; mais, dans le cas contraire, ainsi qu’on l’a dit pour les Pyro- somes, pour les Pholades et pour les autres animaux marins phosphorescents, la lumière semble verte. La Jumière de la Bolina hibernica diffère un peu de celle des autres Béroïdiens que j'ai observés, car elle tire sur le jaune. Le point lumineux que Will observa à proximité du pôle de l’anus, chez les Béroës, présentait, d’après cet auteur, une lumière jaune rouge, mais je n’ai jamais pu l’apercevoir, bien que j'aie examiné les Béroés par centaines et avec le plus grand som; je suppose donc que quelque petit animal phosphorescent placé extérieurement en avait imposé à cet auteur. L'analyse spectrale fut faite par le professeur P. Palmieri pour l'Alcynoe papillosa, et par le P. Secchi pour le Beroe albens : Vuu et l’autre de ces Acalèphes furent écrasés dans de l’eau de mer mêlée d’eau douce, et le courant électrique fut employé pour avoir autant de lunuère que possible. Dans les deux cas on ne vit qu’une seule bande semblable à celle des lumières monochromatiques. Je reviendrai sur ce sujet dans une auire occasion, lorsque j'aurai mis en pratique une nouvelle méthode qui ma été conseillée par le P. Secchi pour l'analyse des lumières faibles, méthode dont l’illustre savant s’est déjà servi pour l'observation (4) Voyez Compies rendus, 5 août 1872, p. 321. ARTICLE N° 8. PHOSPHORESCENCE DES ANIMAUX MARINS. 67 des Vers luisants, ainsi que pour l'analyse de la lumière des aurores boréales, de la lumière zodiacale et de certaines nébu- leuses. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 14. Fig. 4. Section transversale d’un polype de la Pennatula phosphorea, pour montrer la position des organes lumineux @ adossés à l’estomac b, et situés entre les cloisons mésentériques qui s'étendent jusqu’à la paroi extérieure du corps e. Fig. 2. Portion d'une colonie ae Pyrosomes.— a, l'un des individus (ou ascidies), de moyenne grandeur; à, un second individu ; €, base commune; d, d, organes photo- gènes. Fig. 3. Portion antérieure d’un de ces individus grossie davantage pour en montrer les principales parties. — 4, la bouche; d, système nerveux; c, c, les deux organes phosphorescents; d, d, les branchies. Fig. 4. Cellules des glandes photogènes. — Grossissement, 350. Fig. 5. Les mêmes, après avoir été traitées par l’éther. Fig, 6. Pholade ouverte pour montrer la bande photogène qui borde le manteau en avant (a) ; les organes triangulaires () ; les cordons photogènes logés dans le siphon (c); d, pied ; e, branchies; /, extrémité du siphon. Fig. 7. Phyllirhoe bucephala (Péron). — L'individu qui, après avoir été stimulé par l’action de l’ammoniaque et avoir été représenté à la page 3{ tel qu’on le voyait dans l’obscurité, a été dessiné à la lumière du jour. Les cellules de Müller se montrent entre les muscles longitudinaux sous la forme de ponctuations et de sphérules. On voit aussi par transparence le ganglion œsophagien avec les otocystes (a); le ganglion tentaculaire (b); c, l'estomac; les lobes du foie (d); le cœur (e); l’organe de Bojanus (f), et les glandes génitales (g). Pour ne pas nuire à la clarté de la figure, on a omis de représenter les chromatophores. Fig. 8. Nerfs externes cutanés du même (grossissement, 300). — m, m, muscles sous-cutanés longitudinaux ; #, nerf dont les branches se rendent aux cellules gan- lionnaires et aux cellules de Müller (c); chromatocyste (a). NOUVELLES OBSERVATIONS SUR LES LUMIÈRES PHOSPHORESCENTES ANIMALES, PAR LE P. SECCHI. (Extrait d’une lettre en date du 24 juillet, adressée à l'Académie des sciences, séance du 5 août 1872.) Les lumières phosphorescentes animales, vues au spectroscope, avaient été jugées monochromatiques ; je l’avais moi-même affirmé à M. Panceri, de Naples. Mais dernièrement, en analysant la lumière de quelques Vers luisants, et la trouvant sensiblement monochromatique avec le spectro- scope, je me débarrassai de plusieurs pièces qui affaiblissaient la lumière, et je constatai, avec un instrument analogue à celui de M. Smyth, que le spectre est composé, qu'on y distingue nettement le rouge et le violet, et qu’enfin c'est un spectre sensiblement continu. Je donnai avis à M. Panceri de ce résultat. Ce savant prit alors la peine de m'envoyer des organes brillants de Pyrosomces desséchés, lesquels, placés dans l’eau, deviennent lumineux. Je pus conslater que la lumière de ces animaux marins est également composée ; le spectre en est sensiblement continu, et, quoique moins riche en rouge que celui des Vers luisants terrestres, il est cependant formé des couleurs ordinaires. ARTICLE N° 9, PUBLICATIONS NOUVELLES. RECUEILS PÉRIODIQUES FRANÇAIS. 