ii V be, # Ton 2 RE 7) 63° ANNÉE. — VII SÉRIE. | Hu D TREVUL N°44 ANNALES DES | ÉSGIENCES NATURELLES 1 MU SEPTIÈME SÉRIE LE LL AN 0 DE DR MERS COMPRENANT ds ; cine : L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE ET LA CLASSIFICATION Le he te DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET FOSSILES PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE Rose “Es M. PH. VAN TIEGHEM _ TOME Xi = Re 4 el 2. L SL tm ent ét 25 PARIS 6. MASSON, ÉDITEUR LABRAURE DE. L ACADÉMIE DE MÉDECINE à 130, Boulevard Saint- Germain A 1893 tt te ti tm one ti Le - PARIS, 30 FR — on: ET ÉTRANGER, 32 FR. Gen cahier a été publié en novembre 1893. "Des" nnales des Sciences. naturelles paraissent par cahiers mensuels. Re Le tome XXII est publié. Conditions de la publication des Annales des s sciences naturel ' ee. SEPTIÈME | SÉRIE | BOTANIQUE Publiée sous la direction de M. au Van Tien. L abonnement est fait pour 2 volumes, chacun d'environ 400 pages, : avec les planches correspondant aux mémoires. “ Ces one paraissent en plusieurs fascicules dens intervalle _ d'une année. RS Ie ie Les tomes XVI et XVII sont complets. ZOOLOGIE Publiée sous la direction de M. A. MiLve- Ne se +, on abonnement est fait pour 9 volumes, chacun d’ environ 400 À pages, avec les planches correspondant aux mémoires. it Ces Joue open en 1 plusieurs fascicules dans l'intervalle c d’ une année. Sr : Ste e Les tomes x . XII sont complets. Prix de teint à 0. nr : | . | Paris : 30 francs. — Dos et Union postale : 32 fr ancs. ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES Fi Dirigées, pour la partie géologique, par M. Héserr, et pour là partie | paléontologique, par M. À. Mriwe- EDwaRDs. ; | L' ébonnement est fait pour un volume d’ environ 300 pages, publié Ë Fe en plusieurs fascicules dans le courant d’ une année. | FRS Prix. du. vo lume : Paris : 45 Re - Départements : ; 16 tre Union mor. 17° Pa Prix des. collections. PREMIÈRE SÉRIE Zoologie et Botanique en 30 vol. Deuxième SÉRIE (1834-1843). Chaque partie 20 vol. TROISIÈME SÉRIE (1844-1853). . Chaque parlie 20 vol: -QuATRIÈME SÉRIE (1854-1863). Chaque partie 20 NOL:. Cnouième SÉRIE (1864-1873). Chaque partie A0:v01.:2 98 SIXIÈME SÉRIE (1874 à 1885). re partie 20 vob A GOT 22 pre RE te it Ue ae ANNALES DUPENCES NATURELLES SEPTIÈME SÉRIE BOTANIQUE ANNALES DES SUIENCES NATURELLES : SEPTIÈME SÉRIE BOTANIQUE COMPRENANT EPANAPOMIE,S LA PHYSIOLOGIE ET -LA CLASSIFICATION DES VÉGÉTAUX VIVANTS-ET FOSSILES PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE M. PH. VAN TIEGHEM = TOME DIX-HUITIÈME PARIS G. MASSON, EDITEUR LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE 120. Boulevard Saint-Germain 1893 2 GASTON BONNIER. animaux ont été entreprises depuis longtemps et deviennent chaque jour plus nombreuses ; je n’ai pas ici à en faire l’his- torique. Aucune recherche de ce genre n’a été faite à ma connaissance-sur les végétaux. Or, si les animaux se prêtent mieux à celte étude à cause de l'intensité que présentent sou- vent chez eux les échanges calorifiques, il faut remarquer aussi que les mesures, même seulement externes, s’y lrou- vent compliquées des phénomènes d’excrétion et de réaction extérieurs, qui peuvent être négligés ou annulés en choisis- sant les végélaux comme sujets d'étude; en outre, pour ces derniers D difficulté provenant du oi extérieur se trouve in ler éliminée. Plusieurs questions se posent à cel égard, qui intéressent la physiologie générale. Dans quelle mesure le phénomène . est-il en rapport avec les quantités de chaleur émise? Faut-il considérer de préférence l'émission d’acide car- bonique ou l’absorption d'oxygène dans la comparaison à faire entre les échanges gazeux et Ia thermogenèse ? On ne mesure évidemment pas à l'extérieur toute la chaleur due à la respiration elle-même ; une partie de celte chaleur n’est- elle pas employée pour Ia formation de substances endo- thermiques? Une même quantilé de chaleur dégagée corres- pond-elle aux mêmes phénomènes dans les diverses phases du développement ? Autant de problèmes dont la solution théorique a pu être entrevue, grâce à des mesures thermo-chimiques faites en dehors de l'organisme, ou grâce à des hypothèses irès plau- sibles, mais dont la solution certaine à besoin äe s'appuyer sur des fails positifs et sur des mesures directes. Certaines questions peuvent êlre précisées, en prenant pour exemple les végétaux. Il y a lieu de se demander quelle différence on observera entre l'intensité respiratoire et la quanlilé de chaleur dégagée quand une graine ou un tuber- cule commence à germer (destruction de réserves en majeure partie) ou quand une graine commence à se former après l’é- CHALEUR VÉGÉTALE. , panouissement de la fleur (formation de réserves en majeure partie). Il faudrait rechercher si, pour le même poids, di- vers composés organiques dégagent plus ou moins de chaleur par rapport à la quantité d'oxygène absorbée, ou suivant le rapport des volumes d'oxygène el d'acide carbonique échan- gés. C’est ainsi que les graines oléagineuses, dont le quotient, respiratoire diffère de celui des graines farineuses, pourront produire des quantités de chaleur très différentes de celles fournies par ces dernières, pour des quantités égales d'acide carbonique produit. | Enfin, ne sera-t-1l pas possible, au moyen de nombreuses séries de mesures faites sur le même végétal aux diverses phases de son développement, de voir si la somme des réac- tions internes, autres que la respiration, est, suivant la phase du développement, endothermique ou exothermique ? Considérons la cellulose, l’amidon, le glucose, pourra-t- on mettre en évidence; par des mesures de ce genre, qu’ils dégagent de la chaleur en se détruisant et qu’ils en absorbent en se formant? Le pourra-t-on également pour les substances grasses el pour les principes albuminoïdes ? Telles sont les questions que je me suis posées et qui m'ont délerminé à entreprendre ces essais. On a souvent cherché à metlre en évidence un dégage- ment de chaleur chez les végétaux, soit en les plaçant sim- plement en contact avec un thermomètre, soit en se servant d’aiguilles thermo-électriques ; mais toutes ces expériences, si intéressantes qu’elles soient à d’autres égards, ne peuvent servir à résoudre aucune des questions que je viens de poser. On ne s’est pas, en effet, proposé dans ces recherches de me- surer la quantité de chaleur dégagée, et comme l’expérimen- tation a toujours été faite dans des conditions extérieures va- riables au point de vue thermique, on ne peut pas déduire cette quantité de chaleur des mesures qui ont été faites. J'ai répété un grand nombre de ces expériences, en me plaçant dans une chambre à température sensiblement cons- 4 GASTON BONNIER. tante et avec des thermomètres extrêmement sensibles mis en contact avec une masse déterminée de graines germées, et j'ai fait voir que, même dans ces conditions, il est impossible de déduire des différences de température la quantité de chaleur dégagée, ou même un nombre proportionnel à cette quantité (1). Or, au point de vue des questions physiologiques qui nous intéressent, c’est la mesure absolue des quantités de chaleur qui est nécessaire, et non l'indication vague donnée par des différences de température dont on ne peut rien conclure de certain. J'aiessayé de mesurer le nombre de calories dégagées pen- dant un temps donné par un poids déterminé de végétaux à un état bien défini de leur développement. Dans ce bui, j'ai employé surtoul le calorimètre de M. Berthelot et en second lieu, comme vérification, le thermocalorimètre de Regnault. Ces deux instruments avaient été légèrement modifiés el adaplés à ce genre de recherches, de facon à pouvoir étudier aussi, dans certains cas, les échanges gazeux entre les végé- taux et l'extérieur. J'ai commencé ce travail en 1880, au Laboratoire du Col- lège de France dirigé par M. Berthelot, qui m'a donné dès le début les conseils les plus précieux ; les recherches ont été continuées au Laboratoire de l'École Normale Supé- rieure (1881-1886), puis, plus récemment, au Laboratoire de la Sorbonne. II. — MÉTHODES ET APPAREILS. 1° Calorimètre Berthelot. 1. Appareil. — On sait que le calorimètre Berthelot (2) se compose essentiellement d’un vase métallique dans lequel on (1) Gaston Bonnier, Sur la quantilé de chaleur dégagée par les végétaux pendant la germination. (Bull. Soc. bot. de France, t. XXVII, séance du 14 mai 1880.) (2) Berthelot, Essai de mécanique chimique, t. T, p. 1439 et s. (Paris, 1819) CHALEUR VÉGÉTALE. 5 place les corps à étudier au point de vue calorimétrique, reposant par trois pointes de liège sur un support en bois au milieu d’un autre vase argenté à l’intérieur; ce dernier repose: lui-même de la même manière sur le fond d’un grand cylindre double, entre les deux parois duquel se trouvent 30 litres. d'eau. Cette dernière enceinte est recouverte de feutre très épais ; un agitateur circulaire permet d'uniformiser la tem- pérature de l'eau indiquée par un thermomètre de pré- cision (Voy. PI. I, fig. 1). Le calorimètre, l'enceinte argentée ou l’enceinte en fer- blanc peuvent être, suivant les cas, munis de divers couver- cles percés de trous pour laisser passer les thermomètres ow les tubes. Lorsque l'expérience est faite dans l’eau, lorsqu'on étudie la germination des graines dans l’eau par exemple, on peut supprimer sans inconvénient les couvercles et on opère comme pour une mesure thermo-chimique ordinaire. Pour observer la germination dans l'air, la floraison ou la fructi- fication, j'ai placé dans l’eau du calorimètre un second vase de platine bien plus petit, à parois très minces, noirci à l’in- térieur. Dans ce cas la chaleur est transmise, 1il est vrai, beaucoup plus lentement à l’eau qui entoure ce vase et il faut attendre un certain temps pour atteindre le moment où l'expérience offre une marche régulière ; cependant en s’a- dressant aux sujets qui permettent de prolonger l’expé- rience et en prenant cerlaines précautions que j'indiqueraï plus loin, les mesures peuvent encore, dans ce cas, se faire avec précision. Les thermomètres que j'ai employés avaient été construils par M. Baudin et donnaient une erreur moindre que _ de degré. Ils avaient été faits spécialement pour ces recherches à l'École Normale Supérieure et j'ai à remercier M. Violle de les avoir mis de nouveau à ma disposition pour les dernières expériences faites à la Sorbonne. Dans le cas où j'avais à faire des prises de gaz, pendant la 6 GASTON BONNIER. mesure calorimétrique, le vase de platine immergé dans le calorimètre était hermétiquement fermé par le haut et com- muniquait avec un appareil à prises au moyen d’un tube abducteur capillaire p» (PI. I, fig. 3). On ne prenait qu’une petite quantité de gaz à la fois pour une analyse donnée. Les expériences successives ont été faites dans des salles sans soleil, à l'abri des variations brusques de température : au Laboratoire du Collège de France, dans une salle exposée au nord de l’ancien Laboratoire de minéralogie de l’École Normale, dans les caves dela même École et dans une salle exposée au nord des bâtiments de la Vieille Sorbonne. 2. Méthode. — Prenons d’abord le cas le plus simple, celui où l’on étudie la germinalion dans l’eau. La méthode est celle qu'on emploie pour étudier les réactions lentes, avec cette différenee que la réaction est ici indéfinie, pour ainsi dire. On n'a pas à attendre la fin de la réaction; mais il s’agit de chercher une période régulière où l’on puisse con- sidérer le phénomène comme constant. Le résultat à trouver est alors la quantité de chaleur que dégage un poids donné de graines germant (1 kilogramme), à l'état considéré, pen- dant une minute. Si un second essai fait avec les mêmes graines au même -élat donne très sensiblement les mêmes chiffres, on a une vérification de la constance du phénomène pendant le temps considéré, et en même temps de l’exactilude des mesures. Cette quantité de chaleur peut être déduite, à la manière ordinaire, d’une série de mesures thermométriques faites toutes les minutes avec le thermomètre du calorimèlre qui sert d’agitateur et qu'on a soin de frapper d’un coup sec sur le fond du calorimètre à chaque observation. Ces mesures, mi- nute par minute, sont nécessaires pour suivre la marche de l'expérience. Connaissant ces températures, les chaleurs spécifiques du platine, du verre, du mercure, des graines, les poids du calorimètre, de la parlie immergée du thermo- mètre, de l’eau et des graines, on peut en déduire le nombre . CHALEUR VÉGÉTALE. 1 cherché, à savoir la quantité de chaleur que dégage 1 kilo- gramme en une minute. Une correction, très importante dans ce genre de mesures, où l'expérience peut être prolongée pendant plus d’une demi- heure, est celle relative au refroidissement ou au réchauffe- ment du calorimètre, indépendamment du dégagement de chaleur qui se produit à son intérieur. L’enceinte peut pré- senter une différence de température avec le calorimètre, et cette différence peut varier pendant le cours d’une expérience. Lorsque la marche de l'expérience était très régulière, j'ai eu des résultats suffisants en employant le système de corrections de Regnaull et Pfaundler (1). Ce n'est que dans quelques cas, où les variations de tempé- rature se présentaient forcément sous un aspect irrégulier, que Jj ai élé obligé d'employer le système plus exact et plus compliqué de corrections indiqué par M. Berthelot (2). Voici comment, dans le cas le plus général, se faisait une série d'expériences avec corrections de refroidissement : On observe pendant quelques minutes, pendant une pé- riode initiale à, le réchauffement ou le refroidissement du calorimètre renfermant seulement l'eau qui doit servir à l'expérience. On a ainsi un refroidissement par minute que j'appelle r;. On opérera de même à la fin de l'expérience avec le même volume d’eau pendant une période finale f de quelques minutes et on a le refroidissement par minute 7, à la fin de l'expérience. Pour que l’expérience soit bonne, il faut que la variation de tempéraiure ne soit pas trop grande. En ce cas, on peut prendre la moyenne des deux refroidissements; on a, 7 étant le refroidissement par minute : Pr DR Ve Après avoir déterminé le refroidissement initial, on place (1) Voyez Berthelot, loc. cit., t. I, p. 207. (2) Id., p. 208 et suivantes. 8 GASTON BONNIER. dans l’eau du calorimètre les végétaux ou partie de végétaux à étudier, en déterminant d'avance avec précision leur tem- pérature initiale qui doit être sensiblement la même que celle de l’eau du calorimètre. On agite continuellement avec le thermomètre ou, s’il le faut, avec un agitaleur spécial et on note la température, en examinant la tige du thermomètre à la loupe, loutes les minutes. Ces observations fréquentes pendant toute l'expérience, quelle que soit sa durée, sont essentielles. En effet, c’est seulement grâce à ces déter- minalions régulières et répétées que l’on peut se rendre compte de la marche du phénomène, déterminer quelle est la période qu'on doit choisir pour le calcul, et savoir si la correction du refroidissement sera valable. Supposons que la période de marche régulière du phéno- mène de l’échauffement par exemple, se produise pendant n minutes, et soit A’, l'accroissement de tempéraiure au commencement de cette période, Af, l'accroissement de tem- pérature à la fin, on a, sans corrections, pour la différence des températures dt : St— At — At. Or, si l’on peut admettre que le refroidissement s’est pro- duit avec la valeur > par minute pendant la durée examinée, et cela ne sera admissible que s1 7, diffère assez peu de r, et si la marche générale des accroissements de température a été régulière, on pourra corriger le nombre ôf. Soit « le refroidissement du calorimètre pendant les » minutes, on en trouve la valeur par le produit rXn—e. Si on désigne par A! la différence de tempéraiure corrigée, on à A4/—=Ô/—e, Connaissant le poids de l’eau E qu’on à mise dans le calo- rimètre, le poids en eau C du calorimètre lui-même, le poids en eau T de la partie immergée du thermomètre, et le poids en eau P des végétaux ou parlies de végétaux en expé- rience, on a, en désignant par y. la valeur totale de la masse CHALEUR VÉGÉTALE. 9 estimée en eau, tous ces poids étant évalués en grammes : Eu—E+C+T+P. La quantité P est souvent difficile ou même impossible à déterminer, car sauf pour des graines sèches ou quelques rares cas analogues, il est impossible de déterminer la cha- leur spécifique de la partie végétale vivante mise dans le calorimètre; des expériences de contrôle faites avec des poids variés des mêmes parlies m'ont montré que, dans la plupart des cas, on ne commet pas d'erreur sensible en comptant comme eau le poids des végétaux. La très forte proportion d’eau qu'ils renferment justifie d’ailleurs cette conclusion. De là le produit zu X Af exprime la quantité de chaleur dégagée en x minutes pour P grammes de graines; d'où, en appelant c le nombre de calories dégagées par 8 kilo- grammes de graines en 1 minute, on a Zu x At n X 100. Voici d’ailleurs le détail d’un essai de ce genre : Série n° 16. — Des Pois pesant 355,85 au moment de l'expérience, en germination avancée, mais avant l’appari- ton de la chlorophylle, ayant germé dans l'air humide, sont sensiblement à la même température que l’eau du calori- mètre, tempéralure 10°,205. On opère avec le thermomètre 7328. On observe d’abord la variation de température de l’eau dans le calorimètre. On y a mis 400 centimètres cubes d’eau dislillée, prise dans un flacon qui est depuis plusieurs jours dans la même salle que le calorimètre. Avec les précautions nécessaires, après agilalion et en donnant avant chaque leclure un petit coup sur la base du réservoir du thermomètre, on mesure la température toutes. les minutes. On a : :10 GASTON BONNIER. Minute 46 Température de l’eau 100,195 eo 15 _ 100,195 | —. 48 _ 102,195 = 7) — 180,195 ee 50 _ 100,498 ) à — 51 _ 100,198 | 1e 59 — 109,200 — 53 _ 10°,200 On aura ainsi le réchauffement de l’eau seule pendant la période ? de 6 minutes avant le commencement de l’expé- _rience. On met les 355,85 de graines germées dans les 400 cen- timètres cubes de l’eau du calorimètre, et on mesure les températures en agitant le mélange, toutes les minutes, comme précédemment. On a : Minute 54 Temp. de l’eau et des graines germant 10°,200 Es 100,210 _ 10°,210 ss se 100,245 — 58 = » 0 ce 100,220 60 se 100,225 === À = » yen L | 109,237 = 3 — 100,240 — L — 10°,250 ces spi ne L 102,260 — 6 ns 10°,263 — 7 -- 10242 His si 100,280 —= 9 — 10°,290 == 10 — 100,300 Ua si 100,307 == 12 — 100,312 M, 100,320 rs pt LE 100,325 — 45 — 100,328 IPS be 100,340 HET ni 10,350 — 18 = » 0 ii 109,360 BTE ei 109,367 + yo ee 100,370 7100 ve 100,379 PER he 100,384 or a 11 109,395 CHALEUR VÉGÉTALE. 