ANNALES DES SCIENCES NATURELLES CINQUIÈME SÉRIE BOT AN iOUE PARIS. — IMPRIMERIE DE E. MARTINET. RUE MIGNON, 2 SCIENCE CINQUIÈME SÉRIE COMPRENANT L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET FOSSILES PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE MM. AD. BRONGMART ET J. - DEGÀISNE TOME XIX PARIS G. MASSON, ÉDITEUR libraire de l’académie de médecine de paris PLACE DE L’ ÉCOLE -DE-MÉDECINE 1 8 7 A . ANNALES DES BOTANIQUE ÉTUDES SCR LE DÉVELOPPEMENT DE L'OVULE ET DE LA GRAINE DASS LES SCROFUL ARINÉES, LES SOLANACÉES LES BORRAGLNÉES ET LES LABIÉES Par 31. Soansies CHA'S'INî. Ce travail devait tout d'abord avoir pour objet l’étude du développement comparé de l’albumen et de l’embryon dans les quatre familles des Scrofularinées, des Solanacées, des Borra- ginées et des Labiées, qui, tout en présentant de nombreuses affinités naturelles, offrent des dissemblances remarquables lorsqu’on examine la constitution de leur graine. Mais, dès le début de mes recherches, j’ai pu me convaincre que l’étude de l’ovule doit constamment précéder celle de la graine, -si l'on veut être assuré de parvenir le plus sûrement possible à la con- naissance de la nature et de l’origine des parties de celle-ci ; j'ai donc dû consacrer une grande partie de mon temps à l’examen de Tovule considéré, soit dans sa genèse, soit dans son évolution, et à l’étude du sac embryonnaire dans lequel se développeront l’albumen et l’embryon. 5e série, Dot. T. XIX (Cahier n° 1). 4 1 «d. cibatew Certaines parties que je complais simplement effleurer ont dès lors occupé une place étendue dans le cadre de mes obser- vations: c’est ainsi, par exemple, que je me suis trouvé conduit à étudier dans tous leurs détails l’apparition et le développe- ment du tégument ovulaire, du sac embryonnaire, etc.; il en est résulté une modification générale pour le plan de ce mémoire, dans lequel l’histoire organogénique de l’ovule est venue se placer au premier rang. J’ai cru devoir faire précéder les descriptions relatives aux divers types que j’ai étudiés, de deux chapitres consacrés, l’un à une introduction historique, l’autre à l’exposé des considéra- tions générales qui me paraissent résumer l’ensemble de mes recherches. Cette seconde partie s’explique d’elle-même ; quant à la première, elle m’a semblé nécessaire pour établir l’état actuel de la science sur ces questions et pour rappeler briève- ment les principaux travaux qui leur ont été consacrés et qui m’ont fréquemment servi de guides. C’est pour moi un devoir et un plaisir de remercier, au début de ce travail, l’éminent maître qui a bien voulu m’en indiquer le sujet, et qui, durant la longue série de mes observations, n’a cessé de m’encourager par sa bienveillante sollicitude et ses savants conseils. Que M. le professeur Duchartre reçoive donc ici le respectueux hommage de tua profonde reconnaissance. INTRODUCTION. Le rôle physiologique de l’ovule, l'importance majeure de sa destination, donnent un grand intérêt à l’étude de son dévelop- pement et des diverses transformations qu’il subit ; aussi les bo- tanistes se sont-ils depuis longtemps appliqués à poursuivre des recherches capables de faire progresser la science sur ces ques- tions. Mais « si l’organisation complexe de l’ovule, les change- » meuts de situation relative que subissent ses points les plus » importants pendant le cours de sa formation graduelle, étaient » bien faits pour piquer la curiosité; d’autre part, les obstacles y DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DK LA GRAINE. » que font naître devant l’observateur la petitesse de ses parties » et la délicatesse de leurs tissus, par suite de la difficulté des » préparations qui seules peuvent éclairer sur sa structure » intime, ont rendu fort lents, pendant longtemps, les progrès » des connaissances à son sujet (1). » Ces lignes résument parfaitement et l’intérêt qui s’attache à l’histoire organogénique de l’ovule, et les difficultés qu’elle com- porte ; elles nous expliquent aussi comment les anciens bota- nistes ne nous ont laissé que quelques mémoires fort incomplets et très-peu précis sur ce sujet. Il convient toutefois de distinguer parmi eux deux anatomistes du xvne siècle, Grew et Malpighi, qui reconnurent que l’ovule est pourvu d’enveloppes rattachées à une base commune et présentant une ouverture propre et non accidentelle, le micropyle; sur ce point, leurs conclusions furent bien plus justes que celles de certains botanistes modernes dont il sera bientôt question (2). On s’étonne de voir ces aperçus si justes de Grew et surtout de Malpighi rester dans un oubli presque absolu durant plus de cent ans, puisque c’est seulement dans les premières années du xixe siècle que l’attention se porte de nouveau sur le déve- (1) P. Duchartre, Rapport sur les progrès de la Botanique physiologique . Paris, 1868, p. 371 et 375. (2) Grew, the Anatomy of Plants, 1672. Malpighi, Anatome plo.ntarurn, 1675, p. 57. Parmi les ouvrages publiés durant le xviii0 siècle, et qui, sans rieiTajouter à l’his- toire de l’ovule, nous font connaître l’état de la science sur cette question, je citerai : S. Morland, Acta eruditorüm , 1703, p. 275, et Trans. phil., 1703, n° 287. Waldschmiedt, De sexu ejusdem plantes gemino, 1705. Séb. Vaillant, Sermo de structura flormn. Paris, 1718. Ant. de Jussieu, Dissertatio de analogie, inter plantas et animalia. Londini, 1721. Hebenstreit, Programma de fœtu vegetahili . Lipsiæ, 1717. Linné, De nuptiis et sexu plantarum. — Fundamenta hotanica. — - Sponsalia plan- tarum, etc. Kalm, De fecundatione plantarum. Aboæ, 1757. Krôycr, De sexualitate plantarum ante Linnæum cognita. Hafniæ, 1761. SticlT, De cita nuptiisque plantarum. Lipsiæ, 1711. Hernandez, Nuevo Discurso de la génération de plantas. Madrid, 1767. Mustel, Traité de la végétation. Paris et Rouen, 1781, 1781. Marti, Expérimentas y Observaciones sobre los sexos y fecundation de las plantas. Burcelona, 1791. 6 J. C5M.4rïïfoî. loppemeut do l’ovule et de la graine, et détermine ainsi des progrès souvent considérables dans cette partie de la physiologie végétale. En 1815, Auguste de Saint-Hilaire établit qu’à la suite de la fécondation et de la constitution de l’embryon, la radicule de celui-ci est toujours tournée vers le micropyle, fait très-im- portant et sur lequel on doit s’appuyer dans tous les cas où Ion cherche à retrouver la forme de l’ovule par la seule considération de la graine. Vers la môme époque, Treviranus et Dutrochet s’oc- cupèrent également de semblables recherches, niais se bornèrent aussi à considérer principalement l’évolution de l’embryon et la formation de l’albumen, laissant ainsi de côté les périodes de la vie de l’ovule qui sont antérieures à l’imprégnation. Cette lacune importante fut en partie comblée par les mé- moires de Robert Brown, qui montra que l’ovule est, dans sa plus grande complexité, formé d’un noyau parenchymateux et de deux enveloppes, le testa et le tegmen, percées chacune d’une ouverture correspondante. Cet orifice micropylaire, déjà signalé par Grew, avait été regardé par Turpin et À. de Saint-Hilaire comme une cicatrice vasculaire; bientôt môme M. Raspail de- vait prétendre que c’était simplement l’indice de l’insertion de la radicule, et que les téguments ovulaires ne présentaient aucune perforation. Sur ce point donc, les vues de R. Brown sont par- faitement conformes aux résultats fournis par l’observation ; il ne se borna pas d’ailleurs à l’étude des téguments ovulaires, et analysa longuement la constitution et les transformations de l’ovule, du raphé, de l’embryon, etc. Sur quelques-uns de ces points et en particulier sur l’existence, la situation et les rapports de i’exostome et de l’endostome, les conclusions de Robert Brown avaient été déjà formulées par un savant danois, Thomas Schmidt; mais son travail n’ayant pas été publié, il est naturel de reportera l’observateur anglais tout le mérite des belles recherches qui devaient déterminer des pro- grès aussi rapides qu’importants dans l’histoire organogénique de l’ovule. Au moment même où paraissait le mémoire sur le Kingia , 9 DÉVELOPPEMENT DE L'OVULE ET DE LA GRAINE. M. Adolphe Brongniart publiait en France un travail devenu classique, relatif à la fécondation des Phanérogames, et dont plusieurs chapitres étaient exclusivement consacrés à l’étude du développement de l’ovule et de la graine. Les observateurs pré- cédents s’étaient contentés d’examiner le premier fort jeune et la seconde à létal parfait. M. Ad. Brongniart déclare au con- traire que « l’étude des changements qui s’opèrent dans l’ovu!e, » depuis le moment de l’imprégnation jusqu’à l’époque où arrivé » à l’état parfait, il prend le nom de graine, peut seule nous éclai- rer sur la distinction des divers téguments de la graine » (! ). Telle est, en effet, la vraie méthode rationnelle, et chacun sait les heureux résultats qu’a produits son application. Dans le chapitre consacré à la structure de l'ovule avant l'im- prégnation, M. Brongniart résume les idées de ses devanciers, puis fait connaître les conclusions auxquelles il a été conduit par ses propres recherches; il établit, entre autres particularités remarquables, que tous les ovules ne possèdent pas deux té- guments, et parmi les plantes qui lui ont présenté une seule enveloppe autour de leur nueelle, il cite les Véroniques, aux- quelles des observateurs moins heureux dans leurs recherches devaient plus tard refuser ce tégument dont je me suis efforcé de faire connaître la genèse et l’évolution. A la suite de rhistoire très-détaillée de la fécondation, se place un chapitre consacré à X élude du développement de l' embryon et de la formation des tissus de la graine , et présentant l’exposé des divers phénomènes dont l’ovule est le siège, depuis le moment où l’embryon apparaît jusqu'à celui où la graine atteint son état parfait. M. Ad. Brongniart termine en faisant remarquer que si l’on peut déterminer la position de la radicule d’après celle du mamelon d’imprégnation, il est impossible de présumer l’exis- tence ou l’absence de l’endosperme dans la graine, en se basant sur la structure de l’ovule, vérités incontestables et dont l’orga- nogénie de diverses plantes, des Borraginées par exemple, con- firmerait une fois encore l’exactitude, s’il en était besoin. (1) Ad. Brongniart, Sur la génération et le développement de V embryon dans les plantes phanérogames, p. 29. 10 al. ClATïrc. Cet important travail fixait définitivement les conditions bio- logiques qui président à la vie de l’ovule, et traçait la voie dans laquelle se portèrent rapidement de savants observateurs, parmi lesquels l’école française peut revendiquer avec orgueil les noms les plus glorieux. En effet, trois ans à peine s’étaient écoulés de- puis la publication du mémoire de M. Brongniart, lorsque Bris- seau Mirbel fit paraître un long travail, dans lequel il résuma de nombreuses observations, et fit connaître d’une façon suffisam- ment détaillée les diverses phases par lesquelles l’ovule passe successivement depuis sa naissance jusqu’à l’état adulte (î). En 1837, M. Schleiden, s’inspirant des conseils de son oncle Horkel, publia dans les Archives de Wiegmann le résumé de ses recherches sur la structure elle développement de l’ovule; mais ce fut seulement en 1839 qu’il fit connaître l’ensemble de ses observations sur la formation de l’ovule, passant successive- ment en revue la genèse de cet organe, la constitution de ses diverses parties et l’organisation de l’embryon; il termine en déclarant qu’ « on ne peut déterminer d’une manière générale » auxquels des jeunes organes de l’ovule se rapportent les par- » lies de la graine. Cette détermination doit résulter, pour » chaque famille, d’une étude spéciale du mode de développe- » ment. » M. Schleiden semblait donc prévoir l’importance con- sidérable des monographies, qui commençaient, à ce moment même, à ajouter des faits très-intéressants à 1 histoire organo- génique de l’ovule. En cette même année 1839, parut en effet un beau mémoire de M. Becaisne sur le développement de l’ovule dans le Gui et le Thesium. Bans la première de ces plantes, l’ovule se présentait avec une remarquable structure : réduit à une sorte de tube simple ou cloisonné présentant au sommet la vésicule embryon- naire, l’ovule devait nécessairement être regardé comme dé- pourvu de primine et de secondine; en outre, cet organe, com- posé d’un tissu homogène dans toute son épaisseur, embrassait directement l’embryon. Bans le Gui, le périsperme est coloré en vert, et la graine présente parfois plusieursembryons. M. Becaisne, (1) Mirbel, Recherches sur Vomie végétal, 1830. DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. '11 découvrant au fond de chaque ovaire plusieurs ovules réduits au sac embryonnaire, arriva ainsi à expliquer naturellement cette pluralité si bizarre des embryons. Quant au Thesium, M. Ad. Bron- gniart lui ayant trouvé un ovule nu, M. Decaisne fut conduit à l’examiner comparativement avec celui du Gui; il suivit cet ovule dans son développement, et fît connaître dans tous leurs details les transformations qui donnent à cet organe sa forme définitive et président à la constitution de son endosperme (1). Je n’ai pas besoin d’insister sur l’importance des résultats con» signés dans ce mémoire, à la suite duquel les deux propositions suivantes purent être considérées comme acquises à la science : l°Les ovules nus ne sont pas des anomalies et constituent à peine des exceptions. 2° L’ovule peut n’acquérir sa forme définitive qu’à une époque avancée de son existence. A la même époque paraissait le mémoire de Griffith sur le développement des ovules du Santalum , du Loranthiis et du Viscum (2). Dans un long travail publié vers la même époque et consacré à l’organogénie générale des Légumineuses, Schleiden et Yogel ont fait connaître le développement comparé de l’albumen et de l’embryon dans ce groupe de plantes (3) ; les résultats divergents auxquels les ont amenés des recherches organogéniques portant sur divers types génériques ont parfaitement montré toute Tim- portauce de semblables études poursuivies dans les genres d’une même famille ou les espèces d’un même genre (4). L’élude du développement de la fleur et plus particulièrement de l’ovaire de X Œnothera suavcolcns conduisit, vers cette époque, (1) J. Decaisne, Mémoire sur le développement du pollen et de l'ovule du Gui ( Mém . Acad. Brux., 1840 ; — Ann. sc. nat., 2e sér., t. XIII). (2) Transact. Linn. Soc.} vol. XVIII. (3) Schleiden tind Vogel, Ueber das Albumen, insbesundere der Leguminosœ. (4) Au point de vue de la structure de l’ovule proprement dit, ces observateurs citent quelques faits intéressants. Ainsi, d’après eux, les Lupins n’ont qu’un seul tégument ovulaire, tandis que les autres Légumineuses en ont deux. Quant à la graine, ils mon- trèrent que l’albumen était loin de manquer constamment, ainsi qu’on le croyait, et que les Mimoséeset certains genres appartenant aux Gésalpiuiées ou aux Papilionacées offraient dans leur semence une quantité plus ou moins considérable d’albumen. Ils notèrent dans le Canna la présence d’un albumen chalazien, etc. J. CH ATM . 12 M. Duchartre à formuler les principes de la méthode que Ton doit suivre dans de semblables recherches (1) , et peu après, dans un long et beau mémoire consacré à l’histoire anatomique et organogénique de la Clandestine, cet exact observateur fit con- naître dans tous leurs détails les différentes périodes de la vie de l’ovule et les principaux phénomènes qui président, soit à son évolution, soit à la formation de l’albumen ou à l’organisation de l’embryon (2). Depuis lors M. Duchartre a fait connaître le développement de l’ovule dans lesPrimulacées, les Caryophyllées, les Malvacées, etc. (3). Ces mémoires ont révélé plusieurs parti- cularités curieuses, et, pour n’en citer qu’une, je rappellerai la rapidité avec laquelle, dans certains cas, Y ovule se recouvre de son tégument, rapidité dont j’aurai à présenter des exemples analogues dans plusieurs des types que j’ai étudiés, et en parti- culier chez diverses espèces du genre Veronica. A la suite de ses études sur les arilles et les arillodes, M. J. E. Planchon se trouva naturellement conduit à examiner les parties qui, dans la graine, peuvent simuler l’existence de ces productions; il suivit, dans ce but, le développement des semences de diverses plantes, et particulièrement de quelques Véroniques (h). L’ovule d’une curieuse Crucifère, le Schizopetalon Walkeri , fut suivi, dans les diverses phases de ses évolutions, par M. Bar- néoud, qui reconnut parfaitement la profonde scissure divisant (1) P. Duchartre, Observations sur la fleur , et 'particulièrement sur l’ovaire de rQEnothera suaveolens [Ann. sc. nat.. Botanique, 1842, p. 1). (2) P. Duchartre, Observations anatomiques et organogéniques sur la Clandestine d’Europe (Lathræa clandestine), dans Mém. des savants étrangers , t. X, 1848, p. 423- 538, avec 8 planches. — Comptes rendus, 1843, t. XVII, p. 1328-1331. (3) P. Duchartre, Observations sur l’organogénie de la fleur , et en particulier de l’ovaire, chez les plantes à placenta central libre [Ann. sc. nat., 3e série. Botanique, t. II, 1844, p. 279-297, pl. 7-8). — - Observations sur F organogénie florale des Caryo- phyllées [Revue botanique , 1846-1847, t. II, p. 213-225). — Observations sur l’orga- nogénie de la fleur dans les plantes de la famille des Malvacées (Ann. sc. nat., 1845, p. 123-150, pl. 6-8). — Observations sur l’ organogénie florale et F embryogénie des Nyctaginées (Ann. sc. nat., 1848, p. 263-284, pl. 16-19). (4) J. E. Planchon, Mémoire sur le développement et les caractères des vrais et des faux arilles, suivi des considérations sur les ovules de quelques Véroniques et de F A.\i- cenuia. Montpellier, 1844. — Ann. sc. nat., 3° série, 1845, t. HT, p. 275-312, pl. 1 1 et 12. DÉVELOPPEMENT DE L OVULE ET DE LA GRAINE. 15 en deux segments linéaires chacun des deux cotylédons ; mais il s’exagéra l’importance de cette particularité, et décrivit ainsi dans cette plante un embryon possédant quatre cotylédons (1). En 1849, parut un très-intéressant mémoire dûàM. L. R. Tu- lasne, et ayant pour but l’étude de l’embryogénie végétale considérée dans un certain nombre de familles (Scrofularinées, Campanulacées, Crucifères, etc.); on y trouve de précieux renseignements relatifs à la genèse de Tovule, à la formation et à la croissance des téguments, à la constitution du sac, à l’imprégnation et à l’organisation de l’embryon. Le nom bien connu de cet habile observateur me dispense de faire l’éloge d’un travail où l’on ne cesse de rencontrer la plus minutieuse précision, et que j’aurai souvent d’ailleurs l’occasion de citer (2). Les nombreuses notes présentées par Payer à l’Institut, et qu’il réunit plus tard dans son Traité ci’ organogénie, ont enrichi de peu de faits nouveaux l’histoire de l’ovule, et c’est à peine si, dans les « considérations générales » qui résument ses longues recherches, ce savant a consacré deux pages au développement, de cette partie si importante (o), qui n’occupait d’ailleurs qu’une place secondaire dans le cadre de ses études. Depuis cette époque, un certain nombre de monographies ont concouru à nous faire mieux connaître l’organisation et le développement de l’ovule et de la graine. Ou comprend aisé- ment que je ne puisse les citer toutes ; aussi me bornerai-je à rappeler les mémoires les plus importants de MM. H. Schacht (4) et S. Hosanoff (5), les travaux classiques de M. Hofmeister (6), et puis ceux consacrés parM. Bâillon à l’étude organogéuique des (1) Barnéoud, Mémoire sur le développement de V ovule et de V embryon dans le Schwo- petalon Walkeri (. Ann . des sc. nat., Botanique, 3e série, 18/i6, t. V, p. 77-83, pl. 3). (2) L. R. Tulasne, Études df embryogénie végétale (Ann. sc. nat., 3e série, t. Xlf, p. 22 et suiv., pl. 3-7). (3) J. B. Payer, Traité d'organogénie comparée de la fleur. Paris, 1857, p. 738. (à) Die Blüthe und die Befrucht. von Santalum. — Ueber Pflanzen-Befrucht in Pringsh. Jahrbuch, 186G-G7. (5) Rosanoff, Morphol.-embryolog. Studien , m Pringsh. Jtthrb., 1866-67. (6) Hofmeister, Neuere Beobacht. über Embryobild. der Phanerog., in Pringsh. Jarb ., 1858. — N eue Beitr. zur Kenntn. der Embryobild. der Phanerog, Dicotyl. i/l J. CHATIM. Euphorbiacées, des Morées, etc,, travaux ayant le plus souvent pour but l’élude générale des verticilles floraux; mais offrant cependant un intérêt réel pour le sujet qui m’occupe. Dans ces dernières années, d’autres travaux ont été publiés, sur ces mêmes questions, par divers savants français et étran- gers ; sans changer notablement l’état de nos connaissances sur la marche du développement de l’ovule, ces mémoires ont révélé cependant certaines particularités intéressantes, mais qu’il serait trop long et peu utile d’énumérer. Ce résumé historique, si rapide et trop incomplet, suffit pour- tant à montrer toute l’importance des travaux consacrés à l’étude organogénique de l’ovule, de la graine et de l’embryon. Sous ce rapport, cette partie de lascience paraît ne le céder à aucune au tre, surtout quand on se reporte aux difficultés de semblables recher- ches, et si l’on considère qu’en raison même de leur nature, elles n’ont dû progresser que lorsque les instruments grossissants per- fectionnés ont pu leur prêter un concours indispensable. Est-ce à dire néanmoins que tous les détails de ces importants phénomènes biologiques nous soient également connus? Je ne le pense pas : les nombreuses monographies publiées depuis trente ans, et dont je n’ai pu citer qu’une partie, ont presque constamment révélé quelque disposition nouvelle ou quelque particularité curieuse. Cetle considération était un encouragement à entrer dans cette voie si largement frayée, et à tenter, malgré mon inexpérience, d’ajouter quelques observations à l’histoire de ce sujet; je m’esti- merais amplement récompensé si j’avais rempli, au moins dans une faible part, la tâche que je m’étais imposée. CONSIDÉRATIONS GENERALES. Ainsi que je l’ai dit au début de ce mémoire, il nie semble con- venable, avant de faire connaître en détail les faits observés dans telle ou telle plante, de grouper d’une façon générale les résultats auxquels m’a conduit l’ensemble de mes recherches, et de placer ainsi un certain nombre de jalons qui rendront plus aisée la compréhension de phénomènes toujours complexes DÉVELOPPEMEMT DE l/OVULE ET DE IA GRAINE. 15 et s’accomplissant presque constamment avec mie rapidité qui ne fait qu’accroître les difficultés de leur observation et de leur exposition. La méthode que j’ai suivie devant être indiquée bientôt, je n’ai pas à m’y arrêter en ce moment, et j’aborde tout de suite l’ensemble des phénomènes dont j’ai dû suivre l’évolution, con- servant ici l’ordre même dans lequel celle-ci s’effectue. Ce travail étant spécialement consacré à l’étude organogénique de l’ovule et de la graine, peut-être s’étonnera-t-on d’y trouver parfois la mention des principaux changements que subit l’ovaire pour parvenir à son état parfait; aussi ferai-je remar- quer que, tout en n’accordant à cette étude qu’une place très-restreinte e! parfois presque nulle, je n’ai cependant pas cru pouvoir la sacrifier absolument, pensant qu’il y aurait quelque intérêt à suivre dans les principales phases de son développe- ment l’organe dans lequel doit se développer l’ovule et où la graine se constituera à la suite de la fécondation. Une antre con- sidération m’y poussait également : il est parfois malaisé d’in- diquer, d’une façon suffisamment exacte , l’état extérieur de l’ovule dans lequel s’accomplit telle ou telle phase du dévelop- pement, cet organe ne présentant souvent alors que quelques centièmes de Tnillimètre ; les dimensions de l’ovaire permettent an contraire d’y trouver de plus sûrs points de repère, et c’est pourquoi j’ai tenu à indiquer et à figurer les formes qu’il pré- sente au moment où ses ovules traversent telle ou telle période importante de leur évolution organique; j’espère avoir ainsi facilité les recherches des botanistes qui seraient désireux de répéter les observations consignées ici» A un autre point de vue, l’étude de l’ovaire me semblait offrir encore un certain intérêt. On sait qu’à la suite de l'im- prégnation les ovules se changent en graines et les carpelles de- viennent des fruits; mais, tandis que dans les Scrofularinées et les Solanacées, les graines, presque toujours nombreuses, se trou- vent insérées sur le placenta à une distance telle des parois car- pellaires qu’elles ne contractent avec celles-ci aucune relation importante, on remarque au contraire que l’ovule unique des iô J'. CMAMM. Labiées et des Borraginées finissant par remplir la loge ova- rienne, ne saurait être absolument séparé de celle-ci au point de vue organique, puisque c’est seulement dans les tissus du carpelle qu’il trouve une protection réelle, tandis que les graines de Y An- tirrhinum majus, du Digitalis purpurea ou du Nicotiana Taba - mm , présentent un test dur et résistant leur appartenant en propre; aussi, dans l’étude anatomique des graines des Labiées et des Borraginées, ai-je cru devoir figurer également les élé- ments qui forment les tissus de 1 acharne. Le développement de telle ou telle partie de 1 ovaire peut d’ailleurs influer plus ou moins directement, en ce dernier cas, sur celui de l’ovule, et c’est ainsi que dans le Borrago officinalis on voit la partie inférieure de la loge carpellaire se gonfler et s’accroître progressivement de façon a constituer une sorte de corps arrondi inférieurement et plat supérieurement; le plateau constitué de la sorte a pour résultat d’élever le fond de la loge et d’empêcher toute incurvation de l’ovule dans cette direc- tion. Mais ces faits devant être signalés à leur place naturelle et n’offrant qu’un intérêt secondaire, j’arrive immédiatement à l’examen des conditions générales qui président à la genèse et à l’évolution des ovules que j’ai pu étudier. C’est sur le placenta que va se montrer l’organe dont l’étude organogénique et anatomique doit tout particulièrement m oc- cuper ici, je veux dire l’ovule. Son apparition se fait toujours de la môme façon : vers la portion moyenne du placenta, si celui- ci doit porter plusieurs ovules, comme dans le Veromca Buxbau- mii, ou vers sa base, si, comme dansle Borrago officinalis , la loge carpellaire doit contenir une seule graine, on voit apparaître un ou plusieurs mamelons selon les cas. Ces petites proéminences sont alors à peine indiquées et ne font qu’une bien légère saillie à la surface placentaire; examinées dans le Digitalis purpurea, le Veronica Buxbaumii , elles m’ont présenté, vers cette époque, un diamètre égal à 0"“,00D : aussi faut-il employer un grossis- sement relativement fort pour constater leur présence sur un lambeau de tissu placentaire (p ). (1) En raison même de ces faibles dimensions, on comprend que la ternie exacte du DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA. GRAINE. 17 Dans l’âge suivant, l’ovule s’allonge de façon à former une sorte de cylindroïde encore bien réduit, puisque chez les plantes que je viens de citer son diamètre varie entre 0mm, 01 et 0mm,Q3. Au point de vue anatomique, ce corps pris à ces deux époques présente la structure la plus simple que l’on puisse imaginer : sa section est assez régulièrement circulaire et son tissu unique- ment formé de cellules extrêmement petites, renfermant une substance granuleuse, et présentant, sur la coupe, une forme nettement circulaire, soit qu’on examine les éléments qui se trou- vent au centre du petit mamelon nucellaire, soit qu’on s’attache au contraire aux utricules qui se trouvent à la périphérie de ce dernier et le limitent. Tels sont les premiers états de l’ovule, et l’on ne saurait en effet imaginer rien de plus simple, au point de vue morpholo- gique ou anatomique; mais les choses demeurent peu dans ces conditions rudimentaires: vers labasedu mamelon nucellaire, ou quelquefois vers son tiers inférieur, rarement plus haut, apparaît une sorte de bourrelet plus ou moins régulièrement circulaire, parfois frangé, mais embrassant d’une manière constante la base de l’ovule autour duquel il forme une sorte de cupule. Ce bourrelet, ce gonflement, cette cupule, sont les premières traces d’une partie qui jouera un rôle considérable dans la vie de l’ovule et de la graine ; ce sont les ébauches de ce tégument qui, bien réduit encore, ne tardera pas à grandir et à envelopper complètement le nucelle qui forme seul, à l’âge qui m’occupe, la presque totalité de la masse ovulaire. Les résultats acquis actuellement à la science par les travaux dont j’ai succinctement résumé les conclusions dans l’introduc- tion, montrent bien quel intérêt s’attache à la constatation pré- cise de la genèse et du développement du tégument ovulaire ; aussi ai-je cru devoir donner à cette question une attention par- mamelon ovuluire ne présente qu’un intérêt assez faible; aussi ne ferai-je qu’indiquer les différences présentées, sous ce rapport, par des plantes appartenant à la même famille. Dans les Veronica Buxbaumii, hedero; folia, elc, , le mamelon est très-sensible- ment sphérique; chez l’ Antirrhinum ma jus , au contraire, il présente une apparence claviforme. 5e série, Bot. T. XIX (Cahier n° 1). 2 o ticulière et nécessaire pour permettre d’arriver à une con- naissance exacte de ce point si délicat de l’évolution du jeune ovule. C’est surtout ici qu’il convient dese reporter constamment à cette notion de l’état antérieur dont j’aurai bientôt à parler d’unemanièreplusgénérale: l’observation du premierâge est abso- lument indispensable pour constater la présence ou l’absence d’un tégument, et c’est probablement faute d’avoir eu égard à cette con- sidération, que certains botanistes ont admis des ovules nus chez quelques plantes où l’on sait maintenant qu’il existe un tégument parfaitement conformé. La difficulté de ces recherches est d’ail- leurs souvent très-grande dans diverses plantes, et en particulier chez les Scrofularinées ; quelques chiffres permettront de bien l’apprécier : dans le Veronica Buxbaumii , l’ovaire a 0mm,96 de longueur et renferme des ovules dont la longueur est de Qmra,05, la largeur de Gram,0i6 et dont le tégument a déjà achevé presque entièrement son évolution (1). Qu’un observateur prenne un de ces ovules, et s’il ne parvient à découvrir leur micropyle punctiforme, il croira d’autant mieux voir un ovule nu que l’examen extérieur de la fleur pourra lui taire supposer qu’il a réellement sous les yeux le premier âge de cet organe. Je viens de prononcer le nom du micropyle, dernier terme de révolution du tégument, je dois donc dire quelques mots de celle-ci. Le bourrelet cupuliforme dont j’indiquais tout à l’heure l’apparition vers la base du mamelon nucellaire, s’est rapidement accru par son bord libre et tend à gagner la portion apicilaire du nucelle, le temps nécessaire pour la terminaison de cette croissance étant d’ailleurs variable et assez différent dans les diverses familles que j’ai étudiées. Chez les Veronica , comme je l’ai dit, le tégument s’accroît avec une rapidité étonnante; mais dans le Paulownia imperialis , la saillie du nuceile persiste déjà plus longtemps; chez les Nicotiana Tabacum et rustica , le tégument semble rester stationnaire durant une période très- appréciable, pendant laquelle il recouvre à peine les deux tiers (1) Chez le Digitalis purpürea, les dimensions sont à peu près les mêmes; dans l 'Antirrhinum majus el le Linaria minor, elles sont peu différentes. DÉVELOPPEMENT DE l’üVULE ET DE LA GRAINE. 19 inférieurs do l’ovule (1). Dans les Labiées (. Melissa officinalis , Lammmgarganiciim et maculation, etc.), le tégument recouvre rapidement l’ensemble du nucelle; dans les Borraginées, et en particulier chez le Borrago officinalis , on constate une certaine lenteur dans l’achèvement de ce mouvement, dont la fin dernière est de ne plus laisser saillir qu’une très-faible portion de nucelle ; bientôt même les bords de l’ouverture micropylaire se rappro- chent davantage encore et ne laissent plus entre eus qu’une ostiole fort réduite. Jusqu’ici j’ai décrit la formation de l’ovule et du tégument de façon à laisser supposer que le micropyle et le point d'insertion de l’ovule étaient opposés l’un à l’autre. Un tel mode d’exposition pouvait peut-être rendre plus aisée la compréhension de ces phénomènes dont l’ensemble est passablement compliqué, mais il ne se trouve plus en rapport avec la forme dernière de l’ovule à laquelle j’ai hâte d’arriver pour détruire .toute supposition erronée. Jamais, en effet, l’ovule adulte des Scrofularinées ou des Solanacées, pas plus que celui des Labiées ou des Borraginées, ne présente une disposition telle que la verticale passant par son centre relie l’attache du funicule au micropyle. En résumant les caractères organogéniques de certaines espèces de V eronica , j’aurai à signaler des graines dont la forme dernière se rapproche assez du type orthotrope; dans d’autres espèces du même genre, l’ovule, décrivant une courbe plus allongée, semble se rapprocher du type campylotrope ; mais, d’une façon générale, on peut les rapporter à la grande division des ovules anatropes. Quant au raplié, je ne l’ai que rarement trouvé formé par un cordon tlbro-vasculaire (N. Tahacum, etc.) ; le plus souvent il était représenté par une traînée de cellules allongées, laquelle est fort apparente dans certaines Véroniques et dans l’Euphraise. Au point de vue de l'anatomie générale, ces dissemblances ne présen- tent d’ailleurs qu'une faible importance, et l’on peutadmettre que, dans ce dernier cas, les éléments ont subi un simple arrêt de (1) En raison de cette particularité organogénique, le Nicotiana Tahacum peut être indiqué comme l’un des types sur lesquels la formation et le développement du tégu- ment soient le plus faciles à suivre. 20 •$. CilATB.V développement, car les cellules formant ces raphés iront plus qu’une bien courte période organique à franchir pour revêtir les caractères propres aux vaisseaux. Je ne veux pas insister sur ces questions, l’histoire organogénique cîu raphé me semblant encore peu connue dans ses détails et dans les relations qu’elle peut présenter avec les différentes périodes du développement de l’ovule et de la graine. Cette étude, qui exige des recherches toutes spéciales que je n’ai pu, à mon grand regret, faire rentrer dans le cadre déjà trop étendu de ce travail, a déjà été cependant l’objet de mémoires importants publiés dans ce recueil par MM. Van Tieghem et Le Monnier (1). Quoi qu’il en soit, l’ovule se recourbe vers le funicule, et le tégument suivant ce mouvement et croissant en même temps de la façon que j’ai indiquée plus haut, le micropyle se trouve ainsi reporté vers la paroi placentaire. 11 convient toutefois de faire ici une distinction très-importante : le mouvement curviligne qui fait prendre au micropyle cette nouvelle position peut s’opérer dans deux directions absolument opposées: chez les Scrofula- rinées et les Solanacées, par exemple, l’ouverture rnicropylaire est dirigée vers le fond de la loge carpellaire, l’ovule s’étant recourbé vers la base de l'ovaire; mais chez les Borraginées ( Borrago officinalis , etc.), l’évolution s’opère en sens inverse, et le micropyle se trouve entraîné non plus vers le fond de la loge, mais vers son sommet. Cette distinction n’est pas seulement intéressante au point de vue de la genèse de l’ovule, elle est encore très-importante pour la détermination des parties de la graine dont la situation semble au premier abord fort anomale : la radicule paraît pendre de la voûte de l'acharne (2), et l’on ne peut s’expliquer cette bizarre apparence qu’en ayant égard aux (1) Vau Tieghem, Note sue tes divers modes de nervation de l'ovule et de la graine ( Compt . rend., LXX11I, août 1871, et Ann. sc , nat., 5° série, XVi, {). 228. — Le Monnier, Ann. sc. nat., 1. c., p. 233. (2) Ceci doit être pris dans un sens figuré et trouve son explication dans l’apparence de la graine des Borraginées, qui est exactement incluse datis la cavité de l’achaine et se trouve protégée par les tissus durs et résistants qui constituent les parois de ce fruit. J’aurai d’ailleurs à revenir sur ce sujet en traitant du développement de l’ovule et de la graine dans divers types de famille DÉVELOPPEMENT DE L OVULE ET DE LÀ GRATNE. 21 données fournies par l’examen successif des divers âges de l'ovule, lequel montre bien que la radicule occupe ici sa position normale et se trouve dans la direction du canal micropylaire. Je viens de dire que la croissance du tégument et l’incurvation de l’ovule se faisaient en même temps; j’ajouterai que cette simultanéité crée une difficulté nouvelle pour la constatation des phénomènes qui se passent dans ces premières périodes. Chez les Veronica Buxbaumii et speciosa, par exemple, un ovule long de 0ram,05 ne présente plus qu’une saillie nucellaire de 0ram,016; chez diverses autres Scrofularinées, Labiées, etc., les dimensions sont tout aussi réduites, et dans un bouton encore fort petit on trouve les ovules déjà incurvés et dont le micropyle, rapproché du funicule, n’est que difficilement visible : chez les Borraginées il serait, par sa position, plus aisé à découvrir, mais les parois carpellaires l’entourent si étroitement, qu’on ne peut l’observer qu’en employant un artifice dont j’aurai bientôt l’occasion de parler. ■ Au point de vue anatomique, l’ovule présente, après la consti- tution de son tégument, une modification notable : il est bien encore formé de tissu utriculaire, mais les éléments n’y offrent plus les mêmes caractères lorsqu’on les examine au centre de la masse nucellaire ou à la phériphérie de l’ovule ; dans l’intérieur, ce sont des cellules polyédriques, à contours encore parfois peu arrêtés, mais gardant cependant les marques de leur pression réciproque; leurs parois sont peu épaisses. Les utricules qui limi- tent la coupe présentent au contraire une section rectangulaire ou carrée, leurs parois sont souvent plus résistantes que celles des précédentes, et leur face externe est parfois sensiblement con- vexe; leurs dimensions générales sont le plus souvent supérieures à celles des éléments qui se trouvent au centre, mais cette der- nière dissemblance n’est pas constante et ne doit être énoncée qu’avec une certaine réserve ; il n’en est plus de même pour l’épaisseur des parois et la forme de ces cellules, dont les carac- tères sont très-nets et tels que je viens de les indiquer. Le mémoire déjà cité de M. A. Brongniart a parfaitement établi que le sac embryonnaire était la partie essentielle de 22 M. C'VIATirc. l’ovule, et que de son apparition datait pour cet organe une période toute nouvelle d'activité organique. Jusque-là le nu- celle (i) était une masse cellulaire homogène et continue, et méritait assez bien le nom de « noyau parenchymateux » sous lequel Robert Brown le désignait; mais, vers le moment où l’ovule achève son mouvement d’incurvation, parfois même plus tôt, on voit une cellule située souvent vers la partie supé- rieure du nucelle, rarement vers sa région centrale, grandir rapidement et former ainsi peu à peu une cavité qui se présente, vue par transparence, comme une tache grisâtre; la forme de cette cavité est très-variable, qu’on l’observe dans les plantes différentes ou dans une même plante aux diverses périodes de son développement. Ainsi, dans le Veronica arvensis , le sac embryonnaire est d’abord sphéroïdal, puis, s’allongeant selon son diamètre vertical, il devient elliptique, ou plus ou moins piriforme; parfois, enfin, son extrémité supérieure se renfle en boule ; dans le Veronica Beccabunga , sa forme est presque constamment arrondie ; elle est ovalaire dans le Veronica Chamœdrys et le Borrago officinalis; arrondie, puis elliptique dans le Veronica acini folia; recourbée en crosse ou diverse- ment renflée dans le JT. agrestis , etc. Le sac embryonnaire présente, durant une longue période de son développement, la forme d’une cornue chez le Digiialis purpurea et celle d’un matras dans Y Ântirrhinum majus et le Linaria irninor ; dans d’autres plantes appartenant à la même famille, sa configura- tion est encore plus bizarre, et peut causer ainsi de singu- lières erreurs d’interprétation. Par les progrès successifs du développement de ce sac, le tissu* du nucelle se trouve progressivement repoussé; il est même résorbé peu à peu, et le sac embryonnaire arrive ainsi à n’être plus recouvert que par le tégument ovulaire. J’ai ainsi figuré lin ovule du Veronica Buxbaumii , pris à une époque déjà avancée de son développement : on voit qu’une incision pratiquée à la mince enveloppe tégumentaire suffit (1) Plusieurs auteurs modernes font du mot nucelle. un substantif féminin; je ne crois pas rationnel d’adopter cette qualification pour un mot qui dérive de nucléus , noyau. DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. 23 pour mettre à nu le sac embryonnaire parfaitement ovoïde qui s’y trouve renfermé (1). Le laps de temps nécessaire à la formation de cette cavité est naturellement très-variable, mais les Véroniques offrent encore, à ce point de vue, une rapidité d’évolution très-comparable à celle que j’ai eu l’occasion d’indiquer dans ces plantes en y dé- crivant les progrès du nucelle et du tégument. Chez le Digital i.s pur pur ea on remarque encore que la cavité centrale grandit assez vite; mais les Nicotiana Tabacum et rustica , ainsique plusieurs Borraginées, montrent au contraire des sacs embryonnaires dont le développement est plus lent. Je n’ai jamais constaté de hernie véritable du sac embryon- naire, et je crois que cette particularité est, en définitive, beau- coup plus rare (pue certains auteurs ne semblent le croire; il faut d’ailleurs s’entendre sur le sens du mot hernie. Jamais je n’ai vu dans les types compris dans mes études le sac perforer le tissu du nucelle et le tégument, ou simplement le nucelle, pour venir faire saillie hors de ces enveloppes; mais il est bien évident que lorsque le sac embryonnaire prend de bonne heure une forme anomale comme dans certaines Véroniques, dans X Anlirrhinum ou le Di- gitalisa le tissu nucellaire, ne subissant pas un envahissement égal sur tous les points de son étendue, présentera nécessairement une résorption inégale de ses éléments, et, par suite de cette disposi- tion, certaines parties du sac auront déjà gagné le voisinage du tégument, tandis que d’autres se trouveront encore environnées presque complètement par les tissus du nucelle. Qui dit hernie, dit sortie après rupture ou ouverture accidentellement ou brus- quement produite, et j’avoue n’avoir jamais rien constaté de semblable dans les plantes où j’ai pu suivre les progrès du sac embryonnaire et la disparition progressive du nucelle ambiant ( Veronica en particulier). On conçoit qu’il soit assez difficile d’observer d’une façon suffi- sante le contenu du sac; aussi me bornerai-je à indiquer que, dans tous les cas où j’ai pu l’examiner, il m’a présenté l’apparence d’un (1) PI. 1, fig. 20. 2 h j. c'hatis. liquide granuleux et grisâtre bien différent de celui que renfer- ment les utricules polyédriques du nucelle, lequel est générale- ment un liquide homogène. Lorsque les tubes polliniques sont parvenus dans le voisinage des ovules, le micropyle de ceux-ci offre encore une ouverture en forme d’entonnoir, sorte de canal que j’ai cru devoir figurer à plusieurs reprises (1); le boyau pollinique parcourt ainsi un trajet de quelques centièmes de millimètre (12 au plus), et atteint le sac, dont il déprime la fine membrane; jamais je ne l’ai vu perforer celle-ci ; il est d’ailleurs inutile d’insister sur ce point, la doctrine Horkelienne étant jugée depuis longtemps. La vésicule embryonnaire fécondée se segmente d’après le mode bien connu, pour former le suspenseur, qui peut atteindre une longueur variable (2) et à l’extrémité duquel se trouve l’embryon . Dans certains cas, j’ai pu voir les vésicules antipodes, toujours situées vers le pôle opposé du sac embryonnaire (3). En ce moment, la capacité du sac est remplie par un liquide plasmique dans lequel baignent l’embryon et son suspenseur. Selon M. Robin (h), ce liquide doit être regardé comme l’ana- logue du vitellus, le sac embryonnaire représentant le véritable ovule des végétaux et sa paroi jouant le rôle de la membrane vitelline; c’est surtout dans le Borrago officinafis que j’ai trouvé ce liquide en grande abondance. L'embryon conserve peu cet état sphéroïdal, et bientôt on le voit s’aplatir et présenter la première ébauche de la radicule, toujours tournée vers le micropyle ; les cotylédons se dessinent de mieux en mieux, et l’ensemble de l’embryon finit par ressem- bler assez bien à un cœur de carte à jouer (5). (1) PL 1, fig. 14; pi. 3, fig. 10; pl. 5, fig. 4, 6; pl. 4, fîg. 25, 11, 12; pl. G, fig. 9, 11. (2) Pl. 3, fîg. IG, 17; pl. 4 , fîg. 14'; pl. 5, fig. 4, 6; pl. 4, fîg. 3; pl. 4, fig. 26, 27; pl. 6, fig. 11. (3) Pl. 4, fig. 26 ; pl. G, fig. 11. (4) Ch. Robin, Sur l’existence d’un ovule chez les mâles et chez les femelles des ani- maux et des végétaux ( Compt . rend., 1848, t. 111, p. 528). — Dictionnaire de N y sien, 12° édition, 1865, art. Ovule. (5) Pl. 2, fig. 3, 3'; pl. 5, fig. 8, 10; pl. 3, fig. 24; pl. 4, fig. 28, 29, etc. DEVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. 25 En même temps on remarque que le contenu du sac s’organise à l’état de tissu cellulaire. Dans ce liquide granuleux apparaissent des noyaux; autour de chacun d’eux se rassemble une pelote de protoplasma, puis une enveloppe de cellulose se montre autour d’elle et la transforme en une cellule végétale ordinaire. Ces cellules ainsi produites par formation libre se multiplient à leur tour par division, et la masse de l’albumen se constitue ainsi rapidement. Ces phénomènes dont le sac embryonnaire est le siège pré- sentent, surtout dans leur première période, la plus grande ana- logie avec ce qu’on observe dans le vitellus animal, et justifient bien l’assimilation que je rappelais tout à l’heure. 11 convient d’ailleurs de remarquer que les cellules ainsi produites sont plus ou moins grandes dans chaque plante: c’est ainsi que dans cer- tains groupes du règne animal ( Oiseaux , etc.) les phénomènes du développement présentent diverses particularités de valeur variable, sans cesser cependant jamais d’être comparables. En reprenant l’histoire de l’embryon au point où je viens de la laisser, c’est-à-dire au moment où les cotylédons et la radicule viennent de s’ébaucher, je dois tout d’abord rappeler que ces parties s’accroissent assez rapidement et se montrent formées par un tissu cellulaire à éléments remarquables par leur petit diamètre et leurs minces parois. Ce caractère histologique me semble constant dans les familles (pie j’ai étudiées, et je pense qu’il mérite, à ce point de vue, un certain intérêt. M. Duchartre est, je crois, le premier qui l’ait signalé dans l’embryon de la Clandestine ( S ). La radicule s’allonge fort peu dans la majorité des cas, mais s’accroît notablement en largeur et devient massive, caractère qu’elle présente principalement chez les Labiées et les Borragi- nées ; les cotylédons s’étendent de plus en plus, et l’embryon acquiert ainsi sa forme définitive. Dans Y Anürrhinum ma] us , il est allongé; chez le Veronica acini folia, il est renflé, etc. Sous ce rapport, la famille des Solanacées offre des types bien diffé- (1) Duchartre, loc. cit. 2G JS. «'Si ATS*. rents: ainsi l’embryon du Tabac esl à peine infléchi, tandis que celui du Daturu Stramonium se recourbe sur lui-même de façon à figurer une véritable crosse. Dans beaucoup de Véroniques, l’embryon est légèrement courbe, et demeure ainsi parallèle à la paroi de l’ovule ou plutôt de la graine, car à cette époque l’em- bryon a atteint à peu près ses dimensions dernières et l’albumen s’est constitué. Cette formation s’est faite très-simplement, les larges cellules mentionnées plus haut dans la cavité du sac s’étant segmentées comme on l’a vu, et ayant ainsi produit peu à peu une masse utriculaire à éléments serrés les uns contre les autres. La section de ces cellules est polygonale, leurs parois sont épaisses, leur contenu offre des granules colorables- en brun par l’iode (1). Dans les Solanacées et les Scrofularinées, la masse albumineuse est le plus souvent considérable, et sur une coupe transversale de la graine on a , de dehors en dedans : 1° Le test ; 2° L’albumen ; 3° L’embryon. Chez les Borraginées et les Labiées, au contraire, au-dessous du test, se trouve l’embrvon, à moins qu’il n’existe une lame plus ou moins épaisse d’albumen, comme c’est le cas dans X An- chusa italica ou dans le Cynoglossum officinale. Chez les Labiées, et en particulier dans le genre Lamium, on voit, se former un albumen qui se réduit à mesure que l’em- bryon se développe, tandis qu’il persiste chez le Scutellaria { 2). La graine diffère très-notablement de l’ovule, et par sa forme, et aussi par son aspect extérieur. Celui-ci ne tarde pas en effet à revêtir des caractères remarquables, et qui varient dans les divers genres d’une même famille et souvent même dans les (1) Dans les premiers temps de sa formation, l’albumen du Lamium maculation bleuit au contact de l’iode. (2) M. Decaisne admet que l’albumen formé dans le sac embryonnaire est constam- ment charnu, et c’est en effet ce que j’ai toujours observé. (Voy. Decaisne et Le Maout, Traité général de botanique, p. 107.) DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE TA GRXIlNE. 27 espèces d’un môme genre. Les Véroniques en offrent de nom- breux exemples : dans le Veronica hederœfolia , la surface de la graine est papilleuse ; chez le V. Buxbaumii et le V. arvensis, elle présente des sortes de cannelures encore plus nettement dessinées chez quelques espèces voisines. Dans Y Antirrhinum mojus , le Linaria minor, Y Euphrcisia officïnalis , le Digitalis purpurea, les Nicotiana, etc., cette surface porte de nombreuses côtes saillantes qui lui donnent un aspect aréolé. - Dans un beau mémoire que j’ai déjà cité et dont il sera fait de nombreuses mentions dans le cours de ce travail, M. Tulasne admet que chez les Scrofularinées le tégument ovulaire constitue seul le tégument de la graine, grâce aux diverses modifications qu'il subit progressivement; toutes les observations résumées ici m’ont conduit à une conclusion analogue, et je crois que si le tissu extérieur du nucelle contribue à la formation ainsi qu’à l’épaississement du test, ce n’est que d’une façon exceptionnelle. Lorsque la graine offre une surface à peu près lisse sur toute son étendue, comme dans certains Veronica , le tégument ne subit pas de transformations importantes : ses cellules consti- tutives s’accroissent, leurs parois s’épaississent et leur face libre devient dentelée ou papillaire; là se bornent les changements dont cet organe est le siège. Mais il en est tout autrement chez les Scrofularinées, qui présentent un test épais et aréolé. Dans l’ Antirrhinum, par exemple, on remarque à une période avancée de la vie de l’ovule que sur certains points de sa sur- face, les cellules de la périphérie, d’abord déprimées, s’allongent sensiblement, puis s’accolent les unes contre les autres, épais- sissent leurs parois, deviennent fibroïdes, et constituent ainsi, en dernière analyse, les pointes qu’on remarque à la surface de la graine (1). Chez le Digitalis purpurea, Y Euphrasia officinalis (2) et le Linaria minor, les choses se passent sensiblement de la même façon. Dans les diverses plantes que j’ai pu étudier, on remarque que (1) PI. 3, fig. 25. (2) PI. Ü, fig. 7. 28 .f. OIATIÜ'. le nombre des assises cellulaires entrant clans la constitution de la zone tégumenlaire est assez variable : ainsi dans l’ Antirrhimim, il yen a trois ou quatre, parfois plus (1 ) ; dans Y Euphrusia, leur nombre ne dépasse pas trois (2); dans le Salvia Sdarea , il se réduit à deux (3); enfin dans la plupart des Véroniques (k) et des Sola- nacées (5) il n’y a qu’une seule assise recouverte d’une couche cuticulaire. Cependant, dans ces plantes, le tégument ovulaire comprenait toujours plusieurs assises de cellules ou tout au moins deux ; aussi me crois-je autorisé à admettre, avec M. Tulasne (6), que dans certains de ces cas le test est formé par l’assise la plus interne du tégument ovulaire. On se confirme dans cette opinion en considérant que, dans certaines graines dont le test séminal est formé d’une seule assise de cellules, on remarque parfois, à la surface de celle-ci, des débris provenant de l’assise qui lui était immédiatement superposée dans le tégument ovulaire (Dot tira, etc.). Pour terminer ce qui a trait à ces considérations générales, il me reste à faire connaître la méthode que j’ai suivie, et à indi- quer succinctement ses caractères et les motifs qui m’ont déter- miné à l’employer. En raison de la nature même de ce travail et des exigences qu’il comportait, j’ai cru indispensable de compléter l’examen organogénique par l’étude comparée des éléments anatomiques considérés aux principales périodes de la vie de l’ovule et de la graine, le ne pense pas qu’on puisse jamais suivre exactement l’évolution d’un organe au moyen de coupes anatomiques et avec le seul concours du microscope composé; mais j estime très-avantageuse cette méthode qui corrobore les résultats ob- tenus dans la dissection par l’étude des modifications subies par les tissus et les éléments aux diverses périodes considérées. Les grossissements dont je me suis servi ont généralement (1) PI. 3, fi-, 28. (2) PL à, fig. 7. (3) PI. 8, fig. 2' c, cl. (à) PI. 2, lig-. 13; pl. 5, fig. 7. (5) PI. 5, fig. 1, 2, 5, 8. (6) L. R. Tulasne, loc. cil., p. 49. 39 DÉVELOPPEMENT DE l'üVULE ET DE LA. GRAINE. varié entre 50 et /lOO diamètres; j'ai rarement dépassé ce dernier chiffre : cependant, lorsque j’ai eu à étudier les modi- fications de certains éléments, et particulièrement des cellules du tégument, j’ai employé avec succès une lentille à immersion donnant 1000 diamètres. Quanta la dissection sous le microscope simple, les -précautions qu’elle exige et les manœuvres qu’elle nécessite sont trop connues pour qu’il soit nécessaire de les rappeler ici. À ce sujet pourlàni, je crois devoir indiquer un procédé qui m’a rendu les plus grands services pour l'étude des Labiées et des Borraginées, et dont les botanistes se livrant à de semblables recherches pourront tirer peut-être quelque profit. Chez ces plantes, on sait qu’il n'existe généralement qu’un ovule dans chaque loge ovarienne, dont on ne peut l’extraire que difficilement intact en ouvrant la paroi carpellaire par sa portion supérieure; ayant éprouvé plusieurs déconvenues en manœuvrant de la sorte, j’ai modifié de la façon suivante le ma- nuel opératoire. Au lieu d'entamer la loge ovarienne par sa por- tion supérieure et libre, je l’attaque par sa base. Introduisant horizontalement une aiguille à cataracte sous l’insertion même du carpelle, je taille ainsi une sorte de petit plateau que j’en- lève par un mouvement d’abaissement, et qui me présente le jeune ovule porté par le plateau carpellaire dont je ferai con- naître l'évolution et la situation lorsque je m’occuperai spéciale- ment de l’organogénie des Borraginées. Dans l’examen successif des diverses phases par lesquelles passe l’ovule, de même que dans l'étude des modifications histologiques dont ses tissus sont le siège, je me suis attaché à considérer attentivement Y état antérieur de l’organe, état antérieur dont M. Chevreul a formulé nettement la notion (l) et dont on doit constamment tenir compte dans les études organogéoiques. L’observateur qui se borne à suivre l’évolution cfun élément ana- tomique est dans l'obligation de tenir compte de cet état anté- rieur, s'il ne veut s’exposer à de graves erreurs ; il est aisé d’ima- giner combien cette obligation devient plus étroite lorsqu’on (1) Chevreul, De la nécessité dans l’organogénie d’établir comment l’observateur conçoit l' état antérieur ( Journal des savants 3 18A0, p. 717). se propose d’étudier la genèse et l’évolution d’un organe, partie complexe formée par divers éléments anatomiques. L’étude de l’ovule des Véroniques, celle de la graine des Labiées, etc., en offriront fréquemment la preuve. Dès 1842, ces principes ont été appliqués par M Duchartre, qui montre combien « il est indispensable de remonter à l’ori- » giuc première de l’organe, et de le suivre pas à pas dans toutes » les phases de son évolution, afin de se rendre compte des mô- » difications qui surviennent, soit dans sa forme, soit dans ses » rapports (!) ». C’est en effet dans les recherches du genre de celles-ci qu’il convient d’avoir constamment égard à ces consi- dérations ; en agissant de la sorte, plus d’une erreur peut être évitée. J’ai pu apprécier, dans le cours de ce travail, les avan- tages considérables que présente cette méthode. J’ai déjà dit, au début de ce chapitre, que l’histoire du déve- loppement ovarien n’occuperait qu’une place très-limitée dans ce mémoire ; je dois ajouter, à ce propos, que les divers points du développement de l’ovule et de la graine se trouveront parfois traités avec une étendue inégale dans les divers types d’un même genre ou d’une même famille. C’est ainsi, par exemple, que dans les Scrofularinées, les premiers âges de bovidé et son évolution générale seront principalement décrits avec de minutieux détails chez diverses espèces du genre Veronica , en raison même des dissemblances profondes que présentent ces plantes considérées au point de vue de la rapidité avec laquelle l’ovule s’incurve ou se recouvre de son tégument, ou bien encore au point de vue de la configuration de la graine. Les productions spermodcrmiques, les caractères différentiels que peut présenter le lest de la graine, seront au contraire étudiés surtout dans X Antirrliinum majus , de façon à pouvoir être notablement abrégés chez divers types voisins, tels que le Dic/italis purpurea et le Linatia minor. Le dé- veloppement du sac sera au contraire décrit avec une étendue presque égale dans plusieurs Veronica , dans 1 ’ Antirrhmum^ dans (1) P. Ducliartre, Observations sur la fleur et particulièrement sur l'ovaire de rCEnothera suaveolens {Ann. sc. nat., série, 18Æ2, XVIII, p. 339). DÉVELOPPEMENT DE L OVULE ET DE LA RAINE. 3L Y Euphrasia officinalis et dans le Digitalisa en raison même de ses formes variables et parfois bizarres, de la rapidité ou de la len- teur de sou accroissement, de la nature de son contenu, etc. L’anatomie de la graine, la constitution de l’embryon, seront examinées dans tous les genres principaux (Veronica, Antirrhi- nam. Digitalisa Euphrasia , Linaria, Melampjpum) . Ce que je viens de dire des Scrofularinées peut s’appliquer également aux Solanées, aux Labiées et aux Borraginées ; dans celte der- nière famille, je me suis attaché tout particulièrement à l’étude anatomique de la graine, qui, comme on sait, est tantôt pourvue d’un mince albumen et tantôt, au contraire, exalbuminée. Cette considération ne m’a d’ailleurs pas fait négliger l’étude organogénique de l'ovule, dont la connaissance était indispen- sable pour faire comprendre la situation de la radicule, situa- tion fort bizarre au premier coup d’œil. Telle est la méthode que j’ai suivie et tels sont les principes qui m’ont guidé durant tout le cours de ces recherches : lors- qu’un point m‘a paru douteux ou vague, je n’ai pas hésité à reprendre aussitôt son étude d’une façon complète. J’espère donc m’être entouré de toutes les garanties désirables, sans imaginer pour cela avoir complètement et exactement rempli la tâche que je m’éiais imposée. De trop nombreuses lacunes s’y remarqueront, sans doute, pour lesquelles je n’ai d’autres excuses que les difficultés inhérentes à toute recherche organo- génique. SCROFULARINÉES. Par ses affinités naturelles, par les caractères remarquables qu’on rencontre chez certains de ses types génériques, la famille des Scrofularinées est une des plus intéressantes de la série des Corolliflores. Des travaux antérieurs, que j’ai précédemment cités et dont les plus importants sont dus à MM. L. R. Tulasne et J. E. Planchon, ont montré que le développement de son ovule et la constitution de sa graine offraient d'intéressantes dis- positions organiques 5 aussi ai-je pensé ne pouvoir mieux com- .SU i'IE.VSXV O O l mencer mes études qu’en examinant tout d’abord ce groupe si remarquable au point de vue où je devais me placer. Le plan de mon travail étant, par la naturemême du sujet., assez différent de ceux que s’étaient tracés les habiles observateurs qui m’ont précédé, j’ai dû suivre une autre marche, et éviter ainsi de retracer les phénomènes dont ils nous ont fait connaître la nature et l’évolution. Le genre Verovica , si singulier par plusieurs de ses carac- tères, m’a longuement occupé, et c’est par sa description organo- géniqueque commencera la série de mes observations, qui ont également porté sur divers autres types de la famille; je me suis efforcé d'en varier les principales conditions, afin d’éviter, en une certaine limite, des répétitions presque inévitables dans un travail tel que celui-ci. VERONICA BUXBAUMII. (Planche 1.) I. — L’ovaire est représenté d’abord par une éminence cen- trale, irrégulièrement sphérique, très-comparable à un petit mur circulaire, et dont le sommet offre une dépression assez sensible pour lui donner l’apparence d’une troncature (i). Le diamètre transversal diminuant peu à peu, tandis que le diamètre vertical augmente, la masse ovarienne ne tarde pas à prendre une forme presque sphérique; en même temps on voit l’échancrure upicilaire s’atténuer ou rester tout au moins stationnaire. Cette dépression s’effaçant même complètement à l’âge sui- vant, l’ovaire présente alors une apparence globuleuse, mais cette forme ne larde pas à se modifier de façon à donner à cet organe l’apparence sous laquelle ou la connaît dans la fleur formée. A la surface de l’ovaire apparaît, en effet, une double ligne bilatérale d’abord à peine marquée, dirigée dans le sens vertical (i) pi. 1, fig. i. DÉVF.LOPPEMENT DE l’oVULE ET DE LA. GRAINE. 33 et occupant le milieu du mamelon ovarien; s’accentuant de plus en plus, cette ligne devient même, par le renflement des deux carpelles, un véritable sillon qui se bifurque à ses deux extré- mités, de sorte que la masse ovarienne n’est plus constituée par une masse sphérique et indivise, mais présente, au moment qui m’occupe, l’apparence de deux demi-sphères accolées l’une à l’autre. Quant au sommet de l’ovaire, j’ai indiqué la disparition pro- gressive de la dépression qu’on y remarquait dans le premier âge : en se rapprochant, les bords qui limitaient cette petite cupule forment, parieur réunion et leur fusion, un petit mamelon médian, base et premier rudiment du style qui se constitue bientôt avec la forme grêle et élancée qu’il conservera toujours; plus tard, son sommet se divise en un double stigmate, grâce à une série de transformations trop peu intéressantes pour que je croie utile de m’y arrêter. Pour en finir avec ces diverses périodes du développement de l’ovaire, il convient de remarquer que le réceptacle se gonfle à sa base et s’accroît en même temps dans le sens transversal, de façon à constituer bientôt le disque sur lequel repose l’ovaire. IL — C’est sur la cloison bilatérale séparant en deux loges antéro-postérieures la cavité ovarienne que se montrent les ovules : vers la région moyenne de cette cloison placentifère se forment de très-petites masses globuleuses, qui en sont les pre- miers rudiments; ces petites sphérules nées sur le milieu du pla- centa sont bientôt accompagnées, tant au-dessus qu’au-dessous, de corps absolument semblables, mais nécessairement plus jeunes. Les ovules se trouvent disposés en deux séries presque parallèles (I); des coupes pratiquées en ce moment, à travers ces petites masses, les montrent constituées uniquement par un tissu cellulaire dont les éléments sont sphéroïdaux et fort sem- blables entre eux, qu’on examine les utricules de la phériphérie ou celles du centre. p) PI. 1, fig. 2. 5e série, Bot. T. XIX (Cahier n° 1). 3 S o/| J. CHATUS. A ce premier âge, l’ovule, presque régulièrement sphérique, repose sur le placenta par une base assez large, mais qui va se modifier rapidement et profondément. Cette portion basilaire, conservant en effet le môme diamètre transversal, ne tarde pas à s’accroître dans le sens vertical (1), et bientôt l’ovule apparaît supporté par un petit pied qui l’attache au placenta, pied qui est la grossière et informe ébauche du funicule. Vers cette époque, une autre modification plus importante se produit à la surface de l’ovule. Autour de sa masse apparaît, en effet, un petit bourrelet assez régulièrement circulaire, offrant un relief déjà sensiblement accusé, et qui n’est autre chose que le premier état du tégument ovulaire (2). S’accroissant rapidement vers l’extrémité libre du mamelon nucellaire qu’elle accompagne dans sou mouvement d’incurvation (3), cette enveloppe ne tarde pas à recouvrir complètement le nucelle ; pour donner une idée de la rapidité avec laquelle s’effectue son développement, il me subira de dire que sur des ovules n’atteignant pas 0min,l en lon- gueur, le nucelle ne présente déjà plus la moindre saillie hors de l’orifice micropylaire. Ainsi s’explique l’erreur des botanistes qui ont cm que cette espèce possédait un ovule nu ; n’ayant pas eu égard à Y état antérieur , ils ne purent s’appuyer que sur Y état actuel absolument insuffisant à pouvoir leur faire connaître la conformation véritable de cet ovule. Au point de vue morphologique, ce dernier est déjà bien dif- férent de ce qu’il était dans l’âge précédent : au lieu d’une masse globuleuse et à contours mal définis, il présente maintenant une forme arrêtée, se trouve supporté par un pied presque distinct et revêtu d'un tégument propre dont l’évolution est déjà achevée. Si de l’extérieur on passe à l’intérieur, il est aisé de voir qu’à ces modifications externes correspondent des transformations intimes dont l’examen histologique permet de se rendre aisément compte : la masse utriculaire, si peu compacte, que tous ses (1) La verticale serait déterminée par une ligue menée du point d’insertion au point directement opposé de la masse ovulaire. (2) PI. 1, tig. 3. (3) PI. 1, lig. h, 5. DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. S5 éléments offraient une section arrondie, a disparu pour faire place à un tissu bien mieux défini : le centre de la niasse, le nucelle, pour employer une expression plus générale, est consti- tué par des cellules polyédriques, à contour parfaitement déli- mité, à contenu plasmique; puis, autour de ce nucelle, se voit une zone de petites cellules, dont les plus superficielles sont convexes, zone qui n’est interrompue sur aucun point de la périphérie de l’ovule dont elle suit ainsi tout le contour. Ici encore se révèlent les incomparables avantages de cette mé- thode mixte poursuivant à la fois l’étude des transformations morphologiques et l’examen des modifications histologiques, méthode qui permet de rapprocher de la forme actuelle qu’on a sous les yeux la constitution intime de l’organe en cours d’observation. Ainsi que je le faisais remarquer plus haut, l’ovule s’est incurvé, rapprochant de son insertion son ouverture micropylaire ; la masse ovulaire semble avoir glissé d’un côté, et le développement transversal s’est ainsi accentué d’une façon très-notable. En ce moment, où l’ovule répond assez bien au type classique de l’ana- tropie, des modifications importantes ne vont pas tarder à se montrer. Sur un point variable, mais généralement excentrique, de la masse nucellaire, on voit une. cellule qui prend un accroissement inusité, et arrive, par le progrès de son développement, à former une petite cavité, laquelle, vue par transparence, se montre comme une tache grisâtre, et n’est en réalité autre chose que la première ébauche du sac embryonnaire qui, d’abord ovalaire, ne tarde pas à devenir piriforme; une portion grêle semble, en effet, soutenir une masse renflée et dirigée vers le funicule, puis la partie allongée et rétrécie du sac disparaît peu à peu, et cette cavité prend la forme d’un ovoïde dont les dimensions devien- nent énormes et dont le rapide accroissement détermine peu à peu la disparition du nucelle (1). Tandis que le sac embryonnaire se formait, on voyait une (1) PL 1, fiS. 6, 7. 36 J. €MAT1M. sorte de gibbosité se dessiner vers la portion supérieure de l’ovule et y présenter bientôt après l’apparence d’un bec (1) ; une sorte de cordon épais et formé de cellules allongées se con- stituaot peu à peu entre ce bec et le funicule, il en résulte, en dernière analyse, une sorte de côte épaisse terminée supérieu- rement en bec-de-corbin, si je puis m’exprimer ainsi, et reposant inférieurement sur le funicule : rien de plus intéressant que d’étudier les aspects bizarres que revêtent ces parties à mesure qu’elles se développent et se modifient. Vers la partie inférieure du sac, on découvre bientôt une petite masse arrondie et celluleuse formée par l’embryon dont la segmentation vient de se produire ; cette petite masse présente bientôt une portion inférieure rétrécie et figure ainsi d’une façon grossière un cœur de carte à jouer. En disséquant soigneusement un ovule arrivé à cet âge, on peut en extraire le petit embryon cordiforme que je viens de décrire. On peut aussi, en procédant de la même manière, mettre à nu le sac embryonnaire qui se présente sous la forme d’un gros ovoïde revêtu par le tégument ovulaire qui l’enveloppe exactement. Quant à l’embryon, il con- tinue à s’accroître, mais sans atteindre jamais àde bien grandes dimensions; sa radicule est inférieure, et la scissure qui sépare ses deux cotylédons, peu profonde. Au point de vue topogra- phique, je dois dire que l’embryon ne se trouve que très-rare- ment au centre de l’albumen, sa position étant généralement inférieure à cette région, par suite de l’élongation du sus- penseur. A ce moment, 1’observateur a sous les yeux une masse ovoïde appliquée sur la convexité d’une sorte de support recourbé, sup- port reposant lui-même sur un pédicule large et court. La masse ovoïde est le sac et son enveloppe, le support est cette côte sail- lante et en forme de raplié sur l’origine de laquelle je n’ai plus à revenir; quant à sa base, elle est constituée par le funicule, qui seul n’a guère changé au milieu de cette série de modifi- cations si remarquables. Il est, je crois, inutile d’insister sur la (1) Pl. 1, fig, 8, DÉVELOPPEMENT DE L'OVULE ET DE LA GRAINE. 37 différence d’aspect que présente l’ovule selon qu’on l’examine par l’une ou l’autre de ses faces, l’espèce de raphé formé par l’arête saillante ne se montrant que lorsqu’on regarde l’ovule par sa face concave. IÏI. — La forme ovoïde du sac et de son enveloppe se modifie considérablement : la face convexe de l’ovule s’aplatit d’une façon notable, ses bords s’incurvent, des stries apparaissent à la surface et s’y changent bientôt en sillons. Ces stries, ces sillons augmentent en nombre et en profondeur, la face libre de la masse ovulaire se chagrine de plus en plus : la graine est consti- tuée. Si l’on fait alors une section transversale à travers sa masse, on y trouve un albumen copieux et formé par ta segmentation du contenu du sac qui a progressivement formé cette masse de cellules polyédriques, à parois peu épaisses, à contenu granu- leux; dans cette masse se trouve enfermé l’embryon, dont le tissu est formé par des utricules plus petites et plus délicates que celles de l’endosperme ambiant ; l’ensemble de la graine est limité par une assise de cellules plus ou moins papilleuses qui forment le test même de la graine. Sur la coupe longitudinale de celle-ci, on retrouve le tégument séminal, l’endosperme et l’embryon, dont on peut alors apprécier les dimensions et la direction : l’embryon est petit, excentrique, et présente sa radicule tournée vers le micropyle. IV. — Je ne me suis étendu aussi longuement sur l’histoire de l’ovule et de la graine du Veronica Buxbaumii qu’en raison des modifications curieuses qui se trouvent révélées par cette étude : de bonne heure la portion basilaire de bovidé prend la forme d’un funicule, et c’est aussi de fort bonne heure que le tégument ovulaire apparaît, se constitue, et vient recouvrir le mamelon nucellaire qui s’est incurvé en même temps. Sans quitter encore cette étude des transformations morphologiques, il faut noter l’apparition et l’accroissement de cette gibbosité, qui, se reliant au funicule, contribue si puissamment à donner à l’ovule et à la graine leur bizarre aspect. Le Veronica arvensis nous présentera une production assez semblable et dont l’origine est la môme. M. Tulasne la décrit comme «un raphé ou faisceau de cellules allongées » ; je crois ce dernier terme préférable, en raison même des réserves qu’il implique: le fait est que jamais un cordon vas- culaire n’apparaît dans un point quelconque de l’ovule ou de la graine. L’étude attentive de l’évolution du sac embryonnaire révèle les particularités curieuses de sa configuration, et peut seule permettre d’arriver à connaître l’origine et la nature de l’albu- men et du tégument séminal, le premier formé au sein du sac embryonnaire, le second constitué parle tégument ovulaire dont les éléments se sont tuméfiés et sont devenus plus ou moins papilleux. 11 n’y a pas ici hernie véritable du sac embryonnaire, mais bien refoulement du nucelle et disparition progressive de sa masse, devant les progrès du sac qui, comme le montre une de mes figures, finit par constituer tout l’ovule, abstraction faite de la mince tunique tégumentaire qui le recouvre. Cette môme étude ainsi poursuivie aux divers âges de l’ovule et de la graine, permet encore de se rendre bien compte des sillons et des stries qui se voient à la surface de celle-ci ; ces mar- ques extérieures n’apparaissent que tardivement et se constituent d’une façon bien plus simples que certaines productions spermo- dermiques dont plusieurs Scrofularinées nous offrent des exem- ples. J’aurai, en effet, l’occasion de signaler chez Y Antirrhinum majus, le Digitalis purpureu, etc., diverses modifications du test, modifications qui, pour se produire, exigent le plus souvent des changements histologiques considérai des dans les cellules du tégument. VERON ICA HEDERÆFOLIA. (PI. 2.) Il est bien peu de plantes dans lesquelles l’étude organo- génique de l’ovule ait été aussi minutieusement et aussi fréquem- ment étudiée que chez le Veronica hederæ folia. Des savants émi- nents s’en sont successivement occupés, et si leurs conclusions DÉVELOPPEMENT DE l/oVQLE ET DE IA GRAINE. 39 n’ont pas toujours été absolument concordantes, elles nous ont du moins fait connaître cette espèce comme l’une des plus curieuses que l’on puisse trouver sous le rapport des modifications que pré- sentent successivement l’ovule et la graine (1). C’est ici surtout qu’il convient d’examiner soigneusement les ovules pris à leur premier âge : le tégument grandit en effet avec une rapidité telle, que lorsque l’ovaire est encore à peine formé, on y trouve des ovules anatropes et sans trace de canal micropylaire; aussi serait-on tenté, à ce moment, de regarder ces ovules comme parfaitement nus, ce qui est en désaccord avec les observations faites aux premières périodes du déve- loppement. !.— L’ovaire se présente dhabord sous la forme d’un bourre- let notablement conoïde, et dont le sommet se creuse bientôt d'un sillon transversal; il en résulte la formation de deux lèvres apicilaires opposées Tune à l’autre. D’abord peu distinct de la masse ovarienne, ce sommet s’allonge bientôt en prenant l’appa- rence d’un cylindre, puis sa base se rétrécit, et finalement on voit l’ovaire supporter une petite colonne dont le sommet pré- sente toujours la même bifidité qui vient d’être signalée (2). La masse inférieure ou basilaire, s’arrondissant de plus en plus, a pris bientôt la forme d’un dôme sur les flancs duquel se sont dessinées des stries verticales qui, se changeant en sillons, indiquent extérieurement les loges de l’ovaire, et donnent à cet (1) Duvau, Considérations sur le genre Veronica, etc. {Ann. sc. nat., lre série, 1826, t. VIII, p. 107, pi. 26, etc.). Auguste de Saint-Hilaire, Leçons de botanique comprenant principalement la mor- phologie végétale. Paris, 1841, p. 731. Nees, Généra plantarum fl. German., fasc. XVI (1837), n° 17, fig. 18-24. Schleiden, in Nov. Act. nat. cur., 1839, t. XIX, p. 1, p. 57, tab. vm, fig. 139-140. J. E. Planchon, Mémoire sur les développements et les caractères des vrais et des faux avilies, suivi de Considérations sur les ovules de quelques Véroniques et de /’Avi- cennia. Montpellier, 1844. L. R. Tulasne, Études d’ embryogénie végétale [Ann. sc. nat., Botanique, 3e série, 1849, t. XI, p. 27, pl. 3, fig. 30-35). (2) PI. 3, fig. 1, 3, 7. J. CHATON. ko organe l’apparence sons laquelle on le connaît le plus souvent ; la colonne stylaire s’est, d’ailleurs allongée et un stigmate papil- leux couronne son faîte. Le disque hypogyne suit son évolution normale, ne présentant rien de particulièrement notable, soit dans les modifications de sa forme, soit dans les changements de sa structure intime. IL — Quant à l’ovule, qui doit m’occuper d’une façon toute spéciale, il apparaît, à la surface du placenta, comme un petit mamelon dont le diamètre ne dépasse pas 0ram,Q3, et dont la structure intime présente une extrême simplicité, l’examen his- tologique montrant ce petit corps comme formé d’un tissu cellu- laire homogène et à éléments semblables entre eux, sphéroïdaux et non encore polyédriques; les cellules de la périphérie ne dif- fèrent pas d’ailleurs à ce moment des utricules situées au centre de la masse. Ce mamelon grandit et forme bientôt une sorte de petit cylin- dre obtus (1), qui est l’ébauche du nucelle ; puis un bourrelet se dessine vers son tiers inférieur, tandis que le sommet se recourbe déjà sensiblement; le bourrelet se développant vers cette extré- mité libre constitue ainsi le tégument ovulaire, fet l’ovule se pré- sente dès lors sous l’aspect d’un ovule anatrope recouvert d'un seul tégument (2). Je ne saurais trop insister sur la rapidité avec laquelle s’opèrent l’incurvation de l’ovule et le développe- ment du bourrelet tégumentaire (o) : sur un ovule long de 0mm,056, le nucelle présente, hors du micropyle, une saillie qui est généralement inférieure à 0.02. Cette saillie disparaît même bientôt de la façon la plus complète, les lèvres de l’orifice micro- pylaire se rapprochent, et l’observateur qui ne considérerait pas l’âge antérieur penserait aisément que le nucelle n’est recou- vert d'aucune enveloppe. Au point de vue histologique, on con- state, à l’époque que je considère en ce moment, une modification digne de remarque : l’ovule est toujours une masse cellulaire (1) PI. 2, %. i. (2) PL 2, fig. 2. (3) PL 2, fig, 3, à, 5. DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. kl homogène dans son ensemble, mais présentant certaines diffé- rences dans les éléments qui constituent ses diverses parties ; les utricules du centre ne sont plus arrondies ou sphéroïdales, elles sont polyédriques; quanta celles de la périphérie, elles sont sensiblement quadrangulaires. Les choses demeurent peu dans cet état : vers le moment où l’ovule a achevé de s’incurver et de fermer son ouverture micro- pylaire, parfois même plus tôt, on remarque qu’une vésicule, située dans la région moyenne du nucelle, prend un accroisse- ment rapide, constituant ainsi une sorte de cavité (1) d’abord ovoïde qui marque le premier état du sac embryonnaire; celui-ci revêt ensuite une forme plus ou moins elliptique, et c’est vers sa portion micropylaire qu’apparaît l’embryon, à la suite des phénomènes qui constituent l’acte de la fécondation et sur lesquels je n’ai pas à insister ici (2). En ce moment, le sac n’a pas encore atteint tout son développement, il est pourtant déjà très-grand et rempli d’une matière plasmique coagulable par l’acide acétique. Devant les progrès du sac embryonnaire, le tissu du nucelle se résorbe peu à peu, et l’on n’a bientôt plus qu’une enveloppe considérée à tort par M. Schleiden comme représentant le nucelle, tandis qu’au contraire elle doit être regardée comme formée par le tégument ovulaire proprement dit. Toutes les observations que j’ai pu faire m’ont conduit à cette conclusion que, M. Tu- lasne a d’ailleurs formulée le premier (o). J’abandonne momentanément l’examen des phénomènes qui se passent dans l’intérieur de l’ovule à la suite de l’imprégnation, pour dire quelques mots d’une production singulière dont la sur- face externe de ce corps se complique vers le moment même où le sac se constitue : la portion basilaire ou funiculaire de l’ovule s’est renflée de façon à représenter une sorte d’oper- cule (à) assez semblable à ceux qui existent dans certaines (1) PI. 2, fig. 7. (2) PI. 2, fig. 9. (3) Tulasne, loc. p. 3&. (4) PI. 3, fig. 7. h'2 J. €IIArlW. Euphorbiacées, et qui oui été décrits par M. Bâillon (1), puis, sur le bord libre de ce renflement, apparaissent des papilles for- mées de cellules allongées et constituant une sorte de tissu spongieux qui s’étend ainsi peu à peu sur une assez grande partie de la surface de l’ovule (2). M. J. E. Planchon, qui a soi- gneusement étudié cette production, la désigne sous le nom de « corps mousseux», et je crois devoir garder cette expression, qui a le mérite de donner une idée exacte de l’aspect extérieur de ce semblant d’arilie que l’on ne saurait pourtant regarder comme tel, puisque, selon la très-juste observation du savant que je viens de citer, cette production diminue à mesure que l’ovule s’achemine vers sa fin dernière et revêt peu à peu les caractères de la graine; aussi n’en trouve-t-on plus de traces visibles que dans la région funiculaire, lorsque l’embryon a achevé son évolution normale (3). La petite masse cellulaire dont je signalais tout à l’heure l’apparition dans la région micropylaire de l’ovule, et qui était formée par l’embryon segmenté, s’est en effet modifiée rapide- ment : sa portion voisine du sommet de l’ovule ( h ) s’est allongée et a pris la forme d’un cylindroïde, c’est la radicule, la partie inférieure s’aplatissant de son côté, à mesure que les cotylédons qui la forment grandissent : l’embryon s’est ainsi constitué (5), tandis que le contenu du sac s’organise en larges cellules poly- gonales, à parois peu épaisses et à contenu granuleux, cellules qui représentent la masse albumineuse (6). L’ovule, ainsi arrivé à son état parfait, mérite désormais le nom de graine ; il me reste à étudier celle-ci. ML — - A la suite de la disparition progressive du tissu mous- seux, la graine du Veronica hederœfolia se montre comme un (1) H. Bâillon, Ètucle générale du groupe des Euphorbiacées , pl. 10. (2) Pl. 2, iig. 10. (3) Pl. 2, iig. Xli. (à) À l’exemple d’un très-grand nombre de botanistes, je décris ici, comme sommet du sac embryonnaire, son extrémité micropylaire. (5) Pl. 2, %. 13, 15. (G) Pl. 2, iig. 12. O DÉVELOPPEMENT DE l’oVULE ET DE LA GRAINE. 