8 1. Pendant fort longtemps les Annales des sciences naturelles, fondées il y a bientôt un demi-siècle, étaient, avec les Mémoires du Muséum d'histoire naturelle, les seuls recueils périodiques consacrés spécialement aux tra- vaux de recherches relatifs à la zoologie, à la botanique et à la géologie accomplis en France. Aujourd’hui il n’en est plus de même, et nous voyons avec salisfaction que depuis peu les publications de ce genre ont beaucoup augmenté en nombre et en importance. Ce progrès est un indice d'activité scientifique que nous nous plaisons à enregistrer ici, et, afin de tenir nos lecteurs au courant de ce qui se fait chez nous au profit des sciences zoologiques, nous rendrons brièvement compte du contenu de chacun de ces recueils, & 2. ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES, publiées sous la direction de MM. Héeert et Alphonse Mizne Eowarps. 4 vol. par an. Lors de la fondation des Annales des sciences naturelles, la géologie avait sa place dans ce recueil; mais en 1834, lorsque la Société géolo- gique de France eut entrepris la publication d’un Bulletin spécial et d'une série de Mémoires, on jugea inutile de réserver une partie des Annales pour la géologie pure, et l’on affecta la totalité de cette publica- tion périodique, d’une part à la botanique, d'autre part à la zoologie, dénomination sous laquelle on comprenait l’anatomie, la physiologie et la paléontologie, aussi bien que la zoologie méthodique. Mais dans ces dernières années l'abondance des travaux ayant rendu ces publications insuffisantes, les éditeurs des Annales des sciences naturelles se sont déter- minés à reprendre sous une forme nouvelle le plan primitif de leur recueil, et de donner comme annexe une troisième partie consacrée spé- cialement à la géologie et à la paléontologie. Le premier volume de ce nouveau recueil parut en 1869-1870. Dans le deuxième volume de ces Annales géologiques (1871-1872), on trouve, indépendamment des tra- ARTICLE N° 40. 2 PUBLICATIONS NOUVELLES, vaux purement géologiques, dont nous n’avons pas à nous occuper ici, les articles suivants : 4. Observations sur la faune ornithologique du Bourbonnais, par M. Alph. Milne Edwards. 2, Recherches sur les Insectes fossiles des terrains tertiaires de la France, par M. Oustalet. Première partie : /nsectes fossiles de l’Auvergne, avec6 planches.— Dans le premier chapitre de ce mémoire, l’auteur donne un aperçu historique sur les travaux relatifs aux Insectes fossiles. Le deuxième chapitre est con- sacré à la description géologique des principaux gisements d’Insectes fos- siles en Auvergne. Dans le chapitre I, l’auteur donne une description de ces Insectes fossiles, considérés dans leurs rapports zoologiques et géolo- giques; il fait connaître 10 Coléoptères, 1 Orthoptère, 5 Névroptères, 2 Hyménoptères, 30 Diptères et 1 Lépidoptère. Enfin, dans un quatrième chapitre, M. Oustalet expose les résultats généraux fournis par l'étude de ces fossiles et traite du climat de la contrée où ils vivaient. 3. Etudes sur la station préhistorique de Solutré, par MM. Ducrost et Lortet, avec 9 planches. h. Nouvelles recherches sur les restes des Mammiferes trouvés dans les cavernes de l’Altaï, ou Contributions à l’histoire de la faune quaternaire de l'empire de Russie, par M. Brandt, analysé par M. Oustalet. 5. Observations sur les animaux qui habitaient la Sibérie à l'époque du remplissage des cavernes de l’Inga et du Tschartsch, par M. Alph. Milne Edwards. 6. Recherches sur les Poissons fossiles des terrains tertiaires crétacés de la Sarthe, par M. Sauvage, avec 2 planches. Principalement des Squales. Le premier cahier du tome III vient de paraître, et contient dans la partie paléontologique un travail de M. Léon Vaillant sur les Croco- diles fossiles tertiaires de Saint-Gérand le Puy, avec 2 planches. $ 3. ARCHIVES DE ZOOLOGIE EXPÉRIMENTALE ET GÉNÉRALE, publiées sous la direction de M. Lacaze-DuTHiers, n° 1 et 2, 1872. Ce nouveau recueil, dont la publication avait été annoncée en 1870, mais a été retardée par la guerre, paraît devoir offrir beaucoup d'intérêt. On y trouve : 1. Un article très-étendu de M. Lacaze sur la Direction des études zoologiques. 