11 Minute 25 Temp. de l'eau et des graines germant 10°,400 ET == 10°,40% 5.07 Ê = 100,410 — 28 == 100,414 — 29 — 10°,420 On enlève alors le contenu du calorimètre et on le remplace par 400 centimètres cubes d’eau pure; on observe la tem- pérature minute par minute. On à : Minute 32 Température de l’eau 10°,240 240 His = 100,24 dy te 3 100,244 1611035 Al 100,248 2 36 2 10°,250 } f NES = 100,232 70936 B4 100,252 "0 = 409,255, On a ainsi le réchauffement de l'eau seule pendant une période f de 6 minutes après la fin de l'expérience. La durée de l'expérience est de 36 minutes. La différence de température observée pendant ce temps est At, — At —0t—0°,220. Mais 1l faut corriger cette différence. Avant l'expérience, pendant la période 2, l’eau seule se réchauffant de — 0,005 en 6 minutes, ou de — 0,0008 en 1 minute; Après l'expérience, pendant la période /, l’eau seule se réchauffant de —0,015 en 6 minutes, ou de—0,0025 en 1 minule, La moyenne est— 0,0013 que nous prendrons pour terme correctif pendant toute la durée de l'expérience, étant donnée la marche régulière des températures observées. Pour 36 minutes, la correction est donc de :—=— (0°,047. L'augmentation réelle de température de l’ensemble est donc df—e=(0°,220 —0°,047 —=4t= 0°,173. Le poids en eau du calorimètre de platine employé était de 25,88. Le poids en eau de la partie immergée du ther- momètre 7328 était de 25,72, ce qui donne ensemble 55,60. 12 GASTON BONNIER. On peut compter comme eau le poids des graines germées, car la proportion d’eau qu’elles renferment est très grande et les autres substances qui y sont contenues ne peuvent influer notablement sur le résultat par leur capacité calori- fique; on à donc pour la valeur totale de la masse en eau du calorimètre et des corps inclus Zu 400 + 5,6 + 35,85 — 441,45. D'où : Eu X At= 761,37 en appelant calorie la quantité de chaleur pour élever 1 gramme d’eau de 0° à 1°. Ceci est la quantité de chaleur dégagée en 36 minutes par 305,85 de graines. On en déduit facilement que pendant cette période de la germinalion : 1 hilogramme de graines germant dégage en 1 minute 29 calories. Deux autres séries d’essais avec les mêmes graines ont donné 62 calories et 57 calories. La moyenne est voisine de 60 calories. Je citerai encore le détail des observations et des calculs pour une autre série d'expériences où le phénomène est troublé au début par la dissolution dans l’eau des prin- cipes solubles de la graine. En ce cas, on ne tient pas compte de cette période de trouble, ordinairement très courte, et l’on fait les calculs en prenant pour base une période où la température de l’ensemble augmente d’une manière régulière : Série n° 29. — Des grains de Blé, au commencement de leur germination, pesant 705,05, ayant germé dans l'air humide et avec une partie de la radicule sortie, ayant en moyenne 3 millimètres de longueur, sont sensiblement à la même température que l’eau du calorimètre 10°,550. On opère avec le thermomètre 7328. . CHALEUR VÉGÉTALE. 13 On observe d'abord la variation de température de l’eau dans le calorimètre contenant 400 centimètres cubes d’eau, en opérant comme précédemment. On à : Température de l’eau 10°,600 a 10°,600 — 100,601 100,606 \ à sa 10°,606 — 10°,610 100,610 Minute 1 IN I 19 19 IN 1 QD I Où Ot He Co I On introduit les 705°,05 de graines germées, et on mesure les températures toutes les minutes en agitant le mélange; on a: Minute 29 Temp. del'eauet des graines germant 10°,560 | _—_"Y30 Le 100,560 | Legé} 4 ee 10°,563 | eh 09 = 109,370 y pe _ 100,575 LR na 109,380 \ € sr _ 100,385 D _ in | MN 7: 100,393 | ZE AT = 100,595 ! de 7:90 — 100,598 10 = 10°,605 ral = 109,605 Lo IE 109,610 nn _ 100,620 LR UE 17 10°,628 | 5 _ 100,631 0 = 109,640 0 Li _ 100,643 — 48 = 100,650 40 _ 100,655 RE) Le 100,660 | 7 ou —_ 100,662 | CRE ES = 10°,668 / l NS _ 100,675 RUE ee .. 400,680 55 — 10°,690 REG _ 100,692 hr —— 100,700 5 | — | 10°,703 — 59 = 100,710 | +260 : er 10°,715 | PSS 1 ; — » aie sd 100,720 2sa8-à ea 109,725 14 GASTON BONNEER. Négligeant la période de trouble { succédant à l’abaisse- ment de température à la minute 29, on prend la période régulière à comme base. On enlève le contenu du calorimètre et on le remplace par 400 centimètres cubes d’eau pure; on observe la tempéra- ture minute par minute; on a : Minute 6 Température de l’eau 10°,630 — 1 _ 10°,630 8 ne ee — 9 — 109,635 —— 10 — 109,635 Eat as 100,640 — . 12 — 109,640 On à ainsi le réchauffement pendant la période f. La durée de la période considérée comme régulière est de 23 minutes. La différence de température observée pendant ce temps est : | Sé— 0,11. La correction e — — (0,04. D'où la différence de lempérature corrigée est | AE 0,07: D'autre part, on a zu = 400 + 70 +5,6 —475,6. D'où : Du ONt—=05 202 Cela, pour 70 grammes en 23 minutes. D'où, pour 1 kilo- gramme en { minute, on a 20 : 1 ilogramme de graines germant dégage en 1 minute 20 calories. 2° Thermocalorimètre de Regnault (1). 1. Appareil. — Le thermocalorimètre de Regnault (1) Gaston Bonnier, Sur les quantités de chaleur dégagées et absorbées par les végétaux (Comptes rendus de l'Acad. des sciences, 22 fév. 1886), et Note CHALEUR VÉGÉTALE. 15: est, comme on sait, un thermomètre dont le zéro est quel- conque et dont la tige est graduée en divisions d’égale capa- cilé; dans le réservoir thermomélrique, esl creusée une cavité dans laquelle on peut placer les corps à étudier au point de vue calorimétrique. J'ai modifié cet appareil de façon à pouvoir placer, au milieu du réservoir, des plantes ou portions de plantes à étudier et aussi de manière à pouvoir récoller les gaz qui se trouvent dans cette cavilé (PI. IT, fig. 4, 5 et 6). La forme du réservoir élait variable suivant les circon- stances. S'il s’agit de graines germant, d’assez petites dimensions, plongeant dans l’eau ou germant dans l’air, le réservoir d'un thermocalorimètre de Regnaull ordinaire peut suffire, mais pour des graines plus grosses, pour des germinations plus avancées, pour des fleurs, des tiges feuillées ou des fruits en voie de maluration, on peut em- ployer un réservoir de plus grandes dimensions. Dans plu- sieurs cas, j'ai aussi étudié une portion du végétal, en la lais- sant attachée naturellement au reste de la plante. On peut, en ce cas, introduire dans la cavité du thermocalorimètre l'organe ou le membre de la plante soumis à l'expérience, à travers un bouchon coupé en deux dans le sens longitudinal, tout en laissant la continuité établie avec la plante. Le réservoir du thermocalorimètre élait placé dans une enceinte maintenue à température constante par le pas- sage continu d'un courant d’eau autour de cette enceinte. On pouvait recueillir facilement à la fin d’une expérience la totalilé des gaz renfermés dans la cavilé, en employant un instrument à lube horizontal. L'expérience terminée, on faisait tourner de 180° le réservoir autour de l’axe du tube horizontal et on recueillait les gaz dans une éprouvelle, par inclinaison, sur une cuve à mercure. Dans d’autres cas, un lube communiquant avec un appareil à prises permettrait de faire de petites prises de gaz nécessaires, _sur la comparaison entre la chaleur dégagée par les végétaux et la respiration (Comptes rendus de la Soc. de biologie, 6 fév. 1892). 16 GASTON BONNIER. donnant à chaque instant la composition de l'atmosphère qui entoure les plantes ou les portions de plantes mises en expérience. 2. Méthode. — Le thermocalorimètre, plus commode à employer, mais moins sensible que le calorimètre, ne m'a guère servi qu'à faire des vérifications. J’ai employé avec cet instrument la méthode des tempé- ralures stationnaires, en appliquant la loi de la déperdition de Newton. 1° Soient : 6 la température constante de l’eau de l'enceinte; t la température stationnaire qu’atteint le thermocalori- mètre au bout d’un certain temps, par suile du dégagement de chaleur dans son réservoir ; À une constante; Q la quantité de chaleur créée en une seconde; on a d’après la loi de Newton : Q=—=A ({—6). \ 9° Pour déterminer la constante À, il faudra faire une seconde expérience. | Ayant {ué par un moyen quelconque la plante ou la portion de plante située dans le récipient, on chauffe le réservoir de quelques degrés, puis on observe le DÉARCNIESEnNe ct de mi- nute en minute. Soient : At l'abaissement observé en une minute : t la température au commencement de la minute ; 6 la température de l'enceinte ; C la capacité calorifique ; On à: CA— A (— 2 0)60. D'où l’on tire la valeur de A. CHALEUR VÉGÉTALE. #7 La plante étant tuée par un excès d’anesthésique (éther par exemple) agissant pendant un temps suffisant, puis trai- tée par un lavage jusqu'à disparition de l’anesthésique absorbé. 3° Reste à déterminer C. Pour cela, on verse dans la cavilé contenant les plantes mortes P grammes d’eau tiède à la température T. On observe ensuite, la température finale #, la lempérature initiale étant 4,. Il faut se placer dans des conditions telles que la température finale #, soit promplement atteinte. On a alors: P(T—£,)—=C(é, — t,) + termes correctifs. Si les conditions dont je viens de parler sont remplies, on peut négliger ces termes correctifs; sinon on écrira : e oi D (D) UT, 0) A (0). . Dans les circonstances où je me trouvais placé, l'emploi de cette dernière égalité a presque toujours été inutile. 3° Causes d’erreur. J'ai déjà signalé, en passant, quelques causes d’erreur à éviter, telles que la température initiale des plantes, l’abais- sement de température au début d’une expérience par les substances solubles. Au sujet de cet abaissement de tem- pérature inilial, J'ai mis en évidence par quelques expé- riences qu'il était bien dû aux substances solubles des graines. Avant épuisé des graines de Lupin, de Blé, de Pois par de l’eau, j'ai préparé aussi diverses dissolutions des substances solubles extraites des graines. En opérant avec un poids déterminé de l’une de ces solutions isolée dans l’eau du calorimètre, on provoquait des abaissements brusques de température, comparables à ceux qui se produisent avec les _graines immergées; j'ai indiqué comment on pourrait les “éviter. ANN. SC. NAT. BOT. XVIHU 2 18 GASTON BONNIER. [lest d’autres causes d'erreur encore, qui s'appliquent aussi bien à la première méthode qu'à la seconde. Lorsqu'on opère dans l’eau, il faut éviter que l'expérience soit préparée depuis trop longtemps, ou ne soit reprise avec la même eau contenant les graines, après un intervalle pro- longé. [1 peut, en effet, se développer des anaérobies dans les cultures et en particulier le Bacillus Amylobacter; dès lors, le phénomène est complètement modifié et les quan- tités de chaleur dégagée que l’on mesure ne peuvent plus avoir aucune valeur précise. La durée pendant laquelle on peut laisser sans inconvénient des graines germer dans l’eau, dépend de la nature de ces graines et de la température de l’eau. S'il est nécessaire de les laisser pendant un temps assez long, un examen microscopique de l'eau, et surtout des graines, devra montrer qu'il ne s’est pas développé d'êtres anaérobies dans la culture. Les expériences suivantes font voir quelle est l’impor- tance de cette erreur : Première expérience. — Le 12 avril, des Pois trempés dans l’eau pendant trois jours à une température moyenne de 12° ont été étudiés dans l’eau, avec le calorimètre Berthelot. 42 grammes de ces Pois ont été mis dans 400 grammes d’eau, thermomètre n° 6496. La température initiale dans le calorimètre et dans l’eau des graines étant de 11°,720, observée de minute en minute, a passé en moins de dix minutes à 11°,780, puis a con-. tinué à augmenter dans des proportions anormales; au bout de quarante minutes, de l’eau mise, dansle calorimètre indi- quait, comme au début, un léger refroidissement de l’appa- reil. La cause de ce dégagement considérable de chaleur ‘ tenait donc aux graines qui, examinées au microscope, se sont montrées remplies d’'Amylobacters. Deuxième et troisième expériences. — Deux autres essais ont été faits le 14 avril dans des conditions différentes. Des Pois, privés de pouvoir germinatif et de spores d'Amylo- bacter par un séjour de deux heures à 115°, ont élé mis dans TT TE ee NN NL Re dog d'à ‘érerite éet ga à dechire un à), .. CHALEUR VÉGÉTALE. 19 de l’eau provenant de la condensation de vapeur d’eau sur- chauffée à plus de 120°, le tout dans un vase stérilisé, à une température de 13° environ. L'expérience a été faite au bout de trois jours de séjour des graines dans cette eau. L'eau contenant les graines était dans un tube Pasteur, fermé par du coton roussi. Mises dans le calorimètre, les graines n'ont fourni d'autre échauffement que celui qui se produisait par l’eau seule. Pour les cultures faites dans l'air, ce sont les ferments _ aérobies qu'il fallait éviter et aussi les moisissures qui se développent rapidement sur beaucoup de plantes tenues dans l'air humide, surtout au moment de leur germination. Ici la cause d'erreur avait un double effet : 1° sur la quan- tité de chaleur mesurée; 2° sur les échanges gazeux. On sait, en effet, qu'une quantité minime de moisissures peut dégager un volume relativement grand d'acide carbonique. Afin d'éviter ces développements d'organismes étrangers, les graines élaient mises le plus souvent à germer dans une salle où l’air se renouvelait fréquemment, et non dans des vases fermés; on avait soin d'examiner avec soin les graines germant, avant de les placer dans le calorimètre. III. — RÉSULTATS DES EXPÉRIENCES. 1° Graines ou plantes directement dans l'eau. Un grand nombre d'essais successifs par l’une ou l’autre méthode ont élé faits en plaçant directement les plantes dans l’eau du calorimètre ou du thermocalorimètre. En ce cas, il n'était pas question de mesurer les échanges gazeux; le but qu'on se proposait était simplement de chercher quelle est la quantité de chaleur fournie à l’eau par un poids donné de plante ou de portion de plante, en un tempsdonné, et de voir comment varie cette quantité avec le développement. Pour chaque série d'expériences, les mesures et les cal- 20 GASTON BONNIER. culs ont été faits exactement comme je l’ai indiqué plus haut ; il est donc inutile de reproduire en détail tous les essais, el je me contenterai de donner les conditions de chaque expérience et les résultats obtenus. 1° Variations avec la température initiale. — Avant d’étu- dier les variations de la quantité de chaleur dégagée pen- dant le même temps aux divers stades du développement, il est nécessaire de voir dans quelles limites la tempéra- ture initiale pourra varier sans influer notablement sur les comparaisons à faire. Pour cela, j'ai fait un certain nombre d'essais avec les graines d’un même lot, en les étudiant loujours au même moment de leur développement, au début de la germination à l'apparition de la radicule, mais à des températures abso- lues différentes. Les graines, prises sèches et à lamême tem- péraiure que celle du calorimètre, étaient placées directe- ment dans l’eau de ce dernier. En opérant exactement dans les mêmes conditions, avec des graines de la même espèce et du même lot, après des expériences de contrôle montrant qu'à la même tempé- rature on obtient toujours la même quantité de chaleur dégagée, on trouve, en faisant varier la température, des résultats différents. Comme on pouvait le prévoir, la tempé- rature agissant sur la rapidité de la germination, donne dans le méme temps des résultats variables, quant à la chaleur dégagée. La quantité de chaleur produite en une minute doit croître avec la température jusqu'à un certain optimum, puis diminuer. | Je n'ai pas pu me placer dans les circonstances où l’opti- mum était alleint, pour une graine donnée; il aurait fallu opérer à des températures absolues trop élevées pour main- tenir dans la salle de recherches les conditions d’une tem- pérature constante; mais les expériences, faites comme je viens de l'indiquer, m'ont fait voir que la quantité de cha- leur dégagée par les mêmes graines, pendant le même temps, CHALEUR VÉGÉTALE. 21 dans la période du début de la germination, augmente avec la température. - Je citerai les résultats suivants, où les mesures ont été faites simultanément, avec deux calorimètres semblables : QUANTITÉ DE CHALEUR dégagée en 1 minute par TEMPÉRATURES, 1 kilogramme. TT — —— 1cr Calorimètre. 2° Calorimetre. | 0°,0 ( cal (cal Grains de Blé, début | 50,7 3 6 de la germination. 1025 12 15 199,8 39 32 - | se 0°,0 0 0 Graines de Pois, début | 6o 2 g L . . Je o £ = de la germination. | 130,5 1 15 Dans ce genre de recherches, on rencontre donc une difficulté nouvelle pour les mesures calorimétriques : c’est que pour une suite d'essais destinés à comparer les quan- tités de chaleur aux divers stades de développement, les températures initiales de chaque essai doivent différer peu les unes des autres. 2 Variations individuelles des graines ou des plantes déve- loppées. — On voit que la rapidité avec laquelle une graine germe peut varier d’une graine à l’autre: les parties sem- blables, même les fleurs de diverses plantes de la même espèce, peuvent aussi présenter des différences dans leurs fonctions physiologiques. Je me suis assuré, par de nombreuses mesures, de l'im- portance que peuvent parfois acquérir ces différences. C’est ainsi que des grains de Maïs blanc, par exemple, récolté trois ans avant d’autres graines de la même espèce, ont fourni dans les mêmes conditions des quantités de cha- leur notablement moins grandes. D'autre part, des expériences de contrôle, faites aussi bien avec le calorimètre Berthelot qu'avec le thermocalorimètre _ Regnault, m'ont donné des résultats très concordants, toutes les fois que j'opérais avec un nombre suffisant de graines prises dans le même lot. Il en était de même pour les essais 29 GASTON BONNIER. tentés avec des fleurs, prises au moment de l’anthèse, sur le même pied. 3° Variations avec le développement. — D'après ce qui précède, on voit qu'il faudra avoir soin, pour éludier les varialions avec le développement, lout en évitant les causes d'erreur générales cilées plus haut : 1° d'opérer sensible- ment à la même température ; 2° d'opérer avec un nombre assez grand de graines ou de parties de plantes, prises dans le même lot. Voici un certain nombre de résultats : Pois. — Chaque série d'expériences élait faite avec des graines de Pois ou des Pois germés, pesant de 30 à 40 gram- mes, et immergés dans 400 grammes d’eau pour le calori- mètre, et pesant 15 à 20 grammes, dans 150 grammes d’eau pour le thermocalorimètre. Pour chaque essai, il y avait en général, surtout dans les premières périodes de la germina- tion, abaissement de la température au moment de l’immer- sion des graines ou des plantules:; dans chaque cas, on déterminait la période considérée comme régulière. Toute série d'expériences pour laquelle cette période étail trop tardive, ou pour laquelle ne pouvait s'appliquer la correc- tion du refroidissement de calorimèlre, était rejetée. On a eu : QUANTITÉ DE CHALEUR dégagée en 1 minule par 1 kilog. Nos TEMPÉRATURE. ; APE TR, PAT ET te ER ; ETAT DES PLANTES. CES à DES SÉRIES. INITIALE. Calorimèêtre de Thermo calorim. ‘ Berthelot. de Regnault. 15 100,520 Graines immergées depuis 24 heures. Q cal » 5 et 42 100,150 Jeunes plantules à radicule de 5nm en moyenne. 