JS SEE Hurt Re. mt ANNALES DES SCIENCES NATURELLES CINQUIÈME SÉRIE a ———— BOTANIQUE me Paris, — Imprimerie de E. Martinet, rue Mignon, 2. En À CG f CINQUIÈME SÉRIE BOTANIQUE GOMPRENANT L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION DES VÉGÉTAUX VIVANTS OU FOSSILES PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE MM. AD. BRONGNIART ET J. DECAISNE PARIS VICTOR MASSON ET FILS, PLACE DE L’ÉCOLE-DE-MÉDECINE 1868 ANNALES DES SCIENCES NATURELLES BOTANIQUE ÉTUDES SUR LA VÉGÉTATION DU SUD-EST DE LA FRANCE Par M. le comte GASTON DE SAPORTA. TROISIÈME PARTIE. IV FLORE DES ARGILES DU BASSIN DE MARSEILLE. La dernière et la plus récente des flores tertiaires, dont nous avons entrepris la description, présente un caractère tout parti- culier. Essentiellement incomplète, elle consiste en une réu- nion d'espèces prises parmi les plus répandues de l’ancienne contrée, non-seulement les recherches ont manqué pour com- bler les vides et reconstituer l’ensemble, ainsi que nous avons pu le faire plusieurs fois, mais les conditions mêmes qui ont présidé au dépôt des couches argileuses du bassin marseillais paraissent avoir été peu favorables à cette sorte de résultat. Ce bassin est occupé presque en entier par une longue série d'assises, en grande majorité détritiques, où les conglomérats (4) Voyez 1. VII, p. 5. 6 | GASTON DE SAPORTA. alternent avec des marnes, des argiles, des graviers, des sables, dont la présence dénote l’action à peu près constante d’un vaste courant. 1 semble que la vallée de l’'Huveaune, aujour- d'hui parcourue par cette faible rivière, ait dû autrefois donner passage à des eaux puissantes et rapides, qui entrainaient des éléments de diverses natures, plus fins ou plus grossiers, selon les temps et la direction du courant. Le résultat de cette suc- cession de dépôts dont la durée à été’sans doute fort longue, puisqu'ils paraissent avoir continué jusque vers la fin de l’âge ter- tiaire, a été une formation très-confuse en apparence, quoique régulièrement stratifiée. Les fossiles ne S'y montrent que dans les lits les plus homogènes, où l'argile est tantôt presque pure, tantôt associée à des marnes et à des sables fins, dans des proportions très-variables. La coupe du terrain n'a rien d'instructif par elle-même. Dans les alentours immédiats de Marseille, l’exploi- lation de ces terrains, opérée sur une grande échelle, soit pour la confection des briques, soit dans le but d’en extraire des matériaux de bâtisse, soit enfin par suite de travaux de terras- sement, en à mis à Jour les diverses parties. Au-dessus des cal- caires blancs de l'étage lacustre inférieur, et spécialement de la couche du bassin de Carénage où nous avons signalé anté- rieurement (4) la présence du Sabalites major et du Pinus pa- læostrobus, paraissent des conglomérats qui servent de base à la nouvelle formation; sur ces conglomérats s'étend une assise d'argile rouge dont la puissance est énorme du côté de Séon- Saint-Henry, entre la plage et le chemin de fer. Ces argiles ont fourni des restes de Rhinoceros minutus. Ensuite on voit arriver, avec l’Helix Ramondi, une succession d’argiles rouges et grises, alternant plusieurs fois, séparées par des lits de marne et de grès marneux et surmontées par des argiles grisâtres, mélan- ges de sables fins, où l'on à recueilli de nombreuses empreintes végétales, tantôt sur un point, tantôt sur un autre, mais surtout à la Pomme, localité située à l'est et à une petite distance de Marseille. (4) Voy. EL, sur les vég, tert., 1, p. 61; Ann, des sc. nat., 5° série, L. HT, p. 65. LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 7 Ces empreintes végétales paraissent se rapporter à un niveau déterminé et constant. Ce sont des feuilles couchées les unes près des autres, dans le plus grand désordre, quoique sur un plan ordinairement horizontal. On dirait qu'elles ont été ba- layées sur le sol et entraînées par des eaux limoneuses jusque dans le fond d’un lac, où elles ont pu s’étaler et s’accumuler sous l'influence d'un calme relatif. Certaines essences, particu- liérement les Laurinées, se répetent avec une désespérante uni- formité. On comprend qu'un assez petit nombre d'espèces, plus vigoureuses et plus répandues que les autres, occupaient le voisi- uage des eaux miocènes et que leur dépouille est venue s’ense- velir en abondance au fond du lac dont elles peuplaient le bord. D'auires espèces, plus rares ou probablement situées plus à l'écart, sont venues quelquefois se joindre aux premières ; elles sont pour nous l'indice qu'à côté d’une végétation pure- ment Hitorale, il en existait une autre dont nous savons peu de chose; cependant, ce peu que l'on observe révèle en elle un caractère tout différent. Cette seconde végétation, plutôt agreste et silvicole, se mèle à la première, mais il est aisé de l’en dis- tünguer et de comprendre que les essences amies des eaux, quoique occupant sans doute une grande place dans le paysage d'alors, n'étaient cependant pas les seules; à côté de l’associa- üon dont elles dénotent l'existence, il en existait d’autres, moins luxuriantes peut-être, mais non pas moins importantes, ni moins curieuses. Il suffit, en effet, de jeter les yeux sur la Provence actuelle pour constater à quel point on se trouverait dans l'erreur, si l’on voulait juger de l’ensemble par l’observa- ton des seuls végétaux qui serveut de lisière aux eaux cou- rantes. La plupart des essences qui couvrent les pentes et gar- nisseut les hautes vallées, toutes celles qui contribuent, en un inot, à accentuer la végélation dans ce qu'elle a de plus ori- ginal, passeraient presque inaperçues. Il est facile de reconnaitre, en passant en revue les espèces des argiles de Marseille, que le nombre total en est singulièrement disproportionné avec l'ensemble présumé de la végétation con- lemporainé, même en faisant abstraction, comme à l'ordinaire, 8 GASTON DE SAPORTA, de toutes les plantes herbacées, au sujet desquelles on possède trop peu de documents pour les faire entrer en ligne de compte. Cette disproportion devient encore plus évidente, quand on songe à la richesse de certains groupes, mise en présence de la pauvreté ou de l'absence des autres. Sur trente et une espèces, les Bétulacées en comptent deux, les Salicinées six, les Lauri- nées cinq; c'est déjà presque la moitié du nombre total, en négligeant les Hypoxylées qui sont étrangères à la question que nous examinons. Tous ces arbres, auxquels on peut joindre le Taxodium dubium, formaient une association qui fréquentait le bord immédiat des eaux, occupait le fond des vallées et y for- mait de vastes forêts, au sein desquelles les Laurinées, et spé- cialement les Camphora, avaient une prépondérance incon- testable. La beauté des espèces, la grandeur des feuilles, la multiplica- tion de certaines essences, comme les Aunes, les Peupliers et les Saules, que nous n'avons jamais rencontrées jusqu'ici avec autant de profusion, ni représentées par des formes aussi nombreuses, nous avertit bien qu'un changement a dû s’opé- rer; mais ce changement, loim d'être brusque, à été amené peu à peu; il n’est que la conséquence d'une marche dont nous avons suivi toutes les phases, et qui, d'abord insensible, n'a cessé de s’aécuser toujours davantage; depuis Armissan, toutes les Laurinées caractéristiques sont les mêmes espèces, elles n’ont éprouvé aucun changement, mais leur fréquence est allée en augmentant ; il faut en conclure que le climat n’a cessé de devenir de plus en plus humide et tempéré, qu'il à peut-être déjà perdu de sa chaleur première, mais qu'il a gagné en douceur, de manière à favoriser l'extension de toutes les essences, pour qui une grande égalité de sai- sons et une humidité presque constante constituent des condi- tions particulièrement favorables. C'est ainsi que l'on doit s'expliquer la prédommance à peu près exclusive des mêmes plantes dans tout le périmètre des anciennes eaux; mais de même qu'antérieurement, au milieu des végétaux à feuilles étroites, coriaces et épineuses d’Aix et de Saint-Zacharie, nous LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 9 apercevions des Bouleaux, des Charmes, des Ormes et des Peu- pliers, de même la présence exclusive en apparence de ces mêmes groupesne doit pas faire illusion jusqu’à permettre de supposer que la région marseillaise n’était à ce moment qu'une forêt continue de Bétulacées, de Salicnmées et de Laurinées. Quelques traces, trés-rares, il est vrai, obligent de soupçonner le contraire ; d’ail- leurs, ces essences ne sont pas celles que nous sommes habi- tués à considérer comme ayant formé la base des forêts pro- prement dites, dans les parties accidentées de cette époque. Jusqu'ici au moins, nous robservons dans les argiles de Marseille aucun indice de Quercus, d'Ulmus, de Sapindus, de Diospyros, de Persea, d’Acacia; à peine quelques vestiges de Juglandées, d’Ilexæ; les arbustes comme les Andromeda, Myrsine, Aralia, Rhamnus, Gelastrus, sont rares ou inconnus. Tels sont cepen- dant les groupes qui paraissent avoir fourni les éléments les plus fréquents de la végétation forestière d'alors; gardons-nous de croire qu'ils auraient été absents ou réduits aux faibles traces que l’on a de leur existence. Ces traces ne sont, pour aimsi dire, que le résultat d’un heureux hasard; elles nous avertissent que les végétaux de cette catégorie, probablement par suite de la configuration du sol, croissaient plus à l'écart et que leurs or- ganes n’ont pu que rarement s'associer, dans les limons argi- leux, à ceux des essences qui habitaient le fond des vallées et le voismage des eaux, et qui sans doute avaient envahi de grands espaces. En réalité, nous constatons la présence de deux catégories très-mégales de végétaux, mais parfaitement dis- tinctes ; l’une et l’autre se trouvent caractérisées d’une manière assez tranchée, pour que nous soyons tentés de les passer successivement en revue. Les Cinnamomum présentent les mêmes formes qu'à Ma- nosque; ce sont des espèces qui se retrouvent en Suisse, en Italie et en Aïlemagne, et qui couvraient alors la plus grande partie de l'Europe. Elles ne l’ont quitté que peu à peu et seule- ment dans le pliocène déjà avancé, au moins pour ce qui est du midi de l’Europe. Toutes se rattachent plutôt au type du Cam- phrier (Camphora officinarum Bauh.) qu'aux Cinnamomum 40 GASTON DE SAPORTA. proprement dits; et l’espèce actuelle du Japon pourrait bien être un dernier prolongement des formes tertiaires chez qui nous constatons de nombreuses variétés, parmi lesquelles celle à qui l’on à donné le nom de Cinnamomum polymorphum joue évidemment le principal rôle. Les camphriers de l’époque tertiaire représentent un type devenu exotique, mais quoique les genres qui leur sont associés dans les argiles de Marseille soient demeurés indigènes, il est facile de s'assurer que les espèces dont ils étaient alors composés n’ont que des rapports assez éloignés avec les Éauriers qui habitent maintenant le pays, tandis que nous observerons plus loin des analogie: spécifiques tout à fait directes en exannnant l'association cpposée. I en résulte que, pour rencontrer dans le passé miocène des exemples de végétaux dont les formes aient persisté presque sans altération dans les mêmes lieux, il faut s'adresser aux espèces qui croissaient dans l’inté - rieur. des terres, plutôt qu'à celles qui fréquentaient le bord immédiat des eaux; les conditions qui présidaient au déve- loppement de celles-ci avant apparemment varié à trop de reprises et avec trop d'intensité pour que ces espèces aient pu, ce nous semble, se maintenir sans modifications. En effet, les Aunes, les Peupliers et les Saules de la Provence mo- derne ne ressemblent qu'imparfaitement à ce qu'ils étaient alors. Pour trouver les analogues des espèces anciennes de ces mêmes groupes, il faut interroger l'Orient, l'Asie intéricure ou les Indes : V’Alnus subcordate Mey., les Populus euphratica Olv., ciliata Wall., laurifolia Ledeb. de ces contrées retracent fidèle- ment le tvpe de 4 .phocæensis, des Populus Floueshi et massi- liensis. I faut aller en Amérique, si l’on veut retrouver dans le Taxodium distichum et le Betula lenta une image vivante du Taxodium dubium et du Betula Brongniarti Etf. est vrai que le Myrica amygdalina Sap. et le Populus tremulæfolia Sap. se rattachent fort étroitement au Myrica Gale el au Populus tremula ; mais le premier, étranger à la Provence, est confiné dans les marais tourbeux de l'Europe occidentale, et le second LE SUD-EST DE LA FRANCE À L'ÉPOQUE TERTIAIRE. ÎA ne se retrouve guère qu'en dehors de la zone des Oliviers, dont il franchit pourtant quelquefois les limites, par exemple, à Manosque, où il habite le pied des collines, sur la berge de certains ravins à demi-boisés. Enfin, si l'on se renferme dans le bassin actuel de Marseille, on voit que le genre Alnus n'y existe plus à l’état spontané ; que le Populus nigra, dont on n'observe aucun vestige dans les dépôts quaternaires, même les plus récents, et que l'on peut croire par conséquent introduit depuis peu, est le seul Peuplier qui reproduise, quoique d'assez loin, le type de l’un des Peupliers tertiaires. Les deux Saules dont on à recueilli des empreintes dans les argiles de Marseille, les Salix varians Gœpp. et Lavatvri Heer, étaient alors répandus par toute PEurope: ils se rattachent à la section des Saules fragiles (/ragiles Koch) et rappellent les plus grandes espèces du genre. Les Saules actuels de Provence n'en do- nent guère l’idée, sauf pourtant le Saliæ fragilis L. qui se montre dans quelques stations, et le Salix alba L. dont les feuilles sont beaucoup plus petites. Les principaux Saules des environs de Marseille sont, en dehors de ce dernier, les Salix purpurea &., incana Schr. et cinerea L.; le premier se voit au bord des cours d’eau, le second dans les graviers et le long des torrents, le troisième, plus rarement, auprès des eaux. mais surtout dans les vallées montagneuses. Ces mêmes espèces se montrent en Provence dès l'époque quaternaire ; elles sont done anciennes dans le pays; les Saules à grandes feuilles lancéolées et acuminées de l’époque ter- tiaire avaient alors disparu, sans doute depuis fort long- temps. Si nos Peupliers te:tiaires s’écartent, en général, beaucoup des Peupliers indigènes actuels, on peut dire qu'ils se distin- guent aussi de ceux que M. Heer à signalés dans la mol- lasse suisse et qui reparaissent sur bién des points, en Allc- magne, et: Autriche et en Italie. Peut-être faut 11 simplement attribuer cette différence à ce que les dépôts les mieux explorés. à cet égard, de ces divers pays appartiennent au miocène supé- rieur, tandis que les nôtres paraissent un peu plus anciens. 49 GASTON DE SAPORTA. Cependant, il n’y aurait rien d'étonnant à ce que les Peupliers de Provence eussent alors servi à caractériser une région bota- nique particulière. Quant à. l’Alnus sporadum Ung., il paraît constituer une forme spéciale à la région méditerranéenne, qui depuis y serait resté confiné. En effet, il se montre à la fois à Manosque, à Marseille, où nous en décrivons une variété sous le nom de phocæensis, et à Coumi en Grèce, tandis que les Aunes tertiaires signalés en Suisse, en Autriche et en Allemagne s’écartent plus ou moins de ce même type. Il existe pourtant entre l’Alnus nostratum Ung. et le nôtre des rapports encore assez mal définis; l'A. Keffersteinii Ung., si répandu dans le tertiaire supérieur de l'Europe centrale, repro- duit, à ce qu'il paraît, le type de l'A. cordata Lin. Ainsi, certains indices nous mettent sur la trace d’une distribution géogra- phique des anciennes formes qui, malgré la nouveauté et l’in- suffisance des recherches, paraissent avoir été à cette époque attachées à certaines régions, tandis que d’autres espèces, plus cosmopolites, se montraient partout à la fois. Le Taxo- dium dubium, le Betula Brongniartii, les Salix varians et Lavateri, les Cinnamomum lanceolatum et polymorphum doivent être rangés dans cette dermière catégorie. Le T'axodium dubium se rencontrait Jusqu'au Spitzberg, où M. Heer l’a signalé; au sud, il pénétrait jusqu'en Grèce, ainsi que le Glyptostrobus europæus, dont l'extension vers le nord était à peu près sem blable; en sorte que ces essences et plusieurs autres, trouvant même auprès du pôle des conditions suffisantes de prospérité, occupaient sans interruption une étendue d'au moins 40 degrés en latitude. Il serait difficile de citer maintenant des exemples d’une pareille extension, si l’on songe qu’elle n'était pas favori- sée par la présence de montagnes; cependant, de nos jours encore, certaines espèces arborescentes s’avancent très-loin dans le nord comme dans le midi: les A/nus incana, glutinosa, ainsi que le Populus tremula sont de ce nombre, puisque vivant en plaine ou à une faible altitude dans l’Europe méridio- nale et même en Algérie, ces arbres pénètrent jusque dans la LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 13 Laponie suédoise, sans perdre leurs caractères, mais en dimi- nuant de stature. La nature n’a donc pas changé ; sa marche est restée la même ; mais la diminution de chaleur et les révolutions climatériques, peut-être même celles relatives à la distribution des saisons et à la nature du jour sidéral, ont enlevé à la végétation arbores- cente au moins 40 degrés, à partir du cercle polaire (4). C'est là un des phénomènes les plus singuliers que l’on puisse signaler dans l’histoire de notre planète; mais, sans chercher encore à l'expliquer, on doit en reconnaître l'importance et proclamer la portée des travaux de M. Heer qui l’ont révélé au monde savant. Les liens entre le passé et le présent sont plus étroits, quand on observe la seconde catégorie de plantes provenant des argiles (4) Il est en effet permis de se demander si cette extension de plusieurs espèces ter- tiaires européennes jusqu’au 80° degré de latitude et probablement jusque dans le voisinage du pôle même, extension qui a dù coincider avec une certaine uniformité dans les conditions climatériques de la zone boréale tout entière, n’est pas incompa- tible avec la présence des jours et des nuits de un ou plusieurs mois, qui réduisent l’année, dans la zone glaciale actuelle, à n'être pour ainsi dire qu’un jour et une nuit se succédant l’un à l’autre et séparés par des crépuscules plus ou moins prolongés. En admettant, pour l’âge auquel nous nous reportons, une surélévation de température suffisante pour expliquer l'existence des espèces dont il est question à d’aussi hautes latitudes, le problème qui résulte du fait de cette existence ne se trouve pas pour cela résolu, L’élévation supposée n’aurait, en tous cas, d’autre valeur que celle d’une moyenne annuelle, si rien n’était changé à l’ordre actuel des saisons, tel que nous le connaissons. Ainsi, il faudrait croire que la même espèce a pu autrefois végéter sans peine et avec un égal succès dans des conditions entièrement opposées et s’accommo- der à la fois des longues nuits du pôle, livré à une obscurité de plusieurs mois, et des hivers à peine sensibles et constamment éclairés que possédait l’Europe d'alors. Bien plus, comme la plupart des espèces contemporaines paraissent avoir été appropriées à un climat remarquable par sa douceur et sa régularité, il faudrait admettre encore qu’au delà du cercle polaire ces mêmes essences s’accommodaient d’un climat extrême, con- séquence, pour ainsi dire forcée, d’une nuit de plusieurs mois, suivie d’un jour estival de pareille durée. Dès lors, il n’y aurait rien que de naturel à supposer que la position elle-même de l'axe terrestre a pu n'être pas toujours invariable, et qu’en s’enfonçant au sein de périodes trop éloignées de la nôtre pour être nécessairement soumises aux mêmes lois astronomiques, une moindre inclinaison de l’axe sur le plan de l’orbite est peut-être la vraie cause déterminante des phénomènes qui nous sont révélés par l’état de la végéta- tion polaire vers le miocène inférieur. Âh GASTON DE SAPORTA. de Marseille, celle qui semble mieux représenter que la premiére la végétation du sol ordinaire, quoique, par suite de l’insuffi- sance des découvertes, la liste en soit réduite à sept où huit espèces. Ce nombre si restremt fait encore mieux ressortir l'importance et la réalité de ces liens. En effet, quatre de ces espèces, au ions, sont encore représentées de nos jours dans la Flore provençale par des formes analogues, tout à fait caractéristiques, lAcer angustilobum par l' Acer monspessula- num, le Paliurus orbiculatus par le Paliurus australis, le Pista- cia miocenica par le Pistacia terebinthus, le Mespilus palæopyra- cantha par le Mespilus pyracanth«. Toutes ces espèces sont demenrées propres à la région médi- terranéenne et à la Provence en particulier. Le Mespilus pyra- cantha est devenu rare, 1l est vrai, à l’état spontané, dans la France méridionale, mais il est curieux de retrouver ses em- preintes en grande abondance dans les tufs de l’âge quaternaire, aussi bien que celles du Pistacia terebinthus et del Acer monspes- sulanum. A est done vrai que, malgré l'insuffisance des docu- ments, on peut voir, à mesure que le temps s'avance, se dessiner les premiers linéaments de l’ordre actuel. Ce sont les anneaux encore épars d’une chaîne sans doute continué qui lie le présent au passé et démontre que les types végétaux que nous avons sous les yeux plongent par leurs racines dans les temps antérieurs. Ces points de vue se multiplieraient sans doute, si nous connaissions de la Flore miocène de Provence autre chose que des fragments épars et incomplets ; nous ver- rions peu à peu apparaitre des espèces suceessivement plus voi- sines des nôtres, jusqu'au moment où celles-ci se montreraient enfin, représentées d’abord par des formes qui garderaient quel- que chose d'ambigu et d'intermédiaire. C’est ainsi que dans les argiles même de Marseille le Pistacia miocenica et le Mespilus palæopyracantha présentent, lorsqu'on les compare à leurs analogues modernes, une ressemblance assez étroite pour atti- rer l'attention, mais pas assez complète pour effacer entre eux toute ligne de démarcation. Malheureusement, au moment où cette voie semble s'ouvrir devant nous, la série des Flores tertiaires LE SUD—EST DE LA FRANCE À L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 15 du midi de la France s'arrête {out à coup, en enlevant la possi- bilité des observations de ce genre. Plus tard, espérons-le, cette lacune regrettable finira par se combler ; 1} est probable que les terrains récents d'Italie et d'Auvergne renferment bien des richesses inédites, raais les recherches encore nouvelles à leur égard auraient besoin pour devenir fructueuses d’être poursui- vies dans le sens que nous indiquons, el d’ailleurs, ces sortes d’études, ne loublions pas, sont encore à leur premier début. Avant de terminer ce rapide aperçu, je hasarderai une obser- vation qui n’est pas dépourvue d'importance : en descendant la série de nos Flores, nous sommes parvenus à un horizon équiva- lent à peu près à celui de la mollasse marine de Suisse (Étage helvétien de Karl Mayer), c'est-à-dire à un âge qui ne peut être éloigné de celui d'OEningen. L’abondance même de cer- taines essences qui caractérisent cette période, particulièrement des Cinnamomum associés aux Peupliers et aux saules, nous avertit de ce voisinage, et cependant, ni dans les argiles de Marseille, ni dans aucune des Flores précédentes, nous n'avons rencontré deux espèces abondamment répandues vers le miocène moyen et supérieur dans l’Europe centrale et même en Italie ; nous voulons parler du Platanus aceroides et du Liquidambar europæum. On serait presque tenté d'en conclure que ces deux espèces n’habitaient pas alors la Provence, où elles ont pu s'introduire plus tard, mais où elles n’ont peut-être aussi jamais pénétré. L'absence du Liquidambar europæum est singulière parce que sa station à côté des eaux à assuré presque partout ja conservation de ses empreintes. On l'observe en Suisse, en Auvergne et dans toute l'Allemagne dès le miocène inférieur ; il est vrai qu'il ne se montre en [talie qu'à partir du miocène supérieur, mais 11 y persiste jusque dans le pliocène et se retrouve même dans les travertins toscans de l’âge quaternaire. Le Platane s’est répandu plus tard en Europe que le Liqui- dambar. Cependant 1l se montre en Allemagne (Bilin) et en Ita- lie (Monte-Bamboli) dès le miocène moyen, quoique sa pré- sence dans ces deux localités, attestée par plusieurs savants, puisse \ donner lieu à quelque contestation; ce qui est certain, c’est 16 GASTON DE SAPORTA. qu'à Schrotzburg, en Suisse, et à Schossnitz, en Silésie, le Platane tertiaire abonde, qu'il se montre à OEningen, qu'il est fréquent dans le pliocène d'Italie et qu'il existait encore dans la première moitié de l’âge quaternaire. Il n’est pas moins certain que ce même Platane (Platanus aceroides Al. Br.) était très- répandu dans toute la zone polaire arctique à une époque bien antérieure, que l’on dut reculer jusqu'au miocène inférieur. A ce moment il était encore absent ou très-rare dans le centre de l’Europe, mais 1l couvrait le Groënland, l'Islande, les bords du fleuve Mackenzie, et s’étendait jusque dans le Spitzherg par par le 78° degré. Il faut conclure de l'ensemble de ces observa- tions que certaines espèces tertiaires ont suivi une marche régu- lière, au moyen de laquelle elles se sont graduellement étendues du nord vers le midi, et qu'ayant apparu d’abord dans les régions polaires, comme le Platane, ou dans le nord de l'Eu- rope, comme le Liquidambar, elles ne sont parvenues que plus tard dans les parties méridionales de notre continent où, par compensation, elles se sont perpétuées plus longtemps. Les phé- nomènes relatifs à la diffusion et à la distribution géographique des anciennes espèces, encore si obscurs, tiendront plus de place dans les travaux de paléontologie végétale, à mesure que ces sortes d’études s’enrichiront de nouveaux documents et seront poursuivies sur un plus grand nombre de points. L'œuvre que nous avons entreprise et qui touche à son terme n'est qu'une pierre ajoutée aux matériaux qui serviront plus tard à élever ce grand monument. CRYPTOGAMÆ. FUNGT. DEPAZEA ACERICOLA. (PI. I, fig. 5.) D. maculis pallidis, rotundatis, hmbo nigrescente circumda- tis, sparsim punctulatis. Sur les feuilles de l’Acer angustilobum Heer. LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 17 L'espèce paraît voisine du Depazea picta que M. Heer à observé fréquemment sur les feuilles de l’Acer trilobatum. Elle se distingue pourtant à plusieurs égards de ce dernier. Elle forme à la surface d’une feuille de l'A. angustilobum des taches arrondies, un peu irrégulièrement limitées sur les bords, plus pâles que la zone qui les entoure, dont la coloration noirâtre est très-intense. La partie médiane, ainsi cernée d’une sorte - d'anneau, paraît avoir été légèrement déprimée ; on y distingue des traces de ponctuations, assez peu nombreuses, qui paraissent correspondre à autant d'ouvertures; mais ces détails sont à peine visibles. Les figures 5 a, b et c, fortement grossies, en reproduisent fidèlement l'aspect. ) DEPAZEA CINNAMOMEA. (PI. I, fig. 6, et pl. V, fig. 3.) D. maculis orbiculatis, centro depressiusculis, linea marginali cinctis, receptaculis hypophyllis, dense confertis, punctiformi- bus, concavis. Sous les feuilles des Cinnamomum Bucha (pl. I, fig. 6) et polymorphum (pl. V, fig. 3). Cette Hypoxylée devait être fréquente dans la Flore des argiles de Marseille. Elle se montre sous la forme de taches arrondies, de grandeur inégale, mesurant environ 2 millimètres en dia- mètre et dispersées à la face inférieure des feuilles de Cinnamo- mum, principalement du C. Buchii Ung. Ces taches, déprimées vers le centre, sont entourées d’un rebord légèrement saillant, assez régulier, mais peu nettement délimité. Le milieu est occupé par un groupe de huit à dix ponctuations arrondies, saillantes sur l'empreinte, mais qui devaient au contraire consti- tuer une série de cavités arrondies. Les figures 6 a et 66 de la planche 1 permettent de saisir les détails visibles à la loupe ; la figure 6 0 les montre sous un plus fort grossissement. 11 n'existe aucune espèce analogue parmi celles que M. Heer a figurées dans la Flore tertiaire de Suisse. 5€ série. Por. T, IX. (Cahier n° 4.) 2 2 18 GASTON DE SAPORTA, SCLEROTIUM ANGULATUM. (PI. I, fig. 7.) S. peritheciis hypophyllis, subtrapeziformibus, minuüs, duris, prominulis, sparsis, sæpe seriatis confluentibusque. À la face inférieure des feuilles du Cinnamomum polymor- phum. Les périthèques apparaissent comme des ponctuations sail- lantes, dispersées sans ordre à la face inférieure d’une feuille de Cinnamomum reproduite par la figure 7 de la planche T. Examinés à la loupe, ces organes se montrent groupés le long des plus petites nervures dont ils occupent les dernières mailles du réseau veineux où 1ls affectent la forme trapézoïde, comme on peut le voir par la figure 7 a grossie. M. Heer a figuré dans le supplément de sa Flore un assez grand nombre d’espèces, analogues à celle-ci par l'aspect, entre autres les Sclerotium minutulum (À) et acericola (2), surtout ces derniers; mais aucun n'est indiqué sur les feuilles de Cinnamomum. GYMNOSPERME Æ. TAXODINEÆ. TaxoDium DüBIUM eer, F1. tert. Helo., 1, p. 49, tab. 17, fig. 5; F1. foss. arctica, p. 89 et 156, tab. 2, fig. 24-27, tab. 12, fig. 1 €, tab. 30, fig. 3-4 et tab. 45, fig. 11-12 ; Ettingsh., Foss. FT. von Bilin, I, p. 34, tab. 10, fig. 13, tab. 12, fig. 1-3, 7, 9, 11-16; Vide supra : Et. sur vég. tert., H, p. 190; Ann. sc. nat., 5° série, t. IV, p. 47. (PL I, fig:2:) T'axodites dubius Sternb., Gæpp., T'ert. FI. von Schossnitz, p. 6, tab. 2, fig. 4-16. Assez rare. L'existence de cette espèce est constatée par la découverte de plusieurs ramules. Le T'axodium dubium, à peine distinct du (1) Heer, F4, tert. Helv., WI, p. 149, tab. 449, fig. 49. (2) Ibid. fig. 48. LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 19 T'. distichum, est une des formes les plus répandues de l'Europe tertiaire dans l'âge moyen et jusque dans le pliocène avancé. On l’observe sur presque tous les points de la Mollasse suisse, à Bilin en Bohême, à Schossnitz en Silésie, dans le Val d’Arno, en Italie, et jusqu'au Spitzherg. Je ne mentionne 1e1 que les prin- cipales localités. Dans le midi de la France, nous l'avons précé- demment signalé à Armissan et à Peyriac, dans le bassin de Narbonne, et nous le retrouvons dans celui de Marseille, Cette espèce n'a dû quitter l'Europe que fort tard, probablement lorsque les grands lacs dont il fréquentait les plages se sont des- séchés et que le climat est devenu à la fois plus rigoureux et moins humide. ABIETINEÆ. PINUS MATHERONI. (PI. [, fig. 4.) P. foliis binis, tenuisculis, prælongis, erectis, vaginatis; ramis sulcatis, foliorum insertionibus asperis; pulvinulis rnom- boideis, basi carinata breviter decurrentibus ; gemmis solitarns, terminalibus, oblongo-conicis, apice acutis. Pinus hepios Sap., Ex. anal., p. 31. Assez répandu. Un rameau entier, dont une partie est reproduite sur la planche [, permet de saisir les caractères de cette remarquable espèce ; les cônes en sont cependant inconnus. L'aspect du rameau, la longueur des feuilles, à la fois fines et dressées, qui le garnissent, la forme et surtout la dimension du bourgeon solitaire qui le termine, sembleraient dénoter un Pin de la section Tæda, voisin du P. canariensis Web. et longifolia Roxb.; mais un examen attentif permet de constater que les feuilles étaient géminées, au moins dans l'immense majorité des cas; mais l'absence des cônes empêche de préciser davantage l'affinité de cette espèce avec celle du monde actuel. Les feuilles sont longues de 15 à 48 centimètres, tenues, dressées, terminées au sommet par une pointe très-aiguë. Leur forme est convexe 20 GASTON DE SAPORTA. sur la face extérieure, plane ou un peu carénée intérieurement. Elles paraissent très-finement serrulées sur les bords ou un peu scabres, le long des principales nervures. La gaïîne constitue un fourreau marqué de plusieurs stries transversales vers le sommet. Le rameau se compose de plusieurs parties distinctes; la par- tie inférieure, dépouillée de feuilles, donne naissance à un ramule axillaire, un peu penché, puis redressé en arc et garni de feuilles vers le sommet. Au-dessus du point où se détache ce ramule, le rameau principal continue et montre d'abord une pousse ou Jet, ayant plus d'un an, long de 8 centimètres environ et dont le diamètre n'excède pas 5 millimètres. Cette partie, dénudée inférieurement, est rendue inégale par les coussinets persistants des anciennes feuilles dont quelques-unes seulement occupent encore leur place naturelle. Au-dessus de ce jet, après un point d'arrêt que des sillons transverses, très-rappro- chés, permettent de reconnaître, s'élève une nouvelle pousse, déjà raffermie, et dont le développement se trouve entièrement achevé. La base de cette pousse est nue, et sur cette partie on aperçoit bien distinctement l'empreinte des coussinets garnis de bractées, saillants, rapprochés, décurrents à la base et rangés dans leur ordre naturel. Les feuilles se montrent un peu plus haut, pourvues de vaginules entières à leur base et accompa- gnées de bractées scarieuses, recourbées en crochet. Leur réu- ion forme une aigrette à aiguilles faiblement divergentes qui entoure un bourgeon terminal, solitaire, comme la plupart de ceux du P. longifolia, ovale-allongé, conique et acuminé au sommet. Les écailles qui garnissent cet organe sont apprimées, étroitement lancéolées, acuminées et de consistance scarieuse. MONOCOTYLEDONEÆ. Les fragments qui se rapportent à cette grande classe sont en trop mauvais état pour pouvoir donner lieu à une description détaillée. Nous nous contenterons de citer comme probables les attributions suivantes : Phragmiles provincialis Sap., Cyperites LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 21 Rhizocaulon recentius Sap., Typha latissima Al. Br., Sparga- nium stygium Ung. DICOTYLEDONEZÆ. MYRICEÆ. MYRICA AMYGDALINA. (PI. I, fig. 8-10.) M. foliis breviter petiolatis, submembranaceis, oblongo-lan- ceolatis, obtusis, parce denticulatis vel integriusculis; nervis secundaris plurimis oblique reticulato-ramosis. Assez répandu. Nous rapportons au genre Myrica et à une forme très-voisine du Myrica Gale les feuilles reproduites par les figures 8, 9 et 10 de la planche 1, et qui parsèment dans le plus grand désordre la surface de certaines plaques. Ces feuilles sont tantôt entières et un peu ondulées (fig. 9 et 10), tantôt plus grandes et distincte- ment denticulées (fig. 8). Toutes paraissent se rapporter à la même espèce dont 1l convient de faire ressortir l'analogie avec le Myricophyllum bituminosum Sap., de la Flore de Saint- Zacharie (1), que je regarde maintenant comme appartenant, ainsi que ses congénères, au groupe des Myricées et non pas à celui des Protéacées. Le M. amygdalina paraît aussi construit sur le même type que le Myrica bilinica Ettingsh. (2), mais la forme du contour extérieur de ces feuilles est plus allongé et moins atténué inférieurement que dans l'espèce de Bilin. BETULACEÆ. ALNUS SPORADUM Ung., var. PHOCÆENSIS. (PI. IL, fig. 1-5.) À. foluis sæpius longe petiolatis, ellipticis vel elleptico-obova- is, tenuiter parceque denticulatis aut integriusculis; nervis secundariis utrinque 10-12, alternis v. oppositis, plus minusve (A) Voy. Ét. sur la vég. tert., 1, p. 221 ; Ann. des sc. nat., 4® série, t. XIX, p.67, pl. 8, fig. 4. (2) Ettingshausen, Foss. FI, von Bilin, 1, p. 43, tab. 14, fig. 3, 99 GASTON DE SAPORTA, obliquis, parallelis, secus marginem eurvato-ramosis anastomo- satisque, tertiariis transversim decurrentibus, simplicibus fur- catisque, in rete venosum abeuntibus. Alnus nostratum Sap., Ex. anal., p. 50. Assez répandu. fl existe à l’état fossile plusieurs formes d’Alnus évidemment alliées, et qui se rattachent également au groupe représenté dans la nature actuelle par les Alnus cordata Lois., orientalis Dene, subcordata Mey., japonica Sieb. et Zucc. et leurs nomn- breuses variétés. Ces formes sont difficiles à distinguer les unes des autres, non-seulement à cause de la polymorphie inhérente au genre lui-même et dont les Aunes vivants offrent tant d'exemples, mais aussi par suite de l'absence où de la rareté des strobiles et des graines, circonstance qui augmente la difficulté de cette sorte d'étude, en restreignant le nombre des caractères différentiels. Il est visible que le bel Alnus des argiles de Marseille, dont nous reproduisons ici les principales feuilles, constitue une forme tellement voisine de l'A. sporadum que nous avons signalé à Manosque, que nous ne saurions songer à l'en séparer. Cepen- dant, en plaçant eôle à côte la série des empreintes provenant des deux localités provençales, nous avons cru remarquer quel- ques différences assez marquées et assez fixes pour motiver l'établissement d’une variété que nous désignons sous le nom de phocæensis. Les feuilles provenant de Marseille, comme celles de Manosque, préseutent de grandes diversités, lorsqu'on passe d'un exemplaire à l’autre, mais en général leur forme est elliptique ou elliptique-obovée, plus régulièrement arrondie vers les deux extrémités ; les nervures secondaires sont aussi plus nombreuses; elles comptent presque toujours onze à douze paires, jamais moins de dix, quelquefois treize à quatorze, tandis que, sur les empreintes découvertes à Manosque ces mêmes nervures sont plus espacées et réduites à neuf ou dix paires au plus, même pour les plus grandes empreintes. La somme des divergences que nous signalons est trop faible LE SUD-EST DE LA FRANCE À L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 23 pour motiver une distinction spécifique que l'observation des strobiles pourrait seule justifier ; elle suffit cependant pour donner aux empreintes en question une physionomie dis- tincte que nous avons voulu exprimer en leur appliquant une dénomivation particulière ; à cet égard, elles doivent fixer notre attention. La figure 1 représente une feuille de grande dimension, lon- guement pétiolée, largement elliptique-obovale et très-faible- ment denticulée sur les bords, autant qu'il est permis d’en juger. Celte feuille, dont la dimension excède 1 décimètre, rap- pelle singulièrement celles de lAlnus nepalensis Don, et l’on serait tenté de la considérer comme constituant une espèce dis- tincte, si elle ne se liait aux suivantes par une série de formes intermédiaires. Il est donc probable que notre A. phocæensis était parfois remarquable par l'ampleur de son feuillage. La figure 5, qui se rapporte sans doule à une feuille provenant de la partie inférieure d'un rameau, où ces organes acquiérent toujours une moindre proportion, est encore fort grande; elle se distingue par un contour plus régulièrement elliptique, et par des nervures secondaires moins nombreuses; les dente- lures marginales sont plus neltes, au moins vers la base du limbe, car le sommet parait avoir été à peu près entier, comme dans la première empreinte. Les figures 2, 3, A reproduisent les formes les plus ordi- paires ; elles sont caractérisées par leur contour régulièrement elliptique, leur bord entier ou à peine denticulé, leurs nervures secondaires, au nombre de 10 à 11 paires, subopposées, paral- lèles et repliées le long de la marge. Cette forme, qu'elle ait constitué autrefois une espèce dis- tincte ou seulement une variété de l'A. sporadum de Manosque et de Coumi, comme nous inclinons à le croire, parait intermé- dire entre les Alnus orientalis Dcne, subcordala Mever et nepa- lensis Don, ou plutôt elle emprunte quelques traits à chacun d'eux. Elle a, du premier, l'aspect général, la longueur du pétiole, mais elle ressemble plus particulièrement au second, espece rare de la région du Caucase, souvent confondue avec 2! GASTON DE SAPORTA. V4. cordata Lois., dont elle se sépare par la forme ellipsoïde de ses feuilles et ses cônes oblongs-cylindriques. Certaines feuilles de PA. subcordata se confondent presque avec celles que reproduisent nos figures 2 et 3; seulement, l'arbre du Caucase ne présente guère que 7 à 9 paires de nervures secondaires au lieu de 40 à 12. Les dentelures marginales sont plus prononcées, quoique simples, tandis qu’elles sont à peine visibles et souvent nulles dans l'espèce fossile ; c’est par ce der- nier caractere, aussi bien que par l’ordre et la direction des principales nervures, que notre Alnus fossile se rapproche de l'A. nepalensis, chez qui on observe les mêmes particularités. On serait même tenté, en considérant la grande empreinte, figure 1, de la décrire à part, comme reproduisant la plupart des traits caractéristiques de l'espèce indienne ; cependant, après beaucoup d'hésitations, 11 nous à paru plus naturel de réunir toutes les empreintes de Marseille en une seule espèce et de ne pas la séparer de celle de Manosque que nous avons précé- demment réunie à l'Alnus sporadum, signalé à Coumi dans l'île d'Eubée par M. Unger. Tant que les organes de la fructification n'auront pas été observés, il sera impossible ‘de trancher définitivement une question qui demeure entourée d'une certaine obscurité. Mais il faut remarquer que, même parmi les Aunes actuels, les limites respectives des espèces sont parfois très-difficiles à établir. BeruLa BRoNGNtaRTI Ettingsh , Fos, FT. von Wien, p.12, tab. 1, fig. 18 ; Foss. FT. von Bilin, \, p. 46, tab. 14, fig. 9-13 ; Heer, F1. tert. Hel., IT, p. 39, tab. 72, fig. La; Ch. Gaudin, Confrib. à la FT. foss. ital., 2° mém., Val d’Arno, p. 39, pl. 3, fig. 1-2. (PL. L, fig. 3 et 4.) B. foliis tenuiter membranaceis, breviter petiolatis, e basi ovato-ellipticis, breviter acuminatis, Inæqualiter serratis, obtu- siusculis, nervis secundariis plerumque oppositis, obliquis , parallelis, apice breviter ramosis; tertiariis tenuibus trans- Versis. Rare. * Jlse peut que nous ayons sous les yeux une simple forme du LE SUD—EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 25 Betula dryadum, si répandu dans la végétation d’Armissan ; cependant, les deux feuilles reproduites par les figures 3 et 4 de la planche 1 concordent très-bien avec les empremtes décrites par MM. Heer et d'Ettingshausen sousle nom de B. Brongniar- ti, et surtout avec les échantillons de Bilin récemment publiés par le second de ces deux auteurs. Elles affectent une forme un peu différente de celle qui caractérise l'espèce d’Armissan, plus régulièrement elliptique, et se terminent en une pointe moins prolongée, tandis que par ces mêmes côtés elles ressemblent aux figures publiées en Allemagne. Le Betula Brongniartii est une espèce commune dans le miocène, qui s'étend jusque dans le pliocène du Val d’Ano, en Italie. Comme le Betula dryadum, et plus que lui, il se rattache au Betula lenta L. d'Amérique. Il est bien difficile de tracer des limites exactes entre des formes si voisines; plus tard on sera peut-être amené à les réunir en un seul groupe correspondant aux termes successifs d’un type dont l’existence s’est longtemps prolongée en Europe, et qui se main- tient encore en Amérique. Ç SALICINEÆ., La Flore des argiles de Marseille, malgré sa pauvreté relative, est riche en Peupliers; sur un total de 30 espèces environ, : elle compte quatre Peupliers, tous de forme variées et se ratta- chant à des sections différentes. Aucune localité européenne ne peut fournir de nos jours l'exemple d’une pareille richesse, et bien peu de contrées étrangères sont aussi favorisées sous ce rapport que l'était l’ancienne contrée marseillaise, si l'on songe à la faible étendue du rayon qui borne nos observa- tions. C'est pour la première fois que nous rencontrons une pareille affluence dans le midi de la France; elle se montre également dans les autres Flores de l’Europe contemporaine et jusque dans celle des régions circumpolaires ; les Peupliers étaient partout alors répandus et variés. Il semble donc que certaines conditions extérieures, probablement l'humidité du climat et l'abondance des eaux, aïent multiplié les circon- 926 GASTON DE SAPORTA,. stances que préfère ce genre et favorisé son essor plus que dans aucun autre temps. Sur les quatre Peupliers que nous allons décrire, un appartient à la section des Trembles (Tremulæ); c’est le plus rare, et cette rareté est partout ia même, sans doute parce que les espèces susceptibles d'y être rattachées fréquentent plutôt les hauteurs et les bois monta- gneux que le bord des eaux courantes. Des trois autres, l'un se rapporte à la section des Peupliers noirs (nigræ, marginalæ), encore représentée en Europe, comme la précédente ; les deux derniers se rattachent à des types maintenant exotiques, et peut- être faut-1l reconnaître dans l’un d'eux une forme dont aucune des espèces actuelles ne nous retrace nettement l'aspect. PopuLus TReMULÆFOLIA. (PI. HE, fig. 4.) P. foliis suborbiculatis, grosse sinuato-deniatis, palmati- nerviis; nervis lateralibus inferioribusque erectis, provectis, extus reticulato-ramosis; secundariis post intervallum emissis, paucioribus, flexuosis, ramosis; venulis transversim decurren- tbus. Très-rare. Il existe à l'état fossile très-peu de Peupliers de la section des Trembles; le plus répandu dans le miocène est le Populus Helia- dum Ung. qui a été signalé en Autriche (Radoboj), en Italie et en Suisse (OEningen) ; mais il est rarc partout. L'empreinte de feuille, reproduite par notre figure #, planche HF, quoique mutilée latéralement, offre des caractères de forme et de nerva- tion assez décisifs pour être réunie sans incertitude à la même section. Elle diffère des feuilles du P. Heliadum par son contour orbiculaire, tandis que celles-ei sont presque carrées. Les den- telures marginales sont dessinées par des smuosités obtuses et faiblement prononcées; les nervures latérales inférieures sont obliquement ascendantes; elles s'étendent à travers le limbe jus- qu'aux deux tiers de la feuille, et donnent naissance, vers l’extré- mité, à des ramilications qui se divisent, se replient et s’anasto- mosent le long des bords, aussi bien que les branches principales ; les autres nervures sont peu nombreuses ; les tertiaires sont fines, LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 4 flexueuses et transversales; le tissu foliacé a dû être souple et mince; le pétiole n’a laissé aucune trace de son existence. Cette forme est évidemment très-voisine du Populus tremula et sur- tout des variétés à feuilles arrondies et obtuses de cette espèce européenne; cependant, les nervures latérales primaires de l'espèce fossile sont un peu plus ascendantes et plus rapprochées de la médiane que dans le type ordinaire; elles laissent, par conséquent, un plus grand espace entre elles et le bord; et les dents qui découpent celui-ci sont plus multipliées, moins sail- lantes et plus égales; ces différences s’affaiblissent pourtant si l’on s'attache aux feuilles les plus semblables entre elles du Populus tremula, et principalement à celles des Populus cilicica Kotsch. et rotundifolia Griff., le premier de l'Asie Mineure, le second de l'Himalaya, qui ne sont évidemmentque des formes de notre Populus tremula. PopuLus ovaTa Sap., Ex. anal., p. 51. (PL HI, fig. 2-3.) P. folis ovatis vel ovato-deltoideis, basi rotundatis, apice breviter acuminatis, cartilagineo-denticulatis, subpenninervis ; nervis primariis supra-basilaribus, vix cæteris productioribus, breviterextrorsum ramosis ; secundartis suboppositis, flexuosis, obtusis, reticulatis, venulis tenuissimis transversim decurrenti- bus. Assez rare. Les feuilles de cette espèce ont des affinités incontestables avec celles des divers Peupliers de la section marginatæ, prinei- palement avec les Populus canadensis, nigra, virginiana, mais” elles S'en distinguent par une forme ovale, arrondie inférieu- rement plutôt que deltoïde, et surtout par le faible développe- ment des nervures basilaires, moins étendues que les suivantes, quoique ramifiées le long de leur contour. Les nombreuses nervures secondaires naissent à angle assez ouvert en suivant les inférieures. Les dentelures des bords sont calleuses, fines, égales et assez rapprochées. Le P. ovata oceupe la place du Populus nigra dans la végétation des argiles du bassin de Mar- 928 GASTON DE SAPORTA,. seille. Elle est voisine du Populus melanaria Heer, mais les feuilles de ce dernier, qui se trouve dans la Mollasse suisse, sont nettement deltoides. Porucus FLouesru Sap., £x. anal. p. 51. (PI. IE, fig. 5-6.) P. foliis plerumque amplis, late orbiculatis, subeordato-deltoi- deis, grosse sinuato-crenulatis, palmatinerviis; nervis primariis basilaribus, longe provectis, curvatis, extus ramosis; secundariis paucioribus, suboppositis, curvato-ascendentibus, secus mar- ginem reticulato-ramosis ; tertiarus gracilibus, flexuosis, fur- cato-geniculatis, transversim decurrentibus. Assez rare, La feuille de ce beau Peuplier, fig. 5, est grande et large ; la forme de son contour est orbiculaire, subdeltoïde, légèrement cordiforme à la base, probablement obtuse ou faiblement pro- longée en pointe au sommet, dont la terminaison se trouve enlevée par une mutilation de la pierre. Lanervation se compose d'une médiane épaisse et saillante, diminuant de grosseur de la base au sommet et accompagnée de deux nervures latérales basilaires, beaucoup plus développées que les suivantes. Celles- ci apparaissent après un assez grand intervalle; elles sont réduites à trois paires seulement, opposées, distantes et recour- bées-ascendantes. Les nervures principales s'étendent en se recourbant jusqu'au delà des deux tiers du limbe; elles se rapprochent du bord, se replient et se réunissent aux suivantes ; elles émettent vers l'extérieur de longs rameaux qui donnent lieu, en se subdivisant, à de semblables anastomoses. On dis- tingue au-dessous de ces deux nervures principales une deuxième paire, qui naît presque à angle droit, ramifiée aussi extérieure- ment, beaucoup plus faible que les premières, mais sensiblement plus développée que dans les espèces auxquelles notre Populus Flouestii est comparable. La marge, qui n’est pas visible par- tout, est distinctement denticulée-sinuée à crénelures égales et obtuses. Les nervures de troisième ordre, conformes par leur aspect et leur direction à celles du genre, comprennent des veines LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 29 transversales, simples ou bifurquées et toujours un peu sinueuses. Les derniers détails du réseau veineux ne sont pas visibles. Il n’est pas difficile de saisir les points de contact de cette espèce remarquable avec le Populus ciliata Wall. dont elle se rapproche par la plupart de ses caractères appréciables, et sur- tout par la forme générale, la disposition des nervures de divers ordres et la dentelure. Les différences se réduisent à peu de chose; le contour de l'empreinte fossile est plus étendu transver- salement et plus arrondi vers le haut; enfin, les nervures secon- daires sont plus espacées et réduites à un plus petit nombre. Le Populus ciliata habite maintenant dans les Indes la région de l'Himalaya et la vallée de Cachemire. La ressemblance avec le Populus heterophylla Besf., semble déjà plus éloignée. Parmi les fossiles, on doit citer comme plus particulièrement analogue le Populus primigenia Sap. de Sézanne, dont les feuilles sont cependant plus atténuées au sommet. Cette espèce porte le nom d’un de mes amis les plus chers, M. Édouard Flouest, membre de la Société géologique et ma- gistrat distingué, qui a bien voulu s'associer à mes recherches. Je ne puis m'empêcher de remarquer ici qu’il existe dans l'Asie intérieure, au nord de l'Himalaya, une série de formes qui offrent le passage insensible du Populus ciliata Wall. aux P. laurifolia Ledeb, et suaveolens Fisch., espèces qui représen- tent en Asie le type des Baumiers de l'Amérique du Nord. Un Peuplier du Thibet, recueilli par MM. Hooker et Thompson sous le nom de Populus balsamifera (in Herb. Mus. paris.), diffère à peine du Populus ciliata par la base plus arrondie de ses feuilles, et par leur sommet plus longuement acuminé et. par des nervures secondaires plus dressées ; elles sont en outre ciliées sur les bords et sur les principales nervures comme celles de l'espèce indienne. La même espèce s'étend jusqu’en Soon- garie, où elle produit des variétés qui se confondent presque avec le Populus suaveolens Fisch., dont les feuilles sont cepen- dant glabres et lancéolées. D'autre part, un autre Peuplier ori- ginaire de la Daourie, conservé dans l’herbier. d’Adrien de Jussieu, présente des feuilles ovales-elliptiques, faiblement denti- 30 GASTON DE SAPORTA. culées sur les bords, mollement velues-ciliées en dessous, comme le Populus ciliata, et qui semble faire la transition entre cette espèce etle P. laurifolia, tout en se rapprochant à certains égards du P, suaveolens. Cette série d’affinités réciproques amène, pour ainsi dire insensiblement, d'un type très-tranché à un groupe tout différent et rend plus aisés à comprendre les liens sin- guliers qui semblent rattacher lespèce que nous allons décrire aux Populus laurifolia, euphratica et ciliata, Peupliers très- éloignés en apparence, entre lesquels la forme fossile semble placée comme un trait d'union aujourd'hui effacé. PoruLus MAsSiLIENSIS. (PI. IE, fig. 6-8 et pl. ILE, fig. 4.) P. folis firme membranaceis petiolatis, amplis, late ovatis vel orbiculato-subdeltoideis, interdum irregularibus, sursum apiculatis, forma et magnitudine valde variis, margine subun- dulato integerrimis, penninervis vel subpalmatinervis; nervis secundariis infimis basi proximis nec basilaribus, plus minusve provectis, secundartis altis productioribus, omnibus curvatis, ramosis, secus marginem anastomosantibus; tertiariis flexuosis, transversim oblique decurrentibus, reticulato-ramosis, in rete venosum pulcherrime exsculptum plus minusve perspicuum demum solutis. Populus Gaudini? Meer, F1. foss. archica, p. 99, tab. 7, fig. 1-4 et tab. 50, fig. 9. Assez répandu, Les feuilles que nous allons décrire ont dû appartenir à un Peuplier bien différent, non-seulement de ceux que possède l'Europe, mais de la plupart des espèces fossiles signalées jus- qu'à présent. Malgré les différences de forme et de dimension qui les distinguent au prernier abord, elles ont dû appartenir à une seule espèce, remarquable, ilest vrai, par l'ampleur et la polymorphie de ses organes appendiculaires. En effet, les em- preintes plus peütes que les autres et souvent déformées qui pro- viennent, selon nous, de la base ou de l'extrémité supérieure des rameaux, égalent pourtant les feuilles ordinaires de la plu- LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAÎRE. ol part des Peupliers. Cette dimension même a été un obstacle à la conservation intégrale des plus grandes empreintes, qui sont toujours plus où moins mutilées. Cependant les figures que nous donnons, et surtout celle de la planche IF, figures 6 et 8, et la figure 4 de la planche HT, permettent de préciser les caractères de cette espèce qui semble intermédiaire entre les Populus lau- rifolia et euphratica, quoique l’ensemble de ses traits la rap- proche davantage du premier. La forme générale (fig. 6, pl. H, et fig. 4, pl. I) est largement ovale-orbiculaire, subdeltoïde, arrondie inférieurement et mu- nie, d'après ce que laisse voir une des empreintes (fig. 7, pl. I), d’un pétiole assez court proportionnellement. Le bord est plus ou moins ondulé, mais toujours parfaitement entier; l'extrémité supérieure se Lerminait sans doute par une pointe finement apiculée, mais cette partie n'est intacte dans aucun des exem- plaires. La nervure principale est fortement marquée; les laté- rales, alternes, naissent, dans le bas, sous un angle très-ouvert et sont successivement plus obliques à mesure qu'on remonte vers le haut du limbe. Ce ne sont pas les plus inférieures de ces nervures qui sont les plus développées, mais plutôt celles de la deuxième et même de la troisième paire à partir de la base. Celles-ci se prolongent en se recourbant; elles se ramifient et s’anastomosent pres du bord, le long duquel elles se replient. Da reste, dans les plus grandes feuilles, ces nervures ne sont séparées des suivantes par aueuu intervalle appréciable, et celles-ei se succèdent en diminuant progressivement de force et d’étendue. Les nervures de troisième ordre sont obliquement {ransversales, ramifiées - flexueuses, réunies par des veinules. flexueuses comme elles. qui courent en sens contraire et donnent lieu, en se ramifiant, à un réseau à mailles trapézi- formes ou hexa-pentagonales dont la figure 6, planche IE, repro- duit les détails avec une exactitude scrupuleuse. Deux autres feuilles beaucoup plus petites se rattachent, selon nous, à la même espèce. Toutes deux ont un contour plus ou moins irrégulier. L'une, figure 7, allongée et inégalement apicu- lée au sommet, dont la pointe seule est mutilée, est déformée 22 GASTON DE SAPORTA. naturellement sur un des côtés et probablement aussi à la base; elle se distingue par le développement considérable des nervures latérales inférieures, etsurtout de la deuxième paire, nettement supra-basilaires et séparées des suivantes, qui sont peu nom- breuses, par un intervalle assez marqué. Cette feuille ressemble beaucoup à celles découvertes au Groënland et que M. Heer a réunies au Populus sclerophylla Sap. d’Armissan, bien qu’elle soit beaucoup plus petite. L'autre empreinte, figure 8, est à peu près de la même taille; la nervation en est mieux conservée dans tous les détails ; elle se rapporte à la face supérieure d’une feuille déformée d’un côté sur les bords, mais parfaitement entière. Les nervures latérales inférieures, bien plus développées que les secondaires, quoiqu'elles ne soient séparées d'elles par aucun intervalle, sont recourbées-ascendantes, longuement ramifiées et nettement supra-basilaires. On distingue au-dessus d’elles une seule paire de nervures qui longent le bord de très- près. Cette dernière feuille rappelle d’une manière frappante par tous ses détails de forme et de nervation, aussi bien que par son faciès, et par la déformation accidentelle de la marge, les feuilles du Populus laurifolia Ledeb., vers lequel nous ramène l'étude de la grande feuille (fig. 6). Nous sommes donc disposé à regarder notre P. massiliensis comme ayant appar- tenu au même groupe que l'espèce actuelle de Sibérie. Cette espèce, d’abord confondue avec le P. balsamifera dont elle diffère beaucoup en réalité, est très-polymorphe ; ses feuilles, plus ou moins apiculées au sommet, tantôt ellipsoïdes, tantôt presque lancéolées, sont le plus ordmairement, lorsque l'arbre qui les porte est vigoureux, ovales-orbiculaires où même tout à fait orbiculaires ;, et dans ce dernier cas, elles se rapprochent beaucoup, sous de plus faibles dimensions, de celle que repré- sente notre figure 6. Leurs nervures offrent aussi une ordon- nance très-analogue ; le plus souvent, ce ne sont pas les plus infé- rieures qui sont.les plus développées, mais les suivantes qui sont en même temps suprabasilaires ; ce développement est du reste sujet à beaucoup d'irrégularités de feuille à feuille, comme dans LE SUD-EST DE LA FRANCE À L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 39 l'espèce miocène. De mème que chez celle-ci, les nervures latérales inférieures ne sont ordinairement séparées des sui- vantes par aucun intervalle, mais quelquefois aussi cet intervalle existe et à divers degrés. Enfin, le réseau veineux montre dans les plus petits détails une telle conformité dans les deux espèces, qu’il est diffieile de ne pas admettre l’affinité réciproque qui les rattache sans doute l’une à l'autre. La différence principale consiste dans l’absence complète de dentelure chez le P. massiliensis, dont les feuilles ont toujours le bord très-entier, quoique souvent plus ou moins ondulé ; maisil faut remarquer aussi que les feuilles du P. laurifolia sont quelque- fois entières dans une partie de leur périphérie et que leurs dentelures sont généralement peu prononcées. Du reste, la présence de feuilles parfois très-entièresest un des caractères du singulier Populus euphratica, avec lequel le nôtre peut être aussi comparé avec avantage; quoique son tissu n'ait rien eu de pré- cisément coriace, et que les détails du réseau veineux le rap- prochent plutôt du Populus laurifolia que de celui qui croit sur les rives de l’Euphrate, aux bords du Jourdain, et en Algérie, sur les frontières du Maroc. IL est vrai que le groupe dont cette espèce est le type, aujourd'hui restreint à un petit nombre de formes asiatiques, a été plus nombreux dans l’Europe tertiaire et a renfermé peut-être des races servant de liaison avec les groupes VOISIns. Quoi qu'il en soit, 1l est certain que notre P. massiliensis se rapproche singulièrement de plusieurs formes tertiaires qui ont été rangées dans la même section que le P. euphralica, et pré- sentent comme lui des feuilles très-polymorphes, tantôt plus ou moins dentées ou incisées, tantôt parfaitement entières. On peut le comparer aux plus larges feuilles du P. mutabilis A1. Br. (43, qui constituent la var. e, Populus mutabilis repando-crenata, de M. Heer ; il est vrai que ces feuilles ne sont pas entières, mais imcisées à larges crénelures. L’affinité est bien plus étroite encore, lorsque l’on considère une seconde espèce fort rare, il (4) Heer, FL. tert. Helv., 11, p. 22, tab. 69, fig. 4 et 4. 5° série. Bot. T. IX. (Cahier n° 4.) ÿ 3 35h GASTON DE SAPORTA. est vrai, découverte en Suisse, et que M. Heer a rangée dans la même section, mais dont le réseau veineux n’a pu être encore observé, à cause du mauvais état des empreintes : nous voulons parler du Populus &audini Fisch., découvert dans la mollasse erise du canton de Vaud. Les feuilles de ce Peuplier sont grandes et larges, comme les nôtres, entières sur les bords, mais atténuées au sommet en une pointe plus fine et plus prolongée. M. Heer, à qui nous avons communiqué nos dessins, nous a fait observer que les nervures secondaires de l’espèce de Marseille étaient plus recourbées et plus projetées en avant que celles du Populus Gaudini. W croit donc à une distinction spécifique, quoi- que l'aflinité des deux formes lui paraisse évidente. Mais le même auteur a décrit et figuré dernièrement, dans son bel ouvrage sur la flore fossile du Groenland (À), des feuilles qu'il réunit avec doute au P, Gaudin et qui reproduisent d’une façon singulière la physionomie de celles de nos argiles, quoiqu’elles soient de plus petite dimension. On peut s'en assurer en comparant les figures ? et 4, planche 7, publiée par M. Heer, avec nos figures 6 et8, planche Ïf, et la figure 9, planche 50, du même auteur, avec notre figuret, planche HE; le rapport est évident, et l'affinité commune de ces formes réunies avec les Populus laurifolia et euphratica ne parait pas douteuse. On ne saurait affirmer pour- tant que les feuiiles tertiaires du Groenland aient fait partie de la même espèce que les nôtres; mais à coup sûr elles se rat- tachaient au même groupe. SALIX VARIANS Gœpp., 7. von Schossnitz, D. 26, tab. 19, fig. 17-18, et tab. 20, fig. 1-2; Hoeer, FU. tert. Helo., A, p. 26, tab. 65, fig. 1-3 et 6-16. (PL IV, fig. 5-6.) S. folus latitudinem f-6° superantibus, elongato-lanceolatis, sensim apice acuminatis, basi plerumque obtusatis vel rotun- datis, margine obtuse serrulalis; nervis secundartis numerosis, et basi fere erectis, dein curvatis, secus marginem ascendentibus (4) Heer, F/. /oss. arctica, p.99, tab, 7, fig 1-4, et tab, 50, fig. 9, LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 39 reticulatisque, venulis transversis nervulisque plurimis abbre- viatis e costa media enatis, inter se reticulatis. Salix W'immeriana Gæpp., loc. cit., Lab. 94, fig. 1-3. Assez rare. Les deux feuilles que nous figurons reproduisent fidèlement le type du Saliæ varians Gœpp. Une d’elles affecte des dimensions assez grandes pour que nous ayons cru d'abord y recon- maitre le Salix macrophylla Heer, qui présente cependant encore une forme plus lancéolée et des nervures secondaires plus nombreuses, moins recourbées et rehées entre elles par des vei- nules plus obliques. La conservation de cette feuille ne laisse rien à désirer, sauf le pétiole, qui manque; elle est longue de plus de 2 décimètres; sa plus grande largeur mesure à centimètres ; obtuse et presque arrondie à la base, oblongue et lancéolée, elle se prolonge supérieurement en une pointe insensiblement atté- nuée. Les nervures secondaires, très-nombreuses, partant à angle droit ou très-ouvert, dessinent une large courbe et deviennent ascendantes le long des bords, où elles se relient mu- tuellement à l’aide de veinules transversales, tandis que, dans l'intervalle qui les sépare, des veines qui naissent directement de la médiane viennent s'étendre et s'anastomoser avee les précé- dentes. L'ensemble forme un réseau très-fin, bien visible à la loupe. La seconde feuille, figure 6, pius petite que la première, présente à peu près les mêmes caractères; les nervures laté- rales sont seulement un peu plus ascendantes. Ces feuilles ressemblent trop à celles découvertes en Suisse (1) et à celles de la flore de Schossnitz en Silésie, figurées par M. Gœppert (2j, pour que l’on puisse songer à les séparer ; elles se rangent parmi celles qui constituent Ja variété 4 de M. Heer, mais elles sont plus allongées, surtout la plas grande, plus insensiblement atténuées en pointe au sommet, et sous ce rapport elles se rapprochent davantage de Ha figure 47 de la Flore de Schossnitz. Nous leur trouvons aussi une affinité très- (4) Voy. Heecr, FL tert. Helv., tab. 65, fige 13. (2) Gœppert, FZ. von Schossnitz, tab. 19, fig. 47-18. 36 GASTON DE SAPORTA, sensible avec la figure 235, tab. 29, de la Flore fossile de Bilin, chez qui cependant les nervures secondaires sont plus obliques et plus ascendantes. Les figures données par MM. Ludwig (1) et Gaudin (2) sont bien plus douteuses, et rien ne prouve qu'elles ne se rapportent pas à une autre espèce. Le Salix Wimmeriana Gæpp., de Schossnitz, doit être réuni au contraire au Salix varians, dont il dénote une variété à feuilles plus larges et plus arrondies imférieurement. M. Gœæp- pert compare le Salix varians au Saliæ triandra L., et le Salix Wimmeriana au Salix fragilis ; mais M. Heer proclame avec raison ce dernier rapprochement comme le plus naturel, ainsi que celui avec le Salix canariensis Sm.; il fait même remar- quer la présence répétée dans les couches tertiaires des ra- meaux feuillés de cette espèce, indice presque certain de leur extrème fragilité. La grande empreinte provenant de Marseille se distingue bien du Salit fragilis à sa forme plus allongée, moins lancéolée et moins finement acuminée ; elle rappelle un peu le Salix amygdalina L., et diffère en réalité de toutes les espèces actuelles. Sacix LavATERI Heer, F{. tert. Helv., Il, p. 28, t. 66, fig. 1-12. (PL IV, fig. 1-4.) S. foliis petiolatis, lanceolato-linearibus, margine subpa- rallelis, apice sensim acuminatis, argute serrulatis, basi biglan- dulosa obtusatis; nervo primario sat valido ; nervis secundariis numerosis, inferne obsolete ungulatis, dein curvatis, secus marginem ascendentibus, areolatimque conjunctis ; tertiariis transversim reticulalis. Très-répandu. On ne peut séparer ces feuilles, dont la conservation est fort belle, de celles trouvées à Hohe-Rhonen, à OEningen et à Gunz- burg en Bavière, et que M. Heer a fait connaître sous le nom de Salix Lavateri; cependant elles font évidemment partie de la (4) Palæontograf., VIH. {2) Contrib. à la FE foss. ital., AL, tab. 3, fig, 3. LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 37 variété a de l’auteur suisse, et concordent avec les figures 1, 3, Get 7, planche 66, de sa Flore tertiaire, tandis qu’elles diffèrent de la variété b, qu’il a décrite et que l’on rencontre à OEningen ; mais la base est atténuée, le pétiole très-gros et la nervation autrement disposée. Cette seconde variété appartient peut-être à une espèce particulière. Nos feuilles sont lancéolées-linéaires, assez longuement pétio- lées, presque toujours obtuses ou même arrondies à la base, terminées supérieurement par une pointe fine et insensiblement acuminée ; les bords, comme le fait observer M. Heer, restent parallèles dans une partie de l'étendue du limbe ; les dentelures marginales sont plus fines et plus aiguës que dans l'espèce précédente, caractère qui sert à les distinguer. En outre, on observe au sommet du pétiole deux glandes bien visibles sur les empreintes qui se rapportent à la page supérieure. La nervation est aussi bien différente; elle se compose de nervures secondaires dessinant un are plus recourbé vers le haut de la feuille, réunies en aréoles par des veinules moins nom- breuses et moins visibles; les nervures partant directement de la médiane dans l'intervalle des principales sont de leur côté moins fréquentes et moins développées. Cette espèce se rat- tache, comme la précédente, au type du Salix fragilis, dont elle diffère seulement par le contour plus allongé-linéaire de ses feuilles. LAURINEÆ. Laurus aAmBIGUA. (PI. IV, fig. 9.) L. foluis coriaceis, glabris, lanceolatis, margine subundulato integerrimis, penninerviis; nervis secundaris alternis, areola- tis, arcuatim ante marginem conjunetis, duobus inferioribus cæteris obliquioribus; tertiariis flexuosis, minutissime relicu- latis areolis quadratis demum evanidis. Très-rare. Dans un groupe aussi uniforme que les Laurmées, non-seu- 56 GASTON DE SAPORTA. lemeni il est difficile de distinguer les unes des autres, à l'aide de quelques feuilles seulement, des espèces autrefois congé- nères, mais on risque même de confondre involontairement des formes assez éloignées et qui peuvent se rapporter à des genres ou à des tribus entièrement opposés. Il est impossible d'éviter cet écueil, même à l’aide d’un examen sérieux que des observations et des découvertes postérieures devront nécessairement rec- ifier. Dans une étude comine la nôtre, au lieu de glisser sur une pareille difficulté, nous devons essayer plutôt d'en exposer tous les termes, en faisant voir combien les solutions les plus naturelles en apparence se trouvent entourées d'obscurité. Nous avons signalé dans la plupart de nos localités tertiaires, à partir des gypses d'Aix, une espèce à laquelle nous avons dopné le not de Laurus primigenia, que M. Unger à appliqué le premier à des feuilles trouvées à Sotzka. M. Heer a signalé depuis des empreintes analogues dans la mollasse suisse inférieure, et d'autres auteurs en ont observé de pareilles sur bien des points de l'Europe tertiaire. Ce sont des feuilles plus ou moins allon- gées, étroitement lancéolées, atténuées à la base et acuminées au sommet, elles présentent néanmoims plusieurs variétés qui s'écartent plus où moins du type normal, sans que l’on puisse songer à les constituer en espèces distinctes, tellement 11 fau - drait eu multiplier le nombre. Le Laurus primigenia, que M. Heer compare aux formes les plus étroites du ZLaurus canariensis Webb, et M. Unger au Phœbe lanceolata Nces ab Es. (Laurus lanceolata Wall.), est donc à la fois tres-polymorphe et très-répandu. Encore rare dans les gvpses d'Aix, il se montre successivement à Gargas, à Saint- Zacharie (D, à Saint-Jean de Garguier (2), puis à Armissan (3), (4) Voy. Ét, sur la végét. tert , 1, p. 210 (Ann. des se, nat, ® série, &. XIX, p. 56, pl. 6, fig, 5). (2) ÉL. sur la végét.tert., W, p. 89 (Ann. des se. nat. 5° série, 1. LH, p. 93, pl. 3, fi. 8), IL me parait difficile de distinguer cette forme de celle que M. d’Ettingshausen a décrite et figurée dans la Ælore fossile de Vienne (p. 17, pL 3, fig 3), sous le nom de Laurus phæboides, et qu’il compare aussi au PAhœbe lanceolalta. (3) Êt. sur la végét. tert., M, p. 270 (Ann. des sc. nat., 5° série, t. IV,.p. 126, pl. 7, fig. 7). LE SUD-EST DE LA FRANCE À L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 39 où le limbe foliacé présente de plus larges proportions. A Manosque, ainsi que nous l'avons indiqué, l'espèce est fréquem- ment répandue; mais elle y à produit des variations de formes qui empêchent d'en fixer nettement les limites; son existence même ne nous paraît pas douteuse. et pour en donner la preuve, nous reproduisons (pl. IV, fig. 7) une feuille de cette localité dont la ressemblance avec celles découvertes à Sotzka, figurées par M. Unger dans saflore de ce dépôt (4), est vraiment frappante. - A côté, on remarque, il est vrai, des variétés linéaires et d’autres qui paraissent au contraire moins allongées. Notre figure 8, pl. À, reproduit un beau spécimen de cette dernière forme que nous avons, sans trop d'hésitation, regardé comme faisant partie de la même espèce. Dans les argiles de Marseille, nous rencontrons uue em- preinte très-voisine, en apparence au moins, de celle-ci (fig. 9, pl. IV), et lou peut s'assurer, en comparant les deux figures, du degré de ressemlance qui les unit. Cependant la feuilie prove- nant de Marseille est plus régulièrement lancéolée, mous acu- minée, à ce qu'il semble, puisque l'empremte de Manosque se trouve muütilée sur ce point; les nervures secondaires se recour- bent avant d'atteindre le bord, de manière à former des aréoles plus nettement délimitées et fermées jar un arc plus arrondi ; enfin, il semble que l'empreinte de Manosque montre des traces de serobicules que l’on n'observe pas dans celle de Marseille : la première rappelle effectivement les formes les plus étroites du Laurtis canariensis, et semble dénoter l'existence d’un Laurus proprement dit; la dernière ressemblerait davantage au ?hœbe barbusana Webb, par sa nervation aréolée et les détails du réseau veineux; on peut également la comparer à l'Oreodaphne californica Nees ab Es., dont la rapproche l'obliquité bien mar- quée des nervures secondaires inférieures; cependant le bord ondulé et l'ordonnance des principales nervures lui donnent aussi une ressemblance dont 1l faut tenir compte avec notre Laurus nobilis L. Le classement générique de cette forme curieuse de- (4) Foss. FL. von Sotzka, p. 38, tab. 19, fig. 1-4. h0 GASTON DE SAPORTA. meure donc incertain à plus d’un point de vue, quoique, selon nous, son affinité avec le Phæbe barbusana, des îles Canaries, soit encore celle qui semble la plus naturelle. Du reste, les liens qui rattachent notre Laurus ambiqua au L. primigenia Ung. ne sont pas les seuls que l'on puisse signaler. Après avoir des- siné cette espèce, j'ai été frappé, non-seulement de sa liaison avec le Laurus Swoszowiciana Ung. (1), mais aussi de son ana- logie avec une espèce de Saint-Zacharie, assez mal figurée dans la partie de nos études qui se rapporte à cette localité, et que nous avons désignée avec quelque doute sous le nom de Ficus reticulata (2), en la comparant au F. saxatilis BI. Les rapports de forme et de nervation de cette espèce avec celle des argiles de Marseille que nous venonsde décrire nous ont paru si frappants, que nous la figurons de nouveau (pl. IV, fig. 10) à côté de celle-ci, afin de faciliter une comparaison attentive des deux formes. Cette ressemblance, ainsi qu'on peut s’en assurer, n'est cependant pas absolue; il existe entre les deux empreintes quelques divergences très-faibles dans la forme et la disposition des aréoles et la direction des nervures tertiaires ; mais ces différences sont si peu saillantes, lorsqu'on à égard à l’'inter- valle de temps qui sépare ces échantillons, qu'on ne peut s'em- pêcher d'y reconnaitre les indices probables d’une affinité dont il est pourtant impossible en l’état de mesurer le degré. CINNAMOMUM LANCEOLATUM Heer. Vide suprà : Ét. sur la végét. tert., 1, p. 277 (Ann. sc. nat., 5° série, t. IV, p. 133). (PL IV, fig. 11-16.) Assez répandu. Les exemplaires de cette espèce, provenant des argiles du bassin de Marseille (fig. 14, 15, 16), concordent avec ceux d’Armissan et de Manosque (fig. 11, 12 et 13). Ils sont moins fréquents que ceux de l'espèce suivante, dont il est parfois diffi- (4) Unger, Blatterabdrucke von von Swoszowice, p. 4, tab. 4, fig. 41. — Ettingsh., Foss. F1. von Wien, p. 16, tab. 3, fig. 4, 2. — Heer, FU. tert. Helv., I, p. 80, tab. 89, fig. 5. (2) Voy. Ét. sur la végél, tert., 1, p.207 (Ann. des sc, nat., 4? série, t. XIX, p. 53, pl. 6, fig. 3). LE SUD-EST DE LA FRANCE À L'ÉPOQUE TERTIAIRE. AA eile de les distinguer. Le type lui-même montre certainement une grande fixité de caractères : c'est ce que nous avons voulu faire ressortir en reproduisant quelques-unes des empreintes provenant de Manosque à côté de celles découvertes à Marseille ; il sera plus aisé de saisir la physionomie par laquelle cette forme diffère de ses nombreux congénères. Elle paraît dans l’éocène supérieur, et prolonge son existence à travers le tongrien et le miocène jusque vers le pliocène, qu'elle ne semble pourtant pas attendre. CINNAMOMUM POLYMORPHUM Heer. Vide suprà : Ét. sur la végét. tert., WU, p. 278 (Ann. sc. nat., 5° série, t. IV, p.134, etin Flora manuescensi). (PI. V, fig. 1-4.) C. foliis petiolatis, ovato-ellipticis vel obovatis, apice breviter plerumque acuminatis, triplinerviis ; nervis lateralibus plus mi- nusve suprabasilaribus, curvatulis, extus ramoso-reticulatis, cum secundariis infra apicem conjunctis. Très-commun. Nous ne reviendrons pas sur ce que nous avons déjà dit au sujet de cette espèce, si fréquente dans l'Europe miocène, en la signalant successivement à Armissan et à Manosque. Nous voudrions seulement tâcher, avant de clore la série des flores tertiaires du midi de la France, d'en préciser le caractère et d’insister sur les variétés principales qu’elle a produites. Sa polymorphie, indiquée par le nom qu’elle porte, est telle que, malgré l'abondance de ses feuilles, 1l est presque toujours malaisé d'en tracer les limites et de la distinguer des autres Cinnamomum qui l’accompagnent ordinairement et dont cer- tains ne sont peut-être que de simples variétés. Le Cinnamomum polymorphum ne se montre dans la zone française méridionale qu'à la fin du tongrien, à Armissan, où il est encore assez rare. Il est précédé par le Cinnamomum lanceolatum dont l’impor- tance diminue à mesure que celle de son congénère augmente, en sorle que dans la végétation de Manosque les deux espèces acquièrent une importance à peu près égale ; tandis que dans h2 GASTON DE SAPORTA. les argiles du bassin de Marseille, qui paraissent un peu plus récentes, la proportion est déjà renversée, le C. lanceolatum est devenu moins fréquent que l'autre, qui tend à se substituer à lui peu à peu. Cependant il faut mentionner l'existence anté- rieure, au sein des gypses d'Aix, d’une forme très-distincte du C. lanceolatui, à laquelle elle se trouve associée ei qui reproduit en grande partie les traits du Cinnamomum polymorphum, sans qu'on puisse cependant affirmer eutre les deux espèces une identité que certains détails très fixes, quoique peu importants par eux-mêmes, paraissent démentir. Cette espèce, que nous avons déjà signalée sous le nom de €. camphoræfolium, et dont nous figurerons bientôt de nouvelles feuilles, se rattache au même type que le vrai Cinnamomum polymorphum, dont elle sert, pour ainsi dire, de précurseur et de modèle, et dont on re remarque d’ailleurs aucune trace n à Gargas, ni à Saint- Zacharie, ni dans les localités tongriennes du bassin de Marseille. La présence de ce Camphrier, comme nous l'avons déjà dit, est constatée pour la première fois à Armissan, lorsqu'on redescend la série des flores échelonnées du midi de la France; mais alors celle espèce ne se montre pas seule; elle est accompagnée de plusieurs formes congénères qui s'en éloigunent peu, et présen- tent cependant assez de traits différentiels pour que M. Heer les ait décrites, dans sa belle Fère tertiaire de Suisse, comme autant d'espèces. Ce sont les Cinnamomum Buchii et specli- bile, dont le dernier à été signalé par nous à Manosque, et que nous retrouvons aussi dans les argiles du bassin de Marseille. Les figures 6, pl. E, 5 et 6, pl. V, Let 2, pl. VE, reproduisent plusieurs beaux spécimens de chacun d'eux; quoiqu'il sait facile de constater leur identité avec les formes correspondantes de Suisse, on voit qu'ils présentent de nombreuses variétés, et quelques-unes de ces variétés sont tellement voisines du C. poly- morphum, qu'on se demande s'il est bien naturel de reconnaitre en elles des espèces plutôt que les manifestations d'un type sujet à beaucoup de variations. On conçoit que pour résoudre une pareille question, il faudrait posséder et analyser avec soin d’autres organes que de simples feuilles. M. Heer, qui a pu LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. h5 étudier les fruits et les fleurs du C. polymorphum, a reconnu que, malgré la grande affinité qui rattache ces organes à ceux de notre Camphrier actuel, ils s'en distinguaient par plusieurs carac- tères faciles à saisir, entre autres par la forme du périgone et du fruit. Il devient donc probable, par cet exemple, que les divers Cinnamomum dont nous venons de parler étuent de véritables espèces, mais très-rapprochées les unes des autres. C'est un motif de plus pour tàcher de les distinguer à l’aide des seuls organes appendiculaires. Commençons par le groupe d'empreintes que nous rapportons au Cinnamomum polymor- phum proprement dit. Cette espèce se distingue principalement par le développe- ment eu largeur de ses feuilles, dontle contour est plus arrondi; la plus grande convexité se trouvant soit vers le milieu du limbe, soit un peu au-dessus du milieu de la feuille, dont extrémité se termine en uhe pointe acuminée, ordinairement assez courte et assez brusque, d’autres fois plus où moins prolongée. Le pétiole est médiocrement long et les nervures primaires s’écartent assez sensiblement de la médiane avant de se re- plier pour se réunir aux secondaires; enfin, le sens suivant lequel elles s'étendent n'est parallèle ni à la marge, ni à la nervure médiane, et elles produisent loujours des ramiti- cations plus ou moins prononcées le long de leur côté exté- rieur. Sous tous ces rapports, nos figures 1 et 2, pl. V, répondent le mieux à la description que nous venons de faire ; elles concordent également d'une manière frappante avec les exemplaires de ia Flore fossile de Suisse (1), el paraissent représenter le type nor- mal de l'espèce, celui qu'on rencontre le plus fréquemment et le plus universellement. E faut pourtant faire cette remarque que, d’après M. Heer, les feuilles qu'il a observées présentent souvent, mais non pas, il est vrai, d'utie manière constante, des traces de serobicules situées à l’aisselle des nervures latérales basilaires, organes dont nous n'avons jamais découvert de ves- (1) Heer, F. tert, Helv., IX, tab, 44, fig. 21-24. ll GASTON DE SAPORTA. tiges sur les empreintes recueillies en Provence ; mais celles de Suisse ne les offrant pas toujours et cette différence étant la seule qu'on puisse signaler, il n’y a pas lieu de s'y arrêter, selon nous, d'autant plus que le Cinnamomum polymorphum comprend en Provence les mêmes variétés de formes qu'il pré- sente partout ailleurs. Celle que nous venons de signaler, est la plus répan- due dans les argiles de Marseille ; nous la désignerons sous le nom de var. 8 genuinum ; elle n’est pourtant pas la plus ancienne en Provence, c'est-à-dire que les exemplaires de Cinnamomum polymorphum, qui se montrent dans les dépôts antérieurs d’Ar- missan et de Manosque, affectent une forme un peu différente, en ce qu'elle est plus régulièrement elliptique, que les nervures latérales laissent moins d'espace entre elles et le bord. et qu’elles ont des ramifications moins prononcées; il est facile de s’en assurer en comparant la figure 1, pl. VIE de notre Flore de Manosque avec celles que nous donnons maintenant. On peut appliquer le nom de variété « ellipticum à cette forme, qui n’est pas particulière à la Provence, mais que nous observons aussi dans quelques localités étrangères plus ou moins contempo- raines de celles du midi de la France ; nous citerons entre autres la flore de Monte Promina, en Dalmatie, ainsi que la moins mal conservée des empreintes découvertes à Hæring, en Tyrol (4). Notre figure 17, pl. IV, peut donner lieu à une troisième variété, var. y acuminatum, dans laquelle la plus grande largeur se trouve correspondre au milieu du limbe, qui de là diminue d'une manière presque égale vers la base et vers le sommet terminé par une pointe longuement acuminée. D'autres feuilles sont, au contraire, plus courtes et plus élargies transversalement que le type ordinaire; elles affectent une forme deltoïde-sub- orbiculaire, et répondent, à ce qu'il semble, à la figure 27, pl. 93, et peut-être au Cinnamomum transversum, de l'ouvrage de M. Heer (2); nous lui appliquerons le nom de variété à (4) Voy. Ettingshausen, Die eoc. F. des Monte Promina, tab. 6, fig. 4-8; et Foss. FE, von Hæring, tab. 31, fig. 11. (2) Heer, F1. tert. Helv., I, p. 94, tab. 95, fig. 9-12. LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. h5 transversum : c’est celle que représentent nos figures 3 et 4, pl. V. A la suite de ces différentes formes, qu'on ne saurait sépa- rer l’une de l’autre, tant elles sont étroitement liées, nous allons placer deux espèces ou sous-espèces qui en ont été dis- tinguées par M. Heer, et qui effectivement reparaissent dans le midi de la France avec les mêmes particularités différentielles que dans la mollasse suisse ; ce qui dénote chez elles une fixité de caractères assez grande pour motiver leur séparation. Mais il ne faut pas oublier non plus que ce sont là des formes réunies par un lien commun très-étroit, et qui n'ont été sans doute séparées que par de faibles différences. Cinnamouum Bucaut Heer, F1. tert. Helv., UE, p. 90, tab. 95, fig. 1-8. — Sap., Ét. sur la végét. tert., 1, p. 279 (Ann. sc. nat., 5° série, t. IV, p. 135). (PI. L, fig. 6, et pl. V, fig. 5-6.) C. foliis petiolatis, oblongo-ellipticis, basi attenuatis, sursum apiculatis, triplinerviis ; nervis lateralibus vix suprabasilaribus, elongatis, nervo medio subparallelis, cum cæteris secundariis paucioribus secus marginem paulo ante apicem conjunctis. Assez répandu. Nous avons signalé avec doute cette espèce dans les gypses d'Aix, où l’on observe très-rarement, il est vrai, des empreintes qui en reproduisent le type ; plus tard nous l'avons observée à Peyriac, auprès de Narbonne ; elle est évidemment très-voisine du Cinnamomum polymorphum, avec lequel on serait presque tenté de la confondre. Cependant, quoique cette confusion existe réellement à l'égard de certains échantillons dont le classe- ment demeure incertain, on remarque dans un grand nombre d'exemplaires de Suisse, aussi bien que dans les nôtres, des par- ticularités susceptibles de servir de point de repère, et que nos figures aideront à rendre sensibles. Le limbe est plus allongé que chez le C. polymorphum ; les nervures basilaires naissent ordi- nairement plus près de la partie inférieure, et se prolon- gent en s'écartant moins de fa médiane ; la partie la plus large h6 GASTON DE SAPORTA. est plus rapprochée du sommet de la feuille, et ce sommet se rétrécit plus brusquement en donnant lieu à une pointe plus finement apiculée. Les ramifications qui naissent le long du côté extérieur des nervures latérales sont parfois peu déve- loppées, comme le montrent nos figures ; mais d’autres fois elles prennent beaucoup plus d'extension. Dans tous les cas. les nervures principales se recourbent et s'anastomosent avec les autres secondaires, qui sont peu nombreuses et peu déve- loppées, vers un point beaucoup plus voisin de la sommité que chez le ©. polymorphum. Ces différences sont généralement assez constantes pour justifier la séparation spécifique proposée par M. Heer. Les exemplaires recueillis à Marseille retracent fidèlement la physionomie de ceux d’Ériz, et donnent lieu aux mêmes variations; ceux de Peyriac sont un peu plus dou- teux, quoique encore probables. CINNAMOMUM SPECTABILE Heer, F£. tert. Helo., Il, p.91, tab. 96, fig. 4-8. — Sap., Êt. sur la végét. tert., II, p. 279 (Ann. sc. nat. , 5° série, t. IV, p. 455), et suprä, in Flora manuescensi, p. 8h (Ann. sc. nat., 5° série, t. VIE, p. 84). (PL V, fig. 8, et pl. VE, fig. 1-2.) €. foliis amplis, late ellipsoïdeis, basi obtuse attenuatis, apice breviter apiculato-acumimats, triplinerviis ; nervis iateralibus plus minusve curvalis, extus ramosis, cum secundariis postea anastomosantibus ; tertiariis transversim decurrentibus. flexuo- sis, reticulatis. Fréquent. Cette espèce semble avoir été précédée en Provence par une forme très-analogue que nous avons observée dans la vallée de Sault et à Gargas ; nous l'avons décrite antérieurement sous le nom de €. spectandum (4) ; ses feuilles sont plus étroites et moins arrondies latéralement. Quant au €. spectabile Heer, il abonde sur plusieurs points de la mollasse suisse inférieure, entre autres à Ériz ; il se retrouve dans le midi de la France, à Armissan et (1) Ét, sur la végét. tert., 1, p.175 (Ann. des sc. nat. 4e série, t. XIX, p. 24, pl 2, fig. 2). LE SUD-EST DE LA FRANCE A L ÉPOQUE TERTIAIRE, h7 ensuite à Manosque. Dans cette dernière localité, les exemplaires sont assez nombreux, et ne diffèrent par aucun détail de forme ou de nervation de ceux que nous reproduisons 1e1, et qu'il suffit de comparer aux figures données par M. Heer pour les recon- naître comme ayant appartenu à la même espèce. Ce sont des feuilles que leur grande taille fait aisément distinguer de celles du C. polymorphum ; elles sont. largement elliptiques ou ovales- elliptiques, toujours arrondies sur les côtés, et leur plus grande largeur se rencontre ordinairement vers la moitié supérieure du hmbe qui se termine par une pointe apiculée assez courte, tantôt exserte, tantôt plus ou moins insensiblement atténuée. Les nervures de divers ordres sont nettement mar- quées sur la page inférieure du limbe; la face supérieure est glabre et lisse comme dans la plupart des Cinnamomum, et dans toutes les espèces dont il vient d’être question. Les nervures latérales se recourbent plus ou moins, et émettent le long de leur bord extérieur des ramifications plus ou moins nombreuses, quelquefois très-développées ; elles s’'anastomosent bien avant le sommet avec les autres nervures secondaires, qui sont plus nom- breuses que dans le #. Buchu. Cette espèce, comme la précé- dente, se rattache naturellement au type de notre Camphrier actuel, surtout si l’on a soin de la comparer aux feuilles les plus largement développées de l'arbre japonais. ERICACEÆ. ANDROMEDA LATIOR Sap., É'€. sur la végét. tert., 1, p. 293 (Ann.sce. nat., 5° série, t. [V, p. 149, pl 8, fig. 5), et supra, in Flora manuescenst, p. 94 (Ann. se. nat., 5° série, t. VIE, p. 94, pl. 10, fig. 5-6). (PI. VIE, fig. 4.) _A. foliis longe petiolatis, coriaceis, lanceolatis, integerrimis, apice obtusis vel breviter acuminatis; nervis secundariis: sub - ohsoletis, immersis, angulo subrecto emissis, tenuiter reticu- latis. Psidium effossum Sap., Ex. anal., p. 52. Très-rare, 8 GASTON DE SAPORTA. Nous croyons reconnaître, dans l'empreinte que nous figurons pl. VI l'espèce d’Andromeda que nous avons signalée succes- sivement à Armissan, puis à Manosque ; quoique l'attribution générique ne soit pas douteuse, nous ne proposons cette assimi— lation que sous toutes réserves. ACERINEÆ. ACER ANGUSTILOBUM Heer, FT. tert. Helv., I, p. 57, tab. 117, fig. 25 a, et tab. 118, fig. 1-9. (PI. I, fig. 5.) A. folüs longe petiolatis, trilobis vel rarius subquinquelobis, lobis anguste lanceolatis, acutis, dentato-lobulatis, lateralibus plus minusve patentibus; samaræ alis divaricatis, medio dila- tatis, basi ad nuculam restrictis. Assez fréquent. Nous avons déjà signalé cet Acer, dont la présence caracté- rise la mollasse suisse inférieure, dans la végétation de Ma- nosque; ses feuilles se montrent assez fréquemment dans les argiles de Marseille, et celle que nous avons figurée est remar- quable par sa belle conservation. Elle présente sa face supé- rieure, qui se trouve occupée sur plusieurs points par des macules qui nous ont paru dénoter une Hypoxylée analogue aux Depazea; l'organe à dû par conséquent se détacher naturellement vers la fin de l'automne, puisque ces sortes de Champignons parasites se développent ordinairement sur les feuilles qui commencent à jaunir. Le pétiole est long de 4 cen- timètres et grêle; les lobes latéraux, un peu plus courts que le médian, ont à peu pres la même forme que lui; ils sont étroitement acuminés au sommet, obtusément dentés- lobulés çà et là sur les bords ; les nervures dessinent un réseau très-fin, dont on peut suivre à la loupe tous les détails. L’Acer angustilobum se rattache évidemment au même type que notre A. monspessulanum, dont il se distingue seulement par des lobes plus étroits, plus allongés et atténués au sommet; les mêmes caractères empêchent de le confondre avec 14. pseudo-cam- LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. A9 pestre, dont les couches d’Armissan nous ont fourni précédem- ment un bel exemple (1). ILICINEÆ. ILEX HORRIDA Sap., Ét. sur la végét. tert., Il, p. 334 (Ann. sc. na. 5° série, t. IV, p. 490, pl. 11, fig. 9). (PI. VE, fig. 3.) [. folis coriaceis, marginatis, subsessilibus, pinnatilobis, lobis profunde partitis, irregularibus, rigidis, aculeatis. Quercus cruciata Sap., Ex. anal., p.51. Rare. Nous retrouvons ici cette curieuse espèce d’Armissan que nous avons décrite avec soin dans la flore de cette localité, d’après une assez longue série d'exemplaires. L’empreinte recueillie dans les argiles de Marseille ressemble tout à fait à la figure 9 A de la flore d'Armissan. L’Ilex horrida n’a que des analogies assez éloignées avec les Houx de la nature actuelle. Nous avons fait ressortir l’affinité qui semble le rattacher, parmi les espèces fossiles, à l’Ilex Ruminiana Heer, ainsi qu'au Quercus cruciata Al. Br. CELASTRINEZÆ. Evonymus ROTUNDATUS Sap. (PI. VIT, fig. 5.) E. foliis coriaceis, ovato-rotundatis, denticulatis, obtusis; ner- vis secundariis basi acutis angulatis, areolatis, nervulis valde obliquis, flexuosis, reticulatis. Très-rare, La forme de la dentelure et la disposition des principales ner- vures font reconnaître une Célastrinée dans cette espèce ; elle se distingue par le contour ovoïde, presque arrondi de la feuille, dont le sommet est obtus et la texture évidemment coriace. Les nervures secondaires, qui naissent à angle très-ouvert, se À , (4) Voy. Et. sur la végét. tert., 1, p. 324 (Ann. des se. nat,, 5° série, t. IV, p.180, pl. 9, fig. 12). 5° série, Bor. T. IX. (Cahier n° 4.) 4 ! 