1\ corps régulièrement incurvé des deux côtés du fmiicule et divisé en deux parties/ sensiblement égales par une ligne menée par son centre et sou point d’insertion ; il en résulte pour elle une apparence campylotrope. La surface de cette semence est rugueuse et présente des cannelures ou des sillons assez profon- dément marqués. Sur la coupe, on remarque que l’embryon, entouré par l’albumen, n’occupe pas le centre de celui-ci ; il est au contraire fortement excentrique et rejeté vers Tune des ex- trémités de l’ovule; sa forme est plus ou moins linéaire, et il ne présente qu’une scissure intercotylédonaire médiocrement mar- quée : cet embryon affecte d’ailleurs une direction générale- ment curviligne, de façon à se maintenir parallèle au bord de la graine (1). Au point de vue de sa structure intime, cette graine se com- pose de dehors en dedans : 1° d’une assise de cellules carrées, à parois épaisses, à face externe convexe et constituant une sorte de pellicule à contours sinueux, assise formée aux dépens du tégument ovulaire transformé en test séminal ; 2° de l’albu- men. formé de grandes cellules polyédriques, à contenu gra- nuleux et de nature huileuse (2); 3° de l’embryon, enchâssé dans la masse de l’albumen, présentant une coupe transversale elliptique et des éléments cellulaires bien plus petits que ceux dont l’ensemble constitue le parenchyme de l’albumen. La teinture d’iode ou l’eau iodée colorent uniformément en jaune brun toute la graine, albumen et embryon. En résumé, la graine du Veronicci hederœ folia diffère surtout de celle des espèces voisines par le développement de cette curieuse production qui grandit avec l’ovule, pour disparaître ensuite à mesure que la graine proprement dite se constitue. Quant au tégument ovulaire, je crois en avoir assez dit pour ne pas laisser de doute sur son existence; il suffit d’observer des ovules très-jeunes pour constater sa formation et le suivre dans (1) PI. 2, fig. 13, 15. (2) Dans le jeune âge de la graine, peu après l’organisation du contenu du sac, l’iode décelait dans cette masse une grande abondance de matière amylacée qui a dis- paru à mesure que la graine s’avançait vers sa maturation. kh <&• €MATIW. les diverses phases de son développement. Le sac embryonnaire, de forme souvent bizarre, ne présente d’ailleurs, dans ses dis- positions générales, que des caractères fort semblables à ceux que l’on trouve dans les plantes voisines; l’embryon s’v déve- loppe aussi d’une manière parfaitement normale, et c’est dans le sac embryonnaire que s’organise et s’accroît l’albumen, d’abord féculent, puis charnu, particularité bien intéressante, si on la rapproche des observations de M. Brongniart sur l’albumen des Monocotylédones. Le test de la graine, formé aux dépens du tégument séminal, se montre comme une membrane continue que l’action de l’acide acétique et de la chaleur permet de séparer de l’albumen ; elle est formée de deux couches : l’interne assez semblable aux cel- lules épidermiques, comme M. Tulasne l’a remarqué pour le V. triphyllos , l’externe n’offrant pas trace d’organisation cellu- laire et n’étant autre qu’une cuticule. VERONICA ARVENSIS. (PI. 3.) En fendant l’ovaire d’un très-jeune bouton, on trouve l'ovule sous la forme d’une sphérule verdâtre, très-peu saillante à la surface du placenta, et purement formée de tissu utriculaire. Le tégument se montre de bonne heure, recouvre rapidement le nuceile et le dépasse à mesure que la totalité de l’ovule s’incurve plus nettement. Ce dernier mouvement a pour résultat direct de porter le micropyle dans le voisinage du point d’insertion (1); mais comme la masse ovulaire se trouve en ce moment répartie d’une façon égale des deux côtés d’une ligne menée par ce point, il en résulte, pour l’ovule du Yeronica arvensis , une forme très-simple, très-régulière, et qui aura la plus grande influence sur l'apparence extérieure de la graine mûre. Le sac se montre de bonne heure sous la forme d’une ellipse assez régulière, au moins dans ce premier âge, car sa (1) PI. 5, fis?. 1. DÉVELOPPEMENT DE I. OVULE ET DE LA GRAINE. ko portion micropylaire s’allongeant bientôt avec rapidité, il en résulte une apparence piriforme qui persiste assez longtemps ( 5 ) ; parfois la portion opposée s’accroît encore davantage en largeur au point de devenir globuleuse, de sorte que le sac ressemble alors assez bien à un ballon à long col : mais ces aspects bizarres durent peu et le sac prend enfin la forme ovalaire. Le nucelle a progressivement disparu devant les progrès de ce dernier, qui arrive ainsi dans le voisinage du tégument. La fécondation s’opère et l’on voit bientôt, vers le tiers infé- rieur du sac, une petite masse utriculaire qui n'est autre chose que l’embryon ayant déjà subi la segmentation ; cette petite sphérule, s’allongeant légèrement par sa région inférieure, se transforme ainsi en une sorte de cœur; puis, cette région s’ac- croissant de plus en plus, on voit se constituer la radicule, qui se dirige vers le micropvle, tandis que dans la masse supérieure les deux mamelons colylédonaires accentuent davantage leur forme et leurs proportions : cet organe n’atteint pas d’ailleurs de bien grandes dimensions, et jamais l’embryon du Veronica arvensis ne présente un volume important. Autour de cette plantule, le contenu du sac embryonnaire se segmente et s’organise pour former l’albumen, et constituer ainsi la partie principale (quant au volume) de la graine; mais, avant d’arriver à l’étude de celle-ci, je crois devoir résumer les diverses modifications morphologiques qui font varier la forme et l’appa- rence extérieure de l’ovule et, par suite, de la graine qui en résulte. J’ai dit plus haut que, lors du rapprochement des lèvres du micropyle parvenu dans le voisinage du point d’insertion, l’ovule offrait une forme très-régulière, et ressemblait alors assez bien à une sorte de battoir : mais, dès que le sac se montre à l’intérieur du nucelle, on voit l’extrémité de l’ovule opposée au hile se rentier et se dévier sur le liane (2) ; cette saillie s’accentuant de plus en (1) PL 5, %. 4, 6. (2) Ce bec apparaît sur la face dorsale de i’ovuie, c’est-à-dire sur celle qui ne porte pas, vers son extrémité inférieure, l’ouverture micropylaire (pl, 5, fig, 2 a). J. C'fil ATï.f%T . /|fj plus, il se forme bientôt, en ce point, une gibbosité qui s’in- curve même de façon à prendre l’aspect d’un petit bec dont le volume augmente tant que le sac continue à se développer (t). Mais, vers le moment où celui-ci a acquis ses dimensions défi- nitives, la saillie formée parle bec cesse d’augmenter et devient même de moins en moins proéminente; la côte dorsale de l’ovule s épaissit alors très-notablement dans sa région inférieure, de telle façon que la gibbosité première se trouve en continuité avec celte boursouflure, sur la continuité de laquelle elle se trouve et avec laquelle elle se fond ainsi insensiblement. Par le développement du sac, la constitution de 1 embryon et la formation de l’albumen, l’ovule a pris intérieurement tous les caractères de la graine, dont il me reste, en conséquence, à exa- miner la structure et la configuration. A ce dernier point de vue, la graine du Veronica arvensis est très-remarquable par sa forme et son relief général : cette semence est rectiligne et plate, si ce n’est toutefois vers sa face dorsale, où se trouve l’épaississement dont je viens de faire connaître la nature et la formation (2). Par sa situation et son apparence extérieure, il pourrait être désigné comme un raphé, mais l’absence de tout élément vasculaire et son apparition tar- dive ne permettent de lui donner ce nom qu’avec une certaine réserve. Sur son autre face, la graine est plate el présente simplement quelques stries peu marquées, divergeant du centre vers les bords et disparaissant même avant d’avoir atteint ceux-ci. La coupe longitudinale de la graine montre un albumen copieux entourant un petit embryon dont la scissure intercotylédo- naire (5) est peu profonde et dont la radicule, assez volumineuse, se trouve tournée vers le micropyie. Cet embryon est le plus souvent excentrique par rapport à la niasse de la graine, et situé dans cette portion élargie sur laquelle se voit au (1) PI. 3, fig. 3, à, 5, 6. (2) PI. 3, flg. 9, 12, 1/1. (3) PL 3, lig. 17 c. DÉVELOPPEMENT DE l’oVULE ET DE IA GRAINE. kl dehors le renflement celluleux dont il vient d’être longuement question. Examinée sur sa coupe transversale, la graine offre une assise de cellules carrées et à parois assez épaisses qui lTentourent et forment son test : ce sont les cellules internes du tégument ovu- laire simplement modifiées pour cette nouvelle fonction. Eu dedans de cette assise, on rencontre la masse de l’albumen avec ses utricules larges, polyédriques et à parois peu épaisses ; enfin, environné par cette masse, se trouve l’embryon dont les cellules sont plus étroites et plus délicates que celles de l’al- bumen. M. Tulasne avait déjà et fort justement remarqué la forme aplatie que revêt la graine du Veronica arvensis{ 1), forme telle- ment régulière dans sa configuration générale, qu’un observateur l’examinant seulement au terme de son évolution, et ignorant les phases diverses de son développement, croirait avoir sons les yeux une graine dérivée du type ortbotrope. Une étude organo- génique attentive montre qu’il n’eu est cependant rien : l’ovule a accompli son incurvation habituelle et a porté son micro pyle dans le voisinage de son point d’insertion; mais, à une époque plus avancée, lorsque le contenu du sac s’est organisé de façon à constituer l’albumen, on a pu constater que le développement de la masse endospermique s’effectuait parallèlement au raphé ou plutôt parallèlement au faisceau de cellules allongées qui se trouve sur le prolongement du fu meule’. Celte exagération de l’ accroissement de Palbimien selon un des diamètres de la graine a eu pour conséquence naturelle la forme elliptique sous laquelle se présente, à l’état adulte, la graine du Veronica arvensis. Dans quelques espècesdece genre, j’aurai l’ occasion de signaler, d’ail- leurs, des faits analogues aboutissant à une semblable confor- mation de la graine. (1) Tulasne, loc . cit p. 36, VER0NICA SGUTELLATA. ZiS (PU 3.) La genèse de l'ovule suit les mêmes phases que dans les es- pèces précédentes: le sac embryonnaire apparaît généralement dans la portion supérieure du nucelle, puis, s’accroissant rapide- ment, refoule le tissu de ce dernier. L’imprégnation ayant eu lieu, on voit se former la petite masse celluleuse qui représente l’embryon segmenté, et qui, s’allongeant vers le micropyle, montre sa radicule dirigée vers cette ouverture. L’embryon prend ainsi l’apparence d’un petit corps allongé et aplati, médiocrement échancré par la scissure intercotylédonaire. Jamais il n’atteint des dimensions bien con- sidérables, et se trouve logé près du centre de l’albumen ou eu un point plus rapproché du funicule. Vers l’époque de l’apparition du sac embryonnaire, on voit l’ovule du V. scut.ellata prendre extérieurement des formes bizarres et assez comparables à celles que présentent quel- ques-unes des espèces précédentes (V. Buxbaumii , V.arven- sis, etc.) (1). Mais ces irrégularités disparaissent à mesure que l’ovule avance vers son état parfait, et la graine offre une forme parfaitement symétrique : elle est aplatie ou discoïdale, repo- sant sur un funicule qui se trouve dans la continuité de son axe, et recouverte d’un test médiocrement résistant. Sur la coupe, on trouve, en dedans de cette enveloppe, la masse de l’albumen avec ses utricules polyédriques et peu épaisses, dont le contenu granuleux ne bleuit plus au contact de l’iode ; puis, enchâssé dans cet albumen, le petit embryon avec ses cellules plus petites, faiblement polyédriques, plus voisines du type sphéroïdal, et présentant, ainsi que je l’ai dit plus haut, une scissure interco- tylédonaire beaucoup moins profonde que dans la plupart des Véroniques étudiées jusqu’ici. (i) PI. 2, fig. 21, 22. DÉVELOPPEMENT DE L OVULE ET DE LA GRAINE. Zi9 VERONIGA ACINI FOLIA. L’ovaire n’offre, dans cette espèce, aucune particularité nota- ble, soit qu’on suive les progrès de son évolution, soit qu’on examine les détails de sa structure. L’ovule s’y montre, comme toujours, sous la forme d’un petit mamelon faiblement proémi- nent à la surface du placenta et de structure purement cel- luleuse. Le tégument apparaît de bonne heure et l’ovule se recourbe rapidement vers son funicuîe. Quant au sac embryonnaire, c’est constamment dans un point très-voisin du centre qu’il se constitue; il conserve, durant quel- que temps, la forme ovalaire, puis s’allonge de façon à devenir plus ou moins elliptique ; l’embryon s’y développe, comme chez les autres plantes déjà décrites, dans la région micropylaire, et se trouve entouré par l’albumen charnu formé par l’organisation du liquide plasmique que renferme le sac. La structure de la graine n’est pas différente de celle des espèces voisines (1). On remarque qu elle affecte une forme assez semblable à celle du V. scutellata , mais son centre est générale- ment assez déprimé, et ce caractère, s’accentuant dans des pro- portions notables, suffit pour donner à cette semence un aspect spécial. VERONIGA OFFICINALES. (PL 2.) Lorsqu’on ouvre l’ovaire d’une fleur non encore épanouie, on n’y trouve déjà plus que des ovules absolument recour- bés et enveloppés par leur tégument , mais, en s’adressant à de très-jeunes boutons, ou voit l’ovule naissant sous la forme (1) Le test est formé d’uue assise de cellules épaisses, quadrangulaires, et plus ou moins convexes vers leur face externe; la masse de l’albumen est constituée par des ulricules à section polygonale, à parois de peu d’épaisseur (si on les compare aux éléments précédents) et à contenu granuleux. Le tissu de l’embryon présente les caractères indiqués déjà plusieurs fois. 5e série, Bût. T. XIX (Cahier n° 1). 4 4 50 J. CBî.VffSitf. d’un mamelon globuleux et se recourbant vers son point d’in- sertion de façon à prendre la forme que j’indiquais en commen- çant cette description. Le sac apparaît rarement, très-rarement même dans le centre du nucelle ; c’est plutôt vers la région supérieure de celui-ci qu’on voit grandir la vésicule qui en est la première ébauche. D’abord ovalaire, le sac embryonnaire prend bientôt la forme d’un sphéroïde s’allongeant en pointe à ses deux pôles (1) ; il refoule en même temps le tissu du nucelle, et l’on peut, par une dissection minutieuse, extraire ce sac de la masse ovulaire : on constate alors qu’il est formé par une membrane parfaitement transparente dans laquelle se trouve un liquide incolore, tenant en suspension de très-fines granulations et coagulable par les acides végétaux et minéraux. A la suite de l’imprégnation, l’embryon se développe dans la portion du sac voisine du micropyle et tourne sa radicule vers cet orifice. En même temps le liquide du sac s’organise en larges cellules qui, par leur segmentation successive, forment progres- sivement la masse de l’albumen, et la graine se constitue ainsi peu à peu avec les mêmes caractères généraux que dans les espèces voisines; l’iode colore en brun le contenu de ses cellules, et l’on remarque que si l’ovule offrait parfois diverses irrégularités, la graine est plate et plus ou moins elliptique, mais toujours de forme parfaitement symétrique. VERONICA BECCABUNGA. Le développement de l’ovule et do la graine offrant les mêmes phases que dans les autres Véroniques, je ne les décrirai point pour ne pas retomber dans de continuelles répétitions, et me bornerai à indiquer cette espèce comme devant être comptée parmi celles oii l’apparition et l’accroissement de l’enveloppe ovulaire s’effectuent avec une telle rapidité, qu’on serait tenté (1) Celle bizarre conformation n’est d’ailleurs pas constante, et de nombreuses observations m’ont montré que le sac embryonnaire passait souvent du type ovalaire nu type simplement piril'ormc. DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. 51 de croire à un ovule nu, lorsqu’on n’a pas soin de remonter aux premières époques de l’évolution de ce corps. VERONICA AGRESTIS. (PL 2.) Cette espèce se rattache intimement au V. hederœ folia par les bizarres formes que revêt son sac embryonnaire, ainsi que par l’apparence campylotropoïde de ses graines. Le placenta porte un nombre indéfini d’ovules qui passent de bonne heure par la forme anatrope, ainsi que l’avait remarqué M. Pianchon (1). Quant au sac, il se montre d’abord comme une sorte de sphéroïde situé, le plus souvent, dans la région micro- pylaire; de cette vésicule procède bientôt une sorte de col allongé qui donne alors au sac l’aspect d’un matras ; puis cette partie effilée se renflant à son tour, le sac prend l’apparence la plus singulière que Ton puisse imaginer; par suite de ce développe- ment, le sac refoule peu à peu le nucelle, qui se résorbe. La graine subit à peu près les mômes transformations que dans le V. hederœ folia, et présente également, à sa surface, des stries assez profondes. Son apparence est fort semblable dans les deux espèces, et le tégument ovulaire forme seul ici encore le tégument séminal; l’endosperme charnu et abondant, développé dans le sac, se colore en jaune par l’action de l’iode. Les détails histologiques de la graine ne présentent d’ailleurs rien de remarquable, qu’on examine le test, l’albumen ou l’embryon. VERONICA CHAMÆDRYS. (PI. 2.) L’ovaire ne présente, dans son développement ou sa confor- mation, aucune disposition particulière; je me borne donc à signaler le volume assez considérable du disque. (1) J. E. Pianchon, loc. cit.} p. 42, h'2 J. CfffATIS. Quant à l’ ovule, c’esl toujours sous la forme d’un mamelon subglobuleux, cellulaire el homogène, qu’il apparaît; il se re- couvre rapidement de son enveloppe et s’incurve si promptement que, bien avant la floraison, on n’a plus sous les yeux que des ovules anatropes et il micropyle fermé. J’emploie ici, sans aucune réserve, la qualification d’anatrope, l’ovule du V. Chnmœdrys offrant un raphé très-distinct, particularité bien rare dans ce genre. Ce raphé est d’ailleurs entièrement celluleux : sur la côte dorsale de l’ovule, on voit en effet une traînée de cellules qua- drangulaires et allongées parallèlement au grand axe de l’ovule, cellules qui, par leur réunion et leur direction, forment une sorte de cordon s’étendant de l’attache du funicule ou de la base de l’ovule, jusque vers la région moyenne de celui-ci. Le sac présente des formes variables, étant tantôt ovale, tantôt contourné sur lui-même. Dans une heureuse observation, j’ai pu voir un boyau polli- nique atteindre le canal micropylaire. L’embryon se développe normalement dans le sac, dont lecon- tenu s’organise pour constituer un albumen charnu formé de cellules polyédriques, larges, à parois peu épaisses et à contenu granuleux que les liquides iodés colorent en jaune brun. ANTJRRI1INUM MAJUS. (PI. 3.) Lorsque, dans un jeune bouton, on examine les différents ver- ticilîes, il est aisé de voir, vers le centre, une saillie dont le sommet tronqué présente un aspect hypocratériforme (1). Tel est le premier rudiment de l’ovaire, ou plutôt tel est l’ovaire en ce moment, car, à un âge encore plus jeune, le mamelon était globuleux et ne présentait aucune dépression extérieure. La cupule qui occupe ainsi le sommet du jeune ovaire pré- sente d’abord une parfaite égalité de niveau, quel que soit celui de ses diamètres qu'on examine; mais cet état dure peu, et bieu- (lj PI. 3, fig. 12. DÉVELOPPEMENT DE l’üVULE ET DE LA GRAINE. 53 tôt, en effet, les bords se relèvent à partir de la ligne médiane, qui ne varie pas et ne présente jamais aucun gonflement ni aucune hernie; les bords continuent ainsi à grandir progressi- vement, sans qu’on puisse constater aucune différence entre les deux parties symétriques de l’ovaire. Cependant, à un âge plus avancé, on remarque quelesdeux bourrelets ainsi formés gagnent plus en hauteur qu’eu largeur, de sorte que l’ovaire finit par être surmonté d’une sorte de cône dont le sommet est profondément bifide (1). Cette division est le premier indice du double stigmate et suivra les diverses phases du développement ovarien. Le stigmate précède donc le style, et l’on sait d’ailleurs qu’il en est ainsi dans la généralité des Phanérogames.  une époque peu éloignée de la précédente, le pistil offre l’apparence d’une clochette reposant sur une base légèrement festonnée, et terminée par un sommet obtus dans lequel une échancrure profonde a marqué deux lèvres nettement séparées. Cet ensemble continuant à se développer, la forme primitive de l’ovaire, forme aussi lourde que grossière, se modifie peu à peu : la campanile gagne sensiblement en hauteur et son som- met n’est plus conformé en museau de tanche comme précé- demment; sa bitidité s’accuse profondément, et sa partie infé- rieure, se rétrécissant et s’allongeant tout à la fois, constitue ainsi une petite colonne stylaire qui supporte déjà cette ébauche du stigmate. Le gynécée parvient enfin à sa forme définitive : l’ovaire est extérieurement représenté par une élégante pyramide à contours arrondis, les festons basilaires sont nettement dessinés, le style est devenu grêle et élancé; quant au stigmate, profondément bifurqué, il n’a plus que des proportions en rapport avec son rôle physiologique. Le réceptacle se gonfle bientôt, puis s’accroît rapidement, de façon à former le disque, large base sur laquelle repose cet ovaire que je viens de suivre dans les diverses phases de son développe- ment. Je ne saurais pourtant terminer cette rapide esquisse (1) PI. 3, fig. 14. J. CI11T1I . 54 orgarjogénique du pistil sans dire un mot, des poils nombreux qui, chez l’ Antirrhinum, se voient à la surface de l'ovaire. Leur ge- nèse n’offre rien de particulier; ils prennent peu à peu l’aspect sous lequel je les ai représentés. Ce sont de petites colonnes formées par la superposition de plusieurs cellules allongées (3-6) ; le poil se termine par une tête sphérique supportée par un col fort grêle : cette cellule terminale renferme une matière granu- leuse qui remplit presque entièrement sa cavité intérieure. IL Les parois de l’ovaire sont épaisses, les placentas régu- lièrement développés; c’est alors que se montrent, à leur surface, les petites proéminences obtuses et globuleuses qui sont les pre- miers rudiments des ovules (1). En suivant, dans l'une de ces sphérules verdâtres, les progrès de son développement, on con- state tout d’abord une élongation sensible de sa masse, puis, vers sa portion inférieure, apparaît une sorte de bourrelet qui, s’accroissant vers î’extrémilé libre du nucelle, l'embrasse dans une sorte de gaine (2). On connaît dès lors les deux premières périodes de la vie de l’ovule, périodes aussi différentes au point de vue anatomique qu’au point de vue morphologique : lors- qu’on examine la structure du globule primitif, on constate qu’il est uniquement formé de tissu cellulaire dont les éléments ont une section plus ou moins circulaire, mais non polygonale; les utricuies de la périphérie ne diffèrent pas d’ailleurs encore de celles du centre. Dans le second état, au contraire, la masse est formée de cellules à section polygonale et se trouve limitée par des utricuies tabulaires ou déprimées, dont les plus extérieures sont convexes et qui appartiennent au tégument ovulaire, à ce tégument qui bientôt recouvrira complètement le nucelle et assurera seul la formation de l’enveloppe séminale. Le bourrelet tégumentaire, d’abord simple cupule, gagnant toujours en étendue par son bord libre, recouvre progressivement le mamelon nucellaire dont les dimensions croissent également (1) PI. 3, fig. 16. (2) PI. 3, fig. 18. DÉVELOPPEMENT DE L OVULE ET DE LA GRAINE. 55 durant ce temps. Bientôt aussi l’ovule se recourbe par son extrémité opposée au point d’attache ; le tégument le suit dans ce mouvement d’incurvation (1), et l’on observe même, après un court espace de temps, que l’enveloppe s’accroît plus rapidement que le nucelle, de telle sorte que le micropyle, encore assez large, tend à se rapprocher du funicule ("2). A ce moment, la i'orme anatrope se dessine donc avec la plus grande netteté et se montre définitivement arrêtée lorsque l’ouverture micropy- laire se trouve amenée dans le voisinage du point d’insertion et présente ses bords resserrés, de façon à ne pas laisser voir la plus petite saillie nucellaire. Jusqu’à ce moment, la structure de l’ovule était extrêmement simple, puisqu’il était formé par une agrégation de cellules dont les intérieures étaient polyédriques, tandis que les utricules périphériques présentaient une forme sensiblement déprimée. Cet état cesse vers l’époque où nous examinons actuellement l’ovule, et l’on observe alors qu’une cellule située vers son centre ou plus souvent sa région supérieure, s’accroît d’une façon inusitée et ne tarde pas à constituer, par les progrès de son dé- veloppement, une cavité en forme de matras ou de cornue, laquelle n’est autre que le sac embryonnaire (3). C’est dans ce sac que s’opère la fécondation, phénomène dont je n’ai pas à faire connaître ici les diverses phases, et qui détermine naturellement l’apparition de l’embryon. Celui-ci se développe normalement dans l’intérieur du sac dont le contenu, d’abord plasmique, ne tarde pas de s’organiser en cellules qui, par une segmentation successive, formeront en dernière analyse l’albumen. Les progrès du sac et de son contenu déterminent le refoulement et la dispa- rition progressive du nucelle. L’ovule se trouve alors limité par deux ou trois assises de cellules à peu près rectangulaires, à l’extérieur desquelles se voient, en certains points, des groupes de cellules allongées, fibroïdes, se relevant à angle droit, et con- stituant ainsi à l’ovule une ceinture bizarrement formée de (1) PI. 3, fig. 18, 19. (2) PI. 3, fig. 20. (3) PI. 3, fig. 21. J. CHATIX. 50 productions grossièrement comparables à des tuyaux d’orgue ou aux prismes de l’émail dentaire. Ces cellules spéciales s’incrustent de ligneux et prennent une coloration brunâtre qui s’accuse progressivement; dès lors, à mesure que l’ovule avance vers le terme de son évolution, on y constate plus nettement l’existence d’une double zone limitante : la couche interne est blanchâtre et formée généralement par des cellules tabuliformes, tandis que la zone externe se com- pose d’éléments fortement teintés de brun, relevés et groupés en nombre variable sur certains points de la périphérie de la graine. Ces sortes de boursouflures, d’abord mal définies, augmentent rapidement de volume, leurs utricules constituantes deviennent plus nettement fibreuses, des réticulations apparaissent dans leurs parois, et la graine revêt ainsi peu à peu tous ses carac- tères définitifs. IIS. — L’embryon vient en effet d’acquérir tout son déve- loppement, il occupe à peu près le centre de la graine et se trouve entouré par l’albumen abondant et charnu. Quiconque a examiné les semences de X Antirrhinum connaît l’aspect bizarre de ces petits corps dont la forme est, pyramidale et dont la surface est relevée de nombreuses côtes saillantes limitant des sortes d îlots déprimés et à contours sinueux (i). Au premier abord, on serait tenté d’expliquer cette apparence par quelque phénomène de plissement, de retrait; mais l’étude organogénique de l’ovule permet de ramener à leur véritable origine ces productions épispermiques : ainsi que je l’indiquais plus haut, i! se forme, à la périphérie de l’ovule, une double couche dont les éléments se différencient de plus en plusau point de vue morphologique (2), mais que l’on doit cependant rappor- ter à une origine commune : c’est, en effet, dans les assises du tégument ovulaire qu’il faut en chercher la trace première, et des observations répétées m’ont convaincu que le nucelle ne (1) PL 3, fig. 25. (2) PI. 3, fig. 27, 28. DÉVELOPPEMENT DE L OVULE ET DE LA GRAINE. 57 prenait nulle part à leur formation. Au sujet d’une plante voi- sine et dont l’étude va suivre ici celle de Y Antirrhinum, M. Tu- lasne s’exprime ainsi : « Lorsque le sac embryonnaire del’Eu- » phraise est rempli d’endosperme, on lui trouve une enveloppe » propre qu’on serait tenté d’attribuer au nucelle accru, mais » qui vraisemblablement n’est que la couche la plus interne du » tégument de l’ovule (1). » Au début de mes recherches, j’avais cru pouvoir accorder aussi au nucelle une telle part dans la for- mation de la zone interne du test (zone à cellules tabulaires) ; mais des dissections nouvelles et multipliées m’ont montré qu’il n’en était rien et m’ont amené à une conclusion semblable à celle que je viens de rappeler. EUPHRASIA OFFICINALTS. (PL 4.) L’Euphraise offre dans la constitution de l'ovule et de la graine, ainsi que dans le développement de ses parties, des particularités remarquables et qui mériteraient une longue description. Cepen- dant je ne m’y arrêterai que peu, M. Tulasne ayant déjà fait connaître plusieurs des principaux traits de cette organisation. Dans le gynécée d’une fleur non encore épanouie, on trouve un ovaire long de 0mm,9 à !mm,2, renfermant un certain nombre d’ovules ayant déjà pris la forme anatrope(2)par suite d’un déve- loppementdont il est inutile de rappeler les différentes phases; ces ovules sont supportés par un funicule court, ils sont verdâtres et présentent leur micropyle dansle voisinage du point d’attache (b). Le sac embryonnaire, apparu d’abord comme une tache lenticu- laire, se développe rapidement, et n’est bientôt plus séparé du canal micropylaire que par une mince bande de tissus, le nu- celle ayant élé progressivement refoulé par les progrès du sac. Celui-ci ressemble assez souvent à une sorte de matras on de flacon à long col courbe ; il peut être ainsi placé, au point de vue (1) Tulasne, loc. cït ., p. 48. (2) PL 4, fig. 1. (3) PL 4, fig. 2. 58 «i. cisATïœ. morphologique, près de celui que j’ai décrit dans divers Vero- nica (1). Il est inutile d’insister sur le développement de l’embryon, M. ïulasne en ayant fait minutieusement connaître tous les détails. Cette plantule, qui présente bientôt une forme allongée, est constituée par un tissu utriculaire délicat; peu à peu le con- tenu du sac, qui jusque-là n’a consisté qu’en un liquide plasmi- que, ne tarde pas à s’organiser en grandes cellules à parois peu épaisses qui se segmentent à leur tour, et constituent, en dernière analyse, la masse de l’albumen. Autour de celui-ci, on voit, à cette période du développement de l’ovule, deux ou trois assises de cellules tabuliformes et assez régulières. La couche la plus interne de cette zone ne se modifie guère, mais on ne peut en dire autant des cellules qui limitent l’ensemble ; sur certains points, en effet, on voit quelques-unes de ces utricules qui se relèvent sur le couleur de la graine, de façon à former à sa surface les côtes qui décoreront celle-ci (2). Ce n’est plus, en effet, l’ovule que l’on a sous les yeux à celle époque, mais bien la graine longue d’un rpillimètre à peine, et présentant déjà sur son test des lignes longitudinales dont nous venons de voir la première ébauche et qu’il est aisé d’étudier par l’examen anatomique de la graine. Je viens d'indiquer ces cel- lules dont l’accroissement s’opère perpendiculairement au grand axe de l’ovule, et qui commencent ainsi à dessiner des saillies linéaires à sa surface; or, peu après leur élongation, ces utri— cules s’épaississent, deviennent ponctuées, et sur la coupe de la jeune graine on voit ainsi des mamelons obtus assez régulière- ment disposés à sa périphérie et formés de deux de ces cellules fibroïdes. En résumé, on retrouve, sur la coupe transversale de la graine adulte, des assises périphériques fort analogues à celles que j’ai eu l’occasion de signaler dans X Antirrhinum majus : les côtes, moins marquées, sont formées par un nombre plus réduit de (1) pi. u, %. 3. (2) PL h, fig. 7. 59 DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. cellules, mais leur origine est la même ; le nucelle ne prend au- cune part à leur formation, et c’est dans les assises superficielles et profondes du tégument ovulaire qu’il faut exclusivement cher- cher les éléments histologiques qui, par leur évolution et leurs modifications successives, produisent ici encore ces curieuses for m ation s é pisperm iques'. La graine de l’Euphraise est portée sur un funicule court et renflé ; son raphé, assez large, est constitué par des cellules allongées. LIN ARIA MINOR. Le genre Linaria étant très-voisin du genre Anlirrhinum , auquel il a même été réuni durant assez longtemps, j’ai pensé qu’il serait intéressant d’étudier, dans une de ses espèces, le développement de l’ovule et de la graine, afin de comparer les résultats de cette étude avec les données fournies par l’examen des mêmes parties chez le Muflier. Les ovules, d’abord représentés sur le placenta par de simples mamelons assez régulièrement globuleux, ne tardent pas à se recouvrir de leur enveloppe, et, en s’incurvant comme il a été dit, accusent ainsi leur tendance vers la forme anatrope ; en même temps le sac apparaît et se développe en grande partie avant que cette évolution soit complète ; son accroissement est rapide. Sa forme est plus régulière que dans X Anlirrhinum , car il est presque toujours ovoïde ou presque elliptique ; l’em- bryon s’organise à son tour, mais son volume est toujours bien inférieur à celui de l’albumen, ainsi qu’il est facile de s’en assurer par l’étude de la graine. Celle-ci, à peine longue de 0mm,8, en moyenne, est ovoïde et relevée de côtes parallèles à son grand axe, mais inégales en étendue, les unes la parcourant de l’une de ses extrémités à l’autre, tandis que plusieurs s’arrêtent vers le milieu de sa longueur. Sur la coupe, cette graine montre un contour relevé de fortes saillies qui sont justement produites par la section des côtes qui 60 décorent sa surface. Ces côtes sont formées de deux ou trois cel- lules fibroïdes, épaisses, aréolées, dont le mode de développement est le même que celui des « tuyaux d’orgue » de l’ Antïrrlûnum ; la couche limitante de la graine, sur laquelle s’appuient ces sail- lies, est formée par une ligne de cellules épaisses, rectangulaires, généralement vides de tout granule organique et formées par les assises moyennes du tégument ovulaire. En dehors de ces cellules périphériques, se trouve une zone formée par trois ou quatre rangs d’utricules à parois plus minces, à contours polyédriques, mais semblant tendre vers la forme quadrangulaire; la première ligne de ces cellules renferme parfois quelques granules, les autres n’en offrent pas trace. Ces assises appartiennent à la zone profonde du tégument. L’albumen proprement dit vient ensuite, formant la plus grande partie de la graine et composé d’utricules à parois relativement peu épaisses, gorgées de matière amylacée et croissant en volume de la périphérie au centre. En ce der- nier point se trouve l’embryon, formé de tissu délicat et n’occu- pant qu’une assez faible portion de la coupe générale. On voit donc que le Linaria minor offre avec Y Antirrhinum la plus grande analogie dans le développement de la graine, la seule différence consistant dans les dimensions de la couche périphérique. VERBASCUM TIIAPSÜS. (PI. A.) À la surface du placenta, on rencontre dans les jeunes bou- tons de petites proéminences obtuses, presque sphéroïdales, composées entièrement d’un tissu utriculaire délicat et homo- gène : ce sont les premières ébauches de l’ovule. Celui-ci se constitue bientôt par l’addition du tégument qui, peu après son apparition, recouvre la partie inférieure du nucelle, lequel fait encore une saillie très-prononcée lorsque le petit ovule s’incurve pour prendre la forme anatrope (1). Cette incurvation s’opère (1) PI. 4, %. 9. DÉVELOPPEMENT DE l’oVULE ET DE LA GRAINE. Gl lentement, et selon une trajectoire assez étendue; arrivé au bout de celle-ci, le micropyle se dirige vers le point cl'insertion de l’ovule (1). A ce moment, le micropyle, largement ouvert, laisse passer une assez forte portion du nucelle. mais bientôt le tégu- ment achève son développement, les lèvres de l’orifice micropy- laire se rapprochent, et lorsque l’ovule a complètement achevé son évolution, nulle trace du nucelle n’apparaît au dehors. Durant cette dernière période, le sac s’est formé et développé ; l’embryon s’y est constitué à son tour ("2), puis le contenu du sac, s’organisant, a formé la masse endospermique. Le déve- loppement général de toutes ces parties est très-sensiblement comparable à ce qui a été dit pour les autres Scrofularinées. DIGITALES PÜRPUREA. (PI. 3.) Le développement de l’ovaire s’opérant dans cette plante d’une façon très- analogue à ce que j’ai eu l’occasion de décrire chez X Antirrhinum mayas et diverses Véroniques, je crois inu- tile d’y insister, et passe immédiatement à l’étude organogénique de l’ovule. Cette étude ne laisse pas que de présenter certaines difficultés en raison de la rapidité avec laquelle l’ovule acquiert une forme bien définie, ne présentant plus qu’un micropyle à lèvres étroi- tement serrées. Aussi convient-il de disséquer tout d’abord des ovaires longs de lmm,5 à 2 millimètres ; ils sont d’ailleurs assez aisément reconnaissables, n’étant encore surmontés que par une sorte de tubercule conoïde, au sommet duquel le futur stigmate est simplement indiqué par une bifidité peu marquée. Dans un tel ovaire, les placentas portent des petits mamelons obtus, présentant sensiblement le même diamètre (0"‘m,7) dans tous les sens, et n’olfrant aucune différence dans leurs parties basilaire et apicilaire. (1) PI. h. fîg. ti. (2) PL h, fig. 12. S. C'-HATM. 62 Ces proéminences augmentent de volume, le tégument appa- raît, l’ovule s’infléchit en môme temps, et l’on voit le nacelle fai- sant une saillie assez considérable au dehors de l’exostome (1). Mais la courbure de l’ovule s’accentue davantage; ses dimen- sions, et particulièrement son diamètre transversal, s’accroissent d’une façon notable; le tégument, s’avançant de plus en plus, tend à recouvrir tout à fait le nu celle (2), lequel ne tarde effec- tivement pas à être complètement masqué par les lèvres du micropyle allongées et resserrées Tune contre l’autre. L'ovule n’a pas encore tous les caractères de fianatropie, mais il les acquiert rapidement, et son micropyle vient se placer près du hile. En même temps on découvre par transparence, à travers le nueelle, une sorte de tache grisâtre qui indique la première trace du sac embryonnaire ; la coupe transversale d’un tel ovule montre dès lors au centre une petite cavité qui représente ce sac, puis, autour de lui, le tissu nucellaire,et enfin une zone périphé- rique constituée par des utricules déprimées. Le funicule se modifie souvent de telle façon, qu’on peut assez bien le comparer à une sorte de petite massue portant l’ovule par sa portion élar- gie et reposant sur le placenta par sa portion rétrécie. Le sac embryonnaire semble d’abord assez allongé et comme obtus à ses deux extrémités; bientôt pourtant il semble se diviser en trois parties : lu Une tète plus ou moins renflée ; 2° Un col long et étroit ; â° Un corps ou portion renflée rattachée à la tête par l’inter- médiaire du col. Le sac ressemble ainsi fort souvent à une sorte de niatras évasé supérieurement. Après l’accomplissement delà fécondation dont M. Tulasne nous a fait soigneusement connaître tous les dé- tails (o), cette cavité grandit, le nueelle disparaît devant ses pro- (1) PI. 3, fig. 29. (2) PI. 3, fig 30. (3) L. R. Tulasne, loc. cü. DÉVELOPPEMENT DE l’oVULE ET DE LA GRAINE. Go grès, et l’on ne voit bientôt plus autour de lui qu’une enveloppe formée par le tégument. Les extrémités du sac disparaissent ou changent considérablement en forme et en diamètre, ce qui le rend presque cylindrique; l’embryon grandit ; le contenu du sac s’organise pour former l’albumen : on n’a plus affaire à un ovule, mais à une graine. Celle-ci est longue de 0mm,8 cà lram,^ ; sa forme est prisma- tique ou pyramidale, relevée par des angles assez saillants (1). Si l’on en pratique la coupe transversale, on trouve au centre l’em- bryon et son tissu utriculaire très-délicat; autour de lui, les larges cellules amylifères de l’endosperme; et enfin, limitant le tout, une zone brune et résistante qui n’est autre que la section du test de la graine. Cette enveloppe consiste en une ligne de cel- lules presque carrées, sur lesquelles s’appuient des cellules allon- gées et marquées de nombreuses aréolations. En suivant les di- verses phases de leur développement, on voit que les côtes qui se relèvent à la surface de la graine de la Digitale ont la même origine que celles qui s’observent dans le Muflier : les cellules extérieures s’allongent de la même façon ; leur encroûtement s’opère par un mode analogue ; mais dans Y Antirrhinum majus , ces utricules limitantes sont rayées, taudis qu’elles se rappro- chent plutôt du type ponctué dans la Digitale. Nul n’ignore d’ailleurs l’analogie profonde qui rapproche ces deux états, sous lesquels se présentent si souvent les marques extérieures des cellules végétales. MELAMPYRUM PRATENSE. Dans chaque loge ovarienne se développent deux ovules, fort différents au point de vue morphologique, l’un étant porté sur un long funicule sensiblement vertical, tandis que le second est appendu à un funicule court et horizontal; la réflexion de ces ovules est presque nulle. Le tégument apparaît et se constitue de la même façon que dans les espèces précédentes; l’ovule s’y développe en présentant (1) Le raphé est constamment celluleux. 6 !l J. CHAUX. les diverses phases si bien décrites par M. Tulasne (1), et la graine se présente avec une apparence qui rappelle assez celle du Veronica arvensis , la radicule de l’embryon regardant le som- met de la cavité ovarienne. Gærtner avait d’ailleurs fort juste- ment reconnu le premier que le Melampyrum est l’une des rares Scrofularinées où la radicule ne soit pas voisine de l’ombilic (2). Le raphé est très-court et ne dépasse pas la portion basilaire de la graine; la coupe transversale de celle-ci y montre l’embryon entouré de l’albumen, qui est à son tour circonscrit par une zone de celhd.es médiocrement épaisses et tabuliformes, zone formée par le tégument ovulaire. Il est aisé maintenant de résumer les principaux caractères offerts par les Scrofularinées, et de retracer d’une façon générale les diverses phases qu’on y observe dans le développement de l’ovule et de la graine. Dans ces plantes, comme chez les familles qui vont être étudiées maintenant, c’est toujours sous la forme d’une éminence a struc- ture purement homogène et celluleuse quese montre l’ovule dans son premier âge ; le tégument, dont l’existence me semble géné- rale et constante dans cette famille, puisque je l’ai rencontré dans tous les types que j’ai étudiés, le tégument apparaît bientôt sous la forme d’un petit bourrelet qui, s’allongeant par son extrémité libre, recouvre progressivement le nuceile. Celui-ci se recourbe en même temps de façon à rapprocher son micropyle du funicule, et prend ainsi les caractères de l’anatropie ; puis les lèvres du micropyle se rapprochent plus ou moins rapidement, elle nuceile disparaît sous le tégument. Je crois qu’une étude aussi minu- tieuse que celle à laquelle je me suis livré de celui-ci dans ses diverses périodes ne peut laisser aucun doute sur son existence; la seule précaution à prendre pour bien l’observer étant de re- monter aux plus jeunes âges de l’ovule. Jusqu’à ce moment le nuceile ne formait qu’une masse cellu- leuse et continue; mais, vers l’époque où l’ovule a pris sa forme (1) L. R. Tulasne, loc. cit , p. 63 et suiv. (2) Gærtner, De frudibus et semin, planiarum, t. I, p. 244, 249, 256. DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE GRAINE. 65 anatrope, on voit une vésicule grandir dans un point de sa masse, rarement au centre de celle-ci; puis, eette vésicule continuant de s’accroître, forme le sac embryonnaire. Prenant des aspects di- vers et souvent bizarres, celui-ci grandit rapidement, refoulant le tissu nucellaire qui se résorbe ; bientôt le sac embryonnaire se trouve ainsi parvenu dans le voisinage du tégument, mais alors des phénomènes delà plus haute importance se manifestent dans son intérieur : le boyau pollinique, arrivant au contact de la paroi externe de ce sac, a déterminé la formation de l’embryon, lequel, après certains états antérieurs et trop connus pour que je m’y arrête, se présente sous la forme d’une petite masse cellulaire. Celle-ci se modifie de façon à représenter une sorte de cœur ; puis sa radicule s’allongeant et les cotylédons se dessinant peu peu, on a l’embryon dans son état parfait. Durant ce temps, le contenu du sac embryonnaire, qui n’était d’abord qu’un liquide plasmique, s’est organisé de façon à présenter une masse cellulaire formée d’utricules larges et à parois minces, plus ou moins polyédriques, dont l'ensemble constitue l’albumen : dès lors l’ovule a vécu, et l’on a sous les yeux, sa forme dernière, la graine. Rien de plus variable que l’apparence de cette dernière. Dans un seul genre, celui des Véroniques, si intéressant à divers points de vue et dont j’ai fait à dessein une longue étude, on trouve des graines qui semblent orthotropes, d’autres qui sont franchement anatropes, d’autres enfin qui sont recourbées comme des graines campylotropes ; les semences des Antirrhinum, des Linaria , des Digitalisa des Euphrasia, sont polyédriques, etc. Si de la forme on passe à la surface extérieure, on rencontre des dissemblances tout aussi nombreuses, tout aussi frappantes. Certaines espèces de Veronica ont le test lisse ou peu s’en faut, d’autres y présentent des sillons profonds, des cannelures très- prononcées; l’ Anlirrhinum, le Digitalis, etc., ont des graines à surface rugueuse et relevée de nombreuses côtes saillantes dont l’anatomie permet de déterminer aisément la nature. Lorsqu’il s’agissait de l’ovule proprement dit, les recherches histotaxiques nous ont fourni d’excellents moyens decontrôle sur 5e série, Bot. T. XIX (Cahier n° 2). 1 5 J. CHA.TIM. 6G l’importance et l’exactitude desquels je n’ai plus à revenir, mais elles ne formaient pas partie essentielle de son étude, dont la dissection proprement dite était la première et indispensable partie; pour la graine, au contraire, le microscope fournit la vraie méthode d’investigation, et la dissection ne donne plus que des indications très-limitées. Les coupes pratiquées à travers la masse de la graine montrent tout d’abord la situation relative de l’embryon, son volume, sa direction, puis le développement de l’albumen, sa nature, la forme et les réactions de ses éléments, enfin l’épaisseur et la structure du test, constitué aux dépens du tégument ovulaire et dont les modifications curieuses expliquent les singulières appa- rences que l’on remarque chez X Antirrhinum, VEuphrasia, etc., et dont j’ai fait connaître la nature. SOLANACÉES. À la suite de l’histoire organogénique des Scrofularinées vient naturellement se placer celle des Solanacées. Chacun sait, en effet, par quelles nombreuses analogies ces deux groupes méri- tent d’être rangés l’un auprès de l’autre dans la série des Corolli- llores, et ces analogies se rattachant précisément au gynécée, il m’était impossible de séparer l’étude du développement de l’ovule dans ces familles, et de ne pas comparer les principales dispo- sitions qu’il y présente, soit dans les diverses périodes de son existence, soit dans sa constitution même. La Scrofularinée type, X Antirrhinum par exemple, se distin- gue, en effet, d’une Solanacée par l’irrégularité de la fleur dans toutes ses parties, ou plutôt par l’irrégularité du calyce, dont les divisions sont inégales, par l’irrégularité de la corolle, qui est personnée, et par celle de l’androcée, composé ordinairement de quatre étamines didynames (1). Mais ces caractères différentiels ne se retrouvent plus dans le verticille floral interne, et chez les Solanacées, comme dans les Scrofularinées, l’ovaire est formé (i) On sait que !e Verbciscum a cinq étamines. DÉVELOPPEMENT DE l’oVULE ET DE Là GRAINE. 67 de deux carpelles, l’un antérieur, l’autre postérieur, constituant deux loges rentérmant un gros placenta axile sur lequel sont portés de nombreux ovules. Ce résumé général des affinités morphologiques entre ces deux familles me dispense d’insister sur la méthode que j’ai suivie pour l’étude de l’ovule et de la graine des Solanacées : leurs parties étant fort semblables, les moyens d’étude ont dû être identiques et m’ont conduit aux résultats dans le détail desquels je vais entrer. NICOTIANA TABACUM. (PL h et 5.) Lorsqu’on ouvre un bouton de Nicotiana Tabacum long de quelques millimètres, on trouve, en son centre, une sorte de cône tronqué surmonté d’une éminence obtuse et coupée par une scissure transversale peu marquée d’ailleurs. La masse infé- rieure est l’ovaire et la dilatation bilobée est le premier indice du stigmate ; quant au style, c’est à peine si un léger rétrécisse- ment marque le point où se produira son élongation (I). Ce jeune ovaire renferme dans l’intérieur de ses loges un gros placenta axile sur lequel on ne distingue rien de particulier lorsqu’on l’examine sous le microscope simple (2) ; mais si l’on en sépare un lambeau et qu’on l’examine avec un grossissement de 200 diamètres environ, on aperçoit à sa surface un grand nombre de petits mamelons à forme mal définie ou subglobu- leuse et qui sont ici encore les premiers rudiments des ovules(3). Dans les Solanacées comme dans les Scrofularinées, la genèse de l’ovule s’opère donc sensiblement de la même façon, et dans les unes et les autres il revêt, au début de son existence, des ca- ractères morphologiques parfaitement comparables. Cette res- semblance ne se borne d’ailleurs pas à la forme et à la situation, mais s’étend aussi à la structure des mamelons ovulaires; l’exa- men histologique montre en effet, dans les ovules du Tabac, (1) PL II, fig. 17. (2) PL li, fig. 18. (3) PL U, fig. 19. 08 J. cisATinî. le même tissu que nous avons rencontré dans ceux des Véro- niques ou du Muflier : la petite masse uucellaire est unique- ment utriculaire et composée de cellules à contour arrondi, à contenu granuleux et plasmique; on n’observe donc nulle diffé- rence entre les cellules centrales et celles qui, situées à la péri- phérie de l’ovule, limitent ainsi l’ensemble. Les mamelons sont d’ailleurs appliqués immédiatement sur le placenta, et l’on ne saurait encore y distinguer aucune portion basilaire ou funi- culaire. Bans l’âge suivant, on constate tout d’abord d’importantes modifications dans les caractères extérieurs du pistil : la masse principale et inférieure s’est allongée et commence à revêtir les caractères définitifs de l’ovaire ; la bifidité stigmatique , plus nettement accusée, est maintenant portée à une assez grande distance de ce dernier, par suite de la formation de la colonne stylaire. — Dans l’intérieur, le placenta s’est accru et semble plus ou moins fongueux ; les ovules subissent aussi, en ce moment, une importante modification : le mamelon primitif s’est allongé et présente un diamètre croissant de son extrémité libre vers son insertion placentaire, il est donc sensiblement conique ; mais cette légère transformation morphologique se complique par l’appari- tion du bourrelet tégumentaire qui, selon le mode déjà décrit, s’étend vers l’extrémité supérieure ou libre de l’ovule (1) ; celui-ci commence déjà à accomplir le mouvement d’incurvation qui lui est nécessaire pour arriver à sa forme dernière et l’on voit son sommet qui se recourbe légèrement. Les choses demeurent ainsi durant quelque temps, et je crois que, par suite de cette par- ticularité, l’étude du Nicotiana Tabacum ne saurait être trop recommandée aux personnes désireuses de se rendre compte de l’évolution de l’ovule et de la formation de son tégument; il suf- fit, en effet, d’enlever une parcelle de tissu placentaire et de l’ob- server avec un grossissement de 150 diamètres environ, pour voir de nombreux ovuies présentant la bizarre apparence que leur donne la saillie du nucelle hors de l’ouverture micropylaire. La structure de ces ovules n’est plus la même que celle des (1) PI. h, fig. 20. DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. 69 mamelons étudiés dans l’âge précédent : les cellules de la masse nucellaire ont augmenté de volume et de nombre, leur forme est polyédrique et non plus sphéroïdale. Enfin, des cellules dé- primées à la façon de celles de l’épiderme se montrent à la péri- phérie et limitent ainsi l’ovule. L’ovule continue à se recourber, et pourtant le micropyle laisse encore passer une notable portion du nucelle (1), tandis que dans diverses Scrofularinées le micropyle est presque en- tièrement fermé, alors que l’ovule indique à peine son mouve- ment curviligne. Cependant les progrès du développement de l’enveloppe amènent bientôt celle-ci au niveau de l’extrémité nucellaire qu’elle dépasse même, déterminant ainsi le rappro- chement des bords de l’ouverture micropylaire. Un curieux phénomène s’opère aussi vers ce moment : les placentas du Nicotiana portent, comme on sait, un très-grand nombre d’ovules, et l’on pourrait supposer que la quantité des graines correspondra à celle des ovules ; il n’en est cependant rien. Dans le premier âge, la masse placentaire était entièrement garnie par les mamelons ovulaires ; or ceux-ci croissant en vo- lume, sans que les placentas s’étendent en proportion, ne sau- raient donc se développer tous également et librement ; aussi remarque-t-on chez plusieurs d’entre eux un arrêt complet de développement, et n’est-il pas rare de trouver à leur place la petite fossette qui les logeait et qui est ainsi restée le seul indice de leur existence éphémère. J’ai rencontré très-souvent cet état dans les ovaires que j’ai disséqués, et je crois utile de le signa- ler en résumant, comme je le fais ici, les principales particu- larités de la vie de l’ovule. En examinant celui-ci, vers la période de son développement où nous sommes arrivés, on constate la formation d’un rudiment de sac embryonnaire, lequel apparaît comme une tache grisâtre vers le centre de l’ovule ; il est alors elliptique (2). Les progrès de son développement s’accentuent rapidement, et, lors de l’épa- nouissement de la fleur, il est complètement organisé. (1) PI. â, fig. 21. (2) Pt. U , %. 25. 70 X CHATIA La fécondation s’opérant, la segmentation de la vésicule em- bryonnaire détermine bientôt la constitution du petit embryon (1 ), dont l’apparence est, durant quelque temps, assez comparable à celle d’un cœur de carte à jouer, la radicule formant une assez grosse masse obtuse et surmontée par les cotylédons, qui sont encore peu distincts l’un de l’autre (2). Bientôt, cependant, ces derniers s’allongent ; la scissure existant entre eux s’accentue davantage; l’embryon prend ainsi peu à peu sa forme définitive. En même temps le contenu plasmique du sac s’est organisé pour constituer une masse de grosses utricules qui, par leur seg- mentation, forment la masse de l’albumen : l’ovule est devenu la graine. Il suffit de déchirer une capsule d eN.Tabacum, pour voir s’en échapper un grand nombre de petites semences d’un brun plus ou moins rougeâtre, à surface plissée ou chagrinée; au point de vue de leur situation, ces graines ne diffèrent pas des ovules, et la plus légère inspection montre qu’elles sont reçues dans autant de dépressions creusées à la surface du gros placenta axile et fongueux dont la loge se trouve presque remplie. Mais les carac- tères essentiels qu’a revêtus la graine adulte lui étant propres, je dois faire connaître au moins succinctement ses principales particularités morphologiques et anatomiques. La graine a conservé assez exactement la forme de l’ovule, elle est donc anatrope et présente un micropyle situé près de l’insertion funiculaire (o). Sur la coupe longitudinale, il est aisé de constater la présence d’un petit raphé qui s’arrête à une courte distance du pied de la graine; il est d’ailleurs constitué par un cordon fîbro-v'asculaire contenant des trachées (h). Bans un cas j’ai vu ce raphé se diviser, dès son entrée dans la graine, en plu- sieurs petites branches divergentes; mais je ne fais que signaler cette particularité trop peu fréquente pour avoir ici une impor- tance réelle. (1) PI. A, fig. 26. (2) PL U, fig. 27. (3) PI. h, fig. 30. (4) PI. 5, fig. -1. DÉVELOPPEMENT DE L OVULE ET DE LA GRAINE. 71 Sur la coupe transversale on trouve, au centre, l’embryon avec son tissu utriculaire propre, à éléments fins et faiblement pressés les uns contre les autres (1) ; puis, tout autour de cet em- bryon, l’albumen dont la masse charnue est formée de cellules larges, à contour polygonal, à contenu granuleux ; les parois de ces utricules sont généralement peu épaisses (2). Enfin, à la périphérie de la graine, se trouve une couche de cellules étroites, allongées transversalement, à parois épaisses et de couleur plus ou moins brune. Ces cellules présentent une face libre sensible- ment convexe et relevée; ce sont elles qui constituent le test ré- sistant et plissé qui revêt la graine et lui donne un aspect tout par- ticulier. L’origine de cette zone limitante est aisée à retrouver: ce sont les éléments mêmes du tégument ovulaire qui, par suite de modifications légères dansleur forme, leur volume et la structure de leurs parois, sont venus constituer, en dernière analyse, l’en- veloppe de la graine (3). L’albumen s’applique d’ailleurs immé- diatement et sans intermédiaire sur la face interne du tégument séminal, et nul tissu ne s’y trouve interposé qui puisse être rap- porté au nucelle. Dans son développement, le sac embryonnaire a donc complètement, fait disparaître celui-ci, et si l’on se re- porte au mode de constitution du test des Scrofularinées, on retrouve déjà ici l’indice d’affinités organiques réelles entre ce groupe et celui des Solanacées : ces affinités vont d’ailleurs s’ac- centuer par l’examen de quelques autres plantes de la même famille. NICOTIANA RUSTICA. (PI. 5, fig. 3-5.) Les ovules apparaissent encore ici sous la forme de petites proéminences obtuses, insérées en grand nombre sur les masses placentaires, et constituées uniquement par un tissu utriculaire (1) PI. 5, fig. 2, C. (2) PI. 5, fig. 2, b. (3) PI. 5, fig, 2, a. 72 homogène. Ces mamelons s’allongent plus rapidement que clans le Nicotiana Tabacum. Le tégument ovulaire s’y montre égale- ment plus tôt, et son évolution s’y fait plus rapidement ; il en est de même pour le mouvement d’inflexion de l’ovule et pour le rapprochement des bords du micropyle. La forme anatrope s’y accentue donc à une époque plus jeune de l’existence de l’ovule. Le sac embryonnaire s’y organise de la même façon que dans le N. Tabacum , et ne tarde pas à prendre un grand volume. L’embryon y apparaît bientôt et se constitue à son tour. Il y acquiert même une étendue plus grande que dans l’espèce que je viens de citer, de telle sorte que l’albumen s’y trouve assez réduit, la scissure intercotylédonaire y étant également plus pro- fonde : la structure histologique de l’embryon diffère peu de ce qui a été dit plus haut sur ce sujet. La graine est entourée de cellules encore tabulaires, mais à parois plus épaisses ; en outre, sur certains points, ces cellules se relèvent de façon à former tout autour de la graine une série de côtes qui représentent les éléments constitutifs du test si résistant qui revêt les graines de cette Solanacée; les cellules du tégument ovulaire por- tent une cuticule assez épaisse. Le développement de l’ovule est donc le même dans les deux espèces de Nicotiana étudiées ici ; mais on remarque, dans la structure du N. rustica , certains caractères propres qui lui donnent un aspect de solidité et de vigueur en rapport avec la nature même de cette espèce, qui résiste facilement aux variations climatériques, et se ressème aisément seule, même dans nos pays. DATURA STRAMONIUM; (PI. 5, fig. 6-8.) L’ovaire est tout d’abord formé par deux loges, l’une anté- rieure, l’autre postérieure ; mais bientôt deux cloisons, partant du centre dans une direction perpendiculaire à celle de Tunique cloison primitive, viennent constituer quatre logettes. Très-sou- vent une des loges est ainsi subdivisée, tandis que l’autre reste entière et simple. DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. 73 Sur le gros placenta, qui semble inséré sur ces dernières cloi- sons, naissent les ovules, dont l’évolution se fait ici très-rapide- ment (1) : d’abord simples tubercules faisant à peine saillie à la surface du placenta, ils se recouvrent bientôt d’un tégument, et viennent, par suite de leur incurvation, porter le micropyle près de leur point d’insertion (2). L’examen histologique de ces corps y montre un tissu analogue à celui qui vient d’être décrit pour les Nicotiana rustica et Tabacum : la masse nucellaire est formée de cellules médiocrement développées, à parois peu épaisses, à section polygonale; elle est enveloppée par les cel- lules tégumentaires qui ont une paroi un peu plus solide, une face externe légèrement convexe. Au centre du nucelle, ou dans un point peu éloigné du centre, apparaît le sac embryonnaire dont l’évolution se fait ici beau- coup moins rapidement que dans les espèces précédentes ; sa forme est elliptique ou subglobuleuse. Par les progrès de son dé- veloppement, ce sac refoule peu à peu le nucelle, et l’embryon ne tarde pas à s’y constituer, à la suite de la fécondation. La forme de ce dernier est d’abord très-normale et peu différente de ce qu’elle est dans les autres Solanacées ; mais bientôt on le voit se recourber sur lui-même, de façon à faire décrire à sa portion cotylédonaire une sorte de crosse dont la forme et les dimen- sions sont aisément appréciables par l’étude de la graine (3). Celle-ci est décrite tantôt comme anatrope, tantôt comme amphitrope : le fait est qu’elle m’a toujours présenté une appa- rence se rapprochant du type campylotrope ; sa couleur est noire ou d’un brun très-foncé ; sa surface est rendue rugueuse par l’entrecroisement de nombreuses petites côtes saillantes qui y dessinent une infinité de réticulations. Sur la coupe longi- tudinale on voit l’embryon bizarrement recourbé et entouré d’un albumen copieux et charnu, le tout étant limité par le test brunâtre; on peut d’ailleurs aisément constater que le bile (1) Dans un bouton floral long de Ml millimètres, on trouve les ovules déjà recour- bés et présentant un micropyle très-réduit. (2) PI. 5, fig. 6. (3) PL 5, fig. 7. 1k J. CIRATIÎ¥. et le micropyle sont situés à une très-courte distance l’un de l’autre. Sur la coupe transversale, on a tantôt deux et tantôt trois sections de l’embryon, selon que la coupe a passé ou non par la portion infléchie de la masse cotylédonaire. Les cellules de l'albumen sont assez larges, polyédriques, environnant com- plètement les diverses portions de l’embryon. La graine est en- tourée par une assise de cellules épaisses, à contour variable, qui forment l’enveloppe résistante de la semence ; elles doivent être considérées comme résultant de la transformation des éléments du tégument même de l’ovule. Le Datura Stramonium présente donc, dans le développement de l’ovule, les mêmes caractères principaux que les Nicotiana , mais sa graine offre une forme sensiblement différente : son embryon est surtout très-caractéristique, et, par son évolution toute spéciale, donne à la coupe de la graine les aspects si bizarres que l’on trouve figurés dans la planche Y. SOLANUM DULCAMARA. L’ovaire, de forme allongée, s’élève sur une sorte de disque glanduleux; en ouvrant ses loges, on y constate la présence de nombreux ovules portés sur un gros placenta saillant, et pré- sentant, aux diverses époques de leur développement, des carac- tères très-semblables à ceux que j’ai décrits chez les Nicotiana et Datura. Les mamelons nucellaires, se recouvrant de bonne heure d’un tégument unique et qui s’allonge encore ici très-rapidement, ne tardent pas à se recourber et à acquérir ainsi la forme ana- trope(i). Le sac embryonnaire se développe rarement au centre du nucelle, sa cellule primordiale apparaissant presque toujours à une certaine distance de ce point; il refoule peu à peu le nu- celle, et finit par contenir l’embryon et l’albumen. La graine, à surface chagrinée, offre, sur la coupe transver- sale, la section elliptique de l'embryon; puis, entourant celui-ci, (1) Certains ovules du Solarium Dulcamar a présentent, vers le milieu de leur évolu- tion, une courbure assez large pour les faire ressembler alors au type campylotrope. DÉVELOPPEMENT DE l/oVULE ET DE LA GRAINE. 75 la masse charnue de l’albumen ; le tout est limité par une cou- che de cellules épaisses et prismatiques, dérivant du tégument ovulaire et constituant le test de la graine. Lorsqu’au lieu de couper celle-ci transversalement, on la sectionne selon son grand axe, il est aisé de constater la forme très-bizarre de Fern- bryon dont la portion cotylédonaire se recourbe sur elle-même, de façon à donner à cette partie l’apparence d’une véritable crosse; la radicule, renflée et comme cîaviforme, est située dans le voisinage du micropyle. En résumé, cette étude organogénique de l’ovule des Solana- cées suivi dans son développement et dans sa transformation en graine, montre que, sous ce point de vue, comme sous plu- sieurs autres, il faut reconnaître dans ces plantes des caractères extrêmement semblables à ceux qui nous ont été présentés par les Scrofularinées. La genèse de l’ovule est identique dans ces deux groupes : chez les Veronica, comme chez les Nicotiana, dans XAntirrhi- num majus comme dans le Daturci Stramonium , de simples mamelons microscopiques sont les premiers indices de ces or- ganes si importants; à cet âge, la structure du mamelon est 1a, même dans les Solanacées et dans les Scrofularinées : c’est tou- jours ce même tissu utriculaire composé de cellules arrondies et comparables entre elles dans tous les points de la coupe. Le tégument apparaît presque à la même époque dans les ovules de ces deux groupes, et son évolution n’offre guère que de légères différences dans le temps nécessaire à son entier accomplissement. La masse générale de l’ovule se recourbant en même temps que le tégument se développe, il arrive un moment où l’ovule accuse nettement sa tendance vers la forme anatrope : le micropyle se rapproche ainsi du point d’insertion, et parfois, comme dans le Nicotiana Tabacum , on peut voir un faisceau fibro-vasculaire pénétrant dans l’ovule par son point d’attache. Les bords du micropyle se sont rapprochés à la suite du mouve- ment curviligne de l’ovule, et l’on ne peut dès lors apercevoir la moindre saillie nucellaire; mais une section pratiquée selon le ci. CIIATIM. 7ô grand axe de l’ovule (. Nicotiana , Baiura , Solânum ) permet de retrouver le nucelle occupant l’espace limité par le tégument ovulaire. Le sac embryonnaire apparaît, tantôt vers le centre (. Nicotiana rustica , iY. Tabacum , Baiura Stramonium), tantôt, au contraire, à une distance appréciable de ce dernier point {Solanum Bulcamara). Ce sac refoule le nucelle, dans un temps variable chez les diverses espèces, mais assez court généralement, ce qui permet encore de rapprocher les Solanacées des Scrofu- larinées; dans l’intérieur du sac se forme l’embryon, puis l’al- bumen. Celui-ci est copieux comme dans lesPersonnées, tandis que dans les Borraginées et les Labiées, il manque ou n’est repré- senté que par une couche très-mince. L’embryon, d’abord vaguement cordiforme, parcourt, lui aussi, assez rapidement les diverses phases de son existence: parfois simplement recourbé comme dans les Nicotiana , il devient au contraire circiné ( Solanum Bulcamara ) ou même véritablement contourné sur lui-même (. Baiura Stramonium) . La graine, ainsi constituée par l’albumen et l’embryon, est enveloppée d’une membrane résistante, relevée par des côtes qui y dessinent des reliefs très-variés dans leur configura- tion ou leur hauteur. L’origine de ce revêtement est aisée à expliquer : constamment refoulé par les progrès du sac embryon- naire, le nucelle s’est trouvé progressivement résorbé, et c’est dans le tégument ovulaire seul qu’il faut chercher l’origine de l’enveloppe séminale. Cette conclusion est identique avec celle que j’ai été conduit à formuler pour les Scrofularinées, et que M. Tulasne semble avoir également admise pour expliquer l’ori- gine du test séminal des diverses Personnées qu’il a observées. BORRAGINÉES. A la suite de la famille des Solanacées, se place naturelle- ment celle des Borraginées, qui possède comme elle une corolle monopétale, mais souvent garnie d’appendices à la gorge ; de plus, caractère différentiel bien autrement important au point DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. 77 de vue qui m’occupe, l’ovaire présente quatre loges renfermant chacune un seul ovule (t). Ceci suffit déjà à faire supposer que les conditions biologiques de l’ovule vont être sensiblement modifiées; les descriptions qui suivent ne feront que confirmer cette prévision, et sans vou- loir les exposer prématurément, je crois cependant devoir faire observer qu’avec les Borraginées commence une .partie toute nouvelle de ce mémoire. Chez les Solanacées et les Scrofulari- nées, en effet, il y avait constamment (excepté dans le genre Veronica) de nombreux ovules insérés sur un placenta volumineux et forcés, par leur présence simultanée, à effectuer leur évolu- tion selon certaines conditions destinées principalement à assurer le libre développement de toutes les semences, le plus souvent aplaties ou polyédriques, de façon à pouvoir s’imbriquer ou s’engrener réciproquement. Ici, rien de semblable, l’ovule unique se développe largement, et peut, grâce à l’étendue qui lui est ainsi attribuée, s’accroître d’une façon beaucoup plus large et souvent bizarre, si on la compare à ce que les Scrofularinées et les Solanacées nous ont montré. Voici pour l’ovaire et l’ovule ; la graine n’est pas moins remarquable. Dans les deux familles précédentes, l’embryon était logé au milieu d’un copieux albumen ; dans les Borraginées et les Labiées, au contraire, il formera seul ou presque seul la masse de la graine. BORRAGO OFFICINALIS. (PI. 5 et 6.) Vers la base du placenta apparaît, dans le jeune bouton, une petite proéminence obtuse (2) qui s’allonge rapidement et semble déjà s’incurver de façon à éloigner son extrémité libre du fond de la loge ovarienne (3). Des coupes pratiquées en différents sens à travers ce petit mamelon nucellaire montrent qu’il est (1) A ce résumé sommaire des caractères différentiels des Solanées et des Borragi- nées, est-il nécessaire d’ajouter que ces dernières ont le style gynobasique, etc.'? (2) PL 5, fig. 10, o. (3) PL 5, fig. 11. 78 .1. CMATIM. simplement formé par une masse cellulaire complètement homo- gène et dont les éléments sont sphéroïdaux. Vers le tiers inférieur de ce tubercule, se forme un bourrelet plus ou moins saillant à sa surface, et représentant la première ébauche du tégument ovulaire ; l’accroissement de cette enve- loppe se fait de la façon ordinaire, c’est-à-dire vers l’extrémité libre de bovidé (1). Au point de vue histologique, celui-ci est alors formé par une masse d’utricules polyédriques et à parois peu épaisses ; cet ensemble est limité par des cellules péri- phériques assez semblables aux éléments de l’épiderme et dont les parois sont notablement plus épaisses que celles des utricules du nue elle. Tandis que le tégument s’organise et gagne en étendue, l’ovule tout entier se recourbe et effectue son évolution d’une manière très-remarquable, si on la compare à ce que iesScrofu- larinées et les Solanacées nous ont présenté : en thèse générale, ou peut, en effet, regarder les ovules anatropes de ces plantes comme se recourbant de façon à ramener leur micropyle non- seulement dans le voisinage de leur point d’insertion, mais aussi vers le fond de la loge carpellaire ; ici, au contraire, l’ovule, tout en demeurant anatrope et en dirigeant, par conséquent, son ouverture micropylaire vers lefunicule, effectue son mouvement curviligne, non plus vers le fond de la loge, mais vers son sommet, de sorte que cet orifice se trouve tourné du côté du style et non plus du côté du disque (2). Par suite de cette évolution de l’ovule et de la croissance rapide du tégument, on ne tarde pas à voir au sommet de l’ovule un très- petit pertuis correspondant au canal micropylaire, dont les lèvres se sont progressivement rapprochées à la manière ordinaire (3). Pendant que l’ovule subit ces importantes transformations, on remarque que la base du carpelle se gonfle et épaissit ses tissus de façon à former une sorte de plateau dont la face dorsale de l’ovule n’est séparée que par un très-mince intervalle. (1) PI. 5, fi-. 12. (2) PI. 5, fig. 13. (3) PI. 5, fig. 14. DÉVELOPPEMENT DE LOVULE ET DE LÀ GRAINE. 70 Les choses étant arrivées à cet état, le sac embryonnaire se montre. Vers l’époque où l’ovule a achevé son mouvement d’in- curvation, ou même un peu plus tôt, on voit, par transparence, une sorte de petite tache grisâtre se dessiner vers le tiers supé- rieur du nucelle : cette apparition indique la genèse du sac qui vient de se former en ce point (1). La cavité de celui-ci s’élargit assez rapidement et devient ovalaire ou elliptique (2) ; enfin, les progrès de son développement amènent naturellement le refou- lement et la disparition du nucelle, dont il ne reste bientôt plus de trace. La fécondation s’étant opérée, l’embryon se forme et se segmente dans la partie supérieure du sac, c’est-à-dire près du canal micropylaire et au-dessous de lui. Durant ce temps, le sac ne renferme qu’un liquide plasmique, et l’on ne peut dire abso- lument qu’il s’y forme un albumen transitoire analogue à celui qui, chez certaines Labiées, occupe la majeure partie du sac durant le temps que dure l’évolution de l’embryon et ne dispa- raît que devant les progrès de celui-ci : ici, en effet, ce plasma ne dépasse pas la première période d’organisation. Ces progrès s’accusant de plus en plus, on peut bientôt extraire du sac une petite masse cordiforme qui représente l’embryon ; il conserve durant fort peu de temps cette apparence et prend bientôt celle d’un battoir dont le manche, c’est-à-dire la radicule, serait supérieure (3). Les cotylédons augmentent de volume et d’épaisseur, et le résultat final de toutes ces modifications est d’amener l’embryon à remplir le sac : la graine est dès lors con- stituée. En disséquant cette graine, on est frappé de la position de l’embryon, dont la radicule semble complètement déviée de sa situation normale, puisqu’elle regarde non pas le fond de la loge, mais bien son sommet (à). Cette anomalie n’est qu’appa- rente et s’explique aisément, si l’on se reporte aux premiers (1) PL 5, fig. 15. (2) Pl. 5, fig. 16. (3) Pl. 5, fig. 19. (A) Pl. 5, fig. 20. 80 J. CHATIA. âges de l’ovule. Nous avons vu, en effet, que son anatropie se formait par une évolution toute particulière, amenant le canal micropylaire vers la région supérieure delà cavité carpel- laire; à la suite de la fécondation, le suspenseur et l’embryon correspondent d’une manière plus ou moins absolue avec le canal micropylaire, vers lequel se trouve naturellement tournée la radicule. Pour plus de simplicité, on pourrait se servir d’une locution souvent employée en pareil cas, et décrire la graine de la Bour- rache comme une graine à «raphé externe » ; rnaisle petit cordon fibro -vasculaire qui se remarquait dans le funieule s’étant arrêté à la base de celui-ci, on serait exposé à exprimer de la sorte un caractère peu exact. L’embryon, examiné en lui-même (I), présente une masse cotylédonaire énorme, séparée en deux parties sensiblement symétriques par une profonde scissure ; la radicule est courte et massive ; les cellules des cotylédons sont à parois peu épaisses, à contour polyédrique, à contenu granuleux. Le tissu de l’embryon se colore en jaune brun lorsqu’on le traite par l’eau iodée. La graine du Borrago officinalis présente, avec la loge qui la contient, des connexions trop intimes pour qu’on puisse séparer leur histoire organogénique, et d’ailleurs le carpelle offre certaines transformations trop curieuses pour que je ne croie pas devoir en dire quelques mots, bien que l’histoire du fruit ne rentre pas directement dans mon sujet. J’ai dit plus haut que, lorsque l'ovule achevait son mouvement curviligne, on constatait, dans la paroi inférieure de la loge ova- rienne, un épaississement qui, s’ accentuant encore davantage, finit par former une sorte de plateau dont la face inférieure ou dorsale de l’ovule n’est séparée que par un très-mince intervalle (2). En même temps on voit la surface externe du carpelle se plisser et présenter des stries, puis des mamelons qui se disposent en lignes parallèles au grand axe du fruit (3). Peu après, la base de celui-ci (1) PI. 6, fig. 3. (2) PI. 5, fig. 16, 17, 19. (3) PI. 5, fig. 18. DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. 81 augmente encore de volume; son tissu constituant devient plus dense, plus serré, en même temps que les parois supérieures ou plutôt latérales du carpelle se prolongent inférieurement de façon à recouvrir sur les flancs cette singulière production, qui se montre comme un gros tubercule blanc et subglobuleux servant de base au fruit du Borrago. Quiconque a examiné un de ces achaines a été immédiatement frappé du curieux aspect que lui donne cette sorte de support (1). Les productions extérieures ayant continué à croître, la sur- face du fruit est finalement relevée de plusieurs séries décotes saillantes ; les tissus de ces parois s’incrustant, en outre, de matière ligneuse, il en résulte une coque dure et résistante qui protège le fruit et par suite la graine. Lorsqu’on coupe transversalement un des achaines parvenus à l’état parfait, on trouve à la périphérie la zone épaisse et dentelée du tissu car- pellaire, puis, plus intérieurement, la graine avec ses deux gros cotylédons (2). CYNOGLOSSUM OFFICINALE» (PI. 7, fig. B-B", 3, 4.) Je ne crois pas utile de suivre, dans les diverses phases de leur développement, les deux bourrelets carpellaires qui sont les pre- miers rudiments du pistil, et je considère seulement celui-ci à dater du moment où ses quatre loges sont constituées par la formation des cloisons. C’est peu après ces changements que naît l’ovule sous l’appa- rence d’une simple sphérule, dessinant une très-légère saillie à la base du placenta. Son funicule, dans lequel on découvre aisé- ment un faisceau fibro-vasculaire, s’allonge bientôt, et le tégu- ment se constitue avec une rapidité assez grande ; puis l’ovule se recourbe dans le même sens que celui du Borrago , c’est-à-dire en dirigeant vers le haut de la loge son micropyle, dont les bords (1) PL 5, fig. 18. (2) PI. 5, fig. 20; pi. 6, fig. 1. (3) PL 6, fig. 2. 5° série, Bot. T. XIX (Cahier n° 2). - 6 82 J. CHATIN. se rapprochent de plus en plus et ne donnent bientôt plus issue à aucune partie du nucelle (t). Vers le centre de celui-ci se constitue le sac embryonnaire, qui refoule progressivement le tissu nucellaire et montre ensuite la petite masse de l’embryon s’organisant dans sa région micropy- laire. Durant un temps relativement très-long, le contenu du sac consiste simplement en un liquide plasmique; puis celui-ci s’organisepeu à peu, de façon à former un albumen qui entoure l’embryon, mais n’occupe, en dernière analyse, qu’une place fort limitée par suite de l’accroissement considérable de ce dernier. Les détails dans lesquels je suis entré au sujet du Borrago me permettent d’être bref sur tout ce qui a trait au développement de l’ovule et de l’embryon ; aussi n’y insisterai-je pas, pour arriver tout de suite à la description morphologique et anato- mique de la graine. Le fruit du Cynoglossum est un acbaine brunâtre, à surface hérissée (2) et présentant un petit pied de couleur claire, analogue à celui qu’on remarque à la base des fruits du Bor- rago et de XAnchusa. Au point de vue histologique, le tissu de cet achaine offre trois zones bien distinctes et qui sont de dehors en dedans : i° une assise de cellules scléreuses, épaisses et ponc- tuées, se relevant en certains points pour y former les pointes épineuses qui se remarquent à la surface du fruit ; 2° des fibres à parois assez épaisses et à contenu granuleux; 3° une assise d’utricules carrées et peu résistantes, bordant le fruit intérieu- rement (3). L’embryon n’est pas ici séparé du péricarpe par une seule assise tégumentaire, comme dans la Bourrache ; il y a un albumen membraniforme composé de cellules formant trois ou quatre assises et assez différentes selon qu’on les examine au centre de cet albumen ou au contraire sur ses bords : au centre, ce sont des utricules à contour polygonal et plus ou moins sinueux, à parois (1) L’examen histologique révèle ici des caractères tout semblables à ceux qui ont été précédemment décrits au sujet du mamelon nucellaire, du tégument, etc. (2) PL 7, fig. 1, B, B', B". (3) PL 7, fig. 3\ DÉVELOPPEMENT DE LOVULE ET DE LA GRAINE. 80 minces ; sur les deux faces de la lamelle albumineuse on trouve une assise de cellules à peu près rectangulaires et à parois plus épaisses. Enfin vient l’embryon avec sa radicule située dans la même position que chez le Borrago , avec ses gros cotylédons profon- dément séparés par une longue scissure et constitués par des cellules larges et polygonales, à parois peu épaisses, à contenu grossièrement granuleux. 11 est à remarquer que ces cotylédons offrent généralement des zones épidermoïdales bien moins mar- quées que dans la plupart des plantes. Les cellules qui les limitent sont bien encore quadrangulaires ou même carrées, mais leur épaisseur est fort minime et ne différé guère de celle des utricules situées au centre de la masse cotylédonaire. L’eau iodée colore uniformément en jaune brun tous les tissus de la graine du Cynoglossum officinale . ANCHUSA ITAL1CA. ( PI. 7, fig'. A- A", 1-2. ) L’ovaire de VAnchnsa présente, dans son développement, les mêmes phases que celui du Cynoglossum , et lorsqu’on opère sa dissection dans un jeune bouton, on trouve le mamelon ovulaire se constituant vers la partie basilaire du placenta. Ce mamelon ne tarde pas à s’allonger et à prendre une forme cylindroïde ; le tégument se montre en même temps, et l’on voit la petite masse nucellaire qui s’infléchit vers le sommet de la loge ; le micropyle montre la saillie du nucelle pendant un temps plus long que dans le Cynoglossum , puis cette ouverture se referme vers le moment où l’ovule a achevé son mouvement d’incurvation. Bientôt apparaît le sac, qui, d’abord ovalaire, ne tarde pas à devenir elliptique ou piriforme ; il est limité par une mince membrane transparente et renferme un liquide finement granu- leux. A la suite de la fécondation, ou voit une petite masse cellu- leuse apparaître vers le même point que dans les Borraginées précédentes: elle représente l’embryon segmenté. Celui-ci prend aussitôt après un aspect cordiforme, puis la radicule et les cot.y~ 8/| J. CMATM. lédons se dessinent et le contenu du sac s’organisant de son côté, la graine se trouve enfin constituée. L’achainequi la renferme est assez volumineux, d'abord ver- dâtre, puis brunissant avec les progrès de l’âge (1) ; il est sup- porté par un petit pied blanchâtre (2), formé, comme celui du fruit de la Bourrache, par un tissu cellulaire à éléments rameux, et contenant, dans leur intérieur, des granulations d’un diamètre assez considérable (3). Ce pédicule a la même origine que dans le Borrago, et se trouve comme enchâssé dans les deux prolonge- ments inférieurs des parois carpellaires par lesquelles a lieu la communication vasculaire avec le réceptacle. Celles-ci présentent une surface extérieure relevée par plusieurs côtes saillantes : elles sont très-résistantes. Si l’on pratique une coupe transversale dans l’intervalle de deux des saillies extérieures (â), on constate que le tissu de î’achaine y est formé extérieurement par une assise de cellules épidermoïdales se relevant plus ou moins sur leur face externe, et offrant une forme généralement carrée ; en dedans de cette assise s’en trouve une autre formée par des cellules scléreuses et ponctuées, auxquelles le fruit doit sa solidité ; enfin l’achaine est limité intérieurement par une lame de cellules aplaties, bor- dée par une assise d’utricules tabulaires endocarpiennes,dans lesquelles on voit des granules d’un vert jaunâtre (5). En dedans du fruit se trouve la graine avec un mince albumen formé de cellules aplaties, et limité par une assise d’utricules rectangulaires qui le borde du côté du fruit. Enfin, dans l’inté- rieur de cet albumen îamelleux, se trouve l’embryon avec ses deux gros cotylédons qu’enveloppe une assise de cellules qua- drangulaires. Bans toutes les utricules du tissu cotvlédonaire (1) PI. 7, fig. A', A", (2) PI. 7, fig. A e, A' p, 2 p. (3) PL 7, fig. 2', 2". (4) PI. 7, fig. 1". (5) Lorsque la coupe est pratiquée au niveau d’une des côtes saillantes, on trouve les mêmes éléments, mais on constate que l’assise des cellules scléreuses est fortement relevée vers l’extérieur ; en outre, il existe presque constamment un faisceau fibro- vasculaire dans la région interne. — PI. 7, fig. 1". DÉVELOPPEMENT DE L OVULE ET DE LA GRAINE. 