Il À OCEDER MODE ET EU it KR WU NOM NN ENTRE AOL AU Le 9 À] 6 LES DRAP CYet D un ü ÿ er EST SISE re 3 À HA EAN (2! fa Hi î { dis Fe EVAPEX PA la | !f 4 ji, fo GE 4 4 te Yi # MEURT jy 4} M) Library of tbe Museum OF COMPARATIVE ZOOLOGY, AT HARVARD COLLEGE, CAMBRIDGE, MASS. DHounvde bp private subscription, in 1861. lee ee ee ee "2e "2e" No. 108. Lit PER Ve. 1S8ST ) Na M À La ANNALES DES SCIENCES NATURELLES SIXIÈME SÉRIE ZOOLOGIE BOURLOTON. — Imprimeries réunies, A, rue Mignon, 2, Paris. ANNALES DES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE PALÉONTOLOGIE COMPRENANT L’'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L’HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE MM. H. er ALPH. MILNE EDWARDS TOME X VIII PARIS G. MASSON, ÉDITEUR . LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE Boulevard Saint-Germain, en face de l'Ecole de Médecine 1884 HICX MOD : LE Fu DE LA FORMATION DU BLASTODERME DANS L'ŒUF D’OISEAU. Par M. Mathias DUVAL. INTRODUCTION. 1° Procédés d'étude. — Le présent mémoire a pour objet l'étude du développement du blastoderme dans l’œuf des oiseaux en général et de la poule en particulier, depuis la seg- mentation jusqu’à la formation des trois feuillets (externe, interne et moyen). Si les travaux relatifs à la segmentation sont peu nombreux (Coste, Œllacher, Gœtte, Kôlliker), et tous concordant.entre eux dans leurs résultats généraux, par contre ceux relatifs à la formation des feuillets blastoder- miques dans les premières heures de l’incubation sont presque innombrables et aboutissent aux conclusions les plus oppo- sées quant aux rapports d’origine du feuillet interne avec le feuillet externe, et surtout quant à l’origine du feuillet moyen. Une semblable étude ne peut prétendre à un résultat d'une valeur générale que si elle ne se borne pas à une ontogénie particulière, mais s'étend er considérations comparatives sur la formation des feuillets chez les divers types de Vertébrés. Aussi le présent mémoire sera-t-il bientôt suivi d’un travail sur le blastoderme de la grenouille, travail dont tous les ma- tériaux sont dès maintenant entre nos mains. Pour le moment, nous bornant à l’étude du blastoderme des oiseaux, nous allons exposer le résultat de nos recherches, avec cette pensée consolante que nous ne venons pas ajouter purement et simplement une nouvelle opinion aux opinions déjà émises et trancher la question en formulant une théorie ANN. SC. NAT., ZOOL., JUILLET 1884. XVIII. 1. — ART. N° Î. 9 M. DUVAL. en contradiction avec toutes celles déja émises, lesquelles sont déjà toutes plus ou moins en contradiction les unes avec les autres. Comme on le verra par la suite de ce travail, où nous examinerons successivement les opinions des divers au- teurs, chacune de ces opinions est basée sur des observations exactes, c'est-à-dire sur des coupes microscopiques dont cha- cune trouvera son équivalent parmi celles que nous représen- tons d’après nos propres préparations; mais les auteurs en question ont malheureusement cru que, pendant sa formation, le blastoderme était partout semblable à lui-même, et qu'il suffisait de décrire une coupe quelconque d’un blastoderme d’un âge donné pour acquérir une idée complète de ce blasto- derme à cet âge. Il n’en est rien, nous le verrons; et c’est pourquoi chaque auteur est arrivé à une conclusion particu- lière, selon la région où portait la coupe ayant servi à ses études, conclusion vraie pour cette région spéciale, mais qui cesse d’être juste quand on lapplique à la totalité de la forma- tion blastodermique. L'important est donc de déterminer exactement l’orienta- ion des coupes. C'est au soin avec lequel nous nous étions attaché à fixer cette orientation que nous devons les résultats précis auxquels nous sommes arrivé dans un précédent mé- moire sr la ligne primitive (1). À vrai dire, le présent travail n’a d'autre but que de déterminer la nature des processus qui précèdent l’apparition de la ligne primitive. Nous avions vu que, sur un blastoderme où la ligne primitive est bien visible, les connexions des trois feuillets sont très différentes dans la région postérieure, ou de la ligne primitive, et dans la région antérieure, dite zone tergale (op. cit., p. 42). Il s'agissait de rechercher comment s’établissent ces différences, si elles se produisent dans un blastoderme primitivement homogène, c’est-à-dire à composition identique dans sa future région antérieure et dans sa future région postérieure, ou bien si les- (1) Mathias Duval, Etude sur la ligne primitive de l'embryon de poulet (Ann. des sc. nat. et Biblioth. de l'École des hautes études, Section .des sc. nat., t. XVIIL, article n° 6). | ARTICLE N° 1, FORMATION DU BLASTODERME. 3 dites différences sont la conséquence et la continuation de différences distinguant, dès l’origine, les parties postérieures et antérieures du blastoderme. Il s'agissait, en un mot, d'étudier la formation du blastoderme sur des coupes bien orientées. Mais, si cette orientation est facile sur un blastoderme où la ligne primitive est visible, elle parait presque impossible sur la cicatricule d’un œuf fraîchement pondu et non incubé, ou sur un œuf incubé, avant l'apparition de la ligne primitive, c’est-à-dire, en moyenne, jusque vers la douzième ou quator- ième heure de l’incubation. Quand le blastoderme est assez formé pour qu'on puisse l'enlever, en excisant sous l’eau la partie correspondante du Jaune, on arrive à le détacher, à le recueillir sur une plaque de verre, et on obtient ainsi une : préparation transparente en son milieu, où, par l’examen à la lumière transmise, l’on reconnait la ligne primitive sous forme d’un trait plus foncé, alors même que cette ligne primitive n'était pas visible sur le blastoderme examiné en place, et vu à la lumière réfléchie. Mais sur l’œuf non incubé on ne peut avec succès essayer d'isoler la cicatricule du jaune, et l’exa- men de cette cicatricule en place, par la lumière réfléchie, ne présente pas, au premier abord, des traits caractéristiques qui permettent de lui distinguer une région antérieure et une région postérieure. Nous verrons plus loin qu'avec beaucoup d'expérience on peut parvenir à établir cette distinction sur des cicatricules incubées depuis quelques heures. Mais tou- jours est-il qu'au début de nos recherches il nous fallait, sous peine de ne pouvoir les poursuivre dans les conditions de déterminisme, c’est-à-dire d'orientation sus-indiquées, il nous fallait trouver un moyen de reconnaitre quelle partie du blastoderme en représente la future région antérieure et quelle partie la future région postérieure. Nous avons tourné la difficulté en ayant recours à ce qu’on sait de l’orientation de l’embryon, sur le jaune, par rapport au gros et au petit bout de l'œuf. Balfour a fait remarquer, et Kôlliker a confirmé cette remarque, que l'embryon, alors 4 M. DUVAL. que son extrémité céphalique est bien reconnaissable (par exemple dès la fin du premier jour), se trouve couché sur le jaune de telle manière que le gros bout de l'œuf est à sa gauche et le petit bout de l’œuf à sa droite ; en d’autres termes, quand on ouvre un œuf incubé, au deuxième ou troisième jour, en le plaçant de telle sorte que son gros bout soit tourné vers la gauche et son petit bout vers la droite de l'opérateur, on trouve la région caudale ou postérieure de l'embryon dirigée vers l'opérateur, tandis que l’extrémité céphalique est du côté opposé. L'orientation est la même, nous nous en sommes as- suré, lorsque l’embrvon n'est encore représenté que par la ligne primitive. Il est donc permis de penser que cette orien- tation est chose tout à fait originelle et que, dans un œuf frai- chement pondu non incubé, la cicatricule homogène en appa- rence tourne, lorsqu'on tient l’œuf devant soi, avec la grosse extrémité à gauche et la petite à droite, tourne vers l’observa- teur la future région postérieure et à l'opposé la future région antérieure. Pour préciser notre pensée, nous représentons cette orientation dans la figure ci-jointe (schéma n°1), où, Schéma 1. dans le contour de la coquille (G, gros bout; P, petit bout), se trouve indiqué le contour du jaune, dans celui-ci une cica- tricule grossie ; enfin dans celle-ci est tracée une petite croix latine qui, par sa forme même, rappelle l’aspect de l’em- bryon à la fin du second jour, alors que les vésicules ocu- laires primitives se détachent de chaque côté de la tête, ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 5 figurant ainsi dans leur ensemble, par rapport au reste du corps, la petite branche d’une croix latine. Il va donc sans dire que, sur la figure 4, l'extrémité de la croix munie de la branche transversale indique schématiquement le côté où est dirigée la tête de l'embryon, et, s’il s’agit d’une cicatricule homogène, la future région antérieure du blastoderme. Nousme pouvions cependant nous en tenir à la simple affir- mation donnée par Balfour et Külliker, qui parlent seule- ment d’une disposition relativement constante sans préciser le nombre relatif des exceptions, sans donner une statistique de l'orientation de l’embryon sur la sphère vitelline. Attentif depuis plusieurs années à cette question, nous avons dressé nous-même à cet égard une petite statistique; ayant eu à recueillir beaucoup d’embryons des premiers jours de l’incu- bation pour une étude sur le développement du cœur, ayant eu à ouvrir un grand nombre d'œufs incubés pour les démon- strations du laboratoire, nous avons noté l’orientation de. l'embryon chaque fois que l’œuf avait été ouvert avec des précautions suffisantes pour éviter tout écoulement d’albu- mine, tout déplacement des chalazes, c’est-à-dire toute rota- tion latérale de la sphère vitelline. Dans ces conditions nos observations sont venues confirmer entièrement la loi énoncée par Balfour, en précisant le nombre relatif des exceptions. En effet, sur 166 œufs ouverts de la trente-neuvième heure au troisième jour de l’incubation, nous avons trouvé 124 fois (soit dans une proportion un peu plus forte que 3/4) l’orienta- tion représentée par la figure 1 (schéma). Dans 42 cas la tête est un peu inclinée à gauche ou à droite; À Ar ANA ces cas se décomposent ainsi : légère obliquité à gauche, comme le représente le schéma 2, rencontrée 26 fois (soit dans 6 M. DUVAL. la proportion de 1/6 sur le nombre total des observations); légère obliquité à droite, vers le petit bout, comme le repré- sente le schéma 3, rencontrée 13 fois (proportion 1/12). Enfin deux fois nous avons trouvé l'embryon couché trans- versalement, la tête vers le gros bout (schéma 4)', et, une Schéma 4. Schéma 5. fois seulement, nous l’avons trouvé complètement renversé (schéma 5). On voit que, pour les coupes, les dispositions des figures 2 et 3 sont équivalentes à celle de la figure 1, car en somme dans tous ces cas, si des coupes sont faites dans une direction per- pendiculaire à l’axe de l’œuf, nous trouverons, s’il s’agit d’un blastoderme en apparence homogène, nous trouverons, vers l’une des extrémités de la coupe, les futures régions anté- rieures, et vers l’autre extrémité, les futures régions posté- rieures de l’embryon. Nous ne trouvons donc, comme ris- quant de nous égarer, que les dispositions des figures #4 et 5, lesquelles ne forment ensemble que 3 cas sur 166, c’est-à- dire une proportion moindre que 1/55. Nous pouvons donc nous considérer comme en possession d’un moyen suffisam- ment sûr de reconnaitre, sur un blastoderme d’aspect homo- gène, Ce qui sera région antérieure et ce qui sera région pos- térieure, Mais ce n’est pas tout que d’avoir ce moyen de fixer la valeur des diverses parties d’un blastoderme ou d’une cicatri- cule sur un œuf qu'on vient d'ouvrir avec soin, et qu’on exa- mine en place, c’est-à-dire la sphère vitelline étant suspendue au milieu de l’albumine, et celle-ci contenue par la coquille, ouverte seulement dans sa partie supérieure. Gette cicatricule doit être durcie, pour être débitée en coupes ; il faut donc con- ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 7 server l'orientation qu'on vient d'établir en prenant, comme points de repère, le gros et le petit bout de l’œuf. Plonger l'œuf en entier, avec albumine et coquille, dans les liquides dureissants, ne serait pas pratique, n’amènerait même pas au but cherché, parce que pendant la manœuvre de l'immersion, et lorsqu'on renouvellerait le liquide, on serait exposé à pro- duire des mouvements de rotation latérale de la sphère vitel- line. Dégager la sphère vitelline et la plonger seule dans le liquide durcissant, ce serait se mettre dans l’impossibilité de reconnaître ultérieurement l’orientation du blastoderme ; il faut donc marquer sur la sphère vitelline des signes recon- naissables après durcissement, et qui permettent de distinguer la région antérieure d'avec la région postérieure, selon l’orien- tation établie en prenant primitivement le gros et le petit bout de l’œuf comme points de repère. Si nous n’avions pas affaire aux toutes premières phases du développement, dans lesquelles il ne saurait être question de séparer la cicatricule ou le blas- toderme d’avec le reste de La sphère vitelline, on pourrait pen- ser à détacher cette partie en découpant un fragment qui aurait la forme d’un triangle, dont la base correspondrait à la future région antérieure et le sommet à la future région posté- rieure ; mais il est important de durcir la cicatricule en place, sur le vitellus, afin que les coupes nous donnent les rapports du blastoderme avec le vitellus. Dans ces conditions, nous avons opéré de manière à déterminer sur la sphère vitelline la formation d’un dessm triangulaire, orienté comme nous venons de dire, et persistant pendant et après le durcissement. Pour obtenir ce résultat nous avons opéré différemment, selon le procédé employé pour obtenir le durcissement. Quand nous voulions dureir et fixer les éléments par l’acide osmique, nous faisions, avec une petite bande de papier, large de 5 millimètres et longue de 50 millimètres, une sorte de cuvette triangulaire sans fond, c’est-à-dire en se bornant à plier cette bandelette, de sorte qu’elle figure les bords d’une cuvette triangulaire (voy. schéma 6). Alors, l’œuf étant ouvert, on enlève avec une pipette la mince couche d’albu- 8 M. DUVAL. mine qui recouvre le centre de lhémisphère supérieur de la sphère vitelline, c’est-à-dire qu’on dégage la surface de la cicatricule et des parties circonvoisines, et, sur la surface ainsi dégagée, on applique le triangle de papier, en lorien- tant de façon que sa base réponde à la future région anté- rieure, et son sommet à la future région postérieure du blas- toderme. En appuyant un peu sur le triangle de papier, de facon à bien le mettre en contact avec la surface du vitellus, on forme ainsi une petite cuvette triangulaire, dont les bords sont représentés par le triangle de papier, et le fond par la région de la surface vitelline qui renferme la cicatricule. Avee une pipette on remplit cette cuvette de solution osmique, et, maintenant toujours le papier bien appliqué par une légère pression, on laisse agir la solution osmique pen- Schéma 6. Schéma 7e dant quelques minutes, car son action ne porte pas instanta- nément sur la cicatricule, parce que, à cette époque du déve- loppement, il est difficile de dépouiller complètement celle-ci de la couche d’albumine qui la recouvre (plus tard, dès la fin du premier jour de l’incubation, l’albumine est résorbée dans cette région, et le blastoderme se trouve naturellement à nu). Quand le fond de la petite cuvette commence à noircir, on dépose toute la pièce dans un large cristallisoir plein de solu- tion chromique; le papier se détache; on isole de son albu- mine et de sa coquille toute la sphère vitelline, qui, à l’aide d’un verre de montre très creux, peut être transportée dans une nouvelle solution chromique, où s'achève le durcis- sement. Mais, grâce aux opérations précédentes, cette sphère ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 5, vitelline est marquée, en une certaine région, d'une surface triangulaire noire, et nous savons non seulement que la cica- tricule est au milieu de ce triangle, où elle se révèle par des différences de nuances, mais encore que la future région anté- rieure correspond à la base, et la future région postérieure au sommet de ce triangle. Après quelques jours de séjour dans la solution chromique, les couches périphériques du vitellus sont durcies et forment une sorte de coque autour de la masse cen- trale demeurée molle : avec un scalpel bien tranchant, et en s’adant aussi de fins ciseaux, on découpe, dans cette coque, un fragment triangulaire, au milieu duquel est le triangle noir dont la valeur vient d’être indiquée ; on achève le durcisse- ment de ce fragment triangulaire par quelques jours de ma- cération dans la solution chromique, puis dans l'alcool, et, au moment den faire les coupes, on le monte d’après notre pro- cédé au collodion, dont nous rappellerons dans un instant les principaux détails. Dans le manuel opératoire qui précède, nous associons l’action de l’acide chromique à celle de l’acide osmique. Les avantages de ce procédé sont les suivants : D'abord l’immer- sion dans la solution chromique empêche que les éléments, atteints par l’acide osmique, ne prennent une teinte noire trop foncée, qui rendrait difficile l’étude des coupes. D’autre part, en durcissant 27 toto les couches périphériques du vitel- lus par un séjour assez prolongé dans la solution chromique, nous fixons l’ensemble du blastoderme et des parties circon- voisines du vitellus dans leurs rapports normaux. En n’'em- ployant que la solution chromique, sans action préalable de l'acide osmique, ces rapports ne sont pas conservés, parce que, dans les premiers moments de l’imbibition, les échanges endosmo-exosmotiques sont tels que le blastoderme est sou- levé par une accumulation de liquide entre sa face inférieure et le vitellus, comme le montre une figure donnée par Külli- ker, et dont cet auteur constate du reste la déformation, en signalant son origine (Kôlliker, ÆEmbryol., trad. fr., p. 66, fig. 14). J. Disse à attiré avec raison l’attention sur ces défor- 10 M. DUVAE. mations (1), qu'il exagère cependant quand il considère la cavité sous-germinale comme une production artificielle, ear cette cavité, à une certaine époque, se retrouve même sur des pièces durcies uniquement par l’acide osmique, alors qu’on à poussé l’action de ce réactif jusqu’à donner à la préparation la couleur noire la plus intense, condition désavantageuse pour l’étude des éléments, mais précieuse pour déterminer rigou- reusement les rapports d'ensemble de leur masse. Nous ver- rons du reste que la présence de la cavité sous-germinale à un certain moment du développement, et sa forme dilatée en certaines régions, sont des faits constants, et constituent des dispositions en rapport direct avec les aspects que prend suc- cessivement, dans les vues de face, à la lumière réfléchie, le blastoderme et notamment son aire transparente, lors de sa première apparition. Ajoutons que, si nous avons renoncé à faire usage de l’action de l'acide chromique seul sur la sphère vitelline in toto, à fortiori faut-il à jamais laisser de côté le procédé qui consiste à détacher de cette sphère, avant toute application de réactif, la cicatricule ou le blastoderme, pour placer ensuite dans la solution chromique le fragment ainsi isolé ; car alors il se produit dans cette membrane des plis et souvent des solutions de continuité, et il devient impossible de distinguer ce qui est disposition normale d’avec ce qui est production accidentelle et dislocation. Le second procédé de durcissement que nous avons em- ployé consiste dans l’action de l’alcool absolu, avec les précau- tions et conditions suivantes. Comme précédemment, nous construisons, avec une bandelette de papier, le petit triangle destiné à former les bords d’une cuvette ; l’œuf étant ouvert, avant toute manipulation, nous appliquons ce triangle sur la région de la cicatricule, en observant l’orientation dont nous voulons conserver des traces. Aucune tentative n’ayant été l'aite pour enlever la couche d’albumine qui recouvre le centre (1) J. Disse, Die Entwicklung des mittleren Keimblattes im Hühnerei (Arch. f. mikroskop. Anat., Bd 15, p: 68). ARTICLE N° {. FORMATION DU BLASTODERME. 11 de l’hémisphère supérieur du vitellus, le petit triangle de papier, appliqué avec légère pression sur le vitellus, plonge dans cette albumine, de telle manière qu’une certaine quan- tté d’albumine est dans le petit triangle, ou, pour mieux dire, dans la cuvette que forme ce triangle, tout le reste de l’albu- mine étant en dehors de ladite cuvette. Alors avec une pipette, on arrose d'alcool absolu la cavité de la cuvette ; l’albumine s’y coagule rapidement et bientôt ne forme plus, avec le triangle de papier qui la circonscrit, qu’une seule masse adhérent fortement à la sphère vitelline, tandis que le reste de lalbumine, n'ayant pas été en contact avec l’alcool, est demeuré fluide; aussi peut-on maintenant sans danger se débarrasser de cette albumine en la faisant écouler au dehors, après section des chalazes contre la sp6ère vitelline, de manière à ne conserver en définitive que la sphère vitelline reposant sur le fond de la cavité de la coquille ouverte à sa partie supérieure. Cette coquille sert alors de récipient, dans lequel on verse de l’alcool absolu, de manière que le jaune soit complètement immergé dans ce liquide. Au bout de quelques heures les couches périphériques du jaune sont assez durcies pour former une coque résistante dans laquelle on découpe et extrait la partie correspondant à la masse triangulaire formée par la cuvette de papier et son albumine. Pendant cette opé- ration, il peut arriver que le triangle de papier se détache spontanément ou cède à quelques tractions faites pour l’enle- ver ; il peut se faire aussi qu'il résiste, et qu’on doive renoncer à son extraction de crainte de briser la pièce. IT n’y a aucun inconvénient à le laisser en place, car il se coupera facilement au rasoir quand on débitera ultérieurement la pièce. Dans tous les cas, on conçoit facilement que le fragment enlevé de la sphère du jaune portera, soit par la présence du papier, soit par la présence de la masse triangulaire d’albumine, une marque suffisante pour permettre l'orientation des coupes. Le durcissement de la pièce sera achevé par une immersion de vingt-quatre heures dans l'alcool absolu ; puis la pièce sera conservée dans l’alcoel à 36 degrés. 12 M. DUVAL. Ces deux procédés de durcissement, Pun par l’action com- binée de losmium et de lPacide chromique, l’autre par l’action seule de l'alcool absolu, ne présentent pas les mêmes avantages, mails se complètent mutuellement, de sorte qu’il faut absolument les employer tous deux parallèlement. En sffet, le premier a le grand avantage de conserver leurs formes aux éléments, et de fixer dans leurs rapports réciproques les masses distinctes formées par ces éléments; c’est grâce à lui seulement qu'on peut bien se rendre compte des connexions des feuillets blastodermiques entre eux et des connexions du feuillet interne avec certaines zones du vitellus blane, con- nexions si importantes à déterminer, ainsi que nous le ver- rons. Mais ce procédé ne permet pas de constater les noyaux des sphères de segmentation, non plus que les noyaux qu’on trouve épars dans des couches périblastodermiques du vitel- lus. On sait, en effet, que les éléments fixés par l'acide osmique ne se colorent plus que peu ou pas par le carmin. Quant aux pièces durcies par lalcool absolu, la cicatricule ou le blasto- derme y sont comme ratatinés, et ont subi une sorte de tasse- ment qui nuit à l'étude des rapports ; mais, par contre, les élé- ments et notamment les noyaux possèdent une grande affinité pour le carmin, et prennent facilement ainsi une coloration qui les rend on ne peut plus évidents. L’un des résultats les plus significatifs auxquels nous sommes arrivé est relatif à la distribution de noyaux dans les couches superficielles du vitel- lus non segmenté, et ce résultat est dù à l'étude de coupes pratiquées sur des pièces durcies uniquement par l’action de l'alcool absolu. Dans ces derniers temps, alors que nous avions à peu près complètement réuni les matériaux du présent travail, nous avons essayé d’un autre procédé de durcissement, que sa sim- plicité a peut-être trop fait dédaigner, et dont les résultats ont été si heureux que nous avons cru devoir recommencer presque entièrement à nouveau une série de préparations. Celles-ci n’ont fait que confirmer, mais avec plus de précision encore, les résultats déjà obtenus. Ge procédé si simple est celui de la ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 13 coction ; mais nous l’avons toujours combiné avec d’autres actions, C'est-à-dire que noustraitions, comme dans le manuel opératoire employé en premier lieu, la cicatricule par acide osmique (en dilution très faible : 1/300 ou 1/400), toujours, cela va sans dire, en opérant avec le petit triangle de papier. Puis la sphère du jaune était plongée dans une solution chro- mique qu’on portait à l’ébullition au bain-marie. Après refroi- dissement, on pouvait aussitôt découper la région du triangle noir, et, après séjour du fragment pendant peu de jours dans l'acide chromique, et pendant vingt-quatre heures dans l’al- cool, procéder à la confection des coupes. Ce mode de durcis- sement est avantageux par sa rapidité; mais il nous a été sur- tout précieux comme moyen de contrôle des résultats obtenus sur d’autres préparations ; en effet, d’une part, il nous a permis de nous assurer de l’existence et de la forme constante de la cavité sous-germinale, dans des conditions où il est impossible de craindre que des phénomènes d’imbibition soient intervenus dans la production de cette cavité; et, d'autre part, peut-être parce qu’alors nous n’avions employé qu'une solution osmique très diluée, ces pièces durcies par la coction permettent de donner aux noyaux une légère teinte de carmin, de sorte qu’alors les noyaux des sphères de segmentation, comme ceux qui sont épars dans le vitellus non segmenté, deviennent re- connaissables dans des éléments ayant rigoureusement con- servé tous leurs rapports réels. Avant de rappeler les autres détails de la technique que nous avons suivie, nous devons indiquer ce point essentiel, à savoir que la plupart des cicatricules ou blastodermes que nous avons préparés étaient, aussitôt mis au jour par l’ouver- ture de la coquille, dessinés tels qu'ils se présentaient, c’est-à- dire comme des taches blanches plus ou moins bien délimi- tées, et présentant en certaines régions des variations de teintes qui étaient au premier abord énigmatiques. Plus tard, avec l'expérience acquise par l’interprétation des coupes, nous avons pu arriver à l’interprétation de la plupart de ces aspects. Lorsque l'acide osmique avait agi sur une cicatricule, celle-ci ANN. SC. NAT., ZOOL., JUILLET 1884. XVIII. 2. — ART. N° {. 14 M. DUVAL. était de nouveau dessinée; l’image qu’on avait alors était en oénéral, vis-à-vis de celle obtenue auparavant, avant l’action de tout réactif, ce qu'une épreuve positive est à une épreuve négative, c'est-à-dire que les parties précédemment blanches se peignen£ici en noir ; et non seulement l’image noire est,plus visible, plus nettement limitée, à détails plus accentués que l’image blanche, mais encore elle présente souvent des détails qu'on n'aurait su découvrir sur celle-c1; quiconque en effet s’est livré aux recherches d’embryologie a pu remarquer que souvent tel blastoderme qui, au premier abord, ne laisse dis- tinguer ni ligne primitive, ni gouttière médulluire, présente ces formations avec la plus grande évidence dès que lPacide osmique a commencé à y exercer son action. Quoi qu'il en soit, les dessins ainsi obtenus recevaient un même numéro d'ordre, qui était aussi celui du segment triangulaire de sphère - vitelline durei et conservé pour les coupes. Il devenait ainsi facile de comparer ultérieurement les résultats de l'étude des : coupes avec la configuration extérieure de la cicairicule ou du blastoderme. Quant à la pratique des coupes, notons d'abord que rien ne nous était plus facile, vu les dispositions ci-dessus indi- quées, que de les orienter avec précision; si nous coupions parallèlement à sa petite base le triangle en question, nous faisions des coupes perpendiculaires au futur axe de l’embryon ; si nous allions parallèlement à l’axe de ce triangle, au lieu de ‘coupes transversales nous avions des coupes antéro-posté- rieures, C'est-à-dire parallèles au futur axe de l’embryon, et dans tous les cas 1l nous était facile de savoir de quel côté était l’extrémité postérieure du blastoderme. Ce procédé du petit triangle nous donnait même un moyen simple de noter sur les plaques la signification des séries de coupes qui yétaient montées, 1l suffisait, en effet, et c’est ainsi qu'est étiquetée toute notre très nombreuse collection de préparations, il suffi- sait de tracer, sur l'étiquette placée à une extrémité de la plaque, un triangie vertical à sommet inférieur pour marquer qu'il s'agissait d’une série de coupes transversales échelonnées ARTICLE N° 1. . FORMATION DU : BLASTODERME. 15 en allant d'avant en arrière (schéma 8, en À) ; un triangle verti- cal (schéma 8, en B), avec sommet dirigé en haut, désignait une série de coupes transversales faites successivement d’arrière en avant; enfin, un triangle couché servait à reconnaître des coupes longitudinales, et selon que ce triangle était couché avec la petite base à gauche ou à droite, c’est que les coupes elles-mêmes étaient disposées de manière qu’à droite ou à gauche füt dirigée la région antérieure du blastoderme (schéma 8, en G et D). Remarquons en passant que, quant à la ligne primitive ou aux formations qu la précèdent, l’obliquité et la direction CE irrégulière de ces parties est telle, que \ À Cerm) les coupes longitudinales donnent des résultats non seulement comparables, mais souvent identiques à ceux des cou- pes transversales, la ligne primitive étant, sur certaines parties de son trajet, atteinte transversalement même sur les coupes longitudinales les plus rigoureusement orientées. C’est le collodion qui nous a toujours servi comme matière pour inelure et fixer sur un morceau de sureau les pièces qui étaient ensuite introduites dans la cavité du microtome. Dans divers autres mémoires nous avons indiqué les avantages du collodion sur toutes les autres substances à inclusion (1). Mais de plus nous avons pratiqué ce que nous avons appelé le collodhonage des surfaces de section, c’est-à-dire qu'avant de faire chaque coupe, nous versons sur la surface de section quelques gouttes de collodion très liquide, lequel se solidifie en quelques secondes sur la surface en question, et sert ainsi, lorsque la coupe estpratiquée, à en fixer toutes les parties, de sorte qu'aucune dislocation ne peut se produire entre elles. Cette précaution est presque indispensable pour les coupes de cicatricules ou de blastodermes, et elle nous a donné pour Schéma 8. (1) Voy. De l’emploi du collodion pour la pratique des coupes microsco- piques (Société de biologie, 1° février 1879, et Journ. de l'anatomie, 1879). — Des matières à inclusion en histologie (Revue des sciences nat., Montpel- lier, 1879). 16 M. DUVAL. l’œuf d'oiseau des résultats aussi satisfaisants que pour l'œuf de grenouille, ainsi que nous l’avons signalé dès 1880 (1). Il est indispensable de colorerles coupes, etil est également nécessaire de les monter en les disposant successivement sur une ou plusieurs plaques de verres, de façon qu’elles se suc- cèdent exactement dans l’ordre où elles ont été obtenues. II n’est donc pas possible de placer toutes les coupes dans une cupule pleine d’une faible solution de picro-carmin, car elles se mêleraient, et on ne pourrait rétablir leur ordre de succes- (1) Dans un récent travail sur l’œuf des reptiles (Reifung und Furchung des Reptiliencies; in Arbeiten aus der Zoologischzootomischen Institut in Wuzburg, t. VI, p. 159), C.-F. Sarazin déclare que le collodionage des sur- faces de section, dont il décrit très exactement la manœuvre, est le seul pro- cédé qui lui ait permis d’obtenir des coupes suffisamment minces et intactes; mais il attribye ce procédé à Mason, qui l'aurait publié dans le Zoolog. Jahres- bericht. Nous croyons donc devoir rappeler ici succinctement les principaux points de la note que nous avons communiquée, dès 1880, sur ce sujet, à la Société de biologie (De quelques perfectionnements à l'emploi du collodion en technique histologique, Société de biologie, 1880) : « Ce perfectionnement a trait aux coupes d'objets qui, par leur nature, semblent se soustraire à la pratique des coupes régulières. Les œufs de Batraciens, par exemple, lorsque la segmentation a donné les grosses cellules qui constituent le blastoderme, sont extrêmement difficiles à débiter en coupes, parce que les cellules, relati- vement grosses et pleines de grains ou tablettes vitellines, se vident de ces tablettes lorsque le rasoir les a ouvertes, à peu près comme se viderait un sac de blé éventré. Pour éviter cet inconvénient, il ne suffit pas d’avoir collo- dionné la pièce en masse (l’œuf tout entier), il faut collodionner après chaque coupe la surface de section de l’objet, de manière que les éléments qui vont faire partie de la coupe suivante se trouvent agglutinés à la face inférieure d’une lamelle de collodion. Ce procédé n’est pas aussi long qu’on pourrait le croire au premier abord, car le temps nécessaire pour monter et disposer sur la lame porte-objet la coupe qu’on vient de faire, suffit pour que le collodion dépose sur la surface de section se solidifie assez pour rendre possible la coupe suivante. (Comme toujours, lorsqu'on manie le collodion en histologie, il ne faut pas le laisser sécher, mais larroser d’un peu d'alcool lorsqu'il s’est soli- difié.) » Depuis cette époque, ce mode d’emploi du collodion est devenu une pratique courante dans notre laboratoire. M. G. Hervé l’a appliqué pendant toutes ces dernières années pour une série de recherches qu'il publiera bientôt sur le développement de l'extrémité céphalique de l'embryon, et nous nous sommes fait un plaisir de donner, à toute personne qui désirait avoir recours cette technique, des renseignements pratiques plus explicites qu’on n’en peut fournir dans une indication théorique. Nous ne doutons pas que cet AUDIO du collodion ne devienne très général. ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 17 sion. C’est pourquoi il faut, au fur et à mesure que les coupes sont faites, les recevoir successivement sur une plaque de verre, les y disposer et les y laisser d’une manière définitive. [1 faut donc que les coupes soient colorées sur la lame de verre qu’elles ne doivent plus jamais quitter, pour éviter toute inter- version dans leur disposition sériaire. À cet effet, nous em- ployons une solution de piero-carmin étendue d’une forte pro- portion de glycérine ; quelques gouttes en sont déposées sur chaque coupe ou série de coupes, et on peut laisser les choses dans cet état pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures, temps suffisant pour la coloration. On n’a pas à craindre, vu l’emploi de la glycérine, que la préparation se dessèche. Quand on juge la coloration suffi- sante, on incline légèrement la plaque de verre pour faire écouler la glycérine colorée, et avec une pipette on lave soi- gneusement les coupes, toujours laissées en place sur la lame de verre, en les arrosant à plusieurs reprises de quelques gouttes d’eau. Dans un mémoire précédent (1) nous avons indiqué comment par ce procédé on obtenait une bonne colo- ration des éléments anatomiques de la coupe, sans avoir à craindre que le collodion conserve une coloration qui nuirait à la netteté de la pièce. Dans ce même mémoire nous avons dit comment on arrivait, après lavage à l’alcool ordinaire, puis à l'alcool absolu, à monter les pièces dans le baume du Ca- nada, en renonçant à l’emploi de l'essence de térébenthine, et y substituant l’essence de girofle, afin d'éviter la production, dans la préparation, de taches blanches et de nuages en magma. Nous ajouterons donc ici seulement le détail technique suivant, qui constitue un perfectionnement assez important. Même par l'emploi de l’essence de girofle, même en chauffant légèrement la plaque porte-objet pendant les manipulations que nous venons de rappeler, il arrive encore trop souvent, (1) Sur la Corne d’Ammon (morphologie et embryologie) (Archives de Neu- rologie, n°® 6 et 7, 1881-1882, p. 14 et 16). 18 M. DUVAL. surtout si le temps est humide, que des nuages et taches blan- ches (vapeur d’eau condensée) se produisent dans la prépara- tion. En recherchant un liquide qui pût être substitué avec avantage à l’essence de girofle et qui püt servir de dissolvant au baume du Canada, nous avons trouvé que la benzine satis- faisait à tous les désidérata. Le procédé que nous emplovons ac- tuellement et qui nous a servi pour les préparations du blasto- derme, est donc exactement celui que nous avons décrit à la pa ge 16 de notre mémoire sur la corne d’Ammon, avec cette seule différence que la benzine est substituée à l’essence de oirofle et au chloroforme. Les benzines qu’on trouve dans le commerce sont innombrables ; nous en avons essayé diverses, etce ne sont pas toujours les plus pures qui nous ont le mieux réussi; celle qui nous à donné des résultats absolument 1rré- prochables est tout simplement la benzine Collas, qu’on trouve partout employée pour enlever les taches de graisse sur les étoftes. 2° Matériaux d'études. — Pour justifier et l'étendue du pré- sent mémoire et la nature des matériaux que nous avons em- ployés, 1l ne sera pas inutile d'indiquer ici comment nous avons été amené à recueillir ces matériaux dans des conditions spéciales qui nous ont fourni des objets d'étude beaucoup plus complets que nous ne l’aurions espéré tout d’abord. En précisant de plus le but comparatif et critique de cette étude, nous montrerons que nos résultats, quoique obtenus, pour ce qui est de la cicatricule en segmentation, dans des conditions assez différentes de celles où ont opéré la plupart des autres observateurs (Coste, Külliker, Œllacher, Gœætte, etc.), sont cependant comparables avec ceux-ci. Notre projet primitif avait été d'étudier simplement la constitution du blastoderme sur l’œuf de poule fécondé, frai- chement pondu, non incubé, et de suivre les modifications qui s’y produisent jusqu’à l'apparition de la ligne primitive, c’est- à-dire pendant les douze ou quinze premières heures de l’in- cubation. Mais dès nos premières recherches nous avons été frappé de la grande variété d'état de développement du blas- ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 19 toderme sur ces œufs non couvés. Parfois, quoique rarement, nous y avons trouvé déjà la ligne primitive, très caractérisée sur les coupes, si toutefois elle n’était pas déjà apparente sur les vues en surface, soit avant, soit après l’action de l'acide osmique. Nous verrons ultérieurement pourquoi cette ligne primitive, quoique bien présente, peut n'être pas reconnais- sable à l'examen en surface, à la lumière réfléchie; cela tient à l’état de développement de la cavité sous-germinale. D’au- tres fois Le blastoderme était à peine formé ; 1l se compose alors d’une masse de sphères de segmentation, dont les superti- cielles seules sont disposées en une couche régulière, de sorte qu'alors, en fait de feuillets, 1l ne peut être encore question que d’un feuillet supérieur, dont les éléments ne sont même disposés en couche distincte que dans les régions centrales et non dans les parties périphériques. Aussi constate-t-on un complet manque d'accord entre les auteurs au sujet de l’état type du blastoderme de l’œuf non incubé, état qui a cependant dû être le point de départ de leurs descriptions. Ainsi His et Waldeyer, comme le fait re- marquer À. Gœætte (1), ont décrit, comme blastodermes non incubés, un état de développement notablement plus avancé que ne l’ont fait Gœtte lui-même, ainsi que Klein (2), Œlla- cher (3) et Peremeschko (4) : celui-ci notamment figure un blastoderme qui se présente en réalité comme une cicatricule dont les parties périphériques sont en voie de segmentation. Kôlliker, par contre, s’est attaché à prendre comme type de l'œuf non incubé des formes en général très avancées, et c’est (1) Alexandre Gœtte, Beitrage zur Entwicklungsgeschichte der Wirbel- thiere ; die Bildung der Keimblätter und des Blutes in Hühnerei (Archiv f. mikrosk. anat., Bd 10, p. 145). (2) Klein, Das mittlere Keimblatt in seinen Beziehung zur Entwicklung der ersten Blutgefässe (Sitzb. der mathem. naturw., t. LXIIL, 2° partie). (3) Joseph Œllacher, Untersuchungen über die Furchung und Blatterbil- dung im Hühnereie (Studien aus dem Institute für experimentelle Patholo- gie in Wien., t. I, 1869, p. 54). (4) Peremeschko, Ucber die Bildung der Keiïmblätter im Hühnerei (Sitzb. d. k. Akad. d. Wissensch., t. LVII, 1868). 90 M. DUVAL. peut-être là une des causes qui l’ont amené à méconnaitre la vraie nature de ce qu’il appelle le bourrelet entodernique, qu'il considère comme présentant une même constitution à toutes les phases du développement. Sans entrer ici dans cette ques- tion de critique, qui sera traitée plus lom, examinons ce qui est relatif d’une part aux blastodermes très avancés, et d'autre part aux blastodermes très peu avancés pris sur des œufs non incubés. Quant aux blastodermes très avancés, il est évident que leur état peut tenir en partie au temps qui s’est écoulé depuis la ponte de l’œuf, si celui-e1 n’a pas été recueilli et préparé ausst- tôt après la ponte, condition que nous nesommes pas toujours en état de réaliser. En effet, si la température extérieure est éle- vée, le développement se continue, très lentement, ilest vrai, ce qui fait qu’au bout de trente-six ou quarante-huit heures on se trouve en présence d’un œuf semblable à celui qui aurait subi une incubation de six à huit heures. Parfois les choses vont plus loin, et on sait en effet que Malpighi, étudiant en Italie pendant les fortes chaleurs de l’été, se trouva, sur des œufs non incubés, en présence de blastodermes présentant déjà une gouttière médullaire, c’est-à-dire un rudiment embryon- naire bien caractérisé (1). Ces faits nous montrent combien il (1) Ce furent même ces observations qui firent de Malpighi un partisan de la doctrine de la préexistence des germes, ainsi que nous avons eu occasion de le rappeler dans nos leçons à l’École d’anthropologie (De l'embryologie et de ses rapports avec l'anthropologie, in Revue d'anthropologie de P. Broca, 1881, p. 26). € Pour vérifier la doctrine de la préexistence des germes, Malpighi examina des œufs non couvés,; il crut y reconnaître, il y reconnut bien réelle- ment, comme ses dessins en font foi, les premiers délinéaments d’un embryon. Un anatomiste, un observateur consciencieux, ne pouvait guère, semblait-il, en: demander davantage; 1l n'avait plus qu’à se rendre à la doctrine de la préexis- tence des germes, de la préformation de l’embryon dans l'œuf; c’est ce qu'il fit. Et cependant, si l’observation était exacte, la conclusion était erronée ; elle reposait sur un cas, dont, selon l’expression de notre illustre maître CI. Ber- nard, le déterminisme n’avait pas été rigoureusement établi. Ce déterminisme du fait observé par Malpighi, on a pu le reconstituer aujourd’hui, en relisant le mémoire de Malpighi, en tenant compte des circonstances de son observation. En effet, comme l'avait déjà signalé Wolf, et, comme l’a fait remarquer plus récemment Dareste, l'œuf étudié par Malpighi était pondu depuis vingt-quatre ARTICLE N° 1. FORMATION. DU BLASTODERME. 91 serait puéril, pour établir une série des états de développement dans les premières heures (aussi bien que dans les premiers jours) de l’incubation, de s’en tenir à la durée de l’incubation subie parchaque œuf, car, si avant toute action de la chaleurde la couveuse, deux blastodermes sont à des états très divers de développement, il est évident qu’après avoir séjourné ensem- ble quatre ou six ou quinze heures dans la couveuse, ces blas- todermes conserveront encore la distance qui les séparait pri- mitivement l’un de l’autre, quant à leur degré d'évolution. Et c’est ce qui a lieu en effet; c’est pourquoi, dans les premiers jours du développement, quand on dit que tel stade corres- pond à tel âge d’incubation, on considère cette désignation seulement comme répondant à une moyenne générale, de laquelle les cas particuliers peuvent présenter les plus grands . écarts. Dans ces conditions aussi nous n'avons pas à nous excuser d'avoir renoncé à faire usage de l'incubation à des températures inférieures à 38 degrés, puisque là non plus nous ne trouverions pas une condition qui nous permit de juger à coup sûr et à priori de l’état relatif de développement de divers blastodermes, d’après la durée de l’action de la tempé- rature en question. Nous savons bien que Külliker a recom- mandé ce mode de recherche, comme propre à permettre de heures, et l’observation était faite en Italie, au mois d'août, c’est-à-dire dans des conditions de température très élevée, puisque Malpighi lui-même note ce fait : Mmagno vigente calore observabam, dit-il. Une chaleur qui est notée comme remarquable en Italie, au mois d’août, est, en tout cas, supérieure à 28 degrés ou même à 30, et dès lors nous rentrons dans le cas vulgaire de développement par l’effet de la simple chaleur ambiante naturelle, fait qu’il a été donné à tout embryologiste ou à tout éleveur d'observer, sans que pour cela nous soyons tentés de faire retour vers la doctrine de la préexistence de l’em- bryon dans l’œuf. » Il va sans dire que le temps écoulé entre la ponte et l'instant d'observation est la principale condition qui fait entrer en action l’influence de la tempéra- ture extérieure, comme le fait remarquer Kôlliker : « C’est ainsi, dit-il (trad. fr., p. 101), que His, opérant sur des œufs vraisemblablement pondus depuis longtemps, a trouvé des disques proligères de 4 millimètres 1/2 et même de 6Mm,5; et, dans ce dernier cas, avec des traces de ligne axile. J’ai moi-même rencontré plusieurs faits de ce genre pendant les fortes chaleurs de juillet 1874. » 22 M. DUVAL. saisir plus facilement, en ralentissant leur marche, les phéno- mènes dont le processus est très rapide dans l’incubation nor- male, à 38 degrés. Mais en ouvrant un grand nombre d'œufs non incubés, on arrive au même résultat, puisque alors on trouve des blastodermes qui sont très développés sans avoir subi aucune ineubation, et il est facile, d’après l’état de leurs feuillets, de déterminer lesquels de ces blastodermes doivent être considérés comme plus jeunes que tels autres. C’est donc uniquement par l'étude microscopique des blastodermes débi- tés en coupes, que nous établissons leurs âges et non en nous guidant sur ce que les uns sont non incubés, tandis que les autres auront subi quatre ou six heures d’incubation. Gela ne nous à pasempèêché, d'autre part, de recueillir des blastodermes d'œufs à toutes les heures de l’incubation, depuis la première jusque vers la vmgtième heure, afin d'établir une échelle géné- rale chronologique du développement, c’est-à-dire de pouvoir assigner à telle heure de l’incubation tel stade de l’évolution, mais toujours avec celte restriction que les cas particuliers peuvent présenter, à ce point de vue, les écarts les plus consi- dérables d'avec la forme considéré comme type moven. Gette manière de procéder ne vise pas à faire parade d’une exacti- tude que ne comporte pas le sujet, et elle est pour le moins aussi sûre, chronologiquement, que celle qui consiste, comme l’a fait C. Kæller, à mettre en série des blastodermes dont le premier est d’un œuf ayant vingt-deux à vingt-quatre heures d'incubation à 27 degrés centigrades, le second douze heures à 51 degrés, le troisième dix-huit heures à 31 degrés, le qua- trième douze heures à 38 degrés (1). Quant aux œufs qui présentent, au moment de la ponte, un développement très peu avancé, il est plus difficile d'apprécier la cause de ce retard, qui fournit de si précieux objets d'étude, puisqu'il nous permet d'étudier les cicatricules telles qu’en (1) Carl Kœller, Beiträge zur Kenntniss des Hühnerkeims im Beginne der Bebrutung (Sitzb. d. Akad. d. Wissensch.. t. LXXX, 1879) (Voy. ci-après, 3° partie, l’analvse complète de ce travail). ARTICLE N° {. FORMATION DU BLASTODERME. 95 oénéral on ne les trouve qu’en sacrifiant des poules pour re- cueillir l’œuf dans l’oviduete un certain nombre d'heures avant celle où il aurait dû être pondu. Œllacher, qui à été très frappé de ces diversités dans le degré de développe- ment (1), et qui, chose très significative, les a retrouvées sur des œufs extraits de l’oviducte depoules sacrifiées, pense avec His qu’une certaine influence doit être attribuée à la saison dans laquelle est faite l'observation, car il a remarqué que des œufs examinés immédiatement après la ponte avaient présenté des stades de développement très divers, selon l’époque de l’année. Mais Œllacher pense qu’il faut encore et surtout attribuer une grande influence à ce qu'il appelle l’in- dividualité de l'œuf, hypothèse fort admissible, mais qui, actuellement, se dérobe à toute recherche. En lisant le mé- . moire d’'Œllacher, nous nous sommes demandé si, en même temps que l’individualité de l’œuf, il n’y aurait peut-être pas aussi à tenir compte de l’individualité des parents, surtout de la poule, hypothèse qui cette fois se prêterait aux recherches de contrôle, qui consisteraient simplement à rechercher si tous les œufs d’une même poule présentent, à une même époque de l’année, le même état identique de développement. On vérifierait ainsi du même coup et l’influence des saisons et l’influence de l’individualité de la mère, en examinant, bien entendu, l’œuf aussitôt, après la ponte. Nous n'avons pas fait cette recherche, un peu fastidieuse, si elle n’a qu’un but aussi restreint que celui énoncé ci-dessus, mais qui pourra être entreprise en l’associant à d’autres investigations plus larges. Cependant cette hypothèse nous à amené à en faire une autre, qui nous à mis sur une piste très fructueuse pour nos travaux. Si des poules peuvent, comme variété individuelle, pondre des œufs plus ou moins avancés dans leur développement, 1l est fort probable qu’en s'adressant à des oiseaux d’espèces différentes on trouvera, d’une espèce à l’autre, des différences (1) J. Œllacher, Die Veranderung des Unbefruchteten Keimes des Huhne- reies îm Eïleiter. Leipzig, 1872 (voy. p. 19). 2% M. DUVAL. encore plus grandes dans l’état de formation du blastoderme sur l’œuf au moment de la ponte. Nous étions encore fortifié dans cette idée par la pensée que peut-être chez les espèces de petite taille, à oviducte plus court, à œuf moins chargé d’albumine, l’œuf séjourne moins longtemps dans l’oviduete et par conséquent doit se trouver, lors de la ponte, à des stades plus rapprochés du début de la segmentation. Telle est l’hypothèse qui nous a fait porter nos recherches sur des œufs de moineau, de rossignol, de serin, de perroquet (perruche ondulée), de colins, etc.; ces derniers oiseaux étaient apprivoisés et en cage, de sorte qu’il était facile de recueillir l'œuf et de le préparer aussitôt après la ponte. Notre espoir n’a pas été déçu; c’est sur ces œufs que nous avons pu retrouver des cicatricules en pleine segmentation et reconsti- tuer, stade par stade, les toutes premières origines du blasto- derme, alors que l'œuf de la poule ne nous avait donné que quelques rares états analogues. C’est ainsi que le champ de notre travail s’est trouvé singu- lièrement élargi. Il ne s'agissait plus d'étudier seulement l’ori- gine de la ligne primitive, mais bien d'examiner l’origine des feuillets du blastoderme aux dépens des sphères de segmenta- tion et de remonter jusqu'aux premiers stades de la segmen- tation, en recherchant toujours si, pendant ces premières périodes, les parties sont différemment disposées au niveau de la future région antérieure et au niveau de la future région postérieure. À ce moment nous nous trouvions amené à désirer de re- prendre, comme l'ont fait Œllacher et Kôlliker, l’étude d'œufs recueillis dans l’oviducte de poules sacrifiées. Mais un double doute se présentait cependant. Ou bien nous recueille- rions des œufs arrivés dans la partie inférieure de l’oviducte, dans l’utérus, et déjà revêtus du dépôt calcaire constituant la coquille; ou bien nous recueillerions des œufs à l’état de sphère du jaune en train de se revêtir d’albumine. Dans le premier cas, l'œuf présentant un gros et un petit bout, nous pourrions nous orienter quant aux parties antérieure et posté- ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 95 rieure de la cicatricule, mais nous n’aurions en somme que les stades de développement déjà représentés par notre série de cicatricules d'œufs de petits oiseaux fraîchement pondus. Dans le second cas, nous serions en possession des matériaux que nous devions le plus rechercher, c’est-à-dire des premiers stades de la segmentation; mais, ignorant la future place du gros bout et du petit bout de l’œuf, nous ne saurions nous orienter quant à la cicatricule, et les résultats ainsi obtenus ne compléteraient pas dans le sens voulu la série de nos pré- parations. Heureusement une circonstance spéciale nous per- mit de poursuivre les recherches dans les conditions voulues d'orientation, en recueillant des matériaux qui, tout en pa- raissant à priori anormaux, devaient nous donner des résul- tats comparables avec ceux qu’on obtient dans les conditions normales. Nous avions, en effet, au laboratoire une poule qui, ayant antérieurement servi à des expériences, était conservée isolée, loin de tout coq, et pondait régulièrement ses œufs; en ayant préparé quelques-uns pour voir quel pourrait bien être l’état de leur cicatricule, nous fûmes fort surpris de ly trouver en pleine segmentation, sans qu'il y eût encore indication d’un feuillet blastodermique supérieur déjà distinct. À ce même moment, nous primes connaissance du mémoire de J. Œlla- cher (cité ci-dessus, 1872) sur les œufs nonfécondés de poule, et nous vimes que cet embryologiste avait constaté que le dé- veloppement de ces œufs non fécondés est la règle générale (développement qui ne dépasse pas les premiers stades et qui s'arrête au bout de peu d’heures lorsque ces œufs sont mis à la couveuse), et qu'en moyenne l’œuf non fécondé fraichement pondu présente une cicatricule semblable à celle d’un œuf fécondé pris au milieu de ce que Œllacher appelle la période intramétrale du développement, c’est-à-dire entre la première et la seconde moitié de son séjour dans l’oviducte ; souvent ce développement est celui d’un œuf fécondé recueilli dans la partie toute supérieure de l’oviducte, c’est-à-dire présente les premières phases de la segmentation. Œllacher a donné de 26 M. DUVAL. nombreuses figures de ces cicatricules non fécondées, figures qui nous suscitaient vivement à obtenir de semblables coupes sur de semblables œufs, mais en nous attachant à nous orien- ter sur la direction du blastoderme, c’est-à-dire à distinguer sa future région antérieure et sa future région postérieure, chose qui devenait dès lors très facile en opérant sur des œufs non fécondés fraîchement pondus, puisque alors nous avions pour points de repère le gros et le petit bout de l'œuf. Nous avons donc dès lors recueilli un certain nombre d'œufs de poule non fécondés, et nous en avons préparé la cicatricule par les procédés du petit triangle ci-dessus exposés. Toujours nous avons trouvé ces cicatricules en voie de développement, c’est-à-dire de segmentation plus où moins avancée (1). Œl- lacher lui-même déclare n’avoir trouvé qu’une seule fois un œuf non fécondé ne présentant pas de trace de développement, et encore cet œuf, dans sa cicatricule sans indice de segmen- tation, ne présentait-1l plus de trace de la vésicule germina- tive (Œllacher, op. ct., p. 20). De plus, nous avons pu nous procurer, chez un marchand d'oiseaux, bon nombre d'œufs non fécondés de serin, de colin et de perruche ondulée ; ici encore nous avons toujours trouvé le germe en voie de déve- loppement, et dans des stades en général plus primitifs encore que sur l’œuf de poule dans les mêmes conditions. Ce sont ces matériaux, œufs non fécondés et fraichement pondus de poules et divers petits oiseaux, qui nous ont servi pour l'étude des premières phases du développement. Sans doute, si les phénomènes de la segmentation du germe de (1) Ce développement de l’œuf non fécondé représente un véritable cas de parthénogénèse. De l’ensemble des observations d’'Œllacher, de celles de Motta- Maia, comme des nôtres, il résulte que ce développement parthénogénétique de l'oiseau va jusqu’au stade qui correspond à la fin de la segmentation, c’est-à- dire au moment où le germe forme une masse segmentée lenticulaire, convexe à sa face inférieure. Soumis à l’incubation artificielle, ces blastodermes n’arri- vent jamais à l’état caractérisé par l’étalement de leur masse entodermique primitive en un feuillet inférieur, c’est-à-dire qu'ils n’atteignent pas le stade de développement que nous décrirons ci-après comme type de l’œuf fécondé frai- chement pondu. ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 97 l'oiseau étaient inconnus, nous ne saurions légitimement prétendre à venir en révéler la nature à l’aide de matériaux du genre de ceux que nous avons employés. On pourrait toujours objecter que nous avons observé des faits anor- maux, en dehors des circonstances nécessaires à un dévelop- pement régulier, en l’absence de fécondation. Mais, depuis les travaux de Coste, l’étude microscopique de coupes du germe en seomentation a été faite par Kôlliker et par Œllacher lui- même dans un autre mémoire que celui cité ci-dessus (1). Œllacher à constaté que les œufs non fécondés fraichement pondus sont semblables à des œufs fécondésrecueillis avant la ponte. Toutes nos coupes sur des œufs non fécondés sont com- parables à celles figurées par Kôlliker et par Œllacher d’après des œufs fécondés pris sur l’oviduete. Nos résultats doivent donc être considérés comme relatifs à des faits normaux ; seu- lement, comme ils ont été fournis par des œufs toujours pour- vus de coquille, c’est-à-dire où l’orientation était facile, ces résultats viennent non pas seulement s'ajouter à ceux de Kôül- liker et d’Œllacher, mais les compléter en ce sens que nous ayons pu toujours déterminer la direction dans laquelle étaient pratiquées les coupes, et reconnaître les différences que pré- sentent dès le début la future région antérieure et la future région postérieure du blastoderme. De plus, il nous parait que nous avons pu plus régulièrement débiter chaque cicatri- cule en une série de coupes, dont toutes ont été conservées en série dans leur ordre naturel, de sorte que nous pouvons re- connaître si telle coupe d’une cicatricule porte sur les parties périphériques ou sur les parties centrales de cette cicatri- cule (2). De ces deux conditions il résulte qu’il nous est de- (1) Dans le mémoire auquel il est fait ici allusion (Untersuchungen über die Furchung und Blatterbildung im Huhnerei. — Laborat. de Stricker, 1869) et qui est antérieur de trois ans à celui consacré aux œufs non fécondés, (Œlla- cher étudie la segmentation sur des œufs recueillis dans l’oviducte de poulies sacrifiées entre deux pontes. (2) C'est ce que n’a pas fait Œllacher, car à plusieurs reprises, dans son mémoire de 1869, il hésite à trancher certaines questions, déplorant à chaque fois de n’avoir pas conservé toutes les coupes d’une cicatricule donnée, et pen- 28 M. DUVAL. venu possible, étant donnée une coupe figurée par l’un des auteurs en question, de dire et dans quelle direction, et dans quelle région de la cicatricule a été faite cette coupe, d’expli- quer ainsi la signification des particularités qu’elle présente et de discuter la valeur de ces particularités, c’est-à-dire de juger la valeur des conelusions de l’auteur alors que celui-ci a généralisé à toute l'étendue du blastoderme ce qui n’est exact que pour une certaine région et pour une certaine direc- ton. C’est là, dans notre pensée, Le principal objectif du pré- sent travail, qui, comme s’il s'agissait de recherches expéri- mentales, ne cherche nullement à produire de nouveaux résultats en contradiction avec ceux des auteurs antérieurs, encore moins à constater les contradictions qui existent entre ces auteurs, mais bien à établir le déterminisme des faits qui ont motivé les conclusions de ces auteurs, en montrant dans quelles mesures topographiques sont exactes ces conclusions. sant que la solution du problème se trouverait peut-être dans l’une des coupes omises. Voyez notamment, pour ce qu'il dit de l’œuf ovarien, la page 58 du mémoire cité (1869), et pour ce qui est des sillons de segmentation, la page 61. De plus, Œllacher faisait ses préparations de la manière suivante (Stud. aus dem Institute f. experim. Pathologie in Wien., 1869, p. 55) : l'œuf était placé pendant deux jours dans une solution chromique; il acquérait ainsi une couche périphérique solide, dont on pouvait, avec le rasoir, enlever un segment con- tenant la cicatricule en son centre. Ce segment était placé pendant quatre à six heures dans l’alcool absolu, puis dans de la térébenthine, où il demeurait jusqu’à parfaite imbibition. 11 était alors inclus dans un mélange de cire et d’huile, pour être débité en coupes. On voit que ce procédé n’était guère favo- rable à la constatation des noyaux. Aussi, dans les études qui vont suivre décrirons-nous des noyaux qu'il n’a pas observés, et dont la présence et les dispositions sont de la plus haute importance pour comprendre la segmentation proprement dite, et ce que nous appelons la segmentation secondaire (dans le vitellus du plancher de la cavité sous-germinale). De plus, le procédé d’Œlla- cher pourrait faire penser à la production de ruptures par retraits brusques dans la pièce, et faire interpréter les sillons de segmentation qu’il décrit comme des productions artificielles. C’est dans cette pensée qu’en 1877 Motta- Maia, au laboratoire de Schenk, a repris l'étude des œufs non fécondés fraîche- ment pondus (Motta-Maia, Einiges über den Bau der unbefruchtetengeleglen Eier einer Turteltaube. Mittheilungen aus dem Embryologischen Institute in Wien., 1877, t. I, p. 85); il s’est servi d'œufs de tourterelle, et est arrivé à des résultats très comparables à ceux d'Œllacher et à ceux que nous donne- rons ci-après. ù ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 929 Nous devonsajouter cependant que nous ne nous sommes pas contenté de l’étude des œufs non fécondés fraîchement pondus; dans ces derniers temps, nous avons sacrifié quelques poules pour recueillir l’œuf pendant sa migration dans l’oviducte. Les résultats obtenus dans les quelques recherches que nous avons faites ainsi ont été assez conformes avec ce que nous avions observé dans les autres conditions, pour que nous ayons cru inutile de poursuivre longuement ces sacrifices, pour lesquels nous n'avions du reste, à aucun égard, une installa- tion suffisante. Nous diviserons l'exposé qui va suivre en quatre parties : dans la première, nous étudierons l’état du blastoderme de l'œuf non incubé, et rechercherons quelles transformations successives ont amené cet état depuis le début de la segmen- tation. Dans la seconde, nous étudierons les transformations du blastoderme dans les premières heures de l’incubation jusqu’à l'apparition de la ligne primitive. C’est ici que nous aurons à passer en revue les phénomènes les plus importants (bourre- let entodermo-vitellin, origines du mésoderme, etc.). Dans la éroisième, nous confirmerons les conclusions pré- cédemment émises sur le mode de formation et la significa- üon de la ligne primitive, en donnant une analyse com- plète de deux mémoires de Kæller sur ce sujet (mémoires qui aboutissent à une interprétation absolument opposée à la nôtre) et en montrant les causes qui ont amené cu auteur à cette interprétation erronée. Enfin la quatrième partie comprendra nos conclusions gé- nérales, et à propos de quelques-unes de ces conclusions un exposé historique et critique des questions qu’elles nous pa- raissent venir trancher. ANN. SC. NAT., ZOOL., JUILLET 1884. XVIII 9. — ART. N° {. 30 M. DUVAL. PREMIÈRE PARTIE. [. — STADE DU BOURRELET BLASTODERMIQUE. Pour exposer, d’une manière plus concise et plus nette à la fois, la formation du blastoderme, le mieux est de prendre comme point de comparaison, c’est-à-dire de décrire tout d’abord, l’état du blastoderme sur un œuf fécondé, fraiche- ment pondu, et non incubé, puis d'examiner successivement, d’une part, les transformations par lesquelles ce blastoderme dérive des éléments de la segmentation, et, d'autre part, les transformations qu'il subit ultérieurement jusqu’à ce que la ligne primitive et les premiers rudiments embryonnares se dessinent extérieurement sur lui, dans les vues en surface, à la lumière réfléchie. Ce mode de procéder aura de plus lavan- tage de rendre plus facile l’étude critique des travaux anté- rieurs, puisque la majorité des auteurs ont pris pour point de départ le blastoderme de l’œuf fraichement pondu et n’ayant subi aucune incubation. Quoique, ainsi que nous l'avons dit tout d’abord (ci-dessus, p. 19), rien ne soit plus variable que l’état de développement du blastoderme sur l’œuf fraichement pondu, il est cependant un état que ce blastoderme présente dans un plus grand nombre de cas, et qu'on est autorisé à prendre comme type de ce stade. Cet état, qui est comme une forme moyenne, offre de plus lavantage de présenter une constitution qui se prête très bien à servir à l’étude des stades antérieurs et des stades subséquents. Toutefois, pour ne pas choisir trop arbitraire- ment ce type, nous en représenterons deux formes, qui sont non pas les deux extrêmes qu'on puisse rencontrer, mais seu- lement les deux variétés entre lesquelles oscille la moyenne des cas. Ces deux formes, dont la première est un peu moins avancée en développement que la seconde, mais qui en somme sont très voisines l’une de l’autre, sont représentées par la ARTICLE N° Île FORMATION DU BLASTODERME. 31 figure 17 (dont dépendent les figures 18, 19 et 20) et par la figure 21 (dont dépendent les figures 22 et 23) (voy. pl. IT). Avant de décrire le blastoderme lui-même, examinons ses rapports avec le reste de l’œuf : l’ensemble en est représenté par la figure 21; c’est une coupe antéro-postérieure d’un blas- toderme (AP), avec les parties voisines du vitellus blanc et du vitellus jaune : en À est l'extrémité antérieure du blastoderme, en P son extrémité postérieure : vô est le vitellus blanc, for- mant une figure en forme d’entonnoir, connue sous le nom de Noyau de Pander (noyau vitellin blanc ; noyau de la cicatricule de Pander ; latebra, etc. ; voy. Kôülliker, trad. fr., p. 20), et en- cadrée de chaque côté dans le vitellus jaune (vÿ), qui forme le reste de la sphère vitelline. On voit que le blastoderme est étendu sur le vitellus blanc, qui s’évase en haut pour le rece- voir ; les parties les plus périphériques du blastoderme (extré- mités antérieure et postérieure) reposent presque directement sur le vitellus jaune, car 1c1 le vitellus blanc ne forme qu’une couche très mince, et 1l est constitué par des granulations relativement volumineuses, dans lesquelles, en allant des couches superficielles aux couches profondes, on trouve toutes les formes de transition entre le vitellus blanc proprement dit et les grosses sphères du vitellus jaune. Nous reviendrons sur la nature de ces éléments en étudiant la segmentation. Pour le moment il nous suffira d’avoir précisé les rapports du blas- toderme avec le noyau de Pander : on voit que ce noyau cor- respond au centre du blastoderme ; 1l est quelquefois un peu plus rapproché de son extrémité antérieure que de son extré- mité postérieure, c’est-à-dire que le blastoderme est placé un peu excentriquement, s'étendant plus loin en arrière qu’en avant, disposition qui est plus accentuée et constante dans d’autres phases du développement, ainsi que nous le verrons plus loin. Quand on ouvre un œuf dont le blastoderme est à l’état représenté par la figure 21, et qu’on l’examine en sur- face, à la lumière réfléchie, on constate qu'il se présente comme une tache blanche, ayant en moyenne 3 millimècres 1/2 de diamètre (le blastoderme représenté par la figure 21 mesu- 32 M. DUVAL. rait 3,4; il est figuré ici à un grossissement de 15 à 18 fois). Cette tache blanche est formée par une bordure plus blanche, en forme d’anneau un peu plus épais en arrière qu’en avant, entourant une partie centrale à couleur blanche moins in- tense que lanneau; enfin au centre de cette partie, on voit par transparence le noyau de Pander, qui, se présen- tant selon sa plus grande épaisseur, produit l'aspect d’un corps opaque et blanc, sous-jacent à la partie centrale du blastoderme. Tous ces aspects sont très variables du reste, et il ne faut attacher d'importance qu’au cercle blanc for- mant bordure, dont nous allons par les coupes avoir l’exacte interprétation. A. Examinons à cet effet la figure 17. qui nous donne l’un des types de l’œuf fécondé, fraîchement pondu. L'état repré- senté dans cette figure se rencontre environ 4 fois sur 10 sur l’œuf de poule (on trouve 4 fois sur 10 l’état représenté par la figure 22; et les autres 2 dixièmes des cas correspondent aux blastodermes très peu avancés, où très avancés en développe- ment au moment de la ponte; voy. p. 19); cependant la figure 17 a été faite d’après un œuf de rossignol; vu en sur- face, à la lumière réfléchie, ce blastoderme se présentait comme un disque blanc, à bords très nets, mesurant un peu pius de 2nullimètres en diamètre (la figure 17 est à un grossis- sement de 45 à 90 fois), et ne laissant que vaguement recon- naître une bordure blanche plus foncée que la partie cen- trale ; à travers cette dernière le noyau de Pander ne se révélait non plus que très indistimctement. La partie du vitellus voi- sine du blastoderme formait autour de celui-ci une zone cir- culaire mal délimitée, parsemée de taches foncées (vacuoles, Voyez ci-après). En choisissant la coupe qui porte sur un grand diamètre de ce blastoderme, c’est-à-dire l’intéresse dans sa partie la plus large, dans une direction antéro-postérieure (fig. 17; en A extrémité antérieure, en P extrémité postérieure), on voit que ce blastoderme est différemment constitué dans ses parties centrales et à ses extrémités. ARTICLE N° 1e FORMATION DU BLASTODERME. DS Dans ses parties centrales (de e en c’, fig. 17), il est formé de deux couches bien distinctes : une couche supérieure (er, fig. 17) composée de cellules cubiques ou cylindriques, dispo- sées sur un rang (voy. fig. 19), comme un épithélium, à une seule couche ; c’est le feuillet externe ou ectoderme ici parfai- tement constitué et bien indépendant ; une couche inférieure, formée de cellules rondes, disposées sans ordre fixe, non en une couche nette, mais en une sorte de réseau (voy. fig. 19, in', composé de cordons cellulaires diversement dirigés, venant les uns se mettre en contact avec la face inférieure de l’ectoderme, les autres proéminer à la face inférieure de la couche irrégulière qu'ils constituent. Gette couche, c’est le feuillet interne, l’entoderme; mais comme, tel qu'il se pré- sente en ce moment, cet entoderme est encore mal différencié, présente à sa face inférieure des sphères de segmentation plus grosses que les autres cellules qui le composent, et qu'il se dé- doublera plus tard, au moins en certaines régions, en méso- derme et en entoderme proprement dit, nous lui donnerons pour ce stade, et pour un certain nombre d’autres stades voi- sins, le nom d’entoderme primitif, et nous le désignerons, dans les figures, par les lettres 2". A ses extrémités le blastoderme est constitué d’une manière analogue, mais avec les particularités suivantes. En arrière (fig. 17, de bbp en c, et fig. 18) il est très épais; sa couche su- périeure forme un ectoderme bien caractérisé, mais qui n’est pas aussi nettement isolé des cellules sous-jacentes que dans la partie centrale ; ces cellules sous-jacentes forment un ento- derme primitif très épais, à plusieurs assises d'éléments plus serrés les uns contre les autres, et comprenant aussi des sphères de segmentation relativement grosses (g, fig. 18). On voit de plus qu'à l’extrémité toute postérieure, sur le bord même du blastoderme, l’ectoderme se continue avec la partie correspondante de l’entoderme primitif, la première couche se recourbant pour former, par cette continuité, la lèvre ou bord épais du blastoderme. En avant (en bba, fig. 20), le blastoderme est également renflé, mais moins fortement et 34 M. DUVAL. sur une moindre étendue qu’en arrière (1) : les particularités sont les mêmes qu’en arrière, c’est-à-dire qu’il y à une couche ectodermique, dont la face inférieure adhère à un épais ento- derme formé seulement de trois assises de cellules ; sur l’ex- trémité, c’est-à-dire sur la lèvre ou bord antérieur du blas- toderme, celui-ci se termine par deux ou trois cellules, desquelles 11 est impossible de dire si ce sont des éléments ectodermiques ou entodermiques (fig. 20). Ce blastoderme est complètement séparé du reste du vitel- lus par une fente, étroite au niveau des extrémités du blasto- derme, mais plus large le long de toute sa face inférieure, où elle forme une cavité irrégulière (cg, fig. 17), peu large de haut en bas, ne présentant nulle part d’élargissement notable. C’est la cavité sous-germinale des auteurs; circonscrite en haut par lés éléments les plus profonds de l’entoderme primitif, c'est-à-dire assez peu régulièrement limitée de ce côté, vu la disposition irrégulière des éléments de cet entoderme, cette cavité est par contre très nettement définie par en bas, du côté du vitellus, qui la limite par une fine ligne foncée, par- faitement continue, rappelant l'aspect d’une membrane cel- lulaire (de paroi de cellule), mais qui n’est sans doute qu’une production artificielle, résultant de lPaction des réactifs coa- gulants sur la zone la plus superficielle du vitellus blane. Dans le vitellus blanc qui forme ce plancher de la cavité sous- serminale, on trouve, outre ses éléments caractéristiques (sphères très réfringentes, augmentant de volume à mesure qu'on va vers des couches plus profondes, de manière qu'on passe graduellement et insensiblement des petites sphères du vitellus blanc aux grosses sphères granuleuses du vitellus jaune), on trouve deux ordres de formations, dent nous devons signaler la présence et la répartition, bien plus qu’expliquer pour le moment la nature, c’est-à-dire l’origine. (1) A cet égard, il y a parfaite concordance entre notre description et celles données par Rauber (Primitivrinne und Urmund, in Gegenbauer’s Morpho- Log. Jahrb., &. IE, p. 559), et par Carl Kæller (dont le mémoire sera ci-après analysé avec détail). ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 39 1° Ce sont d’abord des vacuoles (V, V, fig. 17, 19), c’est-à- dire des cavités sphériques, sans parois propres, creusées comme à l’emporte-pièce dans le viteilus blane, et qui, autant qu'on en peut juger sur les coupes de pièces durcies et colo- rées au carmin, doivent être, à l’état frais, remplies d’un liquide albumineux. Ces vacuoles sont parfois assez rappro- chées les unes des autres pour donner un aspect spumeux à la région de vitellus qu’elles occupent : elles sont plus larges vers le fond ou plancher de la cavité de segmentation que vers les parties périphériques, c’est-à-dire dans le vitellus qui confine aux bords du blastoderme et qui est immédiatement en dehors de lui : là il n’y a presque plus de vitellus blanc, et, surtout à mesure qu'on va vers des régions plus périphériques, le vitel- lus jaune est immédiatement en contact avec la membrane vitelline; aussi les vacuoles sont-elles en ces régions creusées dans le vitellus jaune, ou du moins dans un vitellus dont les corpuscules sphériques sont intermédiaires, comme dimen- sions, entre celles du vitellus jaune et du vitellus blanc pro- prement dits. Ge sont ces vacuoles qui produisent, sur l'œuf examiné en surface, à la lumière réfléchie, la zone parsemée de taches décrite ci-dessus autour du blastoderme, sur la région du vitellus avoisinant immédiatement la périphérie du blastoderme, 2° Ce sont ensuite des noyaux, très visibles sur les pièces qui n’ont pas subi une action très énergique par l’acide osmique, et surtout sur celles qui ont été dureies par l’alcool (voy. ci-dessus, p. 12). Ces noyaux sont un peu plus volumi- neux que ceux des cellules qui composent le blastoderme. Ils sont relativement très rares, et il faut une certaine attention pour les reconnaître : la figure 17 les donne avec les propor- tions de nombre et dans les dispositions qu’ils présentent le plus souvent à ce stade (en », #, n). On voit qu'il est difficile d’en découvrir sur les parties centrales du plancher de la ca- vité sous-germinale (la figure 17 n’en représente qu’un seul ainsi placé, un peu en avant du centre de ce plancher), mais qu'ils sont plus nombreux dans la partie de ce plancher sous- 30 M. DUVAL. jacente aux bords (extrémité antérieure ou extrémité posté- rieure) du blastoderme; on en trouve, sur une même coupe, en moyenne quatre ou cinq dans chacune de ces régions, tantôt isolés les uns des autres, tantôt groupés par paires (voy. fig. 18 et 20) ; il nous à toujours été impossible, à ce stade, de voir quelque chose qui püt être considéré comme un corps cel- lulaire auquel appartiendrait chacun de ces noyaux; la zone de vitellus qui les entoure immédiatement est en général com- posée de sphérules, de granulations plus fines que les autres sphères du vitellus, mais 1l y a passage graduel des premières aux secondes, et on peut dire que ces noyaux apparaissent comme libres au sein du vitellus. Tel est l’ensemble des dispositions que nous présente le premier type de blastoderme d'œuf non incubé. Pour les résu- mer, et laissant de côté ce qui se rapporte au vitellus (vacuoles et noyaux), nous dirons que ce blastoderme se présente sur une coupe longitudinale (antéro-postérieure), comme formé, à sa partie médiane, par un ectoderme distinct et un ento- derme primitif à cellules 1rrégulièrement disposées en réseau ; à son extrémité postérieure, par un renflement, au niveau duquel l’entoderme plus épais, plus serré, adhère à lecto- derme ; et enfin, à son extrémité antérieure, par un semblable renflement, moins prononcé et terminé en pointe (bowrrelet blastodermique). Si au lieu d’une coupe longitudinale nous avions examiné une Coupe transversale (nous n'avons pas jugé nécessaire, pour ne pas multiplier les figures, de représenter l’une des nom- breuses coupes de ce genre que nous possédons), nous aurions trouvé les mêmes dispositions du blastoderme dans sa région moyenne, et, quant aux bords, des dispositions semblables à celles de l'extrémité antérieure de la coupe longitudinale, si la coupe transversale avait porté sur la moitié antérieure du disque blastodermique, et des dispositions identiques à celles de l’extrémité postérieure de la coupe longitudinale, si la coupe transversale avait appartenu à la moitié postérieure de ce disque. Seulement, en arrivant vers la région toute posté- ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 34 rieure de ce disque, la coupe transversale se serait, dans quel- ques cas, c’est-à-dire pour un certain nombre de blastodermes, présentée comme divisée en deux parties latérales, soit com- plètement (comme le montre la figure 15, sur laquelle nous reviendrons ultérieurement), soit seulement par la présence d’une sorte de raphé médian, semblant résulter d’une inflexion médiane de l’ectoderme pénétrant dans le mésoderme et méê- lant intimement ses éléments à ceux de ce dernier feuillet (comme le montre la figure 16, appartenant à un autre stade). B. Nous n’aurons que peu à dire pour donner la descrip- tion du second type de blastoderme de l’œuf non incubé, ear il suffira de préciser quelques différences d’avec le type précé- demment décrit. Les figures 21 et 22 (dont la seconde est la reproduction de la première à un plus fort grossissement) nous représentent ce second type, que nous avons trouvé envi- ron dans les 4/10 des œufs de poule non incubés, et que nous avons également constaté sur des œufs de colin après seule- ment quatre heures d’incubation. On voit qu'ici la partie du vitellus voisine du blastoderme est identique à ce qu’elle était dans le type précédent; seulement la cavité sous-germinale est un peu plus profonde, dans sa partie moyenne (cg), ce qui üent un peu à un abaissement de son plancher, mais surtout à un amincissement de la partie correspondante du blasto- derme ; en effet, dans sa partie moyenne (de c en €’, fig. 29), le feuillet inférieur du blastoderme, l’entoderme primitif est devenu moins épais, les cordons cellulaires qui le constituaient précédemment (fig. 19) tendant à se disposer régulièrement en une couche plus simple (fig. 23). L’ectoderme sus-jacent est formé de cellules affectant plus nettement l’aspect cylin- drique, c’est-à-dire plus pressées les unes contre les autres et plus hautes que larges (fig. 23). D’autre part, les extrémités du blastoderme, ayant conservé leur épaisseur, paraissent retativement plus renflées, surtout en arrière (fig. 22) ; le blas- toderme a, du reste, conservé dans ses parties extrêmes la même constitution que dans le type précédent. Il est presque inutile d'ajouter que si, au lieu d’une coupe antéro-posté- 38 M. DUVAL. rieure, nous eXaminons une coupe transversale, nous y trou- vons un épaississement marginal plus ou moins prononcé, selon que cette coupe transversale appartient à la moitié pos- térieure ou à la moitié antérieure du disque blastodermique (On trouvera dans la figure 5 de Gœtte (1) une très exacte reproduction d’une coupe transversale faite dans la partie moyenne d’un blastoderme tel que celui dont notre figure 22 donne une coupe longitudinale antéro-postérieure). Signalons enfin ce fait que les coupes transversales faites sur la partie la plus postérieure du blastoderme, c’est-à-dire por- tant entièrement sur son épaississement postérieur (de € en bbp, fig. 22), montrent parfois sur le blastoderme du poulet une sorte de raphé médian comme celui auquel il a été fait allusion précédemment en renvoyant à la figure 16, et que ces coupes nous ont toujours montré, lorsqu'il s’est agi de blas- todermes de rossignol à ce stade, une division en deux parties latérales, comme le montre, à propos d’un autre stade, la figure 15. Nous pouvons donc maintenant nous rendre compte des aspects extérieurs que présente, sur un œuf non incubé qu’on vient d'ouvrir, le blastoderme examiné en surface à la lumière réfléchie. Il se présente comme un disque blanc à bords nette- ment dessinés, parce qu’en effet ce blastoderme est alors très nettement limité, ne présentant à ses limites externes aucune connexion avec le vitellus circonvoisin; ce vitellus lui forme une sorte d’auréole parsemée de taches, parce qu’il contient des vacuoles. Le disque blastodermique est lui-même dessiné par une partie centrale plus ou moins claire, parce aw’il est, en sa région moyenne, plus ou moins amincei, et par un anneau périphérique d’un blanc plus foncé, parce que ses bords sont épais et formés de plusieurs assises de cellules; cet anneau blanc est plus large en arrière, parce que l’épaississement périphérique a en arrière des dimensions antéro-postérieures plus considérables qu’en avant. Enfin, on aperçoit parfois sur (1) Arch. f. mikrosk. Anat., vol. X. pl. X. ARTICLE N° {. FORMATION DU BLASTODERME. 39 cette partie postérieure de l'anneau blanc périphérique des irrégularités et des interruptions (pertes de substance), qui se rapportent à la présence du raphé médian ou de la séparation en deux parties que nous venons de signaler sur les coupes transversales de cette région. Ces derniers aspects sont peu accentués, et nous n’en trouverons l'explication qu’en étu- diant les stades antérieurs, surtout sur les œufs de petits oiseaux. Au stade que nous venons d'examiner, la disposition la plus importante à retenir pour l’intelligence des stades antérieurs et consécutifs, c’est l’épaississement que présentent les bords du blastoderme. Cet épaississement a été plus ou moins net- tement reconnu par les auteurs ; on conçoit, en effet, qu'il ait pu échapper à ceux qui n'auraient examiné que des coupes transversales portant sur la partie antérieure du disque blasto- dermique, où cet épaississement est moins accentué et où son existence est, nous le verrons, de plus courte durée. His paraît lavoir complètement méconnu (1), et, en effet, la figure qu’il donne comme représentant une coupe de blastoderme non incubé, nous semble en tous points comparable aux figures 33, 90 et 36 de notre planche IT, c’est-à-dire qu'il se serait trouvé en présence d’un blastoderme déjà très avancé quoique non incubé, puisque notre figure 33 est le type de l’état du blastoderme après trois à six heures d’incubation, et qu’à ce moment l’épaississement périphérique. du blastoderme a dis- _ paru ou s’est transformé en une disposition nouvelle dans les parties antérieures du blastoderme. Or, comme la comparai- son de la figure en question de His avec nos préparations nous porte à penser que His a précisément figuré une coupe trans- versale de la région antérieure, il n’est pas étonnant que l’épaississement en question lui ait échappé (2). Peremeschko (1) W. His, Untersuchungen über die erste Anlage des Wirbelthierleibes. Leipzig, 1868 (voy. pl. I, fig. 1). (2) Ge que His décrit à la périphérie du blastoderme non incubé, c’est ce qu'on trouve plus tard, c’est-à-dire une bordure de vitéllus parsemée de noyaux, bordure taillée plus ou moins à pic du côté de la cavité sous-germi- 40 M. DUVAL. est dans le même cas, quoique dans sa figure 3 il ait parfaite- ment figuré cet épaississement, mais très peu prononcé (1), à peu près exactement tel qu'il est dans la figure 20 de notre planche IT. Œllacher nous paraît être le premier qui ait bien décrit et, en particulier, représenté cet épaississement, à des stades voisins et comparables à ceux que nous avons choisis. En effet, dans le paragraphe VIIT de son mémoire Sur la seg- mentation et la formation des feuillets (Op. cit. Aus dem Insti- tute für experimental pathologie, von Stricker in Wien., 1869, p. 69), il donne la description des blastodermes de trois œufs fraîchement pondus, l’un en mai, l’autre en juin, le troisième en juillet (voy. ci-dessus, p. 23, les considérations générales sur l'influence des saisons). Pour le premier, qui, d’après sa description et sa figure, est intermédiaire entre celui de notre figure 14 et celui de notre figure 17, il ne fait que très vague- ment allusion à l’épaississement marginal du blastoderme. Pour le second, il décrit et figure très nettement cet épaississe- ment. Enfin pour le troisième, chose remarquable, il repré- sente très mal dans sa figure (fig. 11 de la planche IT du recueil, etc.), mais il décrit avec une grande exactitude cet épaississement tel qu'on le trouve à la région antérieure du blastoderme par exemple, sur nos figures, en bba de la figure 17, de la figure 29, el en À de la figure 29. « La périphérie, dit-il (p- 66), est 1er plus épaisse que le centre, c’est-à-dire, pour parler plus exactement, que le blastoderme repose sur le vitellus blanc par un bord épaissi dont l'extrême limite externe s’amincit de nouveau; cet épaississement n intéresse que le feuillet inférieur, car, si on suit du centre à la périphé- rie la couche supérieure formée de cellules cylindriques, on voit, en arrivant vers l’épaississement marginal (Randver- dichung), que ce feuillet supérieur demeure 1e semblable à ce qu'il est ailleurs. » nale, et qu'il désigne sous le nom de rempart du germe ou bourrelet germi- natif (Keimwall) : nous désignerons ci-après cette même partie sous le nom de bourrelet entodermo-vitellin. (1) Op. cit. (Wiener Sitzungsberichte, vol. LVII, 1868.) ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME, 41 C’est avec Gætte (1) que cet épaississement se trouve décrit et figuré de la façon la plus nette. Gœtte, pour la prenuère fois, donne un nom à ce renflement, l'appelant bourrelet mar- ginal (Randwuls!), et il le distingue des formations ultérieures avec lesquelles il peut être et a été si souvent confondu, c’est- à-dire d’avec le rempart du germe (Keimwall) de His (bourrelet entodermo-vitellin ; voy. la note 2 de la page 39 ci-dessus); mais Gœtte fait jouer à ce bourrelet marginal, dans la forma- tion de l’entoderme, un rôle dans la discussion duquel nous ne pourrons entrer que plus loin. De la part de Disse (2), ce renflement, qu'il désigne aussi sous le nom de bourrelet mar- ginal (Randwulst) est l’objet des mêmes descriptions exactes, et d'analogues théories relativement à l’origine des feuillets inférieur et moyen du blastoderme. Enfin Kôlliker décrit ce renflement comme une disposition constante sur lœuf non incubé; quel que soit l’état du feuillet inférieur dans la région moyenne du blastoderme, « toujours, dit-il (trad. fr., p. 67), ce feuillet profond offre, au niveau des bords du blastoderme, une zone d'environ 1 millimètre à 1%,3 de largeur, parfaite- ment constituée, épaisse et figurant un bourrelet ». Il donne à cet épaississement le nom de Keimwulst, ce qui doit se tra- duire en français par l'expression de bourrelet du germe ou bourrelet blastodermique. Cependant, dans la traduction fran- çaise, publiée par A. M. Schneider, nous trouvons le mot Keim- wulst traduit par bourrelet entodermique : « C’est avec l’assen- timent de l’auteur que nous disons bourrelet entodermique pour éviter toute confusion, et indiquer clairement l’opinion que s’en fait M. Külliker », est-il ajouté en note (p. 67). En effet, Kôlliker insiste sur ce fait que l’épaississement en ques- tion est essentiellement dû aux nombreuses assises dont se compose l’entoderme en cette région. Mais dans la suite de son traité d’embryologie, Kôlliker considère ce bourrelet comme persistant alors que le blastoderme s’est étendu par ses bords (1) Op. cit. (Arch. f. mikrosk. Anat., t. X). (2) Op. cit. (Arch. f. mikrosk. Anal., t. XV). 42 M. DUVAL. jusqu’au niveau de l'équateur de la sphère vitelline, c’est-à- dire qu'il revient à la confusion qui avait été faite déjà entre l’épaississement marginal du blastoderme non incubé et la bordure de vitellus parsemée de novaux, bordure taillée à pic du côté de la cavité sous-germinale, et que nous étudierons sur des œufs plus avancés sous le nom de bourrelet entodermo- vitellin. Dans ces conditions, nous ne pouvons conserver ici pour cet épaississement marginal le nom de bourrelet entodermique, et nous nous servirons simplement pour le désigner du nom de bourrelet blastodermique. Getie désignation, quelque regret que nous ayons à introduire un nom autre que celui employé par les divers auteurs, cette désignation nous paraît avanta- seuse à plusieurs égards. D'abord elle diffère peu de lexpres- sion de bourrelet marginal (Randwulst) employée par Gætte et Disse, et qui ne peut être conservée parce qu’elle consacre, sur la formation des feuillets inférieur et moyen, des théories : que nous ne saurions adopter. D'autre part, sans rien préjuger sur l’origine et les destinées de ce bourrelet, elle est plus en rapport que toute autre avec ce que nous verrons à ces divers égards, car elle n'indique pas que cet épaississement soit formé uniquement par l’entoderme, et nous verrons en effet que les nombreuses assises cellulaires (sous-jacentes à l’ectoderme) dont il est formé, donneront aussi bien naissance à l’ento- derme (définitif) qu'au mésoderme, au moins en certaines régions. Il faut aussi remarquer que, sur la lèvre de ce bour- relet, l’ectoderme se continue avec l’entoderme, ainsi que nous l’avons signalé ci-dessus (p. 33); ce bourrelet, à ce der- nier égard, pourrait donc être dit presque aussi bien ectoder- mique qu’entodermique. En réalité ,1l appartient purement et simplement à tout ce qui constitue alors le bord du blastoderme, et c’est pourquoi nous l’appelons bourrelet blastodermique. Dans un récent mémoire Sur les annexes des embryons d’oi- seauxæ (1), nous avons été amené à étudier comment le blasto- (1) Journ. de l'Anatomie et de la Physiologie de Ch. Robin et G. Pouchet; n° de mai 1884. ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 43 derme s'étend sur toute la surface de la sphère vitelline. Nous avons vu que, dans cette marche, les trois feuillets du blasto- derme sont isolés les uns des autres, s’accroissent Indépen- damment et s’avancent d’une manière différente pour le feuillet externe et le feuillet moyen d’une part, pour le feuillet interne de l’autre. Les deux premiers, s’accroissant par production interstitielle de cellules, se terminent chacun par un bord libre renflé, que nous avons désigné sous le nom de bourrelet ectodermique d'une part, de bourrelet mésoder- mique d'autre part. Le feuillet interne, au contraire, s'accroît et s'étend par le fait qu'à sa périphérie viennent sans cesse s'ajouter de nouvelles cellules dérivant du vitellus voisin, vitellus parsemé de noyaux, c’est-à-dire par le fait de ce que nous avons alors désigné sous le nom de transformation de l’'entoderme vitellin en entoderme celluleux. Mais comme l’'entoderme celluleux se continue insensiblement avec l’ento- derme vitellin, et celui-ci de même avec le vitellus pur et simple (les noyaux devenant seulement de plus en plus rares, puis disparaissant), on voit qu’alors l’entoderme n’a pas de bord libre. Nous verrons bientôt que jamais il ne présente de bord libre, car, lorsqu'il se sépare de l’ectoderme (avec lequel il se continue, il faut le rappeler, sur le blastoderme de l’œuf non incubé), il se soude aussitôt avec la zone voisine de vitel- lus parsemé de noyaux. Or, comme l’expression de bourrelet ectodermique ou mésodermique rappelle lexistence d’un bord libre renflé, nous n’avons pas voulu conserver celle de bourrelet entodermique, puisque l’entoderme n’a jamais de bord libre; au contraire, l’expression de bourrelet blastoder- mique paraît parfaitement convenable, puisque alors, nous le répétons, c’est à tout le blastoderme, et non à tel ou tel feuillet, qu'appartient ce bord libre. On nous excusera de cette longue digression à propos du choix d’un nom, en considération de l'importance de la partie dite bourrelet blastodermique. Dans les stades antérieurs que nous allons étudier, la formation de ce bourrelet sera un point capital à élucider ; dans les stades ultérieurs, les trans- 44 M. DUVAL. formations de ce bourrelet nous donneront la clef de l’exten- sion du blastoderme et de l’apparition de la ligne primitive. C’est pourquoi nous avons donné le nom de stade du bourrelet blastodermique au stade pris comme type du blastoderme de l'œuf fécondé, fraichement pondu et non incubé. Il. — STADE DE LA SEGMENTATION (CAVITÉ DE SEGMENTATION). La segmentation de l’œuf de poule a été étudiée par Coste, Œllacher, Kôlliker, et par Gætte. Récemment Sarazin (1) a publié sur la segmentation de l'œuf des reptiles un mémoire qui doit être rapproché des travaux précédents, puisque la constitution de cet œuf est très analogue à celle de l’œuf des oiseaux. Notre intention n’est pas de refaire 1e1 l’histoire en- tière de ce processus important, d'autant plus que les maté- riaux que nous avons étudiés (voy. p. 26) sont moins complets que ceux dont ont disposé Œllacher et Kôlliker, ce dernier ayant exposé dans son traité classique l’ensemble de nos con- naissances à ce sujet. Mais, si nos propres recherches sont, à bien des égards, pleines de lacunes, elles sont plus complètes à ce point de vue que nous nous sommes attaché à déterminer l'orientation des coupes, ce que n’avait encore fait, à notre connaissance, aucun embryologiste, quoique Kôlliker entre autres, constatant que le début et la marche de la segmenta- tion se font dans une situation excentrique, ait parfaitement senti la nécessité d’une pareille orientation afin de préciser de quel côté est la future région antérieure. Nous prétendons donc ici arriver seulement à compléter et préciser certains des faits déjà connus. La phase la plus primitive qu’il nous ait été donné d’obser- ver sur un œuf fraichement pondu, non fécondé (voy. p. 26), de perruche ondulée, est représenté par la figure 4, planche I, et, chose remarquable, nous avons trouvé sur un œuf d'oie non fécondé des dispositions tout à fait semblables, mais (1) G.-F. Sarazin. Reifung und Furchung der Reptilieneier (Arbeiten aus dem Zoolagisch-Zootomischen Institut in Wurtzburg, 1883, p. 159). ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 45 légèrement altérées par un commencement de décomposition. Avant de décrire les sillons qui entament ce germe, arrêtons- nous un instant sur la valeur de ce mot germe et sur les rap ports que présentent ses éléments constitutifs avec les autres éléments de l'œuf. Le vitellus jaune, formé de grosses sphères vitellines et constituant à lui seul la masse dite jaune de l’œuf, est creusé, en un point qui se dirige toujours en haut lorsque le jaune est mobile dans l’albumine, d’une sorte de cavité en entonnoir, le xoyau de Pander (voy. les Traités classiques de Forster et de Kôlliker, pour plus de détails sur la forme de cette partie et sur le prolongement qu'elle envoie jusqu’au centre du jaune), dont la partie la plus large répond à la membrane vitelline, c’est-à-dire à la surface de l'œuf. Cet entonnoir (NP, fig. 1) est formé par une masse dite vwitellus blanc, que constituent des sphères vitel- lines de petites dimensions; mais, au niveau des zones inter- médiaires entre le vitellus blanc et le vitellus jaune, on trouve toutes les dimensions intermédiaires entre les éléments de l’un et les éléments de l’autre, de sorte qu’il n’est pas possible de dire où finit le vitellus blanc et où commence le vitellus Jaune. D'autre part, en allant vers la région toute supérieure du vitellus blanc, on voit ses corpuscules devenir graduellement de plus en plus fins, jusqu’à ne constituer que des granula- tions extrêmement petites qui forment la masse correspondant à la base ou partie superficielle la plus large du noyau de Pan- der ; c’est à cette masse, confinant en haut directement à la membrane vitelline, qu'on a donné le nom de germe (ou vitellus plastique; vp, fig. 1), expression par laquelle on a voulu dire que cette partie seule servirait à la formation de l'embryon (du blastoderme), que seule elle se seomente- rait ; et alors on s’est efforcé de trouver sur les Coupes une ligne nette de séparation entre le germe ou vitellus plastique et le vitellus blanc. Or la transition se fait graduellement de l’un à l’autre, d’une manière insensible, comme entre le vitel- lus blanc et le vitellus jaune, de sorte qu'ici encore il n’est pas possible de dire où finit le vitellus blane et où commence ANN. SC. NAT., ZOOI., JUILLET 1884. XVIII. 