9. Un mémoire intitulé Æistoire naturelle du Dero obtusa, par M. Per- rier. ARTICLE N° 10. PUBLICATIONS NOUVELLES. 3 3. Un travail considérable sur les Ofocystes ou capsules auditives des Mollusques, par M. Lacaze, avec 6 planches. — L'auteur résume de la manière suivante ses recherches. Il est démontré, par les détails qui pré- cèdent, que la position de l'organe de l'audition, ou otocyste, peut varier, als que ses connexions avec le système nerveux central restent toujours constamment les mêmes. Dans les Gastéropodes, les Hétéropodes et les Céphalopodes, le nerf acoustique remonte toujours aux ganglions sus- œsophagiens ou cérébroïdes, sur lesquels il naît près du nerf optique. h. Des Recherches sur l’anémie des embryons, par M. C. Dareste. 5. Des L'tudes générales sur le système nerveux, par M. Baudelot, — Dans ce travail l’auteur traite du système nerveux des Échinodermes. Il discute la valeur des observations faites à ce sujet par ses prédécesseurs, et il expose les résultats des recherches qui lui sont propres. 6. Un travail sur le Développement du système trachéen de l’Anophèle (Corethra plumicornis), par M. G. Pouchet. L'auteur résume ainsi ses observations. Il existe chez l’Anophèle des éléments anatomiques très-analogues aux chromotoblastes des Vertébrés. L'appareil trachéen de la nymphe se développe par épigenèse sur celui de la larve, qui disparaît à la métamorphose. — Les membranes spirales des quatre sacs aériens de la larve sont expulsées lors de la mue définitive. — Latrachéelongitudinale de la nymphe est formée dela réunion de trois tronçons séparés à l’origine par des sacs aériens et qui se soudent après la chute de ceux-ci.—Une partie de l’air des sacs aériens remplit l'appareil trachéen de la larve; une autre partie, chassée au milieu des tissus, sou- lève la gibbosité abdominale de la nymphe. 1. Une F'iude analytique des travaux d'embryogénie relatifs à la parenté des Vertébrés et des Tuniciers, par M. Giard. 8. Un travail sur le Développement des Coralliaires, par M. Lacaze- Duthiers. Premier mémoire : Acéiniaires sans polypier, avec planche. — L'auteur y a consigné beaucoup d'observations nouvelles et intéressantes sur l’ordre de développement des tentacules et des cloisons mésenté- roïdes. 9. Contributions à l’étude du développement des lobes cérébraux des Primates, par M. Hamy. 10. Le commencement d’un travail sur le Système nerveux des Mol- lusques gastéropodes aquatiques, par M. Lacaze-Duthiers.—Les recherches consignées dans ce mémoire, dit l’auteur, sont la conséquence et la conti- nuation de celles que j'ai publiées sur les otocystes des Gastéropodes. En voyant qu'un nerf de la sensibilité spéciale ne prenait pas son origine indifféremment sur tel ou tel point du système nerveux central, comme on le croyait, je me suis demandé s’il n’en serait pas de même des autres neris de la sensibilité qui naissent du centre œsophagien et se ren- dent aux tentacules, aux lèvres et aux téguments si éminemment sen- ! PUBLICATIONS NOUVELLES. sibles de la tête. C’est donc au point de vue surtout des parties homo- logues, et par conséquent de la morphologie et des origines des nerfs, aussi bien que des centres secondaires, mais distincts et constants dans les groupes des ganglions, que j'ai fait les recherches dont les résultats vont suivre. D'autres parties de ce recueil sont consacrées à des revues et extraits divers. $ 4. JOURNAL DE ZOOLOG1E, par M. Paul Gervais. In-8, 1872, cahiers 1, 2 et 3. Ce nouveau recueil contient les mérnoires originaux suivants : 4. Lettre de Berzelius relative au crâne de Descartes, avec 1 pl. 2. Mémoire sur les formes cérébrales propres à l'ordre des Lémures, accompagné de remarques sur la classification de ces animaux, par M. P. Gervais, avec 1 pl. 3. Note sur l'Acarus de l’Frinose de la Vigne, par M. Donnadieu. k. Note sur l'état hydropique des Axolotls, par H. Gervais, avec 1 planche. 