85 se trouvent des granules qui ne bleuissent pas par l’iode, et sont insolubles dans l’éther. ECHIUM VULGARE. L’ovule apparaît encore ici, comme dans les espèces précé- dentes, sous la forme d’un petit mamelon globuleux ou légère- ment allongé, vers le milieu duquel se montre de bonne heure le bourrelet tégumentaire, lequel, s’accroissant en môme temps que le nucelle et bientôt même plus rapidement que ce dernier, ne tarde pas à le recouvrir. L’incurvation de l’ovule s’accentue vers ce moment, et la courbe semble être ici plus étendue que dans beaucoup d’autres Borraginées, de sorte que l’ovule tend vers la forme campylo- trope (1). Le sac s’y développe comme dans le Borrcigo, etc., et l’embryon s’y organise peu à peu de façon a le remplir. La radicule est épaisse et rentlée ; quant aux cotylédons, ils pré- sentent aussi une masse assez considérable, et sont séparés l’un de l’autre par une profonde scissure curviligne. Au point de vue anatomique, la graine offre les mêmes caractères que dans les espèces précédentes. La surface du fruit est également mar- quée de nombreuses aspérités, et sa base est supportée par un pied court et renflé, plutôt prismatique qu’arrondi, et différant ainsi de celui que j’ai eu l’occasion de décrire chez YAnchusa italica , etc. La famille des Borraginées présente, comme le montrent les descriptions précédentes, de nombreuses et importantes diffé- rences avec les familles étudiées jusqu’ici. Bans les Scrofulari- nées et les Solanacées, en effet, le nombre des loges carpellaires et des ovules, la direction selon laquelle ces derniers effectuaient leur évolution, la constitution de la graine, étaient sensiblement (1) Je crois devoir faire remarquer l’élongation du funicule, qui, vers cette époque de la vie de l’ovule, se présente souvent, chez YEchium vulgare, sous la forme d’un filament très-ténu, que je ne lui ai jamais vu dans les autres plantes de la même famille ( Borrago , Cynoglossum , etc.). d. €MATIM. 86 comparables. Mais ici ces points fournissent autant de différences capitales, et, d’un bout à l’autre de leur existence, l’ovule et la graine présentent des dispositions nouvelles. J’ai trop souvent insisté sur le sens du mouvement curviligne de l’ovule, sur le développement de son tégument et sur la consti- tution de l’embryon, pour qu’il soit nécessaire d’y revenir; quant à la grai ne, elle offre des caractèresbien spéciaux par rapport au x plantes étudiées jusqu’ici, et c’est seulement dans les Labiées que nous trouverons quelques dispositions analogues à celles que nous avons rencontrées dans les Borraginées. Encore faut-il remar- quer que la situation de la radicule n’est pas la même dans ces deux groupes. L’albumen est l’une des parties les plus dignes d’intérêt, puisque tantôt il manque, comme dans le Borrago officinalis , et que tantôt, au contraire, il existe, mais n’occupe jamais alors qu’une faible étendue de la masse totale de la graine ; dans ce dernier cas, on a bien sous les yeux l’albumen charnu et lamelleux indiqué dans ces plantes par Endlicher (1), etc. LABIÉES. Par le nombre et la profonde lobation des deux carpelles, par la nature même de la graine, pour ne chercher aucune analogie en dehors du cadre de ces études, les Labiées méritent d’être placées auprès des Borraginées, et je crois devoir les décrire à la suite de celles-ci, sans pour cela vouloir préjuger entre elles une affinité plus étroite que de raison. Les caractères différentiels sont effectivement assez marqués entre ces deux groupes, et la direction même selon laquelle s’opère le mouvement d’incurva- tion de l’ovule pourrait suffire à distinguer les Borraginées des Labiées. Bans la première de ces deux familles, on voit, en effet, le mamelon nucellaire se recourber vers le placenta, de façon à présenter bientôt son orifice micropylaire dirigé vers celui-ci, taudis que leraphé, ou la côte dorsale de l’ovule, se trouve dans (1) Endlicher, Enchiridion botanicum, 1841, p. 32. DÉVELOPPEMENT DE LOVULE ET DE LÀ GRAINE. 87 le voisinage immédiat du fond de la loge. Dans les Labiées an conlraire (. Lamium, S alvia , etc.), l’incurvation de l’ovule s’effec- tue en sens inverse, de telle sorte que le micropyle est réelle- ment externe et tourné vers le fond de la loge, tandis que le raphé regarde le centre de la fleur. De ces différences dans la direction de l’ovule résultent nécessairement des dissem- blances dans la configuration de la graine, et surtout dans la situation de la radicule ; or les Scrofularinées et les Solanacées ne nous ont rien présenté de pareil : dans ces deux familles, l’embryon offrait le môme aspect général, et le micropyle ne variant pas dans sa direction générale, il était tout naturel de voir la radicule se maintenir constamment dans la même situa- tion, par rapport à la place occupée par la graine sur le placenta. Il y aurait encore quelques autres particularités à relever, mais je crois qu’elles seront mieux placées à la suite des descriptions particulières ; je n’y insisterai donc qu’après avoir analysé les résultats fournis parles Labiées que j’ai étudiées. LAMIUM. (PI. 6 et 8 : Lamium picrpureum, L. macu/atum, L. garganiçum, etc,) Dans la fleur non épanouie, mais offrant déjà son ovaire bien conformé, et présentant ses quatre loges distinctes et son style bifide au sommet, on observe que l’ovule a déjà perdu l’appa- rence d’un mamelon (1) pour prendre celle d’une sorte de cylin- dre qu’enveloppe partiellement le tégument (2) ; celui-ci s’accroît d’ailleurs avec une médiocre rapidité, tandis que l’ovule se recourbe, de sorte que le nucelle fait encore une saillie très- prononcée, alors que le mouvement d’incurvation est déjà accusé depuis quelque temps ( Lamium garganiçum , L. macu- latum , etc.) (3). L’ovule continuant à se recourber, le micropyle se trouve (1) PI. 6, fig. 5 et G. (2) PL 6, fig. 7. (3) PL 6, fig. 8. J. ÇliATIV 88 porté dans le voisinage du point d’insertion, et la forme ana- trope s’accentue ainsi très-nettement ; dans certaines espèces mômes, telles que le L. album. , on remarque le long de la face dorsale de l’ovule une côte saillante qui mérite assez bien le nom de raphé. Bientôt les bords de l’orifice micropylaire se rappro- chant, on n’aperçoit plus de trace du nucelle; l’ovule a acquis sa forme dernière, et parfois il s’aplatit notablement sur sa face dorsale (L. maculatum ). Quant au sac embryonnaire, il apparaît, comme toujours, sous la forme d’une mince vésicule qui devient bientôt elliptique ou ovalaire ( L . maculatum) (1), et souvent aussi offre un aspect claviforme (L. purpureum ), ou présente des appendices signalés par M. Tulasne (2). L’embryon se constitue dans la portion du sac qui est voisine du micropyle, et c’est aussi, cela va de soi, vers cette ouverture que se dirige sa radicule, lorsqu’il a passé par les états de sphé- roïde cellulaire (3) et de masse cordiforme. En ce moment, le sac renferme un liquide plasmique et granuleux, qui bientôt s’organise pour former un mince albumen, lequel disparaît à mesure que l’embryon grandit. Cet embryon finit en effet par constituer la presque totalité de la graine, dont je dois étudier maintenant la structure, sans séparer son étude de celle de l’achaine, pour les motifs que j’ai donnés précédemment. Le fruit des Lamium est ordinairement prismatique ou polygonal (4): au commencement de sa matu- ration, il offre une forme comprimée et n’est que fort peu élevé (L. purpureum, etc.) ; mais bientôt ses côtes se dessinent, et se prolongent même parfois au-dessus de sa face supérieure : il prend ainsi peu à peu son état définitif, et la graine le remplit alors presque exactement. Sur la coupe longitudinale de ce fruit, on constate aisément le (1) PI. 6, fig. 9. (2) L. R. Tulasne, Nouvelles études d' embryogénie végétale (Ann. des scinnces nat.., 4e série, 1855, t. IV, p.|67). (3) PI. 6, fig. 11. (4) PI. 8, fig. A. DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE TA GRAINE. 89 grand développement de l’embryon avec lamasse de ses cotylé- dons profondément écliancrée par la scissure qui sépare les deux feuilles embryonnaires (1). -—La coupe transversale montre que le fruit se compose de trois zones bien distinctes par la forme de leurs éléments et la nature de leur contenu ; ce sont de dehors en dedans : 1° une assise de cellules allongées dans un sens per- pendiculaire au grand axe de l'acharne, à parois médiocrement épaisses, sinon sur la face externe, qui est fortement convexe : ces utricules renferment des granules que l’iode colore en bleu ; 2° une couche formée généralement de quatre ou cinq assises de cellules courtes, polygonales, renfermant des granulations non colorables par l’iode ; 3° une assise interne formée de cellules quadrangulaires qui, durant assez longtemps, présentent une teinte verdâtre très-prononcée (2). En dedans de cette zone se trouve la graine, qui comprend l’albumen et l’embryon. J’ai déjà dit que la masse albumineuse disparaissait à mesure que celui-ci grandissait ; je dois ajouter que l’albumen est surtout développé autour de la radicule, et se colore en bleu par l’iode dans son jeune âge, tandis que plus tard l’iode le colore en jaune brun. Quoi qu’il en soit, la graine est constamment limitée par une assise de cellules brunâtres ou jaunâtres (3) et quadrangulaires; elles forment le tégument sé- minal, et représentent l’enveloppe ovulaire réduite à une assise de cellules ; en dedans de cette couche vient l’albumen lamel- leux, et enfin l’embryon avec ses utricules fines et délicates, dont le contenu jaunit au contact de la teinture d’iode. Les cotylédons sont limités par une assise de cellules épidermoïdales à section carrée ou sensiblement rectangulaire (4). (1) PI. 8, fig. AL (2) PI. 8, fig. 1"", «, b, c. (3) Cette dernière teinte est celle qui domine dans les premiers âges, durant lesquels l’assise périphérique de la graine est parfois même verdâtre. (H) PI. 8, fig. f. 90 MELISSA OFFICINALES. (PL G et 8.) L’ovule apparaissant d’abord sous la forme d’un simple tuber- cule très-peu saillant, puis s’allongeant et recouvrant bientôt son nucelle d’un tégument, selon le mode habituel, ne tarde pas à prendre la forme anatrope, son micropyle se rapprochant du funicule. Ce dernier se creuse même d’une sorte de dépression ou de cupule, dans laquelle l’extrémité de l’ovule semble vouloir se loger (]). Le sac embryonnaire se constitue rapidement et prend une forme ovalaire, rarement elliptique (2) ; l’embryon s’y montre bientôt comme une sorte de petite masse cordiforme, sa radicule s’allonge naturellement vers le micropyle ; en même temps la région cotylédonaire s’épaissit, et l’embryon revêt ainsi peu à peu la forme d’un battoir. Ses dimensions s’accroissent pro- gressivement, tandis que le contenu du sac embryonnaire s’est organisé pour constituer un albumen transitoire que refoule la jeune plantule, dont le développement ne s’arrête plus (3), et qui n’est bientôt recouverte que par une mince couche légu- mentaire (h). Le fruit et la graine (5) diffèrent peu de ce qu’ils sont dans les Labiées étudiées en premier lieu. Le fruit est également prisma- tique, de couleur brune, long de quelques millimètres à peine, (1) PL 11, fig. 7. — Au sujet de cette évolution de l’ovule du Melissa officinalis , il convient de faire remarquer combien son extrémité micropylaire se trouve amincie, au moins durant une période de l’existence de l’ovule; ce dernier présente ainsi, sous ce rapport, un aspect assez analogue à celui qui nous a été offert par les différents Lamium, et surtout par le L. album. (2) Le refoulement du nucelle et sa disparition progressive à la suite du développe- ment du sac embryonnaire s’opèrent ici avec une lenteur très-sensible, si l’on se rapporte à ce qu’on observe dans plusieurs des plantes étudiées précédemment, et particulièrement dans diverses Scrofularinées. (3) Pl. 6, fig. là, 15. (4) PL 6, fig. 18, 19. (5) Pl. 8, fig. C, 3-3". DEVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. 91 et d’un toucher onctueux ; si ou le comprime sensiblement pour en faire la coupe, on remarque que celle-ci est entourée d’une sorte d’atmosphère visqueuse qui en rend l'examen difficile et peu précis. L’anatomie fournit aisément l’explication de ce phé- nomène. Le fruit est en effet formé de trois assises de cellules, constituant chacune une zone distincte et séparée : 1° une couche extérieure formée d’une seule rangée de cellules- à parois peu épaisses et à contenu granuleux et mucilagineux : ce sont ces utricules qui, facilement détruites par le froissement ou la pres- sion, laissent alors échapper leur contenu, qui se répand autour du fruit et produit l’effet qui vient d’être signalé; 2° une assise de cellules plus ou moins sphéroïdales et vides de toute matière organisée ; 3° une assise d’utricules à section quadrangulaire et à contenu granuleux (!). Un petit espace vide sépare généralement le fruit de la graine que compose presque entièrement l’embryon ; celui-ci forme, il est inutile de le dire, la presque totalité de la semence, et n’est entouré que par une mince lame tégumentaire. Cette dernière zone est d’ailleurs d’autant moins épaisse, que la coupe est pra- tiquée dans un point plus voisin des cotylédons : une section pas- sant par la région radiculaire montre ainsi trois assises de cellules constituant cette enveloppe (2), tandis qu’une coupe analogue, pratiquée vers le milieu de la graine, au point où sont les coty- lédons, ne rencontre plus qu’une seule assise de cellules plus ou moins quadrangulaires, et séparant ainsi seul l’embryon de la paroi interne du fruit (3). Les cotylédons sont bordés par une assise de cellules à section quadrangulaire ; quant aux utri- cules qui forment la masse de l’embryon, ils sont polyédriques, à parois minces, à contenu granuleux et brunissant au contact de l’eau iodée ou de la teinture d’iode. (1) PI. 8, fig. 2", a, b, c. (2) PI. 8, fig. 3". (3) PL 8, fig. 3L — Il est à peine besoin de faire remarquer que cette zone tégu- mentaire est continue tout autour de la graine, sans s’interrompre au niveau de la scissure intercotylédonaire. 92 J. CHAT1N. SALVIA. (PL 8, B, 2-2" : Salvia Lantanœfolia , S. Sclarea, S. pratensis.) L’ovaire des Sauges se montre tout d’abord avec l’apparence de deux bourrelets, qui, se réunissant par leur base, finissent par former une masse d’abord biloculaire, puis quadrilocu- laire par la constitution et le développement des lames placen- taires. En môme temps le stigmate bifide a revêtu ses caractères définitifs, et s’est trouvé peu à peu exhaussé par la colonnette stylaire. Le réceptacle se gonfle à mesure que le pistil se développe, et finit par constituer un disque plus ou moins arrondi. Quant à l’ovule, il se montre sous la forme d’un mamelon glo- buleux naissant à la surface du placenta; sa structure est alors celluleuse et homogène. Mais bientôt le bourrelet tégumentaire se dessine ; l’enveloppe ovulaire s’accroît rapidement dans la direction du micropyle, et, durant cette période, l’ovule se re- courbe vers le fond de la loge ; la saillie nucellaire ne se montre bientôt plus hors du micropyle, et l’ovule devient auatrope. C’est généralement vers le tiers supérieur du nucelle qu’appa- raît la vésicule, qui, se développant de plus en plus, constitue le sac embryonnaire ; celui-ci est ovale-elliptique, ou présente deux dilatations très-marquées; à la suite de la fécondation, l’embryon s’y forme, et se constitue peu à peu en prenant ses caractères ordinaires. Durant longtemps, le sac embryonnaire ne renferme qu’un liquide plasmique; mais bientôt ce liquide s’organise, de façon à constituer ainsi peu à peu un albumen à larges cellules, qui se trouve résorbé à mesure que la plantule s’accroît, et ne se rencontre plus dans la graine. L’achaine, plutôt conique que prismatique (1), présente une surface aréolée et une teinte générale d’un brun marron ; il est formé par deux assises de cellules, dont la plus extérieure est com- (1) PL 8, fig. B. DÉVELOPPEMENT DE l’oVÜLE ET DE LA GRAINE. 93 posée d’éléments à parois épaisses, perpendiculaires au grand axe du fruit, cà face externe convexe (i) ; quant aux cellules internes, elles forment généralement quatre assises dont les éléments sont à contour arrondi ou faiblement polygonal, à parois minces, à contenu granuleux et abondant (2). il faut donc noter ici l’ab- sence de cellules carrées et souvent épaisses, limitant l’achaine du côté de la graine, cellules dont l’existence est commune dans les Labiées. La graiue vient immédiatement après, et l’on ne peut réelle- ment lui accorder d’albumen. L’embryon se trouve en effet sim- plement recouvert par une double assise de cellules ; l’extérieure est formée de cellules à parois épaisses et à surface aréolée ou plutôt celluleuse, assez semblables aux éléments qui constituent le test de lagraine dans certaines Scrofularinées {Digitalisa etc.) (3) ; au-dessousdes cellules se trouve une autre assise composée d’utri- cuîes plus larges et à contours plus sinueux (4) ; puis immédia- tement au-dessous vient l’assise épidermique des cotylédons, les- quels sont régulièrement limités par cette zone, et présentent une masse considérable formée de cellules à parois minces, à contour polyédrique, à contenu granuleux, et jaunissant au con- tact de l’iode (5). STACFIYS SYLVATICA. (PL 8, D, h-h'.) Le développement de l’ovule, du sac embryonnaire et de l’em- bryon s’effectuant dans des conditions analogues à ce qui a été dit des autres plantes delà famille (6), j’arrive immédiatement à la description de la graine. Le fruit qui la contient est un achaine sensiblement triangu- (1) PL 8, fig. 2', a . (2) PL 8, flg. 2', b. (3) PL 8, flg. 2', c. (4) PL 8, flg. 2', d. (5) Pl. 8, flg. 2', f. (6) Voy. Tulasne, loc. cit., p. 71. 9/j. j. cïe.wsœ. laire (1), à surface lisse, et formé, au point de vue histologique, par trois zones faciles à distinguer, si l’on considère la nature de leurs éléments : à l’extérieur du fruit est une assise de cellules allongées perpendiculairement à son grand axe, à face externe convexe, à parois minces, renfermant quelques granulations ; a la suite de cette couche limitante vient une zone comprenant plusieurs assises d’utricules à parois minces, à contour arrondi ou faiblement polyédrique, renfermant quelques gros grains colorables en brun par Fiode; enfin le tout est limité intérieu- rement par une assise de cellules accolées, à parois épaisses et généralement vides (2). La graine ne m’a point présenté d’albumen, mais une simple assise tégumentaire formée d’une assise de grosses cellules car- rées, dont la face externe est convexe, et dans l’intérieur des- quelles sont parfois de gros granules. Cette assise s’applique immédiatement sur la couche épidermique des cotylédons; le développement de ceux-ci est considérable, et leurs cellules sont peu différentes de celles qui vont être décrites dans l’embryon du Scutellaria Columnœ. SGUTELLÀRIA COLUMNÆ. (PL 8, E, 5'.) Au point de vue du développement de l’ovule proprement dit, je me bornerai à signaler la lenteur relative avec laquelle le té- gument effectue son évolution, particularité qui a pour résultat de permettre au nucelle de prolonger davantage sa saillie en dehors de l’ouverture micropylaire. La constitution de la graine s’y montre avec les mêmes carac- tères généraux que dans les plantes voisines : elle est renfermée dans un achaine à surface mamelonnée ou relevée par des sortes de côtes plus ou moins interrompues (o). La structure (1) PL 8, fig. D. (2) PI. 8, fig. 4', a, b, c. (3) PL 8, fig. E. DÉVELOPPEMENT DE L OVULE ET DE LA GRAINE. 95 intime de ce fruit offre les éléments suivants : Extérieurement il est revêtu par une assise de cellules à face externe convexe, généralement vides de tous granules organisés, et supportant quelques poils courts (1) ; vient ensuite un tissu dense et formé d’utricules granulifères à parois minces, au milieu desquelles sont quelques faisceaux de fibres minces (*2) ; enfin l’achaine est antérieurement bordé par deux assises de cellules quadran- gulaires très-différentes par leurs dimensions, la couche interne étant formée par des éléments bien plus larges que ceux de l’assise limitante et tout à fait externe (3). La lamelle albumineuse comprend presque constamment trois assises de cellules polyédriques (sauf la couche externe, dont les utricules sont sensiblement quadrangulaires) ; les parois de ces éléments sont minces ; leur contenu granuleux jaunit au contact de l’iode (ù). Les cotylédons, régulièrement circonscrits par leur assise épidermique, offrent un grand développement ; leurs cellules sont larges, polyédriques et granulifères (5). En rapprochant entre elles ces diverses descriptions, il est aisé de constater combien sont nombreuses, au point de vue où je dois me placer, les analogies qui rapprochent les Labiées des Borraginées. Bans l’une et l’autre de ces familles, l’ovule- naît avec la même apparence, et se recouvre d’un seul tégument; mais il effectue son mouvement d’incurvation en sens contraire dans ces deux familles. Le sac embryonnaire et rembryon s’y organisent de la même façon/et l’étude de la graine montre de nouveaux points de contact entre les deux groupes. Bans le Sta- chys sylvcilica , comme dans le Borrago officinalis , elle offre une simple assise tégumentaire et nulle trace ^d’albumen; le Salvia Sclarea présente une zone tégumentaire formée de deux assises (1) PI. 8, fig. 5', a. (2) PL 8, fig. 5', b. (3) PL 8, fig. 5', c, d. (4) PI. 8, fig. 5', e, e\ (5) PL 8, fig. 5', f, g . 96 J. CHATIFf. parfaitement distinctes au point de vue morphologique, mais nullement comparables à un albumen ; celui-ci se retrouve, tou- tefois bien rudimentaire, dans diverses espèces de Lamium , qui offrent ainsi un caractère semblable à celui qui nous a été pré- senté par certaines Borraginées, telles que YAnchusa italica ou le Cijnoglossum officinale. Dans ces deux familles, l’embryon prend un grand développe- ment, ce qui est d’ailleurs en rapport avec l’absence fréquente de l’albumen ; ses éléments constitutifs sont presque identiques dans ces deux groupes, que l’on compare leur forme, leur con- tenu, etc. Avec les Labiées se termine l’exposé des faits dont l’ensemble constitue le développement de l’ovule et de la graine dans les quatre familles comprises dans le cadre de ce mémoire. Je dois donc résumer ici les principaux caractères qui m’ont été fournis par ces études, et examiner d’une façon sommaire quelles sont les considérations générales qu’on en peut tirer. Ainsi que je le disais dans la première partie, c’est constam- ment sous la forme d’un mamelon très-peu proéminent qu’appa- raît l’ovule, aussi bien dans les Solanacées que dans les Scrofu- larinées, aussi bien dans les Borraginées que dans les Labiées. Ce mamelon, de structure d’abord parfaitement simple et homo- gène, nous a montré bientôt une modification importante, con- sistant dans l’adjonction d’un tégument propre qui, d’abord simple bourrelet, ne tarde pas à former une sorte de tunique. Celle-ci, grandissant vers son bord libre, vient enfin gagner la partie extrême du nuaelle, lequel ne tarde pas à être complète- ment masqué lors du rapprochement des lèvres ou des bords de l’ouverture micropylaire. Bien que généralement connus au point de vue morphologique, les faits relatifs à ces premiers âges de- mandaient encore à être observés sous le rapport anatomique. La masse générale de l’ovule s’est en même temps recourbée, et j’ai trop insisté sur le sens de ce mouvement pour avoir à y DÉVELOPPEMENT DE l’üVULE ET DE LA GRAINE. 97 revenir maintenant ; je rappelle seulement que, dans les Borra- ginées, l’ovule se recourbe vers le haut de la loge carpellaire, tandis que dans les autres plantes c’est en sens inverse que s’opère son incurvation. De là résulte une grande différence dans la position du raphé; mais l’histoire de ce dernier organe me semble si importante et si peu connue, que j’ai dû constam- ment la réserver, sous peine de me voir entraîné bien au delà des limites des présentes études ; elle mérite certainement une attention toute particulière tant au point de vue organogénique qu’au point de vue anatomique, et j’espère qu’il me sera donné de pouvoir y consacrer bientôt des observations spéciales. L’ovule a pris, ou peu s’en faut, sa forme dernière; son carac- tère morphologique est connu ; reste à examiner les phéno- mènes qui vont se passer dans son intérieur. Dans tous les types que j’ai passés en revue, on a pu voir qu’en ce moment de son existence l’ovule était une masse cellulaire continue et bordée par la zone à éléments convexes ou déprimés du tégument; mais vers l’époque où nous le considérons, le sac embryonnaire y apparaît, et se développe en un point et avec des caractères sur lesquels je ne crois plus devoir insister. Les formes de ce sac sont parfois des plus bizarres, et, sous ce rapport, les Scrofularinées tiennent le premier rang. D’une façon générale, on peut le con- sidérer comme formé par une mince membrane transparente, et renfermant un liquide finement granuleux et coagulable par les acides. Le sac étant constitué et ayant refoulé le tissu du nucelle qui s’est progressivement résorbé, la fécondation s’opère ; c’est consécutivement à ce phénomène qu’on voit apparaître, vers la région micropylaire du sac, une petite masse celluleuse qui représente l’embryon segmenté. L’embryon reste peu dans cet état plus ou moins sphéroïdal, et bientôt on le voit, chez tous les végétaux que j’ai examinés, se conformer en une sorte de cœur, dont la pointe serait représentée par la radicule. Puis la forme générale de l’embryon s’allonge ; les cotylédons se constituent, demeurant séparés par leur scissure plus ou moins profonde. Le contenu du sac s’organise en môme temps 5e scric, Rot. T. XIX (Cahier n° 2). 3 98 .0. € ISATIS. pour former l’albumen avec ses grandes cellules polyédriques, à parois minces, k contenu granulifère ; l’ovule a achevé son dé- veloppement pour revêtir peu à peu les caractères qui en font une graine. Celle-ci doit donc seule nous occuper maintenant. Dans les quatre familles sur lesquelles ont porté mes observa- tions, je n’ai eu, pour ainsi dire, à signaler aucun caractère différentiel réellement saillant pour tout ce qui a traita l’évolu- tion de l’ovule proprement dit et k la formation de ses diverses parties ; mais les descriptions précédentes ont montré que les mêmes analogies ne se retrouvaient {dus dans la structure de la graine : chez les Scrofularinées et les Solanacées, nous avons trouvé un albumen généralement épais et entourant l’embrvon ; dans les Borraginées et les Labiées, au contraire, l’albumen est nul, ou représenté par une simple lamelle formée au maximum de o ou h assises de cellules. Quant k la direction de l’embryon, je crois devoir faire remarquer combien est loin d’être absolument exacte cette distinction, qui veut (pie les Solanacées aient l’em- bryon courbe et les Scrofularinées l’embryon droit, car celui du Tabac présente k peu près cette dernière apparence, tandis que celui de certaines Véroniques est très-sensiblement arqué. Est-il besoin de revenir ici sur le test de la graine, sur les diverses apparences qu’il peut présenter, et sur l’origine de ses marques extérieures? Je ne le pense pas, et préfère me borner aux détails que j’ai présentés dans le cours de ce travail, et que je devrais répéter entièrement, si je voulais donner ici encore une idée exacte de l’ensemble de ces phénomènes. La solution des diverses questions relatives au développement de l’ovule et de la graine, questions si délicates au point de vue de la physiologie générale, était entourée de difficultés pratiques- chacun sait ce que sont les recherches orgauogéniques , quelles minutieuses précautions elles comportent dans leurs détails, quelle constance elles exigent dans les observations (pii en for- ment la base. Mon but serait atteint s’il eût suffi de laborieuses études pour remplir le cadre que je m’étais tracé : il n’en est pas ainsi ; mais j’espère que, d’autres observateurs, s’engageant dans la même voie, viendront compléter mes recherches. DEVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE 99 EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 1. Veronica Buxuaumu. . Etat du pistil au moment ou les ovules apparaissent sur le placenta. 2. Les mamelons ovulaires s’organisant à la surface du placenta. 3. Ovules sur lesquels le tégument commence à se développer. 4. Ovule dont le nucelle fait encore une saillie très-notable hors de l'ouverture micro- pylaire. 5. Ovule s’infléchissant, tandis que son tégument s’accroît. 6. Le même ovule sectionné de façon à montrer le sac piriforme. 7. Le sac se développe de plus en plus; la fécondation a eu lieu et l’embryon appa- raît comme une petite masse celluleuse. 8. Coupe du même ovule. 9. Embryon de 8 isolé et très-grossi. 10. Ovule déchiré et montrant le volume du sac. 10'. Le sac embryonnaire isolé. 11. Coupe de l’ovule observé a cet âge, 12. Son embryon isolé. 13. Profil de l’ovule au moment où le nucelle achève de disparaître devant les progrès du sac. 14. Coupe du même ovule : le contenu du sac est presque entièrement organisé en albumen. 15. Embryon de la figure 14 isolé. 16. IG', 17. Vues et coupe de l’ovule pris à son dernier état de développement. 18, 19. Les deux (aces de la graine : on voit les cannelures qui sillonnent sa surface et côte recourbée située dans le prolongement du funicule. 20. Coupe de la graine : a, assise de cellules carrées formant le test séminal; b, masse de l’albumen; c, embryon; d, cellules allongées formant le tissu du support re- courbé. 21. Embryon de la figure 20 isolé et grossi. 22. 23. Disposition des graines dans le fruit. PLANCHE ‘2. Vero.mca uederæfolia. — V. OEFICINAUS, ETC. Fig. 1-15. — Veronica hederœfolia. 1 . Ovaire sectionné et montrant les mamelons nucellaires sur le placenta. 2. Coupe de l’ovaire au moment où les ovules qu il renferme commencent a se secou- vrir de leur tégument. 3. Un des ovules de la figure 2 isolé. 100 ,s. *'Bi vrrv 4, 5. Développement ilu tégument ovulaire. 6. Aspect de l’ovaire à cette époque. 7. Ovule ayant son inicropyle dans le voisinage du point d'insertion ; il a été sectionné de façon à montrer la genèse du sac embryonnaire. 8. Le tissu papilleux ou mousseux commence à se former vers le pied de l’ovule, p ii: gagne en étendue à la surface de celui-ci. 9. 10. Développement du tissu papilleux à l’extérieur et du sac à l’intérieur. 11. Le tissu papilleux décroit en étendue. 12. Coupe de l’ovule à cet âge. 13. Coupe de l’ovule à l’époque où le tissu papilleux ne dépasse plus guère le poii; d’insertion de l’ovule. 14. Graine. 15. Coupe transversale de la graine. Fig. 16, 17. — Veronica officinalis. 16. 17. Développement de l’ovule et du sac embryonnaire. Fig. 18. — Veronica agrestis. 18. L’ovule présente une sorte de bec a, dans la région opposée au micropyle. Fig. 19, 20. — - Veronica Chamœdrys . 19, 20. Ovule recouvert de son tégument. Fig. 21, 22. — Veronica scuteüata. 21. État de l’ovule après la formation du sac : on voit à sa surface un phénomène comparable à celui qui a été observé dans le V. agrestis. 22. Forme dernière de la graine, fendue pour montrer la position de l’embryon. PLANCHE 3. VeKONICA ARVENSIS. — AnTIRRHINUM MA.JUS. — DlGlTALIS l'ClirUREA. Fig. 1-13. — Veronica arvensis. 1 . L’ovule a achevé de s’envelopper de son tégument et présente déjà sensiblement la forme anatrope. 2. On voit une petite proéminence a sc dessiner dans la région de l’ovule opposée au funicule. 3. Cette sorte de bec s’accentue ; on aperçoit par transparence le sac embryonnaire se dessinant à l’intérieur du nucelle. A. Coupe longitudinale de l’ovule précédent montrant que non-seulement il y a eu constitution du sac, mais encore fécondation et formation de l’embryon dans sa cavité. 5, 6. Le sac refoule le nucelle, tandis que l’embryon sc développe davantage. 7, 8. L’embryon devient cordiforme. On remarque sur l’ovule représenté fig 7, DÉVELOPPEMENT DE l’ûVULE ET DE LA GRAINE. 101 que le bec a commence à se relier au funicule par une sorte de côte légèrement saillante et d'apparence rapbéenne. 9. Ovule vu par sa face dorsale et montrant la côte saillante et formée de cellules allongées. 10, 11. Vues de la graine sur lesquelles on remarque l’élargissement de la côte sail- lante vers son extrémité. 12. Coupe longitudinale de la graine précédente. 13. Coupe très-grossie de la graine : «, cellules carrées du test dont la paroi extérieure porte une cuticule très-épaisse; b. l’albumen charnu; c, l’embryon. Fig. 14-30. — Antirrhinum mnjus. 14. 15. Premiers états de l’ovaire et des placentas. 10, 17. Le pistil revêt la forme d’une pyramide à sommet bifide, tandis que les pla- centas se constituent. 18. Coupe longitudinale d’un ovaire pris à l’âge suivant : sur les placentas apparais- sent les mamelons ovulaires. 19. L’un de ces mamelons isolé et très-fortement grossi. 20. 21. Développement du tégument. 22. L'ovule présente son micropyle dans le voisinage du point d’insertion. 23. Ovule plus âgé. montrant par transparence le sac qui se forme dans la masse nucellaire. 24. Coupe d'un ovule pris à l’âge suivant et montrant la genèse de l’embryon dans la portion micropylaire du sac. 25. Ovule plus âgé commençant à prendre une forme prismatique. 26. Le même, coupé longitudinalement ; on y voit l’embryon cordiforme. 27. La surface de l’ovule se relève de côtes saillantes. 28. Coupe de cet ovule montrant l’embryon en voie d’accroissement. 29. Coupe longitudinale de la graine. 30. Coupe transversale de la graine. Fig. 31-33. — Digitalis purpurea. 31. 32. Développement du tégument ovulaire. 33. État de l’ovaire au moment ou le nucelle a cessé de faire saillie hors du micropyle, PLANCHE k. Euphrasia officinalis. — Vf.rbascum Thapsus. — Paulownia imperialiS) Nicotiana Iabaclm. Fig. 1-8. — Euphrasia officinalis. 1. Aspect de l’ovule au moment où son tégument recouvre presque entièrement le nu , celle; m, micropyle. 2. La saillie nucellaire ne se montre plus par cette ouverture. 2L L’ovule a achevé son mouvement d’incurvation ; on aperçoit par transparence le sac embryonnaire qui commence à se former. 3. Ovule fendu longitudinalement pour montrer l’embryon et son suspenseur dans la cavité du sac. 4. État de l’ovaire en ce moment. 5. Figure montrant l’accroissement de l’embryon et sa forme générale. 6. Coupe oblique de la graine : e, embryon; a, albumen. 7. Coupe transversale de la graine : t, test; a, albumen; f, fossette dans laquelle es* enchâssé l’embryon ; r, rapbé. 8. Vue du fruit. Fig. 9-13. — Verbascum Thapsus. 9. Apparition du tégument ovulaire. 10. Le micropyle ne laisse plus voir qu'une très-faible portion du nacelle. 11. L’ovule a achevé de se rapprocher du point d’insertion. 12. Le sac embryonnaire s’est développé et l’on aperçoit l’embryon attaché à son sus- penseur. 13. Vue de l’ovaire à ce moment. Fig. 14-16. — Paulownia imperia, lis. 14. Premier état île l’ovule. 15. 16. Apparition et développement de son tégument. Fig. 17-32. — Nicotiana Tabacum. \ 7. État de l’ovaire au moment où les ovules commencent à se montrer sur le placenta. 18. Le même ovaire fendu longitudinalement. 19. Ovules à l’état de mamelons celluleux, très-grossis. 20. Développement du tégument ovulaire. 21. Le tégument, ayant achevé son développement, recouvre presque totalement le uucelle dont on ne voit plus qu’une très-faible portion par le micropyle m. 22. Etat de l’ovaire au moment de ces dernières observations; la colonne stvlaire commence à se constituer. 23. Le sommet de l’ovule s’est rapproché du hile et les bords du micropyle se sont resserrés. 24. L’ovaire de celte époque ouvert longitudinalement pour montrer la disposition dos ovules sur le placenta. 25. L’ovule fendu longitudinalement : s, le sac. 26. La fécondation s'étant opérée, on voit l’embryon à l’extrémité de son suspenseur. 27. Le sac s’est développé en refoulant le nacelle ; l’embryon devient cordiforme. 28. Le uucelle a presque entièrement disparu; les cotylédons, s’allongeant, commen- cent à être séparés par une scissure. 29. L’embryon précédent isolé. 30. Vue extérieure de la graine. 31. 32. Coupes longitudinale et transversale de la graine : a, cellules carrées for- mant le test de la graine; b} l’albumen; e. l’embryon. DÉVELOPPEMENT DE I,’ OVULE ET DE LA GRAINE, 103 PLANCHE 5. Nicotiana Tabacum (suite). — Nicotiana rustica. — Datdra Stramonium. Borrago officixalis. Fig. 1-2. — Nicotiana Tabacum. î, 2. Coupes longitudinale et transversale de la graine : a. test séminal ; b, l’albu- men; c, l’embryon. Fig. 3-5. — Nicotiana rustica. 3. Aspect extérieur de la graine. b. Coupe longitudinale de la graine montrant l’embryon légèrement courbe, entouré par l’albumen. 5. Segment de la graine présentant les grandes cellules carrées du tégument. Fig. 6-8. — Datura Stramonium. G. Aspect de l’ovule an moment où le micropyle est porté dans le voisinage de l’attache au funicule. 7. Graine avec son embryon recourbé. S. Segment de la figure 7 très-grossi, et montrant les cellules carrées du test formant, comme dans les espèces précédentes, une seule assise. Fig. 9-20. — Borrago officinalis. 9. Aspect de l’ovaire au début des observations. 10. Le même, coupé pour montrer les ovules o apparaissant sous forme de mamelons à la base des placentas. 11. Les mêmes mamelons commencent à s’infléchir vers le sommet de la loge. 12. Apparition du tégument autour du tubercule nucellaire. 13. Progrès rapides de ce tégument, laissant encore voir une petite saillie nucellaire hors du micropyle. 1 h. L’ouverture micropylaire rapprochant ses bords de plus en plus. 15. Un ovule fendu pour montrer la genèse du sac embryonnaire s. IG. On voit apparaître, dans la région micropylaire du sac, une petite masse qui représente l’embryon segmenté. 17. L’embryon grandit; des stries et des cannelures se forment à la surface de l’achaine. 18. Aspect présenté par le fruit à l’âge suivant. 19. 20. L’embryon s’étend de plus en plus dans la cavité du sac, 10/j J. CHATIM. PLANCHE 6. Borrago officinaus [suite). — Lamium maculatum. ' — - Melissa officinales. Fig. 1-3. — Borrago officinal is. 1. L’embryon remplit la cavité du sac : s, scissure intercotylédonaire. 2. Coupe transversale du fruit et de la graine. 3. Embryon isolé. Fig. 4-13. — - Lamium maculatum. 4. Etat de l’ovaire au moment de l’apparition des ovules. 5. Le même ovaire fendu pour montrer les ovules sous leur premier état de mamelons. C. Les mamelons ovulaires s’allongent. 7. Le tégument embrasse la région basilaire de l’ovule. 8. Le mouvement d’incurvation de l’ovule s’accentue de plus en plus. 9. Coupe de l’ovule au moment de la formation du sac. 10. État de l’ovaire à cette époque. 11. La fécondation s’étant opérée, on voit dans la région micropylaire du sac la petite sphérule embryonnaire attachée à un suspenseur assez court, 12. Vue de l’ovaire après le moment de la fécondation. 13. Un des ovules renfermés dans cet ovaire. Fig. 14-19. — Melissa officinalis. 14. Yue extérieure de l’ovule après la fécondation. 15. Ovule coupé longitudinalement pour montrer l’embryon entouré par l’albumen transitoire. 16. Ovule plus âgé. 17. Coupe du même ovule montrant les progrès du développement de l’embryon et ! t disparition progressive de l’albumen. 18. L’embryon occupant presque toute la capacité du sac. 19. La zone tégumentaire incisée montre l’embryon situé immédiatement au-dessous, PLANCHE 7. Anchusa italica. — Cynoglosscm officinale. Fig. A-A", 1-2". — Anchusa italica. A. Fruit de grandeur naturelle. A'. Le fruit précédent grossi. A". Même fruit, moins amplifié qu’en A', et montrant l’arête vive ou ligne de relie! qui existe vers la région ventrale. 1. Coupe transversale, grossie en h , menée par la portion moyenne (a) de l’achaine; sel, tissu scléreux se relevant par places pour former les lignes de relief de la sur- face; fa, petits faisceaux fibro-vasculaires placés ordinairement sur les côtes; co, les DÉVELOPPEMENT DE L’OVULE ET DE LA GRAINE. 1.05 niasses cotvlédonaires; cet d, indication des points où ont été pris les segments, vus à un grossissement plus considérable en 1' et 1". ( |) 1'. Coupe de 1 c amplifiée : ep, cellules épidermiques à parois fort minces et à lignes de séparation peu visibles- sel, épaisses cellules ponctuées constituant la couche scléreuse qui forme au fruit une résistante carapace ; elles sont dirigées perpendicu- lairement au grand axe de l’achaine; /, lame ou couche de cellules aplaties que limite, vers l’intérieur, une assise de cellules tabulaires endocarpiennes, dans lesquelles se trouvent de nombreux granules teintés en vert jaunâtre; dans l’épaisseur de cette couche sont plusieurs faisceaux de libres ténues (f); al, mince albumen que re- présente une membrane constituée par des cellules aplaties, et limitée du côté du péricarpe par une assise tégumentaire formée de cellules tabulaires; co, tissu cotylé- donaire qu’entoure et limite une ligne de cellules rectangulaires représentant l’en- veloppe épidermique; dans toutes ces cellules sont des granules qui ne bleuissent plus par l’iode et sont d’ailleurs insolubles dans l’éther. — (3JJL) l'\ Autre coupe de 1 (segment d); elle comprend l’une des régions du fruit relevées en arête : ep, assise épidermique; sel, les cellules scléreuses; pa , utricules paren- chymateuses; fa, faisceaux vasculaires; accouche albumineuse; co, cellules du tissu cotylédonaire. 2. Coupe longitudinale de A : p, support de l’achaine reçu dans une cavité corres- pondante du réceptacle de la fleur. 2' . Coupe transversale de ce pied dont la structure est celluleuse et homogène. — (dJl ) 2". Coupe plus grossie d’un fragment de 2', montrant la forme de ses cellules et les gros granules huileux qui y sont contenus. Fig. 3-A. — Cynoglossum officinale. B et B'. Fruit vu par les faces dorsale et ventrale. B". Moitié supérieure de B' grossie. — (A) 3. Tranche du fruit plus grossie : sel, tissu scléreux relevé en pointes épineuses sp, spermoderme; co, cotylédons charnus. 3'. Segment amplifié de 3 : sel, cellules épaisses et ponctuées formant l’enveloppe scléreuse; f, fibres granulifères; en, assise de cellules endocarpiennes; al, l’albumen membraniforme ; co, cellules des cotylédons avec grains ne bleuissant plus par l’iode, et ne se dissolvant ni dans l’éther, ni dans le sulfure de carbone. f ~) 3". Coupe longitudinale de la portion moyenne de l’achaine. h. Coupe longitudinale et grossie du fruit : p, le pied; sel, l’enveloppe scléreuse. PLANCHE 8. Labiées. Fig. A-A", — Lamium maculatum. A. Fruit grossi. — (A) A'. Coupe longitudinale du fruit montrant l’embryon et les dimensions relatives de ses parties. A". L’embryon isolé. 10G 1. Coupe transversale de F achaine pratiquée en Al, au niveau do la radicule de l’embryon. I' et i". Coupes menées selon Al' et Al", à la hauteur. des cotylédons. 1"'. Coupe transversale plus grossie d’une portion de 1" : a, assise de cellules allon- gées et granulifères, à face externe convexe, limitant le tissu de l’achaine; b, paren- chyme à cellules polyédriques et plus minces formant la zone moyenne dè celui-ci; c, assise tabulaire, verte ou brunâtre, selon l’âge, limitant intérieurement le fruit; d, assise tégumcntaire de la graine formée de cellules rectangulaires, à parois légè- rement épaissies, généralement brunâtres; e, tissu parenchymateux de l’albumen lamelleux; f, assise épidermique des cotylédons; g , leur tissu formé de cellules polyédriques, larges et granulifères. — (A|ff) Fig. B, 2-2". — Salvia Sclarea. B. Achaine de grandeur naturelle en Bu, grossi en lié. — (p) 2. Coupe transversale selon B2. 2'. Coupe plus grossie d’un segment de 2 : a, assise de cellules allongées, épaisses et faiblement granulifères, formant la zone externe du fruit ; b, parenchyme de l’achaine ; c d, couche tégumcntaire de la. graine formée de deux assises, la première (c) com- posée d’utricules épaisses et à surface celluleuse, l’autre (d) de cellules moins épaisses et à contour plus sinueux, tenant la place de l’albumen; c, assise épidermique des cotylédons; f, tissu des cotylédons. ) 2". Quelques cellules superficielles de la couche tégumcntaire vues à plat et mon- trant leur surface aréolée ou plutôt celluleuse. Fig. C, 3-3". — Melissa officinalis. C. Fruit à surface lisse, très-grossi. (JA) 3. Coupe transversale du fruit pratiquée selon C 3, et montrant le développement de l’embryon. 3'. Coupe transversale plus grossie, pratiquée en C3 au niveau des cotylédons : a, cel- lules à contenu huileux et se déchirant facilement, qui limitent l’achaine en dehors; b, assise de cellules arrondies, minces et vides; e, '-cellules rectangulaires et granulifères; d, la zone tégumentaire de la graine; e, épiderme des cotylédons; f, leur parenchyme. — j 3". Coupe analogue, mais pratiquée vers la radicule en C3"; elle diffère de la précé- dente par l’existence d’une lamelle tégumentaire plus épaisse d. Fig. D, h-td . — Stachys sylvatica. D. L’acbaine grossi, h b. Coupe transversale (~) de l’achaine, de grandeur naturelle en ha. h' . Coupe plus grossie d’un segment de h : a, cellules quadrangulaires formant la couche externe du fruit; b, son. parenchyme constitué par plusieurs assises de cel- lules; c, couche de cellules carrées, épaisses et aréolées; d, zone tégumentaire de la graine; e, assise épidermique des cotylédons ; f, tisse — ( ) 107 DÉVELOPPEMENT DE l’oVULE ET DE LA GRAINE. Fig. E, 5-5'. — Scutellaria Columnœ. E. Fruit grossi et montrant sa surface rugueuse et mamelonnée. 5 b. Coupe transversale de l’achaine ( — ), de grandeur naturelle en 5 a. 5'. Coupe plus grossie d’un segment de 5:«, assise de cellules carrées bordant l’achaine et portant quelques poils courts; b, parenchyme de la zone moyenne du fruit; c et cl, les deux assises d’utricules carrées limitant intérieurement le .fruit; e e', lamelle albumineuse limitée par une assise de cellules quadrangulaires formant le tégument de la graine; f, épiderme colylédonaire; g, parenchyme îles cotylédons. SUR LA COLORATION ET LE VERDISSEMENT D U N E O T T I A N I DUS - AVIS Par M. Etl. PSiMASEUX. Le Neottia Nidus-avis est une Orchidée que Ton trouve en assez grande abondance au milieu des débris de feuilles, dans les bois des environs de Paris, et qui frappe par la singularité de son aspect. Toutes ses parties, fleurs, feuilles et hampe, sont d’une couleur uniforme brun fauve, et elle ne paraît pas conte- nir trace de matière verte. On sait que dans un certain nombre de plantes à feuilles rougeâtres, dans les variétés d'arbres à feuil- lage pourpre, par exemple, la chlorophylle existe comme dans les plantes vertes, seulement la couleur verte en est en partie masquée par un liquide rouge que contiennent les cellules. Le microscope permet de constater ce fait avec la plus grande faci- lité. Dans le Ah Nidus-avis il n’v a rien de pareil, et si l’on cher- che à voir il quoi est due la coloration de la plante, on reconnaît que le contenu liquide des cellules est incolore, et que la couleur brune est due à de nombreux et très-fins corpuscules bruns qui y sont disséminés, et sur la nature desquels nous aurons à reve- nir bientôt. L’examen microscopique ne permet pas d’y aper- cevoir la plus faible quantité de matière verte dans la plante vivante. On ne connaît qu’un très-petit nombre de végétaux phanéro- games qui se montrent ainsi entièrement dépourvus de chloro- phylle, et encore convient-il d’ajouter que, parmi ceux-ci, pres- que tous, comme la Cuscute, le Cytinus kypocistis , le Monotropa hypopitys, sont parasites, et tirent par conséquent les matériaux nécessaires à leur nutrition tout formés des plantes munies de COLORATION ET VERDISSEMENT DU NEOTTIA NIDUS-AVIS. 100 feuilles vertes sur lesquelles ils sont fixés, et aux dépens des- quels ils vivent. Pour le N. Nidus-avis il n’en est pas ainsi; toutes les recherches faites pour constater l’adhérence de ses ra- cines avec celles d’autres plantes ont été vaines, et il faut bien reconnaître, avec les observateurs consciencieux connue M. Thilo Irmisch (1), qui se sont occupés de ce sujet, que la plante n’est pas parasite. Une récente découverte faite inopinément en Allemagne par M. Wiesner a paru jeter sur la manière de vivre du N. Nidus- avis un jour nouveau. Plongeant dans l’alcool des pieds de cette plante qu’il voulait conserver, M. Wiesner a été fort surpris de les voir, au bout de peu d’instants, se colorer en vert, puis aban- donner au liquide leur couleur. M. Wiesner fît d’abord connaître sa découverte par une note de quelques lignes insérée dans le Journal botanique (2), puis il publia sur ce sujet un mémoire plus étendu, où il étudia non-seulement les conditions dans les- quelles apparaît la matière verte, mais encore la structure des corpuscules bruns auxquels est due la coloration fauve de la plante (3). Selon lui, ces petits corps bruns, un peu aplatis latéralement, ont généralement la forme de fuseaux terminés aux extrémités par deux pointes aiguës, et il les considère comme tout à fait analogues aux corpuscules qui ont été observés et décrits bien des fois par U. Mohl, MM. T récul, Weiss, Kraus, et autres, dans divers fruits rouges. Ils sont suspendus dans le suc cellulaire, ou, ce qui est le cas le plus fréquent, recouvrent le nucléus et pénètrent même dans son intérieur (ù). Ces petits corps pointus sont bruns quand on les observe directement ; quand on les traite par l’alcool, l’éther et la benzine, ils se colorent en vert, puis se (1) Thilo Irmisch, Beitrage sur Biologie und Morphologie der Orchiden. Voyez aussi mon travail sur le mode de végétation du Neotlia Nidus-avis, dansles Ann. des sc. nat., 1e série, t. V, p. 280. (2) Botanische Zeitung, 1871, p. 010. (3) Julius Wiesner, Untersuchungen über die Farbstoffe einiger /tir Chlorophgllfrei gchaltenen Phanerogamen, in Pringsheim’s Jahrbüchcr fur. wiss. Bot., t. \ 111, p. 575 et suiv., pl. xxxix. (4) Loe. cit., p. 578. 110 lit». B^reiiXSBiWX.. dissolvent. De la discussion du mode d’action de divers réactifs sur le N. Nidus-avis , M. Wiesner tire cette conclusion : que ceux-là seuls qui sont des dissolvants pour la chlorophylle pro- duisent le verdissement du N. Nidus-avis , et que par conséquent la chlorophylle doit exister comme telle dans la plante et y être mélangée avec une substance qui est moins soluble qu’elle dans les mêmes dissolvants ou même y est insoluble ( 1 ). Cette conséquence me paraît, je l’avoue, difficile à comprendre et à admettre sans autre preuve. Que la dissolution de la matière qui masque la chlorophylle fasse apparaître la couleur verte dans les organes, il n’y aurait à cela rien que de naturel ; mais que ce soit précisément le contraire qui ait lieu, c’est là, je l’avoue, un phénomène que je 11e puis m’expliquer. Je reviendrai du reste bientôt sur tous ces points, sur lesquels mes observations ne con- cordent pas avec celles de M. Wiesner. Quant à la formation des corpuscules colorants, M. Wiesner reconnaît lui-même (pie ses observations sont peu satisfaisantes, et il se contente d’affirmer que « les corpuscules du pigment se développent par individualisation de certaines parties du plasma qui paraissent avoir pendant quelque temps une croissance spon- tanée, surtout aux extrémités » (2). Ces recherches de M. Wiesner sont les seules qui aient été publiées, à ma connaissance, sur ce sujet. J’ai cru utile de re- prendre la question et de la soumettre à un nouvel examen, espérant arriver à m’assurer expérimentalement si le N. Nidus- avis contient réellement de la chlorophylle, en recherchant s’il réduit comme les plantes vertes l’acide carbonique sous l’influence de la lumière. En outre, j’ai été amené à étudier à nouveau avec détail la structure et le mode de formation de la matière brune que contient la plante vivante. Quand on examine au microscope un pétale de fleur de N. Nidus-avis , ou toute autre partie de la plante, on voit que la coloration brune est due à de nombreux corpuscules bruns, gé- néralement très-allongés, qui sont disséminés sans ordre mani- (1) Loc. cit ., p. 581. (2) Loc. cit., p. 579. COLORATION LT VERDISSEMENT DU NEOTTIA NIDUS-AVIS. 111 l'este dans les cellules ou y sont groupés autour du nucléus. Ils sont très-petits; leur plus grande longueur ne dépasse guère 10 à 15 millièmes de millimètre. En les observant avec un gros- sissement suffisant, je me suis convaincu que la description qu’en a donnée M. Wiesner n’est pas exacte, et que c’est à tort qu’il les a considérés comme tout semblables aux corps colorés fusiformes du Solanum pseudocapsicum qu’il prend comme ex'emple de pré- férence, parce qu’ils ont été récemment étudiés avec détail par M. Ki ’aus (1). Les corpuscules bruns du N. Ni dus -avis ont une forme cristalline: ce sont de petites paillettes le plus souvent triangulaires, à angles plus on moins aigus (fig. 1, 2, 3, h, 7); souvent ces cristaux présentent un angle rentrant, comme si plu- sieurs s’étaient accolés deux à deux (fig. 2); d’autres fois ils forment des paillettes quadrangulaires (fig. o, 10); souvent ils sont tellement allongés et étroits, qu’ils se rapprochent beaucoup de la forme acicuiaire (fig. 1, 7). Ces corps cristallins sont de nature protéique; ils sont analogues aux cristalloïdes qui ont été maintes fois observés et décrits dans les graines ; ils offrent dans leur forme cristalline cette propriété que leurs angles sont très- variables; ils sont capables de se gonfler plus ou moins, selon la composition du liquide où ils sont placés, et par suite leurs angles se montrent tantôt plus, tantôt moins aigus, leurs faces plus ou moins régulièrement planes. On voit dans la figure 7 de ces cris- talloïdes très-aigus ; ceux représentés fig. 3 le sont beaucoup moins: cette forme est celle qui se présente le plus communé- ment. Enfin on voit, fig. 13, des cristalloïdes plus gonflés et à angles encore moins aigus. Ces cristalloïdes se gonflent outre mesure, et perdent leur forme cristalline aussitôt que le contenu liquide des cellules est notablement altéré. Sur une préparation on voit, dans les cellu- les qui ont été ouvertes et où l’eau pénètre, de petites masses à peu près rondes et finement granuleuses (fig. 8) occuper la place des cristalloïdes. On peut voir très-bien s’opérer sous ses yeux la déformation (1) Or. Kraus, Die Entdelmncj der Farbstoff'kôrper , in dCn Beeren von Solaïuun pseudocapsicum, (lu Pring'slieim’s Jahrbüeher fur wiss. Bot., t. "VIII, p. 131 et suiv.). des cristalloïdes à l’aide de la potasse. Quand on a sous le micro- scope une préparation convenable où les cristalloïdes sont bien formés et faciles à observer, on ajoute une goutte de solution de potasse sur le bord du petil verre cpii recouvre la préparation, et l’on ne cesse d’observer. Bientôt la liqueur alcaline pénètre jusqu’à la préparation et gagne successivement d’une cellule à l’autre : quand elle atteint le champ du microscope, on voit les cristalloïdes changer de forme brusquement les uns après les autres ; leurs angles saillants rentrent tout à coup dans la masse, qui se renfle, et, au lieu d’un cristal, on n’a plus qu’une sorte de pelote arrondie de forme peu régulière. Beaucoup de corpsqui agissent énergiquement sur les cellules, et qui, en les tuant certainement, modifient complètement la constitution de leur contenu, déforment ainsi les cristalloïdes et, de plus, altèrent d’une façon très-remarquable la substance dont ils sont composés : ils la colorent en vert. C’est à cette modifi- cation des cristaux protéiques bruns qu’est due l’apparition de la couleur verte observée par M. Wiesner sur les pieds de N. Nidas-avis plongés dans l’alcool ; mais M. Wiesner a eu tort d’attribuer aux dissolvants de la chlorophylle seuls, tels que l’éther, l’alcool et la benzine, la propriété de colorer ces plantes en vert: les acides, tels que l’acide chlorhydrique, l’acide sulfu- rique, l’acide nitrique, les alcalis même, comme la potasse, la possèdent également. Bien plus, ce ne sont pas seulement ces corps dont les propriétés chimiques sont si opposées qui agissent ainsi, la chaleur a un effet identique sur les cristalloïdes, elle les déforme et les colore en vert instantanément: ainsi, quand on plonge une tige de JS. Niclus-avis dans l’eau bouillante, on la voit verdir immédiatement. Il est donc impossible d’admettre avec M. Wiesner que la coloration de la plante en vert est due à la dissolution de la chlorophylle qu’elle contenait. Si l’on admet, par hypothèse, que les paillettes cristallines brunes de la plante vivante contiennent déjà la matière verte toute formée et masquée seulement par un autre pigment, la supposition la pl lis vraisemblable à faire touchant le verdisse- ment est que ce pigment est très-facilement altérable, et que les COLORATION ET VERDISSEMENT DU NEOTTIA NIDUS-AYIS. 113 causes diverses qui modifient les formes et la structure des cris- talloïdes qui les gonflent et les changent en petites boules, le rendent soluble ou le détruisent, il s’écoule alors, disparaît, et la chlorophylle, voilée jusque-là, apparaît. Du reste les deux effets produits par les divers agents sur les paillettes brunes, à savoir, d’une part le gonflement des cristaux protéiques, de l’autre l’apparition de la couleur verte, ne sont pas toujours absolument simultanés. En traitant par l’alcool ou l’éther des cristalloïdes pris dans des fleurs un peu avancées, j’ai vu plusieurs fois la coloration en vert des cristaux précéder leur déformation (fig. 10); au contraire, tandis que la potasse altère immédiatement la forme des cristaux, elle ne verdit pas tout d’abord les masses sphériques qui en proviennent : la couleur verte n’y apparaît qu’au bout de quelque temps. De môme, tandis que l’action de l’eau bouillante déforme les cristalloïdes et les verdit à l’instant même, l’action de la gelée, tout en leur faisant perdre la forme cristalline (fig. 9), n’y fait pas apparaître immédiatement la couleur verte. Quand l’agent qui produit la coloration en vert est un dissol- vant de la chlorophylle, ou que la plante verdie par une autre cause, par la chaleur par exemple, est plongée dans un dissolvant de la chlorophylle, on voit la liqueur se colorer en verset l’on y peut aisément constater les propriétés optiques si caractéristi- ques des solutions de chlorophylle. Non-seulement j’ai fait appa- raître dans une solution alcoolique de cette matière verte une lumière de fluorescence d’un beau rouge en projetant sur la sur- face du liquide un pinceau de lumière solaire concentrée à l’aide d’une loupe, mais j’ai pu y observer avec le spectroscope les principales bandes d’absorption du spectre de chlorophylle (fig. 21 et 22): on voyait nettement les bandes 1, Î5 et IV à la place qu’elles occupent d’ordinaire, et avec des intensités rela- tives pareilles à celles qu’offrait le spectre d’une solution alcoo- lique de chlorophylle d’Épinard que j’observais parallèlement (fig. 23). 11 n’y a donc pas à douter que c’est bien à de la chlo- rophylle qu’est due la coloration en vert du iV. Nidns-avis. La position des paillettes brunes dans les cellules paraît être 5" série, Bot. T. XIX (Cahier n° 2). < 8 s® agio, sk 1 1 h à peu près la môme que celle qu’occupent d’ordinaire dans les feuilles les grains de chlorophylle. On les voit en grande partie disséminées sans ordre appréciable dans la cellule, et alors j’ai pu y observer des mouvements semblables à ceux que j’ai eu maintes ibis occasion de constater sur les grains de chlorophylle contenus dans les feuilles d’un grand nombre de plantes ; d’autre part, on en voit aussi un grand nombre groupés autour du nucléus qu’ils couvrent plus ou moins complètement. Quant à la pénétration, annoncée par M. Wiesner, de ces petits corps bruns dans le nucléus lui-même, je n’ai jamais pu en observer d’exemple. Lorsqu’on examine les fleurs à différents âges, à partir du bourgeon, on peut observer les diverses phases du développe- ment des cristalloïdes. Dans le jeune bourgeon, les cellules ne contiennent encore que de l’amidon en grains le plus souvent agglomérés (fig. 13, l/i, 15). Dans un bourgeon plus gros, peu avant l’épanouissement, on voit les grains de fécule couverts d’un enduit d’un brun clair (fig. 16, 17). Puis celte substance brunâtre augmente d’épaisseur en certains points, se façonne en angles saillants, et forme aussi peu à peu un cristalloïde autour d’un noyau de fécule (fig. 18, 17, 19). A mesure que la matière brunâtre augmente et qu’elle accuse plus nettement la forme cristalline, l’amidon contenu à son intérieur diminue pro- gressivement (fig. 19), et enfin dans les cristalloïdes que contien- nent les fleurs plus avancées (fig. 20) on n’en trouve plus d’or- dinaire la moindre trace. Ainsi, on voit que la matière protéique qui forme le cristalloïde est produite aux dépens des grains de fécule qu’elle enveloppe ; quant aux petits grains de fécule que l’on rencontre dans les cristalloïdes bien formés, ils paraissent n’être rien autre chose que les derniers restes du riche dépôt d’amidon qui a précédé l’apparition des cristalloïdes et qui s’est épuisé pendant leur for- mation. Dieu de ce que j’ai vu ne me permet d’admettre qu’ils soient jamais analogues aux grains de fécule qui se forment à l’intérieur des grains de chlorophylle sous l’influence de la lu- mière. COLORATION RT VERDISSEMENT DU NEOTTIA NIDUS-AVIS. 115 Cet ordre de recherches 11e m’a donc pas permis de constater que les cristalloïdes soient capables de former eux-mêmes de l’amidon, bien que je ne puisse pas non plus, j’en conviens, affirmer absolument le contraire. Il me paraît du reste audacieux d’assimiler, sans preuve certaine, un cristalloïde à un grain de chlorophylle, et d’admettre qu’une substance qui exerce dans les phénomènes vitaux un rôle aussi actif, aussi important que la chlorophylle, se présente sous forme cristalline. Une telle sup- position semble peu d’accord avec ce que l’on sait jusqu’ici des cristaux protéiques, que l’on n’a guère observés que dans les graines où ils forment simplement des dépôts de substance assi- milable mise en réserve. Cependant la coloration en vert de la substance qui forme les cristalloïdes, et des cristalloïdes eux-mêmes, par l'apparition de la chlorophylle, est un fait absolument certain. Le point douteux est de savoir si la chlorophylle préexiste dans le cristalloïde co- loré en brun que contient la plante vivante, ou si elle se forme seulement au moment où le cristalloïde se modifie et s’altère. Dans les Algues qui ne sont pas vertes, dans les Floridées par exemple, qui sont colorées par des granules rouges, on a la preuve que la chlorophylle, dont on peut constater directement la présence dans la plante altérée et morte, existe bien certaine- ment déjà dans la plante vivante, où elle est seulement masquée par le pigment rouge; on y constate l’action physiologique de la chlorophylle, on voit l’Algue rouge réduire sous l’action du soleil l’acide carbonique, et dégager de l’oxygène aussi bien qu’une Algue verte (1). J’ai pensé que l’expérience directe pourrait résoudre par la même voie la question de savoir si la chlorophylle existe dans les tissus vivants du N. Nidns-avis. Pour cela j’ai placé des pieds fleuris de JS. Niclus-avis sous une éprouvette retournée dans de l’eau chargée d’acide carbonique, et je les ai laissés exposés au jour et au soleil, quand il paraissait, durant une journée, de (1) Voy. RosanolT, Observations sur les fonctions et les propriétés des pigments des diverses Algues , dans les Mémoires de la Soc. des sc. nat. de Cherbourg , 1868, t. XIII, 159-165 130 Mî» . PSê&LOSi&J^. J 16 huit heures du matin à cinq heures du soir. Les plantes ne s’alté- raient pas pendant la durée d’une telle expérience; après qu’elle était terminée, les fleurs exhalaient leur odeur ordinaire, plu- sieurs boutons souvent s’étaient ouverts dans l’eau. Malgré toutes les précautions, il était impossible de débarrasser entièrement les fleurs, quand on les plongeait dans l’eau au commencement de l’expérience, de l’air qui formait des bulles au fond des corolles, surtout dans les fleurs qui n’étaient pas encore complètement épanouies. On devait donc s’attendre à retrouver quelques bulles d’air dans l’éprouvette à la fin de l’expérience. Mes premiers essais furent faits dès le commencement de la floraison du N. Nidus-avis , par un temps généralement couvert. A la fin de la journée, je ne recueillais dans un tube gradué que quelques petites bulles de gaz dont le volume diminuait quelque peu par la potasse, ce qui annonçait la présence d’une petite quantité d’acide carbonique, mais où l’adjonction de l’acide pyrogallique ne produisait pas d’absorption, ni même de coloration brune marquée. Il n’y avait donc pas d’oxygène en quantité apprécia- ble. La plus grande partie du gaz recueilli était de l’azote prove- nant sans doute de bulles d’air qui s’étaient détachées des fleurs. J’ai recommencé plus de dix fois de semblables expériences, le plus souvent, il est vrai, par un temps nuageux, mais à trois re- prises du moins par un soleil sans nuage, et toujours cependant avec le même résultat. Dans les expériences faites au soleil, la quantité de gaz dégagé n’était guère plus considérable que pour les recherches faites par un temps pluvieux, et à l’analyse on trouvait seulement une quantité un peu plus considérable d’acide carbonique qui s’était dégagé de l’eau sous l’influence de la chaleur solaire. Jamais je n’ai pu obtenir, de trois pieds de N. Nidus-avis mis chaque fois ensemble en expérience, une quantité appréciable d’oxygène. La conclusion qu’il semble naturel de tirer des résultats con- stamment négatifs de ces expériences, c’est que la chlorophylle n’existe pas dans le N . Nidus-avis vivant, et que par conséquent elle ne se forme que quand les cristalloïdes qu’il contient s’al- tèrent et verdissent. Toutefois il ne me paraît pas possible de COLORATION ET VERDISSEMENT DU NEOTTIA NIDUS-AVIS. 117 regarder ces expériences négatives comme absolument décisives en ce qui touche le point en question. îl ne faut pas oublier, en effet, que dans un végétal vert vivant deux phénomènes inverses se produisent: d’une part, la chlorophylle réduit l’acide carbo- nique sous l’action de la lumière et dégage de l’oxygène; d’autre part, la respiration proprement dite, qui est indispensable aux végétaux aussi bien qu’aux animaux, consomme de l’oxygène. Supposons que dans le N. Nidus-avis la chlorophylle existe réel- lement, mais seulement en faible proportion, il n’est pas impos- sible qu’elle produise une certaine quantité d’oxygène, bien qu’il ne s’en dégage pas et que ce gaz soit employé, à mesure qu’il se forme, pour les besoins de la respiration. Quoi qu'il en soit, même en supposant que la chlorophylle existe normalement dans le N. Nidus-avis , on n’en est pas moins forcé de reconnaître qu’on ne saurait lui attribuer un rôle bien important dans la vie de cette plante, qui passe la plus grande partie de son existence cachée dans le sol, loin de la lumière, et ne montre au jour que pendant un temps relativement très-court ses hampes brunes couvertes de fleurs. Il est absolument impos- sible de supposer que c’est à la très-faible quantité de chloro- phylle que peuvent contenir les hampes qu’est due la formation de tous les tissus de la plante, et en particulier de ces riches dépôts d’amidon que contiennent les jeunes cellules, et qui dispa- raissent précisément à mesure que se forment les cristalloïdes dans lesquels pourrait se montrer la matière verte. îl faut donc admettre, ce me semble, que le N. Nidus-avis vit, en grande partie du moins, à la manière des plantes dépourvues de chloro- phylle qui ne sont pas aptes à créer de toute pièce de la matière organique, mais qui la puisent toute formée dans les tissus d’autres végétaux. On doit, il est vrai, regarder comme certain que le N. Nidus-avis n’est pas parasite; mais il croît au milieu de dé- bris de feuilles, et il est tout naturel de penser qu’il s’y nourrit à la façon des Champignons saprophytes, aux dépens des produits organiques qui se trouvent accumulés dans les tissus végétaux qui se décomposent lentement autour de lui. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHE 10. Fig. 1. Cellule du Neottia Nidus-avis, contenant de la matière brune sous forme de cristalloïdes très-allongés, disséminés dans son intérieur. Fig. 2. Cristalloïdes bruns très-grossis, accolés les uns aux autres. Fig. 3. Cristalloïdes bruns groupés autour d’un nucléus. Fig. à. Cellule contenant des cristalloïdes réunis autour du nucléus. Fig. 5. Masses granuleuses vertes provenant de l'altération des cristalloïdes par l’ac- tion de l’eau bouillante. Fig. 6. Masses vertes provenant de l’altération des cristalloïdes par l’alcool, réunies autour du nucléus. L’alcool commence aies dissoudre. Fig. 7. Cristalloïdes de forme très-aiguë contenus dans une cellule. Fig. 8. Masses brunes provenant de l’altération des cristalloïdes par Faction de l’eau qui a pénétré dans l’intérieur de la cellule déchirée qui les contenait. Ils contien- nent encore de la fécule à leur intérieur. Fig. 9. Cellule contenant des masses brunes provenant de l’altération des cristalloïdes par l’action de la gelée. Fig. 10. Cristalloïdes colorés en vert et non encore déformés par l’action de l’alcool. Fig” 11. Cristalloïdes plus ou moins complètement déformés par l’alcool et colorés en vert. Fig. 12. Cristalloïdes un peu gonflés présentant à leur intérieur une partie centrale qui se différencie de la portion pariétale. Fig. 13. Jeune cellule contenant des grains de fécule. Fig. 1 ti. Grains de fécule de grosseur différente, agglomérés, très-grossis. Fig. 15. Cellules contenant de la fécule. Fig. 16. Cellules contenant de la fécule recouverte de matière brune. Fig. 17, Grains de fécule revêtus plus ou moins de matière brune. Fig. 18. Cellule contenant des grains de fécule recouverts de matière brune, qui prend la forme de cristalloïdes. Fig. 19. Grains de fécule recouverts de substance brune qui se façonne en cristal- loïdes. Fig. 20. Cellule contenant des cristalloïdes allongés dans lesquels on ne voit plus de grains de fécule. Fig. 21. Sppctre de dissolution alcoolique de chlorophylle de Neottia Nidus-avis. On distingue trois bandes d’absorption : la plus obscure (I) entre les lignes B et C; les deux autres (11 un peu avant la ligne D, et IV un peu avant la ligne E) très- faibles. Fig. 22. Spectre d’une solution alcoolique de chlorophylle de Neottia Nidus avis, plus concentrée que dans la iigure précédente. Les bandes 1, If et IV sont très-bien marquées (la bande 111 ne se distingue pas dans les solutions alcooliques comme dans les solutions éthérées de chlorophylle). Fig. 23. Spectre d'une solution alcoolique de chlorophylle d’Épinard, présentant les bandes normales d’absorption I, II et IV. OBSERVATIONS SUR LA REPRODUCTION DE QUELQUES NOSTOCHACÉES, Par M. Edouard «ÜAMCïEE^VSSKt, Docteur en philosophie. (Mémoire lu à la Société des sciences de Gracovie.) « Scientia nostra de Phycochromacearum vita, evolutione, » fabrica, propagatione, fecundatione, etc., adhuc valde imper- » fecta et manca est. » Cette phrase de M. Rabenhorst (1) pourrait être parfaitement bien répétée encore aujourd’hui. Les excellents travaux de MiVI. Thuret (2) et deBary (3) ont cependant déjà jeté quelque lumière sur la reproduction des Nostochacées et des Rivulariées; néanmoins nos connaissances à ce sujet sont encore loin d’être satisfaisantes et ont besoin d’être complétées. Si les faits acquis par mes observations, qui remontent au printemps de 1870, ne sont pas propres à élucider toutes les questions qui devraient être résolues, elles feront cependant, je l’espère, avancer la science d’un petit pas. Elles démontreront encore que ce n’est pas dans la présence ou l’absence des spores ( sporanges , Thuret) qu’il faudrait chercher la distinction des deux sous-familles des Nostochacées : les Spermosires et les Nostocées, comme l’admettait M. Rabenhorst (h) ; mais tout autre part, les spores étant également propres aux Nostocs et aux Spermosires, comme je le démontrerai tout à l’heure. La (1) Rabenhorst, Flora europæa Algarum. Pars I, p. 1. (2) Thuret, Observations sur la reproduction de quelques Nostochinées ( Mémoires de la Société des sciences naturelles de Cherbourg, t. V, 1857). (3) DeBary, Zur Kenntniss d. Nostochaceen ins b . d . Rivularieen [Flora., 1863), (4) Loc. cif. , p. 16«. 120 80. JANCXITWNKI. propagation par filaments mobiles, propre seulement aux Nos- tocs, fournira un caractère réel et vraiment distinctif, les Sper- mosires n’en présentant aucun indice. Je décrirai d’abord la germination et le développement du Spermosira, qui sont différents de ceux queM. Thuret a trouvés dans le Cylindrospermum , et ensuite je passerai aux Nostocs, à la germination des spores et au développement des filaments mobiles en nouvelles colonies. I Spermosira Hallensis sp. n. — PI. 9, A. Les filaments des Algues de ce genre sont composés, d’après M. Rabenhorst (1), de trois espèces de cellules, à savoir : 1° des cellules végétatives constituant la masse du filament; 2° des hétérocystes [cellulœ interstitiales-Grenzzellen) interrom- pant leur série de distance en distance; et enfin, 3° des spores se développant en petit nombre au centre du fragment limité par deux hétérocystes. J’ai suivi la germination et le développement d’une espèce seulement, mais je ne doute pas que les autres ne se compor- tent de la même manière. Cette espèce n’est pas décrite dans le Flora Algarum de M. Rabenhorst, et je la nommerai Spermosira hallensis , parce qu’elle fut trouvée dans les bassins du jardin botanique de Halle. Ses caractères principaux seront les sui- vants: Filaments réunis par une matière muqueuse, et ne rece- vant de gaine gélatineuse propre qu’à la maturité des spores; spores considérablement plus épaisses que les cellules végétatives, deux fois plus longues que larges, en forme de tonneau ; leur contenu, de couleur vert bleu, est gorgé de gouttelettes hui- leuses; leur membrane, assez épaisse, incolore, est recouverte, à la maturité, de petits tubercules. Les spores ressemblent, à leur maturité, à un tonneau allongé, (1) Loc. cit ., p. 185. 121 REPRODUCTION DE QUELQUES NOSTOCIIACÉES. dont la surface latérale est recouverte de petites épines, tandis (pie les deux surfaces terminales sont lisses, et entourées d'une collerette un peu plus épaisse que les tubercules (fig. 2, #5). Elles sont les seules qui soient capables d’endurer la dessiccation et le froid; pour les forcer à une germination plus prompte et régu- lière, il faut les dessécher préalablement. Toutes les cellules végétatives, ainsi que les spores en voie de développement, sont complètement tuées par ce procédé. Les spores mûres, remises dans l’eau, commencent à germer au bout de cinq ou six jours. Comme premier indice de la germination, un diaphragme transversal apparaît dans l’intérieur de la spore intacte, et divise son contenu (fîg. /i, «).Le germe bicellulaire ainsi formé, en augmentant de volume, perce la membrane de la spore, et s’en délivre (fig. 5). La membrane est déchirée de diverses manières; le plus souvent le germe la rompt irrégulièrement, et prend son essor par une fente latérale ; quelquefois c’est une des surfaces terminales qui se détache en forme d’opercule (fîg. 6), et ce n’est que très-rarement que la membrane se trouve comme cou - pée transversalement en deux moitiés, dont chacune recouvre un bout du germe (fig. 9). Après s’être débarrassé de la membrane en totalité ou en partie, le germe continue à se développer dans le sens longitu- dinal, se divisant d’abord en quatre cellules (fig. 6), puis en huit, etc., et finit par constituer un filament complet (fig. 9). Je dois ajouter ici qu’il m’est arrivé de voir quelquefois la division du germe en trois (fig. h, b) ou en quatre cellules s’opé- rer encore dans la spore intacte, de sorte qu’après la rupture de la membrane, il en sortait un germe ayant déjà quatre cellules. 11 est à remarquer que le développement des filaments du Spermosira ne s’effectue pas toujours de la même manière, et semble dépendre des conditions extérieures. Je considère comme normal le mode de développement qui se manifestait dans des conditions plus favorables en avril, comme étant analogue à celui du Cjlindrospermum. Nous avons déjà mentionné que le germe se transforme en un filament, par suite de son développement dans le sens longitu- 122 K. JAN€Zim'SKI. dînai. Les cellules qui le constituent sont toutes égales en dia- mètre. Quand le filament a déjà atteint la longueur de 15, 20 ou 30 cellules, les deux cellules terminales se transforment en hétérocystes (fig. 11, a, b). Leur contenu devient jaune bru- nâtre et bien plus limpide, tandis que la membrane reste tou- jours incolore, s’épaissit, et reçoit une petite proéminence inté- rieure. Le filament continue à se développer et multiplier ses cellules, et bientôt apparaissent de nouveaux hétérocystes, qui se divisent en une dizaine ou même jusqu’à quatorze fragments. Les nouveaux hétérocystes intérieurs renferment aussi un con- tenu brunâtre et limpide; leur membrane incolore et épaisse possède déjà deux proéminences intérieures sur les deux sur- faces terminales. Enfin, longs ou courts, les filaments commen- cent à fournir des spores, au développement desquelles nous consacrerons ensuite quelques mots. Le deuxième mode de développement, qui eut lieu dans mes cultures de février et de mars, consistait en ce que le germe don- nait naissance à un filament atténué aux deux extrémités (fig. 10), qui atteignait une longueur de 100 à 150 cellules. C’est alors seulement que commençaient à apparaître les hétérocystes le divisant en fragments. Les cellules terminales ne se transfor- niaient jamais en hétérocystes, à cause de leur diamètre trop petit; les hétérocystes les plus proches de l’extrémité en étaient éloignés pour ce motif, tout au moins de 5 ou G cellules. Je trouvais aussi dans mes cultures d’avril des filamenls développés de cette manière, ainsi que les transitions à l’autre, qui consis- taient en ce qu’un bout du filament portait un hétérocyste, tan- dis que l’autre était atténué. Les germes atténués étaient cepen- dant bien plus aptes à la production des hétérocystes que dans les cultures de mars et de février. Quand ils atteignaient la lon- gueur d’une vingtaine de cellules, un hétérocyste apparaissait dans leur centre (fig. 12), et ensuite elles commençaient pour la plupart à former des spores (fig. 13). Les spores se développent au centre de chaque fragment limité par deux hétérocystes, comme je l’ai déjà dit plus haut. Leur formation s’effectue aux dépens des cellules végétatives qui se REPRODUCTION DE QUELQUES NOSTOCHACÉES. 123 dilatent, mais s’allongent encore pins considérablement (fig. 1). Leur contenu se gorge de gouttelettes huileuses, et la mem- brane s’épaissit. Quand le moment de la maturité approche, tout le filament se revêt d’une gaine gélatineuse, dont on n’aper- cevait pas même des traces jusqu’alors, et la membrane des spores se recouvre de petites papilles sus-mentionnées (fig. 2). Le développement de la gaine gélatineuse écarte un peu les spores l’une de l’autre ; la gelée la transforme enfin en mucus, qui relie les jeunes plantules provenant de la germination. Le développement des spores a lieu non-seulement dans les fragments limités par deux hétérocystes, mais aussi dans les fragments terminant des filaments atténués. Il commence aussi à peu près dans leur centre, et avance non-seulement vers l’hé— térocyste, mais aussi vers le bout, à moins que la première spore ne s’en développe trop près. Enfin il m’a réussi de trouver (en avril) des germes excessivement petits, atténués, n’ayant aucun hétérocyste, et produisant cependant des spores dans le milieu de leur longueur (fig. l/i). Le développement des spores n’est point du tout fixé à un certain nombre de cellules occupant le milieu du fragment; au contraire, il s’avance vers les hétérocystes, et attaque 10, 15 ou même 20 cellules végétatives. Par ce procédé, le nombre de celles-ci se trouve réduit de plus en plus, et parfois il n’en reste entre fhétérocyste et la spore la plus proche que quatre ou trois, même deux ou une seule. Il m’est arrivé plus d’une fois de noter que cette dernière cellule végétative était aussi transformée en spore, lorsque tout le fragment n’en contenait plus une seule. Tout cela prouve que dans le Spermosira, du moins dans le S. hallensis, toutes les cellules végétatives sont propres à se transformer en spores, et s’il en reste généralement quelques- unes qui soient stériles, il faut l’attribuer sans aucun doute à un arrêt de développement. La reproduction du Spermosira à l’aide de spores est le seul mode de propagation que j’y aie observé; sans nul doute, il ne se multiplie pas à l’aide des filaments mobiles propres seulement aux Nostocs. m E. JAWæSîWSMI. II J’ai déjà mentionné auparavant que c’est à tort qu’on désignait les Nostocs comme dépourvus de fructification véritable. Les spores n’en étaient pas connues. Le seul mode démultiplication qu’on leur attribuait est celui qu’a découvert M. Thuret (1); il consiste en ce que la colonie tombe en déliquescence, et les cha- pelets se partagent en filaments mobiles. Pendant mes recherches sur la germination du Spermosira , j’ai souvent trouvé à côté de ses spores d’autres spores plus petites, et germant d’une manière toute différente. Les germes, môme les plus jeunes, étaient déjà recouverts de gelée, ce qui rappelait la nature du Nostoc. Des observations plus attentives ont parfaitement confirmé cette supposition. Les véritables spores du Nostoc ont été trouvées pour la pre- mière fois et décrites par mon excellent ami M. J. Baranetzky, qui aperçut même leur germination (“2). Cependant il les con- sidérait comme des cystes, ne suivit pas le développement ulté- rieur des germes, et ne reconnut pas les rôles importants qu’ils jouent dans la reproduction du Nostoc. Il m’a été donné de voir les spores dans plusieurs espèces de Nostocs, et je n’hésite pas à supposer que c’est un phénomène général (ô) qui nous fournira une base solide et toute nouvelle pour la distinction des espèces, ne s’appuyant jusqu’alors que sur les propriétés de la gelée, sur l’apparence, la couleur et la grandeur des cellules, sur la tonne des colonies ; en un mot, sur des caractères excessivement inconstants. A la forme et à l’apparence des spores viendra se joindre un autre caractère aussi bien constant : c’est la manière dont se (1) Thuret, Note sur la reproduction du Nostoc verrucosum {Ann. des sc. nat., 3e série, 1844, t. II). (2) Baranetzky, Zur Kenntniss d. selbstsündigen Lebens der Flechtengonidim (Pringslieim’s Jahrbücher, t. VII). (3) Bornet (. Bech . gonid. Lichens , in Ann. sc. nat., 5e série, t. XVII, p. 74, pl. 16, fig. 3) a récemment découvert les véritables spores des Glœocapsa, et il est probable que le nombre des Algues phycocliromacées pourvues de spores ira en augmentant. Illi PRODUCTION DE QUELQUES NOSTOCIIACÉES. 