4. — ART. N° 1. AG M. DUVAL. le vitellus plastique ou germe. Nous avons essayé de rendre, dans les figures 3 et 6, cette transition graduelle et insensible des fins granules des zones supérieures aux sphérules des zones moyennes, et enfin aux grosses sphères du jaune. À cet égard nous partageons entièrement la manière de voir de Kôl- liker, si toutefois nous avons bien compris sa pensée, car par- fois cet auteur revient à vouloir chercher dans les réactions chimiques une distinction caractéristique entre les granula- tions du vitellus plastique et celles du vitellus blanc, dans les régions où les dimensions réciproques ne permettent pas de faire la différence (voy. notamment à la page 68, où l’action de l’acide acétique est indiquée comme propre à donner cette caractéristique, les granules de vitellus blane se différenciant des autres en ce que ces derniers seuls pàlissent dans l'acide acétique et s’y dissolvent en partie). Sarazin, dans ses études sur l’œuf des reptiles, arrive aux mêmes conclusions, e’est-à- dire à admettre une transition insensible entre ces trois espèces d'éléments (1). Pour arriver à établir, entre le vitellus plastique ou germe et le vitellus blanc, cette distinction absolue qui fut l’une des bases de la doctrine de Reichert, Œllacher a invoqué un autre criterium, la segmentation. Tout ce qui prend part à la seg- mentation, dit-il (op. cèt., 1869, p. 69), doit être considéré comme germe ; ce qui ne se segmente pas est du vitellus nutri- tif. Dans les descriptions qui vont suivre, nous trouverons la réfutation de cetle proposition, car nous verrons que, si la segmentation paraît s'arrêter à un certain moment pour con- stituer le blastoderme tel qu'on le trouve sur l’œuf fraîchement pondu, elle reprend ensuite dans les zones de vitellus pour- vu de noyaux, et que la formation de l’entoderme celluleux aux dépens de l’entoderme vitellin (voy. p. 43) est une sorte de segmentation secondaire, qui se poursuit longtemps sur toute (1) Voy., notamment à la page 164, la conclusion relative aux rapports géné- tiques de ces éléments : « D’après les formes de transition, et d’après le lieu où se forment les grosses sphères de jaune, on peut conclure qu’elles résul- tent de l'accroissement en volume des fines molécules du plasma de l'œuf. » ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 47 la périphérie du vitellus, à tel point qu’il nous est encore 1m- possible de dire où elle s'arrête et dans quelle mesure l'œuf d'oiseau doit être considéré comme un œuf à segmentation partielle et non comme un œuf à segmentation totale inégale. Revenant à la figure 1, qui représente un état constaté par nous sur des œufs nou fécondés fraîchement pondus (sur trois œufs de perruche, sur un œuf de colin et sur un œuf dote), nous ferons remarquer que cette coupe doit être considérée comme répondant à un stade semblable à celui auquel se rap- portent les figures 18 et 19 de Külliker : seulement, dans la figure 49 de Külliker, les segments, limités par les sillons qui entament le germe, sont représentés comme complètement circonsérits par en bas; nous aurions donc 1c1 un stade un peu moins avancé. On voit que, dans le voisinage des parties où commence la segmentation, sont de nombreuses vacuoles, telles que nous en avons précédemment décrites pour un autre stade (voy. p. 35). Dans seulement deux des segments on aperçoit un noyau bien net; mais sur une autre coupe de ce même œuf, un noyau se rencontrait dans un des segments qui en est dépourvu sur la coupe de la figure 4. Il ne nous a pas été possible d’apercevoir, sur aucune coupe, trace de noyau dans les parties sous-jacentes à!la couche entamée par les sillons de segmentation. En s’en rapportant aux nombreuses notions acquises dans ces dernières années sur la segmenta- tion des cellules et sur le rôle des noyaux dans ce phénomène, on peut penser que les deux noyaux représentés dans la figure 4 (en #, n) sont le résultat ultime de la division d’un noyau primitivement situé à peu près vers la ligne de segmen- tation (s) placée entre eux; c’est-à-dire que nous ne sommes en présence que de noyaux qui se sont divisés en se séparant transversalement et non encore dans le sens vertical. Ce stade correspondrait donc à celui de l’œuf de la grenouille au mo- ment où se sont produits les deux sillons méridiens (repré- sentés 101 par un plus grand nombre de sillons perpendicu- laires) et où 1l n’y a pas encore de sillon équatoriai. En dehors de ces divers détails, le fait essentiel à noter est que la seg- 48 M. DUVAL. mentation est ici très nettement excentrique. En prenant pour centre du germe la ligne qui passerait par lPaxe de la partie étroite du noyau de Pander (VP), on voit que la segmentation porte uniquement sur des parties situées en arrière de ce centre (Pextrémité antérieure du germe étant en À et son extrémité postérieure en P, d’après les déterminations établies par le procédé indiqué ci-dessus, p. 6). Et, en effet, Külliker a démontré (voy. sa figure 17, p. 71) que les quatre sillons pri- mitifs de segmentation sont légèrement excentriques, c’est-à- dire que leur point de rencontre ne correspond pas exacte- ment au milieu du disque (le disque du germe, pendant la segmentation, se présente comme une tache claire, qui n’est autre chose que le noyau de Pander, avec une bordure foncée, qui répond aux bords plus minces de ce noyau reposant presque immédiatement sur le vitellus jaune). La figure 2 (pl. 1), appartenant également à un œuf de perruche non fécondé et fraichement pondu, nous montre une segmentation qui à progressé davantage vers la périphérie, en même temps qu’elle a donné lieu à des segments plus petits vers le centre. Mais le fait important, c’est que ces derniers segments sont maintenant circonscrits non seulement sur les côtés, mais encore par en dessous. Il commence, en effet, à se former une fente parallèle à la surface du germe, et qui sépare en une couche continue les premiers segments produits. La figure 4 montre cette fente à un degré plus avancé, c’est- à-dire s'étendant plus loin et séparant un plus grand nombre de segments. Ces deux figures représentent deux coupes appar- tenant chacune à un œuf différent, et passant chacune par le centre du germe de cet œuf dans le sens antéro-postérieur; mais 1l est facile de comprendre qu'une coupe faite sur les parties latérales du germe auquel appartient la figure 4, nous aurait donné une disposition identique à celle représentée dans la figure 2, puisque alors le germe aurait été atteint dans une partie périphérique où la segmentation est moins avancée, et où la fente qui sépare par en dessous les segments premiers formés présente une moindre étendue; de même une coupe ARTICLE N° {. FORMATION DU BLASTODERME. 49 latérale du germe auquel appartient la figure 2, nous aurait donné une disposition identique à celle représentée dans la figure À. Il est donc bien évident que pour bien connaître l’état de la segmentation à un moment donné, il ne suffit pas d’avoir une ou deux bonnes coupes du germe, mais qu’il faut débiter celui-e1 en une série complète de coupes, de façon à pouvoir se rendre compte des particularités de chacune de ses régions. On croirait volontiers que si, quand il s’agit de Papparition de l’embryon, il est important de distinguer les sections faites au centre, à la périphérie, en avant ou en arrière, par contre, il n’y a pas nécessité à de telles distinctions quand il s’agit du serme en segmentation, ou du blastoderme membraneux, parce qu’on est persuadé que ces dernières formations sont semblables dans toutes leurs parties. Or nous allons voir que l’ensemble des produits de la segmentation, avant même qu’ils s’étalent en une membrane blastodermique, sont aussi diversi- fiés dans leurs différentes régions que l’est un embryon quant aux régions de la tête, du tronc et de l'extrémité postérieure. Aussi nous expliquons-nous qu’on n'ait généralement pas observé la fente décrite 1e1 d’après les figures 2 et #, et surtout qu’on ne lui ait pas accordé, dès qu’on l’a entrevué, l'impor- tance qu'elle mérite. Kôülliker dit bien, en effet, à propos de sa figure 19, que les segments médians du germe en question étaient délimités non seulement sur les côtés, mais encore en dessous, tandis que les segments placés sur les côtés n’étaient nullement détachés inférieurement de la région sous-jacente. Mais sa figure répond assez peu à cette description, car tous les segments, même les plus périphériques, y sont délimités en dessous par une ligne très nette. Cette fente horizontale représente l’ensemble d’une série de sillons de segmentation horizontaux, par lesquels les seg- ments supérieurs correspondants se sont séparés du vitellus sous-jacent. Cette séparation a été accompagnée, comme tou- jours, de la division du noyau, et ici les noyaux se sont divisés en se séparant verticalement, de sorte que des deux nouveaux noyaux résultants, l’un est resté dans le segment supérieur, 90 M. DUVAL. Pautre dans le segment inférieur, ou pour mieux dire dans la masse vitelline sous-jacente, laquelle sera bientôt le siège de la production de nouveaux segments, se formant ie1 absolu- ment comme ils se sont produits tout d’abord dans la couche la plus superficielle (fig. 4). En effet, nous trouvons, dans la figure 2, deux noyaux dans la couche non segmentée sous- jacente à la fente horizontale ; et dans la figure 3, qui repré- sente à un plus fort grossissement une autre partie de ce mème germe, les deux noyaux situës un peu à gauche du milieu de la figure, présentent bien les rapports qui font penser qu’ils proviennent de la division d’un noyau appartenant primiti- vement à un segment non délimité par en dessous, division qui, corrélativement à la séparation complète du segment correspondant (voy. en 2, fig. 5), a donné naissance au noyau de ce segment et au noyau situé dans la couche vitelline non encore segmentée (en #, fig. 3). Quand on compare cette fente horizontale à celle qui se produit dans l’œuf de la grenouille par le fait du premier sillon horizontal ou équatorial, on demeure convaincu que ces deux formations sont absolument semblables, car elles sont liées, dans les deux ordres d'œufs, au même processus. Sur l’œuf de la grenouille, la partie centrale du sillon en question se dilate bientôt, par les progrès de la segmentation, en une cavité dite cavité &e segmentation. De même sur le germe du poulet nous allons voir cette fente horizontale former une cavité nette, à laquelle nous pourrons donner aussi le nom de cavité de seq- mentation. Seulement, tandis que sur l’œuf de batracien en voie de développement, cette cavité persiste longtemps, avec des dimensions de plus en plus larges, jusqu’à ce que les élé- ments de lentoderme primitif viennent s'appliquer à la face inférieure de l’ectoderme, sur le germe de l’oiseau au con- traire, cette cavité demeure toujours sous forme de fente linéaire et s’efface presque aussitôt après son apparition, parce aue, vu la forme aplatie du germe, l’entederme primitif se trouve dès le début appliqué à la face inférieure de l’ecto- derme. Mais, quelque transitoire que soit cette cavité, ce qui ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. o1 explique qu’elle ait échappé à la plupart des observateurs, son existence dans le germe d'oiseau n’en est pas moins un fait des plus essentiels, sans lequel 1l est impossible de comprendre les homologies blastodermiques entre les divers Vertébrés. C’est pourquoi nous avons intitulé le stade que nous étudions actuellement, stade de la cavité de segmentation. Les figures 2, 4,5, 7, nous montrent de plus que cette cavité est légèrement excentrique, située, sur une coupe antéro- postérieure, en arrière de l’axe médian du noyau de Pander. C’est encore une des dispositions qui ont pu la faire échapper aux observateurs qui n’ont pas eu soin de conserver et d’étu- dier toutes les coupes des germes pris à cette période (1). Sur la figure #, qui représente une coupe appartenant à un œuf de poule non fécondé et fraichement pondu, nous voyons que le vitellus sous-jacent à la cavité de segmentation (CS) commence à se diviser à son tour, en même temps que de leur côté se subdivisent les segments sus-jacents. Dans la figure 5, provenant également d’un œuf de poule, ce processus est plus accentué, c’est-à-dire que dans la partie sous-jacente à la ca- vité de segmentation on trouve déjà des segments circonscrits sur tous leurs côtés ; ce sont les plus superficiels, tandis que les profonds ne sont encore limités qu’en haut et sur les côtés. La segmentation, en même temps qu’elle progresse transversa- lement, s'étend ainsi en profondeur, entamant des zones de plus en plus profondes (fig. 7, en 2‘). Pour la description de ce processus nous n’aurons qu'à reproduire ici les termes mêmes employés par Kôlliker (p. 76 et 77 de la traduction (1) Dans la figure 16 de sa planche XV, Œllacher (op. cit., Zeitschrft. f. Wissenschft. Zool., 1872) représente une cicatricule très analogue à celles d’après lesquelles nous avons étudié la cavité de segmentation. Quoique lau- teur ne fasse pas allusion à cette cavité, et ne la désigne par aucune lettre de renvoi dans sa figure, son existence y est très nette. Bien plus, quoiqu'il ne soit pas parlé de l'orientation de la coupe, question dont ne s’est pas pré- occupé l’auteur, il est facile, par l’inspection de la figure en question, de s’apercevoir qu’on a affaire à une coupe antéro-postérieure,.analogue à celle de notre figure 7, et on y voit très bien que la cavité de segmentation est située en arrière du centre de la cicatricule, 59 M, DUVAL. française), et notamment cette expression que les segments en voie de formation « se dressent comme des bourgeons à la surface du vitellus », ce qui correspond bien à l'aspect des segments profonds, encore incomplètement limités de notre figure 7, et ce qui a été parfaitement bien représenté par Gœætte, dans sa figure 2 (1). Seulement ni l’un ni l’autre de ces auteurs n’ont signalé la présence de la cavité de seg- mentation, ce qui est dû à ce que les coupes qu’ils ont étu- diées portaient uniquement sur la partie antérieure du germe, au moins autant que nous croyons pouvoir en juger d’après le peu d'épaisseur des germes figurés en coupe par Gætte et par Külliker. Sur les pièces de germes à cette période nous avons encore quelques faits à signaler. D'une part, c’est que la segmentation, à mesure qu’elle pro- sresse en profondeur, entame des zones de vitellus à granula- tions de moins en moius fines; c’est ce que nous avons voulu représenter par la figure 6, qui n’est qu’une partie plus grossie de la figure 5. Il est évident que la segmentation arrive à porter finalement sur des couches qui méritent le nom de vi- tellus blanc ; c’est la conclusion à laquelle arrive Gœætte, mais en se croyant obligé pour cela de considérer comme de nature différente les cellules provenant de la division des couches su- perficielles du germe (prétendu vitellus plastique) qu’il nomme cellules embryonnaires, et celles provenant de la division du vitellus blanc, et qu'il nomme cellules vitellines. Nous con- cluons pour notre part tout simplement qu'il n’y a pas de dis- tincton absolue entre le vitellus plastique et le vitellus blanc, que l’un et l’autre se segmentent au même titre, et nous nous sentons d'autant plus autorisé à cette conclusion que dans des phases ultérieures nous verrons une segmentation secondaire porter sur un vitellus blanc à granules si volumineux, qu’il mé- rite en réalité le nom de vitellus jaune. Sarazin arrive aux mêmes conclusions que nous quant à la valeur de la prétendue (1) Op. cit. (Arch. f. mikrosk. Anat., t. X, pl. X), ARTICLE N° 1, FORMATION DU BLASTODERME. 53 distinction entre le vitellus plastique et le vitellus blanc (1). Kôlliker formule il est vrai cette conclusion que « la segmen- tation de l’œuf de poule porte sur une partie du vitellus qui n’est pas rigoureusement séparée du reste et que ni sa forme ni sa composition ne permettent de regarder comme une unité entière », et cependant à chaque instant il se défend d'admettre que le vitellus blanc participe à la segmentation, et en défini- üve il admet seulement que le vitellus plastique peut subir des modifications au cours du développement, et peut-être se com- pléter aux dépens de la couche de vitellus blanc (p. 79). En second lieu nous ferons remarquer que, la cavité de segmentation étant excentrique, c’est-à-dire placée en arrière de l’axe du noyau de Pander, comme il a été dit, la segmenta- tion, qui semble se poursuivre en rayonnant de cette cavité, présente aussi une marche excentrique, c’est-à-dire que d’une part les segments profonds sont disposés en assises plus nom- breuses dans la partie postérieure (voy. fig. 7), et que d’autre part les segments superficiels les plus petits sont également en arrière du centre du germe. Cette disposition, quant à ce der- mer détail, avait été déjà très nettement constatée par Kôlli- ker, qui n'avait pu toutefois qu'interpréter hypothétiquement la direction selon laquelle une moitié du germe précède et dépasse l’autre dans son état de division. « L’embryon, dit-il, étant couché sur le blastoderme dans la direction de l’axe . transverse de l’œuf et son côté gauche regardant en règle gé- nérale la grosse extrémité de l’œuf, il sera peut-être possible, par une détermination exacte de la position du champ de segmentation sur le vitellus, d'arriver plus tard à une relation plus précise; pour le moment, il y a lieu de penser que la partie qui se divise plus rapidement devient plus tard la partie postérieure du blastoderme, celle dans laquelle les premières traces de l’embryon apparaissent » (p. 81). Nous sommes heu- (1j Op. cit. (Arbeitem aus dem Zoolog. Zootom. Institut in Wurzburg, 1883). Ajoutons que la figure 44, pl. XV, de cet auteur, nous paraît présenter, pour la cicatricule du lézard, une cavité de segmentation dans un état très analogue à celui de notre figure 7. 54 M. DUVALI. reux de constater que nos recherches confirment absolument l’hypothèse de Kôlliker; on voit du reste que, dans le passage cité, éminent embryologiste traçait en quelques mots le pro- gramme des parties essentielles du présent travail. Enfin remarquons que, avec la marche de la segmentation en surface et en profondeur, on constate la présence de noyaux dans le vitellus voisin des sphères de segmentation déjà cir- conscrites, noyaux qui représentent le centre de futures sphères dont la circonscription peut n’être encore que peu ou pas indiquée. Dans ce dernier cas les noyaux apparaissent comme libres dans le vitellus blanc, mais il est bien évident qu'ils sont le résultat de la division d’un noyau dont une moitié est restée dans une sphère de segmentation et l’autre dans la partie de vitellus voisine (voy. la figure 6 : les deux noyaux les plus profonds, au-dessous du sillon a). Il est même probable, d’après ce que nous avons observé sur de bonnes préparations à l’alcool (voy. p. 12), que ces noyaux libres dans le vitellus non segmenté peuvent se diviser en donnant naissance à de jeunes noyaux qui se trouvent également hbres, c’est-à-dire que la division nucléaire marche plus vite que la division du sillon circonscrivant les sphères de segmentation ; mais il arrive toujours un moment, du moins dans le stade que nous étudions actuellement, où une certaine masse de vitellus s’in- dividualise en sphère de segmentation autour du noyau cor- respondant. Nous verrons plus tard que ce processus se con- tünue sur une plus grande échelle, qu’alors les noyaux se multiplient en plus grand nombre à l’état libre, restent long- temps à cet état, et qu'il n’est pas facile de saisir le moment et le mode selon lequel chacun d’eux forme, avec la petite masse de vitellus qui l'environne, un corps cellulaire bien circonscrit ; telle sera l’origine de ces fameux noyaux libres dans la couche de vitellus voisine du blastoderme; noyaux dont la présence a tant intrigué les embryologistes; telle sera l’origine de ce que nous avons appelé l’entoderme vitellin. Relativement à ces noyaux, les observations de Sarazin, sur l’œuf du lézard en segmentation, concordent si bien avec les nôtres, et montrent ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. }) tellement l'importance générale de ce processus, que nous devons citer ici textuellement quelques passages de cet auteur, quoiqu'il fasse encore intervenir, du moins en partie, un autre mode de division pour expliquer l’origine de ces noyaux libres. « Dans nombre de sphères de segmentation, encore en con- nexion avec la masse vitelline sous-jacente, J’ai compté, dit-il, de deux à trois noyaux ; il m'est arrivé aussi quoique rarement, de voir, au-dessous d’un segment qui venait de se séparer, un noyau libre dans Le vitellus. Ceci amène à conclure que, pendant la formation de ce segment, la division nucléaire s’est produite de telle sorte qu'une moitié du noyau primitif est devenue le noyau du segment en question, tandis que l’autre moitié est demeurée libre dans le vitellus sous-jacent » (op. cit., p.209). « Dansles gros segments marginaux, encore non complètement eirconscrits, on voit souvent plusieurs noyaux, lesquels sont parfois relativement très gros, fusiformes plus tôt que ronds ; dans les couches de vitellus non segmenté, sous-jacentes au germe, On voit aussi de ces gros noyaux à côté de noyaux plus petits... Si nous admettons qu'une partie des noyaux libres du vitellus dérivent de la segmentation de noyaux préexistants, cependant il nous paraît très vraisemblable que, sur les bords et dans le fond du vitellus sous-jacent aux sphères de segmen - tation des noyaux nouveaux peuvent apparaître. En faveur de cette manière de voir on doit invoquer non seulement le volume considérable et l'aspect particulier de certains noyaux, mais encore l’apparition de noyaux dans des parties très éloignées du germe. [l semble donc que chez le lézard il n’y aurait pas filiation continue entre les diverses génératious de noyaux, ce qui paraîtra moins singulier, si l’on a égard à ce que le premier noyau de l'œuf, la vésicule germinative, ne donne pas nais- sance à de nouveaux noyaux, mais termine son évolution en arrivant à la surface de l'œuf... » (p.206 et 207). Il nous paraît inutile de donner 1e1 une réfutation en règle de ces arguments en faveur d’une production libre de noyaux, sans filiation avec les corps nucléaires préexistants. Nous terminerons l’étude de ce stade par une dernière 6 M. DUVAL. remarque qui trouvera ultérieurement sa signification com- plète. À mesure que la segmentation progresse dans de nou- velles couches du vitellus et en détache des segments relative- ment gros, les segments précédemment détachés continuent à se diviser, de manière à donner des corps cellulaires de plus en plus petits ; et, puisque les couches superficielles et cen- trales sont les plus anciennes dans le processus de segmenta- tion, elles renferment les corps cellulaires les plus petits, tandis que les couches profondes et périphériques, plusjeunes à cet égard, renferment les corps cellulaires, les sphères de segmentation les plus grosses, lesquelles ne persistent pas, du reste, dans cet état, car bientôt elles se divisent et se sub- divisent à leur tour. Mais il arrive, seulement pour les couches sous-jacentes à la cavité de segmentation, c’est-à-dire desti- nées, on le verra, à former l’entoderme primitif (on', fig. 5, 7, 8, 10), que certaines grosses sphères de segmentation ou- blient pour ainsi dire de se diviser et demeurent avec leurs dimensions primitives au milieu des éléments plus petits résul- tant de la division de leurs congénères. Ces gros éléments ont beaucoup préoccupé les embryologistes et ont été l’objet de théories diverses que nous discuterons plus tard. Comme il se produit dans les sphères de segmentation les plus profondes, parallèlement à leurs divisions successives, une diminution de volume des sphérules vitellines qu’elles renferment, les sphères qui conservent leur gros volume primitif conservent aussi leurs granulations ou sphérules primitivement grosses; il en résulte qu'elles se distinguent alors des éléments voisins et par leur forme, et par leur contenu, et c’est là ce qui a amené quelques auteurs à en faire des éléments spéciaux ap- pelés à une destinée spéciale. Mais tout ce que nous avons constaté nous a montré, comme nous le verrons ultérieure- ment, que ces éléments n’ont de spécial qu’un retard plus ou moins grand dans leur évolution, et qu'ici la conclusion de Külliker est absolument exacte, à savoir que : « les grosses sphères de segmentation (cellules vitellines de Gœtte), qu’on peut voir: encore dans des œufs soumis à l’ineubation, tant à ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 97 la face inférieure du blastoderme que sur le fond de la cavité sous-germinale et dans l’entoderme lui-même, se divisent ultérieurement, se transforment à leur tour en éléments plus petits et sont incorporées dans le feuillet inférieur, de sorte qu'il n’y a pas à leur assigner une place particulière » (Kül- liker, p. 80 et 81). III. — STADE DE LA CAVITÉ SOUS-GERMINALE. L’apparition de la cavité de segmentation peut, d’après ce qui à été décrit ci-dessus, être définie de la manière suivante: apparition d’une ligne qui, formée par la fusion d’une série de sillons circonscrivant la face inférieure des sphères de segmentation, divise le germe en deux couches, l’une supé- rieure constituée par des sphères de segmentation bien iso- lées, l’autre inférieure constituée par du vitellus à noyaux libres ; il est vrai que dans cette dernière couche la segmenta- tion va aussitôt se continuer. La formation de la cavité sous-germinale (ou cavité germi- native) peut être définie de même, c’est-à-dire qu’à un mo- ment donné la segmentation, arrivée à une certaine profondeur, semble s'arrêter par la production d’une ligne qui, résultant de la confluence de tous les sillons par lesquels ont été cir- conscrites en dessous les dernières sphères apparues, sépare une partie supérieure formée de sphères de segmentation, et une partie inférieure formée de vitellus à noyaux libres ; seu- lement, dans le cas actuel, la segmentation ne se continuera ultérieurement dans cette dermère couche que très tardive- ment, spécialement en certains points, donnant naissance à des sphères de segmentationisolées, pour ainsi dire erratiques, | et 1l faudra aller jusqu’à une époque relativement avancée du développement pour voir cette segmentation secondaire prendre une grande activité et jouer un rôle important dans la forma- tion embryonnaire. Voyons comment les faits justifient cet énoncé théorique. La figure 7 (pl. I) nous montre une segmentation très avan- D8 M. DUVAL. cée dans les couches profondes du germe. Cette figure représente la coupe médiane antéro-postérieure d’une cica- tricule d'œuf de faisan fraichement pondu (duquel nous n'avons su s'il était fécondé ou non); nous avons trouvé la même disposition sur un œuf de rossignol non fécondé, et des dispositions très analogues (intermédiaires à la figure 7 et à la figure 8) une fois sur un œuf de poule non fécondé (comparer avec la figure 15, pl. XV, d’'Œllacher (1), et une fois sur un œuf de fauvette dans les mêmes conditions. On voit ici la cavité de segmentation encore bien apparente (en CS, fig. 7) et la seg- mentation se poursuivant dans la profondeur, surtout en arrière, de sorte que l'ensemble de la coupe du germe seg- menté a la forme d’une massue, à petite extrémité dirigée en avant, à grosse extrémité dirigée en arrière ; c’est dans la partie superficielle de cette grosse extrémité qu'est creusée la cavité de segmentation. Nous avons au-dessus de cette cavité de seg- mentation un feuillet supérieur (ex) bien limité sur ses deux faces, et au-dessous de cette cavité une masse de sphères représentant les éléments du feuillet inférieur (entoderme pri- mitif), feuillet inférieur (à) qui n’est bien limité qu'à sa face supérieure, puisque en bas de nouvelles sphères de seg- mentation s'ajoutent sans cesse à celles qui constituent déjà ce feuillet. Mais bientôt sa face inférieure ou profonde va également se dessiner en se séparant du reste du vitellus. C’est ce qui se montre dans une certaine étendue sur la figure 8 (d'après une coupe médiane antéro-postérieure d’un œuf de serin non fécondé). Ici, tandis qu’en avant (de À en d) les dispositions sont les mêmes que dans la figure 7, en ar- rière, au contraire, est apparue la ligne de séparation entre Jes sphères de segmentation formées en dernier lieu et le vitel- lus renfermant des noyaux libres, sans trace de nouveaux sil- lons de segmentation, ou- avec seulement l'indication vague de quelques sillons qui mettront un temps relativement long à accomplir la séparation de nouvelles sphères (voy. la figure 9 (1) Op. cit., 1872, in Zeütschrft. f. Wissenschaft. Zoolog.,t. XXII. ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 39 représentant à un fort grossissement la partie postérieure de la figure 8). Enfin, dans la figure 10 (trois cicatricules d'œufs non fécondés de rossignol nous ont donné des préparations identiques à cette coupe médiane antéro-postérieure), la ligne en question s’est poursuivie jusqu'en avant (de P en À), et dès lors la masse du feuillet inférieur se trouve limitée dans toute l'étendue de sa face inférieure. En comparant la figure 10 de la planche I avec la figure 14 (pl. I), que nous décrirons bientôt, et avec la figure 17 déjà décrite (p.32) de la planche IT, on voit que la ligne qui vient de délimiter ainsi la face inférieure de la masse de sphères de segmentation correspond bien à l’espace classiquement connu sous le nom de cavité sous-germinale. Dès ce moment, nous sommes à la période que les auteurs désignent sous le nom de terminaison de la seymentation, c’est-à-dire en présence d’un blastoderme bien eirconscrit en dessous par la cavité sous- serminale, ici encore sous forme de fente étroite (eg. fig. 8 et 10), et dont le plancher est formé par du vitellus parsemé de noyaux. On comprend done que nous ayons dù donner à ce stade le nom de s/ade de la cavité sous-germinale. Si nous venons de justifier l'énoncé théorique que nous avions tout d’abord donné de la formation de la cavité sous- serminale, il s’en faut de beaucoup que nous ayons terminé l'étude de cette phase du développement, et nombreuses sont les remarques qu’il faut encore faire sur les diverses parties, dont les unes sont en voie de formation, tandis que les autres tendent à disparaitre. Occupons-nous d’abord de la cavité de segmentation. Elle était très visible sur la figure 7 (en GS); sur la série de coupes dont fait partie la figure 8, nous avons peine à la retrouver; elle parait s’effacer d’arrière en avant à mesure que se dessine la cavité sous-germinale, la masse des éléments du feuillet infé- rieur (entoderme primitif, 2n') venant s'appliquer plus étroite- ment à la face inférieure du feuillet supérieur ou ectodermique (ex); et sur les préparations dont fait parue la figure 40, il n’est plus possible de retrouver aucune trace de la cavité de 60 M. DUVAL. segmentalion, la masse cellulaire entodermique étant en con- tact immédiat avec l’ectoderme. Mais, si la cavité de segmen- tation n'existe plus pour séparer l’ectoderme de l’entoderme, ces deux couches du blastoderme n’en sont pas moins dis- unctes l’une de l’autre, au moins dans la région centrale, par le fait de la configuration et de la disposition différente des éléments qui constituent les deux couches. Dès ce moment l’ectoderme est formé de cellules cubiques, parfois légèrement cylindriques, un peu plus hautes que larges, étroitement ap- pliquées les unes contre les autres par leurs faces latérales, et figurant ainsi un épithélium à une seule couche, disposition qui restera le trait caractéristique de ce feuillet dans les stades ultérieurs du développement. Au contraire, la masse ento- dermique ne présente encore aucune disposition qui mérite le nom de feuillet, car elle est formée d’un amas de cellules rondes entremêlées de grosses sphères de segmentation, sur- tout dans ses parties profondes, et ces éléments sont irrégu- lièrement disposés, en contact immédiat les unes avec les autres dans les couches les plus supérieures, plus ou moins séparés les uns des autres dans les couches inférieures et y formant comme un tissu réticulé, autant que cette expression peut être employée pour une masse composée de globules sphériques (fig. 8, 9, etc.). En même temps on constate que les éléments du feuillet supérieur se colorent par le carmin plus vivement que les élé- ments sous-Jacents (remarque déjà faite par Dansky et Koste- nitch, op. cit. p.59). Quoi qu'il en soit, on voit que la cavité de segmentation disparait à mesure que se forme la cavité sous-germinale ; la durée de son existence est donc très limitée, de même qu'est limitée son étendue, puisque, alors même qu’elle est le plus visible (fig. 4 et 7), elle n’occupe qu'une certaine partie du germe, la région médiane un peu postérieure. Il n’est donc pas étonnant que la cavité de segmentation, dans le germe de l'oiseau, ait échappé à la plupart des embryologistes et qu’elle ait été mal interprétée par ceux qui l’ont entrevue. His. l’a ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 61 parfaitement vue et décrite dans un de ses plus récents mé- * moires d’embryologie, et lui donne le nom de cavité primaire de segmentation (1) ; cette cavité primaire est, dit-il, de très courte durée ; quand la segmentation est terminée, ajoute-t-il, une nouvelle cavité (cavité secondaire de segmentation) se forme et se trouve placée cette fois non au milieu, mais au- dessous du blastoderme, et plus tard de embryon. Cette der- mère cavité n’a aucune relation avec la première; parfois, alors qu’existe la cavité secondaire de segmentation, on voit encore entre les deux feuillets du blastoderme, c’est-à-dire là où existait antérieurement la cavité primaire, une fente qui pourrait être prise pour une production artificielle résultant des manipulations qu'a subies la pièce. D’après His, la cavité \ primaire de segmentation s’observe très bien sur l’œuf des / poissons. Depuis la publication du mémoire de His a paru en Russie un travail où ces résultats sont contestés; les auteurs, MM. Dansky et Kostenitsch (2), se basant sur ce que la cavité primaire de segmentation de His n’est pas visible sur des germes traités par un mélange d'alcool et de glycérine, puis par l'essence de térébenthine, d’après la méthode d’Afanas- sief (3), sur ce qu’elle apparaîtrait dans les pièces durcies par l’acide chromique, se dessinant alors sous forme de fente entre les deux feuillets blastodermiques, en concluent que la _ cavité primaire de segmentation doit être rangée parmi les produits de déformations accidentelles et artificielles. Ayant pu suivre les diverses phases de la production et de l'effacement de cette cavité, nous ne saurions nous ranger à la manière de voir de MM. Dansky et Kostenitsch. Les obser- vations de His sont très exactes à nos yeux, quoique incom- plètes; mais, par contre, nous ne saurions adopter sa nomen- (1) W. His., Neue Uniersuchungen über die Bildung des Hühnerembryo. (Arch. für Anat. und Physiol. — Anat. Abtheil., 1877, p. 112. — Voy. p. 179). (2) J. DanskyetJ. Kostenitsch., Ueber die Entwicklungsg. der Keimblätter | (Mémoires de l’Acad. imp. de Saint-Pétersbourg, t. XXVII, n° 13, 1880). (3) Afanassief, Bull. de l’Acad. imp. des sc. de Saint-Pétersbourg, 1868, MIE ip: 9. ANN. SC. NAT., ZOOL., AOUT 1884. XVIII. 5. — ART. N° {. 62 M. DUVAL. clature de cavilé primaire et cavité secondaire de segmenta- tion (1). Sans doute, vu leur mode de formation, chacune de ces cavités mérite le nom de cavité de segmentation, puisque cha- cune d'elles est produite en définitive par la fusion de sillons horizontaux de segmentation. Mais en embryologie on ne saurait nommer les parties en considérant uniquement leurs rapports chez un être donné; il faut aussi faire entrer en ligne de compte les considérations d’embryologie comparée, afin d’assigner aux parties leur signification morphologique géné- rale. Or, à ce point de vue, la première cavité, celle que nous avons nommée cavité de segmentation, mérite bien ce nom par homologie avec la cavité semblable qui apparaît dans l'œuf de lamphioxus, comme dans celui des batraciens, au milieu de la masse des sphères de segmentation. Mais la seconde cavité, celle que nous avons appelée avec la très grande majorité des embryologistes cavité sous-germinale, à une tout autre sigmfication, une tout autre homologie. Elle correspond à la future cavité intestinale, comme le démontre le développement ultérieur ; elle est homologue de la cavité d'invagination de l’œuf de l’amphioxus, et, si elle ne résulte pas d’un processus qui rappelle cette invagination, elle rap- pelle la formation de cette même cavité chez les batraciens, où il y a à la fois une sorte d’invagination et à la fois simple (1) Motta-Maia a également observé (op. cit., dans les Mittheilungen aus dem Embryol. Instit. in Wien., 1877, t. 1, p. 90) la cavité de segmentation sur un œuf de tourterelle non fécondé, fraîchement pondu. Aprës l’avoir décrite mieux qu'il ne la figure (les dessins qui accompagnent son mémoire sont évi- demment très défectueux), il ajoute : « Cette fente doit évidemment être consi- dérée comme l’homologue de ce qu'on nomme la cavité de segmentation dé Baer. Il est remarquable que cette cavité se retrouve dans l’œuf non fécondé en voie de segmentation et qu’elle manque dans les conditions ordinaires. Cette disposition rappelle celle de la cavité de segmentation que Schenk a constatée sur l’œuf de là Rdjd quadrimaculata, pris dans l’intérieur de l’oviduete; et cependant, sûr l’œuf de la torpille, Schulz n’a pas retrouvé cette fente. » (Schenck. Dié Eiér von Rüja quadrimaculata innerhalb der Eïüleiter ; Sitz- ungsb. der Kais. Akad. d. Wissensch. in Wien:, 1879. — Schiulé, in Arch. f: mikrosk. Anat.. 1876, t. XIIL, fasc. 3:) ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 63 soulèvement d’une partie des sphères sous-jacentes à la cavité de segmentation, soulèvement par lequel les éléments qui doivent constituer l’entoderme viennent s'appliquer à la face inférieure de l’ectoderme. Le véritable nom de cette cavité serait donc celui de cavité intestinale, ou cavité d’invagina- tion, ou cavité de la gastrula, pour employer les expressions appliquées d’une manière si heureuse par Hækel aux forma- tions successives des œufs holoblastiques à segmentation totale. Cependant nous préférons conserver le nom de cavité sous-germinale, qui est plus consacré par l'usage et ne pré- Juge rien sur des homologies assez délicates à établir, quoique bien certaines à nos yeux. Notre intention n’est pas d'exposer ici toutes les considéras tions qui plaident en faveur de l’homologie de la cavité sous germinale du poulet avec la cavité d’invagination gastruléenne, telle qu’on la trouve chez la grenouille. Mais nous devons cependant nous arrêter sur quelques-unes de ces considéra- tions, sur celles précisément qui sont relatives aux détails complémentaires qu’il nous reste à donner à propos des blastodermes représentés dans les figures 8, 9, 10, 12 et 13. Sur l’œuf de la grenouille, lorsque la cavité intestinale d’in- vagination est formée, elle est limitée en haut par une couche entodermique qui a son homologue dans la masse entoder- mique (22') de la figure 10, et en bas par une masse de grosses sphères de segmentation, qui plus tard formeront l’épaisse couche entodermique de la paroi antérieure de l'intestin; on sait qu'à ce moment cette masse de cellules vitellines de l’in- testin est pour la larve de grenouille une sorte de vésicule ombilicale, c’est-à-dire précisément l’homologue de la masse vitelline qui forme chez le poulet le plancher de la cavité de segmentation, Tant qu'on n’avait pas constaté que ce plan- cher renferme des noyaux libres, avec comifiencement d’indi- eation de segmentation, c’est-à-dire commencement de diffé- renciation, en cellules, de la partie de vitellus voisine de chaque noyau, il était difficile d'arriver à comparer l’ento- 64 M. DUVAL. derme de la paroi intestinale inférieure de l’œuf de la gre- nouille avec le vitellus sous-jacent à la cavité de segmentation du poulet. Mais la comparaison paraît toule naturelle du moment qu’on voit ce vitellus parsemé de noyaux, c’est-à-dire représentant, pour ainsi dire en puissance, des cellules ou sphères de segmentation, car toute la différence consiste alors en ceci que, dans ces parties homologues chez le batracien et l’oiseau, celle des batraciens est déjà segmentée, tandis que celle de l’oiseau est sur le point de l'être. Et en effet tous les auteurs ont constaté que, sur l’œuf de poule fraichement pondu et pendant les premières heures de l’incubation, 1l se forme sur le plancher de la cavité sous-germinative des sortes de bourgeons qui s’isolent bientôt et constituent ainsi de grosses sphères de segmentation dont est parsemé ce plan- cher. Nous avons déjà parlé des théories qui font jouer un rôle spécial à ces sphères (voy. p. 56) ; pour notre part, nous sommes amené à penser que celles qui se développent vers les parties médianes du plancher ne servent à rien et finissent par être résorbées, comme le sont du reste les cellules vitel- lines de l’épaisse couche entodermique de la paroi inférieure de lintestin de la grenouille. Du reste, 1l ne se forme jamais que peu de ces sphères de segmentation secondaire sur la partie moyenne du plancher de la cavité sous-germinale. Soit que les noyaux, assez rares, qu’on trouve dans cette région au stade représenté par la figure 10, demeurent pour ainsi dire stériles, soit qu’ils émigrent vers la périphérie pour se joindre à ceux plus nombreux qu’on trouve sur les bords de ce plan- cher, toujours est-il que c’est sur ces parties marginales, correspondant aux bords du blastoderme, qu’on voit ulté- rieurement se former le plus grand nombre de sphères de segmentation secondaire, et celles-ci prennent, nous le ver- rons plus tard, une part importante au développement en S’incorporant au feuillet inférieur du blastoderme, ou, pour mieux dire, en se juxtaposant aux bords de ce feuillet pour produire son extension périphérique. Tout cela, nous le répé- tons, ne s’observe que beaucoup plus tard, dans le’ stade ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 65 que nous appellerons stade du bourrelet entodermo-vitellin. Mais déjà au stade qui nous occupe en ce moment (fig. 10), c’est-à-dire lorsque la cavité sous-germinale vient de se con- stituer définitivement, on voit presque toujours, sur les coupes médianes antéro-postérieures, des sphères de segmentation secondaire se produire sur la lèvre postérieure du plancher de la cavité sous-germinale, contre l'extrémité postérieure du blastoderme, et se déplacer en devenant libres entre ce rebord du plancher et l'extrémité du blastoderme, dépassant souvent le niveau de la limite supérieure de l’ectoderme, de manière à venir toucher la membrane vitelline et même la soulever très légèrement. Get état de choses, que la figure 10 (en ) représente très exactement, nous l'avons trouvé aussi bien sur les œufs de poule (pas d’une manière constante) que sur les œufs de petits oiseaux tels que rossignols, fauvettes, serins, perruches ondulées. Mais ce n’est que sur les œufs de petits oiseaux, et notamment sur un œuf de rossignol (non fécondé et fraîchement pondu) que nous avons constaté des disposi- tions plus complètes, capables de nous donner la clef, c’est-à- dire lhomologie des formations en question. Nous décrirons donc d’abord ce blastoderme vu en surface, puis en coupe, et nous donnerons ensuite la seule interprétation qui nous pa- raisse convenir. La figure 43 représente cet œuf tel qu’il s’offrait après que quelques gouttes de solution osmique eurent agi sur sa cica- tricule ; nous n'avons figuré le contour de la coquille (cg) et celui du jaune (SJ) que pour indiquer la place du gros bout de l’œuf et orienter ainsi la future extrémité postérieure du blastoderme. On voit que le blastoderme se présente ici, comme d'ordinaire, sous la forme d’une tache circulaire (noire par l’action de l’acide osmique) et à bords nettement limités; mais qu’en arrière (en p) ce bord est comme échancré, for- mant une petite encoche, dans la concavité de laquelle se dessinent plusieurs points noirs, comme si le bord du blasto- derme s’émiettait en ce point. La figure 10 représente la coupe longitudinale médiane et antéro-postérieure faite sur 66 M. DUVAL.. ce blastoderme, et on y voit aussitôt ce que sont en réalité ces petites taches noires qui faisaient croire précédemment à une sorte d’émiettement du blastoderme; elles ne sont autre chose que les sphères de segmentation secondaire produites sur la lèvre postérieure du plancher de la cavité sous-germi- native, telles que nous les avons décrites quelques lignes plus haut. Ces globules ne proviennent done pas du blastoderme lui-même, mais du vitellus. La figure 11 représente deux de ces globules vus à un fort grossissement, et montre que ce sont bien des sphères de segmentation, des cellules, car l’une d'elles présente un noyau très net en son centre. Jamais, dans les stades antérieurs, nous n’avons rencontré cette forme du disque blastodermique, cette échancrure à son extrémité postérieure ; mais celle-ci nous a paru quelquefois, dans des stades semblables à celui qui nous occupe, un peu moins arrondie que l’extrémité antérieure, parfois formée, sur une très petite étendue, par une ligne droite. Nous croyons pouvoir en conclure que, en s’étendant en surface, c’est-à-dire en s’étalant sur le vitellus, extension qui commence déjà au stade de la figure 8 et s’accentue surtout ultérieurement, comme le montre la figure 14 (ces deux figures sont au même orossissement de 40 à 50 fois), nous pouvons en conclure, disons-nous, que pendant son extension le blastoderme pré- sente à son extrémité postérieure deux petites régions, situées de chaque côté de l’extrémité correspondante du diamètre antéro-postérieur, qui s'étendent plus vite que la partie qui leur est interposée, et arrivent ainsi à figurer comme les deux pétites cornes d’une échanerure en croissant. C’est dans cette échancrure que se trouvent les sphères de segmentation secon- daire représentées figures 10 et 11, et qui se traduisaient comme des points noirs sur la préparation de la figure 10. Nous disons que nous croyons devoir proposer cette interpré- tation, et nous devrions la proposer sous la forme d’une hypo- thèse timide, si nous n'avions comme éléments d’étude que des pièces relatives au stade représenté par les figures 40 et 43; mais les observations faites dans les stades süivants ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 67 viennent absolument confirmer cette hypothèse et donner la signification générale d’une série de transformations qui ont pour point de départ la disposition que nous venons de dé- crire, et pour résultat final la formation de la ligne primitive. Gette échancrure en croissant, située à l’extrémité posté- rieure du blastoderme, au moment où vient de se former la cavité sous-germinale, cette échancrure a donc une grande importance, d'autant que, s'il n’est pas possible de toujours la constater, on trouve toujours ultérieurement des disposi- tions montrant qu’elle a pu exister d’une manière très transi- toire, ou que du moins, si elle fait défaut comme première phase d’une série de transformations du bord postérieur du blastoderme, les autres phases de cette série se déroulent cependant, c’est-à-dire qu'il y a eu seulement abréviation dans le début des phénomènes en question. Il nous faut donc donner à cette échancrure une dénomination brève qui facilite l'exposé des faits. Nous croyons être en mesure de chercher cette dénomination dans l’homologie de cette partie avec une formation semblable de l’œuf des batraciens. On sait que la cavité intestinale de l’œuf du batracien, cavité qui est l’homologue de la cavité sous-germinale de l’oi- seau, communique avec l’extérieur, au niveau de son extré- mité postérieure, par un orifice dit anus de Rusconi; que cet orifice circulaire n’est, lors de l'apparition de ses premiers rudiments, circonscrit que sur son bord antérieur et dessine alors, en arrière de,la partie de l’œuf où apparaîtra le pre- mier rudiment de l'embryon, une échancrure en forme de croissant, le croissant rusconien ; ce croissant forme une lèvre sur laquelle le feuillet externe ou ectoderme se replie pour se continuer avec le feuillet interne ou entoderme; en arrière, là où l’orifice rusconien n’est pas encore nettement dessiné, il est limité par les grosses sphères de segmentation qui sont, comme nous l'avons répété plusieurs fois, Phomologue du vitellus parsemé de noyaux, qui forme le plancher et surtout les bords du plancher de la cavité sous-germinale. Or toutes ces dispositions se retrouvent pour notre échancrure en crois- G8 M. DUVAL. sant du bord postérieur du blastoderme de l'oiseau. Nous venons de rappeler l’homologie entre le vitellus à noyaux qui le limite en arrière et les cellules vitellines qui affectent les mêmes rapports avec le croissant rusconien de la grenouille. Mais chez l'oiseau le croissant ne forme-t-1l pas également une lèvre épaisse au niveau de laquelle l’ectoderme se continue avec l’entoderme”? En suivant cette lèvre de haut en bas, n’ar- rivons-nous pas dans la cavité sous-germinale, homologue de la cavité intestinale primitive du batracien? Nous sommes donc autorisés dès maintenant à employer 1c1 l’expression de croissant rusconien aussi bien que pour l'œuf de la grenouille. Mais ce n’est pas tout, pendant que le croissant rusconien du batracien se complète pour devenir l’orifice circulaire dit anus de Rusconi, une petite masse des cellules vitellines cor- respondant à son bord postérieur, au lieu d’être refoulée en dedans, comme tout le reste de ces cellules vitellines, se sou- lève et vient faire saillie en arrière du croissant, puis plus tard, circonscrite par l'anus de Rusconi, y fait hernie sous forme d’un bouchon blanc, connu sous le nom de bouchon de Ecker. Or les sphères de seymentation secondaire figurées en n et g, dans la figure 10, présentent précisément, il n’est pas besoin de le récapituler par le détail, tous les rapports qui établissent leur homologie parfaite avec les cellules vitellines du bouchon de Ecker. Nous croyons donc, pour rappeler cette homologie, pouvoir donner le nom de globules de Ecker aux sphères de segmentation secondaire qui occupent la situation précédemment définie. Ces globules de Ecker méritent de nous arrêter un instant. Nous devons en effet faire remarquer que déjà en 1878 nous avions observé ces globules (1) dans une autre situation, à une autre phase du développement, et que nous avions alors été amené à leur donner un nom tiré simplement de leurs rap- ports, puisque alors nous ne connaissions rien de leur origine ni de leur homologie. En effet, nous avions nommé globules (1) Études sur la ligne primitive, p.16 et 17. ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 69 épiaxiaux les globules qui, dans le fond de la gouttière de la ligne primitive, forment parfois une traînée (filament épiaxial) entrevue déjà par de Baer, mieux décrite par Dursy, et considérée à tort comme un rudiment de la corde dorsale (à l’époque où on confondait encore la gouttière primitive avec la gouttière médullaire). « Nous ne pouvons rien dire, ajou- tions-nous alors (op. cit., p.17), de l’origine deceséléments.… mais cette considération qu’ils ne possèdent point de noyau, doit porter à les considérer comme ne jouant qu’un rôle peu important dans le développement : l’embryologie comparée apportera sans doute des éclaircissements à cette question; tout au plus peut-on, pour le moment, émettre l'hypothèse que ces globules épiaxiaux représentent une sorte d’excrétion, une matière rejetée au niveau de la gouttière primitive et en rapport avec les phénomènes actifs de prolifération qui se passent au niveau de cette gouttière. » Mais, bientôt après la publication de ce mémoire, nous con- stations sur l’œuf du crapaud en voie de développement des faits semblables à ceux que nous avions décrits pour les glo- bules épiaxiaux des oiseaux. Nous avions vu (Société de biolo- ge, 3 avril 1880) que, sur le crapaud, une partie, sinon la totalité du bouchon de Ecker, au lieu d’être refoulée dans l’intérieur, comme cela a lieu pour la grenouille, devient libre et s’étale en une traînée blanche plus ou moins régulière reposant dans le fond d’une gouttière ou fente longitudinale qui résulte des transformations ultimes de l’anus de Rusconi. Nous trouvions donc ici, comme pour le poulet, des globules épiaxiaux, et ici l’origine entodermique de ces globules était évidente. Restait à démontrer une semblable origine pour les globules épiaxiaux du blastoderme du poulet. C’est ce à quoi nous sommes arrivé actuellement, car il nous a été donné de voir sur un certain nombre de pièces les globules, représentés en ng dans la figure 10, demeurer au-dessus du niveau supé- rieur du blastoderme, et, à mesure que se forme la ligne pri- mitive, venir reposer sur le fond de sa gouttière. Nous verrons même que, pendant le développement de la ligne primitive, 70 M. DUVAL. les dispositions sont telles que parfois de nouveaux globules, c’est-à-dire des fragments du vitellus parsemé de noyaux, doivent venir se joindre aux globules semblables déjà sortis, de manière à être en nombre suffisant pour former ces fila- ments éplaxiaux très développés que Dursy décrit comme on- dulés et même tortillés en tire-bouchon à l’une de leurs ex- trémités. Quant à la contradiction qui existe entre nos pre- mières observations, dans lesquelles nous n'avons pas vu de noyau dans les globules épiaxiaux, et nos observations ac- tuelles, où nous constatons la présence d’un noyau dans les sphères (#9) représentées par les figures 10 et 11, cette con- tradiction n’est qu’apparenteet résulte de ce que ces globules, formant une sorte de masse d’excrétion, cessent sans doute d’être des éléments vivants, ne sont en tout cas destinés à prendre aucune part active dans les phénomènes ultérieurs du développement, et perdent ainsi leur noyau, se réduisant à de petites masses sphériques, granuleuses, peu régulières et dans lesquelles on a peine à reconnaître des éléments ayant eu pri- mitivement la signification de sphères de segmentation, c’est- à-dire de véritables cellules complètes. Nous venons, pour montrer les rapports des parties et justi- fier les dénominations sous lesquelles nous les désignerons par la suite, nous venons de donner diverses indications anti- cipées sur les phénomènes du développement, en partant de l'état représenté dans les figures 10 et 13, c'est-à-dire à pro- pos du croissant rusconien de l’oiseau. Revenons à ces figures, à ce croissant, et ne négligeons pas de répéter que nous n’avons que rarement trouvé la disposition ici représentée ; trois fois nous l’avons trouvée sur des œufs de petits oiseaux (voy. ei- dessus, p.65), vaguement sur un seul œuf de poule. Est-ce à dire que le blastoderme du poulet ne présente pas de disposi- tions semblables? Nous ne le pensons pas, car l’examen de cer- tains blastodermes, présentant un développement anormal (1), (1} Voy. notre note à la Société de biologie (L’ombilic blastodermique et l'anus de Rusconi, 8 et 15 mai 1880). ; ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 71 nous a pérmis, à diverses reprises, de trouver, sur la ligne pri- mitive du poulet complètement formée, une perforation qui doit être le reste d’un véritable orifice rusconien ayant existé anté- rieurement, et qui avait dû lui-même être précédé dela forma- tion d’un croissant rusconien. Mais, si nous n'avons pas nous- même observé sur le blastoderme du poulet l’état dit de crois- sant rusconien, nous trouvons, en dépouillant les observations d’'Œllacher, un cas qui certainement représente le stade de début du croissant rusconien. Il s’agit (Œllacher, op. cit., Zeitschrift. [-wissenschft. Zool., t. XIIT, 1872) d’un œuf non fécondé, recueilli dans l’oviducte d’une poule, œuf qui était déjà revêtu d’une coquille résistante, mais très mince. « La ci- catricule de cet œuf, dit Œllacher (p. 31), présentait un as- pect tout particulier ; elle n’était pas circulaire, mais en crois- sant, c’est-à-dire figurant un demi-disque, qui, du côté de son bord convexe seulement, était nettement circonscrit par le vitellus blanc, tandis que vers son côté rectiligne la limite n’était pas si nette, comme si en cette région le vitellus blanc était mêlé soit à des éléments du jaune, soit à des éléments du germe lui-même (1). » Cette cicatricule, destinée à être étudiée en coupes fixes, fut sectionnée perpendiculairement à son côté rectiligne ; sur les coupes médianes on voyait qu'elle était com- posée d'éléments bien circonscrits de tous côtés et assez irré- ouliers de forme. Sur une extrémité de la coupe (côté gauche de la figure donnée par Œllacher), ce blastoderme était mince et se terminait en pointe; à l’autre extrémité, il était plus de deux fois plus épais et très nettement circonserit. Or Œllacher ajoute que l’extrémité amincie sur la coupe correspondait au bord curviligne sur la cicatricule vue en surface, Pextrémité épaisse au bord rectiligne, c’est-à-dire qu'il s’agit d’une pré- paration très analogue à celle représentée dans notre figure 10 (moins les éléments désignés par les lettres ng) et que l’extré- mité mince de la coupe correspondait à la future région anté- rieure, l'extrémité épaisse à la future région postérieure. Gette (1) Comparez avec l’aspect que présente la partie postérieure de la cicatri- cule représenté dans la figure 13 de notre planche T. 72 M. DUVAL. future région postérieure était, sur la vue en surface, limitée non par une ligne convexe, mais par une ligne droite : que les extrémités de cette ligne droite se fussent un peu prolongées en arrière, et nous serions en présence d’une forme identique à celle représentée dans notre figure 13. Œllacher aurait donc eu la bonne fortune de se trouver en présence du stade qui précède immédiatement celui de notre figure 13, et en effet, 1l décrit le blastoderme en question comme formé de très gros éléments de segmentation, c’est-à-dire comme moins avancé en développement que les cicatricules de petits oiseaux sur lesquelles nous avons pu observer le croissant rusconien. Pour le dire en passant, ce n’est pas là le seul cas dans lequel cet auteur nous représente des coupes antéro-posté- rieures, dans lesquelles, quoiqu'il n’ait pas toujours signalé cette orientation, nous reconnaissons la future région posté- rieure et la future région antérieure. Sa figure 2 (coupe mé- diane d’après un œuf non fécondé fraîchement pondu) est à peu près identique à notre figure 8, ou mieux intermédiaire à nos figures 8 et 10. Mais dans la plupart des autres coupes représentées par lui, l’orientation n’est plus possible, soit que les coupes aient été faites transversalement, soit que, longi- tudinalement dirigées (d'avant en arrière), elles appartiennent non au centre, mais aux parties latérales du blastoderme. Ainsi notre figure 12 représente une coupe latérale antéro-posté- rieure appartenant au même blastoderme que la figure 10, et cependantil est impossible d’y reconnaître la région antérieure et la région postérieure, la coupe ayant à peu près la même épaisseur à chacune de ses extrémités, c’est-à-dire ne pré- sentant plus la forme en massue si caractérisée dans les figures 8 et 10. IV. —— STADE DE LA FORMATION DU BOURRELET BLASTODERMIQUE. Le stade que nous allons étudier va nous faire assister aux transformations qui, du blastoderme tel qu’il est repré- ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 73 senté dans la figure 10, nous amènent aux blastodermes des figures 17 et 22, lesquels ont été étudiés dès le début sous le nom de blastodermes pourvus d’un bourrelet marginal. Et en effet, nous allons assister à la formation de ce bourrelet mar- gimal (bourrelet blastodermique). Les transformations en question ont essentiellement pour cause une extension du blastoderme en surface, extension qui a lieu aux dépens du blastoderme lui-même, sans adjonction d'éléments empruntés au vitellus blanc. Ainsi, dans les stades antérieurs, ie blastoderme en voie de formation avait, d’une manière continue, quoique lente, augmenté d’étendue, car il a des dimensions antéro-postérieures plus considérables dans la figures 10 que dans la figure 7 (1); mais ici l'accroissement s'était fait par une adjonction incessante de uouvelles sphères de segmentation détachées du vitellus, c’est-à-dire aux dépens : de celui-ci. Au contraire, du moment que la cavité sous-ger- minale est bien formée et délimitée, les quelques rares sphères de segmentation qui peuvent encore se détacher de son plan- cher et peut-être se joindre au feuillet inférieur du blasto- derme, ne jouent pas de rôle sensible dans l’aceroissement de celui-ci, qui, pendant un certain temps, ne s’accroîtra plus que par le fait de la division et de l’étalement en surface des , éléments cellulaires qu’il renferme (nous verrons ultérieure- ment que ce mode d’accroissement sera toujours celui du feuillet externe, tandis qu'à un moment donné le feuillet in- terne recommence à s'étendre par adjonction d'éléments em- pruntés au vitellus : entoderme vwitellin). Ce n’est pas à dire (1) On pourrait faire remarquer que ces deux figures ne sont pas compa- rables, puisque l’une est d’une cicatricule de faisan (fig. 7), et l’autre d’une cicatricule de rossignol (fig. 10); mais, comme l’œuf du faisan est plus gros et sa cicatricule, pour un même stade, plus grosse que celle du rossignol pour le même stade, il en résulte que la différence d’étendue constatée ici entre les blastodermes des figures 10 et 7 est en réalité plus grande qu’elle ne se pré- sente sur ces dessins, c’est-à-dire que si, au lieu d’avoir représenté dans la figure 10 un blastoderme de rossignol, nous avions pu donner un blastoderme de faisan, les différences de dimensions en faveur de la figure 10 seraient encore plus sensibles. 7% M. DUVAL. qu'antérieurement, pendant la formation et de la cavité de seomentation el de la cavité sous-germinale, ies éléments qui constituent le blastoderme ne contribuent pas à son extension en se multipliant par voie de division (division mise en évi- dence notamment par la diminution de volume de ces éléments à mesure qu’on les examine dans des stades de plus en plus avancés) (1), mais cette multiplication ne prend qu'une part très secondaire à l'extension du blastoderme, tandis qu’elle en devient la source prédomimante au stade qui va nous oc- cuper. Au stade actuel, c'est surtout le feuillet externe qui paraît être le siège d’une active prolifération cellulaire, et les éléments ainsi produits demeurant juxtaposés en une seule couche, il en résulte que ce feuillet externe ou ectoderme doit s'étendre largement en surface. C’est ce que montre la comparaison des figures 40 (pl. D) et 14 (pl. ID). Ges figures étant dessinées au même grossissement (environ 45 fois), on voit que le blasto- derme de la figure 14 présente, dans le sensantéro-postérieur, un diamètre qui est presque double de celui de la figure 8; il ne faudrait pas s’en rapporter à cette proportion qui serait beaucoup trop élevée pour exprimer la valeur réelle de lac- croissement d'extension produit pendant le court espace de temps qui sépare les deux stades correspondant à chacune de ces figures; ici en effet, l’une des figures appartient à un blasto- derme de serin (fig. 8) et l’autre à un blastoderme de poulet. Quand on compare l'étendue en diamètre de deux blasto- dermes de poulet appartenant chacun à l’un des stades repré- sentés par les figures en question, on voit que ce diamètre n’a pas doublé, mais seulement augmenté d’un tiers ou seulement (4) Dans la figure 9, lors de l’apparition de la cavité de segmentation, les segments placés au-dessus de cette cavité (ectoderme) mesurent presque 2/10 de millimètre en diamètre; dans la figure 7, ces mêmes éléments ectodermiques ont 3/100 de millimètre en diamètre; les gros segments de la masse entoder- mique mesurant 5/100 de millimètre dans les couches superficielles (sous- jacentes à la cavité de segmentation) et 7 à 8/100 dans les couches profondes. Dans la figure 8, les petits segments ont un diamètre de 2/100 de millimètre, et les gros de 5/100 de millimètre en moyenne; È ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 75 d’un quart, en passant de la forme de la figure 8 à la forme de la figure 14. Corrélativement à cette extension du feuillet externe ou ectoderme, la masse sous-jacente où eutodermique a dû suivre, et, étant sans doute le siège d’une prolifération cellu- laire moins active, s’étaler avec écartement de ses cellules constitutives, comme le représente la figure 14. À vrai dire, nous n’attachons pas en somme une très grande importance à cette interprétation, dans laquelle nous invoquons un plus rapide développement du feuillet externe, qui, dans ce mou- vement d'extension, serait acuif par rapport à la masse ento- dermique qui serait passive, en raison de ce que ses élé- ments se multiplieraient moins abondamment. Cette manière d'exprimer les choses correspond bien aux dispositions qui se révèlent sur les coupes, et nous l’avons adoptée parce qu'ici nous n’avions aucune raison de nous écarter de ce qui est à peu près classiquement admis par tous les auteurs. « En ce qui touche l’accroissement de la cicatricule, dit Külliker (p. 82), le blastoderme a, en général, dans l’œuf frais pondu 1 millimètre de plus en diamètre que dans les stades du milieu de la segmentation, et si on en recherche la raison, la prompte constitution de lectoderme prouve bien que c’est avant tout à la couche la plus superficielle des cellules de segmentation qu'il faut rapporter l’augmentation des dimensions du disque prolifère. Je crois avoir raison d’admettre que, pendant que la couche externe croît en superficie, les cellules plus profondes changent de place. » Mais, par contre, nous nous prononçons aussi énergique- ment que possible contre l’interprétation suivante, récemment émise par M. Wolff (1) : « Le blastoderme, qui d’abord était lenticulaire, change de forme lorsque lœuf arrive dans la partie inférieure de l’oviducte. Il devient plus mmce au centre que sur les bords, ce qui est dù à la formation du feuillet (4) W. Wolff, Ueber die Keimblatter des Huhnes (Arch. f. mikrosk. Anat.; 1882, €. XXI, p. 47): 76 M. DUVAL. externe. En effet les éléments du feuillet profond se déplacent pour venir à la superficie et prendre part à la constitution du feuillet. Sur l’œuf fraîchement pondu on trouve un feuillet externe bien développé. Mais 1l est difficile de dire s’il ren- ferme déja tous les éléments qui doivent le composer, ou bien si, dans le cours ultérieur du développement, il doit encore en recevoir quiviendraient de la masse des sphères de segmen- tation sous-jacentes. » Or, s’il est une question où tous les embryologistes se trouvent d'accord, c’est certainement celle de la parfaite et définitive séparation, sur l’œuf fraichement pondu, du feuillet ectodermique d’avec la masse sous-jacente, surtout dans les régions centrales du blastoderme. Il est donc fàächeux de voir remettre en question des faits qui, en dehors du consensus des auteurs, ressortent avec la dernière évidence de l’examen de bonnes préparations, telles que les progrès de la technique histologique permettent de les obtenir aujour- d’hui. Ajoutons que, si M. Wolff n'avait pas confondu la cavité sous-germinale avec la cavité de segmentation, si même, sans avoir aperçu cette dernière, 1l avait remarqué la fente qui en occupe la place, il se serait convaincu que dès le stade de la fin de la segmentation le feuillet externe est distinct, et n’a plus rien à recevoir de la masse sous-jacente, son accroisse- ment en surface se faisant dès lors uniquement par multiplica- tion des cellules qui lui appartiennent en propre. On voit donc que la constatation d’une véritable cavité de segmentation (ci-dessus, p. 50) est chose importante pour l'intelligence de la première différenciation du blastoderme en feuillets. Quoi qu'il en soit, le blastoderme qui, sur les coupes du stade de la figure 10, avait la forme d’une massue, ou, d’une manière plus générale, d’une lentille fortement convexe à sa face inférieure (aspect des coupes transversales, ou des coupes longitudinales non médianes), le blastoderme au stade de la figure 14 devient plat, et, même sur les coupes médianes antéro-postérieures, ne présente plus rien qui rappelle la forme en massue à grosse extrémité dirigée en arrière. Mais dans cet aplatissement, qui résulte d’une modification de forme de ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 77 la masse entodermique, différentes sont les dispositions qu’on constate dans la partie moyenne centrale de cette masse, et dans ses parties périphériques, dans ses bords. Dans sa partie centrale la masse entodermique se dissocte pour ainsi dire, les éléments de ses couches profondes s’écar- tant les uns des autres et se présentant sous la forme de sphères de segmentation de volumes très divers, parsemées au milieu du liquide albumineux qui remplit la cupule de la ca- vité sous-germinale. C’est alors qu'il est difficile, parmi les plus profonds de ces éléments, de distinguer ceux qui faisaient primitivement partie du blastoderme, de ceux qui peuvent venir s'ajouter à lui, et seraient les produits d’une segmenta- tion secondaire s’opérant sur le plancher de la cavité aux dé- pens du vitellus blanc parsemé de noyaux. Nous avons déjà, par avance, parlé de cette segmentation secondaire, et montré que pour le moment elle est trop limitée pour avoir une réelle importance, ane part dont 1l y ait à tenir compte dans la for- mation du blastoderme. Nous avons surtout insisté sur ce fait que les éléments ainsi produits n’ont rien de spécial quant à leur destinée future (voy. p. 52). Les éléments des couches supérieures de la masse entodermique, éléments plus petits, parmi lesquels on en retrouve rarement qui soient restés à l’état de grosses sphères de segmentation à contenu grossière- ment granuleux, s’écartent moins les uns des autres, et tendent à se grouper en tractus continus, ébauchant par places une membrane semblable à celle qui représentera plus tard (fig. 17) l’entoderme primitif, lorsque les autres éléments, placés plus bas, viendront s'ajouter à ceux-ci et former le Lissu lacuneux, réticulé, précédemment décrit (p. 33) à propos de la figure 17. Dans les parties périphériques, sur les bords, au contraire, les modifications sont nulles au premier abord ; par un exa- men attentif on constate seulement que l’ectoderme s'est un peu plus nettement différencié presque jusque sur les points les plus périphériques, de sorte qu’une couche ectodermique bien caractérisée est visible sur toute l'étendue du blasto- ANN. SC. NAT., ZOOI., AOUT 1884. XVI NO ART, NO le 78 M. DUVAL. derme. Mais dans les couches profondes, dans la masse ento- dermique primitive, aucune modification ne s’est produite, et les cellules, à mesure qu'elles s’y divisent et s’y multiplient, restent en contact les unes avec les autres. Il est dès lors facile de comprendre comment, de la forme représentée figure 1%, se fait le passage à la première forme que nous avons représentée dans la figure 17, comme type du blastoderme de l’œuf fécondé, fraichement pondu et non incubé. Les bords du blastoderme (masse entodermique) restent compacts et épais, et constituent le bourrelet blastoder- mique (fig. 18 et 20); dans la partie centrale la masse ento- dermique s’étale de plus en plus, et, par groupement de ses éléments ou tractus sous-jacents à l’ectoderme corres- pondant, se transforme en ce feuillet entodermique primitif, tel qu’on le trouve sur Pœuf pondu, dans les conditions nor- males. Telle est l’origine du bourrelet blastodermique. Ge n’est pas un épaississement qui se produit sur les bords du blastoderme. Ces bords restent ce qu'ils étaient auparavant ; seulement, au- paravant le bord du blastoderme était mince par rapport au centre qui était très épais ; actuellement ce centre s’est aminci ; la lentille, convexe à sa face inférieure, est devenue concave sur cette même face, et par suite le bord, qui n’a pas changé, est devenu relativement plus épais et mérite le nom de bour- relet blastodermique. Nous ne saurions donc nous ranger à l’opinon des auteurs qui expliquent la formation de ce bour- relet par une migration des cellules de la masse entoder- mique, cellules qui, de la région moyenne du blastoderme, seraient refoulées sur les côtés (Külliker, p. 82). A ce moment (fig. 14) le bourrelet blastodermique présente déjà, sur les coupes médianes antéro-postérieures, la disposi- tion qui, sur l’œuf fécondé fraichement pondu, caractérise la future extrémité antérieure et la future extrémité postérieure ; il est plus épais et plus large à cette dernière extrémité, plus mince et plus étroit à la première. Ceci n’est pas le résultat d’une transformation actuelle des bords du blastoderme; c’est ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 79 une différence qui existait déjà alors que l’ensemble du blasto- derme figurait une lentille convexe à sa face inférieure; alors, nous lavons vu, cette lentille convexe était beaucoup plus épaisse en arrière qu'en avant (fig. 10), au point que nous avons pu comparer la forme de sa section à une massue dont la grosse extrémité serait dirigée en arrière. Quand la partie centrale du blastoderme s’est amincie, creusée, rien n'étant changé pour ses bords, nous voyons que, sur une coupe longi- tudinale, ce qui reste de la grosse extrémité de la massue, pour conserver la comparaison précédente, forme la région postérieure épaisse du bourrelet blastodermique, que ce qui est resté de sa petite extrémité forme la région antérieure moins puissante de ce bourrelet. Aux transformations que nous venons de constater sur des coupes, correspondent des modifications dans l’aspect exté- rieur de la cicatricule, examinée en surface à la lumière réflé- chie. À la fin du stade de segmentation, lorsque la cavité sous- germinale était produite, la cicatricule se dessinait comme un disque blanc, à bords circulaires bien nets (faisons abstraction pour le moment de ce qu’il peut y avoir ou non un croissant rusconien en arrière), disque blanc qui devenait d’une façon plus ou moins nette d’un blanc plus mat en allant de la péri- phérie au centre, mais sans que ce centre plus blanc se dessi- nât comme une tache. Ceci correspond bien à l’aspect exté- rieur que doit avoir une masse plus épaisse au centre qu’à la périphérie. Actuellement, les rapports d'intensité de la teinte blanche dans les diverses zones sont devenus inverses, et, par ce fait que, au lieu d’un centre épais et d’une marge mince, nous sommes en présence d’une marge qui compte plus d’as- sises de cellules que le milieu, ce milieu est d’un blane moins éclatant et entouré d’un anneau périphérique plus accusé. En se reportant à la description que nous avons donnée (p. 32) de l’aspect extérieur du blastoderme type de l'œuf fécondé fraichement pondu, on verra que le centre peut devenir un peu plus clair encore, parallèlement à l’amincissement central de la masse entodermique, arrivée tout à fait à l’état de feuillet 80 M. DUVAL. entodermique, et qu'alors une partie plus blanche peut de nouveau se dessiner au centre du disque, mais sous la forme d’une fache, et nous avons expliqué que cette tache n’était autre chose que le noyau de Pander vu par transparence, c’est- à-dire renvoyant, à travers le centre du blastoderme, la lu- mière quilui arrive par ce même chemin : 1l'en résulte que la tache blanche, présentée par le noyau de Pander, a un aspect caractéristique, difficile à décrire, mais qui la différencie bien de ce que nous avons indiqué quelques lignes plus haut comme coloration blanche plus intense du centre de la cicatricule, lorsque le blastoderme, à la fin de la segmentation, a la forme d’une lentille épaisse en son centre. Pour donner une idée de ces deux aspects, dont un observateur exercé fait bien la diffé- rence, nous dirions volontiers que dans le dernier cas, en comparant la surface de l’œuf à celle de l'œil, on a comme l’impression d’une opacité siégeant dans la cornée, et dans l’autre cas l’impression d’une opacité produite par le eris- tallin. Il nous faut maintenant revenir sur la région postérieure du blastoderme de la figure 14, examinée soit en surface, soit en coupe transversale. Les détails que nous avons à décrire ici se rapportent, on le devine, au croissant rusconien et à sa trans- formation. Malheureusement nous devons reconnaître que pour cette partie les résultats que nous avons obtenus, quoique très nets en eux-mêmes, ne sont peut-être pas suffisants, parce qu'ils ne sont pas assez nombreux. En effet, c’est souvent en vain que nous avons examiné des blastodermes au point de vue qui va nous occuper ; dans la plupart des cas nous n’avons rien distingué de bien caractéristique : deux fois seulement nous avons obtenu un résultat frappant. Un fait qui est constant, sur les vues en surface, c’est que l'anneau blanc, correspondant au bourrelet blastodermique en voie d'apparition, est plus épais (plus large), d’un blanc plus intense en arrière qu’en avant, ce qui correspond bien aux différences qu'il présente sur la coupe dans ces deux ré- ions (comparer les régions À et P de la figure 14). Sur cette ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 81 partie plus large de l’anneau blanc,nous avons presque toujours entrevu un dessin particulier, mais mal défini, figurant comme une encoche de substance blanche opaque; une seule fois, sur un blastoderme de poulet, cette encoche avait l'aspect net d’un raphé, comparable à une miniature d’une portion très courte du raphé abdominal dessiné par la ligne blanche au milieu des aponévroses des muscles de l’abdomen. Malheu- reusement ce blastoderme fut détruit accidentellement dans les manipulations de durcissement, et ne put être débité en coupes. Mais sur un autre blastoderme de pouiet, dont il n'avait pas été pris de dessin en surface, nous avons trouvé sur les coupes une disposition qui devait répondre à l’aspect extérieur observé sur le blastoderme pondu. Débité en coupes transversales d’arrière en avant, ce blastoderme nous montra des dispositions d’où l’on pouvait conclure à sa parfaite iden- tité avec le blastoderme représenté dans la figure 14. Or en arrivant aux dernières coupes, qui terminaient le blastoderme en arrière, la portion médiane de ces coupes nous montra la disposition représentée dans la figure 16, c’est-à-dire que, selon une ligne verticale (en PP, fig. 16), la moitié droite et la moitié gauche du feuillet externe n'étaient pas continues, mais s’infléchissaient côte à côte dans la profondeur, pour aller se continuer insensiblement avec la masse des cellules entoder- miques : au-dessous de cette partie le vitellus formant la lèvre de la cavité sous-germinale était légèrement soulevé, et de chaque côté de ce Een les assises les plus inférieures de l’entoderme primitif étaient riches en grosses sphères de segmentation, desquelles nous ne saurions dite si. elles appar- tenaient primitivement au blastoderme, ou si elles résultaient d’une segmentation secondaire du vitellus correspondant. Nous serions vraiment embarrassé d'interpréter ces faits, si nous en étions réduit aux préparations que nous venons de décrire. Mais nous avons déjà dit que très souvent, dans le stade décrit antérieurement comme type de l’œuf normal fécondé, fraîchement pondu, nous avons trouvé des disposi- tions identiques à celle que nous venons de décrire. Bien 82 M. DUVAL. plus, dans les premières heures de lincubation, nous trouve- rons d’une manière constante des dispositions semblables. Ce que nous venons de voir, alors même que nous ne l’avons trouvé qu'une fois, sur les blastodermes du poulet au stade de la figure 14, n’est donc pas un fait accidentel, une anoma- lie ou une dislocation artificielle de la pièce. C’est une pro- duction constante, mais qui peut apparaître plus ou moins tôt sur la partie postérieure du bourrelet blastodermique. Pour arriver à pouvoir déjà indiquer le sens dans lequel devra en être faite l’interprétation, 1l nous faut d’abord décrire ce que nous avons constaté au même stade sur un œuf de petite dimension (œuf de rossignol). Cet œuf, examiné en surface, à la lumière réfléchie, nous avait présenté un blastoderme avec l'aspect caractéristique du stade de la figure 14 (ci-dessus, p. 79), avec cette particula- rité que son extrémité postérieure présentait, dans son anneau blanc (bourrelet blastodermique) plus épais en cette région, une véritable perforation. Examiné avec une forte loupe, cetta perforation avait la forme d’une raquette, dont la large extrémité était dirigée en avant; la petite extrémité, tournée en arrière, s’effilait brusquement et se terminait par un trait court entamant la lèvre externe de l’anneau blanc correspon- dant au bourrelet blastodermique assez vaguement dessiné. Nous avons eu cet œuf de rossignol à un moment où nous étions déjà assez avancé dans ces recherches pour comprendre l'importance de la pièce où se montraient les dispositions que nous venons de décrire. C'était un œuf (probablement fécondé) fraichement pondu; nous avons cherché à retrouver des œufs de petits oiseaux sur lesquels il fût possible de constater à nouveau ces particularités ; mais nous n’avons réussi ni avec des œufs non fécondés, ni avec des œufs fécondés et fraîche- ment pondus, sans doute parce que les premiers ne dépassent que rarement le stade de développement correspondant au croissant rusconien, tandis que les seconds ont, au moment de la ponte, déjà franchi ce stade. Cette pièce étant donc, au moment où nous voulions pour- ARTICLE N° f. FORMATION DU BLASTODERME. 83 suivre activement ces recherches, unique pour nous, nous l'avons débitée en coupes qui peuvent servir à la fois comme coupes longitudinales et comme coupes transversales, c’est-à- dire que nous avons sectionné obliquement à environ 45 degrés sur l’axe antéro-postérieur. Nous avons ainsi trouvé, sur les coupes moyennes de la série, des aspects tout à fait semblables à celui de la figure 14, ce qui, joint à l’aspect extérieur du blastoderme, nous autorise à le décrireici comme appartenant bien au stade présentement étudié. Or, sur les dernières coupes de la série, lesquelles équivalaient à des coupes transversales de la partie postérieure du blastoderme, nous avons trouvé suc- cessivement, d’abord deux coupes dont aspect est reproduit par la figure 15, puis quatre coupes se rapprochant successi- vement des dispositions de la figure 16. Les premières nous montrent, sans qu'il soit besoin d’y insister davantage, la section d’un orifice rusconien (anus de Rusconi) résultant de la transformation du croissant rusconien précédemment dé- crit, les coupes suivantes nous montrent qu'après circonscrip- tion de l’orifice rusconien, les lèvres de cet orifice continuent à marcher en arrière sans se souder complètement, ou du moins en laissant encore une trace de leur soudure par la présence de cette encoche (PP, fig. 16) au niveau de laquelle chaque moitié latérale de la région correspondante de l’ecto- derme se déprime et s'enfonce pour se continuer avec la masse entodermique; les premières coupes parmi les toutes dernières montraient, du reste, des formes intermédiaires entre les dispositions de la figure 15 et celles de la figure 16. N'oublions pas que, si la figure 16 nous sert en ce moment pour donner une idée exacte des coupes les plus postérieures de ce blastoderme de rossignol, cette figure est en réalité la représentation d’une coupe faite dans la même région d’un blastoderme de poulet (ci-dessus, p.81), et que nous avons remis à plus tard l’explication théorique de cette coupe. Le moment de cette explication nous semble arrivé, car elle résulte de ce que nous venons de voir pour le blastoderme de rossignol. Nous pensons donc que, s’il y a chez le rossignol 84 M. DUVAL. un véritable orifice rusconien, cette formation est abrégée chez le poulet, de manière à ne présenter que l’espèce de suture qui prolonge en arrière l’orifice rusconien. Gette su- ture, qui n’est autre chose que le début de la ligne primitive (plaque axiale), se montre chez le poulet, soit dès le stade de la figure 14, soit plus généralement pendant que le blasto- derme subit les très légères modifications qui, produisant la formation complète du bourrelet blastodermique, l’amènent au stade précédemment décrit comme type de la cicatricule de l’œuf de poulet fécondé et fraîchement pondu. Nous avons ainsi terminé la première partie du présent travail, celle où, ayant pris comme point de repère le blasto- derme de l’œuf fécondé fraichement pondu, nous avons recherché comment se produisaient, au cours de la segmenta- tion et après apparition de la cavité sous-germinale, les dispo- sitions caractéristiques de ce blastoderme. Quelques-unes de ces dispositions n’ont pas encore reçu une explication complète ; celle-ci ne pourra résulter que de l'étude des transformations ultérieures sur l'œuf soumis à l’incubation; elles seront donc formulées dans la quatrième partie, sous forme de conclusions, et aussi dans la troisième partie, où nous ferons l'analyse critique des travaux de Kæller. SECONDE PARTIE. ÎJ. — APPARITION DE L'AIRE TRANSPARENTE ET DU REMPART VITELLIN. On s’étonnera sans doute de ce que nous n’avons pas encore employé l’expression d’aire transparente et de ce que nous annonçons, par le titre de ce paragraphe, l’arrivée d’un stade où va apparaître cette are transparente. Et cependant nous avons été précédemment en présence de stades où le centre du blastoderme était d’un blanc moins mat que son anneau périphérique, stades dans lesquels quelques auteurs n’hésitent ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 85 pas à employer l'expression d’aire transparente pour le centre du blastoderme, et celle d’aire opaque pour la zone périphé- rique formée par le bourrelet blastodermique. Mais nous ne saurions adopter ces expressions, qui ne deviennent Justes qu'à un certain moment et qui, appliquées ainsi indifférem- ment à toutes les périodes du développement, consacreraient des confusions contre lesquelles nous croyons nécessaire de réagir. | À l’origine, l’expression d’area pellucida à été appliquée à l'aspect que présente le blastoderme lorsqu'il a déjà subi quelques heures d’incubation. Alors, dans son centre, il pré- sente une partie claire dont l’aspect est tout à fait comparable à celui d’une vésicule d’herpès ou d’une ampoule au moment où son centre vient de se remplir de liquide, de Iymphe. Dans cet aspect, qui commence à se dessiner dans notre figure 30 (pl. LIL) et qui est parfaitement caractérisé dans la figure 49 (pl. IV), l'œil de l’observateur perçoit l'impression comme d’une fine membrane reposant sur une cavité remplie de liquide, cavité relativement profonde, à parois taillées à pic. Et en effet, en se reportant par exemple à la figure 50 (pl. IV), qui représente en coupe transversale l'aire transpa- rente de la figure 49, on voit qu’il s’agit bien d’une profonde cavité sur laquelle est étendue la partie correspondante du blastoderme; les bords de cette cavité sont taillés à pic dans le vitellus, et la lèvre supérieure de ces bords s’avance plusou moins au-dessus de la cavité. Pour faire usage d’une dénomi- nation qui rappelle celle employée par les embryologistes alle- mands (Keimwall), nous donnerons à ce bord taillé à pic le nom de rempart vitellin. Or, dans les stades que nous avons étudiés jusqu'ici, il n’y avait jamais sous le blastoderme de profonde excavation, il n’y avait qu'une fente plus ou moins large, dite cavité sous- germinale, et pour laquelle (aussi bien dans la figure 14 que dans les figures 10 et 12, et dans les figures 17, 21, 22) nous n’avons jamais eu à parler de bords taillés à pie, en forme de rempart, mais seulement de rebords formant une lèvre en 80 M. DUVAL. pente très douce. Par suite, jamais le centre du blastoderme n'avait cet aspect caractéristique de membrane étendue, comme la pellicule d’une ampoule, sur une collection liquide. C’est pourquoi il n’y avait pas à parler Jusqu'ici d’aire trans- parente. Cependant on pourrait trouver bizarre cette restriction ap- portée à l'emploi du terme d’aire transparente, en remarquant qu’en somme la profonde excavation creusée sous le centre du blastoderme, au moment où nous consentons à employer le terme en question, n’est autre chose que la cavité sous-ger- minale agrandie surtout dans le sens vertical, cavité qui existait si nettement, quoique sous forme de fente presque linéaire, dans les stades antérieurs. Aussi ne nous serions-nous pas at- taché à une distinction en apparence si méticuleuse, si le fait du creusement de cette cavité n’était lié à d’autres phéno- mènes de la plus haute importance, et sur lesquels reposent précisément les distinctions que nous devons établir. Le plus essentiel de ces phénomènes est la disparition du bourrelet blastodermique. Ge qui s'était passé antérieurement dans les régions médianes du blastoderme se produit à son tour dans la zone périphérique ; là les nombreuses assises dont se composait sa masse entodermique se dissocient à leur tour pour former, comme dans le centre, un véritable feuillet en - todermique (entoderme primitif). Ge n’est pas tout; en même temps l’ectoderme se sépare de Pentoderme, et ces deux feuil- lets cessent de se continuer l’un avec l’autre, comme ils le faisaient précédemment, alors que le feuilletexterne se repliait sur le bord libre du blastoderme pour se confondre avec la masse entodermique primitive, et que, des cellules ultimes qui constituaient le bord libre du bourrelet blastodermique, on ne pouvait alors dire exactement lesquelles étaient ento- dermiques, lesquelles ectodermiques (voy. notamment les figures 17, 18, 20, et leur description ci-dessus, p. 33). Non seulement ces deux feuillets se séparent, mais encore ils s'étendent à la surface du jaune, chacun avec une rapidité et selon des processus différents; le feuillet externe s'étend de ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 87 suite très rapidement et très loin, dépassant de beaucoup le feuillet interne, et son extension résulte de la multiplication de ses éléments propres, sans nouveaux emprunts faits au vitellus ; le feuillet interne, au contraire, s'étend plus lente- ment, et cette extension ne se produit que grâce à de nouveaux apports qui lui sont faits par le vitellus parsemé de noyaux, le bord de l’entoderme devenu libre se soudant alors avec le bord supérieur du rempart vitellin, pour former un bourrelet entodermo-vitellin, à l'existence duquel nous avons déjà, par avance, fait allusion (voy. p. 42). On voit suffisamment, par ce rapide énoncé, et l'importance de ces transformations, et la manière dont elles sont liées à l'agrandissement en profon- deur de la cavité sous-germinale, c’est-à-dire à l'apparition de la véritable aire transparente. Et cependant ce ne serait pas là encore, à nos propres yeux, des raisons suffisantes pour res- treindre, aux stades qui vont suivre, l'emploi de l'expression are transparente. | Cest qu’en effet l'expression d’aire transparente va avec celle d’aire obscure (area obscura). Si dans les stades anté- rieurs on nomme aire transparente le centre du blastoderme coloré d’un blanc moins intense que son anneau marginal, on est amené, comme l'ont fait un grand nombre d'auteurs, à donner le nom d’aire obscure à cet anneau marginal, qui est formé par le bourrelet blastodermique. Ce qui n’empêche pas que plus tard, lorsque le bourrelet blastodermique a disparu, et qu'à la périphérie du blastoderme s’est formé le bourrelet entodermo-vitellin, on donne le nom d’aire obscure à la zone périphérique foncée produite par la présence de ce bourrelet. On confond donc ainsi sous une même dénomination deux choses différentes, sur la distinction nécessaire desquelles nous avons déjà insisté; la suite de cette étude fera encore plus ressortir la nécessité de cette distinction. Si enfin nous ajoutons que la manière dont s’étend l’aire transparente, par le fait de l’extension, de l’agrandissement en profondeur de la cavité sous-marginale, est la cause de l'apparition (non de la formation) de la ligne primitive, nous aurons sans doute assez 88 M. DUVAL. justifié Ja valeur attachée au terme d’aire transparente, et le choix que nous avons fait de ce terme pour servir de titre au présent paragraphe. La figure 24 (pl. ID) représente une coupe médiane antéro- postérieure d’un blastoderme de poulet où la cavité sous-ger- minale commence à se creuser en profondeur; nous avons nombre de préparations identiques à celle ici figurée et qui appartiennent à des œufs ayant subi de deux à six heures d’in- cubation; cependant on trouve assez souvent ce même état sur des œufs fraichement pondus. En comparant cette coupe (fig. 24) à celle de la figure 21, on voit que le blastoderme a très peu augmenté en étendue (la figure 21 est à un gros- sissement de seize à dix-huit fois, la figure 24 à un grossisse- ment de quinze fois); mais les changements suivants se sont produits d'une part dans la cavité sous-germinale, d'autre part dans le blastoderme lui-même. «. Dans la cavité sous-germinale, il s’est produit en avant une excavation déjà assez profonde et bien sensible (cga) quand on compare cette partie antérieure avec la partie posté rieure demeurée à l’état de fente sous-jacente à l’entoderme primitif, Cette excavation n’a pas encore des bords taillés très nettement à pic; en arrière notamment elle se continue, par un plan incliné plus ou moins ondulé, avec le reste de la cavité sous-germinale ; en avant sa paroi est disposée en pente un peu plus raide et peut mériter déjà, surtout en ayant égard à ce qu’elle doit devenir ultérieurement, le nom de rempart vitellin. Sur la partie supérieure de ce rempart vitellin, on constate (fig. 28) une segmentation secondaire assez active, c’est-à-dire la production, autour de quelques-uns des novaux dont est semée cette partie du vitellus, la production de grosses sphères de segmentation qui se dessinent d’abord comme des bourgeons, puis s’isolent à l’état de corps cellu- laires. — À la production de cette excavation sous-germinale antérieure correspond, sur les vues en surface du blastoderme, l'apparition d’un aspect nouveau : c’est, comme le représente la figure 30 (pl. IT), la production d’une aire où le blasto- ARTICLE N° 1. FORMATION DU. BLASTODERME. 89 derme produit à l'œil limpression d’une fine membrane étendue sur une cavité pleine de liquide; c’est le commence- ment de l'aire transparente (ap, p. 30). Quand on durcit un blastoderme semblable en y laissant agir pendant quelques minutes une goutte de solution osmique, qu’on étale ce blas- toderme sous l’eau, qu’on le recueille sur une plaque de verre et qu'on l’examine par transparence, à l’œil nu ou avec un instrument grossissant, on constate que la préparation n’est transparente que dans une région correspondant à la partie 4p de la figure 30; c’est que là, en effet, le blastoderme n’a em- porté avec lui aucune trace de la masse vitelline formant le plancher de l’excavation, tandis que, dans toutes ses autres régions, une couche plus ou moins épaisse de vitellus est res- tée adhérente à la face inférieure de l’entoderme. Dans l’un comme dans l’autre cas, on voit que Paire transparente est excentrique, c’est-à-dire située non au centre, mais à la partie antérieure du disque blastodermique; qu’elle se forme en demi-lune, à convexité dirigée en avant et concavité dirigée en arrière. Tout cela correspond bien à ce que donne en coupe médiane un semblable blastoderme (voy. fig. 24, pl. IT). b. Dans le blastoderme, les légères transformations qui se sont produites sont les suivantes, en examinant le blastoderme d’avant en arrière. | Tout en avant (fig. 29), le bourrelet blastodermique est en voie de disparaître ; l’ectoderme s’est séparé de la masse en- todermique correspondante (voy. fig. 29) et la dépasse sur une longueur représentée par l’épaisseur de six à sept cellules ectodermiques placées côte à côte. La masse entodermique correspondante s’est amincie, sans doute pour prendre part à la légère extension en surface présentée par le blastoderme; elle est formée à peine de deux couches de cellules figurant assez irrégulièrement un feuillet. Immédiatement en arrière de cette extrémité antérieure, dans la région qui répond au rempart vitellin (fig. 28 et fig. 24 en RV), les cellules ento- dermiques sont dissociées, écartées les unes des autres; par- fois il n’y a d’autres caractères que ceux fournis par la 90 M. DUVAL. dimension des éléments, pour faire la différence entre ces cellules entodermiques (a «, fig. 28) et les sphères de seg- mentation secondaire (g, fig. 28), qui sont en train de se détacher du rempart vitellin. Ge sont là les dispositions qui préludent à la soudure qui se fera bientôtici entre Les parties de l’entoderme primitif représentées dans les figures 28 et 29 et la masse vitelline voisine, soudure d’où résultera la production du bourrelet entodermo-vitellin. Vers la région moyenne du blastoderme, les dispositions sont très simples : lectoderme est formé de cellules nettement cylindriques, très étroitement pressées les unes contre lesautres (fig. 27); l’entoderme primitif est maintenant à l’état de feuil- let parfaitement constitué; ses éléments sont représentés, sur la coupe, par des cellules ovales, mises bout à bout dans le sens de leur plus grand diamètre, mais disposées cependant avec certaines irrégularités, c’est-à-dire que quelques élé- ments chevauchent sur les autres, dépassant leur niveau du côté de l’ectoderme (fig. 26 et 27). À cet entoderme convient encore le nom d’entoderme primitif, car il renferme à la fois les éléments de l’entoderme proprement dit et ceux du méso- derme qui se sépareront ultérieurement. À la partie postérieure (fig. 25 et 26) l’entoderme est encore resté à l’état d’épaisse masse entodermique, c’est-à-dire de bourrelet blastodermique, comme le montre déjà à un faible srossissement la figure 24; la figure 26 fait voir la transition entre l’entoderme primitif constitué en feuillet et la masse en- todermique; la figure 25 montre le bourrelet blastodermique existant ici, sous la forme de plusieurs assises de cellules, comme il existait dans les stades antérieurs. Si nous examinons des coupes transversales d’un blasto- derme semblable, 1l est facile de prévoir les aspects qu’elles présenteront en avant et vers la région moyenne, aspects que nous ne pouvions reproduire par le dessin, sous peine de multiplier à linfini nos figures. Les coupes transversales les plus antérieures nous montrent en effet le commencement de la disparition du bourrelet blastodermique, en même ARTICLE N° 1, FORMATION DU BLASTODERME. 