425 AOC 13 400,025 Jeunes plantules à racine prin- cipale de 50 à 60mm, 75 » 16 10,495 Germination avancée, tige de 20nm environ, verte. 60 » 1A7et 43 100,315 Germination plus avancée, les cotylédons commencent à se flétrir. 22 25 18 10°,100 La plante n'emprunte sensible- ment plus rien aux cotylé- dons. 6 » CHALEUR VÉGÉTALE. 23 D’autres séries d'essais, moins complets, ont été faits aux environs de la température de 14° et ont donné les résultats suivants : 7 14,325 Graines au moment de l’appa- rition de la radicule. . 32 » 8 14°,510 Plante développée. 0 » y 149,430 Fleurs de Pois au moment de l'anthèse, 8 » Blé. — Chaque série d'expériences élait faite avec des grains de Blé ou des Blés germés pesant de 70 à 80 grammes et immergés dans 400 grammes d'eau pour le calorimètre et pesant de 15 à 20 grammes, dans 150 grammes d'eau pour le thermocalorimèlre. On à eu: QUANTITÉ DE CHALEUR 2 dégagée en 1 minute par 1 kilog Ne AUS LL ÉTAT DES PLANTES. les D en de DES SERIES, INITIALE. Calorimètre de Thermocalorim. Berthelot. ‘ de Regnault. 21 10°,530 Graines trempées depuis 12 heures. 2 C8) » 22 10°,600 Apparilion de la radicule. b2 48 °à 23 et 51 10°,335 Plantules à racine principale de 452% ‘en moyenne ef à peine feuillée de 10m, 20 » 24&et 53 10°,420 Plantes à racine principale de 3o2® en moyenne et à peine feuillée, de 44mm, 28 22 25 109,530 Plantules à peine feuillée de 802% en moyenne. 16 » 26 et 54 102,630 Portions de tiges feuillées de Blé développée. 0 0 27 100,550 Fragments d'épis de Blé pen- dant J’anthèse. 5) » Maïs. — Chaque série d'expériences était faite avec 30 à 40 grammes de plantes dans 400 grammes d’eau. 32 150,280 Maïs.trempé depuis 12 heures. 15 » 33 150,320 Plantules germées pendant , 7 jours à 15°. 138 » 34 150,500 Plantules germées pendant 45 jours à 15°, 90 » 36 15°,235 Fragments de tiges feuillées développées. 0 » (RS) 4 GASTON BONNIER. fève. — Chaque série d'expériences était faite avec 70 à 80 grammes de plantes dans 400 grammes d’eau. 2 150,230 Après 2 jours de germination à 15°. 45 » 3 450,300 Après 5 Jours de germination à 159. 12 » Bicin. — Chaque série d'expériences était faite avec un poids de plantes de 31 grammes dans 400 grammes d’eau. 10 439,500 Après 3 jours de germination. 25 » 6 13°,740 Après 12 jours de germination. 125 » Les résullats obtenus avec les Féverolles, le Lupin, le ‘Cresson alénois, l'Orge, etc., sont analogues aux précé- dents, mais la température générale de l'enceinte y était trop différente pour que les comparaisons puissent être établies avec sécurité. On peut déjà conclure de l’ensemble de ces résultats que la quantité de chaleur dégagée par un poids donné en un temps déterminé, varie avec le développement de la plante en présentant un maximum pendant la période germinative et un autre au voisinage de la floraison. 2° Graines de plantes dans une masse d'air, le tout immergé. Dans ces recherches, où les plantes étudiées étaient placées dans une masse d’air limitée pendant les essais, il a été possible de mesurer la quantité d'oxygène absorbée par la plante pendant le même temps, ainsi que la quantité d'acide carbonique dégagée. Dans ce but, on a opéré de la manière qui a été indiquée plus haut ; toutes les expériences ont été faites par l’une et l'autre méthode. Voici les principaux résultats obtenus, dont les courbes (PI. IE, fig. 7, 8 et 9) rendent compte d’une manière plus frappante : Blé. — On mesure les quantités de chaleur, comme pré- CHALEUR VÉGÉTALE. | 25 cédemment, par l’une ou l’autre méthode, mais on doit altendre un temps plus long pour noter une période d’aug- mentation régulière et normale. On a fait l'analyse de l'air, au début, pour chaque essai; on fait l’analyse des gaz à la fin. Pendant la période germi- native, on trouve, comme on sait, plus d'oxygène absorbé que d'acide carbonique dégagé, tandis que les volumes de ces deux gaz échangés par la respiration sont presque égaux à parüir de la fin de cette période jusqu à Ia floraison. On calcule, alors, d’après les résultats connus, la quantité de chaleur qui correspond à la formation de l’acide carbonique produit par 1 kilogramme de plantes pendant une minute, soit Q.. Connaissant la quantité d'oxygène absorbée pendant le même temps, on peut calculer de même la quantité de chaleur nécessaire pour produire une quantité d’acide car- bonique qui correspondrait à l'oxydation mesurée de 1 kilo- gramme des mêmes plantes pendant une minute, soit Q,. Enfin, on a la quantité de chaleur directement mesurée dans chaque essai et qui correspond au nombre de calories réellement dégagé pendant une minute, par le même poids, soit Q.. D'une manière générale, on trouve : 1° Pendant la période germinative: (OA > Q > Qc. 2° Pendant la période active et végétative, avant la flo- raISON : | Qu—=0 QTQ. 3° Pendant la période de floraison et le début de la ma- turité des fruits : Qu LOL. C’est ce que montrent clairement les courbes tracées pour le Blé (PI. II, fig. 8 et 9), où chaque point marqué corres- _pond à une série d'expériences faites comme on l’a indiqué plus haut, et accompagnées de prises de gaz dont l'analyse a été faite à la manière ordinaire. 326 GASTON BONNIER., La courbe D correspond aux quantités de chaleur Q,, me- surées ; la courbe O, aux quantités de chaleur Q, qui repré- sentent Îa formation de l'acide carbonique que formerail l'oxygène absorbé pendant le même temps par les mêmes plantes; enfin, la courbe C correspond aux quantités de chaleur Q, qui seraient nécessaires pour la formation de l’a- cide carbonique réellement dégagé pendant le même temps. L'examen de ces courbes fail voir que les dégagements de chaleur observés ou correspondant à la respiration, sont ici plus intenses pendant la période germinative que pen- dant la floraison; c’est ce que j'ai trouvé dans toutes les expériences que J'ai faites, mais là n’est pas le point impor- tant. Ce qui est à considérer, ce qu’on observe sans contes- tation, dans tous les cas et par les deux méthodes, c’est que les quantités de chaleur mesurées sont toujours plus grandes que celles calculées par le phénomène respiratoire, pendant la période germinative, et qu'elles sont toujours plus petiles au contraire pendant la période de floraison el le commencement de la maturation des fruits. Ainsi pour les Pois, les Blés, les Fèves, au début de la germination, on trouve toujours que le nombre de calories dégagées est plus grand que celui que dégagerait la forma- lion de l’acide carbonique produit. C’est ainsi que 1 kilo- gramme de Pois germant, placés à la température de 10° en- viron, émet par unité une quanlité d'acide carbonique dont la formation dégage Q, = 4 calories, et l’on observe dans les mêmes conditions un dégagement réel de Q,, — 12 ca- lories par minute. Ce dernier nombre est même plus grand que celui que dégagerait la combinaison avec le carbone de tout l'oxygène absorbé par la graine en germination, pen- dant le même temps, nombre qui correspond en ce cas à Q = 7 calories. Au contraire, pour les mêmes plantes, lorsque les fleurs sont écloses el que les graines et Les fruits commencent à se former, c’est l’inverse que l’on constate; on mesure une quantité de chaleur toujours plus petite que celle produite CHALEUR VÉGÉTALE. 97 par la formation de l'acide carbonique émis pendant le même temps ou de l'acide carbonique correspondant à l’oxy- gène absorbé. | On peut aussi remarquer, en comparant ks courbes de chaleur dégagée et mesurée, que le maximum de la courbe D correspond plutôt au maximum d'oxydation (maximum de la courbe 0) qu’à celui de l’acide carbonique dégagé (courbe C). C'est, en effet, dans la période où le coefficient respiratoire est au voisinage du minimum que se trouve placé le maximum du nombre de calories réellement dégagées par minute. Au contraire, lorsqu'il s’agit du début de la maturation des fruits, il semble, autant que les mesures peuvent le per- mettre en ce cas, que la correspondance des trois maxima s'établit en même temps. C’est ce que montrent encore, indépendamment des expé- riences qui ont servi à tracer les courbes de la PL IT, les chiffres suivants : … Orge. — Pour chaque essai, il y avait 20 grammes de plantes dans 100 centimètres cubes d'air, et la température était voisine de 16°. On dosait les gaz au début et à la fin de la période régulière pendant laquelle on observait les tem- pératures. Calorimètre de Berthelot. L’Orge avait germé dans l'air humide. La durée de chaque expérience étant d’une heure, les plantes étaient toujours maintenues à l’obs- curilé. QUANTITÉ DE CHALEUR DÉGAGÉE PAR À KILOGRAMME EN | MINUTE _— Calculée par Calculée par Nos ÉTAT DES PLANTES. Observée. formation de combin, d'oxy- QuOTIENT DES SÉRIES. Qm. to see Cu e RESPIRATOIRE. Qc. bone Qo. 61 Grains d'Orge trempés depuis 12 heures. Dee Ji ou 1,00 62 Apparition de la radi- cule. 62 29 45 0,65 63 Racine principale de 32m en moyenne. 40 25 31 0,80 64 Fin de la période ger- minalive; pousse feuil- lée de 802 en moy. 15 12 12 0,95 28 GASTON RBONNIER. 63 Portions de tiges feuil- lées adultes. 0 3 3 1,00 66 Fragments d’épis d’Orge avant l’anthèse. D) 3 3 1,0 Id., après l’anthèse. 4 5 5 4,05 Pois chiche. — Pour chaque essai, il y avait 25 grammes de plantes dans 100 centimètres cubes d’air, et la tempéra- ture était voisine de 15°. On dosait les gaz au début et à la fin de la période régulière pendant laquelle on observait les températures dans le calorimètre de Berthelot et le thermoca- lorimètre de Regnault. Les Pois chiches avaient germé dans l'air bumide. La durée de chaque expérience était d’une heure environ avec le calorimètre, de quinze à vingt minutes avec le thermocalorimètre. Les plantes étaient toujours main- tenues à l'obscurité. QUANTITÉ DE CHALEUR DÉGAGÉE PAR Î KILOGRAMME EN À MINUTE. TE ORSERVÉE (Qm). CALCULÉE. A —— NE re CU QUOTIENT pe ÉTAT DES PLANTES. Calo- Thermo- ae a He DETÉPRIES: rimètre. calorim. carbonique carbone ROMPEE Qc. Qo. 72 Graines immergées de- puis 24 heures. OICe Se 5tal 0,60 13 Racine principale ayant 3x de long. en moy. 85 » 43 70 0,65 74 Racine principale ayant 50 à 60mn de longueur. 62 60? 37 52 0,70 15 Fragments de tiges feuil- lées adultes. 0 0 2 2 0,95 16 Fleurs. 15 11 19 19 0,90 17 Graines en voie de ma- 8 » 10 1,00 turation. 10 18 Graines à maturation. 0 » » » J'ai obtenu des résultats analogues dans de nombreuses séries d'expériences faites avec les Maïs, Lupin, Cresson alé- nois, Oignon (en partant des bulbes), mais ces expériences ne sont pas aussi comparables au point de vue de la tempé- rature iniliale que celles qui sont représentées sur les cour- bes, ou que celles dont je viens de donner les résultats. Certaines plantes (Giroflée, Onagre, Éphémère, Iris, CHALEUR VÉGÉTALE. 29 Nénufer, Seringat, Mauve), se prêtaient mieux à l’étude des dégagements de chaleur pendant et après la floraison ; je les ai étudiées spécialement à ce point de vue. La marche générale des phénomènes observés était toujours la même. Avec certaines fleurs, qui dégagent chacune une grande quantité de chaleur, on pourrait employer le dispositif re- présenté (PI. [, fig. 1) pour l'Tris. La plante restant intacte, on immergeait directement ou en immergeant avec une en- veloppe l’air, une seule fleur lerminant la tige, qui, recour- bée et maintenue par un support, rattachait la fleur à la plante, sans qu’on ait fait aucune section. Un grand nombre d'espèces (Renoncule, Ficaire, Myo- solis, etc.) ne dégageaient pas de quantités de chaleur me- surables ; d’autres, aucontraire (Arum, Richardia), ne se prè- taient pas aux mesures d’une manière régulière, par suite de dégagements de chaleur, correspondant sans doute à l’ac- croissement de nie signalé depuis longtemps chez les Aroïdées, mais dont ; je n'ai pas pu m'expliquer l’irrégu- larité. Je cilerai à cet égard le détail d'une expérience faile avec le Richardia. | Pichardia æthiopica. — 25 mai. Un pot contenant la plante est placé au voisinage du calorimètre. Une tige est recourbée et l’inflorescence terminale tenant à la plante intacte est plongée dans le calorimètre. Le poids de la partie plongée est de 125°,25 et la température initiale de l’inflo- rescence est de 17°,345. Le calorimètre renferme 400 cen- timètres cubes d’eau. Avant l'introduction de l’inflorescence dans le calorimètre, on à : | Minute 14 Température 17°,350 — 15 — 170,350 — 16 — 170,350 er 17 = 4299504: mr rie _ 170,350 [ * ee 19 — 170,350 0 20 == 170,350 GO ie 470,350 30 GASTON BONNIER. On introduit l'inflorescence ; on lit de minute en minute : Minute 22 Température 170,350 nn ne. 170,355 Le où © 170.358 © _ 170,365 26 ne 0 à me 170,388 ue “ io 5 | Fr 9 — iMBe Pb) _ 170 442 ni 170,458 bio 170,465 Hire 170 468 hd ae 170 470 Le ie 170,472 He Le 170,475 Lo qe # 170,480 5 “à 170,485 ui cp “h 170.488 ci 00 ie 17° 290 he 07 _ 170,498 2 _ 17 500 À 17,510 = Le 11 515 : 170,890 tue # 172,599 Re 170,530 . So 170,535 du _ 170,540 4 0 170,845 On relève l'inflorescence ; on lit de minute en minute : Minute 51 Température 170,545 170,548 um je " 170,840 Hp _ 170,540 — à : 170.540 | À ae ie 17,540 2h et ei 17 540 5 Le 0 On voit qu'il s’est manifesté une période d'augmentation rapide {a) qui empêche tout calcul de la quantité de chaleur dégagée dans les conditions de régularité ordinaire. Enfin, j'ajouterai que j'ai fait, en 1886, des vérifications par des expériences croisées, au moyen de deux calori- CHALEUR VÉGÉTALE. 31 mètres identiques, placés l’un à côté de l’autre, dans les caves de l'École Normale. Elles m'ont confirmé les résultats obtenus par les expériences de contrôle dont j'ai parlé plus haut, et l’on peut estimer que, dans tous les cas, avec le calorimètre, l'erreur d'une série d'observations pour la dé- termination de Q,, ne dépasse pas 5 calories. Or en admettant que l’on ait toujours eu l'erreur maxima, la forme des courbes qui représentent la marche des phé- nomènes peut être un peu modifiée, mais leur allure reste [la même, et la position relative des valeurs de Q,,, Q, et Q. n’est pas changée. IV. — CONCLUSIONS GÉNÉRALES. « Les changements chimiques éprouvés par les principes immédials des êlres vivants, dit M. Berthelot (1), sont de nature diverse. Ils consistent soit en oxydations, soit en hydratations et déshydratations, soit en dédoublements. Chacune de ces réactions, envisagée homes peut dé- gager ou absorber de la She « Il résulte de là que le calcul de la chaleur dégagée ne saurait être établi, comme on l'avait cru autrefois, par la seule connaissance de l'oxygène absorbé pendant la res- piration, même jointe à celle de l’acide carbonique expiré. La connaissance exacte du rapport entre les deux subs- tances (quotient respiratoire) n’est pas suffisante, attendu que cet oxygène n'est employé ni à brûler simplement du carbone, comme le supposaient les anciens calculs, ni à former exclusivement de l'acide carbonique. » Les essais de mesure que j'ai tentés et dont je viens de donner les résultats dans ce Mémoire viennent à l'appui des considérations précédentes, etfournissent, pour la première fois, des nombres relatifs à la mesure des quantités de cha- leur dégagées par les végétaux. Loc. cit: 39 GASTON BONNIER. Considérons, en effet, une graine au début de sa germi- nation ; elle peut avoir en réserve de la cellulose, de l’ami- don, des principes gras, des albuminoïdes ou des saccharoses. Toutes ces substances de réserve vont subir des transfor- mations en passant à l’état de glucose et autres substances, après une déshydratation ou une oxydation incomplètes. Or, par des considérations indirectes, on est conduit à admettre que la cellulose ou l’amidon dégagent de la chaleur en se transformant en glucose, que les corps gras dégagent de la chaleur par dédoublement, indépendamment de toute oxydation, que les corps gras neutres peuvent aussi dégager de la chaleur en se dédoublant et par seule hydratation. Il résulte de ces considérations, qui renferment, il faut le remarquer, quelques données hypothétiques, que lorsqu'une réserve déterminée, comme le contenu d’une graine au début de la germinalion, est utilisée, les phénomènes chimiques qui se produisent doivent donner, au point de vue calori- métrique, trois sources de dégagement de chaleur : 1° Chaleur dégagée par la formation de l'acide carboni- que ÉMIS ; | | | 2° Chaleur dégagée, en outre, par l'oxydation de certaines substances, oxydation due à l’excès de l'oxygène absorbé sur l'acide carbonique émis; 3° Chaleur dégagée par des dédoublements ou des hydra- tations, indépendamment de toute oxydation. C’est cette troisième cause de dégagement de chaleur qui a élé négligée, ou même contestée, et qui est très impor- tante à considérer, car son existence prouve qu’un être vi vant peut dégager de la chaleur même s’il n’y a ni oxygène absorbé ni acide carbonique formé. Mais on peut objecter à ces considérations «& priori que les phénomènes de la germination sont complexes, que s'il y a de l’amidon détruit, il y a de l’amidon secondaire formé, que si une plantule détruit une provision de cellulose dans un albumen corné, elle reforme de nouvelle cellulose pour produire de nouvelles membranes. | CHALEUR VÉGÉTALE. 49 Si nous avions pris pour exemple la‘fleur avant el après l’anthèse, la complexité des phénomènes apparaîtrait encore d’une façon plus grande, car des réserves définies sont alors à la fois formées et détruites, à la base de la fleur, dans l'albumen, dans l'embryon ou même dans les parois du fruit en voie de formation. D'où la nécessité de mesures pour la chaleur dégagée et pour les échanges gazeux corrélalifs, afin de voir si réelle- ment, dans les végétaux, il est possible de mettre en évi- dence une autre source de chaleur que celle due à la forma- tion de l’acide carbonique, el même une autre source de chaleur que celle due à l'excès d’oxydation. _ Les résultats précédents fournissent une réponse posilive à cette question et, en même temps, permettent de donner une solulion à plusieurs des problèmes que j'ai posés au début de cette étude. On peut conclure des recherches précédentes que : 1° La quantité de chaleur dégagée pendant le même temps, par un même poids d'une plante, à la même température ini- tiale, varie avec le développement de la plante. Un maximum se produit dâns la première partie de la période germinative (1), un autre maximum dans la fleur après l'anthèse ; 2° Pendant la première partie de la période germinative, la quantité de chaleur mesurée est supérieure à celle qu'on obtient en calculant la chaleur de formation de l'acide carbonique produit par la plante pendant l'expérience ; elle est même su- _périeure, en général, à la quantité de chaleur qui serait due à la formation d'acide carbonique par tout l'oxygène absorbé; 3° Pendant la floraison, toutes les fois que la quantité de chaleur a été mesurable, elle s'est montrée au contraire infé- rieure à la quantité de chaleur calculée par le phénomène: respiratoire ; (1)Il faut entendre le mot période germinative dans le sens le plus large, en comprenant dans la germination au point de vue physiologique aussi bien les tubercules que les graines. Il en serait de même évidemment de l’éclo- _ sion des bourgeons des arbres. ANN. SC. NAT. BOT. XVIII, 34 GASTON BONNIER. 