1*25 développent en colonies les filaments mobiles et qui s’effectue bien différemment suivant les espèces. Je n’ai pu suivre d'une manière à peu près complète que le développement de deux espèces parfaitement caractérisées, comme on le verra plus tard, mais si difficiles à déterminer, que je ne veux pas garantir la justesse de leurs noms : l’un était le Nostoc paluilosum , l’autre le N. minutissimum , tous deux figurés dans les Tabulœ phycologicœ de M. Kützing. III Nostoc paludosüm. — Pi. 9, JJ. Les colonies de cette espèce sont excessivement petites, et se laissent à peine reconnaître, à l’œil nu, comme de petits points. Le microscope révèle leur structure de Nostoc : des chapelets tordus dans une gelée commune. Quand le Nostoc risque de se dessécher, les spores y appa- raissent plus abondamment; non-seulement les grandes colonies sont sujettes à leur formation, mais aussi les plus minimes (fig. 1). Les cellules occupant le centre d’un fragment limité par deux hétérocystes sont les premières à se transformer en spores. Cette métamorphose s’étend de plus en plus vers les hétérocystes, et il arrive parfois, comme dans le Spermosira, de trouver un fragment tout entier transformé en une rangée de spores. La métamorphose des cellules végétatives en spores s’effectue d’une manière toute simple ; la cellule augmente en dimension, se gorge de gouttelettes huileuses, etse revêt enfin d’une membrane assez épaisse. La couleur de la spore reste toujours vert bleu ; sa forme est ovoïde, et les diamètres dans la proportion 1 : 2. Les spores mûres (fig. 1, 2) sont les seuls organes de la colo- nie qui ont la faculté de supporter le froid et la dessiccation. Les cellules végétatives sont à tout jamais tuées par ce procédé, tandis que placées dans de l’eau, les spores germent en quelques jours. La germination elle-même est tout à fait caractéristique: la membrane de la spore se déchire, et le germe apparaît déjà revêtu d’une couche de gelée, qui est la métamorphose de la couche intérieure de la membrane de la spore (fi g. 3). Cette manière de germer se distingue en outre en ce que le germe apparaissant est encore unicell ulaire , ce qui n’est nullement le cas pour le Spermosira. Cependant une division transversale ne tarde pas à s’y effectuer (fig. h) ; les autres qui la suivent sont toujours parallèles à la première. Le germe s’allonge et se courbe ensuite, la gelée augmente aussi (fig. 5). De cette manière une nouvelle colonie vient se développer, sur les extrémités de laquelle apparaissent d’abord les hétérocystes (fig. 6, 7, 8), et ensuite dans son milieu, en sorte qu’elle ne diffère plus de la colonie mère que par ses dimensions. Ces jeunes colonies sont cependant bien faciles à distinguer des petites colonies issues des filaments mobiles; non-seulement leur aspect est différent, mais encore toutes ces petites colonies provenant de la même colonie mère constituent une agglomé- ration, étant reliées par le mucus : la gelée transformée de la colonie mère. Cette circonstance donne lieu à la supposition que toutes les espèces du Nostoc auxquelles on attribuait la présence des gaines gélatineuses spéciales pour chaque chapelet (. Hormosi - phon ), ne sont point des espèces normales, mais seulement l’état de développement que je viens de décrire, c’est-à-dire des agglomérations de jeunes individus provenant de la germination des spores. Dans d’autres cultures, j’ai trouvé un développement bien différent de celui qui vient d’être décrit. La différence consistait en ce que les germes passaient à l’état de filaments mobiles, re- présentant parconséquent un état de transition àla formation des nouvelles colonies. Elle se manifestait déjà de bonne heure, car la gelée disparaissait sur les germes à deux ou à quatre cellules; les germes se développaient entourés seulement du mucus com- mun, et, ayant atteint la longueur d’une vingtaine à une qua- rantaine de cellules, ils abandonnaient l’agglomération à l’état de filaments mobiles. Les filaments mobiles se transforment en colonies d’une ma- REPRODUCTION DE QUELQUES NOSTOCHACÉES. 127 nière toute spéciale, et bien différente de celle qui a été trouvée par M. Thuret pour le Nostoc Mougeotii et le N. vesicarium , et que j’ai observée moi-même dans leiV. lichenoides. Afin de se rendre bien compte de cette métamorphose, il convient de cultiver les filaments mobiles (fig\ 9) sur des lames de verre, et d’observer un certain filament plusieurs jours de suite. Passant à l’état de repos, le filament s’accole à la surface, et représente une ligne droite. Après quelques jours, on aperçoit que le filament n’est plus droit, mais ondulé (fig. 10, a). Les extrémités n’ont point changé de place; mais, par suite de rallongement et des divisions toujours transversales des cellules, le filament finit par devenir sinueux (fig. 10, a). Après quel- ques jours, on voit que le nombre des cellules augmentant encore par divisions dans le même sens, le filament est devenu encore plus tordu ; mais ses deux extrémités sont toujours restées dans la même place (fig. 10, b). Puis les cel- lules terminales se transforment en hétérocystes; le filament se revêt en même temps de gelée, et développe enfin d’autres hétérocystes, en sorte que la jeune colonie ne diffère plus d’une colonie adulte que par sa grandeur (fig. il). Les divisions, qui s’y opèrent ultérieurement sont toujours transversales, c’est- à-dire dans le même sens que les premières, depuis le moment de repos du filament. Quant aux divisions longitudinales, qui sont si caractéristiques pour les filaments des N. Mougeotii , vesi- carium et lichenoides , elles manquent complètement dans cette espèce. IV Nostoc minütissimum. — PI. 9, C. La grandeur des colonies de cette espèce esta peine plus con- sidérable que celle de l’espèce précédente; cependant elles sont très-faciles à distinguer par la forme des spores, qui sont ici isodiamétriques, parfois même plus courtes que larges (fig. 1,2). Leur développement commence aussi au centre d’un fragment limité par deux hétérocystes, vers lesquels il se dirige (fig. 1). lfl. JÜVCZEWSKI. 4*28 Comme clans l’espèce précédente et le Spermosira , les spores mûres sont les seules capables d’endurer le froid et la dessicca- tion. Mises dans l’eau, elles y germent dans l’espace de plusieurs jours, et de la môme manière que celles du Nostoc paludosum : le germe sortant de la membrane est unicellulaire, et déjà re- couvert de gelée (fig. 3). 11 ne tarde pas cependant à se diviser d’abord en deux (fig. à), puis en quatre cellules, à l’aide de cloi- sons parallèles à la première ou parfois même perpendiculaires (fig. 5, G, 7, 8). Dès ce moment, on remarque déjà une diffé- rence bien sensible dans le développement des germes en cul- tures diverses. Si les conditions extérieures étaient défavorables, et par- dessus tout s’il y avait surabondance de lumière et de chaleur, le développement s’effectuait à l’exemple du premier mode de ger- mination du TV. paludosum. Le nombre des cellules des germes augmente aussi bien que la gelée, tandis que leur contenu reste assez pâle, et ne contient que très-peu de gouttelettes huileuses. Tous ces germes agglo- mérés par le mucus de la colonie mère n’atteignent que de très- petites dimensions ; les hétérocystes apparaissent aux extrémités des germes à 10, 8 et même à G cellules (fig. 9). Le développe- ment ultérieur de ces colonies minimes est bien restreint ; la plupart périssent complètement, tandis que dans le centre des plus grandes (de 8 à 12 cellules), il se développe une (fig. 10), deux ou même trois spores. Les cultures qui n’étaient jamais exposées à faction directe des rayons solaires donnaient des résultats bien plus favorables. La gelée disparaissait déjà sur des germes à deux ou à quatre cellules (fig. 11 , 12). Leurs cellules étaient de couleur bien plus intense, contenaient des gouttelettes huileuses, et se multi- pliaient par divisions transversales. Les germes se transfor- maient de cette manière en filaments, parfois tordus, et empri- sonnés seulementdans le mucus de la colonie mère (fig. 43, l/i). A un certain degré do développement, les filaments se redres- saient, abandonnaient le mucus, et commençaient à se mouvoir dans le liquide ambiant. REPRODUCTION7 DE QUELQUES NOSTOCHACÉES. J 29 La transformation des filaments mobiles (fig. 15) en colonies s’opère d’une manière caractéristique. Le filament parvenu à l'état de repos se revêt bientôt d’une gaine gélatineuse (fig. 16), et multiplie ensuite le nombre de ses cellules de la manière sui- vante : Chacune de ces cellules s'allonge et adopte une position oblique, donnant ainsi au filament l’aspect d’un fin zigzag. En- suite les cellules se divisent une fois par des cloisons obliques à leur axe (fig. 17), et transforment le filament en chaînette en- tourée de gelée. Les hétérocvstes y apparaissent de la manière générale, d’abord aux extrémités et puis au milieu ; les divisions ultérieures s’opèrent aussi comme d’ordinaire en direction tou- jours transversale; enfin, la jeune colonie ne diffère plus en structure d’une colonie adulte, et rien ne trahit la manière carac- téristique dont elle a été produite. EXPLICATION DES FIGURES. rLANCHE 9. A. Spermosira hallensis. Fig. 1. Portion d’un filament dans lequel la formation des spores a déjà commencé. — Grossissement, 490 diamètres. Fig. 2. Portion de filament à spores mûres; la gelée s’y distingue déjà. — Gross. 490. Fig. 3. Spore isolée. — Gross. 490. Fig. 4. Germination des spores. Leur contenu déjà divisé: a, en deux, et b en trois cellules. — Gross. 490. Fig. 5, a, b et c. Germination plus avancée. Le germe se débarrasse de la membrane déchirée. — Gross. 490. Fig. 6. Germe à quatre cellules ayant rompu la membrane en forme d’opercule. — Gross. 490. Fig. 7 et 8. Germes quittant la membrane. — Gross. 490. Fig. 9. Germe ayant rompu la membrane en deux moitiés. — Gross. 490. Fig. 10. Germe atténué. Culture du mois de mars. — Gross. 490. Fig. 11, a et b. Apparition des hétérocvstes à l’extrémité des germes. — Gross. 490. Fig. 12. Apparition de Tbétéroeyste au centre du germe atténué. — Gross. 490. Fig. 13. Le même. Une spore commence a s’y former. — Gross. 490. Fig. 14. Germe minime et sans |hétérocystes, mais produisant des spores. — Gross, 490. 5° série, Pot. T. XIX (Cahier n° 3)L 9 i30 13. JAiWÆiEWSMfc. B. Nostoc paludosum, Fig. 1. Individu minime, mais sporifère. — Gross. 490. Fig. 2. Spores isolées. — Gross. 490. Fig. 3. Germination des spores. Germes uuicellulaires. — Gross. 490. Fig. 4. Germes bicellulaires. —-Gross. 490. Fig. 5, a, b , c et d. Développement ultérieur des germes. — Gross. 490. Fig. 6, 7 et 8. Apparition des hétérocystes sur les germes. — Gross. 490. Fig. 9. Filament mobile nageant. — Gross. 330. Fig. 10. a, filament en repos déjà ondulé; b, le même individu quelques jours après. — Gross. 330. Fig. 11. Jeunes colonies issues des filaments mobiles. — Gross. 490. G. Nostoc minutissimum. Fig. 1. Petite portion d’individu sporifère comprimé. — Gross. 490. Fig. 2. Spores isolées. — Gross. 490. Fig. 3. Germination des spores. Germes uuicellulaires. — Gross. 490. Fig. 4. Germes bicellulaires. — • Gross. 490. Fig. 5, 6, 7 et 8. Développement des germes placés dans des conditions défavo- rables. — Gross. 490. Fig. 9. Apparition des hétérocystes. Même culture. — Gross. 490. Fig. 10. Apparition d’une spore. Même culture. — Gross. 490. Fig. 11. Germe bicellulaire, dont la gelée est disparue. — Gross. 490. Fig. 12, 13 et 14. Développement ultérieur des germes en conditions favorables. — Gross. 490. Fig. 15. Filament mobile nageant. — Gross. 490. Fig. 16. Filament en repos déjà recouvert de gelée. — Gross. 490. Fig. 17. Transformation du filament en colonie par cloisons obliques. — Gross. 490. DE LA RESPIRATION ET DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX, I»ar SI. A. BARTMÉSiEMT, Professeur de physique au lycée de Toulouse, docteur es sciences. § 1. DES CAUSES PHYSIQUES DE L’iNTRODUCTION ET DU REJET DE L’ACIDE CARBONIQUE ET DE L’OXYGÈNE DANS LES PLANTES. S’il est un point resté obscur dans l’absorption de l’acide carbonique et le rejet de l’oxygène par les feuilles, c’est, sans contredit, la cause physique du phénomène et les organes par lesquels cet échange s’effectue. On a jusqu'ici peu recherché comment les gaz pénétraient dans les tissus des végétaux, et surtout pourquoi l’acide carbo- nique, si rare dans l’atmosphère, dont il ne constitue que les 5 à 6 dix-millièmes, peut être néanmoins absorbé en quantité assez considérable pour suffire au rapide développement de la plante. M. Corenwinder affirme, en effet, qu’une plante ayant 30 centimètres de haut peut faire disparaître par ses feuilles un décilitre d’acide carbonique en moins de deux heures d’in- solation (1). Le même observateur avait déjà établi qu’un pied de Colza, haut de 28 centimètres, qui pesait 38 grammes frais, pouvait décomposer, pendant deux heures de soleil, 1992 centimètres cubes d’acide carbonique, c’est-à-dire l’acide contenu dans k mètres cubes d’air environ. J’ai observé moi-même, au jardin (1) Ann. sc. nul., 1868, t. IX, p. 66, A. BIARTlftaâlÆll* . 132 des plantes de Montpellier, un Bambou ( Bambusa rnitis ) qui croissait d’un centimètre par heure au mois de juillet. Un pareil accroissement doit coïncider avec la fixation d’une quantité con- sidérable de carbone. Ici se présente, il est vrai, une question importante. L’air est-il la source unique où les plantes, dans l’état normal, puisent leur acide carbonique? Les racines ne pourraient-elles pas leur en envoyer une notable proportion puisée dans le sol, l’air confiné dans la terre superficielle en contenant une quantité assez grande? Dans des recherches déjà anciennes, mais que je n’ai pas encore publiées, sur l’absorption des bicarbonates par les plantes dans les eaux naturelles, je me suis assuré que la proportion de ces corps absorbés par le végétal est très-faible par rapport au développement de la plante, et que, de plus, les racines, même pendant le jour, exhalent de l’acide carbonique. M. Corenwinder dit, d’ailleurs, dans le mémoire cité plus haut : « Je pense aujourd’hui que les racines des plantes n’ont pas » la propriété d’absorber dans le sol l’acide carbonique, ou, au » moins, que la quantité qui peut pénétrer par cette voie n’est » pas une source abondante de carbone (1). » Il serait évidem- ment trop absolu de nier l’introduction de l’acide carbonique par les racines, puisque c’est lui qui doit servir de dissolvant à la silice, aux phosphates, aux carbonates insolubles qui se déposent dans les tissus d’un grand nombre de végétaux ; mais il paraît certain que les racines exhalent aussi ce gaz et le ren- dent, peut-être avec usure, au sol. Il y aurait ainsi déplacement, mais non acquisition de carbone. La plupart des physiologistes pensent (pie l’échange de gaz se fait par les ostioles connues sous le nom de stomates. C’est ainsi que dans sa Physiologie végétale M. Julius Sachs attribue aux stomates , ou aux ouvertures analogues, le rôle unique dans l’introduction des gaz (2). Il croit démontrer la per- (1) Depuis la rédaction de ce travail, M. Cailletet a soumis à l’Académie des sciences ( Compt . rend., 1872) des expériences tendant à prouver que les racines n’absorbent pas l'acide carbonique. (2) J. Sachs, Physiologie végétale , p. 275, § 12. DK LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. '133 mêabUitè des stomates pour l'air, et leur communication avec les vaisseaux , en faisant pénétrer une feuille par son pétiole dans un récipient de machine pneumatique, tandis que le limbe, à l’extérieur, est entouré d’une atmosphère d’acide carbonique. Le pétiole plonge dans de l’eau de chaux. On fait le vide et l’on voit se dégager par le pétiole des bulles qui troublent l’eau de chaux. L’expérience inverse démontre également, suivant cet auteur, que l’acide carbonique peut pénétrer par le pétiole et ressortir par les stomates du limbe. Je n’ai pas besoin de faire remarquer combien ces variations énormes de pression s’éloignent des conditions naturelles, #t prouvent peu en faveur du rôle spécial des stomates et des vaisseaux. Appelé par une aspiration considérable, l’air doit se frayer des passages artificiels de toutes sortes. Je ne vois pas, d’ail- leurs, où peut être, dans le végétal, la machine pneumatique. On n’a, à vrai dire, pour attribuer aux stomates un rôle du premier ordre dans la respiration, d’autre raison que leur ana- logie avec la bouche des animaux, et la croyance que la feuille et la plante sont protégées, en tout autre point, par leur enve- loppe extérieure contre la pénétration des gaz. Or il suffit d’un peu d’attention pour se convaincre que ces ostioles ne peuvent servir ou môme aider à l’échange de l’acide carbonique et de l’oxygène. Et d’abord l’analogie de forme avec la bouche des animaux ne saurait être suffisante ni même sérieuse, puisque chez les animaux supérieurs les narines plus que la bouche servent à la respiration, et que chez les insectes et les animaux à respiration cutanée la bouche n’a rien de commun avec la respiration. Les stomates se trouvent à la face inférieure des feuilles, plus rarement à la face supérieure et presque toujours en moindre quantité dans celles-ci. Ils sont ainsi presque toujours opposés à la lumière. Iis existent dans des cavités où la lumière ne pénètre pas (ovaire des Passiflores, des Crucifères, des Résédacées, etc.). Dans le Laurier-rose, nous les trouvons au fond de cavilés relativement profondes et garnies de poils. Dans les Éléagnées, A. SB ARTHÉIÆH’l' . m ils sont recouverts de poils en écusson. ïls manquent, au con- traire, presque complètement sur les Cactées et sur les fruits verts à respiration énergique, dans les plantes submergées, sur la plu- part des pétales, et sur les spathes des Àroïdées, qui sont cepen- dant le siège de phénomènes respiratoires très-intenses. On trouve, en revanche, les stomates sur les organes qui sont en rapport avec les gaz intérieurs, sur la face inférieure de la feuille où se trouvent les lacunes cellulaires, sur la tige ou le pétiole de beaucoup de plantes listuleuses. Ils manquent généralement dans les racines à tissu uniforme, mais ils repa- raissent dans les racines de X Anthurium crassinervium, sur le rhizome decertaines Fougères, d’après M. Trécul, parfois, d’après Schleiden (1), au-dessous d’une couche de cellules superficielles pleines d’air (velamen radicum). L’ouverture proprement dite est fort petite dans les stomates, elle ne dépasse pas pour les plus grands 2 ou 3 centièmes de millimètre ; de sorte que la surface effective d’absorption se bornerait, pour des plantes très-actives d’ailleurs, à une faible portion de leur surface, même en les supposant toujours dans leur grande expansion. La petitesse de ces ouvertures serait défavorable à l’introduc- tion de l’acide carbonique, puisque la vitesse d’introduction des gaz par les petites ouvertures est proportionnelle à leur tension relative et en raison inverse de la racine carrée de leur densité. L’acide carbonique étant une fois et demie plus pesant que l’air, sa vitesse d’introduction, en vertu de cette loi, serait moindre que celle de l’oxygène et de l’azote, ce qui diminuerait, pour la plante, sa proportion relative déjà si faible. Que si cette introduction se faisait, comme pour les animaux supérieurs, par des inspirations mécaniques que rien n’autorise à supposer, il faudrait l’inspiration et l’expiration de 10 000 litres d’air pour l’absorption de h à 5 litres d'acide carbonique et la fixation d’un poids de carbone moindre que 2 grammes. C’est ici qu’il faudrait la machine pneumatique de M. J. Sachs ! (1) Grundz 3® édition, t. I, p. 284. DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 135 Ces organes étant fermés par la moindre pellicule d’eau, par l’obscurité et par bien d’antres causes, la respiration serait, de plus, soumise à des intermittences que l’expérience n’a point démontrées. Enfin, M. Boussingault ayant mis hors de doute que la face supérieure de la feuille, dépourvue de stomates, possède une activité respiratoire plus grande que celle de là face inférieure, et l’observation démontrant, en outre, que les stomates ne sont pas ouverts dans les jeunes feuilles qui respirent beaucoup, il est absolument nécessaire de chercher ailleurs la cause et l’or- gane des échanges de l’acide carbonique et de l’oxvgène, entre la plante et l’air atmosphérique. Dans la discussion qui précède , nous n’avons voulu que mettre en relief le rôle négatif des stomates dans la respiration cuticulaire . § 2. DE LA DIALYSE DES GAZ A TRAVERS LA CUTICULE. Après avoir exclu les stomates de tout rôle actif dans la res- piration de l’acide carbonique, on ne peut qu’être frappé de la nécessité, pour les gaz, de traverser la cuticule avant de péné- trer dans le parenchyme intérieur. La composition spéciale de cette membrane, sa généralité sur toutes les parties vertes, même sur les organes dépourvus d’épiderme, sont autant de preuves de son importance physiologique jusqu’ici méconnue. Bien que considérée seulement comme un vernis protecteur destiné à s’opposer aux échanges des gaz et des vapeurs, la cuticule n’en a pas moins été, depuis sa découverte par M. Bron- gniart, l’objet de nombreuses études. M. Garreau (1) a fait voir qu’elle précède la formation de l’épiderme, et il Fa retrouvée jusque sur l’ovule (2). Cet observateur a de plus publié quelques (1) Nature de la cuticule (Ann. des sc. nat., t. XIJ1, p. 304, et Rech. absorpt. des surfaces aériennes des pl. (ibicl., p. 321). (2) Dans le rapport qu’il consacre à ce mémoire (concours du prix Bordin, 1871), M. Duchartre considère la cuticule comme une simple excrétion de V épiderme. Cette 133 observations sur le pouvoir endosmotique de cette membrane ; il a fait voir qu’elle laissait passer l’acide carbonique dans de beau de chaux. Ainsi cet habile observateur avait entrevu, je me plais à le reconnaître, le rôle physiologique de la cuti- cule. Cependant ces recherches paraissent de peu d’im- portance à M. J. Sachs; satisfait de ses expériences sur les stomates, ce physiologiste se contente de dire en note : «L'ex- périence de Garreau [Ann. sc. nat., 1850), d’après laquelle l’épiderme, dénué de stomates, des écailles de l'Oignon, laisse passer l’acide carbonique dans de l’eau de chaux, prouve sim- plement que la diffusion des f/az s'opère à travers les membranes cellulaires , et ne peut pas servir de point de départ pour d’autres déductions (1). » Le savant allemand aurait pu, du moins, en conclure que les gaz peuvent passer par d’autres points que les stomates. M. Trécul (2) a constaté l’existence de plusieurs couches arti- culaires superposées. 11 a fait voir, en outre, que cette substance recouvre les cellules sous une certaine profondeur, comme l’avaient déjà constaté Gasparrini et Hugo von Mohl. Ces obser- vations permettent de conclure que l’action de la cuticule ne s’arrête pas à la surface, mais qu’elle se propage à une certaine profondeur dans l’intérieur du végétal. M. Brongniart (3) isolait la cuticule en laissant des feuilles de Choux macérer longtemps dans l’eau. On peut voir sur les mem- branes ainsi obtenues l’ouverture des stomates, la gaîne des poils, etc. M. Garreau agit plus rapidement en traitant les feuilles par l’acide sulfurique étendu, qui liquéfie la cellulose et laisse la cuticule : 500 grammes de feuilles de Rose donnent ainsi 10 grammes de cuticule. On peut encore l’isoler sous le micro- scope avec l’acide chlorhydrique, et la reconnaître à la couleur brune qu’elle acquiert par l’acide sulfurique et l’iode. Il n’est manière de voir, qui est en contradiction avec les recherches de M. Garreau, n’inlîr merait en rien le rôle physiologique de cette membrane. (1) J. Sachs, Physiologie , p. 271. (2) Compt. rend., 1856, t. XLV1T. (3) Ann. s<\ nat., 2° série, 1834, L p. 65. DK LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. î 37 pas rare, du reste, lorsqu’on observe au microscope des lam- beaux d’épiderme, devoir des fragments de cuticule isolée. Par un procédé semblable à celui de M. Garreau, mais peut- être plus exact, M. Fremy (i) a séparé la cuticule des feuilles et lui a trouvé la composition suivante : C= 73,66, H = 11,87, 0= 17,77. M. Gar reau avait obtenu la formule C17H1G05, et propo- sait d’appeler cette substance cuticulose. Ces observateurs sont d’accord que sa composition chimique se rapproche de celle du caoutchouc, dont elle a surtout la constitution physique. Il me paraît, en effet, en ayant égard aux difficultés d’isolement, que les analyses précédentes concordent assez bien avec celles de M. Spiller (2) sur le caoutchouc modifié par l’air, la lumière, le soleil, et auquel il a assigné la composition suivante : G — 6/i, H = 8,/|6, 0 = 27,5/i. " Cette analogie de constitution physique et chimique entre la cuticule et le caoutchouc m’a amené à appliquer à la respiration des plantes les résultats obtenus par M. Graham (3) sur le pas- sage des gaz au travers des membranes colloïdales, et en parti- culier à travers de minces pellicules de caoutchouc. A l’aide de dialyseurs très-simples, Graham a fait voir que les gaz ne sui- vent pas, dans leur passage à travers des lames colloïdales, la même loi qu’à travers les plaques poreuses; que l’azote est le gaz qui passe le plus lentement à travers une pellicule de caout- chouc. L’acide carbonique est au contraire le gaz qui passe avec la plus grande vitesse. La vitesse du passage de l’azote étant représentée par 1, celle de l’oxygène sera 2,556, et celle de l’acide carbonique 13,558. Graham porte à 1 /75 de millimètre, on Qmui,013, l’épaisseur sous laquelle on peut observer la dialyse. Cette limite est bien voisine de celle que peut atteindre l’épais- seur des couches cuticulaires extérieures et intérieures. Il a dé- (1) Compt. rend., t. XLV1II, p. 669. — Ann. sc. nat., 4e série, t. XII ,1863, p. 45. (2) Journal of the Chim. Soc., lévrier 1864. — Wurtz, Dictionnaire de chimie, art. Caoutchouc. (3) Ces expériences sont analysées dans Ann. de chim. et de phys., 4e série, 1867 ; on les trouve aussi signalées dans Y Annuaire scientifique de M. Dehérain pour 1867, 138 A. SâAKTIll'XEMl'. montré que la température augmente le pouvoir dialyseur. Tout le monde sait que les ballons de caoutchouc, pleins d’hydrogène, laissent passer rapidement le gaz. On peut encore faire pour l’air, l’oxygène ou l’acide carbonique, l’expérience suivante : On remplit de ces gaz un flacon que l’on ferme par une mem- brane de caoutchouc très-mince, on recouvre d’une cloche, et l’on expose au soleil. Le gaz intérieur s’échauffe beaucoup, la membrane se bombe d’abord ; puis, lorsqu’on laisse refroidir, elle rentre par la pression à l’intérieur du flacon, de manière à tapis- ser les parois et à indiquer le départ presque complet du gaz. Lorsqu’on agit avec l’air, on trouve de l’azote presque pur dans l’intérieur du flacon. Cette dernière expérience très-simple est à retenir pour les fondions des feuilles. Il est évident que, pour rapporter d’une manière complètement irrécusable les obser- vations de Graham à la cuticule, il faudrait pouvoir répéter avec des lambeaux de cette dernière les expériences de l’illustre savant. Il suffirait pour cela de quelques millimètres carrés ; mais la difficulté de l’obtenir isolée, sans trous et sans déchi- rures, rend l’expérience presque impossible. J’ai tenté el j’ai exposé dans un premier travail quelques essais en prenant des lambeaux de l’épiderme ou même des feuilles fl); j’ai pu depuis donner à ces expériences plus de perfection. Tout le monde connaît les Bégoniacées à feuilles tachetées de blanc, taches qui ne sont d’ailleurs, ainsi que je m’en suis convaincu, qu’un soulèvement de l’épiderme sur une couche d’azote. Les feuilles de certaines variétés , excessi- vement minces déjà sur la plante vivante, se réduisent, en se fanant, à l’état d’une pellicule douée d’élasticité et qui ne repré- sente plus, à peu près, que les couches cuticulaires. Ce sont ces lames colloïdales qui m’ont servi à répéter l’expérience de Graham en la modifiant très-légèrement : Un tube de 5 millimètres de diamètre intérieur était surmonté d’un petit entonnoir cylindrique de 18 millimètres de diamètre. Cet entonnoir pouvait se fermer, par l’intermédiaire d’un corps (1) Compt. rend., août 1868, et Ann. sc. tint., 1868; t, IX, p. 287. DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 139 gras, avec un anneau de buis fermé à sa base supérieure par une plaque circulaire de gypse (1). Cette disposition permettait d’ouvrir le tube pour faire remonter le mercure au même point dans les diverses expériences. Ce tube avait 40 centimètres de hauteur et était terminé en bas par un tube de caoutchouc qui communiquait avec un réservoir de mercure. Ce réservoir pou- vait glisser le long d’une tige verticale ; de sorte qu’après avoir amené le niveau du mercure en haut du tube, et après avoir bouché ce dernier avec la plaque de gypse recouverte de la membrane végétale, on pouvait produire une aspiration déter- minée en descendant le réservoir le long de la tige. Pour observer le passage des gaz autres que l’air, on recouvre, comme le faisait Graham, le sommet du tube d’une coiffe de caoutchouc, munie de deux tubulures qui permettent de produire un courant de gaz au-dessus de la membrane. On commence par s’assurer que la membrane est intacte et qu’elle ne présente pas de déchirures, par la dialyse de l’air seul. Trois expériences, répétées les 16, 17 et 18 mars, m’ont donné, au bout de six heures, les résultats suivants : Volume de gaz Absorption de l’oxygène Proportion recueilli. par le pyrogallate de potasse. d’oxygène. 16 mars 5,2 1,9 36,5 p. 100. 17 mars 5,5 2,3 âl 18 mars 7 2,2 31 Bien que ces proportions d’oxygène présentent un écart assez grand dû à la difficulté de répéter ces expériences dans les mêmes conditions de pression extérieure, de température et surtout d'état hygrométrique , on peut conclure que V oxygène passe plus vite que l’azote, et que l’air, ainsi dialysé, contient en moyenne 36,1 p. 100 d’oxygène. Ce nombre est un peu infé- rieur à celui qu’avait trouvé Graham pour le caoutchouc. Cette vérification faite et ce résultat important obtenu, nous avons procédé à la comparaison des vitesses des trois gaz qui (1) J’ai remplacé avec avantage la plaque de gypse par une mousseline épaisse et fortement tendue. A. MAKTHELKIIV. 1 AO nous intéressent le plus. Pour cela, après avoir établi au-dessus de la membrane un courant d’acide carbonique, on marquait le point où descendait le mercure au bout d’une heure; puis, fai- sant passer de l’azote et de l’oxygène, on notait les temps que mettait le mercure pour descendre au même point de repère. Dans quatre expériences faites avec des membranes différentes, nous avons obtenu les résultats suivants : Acide carbonique.. 1 b. 1 b. i h. 1 h. Azote 15 15,40 15,30 14 Oxygène 6 6.20 7 5,40 Ces expériences, faites dans des conditions de pression, de température et d’état hygrométrique qui ne sauraient être iden- tiques, me paraissent concorder cependant suffisamment avec celles de Graham, et nous permettent de conclure que les sur- faces colloïdales naturelles des végétaux ont pour l’acide carbo- nique un pouvoir admissif , qui est de 43 à 45 fois plus considé- rable que celui qui correspond à l’azote, et 6 à 7 lois plus grand que celui qui se rapporte à l’oxygène. J'ai opéré quelques jours après avec de 1 acide carbonique parfaitement desséché, et je n’ai plus trouvé comme vitesse, par rapport à l’azote, que des nombres variant entre 9 et 41. fl semble donc que l’anhydride carbonique passerait moins vite que l’acide carbonique hydraté. En remplaçant la lame végétale par du caoutchouc, j’ai constaté un résultat semblable; la différence est moins prononcée pour l’oxygène et l’azote desséchés. J’ai dernièrement essayé des dissolvants, sulfure de carbone, benzine, essence de térébenthine. Cette dernière surtout m a donné des résultats intéressants. Par mie macération de plu- sieurs jours, certaines feuilles deviennent transparentes, et prennent tout l’aspect d’une lame de caoutchouc gonflée par l’essence. En môme temps du caoutchouc soluble s’accumule dans l’essence que l’on peut enrichir en renouvelant les feuilles. Je citerai comme donnant les plus curieux résultats : Stillin- fjiu selifera , feuille jeune de Ficus elastica , feuille de Philadel - DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. i/|l phus , qui devient mince et peut se coller contre un verre, Cocculus laurifolius , Lierre, etc. La partie soluble, évaporée sur un linge fin, m’a donné une lame mince colloïdale de caoutchouc avec laquelle j’ai pu répéter les expériences de Graham. Toutefois cela prouve simplement l’existence du caout- chouc dans les feuilles, et. personne n’ignore que le latex en contient presque toujours. 11 était encore intéressant de constater si une mince couche de caoutchouc étendue sur une feuille empêche la dissociation de l’acide carbonique. À cet effet, j’ai étendu sur une feuille de Laurier-rose adhérente à la tige, à l’aide d’un pinceau fin, une couche de caoutchouc dissous dans l’essence ; la feuille a en- suite été détachée de la tige et exposée au soleil dans un flacon d’acide carbonique. Au bout de trois heures d’exposition au soleil, on a absorbé l’acide carbonique par la potasse, et l’on a obtenu un résidu d’oxvgène (10 cent, environ), entièrement absorbable par le pyrogallate, sans le résidu d'azote que l'on obtient habituellement. En augmentant l’épaisseur de la couche, on peut arriver à la limite sous laquelle peut se faire la décompo- sition. J’estime à peu près cette limite à 3 ou k dixièmes de millimètre. Les expériences et les observations contenues dans ce para- graphe, les analogies de composition chimique et de constitution physique proclamées, sans idées préconçues, par fous les obser- vateurs, entre la cuticule elle caoutchouc, l’activité d’absorption pour l’acide carbonique que présente la face supérieure des feuilles dépourvues de stomates, tous ces faits me semblent devoir amener à une certitude à peu près absolue sur le rôle que joue la cuticule dans la décomposition de l’acide carbonique, il me semble surtout que les naturalistes qui ont été amenés à admettre un rôle spécial, mais mystérieux et inexpliqué, de la part des cellules de l’épiderme, doivent trouver, dans mou inter- prétation nouvelle, une extension et en même temps une justifi- cation de leurs idées. La vitesse de passage de l’acide carbo- nique étant de 13 à 15 fois plus grande que celle de l’azote, la proportion relative de ce gaz se trouve multipliée parce eoeffi- A . il A K,Ï'MSŒM¥ . 142 cient. Quant au sens de t’échange, quant au renversement de la respiration diurne eu respiration nocturne et leur activité rela- tive, ils dépendent évidemment de Faction chimique intérieure, c’est-à-dire de l’influence de l’agent lumineux. il n’est pas impossible qu’il existe plusieurs variétés de cuti- cule, comme il existe plusieurs variétés de cellulose (i). La cuticule imprégnée de silice des Graminées en est un exemple frappant. Ces variétés de cuticule auraient des pou- voirs admissifs différents pour les mêmes gaz, suivant leur composition chimique ou simplement leur état moléculaire. On pourrait ainsi expliquer comment les Graminées, d’après M. Boussingault, empruntent au sol tout leur azote. je ferai remarquer, en terminant, que la respiration cuticulaire est prouvée, autant qu’il est possible de le faire, en physiologie animale et végétale. Que si les expériences de Graham n’avaient pas existé, l’idée de les instituer se serait naturellement présentée à l’esprit pour prouver le rôle de la cuticule. Dutrochet n’a pas procédé autrement quand il a découvert l’endosmose. Nous avons vu d’ailleurs l’Académie des sciences accorder une de ses plus hautes récompenses à M. Dehérain pour ses intéressantes re- cherches sur l’absorption par les racines, recherches faites prin- cipalement avec des vases poreux ('2). § 3. DES MODIFICATIONS DE DA SURFACE CUTICULAIRE ET DE SES RAPPORTS AVEC LE PARENCHYME VERT INTÉRIEUR. Outre les pores qu’elle présente aux points oh se sont déve- loppés les stomates, la cuticule offre encore à sa surface des vil- losités, des poils et des organes divers qui peuvent jouer un rôle complémentaire dans la respiration cuticulaire (3). (1) Fremy, loc. cit. (2) Ann. set nat., 5e série, 1867, t. VIII, p. 145. (3) L’absorption gazeuse existe aussi à travers l’épiderme des animaux : on Connaît DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 'S 43 Ainsi, dans le JSelumbium, les cellules épidermiques, hexa- gonales et régulières, comme dans les Monocotylées, présentent à leur centre, dans chacune d’elles, une ouverture limitée par une double ligne circulaire, et surmontée d’une villosité qui est creuse à l’intérienr, et communique par l’aréole bicirculaire avec le parenchyme vert intérieur. Dans le Slillingia sebifera , ces villosités existent à la face inférieure, et ont, au microscope, l’aspect de nids de pigeon. Ces villosités ne sont pas toujours au centre de cellules épider- miques; elles peuvent correspondre à une lacune de l’épiderme, et l’on voit alors le premier cercle de l’aréole formé par les cel- lules épidermiques. C’est ce que l’on peut voir dans l’épiderme supérieur des feuilles de Broussonelia , dont les villosités, entou- rées à la base de cellules épidermiques modifiées comme celles qui accompagnent les stomates, contiennent souvent de la chlo- rophylle liquide. Dans les Bégoniacées, les poils de la face supé- rieure sont soulevés à leur base par une accumulation de gaz qui produit ces taches blanches éparses sur la feuille. Dans quelques espèces, ces taches sont formées par un méat épidermique, recou- vert seulement de cuticule non soulevée» A la face inférieure des feuilles de Nymphéacées, on trouve des organes spéciaux formés par un retrait circulaire des cellules de l’épiderme, et occupé par des granulations sous la cuticule; en comparant ces or- ganes aux stomates de la face supérieure, on ne peut s’empêcher d’y voir des stomates avortés, des pseudostomates. I! faut re- marquer que les poils uni- ou pluricellulaires sont beaucoup plus grands à leur base que les cellules de l’épiderme sur le- quel ils sont nés, et que, dans le cas où ils présentent plusieurs cellules, la cloison de séparation de ces cellules est perforée d’une ouverture centrale. Il est à remarquer aussi que la plupart des poils naissent sur les points de l’épiderme, qui sont en rapport avec le tissu à chlo- rophylle, tandis que les stomates sont en rapport avec les méats. l’expériende de Bichat sur l’absorption des gaz putrides par la surface du bras et leur expulsion par le tube digestif. La peau, perméable aux gaz, paraît impropre à l’ab- sorption des liquides. (Voy. Êlém. de physiologie de Küss, rédigés par M. Duval-Jouve.) A. BA&tTS&SfilÆMl . m Il y a d’ailleurs entre le développement de certains poils et celui des stomates des analogies que je me contente de signaler ici, et sur lesquelles je reviendrai plus loin. Ces poils creux, ces villosités, ces pseudostomates, me sem- blent compléter le système dialyseur de la feuille pour l’acide carbonique et pour les autres gaz (oxygène, vapeur d’eau). Leur rôle n’est cependant point essentiel, puisqu’un grand nombre de feuilles dont l’activité respiratoire est très-grande en sont complètement dépourvues. § 4. DES GAZ DANS L’INTÉRIEUR DES VÉGÉTAUX ET DES SURFACES GAZEUSES INTÉRIEURES. 1° Considérations générales. Un grand nombre d’observateurs ont étudié les gaz renfermés dans l’intérieur des plantes et leurs mouvements; mais ils se sont placés pour la plupart à des points de vue restreints. Souvent même on a confondu les mouvements de ces gaz avec 1a, respi- ration cuticulaire ; c’est à tel point, que des physiologistes pren- nent encore aujourd’hui pour mesure de la force vive déployée par le végétal dans la disgrégation de l’acide carbonique, le nombre de bulles gazeuses qu’il dégage dans un temps donné, dans beau, lorsqu’on l’expose au soleil ! Haies (1) recouvrait d’un enduit la section supérieure d’un rameau qui traversait un récipient, et plongeait par son autre section dans un vase plein d’eau que renfermait le récipient. îl faisait le vide dans le réservoir, et voyait des bulles nombreuses s’échapper de la section inférieure ; il en a conclu que l’air pénètre par les fissures jusque dans le bois. Il faut remarquer encore ici que ces différences de pression ne sont point dans la nature, et ne prouvent rien pour le fonctionnement normal. De Saussure a 1) titaiical Essoys, t. I, p. 156. DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. î/|5 aspiré l’air renfermé dans une branche de Pommier, et l’a ana- lysé. Dutrochet a examiné Pair renfermé à diverses distances des feuilles. On doit à MM. Martins et Moitessier (1) des analyses de l’air des racines transformées en vessie natatoire des Jussiœa repens et grandiflora , ainsi que des cavités de Y Aldrovandia. M. Boussingault a répété les expériences de de Saussure (2). En 18/U, Aimé (3) avait examiné les gaz renfermés dans les Algues marines. MM. ’Cal vert et Ferrand ont étudié les gaz des gousses de Baguenaudier encore vertes, ainsi que des tiges creuses (. Heracleum , Archangelica , Ricin, Dahlia, Roseau, etc.) (h). Ils croyaient pouvoir, de l’analyse de cet air, déduire des notions exactes sur la respiration des organes foliaires, et confondaient ainsi deux actes distincts, mais qui peuvent, dans les cavités Certes, mêler leurs produits. On doit aussi à MM. Faivre et Dupré d’intéressantes recherches, faites au moyen d’injections mer- curielles, sur les gaz contenus dans les vaisseaux (5). J’ajouterai que Schultz a trouvé de l’azote presque pur et de l’acide car- bonique dans les cavités des tiges d’Angélique, de Rumex et de certaines Graminées. Réunissons ces divers résultats : Aimé (Algues marines). De Saussure (branche de Pommier). ...... Boussingault (Laurier-rose) .............. ( Jussiœa. .......... Martins et Moitessier. ) Aldrovandia. ...... \ Pontederia crassipes Az . ........ 83 0.. ........ 16 Az O O . 0 . O . 0 0 86 0. ........ . S Acide carbon. 5 Az . OOOOOOVO 88 0 6,64 Acide carbon. 5,34 ÀZ . 0000.000 84 à 92 0. ......... 15 à 8 Az ........ . 84,5 0... ....... 15,5 1 Az . ........ 85,9 lo 14,1 (1) Mém. de l’ Acad, des sc . de Montpellier , 1866, t. VI. (2) Réch. chim. sur la végéta, p. 42. (3) Ann. de chim. et phys., 1841. (4) Ibid., 1844. (5) Compt. rend., 1866, t. LXII, p. 778. 5e série, Bot. T. XIX (Cahier n° 3). 2 10 A. BARTHÉLEMY. ïllô i Rhizome Racine. . Feuilles. Leeharlier (2) (pétiole de Nuphar luteum ) Az. . . 84 0. . . . 16 Az, „ 0... 8 Az. . . 82 0. . . . 18 Az. . . 88 0. .. . 12 Ce qui doit frapper surtout dans les nombres que nous venons de consigner, c’est une concordance remarquable entre ces résultats, si l’on tient compte des conditions différentes et des modesd’opération et d’extraction employés. La proportion d’azote dans toutes ces analyses est supérieure à celle que présente l’air atmosphérique, et elle se rapproche sensiblement de celle qui résulterait du passage de l’air à travers de petites ouvertures^ c’est-à-dire 79 ou de 8/t à 85 pour 100. L’oxygène est souvent remplacé par une quantité équivalente d’acide car- bonique qui doit varier avec l’époque, l’heure du jour, etc., et qui prouve l’existence de combustions intérieures. J’ajoute, pour terminer cet aperçu général, que M. J. Sachs a donné dans son livre une place importante aux mouvements des gaz dans les plantes. Le physiologiste allemand attribue ici un grand rôle aux stomates, rencontrant ainsi juste, pour cette fois, ces organes servant, suivant lui, à toutes les fonctions des feuilles, respiration, évaporation, etc. 2° Respiration des plantes aquatiques submergées. C’est surtout dans les plantes aquatiques submergées que cette atmosphère intérieure joue un rôle considérable, et influe sur la respiration cuticulaire. Cette atmosphère intérieure provient des gaz dissous dans l’eau et puisés probablement par les racines. (1) Mémoires pour servir à l'histoire anal, et phys. des végétaux , t, Il, 1837. (2) Compt. rend., 1867, t. LXV, p. 1087. DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 147 On se rappelle en effet que MM. Cloëz et Gratiolet ont constaté que les gaz dégagés par les Potamées contiennent beaucoup d’azote, dont la proportion dépend de celle de l’azote dissous dans l’eau. On sait de plus que des feuilles jeunes de Pontederia crctssipcs restent au fond d’un vase plein d’eau jusqu’à ce que le pétiole soit gonflé de gaz, et amène la- plante à la surface. Ce gaz (Az = 85,9, 0 = 14,1) ne peut provenir que de l’eau. Je m’en suis d’ailleurs convaincu en plaçant de jeunes feuilles dans de l’eau distillée; la vessie ne se développe alors que très-lente- ment, et la plante meurt avant d’être arrivée à l’air. Ces gaz peuvent s’accumuler en quantité considérable, puisque, dans le Pistïa texensis par exemple, Unger estime que sur 1000 parties, on en compte 718 de gaz. Doit-on s’étonner que de pareilles plantes laissent dégager plus d’azote que leur substance ne paraît en contenir? Ces gaz prennent une tension telle, qu’il suffît souvent d’un coup d’épingle pour déterminer par le point blessé un dégagement continu de bulles. L’acide carbonique, qui entrerait difficilement par les petites ouvertures, pénètre largement par la cuticule, ainsi que le dé- montrent les expériences de Garreau, et s’évapore dans l’atmos- phère intérieure comme dans le vide. Sous l’influence solaire, le parenchyme vert le décompose, et exhale de l’oxygène ; mais ce dernier gaz étant moins soluble que l’acide carbonique, et se trouvant d’ailleurs dans un milieu qui en est plus ou moins saturé, ne pourra s’échanger aussi vite par la cuticule. L’oxy- gène s’accumulera donc en se mêlant à l’atmosphère intérieure, et finira par s’écouler avec elle par des fissures accidentelles de la tige et des feuilles. De là des courants sans direction déterminée, qu’alimente- ront faction de la lumière, qui produit l’oxygène, et celle de la chaleur, qui augmente la tension. Il faut bien remarquer que, l’eau étant diathermane, la plante doit s’échauffer plus vite que le liquidé. Les premières bulles de ces courants gazeux doivent contenir de l’azote dû à l’air accumulé précédemment ; puis la proportion A. S8ARTHEÏÆ»I¥. 148 de cet azote doit aller en diminuant, à mesure que l’oxygène augmente. C’est ce qu’ont vu, sans se l’expliquer, MM. Cioëzet Gratiolet ; c’est aussi pourquoi l’air des Algues marines contient, d’après Aimé, 83 d’azoie et 17 d’oxygène, tandis qu’on y trouve le soir 36 d’oxygène et 64 d’azote. MM. Cloëz et Gratiolet, se basant sur une seule analyse, pen- sent que l’azote exhalé provient de la décomposition de la sub- stance de la plante. Ils ont reconnu d’ailleurs que « la présence de ï azote dans l’eau est nécessaire au phénomène ». La plante aquatique sur laquelle ils opéraient était placée dans une cloche pleine d’eau et exposée au soleil, c’est-à-dire à une pression inférieure à la pression atmosphérique, et à une tempé- rature qui pouvait devenir considérable. Aussi d’une tige de 165 centimètres cubes de volume, ils ont pu tirer ”2Ut-,35 de gaz en dix heures ! j’ai souvent observé les Potamogeton à l’état normal, et je n’ai jamais vu se produire un dégagement d’une pareille abondance ; à peine se dégageait-il quelques bulles gazeuses d’une prove- nance équivoque, et cependant la plante que j’observais se déve- loppait avec beaucoup de rapidité. j’ai élevé aussi pendant plusieurs années un Lycopus europœus , sur lequel j’ai suivi le phénomène respiratoire. Cette plante, aérienne l’été, émet à l’automne des stolons aquatiques qui restent submergés l’hiver, et produisent des feuilles différentes des feuilles normales. Dès le mois de février, l’émission de bulles gazeuses commence, souvent sur des parties mortes depuis long- temps, et l’abondance est en rapport avec la température, sans jamais dépasser quelques centimètres cubes par jour. J’ai pu analyser ce gaz, et je lui ai trouvé pour composition 92 d’azote et 8 d’oxygène. Ainsi le dégagement gazeux des plantes aquatiques submergées ne reconnaît pas pour cause unique la dissociation de l’acide carbonique ; il est principalement dû à l’action de la chaleur sur des gaz puisés par la plante dans le liquide , et qui se meuvent par des différences de pression qui ne s’équilibrent qu’avec len- teur. Aussi la continuation de ce dégagement dans l’obscurité est DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 149 un phénomène simple qui n’exige aucun emmagasinement de force vive, et que Raffeneau-Delile avait constaté jusqu’à minuit sur 1 e Nelumbium, sans s'en étonner outre mesure (1). Ce dégagement gazeux n’a lieu que très-rarement dans les plantes à l’état naturel, et ne peut pas constituer une fonction ou un acte physiologique. Ces plantes sont dépourvues de stomates, parce que le dégagement de gaz, par de si petites ouvertures, exigerait une pression de plusieurs atmosphères, la surface de la plante étant mouillée par l’eau. Quant à l’absorption de l’acide carbonique, elle doit se faire essentiellement par la cuticule. L’acide carbonique étant ici en dissolution et l’oxygène échangé devant se dissoudre à son tour dans le liquide, la respiration cuticulaire doit se faire ici sans dégagement de gaz à la surface où se produit l’échange, il fau- drait donc, pour se rendre un compte exact de cette fonction, pouvoir doser successivement l’acide carbonique et l’oxygène en dissolution. Malheureusement le dosage de l’oxygène dissous pré- sente de grandes difficultés. C’est donc seulement dans l’air, ou sur des feuilles qui peu- vent retenir une couche d’air condensée, qu’il convient de rechercher le fonctionnement des stomates, et l’action des va- riations de pression intérieure ou extérieure sur leurs mou- vements. Il faut se garder aussi, je crois, des variations de pression de la machine pneumatique , trop chère aux physiologistes, et ne mettre enjeu que des pressions s’approchant des pressions natu- relles, c’est-à-dire de quelques centimètres d’eau ou millimètres de mercure. Je ferai remarquer môme que les insufflations avec la bouche seraient elles-mêmes exagérées, puisque M. J. Sachs nous apprend qu’il peut aller jusqu’à 10 centimètres de mer- cure, c’est-à-dire 1“,30 d’eau S Pour réaliser ces conditions, j’engage une feuille de Ficaire par le pétiole dans un tube de verre, et, après l’avoir luté, je fais communiquer l’autre extrémité du tube, par un caoutchouc, (1) Évidence du mouvement respiratoire des feuilles de Nelumbium speciosum {Ann. sc. nat 2e série, 1841, t. XVI, p. 328). •150 A. BARTHÉLEMY. avec une poire à ventouse. Je puis ainsi, en pressant la poire avec la main, produire des compressions ou des succions de l’air intérieur. Cela posé, je soumets à l’ombre la feuille à une pressir ‘nté- rieure légère, et, pendant qu’elle a lieu, je détache un h . .oeau de l’épiderme. Je trouve les stomates larges et béants. Puis je remets une autre feuille en expérience, et, après l’avoir exposée au soleil, je diminue la pression ; alors je vois, sur un lambeau d’épiderme détaché, les petits pores fermés. II serait évidemment préférable de voir ces mouvements sur la feuille entière. Une forte loupe permet de voir les grands sto- mates de la Ficaire comme de petites boutonnières, et l’on peut distinguer les mouvements de la bouché, surtout s’il y a une faible couche d’eau qui permet de voir une brillante surface gazeuse à l’intérieur du stomate, quand on comprime l’air inté- rieur. Toutefois l’illusion est bien près de la réalité. Voici encore une expérience plus concluante : A l’exemple de Haies (t ) , je prends un tube étroit, et j’engage à la partie supé- rieure un rameau de Laurier-cerise garni de feuilles. Le bord du tube est luté avec soin sur le rameau, tandis que la partie infé- rieure plonge dans le mercure. Au bout de plusieurs heures, le mercure est monté de A à 5 centimètres, indiquant ainsi une absorption de gaz sur laquelle nous aurons occasion de revenir plus loin, et une diminution dépréssion intérieure. Or, si la tige a été vernie (nous avons employé l’huile de lin lithargyrée). et si les feuilles sont bien intactes, le mercure reste soulevé plus de trente heures . Les stomates sont fermés, et ne laissent pas rentrer l’air, malgré la succion de la colonne de mercure (2). Ajoutons que les stomates sont toujours béants lorsqu’on les observe après avoir laissé la plante au soleil ; la nuit, ils sont fermés. Dans les circonstances ordinaires, ils sont presque tou- jours dans un état de demhocclusion. L’humidité les fait fermer, à moins qu’elle ne soit accompagnée d’une variation de pression (U Statical Essays, p. 155. (2) Cette expérience est rapportée par M. J. Sachs. DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 151 intérieure ; je crois,' de plus, que les variations du tissu treillagé inférieur, sous le rapport de l’humidité ou de la sécheresse, doivent avoir de l’influence sur les mouvements du pore. On remarquera encore que les stomates dépassent souvent l’épiderme, et ont une forme bombée qui s’oppose à la rentrée de l’air. Dans les plantes où ils sont en apparence sur le même plan, les cellules épidermiques les débordent souvent en dessous. Les cavités des Lauriers-roses et des Protéacées sont rétré- cies à la partie supérieure, et les premières sont garnies de poils qui ne laisseraient rentrer l’air que difficilement dans la cavité du crypte. En un mot, les lèvres des stomates sont disposées comme celles d’une bouche, et l’on sait que lorsqu’on aspire par la bouche sans contractions orbiculaires, celle-ci se ferme natu- rellement. Ainsi, les stomates , dans les conditions normales, peuvent laisser sortir les gaz de l'intérieur lorsque la pression augmente ; mais ils ne peuvent laisser rentrer l’air dans les lacunes. Je dois ajouter que les grands stomates du disque des Nelum- bium ne m’ont jamais paru fermés, qu’ils sont presque ronds et caducs, de sorte qu’ils manquent souvent au centre des grandes lacunes. Il existe aussi des organes qui peuvent être rapportés à des stomates avortés et que j’ai appelés des pseudo-stomates ; on les trouvera à la face inférieure et sur la tige des Nymphéacées (. Nymphœa alba). Ces organes débutent comme les stomates, mais la cloison ne se forme pas et ils restent imperforés. Il en est de même des stomates de la face supérieure d’un certain nombre de feuilles (feuilles d’ Acanthe) et des taches blanches que pré- sente la face supérieure de certaines Bégoniacées, et dans lesquelles on ne distingue que les formations épidermiques extérieures, les cellules stomatiques faisant défaut au-dessous de la cuticule. 152 B ABTUÉLEIII' » 3° Du mouvement de l’air dans le Nelumbium speciosum. Les phénomènes singuliers que présente cette magnifique plante, les discussions auxquelles ils ont donné lieu, m’ont déterminé à profiter de mon séjour à Montpellier pour en faire une étude aussi approfondie que possible. On sait que cette belle espèce, introduite par Raffeneau-Delile, végète et fructifie en plein air dans le Jardin des plantes de cette ville, où elle trouve la chaleur et surtout la lumière qui lui sont nécessaires. Comme toutes les plantes aquatico-aériennes, elle possède une tige ou rhizome enfoncé dans la vase et de longs pétioles qui se terminent par des feuilles peltées. Ces feuilles traversent l’eau pour se dérouler et se développer à l’air libre. Elles pré- sentent au centre un disque cellulaire traversé par de très-grands méats que ferment incomplètement des stomates toujours béants ou même caducs, et faisant, par conséquent, souvent défaut. Le pétiole est creux, comme celui des Nymphéacées ; il pré- sente quatre grands canaux entourés d’un plus grand nombre de petits. Ces canaux viennent aboutir au disque central et se prolongent dans la feuille en 22 nervures qui divisent le limbe en autant de secteurs. De chaque côté de ces nervures courent des canaux aériens qui s’anastomosent à la surface de ce limbe et forment un vaste réseau sur lequel nous reviendrons tout à l’heure. La face inférieure de la feuille seule présente des sto- mates qui sont en rapport avec le réseau aérien. Si l’on enfonce la feuille sous l’eau et à une petite profondeur, et si l’on a choisi une feuille exposée au soleil, on voit se déga- ger de la face supérieure garnie de stomates des bulles gazeuses qui offrent un aspect particulier : au lieu de se dégager sous forme de sphères gazeuses qui s’élèvent directement dans le liquide, elles s’étalent en plaques le long de la feuille comme un liquide huileux. Elles progressent jusqu’au bord de la feuille, et là disparaissent souvent sans se détacher, en se diffusant pro- bablement dans la couche d’air de la face inférieure. DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 153 Si l’on place sur la feuille une cloche pleine d’eau, on peut ne recueillir aucune trace de gaz. C’est sans doute ce phénomène, dont l’explication, on vient de le voir, est assez simple, qui avait fait croire à Delile que l’air sortait par le disque central et rentrait par les bords de la feuille dépourvus de stomates (1). On peut encore verser avec la main quelques gouttes d’eau au centre des feuilles bien développées et complètement aériennes qui forment bassin. Les bulles gazeuses s’échappent alors du disque, souvent avec un bruit sec comme une petite explosion. Mais c’est surtout dans les chaudes journées des mois de juillet et d’août que le dégagement gazeux prend les plus fortes proportions. Si bon a la force de résister à l’ardeur du soleil, on peut voir et entendre les bulles gazeuses qui se dégagent des parties immergées, des pétioles des feuilles détruites et qui sont restés plongés dans l’eau, des feuilles accidentellement immergées et des fissures que les insectes ou les mollusques produisent sur toutes les parties de la plante. Le dégagement gazeux peut être tel qu’il donne, dans les cuves contenant les plantes, l’aspect et le bruit d’un véritable bouillonnement. C’est par centaines de litres par minute qu’on pouvait estimer l’air qui s’échappait ainsi dans l’intérieur des cuves. Qu’on juge, d’après cela, du mouvement gazeux qui devait se produire dans toute la plante et par toute sa surface, et cela pendant plusieurs heures. Delile, nous l’avons vu, pensait que le gaz rejeté ainsi était de l’air qui pénétrait par le contour dépourvu de stomates et qui s’exhalait par les stomates du disque central. Dutrochet a réfuté cette opinion, au nom de la respiration cuticulaire (2). Un agrégé de l’école de Montpellier, M. Brousse, a fait sur cette prétendue respiration des recherches qui m’ont été communiquées par M. Martins, et qui n'ont été produites, je crois, que dans l’enseignement oral. M. Brousse pensait que çet air exhalé était puisé dans l’eau par les racines. Sous l’influence (1) Évidence du mode respiratoire des feuilles de Nelumbium (Compt. rend. , 1841, et Ann. sc. nat., 2e série, t. XVI, p. 328). (2) Ann, sc.nat., 2e série, 1841, t. XVI, p. 332. 15/j. A. BARTHÉLEMY, de celte idée, il analysait l’air de l’eau et l’air exhalé par les feuilles. Le premier contenait 30 pour 100 environ d’oxygène, 5ouG d’acide carbonique ; l’air exhalé contenait 20,4 d’oxygène, 79,6 d’azote et pas d’acide carbonique : d’où l’on concluait que le Nelurabium fixait à la fois de l’acide carbonique et de l’oxy- gène. M. Brousse aurait pu être frappé de l’identité' presque complète de composition que présentait le gaz exhalé avec l’air atmosphérique. Pour élucider cette importante question, j’ai fait les expé- riences suivantes : 1° J’ai constaté, avec Delile, que, lorsqu’on souffle par le pétiole, le limbe étant plongé dans l’eau, on obtient un dégage- ment rapide de gaz, ce qui a lieu du reste avec moins d’intensité pour beaucoup de végétaux aquatico-aériens ; mais j’ai fait de plus l’expérience inverse, que Delile ne paraît pas avoir essayée. Le pétiole étant plongé dans l’eau, j’ai soufflé par le disque, et j’ai obtenu un dégagement abondant ; ce que l’on n’obtient jamais avec les feuilles des autres plantes pour lesquelles la première expérience réussit. 2° En frottant la feuille avec la main ou une brosse douce, on rend la sortie de l’air par insufflation très-difficile. Ce phé- nomène indiqué d’ailleurs par M. Sachs, et qui se produit aussi avec les feuilles d 'Allium Cœpa, à’Equisetum, etc., tient à ce que cette action mécanique fait disparaître la couche d’air condensé à la surface de la feuille, grâce aux légères papilles cuticulaires que nous avons décrites. Dans les conditions ordinaires, l’air insufflé se diffuse facilement dans cette couche gazeuse condensée, en prenant la for.me de plaques argentées ; vient-on à enlever cette couche d’air, alors l’eau est en contact avec les ouvertures des stomates, et il se pro- duit ces phénomènes d’occlusion des gaz par les corps poreux décrits déjà par M. Jamin. Qu’on prenne par exemple un vase poreux de Bunsen, qu’on le ferme par un bouchon bien mastiqué et traversé par un tube qui peut communiquer avec une pompe à compression et un manomètre. Si l’on fait agir la pompe, le vase étant sec, il ne maintient pas de pression. Si l’on trempe DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 155 ensuite le vase dans de l’eau pendant un instant seulement, il pourra dès lors maintenir une pression de plusieurs atmos- phères. On conçoit donc que les poumons les plus vigoureux, sou- tenant au plus 8 ou 10 centimètres de mercure, ne pourraient faire sortir des bulles gazeuses par les feuilles ou les tiges mouil- lées ou dépourvues de la couche d’air condensée. 3° Le dégagement des bulles gazeuses du Nelumbium , quand on plonge la feuille dans l’eau, cesse à une profondeur variable, mais toujours assez faible. 11 en est de même du dégagement par les pétioles, quand on a détaché le limbe. 11 est certain, par conséquent, que la pression extérieure joue un rôle important dans le phénomène. On peut voir à quelle pression exacte cesse le dégagement en inclinant la~ feuille sous l’eau et mesurant la, hauteur à laquelle les bulles cessent d’appa- raître. Cette région limite forme une ligne horizontale bien nette. Dans les fortes journées de chaleur et de lumière, le dé- gagement se produit encore à une profondeur de 2 à o déci- mètres. â° Le dégagement pouvant se produire à l’obscurité et jusqu’à minuit pendant les nuits d’été, ainsi que l’avait déjà vu Delile, la lumière n’est pas nécessaire au phénomène. 5° Pour recueillir ce gaz sous l’eau, je forme sous la feuille un cercle avec du mastic de vitrier mêlé de sable, et je recouvre ce cercle d’une petite cloche pleine d’eau. Les aspérités permettent aux bulles gazeuses de se dégager de la couche d’air condensée. J’ai trouvé ainsi que l’air dégagé par le disque contient moins d’oxygène que celui du limbe et plus d’azote. Ainsi : 10 juin 1871, 5 heures du soir. Air du disque. . . 25“ 0... 24,3p. 100. Az... 75,7p. 100. Air du limbe. . . 18 0... 29,5 Az... 70,5 30 juin 1871, 11 heures du matin. Air du disque. . . 22“ 0... 22,8 p. 100. Az... 77,2p. 100. Air du limbe. . . 15 0... 33,4 Az... 66,6 15(3 A. BARTHÉLEMY. N’est-ce pas la meilleure preuve que le gaz produit provient ici d’un mélange des deux respirations? G0 Puisque le phénomène peut cesser par une augmentation de pression, il était aisé de prévoir qu’il serait au contraire favo- risé par une légère diminution dépréssion faite dans les limites naturelles, c’est-à-dire dans les limites que nous avons reconnues au dégagement pour une augmentation de pression par une couche d’eau superposée. A cet effet, on a fait passer une feuille adhérente à la tige sous une cloche pleine d’eau et renversée sur la cuve même où la plante se trouvait cultivée. La feuille s’élevait ainsi dans l’eau de la cloche de quelques centimètres au-dessus du niveau extérieur, et les gaz intérieurs se trouvaient soumis à une succion qu’il était facile de mesurer et que l’on pouvait faire varier à volonté. On est alors témoin d’un des plus curieux phénomènes de la physiologie végétale. Une quantitégincroyable de gaz se dégage par plaques, soit du disque, soit de toute la surface de la feuille ; elle forme comme une nappe liquide ascendante et brillante comme du mercure ; puis, au sommet de la feuille, elle oscille avant de se détacher, comme une grosse bulle d’eau adhérente à une masse de verre. On peut ainsi recueillir, suivant la grandeur de la feuille et l’in- tensité de la succion, de un à plusieurs litres d’air par minute. Si l’on remplace la feuille par le pétiole dont on a détaché le limbe, le dégagement se produit encore, et ressemble aux plus forts dégagements gazeux par les tubes abducteurs des labora- toires de chimie. Le phénomène se produit d’ailleurs aux plus faibles aspirations de 2 à o millimètres d’eau, c’est-à-dire à des variations insensibles de la pression extérieure. Le dégagement n’ayant pour certaines feuilles d’autre limite que la fatigue de l’opérateur, il est nécessaire d’en rechercher la cause dans des conditions physiques plutôt que physiologiques. Le gaz recueilli avait, ainsi que nous le verrons plus loin, une composition voisine de celle de l’atmosphère ; tandis que le gaz confiné dans le vase était inflammable et contenait du gaz des marais, de l'oxyde de carbone, des traces d’oxygène et de l’azote. DE LA. CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 157 Quant à l’air dissous dans l’eau, il n’aurait pu produire une si abondante dialyse. Il faut même remarquer que les racines aquatiques sont peu nombreuses dans le Nelumbium , surtout si on les compare à celles des Jussiœa , Pontederia, Nymphœa , etc. Comme en insufflant le limbe j’ai pu faire sortir de l’air par le pétiole, ainsi que je l’ai dit plus haut, et que d’autre part le rhizome lui-même est creux, j’ai soupçonné un simple jeu de la pression atmosphérique compliqué de phénomènes de diffusion par les petites ouvertures. Plusieurs expériences m’ont prouvé qu’il en était ainsi : 1° J’ai choisi deux feuilles voisines l’une de l’autre, et, ayant détaché le limbe de l’une d'elles pendant que l’autre plongeait dans l’eau, j’ai fait sortir de l’air de celle-ci en soufflant parle pétiole de la première. 2° En second lieu, j’ai recouvert une feuille d’une cloche pleine d’air, et j’ai pu, par une compression continue, taire passer l’air de cette cloche à l’extérieur, à travers la plante. Une feuille voi- sine étant plongée dans l’eau, on voyait des bulles gazeuses se détacher en abondance de sa surface pendant la compression de l’air de la cloche. 3° Enfin, comme dernière expérience capitale, si, pendant que l’air est aspiré par une feuille sous une cloche pleine d’eau, on fait plonger par des aides toutes les autres feuilles dans l’eau, l’écoulement, d’abord abondant, se ralentit et cesse tout à fait. Les feuilles étant lâchées et revenant à la surface, l’écoulement reprend, pour cesser à une nouvelle immersion. J’ai analysé l’air recueilli dans ces faibles aspirations, et j’ai trouvé : 48 juin , matin. Az............. 82,9 p. 100. O......... 17,1 14 juin , soir. Az 76 p. 100. 0 24 15 juin , matin. Az 79p. 100, O.... 24 458 A. BARTHÉLÉMY. 15 juin ( grand bassin ). Az ' . . 87 p. 100. O 13 20 juin, soir . Az 78p. 100. O.. 22 Dans d’autres expériences, toutes les feuilles étant enfoncées, j’ai pu puiser l'air qui avait séjourné longtemps dans la plante .. 25 juin, matin , Az ... 87 0..... . . . 10 C02 25 juin , soir. Az . . o O O 0 ... ift CO1 2 28 juin, matin. AZo 0.0. .. . 83 0. ... 15 C02 . . 2 28 juin, soir. ki. . . . . 0..... .. . 22 CO2. Il suit de la première série que l’azote est presque toujours en plus grande proportion que dans l’air, ce qui est d’accord avec les lois de la diffusion des gaz par les petites ouvertures, et de la seconde que l’air confiné contient, au matin plus d’azote, et le soir plus d’oxygène. Les nombreuses expériences contenues dans ce chapitre nous semblent de natureàexpliquerd’unemanière précise la prétendue respiration du Nelumbium . La feuille de cette plante s’échauffe en effet beaucoup au soleil. D’après M. Martins (1), un thermo- mètre roulé dans une feuille au soleil marques 1°, 37 en moyenne, quand un thermomètre libre et aussi au soleil donne comme moyenne 25°, 46; à l’ombre, le thermomètre de la feuille donne 20°, 97 pour 19°, 88 que marque le thermomètre libre. Il résulte, pour les feuilles exposées et pour celles qui sont à l’ombre, une différence de tension dans les gaz intérieurs qui peut (1) Note sur la somme de chaleur efficace nécessaire à la floraison du Nelumbium speciosum {Bull. Soc . bot . de France , t. IV, p. 652). DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 159 être considérable et beaucoup plus grande que celles que nous avons mises en jeu dans nos expériences. De là un mouvement circulatoire de l’air entrant par les stomates de certaines feuilles , sortant par d’autres , à travers le réseau aérien de la feuille et les canaux du pétiole et de la tige, et dont le sens pourra varier suivant la différence des pressions intérieures. Remarquons enfin que ces mouvements gazeux ne sont possi- bles que parce que les stomates sont ici inertes ou caducs, surtout dans la région du disque, et qu’il n’y a jamais de dégagement gazeux par la face inférieure du limbe dépourvu de stomates. § 5. DES MOUVEMENTS DE L’AIR DANS LES AUTRES PLANTES AQUATICO-AÉRIENNES. Les analogies entre les Nymphéacées et les Nélumbonées, la présence dans les premières des canaux aérifères que nous avons signalés dans les pétioles et les limbes des secondes, nous faisaient un devoir de tourner vers elles nos recherches. Les feuilles du Nymphœa alba que j’ai examinées, plongées dans l’eau, ne laissent échapper aucun gaz, parce qu’elles sont dépourvues de villosités cuticulaires, et, par conséquent, d’air condensé. Toutefois, si l’on coupe le pétiole dans l’eau, il s’en échappe un courantgazeux d’assez longue durée. M. Lechartier(l) a observé ce dégagement; il a obtenu dans quarante-cinq mi- nutes un litre et demi de gaz. Ce gaz avait pour composition : O = 12, Az = 88. Le recueillant à diverses profondeurs, il a trouvé la composition suivante : CO2 ........... 1 3............ 2,5 O........... 7,7 .......... 8,1 .......... 8,2 Az ............... . 91,3 .......... 88,9 89,3 M. Lechartier trouve ainsi plus d’acide carbonique dans la tige que dans le pétiole. Il n’a pas confirmé, ainsi qu’on peut le (1) Compt. rend,, 4867. 160 A. BARTHÉLEMY. constater, les observations de Dutrochet, qui trouvait plus d’oxy- gène dans les feuilles que dans le pétiole et la tige. Enfin, que la plante porte des feuilles ou qu’elle en soit dépourvue, il y a toujours dégagement, d’où M. Lechartier conclut que le gaz est puisé dans les couches vaseuses. En employant la méthode qui nous a déjà servi pour le Ne- lumbium , c’est-à-dire en introduisant le pétiole coupé au-dessus de l’eau dans une cloche pleine de liquide, de manière à exercer une succion, j’ai pu recueillir un demi-litre de gaz en quelques minutes ; mais le mouvement, d’abord très-rapide, se ralentit, et le dégagement ne se fait plus que par petites bulles et avec une extrême lenteur, j’ai trouvé, le 20 juin 1871 : Az=87,5, 0 = 12,5. Ces dégagements de gaz par des sections du pétiole me sem- blent prouver seulement que l’atmosphère intérieure était arri- vée à une tension plus grande que celle de l’atmosphère exté- rieure, et je ne crois pas qu’on puisse en conclure à l’existence de mouvements gazeux de même sens dans la plante entière, ainsi que l’ont fait M. Lechartier et d’autres observateurs. Si la feuille des Nymphéacées ne laisse pas dégager de gaz lorsqu’elle est plongée dans l’eau, elle eu produit néanmoins beaucoup dans l’air. Pour m’en assurer, j’ai placé la feuille, sans la toucher, sous une cloche à robinet pleine d’air. J’ai enfoncé la cloche, le robinet étant ouvert; une partie de l’air a été ainsi chassée. J’ai fermé ensuite le robinet, et, la cloche ayant été soulevée, j’ai produit une succion de J 5 centimètres environ. Le niveau ayant été marqué sur la cloche, on l’a vu s’abaisser d’abord rapidement, puis plus lentement, de sorte que trois heures après le niveau était redevenu le même qu’à l’extérieur. On a alors enfoncé la cloche de manière à produire une pres- sion égale à la succion précédente, et le niveau est resté à peu près invariable pendant le même laps de temps, contrairement à ce que nous avons vu pour le Nelumbium. Ainsi, dans les Nymphéacées, les stomates, dans l’air et pour de faibles variations de pression, laissent sortir les gaz intérieurs et ne permettent pas à l'air de rentrer. I)E LA. CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 161 Jt3 nie suis assuré, depuis que ces premières expériences ont été faites, en remplissant la cloche d’azote pur et d’hydrogène, que le gaz ainsi rejeté par la plante, le matin, était de l’azote avec 5 à 6 pour 100 d’oxygène. Le soir, la proportion d’oxygène est plus grande, mais ne dépasse jamais 25 à 28 pour 100. M. Jamin, dans son excellent traité élémentaire de physique, pour prouver l’énergie de l’action des feuilles, rapporte qu’une seule feuille de Nénuphar abandonne pendant l’été jusqu’à 300 litres d’oxygène (1). S’il en était ainsi, c’est par milliers de litres qu’il faudrait compter l’oxygène rejeté par un seul pied de Nénuphar, et l’on aurait ainsi une source des plus abondantes de gaz oxygène. Il est à craindre qu’on ait confondu encore ici l’exhalation des gaz intérieurs avec la respiration cuticulaire. M. Jamin ajoute : « C’est par la face supérieure que les feuilles » absorbent l’acide carbonique, tandis que l’oxygène s’échappe » par la face inférieure. » Nous ignorons les faits sur lesquels le savant physicien appuie cette opinion, et nous ne citons ce passage que pour faire encore ressortir l’incertitude qui règne sur la nature et les causes des échanges gazeux entre la plante et l’air. Pour opérer sur des plantes où la feuille est trop au-dessus du niveau de l’eau pour que la méthode précédente soit applicable, j’ai fait faire des cuves de zinc formées de deux parties qu’on peut réunir par un corps gras ou du mastic, et dont chaque partie porte au centre une échancrure semi-circulaire. En réu- nissant les deux parties à une hauteur suffisante de la tige, on peut emprisonner la feuille après avoir lulé avec soin l’ouverture centrale. J'ai ainsi opéré sur le Pontederia cor data , Sagittaria lanceœfolia , Thalia dealhata. En général, on réussira à aspirer les gaz intérieurs par les feuilles plongées dans l'air , lorsqu’on pourra, avec un fragment de pétiole, faire sortir l’air en souf- flant par une extrémité, l’autre étant plongée dans l’eau. Avec les plantes que je viens de citer, on peut même faire sortir quel- ques bulles par les feuilles plongées dans l’eau en soufflant par (1) Petit Traité de physique, 1870, p. 624. 5° sério, Rot T. XIX (Caliior n° 3). 3 11 A. fiAHITHELEniY. 162 le pétiole (i). L’expérience réussit encore mieux si l’on a eu soin de répandre du sable fin à la surface de la feuille. Le T/ialia clealbata donne des plaques gazeuses comme le Nelumbium , mais le dégagement est toujours faible et incertain. Ainsi, je le répète, c’est dans l’air seul qu’il convient d’étudier l’émission gazeuse par les stomates. Enfin, j’ai refait, en la modifiant un peu, l’expérience de Haies, avec des feuilles de Pontederia cordata et de Scigittaria lanceœfolià. La feuille s’engage, par en bas, dans un tube plein d’air dressé sur la cuve à mercure, et par en bas dans la cuve à eau à ouverture centrale. À l’aide d’une cloche pleine d’acide carbonique qui recouvre le limbe, on aspire lentement l’air du tube, et l’on voit le mercure monter dans ce tube que l’on enfonce peu à peu pour que la pression soit constante. On absorbe en- suite l’acide carbonique par la potasse pour analyser le résidu. J’ai pu ainsi, au bout de cinq heures et par de légères pressions, obtenir un résidu de 60 centimètres cubes contenant 95 p. 100 d’azote, tandis que Pair du tube n’avait diminué que de 25 cen- timètres. Ayant analysé 25 centimètres cubes de l’air qui restait, nous lui avons trouvé 25,5 pour 100 d’oxygène et 74,5 d’azote. L’excès de volume du résidu est de l’azote provenant probable- ment des gaz enfermés dans les feuilles. M. J. Sachs (2) avance, mais sans preuve, que dans l’expé- rience de Haies, c’est de l'oxygène qui a disparu, et que cet oxy- gène a été absorbé pour servir à des combinaisons intérieures ; nos expériences nous ont amené à des résultats tout différents. Dans ces expériences, il arrive souvent que la feuille se flétrit rapidement lorsqu’elle est détachée de la plante, ce qui peut nuire à l’expérience. J’ai eu l’idée d’opérer sur la feuille adhé- rente à la tige.  cet effet, j’engage dans le pétiole un tube de verre que je lute avec soin, et qui pourra, à l’aide d’un caout- (1) L’expérience réussit très-bien avec des feuilles de Typha anyusti folia ou latifolia. Eu détachant une feuille vers la base et soufflant par cette section, tandis que le reste est dans l’eau, le dégagement, est aussi abondant, en proportion, que pour le Nelum- bium. (2) Page 283. DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 163 chouc, faire communiquer l’intérieur de la plante avec des récipients garnis de différents gaz. Le tube pourra s’engager dans le pétiole au-dessous même du niveau de l’eau de la cuve qui contient la plante. En produisant une aspiration, eu soulevant une cloche pleine d’air dans laquelle s’engage la feuille, on peut faire passer à travers la feuille des gaz différents : air, oxygène, acide carbonique, hydrogène. El en marquant le point où par- vient le niveau de la cloche au bout d’une heure, on constate que les gaz ont, à travers ce diffusiomètre naturel, des vitesses de passage très-différentes et d’autant plus grandes qu’ils sont moins denses. Si l’on couvre d’une couche de vernis la face supérieure de la feuille, seule garnie de stomates, le passage des gaz devient insensible. Ces injections gazeuses me paraissent bien concluantes pour le rôle des stomates. § 6. DES ORGANES DE LA CIRCULATION AÉRIENNE DANS LES PLANTES AQUATICO- AÉRIENNES ET DE LEURS RAPPORTS AVEC LES STOMATES. Tout le monde est d’accord que les cavités intérieures servent à loger des gaz et à aider à des mouvements accidentels ; mais en général les botanistes semblent ne voir là que des particula- rités d’organisation d’une importance secondaire. Il me semble au contraire que dans les plantes aquatiques dont les feuilles seules ou les fleurs viennent flotter à la surface, cette circulation gazeuse présente une importance qu’elle ne peut pas avoir dans les plantes aériennes toujours saturées de l’air ambiant. Dans les Nélumbonées, la circulation aérienne a pour organes un système de vaisseaux aériens anastomosés dans l’intérieur de la feuille. J’ai injecté ces canaux avec du mercure. Pour cela, j’engage le pétiole dans la partie inférieure d’un entonnoir, ou bien je le fais communiquer avec rentonnoir avec un tube de caoutchouc; puis je verse du mercure dans l’entonnoir en tenant H)t l A. BSAI&TIIIOLÆWY. la feuille en bas. On peut voir alors par transparence le mer- cure pénétrer comme un filet noirâtre dans les nervures, se ré- pandre dans tout le réseau en chassant l’air devant lui; enfin, des dernières mailles du réseau partent de petits canaux qui se relèvent brusquement pour aboutir aux stomates. Le mer- cure ne s’écoule pas, d’ailleurs, par les stomates et ne fait qu’ap- paraître au-dessous de l’ouverture. La feuille devient naturelle- ment plus lourde, et l’augmentation du poids divisé par 13,6, densité du mercure, permet de se faire une idée du volume de ce système aérien, qui ne dépasse pas, dans les plus grandes feuilles, h ou 5 centimètres cubes. Les grandes nervures de la feuille sont munies de chaque côté d’un canal aérien, tandis qu’au centre de la nervure on voit d’énormes vaisseaux trachéens qui sont exempts de mercure. Les parois de ces canaux sont garnies d’un tissu cellulaire à petites cellules au-dessous desquelles on voit par transparence les vaisseaux laticifères qui paraissent jouer un très-grand rôle dans la vie de ces plantes. On trouve aussi sur ces canaux inté- rieurs des poils ou plutôt des glandes dont le sommet est hérissé de cristaux. Dans la plante âgée, ces cristaux, de forme pyra- midale constante, tapissent toute la paroi du canal. J’ai essayé des mêmes injections dans les feuilles des Nym- phéacées. Dans le Nymphœa alba , le réseau aérien existe et se voit très-bien à la face inférieure de la feuille; seulement les parois, au lieu d etre rectilignes, paraissent festonnées sur leurs bords, ce qui peut tenir à la finesse des parois et à la pression du mercure. Dans le Nuphar luteurn , les canaux forment un réseau plus étroit. Je ferai remarquer encore que ces canaux sont garnis, comme ceux des Nélumbonées, de glandes spéciales qui se tapis- sent aussi de cristaux. Dans les autres plantes aquatico-aériennes, nous trouvons un système de diffusion gazeuse différent du précédent, mais plus complet encore. Ainsi, si l’on ouvre le pétiole de Pontederia cordata , on trouve de grandes cavités centrales séparées par des cloisons horizontales, et à la périphérie des cavités plus DE LA. CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 105 petites dont les parois verticales sont formées par des cloisons dont les unes sont concentriques et les autres rayonnantes comme des rayons médullaires. Les cloisons et les parois verticales sont formées par un tissu cellulaire serré, tandis que les cloisons horizontales sont formées de cellules dont les bords forment par leur retrait de jolis méats destinés à donner passage aux gaz. Si l’on enlève l’épiderme inférieur du limbe, on voit la consti- tution du pétiole se continuer dans la feuille, et le mésophylle est constitué par des cavités régulières qui sont séparées latérale- ment par du tissu cellulaire dense, tandis qu’elles communiquent entre elles en série linéaire par de petites cloisons à méats cel- lulaires. Or, si Ton observe les stomates sur la face supérieure, on voit qu’ils sont rangés en série linéaire au centre de grandes cellules épidermiques séparées par deux rangées de cellules plus petites, chaque stomate correspondant au centre d’une cavité intérieure. Les nervures de la feuille ne sont ici que le prolon- gement des cloisons verticales du pétiole. Dans le Sagittaria lanceœfolia , le Thalia dealbata , la dispo- sition intérieure est plus complexe. Les canaux aériens devien- nent plus petits, mais les méats des cloisons horizontales sont plus grands. Dans le Thalia dealbata , les cellules deviennent même étoilées. On retrouve ces cloisons transversales dans le pétiole court et renflé, ainsi que dans les feuilles du Pontederia crassipes , dans les feuilles de 1 ' Aponogetôn, etc., et l’on peut avoir ainsi toutes les transitions entre le tissu cellulaire ordinaire et les grandes cellules qui constituent les cloisons transversales des vessies natatoires des Jussiœa repens et grandiflora. Les Typha latifolia et angustifolia ne sont dans toutes leurs parties, rhizome et feuilles, qu’un vaste appareil à diffusion gazeuse ; la feuille du T. latifolia présente à la section sept ca- vités formées par des cloisons verticales et transversales, ces dernières présentant seules des méats. Les chambres pneuma- tiques ainsi formées sont munies d’un groupe de stomates qui manquent complètement sur l’épiderme des cloisons. C’est grâce à ce groupement de stomates que l’on peut faire sortir l’air en abondance en soufflant par la section du pétiole, et que l’on peu t A . S? A 16 Tiré LE 11 ¥ . y 66 répéter avec ces plantes les expériences que nous avons indi- quées avec le Nelumbium. On pourra constater ici que la quan- tité de gaz qui sort de chaque cavité est proportionnelle au nombre de stomates et plus grande pour les cavités du milieu de la feuille que pour celles des bords. Cette circulation gazeuse me paraît avoir dans les plantes aquatico-aériennes une importance exceptionnelle. Ces plantes, en effet, plus encore que les plantes aériennes, vivent pour ainsi dire à l’intérieur, et la présence de l’air dans les cavités de la plante explique l’abondance des sacs à raphides sur les cloisons transversales des Pontederia , des Thalia, des Aponogeton,e te., ainsi que des poils glanduleux et des cristalloïdes que nous avons signalés dans les cavités des Nymphéacées et des Nélumbonées. Il est à remarquer aussi que les canaux laticifères, si nombreux et donnant un suc si abondant dans les Nélumbonées, se trouvent immédiatement au-dessous de l’épiderme des canalicules aériens, de sorte qu’il est probable que cette circulation d’air a une in- fluence sur le développement du latex et sa circulation. Mais d’où vient cet air et quel est le sens de son mouvement? Dutrochet supposait, comme nous l’avons vu, que dans les Nym- phéacées le mouvement s’effectuait des feuilles vers les racines. Il se base sur ce que l’air puisé dans les feuilles lui avait paru plus riche en oxygène que celui du pétiole et du rhizome. MM. Martins et Moitessier (i) partagent cette manière de voir pour les gaz qui remplissent les vessies natatoires des Jussiæa repens et grand? flora. Ils s’appuient sur ce que la composition de cet air s’est trouvée la même dans deux expériences: l’une dans l’eau courante, l’autre dans l’eau stagnante ; tandis que la composition de l’air dissous dans les eaux était très-différente. Il convient de remarquer toutefois que dans les deux expériences l’air renfermé dans les vessies est moins riche en oxygène que l’air dissous dans l’eau. M. Lechartier ayant vu des pétioles de Nymphéacées dégager des bulles gazeuses, toutes les feuilles étant plongées dans l’eau, (1) Loc. cü., p. 19. DE LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 167 pense que ces gaz sont puisés dans la vase par les racines. La grande différence de composition entre les gaz de la vase et ceux que dégagent ces plantes me semble rendre cette opinion peu admissible. Quant à l’opinion de Dutrochet, elle n’a été justifiée par mes expériences que pour 1 eNelutnbïum, puisque c’est la seule plante pour laquelle il m’a été possible de faire entrer directement de l’air dans la feuille par une légère pression extérieure. Quant à la plus grande proportion d’oxygène dans le limbe, j’ai constaté au contraire que, dans les feuilles de Pontederia , de Typha, etc., les chambres pneumatiques ne renferment que de l’azote pres- que pur. Je crois que les plantes puisent, pour la plupart, cet air inté- rieur dans beau elle-même : les Pontederia crassipes , en effet, se gonflent d’air lorsqu’on les tient entièrement plongés dans l’eau et en l’absence de toute vase au fond de la cuve qui les contient. Les racines en forme de vessies des Jussiœa se regon- flent aussi dans l’eau lorsqu’on les a comprimées avec les doigts pour faire sortir l’air, et cela en l’absence de- toute feuille ou partie aérienne. Cette expérience réussit aussi avec le Ponte- deria crassipes. M. Mar tin s a trouvé sur les Jussiœa trois sortes de racines, les unes ordinaires, les secondes à tissu cellulaire plus lâche, et enfin les vessies natatoires (1). Les deux premiers types se retrouvent dans presque toutes les plantes aquatico-aériennes. Les premières, ou racines ordinaires, s’enfoncent dans la vase et sont munies de nombreuses fibrilles. Les secondes se présentent toujours gorgées d’air. En les cou- pant sous l’eau, on en fait sortir des bulles gazeuses. Elles n’ont point de fibrilles, ne sont pas recouvertes d’épiderme et sont traversées dans leur axe par une trachée non ramifiée. L’extré- mité de cette trachée est protégée par une coiffe ou piléorrhize. Quant au tissu cellulaire qui entoure la trachée centrale, il est généralement lacunaire et très-propre à l’exhalation gazeuse. (1) Mémoire sur les racines aérifères du genre Jussiæa {Acad. sc. Montpellier , 1866, t. VJ, p. 353). A. BARTHELEII1. 