91 temps qu'un entoderme à éléments dissociés, écartés les uns des autres. Sur de semblables coupes on pourrait croire que le blastoderme n’est formé que par un feuillet externe, tant sont clairsemés les éléments du feuillet interne, excepté toutelois sur les bords du blastoderme, où le bourrelet blastodermique en voie d’effacement présente encore deux assises irrégulières de cellules. Les coupes transversales de la région moyenne nous montrent en leur milieu exactement l’aspect représenté par la figure 27, et sur leurs bords nous offrent encore un bourrelet entodermique parfaitement constitué, puisque c’est seulement tout en avant que ce bourrelet commence à s’effa- cer. Quant aux coupes transversales du quart postérieur du blastoderme, elles nous présentent des dispositions que ne pouvaient faire prévoir Les coupes longitudinales etqui méritent de nous arrêter. Sur les vues en surface, cette partie postérieure du disque blastodermique apparait d’un blanc intense (ou d’un noir foncé, si la pièce a subi l’action de l’acide osmique), ce qui doit faire supposer qu'ici le blastoderme est épais, et nous savons en effet, d’après les coupes longitudinales, que le bourrelet blastodermique a conservé en cette région son plein développement (fig. 24 et 25). Mais cette partie blanc mat est surtout accentuée selon un tractus médian qui forme une bande axiale mal délimitée, comme le représente la figure 30 (pl. ID). Une coupe transversale de cette région nous montre (fig. 31) que ces aspects sont dus à ce que cette extrémité postérieure du disque se compose de zones différentes, savoir : tout en dehors (en P, fig. 31) le bourrelet mésodermique; sur la ligne médiane (en PP) une dépression, où le feuillet externe s’incurve dans la profondeur et en confondant ses éléments avec la masse entodermique ; entre la partie externe (P) et la partie médiane (PP), une zone où les éléments de la masse entodermique se disposent en un feuillet interne irrégulier, mais présentant les caractères de l’entoderme primitif, tel que nous l’avons vu sur la figure 23 et sur les figures 26 et 27; c’est-à-dire que, dans la masse entodermique du bourrelet 92 M. DUVAL. blastodermique, l’organisation en feuillet mterne se poursuit d'avant en arrière, laissant sur la ligne médiane une plaque où les parties conservent le caractère du bourrelet blastoder- mique, où plutôt de deux bourrelets blastodermiques accolés et se coufondant. Cette plaque axiale (PP, fig. 31), qui a déjà une certaine étendue, car elle se retrouve sur toute la série des coupes failes sur cette région, n’est autre chose que le commencement de la ligne primitive. On peut la caractériser en disant qu’elle semble résulter de ce que le bourrelet blas- todermique, dans son mouvement d'expansion excentrique correspondant à la légère augmentation en diamètre qu’a subie le disque, laisse, en arrière et sur la ligne médiane, une traînée où les parties demeurent disposées comme si ce bour- relet avait marché en arrière par deux excroissances latérales contiguës, soudées par leurs bords correspondants, mais cependant distinctes (dans la figure 31, une de ces parties latérales va de 3 en 4 sur la partie gauche de la figure, l’autre partie n'étant qu'à moitié représentée). Cette Interprétation devient évidente lorsqu'on se trouve en présence d’une coupe telle que celle donnée dars la figure 32, où précisément ces deux parties latérales se trouvent largement séparées l’une de l’autre. Cette coupe appartient à un blastoderme de poulet semblable, comme aspect extérieur, à celui de la figure 30 ; sur sa vue en surface nous n'avons rien noté de différent, pour la partie postérieure, de ce qui est indiqué sur la figure 30. IT fut débité en coupes qui, quoique désignées sous le titre de transversales, étaient certainement un peu obliques, sans doute dans la direction de la ligne yy tracée sur la figure 30. En arrivant à la partie postérieure, ces coupes nous donnèrent d’abord une série de préparations où la plaque axiale sus-indiquée était disposée comme dans la figure 51 ; puis, un peu plus loin, la disposition devenait celle de la figure 32, puis, plus loin encore, reprenait définitivement la disposition de la figure 31. Quant à la figure 32, nous voyons qu’elle est précisément remarquable en ce que la plaque axiale consiste en une véritable fente, avec écartement des deux ARTICLE N° {. FORMATION DU BLASTODERME. 93 lèvres, lesquelles ont bien la constitution du bourre.et méso- dermique. Il s’agit ici, nous le répétons, d’un blastoderme de poulet ayant subi quatre à cinq heures d’incubation; l’état du feuillet interne sur la partie gauche de la figure montre bien que le développement est déjà avancé; il y avait du reste, à la partie antérieure, production de lexcavation et du rem- part vitellin de la cavité sous-germinale, et, à l’examen en surface, une aire transparente semi-lunaire. L’orifice linéaire ou fente (il était plus long que large, car sa présence se con- statait sur plusieurs coupes successives), qui occupe une par- te de la plaque axiale, n’est donc sans doute pas tout à fait comparable à l’orifice rusconien étudié précédemment sur des blastodermes de petits oiseaux; mais iln’est pas sans analogie avec lui. Au lieu de siéger à l’extrémité antérieure de la plaque axiale, il est placé sur son trajet et nous montre tout simplement que cette plaque axiale correspond bien en effet à deux parties qui croissent côte à côte d'avant en arrière, et qui, contiguës et soudées d'ordinaire, peuvent parfois, sur une partie de leur trajet, demeurer écartées et distinctes. Ceci n’est pas le type normal de la plaque axiale; c’est une forme rare, du moins pour le poulet; et en effet, sur des blasto- dermes pourvus d’une gouttière médullaire et d’une ligne primitive, ce n’est que dans des cas exceptionnels, parfois liés à un développement monstrueux, qu’on trouve une perforation linéaire dans le fond de la gouttière de Ja ligne primitive (nous avons dit et nous confirmerons par la suite que la plaque axiale en question est le début de la ligne primitive du poulet). IT. — FORMATION DU BOURRELET ENTODERMO-VITELLIN. Nous venons de voir (fig. 24 et 29), à l’extrémité antérieure du blastoderme, le feuillet externe se séparer de l’interne, pour s'étendre isolément à la surface de la sphère du jaune. Cette disposition, qui est apparue en avant, va bientôt, entre la cinquième et la huitième heure de l’incubation, se produire ANN. SC. NAT., ZOOL., AOUT 1884. XVIII, 7. — ART. N° 1. 9% M. DUVAL. sur les parties latérales et finalement sur toute la circonfé- rence du disque blastodermique. Alors, aussi bien sur les coupes transversales que sur les coupes longitudinales, on trouvera partout, excepté encore en un certain point tout en arrière, l’ectoderme s'étendant au loin sans être doublé de l’entoderme. ; En même temps commencera à se produire, en avant, la soudure de l’entoderme primitif avec le vitellus parsemé de noyaux, d’où formation de ce que nous appelons le bourrelet entodermo-vitellin; en même temps enfin se fera l’agrandisse- ment de la partie excavée de la cavité sous-germinale, c’est-à- dire que l’aire transparente augmentera d’étendue. a. Parlons d’abord du bourrelet entodermo-vitellin; la figure 33, qui représente une coupe antéro-postérieure mé- diane d’un blastoderme de poulet après six heures d'incuba- tion (1), nous montre que ce bourrelet existe à la partie tout antérieure du blastoderme (des coupes transversales font voir qu'il n'existe que là, c’est-à-dire ne s’étend pas encore sur Îles parties latérales). Ce bourrelet est formé par la soudure du bord de l’entoderme primitif (ir') avec le bord supérieur du rempart vitellin (in). Gette partie du rempart est formée de vitellus parsemé de très nombreux noyaux, et, au niveau de la soudure, on voit distinctement des sphères de segmentation secondaire se produire, c’est-à-dire la petite masse vitelline qui entoure chaque noyau se grouper autour de celui-ci comme centre, et constituer ainsi des corps cellulaires plus ou moins distincts (fig. 36, en«BEV). Désormais l’accroisse- ment en surface de l’entoderme va se produire par ce proces- sus, c’est-à-dire par adjonction à sa périphérie d'éléments provenant du vitellus parsemé de noyaux. En examinant les parties situées en dehors (en avant, fig. 33) du bourrelet entodermo-vitellin, on voit que le feuillet externe s'étend assez loin sur le vitellin. Un fait essentiel à noter dès maintenant, et qui persistera toujours, en se généralisant peu (1) Le type des figures 33, 34, 55, 86, 37, 38, 39, se rencontre de la qua- trième à la huitième heure de l’incubation. ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 95 à peu pour toute la périphérie du blastoderme, c’est que l’ecto- derme s’étend plus loin que l’entoderme et se termine (en be, fig. 37) par un bord libre, légèrement renflé, que nous avons nommé bourrelet ectodermique. Ge fait résulte de la disparition du bourrelet blastodermique, et de ce que les deux feuillets, externe et interne, maintenant séparés l’un de l’autre sur leurs bords, s'étendent indépendamment l’un de l’autre, et chacun par un processus différent. Ces faits ont échappé à presque tous les auteurs, lesquels, dès qu'est apparue la véritable aire transparente, ne se sont plus guère attachés à étudier la partie toute périphérique du blastoderme, et, constatant la présence de ce que nous appelons le bourrelet entodermo-vitellin, l’ont confondu avec le bourrelet blastodermique préexistant, et ont pensé qu'ici, comme précédemment, le feuillet externe et le feuillet interne se continuaient l’un avec l’autre. Deux auteurs cependant, Peremeschko et Œllacher, ont constaté et parfaitement figuré les dispositions que donnent nos figures 33 et 37, comme, pour des stades plus avancés et pour les autres régions, nos figures 92, 59 et 64. Mais, sans s’attacher à poursuivre le feuillet externe jusqu’à sa terminai- son périphérique, ils ont porté surtout leur attention sur ce que nous appelons le bourrelet entodermo-vitellin. Tel est le cas de la figure 5 de Peremeschko, et de la figure 12 d’Œlla- cher. Ges figures, qui sont très exactes, ne diffèrent de notre figure 36 qu’en ce qu’on n’y a pas figuré la continuité, la sou- dure, entre l’entoderme et le bord supérieur du rempart vitel- lin, le premier étant représenté comme venant simplement reposer sur le second par un bord libre. De plus, les sphères de segmentation secondaire, qui se forment alors dans ce bord supérieur du rempart vitellin, sont toutes figurées par Œlla- cher, et surtout par Peremeschko, comme eu le niveau _ de l’entoderme (comme le font les cellules & et 4 de notre | figure 36) et comme tendant à s’insinuer entre l’entoderme et l’ectoderme. De là la théorie bien connue de ces deux au- teurs sur la formation du mésoderme : d’après eux, les élé- ments de ce feuillet moyen proviendraient de cellules migra- 96 M. DUVAL. trices formées aux dépens d’une segmentation secondaire du vilellus des parois latérales de la cavité sous-germinale (du rempart vitellin, en un mot), cellules qui s’engageraient entre le feuillet supérieur et le feuillet moyen, y progresseraient d’une manière centripète, pour venir s’y disposer finalement en une couche intermédiaire, le feuillet moyen. Gette théorie est, on le voit, basée sur une interprétation inexacte des disposi- Lions qu’on trouve toujours, après la disparition du bourrelet blastodermique, lorsque le bourrelet entodermo-vitellin s’est formé et sert à l’accroissement du feuillet, mterne. Mais, si cette théorie ne répond pas à la réalité, puisque nous verrons que le feuillet moyen à une tout autre origine que celle sup- posée par Peremeschko et Œllacher, ce n’est pas une raison pour nier la disposition figurée par ces auteurs, c’est-à-dire la séparation complète, à la période de développement où nous sommes, entre l’ectoderme et l’entoderme. Külliker a donc dépassé le but, lorsque, réfutant avec raison la théorie de Peremeschko et d’'Œllacher, 1l ajoute « que la figure 12 de ce dernier auteur représente quelque chose qui ne s'offre jamais, un entoderme n’arrivant pas aussi loin que lPectoderme » (trad. fr., p. 84, dans le petit texte). Kôlliker en effet considère l’union marginale de l’ento- derme et de l’ectoderme, comme persistant toujours, telle que nous l'avons décrite lors de l'existence du bourrelet blastoder- mique. Mème lorsque le sinus terminal est formé, lorsqu’en dehors de celui-ci existe une aire vitelline bien distincte, et que le blastoderme s’est étendu sur tout l'hémisphère supérieur de la sphère du jaune, au troisième jour de l’incubation, Külliker décrit l’ectoderme et l’entoderme comme finissant ensemble, à ja périphérie de l'aire vitelline, par un bord commun où les deux feuillets seraient soudés et se continueraient l’un avec l’autre. Dans notre Mémoire Sur les annexes des embryons d’oi- seau, lun des principaux objets de nos recherches a été de recüfer cette manière de voir (1) et de montrer que : « L’aire (1) Journal de l'Anatomie et de la Physiologie de Ch. Robin et G. Pouchet, n° de mai 1884. ARTICLE N° f{. = FORMATION DU BLASTODERME. 97 vitelline est formée dans toute son étendue par le feuillet externe ou ectoderme, lequel se termine par un bord légère- ment épaissi, dit renflement ou bourrelet ectodermique ; que l'aire vitelline se divise en deux zones : l’une externe, où elle n’est formée que par l’ectoderme; l’autre interne, où elle est formée par l’ectoderme doublé de l’entoderme; mais que cet entoderme, dit entoderme vitellin, est représenté simplement par une couche de substance vitelline riche en noyaux et non par des cellules différenciées. » (Conclusions, op. cit., p. 36; voyez surtout p. 9 et 10 du même Mémoire pour lexposé des faits sur lesquels sont basées ces conclusions.) Or ces particularités de constitution de l’aire vitelline au troisième jour de l’incubation sont précisément celles qui dès maintenant (de la sixième à la huitième heure de l’incubation) caractérisent la partie du blastoderme située au niveau et en dehors du bourrelet entodermo-vitellin (en avant de lui pour la figure 33). En effet, en partant du bourrelet entodermo- vitellin et en examinant le vitellus sous-jacent à l’ectoderme, on voit qu'il se compose de deux zones. La zone interne (fig. 36, en ##°) est formée de vitellus parsemé de noyaux; donc ici l’ec- toderme est doublé d’un entoderme vitellin, comme dans la zone interne de l’aire vitelline au troisième jour de l’incuba- tion. La zone externe (fig. 37) est formée de vitellus sans noyaux, recouvert directement par l’ectoderme mince et qui se termine par un léger bourrelet marginal (be) absolument comme la zone externe de l’aire vitelline au troisième jour de l'incubation. Par conséqueut, la région foncée qui, dans les premières heures de lincubation, entoure l’aire transparente en voie de développement, région qui a reçu le nom d’aire opaque, ré- pond en réalité à l’aire vitelline de l’œuf qui en est à son troi- sième Jour, car elle en a la composition histologique et ne ressemble en rien à la véritable aire opaque ou aire vasculaire. Il n’y a cependant pas lieu de renoncer à employer cette déno- mination, du moment qu'il sera bien entendu que, avant l'époque où le feuillet moyen s’est développé et étendu au delà 98 M. DUVAL. du rempart vitellin, ce qu'on nomme aire opaque n’est autre chose qu’une aire opaque primitive, sur la limite interne de laquelle se développera, en rapport avec le feuillet moyen, l’aire opaque proprement dite, destinée à devenir presque aussitôt l’aire vasculaire, en même temps que ce qui restera de l'aire opaque primitive représentera dès lors l’aire vitelline avec sa zone interne et sa zone externe. Nous venons, dans les explications qui précèdent, d’empié- ter sur des processus qui ne se produiront qu'à un moment postérieur à celui représenté par l’état du blastoderme de la figure 33, car nous avons parlé des parties périphériques comme si elles étaient partout constituées comme sur la partie antérieure de cette figure. Or c’est seulement plus tard que le” bourrelet entodermo-vitellin et tout ce qui s’ensuit se forment sur les côtés, et plus tard encore qu'ils se forment sur la partie postérieure du blastoderme. Pour en revenir au blastoderme de la figure 33, où le bourrelet entodermo-vitellin n’existe qu'en avant, voyons les modifications qui préparent son appa- rition sur les côtés et en arrière. Ces modifications sont, comme à la partie antérieure (voy. fig. 24, 29, et ci-dessus p.89), la disparition du bourrelet blastodermique et la séparation du feuillet interne d’avec le feuillet externe. Cette transformation se produit par désagré- sation et étalement de la masse entodermique du bourrelet blastodermique, ainsi que nous l’avons décrit pour la partie antérieure (fig. 29 et p. 90), et comme le montre maintenant la figure 38 pour les parties latérales. Sur toutes les coupes transversales de blastodermes semblables à celui de la figure 33, on voit le bord du blastoderme se composer, comme dans la figure 38, d’une couche ectodermique qui se termine par un bord libre, mdépendant, et dépassant, sur une longueur repré- sentée par quelques cellules seulement, le bord correspondant de l’entoderme primitif, celui-ci étant formé en général de deux assises de cellules irrégulièrement disposées ; le vitellus semé de noyaux, sur lequel repose ce bord irrégulier de l’en- toderme primitif, commence (fig. 38) à présenter des produits ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 99 de segmentation secondaire; ce sont bien là les phénomènes préparatoires de la formation du bourrelet entodermo-vitellin. Les coupes transversales faites sur les parties les plus posté- rieures du blastoderme présentent ces mêmes dispositions : il n’y a plus de bourrelet blastodermique, plus de région péri- phérique où l’ectoderme se continue avec une masse entoder- mique formée de plusieurs assises de cellules. b. Mais, si cette disposition ne se rencontre plus sur les bords du blastoderme, elle se présente encore pour la région médiane de sa partie postérieure : [à on retrouve, sur toute la série des coupes, un épaississement médian; c’est la suite de ce que nous avons décrit précédemment (p. 99, et fig. 34, 32) sous le nom de plaque axiale, c’est-à-dire (fig. 39) une bande antéro-postérieure, selon laquelle le blastoderme se compose d’un feuillet externe qui, s’infléchissant vers le feuillet interne, semble se continuer ou tout au moins faire corps avec ce der- nier feuillet, composé ici de plusieurs assises de cellules. Ge sont bien là les caractères du bourrelet blastodermique, c’est-à- dire que la plaque axiale, qui n’est autre chose que le premier état de la ligne primitive, consiste en ce que, pendant l’exten- sion en surface du blastoderme, le bourrelet blastodermique a laissé dans la partie postérieure du blastoderme un tractus qui continue à avoir la même composition que ledit bourrelet, et en ce que, alors que le bourrelet blastodermique a disparu partout, le tractus en question le représente encore en arrière, suivant une bande qui semble s’avancer d’arrière en avant dans le blastoderme ; en réalité cette bande ne s’avance pas d’arrière en avant, mais a été laissée d’avant en arrière, à me- sure que le bourrelet blastodermique se déplaçait dans ce sens, en obéissant au mouvement d'expansion excentrique du disque blastodermique. Gette bande est tantôt simple, comme le représente la figure 39, tantôt formée de deux moitiés juxta- posées, comme nous l'avons vu précédemment à propos de la figure 31, laquelle nous a présenté le début de la formation que nous voyons ici à un état plus avancé. Nous ne saurions nous refuser à avouer que, si clair et si 100 M. DUVAL. évident que nous paraisse ce processus-lorsque nous l’étudions en passant en revue des séries de coupes, cependant l'énoncé précédent doit n’en paraître que médiocrement clair, et c’est pourquoi nous allons essayer de compléter cet énoncé par une série de figures schématiques. Dans la figure ci-jointe (schéma 9), nous représentons le bourrelet blasto- dermique d’un œuf de poule fraîchement pondu, par un trait noir, décrivant une circonférence, que nous traçons un peu plus épaisse en arrière qu’en avant. Dans le schéma 10 une semblable circonférence représente ce même bourrelet; la circonférence appartient à un cercle de plus grand rayon, parce que le disque blastodermique s’est élargi, parce que le 13 14 bourrelet blastodermique s’est porté en dehors; mais une circonférence pointillée marque la place occupée pré- cédemment par le bourrelet, et la partie postérieure du cerele pointillé est marquée d’un trait noir, qui fait corps avec le trait noir de la circonférence correspondant à la place actuellement occupée par le bourrelet; nous rendons ainsi sensible ce fait que le bourrelet blastodermique, tout en se déplaçant excen- triquement, laisse dans la région postérieure du blastoderme un tractus antéro-postérieur où les parties sont demeurées avec la composition typique de ce bourrelet. Les schémas 11, 12,13 et 14 indiquent toujours par une circonférence à trait noir la place de plus en plus excentrique occupée par le bour- ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 101 relet, et rappellent par des circonférences à trait pointillé les positions successives antérieures de ce bourrelet, laissant tou- jours en arrière subsister une partie noire sur ces circonfé- rences pointillées ; ces parties noires arrivent à constituer par leur ensemble une ligne de plus en plus longue, qui peut être définie comme un trait noir laissé par la circonférence noire à mesure qu’elle s’est déplacée en circonserivant un eercle de plus en plus grand. Or c’est précisément ainsi que le bourrelet blastodermique se déplace, laissant comme trace la plaque axiale. Dans le schéma 192 le bourrelet blastodermique a dis- paru en avant; dansle schéma 14 il a disparu partout, excepté tout en arrière, où 1l continue à former la plaque axiale : la plaque axiale est donc le dernier reste du bourrelet blasto- dermique. Cependant, d’après ce que nous avons vu antérieurement, relativement à l'ouverture linéaire que peut présenter la plaque axiale, et à sa division en deux moitiés latérales, d’après ce qu’on voit sur les blastodermes du stade actuellement en 45 46 18 19 question et sur lesquels aussi la plaque axiale se présente parfois comme composée de deux moitiés latérales, offrant une image semblable à celle que donneraient deux bourrelets blastodermiques en contact et soudés l’un à l’autre par leur bord libre, d’après enfin ce qui a été décrit pour la ligne primitive d’autres oiseaux et ce qu’on observe comme 102 M. DUVAL. anomalies de la ligne primitive chez le poulet, d’après toutes ces considérations, l’énoncé précédent et le schéma qui le complète ne sont pas encore suffisants ; 1l faudrait y mtroduire cette idée que, virtuellement, puisque ce n’est pas toujours en fait, la plaque axiale résulte d’une double traînée laissée sur la région médiane postérieure du blastoderme, traînée dont les deux moitiés sont soudées ou séparées par une fente qui peut être interrompue ou continue. En prenant ce dernier cas, les figures schématiques précédentes devraient être modifiées comme le représentent les schémas 15, 16, 17, 18, 19, 20, qui parlent assez d'eux-mêmes, sans autre explication. S'il en est ainsi, que les choses soient disposées selon les schémas 9 à 44 ou selon les schémas 15 à 20, il est évident que sur les sections médianes antéro-postérieures il doit toujours y avoir quelques coupes qui, passant tout contre la ligne médiane, ou précisément par cette ligne, nous donnent la section longitudinale de la plaque axiale. Telle est en effet la coupe représentée dans la figure 35, ou en bbp, bbp, c’est-à-dire environ sur le tiers postérieur du blastoderme, nous voyons celui-ci constitué par une sorte d’immense bourrelet blastodermique (ectoderme recouvrant une masse entodermique composée de plusieurs assises de cellules); enfin la figure 34, en nous représentant à un plus fort grossissement l'extrémité toute postérieure de la figure 33, nous montre qu'ici, en un point qui correspond à l’extrémité postérieure de la plaque axiale, l’ectoderme se continue avec l’entoderme, en s’infléchissant en bas, de façon à constituer ici au blasto- derme un bord épais et arrondi, comme c’est le cas partout où existe un bourrelet blastodermique. Cette extrémité postérieure de la plaque axiale présentant encore la forme et la constitution de bourrelet mésodermique, la plaque axiale pourra continuer à s’accroître en longueur, jusqu’à ce que là aussi se fasse la séparation de l’ectoderme d’avec l’entoderme ; dès lors la plaque axiale aura atteint toute sa croissance. Cette séparation ne se fait souvent que très tardivement, ce qui explique la longueur considérable présentée par certaines ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 103 lignes primitives (la ligne primitive n’est autre chose que la plaque axiale achevée ; voyez ci-après). ce. La figure 33 nous explique encore pourquoi à cette époque la plaque axiale est très peu visible sur les vues en surface du blastoderme. C’est que la cavité sous-germinale est restée à l’état de fente très étroite dans toute la moitié postérieure du blastoderme, précisément dans la région de la plaque axiale, et ne s’est encore creusée que dans la moitié antérieure en profonde excavation limitée par un rempart vitellin. En d’autres termes, l’aire transparente n’existe que dans la moitié antérieure du blastoderme, et les épaississements locaux de celui-ei ne sont que difficilement perceptibles de l'extérieur, en surface, que lorsqu'ils peuvent être vus par transparence. Or, même quand on détache sous l’eau un blastoderme de la période représentée par la figure 33, et qu'on le reçoit sur une plaque de verre, pour l’examiner par transparence, une couche de vitellus reste toujours adhérente à la face inférieure du blastoderme partout où n'existait pas l’excavation de la cavité sous-germinale, de sorte qu’en dehors de l'aire transpa- rente, qui alors mérite bien ce nom parce qu’en elle le blas- toderme est libre de tout vitellus sous-jacent, tout est opaque et ne laisse pas nettement distinguer les différences d’épais- seur que peut présenter le blastoderme. C’est pourquoi, à cette époque la plaque axiale ne se révèle pas davantage à l'extérieur qu’elle ne le faisait à son premier début, au stade de la figure 30 ; c’est pourquoi la plupart des auteurs, n'ayant constaté la plaque axiale que lorsqu'elle est visible à l’exté- rieur, dans une aire transparente déjà très étendue, ont consi- déré cette plaque, ou la ligne primitive qu’elle constitue alors, comme une formation tardive, dont ils n’ont pu saisir les rela- tions préexistantes avec le bord du blastoderme. C’est pourquoi nous avons soin de distinguer, dans le présent exposé, la phase de formation et la phase d'apparition de la ligne primi- tive. Nous venons de voir sa formation déjà avancée; son apparition n'aura lieu que plus tard. Avant de quitter le stade représenté par la figure 33, 104 M. DUVAL. signalons brièvement quelques dispositions qui ont été du reste bien vues et représentées par la plupart des auteurs. Il s’agit de la constitution des deux feuillets du blastoderme dans la région de l'aire transparente, comme le montre la figure 35; l’ectoderme est ici épaissi et formé de deux couches de cellules coniques, étroitement pressées les unes contre les autres. Quant à l’entoderme primitif, il est mince et formé d’une seule couche de cellules dont la coupe est de forme ovale; la plupart de ces cellules sont disposées bout à bout en une couche membraneuse, mais nombre d’entre elles chevauchent sur leurs voisines et dépassent vers le haut le niveau de la mem- brane. C’est par une prolifération de ces dernières cellules que nous verrons se produire le mésoderme en cette région, de sorte que le feuillet interne représenté dans la figure 35 mérite encore le nom d’entoderme primitif, par ce fait qu'il renferme à la fois les éléments de l’entoderme définitif et du mésoderme. | III. — GÉNÉRALISATION DU 3OURRELET ENTODERMO-VITELLIN. ORIGINE DU MÉSODERME. Par le titre donné à ce paragraphe nous voulons dire qu’à ce stade, qui se rencontre entre la huitième et la douzième heure de l’incubation (nous l’avons aussi trouvé sur un œuf de colin incubé depuis vingt heures), partout à la périphérie du blastoderme, s’est établie l’union du feuillet interne avec le rempart vitellin pour constituer le bourrelet entodermo- vitellin. Comme nous avons déjà longuement étudié ce bourre- let, c’est moins sur ses dispositions générales que nous devons insister ici que sur certaines particularités qu'il présente en arrière et sur les autres transformations qui sont liées à sa présence. La figure 48 représente un blastoderme de poulet à ce stade, et les contours du jaune et de la coquille ont été indiqués pour donner l’orientalion des parties. Examiné en place, avant ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 105 l’action d'aucun réactif, ce blastoderme forme une tache blanche, large de 9 à 10 millimètres, dans le centre de laquelle est une partie moins blanche présentant laspect d’une fine membrane reposant sur une collection liquide. Cette partie centrale est l’aire transparente (ap, fig. 48) ; elle a une forme en fer à cheval, à concavité postérieure, c’est-à- dire qu’elle s’avance en arrière par deux prolongements en forme de corne, entre lesquels la surface du blastoderme est restée d’un blanc opaque. La partie blanche périphérique (ao, fig. 48), à laquelle on peut conserver le nom d’aire opaque, quoique en réalité elle ait la constitution de ce qu’on appellera plus tard aire vitelline (voy. p. 97), est assez mal délimitée à sa périphérie et présente à sa surface des cercles concen- triques de parties colorées d’un blanc alternativement plus ou moins mat, apparences qui sont en rapport avec la constitu- tion de cette aire, où l’on trouve successivement (voy. fig. 50, 02, 54, 53), en allant de dedans en dehors, le bourrelet ento- dermo-vitellin (BEV, fig. 50 et 52), le rempart vitellin (RV), l’entoderme vitellin (4°, fig. 50, 52, 53), et enfin la région toute périphérique où l’ectoderme, réduit à une très fine membrane, ne recouvre plus que du vitellus sans noyau (par- tie gauche de la figure 53), et se termine (fig. 54) par un bord légèrement renflé. En préparant par l'acide osmique un semblable blasto- derme, l’excisant sous l’eau, le recueillant sur une plaque de verre et l’examinant par transparence, la région dite de l’aire opaque ne présente rien de particulier; mais on distingue plus nettement l’aire transparente qui, dans ces conditions, mérite bien son nom, car c’est la seule partie de la préparation qui laisse largement passer la lumière. La figure 49 représente cette aire transparente ainsi préparée et examinée à un gros- sissement de dix à douze fois. On peut alors distinguer plus nettement les détails de sa partie postérieure. On voit qu’en avant cette aire forme une surface circulaire (4p) ou un peu ovale avec grand diamètre transversal de 1,5 à 2 millimètres de large. Cette partie antérieure correspond à la profonde 106 M. DUVAL. excavation de la partie correspondante de la cavité sous-ger- minale (fig. 90). En arrière, l'aire transparente est moins claire, et on voit maintenant que les deux cornes par lesquelles elle se prolonge (indiquées ci-dessus à propos de la figure 48) encadrent ici une partie médiane dans laquelle on reconnaît (ep, fig. 49) la plaque aæiale (ligne primitive; le graveur à un peu trop accentué le dessin de cette dernière partie). L’aire transparente, telle que nous lavons vue apparaître dans la figure 30, où elle avait la forme d’un demi-cerele, s'étend donc en arrière, mais d’une manière peu distincte encore, ne se révélant que par deux prolongements latéraux entre les- quels est encore une partie obscure où l’on entrevoit la ligne primilive. Les coupes transversales faites sur cette partie postérieure vont nous donner l'explication de ces aspects en nous mon- trant que l’excavation de la cavité sous-germinale se poursuit en arrière, mais en présentant quelques caractères spéciaux. Telle est la figure 55, qui représente, à un grossissement d’en- viron treize fois, une coupe faite, suivant la ligne /p de la figure 49, ou un peu plus en arrière. On voit, en effet, que la cavité sous-germinale, qui précédemment n’était nullement excavée au niveau de la plaque axiale (voy. fig. 38-39, pl. ID), s’est ici creusée, mais en devenant profonde seulement dans ses parties latérales, tandis qu’en sa partie moyenne son plan- cher est resté au niveau de la face inférieure du blastoderme, c’est-dire encore en contact avec les éléments les plus pro- fonds de la plaque axiale. La figure 56, qui représente, à un plus fort grossissement, les parties en question de la figure 55, montre avec plus de netteté ces dispositions. On comprend donc qu’à cette forme de l’excavation sous-germinale corres- ponde un aspect moins transparent de la surface du blasto- derme, car ici le vitellus continue, comme dans l’aire opaque, à demeurer attaché, au moins en partie, à la face inférieure de la préparation, quand on isole le blastoderme et le recueille sur une plaque de verre. Mais ces coupes (fig. 55, 56) nous montrent ici une disposi- ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 107 tion bien plus importante quant à la manière dont se fait la soudure entre le rempart vitellin et l’entoderme pour consti- tuer le bourrelet entodermo-vitellin. Rappelons-nous d’abord ce que nous a montré la figure 38-59 (pl. IT), qui représente le stade immédiatement antérieur à celui de la figure 56. Nous avions vu (fig. 38) le bourrelet blastodermique s’effacer, l’ectoderme devenant libre, et la masse entodermique primi- tive s’étalant (2n', fig. 38-39) en un feuillet assez irrégulière- ment formé de deux assises de cellules. Partout ailleurs (sur le bord antérieur et latéral du blastoderme), où nous avons vu se produire le processus qui prélude à la formation du bour- relet entodermo-vitellin, nous avons constaté que tous les éléments cellulaires placés sous lectoderme se condensent en un entoderme primitif qui se soude avec le bord supérieur du rempart vitellin. Or ici, dans la région postérieure, les choses se passent différemment. Il y a un véritable clivage dans la masse entodermique qui vient, lors de la disparition du bour- relet entodermique, de se séparer de l’ectoderme. Ge clivage, partant de la plaque axiale et s'étendant latéralement en de- hors et en arrière, divise la masse entodermique primitive en deux couches d’une étendue inégale : l’une, inférieure, moins étendue, va seule se souder par ses bords au rempart vitellin, tandis que l’autre, la supérieure, plus étendue (ms, fig. 56), reste libre par ses bords qui, s'étendant plus loin que ceux de la précédente, se trouvent ainsi placés entre l’ectoderme et la masse vitelline sous-jacente (masse riche en noyau et qui est dite entodermo-vitelline). Afin que la simplicité des termes jette quelque clarté dans cette description délicate, disons dès maintenant, quitte à le justifier plus tard, que la première couche, l’inférieure, est l’entoderme définitif de la région (2%, fig. 96), et que la seconde, la supérieure, est le mésoderme (ms). Mais n'oublions pas que ces transformations se produisent ici dans une région dont la partie médiane est occupée par la plaque axiale, et que, par suite, 1l faut signaler les rapports de ces deux feuillets avec cette plaque (en pp, fig. 56); ces rapports sont tels que l’entoderme définitif se 108 M. DUVAL. trouve complètement séparé de la plaque axiale, qu’il est, par toute sa face supérieure, sans connexion avec ce qui est au- dessus de lui, tandis que le mésoderme demeure, au niveau de la plaque axiale, en connexion avec l’ectoderme, et que, en dehors de cette plaque, il est toujours en contact plus immé- diat avec la face inférieure de lPectoderme qu'avec la face supérieure de l’entoderme (fig. 56). Ici, comme déjà précédemment, nous nous trouvons en présence de faits dont l’énoncé théorique doit paraître singu- lièrement obscur. D'autre part, si la conception de cet énoncé résulte, pour l’auteur, de l'inspection d’un très grand nombre de séries de coupes, il est impossible, à moins de multiplier les figures à l’infini, de reproduire toutes ces coupes. Devant donc nous borner à ne donner dans nos planches que quelques dessins choisis parmi les préparations propres à faire la dé- monstration, nous allons essayer de préparer cette démonstra- tion par une série de figures schématiques. Il nous suffira ensuite de voir si les figures réelles sont bien d'accord avec le schéma. Geci va nous fournir une occasion de récapituler une partie des faits exposés, de montrer les enchaînements des stades que nous avons déjà étudiés, et même, en empiétant un peu sur ceux qui nous restent à voir, de justifier certaines expressions (entoderme primitif, entoderme vitellin) dont nous nous sommes servi sans avoir toujours suffisamment expliqué les raisons qui nous les ont fait adopter. Nous récapitulerons d’abord, à l’aide de schémas, les trans- formations du blastoderme telles qu’elles se produisent dans ses régions antérieures et moyennes, c’est-à-dire là où appa- raît à un moment donné l’aire transparente ; puis nous récapi- tulerons de même, en les mettant en parallèle avec les précé- dentes, les transformations de la partie postérieure du blastoderme, là où se forme la plaque axiale, c’est-à-dire la ligne primitive. «. Les figures schématiques 21, 22, 23, 24, 95 nous résu- ment les états successifs, en Coupe transversale, de la région où doit apparaître l’aire transparente. Le schéma 91 est le ARTICLE N° 1. _ FORMATION DU BLASTODERME. 109 stade de la fin de la segmentation (cs, cavité de segmentation, à l’état de fente, séparant l’ectoderme ex de la masse ento- Schémas 21 et 22. dermique i#!). lorsque le blastoderme est à la forme d’une lentille biconvexe (voy. fig. 10, pl. I). Le schéma 22 est le stade du bourrelet blastodermique (bb), alors que la masse entodermique s’est étalée dans les régions moyennes en une membrane de cellules irrégulièrement disposées en tractus réticulés (fig. 17, 19 et 22 de la planche Il), et qu'elle ne subsiste plus que sur les bords du disque à l’état de masse à plusieurs assises de cellules étroitement serrées (le bourrelet blastodermique bb; comparez avec les figures 18 et 20 de la Schéma 93. planche IT). Le schéma 23 est le stade d'apparition de l’aire transparente, c’est-à-dire celui où la cavité sous-germinale commence à se creuser en profonde excavation, dont les bords Schéma 24. sont taillés à pic (rempart vitellin, RV) et où, le bourrelet blastodermique ayant disparu, Febdomee et lente se ANN. SC. NAT., ZOOL., AOUT 1884. XVIII. 8. — ART. N° {. T0 ME. DUVAI. terminent chacun par un bord hbre, le bord libre de l’ento- derme (in') se trouvant au contact du bord supérieur du rempart vitellim. Le schéma 24 est le stade de formation du bourrelet entodermo-vitellin (BEV) par soudure du bord de l’entoderme primitif (in) avec la partie correspondante du rempart vitellin (RV). C’est avec cette figure que se terminent les stades que nous avons étudiés Jusqu'icr. Avec ie schéma 25 nous allons un peu plus loin, c’est-à- dire que nous y faisons intervenir un fait que nous n'avions Schéma 25. pas encore eu occasion de signaler jusqu'ici, car 11 ne com- mence à se manifester que sur la figure 50 (pl. IV), et con- siste en ceci que sur la face supérieure du feuillet inférieur se produit (en #s) une abondante prolifération ceilulaire (les détails en sont représentés dans la figure 51, pl. IV), prolifé- ration qui va donner 1ei naissance au feuillet moyen (1). C’est pourquoi nous faisons suivre ici le schéma 24 par un nouveau schéma (25), où le mésoderme en voie d'apparition est repré- senté (72) par une couche ombrée de traits entre-croisés et im- médiatement attenante au feuillet inférieur (4x). Or si, au lieu de nous contenter de voir 1c1 ce mésoderne naître aux dépens du feuillet inférieur, nous cherchons à remonter plus haut dans son origine, 1l sera intéressant de remarquer que dans tous les stades antérieurs le feuillet inférieur s’est montré d’une composition complexe ; qu'au stade pris comme type du blas- toderme de l’œuf fécondé fraichement pondu et non incubé, il était formé par des tractus irréguliers de cellules, tractus dis- (1) Dans notre Mémoire Sur la ligne primitive, nous avons suivi cette pro: duction du feuillet moyen aux dépens de l’entoderme de la région tergale (qui correspond à la région dite iei de l’aire transparente). ARTICLE N° {. FORMATION DU BLASTODERME. [11 posés enréseau de façon à figurer au moins deux couches superposées (fig. 49 et 93, pl. Il); que plus tard, au stade d'apparition de l'aire transparente, lorsqu'il s’est présenté comme une couche unique de cellules, nous avons cependant, à chaque fois que la description en a été donnée, fait remar- quer que parmi ces cellules quelques-unes chevauchaient de place en place, dépassant le niveau du feuillet en s’élevanit vers le feuillet externe (voy. notamment fig. 35, pl. IT, et ci- dessus p.90 et104). Or la comparaison de la figure 85 avec la figure 51 montre que le feuillet moyen, dont nous constatons ici apparition (fig. 51), résulte précisément de la proliféra- uon de ces cellules irrégulièrement intercalées (fig. 35) dans le feuillet inférieur. En d’autres termes, le feuillet inférieur renferme, depuis son apparition, les éléments de deux feuillets futurs, et à ce titre mérite le nom d’entoderme primitif; puis, à un moment donné, ces éléments se séparent et les deux feuillets résultants sont, l’un le mésoderme et l’autre l’ento- derme définitif. C’est pourquoi nous avions employé jusqu’à présent cette expression d’entoderme primituf, et, sur les fisures, les lettres ir' comme signes de renvoi. Désormais, du moment que le mésoderme a paru, ce qui reste au-dessous de lui doit être désigné sous le nom d’extoderme définitif, ou tout simplement d’entoderme, el marqué sur les figures de renvoi par les lettres in. Or si, sur la série des figures schématiques 21, 29, 93, 24, 25, nous examinons quels sont les rapports chronologiques de certaines transformations du blastoderme avec ce dédouble- ment de l’entoderme primitif en entoderme et mésoderme, ous voyons qu'il existe un entoderme primitif au stade de la fin de la segmentation (il est représenté par la masse entoder-- mique #' du schéma 21), au stade du bourrelet germinalif (fig. schématique 22), au stade de l'apparition de l'aire transpa- rente (fig. schématique 25); au stade de formation du bourre- let entodermo-vitellin (schéma 24); mais qu'après la forma- tion de ce bourrelet (schéma 25) se produit lé dédoublement de l’entoderme primitif en mésoderme et entoderme. Ce dédou 142 M. DUVAL. blement se produit dans les parties centrales du feuiller tout d’abord (fig. 90 et 51, pl. IV). Donc, en résumé, dans la région où apparait tout d’abord la zone transparente (et qui sera plus tard, lors de lapparition des premiers linéaments de l’embryon, la zone tergale (4), la masse entodermique primi- tive (en', schéma 21), après s'être de plus en plus amincie en un entoderme primitif (èn', schémas 22,23, 24), ne se dédouble en mésoderme el entoderme qu'après formation du bourrelet entodermo-vitellin, et ce dédoublement est tel que le mésoderme apparait d'abord uniquement dans la partie médiane du blasto- derme. — Telle est la formule qui résulte, pour les questions ici particulièrement en cause, de la récapitulation schéma- tique des transformations précédemment étudiées dans les régions antérieure et moyenne du blastoderme. b. Si maintenant nous récapitulons de mème les transfor- mations de la partie postérieure du blastoderme là où s’est formée la plaque axiale, nous nous trouvons en présence de figures schématiques qu'il faut mettre en parallèle avec celles qui viennent de nous servir. D'abord nous n'avons pas à faire, pour la région de la plaque axiale, de schéma correspondant au précédent schéma 21, puisque à la fin de la segmentation la plaque axiale n'existe pas encore. Elle n'apparait que lorsque le bourrelet blastodermique s’est formé et se déplace de façon à occuper des situations de plus en plus excen- triques, en raison du mouvement d'expansion, d'extension en surface du blastoderme, et alors la plaque axiale se révèle comme une traînée longitudinale, médiane et antéro-posté- rieure, selon laquelle le blastoderme a conservé la constitu- tion caractéristique du bourrelet blastodermique, ainsi que nous l’avons exposé ci-dessus, page 100, à l’aide des figures. schématiques 9 à 14. À ce moment, l’état, en coupe, de cette partie du blastoderme peut être représenté par le schéma 26 (qu'on peut mettre en parallèle avec le schéma 22, apparte- nant à la partie antérieure) ; ici la plaque axiale est représentée (1) Voy., pour cette dénomination, notre Mémoire Sur La ligne primitive, p. 9. ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 113 en pp, le bourrelet blastodermique en bb, et en in! le feuillet entodermique primitif, qui est à l’état de masse entodermique seulement un peu amincie, adhérent à l’ectoderme au niveau de la plaque axiale, absolument comme elle le fait au niveau du bourrelet blastodermique (et de fait plaque axiale et Schémas 26 et 27. bourrelet blastodermique sont de même nature). Remar- quons que cette figure 26 n’est presque pas schématique ; elle n'est qu’une réduction avec simplification (les feuillets étant indiqués sans figuration de leurs éléments) de la figure 31 de la planche ITT. : Au stade d'apparition de l’aire transparente, tel que le représente le schéma 23, correspond, pour la région de la plaque axiale, le schéma 27. Cette figure aussi n’est presque pas schématique, car elle est une reproduction de la figure 38-39 de la planche IT ; elle montre que, dans la région de la plaque axiale, le bourrelet blastodermique s’est effacé, et les deux feuillets sont devenus libres par leurs bords; ils n’adhèrent donc plus tous deux(comparativementau schéma 26) que par leur partie médiane, axiale, par la plaque axiale en un mot. À part cette présence de la plaque axiale, le schéma 27 ne diffère du schéma 93 qu’en ce qu'ici la cavité sous-germi- nale est restée à l’état de fente et ne s’est pas profondément excavée, de sorte qu’il n’y a pas ici à parler de rempart vitellin. C’est au moment où l’excavation de la cavité sous-germinale, par production du rempart vitellin, commence à se poursuivre jusque dans la région de la plaque axiale, que le parallélisme cesse entre les figures de la série schématique 21, 29, 93, 9%. 95 et celles de la série 26, 27, 28, 99. Précédemment nous avons vu (schéma 24) que le premier phénomène succédant à 114 M. DUVAL. la disparition complète du bourrelet blastodermique était la soudure du bord libre de l’entoderme primitif avec le rempart vitellin pour former le bourrelet entodermo-vitellin, et que seulement après (schéma 25) se produisait le dédoublement de l’entoderme primitif en entoderme et mésoderme. [ci l’ordre chronologique entre ces deux processus sera précisément l'inverse ; tout d’abord (schéma 28) l’entoderme primitif, qui est demeuré relativement épais dans cette région, se dédouble en mésoderme et entoderme, et aussitôt après (schéma 29) le bord libre de cet entoderme définitif se soude avec le bord du rempart vitellin, car pendant ce temps la cavité sous- gl Ï INT hi Sehéma 99. serminale s’est profondément excavée en arrière, non d’une manière complète, mais seulement dans ses deux parties latérales (en cgp, cgp, schémas 98 et 29). ce. Si maintenant nous vérifions ce processus sur les figures réelles, nous voyons qu'il ne se présente pas avec une égale netteté sur les coupes transversales et sur les coupes antéro- postérieures. Sur les coupes transversales les deux phénomènes paraissent se produire simultanément ; en même temps que l’entoderme définitif se sépare du mésoderme, il se soude par son bord avec le rempart vitellin, comme le montre la figure 56 (pl. IV). Mais le caractère sus-indiqué du processus étant d'autant plus accentué qu'on s'adresse à des régions plus postérieures, on ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 115 peut, sur les coupes antéro-postérieures, en constater très nettement le caractère ; ainsi sur les figures 40 et 45 (pl. IT) l’entoderme définitif est déja séparé du mésoderme et cepen- dant il n’est pas encore soudé au rempart vitellin. Dans les coupes transversales, comme dans les longitudi- nales, nous voyons de plus que, dans cette région postérieure, le clivage de l'entoderme primitif se fait de telle sorte que le mésoderme dépasse latéralement les limites de l’entoderme définitif (voy. fig. 56), de sorte qu’on peut dire que ce dernier entoderme apparait uniquement dans la partie médiane du blastoderme. Nous arrivons done ici, pour les régions postérieures, à une lormule qui est exactement l’inverse de celle donnée pré- cédemment pour la région antérieure et moyenne. Dans celle- el, avons-nous dit, page 112, l’entoderme primitif ne se dé- double en mésoderme et entoderme qu'après formation du bourrelet entodermo-vitellin, et ce dédoublement est tel, que le mésoderme n’existe d’abord que dans la région médiane du blastoderme. [ci au contraire le dédoublement se fait avant la formation du bourrelet entodermo-virellin, et il est tel que c’est l’entoderme définitif et non le mésoderme qui n'existe que dans la région médiane du blastoderme. La comparaison des figures schématiques 25 et 29 fait ressurtir cet antagonisme. En définitive nous arrivons à voir que le mésoderme se forme partout par dédoublement d'un entoderme primitif; seulement ce dédoublement présente, relativement aux autres trans- formations du blastoderme, des rapports chronologiques différents dans la partie antérieure et dans la partie postérieure du blastoderme. De plus, comme dans la partie antérieure l’entoaerme primitif n’a aucune connexion avec l’ectoderme au moment du dédoublement, tandis que dans la partie postérieure 1l est encore uni à l’ectoderme au niveau de la plaque axiale, 1l en résulte que le mésoderme présente des connexions bien différentes dans ces deux régions, connexions qui peuvent faire croire à une différence d’origine. Et c’est ainsi en effet qu'il faut interpréter la plupart des théories si 116 M. DUVAH. nombreuses émises sur lorigine du feuillet moyen chez le poulet. Les auteurs qui n’ont examiné que des coupes de la région antérieure, ont cru à une origine entodermique de ce feuillet; ceux qui ont porté leur attention sur les régions pos- térieures, ont cru à une origine ectodermique. Nous-même, dans notre précédent Mémoire Sur la ligne primitive, ayant pris soin de bien examiner comparativement les régions anté- rieures et postérieures, nous avions conclu à une double origine du feuillet moyen, c’est-à-dire à un mode de formation différent et dans la zone tergale (région antérieure) et dans la zone de la ligne primitive. « Le feuillet moyen, disions-nous (op. cit., p. 18), se présente à son origine, comme une dépen- dance du feuillet interne dans la zone tergale, comme une dépendance du feuillet externe dans la région de la ligne primi- tive. » Cet énoncé constatait bien l’état des choses, mais allait trop loin comme interprétation. Nousn'avions pas alors suivi le développement depuis la segmentation, pas observé l'existence d’un entoderme primitif, et par suite pas pu constater que c’est toujours cet entoderme primitif qui donne naissance au feuillet moyen, aussi bien dans les régions antérieures que dans les postérieures, et que, si le mésoderme est en arrière en connexion avec l’ectoderme, cette connexion n'indique pas pour lui une origine ectodermique, mais est simplement la conséquence des rapports préexistants entre l’entoderme primitif et l’ectoderme dans toute l'étendue de la plaque axiale. Au point de jonction entre les régions antérieures et les régions postérieures, c’est-à-dire au niveau de lextrémité antérieure de la plaque axiale, la disposition présentée par le mésoderme est intermédiaire entre celles qui le caractérisent en avant et celles qui le caractérisent en arrière : ici en effet (fig. 44 et partie droite de la figure 45, pl. TT) on voit que la masse mésodermique remplit tout l’espace entre l’ectoderme et l’entoderme définitif, c'est-à-dire que ses éléments con- finent aussi étroitement en haut avec ceux de l’ectoderme qu'ils confinent en bas avec ceux de Pentoderme. Nous ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 117 sommes ici en effet dans une région de transition. Les carac- tères en sont encore mieux indiqués dans la figure 60 (pl. V), tels du reste que nous les avions précédemment énoncés. en allant cependant comme interprétation au delà de ce que per- mettait la simple constatation des faits, lorsque nous disions (Memoire sur la ligne primitive, p. 18) : «Au niveau de la tête de la ligne primitive, point de jonction des deux régions sus- indiquées, le feuillet moyen présente des caractères mixtes, en ce qu'il paraît provenir à la fois du feuillet externe et du feuillet interne, c’est-à-dire que dans le renflement relativement volumineux qu’on observe à ce niveau, les trois feuillets sont intimement soudés et confondus. » IV. — APPARITION DE LA LIGNE PRIMITIVE. Le titre que nous donnons à ce paragraphe et la coupure que nous établissons ainsi dans notre exposé sont choses absolument aruficielles. Elles étaient nécessaires cependant, pour cette raison que, à part quelques rares embryologistes, tous n’ont tenu compte de la ligne primitive que lorsqu'elle est entièrement visible, se détachant comme un trait foncé sur Ja partie postérieure de l'aire transparente ; ils n’ont donc vu cette ligne que lorsque l'aire transparente s'était étendue jusqu’à elle, par le fait de la production d’une large excavation de la cavité sous-germinale jusque dans toute l'étendue de la plaque axiale. La ligne primitive et la plaque axiale sont, nous l’avons indiqué déjà à plusieurs reprises, une seule et même chose. Si désormais nous allons cesser de nous servir du terme plaque axiale, pour employer celui de ligne primitive, ce n’est pas cependant uniquement pour que notre nomenclature concorde avec la nomenclature classique; c’est encore, parce que ce changement de nom correspond à des changements de constitution, et notamment parce que la plaque axiale prend en ce moment une disposition particulière (elle se creuse plus profondément en une gouttière médiane) qui est caractéristique TLS M. DUVAL. de l’état dans lequel elle a été étudiée sous le nom de ligne primitive. Nous allons donc examiner successivement la pro- duction de la partie postérieure de Paire transparente, puis la production de la gouttière de la ligne primitive ; et nous ter- minerons par quelques considérations sur les parties péri- phériques du blastoderme (extension du feuillet moyen, croissant antérieur). a. La manière dont l’aire transparente s'étend en arrière est facile à comprendre, en comparant la figure 56 (pl. IV) avec les figures 63 et 64 (pl. V). Sur la première figure (section transversale de la région de la plaque axiale entre la huitième et la douzième heure de l’incubation) nous avons vu (p. 106) que la cavité sous-germinale commençait à s’excaver, mais seulement en deux régions latérales (cgp, cgp, fig. 56), tandis que dans la partie médiane son plancher était encore 1mmé- diatement sous-jacent à la face inférieure de l’entoderme. Aussi, sur les coupes médianes antéro-postérieures de ee stade (fig. 40, pl. ID), ne voit-on en arrière aucune trace de l’exca- valion sous-cerminale. Ces dispositions font que la plaque axiale rest, sur le blastoderme examiné en surface, presque pas visible ; c’est à peine si, sur les pièces traitées par l’acide osmique, elle se révèle de la manière représentée par la figure 49 (pl. IV), où sa visibilité à été un peu exagérée par le dessin. Mais bientôt, entre la douzième et la treizième heure, la partie médiane de la cavité sous-germinale se creuse elle- même profondément, en même temps que son excavalion s’exagère sur les côtés, de manière à prendre la disposition représentée en coupe par la figure 64 (pl. V). Dès ce moment aspect connu sous le nom d’aire transparente existe sur une longue zone à la partie postérieure du blastoderme, et dans l'axe de cette zone la plaque axiale devient visible, sous le nom de ligne primitive, comme le montre la figure 57. Aussi les coupes médianes antéro-postérieures présentent-elles alors un aspect Caractéristique, dont on aura une idée nette en compa- rant la figure 40 (pl. IT) avec la figure 58 (pl. V). Sur la pre- mière toute la région de la plaque axiale repose immédiate- ARTICLE N° {. FORMATION DU BLASTODERME. 119 ment sur la masse vitelline ; sur la seconde la vaste excavation du vitellus se poursuit largement en arrière et il existe un re- mpart vitellin aussi bien en arrière qu’en avant. On ne peut donc pas dire que la ligne primitive apparait dans l’aire transparente, mais bien que l’aire transparente (lexcavation sous-germinale) se prolonge Jusque dans la région de la plaque axiale pour la faire apparaître. C’est pourquoi nous avons donné au présent paragraphe le titre d'apparition (et non de formation) de la ligne primitive. Ge n’est pas là une distinction subtile ; en effet, les auteurs qui ont eru à la formation de la ligne primitive dans l’aire trans- parente, ont cherché les éléments de cette ligne dans les feuillets du blastoderme tels qu’on les trouve dans cette aire, doù, en présence de l’impossibilité de résoudre le problème posé en ces termes, les théories multiples et opposées que nous aurons à rappeler plus loin. Cependant on aurait dû être mis en garde contre cette erreur, par le fait même des diffé- rences de forme que présente l’aire transparente d’une part lorsqu'on n’y aperçoit pas la ligne primitive, et d’autre part lorsque cette ligne y est apparue. Tous les auteurs depuis Erdl (1) et Dursy (2) figurent l’aire transparente, lorsqu'elle ne présente pas encore de trace de la ligne primitive, sous la forme d’une surface circulaire ; lorsque la ligne primitive est apparue, cette surface a pris une forme ovale allongée, légère- ment étranglée à la jonction de sa large moitié antérieure avec sa moitié postérieure plus étroite (comme le montre notre figure 57, pl. V) (3). (1) M. P. Erdil, Die Entwickelung des Menschen und des Hühnchens im Eie (Erste Band. Entw. d. Hühnchens, Leipzig, 1845). (2) Dursy, Der Primitifstreif des Hühnchens, Lahr, 1867. (3) Balfour décrit bien cette forme et ajoute, quant aux conditions de trans- parence des parties, un détail qui rentre bien dans ce que nous avons décrit (comparer à la figure 49 de notre planche IV), quand il dit (Comparative Em- bryologie, t. IT, 1881, p. 125) : « [’Area pellucida prend alors graduellement une forme ovale et se trouve formée de deux portions, l’une postérieure opaque et l’autre antérieure transparente : la partie opaque postérieure est dite par quelques auteurs plaque embryonnaire. » 120 M. DUVAL. Comment s’est produit ce changement de forme ? C’est une question qu'aucun auteur ne parait s'être posée. Deux inter- prélations seulement sont possibles : ou bien le disque pri- milil s’est étranglé, purement et simplement, ou bien une nouvelle partie, une portion nouvellement formée d’aire trans- parente est venue s'ajouter à la portion circulaire déjà exis- tante de manière à lui former comme une large queue. d’où la configuration en raquette ou piriforme. Rien ne rend la pre- mière hypothèse vraisemblable, puisque, au contraire, tout montre que l'aire transparente, comme le blastoderme en gé- néral, s'étend par un mouvement d'expansion excentrique, bien loin qu'aucune partie de ses bords ne revienne sur ses pas par un mouvement de retrait centripète. La seconde hypothèse est vérifiée au contraire par tout ce que nous avons vu précé- demment. Mais il ne suffit pas qu'elle résulte de nos propres descriptions et des figures de nos planches; nous pensons qu'elle peut encore être démontrée en se servant des figures même de Dursy, comme on pourrait le faire du reste de toutes les figures semblables données par les divers embryologistes allemands. Prenons, en effet, par exemple, les figures À et 4 de Dursy, dont nous reproduirons ici les lignes de contour, dans nos schémas 30 et 51 (nous n'avons modifié que les dimensions des r P figures de Dursy, les réduisant de a b moitié). Le schéma 50 (Dursv, pl. 1, fig. 1) représente pour cet au- teur la forme'de laire transpa- ‘rente à la dixième heure de l’in- cubation; le schéma 31 (sbid., pl. 4, fig. 4) représente la forme de cette aire transparente à la quinzième heure; ici l'aire transparente est piriforme, com- posée d’une moitié antérieure circulaire, se continuant en arrière en une moitié postérieure allongée : c’est dans l'axe de cette moitié postérieure qu'est la ligne primitive, dont la tête (d) arrive non loin du centre de la partie circulaire antérieure. ARTICLE N° Î. 30 31 Schémas 30 et 31. FORMATION DU BLASTODERME 121 En présence de ces deux figures on est presque nécessaire- ment ainené à penser que la ligne primitive s’est produite, entre la dixième et la quinzième heure de l’incubation, dans l'aire transparente à mesure que celle-ci changeait de forme. Cependant, en méditant ces deux figures de Dursy, on est frappé d’une chose : dans le schéma 31, le diamètre (ab) de la partie antérieure circulaire a la même étendue que le diamètre de la figure 30, c’est-à-dire que dans les deux figures Paire transparente à les mêmes dimensions transversales. Serait-ce à dire que de la dixième à la quinzième heure Paire transpa- rente est restée stationnaire quant à son développement en étendue, alors qu’elle aurait cependant été Le siège d’une for- mation aussi importante que la ligne primitive, alors que nous savons que tout, dans le blastoderme, subit dans ces premières heures de lPincubation un mouvement d'expansion périphé- rique plus ou moins accentué? Non certainement. La seule interprétation possible est que ces deux figures ont été dessi- nées à des grossissements différents, qu’en réalité le diamètre «b est plus étendu à la quinzième qu’à la dixième heure, et que, s’il présente la même dimension dans les deux figures, c’est que la figure 31 a été dessinée à un moindre grossissement que la figure 30. Dans l'explication des planches, Dursy dit seulement que toutes les figures de sa planche { sont grossies de 50 à 60 fois, mais il n'indique pas le grossissement de chaque figure en particulier ; s’il en est qui sont deux fois plus grossies que d’autres (dans le rapport de 30 à 60), il estévident que tous les grossissements intermédiaires ont pu être em- ployés, selon les nécessités de donner à chaque figure des di- mensions se prêtant à leur disposition symétrique sur une large planche (sa planche 1 comprend 9 figures, dont la der- nière est un blastoderme de la fin du premier jour). Faisons donc en sorte de donner au schéma 31 ses véritables dimen- sions par rapport au schéma 30. D'après ce que nous montre l’inspection de nombreux blastodermes (les comparaisons sont très difficiles à faire, parce que les blastodermes d’un même âge, d’un même état de développement, présentent les plus 192 M. DUVAL. grandes différences au point de vue des dimensions), nous croyons que de la dixième à la quinzième heure le blasto- derme à bien pu augmenter d'environ un quart en diamètre, c’est-à-dire que le schéma 31, pour être ramené à ses vraies proportions par rapport au schéma 30, doit être augmenté d'un quart dans les dimensions de toutes ses parties. En faisant cette opération, nous obtenons le schéma 32. Or, si sur une copie de cette figure 32, prenant le milieu de la ligne 4b comme centre, nous traçons un Cer- cle ayant le même rayon que l'aire transparente représen- tée par le schéma 30, ce cercle nous représentera (schéma 33) la place occu- pée précédemment par Paire transparente; si pour ren- dre les choses plus claires, nous ombrons de traits obliques toute la surface comprise entre les contours du schéma 33 et le cercle tracé dans sa région antérieure, nous divisons ainsi l’aire transparente de la quinzième heure en deux parties : l’une centrale et anté- rieure, circulaire (la partie non ombrée du schéma 35), laquelle représente ce qu'était l'aire transparente à la dixième heure ; l’autre périphérique (la partie ombrée du schéma 33), à laquelle se rattache toute la partie postérieure de la figure, et qui représente ce dont s’est accrue Paire transparente de la dixième à la quinzième heure. Or c’est dans cette partie nou- velle (dans cette partie ombrée) que siège la ligne primitive. Donc cette ligne ne s’est pas formée dans l'aire transparente qui existait à la dixième heure, mais dans la partie surajoutée ultérieurement à cette aire transparente. Dans ces conditions, en recherchant Porigine de la ligne primitive, on ne peut faire que deux hypothèses. Ou bien il y a eu simultanéité dans la production de cette nouvelle partie d’aire transparente et la formation de la ligne primitive, ou bien la ligne prinutive préexistait et elle est seulement devènue ARTICLE N° Î. Schéma 22.7 Schéma 33. FORMATION DU BLASTODERME. 125 apparente par formation de la partie d’aire transparente sur laquelle elle se détache. Nous pensons avoir suffisamment dé- montré que cette dernière formule correspond bien à la réalité des faits, et nous n'avons cherché à en donner une nouvelle démonstration à l’aide des figures mêmes de Dursy que pour montrer comment ces figures peuvent en imposer au premier aspect par la seule raison qu'elles ne sont pas toutes exécutées à un même grossissement. Quand on les compare sans tenir compte de cette condition, elles donnent l’idée que la ligne primitive se forme dans Paire transparente; quand on les compare après correction, elles ne présentent plus rien de contraire à l’idée que l’aire transparente s'étend seulement dans une région où existait déjà la ligne primitive. C’est pour- quoi, nous le répétons, nous avons tenu à donner à ce para- graphe le titre d'apparition de la ligne primitive, alors que dans tous les paragraphes précédents était étudiée sa forma- on successive à l’état dit de plaque axiale. Remarquons cependant que cette apparition de la ligne pri- mitive n’est pas aussi brusque que pourraient le faire croire les descriptions qui précèdent. Du reste, nos figures montrent que la plaque axiale se laisse entrevoir (fig. 30, 49, pl. LIT ec EV), surtout sur {es préparations à l’acide osmique, alors qu'il n’y à pas encore au-dessous d'elle d’excavation de la cavité sous- germinale (fig. 30), et surtout alors que cette excavation com : mence à se produire latéralement (fig. 49 et 56). À ce moment on peut, en détachant Le blastoderme sous l’eau, et nettoyant énergiquement sa face inférieure par la projection d’eau avec une pipette, enlever la partie du plancher de la cavité sous- serminale qui est encore en contact immédiat avec la région de la plaque axiale, et faire que celle-ci se révèle à l’examen par transparence. Mius dans ces conditions il est rare qu'on ne blesse pas le blastoderme lui-même, en déchirant notam- ment son feuillet intérieur. C'est évidemment amsi que His a obtenu la série des figures 1, 2, 3 de sa planche 19 (1), figures (1) His, Erste Anlage., tic. 124 M. DUVAL où l’on retrouve d’une manière plus accentuée les détails ca- ractéristiques de notre figure 49 (pl. IV); dans les dessins de His, la plaque axiale se projeite déjà sur une aire transpa- rente; mais celle-ci à été arüficiellement obtenue par une ablation artificielle du vitellus alors immédiatement sous- Jjacent à cette partie du blastoderme, ablation qui n’est pas sans danger pour ce blastoderme; aussi les figures de His offrent-elles certaines irrégularités et brèches, que l'auteur du reste interprète justement, notamment pour la figure 3 de sa planche 19, en disant (voy. p. 236 du texte) qu'ici le feuillet inférieur a été, sur une grande partie de son étendue, détaché pendant les manipulations préparatoires (1). b. Dans notre précédent Mémoire Sur la ligne primitive nous avons insisté sur ce fait que la ligne primitive se creuse en souttière étroite peu après son apparition. « Sur le blasto- derme de quatorze heures (2), disions-nous (op. cit., p. 14), la ligne primitive se présente, vue en surface, comme une ban- delette à peu près homogène ; c’est à peine si à sa partie anté- rieure on distingue comme une petite fossette, qu'une coupe fait reconnaitre pour un commencement de gouttière. Sur le blastoderme de dix-neuf heures, cette fossette s’est étendue sur toute la longueur de la bandelette primitive, qui se pré- sente maintenant comme une longue gouttière, c’est-à-dire qu’elle a, vue en surface, l’aspect d’une double ligne sombre avec une ligne claire médiane. » Nous n'avons qu'à confirmer actuellement cette description, en atténuant cependant ce qu'elle à de irop absolu. En effet, pour tout ce qui existe à l’état décrit sous le nom de plaque axiale, les aspects exté- rieurs, comme des coupes, peuvent présenter de grandes variétés. Toujours 1l y à une légère indication de sillon mé- (1) En effet, His préparait ses pièces en excisant le blastoderme, le nettoyant autant que possible du vitellus adhérent, par la projection de sérum iodé à l'aide d’une pipette, et procédant ensuite seulement au durcissement (voy. Erste Anlage, p. 180). (2) À un état un peu plus avancé, quant à l'extension postérieure de l'aire transparente, que le blastoderme représenté dans le présent Mémoire par la figure 49 de la planche IV. ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 195 dian, comme le montrent les coupes représentées dans les figures 16 (pl. Il), 31, 39 (pl. ID), et 56 (pl. IV), et ce sillon peut être exceptionnellement très profond, puisque, comme le montrent la figure 32, 1l peut aller jusqu'à constituer une fente complète séparant à ce niveau le blastoderme en deux moitiés distinctes. Mais le plus souvent ce sillon est à peine in- diqué (fig. 56), peu prolond (fig. 39) et très évasé sur ses bords (fig. 31). Au contraire, lorsque la ligne primitive est complètement apparue, ce sillon prend la forme d’une gout- üère profonde, dont le fond est étroit, dont les bords s'élèvent légèrement au-dessus du niveau du reste du blastoderme. Tel est l’état représenté par la figure 64. Cette exagération de la gouttière de la ligne primitive est liée à un processus particu- lier qui se passe dans ses couches profondes. Ce processus, nous l’avons décrit avec le plus grand soin dans notre mémoire Sur la ligne primitive : il a de même été très attentivement figuré et analysé par Kôlliker, qui en a fait la base de sa théorie sur l’origine ectodermique du mésoderme. Si donc nous rappelons en quelques mots les dispositions en question, ce ne sera qu'autant qu'il est nécessaire pour donner ensuite la véritable interprétation de ce processus. On voit sur la figure 64 (comme sur toutes les figures du Mémoire Sur la ligne primitive) que le feuillet interne, lequel a désormais le nom d’entoderme (entoderme définitif), est parfaitement distinct des autres couches blastodermiques, et s'étend en une seule et mince couche de cellules au-dessous de la ligne primitive. Nous avons étudié (p. 118, fig. schéma- tiques 27, 28, 29, et fig. 45, 95, 56 des planches LIT et TV) le procédé selon lequel cet entoderme définitif se sépare de l’ento- derme primitif dans la région de la plaque axiale. Toujours est-il qu’actuellement (fig. 64) l’épaississement de la ligne primitive n’est plus formé que par le feuillet externe (ex) et le feuillet moyen (#s), tandis que précédemment (voy. fig. 39, pl. ID) la plaque axiale était formée à la fois par le feuillet externe, le feuillet moyen, et le feuiilet mterne, ou, pour. parler exacte- ment, par le feuillet externe et un feuillet interne, dit ento= ANN. SC. NAT., ZOOL., AOUT 1884. XVIII. 9. — ART. N° Î. 126 M. DUVAL. derme primiuf, qui représentait, encore non séparés, les élé- ments du futur mésoderme et du futur entoderme proprement dit. En rappelant ces dispositions et montrant ces différences, nous indiquons en même temps une des raisons qui nous ont fait distinguer sous des noms différents la plaque axiale et la ligne primitive. | En examinant la ligne primitive, constituée, comme le montre la figure 64, seulement par le feuillet externe et le feuillet moyen, nous voyons qu'ici non seulement ces deux feuillets sont entièrement accolés et soudés l’un à l’autre, mais encore que les éléments du feuillet moyen, en voie de prolifération active (comparer son épaisseur et la disposition serrée de ses cellules sur la figure 64 et sur la figure 56), sont disposés de manière que l’ectoderme du fond de la gouttière de la ligne primitive semble prendre une part active à leur pro- duction. On dirait que les éléments les plus profonds de la couche ectodermique de la ligne primitive prolifèrent, se dé- tachent successivement, et se portent de chaque côté dans le mésoderme dont ils contribuent ainsi à augmenter l'épaisseur, ainsi que du reste l'étendue, en chassant devant eux, vers des zones de plus en plus périphériques, ies éléments antérieure- ment formés. Ces dispositions sont, sur toutes les coupes, on ne peut plus nettes. Kôlliker qui, lun des premiers, a attiré l’at- tention sur ce fait, en a conclu à sa théorie bien connue de l’origine ectodermique du mésoderme, théorie qu'il résume en ces termes (Trad. fr. p. 157) : « La ligne primitive ou lame axile est un épaississement médian du blastoderme, dont l’ori- ogine dérive d’une prolifération de lectoderme. Tout d’abord cet épaississement est situé tout entier dans l’axe futur du corps, mais bientôt ses parties profondes croissent intensément, et, débordant, s'étendent entre l’ectoderme et l’entoderme, pour constituer graduellement une couche particulière, le feuillet moyen où mésoderme. » Évidemment nous ne pouvons adopter l'opinion de Kôlliker, puisque nous avons vu le mésoderme avoir, dans la région de la plaque axiale, une origine tout. autre que celle formulée par cet auteur. Mais ce qui n’est pas ARTICLE N° Î. FORMATION. DU BLASTODERME. 197 vrai de l'origine, pourrait être vrai de l’accroissement, puis- qu’en effet les aspects des coupes de la ligne primitive, tou- jours semblables à celui de la figure 64, nous font nécessaire- ment l'impression de cellules se détachant de la partie ecto- dermique de la ligne primitive, au-dessous du fond de la gout- tière correspondante, pour se mêler aux éléments préexistants du mésoderme. C’est à une conclusion semblable que nous arrivions précédemment (Mémoire Sur la ligne primitive, p.43) quand nous disions : « Le feuillet moyen se forme (il eût fallu dire s’accroit en partie) aux dépens d’une masse primitive qui lui est commune avec le feuillet externe. » Cette dernière formule nous parait la plus exacte, la plus en rapport avec ce que montrent les préparations par coupes transversales. Or nous espérons montrer que, en invoquant les arguments fournis par l’embryologie comparée, cette formule est encore la seule exacte, c’est-à-dire que cette expression de « accroissement ou même formation aux dépens d’une masse qui est commune au feuillet moyen et à l’ectoderme » est la seule expression propre, et qu'il est impossible de la changer en celle de « origine ectodermique, ou accroissement par ad- jonction des cellules ectodermiques ». Que nous enseigne en effet l’embryologie des vertébrés in- férieurs, aussi bien que celle des invertébrés, sur la formation Schéma 34. Schéma 35. du feuillet moyen, dans ses rapports avec l’anus de Rusconi ? Elle nous montre que l'apparition et l'accroissement du méso- derme se fait par le dédoublement d’un entoderme primitif en mésoderme et entoderme définitif, et que cette production dé- bute, puis se montre particulièrement active sur les lèvres de l'anus de Rusconi (A, schéma 34), aux dépens d’une masse 198 M. DUVAL. correspondant précisément à la région où Pectoderme se con- tinue avec l’entoderme primitif (schéma, 34, 35); quand l’en- toderme primitif est dédoublé, on voit le mésoderme en con- nexion, au niveau de la lèvre rusconienne (en À, schéma 36), avec la couche de cellules par laquelle lectoderme, se réflé- chissant de dehors en dedans, va se continuer avec l’entoderme, c’est-à- dire en connexion avec une couche d'éléments qui appartiennent aussi bien à l'ectoderme qu'a lento- derme. Désignons, pour les besoins du moment, cette couche sous le nom de couche ectodermo-entodermique. Or la plaque axiale de l'oiseau est, à tous égards, comparable à un orifice rus- conien qui, de la forme circulaire, serait passé à la forme en fente allongée (le schéma 37 en représente alors la coupe) et dont les deux bords se seraient mtimement soudés (ce qui TNMIETR Schéma 36. NAT» INR. Schéma 37. Schéma 38. donne le schéma 58). Dans ces conditions, l’entoderme pri- mitil se dédouble, comme pour la série des figures schéma- tiques 34, 39, 36; seulement, puisqu'il y a soudure entre les moitiés droite et gauche, au lieu de deux plaques ectodermo- entodermiques (A, fig. 36), nous aurons une seule masse médiane ectodermo-entodermique (A, schéma, 39). Jusqu'ici les choses sont absolument comparables, chez le poulet et la orenouille ; on peut dire qu’elles sont identiques, en faisant abstraction du fait de la soudure de l’orificerusconien linéaire. Maisune différence intervient alors, c’est que, en même temps que l’entoderme définitif se sépare de la masse entodermique primitive, 1l se continue en une seule couche non interrom- pue du côté droit au côté gauche, c’est-à-dire que toute ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 199 adhérence cesse sur la ligne médiane entre lui et la masse médiane dite ectodermo-entodermique. Cette masse qui n’est autre chose que la plaque axiale, devient dès lors la ligne pri- mitive (en P schéma 40). Des éléments de la couche ecto- dermo-entodermique, sur les lèvres rusconiennes de la gre- nouille, il était difficile de dire s'ils devaient être considérés Ï TN NN Schéma 39. Schéma 40. comme appartenant à l’ectoderme ou à l’entoderme; de la plaque ectodermo-entodermique du poulet, telle qu’elle est représentée dans le schéma 39; il serait également difficile de dire si ces éléments appartiennent à l’ectoderme plutôt qu’à l’entoderme. Mais l’entoderme se sépare en réalité d’elle, comme le montre le schéma 40, et cette plaque n’a plus que des connexions ectodermiques. Cela est vrai; mais ces con- nexions exelusives avec lectoderme ne sauraient nous faire oublier que primitivement cette plaque était indifférente, appartenant aussi bien au feuillet interne qu’au feuillet ex- terne. Nous ne sommes donc pas autorisé à la rattacher au feuillet externe, et si nous voyons sa face profonde être le siège d’une active production d'éléments qui vont faire partie du mésoderme, il ne nous est pas permis de dire que ces élé- ments viennent du feuillet externe, qu'ils sont d’origine eclo- dermique. Nous ne pouvons pas aller, en nous en tenant ri- goureusement aux faits, plus loin que cet énoncé dont nous avons voulu démontrer la rigueur : « au niveau de la ligne pri- mitive les éléments du feuillet moyen naissent aux dépens d’une masse qui est commune à ce feuillet et au feuillet ex- terne », et, en invoquant les considérations d’embryologie comparée, nous pouvons ajouter € masse qui, primitivement, lui était commune avec le feuillet interne (entoderme primi- tif) ». On voit que, tout en admettant parfaitement les faits si- 130 M. DUVAL. gnalés si soigneusement par Kôlliker, nous sommes loin d'admettre que leur interprétation puisse conduire à la théorie de l’origine eétodermique du feuillet externe, puisque en somme cette masse est, quant à son origine première, une dépendance de l’entoderme (entoderme primitif) et non de l'ectoderme. ce. Au point où nous sommes arrivé actuellement avec les figures de la planche V, le présent mémoire s'arrête là où commençait notre précédent travail Sur la ligne primitive. nous reste done seulement à signaler quelques faits pour la démonstration desquels nous aurons recours à la fois aux planches de ces deux mémoires. Ces faits seront relatifs à la forme de l'extrémité postérieure de la ligne primitive ; à Pex- tension du feuillet moven ; à la constitution du croissant anté- rieur. 4° À un moment donné la formation de la ligne primitive s’arrêle, c’est-à-dire qu’alors les trois feuillets du blastoderme se séparent complètement les uns des autres en un point qui sera l’extrémité postérieure de la ligne primitive, et s'étendent en arrière, comme ils le font sur les côtés et en avant, chacun selon leur mode spécial et indépendant d'extension, mode d'extension qui a été précédemment défini pour l’ectoderme et l’entoderme, quile sera bientôt pour le mésoderme. Nous n'avons pu saisir exactement le moment où s'arrête ainsi la formation de la ligne primitive, mais tout nous fait penser que cet arrêt a lieu avant que cette ligne n’apparaisse entièrement par le fait de l’extension de l'aire transparente. Ce serait sans doute au stade représenté par la figure 40 (pl. IT). On voit en effet, en comparant la figure 40 avec la figure 33, que ces deux coupes antéro-postérieures médianes diffèrent en ce que, tandis que sur la figure 33 l'extrémité postérieure de la plaque axiale (en bbp) présente encore la constitution du bourrelet blastodermique, dans la figure 40, l’ectoderme s’est séparé et prolongé isolément en arrière (de ep en ex) comme il le faisait déjà dans les stades antérieurs sur les côtés et en avant. Dès ce moment la plaque axiale est arrivée à la fin de son proces- FORMATION DU BLASTODERME. 131 sus de formation et on voit (ep fig. 40) le point qui correspond à ce terme. À partir de ce point, lé mésoderme en voie de formation et devenu indépendant de l’entoderme définitif, srâce au clivage ci-dessus décrit (voy. p. 114, et fig. 46, 45, pl: HT), le mésoderme s’étendra en arrière, mais sans présen- ter de connexions ni à sa face supérieure n1 à sa face infé- rieure, avec les feuilleis sus- et sous-jacents. C’est ce que montre la figure 58 (pl. V) où ep indique le point où s’est ar- rêtée la formation de la plaque axiale (actuellement à l’état de ligne primitive). Cette clôture de la formation de la plaque axiale semble se produire avec une grande irrégularité ; il y a, qu’on nous per- mette l'expression, une sorte d’hésitation dans le processus de séparation des feuillets en cette région toute postérieure. De là les aspects très divers que présente ultérieurement l’extrémité de la ligne primitive lorsqu'on peut l’examiner par transpa- rence. Elle est tantôt déviée d’un côté (voy. la figure 2 de la planche I denotre Mémoire Sur la ligne primitive) ; tantôt ren- flée (voy. les figures 4 et 5 de Dursy), tantôt bifurquée en deux branches courtes dont l’ensemble figure un croissant. Ce der- nier aspect à spécialement fixé l'attention de quelques auteurs, et, c’est à cette disposition que Koller, ainsi que Kupffer et Bambecke ont donné le nom de croissant (Sichel) dans des Mé- _moires quenous analyserons plus loin avec détail. Enfin il peut se faire qu’au niveau de cette extrémité postérieure la ligne primitive présente un orifice arrondi ou en forme de fente tra- versant toute l’épaisseur du blastoderme ; c’est cette disposition que Kupffer et Bambecke ont trouvée d’une manière à peu près constante chez le moineau, et qu'ils ont appelée blastopore ou prostoma. Pour nous, ainsi qu’il a été dit précédemment, toute la plaque axiale est un blastopore (ou anus de Rusconi) rudi- mentaire, et si, par anomalie, ce blastopore rudimentaire présente des perforations qui démontrent sa parenté avec le blastopore des autres vertébrés, ces perforations peuvent se rencontrer aussi bien à l’extrémité antérieure, ou sur la partie moyenne, qu'à l'extrémité postérieure de la ligne primitive ; 132 M. DUVAL. toutefois les deux extrémités paraissent être leurs sièges de prédilection. Quand est close la formation de la ligne primitive, par déli- mitation de son extrémité postérieure, ce n’est pas à dire que celte ligne ne croisse pas encore en étendue; son augmen- tation en longueur se fait alors non plus par adjonction de nou- velles parties à son extrémité postérieure, mais par ce qu'on peut appeler un accroissement interstitiel, siégeant dans toute son étendue. Get accroissement se poursuit même assez long- temps, jusque vers l’époque de l’apparition de la gouttière mé- dullaire (voy. les planches de notre Mémoire Sur la ligne pri- mitive), et détermine un léger degré de projection en avant de l'extrémité antérieure de la ligne primitive, laquelle alors progresse réellement un peu d'arrière en avant dans Paire transparente. Nous reviendrons sur ce point en analysant plus loin les travaux des auteurs qui, comme Koller, n’ont voulu voir que cette projection en avant, et ont considéré la ligne pri- mitive comme se produisant dans une direction centripète, en partant de extrémité postérieure du disque blastodermique. 9° L'extension du feuiilet moyen et ses rapports avec Îles limites de l’aire transparente doivent être précisés, car ils vont nous fournir l’occasion de définir ce qu’on doit réellement appeler l'aire opaque. Nous avons vu que le mésoderme dérive toujours de l’ento- derme primitif, quoique sa séparation d'avec ce feuillet se fasse d’une manière différente en avant (dans la zone tergale) et en arrière (dans la région de la ligne primitive). Ainsi se forme une plaque mésodermique, qui en avant n’a que très peu d’étendue (voy. fig. 58 et 60, pl. V), entourant d’une courte zone sombre l’extrémité antérieure de la ligne primitive; cette plaque prend une étendue transversale de plus en plus consi- dérable à mesure qu’on lexamine de plus en plus vers la partie postérieure de la ligne primitive. Là, en effet, elle déborde les limites de l’aire transparente, et s'étend au delà du rempart vitellin (pl. V, fig. 63), de façon à dépasser le bourrelet ento- dermo-vitellin et à aller reposer sur l’entoderme vitellin (fig.63, ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 133 64, 65). Cette dernière disposition existe de très bonne heure, puisque nous avons vu (p.107 et 115) que, dans la région de la plaque axiale, la division de lentoderme primitifen entoderme proprement dit et mésoderme se faisait de telle sorte que les parties périphériques de l’'entoderme primitif se converlis- sent in toto en mésoderme (fig. 56, pl. IV), lequel repose ainsi, dès sa formation, dans ses parties périphériques postérieures, entre l’ectoderme et l’entoderme vitellin (couche de vitellus riche en noyau). La plaque mésodermique ainsi formée, étroite en avant, où elle n’atteint pas les limites de l’aire transparente, large en arrière, où elle dépasse ces limites, peut être représentée par le schéma 41. Les dispositions de ce schéma sont faciles à vérifier sur la figure 57 (pl. V), quireprésente l’aspectextérieur du blastoderme vers la quin- zème heure, mais se déduisent encore plus nettement de lPé- tude des coupes (fig. 58, 61,64, pl. V). Dans le schéma, «p est l'aire transparente : en dehors d'elle, la région ombrée de —= traits horizontaux, est ce que les PRE auteurs appelent déjà à ce moment aire opaque, région qui cependant a la composition de celle qui plus tard sera dite aire vitelline (formée partout par l’ectoderme, recouvrant dans les zones internes un entoderme vitellin, et dans les zones ex- ternes le vitellus pur et simple). Enfin la région occupée par le feuillet moyen est représentée ombrée de traits verticaux, et forme une plaque ovoïde à petite extrémité antérieure (E), à grosse extrémité postérieure ; les bords de cette grosse extré- mité postérieure dépassent les limites de l’aire transparente, et forment ainsi un croissant, dans lequel, sur ce dessin sché- matique, les traits verticaux (caractéristiques du mésoderme) se croisent avec les traits horizontaux (caractéristiques de l'aire opaque des auteurs, laquelle est une aire vitelline). Or 134 M. DUVAL. c’est ce croissant qui représente le début de la véritable aire opaque, Si on veut rationnellement désigner sous ce nom une zone ayant une structure spéciale, qui soit bien celle qu’on appelle en effet aire opaque sur le blastoderme du second jour de l’incubation et des jours suivants. C’est ce que démontre l'étude du mode d'extension du mésoderme. En effet, dès ce moment (fig. 57, pl. V) il n°ya plus à parler de l’origine du mésoderme, mais seulement de son extension, car 1l forme dès maintenant un feuillet indépendant, à bords libres, et ce sont ces bords qui s'étendent vers la périphérie, de façon à dépasser de tous côtés les limites de l'aire trans- parente, comme ils la dépassaient dès le début en arrière seulement. Le schéma 42 montre l’état de cette extension vers la ving- ième heure. (En E est la région où apparait la corde dorsale, la Schéma 42. gouttière médullaire, en un mot les premiers rudiments du corps de l'embryon, toutes parties non figurées sur ces schémas). Le schéma 43 montre l’état de cette extension vers la fin du premier jour de l’incubation (pour la région E, même remarque que précédemment). On voit que le feuillet moyen se prolonge en avant en deux cornes, circonserivant un espace où le blastoderme n’est formé que de deux feuillets (ectoderme etentoderme). Dès ce moment existe une véritable aire opaque, ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 155 sur toute la périphérie de l'aire transparente, excepté tout en avant, où cette aire opaque ne se complètera que lorsque les Schéma 45. deux cornes sus-indiquées viendront se rejoindre sur la ligne médiane antéro-postérieure, ce qui ne se produit qu'assez tard. Nombre de faits particuliers relatifs à cette forme qu’affecte le mésoderme pendant son extension seront prochainement de notre part l’objet d’un travail spécial. Pour le moment, nous n’en devons retenir que ce qui est relatif à l’uire opaque (ou aire obscure), et nous dirons : « l’aire obscure proprement dite, qui doit devenir ultérieurement l'aire vasculaire, résulte de l’arrivée du mésoderme entre l’ectoderme et l’entoderme vitellin. Cette aire obscure se forme d’abord en arrière, puis s'étend sur les côtés de l’aire transparente, pou ne se COM- pléter en avant que tardivement ». Dans un prochain travail nous étudierons l’origine des pre- miers vaisseaux : nous verrons que la condition essentielle de leur formation est dans les rapports de la face inférieure du mésoderme avec l’entoderme vitellin, et que ces deux feuillets participent parallèlement, chacun par des éléments bien définis, à la constitution des ilots de sang. Or on voit, d’après 136 M. DUVAL. ce qui précède, que ces conditions se trouvent réalisées tout d’abord dans la région postérieure du blastoderme ; c’est pour- quoi les ilots de sang (îlots de Wolff) apparaissent en premier lieu sur cette région postérieure; 1ls se montrent ensuite sur les parties latérales, jusqu’en avant, et alors Paire opaque prend le nom d’atre vasculaire, car le sinus terminal occupe précisément le bord libre du feuillet moyen. Nous nous sommes attaché précédemment à limiter avec une grande rigueur la valeur de expression aire transparente. Pour ce qui est de l'aire opaque des auteurs, on voit qu’en cénéral on a donné ce nom à ce qui est en dehors de l'aire transparente, sans s'inquiéter de savoir si cette zone externe, dont l’opacité est due d’abord uniquement à la masse vitelline sous-jacente, présente à toutes les périodes du développement la même conslitution histologique. Ainsi, pendant que se pour- suit la segmentation, Dansky et Kostenistsch, appellent area opaca la région périphérique riche en vacuoles, et qui n’est composée que de vitellus non encore segmenté, et area pellu- cida la partie formée par des sphères de segmentation (op. cit. p. 4). Au contraire, sur l’œuf fraichement pondu et non incubé, Pander, qui le premier a établi la distinction d’une area opaca et d'une area pellucida, a donné le premier nom à l'anneau qui correspond au bourrelet blastodermique, et le second à la partie centrale du blastoderme, partie dans laquelle se détache en blanc le noyau de Pander. Puis, quand a dis- paru le bourrelet blastodermique, quand, par le fait de l’exca- vation de la cavité sous-germinale, apparaît la véritable aire transparente, ce qu'on nomme aire opaque se trouve être la région du bourrelet entodermo-vitellin, de Pentoderme vitellin, et du bord libre de l’ectoderme. Enfin, quand le mésoderme s'étend en dehors de l'aire transparente, alors seulement les auteurs classiques parlent nettement d’une aire opaque, cir- conserite elle-même par une aire vitelline. Il est bien évident que c’est dans ce dernier cas seul que le nom d’aire opaque doit convenir, ou du moins que, pour se conformer au principe de nomenclature qui veut qu'un seul nom désigne une seule ARTICLE N° 1. £ FORMATION DU BLASTODERME. 137 et même chose, il faut restremdre le nom d’aire opaque à la disposition citée en dernier lieu et dont la formation est in- diquée par nos figures schématiques #1, 42 et 43. Cependant, comme cette seule et véritable aire opaque devient bientôt l’aire vasculaire, nous proposerons de ne pas bouleverser complètement la nomenclature classique : de n’employer sans doute le mot d’aire opaque qu'après apparition de laire transparente, et de l’employer dès lors pour toute la zone, à bords très mal délimités, qui est en dehors de cette aire trans- parente ; puis, lorsque le feuillet moyen dépasse les limites de l'aire transparente et forme successivement d’arrière en avant la vraie aire obscure, nous proposerions de donner à cette aire le nom de zone vasculaire de l’aire obscure, et à tout ce qui est en dehors d’elle le nom de zone vitelline de l’aire obscure. 3° Nous terminerons par quelques remarques sur le bour- relet entodermo-vitellin, etnotamment sur sa partie antérieure (croissant antérieur). | Le bourrelet entodermo-vitellin, formé par la soudure de l’entoderme définitif avec l’entoderme vitellin, au niveau du bord supérieur du rempart vitellin (voy. p. 95), représente, tout autour de l'aire transparente, la zone où les éléments de l’entoderme vitellin se transfoment successivement en cellules entodermiques : c’est la zone d’accroissement de l’en- toderme. Sur la figure 52 (pl. IV), on voit les transformations successives depuis n°, où exisle une épaisse couche de vitellus parsemé de noyaux; puis vers le bourrelet lui-même (en BEW) où le vitellus, par une sorte de segmentation secondaire, com- mence à s'individualiser autour de chacun de ces noyaux ; en æ, æ& existent de grosses cellules à contours de plus en plus distincts, pleines des granulations caractéristiques du vitellus blanc; ces cellules se divisent, se transforment en éléments plus petits, d’où disparaissent peu à peu les corpuscules vitel- lins, et enfin on trouve (en », fig. 52) des cellules plates (fusi- formes en coupe optique), semblables à celles qui constituent l’entoderme définitif dans toute l’étendue de l'aire transpa- rente. Au stade de développement que nous étudions ici, 138 M. DUVAL. n'existe pas encore ce que dans un précédent mémoire (An- nexes des Embryons d'oiseau, p. T1) nous avons appelé Pen- toderme cellulaire ou vésiculeux, lequel se forme aux dépens de l’entoderme vitellin dans laire vasculaire. Ce n’est en effet qu'après l'apparition des vaisseaux que lPentoderme vitellin donne naissance à ces grandes cellules coniques si caractéris- tiques des villosités en rapport avec les vaisseaux de la vési- cule ombilicale. (Voir les planches du Mémoire Sur les an- nexes des embryons d'oiseau). Nous n'avons donc pas à en parler 1er. Mais nous devons nous arrêter sur une disposition parti- culière que présente le bourrelet entodermo-vitellin, dans la région antérieure. Sur toute la périphérie de l'aire trans- parente (voy. fig. 59, pl. IV; et 64, pl. V) ce bourrelel forme. sur les coupes, une sorte de corniche qui surmonte le rempart vitellin et s’avance au-dessus de l’excavation sous-cerminale pour se continuer avec l’entoderme proprement dit. Gette cor- niche est étendue à peu près horizontalement, sans disposition spéciale, de sorte qu'elle ne se traduit, sur les vues en surface, que par une transition graduelle entre l'aspect clair de Paire transparente et l’aspect foncé de Paire opaque. Mais tout en avant, il n’en est pas de même. [ei le bourrelet entodermo- vitellin est très étendu, et forme une corniche courbe, en forme de gouttière à concavité supérieure (voy. BEV, fig. 58, 59 et 61, pl. V); des deux bords de cette gouttière, l’un, in- terne, se continue avec l’entoderme proprement dit, l’autre, externe, avec l’entoderme vitellin. Or le bord interne, formé de cellules globuleuses, de dimensions très diverses, cst vu en raccourci lorsqu'on examine Île blastoderme en surface, et se dessine alors comme une longue tache sombre, en forme de croissant, concentriquement disposé par rapport au bord an- térieur de l'aire transparente (voy. fig. 57 en ca). C'est à ce dessin en croissant, dans lequel le jeu de mise au point avec le microscope fait reconnaitre un pli, que His a donné lenom de pli antéro-externe (Vordere Aussenfalte). Ge pli antérieur a été représenté par presque tous les auteurs, mais diver- ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 139 sement interprété, c’est-à-dire que, d’une part, on n’a pas tou- jours observé que le feuillet externe n’y prend aucune part, et qu’ensuite quelques-uns ont voulu y voir la première appari- ton du repli céphalique destiné à circonsertre le premier rudi- ment de l'intestin antérieur. mwen est rien; nous venons de voir quelle est la vraie nature de ce pli, qui résulte d’une disposition particulière du bourrelet entodermo-vitellin. Nous lui conserverons le nom de croissant antérieur que nous lui avions donné dans un précédent Mémoire Sur la ligne primi- tive, p.13, alors que, sans connaitre exactement son origine, nous avions cependant montré que ce pli n’a rien à faire dans la formation de l'embryon ni mème de l’amnios, car nous n'avons rien à changer à cet égard à ce que nous disions alors, à savoir que : «sur des blastodermes d’un âge avancé ce pli a parfois complètement disparu ; mais parfois, alors même que le blas- toderme s’est recourbé en avant et en bas, pour constituer le capuchon intestinal antérieur, ce croissant est encore visible en avant de ce capuchon et bien distinct de lui ; ce qui prouve que le croissant antérieur n’a rien à faire avec le capuchon intestinal. Dans la région qu'il occupe vase former le capuchon céphalique de l’amnios ; mais comme ce capuchon se forme ici uniquement par une duplicature du feuillet externe, tandis que le croissant antérieur appartient au feuillet interne, il est également impossible de chercher à voir dans ce croissant aucun rapport avec ce capuchon. Nouspouvons donc dire que le croissant antérieur ne répond à aucun des plis par lesquels se circonserivent les parties antérieures du corps de l'embryon ou de son enveloppe amniotique, mais qu’il représente seule- ment une masse de sphères de segmentation irrégulièrement différenciées en éléments du feuillet interne et servant à l’ac- croissement en surface de ce feuillet mterne. Ces petites masses de segmentation sont plus ou moins vite épuisées, et c’est pourquoi le croissant disparait plus ou moins vite, et montre en tout cas de grandes variétés d’étendue sur des blastodermes en voie de développement » (loc. cit. p. 13). L'aspect irrégulier de ce croissant antérieur, l’état de plus 140 M. DUVAL. ou moins grande transparence de la zone qui le sépare de la limite antérieure de Paire transparente (ca en bu, fig. 57, pl. V), tout cela est dû à la disposition variable que présentent les grosses cellules de cette partie du bourrelet entodermo- vitellin. En effet on voit toujours quelques-unes de ces cellules faire saillie sur la face supérieure du bourrelet, et souvent se présenter comme libres et flottantes (fig. 59 en æ, x), parfois mème assez rapprochées de la face inférieure de l’ectoderme. Nous notons ces dispositions uniquement parce qu’elles doivent être au nombre de celles qui ont déterminé Peremeschko et Œllacher à formuler leur théorie sur l’origine du mésoderme. On peut en effet, alors qu'on n’a pas constaté la véritable ori- oine du mésoderme, être amené, par l’examen de préparations semblables à celles de nos figures 59 et 60, à supposer une filiation directe entre les éléments représentés en +, æ (fig. 99), et ceux représentés en #s, ms (fig. 99 et 60), c’est-à-dire être amené à faire provenir les étéments mésodermiques de cellules détachées du rempart vitellin et qui s'insinueraient entre l’'entoderme et lemésoderme en suivant une voie centripète. TROISIÈME PARTIE. ANALYSE DES MÉMOIRES DE KOLLER. Pendant que nous poursuivions les recherches qui devaient aboutir au présent Mémoire, paraissait en Allemagne un tra- vail de Koller, publié en 1881 dans les Archiv. für Mikroskop. Anat. Au premier abord, à la seule inspection des planches de cet auteur, notre impression fut que ce travail aboutissait à des conclusions identiques à celles que nous commencions à entrevoir d'après Pétude de nos préparations. Mais la lecture du Mémoire en question, et surtout celle d’un autre Mémoire antérieur, auquel renvoyait l’auteur, nous montrèrent aussi- (Ôt que Koller arrivait à des interprétations absolument différentes des nôtres : en méditant les figures schématiques ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 14 de Son premier mémoire, nous pümes bientôt nous rendre compte des apparences qui, à notre avis, avaient dù égarer l’auteur. Or, comme ces deux publications forment un en- semble capable de faire une grande impression sur l’esprit de tout embryologiste préoccupé des problèmes que soulève l’étude de la formation du blastoderme, comme leur analyse critique nous fournira l’occasion de compléter sur plus d’un point les descriptions et interprétations données dans les pages précédentes, nous avons cru devoir donner une place à part à cette analyse critique, que nous ferons suivre de quel- ques considérations sur un autre travail récent publié par Kupffer et Benecke, et ayant de nombreux rapports avec celui de Koller. _ a. Dans son premier mémoire (1), Carl Koller commence par faire remarquer que tous les auteurs semblent admettre pour le blastoderme non incubé une structure identique dans toutes ses parties, du centre à la périphérie, et qu’on n’a pas porté son attention sur les différences locales de ses transfor- mations pendant les premières heures de l’incubation. C’est, dit-il, qu’on n’a pas cherché un point de repère sùr pour dis- tinguer l’axe antéro-postérieur du blastoderme tant que la ligne primitive ne se montre pas; la place future de l’embryon perpendiculairement à l’axe de l’œuf, avec sa gauche vers le oros bout, ne constitue pas une disposition assez fixe pour servir à orienter les coupes. La solution des problèmes rela- üfs à la formation du blastoderme dépend donc essentielle- ment de l’usage d’un criterium capable de fixer l’observateur, et sur l’âge du blastoderme, et sur son orientation. Il pense avoir trouvé ce criterium dans la découverte d’un dessin par- ticulier, et jusqu'à ce jour passé inaperçu, que présente le blastoderme non incubé, dessin qui subit une série non inter- rompue de transformations jusqu’à l’apparition de la ligne primitive. Ces transformations, qui se produisent trop vite (1) Beiträge zur kenntniss des Hühnerkeims in Beginne der Bebrutung (Akad. der Wissensch., t. LXXX, Wien., 1879). ANN. SC. NAT., ZOOL., SEPTEMBRE 1884. XVIII. 