50 GASTON DE SAPORTA, réunissent avant le bord à l’aide d’un arc sinueux; elles donnent lieu à des veines obliques qui courent de l'une à l’autre, et des- sinent des lignes flexueuses ; les dentelures sont obtuses, peu saillantes, calleuses à l'extrémité; les nervilles qui se rendent à la marge aboutissent non pas au sommet des dents, mais à l'angle des sinus qui les séparent. Tous ces caractères concor- dent bien avec ceux que nous offrent les espèces d’£vonymus à feuilles persistantes, et spécialement les Evonymus glaber Roxb., W allichii Ett., ringens Hort. On observe encore des formes plus où moins analogues dans les genres Celastrus et Elæodendron ; etil se pourrait que notre Evonymus dût être rangé de préfé- rence dans ce dernier genre, à côté de certaines formes de la Nouvelle-Hollande et du Cap. Cependant l'attribution que nous proposons paraît être la plus naturelle, quoique, chez aucuu des Evonymus actuels, on n’observe des feuilles aussi arrondies et aussi peu prolongées supérieurement. RHAMNEÆ. PauiuRus oRBICULATUS. (PL VIE, fig. 6.) P. foliis membranaceis, rotundatis, integris, triplinervus ; nervis basilaribus curvaiis eur cæteris secundarnis, paueloribus, sub apice conjunetis ; tertiariis flexuosis, tenuiter reticulatis. Très-rare. Le genre Paliurus, encore aujourd’hui caractéristique de la région méditerranéenne, a été plusieurs fois signalé à l’état fos- sile. Nous avons fait connaître les fruits et les feuilles du Paliu- rus tenuifolius Heer des gypses d'Aix (4) et du P. litigiosus Sap. (2 de ceux de Gargas. M. Heer à figuré sous le nom de P. Thurmanni les divers organes d’une espèce très-bien carac- térisée, observée à OEningen et au Locle (3); enfin le même auteur à signalé dernièrement dans la flore tertiaire du Groen- (4) Lt. sur la végét. tert., 1, p. 122 (Ann. des sc. nat., 4° série, t. XVIL, p. 375 pl. 12, fig. 5). - (2) 1bid., p. 177, ett. XVIII, p. 23, pl. 2, fig. 4. (3) Voy. Heer, F!. tert. Helv., NT, p. 76, tab, 122, fig. 27-29, LE SUD-EST DE LA FRANCE À L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 91 land des empreintes de feuilles, plus douteuses, il est vrai, qu'il rapporte au même genre : c’est le P. Colombi Heer (1), Anté- rieurement, M. Unger avait décrit dans son Chloris protogæa (tab. 50, fig. 6-8) une espèce trouvée à Parschlug, et accompa- onée de son fruit. Ainsi, en s'appuyant sur ces divers indices, le senre Paliurus aurait joué autrefois un rôle plus considérable que de nos jours, puisqu’à côté de l'espèce du midi de la France, il ne comprend plus aujourd'hui que le P. Aublehi Schultz., originaire de Whampoa, en Chine. Il ressemblerait sous ce rap- port à plusieurs autres genres tertiaires qui paraissent avoir suivi la même marche, et qui, autrefois nombreux en espèces, se trouvent aujourd’hui réduits à une seule forme européenne, ou à un très-peut nombre dans le reste du monde. Notre Paliurus orbiculatus vient se ranger à côté des précé- dents ; mais, quoique la connaissauce que nous en avons se ré- duise à ceile d’une empreinte isolée et en assez mauvais état, on peut Juger quels s’en éloigne sensiblement, aussi bien que de l'espèce actuelle. C’est une feuille présentant un contour presque orbiculaire, faiblement atténuée et obtuse au sommet, arron- die et presque cordiforme à la base. Le bord est entier, ou du moins il est impossible d’apercevoir aucune trace de dentelure ; les nervures basilaires sont bien prononcées, mais elles ne s'étendent pas jusqu’à l'extrémité supérieure ; comme dans le P. Aubleti, elles se réunissent, vers le tiers supérieur, aux autres nervures secondaires, qui sont fines, peu nombreuses, et se replient le long des bords. Les veines tertiaires, visibles à la loupe, donnent lieu à un réseau compliqué, à mailles flexueuses, tout à fait analogue à celui qui distingue les feuilles de notre Paliurus aculeatus Lam. (P. australis Rœm. et Schult.), que l'espèce tertiaire doit avoir précédé sur notre sol. JUGLANDEÆ,. ENGELHAkDTIA ULTIMA. (PI. VIT, fig. 1.) E. foliolis integerrimis, oblongis, apice basique breviter atte- (4) Heer, F2 foss. arctica, pe 422, tab. 47, fig, 2, d, et tab, 19, fig. 2-4. 59 GASTON DE SAPORTA nuatis; nervis secundarüs utrinque 12-14, plus minusve obli- quis, eurvatis, secus marginem arCuatim conjunctis, venulis flexuosis sensu contrario emissis inter se anastomosatis. Rare. C’est avec doute que nous rapportons au genre Engelhardtia les folioles reproduites par la figure 4, pl. VIT, et dont l’une semble n’avoir pas encore atteint son entier développement. Cependant la certitude que nous avons de la présence du genre dans les flores immédiatement antérieures et l’étroite confor- mité de tous les détails de la nervation, très-visibles sur nos empreintes, nous engagent à préférer cette attribution à toute autre. Nous avons d’abord songé à réunir cette forme à celle que M. Heer a signalée dans la mollasse suisse sous le nom de Juglans vetusta, et qui se distingue du J. acuminata par le con- tour plus allongé-elliptique de ses folioles. Mais il nous semble que les nervures secondaires de notre empreinte sont bien plus nombreuses ; elles suivent une direction oblique, se replient le long des bords etse ramifient en s’anastomosant ensemble. L'in- tervalle qui s'étend entre le repli et la marge est occupé par une série d’aréoles décroissantes; les nervures du troisième ordre sont un peu obliques et transversales, flexueuses, reliées entre elles par des veines ramifiées en divers sens, et quise réunissent en un réseau à mailles trapéziformes ou polygones, très-fines et un peu irrégulières. Le contour extérieur de la plus grande foliole est ovale-lancéolé, sensiblement atténué vers les deux extrémités, et terminé supérieurement par une pointe obtuse. Cette espèce peut être rapprochée avec succès de l'E. Roxbur- ghiana Lindi., ainsi que de l'E. spicata. ANACARDIACEZÆ. PiSTACIA MIOCENICA Sap., x. anal., p. 52. (PI. VI, fig. 4-6.) P. foliis verosimiliter plurijugis, foliolis membranaceis, ses- silibus, integerrimis, elliptico-lanceolatis, sursum obtusissime attenuatis, basi plerumque inæqualiter attenuatis ; nervis secun- dariis sub angulo aperto emissis, secus marginem dichotome LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 93 ramoso-reticulatis, venulis flexuosis reflexis inter se conjuncto- anastomosatis. Assez fréquent, Le genre Pistacia est un de ceux qui caractérisent le mieux la flore méditerranéenne, quoiqu'il n’y soit pas exclusivement renfermé; en effet, on le retrouve d’une part au Mexique, et de l’autre on le voit s’avancer à traversl’ Asie mtérieure jusque dans le fond de la Chine. Si la distribution géographique du groupe est immense, eu égard au petit nombre d'espèces qu'il comprend, la définition des principales, parmi celles de l’ancien continent, donne lieu à de véritables difficultés, à cause de l'extension et du polymorphisme évident de quelques-unes. Dans le midi de la France, les Pistacia terebinthus et lentiscus semblent bien distincts l’un de l’autre par leur habitat, aussi bien quepar les caractèresorganographiques quiles séparent. Le Pista- cia lentiscus est assez rare dans la région calcaire; il y constitue cà et là de petites colonies limitées à certaines pentes rocailleuses et abritées ; par contre, il abonde dans la zone siliceuse, dont il peuple les bois, et d’où le P.. terebinthus paraît exclu. Celui-ci hante les coteaux de la région calcaire, où il eroît parmi les bois et les rochers, particulièrement à l'exposition du midi ; de plus, son ancienneté dans la France méridionale est prouvée par les empreintes nombreuses de ses folioles, qui se montrent dans les tufs quaternaires, et jusque dans ceux de Meximieux, du département de l'Ain. Le retrait postérieur de l'espèce est donc bien évident, puisque actuellement elle ne dépasse guère les en- virons de Valence. Le P. terebinthus est l'espèce la plus dispersée du genre; c’est aussi celle qui donne lieu au plus grand nombre de variétés: on la suit du côté de l'Orient jusqu’en Perse; on la retrouve même dans les Indes, où elle a été peut-être introduite par la culture. En Perse, on observe une forme dont les feuilles pubescentes et d’un gris cendré, avec un moindre nombre de folioles et la terminale subsessile, semblent dénoter une espèce distincte, reliée pourtant à celle d'Europe par de nombreux intermédiaires. Enfin, on rencontre au pied de l'Atlas et dans les Canaries le P. atlantica Desf., qui diffère du précédent par 5! GASTON DE SAPORTA. sa taille élevée, ses rameaux touffus, ses folioles étroitement lancéolées, avec la terminale toujours sessile ; il est cépéndant, malgré tout, tellement voisin du P. terebinthus, que, dans leur grand ouvrage sur les Îles Canaries, MM. Webb et Berthelot ont hésité à l'en distinguer spécifiquement. C'est à ce même type que se rattache visiblement notre Pis- lacia miocenica, et cependant, lorsqu'on rapproche ses folioles de celles de l'espèce actuelle, on voit que les premières sont plus petites que les secondes, tantôt ellipüiques ou ovoïdes, tantôt obtusément atténuées ou plus rarement obovées, toujours ses- siles, et sensiblement inégales à leur côté inférieur. Or, par ces divers côtés et surtout par le dernier, ces folioles ressemblent à celles du P. lentiscus: en sorte que, tout bien considéré, elles paraissent intermédiaires entre les deux types actuels, entre qui élles servent de trait d'union. Du reste, en Orient, il existe des variétés ambiguës entre les deux Pistacia, comme les Pistacia chia et palæstina. Notre P. miocenica pourrait bien être la souche d’où seraient dérivées les formes actuelles. On peut croire, en effet, que, depuis le temps où se déposaient les argiles de Mar- seille, ce type n’a cessé d’habiter le sol de la Provence; mais il faudrait de plus nombreux débris et des organes plus intacts pour avoir la pensée d'insister sur ce point de vue. POMACEÆ. MESPILUS PALÆO-PYRACANTHA Sap. Vide suprà, in Flora manuescensi. (PI. VIE, fig. 2-3.) M. folis submembranaceis, longe petiolatis, nervulis supra impressis, elliptico- vel ovato-lanceolatis, breviter acuminatis, crenatis rarius inciso-crenatis ; nervis secundariis parum obli- quis, plurimis, ramoso-reticulatis ; tertiarns transversis obliquis, inter se et cum nervulis réticulatis. Cratægus tenuifolia Sap., Ex. anal., p. 52. Fréquent. LE SUD-EST DE LA FRANCE À L'ÉPOQUE TERTIAIRE, 55 Les figures que nous donnons représentent fidèlement cette espèce curieuse, dont nous avons pu étudier une longue série d'exemplaires. Ces exemplaires se rapportent le plus souvent à la face supérieure des feuilles, l'autre face s'étant bien plus rarement conservée : du reste, le réseau veineux est également visible sur les deux sortes d'empreintes ; seulement il présente des linéamenis en saillie sur ceux qui correspondent à la face supérieure, ce qui prouve que les nervures, ainsi que cela ressort de l'examen des fenilles du Âfespilus pyracantha et de plusieurs autres Pomacées à feuilles persistantes, s’y trouvaient imprimées en creux. Cette circonstance est de nature à faire croire que la texture des feuilles persistantes de l’ancienne espèce étaient plus où moins coriace, quoique, d'un auire côté, les détails, visibles jusque dans leurs dernières ramifications, du réseau veineux soient l'indice d’une ceriaine souplesse de {issu, sup position contrariée, 1l faut le dire, par la couche assez sen- sible de matière charbonneuse qui recouvre les empreintes. H est assez naturel de conclure de ces divers indices que nous avons sous les yeux une espèce plus ou moins polymorphe, dont les feuilles, plus grandes et moins coriaces que celles du M. pyracantha, étaient pourtant plus fermes que celles du M. prunifolia, et probablement persisiantes comme les pre- mières. L'attribution générique nous paraît incontestable, bien que les limites, toujours flottantes, qui séparent les Mespilus, Cralægus, Coioneasler, Stranvesia, etc., nous obligent à choisir uuc dénomination assez large pour n’exclure aucune affinité pos- sible avec les formes analogues que renferment ces divers grou - pes, tandis que nos empreinies ne sauraient rien avoir de com- mun avec les Pomacées à feuilles entières et ellipsoïdes du groupe des Cotoneaster, auquel on réunit pourtant quelquefois le Mes- pilus pyracantha. Les analogies par les feuilles sont naturelie- ment celles auxquelles nous devons nous attacher de préférence, puisque les feuilles sont les seuls organes qu’il nous soit donné de consulter dans le cas présent. Or, dans cet ordre d'idées, il est plus naturel de rapprocher le espilus pyracantha des Cratægqus que de voir en lui une essence congénère des Cotoneaster. Le 56 GASTON DE SAPORTA. Mespilus pyracantha L. (Cratægus pyracantha Pers., Cotoneaster pyracantha Spach, Gren. et Godr.), quelle que soit sa vraie place systématique, constitue dans le midi de l’Europe un type isolé à stations disjomtes et fractionnées, dont les liaisons sont mal définies avec les groupes dont on a essayé successivement de le rapprocher. Il est curieux d'observer sa présence dans les tufs quaternaires, aussi bien en Italie (1) (Perola) qu’en Provence (Saint-Antonim), et surtout aux environs de Montpellier. Le Buisson ardent parait donc avoir joué autrefois un rôle plus im- portant que de nos jours, car maintenant on l’observe rarement à l’état spontané, même dans les localités où abondent ses em- preintes, comme à Castelnau, près de Montpellier ; de plus, les feuilles figurées par M. Gaudin sont plus grandes et plus ellip- tiques que celles de la plupart des individus actuels, et se rap- prochent par conséquent davantage de celles que nous allons décrire. Celles-ci mesurent une longueur de 4 à 6 centimètres; elles sont assez longuement pétiolées, lancéolées-elliptiques ou ovales- lancéolées, obtusément atténuées vers la base, et terminées su- périeurement par une pointe brièvement acuminée. Les incisures du bord consistent en crénelures le plus souvent simples, égales et semblables à celles du M. pyracantha, quelquefois aussi plus pointues et doublement incisées, offrant alors le caractère de celles qui découpent les feuilles du M. prunifolia. Les nervures secondaires, assez peu obliques, quelquefois émises sous un angle très-ouvert, sont au nombre de douze paires environ ; elles sont alternes ou subopposées, droites, parallèles entre elles, et ramifiées vers la marge à branches très-obliques. Les nervures tertiaires sont fines, flexueuses, obliques et transversales. Des nervilles issues directement de la médiane s'étendent très- souvent dans l'intervalle qui sépare les secondaires et s’anasto- mosent avec les précédentes, On distingue enfin les linéaments d’un réseau très-fin, composé de veinules flexueuses, dont les dernières ramifications donnent lieu à des mailles trapézoïdes (4) Ch. Gaudin, 4* mém., Trav. toscans, p. 26, pl. XII, fig. 7-9. LE SUD-EST DE LA FRANCE A L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 97 très-irrégulières, mais dont le dessin accuse avec les parties correspondantes des Pomacées une évidente analogie. Les feuilles de cette espèce diffèrent de celles du M. pyra- cantha, dont elles affectent la physionomie, par des dimensions plus grandes, une texture moins coriace, des nervures secon- daires plus nombreuses et des dentelures marginales plus irré- gulièrement incisées. Elles ressemblent aux feuilles du M. pru- nifolia par la forme générale, la disposition des nervures de divers ordres ; mais elles s’en écartent par les dimensions du pétiole et une base moins atténuée. On doit encore mentionner l’affinité que présente cette espèce avec le Stranvesia crenata et le Mespilus crus-galli L. Cependant, lorsqu'on a fait la part de ces diverses liaisons, on est bien forcé d’avouer que le type du M. pyracantha est celui que l'espèce tertiaire retrace avec le plus de fidélité. LEGUMINOSÆ. LEGUMINOSITES CALPURNIOIDES. (PL. VII, fig. 7.) L. foliolis breviter petiolatis, oblongo-ellipticis, utrinque obtusatis, integerrimis; nervis secundariis obtusis, areolatis, vix CONSPICUIS. Très-rare. Foliole isolée qui ressemble, sous des dimensions bien plus faibles, à celles du Calpurnia europæa, dont nous avons décrit les feuilles et les fruits dans la Flore d’Armissan (1). (4) Voy. Ét. sur la végét. tert., W, p. 370 (Ann. des sc. nat., 5° série, t& IV, p. 226, pl. 43, fig. 8). GASTON DE SAPORTA. TABLE MÉTHODIQUE ET COMPARATIVE DES ESPÈCES DÉCRITES DANS LA FLORE PRÉCÉDENTE. ESPÈCES FOSSILES. | Depazea acericela Sap. . | Depazeacinnamomea Sap. Seclerotium angulatum S. F'axodinesæ Taxodium dubium Heer.. Abieéinea Pinus Matheronti Sap... MONOCOTYLEDONEÆXÆ. Fiyricesæ Myrica amygdalina Sap.. Alnus Sporadum Ung... Betula Brongniartii Ett. . Salicineæ Populus tremulæfolia S.. Populus ovata Sap Populus Flouestii Sap.. Populus massiliensis Sap. Salix varians Gœpp.... Salix Lavateri Heer..... Pages 16 16 17 18 18 18 25 26 27 2814 O2 LOCALITÉS étrangères, Bilin (Bohè- me); Schoss- nitz (Silésie); Parseblug {Styrie ); toute la mol- lasse suisse; Spitzhberg;val d’Arno,Chia- voné,Siniga- glia (Italie), GLCS ere Coumi (Grè- ce),mollasse suisse? ,Ma- nosque. :, Bassin de Vienne, Bilin, mollasse suisse; val d’Arno (Ita- lie) Mollasse suisse; Bilin (Bohème); Schossuitz (Silésie); bassin rhé- nan, etc. . Hohe-Rho- nen,Œningen (Suisse); Günzburg (Bavière). , .|Salix fragils L.. ESPÈCES vivantes analogues. Taxodium distichuim RICH APR ee Myrica Gale L...... -[Alnus orientalis Dne.. Alnus subcordata Mey. Betula lenta L....... Populus tremula L... Populuseilicica Kotsch. Populus rotundifolia Populus nigra L..... Populus ciliata Wall. . Popuius heterophylla Des ere Populus laurifolia Le- des .[Salix canariensis Sn... dues PATRIE de ces espèces. Amérique sept. Europe septentr. Syrie, Chypre. Rég. du Caucase. Amérique sept. Europe. Asie Mineure. Himalaya. Europe. Rég.del’Himalaya Amérique sépt. Asie intérieure, Sibérie. Iles Canaries. Europe. LE SUD-EST DÉ LA FRANCE À L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 59 ï: | LOCALITÉS ESPÈCES PATRIE ESPECES FOSSILESe étrangères, vivantes analogues, de ces espèces. Pages. Laurineæ..-......... 37 Laurus ambigua Sap.... 37/........|Phœbe bärbusana Web: ...........{lIles Canaries. Laurus'nobilis L. ...|Europe méridion. Cinnamomum lanceola- tum Heer...,...... A0 /Toutela série proveneale; toutela mol- lässesuisse; la plupart deslocalités du tongrien , et du mio- cène en A]- lemagne ; Autriche, Italie, ete. . Cinnamomum polymor- phora L.....:: :.. [Japon, phuin Heër........: AA |Toutelasérie provençale ; toute la mol- lasse suisse; la plupart des localités miocènes d'Allemagne: d'Autriche , |: draede Cinnamomum Cam- Cinnamomum Buchiu phora L..........|Japon. Héers le ram te role lasse suis- se; Armis- san, près de Narbonne; Günzburg,en Bavière; Su- persa, Val |Cinnamomum Cam d’Arno, ete. Cinnamomum spectabile plicra L:...... .. [Jäpon. Heer.......::..:.. 46 |æggis Mo- nod, Eriz, ete. (Suisse); Günzburg (Allemagne); Cadibona (Italie) ; Ar= missan, près de Narbon- ne, Manos- ï : que, ete. . | Cintiamointim Cam- Ericaceæ. ......:... A7 phora L...,......|Japon. Andromeda latior Sap... 47] Armissan, prés dé Nar- bonne, Ma- j Aa RUN nosque.. . .|Andromeda $Sälicifolia Acerineæ. ......:... 48 Benth...:. ... .|Ile Maurice: Acer angustilobum Heéér.. 48/|routela mol- lasse suis- se ; Rhon, Bischofsheim (Allemagne); Sinigaglia (Italie); Ma- où nosque. . . .|ACET Monspessulanum L...::....,...../Francé méridron. Cinnamoiïnum Cam- 60 GASTON DE SAPORTA. ; LOCALITÉS ESPECES PATRIE ESPECES FOSSILES. étrangères. vivantes analogues. de ces espèces. Hiicineæ. Ilex horrida Sap....... Armissan, près de Nar- Celastrineæ. Evonymus rotundatus S. Evonymus glaber Roxb.|Indes orientales, Rhamneæ Paliurus orbiculatus Sap. Paliurusaustralis Ræm. et Sch France méridion. duglandeæ Engelhardtia ultima Sap. | Engelhardtia Roxbur- ghiana Lindl Indes orientales. Anacardiaceæ Pistacia miocenica Sap. . Pistacia terebinthus L.| France méridion. Pomaceæ Mespilus palæo-pyracan- + 94] Manosque. .[Mespilus pyracantha L.| France méridion. Leguminosæ . 97 Leguminosites calpurnioi- EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 4. Fig. 4. Pinus Matheronti. Rameau garni de ses feuilles et pourvu au sommet d'un bourgeon terminal solitaire, grandeur naturelle. Fig. 2. Taxodium dubium Heer. Deux ramules couchés l’un sur l’autre, grandeur naturelle, Fig. 3et4. Betula Brongniartit Eltingsh. Feuilles, grandeur naturelle. Fig. 5. Depazea acericola. Macules dispersées à la face supérieure d’une feuille d'Acer angustilobum Heer, grandeur naturelle, — 5 a, b et c, macules grossies pour mon- trer la disposition des conceptacles. Fig. 6. Depazea cinnamomea. Macules occupant la face inférieure d’une feuille de Cinnamomum Buchii Heer, grandeur naturelle.— 6 a et 6 b, macules grossies pour montrer le mode de groupement des conceptacles. Fig. 7. Sclerotium anqulatum. Périthèces épars à la face inférieure d’une feuille de Cinnamomum polymorphum Heer, grandeur naturelle. — 7 a, plusieurs périthèces grossis. Fig. 8-10. Myrica amygdalina. Feuilles, grandeur naturelle.— 8, deux grandes feuilles couchées l’une sur l’autre, l’une d'elles pétiolée. 9, deux feuilles accolées, disposées en sens inverse. 40, deux fragments de feuilles, l’une d'elles pétiolée. LE SUD-EST DE LA FRANCE À L'ÉPOQUE TERTIAIRE. 61 PLANCHE . Fig. 1. Alnus Sporadum Ung., var. phocæensis. Feuilles, grandeur naturelle. — 1, feuille de très-grande dimension avec le pétiole. 2, feuille plus petite, de forme obovée, très-élargie au sommet. 3, autre feuille, de forme elliptique, faiblement denticulée sur les bords. 4, autre feuille, de forme elliptique, entière sur les bords. 5, feuille plus petite, elliptique, un peu inégale et denticulée sur les bords. Fig. 6-8. Populus massiliensis. Feuilles, grandeur naturelle.— 6, grande feuille muti- lée sur l’un des côtés, avec tous les détails du réseau veineux. 7, autre feuille plus petite, avec le pétiole, déformée naturellement sur les bords, vue par dessus; les détails de la nervation sont peu visibles. 8, autre feuille plus petite, déformée sur les côtés et à l'extrémité supérieure. PLANCHE 9. Fig. 1. Populus massiliensis. Très-grande feuille vue par dessous, grandeur naturelle. Fig. 2-3. Populus ovata Sap. Feuille vue par dessus, grandeur naturelle. Fig. 4. Populus tremulæfolia. Feuille vue par dessus, grandeur naturelle, Fig. 5-6. Populus Flouestii. Feuilles, grandeur naturelle.— 5, grande feuille, vue par dessous ; la base manque ainsi que la terminaison supérieure. 6, feuille beaucoup plus petite, appartenant probablement à la même espèce. PLANCHE 4, Fig. 4-4. Salix Lavateri Heer. Feuilles, grandeur naturelle. — 4, partie inférieure d’une feuille, vue par dessus, avec le pétiole; on distingue deux glandes au sommet de cet organe. 2, autre feuille dont l'extrémité supérieure manque. 3, autre feuille tout à fait entière. 4, feuille de la même espèce. Fig. 5-6. Salix varians Gœpp. Feuilles, grandeur naturelle. — 5, très-srande feuille à laquelle il ne manque que le pétiole et l'extrémité supérieure. 6, partie inférieure d’une feuille plus petite de la même espèce. Fig. 7-8. Laurus primigenia Ung. Feuilles, grandeur naturelle. D’après des exem- plaires de Manosque. — 7, type normal, identique avec les empreintes de Sotzka publiées par M. Unger. 8, autre feuille de la même espèce, qui se rapproche davan- tage du Laurus ambigua. Fig. 9. Laurus ambiqua. Feuille, grandeur naturelle, Fig. 40. Laurus reticulata (Ficus reticulata Sap.). Feuille, grandeur naturelle. D’après un exemplaire de Saint-Zacharie, représenté pour faire juger du degré de liaison de cette espèce avec la précédente. Fig. 14-16, Cinnamomum lanceolatum Heer. Feuilles, grandeur naturelle. — Les figures 41, 142 et 13 sont déssinées d’après des exemplaires provenant de Manosque et destinées à servir de terme de comparaison avec les figures 14, 15 et 16, qui représentent la même espèce d’après des exemplaires recueillis dans les argiles du bassin de Marseille. 62 GASTON DE SAPORTA, Fig. 17, Cinnamomun, polymorphum Meer, var. acummatum. Feuille vue par dessus, grandeur naturelle. PLANCHE D. Fig. 1-4. Cinnamomum polymorphum Meer. Feuilles vues par dessus, grandeur naturelle. — 4 et 2, var. 8 genuinum. 3, var. y Lr'ansversum (Cinnamomum trans- versum? Heer), avec des macules de Depazea cinnamomea. 4, autre feuille se ratta- chant à la même variété. Fig. 5-6. Cinnamomum Buchit Heer. Feuilles, grandeur naturelle, reproduisant les deux formes principales de l'espèce. Fig. 7, Laurus ambiqua? Feuille, grandeur naturelle. D'après un exemplaire de grande taille vu par dessous. Fig. 8. Cinnamomum spectabile Heer. Feuille vue par dessus, grandeur naturelle. PLANCHE 6. Fig. 1-2. Cinnamomum spectabile Heer, Feuilles vues ar dessous, grandeur naturelle. $ J} p 93 D Fig. 3. [lex horrida Sap. Feuille, grandeur naturelle. Fig. 4-6. Pistacia miocenica Sap. Folioles, grandeur naturelle.— #4, plusieurs folioles de diverses grandeurs, couchées en désordre. 4 a, détails de la nervation de l'une d'elles, grossis. 5, trois folioles couchées en désordre. 6, trois folioles éparses, dont une beaucoup plus petite que les autres. = {lo Fig. 1. EÉngelhardtia ultima. Deux folioles, dont l’une à peine développée. Grandeur naturelle. PLANCHE Fig. 2-3. Mespilus palæo-pyracantha Sap. Feuilles, grandeur naturelle. Fig. 4. Andromeda latior Sap. Feuilles, grandeur naturelle, Fig. 5. Evonymus rotundatus. Feuille, grandeur naturelle. Fig. 6. Paliurus orbiculatus. Keuille, grandeur naturelle. 7 Fig, 7. Leguminosites calpurnioides. Foliole, grandeur naturelle. LL et ETUDES LES FONCTIONS DES RACINES DES VÉGÉTAUX, Par Ni. € ORENXRVENSHDER (1). Membre de la Société impériale des sciences, de l’agriculture et des arts de Lille. On admet depuis longtemps une théorie relative aux racines des plantes, qui n’a jamais été démontrée expérimentalement, et qui cependant n’est contestée par personne. Je veux parler de la propriété qu’on leur attribue d'absorber dans le sol de l’acide carbonique, Depuis plusieurs années je me suis livré à des recherches ex- périmentales sur ce sujet. Retenu par un sentiment de prudente circonspection, je u’aj pas osé jusqu'aujourd'hui publier les ré- sultais de ces recherches, parce qu'ils sont en contradiction avec des opinions accréditées dans les ouvrages les plus sérieux. Cependant, comme l'intérêt de la science exige que les faits acquis par la méthode expérimentale prennent la place des théories spéculatives, je ne crois pas devoir hésiter plus long- temps à publier des observations qui infirment un système très- spécieux, 1l est vrai, mais contraire aux lois naturelles. Je pense aujourd'hui que les racines des plantes n'ont pas la propriété d’absorber dans le sol de l'acide carbonique, ou au moins que la quantité qui peut pénétrer dans leurs tissus par cette voie ne doit pas être considérée pour elles comme une source impor- tante de carbone. Je me réserve de faire connaître dans un mémoire détaillé les appareils à l’aide desquels je poursuis mes recherches; au- jourd’hui je me bornerai à en signaler quelques résultats. En général, ces recherches ont été effectuées sur des racines (1) Extrait des Mémoires dela Société impériale des sciences, de Pagriculture et des arts de Lille, année 14867, 3° série, 4° volume. 1 Gh CORENWINDER, laissées en communication avec les organes aériens des plantes dont elles font partie. Les premières sont enfermées dans une cloche ou dans un ballon; les feuilles flottent au dehors. Lors- que celles-ci sont exposées au soleil, le ballon qui contient la racine est entouré d’un linge épais sur lequel j'entretiens un courant continu d’eau froide. En un mot, je m'entoure de toutes les précautions nécessaires pour ne pas trop m'écarter des pro- cédés de la nature. Le 24 août, je mis sous une cloche à douille une racine de Cu- phea ayant beaucoup de chevelu. Les extrémités de cette racine plongeaient dans de l’eau distillée. La tige traversait la douille et les feuilles flottaient dans l'air. Je fis passer sous cette cloche un volume d'acide carbonique pur, qui, ramené à la tempéra- ture zéro et à la pression normale, équivalait à 50° 5/10. L'appareil ayant été fixé sur une plaque de verre et bien luté, je l'exposai au soleil pendant quatre heures; puis, à l’aide d’un aspirateur, je fis passer lentement tout l'air qui avait été en contact avec la racine dans une dissolution concentrée d’eau de baryte. Le dépôt de carbonate de baryte fut abondant ; lavé et calciné, 1l contenait 68‘ d'acide carbonique. Cette racine avait donc exhalé 17" 5/10 d'acide carbonique. Du reste, par suite de nombreux essais, je puis affirmer que presque toutes les racines sont dans le même cas : elles expirent constamment de l'acide carbonique (1). Ces premiers résultats prouvent conséquemment que les ra- cines des plantes n'ont pas la propriété d’absorber l'acide car- bonique à l’état gazeux, au moins dans les conditions de mon expérience. Je me suis demandé alors si l'acide carbonique ne devait pas se trouver en dissolution dans l’eau pour pénétrer par les racines dans le tissu des végétaux. Voici d’autres expériences qui ne sont pas favorables à cette hypothèse : Je fis passer la racine d’un Chou dans un ballon tubulé con- (4) D'anciens physiologistes avaient observé déjà que lesracines exhalent de l'acide carbonique. ÉTUDES SUR LES FONCTIONS DES RACINES DES VÉGÉTAUX. 65 tenant de l’eau distillée. Elle plongeait entièrement dans cette eau, et les feuilles de la plante étaient en dehors du ballon. On versa dans celui-ci, par un tube muni d'un robinet, 50 centi- mètres cubes d’une dissolution connue d'acide carbonique. L’ap- pareil ayant été fermé et luté convenablement, on l’exposa au soleil pendant cinq heures, puis l'ayant mis en communication avec un aspirateur, l’eau de baryte se troubla instantanément et je recueillis un dépôt de carbonate de baryte qui contenait une quantité d'acide carbonique supérieure à celle que J'avais mise dans le ballon en contact avec la racine (4). Pour éviter les objections, je fis une seconde expérience avec une plante marécageuse « l'Eupatoire » (Eupatorium cannabi- num). Cette plante vit fort bien dans l’eau ; j'en ai conservé plu- sieurs dans ce liquide pendant plus d'un mois; elles ont produit de nouvelles racines et leurs tiges ne se sont pas flétries. Ayant mis en contact avec la racine de cette plante une disso- lution contenant 0,074 d'acide carbonique, j'en recueillis dans l’eau de baryte 0,088 (2). (4) Je me suis assuré qu’on parvient à dépouiller à peu près complétement une eau de l'acide carbonique qu'elle contient en aspirant à sa surface pendant un espace de temps suffisant. Lorsque cette eau n’exhale plus d’acide carbonique à la température ordinaire, on peut sans inconvénient enlever la plante avec sa racine, boucher le bal- lon avec un bon bouchon de caoutchouc et le chauffer jusqu'à l’ébullition en conti- nuant de faire marcher l'aspirateur. De cette manière, on recueille dans la dissolution de baryte les dernières traces d'acide carbonique que cette eau pouvait encore renfer- mer. (2) Lorsqu'on dispose des plantes retirées du sol de manière que leurs racines plongent dans un flacon contenant de l’eau distillée et que leurs organes foliacés flottent dans l'atmosphère, on trouve presque constamment, après un jour ou deux, une quantité sensible d'acide carbonique dans celte eau. Il est essentiel de boucher le flacon avec un bouchon percé d’un trou pour laisser passer la tige et de luter convena- blement afin d'empêcher l'acide carbonique de s’évaporer, H faut évidemment laver la racine avec soin après l'arrachage. Non-seulement les racines semblent exhaler constamment de l’acide carbonique, mais elles exerèlent aussi des matières solubles qui donnent souvent un précipité jaunâtre avec Peau de baryte. Ges excrétions ont été signalées par plusieurs physiolo- vistes, On à pu remarquer à l'Exposition universelle, dans la section prussienue, des plaques de marbre blanc présentant à leur surface des stries assez profondes produites par des racines de plantes qu'on avait fait pousser dans des dissolutions, au fond desquelles ces 5e série, Bor. T. IX. (Cahier n° 2.) 1 5 66 CORENWINDER. L'exposition à la lumière avait duré six heures. Les recherches précédentes, il faut le reconnaître, ne sont pas favorables à la théorie qui tend à affirmer que les racines des plantes font dans le sol des inspirations abondantes d'acide car- bonique. Si l'on ne veut pas en conclure que cette théorie est fausse, il faut admettre, au moins, qu’elle est mise en question aujourd'hui et qu'elle n'a désormais aucun caractère expéri- mental. On peut faire à ces expériences une objections spécieuse : c’est que des racines retirées du sol et mises dans de l’eau ne subsis- tent plus dans leurs conditions normales et que leurs fonctions peuvent être atrophiées par ce changement d'état. Cette objec- tion ne me parait pas applicable toutefois aux plantes maréca- geuses. Je suis disposé à croire qu’une fonction naturelle d'un être ne s’anéantit que par la mort et qu’elle persiste en général, quoi- qu’à un plus faible degré, mème lorsque les circonstances ne sont plus aussi favorables à son accomplissement. Ainsi il n’est plus douteux aujourd'hui que les feuilles des plantes absorbent beaucoup d'acide carbonique daus l’atmo- sphère, lorsqu'elles sont exposées à la lumière du soleil. De mes nombreuses expériences j'ai pu conclure qu’une plante ayant à peine 30 centimètres de hauteur peut souvent faire dis- paraître, par ses feuilles, un décilitre d'acide carbonique en moins de deux heures d'insolation. Les feuilles ne perdent pas cette propriété importante, même lorsqu'elles ne sont plus dans des conditions normales. Que l’on opère sur un rameau détaché, sur des feuilles isolées ou même sur des tronçons de feuilles, les fragments conservent la faculté de faire disparaître l'acide carbonique, avec moins d'intensité toutefois que dans l’état normal, Par analogie, on doit admettre que si les racines jouissaient plaques étaient posées. Ces érosions sont occasionnées sans doute par l'acide carbonique qu’exhalent les racines. Il se forme ainsi du bicarbonate caleare qui est absorbé par ces organes et transporté dans le corps du végélal, Cette curieuse expérience est due à M, le professeur Sachs, de Bonn. ÉTUDES SUR LES FONCTIONS DES RACINES DES VÉGÉTAUX. 67 de la propriété que possèdent les feuilles d’absorber de l'acide carbonique, cette propriété subsisterait encore peu de temps après qu'on les a retirées du sol; elle ne s'anéantirait pas, sur- tout pour les plantes marécageuses qui continuent de croître dans ce liquide en émettant de nouvelles racines. Je suis, du reste, autorisé à affirmer que certaines plantes de marais périssent promptement lorsqu'on maintient leurs racines dans une eau chargée d’une quantité, peu abondante même, d'acide carbonique. Cependant plusieurs physiologistes ont annoncé qu'on active, dans une certaine mesure, la végétation des plantes en arrosant la terre dans laquelle elles se développent avec de l’eau chargée d'acide carbonique. ai répété ces expériences sur différentes plantes en faisant varier Ja composition des sols, et j'ai vu que dans quelques cas, mal définis encore, l'acide carbonique im- prime à la végétation un accroissement un peu plus rapide. Il n’est pas douteux que les racines, en absorbant de Peau dans le sol, absorbent en même temps les corps que ce liquide tient en dissolution. De cette manière, une faible quantité d'acide carbonique qui échappe à l'observation pénêtre sans doute dans la circulation végétale. Cet acide facilite la dissolution des sub- stances minérales utiles à la plante et favorise ainsi, dans une certaine mesure, son développement (1). Il reste à expliquer, toutefois, l'origine de la proportion quel- quefois considérable d'acide carbonique qu’on trouve dans les végétaux. Au mois d'août 1866, j'ai soutiré du tronc d’un gros orme, à l’aide d’un aspirateur, de l'air qui contenait environ À pour 400 d'acide carbonique. D'où provient cet acide? Ne serait-il pas, en grande parte, le produit d’une combustion exercée dans les racines, qui, d'après de Saussure, font dans le sol des inspira- tions abondantes d'oxygène? M. Boussingault a constaté, il y a quelques années, que le sol (1) Si cette absorption est difficile à apprécier, c’est probablement parce que les racines perdent par voie d’exosmose ou de diffusion une proportion d'acide carbonique supérieure à celle qu’elles acquièrent par leurs extrémités. 68 UORENWINDER . est un réservoir immense d'acide carbonique. Dans une de ses expériences, il en a trouvé près de 10 pour 400 dans de l'air confiné au sein d’une terre meuble et fertile, riche en principes organiques. On est conduit à se demander ce que devient cet acide, si les racines n’ont pas la propriété de l’absorber. 1 me parait probable qu'il s’exhale du sol, surtout lorsque celui-ei est récemment ameubli. Les labours, les hersages, les pluies, ete., le déplacent et le ramènent près de la surface d’où il se répand dans l'atmosphère. Si la terre est couverte de feuilles, comme dans un champ de betteraves où de tabac, par exemple, ces organes l’absorbent au passage. Cependant le savant éminent dont je viens de parler à fait une expérience, que J'ai contirmée, dont il semblerait résulter que l'air qu’on aspire à la surface du sol ne contient pas plus d'acide carbonique que celui qu'on peut recueillir en mème temps à quelques mètres d’élévation. I faut remarquer que lorsqu’au moyen d’un aspirateur on fait arriver, dans un récipient contenant de l’eau de baryte, un vo- lume d’air déterminé, on ne fixe que la petite quantité d'acide carbonique que cet air peut contenir; mais, dans la nature, le phénomène est différent. Les feuilles, en vertu de leur affinité pour l'acide carbonique, forment un centre d'attraction vers le- quel celui-ei se précipite. Lorsqu'une molécule d’acide est absor- bée, un vide se fait pour les molécules de même nature qui, possédant une élasticité propre et indépendante de celle de l'air dans lequel elles sont raréfiées, se dirigent vers ce point central. Dans mes nombreuses expériences, j'ai remarqué que l'air atmosphérique ne renferme quelquefois qu’une minime propor- tion d’acide carbonique, et cependant, si l’on y expose au même moment un vase ouvert contenant de l’eau de baryte, celle-e1 se couvre en peu d’instants de molécules de carbonate de baryte. Ce phénomène s'explique de la même manière (4). J'ai effectué sur le même sujet un grand nombre d’autres (4) La quantité d'acide carbonique contenue dans lair atmosphérique est variable. ÉTUDES SUR LES FONCTIONS DES RACINES DES VÉGÉTAUX. 69 expériences qui confirment les observations précédentes : elles feront l’objet d’un second mémoire que j'aurai l'honneur de pré- senter à la Société (1). De Saussure a fait de nombreuses recherches sur ce sujet. Sans émettre de doutes sur l'exactitude des résultats qu'il a annoncés, je pense qu'il importe de faire une nouvelle étude de cette question à l’aide des appareils ingénieux dont la science est redevable à MM. Dumas et Boussingault. (1) Le Mémoire que l’on vient de lire était à l'impression lorsque j'ai cu l’occasion d'étudier le livre de M. Liebig, intitulé : Les lois naturelles de l'agriculture, Cet impor- tant ouvrage, si digne des méditations des agronomes, renferme des passages que je vais reproduire avec satisfaction, parce qu'ils signalent des expériences qui sont en parfaite conformité avec les miennes : Dans le chapitre intitulé La plante, t. TE, p. 10, on lit: («Si lon place dans la teinture de tournesol de la laitue et d’autres plantes dont on a soigneusement lavé les racines après l’arrachage, elles continuent à se développer, probablement aux dépens des feuilles inférieures qui se flétrissent. Au bout de trois à quatre jours la teinture rougit, mais la coloration disparait par l’ébullition, ce qui fait supposer que les racines ont dégagé de l'acide carbonique.» D'autre part (p. 422, t. Il, appendice E), M: Liebig s'exprime ainsi : « D'après les expériences de Stohmann, si äu mois de mai, après avoir fait germer la graine de mais dans l'eau, on place la jeune plante, dès qu’elle est pourvue de ses racines, dans une dissolution renfermant les principes nutrilifs dans la proportion où ils se trouvent dans les cendres, elle peut y croitre et s’y développer. Al faut avoir soin d’y ajouter seule- ment de l’azotate d’ammoniaque en quantité suffisante pour qu’il s’y trouve deux par- ties d'azote pour une partie d'acide phosphorique, et étendre assez la dissolution d’eau distillée pour qu’elle ne contienne que 3 pour 400 de parties solides, » Il faut, en outre, placer les plantes dans un endroit où elles soient exposés au soleil, remplacer journellement l’eau’ distillée qui est enlevée par l’évaporation des feuilles et s'assurer fréquemment de la réaction de la dissolution. Cette réaction doit toujours être faiblement acide, et il importe de la conserver telle en ajoutant de temps en temps quelques gouttes d'acide phosphorique. En observant ces prescriptions et sans se préoccuper de fournir artificieHement de Pacide carbonique, par le seul concours de celui qui se trouve dans l'atmosphère, on obtient des plantes parfaitement dévelop- pées, et qui, dans des circonstances favorables, atteignent même une hauteur de sept pieds... «D’après Knop, les plantes de mais qui vivent dans une selution aqueuse, exhalent constamment de Pacide carbonique par leurs racines.» OBSER VATIONS SUR LE MOUGEOTIAÀA GENUFLEX À Ac. ET SUR LA FORMATION DE SES SPORES, Par M. 1e Mr REHPARYX. La petite Algue sur laquelle je viens aujourd’hui présenter quelques observations est exirêmement commune dans nos eaux douces. Ce n’est cependant qu'au commencement de ce siècle qu’elle a été clairement distinguée parmi les nombreuses espèces confondues ensemble sous le nom collectif de Con/erva bullosa par Linné et les anciens botamistes. Depuis cette époque, un grand nombre d'auteurs l'ont décrite et figurée dans leurs ou- vrages; mais tous, sauf un seul, comme nous le verrons plus bas, n’ont observé que son état stérile, et les figures qu'ils nous en ont laissées représentent ses filaments dans un commence- ment de copulation, tels qu’on les rencontre en effet le plus habituellement. Puisque des observateurs tels que Vaucher, de Candolle, C.-A. Agardh, Lyngbie, Hassall, M. Kützing et beaucoup d’autres encore, n’ont jamais pu voir ses spores, 1l faut bien admettre que leur formation doit être rare et exige certaines conditions particulières. Javais moi-même souvent observé la Mougeotia genuflexa Ag. dans les environs de Bourges, mais toujours stérile, lorsque, en 1860, je la trouvai pour la première fois dans un état parfait de copulation et avec des spores à tous les degrés de développement. Cette décou- verte me parut avoir une certame importance, parce qu'elle éclairait une question jusqu'ici fort obscure concernant non- seulement une espèce particulière, mais encore un genre tout entier, et comblait ainsi un des trop nombreux desiderata de cette partie de l’algologie encore si peu avancée. Le genre Mougeotia, en effet, est assez mal défini, même dans les ou- OBSERVATIONS SUR LE MOUGEOTIA GENUFLEXA. 71 vrages les plus modernes. Ainsi, par exemple, M. Kützing, dans son Species Algarum, déclare que les spores de toutes les espèces qui le composent sont mconnues, et ses Tabulæ phyco- logicæ ne contiennent que des figures de leurs filaments stériles ou dans un commencement de copulation. Je n'ai cependant pas voulu publier ce fait imtéressant avant de l'avoir observé une seconde fois. L'occasion vient de m'en être fournie tout récemment par un jeune algologue plem de zèle, M. Max. Cornu, qui à trouvé comme moi le Mougeotia genuflexa Ag. en très-bon état de fructification, le 30 septembre dernier, dans les environs de Romorantin, et m'en a commumaué de nom- breux échantillons. La nouvelle étude que j'en ai faite est venue confirmer de tous points la vérité de mes premières observa- tions. D'un autre côté, le troisième fascicule du Flora euro- pœa Algarum aquæ dulcis et submarinæ de M. Rabenhorst, qui vient de paraître cette année, contient sur la fructification de cette Algue des idées en contradiction si complète avec les faits positifs que j'ai eu deux fois l’occasion d'observer et de montrer à plusieurs algologues, que je crois devoir, sans tarder plus longtemps et dans l'intérêt de la science, faire connaître le ré- sultat de mes observations. Mais avant d'aller plus loin, il est indispensable de jeter un coup d'œil en arrière, afin de connaître les opinions des auteurs qui nous ont précédé. Cette revue rétrospective me permettra de rectifier quelques erreurs introduites dans la synonymie du Mougeotia genuflexa Ag. C'est à Roth que les algologues attribuent sa découverte : je crois Cependant que c’est à tort, et que l’espèce décrite Se lui sous le nom de Conferva genufleæa n’est point la même plante que celle qui a été désignée depuis lui sous ce nom et figurée par un grand nombre d'auteurs. Pour en acquérir la certitude, il suffit de lire avec attention la description qu'il nous en à donnée. C’est un modèle de clarté et de précision comme toutes celles écrites par ce grand naturaliste, un de ceux qui ont le mieux connu et observé les Algues de nos eaux douces. 72 RIPART. Voici cette description tout entière prise dans le deuxième volume de ses Catalecta botanica, publié en 1800, page 199 : « Conferva filis geniculaus, simplicibus, genuflexis, genu- bus sibi contiguis per paria coadunatis; geniculis (4) linearibus ; articulis longiusculis, in medio parum angustatis, fructiferis demum ventricosis per intervalla dispositis. » Primo intuitu quam proxime accedit Confervæ sordidæ, Catalect. bot., fasc. 4, p. 177, ut eadem videatur, nisi structura filorum longe aliena esset. » Cespites densissimi; juniores sub aquæ superficie nubis in formam hærentes, flavescentes ; adultiores aquæ innatantes, subrotundi, non raro pedales, sordide vel ex aureo flavi, bullas aëreas diversæ magnitudinis plerumque includentes, tune supra aquam parum elevati et fere pulvinati. » Fila simplicia, geniculata, tenuissima, ut microscopit ope tantum rite distinguantur, diversimode implexa, ut eorum lon- gitudo determinari nequeat, ad genicula fragilia, tenui et maxime pellucida membrana conflata : juniora rectiuseula vel nonnihil incurvata, crassitie fere æqualia; adultiora per inter- valla ad artieuli medium genuflexa, genubus extrorsum obtusis et quando ejusmodi genua alerius fili genu attingunt, cum illo coadunantur atque cum his tali modo alia conjunguntur, ut ita totius cespitis fila, genuum ope per paria coadunatorum, inter se cohæreant et ramosissima videantur; in statu perfecto et maturitati proximo genua conglutinala ab invicem parum rece- dunt, relicto tubulo conjunctorio brevissimo, genua tune paulo rectiora evadunt et fila ob articulos sparsos gravidos ventricosos quasi remole torulosa in conspectum veniunit. (1) Le mot latin geniculum a un double sens qui à été une cause de confusion. Roth s'en sert pour désigner les cloisons qui séparent les articles ou cellules, et pour lui, l'expression filum geniculatumn signifie un filament cloisonné ou articulé ; quand il veut parler de la flexion du filament lui-même, il se sert du mot genuflerum, et le prolon- gement de la paroi au moment de la copulation est désigné par le mot genu. Endli- cher, au contraire, emploie le mot geniculatum comme synonyme de genuflerum, Ainsi, il dit, en parlant du genre Mougeotia : fila geniculata in geniculis sese copulan- tia (Gen., pl. suppl. 3, p. 14). M. Kützing dit aussi (Sp. Alg., p. 433): Trichomata ubrica geniculatin curvata, etc. OBSERVATIONS SUR LE MOUGEOTIA GENUFLEXA. 73 » Genicula linearia, tenuissima, subobseura, articulis cras- sitie æqualia, sub fili violenta flexura disrumpentia. » Articuli quadruplo, vel sextuplo longiores diametre suo ; in juniori alga crassitie æquales et cylindracei; in adultiore versus medium nonnihil angustiores, intus granulis flavescen- tibus primum confertissimis ubique adspersi et ia toti flaves- centi colore tincti, mox vero à geniculis granula recedunt, unde articuli utrinque sunt maxime pellucidi, hyalini, tandem in massam gracilem, filiformem contabescunt, ut articuli maxima eæ parte evadant pellucidi; in exolela et maturitali proxima fructificationum granula ex articulis nonnullis proæimis per geni- cula pervia in unum provehuntur, in eodem colliguntur ibidem- que in massam ovalem, compactam, obscuram et viridantem coeunt, unde hi articuli gravidi, præsertim versus medium, magis expanduntur, maæima ex parle obseuri, ventricosi el ovales evadunt, interpositi autem evacuati cylindracei, maæime pellucidi et steriles cernuntur. Hine fila in hac œtate quast remote torulosa et nodosa conspiciuntur. » D’après cette description, dont plusieurs passages ont été à dessein imprimés en caractères différents, il résulte que, dans le filament arrivé à son développement complet, l'endochrome d'abord répandu dans tout l'article change bientôt d'apparence ; il devient filiforme, allongé et laisse en grande partie l’article vide et transparent. L'auteur explique très-clairement que les angles ou genoux des filaments copulés se séparent l’un de l’autre (ab invicem parum recedunt), et que l’endochrome d’un article ou cellule passe dans la cellule voisine à travers la cloi- son qui s’est ouverte à cet effet (per genicula pervia), et que de la réunion des deux endochromes contenus dans ces deux cel- lules résulte la formation d’une masse compacte et ovale dans l’une d'elles, tandis que l’autre reste vide, transparente et cylin- drique. L'espèce désignée par Roth sous le nom de Conferva genuflexæa à donc des spores ovales contenues dans des cellules qui, primitivement cylindriques et même un peu resserrées vers le milieu (articuli in adultiore versus medium nonnihil an- 7h RIPART. gustiores), se sont ensuite dévelopées et sont devenues ovales elles-mêmes pour s'accommoder à la forme de la spore qu’elles contiennent. À peu près à la même époque, en 1803, Vaucher, sans avoir connaissance des travaux de Roth qui ne se trouve pas cité dans son ouvrage, décrivit, sous le nom de conjugata angulata, une espèce que tous les algologues admettent comme synonyme du Conferva genufleæa de Roth. Cependant Vaucher ne l’a vu que dans un commencement de copulation, et malgré ses recherches réitérées, jamais il n’a pu réussir à voir sa fructifi- cation. 1 pensait que les grains brillants que l’on remarque au milieu de la matière verte étaient ses germes. Il indique et figure un autre mode de reproduction vivipare qu’il décrit ainsi : « Depuis le moment où j'écrivais cette description, J'ai vu, comme je l'ai dit plus haut, germer cette Conjuguée; elle naït d'une manière fort différente de toutes les autres : la matière ue passe pas d’un tube à un tube voisin, mais chaque loge fournit à elle seule une jeune plante; le tube extérieur qui sy trouve renfermé devient une jeune Conjuguée qui était tout entière contenue dans le vieux tube, comme elle-même contient les plantes qui doivent se développer ensuite; elle en sort par l'extrémité lorsqu'elle occupe la dernière loge, ou par les côtés lorsqu'elle se trouve dans une des loges du milieu. » Hist. des Conf:;'p:.80;.pl. 8, fig. 7,.8,:9. Deux ans après la publication du deuxième volume de l’ou- vrage de Roth ci-dessus cité, Dillwyn décrivit (Syn. of the brut. confervæ. London, 1802), sous le nom de Conferva genu- {lexa Roth., une espèce qu'il caractérise ainsi : « Filamentis simplicibus, lenuissimis, fragilibus, hic illic genuflexis conjuga- tisque ; articulis longiuseulis cylindricis, granulis in lineas coa- cervatis, » Cette espèce est représentée (pl. 6) en conjugaison, mais stérile. En 4806, Roth publia le troisième volume de ses Catalecta boia- nica, dans lequel il donne une nouvelle description abrégée de son Conferva genuflexa. Au sujet de la formation de ses spores, il répète : « Articulis longiusculis, in medio parum angustatis; OBSERVATIONS SUR LE MOUGEOTIA GENUFLEXA. 75 fructiferis demum ventricosis per intervalla disposihis. » I cite ensuite la description de Dillwyn, qu'il admet comme se rap- portant à son Conferva genuflexa. Mais, en 4809, Dillwyn, dans une introduction et un supplé- ment à son ouvrage, dit p. 18 : «J'ai depuis découvert les graines du Conferva genuflexæa; elles sont grosses et globu- leuses, et ne se forment pas dans l’intérieur de Pun ou l’autre filament, comme dans le Conferva jugalis, etc. (1 have since discovered the seeds of Conferva genufleæa; they are large and globular and not formed within either filament as in Conferva jugalis, etc.) », et il représente (pl. G du supplément) deux filaments conjugués réunis par un tube de nouvelle formation contenant une spore sphérique tout à fait semblable aux spores que J'ai observées moi-même et dessinées à la chambre claire (voy. fig. à à 8). Les figures des filaments copulés du Con- ferva genufleæa de Dillwyn ressemblent tellement à celles du Conjugata angulata de Vaucher, qu'il est impossible de ne pas reconnaître qu’elles représentent une seule et même espèce. Sans nous engager aujourd'hui dans la recherche de l'espèce décrite par Roth, qui, par son mode de copulation et ses grosses spores ovales contenues dans les cellules dilatées des filaments eux-mêmes, me paraît appartenir au genre Rhynchonema de M. Kützmg, nous pouvons affirmer avec certitude qu’elle n’est pas celle de Dillwyn et de Vaucher. La citation faite par Roth lui-même (Catal. bot., t. HE, p.269) du Conferva décrit par Dillwyn dans son Synopsis of the brit. Conf., fase. 4, tab. 6, comme synonyme du Conferva genuflexa, à sans doute beau- coup contribué à induire en erreur; s'il eût connu le supplé- ment de Dillwyn, qui n’a été publié que plusieurs années apres, il l’eût certamement corrigée; car il nous dit lui-même, dans un langage plein de candeur et digne d’un vrai savant : « Nunquam véro erubescam publice declarare et emendare commissos errores, probum enim decet virum, candide limare veritatem a natura peti- tam.» (Cat. bot., t. IE, en Præfatione.) De Candolle, dans sa Flore française, t. I, p. 57, tout en conservant le nom de Conferva genuflexa Roth., ne fait que 76 RIPART. reproduire la description et les opinions de Vaucher : il ne parle pas de sa fructification. En 18114, C.-A. Agardh publia son ouvrage intitulé : Dispo sitio Algarum Sueciæ, et, en 1847, son Synopsis Algarum Scan- dinaviæ. Dans le premier, 1l décrivit l'espèce de Vaucher sous le nom de Conjugata genufleæa, et dans le second sous celui de Zygnema genufleæum. M est étonnant qu'il ait continué à regar- der le Conferva genufleæa de Roth comme synonyme de l'espèce de Dillwyn; car il connaissait les figures et les opinions de ce dernier sur la fructification de son Conferva genuflexa, puisqu'il les cite; il se borne à dire : « De fructificandi modo hujus spe- ciei ambigunt. » (Syn.,p. 18), et1l oppose l'opinion de Vaucher, quiregarde son Conjugata angulata comme vivipare, à celle de Dillwyn, qui accorde à son Conferva genuflexa de véritables spores, comme nous l'avons vu plus haut; mais il ne parle en aucune facon du mode de fructification si clairement décrit par Roth. Plus tard, en 4824, dans son Systema Algarum, 1] créa le genre Mougeotia : notre espèce changea de nom encore une fois, et, tout en conservant les mêmes synonymes, devint le Mou- geotia genuflexæa Ag. Lyngbie, dans son magnifique ouvrage T'entamen hydroph. Dan., p.170, décrit sous le nom de Zygnema genuflexum Ag. la plante de Dillwyn et de Vaucher, et en donne une excellente figure tout à fait semblable à celles de ces deux auteurs, mais qui ne représente que l’état stérile des filaments dans un com- mencement de copulation; il conserve les synonymes d’Agardh, en ajoutant cette observation : « Semina, quæ in hac specie nondum vidi, eæ observatione Cel. Dülwynii non in articulis, sed in ipsis tubulis transversalibus, hinc globoso-inflalis conti- nentur, solitaria, sphœærica, saturate viridia. » (Cfr. Dillw., In- trod., p. 18, et Suppl., tab. C.) Le Bolanicum gallicum de Duby adopte le nom de Zygnema genuflexum d'Agardh avec tous ses synonymes; il n’est aucune- ment question de ses spores. Wahlenberg (F1. Suec., I, p. 941) en fait autant, ainsi que Wallroth dans sa FT. crypt. germ., & AV, p. 49. OBSERVATIONS SUR LE KOUGEOTIA GENUFLEXA. pif] Chevallier, dans sa Flore des environs de Paris, adopte aussi le genre Mougeotia d'Agardh et suit également cet auteur dans la description de l’espèce. Il donne une figure des filaments stériles et en copulation semblable à celle de Vaucher. Dans son Genera plantarum, suppl. 3, p. 14, publié en 1845, Endlicher caractérise ainsi le genre Mougeotia Ag. : « Fila geniculata, in geniculis sese copulanhia. Endochromatis globulis in massam grumosam, tubulos replentem coadunati. » Puis, en tête de l’énumération des espèces, se trouve le Mougeotia genu- fleæa avec la citation d'Agardh ei la figure de Lyngbie, mais il ne parle pas de ses spores. Un auteur anglais, Hassall, qui a publié un traité sur Îles Algues des eaux douces de l'Angleterre (Brit. freshwater Alq. Lond., 1845), conserve également le genre Mougeotia Ag.; le seul changement qu’on y remarque, c’est qu'il déerit, sous le nom de M. major, le M. genuflexa Ag. M. Kützmg, dans son Species Algarum, adopte aussi le genre Mougeotia Ag. Voici les caractères qu'il lui attribue : « Tricho- mala lubrica geniculatim curvata, ad angulos externos copulatu. Cellularum membranula subtilis maxime pellucida, vitrea. Sub- slantia gonimica plerumque effusa. SPERMATIA IGNOTA. Color pallide viridis flavescens, siccitate sæpe nigro-fuscus (paludosæ).» Comme type du genre et la première décrite se trouve le M. ge- nufleæa Ag. avec les synonymes suivants : Con/erva genu- flexa Roth-Dillwyn, tab. 6; Conjugata angulala Vaucher, tab. 8; Zygnema genufleœum Ag. Lyngbie, tab. 58; Mougeotia major Hassall., Freshwater Alg., p. 172, pl. 40, f. 1. Dans le cinquième volume de ses T'abulæ phycologicæ, qui a paru en 1855, le mème auteur donne une excellente figure représentant les filaments du Mougeotia genuflexa Ag. à l’état stérile et dans un commencement de copulation, exactement comme les figures de Lyngbie, Vaucher, etc. Ainsi, M. Kützing, sans tenir compte de la description pourtant si elaire de Roth au sujet de la fructification de son espèce, ni de celle de Dillwyn et de la figure qu'il donne dans son supplément, se borne à nous dire simplement : Spermatia ignota. 76 RIPART. Tel était l’état de la question lorsque, le 20 juin 1860, j'ai eu l’occasion d'observer pour la première fois le Mougeotia genufleæa en fructification. La plupart des filaments contenus dans le vase plein d’eau où Je les avais placés étaient seulement dans un commencement de copulation, état dans lequel je les avais observés déjà bien souvent et comme les auteurs plusieurs fois cités les ont représentés (voy. fig. 4 et 2), Leur diamètre moyen était de 0"",034, chiffre qui correspond à la mesure attribuée à cette espèce par M. Kützing dans son Species Alga- rum (1/65° de ligne). L’endochrome était d’un vert jaunâtre, finement granuleux et contenait dans son intérieur quelques grains plus gros, brillants, déjà signalés par Vaucher; il occu- pait la partie moyenne de chaque cellule dont les extrémités restaient vides et transparentes. Au milieu de ces filaments conjugués, et surtout au-dessous de la couche qu'ils formaient à la surface de l’eau, il existait une autre sorte de filaments presque décolorés, ayant une teinte plutôt brun-pàle que verte et composés seulement de deux cellules copulées. Ces dernières étaient Jomtes ensemble par un tube transversal de nouvelle formation dans lequel les endochromes de chacune d’elles s'étaient réunis en se contractant et en laissant chaque cellule- mère complétement vide (voy. fig. 3 et 6). La position de ces cellules sporifères dans l’eau, relativement aux filaments stériles, me rappelait une observation pleme de justesse de lillustre Vaucher. « J'ai vu, dit-il, dans le mois de prairial, les cloisons des tubes se séparer et s’enfoncer sous l’eau; mais je ne sais rien de plus. » En effet, toutes les cellules en fructification que jai examinées étaient complétement isolées du filament auquel elles appartenaient primitivement et réunies deux à deux. Je n'ai pas trouvé de filaments sporifères composés d’un plus grand nombre de cellules. La copulation des cellules ne se fait pas toujours par leur partie moyenne; on en voit dans toutes les positions possibles. Jen ai rencontré un certain nombre dont la copulation avait lieu par une des extrémités du plus grand diamètre d'une cellule tombant perpendiculairement sur le milieu d’une autre cellule, de manière à simuler un trépied OBSERVATIONS SUR LE MOUGEOTIA GENUFLEXA. 79 ou une fourche. Le tube de connexion est d’abord ovale, ven- tru (fig. 3 et 6); mais peu à peu, au fur et à mesure que la spore avance en développement et au bout d’un temps que je ne saurais préciser, 1 prend une forme tout à fait sphérique (voy. fig. À et5). La spore elle-même, dans l'état le plus par- fait qu'il m’ait été donné d'observer, est entourée d’une mem- brane propre, épaisse, transparente, réfractant fortement la lumière; son contenu est régulièrement granuleux. Dans cet état, que nous montre la fig. 8, la spore retient encore quelques débris des deux cellules-mères. Son diamètre est de 0°",04. Les échantillons que m'a envoyés M. Cornu, vers la fin de l’automne dernier, m'ont permis de voir une deuxième fois Ja fructification de cette espèce. Malheureusement le liquide con- servateur dans lequel ils étaient placés, étant trop concentré, les a un peu altérés : leur couleur a pris une teinte noirâtre et les spores sont un peu déformées; malgré cela, il est mainte- nant encore très-facile de reconnaître les caractères ci-dessus signalés. Ainsi, il ne saurait plus exister de doutes sur ce point. La formation des spores du Mougeotia genuflexa me paraît dé- montrée aussi clairement que possible par ces deux observations qui viennent confirmer l'opinion de Dillwyr. Si les auteurs qui sont venus après Dillwyn et qui, à n’en pas douter, comme je crois l'avoir démontré plus haut, ont décrit la même espèce que lui, n’ont pas tenu compte de son opinion, c’est qu'ils ont été embarrassés par la synonymie adoptée, qui établissait à tort l'identité de l’espèce de Roth et de celle de Dillwyn, et qu'aucun d'eux n’a eu l’occasion de vérifier sur la nature la vérité des observations de ce dernier. La formation des spores de cette Algue paraît, en effet, assez rare; aussi ce ne doit pas être son seul mode de multiplication, car cette espece est extrêmement répandue dans les marais et les eaux stagnantes. Plus on étudie les Algues, plus on acquiert la conviction que leurs moyens de reproduction sont multiples et variés. S'il en était autrement, comment expliquer et se rendre compte de la rapidité et de la prodigieuse facilité avec lesquelles elles se propagent dans cer- 80 RIPART. taines eirconstances? Aussi, quoique je ne l’aie pas constaté par moi-même, je n'hésite pas à admettre comme réel le mode de reproduction décritet figuré par Vaucher. On doit peut-être considérer les spores observées par Dillwyn, puis retrouvées par M. Cornu et moi, comme des organes analogues à ceux qu’un célèbre naturaliste prussien, M. Pringsheim, appelle des Chro- nispores immobiles, destinées à conserver l'espèce pendant le temps où la végétation est suspendue. Lorsque j'ai étudié les spores du Mougeotia genuflexa, je ne connaissais pas encore le mémoire de M. Pringsheim sur ce sujet, et depuis j'ai beau- coup regretté de ne pas avoir poussé plus loin mes recherches : il eût été intéressant de déterminer le sort ultérieur de ces organes, l’époque et le mode de leur germination. M. Rabenhorst vient de publier tout récemment le troisième fascicule de son Flora europæa Algarum aquæ dulcis et subma- rinæ, dans lequel on remarque, p.112, au Conspectus generum, une figure représentant deux filaments stériles du Mougeotia genuflexa dans un commencement de copulation, comme on le rencontre le plus ordinairement. Dans la description des genres, au contraire, le M. genu/fleæa à encore une fois changé de nom : il est devenu, p. 258, le Pleurocarpus mirabilis AT. Br., et, ce qui augmente encore la confusion, c’est qu'il existe, p. 255, un autre genre Mougeohia de Bary, tout à fait différent du genre créé par Agardh et adopté par tous les auteurs. Malgré la grande autorité de l'illustre professeur et celle de M. Raben- horst, je crois que cette manière de procéder ne saurait être approuvée. Si l'on croyait devoir créer un nouveau genre, il fallait aussi créer un nouveau nom, et surtout ne pas supprimer un genre établi par un des pères de l’algologie et qui, en outre, avait pour lui l’antériorité. La suppression du genre et la con- servation de son nom pour un autre genre différent, si elle était admise, serait certainement une cause d'erreur inévitable ; la connaissance des Algues d'eau douce est encore assez peu ré- pandue et assez embrouillée pour qu’on évite d'augmenter les difficultés de son étude par des changements semblables, “. Je n'ai jamais observé le Pleurocarpus mirabilis AT, Br.; je OBSERVATIONS SUR LE MOUGEOTIA GENUFLEXA. Si ne le connais que par la description de M. Alex. Braun (4/g. unicell., p. 60) et par la figure donnée par M. Rabenhorst dans son ouvrage ci-dessus cité, p. 113. Le savant. professeur de Berlin se sert de cette expression : habitus Mougeotiæ genuflexe ; il compare son Pleurocarpus mirabilis à cette Algue, mais ne le confond pas avec elle, tandis que M. Rabenhorst, au contraire, ne fait des deux qu’une seule et même espèce, sans Indiquer les raisons sur lesquelles il se fonde pour opérer ce rapprochement. Cependant le mode de copulation du Pleurocarpus et la position latérale de ses spores sont si caractéristiques, qu’il m'est impos- sible d'être de son avis, et, après les détails dans lesquels je suis entré, je crois qu'il est évident que le Mougeotia genu- flexa Ag. et le Pleurocarpus mirabilis AI. Br. non-seulement sont deux espèces distinctes, mais encore SUpRrHenAeN à deux genres tout à fait différents. Il n’en est pas de même des deux genres Mougeotia Ag. et Mesocarpus Hassall, qui doivent rentrer l’un dans l’autre : leur mode de copulation et la position de leurs spores sont, en effet, entièrement semblables. On pourrait dire que le genre WMou- geotia a été fait pour des Mesocarpus stériles et le genre Meso- carpus pour des Mougeotia fructifiés. Cela est si vrai, qu'un excellent observateur, très-versé dans l'étude des Algues de nos eaux douces, M. A. de Brébisson, ayant trouvé la seule espèce de Mesocarpus jusqu'ici signalée en France, à ma connaissance du moins, l’a publiée sous le nom de Mougeotia scalaris (Breb. Alg. Fal., pl. 2). Depuis, on en a fait le Mesocarpus scalaris, Hassall, Brit. freshw. Alq., p.166; le Zygogonium scalare, Kg., Sp. Alg., p. 445; puis le Sphærocarpus scalaris, Hassall (Not. of brit. fresh. Alg., in Ann. nat. Hist., vol. 12, p. 186), En définitive, on doit lui laisser, je crois, le nom qui lui a été pri- mitivement imposé par M. de Brébisson. En examinant les caractères assignés au genre Mesocarpus nous allons voir, en effet, qu'ils ne différent pas de ceux que nous avons reconnu appartenir au M. genuflexæa. N'ayant pu me procurer l'ouvrage de Hassall, j'ai eu recours au Species Alqa- rum de M. Kützing, qui le décrit ainsi d'après l’auteur anglais : 5e série. Bor, T. IX. (Cahier n° 2.) ? 6 82 RIPART. « Trichomata lubrica flavo-viridia, trabeculis solitariis (raro ge- minis) conjugala. Cellulæ conjugatæ recurvæ. Trabeculæ fruc- liferæ, tumidæ., (Stagnales) (4). Ce genre ne comprend guère jusqu'à présent que des espèces observées en Angleterre et quelques-unes en Allemagne; aucune autre que le M. scalaris, ci-dessus cité, n’a été trouvée en France. En 1855, dans ses Tabulæ phyc., M. Kützing adopta encore un nouveau genre de Hassail, le Sphærocarpus, qui ne paraît différer du Mesocarpus que par la forme exactement globuleuse de ses spores; mais ces deux genres sont distingués l’un de l’autre par un caractère trop peu important pour qu'ils soient généralement acceptés. Puisque nous reconnaissons que les genres Mougeotia et Mesocarpus doivent être réunis, à quel nom doit-on donner la préférence? Je crois qu'il n'y a pas à hésiter : d’un côté, les spores du M. genuflexa ont été décrites et figurées très- anciennement par Dillwyn; d’un autre côté, le genre Mougeotia a été établi par Pillustre C.-A. Agardh antérieurement à la création du genre de l'auteur anglais et en prenant pour type du geure précisément le M. genuflexa ; il a été dédié par lui à un cryptogamiste célèbre. Ces considérations doivent, je crois, d’après les règles qui sont généralement suivies dans la nomen- clature botanique, lui assurer la préférence. Dans ce cas; tous les Mesocarpus deviendraient des Mougeotia. Lorsque j'ai commencé cette étude, j'étais loin de m’attendre à toutes les conséquences qui en découleraient et auxquelles je suis en quelque sorte forcé d'arriver. Ainsi, il me paraît évident encore que le Mougeolia genuflexa ne peut conserver son nom spécifique qui lui à été imposé par suite d’une erreur, comme je crois l'avoir démoniré. Le nom de genu/leæa doit être réservé pour l'espèce décrite par Roth et je pense qu'on ne saurait mieux faire que de donner au Conferva, que Dillwyn le premier (4) Je dois cependant faire ici une réserve : Payer, dans sa Bot. crypt., p. 26, pré- tend, d’après une observation de M, Thwaites, que les spores du Mesocurpus scalaris Hass. subissent ultérieurement une division quaternaire, comme Montagne l’a indiqué pour une Conferve de l'Algérie, le Tuvaitesia Duriæri, Si ce phénomène que je n’ai vu signalé nulle autre part, était réellement démontré pour le genre HMesocarpus, il suffi- rait pour le distinguer nettement du genre Mougeotia et des genres voisins. OBSERVATIONS SUR LE MOUGEOTIA GENUFLEXA. 85 nous a fait connaître et dont il nous a laissé un dessin très- exact, le nom de Mougeotia Dillwynii. En résumé, je propose de caractériser ainsi qu'il suit le genre Mougeotia, modifié d’après les considérations précédentes, ainsi que le Mougeotia Dillwynii, MOUGEOTIA. Ag., Syst. Alg., p. 83, et auct. fere omnium | emend.; non de By. nee Rabenh. Mesocarpus et Sphærocarpus Hassall, Brit. freshw. Alg. Lond., 1845. Filamenta cellulis cybndricis vitreis composita. Cellulæ massam chlorophyllosam effusam cum unico cen- trali vel pluribus granulis amylaceis sparsis continentes. Copulatio fit cellulis binis plus minus genuflexis dein inter se conjunctis ope tubuli transversalis m quo massa chlorophyllosa utriusque cellulæ translata, intime contracta, sporam (zygospo- ram auct. plur.) tandem constituit. Sectio prima. Sporæ sphæricæ. (Sphærocarpus Hassall.) Sectio secunda. Sporæ ovatæ. (Mesocar pus Hassall.) MOUGEOTIA DILLW YNIT. Conferva genufleæa. Dillw., Brit. Conf., tab. 6 et suppl. p. 18, tab. C, non Roth. , Conjugata angulata. Vaucher, Hist. des Conf., p. 79, tab. 8. Zygnema genuflexum. Ag., Syn. Alg. Scand., p. 98. Mougeotia genufleæa. Ag., Syst. Alg., p. 83, Mougeotia major. Hassall, Brit. freshw. Alg., p. 172, pl. 40, ft Cellulæ eylindricæ, elongatæ, tenues, pellucidæ, in fila- mentum simplex articulatum, dispositæ, 0"",03 crassæ, diametro 6-10-plo longiores, substantiam chlorophyllosam flavo-virentem cum granulis pluribus sparsis in media parte 8h RIPART. continentes, extremitatibus vacuis, sæpissime angulatæ genu- flexæ dein conjunetæ et tunc filamenta undique coalita spurie ramosa apparent. In copulatione perfecta, rarius observata, cellulæ binæ copu- latæ a reliquis filamenti cellulis discedunt et infra filamento- rum sterilium cespitem per paria conjunctæ, altius in aqua natant. Tempore dehito, cellularum binarum membranula parietina jam coalita, magis ac magis producta, trabeculam seu tubulum conjunctorium primo clausum dein pervium efficit et sic cellulæ binæ matricales inter se libere communicant. Tunc massæ duæ chlorophyllosæ, vi quadam incitæ, in trabeculam dilatatam, ovato-ventricosam provehuntur, intime connectuntur et denique in sporam veram (zygosporam) mutantur. Cellulæ- matres contra vacuatæ, spora formata, sensim destruuntur. Sporæ exacte sphæricæ, diametro 0"",04 æquantes, mate- riem granulosam in centro continentes, membrana propria, crasstuscula, vitrea undique circumdantur. Non tantum sporis supra descriptis hæc species propagatur, sed etiam generatione vivipara ut celeberrimus Vaucherius pri- mus observavit. Nora. — Depuis la rédaction de ce mémoire et pendant son impression, j'ai eu l’occasion d'observer encore une fois le Mougeotia genuflexa Ag.en parfait état de fructification dans le courant du mois d'avril dernier. Ses filaments étaient chargés d’une quantité innombrable de zygospores à tous les degrés de développement ; j'ai donc pu facilement vérifier l'exactitude de nos observations précédentes. J’ajouterai seulement à ma des- cription que les cellules fructifères ne se séparent pas toujours par couples, comme je l'ai dit d’une manière trop absolue ; elles restent quelquefois associées ensemble plus ou moins régulière ment comme le montrent les figures qui accompagnent cette note, OBSERVATIONS SUR LE MOUGEOTIA GENUFLEXA, 55 EXPLICATION DE LA PLANCHE. Copulation et spores du Mougeotia genuflera Ag. Toutes les figures ont été dessinées à la chambre claire. Fig. 4. Fragment d’un filament présentant une cellule prête à entrer en copulation, (Grossissement 180 diamètres.) Fig. 2. Deux portions de filaments avec deux cellules en copulation. (Grossissemen { 480 diamètres.) Fig. 3. Deux cellules copulées, après leur séparation des filaments auxquels elles appartenaient prhnitivement et dont les cavités communiquent entre elles par le moyen du tube transversal de nouvelle formation dans lequel leurs deux endo- chromes se sont réunis. (Grossissement 480 diamètres.) Fig. 4 et fig. 5. Spores en voie de formation et encore pourvues de ses deux cellules= mères associées entre elles. (Grossissement 180 diamètres.) Fig. 6. Spore plus avancée en développement et ne retenant plus qu'une cellule-mère en partie décomposée et une faible portion de l’autre. (Grossissement 180 diamètres.) Fig. 7, Deux cellules-mères plus grossies, liées ensemble par le tube transversal dans lequel on distingue la masse endochromique et l'apparence irrégulièrement granu- leuse qu’elle présente avant sa transformation en spore. (Grossissement 530 dia- mètres, ) Fig. 8. Spore complétement formée, entourée d'une membrane propre et retenant encore quelques débris des deux cellules-mères, (Grossissement 530 diamètres.) Fig. 9. Germination sur un fragment de Gramince, :ARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE, ANALYSE RAISONNÉE DE L'OUVRAGE DE M. OSWALD HEER INTITULÉ : FLORA FOSSILIS ARCTICA , Par M. le comie GASTON DE SAPOR'E'A, La vie organique atteint sous les tropiques son maximum de puissance et d'énergie ; au contraire, elle s'appauvrit graduelle- ment, à mesure qu'on se rapproche des pôles ou qu'on s'élève sur les plus hautes montagnes ; cet amoindrissement des pro - ductions de la vie est dû des deux parts à l’abaissement de la température; mais dans un des cas l’abaissement tient à la raré- faction de l'air, tandis que dans l’autre il dépend de l’obliquité des rayons solaires, combinée avec la longue durée des nuits d'hiver. En effet, à partir du cercle polaire, les heures de jour pendant la saison froide s'abrégent rapidement, et l'on se trouve en présence d’une nuit absolue de un à plusieurs mois, précédée et suivie d’une série de faibles crépuscules ; plus loin, toute vie organique finit par s'éteindre, et les seuls êtres que l'on ren- contre dans les latitudes les plus reculées sont ceux à qui l’émigration est permise, comme les Oiseaux et les Poissons voyageurs. Les longs jours polaires sont très-loin de balancer l'influence de l'obscurité hibernale ; l'énorme croûte de glace qui recouvre le sol des continents et des îles ne fond jamais qu'imparfaitement; la chaleur s'établit tard et se manifeste lentement : son effet principal est de détacher et de lancer à la mer des masses flottantes, prolongement inférieur des glaciers qui baignent de toutes parts leur pied dans la mer. Cette chaleur, malgré sa courte durée, ranime aussi chaque année les oasis clairsemés où la végétation se maintient, grâce à CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 57 d'heureux accidents du sol et à la faveur de certaines expositions. Ce sont des plantes humbles de stature, vivaces pourtant, for- mant un gazon serré, ensevelies neuf mois sous la neige et la glace, se réveillant chaque année, durant de courtes semaines, pour se hâter de fleurir et de fructifier. La végétation n'existe dans ces parages qu'à la condition de se cacher: quelques rares espèces frutescentes dépassent çà et là de quelques degrés les limites du cercle polaire ; mais ïes espèces réellement indigènes, le Bouleau nain, les Saules, les Empétréeset Éricacées, ne sont que des arbustes rampanis ; elles donnent lieu à des touftes dif. fuses et trainantes que le manteau de l'hiver recouvre aisément chaque année. Toutes ces plantes ne s'arrêlent pas à la fois ; quelques-unes s'avancent plus loin que les autres, comme le Saxifragaoppositifolia et le Silene acaulis ; enfin certains Lichens constituent le dernier terme de la végétation terrestre, aussi bien au sommet des Alpes que vers le pôle. On a comparétrès-justement celui-ci à une montagne immense, à laquelle Ïa zone tropicale servirait de base ; en s’élevant en eflet vers les hautes latitudes, à travers la zone tempérée, on voit s'arrêter successivement les divers groupes de plantes. Chacun d'eux a sa Hmite polaire ; les Palmiers, par exemple, deviennent exceptionnels au delà du 36° degré ; leurs espèces les plus humbles ne dépassent pas le hh° degré, et seulement sur quelques points très-rares. Les Lau- rinées ne vont guère au delà de la même limite, pas plus que les Mimosées ; le Charme s'arrête vers le 57° degré ; le Hêtre, un peu plus loin ; le Chène au 61° degré ; le Frêne, avant le 62° de- gré ; le Tilleul, l'Orme, l’Érable, avant le 64° degré ; l’Aune, le Tremble, le Pin et le Sapin, avant le 70° degré. Vers ce point, la végétation frutescente se trouve presque entièrement éteinte, et l’on n'observe plus que la flore polaire, dont beaucoup d’es- pèces sont les mêmes que celles des régions alpines les plus éle- vées. Ainsi, sur notre globe, la vie végétale, loin de rencontrer partout les mêmes conditions d'existence, a concentré son acti- vité dans la zone périphérique la plus éloignée de l’axe de rota- üon ; elle languit et meurt dans la direction opposée, où elle prolonge avec peine ses dernières colomes. Il semblerait, en 88 GASTON DE SAPORTA, s’arrétant à l'état apparent des choses, que certaines plantes aient pu seules se plier aux dures conditions de la nature polaire ; plus robustes que les autres, elles s'avanceraient plus cu moins, et les dernières s’arrêteraient enfin devant l'obstacle infranchis- sable du climat. Les espèces auraient alors marché du sud au nord, de divers points de la zone tempérée, convergeant toutes vers un point central qui serait le pôle. Mais les phénomènes sont en réalité bien plus complexes ; il est aisé de le prouver, soit que l'on considère les éléments de la végétation actuelle, soit que l'on remonte par l'observation des plantes fossiles jusqu'aux faits de l’ordre géologique. En premier lieu, les végétaux ne sont pas distribués à la sur- face du globe, comme st, partis d’un foyer unique, ils s'étaient répandus de l'équateur vers les pôles ; loin de là, lorsque dans cette direction certaines espèces s'arrêtent, c’est pour être rem- placées par d'autres que le regard rencontre pour la première fois ; de plus, les espèces n’ont presque jamais rien d'isolé dans leur maintien; elles se combinent entre elles de manière à former plusieurs ensembles successifs, placés dans des conditions définies, ethabitant une région déterminée. Les frontières indécises de ces régions végétales r’empêchent pas d'en reconnaitre l'étendue, el desaisir les traits des associations de plantes propres à chacune d'elles. Quelles que soient les causes premières qui ont autrefois présidé à la constitution de ces divers ensembles, leur existence ne saurait être douteuse ; nous distinguons la flore de la Méditer- ranée de celle de l’Europe centrale, et celle-ci de la flore arctique. Mais si les flores se divisent par région, elles se mêlent le plus souvent de manière à se pénétrer mutuellement, comme font les races humaines, malgré leur autonomie, lorsqu'elles disséminent des colonies ou se laissent submerger par d’autres races envahissantes. Il se trouve done, en négligeant ce qui nous écarterait de notre sujet, que la flore des régions arctiques non- seulement possède des espèces qui la distinguent essentiellement, ais qu'une notable proportion de ces espèces reparaît au som- met des Alpes, au-dessus de 1500 mètres d’élévation. Les espèces communes aux Alpes et à la zone arctique sont les plus nom- CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE, 89 breuses, les plus saillantes et les plus fixes ; et pourtant elles sont maintenant séparées par un grand espace continental peuplé d'espèces différentes. Il est difficile de ne pas admettre un point de départ originaire commun à toutes ces espèces ; mais où le placer ? est-ce au nord ou au sud ? En d’autres termes, les espèces alpino-polaires sont-elles parties du centre de l'Europe pour en- vahir la zone polaire ; ou bien ont-elles rayonné de celle-ci pour venir de proche en proche occuper le sommet des Alpes? C'est là un problème inextricable en apparence, parce qu'il tient à des causes qui n'agissent plus sous nos yeux ; toute communication directe est aujourd'hui fermée entre les deux régions, et pour que les plantes en question aient pu passer de l’une à l'autre, 1l faut nécessairement admettre de grands changements. Ces chan- gements ont eu lieu en effet, et la géologie fournit la clef du problème par la théorie de l'extension des glaciers. À une époque antérieure à la nôtre, l’Europe centrale et septentrionale était devenue une Baltique immense, bordée sur son périmètre par une série de glaciers gigantesques descendant de tous les sommets. Il est tout simple que la végétation qui cou- vrait alors le pied des montagnes et s’étendait aux bords des anciens glaciers ait partout revêtu une physionomie uniforme, et se soit trouvée composée des mêmes espèces, sous l'empire de conditions sensiblement égales; mais d’où venaient ces espèces ? M. Heer, qui examine cette question au début de son ouvrage, nous paraît toucher du doigt la vraie solution, lorsqu'il observe que si les espèces polaires étaient arrivées par le sud, la zone arctique, à laquelle auraient abouti les rayons convergents du mouvement qui les aurait entraînées vers le nord, non-seule- ment de l’Europe, mais de l'Asie et de l'Amérique, devrait renfer- mer des formes empruntées à ces divers pays, et distinctes l’une de l’autre par suite de la diversité de leur origine. Or, c'est le con- traire qui existe, puisque l’on signale la présence simultanée dans nos Alpes et dans celles des États-Unis d’un certain nombre d'espèces, comme le Silene acaulis, le Saxifraga oppositifo- ha, etc. qui se retrouvent également dans la végétation arctique. Ainsi le point de départ commun de ces espèces doit être placé 96 GASTON DE SAPORTA. dans le nord, et c'est de là, comme d'un foyer, qu'elles ont dû s'étendre en rayonnant vers le sud. Sans cela, il faudrait admettre qu'elles sont sorties, revêtues de caractères identiques, de plusieurs centres distincts, hypothèse généralement repoussée. Si les espèces polaires sont venues du nord, comme d’une ré- gion mère, en sirradiant à travers les continents dont elles occupent les sommets montagneux, 1l est naturel de se deman- der quelle est leur ancienneté dans la zone d'où elles sont sorties, comment elles s'y sont formées, et enfin quel était l’aspeet de la végétation arctique dans les âges antérieurs au nôtre. Tous ceux qui s'intéressent à l’histoire du globe et à celle de la végétation en particulier savent qu'au milieu des temps tertiaires l’Europe était encore loin de ressembler à ce qu'elle est maintenant. Réunie probablement à l'Amérique, elle était partagée obliquement, de la vallée du Rhône à celle du Danube, par une Méditerranée sinueuse, à qui sont dus les dépôts connus sous le nom de mollasse. Cette mer intérieure, couvrant la plane suisse, des Alpes au Jura, s'étendait au loin du côté de Vienne pour se prolonger en s'élargissant Jusqu'au centre de l'Asie. Essentiellement tempérée, bagnant une contrée divisée au sud en plusieurs archipels, coupée de grands lacs, et dominée par des chaînes assez élevées pour rafraîchir l'atmosphère, trop peu pour recevoir encore des neiges éternelles, cette mer présentait sur ses deux rives le spectacle d’une merveilleuse végétation adaptée à un climat où l'humidité incessante de l'airet des saisons, sans extrêmes d'aueun genre, favorisait pleinement son essor. A l’époque où les Palmiers se montraient jusqu'au cœur de l'Allemagne, où les Sapindacées, les Mimosées, les Convolvula- cées tropicales, les Diospyrées, de grandes Fougères probable - ment arborescentes, des Broméliacées épiphytes, habitaient le nord de la Suisse, où des Laurinées, appartenant aux genres Persea, Laurus, Cinnamomum, Camphora, s'avançaient jusqu'à la Baltique, quelle pouvait être la végétation de la zone glaciale arctique ? Certainement, en admettant à priori une dé- eradation climatérique analogue à celle de nos Jours, la végé- tation devait s'étendre bien plus loin dans le nord, avant de se CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 91 trouver réduite aux proportions actuelles. Mais d'autre part, comme dans l'Europe d'alors, à côté des types miocènes de physionomie exotique, 1l s'en rencontre d'analogues à ceux qui : vivent encore sur notre sol ou qui habitent les parties tempérées des continents voisins, on peut se demander si le même mélange existait dans la flore polaire fossile, et si elle ne renfermait pas les prototypes des principales formes qui la distinguent si nette- - ment aujourd'hui, Du reste, ce n'est pas seulement Pabaisse- went de la température qui sépare les régions polaires des tempérées ; la distribution des heures de lumière et d’obscurité, leur durée relative et par conséquent l’ordre des saisons, n’ont rien de commun avec ce qui existe en Europe ; dès lors, on doit s'attendre à reconnaitre les effets de cette différence dans la vé- gétation qui les aurait subis, nonobstant l'élévation présumée de la température à la surface du globe tout entier. Telles sont les questions qu'il est naturel de s'adresser au sujet de la flore polaire fossile ; ou plutôt, jusqu'à ces derniers temps, on était à peine en état d'y songer, car les documents étaient nuls ou mal interprétés, l'ignorance absolue, les voyages difliciles où même suivis de fréquents désastres ; et l’on pouvait eroire que l'intelh- gence humaine négligerait longtemps de pareilles énigmes, au lieu de se fatiguer à en poursuivre la solution. La persévérance de M. Heer, unie à l'audace de plusieurs voyageurs illustres, et surtout la longue série d'expéditions organisées par les Anglais dans le but de rechercher les traces de sir John Francklin, ont iriomphé de tous les obstacles. À travers des fatigues movies, et malgré bien des mécomptes, de riches collections d'empreintes fossiles ont été arrachées aux déserts glacés du nord; mais il fallait les coordonner, en saisir le sens, déchiffrer en un mot les caractères de l'inscription. M. Heer a su mener à bien cette tâche, dont nous essayerons de formuler ici les principaux résultats. Précisons d’abord certains détails de géographie physique et de géologie. Les plantes fossiles examinées par M. Heer proviennent de six contrées différentes, qui sont : 1° le Groënland, 2° les îles Mel- ville, 8° le Canada septentrional sur les bords du fleuve Macken- 99 GASTON DE SAPORTA. sie, 4° la terre de Banks, 5° l'Islande, 6° enfin le Spitzherg. Ces contrées sont situées à de grandes distances l’une de l’autre ; en sorte que la plus orientale, le Spitzberg, placée sur le même méridien que la Scandinavie, se trouve séparée du pays où coule le Mackensie ‘par un demi-cercle de la sphère. La latitude ne varie pas moins, puisque la plupart des plantes d'Islande, aussi bien que celles du Mackensie, proviennent du 65° parallèle, c'est-à-dire de pays placés un peu en dehors du cercle polaire, tandis que les plantes du Groënland ont été recueillies sous le 70° degré, et que celles du Spitzherg ont été rencontrées vers le 78° degré. Les renseignements ainsi obtenus sur l’ancienne flore arctique ne sont pas seulement des indices épars; ils s'étendent à un espace qui embrasse près de la moitié de la zone arctique, en deçà comme au delà du cercle polaire, et pénètrent jusqu'à une distance qui n'est séparée du pôle lui-même que d’en- viron 10 degrés. Tous concordent admirablement, et cette con- cordance harmonieuse des éléments si variés dont la science dispose fait encore mieux ressortir l'unité caractéristique de l’ancienne végétation, ainsi que son intime liaison avec celle de l'Europe contemporaine. Il est facile en même temps de consta- ter Sa vigueur, sa puissance, la richesse de ses formes ; rien de commun avec ce qu'on observe aujourd hui aux mêmes lieux. De vastes forêts peuplaient alors l'extrème nord, et s'étendaient probablement jusqu'au pôle. Ce ne sont point les genres ni les {ormes qui domiment dans la flore arctique actuelle que l’on a sous les yeux, mais plutôt les types européens, et encore mieux ceux d'Amérique. Les espèces tertiaires les mieux connues ne s’arrêtaient pas au voisinage du cercle polaire; elles le fran- chissaient sans obstacle, et plusieurs parvenaient jusque dans le Spitzberg septentrional ; mais avant de pénétrer plus avant dans cette nature si curieuse, il faut insister quelque peu sur le côté géologique de la question, côté dont l'importance est très-grande, puisqu'il nous découvre l’état physique de ces contrées, dans les temps antérieurs aux nôtres, et les circonstances à la faveur desquelles les anciennes plantes nous ont transmis leurs vestiges. Grâce aux voyages d'exploration successifs, parmi lesquels CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION FOLAIRE. 93 ceux de Ross, de Parry, de Franklin, d'Ingefield, tiennent le premier rang, la géographie des terres arctiques, au nord du continent américain, est maintenant bien connue. Ces terres forment une réunion d’archipels de diverses grandeurs, entre- mêlés de passes étroites, presque toujours glacées, qui séparent les différentes îles, et font communiquer les mers intérieures qui s'étendent entre les principales. A l'occident, la Terre du prince Albert et celle de Banks circonscrivent une de ces mers que les îles Patrick, Melville et Bathurst, aux contours profon- dément déchiquetés, ferment au nord, tandis que la Terre du prince de Galles la borne à l’est. Le détroit de Banks (1) fait com- muniquer à l’ouest cette mer avec la grande mer Glaciale, tandis que, dans la direction opposée, le détroit de Barrow, continu avec le canal de Lancasire, amène dans la baie de Baïffin. Celle-ci, véritable méditerranée, ouverte au sud par le détroit de Davis, aboulit au nord à la mer polaire par un canal sinueux, exploré par Parry jusqu’au 84° degré. Elle baigne, à l’est, la grande terre du Groënland, qu'on peut regarder comme une sorte de continent polaire; plus loin, vers l’est, le Spitzherg se rattache au même système, tandis que l'Islande, située presque entièrement en dehors du cercle polaire, s’en sépare à divers points de vue, malgré sa proximité de la côte orientale du Groën- land. La plus grande partie du Groënland et les archipels qui l’accompagnent sont compris entre le 67° et le 80° degré de lati- tude nord. Leur constitution géologique offre une conformité évidente, qui dénote partout la succession des mêmes phéno- mènes ; partout les roches cristallines et les formations paléo- zoïques, principalement la silurienne, dominent sur toutes les autres ; elles constituent presque entièrement le sol de ces ré- gions, et montrent qu'une mer, d'abord sans limite, fit bientôt place, comme en Scandinavie, à des étendues de terre ferme que la mer n’a plus recouvertes, à partir de leur première émer- sion. L'espace occupé par cet élément dut aller en diminuant à partir de la période la plus ancienne, celle dite de transition. Déjà au temps des houilles 1l existait une terre polaire; mais (4) Ou de Mac-Clure, selon d’autres cartes, 9h GASTON DE SAPORTA. cette terre, comme le fait remarquer M. Heer, s'étendait plutôt vers le sud, à partir du 76° degré, c’est-à-dire dans la partie méridionale des îles Parry, puisque la partie septentrionale de cet archipel est occupée par le mountainlimestone, forma tion marine contemporaine du terrain houiller. Destraces de houille et quelques empreintes peu nombreuses sont venues confirmer cette maniere de voir. M. Heer est parvenu à dé- terminer douze espèces dont les principales ont été recueillies à la baie de Skène, dans l’île Melville, par le capitaine Mac- Clintock ; d'autres proviennent de Graham, dans l’île Bathurst. et ce serait les plus curieuses, st elles annoncaient, comme le croit M. Heer, un Pin (Pinus Bathursti Heer) caractérisé par des fragments de feuilles aciculaires. Le T'huites Parryanus Heer, constitue de son côté un type plus analogue à ceux du Jura qu'aux espèces du terrain houiller ; les autres sont des Fougères (Schizopteris), des Lepidodendron, des Næœggerathia réduits, il est vrai, à de très-petits fragments; mais ils suffisent pour faire voir que la végétation carbonifere de la zone arctique n’a- vait rien qui la distinguât essentiellement de celle des autres points de notre hémisphère. La terre qui vit s'élever ces pre- mières plantes ne fit ensuite que s'agrandir ; les traces de trias, les dépôts jurassiques moyens tres-nettement caractérisés que l'on à observés sur divers points des régions polaires le prouvent surabondamment; mais il est à croire qu'à partir de la dernière de ces deux époques, il ne s’opéra plus de changements dans la configuration des terres actiques, peut-être beaucoup plus éten- dues qu'à présent où même réunies en un seul continent; le terrain jurassique supérieur, ni la craie, ni les dépôts marins tertiaires n’y ont laissé de vestiges, tandis que les empreintes végétales nous averüssent du rôle qui était alors dévolu aux plantes terrestres dans cette partie du monde. Les plus anciennes sont des plantes du terrain crétacé re- cueillies à Kome, le long de la côte occidentale du Groënland, sur la rivière de Kook, au fond de la baie d'Omenak, localité située un peu au sud d'Upernawik vers le 70°, 2/3° latitude et le 52° degré longitude. Sur je gneiss reposent des lits de grès, CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 95 alternant plusieurs fois avec des schistes argileux qui renferment des lignites exploités depuis cinquante ans ; les empreintes végé- tales proviennent de ces schistes et comprennent une réunion de seize espèces dont plusieurs offrent beaucoup d'intérêt. Ce sont des Fougères, une Cycadée (Zamiles arcticus) et une tige mo- nocotylédone dénotant peut-être un Palmier. Les Conifères pré- sentent un Sequoia très-répandu dans la craie d'Europe (Sequoia Reichenbachi Gein. — Cryptomeria primæva Cord. — Geinitzia cretacea Ung. — Cycadopsis aquigranensis Deb.?). Un Pin (Pinus Peterseni Heer), un Sapin (Pinus Crameri Heer), une Cupressinée (Widdringtonites gracilis Heer) : ces désignations, il est vrai, ne reposent que sur l'observation de rameaux. Le genre (leichenia domine parmi les Fougères, qui comprennent à elles seules les deux tiers du nombre total. La concordance de cette Flore avec celles du quadersandsteim de Bohème, de Mole- tein en Moravie et de Quetlinburg dans le Harz, est vraiment surprenante. La présence d’une Cycadée, l'absence des Dicotylé- dones, la prépondérance des Fougères la reculent au delà de la craie supérieure ; mais si on la place vers la partie moyenne de ce terrain, on constatera aisément la liaison étroite qui la rattache aux autres flores de cet âge. M. Heer fait remarquer que parmi les quatre espèces de Gleichenia, l'une est identique avec le G. Zippei si répandu dans la craie de Bohême et d'Autriche, tandis que le G. Rinkiana Heer se rapproche sensiblement du G. (Didymosorus) comptontifolia Deb., de la craie d’Aix-la- Chapelle, et du G. Kurriana Heer de celle de Moletein en Mora- vie. Une autre Fougère du groupe des Marattiées (Danœites fir- mus), entièrement absent, comme les types précédents de la végétation européenne actuelle, se trouve représentée dans la craie d'Aix-la-Chapelle par une forme voisine. Le Sclerophyllina dichotoma ressemble à une espèce wéaldienne, le S.nervosa Dkr., et le Zamites arcticus au Z. Lyelli Dkr. de la même formation. On voit, en réunissant tous ces vestiges, que la florule crétacée de Kome a des ressemblances bien marquées avec la série crétacée européenne, mais qu'à l’âge auquel son étude nous reporte rien ne dénotait dans l'extrême nord la révolution végétale sur le point 96 GASTON DE SAPORTA, de s’accomplir par l'introduction des premières Dicotylédones angiospermes. Cette catégorie de plantes, si toutefois il est per- mis de se prononcer sur d'aussi faibles indices, n'aurait pas de- vancé près du pôle le moment de son apparition en Europe et en Amérique. Jusqu'ici, c'est au fond de cette dernière contrée, à Sioux-City, dans le Nebraska, que s’est montrée la plus ancienne des flores caractérisées par la prédominance des Dicotylédones. L'observation des plantes polares fait voir cependant qu'une très-grande égalité de conditions climatériques s’étendait alors sur notre hémisphère, puisqu'il n'existait aucune différence sen- sible entre la végétation de l'Europe centrale et celle du Groën- land. Cette uniformité a dû persister durant une période incal- culable ; quoique déjà moins prononcée, elle existait encore à beaucoup d’égards des milliers de siècles après, au milieu de l’époque tertiaire. Tous les changements opérés successivement en Europe avaient eu sans doute leur contre-coup dans le nord ; les alentours du pôle avaient changé d'aspect comme l’Europe elle-même, et les deux contrées étaient demeurées assez étroite- ment liées pour continuer à posséder en commun de nombreuses espèces, d'autant plus faciles à déterminer que les matériaux vont être plus richeset plus abondants. Quoique rien ne trahisse encore la venue de l’état actuel, on commence dès lors à obser- ver certains effets dépendant visiblement de la latitude, et la zone arctique, tout en possédant en partie les mêmes végétaux que l’Europe contemporaine, ne présente plus, relativement à celle-ci, la même uniformité. Ce sont là les traits dont nous allons être frappés, en poursuivant l'examen de la végétation tertiaire arctique. Il y a plusieurs choses à considérer dans cette végétation, ses gisements, son origine, ses caractères d'ensemble, ses relations, enfin les conséquences que l’on peut retirer de son examen pour rétablir le climat de la zone arctique tertiaire et apprécier les changements de toute sorte qui ont dû s’opérer depuis. Nous se- rons forcés, afin de ne négliger aucun point essentiel, de glisser rapidement sur tous, en renvoyant au livre lui-même pour ce qui tient aux développements et aux descriptions. CARASTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 97 Les gisements se ressemblent d’une manière frappante et se rattachent évidemment à l'influence d’une seule cause générale dont l’action, à un moment donné, à dû être très-énergique. Aux bords du Mackensie, sur la Ferre de Banks et dans le Groën- land, ce sont toujours des formations d’eau douce dans lesquelles les lignites alternent avec des grès, des argiles, mais surtout avec des concrétions presque toujours ferrugineuses dues à l’action puissante et prolongée d'anciennes sources minérales qui ont opéré la fossilisation d’une immense quantité de bois et de tiges, de feuilles et d'organes végétaux de toute nature. Depuis cette époque, aucune influence physique, aucun dépôt sédimentaire, aucune action érosive, en dehors de celle des gla- ciers, n'est venue altérer les vestiges de ces phénomènes gran- dioses. Ces terres vouées au silence et à la solitude sont recou- vertes, sur une foule de points, des débris pétrifiés des anciennes forêts dont plusieurs occupent encore leur place naturelle, tandis que d’autres fois les tronçons amoncelés semblent l'œuvre du bûcheron qui les aurait récemment abattus. Les lignites, lors- qu'ils existent, occupent fréquemment la partie inférieure des formations d’eau douce, dont l'épaisseur atteint parfois plusieurs centaines de mètres, et qui paraissent se prolonger sur de vastes étendues. M. Heer fait ressortir l’affinité de composition chi- nique de ces lignites avec ceux de l'Europe miocène; ils renfer- ment fréquemment du succin, et cette circonstance les rapproche de ceux de l’Europe où cette substance est la plus abondante. Le principal dépôt de plantes fossiles, dans le Groënland, est Atanekerdluk situé vis-à-vis de l’île de Disco, sur la presqu’ile de Noursoak qui setrouve séparée du continent par un énorme gla- cier. Les couches tertiaires forment une montagne conique, de près de onze cents: pieds de hauteur, escarpée et difficile- ment accessible. A ses pieds on rencontre un ravin profond où affleurent de nombreux lits charbonneux, renfermant des tiges fossiles. Les principales couches, au nombre de quatre, alternent avec des strates de limon et de grès. En gravissant les flancs de la montagne, vers huit cents pieds de haut, on rencontre une grande quantité de fragments de tiges carbonisées qui semblent 5€ série, Bor. T, IX. (Cahier n° 2.) 