168 J’ai observé dans le N ymphœa alba ce tissu extérieur formé de longues cellules, ou plutôt de fibres plissées comme le gros intestin, le long de bandelettes centrales. Il s’ensuit, pour deux cellules voisines, des méats en chapelets qui peuvent donner- passage aux gaz et non aux liquides. Les gaz en dissolution dans l’eau seraient ainsi extraits physi- quement du liquide par de véritables branchies aquatiques. Ces racines sont très-nombreuses dans les Cypéracées, Typha- cées, etc. Elles manquent dans les Nélumbonées, qui n’emprun- tent qu’à l’atmosphère leur gaz intérieur. On sait que les plantes aquatiques désaèrent l’eau au point de la rendre quelquefois inhabitable pour les animaux qui y vivent. M. Dehérain (1) a fait à ce sujet des observations intéressantes. Quant au phénomène physique en lui-même, il me paraît com- parable à l’action que les corps poreux ou des faisceaux de fils de chanvre ou de fils métalliques très-fins exercent sur les dis- solutions gazeuses. Si, à l’exemple de M. Boutan (2), on plonge un faisceau de fils de platine très-fins dans l’eau, dont on élève la température et si, après un certain temps, on projette l’image grossie de ces fils après les avoir retirés du liquide, on les voit hérissés de bulles gazeuses dues à l’air en dissolution dans l’eau. Ces gaz, puisés par les racines, seraient nécessairement à une pression supérieure à celle de l’atmosphère et viendraient s’ac- cumuler dans le rhizome, qui est ordinairement poreux et gorgé en effet de gaz. De là ils se répandraient dans le pétiole et dans le limbe de la feuille, où les stomates serviraient à leur mouve- ment naturel. (1) A an. sc. nat., 5e série, IX, p. 967, et Annuaire scientifique, 1869. (2) Conférences sur /' ébullition faites à la Sorbonne ( Revue des cours scientifiques , 1865). DK LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 169 § DES GAZ DANS LES PLANTES AÉRIENNES. Parmi les plantes aériennes, un grand nombre ont des cavités souvent protégées de l’extérieur par des téguments épais ou par une cuticule siliceuse, comme les Graminées, dont un grand nom- bre sont marécageuses et se rapprochent des plantes aquatico- aériennes. L’air de ces cavités étant, en grande partie, de l’azote, et les cloisons étant souvent poreuses, comme le prouve l’insuf- flation, on conçoit que ce que nous venons de dire leur soit applicable. 11 n’en est pas tout à fait de môme des plantes aériennes sans cavités déterminées. Cependant nous avons vu que de Saussure a extrait de l’air d’un Pommier, et M. Boussingault d’un Laurier-rose. C’est surtout l’air contenu dans les feuilles pourvues de sto- mates qui nous intéresse. Pour connaître la composition de cet air, j’ai extrait, par le procédé que j’ai déjà indiqué pour le Pontederia , l’air des feuilles d ' Arum Dr acunculns et des feuilles de Ficaire. J’ai obtenu les résultats consignés dans le tableau suivant : Feuilles d 'Arum Dracunculus. 5 juin 1868. — Tempér. maxim., 27 degrés. Matin, 3 cent. euh. Après potasse. ........ 2,9 (0,03 d’acide carbonique). Après phosphore. ...... 2,9 (pas d’oxygène). Soir, 2CC,3. Après potasse 2,3 (pas d’acide carbonique). Après phosphore 2.1 (0,08 d’oxygène). 12 mai 1869. — Tempér. maxim., 24 degrés. Matin, 6°e,5. Après potasse 6,3 (encore 0,03 environ d’acide carbonique). Après phosphore 6,3 (pas de diminution). 170 A. §6 A E&'f II Kl -EI*Y • Soir, 4CC ,3. Après potasse. .... — . 4,3 Après phosphore 3,8 (0,1 d’oxygène). Feuilles de Ficaria. 10 mai 1869. — Teinpér. maxim., 22 degrés. Matin, 3“, 2. Après potasse 3,1 (2 à 3 centièmes d’acide carbonique). Après phosphore 3,1 (pas de diminution sensible). Soir, 2co,5. Après potasse 2,5 (pas de diminution). Après phosphore 2,35 (0,06 d’oxygène). 15 mai 1869. — Tempér. maxim., 25 degrés. Matin, 2 ce, A. Après potasse 2,3 (0,04 d’acide carbonique). Après phosphore 2,3 (pas de diminution). Soir, 3 cent. cub. Après potasse. ........ 3ec Après phosphore.. . .... 2,7 (0,1 d’oxygène). Ainsi, l’air des feuilles, autant que des expériences aussi dé- licates permettent de conclure, contient ordinairement de l acide carbonique le matin, de l’oxygène le soir. Cest pourquoi une feuille insolée peut faire luire le phosphore dans 1 azote à 1 obs- curité avec une diminution de pression. J’ai voulu rechercher en même temps comment variait, dans les mêmes conditions, l’air de la tige colorée de Y Arum Dracun- culus : 2 juin. — Matin, 8 cent. cub. Après phosphore....... 6,8 (85 p. 100 Az.). Après potasse.. 6,78 (traces d acide carbonique). Soir, 10Cc,2. Après phosphore 8,2 (80 p. 100 Az.). Après potasse 7,8 (3 p. 100 CO2). D’après cette expérience, qui est., il est vrai, isolée, 1 air de la DE LA. CIRCULATION DES CAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 171 tige contient, à l’inverse de la feuille, de l’acide carbonique le soir et des traces seulement de cet acide le matin. M. Boussingault (1), en extrayant les gaz des organes foliacés par l’ébullition dans le vide, a trouvé uniquement de l’azote et de l’acide carbonique. Quoi qu’il en soit, on peut dire que l’azote prédomine dans les feuilles. Les plantes aériennes laissent échapper de l’azote dans un grand nombre de circonstances, et la plupart des physiologistes qui se sont occupés de la respiration des organes foliacés des arbustes ou des arbres ont constaté un résidu de ce gaz. De Saussure avait signalé un dégagement considérable d’azote dans la respiration des Pervenches. M. Boussingault l’attribue, à tort, je crois, à l’eau dans laquelle se faisaient les observations. M. Lory a trouvé de l’azote en quantité notable dans les gaz expirés par les Orobanches. Enfin, il suffit de jeter les yeux sur les résultats des dernières expériences de M. Boussingault (2) lui-même pour constater qu’il y a toujours excès d’azote même avec des feuilles détachées de la plante ; aussi le célèbre observateur parle-t-il de X atmo- sphère confinée ou latente de la plante . Dans des recherches longues et laborieuses entreprises dès 1868 et 1869, j’avais essayé, eu copiant la méthode de M. Bous- singault, de rechercher les conditions de cette exhalation d’azote par les plantes aériennes. Je ne retiens aujourd’hui de ces expé- riences que celles dont les résultats me paraissent, les plus im- portants. Je ne saurais trop faire remarquer, en effet, que si la méthode qui consiste à détacher des feuilles vivantes de la plante pour les porter dans des atmosphères artificielles peut donner de bons résultats, quand il s’agit de la respiration cuticulaire,qui est un phénomène local, il n’en est pas de même de l’exhalation des gaz intérieurs, qui doit être liée avec l’état de la pression dans toute la tige. La feuille, exposée au soleil dans cet air limité, exhale beau- (1) Agronomie , etc., 2e édit., p. 378. (2) Ann. phys. et chim., Î868. 172 %. ItARTIlÉLElIl. coup de vapeur d’eau, et si l’on remplace les feuilles coriaces dont on se sert par des feuilles molles et à méats cellulaires con- sidérables, on trouve, après plusieurs heures d’exposition, la feuille dans un état tel, qu’il me paraît difficile de tirer de ces expériences des déductions physiologiques sérieuses. Ces réserves étant faites, je citerai les expériences suivantes : a. Exhalation d’azote dans lin gaz autre que l’air par des feuilles détachées de la tige. 1° Le 30 juillet 1868, on a placé dans 60cc d’acide carbonique complètement absorbable par la potasse, et par conséquent dé- pourvu d’azote, une feuille de Laurier-rose. L’éprouvette étant sur la cuve à mercure, on laissait une légère couche d’eau à la surface pour protéger la feuille contre les vapeurs du mercure. L’exposition au soleil ayant duré de six heures du matin à dix heures, on a absorbé l’acide carbonique par la potasse, l’oxygène parle phosphore, et l’on a obtenu un résidu de 0ce, 75 d’azote. Les mêmes opérations, ayant été faites sur un tube témoin plein d’acide carbonique, n’ont pas laissé de résidu. 2° Le 18 avril 1869, une feuille de Ficaire a été placée dans 60cc d’acide carbonique de sept heures à onze heures du matin. On a trouvé un résidu de 0CC,9 d’azote, c’est-à-dire presque le volume de la feuille, qui était d’ailleurs complètement fanée à la fin de l’expérience. b. Exhalation d’azote par les feuilles adhérentes à la tige. 1° Cette exhalation est facile à démontrer à l’aide d’une suc- cion de quelques centimètres de mercure. J’ai fait passer un rameau de Fusin dans la cuve de verre à ouverture centrale séparable en deux parties que l'on réunit par du mastic. Je re- couvre le rameau d’une cloche; la cuve étant pleine de mercure, j’aspire un peu l’air de la cloche avec une pipette, de manière à faire monter le mercure de 2 ou 3 centimètres. Au bout de deux ou trois jours, suivant le diamètre de l’éprouvette, les DK LA CIRCULATION DES GAZ DANS LES VÉGÉTAUX. 173 niveaux sont revenus sur le même plan. Une éprouvette témoin n’avait pas sensiblement varié. 2° Le 10 mai 1869, on a placé dans l’appareil un rameau de Tilleul formant une pousse à la base du tronc et terminé par une feuille : la tige de ce rameau avait été couverte de vernis jusqu’au sol. 11 a ensuite été recouvert d une cloche contenant 60cc d’air, et l’on a placé à côté une autre cloche avec le même volume d’air. La feuille a été frappée par le soleil de six heures à midi. On a laissé le mercure et le gaz revenir à la tempéra- ture primitive, et l’on a absorbé l’oxygène et l’acide carbonique dans le tube et dans le témoin. On a trouvé pour résidu : ce Témoin 47 ,2 Az. Rameau 50,5 Différence 3,3 Il s’était aussi condensé beaucoup d’eau. 3° Le lendemain, la feuille paraissant remise de l’épreuve de la veille, j’ai collé, après l’avoir repliée, ses deux moitiés l’une contre l’autre, de manière à ne laisser libre que sa face supé- rieure. Après avoir refait les expériences précédentes, j’ai trouvé : ee Témoin 47,15 Rameau. 47,3 Différence. ............ 0,15 La feuille était boursouflée à la face inférieure , et elle n’a pas tardé à succomber ainsi que le rameau. Ainsi, la feuille adhérente à la tige a exhalé, par sa face infé- rieure garnie de stomates, 3C%35 d’azote. Ce volume étant évi- demment plus grand que celui que la feuille peut contenir, il a dû y avoir appel de l’azote de la tige déterminé par la grande élévation de température à laquelle la feuille a été soumise. Enfin, une autre pousse ayant été soumise aux mêmes expé- riences de six heures du soir à minuit, il n’y a pas eu de diffé- rence sensible de niveau. Les feuilles des plantes aériennes peuvent donc exhaler de 17 k - A. 18 AüTIIÉL.ISiS-'l7 . l’azote comme les plantes aquatico-aériennes, mais le phéno- mène paraît plus accidentel et déterminé par des variations de température et de pression intérieure, une succion extérieure ou l’évaporation aqueuse. c. Inspiration d’azote par les rameaux ligneux. En signalant l’expérience de Haies, que j’ai déjà décrite, M. J. Sachs dit, sans le prouver, que l’oxygène seul est absorbé. J’ai déjà vérifié le contraire avec les Pontederia. Il était intéres- sant de procéder comme Haies avec des plantes aériennes : J’ai marqué sur un tube deux traits correspondant à une ca- pacité de !0CC. J’ai façonné l’extrémité d’un rameau de Laurier, de manière à amener sa section jusqu’au premier trait. Le tube aétéluté avec soin au rameau, et celui-ci recouvert jusqu’aux feuilles d’une forte couche de vernis. Le tube a été enfoncé dans le mercure et, avec une pipette, on a amené le niveau au second trait. Les feuilles seules ont été exposées au soleil depuis sept heures jusqu’à onze heures. On enfonçait le tube à mesure que le mercure montait. Enfin, on avait placé à côté le tube témoin contenant aussi 10e" d’air. On a analysé les gaz des deux tubes : . (Azote............................ 7,9 remom. ....... j Oxygène. ................. . 2,1 ce _ T . (Azote....... 4,9 Tube du rameau.’ 0xKène_ 1,8 Toutes réductions faites, il avait donc disparu 3CC d’azote et seulement 0,3 d’oxygène. J’ai recouvert, dans une expérience analogue, la face infé- rieure des feuilles avec un vernis lithargyré. Le mercure est monté seulement de 0,8. Il faut remarquer d’ailleurs que ces expériences comparatives sur les feuilles vernies ne sont pas aussi concluantes qu’elles pourraient le paraître, puisque, en même temps qu’on terme les stomates, ou diminue de moitié la surface d’évaporation. Dli LA CIRCULATION DLS GAZ DANS LUS VÉGÉTAUX. 175 Enfin, dans une dernière expérience, j’ai voulu comparer le gaz expiré par les feuilles à celui qui est inspiré par la tige (mai 1869). J’ai disposé d’abord, comme dans l’expérience précédente, un rameau de la même plante terminé par une feuille et recouvert de vernis. Je l’ai ensuite introduit par en haut dans la cuve à mercure à ouverture centrale ; la feuille était recouverle d’une cloche contenant 60co d’air. On soulevait cette dernière de ma- nière à déterminer une aspiration suffisante. On a pu ainsi, dans huit heures, augmenter le volume du gaz de 2CC, tandis que celui du tube où plongeait le rameau diminuait de 2CC,5. En enfonçant au contraire la cloche supérieure dans le mercure, on ne faisait point descendre le mercure dans le tube extérieur. Un accident a d'ailleurs empêché l’analyse des gaz. CONCLUSIONS GÉNÉRALES. 11 ressort de cette série d’observations et d’expériences : 1° Qu’on doit distinguer la dialyse gazeuse qui se fait à tra- vers la cuticule des mouvements de gaz intérieurs qui peuvent se déplacer et s’exhaler au dehors par diffusion. 2° Que toutes les plantes, et en particulier les plantes aquatico- aériennes, sont le siège de mouvements intérieurs d’air plus ou moins modifié, s’effectuant de la tige vers les feuilles à l’aide d’organes spéciaux, soit réseaux de canaux aériens (Nélumbo- nées, Nymphéacées, etc.), soit par des cavités cloisonnées à cloi- sons poreuses. 3° Que les stomates, toujours en rapport avec ces organes, ont pour but de laisser exhaler au dehors les gaz intérieurs; tandis qu’ils sont en général disposés de manière à les empêcher de rentrer. h° Que ces mouvements gazeux ont pour cause l’évaporation, l’inégale distribution de la température, les variations atmosphé- riques, etc. MICROMYCETES EXOTICI NOVI Aurlorc IL. A. C'fiSBIî. Septoria Tiliacearum Nobis. Descriptio. — Maculis rotundatis, diametro 1-5 millim. obti- nentibus, fuscis seu nigrescentibus dein albescentibus, zona ni- grescenti-fusca cinctis. Peritbeciis epiphyllis, fuscis. exiguis, sparsis, haud numerosis, pro more /i-5. Sporidiis oblongo- ellipticis, obtusis 5-8 sporulis cyli ndricis replelis. Cirris, me judice, albidis Forma typica plantarum Tiliacearum incola. Distribulio geographica. — Ad folia Tiliacearum et præeipue Grewiearum in Asia et Africa tropica et subtropica; Tiliearum in Europa et Asia fmitima nec non in America boreali ; Sloanea- rum in America tropica et Ëlæocarpearum in Asia tropica, vere parasitica. Var. a. Tiliæ. — Zonis latissimis purpureis; peritbeciis raris. Haud infrequens apud Àrmenios ad folia Tiliæ rubrce (ex herb. Horti Petropolitani). Varietatcs et forma) quidem formosæ hujusce Fungilli quum in Musæi Parisiensis herbario tum in cl. Lenormandi herbario non desunt quod nunc in thesauris Musæi Gadomensis reperias. Gum Fungillo nostro Fungillus americanus ex omni parte quadrat. Forma quædam sterilis Septoriœ nostræ ad folia Tiliæ inter- mediœ DG., Prodr. V, 1, p. 513; Spach., Ann. sc. nat., Il, p. 336, in Galba orientali visa est. — An forma Ectostromœ Tiliæ Fr.? In Pensylvania Tiliæ americanœ foliorum incola (ex herb. Gauby). MICROMYCETES EXOTICI NOVI. 177 Var. {3, Sloaneœ. — Maculis rotundatis, albidis, duplici zona cinctis. Habitat in America ad folia Sloaneœ dentatœ L. (Ex herb. cl. Lenoraiandi.) Var. 7. Sparmanniœ. — Ectostrôma Sparmanniœ. — Speci- mina Sparmannicaquæa Promontorio Bonæ Spei retulit oculat. Drége, anno 1838, maculas stériles numerosas præbent ; non ad Phyllostictas sed ad Ectostromas sive Xylomas , ni fallor, potins referenda. Ectostromam Tiliœ nostram Fungillus de quo agitur maculis æmulatur. Var. §. Elœocarpi. — Maculis limbalibus, longissimis, angus- tissimis, sinuosis quamdam similitudinem cum Phyllosticta buxi- cola (1) præbentibus. Peritheciis exiguis effusis. — Hospital in Nova-Galedonia ad folia Eleocarpi Lenormandi Vieil, unde cl. Vieillard (prope Wagap), Deplanche (in insula Lifu), retule- runt. — Ea est planta cui nomen est Gaa in Nova-Caledonia. Sunt in exsiccatis nonnullis formæ quidem aliæ Septoriœ Tilia- cearum , sed, sensu nostro,donec plura specimina inspicereliceat, non satis adhuc distinctæ et castigatæ ut propriæ species ha- bendæ sint. Septoria Sapindacearum Nob. Descriptio. — Maculis indeterminatis, ochraceis, demum albescentibus, zonâ non cinctis. Peritheciis numerosis, exiguis prominulis, subsphæricis, nigrescentibus, amphigenis. Ascis, nullis. Sporulis albescentibus, ellipticis sive ovoideis (2). Ad folia Sapindorum jam sicca in Cadomensis botanico horto (1) Vide plura de his in L. Crié, in nota de eadem Phyllosticta. (2) Ad instituendas hasce species noyas exoticas sporidiorum sane colorem, formain, magnitudinem non omisimus; Friesii autem magistri mycologiæ præcepta sequens, microscopio comp. non abusi sumus; nimia ejus (microscopii), inquit. magister myco- logiæ, fldes ad exitium, scientiæ ducit, si nempe fingantur, ad quod tirones prompti sunt singulam difiérenliam sub microscopio observatam constantem çsse, nova généra, 5e série, Rot. T. XIX (Cahier u° 3). 1 178 IL. A. CBSfiSi. sat frequentem Sphæriam hancce foliicolam legi, autumno 1873 currente. — - Nudis oculis, præbet puncta prominula nigra in maculis indeterminatis sine lege disposita, et ni fallor eo plura qua siccior est macula. Exsiccatum parenchymate autumno decedente libéré emittitur, unde fiunt vacua Depazeensia. (V. L. Crié, De Phjllostictœ crueniœ distributione geographica ; Ann . sc. nat .) Phyllosticta Decaisneana Nobis. Description — Maculis amphigenis, distinctis (1) ellipticis aut rotundatis, diametro 3-8 millim. obtinentibus, quum diametro maculæ millim. 7-8 obtinuerint (cfr. Crié, De maculæ structura ) in centre tenuato plurimæ pedetentim arescunt et infuscantur ; subindevero multæ ex iisdem aridis pallescunt imo consumun- tur et perforantur albescentibus, zona prominula nigrescen- tifusca cinctis. Peritheciis (2) epiphyllis (hypophyllis apud nonnullas Eugenias ) pro more raris, irregulariter dispositis, nigris ; ostiolo, ni fallor, orbiculari. Sporidiis ellipticis sive ovoideis. Cirris albescentibus. Distinctissima species ; nulla adest Sphœria cum quâ compa- retur. Persuasum mihi est Phyllostictam Decaisneanam nostram foliicolarn, Sphæriam plantis myrtaceis esse peculiarem. Distributio geographica. — Occurrit in Nova-Hollandia (3) ad indicare raetamorphosi rite perspecta plurima ejusmodi généra evanescunt, ut jam omnia généra microscopica Lichenum. Differentia sub micr. comp. magna appareils, reipsa tamen perexigua esse potest; sub microscopio duo aut tricenties augente, duo aut tricenties major, quam est, apparet,nec omnis differentia essentialis est. — (Fries, Syst. mycol.) (4) Confluentiæ casu ut superrime indicavi, loc. cit. , excepto. (2) Pro pyenidiis peritheciis utor. — Conidia et Spermogonia in bis exoticis Septoriis respectiva rara vidiinus; vita autem humana ad singnlam pervulgatam Sphæriam folii» colam pernoscendam non suffîciat. (3) Eucalyptorum Novæ-Hollandiæ iii l'oliis frustra quæsivi; MICROMYCETES EXOTICl NOVI. 179 folia Lhotskycirum , Pileanthorum , Chamœlauciearum , Triphe- liarum et præcipue Melaleucarum. In Nova-Caledonia Jambosarum et Eugeniarum amantissima esse videtur. Rarius autem ad novissimarum Fremyarum , Clœziarum, Tristaniopsidum et Spermolepium Brongt. folia. Apud nos, autumnali tempore, ad folia Melaleucarum. Novæ- Hollandiæ, Jambosarum nec non Eugeniarum maculæ nume- rosæ exiguæ et sanguineæ parasitantur ; onde fit ut folia ru- bescentia sæpissime reperiantur, nec non autumnali tempore ad earumdem plantarum adliuc viventia folia ea videndasunt vacua , quæ, ut ab insectorum habitaculis distinguantur, Depazeensia vacua appellavi. Septoria àstrapææ Nobis. Descriptio. — Maculis rotundatis sive ellipticis, irregularibus, sæpissime casu occurrente eonfluentibus, albidis zona lateritia seu si mavis brunnescenti-rubracinctis, parenchymate inambitu macularum fulva aut cinnamomea (lutescenti-brunneo). Peri- theciis epiphyllis atris ; sporulis curvis. Species destruetiva, primo intuitu, facie sua propria distin- guenda sednon satis adliuc castigata. Astrapææ nova specimina desiderantur. Habitat ad folia Astrapœarum Indicarum et Madagascarien- sium. In superiore pagina foliorum quarumdam Euphorbiacearum exoticarum , observanlur maculæ zona purpurascenti-rubra cinctæ nec non punctis nigris repletæ. Lentis ope, hæc puncta præbent spherulas atro-fuscescentes, sporulis repletas. Utrum hæc Sphœria distincta sit nec ne incertum, donec plura specimina inspicere liceat. Ad folia Dilleniacearum 180 L. A. €8801';. quum in herbario Musæi Parisiensis tum in herbario cl. Lenor- mandi, Septorias sed frustra quæsivi. Occurrunt certe in foliis Candollearum quærumdam maculæ haud numerosæ quas nisi stériles essent, Phyllostictas facile dixeris. — Sphæriæ foliicolæ (, Septoriæ , Phyllostictœ ) ni fallor, ad folia Dilleniacearum et præcipue, Curatellarum , Tetracerarum non possunt parasitari ; cujus causa in structura silicea foliorum sane versatur. Magnam exoticarum Depazearwn copiam, quum in herbario Musæi botanici Parisiensis tum in herbario Musæi Cadomensis observavi ; plures vero describere, donec nova specimina ite- rum atque iterum perspexerim, superfluum duco. LA RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES, Par M. le BOGlil (1). § 1. On s’est occupé et l’on s’occupe encore aujourd’hui, en phy- siologie végétale, de la question desavoir à l’aide de quels rayons du spectre les plantes vertes décomposent l’acide carbonique. Pour me former moi-même une opinion sur les recherches de ce genre, j’ai fait, il est vrai avec des moyens optiques très- restreints, un grand nombre d’expériences, d’abord dans de l’eau chargée d’acide carbonique, et ensuite dans de l’air con- tenant de l’acide carbonique. En exposant au soleil, sous une dissolution de bichromate de potasse, des feuilles entourées d’une atmosphère composée d’acide carbonique et d’hydrogène, j’ai trouvé constamment que la somme de l’acide carbonique non décomposé et de l’oxygène dégagé ne correspondait jamais complètement à la quantité d’acide carbonique employé (2). Ces différences m’ont engagé à soumettre la décomposition de l’acide carbonique gazeux par les feuilles vertes à une étude (1) Sitzungsberichte der h. Akademie der Wissenschaften. B. LXVÏI. 1 Abth.Wien, 1873. (2) M. Boussingault ( Compt . rend., t. LX,p. 872, 1865) trouvait, dans ses recher- ches sur la respiration (avec des feuilles de Laurier-cerise et de Chêne), tantôt un peu plus, tantôt un peu moins d’oxygène que n’en contenait l’acide carbonique décomposé, qu’il opérât d’ailleurs avec de l’acide carbonique pur (l’acide carbonique pur n’est décomposé, d’après M. Boussingault, que lorsqu’il se trouve à une faible pression), ou avec ce gaz étendu d’azote, d’hydrogène ou d’air atmosphérique. 182 aussi minutieuse que possible ; car ce n’est qu’en poursuivant pas à pas les phases de ce phénomène fondamental de toute vie organique, et en le ramenant à ses causes, que nous arriverons peut-être enfin à nous former des idées nettes sur la formation jusqu’ici si problématique d’oxygène dans les feuilles vertes. Le degré de certitude du résultat d’une expérience dépend de la méthode employée ; celle-ci doit être examinée avec un soin extrême, surtout lorsque le résultat obtenu est nouveau, ou qu’il se trouve même en désaccord avec des opinions professées jus- qu’ici (1). Dans ces expériences, il s’agit, avant tout, de déterminer exactement la quantité d’acide carbonique avant , et celle de l’acide carbonique et de l’oxygène après l’insolation. Voici com- ment j’ai opéré : Les folioles fraîchement coupées de Juglans régi a , délivrées sous l’eau des bulles d’air qui les recouvraient, ont été roulées et introduites dans une éprouvette complètement remplie d’eau. Celle-ci avait une longueur de 20 à 22 centimètres; les feuilles, tronquées aux deux extrémités, mesuraient 10 à 15 centi- mètres. Ensuite les éprouvettes ont été complètement remplies sur la cuve à eau d’un mélange, préparé la veille, d’hydrogène et d’acide carbonique, et je les transportais, en les bouchant avec le pouce, sur la cuve à mercure. Après quinze à vingt minutes, une partie du gaz a été transvasée dans des tubes remplis de mercure, et le résultat de l’analyse eudiométrique de ce gaz a été comparé avec l’analyse du gaz de l’éprouvette après l’expé- rience (2). Cette méthode, quoiqu’elle ne soit pas absolument dépourvue (1) Dans la description de mes expériences je serai aussi bref que possible. Les causes d’erreur dont il faut tenir compte dans les expériences de ce genre ont été exposées d’une manière très-claire par le docteur W. Pfeffer (Die Wirkungen des farbigen Lichtes aufdie Zersetzung der Kohïensûure in Pflanzen; Arbeiten des botanischen Institutes in Würzburg, herausgegeben von Sachs. (2) Les tubes destinés à être exposés à une température déterminée à la lumière solaire ou à l’obscurité, ont été retirés de la cuve à mercure à l’aide de petits verres d’une grandeur convenable. RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES. 183 de causes d’erreur, fournit pourtant, quand les expériences sont faites avec soin, des résultats suffisamment exacts pour nous ser- vir. Le développement des vapeurs mercurielles (si dangereuses pour la vie delà plante) est ainsi empêché, et l’on peut admettre que la composition du gaz, pris dans l’éprouvette avant l’expé- rience, ne différait pas de celui qui devait servir à l’expérience même. Après quinze à vingt minutes, l’air des méats intercel- lulaires de la feuille a pu se mélanger avec le gaz ambiant. De même, le gaz analysé et celui de l’expérience ont été altérés à peu près de la même manière au contact de l’eau par absorption et par diffusion. Avant de procéder à l’analyse, il fallait débarrasser le gaz de l’eau liquide, ce que je faisais en transvasant le gaz plusieurs fois de suite, ou en en faisant passer une grande quantité dans le tube, de manière à faire sortir l’eau et en fermant ensuite le tube à la lampe. J’ai recours à ce dernier procédé quand les appareils ou le temps me manquent pour faire les analyses immédiatement. Comme je l’ai déjà dit, je n’ai jamais trouvé, après les expé- riences et les analyses faites avec beaucoup de soin, une concor- dance parfaite entre le volume de l’acide carbonique contenu dans le gaz avant l’expérience, et la somme de l’acide carbonique et de l’oxygène après l’expérience. ïl est vrai que la différence n’a généralement pas été très-grande; mais ce qui est frappant, c’est qu’elle se produit toujours dans le même sens, et cela d’au- tant plus que, malgré la présence de l’eau (qui absorbe de l’acide carbonique), la somme de l’acide carbonique restant et de l’oxy- gène dégagé était toujours trop forte comparativement à l’acide carbonique employé. Dans quelques cas, cette différence est montée jusqu’à 0CC,7 àOcc,8. On pourrait admettre bien des hypothèses pour expliquer ces faits surprenants. § 2. Gaz contenus dans les feuilles. — Pour savoir quelle part il fallait attribuer dans cet excédant d’oxygène et d’acide carbo- BOKIIM. 184 nique aux gaz contenus dans les méats intercellulaires et dans le suc cellulaire de la feuille, j’opérais dans d’autres expériences avec de l’hydrogène pur, conduit directement de l’appareil à hydrogène dans les éprouvettes remplies d’eau, et contenant les feuilles; les résultats ont été des plus discordants. Avant l’expé- rience, les gaz contenaient à peine des traces d’acide carbonique et jamais d’oxygène. Après l’insolation, j’ai toujours trouvé une petite quantité d’acide carbonique, tandis que la quantité d’oxy- gène dégagé était très-variable. Quelquefois il manquait com- plètement ; souvent il n’y en avait que des traces ; dans quelques cas rares, son volume dépassait le volume de la feuille. De cette façon, je me trouvais devant une énigme en apparence sans so- lution possible, dans laquelle il n’y avait que ceci de certain : que l’excédant de gaz ne pouvait provenir que de la feuille. Je dirigeai donc toute mon attention sur l’air contenu dans la feuille. J’exposerai plus t;ird les résultats obtenus ; il a déjà paru à ce sujet une petite communication dans le Anzeiger der hais. Akad. d. Wiss. , 1872, p. 164. Pour soumettre l’air contenu dans les feuilles à l’analyse eudio- métrique, je me suis servi entre autres du vide de Torricelli ; je fixais les feuilles ou les rameaux à un fil de fer poli et élastique, et je les introduisais ainsi dans un eudiomètre rempli de mer- cure, et dont la longueur dépassait la hauteur barométrique. Au commencement, les feuilles dégageaient naturellement une quantité de bulles d’air ; mais, à mon plus grand étonnement, le développement du gaz ne voulait plus s’arrêter. Un rameau de 88r,7 a fourni en quatre jours 1 Ie®, 3 de gaz absorbable en grande partie par la potasse. J’ai montré, il y a un certain nombre d’années, que les plantes terrestres mortes plongées dans l’eau deviennent le siège d’une fermentation butyrique. Cette fermentation pouvait s’établir aussi dans mes expériences, quoiqu il n’y eût pas d’hydrogène dans les gaz dégagés (au commencement de la fermentation des graines de Légumineuses, il ne se dégage également que de l’acide carbonique) ; mais ce qui ne permet pas d’admettre dans ce cas la fermentation butyrique, c’est que le développement de RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES. 185 gaz commence aussitôt, tandis que dans la fermentation buty- rique il ne commence qu’après une macération de deux à trois jours dans l’eau. On pourrait penser également que l’acide carbonique est con- densé par une cause quelconque dans le corps de la plante ; mais le dégagement d’acide carbonique commence immédiate- ment, quand on plonge la plante dans le mercure à la pression ordinaire. Il ne serait pas absolument impossible, quoique ce fût invrai- semblable, qu’il y eût dans les plantes terrestres une substance qui se transformât au contact du mercure ou des vapeurs mer- curielles, et donnât de l’acide carbonique. Mais, quand je plon- geais dans le mercure des rameaux desséchés , je n’obtenais pas de développement de gaz à la pression ordinaire, et dans le vide barométrique, la quantité d’^ir dégagé correspondait au volume du rameau. Il en était de même des rameaux tués dans l’eau bouillante ou dans la vapeur d’eau. Avec ces résultats, on 11e peut plus douter que le phénomène en question ne soit une fonction de la vie cellulaire de la plante même. § 3. Les phénomènes vitaux de tous les organismes se produisent aux dépens de forces provenant de l’oxydation de matières orga- niques. Les animaux vivant dans l’air ou dans l’eau meurent bientôt, quand ces milieux sont privés d’oxygène (1). On sait que les plantes terrestres vertes périssent bientôt dans une atmosphère privée d’oxygène quand elles sont maintenues à l’obscurité, mais qu’elles peuvent continuer de vivre pendant longtemps quand elles sont exposées à la lumière. On présume que, dans ce dernier cas, elles préparent elles-mêmes l’oxygène nécessaire en décomposant l’acide carbonique contenu dans leurs méats intercellulaires. (1) Pour autant que je sache, il n’existe pas de recherches sur le mode de respira- tion des Vers intestinaux, etc. KSOM'ÎEOS. 186 La vie des cellules de la levûre de bière est indépendante de la présence d’oxygène libre. C’est à M. Ad. Mayer (^qu’appar- tient le mérite d’avoir ramené ce cas sous la loi générale qui régit les conditions d’existence des organismes, et d’avoir ainsi aug- menté considérablement nos connaissances sur la fermentation. Les cellules de la levure créent les forces nécessaires à l’exer- cice de leurs fonctions vitales par une combustion intérieure; — dans la fermentation alcoolique, par le dédoublement du sucre en acide carbonique et en alcool. Nous savons par les recherches de MM. Hoffmann et Bail, etc., et surtout par celles de M. Reess (2), que tous les Champignons qui provoquent la fermentation alcoolique peuvent non-seule- ment se cultiver à l’air sur un substratum convenable, mais ne fructifient que dans ces conditions. En considérant ces faits, il me paraît très-vraisemblable que le dégagement d’acide carbonique par des feuilles et des rameaux plongés dans le mercure n’est pas dû au contact de ce métal, mais à l’absence de l’oxygène. Cette supposition a été confirmée complètement par l’expérience. Des rameaux de Lilas décorti- qués donnent lieu, dans une atmosphère privée d’oxvgène et dans des conditions de température favorables, à un dégagement très-vif d’acide carbonique (3). Avec ces données, le problème de la différence entre la quan- tité d’acide carbonique avant l’expérience et la somme de l’acide carbonique et de l’oxygène après l’insolation, était résolu, et la (1) Ad. Mayer, Untersuchungen ü ber die alcoliolische Gakrung . — Poggendorf, Annal., vol. CLXII, p. 393, et Landw. Ver suchs station, herausgegeben von professor F. Nobbe. Bd. 14, 1871. (2) Reess, Botanische Untersuchungen über die Alkoholgührungspilze. Leipzig, 1870. (3) J’ai déjà exprimé ( Anzeiger der kais. Akad. d. W., 1872, p. 164) mon opinion sur l’analogie qui existe entre les fonctions des cellules de la levûre et celles de toute autre plante terrestre vivante, en ces termes : « Nous apprendrons par des nouvelles recherches si ces plantes forment également de l’alcool. » D’après une correspondance de A. Henuinger de Paris ( Berichte der deutschen chemùchen Gesellschaft zu Berlin, 1872), nous sommes déjà fixés à ce sujet. Pasteur a mis en évidence la formation de l’alcool par des feuilles de Prunier et de Rhubarbe plongées dans l’eau. Les fonctions de plantes terrestres vivant dans des milieux privés d’oxygène ressemblent donc com- plètement à celles de la levûre dans la fermentation. RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES, 187 provenance de l’excès d’acide carbonique était indiquée. Voici maintenant les expériences que je fis : § 4. Après avoir disposé sur des cuves à mercure des éprouvettes remplies de feuilles vertes, d’hydrogène et d’acide carbonique, je notai provisoirement la hauteur du mercure; j’obscurcis la salle, et, après trente à quarante-cinq minutes, je marquai défi- nitivement la hauteur. Je pus constater qu’au lieu de diminuer, comme il aurait dû le faire à cause du refroidissement des appa- reils chauffés au moment de la disposition des expériences, le volume du gaz avait augmenté sans exception. Ensuite j’enlevai les éprouvettes à l’aide de petits godets de verre, et je les expo- sai, en partie directement, en partie cachées sous des toiles noires, à la lumière solaire pendant six à sept heures. Après les avoir transportées à leur première place, je les abandonnai à elles-mêmes pendant une heure avant de lire la hauteur du mercure, à cause de l’élévation considérable de la température pendant l’insolation. Pendant cet intervalle de temps, les éprou- vettes, obscurcies pendant l’insolation, étaient toujours recou- vertes d’une toile noire. Dans les huit séries d’expériences faites avec des feuilles de Juglans regia , Platanus orientalis , Fraxinus Ornus, S g ring a vul- garis , Quercus Cerris , Acer pseudoplalanus, Cgdonia vulgaris et Salit fragilis , l’augmentation de volume des gaz dans les appa- reils exposés au soleil était très-faible, mais constante, tandis qu’elle était toujours très-considérable dans les appareils obscur- cis, et s’élevait souvent jusqu’à à à 5 centimètres cubes (i)„ Dans le premier cas, la plante crée elle-même la force nécessaire à l’exercice de ses fonctions vitales par combustion intérieure, (1) Les résultats de M. Boussingault sur le changement du volume des gaz dans des expériences semblables aux miennes, mais faites dans un autre but, sont en désac- cord avec mes observations. Ainsi, par exemple, dans une expérience faite le 17 août 1864 dans l’acide carbonique pur, le volume du gaz n’avait pas changé après une inso- lation de 10 heures, tandis que dans une autre expérience faite le 7 juillet 1864 dans 188 MOlîSIM. en dégageant de l’acide carbonique jusqu’à ce qu’elle ait pro- duit assez; d’oxygène pour respirer normalement. Cette quantité est très-faible (1), parce que l’acide carbonique produit à ses dépens est de nouveau décomposé, etc. Il était probable que, toutes choses égales d’ailleurs, la quan- tité d’acide carbonique produit par combustion intérieure dé- pendait du volume des feuilles soumises à l’expérience (2) 5 mais je me convainquis bientôt qu’il était loin d’en être toujours ainsi, et qu’il 11’existait jamais un rapport parfait. S 5. Voilà jusqu’où allaient mes recherches à la fin de l’été de 1871 . Je profitai des vacances des deux années suivantes pour éclaircir quelques autres questions qui se sont soulevées à la suite des faits établis jusque-là. Je commençais à disposer la plupart de mes expériences vers 7 heures du matin, de sorte que l’exposition pouvait commencer à 9 heures. Je me servais exclusivement des folioles fraîchement cueillies de Juglans regia. Pour déterminer la température dans les appareils exposés directement à la lu- mière solaire et dans ceux qui étaient recouverts d’une enveloppe opaque, je me servais de deux petits thermomètres que j’introdui- sais dans deux cylindres de verre disposés à côté des éprouvettes et remplis absolument comme celles-ci. Je dois faire observer que ma cuve à mercure permet l’analyse simultanée de dix gaz (d’après un mélange d’acide carbonique et d’air atmosphérique on a observé dans l’espace de quatre heures une augmentation de volume de lec,9 ( Compt . rend., t. LX1X, p. 872). Les différences de volume généralement faibles que Pfeffer a trouvées dans ses belles et nombreuses expériences avec de l’acide carbonique très-étendu d’air, sont plus souvent négatives que positives par rapport au volume primitif. (1) Il paraît que dans les feuilles adultes il ne se fixe plus d’oxygène comme dans la germination, par exemple. Dans chacune des expériences décrites l’acide carbonique a été absorbé par la po- tasse, et dans tous les appareils insolés on a recherché l’oxygène après avoir introduit un peu de gaz détonant dans l’eudiomètre. (2) Le volume des feuilles a été déterminé en les introduisant dans des éprouvettes à moitié remplies d’eau. RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES. 189 la méthode de Bunsen). Cette disposition était indispensable pour un aussi grand nombre d’expériences devenues nécessaires. Le tableau suivant contient les résultats d’une série d’expé- riences sur des feuilles de Juglans , dans l’hydrogène, sous l’eau et au soleil (1). La température de l’eau du cylindre extérieur montait jusqu’à 82 degrés centigr. , les thermomètres des petits cylindres mon- taient jusqu’à 33 degrés centigr. (ce qui indique la température à laquelle se faisait l’expérience). Durée : de 9 heures un quart à 3 heures et demie (2). Tableau I. AVANT L’EXPÉRIENCE après 20 minutes. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME de la feuille. Acide carbonique. Oxygène. Augmentation de volume. Acide carbonique apparu. cc cc cc cc cc 0,156 0,273 0,115 0,314 1,38 0,185 0,128 0,205 0,108 1,69 0,254 0,319 0,216 0,357 1,57 0,297 0,165 0,319 0,143 1,55 0,305 0,173 0,368 0,106 1,25 L’augmentation de volume pendant l’insolation a toujours été plus faible que la somme de l’acide carbonique trouvé et de (1) Dans les tubes exposés directement au soleil, contenant de l’air séparé de l’atmo- sphère ambiante par du mercure, la température dépasse souvent dans les journées chaudes de l’été 40 degrés centigr. Pour empêcher cette élévation trop forte de la température les appareils ont été plongés dans des cylindres de verre remplis d’eau. Pour empêcher les tubes de s’élever, ils ont été fixés aux verres qui les contenaient à l’aide de bouchons de liège. (2) Parmi toutes les déterminations de volumes dont il est question, c’est celle de l’augmentation de volume pendant l’insolation qui demande le plus de soin à cause de la quantité relativement grande d’eau contenue dans les éprouvettes (1-2 cent. c.ub.). En effet, pendant l’exposition, la petite colonne d’eau qui se trouve au-dessus du mer- cure augmente souvent d’un millimètre par suite de l’écoulement lent de l’eau qui s’est attachée à la surface de la feuille et aux parois latérales du tube. Il est évident que cette quantité doit être ajoutée à la hauteur de l’eau déterminée au commencement, tandis qu’il faut en tenir compte d’une autre manière dans la réduction du gaz à une pression déterminée, BOEHI1. 190 l’oxygène dégagé. Cette différence est souvent beaucoup trop grande pour qu’elle puisse s’expliquer par l’addition des gaz sortis de la feuille par diffusion (acide carbonique et oxygène ; l’azote provenant de cette source est compris dans le volume d’hydrogène déterminé indirectement), alors que l’échantillon analysé immédiatement avant l’insolation ne contenait que des traces d’acide carbonique et pas du tout d’oxygène. D’après ce que j’ai dit plus haut, rien n’est plus naturel que la provenance de cet excédant qui se montre dans toutes ces expériences au milieu de gaz indifférents privés d’oxygène, C’est un produit de la combustion intérieure qui a lieu dans l’espace de temps qui s’écoule entre l’introduction des feuilles dans les éprouvettes et la détermination du volume avant l’exposition. Une petite partie de cet excédant doit provenir aussi des méats intercellulaires et du suc cellulaire de la feuille. Le tableau II renferme les résultats d’une série d’expériences faites en même temps que les premières, mais dans lesquelles les éprouvettes étaient recouvertes d’une couverture noire opaque. Dans ces expériences la température ne montait qu’à 29°, à centigr. Dans tous les cas l’augmentation de volume a été consi- dérable, mais, comme je l’ai déjà dit, elle n’est pas proportion- nelle au volume de la feuille. Tableau II. AVANT L’EXPÉRIENCE après 20 minutes. Acide carbonique. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUMB de la feuille. Augmentation de volume. Acide carbonique apparu. cc fe- ce cc cc 2,980 2,808 0,173 1,65 3,559 3,245 0,314 1,58 3,896 3,485 0,411 1,31 4,147 3,741 0,406 1,52 4,820 4,214 0,606 1,84 La quantité d’acide carbonique formé dans un milieu privé d’oxygène est évidemment la mesure de 1 intensité de la combus- tion intérieure de feuilles vivant dans l’obscurité. RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES. 191 § 6. Il s’agissait de savoir maintenant jusqu’à quel point cette combustion dépendait, d’un côté, de la nature du gaz employé, et, d’un autre côté, de la température. Des expériences faites dans ce sens ont montré que l’acide carbonique, l’oxyde de car- bone et l’azote (1) se comportent comme l’hydrogène, tandis que l’acide sulfhydrique agit comme un poison mortel. Dans les appareils remplis de ce gaz j’ai même observé, pendant la durée de l’expérience, une petite diminution de volume dont la cause est facile à comprendre, et, après six heures et demie, les feuilles avaient presque entièrement changé de couleur. Comme on pouvait le prévoir, la température exerce une in- fluence considérable sur la quantité d’acide carbonique formé dans l’obscurité par les feuilles de Juglans dans l'hydrogène; à 5°, 7 centigr. l’augmentation de volume est relativement très- faible quand on retranche celle qui a été observée avant l’expo- sition (2). Tableau III. — Le il août 1871, à 21 degrés centigr., de 9 h. à h h. 1/2. AYANT L’EXPÉRIENCE après 20 minutes. Acide carbonique. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME de la feuille. Augmentation de volume. Acide carbonique apparu. cc cc CC CC 2,166 1,872 0,244 1,50 2,651 2,106 0,545 1,43 3,730 2,244 0,486 1,69 3,053 2,527 0,526 1,58 3,968 3,305 0,663 1,64 (1) Dans mes expériences avec l’azote j’obtenais d’abord, à mon grand étonnement, des résultats très-discordants qui se sont bientôt expliqués; je préparais mon azote en absorbant l’oxygène de l’air à l’aide de bâtons de phosphore luisants et humides. Quoique le phosphore séjournât au moins vingt-quatre heures dans les tubes d’environ 50 cent. cub. fermés par le mercure, je retrouvais souvent à l’analyse endiométrique du gaz restant 1-3 pour 100 d’oxygène. (2) Comme il a été dit plus haut, cet excédant s’est formé depuis la disposition de l’appareil jusqu’à la première détermination de volume. Il pourrait bien provenir aussi en petite partie de la feuille même. 192 ItOUHM. Tableau IV. — Le 20 août 1872, à 16 degrés centigr., de 9 h. 1/2 à 4 h. 1/2. avant l’expérience après 20 minutes. Acide carbonicpte. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME de la feuille. Augmentation de volume. Acide carbonique apparu. ce cc cc cc 2,001 1,605 0,398 1,37 1,993 1,454 0,549 1,48 2,069 1,792 0,277 1,53 2,377 2,050 0,327 1,64 2,994 2,533 0,461 1,58 Tableau V. — Le 12 septembre 1872, de 9 h. 1/2 à 5 h ., dans une cave sous de l'eau glacée à 6-7 degrés centigr. avant l’expérience après 20 minutes. Acide carbonique. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME de la feuille. Augmentation de volume. Acide carbonique apparu. cc cc CC cc 0,997 0,749 0,248 1,42 1,219 0,858 0,361 1,36 1,341 0,964 0,377 1,47 1,752 1,266 0,486 1,66 Au-dessous de zéro les fonctions des plantes vivantes parais- sent s’arrêter complètement. Un rameau de Lilas pesant 6sr,^l, placé dans un appareil de verre approprié, à la pression ordi- naire et entouré de neige fondant lentement, n’a pas dégagé une seule bulle de gaz dans huit jours. Après avoir transporté l’appa- reil dans mon cabinetde travail, à une température de 9-18 degrés centigr., j’ai vu se dégager en quatre jours 3CU,17 de gaz qui a été presque entièrement absorbé par la potasse. Dans les expériences dont les résultats ont été exposés dans le tableau I, le volume de l’oxygène dégagé est surprenant quand on songe aux conditions où il s’est développé, mais il est bien RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES. 193 petit en comparaison avec les quantités trouvées exceptionnelle- ment dans plusieurs expériences précédentes du même genre. Il est certain maintenant que dans ces cas exceptionnels une cause quelconque m’a empêché d’exposer immédiatement au soleil les appareils préparés. Tableau VI. — Dans l’hydrogène, le 25 août 1871. Les éprouvettes ont séjourné après la première détermination , depuis 9 h. jusqu'à 1 h. 1/2 à la température de 21°, à centigr., dans une salle obscure, et ont été ensuite exposées à la lumière solaire jusqu’ à h h. 1/2. La température est montée jusqu’à 29 degrés centigr. AVANT L’EXPÉRIENCE. Première analyse. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME Acide Oxygène. Augmentation de volume Acide carbonique de la feuille. carbonique. à l’obscurité. au soleil. apparu. cc cc cc cc cc cc 0,101 1,120 0,758 0,279 0,184 1,56 0,210 0,938 0,790 0,144 0,214 1,21 0,264 1,067 1,003 0,172 0,156 1,54 0,236 1,147 1,043 0,114 0,226 1,39 0,302 1,481 1,247 0,164 0,372 1,54 Tableau VIL — Dans l’hydrogène, le 4-5 septembre 187 1 . Les éprouvettes ont séjourné après la première détermination dans la salle des analyses de gaz , à la température de 19-20 degrés centigr., de 1 h. du soir à 7 h. du matin , et ont été exposées ensuite au soleil jusqu’à à h. sous de l’eau dont la température s’est élevée jusqu’à ,30 degrés centigrades . AVANT L’EXPÉRIENCE. Première analyse. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME B de la feuille. 1 Acide carbonique. Oxygène. Augmentatio à’ l'obscurité. n de volume au soleil. Acide carbonique apparu. cc cc cc cc cc cc 0,402 1,201 1,104 0,169 0,310 1,53 0,521 1,869 1,869 0,143 0,378 1,37 0,652 2,646 2,341 0,307 0,650 1,22 2,661 1,368 2,253 1,186 0,590 1,37 4,833 1,806 2,733 0,294 1,46 5,088 2,452 1,930 0,706 1,56 6,139 2,640 3,091 0,428 1,25 5,362 2,806 2,183 0,373 1,19 7,553 2,935 3,921 0,697 1,37 5,862 3,022 2,275 0,565 1,33 5- scrit.'j Rot. T. XIX (Cahier n° 4). 1 13 194 150121111. Tableau VIII. — Dans l'hydrogène , le 16-17 août 1872. Séjour de V éprouvette dans la salle des analyses de gaz de 6 h. du soir à 9 h. du matin , à la température de 18-20 degrés centigr. Exposition au soleil par un ciel presque sans nuages jusqu’ à 4 h. 3/4 du soir. La température s'est élevée à 31°, 7 centigr. AYANT L’EXPÉRIENCE. Première analyse. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME de la feuille, j Acide carbonique. Oxygène. Augmentatio à l’obscurité. n de volume au soleil. Acide carbonique apparu. cc CC cc cc cc cc 2,591 0,885 1,753 1,252 0,471 1,53 3,355 1,391 1,593 0,371 1,35 3,734 1,639 1,442 0,673 1,38 3,192 1,743 1,054 0,395 1,52 4,534 1,825 2,086 0,628 1,29 4,143 2,086 1,252 0,805 1,73 4,083 2,158 1,423 0,502 1,26 4,055 2,351 1,146 0,558 1,42 4,103 2,417 1,064 0,622 1,37 4,577 2,449 1,652 0,476 1,53 Les tableaux VI, VII et Vïïl renferment les résultats de ces expériences dans lesquelles les appareils ont été abandonnés à dessein à eux-mêmes, à l’obscurité, pendant un temps plus ou moins long avant l’insolation. Tandis que j’ai trouvé de l’oxygène dans chacun des cinq appareils (tableau YI) qui n’ont séjourné à l’obscurité, à la température de 21°, 4 centigr., que pendant quatre heures et demie avant l’insolation, je n’en ai trouvé que quatre dans dix appareils (tableau Yîl) qui y ont séjourné pen- dant douze heures et dans un seul des appareils (tableau VIII) qui ont séjourné à l’obscurité pendant quinze heures; dans les autres le développement d’acide carbonique s’est continué encore après l’insolation. Il s’ensuit ce fait très-certainement remar- quable que les feuilles conservées pendant plusieurs heures dans une atmosphère privée d’oxygène perdent pour un certain temps ou pour toujours la faculté de décomposer l’acide carbonique dans ce milieu ■privé cl oxygène sans pourtant cesser de vivre. Elles continuent de se procurer les forces nécessaires à leurs fonctions vitales par combustion intérieure. Les expériences dont les résultats sont exposés dans les RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES. 195 tableaux IX et X donnent la réponse à la question : combien d’acide carbonique une feuille donnée peut fournir en général par combustion intérieure ? Tableau IX. — Expériences dans l’hydrogène, à l’obscurité, le 10 et le 11 août 1872, à la température de 19-21 degrés centigr. L’ augmentation de volume a été de : Depuis 8 h. 1/2 matin à 6 h. 1/2 soir. Jusqu’à 8 b. 1/2 mat. Jusqu’à 6 h. 1/2 soir. Jusqu’à 8 h. 1/2 mat. Somme. Acide carbonique trouvé avant l’expé- rience. VOLUME de la feuille. ec cc cc cc cc cc cc 0,964 1,147 0,624 0,155 2,890 3,236 1,46 1,083 0,836 0,563 0,172 2,754 2,946 1,27 1,244 1,042 0,641 0,120 2,807 3,161 1,60 1,431 0,739 0,422 0,086 2,678 3,027 1,38 1,752 0,966 0,557 0,143 3,418 4,002 1,52 Tableau X. — Expériences dans l’hydrogène, à l’obscurité, le 10 et le 11 août 1872. Ces deux jours les appareils ont été exposés au soleil couverts d’une toile noire, après détermination de volume. Le maximum de température a été, le 10 août, de 31°,â centigr le 11, 29°, 7 centigr. Pendant la nuit les tubes étaient sur le mercure , dans la salle des analyses , a une température de 19-20 degrés centigr. L’augmentation a été de : Depuis 8 h. 1/2 matin à 6 b. 1/2 soir. A 8 b. 1/2 matin. A 6 h. 1/2 soir. A 8 b. 1/2 matin. Somme. Acide carbonique trouvé avant l’expé- rience. VOLUME de la feuille. cc cc cc cc CC cc cc 2,550 0,986 1,404 0,119 5,059 5,386 1,42 2,841 0,792 1,273 0,152 4,654 4,938 1,27 2,866 1,033 1,641 0,284 5,292 5,687 1,43 3,359 0,670 0,972 0,107 5,108 5,580 1,59 3,527 0,862 1,856 0,473 6,718 7,064 1,64 Cette quantité varie énormément avec la température. Depuis le deuxième jour il ne s’est manifesté d’augmentation de volume notable dans aucun appareil ; dans quelques cas il y avait même avant ce délai une petite diminution (évidemment causée par l’absorption d’acide carbonique par l’eau qui était restée dans les tubes; une petite portion d’acide carbonique a pu entrer aussi dans la composition de sels doubles formés dans le suc cellu- WOliMIÏ. 196 laire). Une combustion intérieure assez vive ne cause donc pas la mort prématurée de la feuille. M. Boussingault trouve que les feuilles de Laurier-rose ne perdent la faculté de développer de l’oxygène dans un mélange d’acide carbonique et d’air atmosphérique qu’après un séjour de quarante-huit heures dans l’acide carbonique, l’azote, ou le gaz des marais, à l’obscurité et à une température de 22-23 degrés centigr. Dans un cas, une feuille qui avait été conservée dans l’hydrogène et à l’obscurité pendant quarante-huit heures, a encore décomposé 2CC,6 d’acide carbonique après une insolation de cinq heures. il i ’essort de ces expériences et de celles qui ont été exposées plus haut que les feuilles qui ont perdu la faculté de décomposer l’acide carbonique dans un milieu privé d’oxygène par un séjour dans des gaz indifférents privés d'oxygène, possèdent encore cette faculté dans une atmosphère oxygénée aussi longtemps qu’elles peuvent vivre, c’est-à-dire qu’elles peuvent former de l’acide carbonique par combustion intérieure. Pour le rapport qui existe eutre l’acide carbonique décomposé au soleil par des feuilles vertes et l’oxygène consommé dans l’obscurité et dans l’air atmosphérique, je renvoie le lecteur aux expériences de M. Boussingault (1). § 8- Les physiologistes se sont peu occupés jusqu’à présent de la quantité d’oxygène employée en un temps donné par un orga- nisme vivant pour la formation d’acide carbonique. Les plantes vivantes brûlent pendant leur végétation dans l’air oxygéné une partie de leur corps et créent ainsi les forces néces- saires à leur vie cellulaire. La quantité d’acide carbonique formée par une plante en un temps donné peut donc nous servir de me- sure pour l’intensité des phénomènes vitaux dont la plante est le siège. Mais nous ignorons si ces phénomènes sont normaux, c’est-à-dire s’ils favorisent la durée maxima de la vie, ou s’ils sont pathologiques. (1) Compt. rend., t. LX, p. 877, et t. LXî, p. 605, 1865. RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES. 197 Les plantes qui vivent dans des milieux privés d’oxygène doi- vent se créer ces forces par combustion intérieure. Nous ne nous faisons aucune idée sur la valeur de ces forces et nous ne savons pas jusqu'à quel point elles peuvent servir à faire fonctionner le mécanisme végétal . Les tableaux xi-xvui rendent compte des expériences que j’ai faites sur des feuilles de Juglans dans des quantités connues Tableau XI. — Expériences dans Pair atmosphérique, au soleil, le 13 août 1872. Pendant une insolation de sept heures la température s’est élevée dans le tube jusqu’à 39°, 8 centigrades. AVANT L’EXPÉRIENCE. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME de la feuille. Quantité d’air employé. Acide carbonique après 20 min. Quantités de pour 10C Acide carbon. Co1 2 et de O de gaz. Oxygène. Somme de Co2 et de 0 pour 1 00 de gaz. cc cc cc 25,43 1,08 4,24 16,68 20,92 1.65 26,04 0,99 3,81 17,96 21,77 1,83 26,72 0,71 2,65 17,85 20,50 1,43 27,29 1,00 3,75 18,64 22,39 1,58* 28,42 0,90 3,17 18,25 21,42 1,76 * Cette feuille portait plusieurs taches brunes après l'expérience. d’air atmosphérique à des températures variables, à la lumière et à l’obscurité (I). Ce qui frappe avant tout, c’est qu’à la tem- térature de 39°, 8 centigrades, au soleil, il s’est formé relative- ment beaucoup d’acide carbonique aux dépens de l’oxygène de l’air (tableau xi). Je ne puis décider jusqu’à quel point cet acide carbonique doit être considéré comme un produit de la respiration ou de l’oxydation d’une partie de la feuille morte à cette température élevée (la feuille d’un appareil portait, après l’ exposition, plusieurs taches brunes). Néanmoins, les résul- tats de toute cette série d’expériences me semblent indiquer (1) Dans toutes mes expériences avec, des feuilles de Jugions dans l’air atmosphé- rique, le volume du gaz n’a pas changé tant qu’il y avait de l’oxygène, ou il n’a changé qu’à cause de l’absorption de l’acide carbonique formé par l’eau contenue dans les tubes. 198 BOEHftl. que les feuilles de Noyer ne possèdent plus, à la température de 39°, 8 centigrades, la faculté de décomposer autant d’acide carbonique qu elles en produisent par la respiration. Les tableaux Xll et XÎÎI font voir que la température optima Tableau XII. — Dans l'air atmosphérique , au soleil, sous Veau , le 16 août 1872. Température maxima de l'eau du vase extérieur : 33 °,4 centigr. Durée de l'inso- lation : 7 heures. AVANT L’EXPÉRIENCE. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME de la feuille. Quantité d’air employé. Acide carbonique après 20 min. Quantités de pour 10< Acide carbon. Co2 et de O 1 de gaz. Oxygène. Somme de Co2 et de O pour 100 de gaz. cc cc ce 27,26 0,25 0,90 19,65 20,55 1,44 29,43 0,00 0,00 20,81 20,81 1,68 33,28 0,23 0,69 20,20 20,89 1,53 35,72 0,23 0,65 20,05 20,70 1,57 l 40,74 0,21 0,52 19,95 20,36 1,32 Tableau XIII. — Dans l'air atmosphérique, au soleil, sous Veau, le 6 septembre 187 2. Temp. maxima de Veau extérieure : 30°, 2 cent. Durée de l'insolation : 6 h. 1/2. AVANT L’EXPÉRIENCE. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME de la feuille. Quantité d’air employé. Acide carbonique après 20 min. Quantités de pour 10C Acide carbon. Co2 et de O de gaz. Oxygène. Somme de Co2 et de O pour 100 de gaz. cc cc cc 19,16 0,04 0,19 20,01 20,20 1,40 23,22 0,00 0,00 21,00 21,00 1,35 j 24,38 0,14 0,58 20,72 21,30 1,54 26,25 0,00 0,00 21,23 21,23 1,62 28,41 0,05 0,10 20,68 20,78 1,25 pour le Jug/ans regia,&u soleil, est voisine de 30 degrés centigra- des. — Le léger excédant d’acide carbonique que j’ai obtenu à la lumière diffuse provient en grande partie des feuilles mêmes, comme le prouve la quantité presque invariable d’oxy- gène. Dans cette série d’expériences, l’intensité de la lumière paraît avoir été exactement suffisante pour redécomposer l’acide RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES. 199 carbonique formé par la respiration. Mais je dois faire observer ici que, dans les nombreuses expériences faites pendant ce années, je n’ai rencontré que deux cas dans lesquels les feuilles vertes dans l’air contenant de l’acide carbonique, eussent dé- composé jusqu’à la dernière trace de cet acide. M. Pfeffer est arrivé au même résultat dans une atmosphère pauvre en acide carbonique, tandis queM. Boussingault cite un nombre relative- ment élevé de cas dans lesquels tout l’acide carbonique a été décomposé dans une atmosphère riche en acide carbonique. Tableau XIV. — Dans l’air atmosphérique , à la lumière diffuse , le 19 août 1872, au milieu d’une salle bien éclairée avec des fenêtres au sud. Température : 22-23 degrés centigr. Durée de l’exposition : 6 A. 1/2. AVANT ^EXPÉRIENCE. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME de la feuille. Quantité d’air employé. Acide carbon ique après 20 min. Quantités de pour 10( Co2. Co2 et de O de gaz. O. Somme de Co2 et de O pour 100 de gaz. ce cc cc 24,83 0,30 1,20 20,86 22,06 1,37 25,76 0,49 0,94 20,98 21,92 1,26 28,04 0,17 0,62 21,27 21,89 1,73 26,59 0,23 0,86 20,05 20,91 1,43 30,70 0,16 0,51 20,86 21,37 1,42 Tableau XV. — Dans T air atmosphérique, au soleil, sous Veau glacée, le lur septembre 1872. Température de l’eau ; 6-10 degrés centigr. Durée de T insolation : 6 heures. AVANT L’EXPÉRIENCE. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME Quantité d’air Acide carbonique après 20 min. Quantités de Co2 et de O pour 100 de gaz. Somme de Co2 et de O pour 100 de gaz. de la feuille. employé. Co2. O. cc cc cc 25,38 0,29 1,13 19,54 20,67 1,43 27,05 0,26 0,96 20,05 21,01 1,61 27,94 0,54 1,94 19,63 21,57 1,68 28,47 0,46 1,63 19,27 20,90 1,52 29,74 0,37 1,24 19,75 20,99 1,57 Les phénomènes auxquels donnent lieu les feuilles de Juglans 1109'] BS 11 . 200 dans l’air atmosphérique et à basse température sont particu- lièrement intéressants. Tandis qu’à 6 ou 10 degrés centigrades au soleil il s’est formé constamment, aux dépens de l’oxygène, une quantité appréciable d’acide carbonique (tableau XV), il s’est développé encore une assez grande quantité d’oxygène à 9 ou 10 degrés centigrades pendant l’insolation directe, même dans un mélange très-chargé d’acide carbonique. Après les expé- riences dans l’air atmosphérique, à l’obscurité (tableau XVIII), on ne peut plus admettre qu’à basse température et en présence d’une quantité relativementconsidérable d’oxygène (tableau XV), 11 se forme plus d’acide carbonique par la respiration qu’en pré- sence d’une petite quantité d’oxygène (tableau XIX). Cette con- tradiction repose peut-être en ce que les feuilles de Juglans, dans une atmosphère pauvre en acide carbonique et à basse tem- pérature, ne peuvent plus décomposer ce gaz qu’incompléte- ment; mais je dois faire observer que cette explication ne me paraît pas très-vraisemblable. Les tableaux XVI, XVII et XVIII renferment les résultats des séries d’expériences laites sur des familles de Juglans à l’air atmosphérique, à l’obscurité et à des températures différentes. Ils font voir l’influence considérable de la température sur l’in- tensité de la respiration. Dans les cas où, pendant l’expérience, Tableau XVI. — Dans l’air atmosphérique , à l’obscurité , le 26 septembre 1871. Température rnaxima : 32°, 5 centigr. Dans deux appareils il y avait encore un peu d'oxygène après 7 heures d'exposition (A); dans les trois autres (P) tout l’oxygène avait disparu h la. fin de II expérience et le volume de gaz avait, augmenté . A. AVANT L'EXPÉRIENCE. APRÈS L’EXPÉRIENCE. | VOLUME ! Quantité d’air Acide Quantités de Co2 et de 0 pour 100 de gaz. Somme de Co2 de la feuille. 1 carbonique '-s. et de 0 employé. après 20 min. Co2. O. pour 100 de gaz. cc cc cc 29.58 4,96 16,82 3,19 20,01 1,28 31,20 5,60 17,92 1,60 19,52 1,46 ! RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES, 201 B. Air employé. Oxygène contenu dans l’air employé. Acide carbonique trouvé après 20 min. Augmentation de volume. A eide carbonique disparu. VOLUME des deux feuilles. cc cc cc cc cc cc 28,68 4,964 5,472 1,860 1,352 2,74 24,53 5,039 4,864 0,803 0,978 2,25 24,88 5,206 5,189 1,116 1,133 2,91 Tableau XVII. — Dans l'air atmosphérique, à l’obscurité, le 18 septembre 1871. Température : 19-20 degrés centigr. Durée de l’expérience : 7 heures. AVANT L’EXPÉRIENCE. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME de la feuille. Quantité d’air employé. Acide carbonique après 20 min. Quantités de pour 10( Co2 et de O de gaz. Somme de Co2 et de O pour 100 de gaz. Co2. O. cc cc cc 24,72 2,82 11,39 8,20 19,59 1,73 26,20 1,43 5,45 14,42 19,87 1.46 27,81 2,06 7,40 12,24 19,64 1,52 29,53 1,99 6,75 13,07 19,82 1,55 31,42 1,78 5,66 15,05 20,71 1,40 Tableau XVIII. — Dans T air atmosphérique, à l'obscurité , sous de l'eau glacée, le 8 septembre 1872. Température : 5-7 degrés centigr. Durée de l'expérience : 7 heures. AVANT L’E XPÉRIENCE. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME fl de la feuille. | Quantité d’air employé. Acide carbonique après 20 min. Quantités de pour 10t Co2. Co2 et de O de gaz. O. Somme de Co2 et de 0 pour 100 de gaz. cc cc cc g 24,85 1,70 6,84 16,23 23,07 3,27 3 feuilles. | | 25,43 1,82 7,15 16,27 23,42 3,72 j 3 feuilles. S 26,79 1,69 6,32 16,51 22,83 3,58 3 feuilles. t 29,54 0,58 1,97 18,75 20,72 1,06 | 32,36 0,84 2,59 17,73 20,03 1,49 (1) M. Boussingault a observé un phénomène tout à fait semblable. Plusieurs feuilles de Nerium mesurant ensemble 95 centimètres cubes ont été enfermées dans 87m, 3 fiSOEHM. 202 tout l’oxygène, ou une grande quantité de ce gaz (1) a été con- sommée, la quantité d’acide carbonique trouvée a été trop faible par rapporta celle obtenue par le calcul. L’absorption de l’acide carbonique par l’eau contenue dans les tubes rend compte en grande partie de cette irrégularité. Tableau XIX. — Résultats de deux séries d' expériences faites pour voir s'il se formait encore des quantités appréciables d’oxygène dans un mélange d’hydrogène et d’acide carbonique à la température de 9-10 degrés centigr. et au soleil. Volume du gaz RICHESSE POUR CENT DATE. employé (acide carbo- après l’i (isolation Oxygène formé. VOLUME nique de la feuille. et hydrogène). en acide carbon. en oxygène. C cc cc cc ; ~g 20,05 17,97 9,38 1,880 1,42 £ .s 25,69 19,74 8,85 2,274 1,73 28,57 14.37 11,25 3,214 1,26 ■5 ^ ^ 24,39 38,52 4,71 1,148 1,49 S JS ■=* 23,27 41,25 3,46 0,805 1,37 « O) rtj 25,48 44,28 2,79 0,711 1,58 ns Ej s 1 20,84 38,26 2,87 0,598 1,46 CO S © 23,24 19,42 13,68 3,179 1,68 Zl 21,37 18,43 8,57 1,831 1,37 = ^ ^ 27,28 21,55 7,38 2,013 1,52 b r+ JZ 26,08 42,51 3,06 0,800 1,46 - 05 ” o\ eu 21,12 47,42 4,21 0,889 1,61 Pour savoir si etdans quelle proportion l’acide carbonique con- tenu dans la feuille au commencement de l’expérience peut in- fluer sur la qualité de l’atmosphère, j’ai exposé chaque fois trois petites feuilles dans trois des appareils de la série des expériences à Sou 6 degrés centigrades, et dans l’obscurité (tableau XVIÎ1). Comme il était à prévoir d’après d’autres recherches que j’avais faites sur l’air contenu dans les tissus de plantes vivantes, cette cause a considérablement augmenté la quantité d’acide carbo- nique. d’air atmosphérique. Après un séjour de trente heures et demie dans l’obscurité et à 22 degrés, tout l’oxygène (18ce,3) avait disparu ; il s’était développé 19cc,6 d’acide car- bonique et lcc,7 d’azote, et le volume avait augmenté de 3 cent. cub. M. Boussingault dit que cette circonstance semble indiquer un commencement d’altération des feuilles. (Compt. rend., t. LX1, p. 605, 1865.) RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES. 203 § 9. Quand on enferme de la même manière que dans les expérien- ces précédentes une Feuille de Noyer d’environ 1 centim. cube dans 30 à 35 centim. cubes d’air atmosphérique à 15 à 17 de- grés centigrades et à l’obscurité, la feuille brunit déjà avant l’emploi de la totalité de l’oxygène, et le volume du gaz n’aug- mente plus que faiblement (évidemment à cause d’un commen- cement de fermentation); il en est de même quand on fait l’expérience dans de l’oxygène pur. On prétend que la quantité d’acide carbonique, expiré par des organismes animaux, varie, toutes choses égales d’ailleurs, avec la quantité d’oxygène contenu dans l’atmosphère ambiante. De nouvelles recherches nous apprendront s’il y a quelque chose de semblable pour les feuilles adultes de Noyer. Les haricots en germination ne consomment, toutes choses égales d’ailleurs, pas plus d’oxygène dans l’oxygène pur que dans l’air atmosphérique. § 10. Souvent il n’est pas facile de distinguer si le développement d’acide carbonique par des parties végétales, dans des milieux privés d’oxygène, est dû à la fermentation butyrique ou à la combustion intérieure. Depuis la publication de mon travail sur le dégagement de gaz par des parties de plantes mortes, j’ai fait une série d’expériences de ce genre, mais que je n’ai pas encore pu terminer, faute de temps. 11 importe de faire observer poul- ie moment que les formations d’acide carbonique, d’un côté par combustion intérieure et d’un autre côté par fermentation buty- rique (signe certain de la mort de la plante), peuvent être con- comitantes dans différentes parties du même végétal. On peut s’en convaincre facilement quand on fait germer sur un corps humide des haricots privés de leur enveloppe, et qu’on les plonge ensuite dans de l’eau chargée d’acide carbonique à 1 8 ou 20 de- grés centigrades. En peu de temps, on voit se dégager un grand nombre de bulles de gaz (dans une grande quantité d’eau ordi- naire, ce phénomène ne se produit pas ou il est moins frappant, parce que l’eau absorbe l’acide carbonique dégagé). Quand on transporte, après douze heures, les haricots en germination à l’air et à la lumière, ils continuent à croître; les pointes de quel- ques radicelles seules pourrissent. Il n’est pas rare de les voir supporter sans dommage une privation d’air de vingt-quatre heures. Après une immersion de deux jours, les racines, ainsi que les sommités des jeunes tiges, meurent, et les cotylédons ne verdissent plus que par endroits, tandis que les parties voisines pourrissent. En même temps, les bourgeons axillaires des coty- lédons, qui restent généralement latents, se développent. § H. Dans mes recherches, citées au commencement de ce travail, sur l’action des différents rayons du spectre sur la décomposition de l’acide carbonique parles plantes vertes, je me servais de dis- solutions de bichromate de potasse et d’oxyde de cuivre dans l’ammoniaque. Le procédé était très-simple : les tubes placés sur le mercure ont été disposés dans des cylindres de verre rem- plis du liquide coloré. Sous des dissolutions de cuivre d’une concentration telle, qu’avec une épaisseur de h centimètres elles ne laissaient plus passer les rayons jaunes et rouges, j’obtenais des résultats qui ne différaient pas de ceux que j’avais obtenus à l’obscurité. Dans l’hydrogène pur ou dans des mélanges d’hydrogène et d’acide carbonique, il ne s'est jamais formé une trace d’oxygène ; j’ai toujours observé une augmentation de volume considérable. Le 7 août 1872, j’ai repris ces expériences dans un grand cylindre elliptique de 25 et kl centimètres de diamètre, rempli d’une solution qui laissait passer beaucoup de rayons jaunes et rouges sur une épaisseur de k centimètres, mais qui ne laissait plus passer qu’une trace de lumière rouge sur une épaisseur de 8 centimètres. Cinq appareils ont été disposés sur le grand dia- RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES. 205 mètre du cylindre et cinq le long des parois, de telle sorte qu’il y avait entre les appareils et les parois du cylindre une couche de liquide de 2 à h centimètres d’épaisseur. L’insolation durait de- puis neuf à quatre heures par un temps presque parfaitement serein, la température de la solution cuivrique est montée jus- qu’à 29 degrés centigrades. Voici les résultats de cette série d’expériences (tableaux XX et XXI) : Tableau XX. — Appareils disposés sur le grand axe du cylindre elliptique. AVANT L’EXPÉRIENCE. APRÈS l’EI CPÉRIENCE. VOLUME de la feuille. Acide carbonique pour 100 de gaz employé. Acide carbo- nique employé. Acide carbonique trouvé après 20 min. Augmentation de volume. Acide carbonique apparu. cc cc cc cc cc 28,63 7,461 10,940 3,108 0,372 1,64 29,70 8,002 11,990 3,533 0,455 1,38 30,06 6,203 8,591 2,151 0,237 1,52 30,47 6,825 10,162 2,822 0,515 1,44 32,01 7,171 9,280 1,885 0,224 1,27 Tableau XXI. — Appareils disposés le long des parois du cylindre , à une distance de 2-4 centim. de ces parois. GAZ EMPLOYÉS. AVANT L’EXPÉRIENCE. Première analyse. APRÈS L’EXPÉRIENCE. VOLUME de la feuille. Acide carbo- nique pour 100 de gaz employé. Acide carbonique. Acide carbonique. Oxygène. Somme de Co2 et de 0. Augmen- tation de volume. Acide carbonique apparu. cc cc cc cc cc cc 30,95 8,345 6,714 2,185 6,899 0,365 0,533 1,56 31,07 11,319 7,531 4,270 11,801 0,217 0,582 1,38 32,51 11,496 6,877 5,146 12,023 0,275 0,527 1,64 33,68 10,045 5,314 5,325 10,639 0,166 0,594 1,42 34,17 20,543 8,379 2,808 11,187 0,318 0,044 1,52 Il en résulte que dans les appareils placés au milieu du cylin- dre, et qui ne recevaient que très-peu de lumière rouge, il ne s’est pas formé d’oxygène, mais en revanche beaucoup d’acide carbonique. — M. Ofefïer est arrivé à des résultats différents dans ses recherches sur la propriété de la lumière privée par l’oxyde de cuivre ammoniacal de tous ses rayons jaunes et rouges et de BOMM. 206 presque tous ses rayons verts, de décomposer l’acide carbonique. 11 faut en chercher la raison dans cette circonstance que, dans ses feuilles plongées dans un mélange d’acide carbonique et d’air atmosphérique, la respiration normale n’a jamais été inter- rompue. § 12. M. Famintzin a observé que, dans un Spirogyra orthospira ne contenant pas d’amidon, il s’est développé de l’amidon après un éclairage artificiel de trente minutes ('1). Cela m’a donné l’idée de voir comment se comportent les feuilles de Juglans à la lumière du gaz dans un mélange d’acide carbonique et d’hydrogène ou dans l’hydrogène pur. Dans ce but, dix appareils, disposés sur une ligne dans une chambre obscure, ont été éclairés de chaque côté par deux flammes papillons portées par des candélabres de 12 centimètres de haut et à une distance de 35 centimètres (la détermination de la température a été omise par mégarde). Après douze heures, le volume du gaz avait considérablement augmenté dans chacun des tubes (de 3 à 5 centimètres cubes). Quoiqu’on eût pu prévoir qu’avec un développement si considé- rable d’acide carbonique on ne trouverait pas d’oxvgène dégagé, j’ai voulu m’en convaincre directement, parce que je n’avais pas d’expérience sur l'éclairage artificiel. Dans cinq cas, je me suis servi de l’eudiomètre, dans les cinq autres du phosphore. Il est donc certain que les feuilles de Juglans sont incapables de dé- composer l’acide carbonique dans l’air non respirable, et à la lumière du gaz d’éclairage de l’intensité employée. Mais il ne faut pas en conclure qu’il en est de même en présence de l’oxy- gène (2). (1) M. Famintzin s’est servi d’une lampe au pétrole concentrée par une lentille collective et un réfracteur sphérique et dépouillée par de l’eau contenue dans un vase à parois parallèles, de la plupart de ses rayons calorifiques. Au bout de vingt-quatre heures les rubans de chlorophylle étaient remplis d’amidon. « Il se forme de l’amidon à la lumière totale de la lampe et à la lumière jaune; à la lumière bleue il ne se forme non-seulement pas d’amidon, mais l’amidon existant disparaît comme dans l’obscurité. » (Ann. des sc. nat., 5e série, vol. VU, p. 167.) — ■ Pringsheim’s, Jahrb. f. wiss. Botanik, vol. VI, p. 31. (2) D’après M. Prillieux, les rameaux d 'Elodea cancidensis dégagent des bulles de gaz quand on les expose à la lumière d’une flamme de gaz ( Compt . rend., t. LX1X). RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES. 207 M. Kraus (1 ) a également fait des observations très -in téressan tes au sujet de la formation d’amidon dans la chlorophylle qui n’en contenait pas. Il a trouvé que, sous une dissolution de bichro- mate de potasse, il se développe de l’amidon aussi rapidement, et avec autant d’énergie qu’en pleine lumière ; mais qu’il se forme aussi de l’amidon à une température de 3 degrés centi- grades, ou sous l’influence de la lumière dépouillée des rayons jaunes et rouges par une dissolution ammoniacale de cuivre. Quant à la rapidité avec laquelle l’amidon se forme dans les plantes vertes privées de ce corps, M. Kraus dit qu’on en trouve déjà dans le Spirogyra , après cinq minutes d’exposition au soleil. Quand on pense à la petite quantité d’acide carbonique dé- composé par un grain de chlorophylle d’une plante saine pen- dant cinq minutes ou même pendant une heure et demie, même dans les conditions les plus favorables, quand on considère que déjà, à la température de 10 degrés centigrades, le dégage- ment d’oxygène par des feuiiles de Noyer insolées est très- faible (2); qu’ensuite la lumière, qui a traversé de l’oxyde de cuivre ammoniacal assez concentré, ne possède qu’une force décomposante très-faible ; qu’enfin la quantité d’acide carbo- nique qu’il faut pour fournir le carbone nécessaire à la fabrica- tion de l’amidon, formé dans ces circonstances en si peu peu de temps, est relativement élevée (o), on ne peut pas se défendre du doute que, dans les cas observés par MM Famintzin et Kraus, l’amidon, devenu visible, provienne de l’acide carbonique, dé- composé avant l’expérience par la chlorophylle vide d’amidon, malgré les expériences de M. Kraus sur l’augmentation du poids sec des cotylédons. En tenant compte de ces doutes, justifiés par nos connais- (1) Kraus, Pringsheim’s Jahrb. f. wùs. Bot., vol. VII, p. 511. (2) Bôhm, Ueber die Bildung von Sauerstoff durch grime in Kôhlensaure hâltiges Wasser getauchte Landpflanzen (Sitzungsb. d. kais. Ak. d. Wiss. Bd. 66, 1872). M. Boussingault, qui n’avait d’autre but dansses expériences que de connaître la tem- pérature minima à laquelle le dégagement d’oxygène par les feuilles vertes commence, a constaté que, lorsqu’on expose à la lumière, dans l’acide carbonique, des feuilles de Graminées ou de Melèze, avec un petit fragment de phosphore, celui-ci dégage déjà des vapeurs à 0,5°-3,5° centigr. ( Compt . rend., t. LXVI11, p. A 1 0 , 1869). (3) Dans les expériences de MM. Famintzin et de Kraus, les plantes se trouvaient dans leurs milieux naturels (dans l’air atmosphérique ou dans l’eau). ^08 SSOEIIM. sances positives sur la décomposition de l’acide carbonique, les résultats inattendus obtenus par MM. Famintzin et Kraus nous permettent d’admettre provisoirement : que les cellules vides d’a- midon renferment, soit dans leur contenu, soit dans leurs parois, une substance organique, qui, au moment où la cellule fonction- nait encore normalement, avait été procréée à l’aide de l’acide carbonique et de l’eau, mais qui n’avait pu être utilisée pendant le manque absolu ou partiel de lumière, à cause de son assimi- lation incomplète. Pour prendre la forme d’amidon ou pour ser- vir comme matériel de construction, ce corps hypothétique de- vrait subir de nouvelles transformations, qui ne seraient possibles que sous l’influence de la lumière. La quantité de chaleur et l’intensité et la qualité de la lumière nécessaires à cette nouvelle transformation ne seraient pas nécessairement les mêmes que celles qu’il faudrait pour décomposer l’acide carbonique. Je ne veux pas dire cependant que les conséquences que M. Kraus lui- même ne tire de ses expériences qu’à contre-cœur, pour des raisons très-fortes, soient absolument inadmissibles. Je crois seulement que, pour en mettre l’exactitude hors de doute, il faudra entreprendre de nouvelles expériences sur l’assimilation positive d’acide carbonique pendant la formation immédiate d’amidon dans les grains de chlorophylle privés de ce corps. Déjà l’année dernière je m’étais proposé cette question pour mes vacances, mais je n’ai pas pu exécuter mou projet. La formation immédiate d’acide carbonique par des plantes terrestres fraîches , dans une atmosphère privée d’oxygène, est tellement constante , que, lorsque le volume du gaz dans lequel on les enferme reste le même, il faut nécessairement en con- clure qu'on: bien les gaz employés contiennent de l'oxygène, ou que la plante est morte. § 1S. Gomme je l’ai déjà dit dans ce mémoire, je n’ai souvent pas réussi, dans ces dernières années, à découvrir de l’oxygène dans les expériences faites dans l’hydrogène, à la lumière solaire, avec des feuilles vertes. Après un peu de réflexion, je me suis per- RESPIRATION DES PLANTES TERRESTRES. 209 suadé qu’il faut en chercher la cause dans le mélange détonant dont on se sert dans l’analyse. On sait, et Meidinger s’en est occupé avec soin, que le gaz détonant, provenant de l’eau très-acidulée, contient un excès d’hydrogène, par suite de la formation de bioxyde d’hydrogène. Mais, d’après Bunsen, on obtient un mélange détonant pur avec de l’eau contenant un dixième d’acide sulfurique. Je prépare mon gaz détonant à l’aide de l’appareil de Bunsen, et depuis cette époque avec de l’eau aiguisée simplement avec quelques gouttes d’acide sulfurique chimiquement pur. Pour éprouver la pureté de ce gaz, j’en ai mis dans un eudiomètre avec de l’hydrogène, dans un autre avec de l’oxygène, et j’ai brûlé les deux mélanges. Une série d’analyses de ce genre m’a montré qu’on n’obtient de cette façon que rarement un mélange détonant pur; tantôt il contient trop d’hydrogène, tantôt trop d’oxygène. Quand on chasse l’air de l'appareil et qu’on recueille ensuite les gaz, on trouve un excès d’hydrogène ; quand on abandonne ensuite, après l’avoir fait fonctionner pendant long- temps, l’appareil (1) à lui-même pendant deux à trois jours, on obtient un excès d’oxygène (2). 11 est vrai que le peroxyde d’hydrogène se décompose déjà en partie à la température ordinaire, mais il ne se décompose même pas complètement à la température de l’eau bouillante, de sorte qu’on peut le concentrer par évaporation. Mais le gaz détonant qu’on prépare avec un appareil plongé dans de l’eau bouillante est parfaitement pur; c’est de ce gaz détonant que je me sers maintenant exclusivement dans mes analyses. (1) Pour éviter les lavages continuels de mon appareil, j’en ai fermé le tube abduc- teur sous le mercure à l’aide d’un petit capuchon de caoutchouc. (2) Cet excès est surtout considérable lorsqu’on plonge l’appareil avant ou pendant l’expérience dans de l’eau bouillante. 