4° Le maximum de chaleur dégagée pendant la période ger- münative correspond assez sensiblement au maximum d'oxyda- tion, c’est-à-dire au minimum du quotient respiratoire ; en tout cas, il coïncide plutôt avec le maximum calculé par l'oxy- dation totale qu'avec celui calculé par le dégagement de l'acide carbonique ; 5° La quantité de chaleur dégagée, par une même plante à un même état de son développement, augmente beaucoup avec la température initiale. C'est donc lorsqu'on étudie les tissus au moment de la consommation d’une réserve déterminée, comme au début de la germination, que la chaleur dégagée par la transfor- mation des substances de réserve (dédoublements et hydra- talions) vient, si l’on peut s'exprimer ainsi, s'ajouter à celle que produit l'acide carbonique en se formant et à celle que produit l’oxydalion interne par l'excès d'oxygène d’absorbé. Si l’on étudie les tissus au moment de la formation d'une réserve déterminée, comme cela se produit alors que les substances émigrent vers les fleurs ou au début de la formation des fruits, on constate que la chaleur absorbée par la formation des substances de réserve vient au contraire se retrancher de la chaleur dégagée par la respiration. +7 Ce OR EU Ve EXPLICATION DES PLANCHES PLANCHE I. Fig. 14. — Dispositif du calorimètre Berthelot pour l'étude pendant l'an- thèse; e, enceinte extérieure contenant de l’eau et recouverte de feutre : Te, thermomètre plongé dans l’eau de cette enceinte; À, agitateur; a, en- ceinte interne argentée, reposant sur un triangle debois b, ; c, calorimètre contenant de l’eau reposant sur un triangle de bois b,; ti, vase de platine renfermant la fleur et plongé dans le calorimètre ; Tec, thermomètre plongé dans l’eau du calorimètre; Ti, thermomètre placé à côté de la fleur; ag, agitateur du calorimètre ; v, vis pour maintenir immergé le récipient interne. Fig. 2. — Dispositif du calorimètre pour l’étude de la germination dans l’eau; g, graines; T, thermomètre; a, agitateur. Fig. 3. — Dispositif du calorimètre pour l'étude de la germination dans l'air : , graines; vw, vis pour maintenir le récipient interne; p, tube pour faire des prises de gaz; Ti, thermomètre plongé dans les graines; Te, thermo- mètre plongé dans l’eau du calorimètre. PLANCHE II. Fig. 4. — Thermocalorimètre Regnault modifié pour l'étude de la chaleur végétale : P, plantes germant ou parties de plantes entourées par le réser- voir à double enveloppe du thermocalorimètre dont le tube gradué en parties d'égal volume est horizontal en fc; e, enceinte entourée d’eau E à température constante, renouvelée en ret r'; «&, agitateur. Fig. 5. — Détail du réservoir du thermocalorimètre disposé pour l'étude de la germination : R, R, R, réservoir du thermocalorimètre; E, espace où l’on met les graines germant g; e, enveloppe externe du réservoir ; i, enveloppe interne; te, tube du thermocalorimètre. Fig. 6. — Dispositif du même appareil pour l'étude avec prise de gaz : R, réservoir ; fl, fleurs ; p, tube pour les prises de gaz; tc, tube du thermo- _ calorimètre. Fig. 7. — Courbes représentant les quantités de chaleur : D, mesurées; O, calculées d’après l'absorption d'oxygène transformé en acide carboni- que; C, d'après le dégagement d'acide carbonique, pour la germination des graines de Pois; Md, Mo, Mc, maxima pour chaque courbe. Les or- données sont proportionnelles aux calories, les abscisses au temps écoulé depuis le début de la germination, à la même température. Fig. 8. — Courbes analogues pour le Blé; mêmes lettres. Fig. 9. — Courbes représentant les quantités de chaleur dégagées pendant la floraison du Blé; mêmes lettres. RPRRTRE, = — SE == = LH Fa = tete Qi NS SN T | LS NINSISIIKIKIKNE LA A AN Foro ann > se) FD ST AO E TE ak à) A ZI] il JE AN | ) JA || } , {| | | = | —— | = =, e = | À, | EE =—— a —_— NA 2 Î NE Trad EN T il 4 14 | | || à! | = | QE D NO V7 il | SLI CRT TROP ILE DLLD PET PTE TL SE || NE TT MN BTE SL S . On S F È = T7 5 ES + PNAEES a — RNCS ———- A Ë A — & ER 4e SR A M GITE = II DU l | MNT (NON a Millot del et sc. ie des Inp“Zemercer, Farés etale. eq Lecherches sur la chaleur » ARE HU AA : EM 1 ee û Ed" ‘2 oi ‘3 me DT UAMNACMNNTIURER AMEN MARS LRRMNN RUN RAA LIL Purtianes LR ALLS LA BABA ADI LE ER DE RAA S I IRAN NA RSR RS Ress AA LENS AD L SRRRE ERA man Lire (Te DOTE LT EU TT TDR re LILI SEL = CO COLE COTON OA TETE AN NOT QU Tab io Eu Lu 1e / ao En LT nor sa || AN DH ds D do a on gd tan HU y \(l 2 DS 7 } - Lemercier farcis &s EE -°QReS 1/70 Millot del.et sc. tale. eg e lecl erch LS SIT la cha leur D. RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE DE LA TIGE Par M. LÉON FLOT. INTRODUCTION Lorsqu'on étudie la structure anatomique dans un membre de plante, on peut, d’une manière générale, délimiter de deux manières les régions qui comprennent les différents tissus. On peut d’abord, sans se préoccuper de l’origine, établir les limites de ces régions par une convention sur la disposi- tion des tissus différenciés. C’est ainsi qu'on a pu dire, en parlant de la tige, que la moelle est une région convention- nelle limitée, en coupe transversale, par une ligne qui passe par lous les vaisseaux les plus internes du bois, normale- . ment à la direction des files de vaisseaux. Si, aucontraire, on rapporte la définition des régions à l'étude du développement des cellules initiales et des tissus jeunes en voie de différenciation, on pourra dire, par exem- ple, que l’épiderme, quels que soient le nombre de ses assises et leur différenciation ultérieure, comprendra tous les tissus qui proviennent de l’assise la plus externe des cellules ini- tales, prise au sommet de la tige. [l arrive parfois que ces deux manières de procéder coïn- cident parfaitement : tel est presque toujours le cas dans la racine, dont on peut dire que la connaissance exacte a élé 40 LEON FLOT. de la moelle. Dans de telles conditions, on était fondé à dire que l’anneau n'existait pas, surtout si l'on ne tenait compte que de la distribution des tissus. Il existe cependant des cas où la théorie de Sanio permet d'expliquer certaines particularités de structure, notamment ‘en ce qui concerne l'accroissement de la tige des Monocoty- lédones, des Chénopodées, des Polygonées, et dans des tra- vaux postérieurs (1), on l’a reprise en partie pour éclaircir des faits déjà indiqués par Sanio et que la théorie de Nägeli est impuissante à expliquer. Il est de [a plus grande importance de savoir exactement quelles sont les théories rejelées par l’un et par l’autre de ces deux auteurs pour s'expliquer le but des recherches qui vont suivre. Énonçons d’abord l'opinion de Nägeli : Schacht, dit-il, fait fonctionner d’abord l’épaississe- ment, et dans celui-ci, les faisceaux de cambium (procam- bium), ce qui ne concorde pas avec l'état le plus Jeune dans le bourgeon terminal. La différenciation postérieure parle contre ce fait, car 17 est notoire que la partie des rayons mé- dullaires qui est dans l'étui médullaire, ne diffère pas de la moelle. Elle peut, comme Chatin l’a démontré, être dis- tinguée comme un lien médullaire. » Sanio rejelte l'opinion de Nägeli, ainsi que celles de Karsten, de Schacht, de Mohl, et croit que la vérité est dans une opinion moyenne. [Il établit, pour l'Evonymus latifolius, l'existence d’un an- neau ati dont les cellules sont loutes semblables et fait remarquer que Karsten et I. von Mohl nomment à tort cet anneau cambium. Schacht le nomme anneau d’épaississennent, sans tenir comple de l'anneau cambial qui se différencie entre le bois et le liber. Sanio lui donne le nom d’anneau d'épaississement, parce qu'il a pour effet, dans lous les cas, l’épaississement de la tige el conserve à l’anneau cambial son ancienne signification. (4) Guillaud, Anatomie de lu tige des Monocotylédones (Ann. sc. nat., 6° sé- rie, V. 18718): RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 41 La théorie de Nägeli est adoptée par M. Sachs (1), qui admet l'existence d'une structure primaire caractérisée par l'existence de faisceaux isolés au milieu d’un conjonctiffonda- mental. Cependant, au sujet des ravons médullaires, on re- marque, dans les expressions dont il se sert, une certaine réserve. « Les portions de tissu fondamental situées entre les faisceaux paraissent, sur la coupe transversale, n’être que des communications radiales entre l'écorce et la moelle ou, comme on les appelle, des rayons médullaires primaires. » M. Russow (2) pense que dans les Phanérogames on ne trouve pas d’initiales distinctes, mais un massif de cellules (protoméristème) : il admet comme exactes les idées de Sanio, sauf en ce qui concerne l’anneau d’épaississement qu'il ne considère pas comme un tissu différent des autres méristèmes. Il établit une classification des tissus, basée sur l'origine et sur le mode de développement : il en sera ques- tion plus loin, dans les conclusions du premier chapitre. M. Van Tieghem, dans son mémoire classique sur la struc- ture des Aroïdées (3), décrit avec une grande précision la composition des faisceaux ; 1l signale les gaines de paren- chyme qui les entourent et établit une classification basée sur la présence ou l'absence d’un anneau d’accroissement dans lequel naissent de nouveaux faisceaux. En 1882, M. Van Tieghem donne le nom de péricycle aux assises comprises entre l’endoderme et le hiber (4), et l’an- née suivante, dans son Cours d'anatomie comparée du Mu- séum, il indique les caractères propres à cette région chez un grand nombre de plantes. Plus tard, M. Morot (5) décrit avec détail les différents aspects du péricycle ; il fait remarquer, notamment, que (4) Sachs, Traité de botanique, 4° édit., trad. franc., p. 750. (2) Russow, Vergleichende Untersuchungen..… (Mém. de l’Acad. imp. de Saint-Pétersbourg, t. XIX, 1872). (3) Van Tieghem, Recherches sur la structure des Aroïdées (Ann. des sc. nat., 5e série, VI, 1866). (4) Van Tieghem, Sur quelques points de l'anatomie des Cucurbitacées (Bull. de la Soc. bot., XXIX, p. 280, 1882). (5) Morot, Recherches sur le péricycle (Ann. se. nat., 6° série, t. XX, 1885). 49 LEON F£LOT. dans certains cas (Phytolacca) les faisceaux des rangs exlé- rieurs prennent naissance dans le péricycle. Depuis, M. Van Tieghem, dans divers mémoires et dans son Traité de botanique (1), a montré de plus en plus la grande importance du péricyele, surtout au point de vue de la production des membres endogènes et de la localisation de l’appareil sécréteur. M. Vesque (2) a remarqué certains cas de cloisonnements actifs dans le parenchyme qui avoisine les trachées et donné au tissu qui en résulte le nom peu explicite de faux cambium. M. Courchet (3) a constaté que le parenchyme interfas- ciculaire se modifie et peut passer à l’état de scléren- chyme (?) : « Quelquefois il se distingue à peine du paren- chyme ambiant. En coupe longitudinale, ces éléments se montrent disposés en séries, très allongés el séparés les uns des autres par des cloisons fortement inclinées. «Ilajoute que » ce lissu forme, dans beaucoup de tiges, des gaines in- ternes ou latérales; dans d’autres Ombellifères, il s’insinue entre le bois et le liber et occupe l'intervalle des faisceaux, de l’écorce à la moelle ». Dans la seconde édilion de son Traité de botanique, M. Van Tieghem (4) décrit, chez un certain nombre de plantes, les cellules dont il est question dans ce travail : « Ailleurs, au contraire, la moelle et les rayons acquièrent plus de solidité par une différenciation locale de leurs cellu- les en sclérenchyme, analoque à celle quise rencontre dans le péricycle, et cela de diverses manières. Ici le sclérenchyme est localisé en forme d'arc le long du bord interne de chaque faisceau libéroligneux; cet arc interne est seul, comme dans le Berbéride (Berberis), la Massette (Typha), elc., ou (4) Van Tieghem, Traité de botanique, 2° édition, 1891, et Recherches comparatives sur l’ori igine des membres endogènes dans les plantes vasculaires (Ann. des sc. nut., 1° série, VIII, 1889). (2) Vesque, Anatomie comparée de l'écorce (Ann. sc. nat., 6° série, IT, 1875). (3) Courchet, Etude anatomique des Ombellifères (Ann. sc. nat., 6° série, 1881, p. 107). (4) Van Tieghem, Traité de botanique, 2° édit., 1891, p. 754. RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 43 bien il existe en mêmetemps que l’arc externe formé, comme on l’a vu, en dehors du liber par la sclérose du péricycle, comme dans la Renoncule (ARanunculus), le Balisier (Canna), elc. Là, c’esl une couche continue de sclérenchyme qui relie entre elles les pointes internes des faisceaux : Bougainvillée (Bougainvillea), Artanthe (Artanthe), Chavice (Chavica), Népenthe (Nepenthes), etc. Aïlleurs, le scléren- chyme s'étend le long des rayons médullaires sur les flancs des faisceaux, qu'il enveloppe d’une gaine complète en re- joignant le sclérenchyme périphérique (beaucoup de Grami- nées, de Cypéracées, etc.), ou même il envahit toute la lar- geur des rayons, noyant pour ainsi dire les faisceaux dans une épaisse couche fibreuse (beaucoup de Monocotylédones). » Cette description, fort exacte, ne comprend, comme on le voit, qu'un petit nombre d'exemples et ne s'applique pas au cas où le tissu qui entoure les faisceaux ligneux n’est pas sclérifié. Telle qu’elle est néanmoins, elle m'a été un pré- cieux appui pour continuer mes recherches et pour compa- rer aux formations péricycliques externes celles qu'on ren- contre à la face interne des faisceaux. Enfin, dans un précédent travail (1), j'ai eu moi-même l’occasion d'étudier la nature des tissus qui composent la tige des arbres, et ce sont les observalions que j'ai faites à celte époque qui m'ont fourni les premiers documents des présentes recherches. Il Dans cette première partie de l’historique, j'ai laissé de côté les travaux qui ont rapport au liber interne. Cette ques- tion devant être traitée plus loin avec quelque détail, j'ai cru préférable de réunir en un même paragrapheles divers mémoires publiés sur ce sujet. La présence du tissu criblé à l’intérieur de l'anneau li- gneux à été constatée pour la première fois par Hartigen 1854. (4) Flot, Recherches sur l'anatomie comparée de la tige des arbres (Revue générale de botanique, 1890). 41 LEON FLOT. Depuis cette époque, de nombreux travaux ont été con- sacrés à la description de ce tissu dans différentes familles. Je citerai seulement les noms de Hugo von Mobhl, Hanstein, Sanio, Schreiber, Russow, parmi ceux des auteurs qui ont le plus contribué à faire connaître ce tissu. Dans son fraité d'anatomie comparée, de Bary (1) a ima- siné, pour les faisceaux à double liber, la dénomination de « faisceaux bicollatéraux » ; il ne s'occupe pas de l’origine du tissu criblé interne. Plus tard, M. Petersen (2) étudie le liber interne dans les familles où on l'avait signalé : il remarque que ce liber fait partie du système libéroligneux et naît dans des cellules particulières qui sont à la limite interne de l’anneau d’épais- sissement. À ce sujet, il donne quelques explications sur le dé- veloppement, mais les exemples qu’il cite sont trop peu nom- breux pour pouvoir servir à une généralisation. M. Hérail (3) étudie les anomalies de structure de la tige et s’occupe du liber interne. Il n'admet pas la dénomination de faisceaux bicollatéraux, sauf pour les Cucurbitacées. D'après ses conclusions, le liber interne naît dans la moelle : la raison en serait que ce tissu apparaît quelquefois après la formation du faisceau normal, et que certaines tiges présen- tent des faisceaux criblés dans leur région centrale. M. Van Tieghem (4) reproduit les observations de M. Hé- rail avec une légère restriction, qui a ici son importance : il place en effet le lieu d’origine du tissu eriblé interne dans les cellules périmédullaires et fait une distinction entre les fais- ceaux criblés nés à la périphérie de la moelle et ceux qu'on rencontre au centre de la tige. M. Lamounette (5) reprend tous les travaux antérieurs et (1) De Bary, Vergleichende Anatomie, 1871, p. 331. (2) Petersen, Ueber das Auftreten bicollateraler Gefässbündel, etc. (Bota- nische Jahrbücher für Systematik, 1882). (3) Hérail, Recherches sur l'anatomie comparée de la tige des Dicotylédones (Ann. sc. nat., 1886). (4) Van Tieghem, Traité de botanique, 2° édit., p. 755. (>) Lamounette, Recherches sur l'origine morphologique du liber interne (Ann. sc. nut., 1891). RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 45 s'applique à démontrer que le liber interne possède une ori- gine toute différente de celle du faisceau. Il conclut comme M. Hérail : le liber interne a une origine médullaire, et ajoute : même chez les Cucurbilacées. Dernièrement enfin, lorsque ce travail était en cours de rédaction, j'ai eu connaissance d'un mémoire de MM. Scott et Brebner (1), dans lequel ces auteurs étudient l’origine du liber interne dans quelques familles. Leurs observations con- cordent avec celles de M. Petersen et avec les miennes. On peut toutefois regretter que le nombre des plantes éludiées ne soit pas plus considérable et que l'absence de figures spéciales empêche de vérifier les faits énoncés dans ce mémoire. CHAPITRE PREMIER. ÉTUDE DU POINT VÉGÉTATIF ET DES TISSUS QUI EN DÉRIVENT. Pour cette étude, je décrirai un certain nombre d'exemples, choisis, un peu au hasard, dans diverses familles, notamment dans celles qui présentent du lissu criblé au-dedans desfor mations ligneuses. Afin d'éviter les causes d'erreur, je n’ai pris que des extré- mités verticales de branches non florifères, et, sauf naturel- lement pour les plantes herbacées, prises sur des plantes âgées. C'est, à mon avis, la meilleure façon d'obtenir des résultats exacts : l'étude de la région hypocotylée, ainsi que celle des jeunes plantes de semis, montre que la structure pendant la première année est souvent différente de ce qu’elle sera dans le cours de toutes les années qui suivront. C’esli pour la même raison que les bourgeons terminaux éludiés n’ont pas été pris à l’état de repos, mais choisis au contraire sur des extrémités verticales en voie de développement. [l est bon d'ajouter que l'étude des coupes transversales (2) D. H. Scott and G. Brebner, On the internal Phloëm in the Root and Stem of Dicotyledons (Annals of Botany, vol. V, n° XIX, 1891). 