5. Note sur le Phylloxera vastatrix ef la maladie actuelle des Vignes, par M. P. Gervais. 6. Coup d'œil sur les Mammifères fossiles de l'Italie, suivi de la descrip- tion d’une espèce nouvelle de Singes provenant des lignites de monte Bamboli, par M. P. Gervais. — Le Singe fossile dont l’auteur donne ici une description accompagnée de figures a reçu le nom d’'Oreopithecus Bumbolii, et paraît devoir constater un genre nouveau qui, à certains égards, serait un intermédiaire aux Gorilles et aux Macaques. 7. Note sur les Cachalots échoués sur les côtes océaniques de la France, par M. Fischer. 8. Note sur le Macropode de la Chine, par M. R. Boulart. 9. Note sur les collections des Mammiferes fossiles conservées au musée Saint-Pierre à Lyon, et sur les Mammifères dont les ossements accom- pagnent les dépôts de chaux phosphatée dans les départements de Tarn-et- Garonne et du Lot, par M. P. Gervais. 410. Note sur Les affinités naturelles des Poissons de la famille des Balistes, par M. Dareste. Les autres parties de ce recueil sont occupées par des analyses ou extraits de diverses publications françaises ou étrangères. ARTICLE N° 10, PUBLICATIONS NOUVELLES, 9 8 5. REVUE DES SCIENCES NATURELLES, publiée sous la direction de MM. DoBrecir et Heckez. Montpellier, 1872, 1 cahier. Dans la partie de ce recueil consacrée à des travaux originaux, on trouve à côté d’articles sur la botanique et la géologie : 1. Une £'tude sur les métamorphoses des Axolofis, par M. Joly (avec 2 planches), contenant des observations intéressantes sur la rotation de l'embryon dans l’intérieur de l'œuf, etc. 2. La Description d'une nouvelle espèce de Pasidie française, par M. Baudon. $ 6. Revue ET Maçasin DE Z00LOGIE, par M. GuÉriN-MÉNevILLE. 1 vol. par an, 1871-1879, n° 1 à 6. Ce recueil, dont la publication vient de passer entre les mains de M. Deyrolle, a pris cette année un nouveau développement. Dans la partie consacrée aux travaux inédits, on trouve les articles suivants : 1. Description de quelques Mollusques nouveaux, par M. Tousseraud. 2. Révision des Cléonides, par M. Chevrolat. 3. Etudes sur les Lépidopteres du genre Pavonia, par M. Deyrolle, avec planche. h. Causeries ornithologiques, par M. Vian : Remarques sur l’Aguila leucorypha, \ Emberiza cioides, V Anthus cervinus, le Parus lugubris, A lauda pispolleta, A. sibirica. — Obs. sur la penne bâtarde dans les Oiseaux. 5. Sur quelques Mollusques rares ou peu connus, par M. Mabille. 6. Etudes sur les Scorpions, par M. E. Simon. 7. Description de Coléoptères nouveaux du Maroc, par M. Fairmaire. 8. Description de Lépidoptères nouveaux de France, par M. Millière. 9. Description de Lépidopteres de Transcaucasie, par M. G. d'Emich. 10. Description d'un nouveau Papillon fossile (Satyrites Reynesii) érouvé à Aix en Provence, par M. Scudder, avec 1 planche. 11. Notes sur les poussins des Oiseaux d'Europe, par M. Marchand (suite). 12. Description d'espèces nouvelles de Carabiques, par M. de Chaudoir. 13. De l'influence de la lumière sur les larves de Diptères privées d'or- ganes externes de vision, par M. G. Pouchet.— On peut conclure de ces expériences, dit l’auteur, que les larves de Diptères perçoivent non-seule- ment la lumière, mais encore savent en apprécier la direction, puisqu'elles (6 PUBLICATIONS NOUVELLES. vont toujours du côté où elle n’est point. Cette perception ne se fait point par l'entremise des organes sensitifs apparents sur le premier anneau, et elle est instantanée. La fin de ce mémoire paraîtra dans un prochain cahier. 14 Note sur plusieurs Odonates de Madagascar, etc., par M. Selys de Longchamps. 15. Note géographique sur le Theridium tepidariorum, par M. Lucas. 8 7. NOUVELLES ARCHIVES DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE, in-4°, tome VII, 1871-1872. Ce volume, dont la dernière livraison vient de paraître, fournit à la zoologie les articles suivants : 1. Recherches sur l’organisation d’un Nématoïde nouveau du genre Hedruris, par M. E. Perrier, avec 2 planches. 2. Recherches sur les Cévacés de la division des Balénides, par M. Ger- vais, avec 8 planches. 3. Réunion des espèces du genre Vaginula, par M. Fischer, 1 pl. h. Note sur une nouvelle espèce de Tatou à cuirasse incomplète, par M. Alph, Milne Edwards, avec 1 planche. 