5e série, Bot. T. XIX (Cahier n. h). - 14 NOTES SUR QUELQUES ARBRES EMPLOYÉS DANS L’INDUSTRIE BRÉSILIENNE, Par M. Sosé d© SAEiBAMIIA BA G&HA. N’ayant pu terminer, avant mon départ du Brésil, la publica- tion de la quatrième partie de mon travail sur les végétaux sécu- laires de ce pays, j’ai pensé qu’il ne serait pas sans intérêt de faire connaître aux botanistes, avant la fin de l’ouvrage, les pro- priétés et les usages de quelques arbres dont je viens de termi- ner la description. Quant à ceux du quatrième fascicule, ils seront rassemblés en un volume spécial qui fera suite aux trois premières livraisons (1). Onu o MELIACEÆ. Cabraleâ Càngerana. Yulgo : Cangerana in Parahyba do Sul et in Rio-de- Janeiro. Arbor alla parvo diametro. Cortex radicis dicitur amarus et febri fu- gua ; cortex trunci aliquando laminis irregularibus compositus sæpe extus horizontalité!’ striatus, striæ vero parallelæ longitudinales valde distinctæ. Lignum pulchrum, rubrum, subviolaceum, odore grato, non raro undulatum, modice densum (pondus specifieum 0,768), perquam fissile, accommoda tum, ut audivimus, in Itaguahy [fasenda do Rio-Novo) ad tabulas tenuissimas et minimf fulcimenta obtinendum; inclementiæ cœli expositum aut in terra immersum perdiu incorruptibile. Folia imparipinnata; petiolo communi 30 cent, longo, arcuato, crasso, cana- liculato, pubescente ; foliolis 17 (an naagis?), oppositis, magnis, supe- (1) Estudo botanico dos Vegetaes seculares do Brasil. ARBRES EMPLOYÉS DANS L’INDUSTRIE BRÉSILIENNE. 211 rioribtis majoribus, 8 ad 13 cent, longis, 3 1/2 ad h cent, latis, bre- vissime petielulatis, coriaceis, oblongo-ellipticis vel oblongo-subfalcatis, obtuse-acuminatis, ad basim acutis, inæqualibus obliquisque, integris infra inæqualiter expansis nonriunquatn recurvis, in dorso leviter pube- scentibus, penninerviis, nervo medio tantum in pagina inferiori valde prominente, nervis lateralibus altérais oppositisve, ad marginem bifur- catis, inter se junctis; in parenchymate foliorum cum lente glandulæ numerosæ clare intermixtæ. Flores numerosi in paniculas axillares dis- positi, pedunculis longitudinal iter striatis. Sepala 5 imbricata, orbicu- laria, brevissima, reflexa, extus pubescentia, intus punctulata (ex specim. sicco). Petala 5 sepalis longiora et alternantia, membranacea, imbricata, oblonga, subretlexa, in floribus siccis rubro-violacea. Stamina 10 mona- delpha, filamentis fere longitrorsumconnatis, androphorum cylindricum in 20 crenis superne terminatum; antheris erectis, parvis, linearibus, cum crenis alternis, oblongis, intus tubo staminorum occultis. Ooarium liberura, 5-loculare, ovdideum, ext.us villosum, ovula minutissima in loculis gemina (an plura?) ; discus membranaceus, androphoro dis- tinctus, ovarium superans et vaginans ; stylo crassiusculo, stigmate discoideo coronato. Obs. — Le Cangerana , dont nous avons observé les premiers individus dans la vallée de Parahyba du Sud, de la province de Rio-de- Janeiro, jouit d’une grande célébrité, soit à cause des pro- priétés fébrifuges de l’écorce très-amère de la racine, soit par l’immense valeur qu’on accorde à son bois dans les constructions civiles. Son tronc atteint environ h mètres de circonférence, et son bois, rouge foncé, odorant, de texture fine et délicate, produit des planches très-propres à faire des parquets, ainsi que de solides étais. Il entre dans presque toutes les constructions civiles, et ré- siste d’une manière remarquable à faction de l’humidité. L’écorce des tiges les plus jeunes présente de la base au sommet de nom- breuses stries horizontales fort régulières, également distancées les unes des autres, tandis que sur les tiges âgées l’écorce se divise quelquefois en lamelles de différentes grandeurs, et devient ainsi assez irrégulière. L’aubier est presque nul dans cette espèce. 212 J. OU SALOA^iHA OA «AMA. Ofxüo ERYTHROXYLEÆ. Erythroxylum utile (1). Arco de pipa dicitur in valle Parahybense (fasenda cle Monte- Christo in S. Fidelis ), sicut prope Rio-de-Janeiro ( Mendanha ). Arbor pretiosa ; truncus nobis visus 3m,05 circuitu, altitudine propor- tionali ; cortex tennis cujus suber in laminas minimas interdum divisus; lignum pallide-rubrum, ponderosum (pond. spec. 1,071), notabili tena- citate, præsertim valde flexibile, tjuod probatur utcunque ad circulos usitatur; in saburra aut in terra obrutum incorruptibile, et in aqua immersum ; fissile cuneo. Ramuli apice compre'ssi. Folia alterna, slipu- lacea, stipulis axi 1 lari bus, coriacea, pleraque oblongodanceolata sive aliquando oblongo-elliplica, 5 usque 10 cent, aut ultra longa, 2 ad 5 cent, lata, petiolo canaliculato circiter 1 cent, longo in t'oliis junioribus pubescente, basi apiceque subacuta vel sæpius leviter obtusa, subtus nitida, in dorso pallidiora, ad marginem nec semper rugosa sive un- dulata, utrinque glabra (in fol i is annosis), reticulata, integra, penni- nervia; nervo medio in pagina inferiore prominente; nervis lateralibus subtus vix prominulis, para I lel is, oblique insidentibus. Flores parv U aut 5 in axillis foliorum congesti ; pedicellis pubescentibus, longis, quandoque involutis basi bracteis seu stipulis persistentibus. Calyx 5-partitus, segmentis ovatis vel deltoideis, acutis, subcrassis, tam in dorso quam in limbo pubescentibus. Petala non vidimus. Stamina 10, hvpogyna, exserta, partira libéra, filamentis capillaribus basi in urceolum membranaceumconnatis, urceolo calycem superantesedpistillobreviore; antheræ in specimine sicco deficiunt. Ovariurn distinctum, superum, staminibus subæquale, com pressura, l-loculare, 1-ovulatum; ovulo minulissimo ex apice pendulo, funiculo tenuissimo. Fructus 1 cent, longus, plano-convexus, angulatus vel longitudinaliter sulcatus, 1-locu- laris, marginibus introflexis. Semen Species de qua hic agitur hac- tenus nunquam descripta (?), a nobis autem visa inter manuscriptos magistri Dr Freire Allemao, qui folia et flores nobis obtulit. Obs. — Dans un voyage à la fasenda de Monte-Christo , située sur la rive droite du Parahyba du Sud, on nous a montré un (I) Cette espèce aurait été comprise dans les travaux de M. Martius. ARBRES EMPLOYÉS DANS L’iNDUSTRIE BRÉSILIENNE. 213 arbre connu sous le nom d 'Arco de pipa, qui, bien que petit, est très-recherché, à cause des remarquables propriétés de son bois. Nous en récoltâmes un tronçon, ainsi qu’un échantillon de feuilles, dont les stipules et l’alternance des feuilles nous rap- pelaient les Érythroxylées. Plus tard, chez notre maître Fr. Alle- mao, nous avons pu en examiner dans son herbier les feuilles et les fleurs sèches, accompagnées d’un petit fruit, et nous sommes resté convaincu que l 'Arco de pipa appartient bien au genre Erythroxylum. L’écorce se reconnaît immédiatement, à n’importe quel âge, aux petites pièces rectangulaires qu’elle présente à la surface. Le bois, lourd, rouge, flexible, se laisse fendre facilement de haut en bas au moyen d’un coin. On l’emploie fréquemment aujourd’hui pour les traverses des chemins de fer, pour des pilotis, ainsi que pour fabriquer de petits ouvrages. Si les tiges de l’espèce dont il s’agit ne sont ni les plus hautes, ni les plus grosses parmi les essences de nos forêts, elles sont en revanche l’une des plus généralement exploitées. Ordo APOCYNEÆ. Aspidosperma olivaceum Midi. Aspidosperma eburneum Ail. (mss.). Pequia-marfim dicitur in Rio -de- Janeiro, seu Pequia-ama- rella in Parahyba do SuL Species hic descripta interdum coma parva, angusta, et parum fron- dosa. Arbor circuitu trunco 2 m., plus minusve 20 m. altitudine, sæpis- simefrutex magnus, sicut vidimus in valle fluminis Parahyba necnon et inTij uca, ubi folia, flores et fructus collegimus. Truncus aliquando reclus, elegans; cortex integer, subere tenuissimo, libro crasso (1 1/2 cent.), aliquando amaro ; lignum pulchrum, luteum, aliquando albido-luteum, sæpe undulatum, leve (0,845), ebore simile, aspectu sericeum, omnibus laudatum et plerumque æstimatumad egregia manubria ferramentorum efficienda, et quandoque ad opéra tessel lata tornatiliaque construenda, sed rarius ad mensas, cathedras, lectos, conficiendum, cujus color tamen evanescit utcunque sub luce solari perdiu permanet, perquam fissile. <9. ©15 SALDAIWBA 1»A CÏASIA. 2i h Kami ramulique dense albido-verrucosi, glabri. Folia sparsa, 8-9 cent, longa, 3-3 1/2 cent, lata, longe petiolata, petiolo 3-4 cent, longo flexi- bilique, oblongo-subobovata, interdum oblongo-sublanceolata, coriacea, obtusa sive leviter acuta, ad basim acuta nec semper æqualia, integra vel undulata aut rugosa (ut sicca), supra nitida, glabra, subtus palli- diora sive pallide glauca, et cum lente pilis minutissimis albidisque, valde puncticulata ; nervis lateralibus oblique insidentibus, in dorso vix perspicuis, sæpius 10 utroque latere, fere rectis; nervo medio supra impresso, sed in pagina inferiore aliquantum prominente. Flores parvi in cymas glabras laxifloras dispositi. Calyx gamosepalus, tubo bre- vissimo, dentibus 4, late ovatis, acutis, suberectis, extus puberulis. Corolla tubulosa calycem valde superans, extus puberula; lobis 4 rotun- dis, imbricatis ; tubo nonnunquam ad basim angustato, intus piloso. Stamina 4 inclusa, subsessilia, cum indumento corollæ connata; antlie- ris subcordatis v. oblongo-ovatis, acuminatis, glabris, subbasifixis, bilo- cularibus, longitudinaliter debiscentibus, introrsis. Ovaria 2 supera, extus pubescentia, pluriovulata; stylo tenuissimo. Folliculi 2 superficie albido-verrucosi, sublignosi, stipite crasso, mucronati, 5 1/2 cent, longi, 2 1/2 cent. lati. Semina 5alata, ala membranacea, crassiuscula, flava aut lutea, elliptica, trauslucida, usque4-4 1/2 cent, longa, 2 1/2 cent, lata; embryo centralis, 2 cent, longus, 13 mill. lat. Fructus in mense junio collectus. Obs. — ■ Nous venons de décrire un arbre fort intéressant, et dont la tige s’élève ordinairement à 20 mètres de hauteur. Le tronc en est généralement droit, et toujours d’un diamètre assez faible. L’écorce externe est unie, mais l’interne est remar- quable par l’épaisseur de son liber, dont les feuillets contiennent un principe amer et rougeâtre. Le bois, jaune, léger, joli, quand il est jeune et récemment mis en œuvre, semblable à l’ivoire, jaunit et perd toute sa beauté lorsqu’il reste exposé à la lumière ; il est si doux au contact de la main et s’échauffe si dif- ficilement par le frottement, qu’on l’estime partout comme le plus excellent bois pour faire des manches d’instruments. Si on le frotte soit avec un morceau de verre, soit avec n’importe quel objet rude, il devient luisant comme le satin. On le fend sans effort ; on s’en sert fréquemment pour la marqueterie, les tra- vaux de tour, pour fabriquer des coffrets, des encadrements, etc. Autrefois on le recherchait pour la fabrication des tables, des chaises, des lits; mais on l’a délaissé, par la raison que sa ARBRES EMPLOYÉS DANS L* INDUSTRIE BRÉSILIENNE. 215 belle couleur jaune finit par disparaître au bout de quelque temps» La cime de cet arbre est formée par deux grosses branches provenant de la bifurcation de la tige, lesquelles sont à demi inclinées en dehors, et se ramifient de telle façon, que la cime est toujours basse, étroite, et donne peu d’ombrage. Il est très-difficile de préparer des échantillons de celte plante pour herbier, car la dessiccation fait détacher les pétioles, et il est presque impossible d’obtenir un échantillon sec garni de ses feuilles. Nous en avons récolté les fleurs et les fruits à la mon- tagne de Tijuca, aux environs de Rio-de-Janeiro, sur un indi- vidu beaucoup plus petit que ceux que nous avons eu le bonheur de voir dans la vallée de Parahyba du Sud. Ordo LEGUMINOSEÆ. Centrolobium robustum Mart. Yulgo : Eririba in Parahyba do Sul et in Rio-de-Janeiro . Arbor magna, pretiosissima, in terris feracibus crescens. Truncus 6“,5 circuitu, 18“, 26 altitudine; lignum speciosum, flavo-roseum aliquando cum venis obscurioribus intermixtum, odore grato, et quamvis sit leve (0,741) et magni pretii frequentissime tamen usitatum ad fores interiores domorum faciendas et minimos postes seu marcos (ex lusit.) forium construendos, præcipue ad magnas portas inferiores ædium struendas, quæ inclementia cœli semper expositæ plusquam centum annos perma- nent ; denique ad putchra scrinia, tabularum margines, tigna, trabes tabulamentumque sæpe adhibendum; facile exsiccatur, ad exardescen- dum facile. Cortex rubro tingens. Folia imparipinnata, magna juniora, petiolo communi petiolulisque valde pubescentibus ; foliolis magnis, junioribus 7 usque 17 cent, longis, 4-8 cent, latis, ulrinque velutinis, in parenchvmate pellucide punctatis, ovato-oblongis, chartaceis, basi obli- quis v. rolundatis, breviter petiolulatis, apice acutis v. snbacuminatis, integris, marginibus nonnunquam ad basim inæqualiter tumidis ; costa media subtus prominens, nervis laleralibus plerisque alternis et ad mar- ginem foliolorum arcuatis. Flores in paniculas dispositi, pedunculis pedi- cellisque ferrugineo-pubescentibus. Calyx gamosepalus, parvus, pun- ctulatus; dentibus 5 sublinearibus v. ovatis. Corolla papilionacea cal ycem superans, petalis mnguiculatis glabrisque; vexillum latum, reflexum. 21 G <9. U® SAL®AÜHA 10 A G- AM A. ovatum ; alæ et carina inæquales, subfalcatæ, vexillo augustiores et inter se liberæ. Legumen, addita ala, magnum 17 cent, longum, 5 1/2 cent, latum, indehiscens, apice lignosum cum spinis numerosis pungentibus longisque, 2-loculare ; ala valde coriacea, falcata, nunc sericea subi i - gnosa, nunc ferrugineo-pubescens, subrugosa, superficie striata ; stylo persistentearcuato pungente. Semina 2,oblonga, transversa, compressa ; testa rubéfia. Obs. — Les variétés de cette espèce, si vantée au Brésil, sont connues sous les noms vulgaires de : Eririba violet , Eririba rose , et Eririba jaune , selon les couleurs ou les nuances du bois proprement dit. Elles vivent toujours dans des terrains fertiles des provinces do Rio-de-Janeiro, Espiritu-Santo, etc., et plus rarement dans la vallée du Parahyba du Sud. L’écorce de cet arbre remarquable donne une couleur rouge. Son bois entre surtout dans la construction des escaliers ; si l’on en fait en effet les marches, on est sûr qu’elles se conserveront intactes pendant de longues années en présentant les caractères du marbre. On arrive à le priver très-facilement de la sève qu’il contient au moment de l’abatage ; il suffit tout simplement., pour cela, de le laisser exposé pendant quelque temps à l’air. Si l’on bâtit une grande maison en employant seulement les matériaux ligneux fournis par l’espèce dont il est question, on peut être assuré qu’elle durera plusieurs siècles. On en fait des grandes portes, des planchers, des fenêtres, des cadres, les portes exté- rieures des habitations; après un siècle de .durée sous l’action des pluies et de la chaleur des tropiques, elles sont dans un état étonnant de conservation. A Rio-de-Janeiro on a récemment démoli des maisons construites depuis plus d’un siècle, et dont toutes les boiseries , soit extérieures, soit intérieures, faites d' Eririba, étaient aussi saines que si elles venaient d’être fabri- quées. Voici un fait qui nous a été raconté par M. le professeur Allemao, le 29 avril 1872 : « Jadis, nous dit-il, et pendant la vie du prêtre Couto, il y avait dans ce même endroit que vous voyez, une forêt immense d 'Eririba qui a disparu peu à peu ; l’ancien maître de cette ARBRES EMPLOYÉS DANS L INDUSTRIE BRÉSILIENNE. 217 fasenda éclairait toute l’usine avec des flambeaux du très- combustible bois d ’Eririba. Ce bois brûle très-facilement, et il est fort difficile d’éteindre sa belle flamme. » Il est aujourd’hui d’une extrême rareté sur les marchés de Rio-de-Janeiro ; et l’on a tellement profité de ses qualités, qu’on est obligé de le faire venir à grands frais d’Itapemerim et d’Ita- bapoana, ce que tout le monde ne peut faire. <• Ordo CORDIEÆ. CORDIA ALLIODORA Cil. Vulgo : Louro in Rio-de-Janeiro, seu Fret Jorge in provinciis Rrasiliæ septentrionalibus. Arbor magna, coma ampla. Truncus procerus; lignum odoriferum, leve, aspectu sericeum, ad magnas constniendas inhabile, sed proprio, sicut vidimus, ad fores interiores ædium et fenestrarum eftingendas, sicut ad specularia replaque obtinenda, sæpissime ad tabulatum, mini- mas capsas venustas tignaque æstimatum. In terra obrutum putrescit. Folia alterna, oblongo-ovata, rarius oblongo-obovata, ex specimine sicco coriaceo-rigida, majora 9 cent, longa, h cent, lata, petiolo 2 1/2 cent, longo, ad apicem acuta, mucronata, ad basim angustata inæqualiaque, integra, discolora, supra obscure viridia pilis stellalis numerosis sub- scabra, subtus opaca, stellato-tomentosa ; nervo medio impresso, subtus vix prominentia ; nervis secundariis alternis et in pagina- inferiore vix prominentibus. Flores in paniculas terminales disposai, pedunculati, pedunculis pubescentibus ; bracteis coriaceis. Calyx gamosepalus, coni- cus, tubo longo extus tomentoso et longitudinaliter sulcato; dentibus 5 brevissimis. Corolla gamopetala, hypogyna, tubo calycem vix supe- rante; lobis 5, dentibus cum calycinis lobis alternis, apice subrotundis. Stamina h (5?) subinclusa fauci corollæ inserta. Ovarium 4-loculare; stylo apice lobis k reflexis vel recurvis diviso. Flores herbarii numerosi sed fere omnes imperfecti, servato tantum calyce. Obs. — L’arbre en question que nous appelons Louro , se rencontre dans les différentes parties de l’empire brésilien. Sa croissance est assez rapide ; sa tige grossit et s’élève au-des- sus de la moyenne, et se termine par une large cime. Multiplié 218 J. ®E SALDANHA ®A fi- AM A au moyen de semis, on obtient, après huit années, un arbre complet et si gros, qu’on en peut tirer des planches. La plupart des arbres appartenant au genre Cordia ont l’avantage de se développer au milieu de nos forêts. Leur bois odorant, léger, ne résiste pas à l'action de l’humi- dité; mais il est très-recherché pour faire les petites portes inté- rieures des maisons, ainsi que les lambris, etc. Les charpentier^ qui travaillent ce bois finissent, au bout de quelques heures, par éprouver une soif ardente, causée par la poussière que produit le sciage. Les copeaux ont, dit-on, la sin- gulière propriété d’enlever toute l’humidité des mains des me- nuisiers, au point de rendre le travail désagréable pour eux. MATÉRIAUX POUR SERVIR A L’HISTOIRE DE LA CELLLXE VÉGÉTALE RECHERCHES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES, Par ïe TCIHSTIAKOF»:, Professeur extraordinaire de botanique à l’Université impériale, et membre de la Société des naturalistes de Moscou. DÉVELOPPEMENT DES SPORANGES ET DES SPORES * CHEZ LES FOUGÈRES. LES SPORANGES DES MARÀTTIACÉES (1). Angiopteris longifolia. Les sporanges de cette Fougère sont groupés en sores bi- sériés sur la surface inférieure des feuilles, près des extrémités des nervures latérales ; ils sont opposés ou alternes, ce qui pour- tant ne dépend pas du nombre des sporanges, qui est pair ou impair (pl. 12, fig. 1), de même que ce nombre n’a pas de rela- tion avec les sores qui peuvent avoir à leurs extrémités, soit une paire de sporanges, soit un sporange unique. Les sporanges eux-mêmes sont des formations multicellulaires d’un vert blanchâtre à l’état jeune, et d’un brun clair à l'état de maturité; leur extérieur, à cause de la grande convexité des cellules superficielles, semble, à l’œil nu, granulé. Pendant le développement, les deux rangées se pressent l’une contre l’autre; leur forme primitive, globuleuse, devient angu- leuse ; il n’y a que la partie pariétale qui reste toujours convexe. (1) Second mémoire imprimé en russe, janvier 1871, comme dissertation inaugu- rale. — ■ Premier mémoire, Po/ypodiacées , in Nuovo Giornale bot. ital., vol. VI, n, 1. 220 TFIIISFÏAKOFF. Tous les sporanges d’un même sore sont, pour ainsi dire, soudés par leurs bases (pl. 11, fig. 7), les sommets étant libres; ce qui a conduit les anciens botanistes (1) à leur donner le nom de « uniloculaires » ou libres, pour les distinguer des sporanges multiloculaires des Marattia et des Kaulfussia, chez lesquels ils sont soudés complètement. Les sores sont munis à leur base de poils ramifiés (pl. 11, fig. 9) qui, à mon avis, ont la môme signification morphologique que les paraphyses des Polypodiacées. Le sporange complètement développé (pl. 11 , fig. 10) n’offre pas une construction uniforme, et pourtant il n’y a pas ici de formations pareilles à l’anneau des Polypodiacées. La partie 'pariétale (supérieure) du sporange est formée de 2-3 couches cellulaires qui passent graduellement à la partie dorsale et à la partie ventrale , qui ne sont formées que d’une seule couche de cellules moins épaissies que celles de la partie pariétale. C’est à la partie ventrale que le sporange s’ouvre par une fente ver- ticale. Le fond du sporange est formé de tissu parenchymateux, à parois minces. La soudure des sporanges entre eux n’existe que dans les parties ventrale et latérale, tandis que la partie dor- sale de chaque sporange est libre ; de sorte que le fond des sporanges et les parties du tissu qui se trouvent entre eux sont un peu élevées au-dessus de la superficie de la feuille. Dans la partie ventrale supérieure il y a comme une sorte de ceinture incomplète, composée de quelques séries cellulaires un peu élevées au-dessus des autres cellules. Cette ceinture s’avance à travers le sporange, en arrière et en bas; son côté supérieur se perd entre les cellules pariétales, et n’est visible que sur son côté inférieur; elle apparaît sur une coupe longitudinale sous la forme d’une saillie composée d’un groupe de cellules (pl. lt, fig. 10, a). Je ne saurais dire si cette ceinture contribue à ouvrir le spo- range ; on pourrait peut-être la comparer au connecticule ou (1) Schwartz, Schrad. Journ., 1801, 1, p. 306. — , Willdenow et Bernhardi, Zwei botanische Abschnitt übcr einige séltene Farrenkrauter, 1802. — Q. F. Kaulluss, Enumeratio Filicum quas in itinere circa terrain legit, 1824. SUR LA CELLULE VÉGÉTALE. 221 anneau de quelques autres Fougères, par exemple des Gleiché- niacées. Les parois de toutes les cellules du sporange sont incolores, et ce n’est qu’à letat de maturité que la seule paroi extérieure des cellules superficielles devient brune. La première formation des sporanges commence même avant la différenciation des faisceaux vasculaires et des canaux gom- meux. La superficie inférieure de la feuille où les sporanges doi- vent se former est parfaitement unie; plus tard cette superficie présente d’abord des élévations et des sillons dont le fond est formé par un tissu délicat, incolore. Ces élévations et ces sillons sont produits par la différence entre l’accroissement des portions du tissu, les unes correspondant aux espaces entre les nervures latérales, les autres à ces nervures elles-mêmes. Les premières régions du tissu s’accroissent plus que les autres, s’élèvent sur le niveau commun; les cellules s’emplissent de chlorophylle, tandis que le tissu des sillons et son épiblème restent incolores et délicats. Un peu plus tard (pi. 12, fig.2), sur les surfaces de ces sillons primitivement unies, on aperçoit deux petits mamelons (coupe transversale par sore) : c’est la première apparition de deux sporanges opposés, et c’est alors que les faisceaux vascu- laires et les couches des cellules gommeuses viennent se former. Ainsi, déjà avant l’apparition des mamelons primitifs des spo- ranges, cette partie du tissu, destinée à former ces mamelons, se différencie; je lui donne le nom de placenta des sporanges, quoique ce terme ait ici un antre sens que pour les Phanérogames. 11 est évident que laformation du placenta n’a aucun rapport avec l’apparition des faisceaux vasculaires, des cellules et des canaux gommeux, mais je ne voudrais pas dire qu’il en soit de même relativement au développement des sporanges, dont les premières traces se voient en même temps que la première différenciation des faisceaux et des canaux. Dans la phase suivante (pl. 12, fîg. 3), on voit quelque chosede semblable au dédoublement d’un seul mamelon ; mais la fig. 2, pl. 12, nous explique parfaitement ce phénomène: ces mamelons sont produits par les divisions des cellules épihlématiques, ainsi TCMISTIAMOFF. 222 que sous-jacentes, en deux points distincts duplacenta, et nous reconnaissons, sur une coupe longitudinale passant par toute la rangée des sporanges, que dans cette direction tous les mamelons apparaissent de la même manière et comme s’ils étaient tous placés sur la base commune, en restant libres sur tous les autres côtés. Plus bas, le tissu placé entre les sporanges, parla division plus lente de ses cellules, agranditle placenta commun et les bases des sporanges, qui s’éloignent les uns des autres. En même temps ces organes s’agrandissent par les divisions de leurs propres cel- lules internes et externes (pl. 12, fig. 2; pl. l'I , fig. 5) ; les cellules de Fépiblème se divisent aussi pour donner la place nécessaire aux descendants des cellules sous-jacentes, et aussi pour agrandir les sporanges. Donc, ici les deux sortes de cellules prennent part à la formation du sporange. Les sporanges reçoivent peu à peu leur forme définitive; cependant on voit une cellule provenant de cellules intérieures du sporange, et presque centrale dans le sporange, qui s’agran- dit plus que les voisines (pl. 11, fig. 5), dont le contenu diffère peu de celui de la cellule centrale. Au fur et à mesure du développement du sporange, cette cellule s’accroît à son tour et conserve toujours son plasma trouble, abondant en petits granules, tandis que le contenu de ses voisines devient plus limpide et plus aqueux. Lorsqu’elle s’est divisée en deux(pl. il, fig. 4), les deux cellules filles se divisent comme à l’ordinaire, produisant leur postérité par les cloisons d’abord radiales, puis tangentielles (pl. 11, fig. 6), d’où il suit que toutes les cellules dérivées se disposent en séries radiales. Nous pouvons observer encore un autre mode de division dans les cas où la cellule cent rale a la forme d’un tétraèdre, ainsi que je l’ai quelquefois observé. Des cloisons parallèles aux plans de ce tétraèdre coupent successivement l’une après l’autre les segments (pl. 11, fig. 8), tout à fait comme pour les deux premières divi- sions de la cellule tétraédrique d’un sporange desPolypodiacées; seulement ces divisions se répètent ici plusieurs fois, excluant les divisions tangentielles, qui n’apparaissent qu’à l’extrémité de l’ensemble multicellulaire dérivé de ces divisions et des divisions SUR LA CELLULE VÉGÉTALE. 223 radiales qui multiplient les cellules dans la direction des tan- gentes. En tout cas, ces cellules dérivées sont les cellules mères des spores, et constituent durant leur développement un corps cellu- laire qui resserre le tissu d’alentour et le désorganise peu à peu, ne résorbant que les cloisons celluleuses dont la substance se transforme en granulose qui se colore en bleu par ï + KL Cependant le plasma du tissu résorbé s’attache au corps des cellules mères en entretenant la liaison avec les parois du spo- range. C’est pour cette raison qu’il est possible de séparer ce corps quand les cellules ne sont pas encore détachées les unes des au- tres (pl. 13, fîg. 11) ; ordinairement le plasma l’enveloppe de tous côtés. Ce plasma a déjà perdu quelques-unes de ses propriétés ordinaires; il est plus dense, n’absorbe pas d’eau et ne forme des vacuoles que sous l’influence des sels alcalins (1). Suivant MM. Fischer de Waldheim et Russow(2), ce serait là X épi-plasma , mais l’histoire de leur développement montre que c’est le pseudo-epiplasma , qui, chez les Polypodiacées, n’a son origine que dans l’accroissement des cellules déjà formées, tandis qu’ici il se forme durant leur multiplication et leur développe- ment ultérieur. Ces corps des cellules mères ont ordinairement la forme de reins (pl. 13, fîg. il); quelquefois on y aperçoit des lignes tran- chantes qui sont constituées par des cloisons celluleuses, plus épaissies que les autres, et je ne saurais rien dire sur l’origine de ces lignes, sinon qu’elles constituent peut-être les limites des régions des descendants des cellules reproductives dont chacune est semblable à la cellule centrale tétraédrique, c’est-à-dire qu’il y avait plusieurs centres de multiplication des cellules, quoique peut-être ces centres n’aient pas été représentés par les cellules à forme tétraédrique. Si cela était ainsi, nous aurions une forme (1) Wimmel croyait que le plasma s’absorbe aussi clans des anthères ( Bot Zeit 1858. p. 28). (2) Mém. de l’Acad. des sc. de Saint-Pétersbourg (chez les Polypodiacées et autre Cryptogammes), 1872. TCHISTIAKOFF. 224 de multiplication des cellules mères intermédiaire entre les deux formes extrêmes décrites ci-dessus. À cette époque, les sporanges atteignent leur forme définitive, quoique les cellules pariétales soient encore en division (pl. 11, fïg. 7, 8, 10). Les poils naissent de cellules extrêmes du placenta (pl. 11, fig. 3); comme exception, ils se forment quelquefois même des cellules superficielles du sporange (pl. 12, fig. 4). En général, l’épiblème du placenta prend parta la formation des sporanges, comme je l’ai déjà décrit. Les sporanges se déve- loppent sur la base commune, qui est agrandie aux dépens du tissu plus profond ; ils croissent ensemble, et si cet accroissement des bases avait commencé dès la première apparition des mame- lons des sporanges, nous eussions eu quelque chose de semblable aux sporanges de Marattia , Danœa et Kau/fussia (1). Comparés aux Polypodiacées, les sporanges de Y Angiopteris , à première vue, présentent une complication provenant de ce qu’ici l’impulsion à leur développement est donnée collective- ment par plusieurs cellules épiblématiques, tandis que chez les Polypodiacées il ne commence et ne continue que par une seule cellule épiblématique. Mais il ne faut pas oublier qu’?7 est néces- saire de donner de la place à la division des cellules sous-jacentes qui s accroissent pendant cette époque préliminaire , et je crois bien qu’une pareille origine d’un organe ne donne pas de raisons suffisantes pour considérer de semblables formations comme des tri chômes. Ainsi, les sporanges de Y Angiopteris représentent, avec les sporanges des Ophioglossées d’un côté, et ceux des Équisétacées de l’autre, l’intermédiaire entre les sporanges des Polypodiacées et les anthères des Phanérogames. En effet, ces organes décrits chez les Équisétacées par M. liofmeister {Vergl. Unters., p. 97) représentent le passage des sporanges des Polypodiacées à ceux des Marat liacées. (1) M. Luersen a obtenu plus tard [Bot. MittheiL, 1872?) des résultats contraires dans son travail sur le développement des sporanges de Marattia, mais il n’a vu que quelques phases, et, comme je le crois, non sur les coupes centrales. SUR LA CELLULE VÉGÉTALE. 225 Il est très-probable que les Ophioglossées out les sporanges les plus compliqués que les Fougères, d’après leur mode de déve- loppement, qui ressemble peut-être à celui des anthères; mais d’après ce qui a été dit plus haut, il n’y a pas de raisons suffi- samment sérieuses pour accepter les considérations de M. Martius sur ce sujet ( Conspectus regni vegetab ., 1835, p. 3), accueillies du reste par des botanistes éminents de notre temps, et les sé- parer des autres Fougères pour en former un groupe particulier correspondant à celui des Ëquisétacées. Si nous prenions le même critérium pour les Marattiacées, dont les sporanges doivent être aussi compliqués que ceux des Ophio- glossées (par exemple chez les Maratiia , Danœa , Kaulfussia) , nous devrions les séparer aussi des Fougères et y placer au contraire les Ëquisétacées, dont les sporanges ressemblent à ceux des Polypodiacées. S’il ne fallait considérer une plante comme Fougère que dans le cas où elle a les sporanges des Polypodiacées, cela reviendrait à dire qu’il existe d’abord un idéal fixe d'une Fougère ; et si une plante ne correspond pas tout à fait à cet idéal, elle doit être mise en dehors du groupe, qui ne représenterait alors que des Polypodiacées. LES SPORES DES MARATTIACÉES. Angiopteris longifolia. Anatomie des spores mûres . — Les spores parfaitement mûres ont une membrane très-complexe : la superficie est parsemée de petits tubercules de differentes grandeurs; comprimée, elle pré- sente les couches, ou pour mieux dire, les membranes spéciales suivantes : 1. La membrane la plus interne, de cellulose; elle touche le contenu : c’est le vrai endosporium [end. fig. 13, pi. 2). Il est assez fortement adhérent au contenu, transparent, incolore et élastique, et montre la différenciation des aréoles plus et moins denses ; eu un mot, il a toutes les propriétés des vraies mem- branes celluleuses. Cette membrane est recouverte en dehors 5° série. Bot. T. XIX (Cahier n° h). ° 15 226 TCmSTIA.K.OFF . par une autre membrane à trois couches (a, ê, 7, tig. 13), et qui par conséquent doit être appelée : 2.) Y exosporium. Elle est aussi incolore et fragile; par la potasse même diluée, elle se colore en jaune d’or foncé, ce qui la rapproche des membranes cuticu- laires; mais elle n’offre jamais comme celles-ci la réaction de la cellulose. Elle possède la propriété optique de présenter la colo- ration bleue en dehors et rouge en dedans, ce que j’ai déjà re- marqué pour les spores des Polypodiacées et ce qu’on observe fréquemment dans une foule d’autres membranes qui donnent pourtant la réaction de la cellulose. J’attire l’attention sur ce phé- nomène optique très-fréquent, car il a été jadis attribué par quelques auteurs à l’action des réactifs (1 ). La couche la plus interne de cette même membrane (7, fig. 13) possède également des aréoles plus et moins denses, disposées en forme de rayons. Plus en dehors sur cette couche reposent deux autres mem- branes (a, p, fig. 13, pl. 12), dont les propriétés sont les mêmes que celles de la couche 7, mais plus prononcées; pourtant elles n’ont pas ces aréoles plus et moins denses, et une solution de potasse les colore en jaune rougeâtre. Les tubercules, de gran- deur inégale et arrondis, semblent provenir immédiatement de la couche a et leur disposition n’est subordonnée à aucune règle fixe. Ces tubercules ont les propriétés de la couche 7 par rapport à la réaction de la potasse. Mais cette structure de Y exosporium n'est propre qu’aux spores âgées ; les spores plus jeunes, ou peut-être plus fraîches, en diffèrent. Ces spores comprimées (fig. ik, pl. 12) présentent trois membranes bien distinctes : 1. La membrane interne, qui a les propriétés de la cellulose, Y endosporium. 2. En dehors, deux couches d’ exosporium, qui présentent les propriétés décrites à propos de la couche 7 (fig. 13, pl. 12); mais ici elles sont très-épaisses et toutes deux offrent des aréoles (1) Fischer de Waîdheini, in Pringsk. Jn.hrb Bd. IV, p. 375. SUR LA CELLULE VÉGÉTALE. 227 plus et moins denses, disposées de telle manière qu’elles se correspondent toujours dans les deux couches. 3. Enfin la membrane externe (flg. 14, pl. 12) est trans- parente, fragile, incolore; la surface extérieure est légèrement sinueuse, tandis que la surface interne possède des impressions correspondant aux éminences de la couche précédente. Cette membrane extérieure se détache très-facilement des autres par la pression exercée sur la spore ; elle ne se teint, ni par la potasse, ni par aucun autre réactif, et, comme les deux couches de la membrane précédente, elle ne se dissout, ni dans les acides, ni dans les alcalis. Sur les préparations des fîg. 13 et 71, cette membrane n’existe plus. Je lui donne le nom de perisporium (1), donc les deux couches précédentes représentant Vexosporium. Nous verrons que ces dénominations correspondent aussi bien à leur évolution qu’à leurs propriétés physiques et chimiques. En effet, une coupe très-fine (fig. 12, pl. 12) nous montre précisément les relations qui existent entre ces couches et les autres. On voit que celles qui forment Vexosporium [ex) ont les rapports anatomiques les plus intimes ; les aréoles plus denses de la couche interne se prolongent à travers la couche extérieure. Le perisporium , qui n’est pas tout à fait incolore, est tou- jours transparent, et recouvre très-exactement Vexosporium; mais l’adhérence n’est pas durable, comme je l’ai déjà fait observer. Nous avons ici, comme dans le cas des Polypocliacées, la membrane générale de la spore composée de trois mem- branes spéciales à propriétés physiques et chimiques tout à fait différentes; ces membranes sont : le perisporium , Vexo- sporium à trois couches et V endosporium. Quant au contenu des spores mûres, il consiste en une matière (1) Pour distinguer cette sorte d’épisporium de ce qui existe sur les oospores de Champignons ( Peronospora , Cystopus), où il s’est formé d’une tout autre manière, c’est-à-dire aux dépens de vrais epiplasma (de Bary, Ann. des sc. nat., 4e série, t. XX). TÜI81STIAÜOFF. 228 plasmatique, mais surtout en huile qui ne se dissout ni dans les acides, ni dans les alcalis; elle forme de grosses gouttes qui remplissent complètement l’intérieur de la spore et masquent la substance plasmatique. Il existe de véritables spores composées de structure parfaite- ment semblable à celle des spores du Sphœrocarpus terrestris (fig. 7 h, pl. 1 h), dont je décrirai plus tard le développement. DÉVELOPPEMENT. Dans ce cas présent, comme pour les Polypodiacées, je divise toute l’ histoire du développement des spores en deux grandes périodes. 1. A partir de la séparation des cellules mères jusqu’à la première apparition de la membrane propre. 2. Depuis la formation de cette membrane jusqu’à la ma- turité. PREMIÈRE PÉRIODE. Les cellules mères, comme nous l’avons déjà vu, forment un corps entier; il se laisse extraire du sporange, mais toujours avec une altération complète du contenu de ses cellules, qui adhèrent très-faiblement l’une à l’autre par leurs membranes primaires à double contour, épaissies par la matière gélati- neuse. Ces couches d’épaississement s’étendent facilement dans l’eau. On remarque en outre que non-seulement quelques filets plasmatiques restent très-souvent au milieu de la substance géla- tineuse d’épaississement qui va resserrer le reste du contenu au centre, mais encore que ces mêmes filets, dans deux cellules voisines, se réunissent souvent ensemble en pénétrant à travers les membranes primaires. Ce phénomène s’explique suffisam- ment par la pression nécessaire pour extraire du sporange le corps des cellules mères; car, au moment où les cellules vont se séparer par résorption de la couche la plus externe, leur membrane est plus faible qu’auparavant. Faut-il admettre ici l’existence de canaux dans les couches d’épaississement? Je ne SUR LA CELLULE VÉGÉTALE. 229 le crois pas, parce qu’à uu âge un peu plus avancé je n’ai pas retrouvé ces pores. Je dois rappeler ici que la distension des couches d 'épaississement s’effectue d’abord aux dépens de l’eau du plasma encore contenue dans le sporange ; le plasma, en se contractant sous l’influence de la pression exercée sur le spo- range, cède son eau à la matière gélatineuse qui se distend en même temps et suit le plasma (1), quoiqu’il n’y ait pas ici de vacuoles ni de filets plasmatiques. Mais cette rétraction du plasma vers le centre ne peut s’effectuer en même temps dans tous les points de la périphérie : les couches gélatineuses gagnent d’abord les espaces abandonnés successivement par le plasma en absorbant l’eau que ce dernier a dû mettre en liberté dans ces mêmes points. Après leur séparation, les cellules mères sont encore plus sen- sibles ; car la matière gélatineuse d’épaississement est plus hygro- scopique qu auparavant. Elle est capable de s’étendre dans l’eau presque jusqu’à la dissolution, et si nous ne savons pas éliminer l’influence rapide de l’eau et des autres agents, nous n’obser- vons alors que des cellules représentées sur les fig.16, 39, où les couches d’épaississement sont étendues jusqu’au maximum, et le plasma contracté en flocons irréguliers rendus opaques par de grosses granulations (fig. 39, pl. 13). De pareilles cellules me semblent conserver trop peu de leur vitalité pour pouvoir être soumises aux expériences; il est trop évident qu’elles sont complètement détruites. Mais si l’expérience est convenable- ment ménagée, nous observons, dans les sporanges, des cellules séparées dont la physionomie est extrêmement différente de celle des cellules mortes ; la matière gélatineuse ne présente alors qu’une couche d’épaississement de moindre dimension (fig. k 2, pl. 13), le plasma n’est point granulé (fig. 15, pl. 12), et j’ai réussi à maintenir les cellules dans cet état pendant deux et trois heures en ne les laissant pas absorber d’eau, ou bien en (1) Comme l’a fait remarquer M. Hofmeister, à propos des cellules mères des spores à' Anthoceros lœvis ( Vergl. Untersuch., p. 7-9). Dans l’expérience de M. Hofmeister, l’alcool joue le même rôle qu’ici la secousse mécanique ; car, dans les deux cas, le plasma a dû donner son eau aux couches d’épaississement. 230 TCHSSTIAK.©®’®'. évitant à volonté cette absorption. J’ai ainsi observé l’action de l’eau sur le plasma et les autres parties pendant un temps plus que suffisant. D’après de nombreuses expériences, je puis dire ici que le plasma de ces cellules et, je crois, des cellules en général, est excessivement sensible aux secousses mécaniques, ainsi qu’aux agents chimiques, tels que les sels et Y eau; car l’imbibition du plasma par l’eau peut être considérée comme une réaction chimique. D’après les mêmes expériences, je puis dire aussi que les cel- lules sont tuées par l’action immédiate de l’eau sur le plasma. Nous devons considérer cette influence comme une réaction chimique, car dans lessubstances organiques telles que le plasma, l’eau joue le rôle principal pendant ces changements; d’un autre côté, la constitution chimique de plusieurs substances organiques, surtout des substances très-complexes (et le plasma l’est au plus haut point), très-différentes par leurs relations chimiques : elles ne se distinguent l’une de l’autre que par le nombre de molécules d’eau ; par conséquent le plasma, en pre- nant de l’eau, est détruit par suite d’un changement de consti- tution. 4 On verra les résultats lorsque j’exposerai les faits obtenus par l’élimination des autres agents qui sont les suivants : les change- ments de température; le simple contact des cellules extraites du sporange entre elles, quand elles se rencontrent ; le contact de la lame de verre qui vient couvrir la préparation, etc. ; toutes ces circonstances font que le plasma abandonne son eau aux couches d’épaississement et se contracte en un flocon grossièrement gra- nulé (fig. 16, pl. 12). Il est bien facilede comprendre pourquoila même chose ne se produit pas dans les cellules au dedans du spo- range, où existent les mêmes conditions, c’est-à-dire des couches gélatineuses d’épaississement toujours disposées à absorber l’eau du plasma età resserrer leur contenu . La plante est aussi toujours soumise aux secousses mécaniques, mais elle ne renferme pas l’agent qui se présente dans toutes les observations microsco- piques, le liquide de la préparation. Si les couches d’épaississe- ment n’absorbent pas l’eau du plasma dans leur état naturel, SUR LA CELLULE VÉGÉTALE, 231 c’est parce que la force organique qui retient l’eau, comme la composition chimique du plasma, est plus grande que la ten- dance des couches gélatineuses à absorber cette eau ; ici la force chimique est plus forte que la force physique. Mais lorsqu’une cellule est plongée dans un liquide, aussitôt les couches gélati- neuses, en recevant beaucoup d'eau, en s’étendant considéra- blement, exercent une pression sur le plasma, pression qui dimi- nue l’affinité chimique de celui-ci pour l’eau, à tel point que cette force devient au moins égale à la tendance de la matière gélatineuse à absorber l’eau du plasma. Les forces organiques du plasma sont ainsi en équilibre instable sous l’influence de la pression ; si la dernière n’est pas trop considérable, la moindre secousse mécanique peut forcer le plasma à céder son eau à la matière gélatineuse et à se contracter momentanément (fig. 16, pl. 12). Si l’on ajoute encore l’influence des changements de température qui rendent le plasma plus sensible aux agents extérieurs par la même raison que la pression, on comprend pourquoi les cellules mères dont il s’agit meurent très-rapide- ment au dehors, tandis qu'elles se développent au dedans du sporange. Si quelque secousse mécanique atteint les cellules dans ces dernières conditions, aucune force extérieure, aucune solution n’empêche la matière gélatineuse de s’emparer de l’eau que le plasma abandonne en un instant. En d’autres termes, avant l’existence des conditions indiquées, lorsque les cellules sont en- core au dedans du sporange, l’eau est retenue dans la substance du plasma par une force d’une autre nature que la force phy- sique, et la déshydratation du plasma n’est autre chose que sa décomposition chimique ; donc l’absorption de l’eau par le plasma n’est point un phénomène physique, mais une réaction chimique. En ne laissant la matière gélatineuse s’étendre qu’en partie, ce qui est nécessaire pour extraire les cellules des sporanges, en prenant toutes les précautions pour éviter les secousses mé- caniques et les autres agents qui peuvent donner aux forces chi- miques du plasma un équilibre instable, nous pouvons faire nos expériences très-commodément, et observer les phénomènes les plus instructifs. J'ai réussi à faire ces expériences, et ma méthode est bien simple : observer une même cellule en dehors du sporange, et remarquer tous les changements qui se manifestent dans le plasma lorsqu’il absorbe de beau, et qu’il ne suit que son affinité naturelle pour cet agent, dont le rôle important, dans ses modifications, est reconnu par tous les botanistes. D’après les changements dans l’aspect du plasma, j’ai pu juger de ce qui se passe dans sa substance. On verra, d’après quelques expériences, que c’était, la méthode la plus rationnelle. Quant aux procédés pratiques, ce n’est ici ni le temps ni la place de les décrire, d’autant plus que j’ai reconnu que ces procédés sont particuliers aux différents cas qui se présentent. J’ai donc résolu de ne publier les détails des manipulations qu’après avoir fini toute la série des recherches actuelles, qui seront bientôt ter- minées. Pour le moment, je n’aurai à exposer que les faits et les con- sidérations qui ne s’appliquent qu’à ce cas spécial. Je ne citerai de détails historiques que lorsque ce sera absolument nécessaire; car exposer l’histoire de la question serait répéter tout ce qui est connu sur le développement des spores en général, d’autant plus que ces faits sont bien constatés, et chacun saura bien s’orienter au milieu d’eux, en y faisant simplement allusion. Les expériences sont répétées plusieurs fois sur chacune des phases de développement avec des microscopes de M. Hartnack, pendant les années 1869-1870 (1). PHASE i. (PI. 12, fig. 15, a, b, c, cl, e. ) Une cellule mère est mise en expérience et suivie pendant les changements du plasma qui absorbe de l’eau graduelle- (1) J’ai étudié les spores des Polypodiacées en 1867-68 et les sporanges d’autres familles en 1866 ; mon mémoire russe a été imprimé en janvier 1871, et je suis tou- jours arrivé aux mêmes résultats. SUR LA CELLULE VÉGÉTALE. 233 ment (fîg. 15, a,b,c,d,e) ; c’est une cellule correspondant immé- diatement à l’époque qui suit la séparation des cellules mères. a. ) Avant l’action de l’eau sur le plasma, nous observons d’abord la couche extérieure de la membrane à double contour (la membrane primaire), et la couche d’épaississement déjà suffisamment distendue (a). La matière hygroscopique de cette couche reste incolore avec tous les réactifs de la cellulose, et elle a un indice de réfraction presque aussi faible que l’eau. Pendant ce temps, le contenu se présente sous forme d’une goutte ellipsoïde, d’une matière demi-liquide, homogène, à peine jaunâtre, plastique, transparente, et sans aucune granulation : ce plasma est même aussi brillant qu’une goutte d’huile, plus obscure sur ses bords à cause de sa forme ellipsoïdale, qui 11e correspond cependant point à la forme extérieure de la cellule. Cette différence provient de ce que la matière demi-liquide du plasma a une tendance à prendre la forme sphérique, tandis que la membrane extérieure, par sa forme, diminue cette ten- dance, qui finit par prédominer lorsque le plasma a absorbé assez d’eau (dessinée en a). b. ) Après quelques instants, le centre du plasma s’éclaircit peu à peu, prend des contours distincts sous forme d’une ligne très- fine, elliptique (b) ; mais ce n’est ni une membrane, ni une couche de matière, c’est une vraie ligne mathématique, c’est-à- dire une limite entre deux matières différentes : la partie péri- phérique du plasma, en prenant une certaine quantité d’eau, devient plus trouble et moins transparente, et se différencie du centre, qui absorbe évidemment une quantité d’eau différente (dessinée en b). Explication. — En effet, si nous faisons attention aux diffé- rences optiques considérables entre ces deux parties qui 11’exis- taieut pas auparavant, nous devons en conclure que ces parties du plasma sont de densités différentes, ce qui ne peut provenir que delà quantité différente d’eau qu’elles renferment. Mais si nous acceptons cette explication, nous devons admettre aussi que c'est en vertu d’une différence chimique que les diverses par- ties du plasma prennent plus ou moins d’eau, c’est-à-dire que TCHISTIAKOFF. 234 la constitution chimique de la partie périphérique diffère de la partie centrale, quoique cette différence soit peut-être très- faible. c.) Après une demi-minute, les bords de la sphère centrale deviennent un peu troubles, comme s’ils étaient très-finement granulés, et cette légère granulation s’étend peu à peu jus- qu’au centre de la sphère. Un peu plus tard, la même trans- formation commence aussi dans les parties périphériques de la sphère externe du plasma, qui devient un peu trouble et délica- tement granulé; mais son indice de réfraction est tellement faible, qu’il se distingue à peine de celui de la matière gélati- neuse. — Cependant la couche la plus externe du plasma con- serve sa consistance première, ce qui permet de la considérer également comme différenciée du reste du plasma par l’action de l’eau, et en vertu des mêmes principes, c’est-à-dire par suite des différences d’imbibition qui existent entre la couche péri- phérique et le reste de cette région du plasma. Pour le moment, je l’appellerai couche périphérique du plasma. Dès cette époque, le plasma es? déjà et demi-mort, quoiqu’il conserve encore quelques propriétés physiques de la matière plasmatique, et que la granulation grossière ne se manifeste que dans la sphère centrale. Voici sur quoi je fonde mon opinion. Il est certain que le plasma vivant n’absorbe, d’après M. Nàgeli, aucune solution de sels ni de colloïdes ; cette absorption n’a lieu qu’au moment où le plasma va mourir. Les phénomènes qui suivent constatent l’exactitude de cette loi. A partir du moment que je viens de signaler, le contenu de la cellule agrandit son volume, et prend une forme sphérique qui ne correspond pas à la forme extérieure de la cellule, quoique celle-ci soit un peu arron- die; mais l’agrandissement de volume du plasma s’effectue par l’imbibition de la matière gélatineuse qui se dissout dans l’eau et entre dans le plasma comme dans un corps poreux ; la couche périphérique du plasma ne s’y oppose pas, car elle est mainte- nant également granulée. En effet, nous voyons que le contenu touche la membrane extérieure, ce qui n’avait pas lieu aupara- vant (dessinée en c). SUR LA CELLULE VÉGÉTALE. 235 Explication. — Ainsi nous voyons que dans le plasma, la sphère centrale est le point de départ de la destruction du plasma par l’action de l’eau, car c’est elle qui présente d’abord les granulations, la sphère extérieure vient ensuite ; et c’est par la transformation de cette dernière que va apparaître la couche périphérique du plasma. Quant à la réalité de l’absorption de la solution gélatineuse, les phénomènes ultérieurs sont plus éloquents que les raisons qu'on peut donner. cl.) Pendant cinq ou sept minutes, cette absorption, ou, pour mieux dire, cette condensation de la matière gélatineuse entre les molécules du plasma à moitié désorganisé va toujours crois- sant. Toute la matière gélatineuse d’épaississement a disparu ; le volume du contenu est tellement agrandi, qu’il touche la mem- brane extérieure dans tous les points (dessinée en cl). Mais outre la solution gélatineuse, le' plasma prend aussi une certaine quantité d’eau; c’est pourquoi son volume est plus grand que l’espace de la matière gélatineuse absorbée, et qu’il touche non-seulement la membrane primaire dans tous les points, mais qu’il exerce encore sur elle une pression en forçant la cellule de s’arrondir. Dans cet état, notre cellule reste près de dix minutes. Cependant nous voyons ici les changements ultérieurs du plasma : la couche périphérique a pris la même consistance que le reste du plasma, ce qui a facilité l’absorption de la matière gélatineuse par le contenu, et la sphère centrale présente à sa périphérie une couche qui est relativement plus dense, mais qui est produite de la même manière que la couche périphérique du plasma qui va disparaître aussi quelques instants plus tard par l’action de l’eau, et quand la sphère centrale sera devenue complètement granuleuse. e.) Le plasma, qui a dépassé son pouvoir d’imbihition, devient aussi manifestement granulé, et, refoule contre la membrane de la cellule, il expulse au dehors la partie de la solution qu’il a absorbée . A partir de ce moment, il faudra beaucoup de temps pour apercevoir les nouveaux changements du plasma; pendant des 236 'ffOSIS'fi’IAK.OFF. heures entières, il reste comme il est dessiné en e ; puis il va se résoudre peu à peu en petites molécules animées du mouvement brownien. L'expérience est finie. Voilà les phénomènes. H y a ici trois questions importantes. Explication. — 1. Quel degré de vitalité conserve la cellule en passant de l'état a aux états b, c, cl, e? 2. Comment expliquer que la matière gélatineuse peut se dissoudre dans l’eau, si elle représente la matière d’épaississe- ment, et qu’est-ce que cette matière ? o. La sphère centrale du plasma est-elle en effet une sphère indéterminée, et qu’est-ce que cette couche périphérique du plasma? A propos des deux premières questions, on peut citer les faits suivants : En employant un liquide qui ne cède point son eau à la matière gélatineuse, la cellule ne passe qu’à l’état b ; dans ces conditions, la matière gélatineuse ne s’étend pas et présente une couche d’épaississement assez mince (fig. /i2, pl. 13); la cel- lule reste inaltérée pendant plus de trois à quatre heures; enfin la sphère centrale devient granuleuse, et le contenu se con- vertit en un flocon. Si nous soumettons une cellule tout à fait vivante (comme par exemple en a et b , fig. 15) à quelque forte secousse méca- nique, par exemple à la pression, le contenu se contracte subi- tement, et la cellule présente l’aspect de la fig. 16. Danscetétat, il n’absorbe point la solution de la matière gélatineuse, bien qu’il puisse passer pour un corps poreux, mais je ne crois pas qu’il le soit. Dans ce cas, le plasma est parfaitement mort dans toutes ses parties; il a perdu son élasticité en vertu de laquelle les interstices capillaires peuvent s’élargir pour absorber la solu- tion de la matière gélatineuse. Ce flocon contracté reste inva- riable pendant plusieurs heures, et ce n’est qu’après qu’on le voit se dissoudre en granules animés du mouvement molé- culaire. De même, si nous soumettons les cellules de l’état c, cl, e, à la secousse mécanique, leur contenu subit également la con- traction brusque en abandonnant tout d’un coup la solution SUR LA. CELLULE VÉGÉTALE. 237 qu’elles ont absorbée, et le plasma présente un flocon grossière- ment granulé, comme sur la fîg. IG, incapable d’absorber une solution quelle qu’elle soit et d’augmenter son volume. Cela veut dire que la cellule, dans l’état c, r/, n’existe point comme différencié morphologiquement, car il se forme de la même manière que les sphères internes, et par conséquent il a les mêmes propriétés, les mêmes rapports avec le contenu, -ainsi qu’avec les agents extérieurs. Quelquefois, nous le voyons bien développé, d’autres fois à peine prononcé, d’autres fois encore il n’existe pas du tout. Il n’a donc point une activité physiologique permanente, de même que les sphères internes; c’est tout le contraire de ce qui caractérise un organe à fonc- tion constante. Y a-t-il moyen d’admettre que le « sac primor- dial», maintes fois indiqué dans des cas analogues, existe ici? Et cependant la division s’effectue comme à l’ordinaire , le plasma se divise, il se change, quoique en observant seulement les états inaltérés par l’eau, nous serions dans l’incertitude sur ce qui se passe dans son sein, car dans toutes les phases pendant l’état a il se présente uni, transparent même, sans granulation. Donc nous devons admettre qu’au sein du contenu il y a quel- ques forces, quelques changements' progressifs du plasma lui- 550 TCKEISTIAKOFF. même qui le conduisent à la division. Où devons-nous chercher ces forces, ce point de départ de changements inconnus? Quels sont ces changements, quel est leur caractère? combien ont-ils de degrés? quelles réactions chimiques, etc.? Voilà des questions de la plus haute importance, non-seulement pour le cas spécial qui nous occupe, mais encore pour la physiologie en général. phase vu. (PI. 12, fig. 26.) a. ) L’état a comme toujours; mais on voit le plasma divisé par des fentes ; ces fentes sont plus prononcées au centre et se présentent comme des lignes vraies. b. ) L’état b nous montre que ce sont les lamelles plasmatiques plus denses qui vont se dédoubler chacune en deux feuillets. Dans les portions du plasma, nous voyons les mêmes Sphères et la couche périphérique. Mais il est impossible de conserver cette préparation même pendant le temps nécessaire pour la dessiner à la chambre claire, la cellule passe aussitôt à l’état de la figure 27, à l’état c. C’est à cause de l’extrême sensibilité du plasma pendant cette phase que je donne les dessins des divers exemplaires des cellules (1). c . ) Les fentes divisantes s’élargissent. Des portions du plasma séparées par des espaces très-étroits sont comme rem- plies d’une matière liquide. Le plasma se contracte presque instantanément. PHASE VIII. (PI. 12, fig. 27.) Les états a et b n’ont pas été observés. c.) Les espaces étroits entre les portions du plasma sont rem- plis de matière liquide simulant des cloisons solides à double (1) Par cette raison, la figure 26 n)est que la schéma, dessiné après que je me fus persuadé par plusieurs expériences que les lignes divisantes fie sont pas des cloisons. SUR LA CELLULE VÉGÉTALE. 251 contour. Les portions ont des sphères plus grandes (nucléus) au milieu desquelles on aperçoit de nouveau les sphères plus petites; la couche périphérique des portions disparaît de nou- veau, ce qui me fait croire que cette phase est plus avancée, car l'aspect du plasma correspond parfaitement à celui de la phase II (fîg. 17), tandis que la phase VII, par l’aspect du plasma, correspond à la phase I (fîg. 15). Explication. — Ceci veut dire que le plasma des portions commence un nouveau cycle de changements, semblable à celui que nous avons suivi jusqu’ici. Le dédoublement des lames de division s’effectue presque instantanément, et immédiatement après l’action de L’eau la matière liquide ou semi-liquide, mais gélatineuse, apparaît dans ces fentes (VII). Plus tard ce n’est pas par celte manipulation, mais par sécrétion naturelle que les fentes se transforment en espaces remplis d’une matière semi-liquide et gélatineuse qui protège la séparation des portions ; elle est sécrétée maintenant en vertu d’une fonction naturelle. Nous voyons donc que les lignes noires ou claires (suivant la position du foyer) des fîg. 22, 2/i, 25, ne sont pas encore des cloisons solides. Quant aux espaces remplis de matière gélatineuse entre les portions dans la phase VIII, les expériences suivantes font res- sortir à leur égard les faits les plus remarquables et les plus instructifs. PHASE IX. (PL 12, fîg. 28.) Expérience. — Une cellule à peine plus âgée que la précé- dente, car son plasma a de nouveau la couche périphérique , est mise en expérience. Après avoir passé par les états a et b , la cellule arrive à l’état c, et immédiatement après à l’état d, où l’expérience commence. d.) Sous l’influence de l’eau, les portions plasmatiques aug- mentent de volume en se comprimant l’une l’autre; la matière gélatineuse qui se trouve entre elles se dissout dans l’eau et 252 TCIIESTSAKOFF. s’absorbe par le plasma. Les portions plasmatiques se touchent de nouveau. e.) Les couches périphériques se réunissent, et les parties re- présentent maintenant de nouveau un corps entier dont la super- ficie nous montre des sillons à l’endroit où la réunion des por- tions s’est effectuée (dessinée en d), présentant d’autant mieux l’aspect d’un plasma qui voudrait se diviser par étranglement que ce corps plasmatique se laisse extraire artificiellement (des- sinée en e). Enfin les quatre sillons disparaissent complètement, et le plasma avec quatre nucléus ne présente plus aucune trace de la division; la cellule ressemble maintenant beaucoup à celles qui, d’après les auteurs, vont se diviser; mais après quelques heures le plasma se désorganise et se résout en granules. La matière gélatineuse de la cellule commune ne se dissout et ne s’absorbe point. Explication. — On peut faire cette expérience de deux ma- nières. Si l’on veut observer l’altération du plasma sous l’in- fluence de l’eau, il ne faut pas le laisser prendre l’eau rapide- ment ; les résultats de pareilles expériences ne sont pas représentées, je me suis borné à les citer ; mais dans ce cas les portions ne se réunissent pas. Si l’on veut au contraire observer la réunion des portions plasmatiques, il faut laisser prendre beaucoup d’eau au plasma; les portions se réunissent, mais il est impossible de voir l’altéra- tion graduelle du plasma sous l’influence de l’eau ; c’est pourquoi le plasma a passé très-rapidement les états «, b et c, dont je n’avais pas besoin. Dans le premier cas, les portions ne se réu- nissent pas comme dans le second, parce que la quantité d’eau n’est pas suffisante pour dissoudre la matière gélatineuse. Comme les portions plasmatiques sont les couches périphé- riques, qui peuvent se réunir pour former de nouveau une couche périphérique commune, nous avons encore un fait de plus qui confirme l’existence du « sac primordial » comme organe diffé- rencié morphologiquement. Donc, après la division du plasma par des fentes, il arrive presque en même temps V individuali- SUR LA CELLULE VÉGÉTALE. ‘253 sation des portions par la sécrétion de la matière gélatineuse, toute semblable à celle qui épaissit la membrane de la cellule mère. Par conséquent cette matière, que je nommerai matière d’in- dividualisation, ne représente pas encore dans cette phase la cloison solide qui, d’après les auteurs, vient se former d’abord pour construire les cellules spéciales. PHASE X. (PI. 13, fig. 32, 33.) Une cellule à peine plus âgée est mise dans des conditions où elle ne peut prendre que peu d’eau. a. ) Le plasma a l’aspect normal. b. ) La matière d’individualisation ne se dissout pas; les por- tions ont les sphères centrales et aucune couche périphérique (dessinée fig. 32, b) ; la cellule est morte par accident. Une autre cellule de même âge est mise en expérience dans des conditions à pouvoir prendre beaucoup d’eau. Après avoir passé rapidement par les états a et b identiques avec ceux de l’expérience précédente, la cellule arrive à l’état c. c . ) Une des portions a dans sa sphère centrale une autre sphère plus petite (nucléoles) et aucune couche périphérique du plasma. Une autre portion n’a pas de sphère plus petite, mais elle a la couche périphérique ; cette portion s’est altérée plus profondément par l’eau : la sphère centrale s’est con- tractée, et les filets plasmatiques provenant de la destruction du plasma environnant l’attachent à la couche périphérique (dessinée en c , fig. 33 ). La matière d’individualisation ne se dissout pas; les portions compriment l’une l’autre, et la seconde portion s’altère davan- tage. d. ) Dans la première portion, la sphère centrale plus petite a disparu, envahie par la granulation. Dans la seconde portion, la même chose que précédemment. La matière d’individualisation ne se dissout pas (dessinée en d). TCH&&TIAK. Bot. B cl. III. (3) Sit.zungsberichte der niederrheinitchen Gesellschaft in Bonn , 19 décembre 1870. SUE LA CELLULE VÉGÉTALE. 285 tandis que l’amibe la conserve complètement. Or, nous savons que, lorsque l’individu perd son existence individuelle, son orga- nisation devient inférieure par la division du travail physiolo- gique entre plusieurs individus ; ceci seul suffit pour conclure à priori, que l’organisation du plasma est inférieure à l’organisation de l’amibe. En effet, que peut-il y avoir de plus simple que la différen- ciation chimique du pronucléus? En tout cas, les observations de M. Hanstein sont extrême- ment remarquables, et je m’empresse de reconnaître la sagacité de ce savant distingué en citant ses opinions, qui, publiées en même temps que mes recherches, n’en démontrent pas moins la vérité des observations et des théories que j’ai exposées dans un mémoire russe que M. Russow, un auteur couronné pourtant par l’Académie des sciences de Saint-Pétersbourg (1), a com- plètement ignoré. Je me suis borné ici aux considérations qui ont trait au déve- loppement des spores dans YAngiopteris longifolia pour ne pas avoir à y revenir dans les mémoires suivants. Quant à ce qui est des considérations qui paraissent générales et qui ont trouvé place ici, elles sont en réalité spéciales, car elles ne se rappor- tent qu’à une certaine espèce de plasma dont les cellules mères de l’ Angiopteris peuvent servir d’exemple. Je n’exposerai les considérations générales qu’après avoir publié toute la série de mes recherches sur la physiologie de la cellule végétale ; mais je ne puis éviter de signaler ici la relation étroite qui existe entre les résultats de ces différentes recherches. Je prie donc de ne pas considérer dès à présent mes idées théoriques comme trop prématurées et trop larges pour un cas spécial, quoiqu’on puisse supposer, par analogie , que les fonctions physiologiques fondamentales ont une grande généralité et doi- vent être soumises aux mêmes lois. Dans des cas analogues, les savants ont observé jusqu’à pré- sent des cellules mortes, la preuve en est dans la ressemblance (1) Mémoires de l' Académie des sciences de Saint-Pétersbourg , 7e série, 1872, t. XIX, n° 1, TCM1STIAK.OTF. 286 de leurs cellules avec ce que j’ai appelé les états c, d de l’action de l’eau. En effet, le plasma qu’ont observé les auteurs ne manifeste pas le caractère de sa vitalité, ce protéisme , cette plasticité qui distinguent le plasma vivant ; tel qu’il a été décrit, il ne corres- pond pas, par ses modifications, à l’action des agents extérieurs, il a perdu « cette harmonie avec le milieu correspondant qui constitue la vie » (1). Tandis que mes cellules correspondent parfaitement à cette condition de la vie, car les modifications que j’y observe ne sont que des résultats des circonstances de l’observation, et mènent, en dernier lieu, aux phénomènes qu’on a depuis longtemps signalés et que j’ai décrits pour les Polypodiacëes (voyez la note dans le Isuovo Giorn. bot. italiano ), pour montrer qu’avec des cellules mortes on arrivait forcément aux résultats connus de tout le monde, sauf peut-être pour quel- ques particularités spéciales à tel ou tel cas. EXPLICATION DES PLANCHES. Dans toutes les figures les lettres ci-dessous ont toujours la même signification. F, faisceau vasculaire. f, canal gommeux. k, cellules gommeuses. sp, sporange. ex, exosporium ; 1, 2, couches de l’exosporium. end, endosporium. p, perisporium. a, b, c, d, e , les différents états du plasma d’un même échantillon de cellule dans les différents moments de l’action de l’eau. Les liguées marquées par un même chiffre présentent un même échantillon de cel- lule dans les différents états a, b, c, etc. L’état a , qui est l’origine de tous les autres et qui est le même pour toutes les phases, n’est indiqué que pour la première phase, afin de gagner de la place. m indique l’état du plasma sous l’influence d’une secousse mécanique. Le microscope employé était de Hartnack; les dessins ont été faits au moyeu de la chambre claire. Les dimensions ne sont pas données à cause de l’inconstance dans le volume d’une même celluie pendant l’aclion de l’eau. Les grossissements sont indiqués à chaque figure. (1) Auguste Comte. SUR LA DISPERSION GÉOGRAPHIQUE DES FOUGÈRES DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE (1), I»;-p M. Emg. fFOCJKTOSjBR. L’étude monographique des Fougères de la Nouvelle-Calé- donie , que j’ai entreprise sous la direction bienveillante de M. Ad. Brongniart, et qui vient d’être publiée dans les Annales des sciences naturelles , m’a conduit à des résultats que j’espère n’être pas sans importance, et que je suis heureux d’exposer devant l’Académie. Les Fougères de la Nouvelle-Calédonie, dont Labillardière n’avait connu que peu d’espèces, ne sont dans le Geographical Handbook de M. Lyell qu’au nombre de 77. Cependant, en réunissant celles que Mettenius (. Annales des sciences naturelles , ZR série, t. XV) et Van den- Bosch (ibid. , et Suppl. Synopseos Hymenophyllacearum , in Nederlandsch Kruidkundig Archief \ t. V) avaient indiquées, on obtient un total de 128. D’après MM. Vieillard et Deplanche [Revue maritime et coloniale, 1862, t. VI, p. 616), les Fougères de la Nouvelle-Calédonie attei- gnaient, après leur exploration, le chiffre de 160 environ. Depuis, plusieurs voyageurs ont parcouru cette île: le collecteur anglais Mac Gillivray ; une expédition australienne dont le savant direc- teur du jardin des plantes de Melbourne, M. F. de Muller, a fait parvenir au Muséum de Paris un exsiccata assez pauvrement échantillonné; et, parmi les Français, M. le capitaine Jouan, dont les récoltes ont été déterminées par Mettenius dans une note spéciale ( Mémoires de la Société des sciences naturelles de Cherbourg , t. X), et MM. Pancher, Baudouin, Thiébaut et Dela- cour; enfin, le dernier et le principal, M. Balansa, qui a visité (1) Un extrait de ce mémoire a été inséré clans les Comptes rendus, séance du 5 janvier 1874. 288 K. FOURNIElt. l’île bien plus complètement que ses prédécesseurs, et entrepris l’exploration des montagnes de l’intérieur. En réunissant les Fougères contenues dans les herbiers de ces botanistes, je suis arrivé à un total de 259. Je ne comprends pas dans ce nombre quelques espèces indiquées par M. Lyell dans son Hanclbook , ou par Mettenius dans le Voyage de la Novara , que je n’ai trouvées dans aucune collection de la Nouvelle-Calédonie, de peur de sanctionner involontairement quelque erreur dont la source me serait inconnue. J’ai eu soin cependant, dans la mono- graphie publiée, de signaler ces espèces en faisant les réserves nécessaires. Ce chiffre de 259 espèces de Fougères est assurément consi- dérable pour une île de 80 lieues de long environ, dont les plus hauts sommets ne dépassent pas 1600 mètres. Pour le faire ap- précier en meilleure connaissance de cause, je puis citer celui qui a été reconnu dans quelques groupes d’iles voisines de notre colonie, îles dont les Fougères ont été l’objet de travaux parti- culiers et consciencieux. Ainsi celles des Nouvelles-Hébrides s’élèvent à 127, d’après M. Kuhn ( Verhandlungen der K. K. zool.-bot. Gesellschaft in Wien , 1869); celles des Yiti à 175, d’après M. Carruthers dans le Flora vitiensis ; celles des Samoa au nombre de 1/j.l (1), d’après M. Lürssen ( Mittheilungen aus dem Gesammlgebiete der Botanik von Schenk et Lürssen, t. Ier). Je ne rappelle pas ici la liste des Fougères de Taïti dressée par M. Nadeaud dans son énumération des plantes de cette île, parce que cette liste, bornée aux récoltes personnelles de M. Nadeaud, est évidemment incomplète. Il ressort, en tout cas, de ces cita- tions que la richesse de la flore néo-calédonienne est extrême quant aux Fougères; d’autant plus qu’il y a probablement, malgré les dernières recherches de M. Kalansa, encore des dé- couvertes à faire dans la flore de notre colonie australe parmi les Hyménophyllées et les Aspléniées. (1) En extrayant des Fougères les Lycopodium et les autres genres que nous ne comprenons pas dans cette famille. On sait que M. Lürssen a sur ce point de classifi- cation une méthode particulière. DISPERSION' GÉOGRAPHIQUE DES FOUGÈRES. 289 La. famille des Fougères présente, à la Nouvelle-Calédonie, des espèces spéciales, et d’autres qui sont communes à cette ile et à des régions différentes. Les premières sont au nombre de 86. Ces espèces spéciales se trouvent quelquefois dans des genres spéciaux ( Stromcitopteris , Austrogramme ), ordinaire- ment dans des sous-genres ou dans des groupes particuliers. Je citerai le groupe du Trichomanes dentatum dans les Hymé- nophyllées ; le sous-genre Cryptosorus dans les Polypodiées; dans les Lomariées, les Lomaria à fronde dimorphe; dans les Davalliées, le grand développement du genre Lindsœa; et no- tamment les Lindsœa du groupe que j’ai nommé Davalliaslrum , dont les indusium ressemblent à ceux du Bavallia tenuifolia S\v., quoiqu’ils ne soient pas attachés par les bords; le genre Humcita Cav.; parmi les Cyathéacées, le groupe de X Ahophila Novœ-Caledoniœ. auquel M. Bornmer a reconnu dernièrement une valeur générique; enfin, parmi les Schizéacées, le sous- genre Actinostachys , comme propres à la Nouvelle-Calédonie ou comme offrant dans sa flore un développement particulier. En général ces types, découverts en partie par M. Balausa, habitent des hauteurs plus ou moins élevées dans l’intérieur de l’île. Parmi les plantes que nous étudions, il se trouve deux caté- gories de Fougères bien connues des ptéridographes. La pre- mière offre des frondes variables, à limbe ou à segments entiers, mais décomposables en pinnules plus ou moins divisées. A cette section appartiennent le P 1er? s potymorpha , n. sp., le Lomaria Vieillardii Baker, et les Asplénium du groupe de l’A. nodulo- sum Kaulf. Il semble que ces espèces, très-communes en Calédo- nie ou spéciales à cette île, y atteignent facilement une phase plus avancée dans leur développement, car la division en pinnules est le fait d’une progression organique, les premières frondes étant toujours moins divisées que les suivantes. La seconde des deux catégories que je signale coutient les Fougères à nervation réticulée, telles qu’il en existe dans presque toutes les grandes divisions taxinomiques de ces plantes. Nulles en Europe, et peu nombreuses en Amérique, les espèces à ner- 5e sérié, Bot. T. XIX (Gabier u° 5). 3 U BO. ïW’lftü'IEBS. 290 vation réticulée sont, proportion gardée, plus communes en Polynésie, et notamment à la Nouvelle-Calédonie, par exemple dans les sous-genres Nephroclium , Litobrochia , Schizoloma, Synaphlebium et Lygodictyon. Or, il est un fait encore peu connu, c’est que la nervation, chez ces espèces, varie dans cer- taines limites. J’ai déjà constaté ce fait, en étudiant les Fougères du Nicaragua, sur le Phegopteris telragonct; je l’ai constaté plus récemment encore dans une note lue l’été dernier au congrès de Bruxelles, et j’ai fait voir que la complexité de la nervation augmente avec l’âge de la plante, les frondes les premières nées ayant les nervures libres dans le Pteris ( Litobrochia ) Orizabœ. Je suis donc autorisé à dire que les Fougères à nervation ana- stomosée, abondantes à la Nouvelle-Calédonie, peuvent être regardées, quand elles appartiennent à un genre où il existe déjà des formes à nervilles libres, comme décelant dans ce genre un progrès de développement. Ces considérations concordent avec celles que M. J. Hooker a déjà tirées de l’examen des flores insulaires. En les produisant, je suis loin cependant de prétendre indiquer un procédé par lequel une espèce franchirait les limites de son type pour passer dans un type voisin. Je constate seulement que les limites spéci- fiques sont plus étendues dans un grand nombre de cas que ne l’ont pensé quelques auteurs. C’est le cas de rappeler avec M. Decaisne que l’espèce est tantôt polymorphe et divisible à l’infini, tantôt restreinte entre des limites étroites et infranchis- sables. Le polymorphisme a été surtout constaté dans les espèces cultivées, c’est-à-dire là où l’industrie humaine a parqué les végétaux dans des conditions artificielles et restreintes où s’est forcément bornée leur activité vitale. D’après ce que je viens d’exposei\ il semblerait que dans une île, c’est-à-dire dans les conditions topographiques restreintes où les révolutions du globe les ont placées, les espèces végétales spontanées offrent la même tendance à la variation que les espèces cultivées. Cette tendance à la variation est évidente parmi les Fougères de la Nouvelle-Calédonie, notamment chez Y Asplénium Vieil- lardii Mett., dont les types extrêmes paraissent constituer trois DISPERSION GÉOGRAPHIQUE DES FOUGÈRES. 2M espèces différentes, et dans le Selliguea peltatisquama, n. sp., dont les formes extrêmes pourraient facilement être tenues pour appartenir à des genres différents. On pourrait multiplier ces exemples, offerts par la flore d’autres îles océaniennes au témoi- gnage de Gaudichaud (1), qui attribuait ces modifications sur- prenantes aux transitions subites que fait subir aux végétaux, vers l’altitude de 600 mètres environ, l’alternative d’une chaleur desséchante et d’une humidité extrême causée par la proximité des nuages. Une fois cette curieuse îlore de Fougères bien connue en elle- même, il importait de la comparer avec celle des pays voisins, ce que permet de bien faire la belle collection de Fougères océaniennes rassemblée aujourd’hui dans la galerie de botanique du Muséum. Ces plantes proviennent principalement des grands voyages de circumnavigation accomplis par Labillardière, Cha- misso, Dumont d’Urville, Gaudichaud et Bory de Saint-Vincent; des envois de Blurne et de Cuming ; des récoltes faites aux îles Viti par Seemann, aux Nouvelles-Hébrides par Milne et Mac Gilhvray (2); de l’exploration dirigée dans le Pacifique par le capitaine Wilkes, de la marine des États-Unis, la même qui a fourni à M. Haies des documents d’un si haut intérêt pour l’an- thropologie ; enfin du séjour de MM. Vieillard, Pancher, Vesco, Ribourt et Lépine à Tahiti. Cette comparaison a donné les résul- tats géographiques suivants : FOUGÈRES. Constatées à la Nouvelle-Calédonie 259 Spéciales à la Nouvelle-Calédonie (Lifou et l’ile des Pins comprises).. 86 Communes à la Nouvelle-Calédonie et aux Nouvelles-Hébrides 64 Id. id. et aux Viti 52 Id. id. et aux Samoa 41 Id. id. et aux Sandwich 9 Id. id. et à la Polynésie en général 114 Id. id. et à la Malaisie en général 73 (1) Voyage de l'Uranie, Bot., p. 99. (2) Dans une lettre toute récente, M. Baker nous assure que les Fougères des Nou- velles-Hébrides, attribuées par M. Kuhn au collecteur Herus, ont été réellement recueillies par M. Mac Gillivray. 292 Communes à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie et à la Malaisie (les espèces ubiquistes exceptées) 35 Id. à la Nouvelle-Calédonie, à l’Inde et à Ceylan 40 Id. à la Nouvelle-Calédonie, à la Nouvelle-Hollande, à la Nouvelle- Zélande, à la Tasmanie, à Auckland, etc 58 Id. à la Nouvelle-Calédonie et à la Mélanésie supérieure 14 Id. id. et à la Micronésie 10 Id. id. et à Form ose et au Japon 12 Id. id. et à l’Amérique 9 il ressort de ce tableau plusieurs faits importants. Le premier, c’est que les espèces néo-calédoniennes, non spéciales à notre colonie, considérées dans leurs affinités géographiques, se répar- tissent d’une manière générale en deux catégories assez tran- chées. Les unes se répandent à l’est dans la Polynésie, au nord dans la Micronésie, à l’ouest dans la Malaisie, et vont même atteindre aux limites extrêmes de leur aire le Japon, la Chine, Ceylan et la péninsule indienne; les plus communes de ces espèces, celles que les voyageurs ont rencontrées le plus sou- vent, s’étendent ainsi de Tahiti à Java et souvent plus loin, sans s’écarter beaucoup des mêmes latitudes. Ces espèces se trouvent indifféremment réparties dans des genres assez divers, sans présenter aucun caractère d’ensemble; quelques-unes d’entre elles descendent aussi dans la Nouvelle-Hollande. Mais il existe une seconde catégorie, composée d’espèces appar- tenant à des groupes de caractères assez tranchés, qui des- cend spécialement dans la Nouvelle-Hollande, l’île Norfolk, la Nouvelle-Zélande, la Tasmanie et bile Auckland. A cette seconde catégorie appartiennent les Gleichenia , le Lomaria procera et espèces voisines ; le Trichomanes Lyallii, qui forme un sous-genre incertainement classé sur les limites du genre Trichomanes et du genre Hymenophyllum ; un autre groupe d’Hyménophyllées voisin de WH. flabellatum La Bill., d’Aus- tralie; le Pteris tremula K. Br., le Lindsœa linearis Sw. et le L. microphyllci Sw., les Schizœa du groupe Euschizœa, etc. Cette double distribution géographique n’est pas uniquement propre aux Fougères dans la flore de la Nouvelle-Calédonie. M. Brongmarl l’a remarquée également sur les Myrtacées de la DISPERSION GÉOGRAPHIQUE DES FOUGÈRES. 293 même provenance : il a constaté que les Myrtacées néo-calédo- niennes à fruit charnu ont de l’analogie avec les espèces java- naises et polynésiennes, et que les Myrtacées à fruit capsulaire en ont avec les espèces australiennes (1). M. Bescherelle, dans sa Florule bryologique de la Nouvelle-Calédonie , fait remarquer que cette île emprunte « une partie de sa flore muscinale aux îles de la Malaisie et de la Micronésie, et une autre partie à la côte orientale de l’Australie, à la Tasmanie, à la Nouvelle-Zélande et aux petites îles intermédiaires ou voisines. » 11 est probable que des affinités analogues seront relevées à mesure qu’avancera dans les détails l’étude de la flore de notre colonie. Dès à présent la zoologie fournit des points de comparaison intéressants. Ainsi, d’après les recherches encore inédites de M. Alph. Milne Edwards, la faune carcinologique de la Nouvelle-Calédonie se poursuit jusqu’à Java, tandis que, au point de vue entomolo- gique (de Quatrefages, Rapport sur les progrès de l’ anthropo- logie, p. 168), notre colonie océanienne ne fait qu’un avec la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Hollande. On peut encore faire remarquer que la double distribution géographique dont nous parlons concorde d’une manière assez frappante avec celle des deux races humaines principales qui se partagent encore aujourd’hui l’Océanie, et qui, malgré des mi- grations réciproques, sont assez nettement cantonnées et sépa- rées encore dans chacune des deux régions où nous reportent les affinités de nos Fougères, savoir : l’une, la race malayo- polynésienne, depuis Madagascar et l’archipel asiatique jusqu’à l’extrémité orientale de la Polynésie ; l’autre, dans l’Australie et en général dans la Mélanésie, la race nègre, à laquelle ap- partenait probablement la population primitive de la Nouvelle- Zélande avant l’immigration des Maoris. Au-dessous de ce fait général, il s’en rencontre encore d’autres dignes d’intérêt : d’abord celui-ci, c’est que les affinités géogra- phiques des Fougères néo-calédoniennes, dans l’aire immense que je viens d’envisager, sont d’autant plus nombreuses avec (1) Voy. Ann. sc. nnt., 5e sério, t. II, p. 125. E. FOURNIER. 