3 7 98 GASTON DE SAPORTA. occuper encore, au milieu de la roche, leur position naturelle ; ces mêmes couches renferment beaucoup de suecin; un peu plus haut, on rencontre l’assise qui renferme les feuilles fossiles et que surmontent enfin de nombreux lits charhonneux. Je ne puis m'empêcher de faire ressortir l'extrême analogie de cette disposition avec celle que l'on observe dans le dépôt tertiaire de Castellanne (Basses-Alpes), qui contient aussi des bois fossiles. Ces bois, consistant en troncs de toutes grandeurs, en partie carbo- nisés, en partie convertis en silice, se trouvent dispersés en grand nombre dans des lits de grès marneux et d'argile qui se suc- cèdentsur les flancs d’un escarpement très-abrupt; plusieurs de ces troncs ont conservé leur écorce ; seulement, quelle que soit la cause qui les à entrainés au fond des sédiments en voie de for- mation, ils n’y sont pas implantés comme sur le sol qui les aurait portés, mais Comme si un courant les avait accumulés dans les profondeurs d'un lac. Je suis disposé, malgré les apparences con- iraires, à penser qu'il en a été de même des tiges fossiles d’Ata- nekerdluk et que leur belle conservation, et peut-être la position verticale prise par quelques-uns de ces bois, a pu seulemeni faire croire qu'ils avaient été pétrifiés sur place. Quant aux feuilles fossiles trouvées au Groënland, elles sont enveloppées dans tune pâte cristalline d’un brun rougeâtre, en grande partie ferrugi- neuse, mêlée d'une certaine proportion de calcaire ; les unesont conservé leur substance et tranchent par leur couleur obscure su le fond de la roche; les autres sont réduites à de simples em- preintes. Mais quoi qu'il en soit, l'origine de la roche doit être rap- portée, dans les deux cas, à des eaux à la fois ferrugineuses et calcaires qui ont empaté les débris végétaux situés à leur portée. Ici, se présente une objection qui ne pouvait manquer d'être formulée, et d'apres laquelle tous ces débris auraient été appor- tés de loin, à la manière du bois flotté, par des courants sem- blables à celui du Gulfstream, quiles auraient rejetés le long des côtes des régions aretiques. M. Heer a examiné avec trop de scrupule peut-être la valeur de cette hypothèse dont 1l est aisé de prouver l'impossibilité. En effet, non-seulement cette végéta- ton fossile, prise ‘dans son ensemble, présente un caractère CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 99 d'unité qui la montre partout composée des mêmes éléments, mais les feuilles, les graines, les fruits accompagnent presque toujours les fragments de bois et de rameaux encore revêtus de leur écorce, et ces organes se trouvent associés sur les mêmes plaques dans des proportions qui ne varient pas. Les bois d’A- biétinées de la Terre de Banks sont accompagnés de leurs cônes, les Sequoia du Groënland de leurs fruits, les Bouleaux d'Islande de leurs bractées et de leurs samares. Tous ces végétaux ont done véeu dans les endroits où on les trouve; ils y ont formé de vastes forêts, et d’ailleurs les dépôts dont ils dépendent, loin d'être littoraux, se prolongent dans l'intérieur à de grandes dis- tances. Les glaces seules s'opposent à ce qu’on les suive dans cette direction. Au Spitzherg et dans l’île de Ours, les lignites tertiaires ont été longtemps confondus avec les houilles. La masse de PArchi- pel est principalement formée de roches anciennes primitives ou stratifiées, mais sans fossiles (Hekla-Hook formation). On voit qu'à l’origine de ces terres s'étendait une mer sans limite et dépour- vue d'êtres vivants qui couvrait encore de grandes surfaces au temps où les houilles se formaient ; le carbonifère marin se trouve représenté par un dépôt fossilifère, dont la puissance atteint jus- qu'à quinze cents pieds vers le cap Fanshaws, mais il n’existe aucun vestige authentique de plantes terrestres datant de cette époque ; le trias et le terrain jurassique se trouvent aussi repré- sentés çà et là; mais le tertiaire est surtout tres-répandu; ce sont des grès, des argiles probablement miocènes, avec des li- gnites subordonnés. Ces lignites sont certainement tertiaires, et renferment souvent du suecin comme ceux du Groënland. Les plantes fossiles ont été recueillies dans trois localités principales par MM. Nordenskiold et Blomstrand, membres de l'expédition suédoise, dans les années 1858, 1861 et 1864. Au détroit de Bellesound, ce sont des grès de teinte et de consistance variables, quelquefois entremêlés de schistes argileux, qui les renferment; le nord du fiord a fourni onze espèces, la plupart forestières, entre autres des Aunes, Peupliers, Taxodium, Tilleuls, Noise- tiers, Hôtres:; mais il faut distingu> parmi elles un Polamogelon 400 GASTON DE SAPORTA. (P. Nordenskioldi), qui par l'abondance et la forme de ses feuilles flottantes, annonce la présence des eaux douces qui ont formé le dépôt tout entier. Le détroit de Bellesound est situé par les 77", 50° degrés latitudes. Un peu plus au nord, dans la même direc- tion sur le bord méridional du détroit des Glaces (Eisfiord), sous le 78° degré latitude, l'espèce dominante est le Platane (P. ace- roides). La troisième localité située au sud de la Baie du Roi (King's Bay) par 78°,56' latitude et 11°,58' longitude a fourmi surtout des empreintes de Peuplier, de Tilleul et une Fougère (Sphenopteris Blomstrandi), souvent confondue avec celles du terrain houiller ; 11, les charbons alternent avec des grès et des argiles schisteuses, et l’ensemble de la formation atteint une puissance tres-considérable. En réunissant tous ces débris végé- taux, M. Heer est arrivé à un total de dix-neuf espèces. En Islande, pays placé à peu près sous la même latitude que la Baie Mackensie, la plupart des dépôts de plantes fossiles sont compris entre le 65° et le 66° parallèle. Comme dans le Groënland et le Spitzberg, elles se rattachent à des lits de charbons feuilletés ou lignites qui prennent ici le nom de Surturbrand et présentent, d’après M. Heer, la plus grande affinité de structure avec les lignites miocènes du bassin rhénan et des montagnes de Rhon. Les empreintes végétales forment des taches jaunes sur le fond noir des plaques et d’autres fois se détachent en brun sur une roche de couleur claire. Le Surturbrand alterne avec des sédiments blanchâtres mêlés de concrétions où passant au tuf, son ensemble atteint parfois une grande épaisseur ; non-seulement les feuilles y ont lussé leurs empreintes, mais les rameaux, les tiges, les écorces ont quelquefois conservé leur apparence extérieure; les orga- nes délicats, les fruits, les semences ailées accompagnent sou- vent les feuilles, auxquelles s'associent quelquefois des insectes ; aucun doute n’est possible touchant la provenance de ces espèces dont la conservation, comme celle de toutes les plantes des ter- rains tertiaires des régions arctiques, est toujours due à la même cause, C'est-à-dire à l'abondance des eaux douces, exerçant leur action sur une grande échelle et chargées de substances CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 101 propres à incruster les végétaux tombés dans leur sein ou même à les pétrifier. On conçoit très-bien comment, lorsque des accidents orogra- phiques de plus er plus considérables vinrent à se produire dans ces contrées, les eaux courantes et en particulier celles de source durent abonder sur les terres arctiques, encore soustraites à l'influence des glaces. De nos jours, les eaux converties en masse solide remplissent un rôle tout différent ; au lieu d’imbi- ber le sol à de grandes profondeurs et d'aller jaillir plus loin en nappe inépuisable, au lieu de former au fond des vallées des lagunes tourbeuses ou de vastes bassins, elles descendent lentement des hauteurs en pesant sur le sol et vont atteindre la mer pour y déposer des blocs flottants. Tout à donc changé depuis l’envahissement des glaces ou plutôt des glaciers. D'après ce que l’on sait du rôle prépondérant exercé par l'humidité dans ce phénomène, lorsqu'elle se combine avec une altitude sufhi- sante pour convertir en névé la neige des sommets, on peut croire que cet envahissement a commencé de se produire avant même la fin des temps tertiaires, c'est-à-dire à partir du plio- cène, dernière formation dont 1l existe des traces au Spitzherg. Il y aurait eu à cette époque un surexhaussement général dans le relief des terres du nord, surexhaussement dont la formation des glaciers aurait été la conséquence immédiate. Plus tard, M. Heer admet un mouvement contraire, c’est-à-dire un affais- sement de toutes les côtes, coïncidant avec ce qui se passait en Scandinavie, et dont le résultat a été de ne laisser au-dessus des eaux de la mer que les parties montagneuses, dès lors recouvertes d'un glacier continu. Ces mouvements divers et successifs tendant à accroître d'abord le relief des terres, pour l'exagérer ensuite et se terminer par un affaissement progressif des côtes, semblent se ler à un phénomène général pour notre continent, et on peut dire pour l'ensemble de notre hémisphère. Il explique la plupart des grands changements qui eurent lieu vers la fin des témps tertiaires, et s’il ne justifie pas à lui seul l'abaissement définitif de la température, on ne peut méconnaitre qu'il a dû y contri- buer dans une large mesure. 102 GASTON DE SAPORTA, Voici maintenant quelques détails du plus haut intérêt sur les caractères qui distimguent l'ensemble de la végétation tertiaire arctique. Afin de n'affaiblir aucun trait, nous laisserons parler l’auteur lui-même, qui a condensé en un petit nombre de pages, sa composition, ses contrastes et ses affinités. « En excluant de l’ensemble les Cryptogames cellulaires, nous obte- nons 456 plantes vasculaires dont 28 herbacées (12 Fougères ou Équisé- tacées, 14 Monocotylédones et 2 Dicotylédones) et 198 de consistance ligneuse, si l’on prend pour guide leur analogie avec les espèces vivantes. Parmi ces dernières, 78 espèces étaient probablement arborescentes, 31 simplement frutescentes (19 demeurent douteuses). Leur présence prouve l'extrême variété qui régnait alors dans la végétation forestière de l'extrême nord. Dans le groupe des Coniferes, les Taxodium, Glyptos- trobus, Salisburia perdaient leurs feuilles au retour de l'automne, tandis que 27 autres de la même classe les eonservaient certainement pendant l'hiver. 56 espèces d'arbres ou arbustes angiospermes avaient des feuilles caduques, tandis que 21 espèces, si l’on en juge par la consistance coriace de leurs organes appendiculaires, demeuraient toujours vertes. Ce sont les suivantes: Populus sclerophylla, P. arctica, Myrica acuminata, M. borealis, Quercus drymeja, Q. furcinervis, Q. steenstrupiana, Daphno- gene Kanti, Hakea? arctica, Mac-Clintochia dentata, M. Lyellii, M. tri- nervis, Andromeda protoyæa et Saportana, Diospyros Loveni, Magnolia Inglefieldi, Ilex longifolia, 1. reticulata, Hedera Mac-Clurii, Callistemo- phyllum Moorti, Prunus Scott. On voit par là que les régions polaires iniocènes étaient plus richement pourvues d’essences à feuilles persis- tantes que notre zone tempérée actuelle, Pourtant, si l’on excepte le Lierre, cette catégorie de plantes se trouvait restreinte au Groënland. La connaissance encore imparfaite que nous avons de la Flore polaire miocène infirme les conclusions qu'il serait naturel de formuler, en son- geant à l'absence de certaines formes végétales ; pourtant, il est impos- sible de ne pas remarquer l'exclusion, absolue jusqu’à ce jour, des Pal- miers, des Mimosées, des Cinnamomum, Si fréquents dans l’Europe tertiaire; point de traces non plus de Porana, ni de Sapindacées, tandis que les formes actuellement propres à la zone tempérée sont évidem- ment les plus saillantes et les plus répandues. Les arbres et arbustes qui reparaissent le plus souvent dans la Flore arctique sont les suivants: Taxodium dubium, Sequoia Langsdorfi, Populus Richardsoni et P. arctica, Alnus Keffersteinii, Corylus Mac- Quarii, Faqus Deucaleonis, Quercus Olafseni, Platanus aceroides; ees arbres existaient probablement dans toute l'étendue des régions polaires. De toutes ces espèces, le Chêne et les deux Peupliers sont les seules CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 103 qui appartiennent en propre à la zone arctique ; les autres se montraient aussi dans l’Europe centrale et quelques-unes pénétraient même jusque sur les bords de la Méditerranée actuelle. En résumé, l’ensemble comprend 50 espèces déjà connues et 112 nouvelles, qui n’ont été encore observées que dans le Nord. Parmi ces dernières, et en dehors de celles que nous avons citées plus haut comme répandues partout, il faut distinguer par- ticulièrement les suivantes : Yuxodium angustifolium, Salisburia borea- lis, Smilaz Franklini, Potamogeton Nordenskioldi, Quercus Groënlandica, O. platania et Steenstrupiana, Ulius diptera, Daphnogene Kanu, les Mac-Clintockia, \ Hedera Mac-Clurii, les Vitis islandieu, arctica et Olriki, les Magnolia, Paliurus et Ilex, les Tilleuls et le Prunus Scottii. I n’est cependant pas certain que ces espèces aient toutes fait partie au même titre exclusif de la Flore arctique. Nous connaissons jusqu'ici fort peu de chose de la Flore miocène du nord de l'Europe, de celle de l'Amérique et de l'Asie, et ces Flores peuvent nous réserver la surprise de bien des espèces que nous n'avons encore rencontrées que dans l'extrême nord. Le rôle si remarquable dévolu alors aux Peupliers doit être remarqué d'autant plus que les Saules à côté d'eux ne se montrent qu'en échan- tillons isolés et sans aucune liaison avec ses formes boréales. Il est en effet bien singulier de n’observer, dans cette foule d'espèces, aucun représentant des formes aujourd'hui exelusivement arctiques, et d'y rencontrer au contraire les analogues de celles qui vivent mainte- nant dans la zone tempérée, d’où elles remontent jusque dans le voisi- nage du cercle polaire. Nous pouvons désigner comme faisant partie de cette seconde catégorie les Péeris Ainkiana et œningensis, Pinus Mac- Clurii, Potamogeton Nordenskioldii , Sparganium. stygium , Populus Richardson et Zaddachi, Alnus Keffersteinii, Corylus Mac-Quarti, Betula et Menyanthes, c'est-à-dire un total de 11 espèces. En réalité, la plupart des espèces n’ont rien-de commun avec celles de la flore polaire actuelle, et leurs affinités les plus étroites les rattachent constamment à des contrées situées plus loin vers le midi. I y a donc eu depuis lors une révolution complète dans les éléments constitutifs de la végétation du nord; et nous observons même iei ce singulier mélange de types végétaux, maintenant disséminés sur plusieurs points du monde, qui nous frappe si justement lorsque nous considérons l'Europe miocène. En fait de types centro-européens, nous devons signaler les Péeris ænin- gensis et ARinkiana,les Lquisetum, Phragmites, Sparganium, Potamogeton, le Populus Richardsonii, les Salix, V Alnus Keffersteinii, le Corylus Mac- Quarii, le Fagus Deucaleonis, les Menyanthes, Galium et Hedera; en fait de types austro-européens : le Diospyros brachysepala, les Paliurus, Colutea et le Prunus Scotti; en fait de types japonais : les Glyptostrobus, Thuiopsis et Salisburia; en fait de types asiatiques proprement dits : A0! GASTON DE SAPORTA. les Peupliers à feuilles coriaces, le Planera Ungeri, le Betula prisca, le Juglans acuminata et probablement le Quercus Stcenstrupiana; en fait de types américains : l'Osmunda Heeri, le Lastræa siiriaca, les Taxodium et Sequoia, les Pinus Mac-Cluri, Martinsi, Steenstrupiana et Ingolfiana, le. Populus Zaddachi, le Betula macrophylla, h espèces de Chêne, l'Ostrya Walkeri, le Platane, l'Andromeda protogæa, les 3 Vitis, le Magnolia et le Tulipier, le Juglans bilinica, le Tilia Malmgreni, le Rhamnus Eridani et les deux espèces de Cratægus. L'élément américain prédomine dans la Flore fossile du Groënland, de l'Islande et du Spitz- berg, comme dans celle de l’Europe miocène contemporaine; et cet élé- ment se manifeste, soit que l’on considère les espèces que l’extrême nord possédait en commun avec nos contrées, soit que l’on examine celles qui lui appartenaient en propre. Il y a lieu pourtant d’être surpris que l’on n'ait pas encore découvert dans la zone polaire ecrtaines espèces alors ré- pandues dans toute l'Europe miocèene ; je citerai particulièrement l’Acer trilobatum, le Liquidambar europæum, les Populus latior et balsamoïdes ; des explorations ultérieures les feront peut-être rencontrer, il faut ajouter cependant qu’elles sont également absentes de la Flore miocène de Dantzig et de celle de Kænigsberg. Nous avons réuni à la Flore arctique les plantes d'Islande et des rives du Mackensie, parce que les localités qui les ont fournies se trouvent dans le voisinage immédiat du cercle polaire. En opérant le retranche- ment de ces espèces, on obtient pour la zone qui s'étend du 70° au 80° degré de latitude, un total de 123 espèces qui manifestent une grande uniformité de caractères, comme si elles avaient autrefois dépendu du même ensemble végétal. Parmi les plantes qui proviennent des deux premiers pays, il ne se trouve aucun type qui, comparé avec ceux du Groënland, puisse devenir l'indice de divergences climatériques entre les deux régions. La Flore de toutes les localités réunies de la zone arctique est empreinte d’un cachet d’uniformité très-remarquable, quoique chaque contrée possède aussi des espèces qui lui sont propres; mais cette der- nière particularité tient sans doute à la connaissance imparfaite que nous avons encore de cette végétation fossile. Il est surprenant, eu égard au voisinage de l'Islande et du Groënland, que le nombre des espèces communes entre ces deux pays ne soit pas plus considérable; ainsi, Atanckerdluk, sur la.côte occidentale du Groën- land, possède moins d'espèces communes avec l’islande qu'avec le Spitzhberg et les lignites du Mackensie, bien plus éloignés cependant. Il est naturel d'en conclure que le Groënland miocène se trouvait sans doute en liaison directe avec le continent américain d’une part et le Siptzhberg de l’autre, tandis que l'Islande en était déjà séparée par la mer. Le Groën- land et le Spitzberg possèdent en commun plusieurs espèces particuliè- CARACTÈRES DE L ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 105 rement propres à la zone arctique, tandis qu'à l’exception du seul Quercus Olafseni les plantes qui se montrent à la fois en Islande, dans le Groënland cet au Spitzhberg se retrouvent aussi sur le continent européen, à l’époqu emiocène. Considérée dans son ensemble, la Flore miocène d'Islande diffère sensiblement de celle des autres localités arctiques ; les nombreuses espèces de Bouleaux et de Pins, la fréquence de lAcer otopterir et du Sequoia Sternbergi, la présence d’un Ormeau et d’un Tulipier, comme aussi l'absence des Peupliers, communiquent à cette Flore une physio- nomie spéciale. La Flore du Groënland septentrional se distingue par une merveilleuse profusion de formes. Il suffit de jeter un regard sur la masse de plantes que renferment les roches ferrugineuses d’Ataneker- dluck, ou seulement de parcourir les planches de cet ouvrage, pour se convaincre que lon a sous les yeux les restes ensevelis d’une forêt com- posée d’une multitude d'arbres et d’arbustes, dans des proportions plus variées que dans aucune des contrées actuelles de l'Europe centrale. Il est déjà possible, en effet, de signaler 76 espèces susceptibles d'en avoir fait partie. Les Sequoia et les Peupliers ont dû dominer dans cette forêt, mais à ces arbres se joignaient des Chênes (on en compte 8 espèces dont quelques-unes avaient des feuilles qui atteignaient un demi-pied de lon- gueur), 4 espèces de Hêtres, un Platane, des Plaqueminiers et des Noyers ; les Houx aux feuilles coriaces et les Magnolias n’y étaient pas rares, et des Chênes, des Charmes, des Ostrya leur étaient associés. À ces arbres s’attachaient un Lierre et deux espèces de Vignes au feuillage élégamment découpé, tandis que des Aunes, des Noïsetiers, des Andromèdes, des Cor- nouillers, des Nerpruns et des Alisiers, entremélés de Fougères aux fron- des déliées, constituaient d’épais taillis. [l faut encore citer, au nombredes types les plus remarquables de cette Flore, les Salisburia, les Thuiopsis, les Daphnogene, les remarquables Mac-Clintockia, deux espèces de Paliures et de Houx, le Magnolia, les Vignes, un Cerisier à feuilles persistantes, des Chénes-verts et un Noyer. Les espèces les plus saillantes du Mackensie sont le Glyptostrobus et un Smilax. Parmi celles du Spitzberg, il faut remarquer une Fougère élégante, une Prèle, le Taxodium à feuilles étroites et le Tilleul. Il est surprenant de n’y observer aucun Bouleau et . de constater aussi que, dans le Groënland, on n’a encore recueilli que des fragments d’écorce et une seule feuille assimilables à celles de ce genre. Si l’on se base sur le grand nombre d’espèces communes au Canada septentrional, au Groënland et au Spitzberg, pour admettre l'existence d’un vaste continent miocène s'étendant sans discontinuité dans l’inté- rieur de la zone arctique, il est permis de se demander s’il ne commu- uiquait pas directement avec le continent européen. L'abondance des espèces communes aux deux régions rend cette supposition vraisem- blable; mais il s'agirait encore de rechercher dans quelle direction une 106 GASTON DE SAPGRTA, connexion de ce genre a pu avoir lieu. Une liaison du Spitzherg avec le cap Nord, par l'intermédiaire de l’île de l’Ours, n'aurait rien en soi d’in- vraisemblable, à moins que l’on ne préférât admettre une jonction du Groënland septentrional avec la Laponie. L'absence de tout vestige de plantes fossiles en Scandinavie enlève la possibilité de vérifier si cette hypothèse repose sur quelque fondement; mais peut-être cette lacune sera-t-elle un jour comblée, peut-être aussi une autre liaison a-t-elle existé par le sud du Groënland, et dès lors on se trouve entrainé vers l'opinion qui soutient l'existence probable de l’Atlantide. F'ai développé moi-même ailleurs cette idée d’une manière trop détaillée pour songer à la discuter de nouveau. Je me contenterai d'observer que la présence des plantes miocènes d'Europe dans la zone arctique et la physionomie américaine de la Flore miocène trouvent dans cette hypothèse une expli- cation des plus naturelles. Si la Flore européenne miocène n'avait com- pris en fait de types américains que ceux qui se montrent aussi dans la Flore miocène arctique, il en résulterait que la nature végétale n'aurait exercé son action dans les deux mondes que par l'intermédiaire unique de la zone arctique; mais nous observons aussi en Suisse des types amé- ricains subtropicaux, comme les Sabals et les Palmiers à frondes pin- nées, qui certainement n'ont pu suivre cette route de l'extrême nord pour arriver jusqu’en Europe. » On voit par ce qui précède que la végétation tertiaire arctique se compose de deux éléments bien distinets : lun spécial aux régions polaires, l'autre commun à ces régions et à l'Europe miocène. Prenons-les successivement, et tächons d'en fixer les caractères respectifs; cette étude indispensable servira de base à nos appréciations sur la nature du climat qui régnait alors dans la zone arctique. La Fougère la plus curieuse est certainement le Sphenopteris Blomstrandi de la Baie du Roï(King s Bay)au Spitzberg ; M. Heer la rapproche du Gymnogramme calomelanos Kaulf., espèce de . Amérique tropicale ; mais 1l serait peut-être plus naturel d'y reconnaître un Asplenium assez semblable à l'A4splenium W'eg- manni Bragt. parmi les fossiles, et parmi les vivants à notre Asplentum lanceolatum Sw. Le Sphenopteris Miertschingi du Groënland se rattache évidemment au même groupe. Parmi les Abiétinées, les Pins proprement dits n'ont laissé que de faibles traces ; mais les Sapins offrent sur divers points CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE, 107 des spécimens propres à démontrer l’importance qu'ils avaient déjà acquise dans le nord. L'’Abies Mac-Clurt de la Terre de Banks présente des cônes presque entiers : ils sont cylindriques, de petite taille, et imdi- quent, ainsi que les rameaux, une espèce voisine de F4. alba Michx; les cônes que l’on recueille dans la forêt submergée de Norfolk (Forest bed) ont une ressemblance singulière avec ceux ci, bien qu'ils soient plus grands ; les uns et les autres sont loin d'égaler ceux de notre Epicea, dont ils different en effet beaucoup. Le Pinus microsperma Meer se rapproche au contraire des Tsuga, tandis que les Pinus Ingolfiana et Strenstrupiana mon- trent une étroite affinité avec les Abies l'raseri et religiosa. A paraît donc certain que les principales sections du genre actuel se trouvaient alors représentées dans le nord. Parmi les Monocotylédones, le Potamogeton Nordenskioldi se fait remarquer par la netteté de ses caractères ; il est difficile à distinguer du P. natans L., aujourd'hui répandu dans les eaux douces du monde entier. Le plus communs des Chênes arctiques estle Quercus Olafseni ; les empreintes provenant d’Atanekerdluk sont les seules qui paraissent incontestables ; ses feuilles annoncent une espèce analogue au Quercus prinus L. d'Amérique. Le Quercus groen- landica se rattache plus étroitement encore à ce même type ; M. Heer peut à peine signaler, entre la forme ancienne et celle de nos jours, quelques légères différences dans le contour du limbe et le nombre des principales nervures. Le Populus Richardsoni faisait évidemment partie de la sec- ton des Tremula ; 11 reproduit le type de notre espèce actuelle dont il diffère surtout par la forme des dentelures qui sont plus nombreuses, plus profondes, et découpées en forme de créne- lures. Le Populus Hookeri des lignites du Mackensie se range dans la même section ; mais il se rapproche plutôt du P. tremu- loides Michx par la forme de son contenu et ses crénelures fai- blement prononcées. Le Populus arctica est bien plus curieux; la consistance 108 GASTON DE SAPORTA. presque coriace de ses feuilles, la direction ascendante de leurs nervures, leur bord inégalement denté où sinué, quelquefois à peu près entier, son extrême polvmorphie, le rangent évidem- ment à côté des P. euphratica Ohv., diversifolia Schr. et prui- nosa Schr., espèces asiatiques, seuls représentants actuels d’une section, dont le rôle paraît s'être amoindri depuis l'époque ter- taire. Le P. arctica, quoique distinet spécitiquement du P. scle- rophylla Sap., d’Armissan, montre plus d’affinité avee lui qu'avec le P. mulabilis d'OEningen; tous deux semblent également opérer un passage vers la section des Trembles, et donnent lieu respectivement à des variations analogues. fl est bien moins cer- tain, selon nous, que les P. sclerophylla et Gaudini aient fait réellement partie de la flore arctique, comme M. Heer incline à le penser; mais nous venons de signaler dans les argiles du bassin de Marseille un Populus qui semble se rapprocher beau- coup desempreintes que M. Heer partage entre ces deux espèces. Les attributions précédentes ne sont pas douteuses quant au genre ; mais M. Heer place dans la famille des Morées, des Lau- rinées et des Protéacées, des formes dont le classement générique nous semble tout à fait hypothétique ; avec elles nous sortons brusquement du vraisemblable pour toucher au conjectural ; 1l est vrai qu'il ne s’agit que d’un petit nombre d'espèces, dont les caractères énigmatiques sont faits pour exciter la curiosité ; mais d'après ce que nous savons de la dégradation du climat sous l'influence des latitudes dans les temps miocènes, 1l est peu pro- bable que les ficus, les Laurinées et les Protéacées, déjà fort clair-semées relativement dans les dépôts de l'Allemagne du Nord, se soient étendus au delà du cercle polaire. Or, Îles espèces décrites par M. Heer, quelque curieuses qu’elles soient par elles-mêmes, sont loin d'infirmer cette loi. Le Ficus ? groenlandica a plutôt la forme et la nervaiion d’un Tilleul (4); sa ressemblance avec le Ficus tiliæfolia d'OEningen (4) D'après une lettre que M. Heer à bien voulu m'écrire tout récemment, une nouvelle exploration du Groënland septentrional aurait amené la découverte d’une assez longue série de feuilles que cet auteur serait disposé à classer parmi les Büttné- riacées dans le genre Pterospermites, à côté du P. integrifolius déjà signalé par lui CARACTÈRES DE L ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 109 ne doit pas faire illusion, car lattribution générique de cette dernière espèce est elle-même fort douteuse. Le Daphnogene Kanii constitue une forme des plus remar- quables, mais qui n'a de commun, en réalité, avec les Cinna- momum, que la disposition triplinerve de ses feuilles; un réseau veineux assez compliqué s'étale dans l'intervalle des principales nervures ; le bord est entier, les dimensions très-grandes rela- tivement, la forme ellipsoïde-allongée, la consistance plus ou moins coriace et persistante. Parmi les affinités que M. Heer passe en revue comme susceptibles de donner lieu à un rappro- chement sérieux, il en est une à laquelle nous donnerions la préférence, tellement elle nous paraît naturelle; nous voulons parler du groupe des Ménispermées, dans lequel on observe le Cocculus laurifolius, dont les feuilles ressemblent beaucoup à celles du Daphnogene Kanii, sauf un moindre prolongement des nervures latérales. La présence constatée de plusieurs types nord-américains dans le Groënland tertiaire donne de la pro- babilité à ce rapprochement. Il vaut mieux avouer la complète ignorance où nous sommes dans la Flore arctique; ces feuilles donneraient lieu à deux espèces nouvelles, sans compter celle dont il vient d’être question, et c’est à l’une d’elles qu'il faudrait rap- porter le Ficus? groenlandica, dont le genre devrait ainsi, selon mes prévisions, être effacé de la Flore polaire. M. Heer observe du reste que l'attribution géné- rique de ces feuilles demeure entachée d’obscurité, tout en faisant ressortir leur affi- nité apparente, d’une part, avec celles qu'il a désignées sous le nom d’Apeibopsis, dans la Flore fossile de Suisse, et de l’autre avec les Grewiopsis de Sézanne, dont j'ai moi- même remarqué la liaison avec les Credneria du terrain crétacé, Ne pourrait-on pas tirer de ces indices réunis la conclusion que toutes ces espèces, que rattachent un lien com- mun, ont éealement appartenu aux Tiliacées, groupe encore aujourd'hui caractéristique de notre hémisphère. M. Heer mentionne aussi la découverte de folioles d’Araliacces, voisines spécifiquement des Aralia zachariensis et lanceolata, que j'ai découverts dans le tongrien et le miocène inférieur du midi de la France (voy. t. XIX, 4° série, p. 78, pl. 9, fig. 2; t. LIT, 5€ série, p. 117, pl. 6, fig. 2, ett. IV, 5° série, p. 155, pl. 9, fig. 3, des Annales des sciences naturelles), ainsi que les belles empreintes d’une Fou- gère dont ils ne connaissait que de petits fragments, le Pecopteris Torelli, espèce voisine du Pecopteris lignitum Gieb. (Voy. Annales des sciences naturelles, 5° série, t. VIII, p. 42, pl. 3, fig. 4-5), si répandu dans l’Europe miocène; comme celle-ci, l'espèce du Groënland est une robuste plante dans laquelle il serait peut-être na- turel de reconnaitre une Cyathée, si l'abserfce de sores n'obligeait de suspendre tout jugement, 129 GASTON DE SAPORTA,. des affinités véritables du genre Mac-Clintockria que d'y recon- naître un genre de Protéacées, supposition que rien ne justifie. Ces empreintes ressemblent à des phyllodes d'Acacia garnies sur les bords de dentelures plus ou moins acérées, au moins vers le sommet du limbe. On observe, à l’époque actuelle, des formes assez analogues chez quelques Urticées exotiques (Boehmeria) et chez certains Plantago ; mais il faut avouer que leur rencontre est rare parmi les Dicotylédones. Le Lierre arctique (Hedera Mac-Clurii) différait du nôtre par l'absence de feuilles lobées, celles des rameaux stériles étant seulement arrondies et sinuées sur les côtés, celles des rameaux fertiles se montrant plus allongées ; il se rapproche sensiblement de la variété islandica et aussi de l'A. prisca, que j'ai signalée dans l’éocène inférieur de Sézanne, et dont les feuilles étaient sinuées-anguleuses, plutôt que vraiment lobées. L'Andomeda denticulata appartenait au groupe des Leucothoe ; et ressemble beaucoup au L. acuminata de l'Amérique septen- trionale. Les Vitis Olriki et arctica rappellent les Vites vulpina L. et cordifolia Mich.; mais le V. islandica semble plus douteux, et peut-être faudrait-il y voir plutôt un Acer. Le Magnolia Ingefieldii avait des feuilles un peu plus larges et peut-être moins coriaces que celles du M. grandiflora, auquel il ressemble du reste tellement, que l’on serait tenté de recon- naître en lui un prédécesseur direct de l'espèce américaine actuelle (4). Le T'ilia Malmgreni portait de larges feuilles très-analogues à celles du T°. americana et de notre T°. grandifolia. Les Tilleals sont rares dans l'Europe tertiaire ; ils ne se montrent guères que dans le pliocène; ils habitaient probablement l'extrème nord avant de se répandre dans de centre de l'Europe ; ils sont au contraire très-fréquents dans les tufs de l’âge quaternaire. Les Cratægus antiqua et W'arthana reproduisent le type du C. tomentosa L. d'Amérique ; mais on peut aussi les comparer à (1) La découverte récente des fruits de cette espèce est venue pleinement confirmer un rapprochement d’abord fondé uniquement sur la connaissance des feuilles. CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 111 notre C. Aria L., dont les empreintes abondent dans les traver- tins quaterpaires du midi de l'Europe. Au total, il est aisé de reconnaitre que la plupart des espèces appartenant en propre à la zone arctique se rattachent étroite- ment à des types de la zone tempérée actuelle. Rien chez elles, sauf le genre Aac-Clintockiu, ne dénote une végétation d’un caractère spécial ; l'examen des espèces communes à la flore polaire et à celle de l'Europe miocène va nous confirmer dans cette idée. Presque toutes celles que comprend cette dernière catégorie correspondent à des espèces de l’époque actuelle, et beaucoup d’entre elles appartiennent à des genres maintenant confinés dans uue seule région, et représentés par un petit nombre d’espèces ou par une espèce unique, comme si ces genres, après AVOIr OCCUpÉ une vaste étendue, avaient été successivement refoulés vers un seul point et détruits partout ailleurs. Voici la liste de ces prin- cipales espèces tertiaires, avec la mention de leur représentant direct dans la nature vivante : Pteris œningensis A7. Br....... Pteris aquilina L. Osmunda Heerii Gaud .....,.., Osmunda spectabilis W, Taxodium dubium Sé%......,... TFaxodium distichum Rich, Glyptostrobus europæus Brgt..... Glyptostrobus heterophyllus Br. Thuiopsis europæa Sap......... Thuiopsis lætevirens Lindl. Sequoia Langsdorfii Brgt. (1).... Sequoia sempervirens Lamb, Sequoia Couttsiæ Heer,........ à HAS on Sternbergii Heer....... SCAN cae Salisburia adiantoides Ung ...... Salisburia adiantifolia Sm. Betula macrophylla Gæpp........ Betula excelsa At. Betula prisca Ett.......,.... ... Betula Bojpaltra Wal. Carpinus grandis Ung........... Carpinus betulus L. Corylus Mac-Quarii Forb........ Corylus avellana L. Fagus Deucaleonis Urg....... .. Fagus syivatica L. Fagus castaneæfolia Ung. (2) .... Castanea vesca Gærtn. Planera Uugeri Ett.......... ... Planera Richardi Sp. Platanus aceroides Gæpp........ Platanus vulgaris Sp. Diospyros brachysepala -4A. Br... Diospyros Lotus L. Liriodendron Procaccinii Ung.... Liriodendron tulipifera L. Acer otopterix Gæpp. Juglans acuminata A7. Br......., Juglans regia £, Juglans bilinica Ung..........., Juglans nigra L. (1) Un récent examen de M. Heer portant sur les fruits adultes et les chatons femelles de cette espèce, le porte à admettre l'identification complète de l'espèce fos- sile avec celle de la Californie; les différences que l’on pourrait signaler entre les deux formes se trouvant trop faibles pour motiver une distinction spécifique. Il en serait de même du Taxodium dubium Sth. qui devrait être réuni au T. distichum Rich. (2) M. Heer vient de recevoir d’Atanekerdluk une involucre pétrifiée, garnie de ses 112 GASTON DE SAPORTA. Aiust, Acer olopteriæ estla seule de ces espèces qui ne soit pas représentée par une analogie directe daus la végétation de notre époque. Toutes les autres se trouvent liées d’une maniere si étroite avec les espèces que nous avons placées à côté d’elles, qu'en déterminant les aptitudes de celles-ci, e’est-à-dire les con- ditions de température et de climat qu'elles demandent pour vivre, fleurir et fructifier, on peut par cela même reconstituer presque à coup sûr la nature du elimat quirégnait autrefois dans la zone arctique, et alors qu'elle était habitée par leurs con- génères fossiles. Cette recherche est d’ün immense intérêt, non- seulement en elle-même, pour mesurer, s'il est possible, la somme de chaleur dont le globe à été privé depuis, mais encore pour examiner si, dans la végétation tertiaire arctique, on ne retrouve aucune trace de l'influence qu'aurait dû exercer, en tout état de cause, la distribution actuelle des jours et des saisons. Dans le cas où l’on constaterait l'absence de toute in- fluence de cette sorte, ne serait-on pas en droit de supposer que le globe lui-même aurait été placé autrefois dans des conditions astronomiques différentes de celles qui le régissent aujourd’hui? Avant d'aborder la question de climat, M. Heer jette un coup d'œil rapide sur l'état actuel de la végétation polaire. I fait voir que les arbres y sont très-rares et que tous appartiennent à des espèces plus méridionales, qui ne s’avancent vers le Nord qu'en amoindrissant leur stature. On en compte en tout quinze espèces qui dépassent çà et là le cercle polaire, et cinq espèces seulement, un Pin, deux Bouleaux, un Tremble et un Sor- bier, qui prolongent leur existence jusqu'aux limites extrêmes de Fa végétation arborescente. Cette limite ne coïncide pas avec le cercle polaire; comme les isothermes, elle est tracée par une ligne sinueuse, sujette à bien des irrégularités, puis- que d’une part elle aiteimt ou dépasse même en Laponie le 70° degré de latitude, tandis que sur le continent américain elle redescend au 65°, à l’ouest de la baie d'Hudson, et piquants, presque aussi gros que ceux du Castanea vesca et qui ne laisse aucun doute au sujet de l'attribution de celte espece au genre Castaneu, opinion déjà formulée par le savant de Zurich. CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 113 même jusqu'au 58° dans le Labrador; plus loin, au con- traire, vers l'embouchure du fleuve Mackensie, elle remonte au 69° degré, et, après un nouveau circuit, dépasse encore ce même degré dans la région qui s'étend, au nord de l'Asie, entre la Lena et le Jenissei. Il est facile de reconnaître que le tracé de cette ligne coïncide à peu près avec l’isotherme de 40 degrés centigrades, pour la moyenne du mois le plus chaud, quelie que soit d'ailleurs la rigueur de lhiver. Certaines espèces ligneuses peuvent alors se maintenir, tandis que d’autres terres, où la moyenne annuelle est bien supérieure à 0 degré, en sont totalement dépourvues, parce que si les hivers y sont doux, les étés y sont sans chaleur. Le point le plus avancé vers le pôle où la végétation arborescente se montre encore est le cap Nord; mais sur ce point, l'hiver est relativement modéré, par suite du Gulf-Stream, et l’été atteint la moyenne voulue pour le mois le plus chaud ; les deux causes se combinent ici pour amener un résultat favorable. Il est donc évident que de tous les facteurs la chaleur estivale est le plus efficace, en effet, on conçoit qu'un arbre doit non-seulement produire des fleurs et mürir ses fruits, comme la plante la plus humble, mais qu'il lui faut encore une certaine durée de chaleur utile pour lui permettre de procéder à la consolidation de la couche ligneuse annuelle, opération qui exige plus de temps que les premières. Cette nécessité, d’une saison chaude et lumineuse pour l'existence de la végétation arborescente, estiun élément essentiel qu'il ne faut pas négliger dans la recherche des conditions climatériques de l’ancienne végétation polaire. N'oublions pas d’ailleurs que l’inégale distribution de la cha- leur, dans le sens des latitudes, ne s’est établie que graduelle-- ment et tardivement à la surface du globe. La flore crétacée du Groënland ne se distingue encore par aucun caractere sensible de celle qui existait en Europe à la même époque; mais les effets de la latitude deviennent visibles lorsqu'on aborde le mio- cène; il est aisé d'en mesurer l'intensité en comparant les plantes de Kome à celles d'Atanekerdluk; l’abaissement calo- rique qui s’est produit dans l'intervalle à été assez marqué pour 5e série, Bor. T. IX. (Cahier n° 2.) # 8 aa GASTON DE SAPORTA. interdire l'accès des régions du Nord à une portion des types végétaux propres à l’Europe centrale, mais pas assez violent pour les exclure tous. C’est de l'étude de ceux qui persistent à habiter l’intérieur du cercle polaire, ou plutôt des espèces ana- logues qui les représentent parmi nous, que M. Heer a retiré la formule du climat arctique de cette époque. Pour obtenir ce résultat, 1l s'attache à considérer trois termes ou points de re- père échelonnés à des latitudes différentes : le Spitzherg par 78 degrés latitude, le Groënland par 70 degrés, l'Islande par 65 degrés, comprenant en tout environ 13 degrés de latitude, c’est-à-dire plus de la moitié de la distance du cercle polaire au pôle. Maisil est facile de s'assurer que la végétation arborescente ne s’arrêtait pas à la limite que nous distinguons actuellement, puisque les Pirs et les Peupliers que l’on observe au Spitzherg s’y trouvent accompagnés de Tilleuls et de Platanes, et que les premiers de ces genres, dans la nature actuelle, s’avancent vers le nord 6 et 15 degrés plus lom que les derniers. Il est permis de croire qu'il en était de même autrefois, de sorte qu’en admettant, ce qui n’est nullement prouvé, que les Platanes et les Tilleuls ne dépassaient pas le 76° degré, les Peupliers et les Pins ont dû s'étendre jusqu’au pôle, si toutefois la terre ferme se prolongeait jusque-là. Ï n’est pas difficile à M. Heer d'établir pour le Spitzhberg mio- cène, à l’aide du Hêtre, du Platane, du Tilleul et du Cyprès- chauve qui s'y trouvaient alors réunis, un minimum de tempé- rature estivale de 15 à 16 degrés centigrades, de — A pour l'hiver, correspondant à une moyenne annuelle d'environ 5 de- grés 1/2 centigrades, c’est-à-dire au climat actuel de la Scanie, où le Hêtre, le Tilleul sont indigènes et où le Platane et le Cyprès- chauve peuvent se cultiver en plein air. Cependant ce mini- mum semble inférieur à la réalité. En Amérique, le Platane ne dépasse pas le 50° degré latitude, au nord du lac Supérieur, et le Taæodium distichum ne franchit pas le 40° degré dans le Deiaware. En Europe, ce dernier arbre est cultivé Jusqu'à Berlin, où il mürit(?) quelquefois ses fruits vers le 52° degré lati- tude. La moyenne annuelle de cette dernière ville, 8°,6 centi- | | | CARACTÈRES DE L ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 119 grades, serait donc à peine acceptable, d'autant plus que rien dans la végétation ancienne du Spitzherg ne dénote une ten- dance vers le rabougrissement des formes; les feuilles sont larges, les ramules développés; si l’on en juge du reste par les apütudes actuelles des deux essences analogues, elles auraient pu supporter des hivers relativement froids, mais en exigeant _pour se développer une chaleur estivale forte et prolongée, comme dans les États-Unis; la moyenne annuelle du Spitzherg étant de nos jours de — 8°,6 centigrades, suivant M. Martins, la différence entre le climat ancien et le climat actuel serait de 14 degrés au moins, plus probablement de 17 degrés. Le Groënland fournit des éléments plus nombreux et plus concluants ; M. Heer retire de leur examen la notion que le cli- mat qui régnait alors sous le 70° degré latitude était au moins égal à celui qui existe maintenant sur les bords du lac de Genève et dont la moyenne annuelle est de 9°,70 centigrades, le mois le plus froid étant — 1°,98, le plus chaud 49°,11. C’est là encore, à Ce qu'il nous semble, un minimum qui ne saurait être accepté comme l'expression probable de la vérité. Il est basé sur ce que la plupart des espèces analogues à celles du Groënland ter- taire réussissent en plein air aux environs de Lausanne et y mürissent annuellement leurs fruits. Cependant, comme les types dont les affinités méridionales sont les plus accentuées doivent être exclusivement pris en considération, il faut remar- quer que les genres Sequoia, Glyptostrobus, Taxodium, T huiop- sis, Salisburia, Diospyros, Magnolia étaient représentés dans le Groënland tertiaire par des formes dont les analogues directs habitent de préférence le midi de la zone tempérée. La culture a bien pu les propager en Europe au delà du 45° degré latitude, en mettant à profit certaines circonstances exception- nellement favorables, comme l'égalité de température qui est propre à l'ouest de la France et à une partie de l’Angleterre ; mais n'oublions pas qu'il s’agit ici de plantes indigènes, asso- ciées de manière à former concurremment de vastes forêts et se | reproduisant naturellement. Il faut done considérer, pour arri- ver à une juste appréciation des faits, que, dans l’ordre actuel, 116 GASTON DE SAPORTA. le Sequoia sempervirens ne dépasse pas le 12° degré; que, même en Provence, il est quelquefois atteint par les froids subits; qu’en été, il ne souffre de la chaleur que si l'humidité lui fait défaut, condition qui parait lui être indispensable. I fleurit de tres-bonne heure et ne mürit ses fruits que dans l'automne avancé. Il en est à peu près de même du Magnolia grandiflora, à qui la fraicheur et le voisinage des eaux courantes sont abso—. lument nécessaires en Provence, mais qui ne souffre pas de la chaleur des étés, même en Italie, quoique dans l’ouest, près de Nantes et d'Angers, 1l atteint de belles proportions sous l'in- fluence d'une température égale et humide. A Paris déjà, le Magnolia grandiflora ne rencontre plus les conditions d’un développement normal. En Amérique, il ne s'étend pas au dela du 40° degré latitude; le Glyptostrobus heterophyllus, le Salisburia adiantifolia et les T'huiopsis s'arrêtent encore plus bas dans la Chine et au Japon. Toutes ces essences manifestent à peu près les mêmes aptitudes; capables de supporter un maxi- mum de froid assez élevé, elles exigent en même temps un élé chaud; mais l'humidité du sol, et subsidiairement celle de l'air, leur est absolument nécessaire dans cette saison ; enfin, si l'humidité seule leur reste, elles peuvent encore réussir, pourvu que, dans ce dernier cas, le climat soit égal et l'hiver très-doux. Le caractère commun de tous ces arbres, auxquels on peut joindre les Vignes, plusieurs Chênes, les Charmes, les Pla- tanes, Planera, Frênes, et les Cerisiers à feuilles persistantes, qui tous montrent les mêmes tendances, est de supporter sans peine un assez grand écart entre le froid de hiver et la chaleur estivale, mais de ne pouvoir se passer de l'humidité du sol, sinon de celle de l'atmosphère. L'abondance des eaux, et par conséquent linfluence d’un ciel pluvieux dans les hautes lati- tudes, vers le temps miocène, ressort clairement de la puissance et de l'étendue des dépôts d’eau douce, la plupart produits de l’action des sources qui surgissaient de toutes parts sur ces terres aujourd'huiglacées. En pesant ces diverses considérations, on ne sera peut-être pas éloigné d'admettre pour le Groënland miocène une moyenne annuelle plus ou moins voisine de celle que pré- CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 117 sentent quelques localités de la Provence ou de la France austro- occidentale, mais avec un climat beaucoup plus humide et des saisons plus régulières que dans le premier de ces deux pays. En cherchant à préciser davantage, on pourrait supposer sans invrai- semblance que les plus grands froids, tempérés par des brumes épaisses et de fréquentes averses, ne descendaient probablement pas en dessous de 12 à 15 degrés centigrades, tandis que les plus grandes chaleurs pouvaient s'élever à 28 ou 30 degrés centigrades etse maintenir à 25 degrés en moyenne pendant les mois les plus chauds; la moyenne hivernale aurait été ainsi de 5 degrés centi- grades et la moyenne annuelle de 12°,5. Ces données, que nous croyons peu éloignées de la vérité, s’écartent notablement de celles que M. Heer a adoptées, car ce savant se contente d’une moyenne de 9°,6; il est vrai que pour lui, nous le répétons, c'est là un minimum que tout annonce avoir été dépassé. En ce qui concerne l'Islande, le calcul de M. Heer est princi- palement basé sur l'observation du Tulipier de l’époque tertiaire qui croïssait dans cette île et différait à peine de celui de nos jours. Cet arbre, à l’état spontané, ne s'étend guère en Amérique au delà du 40° degré latitude, maisen Europe il est cultivé à l'air libre jusqu'en Allemagne et même en Scanie. Selon M. Heer, il se contente à Zurich, à Dublin et à Stettin d’une moyenne annuelle de 9 degrés centigrades; mais 1c1 encore nous croyons cette évaluation trop basse, dès qu'il s'agit d’une espèce livrée à elle- mème et par conséquent assez vigoureuse pour lutter avanta- geusement contre celles qui l'entourent. Le Tulipier, comme le Magnolia à grandes fleurs, est une espèce méridionale, et s'il est exclu de certaines parties du Midi, c’est uniquement par le défaut d'humidité qui lui parait indispensable. Nous croyons donc qu'il est plus naturel de se rapporter à sa limite géographique actuelle et d'accorder à l'Islande tertiaire une température semblable à celle de l'Ohio, région où, comme dans l'Islande tertiaire, le Platane se trouve associé au Tulipier, et qui correspond aussi aux parties de la Californie habitée par les Sequoia. Du reste, les Ormes, les Bouleaux, les Aunes, les Érables, les Peupliers d'Islande, en dénotant une grande humidité dans le climat, ne Â18 GASTON DE SAPORTA, paraissent pas marquer une plus grande élévation de tempéra- ture que dans le Groënland, malgré la différence que devrait amener une latitude déjà plus méridionale de 5 degrés environ. Les chiffres adoptés par M. Heer, comme exprimant la moyenne annuelle des principales localités arctiques, à l'époque tertiaire et impliquant une surélévation de 9 degrés centigrades calculée au niveau de la mer, par rapport à l’état actuel, ne concordent du reste ni avec la distribution actuelle des lignes isothermes, ni même avec l'hypothèse de Dove, que la décrois- sance normale de là température, abstraction faite des irrégu- larités, doit être de 0°,5 par degré de latitude. Les chiffres de M. Heer sont trop élevés dans le premier cas, trop faibles dans le second, sauf en ce qui concerne le Spitzherg, dont la moyenne supposée de 5°,5 concorderait avec celle du ealeul de Dove; mais nous avons vu que cette moyenne, comme celle attribuée au Groënland, était probablement trop faible. Dès lors, il résulte pour nous de ces divers essais de concordance du passé avec Île présent que les climats, en dehors même de l'élévation présu- mée de la température, se trouvaient autrefois distribués d’après des règles qui ne coïneident pas avec la limite actuelle des lignes isothermes. À priori, il était facile de le présumer. Tout a changé depuis lors, la configuration des terres et des mers, la marche des courants, la hauteur et peut-être la direction des montagnes. Les glaces polaires, de même que les neiges perpé- tuelles et les glaciers, sont des phénomènes d’un âge plus récent que celui dans lequel nous nous sommes transportés; dès lors, que peut-il y avoir de commun, au point de vue du elimai, entre cet âge et le nôtre, puisque toutes ces causes combinées exercent une immense influence pour accroître ou diminuer les sources de chaleur, et que les deux dernières, les plus actives de toutes, n'existaient probablement pas ou se réduisaient encore à des phénomènes insignifiants? Il faut done chercher ailleurs la solu- tion des problèmes qui se rattachent à la nature des anciens climats. Pour cela, l'étude des faits géologiques considérés en eux-mêmes, c’est-à-dire de laspect du sol, de sa configuration à l’époque que l'on examine, des plantes qui lhabitaient, sur- CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 119 tout de celles dont les aptitudes peuvent être le mieux détermi- nées, doivent être d’un secours très-puissant. C’est en cela surtout que les recherches de M. Heer acquièrent une très-grande im- portance, en fournissant des éléments sérieux et variés pour atteindre la solution. Sur bien des points, M. Heer nous semble avoir touché du doigt la réalité ou du moins il jette sur elle d’assez vives clartés pour nous permettre de l’entrevoir; la question qu'il examine se partage d'ailleurs en deux. On peut se demander, en effet, d'une part, quel était le véritable état des choses, c’est-à-dire le vrai caractère de la végétation polaire et les conditions de climat qu'il implique, et, d'autre part, l’élévation de tempéra- ture une fois constatée, quelle est la cause qui explique le mieux son existence. Ces deux questions se lient cependant, car il est impossible de suivre l'extension de la végétation arborescente jusqu'aux environs immédiats du pôle, sans chercher à se re- présenter la nature du phénomène physique auquel cette exten- sion était due. Arrêtons-nous d’abord sur la végétation ; les espèces dont elle se composait nous sont maintenant connues, et les aptitudes de celles qui s’en rapprochentle plus dans l'ordre actuel sont assez faciles à déterminer pour nous permettre d’asseoir un jugement. Les plus délicates supportent sans souffrir un minimum de — 15 degrés centigrades, pourvu que ce froid ne soit ni trop brusque dans sa venue, ni trop prolongé dans son action; nous obtenons ainsi la presque certitude que les Magnolias à feuilles caduques, les Tulipiers et les Séquoias arctiques ont dû traver- ser des hivers bien marqués, et peut-être assez rudes dans leur période la plus prononcée. H est, de plus, essentiel de recher- cher l’époque de floraison de toutes ces espèces, parce qu’elle constitue un des meilleurs indices de l’ordre présumé des sai- sons ; les espèces fossiles arctiques montrent sur ce point un accord remarquable. Les arbres et arbustes se divisent, sous le rapport de leur floraison, en quatre catégories, qui toutes se rattachent à un mode particulier de développement des organes floraux. Dans \ 120 GASTON DE SAPORTA. la première, la floraison suit immédiatement l’évolution des rameaux dont elle dépend ; les inflorescences sont terminales ou axillaires, et disposées sur les pousses nouvelles. Cette floraison peut être nommée estivale ; elle donne lieu à des fruits dont la maturité s'achève avant l'hiver, temps de repos absolu pour les végétaux de cette catégorie, que leurs feuilles soient persis- tantes ou caduques. Les Magnolias, les Tulipiers, les Vignes, les Tilleuls, les Diospyros, etc., appartiennent à ce premier groupe, qui jouait évidemment un rôle considérable dans la végétation polaire de l'époque tertiaire. La seconde catégorie comprend des végétaux dont les inflo- rvescences paraissent, comme les précédentes, sur le bois nou- veau et pendant l'été, mais qui, au lieu de se développer immé- diatement, attendent pour s'épanouir soit l'automne avancé, soit même l'hiver. Beaucoup d'arbres méridionaux sont dans ce cas, entre autres ceux dont la floraison hivernale implique une grande douceur de température pour cette saison. Les Laurinées, si fréquentes dans la végétation de l'Europe miocène, se com portent ainsi, et l’on doit ranger dans le même groupe le Lierre, l'Arbousier, le Laurier-tym, etc.; les essences à feuilles persis- tantes y dominent, comme on le voit, etil est à remarquer que le Lierre est la seule plante, parmi les genres qui s’y rapportent, que l’on observe dans la végétation arctique, d’ou les Laurinées se trouvent justement exclues; du reste, le Lierre (4), malgré sa floraison automnale, s'avance encore de nos jours fort loin dans le nord. La troisième catégorie présente une floraison versale, mais ‘qui doit nécessairement avoir lieu au premier printemps ; elle comprend des types monoïques, dont les organes sexuels se mon- trent dès l'été au sommet des pousses nouvelles consolidées, mais ne sont destinées à se développer que vers la fin de l'hiver; les Sequoia,les Bétulacées, les Corylacées, les Juglandées, appar- (1) Il existe à cet égard, en Provence, une différence assez marquée entre le Lierre d'Irlande, Hedera helix var. hibernica et le Lierre indigène ; celui-ci épanouit vers la fin d'août les fleurs de ses ombelles les plus précoces; la floraison du premier est plus tardive et se prolonge jusqu’à l'entrée de l'hiver. CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 121 tiennent à cette section, et l’on conçoit que leur floraison se trouve plus ou moins hâtée, suivant Pintensité et la durée de la saison froide. Enfin il existe un autre mode de floraison vernale, d'après lequel les organes floraux qui doivent se développer au printemps sont séparés ou réunis avec les feuilles, dans des bourgeons écailleux jusqu’au moment de l’évolution ; seulement, suivant la position et la nature des bourgeons floraux, cette évolution peut précéder, accompagner ou suivre celle des feuilles. Les Taxodium, Glyptostrobus, Salisburia, les Chênes, les Pla- tanes, les Frênes, lés Érables, la plupart des Pomacées et des Amygdalées appartiennent à cette catégorie, qui se trouve plus spécialement appropriée au climat tempéré, et dominait parmi les végétaux arctiques de l’âge tertiaire. On voit done que tout dénote, pour le pays où vivaient ceux-cr, l'existence d’une saison de repos complet, suivie d’un printemps qui devait s’éta- blir sans secousse, sans retours partiels de froid et d'assez bonne heure. Par la même raison, l'été devait être chaud, car les types les plus méridionaux de cette époque, les Magnolias, Tulipiers, Plaquemmiers, Sequoias, Jujubiers, Vignes, ete., sont tous des plantes dont les fruits se développent lentement, et ne mürissent que dans l’automne plus ou moins avancé. Enfin l'humidité est nécessaire à la plupart d’entre eux, et pour résumer ce qu'il y a de plus saillant dans leurs aptitudes, on peut dire que le défaut de chaleur limite actuellement leur extension vers le nord, en empêchant la maturité de leurs fruits, tandis que la sécheresse, bien plus que l'excès de chaleur, les arrête vers le sud. Nous sommes done à peu près fixés sur la nature du climat des régions arctiques miocènes; mais ces conditions sont loin de ressembler à celles qui existent actuellement dans la même zone, en y admettant même un accroissement de chaleur. M. Heer à parfaitement démontré que l'intensité relative de la chaleur estivale était le principal agent qui favorisait l'extension des types arborescents vers le nord, lors même que cette intensité répondait à un extrême de froid pendant l'hiver. Ce sont là les effets d’un climat continental, et, dans ce cas, la stature des arbres quis”y trouvent exposés s’amoindrit toujours dans une cer- C1 192 GASTON DE SAPORTA. taine mesure. Dans quelques îles, au contraire, caractérisées par un climat maritime et par une sorte de neutralisation des sai- sons extrêmes, dans l’île de l’Ours, par exemple, vers le 74° de- gré latitude, les hivers sont relativement doux, et la température estivale s'élève à peine à ? ou 3 degrés centigrades. Mais dans ce cas on n'observe de nos jours aucune trace de végétation arbo- rescente ; en ajoutant même 9 degrés centigrades à la moyenne annuelle d’un pareil climat, on serait encore assez loin de la limite nécessaire pour la prospérité des espèces observées à l’état fossile. Ainsi, dans l’ordre actuel, il n’y à que deux sortes de climats dans la zone arctique : l’un maritime et relativement égal, mais absolument impropre à la végétation des essences ligneuses ; l’autre continental et excessif, mais susceptible, à cause de la chaleur de l'été, d’en admettre un petit nombre. Cet état résulte de la nature même des choses ; la coïncidence des glaces permanentes sur les terres, et de l'absence de lumière solaire durant une partie de l’année, constitue une cause prépon- dérante de froid dont rien ne saurait contrebalancer l'intensité ; eu effet, en se reportant au milieu des temps tertiaires, si l’on consent à laisser de côté l'influence de la chaleur centrale, qui devait être devenue à peu près nulle bien avant cette époque, 1l ne reste plus à mvoquer que celle des régions chaudes du globe, s’exerçant à l’aide de courants marins ou atmosphériques; mais si l'on conçoit qu'il puisse résulter de ce fait une certaine atténua- tion, susceptible de favoriser sur quelques points, comme mainte- nant, l'extension de la végétation vers le nord, comment conce- voir que cette influence ait pu à elle seule neutraliser les effets du rayonnement, arrêter le développement des glaces et suppléer complétement à l'absence de la lumière solaire? Il existe certame- ment là une inconnue à dégager ; nous sommes très-loin, 1l est vrai, de penser que le problème puisse être dès maintenant ré- solu ; mais nous devons suivre M. Heer dont nous analysons l'œuvre, et l’imiter dans les efforts qu'il fait pour jeter sur cette question les premières clartés. Après avoir repoussé l’idée que l’action depuis longtemps in- sensible de la chaleur interne pût encore influer sur le climat de CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 193 à surface terrestre, à l’époque tertiaire, M. Heer combat avec raisonl’opinionde M. Sartorius qui, cherchant le mot de l'énigme dans une autre distribution des terres et des eaux, fait résulter l'ancienne élévation de température de la prédominance d'un climat maritime. Les chiffres auxquels arrive M. Sartorius par sa manière de calculer les isothermes sont tellement en désaccord avec ceux que fournit l'étude des végétaux fossiles, qu'iln’y à pas lieu de s’y arrêter ; ses moyennes sont évidemment imférieures à toutes les conditions que durent exiger pour vivre les anciens végétaux arctiques ; elles ne concordent n1 avec le caractère _bien connu de la végétation d'GEningen, ni encore moins avec ceux de la flore de l'extrême nord ; et d’ailleurs, comme le fait observer M. Heer, 1l ne saurait être question ici d'un climat exclusivement maritime, puisque l’âge dont 1l s’agit a vu les continents actuels déjà en grande partie formés, et les terres circompolaires peut-être plus étendues que de nos jours. M. Heer, recherchant une cause générale, serait plutôt dis- posé à la voir dans la diversité des milieux, que le système so- lire à dû traverser dans sa marche à travers l’espace. L’an- cienne élévation de la température, suivie d’un abaissement aussi marqué, serait à ses yeux une des saisons que le cercle immense, parcouru par le soleil autour de l’astre central qui le régit, doit nécessairement amener. La périodicité obligée de ces sortes de saisons concorderait avec ie retour des révolutions grandioses dont notre globe à été affecté à tant de reprises; la vie aurait été ainsi tour à tour éteinte et ranimée, à la suite des hivers et des printemps de cette année incommensurable ; mais ici, il faut le dire, nous naviguons en pleine hypothèse, en for- mulant une idée que rien ne semble justifier, car rien de pério- dique ni de vraiment régulier ne se montre dans les phénomènes qui ont successivement agité la surface du globe. Ceux à qui est dû le renouvellement des êtres vivants ressemblent bien plutôt à d’insensibles transformations. L'ensemble de ce qui a vie n’a jamais péri à la fois ; l’homme se fait illusion à lui-même quand il observe un terrain dénué de vestiges organiques, et qu'il en conclut que la vie était à ce moment éteinte sur le globe. I fait 124 GASTON DE SAPORTA. comme celui que lPobscurité porterait à nier l'existence des objets, ou qui, devant un désert, déclarerait la terre privée d’ha- bitants. On ne saurait s'élever avec assez de force contre une pareille pensée, si plemmement en désaccord avec cette chaîne continue, qui fait du passé de notre plauète un tout solidaire dans ses diverses parties, dont les intervalles se comblent inces- samment, à mesure que l'homme accumule ses découvertes. Où donc chercher cette cause qui semble échapper à l’ana- lyse ? Nous pensons avec M. Heer qu'on est loin de posséder à cet égard les éléments d’une vraie solution; cependant il est naturel d'épuiser pour lobtenir l'étude des phénomènes qui peuvent se produire sur notre globe, avaut que de placer cette cause en dehors de lui, dans le fond de l'espace ; elle peut d'ailleurs avoir été d'une nature très-complexe, et c’est là encore ce qui semble le plus probable. L'observation de la nature organique, vers le milieu des temps tertiaires, fait voir qu'alors, à une décroissance moins rapide de la température dans la direction des pôles, se joignait une plus grande humidité atmosphérique. Malgré l’in- suffisance des documents empruntés au règne végétal, l'étude des animaux marins et des Mammifères fossiles de l'Inde démontre qu'à la même époque la zone tropicale ne possédait pas un degré de chaleur supérieur à celui qu'elle a de nos jours. Il résulte de tout cela qu'il y avait alors une tendance bien marquée vers l'égalité des climats, quoique l'effet des latitudes füt déjà sen- sible. En remontant plus loin dans le passé, on voit cette uni- formité faire des progrès, puisqu'elle devait être à peu près com- plète à l’époque de la craie. Ainsi, autant que l'on peut en juger, la marche du phénomène le plus général dont il nous soit donné de saisir la marche, a consisté dans une diversité erois- sante des climats, au moyen d’une dégradation de plus en plus prononcée de la chaleur terrestre dans le sens des latitudes. Or, la cause déterminante de la diversité des chimats et de leur éche- lonnement sur la ligne des parallèles nous est bien connue; c’est le résultat direct de Pinclinaison de l'axe terrestre sur le plan de l’orbite, et 1l faut bien avouer que les choses étaient autre- fois disposées comme si cette inclinaison avait été moindre ou CARACTÈRES DE L'ANCIENNE VÉGÉTATION POLAIRE. 195 même nulle. À cette cause, si elle a existé, plusieurs autres ont pu se joindre encore; elles sont au nombre de quatre : une moindre étendue des continents, ou plutôt des continents plus divisés par la mer; une plus grande densité de l'atmosphère ; un mo ndre relief des montagnes ; en dernier lieu, enfin, l'absence de glaces polaires. !l est impossible de calculer à quel point ces causes se- condaires ont pu contribuer à l'élévation de la température, taudis que le redressement de l’axe la rendait nécessairement plus égale ; mais il est indispensable de remarquer que l'absence de glaces polaires et de neiges permanentes sur les montagnes peut expliquer l'accroissement de l'humidité et l'abondance des eaux douces. Il suffit de réfléchir à l'énorme quantité d’eau qui s’est trouvée par ces deux causes soustraite à l'atmosphère, et fixée par la congélation. Non-seulement ces eaux autrefois retombaient en pluie, mais, à l'état de vapeur, elles devaient accroître la densité de l'atmosphère, et par conséquent son pou- voir calorique, en diminuant les effets du rayonnement. On voit donc que tout, dans notre série d’hypothèses, concourt au même résultat, et que ce résultat est justementidentique avec ceux que nous révèle l’étude des plantes fossiles. En supposant l’axe ter- restre inclmé de 10 degrés seulement, le cercle polaire se trouve rejeté au nord du Spitzberg, par conséquent plus d’obscurité de plusieurs mois pour les régions dont M. Heer décrit la végéta- tion ; l’obliquité seule des rayons solaires, compensée pourtant par la longueur relative des Jours d'été, y aurait amené ur abais- sement de température hivernale, assez éloigné des extrômes qu'on observe maintenant aux mêmes lieux, pour justifier Ja présence des Sequoia, des T'axodium et des Magnolia d'une part, comme de l’autre l'exclusion des types subtropicaux, assez peu prononcé encore pour expliquer la vigueur des essences polaires et la beauté présumée des anciennes forêts. Ne l’oublions pas cependant, ce qui précède n’est qu'une donnée conjecturale qui a pour elle, il est vrai, le merveilleux accord qu’elle manifeste avec les faits paléontologiques. On peut le dire en effet, comment comprendre sans elle le rôle des principales espèces tertiaires que "on suit sans interruption, des bords de la Méditerranée à l'ex 196 GASTON DE SAPORTA. trémité supérieure du Spitzherg, sur un espace de A0 degrés latitude, et qui semblent avoir rencontré partout des conditions sensiblement pareilles, sinon identiques ? C’est là une vue de plus jetée sur ce monde naguère inconnu, maintenant ouvert aux explorations de la science, grâce à l'initiative infatigable de M. Heer. Répétons-le en terminant, avec le savant professeur de Zurich, il faut abandonner l'œuvre aux travaux communs des géologues et des astronomes: le temps finira bien par amener la solution du problème. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL Par NA. Ph. WAN MHEGHAIENE Maitre de conférences à l’École normale. (Première partie du mémoire auquel l’Académie des sciences a décerné le prix Bordin dans sa séance publique du 18 mai 1868) (1). La question proposée par l’Académie des sciences, dans la séance publique du 5 mars 1866, pour le concours du prix Bor- din à décerner en 1867, a été énoncée en ces termes : « Étudier la structure anatomique du pistil et du fruit dans ses principales modifications. » L'organisation de la fleur est maintenant ramenée par tous les botanistes à un type général dans lequel on considère tous les organes qui la constituent comme dérivant de modifications diverses des feuilles. » Le pistil, placé au centre de la fleur, présente cependant quelquefois des difficultés par une assimilation complète de ses diverses parties aux organes appendiculaires où foliacés. L’axe même de la fleur, prolongé et diversement modifié, paraît dans certains cas entrer dans la constitution du pistil et des placentas, et par suite dans celle du fruit qui en résulte. » On a cherché à résoudre cette question par l’étude des monstruosités et de l’organogénie, mais il reste sur plusieurs points des doutes que l'examen anatomique de ces organes à di- verses époques de leur développement pourrait probablement résoudre. (1) Ce mémoire a été déposé au secrétariat de l’Institut le 29 mai 1867 ; l’Acadé- mie en ayant décidé l'impression au Recueil des savants étrangers, il n’en sera publié ici que la première partie accompagnée d’un petit nombre de figures; elle suffit à montrer la marche suivie par l’auteur et offre une réponse à peu près complète à la question proposée. Les quelques notes ajoutées pendant l'impression sont expressément désignées par la lettre (A). (Rép.) 128 VAN TIEGHEM, » On demanderait aux concurrents d'étudier dans les prinei- paux types d'organisation du pistil (pistils simples, pistils compo- sés offrant divers modes de placentation, pistils libres et adhérents) la distribution des faisceaux vasculaires qui se portent soit dans les placentas et les ovules, soit dans les parois de l'ovaire ou dans le péricarpe, ainsi que dans la zone externe des ovaires adhérents, et de déterminer l’origine de ces faisceaux vaseu- laires et leurs diverses connexions (4).» Ramenée à sa forme la plus simple, la question se réduit à déterminer si, dans un ovaire donné, chacun des faisceaux lon- gitudinaux qui fournissent aux ovules leurs branches vasculaires, fait actuellement partie de l'axe de la fleur, ou si, après être entré jusqu'à une certaine hauteur dans la constitution de cet axe, il s'en est détaché, pour devenir foliaire, au-dessous du point où il commence à produire les rameaux ovulaires. Dans le premier cas, le lieu d'insertion des ovules, c’est-à-dire le placenta, est aæile (2), dans le second il est appendiculaire. Question délicate entre toutes, que l'investigation anatomi- que peut cependant, et peut seule, élucider dans tous les cas; elle dépend, en effet : 1° de la disposition relative des faisceaux à un niveau donné ; 2° de leur mode de division quand la hau- (1) Comptes rendus, &. LXU, p. 568. (2) Le mot aæile, tour à tour employé par les auteurs pour indiquer que le placenta participe de la nature des axes végétaux, et, ce qui est tout autre chose, pour signifier qu'il occupe l'angle interne de la ioge, c’est-à-dire qu'il se trouve dans l'axe géomé- trique de l'ovaire, a introduit dans ce sujet des confusions sans nombre. Quand on à souvent répété qu'un placenta est arile dans le second sens, on se laisse bien facilement entrainer à déclarer, sans preuves suffisantes, qu'il est axile dans Le premier. Je rejette donc absolument la seconde acception de ce terme; et je n’emploicrai jamais le mot axile que par opposition au mot appendiculaire. S'il fallait donner une preuve de ce genre de confusions, je la trouverais dans le passage suivant, pris entre plusieurs autres, dans l'Organogénie comparée de la fleur : «Entre les ovaires pluriloculaires à placenta » aile, dit Payer, et les ovaires uniloculaires à placentas pariétaux, il y a toutes les » transitions possibles, et par conséquent, dans les uns comme dans les autres, les » placentas appartiennent au système axile (p. 732).» Le mot axrile signifie dans le premier cas une position, dans le second une nature morphologique, et le raisonne- ment, qui conciut de FPune à l’autre, est sans valeur. C’est pourtant Le seul dont l’auteur s’autorise pour assigner à toutes les formes de placenta la même nature axvle. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL, 129 teur change : deux conditions purement anatomiques. Ces deux éléments indispensables à la solution du problème, nous devons tout d’abord les définir avec rigueur. Le premier nous donnera le signe certain auquel nous reconnaîtrons si un faisceau donné fait partie d’un axe ou d’un appendice, le second nous permettra de déterminer avec précision l'insertion réelle des organes. Définition anatomique de l'axe et de l’appendice. — A quel ea- ractère précis etsûr est-ce donc que nous reconnaîtrons la nature axile ou appendiculaire d’un faisceau floral ; en d’autres termes, comment nous assurerons-nous, car c'est là le point vif de la question, qu'au niveau considéré le faisceau se trouve au-des- sous ou au-dessus de son point d’émergence ? Remarquons d’abord que c’est le caractère général des axes, tant végétatfs que floraux, des Dicotylédones d’avoir à tout âge leurs faisceaux semblablement orientés et rangés symétrique- ment en cercle au milieu d’une gaine homogène de parenchyme qui, considérée au centre forme la moelle, entre les faisceaux les rayons médullaires, en dehors et sous l’épiderme le parenchyme cortical. La symétrie du système par rapport à son axe, qui se manifeste dans cet embranchement dès le premier moment où l'être prend une forme déterminée, par la dualité des cotylé- dons, s’y fixe donc et s’y conserve dans la suite des temps. Mais si leur disposition relative suit la même loi, les faisceaux des pé- doncules floraux diffèrent de ceux des axes végétatifs en ce que l’arc générateur s’y éteint dès qu'ils sont constitués ; ils ne s’ac- croissent donc plus, comme ceux de la tige, ni ne se multiplient; et l’on comprend bien qu'il doive en être ainsi : car la courte durée des organes ne permet pas l’accroissement des faisceaux, et la détermination du nombre des parties qui est le caractère de la plupart des fleurs en rend la multiplication superflue. L Dansles axes végétatifs des Monocotylédones, les premiers fais- ceaux constitués par la zone génératrice circulaire affectent en- core la même disposition symétrique; mais l’ordre semble y dis- paraître bientôt, par suite de la manière dont la couche rormatrice donne naissance aux nouveaux faisceaux, manière toute particu- lière et en qui réside la vraie et fondamentale différence entre 5° série, Bor. T. IX, (Cahier n° 3.) 9 130 VAN TIEGHEM, les deux embranchements. La zone génératrice, en effet, après avoir constitué un faisceau le refoule tout entier à l’intérieur en formant en dehors de lui de nouvelles cellules de parenchyme médullaire; puis elle développe derrière lui, non en superposi- tion exacte, mais à droite ou à gauche, un nouveau faisceau qui subira le même sort. Il en résulte que les faisceaux paraîtront bientôt disséminés dans la moelle, bien que leur lieu de formation soit circulaire. b Ainsi, tandis que dans les Dicotylédones chaque faisceau se maintient où 1l est d'abord, que la zone génératrice les traverse tous, et que, par conséquent, les nouveaux faisceaux formés se constituent dans le corps même des anciens, et s’inter- calent entre leur partie ligneuse et leur partie libérienne, ici, au contraire, les faisceaux s’échappent de la couche formatrice pour se rendre libres dans la moelle, sans entrainer avec eux d'arc générateur, et les nouveaux se forment en dehors des an- ciens. La zone génératrice des Dicotylédones fournit donc de nouveaux éléments aux faisceaux en dehors d’elle, aussi bien qu’en dedans; celle des Monocotylédones n’en produit qu’en de- dans. Semblables par la structure de leurs faisceaux vasculaires et par la uature de la gaîne parenchymateuse qui les enveloppe, les deux groupes différent donc essentiellement par la manière dont ces faisceaux sont produits par la couche génératrice qui se montre des deux parts douée de la même forme et des mêmes propriétés, et par leur distribution qui n’est qu'une conséquence de ce mode de formation (1). Mais si, comme nous venons de le faire voir, la différence de (4) On pourrait donc peut-être, puisque les mots Endogènes et Exogènes, introduits dans la science pour y consolider et y perpétuer une fâcheuse erreur, se montrent doués d’une vitalité remarquable (la théorie de De Candoile a été détruite en 1828 par M. Mobl, et les termes qui la consacrent sont reproduits encore aujourd’hui dans bien des ouvrages classiques), on pourrait peut-être conserver ces termes en les définissant de manière à leur faire exprimer la vraie différence anatomique des embranchements. Les Monocotylédones, où la zone génératrice ne forme d'éléments fibro-vasculaires qu'au dedans d’elle, seraient encore les Endogènes et les Dicotylédones, où cette couche fournit de nouveaux éléments aux faisceaux tant en dehors qu’en dedans, mériteraient le nom d'Exogènes, ce terme n’impliquant pas exclusion de l’autre, mais seulement un nouveau mode surajouté au premier. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 434 structure des axes végétalifs des deux embranchements résulte du jeu différent de la zone génératrice, l'identité devra repa- raître là où, des deux parts, l’activité de cette couche s'éteint après avoir produit le premier cercle des faisceaux, c’est-à-dire dans les axes floraux simples ou pédicelles floraux. C’est en effet ce qui a lieu. Le nombre des parties constitutives de la fleur des Monocotylédones étant déterminé, un petit nombre de faisceaux suftit à les former, et la zone génératrice, après les avoir pro- duits, s'éteint sans en créer d’autres. La symétrie primordiale, fugitive dans les tiges, se fixe donc et se conserve dans les pédi- celles, et les faisceaux y sont rangés en cercle symétrique dans un parenchyme homogène, comme chez les Dicotylédones (1). D'autre part, les feuilles, et particulièrement celles qui entrent dans l’organisation florale comme les bractées, les sépales, les pétales, ne possèdent jamais cette commune orientation, cette disposition circulaire et symétrique des faisceaux dans une gaine homogène. Quelques pétioles paraissent au premier abord la présenter complète en certains points, mais une étude plus approfondie de leur système vasculaire y montre toujours l’exis- tence exclusive d’un seul plan de symétrie. La disposition et l'orientation des faisceaux vasculaires d’une feuille ne sont jamais symétriques par rapport à son axe de figure, mais seule- ment par rapport au plan qui contient l'axe géométrique de cette feuille et célui de la tige qui la porte. La feuille ne possède jamais dans ses faisceaux qu'une symétrie bilatérale. En résumé, le système vasculaire des axes tant végétatifs que floraux des Dicotylédones, et des pédicelles floraux des Mono- cotylédones, est symétrique par rapport à une droite ; le système (4) Je ne me préoccupe ici que des pédicelles et nullement de la structure plus compliquée des axes d’inflorescence. Ceux-ci ont, en général, comme la tige, des fais- ceaux nombreux et qui paraissent disséminés; cependant j'ai montré ailleurs que, chez les Acorus, l'axe de l’épi a ses faisceaux rangés en cercle parfait. Si la fleur soli- taire termine une tige feuillée (Ex, Tulipe, Narcisse), le pédicelle se confond avec l’axe d’inflorescence et avec la lige. On observe alors jusque sous la fleur une cer. laine dissémination des faisceaux ; mais en ce point l’ordre apparait avec évidence, Les faisceaux se disposent en cercle autour d’une moelle libre, et le caractère que je viens de faire ressortir se retrouve encore, 132 VAN TIEGHEM. vasculaire des appendices n’est symétrique que par rapport à un plan (1). Puisque tel est le caractère général et exclusif de l’axe floral, adoptons-le, en toute sécurité, pour définition anatomique dans ce travail sur la structure de la fleur, et qu'il soit toujours la règle fixe de nos jugements! Partout donc où un certain nombre de faisceaux, tous orientés de même avec leurs trachées en de- dans, seront rangés symétriquement en cercle autour d’une moelle continue, nous reconnaîtrons dans ce système un axe; mais qu'une scission de parenchyme se fasse entre les faisceaux, que leur orientation normale s’altère, que leur disposition cir- culaire et symétrique soit détruite, que toutes ces choses arri- vent à la fois ou qu’une seule se produise, nous devrons décia- rer, quelles que soient d’ailleurs la direction de ces faisceaux et les liaisons parenchymateuses qui continuent à les réunir, qu'ils sont appendiculaires, et qu'ils le sont à partir du point où le pre- mier de ces changements dans l’ordre primitif s’est manifesté. Nous voilà donc armés d’une définition anatomique simple à la fois et rigoureuse du faisceau axile et du faisceau appendicu- lire. Nous l'avons tirée de la nature elle-même, en repoussant toute hypothèse, toute idée préconçue, toute manière de voir, (4) (A). I ne s’agit dans ce mémoire que de l’anatomie de la fleur ; or, la proposi- lion suivante est incontestable et, d’ailleurs, on en trouvera dans le cours de ce travail des preuves nombreuses : fous ceux des organes floraux qui sont évidemment des axes, c'est-à-dire tous les pédicelles, ont leur système vasculaire symétrique par rap- port à l'axe de figure, et tous ceux des organes floraux qui sont évidemment des appen- dices, c’est-à-dire les bractées, les sépales, les pétales, etc., n’ont leur système vasculaire symétrique que par rapport à un plan. Etcomme nous n’appliquons ce cri- térium pour éclairer la vraie nature des organes douteux qu’à la fleur elle-même, c’est-à-dire au système organique d’où il est tiré, il nous semble que notre méthode est inattaquable. Mais je vais plus loin ct je dis que ce caractère, convenablement compris, exprime pour toutes les parties d’un végétal appendiculé quelconque la vraie différence anato= mique qui sépare l'axe de l’appendice et que dans les végétaux non appendiculés mais acrogènes, l’axe continue encore de jouir de la symétrie qui lui est propre. Gette condi= tion anatomique, à laquelle satisfont ainsi l'axe et l’appendice dans toute l'étendue du règne végétal, peut donc leur servir de définition générale, Tel est du moins le résultat auquel m'ont conduit les recherches anatomiques que je poursuis depuis plusieurs années; je m'occupe en ce moment de la rédaction de ce nouveau travail qui fera suite au mémoire actuel. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 133 pour n'avancer que sur le terrain solide des observations et des déductions anatomiques. La suite de ces recherches montrera d’ailleurs, par son application même, et sans que j'aie besoin d’y insister ici davantage, la valeur réelle et la fécondité de cette définition. Définition de l'insertion vraie des appendices. — J'ai dit en commençant que le second élément anatomique dont dépend la question proposée est relatif au mode d’émergence des fais- ceaux de l'axe, et à leur mode de division quand la hauteur varie ; eXAMiINODS Ce point. L'insertion anatomique d’un organe sur un autre doit être définie le point où le système vasculaire du premier organe se sépare du système vasculaire du second, avec lequel il était jus- qu’alors intimement confondu (4). Tantôt ce point coïncide avec l'insertion apparente, parce que le parenchyme forme immé- diatement autour de chaque système vaseulaire une gaîne dis- tincte ; tantôt, au contraire, ces deux systèmes restent quel- que temps enveloppés par une gaine parenchymateuse commune, et l'insertion apparente, extérieure et cellulaire, se trouve, sui- vant la direction ascendante ou descendante du faisceau émergé, rejetée au-dessus ou au-dessous de l'insertion vraie, intérieure et (1) (A) Le plus souvent, tous les éléments du système vasculaire de l’appendice se détachent du système axile à la même hauteur ; l'insertion vasculaire est alors un point ou un arc de cercle ; mais quelquefois c’est à des hauteurs différentes que le départ des faisceaux a lieu, et cela de deux manières inverses : 40 {antôt les faisceaux latéraux de l’appendice s’échappent d'abord du système axile, pénètrent dans le parenchyme corti- cal et y séjournent en y cheminant verticalement pendant l’espace d’uu ou plusieurs entre-nœuds ; puis, un peu au-dessous de la feuille à laquelle ils sont destinés, l’axe émet de nouveau, et presque horizontalement, un ou plusieurs faisceaux qui, entraînant avec eux les périphériques, pénètrent immédiatement dans le pétiole dont ils occupent la région médiane et dorsale. J'ai montré de nombreux exemples de ce mode d’insertion chez les Aroïdées (Monstera, Philodendron, etc.); il en est de même dans la Fève. 29 d’autres fois c’est, au contraire, le faisceau dorsal qui s’échappe d’abord, les laté- raux émergent ensuite à une hauteur plus grande; nous en rencontrerons des exemples dans l'insertion de certains appendices floraux. Dans tous les cas, il convient de définir ces insertions complexes par ce qui en est le point essentiel, le trait décisif, et de les rapporter à l'émergence du faisceau dorsal; on les ramène ainsi aux insertions simples du premier ordre, 43h VAN TIEGHEM. vasculaire. C’est ainsi, pour n’en citer qu’un seul exemple tiré de l’organisation florale elle-même, que, dans la fleur des Silene, l'insertion apparente du calice estinférieure à son imsertion vraie, tandis que la corolle et l’androcée se détachent du pédicelle beaucoup au-dessus de leur insertion anatomique ; de là un vé- ritable gynophore, et non pas, comme on le dit d'ordinaire en se fondant sur les apparences extérieures, un long entre-nœud entre l’insertion du calice et celle de la corolle. On sait, d'autre part, que, dans l'appareil végétatif des plantes, l'insertion des organes appendieulaires sur l’axe est toujours di- recte, et l’on admet en principe que chacun de ces organes, si rapproché qu'il soit des’ autres, y naît de l’axe Indépendant et libre; c’est même la définition reçue de l'organe appendiculaire qu'il ne naît de lui aucun autre organe de même nature, en d’autres termes, qu’il ne peut naître que d’un axe. I nous semble que c’est à la fois pour avoir érigé cette obser- vation générale tirée de l'appareil végétatif en principe absolu, en l’appliquant à l'étude de l’appareil reproducteur, et pour n'avoir pas distingué avec soin l'insertion réelle des organes de leur insertion apparente, que l’on a introduit dans lexplication morphologique de la fleur de sérieuses difficultés, dont on n’a pu sortir qu'en commettant de graves erreurs. Ces difficultés seront toutes facilement levées, comme j'espère le faire voir dans la suite de ces recherches, si, démêlant les insertions vas- culaires des insertions parenchymateuses, on rejette en même temps ce qu'il y a de trop absolu dans le principe que nous venons de rappeler en faisant intervenir une notion nouvelle, dont je dois d’abord, sur quelques exemples, démontrer la né- cessité ; j'écarterai ainsi de la voie que nous suivons toute con- ception hypothétique, et nous marcherons d’un pas plus assuré vers un but plus prochain. Pour établir cette démonstration et éclairer la route, il me suffira de parler maintenant des Primulacées, des Plumbaginées et des Malvacées ; à ces exemples, la suite de ce travail en ajou- tera beaucoup d’autres qui, je l'espère, répandront dans l'esprit une pleine lumière. REÉCHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 135 Primulacées. —— Le pédicelle floral du Primula officinalis (pl. 9) contient cinq faisceaux qui, en se divisant, consti- tuent, sous la fleur, un cercle de dix faisceaux vasculaires distincts. En ce point, cinq d’entre eux émettent chacun une branche qui se dirige en dehors dans le parenchyme cortical (fig. 1), et les cinq faisceaux alternes se comportent un peu plus haut de la même manière ; la coupe contient alors trois cercles concentriques de faisceaux : le cercle axile et les deux cercles foliaires. Plus haut, chacun des faisceaux du premier cercle foliaire produit sur sa face interne une petite branche qui s’in- curve vers l’intérieur, et vient s’intercaler aux faisceaux du se- cond cercle (fig. 2); puis il se fait entre ce cercle externe et le reste du pédicelle une scission de parenchyme, et les cinq fais- ceaux vont constituer les nervures médianes des divisions du calice gamosépale; plus haut, une scission semblable s'opère entre le second cercle et le troisième, et le tube de la corolle est constitué avec ses dix faisceaux (fig. 3). En même temps les dix faisceaux de l’axe émettent chacun une branche, et forment ainsi un nouveau cercle externe qui se sépare à son tour, et constitue la paroi de l'ovaire, au sein duquel s'élève le prolon- gement de l'axe qui contient dix faisceaux rangés en cercle, et qui possède la même structure que le pédicelle sous la fleur. Vers le sommet renflé de cette colonne, cinq faisceaux, alternes avec ceux qui ont formé les nervures médianes des carpelles, émergent, et, s’incurvant en bas, ils se distribuent, en se rami- fiant, aux ovules qui revêtent la partie inférieure annulaire du chapeau celluleux qui termine la colonne ; un peu plus haut, les cinq autres faisceaux se comportent de même, et se rendent aux ovules des parties moyenne et supérieure du chapeau; l’axe s’épuise ainsi, après avoir émis deux verticilles alternes ; mais ailleurs l'épuisement n’a lieu quelquefois qu'après trois ou quatre verticilles. On voit que l'axe n’a pas produit directement de faisceaux pour l’androcée ; comment celui-ci se formera-t-il ? Suivons dans le tube de la corolle la marche des faisceaux (fig. 3). Nous verrons les cinq plus forts (p),alternes avec ceux du calice, rester 136 VAN TIEGAHEM, simples jusque sous l'insertion des étamines ; là chacun d’eux se dédouble (fig. 4) dans le plan du rayon : la branche interne entre dans l’anthère, l’autre forme la nervure médiane du lobe de la corolle. Les faisceaux plus minces, intercalaires (2), ne subissent pas cette bipartition radiale ; mais, parvenu à la gorge du tube, au sommet de l'angle rentrant qui sépare deux divisions, chacun d'eux se bifurque tangentiellement, et chaque branche se rend au lobe correspondant, où elle se ramifie. Les choses se passent, à de légères différences près, de la même manière dans les nombreuses Primulacées dont j'ai étu- dié l'anatomie florale. De là, deux conclusions : D'une part, les faisceaux du pétale et de l’étamine restant pendant longtemps confondus en un faisceau unique, on voit qu'un faisceau simple émané de l'axe, appendiculaire à partir de son point d'émergence, peut à une certaine hauteur se dédou- bler radialement, et donner deux organes appendiculaires dis- unets et superposés, dont le degré de dépendance peut se me- surer par la distance qui sépare le point d'insertion du faisceau sur l’axe de son point de dédoublement. En nous rappelant la définition posée au commencement de ce paragraphe, nous devrons dire que l’un de ces organes s’in- stre sur l’autre, naît de l’autre. Mais, dirons-nous que l'éta- mine s'insère sur le pétale ou le pétale sur l'étamine? Question que l'anatomie laisse, dans ce cas, indécise, et dont l’orga- nogénie donne des solutions contradictoires, puisque, d’après Payer, le pétale apparaît d’abord et l'étamme ensuite, tandis que, suivant les observations de M. Duchartre, l’étamine pré- cède le pétale ou du moins en est contemporaine; question peu importante d’ailleurs et toute de mots, car, à vrai dire, au- dessous du point de dédoublement du faisceau, 1l n’y a ni éta- mine, ni pétale ; le faisceau unique contient virtuellement l’éta- mine et le pétale à peu près au même titre que la tige contient virtuellement toutes les feuilles qui la couvrent, ou encore qu’un pétiole de feuille composée contient toutes les folioles. il existe done, en résumé, des organes appendiculaires dou- RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 137 bles (1) qui naissent de l'axe sous forme d’un faisceau simple, et qui se divisent à une certaine distance du point d'émergence en deux appendices simples superposés l’un à l’autre et anatomi- quement insérés l’un sur l’autre. Cette conclusion me paraît importante, et j'aurai souvent à l'invoquer dans le cours de ce travail pour en apporter des preuves nouvelles. La suivante est peut-être moins urgente à déduire au point de vue particulier qui nous occupe en ce moment, mais je ne puis néanmoins la passer sous silence. Quel est done le sens des cinq faisceaux minces interca- laires (:) de la corolle des Primulacées? Si nous remarquons qu'ils proviennent du dédoublement radial des cinq faisceaux externes, dont les branches extérieures ont formé le calice, dédoublement qui s’est fait dans le parenchyme cortical du pédicelle, mais néanmoins après l'émergence du faisceau, nous reconnaîtrons en eux les cinq faisceaux du verticille normal de l’androcée; mais, trop minces pour produire une anthère, ils se bifurquent latéralement sous la gorge de la corolle, et contribuent à en former les lobes; dans les Samolus seuls, ces faisceaux continuent leur course, et se ramifient dans de petits appendices pétaloïdes alternes aux divisions de la corolle, et qu'on regarde avec raison comme des staminodes. L’exis- tence des cinq étamines normales dans le plan anatomique de la fleur des Primulacées, qui se traduit extérieurement dans le Samolus, n’est donc pas moins certaine, quoique un peu plus cachée, dans toutes les Primulacées, à l'exception peut- être de celles qui, comme les Apochoris, ont la corolle poly- pétale. Les étamines superposées au calice y sont toujours re- présentées par cmq faisceaux grêles qui, ne produisant pas d’an- thère, sont utilisés par les organes voisins. Nous rencontrerons dans le cours de ces recherches plusieurs exemples de cette (4) (A) On donnera tel nom que l’on voudra à la partie simple du faisceau comprise entre l’axe et les appendices supérieurs, et par laquelle se fait l'insertion indirecte de ‘ces appendices sur l’axe. J'ai adopté le terme appendice double, appendice compose parce qu’il n'indique que deux choses : la nature évidemment appendiculaire du fais- ceau, et la propriété qu'il a de se dédoubler, de se diviser, pour former par chacune de ses branches un appendice simple. J’attache de l’imporlance à la chose, non au mot. 138 VAN VYIEGHEM, déviation du faisceau vasculaire d’un organe et de son utilisation pour un organe différent; toutes les fois que ce phénomène a lieu, il est congénital, l'organe ne se forme à aucune époque ; l'organogénie est impuissante à en montrer l’existence dans le plan de la fleur : elle déclare son avortement congénital, ce qui n'a pas de sens, si l’on ne prouve pas que l'organe est de quel- que manière représenté; mais Je reviendrai plus tard sur ce point intéressant que je ne puis qu'indiquer ici, et je reprends la question actuelle. Plumbaginées. — La corolle de l'Armeria maurilanica, que j'ai pricipalement étudiée chez les Plumbaginées, ne contient que cinq faisceaux alternes avec les nervures médianes du calice ; ils y restent simples jusqu'à une certaine hauteur, où chacun d'eux se dédouble radialement pour envoyer la branche interne à l’étamine et l’autre au pétale. La première des conclusions précédentes s'applique done à cette famille ; mais les cinq fais- ceaux alternes n’y existent pas et il faut dire ici que les étamines superposées au calice ne sont pas représentées dans le plan ana- tomique de la fleur : de là une différence avec les Primulacées. Si l'anatomie de la fleur des Primulacées et des Plumbaginées nous à montré des organes appendiculaires doubles, les Malva- cées vont nous offrir un degré de complication plus élevé. Malvacées. — Le pédicelle de l’Abutilon pictum, pris pour exemple, possède sous la fleur un système vasculaire cylin- drique à cmq cannelures arrondies ; en ce point s’échappent du sommet de chaque cannelure trois faisceaux qui entrent dans chacun des sépales, tandis qu'en même temps les côtés des cannelures contiguës se réunissent; 1l en résulte qu'après l'émergence du calice le système vasculaire se trouve constitué, sur une coupe transversale, par cinq petites courbes fermées, alternes avec les sépales; puis chaque courbe se sépare en deux; la moitié interne se réunit aux parties correspondantes pour former un cercle vasculaire, prolongement de l'axe, tandis que l’autre forme un arc convexe en dehors, qui reste un peu de temps simple en s’écartant du cercle interne, mais qui s’étrangle RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 139 bientôt en son milieu et se sépare en deux faisceaux voisins ; ainsi se trouve formé un cercle de cinq paires de faisceaux foliaires, alternes avec les sépales. Plus haut, une scission de parenchyme s'établit entre ce cercle et l'axe, et la couronne, ainsi séparée (fig. 5), se divise elle-même par cinq sillons en cinq lobes, qui contiennent chacun une paire de faisceaux ; les choses restent ainsi jusqu’à la hauteur du sommet de l'ovaire ; là on voit les deux faisceaux de chaque paire produire sur leur face externe un certain nombre de branches qui se réu- nissent en sept faisceaux (fig. 6) en se rangeant dans le plan tangent; puis le parenchyme se fend entre les deux premiers faisceaux et les sept autres qu’ils ont formés en dehors d'eux, et les cinq pétales sont constitués (fig. 7). Il reste une gaine cylindrique entourant le style, et contenant les dix faisceaux superposés par paires aux pétales : c’est l’androcée. Ces dix faisceaux sont encore simples alors ; mais si on les suit dans leur course verticale, on voit qu’ils subissent peu à peu une divi- sion radiale (fig. 8) ; il s'en détache d’abord une branche externe qui s’en écarte peu à peu, et finit par émerger dans une étamine ; puis une seconde branche, puis une troisième, etc., jusqu’à complet épuisement des faisceaux ; ainsi se trouve constitué le système vasculaire de l’androcée formé de dix rangées rayon- nantes d'étamines, superposées par paires aux pétales. De ce qui précède, on conclut immédiatement qu’un seul fais- ceau vasculaire (fig.9) émané de l’axe a produit, en combinant les deux modes de division radiale et tangentielle, le pétale et les deux séries d’étamines qui lui sont superposées, et que par conséquent le système formé par la corolle et l’androcée des Malvacées ne constitue qu'un seul verticille d'organes appen- diculaires complexes. Ainsi se trouve démontrée l'existence, dans le plan de certaines fleurs, d’appendices composés qui naissent de l’axe sous forme d’un faisceau simple et dont la division tangentielle et radiale produit une série d’appendices simples, vasculairement insérés les uns sur les autres. L'âge relatif du pétale et des étamines dans cet ensemble se trouve en même temps déterminé, Le pétale est évidemment 140 VAN TIEGHEM. postérieur non-seulement à la première apparition des cinq termes de landrocée, mais même à leur dédoublement tan- gentiel. Et comme le faisceau, dont la partition produit chacune des séries rayonnantes d’étamines, se divise de l'extérieur à l'intérieur, on en conclut que les étamines naissent dans le mème ordre après la formation externe du pétale. Sur ces deux points, nos déductions anatomiques viennent confirmer entière- ment les résultats des recherches organogéniques de M. Du- chartre sur les Malvacées ; elles sont, au contraire, en désaccord avec les observations de Payer sur cette mème famille. L'étude des connexions vasculaires permet donc de déterminer avec certitude, au moins dans certains cas, l’âge relatif des parties, et de contrôler ainsi les résultats de l’organogénie (4). Disons encore que les cinq petites courbes fermées qui se for- ment apres l'émergence du ealice étant complétement isolées, il ne se produit aucun faisceau en superposition avec les sépales, et que, par conséquent, le verticille d’étamines superposé aux sépales manque absolument dans les Malvacées. En résumé, l'étude anatomique de la fleur dans les familles que nous venons de prendre pour exemple, démontre qu'un faisceau, émané simple de l'axe, demeuré simple jusqu’à une assez grande hauteur au-dessus de son point d'émergence, peut ensuite, par division tangentielle quelquefois, radiale le plus souvent, donner naissance à deux ou à un plus grand nombre d'appendices simples qui s'insèrent l’un sur l'autre, et qui tous ensemble s'implantent sur l’axe par l'intermédiaire du faisceau simple qui est la base commune de tout le système. (1) Une certaine dépendance entre le pétale et l'étamine qui lui est superposée, quand celle-ci appartient au rang externe, a été admise, il y a bien longtemps déjà, d'après les rapports de position (A. de Jussieu). M. Duchartre à appuyé cette manière de voir sur des observations organogéniques, en montrant que chez les Primulacées et les Malvacées l'apparition des deux organes est à peu près contemporaine, et que, chez les dernières, il y a dans leur développement relatif une sorte de balancement orga- nique « qui semble indiquer des relations intimes entre ces deux organes (*)». Les recherches qui précèdent démontrent cette dépendance, en donnent la raison anato- mique, et permettent de la définir avec rigueur et d’en estimer le degré. (‘) Duchartre, Annales des sciences naturelles, 8e série, t. IV, p. 136, 4845,et À. de Jnssieu, tdid., p.156. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 141 Il en résulte que si, sur la section transversale d’un organe floral complexe (un de ceux auxquels on donne le nom de coupes réceptaculaires, par exempie), on ne rencontre pas vers la base un nombre de faisceaux au moins égal à celui des appendices simples qui s’en séparent plus haut, 1l n’est pas légitime d'en conclure, comme on l’a fait souvent depuis vingt-cinq ans (Trécul, Ann. des sc. nat., 18h35, 2° série, t. XX, p. 841), et comme on tend à le faire chaque jour davantage, que l'organe en question est un axe, et qu'il n'est pas formé par les bases soudées des appendices supérieurs. Ces considérations nous seront d’un précieux et indispensable secours pour l'étude anatomique du pistil, et nous devions tout d’abord les établir par une démonstration solide tirée de l'organisation florale elle-même. Objet et plan de ce travail. — Munis des deux notions nou- velles que nous venons d'établir, pouvant reconnaître avec cer- titude si, à un niveau donné, un faisceau est axile ou appendi- culaire, et sachant déterminer, quand la hauteur varie, les points précis où, axile jusqu'alors, il devient appendiculaire, et où, appendiculaire complexe, 1l se divise pour produire des appen - dices simples, nous pouvons entrer résolïment dans l'étude de notre sujet. Nous ne tarderons pas à acquérir une conviction qui s’est imposée à moi dès le début de ces recherches, et que l’exposé qui précède suffirait à établir : c’est qu’il est insuffisant pour se faire une idée exacte à la fois et complète de la structure du pistil, de le concevoir isolé du reste de la fleur, comme le suppose la question proposée. La chose est impossible dans les ovaires adhérents; et pour ceux qui sont libres, l'étude de l’ensemble des connexions vasculaires dans toute la fleur, outre qu'elle fait mieux comprendre la structure du pistil, apporte à la symétrie et au mode de formation des autres parties, des résultats sou- vent intéressants. C’est donc l'étude des connexions anatomiques de toutes les parties de la fleur, considérées les unes par rapport aux autres, 142 VAN TIEGREM. et toutes par rapport au pédicelle floral, qui fera l’objet de nos recherches. Toutefois, pour ne pas mêler les questions plus qu'il n’est nécessaire, après avoir jeté un rapide coup d'œil sur la valeur de la méthode d'investigation que nous allons employer, compa- rée à celle des procédés successivement adoptés pour l'étude de la fleur, j'exposerai tout d’abord et assez brièvement la structure anatomique que l'ovaire revêt dans les principaux types géné- raux (le son organisation. Ce chapitre présentera sur tous les points essentiels une réponse succincte à la question posée par l’Académie. C’est ensuite, par une série de chapitres dans cha- cun desquels je traiterai d’une famille naturelle, que je décrirai dans leurs détails les connexions anatomiques de la fleur tout entière ; j'en ürerai pour chaque groupe, avec une connais- sance plus complète des variations de structure de lovaire lui- mème, des conclusions sur l'organisation de sa fleur, que je comparerai avec les résultats acquis par les autres méthodes; un résumé général terminera le tout. C’est ainsi que ce travail sera comme la première ébauche d’un traité général d'anatomie comparée de la fleur. Donc, après avoir établi, comme nous l'avons fait, deux défi- nitions d'anatomie générale indispensables au début, puisqu'elles sont l'âme même de notre méthode : 4° Comparaison des méthodes de recherche ; 2° Struciture anatomique de l'ovaire dans ses types prin- CipauR ; 3° Anatomie comparée de la fleur dans un certain nombre de fanulles naturelles (cinquante environ) ; tel est le plan que nous allons suivre dans notre exposition (4). (1) Les deux premiers chapitres sont seuls publiés dans ce recueil, RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 1h DES DIVERSES MÉTHODES D'INVESTIGATION SUIVIES DANS L'ÉTUDE DE L'ORGANISATION FLORALE. Analogie. — On à dû se borner d’abord à l'étude de la forme extérieure des organes, des transitions qu'on y observe et de leurs rapports de position, et l’on a essayé d'en ürer la nature morphologique des diverses parties de la fleur et l'explication de sa symétrie. I à été donné au génie de Goethe de concevoir dans toute sa généralité, et d’appuver sur des raisons de cet ordre, la loi de l’unité de composition de l’organisme végétal. Mais, fon- dée bien plus sur des analogies de forme et de position, et sur des transitions, que sur des observations directes et positives, cette méthode, dite de comparaison analogique, est souvent trompeuse ; les théories, les idées préconçues, les manières de voir, ont trop de prise sur elle, et, chose plus grave encore, elle manque de contrôle ; les inductions qu'elle mspirera à des au- teurs différents pourront dès lors être tout opposées, sans qu'il soit possible de décider entre leurs assertions contradictoires. Tératologie. — L'étude des transformations anormales que les organes floraux subissent dans certaines circonstances, et qui, en les ramenant souvent à leur forme foliaire primitive, éclairent leur vraie nature, la tératologie, a fourni pour l'intelligence de l’organisation florale de précieux renseignements ; mais elle n’est point et ne saurait être une méthode, puisque le sujet d'étude n'yest pas déterminé, et qu'il ne peut être à volonté repro- duit. Les faits imprévus qu'elle apporte ont d’ailleurs besoin d’être sagement interprétés, et les conclusions qu'on tre de leur observation restent toujours soumises à un doute légitime, fondé sur ce qu'ils sont les produits de conditions anormales, pour les- quelles on ignore à la fois et leur mode d'action et les limites entre lesquelles sont comprises les variations qu’elles peuvent amener. Aussi, même dans les cas les plus favorables, est-il très-rare que ce genre d'observations établisse dans l'esprit une certitude absolue, qu'ilait l'autorité d'une démonstration directe. Ah VAN TIEGHEM. Organogénie. —- L'étude de la naissance et du développement des parties, l'organogénie, a apporté à son tour de nombreux perfectionnements dans le sujet qui nous occupe ; méthode excel- lente quand il s’agit de déterminer, ce qui est son objet même, l'ordre d'apparition extérieure des organes et la marche ulté- rieure de leur développement relatif d’où résultent les avorte- ments et les soudures consécutives ; sur tous ces points qui sont de son domaine, l'organogénie a puissamment aidé à mettre en évidence la véritable symétrie de la fleur. Mais, à la meilleure méthode, il n’est légitime de demander que ce qu’elle peut don- ner, et aucune n’est universelle ; pour la manier avec prudence, il faut en bien connaitre et la portée pour en utiliser toutes les ressources, et les limites pour ne pas les franchir. Ïl est clair, en effet, que s’il affirme que tel organe qu'il voit apparaitre sous forme de mamelon ou de cordon longitudinal, est un axe ou une ramification d’axe, et non pas un appendiée ou une fraction d’appendice, l'organogéniste dépassera la puis- sance de sa méthode pour entrer dans le domaine des analogies de forme, des rapports de position ou même des pures hypo- thèses : car il faudrait, pour qu'il eût le droit de se prononcer sur ce sujet, qu'il eût défini, au préalable, par un caractère or- ganogénique l'axe d’un côté, l’appendice de l’autre, et qu'il eût montré que l'organe en question remplit ou ne remplit pas les conditions de la définition. Or, une pareille définition organogé- nique de l’axe et de l'appendice n'existe pas(£). Sur cet ordre de (1) (A) On sait qu’une définition de ce genre a eu cours pendant quelque temps dans la science à la suite des recherches de MM. Steinheil (14837), Naudin (1842), Mercklin (1846) sur le mode de développement des feuilles. L’axe, disait-on, se développe toujours de bas en haut, l’appendice toujours de haut en bas. Les observations de M. Trécul (1853) ont fait disparaitre cette distinction en montrant d’une part qu'il y à un très- grand nombre de feuilles quise développent de bas en haut comme les axes, et d’autre part qu'il y a un petit nombre d’axes (axes d’inflorescence de quelques Graminées) qui, faisant exception à la loi générale, développent leurs ramifications de haut en bas. Payer croyait à tort pouvoir poser en principe général le mode nouveau de dévelop- pement signalé par M. Trécul, et soutenait que toujours ef dans tous les cas la feuille s’accroit, comme l'axe, de bas en haut. Ce n’est donc pas sans surprise qu’on rencontre à la page 724 de l’Organogénie comparée de la fleur, et sans qu’il en ait été question dans le cours de l'ouvrage, la définition suivante : « La règle à suivre, toutes les fois qu’on RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 145 choses l’organogénie ne peut donc rien nous apprendre et en ce qui concerne en particulier la question proposée elle est impuissante à faire, avec quelque certitude, la part de ce qui, dans un pistil donné, revient à l'axe floral, et de ce qui est dû aux appendices. Il n’est pas moins certain que, quand une série d'organes naissent unis, et la fleur en offre d'innombrables exemples, l’or- ganogénie dépassera sa sphère d'action si elle affirme, si elle essaie seulement de déterminer la composition interne de l'ensemble et les connexions mutuelles des organes élémentaires constituants ; elle empruntera alors l’analogie et restera sujette aux mêmes erreurs. Les relations vasculaires profondes des organes sim- ples qui constituent l'organe né complexe, dont dépend l'in- sertion réelle des uns sur les autres et de tous sur l’axe qui les porte, ces relations lui échappent entièrement ; elle ne voit que les insertions apparentes, primitives ilest vrai, et par suite déga- gées des soudures ultérieures, mais nullement des unions congé- nitales. Pour elle, un organe s’insère la où ellele voit pondre ; de là, une source d'illusions sans nombre, qui deviennent facilement autant de graves erreurs. Peut-être ferai-je mieux saisir ma pensée si j'emprunte à l’auteur de l'Organogénie comparée de la fleur une de ces ingénieuses comparaisons où 1l excellait dans ses livres, et qui faisaient la vie, le charme tout ensemble et le danger de son enseignement. «Qu'on se représente, dit-1l (Or- ganogénie comparée, Pomacées, p. 98), deux maisons bâties, l'une dans la plaine et l’autre sur le flanc d’une montagne.…. Dans la maison bâtie en plaine, tous les murs ont la même hau- est dans le doute sur la question de savoir si la partie que l’on considère est une dépen- dance de l’axe ou formée par la réunion de plusieurs organes appendiculaires, consiste donc à observer si cette partie donne naissance ou non à d’autres organes à sa surface. Si cette partie donne naissance à d’autres organes à sa surface, c’est évidemment une partie axile, une dépendance du réceptacle, car il n’y a que les axes qui jouissent de celte propriété, Dans le cas contraire, c’est ordinairement le résultat de la réunion con- génitale des bases des organes qui semblent insérés les uns sur les autres. » La contradiction est évidente, ear cette prétendue règle revient exactement au fond à la définition ancienne que Payer combattait ; il est clair d'ailleurs que, dans l’état actuel de nos connaissances, elle ne peut soutenir un instant d'examen, 5€ série. Bor, T, IX, (Cahier n° 8.) 2 Aù i46 VAN TIEGHEM. teur, tandis que dans la maison adossée au flanc d’une mon- tagne, un des murs est beaucoup moins élevé que l'autre... fl n’est donc pas vrai de dire avec les botanistes descripteurs que, dans les Cotoneaster, les carpelles sont soudés avec les parois de la coupe réceptaculaire ; ils sont seulement adossés aux parois de cette coupe.» Or, Je le demande, approuverait-on l'observateur qui, voyant de loin une maison adossée à l’escarpement d’une montagne, affirmerait avec certitude que, par ce fait seul, le mur postérieur est fondé sur le sommet de l’escarpement, et qu'il est par conséquent beaucoup plus court que le mur de façade ? Ne se peut-il pas, au contraire, que l'architecte, pour éviter tout éboulement, ait prolongé cette muraille, si courte en apparence, jusqu'au même niveau de fondation que les autres parois, et que tous les murs soient ainsi basés sur le même plan tout aussi bien que dans la maison bâtie en plaine? Ne faudra-t-1l pas, en tout cas, pour décider la question, pénétrer dans l'habitation, et comme en général l’examen à distance de la paroi posté- rieure n'apprendra rien, ne sera-t:il pas nécessaire d'enlever le papier de tenture, d’arracher le revêtement de plâtre, d’enta- mer enfin la paroi assez profondément pour s'assurer si elle est doublée d’un mur de maçonnerie ou si c’est la roche vive ? L'or- ganogéniste agit comme cet observateur superficiel; il ne mé- rite pas meilleure créance. L’anatomiste qui déchire la paroi et en recherche assidûment la structure, peut seul résoudre la question en toute certitude. L'organogénie est donc une bonne méthode, mais une mé- thode limitée ; dans les choses qu’elle peut élucider, son manie- ment à amené d'heureux progrès, mais toutes les fois qu'elle est sortie de son domaine elle n’a pu, en s'égarant dans des ques- tions insolubles pour elle, qu'émettre des hypothèses et des idées préconçues ; tort qu’il faut rejeter non sur la méthode, mais sur les auteurs qui, la croyant universelle et propre à résoudre tous les problèmes, n'ont pas fait la part rigoureuse des questions qu’elle peut éclairer et de celles qu’elle doit laisser sans réponse. Ïl est regrettable que ce mélange incessant, celte confusion per- pétuelle d'observations exacies et de conclusions problématiques RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 417 parce qu'elles vont au delà de ce que les observations peuvent donner, entachent à chaque page le Traité d’organogénte de la fleur de Payer. Anatomie. — L'organogénie épie la première apparition ex- térieure des organes dans le bouton, alors qu'ils ne sont encore que de petits mamelons celluleux; mais, dès cette époque, il s'établit dans leur profondeur, entre eux et l'axe sur lequel ils naissent, des liaisons vasculaires, dont l’organogénie ne se préoccupe pas, et qui sont dans une intime et nécessaire cor- rélation avec leur mode d'apparition et de développement. D'ailleurs, une fois établis, ces liens sont désormais invariables. I en résulte que la nature morphologique d’un organe et ses rapports essentiels avec les autres seront connus quand on y aura déterminé, dans l’état adulte, la distribution des faisceaux vas- culaires et leurs connexions avec ceux des organes voisins. Suivre, dans la fleur épanouie (1), la course des faisceaux vasculaires depuis le pédicelle jusque dans les ovules, détermi- ner avec précision Ja disposition relative de tous ces faisceaux et leurs connexions, telle est donc la méthode de recherches que nous avons suivie (2). (4) Je ferai remarquer, à cet égard, qu'il n’ÿ à pas lieu de se préoccuper en géné- räl des changements qui S’opèrent dans le tissu cellulaire des parois de l'ovaire, pen- dant la formation du fruit. Ces sortes de transformations qui altèrent profondément le caractère extérieur du fruit, et qui varient d’ailleurs beaucoup dans des plantes très- voisines, n’ont rien à faire avec la question de morphologie générale que l’Académie a proposée. Ce n’est pas, en effet, de La stuctüre des péricarpes qu'il s’agit, ni de la des- cription des couches successives fibreuses ou cellulaires qui les constituent à la maturité, mais bien de länalyse anatomique de l'ovaire à l’état adulte, et les changements ultérieurs qu'il subit ne font le plus souvent que masquer sa vraie constitution. C’est dans la distribution du système vasculaire dans le parenchyme que j'ai cru trouver les caractères anatomiques nécessaires et suffisants à une démonstration complète. (2) (A) Nous n'avons tiré notre caractère anatomique de l'axe et de l’appendice ni de la structure élémentaire de leurs faisceaux vasculaires, ni de la nature du paren- chyme qui leur sert de gaîne commune, mais bien de la disposition et de l'orientation de ces faisceaux au sein dé ce parenchyme, C’est qu’en effet les faisceaux vasculaires de la fleur, qu'ils appartiennent à l'axe ou aux appendices, en d’autres termes, qu'on les consi- dère au-dessous ou au-dessus de leur point d’émergence, possèdent la même structure élémentaire. Cette, structure, que j'ai cru inutile de décrire dans le texte tant elle est simple, umforme et bien connue, je Jindique ici en quelques mots, Deux parties 148 VAN TiEGNEM. Puisqu’elle fournit une définition de l’axe et de Fappendice tirée de la disposition même des faisceaux, elle permettra de dé- cider avec certitude, dans chaque cas particulier, de la nature axile où appendiculaire d’un organe considéré ; et puisqu'elle détermine le point exact des insertions organiques indépendam- ment du parenchyme et de ses réunions, fussent-elles originelles, elle pourra fixer avec précision la composition d’un organe com- plexe quelconque et sa valeur dans le plan de la fleur. Or, ces deux déterminations générales, indispensables à la solution de la question proposée, échappent entièrement à l'étude organogé- nique. Mais ce mode d'investigation fera-t-il retrouver tout ce que donne l’organogénie ? Pour qu'une partie dont l’organogénie atteste la présence fugi- tive pût nous échapper, il faudrait qu'elle disparût avant de s'être mise en relation vasculaire avec l’axe, et il est au moins douteux que de pareils avortements existent. Dans tous les autres cas, la partie avortée sera représentée par sa branche vasculaire, et nous la retrouverons ; il arrivera même que là où l’organogénie ne voit qu'une disparition pure et simple, là encore où ne voyant constituent tout faisceau floral et en déterminent la polarité ef l'orientation : un groupe de cellules étroites et longues, à membrane assez mince et brillante, à section polyé- drique irrégulière, à cloisons transverses horizontales, contenant un protoplasma fine- ment eranuleux, opaque, grisatre el azoté, occupe la partie extérieure ou dorsale du faisceau ; à droite et à gauche se trouvent les lalicifères quand ils existent ; un groupe de trachées déroulables, à paroi noiràtre, serrées les unes contre les autres et accompa- gnces de cellules longues mais fransparentes, en forme la partie intérieure ou ventrale. Ainsi, ni larges vaisseaux spiraux, ni fibres ligneuses, ni larges cellules grillagées, ni fibres libériennes, c'est-à-dire aucun de ces organes larges où épaissis qui apparaissent dans les faisceaux des organes végétatifs par suite de leur développement ultérieur, les uns en dehors des trachées primilives, les autres en dehors des cellules cambiformes; dans la fleur épanotie, le faisceau ne possède le plus souvent que ses deux éléments primitifs ; il conserve une extrême jeunesse. En revanche, cette structure binaire, d’où résulte la polarité du faisceau et son orientation, se conserve dans ses ramifications les plus délicates ; si délié soit-il, un filet vasculaire se montre le plus souvent encore formé d’une trachée d’un côté, et de deux ou trois cellules longues de l'autre; il a encore deux faces distinctes et par suite une orientation propre, Après la fécondation, les faisceaux du pédicelle et des carpelles continuent leur développement et acquièrent souvent des fibres; mais, comme je Lai dit plus haut, nous 'ivVons pas à nous préoccuper ici de ces changements, RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 149 rien apparaître à aucune époque, elle déclare par analogie l’avor- tement de l’organe congénital, nous pourrons retrouver le fais- ceau destiné à l'organe et constater parfois son utilisation au profit d’une partie voisine. Le nombre et la disposition des parties de la fleur et par suite sa symétrie, se traduiront donc à nous avec une fidélité parfaite, plus grande, dans certains cas, que par les observations organogéniques dont nous pourrons alors compléter et rectifier les résultats. Mais de certaines soudures pourront peut-être nous rester ca- chées ? Si deux parties en effet, d’abord entièrement distinctes, s’accollent ensuite et se soudent avec fusion complète du paren- chyme, l'anatomie ne pourra pas retrouver la trace de la distine- tion primitive, et la différence lui échappera entre les soudures originelles et les consécutives. Mais, st l’on en connait quelques exemples (je citerai la fusion des deux styles primitivement dis- üncts chez les Apocynées), de pareilles soudures, avec réunion complète du parenchyme et effacement de la ligne de démarca- tion, sont extrèmement rares, et dans l'immense majorité des cas, là où l’organogéniste dit soudure nous devons dire adhérence plus ou moins intime des surfaces dont la distinction demeure fa- cile. Fussent-elles d’ailleurs fréquentes, que nous importeraient ces fusions consécutives, puisque notre recherche est indépen- dante du parenchyme et de ses transformations? Enfin, l’ordre d'apparition et de développement des diverses parties de la fleur sera indiqué sûrement par la disposition rela- tive de leurs connexions vasculaires à l’état adulte; les organes y seront d'autant plus jeunes que leurs faisceaux s’insèreront plus haut sur l’axe qui les porte. Dans les organes appendiculaires composés dont nous avons démontré plus haut l'existence, pour- rons-nous encore déduire l’âge des appendices simples saper- posés des hauteurs d'insertion des faisceaux vasculaires corres- pondants, et dire qu’un appendice est d'autant plus ancien que sa branche vasculaire s’insère plus bas sur le faisceau commun, d'autant plus jeune au contraire qu’elle s’en détache plus haut ? Je crois cette conclusion légitime ; ear, les faisceaux se consti- tuant dans l’ordre même d'apparition des organes où ils se ren- 150 VAN TIEGHEN. dent, le premier s’insère sur l’axe, le second sur le premier, le troisième sur le second et ainsi de suite ; de telle sorte qu'en sui- vant de bas en haut le faisceau total, on le voit se diviser de l’ex- térieur à l'intérieur et s’incurver légèrement en dedans si la for- mation des mamelons est centripète, se partager au contraire de l'intérieur à l'extérieur et s’incurver beaucoup en dehors, st elle est centrifuge (1). Ainsi, l’état définitif du système vasculaire de la fleur épanouie nous apprendra l’ordre dans lequel chacune de ses parties s’est constituée et son âge relatif, à peu près comme l'étude des couches sédimentaires successives de l'écorce terrestre nous in- dique avec certitude l’ordre et les principales circonstances de leur développement, et nous permet de reconstituer à distance la géogénie tout entière. En résumé, toutes les questions du domaine de l’organogénie, el que ce genre de recherches est parvenu à élucider, l'anatomie peut aussi, par une méthode tout à fait indépendante, sûre dans sa marche et d’une précision illimitée, les résoudre à son tour(2); elle apporte ainsi à tout instant un contrôle nécessaire et mdé- pendant aux résultats organogéniques, pour les confirmer ici, les rectifier ailleurs, les compléter toujours. Mais, plus générale et plus profonde, la méthode anatomique peut en outre traiter et résoudre des problèmes sur lesquels l'étude du développement (1) Bien que la comparaison du mode de formation de plusieurs appendices simples aux dépens d’ux faisceau unique émané de l'axe, avec le développement des feuilles simples ou composées, ne soit pas exacte, puisqu'il s’agit ici d’appendices distincts el superposés, et non des divisions d’un même appendice dans son plan, je rappellerai toutefois que, dans l’immense majorité des feuilles où les nervures latérales s’insérent à des hauteurs diverses sur une nervure médiane (feuilles pennées), elles apparaissent et se développent de bas en haut (Trécul, Ann. des sciences nat., 3° série, €. XX, 1853). (2) Certains résultats seront toutefois acquis avec plus de facilité et une certitude plus grande par l’organogénie que par l'anatomie ; tel est, par exemple, l'ordre de déve- loppement des appendices d’un même verticille; l'anatomie ayant à apprécier ici des . différences de hauteur d'insertion très-faibles, est sujette à des erreurs provenant de lobliquité des coupes; il n’en est pas de même de l’organogénie qui examine la projec- tion du verticille sur son plan d'insertion, et n’a à estimer que des distances horizontales relativement grandes, RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 151 doitrester muette sous peme de s'égarer, sur lesquels il n’est pas même légitime que nous l’interrogions ; je crois avoir montré qu'il en est précisément ainsi de la question actuelle. Nous connaissons les qualités de notre instrument de recher- ches, il s’agit maintenant de le voir à l’œuvre. ÉTUDE ANATOMIQUE DU PISTIL DANS SES PRINCIPAUX TYPES D'ORGANISATION. Idées actuelles — Tout le monde s'accorde aujourd'hui à reconnaître qu’il entre toujours dans la constitution du pistil des Phanérogames un eertain nombre d’appendices, qu'on appelle feuilles carpellaires ; mais de nombreuses et profondes diver- sences se produisent dès qu'il s’agit de préciser la part exacte que prennent ces feuilles à la formation de l'ovaire et au déve- loppement des ovules, et celle qui revient à l'axe sur lequel elles sont insérées. Sans entrer maintenant dans l'examen des diverses opinions émises sur ce sujet, qui trouvera sa place naturelle quand nous traiterons spécialement des familles dont l’étude les a fait naître, je me bornerai à rappeler que la tendance actuelle est d’attri- buer un rôle chaque jour plus considérable, presque exclusif quelquefois, au pédonceule floral dans la constitution des ovaires infères. Proposée par M. Schleiden, cette manière de voir a été appuyée par les observations anatomiques de M. Trécul sur le fruit des Prismatocarpus dès 1843, et développée plus tard par les recherches organogéniques de M. Payer (1851-1857) ; M. Naudin, dans son mémoire sur la fleur des Cucurbitacées, déclare y adhérer complétement, et affirme que M. Decaisne partage ses idées sur ce point (Ann. des se. nat., h° série, 1855, t. IV, p. 15). M. Brongniart lui-même paraît l’admettre dans certains cas; enfin, quoique non convaincu encore, M. Du- chartre fait à cet égard des réserves qui montrent hien la ten-- dance générale des esprits : « ILest certain, dit-il, que bien des faits viennent appuyer cette dernière théorie ; cependant peut- 152 VAN TIEGHEM. être est-il prudent de ne pas trop se hâter de la proclamer exacte, seule et dans tous les cas » (1). Voyons donc ce que nous apprend l'étude anatomique du pisul dans ses différentes formes. Plan. — Voici comment nous disposerons les principaux types à étudier. Les feuilles carpellaires sont tantôt ouvertes, tantôt fermées, au moins dans une partie de leur étendue, par la réunion de leurs bords ; dans les deux cas, elles peuvent ou bien être sépa- rées, ou bien s'associer en cercle en confondant soit leurs parois latérales pour former une cavité pluriloculaire si elles sont fer- mées, soit leurs bords pour circonscrire une cavité simple st elles sont ouvertes. L'insertion anatomique des feuilles carpellaires sur l'axe est toujours supérieure à l'insertion anatomique des (1) Duchartre, Élém. de bot., p. 573, 1866. (A) IL est nécessaire de remarquer que les anteurs entendent de deux manières fort différentes cette intervention del’axe. Pour MM. Schleiden, A. de Saint-Hilaire, Trécul, Payer, la paroi externe, les cloisons, les placentas, tout est axile dans un ovaire infere, et les feuilles carpellaires qui s'insèrent, comme les appendices extérieurs, au sommet de l'axe ainsi creusé, ne font, en se réu- nissant, que recouvrir les loges d’une sorte de toit terminé par la cheminée du style. Pour MM. Decaisne ct Naudin, au contraire, ici, comme partout ailleurs, les feuilles carpellaires insérées sous la base de l'ovaire en constituent la paroi externe, les eloisons, les placentas, et forment, en un mot, le pistil tout entier. Seulement, ce pistil est uni intimement par sa face externe avec une coupe réceplaculaire de nature axile dans laquelle il est comme invaginé. Nos recherches anatomiques viennent précisément démontrer cette formation du pistil tout entier par les feuilles carpellaires dans tous les ovaires infères. Nous ne différons donc de MM. Decaisne et Naudin que sur la nature de la coupe où les carpelles sont invaginés; l'anatomie nous montre que cet organe est formé, non pas par le prolongement du pédoncule, mais par la réunion de plu- sieurs verticilles d’appendices, simples quelquefois, mais le plus souvent composés. Le développement accidentel ou normal de bractées sur la surface externe de cette coupe, la forme de feuille complète qu'affectent les folioles calicinales de certaines Rubiacées, Rosacées et Gucurbitacées, en un mot, tous les arguments invoqués en faveur de la nature axile de cet organe, aussi bien que tous les faits incompatibles avec cette manière de voir comme le phénomène présenté par le fruit des Rubiacées du genre Bikkia, s'expliquent ainsi parfaitement et viennent confirmer nos déductions anato- miIques. M. Naudin fait confusion quand il regarde (/oc. cit, p. 16, note) M. Schleiden comme l’auteur de l'opinion qu'il soutient, identifiant ainsi deux manières de voir essentiellement différentes. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 153 appendices extérieurs; mais tandis qu'ici les insertions exté- rieures coïncident avec les intérieures, là, au contraire, les parties externes conservent pendant une hauteur plus ou moins grande leurs systèmes vasculaires réunis dans la même gaine de parenchyme avant de se séparer ; leur insertion appa- rente est rejetée ainsi beaucoup au-dessus de l'insertion vraie des feuilles carpellaires ; on dit l’ovaire supère dans le premier cas, infère dans le second. Enfin, qu’elles soient ouvertes ou fermées, libres ou associées, infères ou supères, les feuilles car- pellaires peuvent entrer seules dans là constitution du pistil, parce que l’axe floral s’épuise en les produisant : e’est le cas de beaucoup le plus général; mais cet axe peut aussi ne pas se ter- miner à la base des carpelles, et se prolonger au-dessus d'eux dans l'intérieur de l'ovaire pour se terminer plus haut, soit en donnant de nouveaux faisceaux aux carpelles, soit en constituant de nouveaux appendices. De là un certain nombre de formes principales ; chacune d'elles peut à son tour offrir des variations secondaires, d’où résultent à la fois des transitions insensibles d’un type à l'autre, et des physionomies diverses sous un même type. Le tableau suivant résume les dix formes prineipales que nous allons étudier : / ue | Supères. Ex Renoncuiacées, Berbéridées. RSS . Ex. Spiréacées, Amygdalées. simples). \ Sans intervention de l’axe.— Ex. Lilia- [ Fermées. ONCE \ Supères. | ee (Pistils Avec intervention transitoire de l'axe. composés — Ex. Caryophyliées. à placen- Sans intervention de l'axe.— Ex. Ama- Pistil à Dur Infères. . ryIieese : ne ; feuilles dite axile). allé Avec intervention transitoire de l'axe. Cool — Ex. Campanulacées, press / Libres... Gymnospermes (non étudiés). ASsoCiées \ Sans intervention de l'axe. — Ex, Cru- (Pistils Suni | cifères. composés | PET L: Avec intervention de l'axe. — Ex. Pri- \ Ouvertes. { à placen- mulacées tation dite Sans Her cotion de l'axe. — Ex. Or- pariétale, Tee | chidées, Gessnériacées. et centrale Avec intervention de l'axe. — Ex. Sa- libre). molus. C'est à dessein que nous avons rapproché dans ce tableau, A5/ VAN IEGHEM, comme nous le ferons dans le cours de cette étude anatomique, les ovaires infères des ovaires supères ; ils ‘possèdent, en effet, une organisation identique. Nous verrons que la différence exté- rieure qu'ils présentent, et qui leur a valu ces qualifications diverses, ne tient pas à leur structure propre, mais bien à celle des appendices extérieurs : tantôt ceux-ci s'insèrent tous direc- tement sur l'axe, mais au lieu de devenir libres immédiatement el faisant coïncider leur insertion apparente avec leur insertion vraie, ils maintiennent pendant quelque temps leurs systèmes vasculaires enveloppés dans la même gaîne de parenchyme pour se séparer plus haut ; tantôt ils s’insérent les uns sur les autres, ils ne s’implantent qu'indirectement sur l'axe par une branche commune, et leur dépendance réciproque est beaucoup plus étroite que dans le premier cas. Si le système vasculaire des carpelles est lui aussi maintenu dans la gaine commune, l'ovaire est dit adhérent; s'il possède, au contraire, une gaîne particulière mdépendante du tube externe, l'ovaire infère est libre. Cette identité générale de structure des pistils supères et in- fères du même type, pour tout ce qui regarde le pistil lui-même, ressortra, je l'espère, avec évidence, de tous les faits que nous allons exposer en suivant l’ordre que nous venons de tracer. L — PISTIL SIMPLE ET SUPÈRE. H semble à peine utile d’insister sur cette forme, tant la strue- ture en est claire et bien connue ; pourtant, afin de ne rien omettre, et parce que certains auteurs l'ont compliquée, comme à plaisir, en voulant à tout prix y retrouver la réunion d’un axe et d'un appendice, je décrirai avec soin la structure des car- pelles des Renonculacées, et celle du carpelle unique des Légu- mineuses et des Berbéridées. A. Plusieurs carpelles. Renonculacées. --- Les six carpelles de l'Eranthis hyemalis sont entièrement libres et pédiculés; chacun d'eux est uniquement constitué par une feuille repliée munie de RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 155 son pétiole, Le pédicule, dont la longueur égale 5 millimètres environ, possède trois faisceaux vasculaires inégaux et ainsi placés: l’un d’eux est dorsal, et tourne ses trachées vers le centre de la fleur; les deux autres plus petits, sont latéraux, et se présentent l’un à l’autre leurs trachées. C'est bien la struc- ture ordinaire des pétioles, symétrique par rapport au plan vertical d'insertion, et nullement l’organisation d’un rameau symétrique par rapport à son axe de figure. L'axe floral sé teint donc complétement en produisant les six pétioles carpel- laires. Suivons d’ailleurs la course des faisceaux de la base au som- met du carpelle, et nous verrons qu'au-dessus du pétiole le dorsal s’incurve en dehors, tandis que les latéraux se rappro- chent, tournent leurs trachées en dehors et s’infléchissent légère- ment en dedans, comme il convient aux nervures marginales d’une feuille repliée. En même temps, lé parenchyme se creuse entre le faisceau dorsal et les deux intérieurs pour constituer la cavité de l'ovaire ; un peu plus haut, entre les deux faisceaux voisins, le tissu se sépare par ‘la formation d’un double épi- derme, dont les deux lames restent en contact intime, et dès lors les bords de la feuille sont distincts l’un de l’autre dans toute la hauteur de l'ovaire, quoique réunis par une forte adhérence. Ce n’est qu'au-dessus de ce niveau qu'apparaissent, sur chacun de ces deux bords distincts, une rangée d'ovules anatropes, dont les branches vasculaires s’échappent perpendiculairement de chacun des faisceaux marginaux ; ceux-ci se mettent d’ailleurs de l’autre côté en rapport avec la nervure dorsale par de nom- breuses branches transversales, qui sillonnent en se ramifiant la paroi du carpelle, comme il arrive toujours entre les nervures médianes et marginales des feuilles ordinaires. La situation et l'orientation des trois faisceaux principaux, leurs rapports entre eux, et la manière dont les branches ovu- laires naissent des faisceaux postérieurs, tout démontre avec évi- dence que le carpelle de l £ranthis est identique avec une feuille pétiolée, repliée suivant sa nervure dorsale, et dont les bords adhérents, mais distincts, produisent chacun une rangée d’ovules 156 VAN TIEGHEM. qui correspondent à ses lobes. Il est donc impossible de soutenir qu'il entre dans un pareil organe une partie appendiculare et une partie axile. Les choses se passent de la même manière dans l'Æelleborus fœtidus, à quelques différences près, que je vais signaler, parce que nous les retrouverons souvent ailleurs. Immédiatement au-dessus du niveau d'émergence des der- nières élamines, l’axe floral se montre constitué sur une coupe transversale par neuf faisceaux normalement orientés, et rangés en cercle régulier ; mais bientôt (fig. 10) trois d’entre eux s'm- curvent brusquement en dehors, tandis que les deux voisins de droite et de gauche en continuant leur course verticale tournent sur eux-mêmes de 90 degrés, etse présentent l’un à l’autre leurs trachées (fig. 11). Des lors, je dis que ces six faisceaux ne con- situent plus un système axile, et, comme il n’y en pas d’autres, que l'axe est épuisé ; ils'torment, en effet, non plus un tout, mais trois couples distincts qui se rattachent chacun au faisceau in- curvé en dehors, comme les nervures latérales d’un pétiole se relient à sa nervure dorsale. Une cavité apparaît ensuite, dans chaque système, entre le dorsal et la paire interne : c’est l’ori- gine, la base d’un ovaire à trois loges (fig. 42). À mesure qu'on s'élève au-dessus de ce point, on voit les faisceaux de chaque paire tourner de plus en plus sur eux-mêmes, et finir par amener leurs trachées en dehors (fig. 13); la séparation devient aussi de plus en plus profonde entre les trois carpelles auxquels ils appartiennent ; mais une gaine commune de parenchyme con- nue de réunir les faisceaux centraux, et par suite l'ovaire reste triloculaire jusque vers la naissance des premier ovules (fig. 13) ; là les trois feuilles deviennent libres, eten même temps les deux bords de chacune d'elles se séparent par la formation d’un double épiderme en restant fortement adhérents (fig. 14); cette struc- ture persiste ensuite dans toute la longueur, et les ovules naissent sur chaque bord en insérant leurs faisceaux sur les nervures marginales, qui se mettent elles-mêmes en communication fré- quente avec la dorsale par des branches transversales (c). Au sommet, le faisceau dorsal donne de chaque côté un rameau, et, RECHERCHES SUR LA SIRUCTURE DU PISTIL. 157 comme les marginales continuent, le style possède cinq fais- ceaux (fig. 15). Ainsi la différence entre l’Æellebore et V Eranthis réside dans l'absence du pétiole à la feuille carpellaire, et dans l’association des trois carpelles dans leur partie inférieure ; celle-ci résulte de ce qu’une gaîne commune de parenchyme continue pendant quelque temps de réunir les six faisceaux centraux, dont l'orien- tation prouve qu'ils constituent deux par deux, dès le foint d'émergence des faisceaux dorsaux, les nervures marginales des carpelles. Et nous voyons en même temps comment nous pour- rons toujours, à l’aspect de leur orientation, décider que des faisceaux, même rangés en cercle autour d’un parenchyme homogène, ne constituent pas un axe, mais qu'ils se rattachent à un verticille d'appendices ; il faut, en effet, la réunion de trois conditions pour un axe : orientation normale des faisceaux et disposition en cercle symétrique autour d’une moelle continue. Maintenons l'association des carpelles dans toute leur lon- gueur, et nous aurons un ovaire triloculaire à placentation dite axile, avec l’organisation constante qu'il possède ; mais n’antici- pous pas. Concluons de ce qui précède que chacun des carpelles simples qui entrent dans la constitution d’un gynécée pluri-carpellé supère est une feuille repliée, produisant sur ses bords, le plus souvent distinets, les ovules qu'elle renferme, et que l'axe floral disparaît tout entier en donnant naissance à ces feuilles. Nous voyons en même temps sur quelles fausses considéra- tions anatomiques est basé le raisonnement suivant de Payer : «Si, comme le prétend De Candolle, les placentas ne sont que » les bords soudés de la feuille carpellaire, les faisceaux fibro- » vasculaires doivent partir de la nervure moyenne de la feuille » carpellaire, et venir s'épanouir dans les placentas. Or c’est pré- » cisément le contraire qui a lieu : les faisceaux fibro-vasculaires partent de ces placentas pour aller se ramifier dans la feuille carpellaire, comme lorsqu'une feuille s'insère sur une large » surface de la tige; on voit un grand nombre de nervures partur » de cette tige, et venir, comme auxiliaires de la nervure prin- L2 y Ÿ 158 VAN TILGÉIEMN. » cipale, constituer la charpente de la feuille ». Et combien est éloignée de la vérité la conclusion qu’il en tire : «Le carpelle de » De Candolle est done formé par une partie appendiculaire, la » feuille carpellaire, insérée par la base sur les deux branches » d’un axe bifurqué qui porte les ovules. » Une pareille conelu- sion n’a de sens que si l’on admet que tout faisceau vasculaire est, en lui seul et par lui-même, un axe, une tige ; ce qui est impossible. 2. Un seul carpelle. — La conclusion précédente s'applique aux cas où le gynécée supère se réduit à un seul carpelle simple, come nous allons le montrer en prenant pour exemples les Légumineuses et les Berbéridées. - a. Légumineuses. — Le pédicelle florat des Légumineuses, après qu'il à produit les dix faisceaux de l’androcée, se trouve réduit à trois faisceaux : l’un superposé au sépale antérieur ou postérieur, les deux autres latéraux ; ils entrent tous les trois dans le carpelle, dont ils constituent la nervure dorsale et les deux marginales rapprochées, et tournées de manière à pré- senter leurs trachées en dehors ; dès la base, les bords se sé- parent entre ces deux faisceaux par un épiderme à deux lames accolées, et ils portent chacun une rangée d’ovules dont les branches s’insérent sur le faisceau marginal. La structure de ce pistil est donc identique avec celle d’un des carpelles de l'E£ran- this hyemalis privé de pédicule. b. Berbéridées. — Chez les Berbéridées, l’axe floral de l’Epi- medium violaceum, après avoir formé les étamines, détache en avant un faisceau qui s’incurve en dehors pour constituer la nervure dorsale du carpelle, tandis que le reste du cercle se divise en un certain nombre de faisceaux (4 à 6 en général) qui se rassemblent en arrière dans le renflement bilobé qui fait saillie dans la cavité ovarienne; ceux-ci sont les nervures mar- ginales du carpelle, plus nombreuses que dans les exemples pré- cédents ; on les trouve en effet placés trois par trois sur deux RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 159 rangées où l’externe a ses trachées en dehors, le second un peu de côté, tandis que le troisième les tourne tout à fait latérale ment (fig. 16), c'est-à-dire qu'ils sont disposés comme il convient aux faisceaux marginaux rapprochés d’une feuille, dont les bords réunis sont un peu repliés en dedans. Ces bords ne sont d’ailleurs distincts à aucune hauteur dans les Berbéridées, où il ne se forme pas à travers le placenta de double lame épider- mique, comme dans les cas que nous venons d'étudier. De chaque côté du renflement et dans toute la longueur de l'ovaire, les faisceaux (le plus interne d’abord, puis quand il est épuisé le second le remplace) (fig. 17) envoient des branches à une série d’ovules, de sorte que, dans la partie supérieure, on ne trouve plus qu’un seul faisceau dans chaque bord très-peu saillant (fig. 18), comme c’est le cas pour les carpelles de l’£ranthis et de l’Aellebore. Enfin le style contient le faisceau dorsal, accom- pagné de chaque côté par une ou deux nervures plus petites (fig. 19). Le carpelle des Epimedium a donc essentiellement la même structure que celui des Renonculacées ; mais il en diffère par le nombre des faisceaux marginaux qui produisent les ovules, et aussi par la fusion originelle et permanente de ses deux bords. Cette distinction originelle des bords du carpelle que nous avons vue chez les Renonculacées et que nous retrouverons souvent ailleurs, car c'est le cas le plus général, traduite anatomique- ment par l'existence de deux lames épidermiques accolées, et cette fusion originelle des mêmes bords, que montrent au con- traire les Berbéridées et d’autres, suffisent à donner au mode de développement organogénique du pistil des aspects fort divers, d’où il serait inexact de conclure une organisation fondamen- tale différente. Ici, comme là, les ovules naissent des faisceaux marginaux d’une feuille, sans qu'il y ait en aucune façon inter- vention de l’axe floral, lequel s’épuise en produisant le carpelle unique. | Et cependant, c’est dans cette forme d'ovaire que la distinc- tion d’une partie axile et d’une partie appendiculaire semblait le plus évidente à l’auteur de l'Organogénie comparée, qui s'exprime 160 VAN FIEGUNEM. en ces termes : «L’organogénie du pistil des Berbéridées est des » plus importantes, parce qu'il est facile d'y distinguer ce qui » appartient au système axile et ce qui appartient au système » appendiculaire, et de déterminer, au moins dans ces plantes, la » nature du placenta... Dans ce sac mi-partie axile et mi-partie » appendiculaire, les ovules naissent sur la partie axile qui reste » toujours bombée à l’intérieur du sac, et leur apparition a lieu » de hauten bas... Dans le pistil des Epimedium, la distinction » de la partie axile et de la partie appendiculaire est encore » plus facile, parce que le placenta produit des ovules dans toute » la hauteur de l'ovaire, tandis que dans les Berberis ce n’est » guère que dans sa partie inférieure » (p. 239). Nous commençons à voir apparaître l'impuissance de l'orga- nogénie à résoudre ces sortes de questions. Il, — PISTIL SIMPLE ET INFÈRE. Nous prendrons pour exemples de cette organisation, les Spi- réacées où le gynécée forme un verticille de cinq carpelles libres, les Amygdalées où le carpelle est unique et les Rosacées qui en possèdent un grand nombre. 4. Spiréacées. — Fe pédicelle floral du Spiræa lœvigata à dix faisceaux rangés en cercle ; sous la fleur, cinq d’entre eux dont un postérieur, suivis bientôt des cinq alternes, émettent chacun une branche qui s'incurve en dehors et reste réunie à ses con- génères par du parenchyme, tandis que le tube qu’elles forment (Hig. 20) se sépare de la partie centrale pour constituer en s’éle- vant ce qu'on à appelé la coupe réceptaculaire. Cette coupe est donc produite par l'émergence de dix faisceaux appendiculaires appartenant à deux verticilles alternes, qui, au lieu de se séparer de suite, restent longtemps associés dans la même gaîne de pa- renchyme ; nous y reviendrons tout à l'heure. Après le départ de ces dix branches, les cinq faisceaux super- posés à celles qui se sont détachées en dernier lieu (pétales) se dédoublent latéralement, et le cercle comprend quinze fais- RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL, 161 ceaux ; chacun des cinq autres (sépales) s’incurve ensuite en dehors, tandis que ses voisins de droite et de gauche restent à peu près verticaux, et tournent sur eux-mêmes de manière à se présenter leurs trachées l’un à l’autre. Dès lors l’axe floral à disparu en donnant naissance à cinq systèmes distinets de trais faisceaux chacun; une cavité apparaît bientôt dans chacun d'eux entre le dorsal et les latéraux qui se rapprochent en tournant leurs trachées en dehors ; puis, chaque système s’isole compléte- ment de ses voisins en acquérant une gaîne spéciale de paren- chyme, et l’on a cinq carpelles libres, dont les bords séparés dès la base par la formation d’un double épiderme produisent deux rangées d’ovules qui tirent leurs branches vasculaires des fais- ceaux marginaux (fig. 20, e). Nous retrouvons donc ici la struc- ture que nous avons reconnue aux carpelles d’Eranthis et d’Helle- bore ; l'axe de la fleur ne se prolonge pas et s'épuise par la formation des cinq appendices carpellaires. Revenons à la coupe pour suivre la marche des dix faisceaux qui y pénètrent. Nous les y trouverons simples jusqu'aux deux tiers environ de la hauteur de l'organe (fig. 26, a, b) où cinq d’entre eux, ceux qui correspondent aux pétales (b), se trifur- quent tangentiellement (fig. 21) ; la branche médiane (b) conti- nue leur direction, et les deux latérales (b/) s’intercalent entre les faisceaux primitifs en se disposant sur un cercle un peu plus in- térieur ; la coupe possède alors vingt faisceaux. Un peu plus haut, nous voyons à leur tour les cinq faisceaux (a) qui corres- pondent aux sépales, restés simples jusque-là, se dédoubler ra- dialement, et produire deux branches superposées (fig. 22, a, a, ); un peu plus haut encore, les branches médianes des faisceaux tri- furqués subissent à leur tour une bipartition radiale (fig. 23, b, b,), de sorte que, vers son sommet, l'organe possède trente ur, appartenant à cinq verticilles. Arrivés sur le bord de la coupe, ces faisceaux se rendent à autant d’appendices distincts (fig. 24) : les dix extérieurs (a, b) entrent dans les cinq sépales et dans les cinq pétales alternes ; les vingt autres forment autant d’éta- mines qui devront nécessairement apparaître dans l’ordre de production de leurs faisceaux, c’est-à-dire que les dix super- o€ série, Bor. T. IX. (Cahier n° 3 ) 5 41 162 VAN TIEGERM. posées par paires aux pétales naîtront d'abord (b/,b'), puis les cinq superposées aux sépales (a,), puis enfin les cinq superposées aux pétales (b,); ce que l’organogénie confirme entièrement. Il résulte de cette étude que les faisceaux de la coupe émergés de l’axe au nombre de dix en deux verticilles, produisent plus haut trente appendices par une division qui porte inégalement sur chacun des vertieilles ; les cinq faisceaux externes superposés aux carpelles ne se dédoublent qu’une fois, et ne produisent que dix appendices (eng sépales et einq étamines superposées) ; les cinq autres par une double partition, tangentielle d’abord, ra- diale ensuite, en constituent vingt (cinq pétales, dix étamines superposées par paires, Cinq étamines superposées) . La coupe, dite réceptaculaire, des Spiræacées est donc appendiculaire; elle s’insère par sa base sur l’axe floral qui s’épanouit au-dessus d'elle en einq carpelles, sans se prolonger au delà. Mais son organisation est complexe à deux degrés di- vers : 1° parce qu'elle renferme à la fois dès sa base les faisceaux de deux verticilles distincts et alternes, réunis par une gaîne commune de parenchyme ; 2° parce que ces faisceaux n’y restent pas simples, mais s’y divisent les uns en deux, les autres en quatre, pour former autant d’appendices libres. Nous retrouvons done ici un nouvel et très-intéressant exemple de la formation de ces organes appendiculaires complexes, dont nous avons, dès le début, établi l'existence, qui naissent de l'axe sous forme d’un faisceau unique dont les divisions successives produisent autant d'appendices simples. S1 donc on voulait attribuer à cette coupe réceptaculaire une nature axile, il faudrait de toute nécessité reconnaître la même qualité au tube de la corolle des Primulacées et des Plumbaginées, 6’est-à dire admettre l’embotlement des axes; ce qui est une évidente impossibilité. Mais si la coupe est appendiculaire et non pas axile, 1l faut dire aussi que c’est bien à tort qu'on la considérée comine étant la base du calice gamosépale, sur la gorge duquel on regardait les autres organes comme insérés. Cette coupe n’est pas le calice ; elle en renferme les éléments vasculaires au même titre qu’elle contient RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 163 ceux de la corolle et ceux de l’androcée ; mais aucun des fais- ceaux qui pénétreront dans ces diverses parties n’est distinct à sa base, et ce n’est que vers le sommet qu'ils se forment peu à peu par la division successive des primitifs. C’est donc un organe complexe auquel le nom de coupe réceptaculaire con- vient bien, en tant qu’il n'indique que sa forme et son rôle de support pour l'insertion anatomique indirecte des appendices simples qui le couronnent, mais dont l'expression réelle, la signification véritable, est d’être la somme de dix appendices composés, cinq doubles (sépale et étamine insérée vasculaire- ment sur lui) et cinq quadruples (pétale et trois étamines insé- rées vasculairement sur lui); ce qu'on peut exprimer ainsi : C5 (S4+E)+5/P4+3E)]; la parenthèse indiquant que les organes qu'elle contient ont leurs faisceaux vasculaires confondus en un seul dans la partie imférieure et distinets vers le sommet, et les crochets signifiant que tous les organes qu'ils comprennent ont leurs systèmes vasculaires enveloppés dans une gaine commune de parenchyme. En résumé, nous venons de voir, et nous verrons toujours, que les coupes réceptaculaires libres sont formées par une gaine de parenchyme qui réunit les systèmes vasculaires des organes qui là couronnent, quelquefois tous distincts dès la base, mais le plus souvent, comme dans le cas actuel, non séparés encore et ne devenant libres que successivement, et qu’elles ont pour expression générale > a dans le premier cas, > À dans le second ; a désignant des appendices simples, À des appendices complexes se résolvant eux-mêmes en > a. Pour les Spiræacées, on a : C— [5 A 45 | A=(S4E) A—(PH3E,). Amygdalées. — Les Amygdalées ne different des Spiræacées que par l'unité du carpelle ; ici, en effet, l’axe floral, après avoir produit les dix. faisceaux de la coupe, est singulièrement appauvri, et ne forme que trois faisceaux qui entrent dans le {64 VAN TIEGHEM, carpelle unique pour en constituer la nervure médiane et les deux marginales qui produisent chacune un seul ovule. La coupe a identiquement la même structure que celle des Spiræa, comme il est facile de s’en assurer sur le Prunus lauro- cerasus (fig. 20-2/). Rosacées. — Ailleurs enfin il arrive qu'au-dessus de l’émer- gence des dix faisceaux périphériques, ceux de l'axe se divisent en nombreux fascicules correspondant trois par trois à un carpelle distinet. Mais, tandis que chez les Fragaria tous ces faisceaux sont réunis par du parenchyme en une masse conique, àla surface de laquelle ils s’épanouissent successivement en carpelles de bas en haut, en même temps que la coupe, indé- pendante des carpelles, possède la structure de celle des Spiræa et des Prunus, chez les Roses, au contraire, la plupart de ces faisceaux s’épanouissent bien encore en carpelles au fond de la coupe sans y adhérer, mais d’autres demeurent enveloppés dans la mème gaine de parenchyme que les périphériques, rampent sous la paroi interne du tube et s'en séparent à des hauteurs diverses pour former les carpelles qui y prennent leur inser- tion. ei encore 1l n’y a pas trace d'un axe floral quelconque, et la coupe des Roses ne diffère de celle des Spirées que par l’enveloppement d'un certan nombre de faisceaux du gyné- cée dans son parenchyme, qui reporte l'insertion apparent des carpelles correspondants à une certaine hauteur sur sa paroi interne; elle en diffère, à un autre point de vue, par ses vingt faisceaux périphériques, dont les fréquentes bipartitions radiales donnent naissance à de nombreux verticilles de dix étamines chacun. En résumé done, qu'ils soient supères ou imferes, les pistils simples et libres ont toujours la même structure fondamen- tale ; les différences qu'ils présentent par rapport aux autres parties de la fleur, ne dépendent pas d'eux, mais bien de la manière dont ces parties elles-mêmes naissent de l'axe ou les unes des autres. L'insertion de leurs faisceaux sur l'axe est- elle directe ? 51 la séparation en est immédiate, le pisul sera RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 165 toujours supère; il sera infère s'ils restent quelque temps réunis par du parenchyme avant de se séparer. Leurs fais- ceaux s’insérent-1ls au contraire les uns sur les autres? Si le tronc commun est très-court et la séparation extérieure des branches immédiate, l'ovaire sera encore supère ; mais il sera infère si le tronc commun est long, ou si les branches qui en émanent restent quelque temps réunies par du parenchyme avant d’être libres. Cette différence entre les ovaires supères et infères se retrou- vera, avec sa cause anatomique, dans tous les autres types dont nous allons continuer l'exposition. IT. — PISTIL COMPOSÉ A PLACENTATION ANGULAIRE (1) ET SUPÈRE. Les carpelles sont toujours associés ici par leurs parois laté- rales, de manière qu'il y ait, dans une partie au moins des sur- faces, fusion complète et originelle du parenchyme. Mais, sous ce type commun, nous aurons à distinguer plusieurs modifica- tions secondaires, selon que l'axe ne se prolongera pas ou se pro- longera au-dessus de la base du pistil, et, dans le premier cas, suivant que, dans chaque carpelle constituant, les bords seront distincts dans toute l'étendue de l'ovaire, ou réunis originelle- ment dans la partie inférieure et distincts dans le haut, ou enfin réunis originellement depuis la base du pistil jusqu'au stig- mate (2); de ces légères différences qui n’altèrent en rien la disposition générale du système vasculaire, et par suite la nature de l'organe, résulteront néanmoins pour le pistil, sous la même forme fondamentale, des physionomies assez diverses. 1. L'axe ne se prolonge pas. À. Les bords de chaque carpelle constituant sont distincts dans (1) J'ai expliqué pourquoi je rejette le mot axèle dans cette acception ; pour expri- mer que le placenta occupe l’angle interne de chaque loge, je dirai tout simplement qu'il est angulaire, ce terme n’indiquant rien autre chose qu’une position. (2) Nous avons déjà trouvé ces différences dans les pistils simples. L'Eranthis hye- malis nous a offert une distinction complète des bords dès la base; dans l’Helleborus fœtidus, elle ne commence que plus haut; chez les Berbéridées, les bords sont confon- dus dans toute la hauteur. 466 VAN TIEGHEM. toute la hauteur. — Les exemples de cette organisation abon- dent; j'en choisirai un parmi les Monocotylédones chez les Liliacées, et un autre parmi les Dicotylédones chez les Tiliacées. a. Liliacées. — Le pédicelle floral de l’'Æyacinthus orientalis (pl. 10) possède six faisceaux vasculaires rangés en cercle autour d'une moelle homogène (fig. 25). Sous la fleur, chacun d'eux émet une branche qui s'échappe horizontalement pour aller en se dédoublant constituer le périanthe et l’androcée (fig. 28). Au-dessus de cette émergence, l’axe continue avec ses six faisceaux, mais bientôt trois d’entre eux, superposés à ceux desdivisions internes du périanthe, se dédoublent latéralement. et il en possède neuf; puis les trois autres s’incurvent en dehors pour former les nervures dorsales des carpelles, tandis que les voisins de droite et de gauche restent verticaux, mais tournent sur eux-mêmes, de manière à se présenter les trachées l’un vers l’autre. Dès lors, le système vasculaire ne constitue plus un tout; il est la réunion de trois appendices disiincis, et l'axe s’est éteint en les produisant, absolument comme dans lHelleborus fœtidus. S'élève-t-on un peu, on voit les faisceaux latéraux se diviser chacun en deux autres branches qui tournent leurs trachées en dehors, et les loges apparaître entre elles et le faisceau dorsal ; un peu plus haut (fig. 26), les trois cloisons se trouvent complé- tement distinctes l’une de l’autre, parce qu'un épiderme, con- tu avec celui de la paroi interne de la loge, revêt le biseau par lequel elles s'appuient l’une contre l’autre au centre (0). Il en résulte que les bords de chaque carpelle constituant sont anato- miquement distincts, quoique fortement adhérents, depuis la base du pistil jusqu'à son sommet; originellement distincts, ils ne se sont pas soudés, mais seulement accollés l’un contre l’autre, et dans les cas où leur adhérence paraît le plus intime, le simple contact de l'acide sulfurique suffit à les disjomdre. H en est tout autrement des parois latérales des carpelles voisins, qui sont réellement confondues ensemble pour constituer une cloison simple, et dont la fusion est originelle. Ce n’est pas toutefois qu’en de certains endroits, et sur des surfaces souvent assez REÉCHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL, 167 grandes, leur séparation ne puisse être évidente. Que sont-ce en effet que ces glandes septales (fig. 27, g) que M. Brongniart a le premier décrites dans l'ovaire des Jacmthes et de beaucoup d’autres Monocotylédones, et dont la vraie signification ne lui a pas échappé, si ce n’est une absence locale de fusion des surfaces externes des deux earpelles qui ÿ ont développé leur épiderme propre glanduleux, dont les lames sont le plus souvent en con- tact, mais quelquefois aussi laissent entre elles une assez large cavité? La forme et l'étendue de la surface non fusionnée, ainsi que la manière dont son épiderme se met en communication, tantôt avec l’épiderme extérieur de l'ovaire, tantôt avec l’épi- derme intérieur par l'arête du biseau, varient beaucoup d’une plante à une plante voisine, mais la glande, qui n’est qu’un or- gane d'emprunt, conserve toujours le même sens morpholo- gique; c’est un dédoublement dont la réalisation locale suffirait à nous démontrer la nature double de la cloison que nous ne pouvons qu'idéalement concevoir lorsqu'il ne se manifeste pas, si la disposition du système vasculaire n’en apportait une preuve directe, applicable à tousles cas, parce qu'elle est Indépendante de la distribution du parenchyme. En effet, immédiatement au-dessus du point où les bords de chaque carpelle deviennent distincts par la formation de leur double épiderme accollé, ils commencent à porter chacun une rangée d’ovules anatropes qui tirent leurs branches vasculaires des faisceaux marginaux correspondants, qui, au nombre de deux ou trois, tournent leurs trachées vers la loge (fig. 26). Il en résulte que, si l’on considère tous les faisceaux d’une même cloison, on les voit rangés en deux'systèmes qui se tournent le dos ; chacun d'eux communique à tout instant à travers la cloison avec la nervure dorsale (a) correspondante ; de là, dans chaque cloison, deux plans verticaux parallèles (d, d') de rami- fications vasculaires qui relient entre elles les nervures dorsales et marginales dans chacun des deux carpelles voisins : preuve évidente de la nature double de la cloison, quelle que soit l’homo- généité de la lame de parenchyme qui réunit ces deux systèmes distincts et mdépendants. 168 VAN TIRGEEM. Les choses se passent exactement de la même manière dans le Funkia subcordata, avec cette différence que chacun des faisceaux marginaux y reste simple ; l'ovaire y est done sem- blable à ce que serait celui de l’Helleborus fæœhidus, si la réunion des carpelles persistait dans toute la longueur, avec séparation des bords dans chacun d'eux. En résumé, l'axe floral ne se prolonge pas au-dessus de la base de l'ovaire dans les Liliacées ; mais 1l s’'épuise en produi- sant trois systèmes vasculaires semblables et mdépendants, dis- posés chacun comme 1l convient au système vasculaire d’une feuille repliée, qui porte sur chacun de ses bords une rangée d'ovules correspondants à ses dentelures. Le parenchyme qui relie ces trois systèmes indépendants est primitivement ét ana- tomiquement séparé tout le long des bords de chaque système. de la base au sommet de l'ovaire, quoique les surfaces épider- miques y soient adhérentes (1) ; ilest, au contraire, primitive- ment et anatomiquement fusionné en une ame homogène entre les faces latérales des systèmes voisins; mais on trouve souvent dans cette famille des dédoublements locaux dans le paren- chyme des eloisons ; ces surfaces où la fusion n’a pas eu lieu et qui demeurent tapissées par un épiderme glanduleux, consti- luent les organes sécréteurs d'emprunt auxquels on donne le nom de glandes septales. Et comme elles occupent des parties très-diverses de la cloison, 1ei dans son extrémité hiselée et à partir de l’arête de biseau, là entre les deux rangées de fais- ceaux marginaux, là dans la partie moyenne, là encore vers (1; Nous voyons done que les bords, primitivement séparés, restent toujours anato- miquement distincts; l’organogéniste se trompe donc quand il affirme que, dans l'ovaire des Liliacées et autres semblables, les cloisons, d’abord pariétales, s’avancent vers le centre, se rencontrent etse soudent pour partager l'ovaire en autant de cavités distinctes : il n’y à jamais soudure entre les cloisons ; il n’y a, dans les cas d'union la plus intime, qu'une forte adhérence des surfaces épidermiques ; souvent cette adhérence se réduit à un simple contact, souvent même le contact n’a pas lieu, et les bords arrondis sont libres quoique voisins l’un de l’autre. C'est que, en effet, quand l’organogéniste affirme une soudure, il va au delà de ce que sa méthode d'investigation lui permet de constater avec certitude. Il résulte encore de ce fait que l'anatomie peut, au moins dans l’im- mense majorité des cas, retrouver, tout aussi bien que l’organogénie, la primitive dis- tinction d’organes qui paraissent réunis. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 169 l'extérieur, là enfin sous forme de sillon glanduleux ouvert tout du long en dehors (Allium saxatile), il suffit de les imaginer toutes réalisées en même temps sur le même ovaire, pour obtenir la séparation complète des carpelles, telle qu'on l’ob- serve dans les Colchicacées. b. T'iliacées. — L'étude du Sparmannia africana va nous conduire encore à la même conclusion. Le cerele vasculaire du pédicelle floral s'y divise immédiatement au-dessus de l'émer- gence de l'androcée en six systèmes de trois faisceaux chacun. Dans chacun d'eux, le médian émerge pour entrer dans le dos d’un carpelle, tandis que les latéraux se tournent de manière à présenter leurs trachées à la loge qui commence entre eux et le dorsal ; en mème temps, les six cloisons se séparent au centre, en revêtant le biseau par lequel elles se touchent d’une lame d’épiderme, de sorte que dans tout le pisül lépi- derme intérieur ne constitue qu'une seule lame continue. Sur chaque arèête latérale du biseau se développe une série d'ovules anatropes qui tirent leurs branches vasculaires de chacun des faisceaux marginaux ; considérés dans la même cloison, les deux faisceaux se tournent le dos; chacun d’eux se met d’ailleurs en fréquente communication horizontale avec la nervure dorsale correspondante ; il en résulte dans chaque cloison deux plans indépendants de ramifications vasculaires, réunis par une lame homogène de parenchyme. Malgré la continuité du tissu, la cloison possède donc une structure évidemment double. Îci, comme dans les Liliacées, l’axe floral s'épuise done com- plétement à la base de l'ovaire en produisant six systèmes vas- culaires indépendants qui n'ont entre eux que des liens de parenchyme, et qui constituent six feuilles repliées portant les ovules sur leurs bords. La liaison cellulaire est telle, que les bords de chaque carpelle sont anatomiquement distincts de la base au sommet, et que les parois latérales des carpelles voisins sont au contraire confondues en une cloison homogène, sans que jamais 1l se fasse de dédoublements locaux comme dans les Liliacées. Le système vasculaire seul peut done ici fournir la 170 VAN TERGUMEN. preuve directe et incontestable de la structure binaire des cloisons. B. La séparation marginale n’est complète que dans la partie supérieure de lovaire. — Dans les exemples que je viens de citer et que j'aurais pu multiplier, l’épiderme intérieur des loges forme une membrane continue dans toute l'étendue du pistil, de la base au sommet, en revêlant les faces biselées des cloisons en contact : c'est la preuve anatomique de l’unilocularité pri- nutive de l'ovaire dans toute son étendue. Mais ailleurs les choses se compliquent quelque peu, parce que la fusion originelle du parenchyme que nous avons déjà rencontrée dans les faces la- iérales des carpelles voisins, mcomplète chez beaucoup de Lilia- cées, complète en général, peut envahir aussi et à des degrés divers les bords réfléchis de chaque carpelle constituant : ici c'est seulement dans la portion inférieure, là c’est dans la moitié de la hauteur de lorgane, ailleurs encore c’est dans la plus grande partie de sa longueur ; de sorte que les bords ne sont complétement libres jusqu’au centre que dans la partie supé- rieure de lorgane complémentaire de la première, et qui dimi- nue à mesure que l'autre augmente. Dans tous les cas, l’anato- nue, en apportant ainsi la preuve directe de la plurilocularité originelle de l'ovaire dans cette partie inférieure plus ou moins développée, et de son unilocularité dans la partie supérieure, vient confirmer, par une voie toute différente, les observations organogéniques. Il y à même des plantes où la fusion cellulaire des parties infléchies des carpelles est complète depuis la base de l'ovaire jusqu'au stigmate, et qui offrent ainsi le plus haut degré possible d'homogénéité dans la gaîne parenchymateuse. Mais quelles que soient ces différences, elles n’atteignent que le pa- renchyme , elles ne portent que sur la gaïîne ; le système vascu- laire en est toujours indépendant; il conserve partout la même structure essentielle, et par conséquent le pistil, dont l’organisa- tion générale, d’après nos définitions, ne dépend que de lui, possède partout la même nature morphologique. Mais nous devons, pour fixer les idées, marquer par quelques RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 174 exemples (1) les principaux degrés de cette fusion marginale, et démontrer qu'au milieu de ces variations le système vasculaire conserve toujours son organisation appendiculaire fondamen- tale, tout en revêtant La aussi quelques ROMA EAIONS SeCOn- daïres. Parmi les nombreuses familles que j'ai étudiées à cet égard, je citerai les Buxacées où la séparation des bords tarde quelque temps, mais s'établit néanmoins au-dessous de l'insertion des ovules ; les Monotropées et les Éricacées. où les bords ne de- viennent libres qu'après avoir produit de nombreux ovules, et continuent à en porter après leur séparation ; les Géraniacées et les Balsaminées, où la scission centrale ne s'opère qu’au- dessus de l'insertion des derniers ovules; les Aurantiacées enfin, où la continuité du parenchyme est 1 RRpIOE dans toute la OHAUSUr du pistil. a. Rare À la base de l'ovaire du Pachysandra procum- bens, on trouve neuf faisceaux rangés en cercle; trois d’entre eux entrent ensuite dans le dos des trois carpelles, et les six’ autres demeurent rangés en cercle au centre, mais en tournant leurs trachées vers chacune des six loges forméés par les fausses cloisons qui réunissent les nervures médianes des carpelles au parenchyme central. Plus haut, vers la moitié ou les deux tiers de la hauteur de l'ovaire, le parenchyme commence, daus Pangle interne de chaque loge, à se séparer par un sillon tapissé d'un épiderme, qui rejoint bientôt ses congénères au centre en ren- dant complétement libres les trois vraies et en même temps les trois fausses cloisons ; dès lors, là membrane épidermique est continue dans toute l'étendue du pistil. Un peu plus haut, chacun des faisceaux marginaux entre dans un ovule qui est ainsi une dépendance du bord libre de la feuille carpellaire. Plus (1) J’avertis de suite que les cas particuliers que nous allons examiner brièvement se relient l’un à l’autre par des transitions insensibles, et qu’il se rencontre fréquem- ment des organisations assez diverses à cet égard dans des plantes très-voisines : je citerai les Sparmannia où les cloisons sont distinctes dès la base, et les Tilleuls où elles ne se séparent qu'à mi-hauteur, quoique au-dessous de l'insertion des ovules. 172 VAN TIÈGHEM. haut encore, les trois carpelles se séparent complétement l’un de l’autre, etse prolongent en styles distincts. L'axe s'éteint donc à la base de l'ovaire, mais les six faisceaux marginaux des car- pelles restent assez longtemps rangés en cercle autour d’un parenchyme homogène, et n'étaient leur orientation latérale et leur disposition par paires, on croirait y voir le prolongement de l'axe ; mais ensuite les bords deviennent distincts, quoique rapprochés, et ce n’est qu'après leur séparation que les ovules en naissent. Je ne puis manquer, en anticipant un peu, de rapprocher de l'ovaire des Pachysandra celui des Linées, et en particulier celui du Linum trigynum; même organisation, en effet, des deux parts : trois carpelles réunis, subdivisés chacun en deux loges uniovulées par une fausse cloison ; mais ici la fusion du paren- chyme central dure plus longtemps, car, au niveau où les fais- ceaux marginaux orientés latéralement pénètrent dansles avules, c’est à peine si les deux bords sont séparés par un court sillon, tandis que le centre est occupé par un parenchyme continu ; ce n'est que plus haut, sous la base des styles, que les trois sillons se rejoignent au centre en rendant les cloisons entièrement dis- tinctes. b. Monotropées.— A la base de l'ovaire du Monotropa hypopitys, quatre faisceaux émergent dans le dos des loges et les autres continuent leur course verticale, et se disposent dans le paren- chyme central en douze faisceaux, deux à trachées latérales et externes dans l'angle interne de chaque loge, un d’origine double, à trachées externes en face de chaque cloison. Le pla- centa angulaire saillant est recouvert, dès sa base, par d’innom- brables ovules ; il est divisé par un court sillon en lobes dis- tincts, de sorte que les extrêmes bords du carpelle sont séparés ; ces sillons deviennent plus profonds à mesure qu'on s'élève, et, vers la moitié de la hauteur de l'ovaire, ils se rejoignent au centre pour rendre libres les quatre prismes septaux, dont les bords réfléchis demeurent chargés de nombreux ovules jusqu’au som- met de l'ovaire. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 173 Ici encore l'axe s'éteint à la base du pistil en produisant les faisceaux dorsaux et marginaux des carpelles constituants ; seu- lement, et cette circonstance est des plus fréquentes, celui des deux faisceaux marginaux qui, dans chaque moitié du carpelle, est le plus éloigné du bord, se réunit au congénère du carpelle voisin pour former sur la ligne moyenne de la cloison un fais- ceau septal unique, qui a, et doit avoir en effet, à cause de sou origine, les trachées en dehors ; ce n'est le plus souvent qu'à la base du style qu'il se dédouble en ses deux moïitiés constituantes. Il en résulte que les systèmes vasculaires des carpelles qui for- ment le pistil ne sont pas indépendants dans toute leur hauteur, quoiqu'ils le soient à la base et au sommet, sans que cette union passagère altère leur organisation fondamentale. c. Éricacées.— Les Rhododendron offrent, parmi les Éricacées, la même structure, c’est-à-dire que, dès la base de l'ovaire, les faisceaux qui demeurent verticaux se divisent dans le paren- chyme central en cinq groupes, qui, par leur disposition, par leur orientation et par la communication vasculaire fréquente qu'ils ont avec lui, se rattachent au faisceau dorsal de la loge, comme les nervures marginales d’une feuille repliée à sa ner- vure dorsale. Mais ici c’est Jusque vers le sommet de l'ovaire que l’homogénéité du parenchyme central persiste ; toutefois les bords extrèmes des carpelles, fortement réfléchis dans l’intérieur de la loge et chargés d’ovules sur leur face interne, sont distincts dès la base du pistil, et accollés par leurs lames épidermiques ; mais ces sillons ne pénètrent pas dans le parenchyme central, et ce n'est qu'au sommet qu'ils se rejoignent en “endant libres les bords biselés des cloisons qui continuent encore à porter des ovules. Chez les Géraniacées et les Balsaminées, comme chez les Linées, la séparation des cloisons n’a lieu qu'au-dessus de lin- sertion des ovules. d. Géraniacées. — Au-dessus des étamines, le pédicelle floral du Geranium longipes rassemble ses faisceaux en cinq groupes de 47h VAN TIECUEM. trois chacun (fig. 20), dont un médian (e) et deux latéraux (e", c’) qui se tournent leurs trachées l’un vers l’autre : l'axe disparaît donc pour donner naissance à cinq systèmes distincts, à cinq appendices ; mais au-dessus de ce point une petite complication apparait (fig. 30) ; chacun des faisceaux latéraux (c') se divise en deux ; les deux branches internes se réunissent sur la ligne médiane, en face du faisceau dorsal, en un faisceau unique (d'), à trachées au milieu et en dehors, tandis que les branches externes s'écartent, et vont se réunir à droite et à gauche à la branche correspondante du système voisin pour former cinq faisceaux doubles munis chacun de deux groupes de trachées à droite et à gauche (d), et qui alternent avec les premiers à peu près sur le même cercle ; 1l en résulte qu’au-dessus de la nais- sance des loges, on trouve dans la masse centrale homogène un cercle de dix faisceaux (cinq superposés aux loges et cinq aux cloisons) qu'on prendrait pour un axe, si l’on ne faisait atten- tion au mode de formation des faisceaux et à leur orientation ; cette structure persiste jusqu'à linsertion des ovules au sommet des loges (fig. 31) ; le faisceau superposé (d’) se dédouble alors en ses deux moitiés constituantes (0, d’), et, tandis que le bord s’échanere entre elles, chacune des branches inégales se rend dans un ovule. Les sillons se prolongent ensuite, atteignent le centre où se fait un vide assez large, et la séparation des bords est complète. Quant au faisceau (d) que chaque cloison entraîne (fig. 32), 1l ne se dédouble en ses deux éléments qu’à une cer- taine hauteur dans le style (fig. 33); un sillon se fait ensuite dans le parenchyme entre chaque paire, et les cinq branches du style se séparent. Ainsi l'ovaire des Géraniacées se rattache encore au même type avec des variaiions secondaires qui lui impriment sa phy- sionomie spéciale, Le systèmé vasculaire y affecte sa disposition appendiculaire essentielle; mais, outre cette réunion temporaire de deux faisceaux appartenant à deux carpelles voisins en un fais- ceau septal unique que nous avons déjà observée dans lesexemples précédents, nous y remarquons aussi une fusion des deux ner- vures marginales extrêmes du même carpelle, fusion passagère, RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 479 il est vrai, puisque le faisceau se dédouble ensuite pour donner une branche à chacun des ovules, mais qui, jointe à la grande inégalité de ces deux branches (0, 9), d’où résulte l'avortement constant d’un des deux ovules, nous porte à prévoir que des eas pourront se réaliser où elle sera persistante, et où le faisceau unique n’émettra qu’une série de branches simples superpo- sées : c’est en effet ce qui s'offre à nous chez les Balsaminées. e. Balsaminées.—L'axe floral de l’Zmpatiens Royleana possède au-dessus de l'insertion des étamines un cerele vasculaire, où cinq petits faisceaux alternent avec cinq plus grands; chacun des petits s’incurve ensuite en dehors et se partage en trois (fig. 34), qui tous les trois pénétreront dans la valve externe ; les grands restent en place, mais chacun d'eux se dédouble bientôt (fig. 37), et ies branches de droite et de gauche de deux faisceaux voisins viennent se réunir en tournant sur elies- mêmes (fig. 38, 39, AO), pour constituer en face de chaque groupe externe un faisceau unique qui à ses trachées au milieu et en dehors; l'axe a évidemment disparu au-dessus de ce point. Les cinq faisceaux ainsi constitués se rapprochent au centre, et deviennent presque contigus (fig. 35), en sorte qu'au-dessus de la naissance des cinq loges que séparent des cloisons fort grèles (fig. 36), on trouve le centre occupé non par du parenchyme comme dans l'immense majorité des cas, mais par cinq faisceaux à trachées extérieures, presque con- fondus par leur tissu cribreux, ou seulement séparés par une rangée de larges laticifères qui forment entre eux cinq lames rayonnantes. I y a donc iei fusion complète des deux fais- ceaux marginaux de chaque carpelle, en même temps que rap- prochement au centre de ces cinq faisceaux, doubles; et cette: fusion est permanente au moins jusque sous le sommet, car, à mesure qu'on s'élève, on voit chacun de ces faisceaux émeitre une à une des branches à trachées externes ‘qui se rendent aux ovules en conservant leur simplicité, de sorte que ceux-ci se trouvent insérés sur une seule rangée. Ce n’est que tout à fait à la base du style que chacun de ces faisceaux, considérablement 176 VAN ZIEGHEM, réduits, se dédouble pour envoyer ses branches se réunir à ceux qui constituent les valves, et entrer avec eux dans le style, pen- dant que le parenchyme se sépare entre elles, et que la commu- mcation du canal stylare avec les loges est ainsi assurée. Cette fusion en un seul des deux faisceaux marginaux de chacun des carpelles constituants donne au pistil des Balsaminées une organisation vraiment originale et unique dans le règne vé- gétal; mais nous voyons que cet écart de la structure normale, un des plus grands que nous puissions observer, n’est pas tel qu'il ne soit aisé à l'anatomie de démontrer l'identité fonda- mentale de structure de ce pistil avec celui des Liliacées, par exemple. C. L'homogénéité du parenchyme est complète dans toute la lon- queur du pishil. — Quoique plus régulier au pomt de vue du système vasculaire, c'est un cas plus extrême encore sous -e rap- port du parenchyme et tout aussi curieux, que celui que réali- sent les Aurantiacées. Aurantiacées. — Au-dessus de l'émergence des étamines, l'axe floral du Citrus aurantium compte dix faisceaux rangés en cercle; chacun d’eux se trifurque ensuite, et la branche médiane s’incurve eu dehors pour former la nervure dorsale d’un carpelle, tandis que les latérales continuent leur course verticale en tour- nant sur elles-mêmes, de manière à se présenter l’une à l’autre leurs trachées ; puis une loge apparaît entre le dorsal et les laté- raux. Évidemment, à ce niveau, l'axe florals’est épuisé en donnant naissance à dix systèmes de trois faisceaux chacun, désormais indépendants, à dix appendices carpellaires. À mesure qu'on s’é- lève, les loges grandissent en développant sur leur face dorsale les petites masses utriculaires qui formeront la pulpe du fruit; les vingt faisceaux restent d’abord simples, et tournent deux par deux leurs trachées en dehors vers la cavité; un court sillon sépare entre eux le parenchyme dans l'angle interne de la loge, et règne dans toute sa hauteur, en rendant distincts les ex- trèmes bords de chacun des carpelles, tandis qu'une masse RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 177 puissante de parenchyme homogène remplit la partie cen- trale ; chacun de ces bords, couverts de poils glanduleux, porte une rangée d'ovules, et pour les nourrir, chacun des faisceaux marginaux se dédouble. Cest la branche la plus rapprochée du bord qui, par ses divisions successives, se rend aux ovules, tan- dis que l’autre se réunit à la branche correspondante du car- pelle voisin pour former un faisceau superposé à la cloison, et quia, par son mode même de formation, les trachées en dehors ; de fréquentes communications vasculaires relient ce faisceau aux deux nervures dorsales correspondantes. Vers le sommet de la loge, au-dessus des derniers ovales, les sillons de - viennent un peu plus profonds, et sont revêtus d’un épiderme glanduleux ; puis les bords des deux lèvres se rejoignent, se soudent, et séparent le fond du sillon de la loge qui bientôt disparait. Immédiatement au-dessus des loges, on trouve encore leurs dix petits faisceaux dorsaux, auxquels sont superposées sur un cercle plus interne dix petites glandes rayonnantes, séparées l’upe de l’autre par autant de faisceaux simples avec trachées en dehors, qui ne tardent pas à se dédoubler en leurs éléments con- stituants ; les marginaux extrèmes se sont épuisés en se rendant aux ovules; le parenchyme qui réunit le tout est complétement homogène. Un peu plus haut, chacun des faisceaux dorsaux se met de chaque côté en communication avec ses marginaux propres, et s’épuise ainsi, Car au-dessus on ne le retrouve plus, il a disparu ; de sorte que le style contient, alternes avec ses dix petits tubes glanduleux aplatis qui sont les canaux conducteurs du pollen pour chaque carpelle constituant, dix paires de petits faisceaux à trachées latérales tournées vers le canal, le tout relié jusqu'au stigmaie par un parenchyme homogène. Ainsi ce sont ies faisceaux marginaux des carpelles qui entrent ici dans la constitution du style et non les faisceaux dorsaux ; et comme 1] n'y à jamais séparation complète de parenchyme entre les bords, la cavité de chaque carpelle est toujours distincte et se prolonge en un tube glanduleux aplati pour s'épanouir in- dividuellement à la surface du stigmate commun ; ce canal vient déboucher inférieurement dans chaque loge entre les deux 5e série, Bot. T. IX. (Cahier n° 3.) 