5. Recherches sur la synonymie des espèces placées par Lamarck dans les genres Vermet, Serpule et Vermilie, par M. L. Vaillant. 6. Catalogue d'Oiseaux de Chine observés de 1862 à 1870, par M. l'abbé A. David. 7. Description d'Oiseaux nouveaux collectés par M. A. David pendant son voyage dans le Tibet oriental, etc., par M. 3. Verreaux, avec 2 planches, 8. Rapport sur un voyage dans le Tibet, par M. l'abbé A. David. 9. Description de quelques Gerrhonotes nouveaux du Mexique, par M. Bocourt. : S 8. JOURNAL DE L'ANATOMIE ET DE LA PHYSIOLOGIE NORMALE ET PATHOLOGIQUE DE L'HOMME ET DES ANIMAUX, publié par M. Rogin, tome VIII, 1872, n°° 1-1. Parmi les travaux publiés cette année dans ce journal, nous citerons ici, comme pouvant intéresser particulièrement les naturalistes, les articles suivants : 4. Des Recherches expérimentales sur la régénération du cristallin chez quelques Mammifères, par M. Millet, avec 4 pl. ARTICLE N° 40, PUBLICATIONS NOUVELLES. 7 2. Des Recherches chimiques sur la composition des calculs biliaires humains, par M. Ritter. 3. Une Vote sur le rôle des nerfs dans les changements de coloration des Poissons, par M. G. Pouchet. — Dans une note insérée au Compte rendu des séances de l’Académie des sciences, le 26 juin 1871, l’auteur avait pré- senté les résultats de ses observations sur les changements rapides de couleur que subissent divers Poissons, et sur l'influence de la couleur du fond sous-jacent sur ce phénomène, dû à l’état de contraction ou de dilata- tion de chromatoblastes cutanés, Dans cette note il rend compte des expé- riences qu'il a faites sur le mécanisme physiologique du phénomène. fi a constaté que les impressions rétiniennes transmises au cerveau sont le point de départ des changements de couleur; que la section des nerfs, en déterminant la paralysie des chromatoblastes correspondants, les empêche de se produire, et que ces nerfs tirent leur principe d'action, non de la moelle épinière, mais du grand sympathique. h. Note pour servir à l'étude du développement des os, par M. Dubreuil. — L'auteur conclut de ses observations que de l’enfance et de l’âge adulte le volume des canalicules de Havers varie en raison directe de l’âge, et leur nombre varie en raison inverse de l’âge. 5. Mémoire sur la théorie du développement des animaux domestiques, par M. Sanson, avec 2 planches. — D’après l’auteur, la précocité des animaux est essentiellement due à la soudure plus prompte des épiphyses, phéno- mène qui est toujours accompagné d'une augmentation considérable de la densité des os et de l’évolution hâtive des dents de remplacement. M. Sanson trouve aussi que l’achèvement hâtif du squelette des animaux précoces et toutes les conséquences qu’il entraine sont dus uniquement à la qualité de l'alimentation spéciale à laquelle ils ont été soumis, qualité qui dépend de l’existence de l’acide phosphorique et de Ia chaux dans un certain état dans les matières nutritives. 6. Note sur certains mouvements des membres sous la dépendance du cœur et de la respiration, par M. Piégu. 7. Analyse des gaz du sang, par MM. Eston et G. Saint-Pierre.— L'eau chaude ajoutée au sang et bouillie avec lui permet d'extraire de ce liquide des quantités d'oxygène plus considérables que celles fournies par le sang sans cette addition. 8. Expériences sur la génération spontanée, par MM. Legros et Onimus. 9. Note sur le développement des Cestoïdes inermes chez les grands herbr- vores domestiques, par M. Megnin. 10. Mémoire sur un nouvel Acarien psorique du genre Symbrote, par M. Megnin, avec 4 planches.— Ce parasite vit en troupes nombreuses sur les membres des Chevaux. 8 PUBLICATIONS NOUVELLES,. 11. Recherches anatomiques sur les courbures normales du rachis chez l’homme et chez les animaux, par M, P. Bouland. 12. Note sur les rapides changements de coloration provoqués éxpérimen- talement chez les Crustacés et sur les colorations bleues des Poissons, par M. G. Pouchet. L'auteur a observé chezie Palæmon serratus accommodation chroma- tique au milieu ambiant. Les individus qu’il faisait vivre dans des vases de faïence blanche devenaient presque incolores, tandis que ceux placés dans des vases à fond noir prirent une teinte d’un rouge brunätre ou bleu, changements qui sont dus à l’état de contracture ou de dilatation des chromatoblastes, et sont provoqués par des impressions visuelles. 