46 LÉON FLOT. seules est insuffisante à donner une idée exacte de la nature et de la disposition des tissus. Dans le méristème terminal en voie de différenciation, il arrive fréquemment que des éléments allongés ont un diamètre transversal égal à celui des éléments voisins, dont les dimensions sont, par exemple, égales sur toutes les faces. Dans ce cas, si l’on se contente d’une section transversale, on est exposé à confondre des élé- ments essentiellement différents : nous en verrons plus loin de nombreux exemples. C’est surtoul près du sommet dela tige que ces causes d'erreur peuvent se produire, en raison de la faible différenciation des tissus. Pour ce motif, toutes les descriptions qui suivront ont été établies d’après l’obser- vation de coupes longitudinales, en ce qui concerne l’origine des tissus; les coupes transversales ont servi à décrire la distribution des divers éléments dans les différentes régions. Je ne ferai pas ici l’'énumération de tous les travaux quise rapportent à l'étude du point végétaiif, attendu que cette question n’est {raitée qu accessoirement. On irouvera d’ail- leurs une critique remarquable de lous ces ouvrages dans le mémoire d’un botanisie distingué dont la mort prématurée est une perte pour la science (1). Douliot a étudié un grand nombre de Dicotylédones, parmi lesquelles se trouvent quel- ques-unes des espèces décrites ci-après. Pour certaines plantes, j'ai quelquefois trouvé plus d’iniliales que n’en indi- que le travail cité. À part celte différence, qui, dans le cas présent, est pour moi d'importance secondaire, mes obser- vations concordent en général avec celles de Douliot, à tel point que je me suis abstenu de représenter quelques figures qui n'auraient semblé que des reproductions. Je suis heu- reux surtout d'y avoir trouvé la confirmation complèle de mes conclusions, relativement au parenchvme central; et cela peut avoir quelque importance si je fais remarquer que je n'ai pris connaissance du travail de Douliot qu'après avoir (4) Henri Douliot, Recherches sur la croissance terminale de la tige des Phanérogames (Ann. sc. nat., 7° série, XI, 1890). RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 47 achevé pour ma part à l'étude du point végétatif et que le but que nous poursuivions était absolument différent. ÏJ. — PLANTES SANS LIBER INTERNE Evonymus japonicus. La coupe figurée sous le n° 1, pl. IT, montre au-dessous de l’épiderme deux assises qui sont les initiales de l'écorce. La quatrième donne vers la gauche, en mv, des cellules qui se cloisonnent, principalement dans le sens longitudinal ; elles sont allongées, se distinguent nettement de leurs voi- sines, tant par leur forme que par leur contenu plus abondant. La cinquième assise prend également part à cette formation. L’assise suivante ne donne de cloisonnements longitudinaux que d’un côté de la tige. Au-dessous de ces six assises, dont les éléments sont régulièrement superposés, se trouve un groupe de trois assises de cellules isodiamétriques, qui forment le parenchyme central. Jusqu'à ce point nous som- mes dans le méristème primitif, sans différenciation appré- ciable. À partir de cet endroit, les tissus prennent des caractères propres. Les cellules issues des assises initiales externes se rattachent par leur forme à celles des feuilles en voie de croissance. Elles enveloppent, à droite et à gauche sur la figure, c’est-à-dire sur tout le pourtour de la tige, une épaisseur de quatre à six cellules, allongées, subdivisées en longues cellules par des cloisons longitudinales. Ce cloi- sonnement s'avance un peu plus en hauteur d'un côté que de l’autre. Nous retrouverons souvent celte différence, plus marquée encore, dans les plantes à feuilles alternes. Sans préjuger en rien des conclusions de ce travail, nous pouvons faire remarquer que cette région, dont les éléments sont allongés dans le sens de l’axe, est ce que beaucoup d’anatomisies désignent sous le nom de procambium. Quel que soit le diamètre suivant lequel on coupe, la figure reste sensiblement la même quant aux cellules terminales : on y rouve {ouiours ces deux régions de cellules allongées, 48 LEON FLOT,. disposées symétriquement par rapport à l’axe de la tige. Dans ce premier entre-nœud, on ne rencontre pas de vaisseaux. | Le centre de la tige est occupé par du parenchyme qu’on peut distinguer à première vue, dès le premier entre-nœud, du tissu qui l'entoure. Les cellules sont en discordance avec les éléments allongés décrits plus haut et le sens des cloi- sons méristémaliques est perpendiculaire aux cloisons longitudinales des cellules longues : elles sont horizontales el très nombreuses. La distinction entre les deux régions est très visible en #2 (fig. 1, pl. IT), où les cloisons sont à angle droit avec le tissu allongé. Partant de ce point et remontant jusqu’au sommel, on constate que le issu allongé a pour initiales les assises 4, 5 et 6 du point végé- talif. Le parenchyme central provient du celoisonnement des cellules situées au-dessous de la sixième assise en 47. L'ilot de parenchyme, qui se trouve en ce point M, ne forme pas d'assises de cellules se recouvrant, comme les premières ; elles sont disposées sur deux rangs, sans ordre bien défini. À mesure qu'on descend dans les entre-nœuds plus âgés, la différence entre les diverses régions s’accentue. Vers le sixième entre-nœud, la région des cellules allongées ne peut être confondue avec le parenchyme central, non plus qu'avec le parenchyme cortical. C’est dans cette région que naissent les premiers vaisseaux ligneux et les premiers tubes criblés. Le premier vaisseau ligneux apparait dans l'une des assises les plus internes, mais non dans la première ; de même le premier tube libérien naîl un peu en dedans de la limite externe de la région des cellules longues. Plus bas, 07 trouve, en dedans du bois, une certaine épaisseur de tissu à éléments longs, parenchymateux, en parfaite continuité avec tout le tissu allongé supérieur. Lorsque la coupe passe par un espace interfasciculaire, ‘/es cellules allongées existent seules. Leur disposition est alors celle de la figure 10, pl. VI (mo). Remarque. — Les expressions « premier ou second entre- RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULIAIRE. 49 nœud », désignent les entre-nœuds contenus dans le bour- geon terminal et non ceux que l’on peut distinguer à l'œil nu. Ils sont comptés à partir de la première feuille en voie de différenciation; cette manière de procéder n’a d’ailleurs rien d'arbitraire; lorsque les tissus de la feuille ont acquis plus que la valeur d'une simple émergence, une différen- clation correspondante s'établit dans le cylindre central, et il est possible de distinguer, même et surtout dans le paren- chyme central, une assise de cellules de forme particulière, qui est le plancher du premier nœud. Les distinctions dispa- raissent quelquefois dans les nœuds plus âgés. Quercus pedunculata. Les deux coupes figurées sous les n* 2 et 3, pl. IL, font partie d’une série de sections pratiquées dans le point végé- talif d'un Chêne pédonculé. La coupe (fig. 2) passe par le sommet exact de la tige, la coupe (fig. 3) est tangentielle. Sous l’épiderme, l'écorce naît d’une seule assise initiale, mais le nombre des assises augmente rapidement par suite de l’apparition précoce de cloisons parallèles à la surface de la tige. Par suite de l'inégalité du développement, on ne trouve d'abord ces cloisons que sur un côlé de la tige. Au- dessous sont deux autres assises dans lesquelles se produisent des cloisonnements. Enfin, le centre est occupé par des cellules dont les supérieures, à section hexagonale, semblent des segments détachés de la quatrième assise initiale : ces cellules centrales se disposent bientôt en files longitudinales assez régulières. Quand la coupe devient tangentielle, les trois régions sont toujours aussi nettes, mais la région moyenne prend au sommet un aspect particulier, à cause de la direction dans laquelle sont coupés les éléments allongés dont les assises s’'incurvent vers le sommet. La région du tissu allongé se fait remarquer ici encore par des limites très neitles mve, ma (He--9., pl le Toules les coupes de cette série présentant à peu près la - -ANN. SC. NAT. BOT. XVIII, 4 50 LÉON FLOT. même disposition dans le groupement des cellules, on peut en conclure que le tissu caractérisé par les ‘cloisons longitu- dinales fait le tour de la tige avant la différenciation des faisceaux. C’est dans l’une des cellules internes de cette région que naît le premier vaisseau; la partie figurée ne renferme encore aucun élément vasculaire. Æsculus Hippocastanum. Une branche de Marronnier d'Inde présente un sommet terminal aplati dans lequel les assises initiales sont superpo- sées avec une assez grande régularité (fig. 4, pl. IV). L’é- corce a deux assises ; les quatre suivantes prennent de nom- breuses cloisons langitudinales et donnent naissance à une zone d'éléments allongés bien délimitée; le parenchyme central est surtout remarquable par sa différenciation précoce. Les cellules qui lui donnent naissance forment sous la 7° couche d'initiales une assise irrégulière, de cinq ou six cellules hexagonales, desquelles proviennent, immé- diatement, des files très règulières de cellules, ran- gées en séries longitudinales et ayant une largeur double de leur hauteur. Cette disposition des éléments du parenchyme central se retrouve dans d’autres plantes, mais rarement avec la même régularité. Un peu plus bas, la région médiane, comprise entre l'écorce et le parenchyme central, est toujours bien distincte, quoique les cellules des régions voisines aient pris des dimensions en hauteur un peu plus grandes. C’est dans cette bande d'éléments allongés que naissent les vaisseaux : /es premiers vaisseaux ligneux ne sont pas en contact avec le parenchyme central ; ils en sont séparés par qualre ou cinq assises de cellules allongées pro- venant des segments latéraux des initiales. Sur la coupe transversale, cette disposition est facile à vérifier. L'’écorce est séparée du parenchyme central par un anneau de cel- lules dont la section est plus petite que dans les cellules extérieures ou intérieures. Dans cet anneau naissent les faisceaux, mais le premier vaisseau naît un peu en dehors de la C'EURE ad Lis SN CET 2e À ad = PS EC RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 51 limite entre l'anneau et le parenchyme central. L'ovale formé par la section transversale du faisceau libéroligneux tout entier est inclus dans l'anneau qui borde de quelques assises cellulaires tout le cercle des faisceaux et remplit les inter- valles qu'ils laissent entre eux. Soit que la coupe longitudinale passe par un faisceau, soit qu’elle passe par un espace interfasciculaire, la disposi- tion générale des cellules est toujours la même; on trouve toujours entre l'écorce et le parenchyme central une bande de cellules allongées. Solidago Virga-aurea. La coupe longitudinale de l'extrémité d’un rhizome montre, à quelque distance du sommet, une bande de cel- lules allongées contenant des vaisseaux. En dedans des éléments du tissu vasculaire, on remarque quelques assises de cellules allongées, distinctes par leur forme de celles du parenchyme central. Si nous remontons jusqu'au sommet végétatif, nous pouvons nous convaincre que toules ces cel- lules allongées ont une origine commune. Sous l’épiderme, on trouve quatre rangées d’initiales, dont la première est en partie dédoublée :les deux initiales supérieures produisant l'écorce, les autres le cylindre central (fig. 5, pl. IV). Les cloisonnements longitudinaux s’opèrent avec une grande ac- livité, près du sommet, dans les cinquième, sixième et septième assises qui sont à gauche dans la figure . Le pa- renchyme central qui remplit la pointe formée par les assises supérieures se cloisonne aussi, mais la direclion des cloisons est perpendiculaire à l’axe, de sorte que, dès le dé- but de l’activité du mérislème primitif, il est possible de distinguer dans le cylindre central deux régions qui de- viendront de plus en plus différentes. Dans la figure 5, pL IV, on voit en »w le début des cloisonnements longitudinaux de la région qui produira, comme cela à été constaté quelques lignes pius haut, les éléments vasculaires de la tige, ainsi que les éléments allongés qui les accompagnent. La même 52 LÉON FLOT. figure montre en pc les premiers cloisonnements de la région centrale. Le parenchyme central a pour origine les cellules situées au-dessous de la sixième assise initiale: ce petit groupe semble formé par des segments détachés des initiales de la sixième rangée. Le cylindre central procède donc tout entier des mêmes initiales et se différencie dès le début des cloi- sonnements, en deux régions caractérisées par leur mode de Croissance. Hedera Helix. Le point végétatif du Lierre nous montre sous l’épiderme, une écorce formée par trois assises de cellules assez réguliè- rement disposées. Dans la figure 4, pl. IT, on les voit se cloi- sonner activement près de l'insertion de la feuille 4. Au- dessous se trouve un groupe de cellules dont Le fonctionnement est très remarquable. Dans ces cellules, plus grandes que celles qui les environ- nent, on observe des cloisons horizontales qui découpent les initiales en trois étages: les deux supérieures donnent à droite et à gauche une zone à éléments allongés ; l’inférieure, dont les segments sont souvent en forme de voûte, donne le parenchyme central, qui se fait remarquer, dès les premières divisions, par l'alignement vertical de ses éléments; ses cel- lules s’allongent peu dans le sens vertical et se partagent par des cloisons minces. Il semble donc qu'ici comme, dans l'exemple précédent, malgré la différenciation immédiate des deux régions qui composent le cylindre central, elles aient des initiales communes dansle point végétaltif, le parenchyme central provenant de segments découpés dans l’assise initiale inférieure. Les cellules qui recouvrent le parenchyme central ainsi différencié prennent bientôt une forme allongée et de nom- breuses cloisons longitudinales y apparaissent ; dans la par- tie figurée (fig. 4, pl. HD , on les voit se diriger vers lafeuillea, pour y former l'appareil conducteur et le tout vient se rac- RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 53 corder avec les faisceaux qui sont déjà formés dans la feuille inférieure. Les cellules spiralées s'unissent bientôt en un vaisseau qui vient occuper la partie intérieure de l’anneau libéroligneux : 2/ est séparé de la moelle par plusieurs éléments allongés, provenant des mêmes inihales que les vaisseaux. Ces éléments ne peuvent être, sans erreur, confondus avec le pa- renchyme médullaire qui est à un état de différenciation beau- coup plus avancé el dont la limite externe est très nette depuis le point végétatif. Begonia ascotiensis. Danses Bégoniacées, le point végétatif est aplati, et si l’on observeune coupe longitudinale comprenant plusieurs entre- nœuds, on remarque que les cloisonnements Iongitudinaux qui caractérisent la région vasculaire se rendent, d’un côté, dans la première feuille en voie de croissance; de l’autre, ils se détachent du faisceau foliaire de la seconde feuille, déjà bien développée, et s'incurvent brusquement vers le som- met végétaltif. Au premier abord, il semble que la confusion soitgrande dans les cellules initiales,maisiln’est plus demême sil’on se limite au sommet lui-même,comme le représente la fig. 8, pl. IL. L’écorce a deux assises d’initiales. Cependant les cellules provenant de l’assise inférieure (dédoublée sur la figure) présentent quelque confusion avec celles qui sont données par les assises sous-jacentes. Les deux assises sui- vantes (4° et 5°) donnent le cylindre central, et dès le début, du côté où se formera une feuille (à gauche sur la figure), on peut observer la différenciation en deux régions, grâce au cloisonnement des segments latéraux. Le parenchyme cen- tral se laisse reconnaître dès le début, par ses cellules allon- gées, que divisent des cloisons horizontales. Plustard, le carac- ière dû à ce mode de division s’atténue et même disparait, _maisles cellules de la moelle proprement dite restent toujours isodiamétriques, ou même aplaties, tandis que celles qui les entourent sont plus allongées. Les cellules issues des segments latéraux des quatrième 54 LÉON FLOT. et cinquième iniliales forment une bande continue, dont les éléments internes prennent peu à peu sur la coupe longitu- dinale, une forme polygonale irrégulière et ne diffèrent des cellules centrales que par leur plusgrande longueur relative. Les premiers vaisseaux apparaissent dans les cellules exté- rieures à cette zone interne. Achyranthes Verschaffeltii. C’est dans cetleespèce que j'ai rencontrélepluspetitnombre d'initiales, parmi les Dicotylédones que j'ai étudiées. Sous lé- piderme, on rencontre deux cellules quelquefois divisées (fig. 6, pl. IV). Les segments latéraux qui en procèdent sont presque toujours divisés de irès bonne heure par des cloi- sons perpendiculaires à la surface du point végétalif. Dès que ces cloisonnements ont apparu, on peut distinguer deux régions : l’une, externe, comprenant l'écorce et Ia région vasculaire ; l’autre, interne, fournie par le cloisonne- ment des segments inférieurs dela troisièmeinitiale : celte dernière offre tous les caractères que nous avons pu constater jusqu'ici dans le parenchyme central, lant au point de vue de la forme des éléments qu’à cause de leur mode de division. Si donc la limite externe du parenchyme central peut être établie avec quelque certitude, on n’en peut dire autant pour les régions qui lui sont exlérieures, et les limites ne peuvent être établies qu’au point où les faisceaux foliaires pénètrent dans le cylindre central. Euphorbia Lathyris. Les faisceaux de la tige différenciée sont accompagnés, à leur partie interne, d’une ou plusieurs assises de cellules allongées, en dedans desquelles se trouvent les cellules de la moelle, si remarquables par leur disposition en chapelets anastomosés. Si l’on remonte jusque dans le point végétalif, il semble que la confusion soit extrême dans l’origine des tis- sus. Cependant, avec un peu d’aitention, on peut reconnaître l'agencement tout particulier des cellules du méristème pri- La RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 5) mitif. Les assises initiales sont très nombreuses et l’on n’y trouve point la superposition régulière qu'on observe dans beaucoup de plantes etquipermet de délimiter avecexactitude le nombre d'initiales propre à chaque région. Si cependant nous examinons attentivement la figure 1, planche IV, nous comptons sous l’épiderme neuf assises d’iniliales, caracté- risées par ce fait que vers la gauche, où la différenciation des tissus primaires est moins proche du sommet végétatif, cer- taines cellules se sont étendues considérablement dans le sens des surfaces de séparation des assises el se sont ensuite di- visées par des cloisons perpendiculaires à ces surfaces. À droite, on voit, en a, l’'ébauche de la première feuille ; elle est indiquée, à l’intérieur de la tige, par des cloisonnements qui s'étendent depuis l'épiderme jusqu'à la neuvième assise et se continuent avec la zone à éléments allongés dans laquelle naissent les vaisseaux. Les cloisons qui subdivisent les huit premières assises sont perpendiculaires à la direction des couches d'’iniliales ; dans la neuvième, on voit des cloisons se diriger vers le sommet proprement dit. Le nombre des assises de l'écorce, qu'il serait à peu près impossible de fixer si l’on ne considérait que la région de la feuille à, est nettement indiqué à droile parle trait de force /, qui existe dans la préparation ; ce nombre est de cinq assises. À la face interne de la bande de cellules allon- gées mor, et au-dessous de la neuvième assise, les cellules du parenchyme central prennent d’abord une forme isodiamé- irique (pc), puis s’allongent, prennent, perpendiculairement à leur plus grande dimension, une ou plusieurs cloisons et forment ainsi les chapelels qui caractérisent la moelle dans cette espèce. IT en est ainsi, par exemple, dans la cellule c. En même temps apparaissent, dans cette région, les lacunes caractéristiques de la moelle (/ac,. fig. 1, pl. IV). Une couche de cellules, appartenant au parenchyme cen- tral, accompagne la bande de cellules allongées : à la face interne de cette bande, un certain nombre des cellules qui la composent séparent de la moelle les premiers vaisseaux. 