29ft un pays donné, que ce pays est lui-même plus rapproché de la Nouvelle-Calédonie. Ainsi, en tenant compte du nombre absolu des Fougères connu dans les pays que nous comparons, nous remarquons que les Nouvelles-Hébrides, le groupe insulaire le plus rapproché de la Nouvelle-Calédonie, renferme le quart des Fougères néo- calédoniennes, qui y forme la moitié de la totalité de leurs Fou- gères; pour les Yiti, c’est le cinquième des Fougères néo-calé- doniennes qui y forme le tiers du nombre total de cette famille. Si l’on s’éloigne du pays que nous étudions, les proportions d’espèces identiques diminuent rapidement. Ainsi il n’y a plus aux Samoa que k\ Fougères néo-calédoniennes (1). Aux Sandwich, dont les Fougères, non encore énumérées complè- tement. et spécialement, sont cependant nombreuses, comme on peut s’en assurer par l’ouvrage de Brackenridge (. Exploring Expédition of tlie United States under the comrnand of captain Wilkes : Filices) (2), il n’y a plus que 9 Fougères néo-calédo- niennes, et l’on rencontre des genres qui ne sont pas représentés en Calédonie, par exemple le curieux genre Adenophorus , d’un port si spécial (3). A l’ouest de faire, les affinités géographiques se poursuivent à des distances beaucoup plus considérables, car en concevant dans une même région, le Cap, la côte de Natal et les îles aus- trales de l’Afrique, on trouve dans cette région 23 Fougères néo- calédoniennes, qui y tranchent parmi des espèces très-nombreuses et très-différentes, de même que les Hovas, rameau occidental de la famille malaise, s’v distinguent par leurs caractères an- thropologiques parmi les autres tribus humaines. Quelques-unes des espèces océaniennes qui se retrouvent à des distances aussi éloignées de la Nouvelle-Calédonie n’ont encore été signalées (1) J’avais donné d’abord un nombre plus faible, qu’il faut élever d’après un docu- ment plus complet publié plus récemment par M. Lürssen sur les Fougères des Samoa, (2) Il est regrettable que les planches de cet ouvrage, indispensable pour l’étude des Fougères océaniennes, manquent aux bibliothèques de Paris. (3) C’est le cas de rappeler qu’aux Sandwich le type anthropologique est plus foncé que dans la race malavo-polynésienne. DISPERSION GÉOGRAPHIQUE DES FOUGÈRES. 295 dans aucune région intermédiaire, ou bien ne l’ont été que dans la Mélanésie inférieure, notamment celles du sous-genre Darea. Ces études rappellent naturellement à l’esprit des hypothèses qui ont cours dans la science, celle des centres de création d’une part, et d’autre part celle des continents disparus. Il est évident qu’en voyant décroître, à partir de la région que nous étudions, les nombres qui expriment les proportions d’espèces identiques, on doit songer combien il serait logique d’admettre un centre de création au voisinage de la Nouvelle-Calédonie. Mais, sans vouloir approfondir ce point plus que ne le comporte une étude bornée aux Fougères, je dois faire observer qu’il y aurait bien plus d’un centre de création en Océanie, puisque les Sandwich ont une flore en partie spéciale; puisque, d'après M. Jouan (1), les sommets des Marquises, plus rapprochés de l’équateur que la Nouvelle-Calédonie, nourrissent cependant, à une altitude moindre, des végétaux habitant ordinairement les contrées sou- mises aux hivers ; enfin, puisqu’il existe cà Tahiti nombre de Fou- gères qui ne s’étendent pas dans la Polynésie orientale, etc. En tout cas, le centre néo-calédonien embrasserait les nombreuses espèces particulières de ce pays, qui souvent appartiennent à des genres parfaitement tranchés, et qui ont leurs affinités dans la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Hollande. L’hvpothèse de la submersion d’un continent dans le Paci- fique est ancienne dans la science, où elle a été introduite par Forster. Dumont d’Urville l’a soutenue, et, après lui, M. J. Hooker s’en est beaucoup rapproché en écrivant l’introduction de sa Flore de la Nouvelle-Zélande. Le plus intrépide champion de cette hypothèse est certainement aujourd’hui M. Jules Garnier, qui, dans son mémoire intitulé les Migrations 'polynésiennes (2), a écrit : « L’examen de l’écorce terrestre autour de la Polynésie pro- prement dite fait ressortir jusqu a l’évidence que pendant l’épo- (1) Recherches sur l'origine et la provenance de certains végétaux phanérogames observés dans les îles du grand Océan ( Mémoires de la Société des sciences naturelles de Cherbourg , 1865), (2) Bulletin de la Société de géographie , 187» 290 k. ■-''«msïBOB*. que tertiaire et jusqu’à la quaternaire, un continent plus ou moins vaste se montrait en Océanie ; en s’affaissant au commencement de la période géologique que nous traversons, il a dû laisser le relief de cette partie du monde à peu près comme nous le voyons aujourd’hui, si toutefois nous en sortons les îles volcaniques. » Mais il faudrait aussi en sortir les îles madréporiques, et alors il ne resterait à peu près rien de la Polynésie. Aussi les géologues, dont M. Dana a résumé les idées à cet égard, sont-ils aujour- d'hui très-opposés à cette théorie. Sans doute, quand ou par- court l’Océanie suivant un même parallèle de latitude, ou est frappé par la végétation généralement analogue qu’on rencontre sur tous les rivages des îles : végétation que Gaudichaud nom- mait littorale océanienne (1). Mais l’aspect change quand on pénètre dans l’intérieur des grandes îles, dont les montagnes recèlent en général des richesses végétales plus variées, plus ou moins propres à quelques-unes d’entre elles. 11 semble par con- séquent que la végétation littorale ait été transmise par les cou- rants et les vents. C’est un point sur lequel Gaudichaud a spé- cialement insisté dans l’ouvrage auquel nous venons de faire allu- sion (2). J1 faut lire ce qu’il dit de ces radeaux naturels formés de productions végétales enlevées aux rivages de l'Océanie par les hautes marées, et qui, réunies par bancs immenses, lui rappe- laient les trains de bois que l’on voit sur nos rivières, pour com- prendre quelle facilité de diffusion peuvent trouver dans ces phénomènes pour ainsi dire périodiques les graines de certains végétaux. À une certaine époque on répugnait à donner droit de cité dans la science à cette théorie, parce qu’on croyait à l’exis- tence de vents et de courants continus et de même sens de chaque côté de l’équateur, dans la région océanienne. M. Jouan a déjà présenté, dans le mémoire que nous venons de citer, des consi- dérations qui restreignent de beaucoup cette croyance, erronée dans ce qu’elle a de général et d’absolu ; et les documents dus à M. le capitaine de vaisseau Kerhallet, et reproduits par M. de Qua- trefages dans son grand mémoire sur. les Migrations polyné- (1) Botanique du voyage autour du monde exécuté par M. de Freycinet, p. 52. (2) Ibid. . p. 60. DISPERSION GÉOGRAPHIQUE DES FOUGÈRES. 297 siennes , la mettent tout à fait à néant. Rien n’est plus aisé main- tenant que de concevoir la migration des végétaux littoraux qui forment sur les rivages des îles polynésiennes une ceinture géné- ralement analogue, mais plus variée cependant aux Sandwich, lesquelles se trouvent précisément un peu en dehors de l’action des mêmes courants. Toutefois, pour les plantes de l’intérieur des îles, l’explication fait défaut. Gaudichaud invoquait ici Faction des nuages, plus difficile à concevoir. Toute hypothèse échoue devant ce fait que la diversité des flores est plus grande entre certaines îles, tandis que l’affinité est plus grande entre d’autres. Or, si l’hypothèse d’un continent polynésien submergé paraît aujourd’hui devoir être abandonnée, devant les considérations de géographie bota- nique comme devant les considérations de géologie, il n’en est pas de même de l’hypothèse, beaucoup plus restreinte, qui con- siste à considérer la Nouvelle-Calédonie comme ayant été jointe autrefois à d’autres points de la Mélanésie, et spécialement par l’intermédiaire de F île Norfolk et peut-être d’autres îles sub- mergées, à quelque point de la Nouvelle-Hollande sur le rivage de Queensland, ainsi qu’à la Nouvelle-Zélande, et plus loin, par d’autres intermédiaires, à la Tasmanie et à F île Auckland. Cette hypothèse expliquerait la présence simultanée, dans des contrées aujourd’hui différentes par leur climat, d’espèces appartenant à des groupes homogènes, que les courants n’auraient dû pour aucune cause transporter de préférence à d’autres, et qui, vivant dans l’intérieur des montagnes, sont moins exposées ([lie les espèces littorales à être entraînées par les agents extérieurs. Nous n’avons aucune raison pour insister ici sur les opinions de M. J. Hooker, qui, dans son introduction à la Flore de la Nou- velle-Zélande, a été conduit à supposer l’existence d’un ancien continent ou d’anciennes îles considérables dans la direction du Chili à la Nouvelle-Hollande, et même du Chili à Tristan d’Acunha. En effet, nous n’avons relevé presque aucune affi- nité dans notre étude spéciale, entre la flore néo-calédonienne et celle du sud de l’Amérique, 'fout au plus peut-on signaler le Pteris aurita Thunb. comme voisin du Pteris Vespertilionis , E. FOURNIER. 298 qui habite le Chili; le Dicksonia Berteroana Hook. comme se retrouvant à Juan -Fernandez ; le Grammilis pseudaustralis, qui habite le sommet des montagnes en Calédonie, comme res- semblant beaucoup au Grammitis australis des terres magella- niques. Mais quant aux îles Mascareignes, il est bien difficile d’expli- quer par un fait de transport les affinités singulières qui relient leur flore à celle des îles océaniennes en particulier dans certains groupes, notammentpour le genre Darea, si étendu à l’île Maurice, que Gaudicbaud fa cru spécial à cette île (1) . Supposer des terres disparues entre Madagascar et l’Australie est une hypothèse hardie, qui pourra un jour s’imposer à la science. On consul- tera avec le plus grand intérêt, sur ce sujet, les vues récemment émises par M. Alph. Milne Edwards et tirées de la comparaison des faunes. Le dernier fait que j’ai a relever dans cette étude est l’infériorité numérique très-faible qui caractérise les rapports des Fougères néo-calédoniennes avec les Fougères américaines. Sur 259 Fougères, la Nouvelle-Calédonie n’en contient que 9 qui se retrouvent en Amérique ; et encore ces 9 espèces sont-elles, pour la plupart, des espèces ubiquistes qui rem- plissent, toute la région tropicale et même la dépassent quel- quefois. Cette observation sert à réfuter un argument que M. Jules Garnier a invoqué pour soutenir Forigine américaine des Polynésiens (2), dans les termes suivants : « Ceux qui ont vu les côtes de l’Amérique au voisinage de l’équateur, ainsi que les îles polynésiennes qui en sont le plus rapprochées, constatent une similitude extraordinaire des flores. A Panama et à Tahiti, la végétation est identique : ce sont les mêmes fourrés impénétrables, les mêmes forêts de Cocotiers et surtout d’Arbres à pain. ... A Tahiti, dont on connaît aujour- d’hui toute la flore, il n’est pas une seule plante qui ne se trouve sur la côte d’Amérique à l’est, et à la Nouvelle-Calédonie à l’ouest. » (1) Gaudicbaud, op.cit., p. 90. (2) toc. cit p. 14. DISPERSION GÉOGRAPHIQUE DES FOUGÈRES. 299 Cette assertion, valable tout au plus pour une faible partie de la végétation littorale, est en désaccord avec la grande majorité des faits; la végétation tahitienne, très-différente de la végéta- tion américaine, n’a même qu’une affinité partielle avec celle de la Nouvelle-Calédonie. L’argument tiré de la géographie bo- tanique se retourne donc contre M. Garnier, loin de favoriser des idées que beaucoup d’autres raisons concordent à rendre aujourd’hui difficiles à soutenir. Il n’y a, je le répète, que 9 des Fougères néo-calédoniennes qui se retrouvent en Amérique. Ce fait est d’autant plus important, que les Fougères américaines sont au nombre de plusieurs centaines : j’en ai constaté plus de COO seulement au Mexique (1). Or, une partie très-notable de ces dernières s’étend à travers tout le continent américain d’un tropique à l’autre, c’est-à-dire d’Orizaba à Rio-de-Janeiro. On a vu, au contraire, combien est faible en Océanie, dans des conditions géographiques analogues, l’affinité de la flore des Sandwich avec celle de la Nouvelle-Calédonie : c’est encore une nouvelle preuve contre F hypothèse d’un ancien continent général à toute l’étendue qui ne présente plus aujourd’hui d’autre terre émergée que les îles de la Polynésie. (1) Compt. rend., t. LXVII1, p. 1040, et Bull. Soc. bot. de Fr., 1869, session de Pontarlier. OBSERVAT IONS SUR LES CRISTAUX D’OXALATE DE CHAUX CONTENUS DANS LES PLANTES ET SUR LEUR REPRODUCTION ARTIFICIELLE, Par !W. Julien fl). § U L’oxalate de chaux dans les végétaux. Les cristaux d’oxalate de chaux sont contenus dans les cel- lules, rarement dans les parois cellulaires. L’oxalate de chaux renfermé dans les plantes, de même que le sel artificiel, est dimorphe; il cristallise dans le système prismatique carré droit avec 6 équivalents d’eau, et dans le système elinorhombique avec 2 équivalents d’eau. Les formes les plus fréquentes, appar- tenant au système prismatique carré, sont des octaèdres très- plats, connus sous le nom & enveloppes de lettres , et des prismes carrés surmontés de pyramides carrées, formes qui se rencontrent le plus souvent agglomérées, comme Dayen les a décrites avec soin dans les Cactées (2). De même qu’il est difficile de reproduire artificiellement une forme quelconque de ce sel complètement exempte d’octaèdres ou de ses dérivés, de même ces octaèdres se rencontrent souvent, accompagnés d’autres formes, dans la même cellule. Les aiguilles ou raphides paraissent souvent aussi appartenir à ce système : de longs prismes carrés sur- montés de pyramides; mais ordinairement elles appartiennent (1) Expériences faites au laboratoire de culture de l’École des hautes études, au Muséum d’histoire naturelle. Je dois à MM. Decaisne et Dehérain les remercîments les plus sincères pour les con- seils qu’ils n’ont cessé de me prodiguer. (2) Payen, cinquième mémoire Sur le développement des végétaux. CRISTAUX DOXÀLATU DU CilAUX DANS LUS PLANTUS. 301 au système oblique. Ce dernier système est beaucoup plus ré- pandu dans les végétaux que le premier, et fournit les formes les plus Variées, simples, maclées, agglomérées. Un fait sur lequel aucun des auteurs qui se sont occupés de cette question n’a suffisamment insisté, c’est la constance des formes cristallines pour les diverses espèces, genres et familles. Beaucoup de plantes offrent des formes distinctes, mais constantes dans leurs différentes parties. Dans la famille des Buttnériacées, il y a une distinction remarquable des formes cristallines du parenchyme fondamental. Ainsi, dans le Pterospermum , les cristaux de l’écorce sont agglomérés et ceux de la moelle sont simples. Les Dornbeya et les Guazuma ont des cristaux simples dans l’écorce et dans la moelle. Le Buttneria a un mélange de cristaux simples et de cristaux agglomérés dans la moelle et dans l’écorce. Enfin, les Malvacées ont des cristaux toujours agglomérés dans la moelle et dans l’écorce. Le voisinage d’un tissu différent paraît influer aussi sur la forme cristalline: ainsi, dans la Vigne, il y a de grandes cellules à raphidesau milieu des rayons médullaires; tandis qu’au con- traire, dans les rangées cellulaires voisines du liber, il y a des prismes simples. Si les expériences dont je vais exposer le résultat peuvent prou- ver l’influence de la nature chimique du milieu sur la forme cristalline, cette différence dans les cristaux éloignés et voisins du liber montre combien la division du travail est peu nette dans les végétaux, et qu’il y a, s’il est permis de s’exprimer ainsi, un passage insensible d’un tissu à un autre, passage qui se traduit souvent par la nature morphologique du tissu, mais qui souvent aussi ne réside que dans le contenu cellulaire. Un exemple du premier cas nous est fourni par le liber mou et le parenchyme fondamental, qui sont très-souvent si mal limités, que les pre- miers faisceaux libériens paraissent être plongés au milieu de l’enveloppe verte. Quand on éludie la distribution des cristaux dans les lises des 302 .s. Dicotylédonées, on est frappé de la différence qu’il y a entre les cristaux du tissu fondamental et ceux du liber. On voit que dans l’un et dans l’autre de ces organes, et surtout dans le liber, il y a souvent de longues files de cellules contenant des cristaux ; dans le parenchyme fondamental, ces cristaux sont des raphides, des agglomérations ou de gros cristaux simples, mais de formes sou- vent très-compliquées, irrégulières, ressemblant à des cailloux à arêtes vives. Il n’en est pas de même dans le liber mou : là les cristaux sont plus petits, plus réguliers, plus constants ; je n’y ai jamais rencontré de raphides, mais souvent de petites agglo- mérations, et surtout des cristaux simples simulant des rhom- boèdres ou des cristaux maclés. Je ne connais pas d’exemple de deux ou de plusieurs cristaux dans une même cellule libérienne adulte; souvent les cloisons qui séparent les cristaux sont très- minces, mais elles deviennent évidentes quand on dissout le cristal en ajoutant de l’acide chlorhydrique à la préparation. C’est ainsi qu’ils paraissent au premier abord accouplés deux à deux dans une même cellule libérienne de XHirœa Houlletiana; mais un examen approfondi montre que dans cette plante, con- trairement à ce qui arrive généralement, la cellule cambiale, qui doit se diviser en un système de cellules cristalligènes, se divise longitudinalement par des cloisons radiales, excepté à ses deux extrémités, qui sont occupées par des cellules termi- nées en pointe. La forme des cristaux libériens est quelquefois tellement con- stante, qu’elle peut caractériser l’espèce ou même la famille. Ainsi, dans le liber du JSerium , nous trouvons des cristaux de forme très-compliquée et tellement caractéristique, qu’un seul cristal peut servir à reconnaître son origine. Cette forme ou des formes analogues se retrouveut jusque dans les Asclépiadées, fournissant ainsi une nouvelle preuve de l’affinité des deux fa- milles. Les macles du liber des Ulrnus , sans être aussi compliquées, sont tout aussi caractéristiques. (1) Meyen, Neues Syst. d. Pflanzenphysiologie , 1837, p. 215. CRISTAUX ü’oXALATE DE CHAUX DANS LES PLANTES. 80o Je n’entreprendrai pas d’énumérer, ni de décrire les formes si variées qu’on rencontre dans les plantes; je renverrai le lecteur au travail de M. Bailey (1), et à celui de M. Sanio, qui a donné une description complète fie la forme des cristaux et de leur arrangement dans l’écorce d’un certain nombre de plantes dico- tylédonées. Je n’ai pas besoin de rappeler que les cristaux sont le plus souvent, si ce n’est pas toujours, renfermés dans une masse qui persiste et conserve en creux la forme du cristal, quand on dis- sout celui-ci dans l’acide chlorhydrique. A quoi est due la constance de forme de l’oxalate de chaux dans un végétal donné? Payen dit, il est vrai, sans vouloir ré- pondre à cette question, que chaque cristal est entouré d’une masse qui donne au cristal sa forme et en reçoit la rigidité. Mais il est impossible d’admettre une telle assertion, en contradiction avec les lois de la cristallisation et avec celles de l’activité cellu- laire. 11 est au contraire infiniment probable que le sel cristallise dans la cellule absolument comme il cristalliserait dans les mêmes conditions physiques et chimiques dans un vase inerte. § 2. Expériences sur la cristallisation artificielle de l’oxalate de chaux. M. Holzuer est le seul, que je sache, qui ait cherché à pro- duire, dans un but de comparaison, des cristaux d’oxalate de chaux. Mais s’il avait sérieusement en vue de reproduire les formes végétales de ce sel, il faut avouer qu’il s’est servi d’un singulier procédé. Ce procédé consiste à dissoudre l’oxalate de chaux dans l’acide chlorhydrique chaud ; il obtient ainsi le sel cristallisé par refroidissement, en une masse de cristaux agglo- mérés, quelques cristaux isolés, des prismes rhomboïdaux obli- ques, et des macles qui rappellent en effet celles de plusieurs végétaux. Quant au précipité rapide obtenu avec un oxalate soluble et (1) Voyez la note historique à la fin de ce mémoire. 30 k .1. im sel de chaux, il est déclaré amorphe par les uns, cristallin par les autres; en tout cas, il n’est qu’obscurément cristallin, ou plutôt les cristaux sont extrêmement petits et possèdent des formes arrondies. Je me suis servi de deux procédés pour obtenir des cristaux appréciables : 1° Je fais arriver dans un verre à pied contenant de l’eau, une dissolution de glycose, de sucre, etc., de l’oxalate de potasse et du chlorure de calcium, à l’aide de deux bandelettes de papier buvard plongeant par l’une de leurs extrémités respectivement dans l’une de ces deux dissolutions. Les sels se rencontrent à un état de dilution extrême dans le milieu liquide, et l’oxalate de chaux cristallise. Pour certaines expériences, l’un des deux réactifs, le plus souvent l’oxalate de potasse, a été mélangé avec le milieu (eau, glycose, sucre, etc.), et l’autre réactif y a été amené par une bande de papier buvard. '■T Je fermais de petits tubes de verre à l’une des extrémités par du papier -parchemin, et je les disposais deux à deux dans un verre à pied, de manière à les faire plonger de quelques milli- mètres dans le milieu liquide. Les deux dialyseurs étaient main- tenus dans cette position par un petit appareil de fil de fer; dans l’un d’eux je versais de l’oxalale de potasse, dans l’autre du chlorure de calcium : au bout de deux heures, les cristaux se montraient sur les parois du verre. A la fin de mes expériences, je me suis servi exclusivement de ce dernier procédé qui donne les mêmes résultats que le pre- mier, et qui exige beaucoup moins de temps et surtout ne permet pasaux Champignons de s’établir dans les dissolutions employées comme milieu. En entreprenant ces expériences, je suis parti de l’idée que la forme du cristal pouvait dépendre de la nature chimique et physique du milieu. MM. Souchay et Lenssen (dont je n’ai malheureusement pu me procurer le mémoire) ont trouvé que, lorsque la cristal- CRISTAUX u’oXALATE UE CHAUX DANS LES PLANTES. 305 lisation s’opère très-lentement, il se forme des cristaux renfer- mant 6 équivalents d’eau : “>jc*0>+6«,. et que dans la cristallisation rapide, le sel ne contient que 2 équivalents d’eau : gOjtW+2,,. et appartient au système clinorhombique. Le plus souvent j’ai obtenu des cristaux octaédriques droits, très-plats (enveloppes de lettres), mélangés avec des cristaux du système clinorhombique. Dans des milieux difficilement péné- trables par les sels, comme le blanc d’œuf, j’ai obtenu de très- gros cristaux octaédriques droits. Influence de la nature chimique du milieu liquide. Chaque fois que l’un des réactifs neutres est en grand excès, les formes déterminables sont très-rares, et la grande masse des cristaux est formée par des dendrites ou de petites aggloméra- tions dendritiques, quelle que soit la nature du milieu dans lequel s’opère la cristallisation. L’expérience réussit admirablement lorsqu’on mélange l’oxa- late de potasse avec le milieu et qu’on y fait arriver du chlorure de calcium. Les plumes forment avec la tige un angle de 79 de- grés, angle qui est supplémentaire de 401 degrés, chiffre donné par M. Holzner pour l’inclinaison des faces terminales du prisme oblique sur l’axe. Plus de cinquante expériences faites dans des conditions dif- férentes et en intervertissant les réactifs m’ont donné un îésultat invariable. Je ne connais pas un seul exemple de dendrites dans les plantes, et cette circonstance semble répondre à la question posée par M. Hilgers (s ) : Est-ce que l’acide oxalique préexiste (1) Jahrb. fur wiss. But., VI. 5° série. Rot. T. XIX (Collier n° 5). i 20 305 .!• vemque. et donne de l’oxalate de chaux à mesure qu’arrivent les sels calcaires ? D’après mes expériences, l’acide oxalique, à l’état d'oxalate soluble, ne préexisterait pas dans les cellules destinées à en- gendrer des cristaux; mais il y arriverait, et y serait sécrété à mesure que les sels calcaires eux-mêmes y arrivent ou y sont sécrétés, et cela dans des proportions qui ne diffèrent pas beau- coup des proportions exigées par les lois de la chimie. En d’autres termes, il faut considérer le travail qui s’opère dans les cellules cristalligènes comme un e sécrétion d’oxalate de chaux , et non pas comme une rencontre des deux réactifs. Ceci en- traînerait la» solubilité de l’oxalate de chaux dans le milieu am- biant, dans cette matière azotée, protoplasmique, que Payen désigne sous le nom de « tissu léger » . M. Dehérain (1) a décrit un phénomène du même ordre relatif au phosphate de chaux. En effet, dans le jus de pomme de terre, la chaux et l’acide phosphorique restent en dissolution tant que la matière albumi- noïde est soluble; mais si l’on coagule celle-ci par la chaleur, une grande partie du phosphate de chaux se précipite. Si on lave la matière albuminoïde jusqu’à ce quelle ne cède plus rien à l’eau, puis qu’on la calcine, on trouve des cendres à peu près exclusivement composées de phosphate de chaux. Je ne me dissimule pas qu’une combinaison d’un phosphate avec une matière albuminoïde est infiniment plus probable que celle d’un oxalate avec la même matière; mais un autre fait parle en faveur de ma supposition. L’oxalate de chaux reste souvent en dissolution dans l’urine et ne cristallise que quelques heures après l’émission (2). Je pense donc que le protoplasma' peut tenir en dissolution l’ oxalate de chaux tout préparé, et qu’il le dépose au milieu du suc cellulaire, où il prend la forme exigée par les conditions chimiques et physiques de ce suc. Cela n’empêche nullement qu’il y ait de l’acide oxalique dans les cellules parenchymateuses environnantes. (1) Dehérain, Cours de chimie agricole, 1873, p. 83. (2) Pelouze et Fremy, Traité de chimie, t. U, p. 153. CRISTAUX d’oXALATE DE CHAUX DANS LES PLANTES. 307 Toutefois mes expériences ont montré qu’en présence d’un grand excès d’un acide végétal libre (acide oxalique, citrique, tannique), il se forme des cristaux simples, même quand l’oxalate ou le sel de chaux est en grand excès. Le raisonnement qui pré- cède ne s'applique donc qu’au cas d’un suc cellulaire privé de ces acides. Dans d’autres séries d’expériences, j’ai versé dans les petits dialyseurs des liqueurs filtrées contenant respectivement pour 100 grammes d’eau 10 grammes de chlorure de calcium et 17 grammes d’oxalate de potasse, ou 20 grammes de chlorure et 34 grammes d’oxalate, proportions telles qu’il ne doit pas rester un excès notable de chlorure de calcium ou d’oxalate de potasse. Toutes ces expériences ont été faites sensiblement à la môme température d’environ + 8 degrés centigrades. Voici, en résumé, les résultats obtenus de cette manière : 1 . Le milieu étant de l’eau distillée. a. Une grande quantité d’agglomérations réunies autour d’un centre; les éléments de ces agglomérations sont pointus, irré- guliers, indéterminables. b. Cristaux à faces planes elliptiques, dérivant probablement d’un hexagone à angles arrondis; la face latérale porte une py- ramide quadrangulaire; les bords supérieur et inférieur présen- tent souvent un ou deux sillons, de sorte que le cristal paraît être composé. c. Prisme hexagonal oblique provenant d’un prisme rhom- boïdal oblique modifié sur deux arêtes longitudinales (forme commune dans les végétaux). cl. Deux troncs de pyramide hexagonale, accolés par leurs petites faces terminales. e. Octaèdre carré très-plat, dit enveloppe de lettre (forme fréquente dans les végétaux, et en particulier dans la tige des Peperonia , l’ovule de Calendula , etc.). f. Forme ressemblant à cet octaèdre, mais ayant les faces un 308 J. VESQUE. peu creuses marquées d’un sillon qui va du milieu du côté de la base au sommet de l’octaèdre. rj. Étoile à quatre branches se coupant à angle droit et por- tant des barbes obliques. Ces branches sont rectilignes ou courbes. h. Grand prisme oblique à base parallélogramme, quelquefois rhombe. Les variations observées clans différentes expériences faites dans les mêmes conditions consistent dans l’abondance plus ou moins grande de l'une ou de l’autre de ces formes; les octaèdres carrés, les étoiles carrées sont souvent très-rares. 2. Le milieu étant de beau contenant du fer et surtout beau- coup de plâtre. a. Agglomérations à éléments arrondis, irréguliers, indéter- minables. b. Cristaux elliptiques allongés, à faces latérales octaédriques. Chacune des quatre faces de ce pointement octaédrique latéral porte souvent un sillon allant du milieu du côté de la base au sommet, de sorte que le profil du cristal présente quatre angles aigus saillants et quatre angles obtus rentrants. c. Cristal elliptique avec des faces latérales en forme de bis- cuit. Ce cristal est évidemment très-voisin du précédent et cor- respond ainsi aux cristaux en forme de sablier de Golding Bird, qu’on trouve quelquefois dans les dépôts urinaires. d. Petits cristaux composés, arrondis, en forme d’os. e. Étoiles à quatre branches ayant souvent pour centre un autre cristal (octaèdre) à barbes formant avec l’axe un angle d’environ 101 degrés. Quelquefois étoiles à huit branches. /'. Macles en forme de croix oblique. Les cristaux elliptiques ( b ) sont extrêmement constants et dif- fèrent toujours des cristaux analogues obtenus dans l’eau dis- tillée (b) par leur forme allongée et étroite. Les agglomérations arrondies sont également très-caractéris- cristaux d’oxalate de chaux dans les plantes. 309 tiques et faciles à distinguer des agglomérations à arêtes vives qui se forment dans l’eau distillée. 3. Le milieu étant une dissolution de sucre de canne à 5 pour 100. a. Presque tous les cristaux appartiennent à une forme par- ticulière, à faces hexagonales allongées, se rapprochant d’une ellipse par l’arrondissement des angles. Quand on l’observe de côté, on voit que le cristal est composé; il est creusé de quatre sillons qui se réunissent deux à deux aux extrémités du cristal, de telle sorte que la coupe parallèle à la base et passant par le milieu de la hauteur donnerait un rhombe. b. Quelques enveloppes de lettres ou des étoiles octaédriques à quatre branches et à angles rentrants. li. Le milieu étant une dissolution de dextrine à 2 pour 100. a. Mêmes cristaux que dans le sucre de canne. b. Étoiles octaédriques carrées. c. Aiguilles semblables aux raphideset appartenant au système oblique. 5. Le milieu étant une dissolution de glycose à 5 pour 100. a. Raphides. b. Quelques dendrites(sans doute parce que la glycose n’était pas exempte de chaux). c. Quelques étoiles octaédriques carrées. 0. Le milieu étant acide (acide tannique, acide citrique, acide oxalique). a. Gros cristaux irréguliers à arêtes vives. b. Gros prismes obliques simulant des rhomboèdres. c. Cristaux hexagonaux ou presque rhombiques, ressemblant beaucoup aux cristaux hexagonaux décrits en a, n° 3, de forme compliquée, difficile à décrire. 310 «ï. VESQCE. Un sel de chaux amené par capillarité dans de l’acide oxalique mélangé avec n’importe quelle substance donne la même forme avec une constance remarquable. J’ai donc pu reproduire de cette manière un certain nombre de formes de l’oxalate de chaux qu’on trouve dans les végétaux, et entre autres les raphides qui se forment en présence de la glycose et souvent en présence de la dextrine,et de gros cristaux irréguliers à arêtes vives, ainsi que les prismes simples obliques qui se forment dans les acides. Les nouvelles expériences que je me propose d’entreprendre à des températures différentes, bien déterminées et dans des conditions aussi semblables que possible à celles qui se présentent dans les tissus végétaux, me conduiront, je l'espère, à des résul- tats intéressants pour la physiologie végétale. NOTE HISTORIQUE SUR LES CRISTAUX CONTENUS DANS LES PLANTES. La présence de cristaux dans les tissus des plantes est connue depuis longtemps. Malpi ghi (Op. omnia, Ludg. Bat., 1687, p. 52) a observé le premier les agglomérations cristallines. Leeuwenhoeck (Epist. pliysiol. , Delphii, 1719, et Arcan. nat. , epist. , 70, Ludg. Batav. , 1722) connaissait plusieurs formes de cristaux, entre autres les aiguilles. Scheele fit, sans le savoir, l’analyse de ce sel cristallisé en étudiant la terre de rhubarbe dans laquelle il trouva de l’oxalate de chaux. Rafn (Entwurf einer Pflanzenphysiol. , 1798, p. 88) décrit des aiguilles cristallines trouvées dans le latex des Euphorbes. J urine (Recherches sur l’organisation des feuilles, in Journ. de phys., dechim. etd’hist. nat., vol. LY1, 1802) décrit les aiguilles dans un certain nombre de plantes, et les grands prismes qui se trouvent a côté des ai- guilles dans le parenchyme des Agave; mais il rapproche de ces forma- tions cristallines les cellules rameuses bien connues du Nympbœa. ZmÆ(Grundlehrend. Anaf. und Phys. d. Pflanzen, 1807, p. 87) constate CRISTAUX D’OXALATE DE CHAUX DANS LES PLANTES. 311 que ces cristaux sont insolubles dans l’eau, l’alcool et les alcalis, et qu’ils sont solubles clans l’acide azotique. Rudolphi (Anat. d. Pflanzen, Berlin, 1807) confirme ces laits ; mais Sprengel (Von dem Baue und d. Natur der Gewachse, Halle, 1812, p. 229) prend les aiguilles pour du sucre cristallisé. Kieser (Mém. sur l'organisat. des PI., Harlem, 1814) décrit, sous le nom de corps rectilignes, les raphides dans un grand nombre de plantes. Alph. de Candolle (Mém. de la Soc. de phys. etd’hist. nat. de Genève, t. III, 2e part. , 1820) décrit les aiguilles, et leur dorme le nom de raphides pour ne pas préjuger leur nature ni leurs fonctions. Avg. Pyr. de Candolle (Organogr. végétale, Paris, 1827) reproduit cette opinion, mais il n’est pas éloigné de prendre les raphides pour des cristaux. Raspail (Mém. de la Soc. d’hist. nat. de Paris, t. IV, 1827) est le pre- mier qui ait l'ait directement l’analyse des cristaux des végétaux. D’après lui, ceux des Pandanus, (A Iris florentina et germanica sont de l’oxalate de chaux. En 1828, il reconnaît qu’il s’est trompé à l’égard des cristaux des Pandanus , qui consistent, ainsi que ceux dejbeaucoup d’autres plantes, en phosphate de chaux. Pour l’oxalate, il ne cite que les cristaux de Rheum et à' Iris. Meyen (Anat. und physiol. Untersuchungen über d. Inhalt der Pflan- zenzelle, Berlin, 1828, p. 59))énumère un grand nombre de formes cris- tallines. Cet auteur ainsi qu 'Unger (Exanthème d. Pflanzen, 1833), et M. Rrongniart en 1834 (Note sur le Colocasia odora), constatent que les cristaux se trouvent clans les cellules mêmes et non dans les méats inter- cellulaires, comme Treviranus (Physiol. d. Gewachse, Bonn, 1835J l’admettait encore pour les raphides du Cypripedium insigne et Ncottia discolor. Nees von Esenbeck (Repert. für d. Pharmacie, von docteur Buchner, 1832, vol. XLII, p. 91) prétend que les cristaux de radix Mechoaeannœ sont du phosphate de chaux et de magnésie, sel qu’il retrouve plus tard, en 1835 (Flora, n° 26), sous forme de cristaux, dans les racines de plusieurs espèces de Mirabilis. Turpin (Ann. des sc. nat., 2e série, t. IV, 1836) décrit sous le nom de biforines les cellules à raphides de Caladium , se déchargeant par endosmose. Raffeneau-Delile (Bull. Soc. agricult.de l’Hérault, juin 1836) fait con- naître les cristaux mêlés aux grains de pollen du Caladium bicolor , ainsi que les biforines dans les fleurs de certaines Aroïdées. 312 j . vusqi:iï. Lindley (An Introduction to Botany, liOiidon, 1848) considère, comme Turpin, les agglomérations des Cactées comme étant composées de pris- mes droits carrés surmontés de pyramides carrées. Unger (Annal, d. Wiener Muséums, 1840, Bd. II) décrit en peu de mots les cristaux simples et composés; il croit que la base en est la chaux, et que l’acide peut être l’acide tartrique (Cactées), oxalique, carbonique ou sulfurique (Scitaminées). Payen (Cinquième Mémoire sur le développement des végétaux, Mém. des savants étrangers, 1846, p. 77) étudie d’une manière approfondie les cystolilhes découverts par Meyen. Il décrit l’oxalate de chaux dans les feuilles sous forme d’agglomérations cristallines, de rhomboèdres (non réguliers). 11 montre que ces cristaux sont entourés d’un tissu léger qui persiste après la dissolution des cristaux dans l’acide azotique ou chlor- hydrique affaibli. 11 fait remarquer la distribution régulière de ce sel dans les végétaux : « Ce sel, dit-il, si abondamment répandu dans l’organisme végétal, se distribue régulièrement en certaines parties et affecte parfois des formes singulières et une contexture remarquable. » II fait allusion aux masses cristallines considérables qu’on trouve souvent dans les Cactées. 11 croit que les raphides sont entourés chacun d’une membrane qui donne au sel sa forme et en reçoit la rigidité. Bailey (American Journal of Science and Arts, 1845, vol. XLVlI,p. 17) décrit un grand nombre de formes cristallines d’oxalate de chaux du système clinorhombique; il donne de longues listes de végétaux présen- tant diverses formes. E. E. Schmid (Ann. d. Chemie und Pharmacie, 1856, Bd. XCVI1, p. 225) trouve que l’oxalate de chaux cristallise en deux systèmes dif- férents. Souchay et Lenssen (Ann. d. Chem, und Pharm., Bd. C, p. 311) indi- quent dans quel cas se forment les cristaux de l’un et.de l'autre système: dans la cristallisation très-lente, il se forme des cristaux du premier sys- tème avec équivalents d'eau ; dans la cristallisation rapide, des cristaux du système clinorhombique avec 2 équivalents d’eau. M. Samo (Monatsb. der k. Akad. d. Wissenschaften, Berlin, 1857) qui, avec Meyen et Schacht, avait pris jusque-là les rhomboèdres pour du car- bonate de chaux, déclare que ces cristaux sont des prismes obliques à base rhombe et qu’ils sont formés par de l’oxalate de chaux. Il applique à la botanique les résultats obtenus par Schmid, Souchay et Lenssen, Enfin il décrit la disposition des cristaux dans un certain nombre de végétaux. M. G. Holzner{ Ueber die Krystalle in den Pflanzenzellen, Flora, 1864 CRISTAUX DOXALATE DE CHAUX DANS LES PLANTES. 313 p. 273) confirme l’opinion de M. Sanio relativement au prétendu rhom- boèdre qu’on rencontre si fréquemment dans les végétaux, en s’appuyant sur les modifications que présente cette forme cristalline dans les Cycas, les Cratœgus, etc. Il ramène un grand nombre d’autres formes au même système, entre autres celles du Guojacum et du Quillaja qu’on avait jusque-là considérées comme du gypse (voy. Flückiger, Schweiz Wochen- schrift lür Pharmacie, Bd. I, 1862, et Berg, Archiv d. Pharmacie, II, Bd. XC1X, 1859), les hémitropies de Musa paradisiaca et celles de Cra- tœgus, Citrus, Pirus , Strychnos. Il admet, en résumant ses mesures faites d’après des cristaux pris dans les végétaux, sur la 2cAéwe//*7e(oxalatede chaux cristallisé appartenant au règne minéral), et sur les cristaux artificiels obtenus par refroidissement d’une dissolution d’oxalate de chaux dans l’acide chlorhydrique, que tous ces cristaux appartiennent à une même série cristalline, dont la forme principale serait un hendisoèdre dont les faces prismatiques compren- nent un angle de 7à° 5', et les faces terminales et latérales un angle de 101° h\' . L’angle aigu de la face terminale est de 71° 29'. • M.Hilgers{ Ueber das Auftreten der Krystalle v. oxalsauren Kalk, etc. , Jahrb. lür wiss. Bot., VI) étudie la formation des cristaux en les comptant dans les entrenœuds successifs de haut en bas. Il fait ensuite des réflexions sur la préexistence de l’acide oxalique dans les tissus de la plante. DEUXIÈME NOTE SUR LES GQNIDIES DES LICHENS Par M. E<1. BOBÜET. Dans un mémoire précédent (R, j’ai cherché à démontrer que l’hypha des Lichens ne donne point naissance aux gonidies, mais qu’il se fixe sur des productions indépendantes et préexis- tantes qui ne se distinguent point de certaines Algues. Je voudrais ajouter aujourd’hui quelques preuves nouvelles à celles que j’ai données, et indiquer en outre les raisons qui ne permettent pas de regarder ces Algues comme n’étant que des états imparfaits des Lichens. Je parlerai d’abord des cas où j’ai vu les gonidies revenir à‘ l’état d’Algues et reproduire la plante dont elles proviennent. Ces cas sont doublement intéressants, d’abord parce qu’ils don- nent une démonstration directe et irrécusable de l’identité des deux corps, et ensuite parce qu’ils permettent d’apprécier les déformations produites par l’envahissement de l’hypha. Les gonidies des Opegrapha sont fournies par des filaments de Trentepohlia ( Chroolepus Auct.j. Or, j’ai trouvé de vieux thalles à' Opegrapha varia Pcrs., où ces filaments avaient repris çà et là leur structure normale. Ils s’étaient allongés, redressés, et avaient produit les sporanges propres au genre Trentepohlia. Beaucoup de ces sporanges étaient vides et présentaient l’ostiole légèrement saillant par lequel les zoospores s’étaient échappées. Les zoospores elles-mêmes nageaient encore en abondance dans l’eau qui baignait la préparation. La continuité des filaments fructifères avec ceux qui servaient de gonidies à X Opegrapha était parfaitement évidente, et plusieurs de leurs articles étaient complètement entourés par l’hypha, qui atteignait même quel- ques sporanges vides. Dans le Pannaria triptophylla Nyl. var. nigra, il n’est pas (1) Annales des /sciences naturelles, Botanique. 5e série, t. XVII, p. 45. SUR LES GONIDIES DES LICHENS. 315 rare de trouver des tubercules du thalle qui ont une déchirure à leur sommet ou sur le côté. De cette déchirure sortent des fila- ments, qui sont évidemment la prolongation des amas de gotii- dies bleuâtres renfermées dans le thalle de cette espèce. Quel- quefois le filament est simple ou replié en forme d’anse. D’autres fois il sort tout un faisceau de filaments, les uns nus, les autres revêtus d’une gaîne plus ou moins teintée de jaune. Tantôt ils se continuent avec les gonidies intérieures ; tantôt ils se rompent en fragments qui se répandent dans l’eau de la préparation, ou forment, à l’orifice de la déchirure, de petits amas semblables à ceux qu’on trouve souvent entre les filaments des Scylonemci , Calothrix , etc. Ces observations m’ont prouvé que les deux sortes de gonidies, si différentes d’aspect, que renferme le Pannaria triptophylla, ne sont que deux états d’une même Algue, à peine modifiée dans les gonidies filamenteuses, tout à fait déformée et presque méconnaissable dans les gonidies sphériques. La même particularité se montre aussi très- clairement dans ces tubercules incomplètement développés dont j’ai parlé dans mon précédent mémoire (1). On voit des faisceaux droits et paral- lèles que l’hypha ne recouvre pas entièrement, devenir graduel- lement flexueux et irréguliers, et se changer en gonidies ordi- naires dans la partie inférieure où le Lichen est tout à fait formé. — L’Algue envahie par l’hypha de cette espèce est le Scytonema Kutzingianum Næg. C’est une plante commune dont les fila- ments verts sortent facilement de leurs gaines, et qu’on ren- contre fréquemment sous cette forme, en petits amas ou en fragments isolés. On sait que, dans certaines circonstances, la surface elles bords du thalle des Collema se couvrent d’une multitude de petits grains ronds, provenant de l’extension et du développement au dehors d’un repli des filaments gonidiaux. Ordinairement 1 ’ h y— pha pénètre dans celte excroissance en même temps qu’elle se forme, de sorte que les petits grains encore microscopiques pos- sèdent déjà les deux éléments du Lichen. Mais il arrive parfois, (1) Loc. cit.} p. 88. 31 G K!©. SI® as NET. comme l’a observé M. de Bary (:!), qu’ils sont entièrement dé- pourvus d’hypha. Ce sont alors de purs Nostoc , qui ne diffèrent en rien des petits individus que l’on trouve entre les brins de Mousses. Presque toujours dans ce cas le jeune Nostoc, lié au Collema par un simple pédicelle gélatineux, s’en détache assez promptement ; mais il peut aussi se développer sur place. Car j’ai trouvé un Collema pulposum auquel adhéraient par un isthme étroit deux lobes complètement dépourvus d’hypha, ayant un demi-centimètre de diamètre et présentant tout à l'ait l’aspect d’un Nostoc commune de même âge. Comme contre-partie à cette dissociation spontanée des élé- ments des Collema , je citerai l'exemple d’un Nostoc commune large d’un centimètre, envahi par de gros faisceaux de rhizines d’un Collema placé tout à coté de lui. Les deux plantes se tou- chaient de si près, que j’ai pu les couper du même coup, et faire des tranches sur lesquelles on suivait les rhizines depuis leur sortie du Collema jusqu’à leur pénétration dans le Nostoc , où elles s’épanouissaient en se ramifiant. M. de Bary a remarqué qu’on trouve des rameaux entiers d’ Ephebe pubescens qui sont tout à fait dépourvus d’hypha (2). J’ai faitla mômeobservation sur le Lichenosphœria Lenormandi et le Spilonema paracloxum. Ces rameaux ne se distinguent en rien de l’Algue même que l’on rencontre à côté du Lichen et sur les mêmes rochers. Dans 1 e, Spilonema, les filaments épais, rugueux, opaques, souvent tachés de bleu, qui constituent le thalle du Lichen, présentent un contraste frappant avec les filaments grê- les, lisses, transparents, d’un jaune clair uniforme qui en sortent et qui ne contiennent pas d’hypha. 11 n’est pas douteux que les gonidies des Lichiha soient for- mées par les filaments de quelque Rivulariée. De nouvelles observations sur ces plantes m’ont fait voir l’envahissement des filaments verts par l’hypha, et j’ai rencontré à plusieurs repri- ses, dans le tissu du thalle, des filaments à peine déformés, encore revêtus de leur gaine. Mais peut-être n’est-ce pas la (1) Handbuch der physiologischen Botanik, zweiter Banc!, erste Abtbeilung', p. 290. (2) Hnndbuch, etc., p. 291. SUR LES GONIDIES UES LICHENS. 317 même espèce d’ Algue qui fournit ies gonidies des deux Lichina. Le Lichina confiais Ag. croît sur les rochers que la mer n’at- teint qu’aux grandes marées. A cette hauteur on ne trouve guère que les Calothrix pulvinata Ag. et scopulorum Ag. Le Lichina pygrnœa Ag. a une station plus rapprochée du niveau moyen de la marée, et il est souvent mêlé non-seulement à divers Calothrix , mais aux Rivularia atra Roth et hu/lata Berk., auxquels il sert quelquefois de support. Je dois dire d’ailleurs qu’il est à peu près impossible de reconnaître avec certitude à quelle espèce appartiennent des filaments isolés de Calothrix ou de Rivularia. La difficulté est d’autant plus grande ici, que ce ne sont pas des individus complets et de végétation vigoureuse que l’hypha transforme en gonidies, mais seulement les fila- ments peu développés qui végètent pauvrement dans les inter- stices des rochers ou dans les fentes des bois. L’identité des gonidies avec certaines Algues inférieures ne saurait, sans doute, être contestée par un observateur familier avec l’étude de ces dernières. Mais peut-on l’expliquer en sup- posant que ces Algues sont des êtres incomplets, ne représen- tant qu’un des éléments du tissu des Lichens? C’est là une hypo- thèse que le progrès des études algologiques ne permet plus, je crois, de soutenir aujourd’hui. Car il est certain que ces mêmes Algues ne se multiplient pas seulement par division, mais qu’elles ont aussi leur fructification particulière, qui n’a aucun rapport avec celle des Lichens. Je vais passer en revue les prin- cipaux genres qui servent de gonidies, et montrer qu’ils se rattachent incontestablement aux Algues par leur mode de repro- duction. Examinons d’abord ceux qui contiennent de la chlorophylle. La reproduction par zoospores a été constatée par MM. Fa- mintzin et Baranetzky dans le Cystococcus humicola extrait du thalle de diverses espèces de Lichens. De mon côté, j’ai vu, comme je l’ai dit plus haut, l’émission des zoospores dans le T renlepohlia qui fournit les gonidies de Y Opegrapha. varia. Ce mode de reproduction est général dans le vaste groupe d’Algues 318 lil®. dont ces deux genres font partie, et qui a été longtemps désigné spécialement sous le nom de Zoosporées. Le genre Phyllactidium , qui forme l’élément gonidial del 'Ope- grapha füicïna Montg., ne diffère point, selon M. Pringsheim (1), du genre Coleochœte. Or, ce dernier, plus élevé en organisation que les précédents, a non-seulement des zoospores, mais des oogones et des anthéridies. Dans le groupe d’ Algues inférieures où la matière colorante est formée par de la phycochrome(Cryptophycées,Thur.;Phyco- chromophycées, Rabenh.), il n’y a point de zoospores; mais ces plantes ont aussi leurs modes de reproduction particuliers* Elles comprennent deux tribus principales, les Chroococcacées et les Nostochinées. A la première appartiennent les Glœocapsa Magma , rupestris, stegophila , qui concourent à la formation de diverses espèces de Synalissa , et dans lesquels j’ai trouvé des spores bien caractérisées (”2). Quant aux Nostochinées, elles se multiplient de deux manières, par spores ou par des tronçons de filaments. Les spores sont connues depuis longtemps dans quel- ques genres ( Anabaina , Cylindrospermum , Gloiotrichia ) qui ne fournissent point de gonidies aux Lichens. Mais des recherches encore inédites que nous avons faites, M. Thuret et moi, sur diverses Nostochinées, nous|ont appris qu’il existe aussi des spo- res dans les Nostoc. Nous les avons observées dans sept espèces, savoir : Nostoc vesicarium DG., N. M uscorum Ag., N. tenax Thur. mss., N. verrucosum Vauch., N. ellipsosporum Desmaz., N. gelatinosum Schousboe mss., N. intricatum Menegh. Nous avons vu la germination dans les trois premières espèces. Ces spores des Nostoc sont tout à fait semblables à celles des Ana- baina, et se forment de môme. Les cellules des chapelets gros- sissent, se recouvrent d’une membrane épaisse, souvent teintée de jaune, quelquefois un peu verruqueuse (N. gelatinosum). Plus tard cette membrane s’ouvre pour livrer passage à un petit corps ovale, qui se divise et s’allonge bientôt en un filament de Nostoc. — L’autre mode de multiplication des Nostoc consiste, (1) J ahr bûcher fur wissenschafiliche Boiamk, zweiter Band, 1860, p. 30 et 31. (2) Loc. cit., pi. 16, fig. 3. SUR UES GONIDIES DES LICHENS. 319 comme on sait, dans la division des chapelets en fragments qui, doués d’un mouvement de reptation comparable à celui des Oscillaires, se répandent dans l’eau et ne tardent pas à repro- duire la plante. Nous avons retrouvé, M. Thuretet moi, un mode de reproduction analogue dans les Scytonema , les Calothrix et les Rïvularia. Ce n’est pas ici le lieu d’exposer en détail ces observations, que nous comptons publier ailleurs. Je me borne- rai à dire que la partie colorée des filaments renfermée dans la gaîne se partage en tronçons qui, doués aussi à cette époque d’un mouvement propre, s’échappent par le sommet de la gaîne et se répandent dans le liquide ambiant. Bientôt ils se revêtent d’une gaîne nouvelle et donnent naissance à de nouveaux indi- vidus. Prétendre que des plantes qui possèdent ces modes variés et caractéristiques de reproduction ne sont que des parties élé- mentaires de végétaux appartenant à une famille toute différente, c’est assurément hasarder une hypothèse fort invraisemblable, et pour peu que l’on réfléchisse aux conséquences étranges qu’elle entraîne, on reconnaîtra qu’elle soulève des difficultés bien plus graves que la théorie du parasitisme proposée par M. Schwendener. On acquiert de nouvelles preuves de l’indépendance originelle des gonidies et de l’hypha, quand on cultive à part, soit des gonidies, soit des spores de Lichens. J’ai conservé pendant plus d’un an le Cystococcus extrait du thalle de V Endocarpon minia- tum. 11 s’est multiplié en immense quantité, mais il n’a produit aucune trace d’hypha. Le semis de spores de Lichens fournil la contre-partie de cette expérience. Ces spores germent facilement et l’hypha se développe avec abondance, mais il ne naît pas de gonidies. Ce n’est qu’en mélangeant aux spores l’Algue dont le Lichen a besoin pour se développer, qu’on peut s’expliquer l’origine des gonidies. Alors l’hypha issu des spores de Collema ne tarde pas à pénétrer dans la gelée des Nostoc; celui des Lichens qui vivent aux dépens du Cystococcus s’attache aux cellules de cette Algue, M&. letjfcEt.Wr. 320 exactement comme on le trouve dans les thalles adultes, et le gonflement des filaments autour des points touchés, les nom- breux ramilles qui se forment à la suite, sont des signes frappants de l’influence qu’exerce le contact de l’Algue sur le développe- metde l’hypha. Au moment où je termine ces pages, je reçois la note que M. Treub vient de publier sur le même sujet (1). Ses recherches lui ont donné des résultats absolument conformes à ceux que j’ai exposés dans mon premier travail. Pas plus que moi M. Treub n’a pu voiries gonidies naître de l’hypha, ni sur les filaments qui sortent des spores, ni dans le thalle déjà formé. Et pourtant quand on considère le nombre prodigieux de goni- dies que renferme le thalle de certains Lichens foliacés, il sem- blerait que, si ces corps se formaient aux dépens de l’hypha, il ne devrait pas être si difficile de le constater par l’observation directe. M. Treub a réusssi, par une meilleure méthode de culture, à conduire ses expériences plus loin que je 11e l’avais fait. SI n’a pu cependant arriver jusqu’à la formation d’un thalle complet de Lichen. Mais je ne saurais, pour ma part, attacher beaucoup d’importance à obtenir ce résultat, qui me paraît sans intérêt dans cette question. Ce qu’il s’agit de constater, c’est le parasi- tisme de l’hypha, et c’est par la manière dont il se fixe aux goni- dies qu’on le démontre. Un développement plus avancé du thalle 11e prouverait rien de plus. D’ailleurs si l’on tient à suivre l’évolution du thalle jusqu’à sa dernière période, 011 trouvera facilement dans la nature de quoi suppléer sur ce point à l’in- suffisance des cultures artificielles. Rien n’est plus commun que d’observer autour des Lichens adultes tous les états intermé- diaires, depuis les thalles complètement développés jusqu’aux petites masses entourées d’hypha qui en sont le premier âge, et qui ne diffèrent en rien de celles que donne au bout de quelque temps un mélange de spores et de gonidies. (1) Lkhenencultur , in Boianische Zeitung, 1873, n° 46, p. 721, pl. 8 A. RECHERCHES SUR L’ABSORPTION D’OXYGÈNE ET L’ÉMISSION D’ACIDE CARBONIQUE PAR LES PLANTES MAINTENUES DANS L’OBSCURITÉ, par mm. P. P. BMEBÉRAIH. Aide-naturaliste de culture au Muséum d’histoire naturelle, et BS. SflOISS.lN, Attaché au laboratoire de culture du Muséum d’histoire naturelle. PREMIÈRE PARTIE RESPIRATION DES FEUILLES. Les naturalistes distinguent aujourd’hui dans les végétaux deux fonctions complètement différentes dans leurs manifesta- tions extérieures, bien que tendant au même but, l’accroisse- ment de la plante et la formation d’organes destinés à la reproduire. Tandis que les fonctions de nutrition, comprenant la dé- composition de l’acide carbonique et de l’eau, l’assimilation des matières azotées et des principes minéraux, ont été l’objet de travaux nombreux et variés, les fonctions de respiration, qui se manifestent par l’absorption d’oxygène et l’émission d’acide carbonique, n’ont'encore été qu’incomplétement étudiées. Sans doute Th. de Saussure, avec sa sagacité habituelle, a mis hors de doute le fait même de l’émission d’acide carbo- nique parles feuilles et de l’absorption d’oxygène, déjà entrevu par Priestley et Ingenhousz -, il a même montré que les deux actions n’étaient pas absolument liées Tune à l’autre, et que cer- taines plantes grasses, telles que X Opuntia, pouvaient absorber 5e série, Bot. T. XIX (Cahier n° 6). 1 21 322 I». I». DEHÉRA1N ET IB. MOISNAü. de l’oxygène sans émettre du même coup une quantité corres- pondante d’acide carbonique. Sans doute, depuis, M. Garreau (1), en 1851, a publié deux mémoires importants sur les phéno- mènes de respiration. Mais, malgré ces travaux et ceux qui ont paru depuis peu en Allemagne et en France, et qui ont été insérés récemment dans ce recueil même (2), on ne saurait considérer la question comme épuisée (3). § 1. But des recherches entreprises. En reprenant l’étude de la respiration des végétaux, nous avons eu pour but de connaître d’abord quelle était l’impor- tance de ce phénomène; c’est-à-dire quelle était la quantité d’acide carbonique produite par un poids déterminé de feuilles dans un temps connu. Il était naturel de comparer cette production d’acide carbo- nique par les végétaux à celle que donnent les animaux infé- rieurs, et de voir si les deux règnes, qui dévoilent dans l’en- semble de leurs fonctions tant de points de ressemblance, ne présenteraient pas dans la fonction vitale par excellence, la respiration, une analogie plus ou moins lointaine. Nous avons encore recherché, dans la première partie de ce travail, l’influence qu’exerce sur cette fonction l’espèce à la- quelle appartenaient les feuilles en expérience, leur état de santé, enfin la température à laquelle elles étaient soumises. Dans la seconde, nous avons voulu non-seulement déterminer la quantité d’acide carbonique obtenue, mais aussi chercher le (1) Ann . sc. nat., Bot., 3e série, vol. XV, p. 5, et vol. XVI, p. 271. (2) Barthélemy, De la respiration et de la circulation des gaz dans les végétaux [Ann. des sc. nat., Bot., 5e série, t. XIX, p. 138). — Boehm, De la respiration des plantes terrestres ( ibid p. 181). (3) Nous examinerons, dans les mémoires suivants, les faits relatifs à l’absorption de l’oxygène et à l’émission d’acide carbonique parles autres organes végétaux; c’est alors que nous aurons à apprécier les travaux classiques de M, Fremy sur la matu- ration, et ceux de M. Gahours sur la respiration des fruits. DE LA VÉGÉTATION DANS l’oBSCURITÉ. o'2o rapport qu’elle présente avec l’oxygène absorbé. Enfin, dans l’une et l’autre série nous avons fait varier la nature des atmos- phères dans lesquelles avait lieu la respiration des feuilles, pour reconnaître l’influence que pouvaient exercer les gaz introduits sur le phénomène lui-même. Toutes les expériences ont été faites dans une obscurité ab- solue, afin d’éviter la décomposition de l’acide carbonique, qui n’aurait pas manqué de se produire si les feuilles eussent été éclairées; enfin nous avons évité d’introduire dans les vases où se trouvaient les feuilles en expérience des matières capables d’absorber l’acide carbonique, de façon à ne pas déterminer, par le mode même d’opérer, la diffusion de l’acide carbonique contenu dans les feuilles. Aprèsavoir ainsi multiplié les expériences, nous avons cherché à les interpréter et à voir ce qu’on en peut déduire relativement à cette question : Quel est le rôle physiologique de la combustion interne qui s’accuse par l’absorption d’oxygène et l’émission d’acide carbonique ? PREMIÈRE SÉRIE ^EXPÉRIENCES. § 2. Description de l’appareil. Les feuilles en expérience ont été placées dans une de ces éprouvettes portant une tubulure inférieure qui sont employées dans les laboratoires pour dessécher les gaz; cette éprouvette E était contenue dans un grand cylindre de verre renfermant de l’eau dont on faisait varier la température au moyen d’un cou- rant de vapeur traversant un tube en U plongé dans l’eau du vase Y. La disposition de l’appareil figuré dans la planche 15 permet- tait de maintenir les feuilles dans la même atmosphère pendant toute la durée de l’expérience, ou de renouveler cette atmos- phère par un courant de gaz continu ; dans tous les cas, il fallait se mettre en garde contre l’acide carbonique introduit par 324 i ». i». deeiéraiv et h. moissan. l’atmosphère ambiante et recueillir absolument tout l’acide car- bonique produit ; en outre, comme on voulait pouvoir agir au besoin dans l’oxygène pur, on avait adopté des dispositions con- venables pour se mettre à l’abri des entraînements de gaz que pro- duisent si souvent les mouvements de trompe déterminés par les liquides qui pénètrent dans les tubes. La ligure (pl. 15) montre toutes les dispositions adoptées, et l’on voit que l’eau descendant dans le flacon A pour déplacer le gaz qui s’y trouve, est obligée de s’élever dans le petit ballon a, où s’arrêtent les bulles d’air entraînées ; elle déplace ensuite le gaz de A, qui se dépouille d’acide carbonique dans les boules de Liebig B, remplies de po- tasse concentrée; elle passe ensuite dans le petit appareil D, renfermant un peu de mercure, et qui a pour but d’empêcher les gaz contenus dans l’éprouvette d’arriver au contact de la potasse des boules B. Dans le tube desséchant F renfermant du chlorure de calcium, on a eu soin de placer un peu de coton à l’extrémité /, pour que des parcelles de chlorure de calcium ne fussent pas en- traînées dans l’appareil G par le courant de gaz qui traverse ce tube à la fin de l’expérience. Enfin, cet appareil C, qui va nous indiquer à chaque expérience la quantité d’acide carbonique produite, a été disposé de la façon suivante : A l’extrémité h' a été fixé un petit tube à chlorure de calcium, pour arrêter la vapeur d’eau dont s’est saturé l’air sec en pas- sant bulle tà bulle dans la solution de potasse. Ce tube fait corps avec l’appareil, de telle sorte que la différence des deux pesées faîtes avant et après l’expérience nous donne tout de suite le poids de l’acide carbonique formé. Dans le tube // ont été placés, entre deux tampons de coton, de petits fragments de chlorure de calcium, pour empêcher qu’il ne s’établisse, entre l’air chargé d’humidité qui se trouve dans les boules et l’air sec qui se trouve dans le tube F, un transport, qui, bien que très-faible quand l’expérience dure peu de temps, pourrait, dans des expériences de longue durée, nous donner des différences de plusieurs milligrammes. La conduite des expériences était d’une grande simplicité. DE LA VÉGÉTATION DANS LOBSCURITÉ. 325 Prenons pour exernple l’expérience n° 13 du premier tableau : Nous avons commencé par emplir d’eau le manchon Y, afin d’avoir pendant toute la durée de l’expérience une tempé- rature à peu près constante. Nous avons pesé ensuite l’appareil à boules C ; son poids était de 55gr,421. Enfin, nous avons placé dans l’éprouvette E trois feuilles vertes de Tabac du poids de 27gr,4 ; puis, pour que l’obscurité fût bien complète, nous avons enveloppé le manchon d’un mor- ceau de serge noire, d’une double épaisseur; à la partie supé- rieure étaient ménagées trois petites ouvertures, pour laisser passer les deux tubes de l’appareil et la tige d’un thermomètre. L’expérience ayant été commencée le 23 septembre, à cinq heures du soir, nous ne l’avons arrêtée que le lendemain 24 septembre, à onze heures et demie du matin ; elle a donc duré dix-sept heures et demie. La température de l’eau entourant les feuilles était, le 23, de 16 degrés, et le 24, de 14 degrés. Le 24 septembre, à onze heures et demie, nous avons, au moyen de l’eau du flacon A', déplacé l’air qui se trouvait dans le flacon A; cet air, après s’ètre dépouillé dans le tube B de l’acide carbonique qu’il pouvait contenir, arrivait dans l’éprou- vette E, d’où il chassait tout l’acide carbonique, qui allait se fixer dans l’appareil C. Après avoir ainsi recueilli dans la potasse tout l’acide carbo- nique produit par les feuilles, nous avons de nouveau pesé l’ap- pareil à boules. gr Poids des boules de Liebig après l’expérience 55,500 Poids des boules de Liebig avant l’expérience 55,421 Acide carbonique dégagé par les feuilles 0,079 Trois feuilles vertes de Tabac du poids de 27gr,4 nous ont donc donné, en dix-sept heures et demie, 79 milligrammes d’acide carbonique, la température moyenne ayant été de 15 degrés. Lorsqu’au lieu de faire les expériences dans l’air, on les fai- sait dans l’oxygène ou dans tout autre gaz, on commençait par B». »B. BBlSMIflliAlfl HT SI. o26 chasser l’air contenu dans l’appareil au moyen d’un fort cou- rant du gaz employé, et l’on terminait l’expérience en déplaçant l’atmosphère produite par un courant du môme gaz. Les bulles d’air entraînées par l’eau de À, s’engageant dans le tube T, montaient dans le ballon a, et ne pouvaient pas s’écouler avec le gaz de A, qui restait pur. § 3. Exposé des résultats. Les résultats obtenus par cette méthode sont résumés dans les quatre tableaux suivants. Tous les nombres insérés dans les trois premiers proviennent des observations faites sur une seule plante, le Tabac, dont les feuilles étaient d’une dimension convenable pour nos expériences. Nous voulions connaître l’influence de la température à laquelle les feuilles sont maintenues sur l’acti- vité de leur respiration; nous voulions apprécier comment cette activité varie avec leur état de santé ; nous cherchions encore si la combustion interne qui se traduit par le dégagement d’acide carbonique allait s’accélérant dans l’oxygène pur, et dans quelle mesure elle s’accélérait, et, pour mettre ces influences en lu- mière, il était nécessaire d’agir constamment sur des feuilles appartenant à la même espèce. Le tableau n° SV renferme, en revanche, les résultats obtenus à diverses températures sur des feuilles empruntées à des plantes d’espèces très “différentes. Ces quatre tableaux sont disposés sur le même plan. Le numéro d’ordre des expériences, l’espèce de la plante à laquelle la feuille est empruntée, la durée des expériences, le poids des feuilles, la température à laquelle elles ont été exposées, sont successivement inscrits dans les premières colonnes; les deux dernières renferment le poids d’acide carbonique trouvé à la fin de l’expérience, quand on a déplacé l’atmosphère de l’éprou- vette E par un courant de gaz provenant du flacon A; enfin, la dernière colonne contient le poids de cet acide carbonique rapporté à 100 grammes de feuilles et à une durée d’expériences de dix heures. DE LA VÉGÉTATION DANS L OBSCURITÉ. 327 Le tableau n° î donne tous les nombres obtenus avec des feuilles de Tabac vertes en parfait état de santé. Bien que les expériences aient duré jusqu’à vingt-deux heures, les feuilles étaient encore parfaitement fraîches quand elles sont sorties des appareils; on remarquera, .au reste, que les expériences faites aux températures élevées ont été de très-courte durée. Tableau L Expériences exécutées dans l’air atmosphérique. Numéros d’ordre. NATURE de la PLANTE EMPLOYÉE o DURÉE des expériences. POIDS des feuilles employées. Tem- pérature. AC. CAR- BONIQUE, produit. AC. CAR- BONIQUE. produit en 10 heures par 100 gr. de feuilles. 1. Nicotiana Tabacum Heures. 6 sr- 26,25 0 7 gr. 0,005 gr. 0,031 2. (feuilles vertes.) Id 19 14,36 13 0,038 0,139 3. L1 17 28,72 14 0,077 0,157 4. Id.. 17 1/2 27, h 15 0,079 0,1648 5. Id 22 11,92 18 0,047 0,178 6. Id 19 12,5 i 18 0,046 0,193 7. Id 16 11,86 20 0,050 0,263 8. Id 18 17,07 21 0,089 0,289 9. Id. . ... 5 3 là 29,43 32 0,087 0,514 10. Id.. . 5 30,17 40 0,145 0,961 11 . Id. 5 21,02 41 0,119 1,132 12. Id. ................ . 3 1/2 21,11 42 0,098 1,325 Les deux expériences suivantes ont été faites dans un courant d’air continu. 32. Nicotiana Tabacum 2 18,35 22 1,015 0,409 33. Id 3 27,30 40 0,150 1,831 Le tableau n° II nous donne les résultats obtenus par les feuilles jaunes qui sont si abondantes à la partie inférieure des pieds de Tabac. En comparant les nombres de la dernière co- lonne à ceux que renferme à la même place le tableau n° î, on voit combien est moins active la respiration de ces feuilles déjà malades; nous aurons, au reste, occasion de revenir plus loin sur ces résultats. P. I». BEIiERAI*’ ET El. MOISSAA. Tableau II. Expériences exécutées dans l'air atmosphérique. Numéros d’ordre. NATURE do la PLANTE EMPLOYÉE. DURÉE des expériences. POIDS • des feuilles employées. Tem- pérature. AG. CAR-] BON1QUE. produit. AC. CAR- BONIQUR. produit en 10 heures par 100 gr. de feuilles. 13. Nicotiana Tabacum Heures. 17 2 9, ¥7 13 8r- 0,040 û",080 14. (feuilles jaunes.) Ici 6 31,75 13 0,012 0^,062 15. Id.. 17 28,18 13 0,040 0,083 16. Jd 24 35,4 14 0,061 0,071 17. Id 18 6,59 16 0,011 0,092 18. Id 18 1/2 20,54 17 0,045 0,118 19. Id 14 30,65 18 0,068 0,158 20. Id 18 5,11 19 0,012 0,130 21. Id 16 1/2 16,85 21 0,057 0,204 22. Id 5 26,95 41 0,090 0,667 Les chiffres insérés au tableau n° 3 ont été obtenus dans l’oxygène; on déplaçait, ainsi qu’il a été dit plus haut, l’air contenu dans l’éprouvette E, au commencement de l’expérience, par un courant d’oxygène; puis, à la fin de l'expérience, on chassait de nouveau les gaz formés dans cette atmosphère par un nouveau courant d’oxygène. Ces expériences ont eu lieu à des températures variées, et ont porté, les premières sur des feuilles de Tabac parfaitement vertes, les autres sur des feuilles déjà jaunies. Tableau III, Expériences exécutées dans l'oxygène. Numéros d’ordre. NATURE (la la PLANTE EMPLOYÉE. DURÉE des expériences. POIDS des fouilles employées. Tem- pérature. AC. CAR- BONIQUE, produit. AC. CAR- BONIQUE. produit en 10 heures par 100 gr. do feuille*. 23. Nicotiana Tabacum Heures. 15 CO CT} 00 0 15 gr. 0,032 gr- 0,154 24. (feuilles vertes.) Id 14 9,9 16 0,030 0,215 25. Id 7 12,5 18 0,025 0,285 26. Id 42 14,05 19 0,144 0,244 27. Id.. . . . 6 14,84 40 0,075 0,854 28. Id 7 14,36 40 0,132 1,317 29. Feuilles jaunes 24 20,85 17 0,054 0,108 30. Id 22 17,06 18 0,056 0,144 31. Id.... 6 22,00 40 0,075 0,568 DIS LA VÉGÉTATION DANS L OBSCURITÉ. 329 Enfin, nous avons voulu comparer les nombres précédents obtenus exclusivement avec des feuilles de Tabac à ceux que donnent des feuilles appartenant à des espèces complètement différentes : les expériences ont porté sur la Moutarde blanche , sur Y Oseille, le Ficus elastica, et enfin sur le P inus P inaster ; elles sont insérées au tableau n° IY. Tableau IV. Expériences exécutées dans l'air atmosphérique. Numéros d’ordre. NATURE de la PLANTE EMPLOYÉE. DURÉE des expériences. POIDS des feuilles employées. Tem- pérature. AC. CAR- BONIQUE, produit. AC. CAR- BONIQUE, produit en 10 heures par 100 gr. de feuilles. Heures. gr. 0 gr. gr. 3 4. Sinapis alba. (Moutarde blanche.) 17 23,25 14 0,095 0,240 35. Feuilles vertes 4 22,9 31 0,066 0,720 36. Id 3 26,2 40 0,049 0,636 37. Feuilles jaunes 16 1/2 12,94 15 0,006 0,028 38. Ficus elastica 21 1/2 27,95 14 0,007 0,011 (feuilles vertes.) 39. Id 4 35,3 42 0,039 0,276 40. Rumex Acetosa. (Oseille.). 8 25,9 14 0,033 0,159 41. Id 7 24 30 0,051 0,303 42. Id 3 23,3 40 0,100 1,430 43. P inus Pinaster 24 1/2 30 0 0,023 0,031 44. Id 69 30 8 0,122 0,058 45. Id 21 30 15 0,066 0,095 46. Id 6 30 30 0,131 0,703 47. kl 5 1/2 30 40 0,220 1,333 § ^ Influence de la température. Les expériences insérées dans le tableau précédent indiquent clairement que la quantité d’acide carbonique émise augmente régulièrement avec l’élévation de température. Ce fait impor- tant, déjà signalé par M. Garreau, l’a été récemment encore par M. Boehm, dans le mémoire dont la rédaction des Annales ‘àoO I». S°. OEMÉI&AIN ET 81. JHOISSA1V. a donné la traduction (î). Pour que cette influence fût nette- ment saisie, nous avons, dans les quatre tableaux précédents, disposé les expériences par ordre croissant de température ; aussi reconnaît-on sans peine que la quantité d’acide carbonique émise croît presque régulièrement, qu’il s’agisse de feuilles en bon état de santé ou au contraire de feuilles déjà jaunies, qu’elles soient , placées dans l’air atmosphérique ou dans l’oxygène, quelle que soit enfin l’espèce à laquelle appartient l’organe mis en expé- rience. Tandis que le phénomène de nutrition qui s’accuse par le dégagement d’oxygène, tandis que la transpiration qui favorise le transport des principes immédiats solubles d’un organe à l’autre, sont déterminés par l’intensité lumineuse, la respiration au contraire est plus directement en relation avec la chaleur obscure, et c’est là line différence essentielle sur laquelle il convient d’appuyer. Nous savons quel avantage considérable les horticulteurs du Nord trouvent à placer les plantes dont ils veulent hâter la croissance sous des cloches, sous des vitrages, dans des serres: or, il n’est pas douteux qu’une partie de la lumière solaire ne soit dispersée au moment où elle rencontre ces surfaces de verre; les plantes ainsi abritées perdent donc une partie des radiations lumineuses dont elles auraient bénéficié en plein air, mais elles séjournent dans un milieu dont la température s’élève de plusieurs degrés au-dessus de la température am- biante. Or, l’énergie de la respiration s’accroissant avec la tem- pérature, le développement des plantes étant aussi singulière- ment activé par cette même élévation de température, il semble qu’il existe entre les deux phénomènes une liaison encore mal définie et qu’il serait utile de préciser. On sait que l’abon- dance avec laquelle se rencontre la gïycose dans les jeunes feuilles a fait admettre à plusieurs physiologistes que ce prin- cipe immédiat était le premier qui prenait naissance sous l’in- fluence de la lumière, parla décomposition simultanée de l’acide (i) Vide supra, p. 181. D E LA VÉGÉTATION DANS L OBSCURITÉ. 331 carbonique et de l’eau : tandis que l’oxvgène qui provient de l’un et de l’autre se dégage, les deux résidus hydrogène et oxyde de carbone s’unissent pour former la glycose, d’après l’équation suivante : 1 2C02 -J- 12ILO = C‘2H120‘2 + 240 On sait encore que M. Berthelot professe que les hydrates de carbone, tels que le sucre de Canne, C24 H22 0‘22, l’ami- don, C36 H30 O30, les celluloses. G48 H'10 O40, dérivent de la glycose par combinaison de plusieurs molécules réunies avec élimina- tion d’eau, par suite d’une réaction semblable à celle qui dé- termine la formation des éthers par l’union de 2 molécules d’alcool. Or, cette union de 2 molécules d’alcool n’a pas lieu à froid, il faut que la chaleur intervienne pour qu’elle se pro- duise ; et si l’on raisonne par analogie, on sera conduit à penser qu’une certaine quantité de chaleur devra être également mise en jeu pour déterminer l’union de ces molécules de glycose qui doivent former les nouveaux principes qui apparaissent dans les feuilles. Or, les feuilles plongées dans l’obscurité absorbent de l’oxygène et exhalent de l’acide carbonique; il se produit dans leurs tissus une combustion interne qui occasionne un dégage- ment de chaleur. Puisque cette chaleur n’est pas sensible aux instruments les plus délicats, elle doit être utilisée dans les tissus mêmes à un travail chimique qui sera d’autant plus éner- gique, que la combustion sera elle-même plus'active. Mais les expériences précédentes démontrent que la combustion interne est d’autant plus active que les feuilles sont soumises à une chaleur obscure plus intense ; on sait, d’autre part, que cette même chaleur obscure est favorable au développement de la plante, par suite à la formation de nouveaux principes immé- diats, de telle sorte qu’il semble qu’il y ait là une relation de cause à eifel, etque si la chaleur obscure hâte la croissance des végétaux, c’est en activant les phénomènes de combustions internes nécessaires à la formation des nouveaux principes immédiats. Cette manière de voir reste, il faut le reconnaître, à l’état 1®. fl». «IC SS 10 II AM ET SI. MOISSAN. 332 d’hypothèse; elle ne paraît pas être susceptible d’une démons- tration rigoureuse, tant que les phénomènes thermiques qui accompagnent la formation des principes immédiats n’auront pas été étudiés d’une façon complète. § 5. Influence de l’état des feuilles sur l’émission d’acide carbonique. Si l’on compare les nombres insérés dans la dernière colonne du tableau I, qui ont été obtenus en employant aux expé- riences des feuilles vertes de Tabac, aux chiffres du tableau II, qui ont été fournis par des feuilles jaunes, on reconnaît immé- diatement que l’état de la feuille a une influence notable sur son activité respiratoire. Ainsi, l’expérience n° 2 a été faite à 13 degrés, comme les expériences \!x et 15; la feuille verte a donné en dix heures 0gr,139 d’acide carbonique, tandis que la feuille jaune en a donné seulement 0gr, 062 dans un cas et 0gr,083 dans un autre, c’est-à-dire un peu plus de la moitié. A des températures plus élevées, les choses se sont passées de même : ainsi, à Al degrés, les feuilles vertes ont donné en dix heures lsr,132 d’acide carbonique, tandis que le même poids de feuilles jaunes en a donné seulement 0gr,667. Quand on a remplacé l’air atmosphérique par l’oxygène pur, on a continué à constaler les mêmes différences. C’est ainsi qu’à 16 degrés, les feuilles vertes donnaient dans ce gazJ0b'r,215 d’acide carbonique, tandis que les feuilles jaunes n’en ont fourni que 0gr,108 ; qu’à àO degrés, les feuilles vertes en ont donné dans une expérience 0Br,8àà et lgr, 312 dans l’autre; résultats assez divergents, mais supérieurs l’un et l’autre aux (F, 568 qui ont été donnés dans ce gaz par les feuilles jaunes à cette même température. La décomposition de l’acide carbonique par les feuilles ne se produit que dans les cellules à chlorophylle ; elle cesse quand cette chlorophylle est détruite. 11 n’en est plus de même de la respiration, elle persiste dans les organes déjà affaiblis : il est probable que cette persistance de la fonction respiratoire dans DE LA. VÉGÉTATION DANS l’oBSCURITÉ. 333 un organe qui a perdu la puissance d’assimilation est une des causes de sa destruction lente, puis de sa mort et de sa chute. Nous aurons au reste occasion de revenir sur ce sujet dans la seconde partie de ce travail. § 6. Influence de la nature de l’atmosphère ambiante sur l’émission d’acide carbonique. Quand on compare les nombres obtenus dans l’oxygène à ceux qui ont été fournis par les expériences exécutées dans l’air, on ne trouve pas de différences très-sensibles : les chiffres insérés dans le tableau Ifï sont souvent légèrement plus forts que ceux des tableaux I et II, mais ils ne le sont pas autant qu’on aurait pu le croire au premier abord. C’estainsi qu’à 15 degrés on a ob- tenu pour l’expérience 23. dans l’oxygène, un nombre semblable à celui qu’a fourni l’expérience 3 dans l’air atmosphérique; qu’à Z|0 degrés, les expériences 28 et 12, toutes deux exécutées à à2 degrés, ont encore fourni des chiffres à peu près semblables ; en revanche, les expériences 2/i, 25 et 26 donnent des chiffres «un peu plus forts que les expériences à, 5 et 6, exécutées aux mêmes températures, dans l’air. Toutefois il ne faut pas atta- cher à ces différences une très-grande importance ; car nous voyons dans les expériences exécutées dans l’oxygène, à des températures semblables, des divergences plus grandes que celles que nous venons de signaler entre les nombres obtenus dans l’oxygène et dans l’air atmosphérique. Il est digne de remarque, au reste, que si l’oxygène, à une température élevée, exerce des réactions infiniment plus éner- giques que l’air atmosphérique, à la température ordinaire, au contraire, les actions sont à peu près semblables ou môme moins puissantes ; on sait notamment que le phosphore, qui se combine aisément, à froid, avec l’oxygène atmosphérique, reste inerte dans l’oxygène pur tant qu’il est à la pression ordinaire. La présence de l’acide carbonique, même en faible quantité, dans l’atmosphère ambiante, exerce une action nuisible sur la quantité d’acide carbonique produite. s», s». mebse&iai* et sa. aboissa*. ooll C’est ce qu’on voit très-nettement dans les expériences 32 et 33, placées à la suite du tableau I, et qui ont été faites dans un courant d’air constamment renouvelé : la quantité d’acide carbonique produite par les feuilles séjournant dans une atmos- phère confinée a été, à 21 degrés, de (F, 289; à 22 degrés, dans l’air renouvelé, la quantité est montée à Qgr,/|09; à /|0 degrés, dans l’atmosphère confinée, les feuilles ont donné (F, 961, et dans l’atmosphère renouvelée, 1gr,831, c’est-à-dire exactement le double. 11 est probable, d’après cela, que les expériences longtemps prolongées, et dans lesquelles les quantités d’acide carbonique trouvées sont considérables, ne donnent pas cependant des nombres relativement aussi élevés que ceux qu’auraient four- nis des expériences de plus courte durée; nous aurons toute- fois occasion de constater dans la seconde partie de ce travail que le dégagement d’acide carbonique se continue, même quand les feuilles sont plongées dans une atmosphère qui ne renferme plus d’oxygène. § 7. Influence de l’espèce à laquelle appartiennent les feuilles. Toutes les expériences insérées dans les trois premiers tableaux ont porté sur les feuilles de Tabac, et quand il s’agissait de com- parer l’influence de la température, de la nature de l’atmos- phère, il était nécessaire d’agir sur des feuilles appartenant à la même espèce ; mais il était intéressant de comparer l’activité respiratoire de feuilles appartenant à des espèces différentes. On reconnaîtra, à l’inspection du tableau n° IV, qu’à la température ordiuaire, les feuilles persistantes donnent moins d’acide carbo- nique que les feuilles caduques. Ainsi le Ficus elastica et le Pinus Pinaster donnent, à 1 à et 15 degrés, beaucoup moins que le Tabac, la Moutarde et l’Oseille; à 30 degrés, la Moutarde a donné un nombre plus élevé que l’Oseille. Mais à àO degrés, au contraire, l’activité respiratoire a paru moins énergique : c’est le seul exemple que nousayons eu d’une diminution dans l’émis- DE LA. VÉGÉTATION DANS L’OBSCURITÉ. 335 sion d’acide carbonique coïncidant avec une élévation de tem- pérature. À 4W2 degrés, le Ficus elastica donne encore très-peu d’acide carbonique ; mais, au contraire, à ces températures éle- vées (40 degrés), le P inus P inas ter adonné un nombre compa- rable à celui que fournissent les feuilles caduques. Cette activité respiratoire, variable avec les espèces, est-elle liée à la quantité de stomates qui existent sur une surface don- née ? C’est ce qu’il est impossible d’affirmer dans l’état actuel de la science, mais ce qui mériterait d’être l’objet d’une étude attentive. § ^ Comparaison entre l’activité respiratoire des feuilles et celle des animaux inférieurs. Les nombres contenus dans la dernière colonne des tableaux î, II, 111 et IV, nous donnent les quantités d’acide carbonique émises par 100 grammes de feuilles en dix heures ; mais nous aurions quelque peine à nous figurer l’importance de cette fonction chez les végétaux, si nous ne la comparions à l’activité qu’elle pré- sente chez d’autres êtres vivants. îl est clair que les animaux, qui produisent à la fois chaleur et mouvement, émettent une quantité d’acide carbonique infiniment supérieure à celles que peuvent donner les feuilles ; mais eu est-il de même pour les animaux à sang froid? À priori, on pouvait en douter; cepen- dant, avant d’avoir fait cette comparaison, en ramenant les nombres donnés par MM. Régnault et Reiset dans leur travail classique sur la respiration, aux unités que nous avons choisies, nous ne pensions pas que les feuilles pussent donner une quan- tité d’acide carbonique supérieure à celle des animaux, et c’est cependant ce qui a lieu. Nous avons ramené les nombres de MM. Régnault et Reiset à 100 grammes d’animal respirant pendant dix heures, et nous avons obtenu les chiffres suivants : 336 S». I». DEIIÉKAIT ET 11. ÎIIOISSAA. Quantités d'acicle carbonique produites par 100 grammes d'animaux en dix heures, d’après MM. Régnault et Reiset (1). GRENOUILLES. Acide carbonique. Température. observations. Expér. 70 0,063 15° 71. 0,084 16,6 72 0,110 73 0,107 19 74 0,059 17 Les poumons ont été coupés. 75 0,061 17 76 0,048 21 Les poumons ont été enlevés. SALAMANDRES. Expér. 77 0,215 18° LÉZARDS. Expér. 78. 0,032 7,3 Engourdis. 79 0,044 14,8 Incomplètement réveillés, 80 0,197 23,4 Réveillés. HANNETONS. Expér. 81 1,171 82 1,182 VERS A SOIE. Expér. 83 0,812 Près de Hier. 84 0,739 Près de filer. 