43. Note pour servir à l'histoire de la pygomélie chez les Oiseaux, par M. Larcher. 14. Etude expérimentale de la puissance d'absorption du tissu médullaire des os, par M. Feltz. — L'auteur conclut de ses observations que les lacunes osseuses du tissu spongieux sont en connexion directe avec le système veineux, et que le système spongieux des os peut être considéré comme un tissu caverneux à parois solides. 8 9. ARCHIVES DE PHYSIOLOGIE NORMALE ET PATHOLOGIQUE, publiées par MM. Brown Séquarp, CHarcoT et VULPIAN, h° année, 1872, n° 1, 2et3. Dans ce recueil, consacré en grande partie à la physiologie médicale, nous signalerons à l’attention des naturalistes les articles suivants : 4. Un Mémoire sur les gaz du sang, par MM. Mathieu et Urbain. — Expériences physiologiques sur les circonstances qui font varier la pro- portion des gaz dans le système artériel. 2. Note sur la stéatose viscérale que l'on observe à l’état physiologique chez quelques animaux, par M. Parrot. — L'auteur s’est appliqué à dé- terminer les limites entre lesquelles peut varier la quantité de graisse déposée dans les viscères, les causes et le mécanisme de ces variations. 3. Expériences faites sur des embryons de Grenouilles, et relatives à l'influence des lésions des centres nerveux pendant le développement embryonnaire sur la production de certaines difformités, par M. Vulpian. h. Expériences montrant l'influence de la température sur la rapidité du développement des Axolotis, par M. Philippeaux. 5. Recherches sur l'histologie et la physiologie des nerfs, par M. Ranvier. 6. Observations et expériences nouvelles sur les nerfs du goût, par M. Lupana. ARTICLE N° 10. PUBLICATIONS NOUVELLES. 9 $ 10. BULLETINS DE LA SOCIÉTÉ D'ANTHROPOLOGIE DE Panis, 1872, tome VII de la 2° série, fase. 1 et 2. Nous citerons ici les articles suivants: 4. Note historique et anatomique sur la cränioscopie, par M. Le Courtois. 2. Sur l'indice nasal, par M. Broca. 3. Note sur quelques analogies du type humain avec celui de très- anciens Mammifères, par M. Roujau. h. Étude sur les races indigènes de l'Australie, par M. Topinard. La même société publie un recueil de mémoires. 811. REVUE D'ANTHROPOLOGIE, publiée sous la direction de M. Broca, tome J, n° 1, 1872. Ce nouveau recueil périodique, qui paraîtra par cahiers trimestriels, est consacré en partie à des mémoires originaux, en partie à des revues ou à desextraits. On y trouve déjà des Æecherches sur l’indice nasal, par M. Broca ; une £'tude sur les Mincopies et la race negreto en général, par par M. de Quatrefages, et des Recherches sur les proportions du bras et de l'avant-bras aux différents âges de la vie, par M. Hamy. 8 12. ANNALES DE LA SOCIËTÉ ENTOMOLOGIQUE DE FRANCE, 4° série, tome X, supplément; 5° série, tomes | et IF, n° 1, 1871-1872. Le volume supplémentaire du tome X est occupé par la première partie d'une Monographie de la famille des Euménides, par M. H. de Bonvouloir (288 pages et 20 planches). Le premier volume de la 5° série contient un grand nombre d'articles sur des espèces nouvelles ou peu connues d’Insectes, par MM. Lucas, Rei- che, Fallou, Laboulbène, Rambur. Nous citerons particulièrement un tra- vail de M. Fairmaire sur les Colcoptères recueillis à Madagascar, et sur les côtes d'Afrique, par M. Coquerel; une Aévision des Attidæ d'Europe, par M. Simon; des Miscellanées hyménoptérologiques, par M. Giraud, et la huitième partie de l’Æssai sur les Cochenilles, par M. Signoret. Le premier cahier du tome II contient la neuvième partie de ce dernier travail, le commencement d’une Monographie des Clytrides d'Europe, par M. E. Lefèvre, la Description de quelques Lépidoptères nouveaux ou peu connus, par M, H. de Peyerimkoff, ete, 10 PUBLICATIONS NOUVELLES. $ 15. JOURNAL DE CONCHYLIOLOGIE, comprenant l'étude des Mollusques vivants et fossiles, publié sous la direction de MM. Crosse et Fischer, tome XI, 1872, n% 4, 2 et 3. Les principaux articles contenus dans ces trois cahiers sont les suivants: 4. Catalogue des Nudibranches et Céphalopodes des côtes océaniques de la France, par M. Fischer, 2° supplément. 