40. — ART. N° Î. 142 M. DUVAL. lorsque l’incubation se fait à la température de 38 degrés, 1l a pu les suivre en faisant incuber à des températures de 27 à 34 degrés, selon le procédé préconisé par Kælliker, et il les décrit en choisissant cinq stades qui lui paraissent particuhè- rement bien caractérisés. 1. Stade de l'œuf non incubé (schéma 44). — La surface du blastoderme présente une areu pellucidu (ap) entourée par une area opaca (ao) ; cette dernière est formée par le bord épaissi du blastoderme (ce que nous avons appelé le bourrelet blasto- | dermique); en orientant l’œuf de ma- nière que le gros bout soit à gauche et le petit bout à droite de l’observateur, la future région caudale de l'embryon est dirigée vers celui-ci, qui alors peut reconnaître la partie antérieure d’avec la partie postérieure du blastoderme. Schéma 46. — 40, aruomea; On remarque alors que ia ligne de sé- “au de Pander: SK; cris, Paration entre l’ared opaca et l'areu PTS pellucida présente en arrière un dessin très accusé correspondant à une partie plus opaque de l’area opaca ; ce dessin figure un croissant dont le centre, dit bouton ou tête du croissant (Sichelknopf) paraît formé d’une partie plus épaisse (SK), tandis que ses régions latérales (SH), ou cornes du croissant (Sichelhürner) vont en s’atténuant, en diminuant d’é- passeur du centre à la périphérie. 2. Stade de la tache embryonnaire «rrondie (schéma 45). — Obtenu par Schéma 45. — ES, tache en ° . . à ô bryonnaire. (Les autres le Ule incubation de vingt-deux à vingt- t C 1 hém: A] , ° KE) HE OLIS 9f quatre heures à 27 degrés centigrades, ce stade montre d’abord que l’area pellucida n’a pas changé d’étendue, tandis que Parea opaca est devenue plus large (d’après le dessin de l’auteur on verrait même que cette augmentation de l’area opaca se serait faite aux dépens de l’area pellucida) ; de plus, dans area pellucidu ARTICLE N° 1, FORMATION DU BLASTODERME. 143 on ne voit plus le noyau de Pander, mais à sa place se montre une tache blanchâtre arrondie, excentriquement placée, en contact avec le croissant; c’est la fache embryonnaire des au- teurs (ES). Quant au croissant, il présente (SK) une tête plus accentuée (plus large et plus épaisse) qui semble faire saillie pour se diriger vers le centre du disque blastodermique. 3. Stade de la tache embryonnaire en spatule (schéma 46). — Obtenu par une incubation de douze heures à 31 ou à 34 de- grés, et paraissant correspondre à la huitième heure de l’in- cubation normale, ce stade montre encore un accroissement de l’areu opaca (et le dessin indique de plus en plus que cet Schéma 46. — F, prolongement Schéma 47. — PS, ligne primitive. du bouton (ou tête) du erois- sant. accroissement se ferait aux dépens de l’urea pellucida, qui di- minue encore plus d’étendue ; de la figure 44 à la figure 46 elle a diminué d’environ un tiers). Quant au croissant, il présente une tête (F) qui se prolonge en pointe dans la direction du centre du disque blastodermique, et dont l’extrémité pénètre dans la tache embryonnaire, laquelle n’a plus une forme ar- rondie, mais, par amincissement de sa partie postérieure, est configurée en spatule (en massue); les cornes du croissant sont moins accentuées, mais en sa partie médiane on remar- querait une strie, une sorte de fente transversale (fente ou rai- nure du croissant : Sichelrinne), qui le divise en une moitié antérieure et une moitié postérieure. 4. Stade du rudiment de higne primitive (schéma 47). — Obtenu par une incubation de dix-huit à vingt heures à 31 de- srés, ou de douze heures à 24 degrés, ce stade ne présente 144 M. DUVAL. pas de modification dans les dimensions du disque blastoder- mique. Mais la tête du croissant présente un prolongement de plus en plus considérable (F) qui pénètre dans tout le tiers postérieur de l'aire transparente : l'extrémité antérieure de ce prolongement (F) est pointue, l'extrémité postérieure ou base (PS) est large et fait corps avec le croissant. La tache embryonnaire s’est éloignée de la limite postérieure de l'area pellucida et entoure, sous forme de disque échancré, l’extré- mité correspondante du prolongement de la tête du croissant, prolongement qui dès maintenant se laisse reconnaître comme n'étant autre chose que la ligne primitive (PS). 5. Stade de la ligne prümitive achevée (schéma 48). — Ob- tenu par douze heures d’incubation normale, ce stade montre un accroissement en étendue des deux aires (Pauteur ne donne pas de chiffres pour ces dimensions, et sur sa figure l’aire transparente est représentée avec le même diamètre que précédemment). La ligne primitive (PS) s’est considéra- blement allongée ; elle parcourt les deux Lu tiers de l’area pellucida ; plus mince dans sa partie moyenne, plus large à ses deux extrémités, elle laisse voir, seulement sur les pièces examinées par transparence, une rainure ou gouttière (Prèmifivrinne) qui la parcourt selon son axe. L’urea pellucida est devenue trans- parente dans toute son étendue, c’est-à-dire qu'il n’y a plus de tache embryonnaire, mais seulement une toute petite au- réole opaque autour de l'extrémité antérieure de la ligne pri- mitive. De ces études du disque blastodermique examiné en sur- face, Koller conclut que le développement de la ligne primi- tive commence sur une partie périphérique du blastoderme, sur une région épaissie du bourrelet marginal (bourrelet blas- todermique), et que de là son développement se poursuit en marchant vers le centre de l'aire transparente, c’est-à-dire que la ligne primitive n’apparaît pas primitivement là où on ARTICLE N° 1. ra FORMATION DU BLASTODERME. 149 la trouve lors de son achèvement (Arch. f. mikrosk. Anat., 1881, t. XX, p. 180). | Et en effet, l'inspection des figures données par Koller, figures que nous avons reproduites dans les schémas 44 à 48, produit immédiatement une impression favorable à cette théo- rie ; en passant d’une figure à l’autre, on voit manifestement la ligne primitive naitre en arrière et s’avancer graduellement vers le centre. Mais cette impression est trompeuse; elle est due à ce que toutes ces figures sont dessinées de dimension égale, comme si le disque blastodermique n’augmentait pas de diamètre de la première à la douzième heure d’incubation ; bien plus, Koller représente même l’aire transparente comme diminuant de diamètre pendant ces premières heures. Ce der- nier détail tient à ce qu’il désigne sous le nom d’aire transpa- rente, sur l’œuf non incubé, une partie qui ne mérite pas ce nom, et qui n’est autre chose que la portion centrale du blas- toderme circonserite par le bourrelet blastodermique; plus tard, c’est la véritable aire transparente, à laquelle il donne ce nom, c’est-à-dire qu’on est bien alors en présence de la région devenue transparente par le fait de l’excavation de la cavité sous-marginale; et on comprend qu'alors cette aire ne corresponde pas comme dimension à la partie précédemment désignée à tort sous le même nom. Toujours est-il qu’il est impossible d'admettre que le blastoderme ne s’étende pas en diamètre pendant son développement. Il est done indispen- sable de faire ici un essai analogue à celui que nous avons fait précédemment pour les figures de Dursy; il faut corriger les dessins de Koller en leur donnant leurs véritables dimensions relatives, et voir si les nouvelles figures ainsi obtenues nous fe- ront encore l'impression d’une ligne primitive marchant d’ar- rière en avant, en gagnant dela périphérie surle centre (1).Pour (1) Koller déclare lui-même ne s'être pas attaché à reproduire les parties dans leurs exactes dimensions réciproques. Dans un travail publié dans le nu- méro du 30 avril 1881 du Zoologisehen Centraiblatt, Léo Gerlach (Ueber die entodermale Entstehungsweise der Chorda Dorsalis) reprochait à Koller d’avoir donné trop de largeur à ce qu’il appelle le croissant {Sichel), en même 146 M. DUVAL. cela, nous nous abstiendrons de recourir à nos propres figures et de prendre les dimensions réelles des parties qu’elles repré- sentent; nous le ferons plus tard pour arriver à une démons- tration plus formelle de notre manière de voir. Pour le mo- ment, ayons recours aux mensurations fournies par un auteur qui ne peut être soupçonné de partialité dans la question : Kæl- liker dit que sur l’œuf non incubé le blastoderme mesure de 3 millimètres 4/2 à 4 millimètres en diamètre, et qu’à la fin du premier jour il en mesure 12. Donc, vers le milieu de ce premier jour, c’est-à-dire à la douzième heure (stade cin- quième de Koller) il doit en mesurer environ six. Il à donc augmenté de diamètre dans le rapport de 5,5 à 6, c’est-à-dire pas tout à fait doublé = a); mais ceci est pour le blasto- derme entier. Qu'en est-il de sa partie centrale, c’est-à-dire de la zone circonscrite par le bourrelet blastodermique, puis par le bourrelet entodermo-vitellin, zone que, pour le moment, nous appellerons aire transparente, quoiqu’elle ne mérite ce nom qu’au stade dit du bourrelet vitellin. Sur la figure 14 (p. 66) de Kælliker, cette partie centrale a 50 millimètres de diamètre, ce qui, puisque cette figure est grossie trente-sept fois, donne 1,3 = 1,3) pour son diamètre réel sur le blastoderme non incubé. D'autre part, sur la figure 26 (p. 90) de Kælliker, pour un blastoderme où la ligne primitive est complètement achevée, l’aire transpa- rente, dans sa plus grande étendue (dans le sens antéro-pos- Lérieur, qui est la direction qui nous intéresse le plus), me- sure 80 millimètres, ce qui, le dessin étant fait à un gros- sissement de vingt-quatre fois, nous donne comme dimen- sien réelle 3,3. La région en question, l’aire transparente(des auteurs), aurait donc passé, pendant la formation de la ligne temps qu'il contestait la présence de ce croissant sur le blastoderme non incubé. Dans son second mémoire (Arch. f. mikroskop. Anat., 1881), Koller avoue que : « le reproche d’avoir donné trop de largeur au croissant est peut-être juste, car dans ses dessins il ne s’est nullement attaché à des mensurations exactes » (op. cit., p. 210). ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 147 primitive, de la dimension de 1,3 à celle de 3,3, c’est-à- dire presque triplé (augmenté de 2 fois 1/2, puisque = —=9,5). Nous considérerons volontiers cette augmentation comme trop considérable (trop favorable à notre thèse), et, puisque les mensurations pour le blastoderme en entier nous donnaient une augmentation un peu moindre que le double, et qu'ici nous arrivons à une augmentation bien supérieure au double, prenons un juste milieu et admettons que le diamètre de la partie en question a simplement doublé. Si donc nous repro- duisons ici (schéma 49) les contours de ce que Koller appelle are transparente sur le blastoderme non incubé, en donnant à Schéma 49. — Repro- Schéma 50. Schéma 51. duction de l'aire transpa- rente du schéma 44. ce cercle exactement les mêmes dimensions que sur la figure de Koller (schéma 44), nous devons, pour donner dans ses proportions réelles la figure du cinquième stade de cet auteur, la reproduire avec un diamètre double de celui du schéma 49, et nous obtenons ainsi le schéma 50 (qui n’est autre chose que la copie exacte, à une échelle double, de la partie marquée ap dans la figure de Koller pour le cinquième stade, schéma 48). Pour comparer les parties de ce schéma avec celles de la figure schématique 49, traçons sur cette figure 50 le cercle poin- tillé & (schéma 51); il nous donne la place de l’aire transpa- rente au premier stade, c’est-à-dire que toute la zone, ombrée de traits horizontaux, placée entre la circonférence & et la circonférence b (schéma 51) correspond à l'augmentation en surface acquise par l’aire transparente du premier au cin- quième stade de Koller (nous procédons iciexactement comme 148 M. DUVAL. nous avons fait pour les figures de Dursy; voy. nos schémas 32 et 33, p. 122). En présence de ce schéma 51, nous pouvons déjà dire que toute la moilié postérieure de la ligne primitive (de 2 en 3) ne s’est pas formée par un mouvement centripèle, en marchant d'arrière en avant, mais bien au contraire d'avant en arrière. Mais reste la moitié antérieure de cette ligne primitive (de 2 en 4), laquelle moitié semblerait sans doute s'être formée comme le veut Koller, s’il n’y avait pas en réalité encore une correction à faire ici: pour rendre ces figures absolument con- formes à la réalité. En effet, nous l’avons répété maintes fois, et tous les au- teurs l’ont dit et figuré (excepté Koller dans ses dessins par trop schématiques), l'aire transparente prend successivement une forme allongée pendant son développement, et elle est oblongue, à grand diamètre antéro-postérieur ou configurée en massue lorsque la ligne primitive est formée; c’est-à-dire que l'aire transparente s’est accrue en arrière beaucoup plus qu’en avant. Lors done que sur la figure 50, représentant l'aire transparente au cinquième stade de Koller, nous voulons retrouver la place de l'aire primitive au premier stade, et qu’à cet effet nous traçons un cercle pointillé, 1l ne faut pas, comme nous avons fait pour la figure 51, prendre comme centre de ce cercle le centre même du grand cercle b, mais un point situé en avant, soit le point & (dans la figure schématique 59) ; nous obtenons ainsi la figure 59, dans laquelle la zone ombrée de traits horizontaux représente bien maintenant la manière réelle dont s’est accrue en surface l'aire transparente en pas- sant du stade 1 au stade 5 (beaucoup en arrière, moins sur les côtés, encore moins en avant), et alors nous voyons que la plus grande partie de la ligne primitive (au moins les deux tiers) s’est formée d'avant en arrière dans un mouvement cen- trifuge, comme le mouvement d'extension du blastoderme (la partie de 2 en 3; schéma 92). Il ne reste plus, devant être considérée comme résullant d'un mouvement centripète de cette ligne, que la petite portion de 1 en 2 (fig. schémat. 59), ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 149 portion qui correspond à l’accroissement en longueur que nous admettons se faire dans cette ligne pendant son appari- tion (voy. ci-dessus, p. 132). On voit donc que si, au fond de la théorie de Koller, il y a quelque chose de vrai, l’accroisse- ment en longueur de la ligne primitive et la projection de son extrémité antérieure d’arrière en avant, ce fait ne prend qu'une minime part dans l’ensemble des transformations d’où résulte la ligne primitive, et que la théorie de Koller a essentiellement >, D — œ — “. — UE, 1 D \ =. DE — — ——— =—> —— ; S b TE D——= ——, 3 4 _ 3— A Schéma 52. Schéma 53. pour origine l'interprétation de figures schématiques dans lesquelles il n’est tenu aucun compte de l'accroissement relatif des diverses parties. Ajoutons que même la figure schéma- tique 52, à laquelle nous venons d'aboutir par une série de corrections, n’est pas encore suffisamment conforme à la réalilé, et que, pour la rendre tout à fait exacte, il faudrait amoindrir sur les côtés l’étendue de l'aire transparente ; on arriverait ainsi au schéma 53, c’est-à-dire à une figure sem- blable à celle à laquelle nous sommes déjà arrivé à propos des travaux de Dursy, schéma qui, du reste, est la reproduc- tion des figures classiques aussi bien que de celles que nous donnons dans les planches du présent mémoire (voy. fig. 57, D VT b. Dans son second mémoire, Carl Koller (1) a cherché quelles dispositions, sur les coupes microscopiques, corres- pondent aux aspects successifs décrits par lui sur les blasto- (1) Untersuchungen über die Blätterbildung im Huhnerkeim (Arch. f. mikroskop. Anatomie, t. XX, p. 174, 1881). 150 M. DUVAL. dermes examinés en surface. Pour orienter ses coupes, il a cherché un moyen de reconnaître la direction de l’axe antéro- postérieur du germe, alors que le durcissement de la pièce y aurait fait disparaître les divers dessins qui se distinguent à sa surface à l’état frais. À cet effet, il prenait un tout petit frag- ment de papier, et avec une pince le fichait dans le jaune à la partie postérieure du disque blastodermique, sur le prolonge- ment de son axe antéro-postérieur. La pièce étant durcie par l'acide chromique, il enlevait de la sphère du jaune un segment comprenant le disque blastodermique; la membrane vitelline en était détachée sans accident (!). Puis, après coloration en masse par le carmin, et achèvement du durcissement par l'alcool absolu, la pièce était incluse dans un mélange de cire et d'huile, pour être débitée en coupes. Les coupes médianes antéro-postérieures ainsi obtenues sont décrites par lui dans des termes, et représentées par des dessins absolument comparables à nos figures et à nos des- criptions. Mais son interprétation et la nôtre diffèrent essen- tellement, toujours pour cette unique raison que Koller croit voir les formations correspondant à la ligne primitive se déve- lopper d’arrière en avant, dans une marche centripète, tandis que nous avons démontré que cette ligne, ou la plaque axiale qui est la première forme, se développe d’avant en arrière, dans une marche centrifuge, et résulte de ce que le bourrelet blastodermique laisse en arrière, selon l’axe antéro-posté- rieur, une traînée où le blastoderme conserve la constitution même du bourrelet blastodermique. Ainsi pour le premier stade Koller décrit et figure parfaite- ment un bourrelet blastodermique plus épais et plus large en arrière qu'en avant (voy. notre figure 29, pl. Il). Le croissant qu'il décrit sur les vues en surface, correspondrait à un épaississement de l'entoderme immédiatement en avant de cette partie postérieure du bourrelet blastodermique. Notre figure 27, comparée à la figure 26, peut donner une idée suffi- sante du dessin sur lequel Koller base cette interprétation. Disons donc tout de suite que ce croissant, que Koller décrit ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 151 comme si net sur les dessins en surface, et dont cependant il trouve si peu l'explication dans les coupes, disons que ce croissant est une des nombreuses et infiniment variables appa- rences que peut présenter, selon ses variations locales d’épais- seur, l'aspect en surface du disque blastodermique, alors que, passant de l’état représenté en coupe par la figure 44 (pl. IT) à l’état représenté par les figures 17 et 22, l’amincissement de sa masse entodermique s’effectue plus ou moins régulière- ment; presque toujours un épaississement plus considérable reste vers la région que Koller appelle le croissant ; cet épais- sissement correspond à l’échancrure rusconienne des blasto- dermes de petits oiseaux, lorsque cette échancrure se forme et représente le point de départ de la traînée qui sera la plaque axiale. Pour le second stade, Koller s’attache à montrer avec raison que la éache embryonnaire des auteurs, laquelle doit dispa- raître bientôt, ne mérite pas ce nom, car elle est formée sim- plement par la partie entodermique qui est demeurée relative- ment épaisse et ne s'est pas encore disposée en une mince couche de cellules plates (fusiformes sur les coupes). S'il eût ajouté qu’elle est due à ce que la partie qui la circonserit en avant et sur les côtés, partie plus transparente, correspond à l'apparition de l’excavation de la cavité sous-germinale, c’est-à- dire à la première apparition de la véritable aire transparente (comprise comme il a été fait dans le cours du présent mé- moire), il eût donné la véritable interprétation de cette pré- tendue tache embryonnaire, laquelle n’est en effet autre chose que la partie foncée, en arrière de la zone claire ap, dans notre figure 30 (pl. IT). Au stade troisième, les coupes l’amènent simplement à con- stater que la limite inférieure de l’ectoderme devient moins nette dans la région de la fête du croissant, et qu’en ce point apparaît un amas compact de cellules, lesquelles dérivent de l’ectoderme et forment le premier rudiment de la ligne primi- tive. C’est au niveau d’une dépression qui vient d apparaître sur l’ectoderme, et qui n'est autre chose que la rainure du 152 M. DUVAL. croissant (Sichelrinne), que paraît se faire le plus activement cette prolifération aux dépens des éléments de la face profonde de l’ectoderme. Au lieu de dire qu’il apparaît un amas com- pact, disons que cet amas y est laissé par le bourrelet blasto- dermique qui s’est déplacé et porté plus loin en arrière et nous aurons la vraie interprétation, Du reste, Koller à bien un peu vu cela, c’est-à-dire s’est rendu compte qu'ici il y a une formation ectodermo-entodermique, rappelant la constitution mème du bourrelet, car aussitôt il ajoute (p. 195) : « Certains laits rendent vraisemblable la participation du feuillet infé- rieur à cette production : d’abord ce fait que dans les stades antérieurs 1l y avait en cette région un amas de cellules des- quelles on ne saurait dire si elles ne représentaient que desélé- ments du futur entoderme ; puis ce fait qu’au stade actuel la couche la plus inférieure de ces cellules ne s’est pas encore complètement différenciée en entoderme distinct (1). » Quant à ce que Koller appelle rainure du croissant, nous n’y pouvons voir autre chose que la dépression ectodermique si souvent représentée dans les diverses figures de nos planches, et cor- respondant virtuellement à la partie supérieure de la ligne de soudure des deux lèvres d’une ouverture rusconienne, comme nous l’avons expliqué dans les figures schématiques 34 à 40 (ei-dessus p.127). Au stade quatrième, les coupes figurées par Koller sont presque identiques à celles de nos figures 40, 45, 46 (pl. TI) et 96 (pl. IV). C’est par une série de raisonnements, basés sur l'interprétation des vues en surface, qu’ilarrive à cette conclu- sion que les éléments de la plaque primitive dérivent de l’ecto- derme, et encore souvent raisonne-t-il moins par argument direct, qu'en excluant successivement les hypothèses autres que la sienne. Au stade cinquième, ses coupes correspondent à celles des figures 58 et 61 de notre planche V. Il note que l’entoderme (1) En d’autres termes, l’état représenté dans la figure 39 (de notre planche II) ne s’est pas encore transformé en l’état de la figure 56 (pl. IV). Comparez aussi nos figures schématiques 39 et 40 (ci-dessus, p. 129). ARTICLE N° {. FORMATION DU BLASTODERME. 155 est mamtenant constitué en une couche bien distincte sur toute l’étendue du blastoderme, aussi bien en arrière qu’en avant. Mais il figure encore un bourrelet blastodermique, à peu près tel qu’on le trouve sur les coupes du blastoderme non incubé : de plus, il ne tient pas compte de la forme et de étendue qu'a prise Pexcavation de la cavité sous-germinale. Il est facile de comprendre que dans ces conditions, il n’a pu arriver à d'autre interprétation que celle qui consiste à assigner une origine ectodermique à la plaque axiale, puisqu'il n’a suivi ni les transformations et déplacement du bourrelet blastoder- mique, ni la production et l'extension de l’excavation sous- serminale autour, puis directement au-dessous de la plaque axiale. En somme, ce mémoire renferme des faits anatomiques très exactement décrits et figurés; leur interprétation est inexacte uniquement parce que l’auteur a négligé certains autres faits en connexion directe avec les précédents. Nous venons de voir que les figures dans lesquelles Koller représente les coupes médianes antéro-postérieures sont très exactes à nos yeux, en ce sens qu’elles correspondent parfaite- ment avec ce que nous-même avons vu et représenté. Or, puisque nous avons montré précédemment que les figures schématiques que donne Koller pour le blastoderme vu en surface ne sauraient être acceptées comme exactes parce qu’elles ne tiennent pas compte des dimensions proportion- nelles des parties aux divers stades, 1l nous a paru intéressant de chercher à reconstituer, d’après nos coupes (d’après celles spécialement qui concordent avec les coupes de Koller), ce que doit être, pour chacune de ces coupes, l’aspect en surface du blastoderme. Nous arriverons ainsi à une interprétation des aspects si variables que présentent ces vues en surface. Seule- ment, pour former une série complète, nous remonterons Jus- qu'au stade qui correspond à la fin de la segmentation. Ces figures, pour être toutes à la même échelle, seront construites à l’aide des très simples opérations arithmétiques suivantes. Prenant, sur nos dessins de coupes, la dimension de chaque partie, nous la diviserons par le chiffre du grossisse- 154 M. DUVAL. ment auquel a été dessinée la coupe; puis nous multiphierons par 4 la dimension amsi obtenue, et le produit sera la dimen- sion que nous donnerons à la partie en question sur le dessin schématique destiné à fournir en projection en surface les diverses parties de la coupe, c’est-à-dire que tous ces schémas de projection en surface seront faits à un grossissement de. fois. 1° Cowmençons par la figure 10 de la planche [. Sur ce des- sin le disque blastodermique a 53 millimètres de diamètre ; or le grossissement est de 45. Nous trouvons que 5 x 4 = 4,8. Nous traçons donc une circonférence ayant de 4,8 à 5 milli- mètres de diamètre. Elle nous représente à un grossissement de # diamètres l’étendue du disque blastodermique à la fin de la segmentation. Son aspect doit être d’un blanc mat, peu intense à la périphérie, intense au centre et en s arrière, puisque alors la masse blastodermique est une lentille convexe par sa face inférieure. Si donc nous représentons le blanc plus ou moins mat par du noir plus ou moins foncé, nous obtiendrons le schéma 54, qui corres- pond bien en effet aux descriptions de la cica- tricule à la fin de la segmentation. 2° Passons à la figure 14 (pl. Il). C’est un blastoderme tel qu’il existe d'ordinaire un peu avant la ponte de l'œuf, mais tel qu’on en trouve assez souvent sur les œufs fraîchement pondus (voy. ci-dessus, p. 19\. Sur ce dessin Schémas 54 à 87. 1] mesure 95 millimètres en diamètre; le gros- sissement est de 45 fois. Or 5 x 4— 8. Nous tracons donc un cercle d’un diamètre de 8 millimètres (schéma 55). Ce cercle nous représente, à un grossissement de # diamètres, l’étendue du disque blastodermique au stade de formation du bourrelet blastodermique (voy. p. 73), et, eu égard à la constitution du blastoderme, telle que la montre la coupe, nous ombrerons (schéma 55) la surface de ce cercle d’une teinte un peu plus foncée à la périphérie ARTICLE N° {. 50 FORMATION : DU BLASTODERME. 155 qu’au centre (début de la formation du bourrelet blastoder- mique): 3° Avec la figure 22 (pl. ID) nous avons un type parfait du blastoderme de l’œuf fraichement pondu non incubé. Sur ce dessin il mesure 90 millimètres en diamètre; le grossissement est de 30 fois; or 2? x 4— 12. Nous traçons donc un cerele de 12 millimètres de diamètre, lequel nous représente à un grossissement de 4 fois l'étendue en surface du blastoderme en question, et si, eu égard à la présence du bourrelet blastoder- mique, plus fort et plus large en arrière qu’en avant (large surtout à sa partie médiane postérieure) nous ombrons forte- ment, surtout en arrière, la place de ce bourrelet, circonsceri- vant ainsi une aire moins ombrée, dans laquelle nous dessi- nons une tache plus foncée (schéma 56), correspondant au noyau de Pander vu par transparence, nous obtenons le schéma probable de la vue en surface de ce blastoderme, schéma qui se trouve correspondre en effet exactement à la description donnée précédemment (p. 31 et 38) de l'aspect extérieur de la cicatricule de l’œuf non incubé. 4 Avec la figure 24 (pl. IT) nous avons le blastoderme au début de la véritable aire transparente (voy. p. 85), c’est-à- dire lorsque la cavité sous-germinale commence à se creuser à sa partie antérieure en une profonde excavation. Sur ce des- sin (fig. 24, pl. 11) le blastoderme mesure 54 millimètres en diamètre ; le grossissement est de 15 fois. Or = x 4 — 14,4. Nous tracons donc un cercle d'un diamètre de 14,4 milli- mètres, lequel nous représente, à un grossissement de 4 fois, l’étendue du disque blastodermique en question. Eu égard àce que nous savons de l’effacement du bourrelet blastodermique en avant, à sa persistance en arrière, et à l’épaississement que, dans son mouvement d'expansion périphérique, il a laissé en arrière à la place occupée par lui dans le stade immédiate- ment antérieur, nous ombrons comme le montre le schéma 57 la place occupée par ce bourrelet et son dérivé (pp. début de la plaque axiale) ; dans le champ mème du disque blastoder- mique nous laissons, en avant, correspondant à la partie exca- 196 M. WUVAL. vée de la cavité sous-germinale, une zone plus clure (début de l’aire transparente proprement dite, ap), et nous obtenons ainsi (fig. 57) le schéma probable de la vue en surtace du blastoderme en question. Or ce schéma probable se trouve très approximativement identique à la figure 30 (pl. HT) qui est le dessin réel de l'aspect extérieur d'un blastoderme sem- blable à celui représenté en coupe dans la figure 24 (pl. I). Seulement la figure 50 est à un grossissement de 5 fois, tan- dis que le schéma 57 est à un grossissement de #4 fois seule- ment. 9° Pour le stade suivant, nous disposons déjà d’un dessin réel de la vue en surface du blastoderme (fig. 48 et 49, pl. IV). Cependant construisors le schéma, comme précédemment, en prenant les coupes représentées dans les figures 40 (pl. IT) et 50 (pl. IV). La figure 50 nous donne pour l’aire transpa- rente (largeur de l’excavation sous-germinale) une étendue de 40 millimètres : le grossissement est de 20 fois; or x 4 —8 ; nous traçons donc une aire transparente de 8 millimètres de diamètre transversal (fig. 58) ; la figure 40 nous donne, pour cette aire, une longueur antéro-postérieure de 24 millimètres ; le grossissement (fig. 40, pl. IT) est de 16 fois ; + x 4 — 6; nous donnons done seulement 6 millimètres de dimension antéro-postérieure à cette aire ; mais en vertu des dispositions connues d’après les figures 40 et 56, nous la faisons suivre en arrière, dans une étendue de # à 5 millimètres, d’une zone où la transparence commence à se dessiner de chaque côté d’une plaque médiane antéro-postérieure plus foncée. Enfin, pour avoir les limites non seulement de Paire transparente, mais de tout le blastoderme, nous mesurons sur la figure 40 (pl. [D la distance qui sépare les deux extrémités libres de l’ectoderme ; elle est de 105 millimètres, le grossissement étant de 16 fois. Or Ex #—9%. Nous traçons donc un cercle (4e) de 24 millimètres de diamètre en prenant pour centre le centre de l’aire transparente déjà dessinée, et nous obtenons ainsi le schéma 58, qui, comme schéma probable de la vue en surface du blastoderme en question, ne diffère ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 157 pas sensiblement de la représentation réelle donnée par la figure 49 (pl. IV). Seulement ici nous avons la limite de l’ectoderme (be), ce que nous avions été empêché de repré- senter sur la figure 49 non seulement par le défaut d’espace, mais encore parce que cette limite ne se dessine pas nette- ment sur la sphère du jaune. Avant de poursuivre la construction de ces figures, arrêtons- nous un instant sur la région du blastoderme qui occupe sur le schéma 58 tout l’espace compris entre la limite externe de l'aire transparente (ap) et la ligne formée NT par le bord libre de l’ectoderme (be). En all 1 | général on désigne cette région sous le | nom d’aire opaque; elle est forméeict, nous l'avons dit, par des parties qui ont la | constitution de ce qu’on appelle plus tard Paire vitelline. Or dans les blastodermes à l’état représenté par le schéma 56, on donneaussi le nom d’aire opaque à la zone périphérique foncée (4), et ici cette aire opaque est représentée par le bourrelet blastoder- mique. Enfin plus tard, lorsque le feuillet moyen se sera étendu largement de chaque côté de la ligne médiane et aura débordé l’aire transparente, tous les auteurs s’accor- dent à appeler aire opaque (puis aire vasculaire) la zone foncée qui encadre alors l'aire transparente, est enca- drée elle-même par l'aire vitelline, et correspond précisément aux parties périphériques du feuillet moyen dans lesquelles apparaissent les premiers vaisseaux. Voilà donc trois états différents de la périphérie du blastoderme auxquels on donne cependant toujours ce même nom d’aire opaque. Cenom peut convenir quant à l’aspect extérieur, mais 1l ne convient pas quant à la constitution histologique des parties. C’est pourquoi il y aurait lieu de restreindre ici emploi du mot aire opaque, comme nous nous sommes efforcé de le faire pourl’aire trans- parente, et, si nous continuons à appeler parfois aire opaque toute partie périphérique sombre du blastoderme, nous aurons soin de désigner sous le nom d’aire opaque proprement dite ANN. SC. NAT., ZOOL., SEPTEMBRE 1884. XVIII. 41. — ART. N° 1. | Schéma 58 158 M. DUVAL. celle qui est produite par {la présence du feuillet moyen en dehors de l’aire transparente, et dont les limites périphériques s’accentuent à mesure que les premiers vaisseaux apparaissent dans cette partie du feuillet moyen (voy. du reste ci-dessus, p. 137). 6° Pour le dernier stade de ceux que nous avons étudiés dans le présent mémoire, le schéma à construire consistera simplement à réduire à un grossissement de 4 fois le dessin de l'aire transparente représenté dans la figure 57 (pl. V), puis à nous servir de la figure 63 pour tracer le cercle marquant jusqu'où s'étend le bord libre de l’ectoderme. Sur cette figure 63 (pl. V), lectoderme s'étend sur une longueur de 105 millimètres ; le grossissement est d'environ 18 fois; TE x 4—93, 2, et comme cette figure 63 est une coupe dans la région moyenne de la ligne primitive, nous plaçons sembla- blement cette longueur de 23 millimètres selon la ligne zx (schéma 59), et faisons passer par ses deux extrémités (æx) une circonférence ayant son centre au milieu de l'aire trans- parente. Le schéma 59 ainsi obtenu ne nous donne cependant pas encore tout ce qu’on observe sur le blastoderme alors que la LL | | sen | in ll Mr. | L = it —Æ ee =— = S — Æ l fl [fl ji I) | ILE 7 do ii “| À y) } | 1] | D, | Schéma 59. Schéma 60. [= ligne primitive estcomplètement apparue. Comme nous l’avons dit ci-dessus (p. 148), comme le montre la figure 26 (p. 90 de la traduction française de Kælliker), comme le montrent les planches de notre précédent mémoire sur la ligne primitive, cette ligne, pendant sa formation et après qu’elle est apparue, subit un accroissement en longueur, par lequel son extrémité ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 159 antérieure se rapproche du centre de l'aire transparente (pour parler plus exactement, se rapproche du centre de la partie circulaire antérieure de l’aire transparente). Nous n’avons donc qu’à prolonger un peu en avant la ligne primitive, et nous obtenons ainsi le schéma 60, dans lequel la partie de la ligne primitive comprise entre À et 2 indique la longueur dont cette ligne a progressé en avant, proportionnellement à l’étendue (de 2 en 3) qu’elle doit à sa formation dans un mouvement inverse, c’est-à-dire d'avant en arrière, par le fait de la traînée que le bourrelet blastodermique laisse, sous le nom de plaque axiale, dans les régions successivement occupées par lui. Cette projection en avant de la tête de la ligne primitive est du reste chose très variable. On trouve souvent, vers la quinzième heure, deslignes primitives comme celle représentée dans la figure 57 (pl. V), dont l’extrémité antérieure ne paraît pas avoir sensiblement marché en avant. On en trouve par contre où une très faible distance sépare l'extrémité antérieure de la ligne primitive d’avec le croissant antérieur (1) que des- sine sur l’aire transparente le bourrelet entodermo-vitellin. Par exemple, le blastoderme qui a donné les coupes repré- sentées dans nos figures 58 et 61 avait une ligne primitive plus rapprochée du croissant antérieur que celle de la figure 57. Resterait à établir si ce n’est pas dans une certaine mesure le croissant antérieur lui-même, qui se rapprocherait parfois plus ou moins de la ligne primitive, par le fait d’un étalement plus ou moins accentué du repli entodermo-vitellin (bourrelet entodermo-vitellin, BEV, fig. 59, pl. V), auquel est dû, sur les vues en surface, l’aspect que nous désignons sous le nom de croissant antérieur. On voit donc que, tout en admettant que la ligne primitive s’avance un peu d'avant en arrière pendant son développement, tout nous amène à restreindre de plus en plus la valeur pro- portionnelle de cette marche centripète, en même temps qu’il nous est démontré que cette marche est le fait de l’accrois- (1) Voy. ci-dessus, p: 139, 160 M. DUVAL. sement et non de la formation mème de cette ligne, qui nait par une série de processus centrifuges, les développements dans lesquels nous sommes entré précédemment donnant assez l'explication des termes ici employés. Si maintenant on compare notre série de figures schéma- tiques 54 à 60 avec les figures de Koller, il est facile de constater leur concordance. Elle commence avec notre schéma 56 qui correspond à la figure du 1° stade de Koller; notre figure 97 correspond à son 2° stade, etc. ; enfin les deux schémas 59 et 60, à son 5° stade. Les aspects décrits par Koller sous les noms de croissant, de cornes du croissant, de bouton ou tête du croissant, sont donc bien des aspects réels, quisont produits par l’épaisse portion postérieure du bourrelet blasto- dermique, et successivement par les traînées que laisse cette parie pour former la plaque axiale, en. même temps que par les dispositions de cette plaque axiale, en deux moitiés latérales, plus ou moins distinctes au moment de leur origine, d’où la présence presque constante d’une dépression longitudinale sur cette plaque, et la présence possible d’une fente ou d’un véri- table orifice ; ceci explique l'aspect décrit par Koller sous le nom de rainure du croissant. Mais Koller non seulement n’a pas exactement interprété ces aspects, mais 1l a exagéré leur constance (1), et leur a attribué une régularité de formes, une netteté de contours qu'on ne trouve pas dans les conditions ordinaires. Nous disons dans les conditions ordinaires, parce que cet auteur à fait incuber à des températures inférieures à 38 degrés, a expérimenté en ralentissant le développement, et que nous ne serions pas éloigné de croire que dans ces condi- tions la plaque axiale put présenter, dans ses aspects exté- rieurs, pendant sa formation, un dessin plus net, dû à ce qu'elle réaliserait plus souvent alors l’état de véritable fente rusconienne. C’est du moins ce que nous avons observé dans divers cas de monstruosités liées à un retard de dévelop- (1) Voy. à cet égard la note de la page 146 et le travail de Léo Gore dont il est fait mention dans cette note. ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 161 pement, observations que nous sommes en train de compléter pour les publier ultérieurement sous le titre d'anomalies de la ligne primitive chez le Poulet. ce. Gelui qui voudra se convainere de la difficulté qu'il y a à obtenir de bonnes images en surface du blastoderme aux pre- mières heures de l’incubation, n'aura qu’à étudier l’atlas de photographies publié par Kupffer et Benecke sur l’embryo- logie des oiseaux. Pour montrer l’origine des interprétations de ces auteurs, rappelons d’abord qu'ils ont publié en 1878 un mémoire sur le développement des reptiles (4). [ls y décrivent, sur le disque blastodermique du Lézard, une area pellucida entourée d’un bourrelet marginal ; vers le milieu de l’area pellucida apparaît ce qu'ils appellent la plaque embryonnaire (Embryonalschild), qui serait produite par un épaississement de l’ectoderme, ses cellules étant cylindriques dans cette région alors qu'elles restent plates dans les parties circon- voisines. Près de l'extrémité postérieure de l’axe longitudinal de cette plaque embryonnaire se forme une invagination de l’ectoderme, qui, sous forme d’un cul-de-sac, se dirige obli- quement en bas et en avant, repoussant au-devant de lui l’en- toderme déjà formé. L’orifice d’entrée de ce cul-de-sac cor- respond à la future extrémité postérieure de l’embryon. Ce cul-de-sac serait l’anaiogue d’une cavité de gastrula, et le pour- tour de son orifice serait un prostoma (bouche de la gastrula) conformément à la théorie gastrulienne de Hæckel. C’est dans les lèvres mêmes de ce prostoma que commencerait à se for- mer le mésoderme, qui s’avance d’arrière en avant sous forme de bandelette dite plaque axiale du mésoderme, et qui n’est autre chose que la ligne primitive. La ligne primitive se pré- senterait donc, pendant son développement, comme formée d’une plaque axiale qui s’avance d’arrière en avant, et dont l'extrémité postérieure, correspondant à l’orifice de la gastrula, serait élargie en une sorte de croissant (Sichelfürmige). (1) Kupffer et Benecke, Die ersten Entwicklungsvorgänge am Ei der Repti- lien. Kôünigsberg, 1878. 162 M. DUVAL. Nous n’avons pas étudié le développement des Reptiles, et nous ne pouvons faire aucune objection à la description de Kuppfer et Benecke. Cependant il suffit de lire en entier leur mémoire, pour voir combien les travaux de contrôle sont nécessaires avant d'accepter les faits avancés par ces auteurs, qui n'hésitent pas à admettre qu’à un certain moment, l’ou- verture du cul-de-sac ectodermique sus-indiqué se fermant, le cul-de-sac transformé en vésicule serait l’origine de l’allan- toide (!); du reste Balfour, qui a suivi les premières phases du développement du Lézard, est arrivé à constater des dispo- sitions et à formuler des interprétations bien différentes de celles de Kupffer (1). Mais, quand Kupffer et Benecke pensent retrouver sur les Oiseaux des dispositions presque identiques à celles qu'ils ont décrites pour les Reptiles, ici nous sommes en mesure de montrer, d’après leurs propres figures, qu’ils ne peuvent arriver à de semblables interprétalions qu’er confondant des parties diverses, et surtout en se servant de préparations défec- tueuses. Nous supposerons que le lecteur ait sous les yeux cet atlas photographique de Kupffer et Benecke (2). Les deux premières planches y sont consacrées à la formation de la ligne primi- tive, el, quoique les préparations photographiées appartiennent en grande majorité à des œufs de Moineau, il nous est facile de signaler quelles conditions particulières peuvent en imposer dans l’étude de ces figures. Au premier aspect elles font bien l'impression d’une ligne primitive qui se développerait dans le centre ou en arrière de l'aire transparente, et qui progres- serait d’arrière en avant dans cette aire. Mais qu'est-ce donc que ces aires transparentes photographiées dans les figures 4, (1) Balfour, On the early Developement on the Lacertilia together with soie observations on the primitive streak (Quart. Journ. of microscopical Science, vol. XIX, July). (2) Kupffer et Benecke, Photogramme zur Ontogenie der Vôgel (Nova Acta der Ksl. Leop.-Carol. Akademie der Naturforscher. Band XLI, pars I, n° 3, année 1879). ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 163 9, 7 ? Ce sont purement et simplement des régions aussi bien périphériques que centrales, desquelles le vitellus sous-jacent au blastoderme a été violemment enlevé par des lavages. Du reste, les auteurs l’avouent (p. 163) : « Les limites de l’aire transparente ne sont pas nettes, et cela dépend des manipula- tions de la préparation, selon que, en détachant le germe, on aura enlevé plus ou moins de vitellus blanc. » (Dans ce passage nous traduisons par aire transparente le mot Fruchthofe em- ployé par les auteurs ; c’est qu’en effet, dans les lignes qui précèdent ce passage, ils désignent l’area pellucida sous le nom de »elle Fruchthofe, puis arrivent à l’appeler Fruchthofe tout court.) Donc il n’y a pas à tenir compte des rapports qu’ils figurent entre la ligne primitive et l’aire transparente, puisque leur aire transparente est une production artificielle, variable d’une préparation à l’autre. La figure 7 de leur planche IT est particulièrement intéres- sante. Elle nous montre une ligne primitive placée au beau milieu d’une aire transparente. En avant se dessine sur cette aire un croissant sombre, que les auteurs nomment lunula. Or nous avons un grand nombre de préparations semblables à cette photographie : sur toutes nous avons pu nous convaincre qu’on n’obtient de pareilles images qu’en enlevant en arrière et sur les côtés tout le vitellus sous-jacent à la région de la ligne primitive et en conservant en avant le bourrelet entodermo-vi- tellin, dont la présence dessine alors cette lunula, laquelle n’est autre chose que ce repli antérieur du bourrelet ento- dermo-vitellin décrit par nous sous le nom de croissant du blastoderme (repli antérieur de His). Mais, pourrait-on dire, Kupffer et Benecke représentent déjà cette lunula à un stade très antérieur (voy. leur figure 3, pl. I) et l’inspection de leur figure montre que cette lunula irait en se rétrécissant, cédant pour ainsi dire la place à la ligne primitive qui se développe d'avant en arrière. Non, répondrons-nous, pour quiconque est familier avec l'examen des blastodermes au début de l’incu- bation, ce qui est représenté dans cette figure 3 n’est pas une large lunula, mais simplement une large plicature de l’en- 164 M. DUVAL. semble du blastoderme, un accident de préparation. Du reste, sur des blastodermes plus avancés Kupffer et Benecke repré- sentent bien le croissant du blastoderme (repli antérieur de His) etils n’ont garde de le confondre avec le pli qui va circon- scrire l'intestin antérieur, interprélation admise par quelques auteurs et contre laquelle nous nous sommes dès longtemps élevé (voy. Mémoire sur la ligne primitive et ci-dessus, p.139). Comme pour les Reptiles, Kupffer et Benecke voient un pro- stoma et un croissant à l'extrémité postérieure de la ligne primitive. Pour ce qui est du prostoma, nous n'avons rien à objecter puisqu'ils ne le représentent que pour le Moineau ; mais quant au croissant (Sichel), leurs photographies mêmes montrent qu'il n’est pas une production primitive, mais appa- rait tardivement, et n’est autre chose que cette forme bifur- quée que présente souvent l’extrémité postérieure de la ligne primitive, et qui se dessine lorsque s'achève la formation de cette ligne. Nous terminerons en disant que les photographies en ques- tion ont été faites à des grossissements très divers, de sorte qu’il faudrait les ramener à une même échelle pour échapper aux impressions trompeuses que produit leur examen, relati- vement à la direction dans laquelle se fait la croissance de la ligne primitive. Nous avons fait, comme précédemment pour Koller, quelques-uns de ces schéma corrigés, notamment pour les figures 5, 7 et 10, de cet atlas photographique ; nous ne jugeons pas nécessaire de reproduire ici ces essais, qui ne se- raient qu'une répétition des figures données antérieurement. Malgré ces critiques adressées aux deux premières planches de Kupffer, et encore plus à l’interprétation de ces planches, nous sommes heureux de rendre hommage à la belle collec- tion de photographies qui composent cet atlas (15 planches comprenant ensemble 90 photographies); l’embryologie gé- nérale ferait de rapides progrès le jour où elle disposerait, pour chaque type, des éléments de comparaison semblables à ceux que Kupffer et Benecke ont réunis pour l’ontogénie des Oiseaux. ARTICLE N° 1 FORMATION DU BLASTODERME. 165 QUATRIÈME PARTIE CONCLUSIONS ; HISTORIQUE ET CRITIQUE. Nous ne suivrons pas, pour formuler nos conclusions, le même ordre que pour l’exposé des faits : là nous avons cru de- voir intervertir l’ordre chronologique, prenant pour point de départ la constitution du blastoderme de l’œuf fraichement pondu, et n’étudiant les stades antérieurs, lasegmentation, que pour comprendre certaines particularités de ce blastoderme. lei nous suivrons l’ordre naturel. Nos premières conclusions se rapporteront donc au phénomène de la segmentation ; elles n'auront pas la prétention d’en résumer l’histoire entière, bien connue d’après les ouvrages classiques, mais seulement de la compléter par quelques faits importants, essentiels pour l’in- telligence des phases ultérieures; et, comme les faits ne se trou- vent que rarement en contradiction avec les données fournies par la plupart des auteurs, il n’y aura pas à les faire suivre d’un long exposé critique. Au contraire, pour les conclusions relatives à la constitution du blastoderme de l'œuf pondu, puis pour celles relatives aux transformations de ce blastoderme, à l’origine du feuillet moyen, à la formation de la ligne primitive, nous aurons souvent à entrer dans de nombreux détails pour compléter l'exposé critique des diverses opinions émises rela- tivement aux faits en question. 1° Il n'y a pas, avant comme pendant la segmentation, de limite absolue entre le germe proprement dit et le vitellus blanc, pas plus qu'il n'y en a entre le vitellus blanc et le vitellus jaune. On ne peut pas même, pour établir une distinction de ce genre, dire que tout ce qui prend part à la segmentation est le NITELLUS DE FORMATION (0% germe) et que ce qui n'y prend pas part est le NITELLUS DE NUTRITION, car, après que le blastoderme a été con- stitué, une SEGMENTATION SECONDAIRE se poursuit dans le reste du vitellus, dans le plancher et sur les bords de la cavité sous- 166 M. DUVAL. germinule, et il est actuellement impossible de dire exactement où s'arrête cette segmentation secondaire. 2 La segmentation est excentrique, c'est-à-dire commence en un point qui ne correspond pas au centre du futur blastoderme (à l'axe du noyau de Pander), et se poursuit plus activement dans cette région excentrique où elle a commencé. Cette conclusion a déjà été formulée par Kælliker ; nous y ajoutons seulement le complément suivant : Ce point où commence et où se poursuit plus activement la segmentation correspond à la FUTURE RÉGION POSTÉRIEURE du blastoderme ; il est donc, dès le début, possible de reconnaître quelle partie du germe correspondra à la région postérieure, quelle partie à la région antérieure de l'embryon. 3° Pendant la segmentation, l'œuf d’Oiseau présente, comme celui des Vertébrés inférieurs, une véritable CANITÉ DE SEGMEN- TATION, affectant la forme de fente, souvent difficile à recon- naître, et qui marque dès lors la séparation de l’'ECTODERME d'avec les éléments sous-jacents. La constatation de cette cavité de segmentation est très im- portante pour confirmer le fait, admis par presque tous les au- teurs, de l’existence très précoce d’un feuillet externe bien dé- fini. C’est pour n’avoir pas observé cette cavité ou fente que récemment M. Wolff est venu remettre en question Le mode de séparation et d’accroissement de ce feuillet externe (voy. e1- dessus, p. 76). 4° En progressant en profondeur, au-dessous de la cavité de segmentation, la segmentation entame des couches de vitellus qui doivent être considérées comme du NITELLUS BLANC (confirma- tion de la conclusion n° 1). 9° Lorsque la segmentation est arrivée à une certaine profon- deur dans le vitellus blanc, elle semble s'arrêter ; en réalité ily a simplement modification de son processus, de son rythme, c’est-à-dire que les derniers sillons horizontaux, isolant les sphères de segmentation les plus profondes, formées en dernier lieu, confluent en une fente au-dessus de laquelle est une masse de sphères de segmentation (masse blastodermique proprement ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 167 dite) ef au-dessous une masse de vitellus parseme de noyaux libres. Cette fente est la cavité sous-germinale, qui se produit d'arrière en avant, et qui est l’homoloque de la cavité intesti- nale primitive des Batraciens, c’est-à-dire représente la cavité d’invagination gastrulienne des Vertébrés inférieurs. Chez les Oiseaux, cette formation de la cavité gastrulienne (cavité sous-germinale) se trouve ainsi intimement mêlée au phénomène de la segmentation, de sorte qu’on a pu donner, par abus de mot et contrairement à toutes les homologies, le nom de cavité de segmentation à la cavité sous-germinale; et, de fait, la formation de la cavité sous-germinale marque le stade désigné par les auteurs sous le nom de fn de la segmen- tation (1). 6° Après formation de la cavité sous-germinale, on trouve, dans le vitellus qui forme le plancher de cette cavité, de nom- breux noyaux libres ; ces noyaux proviennent de noyaux qui, pendant la formation de la cavité sous-germinale, se sont divisés chacun en deux moîtiés, dont l’une est restée dans une des sphères les plus profondes du blastoderme, dont l’autre est demeurée dans le plancher de la cavité de segmentation. Autour de ces noyaux se produit dès lors une segmentation secondaire, d’abord très peu active, et donnant naissance à des éléments dont quel- ques-uns sont les homoloques des globules du bouchon de Ecker chez les Batraciens ; plus tard cette segmentation secondaire de- vient très active, sur les bords du plancher de la cavité sous-ger- minale ; et la multiplication des noyaux dans le vitellus don- nera lieu à la production de lPentoderme vitellin. Nous reviendrons (voy. la conclusion n° 9) sur Pimportance (1) Nous avons, à diverses reprises, insisté sur la distinction de la cavité de segmentation d'avec la cavité sous-germinale (voy. notamment p. 61, à propos de His). Ajoutons encore les indications suivantes au point de vue des termes employés par les auteurs. Ainsi la cavité sous-germinale est désignée sous le nom de cavité de segmentation (Furchungshôhle) par Dansky et Kostenitsch (op. cit., p. 5), par M. Wolf (Arck. f. mikroskop. Anat., 1882, t. XXI, p. 46); par contre, elle est désignée sous le nom de cavité sous-germinale ou simple- ment germinale (Keimhühle) par Gœtte, qui en décrit fort bien la formation (op. cit., p. 149), par His (Erste Anlage, p. 30), par Disse. 168 M. DUVAL. de ces noyaux, et sur les diverses interprétations auxquelles ils ont donné lieu au stade de la formation du bourrelet ento- dermo-vitellin. Quoique Sarazin, sur l’œuf de Lézard, et Motta- Maia, sur l’œuf de Tourterelle (voy. ei-dessus p.62), aient parlé de ces noyaux, c’est encore Gœætte, dont les travaux sont anté- rieurs, qui nous paraît avoir fourni à cet égard les observations les plus précises. «Avec de forts grossissements, dit-il (op. cit., Arch. f. mikroskop. Anat., t. X, p. 148), J'ai constaté dans la couche de vitellus sous-jacente aux sphères de segmentation la présence de noyaux semblables à ceux qui se trouvent dans ces sphères elles-mêmes. Autour de quelques-uns de ces noyaux apparaissaient des sillons, qui n'arrivaient pas encore à circon- scrire complètement la masse de vitellus correspondante, mais s’étendaient seulement plus ou moins loin. C’est là évidemment un processus de segmentation en voie de se poursuivre, mais les recherches ultérieures m'ont montré que cette formation de nouveaux produits de segmentation est très lente et tardive, constitue un mode particulier de segmentation secondaire, et que les éléments qui en dérivent sont destinés à un rôle spé- cial...» Et plus loin (p. 151) il explique que ces noyaux, situés dans le vitellus, au-dessous de la cavité de segmentation, pro- viennent de la division de noyaux primitifs dont l’autre moitié est restée dans les sphères de segmentation du germe; « cette interprétation, basée sur des observations directes, est bien plus rationnelle du reste que celle qui admet une forma- tion nouvelle (spontanée) de noyaux dans le vitellus, sur- tout depuis que nous savons que, dans l’œuf de Batracien à segmentation totale, la segmentation, très active au pôle supérieur, ne se poursuit que très lentement vers le pôle inférieur, et J'ai essayé de montrer, dans mes études sur le développement du Crapaud, comment cette lenteur dans la marche des sillons est en rapport avec le volume considé- rable des segments qu’ils circonserivent, de sorte que sur les gros œufs méroblastiques la segmentation doit devenir extrè- mement lente et même s'arrêter tout à fait à mesure qu'elle atteint la gigantesque masse de vitellus nutritif. À ce moment ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 169 d'arrêt il n’est donc pas étonnant de trouver des noyaux libres dans les régions sous-jacentes aux parties segmentées. » Nous signalons spécialement ce dernier passage comme renfermant, à notre avis, une des vues les plus nettes qui aient encore été émises sur le parallèle de la segmentation dans les œufs holo- blastiques et les œufs méroblastiques, et sur l’origine des noyaux hbres dans le vitellus sous-jacent à la cavité de segmen- tation. Gœætte, du reste, consacre à ce parallèle une série de considérations pour lesquelles nous renvoyons au mémoire ori- ginal (p. 152, 153, 154), et il termine en faisant remarquer (p- 155) qu’on trouve souvent plusieurs noyaux dans les gros segments des Batraciens, ce qui est en rapport avec ce fait bien connu que la division du noyau précède celle de la cellule; de sorte que le vitellus à noyau libre représente des parties où les noyaux se sont divisés, mais où le vitellus qui les entoure n’est pas encore segmenté. « La distinction des œufs à segmentation totale et à segmentation partielle n’est done pas absolue, dit- il, et, pour l’œuf d’Oiseau en particulier, on ne peut plus admettre que la cavité de segmentation (cavité sous-germi- nale) marque la limite entre les parties qui sont capables de se segmenter et celles qui ne le sont pas. » Nous admettons complètement ces vues (à rapprocher de la conclusion n°1) (1). 7° Le blastoderme de l’œuf fraîchement pondu se compose de deux couches de cellules; les cellules de la couche supérieure, disposées sur une seule rangée, sont nettement différenciées de manière à constituer un feuillet externe, un ECTODERME, ayant déja ses caractères définitifs ; les cellules de la couche inférieure sont à l’état de sphères de segmentation, de volumes très divers, et ne constituent pas encoreun véritable feuillet blastodermique, mais une masse irrégulière, aux dépens de laquelle se constitue- ront d'une part l'ENTODERME, d'autre part le MÉSODERME. On peut donner à cette masse le nom de MASSE ENTODERMIQUE PRI- {) Motta-Maia (op. cit., p. 89) indique aussi la présence de ces noyaux libres, dans l’œuf non fécondé, fraîchement pondu, de la Tourterelle ; mais il ne s'explique pas clairement sur l’origine qui doit être attribuée à ces noyaux. 170 M. DUVAL. MITIVE, et, à mesure qu'elle s'étale el S'amincit, le nom d'ENxo- DERME PRIMITIF, 4 éndiquant par ce nom qu'on à affaire à une couche qui doit se diviser ultérieurement en MÉSODERME ef en ENTODERME DÉFINITIF. D’après l'exposé des faits que résume cette conclusion, ilest évident que, en parlant du blastoderme de l’œuf fraîchement pondu, nous parlons simplement du type qui se présente le plus fréquemment à ce moment, puisque l’état du blastoderme peut présenter, au moment de la ponte, les plus grandes diversités de développement, se montrant tantôt très peu avancé , tantôt très avancé, semblable à celui d’un œuf incubé depuis quel- ques heures. Toujours est-il qu'entre le stade dit de la fin de la segmentation et le stade à trois feuillets, existe un état con- forme à celui indiqué par l’énoncé de la présente conclusion. Si quelques auteurs n’ont pas constaté ce stade, c’est qu'ils ont fait leurs recherches sur des blastodermes déjà très avancés dans leur développement, et que de plus, au lieu de débiter en coupes tout le blastoderme, 1ls se sont contentés de quelques coupes, portant sur une seule région, et on a pu prendre ainsi pour un fait général ce qui n’est pour ainsi dire qu’un acci- dent local. Qu on se trouve par exemple en présence de prépa- rations analogues à celles représentées par nos figures 98 et 29 (pl. IT); cet état (voy. l'explication ci-dessus, p. 89) peut exister déjà sur un œuf non incubé; or, si l’on n’a constaté ni ce qui le précède, nila manière dont sont constituées les autres régions de ce même blastoderme, on arrivera presque fatale- ment à cette conclusion que sur l’œuf non couvé il n’y a encore qu'un feuillet, l’externe, et que le feuillet sous-jacent va se constituer au moyen d'éléments qui, provenant de la partie périphérique du feuillet externe, viennent, en suivant une marche centripète, se grouper à la face inférieure de celui-ci. Nous comprenons ainsi quelle a pu être l’origine de l’opinion émise par Gœtte. « Lorsqu'on voit, dit-il (op. cêt., p. 160), que la masse des éléments du bourrelet marginal, qui font partie de la couche inférieure du blastoderme, diminue d'épaisseur, dès le début de l’incubation, à mesure que cette couche infé- ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 174 rieure augmente, on est amené à penser que les cellules du bourrelet marginal se déplacent pour se porter de la périphérie au centre et prendre part à la formation de cette couche infé- rieure. Or, si à cette époque la couche inférieure s’accroit par cette arrivée de ses éléments périphériques, il est permis de supposer qu'un processus semblable préside à sa formation alors que l’œuf est encore dans l’oviducte. En effet, dans les stades de développement les plus précoces qu'il m’ait été donné d'observer, cette couche inférieure du blastoderme est formée, dans sa région centrale, de cellules isolées, étalées en groupes distincts, qui ne se disposent en stratum continu que vers la périphérie, pour s’y continuer avec le bourrelet mar- ginal. Nous savons qu’ultérieurement cette couche s’épaissira et s’achèvera par l’arrivée des éléments se détachant du bour- relet marginal et se portant vers le centre; il est donc tout aussi logique d'admettre que toute cette couche a eu pour première origine un semblable processus, que de supposer qu’elle provient de la couche supérieure. En faveur de cette dermière hypothèse nous n’avons aucune observation directe de stades antérieurs à ceux que j'ai décrits, la figure 8 d’'Œllacher ayant rapport à un blastoderme déjà âgé, dont la couche inférieure est déjà formée d’un stratum continu de cellules disposées en une seule rangée. Quant à la première hypothèse, s’il ne m'a pas été donné de la confirmer par des observations directes, je puis cependant l’appuyer à l’aide des faits que j'ai constatés sur d’autres œufs de Vertébrés, œufs considérés, d’après toutes nos connaissances actuelles, comme très analogues à l’œuf de la Poule ; je veux parler spécialement des œufs des Poissons osseux (Truite). Dans un travail anté- rieur (Arch. f. mikrosk. Anat., 1873) j'ai montré que le blas- toderme de la Truite est formé d’abord d’une seule couche, dont le bord épaissi (bourrelet marginal) se replie en bas, puis en dedans, et forme ainsi la seconde couche qui vient doubler la première (1). Si l’on considère que, d’après mes propres (1) On sait que Hæckel a adopté cette manière de voir dans sa théorie de la Gastrula. Dans cette manière de voir, la cavité sous-germinale des Poissons et 473 M. DUVAL. recherches, les choses se passent de même chez les Batraciens, etmême chez les Mammifères, comme je l'ai indiqué dans une communication préliminaire (sur lembryologie du Lapin ; in Centralblatt für d.medicinischen Wassenschft., 1869), on verra qu’en réalité le blastoderme du Poulet ne vient pas contredire la généralisation de ces faits. Jusqu'à Œllacher, tous les em- bryologistes ont pris pour point de départ de leurs recherches l'œuf fraîchement pondu, sur lequel, cela n’est pas douteux, on trouve le blastoderme composé de deux couches distinctes ; et alors l’idée que la couche inférieure se formerait sur place, par simple différenciation, est devenue une sorte de dogme, car je ne vois aucune différence essentielle entre l’opinion de His et Waldeyer qui font provenir le feuillet inférieur de pro- longements sous-germinaux en rapport avec le feuillet supé- rieur, et l'opinion des autres embryologistes qui constatent dès le début l’existence de deux feuillets... En résumé, chez les Batraciens, les Oiseaux, les Mammifères, et je montrerai qu’il en est de même pour les Poissons, le germe segmenté forme un feuillet primitif, qui s’amincit en s’étalant en surface, et présente un bord épaissi; c’est de ce bord épaissi que naît le second feuillet, les éléments de ce bord se portant en bas et en dedans, de manière à venir doubler le feuillet primitif » (loc. cit., p. 163). Nous avons tenu à reproduire aussi textuellement que pos- sible ce passage de Gætte, et cette reproduction suffira pour montrer, sans plus ample réfutation, que son opinion est bien uniquement le résultat d’une série de raisonnements et de comparaisons, auxquelles il a dû avoir recours en l’absence des Oiseaux aurait successivement, comme le fait remarquer Gætte (op. cit., p- 165, en note), deux significations bien différentes, avant et après la formation du second feuillet. Avant, elle correspondrait à la cavité de segmentation des Batraciens; après, elle correspondrait à la cavité intestinale primitive des Batraciens. Nous n’avons pas besoin de réfuter ces homologies péniblement cherchées, puisque nous avons démontré l’existence d’une véritable cavité de segmentation dans l’œuf des Oiseaux. Et quant à la théorie gastrulienne de Hæcke], il nous semble qu’elle s’accommode bien mieux avec les faits établis dans le présent mémoire qu’avec les difficiles hypothèses de Gætte. ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 173 de séries suffisantes de préparations. À propos de l’origine du mésoderme, nous reviendrons sur quelques-uns des auteurs auxquels Gœtte fait allusion dans les lignes qui précèdent, et nous compléterons cet historique. Nous verrons notamment que nombre d'auteurs ont invoqué, comme Gœætte, un déplace- ment centripète des éléments du bourrelet marginal (bour- relet blastodermique) pour expliquer non plus la formation du feuillet inférieur (entoderme primitif), mais celle du méso- derme. Quant à l’origine de la masse entodermique primitive, elle a été, depuis Gœtte, généralement interprétée comme nous l’avons fait dans le courant du présent travail. Parmi les auteurs les plus récents, nous citerons Dansky et W. Wolf. « Au début de l’incubation, disent J. Dansky et J. Koste- nitsch (1), le blastoderme se présente comme séparé en deux couches, dont l’une cst le feuillet externe, tandis que l’autre est une masse de cellules sous-jacentes à ce feuillet et qui représente les matériaux destinés à former les deux autres feuillets. » :W. Wolff s'exprime ainsi (p. 47) (1) : « Après différenciation du feuillet externe, ce qui reste de la masse des éléments de segmentation à été désigné par plusieurs auteurs sous le nom de feuillet interne ; je ne saurais assez m’élever contre l'emploi d’une telle dénomination : on ne peut donner le nom de feuillet qu’à un ensemble formé d'éléments disposés en une couche bien différenciée et continue. Je pense donc que l’expression de « reste des éléments de segmentation » serait plus exacte, d'autant qu’elle ne préjuge en rien sur la nature des processus ultérieurs de développement. » Et plus loin (p. 48): « L’un des premiers effets de l’incubation est la formation d’un nouveau feuillet (jusque-là il n’y a encore que le feuillet externe qui soit nettement différencié). Ce nouveau feuillet, contrairement au feuillet externe, se forme aux dépens des (1) Ueber die Entwickelungsgeschichte des Keimblattes (Mémoires de l'Acad. imp. des sciences de Saint-Pétersbourg, t. XXVIL, n° 15, 1880, p. 8). (2) W. Wolf, Ueber die Keimblätter des Huhnes (Arch. f. mikroskop. Anat., t. XXI, p. 45, 1882). ANN. SC. NAT., ZOOL., SEPTEMBRE 1884. XVIII, 12. — ART. N° 1. 174 M. DUVAL. couches les plus profondes de la masse des éléments de seg- mentation, et peut dès lors recevoir le nom de feuillet interne. I] se produit par l'union et la transformation des cellules les plus inférieures, qui, primitivement sphériques ou polyé- driques, prennent la forme de plaques minces, épaissies seule- ment dans la partie où siège le noyau, et se présentent par suite sur les coupes comme des éléments fusiformes. » 8 L’entoderme primitif se divise en deux feuillets, dont l’inférieur est l'entoderme définitif, l'autre est le mésoderme. Cette conclusion recevra une série de compléments par les conclusions relatives à la formation de la plaque axiale et de la ligne primitive ; mais dès maintenant nous pouvons, faisant abstraction de ce qui est relatif à la ligne primitive, rappeler les nombreuses théories qui ont été émises sur l’origine du feuillet moyen et ses rapports avec les autres feuillets. L'histoire de la formation des feuillets blastodermiques est une des questions d’embryologie qui ont donné lieu aux inter- prétations les plus diverses. Nous ne rappellerons que très rapidement les phases anciennes de cet historique, dont Kæl- liker a donné un exposé complet dans son ouvrage classique ; et comme dans cet exposé il traite de l’histoire de l’embryo- logie en général, il ne sera pas inutile de caractériser ici en quelques mots l'opinion de chaque auteur spécialement quant à l’origine des feuillets, et plus spécialement encore quant à celle du feuillet moyen. Jusqu'aux travaux de His, les auteurs ont fait leurs recherches plutôt à l’aide de dissections et de vues en coupes opliques qu'à l’aide de coupes par sections fines. Nous nous contenterons donc de rappeler les opinions de ces premiers auteurs sans les discuter. À partir de His, nous chercherons à montrer, pour chaque théorie, comment elle est bien basée sur des faits réels, sur des dispositions que nous retrouvons aussi dans nos coupes et nos figures, et que, si cependant cette théorie est souvent différente de la conclu- sion à laquelle nous arrivons, cela résulte simplement de ce que l’auteur en question a généralisé à toute l'étendue du blastoderme ce qui n’existe qu’à certains endroits, ou a éon- ARTICLE N° Î. FORMATION DU BLASTODERME. 475 clu de ce qu’il voyait à un moment donné, sans avoir observé ce qui existait dans les mêmes régions à un stade antérieur. Jusqu'en 1898 il ne fut guère question que de deux feuillets blastodermiques, car, si Pander (1) parla d’un troisième feuil- let, il ne le considéra pas comme appelé à jouer dans le déve- loppement de l'embryon un rôle aussi essentiel que les deux autres, puisqu'il ne le considérait que comme un feuillet vas- culaire. À partir des travaux de de Baër (2), ce prétendu feuillet vasculaire acquit sa véritable signification de feuillet moyen, prenant à la formation de l'embryon une part égale à celle du feuillet animal (feuillet externe) et du feuillet végétatif (feuillet interne). Reichert (5) confirma à cet égard les travaux de de Baër ; d’après lui, les feuillets blastodermiques se pro- duiraient par stratfication du germe, et 1l se formerait ainsi d’abord un feuillet supérieur, puis le feuillet moyen, et enfin le feuillet inférieur, la stratification des sphères de segmenta- tion (l'apparition de la théorie cellulaire venait d’assigner à ces produits leur véritable signification) marchant ainsi suc- cessivement de la superficie à la profondeur. Nous laissons de côté le feuillet enveloppant (Umhüllungshaut) dont Reichert, d’après ses observations sur les Batraciens, fit une formation distincte, qu'il sépara à tort du feuillet externe. Remak (4) décrivit dans l’œuf de Poule non incubé deux couches : l’infé- rieure, formée d'éléments relativement gros, se dédoublerait, dit-il, pendant les premières heures de l’incubation, en deux lames, une supérieure plus épaisse, qui se transforme en feuil- let moyen; l’autre, inférieure, plus mince, qui devient le feuillet inférieur. His enfin semble revenir à l’ancienne théorie des deux feuillets, car 1l n’accorde aucune imdividualité ori- sinelle au feuillet moyen. D’après lui (5), il n’y a réellement, (1) Pander, Beiträge zur Entwickl. des Huhnchens im Ei. Wuzburg, 1817. (2) De Baer, Ueber Entwickl. der Thiere, 1828, p. 9 et 11. (3) Reicherf, Das Entwicklungsleben im Wirbelthier-Reiche, 1840, p. 10, 102, 106, 115, 122. (4) Remak, Untersuch. üb. die Entwickl. der Wirbeltiere, 1855, p. 2 et 6. (5) His, Untersuchungen über die erste anlage des Wirbelthierlecibes, 1868, p-"9"et 67. 176 M. DUVAL. sur Pœuf de Poule non incubé, qu'un seul feuillet, le supé- rieur, au-dessous duquel est une couche de cellules, les unes isolées, les autres adhérentes à la face profonde du feuillet supérieur. Par le fait de ces adhérences, cette couche de cel- lules se présente comme une série de prolongements partis du feuillet supérieur, et qu'il nomme prolongements sous-germi- naux (Subgerminale-fortsatze). Dès les premières heures de l’incubation ces prolongements s’accroissent, s'unissent entre eux par leurs extrémités flottantes, et forment ainsi un feuillet inférieur, qu'une série de trabécules cellulaires continue à unir au feuillet supérieur. Dans la région de la zone transpa- rente, ce feuillet inférieur se constitue rapidement en une lame continue, bien distincte, bien séparée du feuillet sus- jacent, de sorte que les cellules des trabécules en question demeurent adhérentes, les unes au feuillet supérieur, les autres au feuillet inférieur. Ge sont ces cellules qui donnent naissance ultérieurement à deux lames, représentant le feuillet moyen, dites lames accessoires supérieure et infé- rieure (feuillet fibro-cutané et feuillet fibro-intestinal des auteurs). Si nous laissons de côté cette division du feuillet moyen en deux lames, division qui n’a lieu que plus tard, il est évident que His, en recherchant l’origine du feuillet inférieur et du feuillet moyen, s’est trouvé surtout en présence de prépara- tions telles que celles représentées dans nos figures 14, 19, 23. Les prolongements sous-germinaux ne sont autre chose que l’ensemble de l’entoderme primitif, quand il est à l’état que nous avons précédemment décrit, lorsque nous disions (fig. 19) que ses cellules se disposent en une sorte de réseau irrégulier. Mais si His avait examiné les états antérieurs du blastoderme à la fin de la segmentation, il n’eût pas été amené à considérer cette masse entodermique primitive comme provenant de lectoderme (1). Quant à l’origine du (1) Il nous semble, du moins par ia comparaison de divers passages, que telle est bien la pensée de His. Cependant nous lisons dans Kælliker (trad. ARTICLE N° 1. e FORMATION DU BLASTODERME. 177 mésoderme, His nous semble rentrer, à part les restrictions sus-indiquées, dans la série des auteurs qui, comme nous, font provenir le feuillet moyen d’un feuillet inférieur primitif (entoderme primitif). Nous devons en effet maintenant laisser, dans cet exposé historique, l’ordre purement chronologique pour grouper les diverses opinions selon l’affinité qu'elles ont entre elles. Nous trouverons ainsi : a. Un premier groupe d’embryologistes qui font provenir le mésoderme de la division d’un feuillet inférieur primitif, lequel se dédouble en mésoderme et en entoderme propre- ment dit. Nous venons de voir qu’en somme His se rattache à cette manière de voir dans son travail paru en 1868 (Erste Anlage, etc., Leipzig, 1868); ils’y rattache bien plus nettement encore dans le mémoire publié en 1877 (1), dans lequel il pa- raît abandonner sa théorie des prolongements subgerminaux. D’après lui, le blastoderme non incubé se compose d’un feuil- let externe bien constitué et d’une couche sous-jacente d’élé- ments disposés en stratifications irrégulières ; cette masse est destinée à former le feuillet interne et le feuillet moyen. Le feuillet interne se produit par transformation des cellules les plus profondes, qui de globuleuses deviennent fusiformes (sur les coupes) et s'unissent en une couche bien continue; après cette séparation, ce qui reste de la masse primitive représente les cellules intermédiaires, lesquelles vont former le feuillet moyen. Pour suivre cette formation, His étudie à part chaque région de l’area pellucida : dans la partie antérieure et dans les parties latérales de l’aire transparente, il remarque que le nombre des éléments destinés à former le feuillet moven est si peu considérable, que souvent on trouve une cellule, ou de très petits groupes de cellules, lesquelles reposent directement franç., p. 101) : « L'expression de prolongements sous-germinaux, employée par His, a eu pour résultat, contre le gré de son auteur, de faire naître l’idée que c’est l’ectoderme lui-même qui produit ces prolongements. » (1) His, Neue Untersuchungen über die Bildung des Hühnerembryo. (Arch f. Anat. und Entwicklq., 1877, p. 195, 143, 170). : 178 M. DUVAL. sur le feuillet inférieur auquel elles paraissent attachées (1). Dans la région postérieure, le nombre des cellules intermé- divires devient très considérable, d'autant plus qu’on exa- mine des régions plus voisines de la ligne axiale antéro-pos- térieure (2). On voit que cette description de His concorde complète- ment avec ce que nous avons figuré et décrit dans le présent mémoire. Mais, si nous poursuivons l’analyse du travail de His, nous le voyons bientôt faire intervenir de nouveaux éléments dans la formation du mésoderme. En effet, cette accumulation de cellules intermédiaires dans la région de la ligne axiale antéro-postérieure, His la nomme cordon axile (Axenstrang) ; il constate que les trois feuillets y sont fusionnés, mais il ajoute que le feuillet externe ou supérieur prend, à la forma- tion de ce cordon axile, une part plus importante encore que le feuillet moyen, et c’est pourquoi tous les organes qui, d’après lui, tireraient leur origine de ce cordon, comme les noyaux prévertébraux, l’éminence uro-génitale, sont consi- dérés par lui comme de provenance ectodermique (op. cit., p. 170. Voy. aussi le mémoire de 1868, p. #3). En ceci il rentre dans le groupe des embryologistes qui assignent au feuillet moyen une origine mixte. b. Un second groupe d’embryologistes fait provenir le feuillet moyen du feuillet interne primitif, mais seulement de la partie périphérique, du bord épais de ce feuillet (bourrelet marginal ou bourrelet blastodermique); de ce bourrelet se détacheraient des cellules qui, par un mouvement de pro- oression centripète, s’'insmueraient entre le feuillet inférieur et le supérieur, pour former une couche intermédiaire ou feuillet moyen. La description est toutefois plus complexe que ne l'indique cet énoncé. D’après Disse (3), vers la septième (1) Vérifier l'exactitude de cette description sur la figure 51 de notre planche IV, et sur les figures 59, 60 de la planche V. (2) Vérifier l’exactitude de cette description sur la figure 56 de notre planche IV. (3) J. Disse, Die Entwicklung des mittleren Keimblattes im Huhnerei (Arch. f. mikroskop. Anat., 1. XIV, 1878). . ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 179 heure de l’incubation, il se fait dans le feuillet inférieur pri- mitif un déplacement de cellules qui, partant du bourrelet marginal, se dirigent vers le centre et arrivent à produire ainsi un épaississement de ce feuillet inférieur dans sa partie centrale; cet épaississement se divise en deux couches, dont l’inférieure forme le feuillet interne définitif, tandis que les éléments restants s’étalent alors de la périphérie au centre pour former le feuillet moyen. Ainsi, d’après Disse, la forma- tion successive de l'entoderme et du mésoderme serait due à deux mouvements successifs des cellules, d’abord un mouve- ment centripète, puis un mouvement du centre à la périphérie (op. cût., p. 80, 87); mais ce n’est pas tout, plus loin (p. 90) Disse ajoute que, dans les zones périphériques, le mésoblaste s'accroît grâce à des cellules qui peuvent être considérées comme appartenant au feuillet inférieur (1). Nous avons vu (p. 170) comment Gœætte fait provenir le feuillet inférieur des éléments du bourrelet marginal; pour la formation du mésoblaste c’est un processus semblable qu’in- voque cet auteur : d’après lui (op. cit., p. 171, 172), les élé- ments du feuillet inférieur primitif se portent d'avant en arrière et de dehors en dedans vers le centre du blastoderme, et, de (1) Qu'il nous soit permis de constater ici, une fois pour toutes, combien sont difficiles ces analyses de travaux où la clarté d’exposition paraît considérée comme une chose secondaire. Si le lecteur veut bien se reporter aux passages où Kælliker (trad. franc., p. 102 et suiv.) analyse les travaux de His, et où, après avoir relevé page par page les nombreuses contradictions de cet auteur, il conclut que : « en ce qui touche le développement propre du feuillet moyen, His présente des données très indéterminées, qui ne laissent pas facilement indiquer quelle est sa manière de voir, » le lecteur comprendra combien a été plus grande encore pour nous la difficulté à pénétrer la pensée d’auteurs dont la langue ne nous est pas assez familière. Ce que Kælliker dit de His est malheu- reusement vrai pour bien d’autres. Cependant nous avons fait ces analyses avec tout le soin possible, ne nous contentant pas de lire les mémoires originaux, mais ayant recours encore aux résumés que chaque auteur donne des opinions de ceux qui l’ont précédé; à cet égard, le mémoire de Dansky et Kostenitsch (Acad. imp. des sc. de Saint-Pétersbourg, 1880) nous a été très utile, car il renferme un exposé historique succinet et complet. Malgré cela, nous ne pen- sons pas pouvoir échapper au reproche d’avoir trop souvent imparfaitement compris La pensée des auteurs. 180 M. DUVAL. la masse ainsi formée, la couche la plus inférieure se sépare en un mince feuillet, Pentoderme, la couche supérieure en un amas irrégulier d'éléments plus ou moins lâchement unis, première ébauche du mésoderme. Pour la formation du mé- soderme se trouveraient ainsi épuisés tous les éléments du bourrelet marginal, qui dès lors a disparu en avant et sur les côtés, mais persiste encore, quoique considérablement aminci en arrière. L'opinion de Rauber peut être rapprochée de la précédente. D’après lui, le mésoderme naît aux dépens d’une masse blasto- dermique inférieure ; les éléments qui forment les couches su- périeures de cette masse se portent de dehors en dedans, vers le centre du blastoderme, et s’y disposent en un cordon ou plaque cellulaire (Zellenstrang), qui s’unit secondairement à l’ectoderme pour constituer la ligne primitive, c’est-à-dire les premiers rudiments du mésoderme, tandis que les éléments qui forment les couches inférieures se différencient et s’unis- sent en une fine membrane à un seul rang de cellules, l’ento- derme (1). Nous aurons à revenir sur cette description à pro- pos de l’origine de la ligne primitive. ce. Viennent ensuite les auteurs qui font provenir le méso- derme de cellules arrivant de la périphérie vers le centre, cel- lules qui n'appartiendraient pas primitivement au blasto- derme, mais qui, formées sur le plancher de la cavité de segmentation, s’'insinueraient, sur les bords du blastoderme, entre l’ectoderme et l’entoderme, pour former une couche in- termédiaire entre ces deux feuillets. Telle est la théorie de Peremeschko, qui est analysée dans tous les traités classiques (Schenck, Balfour, Kœlliker), et dont nous avons par avance donné la réfutation au fur et à mesure que nous nous sommes trouvé en présence de préparations dont l'interprétation erro- née a pu donner naissance à la théorie en question (voy. ci-dessus, p.95, 140, 170). Ajoutons que Peremeschko ne s’est pas attaché à suivre pas à pas la formation du mésoderme, et (1) Rauber, Prinutivstreifen und Neurula der Wirbelthiere, Leipzig, 1871. ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 181 que, partant de quelques observations incomplètes, c’est en- core plus par raisonnement que par constatation directe qu’il a établi sa théorie, d’après l’argumentation suivante : le blas- toderme de l’œuf fraîchement pondu se compose de deux couches, qui, par l’effet de l’incubation, se transforment l’une en ectoderme, l’autre en entoderme. Le mésoderme ne pro- vient d'aucune de ces deux couches, mais d'éléments particu- liers qu’on aperçoit entre elles à un moment donné et qui sont semblables aux grosses sphères granuleuses, dites cellules {or- matives (Bildungs-elements), formées en abondance sur le plan- cher de la cavité de segmentation; ces cellules formatives étant douées de mouvements améboïdes, on peut admettre qu’elles se déplacent pour aller former le mésoblaste (4kad. d. Wissensch. in Wienn., 1868, t. LVIT, p. 18). Nous avons vu également (p. 95) quelles préparations, très exactement dessinées, mais mal interprétées, avaient amené Œllacher à adopter la théorie de Peremeschko ; mais ses recherches ulté- rieures paraissent lui avoir fait abandonner cette opinion, en lui fournissant l’occasion de constater directement, chez les Poissons osseux, que le mésoderme se forme aux dépens È un entoderme primitif. d. Ici se placeraient les auteurs qui, comme Kælliker, font provenir le mésoderme de l’ectoderme ; cette théorie dérive de la manière dont ces auteurs considèrent la formation de la plaque axiale et de la ligne primitive; nous l’avons suffisam- ment réfutée en décrivant la formation de la ligne primitive (p. 129). | 9 Depuis la fin de la segmentation, jusqu'au moment de l’ap- parition de la ligne primitive, le bord du blastoderme est suc- cessivement constitué de manières très différentes : Dans sa première forme il est renflé en un bourrelet, dit | BOURRELET BLASTODERMIQUE, au niveau duquel l’ectoderme se | continue avec l’entoderme, ce dernier étant à ce niveau formé de | plusieurs assises de cellules et prenant ainsi la plus grande part _ à la constitution du bourrelet (stade du bourrelet blastoder- mique, p. 30). 