4 12 178 VAN TIEGHEM. lèvres papilleuses qui proviennent de la séparation des extrèmes bords. Cette disposition des faisceaux du style, cette séparation, cette individualisation aussi complète que possible des cavités car- pellaires, donnent au pistil des orangers une physionomie re- marquable et très-originale que nous n'avons encore rencon- trée nulle part. Mais l'homogénéité de la gaine parenchyma- teuse qui atteint 1c1 son plus haut degré ne nous empêche pas de retrouver dans le système vasculaire la constitution générale que nous avons observée partout jusqu'ici, et de conclure en toute certitude que l’organisation générale du pistil se rattache au même type. En résumé, tous les pistils que nous avons étudiés jusqu’à présent et qui appartiennent à un très-grand nombre de familles naturelles, nous offrent la plus complète identité de structure, si nous faisons abstraction du parenchyme et de quelques modifi- cations accessoires dans le système vasculaire. Qu'il y ait, en effet, une loge comme dans les Légumineuses, les Amygdalées, les Berbéridées, ou trois comme dans les Hellé- bores, les Liliacées, les Buxacées, le Linum trigynum, où quatre comme dans les Monotropa et les Erica, ou cinq comme dans les Spiréacées, les Rhododendrées, les Géraniacées, les Balsa- minées, les Aurantiacées, ou six enfin comme dans les £ranthis et les Sparmannia, toujours le système vasculaire conserve la même organisation essentielle : toujours l’axe s’étemt en produi- sant un nombre variable de systèmes appendiculaires indépen- dants doni les faisceaux marginaux nourrissent les ovules. Les différences de forme que présentent ces pistils ne dépen- dent que de la manière diverse et tout origimelle dont le paren- chyme relie entre eux les systèmes vasculaires des appendices : tantôt formant autour de chacun d'eux une gaine distincte, tantôt les enveloppant tous d’une gaine commune, dans l’homo- généilé de laquelle 11 y a, comme je viens de le faire voir dans ce paragraphe, bien des degrés à distinguer. Mais puisque nous tirons nos caractères du système vasculaire RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 179 qui conserve partout la même structure, ces différences ne seront pour nous que secondaires et notre conclusion générale sera la même dans tous les cas. Rappellerai-je ici que ce n’est pas de cette manière que con- elut l’auteur de l'Organogénie comparée de la fleur ? Dirai-je qu'il voit dans l’union congénitale des parties inférieures de l'ovaire une raison suffisante pour leur assigner un caractère aaile, el qu'il est forcé, puisque les parties supérieures originellement distinctes (puis soudées suivant lui, ce qui est une erreur) ne sont que les continuations de ces parties axiles, de leur assigner la même nature et de les regarder comme des rameaux qui rampent sur la paroi ovarienne ? autant de manières de voir qui ne reposent que sur des apparences extérieures et qui sont des contre-sens anatomiques. 2, L’axe se prolonge au-dessus de la base de l'ovaire. Dans tous les exemples précédents, nous avons vu l’axe floral s’épuiser normalement en produisant les carpelles. Ce n’est pas à dire toutefois que je n’aie observé assez souvent des fleurs de Rhododendron indicum et arboreum où l’axe, après avoir émis à la base de l’ovaire les faisceaux dorsaux et marginaux ordinaires, constituait dans le parenchyme central plusieurs faisceaux rangés en cercle autour d’une moelle homogène et normale- ment orientés, et se prolongeait ainsi entre les appendices par un système vasculaire évidemment axile ; dans ce cas-là, les coupes longitudinales passant par l’axe montrent qu'au niveau où les bords des carpelles deviennent libres, la masse centrale se pro- longe entre les cloisons séparées, se recouvre de plusieurs petites feuilles et forme ainsi un bourgeon terminal très-net où se ren- dent les terminaisons supérieures des faisceaux du système cen- tral. Ce prolongement accidentel de l'axe, qui n’altère pas la constitution de l'ovaire, ne paraît êlre chez les Éricacées que le produit d’un développement exagéré acquis sous l'influence de la culture, mais on le rencontre normalement chez certaines Caryophyllées. 180 VAN TIEGHEM. a. Caryophyllées. — Le système vasculaire de la fleur femelle du £ychnis divica présente, au-dessus de l'insertion des étamines, la forme d’un cylindre à cinq cannelures : du sommet de chaque saillle se sépare bientôt un faisceau qui se trifurque pour en- trer dans le dos des loges, tandis que les côtés de chaque can- nelure forment deux faisceaux libres d’abord avec trachées laté- rales en regard, mais qui viennent ensuite se réunir ensemble sur la ligne médiane en face du faisceau dorsal en un seul faisceau à trachées médianes, et de forme allongée et rayon nante. En même temps, les angles rentrants du système devenus libres reconstituent dans le parenchyme central un cercle de dix faisceaux environ, régulièrement orientés et auquel nous devons par conséquent reconnaitre le caractère d’un axe. L'axe floral ne s’épuise done pas ici ; mais, après avoir formé les cinq systèmes carpellaires, 1l se continue entre eux. Les loges appa- raissent entre chacun des groupes externes et le faisceau radial superposé ; les cloisons de séparation fort minces se résorbent à un âge peu avancé, ce qui tient à ce que les faisceaux dorsaux n'ont pas de communications vasculaires à travers la cloison avec les marginaux réunis; la même chose a lieu dans l'ovaire des Balsaminées avec lequel celui-ci n’est pas sans ressemblance, mais là les cloisons minces et cellulaires sont persistantes. Dès la base de l'ovaire, chacun des faisceaux radiaux se divise en branches qui s’incurvent en dehors et entrent, après être revenues chacune à sa dualité primitive, dans les ovules qui sont ainsi rangés sur deux séries parallèles dans chaque carpelle. Lei done comme dans tous les cas précédemment étudiés, les ovules sont produits par les faisceaux marginaux rapprochés des feuilles carpellaires, lesquels sont émergés en même temps que les dor- saux dès la base de l’ovaire ; ils sont encore les productions des bords des feuilles carpellaires, bien que l'axe continue de s'élever entre ces bords et que le parenchyme enveloppe d’une gaine commune et le prolongement de l'axe et les faisceaux margi- naux, À mesure qu'on s'élève, d’ailleurs, on reconnait que les faisceaux de ce système interne se réduisent de plus en plus et se perdent, tandis que le centre reste occupé par un paren- RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 181 chyme homogène ; en même temps les cinq faisceaux rayon- nants se séparent de plus en plus en leurs deux moitiés initiales et forment dix faisceaux allongés dont les divisions se rendent aux dix rangées d’ovules. Dans la partie supérieure enfin, un sillon se fait entre ces deux faisceaux et rejoignant au centre ses congénères, il divise le parenchyme central en cinq prismes triangulaires qui continuent à porter des ovules sur leurs bords, jusqu'à épuisement des faisceaux qu'ils possèdent et dont aucun ne paraît rejoindre ceux des valves pour entrer dans les styles ; il y a done absence complète de liens vasculaires entre les fais- ceaux marginaux des feuilles et les dorsaux. Le pistil des Lychnis diffère donc de ceux que nous avons étudiés jusqu'ici par la présence, dans le parenchyme cen- tral qui réunit les bords des carpelles, d'un système vascu- laire axile; mais celui-ci ne contribue en rien à la formation directe des ovules, qui naissent comme toujours de la division des faisceaux marginaux des feuilles carpellaires et qui en recouvrent les bords à la fois dans la partie inférieure où ils sont confondus et dans la partie supérieure où ils sont libres. Le prolongement de l'axe n'est done qu'une modification secondaire qui n’altère en rien l’organisation générale du pistil et ne l’empèche pas de se rattacher, avec tous les précédents, au même {ype commun. On voit ainsi combien est grande l'erreur de lorganogéniste, qui ne voit dans cette colonne centrale complexe qu’un axe simple qui produirait les ovules à sa surface. Ailleurs, l’axe prolongé intervient encore, muis d’une ma- nière différente, dans l’organisation du pistil, sans que le type général en soit altéré. Les faisceaux marginaux des carpelles se montrent, en effet, dans: tous les cas précédents, appendiculaires. en méme temps que les dorsauæ, c'est-à-dire dès la base des loges; tantôt leur émergence est indiquée à la fois par la séparation du paren- chyme central et par l'orientation latérale des faisceaux, tantôt ce n’est que par l’arrangement et l'orientation de ces derniers qu'elle s'accuse, le parenchyme restant plus ou moins long- 182 VAN TIEGHEN. temps continu; toujours la feuille carpellaire y reçoit de l'axe tous ses faisceaux à la fois. Mais il peut arriver aussi, et la chose se conçoit aisément, que les faisceaux qui alternent avec les dorsaux émergés continuent leur course verticale pendant longtemps au-dessus de la base des loges, en restant rangés en cerele autour d’une moelle homogène et en conservant leur orientation normale, et que ce soit seulement vers le sommet de l’ovaire que chacun d'eux se dédouble et que chaque moitié s'oriente latéralement en se divisant, pour fournir d’un côté aux ovules leurs branches vasculaires, de l'autre aux carpelles des branches supplémentaires, sans toutefois se continuer au-dessus de ce point. En même temps que s'opère cette division des faisceaux, le parenchyme central se partagera et les bords des carpelles seront complétement libres et revêtus d’un épiderme propre. C’est ainsi que les choses se passent, par exemple, dans les Euphorbiacées. D'après nos définitions, nous devrons appeler axe l'ensemble des faisceaux rangés en cercle, depuis la base de l'ovaire jusque sous l'insertion des ovules. Mais cet axe a un tout autre sens que celui des Caryophyllées : les faisceaux qui le constituent, il les doit tous aux carpelles qu’il a commencé à former plus bas; ce n’est qu'un axe provisoire, apparent, résul- tant d’une différence de hauteur dans l'insertion de la nervure dorsale du carpelle et de ses nervures marginales, différence analogue à celle qui se présente fréquemment dans l'appareil végétaif, comme Je l'ai rappelé dans l'introduction. b. Euphorbiacées.— Ainsi, chez le Ricin, des six faisceaux qui constituent l'axe sous l'ovaire, les trois plus petits émergent à sa base dans le dos des loges, et les trois gros continuent leur course verticale en constituant la colonne centrale de l'ovaire; parvenu vers le sommet, chacun d'eux se dédouble; les deux moitiés conti- guës à une même loge, après s'être envoyé l’une vers l’autre deux branches qui se réunissent et constituent sur la face ventrale de la loge un faisceau puissant destiné à l'ovule unique, s incurvent en dehors et, traversant la cloison, vont s’adjoindre à la nervure dorsale pour pénétrer dans le style. À partir de ce moment, il est bien évident que l’axe s’est complétement épuisé en ache- RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 185 vant la formation des trois appendices carpellaires qu'il avait commencé à produire plus bas. Un peu plus haut, le faisceau ventral s'ineurve en dehors et pénètre dans l’ovule, après qu'au centre du parenchyme ont apparu six sillons munis d'épiderme, dont trois, rayonnant vers les loges, en atteignent la cavité immédiatement au-dessus de l'émergence du faisceau ovulaire et rendent libres les bords de chaque carpelle, tandis que les trois autres divisent les cloisons et rendent les carpelles complé- tement distincts au-dessus de ce point sous forme de trois styles libres. Outre cette différence dans la hauteur d'émergence des fais- ceaux dorsaux et marginaux, d'où résulte une prolongation de l'axe plus apparente que réelle, nous rencontrons donc encore chez les Euphorbiacées cette réunion intime des deux faisceaux marginaux en un faisceau unique que nous avons déjà obser- vée chez les Balsaminées, produisant ici un seul ovule, là une seule rangée d'ovules. Les Géraniacées opèrent, sous ce rap- port, le passage des Buxacées où les faisceaux, toujours dis- tincts, se rendent à deux ovules, aux Euphorbiacées (1). Ce prolongement passager de l'axe, que nous venons de si- gnaler chez les Euphorbiacées, se rencontre fort souvent ailleurs à des degrés moindres, mais fort divers, qui établissent autant de transitions entre ce cas extrème et celui où l'émergence des faisceaux marginaux a lieu dès la base du pistil, en même temps que celle des nervures dorsales. Ainsi, chez les Staphy- lea, par exemple, après l’insertion des trois faisceaux dorsaux, les trois alternes continuent leur course verticale en présen- tant tous les caractères d’un axe; ce n'est que vers le tiers environ de la hauteur de l'ovaire qu'ils se dédoublent, s’orien- tent latéralement et se rendent aux ovules, en même temps que le parenchyme central se sépare par trois sillons convergents qui rendent les cloisons complétement libres ; dès lors l'axe à disparu en complétant le système vasculaire des feuilles carpel- (4) Cette structure différente de l'ovaire, en rapport avec le nombre d'ovules qu’il produit, vient appuyer fortement la séparation récemment établie entre les Buxacées et les Euphorbiacées. 164 VAN TIEGHEM. laires, lesquelles portent ensuite les ovales sur leurs bords libres. Cette sorte d'organisation est donc assez fréquente; mais, partout où on la rencontre, elle ne constitue qu’une modifica- lion secondaire du type des Liliacées, par exemple : toujours la structure fondamentale du pistil vient se ranger sous le même type anatomique que celle de tous les pistils que nous avons étudiés jusqu'ici (4). Conclusion du paragraphe. — Nous pouvons donc conclure en toute certitude de tout ce qui précède que : Tous les pistils composés pluriloculaires, supères, à placentation angulaire (dite axile), revélent la méme organisation générale; tous sont for- més, comme les pishls simples supères ou infères, d'un certain nombre de feuilles curpellaires repliées, unies par leurs faces laté- rales, et portant les ovules sur leurs bords. IV. — PISTIL COMPOSÉ A PLACENTATION ANGULAIRE ET INFÈRE. Je vais m'attacher à montrer que les ovaires infères de ce type rentrent exactement dans le même mode de formation que les supères, et que les différences qu'ils présentent avec ces derniers lennent beaucoup plus aux appendices extérieurs qu'au pistil lui-même. (1) Lescas nombreux où dans la partie inférieure du pistil, les bords des carpelles, ou les cloisons, ne sont pas libres, cas où celle partie nait pluriloculaire, et où l'organoyé- niste la décrit uniformément comme provenant du creusement du pédoncule, et par con- séquent comme arile, lous ces cas, dis-je, viennent donc se ranger anatomiquement sous trois types secondaires distinets : 4° celui où l'orientation des faisceaux est appen- diculaire dès la base du pistil, sans qu’un système quelconque d’autres faisceaux occupe le parenchyme homogène (Buxacées, Géraniacées, Linées, Balsaminées, elc., etc.) ; 2° celui où l'orientation des faisceaux marginaux estencore appendiculaire dès la base, mais avec continuation d’un système vasculaire axile qui ne prend aucune part à la formation directe des ovules (Caryophyllées, quelquefois Ericacées); 3° celui où l'insertion des marginaux se fait plus haut que celle du faisceau dorsal, les ovules naissant loujours des marginaux après leur émergence (Euphorbiacées, Staphyléa- cées, elc., etc.)- RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 185 Je citerai d’abord les Amaryllidées et jy décrirai la structure de l'Alstræmeria versicolor. a. Amaryllidées. — Le pédicelle floral de l'Æ{stræmeria versi- color possède six faisceaux rangés en cercle (fig. 41), et si on les suit de proche en proche jusqu'au sommet de l'ovaire, on voit que, sous le pistil, trois d'entre eux s’mcurvent en dehors (ceux qui correspondent en haut aux divisions externes du périanthe) pour entrer dans le parenchyme externe (a), suivis bientôt des trois autres (b). Ces derniers, avant de s’incurver, ont donné (fig. 42) chacun deux branches latérales (e) qui se dédoublent ensuite et, réunissant leurs branches voisines, constituent en face de chaque faisceau «a un faisceau (c), en face de chaque faisceau b un nouveau (d) (fig. Ah); il y a alors deux cercles superposés de six faisceaux chacun; chaque faisceau (e) fournit ensuite par bipartition radiale (fig. 45) une branche interne (/), de laquelle partent des branches minces (e) aui se dirigent dans le parenchyme central en tournant leurs trachées en dehors, tandis que les loges se forment (fig. A6) entre elles et le faisceau dorsal (f); elles se rattachent à (f) comme les ner- vures latérales d’une feuille repliée à sa nervure médiane. En même temps apparaît dans le parenchyme externe en dehors du cercle des faisceaux (f), en dedans des faisceaux c et d, une bande de cellules jaunes (4) qui sépare nettement la zone exté- rieure de la paroi ovarienne; enfin, au même niveau, le paren- chyme central (fig. A7) se partage en trois portions triangu- laires (o), par la formation d’un double épiderme qui continue la membrane imterne des loges en rendant libres les cloisons, et par conséquent aussi les bords de chaque carpelle constituant, preuve anatomique de l’unilocularité primitive de l'ovaire dans toute son étendue. Les petits faisceaux (m) se rangent, trachées vers la loge, dans chacun de ces bords libres, quoique contigus, et pénètrent successivement dans les ovules de la série corres- pondante, tout en se mettant, d'autre part, en relation à travers la cloison avec le faisceau dorsal ; ici, la cloison est formée d'une lame parenchymateuse homogène dans toute l'étendue de 186 VAN FIRGHEM. l'ovaire (1), elle n’en a pas moins une structure double, comme le prouve la disposition du système vasculaire; mais dans d'autres plantes de cette famille (Warcissus, Clivia, etc.) on observe de ces dédoublements locaux, revètus d’un épiderme glanduleux, de ces glandes septales, qui apportent ici, comme chez les Lillacées, une preuve de plus de cette structure binaire. Il résulte clairement de ce mode de pénétration des faisceaux du pédicelle dans l'ovaire, et de leur mode de division, qu'avant même la naissance des loges, l'axe floral à compléte- ment disparu pour produire tous les faisceaux des organes appen- diculaires qui constituent la fleur : trois faisceaux a pour les sépales, trois b pour les pétales, trois ec pour les étamines super- posées aux sépales, trois d pour celles qui sont superposées aux pétales, trois / pour les carpelles superposés aux sépales. Tous les appendices que nous voyons se séparer au sommet de l'ovaire (fig. 49), sont done réellement distincts dès la base du pistil et représentés par leurs systèmes vasculaires indépendants (fig.{50). Et, comme pour rendre la séparation encore plus tranchée, une bande de cellules jaunes spéciales (#) se forme entre le paren- chyme qui enveloppe les faisceaux des carpelles et celui qui entoure d'une gaîne commune les faisceaux du périanthe et de l’androcée. La chose est donc aussi nette que possible, et nous devons dire que le pistil de l’Alstræmeria versicolor est consti- tué, sans continuation aucune de l'axe, par trois feuilles carpel- laires repliées à bords distincts dans toute leur longueur, asso- ciées par leurs faces latérales, et invaginées dans le tube formé par les douze appendices externes représentés chacun par son système vasculaire propre. Le pistil des Aistræmeria ne diffère donc du pistil des Fya- cinthus, que parce que l’ensemble des douze parties externes au (1) Cependant, dans la partie supérieure de l'ovaire et dans la base conique dustyle, les cloisons se divisent par un sillon glanduleux ouvert au centre (fig. 48, gs) qui cor- respond évidemment aux glandes septales des Narcisses, etc.; bien qu'il ne se prolonge pas beaucoup dans la cloison de l'ovaire, on ne peut done pas dire, avec M. Brongniart, que le dédoublement glanduleux manque absolument dans les {/stræmeria. RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 187 lieu de se séparer tout de suite de l'ensemble des trois feuilles carpellaires, demeure quelque temps réuni à lui par du paren- chyme, en d’autres termes, parce que l'insertion apparente des douze appendices externes, par rapport à l'ovaire, se trouve rejetée beaucoup au-dessus de leur insertion vraie. Les choses se passent dans le Galanthus nivalis (pl. 41), à quelques différences près, de la même manière. Les faisceaux dorsaux et latéraux des carpelles (Gg. 53 et 54, e, d, d') y sont encore distincts dès la base et y forment, sans prolongement aucun de l'axe, trois systèmes individuels, dans chacun des- quels les bords sont séparés dans toute la hauteur (0), bien que contigus (fig. 55); à chacun des faisceaux dorsaux est superposé un faisceau simple extérieur (a) ; à chaque cloison correspond aussi en dehors un faisceau unique (b), et cette structure persiste jusque vers le sommet de l'organe; là, vers le point où les bords placentaires cessent de porter les ovules (fig. 56), le faisceau superposé au carpelle se dédouble radialement, la branche externe (a) ira au sépale, l’interne (g) à l’étamine superposée ; en même temps les trois autres se divisent de même, pour envoyer la branche externe (b) au pétale, l’autre (f) à l’étamine superposée; les faisceaux des étamines ne s’insèrent donc pas directement sur l’axe floral, mais bien sur les faisceaux des divi- sions du périanthe; au sommet de l'organe, enfin, les faisceaux dorsaux (e) s'incurvent horizontalement en dedans pour péné- trer dans le style (fig. 57), qui s’isole des parties externes, les- quelles deviennent libres à leur tour, les étamines d’abord, les divisions du périanthe ensuite. lei donc les trois feuilles carpellaires du pistil sont encore, comme dans l’Alstræmeria, vasculairement distinctes dès la base de l'organe et seulement réunies par du parenchyme à l'en- semble des parties externes. Mais ces parties externes ne sont pas elles-mêmes vasculairement séparées dès la base; confon- dues deux à deux, et représentées seulement par six faisceaux libres, au lieu de douze qu'elles exigent, elles ne deviennent distinctes que vers le sommet de l’ovaire par la division radiale des faisceaux primitifs. 188 VAN 'AIEGHEM. La différence anatomique entre la fleur du Galanthus nivalrs et celle de l'Alstræmeria versicolor réside donc, non pas dans le pistil, mais dans le mode de formation et dans le degré de séparation des systèmes vasculaires des appendices externes, qui sout réunis avec ceux des carpelles dans la même gaine com- mune de parenchyme. Et nous retrouvons ici ce fait, dont l'étude des rapports de l’andrecée avec la corolle dans les Primulacées, les Plumbaginées et les Malvacées nous a, dès le début de ce travail, révélé l'existence, et dont l'explication organique de la coupe dite réceptaculaire des Spiréacées nous a fait pressentir l'mportance pour la solution de la question actuelle, je veux dire l’insertion anatomique d’une division du périanthe et de l’étamine superposée l’une sur l’autre, et leur insertion commune par ün faisceau unique sur l'axe floral. Nous rencontrerons bien souvent ces insertions indirectes dans l'histoire des ovaires infères; quelquefois même elles se pré- senteront à nous avec une complication plus grande dont je vais, pour atteindre tout de suite les cas les plus difficiles, citer un exemple, en le tirant de la famille même des Ama- rylidées. Le pédicelle floral du Narcissus poeticus, examiné au-dessus de la bractée, possède six faisceaux principaux, rangés en cercle autour d’une moelle homogène, accompagnés d'un certain nombre de petits faisceaux extérieurs assez régulière- ment alternes avec eux; ces faisceaux externes ne font que suivre les autres et nous pouvons ne tenir compte que des premiers. De ceux-ci, les trois qui correspondent en haut aux divisions externes du périanthe se trifurquent et les branches de droite et de gauche se présentent leurs trachées en se dirigeant vers l’intérieur, tandis que la branche du milieu s’m- fléchit en dehors et pénètre avec les trois faisceaux restés simples dans le parenchyme externe; les latéraux (4/) se divisent ensuite en deux branches à trachées latérales et extérieures qui se relient fréquemment au dorsal (a), puis les loges se creusent entre a et a’ (fig. 58); puis le parenchyme central se sépare (fig. 59) par la formation d’un épiderme continu avec celui des RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 189 loges qui rend libres les bords biselés des cloisons (0). L’axe ne se prolonge done pas, mais 1l s’épuise en produisant, d’une part, trois carpelles qui portent les ovules sur leurs bords accolés mais libres dans toute la longueur, et qui possèdent chacun un faisceau dorsal (a), des faisceaux latéraux (a/) et des marginaux (a"), et, d'autre part, trois faisceaux appendiculaires alternes (b). L'ovaire conserve cette structure dans toute sa hauteur, et sa paroi externe ne contient que six faisceaux simples, trois dorsaux et irois septaux; ce n’est que vers son sommet (fig. 60), au-dessus du point où les bords placentaires cessent de porter des ovules, que chaque faisceau dorsal se dé- double et que la branche interne (c) s’incurve en dedans pour passer dans le style; à partir de ce moment, le système vascu- laire des carpelles est entièrement distinct de celui de l'en- semble des parties externes; le parenchyme se sépare ensuite entre'le style qui devient libre et le tube extérieur qui contient six faisceaux simples (fig. 61). Ce n'est que vers le milieu de ce tube (fig. 62) que les trois faisceaux (b) alternes avec les carpelles se dédoublent radiaiement, pour envoyer plus haut leur branche interne (e) à l’étamine superposée au pétale: vers le point où celle-ci devient libre, par conséquent beaucoup au-dessus du niveau de dédoublement des trois premiers, les faisceaux superposés aux carpelles (a) se divisent à leur tour (fig. 63) et envoient leurs branches internes (e/) aux trois éta- mines superposées aux sépales, qui se détachent du tube près de sa gorge et out leurs anthères presque sessiles. Enfin, après la mise en liberté des étamines, les divisions du périanthe se séparent à leur tour. Aïnsi donc, la seule différence que présentent la fleur des Narcisses et celle du Perce-Neige, c'est que, dans cette der- nière, le faisceau vasculaire qui doit produire à la fois le sépale et l’'étamine superposée se trouve distinct de la nervure dorsale de la feuille carpellaire dès la base de la fleur, tandis que dans les Narcisses ce faisceau demeure confondu avec le dorsal du carpelle et ne devient libre que vers la base du style. Les six faisceaux simples se comportent ensuite comme chez le Galan- 190 VAN TIEGHEM. thus : chacun d’eux se dédouble pour former les six feuilles du périanthe et les six étamines superposées. À la lumière des notions anatomiques que nous avons éta- blies dès le début, ces différences s'expliquent aisément. Chez l'A lstræmeria versicolor, tous les appendices floraux sont sim— ples, tous prennent sur l'axe leur insertion anatomique directe et indépendante; ils ont seulement leurs systèmes vasculaires réunis par une gaine commune de parenchyme jusque vers le sommet de l'ovaire, ce qui n'empêche pas les bords de chaque carpelle constituant d'être parfaitement distincts dans toute la hauteur; chez le Galanthus nivalis, il en est encore ainsi pour les carpelles, mais le périanthe et l’androcée ne s’insérent sur l'axe que par un seul verticille de faisceaux simples qui se dédoublent plus haut, absolument comme dans la corolle des Primulacées ; enfin, chez les Narcisses, toutes les parties de la fleur s'insèrent sur l'axe par six faisceaux, dont trois donne- ront par une double bipartition radiale le dorsal des carpelles, l’étamine et le sépale, et les trois autres formeront, comme chez le Galanthus, le pétale et l’étamine superposée. La constitution de la fleur, dans sa partie inférieure à la- quelle on donne le nom impropre d’ovaire infère, pourra, dans chacun de ces trois cas se représenter par les expressions : Alstræmeria versicolor, etc. : [SS+SP+3E+8E, + 8C, | ; Galanthus nivalis, etc. : [3 (S+4E) + 8 (PE) +80; Narcissus, etc. : [38 +E40) +3 (PHE,) +80 |; les crochets indiquant la réunion cellulaire de tout ce qu'ils renferment, et les parenthèses intérieures signifiant l’union vas- culaire en un faisceau unique des organes qu'elles entourent. Remarquons encore que ces différences anatomiques dans l'insertion vasculaire des organes floraux, soit directement sur RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PISTIL. 191 l'axe, soit les uns sur les autres, ne sont pas d'ordre élevé, puisque nous en retrouvons les trois types extrèmes réunis par de nombreuses transitions dont Je ne puis faire ici que constater l'existence, au sein de la même famille naturelle. Nous de- vons nous attendre ainsi à les rencontrer ailleurs dans des groupes voisins et même à l’intérieur de la même famille. Ce ne sont donc que des modifications secondaires, et le point essen— tiel est que nous puissions toujours, au milieu de ces variations sans nombre, retrouver avec certitude, comme nous l'avons fait jusqu'ici, le type normal de structure du pistil, qu’elles auraient dissimulé à nos regards, et qui nous aurait échappé, si nous n'avions eu à tout instant pour guide et pour appui les notions précises que je me suis appliqué à établir dans notre intro- duction. Je rendrai peut-être plus clair encore le peu d'importance réelle de ces différences d'insertion des faisceaux vasculaires d'un même système organique les uns sur les autres ou sur le centre commun du système, si je rappelle ici comment les choses se passent dans l'appareil circulatoire des animaux ver- tébrés, et en particulier la manière dont le système artériel des mammifères prend naissance, s’insère, sur le cœur qui est le centre commun de l'appareil de {a circulation. Chez le Mouton, sur la erosse de l'aorte s’insère un tronc commun, l'aorte cervicale, qui se divise plus haut en donnant successivement à des hauteurs différentes la sous-clavière gauche, la sous-clavière droite et les deux carotides. Mais la portion inférieure simple de l'aorte cervicale diminue chez le Cheval, se réduit davantage chez le Dromadaire, et devient nulle chez la Girafe où la sous-clavière gauche s’insère directement sur l'arc aortique, à côté du tronc commun qui se ramifie en- suite en donnant la sous-clavière droite et les deux carotides ; la disposition est la même chez le Chien, le Chat et beaucoup d’autres Mammifères ; chez l'Homme enfin, la portion basilaire de ce tronc commun devient nulle à son tour, et la sous-clavière gauche ainsi que la carotide gauche s'insèrent directement sur la crosse aortique à côté d'un tronc commun qui se bifurque 192 VAN "HIEGHEM. ensuite pour donner la sous-elavière droite et la carotide du même côté. On peut même aller idéalement plus loin et suppo- ser que ce dernier tronc commun se réduise à son tour et que la crosse aortique donne directement naissance, en des poinis voisins mais indépendants, à quatre vaisseaux distincts, les deux sous-clavières et les deux carotides, circonstance qui s’est d’ail- leurs rencontrée chez l'Homme dans quelques cas de vice de con- formation du système vasculaire. Eh bien! 1l en est de même chez les Amaryllidées, où l'Alstræmeria rappelle la disposition du système artériel de l'Homme, le Galanthus celle de la Girafe, du Chien, etc., et le Narcisse celle du Mouton. Chez les Amarvl- idées comme chez les Mammiferes, toutes ces modifications ne sont que secondaires ; elles se laissent ramener à un type unique si l'on imagine que par un mouvement de centralisation, la portion basilaire du système vasculaire rentre à divers degrés et se confond dans l'axe floral ou dansle tronc aortique dont elle est une dépendance, et que ce phénomène se produise encore sur les portions basilaires des branches ramifiées, de manière à amener enfin toutes ces branches à déboucher d'une manière indépendante à côté l’une de l'autre dans l'axe floral ou dans le tronc aortique (1). Et de même que ces variations se produisent parmi les Mammifères dans des genres assez voisins, elles se ma- nifesteut dans les plantes au sein de la même famille natu- relle. I me suffirait, à la rigueur, de l'exemple des Amaryilidées, car il nous fournit la clef de l'explication anatomique de tous les ovaires infères, et les variations que nous y avons rencon- trées, nous les retrouverous partout d’une famille à l'autre, et souvent à l'intérieur d’un même groupe ; mais elles y sont accompagnées quelquefois de modifications secondaires d’une autre sorte, tout à fait analogues d’ailleurs à celles que nous avons observées dans les pistils pluriloculaires supères. Aussi, pour ne pas m'en tenir à un seul exemple, et surtout en raison (4) Voyez Milne Edwards, Lecons de physiologie et d'anatomie comparée, L UT, p. 5241, 5 RECHERCHES SUR LA STRUCTURE DU PisTIL. 193 de cette derniere circonstance, ferai-je un examen rapide de quelques autres familles. b. Pomacées. — Étudiée dans le Pyrus malifolia et dans le Cydonia vulgaris, la famiile des Pomacées nous offre, avec une fusion moins intime dans le parenchyme, le cas moyen réalisé par le Galanthus nivalis, c'est-à-dire que sous la fleur les dix faisceaux principaux qui constituent le pédicelle floral s'incur- vent en dehors en deux verticilles a, b rapprochés; les pre- iniers (a), correspondant en haut aux sépales, en même temps qu'ils se dédoublent radialement, émettent, en s’infléchissant, une ou deux branches à droite et à gauche, qui se dirigent en dedans et se relèvent en tournant leurs trachées latéralement d'abord, puis en dehors; le faisceau dorsal et les marginaux des cinq carpelles sont ainsi distinets des parties externes au- dessous de la naissance des loges qui apparaissent entre eux un peu plus haut. En même temps, cinq sillons convergents divisent le parenchyme central et rendent libres, dès la base, les bords contigus de chaque earpelle constituant. Mais ceux-ci ne s’avancent pas jusqu'au centre où ils laissent entre eux un large espace vide qui règne tout du long en isolant les carpelles. Ceux-ci, libres sur leur face ventrale, ne sont donc associés que par leurs côtés, et tous ensemble 1ls tiennent par leur face dorsale au tube formé par les appendices externes ; c’est un iso- lement plus grand que chez les Amaryllidées. Bien plus, chez les Cydonia, un sillon se fait à partir du centre dans chaque cloison libre, et, s'avançant rapidement vers l'extérieur, il atteint bientôt le cercle des faisceaux dorsaux, séparant ainsi complé- tement les uns des autres, dans la plus grande partie de leur longueur, les carpelles voisins, qui ne paraissent réunis que parce que chacun d'eux est attaché par sa partie dorsale à la paroi interne de la coupe qui les enveloppe. Ce sillon, dont les cel- lules épidermiques s’allongenten poils, devient bientôt beaucoup plus large que la cavité du pistil qui va en se rétrécissant. Cette liberté des carpelles les uns par rapport aux autres est même complète dès la base dans les Cotoneaster. L'adhérence paren- ot série. Bor, T. IX. (Cahier n° 4.) 1 13 194 VAN TIEGHEN. chymateuse de la partie dorsale des carpelles à la coupe exté- rieure, dont 1ls sont vasculairement indépendants (1), cesse toujours bien avant le sommet de cette coupe, de sorte que les carpelles sont entièrement libres, non-seulement par leurs styles, mais par la partie supérieure de l'ovaire lui-même. Quant aux dix faisceaux de la partie externe, comment se comportent-ils? His restent simples jusque vers le milieu de la hauteur des loges; là, chacun de ceux qui sont superposés aux cloisons dédoublées se trifurque tangentiellement, et les deux branches latérales viennent s’intercaler aux faisceaux primitifs sur une circouférence un peu plus inlérieure; puis, vers le point où les carpelles deviennent entièrement libres, chacun des faisceaux qui leur sont superposés se dédouble radialement; plus haut, les branches médianes des faisceaux trifurqués subissent à leur tour cette bipartition radiale; enfin, au sommet de la coupe, les faisceaux extérieurs vont aux sé— pales, les cinq alternes aux pétales, les vingt autres aux éta- mines qui naissent daus leur ordre d'insertion : c’est-à-dire d'abord les dix qui sont superposées par paires aux pétales, toutes à la fois; puis les cinq superposées aux sépales ; enfin les cinq superposées aux pétales. C'est dire que les faisceaux se comportent exactement come ceux de la coupe des Spiréa- cées ou des Amygdalées. Il est donc parfaitement exact en tous points de dire que la partie inférieure de Îa fleur des Pomacées, ce qu’on appelle improprement leur ovaire infère, n’est autre chose que le résul- iat de la fusion latérale fort incomplète des cinq carpelles des Spiréacées avec conservation de leur séparation centrale, ei de la réunion cellulaire originelle de la paroi externe du pistil composé ainsi constitué avec la paroi interne de la coupe qui l'entoure. Son expression est : [5(Srochent à reculons de son orifice, au lieu » de flotier directement vers lui, suivant l'usage, sont tout à » Coup saisis là comme par un tourbillon, et se précipitent en » oscillant, la pointe en avant, vers cette ouverture, tandis qu'ailleurs, près des archégones encore clos, on les voit nager » tranquillement et avec une parfaite indifférence dans D: » direction. » Des corpuscules quelconques seraient de même attirés vers la bouche de l'archégone. « On serait tenté, couü- » nue M. Hansiein, d'attribuer ce mouvement à quelque cause » mécanique; cependant on n’en découvre aucune apparence. » On pourrait aussi croire que quelque matière sortant du col » de l'archégone s’épanche dans l’eau et y détermine une sorte » de courant, mais le mouvement dont il s’agit est bien rapide » pour reconnaitre uue telle cause, et la matière supposée est » difficile à admettre, car le mucilage spumeux que rejette le col » archégonial se ae sans subir atre nodification, ni sur- » tout aucune perte ou amoindrissement, ei se retrouve ordi- » nairement loin de l’orifice de l’archégone ; à l’intérieur de ce » conceptacle, 1 n’y aurait tout au plus de disponible que le » plasma du corps embryonnaire qu'on ne voit point d’ailieurs » s’amoindrir, mais bien plutôt se consolider et brunir peu à » peu. insi la force attractive qui agit si manifestement à la » bouche de l’archégone, sur des corpuscules divers, animés ou » privés de vie, demeure jusqu'à présent inexpliquée, et le mou- » vement de ces corpuscules est, à tort, assimilé par ceux qui ne » l’ont pas suffisamment observé au mouvement dit moléculaire » ou.brownien. » Ÿ SA Une série d'observations que j'ai faites durant le printemps dernier sur les prothallium des Pleris serrulata et Ceratopieris thalictroïdes, m'ont, à certains égards, appris quelque chose de plus, et j'ai obtenu. des résultats qui me paraissent tout à fait (4) Sur la fécondoiion et le développement des Marsilea, dans les Annales de bota- nique scientifique de M. Pringsheim, t. IV, p. 223, DE LA FÉCONDATION DANS LES FOUGÈRES. 9929 &- propres à jeter quelque lumière sur le mode et l'essence du phé- nomène de là fécondation. Toutefois, avant d’en venir à la description de ce emo il me semble utile de présenter d’abord l’histoire du développe- ment des organes sexuels eux-mêmes, d'autant plus que mes . observations à ce sujet ne sont pas dans un complet La avec celles de mes devanciers. J'ai suivi le développement des anthéridies sur de jeunes prothallium du Pleris serrulata. Ces organes, comme on sait, s'offrent sous plusieurs formes : unicellulaires sur les jeunes thalles, diversement multicellulaires, au contraire, sur les frondes plus âgées. Le mode de leur développement est cependant tou- jours à peu près le même. Une cellule quelconque de la face inférieure du prothallium (ou même une cellule marginale sur les irès-jeunes thalles) proémine, et fait extérieurement une saillie hémisphérique, puis la partie saillante se sépare par une cloison de la région mfé- _rieure incluse dans le thalle, et forme ainsi ane cellule distincte. Tantôt cette nouvelle cellule devientimmédiatement une cellule- mère pour les spermatozoïdes, tantôt elle subit préalablement un certain nombre de divisions qui en font un organe multicel- lulaire. Ces divisions répétées sont difficiles à suivre. M. Hof- meister ne les décrit pas de la même manière dans l'édition allemande de ses Vergleichende Untersuchungen (p.79), et dans l'édition anglaise de ce livre (p. 186). D’après mes observations personnelles, une cellute anthéridique initiale admet d’abord deux cloisons inclinées en sens contraire, qui sont placées ohlique- ment à la base de l’anthéridie, et vont rencontrer ses parois laté- rales vers son sommet (fig. ?, a). À ces premières cloisons, ils'en ajoute bientôt deux antres également opposées, qui leur cor- respondent et les coupent sous un angle de 45 degrés. Toutes ces cloisons sont tres-inclinées sur la base de ! antnétiqie. sans evpendant s’y toucher, de sorte qu'elles encadrent un espace quadrangulaire et médian qui s’élargit par en haut en manière d'entonnoir. La partie supérieure de l’anthéridie est encore alors unicellulaire, mais elle ñe tarde pas à se partager. On y 330 É. STRASEURGER. voit apparaître d’abord quatre cellules latérales, lesquelles se forment exactement de la même manière que les cellules infé- rieures qu'elles surmontent, et ces nouvelles cellules tendent ensemble obliquement vers le sommet de l’anthéridie ; ce som- met lui-même est plus tard isolé par un diaphragme, “ consti- tue une sorte de cellule operculaire. De ces partitions succes- sives résulte un organe composé d’une cavité centrale, de huit cellules latérales et d’un utricule terminal ou obturateur. La ca- vité centrale, vue d'en haut (fig. 2), semble quadrangulaire ; elle est renflée ou ventrue dans son milieu, et s’atténue aux deux extrémités, surtout par en bas; c’est elle qui devient la cellule- mère des spermatozoïdes. Elle contient un protoplasma abon- dant et un nucleus distinct, tandis que les cellules ambiantes ne renferment encore que des grains de chlorophylle clair-semés. Le mode de développement que je viens d’esquisser est celui qu'on observe le plus souvent; on rencontre parfois cependant d’autres formes d’anthéridies composées, mais je puis négliger d’en parler ici (4). Les parois membraneuses qui séparent les cellules latérales les unes des autres (Hig. 4, b) restent extrêmement minces; elles peuvent même se détruire et disparaître. Aussi ne saurait-on les retrouver dans les vieilles anthéridies; ce qui fait qu’alors, comme il est arrivé à MM. Thuret (2) et Hofimeister (3) de le constater avec étonnement, la cavité centrale, surmontée de l'utricule operculaire, est entourée de deux cellules. annulaires (fig. 8 et 9) (h). Pour ce qui est du développement ultérieur, il y a une simi- litude parfaite entre les anthéridies unicellulaires et les anthé- ridies composées. L’anthéridie simple. tout entière et la cellule centrale seulement de l'anthéridie composée se transforment (1) Un cas assez fréquent est celui où, à la place des quatre cellules latérales infé- rieures, il ne se forme qu'une cloison transversale ; la cellule centrale n’est alors entourée que par quatre cellules pariétales et Ia cellule operculaire. (2) Voyez les Ann. des sc. nat., 3° série, t. XI, p. 7. (3) Voyez ses Vergleichende Untersuch., édition anglaise, p. 186. (4) Indépendamment des Fougères dont je parle, quelques espèces de Gymno: gramme se montrent tout à fait favorables à l'étude du développement des anthéridies, l DE LA FÉCONDATION DANS LES FOUGÈRES. 231 en cellules-mères de spermatozoïdes. L'organe se partage d'abord (fig. 4, b et fig. 2) en deux moitiés égales par une cloison médiane qui passe par l’axe de l’anthéridie, puis chaque moitié se subdivise de la même manière en deux parties (fig. 3), de sorte que vue d'en haut la cellule operculaire laisse voir . l’image d’une croix. Dans les anthéridies composées, ces cloi- sons verticales ont également une direction très-déterminée par rapport aux cellules pariétales; elles reposent dessus à angle droit et leur sont aussi alternes (fig. 2). La croix médiane est souvent peu visible, mais en d’autres cas elle est très-pro- noncée. La cavité centrale de l’anthéridie est donc à ce moment occupée par quatre cellules semblables, mais chacune de celles-ci se divise ultérieurement, au moyen d'une cloison transversale parallèle à la fronde thallienne, en deux utricules superposés. De plus, on finit par constater, et souvent même très-distincte- ment, que chacune de ces huit cellules est soumise à une divi- sion cruciale verticale et à un partage transversal simultané, de sorte que vue d'en haut l’anthéridie présente seize cellules dans le même plan, tandis que de profil elle montre quatre couches cellulaires superposées; toutes les cellules ainsi for- mées sont autant de cellules-mères spéciales de spermatozoïdes (fig. A). Chaque cellule-mêre spéciale contient un nucleus distinct (fig. 5). La compression qu’exercent mutuellement ces cellules les unes sur les autres les fait bientôt paraître polyédriques (fig. 5) et le plus souvent pentagonales ; leur disposition symé- trique initiale s’efface aussi en partie. Plus tard, le nucleus cesse d'être visible et une masse granuleuse homogène remplit dé- sormais la cellule. Bientôt après, une vacuole rosée apparaît au centre de cette masse (fig. 6). Le contenu protoplastique de la cellule devient de plus en plus réfringent (moins aqueux) et se concentre vers les parois, tandis que la vacuole centrale grandit en proportion. Dans le liquide de cette vacuole se montrent ensuite suspendus de très-petits corpuscules, et la couche plas- tique ambiante se découpe en un ruban spiral qui commence par un point et s'élargit peu à peu en décrivant ses circonvolu- 232 É. SERASBURGER. tions autour de la vacuole. Eu mêie lenrs, les cellules-mères spéciales s'arrondissent de plus en plus et se dissocient (fig. 7 et 10), car leurs parois acquièrent peu à peu le caractère d'une matière hydro-carburée et soluble. Sous la compression qu’exerce en tous sens la masse anthéridique centrale, les cel- lules latérales s'applatissent fortement et la cavité de la cellule terminale devient même souvent tout à fait inappréciable (fig. 8). L'anthéridie parvenue à sa maturité est-elle mise dans l’eau, alors la cellule operculaire est impuissante à faire équilibre à la pression du contenu, elle se rompt au milieu en manière d'étoile (fig. 8, 9 et 11) et donne issue aux cellules-mères spé- cales des spermatozoïdes. C'est alors surtout que les cellules pariétales annulaires remplissent un office utile; pendant que les cellules-mères spéciales s'épanchent au dehors, les cellules pariétales se gonflent souvent d’une manière sensible et aident ainsi à procurer l'évacuation de l’anthéridie, bien que le contenu de celle-ci n’exerce déjà plus aucune pression sur ses parois. Le nombre des spermatozoïdes contenus dans une anthéridie nor- male varie entre cinquante et soixante. Quelques-unes des cellules-mères spéciales placées dans la région inférieure et rétrécie de la cavité anthéridique n’achèvent pas leur dévelop- pement, ce qui explique suffisamment la présence d’un nombre de spermatozoïdes moindre que celui qui serait indiqué par le calcul (4><16 = 64). Quelques cellules-mèêres avortées se ren- contrent aussi presque toujours dans l’anthéridie ou près de son ouverture. Le spermatozoïde demeure quelque temps immobile au de- vant de l’orifice de l’anthéridie (1), autant de temps environ qu'il en faut à la cellule-mère pour se dissoudre. Ses tours de spire sont étroitement contigus les uns aux autres à l’intérieur de cette cellule et doivent exercer une tension sur sa membrane. Cette tension finit bientôt par dépasser la résistance incessani- ment diminuée que peut lui opposer la cellule ramollie et en (4) Des mouvements de gyration à l’intérieur de la cellule-mère spéciale sout ex- cessivement rares chez le Pleris serrulata. 233 DE LA FÉCONDATION DANS LES FOUGÈRES. 290 voie de dissolution, alors le fl spiral se détend avec effort et prend son essor. Il ne m'est arrivé que très-rarement de voir persister quelque portion de la cellule-mère là où le spermato- zoïde s’en est dégagé; ordinairement ses derniers restes se dis- solvent complétement au moment où le spermatozoïde commence des’agiter. Dans son mouvement de translation, le spermatozoïde tourne vivement autour de son axe (1); son corps décrit trois à quatre tours de spire qui vont s’élargissant par en bas; les tours antérieurs plus étroits sont pourvus de longs cils; au tour pos- térieur au contraire, qui est le plus long, s'attache un utricule incolore qui renferme dans son sein plusieurs corpuseules (fig. 49, b), et cet utricule est souvent même entouré par la portion inférieure de la spire du spermatozoïde. Évidemment ce même utricule n'est rien autre chose que la vacuole que nous avons déjà reconnue au sein de la ceilule-mère spéciale. Le utricules de cette sorte sont visqueux, et il n’est pas rare que par leur moyen les spermatozoïdes adhèrent à des corps étran- gers; on voit alors les spermatozoïdes s’agiter avec effort et ürer sur l'obstacle pour s’en détacher, ce qui leur arrive souvent en effet; en ce cas, l'extrémité inférieure du spermatozoïde s'étire fréquemment en un long filament qui finit par se rompre. Les utricules dont il s'agit se gonflent dans l’eau d’une manière sensible; si le spermatozoïde ne sait pas se débarrasser d’un tel. appendice, celui-ci devient plus volumineux et gène le mouve- ment du spermatozoïde jusqu'à rendre difficile sa progression en avant. On rencontre surtout beaucoup de ces spermatozoïdes embarrassés vers la fin de la saison des anthéridies; ils gagnent e sol lentement et là se détruit d'abord l’utricule, puis le sper- matozoïde lui-même se dissout peu à peu, phénomène qui sou- vent n'exige pas moins de vingl-quatre heures. Le mouvement des spermatozoïdes d’une même anthéridie, dans le Pteris serrulata, ne dure pas au delà d’une demi-heure ; je ne l'ai vu se prolonger davantage que dans un très-petit nombre de cas. Chez le Ceratopteris thalictroides, la durée du (4) Voyez Schacht, Die Spermatozoiden, p. 25 et 26. 23h É. STRASBURGER, même mouvement est encore plus courte que dans le Pteris ser- rulata, elle dépasse à peine vingt minutes. J'ai suivi le développement de l'organe femelle tant dans le Pleris serrulata que dans le Ceratopteris thalictroides, et je l'ai trouvé chez ces deux plantes parfaitement identique. À la face inférieure des vieux prothallium, juste au-dessous de l’échancrure du bord antérieur, là où la fronde, par suite d'une partition répétée de ses éléments cellulaires, acquiert une épaisseur plus grande qu'ailleurs, se trouvent certaines cellules qui deviennent les celluies-mères des archégones. Elles se remplissent d'une sorte de mueilage granuleux et montrent distinctement un nucleus dans leur centre. Bientôt une de ces cellules se partage inégalement en deux au moyen d’une eloison parallèle à la face supérieure du prothallium; le compartiment intérieur, plus grand que l’autre, devient la cellule centrale (Centralzelle) de l’archégorne; la portion extérieure subit di- verses partitions successives et donne naissance au col (Halstheil) de cet archégone. Suivant M. Hofmeisier, au contraire (4), le premier diaphragme formé dans ia cellule archégoniale est fortement incliné sur les faces du prothallium; la cellule! exté- rieure ainsi définie est plus volummeuse que l’intérieure et se subdivise ultérieurement par une cloison qui naît au-dessus de la première et qui est inclinée en sens contraire. De là pro- vient pour l’archégone une cellule terminale à deux faces et atténuée à la manière d’un coin, laquelle, par des cloisons alternativement inclinées en des sens opposés, se divise encore de six à dix fois avant que l'organe achève de s’accroître en longueur. Les cellules secondaires sont ensuite partagées par des eloisons radiales, c’est-à-dire dirigées vers l'axe longitu- dinal de l’archégone, et le col de cet organe est finalement composé de quatre séries longitudinales de cellules à trois faces, le tout surmonté d’une cellule apiclaire. Toutes les cellules (4) Voyez ses Vergleich. Untersuchungen, édition allemande, p, 94. D’après l’édi- tion anglaise de ce livre, le premier partage de la cellule archégoniale aurait lieu paral- lèlement à la surface du prothallium ; les divisions subséquentes seraient seules dues à des cloisons inclinées sur la première (On higher Cryptogamia, p. 490). DE LA FÉCONDATION DANS LES FOUGÈRES. 235 d’une série se divisent en outre, par une paroi parallèle à l’axe, en une chambre antérieure ou externe et une logette interne ; mais ce mode de subdivision n’a quelquefois lieu que dans la cellule la plus bas placée de l’une des quatre séries. Deux formes d'archégones se rencontreraient dans le Pteris serrulata. Le canal qui pareourt le col serait la conséquence du ramollisse- ment et de la dissociation des cellules centrales de celui-ci, ou bien de la destruction des cloisons transversales, là où existe un cordon cellulaire moyen; alors le contenu diffluent de la rangée cellulaire axile semble une masse muqueuse vermiforme. Pour- tant, avant que tout ceci ne se produise, il se forme autour du nucleus primaire de la cellule centrale un utricule sphérique à parois minces et délicates, qui n’est autre que la cellule-mere de la jeune plante (1). À plusieurs égards, mes observations différent dans leurs résultats de celles de M. Hofmeister; elles s'accordent beaucoup plus avec ce qu'a vu M. Pringsheim dans le Salvinia (2). Après que la cellule-mère initiale s'est partagée en une cel- lule intérieure et une cellule extérieure, cette dernière com- mence par grandir (fig. 12), elle proémine au dehors et une division s'effectue dans son sein (fig. 13) au moyen d’un dia- phragme qui la partage en deux moitiés égales et semble per- peudiculaire au plan du prothallium. Cette cloison a aussi une direction déterminée par rapport à l'axe de la fronde; elle lui est parallèle et s'étend dans le sens de la ligne qui joindrait l’échancrure antérieure du prothallium à sa base. Cette direc- tion est surtout nettement indiquée dans le Ceratopteris thalic- troides , maiselle est aussi très-reconnaissable chez le Pteris serru- lata. La seconde cloison, qui apparaît aussitôt, coupe la première sous un angle droit, de sorte que la cellule du col (Halszelle) consiste alors en quatre cellules semblables (fig. 15). Ces deux (4) Voyez Hofmeister, loc. cit., p. 81. (2) Voyez le mémoire de M. Pringsheim «pour servir à la morphologie du Salvinia natans », dans ses Jahrb, f. wiss. Bot., t. T{F, p. 519 et suiv.; ses observations sont confirmées par les recherches de M. Hanstein sur la fécondation et le développement des Mursilea (Jahrb. f. wiss: Bots, &.1V, ps 217). 238 É, STRASBURGER., on rencontre bien aussi fréquemment six cellules d’un côté et cinq de l’autre (fig. 19). Environ vers le temps que les cellules du coi ont atteint leur nombre normal, les cellules intérieures du prothallium qui tou- chent à la cellule centrale sont le siége d’un certain nombre de divisions opérées parallèlement à sa surface (fig. 18), ce qui fait qu'elle se trouve enveloppée de tous côtés de petites cellules plates. Alors aussi les nuc/eus des cellules du canal se résolvent peu à peu en une certaine quantité de petits granules, et se réunissent en une masse grenue qui traverse bientôt tout le canal sans aucune discontinuité (fig. 19). Les cellules inférieures du col grossissent un peu, et rétrécissent par suite le diamètre du canal ; le contenu granuleux de celui-ci est en partie repoussé vers sa région supérieure (fig. 18 et 19), et s'y accumule sous une forme conique. Souvent cet amas plastique terminal ne se relie que par une fine traînée à la masse primitive demeurée dans la cellule centrale. Les archégones ainsi parvenus à leur maturité viennent-ils à être mis en contact avec de l’eau, alors le contenu du col se gonfle sensiblement (fig. 19); vu du dehors, il-devient plus ré- fringent, et des vacuoles apparaissent dans le sein de sa masse granuleuse. La tension s'accroît, surtout au sommet du canal, là où la matière mucilagineuse s’est amassée sous la forme d’un coin, et où elle doit subir une forte compression. Par suite, le diamètre du canal s’élargit, et finalement les cellules supé- rieures du col ne pouvant plus faire équilibre à la tension imté- rieure, se séparent les unes des autres suivant leurs faces conti- guës ; soudain alors le mucilage s’épanche au dehors (fig. 20). La déhiscence du col sous l’eau a lieu plus où -moims rapide- ment, suivant l’état de maturité de l’archégone ; avec quelque exercice, on arrive facilement à juger de cet état d’après le con- tenu du col, et à choisir sûrement pour une observation assidue, les archégones dont la déhiscence est prochaine. En général, on peut estimer que plus le plasma homogène qui revêt les parois du canal est réfringent, plus il forme une couche épaisse, plus tôtaussi s’ouvrira le canal, Cette déhiscence a lieu en deux temps, DE LA FÉCONPATION DANS LES FOUGÈRES. 259 avec une interruption (fig, 20). D'abord le mucilage accumulé au sommet du canal s épanche soit tout d’un coup, soit par parties, à de courts intervalles, puis 1l y a un instant de repos dans le phénomène, après quoi on voit sortir toute la masse ren- fermée dans la cellule centrale (fig. 20). Cette évacuation se fait ‘au début avec une certaine force, suffisante pour écarter les corps étrangers qui se trouvent parfois à l'orifice du col, et pour dégager ainsi cette issue (t). Par suite, la matière granuleuse rejetée, lente à se répandre, se trouve souvent portée assez loin dé la bouche de l’archégone ; au contraire, le mucilage très- réfringent qui tapisse le canal s’épanche dans l’eau, et se répand uniformément autour de l'orifice archégonial. Après l'évacuation que nous venons de décrire, il ne reste dans la cellule centrale de l'archégone que la gonosphère mise à nu; celle-ci s’arrondit, et à son sommet, juste au-dessus du nucleus, on peut distinguer, si toutes les circonstances voulues favorisent l'observation, une place particulièrement transparente (ig. 22), que, pour des motifs qui seront expliqués plus loin, je nommerai fache copulative (Empfängnissfleck) (2). La gono- sphère attend maintenant la fécondation. J'ai pu suivre et étudier dans tous ses détails le phénomène de la fécondation, aussi bien dans le Pteris serrulata que dans le Ceratopleris thalictroides. Le Pteris laisse très-bien voir la dé- hiscence du col et l'introduction des spermatozoïdes ; le Cera- topteris, à cause de la transparence singulière de son prothallium, où la chlorophylle est peu abondante, permet mieux peut-être qu'aucune autre Fougère de constater comment les spermato- zoïdes se comportent à l’intérieur de la cellule centrale. Une autre circonstance favorable dans cette plante, c’est que le bord antérieur du prothallium, près de son échancrure, est générale- (1) Dans ja fig. 25, le corps étranger K7 feposait primitivement sur ie sommet de l'archégone, et il a été porté en avant par le flot de mucilage qui est sorti de cei organe. (2) Gette tache correspond sans doute aü point incolore qu’on voit au sommet des gonosphères des Algues (Vaucheria, OEdogonium) avant leur fécondation. Voyez Pringsheim, Morphologie des OEdogontiées (Ann, de bot, se, 1 I, p. 47). 240 Ï SERASEURGER. ment replié, et que les archégones se trouvent reposer sur une surface inclinée, de facon qu'on les voit comme de travers (fig. 23). Les prothalles des autres Fougères, qu’il m'a élé donné d'examiner, m'ont paru bien moins favorables à l'observation, et je ne ferai que les citer au besoin ; aucun d'eux d’ailleurs ne m'a fourni de résultat contradictoire. Les prothalles de Pteris serrulata qui ont servi à mes re- cherches ont été recueillis sur les murs humides d'une des serres chaudes du jardin botanique de Varsovie où ils croissaient en abondance, comine 1l arrive si souvent pour cette espèce dans toutes les serres. Les prothalles du Ceratopteris thaliclroides pro- venaient, au contraire, d'un semis fait sur un fragment de tourbe environ deux inois auparavant. Les prothalles furent tenus un certain temps sur des COrpS médiocre ‘. humides, à l'effet non-seulement d'obtenir plus sûrement à la fois beaucoup d'appareils sexuels à l’état parfait, mais encore : empêcher la déhiscence de ces organes. Ie choi- sissais de préférence pour l'observation les prothalles de taille 4 moyenne déjà munis d'arc nes ones, aussi bien que d'anthéridies, Gt qui permettaient ainsi de suivre le phénomène de la fécon- dation sur la même fronde. J'ai également tenté à diverses re- prises de féconder de vieux prothalles avec de plus jeunes, ef, pour cela, je les disposais dans l’eau sur le porte-objet, de facon que leurs bords se recouvrissent. Cette méthode m'a donné parfois de bons résultais ; chaque prothalle était, pendant Fob- ervation, traité avec tout le ménagement possible, protégé contre toute déchirure ou compression exagérée, puis, après l'examen, marqué d'un signe qui je fit reconnaître, et replacé sur son substratum nourricier. Grâce à ces attentions, beaucoup de prothalles observés se maintinrent bien vivants, et se pré- tèrent parfaitement à l'étude successive de toutes les phases du phénomène de la fécondation. Met-on dans l’eau un prothalle pourvu d'organes sexuels com- plétement développés, on voit d'abord s'ouvrir la plupart des anthéridies, et, dans les cas les plus favorables, Îes archégones s'ouvrent également aussitôt. Toutefois, avant qu'il en soit ainsi DE LA FÉCONDATION DANS LES FOUGÈRES. DATE dans le Pteris serrulata, 1 faut bien, en moyenne, attendre une demi-heure; moins de vingt ininutes suffisent, au contraire, pour le Ceratopteris thalictroides. Les spermatozoïdes, qui, amenés près du sommet fermé du col archégonial, s'y meuvent indifféremment comme auprès d’un corps étranger quelconque, se comportent très-différem- ment aussitôt que le col s’entr’ouvre. Dès qu'ils se trouvent en présence du mucilage vomi par le canal archégonial, leur mou- vement se ralentit; s'ils persistent dans la même place, 1l devient manifeste que leur agilité rencontre un milieu qui lui fait obstacle. Beaucoup s'arrêtent là, d’autres se dégagent et s’éloi- gent, mais le plus souvent, 1l en arrive autrement, c'est-à-dire que le mucilage issu du canal archégonial, et qui s’'épanche autour de sou orifice, détermine la direction du spermatozoïde, de manière que celui-ci, la pointe en avant, s'avance vers la bouche de l’archégone. Il n°y a point lieu de songer iei à un cou- rant de diffusion, non plus qu’à un tourbillon qui saisirait tout à coup les spermatozoïdes et les projetterait dans le canal arché- gonial, car il est facile de constater que de tout petits corps vol- sins de l'ouverture de ce canal y demeurent parfaitement en repos. Le mouvement des spermatozoïdes au sein du mucilage archégonial est visiblement ralenti; la spiricule ne cesse pas ce- pendant d'y tourner autour de son axe ; le mucilage la conduit dans le canal, et joue là un rôle analogue à celui de humeur stigmatique et du tissu conducteur qui, chez les végétaux supé- rieurs, aident le tube pollinique à atteindre l’ovule. Dans cette circonstance, on peut se convaincre parfaitement combien M. Ernest Roze (1) est peu fondé à soutenir que c'est la vésicule postérieure du spermatozoïde qui contient la matière fécondante. La plupart des spermatozoïdes ont depuis longtemps déjà perdu cet appendice vésiculaire avant même de s’appro- cher de l’archégone ; d’autres qui l'ont conservé l’abandonnent alors dans le mucilage ambiant, aucun d’eux ne l’entraine avec lui à l'intérieur de l'archégone. Entre autres cas d'observation (1) Voyez son mémoire sur les Anthérozoïdes des Cryploqumes, dans les An. des sc. nat., 5° série, 1867, { VII, p. 87 et suiv., pl. 7, o° série, Bor. T. IX. (Cahier n° 4.) 4 16 2h2 É. STRASBURGER. relatifs au Ceratopteris, j'en ai noté tout particulièrement un dans lequel six spermatozoïdes, récemment sortis de leur anthé- ridie, avaient pénétré dans là cellule centrale, tandis qu'un pareil nombre de vésicules appendiculaires étaient demeurées à l’orifice du col engagées dans le mucilage excrété (fig. 27). Dès que le spermatozoïde est introduit dans le canal, sa spire s’allonge, et, si aucun obstacle ne se rencontre sur son chemin, il parvient bientôt Jusque dans la cellule centrale, où la cellule canaliculaire, en se vidant, a laissé un espace libre suffisant. Là le spermatozoïde contracte de nouveau ses anneaux, et ses mouvements redeviennent plus libres. Généralement, le sperma- tozoïde qui pénètre le premier dans larchégone n’y demeure pas longtemps seul, d’autres l'y suivent; leur nombre, à Finté- rieur de la cellule centrale, peut s'élever jusqu’à quatre et même à cinq, tant est grand l’espace libre qu'a ménagé là la celluie du canal (fig. 23) ; ces spiricules se meuvent vivement et pêle-mèêle, à peu près comme celles qui restent dans l'anthéridie après son évacuation. Les spermatozoïdes qui surviennent plus tard s'arrêtent dans le canal du eol, le nombre en est parfois immense das le Pteris serrulata; chaque nouveau venu se pousse entre les premiers arrivés, tant que le mouvement lui est possible, et finalement il s'étire presque en ligne droite. Par là il arrive que dans beaucoup de cas le canal de l’archégone est comme rem- pli de longs filaments ; les nouveaux spermatozoïdes qui sur- viennent alors ne peuvent plus être admis: j'ai pourtant rencon- tré des cas dans le Pteris, où malgré cela ces derniers venus s’in- sinuent péniblement entire les autres par leur extrémité anté- rieure et contribuent à former une sorte de gerbe volumineuse de spermatozoïdes qui s'étale en rayonnant autour de l'orifice du canal (fig. 24, 25 et 26). Dans ce faisceau de spiricules, il s’en trouve qui continuent quelque temps encore de tourner autour de leur axe, d’autres mème qui se dégagent et S'éloignent. Plu- sieurs fois j'ai compté au delà de cent spermatozoïdes dans la gerbe que forment ces filaments à l'entrée du canal archégo- nial, une demi-heure après l'introduction du premier, on en voyait encore plusieurs engagés dans le mucilage extérieur. DE LA FÉCONDATION DANS LES FOUGÈRES. 213 Toutefois ces accumulations de spermatozoïdes constituent des cas exceptionnels, car le nombre des anthérozoïdes qui pénè- trent dans chaque archégone est le plus souvent très-limité; ces mêmes accumulations ne s’observent que chez le Pteris ; elles ne seraient pas possibles dans le Ceratopteris, non-seulement parce . que ses prothalles ne donnent naissance qu'à une quantité, rela- tivement petite, de spermatozoïdes, mais aussi parce que le mu- cilage rejeté par le col archégonial se répand beaucoup plus tôt dans l'eau ambiante et ne retient que très-peu de temps les spermatozoïdes qui viennent à passer dans le rayon de son influence. Que ce soit réellement ce mucilage qui exerce une action spéciale sur les spermatozoïdes, c’est ce dont on ne saurait guère douter d’après tout ce que je viens d'exposer. J'ai pu me convaincre encore davantage de la réalité de cette action en écartant la lamelle de verre qui sert à recouvrir les préparations microscopiques; celte petite manœuvre dérangeait ordinaire- ment le mucilage archégonial de sa place naturelle, ou bien je l’éloignais moi-même de l'archégone à l'aide d'une aiguille. Dans ces circonstances, les spermatozoïdes étaient retenus par le mucilage là où ils se trouvaient; les uns savaient s’en dégager, d'autres y périssaient après s'être agités plus ou moins long- temps (1), mais aucun d'eux n'était plus dirigé et conduit vers l'orifice archégonial. : Il est temps maintenant de dire comment les spermatozoïdes se comportent au sein de la cellule centrale. Le Pteris serrulata est, comme je l’ai déjà annoncé, peu favorable à cette observa- tion, si nombreuses qu'aient été mes tentatives et mes recher- ches, je n'ai pu y voir que deux fois le phénomène dont il s’agit. Une fois ce fut une coupe transversale qui dégagea l'archégone sans l’endommager, pendant que les spermatozoïdes d’une an- théridie voisine y pénétraient; une autre fois J'eus sous les veux un archégone placé sous la face oblique du coussinet médian d'un prothallium, de façon que je le voyais comme s’il eût été (1) On constate encore très-bien en ce cas que les spermatozoïdes abandonnent dans le mucilage leur vésicule terminale ou postérieure. 2h É. SYRASRURGER, coupé en travers, quoique la fronde fût étalée horizontalement. Tous les détails du phénomène en question sont d’une obser- vation relativement facile dans le Ceralopteris thalictroides; le prothallium en est si transparent, qu'on y aperçoit très-facile- ment la cellule centrale tout entière aussi bien que son contenu (fig. 23), l'observation étant d’ailleurs facilitée par la position qu’oceupe l’archégone sur le bord replié de la fronde. Les spermatozoïdes sont plus grands que ceux du Pteris et il est facile de les suivre dans leurs mouvements (4). Le premier spermatozoïde qui pénètre dans la cellule centrale heurte aussitôt de sa pointe antérieure la tache copulative, c’est- à-dire cette partie plus claire que j'ai signalée dans la région moyenne et supérieure de la gonosphère, et il demeure sur-le- champ fixé à cette place; alors il tourne rapidement sur son axe et s'enfonce peu à peu par la pointe dans la gonosphère; puis ses mouvements se ralentissent et finissent par s'arrêter tout à fait; lui disparaît de plus en plus dans la gonosphère et s’y dis- sout à mesure, de sorte qu'au bout de trois ou quatre mi- nutes (dans tous les cas) il ne reste plus rien à voir de lui. Si rértérées qu'aient été mes observations, je n’ai eu que cinq fois la bonne fortune de voir sans trouble les faits que je raconte; je ne les ai constatés en effet aussi distinctement que lorsqu'il n'était entré dans la cellule centrale qu'un seul spermatozoïde : cette circonstance s’est offerte quand l'entrée du canal archégo- mal s’est trouvée rendue plus difficile par une cause extérieure et perturbatrice, comme, par exemple, par la présence d’une bulle d'air ou de quelque autre corps étranger qui obstruait ou barrait le passage aux spermatozoïdes. Dans la plupart des cas, le premier entré de ces filaments spiraux est bientôt suivi de plusieurs autres, et s’il n’a pas encore enfoncé sa pointe Jusqu'à une certane profondeur, il est délogé de sa position par les nou- veaux arrivants. Tous ces spermatozoïdes s'agitent alors confusé- ment, et il est fort difficile de suivre de l'œil chacun d'eux en par- (4) Les anthéridies du Ceratopteris naissent au bord du prothallium et présentent une structure toute particulière. Voyez l'ouvrage déjà cité de M. Hofmeister, édition anglaise, p. 187, pl. XXIV, fig. 16-19. DE LA FÉCONDATION DANS LES FOUGÈRES. 245 ticulier. Souvent deux et même trois d'entre eux se fixent à la fois par la tête au milieu de la tache copulative, ils tournent ra- pidement autour de leur axe et se supplantent tour à tour, jus- qu'à ce que l’un d'eux, triomphant des autres, pénètre si avant, que ses replis postérieurs viennent toucher et recouvrir la tache copulative. Tous les autres anthérozoïdes n'adhèrent au con- traire nulle part, et se meuvent encore pêle-mêle assez long- temps. Souvent leur agitation s'interrompt pour recommencer quelques instants après; cela dure environ huit à dix minutes, puis tout rentre dans le repos; chaque spermatozoïde demeure à la place où il est devenu immobile, et il reste là visible encore quelque temps. Dans un cas que je dois noter, où deux sper- matozoïdes seulement pénétrèrent dans la cellule centrale, le second n’arriva qu'après que le premier était déja demeuré une minute et demie au-dessus de la région moyenne de la gono- sphère et y avait plongé la portion la plus étroite de sa spire. Ce premier arrivé ne put être dérangé de sa place ; aussi le second ne se fixa-t-il point au milieu de la gonosphère et dut-il rester de côté après une gyration prolongée. Du premier spermato- zoïde il ne restait plus aucune trace visible au bout de quatre minutes; le second ne cessa d’être reconnaissable qu'après trente-cinq minutes (fig. 22). La première conséquence, l'effet Le plus immédiat de la fécon- dation, consiste en ce que la gonosphère se trouble; elle devient granuleuse, perd sa transparence et rend impossible l'observa- tion des phénomènes ultérieurs qui se passent dans son sem; en même temps elle se recouvre d’une membrane solide. Le trouble du contenu de la gonosphère commence vingt à trente minutes après la fécondation ; le canalse rétrécit dans sa portion inférieure, comme M. Hofmeister l’a constaté, et au bout de six à huit heures, il commence à brunir. Cette coloration se produit d’abord au-dessus de la gonosphère, dans la cellule centrale, et de là gagne et envahit peu à peu l'intérieur du canal. Les prothalles fécondés étaient mis de côté et observés de nouveau peu de jours après. Chez un grand nombre qui n'avaient pas trop souflert pendant l'observation, on pouvait 246 É. SIRASRURGER. déjà reconnaître les signes certains d’une fécondation intervenue. La cellule centrale était sensiblement gonflée, la gonosphère avait grossi, et déjà on distinguait en elle un commencement de partition cellulaire. Parmi les nombreux archégones qui présentaient ces premiers phénomènes, s’en trouvait un où je n'avais certainement vu pénétrer qu'un seul spermatozoïde ; je reconnus également celui dont j'ai parlé plus haut, dans lequel un premier spermatozoïde avait été suivi d’un deuxième. Ces exemples semblent fournir là preuve expérimentale qu’un seul spermatozoïde suffit à procurer la fécondation de l’archégone des Fougères, bien qu'en général plusieurs de ces spiricules pénètrent à la fois dans l'organe femelle. Qu'il me soit permis, en finissant, d'exprimer l'opinion que très-probablement des phénomènes semblables à ceux que je viens de décrire se rencontreront chez les autres Cryptogames dont la fécondation réclame le concours d’anthérozoïdes ; toutes les analogies indiquent qu’il en doit être ainsi : ce sera la tâche des futurs observateurs de montrer que ces présomptions sont justifiées par les faits. EXPLICATION DES FIGURES. PLANCHES A3 er 14. N. B. — Les figures ce rapportent, sauf indication contraire, au Pteris serrulata. Les figures 6, 9 à et 24 sont grandies 500 fois en diamètre, toutes les autres figures 350 fois seulemen£. Fig. 4 a et b. Jeunes anthéridies de Pleris serrulata vues de profil : a,a, méats rayonnants des cellules latérales ; 0, une des cloisons médianes qui partagent la cel- lule centrale, Fig, 2, Jeune anthéridie vue d'en haut. La cellule centrale ne s’est encore partagée qu'une seule fois. Fig. 3, La cellule centrale est divisée crucialement. Fig. 4, Division cruciale des cellules mères, Fig, 5. Les cellules mères spéciales, par suite de compression latérale, ont acquis une forme polygonale. Fig. 6. Cellules mères spéciales isolées, montrant les vacuoles qui se forment dans leur sein. Fig. 7. Anthéridie müre vue d’en haut. DE LA FÉCONDATION DANS LES FOUGÈRES. 2h17 Fig. 8. Autre vue de profil. Fig. 9 a. Anthéridie complétement vidée, vue de profil. Fig. 9 4. Spermatozoides. Fig. 10. Anthéridie unicellulaire, parvenue à sa maturité et vue de côté. Fig. 11. Autre anthéridie unicellulaire, vue d’en haut ; elle est vide. - Fig. 12. Première cellule du col (Halszelle) archégonial dans le Ceratopteris thalic- troides ; elle est vue d’en haut. Fig. 13. La même cellule partagée pour la première fois. Fig. 14. Coupe transversale de la même cellule dans le Pferis serrulala, mais à une époque plus avancée du développement du col : À, h, cellules du col ; #, cellule du canal (Kanalzelle) ; bf, gonosphère (Befruchtungskugel). Fig. 15. Col d’un très-jeune archégone, vu d’en haut et sous des aspects divers. En J 8 > a, on ne voit que les cellules du col; en b etc, les cellules du canal s’aperçoivent entre ces dernières. Fig. 16. Coupe transversale d’un archégone plus âgé. En a, les cellules supérieures du col sont indiquées ; en b, elles sont omises. Fig. 17. Sommet d'un col archégonial, dans lequel on voit très-distinctement les nucleus des cellules du canal. Fig. 18. Profil d'un jeune archégone ; dans cette position du col, c’est à peine si l’on reconnait le canal médian. Fig. 19. Archégone mür observé peu de temps avant la déhiscence du col. Le mucilage que renferme le canal s’est déjà partagé en deux couches, l’une extérieure, homogène et réfringente, l’autre intérieure et grenue. Fig. 20. Archégone mür, vu dans l'instant que le mucilage est rejeté au dehors. Fig. 21. Archégone ouvert, attendant la fécondation. Fig. 22. Cellule centrale du Ceratopteris thalictroides, où la gonosphère porte sur le côté un spermatozoïde devenu immobile, tandis qu’un autre de ces spiricules, celui qui est venu le premier et qui occupe le milieu de la figure, a été déjà presque com- plétement résorbé. Fig. 23. Archégone du Ceralopteris thalictroides, vu d'en haut; plusieurs sperma- { tozoïdes reposent sur la gonosphère. Fig. 24 et 25. Sommets du col archégonial du Pferis serrulata avec gerbes de sperma- tozoïdes. Le corps étranger kr de la figure 25 était placé d’abord au devant de l'extrémité du col, il en a été éloigné par le mucilage que celui-ci a rejeté. Fig. 26. Autre faisceau de spermatozoïdes à l'orifice d’un archégone vu d’en haut. Fig. 27, Vésicules terminales ou postérieures des spermatozoïdes, abandonnées par eux daps le mucilage au devant de l'ouverture d’un archégone du Ceratopteris thalic- troides. ÉTUDE SUR LES COURBURES QUE PRODUISENT LES SECOUSSES SUR LES JEUNES POUSSES DES VÉGÉTAUX, Par RE. Ed. PHRELMLELUX. 81. On sait depuis longtemps que quelques végétaux ont la pro- priété d'exécuter certains mouvements quand on les frappe ou qu'on les secoue. La Sensitive, qui doit à cette excitabilité très marquée de ses feuilles son nom et sa célébrité, en est un exemple bien connu; mais de tels faits étaient considérés comme tout à fait exceptionnels, et nul, je crois, n'avait pensé que la faculté d'exécuter des mouvements sous l'excitation mécanique de secousses où de coups püt être considérée comme une pro- priété générale des végétaux, lorsque M. Hofmeister, à qui on doit la découverte de tant de faits remarquables en physiologie, montra, dans un mémoire rempli d'observations très-neuves et du plus haut intérêt (4), que les jeunes pousses des végétaux vasculaires changent de direction et d'aspect, s'infléchissent, se courbent quand on les secoue, puis reprennent peu à peu d’eux- mêmes leur apparence première. Ce n'est pas la pousse tout entière qui s’'nfléchit quand on la secoue, la partie inférieure déjà bien développée et dont la croissauce est achevée ne se courbe pas; la portion terminale, la plus jeune, ne prend pas non plus une part active à ce mou- vement d'incurvation qui se trouve limité aux entre-nœuds à demi développés, qui s’allongent encore et où tous les tissus déjà formés ont une végétation très-active. (1) H. Hofmeister, Ueber die Beugungen saftreicher Pflanzentheile nach Erchütte- rung, in Pringsheins Jahrbücher, Bd, I, Heft 2. ÉTUDE SUR LES COURBURES DES VÉGÉTAUX. 219 $ 2. La courbure que produisent les secousses se manifeste sou- vent très-vite et avec une grande intensité. On peut l’observer très-aisément dans toutes les parties des plantes où la croissance est rapide et active : au printemps, à l'extrémité des pousses, et, dans l'été, surtout sur les inflorescences en voie de dévelop- pement. Il y a du reste de tres-grandes diversités dans la gran- deur de l’inflexion qui non-seulement varie d’une plante à une autre, mais aussi beaucoup sur la même plante, selon l’âge et le degré de développement de la pousse qu'on observe. Aussi le tableau dans lequel j'ai réuni la notation d’un assez grand nombre de ces courbures ne doit-il pas être regardé comme pouvant fournir des données précises et constantes, mais seule- ment des exemples qui permettront de se former une idée de la généralité et de l'intensité du phénomène que Je me propose d'étudier dans ce mémoire. Pour imprimer des secousses aux branches, M. Hofmeister les saisissait avec la main par la partie mférieure et leur donnait une vive impulsion dans un sens, puis dans le sens opposé, et ainsi de suite. J'ai employé une autre méthode; on en verra bientôt le motif. Je frappe avec un petit bâton la pousse sur un côté, au-dessous du point où doit se manifester la courbure ; la pousse, sous cette impulsion, se fléchit, puis elle se redresse et se fléchit en sens inverse, et de même à chaque coup. Dans le tableau suivant, je marque le nombre des coups ainsi appliqués sur la pousse pour produire la courbure. Pour noter la courbure, j'agis de la façon suivante : Avant l'expérience, j'applique la pousse sur une feuille de papier et j'en trace la direction avec un crayon, puis je la frappe comme il vient d'être dit en la tenant dans une position verticale. Quand la flexion s’est manifestée, je replace la pousse sur la figure précédente, en faisant coïncider la partie inférieure qui ne s’est pas courbée, et je marque avec un crayon la courbure qu'elle à éprouvée. Je prolonge ensuite sur la figure obtenue la direction de l'extrémité infléchie jusqu'à ce qu'elle rençontre ÉTUDE SUR LES COURBURES QUE PRODUISENT LES SECOUSSES SUR LES JEUNES POUSSES DES VÉGÉTAUX, Par FU. Ed. PHRELHLERUX. 81. On sait depuis longtemps que quelques végétaux ont la pro- priété d'exécuter certains mouvements quand on les frappe ou qu'on les secoue. La Sensitive, qui doit à cette excitabilité très— marquée de ses feuilles son nom et sa célébrité, en est un exemple bien connu; mais de tels faits étaient considérés comme tout à fait exceptionnels, et nul, je crois, n'avait pensé que la faculté d'exécuter des mouvements sous l'excitation mécanique de secousses où de coups püt être considérée comme une pro priété générale des végétaux, lorsque M. Hofmeister, à qui on doit la découverte de tant de faits remarquables en physiologie, montra, dans un mémoire rempli d'observations très-neuves et du plus haut intérêt (4), que les jeunes pousses des végétaux vasculaires changent de direction et d'aspect, s'infléchissent, se courbent quand on les secoue, puis reprennent peu à peu d’eux- mêmes leur apparence première. Ce n'est pas la pousse tout entière qui s’infléchit quand on la secoue, la partie inférieure déjà bien développée et dont la croissance est achevée ne se courbe pas; la portion terminale, la plus jeune, ne prend pas non plus une part active à ce mou- vement d'incurvation qui se trouve limité aux entre-nœuds à dernt développés, qui s’allongent encore et où tous les tissus déjà formés ont une végétation très-active. (1) H. Hofmeister, Ueber die Beugungen saftreicher Pflanzentheile nach Erchütte- rung, in Pringsheinvs Jahrbücher, Bd, I, Heft 2. ÉTUDE SUR LES COURBURES DES VÉGÉTAUX. 219 $ 2. La courbure que produisent les secousses se manifeste sou- vent très-vite et avec une grande intensité. On peut l’observer très-aisément dans toutes les parties des plantes où la croissance est rapide et active : au printemps, à l'extrémité des pousses, et, dans l’été, surtout sur les inflorescences en voie de dévelop- pement. Il y a du reste de très-grandes diversités dans la gran- deur de l’inflexion qui non-seulement varic d’une plante à une autre, mais aussi beaucoup sur la même plante, selon l’âge et le degré de développement de la pousse qu'on observe. Aussi le tableau dans lequel J'ai réuni la notation d’un assez grand nombre de ces courbures ne doit-il pas être regardé comme pouvant fournir des données précises et constantes, mais seule- ment des exemples qui permettront de se former une idée de la généralité et de l'intensité du phénomène que je me propose d'étudier dans ce mémoire. Pour imprimer des secousses aux branches, M. Hofmeister les saisissait avec la main par la partie inférieure et leur donnait une vive impulsion dans un sens, puis dans le sens opposé, et ainsi de suite. J'ai employé une autre méthode; on en verra bientôt le motif. Je frappe avec un petit bâton la pousse sur un côté, au-dessous du point où doit se manifester la courbure ; la pousse, sous celte impulsion, se fléchit, puis elle se redresse et se fléchit en sens inverse, et de mème à chaque coup. Dans le tableau suivant, je marque le nombre des coups ainsi appliqués sur la pousse pour produire la courbure. Pour noter la courbure, j'agis de la façon suivante : Avant l'expérience, J'applique la pousse sur une feuille de papier et jen trace la direction avec un crayon, puis je la frappe comme il vient d'être dit en la tenant dans une position verticale. Quand la flexion s’est manifestée, je replace la pousse sur la figure précédente, en faisant coïncider la partie inférieure qui ne s'est pas courbée, et je marque avec un eérayon la courbure qu'elle à éprouvée. Je prolonge ensuite sur la figure obtenue la direction de l'extrémité infléchie jusqu'à ce qu'elle rencontre 19 90 ER. PRILLIEUX. le tracé de la direction initiale ou son prolongement, et j'ai ainsi l'angle dont l'extrémité de la pousse s’est infléchie durant l’ex- périence : c'est cet angle qui est noté sur le tableau suivant. TaBLeAU [. Pleris aquilina. Extrémité en voie de développement du rachis d’une fronde......, Gb À pd Da bo EH Didi 6 PHP aItit Lastrea thelyptleris. Rachis de jeune fronde..:,.....,..... ONOCICUSENSTOUISN M At eee nets tete DE dois Eurtaci Osmundamegalisa nt. EP thetereeel mie creec ec. tetere Marstlearquadrifonos Per PCR Riel Eee cite SnilartasperaJeune poussé el LA EUR NE MERT EAN Smilax laurifolia. Jeune jet très-fort.…................, Asparaqus officinalis. Jeune pousse.................... Ornithogalum Ecklont. Inflorescence (fleur infér. épanouie). Allium carimatum. Hampe PI CRE MONET. EVA 6 DUO RAC IEIE RATES RCE ele ANRUMIACHONRQUUUN- RER RERO Ent Re Anthéricum ramosum. .........,............... CETTE Alisma Plantago. Tige florale (fleur inférieure épanouie). ... Campanula glomerata. Tige florale en boutons. .......... Campanulaiperegninan en AR PANIER ME AE NEURN Platycodon autumnale. Tige florale à la première apparition des boutons......4..... Did di 0 de É 3 bo do e JOR AE Hieracium sabaudum. Très- sjeune pousse. . ASIA POINTE Hieracium sabaudumn. Jeune pousse plus avancée. ...... Hieracium rigidum. Tige florale en boutons.............. Hieracium andryaloidesess hisser 2h dette er eluefaels fus SONCHUSINONUIMUS REIN ee EEE Cle elle ide le Sonchus'arvensis. 4 2. 21e D OU DPS GE CU 0 DENON PICRITUMNUUIQURE NME RE eee ete CE : Crepis pulchras ee LR Re ne . CODE Lactuca sativa (crispa). Tige florale (fleurs infér. épanouies). CSM OD MER ee ei ee ele: 2. Centaurea glastifolia. ....... .,.4...4.444.444.., Calendula lofNCinalS ESS AC ec CR ete dee Senecio Eudorus.....,. PATATE DIR ET AS 5 DU Ho MOTS Senecio'coriaceus VENT. APE MOT OMS SU DÉC IO GÉIOERE ACIAUCONQUS TIC Re EE Der Dee le ect le ile ele lei C hr Jsostemme tr ipteris LS RE PORN Ne Ts is Biotia comrni. vla SA DE IE DO LS LH icto Hola sole Lio DNA DipsaeuspUloSUSL Er, RAR IAENE RI RSRRE d DA DES Centranthus Ruben EC RE ER Ter ele reel LoniceraSempervmrens ie ere ale rte elelele hi rpielale © ele Crucianella latifolia. Jeune pousse. ................... GONUMITUNLOITES EL EEE eee ere reach Apocynum cannabinum. ........,.... SERA DD DIPES D 3% Apocynum venelum. ...... RO D D D LNO 6 0 DD TTOONIT TUE , NOMBRE de coups. INFLEXION, ÉTUDE SUR LES COURBURES DES VÉGÉTAUX. 951 NOMBRE de INFLEXION. coups. Swertia perennis. ..... 20 Phlox maculata . soie iolelsietels 20 Echium vulgare............ 30 APiCHUS HO NCA ee LR IERTS se dote certe -ciefe . 10 Omphalodes linifolia. Inilorescence 6 Phacelia tanacetifolia.. de 20 Lycium europæum. Jeune pousse....... . 20 Lycium sinense 25 Solanum tuberosum SEE 30 Solanum pubigerum Moobc 30 ue Nicotiana paniculata. Ynflorescence jeune. .............. 15 j Nicotiana multivalvis 15 ' Schizanthus pinnatus.. ........... . 10 | Verbascum thapsoides. Tnflorescence 15 Men DAS CN IPIOMOES RÉ EE eo Cet 10 Verbascum pyramidatum 12 Scrofularia orientalis 20 Scrofularia campestris. .......... ° A0 Antirrhinum majus. Inflorescence..... 36 0) SUPÉOAT COÏNIT s 48 duo ee COMMON MR EME SOU 23 l Syringa vulgaris. ,...,..... . 20 if Tamanieindica serre ÉTAPE RUE 35 À Cissus pubescens. 30 il CHSSUSÉDUbESCENS AE PMR ER ele er ere e Er D SU OAI 80 L: ANNE LONSISIN ETC ACER NN A ee lrielele delete celte . 70 l Ampelopsis hederacea. Pousse très-jeune. ........ Ê 80 | iSurmiens/Jebiisoureux LR ee. L ER er f Vitis vinifera. Pousse très-tendre ï Papaver rhœas. Pédicelle portant un bouton ! Berberis vulgaris. Jeune pousse i Clematis flammula f Clematis glauca k Philadelphus speciosus GG re | Philadelplus verrucosus i Heuchera macrophylia De j je Rosacentiyona. Jebkisoureux-tr. AIEURT. . SLR ETNEUEN | Rosa çentifolia. Pousse plus jeune 0 o& ) ÿ Poterium verrucosum | Prunus laurocerasus.. ...,.... Colutea arborescens j CotuteR orient as NE EMENt FRAME, IEEE MMM EAN | Astragalus vimineus......…. | Sophora alopecuroïdes. ... | Corylus maxima Corylus maxima GG + Corylus maxima | | | . | f l Le procédé que j'ai employé pour nnprimer des secousses 2592 ED. PRILLIEUX. aux pousses m'a permis de déterminer bien plus exactement le plan dans lequel se font les flexions qu’en les secouant simple- ment avec la main. Dans ses expériences, M. Hofmeister a vu varier de toute facon le sens dans lequel se courbent les tiges secouées ; il cite, en particulier, des mflorescences de plusieurs pieds de Verbas- cum Blatiaria croissant dans un jardin sur une même planche, qui, après avoir été secouées, penchèrent leur extrémité vers tous les ponts de l’horizon. Il remarque, en outre, que la flexion des pousses secouées de V’itis vinifera, Digitalis media, Funkia cœrulea et Robinia pseudo-Acacia se fait aussi bien dans le sens de la courbure de l'extrémité de la jeune pousse (qui est courbée en crochet) que dans le sens opposé; la direction de la courbure ne paraît donc avoir de relation ni avec la position, ni avec la structure anatomique des plantes, el en outre l’ex- périence conduit M. Hofmeister à cette conclusion que, quand on secoue avec la main les extrémités des pousses capables de flexion, on ne voit pas se manifester non plus, dans la direction de leur courbure, de relation nette avec la position du plan dans lequel les secousses ont été produites. Toutefois M. Hof- meister à bien reconnu que le sens des mouvements imprimés par la main n'est pas assez nettement déterminé pour qu’on puisse rien conclure des résultats non concordants que donne l'expérience ainsi faite, et il a cherché à régler rigoureusement la direction des secousses. Pour cela, 1l a employé un pendule dont les battements très-faibles, mais très-souvent répétés, ont produit une légère incurvation sur des pousses très-minces et trés-sensibles de Clematis glauca. Dans ce cas, il a observé que la flexion se fait toujours dans un même sens, que constamment la courbure qui se produit dans ces conditions a son côté con- vexe opposé aux battements du pendule. Cette inflexion est parfois assez grande pour que la tige en expérience s'éloigne du pendule en se courbant au point de n’être plus atteinte par ses battements. En frappant comme je l'ai fait les tiges d’un côté avec un pelit bâton, j'ai pu obtenir la précision dans la direc- tion des secousses, comme dans l'expérience du pendule de ÉTUDE SUR LES COURBURES DES VÉGÉTAUX. 253 M. Hofmeister, sans pour cela en diminuer l'intensité au point de ne pouvoir agir que faiblement et à la longue sur des tiges irès-ténues. Je reviendrai tout à l’heure sur cette intéressante expérience du pendule de M. Hofmeister, mais je donnerai d'abord les résultats des observations que j'ai faites de la façon que J'ai précédemment indiquée, c’est-à-dire en frappant les tiges au-dessous du point où elles se courbent. Ces résultats, obtenus dans des conditions autres que celles où s'était placé M. Hofmeister, sont en complet désaccord avec ceux que le célèbre observateur allemand a trop généralisés. Toutes les fois qu'on frappe une pousse droite sur sa partie inférieure, ou en d'autres termes au-dessous de sa région incur- vable, on voit l'imeurvation se produire constamment dans le plan des oscillations causées par les secousses, et de telle façon, que la courbure présente sa concavité (et non sa convexité, comme l’admet M. Hofmeister d'après son expérience du pen- dule) à la direction dans laquelle sont imprimées les secousses. J'ai vu ce fait se reproduire d’une manière constante dans un trop grand nombre de plantes pour douter de sa généralité. Il suffira de citer comme exemple toutes celles qui sont mention- nées dans le tableau f, car, chez toutes, la courbure dont l’in- tensité est notée dans ce tableau avait sa concavité dirigée vers le côté frappé. La courbure produite par les secousses sur les rameaux laté- raux dirigés obliquement se fait dans le même sens; ils se recourbent aussi en présentant leur concavité vers le côté frappé. Il convient toutefois de mentionner cette remarque que parfois le poids dont est chargée leur extrémité et qu'ils devraient sou- lever pour se courber dans la direction normale est trop con- sidérable pour leur permettre de s’infléchir ainsi et les oblige à s'inchner vers la terre. Quand les pousses soumises à l’expé- rience ne sont pas droites, mais présentent des courbures et des torsions, il peut y avoir aussi une altération apparente de l’in- curvation normale due à ce que, sous l'impulsion des chocs, les oscillations ne se sont pas alors faites exactement dans un plan. 25h ED, PRILELIEUX. Ce sont là des résultats exceptionnels dont la constatation ne porte aucune atteinte à la généralité de la lor. De ce qui précède, je crois pouvoir conclure que, dans toutes les expériences faites par M. Hofmeister sur des pousses qu'il a secouées en les sais:ssant avec la main par la partie mférieure, c’est la direction inverse de celle qu'il suppose, d’après son expé- rience du pendule, qui se produisait constamment. Je ne doute pourtant en aucune façon de l'exactitude de cette expérience du pendule: seulement, pour lui attribuer sa valeur réelle, il convient de noter exactement les conditions dans lesquelles elle se faisait et qui sont notablement différentes de ceiles qui ont été imposées à toutes les autres expériences. I est indispen- sable, en effet, de remarquer que le pendule de M. Hofmeister ne battait pas contre la partie mférieure de la tige, mais contre son extrémité ; qu'il agissait, par conséquent, ou sur la région incurvable elle-même, ou un peu au-dessus, au lieu de battre sur la partie de la tige située au-dessous de ce point, comme je lai fait dans les expériences rapportées plus haut et comme le faisait M. Hofmeister lui-même quand il saisissait avec la main la pousse par sa partie inférieure pour lui imprhner des secousses. Là est la cause de toute la différence qu'il y à entre les résultats que j'ai indiqués plus haut et ceux qu'a trouvés M. Hofmeister dans son expérience du pendule. Je m'en suis assuré en frap- pant non plus la base, comme J'avais fait précédemment, mais l'extrémité des pousses. Par ce moyen, j'ai reproduit les phé- nomènes observés par M. Hofmeister sur les tiges faibles battues par le pendule, et cela avec une plus grande intensité et sur des pousses bien plus fortes, et j'ai vu, comme lui, bien nettement, les tiges se courber dans ce cas en dirigeant leur convexité et non plus leur concavité du côté où ont frappé les coups. Fai pu ainsi produire à volonté les deux Imflexions inverses en frap- pant sur un même côté de la pousse, à des hauteurs différentes, en employant pour ces expériences les divers rameaux d’une même plante et même parfois un même rameau que J'ai vu se courber alternativement dans les deux sens opposés. Ainsi, un jeune épi de Reseda luteola, frappé à son extrémité de cinquante ÉTUDE SUR LES COURBURES DES VÉGÉTAUX. 