56 : LEON FLOT. IT. — PLANTES A LIBER INTERNE Solanum nigrum. IE en observé avait dix centimètres de hauteur. Les feuilles complètement formées étaient normales. On sait, en effet, que lesfeuilles incluses dansunegemmule ou dans un bourgeon terminal à l'état de reposne ressemblent pastoujours à celles que la plante produit dans le cours de la période végétative. De nombreuses observations me permeltent d’af- firmer que c’estseulement quand les feuilles ont acquis la forme qui caractérise l'espèce qu’on peut dire que la struc- ture de la tige est devenue normale. Un grand nombre d’observateurs ont commis des erreurs pour avoir méconnu celle règle. | L'extrémité de la plante représentée planche IL, figure 6 nous montre un point végétatif arrondi, sous l’épiderme, une assise de cellules, qui donne l'écorce; au-dessous, deux assises, ou une assise dédoublée qui se cloisonne de très bonne heure dans le sens longitudinal (» v). Le cloisonne- ment est beaucoup plus avancé d’un côté que de l’autre, à cause du développement de la feuille & et de l'alternance foliaire. Les files de cloisons longitudinales se prolongent dans cette feuille «. En dedans de ces assises cloisonnées, le parenchyme central forme un massif dont les éléments se disposent en files verlicales, avec des dimensions assez grandes et des cloisons horizontales. Dès ce moment, les régions de la tige sont nettement indiquées: l’épiderme, l'écorce, une région caractérisée par ses cloisonnements longitudinaux, et le parenchyme central. Les cellules centrales qui correspondent aux nœuds sont aplaties de haut en bas (7). Dans le second entre-nœud, on voit les premiers vaisseaux ligneux apparaître à l’intérieur de la zone à cellules allongées. Il reste, entre les vaisseaux et le parenchyme central, quelques éléments allongés dans lesquels on observe un cloisonnement RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULIAIRE. 57 longitudinal très actif; de nouveaux éléments vasculaires se produisent ainsi, à l'intérieur de la bande de cellules allongées : c'est du tissu criblé qui se forme. Les éléments ainsi formés en dedans du bois et en dehors du parenchyme central, deviennent de plus en plus nombreux, à mesure que la tige s'accroît, et lorsqu'on les observe dans une tige bien déve- loppée, on les trouve formés de parenchyme allongé, de tubes criblés groupés par fascicules dans des cellules recloi- sonnées : il s’y Joint quelquefois des fibres provenant de la lignification des cellules contiguës au parenchyme central. On voit, par cet exemple, la raison pour laquelle j'ai cru bon d'insister, au commencement de ce travail, sur la manière de délimiter les tissus. Les tubes criblés internes du Solanum nigrum naissent, sans conteste, à l’intérieur d’une zone à éléments allongés, provenant d’une ou de deux assises initiales. Au moment où les premiers vaisseaux ligneux ou libériens apparaissent, le parenchyme central est depuis longtemps différencié comme tissu et n’a aucune part à la formation des éléments criblés internes. Si l’on convient de lui donner le nom de moelle, la limite externe de la moelle sera exactement en / ; de cette facon, elle ne comprendra que des cellules ayant toutes la même origine: si, au contraire, on fixe comme limite extérieure de la moelle, le premier vaisseau ligneux, le tissu criblé interne sera médullaire, maisilfaudra reconnaîlre que, dans la région médullaire, 1l y a lieu de distinguer deux parties d’origine différente. Petunia nyctaginiflora. On comple dans le point végétatif de cette plante cinq assises d’initiales, dont une pour l’épiderme, deux pour l'écorce, deux pour le cylindre central. Ces dernières donnnent latéralement des segments qui prennent une forme allongée et de nombreuses cloisons longitudinales ; la cinquième assise produit, à sa partie infé- rieure, des segments qui donnent le parenchyme central. Ce D8 LEON FLOT. tissu forme, dès le début, des cellules tabulaires, disposées assez régulièrement en files longitudinales. La délimitation entre le parenchyme central et la région à cellules allongées qui l'entoure est fort nette : en effet, les cloisons qui subdi- visent les cellules dans ces deux régions sont respectivement perpendiculaires. L'apparition des premiers vaisseaux ligneux et du tissu criblé interne a lieu de la même facon que dans le cas précédent. Le parenchyme central est déjà bien diffé- rencié lorsque les vaisseaux apparaissent dans la bande de cellules allongées qui l'enveloppe, et aucune confusion n'est possible en ce qui concerne l’origine du tissu criblé interne. Epilobium hirsutum. Dans le premier entre-nœud de cette plante, les cellules de la moelle ont une forme plus allongée que dans les exemples précédents : elles sont néanmoins trois ou quatre fois plus larges que celles de la zone qui les entoure et qui proviennent des assises initiales moyennes. La démarcation entre les deux régions est encore plus nette dans les entre- nœuds suivants,où le parenchyme central estformé d'éléments tabulaires. Le premier vaisseau ligneux apparaît dans la quatrième rangée du tissu allongé; le tissu criblé interne se forme par division de ces quatre assises qui bordent inlé- rieurement le faisceau et qui ont avec lui une origine com- mune. Si l’on se contente d'observer des coupes transversales, on sera fatalement induit en erreur par cet exemple, car sur une telle section, les cellules allongées laissées en dedans du bois ne se distinguent presque pas de celles de la moelle. De plus, les tubes criblés formés ne sont pas en contact avec les éléments ligneux, car un certain nombre de cellules se différencient en parenchyme. La coupe longitudinale seule, faite sur une étendue assez grande pour embrasser la région différenciée et les tissus primitifs, permet d'affirmer que le tissu criblé interne est formé des mêmes éléments qui produisent les vaisseaux du bois et le liber externe. RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULIAIRE. 59 Vinca major. Le point végétatif de cette plante estirès étroit, bien que j'aie étudié des branches bien développées et relativement grosses. Les assises initiales sont au nombre de cinq (fig. 2, pl. IV): une pour l'épiderme, deux pour l'écorce, deux pour lecylindre central. Dans la figure 2 de la planche IV, on voit à gauche de nombreux cloisonnements se diriger vers la première feuille. Plus près du point végétatif, les cellules de la qua- trième et de la cinquième assise sont seulement allongées. Au-dessous de la cinquième assise se trouve un groupe de cellules qui pourraient être considérées comme une sixième rangée d'initiales; en effet, elles détachent, par des cloisons horizontales, des segments disposés en files longitudinales, qui forment le parenchyme central. Ce tissu prend immé- diatement des caractères qui permettent de le distinguer des tissus environnants : ses cellules sont isodiamétriques, plus hautes et beaucoup plus larges que celles qui l'entourent et pourvues d'un contenu moins abondant. Les deux régions ainsi délimitées se prolongent côte à côte, avec le même aspect jusqu au troisième nœud; à cette hauteur apparaissent les premiers vaisseaux : ils arrivent de la troisième feuille où ils sont déjà bien formés, et, après s'être brusquement incurvés, pénètrent dans le cylindre central. Si nous recher- chons le lieu d’origine des vaisseaux spiralés, nous les voyons naître dans la quatrième ou la cinquième rangée de la bande de cellules allongées : nulle part ils ne confinent directement à la moelle. A l'endroit où ils apparaissent, les deux libers sont déjà organisés et possèdent de fins tubes criblés : leur situation. l’un à la face externe, l’autre à la face interne du méristème allongé, est symétrique et n’a aucun rapport avec le parenchyme central. Marsdenia erecta. Le point végétatif surbaissé montre, au-dessous de l'épi- derme, trois rangées d’initiales pour l'écorce, et trois pour le 60 LÉON FLOT cylindre central. De ces dernières, l’inférieure produit le parenchyme central, dont les cellules ont une section hexa- gonale ; celles du tissu qui les entoure sont prismatiques. La démarcation entre les deux régions n’est pas aussi nette que dans certains exemples précédemment décrits : cela tient à la très faible différenciation qu’on observe dans le premier entre-nœud. Le premier nœud est indiqué par l’apparition de nombreuses cloisons horizontales ; dans le plancher ainsi formé, on voit la coupe de deux tubes laticifères. Le second entre-nœud renferme, en dehors du conjonctif central, un anneau- bien délimité, formé par du méristème allongé différent du parenchyme central. Les vaisseaux ligneux naissent plus bas, dans l’une des assises internes de l'anneau, et le tissu allongé qu'ils séparent vers l’intérieur forme des faisceaux criblés. Periploca græca. Cette Asclépiadée ne présente pas de différenciation appréciable dans le premier entre-nœud. Dans le second, l’anneau de méristème allongé se forme, mais je n’y ai ren- contré aucun vaisseau. Dans le troisième, les vaisseaux apparaissent, laissant entre le plus interne d’entre eux et le parenchyme central différencié trois ou quatre assises de méristème long, origine du tissu criblé interne. Oenothera hiennis. Cette plante est l’une de celles où la différenciation du tissu criblé interne est le plus précoce. Les deux libers naissent dans une position symétrique, à l'intérieur de l'anneau de cellules allongées. Mais le liber interne forme un lacis irrégulier de faisceaux, de telle sorte que, dans les coupes tangentielles, ceux-ci présentent l'aspect des mailles d’un filet. Tecoma radicans. Les tissus de la tige naissent de six assises d’initiales : une pour l’épiderme, deux pour l'écorce, trois pour Île RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULIAIRE. 61 cylindre central : la dernière donne le parenchyme central, dans lequel se manifestent de bonne heure des cloisonne- ments horizontaux. La quatrième et la cinquième donnent un méristème allongé, dans lequel je n’ai pas rencontré de vaisseaux formés avant le troisième entre-nœud. Le premier vaisseau naît dans la troisième rangée des cellules internes du méristème allongé. Datura ferox. Les cellules de la région terminale ne sont pas, à beau- coup près, aussi nettement délimitées dans cette Solanée que dans les exemples précédents et si l’on veut se borner à décrire les choses comme elles sont, sans recourir aux traits de force parfois si complaisants, on devra avouer qu'il règne une certaine confusion dans les assises du point végé- tatif, surtout en ce qui concerne l'écorce et la région sous- jacente. Seules les cellules de la région centrale sont faciles à reconnaître, par leurs cloisonnements horizontaux. Tout autour du parenchyme central, les cellules du méristème allongé se différencient en un anñeau qui à pour origine au sommet un massif de trois assises (nv, fig. 5, pl. II. À la partie inférieure de ce massif, se trouvent quelques cellules qui doivent être rangées au nombre des initiales et qui, par le moyen de cloisons horizontales, déta- chent des segments qui formeront le parenchyme central. Dès le point M, le jeu des deux méristèmes élablit une limite morphologique entre le tissu central et celui qui l'enveloppe. “La netteté de cette délimitation ne fait que s’accroîlre à me- sure qu'on descend dans les régions plus développées de la tige et l’on peut observer que le premier vaisseau qui apparaît naît à l'intérieur de la zone de cellules allongées mv, dont quelques-unes sont déjà différenciées en tubes criblés. On rencontre, dans la partie interne de cette zone, entre les vaisseaux ligneux et les tubes criblés, des cellules de parenchyme, d’abord allongées avec des extrémités en sifflet. Plus tard, ces cellules prennent un développement 62 LEON FLOT. en largeur analogue à celui de toutes les cellules paren- chymateuses dans celte plante. C’est l'observation de ces cellules en coupe transversale qui a fait croire à certains auteurs que le tissu criblé interne était médullaire. CONCLUSIONS DU PREMIER CHAPITRE. Les observations qui précèdent permettent de voir main- tenant ce qu’il y à d’inexact dans les théories de Nägeli et de Sanio et de se faire une idée de cette opinion moyenne dont parle ce dernier auteur (1) et dont M. Russow a donné la formule la plus approchée. Pour cela, il est nécessaire de passer rapidement en revue les principales théories qui ont cours actuellement. Hanstein (2), considérant les éléments de l'extrémité de la tige au point de vue purement hislogénique, y reconnaît trois régions : le dermatogène, le périblème et le plérome. Voyons maintenant quelles sont les distinctions qui ont été établies ultérieurement dans la structure primordiale du plérome. M. Russow (3) tient compte et de l’origine et de la des- tinée des cellules primitives. Il partage le protoméristème en {rois régions : existème, mésistème, endistème. L’exis- tème donne tous les tissus jusqu’à l’endoderme ; l’endistème donne la moelle, et le mésistème, qui seul nous occupe ici, se différencie en desmogène et tissu interposé (rayons). On peut objecter à celte théorie que, sauf dans la période pri- milive de la différenciation, il n’y a pas de limite précise entre le mésistème et l’endistème : or les faisceaux du des- mogène, d'où proviendront les faisceaux vasculaires pri- maires, n occupent pas toute la largeur de l’anneau de mésistème; outre les rayons, il reste encore une bande en dehors et en dedans de chaque faisceau. Pour la bande (1) Voir plus haut, p. 40. (2) Hanstein, Die Entwickelung des Keimes der Monocotylen und Dicofylen (Botanische Abhandlungen, 1, 1870). (3) Russow, loc. ci. RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 63 externe, M. Van Tieghem a créé le nom de péricycle; la bande interne reste à nommer; de plus le développement et la structure de celte région de la tige méritent d’être étu- diés. C'est l’objet de ce travail. La difficulté d'établir, pour chaque région de la tige diffé- renciée, un nom qui concorde avec l’origine de celte région, a conduit M. Van Tieghem à fixer pour chacune d'elles des limites précises, établies après l'apparition de la structure primaire. Ainsi la limite interne de l'écorce est l’endo- derme, celle du péricyle est le premier élément libérien externe; la moelle est limitée extérieurement par les pre- miers vaisseaux ligneux. Dans ce système, les mots perdent quelquefois leur sens primitif peu précis pour en acquérir un nouveau, d’une précision mathématique. C’est ainsi que l'écorce, dans la structure polystélique, s'étend depuis l'épiderme jusqu’au centre de la tige. | Or nous avons vu que, dans tous les exemples décrits plus haut, les segments latéraux des initiales inférieures forment une bande ou un anneau de mérisième (méristème vasculaire), acquérant de bonne heure des caractères propres qui le distinguent du parenchyme central el que le premier yais- seau apparaît toujours à une certaine profondeur dans cette zone. Il en résulte donc que la moelle, définie comme il vient d'être dit, comprend deux régions : l’une, externe, prove- nant des segments latéraux des initiales; l’autre, interne, donnée par les segments basilaires de l’initiale inférieure. La région externe de la moelle a reçu différents noms : étui médullaire, cellules périmédullaires, etc.; quelques auteurs vont jusqu'à y comprendre les faisceaux primaires, et rien nest moins défini que ses limites, surtout du côté interne. Nous avons pu cependant constater, par l'étude du développement, qu'elle existe toujours, avec des caractères _ bien reconnaissables, au moins en coupe longitudinale, et que ses limites internes sont au moins aussi précises que celles de la région péricyclique dans le cas où l’endoderme n est pas différencié. 