182 M. DUVAL. Ensuite l’ectoderme se sépare de l'entoderme primitif sur les bords du blastoderme, et, tandis que l'ectoderme s'étend très loin sur le vitellus, le bord de l’entoderme se soude avec le rem- part vitellin, de sorte qu'en partant de ce bord de l’entoderme, et en allant vers la périphérie, on trouve successivement : d'abord le bourrelet entodermo-vitellin, correspondant à cette soudure, et formé de vitellus se divisant, autour de chaque noyau, en grosses cellules destinées, par leurs divisions successives, à servir à l'extension en surface de l’entoderme ; puis une large couche de vitellus à noyaux libres (entoderme vitellin) ; puis enfin une couche de vitellus sans noyau. Nous avons déjà touché (p. 40) à l'historique des faits ré- sumés dans cette conclusion, et montré que longtemps l’exis- tence du bourrelet blastodermique avait été méconnue, les auteurs ne commençant à s'occuper du bord du blastoderme que lorsque l’entoderme et l’ectoderme ont cessé de s’y con- tinuer l’un avec l’autre. Ainsi His n’a décrit l’état des choses qu'à partir du stade du rempart vitellin. C’est Gœtte qui le premier a décrit le bourrelet blastodermique, qu'il désigne sous le nom de bourrelet marginal (Randwulste). « Les deux feuil- lets, dit-il (1), se trouvent soudés en un bourrelet marginal. Au niveau de ce bourrelet l’ectoderme est formé d’une seule couche, de sorte que la plus grande masse des éléments du bourrelet appartient à l’entoderme. » Nous avons vu quel rôle cet auteur fait jouer à ce bourrelet dans l'accroissement de l’entoderme et même dans la formation du mésoderme. Mais si Gœtte constate que le bourrelet marginal (bourrelet blasto- dermique) n’a ainsi qu'une durée éphémère et disparait à me- sure que se développent et s'étendent les feuillets inférieur et moyen, tous les auteurs ne se sont pas rendu compte de ce fait, et la plupart ont décrit comme une seule et même formation continue ce que nous distinguons sous les noms de bourrelet blastodermique et de bourrelet entodermo-vitellin; teile est l'opinion de Kælliker ; d’autres ont reconnu quelques-unes des (1) Beitrg. z. Entwicklg. der Wirbelthiere (Arch. fur mikrosk. Anat., 1. X, p. 160). $ ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 183 particularités de ces deux formations, mais ont considéré sim- plement la seconde comme résultant d’une simple transforma- tion de la première : telleest l’opinion de Disse. D’autres enfin ont parfaitement reconnu qu'iln’y a aucune continuité dans la production de ces deux formations bien distinctes ; mais, s’ils ont assigné au bourrelet entodermo-vitellin une signification toute particulière, ils ne se sont pas rendu compte de la véri- table origine de ce bourrelet, ni de l’entoderme vitellin qui lui fait suite en dehors; tels sont Gœtte lui-même, ainsi que W. Wolff. Nous allons donc passer en revue ces différentes ma- nières de voir, pour chacune desquellesnous prendrons comme titre le nom du principal auteur parmi ceux qui l’ont adoptée. a. Koælliker considère l’entoderme et l’ectoderme comme se continuant l’un avec l’autre sur le bord du blastoderme, aussi bien au troisième et au quatrième jour que dans les pre- mières heures de l’incubation. Dans notre mémoire sur les Annexes des embryons d’Oiseau (Journ. de l’anat. et de lu phy- siologie, mai 1884), nous avons suffisamment montré qu'iln’en est pas ainsi, et que précisément on ne peut comprendre l’évo- lution ultérieure des membranes et le mode d’occlusion de la vésicule ombilicale, que si l’on a bien constaté que l’ecto- derme s'étend sur la sphère du jaune beaucoup plus loin que l’entoderme, c’est-à-dire que, au lieu d’être jusqu’au bout dou- blé par celui-ci, il ne recouvre plus, dans les zones dites aire vitelline, que du vitellus; ce vitellus est simple dans la zone externe de l'aire vitelline, 1l est parsemé de noyaux (entoderme vitellin) dans la zone interne. Maintenant, comment Kælliker a-t-1l pu prendre cetentoderme vitellin pour une masse cellu- laire provenant directement de la transformation des éléments du bourrelet marginal du blastoderme de l’œuf fraichement pondu ? Comment a-t-1l pu, en présence des grosses et petites granulations vitellines qui forment cette masse, ne pas penser être en présence de vitellus modifié en voie de segmentation secondaire ? On le comprendra par la reproduction suivante du passage où cet auteur s'explique le plus complètement sur ce sujet; on verra qu’en présence de véritables cellules du 154 M. DUVAL. bourrelet entodermo-vitellin, en continuité avec l’entoderme proprement dit, et pleines de corpuscules vitellins, 1l s’est re- fusé à croire à la nature vitelline de ces corpuscules. « Les cellules de l’entoderme, dit-il (p. 181), dans les limites de l'embryon et de l'aire transparente, sont déjà, dans les pre- miers temps, pâles et pauvres en granules. Dans le bourrelet entodermique, au contraire, elles acgwèrent (1) promptement, par les progrès de l’incubation des corpuscules foncés et sphé- riques dans leur intérieur, qui ne tardent pas à en êtreremplis, de telle sorte que dans chaque cellule on trouve, autour d’un granule foncé et plus gros, un certain nombre de granulations plus petites, de même aspect. » Au second et au troisième jour d’incubation, ces granula- tions deviennent jaunâtres et l’entoderme prend le même as- pect que le vitellus jaune sous-jacent. Cette coloration persiste d’ailleurs à partir de cet instant dans l'aire vitelline (2). Si (1) Les expressions que nous mettons ici en italique ne le sont pas dans le texte de Kælliker; nous les soulignons, en les reproduisant, comme étant celles qui expriment précisément le contraire de ce qui est pour nous la véritable interprétation. | (2) On pourrait nous observer que Kælliker parle ici du blastoderme au second et au troisième jour, c’est-à-dire à des stades plus avancés que le dernier des stades étudiés dans le présent mémoire. Sans doute; mais il parle de l’aire vitelline au second et au troisième jour, et nous avons vu que, dès l’apparition du bourrelet entodermo-vitellin, la constitution de ce bourrelet et des parties situées en dehors de lui est identique à celle de ce qu’on appellera plus tard l'aire vitelline. Et enfin, si nous cherchons l'opinion de Kælliker d’après les pas- sages relatifs à l’aire vitelline au second et au troisième jour, c’est qu’il est extré- mement sobre de détails sur la constitution du bord du blastoderme dans les périodes antérieures. Tout ce qu’on peut trouver nettement affirmé chez lui, c'est que le bord épaissi du blastoderme non incubé est un bourrelel ento- dermique (voy. ci-dessus, p. 41), et reste indéfiniment à l’état de bour- relet entodermique. Ainsi, page 106 de la traduction française, en réfutant Gœtte, il dit : « La méprise de cet observateur tient à ce qu'il n’a pas plus reconnu que les auteurs précités que le bourrelet marginal du blastoderme avant l’incubation, ou, si l’on aime mieux, la marge épaissie de l’entoderme, en modifiant graduellement ses éléments et en croissant en tous sens, en largeur et épaisseur, se transforme en bourrelet blastodermique de His. C’est par là que Gœtte à été amené à croire que le bourrelet marginal disparaissait et passait dans la constitution du blastoderme. » ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 185 l’on demande maintenant d’où proviennent ces granules, deux hypothèses se présentent. Ou bien ce sont des éléments du vi- tellus blanc qui ont pénétré dans les cellules entodermiques, ou bien ce sont des corps nés dans ces éléments où on les trouve. En ce qui concerne la premiare hypothèse, à laquelle se sont rattachés His et Œllacher, elle a pour elle la similitude des granulations en question avec les sphères du vitellus blanc, similitude d'autant plus accusée que les unes comme les autres se colorent intensément dans l’acide osmique. J'ai pourtant fait remarquer que les corpuscules contenus dans les cellules du bourrelet entodermique pâlissent dans l'acide acétique et se dissolvent, ce qui n’a pas lieu pour les sphères formées du vitellus blanc, et j'ai par suite exprimé l'opinion que les cor- puscules en litige doivent être envisagés comme des produits des échanges nutritifs qui ont lieu dans les cellules entoder- Miques auxquelles mcombe en première ligne la mission d’ab- sorber les principes résultant de la dissolution du vitellus » (trad. fr., p. 183). Telles sont les deux hypothèses entre les- quelles choisit Kælliker ; mais il y en avait une troisième pos- sible, à savoir qu’on est là réellement en présence de vitellus dans lequel se trouvent des noyaux, et qui est le siège d’une segmentation secondaire. C’est cette hypothèse qui nous semble être seule rigoureusement en accord avec les faits, de l’aveu même de Kæœlliker, car cet auteur ajoute : « Quand une fois toutes les cellules entodermiques placées en dehors de l'aire transparente ont pris ce contenu caractéristique, leurs noyaux ne se trahissent plus que difficdement, et les cellules elles-mêmes ne sont pas aisées à reconnaître pour ce qu'elles sont, ce qui fait que presque tous les auteurs modernes n’ont pas vu que le bourrelet germinatif était un épaississement de l’entoderme (1). » (1) Selon une très juste remarque, faite par W. Wolff (note 1 de la page 52 de son mémoire : Ueb. d. Keimblaltes des Huhnes; Arch. f. mikroskop. Anat., 1882, 1. XXI), la confusion que Kælliker a faite entre le bourrelet blastoder- nique et le vitellus sous-jacent aux bords du blastoderme est évidente par la comparaison de quelques-unes de ses figures. Ainsi dans sa figure 14 (p. 66 de 186 M. DUVAL. b. Disse décrit une transformation du bourrelet entoder- mique de Kælliker par mélange de vitellus blanc avec des cel- lules qui le constituent primitivement. « Pendant les premières heures de l’incubation, dit-il (op. cit., p. 87) (1), le blasto- derme s'étend en surface et les cellules du bourrelet marginal se portent d’une part vers le centre et d'autre part vers la pé- riphérie, c’est-à-dire que le bourrelet s'étale et s’amincit. IT se divise en même temps en deux zones, l’une interne (proximale), l’autre externe (distale). La zone interne est formée de cellules lâchement unies les unes aux autres... Les éléments vitellins viennent remplir les lacunes que ces cellules laissent entre elles. Vers la onzième heure de l’incubation (p. 89), la zone interne devient de moins en moins continue; quelques rares groupes de cellules restent en rapport avec l’ectoderme sus- jacent, le plus grand nombre s’enfoncent dans le vitellussous- jacent; là ces cellules changent de forme; elles deviennent étoilées, et leurs prolongements s'étendant plus ou moins loin, il en résulte une sorte de réseau cellulaire dont les mailles sont remplies de vitellus. » C’est de ce tissu complexe de cette zone interne que Disse, dans un autre travail, fait dériver les premiers rudiments des vaisseaux. Quant à la zone externe, elle est, dit-il, plus compacte et formée de cellules qui doublent la couche ectodermique jusqu'à sa limite la plus périphérique. Il est évident pour nous que la zone interne de Disse corres- pond aux parties que nous appelons bourrelet entodermo- vitellin et entoderme vitellin; quant à la zone externe, elle n'existe pas, du moins comme entoderme, car au delà de l’entoderme vitellin, dont Les limites sont peu tranchées, l’ec- toderme repose sur du vitellus pur et simple. la traduction française) ce qu’il désigne comme bourrelet entodermique est bien la marge renflée du blastoderme; mais, dans sa figure 24 (p. 89), qui, comme la précédente, est relative à un œuf non ineubé, ce qu’il désigne comme bour- relet blastodermique ou partie épaisse du bord de l’entoderme, n’est bien évi- demment qu’une épaisse couche de vitellus blanc. (1) 3. Disse, Die Entwicklung des mittleren Keimblaltes im Huhnerei (Arch. [. mikroskop. Anat., 1878, t. XV). ; ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 187 La description donnée par His diffère peu de la précédente. D’après His, les prolongements sous-germinaux (voy. ci-dessus, p. 176), qui existent au niveau du rempart vitellin, pénètrent dans le vitellus correspondant en y formant un réseau dont les mailles sont remplies par les cellules vitellines (His considère les éléments du vitellus blanc comme de véritables cellules) ; ilse produit ainsi un tissu particulier dont les couches supé- rieures donneront naissance au feuillet vasculaire ; en effet, des cellules vitellines les unes tombent en deliquium, les autres forment des amas irréguliers de cellules, lesquelles ne sont autre chose que les {lots du sang, qui, en se réunissant sous forme de cordons anastomosés, constituent les premiers rudiments des vaisseaux, etc. (His, Erste Anlage, p. 76, 95, 99, 1092, 175, 176). Parmi les auteurs plus récents, une interprétation très ana- logue à la précédente a été adoptée par W. Wolff, lequel cependant a bien reconnu que l’ectoderme n’est plus doublé par l’entoderme dans ses régions les plus périphériques et repose là sur du vitellus pur et simple. « Jusqu'à l’époque où apparait la ligne primitive, dit-il (op. cit., p. 56), le blas- toderme s'étend en surface par un accroissement auquel prennent également part toutes ses couches constituantes, c’est-à-dire qu'à sa périphérie le feuillet externe et le feuillet interne se rejoignent selon un angle dont le sommet est occupé par deséléments appartenant à la masse intermédiaire (feuil- | let moyen des auteurs). Dès l'apparition de la ligne primitive, | toutes les cellules de la masse intermédiaire se portant de la | périphérie vers le centre pour y former la plaque axiale, le | bord du blastoderme s’étend suivant un processus tout nou- | veau. Ce bord a alors la forme d’un coin formé de trois ou quatre assises de cellules, correspondant les unes au feuillet externe, les autres au feuillet interne. Mais, à mesure que ce coin se porte vers la périphérie, s'étendant au-dessus du vitel- . lus blanc, les cellules de sa couche inférieure se séparent de | la couche supérieure, laquelle forme une mince membrane, | d’une seule rangée de cellules, en continuité avec le feuillet 188 M. DUVAL.. externe. Une partie des cellules ainsi devenues libres prennent les caractères des éléments du feuillet interne et se continuent avec ce feuillet, formant une mince couche sous-jacente au feuillet externe etrecouvrant le vitellus blanc, mais s'étendant sur lui bien moins loin que ne le fait le feuillet externe, lequel progresse de plus en plus vers la périphérie. C’est ce que j’ap- pellerai la membrane limitante du vitellus blanc (Grenchaut des weissen Dotters). Les autres cellules devenues libres se portent dans le vitellus blanc, s’y transforment en corps éLoilés et forment, par leurs prolongements anastomosés, un réseau qui est en connexion avec la membrane limitante sus- indiquée, et dont les mailles sont remplies par les corpuscules du vitellus blanc... Au niveau du bord de la cavité sous- germinale, ce réseau, par le fait de la résorption des corpus- cules vitellins, forme une masse composée de plusieurs assises de cellules, laquelle se continue, en s’amincissant, avec le feuillet interne étendu au-dessus de la cavité sous-germinale. Inversement, c’est-à-dire en examinant les choses du centre vers la périphérie, on peut dire que le feuillet interne, formé d’une seule couche de cellules dans la région où il recouvre la cavité sous-germinale, se transforme, sur les bords de cette cavité, en une masse à plusieurs assises d'éléments; cette masse se continue à son tour, d’une part avec la membrane limitante à une seule couche de cellules, et d’autre part avec le réseau qui parcourt le vitellus blanc. » c. C’est dans Gœtte que nous trouvons les indications les plus précises sur la disparition du bourrelet blastodermique (qu'il appelle bourrelet marginal, Randiwuls!) et sur l’union consécutive de l’entoderme avec le vitellus, et enfin sur l’ab- sence de toute communauté d'origine entre l’entoderme défi- nitif et l’entoderme vitellin.' En effet, quoique les noms sous lesquels nous désignons ces parlies soient autres que ceux employés par Gœtte, il est facile, d’après ses planches, de reconnaitre la concordance des choses et de se convaincre que Gaætte a donné, pour les régions que nous appelons bourrelet entodermo-vitellin et entoderme vitellin, des figures qui sont ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 189 absolumentidentiques auxnôtres (voy.notamment les figures 38 et 39 de sa planche XIT; Arch. f. mikroskop. Anat., vol. X); et la lecture de son texte montre qu'il arrive bien près d’une inter- prétation semblable à celle que nous avons exposée; puis, tout d'un coup, 1l abandonne la simple constatation des faits pour se lancer dans une théorie invraisemblable. Il annonce tout d'abord (op. cit., p. 180) qu’il se produit, dans les relations des bords du blastoderme avec le rempart vitellin, des chan- gements qui, quoique importants à plusieurs égards, ont passé inmaperçus de tous les observateurs. Il décrit alors comment la cavité sous-germinale s’étend et s’excave profondément et comment (0p. cit., p.181) le bord marginal de l’entoderme vient s'unir avec le bord du rempart vitellin, « absolument comme le feuillet intestinal (entodermique) des Batraciens est uni avec la masse des cellules vitellines qui représentent le vitellus de nutrition ». Alors, dans ce que nous appelons bourrelet entodermo-vitellin et entoderme vitellin (c’est d'après ses figures que nous établissons la concordance de ces parties), 1l se passe, dit-il (p. 182), « un processus singulier de transformation de la substance vitelline, pro- cessus dont les conséquences ultimes me paraissent avoir été généralement constatées par les auteurs, mais dont l’ori- gine et le mode tout particulier n’ont été observés par per- sonne encore. Une partie des petits corpuscules vitellins se dissout, de sorte que cette couche de vitellus devient plus claire; en même temps le contenu des plus gros corpuscules devient transparent ou granuleux, de sorte que, par la dispo- sition de quelques-unes des granulations en petites masses isolées, on croit se trouver en présence de noyaux. Enfin cette couche de vitellus ainsi modifiée se montre bientôt parcourue | par de fines fentes ou sillons qui vont à la rencontre les uns des autres, de manière à diviser le vitellus en une série de seoments anguleux, ayant le volume des grosses cellules em- bryonnaires ou sphères de segmentation du germe ». Jusque- là cette description cadre bien avec la nôtre, si toutefois on la modifie en disant que ce sont bien de vrais noyaux qu’on à ANN. SC. NAT., ZOOL., OCTOBRE 1884. XVII. 19. — ART. N° 1. 190 M. DUVAL. sous les yeux, et que les sillons en question produisent une véritable segmentation secondaire, mais seulement dans le bourrelet entodermo-vitellin, tandis qu’en dehors de ce bour- relet il n’y a encore que des noyaux libres au milieu du vitellus (voy. notre figure36, pl. IT). Aussi Gœtte ajoute-t-1l : « On dirait alors, au premier abord, que le rempart vitellin et le vitellus voisin sont formés d’une masse de cellules pressées les unes contre les autres, en continuité avec le bord du feuillet in- terne. » Mais aussitôt il abandonne cette manière de voir, si juste, nous le répétons, pour le bourrelet entodermo-vitellin. « Un examen plus attentif montre, dit-il, que les prétendus noyaux ne sont que des granulations vitellines à divers stades de transformation, et les modifications que subissent ensuite ces régions du vitellus enlèvent toute illusion sur leur appa- rence de cellules. » Il décrit, en effet, une sorte de liquéfac- tion qui commence presque aussitôt à se produire dans ce vitellus, d’abord dans ses couches profondes, d’une manière irrégulière, c’est-à-dire de place en place, de manière à ame- ner l’apparition de larges lacunes, dans lesquelles on constate bientôt la présence de véritables éléments cellulaires. Mais ces cellules ont une origine toute particulière, elles viennent d’ailleurs. Ge sont les cellules vitellines (voy. ci-dessus, p. 59, à quels éléments Gœtte donne ce nom), « qui jusqu’à présent reposaient sur le plancher de la cavité de segmentation, et qui, quittant cette place, se portent dans le rempart vitellin, remplissentses lacunes sus-indiquées.…, » etc. (op. cit., p.183; ces cellules vitellines sont destinées, d’après Gætte, à former les îlots de sang). En définitive, l'opinion des derniers auteurs que nous ve- nons d'analyser se rapproche graduellement de la nôtre ; nous voyons successivement reconnaître que le bourrelet entodermo- vitellin et l’entoderme vitellin ne sont pas la même chose que le bourrelet blastodermique primitif; avec Gœtte même nous arrivons à voir assigner à l’entoderme vitellin une origine extra-embryonnaire; cet auteur est sur le point d'admettre une formation de cellules autour de noyaux libres épars dans. ARTICLE N° Î. ‘ FORMATION DU BLASTODERME. 191 le vitellus; mais il s'arrête subitement dans cette voie pour faire intervenir ses cellules formatives ou vitellines. Pour notre part, nous croyons avoir démontré qu’à la suite de la formation de la cavité sous-germinaleil reste des noyaux libres dans le vitellus du plancher et surtout des bords de cette cavité (voy. conclusion n° 6, p. 167), et que plus tard la division de ces corps nucléaires produit les nombreux noyaux libres de l’'entoderme vitellin, autour desquels se produisent, par une segmentation secondaire, les grosses cellules du bour- relet entodermo-vitellin. Or cette présence de noyaux libres dans le vitellus, en de- hors du blastoderme proprement dit, n’est pas un fait excep- tionnel. Elle avait été signalée déjà dans les Poissons osseux par Lereboullet, puis par Kupffer; plus récemment elle l’a été, encore pour les Poissons osseux, par Hoffmann, qui con- sidère ces noyaux comme représentant des globules sanguins provisoires (1). Enfin elle l’a été pour les Poissons cartilagi- neux par Balfour, et c’est ce fait qui a amené cet auteur à ad- mettre, pour expliquer la nature de ce qu'il appelle lerempart germinal, une théorie mixte, c’est-à-dire dans laquelle il adopte à la fois des interprétations semblables à celles de Disse et de W. Wolff, et une interprétation semblable à celle que nous défendons actuellement. Nous terminerons done par la citation suivante de Balfour (2) la longue analyse historique relative à notre conclusion n° 9 : | « Sur les bords de l’area pellucida, l’hypoblaste se met en continuité avec un anneau de substance sous-jacente à l’épi- blaste, et qui dérive à la fois et du bourrelet blastodermique prumitif, et du vitellus correspondant. En effet, cet anneau est principalement formé de corpuscules vitellins renfermant une (1) Lereboullet, Embryologie comparée, etc. (Ann. des sc. naturelles, Zoolog., t. XX, 1863). Kupffer, Beobacht. üb. Entwicklung der Knochenfsche (Arch. f. mikros- kop. Anat., t. IV, 1868). Hoffmann, Zoo!. Anzeiger, 1880, p. 607-629. (2) Fr. Balfour, À Treatise on comparative embryology, t. II, 1881. 199 M. DUVAL. quantité variable de cellules et de noyaux. C’est ce qu’on ap- pelle le rempart germinal (Germinal wall) » (p. 126). Et plus loin (p. 132 et 133) : « Le mésoblaste et l’hypoblaste de l’area pellucida ne donnent pas naissance à toute la partie de ces deux feuillets qui correspond à l’area opaca; mais tout l’hy- poblaste de l'area opaca, une grande partie de son mésoblaste, et peut-être même une certaine portion de son épiblaste, dé- rivent de cette masse précédemment indiquée, qui a reçu le nom de rempart germinal, et qui se continue avec l’hypo- blaste proprement dit sur les bords de l’area pellucida. La nature exacte des éléments de cette masse a donné lieu à de nombreuses controverses, surdexamen desquelles nous n’in- sisterons pas, nous contentant de donner le résultat de nos propres observations. Le rempart germinal est formé d’abord, comme 1l a été dit ci-dessus, du bord épaissi du feuillet infé- rieur du blastoderme et de la substance vitelline sous-jacente parsemée de noyaux. Dans la période qui précède la formation de la ligne primitive, l’épiblaste s'étend au loin sur le vitellus, en partie aux dépens des cellules mêmes du rempart vitellin et en partie aux dépens des cellules formées autour des noyaux libres dans le vitellus. Les cellules du rempart ger- minal sont graduellement utilisées pour la formation de l’hy- poblaste. Finalement, le rempart vitellin est formé prinei- palement de vitellus avec de nombreux novaux, et un nombre variable de cellules; les noyaux forment spécialement une couche étendue immédiatement au-dessous de l’épiblaste... » Il résulte de ce passage, dont nous avons reproduit seulement quelques points caractéristiques, que Balfour admet, dans le vitellus dit de la région de l'aire opaque, la présence de noyaux libres, et que ces noyaux deviennent le centre de formation de nouvelles cellules, mdépendamment des cellules qui peuvent se trouver dans les mêmes régions et qui dériveraient du bord primitivement épaissi du blastoderme proprement dit. Balfour admet donc une théorie mixte. De cette théorie nous ne vou- lons retenir que le fait de la présence de noyaux libres, qui sont le centre de formation de nouvelles cellules. D’où pro- ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 195 viennent ces noyaux, d’après Balfour? D’après lui, ils étaient déjà présents, dès la fin de la segmentalion, sur l’œuf frai- chement pondu. En effet, Balfour déclare (op. cit., p. 124) que sur l’œuf non incubé la couche de vitellus qui forme le plancher de la cavité sous-germinale « renferme de nombreux noyaux semblables à ceux qu’on trouve dans les parties homo- logues de l’œuf des Poissons élasmobranches ; ces noyaux sont généralement plus nombreux dans le voisinage du bord épaissi du blastoderme ». En se reportant au chapitre que cet auteur consacre au développement des Élasmobranches, on voit qu’il ne tranche pas absolument là question de l’origme de ces noyaux : « Pendant la segmentation, des noyaux apparaissent, peut-être par genèse spontanée (?), dans le vitellus voisin du disque blastodermique... Encore après que la segmentation est terminée, on trouve de nombreux noyaux dans le vitellus sranuleux qui est au-dessous du blastoderme. » On voit donc qu’en somme, parmi les éléments complexes de la théorie mixte de Balfour, se trouve cet élément conforme à nos con- clusions (n° 5 et 6), à savoir : l’existence des noyaux libres dans le rempart vitellin, noyaux qui proviennent de ceux déjà présents dans le plancher et surtout sur les bords de la cavité sous-germinale, et qui président ultérieurement à la forma- tion de nouvelles cellules destinées à produire l'accroissement ‘en surface de l’entoderme. 10° ZI faut distinguer la plaque axiale et la ligne primitive comme deux phases successives d’une seule et même formation. La plaque axiale présente la constitution du bourrelet blasto- dermique : elle résulte de ce que ce bourrelet, en se portant d'avant en arrière, dans son mouvement d'expansion qui cor- respond à l'accroissement en surface du blastoderme, continue à subsister sur lu ligne médiane postérieure du disque blasto- dermique. La plaque axiale consiste donc essentiellement en une masse entodermique primitive, comme le bourrelet blasto- dermique; elle se forme sur place et ne résulte pas du déplace- ment de cellules qui convergeraient de la périphérie vers le centre pour s’entasser en un cordon médian. 194 M. DUVAL. Cette dernière partie de la conclusion fait allusion aux nom- breux auteurs qui, admettant que le mésoderme se forme par des éléments qui se déplacent de la périphérie vers le centre, assignent naturellement une semblable origine à la plaque axiale. Nous avons déjà analysé et réfuté (p. 178) la plupart de ces auteurs en parlant de l’origine du mésoderme. Nous allons y revenir à propos de la conclusion suivante. 41° Les connexions de l’ectoderme, dans toute la longueur de la plaque axiale, avec la masse entodermique primitive, existent dès l'apparition des premiers rudiments de cette plaque; ces connexions sont celles qui existent entre ces mêmes parties dans le bourrelet blastodermique. Lorsque se creuse plus profondément la qouttière de la plaque axiale, laquelle devient ainsi la ligne primitive proprement dite, les connexions de l’ectoderme paraissent devenir plus intimes, dans le fond de cette gouttière, avec la plaque axiale : en même temps celle-ci s'est divisée en entoderme définitif et en méso- derme proprement dit. C’est à la multiplication des éléments de cette plaque mésodermique et à .la manière dont ils se portent vers la périphérie, qu'est due l'acceniuation de la qouttière de la ligne primitive. Nous avons vu comment Gœætte attribue la formation de la plaque axiale à un déplacement des cellules de la couche blastodermique inférieure, lesquelles viennent de la périphérie au centre s’accumuler en un cordon médian (Axenstrang) placé selon la ligne axiale de l'embryon (plaque axiale). Dans tous ses travaux d’embryologie, Gœætte a toujours à sa disposi- tion cette concentration des cellules de la périphérie vers le centre, et rien n’est plus fatigant que de lire, dans son grand ouvrage sur le développement du Crapaud, les explications la- borieuses dans lesquelles 1l veut rendre compte de la forma- tion de la gouttière médullaire, de la corde dorsale et des plaques segmentaires (prévertèbres) toujours par un déplace- ment des cellules qui, tantôt dans un feuillet, tantôt dans l’autre, quittent la région ventrale du Batracien pour venir s’accumuler à la région dorsale. C’est aussi ce processus qu’il ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 195 invoque pour expliquer la formation de la gouttière de la ligne primitive. « Gomme chez les Poissons et les Batraciens, dit-il (p. 172), en même temps que se développe la plaque axiale (Axenstrang), se produit un épaississement de l’ectoderme de la périphérie au centre, de sorte que les cellules de ce feuillet, poussées vers la région médiane, forcent l’ectoderme à se re- plier vers la plaque axiale ; cette dépression en forme de pli correspond à la plaque axiale sur laquelle elle apparaît, for- mant ce qu’on appelle la gouttière primitive (gouttière de la ligne primitive). Ainsi se produit (p. 173) l’union intime de lectoderme et du mésoderme dans la ligne primitive, union qui a donné lieu à tant d’interprétations erronées. Cette union n’est pas primitive, mais tout à fait secondaire; elle résulte en effet de ce que les cellules qui forment le pli en gouttière de l’ectoderme viennent comprimer la plaque axiale sous-jacente; mais la soudure qui se produit alors entre les deux feuillets n’est jamais telle qu’elle fasse complètement disparaître toute ligne marquant leurs limites réciproques. » Nous avons tenu à reproduire ce passage de Gœætte parce qu'il est un exemple type des théories mécaniques dont quel- ques embryologistes allemands, notamment His et Gœtte, se sont faits les défenseurs. Nous croyons que pour expliquer la formation de la ligne primitive, il y a autre chose à chercher que des tensions de lames élastiques sous l'influence de l’iné- galité d’accroissement, comme le veut His, ou sous l’influence de déplacements en masse de cellules. Nous croyons que la phylogénèse, c’est-à-dire à proprement parler lembryologie comparée, peut seule être appelée à expliquer chaque fait on- togénique, et que, pour le cas particulier, on ne peut com- prendre la nature de la formation dite plaque axiale et ligne primitive qu’en la comparant à l’ouverture rusconienne des œufs de Vertébrés inférieurs (voy. ci-dessus les schémas, 34, à 40, p. 127 et 129). Parmi les travaux les plus récents sur la ligne primitive, nous devons encore citer celui de W. Wolff. Quoiqu'il consi- dère l’union de l’ectoderme avec la plaque axiale comme 196 M. DUVAL. n’existant pas dès le début de l'apparition de cette dernière, la description de cet auteur est assez exactement conforme aux faits, et il n’y aurait qu’à la modifier très légèrement dans le sens de la conclusion qui va suivre pour arriver à la véritable expression des rapports réels des choses. « Après séparation du feuillet interne, dit W. Wolff (op. ct., Arch. f. mikroskop. Anat., 1882), la masse des éléments de segmentation ne se trouve pas employée, mais 1l en reste encore une partie placée entre le feuillet externe et le feuillet interne. Ces éléments ne forment pas encore quelque chose qui mérite le nom de feuil- let, car ils ne sont pas disposés en une couche continue, et ils ont encore conservé les caractères morphologiques des élé- ments de segmentation. On ne peut encore que leur donner le nom de masse intermédiaire (Mittelkeim). Avant que ces élé- ments subissent leurs transformations ultérieures, 1ls con- tractent de nouveaux rapports avec ceux du feuillet externe... En effet, la production de la ligne primitive consiste en ce que certaines cellules du feuillet externe s’enfoncent dans la pro- fondeur et vont se mêler aux éléments de la masse intermé- diaire.. Il est alors impossible de faire la part de ce qui dans cette formation appartient au feuillet externe du fond de la ligne primitive, el de ce qui appartient à la masse intermé- diaire. C'est à cet ensemble complexe que Je donne le nom de plaque axiale (Axenplatte) (1). > 12° La plaque axiale de l'Oiseau doit être considérée comme l’homoloque de l’anus de Rusconi des Batraciens. C’est un orifice rusconien rudimentaire, c'est-à-dire dont les lèvres sont soudées en une sorte de raphé médian antéro-postérieur; c’est sur ces lèvres que se multiplient le plus activement les éléments destinés à former le feuillet moyen. Cette homologie entre la ligne primitive de l’Oiseau et l’ori- (1) Nous avons abrégé cette citation, omettant certains passages étrangers au sujet en question, et desquels il résulte que, malgré les nombreux travaux qui ont établi une distinction absolue entre la ligne primitive et la gouttière médullaire, W. Wolff en est encore à confondre ces deux formations (voy., du reste, la note 2 à la page 52 de son mémoire). ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 197 fice rusconien des Batraciens a été récemment formulée par Balfour (Comparative Embryology, t. IX, p.126, 127,238, 239), qui s’est très heureusement servi, pour l’établir, des formes intermédiaires que lui fournissaient ses études antérieures sur l’embryologie des Poissons cartilagineux. Notre intention west pas de discuter ici tout au long cette question, et de montrer ce qu'il peut y avoir à modifier dans les détails de l'interprétation de Balfour, interprétation si exacte dans ses traits généraux. À la question de lhomologie de la ligne pri- mitive et de l’anus de Rusconi, se rattache l’histoire du canal neurentérique, dont l’étude a été, dans ces dernières années, l’objet de recherches si nombreuses, que leur seule analyse exigerait un mémoire aussi étendu que le présent travail. C’est une étude que nous entreprendrons prochainement. Avec l'indication des rapports entre l’orifice rusconien et la ligne pri- mitive, nous arrivons aux limites que nous nous sommes assi- gnées pour le moment. Nous devons simplement faire remar- quer que ce n’est pas d'aujourd'hui que nous signalons cette homologie, et que, si elle a été formulée par Balfour en 1881, nous l’avions très explicitement indiquée dès 1880 dans une communication préalable à la Société de biologie (8 et 15 mai 1880). Nous reproduirons donc ici cette note, à la- quelle nous avons déjà fait allusion (ci-dessus, p. 101), et qui, trouvant aujourd’hui sa confirmation dans les faits exposés dans le présent mémoire, servira en même temps de trait d'union entre ce mémoire et celui qui le suivra prochainement. « Reprenant sur l’Oiseau l’étude de la gouttière et de la ligne primitive, j'ai pu me convaincre que cette ligne est l’ho- mologue de l’anus de Rusconi des Batraciens, ainsi que je l’annonçais précédemment (Biologie, 3 avril 1880) à propos des études sur l’œuf du Crapaud commun. Pour comprendre cette homologie, il faut d’abord bien remarquer que l’anus de Rusconi a une double signification : d’une part, il représente le lieu où se fait l’occlusion de la vésicule blastodermique, c’est-à-dire où se ferme le feuillet externe après avoir enve- loppé tout le vitellus et ses sphères de segmentation, et d'autre 198 M. DUVAL. part il représente le lieu où commencent à se montrer les pre- mières indications de l'embryon, c’est-à-dire l’origine du feuil- letmoyen qui apparaît comme une production de cellules ayant lieu aux dépens de la région (bord de l’anus de Rusconi) où le feuillet externe et le feuillet interne sont soudés l’un à l’autre et semblent se réfléchir pour se continuer l’un avec l’autre. Or, chez le Poulet, vu le volume du vitellus (jaune de l’œuf), l’enveloppement de ce vitellus par le blastoderme demande un temps considérable (plusieurs jours), tandis que les premières traces de l'embryon apparaissent dès les premières heures de l’incubation; c’est-à-dire qu’il y a nécessairement 1c1 division du travail, et que la formation complexe, dite anus de Rus- coni, chez les Batraciens, est ici dédoublée en ses deux parties constituantes, lesquelles se produisent distinctement et à une grande distance l’une de l’autre : d’une part, l’ocelusion blas- todermique qui a lieu par la soudure des lèvres opposées du feuillet externe parvenu jusqu’au pôle inférieur du jaune (on peut donner le nom d’ombilic ombilical à ce lieu d’ocelu- sion) (1); d’autre part, le lieu où les deux feuillets (externe et interne) sont soudés et au niveau duquel commence la pro- duction du feuillet moyen (2). Ce lieu, où les deux feuillets (1) Dans un plus récent mémoire (Études histologiques et morphologiques sur les annexes des embryons d’Oiseaux, in Journ. de l’anat. et de la physio- logie, mars 1884), nous avons particulièrement étudié cette formation de lombilic ombilical et les particularités qui l’accompagnent. Nous avons vu qu'il n’y a pas occlusion simple et directe de l’ombilic ombilical par rapproche- ment et soudure du bord libre de l’ectoderme (bord renflé en un bourrelet ectodermique); mais que l’anneau formé par ce bourrelet se renverse en bas et en dehors, au milieu de l’albumine accumulée au petit bout de l’œuf, consti- tuant ainsi une cavité infundibuliforme, etc. (sac de l’ombilic ombilical) ; et que c’est par rétrécissement de l’orifice circonscrit par le bourrelet mésoder- mique que se fait l’occlusion de l’ombilic ombilical; ce sont donc les parties correspondant à la zone interne de l'aire vitelline qui prennent part à la forma- tion de la cicatrice de l’ombilic ombilical du Poulet. (2) Aujourd’hui, sachant que le feuillet moyen dérive de l’entoderme primitif, nous ne disons plus que la formation de ce feuillet commence sur les lèvres de l'anus de Rusconi, mais seulement que sur ces lèvres se produit d’une manière particulièrement active la prolifération des éléments de la plaque mésoder- mique (voy. p. 129). ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 199 primitifs sont confondus, occupe d’abord le bord postérieur de la calotte blastodermique, mais s’allonge en suivant le mouvement d'expansion de cette calotte; il forme ainsi une sorte de trainée le long de laquelle les cellules blastodermiques sont disposées d’une manière homogène, c'est-à-dire qu’on ne peut, sur une Coupe, indiquer les limites entre le feuillet externe et le feuillet interne (1). C’est là précisément le caractère des lèvres de l’anus de Rusconi, le caractère du tissu de la ligne primitive. Si cette ligne présentait chez le Poulet un orifice sur un point quelconque de son étendue, l’homologie de cette ligne primitive et de l’anus de Rusconi serait évidente sans plus ample examen ; il paraît en être ainsi pour le blastoderme des Reptiles et sur le blastoderme du Per- roquet. Ghez le Poulet, ilne nous a jamais été donné de voir à l’état normal une disposition semblable; mais sur des blasto- dermes présentant un développement anormal, par exemple sur un blastoderme où commençait à se développer un monstre double formé de deux gouttières médullaires réunies par leurs extrémités antérieures et divergentes par leurs extrémités pos- térieures, nous avons constaté que chaque ligne primitive, fai- sant suite à chacune de ces gouttières médullaires, présentait en arrière un orifice fort net, donnant accès dans la cavité ger- minative (future cavité intestinale) ; ici, par suite, sans doute, d’un retard dans le développement de la ligne primitive, celle- ci se présente donc, grâce à cette perforation, sous la forme d’un anus de Rusconi très allongé, aplati transversalement et affectant une configuration linéaire. À l’état normal cette con- figuration est si accentuée et se produit si rapidement que l'existence d’un orifice ne peut être constatée (du moins chez le Poulet); il y a pour ainsi dire abréviation dans le processus de formation, de sorte que l’anus de Rusconi, au lieu de pas- ser successivement de l’état d’orifice circulaire à celui de fente, puis à celui de ligne pleine, résultant de la soudure des deux (1) Voy. ci-dessus, p. 128, quelles légères modifications il faut faire subir à cette manière d'exprimer les choses. 200 M. DUVAL. lèvres de la fente, affecterait d'emblée le type de ligne pleine; mais, comme pour bien d’autres formations, les développe- ments monstrueux nous présentent des phénomènes de retard grâce auxquels la ligne primitive peut être observée sous la forme de fente, d’orifice linéaire, ou même d’orifice oblong. » 13° Au niveau du fond de la gouttière primitive, l’accroisse- ment du mésoderme se fait aux dépens d’une masse cellulaire qui est commune au feuillet moyen et à l’ectoderme; mais cette disposition, loin de devoir être interprétée dans le sens d’une origine ectodermique du mésoderme, s'explique simplement par l’embryologie comparée; en effet, la plaque axiale est une ré- gion intermédiaire à l’ectoderme et à l’entoderme, une région ectodermo-entodermique, qui, chez l'oiseau, par le fait de la séparation de lentoderme définitif, ne conserve plus de con- nexion qu'avec l’ectoderme ; de là les apparences qui ont pu faire penser à une origine ectodermique des éléments de cette plaque el par suite du feuillet moyen. Cette conclusion a été formulée avec plus de détails, exphi- quée à l’aide de figures schématiques, et rapprochée de la théorie de Kælliker, ci-dessus, de la page 34 à la page 40. Nous terminerons en présentant ici une série de figures sché- matiques destinées à donner dans une vue d'ensemble, les points principaux des conclusions ci-dessus énoncées. Con- struites d’après les mêmes procédés que les divers schémas produits au cours de ce mémoire, ces figures tendent à repré- senter le disque blastodermique, aux phases successives de ses transformations, vu à la fois en coupes et en surface, c’est-à- dire que chaque vue en surface est composée d’une série de coupes schématiques placées les unes au-dessous des autres, et représentant la composition du disque blastodermique suc- cessivement dans ses régions antérieures, moyennes et posté- rieures. Comme dans la plupart des schémas précédents, l’ec- toderme est représenté par une ligne noire pleine, et l’ento- derme par une ligne relativement épaisse formée de petits traits verticaux; quand apparaît le mésoderme (schéma 66), ARTICLE N° 1, FORMATION DU BLASTODERME. 201 il est représenté par une couche formée de petits traits obliques entre-croisés. Avec ces données il est facile de voir que le schéma 61 représente tout ce que nous avons étudié pour le blastoderme au stade du bourrelet blastodermique, avec début de l’encoche postérieure destinée à donner naissance à la fente rusconienne correspondant à la ligne primitive; le bourrelet blastoder- LIEN LL] UN Ml Ca | lu ff] (NU mnt Al Li Î nm \ unten QT LA gant Tan LL CT LA IL Te M LL Schéma 61. Schéma 62. Schéma 63. mique est représenté par l’épaississement marginal de l’ento- derme et son adhérence à l’ectoderme (Comparer, pour les vues en surface, au schéma 16, p. 101, et pour les vues en coupe, aux schémas 21 et 22, p. 109, et 26, p. 113). MTL NE annual Et te snarturun(|] N Cu T frere MT LT Schéma 64. À Schéma 65. _Le schéma 62 représente le même état, avec seulement accroissement en surface du blastoderme, sans modification notable dans sa constitution (Comparer avec le schéma 17, p.101). 9209 M. DUVAL. Le schéma 63 montre la disparition du bourrelet blastoder- mique en avant (Comparer avec le schéma 23, p. 109), et la formation de plus en plus accentuée de la fente rusconienne en arrière, selon les processus déjà représentés dans les schémas 17 et 18, p. 101, pour les vues en surface, et les schémas 26, p. 113 et 34, 37, p. 127, pour les vues en coupe. Les schémas 64 et 65 montrent comment le bourrelet blastodermique disparaît peu à peu sur toute la périphérie du blastoderme, et comment les lèvres de la fente rusconienne il} [ITA Fri ul] HAT FA NT Schéma 66. sont les seules parties qui présentent encore une constitution identique à celle de ce bourrelet (Comparer avec le schéma 19, p. 101 et avec le schéma 27, p. 115). Enfin le schéma 66 termine la série en montrant, outre l'achèvement des processus précédents, l'apparition du feuillet moyen; il résume donc à la fois les schémas 20, p. 101, 24 et 25, p. 110, 98 et 29, p. 114, et, comme il donne la con- figuration de l’ensemble du feuillet moyen, les schémas 41 49, 43, p.134. ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 203 EXPLICATION DES PLANCHES. Dans toutes les figures des cinq planches, les lettres suivantes ont la même signification : À, extrémité antérieure du blastoderme. ao, aera obscura. ap, aera pellucida. bb, bourrelet blastodermique (bba, ses parties antérieures; bbp, ses parties postérieures). be, bourrelet ectodermique. BEV, bourrelet entodermo-vitellin. cg, cavité sous-germinale (cga, sa dilatation antérieure). CS, cavité de segmentation. ex, feuillet externe. 9, sphères de segmentation secondaire (sur le plancher et surtout sur les bords de la cavité sous-germinale). in{, entoderme primitif. in, entoderme définitif. in?, entoderme vitellin. ms, mésoderme. ñ, noyaux. NP, canal du noyau de Pander. P, extrémité postérieure du blastoderme. PP, plaque axiale et raphé correspondant. RV, rempart vitellin. s, sillon de segmentation. SJ, sphère du jaune. v, vacuoles. vb, vitellus blanc. vj, vitellus jaune. vp, vitellus plastique. PLANCHE I. Fig. 4. Coupe antéro-postérieure d’un œuf de Perruche ondulée, non fécondé et fraîchement pondu. Gross. environ 57 fois (premiers stades de la segmen- tation). Fig. 2. Coupe antéro-postérieure de la cicatricule d’un œuf de Perruche ondulée, non fécondé et fraîchement pondu. Gross. 57 fois (segmentation plus avancée). Fig. 3. Une portion du germe segmenté de la figure 2, à un grossissement d’envi- ron 170 fois. 1, 2, 3, segments séparés de tous côtés; 4, noyaux dans le vitellus non encore segmenté (1). (1) Sur les planches, nous avons eu soin d'indiquer, par des traits et des flèches de renvoi, toutes les parties qui, prises dans une figure d’ensemble à faible grossissement, sont reproduites dans une autre figure à un plus fort gros- sissement. 204 M. DUVAL. Fig. 4. Coupe antéro-postérieure de la cicatricule d’un œuf de poule non fécondé et fraîchement pondu. Gross. 46 fois. CS, cavité de segmentation. Fig. 5. Coupe antéro-postérieure de Ja cicatricule d’un œuf de Poule non fécondé et fraîchement pondu. Gross. 46 fois. Fig. 6. Une portion médiane de la figure 5 à un grossissement de 150 fois. Fig. 7. Coupe antéro-postérieure de la cicatricule d’un œuf de Faisan non incubé. Gross. 40 fois. Fig. 8. Coupe antéro-postérieure de la cicatricule d’un œuf de Serin non fécondé. Gross. 45 fois. cg, cavité sous-germinale en voie de formation ; elle ne va en avant que jusqu'en d. Fig. 9, La partie postérieure de la figure 8 à un fort grossissement. 1, 2, 3, formes graduelles de passage des éléments pleins de très fines granulations (prétendu vitellus plastisque) aux éléments pleins de granulations dites de vitellus blanc. Fig. 10. Coupe antéro-postérieure médiane de la anal d’un œuf de Rossi- gnol non fécondé et non incubé. Gross. 45 fois. g, globules de Ecker. Fig. 11. Deux de ces globules de Ecker. Fig. 12. Coupe antéro-postérieure, non médiane, de la même cicatricule que celle représentée dans la figure 10. Fig. 13. Aspect, en surface, de la cicatricule de l’œuf de Rossignol dont les figures 10 et 11 représentent des coupes. La cicatricule a subi l’action de l'acide osmique. cg, contours de la coquille; SJ, contours du jaune (sphère vitelline); «, extrémité antérieure ; p; extrémité postérieure de la cicatricule. Gross. 4 fois. PLANCHE II. Fig. 14. Coupe médiane antéro-postérieure du blastoderme d’un œuf de Poule fraîchement pondu et non incubé. Formation du bourrelet blastodermique. cg, cavité sous-germinale. Gross. 45 fois. Fig. 15. Partie médiane de l’une des dernières coupes transversales (les plus postérieures) ou légèrement obliques d’un blastoderme de Rossignol, au même stade que la figure 14. PP, lèvres de la perforation que ce blastoderme présentait en arrière. Gross. 125 fois. Fig. 16. Partie médiane de la dernière coupe transversale (la plus postérieure) d’un blastoderme de Poulet semblable à celui de la figure 14. Gross. 125 fois. Fig. 17. Coupe médiane antéro-postérieure du blastoderme d’un œuf de Rossi- gnol fécondé et non incubé. Gross. 45 à 50 fois. De c en c', région centrale circonscrite par le bourrelet blastodermique ; bba, partie antérieure; 0bp, partie postérieure de ce bourrelet. Fig. 18. La partie postérieure du bourrelet blastodermique de la figure 17 examinée à un fort grossissement (environ 150 à 200 fois). Fig. 19. Une portion de la région centrale de la figure 17, à un fort grossisse, ment. Fig. 20. La partie antérieure du bourreiet blastodermique de la figure 17 à un fort grossissement. Fig. 21. Rapports généraux du blastoderme et du vitellus sur un œuf de Poule ARTICLE N° 1. FORMATION DU BLASTODERME. 205 écondé et non incubé. Coupe médiane antéro-postérieure, Gross. 15 à 18 fois. Fig. 22. Le blastoderme de la figure 21 à un grossissement de 30 fois. De ç en c', la région centrale circonscrite par le bourrelet blastodermique (bbp, en arrière; bba, en avant). Fig. 23. Une portion de la région centrale du blastoderme de la figure 22, à un plus fort grossissement. Fig, 24. Coupe médiane antéro-postérieure de l’ensemble du blastoderme et du vitellus voisin, entre la seconde et la sixième heure de l’incubation, lorsque commence à se produire en avant l’excavation (cga) de la cavité sous-germi- nale. Gross. 15 fois. Les détails de ce blastoderme sont donnés, comme l’in- diquent les flèches de renvoi, dans les figures 25 à 29. Fig. 25. Extrémité postérieure du blastoderme de la figure 24 à un plus fort grossissement. ‘Fig. 26. Détails de la région de la figure 24, où le large bourrelet blastoder- mique (plaque axiale) se continue avec la partie centrale du blasioderme. Fig. 27. Partie centrale du blastoderme de la figure 24. Fig. 28. Partie antérieure du même blastoderme. Fig. 29. Extrémité tout antérieure du même blastoderme. PLANCHE III. Fig. 30, Vue en surface, après action de l’acide osmique, d’un blastoderme de Poulet, de la deuxième à la sixième heure de l’incubation. Ce blastoderme correspond à celui qui est représenté en coupe dans la figure 24 (et les figures 25 à 29). À, extrémité antérieure; B, extrémité postérieure ; ap, aire transparente; xx, ligne selon laquelle est faite la coupe représentée par la figure 31; yy, ligne selon laquelle est faite la coupe figure 32. Gross. 5 fois. Fig. 31. Coupe transversale selon la ligne xx de la figure 30. P, bourrelet blastodermiqne des parties latérales marginales du disque blastodermique ; 1, masse entodermique primitive de ce bourrelet; 2, région où la masse entodermique se dispose en un feuillet irrégulier (entoderme primitif); 3 et 4, parties latérale et médiane de la plaque axiale PP. Fig. 32, Coupe oblique (selon la ligne yy, figure 30) d’un blastoderme de Poulet analogue à celui de la figure 30. PP, orifice linéaire ou fente occupant la partie moyenne de la plaque axiale. Fig. 33. Coupe médiane antéro-postérieure d’un blastoderme de Poulet après six heures d’incubation. Gross. d'environ 40 fois. Les détails de cette prépa- ration sont donnés, à un plus fort grossissement, par les figures 34 à 39, comme l'indiquent les flèches de renvoi. Fig. 34. Détails de l’extrémité toute postérieure de la figure 33; extrémité postérieure de la plaque axiale, où l’ectoderme se réfléchit encore pour se continuer avec la masse entodermique primitive de la plaque axiale. Fig. 35. Constitution des deux feuillets (ectoderme et entoderme primitif) dans la région de l'aire transparente du blastoderme de la figure 33. ANN. SC. NAT., Z0OL., OCTOBRE 1884. XVIII, 44, — ART. N°1. 206 M. DUVAL., Fig. 86. Région du bourrelet entodermo-vitellin de la figure 933 ; à la partie droite, l’ectoderme recouvre le vitellus à noyau dit entoderme vitellin (in°). Fig. 37. Détails de l'extrémité tout antérieure de la figure 33. Ici, l’ectoderme (ex), terminé par Je bourrelet ectodermique (be), ne recouvre plus que du vitellus pur et simple. Fig. 38-39. Coupe transversale de la région postérieure d’un blastoderme sem- blable à celui de la figure 33; la coupe porte vers la région marquée par la ligne æ dans la figure 33. La partie médiane de cette coupe est représentée par la figure 39 (LP, plaque axiale ou ligne primitive); sa partie latérale gauche (bord du blastoderme) par la figure 58. Fig. 40. Coupe médiane antéro-postérieure d’un blastoderme analogue à celui représenté en surface dans les figures 48 et 49 (pl. IV), c’est-à-dire entre la huitième et la dixième heure de l’incubation, L’excavation sous-germinale n’est profonde qu’en avant (cga), et commence seulement à se prolonger en arrière (Cgp); ep, point où a pris fin la formation de la plaque axiale. Gross. environ 16 fois. Fig. 41. Détails de l’extrémité tout antérieure de Ja figure 40; l’ectoderme (ex) recouvre du vitellus sans noyau et se termine par un bourrelet ectodermique (be) très peu accentué. Fig. 42. Détails de la région à de la figure 40; étude du bourrelet entodermo- vitellin (BE). Fig. 43. Détails de la région e de la figure 40 ; ectoderme et ertoderme primi- - tif dans la zone transparente. Fig. 44. Détails de la région d de la figure 40. Fig. 45. Détails de la région c de la figure 40. Fig. 46. Détails de la région b de la figure 40. Fig. 47. Détails de la région a de la figure 40. [el PLANCHE IV. Fig. 48. Vue en surface, avant l’action de tout réactif, du blastoderme d’un œuf de Poule (grandeur naturelle) entre la huitième et la douzième heure de l’iucubation, avec indication des contours de la coquille; sur la sphère du jaune, on voit l’aire obscure en ao, et l’aire tr ensparente en ap. Fig. 49. L’aire transparente et les parties voisines, à un grossissement de Hour à quatorze fois, sur un blastoderme semblable à celui de la figure 48, après l’action de l'acide osmique et préparation pour l’examen à la lumière trans- mise. Fig. 50. Coupe transversale de la région de l’aire transparente d’un ee semblable à celui de la figure 49. Gross. d’environ 20 fois. Fig. 51. Détails des feuillets au centre de l’aire transparente de la figure 50 : dédoublement de l’entoderme primitif en entoderme définitif (ën) et en méso- derme (ms); l’ectoderme (ex) est ici très épais et formé d'au moins trois couches de cellules cylindro-coniques. Fig. 52. Détails de la région du bourrelet entodermo-vitellin de la figure 50. Fig. 53. Détails de la région a, de la figure 50 (limite externe de Lie vitellin in°). ARTICLE N° f. FORMATION: DU BLASTODERME. 907 Fig. 54. Détails de la région b de la figure 50 (ectoderme ne recouvrant, à ses parties les plus périphériques, que du vitellus sans noyau). Fig. 55. Coupe transversale de la région postérieure d’un blastoderme sem- blable à celui de la figure 49 (la coupe est faite un peu en arrière de la ligne lp de la figure 49). Fig. 56. Détails de la plaque axiale ou ligne primitive de la figure 55. cyp, élargissements latéraux de la cavité sous-germinale. PLANCHE V. Fig. 57. Vue en surface, après action de l’acide osmique, de l'aire transpa- rente d’un œuf incubé depuis treize à seize heures. ca, croissant extérieur ; ba, limite antérieure de l’aire transparente. Gross. d’environ 16 fois. Fig. 58. Coupe médiane, antéro-postérieure, d’un blastoderme semblable à celui de la figure 57 (selon la ligne æ de la figure 57). ep, niveau de l’extré- mité postérieure de la ligne primitive; ea, son extrémité antérieure. Gross. 28 fois. Fig. 59. La région du Heures sntoderto en en de la figure 58; étude du. croissant antérieur; xæ, sphères de segmentation secondaire détachées du bourrelet entodermovitellin. Fig. 60. La région moyenne de la figure 58 (tête de la ligne PHUIANE en e4, figure 58, et parties situées en avant de cette tête). Fig. 61. Coupe du blastoderme de la figure 57, selon la ligne y (fig. 57), c'est- à-dire un peu en dehors de l’axe médian; ea, partie qui correspond au niveau de l’extrémité antérieure de la ligne primitive (voy. fig. 58, en ea). Fig. 62. Détails de la région b de la figure 68; mésoderme de la région située en arrière de la ligne primitive; ce mésoderme, interposé à l’ectoderme et à l’entoderme vitellin, correspond ici à la véritable aire opaque (voy. p. 133, et les figures schématique 41 à 43); c’est ici que vont apparaître les pre- miers îlots de sang. Fig. 63. Coupe transversale de la région de la ligne primitive d’un blastoderme semblable à celui de la figure 57. Gross. 16 à 19 fois. Fig. 64. Détails de la ligne primitive de la figure 63. Fig. 65. Détaits de la partie latérale de la figure 63, dans la région du bord libre du mésoderme. 208 M. DUVAL. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE MÉMOIRE. INTRODUCTION. 1°-Procèdés d'étude.......,.. auosle 00: Aletre LE CID eo 8 SUCER 90 Matériaux d'étude. OP TT DCE CECI CECI OO ORCCECET ECC CRE E rss PREMIÈRE PARTIE. 4° Stade du bourrelet blasioder mique Mo er iee A. Premier type de blastoderme d’un œuf fécondé, fraîchement pondu eNRONMNCUNE MERE eme einer Le CP TELIL DID 010 0 à 7 OÙ B. Second type de blastoderme d'œuf fécondé, non incubé. ....... 1e 20 Stade de la segmentation (cavité de segmentation)... AC RE 9° Slade de la cavité sous-germinale........... s.B.9: ose RAILS 4° Stade de la formation du bourrelet hlastodermique ...:..,,:,.,,, 2° PARTIE. 4° Apparition de l'aire transparente et du rempart vitellin.... a. Excavation sous-germinale .................,.... TA D 08 100 9 0 b b. Disparition du hourrelet blastodermique . CU ECC TER 20 Formation du bourrelet entodermo-vitellin......... Hraihen inntat a. Apparition du bourrelet entodermo-vitellin à la région antérieure; séparation de l’ectoderme et dé l’entoderme primitif sur les régions latérales ....... Soie Gino aie date Die © A Ho 0e LE u-00 drop 0 00 b. Plaque axiale.......:..:..........:........ DÉC MAR AUE dt c, Faible extension de l'aire transparente. copies erHbadecdod--h 30 Généralisation du bourrelet entodermo-vitellin. — Origine du mé- AOUITIAIDE à 010 à > 88 0 0 0 à 0 200 Ton DOOMS 0 00 2 0 0 00 00 00 0 AE Fo a, Récapitulation schématique de la formation du bourrelet entodermo- vitellin dans la moitié antérieure du blastoderme; mésoderme.. b. Récapitulation schématique de la formatiou du bourrelet ento- dermo-vitellin et du dédoublement de l’entoderme primitif dans la région postérieure (région de la plaque .axiale).......... Momo c. Démonstration des schémas à l'aide des coupes tr ansversales et des coupes longitudinales . ...... OAI DEN DOTE CD nero 4° nor de la ligne primitive............... lode d’extension de l’aire transparente; apparition de la plaque axiale sous la forme de ligne primitive... Op 0 Reset de b. Gouttière de la ligne primitive; caractères de la ligne primitive pro: prement dite; discussion de la théorie de Kolliker. TS RE c. Détails complémentaires De eee re eue ee ne dan ao 1° De l’extrémité postérieure de la ligne primitive; croissance inter- stitielle de la ligne primitive. ............., RU 2 Extension du mésoderme : ses rapports avec les limites de l'aire (ADSDATENTER ES RE LT eee. enr eC CC r Le 3 Du croissant antérieur (partie antérieure ‘du bourrelet entodermo- vatellin)-2erretee AA Di AO EL C0 à 0 CRI RON ER À RIRRE 9° PARTIE, Analyse des Mémoires de Koller ..........,.. RARE Lo te co 4° PARTIE, Conclusion; historique et critique......... HT ADI do io 0 © PXCAIONTesSplAnCh es MEME CE Ce CT EPP EE EPP RECHERCHES L'ORGANISATION DES HIRUDINÉES Par M. REMY SAINT-LOUP. INTRODUCTION. Les nouveaux procédés d'investigation que l’histologie a mis depuis quelque temps à la disposition des naturalistes leur permettent d'étendre beaucoup le champ de leurs recherches et de faire connaître plus complètement l’organisation d’ani- maux fort communs et déjà très étudiés. J'ai pensé que ces perfectionnements techniques m’assureraient une ample ré- colte de faits nouveaux si je les appliquais au groupe des Hiru- dinées, sans qu’il me füt nécessaire pour cela d'entreprendre des recherches anatomiques sur des groupes aberrants ou peu connus. | Ce sont les Sangsues et les Aulastomes, les Néphélis et les Trochaètes que je pouvais me procurer vivants, qui ont servi à mes premiers essais. J'ai pris soin de faire rechercher ou de recueillir moi-même dans des localités différentes, les divers échantillons vivants, pour reconnaître si des caractères spéci- fiques apparents n'étaient pas dus simplement à la ségré- wation dans des régions variées. Les marais et les ruisseaux de la Franche-Comté m'ont fourni des Néphélis et des Clep- sius en. grand nombre; j'ai reçu d'Auvergne, grâce à l’obli- geance de mon excellent ami le docteur Paul Girod, des Au- lastomes jeunes et adultes. Des Trochaètes ont été recueillis dans des mares élevées du Plateau central. J'ai également trouvé dans les collections du Muséum où j'ai travaillé pendant deux années comme boursier de docto- ANN. SC, NAT., ZOOL. OCTOBRE 1884. 14*, — ART, N° 2. 2 REMY SAINT-LOUP. rat, un certain nombre de formes intéressantes que J'ai exa- minées avec SOIN. J'avais donc à ma disposition pour l'étude comparée que je voulais entreprendre : Des Hirudinées bdelliennes vivantes, des genres Hirudo et Aulastome ; Des Hirudinées néphéliennes des genres Néphélis, Tro- chaètes, et quelques Branchiobdelles (1) ; Des Albioniennes vivantes, mais deux échantillons seule- ment du genre Piscicola, et des Pontobdelles et Branchel- lions conservés dans l’alcool ; Des Siphoniennes vivantes du genre Glossiphonie ou Clep- sine, provenant de diverses localités. Les Planériennes seules m’ont absolument manqué. HISTORIQUE. $ 4°. — L'histoire des Hirudinées peut se diviser en deux époques. Dans la première se sont lentement accumulées des notions d’abord vagues et quelquefois bizarres, non pas sur les espèces les plus communes, mais sur les Sangsues que les pratiques de la médecine avaient surtout fait remarquer. Le résumé de ces notions, la coordination de leur ensemble ont été admirablement présentés en 1827 dans la Monogra- phie de Moquin-Tandon (2). Ce naturaliste a comblé les lacunes des descriptions antérieures, disposé les groupes avec méthode, enrichi leur histoire par lanatomie d’un grand nombre de types et fondé, en conclusion de son œuvre, la (1) Si j'ai placé les Branchiobdelles parmi les Néphéliennes, c’est en adop- tant la classification de Fermond, qui fut établie après étude des classifications antérieures à 1854. Je ne crois pas qu’il soit facile de déterminer la véritable classe des Branchiobdelles sans une connaissance beaucoup plus étendue que celle que nous avons aujourd’hui de l’organisation des Hirudinées planériennes ou aberrantes. (2) Moquin Tandon, Monographie de la famillé des Hirudinées (avec Atlas, 1827), une édition plus complète et mieux ordonnée parut en 1846. ARTICLE N° 2, ORGANISATION DES HIRUDINÉES. ns) théorie des Zoonites, ‘dont nous aurons à parler plus loin. Dans la seconde époque ont été exécutés un grand nombre de travaux spéciaux et des recherches qui, sans intéresser directement les Hirudinéés, touchent à quelques points de leur organisation. : * Dugès (1) et Duméril, en 1898, avaient eu l'idée d’un rap- prochement des Sangsues avec les Ammocætes et les Myxines. Leur opinion se basait sur l’analogie qu'ils croyaient voir entre les organes segmentaires de ces vers et les vésicules res- piratoires de ces poissons. Gette opinion était trop hardie et enjambait d’un seul coup un trop 8 srand nombre de comparai- sons anatomiques pour être prise en considération. Elle fut bientôt abandonnée, et je me bornerai pour le moment à la faire remarquer. Dans la même année, les organes seementaires sont décrits : et représentés par Müller (2) chez la Néphélis, où ils ont l’as- pect de sinus sanguins. Il donne aussi des dessins de Pappa- reil circulatoire de la Néphélis, où 1l n’existerait que les deux vaisseaux latéraux et le vaisseau ventral appliqué contre la moelle abdominale. L’irrégularité des courants sanguins est remarquée par cet observateur comme aussi par Dugès (5) et Weber (4). C’est Weber quidémontra que les taches noires de la Sangsue médicinale sont des appareils optiques, et qui fit les premières observations sur le développement embryonnaire. En 1829 commence la publication des remarquables tra- vaux de Brandt et Ratzeburg dans la Medicinische Zoologie (5). Le système tégumentaire, le système musculaire sont dé- crits, trois plans de fibres musculaires sont reconnus, mais (1) Dugès, Ann. des sc, nat., t. V, 1828. « Les organes segmentaires sont des organes de respiration, on doit y voir l’analogue des vésicules respira- toires des Myxines et des Ammocætes, poissons qui, sous beaucoup de rap: ports, se rapprochent des Annélides, comme l'a le premier fait sentir M. Du- méril, » (2) Muller, Meckels Archiv., 1828, pl, I, fig, 4: (3) Dugès, Ann, des sc. nat., XV, 1828, p. 308. (4) Weber, Meckels Archiv., 1828, p. 399 et p;: 316. (5) Brandt ét Ratzeburg, Medicinische Zoologie, 1829-1833 4 REMY SAINT-LOUP. aucune donnée exacte n’est fournie relativement au système nerveux, au point de vue de l’histologie. Brandt distingue cependant le système nerveux splan- chnique (1) et parvient à suivre les dix nerfs optiques de la Sangsue médicinale, depuis le cerveau jusqu'aux yeux. D’après lui, on doit considérer comme des glandes salivaires abdominales, les corpuscules arrondis qui enveloppent le commencement de l'intestin de ces animaux et dont les con- duits excréteurs déboucheraient dans cette portion de l’intes- tin par plusieurs orifices. Brandt croit voir aussi une commu nication entre les canaux du réseau hépatique et la partie postérieure de l'intestin. La description qu’il donne du sys- tème circulatoire a été, comme nous le verrons plus loin, contrôlée avec soim par Gratiolet. Les organes segmentaires, que l’on ne désignait pas encore de cette manière, étaient pour Brandt des organes sécréteurs particuliers, attendu qu’il avait vu sortir par leurs orificés un liquide blanchâtre. Il reconnut la disposition des organes génitaux, compta chez la Sangui- suga neuf paires de testicules et fit quelques remarques sur l’accouplement de ces vers. En 1834, Wagner (2) donne une description du système nerveux de la Pontobdella muricata. Les ganglions abdomi- naux de cette sangsue sont réunis entre eux par un cordon unique qui n’envoie de chaque côté qu'un seul tronc ner- veux. Après un court trajet, ce tronc se renfle en un gan- glion qui donne ensuite des branches latérales. Le tube . digestif est aussi décrit : simple dans les deux tiers anté- rieurs, il est muni d’un cæcum de chaque côté du tiers postérieur. L'année suivante Wagner (3) fait des recher- ches sur les organes de la vision des Sangsues et découvre, (1) Brandt, Bemerck über die Mundmagennerven, p. 39 (Medicin. Zool., oc. cit, p. 250, pl. 29, B). (2) Wagner, dans lIsis, 1834, p. 191, pl. 1, fig. 3, et p. 130, pl. 1, fig. 1 et 2. (3) Wagner, Lehrb. d. Vergl. Anatomie, 1835, p. 428, et Icon. physiol., 1839, pl. 28, fig. 16. g'(6 ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. p) dans l’intérieur de la couche pigmentaire, un corps trans- parent dans lequel il distingue deux parties, un cristallin, et un corps vitré. Léo (1), en 1835, étudie la Dcisolas A l'en croire, l’anus de cette Hirudinée se trouverait par exception à la face ven- trale du dernier segment du corps, tandis que dans la géné- ralité des cas il est situé à la face dorsale. Il observe la formation des cocons de la Piscicola et remarque qu’ils ne contiennent qu'un seul œuf. Ce n’est que deux ans après qu’il donne le résultat de ses oh bare sur le système ner- veux (2). Henle (3), en 1835, étudie la Branchiobdella. J’aurai à par- ler plus loin de ses observations en rappelant un ouvrage plus récent et plus complet sur le même sujet; qu'il me suffise de remarquer ici que Henle observa le système aquifère de la Branchiobdella. Deux paires de canaux recourbés dont l’inté- rieur est tapissé d’un épithélium à cils vibratiles constituent l'appareil; l’une de ces deux paires s’ouvre à la face ventrale au commencement du second tiers du corps, l’autre à l’extré- mité près de la ligne médiane. Immédiatement avant son orifice, chacun de ces canaux se dilate en une ampoule ar- rondie de couleur jaune et d’où partent plusieurs autres ca- naux enroulés en anse. Des recherches sur le système nerveux de la Sangsue sont faites en 1836 par Valentin (4); 1l voit dans le cerveau et les ganglions abdominaux de la Sangsue une disposition des glo- bules ganglionnaires tellement régulière et symétrique, que ceux d’une des moitiés latérales correspondent exactement sous le rapport du nombre, du volume et de la position à ceux de l’autre moitié. F. de Filippientreprend, en 1839, des recherches embryolo- (1) Léo, Müllers Archiv., 1835, pl. 14, fig. 1. (2) C’est à Léo que l’on doit la découverte des valvules qui existent dans le vaisseau ventral et dorsal de la Piscicola (Müllers Archiv., 1835, p. 421). ..@) Henle, Müllers Archiv., 1835, p. 575, pl. 14. (4) Valentin, Nov. Act. Erni nat. cur., XVIII, 1836, p. 202-208. 6 REMY SAINT-LOUP. giques sur la Clepsine et ne dépasse guère les observations faites avant lui par Weber et Wagner. Plus tard des observations du même ordre sont faites sur la Clepsine par Grube (1), par Frey (2) sur la Néphélis. Le ré- sumé de ces notions est exposé comme il suit, en 1850, par Sicbold et Staunius dans leur Anatomie comparée. Chez les Hirudinées, le vitellus se partage d’abord en plusieurs grandes cellules, dont l’une, située au centre, se distingue bientôt des autres par une activité plus grande dans le travail de division qui va suivre; elle devient le tube digestif. Les autres, en continuant, quoique plus lente- ment, dé se diviser, constituent une première portion em- bryonnaire qui à son tour formera la région ventrale (ner- veuse) future. L’embryon est d’abord sphérique et finit par se revêtir d’un mince épithélium ciliaire. Sur un point de sa surface se développe une sorte de ventouse qui se met en rapport avec le sac stomacal, dans lequel elle pousse de la substance alimentaire empruntée à l’albumen qui entoure l'embryon. Peu à peu te dernier s’allonge; il perd son épi- thélium ciliaire avant la sortie de l’œuf, développe une ven- touse à l'extrémité postérieure de son corps et:finit ainsi par acquérir sans subir de métamorphose la forme or à son espèce. Les spermatozoïdes des Hirudinées sont | étudiés en 1835, par Henle (3) chez la Sangsue, la Pontobdelle et la Bras chiobdelle ; par Siebold en 4836, par Külliker chez les Bran- A où ils se termineraient par une petite vésicule. En 1849, Fritz Müller (4) donnait une monographie de la Clepsine complanata (5), j'ai eu le regret de ne pouvoir consul- -. (1) Grube, Untersuch. über die Entwickel. d. Clepsine, p. 15, pl. 4, 1844. (2) Frey, Zur Entwick. von Nephelis vulgaris (Frorieps neue Notice, n° 807, 1846, p. 228). .(8) Henle, Müllers Archiv., 1855. ; (4) Ueber die Gattung d. (Clepsine complanata (Zeitung. Zool. und Pa- leont.). (5) Antérieurement, Fritz Müller avait étudié l’Hirudo tessulata und H. mar- ginata (Wiegmann Archiv., X, 1844, p. 370-376). — Ueber die Geschlechts- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 7 ter cet ouvrage. Dans la même année Bruch (1) faisait des re- cherches sur le système nerveux de la Sangsue et eroyait saisir les relations de continuité des fibres et des cellules nerveuses. Les dessins qu’il donne montrent une disposition extrêmemen régulière des fibres dans les ganglions et le cerveau. Dans le même temps où paraissaient successivement un certain nombre de travaux purement anatomiques et ne trai- tant que l’étude d’un genre ou d’une espèce, des ouvrages plus généraux comprenant à la fois la connaissance des caractères de toute une classe d'animaux constituaient des traités d’ana- tomie comparée, et contribuaient à démêler les affinités des Annélides entre elles. En 1832, M. Milne Edwards (2) repre- nait l’étude des classifications adoptées jusqu'alors pour les Annéldes, et, se fondant sur les caractères les plus saillants. des Hirudinées, rangeait ces vers dans l’ordre des Annélides suceuses. L'existence de ventouses aux deux extrémités du corps, l'absence de pieds et de soies sont les caractéristiques par lesquelles l’éminent naturaliste distingue les Hirudinées. M. Milne Edwards rappelle que, dans la méthode de M. de Blainville, les Hirudinées étaient exclues de la classe des An- nélides et rejetées parmi les Vers intestinaux. Les Lombrics que M. Milne Edwards désigne sous le nom de Scoléides, et les Hirudinées, ont été considérés comme devant constituer un groupe isolé dans l’ensemble des Anné- lides. Comme le fait remarquer M. Milne Edwards (3), les Hi- rudinées et les Scoléides au sortir de l’œuf ressemblent entiè- rement aux adultes, tandis que les jeunes Annélides, couvertes de cils vibratiles et n’offrant pas d’abord d'annulation, attei- theile von Clepsine und Nephelis (Müllers Archiv., 1846). — Clepsine cos- tata neue Art. (Wiegmann Archiv., XII, 1846, p. 82-88). (1) Bruch Ueber das Nervensystem des Blutegels (Zeithr. fur W. Zool., t. I, 1849). (2) Andouin et Milne Edwards, Classification des Annélides et description des espèces qui habitent les côtes de France (Ann. des sc. nat., 1"° série, t. XXVII 1832, p. 360 et suivantes), (3) Milne Edwards, Emnbryologie des Annélides (Ann. des sc. nat., 3° série, t. III, p. 145, 1845). 8 REMY SAINT-LOUP. gnent la forme adulte par le développement successif de Zoo: nites s’ajoutant à la suite les uns des autres. M. de Quatrefages, en 1847, écrivit une note sur l'anatomie des Sangsues et des Lombrics, où quelques remarques fort intéressantes sont ajoutées à la connaissance que l’on avait de ces animaux (1). Le savant naturaliste constate par une expé- rience des plus simples que les organes segmentaires des Sangsues ne sont pas des appareils respiratoires et qu’on doit les considérer plutôt comme des organes excréteurs. Une Sangsue placée pendant un mois dans de l’eau carminée n’a montré aucune coloration de ces prétendus organes respira- toires. M. de Quatrefages constate en outre des différences assez notables dans les dispositions du système nerveux sto- mato-gastrique chez la Sangsue et chez le Lombric. Tandis que chez les Sangsues ce système stomato-gastrique se com- pose d’une chaîne de ganglions qui se rattache aux connectifs par un certain nombre de racines, que de plus une chaîne ganglionnaire frontale forme en avant une véritable arcade d’où se détachent des filets nerveux, chez les Lombrics la chaîne ganglionnaire sert de point de départ à un plexus de ganglions et de filets qui forment tout autour de l’arrière- bouche un réseau à mailles allongées en arrière. Ce réseau enveloppe en tous sens la portion membraneuse du pharynx et quelques filets ont pu être suivis jusqu’à l’œsophage, où ils semblent se mettre en rapport avec les vaisseaux. Dès 1847, M.E. Blanchard (2), dans un travail sur l’Organi- sation des Vers, insistait sur les affinités des Anévormes et des Hirudinées. Par Anévormes, M. Blanchard désigne les Bdello- morphes ou Malacobdelles, les Turbellariés dendrocæles et Rhabdocæles et les Trématodes. « Les Anévormes, dit-il, sont infiniment plus voisins des Hirudinées que des Cestoïdes ou des Helminthes. Ce n’est pas seulement l'appareil vasculaire, (1) De Quatrefages, Note sur l’anatomie des Sanysues et des Lombrics (Ann. des sc. nat., 3° série, t. VIIL p. 36, 1847). .-(2) Émile Blanchard, Sur l’organisation des Vers (Ann. des_sc. nat:, 3e série, t. VIII, p. 134, 1847). ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES, 9 les organes de la génération, etc., qui nous montrent cette affinité, c'est même le système nerveux, car entre la disposi- tion de cet appareil, chez une Sangsue, une Malacobdelle et une Douve, la seule différence importante consiste dans l’écar- tement des portions qui concourent chez la plupart des An- nelés à former la chaine ganglionnaire. » Les Péripates avoisinent, d’après M. Blanchard, les Vers de la classe des Anévormes, et, si Je prends note ici de ce rappro- chement, c’est que J'aurai plus loin l’occasion de rappeler que des analogies ont été signalées entre les Hirudinées et les Péripates. Ces analogies sont d’ailleurs fort discutables. À partir de 1850 commence la série des travaux de Leydig. C’est d’abord une étude sur la Piscicola geometrica (1), étude d'anatomie et de comparaisons avec d’autres Hirudinées; puis un chapitre intitulé Hirudinéen, dans les Archives de Siebold - et Kôlliker. L’année suivante il fait l'anatomie du Branchellion et de la Pontobdelle (2); son travail porte surtout sur la re- cherche des organes segmentaires, qu’il essaye de comparer à ceux des autres Annélides. Il figure en même temps l'organe segmentaire du Tubifex rivulorum, qui n’est pas sans analogie avec celui de la Sangsue. Ce naturaliste résuma plus tard dans son Histologie comparée de l'homme el des antnaux, la plupart de ses observations, et J'aurai dans le cours de ce tra- vail l’occasion de considérer avec plus de détails son opinion sur certains points. Les organes segmentaires sont encore l’objet d’une étude de Gegenbaur (3). À ce moment les idées de Siebold et Stannius sur l'appareil aquifère avaient déjà été discutées, 1l est néces- saire d'en donner brièvement l'exposé : « Ghez les Hirudinées, disent-ils (4), on peut regarder comme des branchies internes (1) Leydig, Zur Anatomie fur Piscicola geometrica (Zeits. f. wiss. Zoolo- gie, B. 1, 1849). (2) Leydig, Anatomie von Branchellion und Pontobdella. (Zeits. f. wiss. Zoologie, 1850). : (3) Gegenbaur, Ueber die Schleifencanäle der Hirudineen, 1855. (4) Siebold et Stannius, Anatomie comparée. 10 REMY SAINT-LOUP. ou comme des vaisseaux aquifères les Canaux particuliers qui existent dans la cavité abdominale. Les Sanguisuga. possè- dent dix-sept paires de ces organes. L’organe rubaniforme de ces Annélides n’est pas du reste un canal simple, mais un amas formé par un grand nombre de canaux incolores entor- tillés et anastomosés fréquemment entre eux, mais ne présen- tant aucune trace d’un épithélium cihiaire: D’après ce qu’en dit Dugès, je serais disposé à croire que ce réseau est formé par des vaisseaux sanguins vides par moments. Dans ce cas les véritables vaisseaux aquifères seraient probablement enfouis dans ce réseau vasculaire, duquel l’absence d'un épithélium ciliaire le rendrait très difficile à distingner. » Plus tard, Gegenbaur (1) reprend les essais de comparaison et enrichit la science de quelques documents nouveaux. Pres- que en même temps, une découverte de grande importance est faite par Faivre (2), qui signale, en 1855, l’existence du stomato-gastrique de la Sangsue médicinale. Des préparations délicates lui permettent d'examiner les dispositions de cet appareil et les caractères histologiques des éléments nerveux qui le constituent. C’est d’ailleurs le seul auteur qui ait traité ce sujet. Ge système nerveux peut être constaté par l’examen des parois intestinales convenablement préparées et dégagées de toutes particules de matières alimentaires. Il consiste en réseaux très complexes et en cordons nerveux, qui s'étendent sur toute la surface de l'estomac multilobé, spécialement sur la face ventrale. Les autres organes n’en présentent pas de traces. Les éléments de ce système ne présentent aucune dif- férence essentielle avec ceux du système ganglionnaire. Ces tubes nerveux naissent par deux ou par quatre d’une cellule et se terminent, tantôt dans une autre cellule, tantôt, par ana: stomose, dans un autre tube. Plusieurs fois, Faivre a vu ces (1) Gegenbaur, Üebér die Schleifencandle der Hirudineen, 1855. (2) Faivre; Observations histologiques sui le grand sympathique de la Sangsue médicinale (Ann. des sc. nat., 4° série, 1855). Faivre, Études sur l’histologie comparéé de quelques Annélides (Ann. des sc. nat., 4° série, 1856). ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES, 11 tubes en communication avec les faisceaux nerveux de la vie animale. Faivre (1) s’occupa, en 1857, du système nerveux de la Sangsue, mais à un autre point de vue. Il fit, avec Leconte, une série d'expériences sur la constitution chimique des élé- ments et des tissus nerveux. Il distingue, suivant la puissance de leurs actions, les réactifs qu’il employa en réactifs histolo- giques et réactifs chimiques. Quelques-uns donnent des résul- tats dont la connaissance peut être utile pour l’étude des élé- ments du système nerveux. Ces éléments constituants semblent n'être pas tous de même composition et jouissent de propriétés distinctes. C’est ainsi que l’hypochlorite de soude dissout les connectifs et les nerfs latéraux sans détruire les ganglions. La liqueur d’étain dissout le névrilème en laissant intacte la ma- tière granuleuse. L’acide chlorhydrique fumant à 100 degrés : dissout également le névrilème et les enveloppes en donnant une liqueur violette, tandis que la matière granuleuse ne se dissout pas et reste colorée en jaune. Pour l’histologie, les réactifs les plus précieux sont : l'acide acélique, l'acide arsénieux, l’acide chromique, l’azotate d’ura- nium, le permanganate de potasse, Piodure de potassium et le bichlüparé de mercure. Leydig fournit les résultats de nouvelles recherches en 1860 (2) et en 1864 (3). Dans cet intervalle paraît une monographie (4) de la Sang- sue médicinale dont il m'a été impossible de me procurer un exemplaire. Les résultats de ce travail ne présentaient pas sans doute d'intérêt nouveau, car iln’en est guère fait mention dans les ouvrages plus récents. Une note intéressante de M. Robin (5) paraît, en 1861, (4) Faivre et Leconte, Étude sur la constitution chimique des éléments des tissus nerveux de la Sangsue médicinale (Arch. générales de médecine, 1857). Er Leydig, Archiv. fur Andtomié und Phisiologie, 1860; et Handbuch der Vergleichenden Anatomie, 1864. (4) Ébrard, Nouvelle Monographie de là Sangsue médicinale. (6) Robin, Sur les Spermatophores de quelques Hirudinées (Gomptes ren: 12 REMY SAINT-LOUP. dans les Comptes rendus de l’Académie des sciences, Il s’agit de l’étude des Spermatophores, et je crois devoir signaler quelques-unes des remarques faites par cet éminent histo- logiste. Les Spermatophores ou corps libres, ayant une struc- ture particulière, composés d’une matière blanche senn- liquide formée presque exclusivement de spermatozoïdes, ont été découverts par M. Robin chez les Néphélis. L’enveloppe extérieure de ces masses offre des dispositions très variées d’une espèce à l’autre. Les Spermatophores se rencontrent (1) au nombre de deux ou de quatre superposés et contigus au fond de la portion effilée de chacun des tubes ovariens. Ils sont semblables à ce qu'ils étaient dans l’organe mâle. Leur volume est devenu un peu plus considérable toutefois, et leur enveloppe un peu plus épaisse. Il existe en outre deux à quatre corps analogues, mais vermiformes. Ils constituent de, véri- tables ovo-spermatophores. C’est au sein de ces amas de matière fécondante, entourés chacun d’une tunique spéciale, que naissent et se développent les ovules. M. Robin semble indiquer que les œufs apparaissent dans les Spermatophores; 1l y a là une regrettable confusion. « Dans chaque Spermatophore, on en voit (des ovules) à toutes les périodes de leur accroissement, depuis les plus petits ne faisant qu'apparaître, etc... » Les belles recherches de Gratiolet (2) sur l'appareil cireula- toire des Hirudinées forment un ouvrage de deux parties : la première, résumant rapidement les connaissances alors ac- quises sur l’organisation de la Sangsue ; la seconde, traitant spécialement du système circulatoire. Dans la première partie, des considérations sur T forme générale-et l’aspect du corps conduisent l’auteur à cette inté- ressante conclusion : « ILest probable qu'aux deux extrémités dus, 1861, et Ann. des sc. nat.). — Ratke et Leuckart, Beiir age zur Entwickel- ungsgeschicht der Hirudineen. (1) Robin, loc. cit. (Comptes rendus, p. 283). (2) Gratiolet, Système vasculaire des Sangsues. Thèse de doctorat, 1862. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 15 du corps de l’animal les segments du corps, c’est-à-dire les zoonites, se confondent, deviennent moins distincts. » Ce fait semblerait indiquer que le ganglion pédieux du cercle œsophagien et le dernier ganglion de la chaîne pour- raient, à la rigueur, résulter de la condensation de plusieurs ganglions segmentaires, ainsi que cela a lieu pour le ganglion sous-æsophagien des Hélices et des Limaces. » Une étude de l'intestin vient ensuite; j'aurai à en parler dans un chapitre spécial. Gratiolet relève, en traitant de l’ap- pareil reproducteur et des organes segmentaires, les erreurs de Williams (1). Dans la seconde partie, les vaisseaux principaux et leurs branches secondaires sont décrits avec soin. Les vaisseaux latéraux portent les branches latéro-abdominales au nombre de dix-huit, et qui formeut par leurs anastomoses les losanges ventraux. Gratiolet découvre les branches latéro-latérales qui, naissant des arcs sortants des vaisseaux latéraux, s’épuiseraient dans la partie moyenne du flanc de lPanimal. Les branches latéro-dorsales sont aussi constatées, mais leurs anastomoses sont imparfaitement vérifiées. Les réseaux cutanés sont consi- dérés comme formant trois couches distinctes. La couche pro- fonde est celle des réseaux variqueux qui naissent des branches que les vaisseaux latéraux envoient à la peau. Gratiolet s’op- pose à ce qu'on considère le réseau variqueux comme un sys- tème de tubes bihaires. J’ai donné relation de ses arguments en traitant de la fonction pigmentaire. Le réseau intermédiaire et le réseau cutané sont considérés à cause de leur position, et le dernier, ou réseau cutané superticiel respiratoire, est décrit pour la première fois. Gratiolet croit devoir désigner sous le nom de branches ver- ticales superficielles celles qui mettent en communication les trois réseaux. Enfin, une description de l’organe segmentaire et des vais- (1) Williams, Researches on the structure and homology of the Reproduc- lion organs of the Annelids (Philosophical Transaction. London, 1852). ANN. SC. NAT., ZOOL., OCTOBRE 1884. XVIII. LH ER ART AN 012: 14 REMY SAINT-LOUP. seaux qui le nourrissent est soigneusement donnée. Le sys- tème dorso-ventral, celui de l'intestin ou gastro-iléal, les ca- naux de la valvule spiroïde sont décrits. Les conclusions du mémoire sont résumées comme il suit : 1° Le sang oscille entre les deux réseaux respiratoires cuta- nés par un va-et-vient continuel. 2 I] circule dans les appareils mucipares, dans les glandes spermatogènes, dans les organes copulateurs et dans les ré- seaux de l'intestin gastro-iléal. 3° Les grands réseaux variqueux sont des réservoirs pour la masse du sang et font l’office d’un immense diverticulum où les courants cutanés se déversent en toute liberté, en sorte que le sens des circulations partielles dont nous avons parlé ne peut être changé. Les observations de Baudelot (1) sur la structure du sys- tème nerveux de la Clepsine paraissent en 1865. Son Mé- moire d’une admirable netteté, comme tous les ouvrages de ce naturaliste regretté, le conduit à des conclusions que j'au- rai à exposer dans un chapitre spécial. On lui a reproché la forme trop schématique de ses dessins; je n’ai pu que constater leur clarté; loin de représenter les apparences douteuses, il n’a fait que tracer hardiment les dispositions qu’il a con- statées. Les savantes discussions de M. de Quatrefages (2) contri- buërent, vers 1868, à éclaircir l’histoire des Annélides et à fournir par suite des documents à la discussion des affinités des Hirudinées. Quelques années après, M. de Quatrefages (3) présentait, dans ses études sur les types inférieurs de l’embran- chement des Annelés, ses opinions sur les affinités des Lom-— brics et des Sangsues avec d’autres Annélides. Il rappelle que (1) Baudelot, Système nerveux de la Clepsine (Comptes rendus, 1864, et Ann. des sc. nat.). (2) De Quatrefages, Note sur une brochure de M. de Claparède (Comptes rendus, LXVI, p. 113, 1868). (3) De Quatrefages, Études sur les types inférieurs de l'embranchement des Annelés (Ann. des sc. nat., t. XVIII, 1852). ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 15 ces affinités n'ont pas toujours été interprétées de a même manière. Ainsi Cuvier avait réuni les Lombrics et les Sangsues aux Annélides marines, tandis que M. de Blainville a mis les Lombrics parmi les Annélides et rejeté les Hirudinées parmi les Vers intestinaux au-dessous des Ascarides. Le système nerveux des Sangsues aurait, d’après M. de Quatrefages, et d’autres auteurs ont abondé dans son sens, beaucoup plus d’analogies avec celui des Insectes qu'avec celui des Lombrics. Il s’agit du système nerveux viscéral. M. Vaillant (1) reprend en 1870 l’étude des organes véni- taux de la Pontobdelle et fournit des dessins soignés. Mais son étude est purement anatomique, et comme les recherches histologiques n’ont pas assez nettement marqué le rôle phy- siologique des parties qu’il distingue, Pauteur croit devoir se tenir sur la réserve relativement à la dénomination de ces parties. Il parait cependant, à la lecture de cet ouvrage, que des comparaisons doivent être faites entre la disposition des organes génitaux chez certaines Hirudinées et celle de ces mêmes organes chez des Vers comme les Trématodes, où la différenciation des parties constituantes est poussée assez loin pour que les glandes variées, qui concourent à l'élaboration des éléments de reproduction, soient distinctes les unes des autres au point de vue anatomique. M. Robin (2) a écrit en 1875 un mémoire considérable sur le développement embryogénique des Hirudinées. Les phases sont décrites jour par Jour, heure par heure, et de nombreux dessins complètent le texte. La formation des globules po- laires est constatée, leur réfusion en un seul globule précé- dant l’apparition du noyau vitellin. Une accumulation de gra- nules se montre au centre de l’œufet dans cette masse apparait un point clair qui se solidifie et devient le noyau vitellin. La scission du noyau vitellin se fait ensuite et précède la segmen- (1) Vaillant, Contribution à l'étude anatomique du genre Pontobdelle (Ann. des sc. nat,, 5° série, t. XII). (2) Robin, Sur le developpement embryogénique des Hirudinees (Mémoires de l’Académie des sciences de l'Institut de France, 1875). 16 REMY SAINT-LOUP. tation du vitellus. Dans chaque moitié du vitellus segmenté apparaissent des nucléoles brillants. Un nouveau sillon de séparation commence à se montrer au point que touche Île clobule polaire. Les noyaux secondaires se divisent et leur division est suivie de celle des globules vitellins. Des globules secondaires les premiers segmentés naissent, par gemmation d’une partie de leur masse, trois des quatre premières cellules blastodermiques, c’est-à-dire trois des quatre cellules de l’ectoderme correspondant à la partie inférieure ou ventrale du corps (sic). Quand ces deux globules primitifs se sont divisés tous deux pour fournir en tout quatre globules, le quatrième, le plus petit, devient, par la segmentation de toute sa masse, les cellules de la partie dorsale du corps de l’em- bryon (portion dorsale dublastoderme). Dans les pages suivantes, Pauteur se répète au sujet des Néphélis, et montre quelques différences au sujet des Glossi- phonies. Plus loin, 1l fait cette observation importante : « Les trois gros globes vitellins restant constitueront une masse unique qui sert de soutien aux cellules qui se formeront, sans prendre part à la prolification. » Aux dépens du quatrième globule se forme lectoderme qui apparait ayant la forme d’un disque ovalaire entouré d’un bourrelet avec une saillie à chacune des extrémités opposées de son petit diamètre. En grandissant il empiète de plus en plus sur les globes vitellins, plus tard les deux bourrelets finissent par se toucher alors que le blastoderme entoure com- plètement les globes vitellins permanents. De la réunion des deux bourrelets est formé le cordon ventral. M. Robin croit que les trois globes vitellins contribuent à former l’ectoderme ; ce qui en reste ensuite donnerait le feuillet interne blasto- derme ou entoderme. Les cellules provenant du quatrième globe vitellin concourent à la constitution de l’ectoderme dorsal. | Le système nerveux fait son apparition dans Île bourrelet sous forme d’une double rangée de taches blanches rappro- chées l’une de l’autre, et pendant le même temps la soudure ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 47 des feuillets devient de plus en plus intime. L’extrémité cé- phalique s’allonge et devient un peu conique, l’autre extré- mité du cordon s’arrondit et enveloppe complètement les grosses cellules. On peut dès celte époque rompre les capsules de l'embryon qui devient piriforme. Quelques observations sont ensuite ajoutées sur l'apparition des gouttelettes oléiformes, celle des cils vibratiles, les mouve- ments de giration déjà observés par G. H. Weber (1). La forma- tion de l’ampoule céphalique ou céphalo-æsophagienne, des fibres musculaires et de l’ébauche des tubes segmentaires pri- maires est soigneusement exposée. Je renverrai au mémoire pour les détails. Bütschli (2), en 1877, publie des études emibryologiques au sujet de quelques Invertébrés, et consacre un important cha- pitre à la Néphélis vulgaire. Je n’ai pas téi à analyser cet ouvrage dont Wittman et Hoffman, qui ont traité spéciale- ment de l’embryologie des Hirudinées, ont considéré et pré- senté les résultats. Une tendance à la comparaison des diffé- rentes phases de embryon avec la gastrula schématique est nettement marquée par Bütschli; des recherches sur l'origine du système nerveux, la relation de la bouche définitive avec la bouche de la gastrula, le rôle des grosses cellules, ou cellules colossales, servent de fondement à ce travail. Au sujet du système nerveux, Bütschli s'exprime ainsi : € Rathke (3) a montré que le ganglion œsophagien supérieur de la Néphélis prend naissance de l’un des ganglions de la chaîne nerveuse ventrale. Il trouva de même, à la face inférieure de l’œso- phage (chez des embryons ayant encore la forme ovale), un eroupe remarquable de cellules étroitement unies, et rendues polyédriques, qui n'apparaissent qu’au commencement de la seconde période et sont en relations par un connecüf court, (1) Weber, Meckels Archiv., 1828, p. 580, pl. 10, fig. 15. (@) Bütschli, Entwickelungsgeschichtliche Beïträge. Zur Kenntniss des Furchungsprocesses und der Keimblätterbildung bei Nephelis vulgaris (Moqu. Tand.) dans Zeits. f. Wiss. Zool., t. XXIX, 1877. (3) Rathke, Loc. cit., p. 15. LR REMY SAINT-LOUP. mais assez large. » L'opinion contradictoire de Semper et la différence des figures publiées par Rathke avec celles de Semper sont discutées ensuite, et Bütschli termine la ques- Lion en disant : « I ne me semble pas douteux qu'il faut attri- buer la formation des ganglions dorsaux à lépaississement par bourgeonnement que l’on trouve au-dessus de la bouche, et qu'elle gagne ensuite la région inférieure de l’œsophage après que la substance ganglionnaire s’est détachée de son lieu d'origine (1). » Des ouvrages, qui, sans se rattacher directement au sujet, doivent cependant être consultés pour certains points de la connaissance des Hirudinées, sont ceux de Grube (2), de Hatscheck (3), dont je rappellerai plus loin les recherches; de Rolleston (4), qui se préoecupa des comparaisons à faire entre les globules sanguins des Annélides au point de vue de leur figure, de leur nombre relativement à la masse du sang et de la manière dont ils sont distribués dans les vaisseaux, les cavités et les lacunes. Les travaux de Ray Lankester (5), de Bourne (6), témoi- gnent d’une étude des détails qui jusque-là n'avait pas été aussi scrupuleusement entreprise. Les recherches de Ray Lankester portent sur le mode de distribution des capillaires dans les tissus du derme, l'étude des éléments épithéliaux ou cellulaires des couches tégumentaires et la comparaison de ces tissus avec ceux des Lombrics. L'auteur cherche à mon- trer que les analogies ne sont pas absolues et que, sur plu- sieurs détails de structure, des contrastes sont manifestes chez la Sangsue et le Ver de terre. J'aurai à considérer les (1) Bütschli, loc. cit., p. 248. (2) Grube, Anneliden Ausbeute, 1877. (3) Katscheck, Entwickelung der Anneliden, 1878. (4) Rolleston, The bloodcorpuscules of the Annelides. (5) Ray Lankester, Intra Epithelial capillaries in the Entegument of the Medicinal Leech. On the conneclive und vasificative Tissue of Medicinal Leech (Q. J. micr. sc., 1880). (6) A. Bourne, On the structure of the Nephridie of the Medicinal Leech (Q. J. micr. sc., 1880). ; ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 19 résultats de ces recherches et à en donner relation en trai- tant du système tégumentaire et de la fonction pigmen- taire. Le travail de Bourne, qui est une étude histologique de l’organe segmentaire ou néphridial, sera aussi analysé plus loin quand il s’agira des organes segmentaires. Les recherches de Hoffmann (1) sur le développement des Hirudinées ont été passées en revue comme aussi celles de Wittmann sur la Clepsine dans le traité d’embryologie de Balfour (2). Les critiques qui en ont été faites par le professeur anglais sont basées sur une érudition trop indiscutable pour que je me permette de ne les point admettre. Le Traité d’em- bryologie comparée résume les connaissances acquises sur la question ; j'ai trouvé inutile d'en répéter les termes. Hansen (3),en 1881 ,reconnut de quelle manière se terminent les extrémités nerveuses dans les muscles volontaires de la Sangsue médicinale. Je rendrai compte de ses recherches en traitant du système nerveux. | Pour les ouvrages qui ont paru dans ces dernières années, je renverrai au Traité d'anatomie de Carl Vogt, qui fournit même les résultats de travaux encore inédits. J’ai inscrit dans les différents chapitres de mon travail les documents fournis par ces récentes recherches. C’est ainsi que les recherches du docteur Lemoine, de M. Viguier, de M. Vignal seront présen- tées plus loin (4). Pour éviter les redites et pour rendre plus facile la lecture, j'ai placé les relations de ces travaux à mesure que les questions qu’ils intéressent se présentaient. Considérons maintenant les remarquables résultats auxquels (1) Hoffmann, Untersuchung über den Bau und Entwickelungeschichte der Hirudineen. (2) Balfour, Treatise on comparative Embryologie, 1880. (3) Hansen, Terminaisons nerveuses dans les muscles volontaires de la Sangsue (Arch. de zool. expérimentale de M. de Lacaze Duthiers, 1881). (4) Des résultats intéressants ont été fournis par MM. Poirier et de Roche- brune dans leur étude sur la Lophobdella Quatrefagesi, hirudinée aberrante que ses caractères permettent de rapprocher des Rhynchobdellidæ (Comptes rendus Acad. sc., juin 1884). 20 REMY SAINT-LOUP est amené M. Fraipont (1) dans ses recherches sur lPappareil excréteur des Trématodes et des Cestodes. « Je ne puis, dit-il, m'empêcher de faire observer que la présence d’organes seg- mentaires et de lacunes interorganiques dans lesquelles s’ou- vrent ces derniers, rend plus étroites encore les affinités déjà reconnues entre ces Platyhelminthes (Trématodes) d’une part, les Rhyncocèles et les Hirudinées de l’autre. » Il écrit un peu plus haut, après avoir décrit l'appareil excréteur d’un petit Distome qui vit enkysié dans la peau de la Rana temporaria : « Peut-être serait-il permis de rappeler à ce sujet les trois paires d'organes segmentaires que l’on trouve à lextrémité postérieure du corps de la larve des Sangsues. » Un peu plus tard, à la suite de nouvelles études, M. Frai- pont semble poursuivre cette idée : « Le fait de la mise en communication avec l'extérieur, de l'appareil urinaire, par des orifices latéraux indépendamment du Foramen caudale chez le Scolex, la tendance à la symétrie dans la répartition de ces points de communication avec lextérieur dans chaque segment chez le Botriocephalus punctatus et l'absence d’une vésicule pulsatile chez celui-ci, permet de concevoir comment un appareil excréteur, primitivement unique chez les Platodes inférieurs, pourrait se transformer chez d’autres types, tels que les Hirudinées et les Annélides, en de vrais organes segmentaires indépendants les uns des autres et se répétant identiques dans chaque segment. $ 2. — C’est surtout dans ces dernières années que les discussions importantes se sont élevées. Les progrès des con- naissances anatomiques et les premières démonstrations des faits de lembryologie non seulement dans un groupe d’In- vertébrés, mais dans la généralité des animaux, ont donné un nouvel élan à l'étude philosophique des sciences naturelles. La tendance à l'explication des phénomènes biologiques nais- sait de l'assemblage des connaissances acquises, et les zoolo- (1) Fraipont, Recherches sur l'appareil excreieur des Trématodes et des Cestodes (Arch. de zool. expériment., 1. IX, 1881). ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 91 aistes cherchaient à retirer de chaque étude partielle ou générale non seulement des consiatations, mais des con- clusions. Pour les Hirudinées les comparaisons d'anatomie et de dé- veloppement ont fait naître des opinions qui peuvent en résumé s'exprimer Comme il suit : 1° La larve de Polygordius ayant donné naissance, par le procédé appelé bourgeonnement, à une chaine d’anneaux semblables entre eux a constitué un Polygordius. La larve de Ténia ou Scolex a de même constitué un Ténia. Or une Sangsue est constituée, elle aussi, d’une chaîne d’anneaux semblables entre eux; elle est donc anatomique- ment comparable à un Ténia ou à un Polygordius. 2° Un Trématode ne présente pas de traces de cette succes- sion d’anneaux. Un Turbellarié a des traces de segmentation aussi vagues que celles qu’on peut observer chez la Clepsine. Les plus grandes analogies existent au point de vue anato- mique entre les Clepsines et les Turbellariés, des formes de passage sont telles qu’il devient difficile de déterminer si cer- tains animaux (1) sont des Turbellariés ou des Hirudinées plates. Une Clepsine est done anatomiquement comparable à un Turbellarié ou à un Trématode. Mais le Ténia a été considéré comme une colonie de Tréma- todes. On aurait donc dans un même groupe d'animaux, les (1) Par exemple, l'Amphibdella Torpedinis décrite par le D' J. Chatin, dans ses études helminthologiques, et sur laquelle le professeur Karl Vogt a attiré l'attention en faisant remarquer l’importante réduction que subit l’intes- tin, réduction qui est presque comparable à celle que présentent les Rédies. Ce fait est d'autant plus remarquable, que cet animal vit sur les branchies des Poissons, dont il suce le sang, et qu’il se nourrit par conséquent par intussus- ception et non par une simple imbibition des liquides. Ce type, dit M. Chatin, doit évidemment prendre place auprès de ces curieux Trématodes (Épibdelles, Nitschies, Capsales), si minutieusement étudiés par M. Van Beneden, et qui semblent établir le passage entre les Hirudinées et les Trématodes (Études helminthologiques. Congrès de Lille, séance du 22 août 1874). 29 REMY SAINT-LOUP. Hirudinées, des êtres d’invidualité différente, les uns (Sang- sues) devant être considérés comme des colonies des autres (Clepsines). Or, si l’'homogénéité du groupe des Hirudinées est démon- trée, s’il devient évident qu’une Sangsue et une Clepsine sont au point de vue de l’anatomie comme au point de vue embryo- logique parallèles et identiques, l’une des deux opinions exposées plus haut est certainement erronée. Si en outre on démontre que dans le groupe homogène des passages existent entre une segmentation annulaire très nette et une fusion des segments, que chez les Hirudinées la segmen- tation ne présente rien qui ressemble à un bourgeonnement, c’est la première opinion qui devra être abandonnée, et on ar- rivera peut-être à une interprétation des faits permettant d'expliquer une Sangsue autrement qu’en la considérant comme une colonie d’anneaux et un Ténia autrement que comme une colonie de Trématodes. | L'étude anatomique qui va suivre, contribuera, j'espère, à l'établissement de faits capables d'éclairer la question. Per- suadé que je suis que c’est de l’examen scrupuleux des faits et de leur groupement dans l’ordre naturel, c’est-à-dire dans l’ordre des transitions insensibles, que doit sortir la forme vraie des lois zoologiques, J'ai observé et décrit ce qui était, en me tenant en garde contre toute idée préconçue. Lorsque les assemblages de faits se sont traduits pour moi par une idée générale, je ne l’ai pas toujours exprimée, car si je suis de l’avis de Charles Bonnet, lorsqu'il dit dans la pré- face d’un de ses ouvrages « qu'un j'ai tort vaut mieux que cent répliques ingénieuses », j'estime que dans les sciences natu- relles les vues théoriques ne doivent être affirmées qu'avec grande prudence. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 93 Il REMARQUES SUR LA FORME ET LA SYMÉTRIE. $ 3. — En examinant et comparant les formes extérieures et les dispositions des parties anatomiques chez les différentes Hirudinées, j'ai eu l’occasion de faire des remarques qui m'ont présenté un certain intérêt, et qu'il m'a paru intéres- sant de réunir. La forme est certamement une des premières manifestations des actions mécaniques qui sont la cause principale et peut- être la cause unique des phénomènes biologiques fondamen- taux. L'étude des variations de cette forme est, je pense, une de celles dont les résultats peuvent conduire de la façon la plus simple à des éclaircissements. C’est pour cela que j'ai pris soin de réfléchir sur les relations de forme extérieure et de disposition intime des organes, que j'ai cherché à saisir si des lois morphologiques ne ressortiraient pas mieux de ces observations que de théories systématiques vérifiées en partie et quelquefois très rapidement généralisées. S1 ces lois existent, elles deviendront évidentes pour tous, sans qu'il soit nécessaire de les exprimer prématurément ; aussi me bornerai-je, dans les considérations qui suivent, à la simple description. Relativement aux Hirudinées, les caractères de forme aux- quels on s'était jusqu'ici arrêté étaient fournis par la répétition des anneaux ou segments en une série linéaire. La remarque première de Moquin-Tandon, en donnant naissance à la théorie des Zoonites, avait à ce point séduit et dominé les esprits, que l'attention ne se portait pas dans d’autres directions, et que l’aspect des métamères et de leur répétition servait de point de départ aux tendances à l’expli- cation des Annélides. Considérons une Pontobdelle, qui est une des Hirudimées dont la forme est la plus symétrique; elle a l'aspect d’un cy- lindre atténué en cône à ses deux extrémités, une capsule 24 REMY SAINT-LOUP. hémisphérique ou ventouse venant s’insérer par sa face con- vexe à chaque extrémité du corps. Si l’examen n'était poussé plus loin, on pourrait croire que l'animal présente une surface de révolution et imaginer qu'un axe de symétrie le traverse d'une extrémité à l’autre. Des saillies verruqueuses que présente la peau sont dispo- sées sur des cercles dont le plan est perpendiculaire à lPaxe de symétrie. Mais ces points sont aussi rangés sur des lignes allant d’une extrémité à l’autre du corps et qui seraient déter- minées par des plans passant par l’axe du corps, que j’appel- lerai plans méridiens. On peut donc considérer les saillies en séries longitudinales et en séries annulaires. Si la dissection nous fait pénétrer aux couches musculaires, nous découvrons des muscles disposés en séries longitudinales et d’autres en séries annulaires ; de même, si nous atteignons le système circulatoire, dont les troncs principaux sont longitudinaux, les ares anastomotiques étant circulaires. La même remarque s’appliquerait au tube digestif, dont les étranglements succes- sifs marquent la division métamérique, tandis que sa structure rayonnée, sur laquelle j’insisterai en traitant de l'appareil di- gestif, marque sa division longitudinale. De telle sorte que tous les organes ou éléments d’organe (1) dont l’ensemble constitue une Pontobdelle peuvent être rangés en séries annulaires ou en séries longitudimales. Si un animal tel qu'une Pontobdelle se rétractait à la façon d’une Sangsue qui, de rubanée, prend la forme d’une olive, et qu’on la compare, dans cet état, à une sphère partagée par des plans méridiens et par des plans perpendiculaires aux premiers en un certain nombre de fragments, on dirait que les éléments organiques de la Pontobdelle peuvent être considérés suivant deux directions et constituer, suivant la manière dont (1) La division qui marque la localisation de chacun des ganglions nerveux correspondant à un anneau, ne se fait, pendant le développement, qu'après que la segmentation métamérique a apparu dans la lame somatique ventrale (voy. plus loin Embryologie). On sait, d'autre part, que les testicules des Clepsines et des Néphélis ne sont pas rangés dans un ordre régulier définissable. © ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 25 on les envisage, des rangées méridiennes ou mérides, des ran- vées annulaires ou zones ou zonides. Les mêmes remarques peuvent s'appliquer à d’autres Hiru- dinées, aux Piscicoles, aux Sangsues, aux Néphélis. Chez les Clepsines, où l’aplatissement a déformé cette symé- trie première, mérides et zonides persistent cependant, et il semble que le résultat de l’aplatissement ait été précisément de rendre moins apparents les zonides, tandis que les mérides persistaient davantage. Le nombre des zonides est très variable chez les Hirudinées ; le nombre des mérides, également variable, semble cependant être un multiple de deux et de trois. Lorsqu'on étudie le développement, on remarque que le corps se constitue de trois portions principales (1), détermi- nées par les premiers phénomènes de segmentation de l’œuf, : et que J'appellerai lames somatiques. Ces trois lames soma- tiques allongées dans la direction antéro-postérieure de l’em- bryon sont adjointes et forment une enveloppe aux masses cellulaires entoplastiques. La section de leur ensemble faite dans le sens transversal montre au centre un espace triangu- laire, chaque côté du triangle correspondant à l’une des lames somatiques, chaque angle à leurs points de contact. Or, si l’on fait une coupe de l’œsophage ou de la trompe d'une Hirudinée plate, on retrouve au centre la même figure triangulaire, indiquant la forme du canal de l’œsophage et de la trompe. | L'un des côtés du triangle est ventral et correspond à la lame somatique ventrale ; les deux autres sont latéraux et correspondent aux lames somatiques latérales. Plus antérieu- rement, les deux lames somatiques latérales ont formé, par leur soudure, la lèvre supérieure de la Sangsue, de la Néphé- lis, de la Piscicole ; la lame somatique ventrale a formé la lèvre inférieure. | Des coupes faites dans la lèvre supérieure d’une Sangs ue (1) Voy. au chapitre de l’Embryologie. 26 REMY SAINT-LOUP. montrent parfaitement la présence d’un sillon médian de sépa- ration témoignant d’une double origine. Les coupes de la lèvre inférieure montrent une disposition et une origine simples ; mais la segmentation méridienne atteint les lames somatiques comme la segmentation annulaire, et produit, sur chacune d'elles, d’abord un sillon médian, puis un sillon de chaque côté de ceux-ci. À ce stade, chacune des lames somatiques est donc divisée en quatre parties qui peuvent se marquer par les saillies ou lobes de la bouche. Le nombre des saillies ou lobes de la lèvre supérieure est toujours double de celui des sallies de la lèvre inférieure. Jai vérifié l’exactitude de ce fait pour un grand nombre d'Hirudimées, et chez celles qui ont été l’ob- jet d’études exclusives, de monographies, cette manière d’être a été décrite sans que des comparaisons aient pu faire com- prendre sa généralité et son importance. Pour l’Astacobdelle, M. le docteur Lemoine (1) a signalé les sinuosités des lignes qui limitent la lèvre supérieure et la lèvre inférieure, sinuosités qui sont dues à l’existence de ma- melons caractéristiques. J’ai pu reconnaître que ces mamelons étaient au nombre de douze, dont huit pour la lèvre supé- rieure et quatre pour la lèvre inférieure. Par la ligne de segmentation méridienne, qui partage en deux parties symétriques la lame somatique ventrale, passera le plan de symétrie, si évident chez les Hirudinées sipho- niennes ou planériennes. Il est à remarquer qu'à mesure que la prédominance de ce plan s’accentue, les divisions annu- laires prennent moins d'importance, et que les divisions mé- ridiennes, marquées chez certaines Clepsines par les lignes pigmentées de la peau, subsistent davantage. Je bornerai ici ces quelques remarques sur la forme et la symétrie des parties. Îl sera utile de s’en souvenir en étudiant le développement, et de les rapprocher des faits qui seront fournis par l’étude embryologique des Hirudimées. (1) D' Lemoine, Mémoire sur l'Astacobdelle (Association sc. p. avanc. es sciences. Congrès de Reims). ARTICLE N° 2 ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 97 III SYSTÈME TÉGUMENTAIRE. $ 4. — Le système tégumentaire mérite, malgré les descrip- tions qui en ont été données dans des ouvrages antérieurs, d’être envisagé avec soin au point de vue de sa composition et des relations de ses éléments. L'étude de ces éléments et celle du processus de leur for- mation m'ont conduit à distinguer dans le système tégumen- taire trois pariles : 1° La couche protectrice ou euticule (1) ; 2° La couche immédiatement supérieure au derme qui présente des aspects variés, c’est l’épiderme; 3 La couche fondamentale ou derme, qui est un lieu d’ab- . sorptions et d’excrétions. Elle est en effet le siège principal de la fonction respiratoire, de la fonction pigmentaire et de sé- crétions spéciales, comme je me propose de le démontrer. Cuticule. — La cuticule se présente sous l’apparence d’une membrane mince, transparente, et dans laquelle se dessinent généralement, dans deux directions différentes obliques par rapport aux annulations du corps, des stries parallèles d’une grande finesse. Cette cuticule peut dans certains cas se déta- cher du corps de l’animal, soit dans les conditions normales (et le phénomène a été déerit pour la Sangsue médicinale sous le nom de mue), soit sous l’influence d'actions exté- rieures accidentelles. J'ai étudié le mode de formation de cette cuticule spéciale- ment chez l’Aulastome vorace, et j'ai pu constater son origine. On sait que les Sangsues, lorsqu'on les sort de l’eau, * ne tardent pas à se couvrir d’une couche de substance (1) La cuticule est l’épiderme décrit par Moquin Tandon. Ce qu’il appelle le pigmentum correspondrait à l’épiderme de ma description. Nous verrons d’ailleurs comment sont distribués les éléments colorants qui constituent le pigmentum, et comment ils sont répandus non seulement dans les couches tégumentaires, mais à la surface des viscères, 28 REMY SAINT-LOUP. eluante qui s'attache aux objets environnants à la manière du mucus des escargots. Lorsque cette sécrétion a lieu dans l’eau, la matière gluante se constitue en une membrane mince qui enveloppe tout le corps de lPanimal et n’est autre chose que la cuticule. On peut artificiellement en provoquer la for- mation en plongeant une Sangsue ou une Aulastome dans de l’eau altérée par des solutions de substances chimiques, et constater tous les progrès du phénomène en tuant l’animal, après une immersion plus ou moins longue, par une élévation brusque de température. Lorsqu'on examine une Aulastome tuée de la sorte, on re- marque au milieu de chaque bande annulaire, aussi bien à la face dorsale qu’à la face ventrale, un certain nombre de trous à peu près également espacés. À chacun de ces orifices on voit perler une petite goutte semi-transparente de substance mucilagineuse. En augmentant de volume, ces gouttelettes finissent par se réunir les unes aux autres et par former, comme on peut le constater sur une Aulastome dont le tra- val sécrétoire est plus avancé, un anneau mucilagineux en- tourant la bande annulaire considérée. Plus tard les différents anneaux mucilagineux ainsi formés augmentent de volume, se rapprochent par suite les uns des autres et finissent par se fusionner comme s'étaient fusionnées les premières gouttelettes. Ainsi se forme la tunique visqueuse, la cuticule, qui peut rester en contact plus ou moins intime avec la surface épidermique de l'animal, mais qui s’en dé- tache plus tard, tandis qu’une cuticule de nouvelle formation la remplace. Formation des cocons. — L'étude de cette formation rend plus imtelligible que ne l'était jusqu’à présent le mode de for- mation du cocon chez les espèces qui enferment leurs œufs dans ces enveloppes protectrices, et permettra de comprendre en même temps comment les œufs des Clepsines sont retenus sous la face ventrale de la mère pendant une partie du déve- loppement embryonnaire. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 29 Dans la région des organes de copulation chez la Sangsue, l’Aulastome, la Néphélis, et en général les Sangsues à cocons, l’activité sécrétoire rendue plus active au moment de la ponte produit à ce niveau une cuticule plus épaisse qui sera la coque ou l’enveloppe protectrice du cocon. Les œufs et le vitellus nutritif seront déposés par l’animal entre cette enve- loppe et les parois du corps, et, après la ponte, la mère sor- tant du cocon le déposera et l’abandonnera. Chez la Clepsine qui n’abandonne pas sa progéniture, la persistance des relations de la mère et des œufs n’est due qu’à une modification du phénomène précédent. C’est encore la cuticule qui protège les œufs. C’est par cette cuticule qu'ils sont, longtemps après la ponte, maintenus à la face ventrale du corps de la mère; seulement la Clepsine, au lieu de sortir de sa cuticule avant l’éclosion des jeunes, la garde sur elle, et les Clepsines de nouvelle génération déchireront ce man- teau comme les petites Sangsues ou Néphélis déchirent leur cocon au moment de la naissance. Ainsi étudié et expliqué, le phénomène, qui avait été comparé à une sorte d’incubation, devient parfaitement intelligible, et ce qui semblait une ex- ception rentre dans le mode ordinaire. Cette protection dont la mère entoure les œufs en assure lexistence, car de proches parents, les Néphélis, font volontiers leur nourriture des œufs de la Clepsine. Épiderme. — L’épiderme des Hirudinées, variable quant à ses aspects dans les différents genres, n’est pas dans la géné- ralité un tissu spécial distinct. On ne peut mieux le définir qu'en disant qu'il est une différenciation plus ou moins pro- noncée de la couche la plus externe du derme. Ses aspects varient encore avec l’âge de l'animal. Percée en un grand nombre de points, cette couche épidermique laisse passage à une multitude de petites glandes aciniformes dont la figure a été donnée assez souvent pour qu'il soit inutile d’y revenir. D’autres fois les cellules épidermiques se soudent d’une façon si intime qu'il devient impossible d’en distinguer les limites, ANN. SC. NAT., ZOOL., OCTOBRE 1884. XVIII. 16. — ART. N° 2. 30 REMY SAINT-LOUP. et que l’épiderme a l'aspect d’une couche de tissu amorphe. Cette couche correspond par sa position à celle qui, chez des Lombrics ou des Pontodriles, a été désignée sous le nom d'hypoderme par M. le professeur Edmond Perrier (1). La descripüion que l’on en pourrait faire concorde parfaitement avec celle que Claparède (2) avait donnée pour les Lom- bris : € Lorsqu'on cherche à se rendre compte de sa structure, dit M. Edmond Perrier (3), en examinant au microscope des lambeaux détachés d’un animal vivant, on n’aperçoit qu’une couche granuleuse continue dans laquelle sont parsemés de nombreux espaces clairs, que sans leur volume on prendrait pour des noyaux. » Par l'emploi de l'acide chromique faible, M. Perrier a pu se rendre compte de la véritable structure de cet hypoderme et de la régularité des cellules allongées qui le constituent. Chez les Sangsues, j'ai expérimenté la même méthode, mais sans atteindre le même résultat, et Je ne puis arriver à consi- dérer l’hypoderme comme présentant les caractères histolo- giques d’un épithélium. Chez les Sangsues, M. Ray Lankester (4) a distingué des cellules Tr de A Cette distinction est admis- sible, il suffit seulement de s'entendre sur ce que l’on consi- dère comme une glande aciniforme épidermique (5) ou comme (1) Ed. Perrier, Arch. de Zool. exp., t. IX, 1881, p. 180-182, pl. 15, fig. 48. (2) Claparède, Histologische Untersuchung über Regenwürmer (Zeits. für wiss. Zool., t. XIX, 1869). (3) Ed. Perrier, loc. cit., p. 180. (4) Ray Lankester, Observation of the Microscopic Anatomie of the Medi- cinal Leech (Zoot. Anz., B. IE, p. 85). (5) Ray Lankester, loc. cit., n'admet pas l’identité de structure de lépi- derme des Sangsues avec celui des Vers de terre. Les cellules qui le constituent chez les Sangsues auraient la forme de colonnes de dimensions égales, d’où le nom d'épithélium columellaire. Cependant un petit nombre de cellules épi- dermiques s’élargissent en forme de glandes qui débouchent à l’extérieur par un petit canal. Ces cellules glandullaires sont considérées par l’auteur anglais comme étant de deux catégories distinctes, suivant qu’elles occupent la région superficielle ou la région profonde. D'ailleurs, M. Ray Lankester avoue qu’il n’a ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 931 une cellule columellaire épithéliale. Établir les caractères qui distinguent les unes des autres est un problème qui n’a pas été résolu par mes recherches. Il m'a semblé, au con- traire, que toutes les gradations pouvaient se présenter aux différents âges d’un même animal ou d'animaux très voisins, entre les aspects définis sous les noms d’épithélium tabulaire, épithélium columellaire, épithélium glandulaire, et qu’on ne devait considérer toutes ces formes que comme des modifica- tions de tissus d’un rôle physiologique identique servant d’or- gane de protection et de sécrétion. Cette sécrétion est spéciale, elle sert à lubrifier les parois du corps de l’animal. L’'épiderme est immédiatement en contact avec les capil- laires sanguins respiratoires et présente des granulations pigmentaires. Chez les Pontobdelles (1), l'accumulation en certains points de lamelles épithéliales détermine la formation des saillies caractéristiques de ces Hirudinées, saillies qui correspondent à des amas glandulaires du derme, dont j'aurai à parler plus loin. pas spécialement étudié ces cellules, qui sont du ressort des physiologistes. Je maintiens que la distinction que l’on peut faire de ces différentes formes cel- lulaires est purement artificielle, il me semble très probable que les différences d'aspect ne doivent être attribuées qu’au degré d'évolution ou de maturité de la cellule. Les réactifs histologiques ne permettent pas de les distinguer. (1) M. Vaillant, dans son travail sur la Pontobdelle, reconnaît que l’usage des mamelons ou saillies verruqueuses n’a pas été interprété d’une façon satisfaisante. L'hypothèse de Bibiena (De Hirudine sermones quinque) qui en faisait des organes de locomotion, doit être rejetée. On peut aussi croire, dit M. Vaillant (Anatomie du genre Pontobdelle, in Ann. des sc. nat., 5° série, t. XIII, 1870, p. 7), qu'ils ont pour action, en augmentant la surface cutanée, d'aider à la respiration; ce serait là, en quelque sorte, une dégradation de l'appareil branchial des Branchellions. Rien ne permet de justifier cette opinion, ni dans la disposition des saïllies du corps, ni dans leur aspect histo- logique. Les branchies des Branchellions doivent être considérées comme dues à une modification de l’appareil circulatoire, en relation avec une différencia- tion très prononcée des tissus marginaux du corps. Voy. planche 13, figure 7 et fig. 10, où j'ai représenté la coupe d’un Branchellion au niveau de la base des branchies, et le grossissement de cette base de la branchie. On peut recon- naître, sur les coupes de Néphélis, qu’il y a comme une tendance des marges droite et gauche du corps à se différencier de la masse genérale. 32 REMY SAINT-LOUP. Chez certaines Glepsines (1) les saillies dorsales, rangées en lignes méridiennes, qui sont caractéristiques de quelques espèces, sont fournies de la même façon. Derme (2). — Le derme est constitué d’un tissu fondamen- tal amorphe ayant l’aspect de substance protoplasmique sans structure formant une couche d'importance variable, et dont la masse renferme des éléments histologiques appartenant à divers systèmes d'organes. Des éléments glandulaires, représentés quelquefois par de simples vacuoles, y sont en grand nombre, des cellules glan- dulaires caractérisées par la présence d’une membrane propre s’y montrent tantôt dans des dispositions régulières, tantôt sans ordre. Aux points marqués à l’extérieur par des saillies, ces éléments glandulaires sont en grand nombre et étroite- ment serrés les uns contre les autres. Ceci est surtout évident à l'examen des coupes de la peau des Pontobdelles. Il en est de même pour les saillies dorsales des Clepsines. Déterminer le rôle physiologique de ces glandes est une entreprise impos- sible à réaliser quand on ne peut expérimenter sur des ani- maux vivants. Je n’ai pu constituer d'expériences me donnant une démonstration satisfaisante, et j’ai trouvé inutile d’expri- mer des opinions qui ne pouvaient être qu'hypothétiques. On peut se prononcer plus hardiment lorsqu'il s’agit des petites sphérules jaunes dispersées dans le derme des Clepsines et des granulations brunes plus ou moins foncées que l’on ren- (1) Chez la Clepsine bioculata, conservée dans l’acide chromique faible, les monticules ou saillies dorsales sont très apparentes. Elles forment six rangées longitudinales à la face dorsale de l'animal. Les monticules des deux rangées médianes sont beaucoup plus considérables que ceux des rangées marginales. J’en ai compté seize dans chaque rangée. Les six monticules considérés dans le sens transversal sont placés sur une même annulation et répétés de trois en trois annulations. (2) Le derme, dit Gegenbaur, est une couche simple protoplasmique conte- nant des noyaux isolés et des cellules pigmentaires. Il est bordé d’un côté par la cuticule et de l’autre par les couches musculaires (Gegenbaur, Manuel dAnatomie comparée, 1874). ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 39 contre dans la même région chez d’autres Hirudinées. L’ori- oine et les rapports de ces dépôts seront étudiés dans un chapitre spécial, et je me borne ici à constater la généralité de leur existence dans le groupe des Hirudinées. Chez toutes les Sangsues, le derme est riche en vaisseaux capillaires qui forment dans son épaisseur des réseaux à mailles régulières, extrêmement élégants chez les jeunes Néphélis. Ces dispo- sitions n’ont pas échappé à Gratiolet et Ray Lankester les a spécialement étudiées. Des filets nerveux viennent se perdre dans le derme, l’étude de leurs terminaisons appartient à l’histologie spéciale du système nerveux. Ce qui m'a paru le plus remarquable, c’est la continuité de substance de la matière protoplasmique fondamentale du derme avec les tissus des organes voisins. L'idée trop généra- lement répandue que les organes sont constitués d’assem- blages d'éléments cellulaires est en opposition avec la réalité de lPexistence de protoplasma amorphe, qui se différencie avec plus ou moins de rapidité pendant le développement et dontil reste des portions chez des animaux adultes. M, de Quatre- fages s’est déjà élevé contre l'emploi du mot cellule dans les descriptions où la matière vivante n’est pas différenciée en éléments pourvus d’une membrane d’enveloppe, et c’est sur- tout lorsqu'il s’agit de l’étude des phénomènes embryogé- niques que linexactitude du terme entraine l’inexactitude de l’idée. Si J'insiste sur ces points, c’est que je crois de toute nécessité de ne point se laisser guider par les enseignements généraux fournis par la connaissance des animaux supé- rieurs lorsqu'il s’agit de la structure d’invertébrés inférieurs. IV SYSTÈME MUSCULAIRE. $ 9.— Le système musculaire est constitué d'éléments ana- tomiques dont les caractères histologiques variables permet- tent de les ranger en trois catégories. On rencontre en effet des 34 REMY SAINT-LOUP. tubes musculaires, des muscles plats et des éléments mus- culaires spéciaux aux vaisseaux latéraux et aux organes géni- taux, dans certains types. Les tubes musculaires dont la description a été donnée par Leydig (1) dans son Traité d’histologie sont constitués d’une enveloppe enfermant une masse protoplasmique fusiforme au milieu de laquelle existe un noyau pourvu d’un nucléole. Les coupes transversales de ces tubes montrent la striation longi- tudinale de l'enveloppe (2). Je n’ai pas observé de granulations dans la substance protoplasmique enveloppée; la coupe d’un faisceau de ces muscles permet de reconnaître Îes noyaux de quelques-uns et montre en même temps que les tubes consti- tuants sont séparés par une substance amorphe de remplis- sage (3). Des muscles de cette nature constituent ce qu’on a appelé le système des fibres musculaires longitudinales et le système des fibres annulaires. On les rencontre encore dans les parois de l’œsophage et de la trompe, où leurs caractères de- viennent remarquables (4). L’examen des figures (5) permettra de reconnaître l'importance que prend la paroi des tubes dans (1) Leydig, Histologie comparée de l’homme et des animaux, loc. cit. (2) PL. 6, fig. 4. (3) Les tubes musculaires des Sangsues n’ont d’analogie avec aucune forme des éléments musculaires des Lombriciens, si l’on en juge par la description de M. Ed. Perrier (Organisation des Lombriciens terrestres, loc. cit., p. 184-187). (4) Les muscles tubulaires sont formés d’une masse centrale très finement granuleuse, contenant des noyaux pourvus d’un nucléole brillant. Cette masse est entourée d’une écorce de substance plus dense et plus résistante, présen- tant des striations longitudinales et constituant un tube fusiforme. Dans les préparations obtenues après la coupe transversale des muscles durcis dans l'alcool et traités ensuite par le picrocarminate ou simplement par l’acide picrique, on aperçoit un anneau correspondant au tube musculaire, marqué de ponctuations rayonnantes, et, au centre, la masse protoplasmique granuleuse pourvue ou non de noyau suivant la portion du tube que la coupe intéresse. Leydig (Histologie comparée de l’homme et des animaux) pense que cette disposition rappelle celle des muscles des embryons de Vertébrés. La diffé- rence de direction des stries, qui sont transversales chez ces embryons de Vertébrés, constitue, ce me semble, une distinction assez essentielle pour qu'on ne se hâte pas de faire ce rapprochement. (5) PI. 6, fig. 6, 7 et 4. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 39 l’épaisseur de l’œsophage, et l'élégance de leurs dispositions régulières. Je n’insisterai pas sur la description déjà souvent donnée de la charpente musculaire, me bornant à remarquer la disposition importante généralement négligée des fais- ceaux qui relient la paroi ventrale à la paroi dorsale (1). Il existe en effet aussi bien chez les Sangsues, les Aulastomes et les Néphélis que chez les Glepsines, des faisceaux verticaux. Sur une coupe, on voit ces faisceaux qui forment des cordons dans l'intervalle des viscères épanouir leurs éléments en éven- tail dans le voisinage des faces ventrales et dorsales. Ces éléments, à mesure qu'ils se rapprochent de la région des muscles circulaires, changent d'aspect pour devenir plus ténus et plus fibrillaires, de telle sorte qu'il devient impossible de les distinguer de ce qu’on a appelé fibres conjonctives et de ce qu'on entend par fibres musculaires. Dans la ventouse pos- : térieure il n'existe que des éléments musculaires de cette sorte, les tubes s’étant ainsi modifiés. Dans la ventouse antérieure de la Pontobdelle qui présente une musculature puissante, les élé- ments apparaissent sous les deux aspects que je viens de si- gnaler. Il convient de rattacher à l’étude du système musculaire quelques remarques sur les organes de fixation ou ventouses, et sur l’appareil d’incision de la Sangsue. Chez la Pontobdelle (2) la ventouse orale en forme de cupule présente deux régions, une région antérieure formée d’un an- neau de tissu amorphe protégé seulement par l’épiderme et parcouru par les extrémités de filets nerveux. Cet anneau est sans doute destiné à rendre plus intime l’adhérence de la ven- touse au corps des poissons qui portent ces Hirudinées para- sites. La région postérieure très puissamment muselée, d’une manière que l’examen des figures (3) fera mieux comprendre qu'une longue description, est renforcée encore par un anneau musculaire externe qui aide à sa constriction. Un tel appareil (1) PL 9, fig. 7 et pl. 13, fig. 7. (2) PI. 6, fig. 9. (3) PI. 6, fig. 9 et fig. 3. 30 REMY SAINT-LOUP. mérite parfaitement chez la Pontobdelle le nom de ven- Louse. Chez la Piscicole (1) lappareil antérieur de fixation est moins puissant, la cupule moins profonde et plus aplatie. Au lieu d’être comme chez la Pontobdelle dirigée suivant laxe longitudinal du corps, elle est tournée vers la face ventrale. Cette forme est intermédiaire entre celle que nous avons re- marquée plus haut et celle que présentera la bouche de la Sangsue ou de l’Aulastome. Deux lèvres forment en effet chez ces dernières le bord de ouverture buccale. L’une supérieure plus grande, Pautre inférieure ou ventrale plus petite présen- tent des caractères de structure qui ont été signalés dans un chapitre précédent. La ventouse postérieure offre des carac- tères de forme plus constants. Des publications récentes ont dis- euté la manière dont la Sangsue appliquait ses ventouses pour se fixer. J'ai toujours reconnu, et je regrette de venir à l'encontre de l'opinion de M. Carlet, que la Sangsue contractait sa ven- touse de façon à rendre convexe la face inférieure de cette ventouse et à mettre tout d’abord en contact avec son support la partie centrale de l’organe de fixation (2). Les muscles qui servent aux mouvements des mâchoires de la Sangsue s’insèrent sur les parois du corps comme ceux qui rayonnent autour de l’œsophage. La structure de ces instru- ments d’incision est telle, qu'il semblerait plus naturel de les comparer à des langues pourvues de saillies ou dents qu’à des mâchoires et qu’il conviendrait de rejeter une expression in- exacte à tous les points de vue. Il y a de l’analogie entre l’ap- pareil d’incision de la Sangsue et un système de trois langues (API 6 Mie ar (2) J'ai observé la marche des Sangsues dans des bocaux de verre très mince et très transparent. Îl est vrai que les Sangsues se servent du bord libre de leurs ventouses comme d’un organe de tact et pour choisir le point où elles s’attacheront; mais une fois ce point choisi, elles renflent la ventouse pour la rendre convexe avant d’en appliquer ja portion centrale. Les expériences de M. Carlet, où les animaux étaient mis en présence de cartons enduits de noir de fumée, pouvaient donner des résultats différents de ceux qui sont AUTRE par lPexamen de ces animaux dans les co nditions normaes. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 37 non seulement relativement à la structure (1), mais encore au point de vue des rapports anatomiques, et du mécanisme de leur action. La Sangsue ne mord pas, elle lèche, et les lan- ques déchirent à la manière d’une râpe; la langue porte ce qu’on pourrait appeler une radula. Sans insister davantage sur les rapprochements qui pour- raient être faits entre les radulas des Mollusques et les saillies dentaires des Hirudinées, je rappellerai qu’il existe chez les Branchiobdelles une soudure des pièces incisives qui en réduit le nombre à deux, l’une plus grande étant supérieure, Pautre plus petite inférieure. Muscles plats. — Il existe, dans la gaine de la trompe des Clepsines, des éléments contractiles ayant laspect de rubans étroits, présentant les réactions histologiques des tissus mus-. culaires et dont la substance ne présente ni striations, ni gra- nulations. Ces rubans musculaires (2) peuvent se diviser et se ramifier de manière à occuper une plus grande surface, et les rameaux grêles ainsi formés ont la même apparence que les fibres conjonctives ou musculaires. Ces fibres museulaires se retrouvent en grande quantité dans les vaisseaux latéraux et dans les parties contractiles des organes génitaux. Toutefois leur groupement n’y forme pas de bandes ruban- nées, mais des faisceaux où l’on distingue les fibres consti- tuantes. [l m'a semblé impossible de ne pas comparer à ces fibres musculaires les cordons grêles qui accompagnent la gaine nerveuse chez la Pontobdelle, au lieu d'établir à ce sujet une distinction basée sur l’histologie. Gette distinction inutile d’ailleurs n’aurait d'autre conséquence que de charger la ter- minologie, déja bien assez complète, des descriptions anato- miques. Des caractères permettant lorsqu'il s’agit d'animaux supérieurs de ne pas confondre des éléments définitivement différenciés, existent moins réellement chez certains Inverté- brés, et vouloir retrouver des fibres musculaires distinctes des (1) PL. 6, fig. 5. (2) PL. 6, fig. 10. 38 REMY SAINT-LOUP. fibres conjonctives, chercher un système de substance con- tractile exclusivement limité à des éléments de forme donnée, c'est soumettre encore l’observation à l’idée préconçue. En suivant la marche des transformations de la substance plas- tique pendant le développement, on comprend mieux l'identité de constitution et quelquefois de fonctions, des parties qui chez l'adulte présentent des formes différentes. Si l’on se sou- vient qu’un muscle est d’abord un filament contractile de pro- toplasma, que peu à peu il se transforme et s'organise par des procédés variables, on ne sera pas étonné de retrouver les caractères histologiques et quelque chose de la fonction des muscles à des tissus d’aspects variés. S 6. Formations spéciales. — On à considéré comme de- vant être rangés parmi les tissus musculaires les éléments cel- lulaires de forme remarquable qui entourent d’un revêtement continu les vaisseaux latéraux des Sangsues. Leydig (1) les a figurés et décrits avec soin. J’en ai donné le dessin en mon- trant en même temps que ces formations soi-disant muscu- laires se trouvent seulement sur les vaisseaux latéraux et ne se continuent pas sur les troncs vasculaires qui en émergent (2). Ils sont formés d’une partie centrale granuleuse et d’un étui plus dense transparent qui ne présente aucune trace de stria- tions. Il existe, comme j'ai pu le reconnaitre, à la surface de l’ap- pareil génital mâle de la Néphélis (3), au niveau des chambres à spermatophores, des cellules de même aspect. Il est difficile de rien préjuger de leurs fonctions physiologiques, et, comme leurs caractères histologiques sont fort différents de ceux que l’on est habitué à reconnaître dans les museles, je ne me ran- gerais à l'opinion qui considère les cellules des vaisseaux laté- raux et celles de l’appareil mâle de la Néphélis comme des formations musculaires qu’avec la plus grande défiance. D’autres tissus ont attiré mon attention et méritent d’être (1) Leydig, Histologie, loc. cit. (2) PL. 9, fig. 5. (3) PL. 9, fig. 8. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 39 étudiés. Des coupes successives transversales, exécutées dans le corps de la Néphélis de grande taille du plateau central, ont présenté entre la chaine nerveuse et le tube digestif un tissu spécial de nature inconnue et qui formait, à en juger par l’exa- men d’un grand nombre de sections, un cordon continu de substance nettement différenciée des tissus voisins. Les rapports, la forme et l'aspect histologique de cet organe méritent d'attirer l'attention. Il est nécessaire aussi de n’ac- cepter les comparaisons qu’on pourrait faire entre sa disposi- tion et celle d’une corde dorsale qu'après avoir demandé à l’embryologie des renseignements positifs. Dans la région céphalique de la Sangsue médicinale, au niveau du collier nerveux œsophagien existent trois petites lames de substance particulière dont l’arrangement est dé- montré dans une coupe par le dessin que j’en ai pris. Ces formations sont-elles l'indice rudimentaire d’organes de protection pour les masses nerveuses de la région céphalique ? Il ne m'est pas permis de l’affirmer, cependant je ne suis pas éloigné de considérer comme possible l’existence d’une corde dorsale et de rudiments squelettiques chez une Hirudinée. y APPAREIL DIGESTIF. $ 7. — Le tube digestif des Hirudinées peut être considéré comme formé de quatre parties : 1° Une portion œsophagienne, qui peut se modifier en une trompe et qui ne présente jamais d'expansions latérales ; 2 Une portion stomacale, qui se distingue de la première aussi bien par sa constitution histologique que par la présence de cæcums latéraux d’une importance variable suivant les dif- férents types ; 3° Une région intestinale ou hépatique à parois glandu- leuses, richement vasculaire chez les Sanguisuqua medicinalis et Aulastome voraæ et généralement pourvue de diverticu- lums en culs-de-sac ; | 40 REMY SAINT-LOUP. 4° Une région terminale ou cloaque, souvent plus dilatée que l’intestin, presque vésiculaire et dont les parois extrêmement minces ne présentent aucune diversité de structure histolo- gique. Les différents aspects de ces régions méritent d’être exa- minés dans les types principaux. (Œsophage. — Sangsue et Aulastome. — Pour la Sangsue et l'Aulastome la description la plus minutieuse est celle de Gratiolet (1). Quatre régions sont décrites et chacune d'elles correspond à l’une de celles que j’ai moi-même distinguées et dont j'ai fait l’énumération en conservant autant que possible les termes qui permettaient les comparaisons avec d’autres animaux. Gratiolet donne à l’œsophage le nom de région stomato-pharyngienne. Je ne vois pas la nécessité d'appliquer la dénomination de pharynx à un organe qui correspond à ce que tout le monde appelle un œsophage. La deuxième portion, l'estomac, est pour Gratiolet un œsophage ; après l’œsophage serait la portion gastro-1léale. Cette nomenclature ne pourrait qu'amener des confusions en anatomie comparée et son Inexac- titude est surtout flagrante quand on examine l’origine des différentes régions dans le développement. Des dessins représentant la forme générale du tube digestif chez les Sangsues sans trompe ont été figurés par Moquin- Tandon (2), avec assez d’exactitude pour qu’il soit inutile de les figurer de nouveau et de les décrire pour chaque type ; mais il est intéressant de constater les analogies de disposition qui existent chez les différentes Hirudinées et le rapprochement (1) Gratiolet, Système vasculaire des Sangsues. Thèse, 1862, p. 13 et sui- vantes. (2) Moquin Tandon, loc. cit. Le dessin de Moquin Tandon, relatif au tube digestif, ne donne pas idée de la portion musculeuse renflée qui commence l’œsophage presque immédiatement au-dessous de la bouche. Des fibres mus- culaires rayonnantes, qui partent de toute la surface de cette portion ovale musculeuse, la relient aux parois du corps. Elle est certainement de grande importance dans le mécanisme de la succion chez la Sangsue. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 41 qui peut être fait entre les appareils digestifs au premier aspect si différents chez une Sangsue et chez une Clepsine. J'ai figuré (1) deux états successifs de l’évolution d’un tube digestif de la Nephelis vulgaris et à côté un tube digestif de Clepsine, ces trois figures m'ayant paru suffisantes pour montrer la correspondance des parties et la déformation d’un tube digestif cylindrique en tube à cæcums latéraux. Hirudinées siphoniennes. — La distinction qui à fait établir le groupe des Hirudinées siphoniennes était fondée principa- lement sur l’existence d’un organe dont les apparences variées, chez les Annélides, avaient fait considérer l’importance mor- phologique. Get organe qu’on a appelé la frompe chez les Glossiphonies n’est autre chose qu’un tube œsophagien déta- ché de la bouche proprement dite, en connexion intime avec le tube intestinal et relié aux parois du corps par de fines membranes et des attaches musculaires. Sans recourir à l'étude du développement, qui d’ailleurs confirme ces vues; l’anatomie comparée de la trompe chez les Clepsines, les Branchellions, les Pontobdelles, les Piscicoles et de l’œsophage chez les Néphélis et les Sangsues, établit suffisamment l’analogie. Si l’on examine une coupe transversale de l’œsophage d’une Néphélis (2), on constate au centre un espace triangulaire hmité par une couche de substance absolument semblable à celle qui constitue le derme. En dehors de cette couche se trouvent des fibres musculaires longitudinales fort régulièrement dis- posées en faisceaux, les sections de chacun des faisceaux occupant la place des rayons d’une roue dont l’essieu serait au centre de l’espace triangulaire. J'ai figuré à un plus fort gros- sissement le détail de ces dispositions (3), dont l’élégance est remarquable. La zone de ces faisceaux est limitée à l’exté- rieur par un anneau large de muscles circulaires. Plus en (1) PL 8, fig. 8,9 et 10. C)PING he bete. 7. (MU CAE 49 REMY SAINT-LOUP. dehors se trouvent des formations musculaires et dermiques appartenant aux parois du corps et dont j'ai donné la des- cription en parlant de lappareil musculo-tégumentaire. Si l’on examine la coupe d’une trompe de Clepsine, on pourra reconnaître une structure identique. La même figure triangu- laire existe au centre indiquant la forme du canal de la trompe, les mêmes tissus dans le même ordre entourent cette figure, la couche de muscles circulaires limitant la trompe extérieu- rement. Chez la Pontobdelle les dispositions essentielles sont les mêmes et si lon examine ce qui existe chez les Hirudinées dites aberrantes, c’est-à-dire celles dont les formes s’éloignent davantage de la, Sangsue ou de la Clepsine et dont l’histoire est peu connue, on retrouve encore la même structure. Chez la Batrachobdelle étudiée par M. Viguier (1), la section de la trompe présente la même figure triangulaire centrale. Immé- diatement autour du triangle, M. Viguier a reconnu l'existence d’un tissu spongieux qui est l’analogue de celui que J'ai com- paré au tissu fondamental du derme; puis une couche de fibres musculaires annulaires, une couche de fibres muscu- lires longitudinales entremêlées de fibres nerveuses formant des plexus, enfin des fibres circulaires limitantes. Les fibres nerveuses dont parle M. Viguier se retrouvent d’ailleurs chez les Pontobdelles et les Clepsines. Tout l’œsophage n’est pas ici transformé en trompe, la partie postérieure, c’est-à-dire celle qui est en rapport avec le tube digestif est distinguée de la trompe par M. Viguier. Cette portion est en rapport avec les glandes salivaires et sa partie terminale est caractérisée par la présence de cellules brunes particu- lières formant une masse renflée dont la constitution est très remarquable. Je ne connais rien d’analogue chez les autres Hirudinées pouvant permettre une assimilation de cette partie; j'aurai l’occasion, en parlant du foie des Hirudinées, de rap- peler cette particularité. (1) Viguier, Organisation de la Batrachobdelle, loc. cit. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 45 Il est à remarquer, au point de vue des analogies de l’œso- phage et de la trompe, que c’est, dans les différents types, la même branche vasculaire qui se distribue à l’œsophage des uns, à la trompe des autres. Estomac. — L’estomac diffère des régions précédentes autant par sa forme que par sa structure histologique. Primitivement confondu avec l’intestin qui a le même aspect que lui, 1l se différencie plus ou moins dans les genres divers, pendant l’évolution. Chez la Néphélis, qui est très instructive à cet égard, il se distingue de bonne heure de l’œsophage et de l'intestin proprement dit par la structure de ses parois. D'abord presque cylindrique, les progrès de la segmentation, qui à cette époque ont déjà déterminé la localisation et l’isolement des ganglions et des masses ganglionnaires, l’atteignent et marquent par de légers étranglements sa division en une suite de poches un peu renflées. Les lobes s’accentuent plus tard et forment des cæcums, mais n’atteignent jamais même chez l'animal adulte, de grandes dimensions. Chez l’Hirudo medicinalis les cæcums sont plus importants, mais Ja différenciation qui avait permis de distinguer nette- ment l’estomac de l’intestin est moins accentuée que chez la Néphélis, et il est difficile de séparer autrement que par des caractères histologiques la région stomacale de la région intestinale. Pour la Clepsine, les caractères des deux portions sont bien tranchés, l'estomac fournit des cæcums dont les dimensions augmentent avec la largeur du corps (1) et dont l’épanouisse- ment semble avoir été causé par l’aplatissement même du corps de l’animal. Cette idée serait justifiée par ce qu’on observe chezles Pontobdelles, où la segmentation a bien atteint le tube digestif jusqu'à déterminer la formation d’une série de cloisons incomplètes perpendiculaires à l'axe du tube, mais où des cæcums ne sont pas constitués, la forme cylindrique de l'animal n'ayant pas déterminé leur formation. (1) PL 8, fig. 10. 44 REMY SAINT-LOUP. Intestin. — L'intestin présente les mêmes modifications de forme que lPestomac, mais il s’en distingue par la structure de ses parois riches en glandes. Cette région intestinale pourrait s'appeler aussi région hépatique, car elle représente bien le foie physiologique, la portion où les réactions chimiques agissent sur les matières en digestion avant leur transformation en excréments. Cette portion est caractérisée chez PAulastome et la Sang- sue par la valvule spiroïde dont Gratiolet a décrit la riche circulation. Cette valvule spiroïde est formée d’un réseau capillaire sanguin extrêmement serré (1), et revêtu de cellules jaune brun assez semblables à celles de la funica villosa, mais autrement groupées. Elles se renouvellent en ces points avec une grande activité, les plus vieilles tombant dans la cavité de lPintestin. Chez la Pontobdelle, un tissu semblable existe, présentant les mêmes caractères ; je ne l’ai pas figuré, n'ayant eu à ma disposition que des Pontobdelles conservées dans lPalcoo! et chez qui la forme des éléments paraissait considérablement altérée. L’épithélium de la face interne de lintestin présente, chez la Clepsine, un dessin régulier, formé par des éléments polyé- driques, qui n’ont paru être la couche génératrice des élé- ments cellulaires hépatiques. Les diverticulums de l'intestin ont une direction inverse de ceux de l’estomac. Un étrangle- ment comparable à un pylore marque la limite des deux por- tions. (1) La valvule spiroïde présente les plus grandes analogies avec l’appareil typhlosolien, dont M. de Quatrefages avait remarqué l’existence chez les Lom- briciens aquatiques. Les travaux de M. Ed. Perrier ont montré que le typhlo- solis, qui existe plus ou moins caractérisé chez les Lombriciens terrestres, présente les plus grandes variations d’un genre à un autre, disparaît quelque- fois et ne doit être considéré, dans ses différents aspects, que comme exemple des modifications d’un appareil d'absorption intestinale. Nous aurons à faire la même remarque pour la valvule spiroïde dont les caractères changent dans les différents genres et dont les modifications sont en rapport avec celles de l’appa- reil circulatoire. C’est ainsi que la valvule spiroïde ou typhlosolis de l’Hirudo medicinalis etde l'Aulastome vorax, modifiée chez les Néphélis, chez les Pon- tobdelles, chez les Branchellions, n'existe plus chez les Clepsines. ARDICIE AN ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 45 La portion que j'ai désignée sous le nom de cloaque se distingue chez toutes les Hirudinées par la simplicité de ses parois, l’absence de glandes et de réseaux vasculaires impor- tants, la figure piriforme par laquelle on peut la représenter, et l’absence de toute ramification en tubes cæcaux. $ 8. Séructure rayonnée de l'intestin. — Ce qui avait le plus frappé jusqu'ici l’attention des observateurs, était la répé- tition similaire des portions du tube digestif dans chaque seg- ment. Nous avons vu que, si cette répétition est manifeste chez certaines Hirudinées, elle est fort effacée chez d’autres, et la distinction de l'appareil digestif en régions physiologi- quement séparables, entraine des différences de structure qui font prédominer la division en quatre régions principales sur la répétition métlamérique. Comme je me suis attaché à le dé- . montrer et comme le processus du développement le témoigne, la division métamérique du tube digestif n’est qu'une consé- quence de la segmentation des parties du corps où se mani- feste d’abord et normalement cette segmentation. Une autre répétition sériale des parties, qui n'avait pas été observée jusqu'ici et sur laquelle j'insiste, peut être reconnue. Je veux parler de l'existence d’une structure rayonnée du tube diges- tif, les rayons étant disposés autour d'un axe longitudinal ou antéro-postérieur. Sur une coupe de l'intestin de la Nephelis (1) gigas (Moq. Tandon), on remarque que les plis de la paroi intestinale forment des lobes réguliers et régulièrement disposés, dont le nombre variable est un multiple de 3 et de 2. C’est ainsi que dans la région stomacale antérieure quatre lobes prin- cipaux sont nettement dessinés; dans l'intervalle de ceux-ci existent deux lobes secondaires pour chaque quadrant, ce qui porte à douze le nombre total des lobes ou des rayons. Dans une portion plus postérieure, le nombre des lobes est plus considérable, mais la même disposition régulière peut être observée. (API A0, fo 11e ANN. SC. NAT., ZOOL. NOVEMBRE 1884. XVIII. 17. — ART. N° 2, 46 REMY SAINT-LOUP. Chez l'Hirudo medicinalis, j'ai obtenu, dans la région voi- sine de l’œsophage, des coupes où il existait six lobes d’égale importance. De la figure ainsi obtenue à celle du triangle correspondant à la coupe de l’œsophage, des dispositions intermédiaires permettaient d'observer que chacun des côtés du triangle œæsophagien avait fourni par sa division deux des lobes de la figure hexagonale. Jai trouvé chez les autres Hiru- dinées des dispositions semblables. Une étude plus spéciale ne ferait-elle pas saisir la loi de formation de ces lobes et ne pourrait-on pas arriver à les déterminer, comme M. de Lacaze Duthiers a déterminé celles qui président à la formation des cloisons des Actinies ? Ces observations, rapprochées de celles que j'ai inscrites au chapitre des remarques sur la forme et la symétrie des par- tes, particulièrement en ce qui concerne la structure de la bouche, présentent, je crois, quelque intérêt au point de vue des interprétations à faire sur la morphologie des Hirudinées. $ 9. Glandes annexes. — Les principales glandes annexes de lappareil digestif seront étudiées lorsqu'il s'agira de la fonction pigmentaire. Quant aux glandes dites salivaires, la dénomination qu'on leur a donnée ne résout pas suffisam- ment la question de ieur rôle. Mes recherches ne n'ont pas permis d'arriver à une conclusion. J’ai observé seulement que leurs rapports avec l’œsophage étaient des plus variables. Rares et intimement en rapport avec l’œsophage des Sang- sues, elles sont abondantes chez les Piscicoles et s'appliquent bien plus aux parois du corps qu'à celles de l’œsophage. Divers auteurs (1) ont parlé de leurs conduits de communi- calion, mais tous timidement et comme s’ils eussent souhaité que leurs observations fussent confirmées par d’autres. Je n’ai pu voir dans le tissu de l’œsophage ou de l’estomae aucune perforation indiquant l’origine d’un tube d’excrétion des glandes salivaires, malgré l’emploi de procédés d’examen (1) Voy. Ray Lankester, Q. J. micr. sc., 1880, Loc. cit. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 47 variés. Il est à remarquer que, de même que chez les Lom- bries (1), on trouve chez les Hirudinées des exemples où l’œsophage (masse pharyngienne des Lombrics) est tantôt de constitution musculaire sans que des organes glandulaires soient compris dans son tissu (2), tantôt musculaire et glan- dulaire (3), les parois comprenant dans leur épaisseur des éléments de sécrétion. Chez l’Hirudo medicinalis, où la portion renflée de l’œsophage est purement musculaire, des fibres musculaires rayonnent autour de cette masse et vont s’atta- cher aux parois du corps; c’est dans l'intervalle de ces fibres que se trouvent les cellules glandulaires. VI SYSTÈME NERVEUX. S 10. Séructure générale. — Le système nerveux est composé de deux cordons fibreux principaux s’étendant d’une extrémité à l’autre du corps et en continuité de substance à l'extrémité antérieure, de manière à former une boucie au- tour de l’œsophage. Ces cordons sont, en un certain nombre de points, en contact intime et s’épanouissent alors en trames fibrillaires. Ces points de contact, dont le nombre varie dans les différents genres, comme nous le verrons plus loin, sont en outre caractérisés par la localisation de ganglions ou de masses ganglionnaires. Les ganglions sont formés par l’ad- jonction à la trame fibreuse de groupes de cellules nerveuses unipolaires (4) qui viennent mêler aux fibres leurs prolonge- (1) Ed. Perrier, Loc. cil., pe 196. (@)P1: 10, fig. 10; pl. 1, fig. 6 et 7: (3) PI. 10, fig. 8. (4) Les cellules nerveuses constituantes sont bien des cellules nerveuses uni- polaires, comme j'ai pu m'en rendre compte en dissociant par écrasement des ganglions dans l’acide picrique. D'après M. Vignal, ces cellules nerveuses piri- formes présenteraient des stries circulaires dans la portion renflée, longitudi_ nales dans la masse fibrillaire. Je n’ai pas été assez heureux pour reconnaître ces striés, quoique j'aie pu constater l’épaississement lenticulaire de l’enveloppe cellulaire, épaississement que M. Vignal a le premier fait remarquer. 48 REMY SAINT-LOUP. ments filiformes. Les cellules unipolaires sont enfermées dans des calottes membraneuses formées par les replis de l’en- veloppe conjonctive et qui déterminent la disposition des oroupes. On aperçoit ainsi, au niveau de chaque ganglion examiné au microscope, un certain nombre de ces amas de cellules nerveuses que je désignerai, comme Baudelot (1), sous le nom de capsules nerveuses. Il y en a ordinairement six, dont deux médianes et quatre autres symétriquement dispo- sées de chaque côté des premières. Les trames fibreuses envoient, de chaque côté, des prolon- sements de même nature qu'elles et qui sont les nerfs laté- raux. Des cellules nerveuses peuvent être placées, à des dis- tances variées du ganglion, sur le trajet de ces nerfs. Entre les deux cordons connectifs principaux (2) exisle un cordon plus ténu, c’est le nerf intermédiaire de Brandt qu’on n'avait jusqu'ici constaté que chez les Sangsues et dont j'ai reconnu l'existence chez toutes les Hirudinées de genres variés qu'il m'a été permis d'examiner. Ses rapports avaient d’ail- leurs été étudiés d’une façon incomplète et sa véritable signi- fication n'avait pas été reconnue. S 11. Ganglions et amas ganglionnaires. — On peut distin- ouer, dans le système nerveux des Hirudinées, quatre parties: 1° Un cerveau, que je désignerai toujours par le nom de (1) Baudelot, Structure du système nerveux de la Clepsine (Ann. des sc. nat., à série, t. IT, 1865). (2) Je rappellerai, à propos de la disposition de ces deux cordons connectifs principaux, qu'ils sont éloignés l’un de l’autre perdant le développement et couverts de cellules nerveuses sur toute leur longueur avant la localisation des ganglions. On sait, d’après les recherches de Balfour (Proceedings of the Cambridge Philosophical Society, vol. IL, part. VI), que, chez le Peripatus capensis, les cordons nerveux ventraux, situés à une certaine distance l’un de l’autre, mais reliés par des commissures, sont couverts à la face ventrale d’une couche ganglionnaire épaisse, et qu’au niveau de chaque paire de pieds ils se dilatent en un renflement ganglionnaire petit, mais distinct. N’est-il pas curieux de remarquer les analogies de cette disposition des systèmes nerveux chez le Peripatus avec celle du système nerveux de la Sangsue dans ses différents âges? Il s’agit ici de rapprochements au point de vue du plan de structure, rapprochements qui n’entraînent pas nécessairement des rapports d° affinité. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 49 masse sus-æsophagienne, pour n'’établir, quant à présent, aucune comparaison avec ce qui avait été appelé cerveau chez d’autres Invertébrés ; 2 Un amas ganglionnaire sous-æsophagien, beaucoup plus important que le précédent autant par le nombre de ses portions constituantes que par la présence de plusieurs branches nerveuses latérales. Je désignerai cet amas ganglion- naire sous le nom de masse principale sous-æsophagienne ; 3° Une chaine de ganglions à peu près semblables entre eux et reliés par des connectifs ; 4° Un amas ganglionnaire postérieur ou de la ventouse, que j'appellerai la masse postérieure. Masse sus-æsophagienne. — La masse sus-æsophagienne est constituée, chez l’Hirudo medicinalis. de deux amas de capsules nerveuses, symétriquement disposés et contenant des cellules unipolaires. Ces amas de capsules, éloignés l’un de l’autre d’une très faible distance, enveloppent la trame fi- breuse qui se renfle légèrement en forme de fuseau à leur contact (1). Cette trame fibreuse n’est autre chose que le pro- longement des connectifs, qui, après s’être étalés dans chaque ganglion et dans la masse principale, entourent l’œsophage d’une boucle continue. Il y a donc entre les connectifs, outre les fusions provoquées par le rapprochement au niveau de chaque ganglion une continuité parfaite à l’extrémité anté- rieure, continuité manifeste à l’examen microscopique par la non interruption et la direction des fibres constituantes. Douze capsules environ composent, chez la Sangsue, chacune des moitiés de la masse sus-æsophagienne. Elles sont oroupées les unes à côté des autres et assez serrées pour être un peu déformées par pression réciproque. Chez l’Aulastome vorace, la masse sus-æsophagienne est composée de la même manière que chez l’Hirudo medicinalis ; (1) PI. 7, fig. 8: a, trame fibreuse élargie au niveau des masses sus-œ@s0- phagiennes ; b, capsules nerveuses de la masse sus-æsophagienne. 00 REMY SAINT-LOUP. je n'ai constaté de différences que dans les dimensions des capsules qui sont plus considérables. Chez la Nephelis vulgaris, la masse sus-æsophagienne est beaucoup plus réduite. Un léger renflement des connectifs l'indique à droite et à gauche, et en cette région renflée qui est beaucoup plus éloignée de la ligne médiane que chez la Sangsue, trois capsules seulement s'appliquent sur chacun des renflements (1). La trame fibreuse ou connective est beau- coup plus atténuée entre les deux portions de la masse sus- œsophagienne que dans tout le reste du collier. Il est d’ailleurs remarquable que des capsules intermédiaires sont appliquées sur les branches fibreuses du collier (2), dans l’espace qui sépare la masse sus-æsophagienne de la masse principale sous- œsophagienne. Ces capsules sont en tout semblables à celles de la région antérieure. Il semble qu’il y ait là une différencia- tion moins nette des deux masses. Les capsules nerveuses sont moins serrées les unes contre les autres que chez la Sangsue, et les dépendances de la masse principale s'étendent plus en avant sur les connectifs du collier æsophagien. La Clepsine (3) bioculata présente une distinction encore moins nette de la masse sus-œæsophagienne. Il devient difficile de la distinguer des capsules nerveuses qui sont groupées sur les connectifs de chaque côté du collier. Cette apparence de réunion de la masse anté-œæsophagienne et de la masse principale est manifeste aussi chez la Ponto- (1) PI. 7, fig. 9: &, trame fibreuse des connectifs qui s’élargissent pour pénétrer en b dans la masse sus-œæsophagienne. (2) PI. 7, fig. 9; ces capsules sont représentées en c. (3) La chaîne ganglionnaire de la Clepsine se compose d’un cerveau, d’un centre sous-œæsophagien et de vingt-deux ganglions y compris la masse posté- rieure. Le cerveau a été figuré, en 1848 (Ann. des sc. nat., 3° série, t. IV), par M. Blanchard, et des dessins de l’ensemble du système nerveux ont été donnés, en 1865, par Baudelot, loc. cit. Ce naturaliste reconnaît les six cap- sules typiques, mais il dit : « Les quatre capsules latérales semblent corres- pondre aux amas de cellules unipolaires qui existent au pourtour des gan- glions de la Sangsue médicinale; quant aux deux autres capsules, il ne me semble pas qu'il y ait, quant à présent, de comparaison possible. », J'ai montré comment cette comparaison pouvait être faite. ARTICLE N° 2, ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 51 bdella muricata, et, si elle s’accentue chez les Nephelis et les Clepsines, elle devient encore plus évidente chez le Branchel- hon (1). Le dessin de M. de Quatrefages (2) indique fort nettement des bosselures sur la masse principale et tout le long des connectfs du collier œsophagien. Gomme me l’ont démontré mes préparations, ces bosselures correspondent à des capsules identiques à celles des autres Hirudinées. Ces capsules, nom- breuses surtout sur la masse principale où il existe six cap- sules centrales et vingt-quatre capsules latérales, se répètent sur le bord externe de l’anneau œsophagien, de telle sorte qu’il n'existe aucun intervalle, représentant un connectif pro- prement dit, qui permette d'apprécier où finit la masse prin- cipale et où commence la masse sus-æsophagienne. Gette dernière n’est caractérisée que par un groupement plus consi- dérable de capsules séparées antérieurement par le sommet de la boucle connective. Dans cette portion antérieure, la trame fibreuse connective présente un étranglement qui la rend beaucoup plus ténue que dans tout le reste de l'anneau. Chez les différentes Hirudinées dont je viens de parler, l'étude comparée des dispositions de la masse sus-æsopha- gienne ne me permet pas de dire si chacune de ces moitiés est formée d’un seul ou de plusieurs ganglions, mais, ce qui me paraît certain, c’est qu’alors même que ces deux portions sont assez rapprochées pour présenter l’aspect de la masse simple qu’on a appelée cerveau, on doit les considérer comme deux groupes ganglionnaires distincts, dont une étude plus atten- tive démontre l’indépendance. Les capsules nerveuses consti- tuantes de ces groupes, lorsqu'elles ne sont pas pressées les unes contre les autres, s’échelonnent en se rapprochant de la masse principale sous-æsophagienne (3). (1) PL 8, fig. 2. (2) De Quatrefages, Système nerveux des Albiones (Ann. des sc. nat., 3e série, t. XVII, p. 332, pl. 9, 1860). (3) « L'appareil nerveux, dit M. H. Milne Edwards, présente dans ses carac- tères secondaires une multitude de variations, dont les unes dépendent d'un degré plus ou moins grand de coalescence entre les parties ou entre les élé- 02 REMY SAINT-LOUP. Masse principale sous-œsophagienne. — Chez l Hirudo medi- cinalis, la disposition des éléments de la masse principale est semblable à celle que lon peut remarquer chez la Nephelis vuigarrs. La plus grande régularité de cette disposition chez les Hirudinées de ce dernier genre, m'a déterminé à en donner d’abord la description. Si l’on considère la masse principale chez la Nephelis vul- garis (1), on peut constater une disposition des capsules des plus élégantes, qui permettra de comparer la structure de cette masse à celle d’un ganglion isolé de la chaîne nerveuse. La trame fibreuse présente à peu près la figure d’un triangle isocèle dont une base serait en contact avec l’æsophage. Les deux angles adjacents à cette base sont le point de départ des connectifs du collier; le sommet opposé est en continuité avec les connectifs de la chaîne ventrale. Une bissectrice de ce dernier angle partage la figure en deux parties semblables. À Ja face inférieure de la trame fibreuse, on aperçoit six capsules nerveuses placées, en deux rangées parallèles sem- blables, de chaque côté de la bissectrice. On peut donc consi- dérer trois groupes de deux capsules. L’un antérieur, l’autre médian, le troisième postérieur. De chaque côté du triangle, au niveau du groupe antérieur, se trouvent deux capsules latérales, et de même au niveau du groupe médian et du groupe postérieur. Je considère chacun de ces ensembles, constitués de deux capsules centrales et de deux latérales, comme comparable à l'ensemble des six capsules que l’on retrouve dans chaque ganglion de la chaîne dans une disposition semblable, et J'arrive à cette conclusion que, chez la Nephelis, le cerveau est formé de trois ganglions fusionnés, D’autres considérations ments appartenant à des zoonites ou des segments différents. » (Physiologie et anatomie comparée, t. Il, 1874-1875, p. 196). L’éminent naturaliste expri- mait en ces quelques lignes, avec l’érudition et la puissance de généralisation qui caractérisent ses œuvres, une opinion à la vérification de laquelle je suis heureux d'apporter le faible tribut de mes recherches personnelles. (1) PL 7, fig. 9; comparer avec la figure 8 de la même planche et la figure 2 de la planche 8. ARMDICHEMNO 2: ORGANISATION DES HIRUDINÉES. Sa appuient d’ailleurs cette manière de voir. Indépendamment de la disposition des branches nerveuses qui émergent de la masse principale, et dont je donnerai plus loin lindicalion, une autre remarque peut être faite au sujet de la structure de la trame fibreuse elle-même. L’entre-croisement des fibres nerveuses laisse, en effet, trois espaces libres, que l’on aper- çoit sous la forme de petits cercles clairs (1) placés sur la ligne médiane au niveau des capsules médianes. Trois trous sont ainsi visibles, l’un en avant du groupe antérieur de cap- sules, l’autre en avant du groupe moyen, le troisième en avant du groupe postérieur. Chez l’Aulastome vorace (2), l'aspect général de la masse sous-æsophagienne est un peu différent. Les capsules, d’un volume plus considérable relativement à la trame fibreuse, sont déformées par pression réciproque. Les plus centrales : sont, de même que chez la Nephelis, appliquées à la face in- férieure de la trame fibreuse. Pressées les unes contre les au- tres, elles ont passé de la forme sphérique à une forme polyé- drique, tandis que les capsules latérales sont devenues plus dorsales, la pression des unes contre les autres n'ayant pro- voqué qu’un élargissement dans le sens transversal. Comme chez la Nephelis, trois espaces clairs marquent encore la séparation des ganglions constituants, mais ici les capsules disposées sur les connectifs n’existent plus et semblent s’être groupées dans la masse sus-œæsophagienne, et peut-être aussi à la partie antérieure de la masse principale. Si je ne reprends pas ici la description de la masse princi- pale de la Clepsine, c'est que mes préparations n’ont permis de constater la grande exactitude des figures qu’en donne Baudelot (3) dans un ouvrage dont j’ai donné plus haut l’ana- lyse. Dans les autres types d'Hirudinées, la même structure caractéristique peut être observée. Chez le Branchellion et HP Fostis Sem 9kopl:8; fist et? (2) PI. 8. fig. 1. (3) Baudelot, Système nerveux de la Clepsine, loc. cit. 54 REMY SAINT-LOUP. chez la Pontobdelle, la masse sous-æsophagienne présente, comme j'ai pu m'en convaincre, la même disposition. La trame fibreuse forme cependant une figure détendue moins considérable relativement à celle de la trame des connectifs et de la portion sus-æsophagienne. Les observations qui ont été faites sur le système nerveux des Batrachobdelles (1) et des Astacobdelles (2), me permettent de considérer comme démontrée, dans le groupe des Hirudi- nées, cette constitution de la masse sous-æsophagienne aux dépens de ganglions fusionnés, souvent au nombre de trois. Ce nombre peut, par un procédé qui est en rapport avec les modifications de la masse sus-æsophagienne, devenir plus considérable. . Chaine ventrale. — La difficulté qu'on éprouve à déter- miner la séparation des masses ganglionnaires antérieures entre elles, se présente également quand il faut définir la chaîne ventrale. Chez la Sangsue médicinale, et mieux encore chez l’Aula- stome vorace, la partie postérieure de la masse principale, à peine séparée de la portion antérieure (3), présente déjà l'aspect d’un ganglion isolé; les caractères de forme et de dis- position s’accentuent encore dans le ganglion suivant, qui n’est séparé de cette partie postérieure que par de très courts con- nectfs. Dans un ganglion type, pris, par exemple, chez la Clepsine, la forme de la trame fibreuse est celle d’un losange. Deux sommets opposés du losange, le sommet antérieur et le sommet postérieur, sont en rapport avec les connectifs; des deux sommets latéraux émergent les nerfs latéraux. A la face ventrale de cette trame existent six capsules de cellules ner- veuses umipolaires. Deux de ces capsules sont médianes et (1) Organisation de la Batrachobdelle. GC. Viguier (Loc. cit., Arch. zool. exp.). (2) D' Lemoine (loc. cit., Recherches sur l’organisation de l'Astaco- bdelle). (3) PI. 8, fig. 1. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 55 placées suivant l’axe de la chaîne nerveuse, les quatre autres sont symétriquement placées de chaque côté des premières. Les capsules médianes sont presque toujours de dimensions un peu supérieures à celles des capsules latérales. Cette dis- position typique est également réalisée chez les Pontobdelles, les Branchellions, les Batrachobdelles et les Astacobdelles (1). Chez les Nephelis, les rapports de dimension des capsules varient un peu ét entraînent des changements de position dont les dessins (2) peuvent mieux rendre compte que la deserip- tion. C’est ainsi que les capsules médianes, relativement plus grandes, changent en même temps de forme. La capsule anté- rieure, large en arrière, s'atténue en avant; la capsule pos- térieure, plus considérable, se trouve située sur la trame fibreuse en arrière des capsules latérales. En même temps, les capsules latérales antérieures se sont déplacées vers l'avant, les capsules latérales postérieures sont appliquées au niveau du contact des capsules médianes. | Ces modifications deviennent plus accentuées encore chez la Sangsue médicinale et chez l’Aulastome (3), où la capsule médiane antérieure ‘a pris des contours polyédriques et se termine en pointe vers l'extrémité céphalique, tandis que la deuxième capsule médiane, devenue tout à fait postérieure, s’élargit dans le sens transversal. | La trame fibreuse s’est aussi modifiée, tout en conservant un peu de la forme losangique. Elle s’étrangle à la partie anté- rieure (4) avant de donner naissance aux connectifs, tandis que, plus largement épanouie à la partie postérieure, elle se continue sans présenter d’étranglements dans les connectifs postérieurs. Chez la Sangsue médicinale, comme chez lAula- stome, les nerfs latéraux de chaque côté sont, à peu de distance (1) MM. Poirier et de Rochebrune (Loc. cit.) ont également constaté chez les Lophobdelles deux capsules médianes et quatre latérales. (2) PI. 8, fig. 1 et 2: Ganglions de la chaîne vus par la face inférieure et par la face supérieure. (3) PI. 5, fig. 4 et 5. (4) PI. 5, fig. 5. 96 REMY SAINT-LOUP. de leurs points d'émergence, mis en rapport par l’intermé- diaire d’une cellule nerveuse bipolaire (4). Chez la Nephelis, cette cellule bipolaire est plus éloignée du point d’émergence que dans les genres précédents. Masse ganglionnaire postérieure ou de la ventouse. — N n’est peut-être pas d’'Hirudinées où le procédé de formation de la masse ganglionnaire postérieure soit plus évident que chez la Nephelis et, pour cette raison, j'en donnerai tout d’abord la description. De même que la portion antérieure de la chaîne nerveuse ne se distinguait que vaguement de la limite de la masse prin- cipale, de même ici les caractères nets du ganglion s’effacent à mesure que l’on approche de l’extrémité postérieure de la chaîne. Des quatre ganglions antérieurs de la masse posté- rieure ou de la ventouse, le premier seul présente d’une façon absolument nette les mêmes caractères qu'un ganglion de la chaîne. Les trois suivants, encore très reconnaissables, offrent un arrangement des capsules voisin de celui d’un ganglion type; les capsules médianes et latérales étant sensiblement de même volume et régulièrement disposées comme chez une Clepsine. A partir du quatrième ganglion constituant, les cap- sules se déforment et se déplacent de telle manière qu’à la partie extrême il devient impossible d'en définir l’arrange- ment. Dans cette portion extrême, le resserrement des cap- sules les rend latérales d’abord, puis les déplace de façon à les disposer à la face dorsale de la trame fibreuse. Ce déplace- ment rappelle celui que nous avons constaté dans les accumu- lations ganglionnaires de la région céphalique. Il existe, chez la Nephelis vulquris (2), vingt-quatre capsules pour les quatre ganglions antérieurs et quarante-deux pour la portion posté- rieure, ce qui permettrait de supposer que cette portion est composée de sept ganglions fusionnés ; en tout onze ganglions pour la masse nerveuse de la ventouse. Nous verrons plus loin CBS A2 EDS; fe. ve: (CID TRArRENC: ARTICLE N° ?. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 97 que cette conjecture est juslifiée par l'étude des nerfs issus de cette masse nerveuse. La même constitution peut être constatée chez les autres Hirudinées ; des variations dans le nombre des ganglions accu- mulés et dans la forme des capsules sont les seules différences à constater. Chez la Sangsue et l’Aulastome, l’extrème rapprochement des capsules et leur moindre transparence rend difficile la détermination du nombre des ganglions constituants. Je suis cependant arrivé, et ce résultat concorde avec les données fournies par l'étude des nerfs, à reconnaitre dans l’amas glo- buleux qui constitue la masse postérieure de l’Hirudo medici- nalis existence de dix-huit capsules. Chez la Pontobdella muricata (1), où la masse postérieure a une forme ovale, les capsules sont rangées d’une manière très : élégante. Une double série de capsules est appliquée symétri- quement à la face inférieure de la trame fibreuse. On en compte sept dans chaque série. À la face supérieure sont disposées assez régulièrement vingt-huit capsules. Il existe donc, chez la Pontobdelle, en tout quarante-deux capsules correspondant par conséquent à sept ganglions accumulés. Sept paires de nerfs émergent, en effet, de la masse ganglion- naire postérieure chez cette Hirudinée. Les Branchellions m'ont présenté la même structure ty- pique, mais un accident, survenu pendant la préparation du système nerveux de l'échantillon que j'avais entre les mains, m'a empêché de déterminer exactement le nombre des cap- sules. Nerfs des masses qanghonnaires antérieures. — L'étude des nerfs latéraux vient confirmer les résultats des premières con- sidérations et permet de mieux comprendre encore l’arran- sement des portions complexes du système nerveux. Chez la Sangsue médicinale, quand on fait avec soin la dissection délicate des masses ganglionnaires antérieures, on (1) PL. 8, fig. 3. D0 REMY SAINT-LOUP. obtient une préparation que l’on pourrait représenter par un dessin semblable à celui que donne Leydig (1), c’est-à-dire que certaines branches nerveuses semblent partir du cerveau et d’autres de la masse sous-æsophagienne (2). Mais, lors- qu'après avoir soigneusement isolé cet appareil, on le trans- porte sous le microscope, on se rend mieux compte de la véritable origine des nerfs. Aucun nerf céphalique ne part de la masse sus-æsopha- sienne proprement dite, mais immédiatement en arrière et de chaque connectif partent deux rameaux nerveux qui per- dent leurs ramifications dans l’œsophage, innervant sans doute les yeux et les organes sensitifs cupuliformes de Leydig. On peut suivre le trajet de ces nerfs le long des connectfs et constater qu'ils ne se confondent avec ces mêmes connectifs qu'à une petite distance en arrière de leur point d’émergence apparent. De la masse principale sous-æsophagienne partent, de chaque côté, trois paires de nerfs (3); les points d’émergence correspondant parfaitement aux divisions ganglionnaires de la masse. Les paires antérieures suivent les connectifs æsopha- giens pendant une partie de leur parcours, mais ne se confon- dent pas avec eux et se dispersent dans la région céphalique comme les deux paires suivantes. Gelles-e1, après avoir pris une direction franchement latérale, remontent ensuite anté- rieurement. Ces nerfs, sous-æsophagiens quant à leur origine, fournissent des filets aux yeux et au pharynx; les nerfs qui (1) Leydig, Loc. cit. (2) L’examen attentif que j'ai fait de ces parties m'a conduit à me ranger bien plutôt à l’opinion de M. de Quatrefages, qui dit, dans ses Études sur Les types inférieurs äe l’embranchement des Annelés : « On a décrit, comme partant du cerveau lui-même, les quatre troncs nerveux qui vont se distribuer à la ventouse antérieure, tandis qu’en réalité la paire médiane seule a cette ori- gine. Les deux nerfs latéraux partent du milieu du connectif qui est ici d’une extrême brièveté. » (Regne animal illustré, pl. 24 et pl. 10.) M. de Quatre- fages aurait sans doute reconnu la véritable origine de la paire antérieure, s’il avait eu à sa disposition les moyens de recherche que l’on connaît aujourd’hui. (3) PI. 8, fig. 1. ù ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 99 prennent leur origine près de la masse sus-æsophagienne fournissent des filets aux mâchoires. La description qui précède s'applique aussi à l'Aulastome vorace. Chez la Nephelis vulgaris, les nerfs des masses gan- glionnaires du collier présentent une disposition assez sem- blable à celle que nous avons reconnue chez la Sangsue. Trois rameaux nerveux partent de chaque côté de la trame fibreuse sous-œæsophagienne, tandis que deux autres nerfs accompa- gnent chacune des branches du connectif œsophagien et ne se séparent de lui que plus antérieurement. Chez les Pontobdelles, les nerfs de chacune des trois paires sous-æsophagiennes sortent de la trame sous forme d’un rameau unique qui ne se bifurque que dans le voisinage des ganglions latéraux accessoires ou de renforcement. Des nerfs plus antérieurs, après avoir suivi les connectifs, ne les aban- donnent qu’au niveau de la région sus-æsophagienne. Tous présentent des ganglions de renforcement. De l'étude comparée des nerfs de la région céphalique chez les différentes Hirudinées, j'ai pu conclure que, de même que tous les passages existaient entre des formations ganglion- naires cérébrales attenantes à la masse principale sous-æso- phagienne et des formations sus-æsophagiennes indépen- dantes, de même les nerfs de la région céphalique ont tantôt une origine purement sous-æsophagienne, tantôt prennent naissance à la fois sur la masse sous-æsophagienne et en des points variables des connectifs du collier. Nerfs des ganglions et de la masse postérieure. — Chacun des ganglions de la chaîne émet de chaque côté une paire de nerfs. Dans les premiers ganglions, ils se dirigent oblique- ment vers la région céphalique; dans les ganglions de la région moyenne du corps leur direction est franchement latérale ; dans ceux de la région postérieure ils prennent une direction inverse de celle qu'ils ont dans les premiers gan- glions et d’une façon d'autant plus marquée qu’on approche davantage de l'extrémité. 60 REMY SAINT-LOUP. Dans la masse postérieure, les nerfs qui sortent au niveau de chaque ganglion constituant ne sont plus bifurqués, mais chaque rameau latéral représente une paire de nerfs sem- blable à celle qui est fournie par chaque côté d’un ganglion de la chaîne. La chose paraitra plus évidente quand on aura examiné la masse postérieure chez la Nephelis vulgaris (1). Chez la Nephelis, les nerfs des ganglions de la chaine pré- sentent le même facies que chez la Sangsue. Dans la masse postérieure, le premier ganglion émet de chaque côté une paire de nerfs. Des ganglions suivants 1l ne sort qu’un rameau unique qu'il serait difficile de ne pas considérer comme repré- sentant deux rameaux soudés. Nerf intermédiaire (2). — Quant au nerf intermédiaire ou nerf médian impair, qui chez toutes ces Hirudinées court le long de la chaine nerveuse entre les deux cordons connectifs principaux et mêle dans chaque ganglion quelques-unes de ses fibres à celles de la trame (3), J'ai toute raison de penser qu’il n’est que le prolongement dans la chaine ventrale des attaches COROEMENCS Der Tr (2) Je rappellerai, au sujet du nerf intermédiaire, les remarquables résultats auxquels arrive Hubrecht à la suite de ses études sur les Némertiens. Il existe- rait, d’après cet auteur, en outre des deux cordons nerveux latéraux, un troi- sième cordon très fin qui court le long de la ligne médiane et dorsale. Chez quelques Némertiens, contre l’opinion généralement admise, existe, vers l’ex- trémité de la queue, une commissure réunissant les deux cordons latéraux et située au-dessus du tube digestif. L'innervation de la trompe se fait principale- ment à l’aide de branches qui abandonnent les ganglions dans le voisinage de la commissure cérébrale antérieure. La cavité du corps, divisée par des dissépi- inents musculaires en anneaux, montre une constitution métamérique. Ces quelques faits établissent des relations évidentes entre les Annélides et des Vers dont les affinités ont été jusqu'ici considérées comme fort difficiles à établir. (Voy. A. W. Hubrecht de Leyde, Zoo!. Anzeiger, 1875, et Arch. de Zoologie expérimentale de M. de Lacaze Duthiers.) (3) Faivre (Histologie du système nerveux, loc. cit.) a reconnu le nerf in- termédiaire dans toute la longueur de la chaîne nerveuse chez la Sangsue médi- cinale. Il rapproche du fait de son existence la présence, démontrée par New- port, d'un nerf analogue chez les Insectes et les Crustacés. Faivre indique comment le nerf intermédiaire envoie des rameaux à la trame des ganglions, mais il ne l'a pas suivi dans les masses nerveuses antérieures et postérieures. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 61 du système nerveux du grand sympathique (1). Les points de contact de ces attaches avec les connectifs du collier varient comme les points de sortie des nerfs latéraux. Tantôt le grand sympathique s'attache à la masse sous-œæsophagienne, comme chez la Sangsue médicinale, tantôt se relie à [a portion sus-œæso- phagienne, comme chez la Pontobdella muricata. Gette opinion résulte pour moi d'observations que je n’ai pas trouvées assez nombreuses pour me permettre d'affirmer, et si je l'ai provi- soirement adoptée, c'est qu'aucune autre explication du nerf intermédiaire ne m'a semblé plus acceptable. S 12. Histologue. — Keprendre l'étude de la structure purement histologique du système nerveux des Hirudinées, après les travaux d’un observateur aussi consciencieux que M. Vignal, et qui avait, en outre, pour se garantir des causes - d'erreur, la connaissance du système nerveux d’un grand nombre d'Invertébrés, ne pouvait conduire qu’à confirmer les résultats de ces travaux. Aussi n’ai-je à indiquer ici que quelques remarques d'importance secondaire. La substance qui s'échappe de la gaine nerveuse, aux points de rupture, m'a paru d’abord claire et homogène, comme le dit M. Vi- gnal, mais, lorsque je provoquais cette rupture dans une so- lution faible d'acide picrique, la substance nerveuse était fine- ment granuleuse, les granulations se trouvant rangées dans un ordre défini, en séries parallèles à la direction des connectifs. D’après la plupart des auteurs (2) qui ont traité de la question, il se trouverait, sur le trajet des nerfs latéraux, des cellules nerveuses unipolaires identiques à celles des gan- olions. M. Vignal considère ces éléments comme des parasites cellulaires. Jai pu m'assurer cependant que ces cellules pré- sentaient, après l'emploi des réactifs, les mêmes aspects que (1) Les dénominations de grand sympathique, de système nerveux de la vie organique, système stomato-gastrique, sont employées par Faivre, qui a décou- vert et décrit cette partie du système nerveux. Faivre n’avait pas reconnu les relations du stomato-gastrique avec les centres nerveux cérébroïdes ou æso- phagiens ; elles ont été démontrées depuis par Leydig. (2) Walter, Bruch, Baudelot, de Quatrefages. ANN. SC. NAT., ZOOL., NOVEMBRE 1884. XVII, 18. — ART. N° 2. 62 REMY SAINT-LOUP. les cellules nerveuses ordinaires. Chez la Pontobdelle spécia- lement, où l’on a constaté (1) ces curieuses formations appe- lées ganglions latéraux, il existe en outre, en divers points du trajet des nerfs et à l’intérieur de la gaine le long des fibres nerveuses connectives, de véritables cellules nerveuses. Il existe toutes les transitions d'assemblage permettant de passer de l’existence d’une cellule isolée sur les ramuscules d'un nerf, à celle d’un amas de ces mêmes cellules assez important pour constituer un ganglion latéral. Spécialement les nerfs issus de la masse sous-æsophagienne fournissent des exemples convaincants. Sans nier l’existence de cellules conjonctives dans la gaine, j'ai pu constater de longs faisceaux grêles présentant les carac- tères de fibres musculaires (2). Il m'a été possible d’en suivre le trajet (3) non seulement dans la gaine des connectifs, mais encore dans celle des ganglions et des nerfs latéraux chez la Pontobdelle. N'ayant pas eu l'intention de traiter d’une façon spéciale l’histologie du système nerveux (4), je bornerai là ces quelques remarques, ajoutant seulement que je suis entièrement de l'avis de M. Vignal, quand il critique les observations que certains histologistes allemands ont données du trajet des (1) De Quatrefages, loc. cit. Voy. pl. 8, fig. 6. La figure 5 montre des cel- lules nerveuses unipolaires situées sur le trajet des nerfs de l’Aulastome et comprises dans la gaine ou névrilème interne. (2) La contractilité que présentent les nerfs avait autrefois été considérée comme une propriété du tissu nerveux lui-même; Leydig (Histologie comparée de l'Homme et des Animaux) a reconnu l'existence d’une musculature spéciale dans le névrilème interne, et c’est, dit-il, surtout chez le Lombric que cette musculature s’étudie facilement. (3) PI. 8, fig. 4. (4) On connaît les recherches de Hansen (Arch. de z00l. expériment., 1881) sur les terminaisons nerveuses des nerfs de la Sangsue médicinaie. D’après cet auteur, qui a fait des recherches sur les plexus nerveux de l’es- tomac, il n’y aurait en réalité ni plexus, ni ganglions sur le trajet de ces nerfs. Les nerfs se termineraient dans les muscles par une tache triangulaire motrice, qui se confond avec les couches corticales de la fibre. (Voy. à ce pro- pos le travail de Faivre sur le stomato-gastrique, loc. cit.) J'ai étudié les terminaisons nerveuses dans la lèvre supérieure de la Néphiélis. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 63 fibres nerveuses dans l’intérieur des ganglions. Le schéma hypothétique de Bruch avait peut-être influencé la sagacité des observations de Hermann. Mes observations sur ce point m'obligent à ne point dépasser les assertions de Faivre (1) qui a étudié d’une façon spéciale et avec le plus grand soim lentre-croisement des fibres dans les ganglions. Ce qui m'a paru évident dans les préparations obtenues par l'acide osmique, qui donne de meilleurs résultats que l'acide sulfurique, c’est que des fibres du connectif de droite se mè- lent à celles du connectif de gauche et réciproquement, et que chaque nerf latéral envoie des fibres au nerf latéral et au connectif situés du même côté que lui. VII APPAREIL CIRCULATOIRE. $ 13. — Moquin-Tandon a décrit les quatre troncs longi- tudinaux de la Sangsue médicmale. Il à reconnu les anasto- Le nerf se termine par plusieurs pointes dans une petite masse de cellules ayant absolument l'aspect de cellules nerveuses. Sous chaque globule oculaire se trouve une de ces petites masses qui semble n'avoir avec l’œil que des rap- ports de contact. L’œil semble très simplement constitué d’un globule trans- parent et d’un pigmentum foncé (voy. pl. 13, fig. 1). (1) Faivre, Histologie du système nerveux de quelques Annélides (Ann. des sc. nat., 4e série, 1856, t. V et VI). Dans ce remarquable travail, l’auteur s’ex- prime ainsi (p. 21) : « Soit le tronc antérieur droit, à son entrée dans le gan- glion : on reconnaît qu'il se divise en deux groupes de fibres; nous pouvons avancer, d'accord avec Ch. Bruch, que ces deux groupes renferment des fibres ascendantes qui vont se continuer avec le connectif supérieur correspondant et des fibres transverses. Comme Bruch, nous avons poursuivi les fibres et nous avons remarqué qu'elles provenaient de cellules situées dans le côté du gan- glion opposé à l'émergence du tronc nerveux; ainsi le tronc nerveux droit offre l’origine de ces fibres du côté gauche du ganglion et vice versa, de telle sorte qu'il y a manifestement entre-croisement entre les fibres latérales des deux côtés. » C’est la conclusion la plus nette qu’il soit permis de tirer et qui ne manque pas d'un certain intérêt, si l’on se souvient que pendant la période embryonnaire les deux troncs connectifs sont complètement séparés l’un de l’autre, et que la localisation des ganglions ne se fait que.plus tard, alors que ces deux cordons sont assez rapprochés pour avoir des points de contact. 64 REMY SAINT-LOUP. moses en losange que forment dans le vaisseau ventral les branches issues des troncs latéraux, 11 a remarqué, comme Brandt (1), que le vaisseau dorsal se sépare, dans une petite portion de sa longueur, en deux branches qui se fusionnent ensuite pour se perdre à lPextrémité postérieure en plusieurs rameaux. Le vaisseau ventral fournirait, d’après sa deserip- ion, entre le huitième et le dix-neuvième ganglion, des branches dilatées, légèrement sinueuses, qu'il compare aux vésicules rouges qu’on aperçoit chez les Nephelis dans une position analogue. M. de Quatrefages, dans un grand nombre de publications et de savantes études, a étendu ses observations sur les Anné- lides (2) au groupe des Hirudinées. Des renseignements pré- cieux lui sont dus au sujet de lanatomie des Albiones et du Branchellion, et j'aurai l’occasion de les considérer avec soin en traitant du système circulatoire de ces deux genres. On doit aussi à M. de Quatrefages de fort beaux dessins de l’appa- reil circulatoire de la Sangsue. Leydig, Leuckart ont été cités dans les pages traitant de lhistorique, comme aussi M. E. Blanchard au sujet de ses travaux sur la Malacobdelle. L’anatomie la plus minutieuse qui ait été faite de l'appareil circulatoire de la Sangsue médicinale est celle de Gratiolet (3). C'est à cet ouvrage que nous devrons le plus souvent nous rap- porter pour le contrôle des descriptions. $ 14. Hirudo medicinalis, Aulastome vorace. — Quatre troncs principaux composent l'appareil circulatoire de lHi- rudo : un dorsal, un ventral et deux latéraux. Vaisseau dorsal. — Le vaisseau dorsal, surtout apparent dans la région moyenne du corps, se divise antérieurement en plusieurs branches dont quelques-unes se joignent au vaisseau ventral, les autres se perdant dans les capillaires de l’œæso- (1) Brandt, Loc. cit. (2) De Quatrefages, Mémoire sur le Branchellion (Ann. des sc. nat, t. XNIIT, 1852). (3) Gratiolet, Appareil circulatoire des Hirudinées (Ann. des sc.-nat., t. XVID. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 65 phage. À sa partie postérieure, 1l est en rapport intime avec les parois. de l'intestin et se divise en deux branches qui, d’après Gratiolet, communiquent seulement à la partie posté- rieure avec le vaisseau ventral. C’est à ces deux branches que Gratiolet (1) a donné le nom d’artères collatérales. « Ces artères collatérales naissent exclusivement des grandes arcades anastomotiques que forment au-dessus de l’intestin médian les divisions antérieures des branches latéro-dorsales corres- pondantes. En poursuivant avec attention les ramifications ultimes de ce système collatéral, on les voit se glisser dans l'épaisseur de la valvule spiroïde qui divise l'intestin dans toute sa longueur et se termine enfin dans un vaisseau qui suit d’une extrémité à l’autre le bord libre de cette valvule. » Des injections plusieurs fois répétées et avec le plus grand soin ne m'ont pas démontré ces relations. Alors que les artères collatérales étaient parfaitement remplies de la masse d’in- jection, rien ne pénétrait dans les vaisseaux de la valvule: j'obtenais, au contraire, une fort belle injection de ces der- mers vaisseaux en opérant par le canal ventral. Le système des artères collatérales est, d’après mes observations, en rela- tion directe avec le vaisseau dorsal et ne présente avec le sys- tème de la valvule spiroïde que des rapports de contact. Le système de la valvule spiroïde a des relations les plus directes avec le vaisseau ventral. Si l’on se souvient que Gratiolet se servait, pour ses recherches, de Sangsues ramollies par une longue macération (2), on comprendra que des déchirures aient pu se produire, permettant ainsi la communication avec les réseaux capillaires voisins. S'il est nécessaire d'attendre que les animaux soumis à l’expérience aient cessé de présenter l’état de contraction ou de rétraction qui suit immédiatement la mort, il ne faut pas cependant se fier aux résultats obtenus par l’étude de Sangsues prêtes à se décomposer. Cette manière de procéder a sans doute été cause des quelques erreurs de la (1) Gratiolet, loc. cit., p. 42 et 43. (2) Jbid. 66 REMY SAINT-LOUP. description de Gratiolet; j’ai mis d'autant plus de soins aux vérifications que javais une grande défiance de mes observa- tions, en présence de l’autorité d’un naturaliste de talent. Vaisseau ventral. — Le vaisseau ventral enveloppe la chaîne nerveuse à partir de la masse sous-œæsophagienne. Les parois de même nature que celles du vaisseau dorsal ne sont point parcourues, comme le voudrait Gratiolet, par de longs tubes remplis de pigment, mais en contact comme beaucoup d’autres organes de la Sangsue avec les dépôts pigmentaires caracté- ristiques de ces animaux. Au niveau de chaque ganglion, le vaisseau ventral envoie, de chaque côté, des branches vaseu- laires qui accompagnent pendant une partie de leur parcours les nerfs issus de ces ganglions et cessent de les envelopper, pour aller se perdre dans les parois de l'intestin, les parois musculaires du corps, et se joindre dans les régions extrêmes de l'animal au vaisseau dorsal. Les branches vasculaires ont été suffisamment décrites par Brandt, Dugès et Gratiolet pour qu'il soit inutile d’y revenir. Les termes employés pour en désigner les différentes portions ne m'ont pas toujours paru extrêmement justes. Si l’on peut appeler branches abdomino- dorsales des vaisseaux qui vont de labdomen au dos, rien ne permet de désigner sous le nom de branches cardio-dorsales les vaisseaux partant du canal ventral ou de ses dépendances, le vaisseau dorsal étant, comme nous le verrons par la suite, celui qui anatomiquement est le plus comparable à un vaisseau cardiaque. À l'extrémité antérieure le vaisseau ventral se relie d’une façon directe au vaisseau dorsal. Les branches de com- munication extrême suivent le collier nerveux œsophagien sans le contenir, la masse ganglionnaire nerveuse sous-æso- phagienne n’est pas contenue dans le sinus ventral. Les parois du vaisseau font à la base de cette masse un étranglement qui en marque la limite (1). À l’extrémité postérieure le vaisseau ventral forme une large dilatation qui contient la masse gan- glionnaire postérieure et donne naissance à des vaisseaux qui, (1) PI. 9, fig. 4 et 1. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉEES. 67 après avoir suivi quelque temps les nerfs de la ventouse, éta- blissent à travers les réseaux capillaires de cette région la communication avec le vaisseau dorsal. En résumé, le vaisseau ventral et le vaisseau dorsal sont en relation de continuité directe à leurs deux extrémités, sans relations au niveau de l’œsophage et de l'estomac, car le vaisseau ventral seul envoie des rameaux à ces deux por- ons du tube digestif, et enfin en relations de contact par les réseaux capillaires qu'ils fournissent tous deux à l'intestin proprement dit. Les rapports de ce système dorso-ventral avec le reste de l’appareil vasculaire, c’est-à-dire avec le sys- tème des vaisseaux latéraux, sont, comme nous le verrons, beaucoup plus vagues. Système des vaisseaux latéraux. — Le système des vaisseaux latéraux consiste en deux canaux principaux appliqués à la face ventrale du corps. Leurs communications les plus évi- dentes sont celles qu’ils présentent aux deux extrémités du corps. À l’extrémité antérieure 1ls se jettent l’un et l’autre dans un anneau vasculaire contenu dans les parois de la bouche et de même à l’extrémité postérieure dans un anneau vasculaire contenu dans les parois de la ventouse. A la face ventrale du corps ils sont en relation sur toute la longueur par les vaisseaux en losange connus déjà de Cuvier, dessinés par Moquin-Tandon, désignés par Dugès (1) sous le nom de branches latéro-abdominales, et dont Gratiolet reconnaît en- core l’existence. Ces vaisseaux en losange sont pourtant moins évidents et moins considérables que ceux qui mettent en com- munication les vaisseaux latéraux à la face dorsale du corps de la Sangsue (2). Je regrette d’être encore en désaccord avec Gratiolet (3) quand il s'exprime comme il suit : « Jamais Îles rameaux qui appartiennent aux branches latéro-dorsales (1) Dugès, Recherches sur la circulation et la reproduction des Annélides abranches (Ann. des sc. nat., p. 308, 1828). Voy. p. 913, la circulation chez la Néphélis, pl. 8. (2) PI. 9, fig. 4. (3) Gratiolet, loc. cit. 68 REMY SAINT-LOUP. situées au-devant de lintestin gastro-iléai ne s’anastomosent de droite à gauche et les deux côtés du corps demeurent à cet égard complètement indépendants. » J'ai reconnu au contraire que les branches latéro-dorsales dessinaient, à la face inférieure des couches musculo-cutanées dorsales, des losanges fort nets (1) et par lesquels s’établissait entre les vaisseaux latéraux une communication des plus évi- dentes. Les arcades anastomotiques de la région intestinale ou gastro-iléale existent, comme le dit Gratiolet. Pour consta- ter les dispositions dont je viens de parler, il est nécessaire de faire les injections après avoir ouvert la Sangsue par l’incision de la face ventrale en ne découvrant qu’une petite portion d’un vaisseau latéral. Le procédé ordinaire qui consiste à injecter après incision de la face dorsale de l’animal,sacrifie forcément les branches anastomotiques qu'il s'agissait d'étudier. Des relations directes existent donc entre les vaisseaux laté- raux comme :l en existait entre le vaisseau ventral et le vais- seau dorsal. Examinons maintenant quels sont les rapports des deux systèmes entre eux. Parmi les auteurs qui ont traité du sujet les uns ont donné des avis que mes observations ne sau- (1) Lorsque j’écrivais ces lignes, la cinquième livraison du Traité d’Anato- mie cemparée de Carl Vogt et Émile Yung n'avait pas encore paru. J'ai main- tenu ma première rédaction et J'ai été heureux de constater que j'avais reconnu, en même temps que M. Jaquet dont j'ignorais le travail, les branches dorsales qui forment les losanges dorsaux. Il m’a été impossible de retrouver les branches de communication des losanges dorsaux avec le vaisseau dorsal, malgré des expériences plusieurs fois répétées et tout en employant le procédé de ligatures indiqué par M. Jaquet. « Cette branche (Anatomie comparée ; Carl Vogt, loc. cit., p. 327) paraît se rendre non pas directement dans le vais- seau latéral, mais dans une ampoule située dans le voisinage des organes excréteurs. >» Je n’ai constaté d’ampoules que sur des branches vasculaires issues du vaisseau ventral. Il y aurait, dans les résultats annoncés par le pro- fesseur Carl Vogt, une erreur que je ne puis m'expliquer que par les lignes qu'il écrit plus loin, p. 329 : « Nous devons avouer que les injections ne réussissent pas dans tous les cas à les mettre en évidence (il s’agit des branches latéro-ventrales), et que leur parcours ne paraît pas être tout à fait identique chez chaque individu, ce qui rend leur étude fort difficile. Les descriptions données jusqu'ici par différents auteurs ne s’accordent pas entre elles, et nous n'avons pas réussi à observer la disposition d’une manière constante dans nos injections. » 1 ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 69 raient justifier, les autres se sont tenus sur la réserve. Moquin- Tandon, qui avait fait au mercure des injections assez fines pour pénétrer les capillaires les plusténus, dit que quelquefois seulement l'injection a pénétré de l’un des systèmes dans l’autre. Gratiolet a reconnu des communications entre les deux systèmes, mais seulement par l’intermédiaire de capil- laires contenus dans des organes interposés. J’ai étudié ces dispositions anatomiques spécialement chez Aulastome, que je pouvais me procurer facilement. Les imjections ont été faites sur des animaux tués par différents procédés et à des degrés variés de relâchement des tissus. Je n’ai pris en considération que les expériences plusieurs fois contrôlées. Après avoir injecté sur des individus différents les canaux latéraux des uns, lé système dorso-ventral des autres, j'ai étudié, en em- ployant des masses colorantes de deux couleurs, les rapports des deux systèmes sur un même individu. Par les vaisseaux latéraux je poussais des injections au bleu de Prusse, tandis que pour le vaisseau ventral j’employais le vermillon ; de cette manière les communications directes étaient plus évidentes et les limites des rameaux issus de chaque tronc plus nettement marquées. Je n'ai jamais obtenu d’imjections du vaisseau ven- tral par les vaisseaux latéraux, et réciproquement, les masses colorantes poussées dans le vaisseau ventral n'ont jamais passé dans les vaisseaux latéraux, alors même que je reconnais- sais, par l'examen des capillaires les plus ténus, la réussite de l'expérience. Chez l’Aulastome vorace, le système latéral et le système dorso-ventral ne communiquent en aucun point par des branches vasculaires directes et importantes. Ils n’ont de jonction que dans l’intérieur des organes par l’intermédiaire des réseaux capillaires les plus ténus. C’est ainsi qu’ils sont en relation aux deux extrémités du corps à travers les masses charnues de la tête et de la ventouse, dans toute la longueur du corps par les réseaux respiratoires, les capillaires des or- ganes segmentaires et ceux des organes génitaux. L'ensemble des réseaux du système latéral forme,pour ainsi 70 REMY SAINT-LOUP. dire, une enveloppe extérieure à l’ensemble des vaisseaux du système dorso-ventral. Les arcs principaux de communication des vaisseaux latéraux sont appliqués immédiatement sous les couches musculo-dermiques, tandis que les vaisseaux du système dorso-ventral sont en rapport de contact beaucoup plus intime avec les viscères. De plus, les vaisseaux latéraux fournissent encore les réseaux vasculaires superficiels de lin- testin, tant par les branches latéro-dorsales que par les branches latéro-ventrales. Du réseau losangique que forment ces dernières, naissent en effet des branches vasculaires qui distribuent du sang à un réseau assez régulier pénétrant l’in- testin surtout dans la dernière région (1). Tous les vaisseaux issus des canaux latéraux et qui intéressent les différents organes internes s'étalent surtout à leur surface, tandis que les vaisseaux qui émanent du système dorso-ventral pénètrent dans la profondeur des tissus. Clepsine. — La constitution du système circulatoire de la Clepsine bioculata est des plus instructifs; nous retrouvons ici deux appareils assimilables chacun à chacun au système des vaisseaux latéraux et au système dorso-ventral, mais com- plètement séparés l’un de l’autre. Le système circulatoire proprement dit, ou système dorso- ventral, consiste en un vaisseau ventral et un vaisseau dorsal réunis à leurs extrémités par des ares directs. Le système des vaisseaux latéraux consiste en deux canaux circulaires situés l’un dans la tête, l’autre dans la ventouse de l’extrémité posté- rieure ; ces deux anneaux sont reliés par deux canaux latéraux et un sinus ventral, des branches parallèles répétées dans toute la longueur du corps mettent en relation les deux sinus latéraux et le sinus médian. Les deux appareils sont complè- tement indépendants l’un de l’autre et cette organisation est un argument des plus puissants à justifier l’idée que l'étude de l’Hirudo medicinalis, de l’Aulastome vorax et de la Nephelis (1) PI. 9, fig. 8. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES, 71 vulgaris m'avaient fait concevoir, à savoir que les vaisseaux latéraux peuvent constituer un appareil parfaitement distinct de celui des vaisseaux du système dorso-ventral. Ainsi considéré, le système dorso-ventral ou circulatoire proprement dit correspond parfaitement dans ses dispositions anatomiques à celui des Annélides. Les travaux de M. Milne Edwards et de M. de Quatrefages, les nombreux dessins qu’ils ont donnés des appareils de la circulation chezles Annélides de genres différents, permettent de considérer le schéma de cet appareil comme constitué par deux anneaux, l’un antérieur, ’autre postérieur, réunis par quatre troncs longitudinaux, deux dorsaux et deux ventraux,; les vaisseaux de même nom pouvant être soudés sur une portion variable de leur étendue. Une série d’anneaux parallèles à ceux des extrémités mettent en communication les troncs longitudinaux. | Batrachobdelle. — $i je place ici ce résumé de la connais- sance que nous avons de l'appareil circulatoire, par le travail de M. C. Viguier (1) sur la Batrachobdelle, c’est uniquement pour rapprocher la description de celles qui précèdent et ne pas renvoyer aux pages de l’historique. Le vaisseau ventral et le vaisseau dorsal présentent, comme dans la règle générale, des anastomoses directes et simples for- mant des cercles plus ou moins déformés, au milieu desquels passe l’intestin. La portion cardiaque paraît plus différenciée que chez la Clepsine. Les renflements valvulaires internes se présentent comme ceux qui ont été étudiés d’une façon spé- cialé par le docteur Kupfïer, chez les Piseicoles. Leur rôle est probablement le même chez ces Hirudinées et chez les Clepsines. [ls servent, comme l’a démontré Kupffer, à la pro- duction des globules du sang. Du cœur partent six vaisseaux qui, d’après M. Viguier, se dirigent vers la partie antérieure du corps de l’animal. Plus antérieurement il existe encore une paire de vaisseaux qui se relient au vaisseau ventral. Le vais- (1) C. Viguier, loc. cit. 72 REMY SAINT-LOUP. seau dorsal aboutirait à la partie postérieure dans l'arc de jonction des sinus latéraux et se réunirait, d'autre part, au vaisseau ventral par une série de branches directes. N'y aurait-il pas, comme chez la Clepsine, un sinus veutral médian que l’on pourrait confondre avec le vaisseau ventral et qui aurait seul avec les vaisseaux ou sinus latéraux des com- munications par leurs ares postérieurs de jonction ? La Batra- chobdelle présenterait sans cela une exception aux disposi- typiques de la généralité des Hirudinées (1). Astacobdelle. — Le système vasculaire de PAstacobdelle consiste en un vaisseau dorsal et un ventral réunis par des arcs vasculaires. Le docteur Lemoine n’a figuré que les parties de cet appareil dans la région antérieure de l’animal, les relations des vaisseaux entre eux, à la partie postérieure, ayant paru moins nettes à cet observateur. Le dessin de Dorner représente d’une façon très nette cet appareil, qui rentre dans le type sénéral du système circulatoire des Annélides. Ier 11 n’y à pas de vaisseaux latéraux, mais une cavité générale qui en tient lieu. Comme chez la Pontobdelle, le vaisseau ventral longe la chaîne nerveuse sans la contenir. Quant au vaisseau dorsal, il présente une bande de substance granuleuse rappelant les formations glandulaires qui tapissent l’intestin. Gratiolet a essayé de donner une théorie de la circulation chez les Hirudinées qu'il a étudiées, mais les erreurs d’ana- tomie qui sont faciles quand il s’agit d’injections aussi déli- cates peuvent engager à de profondes méprises dans la dis- cussion des phénomènes de la circulation. Il faut done se tenir sur une grande réserve en ce qui concerne l'explication des courants sanguins dans les canaux secondaires, mais il est intéressant de constater que chez ces animaux le courant sanguin dans le système dorso-ventral est dirigé de la même manière que chez la plupart des Annélides, que le vaisseau (1) Je ne fais cette remarque que sous toutes réserves, la sagacité et le talent de M. le professeur Viguier plaidant fort en faveur de la justesse de ses observations. | ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 73 dorsal présente souvent les caractères d’un cœur en forme de tube et que la circulation est vague dans le système des vais- seaux latéraux. Néphélis. — L'appareil circulatoire de la Néphélis présente aussi les deux systèmes de canaux, mais ici les communica- tions sont plus directes. Dans la région antérieure du corps le vaisseau dorsal envoie deux branches directes aux vaisseaux la- téraux, et une branche spéciale se dirige, après avoir embrassé l’œsophage, au milieu de l'arc vasculaire antérieur de la ven- touse (1). Dans la région postérieure, le vaisseau dorsal s’ap- plique plus intimement sur l’intestin. Les organes génitaux mâles sont enfermés dans un sinus qui dépend du vaisseau ventral et qui dans le jeune âge est formé d’une simple dilata- tion dé ce vaisseau. La masse ganglionnaire sous-æsopha-. gienne n’est pas enfermée dans le vaisseau ventral, mais tous les autres ganglions de la chaine, y compris la masse nerveuse postérieure, y sont compris. Au niveau de chaque ganglion, dans la région antérieure du corps, le vaisseau ventral s’unit directement aux vaisseaux latéraux (2) ; mais, dans la région gastro-intestinale, des vési- cules contractiles se trouvent sur le trajet des canaux de communication. Chacun des filets nerveux de la masse ganglionnaire posté- rieure est accompagné d’un vaisseau qui fait communiquer l’ampoule vasculaire enveloppante avec l’arc anastomotique postérieur des vaisseaux latéraux. En comparant ces dispositions avec ce qui s’observe chez les Hirudimées étudiées plus haut, on remarque qu’elles présen- tent une figure intermédiaire entre un isolement complet des deux systèmes de vaisseaux et une intimité de communication de ces mêmes systèmes. Les communications simples et directes dans la région antérieure du corps se compliquent et deviennent plus difficiles dans la région postérieure, où se (1) PI. 9, fig. 1. (2) Ibid. 74 REMY SAINT-LOUP. forment les réseaux variqueux de Gratiolet (vaisseaux à cel- lules jaune brun). Les dilatations contracules ou cœurs qui apparaissent dans le jeune âge comme des dépendances des vaisseaux latéraux (1) se forment précisément en ces points où, les capillaires $e trouvant plus nombreux et plus ténus, le sang doit circuler avec moins de facilité. RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS SUR L'APPAREIL CIRCULATOIRE. $ 19.— De cette étude ressortent les remarques suivantes : 1° Chez les Néphélis jeunes, le système circulatoire dorso- ventral est en communication directe avec les trones latéraux dans la région antérieure du corps. La cavité générale du corps n’est représentée dans cette région que par le système de ces quatre sinus et de leurs branches de communication. Dans la région postérieure, la présence d’un réseau vasculaire caractérisé par les sphérules jaune brun, ou réseau qu’on pourrait appeler péritonéal, rend les communications moins directes entre les quatre sinus principaux. 2 Chez l’Aulastome les quatre sinus sont devenus des troncs vasculaires. Le commencement de séparation entrevu chez la Néphélis est devenu plus net. Le système dorso-ventral se constitue par l’apparition de branches directes de communi- cation, branches qui passent de chaque côté de l’intestin. Le système des vaisseaux latéraux, plus extérieur et enveloppant, présente les anastomoses en losange à la paroi ventrale et à la paroi dorsale. Les vaisseaux péritonéaux (réseau variqueux de Gratiolet) sont interposés et occupent une région moyenne entre les deux systèmes (2). Le système des vaisseaux latéraux a des rapports surtout avec les capillaires du réseau super- ficiel respiratoire. C’est un appareil aquifère respiratoire. Le système dorso-ventral pénètre profondément par ses capil- laires dans la profondeur des tissus de chaque organe, c’est un appareil circulatoire ou sanguin proprement dit. Le réseau (APM ee Diet (CRI C5 ARTICLE N° 2. ORGANISATION. DES HIRUDINÉES. 75 variqueux établit des communications difficiles entre les deux systèmes. 3° Chez les Clepsimes, les vaisseaux latéraux sont des sinus en communication par des canaux anastomotiques transverses. Le système dorso-ventral est complètement différencié du premier. Il n’y a pas de réseau variqueux, les éléments carac- téristiques de ce réseau ou globules jaune brun sont dissé- minés dans le parenchyme du corps. Nous avons donc, dans certains cas, un système circulatoire lacunaire représenté simplement par la cavité du corps qui contient le liquide sanguin ; dans d’autres cas, une différencia- tion tendant à constituer à la fois un appareil de circulation et un appareil de respiration; enfin, des exemples de la forma- tion d’un système circulatoire seul, l’appareil de respiration n'étant pas différencié de la cavité du corps. $ 16. — Il est à remarquer que le système respiratoire diffé- rencié existe précisément chez les Hirudinées qui sortent de l’eau à certaines périodes de leur existence (Aulastome), pour l’accouplement et la ponte, et que chez les Clepsines qui ne sortent pas de l’eau et chez qui le système respiratoire n’est pas localisé, le tube digestif sert à cette fonction. J’ai, en effet, observé chez des Clepsines l'introduction de l’eau par l’ouver- ture anale. De véritables mouvements d’inglutition étaient parfaitement manifestes et devenaient surtout évidents quand je plongeais les Clepsines dans de l’eau colorée par le carmin. Des particules colorantes entrainées permettaient de suivre la marche des courants d’eau et de constater le phénomène. La fonction de respiration a done, chez les Hirudinées, des sièges variés. Les échanges chimiques qui constituent cette fonction se font de la façon la plus favorable par l'intermédiaire des capillaires dits intra-épithéliaux, une grande quantité de li- quide sanguin étant en présence de l’eau ambiante. Je ne suis pas éloigné de penser que l'appareil des vaisseaux latéraux a une tendance lorsqu'il se différencie de l’ensemble du système circulatoire, à constituer un appareil plus spécia- 76 REMY SAINT-LOUP. lement respiratoire, rappelant aussi bien par ses dispositions anatomiques que par son rôle physiologique l’appareil tra- chéen des Insectes (1). Si les organes segmentaires qui souvent communiquent directement avec les sinus latéraux ont chez les Hirudinées des différents genres un rôle spécial, celui d’or- uanes excréteurs ou reins, Chez certaines Annélides (voy. Cos- movici) le rôle d’oviductes,1l ne me semble pas impossible que la persistance de leurs relations directes avec les sinus laté- raux, devenus des trachées, en fasse des stigmates. La respira- tion par l'intestin en l'absence d'appareil latéral ou vasculo- respiratoire n'est-elle pas un argument en faveur de ces idées. VI FONCTION PIGMENTAIRE. S 17. — « On admet généralement, dit M. de Quatrefages dans son admirable travail sur les Hermelles, que les Anné- lides sont dépourvues de foie. Je n’ai, en effet, jamais trouvé ce viscère isolé et formant un organe distinct, mais cette dis- position s’observe aussi chez d’autres animaux appartenant néanmoins à un type dont un des caractères est d’avoir un foie considérable. » Ge qui avait été admis pour les Annélides avait été affirmé pour les Hirudinées (2). Les auteurs qui avaient eu l’occasion d'étudier les dispositions de cette funica villosa de Kuntzmann, tunica cellulosa de Knolz, n'avaient pas été frappés de la con- stitution de ce tissu, et Gratiolet se borne à décrire un réseau (1) J’entends iei des comparaisons de parallélisme bien plus que des relations d’affinité que la science embryologique permettra de déterminer plus tard. (2) « Les Hirudinées n’ont pas de foie, mais on remarque sur leur canal alimentaire (Sangsue), principalement vers la partie centrale, une couche mince en forme de réseau, noirâtre ou brunâtre, assez semblable à du crêpe mouillé (Tunica villosa de Kuntzmann, T. cellulosa ou Panniculus adiposus de Knolz}. » (Moquin-Tandon, loc. cit., p. 109.) Cette substance est composée d’une multitude innombrable de canaux intes- tiniformes, irréguliers, enlacés, qui renferment une matière grenue. Plusieurs de ces conduits se réunissent et 1e derniers communiquent avec le tube digestit (Brandt, Medicinische Zoologie). ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 77 variqueux sans prendre garde à son importance. Il n’étudie d’ailleurs ce réseau que chez la Sangsue adulte, et considère les rapports des tubes qui en sont la trame et la manière dont ils communiquent avec l'appareil circulatoire, sans tenir compte, dans ses conclusions, de la présence des sphérules jaune brun qu'il appelle cellules graisseuses. Il considère à tort ces cellules graisseuses comme contenues dans des vési- cules, et ce qu'il entend par vésicules correspond simplement à des dilatations des tubes du réseau. Gratiolet écrit en ma- mère de conclusion (1): « Il est donc impossible, malgré la orande autorité de Blamville et de M. Brandt, de conserver l’ancienne opinion et de faire de ces réseaux variqueux un système de tubes biliaires, car d’une part leurs communica- tions avec les grands vaisseaux sanguins et les réseaux san- ouins cutanés sont évidentes, mais 1l est en outre absolument impossible de découvrir les prétendus canaux au moyen des- quels ils s’ouvriraient dans la cavité digestive. » Cette conclusion serait parfaitement logique si un appareil hépatique devait nécessairement être constitué de tubes biliaires s’ouvrant dans l'intestin, et si les organes homo- logues devaient avoir dans toute la série animale les mêmes dispositions anatomiques. L'étude du processus de formation de cette {unica villosa, la comparaison avec les dispositions semblables chez des animaux très voisins devaient mieux faire comprendre sa signification. Les éléments dont la réunion, en groupes d’aspect variable, constitue les tissus de la funica villosa sont des sphérules jaune brun qui se présentent dans leur état le plus net chez les Clepsines. Leydig (2) les a décrites chez ces animaux sous le nom de cellules graisseuses, son opinion étant de les com- parer aux corps graisseux des Insectes. (1) Gratiolet, Recherches sur l'organisation du système vasculaire des Sangsues, p. 39 et 36. (2) Leydig, Histologie comparée de l'Homme et des Animaux. ANN. SC. NAT., ZOOL., NOVEMBRE 1884. XVIII. 19. — ART N° 9. 78 REMY SAINT-LOUP. Clepsines. — Les cellules jaune brun présentent chez les Clepsines des aspeets variés dont l'examen est instructif. Dans les coupes que j'ai faites, J'ai remarqué que les sphérules simples et homogènes dans le voisinage de l'intestin se frac- tionnent en éléments de plus en plus petits et que ces éléments se séparent les uns des autres, le phénomène s’accentuant à mesure que lon considère la coupe, des couches les plus pro- fondes aux couches les plus extérieures (1). Dans les couches cutanées la substance de ces éléments se réduit à des granula- tions pigmentaires qui donnent à la peau sa coloration. Ilest à remarquer que chezles Clepsmes l'absence de réseau variqueux; ou de tunica villosa proprement dite, coïncide avec l'isolement des deux systèmes cireulatoires. Nephelis vulgaris. —$Si, au lieu de considérer les sphérules jaune brun chez la Clepsine, on étudie leurs changements de disposition chez la Néphélis, on constate des modifications plus variées. Pendant le développement de l’animal on peut remarquer, lorsque lintestin est formé, sa différenciation nette en quatre régions : une région œsophagienne, une ré- oion stomacale, une région intestinale à parois plus épaisses et fortement colorées en jaune, enfin une sorte de cloaque ou intesun terminal dont les parois sont extrêmement transpa- rentes et délicates (2). À cette époque on voit apparaître, sur toute la surface des trois dernières régions, de petites granu- lations jaune brun, d'abord assez espacées et qui, augmentant en nombre, finissent par former une sorte d’étui opaque à ces régions du tube intestinal. Sur une coupe de l'animal, on reconnait que ces granulations ou sphérules sont disposées sur les parois des vaisseaux capillaires qui viennent se mettre en concact avec l’épithélium intestinal (3), capillaires dont le rôle est evidemment de permettre la pénétration des matériaux nutritifs dans le sang. Chez la Néphélis adulte la tunique de C)PAIMONTOES: (2) PI. 8, fig. 8 et 9. (S) PO he MOINE ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 19 sphérules jaune brun s'éloigne de l'intestin et tapisse la face mterne de la couche musculo-cutanée, tout en restant en rapport avec l'intestin par l'intermédiaire des vaisseaux fins dont elle revêt les parois. La éumica villosa, le réseau vari- queux de Gratiolet sont dès lors constitués. La substance de cette tunique est composée chez la Néphé- lis de la même manière que Brandt (1) l'a décrite pour la Sangsue. Une multitude de canaux intestiniformes enlacés, et quelquefois pelotonnés, la constituent, mais 1ls ne renferment pas la matière grenue dont parle Brandt et ne s’ouvrent pas dans l'intestin. Je n’ai pu reconnaître que des rapports de contact entre l’épithélium intestinal et les dépendances du réseau variqueux, les meilleures coupes n’ont jamais présenté de communication. Les cellules jaune brun ne se trouvent pas seulement sur la tunica villosa, il en existe à la surface de tous les organes enfermés dans les membranes péritonéales, et le tissu con- jonctif parenchymateux en contient dans sa substance. Les testicules, les ovaires, les organes segmentaires en présentent à leur surface; le vaisseau ventral chez les espèces où il est différencié de la cavité du corps en est richement pourvu. Ce que j'ai pu observer relativement aux organes seomen- taires des Néphélis me porte à croire que la partie glandu- leuse de ces organes s’est constituée de cellules jaune brun groupées d’une façon spéciale et peu à peu modifiées dans leur structure histologique. Je n’insiste pas ici sur cette ori- gine, dont la réalité sera mieux démontrée au chapitre relatif aux organes segmentaires. Des modifications plus évidentes sont celles que subissent les cellules jaune brun pour devenir des cellules pigmentaires. La continuité de substance de ces éléments, qui s’annonçait déjà chez les Clepsines, devient plus visible chez les Néphélis et ne peut plus être mise en doute si l’on considère les Au- lastomes et les Sangsues. Non seulement on peut suivre sur (1) Brandt et Ratzeburg, Medicinische Zoologie, loc. cit. S0 REMY SAINT-LOUP. des coupes de la Sangsue médicinale les trainées de substance jaune brun qui vont de la tunica villosa aux couches épider- miques, mais si ces coupes sont faites en des régions variées du corps, on remarquera qu’à mesure qu’on s'éloigne de la région gastro-intestinale pour se rapprocher de l'extrémité antérieure, la funica devient de moins en moins vascu- jaire et tend à ne consister qu'en dépôts de substance colo- rante. M. Ray Lankester (1), à propos de son travail sur les eapil- laires intra-épithéliaux de la Sangsue médicinale, capillaires intra-épithéliaux que Gratiolet (2) n’ignorait pas, puisqu'un dessin les représente dans la thèse qu’il écrivit en 18692, M. Ray Lankester, dis-je, a reconnu les sphérules jaune brun (3) sur les fins vaisseaux de la funica villosa, et il re- marque que dans lintervalle des cellules columellaires de l’épithélium aboutissent les extrémités pigmentées des tissus fibro-vaseux. Je ne sais ce que signifie cette expression de tissu fibro-vaseux, n1 pourquoi ce terme a été employé quand Pau- teur insiste plus loin sur lidentité du tissu Horte -vaseux et du tissu des vaisseaux capillaires. Quoi qu’il en soit, les sphérules jaune brun de plus en plus fragmentées accompagnent les capillaires ou se logent dans les espaces interstitiels de la substance du derme pour y for- mer la substance pigmentaire. Dans les couches plus exté- rieures elle se dispose en petits îlots régulièrement placés et constitués d’un certain nombre de granules pigmentaires qui forment les dessins colorés de la peau. (1) Ray Lankester, Intra-epithelial capillaries in the Integument of the Medicinal Leech (Q. J. microsc. Science, t. XX, p. 302). (2) Gratiolet, Loc. cit., pl. 2, fig. 8. (3) Ray Lankester (loc. cit.) s'exprime ainsi : « Il est très probable que ces granules (sphérules) jaune brun ont la même signification physiologique que les cellules jaunâtres qui chargent les cellules endothéliales du cœlome des Vers de terre et d’autres Chætopodes dans la région du canal alimentaire. Chez les Vers de terre ces cellules non seulement forment une tunique complète à l'intestin, mais encore environnent les grands vaisseaux sanguins. » (P. 315 ct suivantes.) ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 81 Aulastome vorace. — Chez l’Aulastome vorace j'ai reconnu dans la région intestinale une {unica villosa semblable dans ses traits principaux à celle des Néphélis et des Sangsues; mais ici la substance colorante est plus foncée, presque noire. Dans les coupes de la région stomacale et œsophagienne la tunica est moins vasculaire, les granulations plus noires en- core (1), et dans la région céphalique il n'existe plus que de la matière pigmentaire (2), qui s'étale en figures rameuses, de plus en plus ténues, dont les derniers ramuscules se dispersent dans les couches dermiques et dans le parenchyme du corps. Certaines de ces figures ont la forme d'étoiles et rappellent ce . que l’on désigne sous le nom de cellules pigmentaires étoilées. Ces divers exemples suffisent, J'espère, pour démontrer la relation de continuité qui existe entre les sphérules jaune brun et les granulations pigmentaires. J’ai donc été autorisé à considérer lexistence d’une élimination des cellules jaune brun sous forme de substance pigmentaire. Ces cellules ont sans doute une influence considérable dans les échanges chi- miques qui constituent les phénomènes de respiration et par suite de nutrition, leur présence en grand nombre sur les pa- rois des vaisseaux, l’abondante distribution de leurs éléments dans les réseaux capillaires respiratoires le font supposer. La détermination exacte de ce rôle nécessitait des recherches spéciales de physiologie qu'il ne m'appartient pas d’entre- prendre. $18. — Il reste à examiner jusqu’à quel point on peut consi- dérer les sphérules jaune brun comme denature hépatique (3). (1) PL 10, fig. 10, 4, 3, 2. (2) Ibid., fig. 2. (3) J’ai rappelé plus haut le rapprochement qui avait été fait au sujet de appareil des cellules jaune brun chez la Sangsue et chez le Lombric. M. Ed- mond Perrier s'exprime comme il suit : « J’emploie, pour désigner la couche extérieure cellulaire de l'intestin (pour les Lombriciens), la dénomination de couche hépatique. On a soulevé une discussion à ce sujet, on s’est demandé si cette couche était bien réellement glandulaire, et l’on a fait remarquer, pour justifier ces doutes, qu’elle recouvrait même des vaisseaux dans lesquels 82 REMY SAINT-LOUP. Ce que les considérations d'anatomie comparée font supposer sera justifié par les observations embryologiques si la première étude a été exacte et rationnelle. Si je me suis hasardé plus loin à la comparaison d'appareils hépatiques d’Invertébrés avec l'appareil hépatique dissocié ou schématisé de Vertébrés, je n'ai fait qu'un parallèle au point de vue physiologique, pa- rallèle bien plus autorisé que celui qu’entraîne quelquefois implicitement l'emploi des termes d'anatomie mal appliqués. Si la funica villosa n’a pas toujours été considérée comme un foie, certains naturalistes cependant ont fait des descrip- tions où ils affirmaient leur manière de voir à ce sujet. M. Camille Viguier à décrit chez la Batrachobdella Latastii un renflement muriforme qui enveloppe la région située entre l’œsophage et les premières poches gastriques. Ce renflement est constitué par de petites sphérules de même aspect que celles qui se trouventsur les parois de la portion axile du tube digesüf. 11 considère cet ensemble comme un appareil hépa- tique plus localisé que la funica villosa, mais de même nature. Chez les Annélides polychètes, comme lArenicola pisca- torum, Gosmovici décrit et figure des vaisseaux capillaires terminés en cæcums et couverts d’une couche de cellules à granulations pigmentaires. Il compare ces culs-de-sac à ceux des petits vaisseaux de la Sangsue; sans se prononcer sur leur rôle, 11 combat l’idée de leur assimilation à des glandes. En présence de ces diverses opinions et des observations résultant de mes recherches personnelles, j'ai dù chercher quelles relations pouvaient exister entre la fonction pigmen- taire et la fonction hépatique. elle n’avait certes pas à déverser le suc digestif... Le fait que la couche dite hépatique de lintestin des Lombriciens enveloppe les vaisseaux, le fait ressem- bler davantage au foie des Vertébrés, loin de l’en éloigner. » M. Ed. Perrier se tient cependant sur la réserve, parce que les rapports de la couche hépatique avec les tuniques intestinales ne lui permettent pas de voir comment son contenu peut arriver dans la cavité intestinale. Cette difficulté est levée, chez les Sangsues, par l'existence d’un typhlosolis glanduleux, dont les vaisseaux, couverts de cellules jaune brun, sont directement en rapport avec la cavité de l'intestin (voy. les figures pl. 10). ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 89 Les mots cœur, poumon, rein, foie, ont été imaginés pour désigner les parties de Porganisme des Vertébrés supérieurs. Or qu'est-ce que le foie d’un Vertébré supérieur? Une masse complexe constituée d’un assemblage étroit de vaisseaux et de dépôts cellulaires. Du sang amené, par la veine porte, des ca- pillaires de l'intestin dépose dans la masse hépatique quel- ques-uns des principes qu'il contient, puis rentre par la veine sus-hépatique dans le torrent de la circulation. Ainsi considéré, le foie est l’organe d’une première fonc- tion, le dépôt de certains matériaux que contient le sang après qu'il a absorbé les produits de la digestion. Il est compliqué de conduits spéciaux, d’une vésicule biliaire, d’un appareil enfin qui conduira, en des points où ils seront utilisés ou excrétés, les produits de cette purgation du sang. C’est la deuxième fonction du foie. Or ces deux parties de l'appareil hépatique, au lieu d’être réunies, peuvent constituer deux organes distincts. Je verrais volontiers l'homologue de la première partie dans les amas de sphérules jaune brun qui tapissent les capillaires en con- tact avec l'intestin chez les Néphélis et dans les globules jaunes du parenchyme des Clepsines. Chez ces dernières, où le tube digestif est très ramifié et présente une grande surface d'échanges avec le liquide san- guin, les capillaires intestinaux n’existant plus, le foie ne pré- sentera plus les mêmes rapports anatomiques assimilables à ceux que nous constatons chez les Vertébrés et chez les Sang- sues, mais en certains points seront déposés les produits d’excrétion correspondants sous forme de sphérules jaunes. L’élimination n’est pas faite par des canaux biliaires, mais par les pigments. Quant à la fonction correspondant à la production de la bile, c’est-à-dire d’un liquide utilisé en partie dans la digestion, elle est localisée, chez les Vers que j'ai considérés, dans les parois mêmes de la partie intestinale du tube digestif. La différenciation de cette partie, le volume et la colora- tion des cellules qui la constituent, sont évidents chez les Né- 84 REMY SAINT LOUP. phélis jeunes et surtout chez les Clepsines, et les changements brusques de coloration des matières ingérées qui arrivent de la région gastrique témoignent de la puissance des modifica- tions chimiques qu’elles subissent dans lintestin. L'étude du développement du foie chez certains Inverté- brés (1) etchezles Vertébrésa montré qu'ilseforme aux dépens des parois de l'intestin et quelquefois qu'il tire son origine d’un diverticulum de l'intestin. Je pense qu'il est constitué en réalité non seulement de cette portion intestinale, mais encore de matériaux assimilables aux sphérules jaune brun des Hi- rudinées. À ce point de vue seulement, on peut étendre à la tunica villosa et aux organes homologues des Vers la dénomi- nation de foie. Si l’on ajoute que dans le développement le foie intestinal des Hirudinées et les cellules jaune brun se différencient des mêmes amas cellulaires entoplastiques, que leur séparation est due à la constitution d’une couche médiane er paroi intes- tinale (2), Le fait de la communauté d’origine joint aux obser- vations d’histologie inscrites plus haut autorisera l’opinion que j'ai émise et montrera une fois de plus combien les variations physiologiques peuvent modifier les différenciations qui pré- sident aux arrangements anatomiques. (i) Un travail encore inédit de M. Rouzaud montre cette origine pour des Mollusques gastéropodes; mais, sans sortir de la classe des Annélides et en prenant pour exemple des animaux rangés parmi les Hirudinées, on trouve encore des arguments en faveur de l’opinion que je crois devoir soutenir. M. le D' Lemoine dit, en parlant de l’Astacobdelle, et j'ai pu vérifier ses assertions, que l'intestin ne se distingue de l’estomac que par la constitution glanduleuse et la couleur jaune de ses parois. Ces éléments glanduleux, vus de profil, se présentent comme de petits sacs dont l’ouverture regarde la cavité du tube digestif, ils contiennent des granulations jaune brun. Ce tissu doit être consi- déré comme un tissu hépatique. (2) J’ai vérifié à ce sujet les observations de Robin (Embryologie des Hiru- dinées, p. 280 à 311), les gouttes ou amas oléiformes sont la première trace des différenciations histologiques qui donneront naissance aux cellules jaune brun situées en dedans et en dehors de la tunique intestinale. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES, 89 ORGANES SEGMENTAIRES. $ 19. — Avant d'étudier ce que sont les organes segmen- taires chez les Hirudinées, il n’est pas sans intérêt de revoir en quoi 1ls consistent chez d’autres Annélides. Sans revenir sur les idées anciennes qui ne s’appuyaient que sur des con- naissances anatomiques insuffisantes, 1l faut rappeler les opinions de Williams, celles de Claparède, Siebold, Ehlers et la théorie de Cosmovici (1). Williams (2), qui a eu le mérite d'attirer l'attention sur les fonctions des organes segmentaires d’un grand nombre d’An- nélides, a commis, au sujet de l'anatomie des Hirudinées, des erreurs d'observation déjà depuis longtemps relevées et qui l'avaient amené à considérer les organes segmentaires comme . faisant partie intégrante de l'appareil reproducteur. La théorie de Cosmovici, combattue par M. Edmond Per- rier (3), était une tendance à l'explication des différentes formes que l’organe segmentaire présente chez les Annélides, Cosmovici distinguait dans l’organe segmentaire la partie glan- dulaire ou organe de Bojanus et le pavillon vibratile qui dé- pend de l'appareil reproducteur. L’objection principale de M. Ed. Perrier est conçue comme il suit : | « L'organisation des Lombricidés ne permet pas de con- server cette interprétation; chez eux, il existe à la fois, dans les anneaux génitaux, des organes segmentaires complets qui n’ont aucun rapport avec l'appareil génital, et un ensemble de pavillons vibratiles et de tubes ciliés exclusivement char- gés de desservir l’appareil génital et quise trouvent ainsi sur- (1) Cosmovici, Glandes génitales et organes segmentaires des Annélides Polychètes (Arch. de zoo. expér., t. VIII, 1880). (2) Williams, Researches on the structure and homology of the repro- duction organs of the Annelids (Philosophical Transact., London, 1852). (3) Ed. Perrier, Organisation des Lombriciens (Archives de zoologie expérimentale, t. IX, 1881). Idem, ibid. (Arch. de zoologie expérimentale, t. UT). Idem, ibid. (Nouvelles Arch. du Muséum, t. VIIL, 1872). 86 REMY SAINT-LOUP. ajoutés au système des organes segmentaires. Chez tous, les oviductes sont représentés par une paire de pavillons vibratiles, très courts, presque sessiles, et les canaux déférents par une paire de tubes droits, plus ou moins allongés, sur lesquels viennent se greffer deux pavillons vibratiles s’ouvrant dans deux anneaux consécutifs au voisinage des testicules. D’autres arguments sont encore fournis qu’il serait trop long d'exposer ici et qui sont d’ailleurs fort nettement développés dans l’étude sur l’organisation des Pontobriles (1). Ïl reste à rappeler les opinions de Claparède (2), Ehlers, ete., qui considèrent les organes segmentaires comme des organes excréteurs utilisés parfois pour l’expulsion des produits de la génération. Mais, dans le cas des Hirudinées, ils n’ont jamais une fonction de cette nature et les appareils génitaux servent seuls au mécanisme de la reproduction. I faut d’ailleurs tenir compte, pour se risquer à des comparaisons, de l'existence chez les Hirudinées d'organes excréteurs primitifs qui ne rap- pellent en rien les-organes segmentaires définitifs des Anné- lides. Hatscheck (3) dans ses études sur la larve de Polygordius décrit chez les plus jeunes Trochosphères, le long du faisceau musculaire longitudinal ventral à la partie inférieure de la région céphalique, un tube cilié à son intérieur. Ce canal débouche antérieurement dans la cavité du corps par un en- tonnoir, il communique à son autre extrémité avec l’extérieur du côté de Ja face ventrale, au niveau dela ligne mésodermique. La lumière du canal est intracellulaire. Par l'apparition d’un grand nombre de tubes ciliés insérés sur le canal principal et l'isolement de chacun de ces tubes qui s'ouvrent plus tard à l'extérieur se constituent une série d'organes segmentaires qui se répètent dans chaque métamère ou anneau. Chez certains Ghætopodes inférieurs comme le Criodrilus, (1) Ed. Perrier, loc. cit., Organisation des Lombriciens terrestres. (2) Claparède, De la structure des Annélides (Arch. bibl. univ., Genève, 1867). (3) Hatscheck, Entwickelung der Anneliden, 1878. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 87 les organes segmentaires se développent aux dépens de groupes de cellules de la plaque musculo-cutanée et se constituent iso- lément. Tels sont les procédés de formation et les dispositions d’or- ganes auxquels on a quelquefois comparé les organes segmen- taires des Hirudinées; j'ai pensé qu'il serait utile de faire précéder de ce résumé létude anatomique proprement dite (1). $ 20. — La Sangsue médicinale à dix-sept paires de ces organes ; on peut dans chacun d’eux considérer trois portions : une portion moyenne glanduleuse, figurant une sorte d’anse ou de boucle, une portion plus extérieure con- sistant en une petite vessie, une portion interne appendicu- laire. La région moyenne décrite avec soin par M. A. Bourne (2) est constituée de cellules glanduleuses au milieu desquelles serpentent de fins canaux auxquels l’auteur anglais donne le nom de ductules. J'ai reconnu l'existence de ces ductules qui sont formés aux dépens de cellules glanduleuses néphridiales elles-mêmes; ces cellules forment, en effet, comme un chape- let de perles enroulé et replié sur lui-même, les ductules ré- sultant de la communication des canaux de chacune des perles. La masse de ces cellules néphridiales est traversée par un large conduit qui s’ouvre par une de ses extrémités dans la vésicule et communique par l’autre avec les ductules. Je suis (1) Je ne puis me dispenser de rappeler un rapprochement des plus curieux et dont la portée ne manque pas d'importance, qui a été fait par Balfour dans un tra- vail intitulé : On certain points in the Anatomy of Peripatus Capensis (Q. J. microscopical Science, 1879, 3° série, t. XIX, p. 432). Le savant anglais s’exprime ainsi : € The segmental organs of Peripatus capensis, though formed on a type of their own, more nearly resembles those of the Leech than of any other form with I am acquainted. » Et il insiste sur l'intérêt qu’il y aurait à rendre évi- dentes les affinités des Péripates avec les Annélides. Les idées que j’ai émises relativement aux analogies que les vaisseaux latéraux peuvent présenter avec des tubes trachéens sont du même ordre. Toutefois je n’emploierai pas le mot affinite. (2) A. Bourne, On the structure of the Nephridie of the Medicinal Leech (Quarterly Journal, 1880, vol. XX). 88 REMY SAINT-LOUP. sur ce point en désaccord avec M. Bourne (1), qui prétend que le système des ductules est indépendant du canal central. La région appendiculaire est constituée histologiquement comme la précédente, à cette différence près que le canal central n’y pénètre pas. Dans sa description, M. Bourne réunit l’appendice à la por- tion moyenne. Get ensemble est pour lui la glande où il dis- tingue suivant l’aspect des cellules glandulaires quatre ré- sions ou lobes qu’il nomme #ain lobe, apical lobe, test lobe et recurrent lobe. L’appendice ne s'ouvre en aucune façon à son extrémité libre, il n’a avec les organes voisins que des rapports de contact. La vésicule s'ouvre à l’extérieur, sa paroi est formée de fibres, de muscles et d’un réseau de vaisseaux capillaires. Elle contient un liquide d’excrétion de couleur blanchâtre. Les rapports de l’organe segmentaire avec les vaisseaux sont des plus remarquables. Gratiolet (2) en a fait une étude appro- fondie; d’après lui, les organes segmentaires recevraient du sang des vaisseaux latéraux par deux branches, l’une se ra- mifiant sur la portion supérieure de l’anse glanduleuse, l’autre fournissant le réseau capillaire de la vésicule. Une sorte de veine porte unit, d’autre part, le réseau de la vésicule à la branche inférieure de l’anse. D’après M. Bourne, les capillaires de la région glanduleuse formeraient une boucle autour de chacune des cellules néphridiales. J'ai bien constaté la pénétration des capillaires dans les intervalles compris entre ces cellules, mais mes injections ne m'ont pas fourni d’images (1) M. Bourne indique différents procédés pour l’étude histologique des organes segmentaires. Les Néphridies, après excision, sont placées dans une solution à 1/2 pour 100 d'acide osmique, puis transportées dans l’eau salée. L'alcool faible, puis le picro-carmin peuvent être employés. Un autre procédé consiste à traiter les organes par l’alcool absolu, à colorer par l’'hématoxiline, et enfin à clarifier par l'essence de girofle. J’ai employé ces différents procédés ; la méthode par l’acide osmique est bonne, mais on obtient de meilleurs résul- tats en laissant moins longtemps la préparation dans lacide osmique. M. Bourne indique vingt minutes pour la durée du bain. (2) Gratiolet, loc. cit. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 89 d’une disposition aussi régulière. Le sang de ce premier sys- tème de vaisseaux passe ensuite dans le vaisseau ventral après avoir traversé les cœurs moniliformes. Cette description de l'appareil segmentaire s’applique aussi à l’Aulastome; je n’ai pas constaté de différences qui méritent d’être remarquées. Une telle disposition concorde parfaitement avec lidée qu’on peut se faire d’un organe d’excrétion. Une portion glan- duleuse en rapport intime avec des capillaires sanguins, un système de canaux plus interne s’ouvrant à l'extérieur après s'être renflé en une vésicule, constitue un appareil différencié que l’on comprendra mieux encore quand on laura étudié chez la Néphélis et chez la Clepsine. Chez la Nephelis vulgaris les organes segmentaires primitifs existent comme chez l’Hirudo medicinalis ; deux paires de tubes convolutés sont visibles à la partie dorsale de l'embryon, ils se forment aux dépens des cellules jaune brun qui existent déjà à ce moment et que Wittman (1) appelle cellules méroblastiques. Ces tubes ont été vus par Robin (2) et Bütschli (3). Pas plus que ces auleurs je n'ai pu leur voir d'ouverture extérieure. Ils ne servent pas spécialement à la formation des organes seg- mentaires ou reins définitifs, mais on cesse de pouvoir les dis- tinguer lorsque par accroissement des sphérules jaune brun se forme le réseau variqueux. Les coupes obtenues après double coloration au picro-carminate d’ammoniaque -et inclusion dans la paraffine ne permettent pas, quoique tous les tissus aient conservé leurs rapportsrespectifs, de reconnaitre la pré- sence de ces canaux. [ls sont d’ailleurs d’une extrême ténuité et semblent mobiles dans le parenchyme du corps, car leurs aspects chez des individus différents ne présentent pas les mêmes figures. Rien ne prouve cependant qu'ils disparaissent (1) Wittman, The embryologie of Clepsine (Q. J. of micr. Sc., t. XVIIT, 1878). (2) Robin, loc. cit., Embryologie des Hirudinées. (3) Bütschli, Entwickelunsgeschichiliche Beitrâge zur Kenniniss des Fur- chungsprocesses und der Keimblätterung bei Nephelis vulgaris (Zeitschrift f. wiss. Zool., Bd. 20, 1877). 90 REMY SAINT-LOUP. alors complètement; il est probable, au contraire, qu'ils font partie des tubes du réseau variqueux. La vésicule glandulaire des organes segmentaires se forme aux dépens de dilatations du réseau variqueux. De cette façon seulement 1l peut y avoir des relations entre les reins primitifs et Les reins permanents ou organes segmentaires. Chez la Néphélis (1), en effet, à l’époque où l’apparition des réseaux variqueux n’a pas encore com- pliqué l'appareil vasculaire, on aperçoit dans chaque segment de la région postérieure du corps et de chaque côté, à partir de la région gastro-intestinale, de petites vésicules remplies de sang (2) eten communication directe avec les vaisseaux laté- raux. Au niveau de ces vésicules se trouve à l'extérieur lPou- verture d’un fin canal dont l’extrémité opposée communique avec la vésicule (5). Dans un état d'évolution plus avancée, les vésicules ne communiquent plus avec les vaisseaux latéraux que par des canalicules du système variqueux (4). Leur surface est d’ail- leurs recouverte d’une grande quantité de cellules semblables aux cellules jaune brun des vaisseaux variqueux. Dans un état plus avancé encore les cellules jaune brun semblent avoir changé de caractère histologique et être réunies en masses dont la substance est creusée de canalicules irréguliers. L’organe segmentaire serait done constitué ici d'un petit canal s’ouvrant dans une annexe des canaux latéraux, annexe qui s’est finalement isolée en une vésicule contractile et a déterminé un foyer de formation glandulaire excrétrice. Si l’on se souvient de ce que l'étude de l'appareil circulatoire a indiqué au sujet des vaisseaux latéraux qui ne sont autre chose que les restes d’une cavité générale, si l’on remarque (1) Chez la jeune Néphélis on constate, à la face ventrale, à partir du cin- quième ganglion (celui qui est adjacent à la masse ganglionnaire sous-œæsopha- gienne étant compté), les ouvertures des organes segmentaires qui se répêtent dans chaque segment au niveau et de chaque côté de l'intervalle des ganglions. Il existe quatorze paires de semblables ouvertures. (2) PI. 9, fig. 2 et 5. (3) Pl:8,) fig.44. (4) PL 9, fig. 5. ARTICLE N° 2. ORGANISATION. DES HIRUDINÉES. 91 que chez la Néphélis les organes segmentaires ne se montrent qu'à mesure que se forme le système vasculaire variqueux ou périlonéal, ce qui précède contribuera certainement à faire comprendre le processus de différenciation des reins de la Sangsue, surtout si l’on prend en-considération ce que nous aurons à constater chez les Clepsines. Chez les Hirudinées plates, en effet, les organes segmen- taires sont réduits à de petits tubes s’ouvrant à l'extérieur par une de leurs extrémités, tandis que lautre extrémité s’ouvre dans les vaisseaux latéraux. Or les vaisseaux latéraux de la Clepsine sont les restes de la cavité du corps, l’appareil vascu- laire proprement dit s’est nettement différencié, et ne consiste que dans le système dorso-ventral, le réseau péritonéal n’est pas intervenu pour former des communications entre les deux systèmes de vaisseaux. Il n’y à pas de reins proprement dits, : pas d'organes glandulaires, mais simplement des conduits mettant la cavité du corpsen communication avec l'extérieur. IX ORGANES DE REPRODUCTION. $ 21. — Il n'existe pas d'ouvrage où l’anatomie comparée des organes de la génération ait été faite pour les Hirudinées. Les dessins de Moquin-Tandon donnent des renseignements généraux, mais correspondent à une étude trop superficielle et trop sommaire. [Il m'a paru intéressant de reprendre avec plus de soin les descriptions et de chercher s'il existe des rapports d’analogie entre les parties d'organes qui se présen- tent sous des formes si variées. Dispositions générales. — Les Hirudinées sont hermaphro- dites. L'appareil mâle se compose de testicules el d’un sys- tème de canaux qui Les met en relations avec les organes copu- lateurs. L'appareil femelle est en général plus simple; des ovaires s’ouvrant dans une cavité copulatrice en sont la partie essentielle. L'un et l’autre système sont parfaitement isolés 92 REMY SAINT-LOUP. des organes segmentaires qui ne servent pas chez les Hirudi- nées à l'élimination des produits de la génération. La partie glanduleuse de Pappareil segmentaire n’a, chez la Sangsue, que des rapports de contact avec les testicules. Appareil mâle. — Sangsue médicinale. — Chez la Sangsue il existe dix paires de testicules (glandes germinatives de Gegenbaur); chacun débouche dans lun des deux canaux déférents qui sont placés à une petite distance et de chaque côté de la chaîne ganglionnaire. Chaque festicule ayant à peu près la forme d’un grain de raisin et portant à sa surface des ramifications de cellules pigmentaires est suspendu par un court appendice au canal déférent et communique ainsi avec lui. Au niveau de l’appareil copulateur chaque canal déférent se pelotonne en une masse assez volumineuse qu’on à appelée l’épididyme. Immédiatement en sortant de cette masse le canal déférent se renfle en une portion musculeuse fusiforme à parois épaisses, la lumière centrale s’élargissant en même temps. Après s'être de nouveau atténué, le canal pénètre dans la capsule médiane piriforme qu’on a appelée poche copu- latrice (4). La constitution de cette capsule piriforme n’a pas jusqu’à présent été démontrée; on la considérait simplement comme une cavité dans laquelle le pénis pouvait se rétracter. En réalité, une portion seulement de la capsule remplit ce rôle, mais au niveau de la pénétration des canaux déférents sa structure est plus complexe. Elle est constituée, en effet, d’une trame de fibres musculaires traversée par les canaux déférents qui se réunissent en son milieu en un conduitunique. Avant le point de réunion, l’un et l’autre canal se présentent comme entourés d’un tissu glandulaire (2) dont la structure est des plus élégantes et qu! parait formée du groupement de petits tubes cæcaux placés les uns à côté des autres. Je n’ai pas trouvé nécessaire de donner un nom spécial à ces glandes alors que la terminologie employée pour l’appareil génital des Inver- (WDPIHAP 8200; (2) Ibid., fig. yie ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 95 tébrés renferme des expressions qui devraient être réformées. : La paroi de la capsule, extrêmement musculeuse, est tapis- sée extérieurement dans toute cette région d’une calotte de cellules glanduleuses, de forme sphérique et contenant une matière blanchâtre finement granuleuse : c’est la prostate. La communication de ces cellules avec l’appareil des canaux déférents n’est pas établie par des canalicules à parois propres, mais la substance granuleuse qu’elles contiennent se retrouve dans des sillons interstitiels ramifiés dans le tissu de remplis- sage de la capsule piriforme. La portion inférieure de la capsule piriforme séparée de la portion postérieure par une sorte de diaphragme musculaire (1) est une chambre où se pelotonne le canal du pémis, c’est la véritable poche du cirrhe. Le canal unique se dirige vers l’exté- rieur à travers une double gaine musculaire dont la plus: interne constitue le pénis ou cirrhe proprement dit. Très exser- tile ce pénis fait toujours saillie au dehors, lorsque la mort de la Sangsue a été amenée par l’immersion dans l’eau chaude, ou dans des solutions qui provoquaient des contractions de l'animal. Aulastome vorace. — Chez l’Aulastome on pourrait donner la même description de l'appareil mâle; la variation du nombre des testicules, la plus grande longueur du pénis et de sa gaine, sont les seules différences essentielles. Gependant ici la calotte prostatique est plus étendue el recouvre presque toute la cap- sule piriforme (2). Je n'ai pas recherché s’il existait dans la capsule une glande semblable à celle que j'ai remarquée chez la Sangsue médicinale; mais il est probable, à cause des grandes analogies de structure des appareils copulateurs chez l’Aulastome et la Sangsue, qu’une pareille disposition doit se retrouver. Il faut remarquer aussi chez l’Aulastome des sail- lies régulières et régulièrement disposées qui forment au pénis GP AM ie bretT: (2) Ibid., fig. 2; comparer avec la figure 1 de la même planche. ANN. SC. NAT., ZOOI., NOVEMBRE 1884. XVII. 20. — ART. N° 2. 94 REMY SAINT-LOUP. un revêtement élégant (1). Chaque saillie à la forme d'un petit cube à arêtes adoucies; ces petits cubes sont rangés sur des lignes parallèles à l’axe du pénis, et font ressembler l’or- gane, quand on l’examine à un faible grossissement, à un épi de maïs. Cette particularité rappelle la présence de petites saillies où d’épines qui revêtent l’extrémité de l'organe copu- lateur mâle d’un grand nombre d'animaux. Néphélis. — Les Néphélis ont un appareil copulateur mâle plus simplement constitué. Les parties différenciées chez la Sangsue sont comme confondues; les deux portions fusiformes musculeuses, auxquelles je donnerai dorénavant le nom de chambres à spermatophores pour des raisons que l’on com- prendra plus loin, au lieu d’être éloignées l’une de l’autre et séparées par la poche musculeuse du cirrhe, sont rapprochées et soudées dans la moitié de leur longueur (2). Les portions correspondantes à la poche musculeuse et au pénis sont extrè- mement abrégées et la calotte prostatique a pris la forme d’un anneau qui entoure les deux corps fusiformes dans le voisinage de leur point de soudure. Chaque chambre à spermatophores semble divisée en deux compartiments par une portion plus resserrée. La charpente musculeuse est compliquée de la présence de formations semblables à ce qu’on a considéré comme des anneaux musculaires dans les vaisseaux latéraux. Ce sont, en effet, des cellules allongées à contenu finement granuleux et dont les parois sont relativement épaisses. Disposées de mauière à former autour des chambres à spermatophores une série d’anneaux adjacents, ces cellules ont un aspect tout spécial et je ne pourrais les considérer comme des formations musculaires qu'en admettant que les muscles sont suscep- tibles des modifications histologiques les plus profondes. Les prolongements des canaux déférents restent isolés presque jusqu'à l'extérieur, et, sur une très pelite longueur où ils sont (1) PI. 11, fig. 9. (2) Ibid., fig. 8. ARTICLE N° 2 ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 95 réunis, le canal unique qu'ils forment est enveloppé d’une tunique musculaire représentant le pénis. Ce pénis est isolé d’une portion plus extérieure ou gaine, et, dans la copulation, son renversement au dehors ne peut le faire sallir que d’une très faible longueur. Je n’ai rien vu de semblable à la glande intérieure que j'ai décrite chez la Sangsue. Clepsine. — Ghez la Clepsine bioculata, l'appareil copula- teur mâle semble encore plus simple. Il est mtéressant de re- marquer que le nombre des testicules, qui avait déjà augmenté en passant des Aulastomes aux Néphélis, est encore plus con- sidérable chez la Clepsine, et cesse, pour ainsi dire, d’être défini, et qu'en même temps que cette localisation des poches testiculaires est moins circonscrite, l'appareil copulateur est plus rudimentaire. [ci, en effet, les deux renflements fusiformes ou chambres à spermatophores sont soudés sur une faible por- tion de leur longueur ; leur forme est restée plus définie (1). Le canal de réunion des chambres à spermatophores ne se ré- trécit plus en un canal pémial très court et direct; 1l s’ouvre à l'extérieur, sans que l’on puisse rien distinguer qui res- semble à un pénis. On ne distingue plus ni calotte ni anneau prostatique. Ces formations, qui ne sont plus différenciées, sont peut-être représentées par des cellules glanduleuses qui se trouvent près de l’orifice de l'organe copulateur dans l’épais- seur du derme. Lorsque, dans l’un ou l’autre de ces types, on examine de quelle façon est constitué un testicule, -on remarque qu'il est formé d’une poche de tissu conjonctif, tapissée à son intérieur de cellules rendues polygonales par pression réciproque. Ces cellules forment la couche génératrice des spermospores dont nous étudierons plus loin l’évolution. Appareil femelle. — Les degrés de complication que nous avons constatés pour l'appareil mâle se présentent pour l’appa- (1) PI. 11, fig. 9. 96 REMY SAINT LOUP. reil femelle el sont, dans une certaine mesure, en relation avec les premières. Chez la Sangsue et l'Aulastome, car on peut donner pour l’une et pour l’autre des descriptions parallèles, la différen- ciation atteint à la fois l’appareil de copulation et lappareil cerminatif proprement dit. [ci nous trouvons, non pas deux tubes ovariens, mais deux petites capsules ovariennes, bientôt réunies en une cavité unique présentant, au point de jonction, un vitellogène. En ces points, en eflet, la paroi du conduit commun des ovaires se dispose en un grand nombre de petits cæcums glandulaires, dont les produits de sécrétion tombent dans l’oviducte en même temps que les œufs produits par l’ovaire ou germigène. Le vitellogène de la Sangsue ne présente pas des caractères de formes identiques à ceux du vitellogène de l’Aulastome (1); mais ses rapports sont les mêmes. L’oviducte se continue en un tube étroit, direct chez l’Au- lastome, plus ou moins replié chez la Sangsue, qui aboutit au réceptacle de la semence. Ge réceptacle de la semence n’est autre chose qu’un vagin consistant en une poche museuleuse d'assez grande dimension. Je n’ai rien à ajouter ici aux des- criptions antérieures en ce qui concerne l'appareil femelle de la Clepsine (voy. Robin, loc. cit). ORIGINE DE L'ŒUF. $ 22. — Les œufs des Hirudinées prennent naissance d’une matière protoplasmique ou germigène, dont les dispositions variables par rapport aux membranes-enveloppes de cette masse ont fait croire à la diversité des lieux d’origine de ces œufs. Comme J'ai pu le reconnaitre, cette apparence n’est due qu'à une différenciation plus ou moins rapide des cellules du germigène destinées à devenir des œufs dans la masse purement nutritive ou vitellogène. CAPI O0 ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 97 Chez la Nephelis vulgaris, où j'ai surtout observé lPappari- tion des œufs, les foyers principaux de différenciation peuvent se manifester en des points variés des tubes ovariens, mais surtout à l’extrémité effilée des tubes. En ces points, par une prolifération des cellules de l’épithélium, qui revêt toute la cavité du tube, se forment un grand nombre de petites cel- lules (1) étroitement serrées les unes contre les autres et ren- dues polyédriques par cette disposition. Ces cellules présen- tent un noyau ; leur contenu est parfaitement transparent, et des granulations rendent légèrement opaques celles qui, plus âgées et destinées à former les œufs, sont déjà plus éloignées du point de formation. À mesure que la prolifération, qui a son siège à l'extrémité du cul-de-sac, augmente le volume de la masse germinative, les cellules claires constituantes tendent à se fusionner du - centre à la périphérie en un syncytium ; les plus centrales for- nant ainsi un rachis protoplasmique axial. En même temps les cellules les plus externes se fusionnent en une forma- tion membraneuse qui limite une sorte de fuseau contenant la masse germinative, et qui n’est autre chose que l’ovo- spermatophore de M. Robin (2). Ge fuseau se détache ensuite de la cavité de l’ovaire dans laquelle il peut glisser. L'apparition du rachis ne précède pas toujours celle de la formation membraneuse enveloppante; le syncytium peut commencer à se former à des époques variables par rapport au progrès de l’évolution des cellules œufs. Les fuseaux ainsi formés (3) peuvent aussi prendre leur ori- sine en un point quelconque de la paroi interne de l’ovaire, mais la fusion des cellules claires que j'appellerai désormais cellules nutritives ou vitellines semble se faire beaucoup plus vite que dans le premier cas et maintenir plus longtemps leur relation de continuité avec les points de prolifération. Le (PP192 fe. 11et 12 * (2) Robin, Observations sur les spermatophores de quelques Hirudineées, loc. cit. (3) P112; fig. 9ret 10. 98 REMY SAINT-LOUP. rachis ainsi formé peut persister assez longtemps et les œufs qu'il porte présenter les premiers phénomènes de segmenta- tion (1). Cette étude permettra de comprendre la naissance des œufs aux dépens d’un cordon protoplasmique axial dans l'ovaire de certains types, et rendra inutile cette distinction de deux modes d’origine, qui avait paru mettre obstacle à des compa- raisons morphologiques. Il n’y a donc aucune différence essentielle entre un ovaire tubulaire et un ovaire à rachis, entre des œufs nés sur les parois où sur le cordon axial. Tous proviennent d’un poly- plaste germinatif qui se différencie plus ou moins vite en ger- migène et en vitellogène. Toutefois la localisation distincte des fonctions donnant naissance aux œufs et aux cellules vitel- lines n’est pas effectuée 1c1. Il paraît cependant que l’extrémité de l’ovaire la plus éloignée de l’orifice vaginal soit plus spécia- lement désignée pour le lieu de formation des œufs, tandis que la portion des parois plus rapprochée de cet orifice contribue moins à leur donner naissance. Chez l’Aulastome vorace (2) une distinction plus nette s’est effectuée; les deux ovaires sont spécialement deux germigènes, tandis que dans le voisinage de l’oviducte leurs parois se rami- fient en une touffe de diverticulums qui constituent le vitel- larium. Cette portion a tous les caractères d’une véritable glande. Les cellules de l’épithélium de revêtement interne four- nissent, par leur prolifération et leur chute dans la cavité cen- trale, la substance de sécrétion de cette glande ou substance vitelline. Dans ce cas nous avons donc l’exemple d’une sépa- ration marquée des foyers de manifestation de deux fonctions d’abord confondues, la fonction germigène et la fonction vitel- logène. Qu'il existe un vitellogène distinct ou que la masse vitelline (1) Chez le Branchellion, les œufs naissent dans l’épaisseur de la masse pro- toplasmique des fuseaux ovariens ; il n'x a pas de véritable rachis (voy. pl. 13, fig. 4 et 6). CNDEM TENTE ARTICLE N° 2. ORGANISATION DÉS HIRUDINÉES. 99 provienne de la fusion en syncytium des cellules de même ori- oine que l’œuf, mais qui meurent sans présenter de phéno- mènes de développement, la gangue vitelline n’en est pas moins destinée à envelopper et à nourrir les œufs pendant l’évolution embryonnaire. Lorsqu'il se forme un cocon, cette masse le remplit et les œufs s’y trouvent en suspension. Chez les Néphélis, jusqu'à l’époque de la naissance des jeunes, c’est-à-dire de la rupture du cocon, les restes de cette masse vitelline servent de première nourriture à ces jeunes. Si l’on provoque artificiellement la rupture du cocon, les jeunes Né- phélis continuent à vivre dans l'enveloppe, tant qu’elle ren- ferme cette matière nutritive, et s’éloignent seulement quand ces réserves sont épuisées. Fécondation. — Je n'ai pu observer l’accoupiement des - Hirudinées, mais J'ai vérifié les observations de M. Robin au sujet de l'apparence des ovo-spermatophores. L'interprétation qui a été donnée de ces apparences n’est pas entièrement exacte; j'ai pu me convaincre que la membrane d’enveloppe formée autour des masses vitello-germinatives chez la Né- phélis emprisonnait avec cette masse des amas de sperma- tozoïdes à des degrés divers d'évolution. Ghez les Clepsines, où l’orifice des organes génitaux mâles est en contact avec deux chambres symétriques à cavités fusiformes, les éléments fécon- dateurs, mêlés à des cellules vitellines mâles, se groupent en des masses occupant chacune des chambres et par un pro- cessus analogue à celui que j'ai décrit pour la formation des fuseaux ovariens, une paroi, formée aux dépens des cellules extérieures de cette masse, limite un véritable spermatophore qui sera introduit en entier dans les tubes ovariens de la femelle. Chez les Néphélis il existe dans l’appareil mâle de petites chambres analogues à celles de la Glepsine, mais ellessont plus éloignées de l’orifice de sortie et en sont séparées par un canal plus étroit. Je n’ai pu observer la formation de spermatophores chez ces animaux. La conformation des organes génitaux mâles me fait croire que, si un amas de cette sorte se forme, il 100 REMY SAINT-LOUP. doit se rompre au moment de la fécondation et les sperma- Lozoïdes doivent être portés dans les tubes ovariens par le pénis rudimentaire dont j'ai parlé plus haut. Chez les Sangsues et les Aulastomes où les poches analogues aux chambres à spermatophores sont séparées de l’orifice de sortie par un appareil copulateur creusé d’un long canal grêle, le spermatophore, s’il existe à un moment donné dans les chambres à spermatophores, se détruit certainement pour laisser libres les éléments spermatiques qui parcourent le canal étroit du pénis. ORIGINE ET DÉVELOPPEMENT DES SPERMATOZOIÏDES. $ 23. — Les phénomènes que nous avons observés dans la formation de l’œuf semblent avoir une succession parallèle dans celle des faisceaux spermatiques. En examinant la paroi interne d’une capsule testiculaire de Sangsue ou de Néphélis, on remarque qu’elle est tapissée d’un épithélium dont les éléments ont la forme de polygones irré- guliers adjacents. À chacun de ces polygones correspond une cellule en contact immédiat avec lui et dans laquelle la colo- ration par le piero-carmin fait apparaître un noyau jaune très réfringent environné d’une masse granuleuse qui se colore vivement en rouge carminé (1). Une calotte plus extérieure, de protoplasma transparent, limite extérieurement cette cel- lule et prend une teinte rosée. Les cellules, après être tombées dans la cavité du testicule, présentent des modifications de divers ordres. Les unes sem- blent destinées à mourir et à jouer dans les masses sperma- tophores le même rôle que les cellules vitellines dans les masses ovariennes. D’autres au contraire présentent une série de différenciations et de groupements de leurs éléments qui aboutissent à la formation des bouquets de spermatozoïdes. J'adopterai pour ces dernières cellules le nom de spermospores, ()ePl: 42, fig. 1. ARTICLE N° 9. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 101 et sans vouloir rien affirmer au delà de ce que mes observa- tions m'ont rigoureusement démontré, Je signalerai les diffé- rents états sous lesquels ces spermospores m'ont apparu, dans l’ordre qui me semble correspondre aux progrès évolutifs des spermatozoïdes. J'ai trouvé aussi bien dans les testicules que dans les canaux déférents et les ovaires des amas de spermospores non défor- mées et qui semblaient simplement agglutinées. Par lPaction du piero-carmin de semblables groupes se sont disloqués, mais les diverses spermospores restaient en relations les unes avec les autres par des prolongements protoplasmiques grêles en continuité de substance avec la couche rose transparente dont j'ai parlé. Cette disposition (1) présentait Paspect d’arbores- cences protoplasmiques aux extrémités desquelles étaient sus- pendues les spermospores. Dans la substance de spermospores : isolées sans l’intervention d'actions artificielles, apparaissent de petits noyaux réfringents qui se meuvent dans la masse de la spermospore et se disposant enfin à la périphérie donnent à la spermospore l'aspect d’une petite müre (2). Ces corpus- cules réfringents semblent s’être formés aux dépens du noyau _ jaune primitif qui est sorti de la portion rouge granuleuse. Cette portion granuleuse se résorbe de plus en pluset constitue une masse isolée dans la spermospore müriforme. Des pro- longements protoplasmiques filamenteux (3) rayonnent de la spermospore, l'action de l'acide acétique fait voyager les sphé- rules ou corpuseules jaunes le long de ces prolongements, et en rend la constatation plus nette. Plus tard la calotte de cor- puscules ou sphérules spermatiques se désagrège et les fila- ments externes se groupant en faisceaux donnent aux amas ainsi réunis l’aspect de bouquets dans des rapports variés les uns avec les autres. L'étude de ce processus me fait considérer les spermato - zoïdes comme formés par la segmentation de la spermospore (1) PI. 12, fig. 3. (2) Ibid. fig. 2 et 4. 3) Ibid. fig. 5, 6 et 7. 102 REMY SAINT-LOUP en un certain nombre de cellules amibiformes, la tête du spermatozoïde enfermant le noyau, la queue représentant la portion protoplasmique devenue filamenteuse. À un degré plus avancé d'évolution, les bouquets spermatiques se désa- grègent (1) et les spermatozoïdes isolés présentent les aspects et les mouvements connus chez la plupart de ces éléments cellulaires. Libres et isolés ces indie die peuvent s’enrouler de diverses manières : tantôt leur queue figure une spirale, tantôt elle forme un cercle plus ou moins large entourant la tête, de façon à présenter cet aspect d’une cellule qu’on a quel- quefois déerit sous le nom de cellule mère des spermato- zoïdes. Comme je l’ai fait remarquer, toutes les cellules nées de l’épithélium testiculaire n’aboutissent pas à la formation d'éléments spermatiques. Leur sort est comparable à celui des cellules du vitellogène ovarien; leur masse se fusionne plus ou moins rapidement et les cellules extérieures peuvent constituer une membrane-enveloppe qui constitue un sperma- tophore comme chez les Clepsines. M. Robin a reconnu chez ces animaux le lieu de formation des spermatophores qui ne se constituent pas dans les espèces où la conformation de l'appareil génital mâle (Sangsue médicinale) ne permet pas l'expulsion de ces fuseaux. L’examen des figures que j’ai don- nées de l’appareil génital dans les différents genres permettra de comprendre les modifications qui doivent nécessairement exister dans la manière dont les spermatozoïdes sont introduits dans les organes génitaux femelles. Les spermospores aux différents stades de leur évolution se rencontrent non seulement dans les testicules, dans les canaux déférents, dans le canal du cirrhe, mais encore dans l’inté- rieur même des organes femelles et jusque dans les fuseaux ovariens. Elles se détachent en effet, tombent dans la cavité de la cap- (HP M2 018: ARTICLE N° 92. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 103 sule et y commencent une série de transformations qui se continuent dans les canaux déférents et jusqu’à l’intérieur des organes femelles. À l'extérieur, la capsule testiculaire est environnée de vaisseaux capillaires formant un réseau à mailles assez régulières et appartenant chez les espèces qui possèdent le réseau variqueux à des dépendances de ce système. Je ne puis me dispenser de signaler les analogies que ces remarques permettent d'établir entre les dispositions de l’ap- pareil génital femelle des Hirudinées et celui des Trématodes et des Turbellariés. X EMBRYOLOGIE. $ 24. — Avant de présenter l'analyse des connaissances que nous avons du développement des Hirudinées, je choisirai quelques termes usités en embryologie que je crois néces- saires à la description, et je définirai ce que j'entends par chacun d'eux, afin d'éviter les confusions qui rendent quel- quefois difficile la lecture des ouvrages traitant de l’embryo- logie. La Planula de Ray Lankester est uu polyplaste sphérique formé de deux masses concentriques de cellules différenciées. La masse interne forméee d’entoplastes est entourée d’une calotte d’ectoplastes. Un polyplaste homoblastique passe à la forme Planula par deux procédés connus sous les noms de délamination et d’inva- gination. Dans le premier cas, la masse entoplastique restant toujours enfermée dans l’ectoplasme peut être creusée d’une cavité centrale ou entéron. Un canal intracellulaire ou stomodæum peut faire communiquer l’entéron avec l'extérieur. L’ouver- ture extérieure de ce canal est la bouche de la Planula. Dans le deuxième cas, la masse entoplastique s’est diffé- 10% REMY SAINT-LOUP. renciée avant que les éléments du polyplaste se soient assez segmentés pour constituer une blastula. Au lieu de se former au centre du polyplaste, Pentoplasme se produit dans une position plus ou moins excentrique, voire même à l’exté- rieur, et ne s'enfonce que plus tard dans la masse ectoplas- tique, qui peut se refermer sur elle ou ne pas se refermer. Dans ce dernier cas, la masse entoplastique restant en relations avec l'extérieur, on à une gastrula de Hæckel, lPori- fice d’invagination étant le blastopore de Ray Lankester, l'Urmund ou bouche primitive de Hæckel et Huxley. Si, au contraire, la masse entoplastique est enfermée dans lecto- plasme, il pourra se former un stomodæum et une bouche définitive. Si par un procédé quelconque un espace lacunaire se forme entre les deux couches de la Planula, cette cavité est un cœlome, ou cavité générale, ou cavité péritonéale. Dans cette cavité peut se développer, et je n’envisage pas pour le moment de quelle façon, une formation membraneuse, dont les relations avec les parois de l’ectoplasme et de lendo- plasme et avec tous les organes sont de la plus grande impor- tance. Cette membrane est le péritoine. Nos connaissances actuelles permettent de considérer ces premiers phénomènes comme du même ordre que ceux qui se présentent dans les œufs à globules polaires. Le point principal à élucider est relatif à l’apparition des cercles po- laires distingués par Wittman et que M. Charles Robin (1) avait (1) D’après M. Robin, on trouve chez les Néphélis les ovules dans les ovo-sper- matophores. Les œufs sont contenus dans une gangue de spermatozoïdes et de cellules. Les ovules jeunes se gonflent un peu dans l’eau, on n'y distingue pas de membrane formant une paroi propre, mais on aperçoit à l’intérieur des granulations qui manifestent des mouvements browniens. (J'ai eu, à plusieurs reprises, l’occasion de remarquer ces granulations, qui ont l’aspect de sphé- rules extrêmement petites, et de constater leurs mouvements.) La membrane d’enveloppe ou vitelline se forme plus tard. On voit, en outre, dans la gangue des spermatozoïdes, des noyaux en voie de segmentation (ces noyaux appar- tiennent aux cellules des vitellus qui ne constitueront pas des œufs). Les ovules deviennent opaques par suite de formations de granulations, le centre est clair, les contours plus denses. Les œufs mûrs, prêts à être pondus, se distinguent ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 105 figurés le premier chez les Clepsines. Les œufs fécondés que j'ai observés m'ont présenté les aspects de fractionnement déerits par les auteurs précédents. Je me bornerai à les résu- mer et à signaler seulement les dispositions sur Pinterpréta- tion desquelles mon opinion ne s'accorde pas avec celles qui ont été émises. Je n’emploierai pas dans les descriptions le mot vitellus quand il s'agira de l'évolution de ce qui est Pœuf. Le vitellus dont nous avons étudié la formation en traitant de l’origine de l’œuf, ne fait pas ici partie constitutive de lPembryon. C’est une masse de substance alimentaire qui peut servir pen- dant le développement à la nutrition par endosmose de l’em- bryon et dont les derniers restes sont mangés par le jeune animal dans les jours qui précèdent son éclosion. Employer ce même mot vitellus pour désigner des portions de embryon où se manifeste une activité de segmentation spéciale ne pourrait ici qu amener des confusions. On doit alors consi- dérer comme étant l'embryon tout ce qui forme l’œuf après la fécondation, cet embryon ne comprenant que des matériaux de constitution. Pour décrire les changements successifs des éléments de l'embryon, il est nécessaire de définir certaines lignes ou directions par rapport auxquelles les positions des éléments seront déterminées. J’appellerai grand axe une ligne traversant l'embryon, de la région céphalique ou antérieure à lextrémité opposée ou postérieure, petit axe, une perpendiculaire au milieu de la par l'absence de vésicule germinative, dont le mode précis de disparition n’a pu être étudié. Les spermatozoïdes pénètrent par le micropyle et nagent entre la membrane et l’œuf. On peut en apercevoir un faisceau dans le micropyle quand la pénétration cesse. À partir de ce moment commencent les déforma- tions et les mouvements de giration du vitellus; les globules muqueux ou hyalins apparaissent ensuite. Une description soignée de lapparition des glo- bules polaires est donnée page 35. Les globules polaires de deuxième forma- tion naissent au même point que ceux de première formation. Quelquefois ils se produisent tous à la fois par segmentation brusque du cône-bourgeon (Robin, Loc. cit., p. 17-35). 106 REMY SAINT-LOUP. portion du grand axe limitée par l'embryon. Deux plans, lun supérieur ou dorsal; l’autre, inférieur ou ventral, parallèles entre eux et au plan des deux axes, sont tangents aux faces supérieure ou dorsale, inférieure ou ventrale de l'embryon. Les premières segmentations ont pour résultat la formation de quatre sphères, dont une plus considérable est ventrale ; des trois autres, la médiane est supérieure et dorsale, les autres sont latéralement placées. Quatre sphérules appa- raissent aussitôt à l'extrémité antérieure de embryon. L’ac- tivité de segmentation intéresse ensuite uniquement la sphère dorsale et conduit à des formations que j'étudierai plus loin, me bornant ici à remarquer qu'à mesure que ces différencia- üons ont lieu, la sphère ventrale et les sphères latérales se déforment pour s’allonger en fuseau dans la direction du grand axe, l’allongement de la sphère ventrale dépassant celui des sphères latérales. Cette remarque n’est pas sans importance pour rendre imtelligibles les formes de l'embryon dans les phases postérieures. Par le fait de cet allongement, les trois sphères ont formé une sorte de vase dont le bord figure une ellipse et dans lequel est déposée la masse segmentée de la sphère dorsale. Si l’on veut faire entre cette forme et l’un des états schématiques d’un œuf en évolution un rapproche- ment par comparaison, on pourra dire que l'embryon d’Hiru- dinée représente en ce moment une gastrula, dont les carac- tères s’accentueront d’ailleurs davantage. Les trois fuseaux représenteraient l’ectoplasme, la masse supérieure qu’ils con- tiennent en partie, serait l’endoplasme, le bord elliptique cor- respondrait à la bouche primitive. Je considère maintenant les modifications successives de la sphère dorsale, et, sans répéter les descriptions minutieuses relatives au déplacement de chaque cellule de fractionnement, je signalerai les phases principales, me réservant d’insister sur les points où les observations relatées dans les travaux antérieurs m'ont paru incomplètes ou inexactes. En dehors des difficultés de la manipulation et de la préparation d’em- bryons aussi délicats, 1l faut se garer des écueils qui exigent, ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 107 pour ne pas être une cause d'erreur, toute l’attention des ob- servateurs. Parmi les œufs que l’on peut observer, un grand nombre ne suivent pas le développement normal, leur évolu- tion naturelle est masquée par des phénomènes pathologiques. IL m'est arrivé plusieurs fois de suivre attentivement et de représenter d’heure en heure par des dessins, les changements survenus dans des œufs qui tout à coup demeuraient station- naires dans leurs évolutions et présentaient nettement les ca- ractères d’une croissance anormale. Ce n'est que par des ob- servations multipliées et par la comparaison des dessins d’un grand nombre d’embryons du même âge qu'on peut arriver à distinguer l’œuf normal de celui qui doit mourir. C’est ainsi, je crois, qu’on peut se rendre compte de la divergence des dessins d’observateurs cependant consciencieux, qui ne s’é- taient pas tenus en garde contre l’apparition de formes irré- gulières. Je n’emploierai pas le vocabulaire compliqué de Wittman, qui semblait ignorer le travail de M. Robin en s’attribuant la découverte de faits nettement exposés dans l’ouvrage du natu- raliste français. La sphère dorsale se sépare en deux masses, l’une supé- rieure, l’autre placée en dessous. Presque immédiatement deux plans de clivage perpendiculaires l’un sur Pautre et di- rigés l’un suivant le grand axe, l’autre suivant le petit axe de l'embryon, déterminent la formation de huit sphérules dispo- sées par quatre sur deux rangs superposés. Les quatre sphé- rules inférieures se segmentent rapidement et donnent par leur groupement une masse ayant à peu près la forme d’une lentille allongée dans le sens du grand axe. Les quatre sphé- rules supérieures doublent en nombre par le fractionnement de chacune d’elles et viennent se disposer aux bords posté- rieurs de la lentille. Nous avons done à ce stade un embryon constitué d’une cupule épaisse formée des trois fuseaux dont j'ai parlé et que j'appellerai lames somatiques; une masse lenticulaire de sphérules beaucoup plus petites remplit l'ouverture de la cu- 108 REMY SAINT-LOUP. pule. Huit sphérules plus importantes sont rangées par quatre de chaque côté des bords postérieurs de la lentille. Quatre autres sphérules existent dans la région antérieure. Il est à remarquer que l’allongement de la lame somatique ventrale a produit une incurvation de ses extrémités, qui se reploient de manière à devenir tangentes au plan supérieur ou dorsal. Cette forme correspond à celle des embrvons de Vertébrés, et, sans établir, quant à présent, d’autres comparaisons que celles des apparences, les lames somatiques de l’embryon de la Sangsue sont incurvées sur la masse entoplastique comme un embryon de Vertébré est incurvé sur sa vésicule ombilicale. Les quatre sphérules antérieures manifestent ensuite une activité de segmentation, dont le résultat est la formation d’une masse épiblastique qu’on a appelée capuchon cépha- lique. De même une auire nappe épiblastique se forme par la prolifération des sphérules de la lentille, et, quand cette der- nière nappe atteint le bord du capuchon céphalique, il se forme à son bord libre, comme aux points de contact, un bourrelet caractéristique. La prolifération des cellules centrales de la lentille continuant, ce bourrelet est chassé par lextension de la nappe épiblastique qui enveloppe de plus en plus les trois lames somatiques, excepté dans la région des huit sphérules postérieures. On a donné aux deux bourrelets (1) qui finissent par se re- Joindre à la face ventrale de l'embryon, le nom de trainée serminative, d’autres fois celui de bande mésoblastique, déno- minations inutiles et qui ne sont pas justifiées par l’étude des faits. Ce qu'il est seulement permis d'affirmer, sans rien vouloir conjeclurer sur le rôle définitif des bourrelets, c’est qu'ils ürent leur origine des éléments segmentés de la lentille. L’épi- blaste et les bourrelets naissent donc de la même substance (1) « Dans le développement des Hirudinées, dit Gegenbaur, l’apparition de l’ensemble des segments de l’adulte est simultané et commence par une raie primitive, après l'apparition de laquelle seulement la différenciation des seg- ments à lieu. » Gegenbaur eutend sans doute par ligne primitive la ligne de jonction des deux bourrelets (Gegenbaur, Manuel d'Anatomie comparée). ARTICLE N° 2 ORGANISATION DES HIRUDINÉES. : 109 qui constitue l’endoblaste, et j'insiste sur ce fait, qui permet peut-être d'expliquer les analogies de structure de l’épiderme des embryons et des formations membraneuses péritonéales par leur communauté d’origine. M. Robin figure, en effet, des lambeaux d’épithélium de lPembryon de Néphélis, par des dessins qui sont l’exacte représentation de membranes périto- néales chez le même animal. Si l’on examine dans quelle circonstance s’est produit le bourrelet, on arrive à concevoir son apparition comme le ré- sultat d’une action purement mécanique : le retard apporté dans l’extension régulière de la nappe épiblastique par la rencontre du capuchon céphalique d’une part, des sphérules postérieures d’autre part. Cette manière d'interpréter la formation des bourrelets expliquerait en même temps les stries longitudinales qu’ils présentent ; la pression exercée sur les éléments du bourrelet par la nappe centrale, devant, en les comprimant, les allonger dans le sens des stries. J'aurai d’ailleurs d’autres occasions de constater le rapport du groupement des éléments anatomiques avec la déformation de leur ensemble produite par des actions purement méca- niques. Quoi qu’il en soit, lorsque les bourrelets ont gagné le milieu de la face ventrale de l'embryon, ils s’isolent de l’épiblaste sous forme de deux cylindres de cellules qui s’'eufoncent dans la masse fondamentale pour y devenir plus tard la chaîne ner- veuse. Des épaississements de l’épiblaste se montrent aussi au niveau des lignes de suture de la lame somatique ventrale et des lames somatiques latérales. Je n’ai pu reconnaître quelles transformations ils subissaient dans la suite, mais je ne suis pas éloigné de croire qu’ils s’enfoncent entre les lames somatiques et contribuent à la formation de la portion la plus extérieure des organes segmentaires. C’est, en effet, sur ces lignes d’épais- sissement qu’apparaissent les ouvertures des canaux segmen- taires. Il est à remarquer aussi que les canaux latéraux sont précisément placés à l’intérieur du corps dans le voisinage de ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1884. XVIII AT PARTONS) 2; 110 REMY SAINT-LOUP. ces mêmes lignes. Les épaississements latéraux épiblastiques contribueraient-ils avec les membranes péritonéales à former les parois des canaux latéraux? c’est une question que j'ai tenté de résoudre en exécutant des coupes à travers des embryons traités par l'acide picrique, l'alcool et l'inclusion dans la paraf- fine, mais rien de probant n’a été fourni par ces expériences. Jusqu'ici la segmentation métamérique n’est pas apparues; il n'existe dans l'embryon ni cellules n1 tissus proprement dits, 1l ne s’y trouve que des éléments sphériques de dimensions très variables, plus ou moins mobiles les uns sur les autres, plus ou moins capables de se fusionner en syncytium, de présenter le phénomène de réfusion dont M. de Quatrefages à reconnu l'existence pour d’autres Invertébrés. Lorsque la segmentation métamérique apparaît, c’est dans la lame somatique ventrale et dans les lames somatiques la- térales qu’elle se manifeste tout d’abord et non pas ailleurs. Elle apparaît si rapidement, qu'il est impossible de discerner si elle commence à l'extrémité céphalique ou à l'extrémité pos- térieure. Les avis sont partagés sur ce point et les choses se passent en réalité comme si la division en îlots granuleux dif- férenciés qui sont la première trace de la segmentation dans les lames somatiques, apparaissaient simultanément en tous points. La métamérisation suecessive de toutes les parties constituantes de l’organisme est, pour ainsi dire, subordonnée à celle des lames somatiques, et le système nerveux comme l'intestin, comme d’autres organes, commencent par être par- faitement continus et homogènes dans la longueur avant de présenter des traces de division. Pendant l’apparition des seyments, la masse lenticulaire qui s’est enfermée dans la cavité des lames somatiques et s’est peu à peu détachée du feuillet épiblastique, forme, pour ainsi dire, dans la région dorsale un couvercle à la cupule soma- tique. À ce moment, une communication s'établit entre la masse épiblastique et l'extérieur, en même temps que cette masse se différencie en intestin et formation péritonéale. Le stomodæum, qui aboutit au point où avaient apparu les ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 111 quatre sphérules qui ont donné naissance au capuchon cépha- lique, est formé par l'intervalle que laissent entre elles, sous forme d’un canal central, les trois lames somatiques soudées dans la région antérieure de l’animal. Ce stomodæum, qui met en relation l'extrémité antérieure de l’endoplasme avec l’orifice buccal, est donc semblable à l’espace central d’un faisceau de trois cylindres pleins, appliqués l’un contre l’autre, et cette origine permet de comprendre la section triangulaire de l’œsophage et de la trompe chez les animaux adultes. La formation d’une fine membrane autour de la masse ento- plastique laisse cependant en dehors, sous forme de sphérules jaunes qui la tapissent extérieurement, une couche mince qui servira à la formation des tissus péritonéaux. C’est la couche d'origine des sphérules jaune brun. Les matériaux compris à l’intérieur de la membrane intestinale présentent alors le phénomène de réfusion un peu après que leurs éléments, pressés Les uns contre les autres, ont formé sous la membrane les dessins réticulés que Robin a représentés. L’anus ne se forme que plus tard par l’écartement des cel- lules d’un très court bourgeon épiblastique qui se met en con- tact avec l'intestin. Le travail de M. Robin peut donner une idée de l’ordre d’ap- parition et de différenciation des organes (1). Les organes ex- (1) Le système nerveux est formé par la couche interne des bourrelets exo- dermiques. Il ne présente d’abord aucune trace de segmentation, et je dois rappeler à ce propos quelques lignes inscrites dans l’ouvrage de Kleinenberg intitulé : Origine du système nerveux central des Annélides : « Dans le développement des autres Annélides (l’auteur a traité spécialement des Poly- chètes), notamment des Hirudinées et des Oligochètes, qui n’ont pas de formes larvale libre ni d’organe vibratile, il n’y a pas de nerf circulaire; cependant le . développement du système nerveux, partant de rudiments isolés, qui ne se réunissent que plus tard, indique évidemment la suppression d’un ancien organe médiateur, qui ne peut être autre que le nerf circulaire des Méduses. » Il est inexact que le système nerveux parte de rudiments isolés qui ne se réunissent que plus tard, et l’indication d’un organe analogue au nerf circu- laire des Méduses me semble extrêmement vague; il est d’ailleurs imprudent de voir des ressemblances entre les Hirudinées et les Polychètes, quand les carac- tères qui les distinguent des Oligochètes sont souvent assez considérables pour donner de l'embarras. 112 REMY SAINT-LOUP. créteurs de la période embryonnaire sont un appareil distinct de celui des organes segmentaires. Les organes segmentaires définitifs ne sont en effet autre chose dans le principe que des tubes de communication entre l'extérieur et la cavité du corps. Ces tubes peuvent se compliquer en organes rénaux et cesser d’être en communication directe avec les restes d’une cavité du corps modifiée en vaisseaux latéraux. L'apparition de lap- pareil vasculaire péritonéal, de celui que Gratiolet appelait un réseau variqueux, entraine ces modifications importantes dans la forme et le rôle des tubes segmentaires simples. Les organes copulateurs naissent de l’épiblaste. Je n’ai pas cru nécessaire de distinguer un hypoblaste qui n’est en somme qu’une diffé- renciation très passagère du feuillet épiblastique primitif. Les organes de génération proprement dits ovaires et testi- cules sont des formations péritonéales (1). Pour le détail d’un grand nombre des faits de l’évolution des Hirudinées il faut se reporter à l’ouvrage considérable de M. Robin; je n’ai voulu inscrire iei que celles des observations que J'ai pu faire qui m'ont paru capitales. Les points encore obscurs seront faciles à comprendre quand les études embryo- logiques auront donné connaissance du développement des Hirudinées aberrantes, qui, à cause de la transparence de leurs ussus et de la rareté des granulations pigmentaires, peuvent être observées plus facilement et pendant toute leur évolution. (1) Mes recherches m'ont conduit à adopter la plupart des vues de A. Lang. « Les organes génitaux, dit-il, se développent probablement aux dépens de l’épithélium des diverticulums de l'intestin. Les systèmes vasculäire et lympha- tique, qui sont en communication l’un et l’autre, proviennent d’une liquéfac- tion des cellules parenchymateuses de mésenchyme. Il n’existe pas d’entéro- cèle, mais un schisocèle formé par les systèmes vasculaire et lymphatique. » (A. Lang, Relations des Platyelmes avec les Cœlentérés et les Hirudinées, in Arch. biol. italiennes, 1880, IL.) ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 113 CONCLUSION. Sans me hasarder à entreprendre des discussions générales, en comparant les résultats que j'ai obtenus pour l’organisa- tion des Hirudinées à ceux que de nombreux travaux ont fournis pour les Invertébrés voisins, je me contenterai, en manière de conclusion, de présenter brièvement le résumé de mon travail. 1° Les considérations sur la forme et la symétrie des par- lies ont attiré l'attention sur le groupement régulier des élé- ments non seulement dans l’ordre métamérique, mais encore dans l’ordre méridien. Chez l’adulte, nous avons retrouvé les traces de ces trois lames somatiques si importantes dans le développement et qui forment, pour ainsi dire, la charpente essentielle de l’embryon. L'étude des saillies ou lobes de la bouche à fourni des indices sur la constitution des lèvres supérieure ou inférieure. 2° En traitant du système musculaire, 1l m’a été possible de ranger en trois catégories les éléments de cet appareil. Entre les tubes musculaires et les fibres grêles auxquelles les différents auteurs ont donné les noms de tissu fibreux, fibres conjonctives, fibres contractiles, il n’existe pas de différences essentielles de nature ni d’origine. Les éléments de la troi- sième catégorie, représentés par les eellules particulières qui ont été décrites comme des éléments musculaires spéciaux aux canaux latéraux, m'ont paru mériter une étude plus atten- tive. La découverte que j'ai faite de cellules semblables dans les organes génitaux mâles des Néphélis me détermine à ne ranger ces organes cellulaires parmi les formations muscu- laires que sous toutes réserves. 3° Le système nerveux est, dans toutes les Hirudinées que j'ai étudiées, constitué d’une façon identique. Partout il existe un cordon connectif entourant l’œsophage et dont les deux moitiés rapprochées constituent, en se prolon- geant à la face ventrale du corps de l’animal, un double cor- 114 REMY SAINT-LOUP. don nerveux. En un certain nombre de points, les deux cor dons forment, par leur réunion sur une longueur variable, des trames fibreuses qui marquent la place des ganglions et des masses ganglionnaires. Un ganglion est constitué d’une de ces trames fibreuses et de six capsules nerveuses régulièrement disposées et qui contiennent des cellules nerveuses unipolaires. [| émet de chaque côté deux nerfs latéraux qui peuvent être confondus en un tronc unique et porter sur leur trajet des cellules nerveuses de renforcement. Quand les deux nerfs latéraux se séparent à la sortie du ganglion, une cellule nerveuse bipo- laire envoie ses prolongements filiformes à chacun d’eux. Des ganglions rapprochés et plus ou moins confondus for- ment la masse principale sous-æsophagienne et la masse postérieure de la ventouse. Pour la masse sous-æsophagienne, le nombre des ganglions fusionnés est de trois ou quatre; pour la masse postérieure, leur nombre, généralement plus con- sidérable, est aussi plus variable suivant les espèces. Des capsules nerveuses peuvent être disposées tout le long des connectifs du collier, entre la masse sous-æsophagienne et la masse antérieure cérébrale (Branchellion, Pontobdelle), en quelques points seulement de ces connectifs (Néphélis), et enfin constituer seulement les deux portions symétriques de la masse antérieure cérébrale. Les nerfs de la région céphalique doivent être considérés comme tirant leur origine de la trame fibreuse sous-æsopha- gienne. : Ils suivent quelquefois les connectifs du collier dans une longueur variable, avant de présenter un trajet isolé. Le nerf intermédiaire est probablement le prolongement, dans la chaîne ventrale, des attaches du grand sympathique. 4 L'appareil circulatoire peut être constitué de différentes manières, et des formes de passage existent entre les disposi- tions suivantes : À. Un système circulatoire dorso-ventral identique à celui de la majorité des Annélides, coexistant avec une cavité géné- ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES,. 115 rale du corps et sans communication avec elle. Dans ce cas, il n’y a pas de réseau variqueux (Clepsine). B. Un système circulatoire dorso-ventral en communica- tion directe avec la cavité générale du corps, représentée par le système des vaisseaux latéraux. Dans la région postérieure du corps, où apparaît le réseau variqueux, les communica- tions entre les deux systèmes deviennent moins directes (Né- phélis). G. Un système circulatoire dorso-ventral en communica- tions très vagues avec le système des vaisseaux latéraux; le plus grand développement du réseau variqueux produisant une tendance à la séparation des deux premiers systèmes (Au- lastome). ; Il est probable que les vaisseaux du système franchement circulatoire, aussi bien que ceux du système respiratoire (vaisseaux latéraux), tirent leur origine de la combinaison du péritoine avec les espaces de la cavité générale du corps. 9° Les organes segmentaires subissent des modifications intimement liées à celles de l'appareil de circulation. C’est ainsi que, dans le cas À, ils consistent en tubes simples met- tant en communication la cavité générale avec l'extérieur. Dans le cas B, ils sont formés de l'assemblage d’un tube ayant une origine épiblastique avec des dépendances (cupules rouges) dusystème des vaisseaux latéraux, et manifestent une tendance à l'isolement de ce système, en relation avec le développement du réseau variqueux. Dans le cas G, les organes segmentaires n’ont plus de rela- tions directes avec les vaisseaux latéraux. [ls sont devenus des organes excréteurs ou reins, les tissus glandulaires qui les ont envahis étant pénétrés par les capillaires des systèmes cireu- latoires. Les organes excréteurs primitifs, reconnus par divers obser- vateurs, n’entrent pas dans la constitution des organes seg- mentaires, qui se forment plus tard. 6° Le tube digestif présente en général une région œæsopha- gienne, représentée parfois par une trompe, une région stoma- 116 REMY SAINT-LOUP. cale à culs-de-sac prononcés, surtout chez les Hirudinées plates, n’existant pas au contraire chez les Pontobdelles, qui sont cylindriques. On peut observer dans le tube digestif, outre la structure métamérique, une disposition métamérique ou rayonnée. Une région intestinale histologiquement très différente de la précédente, devant être considérée comme le siège le plus important des réactions chimiques de la digestion. Richement vasculaire chez les Aulastomes, elle ne l’est pas chez les Clep- sines, où les échanges se font directement entre l’intestin et les liquides du corps. La région postérieure extrême présente des caractères pour ainsi dire négatifs, qui en établissent la distinction. 7° Les Hirudinées présentent une élimination des sphérules Jaune brun sous forme de granulations pigmeutaires. J'ai donné à ce phénomène le nom de fonction pigmentaire. 8° Les organes génitaux peuvent être comparés dans les différentes espèces, et l’on peut suivre par quelles combinai- sons des parties constituantes se produisent les différents aspects. La poche du pénis présente chez la Sangsue une glande spéciale de fonctions inconnues. Le développement du pénis est variable, les spermatophores existent chez les espèces où il est rudimentaire. Les ovaires présentent les exemples de différenciation des parties constituantes, en un germigène et un vitellogène distinct. Les œufs peuvent naître directement sur les parois de l'ovaire ou sur des bourgeons qu’on a appelés rachis. Un en- semble de cellules œufs et une masse fusionnée de cellules vitellines (cellules produites par le vitellogène différencié ou non) peuvent s’isoler pour constituer un pseudo-spermato- phore. Cette expression est empruntée à M. Robin, qui semble s’être mépris sur l’origine de la formation des masses d'œufs et de spermatozoïdes. Les spermatozoïdes naissent de spermospores produites par l’épithélium interne des poches testiculaires. Leur évolutiôn, ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 417 qui se continue dans les canaux déférents el jusque dans Pin- térieur des ovaires, consiste dans la division du noyau de la spermospore, chaque fragment entraînant une petite portion filforme du protoplasme pour constituer un spermatozoïde. Il à paru utile d’insister sur l'importance des lames soma- tiques, sur leur origine et sur leur persistance à côté des élé- ments plastiques déjà segmentés. Ges lames somatiques sont le siège des premières manifestations de la segmentation mé- tamérique qui s'opère tout d’un coup et préside au groupe- ment métamérique des organes. D’autres remarques ont été faites, dont le détail est donné au chapitre de l’Embryo- logie. Tels sont, en quelques mots, les principaux résultats que J'ai obtenus et qui fourniront, j'espère, quelques éléments à la science si intéressante de l’anatomie comparée des Inver- tébrés. 