259 coups, s’est courbé de 15 degrés, en présentant aux coups le côté convexe de sa courbure; puis, sous l'influence de coups frappés au-dessous de la courbure, sur la partie inférieure de la tige, l'extrémité courbée de l’épi s'est redressée, puis courbée encore, mais en sens inverse, et cela si vivement, que, dès le douzième coup, la courbure, dont la concavité était dirigée vers le côté frappé, atteignait 52 degrés. Du reste, les inflexions produites par les coups qui portent sur le sommet des pousses sont toujours notablement plus faibles que celles qu'on détermine en les frappant à leur partie infé- rieure, au-dessous de la région incurvable, comme on ie peut voir sur quelques exemples réunis dans le tableau suivant. TABLEAU II. NOMBRE" NOMBRE de coups frappés NOM DE LA PLANTE. de coups frappes COURBURE, au-dessous COURBURE. au sommet, de la région incurvable, ————— | | ———— o Lo Platycodon autumnale. oÙù 15 6) 65 Hieracium rigidum.... 50 20 8 75 Sonchus arvensis. .... 25 65 A 90 Sonchus arvensis. .... XÉ 13 15 120 Crepis pulchra....... 49 45 6 100 Crepis polymorplha.... 15 59 5 130 Pyrethrum multifidum.. 50 30 10 65 P. tanacetifolium. .... 20 495 415 90 Solidago ulmifolia.. ... 90 15 15 65 Veronica spuria. . ..... 90 25 10 70 Rosmarinus officinalis. 90 A0 10 45 Teucrium Arduini.,... 50 30 20 65 Althbæa armeniaca. .... 30 . 40 410 95 Althæa narbonensis. .. 30 50 10 400 Althæa taurinensis. . .. 20 10 10 95 $ 4. La partie de la pousse qui se courbe est toujours en voie de développement ; elle est apte à se redresser quand elle a été écartée de la verticale par une cause quelconque ; il est donc naturel que la cause qui produit la flexion de la pousse cessant 256 ED. PRIE LIEUX. d'agir, la courbure causée par les secousses s’efface peu à peu au bout d’un espace de temps plus ou moms long, selon le degré d'activité de la végétation de la plante. Au printemps, J'ai con- staté sur des pousses de Lilas des traces faibles de courbure au bout de vingt-quatre heures, tandis que j'ai vu des tiges fleuries de Thlaspi bursa-pastoris et de Senecio vulgaris inclinées de 90 degrés se redresser complétement en quatre heures par une belle et chaude journée du mois de jum. 8 5. Selon M. Hofmeister, quand une pousse se courbe, sous l’in- fluence des secousses, elle grandit dans tous les sens. Cette aug- mentation de volume est un fait très-curieux et très-important à établir, car il a une grande valeur au point de vue théorique, et il a été employé par M. Hofmeister pour soutenir l'explication qu'il a donnée du mécanisme de ces mcurvations. Je ne m'occuperai pas iei de l'augmentation en diamètre des pousses. D'après les éxemples cités dans le mémoire de M. Hof- meister, elle ne dépasserait pas le plus souvent quelques cen- tièmes de millimètre, et je n'ai pas eu à ma disposition les moyens de répéter ces délicates recherches ; mais je rappellerai que M. le docteur Kraus, qui s’est occupé d’une facon toute spé- ciale de l'étude de la tension des tissus divers dont sont compo- sées les pousses, affirme, dansson mémoire (1), que les secousses produisent bien une diminution de la tension transversale des tissus de l'écorce, mais qu'il n’en résulte pas pour le moment d'agrandissement de la circonférence de la pousse, affirmation qui me paraît en désaccord avec celle de M. Hofmeister. Quant à moi, je n'ai cherché à constater que l'allongement des pousses secouées. Pour cela j'aiemployé le procédé suivant : Je marque, sur la pousse que je veux étudier et dont j'ai préa- lablement enlevé les feuilles, un certain nombre de pots à l’aide d’une aiguille trempée dans l'encre de Chine, puis j'ap- plique la pousse sur une feuille de papier ; j'en trace la direc- (1) Bot, Zeitung, 1867, n°5 1%, 15, 16, 17, 18, ÉTUDE SUR LES COURBURES DES VÉGÉTAUX. 257 tion en en suivant le bord avec un crayon, et je reporte le plus exactement possible sur le papier les points marqués sur la pousse. Cela fait, je frappe la tige de facon à obtenir une courbure dont la ligne de points occupe le côté concave, c'est-à-dire que je frappe la tige par le côté où sont marqués les points. Quand la courbure est produite, je replace la pousse sur le papier en fai- sant coïncider sur la figure précédemment tracée les points marqués sur la partie située au-dessous de la courbure qui servent de points de repère; puis Je fais le tracé de la partie cour- . bée en marquant avec soin la nouvelle position des ponts et en désignant par les mêmes lettres ceux qui se correspondent avant et après l’incurvation. Il ne me reste plus alors qu’à choisir sur la figure deux points situés vers les limites de la partie courbée, et à mesurer la distance qui les sépare sur le tracé fait avant l'incurvation et sur le tracé de la pousse courbée, ce que je fais directement à l’aide d'une règle pliante divisée en demi- millimètres. La règle que j’emploie est une très-mince règle d'ivoire que j'ai plongée quelque temps dans du vinaigre afin de la rendre plus flexible en dissolvant les sels calcaires qui l'incrustaient. M. Hofmeister, au lieu de mesurer directement, comme je l'ai fait, la longueur de l'intervalle qui sépare les deux points sur la tige courbée, mesure la corde etle sinus verse, et calcule, d’après ces données, la longueur de la courbe qu’il suppose, par conséquent, être un arc de cercle. Or, je crois que cette suppo- sition n'est pas exacte, et je pense que là est la cause des diffé- rences qui se montrent entre les résultats que m'a fournis l’ex- périence directe et ceux que le calcul a donnés à M. Hofmeister. En effet, au lieu de l'allongement annoncé du côté concave de la pousse courbée, c'est au contraire une diminution de longueur que j'ai toujours constatée. Je sais bien que dans le tracé des figures qu'on mesure ensuite, il est fort difficile de reporter les points avec une très-grande exactitude; j'admets que les chiffres que j'obtiens ne sont pas absolument justes, même à un demi-millimètre près, peut-être ; mais ils s'accerdent entre eux d'une façon trop remarquable pour que je puisse con- 5€ série, Bor, T. IX. (Cahier n° 5.) { 17 EUR en EAU 7 ne 7 ANT PNR SEA ERE SR EE, sata: A PERRET NE en Pl SE pm PE ie TU Ë ES de Pt, à 1K f h: 4 ÿ ir ‘8 | À 258 ED. PRILLIEUX, server de doute sur la conclusion générale que je crois pouvoir tirer. On en jugera en jetant les yeux sur le tableau suivant : TABLEAU III. LONGUEUR É LONGUEUR NOM DE LA PLANTE. avant D après DIFFÉRENCE. 3 de flexion. k la flexion, la flexion. ann eo) mn mot Onoclea sensibilis. :...::..:. 89,50 57 À 87,75 —1,75 Lastrea thelypteris.......... 56,90 37 56,00 —0,50 Osmunda regalis.:..:....... 85,00 50 83,00 —92,00 Asparagus officinalis: 2.44. 89,50 28 88,00 =1;50 Asphodelus ramosus....... . 79,50 Lt 78,90 —1,00 Sonchus arvensis. .,...:.... 58,90 71 56,50 —2,00 Vincetoxicum nigrum. .... . 121,00 54 119,50 —1,50 Lycium éuropæum: . ...... 95,00 52 93,50 —4,50 Lycium sinense, ..:.. ‘ie “ep 105,90 66 104,25 —1,25 Scrofularia orientalis,....... 107,25 LG 106,00 —1,25 Verohica excelsa. ..:.... «.| 404,00 20 103,00 —1,00 Syringa vulgaris. .,:...+... 105,00 68 104,00 —1,00 Tamarix INAICH: Se es ere ef sieiere 118,75 98 117,79 —1,00 Cissus pubescens. .....:.... 60,50 59 59,00 .[ —1,50 Cissus pubescens........... 65,00 33 64,00 —1,00 Ampelopsis hederacea. ....:. 82,90 39 81,79 —0,75 Ampelopsis hederacea......: 123,00 65 121,50 —1,50 Ampelopsis hederacea. ...... 110,50 33 À 109,50 —1,00 Mitis viniféra.t 7.112..." 109,50 37 108,50 —1,00 WITISIVINITER A. Re ue bee 93,00 12. 92,50 —1,00 Berberis vulgaris. ........:. 88,50 {1 86,75 —1,75 Clematis flammula.. .....:.. 86,79 90 87,79 —1,00 Clematis glauca..... s: ou 83,00 A5 81,50 —2,00 Clematis glauca. ..... ae 1402200 39 100,50 — 1,50 Philadelphus speciosus....... 39,00 A6 38,00 —1,00 Philadelphus verrucosus. . ... 116,00 30 115,50 —Ù,50 Heuchera macrophylla. ...... 60,25 95 98,75 —1,50 Heuchera americana........ 81,00 72 À 83,90 —0,50 Rosa centifolia............. 140,25 113 138,00 22,25 Poterium verrucosum. ...... 121,50 65 119,75 —1,75 Prunus laurocerasus: . ...... 77,90 59 76,00 —1,50 Glycyrrbiza glandulifera. .:..| 192,50 ai 190,50 —2,00 Colutea orientalis. ..... RU 128,90 53 128,00 —0,50 Astragalus vimineus. .:.:... 66,00 37 64,00 =—92,00 Soplora alopecuroides....... 77,00 29 76,50 —0,50 Corylus maxima...... se. 1e DO OÙ) UA 104,00 —1,50 Corylus maxima,...:..,.... 89,25 48 88,50 —0,75 En présence de données expérimentales aussi concordantes entre elles et en si complet désaccord avec les chiffres trouvés par M. Hofmeister, J'ai cherché à reconnaître, par expérience directe, s'il n'y avait pas une différence appréciable entre la ÉTUDE SUR LES COURBURES DES VÉGÉTAUX. 259 longueur de la pousse courbée et l'arc correspondant que M. Hofmeister a mesuré à sa place. Pour cela, j'ai pris une pousse de Vigne, plante sur laquelle à porté l'expérience de M. Hof- meister, j'ai marqué deux points qui, avant l’incurvation, étaient distants l’un de l’autre de 96"",50; puis, en frappant quarante coups à la partie inférieure de la pousse, j'ai causé une inflexion de 73 degrés, et j'ai mesuré la distance nouvelle des deux points sur le côté concave : elle n’était plus que de 95 millimètres. Alors j'ai mené une circonférence par les deux points extrêmes et le milieu de la courbure tracée; l'arc enveloppe la courbe ; mesuré, il m'a donné une longueur de 97 millimètres, supé- rieure par conséquent à la longueur de la pousse avant l’in- flexion. L'expérience recommencée sur un pied de Vipérine n’a fourni exactement les mêmes résultats. Avant la flexion, la dis- tance entre deux points était de 79"",5. Après cinquante coups frappés à la base, la courbure était de 64 degrés; la distance mesurée sur le côté concave de la pousse n'était plus que de 78"",5, tandis que l'arc mené par les deux points extrêmes et le milieu de la courbe mesurait 80 millimètres. Ces résultats, tout à fait d'accord avec ce qu'a trouvé M. Hofmeister, donnent l'explication des différences qui semblent exister entre les obser- valions, En mesurant la tige courbée elle-même commé j'ai fait, on constate une diminution ; en mesurant l'arc correspon- dant comme à fait M. Hofmeister, on constate une augmentation de longueur. S 6. Depuis les travaux si remarquables de Dutrochet, on connaît généralement la propriété qu'ont les deux moitiés d’une jeune pousse fendue longitudinalement de se courber en dehors ; on sait, en effet, que Dutrochet à basé sur ce fait toute sa théorie des mouvements des végétaux et de la direction des tiges vers le ciel. Si les deux moitiés de la tige se courbent ainsi, c’est parce que certaines parties s’y dilatent, tandis que d’autres se contractent. M. Hofmeister l'a montré d'une façon très-saisis- sante. I fait sur une jeune pousse deux coupes longitudinales parallèles, de manière à obtenir, comprise entre les deux 260 ED. PRILLIEUX, coupes, une tranche formée de tous les tissus de la tige. Les deux portions latérales au delà des coupes de chaque côté se courbent en dehors, et sont enlevées ; la tranche du milieu, bordée à droite et à gauche par de l'écorce, et bien symétrique, nese courbe pas. Si on la divisait transversalement, selon l'axe, ses deux moiliés se courberaient aussi, de façon que la moelle occupât le côté convexe, l'écorce le côté concave de la cour- bure. Mais M. Hofmeister n’agit point ainsi : il a divisé par des coupes la tranche en autant de bandes qu'il y a de tissus de structure différente ; il isole l'écorce du bois et le bois de la moelle. Ces diverses bandes isolées ainsi les unes des autres ne se courbent pas, mais changent de longueur ; les unes s’allou- gent, les autres se raccourcissent : la moelle, par exemple, est beaucoup plus longue que le bois et que l'écorce, et plus longue aussi que n’était la tige intacte. Citons quelques chiffres pour mieux fixer les idées. On prend sur une pousse de Vigne un tron- con d’une longueur de 94 millimètres ; on en isole les éléments comme il vient d’être dit, et l’on voit l'écorce se raccourcir de 2“%,5, et n'avoir plus que 9M1°",5 ; le bois se contracter plus en- core de près de 5 millimètres, et n'avoir plus que 89"",3 de long, tandis qu'au contraire la moelle s’allonge de plus de 3 mil- limètres et atteint une longueur de 97 millimètres. On voit, d’après cela, qu'une pousse entière est dans un état d'équilibre, dans lequel des tissus différents, qui ont tendance les uns à s'étendre, les autres à se contracter, se contre-balancent mutuel- lement. C'est le parenchyme médullaire qui est l'élément actif, qui tire les autres tissus et les oblige à s'étendre, tandis que ceux-ci, c’est-à-dire le bois et l'écorce, tout en se dilaiant sous la pression de la moelle, la retiennent par contre, l’entravent et l'empêchent de s’allonger. Si l’on enlève d’un côté de la tige une bande d’écorce, l'équilibre des tensions se trouve rompu, la moelle n'étant plus contenue de ce côté s’y allonge ; le côté écorcé devenant plus long, 1l en résulte une courbure de la pousse, dont la partie écorcée occupe la convexité. Ceci bien compris, voyons l'explication que M. Hofmeister donne des courbures qu’on produit en secouant les pousses, ÉTUDE SUR LES COURBURES DES VÉGÉTAUX. 261 Le premier effet des allongements et des compressions alter patives que causent les secousses est, selon ce naturaliste, l'extension des tissus périphériques qui, par leur élasticité, contre-balancent la dilatation de la moelle, et par conséquent un allongement de la pousse tout entière. En outre, l’action produite par les secousses n'étant pas la même sur tous les points de la périphérie, une diminution inégale de l’élasticité des tissus qui entravent l'extension de la moelle se produit sur les divers côtés des pousses, et, par suite, ces dernières se cour- bent vers le côté où l’élasticité du bois et de l'écorce à été moins diminuée. Quand l'élasticité des tissus périphériques est diminuée d’un seul côté d’une pousse, l'équilibre des tensions est rompu comme lorsqu'on enlève une bande d’écorce, et les mêmes phénomènes se produisent ; le côté où l’élasticité des tissus péri- phériques est amoimdrie, s’allonge, courbe la pousse et devient convexe. C’est ce que montre l'expérience du pendule : le côté de la pousse exposé aux battements est celui où l'élasticité est surtout altérée; c'est ce côté qui devient convexe. Toutes les parties de cette théorie très-ingénieuse sont bien liées les unes aux autres, et se prêtent un mutuel appui; elle à été admise sans contestation, reprise et exposée avec une grande netteté par M. Sachs dans son beau livre sur la physiologie expérimentale des plantes (1). Il s’agit maintenant de voir s'il est possible de mettre cette explication d'accord avec les faits que je viens d’exposer d’après mes propres expériences, et qui différent notablement de ceux sur lesquels s’est appuyé M. Hofmeister, puisque j'ai contesté l’allongement des tiges par les secousses; que j'ai montré que l'incurvation produite dans l'expérience du pendule n’est pas celle qui à lieu d'ordinaire quand on secoue les tiges; que, dans des conditions différentes entre elles, mais constantes, la courbure présente tantôt sa convexité, tantôt sa concavité vers le côté frappé. Pourrait-on concilier ces faits avec les vues de (4) J. Sachs, Handbuch der Experimental-Physiologie der Pflanzen, p. 465. 262 ED. PRILLIEUX, M. Hofmeister? Je ne le tenterai pas, parce qu’une autre obser- vation que j'ai répétée maintes fois me paraît être tout à fait en contradiction avec la théorie admise, Voici cette expérience qui me semble décisive : - On fend longitudinalement par le milieu l'extrémité incur- vable d’une pousse ; les deux moitiés, que je désigne par les lettres À et B, s’écartent l’une de l’autre, et se courbent chacune en dehors en raison de l’excès de la longueur de la moelle sur celle du bois et de l'écorce. À l'air, cette courbure atteint son maximum au premier moment, et tend ensuite à diminuer, par suite de l’évaporation du liquide contenu dans la moelle qui se fane, et décroit peu à peu de volume. Prenons une tige ainsi fendue, et frappons sur la partie infé- rieure, de façon que les oscillations se fassent dans le plan qui passe par les deux moitiés À et B, qui sont écartées l’une et l'autre, mais en sens inverse de la direction primitive de la pousse. Les coups, tout en ayant une force suffisante, doivent être ménagés, de façon que les secousses ne brisent pas ces moitiés de tige qui n'offrent pas une grande résistance. Bientôt, si l’on agit sur une pousse dont les tissus présentent une con- sistance convenable, on voit celle des deux moitiés qui est du côté frappé, et que je désigne par la lettre B, s’incliner, et faire avec le prolongement de la partie inférieure de la pousse, c’est- à-dire avec la direction primitive de la pousse intacte, un angle plus grand; elle occupe au bout d’un certain nombre de se- cousses la position B/. L'autre moitié À de la tige, au lieu de s’abaisser, se relève au contraire, et se rapproche du prolonge- ment de la partie inférieure ou de la direction primitive ; sou— vent même elle dépasse cette direction, et se courbe dans le même sens que la moitié B. Au bout d’un certain nombre de coups, elle occupe la position A’. Dans le tableau suivant, je distingue par les signes — et + les quantités dont les moitiés A etB s’écartent de la direction primitive de la pousse intacte: les inflexions qui se font vers le côté frappé sont marquées du signe + ; celles qui se font du côté opposé sont marquées du signe —. 263 ÉTUDE SUR LES COURBURES DES VÉGÉTAUX. D du 109 a] «ed aympox NOILVIAHU I HE Le) [=] a + D RU Ed *sduo op P :agquenb e] ep aATTuId uONDap E] 2P JU971809,S 281} e] op 4 La V SHILION XNYQ sa yquenb ®J op ATP EL 9P AVENON JIOUr XN2p S2] ‘AI OVSIAVE °e + + *erjopsnsue snusStælA *‘wunjepruverÂd umIseq19 À °°° :*WNS0990]} WNISEII À ‘°° wWUNSs0990]J WNISLAII À °*°:*":%JS28U09 CI[99EUd °*e +: :SI[UUIOUJO ESNUOUY °°°" ""tJe[noeut XO[Ud * *SUAIMAIIAUES PIIIIUOT °°: *40qni snyjuviju9r) **:+ *snsoyid snoesdiq vtt *RIXIUUO) EU "suajdrty euwtua7s0s 14) tt OSNST COTUOV 97 CSnËIT VOUOY °°": *SN9098H109 OIDOU2S * tt: : SN99PH09 OIDOU9S "*:t: SDIOPNT O1DOU9S ** *SRULIUJO E[NPUATET) °°: t'SISU9AIE SNHIU0S °*opeuwmqne U0pO2ÂFEId ‘SHINV'Td SHQ SHKON 26h ED. PRILLIEUX, Il résulte des expériences résumées dans ce tableau que les deux moitiés de la pousse se comportent comme la pousse en- üère elle-même, ou plus exactement comme deux rameaux complets ; elles se dirigent vers le côté où portent les coups qui produisent les oscillations ; elles se courbent en présentant la concavité de la courbure vers le côté frappé. Est-1l possible de concilier ce fait avec la théorie de M. Hof- meister? Selon lui, ce serait la diminution de l'obstacle mis à la dilatation de la moelle par les tissus résistants du bois et de l'écorce qui produirait la flexion. Or, dans l'expérience que je viens de rapporter, ces tissus n'existent pas d'un côté, puisque c'est la moelle elle-même qui occupe la convexité de la cour- bure dans les deux moitiés À et B ; il n'y a donc plus d’obstacle à la dilatation de la moelle dès le commencement de l’expé- rience, et pourtant cela n'empêche pas l'effet des coups et des oscillations qui en sont la conséquence d'être très-sensible, et la courbure en dehors d'augmenter, de façon que Best bien plus courhé que B. De l’autre côté A’, ce qui se produit est bien plus encore, s’il est possible, en contradiction avecla théorie admise : c'est l'écorce et le bois qui courbent en dedans la moelle, et qui occupent non plus le côté concave, mais le côté convexe de la courbure. Il me semble donc impossible d'admettre que c’est en dimi- nuant l'élasticité des‘tissus périphériques, et rendant par suite possible l'extension de la moelle, que les secousses produisent les courbures des jeunes pousses. Comment alors expliquer ces “courbures ? À quelle cause les attribuer? Doit-on admettre que ce sont des manifestations vitales produites par la plante en rai- son de $on organisation, et à la suite d’une excitation due à l'ébranlement?.Il semble, en effet, bien naturel de rapprocher les mouvements qu'exécutent les jeunes pousses en voie de déve- loppement, sous l’action de fortes secousses, de ceux qu'effec- tuent, sous l’influence des plus légers chocs, les feuilles de la Sensitive. Pourtant il m'a paru nécessaire de chercher avant tout quelle part il convient d'attribuer dans le phénomène à l'action purement physique, et d'examiner quel serait l’effet des ÉTUDE SUR LES COURBURES DES VÉGÉTAUX. 265 secousses, non pas sur une pousse vivante en voie de développe- ment, mais sur une tige rigide et élastique par sa partie infé- rieure, flexible et molle par son extrémité. Pour cela, j'ai pris une baguette droite et assez roide, à l'extrémité de laquelle j'ai lié avec du fil une petite tige de plomb tres-flexible, et j'ai agi sur ce petit appareil comme j'avais fait précédemment sur des tiges incurvables. Les résultats que j'ai obtenus ainsi ont été très-nets, l'appareil s'est montré très-sensible. Après quelques coups frappés sur la baguette, c’est-à-dire au-dessous de la por- tion incurvable, la tige de plomb s’est infléchie très-fortement vers le côté frappé, en formant immédiatement au-dessus de l'extrémité de la baguette une brusque courbure, dont la conca- vité est dirigée vers ce côté. Quand, au contraire, J'ai frappé directement sur l'extrémité de la tige de plomb, j'ai déterminé une inflexion vers le côté opposé. J'ai pu même, avec un semblable appareil, dans lequel la tige incurvable était un très-mince fil de plomb, répéter, à l’aide d’un métronome de Maelzel qui battait la demi-seconde comme le pendule employé par M. Hofmeister, la curieuse expé- rience à laquelle 1l a attribué une si grande portée. Au com- mencement de l'expérience, chaque battement du balancier imprimait au fil de plomb une grande oscillation, puis peu à peu celui-ci s’est courbé faiblement d’abord, puis un peu davan- tage, puis enfin, après un très-grand nombre de battements, le fil était assez fléchi pour n'être plus atteint par le balancier, et demeurer immobile près du métronome battant toujours. Il résulte de ces expériences que les phénomènes de flexion produits par les chocs et les secousses sur les pousses vivantes en voie de développement sont de même nature que ceux que les mêmes causes déterminent sur une tige inerte, roide et élas- tique, par sa portion inférieure, molle et flexible à son sommet. Il convient donc d'attribuer à une cause purement mécanique le plus grand rôle dans des phénomènes qui avaient été jusqu'ici considérés comme d’un tout autre ordre et propres exclusive- ment à des êtres vivants. Sans doute, un certain état des tissus est indispensable à leur manifestation ; ils ne se produisent en 266 ED. PRILLIEUX, effet qu'à un certain moment du développement des pousses; mais la raison en est qu'à ce moment seulement, les tissus sont assez flexibles, et présentent la consistance nécessaire pour que la courbure soit possible. Il en est de ces courbures comme des flexions des organes qui pendent sous l’action de la pesanteur; il est nécessaire, pour qu'elles aient lieu, que les tissus offrent une certaine mollesse : c'en est la condition indispensable, mais cela ne doit pas empêcher cependant d'affirmer qu'elles sont dues à une cause physique. SUR LA RESPIRATION DES PLANTES AQUATIQUES A L'OBSCURITÉ, Par M. P. P. DEMHÉRAIEN. Quand une plante marécageuse est conservée dans l’eau ordi- naire. à l'abri de la lumière, elle ne tarde pas à périr. Elle noir- cit, ses tissus se désorganisent, l’eau se peuple d'infusoires et répand une odeur infecte. J'ai observé ces faits avec une grande netteté en 1864 (Bulle- tin de la Société chimique, t. IF, nouvelle série, p.136), et je n'ai pas hésité, dès cette époque, à les comparer à une véritable asphyxie; car, en examinant les gaz contenus en dissolution dans l’eau, je n’y trouvais plus une seule bulle d'oxygène, mais bien de l’azote et de l’acide carbonique. Ainsi, à l'abri de la lu- mière, la plante aquatique vit à la façon d’un animal, absorbe l'oxygène, et périt quand celui-ci lui fait défaut. Il m'a été donné d'observer de nouveau les faits précédents, qui se sont produits sur une grande échelle dans l'étang du domaine agronomique de Grignon. On sait que l'école est établie dans une vallée dont le fond est occupé par un étang d’une grande étendue. Dans cette eau végètent plusieurs plantes marécagéuses constamment submergées, telles que le Pofamogeton pectinatus, le Ceratophyllum submersum, etc. Dans ces derniers temps, il s’y est développé en outre une quantité tellement considérable de Lentilles d’eau (Lemna minor), que toute la surface de l'étang en était absolument couverte ; cette plante formait un tapis assez épais pour que de petits oiseaux pussent y marcher. Bientôt une forte odeur d'hydrogène sulfuré se répandit autour de l'étang, et l'on vit arriver à la surface une très-grande quantité de pois- sons morts. On estime qu'on a retiré de l'étang plusieurs cen- taines de kilogrammes de poissons de dimensions variées. Il n’était pas possible d'attribuer à un empoisonnement par l'hydrogène sulfuré la mort de ces animaux, car les oiseaux d’eau n'auraient pas échappé à l’action de ce gaz, et l'étang res- tait garni de Cygnes, de Canards et aussi de Poules d’eau; mais je pensai que peut-être la Lentille d’eau avait formé à Ja surface 9268 P, P. DERÉRAIN. de l'étang une couverture assez épaisse pour empècher l’acces des rayons lumineux, et que, dès lors, les plantes submergées ayant absorbé tout l’oxygène en dissolution, les poissons étaient morts asphyxiés. Pour m'en assurer, je prélevai quelques échantillons de l’eau de l'étang, en ayant soin de la recueillir dans des flacons remplis d'azote pur, précaution importante mdiquée par M. Peligot dans ses recherches sur les eaux, et qui à pour but d'empêcher que l'air contenu dans le flacon ne se dissolve dans l’eau au moment où elle est puisée. A l’aide d’un siphon, on a transvasé cette eau dans des ballons également pleins d’azote ; puis, après avoir adapté un bouchon donnant passage à un tube rempli d'eau, on à soumis l’eau à l’ébullition en dirigeant les gaz et la vapeur sous une eloche pleine de mercure. On a trouvé ainsi que l'air dissous dans l’eau de l'étang ren- fermait : Échantillon n° 4. Échantillon n°9, Acide carbonique.......,..., COR Bt 38 OXYRÈNE ne Elie ete eiie nie sieste 0 0 Azote par différence. ....... siSoiers 59 62 100 100 On voit que tout l'oxygène a disparu, et que non-seulement celui qui est contenu normalement dans l’eau (32 pour 100 de gaz), mais encore celui qui s’est dissous pour le remplacer, a été transformé en acide carbonique. La cause de la mort des poissons est évidente : ils ont péri par asphyxie, par manque d'oxygène dissous; et si l'oxygène à man- qué, c’est que les plantes submergées, plongées dans l'obscurité par suite du développement exagéré de la Lentille d’eau, l'ont absorbé jusqu’à la dernière bulle. Jai fait remarquer, en effet, que c’est seulement après que la Leutille d’eau a couvert l'étang, que les poissons ont apparu à la surface, et je crois que pour éviter, dans de semblables circonstances, le dépeuplement des étangs, il serait plus utile d'enlever la Lentille d'eau qui couvre la surface que les plantes marécageuses qui sont submergées. NOTE SUR LA RESPIRATION DES PLANTES AQUATIQUES, Par M. Ph. VAN TIEGMEM, Maître de conférences à l’École normale. Îl y a un an, j'avais l'honneur de communiquer à la Société botanique {séance du 9 novembre 1866) quelques observations sur la respiration des plantes submergées; j'ai pu depuis com- pléter par quelques faits nouveaux les résultats alors obtenus, et c’est un résumé de ces recherches, dont rien n’a encore été im- primé, que je présente aujourd'hui. On sait que l'appareil végétatif des Phanérogames aquatiques esl parcouru dans toute sa longueur par un système de canaux lacuneux aérifères, tantôt libres, tantôt fréquemment entre- coupés par des planchers transversaux percés à jour ; une atmos- phère intérieure s'étend ainsi sans discontimuité d’un bout de la plante à l’autre, du sommet des feuilles à l'extrémité des racines. Et si l’on remarque que les feuilles et les racines adventives de la partie inférieure du végétal se détruisent peu à peu à mesure qu’il se développe de nouvelles branches, tandis qu'une foule de petits animaux se fixent sur les jeunes organes dont ils rongent le tissu, on comprendra que le système lacunaire se trouve le plus souvent ouvert en plusieurs points dans le milieu extérieur. Or si l’on expose au soleil, dans de l’eau chargée d'acide carbo- nique, un plant ramifié d’un de ces végétaux, l'Ælodea canadensis par exemple, on voit, au bout de quelques instants, s'échapper par chacune de ces ouvertures accidentelles un courant continu de bulles gazeuses qui s'accélère d'abord, puis se soutient avec une constance parfaite tant que dure l’action directe de la lu- mière solaire ; le gaz dégagé contient environ 1/10° de son vo- lume d'azote et 9/10 d'oxygène. Aucune bulle n'apparaît pen- dant tout ce temps, ni sur les feuilles intactes de la plante, ni en aucun autre point non troué de la surface ; l’exhalation gazeuse superficielle y demeure insensible, C’est donc dans le système 9270 VAN TIFEGHEM. lacunaire que vient se rendre tout l'oxygène formé par les cel- lules vertes sous l'influence de la lumière ; c’est par les points où ce système s'ouvre dans le milieu ambiant que ce gaz, sous l'action de la pression croissante de l'atmosphère intérieure, trouve une issue au dehors ; et comme ces points, bien que situés le plus souvent dans les régions inférieures en voie de destruc- tion, se rencontrent aussi sur les jeunes organes de la partie su- périeure, et quelquefois au cœur même du bourgeon terminal, on voit que la direction des courants internes, loin d’être tou- jours descendante, comme l'ont pensé MM. Cloëz et Gratiolet, ne dépend que de la situation des orifices d'échappement ; le gaz remonte la tige si l'ouverture est au sommet, il la descend au contraire si elle est à la base. On ramène d’ailleurs tous ces cou- rants naturels à un seul, si l’on pratique dans la tige une section vive où les lacunes, largement béantes, offrent au gaz une plus facile issue ; tout l'oxygène formé dans toutes les cellules vertes de la plante vient alors se dégager en un seul et unique point, et l'observation ainsi concentrée, de la vitesse du phénomène respiratoire et des variations qu'elle subit avec les conditions extérieures, en acquiert une très-grande netteté. C'est cette netteté qui m'a fait choisir ces plantes comme les plus propres à élucider les questions que je cherchais à résoudre (1). Il est indispensable de faire remarquer d’abord que, si l'on a soin de se mettre à l'abri des réflexions produites par les nuages, tant que la lumière solaire directe n’a pas frappé les plants d’Ælodea canadensis, le végétal ne dégage pas de courants d’oxy- gène ; sa respiration se borne à une exhalation superficielle in sensible. Si vive qu'elle soit, la lumière diffuse de l'atmosphère est donc impuissante à provoquer chez cette plante une réduc- tion sensible d'acide carbonique. Il en est de même pour le (4) Ce mode de respiration sous forme de courants réguliers, propre aux plantes aquatiques, a été déjà utilisé par M. Sachs pour l'étude de l’action des rayons diver- sement colorés (Botanische Zeitung, 1864), et par M, von Wolkoff pour la démonstra- tion de la loi de proportionnalité qui lie les variations du phénomène respiratoire avec -celles de l'intensité lumineuse de la lumière incidente (Pringsheim’s Jahrbücher. ti. V, 1866). RESPIRATION DES PLANTES AQUATIQUES. 271 Ceratophyllum demersum, le Potamogeton lucens, le Vallisneria spiralis. Ce résultat s'explique d’ailleurs par la constitution même de la lumière diffuse, que les expériences de M. Roscoë ont montré être très-riche en radiations très-réfrangibles, et très-active par conséquent sur les papiers photographiques, mais très-pauvre au contraire en radiations jaunes et rouges, les seules qui, absorbées par la chlorophylle, soient transformées par elle en un travail chimique équivalant la réduction de l'acide carbonique. Ceci posé, que se passera-t-1l quand, après un certain temps d’insolation, nous soumettons ces plantes à l’action de la lumière diffuse de l'atmosphère ? Le 3 février 1866, à 8 heures 30 minutes du matin, la tem- pérature de l’eau étant de 18 degrés, un plant ramifié d’Elodea canadensis est placé au soleil ; un quart d'heure après, il dégage, par quatre de ses points, des courants rapides. À 11 heures 30 minutes, la plante, soustraite à l’action du soleil, est soumise à la lumière diffuse de l’atmosphère, à côté d'un autre flacon contenant des plants d’Ælodea maintenus depuislé matin à l’abri du soleil. À 2 heures, les quatre courants continuent avec la même vitesse ; à 5 heures, leur activité s’est à peine affaiblie, les bulles se succèdent encore en chapelets serrés; vers 5 heures 30 minutes, le jour tombe ; à 6 heures, les courants persistent, visiblement ralentis ; à 7 Heures ils dégagent encore chacun de quinze à vingt bulles par minute; à 8 heures, trois d’entre eux sont éteints, le quatrième produit encore çà et là une bulle ; enfin, vers 8 heures 30 minutes, tout est terminé. Le dégage- ment d'oxygène n’a donc cessé que neuf heures après la fin de l’insolation. Pendant ce temps, aucune bulle ne s’est montrée dans le bocal placé comme témoin à côté du premier. Cette expérience, un grand nombre de fois répétée, tant sur la plante précédente que sur le Ceratophyllum demersum, le Potamogeton lucens, le V'allisneria spiralis, a toujours donné des résultats analogues. !l paraît en résulter que la lumière diffuse de l’atmosphère, mcapable de provoquer par elle-même la dé- composition de l'acide carbonique dans les plantes submergées, 272 VAN TIEGHEM. peut cependant prolonger le phénomène respiratoire pendant un temps considérable, une fois qu’il a été commencé par la lumière solaire directe. Il devenait dés lors intéressant, pour légitimer la conclusion précédente, de rechercher si le dégagement d'oxygène continue encore quand on met la plante à l’obscurité. Le 26 avril 1866, la température de l’eau étant de 18 degrés, un plant d’Elodea canadensis reçoit la lumière diffuse jusqu'à midi, sans qu'aucune bulle apparaisse sur la section de sa tige ; de midi à 3 heures, l'action directe du soleil y détermine un courant très-actif. On met la plante à l'obscurité ; le courant s'arrête d'abord brusquement, mais il s'échappe de nouveau après quelques secondes et reprend à peu près sa vitesse primi- tive ; à 4 heures, il ne s’est pas sensiblement ralenti; à 5 heures, son activité est fort affaiblie, mais il ne s'éteint qu'à 6 heures. Ainsi, (rois heures après avoir été soustrait à l'action directe du soleil et placé à l'obscurité, l'Elodea canadensis continue encore à réduire l'acide carbonique et à en dégager l'oxygène. Le 11 juin 1867, une branche de Ceratophyllum demersum, mise au soleil à 8 heures du matin, dégage par sa section un courant très-acüf; elle est placée à l'obscurité à 8 heures h5 minutes ; à 9 heures, le courant donne deux cents bulles par minute ; à 9 heures 80 minutes, cent vingt-cinq bulles; à 10 heures, soixante-quinze bulles ; à 11 heures, vingt-cinq bulles ; à 11 heures 45 minutes, ilse dégage encore deux ou trois bulles par minute. On remet la plante à la lumière diffuse, et le courant s'accélère aussitôt. Ici encore ce n’est donc qu'après plus de trois heures de séjour à l'obscurité que l’effet produit par une insolation de moins d’une heure à pu être épuisé. Cette expérience, répétée un grand nombre de fois avec des résultats analogues (1), démontre qu'une fois excités par l’action directe du soleil, la réduction de l'acide carbonique et le déga- gement consécutif d'oxygène peuvent se continuer à l'obscurité (4) Je m'occupe en ce moment de la construction d’un appareil enregistreur qui me permettra d'obtenir un tracé où toutes les circonstances du phénomène respiratoire seront inscrites et fixées par la plante elle-même. RESPIRATION DES PLANTES AQUATIQUES. 279 pendant un temps fort long. Mais comme ce temps est de beau- coup inférieur à celui de la prolongation à la lumière diffuse de l'atmosphère, il en résulte que cette lumière possède réellement par elle-même un effet continualeur, quoiqu'elle soit trop pauvre en radiations actives pour provoquer le phénomène. La force vive de la lumière solaire peut done se fixer, s'emma- gasiner dans les plantes vivantes, pour agir après coup dans l'obscurité complète, et s’épuiser peu à peu en se transformant en un travail chimique équivalent, comme elle se fixe et s'emma- gasine dans les sulfures phosphorescents pour apparaître ensuite au dehors sous forme de radiations moins réfrangibles que les radiations incidentes (expériences de M. Becquerel), et dans le papier, l’amidon et la porcelaine, pour se mamifester, après un temps qui peut être tres-long, par la réduction à distance des sels d'argent (expériences de M. Niepce de Saint-Victor). La pro- priété dont se montrent revêtues les cellules vertes des plantes aquatiques n’est donc pas isolée; elle n’est qu'un cas particulier de la propriété générale que possède la matière de fixer dans sa masse, sous une forme inconnue, une partie des vibrations Inei- dentes et de les conserver en les transformant, pour les émettre plus tard, soit sous forme de radiations moins réfrangibles, soit sous forme de travail chimique ou mécanique équivalent. Le phénomène que nous étudions est donc une phosphorescence, mais une phosphorescence particulière, qui diffère des autres phénomènes du même ordre non-seulement par le mode de transformation et d'emploi, mais encore par la qualité des vibra- tions absorbées. Dans nos plantes, ce sont, en effet, les radia- tions lumineuses les moins réfrangibles, jaunes et rouges, qui sont fixées par la chlorophylle, et qui sont conservées dans lu cellule non pas pour être émises au dehors, mais pour être con- sommées au dedans et transformées en un travail chimique équi- valent, la réduction de l'acide carbonique. 5€ série. Bor. T, IX, (Cahier n° 5.) 2 18 DE LA GOMME ET DU TANNIN DANS LE CONOCEPHALUS NAUCLEIFLORUS, Par ME. A. NRÉCUE. (Extrait des Comptes rendus du 38 mars 4868, t. LXVI, p. 575.) La famille des Artocarpées est généralement considérée comme composée de plautes lactescentes. Elle m'a cependant offert une exception. Le Conocephalus naucleiflorus ne renferme pas de vaisseaux à suc lateux, mais des cellules gommeuses dans les parties les plus jeunes des rameaux, et des lacunes ou canaux pleins de gomme dans les parties un peu plus âgées. Ces canaux existent principalement dans l’écorce et dans la moelle des rameaux de ce végétal. Dans la partie la plus jeune d’une branche croissant avec beaucoup de vigueur, les cellules à gomme apparaissaient près du sommet, avant que l’on découvrit aucune trace d’amidon dans les cellules voismes. L’amidon ne commençait à se montrer que vers 4 centimêtres au-dessous de ee sommetet dans l'écorce seulement, où des granules très-petits et rares encore occupaient les cellules de la région moyenne de cette écorce. Plus bas sur ce rameau et dans toute sa longueur, qui état de 35 centi- mètres, il n'y avait de même de l’amidon que dans la région moyenne ou vers la limite externe du tiers mterne de l’écorce, et les grains amylacés les plus gros de cette partie inférieure n'avaient que 0"",005 de diamètre ; 1ls étaient plus petits encore dans l'écorce des partes placées plus haut. La moelle, au con- traire, n'en montrait dans aucune de ses parties, bien que, dans un rameau plus âgé, il s'en trouvât dans la moelle comme dans DE LA GOMME DANS LE CONOCEPHALUS. 275 l'écorce, et même dans le corps ligneux, ainsi que nous le ver- rons plus loin. Je viens de dire que le développement de la gomme est plus précoce, et que son apparition a lieu un peu au-dessous du som- met. Elle naît, à l’intérieur de la moelle et de l'écorce, dans des cellules un peu plus grandes que celles qui les entourent, et elles forment des groupes de deux ou de plusieurs cellules, fréquem- ment elliptiques, qui peuvent avoir dans le jeune âge de 0"",08 à 0"",09 de longueur, sur 0"",05 à 0°",06 de largeur ou moins, et 0"",14 sur 0"”,09 ou plus, suivant le nombre ou la dimen- sion des utricules. Les cellules de chaque groupe paraissent tantôt libres et tan- tôt entourées d’une utricule mère, dont la membrane peut avoit une certaine épaisseur. Ces cellules à gomme, déjà plus grandes que les parenchymateuses qu' les environnent, continuent de croître beaucoup plus longtemps que ces dernières. Dans un groupe de quatre cellules à gomme superposées, chacune d'elles avait de 0"",12 à 0"",15 de longueur sur 0"",07 de largeur, tandis que les cellules du parenchyme adjacent n'avaient que de 0"",03 à 0"*,05 de longueur. Les plus jeunes de ces cellules à gomme renfermaient, avec un nucléus muni de son nucléole, un plasma finement granu- leux, tout à fait soluble dans l'eau. Dans les cellules un peu plus âgées, le plasma se modifie. Augmentant de densité, il se trans- forme en une masse homogène, blanche, brillante, tantôt de la circonférence au centre, mais avec irrégularité, tantôt en com- mençant sur une partie seulement du pourtour de la cellule et en s'étendant ensuite graduellement, de sorte que sur une por- ton de la périphérie de la cellule, il peut.rester de la matière finement granuleuse qui semble persister à cet état, J'ai dit que le nombre des utricules ainsi pleines de mucilage, dans chaque groupe, n’est pas déterminé. Il peut y avoir seule- ment deux cellules ou quatre, ou six ou davantage. J'ai observé des séries de douze et de vingt-quatre cellules, et il peut en exister de plus nombreuses ; mais Je ne saurais dire si dans ces derniers cas toutes les cellules constituantes ont formé le groupe 9276 A. TRÉCUL, initial, ou si la série, d’abord d’un petit nombre de cellules, s’est étendue progressivement par la modification de cellules adjacentes. Quoi qu'il en soit, le contenu de chaque cellule se comporte ordinairement comme je viens de l’exposer, c’est-à-dire qu’il se réunit en une masse homogène et brillante, qui peut occuper toute la cavité cellulaire, ou laisser à la périphérie des espaces irréguliers, fort remarquables par les fines granulations gom- meuses qui les emplissent, et dont la teinte blonde dans l'alcool contraste avec le blanc brillant de la masse mucilagineuse prin- cipale. J'ai figuré avec cet aspect, dans la planche que Je mets sous les yeux de l'Académie, un beau groupe de quatre cellules qui avait 0°",50 de longueur sur 0"",07 de largeur. Les cellules terminales étaient un peu rétrécies vers les deux extrémités du groupe. La belle masse gommeuse blanche que contenait cha- cune de ces quatre cellules, ayant été un peu contractée, per- mettait de distinguer les parois cellulaires et surtout les transver- sales restées minces. Des séries de douze cellules offraent le même aspect, et chez quelques autres voisines, la substance gommeuse, étant beaucoup plus rare, avait subi une contraction plus considérable qui laissait de grands espaces vides de chaque côté des cloisons transversales, espaces qui atteignaient 0"",07 et 0"",08 de largeur ; mais le plus souvent les cellules sont à peu près remplies par la matière mucilagmeuse. Tel paraît être l’état le plus fréquent de cette substance à lin- térieur des cellules intactes. Quelquefois cependant le mueilage est autrement réparti dans les cellules qui le contiennent ; il peut former autour de celles-er comme une couche de plasma homogène, en apparence moins dense, et à cause de cela plus grisätre, moins blanc et moins brillant que dans les cas précé- dents, mais également soluble dans Peau. Toutes les cellules gonmimeuses, pleines ou avec cavité cen- trale, qui viennent d’être décrites, ne restent pas à cet état. Les membranes se ramollissent et disparaissent, et le contenu des différentes cellules se fusionne, DE LA GOMME DANS LE CONOCEPHALUS. 277 Avant d'en arriver là, on peut observer diverses phases inter- médiaires. Dans quelques séries de cellules, la matière gom- meuse, plus ou moins rare et contractée, laisse libres les parois cellulaires, au moins les transversales ; dans d’autres séries d’utricules, la substance gommeuse subit un retrait d'un autre aspect, qui s’accuse tantôt par des fentes longitudinales et plus ou moins recourbées, qui s'étendent du voisinage de la paroi supérieure transversale d’une cellule à la paroï mférieure ; tantôt par des fentes obliques, dont l’inflexion rappelle grossièrement les circonvolutions un peu écartées des spiricules des vaisseaux trachéens. À un moment donné, quel que soit l'aspect de cette matiere, elle se ramollit, prend l'apparence d’une pâte molle qui coule dans les espaces vides. En même temps, les parois cellulaires se modifient, se gonflent, se changent en gomme, et disparaissent dans la masse générale. La planche que j'ai mise sous les yeux de l’Académie offre de ces états divers. Dans l’une des figures, on voit encore à la place d’une des cloisons transversales quelques stries qui représentent cette cloison en voie de transformation et de dissolution. Enfin, quand toute trace de ces parois cellulaires a disparu, les masses gommeuses des différentes cellules, s’allongeant comme une matière semi-fluide, glissent les unes sur les autres à la faveur des espaces libres, et puis se mêlent graduellement. Bientôt on n'a plus, dans tout le canal ainsi formé, qu'une substance conti- nue, marquée de fines stries longitudinales, dans laquelle pour- tant on peut trouver encore quelquefois çà et là des masses moins ramollies, qui finissent par se fusionner tout à fait avec le reste de la matière gommeuse. Dans un jeune rameau à végétation puissante, comme celui dont j'ai parlé, on rencontrait à la même hauteur, dans l'écorce et dans la moelle, à 4 centimètres du sommet, les états les plus différents, depuis de jeunes cellules gommeuses avec leur plasma finement granuleux et leur nucléus nucléolé, jusqu’à des canaux parfaits. À 9 centimètres du sommet étaient encore des séries de cellules, dans lesquelles les cloisons transversales étaient 278 4. TRÉCUL, apparentes ; mais plus bas Je n’en ai pas aperçu (1). A la partie inférieure de ce rameau, j'ai obtenu de ces canaux qui, ayant été coupés, étaient incomplets aux deux extrémités, et qui, malgré cela, avaient plus de 5 millimètres de longueur sur 0°*,08 à 0"*,05 de largeur. Quand les canaux gommeux sont étroits, c'est qu'ils sont formés par l’unique rangée verticale de cellules qui les consti- tuait dans les exemples que j'ai décrits précédemment. I n’en paraît pas être de mème à tous les âges, car j'ai observé, dans l’écorce d’un rameau plus vieux, des canaux gommeux qui avaient jusqu à 0"",20 et 0"",25 de largeur. Ces derniers avaient dû être produits aux dépens des cellules avoisinantes gommifiées, mais je n'ai pas eu l’occasion de suivre leur modification dans cette circonstance. J'ai seulement observé fort souvent qu’autour des cellules gommeuses primitives, les cellules du parenchyme voisin, beaucoup plus petites, renfermaient une couche plasma- que homogène, épaisse, à surface interne inégale, qui avait tout l'aspect d’une couche gommeuse ; cependant, quand on remplaçait l'alcool de la préparation par de l’eau, cette couche ne se dissolvait pas. Je dois ajouter pourtant que les premières notes que j'ai prises sur cette plante signalent des exemples de dissolution ; mais depuis j'ai vu ce plasma si souvent indissous, que j'en étais venu à douter de l'exactitude de ces premières observations. Les larges lacunes que je viens de mentionner, et aussi les canaux fort allongés que j'ai indiqués quelques lignes plus haut, semblent donner raison à ces premières notes. Je terminerai en disant que j'ai aperçu dans les stipules de beaux canaux pleins de gomme qui avaient jusqu'à 0"",08 à 0"°,15 de largeur. Les rameaux du Conocephalus naucleiflorus sont encore dignes d'intérêt par la distribution du tannin qu'ils contiennent, car ce principe immédiat est également renfermé dans des utricules spéciales, qui sont répandues en grand nombre dans l'écorce, (4) Iest clair qu'une végétation plus ou moins active doit modifier tous ces rap- ports de hauteur, et probablement aussi l'aspect même du contenu des cellules, en ce qui concerne la quantité de celui-ci. DE LA GOMME DANS LE CONOCEPHALUS. 9279 dans la moelle et dans le corps ligneux. Voici comment elles étaient réparties dans le Jeune rameau dont je viens de faire connaître les canaux gommeux. Pendant une macération dans une solution de sulfate de fer qui fut prolongée du 8 septembre au 28 du même mois, ce sel accusa du tannin dans une seule des deux espèces de poils dont ce rameau était revêtu à sa partie supérieure. Les poils dressés, pointus, à cellules un peu épaissies, n’en offraient pas, tandis que les poils à cellules obtuses et flexueuses, dont plusieurs par- tent de la même base, étaient fortement noircis. Près du bourgeon terminal il ÿ avait aussi du tannin dans la région corticale périphérique, qui devait être plus tard le collen- chyme, mais les cellules noircies étaient fort rares à la même hauteur dans l'écorce plus interne et dans la moelle. À 1 centi- mètre plus bas, des cellules noircies étaient éparses, dans la ré- gion du collenchyme, sur une zone beaucoup plus large, et leur nombre avait aussi beaucoup augmenté dans l'écorce interne, où elles étaient dispersées sur une ligne un peu irrégulière dans le voisinage du jeune cylindre vasculaire. (Je ne dis pas que cette ligne correspondait au tissu sous-libérien, parce que le liber n’était pas encore perceptible.) Le nombre des cellules tannifères s'était aussi considérablement accru dans la moelle. Toutes ces utricules étaient le plus souvent isolées, mais quelquefois plu- sieurs étaient Contiguës et superposées. A À centimètre plus bas encore, les cellules à tannim du col- leuchyme étaient oblongues comme celles de ce tissu, et arran- gées en séries d’un nombre variable d'éléments. Dans l'écorce interne, les cellules tannifères, oblongues aussi, n'étaient pas disposées en séries régulières. Quelques cellules noircies exis- taient également au contact des vaisseaux de cette partie du ra- meau, qui étaient d’assez gros vaisseaux spiraux et annelés. Comme déjà un peu plus haut, les cellules à tannin de la moelle étaient nombreuses, isolées; ou bien deux, trois ou rarement quatre, étaient superposées. Ressemblant aux autres cellules médullaires, elles étaient à peu près carrées ou assez souvent plus courtes que longues. 280 A. TRÉCUL. À la base du jeune scion, c’est-à-dire à 35 centimètres du sommet, les cellules noircies étaient toujours nombreuses dans le collenchyme, tres-rares ou presque nulles dans l'écorce moyenne, et en très-grand nombre dans l’écorce interne, où la plupart étaient en dedans du hber, quelques-unes entre les élé- ments de ce tissu, et d’autres en dehors de lui. Le liber de ce jeune rameau était très-peu développé par le nombre et par l'épaisseur de ses fibres; là encore quelques cellules noircies étaient éparses dans la partie trachéenne des faisceaux. Enfin, elles étaient nombreuses dans la moelle comme plus haut; mais ici, au bas du rameau, ces utricules tannifères étaient souvent deux, trois ou quatre fois plus longues que les cellules de cette moelle, quoique une certaine quantité d’entre elles fussent en- core de même dimension que les cellules environnantes. Dans un rameau plus âgé, d’un an ou plus, qui avait 12 mil- limètres de diamètre, les cellules tannifères étaient nombreuses dans le collenchyme formé de cellules assez élégamment et 1rré- gulièrement épaissies. Elles étaient en grand nombre également dans le parenchyme cortical extralibérien, et entre les fibres du liber, qui elles-mêmes noircissaient quelquefois ; mais dans le parenchyme cortical placé en dehors du liber, les cellules à tannin étaient ordinairement plus courtes que larges, comme les autres cellules de ce parenchyme, tandis que, dans la région libérienne comme je l'ai dit déjà, elles sont oblongues, bien que de longueur et de largeur variables. Dans la moelle de ce ra- meau plus âgé, les cellules tannifères étaient très-rares; 1l n’en existait plus guère que quelques-unes vers le pourtour, et elles étaient courtes comme celles de cette région. La couche ligneuse du même rameau, dont la structure a de l’analogie avec celle de beaucoup de plantes du grand groupe des Urticées, avait 2 millimètres et demi d'épaisseur. Sa coupe transversale offrait l'aspect d’un réseau lgneux figurant sept strates fibreuses concentriques, reliées entre elles de manière à constituer des mailles ou intervalles occupés par des cellules oblongues à parois minces. L'ensemble de ces mailles pleines de cellules non lignifiées simulait donc des zones interrompues, DE LA GOMME DANS LE CONOCEPHALUS, 281 tantôt plus larges, tantôt plus étroites, à travers le corps fibro- vasculaire, et, parmi les cellules qui les composaient, étaient ré- pandues sans ordre des utricules tannifères, qui contenaient des granules noircis de même dimension que les grains amylacés des cellules voisines. J'ai omis de les éprouver par l'iode, et, à cause de cela, je crois devoir rappeler qu'en 1865 (Comptes rendus, t. LX, p. 1037) j'ai signalé au pourtour de la moelle des Rosa Eglanteria et sulphurea des cellules dans lesquelles, le tannin étant rare, les grains amylacés devenaient seuls noirs sous l’in- fluence du sel de fer. NOTE SUR UN PÉTIOLE DE FOUGÈRE FOSSILE DE LA PARTIE SUPÉRIEURE DU TERRAIN HOUILLER D'AUTUN, Par M. ÆBENAUERE, Professeur à l’école normale de Cluny. Depuis les travaux de M. Ad. Brongniart sur les végétaux fossiles, on connaît l'importance des gisements fossiles siliceux d’Autun, non pas tant sous le rapport du nombre d'échantillons que l’on y rencontre (4), que pour leur variété et la perfection de la conservation de quelques-uns d'entre eux, comme le prouve la description de la tige du Sigillaria elegans trouvée dans cette localité, et publiée par M. Brongniart dans les Archives du Muséum d'histoire naturelle. Parmi les fragments assez nombreux de pétiole de Fougères que je possède, l'étude microscopique de l’un d'eux me paraît assez avancée pour que J'en signale quelques particularités inté- ressantes. La coupe transversale ne présente qu'un seul grand faisceau vasculaire. comme on peut s'en assurer en se reportant à la figure 1. Le faisceau, d’abord horizontal dans la partie du pé- tüole qui probablement répondait à la partie inférieure de la feuille, se relève et s’enroule en spirale à ses deux extrémités. Cette disposition, que J'ai retrouvée plus ou moins accentuée dans un certain nombre d'échantillons de Ja même localité, rappelle d’une manière générale celle de quelques Osmondées, (1) Les échantillons que l’on trouve actuellement sont en petit nombre, et souvent mal conservés; cependant, grace à l’extrème obligeance de quelques collectionneurs qui ont mis généreusement une partie de leurs richesses à ma disposition, j'ai pu commencer l'étude de quelques végétaux fossiles. NOTE SUR UN PÉTIOLE DE FOUGÈRE FOSSILE. 283 du genre Todea, par exemple (1). Mais des différences impor- tantes ne permettent pas de les confondre. L’échantillou, représenté par les figures ! et 2 (pl. 15), devait appartenir à une Fougère déjà adulte, car les cellules voisines de l'écorce ont des parois très-épaisses, et formées de nom- breuses couches incrustantes. La conservation généralement bonne du fossile à permis de distinguer les parties suivantes : La figure 1 est une coupe perpendiculaire au faisceau vascu- laire. La figure 2 est une coupe longitudinale dirigée suivant la ligne x y de la figure 4, et parallèle à ce même faisceau. Les mêmes lettres correspondent aux mêmes parties dans les deux figures. À l'extérieur, en & on rencontre des fibres corticales très- serrées, et à parois épaisses analogues aux fibres libériennes ; la partie épidermique n'existait pas dans l'échantillon. Puis, en allant de l'extérieur à l'intérieur, se trouve une couche de cellules polyédriques, plus hautes que larges (b, fig. 1 et 2), offrant une section transversale plus où moins elliptique, ou bien rendue polygonale par leur pression mutuelle. Les parois de ces cellules sont très-épaisses, et ne laissent au centre qu'un très-petit espace correspondant à une cavité rem- plie actuellement par de la silice, d'une couleur un peu plus foncée que celle qui forme les parois de la cellule. L'épais- seur des parois est rendue évidente par la coupe longitudinale (b, fig. 2). Entre ces cellules et le faisceau vasculaire de la partie cen- trale, 11 existait une couche de cellules polyédriques e, plus petites, à parois beaucoup moins résistantes, et dont il reste à peine quelques vestiges. Dans la plupart des pétioles de Fougères vivantes et fossiles, les faisceaux vasculaires, qui présentent dans leur disposition (1) M. Bronguiart à bien voulu mettre à ma disposition un certain nombre de pétioles de Fougères vivantes, afin de faciliter l’étude comparative des pétioles fossiles, 281 RENAULT. une variété très-grande et précieuse pour l'étude comparative des familles et des genres, sont formés par des vaisseaux géné- ralement volumineux, rayés où scalariformes ; on y rencontre parfois des vaisseaux annulaires, et des trachées déroulables occupant certaines parties du faisceau ; mais dans l'échantillon que je décris, il n°y a rien de semblable. Le faisceau vasculaire est formé (fig. 4 et 2, d) d’un rang de gros vaisseaux, à section elliptique, plus ou moins déformée par leur contact, et dont les parois sont percées de pores régu- liers ronds et disposés en quinconce. Cette forme de vaisseaux que j'ai observée dans plusieurs échantillons fossiles, n’apparte- nant pas probablement à la classe des Fougères, est assez rare ; je ne l'ai pas encore rencontrée dans les Fougères vivantes que j'ai observées. Une particularité curieuse de ces vaisseaux est de présenter leur intérieur rempli de cellules polyédriques ; ce fait, qui a été déjà indiqué dans les vieux vaisseaux du bois des arbres dico- tylédons, n'a pas été, que je sache, signalé dans les Fougères vivantes, et peut paraître singulier dans des pétioles qui n’ont qu'une existence de peu de durée. Les lettres d, Let o de la figure 2 montrent trois de ces vais- seaux, dont les parois sont en grande partie enlevées, et laissent voir l'intérieur rempli de cellules. La figure 3 montre un de ces vaisseaux plus grossi ; le bord supérieur paraît crénelé. Cet aspect provient de ce que la coupe transversale intéresse plusieurs rangées de pores, et passe par leur milieu. On peut reconnaitre cette structure dans la coupe représentée par la figure 4, lorsque l’on se sert de l’éclairage oblique et d’un grossissement de 500 à 600 diamètres. La lettre e indique un vaisseau accolé à celui marqué d, mais trop mal conservé pour que l'on puisse être certain de sa nature. Les lettres / et g se rapportent à un espace rempli de cellules assez mal conservées, et qui formaient une couche continue autour du faisceau vasculaire. Dans les deux figures 4 et 2, on observe en À une région NOTE SUR UN PÉTIOLE DE FOUGÈRE FOSSILE. 285 occupée par des fibres offrant la mème structure que les fibres corticales indiquées précédemment en a. La présence de fibres corticales enveloppées par le faisceau vasculaire est assez fré- quente dans les Fougères vivantes. = Les lettres à et # se rapportent à un espace cellulaire ana- logue à celui indiquée par f'et g. Le n° 11 signale un vaisseau muni de pores comme celui du n° A ; même structure intérieure ; il est fourni par le retour de la spire que la coupe rencontre. En m on trouve un espace n’offrant que des traces d’organi- sation comme les régions c; les cellules auront disparu lors de la silicification. Enfin nous trouvons sous la lettre » des cellules à paroi épaisse qui présentent la même structure que celles qui sont indi- quées en b; on retrouve quelques fibres corticales juxta- posées. Cette partie de la coupe occupe la région moyenne de l'échantillon, et, comme tout est symétrique à partir de ce point, l’on retrouverait en continuant les mêmes parties que j'ai déjà décrites, ainsi que l'indique le gros vaisseau situé en 0. La Comparaison que J'ai pu faire, depuis que les figures et la description de ce pétiole de Fougère étaient tracées, avec ceux décrits et figurés par Corda dans son important ouvrage sur les plantes fossiles, m'a prouvé que cet échantillon, ainsi qu'un autre du même lieu faisant partie de la collection du Muséum, se rapportait au genre Anachoropteris établi par ce savant, et à l'espèce même qu’il a désignée sous le nom d’4. pulchra (1) ; mais la présence de cette espèce dans un gisement français, et l'existence du singulier tissu qui remplit les vaisseaux, et qui n'avait été signalé dans aucune de ces plantes, me paraissent justifier cette nouvelle étude sur ce fossile mtéressant,. (4) Corda, Beiträge zur Flora der Vorwelt. Prag., 1845, p. 86, tab. 56. 286 RENAULT. EXPLICATION DE LA PLANCHE 15. Fig. 4. Coupe transversale du pétiole d’Anachoropteris pulchra. Fig. 2. Coupe longitudinale d’une portion du même échantillon. Les lettres indiquent les mêmes parties sur les deux figures. à, fibres corticales ; b, cellules à parois très- épaisses; e, portion altérée, tissu détruit; 4, gros vaisseaux poretix remplis de cel- lules ; e, vaisseau rayé? ; /, région cellulaire mal conservée; g, région cellulaire ral conservée ; À, fibres ligneuses de même nature que les fibres corticales; 7, grosses cellules mal conservées; k, régions cellulaires sans tracé d'organisation conservée ; l, gros vaisseaux semblables à d; #n, région cellulaire mal conservéé; #, milieu de la coupe du pétiole occupé par des cellules à parois épaisses et par des fibres corti- cales; 0, gros vaisseaux de l’autre côté du pétiole. Fig. 3. Vaisseau dont la coupe présente un bord crénelé par suite de la section des pores ou aréoles. Fig. 4. Coupe transversale un peu oblique, plus grossié des gros vaisseaux aréolés, montrant les cellules à qui les remplissent souvent en grande partie ; a; portion où le Lissu n'existe pas, et a probablement été détruite ; c, portion de la paroi aréolée, vue obliquement. Fig. 5. Coupe transversale des cellules à parois épaisses de la zone externe à et à des figures 4 et 2. DU ROLE QUE JOUE LA CUTICULE DANS LA RESPIRATION DES PLANTES, Par M. A. BARTMÉLEMVY, Docteür ès sciences, professeur de physique au lycée de Pau. SI Considérations généralese L'échange des gaz entre les feuilles ou les pafties vertes des plantes et le milieu ambiant, échange qui constitue la respiration végétale, est un fait des mieux constatés aujourd'hui. Mais si la fonction est bien connue dans ... . .e..... ee 2,148 Oxyeenes LS PR RS 2 a RME 2,556 FYATOBÈNE 17 sa Pole le cho eseiesste ets 5,500 Acide carbonique.......,.....,.... 13,985 2° Le caoutchouc s'oppose au passage mécanique des gaz, même sous une épaisseur de 1/76° de millimètre ou 0"",013. 3° La chaleur exerce sur la perméabilité du caoutchouc une action complexe ; en général, elle augmente le passage des gaz. h° M. Graham a opéré la séparation dialytique de Poxygène de l'air. D'après la théorie, elle doit être : Oxygène... ...... { ; 1X 1, 2 556—53,676 ou 40,46 pour 100. AZOLE NE ete the 7 D 59 000—79,000 ou 59,54 pour 100. 100,00 Or, en opérant la séparation dialytique de l'air : 4° à l’aide d’un autre gaz, 2° à l'aide du vide, M. Graham à trouvé 41 à h3 pour 100. 5° Enfin, en passant à travers une paroi épaisse de caoutchouc. 5° série, Bor. T, IX. (Cahier n° 5.) # 19 290 A. BARTHÉLEMY. la quantité d'acide carbonique qui passe de l'air est très-consi- dérable en proportion, et peut atteindre 4 pour 100. $ III De la cuticule des plantes. L'épiderme des feuilles et des tiges est recouvert par une membrane colloïde distincte, signalée en 1762 par de Saus- sure, puis par Hedwig ex 1795, et enfin étudiée en 1834 par M. Ad. Brongniart. Depuis lors, un grand nombre de natura- listes ont étudié cette membrane, dont l’existence ne pourrait aujourd’hui être mise en doute. Cette membrane n’a pas d'organisation appréciable. Les plantes submergées (Pofamogeton, etc.) ont une cuticule et pas d’épiderme, tandis que c’est dans le Cycas revoluta qu'elle prend à peu près son plus grand développement. Je dois ajouter qu’on n'afpas constaté son existence comme membrane distincte et constante dans les Champignons et les Lichens. Enfin MM. Frémy (4) et Garreau (2), en isolant la cuticule, lui ont trouvé la composition suivante : CTH'SO$, qui est la compo- sition du caoutchouc associé à de l'oxygène. Il ne serait pas impossible que l'oxygène ne fût dans la cuticule qu’à l’état de dissolution, car cette membrane doit être dans la plante vivante toujours saturée de gaz oxygène. M. Graham a vu un bloc de caoutchouc exposé dans de l'oxygène, puis dans le vide pendant vingt-quatre heures, abandonner 6,82 pour 100 de son volume d'oxygène. L'analyse de la euticule ne devrait done être faite qu'après une longue exposition dans le vide. Il ne serait pas impossible que sa Composition chimique ne devint alors identique avec celle du caoutchouc, dont elle a, dans tous les cas, la constitu- lion physique. J'ajoute un dernier détail important : la cuticule recouvre même les poils, et ne présente d'ouvertures qu'aux stomates. (1) Ann. sc. nat., 4 série, t. KIT, p. 834. (2) Comples rendus, 1850. DE LA RESPIRATION DES PLANTES. 291 Îlest vrai que cette membrane est très-mince ; mais je rap- pellerai que M. Graham fixe à /76° ou 0"",013 l'épaisseur, limite sous laquelle la séparation dialytique peut se faire à tra- vers le caoutchouc. Il existe d’ailleurs entre les cellules de la couche supérieure une matière colloïdale qui peut agir comme la cuticule. 8 IV Expériences qui permettent de conclure que les gaz traversent les feuilles comme des colloides, J'ai cherché à vérifier par l'expérience le passage des gaz à travers les feuilles considérées comme des membranes collot- dales. La méthode que j'ai employée se rapproche de celle de M. Graham. Je dois dire toutefois que les expériences sont sou- vent négatives, et qu'il faut examiner avec soin, à la loupe, la feuille soumise à l’expérience, pour s'assurer que sa surface est bien continue. 1° Un appareil à descensum, muni d'un robinet et rempli d’eau, est fermé à sa partie supérieure par une toile de tamis fine et résistante, sur laquelle on pose la feuille choisie avec soin. La feuille est adaptée au bord de l'appareil avec un corps gras pour empêcher l'air de rentrer latéralement. Si on ouvre le robinet peu à peu, l’eau s'écoule, et l'air tend . à rentrer à travers les feuilles. On peutopérer sur divers gaz en recouvrant, comme l'indique M. Graham, la partie supérieure avec une coiffe en caoutchouc munie de deux tubes, dont l’un donne accès au gaz, tandis que l'autre aide à sa sortie. On peut inst établir au-dessus de la feuille une atmosphère artificielle. Dans une autre série d'expériences, je me suis servi d’un vase à dessécher les gaz, muni par conséquent par en bas d’une tu- bulure latérale. Cette tubulure étant d’abord fermée par un bou- chon, l'appareil était rempli de mercure, puis Pouverture supé- rieure recevait une plaque de plâtre poreux, sur laquelle on adaptait la feuille. En plongeant la base de l'appareil dans le 299 A. BARTHÉLEMY, mercure et ouvrant le bouchon sous le liquide, on avait un dif- fusiomètre assez semblable à celui de M. Graham. Les gaz dif- fusés étaient recueillis et analysés par les procédés habituels. Ona expérimentésur des feuilles de Vigne-vierge, de Catalpa, de Magnolia et d'Érable. Pour mesurer la vitesse de diffusion des divers gaz, on avait marqué un point correspondant à une capacité d'environ h0 centimètres cubes, et l’on observait le temps que mettait le liquide à arriver à ce trait. La surface de la feuille soumise à la diffusion était de 20 centimètres cubes. J'ai trouvé les temps suivants pour la diffusion de l'air comme moyenne de cinq expériences : Feuille de Vigne-vierge......... 6 miuutes. Feuille de Catalpa. ..,......... 8 minutes, Feuille de Magnolia. ........... 9 minutes. Je n'ai pas obtenu pour les feuilles d'Érable des résultats concordants. Cette vitesse de diffusion est grande si on la compare à celle que M. Graham a trouvée pour le caoutchouc. Il n’a trouvé, en effet, qu’une vitesse de 16,9 par minute et par mètre carré pour une membrane de 1/5° de millimètre d'épaisseur. Il est vrai que la membrane de diffusion de la feuille est infiniment plus mince. Cet air diffusé à été analysé par l’eudiomètre de Bunsen, et l’on a trouvé comme moyenne : Vigne-vierge... 44,0 pour 100 d'oxygène. Catalpa. ...... 43,5 — Magnolia. ..... &K,5 — c'est-à-dire des quantités à peu près égales. L'air s’est donc en- richi en oxygène par son passage à travers la cuticule comme à travers une lame de caoutchouc, et en quantité à peu près égale. Quant à la vitesse des gaz de nature différente, j'ai employé pour la déterminer le procédé suivant : j'ai observé avec le se - cond appareil et une feuille de Vigne-vierge à quel point arri- DE LA RESPIRATION DES PLANTES. 293 verait pour l'acide carbonique le liquide en une minute, puis j'ai noté les temps que mettaient les autres gaz à arriver au même niveau. J'ai obtenu : Acide carbonique.....,..,... 1,0 OT hobsons 9,0 Ozone (obtenu par électrolyze). 1,5 AZOLO Re nl ele ler lereeiee 15,0 Ces résultats m'ont paru assez d'accord avec ceux de M. Gra- ham, si l’on tient compte des difficultés de l'expérience, et de l'impossibilité qu'il y à de s'assurer que la constitution intérieure de la feuille reste la même. Je n’ai pas besoin d'ajouter que les expériences se faisaient dans une obscurité relative pour annuler les actions chimiques à l'intérieur de la feuille. Il résulte encore de ces expériences que l'ozone passe à travers la feuille par diffusion colloïdale avec une vitesse très-voisine de celle de l'acide carbonique. La chaleur semble activer le passage, car, le 25 juin, la durée du passage, qui était de 6 minutes pour la feuille de Catalpa, à la température de 18 degrés dans le laboratoire, ne fut plus que de 4°,5 au dehors à la température de 32 degrés. Enfin lexpérience qui suit me paraît propre à prouver la diffusion complète d’un gaz, quand de l’autre côté de la feuille se trouve une substance capable de l’absorber ou de le décom- poser : Un tube d'un large diamètre est usé avec soin sur l’une de ses bases, de manière que l’on puisse y appliquer exactement une lame de verre dépolie et huiïlée, percée en son milieu. Sur cette lame de verre, on peut poser une éprouvette également usée sur son bord hbre. Le tube plongeant par sa base dans le mer- cure et étant rempli d'air, on introduit un fragment de potasse qui surnage le mercure ; on place la plaque de verre, dont l’ou- verture à été fermée par une feuille retenue sur ses bords par un corps gras; enfin l'éprouvette, pleine d'acide carbonique, recouvre à son tour la plaque. Le mercure monte peu à peu dans 994 A. BARTHÉEEMY. le tube, prouvant ainsi que l’acide carbonique a été absorbé et est passé à travers la feuille. Au bout de quelques heures, l'absorption est complète, et l’on ne trouve plus que de l'air de chaque côté de la feuille. Cet air a d’ailleurs dans les deux com- partiments la même constitution chimique, ce qui prouve que l'oxygène, après s'être diffusé dans l’éprouvette, a subi une ac- ton inverse, en vertu des lois mêmes de la diffusion. Cetle expérience est importante, et nous en ferons tout à l'heure application à la respiration végétale. S V ‘Théorie de la respiration des plantes basée sur le rôle de la cuticule. Dans la respiration des plantes comme dans celle des ani- maux, on distingue deux sortes de phénomènes : 4° les phéno- mènes physiques consistant dans le rejet et l'introduction de certains gaz chimiques dans l'élection apparente que les feuilles exercent sur les gaz de l'atmosphère ; 2° les phénomènes chi- miques plus étroitement liés à l’action vitale, qui transforment les gaz introduits sous l’mfluence de la chaleur et de la lumière. La fonction respiratoire est pour ainsi dire la résultante de ces deux sortes de forces qu’on ne saurait séparer l’une de l’autre, Les faits que je viens d'analyser ou d'établir permettent, ce me semble, de rapporter à la dialyse, à travers les membranes colloïdales, les phénomènes purement physiques et leurs rela- tions avec les actions chimiques. En effet, ce n’est qu’à travers la cuticule que les gaz peuvent pénétrer ou sortir par la force supérieure qui présente cepen- dant le maximum d'activité respiratoire. La cuticule est dé- pourvue de pores ; elle possède de plus là composition du caout- chouc, plus de l'oxygène qui n’y est peut-être qu'à l’état de dissolution ; enfin le réseau des nervures divise la surface de la feuille en petits espaces circonscrits. Il me paraît, pour toutes ces raisons, difficile de ne pas voir dans les feuilles un ensemble de petits appareils de diffusion colloïdale. L'acide carbonique de Pair passe, après s'être dissous dans la DE LA RESPIRATION DES PLANTES. 295 cuticule, en quantité notable, grâce à son grand pouvoir de dif- fusion colloïdale, dans le parenchyme intérieur ; le phénomène s’arrêterait bientôt, l'équilibre se produisant des deux côtés de la cuticule, mais alors intervient l’action chimique. Sous l’in- fluence des rayons solaires, l'acide carbonique est décomposé ; l'oxygène produit dans le parenchyme intérieur ne tarde pas à acquérir une tension plus grande que celle qu'il à dans l’atmo- sphère, et, à partir de ce moment, il s’exhale au dehors à travers la cuticule. Une nouvelle quantité d'acide carbonique pénètre à son tour, et ainsi de suite. Pendant la nuit, la plante agit comme organe de combus- tion ; il se produit de l'acide carbonique dans les cellules, à l’aide de l'oxygène introduit ; la tension du gaz carbonique de- vient donc plus grande à l’intérieur qu'à l'extérieur, et, dès lors, c’est lui qui doit être rejeté. On saisira facilement l’analogie qui existe entre notre expli- cation et la dernière que nous avons rapportée au chapitre pré- cédent. L'intensité du phénomène dépend d’ailleurs de l'énergie des actions chimiques qui en déterminent le fonctionnement de l’action de la chaleur, et de la tension des gaz qui activent la diffusion. On conçoit d’après cela que, lorsqu'on place la feuille dans des atmosphères artificiels, on dénature complétement les con- ditions de son existence, et que l’on peut arriver à des résultats trés-différents de la réalité; en sorte que ces expériences ne peuvent donner une mesure exacte de l'énergie respiratoire des végétaux. Où se rend compte facilement dans la théorie que je viens d'exposer de ce fait reconnu déjà par de Saussure et vérifié par M. Brongniart, que la quantité d'acide carbonique décomposée par une feuille est proportionnelle à sa surface et non à son vs- lume, puisqu'elle ne dépend que de la quantité de gaz qui passe par dissolution dans la cuticule ; de même, la face inférieure criblée de pores, et par conséquent de surface moindre que la face supérieure, doit donner moins de gaz. 296 A. BARTRÉ£LEMY. Du rôle probable des stomates.— Quel serait dans cette théorie le rôle des stomates ? Pour répondre à cette question, remar- quons que l'azote ne peut pénétrer qu’en petite quantité par la cuticule, grace à son faible pouvoir diffusif. Cependant d’autres recherches paraissent prouver que les plantes retirent, au moins en partie, ce gaz de l’atmosphère et l'exhalent au dehors. On hit, en effet, dans les conclusions de MM. Cloëz et Gratiolet : «5° Le gaz produit par la plante contient, outre l'oxygène, une certaine quantité d'azote; cet azote provient, pour la plus grande partie, de la décomposition de la substance même de la plante ». «6° L'azote de l'air que l’eau tient en dissolution parait destiné à réparer cette perte ; quoi qu'il en soit, sa pré- sence est indispensable. » Or les stomates passent aux yeux de la plupart des natu- ralistes pour des pores ouverts qui font communiquer les méats avec l'air extérieur, et cela d'autant mieux que la cuticule manque à leur surface. L'azote, en vertu de sa moindre densité, doit se diffuser mécaniquement par ces ouvertures avec une vitesse relative plus grande que celle des autres gaz de l'atmosphère. Cette vitesse doit être à celle de l’oxygène en raison Imverse de la racine carrée des densités, et la quan- té d'azote qui passera par les stomates de l'air dans la feuille, | = sera 79 + \/ — — 84,53, et par conséquent la quantité d'oxygène sera 45,47 pour 100. Or Dutrochet à constaté que l'air pris dans les méats près de la surface des feuilles contenait 16 pour 100 d'oxygène, et que cette proportion allait ensuite en diminuant dans l’intérieur de la plante. Dans les grandes lacunes des Jussiæa grandiflora et diffusa, M. À. Moitessier a trouvé que l'air était formé de L4 à 7 pour 100 d'oxygène, et par conséquent de 86 à 93 pour 100 d'azote. Indépendamment des actions chimiques intérieures, Pair, passant mécaniquement d’une lacune à l’autre par les chambres pneumatiques ou méats intérieurs, doit s'enrichir en azote, comme 1l s'enrichit en oxygène en passant par diffusion colloï- dale à travers la cuticule ; et les courants gazeux observés par DE LA RESPIRATION DES PLANTES. 297 MM. Cloëz et Gratiolet, ainsi que par M. Van Tieghem à l'inté- rieur des plantes submergées, doivent aider encore la diffusion mécanique de l’azote. Ces conclusions théoriques auraient besoin, il est vrai, d’être vérifiées par l'expérience ; mais celles que j'ai tentées jusqu'ici ne me paraissent pas assez à l'abri de toute objection pour que je les livre encore à la publicité. Quot qu'il en soit, nous pou- vons donner comme probable et comme d'accord avec les lois de la diffusion cette conclusion : 1° L’exhalation et l'absorption ‘de l'acide carbonique et de l'oxygène se font par l'intermédiaire de la cuticule ; 2° l’azote est introduit et rejeté principalement par les siomales. FLORÆ MADAGASCARIENSIS FRAGMENTA QUÆ SCRIPSIT COLLECTAVE DIGESSIT LR, F'URLASNE, Acad, sc. Par. soc, FRAGMENTUM TERTIUM IN QUO CONTINENTUR VIOLARIEÆ, SAUVAGESIEÆ, TURNERACEXÆ, SAMYDEÆ ET BIXACEÆ. Fungi, tamdiu nostræ deliciæ, multis de causis nune nobis aruisse videntur, nec tenui profecto molestia quam ob rem affi- cimur, quippe tanuta cordi humano ivest infirmitas, ut minime nobis id satis sit, ad leniendum dolorem, quod exteris in terris plurimi doctrinam mycologicam faustis indagationibus ditare et. amplificare non cessent. Num enim militem improbaveris qui commilitones suos, se absente, vicisse quereretur? Ideo donec (1) Priora fragmenta videsis in hisce Gollectaneis, serie 1v, tomo VI (1856), p. 75- 138 (ComBrETACEAS, ALANGIEAS, Ruizoproreas, HaconAGras ef LyrnRARIEAS), et tomo VIII (4857), p. 44-163 (PaAssiFLorEAs, HOMALINEAS, CHAILLETIEAS, HIPPOCRATEACEAS, CELASTRINEAS, ILICINEAS, RHAMNEAS, PITTOSPOREAS, HAMAMELIDEAS, CRASSULAGEAS et SAxI- * FRAGACEAS). Ex quo in Iucem prodierunt hæc fragmenta, clar. Henricus BAILLON Macarisiæ, generis Thuarsiani, structuram et necessitudines ita interpretatus est ut Rizophor£ARuM € tribu LEGNOTIDEARUM quasi prototypum in ea intueri sibi visus fuerit, simulque Macarisiam suam lanceolatam, in Macroneso Madecassium BrvinIo obviam, Macarisiæ pyramidatæ Tuauarsio, item madagascariensi stirpi, consociavit. Inde etiam habuit ubi ostenderet quidquid novi de LeGxoripets exponendum æstimas- set. Cassipuream nostram gummifluam ilum esse fruticem arbitratur quem postea Georgius BENTHAM à cæteris Cassipureis propter germen dimerum removerit et Dacly- lopetalum sessiflorum dixerit; Cassipureas sinceras orbe novo non exulare, nostrasque madagascarienses sub Sprengeliano Weiheæ signo aptius esse dinumerandas. (Conf. auctoris laud. Adansoniam, &. HI [1862], p. 15-44, tab. alt.) e FLORA MADAGASCARIENSIS. 299 melioribus, si Deo optimo placuerit, fatis uteremur, animo nobis occurrit ut quidquam solati apud plantas majoris dignitatis ad tempus quæreremus, simulque Floram madagascariensem jam pridem a nobis neglectam et ex longinquo allicientem prospexi- mus. Ex quo a terris Laurentianis oculos inviti avertimus, sunt qui, ad magnam certe scientiæ utiltatem, aut amplas stirpium novarum messes ibidem collegerunt, aut typos digniores hinc inde carpserunt et bene multas quæstiones super nopnullorum structura peculiari dubiisque necessitatibus tractare et enodare tentarunt (1); his in argumentis modo sane mil superest, nisi quod quis patiens racemari posset, at longe plura restant quæ ad hoc tempus integra aut vix delibata permansere ; pauca igitur ex hisce reverenter, sicut quævis creatura Omnipotentis, «Regis cui omnia vivunt», merito reposcit, tangere liceat. Quum jam Homarneas et PassiFLoreas madagascarienses olim exposuerimus (2), quos hodie attingimus ordines, Endli- cherianam parietalium seriem explebunt (3), quippe Cisrineas, DroserACEAS, MALEsHERBrAGCEAS et LoaseAs omisisse si videamur, causa In eo versatur quod omnes hæ plantæ in Malacassia et ter- ris adjacentibus hactenus desiderentur (4). Ju phytotheca Musæi botanici parisiensis specimina continen- tur stirpium omnium quæ infra describuntur. VEON AUHEC/Æ. VIOLARIEZÆ Canp., Prodr. R. veg.,t.[, p. 287. — Expricu., Gen. PI., p. 908. —- Benru. et Hook., Gen. Plant., t. , part. 1 (1862), p. 114. L. wiona Linn. — Expz., Op. cit., p. 909, n. 5040. — — Benru. et Hook., /. c., p. 147, n. 5. (4) Conferas, præ cæteris, Henrici BaizLox t discipulorum scripla quæ in Adan- soniæ libris, jam nunce octonis, reponuntur. (2) Videsis Ann. sc. nat., ser. 4, t. VIT (1857), p. 44-82. (3) Cfr. Exprichert Enchirid. Bot., p. xij, class. XLV. (4) Kissenia tamen, stirps africana simul el arabica, inter Loaseas locum oblinet. (Gr. Bexru. et Hook., Gen, pl., tom. T1, part. 11, p. 803.) 300 L.-R. ULASNE. Viola Zomgia + — HErba ut videtur perennis, caulibus exiliter filiformibus, subsimplicibus, pro parte hypogæis, repentibus et in nodis radicantibus, parte autem epigæa erecta, a basi ad extremum foliosa, h-6 poll. alta, glaberrima. FoLrA sparsa, cordato-acuta, minute erenata, h-6 lin. longa, 3-5 lin. in basi lata, mollia, antice subglaberrima sunt, postice contra pilos scabriusculos parcos in venis ostendunt, petiolo 3-4 lin. longo singula fulciuntur et erecta patent. SriPucæ caulinæ et juxta-axillares fol instar virent et punctulis linearibus ac fusco-pur- pureis notantur, singulæ præterea in lacinias 2-5 lineari-acutas patulasque alte seinduntur, et lin. 4-2 longitudine æquant. FLores soli- tarie axillares, pedicello gracili, erecto-patente, 12-15 lin. longo, glaber- rimo et sub apice scabriusculo exigue 2-bracteolato nituntur. SEPALA lineari-acuta, lin. 2 cireiter longa, basi nonnihil scabrida et in margine angustissime membranacea deprehenduntur; inferiora duo reliquis in basi latiora. CoroLLÆ petala superiora obovata s. spathulata obtusissi- maque calycem breviter excedunt, inferius contra anguste lineare acu- tumque sepalis paulo brevius consistit et calcare obtusissimo brevique ad basim augetur ; flore arefacto, petala 2 lateralia punetis rubentibus signantur, labellum vero lineolis paris coloris. Provenit in opacis sylvarum, ad ripas fluviorum provinciæ madagas- cariensis quæ dicitur Pé-Zon-Zong. (Herb. Boj.) Paucissima quæ suppetunt specimina, non sinunt plura de floris struc- tura dicere. Plantæ cognomen e loco natali desumpst. IL HONEDEUM (1) VeNTEN. — Exp, loc. cit, n. 5041, ubi synonymorum copia affertur. — Hook. et Bexrn,, loc. cit., p. 117,n. 6. — Violarum pars Porrerio, in Lamarki Encycl. bot. continuata, tomo VII (1808), p. 64h et seq. 1. Fonidium limifoliuma Canp., Prodr. R. veg., t. F(1824),1p. 309, n. 192, — Viola linifolia Jussixo, in suopte botanico. — Poir., £acycl. bot., t. VII, modo cit., p. 647, n° 61. — HerBa ut videtur annua, 6-10 poll. alta, imo pedalis, sæpius multicaulis, caulibus teretibus, gra- cilibus, assurgentibus et ramosis, ramis patenti-erectis, caulium mstar foliosis et læte virentibus nec pubis concoloris patulæ et scabriusculæ (ægre tamen conspicuæ) prorsus expertibus. Forra sparsa, alterna, patula, anguste lineari-oblonga aut lineari-lanceolata, acutiuseula et in petiolum brevissimum desinentia, 10-15 lin. longa, 1-2 lata, tenuia, (4) Emendatius sane, propter etymon, scriberetur Joidium, herbæ quidquam spe- ciem yiolæ præ se ferens. FLORA MADAGASCARIENSIS. 301 mollia, antice, recentiora præ cæteris, scabriuscula (maxime oculis ar- matis), postice præter nervum medium item glabriusculum lævia et glaberrima, aciem obsolete et remote denticulatam aut integerrimam et sæpissime plus minus revolutam ostendunt, singulaque insuper sti- pulis duabus juxta-axillaribus, exiliter linearibus, acutissimis, ciliatis, massula globosa vulgo terminatis nec lineam unicam longitudine exce- dentibus stipantur. FLores solitarie axillares pedicello gracillimo 3-4 lin. longo, infra medium articulato et exigue 2-bracteolato reclinati utuntur. SEPALA 5 triangulari-elongata, acuta, in margine subscariosa, et in dorso medio scabriuseula, cæterum glaberrima sunt. PetaLa 5 glaberrima, se- palis alterna et præter inferius s. calcaratum simul et labellatum iisdem subconformia sunt, licet basi latiora ;: quorum duo superiora subscariosa admodum pallida seu decolora et sepalis posticis vix longiora; duo au- tem lateralia prioribus longiora et in acumine cærulea ; inferius denique cæteris subduplo longius ex limbo fit suborbiculari, obtuso, crasso, cæru- leo et in unguiculum lineare, tenue, pallidum et obtuse breviterque calcaratum desinente; petala 4 superiora ima basi simul breviter coa- lescere videntur. STAMINA 5 cum petalis alternant, sed iisdem pariter breviora consistunt; filamenta omnibus tenuiter linearia s. liguliformia, quorum superiora 3 corollæ imæ coadunantur, et nuda sunt; inferiora contra 2 receptaculo s. calyei inseruntur prætereaque appendicula ligu- liformi et ad extremum pilosa hinc in medio augentur ; antheræ ovatæ et 2-lobæ, continuæ, basi subemarginatæ, in appendicem scariosam ovato- acutiusculam et sibimet 1psis longitudine subæqualem a dorsi vertice pro- trahuntur ; staminum 2 inferiorum antheræ postice pilosæ sunt, eorum- demquefilamenta appendices suas unilaterales et oppositas s. contiguas in calcare corollæ recondunt. CapsuLA tandem trivalvis petalum calcara- tum emarcidum longitudine vix excedit. SEMINA 12-15 ovato-acuta, longi- trorsum striata, horizontalia, dilute lutea, glaberrima, area late ovata depressa lævique juxta hilum punctiformem notantur, chalazamque api- calem disciformem et crassam ostendunt. Nascitur in Madagascaria ad Æelville, et in Macroneso prope Ampom- bilava, floretque februario et martio. (Herb. Pervill. — Bivin. n. 2118.) Specimen Aubertianum adest in herbario Ant.-Laur. IussiÆt (Cat. n. 12785), nunc e thesauris Musæi parisiensis. Ejusdem typi forma altera suppetit quam psyllioidem libens propter habitum dixerim ; a præcedenti præsertim discrepat foliis angustius linea- ribus et sæpius omnino revolutis, necnon stipulis tenuiter scariosis nec ciliatis. Provenit in agris Mayottæ insulæ, ad Pamanzi, Cahoieni, Le Qualey, etc., floretque tum februario mense, tum etiam augusto. (Herb. Bivin. n. 3294.) Ad hanc formam illa maxime accedit quæ olim Com- MERSONI in Madagascaria obvia est,nuncque in Herb Mus. par, sub titulo 302 L.-R. "TULASNE. Violæ Linifoliæ Poin., Encyclop. continetur. Magis etiam lénifolium dixe ris specimen, item Commersonianum, quod ill. Jussræus suapte manu Violam Linifoliam Juss. titulavit. (Cfr. ejus Herb., n. 12793.) ). Honidium buxäifoelim VENTEN., ort. Malm. (1803) in aversa p. 27.—DC., Prodr., t. I, p. 308, n. 6.— Viola buxifolia Porr., Encycl. method. bot. contin., t. VIF, p. 646, n. 56. — Pers., £nchir., t. L, p. 256, n. 50.—HerBA perennis est imo suffrutex, super habitu Polyga- Las nostrates æmulatur, et planta glaberrima dici potest; imus ejus caulis lignosus et perennans, divaricato-ramosus, corticem album induit, et crassitudinem pennæ corvinæ circiter æquat ; cauliculi autem qui annui sunt e fruticulo plurimi nascuntur, omnes æquo fere modo exiliter fili- formes et prælongi, nimirum pedales et quidem protractiores, teretes, virentes, simplices aut laxe parceque ramosi, e basi ad extremum foliosi, patenti-erecti vel pro maxima parte humi prostrati. ForiA presso ordine alterna, erecto-patula, tandemque demissa et caduca, lineari-oblonga v. lanceolata, acuta, basi attenuata, sessilia, lin. 5-8 longa, unam lata, obsolete et remotissime (vix conspicue) denticulata, plana aut margi- nibus quandoque nonnihil revoluta, superne exilissime venulosa, stipulis brevissimis, acutissimis, erectis nec caducis stipantur. FLores solitarie axillares pediculo filiformi patentissimo et 6-9 lin. longo singuli donan- tur: id autem pedicelli quasi sub ipso flore articulatum cireumscinditur et paulo demissius bibracteolatum se habet, bracteolis perexiguis anguste ovato- s. lineari-acutis. Cæterum floris fructusque structura prorsus eadem est quam in lonidio Lini folio modo vidimus; corollæ autem (coloris, ut videtur, dilute rubri s. rosei) labellum capsula paulo brevius consistit; dum corolla recens expanditur, id labelli limbum planum suborbiculatum protendit, qui autem postea arescendo utrinque invol- vitur et quasi teres fit; minime tamen miraremur si quandoque labellum, abortus causa, non explicaretur. Sema plantulam a præcedenti discri- minare ægre valent, quippe istius seminibus sicut ovum ovo, præter fo- veolam juxta-umbilicarem quam angustiorem reperies, consimilia sunt ; raphe in testa ab hilo terminali minimoque ad chalazam usque o0ppo- sitam et late disciformem pariter excurrit, exstat (excepta foveola); em- bryo in axi albuminis carnosi crassique latens, rectus, homotropus, cauli- euli sui longiusculi basim tenuatam hilo quasi applicat, et cotyledones 2 minimas orbiculares æquales contiguas et utrinque subemarginatas monstrat. Maturi seminis testa madefacta muco albido et copioso mox obducitur, quem e pilis exilissimis in cirros s. annellos primum convo- lutis citoque multifariam explicatis constare, microscopii ope comperies. Crescit inter virgulta in arenosis maritimis insulæ Marianæ, ad Sasi- four, octobrique (anno 1850) Brvinro oceurrit, fructibus dehiscentibus si- FLORA MADAGASCARIENSIS. 303 mul etfloribus onustum. Suppetit etiam specimen in littore oceani prope Tamatave Boserio olim obvium; aliud videre est in Herbario Jussiæano (cat. n° 12784) Musæi Parisini, quod ComMERsont debetur et jussiæano stipatur titulo; id ipsum est quod VENTENATIO innotuerat. Stirps glaberrima quidem est, attamen foliorum nervus subtus ali- quando in basi parce scabriusculus reperitur. IIL ALSODEA (1) P. Tu., Hist. des vég. des îles austr. d'Afriqg. (1806), p. 55-58; Gen. nova Madag., p. 19, n. 65. — DC., Prodr.,t.1(182h), p. 513.— Enpz., Gen. pl., p. JU, n. 5047, ubi synonyma plurima videas, inter quæ, Belvisianum Ceranthera quo Alsodeæ duæ occidentali-africanæ designatæ sunt (2), nobis peeuliariter animadvertendum. — Benru. et Hook., Gen. pl.,t.{, p. 118 et 119. Alsodeæ nostræ madagascarienses folia induunt simplicia, aliæ vero alterna ea ostendunt, sparso nempe vel disticho ordine distributa, aliæ contra decussatim opposita, imo quandoque terna, quare habitus multifarii participes se habent quem in Tonidiis aliïsque sincerrimis Viocarteis miramur. Stipulæ cau- linæ, geminatim juxta-axillares, liberæ initioque convolutæ s. commissæ, gemmas recentes velant, minime vero folium paulo demissius insertum quod stipant; citissime præterea cadunt et cicatricem In ramo linquunt quæ nune puneliformis aut brevi- ter linearis est, nunc contra protractior virgam integram quasi annulo cingit. Anthemia aut racemi sunt aut paniculæ diffusæ seu racemiformes ex cymis semel vel iterato dichotomis s. bipa- ris ac sæpius deminutis et contractissimis. Pedicellus florifer conspicue articulatus deprehenditur ; articulus modice aut mi- nime inerassatur, sæpius autem (saltem in planta arida) cireum- cisione signatur quæ vulgo paulo supra basim pedicelli, rarius, maxime sCil. in Alsodea pubescenti et squamosa, ad mediam ejus (4) Nomen Thuarsianum supervacua vocali sublata, scribere expedit; a græcis vocibus &Àcoç lucus seu aAcwd' nc sylvaticus, ductum fuisse monet Tauarsivs (locis cita= tis). (2) Cfr. BeLvisn laudati Floram Owarensem, t. U (1807), p. 40 et 41, tab, LXV et LXVI, 30/ L.-R. TULASNE. partem discernitur ; bracteolæ non solent id articuh stipare, sed in ipsa pedicelli basi oppositæ inseruntur ; pedicellus supra arti- culum, fructu increscente, ipse validior fit, infra autem ma- crior consistit. Flores in tegmine utroque, calice seilicet et corolla, necnon in androceo pentameri sunt, in germine autem typice trimeri seu triphylh, nempe uniloculares et placentis tri- bus parietalibus, singulatim bi-ovulatis, imo sæpe uni-ovulatis insiructi, ovulis mediis et anatropis. Corolla e petalis liberis, androceum contra e stamimibus monadelphis, imo calici seu potius receplaculo pariter inseruntur; prioris autem partes cum sepalis sinul et stamimibus alternæ deprehenduntur. Antheræ introrsæ, biloculares sæpiusque e lobis inæqualibus factæ, longi- trorsum dehiscunt et appendiculis terminalibus, scariosis, vulgo ornantur. Quoddam disei genus in annuli urceolive modum e toro, corollam inter et androceum assurgit, in margine modo integerrimum, modo contra lobatum v. sinuosum est et pro maxima parte, nisi quidem integrum, filamentis antheriferis adhæret. Hic urceolus apud Tauarsium (1) cingulatus dicitur quum in extremo margine liber offenditur, simplexæ contra si cum staminum filamentis totus coaluerit. Germen centrale, ses- sile liberumque, stylum linearem stigmate sessili terminatum im apice sustinet. Fructus globoso-trigonus et trisulcus, in valvas tres æquales, medio seminiferas, à summo dehiscit nuncque totus siccus et ligneo-membranaceus videtur (teste Passoura guianensi AugL.), nunc Contra, v. gr. in Alsodea longipede nostra, endocarplum cartilagimeum vel osseum a sarcocarpio longe crassiori et subcarnoso solutum et introrsus replicatum ostendit. Id endocarpii nudati Fiolarum aut Zonidiorum valvas fructiferas imitatur. Semina peritropa et albuminosa embryo- nem homotropum et intrarium fovent. In Alsodearum typis malacassiis ordine instruendis, foliorum et urceoli antheriferi , præ cæteris notis, rationem habendam censul. (4) Hist. veget. Ins, Afr. austr. p, 57. FLORA MADAGASCARIENSIS. 