2. Note sur le mode de station et les mœurs des Mollusques terrestres de la Jamaique, par M. Gloyne. 3. Description d'espèces nouvelles de l'archipel calédonien, par M. Sower- bie, 10° article, avec 2 planches. h. Diagnosis Molluscorum novorum Guatimalæ et republicæ Mexicanæ incolarum, auetore H. Crosse. 5. Description d'espèces inédites provenant de la Nouvelle-Calédonie, par M. Crosse. 6. Auriculidées fossiles des faluns, par M. Tournouér. 8 1. REVUE SCIENTIFIQUE (faisant suite à la Revue des cours scientifiques), publiée sous la direction de MM. YuNG et ALGLAVE. Cetie publication hebdomadaire est consacrée principalementau compte rendu de l’enseignement oral dans toutes les parties de la science; mais nous ne devons pas ometire d'en faire mention ici, Car on y trouve sou- vent des travaux importants sur diverses questions de physiologie ani- male, de zoologie, etc. Ainsi les fascicules publiés pendant le premier semestre de 1872 contiennent plusieurs articles de M. de Quatreïages sur la formation des races humaines; de M. Claude Bernard, sur la chaleur animale ; de M. Alph. Milne Edwards, sur la classification des Hamnu- fères; de M. Onimus, sur les mouvements chez les animaux privés de lobes cérébraux, ete. & 15. ACTES DE LA SOCIÉTÉ LiINNÉENNE DE BorDEaux, tome XXVIIE, °° partie, 1612 Ce volume contient les travaux suivants : 4. La faune conchyliologique terrestre et fluvio-lacustre de la Nouvelle Calédonie, par M. Gassies.— Ce mémoire fait suite à l'ouvrage publié sous le même titre par ce naturaliste en 1863. À cette époque, le nombre des espèces connues était de 133; aujourd’hui on peut l'évaluer à environ ARTICLE N° 10. PUBLICATIONS NOUVELLES. 41 280. Les 8 planches qui doivent accompagner ce supplément paraîtront dans la prochaine livraison. Le texte occupe 212 pages. 2. Un mémoire sur l’ichthyologie paléontologique des bassins de la Gironde, intitulé : les Broyeurs du terrain aquitain, par M. Delfortie, avec 3 planches. 3. Note pour servir à la faune de la Gironde, contenant la liste des animaux marins dont la présence a été constatée à Arcachon pendant les années 1869-1870, par M. Lafont, avec 5 planches. h. Étude sur les restes fossiles de Siréniens du genre Halitherium dans le bassin de la Gironde, par M. Delfortie, avec 5 planches. 5. Un mémoire intitulé : Quesfions obscures relatives à l‘'Hydractina echinata, Flem., ef 4 l’Alcyonum domuncula, Lamk, tous deux logeurs de Pagures, par M. Ch. des Moulins. 6. Notes spécifiques sur le genre Polia (d’Orbigny) vivant et fossile, par le même. 7. Note sur quelques ossements de Cétacés de Léognan, par MM. Del- lortie et Fischer, avec 2 planches. $ 16. ANNALES DE LA SOCIÉTÉ LiNNÉENNE DE Lyon, tome XVIII, 1872. Ce volume contient la suite du travail de M. Millière sur les C'henilles et Lépidoptères inédits (8 pl.) ainsi que plusieurs notes entomologiques de MM. Mulsant et Rey, Mulsant et Godart, Mulsant et Pellet, Mulsant et Lichtenstein, Mulsant et Valery May. On y trouve aussi la Description de trois espèces nouvelles d'Oiseaux-mouches, par MM. Mulsant et J. Verreaux. $ 17. Mémoires DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES ET ARTS DE LYON, tome XVII, 1871. Ce volume est occupé en grande partie par l’Æistoure naturelle des Punaises de France, paï M. Mulsant et Rey (p. 187 à 435, et 2 pl.). $ 18. ANNALES DE LA SOCIÉTÉ D'AGRICULTURE, HISTOIRE NATURELLE ET ARTS UTILES DE Lyon, 4° série, tome X, 1870, et 5° série, tome I. Ces volumes contiennent deux nouvelles parties de l’Ærstoire des Coléoptères de France, par M. Mulsant. L’un de ces mémoires est consacré aux Gallicoles, l’autre aux Lamellicornes, TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME Mémoire sur le développement des Phalangides, par M. BALBIANT. . ARTICLE N° 4 Résumé des recherches sur les Oiseaux fossiles, par M. Azpn. MiLNE EDWARDS- UNE ON EN NS ET ENS CR OP ARTICEEAN CIN? Note sur une nouvelle espèce de Tatou à cuirasse incomplète (Sc/ero- pleura Brunetti), par M. Az. Mie EpwaRps. . : ,. 4, . ARTICLE N° 3 Note sur les Ophiurides et Euryales qui se trouvent dans les collections du Muséum d'histoire naturelle de Paris, par M. Th. LymAN. . . ARTICLE N° À Études d'anatomie comparée sur les organes du toucher chez divers Mammifères, Oiseaux, Poissons et Insectes, par M. JOBERT. . . ARTICLE N° 5 Essai expérimental sur la locomotion humaine, par M. CARLET. .