64 LÉON FLOT. On pourrait se proposer de lui donner un nom en rapport avec son origine ; mais il est difficile de trouver une dénomina- tion convenable et exacte dans tous les cas, à cause des modifi- cations que la polystélie apporte dans la constitution de la tige (1). D'ailleurs, si l’on veut imposer une dénomination nouvelle pour la région qui nous occupe, il faudra en même temps en créer un certain nombre d'autres, corrélatives à la première, el nous n'avons déjà que trop de noms pour celte partie. Dans la terminologie la plus Lite actuellement, on con- sidère que les tissus enveloppés par l’endoderme de la tige se composent des faisceaux et du conjonctif : ce dernier lissu comprend, d’après l’acception générale : le péricycle, les rayons et la moelle. Il suffirait, pour conformer les dénominations à la réalité des faits et en même lemps pour créer le moins possible d’ex- pressions nouvelles, de donner le nom de conjonctif à tout ce qui, dans le cylindre central, ne fait pas partie du faisceau, en distinquant deux régions, différentes d'origine, savoir : le conjonctif externe, issu comme les faisceaux des segments latéraux des initiales, et le conjonctif central provenant des segments basilaires des initiales inférieures. Lorsque la structure primaire est établie par l'apparition des faisceaux, la région provenant de la différenciation pri- maire du méristème vasculaire comprend : 1° les faisceaux primaires, 2° le conjonctif externe dans lequel on distingue trois régions : le péricycle, les rayons et la zone périmédullaire. Le conjonctif central est toujours distinct de la zone péri- médullaire, tant par son origine que par la forme de ses éléments, dont la différenciation est précoce. (1) Dans une note présentée à l’Académie des sciences, le 15 février 1893, j'ai proposé pour cette région le nom de péricycle interne, à cause de la ressemblance qu'elle offre, dans son développement, avec le péricycle de la tige. Mais cette expression ayant déjà été employée dans un autre sens par M. Van Tieghem, dans certains cas de polystélie, je n’ai pas cru devoir la conserver. Celle d’endocyle, à laquelle j'avais songé, ne conviendrait pas davantage pour des raisons analogues. RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 65 De cette manière on précise, en les rapportant à l’origine des régions, des termes qui, comme celui de zone périmé- dullaire, étaient fort vagues et prêtaient à l’équivoque, et l’on réunit, sous le nom commun de conjonctif externe, des parties qui, décrites isolément par certains auteurs, appar- tiennent à un tout primilivement homogène. Si donc, pour fixer des limites d’une précision indiscutable, on admet que la moelle s'étend du centre aux premiers vaisseaux ligneux, on devra convenir que, dans celle région, se rencontrent deux parties d'origine différente. J'avoue qu'il me semblerait pré- férable de conserver le nom de moelle pour le conjonctif central seul, car si la limite externe de la moelle est d’une précision absolue en face des faisceaux, il n’en est plus de même dans les rayons. Au contraire, les limites entre le con- jonctif externe et le conjonctif central, déjà fort nettes au début, ne font, dans la plupart des plantes, que devenir plus précises encore par suite de la différenciation secondaire, et il est toujours facile de les retrouver sur une coupe longitu- dinale, ainsi que j'espère le montrer dans la suite de ce travail. J'ajouterai une considération qui a bien son importance : dans la structure schizostélique, chaque méristèle em- porte-avec elle son conjonctif, que M. Van Tieghem nomme le péridesme. Or le péridesme n’est autre chose que la repré- sentation dans chaque méristèle des différentes régions du conjonclil externe. Pour fixer les idées, j'ai résumé en un tableau les princi- pales dénominations énumérées ci-dessus : Mésistème Desmogène (Russow) Faisceaur libéro- ligneux. PA | | Conjonctif externe | Péricycle. | Métitène | ion A Rayons. vasculaire. \ Zone périmédullaire. Parenchyme central. Plérome (Hénstoi) Conjonctif (Van Tieghem). Moelle (V Tieghem). Endistème Conjonctif central { (Russow.) (Flot). ( ANN. SC. NAT. BOT. XVIII, D 66 | LÉON FLO. CHAPITRE II DIFFÉRENCIATION DE LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. Monocotylédones. Si l’on s’en lient aux cas généraux, on peut dire que Île plan de la structure de la tige des Monocotylédones estle même que celui des Dicotylédones, principalement dans la période primaire, et que, loin de les opposer l’un à l’autre comme l'ont fait certains auteurs, 1l y aurait plutôt lieu de les rap- procher, quitte à expliquer ou à constater les anomalies. Plus les parties considérées sont voisines du sommet de la tige, plus l’analogie devient évidente. C’est à tel point que M, Van Tieghem (1) n’a pas cru devoir consacrer un chapi- tre spécial aux Monocotylédones, dans son exposé de la structure de la tige. À part le nombre des initiales, qui est généralement de trois dans ces plantes, on n’observe que des différences d'ordre secondaire, quand on compare le point végétatif d'une Graminée à celui d'un Chêne, par exemple voir spl. TI, -fre. 7, et: pl IV, fe./3) initiales intérieure produit des segments latéraux, qui donneront les faisceaux et le parenchyme inlerposé, et des segments basilaires, d’où proviendra le parenchyme central. Il importe cependant de spécifier les particularités qui donnent un caractère propre à la structure des Monocotylédones, mais qu'on peut re- trouver, à un degré plus ou moins affaibli, dans certaines Dicotylédones. Lorsque la tige prend un accroissement considérable dans le sens du rayon, les cellules qui séparent les faisceaux internes deviennent souvent semblables à celles du paren- chyme central ; mais ce serait une erreur de réunir, sous le nom unique de parenchyme fondamental, tout le tissu qui enveloppe les faisceaux en y adjoignant la moelle propre- ment dite. A la vérité, tout cet ensemble de parenchyme (1) Van Tieghem, Traité de botanique. RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 67 provient de la même initiale, mais les cellules qui ont pour origine les segments latéraux doivent être distinguées de celles que fournissent les segments basilaires : en effet, à l’origine, ces deux sortes de cellules ne sont pas semblables et leur mode de cloisonnement nest pas le même. Il suffit, pour s’en convaincre, d'examiner le point végétatif de la Houque (fig. 3, pl. IV), ou les figures données par Douliot dans le travail cité plus haut, et que leur concordance avec les miennes m'a dispensé de reproduire. La différence entre les cellules du parenchyme central et celles qui les en- tourent est généralement de courte durée, mais il ne s'ensuit pas qu'on doive les confondre parce que plus tard cette différence n'existe plus. On doit donc dire, pour être exact, que dans les Monocotylédones, il existe, en général, un pa- renchyme central, intérieur au cercle le plus interne des faisceaux, et un parenchyme interfasciculaire, qui, à un certain moment, a été distinct du premier. D'ailleurs, dans beaucoup de tiges qui n’ont qu’un rang de faisceaux (Liliacées), le parenchyme des rayons se diffé- rencie, comme dans les Dicotylédones, en deux zones dis- tinctes : le péricycle et la zone périmédullaire. Dans les autres, en général, le méristème vasculaire con- servant son activité, produit plusieurs cercles de faisceaux séparés par du tissu conjonctif. On peut remarquer aussi que l'apparition des premiers. vaisseaux a lieu à une certaine profondeur dans l’anneau de méristème vasculaire, ainsi que le montre la figure 13, pl. VI, c'est-à-dire exactement comme dans les Dicotylé- dones. DICOTYLÉDONES. : APÉTALES SUPÉROVARIÉES. Urticacées. La zone périmédullaire forme des massifs d'éléments ligneux allongés à la pointe des faisceaux primaires, et 68 | LEON FLOT. s'étend sur une épaisseur de deux ou trois rangées au bord interne des rayons primaires (Orme, Figuier). Dans le Micocoulier (Celtis australis), elle comprend, outre les massifs de parenchyme lignifié de la pointe des faisceaux, une ou deux assises plus internes, qui se distinguent du parenchyme central par l'épaisseur de leurs membranes (fig. 3, pl. V). Le Mürier à papier (Broussonetia papyrifera) possède une zone périmédullaire continue, formée de cinq à dix assises parfois écrasées, à membranes minces. C'est dans cette région que sont dispersés les tubes laticifères. Salicinées. La zone périmédullaire est formée, en face des rayons, par quelques assises d'éléments allongés, qui ne peuvent être distingués que sur une coupe longitudinale. A la pointe des faisceaux, son développement est beaucoup plus considé- rable : la zone se compose alors d'un massif de parenchyme allongé qui se lignifie. A sa région interne, il se développe (Populus nigra) un faisceau de sclérenchyme semblable de tous points à ceux qui composent le péricycle. Dans l’Osier, la pointe parenchymateuse reste cellulosique, sa rangée interne se transforme en fibres à petite section. - Polygonées. Beaucoup de plantes de cette famille ont une structure normale : dans le Polygonum petiolatum, le P. Hydropiper, le P. orientale, la zone périmédullaire forme une gaine lignifiée continue autour des faisceaux ligneux (fig. 11, pl. IV). Dans les rayons, la gaine se prolonge en une bande ligneuse analogue à celle que forme le péricycle. Lorsqu'une assise génératrice s'établit dans les rayons, le péricycle et la zone périmédullaire peuvent être distingués, en coupe transver- sale. Il n’en est plus de même quand le conjonctif externe reste homogène dans les rayons. Dans ce cas, toutes les cellules qui le composent passent directement à l’état de tissu lignifié, et l’on ne saurait y distinguer de régions parti- culières. RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULIAIRE. 69 Il en est de même dans les Aumezx à structure normale. Rumex crispus. — Le parenchyme périmédullaire est très abondant et sa lignification s'opère de bonne heure. Il forme, à la pointe des faisceaux, des massifs de cellules allongées, et s'étend, entre les faisceaux, sur une épaisseur variable, qui n’est jamais inférieure à cinq ou six rangées de cellules. Dans les massifs périmédullaires internes ainsi formés, cer- taines cellules situées près de la pointe ou sur le côté sont le siège de cloisonnements très aclifs, d'où naîtra un ilot libérien. Les cellules qui se cloisonnent ainsi ne sont pas les plus internes, et le phénomène ne se produit pas dans tous les faisceaux. Il en résulte, au début, un îlot de cellules à parois minces, séparé des faisceaux ligneux primaires par une épaisseur de 5 à 10 cellules, et de la moelle proprement dite par une ou plusieurs cellules lignifiées. La différencia- tion progressant, il se produit des cloisons continues dans les éléments externes de cet îlot criblé, de sorte qu'il se transforme en un faisceau concentrique : mais le développe- ment peut se produire inégalement sur les différentes faces. Il est plus actif en dedans et en dehors. En dedans, c'est-à- dire du côté du centre de la tige, il se produit quelques _assises analogues à celles qui existent lout autour du fais- ceau; en dehors, vers le faisceau ligneux primaire, les élé- ments sont souvent plus larges et il peut se produire de véritables vaisseaux, mais le fait n’est pas général, de sorte que dans une même coupe, on trouvera tantôt des faisceaux libéroligneux normaux, avec parenchyme périmédullaire très développé; tantôt des îlots de cellules minces enclavées dans du {issu périmédullaire, avec un méristème circulaire ; tantôl encore des faisceaux internes, complets, orientés bois en dehors, liber en dedans. Les coupes longitudinales sont d’un précieux secours pour reconnaître la véritable origine de ces faisceaux. Le parenchyme périmédullaire, très développé sur tout le pour- tour du cerclelibéroligneux, esltoujoursfacile à distinguer par la longueur des éléments quileconstituent.On constate queles 70 LÉON FLOT. faisceaux surnuméraires naissent à l’intérieur de cette région. Les tubes criblés sont {rès étroits, mélangés à du parenchyme long. L'emploi des réactifs colorants ne permet, d’ailleurs, aucun doute sur cette origine périmédullaire des faisceaux internes. Chénopodiacées. Amarantus caudatus. — La région comprise entre l’écorce et le parenchyme central se différencie, dès l’origine, en un manchon de méristème allongé, dans la région interne duquel naissent les faisceaux : on peut donner à l’ensemble de ces cellules le nom de méristème vasculaire. Les cellules qui avoisinent les faisceaux leur forment une gaine externe et une gaine interne plus ou moins développées, assimila- bles à celles qui accompagnent les faisceaux hbéroligneux des Monocotylédones. Ces gaines, dues à la différenciation du conjonctif externe qui avoisine les faisceaux, ne peuvent être considérées comme péricycliques, puisqu'il existe un péricycle général, extérieur à toute la formation vasculaire, et formé par la différenciation des assises externes du méristème vasculaire. Le parenchyme central est limité extérieurement par les gaines internes du premier cercle de faisceaux. Dans les rayons, les cellules internes du méristème vasculaire pren- nent rapidement de grandes dimensions, si bien que dans une tige assez grosse, 1l devient impossible de les distinguer du parenchyme central. Mais dans une plante jeune, la dis- tinction est facile (voir pl. VI, fig. 12) : les cellules qui sé- parent les faisceaux sont beaucoup plus petites que celles de la moelle proprement dite, el relativement plus allon- gées. Néanmoins, elles sont elles-mêmes un peu plus grandes que celles qui composent les gaines fasciculaires. Amarantus Blitum. — La distinction entre les cellules du parenchyme central et celles qui séparent les faisceaux se fait plus facilement dans celte espèce, à cause des grandes dimensions relatives que possèdent toujours les cellules de RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 71 la moelle. Pour le reste, la structure est la même que dans le cas précédent. Achyranthes Verschaffelti. — La zone périmédullaire forme une ceinture de parenchyme autour des faisceaux ligneux. Cette ceinture se joint, dans les rayons, aux cellules issues des cloisonnements du péricyele, de sorte que le rayon tout entier est composé tantôt du péricycle bordant la zone périmédullaire, tantôt de trois régions: le péricycle, en dedans, une ou plusieurs assises de cellules, et la zone périmédullaire. En coupe longitudinale, tous les éléments qui composent le rayon sont beaucoup plus allongés que ceux du parenchyme central. Atripler patula. — Le tissu périmédullaire forme de longues pointes aux faisceaux du cercle interne : dans les rayons primaires, Le parenchyme périmédullaire, pour suivre l'accroissement radial de la tige, multiplie ses cellules, dont les dimensions vont en augmentant de la périphérie vers le centre. Entre les extrémités internes des pointes fasciculaires, les cellules acquièrent à peu près les dimensions transver- sales de celles de la moelle proprement dite. Les plus voi- sines de l’anneau libéroligneux ont des membranes épaissies et lignifiées, avec des dimensions transversales plus grandes que celles des éléments qui composent le parenchyme ligneux des faisceaux secondaires. Basellées. — La disposition générale des faisceaux est à peu près la même dans le Basella rubra et le Boussinqaulha baselloides. La zone périmédullaire ne peut être distinguée qu'à la pointe des faisceaux. Toutes les cellules interfascicu- laires, et même celles de la zone interne du péricycle pren- nent rapidement de grandes dimensions. Cependant elles conservent plus longtemps leur physionomie propre dans la première de ces plantes, et si l’on examine attentivement la structure du péricycle de la seconde, on trouvera que cette tribu présente des affinités de structure très remarquables avec les Cucurbitacées et les Papavéracées. 12 LÉON FLOT. Phytolaccacées. Phytolacca dioica. — La zone périmédullaire, qui englobe les vaisseaux primaires du cercle externe, est formée d'une épaisse bande de cellules à parois minces, dues à la prohifé- ration des éléments internes du méristème vasculaire. Elles se distinguent nettement du bois secondaire par leurs mem- branes minces, cellulosiques, el du parenchyme ceniral par leur longueur relative. Les cellules de la moelle proprement dite sont, en effet, remarquables par leur aplatissement. Lorsqu'un faisceau devient médullaire, le conjonctif externe qui l'entoure lui forme une gaine continue, épaisse de plusieurs assises, dont les cellules sont étirées dans le sens tangentiel. APÉTALES INFÉROVARIÉES. Cupulifères. Au moins dans la première année, les pointes périmé- dullaires demeurent cellulosiques, l’assise interne seule se lignifie; plus tard, la moelle proprement dite se lignifiant, la zone périmédullaire se transforme peu à peu en tissu ligneux, au bout d’un temps variable suivant les espèces. La figure 5, pl. VI, représente la coupe longitudinale d'un jeune faisceau de Quercus pedunculata, dans laquelle on peut compler trois assises périmédullaires (pm). Juglandées. Les vaisseaux primaires du Noyer sont entourés d’un massif de parenchyme dont les membranes demeurent minces, au moins pendant la première année. La zone péri- médullaire comprend, outre ces massifs cellulosiques, deux ou trois assises de cellules lignifiées, qui les bordent inté- rieurement. Dans les rayons, son épaisseur est un peu plus grande (fig. 2, pl. V). | L'étude du développement prouve que ces éléments ligni- RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 13 fiés doivent être raltachés au système vasculaire. Le paren- chyme central est remarquable par son mode particulier de destruction, qui le partage en diaphragmes peu épais et régulièrement espacés. Aristolochiées. Aristolochia Sipho; A. Clematitis. — Le parenchyme des rayons, d'abord distinct de la moelle et de l'écorce, finit par leur ressembler presque entièrement. Seules les parties de la région périmédullaire voisines des faisceaux conservent leur caractère : elles forment des massifs très développés, s'étendant sur les flancs du faisceau ligneux, et on y observe souvent des cloisonnements tangentiels au début de la structure secondaire. Bégoniacées. La zone périmédullaire est intéressante à observer dans le Begonia Hermes. Dans une tige adulte, les faisceaux ligneux sont bordés d’une bande ligneuse interne, qui s'étend sur les flancs du faisceau. La manière dont les faisceaux naissent au sein d’une bande continue de parenchyme allongé rappelle la structure des Chénopodiacées (Achyranthes). Il en est de même de la zone périmédullaire, notamment dans les rayons où, par suite du grand développement de l’assise génératrice, son épaisseur devient assez considérable, Dans le B. ascotiensis, l’activité des cloisonnements est très grande dans les difié- rentes régions de la bande interfasciculaire. La coloration au moyen du carmin et du vert diode permet de distinguer les différentes régions, qui sont ligni- fiées à des degrés différents. Dans une tige adulte de B. Her- mes, la zone périmédullaire devient, par ce moyen, parti- culièrement visible. 