305 IL — Alsodeæ alternifoliæ, foliis nempe sparsis vel distichis. 4, Urceolo corollam inter et androceum medio, deorsum filamentis antheriferis adnato, in margine autem (sinuose lobato) ab üisdem continue libero. 1. Alsodea pubescens Nob.— 4/sodeia latifolia et À. pubes- cens P. Tn., Aist. veget. Ins. Austro-Afric., p. 57, tab. XVII, fig. 2 et3. —DC., Prodr., 1. ©. — Als. nigricans Bivinto in sched.— ARBUSCULA circiter orgyalis et multibrachiata, trunco tortuoso, ramis teretibus, diffu- sis, gracilibus pendulisque (teste Bivinio), novellis adpresse et molliter pu- bentibus, aureis vel dilute ferrugineis, adultis vero prorsus glabratis; ma- terielignea dura et tenaci (monente CaPELERIO). FoLrA alterno et ni fallor disticho ordine inserta, ovata ovatove-oblonga, basi cuneata aut rarius rotundata, in acumen obtusum modo breve latumque, modo longius et angustatum producta, obsolete crenulata et nonnunquam subinteger- rima, subtus in nervis parce aureo-pubentia, mox autem glabrata, adulta sesquipollicem et quod excedit longa, imo frequenter bipollicaria et qui- dem longiora, pollicem circiter lata, rarius majora, petiolo pubente, gra- cili et lineas 4-2 longo innituntur. Stipulæ caulinæ, juxta-axillares, oblongo-obtusissimæ vel quadantenus acutæ, late sessiles, petiolo non- nihil breviores, in dorso adpresse pubentes, erectæ et ramo applicitæ, citissime cadunt. GEMMÆ axillares, solitariæ, sessiles, ovato-acutiusculæ et exiguæ, pubent; terminales conformes sunt. RACEMI terminales aut axillares, foliis dimidio breviores, propter pubem in rachi, imis pedicellis bracteisque densam saturate ferruginei sunt; floribus presso laxove ordine insertis, cernuis, subsecundis, in pedicellis, calice corollaque pariter niti- deque albis ; bracteis, bracteolis genitaliumque tegumentis marcescen- tibus. Pedicelli singuli graciles, teretes et lineas 2-3 longi, infra medium articulati ibidemque omni bracteola destituti, ultra pubent aut glaber- rimi deprehenduntur; bracteis ovatis et admodum exiguis bracteolas 2 conformes et oppositas (bracteis autem contrarias) pro maxima parte recondentibus. SEPALA ovato-obtusa, in dorso et acie vulgo puberula, pa- tula, tandem cum petalis demittuntur. PeraLaovato-oblonga, acutiuseula, plana, supra medium deflexa, sepalis quadruplo longiora, in imo dorso et quidem in antica pagina inferiore pube aurea et parcissima utuntur. Sra- MINUM filamenta plana, lata, brevia crassaque, in calyculum s. urceolum continuum coalescunt, qui postice margine libero obsolete lobato et in acie fimbriato-pubenti augetur ; antheræ ideo sub calyculo summo sessiles videntur; uniuscujusque facies antica brevissime mucronata et nuda est, postica vero angustissime marginatur prætereaque in membranam oblongo-acutissimam, petalis paulo breviorem, erectam integram glaber- k 5° série, Bot. T. IX. (Cahier n° 5.) + 20 306 L.-R. TULASNE. rimamque superne abit. Ovario globoso, glaberrimo et tri-ovulato, ovulis ovatis quasi medio ventre addictis, séylus nonnihil clavatus et petalis subæqualis superstat, stigmate vix conspicuo. Sylvestris nascitur in terris Laurentianis et rivulorum littora prædi- ligere videtur, primum a b. THUaRSIO reperta est; postea autem, juxta schedas et specimina quæ suppetunt, CAPELLERIO occurrit in oris Mala- cassiæ orientalibus, Ricarpo contra in littore occidentali et Macroneso (Herb. n. 345, 346 et 841 nec non 2121 in Herb. Biviniano), PERVILLEO etiam in sylvis Lucubeis insulæ hujus, sub umbra præaltarum arborum, augusto anni D. 1840 et decembri 1841 (Herb. n. 257 et 262); deinde Bivinio, item in Macroneso, secus rivum dictum de la Roche-Blanchie, mare haud procul (mense martio 1854). Floriferum fragmentum el. DELa- STELLE, anno 1841, musæo nostro parisino misit. Foliis solito angustioribus et in acumen longius productis utuntur specimina quæ florifera legit Brvinius, in insula Mariana, tum ad rivulos sylvæ Ravine-tsara, novembri 1850, tum in editioribus montis Canambo, aprili mense anni subsequentis. Vernacule apud Malacassios, docente CaPrELLERIO (in Herb. mus. par.), Azoume-tsi-baubau arbuscula nuncupatur. 2. Alsodes angustifolia P.Ta., Æist. veget. Ins. Austro-Afr., p. 57, tab. XVIIL, fig. 4. — DC, Z. c. — Faurex, teste Tauarsio, erectus et dense ramosus est, ramis autem teretibus, gracilibus corticeque albido vestitis; quæ nobis suppetunt specimina, et hæc quidem Thuarsiana, albidum s. potius variegatum corticem non nisi propter lichenes in- natos, graphideos plerosque, ostendunt. Rami novelli pubem tenuem, brevem, adpressam ferrugineique coloris induunt, quam vero jampri- dem exuerunt quum folia decidunt. Focia ista alterno (disticho?) pres- soque ordine distribuuntur, ovato-oblonga vel lanceolata, sæpius in acumen obtusum superne angustata, basi vero nunc obtusa, nunc acu- tiuscule tenuata, in ambitu obtuse remoteque v. obsolete crenulata, imo integerrima, utrinque glabra (adulta saltem) et venulosa, majora vix pollicem longa, et triplo circiter angustiora, singulaque petiolo 2-3 lin. longo tenui, supra canaliculato, pubentique suffulta. RacEMI in summis axillis solitarii et quidem terminales nascuntur, foliis duplo breviores, initio cernui et ferrugineo-pubentes. FLORES eandem prorsus fabricam ostendunt quam in À/s. pubescenti supra descripta cognovimus. Crescit in insula Malacassia et Tauarsio florifera olim occurrit, nulli autem alii, quod sciam, ab hince obvia est. (Herb. Mus, Par.) Forma parvifolia est, ni fallor, Alsodeæ pubescentis supra descriptæ, potius quam typus rite diversus. FLORA MADAGASCARIENSIS. 307 2. Urceolo lobato v. dentato, lobis v. dentibus filamenta antherifera spectantibus usque prorsus adnatis, filamentis autem ultra plus minus productis. 3. Alsodea squamosa + Bvn. in sched.— FruTEex pedes 3-5 altus aut arbuscula ramis diffusis, gracilibus, teretibus, initio parce puberulis, mox autem glabratis. Fort distiche, ut videtur, alterna, ovata ovatove lanceolata, acuminata, basi autem sæpius plus minus cuneata, utrinque glabra et venulosa, obtuse nec raro obsolete crenata, longitudine polli- - caria v. sesquipollicaria, latitudine vero semipollicaria, singula petiolo brevissimo, etenim 1-2 lin. longo et utrinque pubente-hispidulo, pube pallida, suffulciuntur. GEuME lineares ob stipulas quibus convenientibus involvuntur acutæ sunt et glabræ; stipulis deciduis, nota perfecte annu- laris juxta-axillaris et fusca in ramo relinquitur. RacEMI terminales ali, ali axillares, solitarii, geminati ternive, erecto-patuli, breves, scilicet longitudine vix semipollicares et densiflori; axi pedicellisque fulvo-pu- bentibus, reliquis partibus subglabris ; bracteæ unifloræ, ovatæ, cymbi- formes, quasi scariosæ, lineam longæ, erectæ; pedicelli singuli duplo longiores, in medio articulati, bracteolis duabus oppositis, bracteæ pri- mariæ non dissimilibus contrariis et subæqualibus, singulatim in ima basi stipati. SEPALA bracteis quasi conformia, natura subscariosa. P£graLa duplo longiora, anguste linearia seu liguliformia, obtusa, utrinque glaber- rima et apice revoluta. ANDROCEUM glaberrimum; filamenta, mediante urceolo pentalobo, in basi coalescunt, lobis enim ejus assurgentibus quos sinus lati discriminant, dorso adnascuntur, ultraque breviter libera protrabuntur; antheræ uniuscujusque ex utraque pagina acute emargi- natæ, continuæ, dorsum in appendicem ovatam acutiusculam scariosam nec sepalis longiorem abit, valva autem interior utriusque loculi pollini- feri dente seu mucrone item scarioso sed brevi et acutissimo terminatur, Ovariun globoso-trigonum sulcis tribus et foveola terminali notatur sty- lumque solito breviorem sustinet, intus ovula tria ovata anatropa et cur- vula in mediis parietibus alit; placentæ tres sulcis externis alternæ sunt, ideoque capsula matura septicido more dehiscit. Nascitur in Macroneso Madecassium, tum sub præalta sylvæ Lucubeæ umbra (PERVILLEL Herb. n. 255), tum ad ripas fluvii Æanou-Tourtour (Bivini Herb. n. 2122), omnique anni tempore, saltem certe martio augustoque, florere videtur. Ricarpo etiam olim in Macroneso occur- rerat (Herb. n. 344). Super stipulis lineari-acutissimis, late sessilibus, glabris, earumque cicatrice residua, annuli integri æmula, A/sodea squamosa BvN. cum leu- coclada nostra, infra descripta (p. 312), prorsus congruit. 4. Alsodea spinosa + Bivinio in sched. — Frurex glaberrimus, 808 L.-R. TULASNE. ramis tornatis, maculis transversis et semi-annularibus, propter stipulas deciduas, juxta axillas in cortice lævi signatis. Focta alterna (disticha?) obovato- vel lanceolato-oblonga, acuminata, basi cuneata et rarius rotun- data, in ambitu marginato serrata, crenis obtusis, dentibus autem pun- gentibus, utrinque laxe venosa, 4-6 poll. longa, 1-2 lata, petiolo crasso 2-5 lin. longo nituntur. SriPuLÆ oblongo-triangulares, acutissimæ, late sessiles primumque convolutæ cito cadunt. GEMMEÆ axillares sæpissime geminæ superponuntur, suprema longe majori acutissima et paten- tissima, scil. quasi ad perpendiculum e ramo orta. PanicucÆ solitarie axillares aut terminales, erectæ pleræque, foliis breviores consistunt ; axi valido, laxe ramoso, ramis sparsis bractea brevissima et patente singulatim stipatis, pariter brevibus, nimirum 3-5 lin. longis, singu- lisque capitulum ex cymis trifloris contractissimis ac geminatim oppo- sitis vulgo gerentibus. FLos ex omni parte glaberrimus, explicatus vix lineas 3 longus est. ALABASTRUM obovato-globosum et obtusissimum in pediculum brevissimum abit. SEPaLA orbicularia, obtusissima, inæqualia, concava, dura, coriacea, quineunciali modo arcte imbricata sibi invicem incumbunt. PEraLa lineari-oblonga s. liguliformia, obtusa, sepalis du- plo circiter longiora, androceum brevius obtegunt. SramINuM filamenta tenuia, liguliformia, in ima basi dilatata vix ac ne vix alia aliis connec- tuntur, urceolo quasi deficiente, singulaque in antheram ovatam abeunt quæ postice membrana late oblonga, acutiuscula, antice autem ligula brevi angustaque ornatur; loculus uterque pollinifer in singulis antheris e lobis 2 inæqualibus conficitur, alio nempe (medio) longiori, alio bre- viori ac demissius affixo. OvariuM de more sessile, globosum, trisulcum et in vertice styligero nonnihil foveatum, e parietibus carnosis et crassis- simis conficitur, ovulaque sex globoso-compressa et geminatim parie- talia fovet; ovulum alterum, nempe inferius, in singulis placentis non- nibil pendet aut peritropum est, alterum superius vulgo ascendens est ideoque micropylem suam ad imum loculum convertit. SryLus æqualis et apice quasi erosus corollam non excedere solet. Oritur tum in Madagascaria et Macroneso adjacenti, tum etiam in Mayotta Comorarum. Specimina saltem quæ suppetunt variis his in terris creverunt ; debentur Ricarpo (Herb. n. 210, 357 et 555, sub falso titulo Brexiæ spinosæ), et Bivinio qui alia legit circa Æelville Macronesi, junio mense 1847, alia in locis umbrosis ad Bouzi et cataractam Moussa- péré Mayottæ, augusto et novembri 1847, reliqua autem in collibus syl- vosis Portus Lewenensis Malacassiæ, aprili et martio 1849. (Herb. Bivin. n. 2122?, 2564 et 3296.) Frutex modo descriptus Castuneam vescam nostratem super foliis admodum imitatur. Urceoli vestigium vix adest, ima tamen filamenta dilatata annuli continui et brevissimi dentibus, ni fallor, postice adhæ- rent; sinus qui intercedunt lati et obtusissimi sunt. FLORA MADAGASCARIENSIS. 309 3. Urceolo (modo quidquam urceoli reapse exstietrit) cum filamentis antheriferis vel in margine coalito minimeque discreto, filaumentis insuper haud erstantibus, antheris- que propterea in urceolo sessilibus. * Foliis sparsis. 5. Alsodea arborea P. Tu, Æst. veget. Ins. Austro-Afr., p. 51. — DC., Z. ce. — ArBor humilis ex omni parte glabra, ramis adultis tere- tibus, novellis quadantenus angulosis. Forta alterna, late oblonga, 3-k-pollicaria longitudine et 1-2 poll. lata, acuminata, basi autem bre- viter cuneata, quandoque etiam minora nec nisi 1-2 poil. hinc, illine vero 6-12 lin. æquantia, vulgo obsolete et remote crenata et utrinque venulosa, petiolo 3-8 lin. longo sese excipiunt nec raro dependent. Sri- PULÆ Ovato-acutæ, late sessiles, perexiguæ, citissime labuntur et cicatri culam linearem brevemque linquunt. GEMNÆ ovatæ, minimæ. PanIcuLx in ramis recentibus solitarie axillares, simul et terminales, erectæ patent et folia majora subæquant ; axi inferno nudo, brachiis omnibus laxis, remotis ; floribus cernuis, luteis (teste CAPELLERIO) ; bracteis minimis et dentiformibus ; pedicellis propriis lineam circiter longis ac medio articu- latis. FLos lineas 2 circiter longus in omni parte glaberrimus. SEPaLA lata, ovato-rotunda, obtusissima, exigua. PETALA oblongo-acuta, sepalis quadruplo cireiter longiora, extremum apicem extrorsum reclinant. Sra- MINUM filamenta brevia tota in annulum s.urceolum integrum coalescunt, singulaque in antheram latam (proptereaque admodum sessilem) indis- criminatim transeunt ; wrceolus autem utrinque nudus est, minime scil. appendiculatus ; antheræ prorsus contiguæ ex utraque parte appendicu- lam membranaceam erectamque singuiæ ostendunt, posticam nempe late oblongo-acutam et petalis subæqualem, anticam contra ovato-acutam, longe minorem quandoque etiam longitrorsum fissam aut basi auricu- latam. Ovarium globosum et obtusum, stylum æqualem nec corolla lon- giorem sustinet. OvuLA tria globoso-compressa, ut discoidea, mediis toti- dem placentis hærent. FrucTUS ovato-globosus, 4-5 lin. longus, induviis floralibus stipatur et de more in valvas 3 dehiscit; endocarpium subos- seum à sarcocarplo crassiori et lignoso secedit, ipsumque totum et ex utraque pagina levissimum est. Vulgo apud Malacassios Afonte-Poutsi nuncupatur; ex ejus cortice retia conficiuntur, docente BERNERIO. Olim obvia est Tauarsio, BREONI et CAPELLERIO, nec non BERNERIO (Herb. n. 181), recentiori autem ævo Bivinio ad Zafondrou insulæ Ma- rianæ, januario 1848. Flores et fructus maturos simul proferre videtur. 6. Alsodea longipes +. — FauTex ramis teretibus, sparsis, pri- 310 L.-B. TULASNE. mum ob pubem patulam sed brevissimam sordide fulvis, cito autem gla- bratis. Focra alterna, ovata v. oblonga, acuminata, basi rotunda aut nonnihil cuneata, remote interdumque obsolete crenata, utrinque venu- losa et glaberrima, pollicem 1-2 longa, 6-12 lin. lata, singula petiolo gracili L-8 lin. longo, initio pubenti tandemque glabrato utuntur. SriPuLÆ mi- nutæ minimam quoque cicatriculam in axillarum lateribus hinc et hine relinquunt, cicatriculis brevibus minime convenientibus. GEMMÆ perexi- guæ et ovato-acutiusculæ pubent. PANICULEÆ laxifloræ, in summis inno- vationum axillis solitariæ generantur, foliis breviores et plus minus demissæ; axi divisurisque gracillimis et minutissime puberulis, bracteis ovatis applicatis et perexiguis, plurimis dentiformibus. FLORES cernui, pallidi glabrique pedicello brevi, in ima basi articulato, singuli nituntur et de fabrica flores A/sodeæ arboreæ Tu., cæterum paulo seipsis crassiores, admodum imitantur, nisi quod antheræ omnis appendicis in antica pagina inopes reperiuntur; ovula sena insuper singulis ovariis vulgo generantur. Staminum appendices dorsales acutæ stylusque, longitudine æquales, petalis summis brevissime reflexis paulo superantur. FRucrus maturus induviis floralibus et androceo partim accretis et marcidis adhuc stipatur, globoso-trigonus, obtusissimus, minute tuberculoso-asperatus et glaberrimus est, avellanamque majorem crassitudine æmulari videtur ; ubi de morein valvas tres æquales dehiscit, endocarpium cartilagineo-ligneum a sarcocarpio crassiori ligneoque secedit, partesque singulas introrsum conduplicat, semine rejecto; valvæ autem s. partes hujus endocarpii in dorso valde incrassatæ et rugoso-striatæ deprehenduntur. SEMINA crassa, ovata, oblonga v. rhomboiïdea, 4-5 lin. longa, phaseolum minoris crassitu- dinis quodammodo referunt, hinc vero in dentem medium hiligerum producuntur ; testa cartilaginea, tenui, levissima et nigrescente vestiun- tur, rapheque lineari et impressa quasi sulco flexuoso cireumeirca inde ab hilo medio ita signantur, ut quarta pars seminis ambitus hujus sulei expers tantummodo maneat; perispermium carnosum et saturati coloris in seminis latere hiligero tenuissimum, imo subnullum, ubivis alias e contrario crassissimum, embryonem peritropum quasi in capsula me- dium fovet, planum, amplum, e cotyledonibus duabus semi-orbicularibus s. reniformibus, obtusissimis, basi emarginatis, tenuiter foliaceis, admo- dum æqualibus et sibi invicem applicatis, nec non e cauliculo tereti recto brevissimo et hilum tangente, gemmula minima. Habitat Macronesum tum in maritimis ad Ampombi-lara, tum secus littora fluvii quem Dyabal dicunt, fructusque maturos a. decembri in februarium usque profert. (Pervizze et Bivinir [n. 2119 bis et ter] Herb.) Jam COMMERSON:I cujus saltem in herbario adest, occurrerat. 7. Alsodea viridiflora +. — FRUTEx vix bipedalis, teste Bivinio, FLORA MADAGASCARIENSIS. a4i ramis teretibus, sparsis, hornis parce pubentibus, adultis glabratis. Focia glaberrima, sparsa, late v. angustius ovata, obtusa v, obtuse bre- vissimeque acuminata, basi rotunda aut vix cuneata, 1-2 poll. longa, 6-15 lin. lata, crenata (sæpe autem quasi obsolete) et in postica pagina exilissime venulosa, petiolo 1-2 lin. longo et semitereti singula utuntur. ANTgEMIA terminalia, foliis proximis vulgo breviora, erecta, e paniculis parce ramosis et laxifloris constant; axi brachiisque gracilibus, puberulis ; bracteis bracteolisque exiguis, ovato-acutis, subscariosis, glabris, deciduis; floribus minimis oppositis; pedicellis brevibus nec nisi ima basi articu- latis. FLos glaber lineas duas circiter longus et quasi viridis coloris, docente Bivinio. SEPALA anguste ovata s. ovato-elongata et acutiuscula, petala au- tem lineari-oblonga et vix acuta deprehenduntur. STAmiNUM filamenta in urceolum crassum utrinque glabrum et recte truncatum, tota simul coalescunt nec pro minima quidem parte libera sunt; antheræ propterea in urceoli acie sedent, contiguæ, undique glaberrimæ, basi æquales et recte truncatæ; singulæ a tergo in appendicem scariosam, fusco-ferru- gineam, oblongam acutiusculam et petalis paulo breviorem protrahun- tur, antice autem mucronulo acuto brevissimo ejusdemque naturæ terminantur; lobis 4 uniuscujusque antheræ subæqualibus. OvariuM ovato-plobosum, obtusissimum glabrumque, stylum gracilem sustinet. Oritur in Madecasia septentrionali, inter scopulos, ad oras sinus Riniani, decembrique floret. (Herb. Biviniani n. 2561.) Specimen quod suppetit magis mancum est quam ut de stirpe fusiora exponantur, Hujus loci est A/sodea quædam in insula Zanzibar Bivinio obvia (novembri 1848) quæ ob amplissima folia a Malacassiis typis omnibus non ægre distinguitur ; illius diagnosim sequenti modo tradere liceat. Alsodea calophylla +, omni parte glaberrima, ramis feretibus; foliis sparsis late ovato- obovaiove oblongis, breviter acuminatis, basi sæpius rotundatis aut breviter cuneatis, remote et obsolete crenatis, 4-6 poll. longitudine, 2-3 latitudine æquantibus; pefiolo semitereti, pollicari : aut breviore, ex utroque termino nonmihil validiori; paniculis terminali- bus aut axillaribus, foliis duplo brevioribus, erectis ; bracteis brevissimis ; axi vix tereti; ramis primariis de more dichotome partitis et cymigeris, brachiolis brevissimis et divaricato-patentibus, imo recurvis; floribus globosis vix lineas 2 longitudine excedentibus, glabris; sepañis ovato- orbicularibus, obtusis, subæqualibus; petalis duplo longioribus et quod excedit, lineari-oblongis, acutis, androceum brevius velantibus ; s‘aminum filamentis planis, crassis, brevissimis, in urceolum continuum integrum glaberrimum nudumque coalitis nec vel pro minima parte liberis; an- 312 L.-R, TULASNE, theris ideo in urceolo sedentibus, postice in appendicem subscariosam triangulari-oblongam acutamque productis, antice nonnisi brevissime et vix conspicue mucronatis nec appendiculatis; lobulis polliniferis vix obliquis, basi æquatis. Id A/sodeæ, super anthemiorum fabrica et habitu, spinosam supra des- criptam præ cæteris imitatur. (Æerb. Mus. par.) ** Foliis alterne distichis. 8. Alsodea leucoelada +.—ARBUSCULA ramulis plerisque disticho ordine alternis, gracilibus, teretibus, ab initio glaberrimis, novellis au- tem mirum in modum albis, cinereis vel quidem luteolis, adultis contra decoloribus et obscuro tectis cortice. FoLra alterne disticha, ovata, ovato- oblonga aut sublanceolata, basi sæpius rotundata, rarius nonnihil cu- neata, supra in acumen brevius longius tenuata, in ambitu universo minute et dense crenulata, utrinque venulosa et glaberrima, 1-2 pollices et quod excedit longa et semipollicem lata, petiolo supra canaliculato, gracili, 4-3 lin. longo ac præter apicem supernum parce divaricato-pu- bentem glaberrimo singula fulciuntur. SriPULÆ lineari-acutæ, innova- tionum instar, albidæ, in apice tantum parcissime pubent, initio gemi- natim involutæ gemmam extremam exiliter linearem erectamque velant, petiolum folii juxtaposisÿ vulgo longitudine excedunt, cito decidunt et cicatriculam perfecte annularem in caule relinquunt. GEMME axillares terminali multo minores sunt sed pariter lineares et divaricatæ patent. Raceut plerique in axillis recentibus solitarii enascuntur, quidam tamen in ramis annotinis et denudatis etiam oriuntur; utrique laxe floriferi et vix pollice longiores, in rachi et pedicellis gracilibus pubem patulam et cinereo-ferrugineam induunt. SePALA exigua, late ovata, obtusissima, in dorso medio et acie ciliata similiter pubent. PeraLa lineari-oblonga, sepalis triplo longiora, acutiuscula, in acie inferiori pubenti-ciliata, cæte- rum glabra, secus longitudinem introrsum in carinæ modum compli- cantur et vix patuisse videntur. SramINUM filamenta late plana, brevis- sima crassaque, in annulum continuum glabrumque omnino coalescunt ; antheræ propterea sessilis facies utraque pube pallida horrescit et superne in ligulam membranaceam tenuem niveam glabram integramque abit, ligula autem postica anticam longe excedit, sed petalis brevior consistit. Loculi polliniferi superne in unum conveniunt. Ovarium oblongum et glaberrimum stylo filiformi seu potius clavæformi recto et petalis paulo breviori terminatur; stigmate discoideo papilloso et sessili. Ovula tria ovata placentæ unicuique parietali et mediæ hærent. Crescit in Malacassiæ borealis littoribus Suarezianis, atque tum plani- tiem, tum etiam montium declivitates habitat; reperitur quoque in Ma FLORA MADAGASCARIENSIS. 313 croneso (RicarDi Herb. n. 188 et 543). Bivinio florifera occurrit etiam in terris Suarezianis, decembri mense 1848 {Herb. n. 2562). 9. Alsodea calycina + — FRurEx ramis teretibus, gracilibus et ab initio glaberrimis; hornis dilute luteo-virentibus. FoLra item glaber- rima, disticho ordine alterna, ovato-oblonga, acuta aut sæpius acute acuminata, basi obtusa et integra, cæterum in universo ambitu presso ordine et aliquando obsolete crenata, 3-6 poll. longa, 1-2 et quod excedit lata, tenuia et utrinque graciliter venosa, petiolo semi-tereti ac lin. 2 longo singula nituntur. STIPULÆ annulum continuum, perfectum, juxta axil- las in cortice relinquunt. ANT&emIA alia terminalia, alia axillaria, solitaria, geminata ternave, singula e racemo v. panicula racemiformi, 1-2 poll. longa, erecta; axi primario gracili, subtereti, minute pubenti; bracteis bracteolisque ovato-acutis, mollibus, aliquandiu persistentibus itemque puberulis. FLores 2-3 lin. longi, erecti, pediculo puberulo seipsis longitudine non impari, nec nisi ima basi articulato et 2-bracteolato sin- guli utuntur. SEpaLA late ovata, exteriora acutiuscula, interiora autem majora et obtusa, cuncta tenuia et petaloidea, in margine pube ut ciliis ornantur. PETALA oblongo-acuta, sepalis majoribus non duplo longiora, utrinque et quidem in acie glabra, in præfloratione oblique imbricata et ad extremum potissime contorta. STAMINUM filamenta lata, brevia cras- saque in urceolum continuum integerrimum, recte truncatum et utrin- que nudum tota a lateralibus coalescunt nec quidquam apicis liberi monstrant, quare anfheræ in urceoli acies. margine æquali nec sinuoso plane sessiles deprehenduntur ; harumce lobi crassi pube parca et divari- cato-patenti in basi æquata circum circa ornantur, in tergo autem integro pube adpressa pallidaque vestiuntur ; postica præterea pagina in appen- dicem oblongo- seu ovato-acutissimam, petalis minorem, ferrugineam (aridam saltem) glaberrimamque desinit, antica contra in mucronem paris indolis brevissimum, vix conspicuum, imo subnullum. Ovarium ovato-conoideum in stylum androceo longitudine æqualem abit intusque ovula tria globosa, anatropa, singulaque placentæ suæ absque funiculo late (hilo scil. longiuscule lineari) hærentia fovet. Crescit in montibus sylvosis Mayottæ Comorarum ad Woussa-péré, florensque martio mense (a. D. 1849) Bivinio nostro occurrit. (Herb. n. 3295.) Habitu accedit ad A/sod. leucocladam nostram modo descriptam, item distichophyllam, sed foliis multo majoribus, calice amplo et peta- loideo androceique appendicibus fuscis, ut de cæteris differentiis taceam, sine negotio discriminatur, ok L.-B, TULASNE, II. — Alsodeæ oppositifoliæ, foliis scil. oppositis v. ternis. 4. Disci urceolaris corollam inter et androceum intercedentis margine continue libero. 10. Alsoder paueiflera P. Tu., Aist. veget. Insul. Afr. Austr., p. 56-57, tab. XVIL. — DC. /.c.— FruTEx dumiformis, altitudine tri- vel quadripedalis (teste Tauarsio) et undique glaberrimus. Ramt foliiferi, do- cente eodem magistro, initio angulosi, virentes tenerique, senescendo teretes lignosique evadunt; plerique oppositi divaricant. FociaA decus- salim opposita, obovata v. rhomboidea, obtuse et breviter acuminata, cireiter pollicaria, 5-8 lin. lata et obsolete crenata, in petiolum brevem longe tenuata decurrunt; tenuia sunt et postice venulosa. STIPULÆ lineari-acutæ, breves et citissime caducæ punctum albidum juxta axillam singula linquunt. CyMÆ contractæ capitula mentiuntur, cæterum pauci- floræ et brevissimæ, sæpius terminales, aliquando etiam axillares, flori- bus cernuis. FLos omni parte contractus, cylindricus, lineas 2 longitudine nonnihil excedit. S£paLa ovato-rotunda, obtusissima et utrinque gla- bra, in acie sola modice pubent, et sibi invicem quincunciali ritu late incumbunt. PETaLA lineari-oblonga, obtusissima, sepalis circiter duplo longiora, concava s. cymbiformia, a tergo glaberrima, in°acie vero et dimidia paginæ anticæ parte, hinc tantum sailicet, pube pallida utuntur et extremum apicem vulgo reflectunt. SramINUM petalis paulo breviorum filamenta anguste linearia cum membrana tenui calyciformi (urceolo Thuarsiano), recte truncata, utrinque glaberrima petalisque cireiter qua- druplo breviori, postice et pro parte tantum ita basi coalescunt ut integra urceoli acies continue libera s. discreta maneat, ipsa vero longiuscule, libera etiam, ultra protrahantur. ANTHERÆ dorsum in membranulam ovato-triangularem, vix acutam, albam, glaberrimam et tenuissimam, venter autem in ligulam unicam ejusdem naturæ sed acutam ac multo angustiorem brevioremque desinunt. Ovarium anguste lineari-oblongum, glaberrimum, subteres, in stylum continuate abit qui medius articulo interscindi nec sepala excedere videtur ; loculi simplicis parietes pla- centis tribus superne quasi uncinatis singulatimque bi-ovulatis signantur ; ovulis anatropis, pendulis, superpositis, funiculis subnullis. Provenit in Madagascaria solique Tauarsio hactenus obvia fuisse videtur. | Folia in ramis adeo senescunt ut Lichenes nonnulli minimi, crustacei, in antica eorum pagina vulgo parasitentur. Lichenes et musci in ra- morum cortice sæpe etiam minime desiderantur. Id sane Tauarsi oculos effugerit quod urceoli circumstaminalis margo integerrimus liberque brevissime consistat, quippe cingulatum nec sim- plicem eum dixerit; idem insuper urceolus, præter ejusdem magistri FLORA MADAGASCARIENSIS. 319 sententiam, e toro, ut assolet, minime vero ex imis petalis, nascitur. (Cfr. Tauarsir op. cit., p. 56.) 11. Alsodea monticola +.— FRutex glaberrimus, ramis adultis tornatis, novellis contra per vices hinc illinc compressis, levissimis et virentibus, plerisque oppositis et patenti-divaricatis. FoLia decussatim opposita, lanceolata v. obovato-lanceolata acuteque acuminata, in petio- lum gracilem et 5-8 lin. longum desinunt, limbo tenui, laxe dentato v. crenato, utrinque (arido saltem) venis laxis et gracillimis signato, 3-5 poll. longo, 15-20 lin. lato. PaNICULx racemiformes, gracillimæ, solitarie terminales aut axillares, 8-12 lin. longæ, erectæ, laxe paucifloræ, nempe e cymis 3-6 trifloris v. abortu 1-2-floris in rachi primaria subsessilibus et remotis; bracteis bracteolisque minimis, acutis, vix conspicuis. FLORES minimi et cernui, ut videtur, pedicello lineam vix longo singuli utuntur, ipsi non longiores. SxPaLA ovato-acuta, fenuia, in dorso carinata (exteriora imprimis) et in acie puberula. PETALA sepalis duplo longiora et quod excedit, lineari-oblonga, acutiuscula, in acie ciliato-pubentia, cæterum glabra et tenuia, stamina breviora velant. STAMINUM filamenta glaberrima lineari-deplanata et quidem submarginata urceolo tenui con- tinuo et seipsis duplo breviori a tergo pro parte tantum ita adhærent ut istius margo integer brevissime liber consistat; antheræ glaberrimæ, e lobis basi æquatis et vix dissimilibus, utrinque appendice petaloidea, tenuissima niveaque augentur, postica scilicet ovato-elongata et acutius- cula, antica autem minima. FRucTuS nondum perfectus capsula est obovata, trigona, mucronata, deorsum longiuscule tenuato-cuneata et floris partibus aridis nec accretis stipata; quæ tamen interdum late globoso-trigona et utrinque subobtusa etiam occurrit. Sylvestris nascitur in editioribus montium insulæ Johannæ Comora- ram, floribusque simul et fructibus onusta Bivinio nostro obvia est maio mense a. D. 1850. 2. Urceoli margine pone staminum filamenta vulgo iisdem quæ libera plus minus exstant, prorsus adnato. * Foliis petiolatis. a. Antheris appendiculatis. 12. Alsodea rubra +.— Fautex glaberrimus, ramis foliigeris va- lidis, alternis vicibus compressis, oppositis proptereaque furcas patulas, ubi primarius deficit axis, efficientibus; cicutis s. internodiis nune longis, nunc brevioribus. FoLra ampla, opposita, decussata, late ovata v. obovata, 316 L.-R. TULASNE, breviter acuminata, basi attenuata s. cuneata, laxe crenata s. dentata, utrinque parce venosa (venis enim secundariis remotissimis, tertiariis haud conspicuis), 3-6 pollices longa, 2-4 poll. lata, petiolo 4-12 lin. longo, valido anticeque canaliculato singula utuntur, coloreque livide rubro, arida saltem, fucantur. STIPULE lineares et acutissimæ de more cito decidunt. ANTHEMIA solitarie terminalia, 8-12 lin. longa, e cymis tri- floris vel abortu 1-2-floris, 6-8 lin. longis, divaricatis, cernuis et in pa- niculam brevem laxamque digestis constant, tota livide et saturate rubent et glaberrima sunt. Bracteæ bracteolæque late ovato-acutæ v. subtriangulares et minimæ citissime cadunt. FLores singuli 3 lin. circiter longi pedicello paris circiter longitudinis tereti et ima basi arti- culato suffulciuntur. SEPALA crassa et oblongo-acuta late sedent ac modice patent, pagina utraque omnium acieque glaberrimis. PeTaca sepalis non- nihil longiora, oblongo-lanceolata, acuta et utrinque glaberrima, andro- ceum brevius celant. SraMINUM filamenta simul et cum urceolo continuo angusto crasso, utrinque glaberrimo et in margine inæquali nudo, inferne s. pro maxima parte concrescunt s. coadunantur, ultraque libera brevis- sime protrahuntur. ANTHERÆ basi emarginata fixæ, continuæ, utrinque appendice s. membrana tenuissima niveaque, postice scil. late ovato- obtusa, antice suborbiculari et multo minori, augentur, et in sola basi parce pubent, pube divaricata et pallida; lobi polliniferi unius- cujusque antheræ ut assolet inæquales sunt, medii nempe paulo majores altius etiam connectivo imponuntur. GERMINIS sessilis et glaberrimi ovarium anguste ovatum intra urceolum antheriferum totum reconditur et in stylum acuminatum sepalis longitudine æqualem indiserimimatim abit; stigmate terminali exiguo globoso et papilloso. OvuLa sex gemina- tim in placentis tribus superposita generantur, micropylis adversis, pro- pinquis. Viget in collibus ad Canambo imsulæ Marianæ Malacassiorum aprili- que (1851) florifera Brvinio occurrit, Specimina arefacta in foliis et anthemiis integris colore livide rubeo inficiuntur. 13. Alsodena maculata +.— FRUTEx ex omn parte glaberrimus, ramis gracilibus, vulgo oppositis et divaricatis nec raro propter primaril abortum bifurcis s. dichotomis, adultis teretibus, hornis vero alterna vice hinc et inde compressis et in nodis foligeris nonnihil dilatatis. FoLta opposita, decussata, ovato-lanceolata, obtuse et brevissime acumi- nata, acumine nonnihil emarginato, 1 1/2—2 1/2 poll. longa, 8-12 lin. et quod excedit lata, argute crenato-denticulata, antice præter nervum medium acute exstantem quasi avenia, venis subtus etiam immersis et pro maxima parte velatis, in petiolum vix lineam longum attenuata desi- FLORA MADAGASCARIENSIS. 317 nunt. Sriuæ oblongo-lineares, acutæ, cito cadunt. ANTHEMIA solitarie terminalia, erecta foliisque dimidio breviora corymbos mentiuntur ; bra- chia enim primaria summo axi seipsis duplo longiori opposita v. terna, æqualia et patenti-erecta imponuntur, singula cymam unicam trifloram gerunt aut sæpius brevissime bifida s. dichotoma evadunt et in utroque crure cymose triflora. FLoREs lineas duas circiter longi in pediculo paris longitudinis nec nisi ima basi articulato se excipiunt. SEPALA ovato-olonga, vix acuta aut quidem prorsus obtusa, inter se subæqualia, in dorso glabra sunt, in ventre autem et acie minutissime pubent. P£TALA ovato- elongata, acutissima, sepalis vix duplo majora sunt, postice glabra, antice contra supra medium pubenti-hirta, prætereaque macula angusta, quasi lunata rubentique (saltem in corolla sicca) medium versus signan- tur, et extremum apicem extrorsum reflectunt. STAMINUM filamenta urceolo continuo a tergo hærent, at ejusdem aciem brevissime libera excedunt ; siccata rubent, urceolo autem decolori. Antheræ..…. (in flori- bus jam pridem fecundatis quæ suppetunt omnes perierunt). OVARIUM obovato-globosum, obtusissimum, glabrum styloque brevi terminatum ovula 6 globosa, anatropa, geminatim et superposite parietibus haud incrassatis hærentia, fovet. Frucrus globoso-trigonus, 5-6 lin. longus et vix mucronulatus, de more in lobos tres æquales scinditur seminaque dilute nigra revelat. Provenit in terris Madecassiæ borealibus ad sinum Rinianum, decem- brique (1848) florens a BiIvinio reperta est cujus in herbario signatur n. 2563. Frutex de quo agitur quamdam Phyllireæ latifoliæ nostratis speciem præ se fert. Urceoli acies singula ante staminum filamenta obtuse brevissimeque sinuatur, ita ut intra eadem paulo productior videatur; quod etiam in Als. rubra jam descripta observatur. 414. Alsodea verticillata + Bivinio in sched. — FRuTEx orgyalis, docente PERVILLEO, ramis divaricatis, gracilibus, teretibus, oppositis v. ternis sæpiusque dichotomis, novellis tenuissime et vix conspicue puberulis, adultis glaberrimis. FoLta ternatim verticillata, ovato- v. obo- vato-lanceolata aut rhomboidea, acuminata, in petiolum gracilem 3-h lin. longum et puberulum attenuata desinunt, ipsaque 2-3 poll. longa sunt, 8-15 lin. lata, grosse crenata, tenuia, parce venosa, adulta. que glaberrima ; priusquam explicentur, utrumque marginem introrsum ita revolutum ostendunt ut quasi linearia et in medio sulcata appareant ; qualia etiam si aruerint præterea nigrescunt et cornicula cernua fingunt. Cornicula hujus modi anthemiis vulgo miscentur (in speciminibus quæ suppetunt). ANTEEMIA terminalia et brevissima, scilicet 4-6 lin. longa, 318 L.-R. TULASNE. paniculam singula sistunt globosam, densifloram, totam ex cymis compo- sitis contractis et divaricato-patentibus ; axi brachisque puberulis; brac- teis bracteolisque late triangularibus acutiusculis, minimis et deciduis. FLORES cernui, exigui, nempe vix sesquilineam longi, pediculo brevissimo, pubente nec nisi ima basi articulato singulatim nituntur. CaLyx e sepalis tenuibus, late obovatis v. suborbicularibus, obtusissimis et in acie sola parcissime puberulis constat. P£raLa sepalis subtriplo longiora et molliora, lineari-oblonga, acuta, in ventre præsertim pubent et androceum inte- grum velant. STAMINUM filamenta undique glaberrima, angusta, antice plaña, nonnisi pro dimidia parte cum urceolo in margine sinuoso coales- cunt, quem propterea longe libera excedunt. ANTH£RÆ continuæ basi fixæ et emarginatæ a tergo in membranulam ovato-acutam, tenuissimam niveamque protrahuntur, ab antica autem pagina in appendiculas 2 ejusdem naturæ et nivei coloris, tenuiter membranaceas, brevissimas, ab invicem divaricatas et quasi lunatas ; loculos polliniferos subæquales in ima basi recte truncata propter pubem parcam at peculiariter patentem horridulos vidi. OvaRiuM subeonicum in stylum appendiculis antherarum æqualem abit, glaberrimum est, ovulaque sex geminatim et oblique su- perposita in parietibus alit. Oritur sub umbra arborum majorum in insula dicta ÂVossi-Mitsiou, octobrique (1840) PErxvizeo florens occurrit. (Pervill. Herb. n. 322; Biviniani n. 2120.) Urceoli acies sinuatur ; sinus autem cum filamentis alterni sunt, pin- nulæ contra obtusissimæ lisdem opponuntur nec semper prorsus adnas- cuntur, quare de urceoli sinceri præsentia minime dubitandum. Sinus et pinnæ, ni erraverimus, cum filamentis aliter hic se habent ac apud Alsod. maculatam. b. Antheris muticis. 45. Alsodea mutier +. — FRuTEx undique glaberrimus, ramis divaricatis et sæpissime oppositis, recentiorum cicutis s. merithallis non- nihil ancipitibus, senioribus autem teretibus factis. FoLra decussatim opposita, ovata v. obovata, longe acuminata, basi attenuata, remote dentata, dentibus s. crenis vix acutis sinubusque, longitudine 1-3 poll., latitudine vero 8-15 lin. æquant, patent et petiolo vix linea unica longiori sese excipiunt. STIPULE ut videtur anguste lineari-acutæ et breves sunt, cito saltem labuntur. ANTBEMIA terminalia aut axillaria, brevissima, nempe L-6 lineas longa, pauca ex cymis trifloris simplicibus, pleraque autem ex cymis compositis, bipartitis scilicet et congeste 5-7-floris ; bracteis brac- teolisque minimis, caducis; floribus cernuis, singulis e pedicello tereti lineam circiter longo nec conspicue articulato pendentibus. ALABASTRUM ovato-acutissimum. FLos explicatus vix sesquilinea longior est. SEPALA FLORA MADAGASCARIENSIS. : 319 anguste ovato-acutissima, in acie vix pubent, cæterum glaberrima. Pgrara in præfloratione imbricato-contorta, explicata ovato-oblonga, acuta, sepalis circiter duplo longiora, in acie inferiori et sinu angusto medii marginis (introrsum et hinc tantum) pubem parcam induunt. Sra- MINA gynæceumque prorsus inclusa; priorum filamenta crassa in urceo- lum globosum, carnosum, nudum, glabrum et ore coarctatum quasi tota coaleseunt, singula enim nonnisi brevissime (vix conspicue) ultra urceoli istius marginem discreta protrahuntur, exstant, et antheram suam libe- ram utrinque prorsus muticam sustinent; filamentorum apicibus liberis, s. exstantibus imisque antheris pariter pubentibus. Ovariux subglo- bosum et glaberrimum intra urceolum modo dictum totum arctissime reconditur, nec nisi stylum columnarem exserit qui tamen petalis bre- vior consistit. Placentæ tres solitæ ovula duo subglobosa singulæ alunt. Provenit in Macroneso Malacassiorum (Herb. Ricardiani n. 368 et 372, Biviniani n. 2119). Stirps hæc A/s. paucifloram P. Ta. habitu quodammodo mentitur, sed ab eadem propter androcei structuram, ut cætera taceam discrimina, longe difiert. #* Foliis sessilibus. _ 146. Alsoder auricalaéa +. — FrotTex undique glaberrimus, ramis novellis alternis vicibus hinc et inde compressis seu ancipitibus, oppositis aut, primario medio deficiente, veluti dichotomis. Fozra decussatim sin- gula singulis opponuntur, sessilia, obovata obovatove oblonga, obtusa vel obtuse et brevissime acuminata, 3-4 poll. longa, 1—1 1/2 poll. lata, basi emarginato-cordata s. auriculata, auriculis obtusissimis, in acie universa obsolete et remote denticulata s. crenata, imo quandoque subintegerrima, venis omnibus præter mediam admodum exilibus et laxe reticulatis. STIPULE quibus gemmeæ lineari-acutæ involvuntur, cicatricem semiluna- rem relinquunt. ANTHEMIA solitarie terminalia folüis duplo triplove bre- viora, erecta aut nonnihil demissa, subcorymbosa et pauciflora sunt, singula scilicet e pedunculo constant gracili apice tantum brachiato, brachiis paucissimis, 3-4 lin. longis, cymigeris, nempe præter florem me- dium terminalem, cymas 2 oppositas et typice trifloras sed contractissi- mas sæpiusque abortus causa tantummodo unifloras v. bifloras, singu- latim gerentibus. BRACTEÆ omnes citissime labuntur et anthemium prorsus nudatum relinquunt. FLores exsiccati ovato-acuti, 2-3 lin. longi, occlusi, corollam brevissime exserunt e petalis acutis et confertissimis. Sx- PALA Ovato-acuta et quidem mucronulata, quincunciali ritu late imbricata, inæqualia, exteriora scil. 2 subtriangularia inter se æqualia sed reliquis minora, intermedium quoddam paulo longius et interna duo similiter cæteris protractiora, cuncta in superiore parte paginæ anticæ pubem 320 L.-R. TULASNE, parcam et minutissimam ostendunt. PETaLA anguste ovato-oblonga, acu- tissima, antice in medio propter pubem divaricatam lanuginosa, sepala breviter excedunt, sibi mvicem arctissime nonnihil torta incumbunt, marcidaque subcoriacea videntur. SramiNuM quæ petalis duplo breviora et undique glaberrima sunt, filamenta urceolo solito crassiusculo, crasso, in margine recte truncato integerrimoque, a tergo tota adnascuntur ejus- demque aciem brevissime libera superant ; antheræ tenuissimæ, pallidæ, fragillimæ, utrinque in membranulam albam producuntur, membranula autem externa late ovato-triangularis et obtusa deprehenditur, antica vero multo brevior et sæpius alte bipartita aut quidem e ligulis duabus discretis; lobi pollimiferi de more inæquales sunt, mediis altius affixis. GERMEN glaberrimum, anguste breviterque ovatum, in séylum crassum acuminatum nec corolla longiorem continue abit, ovulaque sex gemina- tim superposita et parietalia fovet. Viget in faucibus sylvosis Mayottæ Comorarum ad /roni, julioque floret. (Bivinit Herb. n. 5297.) Calyx quamdam gentianei floris ut Swertiæ aut Coutoubeæ speciem præ se fert. kkk E plantis Sauvacesieis dictis quas Endlicheriana series post VioariEas (1) inter Parietales vocat, unam solam Flora mada- gascariensis vindicat quam neoterici plerique ab ordinis proto- typo antiquitus nolo, 1. e. Sauvagesia erecta Lann., orbis novi incola (2), non diversam existimant, nempe : Sauvagesiam nutantem PERSOONIO (Each. Bot., t. 1[1805], p. 253, n. 2), herbam multicaulem, pedalem aut sesquipedalem, undique glaberri- mam, caulibus gracilibus parce ramosis, plerisque strictis et abunde fo- liosis, foliis autem parvis, anguste ovato- v. oblongo-lanceolatis, serratis, sessilibus aut brevissime petiolatis et 2-stipulatis, stipulis linearibus pec- tinato-ciliatis, rubidis; floribus solitarie axillaribus e pediculo gracillime filiformi, admodum nudo et continuo, folium vix excedente, patentissimo cernuoque pendulis; staminodiis interioribus antheras brevissime supe- rantibus; antherarum rima longiuscula; capsula globosa, obtusa nec sepalis late ovato-acutis longiori. Id plantulæ nascitur in Madagascaria, teste inter plurimos CAPELERIO (4) SauvaGEsiEæ apud Bexruamum et Hookerum (Gex. PI. t. I, p. 116 et 120), pro ordine sui juris non habentur ; inter ViocariEAS recensentur quarum tribum IVs, ulti- mam constituunt. (2) Cujus fidam videas iconem in clarissimorum LE Maour et DECAISNE libro nuper edito, p. 434. FLORA MADAGASCARIENSIS. 821 nostro; in paludosis circa Ambongo PEeRvILLEO (Herb. n. 597) rara occur- rit; contra frequens in locis arenosis depressis et humidis insulæ Marianæ a Bivinio reperta est, nempe januario mense(1848) ad Sabé, martio (1847) prope Ankarene, novembri (1851) circa Amboudifolathre et däecembri (1849) ad Ta/ondrou, floritera simul et fructitera. Tuta discrimina deesse æstimantur typum nostrum madagascarienseni inter et americanum modo dictum ecujus specimina præsto nobis sunt e dissitissimis locis orbis novi. Planta nostra ea Ipsa sane est quam PER- SOONIUS nutantem dicit in sui Znchiridii botanici loco cit. (BC. Prodr., -t 1, p. 316), et e Malacassia a divo Alberto Tauarsio reportatam per- hibet. Ejus staminodia, inter se et a reliquis floris partibus ut videtur libera glaberrimaque, duplicem sistunt coronam, e toro, corollam inter et androceum fertile, natam; corona exterior e filamentis constat exili- bus, capitatis, rubris, minimis, numero 15-20 ; interior contra e ioliolis petaloideis et scariosis quinque, lineari-oblongis, obtusis, brevissime unguiculatis, antice nervo medio inierne exstanti auctis, antheras non- nihil excedentibus et singulatim ante petalum insertis. Ovarium e carpo- phyllis tribus, rarius quatuor, exstructum vidimus quorum latera infe- riora valde introflexa et alia aliis commissa suos margines ovuliferos quasi ad centrum usque germinis protrudunt. Capsula globosa, obtua, caly- cem quo excepta tegitur, non excedere solet, unilocularis est, inferne autem septis 3-k imperfectis et liberis instructa; quum maturuerit, in apice dehiscit, valvas nempe 3-4 antea valvatim commissas tune septi- cide disjunctas aperit, salvis, ut videtur, sepiis sinceris demissioribus. Semina plurima, exigua et sphærica, testa crustacea nuda et elegantis- sime scrobiculata vestiuntur ; raphe, linea scilicet angusta fusca nec pro- minens, dimidium globum describit. Staminodia petaloidea in Sauvagesiæ erectæ L. typo brasiliensi (ex Herb, Guillem. Mus. Par.) antheris fertilibus multo longiora sunt, antheræque poro exiguo, ex utroque apicis latere dehiscunt; præterea staminodia utriusque generis nec non et filamenta antherifera quæ admodum curta reperies, inferne brevissime connascuntur; capsula matura ovato-elon- gata, angusta, acutiuscula, sepalis longe ovatis acutissimisque protrac- tior est. Semina eadem sunt plantæ brasiliensi et malacassiæ. 'HURGNEES & CNE, TURNERACEZÆ Kunrmio, CanpozLio alisque, docente Enort CHERO, Gen. pl., p. 91h. — Hook. et Benru., Gen. pl., t, L, part. 1, p. 806 (inter Loaseas et PassirLorras). TurNERACEz, volente magistro quem sequimur, post Sauva- 9€ série. Bor, T. IX. (Cahier n° 6.) 1 21 322 L.-R, FTULASNE. GESIEAS proximæ incedunt (L); in herbario orientali-africano quod et cognoscere et notum exponere conamur, typi duo ex hoc ordine eodemque Turnerarum genere (2) suppetunt ; alius, nempe Turnera ulmifolia L., licet, ut perhibent, origine ameri- canus, punc in india orientali tum continenti, tum insulari vulgatus, s. propter medicas facultates cultus (3), in insula Mau- ritia secus rivulos, teste Bivinio nostro, suæ spontis videtur (4) ; Pervizrxo ellam occurrit in udis insulæ Mahé Seychellarum, ubi flores amplos simul et capsulas maturas februario explieat (Pervill. Herb. n. 107). Typus alter longe diversus est, maxime propter peculiarem calycis brevissime gamophyilh imdolem, et perquam dignus qui fusam his in pagellis adumbrationem obtineat. Turncra Berneréama +. -— FRUTEX altitudine bi- vel tripedalis (teste BERNERIO) dumum refert, ramis teretibus, glabris, novellis striatis (arefaetis). FoLra alterna, ovato-lanceolata, obovata v. obovato-rotunda, nunc acutiuscula, nune contra obtusa, imo obtusissima et quidem inter - dum retusa, remote et minute serrata s. crenata aut subintegerrima, 42-15 lin. longa, 4-6 lata, in petiolum brevissimum desinunt, utrinque præterea glaberrima sunt (adulta saltem, quippe novella pilis raris luteis postice et in nervo medio paginæ anticæ obsita deprehenduntur) et maculis minimis punctisque nisris creberrimis, maximein superna facie, sæpissime notantur. Folia hæc modo ex ramis elongatis dissita s. remota nascuntur, modo contra e ramulis peculiaribus diu abbreviatis s. contractis et gem- miformibus (quotannis tamen aliquantulum quasi procedentibus, atque ob foliorum deciduorum subicula residua suberosa, crassiora facta con- stipataque asperatis) fasciculata et terminalia. FLores lutei coloris, (4) Videsis Expzicuert Gen, PL. loc.cit. TURNERACEEÆ à SAUVAGESIEIS nou nisi FRAN- KENIACEIS dividuntur. (2) Lauta Turneræ (salicifoliæ) adumbratio datur in libro supra laudato illustr. virorum Emm. Le Maovrt et J, DEcAisnE, p. 277. (3) Turnera ulmifolia L. per Americam tropicam late diffusa, remediis aromatico- tonicis et expectorantibus adnumeratur, docente Enpricnero, Ench. Bot., p. 476, in fine. Planta africana , præ americana quam € variis terris orbis novi ante oculss babui, foliis majoribus uti videtur. (4) Hæc Turnera planta sane eadem est quæ angustifolia dicitur apud Boreriux (Hor#. Mauril., p. 152), in cultis insulæ Mawritianæ passim vulgata et totum fere per annum florifera; hieanium viget. (Cfr. Currisit Bot. Mag, t, VIT (17947, p. 281, et Can- poLun Prodr, regni veg.,t. WE, p. 346.) FLORA MADAGASCARIENSIS. 323 in foliorum axillis et summis ramis gignuntur singulique e pedunculo fili- formi 8-12 lin. longo, supra basim articulato cernucque pendent; pedun- culus autem vulgo solitarius nunce simplex et uniflorus est, nunc paulo supra basim bifureus et biflorus. Alabastrum ovato-oblongum, acutum, quum jam prope est ut explicetur, lineas 5-6, nisi plures quidem, longi- tudine æquare videtur, extrorsumque in basi et apice modice pubet, SE- paLA 5 ovato-oblonga, acuta, tenuiter membranacea, colore et natura quasi petaloidea, ima basi brevissime coalescunt, atque priusquam pateant late imbricata sibi invicem et arctissime incumbunt, PETALA quinque late _ovato-oblonga, acuta, tenuia, utrinque glaberrima, imo calyci anguste sedent, ejus divisuris alterna sunt et iisdem majora (saltem æqualia), primumque convoluta eommittuntur. Sub corolla calyei etiam inseritur discus tenuis et petaloideus qui coronam s. annulum brevissimum et continuum sed in margine spisse et exiliter fimbriatum seu quasi stu- peum refert. STAMINA quinque ex imo calyce sed paulo demissius quam supra dicta corona etiam (glaberrima) nascuntur, inter se eta cæteris floris partibus admodum libera ; cum petalis alternant, iisdemque, saltem in alabastro, super longitudine haud imparia, alia autem aliis æqualia et conformia se habent; filamenta exilia et compianata margine quadan- tenus membranacea sunt et in basi nonnihil dilatata; antheræ longissime et anguste lineares in mucronem ex connectivo nudo excurrente desi- nunt, infra longe scinduntur, imo dorso affiguntur et lobos suos 2 paral- lelos medioque rimosos introrsum convertunt, polline luteo et pulvereo. GERMEN centrale, sessile, ovatum nudumque s. glaberrimum, ex apice nonnihil tenuato in stylos tres longe filiformes, erectos penicilloque denso ex fimbriis pallidis singulatim terminatos abit, unilocularis est et pla- centas tres longitrorsum suis parietibus hærentes, vix incrassatas sin- gulasque triplici v. quadruplici serie muiti-ovulatas ostendit. Ovura anatropa, exiliter cylindrica, funiculo longiusculo et subhorizontali vel pendulo utuniur. Frucrus, docente BERNERIO, in valvas tres medio semi- niferas dehiscit. Crescit in littoribus arenosis Malacassiæ borealis, circa Lingvaton, nec non in insulis adjacentibus. (Bernenti Herb, n. 258, Biviniani n. 2560 bis.) Foliorum pulvinuli in ramis contractis quorum supra mentio est utrinque appendice s. corniculo stipuliformi augentur; ecrumdem axilla tomento ferrugineo impletur, Maculæ nigro-fuscæ quas notavimus, in Violis nonnullis et maxime in ÂMe/anis Spachianis pares inveniuntur. Glandulæ marginales quales in Turneræ ulmifoliæ imis foliis geminæ observantur, in 7. Berneriana deficiunt ; earum autem loco maculæ ni- græ reliquis crassiores et glanduliformes haud infrequenter adsunt. - Id Turneræ a plerisque congeneribus ob calycem præcipue discre- . 324 L.-B. TULASRE. pat cujus sepala, præter consuetudinem, brevissime coalescunt. Typus alter turneraceus, item africanus, Wormskioldia scilicet, calyce tubuloso solito utitur. (Cfr. W. heterophyllæ iconem in Guizc. et PErRoTT. F4. Seneg. tent., tab. XK.) Botanicon Bivinianum quod evolvimus Worms- kioldiæ hujus formam novam continet, in terra Mozambica lectam nec multum sane a W. fanacetifolia KI. (in Perers /in. Mozamb., parte Bot. vol. I, 1862, p. 147) recedentem. Ejusdem Bivinianæ stirpis adum- brationem his in pagellis afferre liceat. Wormskioldia Biviminma +. — [ERBA annua radice ad per- pendiculum descendenti parceque ramosa firmatur, et in caulem erec- tum, flexuosum, teretem, crassiusculum, mollem, a basi tum foliosum, cum laxe ramosum pilisque basi glandulosis rigidulis et patentibus nec nou et pilis mollioribus nec glandulosis parce vestitum assurgit. FoLra mollia, ovata ovatove oblonga, utrinque acuta, 2-3 poll. longa, 8-12 lin. lata, in petiolum 6-9 lin. longum desinunt, in ambitu bi-serrata i. e. breviter inciso-lobata s. dentata, dentibus s. lobis serratis acutisque, utraque limbi pagina petioloque parcissime piloso-hispidulis. Pepun- cuLi exiles erecto-patuli et in vertice 1-3-flori, solitarii in foliorum axillis sub gemma contigua mox in ramum protracta nascuntur, initioque reclinati pendent ; singuli 12-18 lin. longitudine æquant, pedicelli autem proprii 3-4 lin.; cuncti pariter ob pilos glandulosos patulosque hispidi. Cazyx longe et anguste tubulosus in ore quinquefidus est et ex pariete tenuissimo extus hispidulo fit. P£TaLA quinque glaberrima hypogyna libe- raque ungue anguste lineari et prælongo seu liguliformi suffulciuntur, ac limbum suum dilatatum longe exserunt. Discus seu corona qualis in Turnera modo descripta occurrit, hie plane deficit. SramiNA quinque item hypogyna simul et libera calycem excedunt sed longitudine vix alia aliis æqualia sunt; filamentis exilibus; antheris ovatis seu breviter ovato- oblongis, basifixis, bilobis, introrsis, 2-rimosis; polline saturate luteo. GERMEN longe cylindricum, pilis adpressis et albidis vestitum, ad apicem acutatur et in stylos tres filiformes qui vertices suos breviter bifidos et penicillatos ad antheras usque evehunt, abit, intus uniloculare est et in placentis tribus parietalibus et exilissime linearibus multi-ovulatum, ovulis haud confertis. Frucrus siliqua est 45-20 lin. longa, tota molliter parceque pubenti-villosa (pilis albidis tenuissimis nec glandulosis), longe linearis, cylindrica, nonnihil torulosa et recta, in acumen emaciatum sterileque (lin. 2 longum) desinit, pariete tenui herbaceoque fabricatur, e basi ad apicem in valvas tres medio seminiferas tandem scinditur, se- minaque 45-20 revelat. SEMINA exigua, obovata, tornata, basi truncata si- mulet obtuse brevissimeque mucronulata, e funiculo admodum exili, pen- dulo seipsisque breviori ascendunt ; funiculus autem exiremus in squa- FLORA MADAGASCARIENSIS. 325 mam scarlosam, nivearn, tenuem, subovatam, brevem et cymbiformem subito dilatatus transit, quo arillo dimidia pars seminis libera excipitur ; testa crustacea, primum luteola, deinde fusca, mirum in modum sulcis longitrorsum exaratur, et striaturis contrariis ac stipatissimis præterea inciditur ; in albumine carnoso medius latet embryo homotropus, rectus, seminis fere longitudine, totus compressus seu planus, e cauliculo hilum quasi tangente et cotyledonibus duabus ovatis, minimis, adplicitis, cau- diculo nonnihil brevioribus. Bivinio nostro occurrit in Zanzibara insula, oræ orientali Africæ tro- picæ adjacenti, novembri mense a. D.1818. Frequenter accidit ut siliqua, primum saltem, ex uno tantum latere, folliculi instar, dehiscat, seminaque de specie in seriem unicam superpo- site contigua ostendat; valvæ seminiferæ nervum dorsalem nonnihil incrassatum, cui placenta longe exilior adversa respondit, singula mons- trant ; suturæ contra ex quibus fissis valvarum margines efficiuntur, reliquis nervis minime aut inconspicue crassiores deprehenduntur. SAREY DE. SAMYDEZÆ Enpz., Gen. pl., p. 916. — SamypaceæÆ BENTH. et Hook., Gen. pl., t. FL, part. ur, p. 791. — Le Maovr et De- CAISNE, T'railé gén. de Bot., p. h28, qui Caseariæ iconogra- phiam analyticam elegantissime tradunt. Casgamna Jaco. — Enpr., loc. cit., n. 5060, qui erudito suo more synonymorum longam seriem ordime recenset. — Benra. et Hook., op. cit., p. 796. — Le MaourT et DECAISNE, loc. cat. Ovula orthotropa simul et horizontalia in Caseartis malacas- siis miramur; licetenim micropylem suam in acumine adunco s. ascendente aperiant, minime tamen anatropa sunt, etsi qui- dam alter senserint ; cæterum semen succedit admodum rectum et horizontale cujus hilum chalazæ impomitur. 1. Casearia lucida +. — Samyda lucida Hirsens. et Bor. in schedis. — FRUTEX ramis teretibus, foliosis, corticem{pallidum, glabrum et verruculosum tandem induentibus. FoLra glaberrima, alterne disti- cha, patentissima, ovato-oblonga, plus minus acuminata (acumine obtuso), basi acuta, obsolete sinuato-dentata v. integerrima, 3-5 poll. longa, 326 __ L.-R, ULASNE. 48-24 lin, lata, in petiolum 3-4 lin. longum sese excipiunt, initioque sti- pulis caulinis late ovato-acutis et brevibus stipantur ; luci obversa, puncta pauca pellucida sparsa, inæqualia, alia exigua rotunda, alia breviter linea- ria ostendunt. Anraeura ex glomerulis assuetis, solitarie axillaribus multi- florisque fiunt; glomulis ob pubem parcam et bracteas minutissimas ac subobsoletas pallidis, atbidis ; floribus confertis undequaque patentibus, singulis pediculo tereti vix lineam longo sufaltis. Cazyx extrorsum parce pubet et in divisuras s. sepala quinque late ovato-obtusissima, inæqua- lia, primum quincunciali ordine imbricata, sub anthesi autem apertis- sime patentia, alle scinditur, quorum exteriora duo, majora, supre- mum marginem inflectunt. Corolla plane deficit. Discus staminifer tenui- ter membranaceus, imum calycem adnatus vestit et fimbrias s. lacinias viginti, utrinque ob pilos albos et divaricatos quasi lanosas, ex margine libero exserit, nempe filamenta antherifera decem et ligulas totidem alter- nas, multo breviores, bifidas et steriles ; e filamentis autem similiter ligu- Hformibus quinque sunt quæ cum sepalis paulo longioribus alternant, reliqua breviora tisdem opponuntur; antheræ omnes admodum pares, introrsæ, ovatæ, obtusæ, muticæ, basi nonnihil emarginatæ, æqualiter 2-lobæ, longitrorsum 2-rimosæ, luteæ glaberrimæque, dorso medio affi- guntur. GERMEN ovato-globosum, sessile glaberrimumque, in stylum cras- sum et perigonio breviorem attenuatur atque stigmate expanso et obso- lete lobato-sinuoso terminatur, intus autem uniloculare est et placentas lineares tres in parietibus crassis ostendit; ovula ovato-acutissima, uncinata, horizontalia late sedent, numero 4-6 in singulis placentis. Oritur in montibus ad prædium dictum Zanan-Arivou provinciæ Emirnensis. Descriptio nostra juxte exemplum Bojerianum est quod in phytotheca Musæi parisini continetur. 2. Casenrin migrescems +. — FautTex humilis, omni parte gla- berrimus, ramis tcrelibus, crectis, nonpilil flexuosis, fragilibus, cortice albido, lucido sparsimque verruculoso induitis, FoLra disticho ordine alterna, ovato-lanceolala v. oblonga, acuta v. acute et breviter acumi- nata, 4-6 poll. longa, 48-24 lin. Jafa, integerrima, crassa, opaca, utrin- que glaberrima, lucida et dilute virentia, nervo medio venisque secunda- riis (remotis) postice tantum prominulis signantur, in petiolum validum semiteretem et 6 lin. circiter longum tenuata desinunt, et erecta patent; arescendo fiunt opaca nec punctis pellucidis notantur. SriPuLx caulinæ et juxta-axillares, subovato-acutæ, latæ et brevissimæ, citisshne labun- tur. FLorgs minimi et herbacei coloris pediculo vix lineam longo singuli sufuleiuntur, simulque plurimi, octoui seil. denive, e pulvinule globoso asillari, bracteis minimis sed stipatissimis obsito, nascuntur, Cazyx fit e FLORA MADAGASCARIENSIS. 927 sepalis 5 paulo inæqualibus, obtusis, late imbricatis basique breviter con- natis et in utraque facie sæpius glaber est. Discus staminiger fundo calycis, sicut Caseariam decet, adnascitur et in partes viginti piligeras, filamenta scilicet decem antherifera et totidem appendices alternas, bre- viores, simplices et steriles abire videtur; filamenta quinque reliquis majora sunt, antheræ autem omnes pari modo ovatæ, perexiguæ, in- trorsæ et dorsifixæ sunt. OvariuM ovatum, glabrum, sessile, in vertice nonnihil acutatum et stigmatiferum (stigmate sessili aut subsessili)}, e pariete crasso et triplici serie ovuligero fabricatur. Nascitur in Madagascaria orientali, haud procul ab Oceani littoribus, et CAPELERIO auctore cui olim obvia facta est, vulgo Azou-Malangue apud Madecasses audit. (Herb. Capel. n. 19). Flores vix explicati tantummodo suppetunt. Quidquid de fruticis statura et habitu, foliorum florumaue colore attuli e CapgLern schedis excerpsi. Stipulæ, petioli floresque arescendo nigrescunt ; bracteæ quæ in foliorum axiliis palvinum floriferum globosum vestiunt, in gemmulas plurimas confertissimas consociari videntur. 3. Cascnria amplissima +. — ARBor glaberrima, ramis fohi- feris validis, teretibus pallidisque. Focra distiche alterna, ovato- vel Jlanceolato-oblonga, acuminata, basi plus minus acutata, rarius oblusa, cæterum amplissima, nempe 40-12 poll. longa et 3-4 lata, integerrima subtusque venosa, venis secundariis remotis, petiolo valido semipollicari et superne deplanato sustinentur, simulque erecta patent ; arida prorsus opaca nec punctata fiunt. SriPULARUM, si quæ sunt, vestigia desideran- tur. GEuMæ axillares solitariæ tubercula exigua nuda et obtusissima e ramo supra axillamad perpendiculum emergentia fingunt; terminales con- tra squamulis acutis stipantur. GLOMERULI axillares crassi, multi- et densi- flori quasi sine pube peculiariter albent ob bracteolas obtusas brevissimas et ad basim cujusvis floris cireumcirea confertissimas. FLores divaricato- patentes pediculo lin. 2 circiter longo, crasso, albido ac paulo supra basim circumscisso-articulato singuli utuntur. CaLyx e sepalis 5 ovato- obtusis, concavis, crassis, subcoriaceis, late imbricatis, basi brevissime connatis, utrinque glabris et marcescentibus, aridus contrahitur. ANDROCEUM totum inclusum, quippe sepalis dimidio brevius est, e stami- nibus decem inæqualibus et appendicibus s. squamulis totidem breviori- bus et alternantibus, cunctis de more breviter monadelphis et imo peri- gonio adnatis constat; squamulæ autem seu filamenta sterilia, simplicia consistunt et pilis quasi penicillo s. apice terminantur; filamenta ipsa -antherifera pilorum etiam non prorsus exspertia reperiuntur,; antheræ exiguæ, introrsæ, ovatæ, acutiusculæ et 2-lobæ, lobis longitrorsum rimo- sis, dorso medio affiguntur. GERMEN ovato-s. globoso-conicum, late ses- 228 L.-B. BULASNE. sile glabrumque, stigmaie peltato in acumine coronatur, intusque pla- centas 3 parietales solitas, singulatim multiovulatas, ostendit. … Crescit in terra Antongilliana Malacassiæ orientalis. Specimina pauca quæ suppetunt Ricarpo (Herb. n. 13) debentur. : Plurima adsunt ovaria quæ insectis læsa, ut videtur, monstrosa et vacua facta sunt. Placentæ valde tumere solent et tot nervos crassos fingere. Exterior calycis pagina pedicellique suppeditantis cortex albida sunt et oculo armato rugoso-verruculosa; pubes adest parcissima aut prorsus deficit. L. Casenria parvifefin +. — FauTEx ramis teretibus, pallidis, confertim et disticho alternoque ordine, typice saltem, multibrachiatis, brachiis autem sæpissime de specie sine lege sparsis, novellis pube luteola brevissimaque indutis, adultis vero admodum glabratis. Focra alterna et disticha, erecto-patula, conferta, obovato-oblonga, obtusissima, integer- rima, subtus exiliter venosa, 12-20 lin. longa, ‘4-7 lata, in petiolum 2-4 lin. longum initioque parce pubentem attenuata desinunt; adulta utrinque glaberrima sunt et cum luci adversa spectantur, punctis pellu- cidis subrotundis et ubique abunde sparsis notantur. STIPULÆ ovato-acutæ exiguæ puberulæque citissime caduntet cicatricemlinearem juxta axillam in cortice singulæ linquunt. GEMME in imis axillis solitarie ut videtur reconditæ pube aurea vestiuntur. (Flores recentes non suppetunt.) PerranTaium alte 5-partitum deprehenditur, divisuris oblongo- v. ovato- obtusissimis, glabris et marcescentibus. Bacca calyce corrugato aut revoluto stipata, formam ovato-globosam, obtusam, mucronulatam obtuseque trigonam,sinubus latis intercedentibus qui (saltem fructu are- facto) cristula media longitrorsum signantur, obtinet, crassitudine cerasum exiguum æmulari videtur et undique glaberrima est ; tota præ- terea carnosula fit, et nihilominus tamen capsulæ instar seminibus plu- rimis (24-28) relarcitur quæ triplici (s. potius sextupla) serie densoque ordine ejus parietibus horizontalia hærent; semina hæc ovato-globosa, sed hine aut inde ob mutuam pressionem variis modis angulosa, in apice obtusissima at breviter mucronulata (mucrone fragili), funiculo exili et brevissimo (vix conspicuo) utuntur, et arillo sincero sacciformi, tenui, pellucido, superne in lacinias plurimas et prælongas abeunte, singula ut tunica excipiuntur, velantur; id tegminis ab hilo punctiformi quo cha- laza tegitur, primordium capit, nec ubivis alias testæ adhæret ; testa ipsa crustacea, sed tenuis et fragilis, membranulam tenuissimam arctissime sibi adhærentem induere videtur. Albumen carnosum integros seminis parietes vestit embryonemque intrarium, rectum, antitropum, semine breviorem, e cotyledonibus 2 æqualibus ovatis utrinque obtusissimis, tenuibus, commissis et planis, cauliculoque exili tereti longo et seminis apicem mucronatum attingente, fovet. FLORA MADAGASCARIENSIS. 329 Crescit in Madecasia boreali, ad sinum Rinianum et Bivinio fructifera oceurrit (Herb. n. 2565). Fructus lobi s. anguli obtuse tumentes placentam duplici seminum serie onustam intrinsecus singuli gerunt; cristulæ autem intercedentes media carpophylla indicant, modo ut placentas ex eorumdem margini- bus commissis oriri concedas. Placentæ, docente BiviNio, quasi glandulis confertissimis et visco odoro refertis conficiuntur. Species minus nota. 5. Casearin elliptiea +. — FRuTEx glaber, ramis teretibus et distiche brachiatis. FoLra distiche alterna, late ovato-elliptica, brevissime et obtuse acumimata, basi nonnihil cuneata, integerrima, plana, utrinque venulosa, parce pellucido-punctata, punctis aliis rotundis, aliis lineolifor- mibus, 3-4 pollices et quod excedit longa, 1 1/2—3 poll. lata, petiolo subtereti et 3-4 lin. longo suffulciuntur. SripuLis deciduis supersunt tot lineolæ breves juxta-axillares. GEMMÆ solitarie axillares et exigue globosæ, pubent. De organis quæ ad propagationem spectant nil suppetit præter fructum maturum unicum e ramo materno avulsum. Fructus hic ovatus, utrinque obtusus, lin. 8 circiter longus, glaberrimus et 6-costaius, pru- nulum crassitudine æquavisse videtur ; ejus sarcocarpium aridum tenue est, semina autem numerosa triplici serie ejus parietibus hærent et can- nabis grana crassitudine vix æmulantur. Hisce forma et structura est, testa, arillus, albumen et embryo intrarius, qualia vidimus in Casearia parvifolia modo descripta. In Madagascaria a b. CarELERIO olim inventa est, cujus in botanico priori numerum 307 inscriptum habet. BIXINEÆ. BIXINEÆ Kuwruo in H. et Bowpz., Nov. Gen. et Sp., t. V, p. 331. — Bent. et Hook., Gen. pl., t. [, part. 1, p. 122. — Bixaceæ Exnr., Gen. pl., p. 917 (ordo CXCV). — FLAcuRTIA- NEÆ et Bixiweæ Canpozio, Prodr. regni vegel., t. 1, p. 255 et 259. Bixa Orellana L., stirps americana, ex qua Ordini nostro ortum nomen est, ob notum seminum usum apud mauritianos vulgo colitur, docente Boserto (Hort. maurit., p. 20), nec est eur dubitemus eam quoque in agris Malacassiæ fuisse admissam ; frequens saltem reperitur, teste Pervizueo (in sched. mss.), in 390 L.-K. ÆULASNE. insula Âfahé Seychellarum, ubi mense martio flores simul et fructus maturos profert. Vulgaris typus variat florum colore nune rubro roseove, nune albo (Bixa Orellana, alba Box., loc. cit.). Bixæ iconographia traditur in Ewm. Le Maovr et S. Decaisne Hbro jam laudato, p. 426. Præter bixineos typos infra descriptos, videre est etiam in botanico nostro africano Grandidieram YJalbertianam (4) quam lcet à Madecasia longe vigeat, his in pagellis omnino præ- termittere non licet. Flores ejus, magistri biturigis pace sit diclum, potius polygami quam unisexuales et monœei sunt; plurimi quidem mere maseuli videntur, ex üis vero qui ger- men fovent, bene multi, ut videtur, staminibus etiam do- nantur; egomet saltem flores istius modi androgynos et fer- tiles dissecu!. Præterea euilibet flori calyx est e sepalis tribus ovato-rotundatis, obtusissimis, conchatis, extus sericeo-puben- übus initioque aretissime imbricatis; corolla vero e petalis tenuioribus, oblongis, obtusissimis, breviter uaguiculatis, gla- berrimis, primumque latissime quincunciatim imbrieatis et involutis; stamina plurima in floribus mere masculis torum integrum extrorsa liberaque vestiunt, in androgynis vix paueiora ovarium Cingunt nec corollam excedunt; germen ovato-globo- sum sessileque cristis 5-7 late expansis, divaricato-patentibus, assurgentibus et diversis modis in ambitu erosis augetur, stylo terminatur in erura tria exilia, longiuscula, rigida, arcuata et divaricata subito partito, intusque uniloculare est et multi-ovu- latum ; ovula autem globosa et anatropa piacentis tribus parie- talibus quæ cum styli cruribus alternant, stipato ordine sine funiculis conspicuis hærent, mieropyle nune loculi basim nunc verticem spectante ; seminum quæ nonnisi immatura vidi, testa (4) Cfr. collectanea inscripta Bull. de la Soc. bot. de France, t. XII (1866), p. 466 et 467. Miramur simul et dolermus quod vir præ cæteris phytelogis hujus ævi adco llteratus, oblata per Grandidieram occasione, tanta de jure grammatices isnaris et jmpolitis imprudenter concesserit; quis enim non videt quam dignitati scientiæ dicendi genus intersit; periculosum igitur arbitrari liccat quidquid artis disciplinas minuere aut infivmare valet; rebus temere permissis imperia pereunt, quid de Botanica jore putas? FLORA MADAGASCARIENSIS, 331 pubem raram sericeam induit. Flores Grandidieræ Boivini Jarre. in racemos solitarie axillares et brevissimos, ipsimet subsessiles, denso ordine digeruntur singulique racemt flore androgyno et fertili unico vulgo terminantur, reliquis floribus maseulis et cito deciduis. Quod ad fruticis hujus Monbazini affnitates atlinet, medius stare videtur inter Afaynam Benthamianam el C&rpo- trochem Endlicherianam quarum characteres quodam modo counectit (Cfr. CLrosn dissert. infra laudatam de Flacurlianeis, in Ann. se. nat., ser. 4, t. VEN, p. 263). 4. Ovario uniloculari, placentis parielalibus 1-4. I. awsisœa (1) Bexnerrio, in suis P/antis Javan. rariorib. part. alt. (1840), p. 192, in nota. — Prockiarum pars alt., Aphloiæ, CanvozLto, Prodr, regni vegq., t. 1, p. 261. 1. Aplhilææn deltoides D. CLos in Ann. se. nat., ser. 1v, t. VHI, p. 269, in fine. — Prockia deltoides Poir. in Lauk., Æncycl. bot. contin., t. V (1804), p. 626; Lamanxlo autem ïipsi in suis //{lustr. Gen:, tab. 165, fig. 3, prius edita. — FRutTex humilis et elegans, ait Commerso (in sched. mss.), ex toto glaberrimus, ramis gracilibus, teretibus et laxe ramosis. FoLta alterno ordine disticha, cvato-del- toidea vel ovato-rotunda, interdum etiam ovato-acuminata, modo obtusissima, modo acutiuscula, grosse déntata crenatave, sinubus semper obtusis, utrinque glaberrima et exilissime venulosa, 9-12 lin. longa, 6-10 lin. lata, in petiolum 2-4 lin. longum desinunt., FLones vulso solitarie axillares, quandoque etiam geminati v. terni, pedicel'o 1-3 lin. longo exili erecto et supra basim primuin bracteato singuli sese excipiunt, omni parte semper glaberrimi. SepaLa 5 maxime inæ- qualia calycem dilute virentem late et quincuneiali ritu imbricata con- stituunt ; exteriora duo suborbicularia sunt, interiora contra, duplo v. iriplo majora, ovata v. ovato-oblonga, cuncta cbtusissima quasi avenia et plus minus concava. ConorLA plane deest. SramiNa 30-40 glaberrima sepalis interioribus s. majoribus breviora consistunt; filamenta exilia, dupliei vel tripliei serie inserta, in diseum angustum ovario sessili suppositum et toro adnatum conveniunt et coalescunt ; antheræ ovato- rotundæ, 2-lobæ, 2-rimosæ, muticæ, dorso imo afiguntur et introrsum (4) Le. sine cortice, eo quod Prockias, Aphlœa quædam vernaeule apud Masca- rencnses bois sans écorce nuncupatur. (Cfr. Pexxertius loco citato ct PoRETIUM in LawarCk Encycl. Bot, contin., suppl., t. 1 (48101, p. 662, v° Boris.) 292 L.-R, TULASNE. spectant, effetæ autem extrorsum inflectuntur. GERMEN ovatum, utrin- que obtusissimum, glaberrimum virensque stylo brevissimo qui stigma peltatum gerit terminatur, et in baccam conformem et subexsuccam tandem mutatur; quæ submatura suppetit disperma est et septum spurium ex intimo sarcocarpli pariete natum semen alium ab altero superposito dividit; utrumque vero obovato-globosum eidem pla- centæ parietali horizontale sine funiculo hæret ; testa levissima pallida et crustacea est ; albumen carnosum; embrvo intrarius et linearis im arcum angustum hoc modo incurvatur et contrahitur ut caudiculi basis sum- mis cotyledonibus admoveatur, hilo foveolam intermediam tenente proptereaque hine chalazæ illine micropylæ contiguo ; cæterum ceaudi- culus teres et cotyledonibus linearibus sibique invicem applicitis longi- tudine subæqualis deprehenditur. Oritur in Madagascaria nec nisi soli CommErsont hactenus, ut videtur, obvia est. Descriptio nostra juxta typos Commersonianos in Musæo parisino Jussiæanoque botanico servatos conscribitur ; causa ea est cur stirpem madagascariensem nec mauritianam dixerimus. PORETIUS cui propterea contradicimus, de pedunculo pollicari et quidem majori, stigmateque subuloso, incautus sane, loquitur. 2. Aphloœa theîformis BEnx., PL Javan. rar., parte alt., p. 192 in nota (1), nec non Dominico CLos qui in Ann. sc. nat., ser. 4, t. VIII (4857), p. 268 et seq., de Aphlæis erudite disseruit; eodem ma- gistro docente huc etiam spectant : Lightfootia theæformis WagLio, Symb. Bot., t. AI, (1794), p. 70; Prockia thæeformis Wizcp., Sp. pl. Linnæi, t. I}, part. alt., p. 1214, n. 3, et Canp., Prodr. regni veg., t. I, p. 261; nec non Ludia heterop hylla (Lamk.) Borvo a S. Vinc., Ztin. ad ins. Afr., tom. alt. (1804), p.115 et 116, tab. XXIV. — FruTEx ex omni parte glaberrimus, ramis teretibus, hornis dense fo- liosis. Focra (2) disticho alternoque ordine digesta, late ovata, ovato- oblonga, imo lanceolata, in acumen nunc breve et obtusum, nunc longius protractum abeuntia, quandoque tamen obtusissima et quidem emargi- nata, basi nunc rotundata, modo brevius longius cuneata, 2-3 poll. longa, 9-18 lin. lata, in acie spisse serrata s. crenulata, petiolo semitereti su- perne canaliculato et 2-3 lin. longo suffulciuntur, adultaque et arefacta (4) Ibidem fit etiam mentio Aphlææ cujusdam madagascariensis a J. V. Taowp- 80x lectæ nondumque descriplæ, judice BENNETTIO. (2) De foliis arboris adultæ loquimur ; junior enim folia mire incisa et quasi laciniata agit, adeo ut {ypum admodum alienum mentiatur; conferas CLosi verba super Prockia laciniata (Poir.), in Ann. sc. nat., ser, 4, t, VII, p. 270. FLORA MADAGASCARIENSIS. 333 saturato ærugineoque virent colore. SriPuzæ caulinæ et juxta-axillares sunt, singulas enim axillas geminatim stipant; membranulam brevissi- mam et obtusissimam imo quasi lunulatam, oblique lateque insertam et petioli margini nonnihil membranaceo continuam singulæ fingunt. P£- DUNCULI uniflori, teretes, graciles, supra basim bractea exigua et adpli- cata, quandoque pluribus alternis remotisque instructi, 6-12 lin. longi, erectoque patentes, solitarii, gemini ternive e gemma squamulosa soli- tarie axillari exeunt ; rarissime accidit ut præter florem terminalem, alter paulo demissius ex eodem peduneulo oriatur. FLORES eamdem prorsus monstrant fabricam atque flores Aphlææ deltoidis supra descriptæ, sed cr'assiores sunt, sepalis nempe majoribus et virentibus, staminibus copio- sioribus, baccaque validiore utuntur ; stigma late peltatum modo sessile est, nune contra tuberculum oblinire videtur. Juxta schedas mss. quæ specimina descripta comitantur, oritur frutex in Macroneso Madecassium, v. gr. secus rivulorum oras, ad pedes montis ignivomi dicti Amponbilave, et in editioribus sylvis montis Lucubei (Herb. Bivin. n. 2123, sub titulo Aphloiæ argutæ, latifoliæ Bvx.) ; fre- quens est in sylvis insulæ Cumba, littoribus boreali-orientalibus Made- casiæ adjacentis, teste Pervizceo (Herb., n. 743); reperitur etiam in Mayotta Comorarum, ad rivos (Herb. Bivin. n. 3296). Cæterum viget quoque in insulis Mascarenis unde allata sunt prima quæ phytologis europæis innotuerunt specimina. Adumbratio præcedit arboris amplifoliæ simul et grandifloræ quæ, ut opinor, præ reliquis formis ejusdem stirpis cognomen ovatæ s. latifoliw meretur ; cæteras inter formas, alias ab aliis et a typica antecedente ægre nec fortassis merito diseriminandas, sequentium mentio præsertim ha- benda est. BG micrantha(s. stylos a Bivinio in sched. mss.), foliis minoribus, modo anguste lanceolatis, nunc contra obovatis et obtusissimis, imo retusis, sæpius tamen breviter acuminatis, nonnihil coriaceis, 12-20 lin. longis, 6-9 lin. latis, minutissime, mo obsolete serratis s. crenatis et quandoque subintegerrimis, in petiolum circiter lineam longum attenuatis ; floribus minimis, flavidis ; androceo depauperato ; ovario emaciato sæpe acumi- nato ; pedicellis 2-3 lin. longis. Viget in variis locis insulæ Marianæ, ex. gr. circa Ambovdifolatre, secus littora fluminis prædi regii, nec non in sylvis dictis Ravine-Tsara et Lafondrou (Herb. Bivin., n. 1843, Berneriani, n. 201). Arbor est trunco erecto, monente BERNERIO, et lignum præbet ad struendas ædes idoneum ; vernacule Azoune-rano nuncupatur. y Closit (Aphloia madagascariensis Dominico CLos in Ann. se. nat., ser. 4, t.VIIE, p. 273 et274), frutex bi-orgyalis et quod excedit, teste 3h L.-R, MULASNE. PeRVILLEO, folits ut plurimum oblongo-lanceolatis, longe et acute acumi- natis, argute serratis, nec parvis, scil. 2-3 poll. longitudine et 12-18 lin. latitudine adipiscentibus ; floribus exiguis et breviter pedicellatis sicut apud formam Bsfylosam : bacca autem vulgo obtusissima minimeque aut vix conspicue mucronulata, stigmatis propterea diseulo subsessili. Provenit tum in Madecasia ipsa, ut perhibet botanicon Bivinianum, tum in Macroneso (P£rvizcer Herb., nn. 392 et 429), Comoris (Johanna) et Seychellis (Mahé), docentibus Pervizceo BiviNioque ; rivorum oras præ- diligit. D. Cros duplicem in hac forma variationem distinguit ; prior B Sey- chellarum dicta, ad typum x ovatifolium nostrum redire videtur ; alteram, y polymorpham, speciminibus Thuarsianis incertæ oviginis fundatam, potius ad formam nostram micrantham traxernnus. I. RuBEa (1) Couwersoni ap. Jussiæuu, Gen. pl., p. 343. — Enpc., Gen. pl., p. 919, n. 5070. — Dom. CLos in Ann. sc. nai., ser. h,t. VIH, p. 343. — Bexra. et Hook., Gen. pl., t. I, parte 1, p. 126, n. 10.— Mauneia Tuuarsio, Gen. nova Madag., p. 6, 0. 49, qui affinitatem cum Flacurtia verisimilem denuntiat. — Enpc., Gen. pl., p. 1328, n. 6849 (inter genera dubiæ sedis el non salis nota). Ludia madagaseariemsis CLos in Ann, se. nat., ser. 1v, t. VII (1857), p. 24h, et in ferb. Mus. Par, — Mauneiæ spec. Tauarsio, in sched. mss. — FRruTEx ramis foliosis, teretibus, gracilibus, virgatis, spar- sis, confertis, erecto-patulis, initio parce puberulis (pube pallida brevissi- maque), mox glabratis, adultis vulgo verruculosiset quandoque spinosis ; spinæ autem (quas saltem præ oculis habemus) in foliorum axillis solita- riæ, simplices pungentes ac vix lin. 2 longiores gignuntur, gemmaque a latere sæpe stipantur. FoLia apud plantam juniorem alterne disticha nas- cuntur, postea autem sæpius sparsa; forma præterea ludunt; frutici annotino ovata sunt, obtusa, basi cuneata, 5-8 lin. longa, 3-4 lin. lata, et grosse serrato-dentata, dentibus obtusis et protractis, sinubus autem acutis; ubi autem frutex adolevit, folia nonnihil coriacea et epunctata, modo ovato-lanceolata, modo subrhomboïdea v. obovata, nunc obsolete et remote dentata, dentibus brevissimis sinubusque obtusis, nune potius obsolete sinuato-crenata, sæpius tamen integerrima, obtusa v. breviter emarginata, basi vero cuneata deprehenduntur, in petiolum brevissimum (4) Ludia a ludere dicitur, proper miram folicrum in eadem stirpe variationem, (Cfr. üil, Jussrær Gen, pl., loc. cit.} FLORA MADAGASCARIENSIS. 39% desinunt, 9-15 lin. longitudine, 4-8 lin. latitudine æquant et utrinque simul glaberrima sunt ac creberrime venulosa, venis omnibus pariter exilibus et reticulatis, secundariis a primaria media parallelo stipatoque ordine divaricatis. STIPULÆ non adsunt, squamæ autem exiguæ anguste ovato-oblongæ, obtusæ et pubenti-ciliatæ gemmas fovent, innovationum pedes stipant. FLores exigui, solitarii, rarius gemini ternive in singulis foliorum axillis, numero autem pauei in quolihet ramo, pediculo dis- creto, 1-2 lin. longo, tereti, reclinato et pauci-bracteolato, bracteolis squamiformibus et exiguis, singulatim utuntur. Cazyx e sepalis 5 ovatis, acutiusculis, basi coalitis, extus puberulis pallidis. ConoLLa nulla. SramiINa innumera (circiter, ut videtur, 20-30) ex imis calycis parielibus simul atque e toro dense piligeris (pilis albidis) stipatissimo multiplicique ordine sepalisque duplo longiora nascuntur ; filamenta exilia, calyeini parietis instar ima basi pilosa videntur, de cætero autem glaberrima sunt; an- theræ ovato-globosæ, perexiguæ, utrinque obtusæ, muticæ, glaberrimæ, basi affixæ, introrsæ, 2-lobæ, lobis longitrorsum rimosis, polline autem pallido. GERMEN centrale, in toro sessile, ovato-acutum et glaberrimum, e parietibus crassis fit, in stylum longum (stamina excedentem), erectum et apice 2-partitum, crure utroque introrsum cCanaliculato truncato $. præmorso et stigmatifero, abit, intus anguste uniloculare est et 2-ovu- latum ; imus loculus pube peculiari vestitur, ovulaque anguste ovata, anatropa, hinc et quasi toto fere suo latere singula placentæ parietali imoque loculo discreta, remota, hærent, micropyle supera. Frucrus bacca est subexsucca, induviis floralibus aridis stipata, glaberrima, styli reli- quiis acuminata, intusque disperma. SEMINUM testa est tenuiter crustaceo- membranacea ; embryo rectus, planus, homotropus, e radicula tereti brevi hioque proxima et cotyledonibus 2 quasi obverse conicis, utrinque retusis s. emarginatis (basi scilicet acute, ad extremum contra obtusis- sime), perispermii tenuis et carnosi centrum tenet ejusdemque longitu- dinis ac semen ipsum est. Creseit in collibus apricis insulæ marianæ Madecassium ad Sast/ont et Canambo, teste Bivinio, quo docente culta viguit in horto regio Borboniæ insulæ, e seminibus nata quæ Ricanpt cura’e Malacassia olim fuerant reportata. Specimen etiam in botanophylacio Musæi parisini vidimus, origine madagascariense, quod Comm£rsont debetur et el. Dominico CLos innotuit. Virgas spiniferas inter Thuarsianas reperi, quæ de cætero prio- ribus minime dissimiles sunt ; plures autem inermes dantur ; specimina hæcce Thuarsiana fructibus onusta Dominicus CLos non viderit. Ludia ovalifolia Lam. et ZL. sessiliflora ejusd. utraque in sylvis insularum Mascarenarum haud infrequens, quantum e speciminibus Commersonianis, quæ mihi præsto sunt, dijudicare licet, typum eundem, foliorum magnitudine varium, sistere videntur. Magis contra sui juris 336 L.-R, TULASNE, arbitror Ludiam myrtifoliam Lamx (Bivin. Herb., n. 4305) item mas- carenam, cui calyx est coriaceus, nonnihil poculiformis et obconicus, in margine rigente 8-10-partitus, divisuris subæqualibus, brevissime oblongis et acutiuseulis ; stamina bene multa confertissimo multiplicique ordine calycino poculo inserta (rite perigyna), filamentis basi pilosis, albis parieteque calycino, antheris autem dorso affixis, muticis et gla- berrimis ; germen liberum, ovatum, utrinque tenuatum, glaberrimum atque in stylum crassum, brevem et apice obsolete ac vix conspicue in lobulos 4-5 s. potius tubercula incisum abiens, intus 4-loculare glabrum et placentas 4-5 parietales, singulas inferne 5-6-ovulatas, ovulis semi- anatropis, peritropis, funiculo destitutis, minimis, exhibens. Zanzibaræ etiam Ludia quædam BiviNio nostro obvia est (anno 1848), typis borbonicis analoga ; stirpis hujus fructus soli et immaturi dantur, baccis maturis Ludiæ madagascariensis jam crassiores sunt et semina imperfecta 4-4 e summo loculi unici pariete sine funiculo pendula fovent. Debitus s. legitimus Mauneie Thuarsianæ locus in systemate neotericos phytographos hactenus latuerat, IT. SCOLOPIA Scures., Gen. pl. Linnær, ed. VII, t. À (1789), p. 335, n. 846. — Bexru. et Hook., Gen. pl., t 1, part. 1, p. 127,0. 15. = Phoberos Loureiro, F{. Coch., p. 589 (Expe., Gen. pl., suppl. 1, p. 1421, n. 5065). Huc merito si spectaverit Flacurtia Stigmarota War. quæ Scolopia Roxburghii est Dommico Cros, hue etiam jure traxeris stirpem Comorensem cujus adumbrationem infra attulimus; attamen moneamus criteria illa in utroque typo pariter defiei quæ Scolopias vulgo designant, nempe spinas in ramis, nee non glan- dulas in imis foliis et florum calyce. Præterea miramur quod auctores peculiarem venarum in imo folio dispositionem non animadverterint; inde enim nota minime spernenda ad reco- gnoscendas stirpes manifesta oritur. Scolopia coriacea +. — ARBOR 3-h-orgyalis, glaberrima, ramis truncum arcte velantibus, cylindricis, inermibus, brachiatis, brachiis sparsis, confertis, patenti-erectis, hornis foliosis, omnium cortice pallido. Foia alterna s. sparsa, quandoque etiam, ut videtur, disticho ordine dis- tributa, lanceolato-oblonga, acuminata, integerrima, eglandulosa, coria- cea, superne levissima et lucida, 3-5 pollices longa, 12-18 Jin. lata, in petiolum 3-5 lin. longum et semiteretem tenuata desinunt et venulis FLORA MADAGASCARIENSIS. 83 exilibus quatuor insigniuntur quæ in imo limbo geminatim a nervo primario opposita discedunt et margini quasi parallela ad medium usque folium excurrunt, cæteris venis secundarüs pariter gracilibus sed alterno ordine distributis. Sripucæ deficiunt, imo quælibet stipularum vestigia. Racemt erecto-patentes, laxiflori, glaberrimi, validi, 2-3 poll. longi, in foliorum axillis modo solitarii, sæpius gemini, gemma intercedente, nascuntur; plures si fuerint, terni scil. aut quatérni, tune geminatim contigui superponuntur; axi tereti v. anguloso ; bracteis dentiformibus, “exiguis et cito caducis; pedicellis propriis unifloris, validis, teretibus, 3-5 lin. longis, patenti-divaricatis et in medio nodoso-circumscisso arti- culatis. Cazyx latiuscule poculiformis totusque subecoriaceus in margine 16-20-fidus est, ejusque divisuræ ovato-triangulares, subobtusæ, vix similineam longæ patentesque orbem s. coronam reapse duplicem sistunt, licet in orbem unicum quasi instructæ videantur, sepala tamen quæ interiora merito dixeris reliquis totidem paulo angustiora sunt; nullum aliud corollæ genus adest. Glandulas calycinas non video. STamINA innu- mera calycinis faucibus multiplici stipatissimoque ordine inseruntur, filamentis basi tomentosis. GERMEN centrale, sessile, liberum, ovato- acutum totumque glabrum in stylum abit rigide filiformem, 2 lin. vix longum et brevissime 3-4-fidum; e parietibus fit crassis et carnosis in- tusque 4-loculare est; placentæ tres lineares crassæque in ovarii pagina valde exstant medioque singulatim biovulatæ sunt; ovula ovato-globosa, anatropa, sine funiculo pendent et microplem suam ad loculi verticem convertunt. FRUCTUM carnosum fieri, aridisque floris induviis stipari, specimina immatura quæ suppetunt docent; semina tune e summis placentis pendere diceres. Oritur in montibus Mayottæ Comorarum, prope Moussa-péré, junio- que floret (Herb. Bivin. n. 3300). Venulæ in imo limbo geminatim oppositæ, quales modo notavimus, in Scolopia Roxburgii GLos (in Ann. se. nat., ser. 4, t. VIE, p. 250), 1. e. in Flacurtia? Stigmarota W ALL. etiam observantur; id Scolopiæ asiaticæ ramos inermes foliaque et calycem eglandulosa nobis etiam monstravit (Cfr. Æerb. Mus. Par.); calycis istius sepala 10-12 ovato-acutiuscula minimaque duplicem constituunt seriem cujus interiores partes exterio- ribus alternis paulo angustiores sed ejusdem prorsus naturæ calycinæ sunt ; omnes e poculisubplani et staminiferimargine simul exeunt; paries hic staminifer parce pubet: parcius quidem in basi pubent filamenta ipsa antherifea exilissima quæ multiplici (4-6-plici) et stipatissimo ordine inseruntur, calyceque duplo fere longiora fiunt; antheræ exiguæ ovato- acutæ, 2-lobæ, imo dorso affiguntur, extrorsum spectant et rimis duabus a basi ad verticem dehiscunt, connectivo in acumen recurvum et qua- dantenus pilosum producto. Germen ovato-globosum ac glaberrimum 5° série, Bot. T. IX, (Cahier n° 6.) 2 22 338 L.-B. TULASNE., in stylum crassum, antheras excedentem, apiceque obsolete et brevissime 3-5-lobum, lobis quasi tuberculiformibus, abit, intus 1-loculare et in parietibus triplici serie pauci-ovulatum. IV. ERVTHROSPERMUM LaAMarxio in suis /{lustr. gen., t. I, p. 407, tab. 274. — Tuuarsio, Hist. veget. Ins. Afr. austr., p. 65-67, tab. XXI. — Expz.,Gen. pl., p. 922, n. 5083. — CLos in Ann. sc. nai., ser. 4, t. VIT, p. 253. —- Hook. et Bevru., Gen. pl.,t. 1H, part. 1, p. 127, n. 45. Erythrosperma duo in botanico nostro adsunt, utrumque cla- riss. viatori CaPpeLeRIO debetur; aliud apud Tuvarsiun (ist. vegel. ins. Africæ austr., p. 67, tab. XXIK, fig. 2) Erythrosper- mum amplifolium dicitur, macrophyllum autem Porerio est, ju- dice clar. Dominico Cros (loc. supra cit.) ; aliud a typis omnibus qui mihi innotuerunt discrepare videtur. Ea præter genera, in Madecasia etiam viget, Boserto monente (in sched. mss.), forma peculiaris, cordifolia, Erythrospermi ampleæicaulis DC. (Prodr., t. I, p. 258) quam pro typo admodam distincto CLosius dubi- tanter haberet (cfr. Ann. sc. nat., tomo sup. cit., p. 257); bujus formæ exemplum magis mancum suppetit quam ut rem extra dubium ponere liceat. Sequitur descriptiuneula stirpis quam ineditam arbitror. Erythrospermun coronarium +. — FRUTEx ramis teretibus, crassis, dense foliosis, glabris et verruculosis. Focra alterna, oblongo- lanceolata, obtuse brevissimeque acuminaia, 4-6 poil. longa, 15-21 lin. lata, integerrima, coriacea, utrinque laxe venosa et glaberrima, nervo medio reliquis de more longe crassiori, in petiolum crassum, brevem et semiteretem attenuata desinunt. FLORES racemoso-capitati; peduneuli singuli, ut videtur, ex axillis foliorum solito minorum, bractearum uempe deciduarum, sub ramorum vertice solitarii exeunt, congesti autem assurgunt, 4-5 poll. longitudine adipiscuntur, graciles sunt et compressi sed rigiduli, apiceque pedicellos floriferos 6-8 et plures quidem, circiter, semipollicares, subdecussatim oppositos aut saltem gradatim digestos, confertos, nudos et in sertum patentes, quasi brachia ex axillis bracteola- rum mivimarum agunt, pedicellis istis, bracteolis calyceque vix pube- rulis. ALABAsTRUM globosum et obtusissimum est. CaLyx e sepalis quinque orbicularibus, obtusissimis, cochleatis, inter se liberis sed quincuncial ritu arctissime imbricatis constat. CoROLLÆ petala 5-7 sepalis subconfo - FLORA MADAGASCARIENSIS. 339 mia sed longe minora (saltem in alabastro), similiter sibi alia aliis incum- bunt, tro simul libera inseruntur et utrinque glaberrima sunt. Sra- MINA vulgo octona, quandoque etiam dena, inter se prorsus libera glaber- rimaquein torostant, ovario cireumposila; filamentis brevibus et crassis ; antheris oblongis, crassis, acuminatis, basi emarginata insertis, 2-lobis et 2-rimosis, rimis lateralibus, imo nonnihil extrorsis. Ovarium globosum, sessile, glaberrimum, in stylum brevem et brevissime 4-fidum s. denta- tum abit, intus uniloculare est et placentas 2 (aut plures?) parietales ac ‘pluriovulatas ostendit. Provenit in Madecasia et CaPELERIO obvia est. Suppetit specimen uni- cum floriferum. 2. Ovario biloculari, placentis axilibus. V. DOVYyALIES E, Mey. — Expr., Gen. pl., suppl. alt., p. 91, n. 5888/4.— Bevrn. et Hook., Gen. pl., parte 1, p. 128, n. 20. | Dovyalis? Monbazæ + — FRUTEx ex omni parte glaberrimus atque, ut videtür, dumiformis, ramis teretibus cortice pallido levique indutis; sunt ex his qui virgas simplices longasque fingunt; pluribus brachia sunt sparsim alterna et divaricato-patentissima quorum bene raulia folifera in spinam pungentem singulatim desinunt, alüis e con- trario brevioribus nudis et in spinam sterilem totis mutatis. Focra vulgo quincunciatim alterna, laxeque distributa, sæpissime etiam e ramis contractissimis s. brevissimis et quasi gemmiformibus fasciculata nascuntur ; obovato-lanceolata, acutiuscula, 12-15 lin. longa, 6-9 lin. lata, in ambitu laxe serrata, antice avenia, postice autem venulis reticulato-im- pressis exilibusque notata, in petiolum brevissimum attenuantur. FLORES (de plantis fæmineis, nuncque fructiferis dico quæ solæ suppetunt) in summis ramusCculis abbreviatis s. gemmiformibus necnon in foliorum axillis fasciculati (2-5 insimul) et sessiles oriuntur. Cazyx minimus per- sistens et patulus vulgo e sepalis 4 æqualibus, ovato-acutis, basi brevis- sime coalitis et utrinque glabris constat. CoRoLLÆ vestigium nullum superest. STAMINODIA 4 glaberrima et inclusa, e tot filamentis exilibus quibus singulis anthera minima et effeta sustentatur, ex imo calyce, sepalis opposita, nascuntur, et eum eodem marcescunt. Discus obsolete et brevissime lobatus torum, germen inter et androcei sterilis partes, vestit. FRuCTUS drupa est parce carnosa, obovata, obtusa, styli residuis mucronulata, glaberrima, crassitudine, ut videtur, baccæ Æibis nigri nostris in hortis culti; putamen ex endocarpio indurato, ut opinor, drupæ formam usurpat, et inæquo modo biloculare est ; loculus major 8h0 L.-R, TULASNE. solus fertilis ovula duo (abortiva) e summo dissepimento contigue pen- dula monstrat, alter longe minor quasiftotus obliteratur. (Fructus semi- nibus fertilibus fœti non suppetunt.) Nascitur in agro Mombazio apud Zangobaros et Bivinio nostro oc- currit. Doleo quod specimina quæ præsto sunt magis manca sint quam ut de genitalibus plura dicere valeam; vix tamen de sinceris stirpis modo descriptæ cum Dovyalibus austro-africanis (capensibus), v. gr. D. zizy- phoïde E. Mey. et D. celastroïde SoND., necessitatibus dubito, etsi notæ plures contradicere videantur. 8. Ovario $-8-loculari, placentis axilibus (saltem de specie). VI FLACURTEA (1) Commersoni, teste JussiÆo in suis Gen. pl., p.291.—Expz., Gen. pl., p. 991, n.5079.—D. Cros in Ann. sc. nat., ser. hi, t. VI (1857), p. 212.