118 1827 1848 1849 1849 1849 1849 1849 1850 REMY SAINT-LOUP. LISTE BIBLIOGRAPHIQUE. MoquiN-TANDON. Monographie des Hirudinées. (Voir dans cet ouvrage et dans l’édition de 1846 la liste bibliographique, que j'ai jugé inutile de reproduire ici.) MuzLer. Meckels Archiv. (Organes segmentaires des Néphélis). Ducs. Ann. des sc. nat., t. 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Die Familien der Anneliden mit Angabe ihrer Gattungen und Arten. 1852 DE QuATRErAGES. Étude sur les types inférieurs de l’embranchement des Annelés (Ann. des sc: nat., 3 série, t. X, XIV et XVII). 4852 Wicciams. Researches on the Structure and homology of the repro- ductive organs of the Annelids (Philosophical Trans., London). 1853 ScauLze. Archives d'anatomie et de physiologie. 1854 FERMOND. Monographie de la Sangsue médicinale. 1855 BoNNicEAU. Mémoires présentés à l'Académie (Comptes rendus). 1859 GEGENBAUR. Ueber die Schleifencanäle der Hirudineen. 1855 Favre. Observations histologiques Sur le grand sympathique de la Sangsue meédicinale (Ann. des sc. nat., 4° série). 1856 FaivRE. Études sur l'histologie comparée du système nerveux de quel- ques Annélides (Ann. des sc. nat., 4° série, t. VD. 1856 Ep. HERING. Zur Anatomie und Physiologie des Generations organe d. Regenwurmer (Siebold und Külliker Zeitschr., VIN). 4857 LEcomTE et FAIVRE. 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Sur un type nouveau de la classe des Hirudi- nées (Comptes rendus Acad. sciences). 129 REMY SAINT-LOUP. EXPLICATION DES PLANCHES. PLANCHE 6. Fig. 1. Ventouse orale de Piscicola geometrica montrant la bipartition de la lèvre supérieure. Fig. 2. Ventouse postérieure du même animal. Le pigment qui dessine des anneaux tout le long du corps, dessine sur la ventouse des bandes rayon- nantes. Fig. 3. Coupe de la ventouse de Pontobdelle montrant la région molle en à et la région plus postérieure musclée en b. On voit dans cette dernière des muscles rayonnant dans différentes directions, et la coupe de muscles cir- culaires dont les faisceaux passent dans l'intervalle des premiers. e, épi- derme. ù Fig. 4. Coupe d’un faisceau musculaire de Nephelis montrant la striation de la gaine et les noyaux. Fig. 5. Dissection de la région céphalique d’une Sangsue montrant les rap- ports de l’œsophage avec le collier nerveux et la disposition des mächoires ou langues. Fig. 6. Moitié d’une coupe transversale de Nephelis, exécutée dans la région œsophagienne et montrant la musculature de cette partie. Fig. 7. Une portion de la coupe précédente grossie : à, tissu de la paroi œsophagienne; b, coupe des muscles longitudinaux de l’œsophage rangés en faisceaux rayonnants autour du canal œsophagien; c, muscles circulaires de l’œsophage; d, coupe des muscles longitudinaux du système musculaire somatique; e, muscles circulaires somatiques; f, rayons musculaires qui relient l’œsophage aux parois du corps. Fig. 8. Une moitié d’une coupe transversale de Clepsine pour montrer la dispo- sition des muscles qui relient la face dorsale à la face ventrale : c, muscles circulaires somatiques ; d, coupe des muscles longitudinaux du système musculaire somatique; ?, intestin; n, chaîne nerveuse ; p, corpuscules pig- mentaires. Fig. 9. Ventouse ovale de Pontobdelle, pour montrer l’anneau d’adhérence en & et la bande musculaire qui renforce en b la ventouse proprement dite. Fig. 10. Muscles plats de la gaine d’une trompe de Clepsine. Une portion grossie pour montrer les ramifications des bandes musculaires. PLANCHE 71. Fig. 1. Ganglion de la chaîne nerveuse de la Néphélis octoculée montrant les deux capsules nerveuses médianes et les quatre capsules latérales. Des cel- lules bipolaires unissent les nerfs latéraux à leur sortie du ganglion. En a le nerf intermédiaire ou médian impair. Fig. 2. Le même ganglion vu par la face supérieure. On voit au centre l'espace vide qui existe dans la trame fibreuse losangique. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 193 Fig. 3. Capsule isolée, grossie, contenant des cellules nerveuses unipolaires de différentes dimensions. Fig. 4. Ganglion de la chaîne nerveuse de l’Aulastome vorace vu par la face inférieure. Des deux capsules médianes, celle qui est antérieure se termine en fuseau, la capsule postérieure s’élargit dans le sens transversal, En a, le nerf intermédiaire. Fig. 5. Le même ganglion, vu par la face supérieure et montrant l’étrangle- ment des connectifs aux points où ils quittent la trame losangique. Des cellules bipolaires existent à la sortie des nerfs latéraux. Fig. 6. Masse nerveuse caudale de la Néphélis octoculée. Elle est formée de ganglions fort nets à la partie antérieure, et de plus en plus confondus à mesure qu'on approche de l’extrémité postérieure. Fig. 7. Face supérieure de la même masse. Le resserrement des capsules ner- veuses de la portion supérieure a déterminé la position de quelques-unes d’entre elles à la face supérieure de la trame fibreuse. Fig. 8. Cerveau et masse sous-æsophagienne de l’Aulastome vorace vus par la face supérieure. Les deux moitiés de la masse cérébrale sont séparées. Trois espaces vides existent dans la trame fibreuse sous-æsophagienne. Fig. 9. Cerveau et masse sous-æsophagienne de Néphélis octoculée ; capsules nerveuses sur les connectifs du collier. PLANCHE $. Fig. 1. Masse nerveuse et connectifs œsophagiens de l’Aulastome vorace vus par la face inférieure. Des ganglions constituant cette masse, le plus posté- rieur est distinct et émet de chaque côté une paire de nerfs latéraux. Les nerfs qui émanent de la trame sous-œsophagienne et ceux qui abandonnent les connectifs sous-æsophagiens, après les avoir suivis quelque temps, se distribuent dans la masse charnue de la tête et aux yeux. Les petites branches antérieures internes vont aux parois de l'æœsophage et aux organes d’incision. Fig. 2. Masses nerveuses sous-æsophagiennes et antérieures extrêmes chez la Pontobdelle; montrant la continuité de relation du cerveau et des ganglions sous-æsophagiens. Fig. 3. Constitution de la masse nerveuse postérieure de la Pontobdelle, qui est composée de sept ganglions. Nerfs qui.en sortent, nerf intermédiaire, Fig. 4. Une portion des connectifs de la Pontobdelle montrant les deux fais- ceaux principaux de fibres nerveuses connectives, le nerf intermédiaire et des cellules nerveuses accessoires. Des fibres musculaires accompagnent le névrilème. Fig. 5. Cellules unipolaires accessoires à la bifurcation de branches nerveuses latérales, considérées chez l'Aulastome. Fig. 6. Cellules accessoires des ganglions de renforcement de la Pontobdelle. Fig. 7. Cellule bipolaire à la sortie des nerfs latéraux d’un ganglion de Nephelis. Fig. 8. Nephelis jeune montrant la différenciation des régions successives de l'intestin : æ, œsophage; e, estomac; 5h, intestin hépatique; à, intestin ter- minal. | 124 REMY SAINT-LOUP. Fig. 9. Nephelis un peu plus âgée; les mêmes lettres désignent les mêmes parties; apparition des globules jaune brun du tissu variqueux. Fig. 10. Clepsine dessinée de façon à montrer la correspondance des régions de l’intestin avec celles de cet appareil chez la Nephelis. On voit les globules pigmentaires distribués dans tout le corps : b, bouche; f, trompe. Fig. 11. Vaisseau latéral d’une jeune Nephelis en communication avec les vésicules qui entreront dans la constitution des organes segmentaires. En 0, les orifices des organes segmentaires. PLANCHE 9. Fig. 1. Appareil circulatoire dans la région céphalique de la Néphélis octoculée : vl, vaisseaux latéraux; vd, vaisseau dorsal; vv, sinus ventral avec les am- poules qui enferment les ganglions de la chaîne nerveuse et le premier ganglion de la masse nerveuse sous-æsophagicnne. Fig. 2. Circulation chez la Néphélis octoculée; relations des vaisseaux latéraux avec le sinus ventral. La présence du système variqueux sv a interrompu les communications directes des vésicules rouges 7 avec les vaisseaux laté- r'aux |. Fig. 3. Un des vaisseaux latéraux, pour montrer ses rapports avec le réseau variqueux et les vésicules rouges. En 0, l'ouverture des organes segmen- faires. l'ig. 4. Appareil circulatoire dans la région moyenne du corps de l’Aulastome vorace. Système des vaisseaux latéraux v! et de leurs anastomoses losan- giques ventrales en av, dorsales en ad : t, testicules avec les vaisseaux qui les atteignent; sg, organes segmertaires. Fig. 5. Anastomose d’un vaisseau latéral d’Aulastome avec les capillaires du réseau variqueux chargé de sphérules jaune brun. On voit les formations cellulaires spéciales, dites musculaires, qui renforcent les parois du vaisseau latéral. Fig. 6. Rapports d’une anse vasculaire avec un lobe de l'intestin, chez la Nephelis : ep, émithélium intestinal; v, vaisseau; s7, sphérules jaune brun; m, fibres musculaires. Fig. 1. Fragment de la coupe précédente, grossi. Les mêmes lettres désignent les mêmes parties. Fig. 8. Fragment injecté de la valvule spiroïde de l'intestin de l’Aulastome : th, tissu hépatique qui accompagne le réseau capillaire; vm, vaisseau mar- ginal de la valvule spiroïde. Fig. 9. Portion postérieure de l'intestin de l’Aulastome, dont le système cir- culatoire est injecté : vd, vaisseau dorsal se bifurquant en arrière aprés s'être mis en communication avec les vaisseaux propres de l'intestin vp. En à, l'anus. PLANCHE 10. Fig. 1. Coupe de la lèvre supérieure de la Sangsue médicinale, pour montrer le sillon qui en marque la bipartition. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 195 Fig. 2. Coupe transversale de la région œsophagienne chez l’Aulastome, pour montrer la distribution des granulations pigmentaires. Fig. 3. Coupe dans la même région, faite plus postérieurement, la £unica villosa est remplacée par une couche pigmentaire. — æ, œsophage; n, canal de la chaîne nerveuse; p, couche pigmentaire. Fig. 4. Coupe dans la région stomacale, — 5, intestin, p, couche pigmentaire plus dense et plus considérable que dans les figures précédentes. Fig. 5. Coupe transversale dans la région intestinale de la Sangsue. — p, tunica villosa ; à, intestin. On voit plus extérieurement les couches mus- culaires longitudinales et annulaires, à l’intérieur les faisceaux ventro-dor- saux et le tissu de remplissage qui comble l'intervalle de l'intestin et des vaisseaux. Fig. 6. Portion grossie d’un capillaire de la tunica villosa montrant la distri- bution des sphérules jaune brun. Fig. 7. Coupe dans la région œsophagienne de la Nephelis du plateau central. On voit l’importance de la musculature dorso-ventrale et les museles rayon- nants qui vont de l’œsophage aux parois du corps. En g, les amas de glandes dites salivaires. — n, chaîne nerveuse; c, tissu spécial dont les rapports anatomiques sont des plus remarquables. Fig. 8. Coupe transversale de Pontobdelle. — #, trompe; g, cellules glandu- laires de nature inconnue; #, chaîne nerveuse; #», système musculaire ; d, derme; ep, épiderme avec les saillies verruqueuses. Fig. 9. Coupe de Sangsue médicinale faite au niveau du collier œsophagien et montrant les rapports des trois lames a avec les masses nerveuses et l’œso- phage. Fig. 10. Œsophage de la Nephelis du plateau central plus fortement grossi que dans la figure 7. Fig. 11. Coupe de l'intestin de Nephelis, pour montrer les lobes réguliers qu'il présente. Fig. 12. Lobes irréguliers dans la région antérieure de l'estomac de Sangsue PLANCHE 11. Fig. 1. Appareil génital mâle de Pontobdelle. — cs, chambre à spermatophores ; d, canaux déférents. Fig. 2. Appareils génitaux mâle et femelle de l’Aulastome. — 4, canaux défé- rents pelotonnés en e; cs, chambres à spermatophores; p, poche du pénis recouverte du tissu glandulaire prostatique; g, gaine du pénis; 0, germi- gène ; v{, vitellogène; ovd, oviducte; v, vagin. Fig. 3. Pénis de l’Aulastome garni de petites saillies verruqueuses régulières. Fig. 4. Appareils génitaux mâle et emelle de Sangsue médicinale, — 4, canaux déférents pelotonnés en e; cs, chambres à spermatophores; p, poche du pénis ; g, gaine du pénis; 0, ovaires; v, vagin relié aux ovaires par l’ovi- ducte. Fig. 5. Germigènes et vitellogènes de lAulastome, grossis. Les mêmes lettres désignent les mêmes parties que dans la figure 2. Fig. 6. Organe copulateur mâle de Sangsue médicinale. — d, canaux déférents ; ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1884. XVIII. 22. — ART. N° 2. 126 REMY SAINT-LOUP. cs, chambres à spermatophores fusiformes et à parois musculeuses ; p, poche du pénis montrant le trajet des canaux déférents et du canal du pénis. Dans la région supérieure de la poche se trouvent les glandes spéciales dont la disposition est mieux marquée dans la figure suivante. Fig. 7. Coupe de la région supérieure de la capsule ou poche du pénis. — d, canaux déférents; g, glandes en grappes sur leur trajet; cp, canal du pénis; pr, cellules glandulaires prostatiques. Fig. 8. Organe génital mâle de Néphélis octoculée. — d, canaux déférents; cs, chambres à spermatophores soudées sur une portion de leur longueur ; pr, anneau prostatique. Fig. 9. Organe génital mâle de Clepsine; les mêmes désigua tions que dans la figure précédente. PLANCHE 12. Fig. 1. Épithélium de la paroi testiculaire portant des spermospores en voie de formation. Fig. 2. Spermospores réunies en masses agglutinées. Fig. 3. Spermospores artificiellement écartées les unes des autres ei qui res- tent en continuité de substance par l’intermédiaire de prolongements pseudo- podiformes. Fig. 4. Spermospores isolées dont le noyau se segmente et fournit des frag- ments qui se rangent à la périphérie. En même temps apparaissent des fila- ments protoplasmiques qui rayonnent autour de la spermospore. Fig. 5. Spermospore dans laquelle les têtes des spermatozvides sont formées ; les filaments protoplasmiques qui sont les queues de ces mêmes spermato- zoïdes tendent à se réunir en faisceaux. Fig. 6. La masse centrale s'est résorbée, les têtes des spermatozoïdes sont groupées en amas, autour duquel rayonnent les faisceaux de filaments. Fig. 7. Formation des bouquets de spermatozoïdes. Fig. 8. Isolement des spermatozoïdes ; on voit à droite un spermatozoïde plus gr OSSI. Fig. 9. Extrémité de l'ovaire d’une Clepsine portant un pseudo-spermatophore. Fig. 10. Coupe d’un ovaire de Nephelis montrant les bourgeons ovariens. Fig. 11. Parois d’un pseudo-spermatophore. Fig. 12. Formation des rachis et des pseudo-spermatophores. PLANCHE 13. Fig. 1. Terminaisons nerveuses dans la lèvre supérieure de la Nephelis vulgaris jeune. Coupe montrant la section de quelques muscles situés sous les tégu- ments. Un œil est en contact avec l’une des petites masses nerveuses termi- nales. Fig. 2 et 5. Goupe de Branchellion au niveau des organes génitaux; coupe des canaux déférents en & et de la chambre à spermatophores en &. La figure 3 montre une coupe cle la trompe. Fig. 4. Coupe de Branchellion intéressant les ovaires. ARTICLE N° 2. ORGANISATION DES HIRUDINÉES. 197 Fig. 5. Canal déférent grossi, vu en coupe. Fig. 6. Coupe grossie de l'ovaire de Branchellion montrant !a disposition des œufs à des degrés divers d'évolution. Fig. 7. Coupe d'ensemble du Branchellion dans le tiers antérieur du corps. Une grande quantité d'organes glandulaires sont répandus dans tout le parenchyme du corps. Fig. 8 et 9. Ces organes glandulaires grossis. Fig. 10. Coupe à la base d’un appendice branchiforme. NOTE SUR LA STRUCTURE DE L’ESTOMAC DU PLOTUS MELANOGASTER Par M. M. CAZFEIN Ayant eu récemment l’occasion de disséquer un Plotus melanogaster de Cochinchine, j'ai pu comparer son estomac à celui du P. Anhinga décrit par Macgillivray (1) et à celui du P. Levaillanti, étudié par Garrod (2). De même que chez ce dernier oiseau, le ventricule succenturié est es- sentiellement constitué par deux disques formés par la réunion des glandes gastriques et recouverts d’un revêtement épithélial épais. Ces disques ont chacun environ 25 millimètres de diamètre et occupent presque toute la cavité du ventricule. Chez le P. Anhinga, ces glandes sont localisées dans une poche spéciale. La deuxième portion de l'estomac correspondant au gésier est peu mus- culeuse et communique par un orifice garni d’un fort anneau musculaire avec une poche pylorique analogue à celle du Pélican et constituant un appareil valvulaire ou un crible d’une nature particulière formé de longs filaments serrés les uns contre les autres et naissant d’une part sur une saillie conique à pointe dirigée vers le pylore et d'autre part sur la sur- face interne de la poche; aussi l’espace entre ces deux surfaces est-il réduit à une fente en forme de fer à cheval pouvant s’entr'ouvrir ou se fermer complètement, disposition analogue à celle que présente le P. Le- vaillanti et beaucoup plus compliquée que chez le P. Aningha. Exa- minés au microscope, ces filaments me semblent résulter d’une simple différenciation de la couche cornée du gésier, qui souvent, chez certains oiseaux, se développe en épines plus ou moins serrées (3), et je ne puis les assimiler à des productions analogues à des cheveux, comme l’a fait M. Schäfer. (1) Proceed. Zool. Soc. London, 1876, p. 335 et 1878. (2) Voyez Audubon’s ornithol. Biography, t. IV, p. 158. (3) H. Viallanes, Ann. sc. nat. Zool., 1878, 6° série, t. VIT. ARTICLE N° 3. ÉTUDES HISTOLOGIQUES ET ORGANOLOGIQUES SUR LES CENTRES NERVEUX & LES ORGANES DES SENS DES ANIMAUX ARTICULÉS Par M. MH. VIALUANES. DEUXIÈME MÉMOIRE (1). LE GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE (ÆSCHNA MACULATISSIMA). Quand on dissèque le ganglion cérébroïde d’un Insecte, on reconnaît que cet organe est formé de trois parties prinei- pales, une médiane et deux latérales. La partie médiane donne naissance aux nerfs antennaires, aux nerfs du labre, aux nerfs stomato-gastriques, aux nerfs des ocelles, et reçoit les commissures œsophagiennes; c’est le cerveau proprement dit. Les parties latérales, souvent plus volumineuses que le cer- veau lui-même, s'étendent en dehors jusqu’en dessous de l’œil composé correspondant; ce sont les ganglions ou lobes op- tiques. Geux-e1 sont reliés au cerveau par un pédoncule tou- jours très court, souvent même à peine distinct. Ce pédon- cule si court est le nerf optique, c’est-à-dire l’homologue de ce nerf si long qui, chez les Crustacés, part du cerveau et pé- nètre dans la tige oculifère pour aller gagner le ganglion optique sous-jacent à l'œil composé. (4) Voy. H. Viallanes, Études histologiques et organologiques sur les centres nerveux et les organes des sens des animaux articulés. 1* Mémoire, 1884. — Le ganglion optique de la Langouste (Ann. sc. nat., 6° série, t. XVII, art. n° 3, 74 p., 9 pl.). ANN. SC. NAT., ZOOL. 22%, — ART. N° 4. 2 H. VIALLANES. Tandis que le cerveau proprement dit à été étudié chez les Insectes par beaucoup d’observateurs, le ganglion optique de ces mêmes animaux a été très négligé. Je dirai même qu’il n’y a qu'un seul observateur qui se soit attaché à faire une étude vraiment soigneuse de cet organe; je veux parler de M. Ber- ver. Ge savant a pris la Libellule pour type et pour base de ses recherches. Le choix de mon prédécesseur a fixé le mien ; désirant vérifier et compléter ses résultats, 1l était nécessaire que je parte du même point que lui. Avant d'aller plus loin, qu’il me soit permis de rendre hoïin- mage à l’habileté du naturaliste que je viens de citer. Déjà maintes fois au cours de mes recherches, J'ai eu occasion de vérifier l’exactitude de ses descriptions. Dans le présent mé- moire je les confirmerai encore, tout en les complétant et y ajoutant un certain nombre de faits qui me paraissent nou- veaux et intéressants. En outre, Je ferai connaitre les modifications qui s’accom- plissent dansle ganglion optique au cours de la métamorphose; cest là un point sur lequel lattention des anatomistes ne s'était pas encore portée. Je ne m’arrête pas plus longtemps aux détails historiques; pour les mêmes raisons qui m’y ont déjà déterminé dans un précédent travail, je les réserve pour la fin du mémoire. MATÉRIAUX ET PROCÉDÉS D'ÉTUDES. J'ai étudié le ganglion optique à différentes phases de la vie de l’Insecte : 1° chez la jeune larve, n'ayant encore que moitié de sa taille définitive; 2° chez la larve prête d’at- teindre l’avant-dernière mue; 3° chez la larve sur le point de se métamorphoser, c’est-à-dire de muer pour la dernière fois; 4° enfin chez l’insecte parfait ou imago. Dans l'étude que je vais faire des différentes parties du ganglion optique, je pren- drai généralement pour type de mes descriptions la larve prête à effectuer l’avant-dernière mue, et j’indiquerai ensuite les ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. 9 différences qui s’observent d’une part chez les animaux plus Jeunes, d'autre part chez ceux qui sont plus avancés dans leur développement. Comme procédés d'étude j'ai eu recours à des dissections fines pour l’étude topographique générale, et à la méthode des coupes pour les détails de structure ; celles-ci ont été pra- tiquées en grand nombre et toujours en séries numérotées. Les ganglions que je me proposais de débiter en coupes étaient enlevés de la tête de l'animal encore vivant, puis fixés par un séjour de quinze à vingt minutes dans un mélange formé d’une partie d'alcool à 36 degrés et de deux parties d’une solution d'acide osmique à 2 pour 100; ils étaient ensuite immergés dans l’alcool à 36 degrés puis dans l'alcool à 45 degrés, enfin dans l’alcool absolu, afin de compléter la fixation des éléments. La pièce était ensuite colorée au carmin aluné de Grenacher ou à l’hématoxyline de Kleinenberg, puis incluse dans la paraffine pour être débitée en tranches minces à l’aide du microtome de Long. La plupart des figures qui accom- pagnent ce travail sont dessinées d’après les photographies de mes préparations, et, si je ne publie pas ces photographies elles-mêmes, c’est que je n’ai pu trouver de procédé mdustriel permettant de reproduire directement par héliogravure les clichés microscopiques avec la finesse voulue. CONSTITUTION GÉNÉRALE DU GANGLION OPTIQUE. ] Nous désignons sous le nom de ganglion optique l’ensemble des parties nerveuses situées entre l'œil composé et le cer- veau, et reliées à ce dernier par le court nerf optique. Le gan- glion optique est constitué par un grand nombre de parties; avant de décrire celles-ci en détail, il est nécessaire, Je crois, de donner au lecteur une idée de leur disposition générale (fig. 2). De chaque œil élémentaire part une fibre nerveuse (fig. 2, {pr) (fibre post-rétinienne). 7 H. VIALLANES,. Toutes les fibres post-rétiniennes se dirigent en dedans et traversent une sorte d'écran nerveux interposé sur leur pas- sage et que je décrirai sous le nom de lame ganghonnaire (fig. 1 et 2, lg). Après avoir traversé celle-ci, les fibres, tout en continuant à se diriger en dedans, s’entre-croisent complètement et for- ment ainsi le chiasma externe (fig. À et 2, che). Les fibres du chiasma externe s’enfoncent alors dans une masse de substance ponctuée connue sous le nom de #usse médullaire externe (fig. 1 et 2, me). Elles en ressortent pour s’entre-croiser de nouveau, former un second chiasma, le chiasma interne (tig. À et 2, chi), et gagner un nouvel amas de substance ponctuée, la masse médullaire interne (fig. 1 et 2, ma). Les fibres nerveuses, après avoir traversé cette masse, en ressortent ensuite pour former le nerf optique (fig. 1 et 2, no) et gagner directement le cerveau. Nous ajouterons qu'a chacune des masses de substance ponctuée sont annexés des amas de cellules ganglionnaires qui leur envoient leurs prolongements. Nous décrirons ces divers amas cellulaires en même temps que les masses médullaires auxquelles ils correspondent. Avant d'entrer dans aucun détail sur la structure des par- ties que nous venons d’énumérer, il est nécessaire d'indiquer la position dans laquelle nous supposons placé le ganglion cérébroïde, dont les ganglions optiques ne sont qu’une partie. Je dois dire d'abord que j'ai dû renoncer à rapporter la posi- tion du ganglion cérébroïde à celle des plans principaux du corps; cetle position en effet se modifie durant le cours du développement post-embryonnaire. Ge déplacement n’est pas particulier aux centres nerveux, mais provient simplement de ce que la tête qui les renferme exécute au moment de la métamorphose une rotation de 90 degrés de haut en bas. On s’en convainc facilement en comparant une libellule adulte à une larve : chez la première, le plan principal de la tête est vertical; chez la seconde, 1l est horizontal. Les descriptions . ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. D deviendraient fort embrouillées s’il fallait tenir compte de cette rotation de la tête. Aussi, que nous parlions de la larve ou de limago, nous supposerons la tête toujours orientée la bouche en bas. Ainsi à quelque phase du développement que s’ap- pliquent nos descriptions, en bas veut dire vers la bouche, en avant, vers la face de la tête qui porte les ocelles et les an- tennes. Pour désigner les sections que nous avons dû pratiquer dans les trois dimensions, nous adopterons la même règle. J'appellerai sagittales les coupes paralièles au plan médian, latérales les coupes perpendiculaires au plan de la tête (chez Padulte elles sont horizontales, chez les larves elles sont ver- ticales), frontales les coupes parallèles au grand plan de la tête (elles sont verticales chez l'adulte, horizontales chez la larve). | Les parties qui composent le ganglion optique ne sont sy- métriques n1 par rapport à un plan, ni par rapport à un axe. Nous supposons toutefois le ganglion optique traversé par une ligne qui, partant du centre de l'œil, aboutirait au nerf optique : central voudra dire rapproché de cette ligne fictive; périphérique voudra dire éloigné d’elle. Fibres post-rétiniennes. — De l’extrémité postérieure de chaque œil élémentaire, naît une fibre nerveuse qui traverse ja limitante interne de l’œil composé, se porte directement en dedans, et va se jeter dans la lame ganglionnaire. Je désigne ces fibres sous le nom de fibres post-rétiniennes (fig. 2 et %, pr). Elles sont surtout faciles à étudier dans la très jeune larve. Quand on les examine chez l’animal arrivé à cet état, on voit qu'immédiatement après s'être dégagées de la limitante de l'œil, elles se groupent en gros faisceaux assez réguliers qui marchent directement en dedans, puis percent la limilante de la lame ganglionnaire pour atteindre enfin cet organe. Les fibres post-rétiniennes se présentent comme des filaments très ténus ; les faisceaux qu’elles forment présentent à leur surface et dans leur intérieur un certain nombre de pêtits noyaux très (6) H, VIALLANES. allongés de dehors en dedans. Dans les espaces restés libres entre les faisceaux, sont développées quelques trachées ; on y trouve aussi, dans la région immédiatement sous-jacente à la limitante de l'œil, quelques dépôts pigmentaires peu abon- dants. Chez les jeunes larves les fibres post-rétiniennes ont un trajet fort long et la couche qu’elles constituent à une épais- seur égale environ au tiers de la dimension totale du ganglion optique. Par suite du développement, des modifications ana- tomiques se produisent dans la couche que nous décrivons; celles-ci proviennent de deux causes : elles ont d’abord pour origine un déplacement que subit la lame ganglionnaire et qui, à mesure que le développement s'effectue, éloigne cette lame de la ligne médiane pour la rapprocher de l'œil; en outre, elles proviennent de l’accroissement que prennent les trachées situées en dedans de la limitante de l’œil. À mesure que la lame ganglionnaire se déplace, les fibres post-rétiniennes se raccourcissent; 1l en résulte que chez l'adulte (fig. 1, fpr) la couche qu’elles constituent, présente une épaisseur moins considérable que celle de la lame gan- olionnaire, Les trachées qu'on rencontre chez la jeune larve dans la couche des fibres post-rétiniennes, n’ont encore que peu d'importance; mais elles s’accroissent beaucoup au cours du développement et présentent chez l'adulte des dimensions considérables. Les trachées en s’accroissant compriment les faisceaux de fibres intercalés entre elles, les déplacent; ceux-ci se fusionnent alors par groupes plus ou moins nombreux. Aussi, quand on examine la couche des fibres post-rétiniennes chez l’adulte, remarque-t-on que celle-ci est formée par des faisceaux peu nombreux, irréguliers, séparés les uns des autres par d'énormes trachées (fig. 1). Le pigment peu abondant chez la larve se développe consi- dérablement au moment de la métamorphose dans la couche des fibres post-rétiniennes, il revêt d’une couche épaisse la face interne de la limitante de l’œil ainsi que la face externe de la lame ganglionnaire et masque en partie les faisceaux de fibres post-rétiniennes sur lesquels il s’étend. ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. 7 Lame ganglionnaire. — La lame ganglionnaire est une sorte d'écran nerveux étendu entre l’œil composé et le cerveau, in- terposé par conséquent sur le trajet des fibres qui unissent ces deux organes. Par sa face externe la lame ganglion- naire reçoit les fibres post-rétiniennes; de sa face interne, naissent les fibres du chiasma interne. La lame ganglionnaire subit au cours du développement post-embryonnaire des mo- difications importantes que je ferai connaître en décrivant l’état sous lequel elle se présente, d’abord chez l'adulte, en- suite chez la larve arrivée à l’avant-dernière mue, enfin chez l’animal plus jeune encore. Lame ganglionnaire chez l’imago (fig. 1, lg). — La lame gan- glionnaire chez l’imago s'étend parallèlement à la limitante interne de l’œil, elle a exactement les mêmes dimensions que cette dermière et lui forme ainsi comme une sorte de dou- blure. Toutefois 1l convient de remarquer que la surface ex- terne de la lame n’est pas en contact immédiat avec la limi- tante, elle en est séparée par un espace étroit presque entière- ment obscurei par un pigment d’un noir foncé; cet espace n’est autre que la couche des fibres post-rétiniennes. Dans sa région antérieure, le bord de la lame ganglion- naire est franchement coupé, c’est-à-dire se termine sans s’a- mincir. En arrière il n’en est plus de même, le bord de la lame s’amincit et se replie en avant et en dedans pour former une sorte de gouttière qui, sur des coupes latérales, se montre sous l’aspect d’un crochet aigu. Faisons en outre remarquer que sur aucun de ses points, la lame ne vient au contact de l'écorce ganglionnaire qui recouvre les parties plus profondes du ganglion optique. Lame ganglionnaire chez la larve avancée dans son dévelop- pement. — À cet état (fig. 2, /g), la lame ganglionnaire se pré- sente avec une forme et des rapports assez différents de ce que nous venons de décrire. Tout d’abord au lieu d’être en contact presque immédiat avec la limitante postérieure de l'œil, elle 8 H. VIALLANES. est assez écartée de celle-ci, si bien que les fibres post-réti- niennes ont maintenant un trajet bien plus considérable que chez l'adulte. La forme même de la lame est différente et ne répond plus à celle de lœil composé. Chez la larve, Ja lame ganglionnaire est repliée de manière à former une sorte de gouttière convexe en dehors et concave en dedans, fortement comprimée d'avant en arrière. C’est ce qui s’observe bien sur des coupes latérales. À cause de cette compression, la lame ganglionnaire n’est plus parallèle à Pœil composé dans le sens antéro-postérieur. Dans les plans supéro-inférieurs, au contraire, la lame gan- olionnaire est parallèle à l'œil et aussi étendue que lui, exac- tement comme cela a lieu chez Padulte. Il est à remarquer que chez la larve, à l’état que nous décrivons, le bord pos- térieur de la lame est nettement coupé au lieu de se mon- trer aminei et plié ainsi que cela s’observe chez l’imago. Lame ganglionnaire chez la très jeune larve. — Les carac- tères différentiels qui s’observent entre la larve avancée et limago s’accentuent davantage chez la très jeune larve. A cet état, la lame ganglionnaire est encore plus rapprochée de la ligne médiane; aussi les fibres post-rétiniennes sont-elles maintenant fort longues. Quand on examine la lame sur des coupes latérales, on remarque qu’elle est, d'avant en arrière, encore moins étendue qu’à l'état précédent; la gouttière qu'elle forme est encore plus fortement comprimée dans le sens antéro-postérieur ; de plus, on observe qu’elle n’est point également développée dans toute son étendue. En arrière elle a son épaisseur définitive, en avant elle est très amincie. La partie antérieure amincie de la lame ne se termine pas brus- quement comme la partie postérieure, mais se replie sur elle-même en dedans et en arrière. Tandis que chez la larve avancée, la lame ganglionnaire est parallèle à la limitante de l’œil, et aussi étendue que celle-ci, maintenant la lame monte moins haut, descend de haut en bas moins bas que l'œil, et offre une courbure bien plus forte que celle de ce dernier. : ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. . 9 Une autre différence est encore à noter au stade que nous étudions : la lame, par son bord antérieur aminci et par sa partie supérieure également amincie, se met en contact avec cette région plus profonde, que nous décrirons plus loin sous le nom de couronne ganglionnaire, mais sans toutefois se confondre avec cette dernière. Structure de la lame ganglionnaire. — Quant à sa consti- tuton histologiqne, la lame ganglionnaire présente des varia- tions assez notables selon le stade auquel on l’étudie. Nous décrirons d’abord sa structure chez la jeune larve (fig. 14), car à cet état les rapports des éléments qui la composent sont plus faciles à saisir. La lame ganglionnaire est revètue en dehors par une mem- brane que nous désignerons sous le nom de limitante externe, en dedans, par une autre membrane que nous désignerons sous le nom de limitante interne; elle est formée de trois couches parfaitement distinctes; une externe, une moyenne et une interne. La couche moyenne, la plus importante des trois, est for- mée par une substance ponctuée, dense et homogène, offrant seulement une très fine striation externo-interne. Elle ne ren- ferme aucun noyau dans son intérieur; mais on remarque seulement qu’un certain nombre de ces éléments sont appli- qués tant contre sa surface interne que contre sa surface externe. La couche interne de la lame ganglionnaire ne fait pas immédiatement suite à la couche moyenne, elle est séparée de celle-ci par un étroit espace clair, traversé seulement par des fibres nerveuses dirigées de dehors en dedans. La couche moyenne renferme de nombreux noyaux, séparés les uns des autres par une substance claire, grenue, ne se colorant pas par le carmin ; est-ce du protoplasma non encore différencié en substance ponctuée, est-ce de la substance ponctuée vraie? Cest ce que je n'oserais décider. L’assise que nous décrivons n’est point en dedans immédiatement recouverte par la limi- 10 H. VIALLANES. tante interne, elle est séparée de cette dernière par un es- pace traversé par des fibres nerveuses dirigées de dehors en dedans. La couche externe ne renferme point de substance ponctuée, elle est formée par des cellules ganglionnaires unipolaires. Ces éléments, qui sont tous à peu près de même taille, pa- raissent dépourvus d’enveloppe et se présentent avec un noyau arrondi volumineux et un protoplasma proportionnel- lement très peu développé; ils sont réunis par groupes irré- ouliers plus ou moins distincts et espacés les uns des autres. Ils envoient chacun un seul prolongement qui se dirige en dedans pour se jeter dans la couche moyenne. I est à remar- quer que les éléments cellulaires de la couche externe n’ar- rivent pas jusqu’au contact de la couche moyenne, mais sont séparés de cette dernière par un espace clair que doivent traverser les prolongements nerveux qu’ils émettent. En de- hors la couche externe ne s'étend pas jusqu’à la limitante externe, mais est séparée de cette dernière par un large espace. Nous avons indiqué la situation des limitantes par rap- port aux autres couches ganglionnaires; il ne nous reste plus qu'à donner quelques détails sur leur structure. L’une et l’autre se présentent en coupe sous l’aspect d’une mem- brane anhiste : l’externe est la plus épaisse et montre de nombreux noyaux aplatis appliqués à sa surface; l’interne est beaucoup plus délicate et ne présente que de très rares noyaux. Pour achever la description de la lame ganglionnaire, il ne nous reste qu'à décrire les rapports qu’affectent avec elle les fibres post-rétiniennes. Lorsque celles-ci arrivent au voisi- nage de la lame, elles sont groupées en faisceaux assez irré- guliers ; 1ls percent et traversent la limitante externe; puis se décomposent, passent ensuite entre les lobules formés par les cellules de la couche externe et atteignent la couche moyenne; ils traversent directement celle-ci, franchissent l’espace clair qui la sépare de l’assise suivante; continuant leur chemin, ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. 41 elles traversent de même la couche interne, puis atteignent la limitante interne, qu’elles perforent, pour prendre alors le nom de fibres du chiasma externe. Nous avons dit que chez la très jeune larve la lame gan- glionnaire allait en s’amincissant beaucoup d’arrière en avant, cet amincissement n’est point dù à une réduction de toutes les assises de la lame, mais il affecte presque exclusivement la couche moyenne; celle-ci finit même par disparaître. Les deux couches externe et interne sont alors confondues en une assise unique qui paraît seulement formée par une accumula- tion de noyaux très serrés les uns contre les autres. Nous de- vons considérer cet état comme une phase embryonnaire, car à un stade plus avancé on remarque que la partie anté- rieure de la lame a acquis la même structure que la partie postérieure. Examinons maintenant une larve ayant presque atteint toute sa taille (fig. 10), nous remarquons d’abord que main- tenant la lame a acquis la même structure dans toute son étendue. D’autres modifications se sont encore produites, la couche moyenne et la couche interne se sont complètement rapprochées l’une de l’autre, si bien que l’espace clair qui les séparait a disparu. La couche interne s’est épaissie au point de surpasser maintenant en puissance la couche moyenne; de plus, la substance granuleuse interposée aux noyaux qu’elle renferme est devenue bien plus abondante et a pris nettement l’aspect de la substance ponctuée; grâce à ces transformations il n’est plus possible de tracer de limites rigoureuses entre les couches interne et moyenne. Cette dernière n’a point subi de changements aussi notables ; toutefois il faut remarquer qu’un certain nombre de noyaux se montrent maintenant dans son épaisseur. Les transformations qu’a subie la couche externe sont moins importantes; on observe cependant que les cel- lules unipolaires qui la composent ont augmenté de volume. La limitante interne a subi des modifications assez considé- rables, elle s’est beaucoup épaissie et montre maintenant dans son épaisseur de nombreux noyaux; cette membrane est tou- 12 HI. VIALLANES. jours séparée de la couche interne par un espace clair renfer- mant seulement des fibres. Examinons maintenant une Libellule adulte (fig. 3). La lame ganglionnaire est presque venue se mettre en contact avec la limitante de l’œil; de nombreuses trachées, d’épais dépôts de pigment se sont développés dans la couche des fibres post-rétiniennes maintenant si raccourcies. Grâce à ces changements, une pression a dû se produire sur la lame, et vient nous expliquer plusieurs des modifications que cette partie présente. Les cellules ganglionnaires de la couche externe sont serrées et entassées les unes contre les autres, le pigment srabondamment développé au milieu des fibres post- réliniennes revêt l’assise qu’elles forment, s’insinue même entre elles et masque complètement la limitante externe, si tant est que cette membrane n’a point cessé d'exister. La couche moyenne ne s’est point modifiée. La couche interne offre quelques changements : les noyaux qu’elle renferme se sont allongés de dehors en dedans et semblent maintenant répartis avec beaucoup de régularité. La limitante interne, dont les noyaux se sont aplatis de dehors en dedans, est main- tenant appliquée intimement contre la couche interne, si bien qu'il ne reste plus d'espace clair entre elle et cette dernière assise. Pour suivre l’ordre anatomique rigoureux, nous devrions décrire immédiatement le chiasma externe que forment les fibres sorties de la face interne de la lame ganglionnaire. Mais 1l nous parait préférable, pour la commodité de la des- cription, de faire d’abord connaître la structure de la masse médullaire externe et des centres nerveux annexés à cette partie. Masse médullaire externe. — La masse médullaire externe (fig. 1, 2 et 4, me) est située entre les chiasmas externe et in- terne, elle a la forme d’une lame épaisse, repliée pour consti- tuer une gouttière convexe en dehors, concave en dedans. Cette sorte de gouttière est étendue de haut en bas sur une ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. 15 longueur presque égale à celle du diamètre supéro-inférieur de l’œil; d’avant en arrière, elle est fortement comprimée. La masse médullaire présente à étudier deux faces parallèles, une externe, convexe, une interne, concave; un bord anté- rieur et un bord postérieur. La face externe de la masse médullaire doit être, pour la commodité dé la description, divisée en trois régions : une antérieure, regardant en avant et en dehors, une moyenne regardant directement en dehors, el une postérieure regardant en arrière. Les bords de la masse médullaire sont arrondis ; toutefois, dans sa partie moyenne, qui est en rapport, comme nous le verrons, avec un organe spécial (la masse ganglionnaire antérieure), le bord anté- rieur est brusquement arrêté et se présente ainsi comme un méplat. La masse médullaire externe est formée de substance pone- Luée; mais, avant de donner plus de détails sur sa structure, il est nécessaire que nous décrivions les centres nerveux qui lui sont annexés; ce sont : {° la couronne ganglionnaire; 2° le ganglion en. coin; 5° la masse ganglionnaire antérieure; # la masse ganglionnaire interne. Couronne ganglionnaire el ganglion en coin. — La première de ces parties (fig. 1 et 2, cg et fig. #4, cg et ge) est un amas de cellules ganglionnaires revêtant les régions antérieure et pos- térieure de la face convexe de la masse médullaire externe, et affectant ainsi la forme d’une couronne très fortement com- primée d'avant en arrière. Le ganglion en coin (fig. 1 et 2, gc) est un amas de cellules ganglionnaires étendu de haut en bas, revêtant la région moyenne de la surface externe de la masse médullaire, et se fusionnant par ses extrémités, avec les parties supérieure et inférieure de la couronne. La couronne présente à considérer : un bord externe, un bord interne, une surface centrale concave et une surface périphérique convexe. Par son bord interne, la couronne ganglionnaire répond au contour périphérique de la surface externe de la masse médul- ANN. SC. NAT., Z00L., DÉCEMBRE 1884. XVIII. 23. — ART. N° 4. 14 H. VIALLANES. laire. Le bord externe de la couronne est aminci et enveloppe le chiasma externe jusqu’au niveau du pot de décussation de ses fibres. La face périphérique de la couronne est revêtue par le névrilemme, qui enveloppe l’ensemble du ganglion optique ; sa face centrale est fortement concave, et séparée du ganglion en coin et de la masse médullaire par un espace en forme de fente. Le ganglion en com se confondant par ses deux extrémités avec la couronne, on conçoit sans peine que l’espace circonscrit par cette dernière se trouve divisé en deux parties, l’une antérieure, l’autre postérieure, ne communi- quant pas entre elles; nous désignerons la première de celles-e1 sous le nom d’espace intra-coronal antérieur, la seconde sous celui d'espace intra-coronal postérieur. Les deux espaces in- tra-coronaux sont l’un et l’autre remplis par la portion termi- nale des fibres du chiasma externe. Le ganglion en coin est ainsi nommé parce que, sur les coupes latérales (fig. À et 2), 1l se montre avec un contour triangulaire. En réalité, il a la forme d’un prisme triangu- laire, étendu directement de haut en bas, et concave en dedans pour se mouler sur la masse médullaire externe. Son arête principale est externe et s’avance jusqu'à l’angle que font les fibres du chiasma externe en se décroisant; sa face principale est interne et se moule sur la portion moyenne de la face externe de la masse médullaire, sa face antérieure concourt à limiter l’espace intra-coronal antérieur; sa face postérieure concourt à limiter l’espace intra-coronal posté- rieur. Par ses deux extrémités, le ganglion en coin se confond avec la couronne ganglionnaire. La couronne ganglionnaire et le ganglion en coin ont presque identiquement la même structure. Au point de vue de l’étude de celle-ci, l'examen des coupes frontales est sur- tout instructif, Le ganglion en coin est formé (fig. 3) par une accumulation de cellules nerveuses de petite taille, toutes unipolaires. Ces éléments sont groupés en lobules très allongés de dedans en dehors et régulièrement espacés. Chacun de ceux-cr ne ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. 15 comprend guère qu'un ou deux rangs de cellules, aussi ont-ils l'aspect de véritables chapelets; ils n'arrivent pas jusqu’au contact de la masse médullaire, mais sont séparés de celle-ci par un étroit espace clair. De l’extrémité interne de chacun d'eux, part un paquet de fibres formé par la réunion des pro- longements des cellules unipolaires qui le composent. Ce paquet traverse l’étroit espace clair que nous avons men- tionné pour se jeter immédiatement dans la masse médullaire externe. Entre les lobules constitutifs du ganglion en coin, on voit un grand nombre de fibres dirigées de dehors en dedans et se rendant à la masse médullaire. Ge sont les fibres moyennes du chiasma externe, nous reviendrons plus loin sur leur des- cription. La couronne ganglionnaire est, elle aussi, formée par des cellules nerveuses unipolaires réunies en petits lobules. Ceux- c1 sont moins allongés et encore plus régulièrement disposés que dans le ganglion en coin; leur forme rappelle un peu celle d’une massue (fig. 4). Les paquets de fibres sortis des lobules traversent l’espace intra-coronal pour se jeter direc- tement dans la masse médullaire externe. Dans ce trajet, ils croisent les fibres du chiasma externe qui circulent dans cet espace. Aussi, si on examine une coupe frontale, trouve-t-on dans l’espace intra-coronal de gros faisceaux transversalement sectionnés, ce sont les fibres du chiasma, et entre ceux-ci de minces paquets de fibres compris dans le plan de la section, ce sont les conducteurs nerveux émis par les lobules de la cou- ronne. Quand, sur une coupe latérale temte à l’hématoxyline ou au carmin, on examine la couronne à un faible grossissement, on remarque que celle-ci présente une coloration particuliè- rement foncée dans ses parties périphériques; ceci n’est point dû à une différence de structure, mais provient de ce que les lobules que forment les cellules nerveuses sont là plus qu’ail- leurs pressés les uns contre les autres. Les détails que nous venons de donner s'appliquent parti- culièrement à la larve observée peu de temps après l’avant- 16 H. VIALLANES. dernière mue. Quand on observe comparativement une libel- lule adulte, on reconnaît que pendant le développement quelques modifications d'ordre d’ailleurs secondaire se sont produites dans la couronne et dans le ganglion en coin. Les lobules qui constituent la couronne se sont effilés beaucoup et les espaces qui les séparent les uns des autres sont par là même devenus plus accusés. Dans le ganglion en coin une autre modification s’est encore effectuée : les paquets de fibres émis par les lobules se sont raccourcis au point que ces derniers sont maintenant en con- tact immédiat avec la masse médullaire. Masse ganghonnaire antérieure (fig. 4, gme et fig. 7, 8et 9). — C’est un amas volumineux de cellules nerveuses, surtout puissant en bas, revêtant la portion moyenne et inférieure du bord antérieur de la masse médullaire externe. Les cellules qui le composent sont toutes unipolaires, elles sont toutes de plus grande taille que les éléments de la couronne ganglion- naire où du ganglion en coim, un bon nombre d’entre elles atteignent même des dimensions vraiment considérables. Les prolongements qui naissent des cellules constitutives de la masse ganglionnaire que nous décrivons, se groupent pour former trois faisceaux, ceux-c1 sont tout à fait aplatis de dedans en dehors, très larges au contraire de haut en bas; ils ont par conséquent une forme rubannée. Les faisceaux (fig. 9) dont nous venons d’indiquer l’ori- gine marchent parallèlement l’un à l’autre et viennent tous trois après un court trajet gagner le bord antérieur dela masse médullaire externe; nous les distinguerons sous les noms de faisceaux externe, moyen et interne. Le premier, qui est moins volumineux el moins individua- lisé que ses congénères, atteint la masse médullaire suivant l'angle que forment la surface convexe de celle-ci et son bord antérieur, 11 y pénètre et ses fibres disparaissent presque aus- sitôt dans la substance ponctuée. Les deux autres faisceaux s’enfoncent dans le bord antérieur de la masse médullaire, ARTICLE N° 4. GANGEION OPTIQUE: DE LA LIBELLULE. 17 marchent à l’intérieur de celle-ei parallèlement l’un à l’autre et peuvent être suivis presque jusqu’à son bord postérieur, vers lequel ils se dirigent en s’épuisant peu à peu. Masse ganglionnaire interne. — La face interne concave de la masse ganglionnaire est revêtue par un amas cellulaire assez épais. Les éléments qui le composent sont réunis en lobules, régulièrement disposés dans les intervalles compris entre les fibres du chiasma interne (fig. 1, 2, #, 7, 8, 9, chi). Ges lo- bules, ainsi qu’on le voit bien seulement sur les coupes fron- tales, sont allongés de dehors en dedans; leur extrémité externe élargie s'applique immédiatement contre la masse médullaire, leur extrémité interne est au contraire effilée. Chacun de ces lobules est formé de cellules ayant la même taille et le même aspect que les cellules constitutives du gan- . glion en coin ou de la couronne; mais elles sont beaucoup plus pressées les unes contre les autres. Aussi suis-je porté à penser qu'elles jouent le même rôle physiologique que ces dernières, c’est-à-dire que ce sont des cellules nerveuses unies à la masse médullaire. Je n'ai toutefois pas de certitude abso- lue à cet égard, n'étant point parvenu à découvrir leurs pro- longements. Structure de la masse médullaire externe. — La masse mé- dullaire externe est formée par une substance ponctuée assez homogène, mais au sein de laquelle on peut toutefois distin- guer divers trajets de fibres (fig. 9, #e). De son bord antérieur à son bord postérieur, elle est parcourue par les faisceaux moyenset internes émis par la masse ganglionnaire antérieure. Ceux-ci marchent parallèlement l’un à l’autre et parallèlement aussi aux faces de la masse médullaire, ils vont en s’épuisant à mesure qu'ils s’approchent du bord postérieur et disparaissent au voisinage de celui-ci. En coupes, ils se montrent comme deux bandes claires longitudinalement striées, ils divisent la masse médullaire en trois zones. Ces dernières sont formées par une substance ponctuée, offrant une striation parallèle à la sur- face et en outre une striation radiale surtout fortement accusées 18 H. VIALLANES. dans la zone externe. On remarque que ces stries radiales, in- contestablement dues à de fines fibrilles, franchissent les bandes claires, en croisant ainsi perpendiculairement les fibres que celles-ci renferment. À part quelques rares noyaux allongés dans le sens des fibres et qui se rencontrent dans les bandes claires, on ne trouve à l’intérieur de la masse médullaire aucun élément colorable par les teintures. La masse médullaire ne possède pas d’enveloppe propre ; on trouve seulement deci, delà quel- ques noyaux aplatis appliqués contre sa surface. Pour achever la description de la masse médullaire externe, ajoutons ‘que de son bord antérieur naissent deux gros faisceaux de fibres, l’un supérieur (fig. 9), l’autre inférieur (fig. 8) ; tous deux se rendent directement à la masse médul- laire interne sans former de chiasma ; plus loin nous les décri- rons avec détails. Chiasma externe. — Le chiasma externe (fig. 1, 2, 4, che) est formé par l’ensemble des fibres nerveuses qui, partant de la lame ganglionnaire, unissent celle-ci à la masse médullaire externe. Les fibres qui naissent de la région antérieure de la lame se portent en dedans et en arrière, celles qui naissent de la région postérieure de la lame se portent en dedans et en avant, il en résulte un entre-croisement complet, un véritable chiasma. Les fibres, après s’être ainsi entre-croisées, forment deux paquets bien distincts, l’un antérieur, l’autre postérieur. Le premier s'enfonce dans l’espace intra-coronal antérieur, le second dans l’espace intra-coronal postérieur, pour aller se jeter l’un et l’autre dans la masse médullaire externe. Les fibres les plus postérieures du paquet antérieur ne s’en- sagent point dans l’espace intra-coronal correspondant, mais s’insinuent entre les lobules du ganglion en coin pour gagner la masse médullaire; les fibres les plus antérieures du paquet postérieur se comportent de même vis-à-vis de ce ganglion. Ainsi la moitié antérieure de la surface convexe de la masse © ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. 19 médullaire externe reçoit des fibres provenant de la région postérieure de la lame; sa moitié postérieure reçoit les fibres qui naissent de la région antérieure de cette même lame. Les fibres du chiasma qui s'engagent dans les espaces intra-coro- naux sont croisées par les fibres émises par les lobules de la couronne, et qui vont, comme nous l’avons dit, se jeter dans la masse médullaire. Il convient de noter que les fibres du chiasma qui passent à travers le ganglion en coin ne con- tractent aucune union, uni avec les lobules cellulaires qui com- posent celui-c1, ni avec les paquets de fibres que ces lobules émettent. La structure du chiasma reste fondamentalement la même pendant tout le cours de l’évolution post-embryonnaire de l’Insecte. Il subit pourtant, quant à la longueur de ses fibres, des modifications qui doivent être considérées comme une conséquence du mouvement de translation vers l’extérieur qu'exécute la lame ganglionnaire. Chez la jeune larve, cette dernière étant très éloignée de l’œil, et par conséquent très voisine de la masse médullaire interne, les fibres du chiasma sont très courtes, elles s’allongent à mesure que la lame se porte en dehors et que par là même les fibres post-rétiniennes se raccourcissent. Il est à noter que, tandis que chez la larve avancée et chez l'adulte les deux paquets de fibres du chiasma ont sensiblement le même volume, chez la Jeune larve, au contraire, le paquet postérieur (provenant de la région antérieure de la lame) est beaucoup plus volumineux que l’antérieur (provenani de la ré- gion postérieure de la lame). La raison de cette différence est facile à saisir; nous avons vu, en effet, que la lame se déve- loppe d’arrière en avant et que, chez la jeune larve, sa parue antérieure est encore dans un état embryonnaire; 1l est natu- rel que le développement des fibres soit en corrélation avec celui de la partie de la lame dont elles tirent leur origine. Au cours du développement, le chiasma subit encore une autre modification, moins importante il est vrai, mais utile à signaler ; elle porte sur l’angle que forment entre elles les 20 H. VIALLANES. fibres entre-croisées. Cet angle, aigu chez la jeune larve, de- vient obtus chez l’adulte (fig. 1), ce qui s'explique facilement, si l’on se rappelle que la lame ganglionnaire, fortement courbe dans le jeune âge, s’aplatit et devient moins convexe à mesure que le développement se poursuit. Les fibres du chiasma externe paraissent un peu plusgrosses que les fibres post-rétiniennes et montrent à leur surface quel- ques rares noyaux allongés. Chiasma interne. — De toute la face interne concave de la masse médullaire externe sortent les fibres de ce chiasma (fig. 4, 2, 4, 7,8, 9, chi); elles voni gagner la masse interne en passant entre les lobules de cellules ganglionnaires acco- lés à la face concave de la masse externe. Celles qui naissent de la région antérieure se portent en arrière et en dedans, celles qui naissent de la région postérieure se dirigent en avant et en dedans; il en résulte un entre-croisement complet. Après . s’être ainsi entrecroisées, les fibres du chiasma atteignent la face postérieure convexe de la masse médullaire interne et s’y enfoncent. Entre les fibres du chiasma on trouve de nombreux novaux et des amas de pigment noir. Masse médullaire interne (fig. 1, 2, 4, nu). masse de substance ponctuée interposée au nerf optique et au chiasma externe et constituant ainsi la partie la plus interne du ganglion optique. Elle peut être comparée, quant à sa forme générale, à un demi-ovoïde ayant son grand axe orienté de haut en bas et un peu de dedans en dehors. Sa face posté- rieure est lisse, convexe, très régulièrement arrondie; son contour, observé sur une coupe latérale, représente un peu plus d’une demi-circonférence; sa face antérieure est moins étendue et n’a point de forme régulière. La masse médullaire interne est en partie recouverte par la partie antérieure de la masse externe ; aussi son bord interne est-il presque en con- tact avec le bord antérieur de cette dernière. ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. 94 La masse médullaire interne reçoit les fibres du chiasma interne, elle reçoit en outre deux gros faisceaux de fibres pro- venant directement de la masse médullaire externe ; elle donne naissance au nerf optique; enfin des centres ganglionnaires spéciaux lui sont annexés. La masse médullaire interne est entièrement formée par une substance ponctuée analogue d’aspect à celle qui consti- tue la masse externe et présentant, elle aussi, deux striations bien nettes : l’une radiale, l’autre parallèle à la surface convexe. Examinons la masse médullaire externe sur une coupe latérale (fig. 7, 8, 9); nous reconnaîtrons que la substance ponctuée qui la forme renferme dans son épaisseur des noyaux assez nombreux; ceux-ci ne sont point dispersés au hasard dans son étendue, mais régulièrement répartis sur deux zones con- centriques à la surface convexe; on remarque que, dans ces zones à noyaux, la substance ponctuée a une texture moins serrée que dans les autres régions et que la striation parallèle aux faces y est prédominante. Ainsi la masse médullaire se trouve divisée en trois parties concentriques. L'étude comparative de coupes faites dans divers plans nous montre qu’elle est en réalité composée de trois capsules de substance ponctuée, emboîtées les unes dans les autres et séparées par ces zones à noyaux dont nous venons de parler. Nous désignerons les capsules. d’après leur situation relative, sous les noms de postérieure, moyenne et antérieure. La pre- mière emboîte la seconde, laquelle à son tour emboîte la troi- sième. La capsule postérieure (fig. 7, 8, 9, «) est de beaucoup la plus étendue et la plus épaisse ; sa surface libre forme la tota- lité de la surface postérieure convexe de la masse médul- laire. La capsule moyenne (fig. 7, 8, 9, b) est revêtue par la cap- sule postérieure et revêt elle-même la capsule antérieure. La capsule antérieure (fig. 7, 8, 9, c) est par sa face posté-- rieure en contact avec la capsule moyenne; sa face antérieure est libre. 22 H. VIALLANES. Outre les trois capsules que nous venons de décrire, une quatrième région (fig. 7 et 9, d) peut encore être reconnue dans la masse médullaire : elle se présente sous l’aspect d’un lobe saillant, formé uniquement de substance ponctuée. Celui- ei est étroit, allongé et aplati; par sa base, il se confond avec le bord interne des capsules moyenne et antérieure; il se porte en arrière en recouvrant en partie la région interne de la face convexe de la capsule postérieure, et se termine librement par un bord aminci; nous le désignerons sous le nom de lobe interne. Entre la capsule postérieure et le lobe dont nous venons de parler, reste un espace libre en forme de fente dans lequel s’éngage une partie des fibres du chiasma interne. La masse médullaire interne ne me paraît pas posséder d’enveloppe particulière, mais à sa surface on observe une couche de noyaux assez irrégulièrement ré- partis. Rapports de la masse médullaire interne avec les fibres du chiasma interne. — Les fibres du chiasma interne, après s'être complètement entre-croisées, vont s’enfoncer dans la surface convexe de la masse médullaire interne (fig. 1, 2, 4, 7,8, 9). Cette surface, formée, comme nous l’avons dit plus haut, par la portion libre de la capsule postérieure, reçoit les fibres du chiasma sur toute son étendue : sa région externe admet celles qui viennent de la portion postérieure de la masse externe ; sa région interne, celles qui proviennent de la portion antérieure de cette même masse. Une certaine quantité de fibres du chiasma doit, pour gagner la surface de la capsule postérieure, s'engager dans l’espace compris entre cette der- nière et le lobule interne, mais il ne m’a pas semblé qu'au- cune d'elles soit destinée à ce dernier. Union directe de la masse médullaire interne avec la masse médullaire externe. — La masse médullaire interne est unie directement à la masse médullaire externe par deux gros fais- ceaux de fibres indépendants du chiasma. Ces faisceaux très ARTICLE N° 4. GANGLION . OPTIQUE DE LA LIBELLULE,. 23 volumineux sont assez écartés l’un de l’autre : l’un est supé- rieur, l’autre inférieur. | Le faisceau supérieur (fig. 9, e) est cylindrique et assez volu- mineux, il naît de l’angle interne du bord antérieur de la masse médullaire externe, 1l se porte directement en dedans, passe en avant de la masse médullaire interne, la contourne et arrive vers le bord interne de celle-c1, s’y enfonce en pénétrant entre les capsules postérieure et moyenne, dans la substance desquelles ces fibres se perdent bientôt. Le faisceau inférieur (fig. 8) est placé à une grande distance de son congénère, il a une origine et une terminaison analogues à celles de ce dernier, dont il reste pourtant toujours séparé. Il en diffère seulement parce que son trajet est plus court, ce qui provient de ce qu’à son niveau, les deux masses médul- laires sont très rapprochées l’une de l’autre. Le nerf optique et ses rapports avec la masse médullaire interne. — La masse médullaire interne est reliée à la moitié correspondante du cerveau par un nerf optique très court, et qui présente cette particularité remarquable d’être composé de deux faisceaux parfaitement distincts (fig. 4). Ces deux fais- ceaux, qui ne sont même pas accolés l'un à l’autre, mais sé- parés par un espace assez considérable, n’ont n1 la même origine, n1 la même terminaison. L'un naît de la région supérieure du cerveau, nous le désignons sous le nom de faisceau supérieur, l’autre, de la région inférieure de ce même organe, c’est le faisceau infé- rieur. Le faisceau optique supérieur (fig. 7, no) nait de la région supérieure de la face antérieure du cerveau, il se présente sous l’aspect d’un cordon cylindrique. Il se porte en dehors et en arrière et s’enfonce dans la face antérieure ou face libre de la capsule antérieure. Une fois entrées, ses fibres constitu- tives s’écartent l’une de l’autre en rayonnant etse perdent peu à peu dans la substance ponctuée qui forme celle-c1. Le fais- 2% H. VIALLANES. ceau optique supérieur passe immédiatement au-dessous du faisceau supérieur, unissant la masse interne à la masse ex- terne, il croise la direction de celui-ci. Jai même cru voir quelques-unes des fibres de ce dernier pénétrer dans le fais- ceau optique au lieu de se rendre, comme leurs congénères, à la masse interne; mais à cet égard, je n’ai pas obtenu de préparations assez démonstratives pour qu’il me soit permis de donner le fait comme certain. Quiconque s’est occupé de l’étude des centres nerveux com- prendra combien de telles questions sont souvent difficiles à trancher. Le faisceau optique supérieur est formé de fibres analogues d'aspect à celles qui composent les chiasmas interne ou externe, aussi a-t-il une striation longitudinale très accusée. Ses fibres sont entremêlées d’assez nombreux noyaux allon- gés dans le même sens qu’elles. Le faisceau optique inférieur (fig. 1, 2, #, no) est beaucoup plus volumineux que le faisceau supérieur, il naît de la région moyenne et inférieure du bord interne du cerveau, son trajet est beaucoup plus court que celui de son congénère. Il se porte immédiatement en dehors et atteint le bord interne de la masse interne avec lequel il s'unit sur une grande étendue, car il est fortement aplati d'avant en arrière. La plus grande partie de ses fibres pénètrent dans la capsule postérieure, mais ilen pénètre aussi une quantité notable dans les capsules moyennes et antérieures. Tandis que le faisceau supérieur se montre en coupe longitudinale avec un aspect nettement fibreux, le faisceau inférieur ne montre qu'une striation très délicate, 1l est presque dépourvu de noyaux et semble n'être qu’une continuation de la substance ponctuée des capsules qui forment la masse interne. Pourtant, dans sa partie inférieure, il reprend un aspect nettement fibreux et montre dans son in- térieur un petit paquet de fibres bien limité, qu’on voit se dé- gager de la capsule postérieure pour gagner la ligne médiane et s’anastomoser avec son congénère du côté opposé (fig. 2). Dans un travail que j'espère faire paraître prochainemént, ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. 95 j'aurai occasion de montrer combien est différente l'origine cérébrale des deux faisceaux du nerf optique. Centres nerveux annexés à la masse médullaire interne. — La face antérieure de la masse médullaire est, excepté au niveau du faisceau optique supérieur, extérieurement revêlue par une écorce formée de cellules ganglionnaires unipolaires. Celles-ci sont groupées de manière à former des lobules très distincts de chacun desquels part un paquet de fibres qui va se jeter dans la masse médullaire interne. Nous décrirons ces différents lobules en allant de haut en bas. Au niveau du paquet de fibres supérieur unissant directe- ment la masse interne à la masse externe, c’est-à-dire au- dessus du faisceau optique supérieur, nous trouvons dans angle compris entre le lobe interne de substance ponctuée et le paquet de fibres dont il vient d’être fait mention, un lobule ganglionnaire assez volumineux (fig. 9, gmi) ; les fibres auxquelles il donne naissance s’enfoncent entre les capsules antérieure et moyenne et paraissent destinées à l’une et à l’autre de ces parties. Au niveau du faisceau optique inférieur, nous trouvons un second et un troisième lobule (fig. 2). Le second lobule, qui est peu volumineux, mais formé de très grosses cellules, est situé dans l’angle compris en avant entre le faisceau optique et le cerveau, les fibres qu’il envoie à la masse interne sont destinées à la capsule postérieure. Le troisième lobule (fig. 8, ymi), beaucoup plus développé que le second, s'étend en bas jusqu’à l’extrémité inférieure de la masse interne; sur toute son étendue, 1l émet des fibres groupées en un gros faisceau et qui s’enfoncent dans la capsule antérieure, pour dispa- raître bientôt dans la substance de celle-cr. Ajoutons encore qu’en dehors, on trouve, dans le triangle limité par la masse externe, la masse interne et le bord anté- rieur du chiasma, un quatrième lobule. Il est formé de cel- lules petites et très serrées dont les prolongements s’enfoncent dans la capsule antérieure (fig: 8). 26 H. VIALLANES. Ni la masse externe, ni l’interne, non plus que le chiasma, ne subissent de modifications sensibles au cours du dévelop- pement post-embryonnaire. HISTORIQUE DES TRAVAUX RELATIFS A LA STRUCTURE DU GANGLION OPTIQUE DES INSECTES M. Leydig (4) (1864) est le premier observateur qui nous fournisse quelques renseignements sur la structure du gan- olion optique des Insectes. Il décrit et figure le ganglion optique de PAbeiïlle (pl. VITE, fig. 4), de la Fourmi (pl. VIT, fig. 2), de l’Acherontia atropos (pl. X, fig. 2), du Telephorus fuscus. I a pu reconnaitre les plus grandes régions de cet or- gane, mais n’a saisi ni les rapports exacts des parties qui le forment, ni le trajet précis des fibres qui entrent dans sa con- stitution. On comprend facilement qu’il devait en être ainsi, car M. Leydig observait en masse et seulement par transpa- rence. M. Rabl-Rückhard (2) (4875) dans ses études sur le cerveau des Insectes reprend avec les mêmes méthodes les observa- tions de M. Leydig sur la Fourmi, et, en ce qui concerne la structure du ganglion optique, n’y ajoute presque rien de nouveau. M. Ciaccio (3) (1875) a publié un travail très intéressant et très instructif sur la structure du ganglion optique des Diptères; J'en ai rendu un compte détaillé dans mes Re- cherches sur l’histologie des Insectes (4), aussi je n’y reviens point ici. (1) Leydig, Vom Bau des lhierischen Küôrpers., et Tafeln zur Verglei- chenden Anatomie. Tübingen, 1864. (2) Rabl-Rückhard, Stäüdien über Insektengehirne (Archiv. f. Anat. Phy- siolog. und wiss. Medicin. 1875, pp. 480-499, pl. XIV). (3) Ciaccio, De l'œil des Diptères (Comptes rendus de l’Acad. des sciences de Bologne, 1875, p. 9); traduction française in Journal de Zoologie de Gervais, t, V, 1876. (4) Viallanes, Recherches sur l’histologie des Insectes et sur les phéno- mènes histologiques qui accompagnent le développement post-embryonnaire de ces animaux (Ann. sc. nat., 6° série, t. XIV). è ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE. DE LA LIBELLULE. 97 Le travail que M. Dietl (1) (1876) à consacré à l’étude du cerveau des Articulés, ne renferme que quelques renseigne- ments d’ailleurs tout à fait insuffisants sur la structure du ganglion optique des Insectes. M. Flügel (2) (1878) a étudié le cerveau des Insectes compa- rativement dans les différents ordres que renferme ce groupe, mais 1l a presque complètement négligé l’étude du ganglion optique; les quelques renseignements qu’il nous fournit sur cet organe sont trop incomplets pour qu'il soit intéressant d’en rendre compte. M. Berger (3) (1878) a publié sur le cerveau et particuliè- rement sur le ganglion optique des Arthropodes un travail des plus intéressants, et qui mérite, à tous égards, le plus grand crédit. J’ai répété presque toutes ses observations et je puis dire que, s’il y a encore beaucoup à ajouter à ses recherches, il n’y a guère de fautes à y découvrir. C’est au travail de M. Ber- ger que devront d’abord recourir ceux qui voudront s'occuper de l'étude des centres nerveux des Articulés. M. Berger a décrit et figuré le ganglion optique d’un certain nombre d’Insectes et de Crustacés. Il a étudié d’abord cet or- gane chez la Libellule avec un soin particulier et a pris pour type. Pour le moment je rendrai compte seulement des résultats obtenus par le naturaliste viennois sur la structure du ganglion _ optique de l’animal auquel est consacré le travail que je publie aujourd’hui. Dans un prochain mémoire j'aurai occasion de discuter les conclusions auxquelles l'ont conduites les re- cherches qu’il a entreprises sur le ganglion optique d’autres espèces d’Insectes. (1) Dietl, Die organisation der Arthropoden Gehirns (Zeits. f. wiss. Zool., t. XXVIIL, p. 489, pl. XXXVI-XXXVIIE, 1876). (2) Flôgel, Ueber der einheitlichen Bau des Gehirns in den verschideenen Insekten Ordnungen (Zeitschr. f. wiss. Zool., t. XXX, suppl., pl. XXII et XXIV, 1878). (3) Berger, Untersuchungen über den Bau des Gehirns und der Retina der Arthropoden (Arbeiten der Zool. Instit. zu Wien, Heft II, 1878, 48 p.; 5 planches). 28 H. VIALLANES. Les observations qu’a faites M. Berger sur le ganglion optique de la Libellule (1), sont exactes dans leur ensemble, mais un grand nombre de dispositions importantes lui ont complète- ment échappé. Il paraît n'avoir chbservé que des coupes laté- rales, aussi ne nous donne-t-1il aucune description de la forme générale des parlies qui entrent dans la constitution du gan- glion optique. Ainsi que le démontre incontestablement l’exa- men de ses planches, 1l s’est contenté d'étudier les centres nerveux de très jeunes larves; aussi ne nous fournit-il aucun renseignement sur les modifications qui s’accomplissent dans le ganglion optique au cours du développement post-embryon- naire. M. Berger a bien décrit la couche des fibres post-réti- niennes, mais il a commis quelques erreurs dans la description de la lame ganglionnaire. Il n’a point su reconnaître que la couche externe était formée par des cellules nerveuses uni- polaires, 1l la considère comme formée seulement par une ac- cumulation de noyaux. M. Berger a exactement décrit la disposition du chiasma externe, mais 1] n’a point reconnu que le ganglion en coin et la couronne ganglionnaire étaient formés de cellules unipo- laires envoyant leurs prolongements à la masse médullaire externe. Il à reconnu les fibres qui partent de la masse gan- glionnaire, mais il n’a point distingué celle-ci de la couronne ganglionnaire et ne nous donne aucun détail sur la disposi- tion des fibres qu’elle émet. | L’anatomiste dont nous analysons le travail a exactement décrit le chiasma externe, mais il n’a point vu les deux fais- ceaux qui unissent directement la masse externe à la masse interne. La description qu'il donne de cette dernière est tout à fait insuffisante. En outre, il a omis de parler des centres ganglionnaires qui lui sont annexés; il mentionne seulement et figure notre quatrième lobule (2), mais il se méprend sur ses rapports, puisqu'il le considère comme destiné à recevoir des fibres provenant de la masse externe. J’ajouterai que (i) Loc. cit., D-(GMe LOS DA it (@) Loc cit 9e ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. 99 M. Berger n’a reconnu ni l’origine ni la terminaison précise du faisceau supérieur du nerf optique. Quand j'aurai dit que mon prédécesseur ne consacre guère que deux pages et une seule figure à la description du gan- glion optique, on comprendra qu’il était nécessaire de re- prendre les études, d’ailleurs si bien commencées par lui. M. Packard (4) (1880), dans un travail monographique con- sacré à l'anatomie de la Sauterelle, a étudié la structure du ganglion optique de cet animal. J’en rendrai compte lorsque je décrirai les centres nerveux des Orthoptères. H. Viallanes (2) (1889). J'ai fait connaître un certain nombre de faits nouveaux touchant la structure et l’évolution du ganglion optique de la Mouche. M. J. Carrière (3) (1884), dans un travail tout récent, étudie la structure de la lame ganglionnaire de la Mouche; j'en rendrai un compte détaillé dans un mémoire subséquent. Qu'il me suffise de dire que si les interprétations de M. Car- rière sont exactes, elles modifieront profondément les idées aujourd’hui reçues sur la constitution de cette partie des cen- tres nerveux. CONCLUSIONS. 1° Chez la Libellule (fig. 1, 2, 4) on trouve, en dedans de la limitante interne de l’œil composé, un ganglion optique; celui-ci est relié au cerveau par un nerf optique très court, mais parfaitement distinet. Le ganglion optique comprend de dehors en dedans les parties suivantes : la couche des fibres post-rétiniennes (/pr), la lame ganglionnaire (/g), le chiasma (1) Packard, On the Brain of the Locust. Translated from the second report of the United States Entomological commission, 1880, p. 223-242, pl. IX-XV. (2) H. Viallanes, Recherches sur l’histologie des: Insectes et sur les phéno- mènes histologiques qui accompagnent le développement post-embryonnaire de ces animaux (Ann. sc. nat., 6° série, t. XIV, 1889, art. n° 4, 348 p., 18 pl.). (3) J. Carrière, On the Eyes of some Invertebrata (Quarterly Journal of microscopical science, 1884, p. 673-681, pl. XLV). ANN. SC. NAT., ZOOL., DÉCEMBRE 1884. XVIIL. 24. — ART. N° 4. 30 H. VIALLANES. externe (che), la masse médullaire externe (me), le chiasmä interne (ch), la masse médullaire interne (m0). 2 De chaque œil élémentaire part une fibre nerveuse qui, après avoir percé la limitante de l'œil composé, se dirige en dedans pour gagner la lame ganglionnaire. L’ensemble de ces conducteurs nerveux constitue la couche des fibres post-réti- niennes (fig. 1, 2, #4, fpr). 9° La lame ganglionnaire (fig. 4, 2, 4, lg) est une sorte d'écran nerveux interposé sur le trajet des fibres post-rétimiennes. Examinée (fig. 11) chez la larve âgée, elle se montre proté- gée par deux limitantes, une externe el une interne, elle est composée de trois couches. La couche externe est formée de cellules nerveuses unipo- laires dont les prolongements se rendent à la couche moyenne. La couche moyenne est formée par une substance ponctuée ne renfermant aucun noyau dans son intérieur. La couche interne, séparée de l’assise précédente par un large interstice, est com- posée par une substance ponctuée renfermant de nombreux noyaux. Les fibres post-rétiniennes s’insinuent entre les cel- lules de la couche externe, puis transpercent de part en part les deux autres assises. Chez la jeune larve la lame ganglionnaire a revêtu la struc- ture que nous venons d'indiquer seulement dans sa région postérieure; dans sa région antérieure elle est dans un état encore embryonnaire. Au cours de l’évolution larvaire la structure de la lame se modifie. Tout d'abord le développement de celle-ci s'achève dans sa partie antérieure, ensuite la couche interne change d'aspect, son tissu revêt les caractères de la substance ponctuée; de plus, elle se rapproche de la couche moyenne et se fusionne avec elle. En outre, des noyaux apparaissent dans le tissu de cette der- nière. %° Les fibres qui sortent de la lame ganglionnaire s’entre- croisent complètement pour former le chiasma externe, et vont ensuite se jeter dans la surface externe de la masse médullaire externe. ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. 31 5° La couche des fibres post-rétimennes et le chiasma externe subissent durant la vie larvaire des modifications intéressantes qui ne sont que la conséquence d’un mouveinent de translation qu'exécute la lame ganglionnaire au cours du développement. Chez la jeune larve (fig. 2) la lame est repliée sur elle-même, elle est très éloignée de l'œil et très rapprochée du cerveau; il'en résulte que les fibres post-rétiniennes sont alors très lognues et les fibres du chiasma très courtes. À mesure que l'évolution de l’Insecte se poursuit, la lame se déploie et, de plus, elle émigre vers Pœil pour se mettre, au moment de la métamorphose, presque en contact avec celui-ci (fig. 4). De ce mouvement résulte un allongement des fibres du chiasma et un raccourcissement considérable des fibres post-rétiniennes. 6° La masse médullaire externe (fig. 1, 2, 4) a la forme d’une gouttière fortement déprimée d'avant en arrière et très étendue de haut en bas; elle est convexe en dehors et concave en dedans; elle est entièrement formée de substance ponc- tuée. Par sa face convexe elle reçoit les fibres du chiasma externe, parsa face concave elle donne naissance aux fibres du chiasma interne. 7° À la masse médullaire externe sont annexés des centres ganglionnaires; ce sont : la couronne ganglionnaire, le gan- glion en coin, la masse ganglionnaire antérieure et la masse ganglionnaire interne. La couronne ganglionnaire et le gan- glion en coin constituent un revêtement à la face convexe de la masse; üls sont formés de petites cellules unipolaires dont les prolongements s’enfoncent dans le tissu de celle-ci. La masse ganglionnaire antérieure est un volumineux amas de grosses cellules nerveuses, unipolaires; elle ne se confond point avec la couronne, les fibres auxquelles ses éléments don- nent naissance se groupent en (rois gros faisceaux qui pénétrent dans la masse externe par son bord antérieur (fig. 7). La masse ganglionnaire interne est formée par un amas de cellules nerveuses revêtant la face concave de la masse externe et y envoyant probablement leurs prolongements. 8° Les fibres qui sortent de la face concave et la masse mé- \ 32 HE. VIALLANES. dullaire externe s’entre-croisent complètement pour former le chiasma interne (fig. 1, 2, 4, 7, 8, 9, chi) et vont ensuite se jeter dans la masse médullaire interne. 9° La masse médullaire interne a la forme d’un demi- ovoide dont la convexité est tournée en arrière et dont le grand axe est vertical. Par sa face convexe elle reçoit les fibres du chiasma interne, par son bord interne et sa face postérieure elle donne naissance au nerf optique. La masse interne (fig. 7, 8, 9) est formée par trois capsules de substances ponctuées emboitées Pune dans l’autre; je les désigne sous le nom de postérieure (4), moyenne (b) et inférieure (c). La première, la plus épaisse des trois, forme la surface convexe de la masse et reçoit les fibres du chiasma. La capsule postérieure est directement reliée à la masse mé- dullaire externe par deux gros faisceaux de fibres (fig. 8 et 9) complètement indépendants du chiasma et ne subissant pas d’en- tre-croisement. La masse médullaire interne est revêtue par des cellules unipolaires qui lui envoient leurs prolongements. Celles- ei sont groupées en quatre lobes séparés (Ag. 7,8, 9). 10° Le nerf optique est formé de deux faisceaux parfaite- ment distincts (fig. 4), ayant chacun une origine et une ter- minaison différentes. Le premier de ceux-ci, le faisceau op- tique supérieur (fig. 7, #0), sort de la face postérieure de la capsule postérieure et se rend à la région antérieure et supé- rieure du cerveau, pénètre dans les masses de substance ponc- tuée qui forment celui-ci, et ne s'arrête point dans l'écorce céré- brale comme Île laissent supposer le texte et le dessin de M. Berger. La seconde partie du nerf optique (fig. 1, 2, 4, no) (le faisceau optique inférieur) est de beaucoup la plus volu- mineuse, elle naît du bord interne des trois capsules de la masse médullaire et pénètre dans la région inférieure et laté- rale du cerveau. | ARTICLE N° 4. GANGLION OPTIQUE DE LA LIBELLULE. 33 EXPLICATION DES FIGURES. (Planches 14, 15 et 16). Fig. 1. Ganglion optique droit d’une Libellule adulte; coupe frontale compre- nant le ganglion et la moitié correspondante du cerveau €. La région anté- rieure est à gauche, la région postérieure à droite. — fpr, couche des fibres post-rétiniennes envahie par le pigment; {g, lame ganglionnaire ; che, chiasma externe; gc, ganglion en coin; cg, couronne ganglionnaire ; me, masse médullaire externe; chi, chiasma interne ; m1, masse médul- laire interne; no, faisceau inférieur du nerf optique (0bj. 3, Oc. 1, Praz.). Fig. 2. Coupe orientée de même que la précédente, mais empruntée à une larve ayant presque atteint ses dimensions définitives. — {, limitante de l’œil composé; fpr, fibres post-rétiniennes; {g, lame ganglionnaire ; che, chiasma externe; gc, ganglion en coin; cg, couronne ganglionnaire; chi, chiasma : interne; #1, masse médullaire interne ; no, faisceau inférieur du nerf optique; c, cerveau (Obj. 3, Oc. 2, Praz.). Fig. 3. (Larve.) Portion d’une coupe frontale passant par le ganglion en coin. — me, masse médullaire externe, elle reçoit les fibres du chiasma chi; entre celles-ci, ont voit les cellules du ganglion en coin disposées en chapelets (Obj. 8, Oc. 2, Praz.). Fig. 4. Coupe frontale pratiquée à travers le ganglion optique d’une jeune larve. — /, limitante interne de l'œil; fpr, couche des fibres post-rétiniennes ; lg, lame ganglionnaire, on remarque qu’à sa partie supérieure elle est encore mince et peu développée ; che, chiasma externe; cg et gc, couronne ganglion- naire; gme, masse ganglionnaire antérieure annexée à la masse médullaire externe; me, masse médullaire externe ; chi, chiasma interne et masse gan- glionnaire interne annexée à la masse médullaire externe ; mi, masse médul- laire interne; gmi, masses ganglionnaires annexées à la masse médullaire interne; #0, faisceau inférieur du nerf optique, immédiatement à droite de celui-ci, on voit le faisceau supérieur sectionné à la moitié de sa longueur ; c, cerveau ; co, commissure œsophagienne (Obj. 3, Oc. 2, Praz.). Fig. 5. (Adulte.) Portion d’une coupe latérale intéressant la lame ganglionnaire. — 0, extrémité interne des yeux composés; fpr, fibres post-rétiniennes, enva- hies par le pigment; ce, couche externe de la lame; cm, couche moyenne ci, couche interne; li, limitante interne de la lame; che, chiasma externe. Fig. 6. (Larve peu de temps avant la métamorphose.) Portion d’une coupe frontale intéressant la couronne ganglionnaire. — che, chiasma externe; ge, couronne ganglionnaire; #e, masse médullaire externe (Obj. 8, Oc. 1, Praz.). Fig. 7. (Larve arrivée à sa taille définitive.) Portion d’une coupe latérale pas- sant au niveau du faisceau supérieur du nerf optique (no). — me, masse 34 H. VIALLANES, médullaire externe; chi, chiasma interne ; a, capsule postérieure ; b, capsule moyenne; €, capsule antérieure de la masse médullaire interne; 4, lobe interne. Dans l’espace compris entre le nerf optique et la masse médullaire externe, se voit la masse ganglionnaire antérieure annexée à la masse médul- laire externe. gmi, lobule ganglionnaire annexé à la masse médullaire interne; c, cerveau (0bj. 6, Oc. 1, Praz.). Fig. 8. (Larve arrivée à sa taille définitive.) Portion d’une coupe latérale pas- sant au niveau du paquet inférieur de fibres unissant directement la masse interne et la masse externe. — cg, couronne ganglionnaire; che, chiasma externe; gmi, lobule ganglionnaire annexé à la masse interne et désigné dans le texte sous le nom de troisième lobule. Pour les autres lettres, même signification que dans la figure précédente (0hbj. 6, Oc. 1, Praz.). Fig. 9. (Larve arrivée à sa taille définitive.) Portion d’une coupe latérale passant au niveau du paquet supérieur e de fibres, unissant directement les masses interne et externe. — gme, masse ganglionnaire antérieure, annexée à la masse médullaire externe; gmi, lobule annexé à la masse interne, désigné dans le texte sous le nom de premier lobule. Pour les autres lettres, même signification que dans les deux figures précédentes (0bj. 6, Oc. 1, Praz.). Fig. 10. Lame ganglionnaire d’une larve ayant presque atteint toute sa taille (Obj. 8, Oc. 2, Praz.). Fig. 11. Lame ganglionnaire chez une jeune larve (Obj. 8, Oc. 2, Praz.). ARTICLE N° 4. TABLE DES’MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME De la formation du blastoderme dans l’œuf d'oiseau, par ii, Lafloes Don) MEET Recherches sur l’organisation des Hirudinées, par M. Remy SAT LOMR(NAO EME EE ee Note sur la structure de l’estomac du Plotus melanogaster RAT Île NOIRS RE RP PR EE RP TUE Études histologiques et organologiques sur les centres nerveux et les organes des sens des animaux articulés, par M. H. VIALLANES (2° Mémoire : Le ganglion optique de la Libel- lule (Æschna maculatissima), pl. 14, 15 et 16).......... TABLE DES ARTICLES PAR NOMS D'AUTEURS. ART. ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° ARTICLE N° de ART. CAzIN (M.). — Note sur la struc- ViALLANES (Henri). — Études his- ture de l’estomac du Plotus tologiques et organologiques melanogaster............... où sur les centres nerveux et les Duvaz (Mathias). — De la for- organes des sens des animaux mation du blastoderme dans articulés (2° Mémoire : Le gan- Fœutd'oiseau.: 0... 0 1 glion optique de la Libellule SainT-Lour (Remy).—Recherches (Æschna maculatissima)..... sur l'anatomie des Hirudinées. 2 4 TABLE DES PLANCHES CONTENUES DANS CE VOLUME Planches 1 à 5. Blastoderme. — 6 à 13. Anatomie des Hirudinées. — 14 à 16. Ganglion optique de la lubellule. BOURLOTON, — [Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris. J'ecene, nat. 6° J'erte., Zoo Tome 10, 1,1) Fig. 7 ns B las Lo derrme Imp, Lemereter et Ci Paru | Ann, des J'ecene, nat; 8° J'érte. Tool, Tome 16, PL, 2) Fig, 29 re TA PAPA ICUETONTA RCE ae AE DCE Us ee ERRSSTS DES (CS OMS SC CL AE EST S CAO GO LE Mathian Duval del. PBlas lo derme. Zmp, Lemercier et C% Paris Ann, «des Sceienc. nat, 6° Serre. LODNTORRE. CO RONE), Fons AE r 4772 Da Le D eee Un One BE Au VSD BETE 490 20.92 00 7 op LAN C-LPRS 0 a 0 F9 2900 Qu 292,20 9 00° 50 04 90,00. CRE MUR ON ETES LENA el! e> v50SE" 05 A SEE à D 6 0% DS CoudEE ETES, Aa QE : + ES RE Érnareyemdmarar] Fig L5 EN eZ x Mathias Duval del, Plas lo derrme Zmnp,Lemereter et Cars " Ann, des J'etence. nat, 0° ner S O8 220 © & 2% Ge Mathias Duval del. Jerce., 7728 Plas to de erine mp, Lemereier et CE Paris Zoo, 7Jome 16, PL, 4, Êr RD k V< Ann, des J'etene. nat. 6% J'érte, D'ADONNIEE NTNE) ae LeseS GE AD : AP 1) 5 Y ÿ ÊT D TE VU 4: ns Ta ee Ho “An RES TS n ee SE RENE NA 0e 0 ae CD D 25 9069 CH 00 / ; [6] 0 6." 2 5 SCDz de HS pr OP Do ee = cl HORS CRE OOOT OO NO 7 CRCAGECESE A JE h Plas lo derme- mp, Lemererer et C?° Pari ten à B.de Monvel Uith. Zool.T'AVII7 PC 19 ETie/ . EPS nn des Sc:nat.6. Zool. TV FI. À oe LC L CT Ann. des Se-nat. OS. $ Ê À & SS R à à | & EPP PE ER RE Res Zool TAVII PL F de Monvel lth. An des Se.nat.f"Serre Zoo!.T'AVIIT PL 9 . des Se. nat. CE Serie B. de Monvel lith. Zoot, TAN. FL CSerçe. Pac) “1H, O tre des St Bde Monvel lin. 7166. 7t£ des ll alormie An AS Loup del Pde Monvel Lit Zoo! T'AVI PL. Anatornie das Hirudinees 2 Ann. des conab, 6*Serte. al | Ann. des Senat. 6*Sere. Zoo1,T' AVI. PL12 de Monvel th e Anaborri lo) LT er es de Monvel Ut. Zoo. T AW. PL 13 Analonrue des free. ras Senal 6 Serre Al érle. (a re) Ann des Scienc..nat. 6° , Sonia ste D ONE eut Phototypie À. Quinsac Toulouse Viallanes de 17 ul LA LT SUNEUNRe T1 LE D Es POINTE + NG 7 5 SAN Zool. Tome XVII PI, 15. H.Viallanes del. Photolypie A Quinsac Toulouse. CANCGRIONMOPHONENDENEANMIBAEMUÉE @ e es ., , % = FRS EE in, See k .® ARTS 6 e e À? ® = = ce CS & LT EN 6 Ë — Se (4 û . 5 % & _e Fi S + CU > e & 1 CS = \ > S & æ& *X =" e © Ca ‘ Ÿ o L » 0” ne oo à EP EE me 0e a A 52 : 2 EPS 3 % Lo s. Li 33 PA insac Toulouse Phototypie À.Qu BONNEMENT 1884. * 52° ANNÉE, Vie SÉRIE,.T. XVIII, N° 4, 2, 3. Vays#5i ANNALES SCIENCES NATURELLES | ZOOLOGIE ‘ PALÉONTOLOGIE COMPRENANT See sur L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION. ET L’HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX Res , PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE MM. H. Et ALPH. MILNE ED WARDS PFOME-XV FIL 561, 2 "003." PARIS G. MASSON, ÉDITEUR ë LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE DE PARIS Boulevard Saint-Germain et rue de lÉperon - EN FACE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE 1884 Paris, 25 FR. — DÉPARTEMENTS, 26 FR. CONDITIONS DE LA PUBLICATION ANNALES DES SCIENCES NATURELLES CIXIÈME - SÉRIE Zoologie, publiée sous la direction de MM.H. et Azpn. Min Enwanbs. Il paraît chaque année 2 vol. gr. in-8°, avec les planches correspon- dant aux Mémoires. Chaque volume est publié en six cahiers paraissant mensuellement. Prix de l'abonnement annuel : 95 fr. Botanique, publiée sous la direction de M. Pu. VAN TIEGHEM. Il paraît chaque année 2 vol. avec les planches correspondant aux Mémoires. Chaque volume est publié en six cahiers paraissant men- suellement. Prix de l'abonnement annuel : 95 fr. Prix des collections, PREMIÈRE SÉRIE (Zoologie et Bctanique réunies), 30 vol. ({are.) DEUXIÈME SÉRIE (1834-1843). Chaque partie 20 vol. 250 fr. TROISIÈME SÉRIE (1844-1853). Chaque partie 20 vol. 250 fr. QUATRIÈME SÉRIE (1854-1863). Chaque partie 20 vol. 250 fr. CINQUIÈME SÉRIE (1864-1873). Chaque partie 20 vol. 250 fr. ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES Dirigées, pour la partie géologique, par M. HÉBERT, et pour la partie paléontologique, par M. ALPHoNsE Miixe Epwanps. Il est publié chaque année, à partir de janvier 1870, 1 vol. gr. in-8°, avec les planches et figures dans le texte correspondant aux Mémoires. Le volume paraît en quatre fascicules trimestriels. Prix de l’abonnement annuel : 15 fr. Nota, — Il est accepté des abonnements aux Annales des sciences naturelles et aux Annales des sciences géologiques, en tout cinq volumes- annuellement, au prix de 60 francs au lieu de 65 francs, TABLÉ DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER ARTICLE N° 1. De la formation du blastoderme dans l’œuf d’oiseau, par M. MA- THIAS DUvVAL. PLANCHES CONTENUES DANS CE' CAHIER. Planche 1 à 5. Blastoderme. BOURLOTON. — Imprimerics réunies, A, ruc Mignon, 2, Paris. RE PO A PR SE RE ST EP ND A a M Re RO EE ER G. MASSON, LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE 420, Boulevard Saint-Germain, en face de l’École de médecine Viennent de paraitre : LES ORGANISMES PROBLEMATIQUES DES ANCIENNES MERS Par le marquis de SAPORTA Correspondant de l’Institut. Un vol. in-4° avec 13 planches lithographiées et plusieurs figures intercalées dans le.texte. 47. SLR ASE RAR RS RE AE Re ne EE re 25 fr. PLANTÆ DAVIDIANÆ EX SINARUM IMPERIO Par M. A. FRANCHET Attaché à l'Herbier du Muséum. Première partie : Plantes de Mongolie du Nord et du centre de la Chine. Unvolorandin-t avec planches PER EP E PE ECO 50 fr. EMPLOI DU SULFURE DE CARBONE CONTRE LE PHYLLOXERA Par MM. G. GASTINE et COUANON Délégués régionaux du Ministère de l'Agriculture. Un vol. in-8°, avec de nombreuses planches et gravures.,............ 5 fr. DAC LES BATRACHOSPERMES ORGANISATION, FONCTIONS, DÉVELOPPEMENT, CLASSIFICATION Par M. S. SIRODOT Doyen de la Faculté des sciences de Rennes Un volume in-f, avec 50 planches en couleur, cart... .............. 160 fr. LE PROPRIÉTAIRE DEVANT SA FERME DÉLAISSÉE CONFÉRENCES DONNÉES A BRUXELLES A LA DEMANDE DE LA SOCIÉTÉ CENTRALE D'AGRICULTURE Pendant le mois de décembre 1883 Par M. Georges VILLE Un volume in-18 broché.............. A TA MA CIO RENE 1252 ANNÉE. VI SÉRIE, T. XVIII, Ne 4 à 6. 54 ANNALES SCIENCES NATURELLES ZOOLOGIE PALÉONTOLOGIE COMPRENANT L’ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION ET L’'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX PUBLIÉES SOUS LA DIRECTION DE MM. H. gt ALPH. MILNE EDWARDS TOME XVIII, we 4 à 6 (Ein de l'abonnement aux tomes XVII-X VAIL.) PARIS G. MASSON, ÉDITEUR s LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE Boulevard Saint-Germain et rue de l’'Éperon EN FACE DE L'ÉCOLE DE MÉDECINE _ 1884 Paris, 25 FR. — DÉPARTEMENTS, 26 FR. Prière de renouveler l'abonnement aux tomes. XIX et XX. (Fin de la 6° série). Conditions de la publication des Annales des sciences naturelles. BOTANIQUE. SEPTIÈME SÉRIE Publiée sous la direction de M. Pn. vAN TIEGHEM. L'abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d’environ 400 pages, avec les planches correspondantes. Ces volumes paraissent en plusieurs fascicules dans l'intervalle d’une année. Prix de l'abonnement à 2? volumes. Paris : 30 francs. — Départements et Union postale : 32 francs. Les tomes I et IT sont en cours de publication. ZOOLOGIE, SIXIÈME SÉRIE Publiée sous la direction de MM. H. et Arpa. MILNE EpwaRps. L'abonnement est également fait pour 2 volumes, chacun d’environ 400 pages, publiés dans l'intervalle d’une année. Pour la Sixième Série, le prix de l’abonnement à 2 volumes est de 25 francs pour Paris et 26 francs pour les départements. La Série comprend 20 volumes. Les tomes XIX et XX sont en cours de publication. A partir de la publication de la Septième Série, les prix seront les mêmes que pour la Botanique. Prix des collections. PREMIÈRE SÉRIE (Zoologie et Botanique réunies), 30 vol. (ÆAare.) DEUXIÈME SÉRIE (1834-1843). Chaque partie 20 vol. 250 fr. TROISIÈME SÉRIE (1844-1853). Chaque partie 20 vol. 250 fr. QUATRIÈME SÉRIE (1854-1863). Chaque partie 20 vol. 250 fr. Cinquième SÉRIE (1864-1873). Chaque partie 20 vol. 250 fr. SIXIÈME SÉRIE (1874 à 1885). Chaque partie 20 vol. 250 fr. ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES Dirigées, pour la partie géologique, par M. HÉBERT, et pour la partie paléontologique, par M. ALPHONSE MILNE EpwaRps. L'abonnement est fait pour un volume d’environ 300 pages, publié en plusieurs fascicules dans le courant d’une année. Prix du volume : Paris : 15 fr. — Départements : 16 fr. — Union postale : 17 fr. TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE CAHIER ARTICLE N° 2. Recherches sur l’organisation des Hirudinées, par M. REMY SainT-Loup:(Pl. 6 à 13). ARTICLE N° 3. Note sur la structure de l’estomac du Plotus melanogaster, par M. M. Cazin. ARTICLE N° 4. Études histologiques et organc ogiques sur les centres nerveux et les organes des sens des animaux articulés, par M. H. ViALLANES.(2° mé- moire : Le ganglion optique de la Libellule (Æschna maculatissima). (I. 14 à 16). PLANCHES . CONTENUES DANS CF \\WIER. Planches 6 à 13. Anatomie des Hirudinées. — 14 à 16. Ganglion optique de la Libellule. BOURLOTON. — Imprimeries réunies, À, rue Mignon, 2, Paris. G. MASSON, LIBRAIRE DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE 120, Boulevard Saint-Germuin, en face de l’École de médecine Viennent de paraitre : LE LIVRE DE LA FERME ET DES MAISONS DE CAMPAGNE Publié sous la direction de M. P. JOIGNEAUX PAR UNE RÉUNION D'AGRONOMES 4e édition entièrement refondue. 2 volumes grand in-8° avec figures Ans 1e EX lE RE PER NRR E Ar e REA 32 fr. COURS DE BOTANIQUE FOSSILE FAIT AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE PAR M. B. RENAULT Aide-Naturaliste, Docteur ès sciences physiques et naturelles, Lauréat de l’Institut. Quatrième année. Conifères gnétacées. 1 volume grand in-8° avec LES BATRACHOSPERMES ORGANISATION, FONCTIONS, DÉVELOPPEMENT, CLASSIFICATION Par M. S. SIRODOT Doyen de la Faculté des sciences de Rennes. Un volume in-f, avec 50 planches en couleur, cart.. .............. 160 fr. LE PROPRIÉTAIRE DEVANT SA FERME DÉLAISSÉE CONFÉRENCES DONNÉES A BRUXELLES Par M. Georges VILLE Un volume in-18 broché.......... ............... Se PRE Eee 1 te Aeme Bookbinding Co., inc. 300 Summer Street Boston. Mass. 02219 UNIT 3 2044 093 338 440 —_—_—_—__ —_—_—_—_— ( UV AE AU RES ail du nu Ua TON AREMNANE LM REC E (hi ts { We RS tué (Hp qi nn y AE j ju un ni [N A DURS "A ARABIE, PAPA OMR AR OA RES LAOE 72 oi ! de nt un k Nos ML “4! 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