85 1,193 3e âge. Chrysalides 0,212 On voit qu’à égalité de température, c’est-à-dire de 15 à 21 degrés, les Grenouilles donnent des nombres infiniment plus faibles que les feuilles de Tabac, de Moutarde et d’Oseille, mais comparables à ceux qui sont fournis par le Pinus Pinaster. MM. Régnault et Reiset n’ont pas donné les températures aux- quelles ont eu lieu les expériences sur les Vers à soie, mais il est vraisemblable que ces expériences ont été faites au printemps, (1) Annales de chimie et de physique , 5e série, 1849, t. XXVI, p. 490. DE LÀ VÉGÉTATION DANS l’ OBSCURITÉ. 337 par conséquent à des températures voisines des précédentes. Or, à 15 degrés, l’activité respiratoire de ces petits animaux est comparable cà celle des feuilles caduques à 30 degrés, mais no- tablement supérieure à celles qu’elles fournissent aux tempéra- tures de 15 à 20 degrés. Nous avons reconnu dans tous les tableaux précédents que l’activité respiratoire des feuilles s’exaltait avec l’élévation de température, et quelquefois les nombres s’accroissaient avec une très-grande rapidité : c’est ainsi que le Pin, qui ne donnait que 0Br,095 d’acide carbonique à 15 degrés, en fournissait 0Br,703 à 30 degrés et lsr,333 à /|0 degrés. Or il est curieux de voir que, pour les Lézards, on trouve des nombres croissant aussi avec rapidité à mesure que la température s’élève : ainsi à 7°, 3, 100 grammes de Lézard ne fournissaient en dix heures que (F, 032 d’acide carbonique, et ils étaient complètement engourdis; à l/i°,8, ils étaient imparfaitement réveillés, et ils donnaient 0sr,0/jè d’acide carbonique; enfin à 23°, 4, réveillés complètement, ils en donnaient 0gr,197. La vie végétale, comme la vie animale, semble engourdie par le froid, et le réveil s’ac- cuse dans l’une et dans l’autre par une recrudescence d’activité dans les phénomènes de respiration. DEUXIÈME SÉRIE D’EXPÉRIENCES. Nous avons reconnu dans la première partie de ce travail que la quantité d’acide carbonique émise par les feuilles variait avec la température à laquelle elles étaient soumises : mais nos appa- reils n’étaient pas disposés de manière à nous permettre de dé- terminer dans quels rapports se trouvaient l’oxygène employé à la respiration de la feuille et l’acide carbonique émis ; ils ne nous permettaient pas davantage d’établir quelles modifications sur- viennent dans une atmosphère confinée par le séjour prolongé des feuilles, et pour les déterminer, il était nécessaire d’instituer une nouvelle série d’expériences, dont nous allons exposer les résultats. 5e série, Bot. T. XIX (Cahier u° G). *• 22 0». 1». aMjlIÉRAI? i-:t II. § y. Disposition des expériences. Pour déterminer le rapport qui existe entre l’oxygène absorbé et l’acide carbonique émis, nous avons placé, pendant cette deuxième série de recherches, les feuilles dans une atmosphère limitée; nous avons mesuré le volume du gaz et déterminé sa composition avant et après l’expérience, et en ramenant les vo- lumes à zéro et à 760 millimètres de pression, il nous a été facile d’en déduire la quantité d’acide carbonique produite et la quan- tité d’oxygène disparue. Notre manière d’opérer sera établie nettement par un exemple, que nous fournira l’expérience n° 58 du tableau Y. Nous avons pesé 30 grammes d’aiguilles de P nias Pinaster , et nous les avons introduites, sous la cuve à eau, dans une éprouvette contenant 210 centimètres cubes d’air atmosphé- rique à 13 degrés et à 765mm,5 de pression. Nous avons porté ensuite l’éprouvette contenant les feuilles sur la cuve à mercure, et, au moyen d’une pipette recourbée, nous avons aspiré l’eau que renfermait cette éprouvette, de façon à remplacer ce liquide par du mercure. Il est très-facile, avec un peu d’habitude, d’enlever ainsi presque toute l’eau contenue dans la cloche : dans toutes nos expériences, il ne restait jamais sur la surface du mercure plus d’un centimètre cube d’eau, quantité assez grande pour saturer d’humidité le gaz contenu dans la cloche, pour empêcher les vapeurs mercurielles d’exercer leur action toxique sur les feuilles, mais trop faible par rapport à la solubilité de l’acide carbonique pour être une cause d’erreur sen- sible. Cette manière d’opérer est préférable à celle qui consiste- rait à introduire directement les feuillessous le mercure, car elles eu retiennent toujours quelques gouttelettes qui peuvent exercer une action nuisible. L’éprouvette renfermant les feuilles est placée sur un petit cristallisoir contenant du mercure, et l’on descend le tout dans un manchon de verre rempli d’eau, de façon à avoir une tempéra- ture constante pendant toute la durée de l’expérience. DE LA. VÉGÉTATION DANS LOBSCURITÉ. OoJ Ce récipient, afin de laisser les plantes dans une obscurité complète, était entouré d’une double couche de papier noir. L’expérience avait été commencée le 10 novembre, à quatre heures de l’après-midi; nous l’avons arrêtée le 15 novembre, à trois heures : elle a donc duré cent dix-neuf heures. Nous avons porté l’éprouvette sur la cuve à eau ; nous avons remplacé par ce dernier liquide le mercure qu’elle contenait, et nous avons rapidement mesuré le volume du mélange gazeux. La température de l’eau de la cuve était 8°, 5, la pression atmosphérique 765 millimètres. Le volume du gaz était de 25 h centimètres cubes. En voici l’analyse : Pris sur la cuve à eau 23 cent. cub. Après potasse caustique 14,7 Après acide pyrogallique 14,7 Ainsi, 23 centimètres cubes de gaz contenaient 23 — lh,l = 8CC,3 d’acide carbonique, 0cC d’oxygène et 14cc, 7 d’azote. Si maintenant nous ramenons à 0° et à 760 le volume primi- tif et le volume final, nous avons ; 210 (H— F) Volume primitif = - — ; — — —— 1 (1 4- at) 760 210 (765,5 — 11,16) Vo1' pr' = 1,04758 X 760 Log. vol. pr. — (log 210 + log 754,34) — (log 1,04758 4 log 760) . Log. vol. pr. = 2,2987828 Vol. pr. — 198cc,96. 254 (H— F) Volume final = - — : — ■■■ (1 a.t) 760 254 (765 — 8,291) Vol. fin. = 1,03111 X 760 Log vol. fin. — (log 254 4 log 756,71) — (log 1,03111 4 ^ €>0). Log vol. fin. = 2,3896496 Vol. fin. — 245,27. Le volume primitif étant de l’air atmosphérique, sa composition oZl 0 II®. S*. DEIIÉltAlA ET SR. jtflOISSAIV. est facile à déterminer. Représentons par x la quantité d’oxy- gène qu’il contient, nous aurons : 198,96 : X :: 1000 : 208 198,96 X 208 1000 = 41,38. La plante a donc été placée dans un mélange de kl ,38 d’oxy- gène et de 157,58 d’azote. D’après l’analyse du gaz final, analyse citée [dus haut, nous aurons pour la quantité totale d’acide carbonique produite : 245,27 : x :: 23 : 245,27 X 8,3 23 8,3 88,51. A la fin de l’expérience, tout l’oxygène avait été absorbé, et il s’était produit 88cc,51 d’acide carbonique. Pour rendre les résultats plus sensibles, nous avons disposé nos chiffres dans l’ordre suivant : Gaz primitif. Gaz final. Différences. Volume total. ........ . 198,96 245,27 -j- 46,31 Acide carbonique « 88,51 -j- 88,51 Oxygène.. 41,38 « • — 41,38 Azote 157,58 156,76 — 0,82 Cet exemple suffit pour indiquer comment ont été obtenus les nombres indiqués dans le tableau n° V. On voit qu’un grand nombre d’expériences, ayant pour but d’établir l’influence de la longueur du séjour des feuilles dans une atmosphère limitée, ont été faites sur la même plante, le Pinus Pinaster. On voit aussi que nous avons toujours employé le même poids de feuilles, ce qui était facile, à cause du faible poids des aiguilles et de la pos- sibilité d’ajouter au faisceau employé, aiguille par aiguille, jus- qu’au moment où l’on avait exactement 80 grammes. Le tableau renferme au reste un certain nombre d’autres expériences sur les aiguilles de Pin sylvestre, sur les feuilles de Tabac, sur des feuilles d’Agave, des rameaux d 'Opuntia, etc. L’échelle des températures a varié depuis 0U jusqu’à 35 de- grés ; mais la plupart des observations ont été faites à la tempé- DE LA VÉGÉTATION DANS L’OBSCURITÉ. 3&1 rature ordinaire. La colonne n° 5 indique la durée des expériences qui se sont souvent prolongées pendant plusieurs jours. Les quatre colonnes suivantes nous donnent le volume primitif ramené à 0° et à 760 millimètres avec sa composition. La plupart des expé- riences ont été faites dans l’air; cependant 62 et 63 ont eu lieu dans l’oxygène pur, 6/i et 65 dans l’azote pur, enfin 66 dans l’acide carbonique. Le volume final, ramené à 0°età760 millimètres avec sa com- position, est indiqué dans les colonnes 10, 11 , 12. 13. Les diffé- rences de composition sont indiquées plus loin : on voit que les nombres contenus dans la colonne \ h représentent la différence de ceux qui sont inscrits dans S et dans il ; comme les feuilles ont toujours été maintenues dans l’obscurité, on a trouvé tou- jours moins d’oxygène à la fin des expériences qu’au commen- cement. L’acide carbonique produit est indiqué à la colonne 15 ; ce nombre est généralement égal à celui qui est indiqué dans la colonne 13, puisque les gaz dans lesquels on a opéré ne renfer- maient pas d’acide carbonique au commencement des expé- riences. La colonne 16 indique la différence constatée entre la quantité d’azote trouvée au commencement de l’expérience et celle qui existait sous les cloches à la fin : tantôt il y a en plus de l’azote à la fin, et l’on a inscrit le chiffre sans le faire précéder d’aucun signe ; quand au contraire l’azote a été en défaut, on a placé devant le nombre inscrit le signe — . Pour faciliter les comparaisons, nous avons inscrit dans la colonne 17 la quantité d’oxygène absorbée par 30 grammes de feuilles dans 200 centimètres cubes de gaz, et dans la colonne 18 la quantité d’acide carbonique dégagée dans les mêmes con- ditions. Enfin, en divisant la quantité d’acide carbonique obtenue par la durée de l’expérience, nous avons pu constater la quantité d’acide carbonique émise en une heure pendant l’expérience; les nombres ainsi trouvés sont insérés à la colonne 19. Tableau V Modifications que font subir à une atmosphère 1. i p p O Q 2. NATURE 3. POIDS des 4. w ce P H 5. DURÉE de l’expé- 6. 7. VOLUME 8. P R I M I T I 9. m O P « s P Z de la PLANTE EMPLOYÉE. feuilles em- ployées. ce 'W eu w H rience en . heures. Volume total. Oxygène. Azote. Acide car- bonique. gr. O ce ce ce ce 50. P mus Pinaster (Pin maritime) 30 15 5 188,12 39,129 148,991 » 51 . Id 30 15 18 188,12 39,129 148,991 » 52. Id 30 13 22 187,07 38,91 148,16 » 53. Id 30 13 47 189,11 39,33 149,78 )) 54. Id 30 12 70 195,38 40,64 154,74 )) 55. Id 30 14 72 189,11 39,33 149,78 )) 56. Id 30 13 72 168,46 35,04 133,42 » 57. Id 30 13 74 187,07 38,91 148,16 » 58. Id 30 14 119 198,96 41,38 157,58 )) 59. Id 30 0 24 191,37 39,80 151,57 » 60. Id 30 0 114 191,37 39,80 151,57 )) 61. Id 30 7 22 187,07 38,91 148,16 » 62. Id 30 14 45 188,4 188,4 )) » 63. Id 30 14 164 181,8 181,8 » » 64. Id 30 13 26 1/2 174,08 » 174,08 )) 65. Id 30 6 116 168,46 » 168,46 )) 66. Id 30 13 92 204,25 )) )) 204,25 67. P inus silvestris.. . . 23,86 35 4 1/2 159,85 32,248 126,602 )) 68. Id 24,32 17 24 1/2 160,77 33,44 127,33 » 69. Nicotiana Tabacum. 6,75 12 71 178,47 37,12 141,35 )) 70. Id 14 13 93 168,46 35,04 133,42 )) 71. Ficus elastica 23 13 72 185,60 38,60 147 » 72. Id. .......... . 23 13 170 192,8 O ■ — 1 O 152,70 )) 73. Id 15,5 12 50 185,02 38,48 146,54 )) 74. Agave americana. . 70 0 47 550 114,40 435,60 )) 75. Id 70 11 90 524,19 109,03 415,16 )) 76. Id 70 40 5 517,85 107,71 410,14 » 77. Agave micracantha. 55 0 48 780 162,24 617,76 )) 78. Id . 55 11 90 791,05 164,53 626,52 )) 79. Opuntia elata 62 12 20 385,80 80,25 305,55 )) 80. Id. ........... 65 15 22 555,17 115,47 439,70 i) Tableau V. rafinèe les feuilles maintenues à l’obscurité. Ed P P ce O P 10. 11. VOLUME 12, F {NAL. 13. U. OXYGÈNE 15. ACIDE car- 16. 1 AZOTE 17. OXYGÈNE absorbé par 30 gr. 18. ACIDE car- bonique produit par 30 gr. de feuilles dans 200 c.c. de gaz. 19. ACIDE carbon, produit par 30 gr. de feuilles dans 200 c.c. de gaz en 1 heure. C/2 O P « s P a Volume total. Oxygène, Azote. Acide car- bonique. absorbé. bo nique produit. apparu. feuilles dans 200 c.c. de gaz. ce ce ce cc cc cc cc cc cc cc 50. 188,12 29,00 150,50 8,62 10,12g 8,62 1,509 10,77 9,16 1,8 51. 179,69 5,19 15.5,94 18,56 33,93 18,56 6,949 36,08 19,73 1,0 52. 185,98 12,60 152,90 20,48 26,31 20,48 4,74 28,13 21,89 0,94 53. 186,6 0,80 150,56 35,24 38,53 35,24 —0,78 40,75 37,26 0,79 54. 213,88 )) 157,74 56,14 40,64 56,14 3 41,59 57,46 0,81 55. 215,88 )) 149,17 66,71 39,33 66,71 —0,61 41,59 70,55 0,97 56. 194,92 » 140,78 58,14 35,04 58,14 7,36 41,59 69,02 0,95 57. 227,83 )) 160,04 67,79 38,91 67,79 11,88 41,59 80,33 1,08 58. 245,27 )) 156,76 88,51 41,38 88,51 0,82 41,59 88,97 0,74 59. 185,96 32,03 150,03 3,90 7,77 3,90 )) 8,12 4,07 0,16 60. 182,26 » 154,93 27,33 39,80 27,33 )) 41,59 28,56 0,25 61. 185,04 23,83 144,47 16,74 15,08 16,74 —3,69 16,12 17,89 0,81 62. 187,3 115,63 14,67 57 72,77 57 14,67 77,78 60,51 1,34 63. 173,21 0,72 10,49 156 181,08 156 16,49 199,20 171,61 1,04 64. 185,58 » 170,54 15,04 » 15,04 —3,54 )) 17,27 0,65 65. 209,02 » 175,57 33,45 » 33,45 7,11 )) 39,71 0,34 66. 221,27 )) 1 220,27 )) 16,02 1 )) .15,68 0,17 67. 168,83 18,643 128,61 18,59 19,605 18,59 2,008 24,52 23,25 5,16 68. 167,27 7,20 141,07 19 26,24 19 13,74 32,64 23,63 0,96 69. 185,98 )) 145,52 40,46 37,12 40,46 4,17 41,59 45,34 0,63 70. 192,83 » 140,47 52,36 35,04 52,36 7,05 41,59 62,18 0,67 71. 189,06 » 150,45 38,61 38,60 38,61 3,45 41,59 41,60 0,57 72. 215,26 » 156,30 58,96 40,10 58,96 3,6 41,59 61,16 0,36 73. 182,50 20,36 148,57 20,36 18,12 13,57 2,03 37,90 28,39 0,56 74. 550 114,40 435,60 )) * )) )) )) )) )) )) 75. 522,64 60,22 430,16 32,26 48,81 32,36 15 7,98 5,28 0,05 76. 512,10 79,88 407,72 24,5 27,83 24,5 — 2 42 4,60 4,05 0,81 77. 780 162,24 617,76 )) )) » » » )) )) 78. 791,17 122,76 641,13 27,28 41,77 27,28 14,61 5,75 3,76 0,041 79. 382,28 73,63 308,65 )) 6,62 » 3,10 1 ,66 » )) 80. 554,54 110,19 440,70 4,59 5,28 4,59 1,06 0,92 0,80 0,036 m P. P. »EHERAJ\ ET BS. MAISMA.V § 1». Des changements de volume observés pendant le séjour des feuilles dans une atmosphère confinée, à l’obscurité. Si l’on compare, dans le tableau n° V, le volume total au commencement des expériences à celui qu’on observe à la fin, on reconnaît que le volume diminue pendant les premières heures (expériences 51, 52, 53, 59, 00), et surtout aux basses températures (expériences 59, 60, 61). Mais il n’en est plus ainsi quand l’expérience se prolonge; nous trouvons alors au con- traire que le volume augmente, et d’autant plus que l’expérience dure pendant un temps plus long-. C’est ce qui apparaît nette- ment dans les chiffres suivants : Purée. Volume primitif. Volume final. Différence. cc. ec. cc. Expér. 54. . . 70 heures. 195,38 213,88 18,50 Ici. 55. . . 72 189,11 215,88 26,77 Id. 56. . . 72 168,46 194,92 26,56 Id. 57. .. 74 187,07 227,81 40,76 Id. 58. . , 119 245,27 198,96 56,21 Toutes ces expériences ont porté sur le Pinus P inaster, dont les aiguilles résistent, sans s’altérer à un long séjour dans les appareils. Quand les expériences dépassent les limites précédentes, le volume du gaz continue à croître ; mais il faut alors prendre des précautions particulières pour recueillir tout le gaz émis, car si la cloche n’est pas de très-grande dimension par rapport aux feuilles, elle est soulevée hors du mercure, et une partie du gaz est perdue. C’est ainsi que le 19 novembre on avait introduit 30 grammes d’aiguilles de Pin dans 200 centimètres cubes d’air atmosphérique. Le 26, en rentrant au laboratoire, on trouve que l’éprouvette était soulevée hors du mercure, elle flottait dans l’eau du récipient; elle contenait encore 282 centimètres cubes de gaz, malgré l’acide carbonique qui avait dû se dissoudre pen- dant la nuit. DE LÀ VÉGÉTATION DANS L’OBSCURITÉ, 3^5 Le même jour 19 novembre, on avait disposé une autre expé- rience semblable à la précédente, et qui fut manquée par suite du même accident ; au moment où l’on retire la cloche flottant dans l’eau du récipient, elle renfermait encore 302 centimè- tres cubes, c’est-à-dire que le volume avait augmenté de plus d’un tiers. Les faits précédents ont été observés à des températures com- prises entre 12 et 15 degrés; mais en maintenant les aiguilles de Pin maritime à zéro pendant cent quatorze heures, on n’ob- serve plus d’augmentation de volume ; le volume est au contraire plus faible à la fin de l’expérience qu’au commencement. Le séjour prolongé sous les atmosphères confinées des feuilles de Tabac ou Aa Ficus elastica a déterminé des augmentations de volume analogues à celles qu’ont données les aiguilles de Pinus P inaster ; on a même encore observé cette augmentation dans l’expérience 57, où les aiguilles de Pin sylvestre ne sont restées que quatre heures et demie dans l’atmosphère confinée. Mais il faut remarquer que la température a été maintenue à 35 degrés, et que, par suite, l’émission d’acide carbonique a été consi- dérable. L’augmentation de volume que nous avons constatée par le séjour prolongé des feuilles dans un mélange d’azote et d’acide carbonique a été observée également par M. Boehm dans le mé- moire que nous avons déjà cité plusieurs fois. « La formation immédiate d’acide carbonique par des plantes terrestres fraîches dans une atmosphère privée d’oxygène est tellement constante, que, lorsque le volume du gaz dans lequel on les enferme reste le même, il faut nécessairement en conclure qu’ou bien les gaz employés renferment de l’oxygène, ou que la plante est morte. » § il. De l’absorption d’oxygène par les feuilles maintenues dans l’obscurité. Nous indiquons dans le tableau V la composition du gaz intro- duit dans les éprouvettes au commencement de l’expérience et la composition du gaz à la fin. Un grand nombre d’expériences 3/|f> IP, I», MËHÉKAIM ET M. MOSSSAN. ont été faites clans l’air atmosphérique, et en comparant la quan- tité d’oxygène introduite à la quantité finale, on reconnaît que cette quantité va en diminuant à mesure que l’expérience se prolonge, et que si sa durée est suffisante, l’oxygène est complè- tement absorbé jusqu’à la dernière trace. Un de nous avait déjà eu occasion d’observer le même fait pour les plantes aquatiques dans des expériences de laboratoire (1) , et même sur une grande échelle (2), à l’étang cle Grignon. Ce fait est digne de remarque: il montre combien les végé- taux résistent plus aisément à l’asphyxie que les animaux, qui périraient bien avant d’avoir absorbé jusqu’à la dernière trace d’oxygène. Habituellement les feuilles, après un séjour de plu- sieurs heures dans une éprouvette, ne contenant plus que de l’acide carbonique et de l’azote, ne paraissaient pas altérées; cependant, quand ce séjour est par trop prolongé, elles se flé- trissent, surtout en revenant à l’air: c’est ainsi que la feuille du Ficus elastica qui a servi à l’expérience 72, d’une durée de cent soixante-dix heures, et qui par conséquent était au moins depuis cent heures dans une atmosphère dépouillée d’oxygène (expérience 71), paraissait Intacte au moment où on l’a sortie de la cloche; mais après une ou deux heures, elle est devenue d’un vert sale, annonçant une décomposition prochaine (3). Les feuilles de Tabac résistent moins à ces expériences prolongées que les aiguilles de Pin maritime; elles se flétrissent plus vite, et étaient généralement fanées après deux ou trois jours. Quand les aiguilles de Pin ont été placées dans l’oxygène ur, elles ont absorbé ce gaz, et l’ont remplacé en partie par de l’acide carbonique, mais le volume n’a pas augmenté; la quan- tité d’oxygène prise a toujours été supérieure à la quantité d’acide carbonique émise. Dans l'expérience 6à, qui a duré cent soixante- (1) Bull.de la Soc. chïm., 1864, t. II, p. 136. (2) Comptes Rendus. 1868, t. LXVlI,p.l78. — Ann. sc. nat., 5e série, 1. IX, p. 267. (3) On doit à Th. de Saussure une observation analogue : « Une Rose paraît conserver, dans le gaz azote, sa forme et sa couleur; mais lorsqu’au bout de quinze jours on croit la retirer encore fraîche, elle exhale uue odeur infecte; ses pétales sont corrompus, et l’on voit que cette vie apparente cachait une véritable mort. » DE LA. VÉGÉTATION DANS L’OBSCURITÉ. 3/j7 quatre heures, les aiguilles de Piu ont fini par absorber presque entièrement l'oxygène primitif; c’est à peine si l’on a pu en absorber une trace avec l’acide pyrogallique et la potasse. § 12. Sur l’émission d’acide carbonique par les feuilles maintenues dans une atmosphère confinée dans l’obscurité. Les feuilles maintenues dans l’obscurité émettent constam- ment de l’acide carbonique ; sans doute, la quantité de ce gaz qui est fournie quand l’expérience est de courte durée est, ainsi qu’on l’a vu dans la première série d’expériences (expériences 32 et 33), relativement supérieure à celle qui est produite dans mie atmosphère dépouillée d’oxygène; mais la différence est beau- coup moindre qu’on n’aurait pu l’imaginer au premier abord. Ainsi les 30 grammes d’aiguilles de Pin de l’expérience 50 nous ont donné lcc,8 d’acide carbonique en une heure ’; l’expérience n’a duré que cinq heures, et quand on va mis fin, il restait encore dans cette atmosphère de l’oxygène. Bans l’expérience 51, la quantité d’acide carbonique fournie par heure a été seulement de lcc,0; il restait encore de l’oxygène. Les nombres continuent à décroître régulièrement, à mesure que les expériences durent plus longtemps ; mais il est digne de remarque qu’à partir de l’expérience 5à, la quantité d’acide carbonique émise se relève, remonte à 0OC,97, 0CC,98, l' c,08 par heure, pour retomber ensuite à 0CC,7 h, bien que, dans toutes ces expériences, les feuilles aient été maintenues pendant plusieurs jours dans une atmosphère absolument dépouillée d’oxygène. Bien que ce résultat semble au premier abord paradoxal, il est certain que la température à laquelle la feuille est exposée a plus d’influence sur le dégagement d’acide carbonique que n’en a la composition même de l’atmosphère dans laquelle elle sé- journe : c’est ainsi que le nombre le plus faible qu’ait donné le Pin maritime a été fourni par des aiguilles séjournant dans l’air normal. Mais, à la température de zéro, le nombre est compa- rable à celui qu’on a obtenu à 13 degrés dans de fi acide, carbo- 3/|8 B®. 1», SIKHIÏKin KT II. MOISSAiV nique pur; là la feuille a encore ajouté une nouvelle proportion d’acide carbonique à celle qui constituait l’atmosphère dans laquelle elle était plongée. Il est clair que, lorsque la feuille est placée dans une atmos- phère riche en oxygène, l’acide carbonique qu’elle produit pro- vient surtout des combustions internes que cet oxygène provoque; cependant nous ne voyons pas que l’oxygène pur soit particu- lièrement favorable à cette émission. En effet, nous trouvons dans les expériences 62 et 63 que la quantité d’acide carbonique émise par heure varie de 4°' , où- à lcc,Qù, c’est-à-dire que l’émis- sion a été pendant ces expériences moins abondante que lorsque la feuille a été seulement plongée dans l’air pendant peu de temps (expérience 50). Mais quand la feuille est placée dans un gaz absolument dépourvu d’oxygène, l’émission d’acide carbo- nique due à la combustion est forcément supprimée, et cepen- dant ce gaz continue d’apparaître. Ainsi nous trouvons que la quantité d’acide carbonique produite pendant les expériences Gk et 65 a donné 17ec,27 et 39“, 71 d’acide carbonique, ce qui correspond, pour l’expérience 6ù, à 0CC,65 par heure, et pour l’expérience 65 à 0c«,3Zu Cette émission d’acide carbonique dans un gaz inerte a été encore observée dans les feuilles de Bégonia placées dans de l’hydrogène pendant quarante-cinq heures; elles y ont donné de l’acide carbonique (2^,95 sur 13/icc), mais elles y ont péri rapidement. § 13. Des rapports qui existent entre l’oxygène consommé et l'acide carbonique apparu. En examinant le tableau n° Y, on reconnaît que, lorsque les expériences ont été de courte durée, on a toujours trouvé plus d’oxygène consommé qu’il n’y a eu d’acide carbonique émis (50, 51, 52), et l’on conçoit facilement qu’il en soit ainsi, si l’on songe que l’acide carbonique n’est pas le seul produit d’oxyda- tion qui se trouve dans les végétaux. On rencontre au contraire dans les tissus de ceux-ci d’autres corps déjà très-fortement oxydés : l’acide oxalique, l’acide malique, l’acide citrique, etc. DE LA VÉGÉTATION DANS L’OBSCURITÉ. 3/flJ Enfin, quand la matière organique se brûle, il est possible qu’elle fournisse non-seulement de l’acide carbonique, mais encore de l’eau, ce qui donnerait une consommation notable d’oxygène, sans production correspondante d’acide carbonique. Les nombres trouvés dans les expériences précédentes indiquent donc claire- ment que l’oxygène consommé par les feuilles n’est pas employé uniquement à former de l’acide carbonique, au moins immé- diatement. Est-il probable que les feuilles puissent emmaganiser de l’oxy- gène, de façon à l’utiliser plus tard à cette formation d’acide carbonique? Évidemment non; car on pourrait, si l’oxygène pouvait se confiner dans les feuilles, l’en extraire. Or, si nous examinons les expériences instituées par M. Boussingault pour reconnaître si les feuilles absorbent de l'azote libre, nous ver- rons toujours que, dans le ballon (H) renfermant les feuilles, il y a moins d’oxygène qu’il n’en existait dans l’eau qui servait à l’expérience ; en d’autres termes, bien que les feuilles ne séjour- nassent dans l’appareil que pendant un temps assez court, elles avaient cependant fixé une partie de cet oxygène dissous. Il est donc clair que l’oxygène est utilisé par les feuilles à la production d’autres matières quel’acide carbonique ; nous ajou- terons qu’il nous paraît peu vraisemblable qu elles aient fourni de l’eau. En effet, nous voyons que la combustion interne s’accé- lère sous l’influence de la chaleur obscure, tandis que l’un de nous a montré dans les recherches sur l’évaporation de l’eau par les feuilles, insérées dans ce recueil même (1), que celle-ci n’a lieu que sous l’influence de la lumière, et qu’elle s’arrête absolu- ment dans l’obscurité, tandis que nous reconnaissons ici que l’absorption d’oxygène a parfaitement lieu en l’absence de la lumière. Il est donc probable que l’oxygène non employé à la formation de l’acide carbonique se fixe sur des matières orga- niques, qu’il n'amène qu’au degré d’oxydation nécessaire pour les métamorphoser en acides végétaux. C’est surtout aux basses températures que la proportion (1) Ann. sc.nat., 1809, t. XU, p. 5. Voyez aussi Dehérain, Cours de chimie agri~ Cole, p. 175. 350 1B. W>. roEBSÉUAIX BOT il. IM&SSSAA. d’oxygène absorbé dépasse l’acide carbonique produit. Ainsi 36 grammes d’aiguilles de Pin maritime ont fixé 8CC,L2 d’oxy- gène, en produisant seulement 6CC,07 d’acide carbonique; à cette même température, mais en cent quatorze heures au lieu de vingt-quatre, les 30 grammes d’aiguilles ont encore pris 41“,59 d’oxygène, c’est-à-dire tout ce qu’on leur a offert, mais n’ont dé- gagé que 28cc,56 d’acide carbonique. On voit que dans ces con- ditions, la combustion de la matière organique est moins com- plète que celle qui a lieu à des températures élevées : c’est ainsi que, si l’on oxyde de l’alcool sous l’influence du noir de platine, on produit de l’acide acétique, tandis que si on le brûle, on pousse l’oxydation jusqu’à ses dernières limites pour former de l’acide carbonique et de l’eau. 11 est possible qu’on trouve dans ces oxydations partielles qui se produisent à basses températures, et qui engendrent vrai- semblablement les acides végétaux, l’explication de la différence de qualité des produits obtenus de la même plante à des lati- tudes différentes. Les raisins qui se développent dans les régions méridionales renferment singulièrement plus de sucre que ceux qui croissent dans les latitudes plus élevées; ceux-ci, en revanche, sont plus acides. Dans les régions méridionales, sous l’influence d’une température élevée, l’oxygène a simplement donné de l’acide carbonique qui a disparu, tandis qu’aux températures plus basses du nord, il a encore réagi sur les hydrates de carbone, mais pour donner des produits d’oxydation inférieurs, tels que l’acide tartrique, dont la saveur se communique au vin obtenu avec ces raisins. On trouve un nouvel appui aux considérations précédentes dans les expériences qui ont porté sur X Opuntia. On sait que Tin de Saussure avait remarqué que les rameaux de cette plante grasse, maintenus à l’obscurité, absorbaient de l’oxygène sans former d’acide carbonique ; nous avons obtenu dans une de nos expériences (79) un résultat tout à fait semblable; et si (80) nous a fourni une certaine quantité d’acide carbonique, nous avons toujours observé cependant qu’il y avait plus d’oxygène DE LA VÉGÉTATION DANS L'OBSCURITÉ. 351 absorbé que d’acide carbonique émis : or, on sait que le Cactus Opuntia renferme habituellement une proportion considérable d’acide oxalique. § 14. Sur l’émission d’azote. On remarquera que le tableau V nous indique que les feuilles ont habituellement émis une petite quantité d’azote, et parfois le dégagement de ce gaz a été assez important, puisqu’il s’est élevé jusqu’à 11“, 88 (exp. 57). On ne voit pas cependant que ce dégagement soit lié à la longueur du séjour des feuilles dans les cloches, et par suite à leur altération, puisque l’expérience 58, qui est une des plus longues que nous ayonsfaites, ne donne que 0cC,82 d’azote en excès. Quand les expériences ont été faites dans l’oxygène pur, on a trouvé souvent une quantité d’azote assez considérable l/hc,67 et 16cr,à9 (expér. 62, 63), et ces expériences sont de nature à nous faire comprendre que l’azote dégagé provient tout simplement de l’atmosphère confinée dans les feuilles. Qu’il y ait ainsi des gaz contenus dans ces organes, c’est là ce qui est établi par nombre d’observations dues aux bota- nistes et aux chimistes qui se sont occupés de la végétation. M. Barthélemy a tout récemment appuyé encore sur les résul- tats qu’il a obtenus en plaçant des feuilles dans l’acide carbo- nique, et il est probable que l’émission d’azote que nous avons constatée souvent , que l’absorption qui s’est, présentée plus rarement, sont dues l’une et l’autre à un simple phénomène de diffusion. Le dégagement de l’azote contenu dans les feuilles a été observé depuis longtemps, et a souvent été l’occasion d’importantes erreurs d’interprétation. On se rappelle que Th. de Saussure, dans ses mémorables expériences sur la végétation, a toujours trouvé qu’il apparaissait moins d’oxygène qu’il ne disparaissait d’acide carbonique, mais qu’il apparaissait du gaz azote, dont il n’a pas cherché à préciser l’origine : ce dégagement est con- 35 '2 EB. 8®. SMEBSKIIAIA' HT Si. SIOISSAî%T.^ sidérable, on en jugera par le tableau suivant emprunté aux expériences de Saussure : Acide carbonique Oxygène Azote Oxygène disparu. apparu. apparu. manquant. Pervenche 431c-c- 292c-c- 139c-c- 139c-c- Menthe aquatique 139 224 86 85 Salicaire 149 121 21 28 Pin 306 246 20 60 Cactus Opuntia 184 126 57 56 On voit que, dans cinq expériences sur quatre, le volume d’oxygène qui manque pour reproduire le volume d’acide car- bonique disparu est précisément égal au volume d’azote apparu; il semble qu’il y ait eu simplement substitution d’un gaz à l’autre, et que l’oxygène dominant dans l’atmosphère où séjournaient les feuilles se soit substitué à l’azote contenu dans leurs tissus. Dans leurs expériences sur la décomposition de l’acide carbo- nique par les plantes marécageuses maintenues dans l’eau, MM. Cloëz et Gratiolet ont aussi trouvé que le gaz recueilli ren- fermait d’autant moins d’azote que l’expérience était plus pro- longée, et, par suite, que l’atmosphère de l’eau se chargeait d’oxygène en se dépouillant d’azote. Il y a encore là sans doute un simple phénomène de diffusion des gaz au travers des mem- branes épidermiques des feuilles. § 15. De la vie et de 'la mort des feuilles. Nous avons laissé dans les expériences insérées au tableau V des feuilles pendant plusieurs jours dans une atmosphère dé- pouillée d’oxygène et à l’obscurité; pendant ce temps ces feuilles ont continué d’émettre de l’acide carbonique, et, bien que la quantité formée en une heure soit un peu plus faible à la fin des expériences qu’au commencement, les différences ne sont pas cependant très-grandes, et l’on doit se demander si des feuilles mortes continuent d’émettre de l’acide carbonique à peu près avec la même énergie que des feuilles vivantes; si, par suite, cette émission d’acide carbonique est seulement un DE LA VÉGÉTATION DANS l’oBSCURITÉ. 353 phénomène chimique qui n’a aucune relation avec la vie, ou si au contraire, au moment de la mort, la feuille cesse toute émission de gaz. Pour résoudre cette question, il fallait tuer systématiquement les feuilles, afin de reconnaître comment elles agiraient après leur mort sur l’atmosphère ambiante, et d’abord il fallait avoir un critérium de la vie ou de la mort de la feuille. Peut-on affirmer qu’une feuille est morte quand elle cesse de décomposer l’acide carbonique sous l’influence de la lumière? Il serait téméraire de l’affirmer, car le dégagement d’oxygène est lié a la fonction de nutrition, qui peut être suspendue sans que la mort s’ensuive immédiatement. Une plante plongée dans l’obscurité, qui vit aux dépens de sa propre substance, n’émet pas d’oxygène, et cependant est remplie de vie. On conçoit très- bien que la fonction de nutrition aux dépens de l’acide carbo- nique atmosphérique soit suspendue sans que la mort survienne immédiatement; on comprend même qu’un séjour prolongé dans un gaz asphyxiant ait altéré les cellules à chlorophylle, et que la décomposition de l’acide carbonique soit diminuée ou arrêtée, ainsi que l’a constaté M. Boussingault (l), sans que la mort en résulte fatalement. Un animal dont les organes digestifs cessent de fonctionner résiste cependant à la mort pendant plusieurs jours, et il en peut être de même desfeuilles; aussi avons-nous dû chercher une autre méthode que celle que nous venons d’indiquer pour reconnaître si la feuille était morte ou vivante. Quand on opère sur des aiguilles de Pin, on a quelque peine à saisir ce passage de la vie à la mort ; mais il n’en est plus ainsi pour des feuilles plus délicates, telles par exemple que celles de Bégonia. Nous avons laissé ces feuilles pendant vingt-quatre heures dans l’hydrogène pur, elles y ont émis une petite quan- tité d’acide carbonique ; mais quand on les a retirées, elles étaient jaunes, flétries, elles avaient bien l’aspect d’un organe mort. Elles ont été alors renfermées, à l'obscurité, dans l’air ordinaire ; (1) Chimie agricole, t. IV, p. 329. 5^ série, Bot. T. XIX (Cahier n° 6). 3 35 k 0». 6®. DEBIÉtïAM B5T 13. quand on les en a retirées, leur puissance d’absorption pour l’oxy- gène et d’élimination d’acide carbonique avait presque complète- ment disparu. En effet, on a laissé ces feuilles, après leur séjour dans l’hydrogène, quarante-huit heures dans l’air ordinaire; elles ont introduit, dans les 158'"’, 9 où elles étaient plongées Oce,C)à d’acide carbonique, en absorbant lcc,5 d’oxygène. Si nous rappor- tons ces nombres à 30gr de feuilles et à une heure, nous trou- vons 0cc,0/i , c’est-à-dire un nombre environ trente fois inférieur à celui que donnent les aiguilles du Pin maritime, quand elles séjournent pendant quelques heures dans une atmosphère con- finée. Dans une autre expérience, les feuilles de Bégonia ont été asphyxiées par un séjour de quarante-huit heures dans l’acide carbonique, puis ont séjourné vingt-quatre heures dans l’air; mais si elles y ont abandonné un peu d’acide carbonique provenant sans doute de celui qui gorgeait leurs tissus, elles n’y ont fait aucune inspiration d’oxygène. Des feuilles de Ficus elastica désséchées par l’acide sulfurique à la température ordi- naire absorbent. l’oxygène et n’émettent de l’acide carbonique qu’en bien faible proportion ; cependant l’absorption d’oxygène et l’émission d’acide carbonique n’étaient pas complètement anéanties. Ainsi, on peut conclure que lorsqu’une feuille est morte, elle cesse d émettre de l’acide carbonique ; que la fonc- tion de respiration est celle qui s’éteint la dernière, et que la plante, comme l’animal, meurt quand elle ne respire plus. Il faut reconnaître toutefois que cette fonction persiste avec une singulière énergie, et que les phénomènes purement chimiques de la destruction par combustion lente se lient aux phéno- mènes vitaux de la respiration par une transition insensible. On se rappelle que les feuilles de Pin ont été dans quelques- unes de nos expériences maintenues dans l’obscurité pendant une dizaine de jours, dans une atmosphère dépouillée d’oxygène; elles ont continué d’y vivre, puisqu’elles ont continué d’y émettre de l’acide carbonique, et nous sommes conduits à reconnaître une différence notable entre la résistance à l’asphyxie des plantes et celle de l’animal : tandis que celui-ci cesse d’émettre de l’acide carbonique quand il est privé d’oxygène libre pendant un DE LA VÉGÉTATION DANS L’OBSCURITÉ. 355 temps suffisant, qu’il meurt ainsi asphyxié rapidement, la feuille est capable de continuer à émettre de l’acide carbo- nique aux dépens de ses propres tissus pendant un temps relativement, assez long. L’activité vitale de la plante est liée au phénomène de com- bustion, comme l’activité vitale de l'animal ; mais tandis que l’un n’est capable de respirer qu’avec l’oxygène libre, la feuille continue d’émettre de l’acide carbonique dans une atmosphère dépouillée d’oxygène, et par suite forme l’acide carbonique aux dépens de ses propres tissus, en empruntant leurs éléments aux principes immédiats qu’elle renferme : il se produit dans une feuille soustraite à l’action de l'oxygène atmosphérique une sorte de combustion interne analogue à celle que la levure de bière provoque dans la glycose qui se réduit en acide carbo- nique et en alcool. Quelle est l’utilité de cette combustion, de cette production de chaleur qui paraît être la fonction capitale de la feuille, puisqu’elle se détruit elle-même pour l’accomplir ? Nous ne pouvons, en terminant, que revenir sur l’hypothèse déjà exposée plus haut, car la science ne nous fournit pas actuellement toutes les données nécessaires pour résoudre cette question capitale. La feuille nous apparaît comme le laboratoire de la plante : c’est là que s’élaborent les principes immédiats qui, après di- verses métamorphoses, servent à la formation des organes nouveaux. Le premier de ces principes, la glycose, se forme par la décomposition simultanée de l’acide carbonique et de l’eau déterminée par la chaleur lumineuse du soleil. Mais comment prennent naissance les autres matières plus compliquées qui en dérivent? comment la glycose donne-t-elle le sucre de canne, l’amidon, la cellulose? comment se réduit-elle de façon à fournir les composés riches en carbone et en hydrogène, matières grasses, résines, essences, etc.? Comment les nitrates ou les sels ammoniacaux s’unissent-ils aux principes hydrocarbonés pour donner, après de nouvelles réductions, les albuminoïdes? Nous l’ignorons absolument ; toutefois il est vraisemblable que toutes ces métamorphoses exigent qu’une certaine quantité de chaleur I». B*. UUBBKEBAfi* l'/B' SB. MBBBSSAA. 356 soit mise en jeu. Et de même que les corps dont nous pouvons facilement suivre les combinaisons dans le laboratofre ne s’unis- sent qu’autant qu’ils sont portés à une température suffisante, de même sans doute les métamorphoses qui se produisent dans les cellules n’ont lieu que lorsque la température s’y élève. Dans les conditions normales, celte élévation de température est due à une oxydation produite par l’oxygène atmosphérique; mais lorsque celui-ci fait défaut, il résulte de nos expériences que la feuille continue cette émission d’acide carbonique à l’aide de ses propres éléments : mais c’est là un changement de régime qui est peut-être la cause même de l’asphyxie et de la mort de la feuille. Pendant sa vie normale, elle fonc- tionne dans l’obscurité en employant l’oxygène de l’air à oxyder quelques-uns des principes qu’elle renferme, afin de produire la chaleur nécessaire à la formation des matières qu’elle doit élaborer. Tout à coup l’agent oxydant disparaît; si la fonction de respiration s’éteignait du même coup, la feudle périrait immédiatement en cessant de fonctionner. Il n’en est pas ainsi: elle résiste à l’asphyxie pendant plusieurs jours, eu empruntant les éléments de l’acide carbonique à ses propres tissus ; mais cette condition anormale ne peut se soutenir que pendant peu de temps, ses cellules meurent les unes après les autres, et soi: retour à l’air ne fait souvent que hâter sa décomposition finale. CONCLUSIONS. Des expériences décrites dans ce mémoire, nous croyons pou- voir tirer les conclusions suivantes : 1° Les quantités d’acide carbonique émises par les feuilles dans l’obscurité sont comparables à celles que produisent les animaux inférieurs (Grenouilles, Vers à soie, Hannetons, etc.). *2° Ainsi que l’avait observé M. Garreau, la quantité d’acide carbonique émise par les feuilles augmente avec l’élévation de la température à laquelle elles sont soumises. 3° La quantité d’oxygène absorbé par les feuilles surpasse la quantité d’acide carbonique produite; la différence est surtout DE LA VÉGÉTATION DANS l’oBSGURITÉ. 357 sensible aux basses températures, qui paraissent favoriser dans les plantes la formation de produits incomplètement oxydés, tels que les acides végétaux. li° Les feuilles plongées dans une atmosphère dépouillée d’oxygène continuent d’y émettre de l’acide carbonique pen- dant plusieurs jours, aux dépens de leurs propres tissus; cette émission paraît ne cesser que lorsque toutes les cellules sont mortes. La résistance à l’asphyxie par absence d’oxygène varie singulièrement d’une espèce à l’autre. 5° Il est probable que la combustion lente qui prend nais- sance dans les feuilles produit la chaleur nécessaire à la formation des principes immédiats qui s’y élaborent. On re- marque, en effet, que l’émission d’acide carbonique est fa- vorisée par la chaleur obscure, qui exerce aussi une influence décisive sur la rapidité de croissance des plantes; tellement que les horticulteurs ont reconnu utile, depuis longtemps, de perdre une partie de la chaleur lumineuse que déverse le soleil, en maintenant les plantes sous des abris vitrés où se concentre au contraire la chaleur obscure. RECHERCHES SUR LA GERMINATION PAR MM. a®, ip. docteur è» sciences, aide-naturaliste de culture an Muséum d’histoire naturelle. et K«ï. Licencié ès sciences, attaché au laboratoire de culture au Muséum d’histoire naturelle. Les phénomènes qui accompagnent la germination peuvent être étudiés par deux méthodes différentes. Analyser une graine, déterminer non-seulement sa composition élémentaire , mais encore la proportion des différents principes immédiats qu’elle renferme; y développer la germination, puis recommencer sur la graine germée une nouvelle série d’analyses : tel est le pre- mier mode d’opérer qui a été employé avec succès par plu- sieurs auteurs. M. Boussingault(l), M. Fleury (2), M. Peters (3), ont éclairé ainsi la germination des graines amylacées et des graines oléagineuses. Ce procédé présente toutefois cet inconvénient, qu’il ne nous donne que des indications assez vagues sur le mécanisme même du phénomène et sur sa cause déterminante ; et à ce point de vue le second mode de recherches dans lequel on s’efforce de recon- naître les modifications que subit l’atmosphère dans laquelle se produit la germination nous a paru préférable. Il a été d’abord employé par Huber et Senebier (4), Th. de Saussure (5), puis, (1) Annales de chimie et de physique, 4e série, t. XIII, p. 219. (2) Ibid., t. IV, p. 5. (3) Cité par M. Sachs, Physique végétale , p. 390. (4) Mémoire sur l’ influence de l’air et de diverses substances gazeuses dans la ger- mination. Genève, 1801. (5) Recherches chimiques sur la végétation , p. 1. RECHERCHES SUR LA GERMINATION. 359 plus récemment, par d’autres observateurs, notamment en Alle- magne (i); et bien que ces expériences fournissent des indica- tions précieuses, elles ne nous ont pas paru de nature à décou- rager de nouvelles recherches. Notre travail est divisé en deux parties. Dans la première, nous avons étudié la germination dans l’air atmosphérique, en multipliant les essais et en examinant quelles modifications apportait à une atmosphère confinée le séjour plus ou moins prolongé des graines. Nous avons tenu compte notamment des changements que subit le volume du gaz mis en expérience, ce qui n’avait pas encore été fait avec une précision suffisante, et ce qui nous a conduits à plusieurs conclusions importantes sur les causes déterminantes des oxydations qui accompagnent la germination. Dans la seconde partie de nos recherches, nous avons fait varier la nature des gaz dans lesquels les graines étaient placées: c’est ainsi que nous avons successivement opéré dans des mé- langes d’oxygène et d’azote plus pauvres ou plus riches en oxygène que notre atmosphère ; nous avons aussi employé des mélanges d’oxygène et d’hydrogène, d’oxygène et d’acide carbo- nique; enfin nous avons même laissé les graines se décomposer dans des atmosphères dépouillées d’oxygène, afin d’étudier d’une façon plus précise les gaz produits par leur altération. Ces expériences nous ont conduits à étudier la diffusion des gaz au travers des membranes qui forment l’enveloppe de la s:raine ; mais les résultats obtenus dans cette nouvelle recherche cj ~ seront l’objet d’une autre publication. § ter- Mode d’opérer. Les expériences ont toujours été conduites de la même façon. On mesurait sur le mercure, dans une cloche humide, une cer- (1) Scliultz, Journ. fur prakt. Chemie, 1862. — J. Boehm, Sitz. d. K. Akaà. ier TVws., t. LVIII, 1er fascic. c(5D EB. S*. lIBîMiilfcAIÎ* HT BOB. ÏLAJUimB* . taine quantité de gaz. d’air par exemple; on notait la tempéra- ture, la pression atmosphérique, puis à l’aide des formules con- nues on calculait le volume ainsi mesuré, en le supposant sec à 0° et à la pression de (T, 7(50. On introduisait alors les graines, en les plaçant avec de l’eau dans un tube assez large qu’on retournait sous la cloche. Les graines, suspendues dans la couche d’eau sur le mercure, étaient abandonnées dans cette atmos- phère limitée pendant un temps qui a varié de deux jours à deux mois. Quand on voulait mettre fin à l’expérience, on mesurait le gaz sur le mercure, puis on emportait la cloche sur une cuve à eau, et l’on prélevait un échantillon de 20 à 25 centi- mètres cubes, dans lequel on dosait l’acide carbonique par la potasse, l’oxygène par l’acide pyrogallique. Quand l’expérience était de longue durée et qu’on pouvait croire à l’existence de gaz combustibles, on recherchait l’hydrogène bicarboné au moyen du brome. Pour cela, on faisait passer le gaz dépouillé d’acide carbonique et d’oxygène dans un flacon bouché à l’émeri , on y introduisait le brome placé dans un petit tube de verre et surmonté d’une couche d’eau; on agitait vivement, puis à l’aide de la potasse on s’emparait du brome mélangé au gaz; on fai- sait passer celui-ci dans un tube 'gradué et on lisait le volume restant. Cette recherche a été abandonnée après sept ou huit essais qui avaient été invariablement négatifs. Le gaz restant était formé d’azote mêlé à des proportions variables d’hydrogène et d’hydrogène carboné ; on en prélevait quelques centimètres cubes dans un petit tube entièrement rempli, puis on les faisait passer dans l’eudiomètre de Bunsen ; on lisait la hauteur du mercure. On ajoutait de l’oxygène, on lisait encore la hauteur du mercure. On faisait passer le gaz de la pile, puis une étincelle pour déterminer la combustion ; on laissait refroidir le gaz, et l’on prenait la hauteur quand deux lectures faites à une demi-heure d’intervalle donnaient exacte- ment le même chiffre. On introduisait alors dans l’eudiomètre un petit bâton de potasse fixé à l’extrémité d’un fil de platine, on le retirait quand on ne voyait plus de changement dans le niveau du mercure ; enfin on remplaçait la potasse par une bou- RECHERCHES SUR LA GERMINATION. 361 letle de papier humide, fixée également à un fil de platine qu’on laissait séjourner jusqu’au moment où le gaz s’était, de nouveau saturé de vapeur. Après avoir retiré la boulette hu- mide, on notait la hauteur de la colonne mercurielledans l’eudio- mètre, maintenu vertical ; on lisait le baromètre, le thermomètre , et l’on procédait au calcul (1). On a reconnu, à la suite d’une série d’expériences négatives, que l’hydrogène ne se dégageait qu’autant que les graines avaient consommé tout l’oxygène contenu dans l’atmosphère (1) Nous donnerons comme exemple le détail de l’expérience n° 18, qui a duré du 3 juillet au 15 juillet, et qui a fourni les résultats les plus compliqués. La graine en germination était le Cresson alénois ( Lepidium sativum). Air employé, 100ce,6; tempér., 25°; hauteur barom., 760mm. Calcul du gaz ù. 0° et à 760mm. Log 100,6 = 2,00259 760 — 23 = 737 Log 737 = 2,86746 Log 1-j-af = —1,96198 Log 760 = —3,11919 1,95122 = 89cc,7 renfermant!^"' (Ai. . 71,50 On a mis lin à l’expérience le 15 juillet; les graines axaient germé, et probablemen commençaient à se décomposer. Gaz après la germination, 104ce,4; tempér., 21°; hauteur barom., 758mœ Calcul du gaz après la germination , Log 104,4= 2,01879 758 — 18 = 740 Log 740 = 2,86923 Log l--|-aif = —1,96784 Log 760 = —3,11919 1,97496 = 94cc,39 Dosage de l’ackle carbonique et de l’oxygène. CO 95,6 77,2 77,2 Gaz employé Après la potasse Après l’acide pyrogallique CO2 = 18ce,4 0=0 362 S». S*. DEHÉRAIN ET ESI. LiNDRIN. ambiante, de telle façon qu’on n’a procédé habituellement à l’analyse eudiométrique que lorsqu’il ne restait plus d’oxygène ou qu’il y en avait seulement des traces. Pour épargner au lecteur la fatigue des résultats analytiques. Calcul du volume d'acide carbonique. 95,6 10 4,4 = = 20,09 18,4 x Log 20,09 = 1,30298 [,og 740 = 2,86923 Log 1+af = — 1,96784 Log 760 =—3,11919 1,25924 = 18,16 = CO2 à 0° et à 760mnL Le gaz au contact rlu brome n’a subi aucune diminution = G4 H'1 = O. Analyse eudiométrique. c ce Après l’introduction du gaz, hauteur du mercure .... 42,2 V = 37,6 (*) Gaz et oxygène, hauteur du mercure 36,8 V = 49,2 Gaz après étincelle, hauteur du mercure 38,0 V = 46,6 Gaz après potasse et houlette, hauteur du mercure. . 38,2 V = 46,2 Calcul de l’analyse eudiométrique. Température, 21°; hauteur barométrique, 758mlD. 37, 6 .317.15 Gaz employé 758 — (422 4- 18,5) = 317,5 760 (1-f-ap ~ 5 ' Log 37,6 = 1,57518 Log 317,5= 2,50174 Log 1+ot t = —1,96784 Log 760 =—3,11919 Log 1,16395 = 14ec,58, volume du gaz mis dans l’eudiomètre. Gaz employé mélangé à l’oxygène : Log 49,2 = 1,69196 Log 371,5 = 2,56995 Log l+o d = —1,96784 Log 760 =—3,11919 Log 1,34894 758 — (368 -+ 18,5) = 371,5 22«,38, volume du gaz et de l’oxygène mis dans l’eudiomètre. Ç) On a pria beaucoup de gaz à causa de la faible proportion d'hydrogène à rechercher. RECHERCHAS SUR LA GERMINATION. 363 nous avons réuni tous nos nombres sous forme de tableau ; on a procédé pour le calcul comme il a été indiqué dans la note Gaz après la détonation : 1,66838 758 — (380 + 18, 5) = 359, 5 2,55569 1,96784 3,11919 1,31110 — 20ce, 47, volume du gaz après la détonation. 22cc,38 — 20,47 = 1,91, volume disparu. Gaz après l’action de la potasse et de la boulette humide ; Log 46,2 = 1,66464 758 — (382 + 18,5) = 357,5 Log 357,5 = 2,55327 Log l-[ -«1 = — 2,96784 Log 760 =—3,11919 1,30494 = 20,18 20,47 — 20,18 = 0,29 Log 46,6 = Log 359,5 = Log 1+a l — — Log 760 = — Log Le volume de l’acide carbonique produit par la combustion étant égal à celui de l’hydro- gène carboné C2H4, nous concluons que le gaz employé renfermait 0,29 de formène. Le formène produit, au moment de sa combustion, un volume de vapeur d’eau double du sien, puisqu’on a l’équation C2H4 4 vol. + 80 8 vol. 2 GO2 4 vol. + 4 HO 8 vol. Il faut donc prélever sur le volume du gaz disparu au moment de l’étincelle 0ce,58 pour l’eau formée aux dépens du formène, 1,91 — • 0,58 = 1,33, dont les deux tiers sont de l’hydrogène, 1,33 X 2 = 0,88. Les 14cc,58 employés à l'analyse renfermaient 0,29 de formène et 0,88 d’hydrogène, d’où l’on tire facilement que les 76,23 trouvés à la tin de l’analyse, après la soustraction de l’acide carbonique, en renfermaient : pour le formène 76,23, 0,29 76,23.0.88 - — - — = 1,5 et — ’ : — 14,58 14,58 4,60 pour l’hydrogène. D’où enfin le tableau de l’analyse est le suivant : Gaz au commencement de l’expérience (avant la germination à 0° et à 760mm) : 17,87 71,50 Air, 89+37 renfermant! Gaz à la fin (après la germination et la décomposition à 0° et à 760““) : I Oxygène 0 l Acide carbonique ... 18,16 Gaz, 94+39 renfermant ! Hydrogène 4,60 i Formène. 1,51 f Azote 70,12 94.39 3C)/| s». b». soie bot i:ii. iwmtiA. ci-jointe : tous les chiffres se rapportent à des gaz supposés secs à O degré et à 0ra,760. Tous nos tableaux comprennent les colonnes suivantes : nu- méros des expériences, nature de la graine mise à germer; date du commencement de l’expérience, de la fin, d’où l’on conclut sa durée. Le volume du gaz introduit, sa composition, occupent les cinquième, sixième et septième colonnes; le volume du gaz à la fin de l’expérience et sa composition occupent les cinq colonnes suivantes. Nous y indiquons l’oxygène, l’acide carbo- nique, l’hydrogène, le formène et l’azote; la différence entre le volume au connnencement.de l’expérience et le volume à la fin, et une colonne d’observations, terminent le tableau. PREMIÈRE PARTIE. DE LA GERMINATION DANS l’AIR. § 2. Expériences de courte durée. En consultant le tableau I, le lecteur reconnaîtra que les expériences qui y sont consignées ont été habituellement, inter- rompues très-rapidement, au moment même où les radicelles apparaissaient, quelquefois même avant qu’aucun signe de germination fût sensible ; dans ces conditions cependant l’ac- tion de la graine sur l’atmosphère ambiante est déjà des plus sensibles. De la condensation des gaz dans la graine. — Aussitôt qu'on jette les yeux sur le tableau n° I, on reconnaît en effet que le volume du gaz, quand on met fin à l’expérience, est notable- ment inférieur à ce qu’il était au commencement. La diminu- tion du volume a souvent été de 10 pour 100 ; et il se dégage de cette observation une conclusion importante qui paraît avoir échappé jusqu’à présent à la plupart des observateurs, à savoir, Tableau l (1). RECHERCHES SUR LA GERMINATION 365 V} C/5 a a cS £U OJ * a a *lk S*. I». DEHÉRAIN ET ED. LANDRIM. sur les autres et affectent des formes plus simples; l’acide car- bonique dégagé surpasse de beaucoup celui qui aurait pu se former à l aide de l’oxygène existant dans le volume primitif du gaz employé à l’expérience. Cette combustion semble se con- tinuer pendant un temps assez long après que tout l’oxygène a disparu , car nous voyons que la quantité d’acide carbonique formé est d’autant plus grande que l’expérience a été de plus longue durée (exp. de 12 à 16). Dégagement d hydrogène . — » On a vu que dans les expériences du premier tableau, il n’est jamais apparu d’hydrogène; mais on remarquera que toutes ces expériences, sauf 10 et 11, ont été arrêtées quand il restait encore de l’oxygène dans l’atmosphère ambiante. Au contraire, nous voyons dans les expériences du ta- bleau n° II, tantôt des quantités notables d’hydrogène, tantôt au contraire, bien que les expériences aient été de longue durée et que tout l’oxygène eût disparu, il a été impossible de constater la présence de ce gaz. Ainsi l’hydrogène n’accompagne pas fatalement la décomposition de la graine, et, de plus, nous le répétons, tant que les graines sont dans des conditions normales, tant qu’elles se trouvent dans une atmosphère oxygénée, elles n’émettent, pas d’hydrogène; celui-ci n’apparaît qu’autant que l’oxygène a disparu, que les graines meurent et se décomposent: tels ont été au moins les résultats que nous avons toujoursobservés. Cependant M. Sclmltz considère l’hydrogène comme un produit normal de la germination (1) ; il l’a rencontré dans des expé- riences où l’atmosphère entourant les graines présentait encore des quantités notables d’oxygène, et où il s’était formé plus d’acide carbonique que n’en aurait dû donner l’oxygène intro- duit : ce qui est tout à fait contraire à ce que nous avons ob- servé nous-mêmes, bien que nous ayons opéré plusieurs fois sur le Cresson, comme l’a fait M. Schultz. A quoi tiennent ces diver- gences? Nous l’ignorons; nous ne pouvons que répéter que dans nos expériences le dégagement d’hydrogène n’a eu lieu que lorsque tout l’oxygène a disparu , et il a été toujours accom- (i) Journ. für vrakt , Chemie, i 862. RECHERCHES SUR LA GERMINATION. O 75 pagné par le dégagement d’une quantité considérable d’acide carbonique provenant des éléments mômes de la graine. Nous considérons donc l’hydrogène non comme un produit normal de la germination, mais seulement comme un produit morbide provenant de la décomposition de la graine (î). Dégagement des carbures d' hydrogène. — Dans tous nos premiers essais nous avons recherché l’éthylène au moyen du brome ; tous ces essais ont été négatifs , de telle sorte qu’on ne peut pas considérer ce gaz comme un produit ordi- naire de la décomposition des graines. Le formène est lui- même assez rare; nous ne lavons constaté avec certitude que dans trois expériences exécutées pendant les chaleurs de l’été. La température à laquelle a lieu la décomposition des graines ne parait pas, au reste, être sans influence sur la nature des gaz dégagés : c’est ainsi que, pendant l’hiver de 1873-1874, des graines mises à germer et laissées pendant près de deux mois sous les cloches ont absorbé tout l’oxygène qui était à leur disposition, mais n’ont pas donné traces d’hydrogène; tandis que les mêmes graines (Blé), mises en expérience en avril 1873, par suite à une température sensiblement plus élevée, ont donné seulement de l’hydrogène et pas d’hydro- gène carboné ; celui-ci n’a apparu que dans les expériences exécutées en juin et juillet. Dégagement de l'azote. — Nous avons vu, dans le paragraphe précédent, que des graines mises en germination dans une atmo- sphère limitée absorbaient d’abord une quantité de gaz notable, et que ce gaz était formé d’oxygène et d’azote ; après quelques jours, les phénomènes changent de sens: les gaz se dégagent, le volume total augmente, et cette augmentation est due non-seule- (1) Nous avons eu occasion de constater que lorsqu’on laisse du gluten se décom- poser dans une quantité limitée d’air atmosphérique, il apparaît de l’hydrogène avant que tout l’oxygène ait été pris; par conséquent il est possible que dans certaines con- ditions de décomposition des graines, l’hydrogène apparaisse avant l’absorption complète de l’oxygène, comme dans l’expérience de M. Schultz. Mais dans les observations pré- cédentes le gluten était altéré, par suite l’hydrogène était encore dû à un produit de décomposition. 376 I®. I®. DEHÉRAIM ET 15 D. L.IÜDRH'. nient à de l’acide carbonique, mais encore à une quantité notable d’azote (voyez not. l’exp. 12). Nous reconnaîtrons plus tard que ce dégagement d’azote se manifeste dans les conditions les plus variées, quand les graines séjournent dans l’air, aussi bien que dans l’hydrogène, dans l’oxygène pur ou dans l’acide carbo- nique ; la question est donc importante et mérite une discussion spéciale. § &• De l’origine de l’azote dégagé pendant la germination. Pour expliquer l’apparition d’azote qu’on observe quand les expériences sont prolongées pendant un temps assez long, on ne peut avoir recours qu’aux deux hypothèses suivantes : ou bien l’azote provient du gaz introduit accidentellement dans la graine exposée à l’humidité pendant un temps très-court, puis sou- mise à une dessiccation ultérieure ; ou bien il provient de la décomposition des principes azotés. Examinons ces deux hypo- thèses. Dans les germinations régulières ï azote dégagé ne 'provient pas de la décomposition des matières azotées. — Nous l’avons rappelé au commencement de ce mémoire, M. Boussingault a étudié la germination en soumettant à l’analyse les graines normales, puis les graines semblables munies de leurs radi- celles, après que cette germination a eu lieu ; il résulte de ses analyses que pendant la germination, il n’y avait aucun déga- gement d’azote, c’est-à-dire qu’on retrouvait dans la graine germée tout l’azote qui existait en combinaison dans la graine normale. Si les matières albuminoïdes se décomposaient pendant la ger- mination, il n’en aurait pas été ainsi; on aurait trouvé dans les graines germées moins d’azote que dans les graines normales, et c’est ce que M. Boussingault n’a pas trouvé. 11 était donc probable, d’après les expériences, que l’azote ne provenait pas d’une décomposition de ces matières azotées. Il est remarquable, en outre, que ce dégagement d’azote est RECHERCHES SUR LA GERMINATION. 377 loin d’être constant : ainsi les expériences sur le Blé (nos 12, 13, 1 h, 15, 16) l’accusent nettement, mais très-irrégulièrement; dans un cas il y a 13 centimètres cubes d’azote dégagé, dans un autre 0CC,9, dans un autre 3CC,7 ; dans l’expérience 15, 4ec,8, et enfin, dans l’expérience n° 16, 2 centimètres cubes; enfin, les expé- riences 13, 18, exécutées sur le Cresson, montrent qu’il y a eu au contraire absorption de ce gaz. Si l’azote provenait de la décomposition des matières albuminoïdes, cette décomposition devrait se produire avec constance, comme se produit la com- bustion lente qui s’accuse par un dégagement d’acide carbo- nique, d’autant plus abondant que l’expérience se prolonge pen- dant plus longtemps : il y avait donc dans ces remarques un indice que l’azote pouvait être accidentel et pouvait se dégager pendant le phénomène de la germination, au moment où les enveloppes des graines se déchirent peu à peu. Toutefois, pour éclairer complètement les faits précédents, nous avons employé une méthode qui devait nous conduire sûrement à la solution; nous avons dosé l’azote contenu dans les graines par deux méthodes différentes, l’une nous donnant l’azote total, l’autre seulement l’azote combiné. On sait, en effet, qu’on peut doser l’azote contenu dans une matière organique en la brûlant à l’aide de l’oxyde de cuivre; en prenant des précautions convenables, tout l’azote, quelle que soit son origine, se dégage à l’état de pureté, et il est clair qu’en introduisant dans les tubes à combustion les graines entières, nous devions en extraire, non-seulement le gaz prove- nant de la destruction des combinaisons azotées, mais encore celui qui avait été introduit fortuitement pendant le ramollisse- ment de la graine sous l’influence de l’humidité. En dosant au contraire l’azote par le procédé de M. Peligot, basé sur l’emploi de la chaux sodée et des liqueurs titrées, on obtient seulement l’azote des matières organiques; celui qui existerait dans la graine à l’état de gaz libre échappe complètement, et si les deux nombres sont en désaccord, c’est la preuve qu’il existe dans les graines de l’azote à l’état libre. Nous avons donc procédé à ces deux séries d’analyses pour 378 P. I». DEHÉRAIIV ET Eli» LAÜVDR1W. un certain nombre de graines (1), et nous avons obtenu des nombres très-différents l’un de l’autre, ainsi qu’on le verra par la (1) Le dosage de l’azote par la chaux sodée est tellement facile, qu’il n’est pas besoin d’insister sur sa pratique. Quant au dosage en volume, il a été fait avec beaucoup desoins. On a fait le vide dans le tube après l’introduction des matières nécessaires au dosage, puis on a chauffé le bicarbonate de soude jusqu’au moment où il s’est dégagé de l’acide carbonique; on a encore refait le vide une seconde fois, puis on a chauffé de nouveau le bicarbonate de soude, et quand le gaz a commencé à se dégager, on a fait le vide une troisième fois; puis on a soudé l’extrémité du tube fixé à la pompe en fondant le verre sur lui-même. Comme le mercure est resté soulevé au moment de la fermeture, on a été assuré qu’il ne rentrait pas d’air. Quand le dégagement des gaz a cessé, après l’épuisement du bicarbonate de soude, on a recueilli le gaz, on l’a agité avec de la potasse, puis avec du sulfate de fer; enfin on a pris un échantillon qu’on a fait détoner dans l’eudiomètre, de façon à être cer- tain qu’il n’était pas mêlé de gaz combustible. On a commencé les essais par le dosage de l’azote à l’aide de ces deux méthodes sur une matière d’une composition constante, la quinine : on a trouvé par le pro- cédé Peligot, 8,1 d’azote, et par le procédé de la combustion, 7,9. Les deux nombres étaient suffisamment rapprochés pour qu’on fût certain de ne pas commettre d’erreur grave; on soumit donc à ces deux méthodes de recherches plusieurs espèces de graines. On a ainsi obtenu : Analyse n° {. — Blé, 0sr,400. — Tempér., 13°; hauteur barom., 764mro. Dosage en volume : Azote recueilli, 13cc,2. A 0° et à 7G0““, azote, 12cc,4, pesant ()er, 0155, ou 3,87 pour 100 d’azote total. Analyse n° 2. — Blé, 0Sr,835. — Procédé Peligot. 144 divisions de potasse correspondent à 0sr, 1 6G d’azote. On sature avec 134 divisions. 10 divisions correspondent à 0®r,0115 d’azote. D’où 1,37 pour 100 d’azote combiné ; d’où azole gazeux 3,87 — 1,37 d’azote combiné =2,5 d’azote libre dans la graine. Analyse n° 3, — Graine de Lin. — Tempér., 13°; hauteur barom., 773““, Poids des graines, 1 gramme. Azote recueilli, 48cc,5. Azote à 0° et à 760““ = 46,4 = 0er,058. D’où 5,8 pour 100 d’azote total. RECHERCHES SUR LA GERMINATION. 379 note ci -jointe. On reconnaîtra qu’il y a dans les graines d’Orge, de Blé, de Lin, une certaine quantité d’azote libre qui sans doute Analyse n° 4. — Graine de Lin. — Procédé Peligot. — Dosage à l’état d’ammoniaque. Azote, 3,30 pour 100. Analyse n ° 5. — Graine de Lin. — Procédé Peligot. Dosage à l’état d’ammoniaque. Azote, 3,31 pour 100. Analyse n° 6. — Graine de Lin. Dosage en volumes. Poids des graines, 0®r,725. Azote à 15° et à 761œm, 36ee,4. Azote à 0o et à 760mm, 34 cent. cub. D’où 0gr,0427 d’azote, d’où 5,9 pour 100 d’azote. Analyse n° 7. — Graine de Lin. Dosage en volumes. Poids des graines, 0gr,500. Azote recueilli à 10° et à 760mm = 21cc,0. Azote à 0° et à 760mm = 20cc,l. D’où azote, 0gr,025, d’où 5,0 pour 100 d’azote. Résumé des expériences sur la graine de Lin. Azote en volumes. Azote à l'état d’ammoniaque. Analyse n° 3 . . . . 5,8 Analyse n« 4 . . . . 3,30 Analyse n° G . . . . 5,9 Analyse n° 5, . . , 3,31 Analyse n° 7 . . . . 5,0 3,3 16,7 3,3 = 2,2 d’azote libre dans la graine. Analyse 7i° 8. — Cresson alénois. Dosage à l’état d’ammoniaque, 0gr,500 de graines. Azote, 4,01 pour 100, Analyse n° 9. — Cresson alénois. — Dosage à l’état d’ammoniaque. 1 gram. de graines. Azote, 4,61 pour 100. 380 P. I». DEHEftAIN ET ED. LAMDBSIN. a pu pénétrer au moment même de la formation de la graine, quand ses enveloppes sont encore tendres et perméables au gaz. Bientôt, à mesure que la maturation avance, ces enveloppes deviennent imperméables, elles se sèchent, et les gaz cessent de pénétrer, à moins que les graines restent soumises sur le sol après la moisson à une humidité persistante, auquel cas les enve- loppes ramollies laissent pénétrer les gaz, et bientôt de longs jets s’élançant des graines annoncent que la germination a eu lieu. Analyse n° 10. Cresson alénois. — Dosage à l’état d’azote gazeux, 1 gramme de graines. Azote recueilli, 39ec,6 à 14» et à 763mm — f. Azote à 0° et à 760ram, 37cc,23. D’où azote 0,046, d’où 4,6 pour 100. Analyse n° 11. — Orge normale. — Dosage de l’azote en volumes. Poids des graines, 1 gramme. Azote recueilli, 25 cent, cub., à 767,2 et à 10°. 24cc,0 - Azote à 0° et à 760,mn, d’où 2,88 pour 100. On a mis ensuite à germer 1 gramme de graines semblables, de façon à reconnaître si le volume de l'azote occlus aurait diminué, ainsi qu’on l’a observé plusieurs fois pour les expériences durant plusieurs jours (voy. tableau III); on a fait ensuite le dosage. Analyse ?i° 12. — Orge après germination. Poids des graines avant la germination, 1 gramme. Azote recueilli, 12cc,3 à 9°, 5 et à 770 — f. Azote à 0“ et 760mm, 9“,9. 1,18 pour 100. Analyse n° 13. • — Orge normale, par le procédé de M. Peligot. Poids de l’orge, 08r,995. Azote, 1,39 pour 100. En résumé, on reconnaît, en comparant ces analyses, que, dans le Blé, dans la graine de Lin, dans l’Orge, on a trouvé plus d’azote quand on a recueilli ce corps à l’étatgazeux que lorsqu’on a cherché l’azote combiné par la chaux sodée. 11 faut donc conclure qu’il y a de l’azote libre dans ces graines; que, par suite, les nombres insérés au tableau 111, accusant un dégagement d’azote, doivent être rapportés à cet azote gazeux et non à une décomposition des matières albuminoïdes. Il est remarquable, au reste, que le Cresson alénois, qui ne renferme pas d’azote à l’état libre (analyses 8, 9, 10 de la note), n’en ait pas dégagé pendant la germination (expérience 18). RECHERCHES SUR LA GERMINATION. 381 En résumé, les expériences consignées dans les tableaux I et II nous font voir que les gaz se condensent dans la graine au mo- ment où la germination commence; celles du tableau III nous font assister à l’expulsion de ces gaz occlus pendant les premiers jours de la germination ; enfin les dosages d’azote nous démon- trent l’existence dans les graines des gaz qui y ont pénétré ; et ces trois séries d’expériences nous montrant les gaz pénétrant dans la graine, contenus dans ses tissus, en sortant, mettent hors de doute l’existence des gaz confinés dans la graine, et établissent que la cause qui détermine le commencement du phénomène de germination est l’élévation de température qui résulte de la pé- nétration des gaz au travers du testa ramolli par l’humidité. On conçoit cependant une objection à cette manière de voir. Les graines de Lin normales, les grains de Blé et d’Qrge accusent dans leurs tissus une petite quantité d’azote libre qui a dû déga- ger de la chaleur au moment de sa condensation, et par suite qui aurait dû déterminer la germination, si cette introduction d’azote a été accompagnée d’une quantité correspondante d’oxy- gène. Bien que nous réservions pour un prochain travail l’étude complète du passage des gaz au travers des enveloppes de la graine, ainsi qu’il a été dit plus haut, nous ferons remarquer d’abord que lorsque les graines ne sont pas encore complètement pénétrées par l’eau, l’azote paraît s’introduire plus vite que l’oxygène (expérience n°5) ; que par suite il n’est pas démontré que la présence de l’azote libre dans la graine implique l’entrée de l’oxygène. Nous ferons remarquer en outre que, lors môme que l’oxygène pénétrerait dans la graine en môme temps que l’azote, il faut, pour que le phénomène calorifique auquel nous attribuons le commencement de la germination prenne naissance, que l’occlusion des gaz aitlieu avec quelque rapidité; si une graine placée dans une atmosphère humide, mais non en contact avec l’eau, se charge d’une faible quantité d’azote, et même d’oxygène, il est probable que cet effet n’a heu que très-lentement, que par suite réchauffement dû à la condensation est trop faible pour déterminer l’action chimique énergique que nous constatons au début de la germination. 382 fi®, i9. DfilllâHAITV ET I3SS>. LANimiiV DEUXIÈME PARTIE. DE LA GERMINATION ET DE LA DÉCOMPOSITION DES GRAINES DANS DES GAZ AUTRES QUE L’AIR ATMOSPHÉRIQUE, Il résulte de la première partie de ce travail que la germi- nation commence quand de l'oxygène condensé dans la graine y subit une élévation de température suffisante pour devenir capable d’attaquer les principes immédiats qu’elle renferme. Pour que cette manière de voir puisse être admise, pour qu’on soit convaincu que les gaz atmosphériques se condensent dans la graine, il faut multiplier les expériences qui ont pour but de faire voir cette condensation : nous l’avons montré déjà par la diminution que subit le volume de Pair dans lequel commence la germination ; nous l’avons montré en outre par l’analyse du gaz restant après cette condensation ; enfin nous allons le recon- naître encore en plaçant les graines dans des atmosphères autres que l’air atmosphérique. § E De la germination dans l'oxygène pur. Les graines germent dans l’oxygène, mais souvent moins rapidement que dans Pair atmosphérique : c’est au moins ce qui ressort nettement d’un travail publié récemment par M. Boehm (1), qui a reconnu que pour obtenir dans l’oxy- gène une germination analogue à celle qui se produit dans Pair, il fallait le dilater, et l’amener, par la diminution de pression, à une tension semblable à celle qu’il présente dans Pair où il est dilué par l’azote. Nous n’avons pas cherché dans nos expériences à observer le même fait que M. Boehm, mais seulement à constater la disparition d’une portion de l’oxygène introduit et l’apparition des gaz contenus dans la graine. Nous avons disposé nos expériences comme les précédentes; quelques-unes ont duré fort longtemps, et les phénomènes de (1) Sitz. d. ki Akadi d. Bd. VIII, 18. RECHERCHES SUR LA GERMINATION. 383 décomposition s’y joignent aux modifications dues à la germi- nation. Nous avions l’intention de rechercher si dans une atmos- phère oxygénée l’hydrogène peut se dégager à l’état libre, et c’est dans ce but que quelques-unes des expériences ont été ainsi prolongées pendant plusieurs mois. Les résultats des expériences sont réunis dans le tableau n° 4. On remarquera d’abord, à l’inspection du tableau n°IV, que le volume des gaz a singulièrement diminué, même dans les expé- riences de courte durée 21 et 22, dans lesquelles il s’est pro- duit une germination parfaitement régulière ; nous trouvons donc là une confirmation très-nette des faits établis dans le tableau n° I. Cette diminution de volume est tellement sensible, qu’il n’est pas besoin de procédés précis pour la constater, et qu’elle avait déjà été observée par Huber et Senebier dans le mémoire cité plus haut. Dans les expériences prolongées 24 et 25, près de la moitié du gaz a disparu; mais l’état dans lequel se trouvaient les graines indique que l’oxygène a exercé une action combu- rante des plus énergiques, laissant seulement un résidu noir ulmi- que : aussi les expériences 24 et 25 ne peuvent-elles servir qu’à connaître quels sont les résultats que donne la décomposition des graines dans une atmosphère très-riche en oxygène ; les produits pyrogénés obtenus dans ces conditions démontrent une fois de plus que la température a dû s’élever singulièrement par suite de la condensation de l’oxygène dans les tissus. On remarquera, en outre, qu’il n’est pas apparu d’hydrogène, même dans l’expé- rience 24, où l’oxygène faisait presque entièrement défaut. Si l’on compare ces résultats à ceux que fournit le tableau n° 111, on reconnaîtra une fois de plus que l’hydrogène n’apparaît à l’état libre qu’autant que l’atmosphère est d’abord dépouillée d’oxygène ; il est vraisemblable, en effet, que tant qu’il reste de l’oxygène condensé dans la graine, il s’y trouve à une tempé- rature suffisante pour q'ue tout l’hydrogène soit brûlé et forme de l’eau » L’azote apparu est en faible quantité; mais cependant il s’en est toujours dégagé quelques centimètres cubes, qui peuvent Les graines sont placées dans l’oxygène pur. I®. B®. JUIURURAIM Eï VM. I.A^Dlin 84 observations. Germination complète. Germination complète. Germination. 1 Graines noircies, brû- > lées; dépôt de char- ) bon sur les parois. Gaz dégagé + Gaz absorbé CC — ■ 14,1 — 28,8 — 19,0 — 59,4 j — 55,0 ' CE. Hydro- gène. )) » )) )) )) S5 H W H © -> H © » >- « H “o i &• -a 1 ’S a -S eu H ° 5 M ï ^ S a J ce 25.9 27,1 2,6 73.9 43.9 a I a / S fi < g \ ^ ce 5,9 4.5 13,3 3.6 1,8 Z A LA I Oxygène. ce 60,6 84.6 30.7 0,18 19,3 ga: Volume total. 0 cm co o ° <3 <0 O !>• lO iO -H «cf !>• <0 Volume du gaz au commence- | ment (oxygène pur). ce 74,7 145.0 65,5 137.0 120.0 DURÉE. 4 jours. 9 jours. 20 jours. 96 jours. 97 jours. DATE de la fin de l’expérience. 22 juillet. 25 juillet. 19 novembre. 21 octobre. 22 octobre. DATE du commencement de l’expérience. 18 juillet 1873. Id. 30 octobre. 18 juillet. Id. NOMS des graines en expérience . Cresson . Id. ..... Lin Cresson. . Id •seoneijodxo sep SOYlîmtlM 21. 22. 23. 24. . 25. j RECHERCHES SUR LA GERMINATION. 385 provenir de deux sources différentes. Le cresson, qui a servi à trois expériences sur cinq, ne paraît pas renfermer de gaz confiné ; car, ainsi qu’on l’a vu plus haut, le dosage de l’azote total et celui de l’azote combiné ont fourni des nombres identiques ; mais il faut se rappeler que MM. Lawes et Gilbert ont montré que lorsque des graines se décomposent dans une atmosphère très-oxygénée, les matières albuminoïdes sont brûlées et qu’il se dégage de l’azote à l’état libre (1). Dans l’expérience 23, exécutée avec des graines de Lin, la quantité d’azote apparu est considérable, et elle peut aussi bien provenir du gaz occlus dans les tissus (voy. la note de la page 379) que de la décomposition des matières albu- minoïdes ; si ces deux causes ont agi simultanément, on comprend que la proportion de ce gaz mise en liberté soit considérable. Habituellement la quantité d’acide carbonique formé a été très-grande; excepté dans l’expérience 23, qui, bien qu’elle ait été très-prolongée, n’a fourni que des nombres très-inférieurs à ceux qu’ont donnés les expériences 3 et h qui ont eu lieu dans l’air ; il est probable que l’oxygène n’a exercé là qu’une de ces actions faibles déjà signalées par M. Boehm, ainsi qu’il a été dit plus haut. En comparant la quantité d’acide carbonique produit à la quantité d’oxygène disparu, on remarque que dans toutes ces expériences, comme dans celles du tableau n° î, il y a bien plus d’oxygène absorbé que d’acide carbonique formé ; il est clair que si l’on peut supposer que dans les expériences 2 i et 22 V oxygène manquant a été en grande partie confiné dans la graine, dans les expériences 20, 2 à et 25 il a été surtout employé à former des produits fixes. § 2. Germination dans divers mélanges gazeux. Nous avons établi que l’oxygène se condense en grande quan- tité dans les graines; mais il reste encore une objection à lever, sur le fait même de la condensation, qui tient à la nature même (1) Dehérain, Recherches sur l’ intervention de l’azote atmosphérique dans la végé- tation (Ann. sc. nat ., t. XV1I1, p. 152). 51' série, Bot. T. XIX (Cahier n° 7). 1 25 886 S®. ls. DUMÉHMM ET El». ILAŒSM&ÏŒ. de l'oxygène, et à la facilité avec laquelle il forme des combinai- sons fixes avec les matières combustibles contenues dans la graine. Il est clair, toutefois, que le fait même de la condensa- tion des gaz dans les graines, apparaîtra encore plus clairement, s’il a lieu, non plus seulement pour l’oxygène, mais aussi pour des gaz inertes, tels que l’azote, l’hydrogène ou l’acide carbo- nique. C’est pour mettre ce fait en complète lumière que nous avons disposé comme précédemment les expériences résumées dans le tableau n° V. Elles ont porté sur des mélanges d’azote et d'oxygène, et même sur de l’azote pur ; sur des mélanges d’oxvgène et d’hy- drogène; d’oxygène, d'hydrogène et d’acide carbonique; enfin sur des mélanges d’acide carbonique et d’oxygène. On remarquera que, dans l’expérience 27, il y avait au com- mencement de l’expérience très-peu d’oxygène dans l’atmos- phère où l’on a placé les graines, et cependant la germination a commencé ; il y a eu même un commencement de germination dans les graines de l’expérience 26, où, pour 9/icc,6 d’azote, on n’avait introduit que ùcc, 2 d’oxygène: l’azote ne paraît donc pas exercer d’action nuisible sur la germination ; nous verrons qu’il n’en est pas de même pour l’acide carbonique. La petite quan- tité d’oxygène nécessaire pour déterminer un commencement de germination dans l’azote explique peut-être les anciennes obser- vations de Huber et Senebier, qui croyaient à la possibilité de la germination des Pois dans l’azote pur. Dans ces deux expériences, l’azote formant la partie de beau- coup la plus importante de l’atmosphère ambiante, il était pro- bable que si les gaz ont la propriété de se condenser dans les graines, ainsi qu’il a été dit plus haut, une partie de l’azote a dû disparaître pendant le temps que les graines sont restées en contact avec lui; et il eu a été ainsi en effet. Dans l’expérience 26, nous trouvons ùcc,8 d’azote en moins dans l’atmosphère où s’est produite la germination ; dans l’expérience 27, 16cc,ù ont encore disparu. On remarquera en outre que, dans l’expérience 26 qui a duré vingt-cinq jours et où l’oxygène a été vite absorbé, on a trouvé une proportion notable d’hydrogène et près de 2 centi- Tableau 888 i». a». ïïkiibîüiasiv et Km. limduiv. mètres cubes de formène ; tandis que dans l’expérience 27, qui n’a duré que neuf jours, les gaz combustibles font complètement défaut. Dans ces deux expériences, l’acide carbonique est en proportion beaucoup plus lorte que n’était l’oxygène dans l’at- mosphère primitive ; il y a eu combustion interne des éléments de la graine. Les expériences 28 et 29 ont eu lieu dans l’azote pur ; cepen- dant on a introduit, en même temps que les graines, de l’eau ordinaire, tenant par conséquent en dissolution quelques traces d’oxygène, qui ont probablement suffi pour déterminer un commencement d’oxydation. Nous voyons eu effet (pie, dans ces deux expériences, il est apparu une certaine quantité d’acide carbonique. Dans l’expérience 28, il y a une petite absorption d’azote; dans 29, au contraire, il y a dégagement de ce gaz, mais les graines étaient dans un état de pourriture très- avancé. il y avait eu production de traces d’hydrogène, de telle sorte que l’azote peut aussi bien provenir de la décomposition des matières azotées que de celui qui était déjà confiné dans la graine avant le commencement de l’expérience. Dans l’expé- rience 30, au contraire, la quantité d’azote final est un peu plus faible que la quantité primitive; les résultats sont donc ana- logues à ceux donnés par 28. Les expériences 31, 32, 33, ont eu lieu dans des mélanges en proportions variables d’hydrogène et d'oxygène. On remar- quera que, dans les unes et les autres, la germination s’est effec- tuée régulièrement; qu’il y a eu émission d’azote, et parfois en proportion très-considérable, et en même temps diminution du volume d’hydrogène, et cela en proportion d’autant plus grande, a de •i mm i Ç; Cl • - & vy ■ J ('haùn c/ Ftn/ncf dcl, . ,, ' ! i ai'/- r sc tli>t/fe c / t/rcm r r/(\r ! r-con it'iï . bnf'.J. S.i/nwn.r lïWU,- Rrlnw.uf,- . .■■■' J'.in.c. * o cric . J5ot. Tome /(y , 7V ‘ P £§& à tmà mm m w® Ils vuÆeh SS mÉ XjW'Ts WrfSffi ■/à * W '? MJ h 1 9 il • Wm w$ 1 Chatin et Fa/juet rie l Pierre .re Û tuile et (//'aine des <- 1er o /a l années. Imp. J. S alm on. r. Veille Estrapade. lo Ean F CfuiM/v et Faguet ded. Piej're sc . Ovule eF 1/ raine e/es Sera fit/aj vn êes ed So Zanaeêes . fin/i 4, Saltnon. r. i/ie-i/lr Esù-tiprufa il>, Sa/'lr. ^Dôr .'lïfmr u) , jt r b . i iicUin et Fa quel ded . La (je. Ovule el qi'a me des .Solanacées et H orraq / nées Inp. A. S a/won. r. Vieille- Estrapade , jA . l'a ris '.xnn Dot . ii>nie iq.fl Y b ' 3 J. Ch a tin, et FaoueU tiel (huile et tj r (line des Borraç / nées et Labiées lmp. A. S n/mon. r, Yieffle Estrapade ,ib. Paris . Jlrui. tfés )cienr . suit . ô 7 i cries. Dot. /orne ic/, J. ( . y. èÀ | /. r/a/in H lûi/Mse deï. 4na tonne de /(J /'t7 (ji/iees y 7 me des Tmp . A. Sn/mon. r Vin f/e Es- trnpnde . if>. P Anafo/nie de /n t/raine des L aù/Aes ..I I/up .. /, SaLmon, r. lte/7/e As trapndc , if> , J Art _irm. aes scie ne. nue. «' . oc/ie. R. Janexewski det A. Sperrrwsira, haflensis 13. JYostoc paludosurn (' . Nos/oc nunidissimum . B , m A . Pm//u>uæ de /. J’ieJ'/'O' sc . Cristalloïdes du iVeo/tia IVidus - avis . Imp. A. S aima a, r. Vieille- Psti'apade. iS. Paris , i u /i . (tiw ocu>/ir . //fi/. o : TrvmrT Dot. lomc ly , i l . 11 | Ad . nat. auet, dei. Spore*? de /‘A/u/iopteruv foru/t/b/ia F terri? jv> lmp .A. S aima 71, r. VuiUe-^trapade, itï. Dori*? . s Arm-, des Acte ne , nat, s: J crie , j.('uic if/, i ( , x~ 1 j I Ad. mit. aueê; dsl. Spores de / Anp/iopter/s to/p/p/ot/a . Fi-errr s wmmm wSm ïsSSSyisieÆt mm w»%i îâ:»jû) '$S:SS, '^S.;£}£rS' . ^Sdiv'r ârms ’&f'tyr. lmp. A. A 'a /mon, r. Vie/ÏIe Fs/vaptidr , it> . F a/'U • Ann. Je J Seiesic . nat. jf Stirio . Bot . Tome ii) , PL. j3 Jmp. A. Sa/r/wfi, r. Vmi/le A'.rtriiptu/p . A. Tr'ar/s , / . S) •• ' \ T*? : - S--.- \ r; iAd. ruU>. a art. de/. r \pore