—Benrs. et Hook., Gen. pl., parte 1, p. 128, n. 47. Flacurifia cataphracta Roxg. in Wirzp. Spec. pl. Linn., secun- dum CanpoLLtt (Prodr. t. 1, p.256) et Dominici CLos (in Ann. sc. nat., ser. 4, t. VIT, p. 216) sententiam. — FRuTex orgyalis vel sesquiorgyalis, interdum vero arbuscula humilior (docentibus Ricarpo et PeRviLceo), omni parte glaberrimus, ramis teretibus et gracilibus corticem verru- culis albidis conspersum induentibus. FoLia disticho ordine alterna, ovato-oblonga v. oblongo-lanceolata, in acumen acutum et sæpe an- guste productum desinentia, basi rotundata aut nonnihil cuneata, 2-4 poll. longa, 12-18 lin. lata, tenuia, utrinque exiliter venulosa, epunc- tata, in ambitu minute et remote serrata, quandoque potius subcre- nata, incisuris enim vulgo acutis, dentibus vero nunc acutis, nunce potius obtusis, petiolo exil semitereti superne canaliculato et 3-4 lin. longo singula utuntur. FLOREs unisexuales et diœci, ut videtur, omnes in racemos breves, nempe vix semipollicares erectoque-patentes, laxi et divaricati digeruntur, singulique pedicello exili, 2-3 lin. longo, supra basim articulato, nudo at ex axilla bracteæ minimæ caducæque nato suffulciuntur ; racemi isti plerique in ramis annotinis post folia de- lapsa nascuntur, sunt tamen qui axillares aut terminales ramis hornis adhuc foliferis eduntur, solitariique sæpius e gemmis singulis utrique exeunt. FLORIBUS tum masculis tum femineis structura ea est quan in (4) Dicitur in honorem Stephani pe FLacourr, rebus gallicis in terra Laurentiana olim præfecti, cui etiam historia debetur regionis hujus, sub titulo: Histowre de la Grande Isle Madagascar, anno 4664, Augustobonæ edita. FLORA MADAGASCARIENSIS. 341 Flacurtia Ramontchi infra descripta videre est, sed demensiones vulgo paulo minores videntur ; stylos et stigmata etiam macriora, imo aliter effi- gurata, arbitror; fructus maturi non suppetunt. In terris malacassiis tum BREONI, tum Ricarpo obviam facta est; nu- perius in locis aridis apertisque necnon in plagis maritimis Macronesi, PerviLceo etiam occurrit (Herb. n. 900), eidemque præterea in Mahé Seychellarum (Æerb. n.166). Vernaculum nomen bois de Sagaille a gallicis Seychellarum colonis arbori nostræ fuisse inditum, PERVILLEUS auctor est (in schedis mss.). Flores eodem tempore quo folia ipsa simul explicari videntur. Flacurtia Ramontehi Laér., Stirp. nov., fasc. III (1785), p. 59., tab. 30 et 308, quo in hbro etiam continetur illustris Poœvri de Ramontchi dissertatiuncula, — LamKk., Z/L. Gen., tab. 826. — Cros in Ann. sc. nat., ser. 4, t& VII, p. 217. — ARBuscu£a est 8-10-pedalis, vulgo densicoma, docente BERNERIO, proximæ cum præcedente affi- nitatis itemque glaberrima, sed bene multas ob notas non ægre discrimi- natur. Rai ejus spinis patentibus et pungentibus sæpe horrescunt quæ e ramis exiliter rigidis, simplicibus et abortivis, nudis scilicet ac sterili- bus, originem ducunt ; spinæ hæ modo 4-10 lin. nunc plusquam polli- cem unum aut unum et alterum longitudine adipiscuntur, gemmisque nondum explicatis aut jam inramum protractis a latere vulgo stipantur. Foria late ovata vel obovata interdumque breviter oblonga, aliquando etiam veluti deltoidea, modo obtusissima sunt, nunc contra in acu- men obtusum breveque desinunt, crenis obsoletis quandoque circum- circa ornantur, longitudine pollices 2-3, latitudine vero lineas 10-18 æquant, coriacea fiunt et petiolo 5-8 lin. longo utuntur. RacemI utriusque sexus vulgo breviores, validiores -maximeque florum parciores sunt quam in #7! cotaphracta, supra descripta. Masculi floris CALxx 4-5- partitus est, divisuris late deltoideis et acutiusculis sed inæqualibus, patulis omnibus, flexuosis et apice introflexis. STAMINA innumera (50-60) toro in pulvinulum incrassato inseruntur, libera, glaberrima; fila- mentis exilibus et exsertis tandem; antheris breviter ovato-rotun- datis, obtusissimis, muticis, dorso imo affixis atque extrorsum 2-lobis et 2-rimosis; polline pallido. Calycis feminei SEPALA 5 majora sunt, ovato-obtusissima, antice quasi lanigera et post anthesim deflexa; androcei ne rudimentum quidem adest. Discus tenuiter placentiformis etinteger sub germine sternitur. GERMEN ipsum globosum, sessile et glaberrimum, stylis 5-8 teretibus, crassis, brevissimis, divaricato-pa- tentibus, imo reflexis, sed basi in unum coalitis terminatur ; stylis singulis apice nonnihil dilatato eroso-cavatis s. gyroso-tuberosis, stigma- 312 L.-R. TULASNE. tiferis. Loculi tot quot stigmata, iisque opposita, in carnosa germinis mole longitrorsum cavantur, dissepimentis crassis ab invicem divi- duntur, et in orbem instruuntur, axi item crasso et carnoso centrum tenente, singuli autem loculi ovula 2 anatropa, axi hærentia et su- perposita, superius aliud ascendens, aliud inferius pendulum (sine funiculo conspicuo) arctissime fovent. Frucrus drupa est globosa, stylis persistentibus mucronata, magnitudine ut videtur pruni vulga- ris, pliopyrena et propter ossicula protuberantia inæqualis ; pyrenæ, ex pariete osseo, sunt tot quot ovula maturuere, eorumdem ordinem gradatum s. tabulatum, in pulpa carnosa nidulantes servant, aliæ ab aliis liberæ, extrorsum rotundæ obtusissimæque, introrsum contra angulosæ s. cuneatæ. SEMEN ovato-acutum, lineam circiter longum, quod- libet ossiculum implet; testa membranaceo-arida, fragilis, levissima, hinc raphe et funieuli vestigiis notatur. A/humen carnoso-oleosum tenueque embryonem intrarium, rectum, planum, homotropum et seminis longitu- dine fovet, cujus cauliculus teres brevisque ab hilo non longe latet, coty- ledonesque duæ oblongo-deitoideæ obtusissimæ basique subintegræ sibi invicem arctissime adplicantur. Flacurtia Ramontchi Luér. pro stirpe indica vulgo habetur, attamen suæ etiam spontis est in Malacassia, sicut bene multi viatores testantur. Innumera inter specimina, quæ in terris Laurentianis lecta nune nobis præ manibus sunt, quædam Brion debentur, alia Ricarpo qui fruticem reperit ad sinum Vohemarium Madagascariæ boreali-orientalis (Herb. Ricard. n. 306) ; haud procul ab eadem regione B£RNERIO occurrit circa Lingvaton (Herb. Berner. alt. n. 337); in arenosis maritimis et inter scopulos Macronesi minime rara viget, testibus Penvirzeo (Herb., n. 367) et Bivinio (Herb., n. 2123/2); oritur etiam in ruderibus quæ montes sulphurei insulæ Mifsiou olim evomuerunt, Pervicceo docente (Herb., n. 315); a BiviNio reperta est in littoribus Rinianis (Herb., n. 2566), in insula Mariana (Herb., n.184h) nec non in Mayotta, Mohilla et Johanna Comorarum (Herb., n. 3299). Fructus maturus saturate violaceus, edulis sed vix grati et asperi saporis, quasi prunulum sylvestre mentitur, judice BERNERIO; eodem docente, arbuscula Va/amouth apud Seclavos boreales vernacule dicitur, contra Micropocoo in Mocroneso et Tsongoma apud Comorenses. (Cfr. Berneru Penviccet Biviniique schedas mss. in Herb. Par.) VII. XYLO@SMA (1) Forsr., Florulæ Ensul. australium Prodr. (4) Lignum bene olens hac voce significatur ; insulani Tahitenses, docentibus Fors- rEnts (Charact. Gen., 1.c.), oleum quo utuntur Myroxyli s. Xylosmatis suaveolentis Fonst. ligno condire et odorare solent. FLORA MADAGASCARIENSIS. 313 (1785), p. 72, seu Myroæylonejusd. in suis Characterib. Gen. plant. Ins. austr. (1776), p. 195, n. 63. — Benru. et Hook., Gen. pl.,t. [, parte 1, p. 198, n. 19, qui Hisingeras HeLLenu et : Xylosmata Closiana sub eodem signo consocianda esse arbitran- tur. — Huc etiam spectant Flacurtiæ nonnullæ variorum. Xylosma ellipticuem + — Faurex diæeus, ramis tornalis, pallidis, brachiatis et spinosis ; brachiis hornis patentissime diva- ricatis, solitariis aut geminatis, aliis brevibus, confertim foliosis, initio puberulis floriferisque, aliis contra brevioribus, nudis et in spinam tenuato-acutam mutatis; ramis fertilibus spina laterali sæpe stipatis. FoLta estipulata, sparsa, ovata et obtusissima vel oblonga et minus obtusa, basi plus minus euneata vel etiam rotundata, in ambitu in- conspicue crenata, utrinque glabra (adulta saltem) et exiliter venulosa, 42-25 lin. longa, 9-12 lin. lata, petiolo exili, 3-4 lin. longo semperque pubenti utuntur. RacEut utriusque sexus tum axillares, tum terminales, solitarii geminive, semper autem brevissimi sunt, petiolos enim haud multum excedunt, parce pubent, erecti patent et bracteis exiguis, ovato- acutis, divaricatis et caducis conferto ordine ornantur. FLORES admodum exigui, in bractearum axillis sæpius solitarii, pediculo brevissimo, nempe vix lineam longo singulatim fulciuntur. Masculis calyx est e sepalis quinque ovato-triangularibus, acutiusculis, antice obpubem s. la- nam brevem albidis, initioque quincunciatim imbricatis ; glandulæ tot quot sepala, singulæque quasi trilobæ, faucibus calycinis imponuntur sepalisque opponuntur ; stamina viginti et plura quidem e toro medio in fasciculum nascuntur et sepala longe excedunt ; filamentis glabris ; antheris ovato-glohosis, minimis, muticis, introrsis, 2-rimosis, imo dorso affixis; germinis vestigio nullo v. inconspicuo. Florum femineorum calyx vulgo e sepalis 4 suborbicularibus, obtusissimis, antice abunde pu - bentibus, inæqualibus cadueisque constat; sepalo cuilibet opponitur glandula tumida crassissima integraque, ita ut germen toros. pulvino quadrilobo suffultum videatur. GERMEN ovatum, utrinque acutatum, sessile et glaberrimum, stylo brevissimo crassoque et stigmatibus 4 item crassis, breviter lincaribus ac divaricato-patulis terminatur ; totum carnosum est et solidum nec nisi foveolis quas integras ovula replent confossum diceres; ovula 8 ovato-globosa, anatropa, geminatim et super- posite singulis placentis hærent, superiore {ni erraverim) ascendenti, in- fcriore contra pendenti utroque autem quasi sine funiculo. Frucrus bacca s. drupa est subexsucca, globoso-tetragona, in vertice et angulis obtusis- sima sed stylo persistente mucronulata, sulcis quatuor longitrorsum exa ratur prætereaque in medio transversim constringitur; in pulpa parca éht L.-R, TULABGNE. nidulant ossicula 8 introrsum angulosa, extrorsum rotundata, quorum paries crassus et durissimus est; tegmine membranaceo contra invol- vitur albumen carnosum et crassissimum in quo medius latet embryo rectus, homotropus, seminis longitudine, e cotyledonibus 2 suborbicu- laribus, obtusissimis ac basi emarginato-cordatis, nec non e caudiculo breviori tereti obtusissimo hilumque spectante. Zanzibaræ Brvinio obvium est aprili martioque anni D. 1848. Fructus drupam Pruni spinosæ nostratis crassitudine imitari videtur. Id Xylosmatis zanzibarensis a sinceris Flacurtiis quales supra descri- buntur, de florum structura non differre videtur nisi glandulis quæ sta- minibus commiscentur. ESSAI SUR LE SOMMEIL DES PLANTES, Par M. Ch. FOYER, De Saint-Remy (Côte-d'Or), Linné a nommé veille et sommeil les changements alternatifs de position et de forme que prennent, sous diverses influences, les fleurs ou les feuilles d’un très-grand nombre de plantes, phénomène observé, dès 1561, par Valérius Cordus (1). De Candolle et M. Hoffmann ont aussi abordé l'étude du sommeil des fleurs ; mais ce dernier phénomène a moins attiré l'attention que celui des feuilles, et son étude offre beaucoup plus de lacunes. La théorie que je propose est souvent en désaccord avec celles qui ont eu cours; mais si elle ne se trouve pas justifiée, du moins mes nombreuses observations et mes expériences pour- suivies assidûment pendant huit années, et pour plus d’exacti- tude renouvelées chacune plusieurs fois, pourront n'être pas complétement inutiles à la solution d’un problème aussi ardu. Le sommeil des plantes a donc deux grandes divisions, suivant qu'on l’étudie chez les fleurs ou chez les feuilles. (4) Les principaux observateurs de ce sommeil ont été: Linné (Phrlosophia bota- nica, 1751; Somnus Plantarum dans les Amænitates Academicæ, 1755); Bonnet (Mémoire sur les feuilles); Duhamel (Physique des arbres, 4758) ; De Candolle (Expé- riences relatives à l'influence de la lumière artificielle sur les végétaux, 1805); Dutrochet (Recherches anatomiques et physiologiques, 4824). De nos jours, il faut citer : MM. Fée (Mémoire sur les plantes dites sommeïllantes, 4849,et Bull. de la Soc. bot.,t. V, p. 451-469); Hoffmann (Recherches sur le sommeil des plantes, 1850, trad. dans les Ann. des sc. nat, 3° série, t. XIV); J. Sachs (Bull. de la Soc. bot., t. V, p. 222); Ratchinsky (Notice sur quelques mouvements opérés par les plantes sous l'influence de la lumière, 1858, trad, dans les Ann, des sc. nat., 4° série, t. IX) ; Brucke; Bert (Recherches sur les mouvements des Sensitives, 4866); enfin, M. Duchartre, dans ses Éléments de botanique, a fait un résumé complet de tout ce qui a été écrit sur la matière. 3116 CH. ROYER. SOMMEIL DES FLEURS. Beaucoup de fleurs sont sonmmeillantes; un plus grand nombre ne le sont point; enfin quelques-unes sont à demi sommeillantes et d’autres éphémères. [. — FLEURS SOMMEILLANTES. Le sommeil des fleurs résuite soit d’un abaissement de tem- pérature, soit d’une diminution de turgescence ; mais la veille exige le concours simultané de deux causes : chaleur et accrois- sement de turgescence. La corolle ne subit dans le sommeil qu'une diminution de turgescence, car si toute turgescence fai- sait défaut, il s’ensuivrait bientôt la flaccidité et la chute des pétales. La lumière ne vient qu’en second rang, et n’est qu'une cause accessoire. Pour plus de commodité dans le langage, J'emploierai indif- féremment et comme synonyme veille et épanouissement, som= meil et occlus'on. Les causes favorables à l’un de ces états sont nécessairement prohibitives de l’autre. L'influence de la chaleur et de la turgescence sera étudiée en des conditions opposées, soit en plein air, soit dans un four chaud et obscur. Je parlerai ensuite de la lumière. 4, Chaleur et turgescence ; leurs effets en plein air. Du jour au lendemain, il peut y avoir un écart considérable entre les heures de veille de la même fleur ; ainsi, par une belle journée d'avril, les ligules du Taraxacum officinale S'épanouis- sent vers neuf heures du matin ; que, le lendemain, le ciel soit nuageux, l'air frais et agité, elles attendront jusqu’à une heure à deux de l'après-midi pour s'ouvrir, ou ne s’ouvriropt qu'à moitié et parfois mème pas du tout. Quand les espèces qui, en avril, s'épanouissent vers neuf à dix heures du matin, et se ferment vers trois heures de l’après- midi, fleurissent accidentellement en été; elles veillent alors SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 347 dès cinq à six heures du matin, et sommeillent dès dix heures (Taraxacum). Une fleur exposée au levant s'ouvrira trois à quatre heures plus tôt, mais aussi se fermera de meilleure heure qu’une fleur de même espèce exposée au nord ou au eouchant. De plus, dans un capitule de T'araxacum, les fleurettes, et dans le périanthe d’un Crocus les lobes, qui sont du côté du soleil ou d’une bouche de chaleur, s'étalent, mais se redressent aussi les premiers. Immergées dans de l’eau à + 5 degrés, les fleurs à l'ombre restent immobiles; au soleil, elles reprennent une partie de leurs mouvements. Enfin, si ie malin on place sous eau tiède un eapi- tule fermé de T'araxacum, l'épanouissement est très-rapide. On ne peut établir un degré fixe de chaleur, auquel serait dû l'épanouissement : les plantes s’habituent à la chaleur et en exigent plus en été qu'au printemps ou qu’en automne. L'écart cependant ne doit pas être considérable, car les fleurs compen- sent les inégalités de température des saisons, en se montrant en été bien plus matinales qu'en automne ou qu'au printemps ; puis les plantes vernales, qui fleurissent accidentellement en été, s’épanouissent alors très-bien en pleine ombre, tandis qu’au premier printemps il leur faut les rayons du soleil. Pour produire la veille, 1 est nécessaire que ia chaleur agisse directement sur la corolle ; elle reste sans influence si elle ne porte que sur les racines ou sur la tige : par une température insuffisante à l'épanouissement, je n'ai pu faire ouvrir les fleurs d'une plante, en plaçant le pot qui la contenait dans un vase où j'entretenais de l’eau chaude, ni encore en laissaut des tiges et des pédoncules plongés dans de l’eau tiède. H faut, dans les deux cas, avoir soin de soustraire les fleurs à la vapeur qui s'élève de l’eau. Mais des fleurs coupées, dont les pédoncales baignent dans une eau qui n'est qu’à + 5 degrés, et des capitules de Taraxacum privés de leur hampe et flottant sur cette même eau, s'ouvrent rapidement au soleil. En automne, quand le thermomètre descend vers + 40 à 15 degrés, l'épanouissement est plus long, mais moins complet que par les chaleurs de l'été ; plus long, parce que la lurgescence 518 CH, ROYER. de la corolle diminue moins vite; moins complet, parce que la chaleur n’est plus suffisante pour une dilatation, un épanouisse- ment normal. Les fleurs d'été s'ouvrent de grand matin, dès cinq à six heures, et se ferment dans l'après-midi ; mais quand la chaleur est forte, et surtout quand elles sont exposées aux rayons du soleil, 1l peut leur arriver de se refermer dès dix heures, parce qu'une abondante transpiration a diminué rapidement leur tur- gescence. Ce sommeil, survenant au milieu du jour, ne peut être assimilé à une sieste, car la fleur ne s'éveillera pas dans la soirée, mais seulement le lendemain matin, après le repos et la réparation de la nuit. Aux mois de juillet et d'août, un abaissement de température, une terre humide, une exposition ombragée, prolongent l'épa- nouissement, parfois même jusqu’en pleine nuit, tandis que de telles conditions l'abrégent ou l’empêchent en mars et en août. La floraison de la même espèce a moins de durée en été qu'au printemps où qu'à l'automne; ainsi la floraison d’un capitule de T'araxacum n'est guère que de deux jours en été; elle est de quatre à six jours au printemps. Une fleur qui se ferme vers midi par la grande chaleur du jour refuse de s'ouvrir, quoique placée à une température moins élevée; il faut auparavant une phase de réparation. Mais, lorsque venant de s'ouvrir elle se referme par un refroidissement subit, on peut la rendre à la veille en l’exposant à une température moins basse; car, dans ce cas, la fleur souffre d’une diminution de chaleur, non de turgescence. Quand la plante croît dans une terre très-sèche, la veille se trouve notablement abrégée. Ces diverses observations prouvent que chaleur et turgescence sont deux causes intimement liées, et se complètent l’une l’autre. Si l’une d'elles est écartée, bien des faits deviennent inexplicables. 2. Chaleur et turgescence ; leurs effets en un four chaud et obscur. Le matin, placés endormis en un four à + 25 degrés, les SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 3h19 Tulipes (Tulipa Gesneriana), Crocus, Ficaria ranunculoides, Bellis perennis, etc., s'épanouissent en dix à quinze minutes, et beaucoup plus vite que les pieds à l'air libre, exposés même en plein soleil levant. Les fleurs y demeurent ouvertes nuit et jour, de vingt-quatre à soixante-douze heures, quand on à soin d'entretenir la chaleur. Si la chaleur n’est qu'à + 18 à 20 degrés, alors même que lépanouissement persiste nuit et jour, on observe sur le soir et pour toute la nuit un tiers où un quart d'occlusion. Ces symptômes de somnolence semblent indiquer que, bien qu'on fasse violence à Ja plante, la chaleur n’est pourtant plus assez forte pour dompter entière- ment ses instincts : la fleur est dans le cas d’un homme qui dor- mirait les yeux entr'ouverts. La veille se prolonge dans le four &'une façon si notable, par la raison que la plante ne subit ni l’évaporation active qu’exercent en plein air le vent et le soleil, ni le refroidissement qui en résulte. La floraison y dure moins qu’à l'air libre, car elle n’y offre pas les alternatives de sommeil et de veille con- tinue. Placées dans un four, les corolles atteignent facilement un degré excessif de veille, c’est-à-dire que le limbe, plan et hori- zontal dans l’épanouissement normal, devient plus ou moins con- vexe et réfléchi. On obtient encore aisément ce summum de veille sur des Crocus placés dans une chambre devant une bouche de chaleur ; enfin les fleurs l’offrent même en plein air, lors- qu'elles sont dans d'excellentes conditions de chaleur et d’hu- midité. Quand c'était le soir et non le matin que je plaçais dans un four une plante endormie, je n’obtenais plus un épanouissement immédiat ; avant de veiller de nouveau, elle avait à réparer pen- dant la nuit sa diminution de turgescence. Le résultat est éga- lement nul, même sous eau chaude, ce qui semble prouver que l’épiderme des pétales n’absorbe point d’eau. J'ai remarqué que celui de la hampe d’un Taraxacum n’en absorbe pas davantage : en effet, ses capitules se fanent au soleil, bien que les hampes, ayant été courbées, trempent dans l’eau sur 6 à 10 centimètres 350 Ci. ROYER. de la longueur de là courbure. Comme les hampes sont fistu- leuses, je dois ajouter que la section en est préalablement lutée à la poix chaude pour empêcher l'action desséchante de l'air. Une plante endormie, mise le soir dans un four, s épanouira le lendemain matin, mais avec moinsde plénitude que si elle y avait été introduite le matin mème, parce qu'elle s'est déjà habituée à la chaleur du feu, et qu'une brusque variation de température est l’une des causes les plus puissantes des alternatives de veille et de sommeil. Si la plante, déjà sommeillante à demi, est placée dans le four l'après-midi, elle s'ouvrira jusqu'aux trois quarts, et restera pendant la nuit dans cette veille mcomplète. 3. Lumiere, Je viens de prouver suffisamment que la lumière n’est pas nécessaire à l'épanouissement des fleurs ; mais elle lui est favo- rable, car pour la veille il faut plus de chaleur au four qu’en plein air, et telle plante qui, dans le four, exige + 25 degrés, se contentera de + 18 degrés à l'air libre. S'il est des espèces (Exacum, Drosera, Centuneulus) qui pa- raissent venir à l'encontre de ma théorie, comme n’ouvrant leurs fleurs qu'aux rayons d’un brillant soleil, il restera à vérifier deux points : ces fleurs sont-elles sommeillantes, et ne sont-elles pas avides plutôt de la chaleur que de la lumière solaire ? IT. — FLEURS ÉPHÉMÈRES. Quelques plantes, comme les Liserons (Convolvulus arvensis, Calystegia sepium), les Veronica agrestis, V. polita, V. hederæ- folia, V. Chamædrys, le Glaucium flavum, le Stellaria me- dia), ete., ferment leurs corolles le soir. Le lendemain matin, la plante est à la vérité munie de fleurs ouvertes, mais ce sont de nouvelles fleurs écloses de grand matin; celles de la veille se sont flétries ou sont tombées durant la nuit. De telles espèces ne sont done sommeillantes qu'en apparence, et ne peuvent servir pour les observations. La Belle de nuit (Wirabilis jalapa) et le Dalura meteloides ouvrent au con- SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 301 traire le soir et ferment le matin leurs fleurs, qui, se fanént dans la journée, n’ont donc aussi qu'une durée de douze à quinze “heures. Les corolles de ces plantes ont un parenchyme à cellules peu serrées et privées d’élasticité (Datura meteloides); en effet, l'enlèvement de l’épiderme d’une face, laisse l'autre face inerte, tandis que dans la corolle sommeillante du Colehique d'automne, elle s’enroule rapidement sur elle-même. Cette contexture lâche doit amener une altération et résorption rapides du parenchyme: aussi ces corolles sont-elles vouées à une brève existence. Par exception, les fleurs éphémères peuvent devenir quelque peu sommeillantes. J'ai remarqué, en effet, qu’une terre humide, une exposition ombragée, la floraison en automne, prolongent la vie de ces fleurs : la corolle se ferme le soir et s'ouvre le len- demain pour une partie de la journée. Cette prolongation de durée se produit surtout, lorsque, en outre des conditions d'ombre et d'humidité, le premier épanouissement a lieu dans l'après-midi. La corolle ne supportant plus alors toute l’in- fluence de la chaleur du jour a plus de chance de persister jus- qu'au lendemain. À la fin de septembre et en octobre, les fleurs de la Belle de nuit (Mirabilis jalapa) ne périssent plus au lever du soleil, mais survivent parfois toute la journée; et l'épanouissement des nou- velles fleurs arrive aussi bien en plein jour que pendant la nuit. La chaleur tue vite les fleurs éphémères; quelques-unes, comme la Belle de nuit, le Datura meteloides, choisissent même le soir ou la nuit pour leur épanouissement; aussi, dès que la température s’abaisse, voit-on ces plantes, les unes devenir som- meillantes (Glaucium flavum, Stellaria media, etc), les autres s'épanouir en plein jour (Hirabilis, Datura meteloides). Il est cependant des fleurs éphémères que je n'ai pu rendre sommeillantes en dépit de toutes les conditions les plus propres à prolonger leur durée : il en est ainsi du Convolvulus tricolor, du T'igridia pavonia, des capitules de la Chicorée sauvage (Cicho- rium intybus), et du Prenanthes muralis. Chez ces Composées, les fleurs de tout le capitule sont éphémères à la fois, 352 CH. ROYER., Par réciprocité, des fleurs sommeillantes peuvent devenir éphémères, quand elles sont exposées tout le jour à un soleil ardent, ou quand la plante croît dans un sol desséché. A plus forte raison, le même résultat se produit-il, lorsqu'on empêche tout afflux de sucs vers la fleur : un capitule de Scorsonère des jardins (Scorzonera hispanica), séparé de son pédoncule et sus- pendu à l'ombre dans une chambre, poursuit, quoiqu'à demi fané, sa floraison de la circonférence au centre; mais une partie des mouvements des fleurettes sont abolis; elles ne s’abaissent plus jusqu'à l'horizontale 'et le limbe qui d’ailleurs ne s’est qu'imparfaitement déplié, se flétrit bientôt avant d’avoir offert des symptômes de sommeil. Les fleurs des Composées se prêtent à ce genre d'expériences, parce qu'elles sont insérées sur un réceptacle charnu, qui suffit à entretenir un peu de vie en elles; puis, leur agglomération sur ce réceptacle les protége contre une abondante transpiration. IT. — FLEURS DEMI-SOMMEILLANTES. Ces fleurs ne sont fermées pendant le sommeil que de moitié aux trois quarts. La Guimauve (Althæa officinalis), le Callirhoë pedata, lOxalis acetosella, le Ranunculus bulbosus, offrent des exemples de ce demi-sommeil. A la fin d'octobre et en novembre, beaucoup de fleurs qui d’ailleurs sommeillaient parfaitement dans les mois précédents, n'ont plus la nuit qu'un demi-sommeil, soit que le besoin de réparer soit moindre à la suite de journées humides et fraîches, soit plutôt que l’abaissement de la température paralyse déjà les mouvements de ces fleurs; car alors aussi, elles n’offrent guère pendant le jour qu'une demi-veille, et l’état diurne diffère à peine du nocturne. La Paquerette (Bellis perennis) est dans ce cas. Ces plantes sont semblables à des malades à qui lPon ne peut plus demander plémitude ni régularité dans les fonctions de la veille et du sommeil. SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 353 IV. — FLEURS NON SOMMEILLANTES. Les fleurs de la grande majorité des plantes, une fois épa- nouies, persistent en cet état jusqu'à la destruction ou la chute de la corolle ; et c’est en vain, contrairement aux assertions de quelques auteurs, que j'ai souvent cherché à surprendre dans leurs pétales des symptômes de sommeil. La chaleur ne joue - aucun rôle dans l'épanouissement de ces fleurs, qui à lieu le plus fréquemment pendant la nuit (4). Après une nuit d'avril, pluvieuse et très-fraîche (4 6°), tout un coteau planté en Ceri- siers s’est trouvé le matin blane de fleurs, bien que le jour avant ces arbres n’eussent que très-peu de leurs corolles ouvertes. L'épanouissement de fleurs sommeillantes n'aura jamais lieu dans de telles conditions. V. — MÉCANISME DES MOUVEMENTS. Les corolles sommeillantes ont un mouvement double et simul- tané : l’un de rotation, l'autre d'expansion et de contraction. Dans la veille, non-seulement les pétales ou les lobes, pivotant par courbure de leur parte inférieure, s'abaissent en décrivant à peu près un quart de cercle; mais encore la face interne du limbe, de coneave qu'elle était dans le sommeil, devient plane, et même plus ou moins convexe dans le maximum de la veille (Colchique, Crocus, Tulipe, ete.).: Voici d’autres exemples de ces deux mouvements : la Pomme de terre (Solantum tuberosum) sommeille en relevant non-seulement sa corolle, mais en la plissant transversalement ; dans la veille, la ecrolle s'étale et n'offre plus que des plis superficiels et peu apparents. Le Taraxacum officinale dans la veille abaisse ses ligules qui de- viennent planes, tandis que dans le sommeil elles sont dressées, et pliées longitudinalement. Chez la plupart des Radiées sommeillantes, le mouvement de contraction et d'expansion est à peine appréciable. La partie étranglée, c'est-à-dire intermédiaire entre le tube et le limbe (1) Etse produit par la seule marche de la végétation. 9€ série, Bor, T, IX. (Cahier n° 6.) 3 23 351 CH. ROYER, de la ligule, est le siége du mouvement de rotation. Le tube reste inerte ; mais le limbe, dont la surface se modifie très-peu, est entrainé par la courbure de Ja portion rétrécie. Cette incur- vation est parfois si prononcée et sous un angle si aigu, que dès que l’on détache du réceptacle une ligule endormie, le limbe vient s'appliquer sur le tube, chez les espèces qui som- meillent en réfractant leurs ligules (Anthemis Cotula, Cosmos bipinnata, ete.). Cette sorte d'onglet diffère du limbe non-seule- ment par sa couleur Jaunâtre, mais par une contexture moins résistante. Si l’on üre en effet sur une ligule que lon retient par le tube, toujours le limbe se rompt au point de l'étrangle- ment. Aussi la présence de cette sorte d’onglet est-elle chez les Radiées un signe qu'elles sont sommeillantes ; en effet, les espèces qui en manquent ne le sont pas : telles sont les Aster Amellus, Leucanthemum vulgare, Achillea Ptarmica, etc. Chez les Chicoracées (T'araxacum, Sonchus, Hieracium, Leontodon, etc.), la longueur de l’involucre oblige les ligules à se courber sur une plus grande étendue, c’est-à-dire non-seulement au point correspondant à l'onglet, mais encore dans la moitié inférieure du limbe, ainsi que dans le tube, qui est beaucoup plus allongé que chez les Radiées. On pourrait supposer que le réceptacle, sur lequel sont insé- rées les fleurs des Composées se dilatant dans la veille, se con- tractant dans le sommeil, oblige les fleurs soit à s’étaler, soit à se relever. Il n’en est rien. Un réceptacle de T'araxacum reste lége- rement concave daps l'épanouissement comme dans l’ocelusion ; d’ailleurs, l'action du réceptacle ne saurait en aucun cas causer le second mouvement des ligules, quand elles se plient en gout- tière par leur face interne. L'abaissement et le redressement des ligules ne dépendent pas non plus de l’action des folioles mvolu- crales ; tout au contraire, ce sont ces dernières qui dans la veille obéissent à la pression des fleurs, dont elles suivent le mouve- ment; et l’ablation de l’involucre, loin d'empêcher les mouve- ments, les amplifie d’une façon remarquable; n'étant plus em- prisonnées dans l’involucre, les fleurs s'étalent alors dans la veille jusqu’à la réfraction, SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 959 Une expérience bien simple me semble expliquer le méca- nisme des mouvements des fleurs : les corolles sont formées d’un parenchyme enfermé entre deux pellicules épidermiques; si à un lobe de la corolle du Colchique d'automne, on enlève la pel- licule externe, aussitôl la face interne s’incurve et S'enroule sur elle-même ; quand c'est la pellicule de la face interne qui a été enlevée, l’incurvation en dehors se fait d’une manière aussi - nette et aussi rapide. Cette incurvation en dehors ou en dedans est surtout prononcée dans la moitié inférieure des lobes, là où le parenchyme offre le plus d'épaisseur. Ces mouvements dépen- dent du parenchyme seul et non des pellicules épidermiques, car celle qui est enlevée reste inerte, tandis que l’autre, à la- quelle adhère le parenchyme, s'enroule aussitôt. Mais une face de ce parenchyme a-t-elle une tendance à s’infléchir en un sens, et l’autre face a-t-elle une tendance opposée? Je ne le pense pas; le parenchyme est turgescent, et cette turgescence se trouve re- foulée par l’épiderme ; aussi, quelle que soit la face où ce paren- chyme rencontre une issue par l'enlèvement de tout ou partie de la pellicule, le voit-on s'y étendre aussitôt et devenir con- vexe. Cette disposition force la face opposée à se courber sur elle-même, et à devenir concave, retenue qu'elle est par sa pelli- cule. Loin donc d'avoir une tendance à s’incurver sur elle- mème, cette face agit passivement; l'impulsion lui vient de la face dénudée. Que l'on suppose maintenant non plus lenlève- ment, mais une simple dilatation de l’épiderme de la face interne, lincurvation de la face externe aura lieu, mais non plus jusqu’à l’euroulement. Or, c’est précisément ce qui arrive dans l’épa- nouissement des corolles. Par l'effet seul de leur position, la partie du parenchyme et celle de l’épiderme correspondantes à la face interne, par le fait qu’elles ont moins subi l’action de l'air, doivent être d’un tissu plus extensible. Lorsqu'à la turgescence se joint la chaleur, la dilatation de cette face interne doit donc être plus grande que celle de l’externe. Qu'un abaissement de température fasse cesser la dilatation, qu'une transpiration abondante ou prolongée diminue la turges- 396 CH. ROYER. cence, la face interne se raccourcit, externe de concave devient plane et souvent même convexe; la corolle s’est relevée ; le som- meil commence. J'étais donc fondé à dire plus haut que la turgescence et la chaleur sont les causes de la veille et du sommeil des fleurs, et l'on voit comment elles agissent par la dilatation inégale des faces : sans chaleur pomtde dilatation ; sans turgescence, point d’élasticité. Dès 1863, j'émettais cette explication dans le Bulle- tin de la Société botanique de France, t. XIE, p. 51-55. Cette inégalité de dilatation des deux faces est très-manifeste sur le périanthe de la Tulipe. Si l'on produit chez l’une de ses fleurs un paroxysme de veille, les trois pièces extérieures se réfractent, mais non les trois intérieures, qui sont simplement étalées-dressées. Voici la cause de cette différence : les pièces internes, recouvertes qu'elles sont par les externes, ont pris à l'abri des influences atmosphériques la majeure partie de leur développement ; lors de l'épanouissement, les deux faces de ces pièces différent donc beaucoup moins entre elles que les faces des pièces externes; elles subissent une moindre inégalité de dilatation et offrent ainsi moins d'amplitude dans leurs mou- vements. L'épanouissement des corolles non sommeillantes est produit par une inégalité d’accroissement dans les faces, dont l’interne devient la plus longue ; et l'immobilité des pétales, après qu'ils ont pris tout leur développement, résulte de ce que la turges- cence n’atteint pas un maximum nécessaire. En effet, l’eniève- ment de l’un des épidermes ne donne lieu ni à l'incurvation, ni à l'enroulement que J'ai signalés plus haut dans la corolle du Colchique. Quelques Radiées (Chrysanthemum frulescens, Anthemis Co- tula, Pyrethrum corymbosum, Cosmos bipinnala, etc.), au lieu de relever leurs ligules dans le sommeil, les renversent sur la tige, et, dans la veille à l’excès, les relèvent au-dessus de lhori- zontale. Sans doute que, par exception, la face la plus dilatable de l’onglet est ici l’externe, non linterne, La plupart des ou- yrages nous apprennent que les ligules de ces espèces sont ré- SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 357 fractées à la fin de la floraison, ce qui est vrai; mais elles l’ont été chaque nuit depuis le commencement de la floraison. Quand la corolle touche au terme de son existence, le paren- chyme offre des symptômes de r'ésorption ; il s'y produit des la- cunes (Colchique); les tissus perdent ainsi de leur turgescence et avec elle leur élasticité ; la fleur devenue flasque et inerte ne tarde guère à se flétrir complétement et à se détacher. Par une disposition admirable, l’ocelusion prépare l’épanouis- sement : les sucs s’amassent à la face interne, où ils sont à l'abri de l’évaporation, de sorte que l'air emprisonné dans la corolle y échappe presque à l'agitation et au renouvellement. Aussi, sous l'influence des rayons solaires, s’y produit-il une atmosphère chaude et humide, merveilleusement propre à la dilatation de cette face interne. VI. — OPINIONS DES AUTEURS. 4. Linné et l'horloge de Flore. Linné attribuait à la lumière et à la hauteur du soleil une in- fluence prédominante sur la veille et le sommeil des fleurs. I eut done l’idée poétique d'établir une Horloge à l’aide de diverses plantes qui devaient marquer les heures soit par l'épanouisse- ment, soit par l’occlusion de leurs corolles : « Figiliæ plantarum absolvuntur determinatis horis diei, quibus plantæ flores quotidie apertunt, expandunt et claudunt; » et encore : « Horologia Floræ » sub quovis Climate elaboranda sunt secundum V'igilias planta- » rum, ul quivis, sine horologio aut sole, horam diei enumeratam » habeat.» (Philosophia bolanica.) Mais que devient la régularité de cette fameuse horloge, dont savants et littérateurs surtout ont tant abusé, puisque j'ai montré que les causes les plus diverses et, en première ligne, les variations atmosphériques, avaucent ou retardent, prolongent où abrégent, np nienL au aunihilent l'épanouissement ? Linné, ce vaste génie qui a tout effleuré, s’il n’a eu le temps de tout approfondir, avait pourtant soupconné, mais seulement pour quelques espèces, l'influence trop souvent méconnue après lui, de l'humidité et de l'ombre sur le sommeil des corolles; il 358 CH. ROYER. appelait ces fleurs : Météoriques, « Meteorici » ; les Tropiques, « Tropici », étaient celles qui avancent ou retardent l'heure de leur épanouissement suivant que les jours croissent ou décrois- sent ; enfin, les Équinoxiales ont chaque jour pour s'ouvrir et, le plus souvent, pour se fermer, une heure strictement déterminée : « Æquinoctiales flores aperiuntur certa el positiva diei hora, et ple- » runque eliam determinata hora quotidie recluduntur » . (Philo- sophia botanica). Linné n'employait pour son Horloge que les fleurs de cette troisième catégorie. Mais il n’y a pas à distinguer entre les fleurs sommeillantes : toutes sont à la fois Météoriques et Tropiques; aucune n’est Équinoxiale. Enfin, en admettant avec Linné que les Tropiques avancent ou retardent l'heure de leur épanouissement, suivant que les jours croissent ou décrois- sent, j'attribue ce résultat à la température, tandis que pour Linné, il était dû à l’action unique de la lumière. Linné s’est done mépris en faisant de certaines plantes som- meillantes comme autant de machines fonctionnant avec la régularité d’une montre. I ne faut pas oublier que toute plante, en sa qualité d’être vivant, est influencée par les variations du milieu où elle végète, encore qu'elle n'ait pas conscience de ces influences, etque souvent même, ainsi qu'ilarrive pour les fleurs non sommeillantes, elle n'en présente pas une manifestation appréciable. Les feuilles ne conviendraient pas mieux que les fleurs pour une Horloge, puisqu'elles n'indiqueraient guère que les heures d’aurore et de crépuscule. Un thermomètre végétal serait éga- lement fautif. Comment, en effet, reconnaître si les mouvements dépendent de la température plutôt que de l'humidité ou de la sécheresse du sol ; enfin, cette particularité, qui, l'été surtout, fait sommeiller les fleurs et les feuilles aux heures les plus chaudes du jour, ne jettera-t-elle pas une extrême perturbation dans les indications d'un pareil thermomètre ? A l'exemple de Linné, la plupart des botanistes ont expliqué, et persistent encore à vouloir expliquer aujourd'hui par la seule action de la lumière et de l'obscurité, l'épanouissement et l'occlusion alternatifs des fleurs. SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 399 2. Duhamel et la turgescence, Dans sa Physique des arbres, Duhamel consacre au sommeil des fleurs cette unique mais remarquable phrase : « Quantité » de fleurs, comme celles du Convolvulus, s'ouvrent le matin et » se referment le soir; cela ne paraît pas de prime abord si sur- » prenant. Il semble que le soleil, qui commence à échauffer » lair, produise la raréfaction des liqueurs contenues dans les » vaisseaux des fleurs qui, se trouvant alors plus remplies, font » effort pour se redresser, d’où peut résulter l'épanouissement » de ces fleurs. » Linné a proposé la lumière comme cause du phénomène ; son contemporain Duhamel, bien plus près de la vérité, invoque la chaleur et la turgescence ; mais il se trompe sur la nature et le mode d'action de cette turgescence. En effet, la turgescence dé- pend beaucoup plus de l’afflux des liquides que de leur raréfac- tion, car les corolles se ferment par une forte chaleur ; puis, comment pour la grande majorité des plantes, l'épanouissement proviendrait-il de l'effort que font leurs fleurs pour se redresser, elles qui, au contraire, s’étalent dans la veille? D'ailleurs, la fleur des Convolvulus ne peut servir d'exemple, n’étant pas som- meillante, mais simplement éphémère. S 3. De Candolle et la lumière artificielle. De Candolle est l’un des plus célèbres partisans de l’action de la lumière sur l'épanouissement des fleurs; il entreprit même à ce sujet de prouver l'influence de la lumière artificielle (Expé- riences relatives à l'influence de la lumière artificielle sur les végé- laux, 1805). Il rapporte qu'à la lumière de lampes, il fit ouvrir pendant la nuit des capitules d’Anthemis maritima, des corolles de Con- volvulus purpureus et d'OEnothera tetraptera. Un botaniste alle- mand à eu postérieurement le même succès sur le Galanthus nivalis. Je vais essayer d'expliquer ces faits qui paraissent tout d'abord contredire ma théorie. Les Convolvulus et les OEnothera ont des fleurs non pas som- 360 CH, ROVER. meillantes, mais éphémères, et comme telles, disposées à s’épa- nouir aussi bien, et même plutôt la nuit que le jour, car, pour leur épanouissement, elles n'obéissent pas à l'influence de la cha- leur, mais seulement à la marche de la végétation. Ainsi, le Calystegia sepium, le Convoloulus tricolor, s'ouvrent le plus sou- vent avant le lever du soleil; mais je n'ai jamais remarqué que des plantes sommeillantes aient opéré de nuit leur premier épa- nouissement. Ces fleurs de Convolvulus et d'OEnothera doivent donc être mises hors de cause. D'ailleurs, si les expériences ont été faites non le soir, mais de grand matin, le succès, même pour des espèces sommeillantes, en serait beaucoup moins étonnant, parce qu'alors la plante est reposée et l'épanouissement immi- nent. Enfin, l’'empêchement que l'agitation de l'air extérieur apporte à la flamme des lampes, peut faire raisonnablement sup- poser que De Candolle a choisi une chambre ou une serre pour l'expérience ; de plus, l’époque de la floraison du Galanthus ni- valis, qui arrive en février, doit faire supposer que l'expérience relative à cette dernière plante n'a pu se faire qu’en serre ou dans la chambre chauffée. Ne serait-1l pas alors plus exact d’at- tribuer la réussite, non pas à la lumière des lampes, mais bien à la température du lieu où l’on opérait? J'ai tenté de semblables expériences, et toujours infructueusement; 1l est vrai que j'agis- sais sur d’autres espèces (T'araæacum, Oxalis rosea, etc.). Au surplus, De Candolle lui-même confesse un échec complet sur plusieurs autres plantes. Les suceës partiels qu'il à pu obtenir, dépendaient donc de causes qu'il n’a pas soupconnées et qu'il a gratuitement attribués à la lumière artificielle. &. M. Hoffmann et la chaleur. En préférant la chaleur à la lumière, M. Hoffmann a été mieux inspiré (Recherches sur le sommeil des plantes, 1805, trad. dans les Ann. des sc. nat.; 3° série, t. XIV); mais comme il attribue exclusivement à la température tous les mouvements de veille et de sommeil, et qu'ilne tient pas compte de l'accroissement ou la diminuton de turgescence, certaines de ses explications sont embarrassées et peu admissibles. Ainsi, voit-1l dans la surexcita- SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 361 tion des organes la cause du sommeil diurne que subissent les plantes exposées à un soleil un peu ardent. Une surexcitation d'organes devrait produire un paroxysme de veille ; n'est-il pas élrange qu'elle coïncide ici avec le sommeil? D'ailleurs, si la chaleur est la seule cause de la veille, pourquoi les fleurs se fer- ment-elles le soir par une température presque toujours plus élevée que celle qui, le matin, préside à leur épanouissement ? Liste des plantes à fleurs sommeillantes, demi-sommeillantes, éphémères et non sommeillantes. 4. Plantes à fleurs sommeillantes. Anemone nemorosa. Arabis sagittata. Chlora perfoliata, A. pulsatilla. Sinapis arvensis. Gentiana ciliata, A. coronaria. Draba verna. Solanum tuberosum. Ficaria ranunculoides. Medicago lupulina. Specularia hybrida. : Pœonia albiflora. M. maculata (les ailes seules|Centaurea jacea, Ranunculus acris. sommeillent). Bellis perennis. R, arvensis, Rosa Eglanteria. Tussilago Farfara. Magnolier à fleurs blanches. | R. canina. Machæranthera tanacetifolia Lychnis githago. Potentilla Anserina. Cosmos bipinnata. Malva rotundifolia. P, verna. Pyrethrum corymbosum, Oxalis rosea. Epilobium bhirsutum. Chrysanthemum frutescens. Nymphæa alba. Anagallis phænicea. Anthemis cotula, Eschoscholtzia californica. | A. cærulea, Calendula arvensis, Cardamine pratensis. Erythræa centaurium. C. pluvialis. Malgré son nom, le Souci des pluies se comporte comme toute autre plante sommeillante ; 1l ne se ferme pas, quand les pluies ne s'accompagnent pas d’un abaissement de température. Toutes les Chicoracées indigènes et exotiques que j'ai obser- vées, sauf le Cichorium Intybus et Prenanthes murals, dont les capitules sont éphémères. Colchicum autumnale. Nothoscordum fragans. Tulipa Gesneriana. Crocus. Il est à remarquer que toute fleur sommeillante est régulière, sauf dans la famille des Composées, où les ligules sont souvent sommeillantes quoique irrégulières, tandis que les fleurons ne sommeillent pas, quoique réguliers. De ce que toutes ces fleurs soient sommeillantes et régulières, il est loin de s’ensuivre que toutes présentent le même phénomène. Il importe peu d’ailleurs pour le sommeil que la corolle soit monopétale ou polypétale, 262 CH, ROYER. 2. Plantes à fleurs demi-sommeillantes, Althæa officinalis. Callirhoe pedata, Papaver Rhæas. Oxalis acetosella. 3. Plantes à fleurs éphémères. Hibiseus syriacus, Calystegia sepium. Glaucium flavum. Mivabilis jalapa. Helianthemum pulverulen- | Veronica agrestis. tum. V. polita. Portulaca oleracea. V. hederæfolia. Convolvulus tricolor. V. chameædrys. C. arvensis. Cerastium arvense. Momordica Elaterium. Datura meteloides. Cucurbita maxima (fleurs mâles et femelles à la fois). Cichorium Intybus. Prenanthes muralis. Tigridia Pavonia. &, Plantes à fleurs non sommeillantes, Caltha palustris. Ranunculus auricomus. Berberis vulgaris. Hypericum perforatum. Mahonia aquifolium. Nuphar luteum. Dianthus carthusianorum. | Chelidonium majus. Lychnis vespertina. Cheiranthus Cheiri, L. diurna, Dentaria pinnata. Silene nutans. Iberis amara. Æsculus Hippocastanum. Evonymus europæus. V. alba. Genista sagittalis, Trifolium pratense, Lotus corniculatus. Lythrum Salicaria, Sedum acre. S. album. S. elegans. S. inflata. Viola tricolor. Saponaria officinalis. V. odorata. Geranium Robertianum. Sempervivum tectorum. Epilobium spicatum. Toutes les Amygdalées, Pomacées ct Ombelliferes que j'ai observées. Philadelphus coronarius, P. auricula. Vinca minor. Deutzia scabra. Saxifraga tridactylites. Ribes Uva-crispa. R. nigrum. R. rubrum, Primula elatior. P. officinalis. Toutes les Borraginées et Labices que j'ai observées, Campanula glomerata. CG. Trachelium. C. rotundifolia. C. rapunculoides. Bryonia dioica. Cyclanthera explodens. Plantago major. P. media. P. lanceolata. llex aquifolium. Lilac vulgare. Ligustrum vulgare. Forsythia viridissima. Sambucus nigra, S. racemosa, S. ebulus, Diervilla rosea. Viburnum Opulus. V. Lantana. Toutes les Rubiacées que j'ai observées. Lappa minor. Cynara carduncellus. Achillea Ptamica. Leucanthemum vulgare. Aster amellus. Butomus umbellatus. Lilium candidum. L. bulbiferum. Ornithogalum pyrenaicum. Allium oleraceum. Narcissus pœticus. Paris quadrifolia, Nerium oleander. Vincetoxicum officinale. Gentiana lutea. Petunia. Atropa belladona. Solanum nigrum. S. Dulcamara, Lonicera caprifolium. L. xylosteum. Valerianella carinata. V. Morisonii. V. olitoria. Valeriana officinalis. Convallaria maialis, Polygonatum vulgare. P. multiflorum. Iris germanica. I. pseudo-acorus. [. fœtidissima. Toutes les Joncées, Cypéracées et Graminées que j'ai observées, SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 363 Ces listes sont bien incomplètes, car elles indiquent seule- ment les plantes que J'ai pu moi-même surveiller pendant leur floraison. DE QUELQUES MOUVEMENTS SANS RAPPORTS AVEC CEUX DU SOMMEIL, 1. Involucres et calices. L'involucre des Chicoracées est nécessairement aussi long que les fleurs et les enveloppe; dans la veille, il se courbe à sa partie moyenne, et s'épanouit en même temps qu'elles, mais ce mouvement ne lui est pas propre et ne résulte que de la pression des fleurs : en effet, si l'on arrache pendant la veille les ligules d’un T'araxacum, des Hieracium, Sonchus, Leontodon, ete., les folioles involuerales qui étaient étalées, se relèvent aussitôt, re prenant ainsi la position qu’elles avaient lors de l’occlusion du capitule. De même, l'involucre beaucoup moins long des Radiées n'a pas de mouvement propre; si l'on enlève les ligules à tout un côté d’un capitule épanoui de Bellis perennis, les folioles in- volucrales de ee côté se redressent, et persistent en celte position nuit et jour; tandis que les folioles se relèvent dans le sommeil et s'étalent dans la veille du côté où les ligules ont été conser- vées. Dans le Souci des champs (Calendula arvensis), l’in- volucre a, par exception, assez de rigidité pour résister à la pression des fleurs ; ilen résulte que, pendant la veille, les ligules du capitule sont plus ou moins étalées suivant qu’elles ont pu ou on se glisser dans l'intervalle qui laissent entre elles les folioles involucrales. Ainsi que les involucres, les calices obéissent dans la veille à la pression des corolles. Le calice de l’Anagallis phænicea s'étale avec la corolle Jusqu'à l'horizontale; en effet, si l'on arrache celle-ci, les lobes calicinaux se redressent à l'instant, comme il arrive pour les folioles involucrales des Composées. Au surplus, dans la grande majorité des plantes, le calice est longuement débordé pa: la corolle, el n’en saurait donc gèner les mouve- ments (Oæalis rosea, Erythræa Centaurium) ; puis, l'alternance qui est de règle entre les pièces du calice et de la corolle, est 36/4 CH, ROYER. favorable aux mouvements de celle-c1, puisque chaque pétale se meut en face de l'intervalle que laissent entre eux deux sépales. La position normale des involucres et des calices est done d'être dressée, mais la pression des corolles force les parties qui les constituent à s’étaler dans la veille. L'involucre de plusieurs Composées (Æelichrysum, Carlina vulgaris, C. acaulis) se ferme pendant la nuit et s’épanouit aux rayons du soleil levant; 1l ne sommeille pourtant pas, il n'est qu'hygrométrique. L’humidité et la sécheresse sont les seules causes de ces mouvements, qui s'exécutent aussi bien par le froid que par la chaleur, à l'obscurité qu'à la lumière. Dans l’Immortelle des jardins, toutes les folioles involucrales ; mais dans les Carlina vulgaris, G. acaulis, celles des rangs inté- rieurs sont seules hygrométriques. Le siége du mouvement est au pli que forment les folioles, en cessant d’être apprimées au réceptacle. Si l’on mouille ce pli à sa face externe, le redresse- ment est rapide et on le suit facilement de l'œil; non moins rapide est l’abaissement, quand on présente le capitule au feu. Les résultats sont incomplets et très-lents si l’on humecte la foliole en tout autre point, même sur la plus grande partie du limbe, ou si encore le pli n’est mouillé qu'à sa face interne. Chez d’autres Composées (Centaurea Scabiosa, Inula Conyza, Solidago virga-aurea, Gnaphalium uliginosum, F'ilago germa- nica, À. spathulata, Hieracium, etc.), l'involucre aussi est hygro- métrique, mais seulement quand il se dessèche à l’époque de la dissémination des akènes; tandis que l’involucre de l’Immor- telle et des Carlines est hygrométrique dès la floraison du ea- pitule. 2. Aigrettes et poils. Un grand nombre de Composées (Cirsium arvense ; Carlina vulgaris, C. acaulis ; Senecio vulgaris ; Immortelle; Solidago virga-aurea ; Inula Conysa, ete.), ont les soies de leurs aigrettes hygrométriques, à la façon de certains Imvolucres, c’est-à-dire qu’elles s’étalent par la sécheresse et se relèvent par l'humidité. SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 365 Les poils qui garnissent les bords de la glumelle mférieure du Melica nebrodensis sont hygrométriques et les glumes le sont aussi. Au soleil, celles-ci s'entr'ouvrent, et les nombreux poils qui en sortent rendent la panicule élégamment soyeuse. Qu'une pluie survienne, ou que l'humidité de la nuit commence à se faire sentir, ils rentrent à l’intérieur des glumes qui se referment sur eux ; et l'aspect de l’inflorescence se trouve complétement modifié. Ne sont hygrométriques ni l’aigrette du Valeriana officinalis, ni les divisions sétacées-plumeuses du calice du Trifolium ar- vense. 3. Etamines. Les étamines des Berberis et Mahonia s’abaissent brusque - ment sur le pisüil au moment de la fécondation. Ce mouvement, que l’on peut provoquer en grattant la base du filet, ne se répète pas et s’opère indifféremment par les conditions atmosphériques les plus variées. Je n'ai pas rencontré d’étamines sommeillantes. Les pétales en se redressant ne communiquent aucun mouvement aux éta- mines, car les corolles deviennent, dans le sommeil, concaves par leur face intérieure. Les étamimes s’y trouvent donc enfer- mées sans y subir de compression. On doit admirer cet ingé- pieux mécanisme des corolles, qui savent aimsi évoluer autour des étamines et du pisül, et envelopper ou découvrir sans frois- sement des organes aussi délicats. Les étamines des corolles monopétales (Erythræa Centaurium, Colehique) sont immobiles, bien qu'insérées sur la corolle, dont les mouvements de veille et de somineil s'opèrent seulement dans les lobes. On conçoit d’ailleurs que si les étamines s’étalaient dans l'épanouissement, elles s’éloigneraient du pistil, et que la fécondation deviendrait moins assurée. SOMMEIL DES FEUILLES. - Les causes des mouvements de veille et de sommeil sont pour les feuilles : turgescence, chaleur, lumière. Le concours simul- 366 CH, ROŸER. tané de ces trois causes est nécessaire pour une veille parfaite ; mais il suffit que l’une d'elles fasse défaut pour que le sommeil se déclare. Les feuilles de la très-grande majorité des plantes ne sommeillent point : les cas de sommeil sont presque tous fournis par la famille des Légumineuses, des Oxalidées et des Marsi- léacées. 1. Turgescence; ses effets. L'été, les feuilles, à l'instar des fleurs, entrent souvent en sommeil aux heures les plus chaudes du jour. C’est ici une véri- table sieste, car la plante revient à la veille, quelque temps après avoir été soustraite aux rayons de soleil, et l'on peut à volonté, dans le milieu de la mênie Journée, obtenir plusieurs fois de suite ces alternatives de veille et de sommeil. Les fleurs, au con- traire, ne s'éveillent en pareil cas que le lendemain matin, soit qu'il faille à leur veille une plus forte somme de turgescence, soit qu’elles en réparent les pertes avec plus de lenteur. Une grande sécheresse du sol abrége la veille des feuilles, comme celle des fleurs. Mises le soir dans un four chaud ou sans eau tiède, quand elles viennent de commencer leur sommeil nocturne, feuilles et fleurs ne consentent à veiller que le lendemain matin. Contrairement aux assertions de quelques auteurs, je n'ai pu éveiller des feuilles d'Acacia (Robinia pseud-Acacia), en les tenant le soir rapprochées d’un fer chaud. 2. Chaleur ; ses effets. Quoique la veille des feuilles se contente d’une faible somme de chaleur, elle ne laisse pas d’être influencée par les variations de température. Au premier printemps et en automne, les feuilles sont moins matinales qu'en été, etne S'éveillent plus dès l'aurore. Quand le thermomètre descend au-dessous de + 10, les mou- vements deviennent lents et incomplets; au-dessous de + 5, ils sont abolis, et la feuille, engourdie pour ainsi dire, persiste nuit et jour dans une position intermédiaire entre la veille et le som- meil, SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 367 Les feuilles s’éveillent plus tôt et s'endorment plus tard que les fleurs. Par des journées fraiches et pluvieuses, les feuilles conservent la plénitude de leurs mouvements, lorsque ceux des fleurs sont empêchés, parce qu'ils exigent plus de chaleur. Immergées, les feuilles se comportent comme à l'air libre, quand même la température de l’eau serait beaucoup plus basse que celle de l'atmosphère ; les fleurs sommeillant en pareil cas. Mises le matin dans un four quand elles sont endormies, feuilles et fleurs passent bientôt à la veille. Dans un four, les feuilles exagèrent parfois leurs mouvements de veille; ainsi, celles qui dorment relevées, rabattent leurs folioles au-dessous de l'horizontale ; celles qui dorment rabattues, les relèvent au contraire au-dessus. Des conditions très-favo- rables produisent également en plein air ce maximum de veille, qui s’observe aussi chez les fleurs, soit à l'air libre, soit renfer- mées dans les fours. 5. Lumiere ; ses effets. C’est ici que se manifestent les principales différences entre les feuilles et les fleurs. Mises le matin éveillées dans un four, le premier mouvement des feuilles est de sommmeiller, tandis que la veille persiste chez les fleurs ; bientôt cependant, sollicitées par la chaleur, les feuilles passent à une veille plus ou moins complète, et parfois même excessive ; mais à la chute du jour, elles entrent en sommeil pour toute la nuit, puis, de nouveau, elles veilleront le lendemain matin, et s'endormiront encore dans la soirée. Toutefois, elles ne se comportent pas exactement comme celles qui sont au dehors, et la veille ne paraît s’obtenir qu’au prix des plus grands efforts : les mouvemenis insolites, sorte d'affolement, témoignent com- bien la plante supporte impatiemment l'obscurité. Parmi les fo- lioles, les unes veillent, quelques-unes sont en sommeil, d’au- tres encore sont affolées, et, se tournant sur leurs pétiolules, re- gardent obliquement soit à droite, soit à gauche (Wedicago maculata) ; ce triple état peut se rencontrer sur la même feuille, 308 CH. ROYER. et l'affolement fait chaque jour des progrès. Ou dirait qué la plante, sous l'empire d’un profond malaise, emploie ces mouve- ments anormaux à la recherche de la lumière. Enfin, une plante remise en plein air après avoir passé trois à quatre jours dans un four, est quelque temps à reprendre le jeu libre et parfait de ses mouvements. C'est ainsi que la Sensitive, soumise à une obscu- rité prolongée, consent encore à veiller, mais n’est plus impres- sionnable aux chocs, et paraît atteinte d’un commencement de torpeur. On ne peut donc pas pour les feuilles, comme on y réussit pour les fleurs placées dans un four, obtenir une veille soit con- tinue, soit complète. Dans le sommeil diurne, les feuilles de Medicago maculata se relèvent ; dans le nocturne, outre qu’elles se relèvent, elles se renversent un peu de manière à présenter obliquement au ciel leur face inférieure. L'obscurité est donc nécessaire pour donner au sommeil des feuilles toute son in- tensité. MÉCANISME DES MOUVEMENTS. Quelques feuilles ont comme les fleurs un double mouvement : celui de rotation, et celui d'expansion et de contraction. Pour sommeiller, les folioles de l'Oxalis rosea s’abaissent, celles du Medicago maculata se relèvent, en quittant l'horizontale où elles se tenaient dans la veille; en outre, planes ou légèrement con- vexes dans la veille, elles deviennent dans le sommeil plus ou moins concaves ou pliées. Le premier de ces deux mouvements s'exécute non pas à l'articulation, mais par la courbure des pé- tiolules; le second par contraction ou expansion de la face supé- rieure du limbe ; mais chez la plupart des plantes, ce second mouvement est peu appréciable. Les positions des feuilles sont très-diverses dans le sommeil ; en voici quelques exemples : Le Pourpier (Portulaca oleracea) relève ses feuilles en les imbriquant; les Féviers (Gleditschia triacanthos, G. sinensis) redressent leurs folioles en les imclinant vers le sommetdn pétiole commun ; les Robinias (Robinia pseud- SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 869 Acacia, R. hispida) rabattent les leurs perpendiculairement au pétiole, et l'Indigotier ramène les siennes vers la base de ce pétiole ; la Glycine (Fistaria sinensis) abaisse ses folioles qui, par une disposition bizarre, sont inclinées dans la même feuille, les supérieures vers le sommet, les inférieures vers la base du pétiole commun. Parmi les plantes à feuilles composées d’un petit nombre de folioles, les Oxalis rabattent, les Trèfles et les Luzernes les relèvent en cercle. Il est encore bien des cas intéressants de sommeil ; n'ayant pu moi-même les observer, je renvoie aux auteurs qui les ont indi- qués. Ainsi M. Ad. Brongniart a noté le sommeil chez une Gra- minée, le Strephium quianense (Bull. de ta Soc. Bot., t. VIT, p. 470). Le principal mouvement, celui de rotation, a son siége à la base de la feuille, soit à l’onglet du limbe (Pourpier), soit dans les bourrelets où pulvinules pétiolulaires (Luzerne). 1 se pro- duit par courbure de ces parties. Le bourrelet pétiolulaire des Légumineuses sommeillantes se présente sous la forme d’un corps cylindrique, ridé transversalement, et qui, par la contex- ture, la couleur et le diamètre, diffèrent du reste du pétiolule, lorsque, par exception, celui-ci n’est pas entièrement formé par le bourrelet. Toutes les fois que j'ai coupé longitudinalement la moitié supérieure d’un bourrelet, la foliole s’est relevée par l’in- curvation en haut de la moitié inférieure ; elle s’est abaissée par l'incurvation en bas de la moitié restante, toutes les fois, au con- traire, que c'était la moitié inférieure du bourrelet qui était enlevée. On doit en conclure que le parenchyme du bourrelet est plus extensible dans ses couches externes que dans les internes, et que les mouvements des moitiés des bourrelets sont en sens contraires. Le résultat de ces blessures est absolument le même que la plante sur laquelle on agit, abaisse ou relève ses folioles dans le sommeil. Il en est encore ainsi du Pourpier (Portulaca oleracea) ; 11 redresse ses feuilles, si l’on gratte au vif la face interne de l'onglet du limbe, tandis qu'illes abaisse, si la blessure a été faite à la face externe. À la suite de ces expériences, les mouvements de veille et de sommeil sont abolis, et le bourrelet, 5€ série. Bot. T. IX. (Cahier n° 6.) # 2h 910 CH. ROVER. entraînant la feuille avec lui, tend de plus en plus à s’incurver sur sa blessure. Le bourrelet du pétiole commun de la Sensitive obéit à la même loi; la feuille se redresse, si la moitié supé- rieure est attaquée ; elle s’abaisse, si c’est l’inférieure ; et suivant la profondeur de la plaie, les chocs n’ont plus d'influence ou n’en ont que fort peu sur ce péliole commun. La connaissance de ses faits prépare l'explication des mouve- ments des feuilles : sil’ablation de la moitié supérieure du bour- relet produit le redressement artificiel de la feuille, parce que l’autre moitié n'a plus de contre-poids, un surcroît de puissance dans cette moitié supérieure amènera au contraire l’abaissement. Or, sous l'excitation de la chaleur et de la lumiere, la turges- cence réparée pendant la nuit arrive à son paroxysme, et pro- duit l’abaissement ou le redressement naturel des folioles, sui- vant que la face la plus extensible du bourrelet se trouve être la supérieure ou l'inférieure. Le soir, cette turgescence cesse d’être à son maximun ; la face qui avait été courbée par l'allongement momentané de la face antagoniste, revient à sa position pre- mière ; l'équilibre est rétabli; la plante sommeille. Cette inflexion des bourrelets sur leur plaie est identique avec celle des tiges ou pédoncules qui ont été blessés. Je me sers même de cet artifice pour obtenir des courbes dans la charpente des arbres en espaliers, et pour changer le port de certaines fleurs qui s’'épanouissent renversées. On gratte plus ou moins profon- dément le côté de la tige où l’on désire cette inflexion, et lorsque la tige est encore herbacée. C’est chez les Composées-Radiées que les mouvements des fleurs ressemblent le plus à ceux des feuilles. En effet, le mou- vement de rotation des ligules à son siége, ainsi que je l'ai fait observer, dans le point intermédiaire au tube et au limbe, c’est- à-dire dans l'onglet ; chez ces fleurs, comme chez les feuilles, le sommeil a lieu tantôt par redressement (Pàquerette et Luzerne), tantôt par abaissement (Anthemis Cotula, et Oxalis rosea). MIMOSA PUDICA (SENSITIVE). Le Himosa pudica à deux sommeils, le sommeil naturel et le SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 971 sommeil artificiel ou provoqué. Dans le sommeil naturel soit noc- turne, soit diurne, les pétiolules secondaires se rapprochent entre eux sur un plan horizontal; les folioles se relèvent en s’inclinant vers le sommet des pétiolules secondaires; enfin, il y a redressement du pétiole commun qui était étalé dans la veille. Lors du sommeil provoqué, le mouvement des folioles est le même, mais celui des pinnules est presque nul, et les pétioles communs s’abaissent. M. Bert (Recherches sur les mouvements de la Sensitive, 1866) a le premier justement reconnu que dans le sommeil nocturne, les pétioles communs commencent par s’a- baisser dans les premières heures de la nuit, avant de se relever bien au-dessus du niveau qu'ils auront pendant la veille. Le sommeil naturel est, chez la Sensitive, exactement soumis aux mêmes lois que chez toute autre plante sommeillante. Quand un choc, une piqûre, une secousse donnent lieu au sommeil pro- voqué, une modification immédiate de turgescence est la cause la plus vraisemblable d’un pareil sommeil. A la nuit, si l’on heurte une Sensitive déjà endormie, elle abaisse son pétiole commun, qui mettra quinze à vingt minutes à se relever; si le choc arrive en plein jour, il ne faut que huit à dix minutes pour le redressement de ce pétiole. La Sensitive soumise un certain temps à un abaissement de température, à l'agitation de l'air, à l'obscurité, finit par de- meurer en veille; mais cet état doit être plutôt comparé à sa torpeur ou à une sorte de syncope, car folioles et pinnules sont devenues insensibles aux chocs; seul le pétiole commun con- serve quelques faibles mouvements. L'électricité n'est pas cause des mouvements, puisqu'ils se produisent sous le choc d'une tige de verre et que l'approche d’un orage n’exerce sur la plante aucune influence. Tous les mouvements de la Sensitive s’opèrent par la cour- bure et le redressement des bourrelets des pétioles et des pétio- lules. Ici, comme dans la plupart des autres Légumineuses, les pétiolules sont formés entièrement par le bourrelet ; il serait même plus exact de dire que la foliole est sessile sur un bour- relet; car ce bourrelet est parfaitement distinct du pétiole. 312 CN. ROYER, PINIONS DES AUTEURS. 4. Lumière artificielle. De Candolle rapporte qu'il a éveillé des Sensitives en les expo- sant pendant la nuit à la lumière artificielle, mais qu'il n'a pas eu le même succès en opérant sur les feuilles du Mimosa leuco- cephala, Oxalis incarnata, O. stricla. M. Fée à imfructueuse- ment renouvelé cette expérience sur la Sensitive, expérience qui d’ailleurs avait été déjà tentée, mais sans succès, par Duha- mel. J'ai moi-même toujours échoué sur la Sensitive, l'Oxalis rosea et diverses autres plantes. 2, Inflexion des tiges vers la lumière. M. Ratchinsky (Wotice sur quelques mouvements opérés par les plantes sous l'influence de la lumière, 1858 ; trad. dans les Ann. des sc. nat.,h° série, t. ÊX) assimile la courbure des bour- relets pétiolulaires, et partant les mouvements des feuilles, à lin flexion des tiges sous l’action du soleil. Hest bien constant que nombre de hampes et de pédoncules s’infléchissent du eôté du soleil (T'araxacum, Pâquerette, Tragopogon, Leontodon, Helian- themum, etc.); constant encore que les pétioles du Framboisier (Rubus idœus) et du Concombre (Cucumis sativus), dont l'on maintient les feuilles retournées, se tordent en deux et trois jours et ramènent ainsi la face supérieure de ces feuilles à re- garder le ciel. Mais il n’en faut pas conclure que les mouve- ments des feuilles sommeillantes ne sont dus qu'à l'influence de la lumière. Plus l'action du soleil est énergique, plus les tiges s'infléchissent vers cet astre ; sous un soleil ardent, les feuilles passent souvent de la veille au sommeil. La même cause, la lu- mière, produirait ainsi deux états diamétralement opposés : la veille ou étalement le matin, le sommeil ou redressement vers midi. La théorie de M. Ratchinsky ne peut rendre compte de cette particularité. D'ailleurs, les insertions des feuilles et des folioles sont si diverses, que le soleil frappe les bourrelets sous des points les plus variés; ainsi, quand une feuille d’Acacia rose (Robinia hispida) recoit latéralement les rayons du soleil levant, SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 378 tous les pétiolules se redressent, ceux d’un rang en regardant le soleil, ceux de l’autre en lui tournant le dos. Enfin, malgré l’ob- scurité à laquelle elles sont soumises dans un four, les feuilles offrent momentanément des mouvements de veille complète et parfois même excessive. 3. Turgescence. IL me semble difficile d'attribuer, avec quelques auteurs, Les états de veille et de sommeil à ce que la turgescence passe alter- pativement d'une moitié du bourrelet dans l’autre : car la tur- gescence de la moitié mférieure produirait le redressement ou le sommeil dans les feuilles qui dorment relevées. Ce redressement me semble plutôt dû à une diminution de turgescence, qui a mis fin à la dilatation plus grande de la moitié supérieure. Dès lors, la moitié mférieure pouvant vaincre la pression qu’elle subissait de la part de la moitié antagoniste, se relève, quoique saturges- cence ne soit pas accrue. Comment, en effet, s'expliquer que la iurgéscence augmente dans une face, lorsque, par exemple, le sommeil dépend, soit de l’action prolongée d'un soleil ardent, soit de la sécheresse excessive du sol? Puisque ces auteurs attri- buent la veille à un summum de turgescence, n’eût-il donc pas été plus rationnel de faire dépendre le sommeil de la diminution de cette turgescence? Mais si, comme je le propose, l’un des côtés des bourrelets est, sous l’action de la turgescence, plus ex- tensible que l'autre et le force à s’infléchir, le phénomène avec toutes ses variantes se trouve plus facilement expliqué. La transpiration à été considérée sans influence sur les mou- vements, parce que ceux-ci continuent après l’ablation de la presque totalité du limbe : cette opinion semble peu fondée, car rien nest changé dans les conditions de ces bourrelets, siége des mouvements d’abaissement et de redressement. L. Sommeil diurne. M. Planchon (Bull. de la Sor. bot., t. V, p. 469) nomme sommeil diurne ou sieste la position des folioles du Robinia (Ro- bina pseud-A cacia) au-dessus de l'horizontale. Mais je n’y vois 37 CH. ROVER, qu'une exagération de veille, puisqu'elles sont, plus encore que dans la veille normale, éloignées de la position du sommeil. Quand les folioles sommeillent relevées (Luzerne), et non rabat- tues comme dans le Robinia, ce maximum de veille se trahit par une légère réfraction de la foliole. Fat montré que les fleurs ont parfois aussi une exagération de veille, dans des conditions très- favorables à l’épanouissement, et qu'alors les pétales ou les lobes de la corolle deviennent manifestement convexes et même réfléchis, de plans qu'ils sont dans la veille normale. Les feuilles du Robinia, comme celles des autres plantes, peu- vent avoir unso mmeil diurne ; mais ce sommeil, à son intensité près, ne diffère du nocturne que par l'heure où il se produit. Il est donc l’opposé de l’état observé par M. Planchon. Le savant professeur ajoute que les folioles de Luzerne ordi- naire (Medicago sativa) sont nuit et jour en mouvement; que c'est vers minuitet vers midi qu'elles sont le plus relevées, et vers six heures du matin et six du soir qu'elles sont le plus étalées. J'ai le regret de ne pouvoir me ranger à cette opinion. Que les folioles de Luzerne soient relevées, c’est-à-dire en sommeil, à minuit, c'est de règle, mais elles le sont tout autant à neuf heures du soir qu'à minuit. Quand elles se relèvent à midi, ce sommeil diurne est purement accidentel ; il ne se produirait pas à l'ombre; ou arriverait aussi bien, suivant les circonstances, quelques heures plus tôt ou plus tard. Enfin, à six heures du matin et du soir, les folioles sout, il est vrai, étalées en été, mais ne le sont plus à la fin d'octobre. Les influences si complexes etsi variables, auxquelles obéissent les plantes, ne permettent pas à leurs mou- vements cette régularité que leur accorde M. Planchon, à l'exemple de Linné qui avait cru pouvoir s'appuyer sur cette observation pour établir son Horloge de Flore. PRÉCAUTION A PRENDRE DANS LES OBSERVATIONS ET LES EXPÉRIENCES. Jeunes, les feuilles et les fleurs conviennent mieux pour les expériences que plus âgées ; elles sont plus impressionnahles aux diverses causes de veille et de sommeil «(plantæ) : Circa SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 979 somnum plantarum hoc quoque observatum velim, plantas illum, sieuli animalia, dum teneræ sunt, avidius carpere, adultiores vero minus somno indulgere .... » [Linné, Somnus plantarum À].) Mais une face seule de la question est traitée dans cette phrase, car les jeunes sont promptes et les vieilles lentes, non-seulement au sommeil, mais aussi à la veille. L'âge des feuilles surtout doit être l’objet d'une grande attention ; il peut varier de plu- sieurs mois sur la même tige, dont les feuilles seront alors les unes plus ou moins sommeillantes, tandis que les autres auront cessé de l'être. Le thermomètre, pour donner une Indication exacte des degrés de chaleur qui président à la veille et au sommeil, devra toujours être placé à côté de la plante, où dans des conditions sembla- bles d'ombre et d'insolation. On évitera d'exposer longtemps la plante à un soleil ardent, ou de laisser trop dessécher le sol dans lequel elle eroît; sans celte précaution, certaines fleurs sommeillantes pourraient devenir éphémères. Une cave ou une grotte obscure qui reçoit une plante fleurie devra se trouver à une température aussi élevée que la tempé- rature extérieure, sinon on court risque d'attribuer à l’obscu- rité une influence qui n'appartient en très-grande partie qu'à l’abaissement de température. La chaleur du four devra s'élever de + 22 à 28 degrés, et l'expérimentateur veillera à ce qu'elle ne décroisse point. Afin de conserver leur turgescence aux sujets placés dans un four, le pot de plantes sera placé sur un vase que l’on aura soin de tenir toujours rempli d’eau. L'influence du four est beaucoup plus manifeste sur les plantes vernales que sur les estivales, parce que ces dernières sont ha- bituées à une plus forte somme de chaleur. Si Ja chaleur du four dépasse + 28 à 30 degrés, les corolles sont en danger de se flétrir, ou tout au moins de souffrir beau- coup, ce qui nuira à la précision de l'expérience. Mais en plein (1) Amænit., vol. IV, Diss. LXIV, p. 239, ed, 22, 976 CU. ROVER. air, les fleurs peuvent supporter jusqu'à + 40 à 45 degrés, rafraichies qu'elles sont par l'agitation de Pair. Après trois ou quatre jours et autant de nuits, la floraison est ordinairement accomplie ; 1l faut retirerla plante du four et l'y remplacer par un autre individu, si expérience doit se conti- nuer. Car les fleurs qui naissent sur des tiges étiolées, par suite de leur exposition dans un four, sont elles-mêmes étiolées et malades, et se refusent à tout épanouissement, quoique trans- portées à la lumière. Les feuilles s'altèrent et Jaunissent assez vite lorsqu'elles ont été placées dans un four ; pourtant celles de la Sensitive font preuve d’une grande vitalité. Sans doute à cause de leur nature tropicale, la Sensitive et plusieurs autres plantes exotiques exigent pour la plénitude de leurs mouve- ments, soit dans un four, soit à l'air libre, beaucoup plus de chaleur que les plantes indigènes. S1 l’on n’a que des rameaux, on peut s’en servir, pourvu que les tiges ou pédoncules trempent dans un vase rempli d’eau. Il faut se garder de conclure d'une espèce à une autre. Dans le même genre, une espèce ne sommeillera pas, tandis qu’une autre très-voisine sera parfaitement sommeillante. Chaque espèce a ses exigences particulières, son tempérament pour ainsi dire : à l'une il faut peu de chaleur, à l’autre davantage ; celle-e1 veille et s'endort tôt, celle-là tard ; chez l'une le sommeil est complet, l’autre, au contraire, n'a qu'un demi-sommeil; celle-là encore est plus avide de lumière : ainsi dans un four les feuilles d'Oxalis rosea supportent l'obseurité plus impatiemment que celles de l'O. Deppei. Enfin, la durée de la floraison présente de grands écarts d’une espèce à une autre : de quatre à cinq Jours pour la plupart des plantes, elle est de huit à dix jours pour la petite Centaurée (£rythræa Centaurium), et de douze à quinze pour la Pâquerette (Bellis perennis). La floraison des Radiées est de plus ingue duree que celle des Chicoracées. Les espèces qui m'ont paru le mieux se prêter aux observa- tions sont pour les fleurs : Bellis perennis, Taraxacum officinale et presque toutes les Chicoracées; Oæalis rosea, Erythræa cen- laurium, Colchicum autumnale, les Crocus, Tulipa. Pour les SUR LE SOMMEIL DES PLANTES. 371 feuilles : Oxalis rosea, O. Deppei, Portulaca oleracea, Medicago maculata, Medicago sativa, Trifolium pratense, T. repens, Robinia pseud-Acacia, R. hispida. L'Oxalis rosea, qui jouit du rare privilége d’avoir feuilles et fleurs très-sommeillantes, est précieux dans les expériences com- paratives sur les deux sommeils; ainsi sont prouvées d’une ma- nière péremptoire les différences qui les séparent. Quand un Oxalis rosea, placé le matin dans un four veillant par les feuilles et par les fleurs, continue la veille de ses fleurs, tandis que les feuilles tombent en sommeil, quoique ce sommeil ne sera qu’in- termittent, n’est-on pas forcé d'admettre que l'influence de l’obs- curité est très-sensible sur les feuilles, nulle ou peu apparente sur les fleurs? Lorsque le matin cette même espèce veille par ses feuilles deux à trois heures plus tôt que par ses fleurs, il est en- core manifeste que les feuilles exigent pour la veille moins de chaleur que les fleurs. Avec d’autres espèces, les résultats sont identiques, mais on pourrait objecter qu’à cause des tempéra- ments si divers des plantes, on a tort de comparer les fleurs d'une espèce avec les feuilles d’une autre, et que, pour conclure avec certitude, il faudrait emprunter feuilles et fleurs à la même espèce : l'Oxalis rosea satisfait à ces conditions. CONCLUSION. Pour expliquer les mouvements des plantes sommeillantes, les auteurs ont invoqué les uns la chaleur, les autres la lurges- cence, le plus grand nombre la lumière. Mais comme ces causes agissent simultanément, chaque auteur a voulu expliquer le phénomène par la cause préférée, tandis que les faits qui dé- coulaient des causes omises ont soulevé un extrème embarras et des exceptions aussi nombreuses que la règle. Une autre source d'erreurs a été de vouloir conclure du sommeil des feuilles à celui des fleurs; car, malgré de grands rapports, les deux som- meils ne peuvent être assimilés. La lumière n’est qu'une cause accessoire de la veille des fleurs, tandis qu’elle est l’une des prin- cipales de la veille des feuilles. En compensant le défaut de lumière par un accroissement de chaleur, on force les fleurs à 378 CW,. ROYER. veiller en pleine obscurité, tandis que les feuilles n°y ont qu'une veille imparfaite. F faut à la veille des fleurs le concours simultané de la turges- cence et de la chaleur, et à la veille des feuilles celui de la tur- gescence, de la chaleur et de la lumière. Mais pour que fleurs et feuilles sommeillent, il suffit que l'une des influences auxquelles obéit leur veille fasse défaut. C'est par la dilatation inégale soit du limbe et de son onglet, soit des bourrelets pétiolulaires, qu'agissent les causes précitées. À priori et sans le secours de l'observation, il est rationnel d'admettre que les feuilles doivent exiger plus de lumière que les fleurs. La feuille, en effet, est la pièce capitale de l'appareil de végétation ; elle recoit de la plante des sucs qu'elle lui rendaprès les avoir élaborés sous l'influence de la lumière. Aussi les feuilles, en raison de ces fonctions, regardent-elles le ciel par leur face supérieure, et la terre par l'inférieure; et, chez les arbres dits Pleureurs, le pétole subit, à cet effet, un mouvement de torsion analogue à celui qui se produit dans les pétioles des feuilles que l’on maintient retournées. Les fleurs, au contraire, affectent sur la tige les positions les plus diverses, dressées, horizontales, ra- battues, puisque les faces de la corolle n’ont ni besoin, ni souci de la lumière (4). Le sommeil des plantes est un acte réparateur, assimilable jusque dans certaines limites au sommeil des animaux. Pour- quoi les plantes n'obéiraient-elles pas à la loi de repos et de ré- paration qui régit tous les autres êtres? Quand on voit la végé- tation s'interrompre durant les mois d'hiver et n'être entretenue pendant cette saison qu'à l'état latent, est-il illogique de con- clure que, même pendant la période active, il faille que le repos succède à l’activité? Ainsi qu'on le voit pour l’homme et pour les animaux, une forte chaleur provoque chez les plantes un sommeil diurne. Le froid prédispose encore les animaux au sommeil; les plantes, (1) L'inclinaison de certaines fleurs du côté du soleil dépend uniquement de l'in- flexion des tiges ou pédoncules : la corolle ne contribue en rien à ce mouvement qui ne s’observe pas chez les fleurs sessiles. MARSILIA DRUMMONDIL. 919 de leur côté, sont très-dociles à cette loi. Malgré une obscurité factice, feuilles et animaux ont une veille pendant le jour, mais avec des symptâmes de somnolence pour ceux-ci, et d'affo- lement pour celles-là. Pendant le sommeil, les corolles revien- nent à l’estivation qui leur est propre, contournée dans la Gen- tiane ciliée (Gentiana ciliata), chiffonnée dans la Pomme de terre, imbriquée dans le Crocus, etc. C'est ainsi que pour dor- mir les animaux ramènent et plient leurs membres, comme le fait le fœtus au sein de sa mère. Enfin, la plupart des corolles, avant de se flétrir et de tomber, prennent la position de sommeil à l'instar des animaux qui passent de la somnolence à l’agonie et à la mort. SPECIES NOVÆ, VEL MINUS COGNITÆ, QUÆ IN HORTO REGIO BOTANICO BEROLINENSI 1867 COLUNTUR, Auwct. Al. HBFRAUN. (Appendix ad indicem seminum.) Marsinia Drummonoit À. Br. in Linnœa, XX (1852), p. 721; Monatsb. d. Ak. d. W., oct.1863, p. 426 ; M. macropus Hook., Ice. pl., X (1854), p. 909 (non Engelm.). Speciosa, robusta, rhizomate plantæ fructiferæ dense consti- pato. Foliola late spathulata, integerrima vel fronte obliter cre- nulata, dense villosa, superficie demum glabrescentia, decrepita flavescentia vel luteo-fascescentia. Sporocarpia ex infima basi petiolorum solitarie vel rarius geminatim orta, pedunculo triplo vel quadruplo longiore stricto-suffulta, adscendentia, modice compressa, oblique ovata, secus lineam dorsalem recta, linea ventrali valde convexa, apice valde obliqua, ad maturitatem usque pilis argenteo-canescentibus vestita, depilata fusco-lutea, vix conspicue costata. Dentes ad basin superiorem sporocarpii approximati breves, obtusi, superior latior demum (in fructu bene maturo) decorticatus atronitens. Sort utrinque 6-10. 380 AL, BRAUN. Hab. — In Australia occidental et oriental. Fructus ni falli- mur ad flumen Darling lectos communicavit Osborne, e quibus plantam in horto anno 1863 educavimus. Colitur terrestris per æstatem sub dio, per hiemem in tepidario, prima tantum juventute in ollà æquaria submersa tenetur. Adulta in lacum transplantata longissime reptat, folia longe remoto-natantia glabra producens simulque sterilescens. Sporocarpia plantæ spontaneæ 5-6 millim. longa, 4 millim. lata ; plantæ cultæ 6-9 longa, 4-5 lata. Cæterum formæ complures huic valde cognatæ, aut varietatum aut subspecierum loco habendæ, in Australia reperiuntur, e quarum numero sequentes in horto coluntur. Marsizta (Drummondit var.) macra A. Br. Omni parte minor et tenuior, rhizomate minus constipato. Pedunculus sporocarpio duplo triplove tantum longior, minus strictus. Sporocarpium fere horizontale, brevius et magis tumi- dum, nonnunquam linea dorsali concava sursum curvatum, pilis arctius adpressis fuscescentibus vestitum, depilatum sordide oli- vaceum. Dentes sporocarpii paulo longiores. Sort utrinque 6-7. E fructibus inter Stockes Range et Cooper’s Creek lectis a el. Ferd. Müller communicatis in horto enata 4866, secundo anno (1867) fructificans. Sporocarpia in patria orta 4 4/2-5 millim. longa, 3 4/2-4 lata ; culta 5-6 longa, 3 1/2-4 lata. Marsicia (Drummondit var.) sAzvarrix Hanstein in Monatsb. d. Ak., febr. 1863, p. 103; A. Br. in Aonatsb., oct. 1865, p.27; Ann. des se. nat. ° série, vol. XX, p. 149, 1865. Speciosa, rhizomate etiam in planta fructifera elongato. Foliola paulo crenata vel crenato-ineisa, crenis 6-8 rarius plu- ribus, decrepita brunneo-vel coffeaceo-fuscescentia. Peduneulus sporocarpio triplo ad quadruplo longior, leniter curvatus. Sporo- carpium adscendens, compressum, ovale, linea ventralh con- vexiore subobliquum, apice rotundatum, ad maturitatem usque pilis fuscescentibus dense vestitum, depilatum intensius fuscum et conspicue costatum. Dentes quan in M. Drummondii genuina MARSILIA DRUMMONDII, ETC. 381 fortiores, inferior longior obtusus, superior acutus, maturitate non decorticatus. Sori utrinque 8-12. E fructibus in Australia centrali « Nardu » dictis loco Cooper's Creek ubi peregrinator Burke fato succubuit, 1861, lectis et a el. Osborne nobis allatis in horto Berolinensi primum colebatur 1863. Sporocarpia gelatinam etsporas amylo repletas continentia _indigenis pultem et panem præbent. Sporocarpia culta spontaneis paulo majora, 7 à 10 millim. longa, 5-6 lata. MarsiziA (Drummond var.) ELATA A. Br. Statura fere præcedentium, rhizomate plantæ fructiteræ valde constipato. Foliola integerrima vel fronte leniter repando-cre- nata, villosa, decrepita flavescentia. Peduneulus longissimus sporocarplum quinquies ad vigesies longitudine exsuperans, erectus. Sporocarpium erectum, valde compressum, ovale vel oblongum, subæquilaterum, altero latere basi brevissime biden- tatum, pilis argenteo-canescentibus ad maturitatem usque dense vestitum, depilatum læte aut griseo-fuscum, conspicue costatum. Sori utrinque 7-9. Fruetus ab indigenis sub nomine « Addo » ad panem confi- ciendum usitatos anno 1861 in Australia septentrionalt legit peregrinator Mac Kinley et communicavit D° Ferd. Müller. Sporæ in horto nostro germinaverunt, anno 1864. À præcedentibus facile distinguitur pedunculorum longitudine et sporocarpiis erectis. Pedunculi cæterum in eodem cæspite longitudine diversi, 3-9, in alits speciminibus 4-10 centim. longi. Vidimus nonnullos 14 centim. longos, petiolos longitudine fere æquantes. Sporocarpiorum quoque magnitudo valde variabilis est, in planta spontanea æque ac in culta; quæ cæteris paribus sporocarpia majora profert. Dantur inter spe- cimina culta formæ tres, microcarpa Sporocarpiis 6-8 millim. longis h 1/2 latis; macrocarpa sporocarpiis 9-12 longis, 5 1/2-6 latis et infer- media. M. hirsuta KR. Br. et M. angustifolia R. Br. ab omnibus M. Drummon- di varietatibus differunt peduneulo brevissimo, sporocarpium longitu- dine vix æquante. 389 AL, BRAUN. Coluntur porro in horto Berolinensi : 1. Marsilia quadrifoliata L.. 2. Marsilia diffusa Leprieur ; A. Br, in Monatsb. d. Bert. Ak., 1863, p. 419. — E sporis speciminum a cl. Pervillé ex Mada- gascaria anno 1841, lectorum in horto germinavit annis 4865 et 1566. 3. Marsilia crenulata Desv., Annales de la Société Linnéenne de Paris, 1827, p.178 ; M. crenala Presl., Relig. Haenk., 1830, p.84; A. Br., Monatsb., 1865, p. 126.— E sporis speciminum a D'Ayres in insula Mauritu collectorum in horto enata 1865. h. Marsilia ægyptiaca W. Planta viva prope Cahiram lecta anno 1855 in hortum introducta hucusque sterilis permansit. 5. Marsilià pubescens Tenore. E sporis speciminum gallicorum anno 1847 in horto Friburgensi edu- cavimus, unde per hortos botanicos Germaniæ divulgata est ; nuperrime (1866) sporæ speciminum anno 1838 lectorum germinaverunt ! Observ. — Marsiliæ species e sporis facillime educantur, si fructibus prorsus maturis ati possis, qui vero si ad perfectam maturitatem non- dum pervènerint sementem frustra institues. Qua in re parum interest, fructus sintne hornotini an pluriennes, quum sporas in sporocarpiis durissimis arcte inclusas germinandi facultatem per triginta annos sal- tem, nisi diutius, conservare experti sumus. Species ergo exoticæ nume- rosæ in herbariis obviæ facillimo negotio in hortis botanicis excolere liceret, nisi specimina plurima in Museis conservata ante maturitatem perfectam collecta essent. Pro fructibus Marsilearum maturandis præter dubium speciebus variis varia caloris intensitate opus est, qua re expli- catur, quod species Novæ Hollandiæ sub cœlo Berotinensi nunquam adhuc sporas germinando idoneas perfecerunt. Omnibus vero, quibus Mar- silias in patria colligere liceat, fructus in hortorum botanicorum usum prorsus maturos colligendos quam maxime commendamus. FIN DU NEUVIÈME VOLUME. TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. ORGANOGRAPHIE, ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE VÉGÉTALES, Études sur les fonctions des racines des végétaux, par M. B. CORENWINDER. Observations sur le Mougeotia genuflexæa Ag., et sur la formation de ses spores, par M. RipaArT. . , APN ES TES Recherches sur la structure du pistil, par M. Ph. Van TIFGHEw. De la fécondation dans les Fougères, par M, Edouard STRASBURGER, Étude sur les courbures que produisent les secousses sur les jeunes pousses des Végétaux par eME Ed. PRILLIEUXS ie hu Le CSN Sur la respiration des plantes aquatiques à l'obscurité, par M. P. P. DERÉRAIN. Note sur la respiration des plautes aquatiques, par M. Ph. VAN TIEGHEM. . De la Gomme et du Tannin dans le Conocephalus naucleiflorus, par M. A. TrécuL. Du rôle que joue la cuticule dans la respiration des plantes, par M. A. BARTHÉLEMY. Essai sur le sommeil des plantes, par M. Ch, Royer, MONOGRAPMIES ET DESCRIPTIONS DES PLANTES. Marsilia. Species novæ v. minus cognitæ, auct. Al. BRAUN. . , FLORES ET GÉOGRAPHIE BOTANIQUE. Floræ Madagascariensis fragmenta quæ scripsit collectave digessit L, R, TULASNE. PALÉONTOLOGIE VÉGÉTALE, Études sur la végétation du sud-est de la France à l’époque tertiaire, par M. le comte GASTON DE SAPORTA. Caractères de l'ancienne végétation polaire ; analyse raisonnée de l’ouvrage de M. Oswald Heer, intitulé : Flora fossilis arctica, par M. le comte GASTON DE DAPORTA: DR foie Note sur un pétiole de Fougère fossile de la partie supérieure du terrain houiller d’Autun, par M. RENAULT. . « + 63 379 298 282 TABLE DES MATIÈRES PAR BARTHÉLEMY (A.). — Du rôle que joue la cuticule dans la respiration des Plantes EE MA NE BraAux AI), — Species novæ v. mi- nus ‘cognitæ, quæ in horto regio botanico berolinensi 1857 colun- tur. CORENWINDER (B. = Etudes sur les fonctions des racines des végétaux. Denéraix (P. P.). — Sur la respiration des plantes aquatiques à l'obscurité. PRiLLiEux (Ed.).— Etude sur les cour- bures que produisent les secousses sur les jeunes pousses des végétaux. RexaurT (A.). Note sur un pétiole de Fougère fossile de la partie supé- rieure du terrain houiller d’Autun. RiparT. — Observation sur le Mougeo- tia genuflexa et sur de ses spores. :, . , '.'. 3 .". . ee e + © la formation . 379 63 267 218 282 70 NOMS D'AUTEURS. Royer (Ch.). — Essai sur le sommeil des plantes. . . . . . SarorrA (le Cte G. de). — Etudes sur la végétation du sud-est de la France. — Caractères de l’ancienne végétation polaire ; analyse raisonnée de l’ou- vrage de M. Oswald Heer, intitulé : Flora fossilis arctica. STRASBURGER (Ed.). — De la féconda- tion dans les Fougères. . . . Trécuz (Aug.). — De la Gomme et du Tannin dans le Conocephalus nau- cleiflorus. . . . TuLASNE (L. R.). — Floræ Madagas- cariensis fragmenta quæ seripsil collectave dise) NE VAN Tigcueu (Ph.)}, — Recherches sur la structure du pistil. . . . .. — Note sur la respiration des plantes aquatiques ee + + + + + ete ete 345 TABLE DES PLANCHES RELATIVES AUX MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME, Planche 6. — Mougeotia genuflexa, 4 à 7. Plantes fossiles du terrain tertiaire de la Provence. 9,12. Recherches sur la structure du pistil. 13, 14. Fécondation des Fougères, 15. Pétiole de Fougère fossile. ERRATA. Page 72, dernière ligne de la note, au lieu de wbrica, lisez lubrica. 79, au lieu de fig. 3 et 6, lisez fig. 83, ligne 98, au lieu de filamentum sénpler, lisez simplicem. BYE PIE FIN DES TABLESe Paris, — Imprimerie de E. MARTINET, rue Mignon, 2. DEEE Dot. Tome y. Ter des Vitre. nat. S Serre. Juporta del. Ge Je. Pierre Ce deporta del. 727? Ppiodve 27 4) ” 2 DT 2. P 4491, per TS og, LS oh A TR TE PE AO A CT SE TNT { AA — TG \Xt {Q RRN KE TT CE DE = ES EU ENG FAO), 2; A [A Vi VX ST V4 À FA 4 EX ZX AA > a TX [NA NON Pot Tone 9. Jerze , re le] Ann.des Secene.rut. AQU IR il LUR TRUE L'ierre se. el: G.«e Japortz de Jossues du Lerrain lertuire de da 1Tovenee . f ne /larle. a Tartes. Tetlle-Zstrapuute,r®, cp. rl À, Salmon : | # forme. VAS Pot k Jerre , 2 Anncdes Setene ral Le Gde à fapo/ la de: Prerre fe : 2e, » Ar € A lunes À ; ne _ rales du lerrairt LETULAITE de la rover ONE D 2,19, ÆLATIS : L'strapad 7 e=- A, Salmon En: 7", l£eill - Cle nn. des Seiene. nat. 5 SErLe.. Bot. Tome 9. ALES 7 SE Al Lt TS TS m2 i : èe- È ï - . Là | ° ; | 4 # : = i Ann.des Serene. ral. 5 Serte. Hot. Lorie 9. 1010, FT - Van Z. reghem 7 2 Pierre se. ARecherkhes sur la Structure dut Peslil . A. Salmon imp. r lerlle-L. srapude, 15 a larts ? Ann.des Setene. nat. S Sérte . Bot. Tome. g. PCT Van Tieghen del. 3 Recherches sur Va Structure du Lastil À Selon énr ». Tioille-Lstraradte Pire : à û 1 FA x = ; : 3 ; È ë ; < ë ‘ C # net ! È no : Ke Î 5 ù i © DA ‘s À À , . se . É 5 i : + : \ de : : Ann.des Seoiene.nat. S Sérte., Pot. Tome g. PL. 22. : 0y | Van Tieghem del. Pierre se | 7: 2 | Aecherches sur la Structure du L'istil . | 1 | | A. Salmon tnp.r. Vieille -Estrapade,1, a laris., DAS MO CORNE [ ÿ Et Ann, des Seine. nat, 4° S'érte. Bot. Tome g Pl, 13. Ed, Jtrasburger del. Pierre ve. fécondation des. Fougeres. JImp, A, J'almon,r, Vieille Esk'apade, 15,7 arés. Ann.des Seine.nat. 5° Serte. Bot. Tome g. /L. 14. La. Strasburger del . Pecondakorn des Lo uyeres Û A. Salmon 1mp.7. Merlle -Estrapade, 18, Laris., Ann.des Secenc.nat. 9 Série Lenau lt del ’ ftiole de lougere € € Joss t Pot le Tome g 71 se D) "SR se (EX CA EE og) C EX HAN TEE CEE sit AA er à Li a [HU RER k 0 EC ROLE 0 LA We