« . ARTICLE N° 6 Étude sur le prétendu Crustacé au sujet duquel Latreille a créé le genre Prosopistome, et qui n’est autre chose qu'un véritable Insecte noue, voue MONET ciao our cle NS RS MARTICRE RC 7 Études sur la phosphorescence des Animaux marins, par M. PANCERI. ARTICLE N° Nouvelles observations sur les lumières phosphorescentes animales, DOTE RP MSEGCHIMINE DONS. RTS ON SR RE PL OA RICE NC RO Publicationsinouvelles ME RCE ON REMMARUIGTE NO RE ——————"———"—""""."———"——"—"——"——"—_—_——————————————————— TABLE DES ARTICLES PAR NOMS D'AUTEURS ART, ART. Barpraki. = Mémoire sut le déve- tacé au sujet duquel Latreille a créé loppement des Phalangides. . . . 1| le genre Prosopistome, et qui n’est CARLET. — Essai expérimental sur la autre chose qu'un véritable Insecte locomotion humaine . . . « . . . Ga eAnoes vaste arouurdt oo 10 7 Epwarps (Alph. Mixer). — Résumé Eyuan. — Note sur les Ophiurides et des recherches sur les Oiseaux fos- les Euryales qui se trouvent dans siles. . . . c 2| les collections du Muséum d'histoire —— Note sur une Fou cie Érèce de naturelle de Paris. . . . : mA Jatou à cuirasse incomplète. . . . 3|PaNCERI. — Étude sur la Done Jogerr. — Etudes d'anatomie compa- rescence des Animaux marins. . « 8 rée sur les organes du toucher chez Publications nouvelles. . . . . . . . 10 divers Mammifères, Oiseaux, Pois- SECCHI. — Nouvelles SDenvations is sur sons et Insectes. . . . . . . . . . 5] les lumières phosphorescentes ani- Jozy. — Etudes sur le prétendu Crus- Male ET € PRES EE CE re 20) SUN ———— ——————————————————"——.————————.—————————"…———"————…——…———“—— TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. Planches À et 2. Développement des Phalangiens. — 3,4, 5,6, 7, 8, 9 et 10, Organes du toucher. — A1 et 12. Appareil de la locomotion. — 13. Prosopistoma punctifrons. — A4, Animaux phosphorescents. 3 FIN DES TABLES. Paris, — Imprimerie de E, MARTINET, rue Mignon, 2, Mn, des Verne, nat. 5 Serie. ZLool, Tome 10, 1U &, Balbrantr del, Developp emenlt di l’halang tir , Jnp. A. Sabyronr Welle Lstapae, 15, Var. Er " Ann,des N'escene. nal 5° JNérte. Zool Tome 16, PL 2, ü Ê, Dalbianc el, Developpement dut Fhalangiurt.. Lnp.A Salnon r.Vele Lstrapade,15, L’'arts, Me a UN PRET Pme Jerere nat SNJ erLe Zool Lome 10,718, 11 L, Jobert ad. nak dell, Lagesse 5722 Organes. du Toucher. ZnpA. Salnon r Veille Estrapade5, farts. 1 on Le it PRE PSE Ut Zoo Tome 16 71 4. nn ro Trcenc. nai ONerte €, Tobert ad. nat, dell. Lagesse Te’, Organes du Toucher. lp. À Salmon r Ville Frtrapade. 15, Varie, Ann.udes : Nrrene. rat. 9° J'erte. : Zoo Tome TON PINS o0 €, Jobert ad. nal, dell. Zagewre De Urganes ALLOLOMCRETEN Jmp. À. Salon rWeille Lstrapade,15, arts, LATE ÿ ef Ann des Sc.nat. d° Série. C.Jobert adnat. del. © Org anes du toucher. Znip. Becquet, Paris. Zion MP PILE (00 Lackerbauer th. xs ur a Ann,.des Seine, nat, 5° Jerte, Zool, Tome 16, PL, 7 ANNE ù A €. Jobert ad, nat dell, Lagesse DC Organes du Toucher. Znp. À Jabnon r Veille Lstraprae, 5 l'art, HA Fe k T Arr. des Secence. nat. 5° Serre. Zool, Tome 10 ?L, 8, ps : Le Ga ti 67 Des / Z = A 7 CL, Jobert ad, nat, dell. Lagewse ve. Organes du Toucher. Lip. À, Salmon sr Veulle Zstrapase, 5 1arrs. AE MU MEN CSRETAAT * 1e Er Hd Min des derenc nat 93° Were, Zool Lonme 16 Lg 2 Ô2 C, Jobert ad, nat. dell. Zagesse 0722 Organes du Toucher. Znp. À. Salmon r eille Estrapadezs far. ñ HAN Zoo. T, 16, 10-40 ere. 2 Ain, des Semen OS Lackerbauer hth. C.Jobert ad nat. del. Ne du toucher. pl panes Or np. D1 ecgucé, Paris. (il ‘ 1) //}] Tite CLIENT ENT O1NOUO I. Appareil pour L'ÆAtude de la Lot ; L'urur, Ô, ner r Vioille Lstropade, 2 [14 » mp, À d \ Ann, des Neizene, nat. 5° Were, Zool Tome 16. FL 12, W NS NS SS 4 ppareils pour L'Ætude de la Locomokon. ( DÉTAILS |) np, À. Salmon, r Welle Fstrapade,s5, arts. Tool Tome zh PL 73, Vererec nat INONerre Ann, des SRE ÈS ù del. Joly OZES , ONoptS#lorma Pur CclfT Pr Zip. À S'abnon r Veille Lstrapade 15 Paris. Zool, Tome 10, AU. 7 ; ren den rene nat SN Jerte. Jo Z y del, Vrganes phosporescents, np. A. J'alnenr. Fille Lstrapade.15, larts. TU