74 LÉON FLOT. DIALYPÉTALES SUPÉROVARIÉES. Renonculacées. La tige des Renonculacées s’aceroît, en général, au moyen de rois imitiales; l'iniliale inférieure donne des segments latéraux desquels naît le mérislème vasculaire, et des seg- ments inférieurs qui donnent le parenchyme central. Les cellules du méristème vasculaire sont plus allongées que celles de l'écorce ou du parenchyme central. Dans certaines espèces (Renoncules, Anémones) elles cessent bientôt de s’accroître en longueur, mais non en largeur et deviennent alors semblables à celles de la région corlicale et de la région centrale. Dans le rhizome de l’Anémone Sylvie, le passage de la première forme à la seconde s'opère à la hauteur du premier départ foliaire. Il en résulte que, dans toute la région de la tige située après le cône végétatif, les faisceaux sem- blent isolés au milieu dun parenchyme homogène. Mais toutes les parties du tissu conjonctif n'ont pas la même valeur : les cellules du parenchyme central procèdent direc- tement du mérisième primibif; les cellules des rayons en procèdent indirectement. Dans les rayons, la limite entre les diverses régions ne peut êlre fixée avec précision au-dessous du premier nœud, les cellules étant toutes semblablables et l’'endoderme n'élant souvent pas différencié. Dans les Pivoines, la bande vasculaire est continue, et la zone périmédullaire se différencie en un parenchyme sem- blable au parenchyme central ; dans les points de fort aecrois- sement transversal, on voit souvent ses cellules se disposer en files radiales. Dans toutes les Renonculacées où la lignification des tissus prend quelque importance, la zone périmédullaire se diffé- rencie, à la manière du péricycle, en deux régions : l’une, directement accolée à la pointe ligneuse du faisceau, forme une gaine scléreuse continue; l’autre, bordant extérieure- ment la moelle, se lignifie très fortement et renferme tou- RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 79 jours de grandes quaniités d’amidon. L'origine exacte de cette zone peut être facilement déterminée dans les Cléma- tites, par exemple : on voit très dislinctement, dans une jeune pousse, la bande vasculaire onduleuse dans laquelle apparaissent d’abord Les faisceaux foliaires, puis les faisceaux caulinaires : la dimension radiale des faisceaux étant moindre que l'épaisseur de la bande, ce qui reste du côté de la moelle forme la zone périmédullaire. Certains Delphinium (D. montanum) ont un mode de croissance qui permet d'observer la transformation des élé- ments parenchymateux de la région vasculaire en tissu conjonctif. Les gaines internes des faisceaux sont faciles à distinguer, mais peu lignifiées cependant; le diamètre des cellules qui composent les rayons augmente d'autant plus que la cellule est plus éloignée du faisceau. Il en est de même des éléments du péricyele,quiforment d’épais massifs peu ligni- fiés. Cette épaisseur de la région péricyelique est due à des cloisonnements en direction centripète et en direction ra- diale : les premiers ont pour point de départ une assise adossée à la région libérienne, qui donne, vers l'extérieur, des segments disposés primitivement en files radiales. Lorsque le diamètre de la tige augmente, les rayons s’é- largissent aux dépens des cellules conjonctives : la zone périmédullaire se transforme en larges cellules et produit de nouveaux éléments au moyen de cloisons parallèles à la périphérie du faisceau; l'accroissement maximum se produit dans le péricycle, dont les cellules latérales se transforment en parenchyme conjonctüf : la production des cellules est assurée par les cloisonnements centripètes et radiaux. Ménispermées. — Berhéridées. - La ponte ligneuse d’un faisceau très jeune de Menisper- num canadense est séparée du parenchyme central par plu- sieurs assises de cellules, qui forment la zone périmé- dullaire. Ces cellules se retrouvent dans les rayons pri- maires. Dans une tige adulte, elles forment environ einq 70 LÉON FLOT. assises de parenchyme scléreux, à éléments très allongés. On retrouve à peu près la même structure dans la région périmédullaire des Berbéridées, mais les pointes scléreuses sont plus développées. La fig. 3, pl. VI, représente la zone périmédullaire dans un jeune faisceau de Berberis. L’A £ebia quinata, dont le type de structure est le même, présente une lignificalion beaucoup plus considérable dans Ja région périmédullaire. Malvacées. Lavatera thuringiaca. — Un faisceau ligneux bien déve- loppé contient de douze à quinze files de vaisseaux, plongées dans un parenchyme homogène à petites cellules et à parois minces. La limite interne de la zone périmédullaire, épaisse de quatre à cinq assises, se distingue fort nettement, en coupe transversale, par le changement de diamètre des cellules; on voit, en effet, jusqu’à trois cellules de la zone périmédullaire adossées à une seule cellule du parenchyme central. En coupe longitudinale, la délimitation est encore plus facile à faire à cause de l'allongement considérable des éléments périmédullaires. | Abutilon molle. — Les pointes primaires, très étendues en direction tangentielle, sont bordées intérieurement d’un parenchyme à membranes minces, disposé sur plusieurs rangées. L'assise la plus interne de ce tissu forme une sorte de gaine, par suite de la disposition régulière des cellules qui la composent : c'est la limite interne de la zone périmé- dullaire. Cette zone parenchymateuse existe en dedans des rayons primaires et son activité propre se manifeste, en certains endroits, par l'apparition d’une file de cloisons qui dédouble d’un seul coup toute une assise de cellules. Dans certains faisceaux, on observe, en face des pointes primaires, des cellules à parois épaisses, lignifiées, qu'il ne faut pas confondre avec les vaisseaux ligneux. Ces forma- tions ne se rencontrent que dans les faisceaux dont le déve- loppement est avancé : elles sont dues à la sclérose de cer- RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. TE tains éléments de la zone périmédullaire (fig. 9, pl. V). Quelquefois, elles sont unies en un arc scléreux adossé exté- rieurement à l’assise de cellules signalée plus haut ; ailleurs. elles sont isolées. Elles sont toujours séparées des vaisseaux ligneux primaires par quelques assises de parenchyme mince. Hypéricinées. Hypericum Androsæmum. — Le bois secondaire forme, dans celte espèce, un épais anneau ; le parenchyme des rayons est entièrement lignifié; les pointes ligneuses pri- maires sont plongées dans du parenchyme dont les pa- rois demeurent minces, tandis que le parenchyme central se lignifie. Euphorbiacées. Euphorbia Lathyris. — Les premiers vaisseaux laissent entre eux et la moelle quelques assises de parenchyme pro- venant du mérislème allongé (voir plus haut, p. 55). Dans la suite, ce parenchyme, pour suivre l'accroissement de la tige, multiplie ses cellules soit par des cloisonnements isolés, soit par une suite de cioisons qui partage en deux assises toute la couche de cellules contiguë aux vaisseaux du bois (mér, fig. 5, pl. V).Il se produit ainsi un massif en forme de V, qui entoure la région ligneuse des faisceaux : c’est lazone périmédullaire, distincte du parenchyme central par la sec- tion transversale plus petite de ses cellules, par leur dimen- sion longitudinale plus grande. La zone s'étend au bord in- terne des rayons en une bande continue dont les éléments sont en discordance avec ceux que produit l’assise généra- trice interfasciculaire. Euphorbia silvatica. — Dans une coupe transversale d’une cerlaine épaisseur, on voit les cellules périmédullaires se détacher en clair autour des faisceaux et à la limite interne du bois secondaire : elles sont sur plusieurs rangs et de- meurent cellulosiques. Lorsqu'un faisceau sort du cercle pour se rendre dans une feuille, la zone périmédullaire pro- duit plusieurs séries radiales de cellules. 78 LEON FLO. Mercurialis annua. — La zone périmédullaire est surtout remarquable en face du bois secondaire interfasciculaire : elle y forme deux ou trois assises de cellules beaucoup plus larges que les éléments ligneux et moins larges que les cel- lules du parenchyme central (fig. 14, pl. V). En coupe longitudinale, la disinction est accentuée par la plus grande longueur des éléments périmédullaires. Crucifères. La zone périmédullaire forme, en général, des masses de cellules allongées à parois minces, englobant toute la région des vaisseaux primaires et s'étendant à la partie interne des rayons (Arabs, fig. 8, pl. V). Quelquefois elle prend un grand développement, comme dans la Moutarde noire (Si- napis nigra). Dans le Sisymbrium elatum, la production péri- médullaire est très abondante sur tout le pourtour de la moelle; on peut y compter de cinq à dix assises en direction radiale. La fig. 9, pl. IV, montre, en coupe transversale, la disposition ordinaire de ce parenchyme dans le Sinapis nigra ; la même région est figurée en coupe longitudinale (fig. 14, pl. VI). Papavéracées. 7 Glaucium luteum. — Dans beaucoup de Papavéracées et de Fumariacées, le parenchyme qui accompagne les fas- ceaux prend un développement considérable. Tantôt il s’y développe de nouveaux cercles de faisceaux, comme dans les Monocotylédones, tantôt il ne s’y fait que des productions parenchymateuses particulières, comme c’est le cas pour la plante que nous étudions en ce moment. L'étude du som- met de la plante nous apprend que tout le lissu, depuis l’'endoderme jusques et y compris la zone périmédul- laire, provient de cellules primitivement toutes semblables, issues des cloisonnements laléraux des initiales inférieu- res. Les faisceaux, dont la dimension radiale est moindre que la largeur de la bande de méristème où ils se forment, RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 79 laissent en dehors et en dedans une certaine épaisseur de parenchyme. La région externe (péricycle) prend un déve- loppement très grand au moyen de cloisonnements particu- liers, dirigés obliquement par rapport au plan de symélrie du faisceau, avec des points de plus fort accroissement. La portion de ce péricycle, quis’étend depuis la région libérienne du faisceau jusqu’à l’'endoderme, se lignifie : celle qui est en face des rayons reste cellulosique. La zone périmédullaire est formée par un massif de parenchyme, s'étendant en forme de coin vers le centre de la tige, et composé de cel- lules longues, à section transversale étroite. Les plus grandes se trouvent à la pointe du faisceau ligneux. Sur une coupe transversale, il est impossible de distinguer la limite entre la zone périmédullaire et le parenchyme central; pour l’a- percevoir, il faut faire des coupes longitudinales; les deux régions apparaissent alors avec des caractères bien tranchés, qui ne permettent aucun doute : les cellules de la moelle proprement dite étant environ deux fois plus longues et plus larges que celles du parenchyme périmédullaire et inter- fasciculaire. Une particularité intéressante est fournie par les faisceaux internes, dont la croissance est asymétrique. Le péricycle y forme un ilot lignifié, réduit, autour duquel le liber s'étale en éventail, du côté externe, le liber ne se développe pas; le bois du faisceau à son maximum de développement cor- respondant à celui du liber. La zone périmédullaire s'étend sur tout le pourtour du bois comme dans les faisceaux nor- maux. Aux points où elle touche l’assise génératrice libéro- ligneuse, elle se cloisonne activement et forme une bande de cellules dont les dimensions radiales (par rapport au faisceau) sont beaucoup plus réduites que les dimensions tangentielles. Ces cellules sont régulièrement rangées en assises concen- triques et en files radiales, et s'étendent jusque sur la face externe du faisceau, où elles sont directement accolées au péricycle. ; 80 LEON FLOT. Simarubacées. Ailantus glandulosa. — L'étude de la tige jeune montre que les premiers vaisseaux ligneux sont accompagnés, vers l’intérieur de la tige, d’un certain nombre de cellules allon- gées qui ont avec les faisceaux et les rayons une origine commune : elles forment la zone périmédullaire (fig. 1, pl. V). Plus tard, le nombre s’en étant accru, les cellules se lignifient, épaississent fortement leurs parois, et forment une couche importante d'éléments ligneux allongés qui en- globent les pointes primaires et s'étendent sur tout le pour- tour interne du bois secondaire. La coupe longitudinale (fig. 1, pl. VI) montre la limite exacte de celte région et de la moelle proprement dite dont les cellules sont très minces et de forme différente. Dans la figure 1, pl. V, on peut voir en coupe transversale, les premiers cloisonnements de la zone périmédullaire au voisinage d’un faisceau ligneux. Sapindacées. Dans le Marronnier d'Inde, comme d’ailleurs dans beau- coup d'arbres, la zone périmédullaire, distincte dès l’appari- tion des faisceaux sous la forme d’une assise qui les borde du côté de la moelle, multiplie ses cellules etles lignifie dans la suite (fig. 9, pl. VI. Je ne rappellerais pas cet exemple, qui n’a rien de particulier, s’il ne m'avait déjà fourni l’occasion de montrer que la zone périmédullaire doit être rattachée à la formalion libéroligneuse (voir plus haut p. 50). Papilionacées. Je n'ai rencontré, dans certaines espèces de cette famille, qu'une zone périmédullaire peu développée (Robinia). Dans d'autres, elle se rapporte au type ordinaire (Medicago, Lathyrus, elc.). Dans le Spartium, les longs rameaux acicu- laires présentent, à la périphérie de la moelle, une assise sclérifiée qui est la limite interne de la zone périmédullaire. RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. S1 Rosacées. Les arbres ou arbrisseaux de cette famille ont une zone périmédullaire dont la région externe forme aux faisceaux une enveloppe de parenchyme mince, landis que les cellules internes se lignifient (ARosa polyantha, Cratæqus, Prunus, Puus setc.): Célastracées. La différenciation des tissus primaires a été étudiée plus haut, p. 47, pour l'Evonymus japonicus. Nous avons vu que les cellules qui composent l’anneau hbéroligneux sont pri- mitivement toutes semblables. L'étude des tissus secondaires montre que tous les éléments de l’anneau, autres que ceux qui constituent les faisceaux, se différencient en un paren- chyme ligneux, à cellules allongées, fort différent du paren- chyme central, même dans les rayons primaires. Sur la coupe figurée (fig. 10, pl. VI), les cellules »v montrent l’ho- mogénéilé du conjonctif externe au moment de la différen- ciation primaire et l'invraisemblance qu'il y aurait àrattacher au tissu conjonclif central une région possédant des carac- tères aussi tranchés. DIALYPÉTALES INFÉROVARIÉES, Œnothéracées. Œnothera biennis. — Les faisceaux criblés internes sont distribués sans ordre sur tout le pourtour interne du cercle ligneux ; on les trouve souvent séparés du bois par des cel- lules aussi grandes que celles du parenchyme central. L'étude du développement montre que ces cellules n'ont pas la même origine que celles du parenchyme central; les deux lhibers naissent de très bonne heure, à peu près en même temps, dans la région vasculaire : on n’y remarque qu’une différence, c’est que les faisceaux internes forment immédiatement un réseau irrégulier (en coupe tangenlielle) à cause de l’accrois- ANN. SC. NAT. BOT. XVI, 6 S2 LÉON FLOT. sement rapide des cellules parenchymateuses périmédullai- res. On peut observer certains faisceaux internes dans lesquels les vaisseaux criblés ne sont séparés du bois que par une épaisseur de cellules et il est souvent possible de voir, dans un faisceau jeune, la cloison qui a séparé les deux tissus, laissant, du côté du bois, une cellule de parenchyme (fig. 7, pl VL | L'examen d’une coupe longitudinale suffit pour fixer exac- tement les limites du parenchyme central et de la région périmédullaire : les éléments qui composent cette dernière région sont relativement plus allongés que ceux de la moelle proprement dite (fig. 8, pl. VI). Myrtacées. Eucalyptus globulus. — Les vaisseaux primaires sont bor- dés de cellules de parenchymeallongé, quiforment la région périmédullaire et ont une origine commune avec tout le reste dela région vasculaire. Dans une assise moyenne de ces cellulesun méristème secondaire découpe de nouvelles assises qui se différencient en parenchyme, cellules sécrétrices el tubes criblés : le cloisonnement est centrifuge. Les assises les plus internes de la zone périmédullaire, repoussées vers l'intérieur, se lignifient et forment des paquets de fibres qui s'étendent en bande continue en face de chaque faisceau et forment ainsi une sorte de quadrilatère. Ce sclérenchyme interne a sensiblement la même structure que celui qui borde extérieurement le liber externe : cependant, sur la section transversale, les éléments qui le composent ont un diamètre plus large et un lumen plus grand. Myrtus communis.— Le parenchyme périmédullaire forme d'abord une bande continue de cellules en dedans des fais- ceaux primaires. Plus {ard, sur quatre points correspondant aux faisceaux foliaires, 1l se développe un méristème qui forme, vers l'intérieur, des tubes criblés et du parenchyme. L'accroissement est plus considérable vers le milieu de ces. faisceaux internes, de sorle qu'à la fin de la période végéta- D D PET ON RE TS PS De NU UN OU CUS PU VAE NT NP EE as # Le e ScSrévs Lg le à ta et RE EE de mue NET ROCHE ENT FUIT si di 2 RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 83 tive, ils forment un arc de cercle dont la convexité regarde le centre de la tige. La portion la plus interne de ces fais- ceaux se compose d'éléments allongés, non lignifiés, sem- blables à ceux qui composent le péricycle. Ombellifères. Le méristème vasculaire forme, dans cette famille, une bande festonnée dans laquelle les faisceaux sont séparés par des rayons de parenchyme homogène, à éléments allongés, d’origine primaire. Chaque faisceau est entouré d’une gaine quelquefois très épaisse, formée en partie par le parenchyme périmédullaire. Ces pointes internes sont souvent fort allon- gées (Angélique, Eryngium, etc.). Pour suivre laccroisse- ment souvent très considérable qui se produit suivant l’axe des faisceaux, la zone périmédullaire multiplie le nombre de ses cellules en face des rayons par des cloisonnements isolés ; le parenchyme central prend aussi une certaine part à cet accroissement. Ensuite l’assise génératrice de chaque faisceau produit une certaine épaisseur d'éléments ligneux, sans vaisseaux, qui forment le bois secondaire du faisceau. Un développement analogue se produit alors dans les rayons, mais, le plus souvent, sans qu'on ait à constater Papparition d’une assise génératrice spéciale ; et la lignifi- cation s’opérant partout en même temps, il en résulte une bande sinueuse formée d'éléments ligneux allongés dont l’origine est différente suivant qu'ils appartiennent à un faisceau ou à un rayon : dans les faisceaux, leur origine est toute secondaire, car ils proviennent de l’assise génératrice libéroligneuse; dans les rayons, ils sont dus à la lignification de la zone moyenne et de la zone périmédullaire, quelquefois de cette dernière seulement. On peut vérifier ce fait en ob- servant que cette bande ligneuse passe en dedans des faisceaux _ foliaires latéraux, qui naissent dans la zone externe du méris- tème vasculaire. Il en est ainsi dans le Panais (Pastinaca sativa), le Persil (Petroselinum sativum), le Boucage (Pimpinella magna, ele.). 84 LEON FLOT. Dans d’autres espèces, la région périmédullaire conserve sesmembranes minces, cellulosiques (Angelica, Bupleurum). Lorsque la croissance est très active, comme dans le Fe- nouil (Fæniculum o/fficinale) tous les faisceaux se placent sur une même circonférence et ne sont séparés que par d’étroits rayons. La zone périmédullaire forme alors des gaines sclé- reuses à la pointe des faisceaux primaires et borde de cellules épaissies le pourtour interne des rayons. Araliacées. Dans l’Aralia spinosa, de même que dans le Lierre (Hedera Helix), les cellules périmédullaires forment deux régions : l’une qui entoure immédiatement la pointe ligneuse des faisceaux; l’autre, qui borde extérieurement le parenchyme central. Dans l’Arala spinosa, celle région interne prend peu à peu les caractères du parenchyme central; dans le Lierre, elle reste toujours distincte et se lignifie. GAMOPÉTALES SUPÉROVARIÉES. Solanées. Nous avons vu, dans le premier chapitre, que le tissu criblé interne provient de la différenciation des cellules internes du méristème allongé. Il nous reste à étudier les divers modes de différenciation ultérieure que présente ce tissu et les cellules qui le bordent. Le présent travail étant destiné à la descriplion de la zone périmédullaire, il nous a paru impossible de séparer l’étude du tissu criblé de celle des éléments qui l'entourent. | Lycopersicum esculentum. — La tige jeune de la Tomate présente des îlots de cellules recloisonnées situées en face des faisceaux ligneux et séparés de ceux-ci par une ou deux assises de parenchyme mince. Lorsqu'on a débarrassé les cellules de leur contenu, les îlots criblés semblent plongés dans le parenchyme médullaire : cette apparence est une erreur d'observation. En examinant, en effet, une prépa- RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 8) ration de tissu frais, dans l’eau, on peut remarquer, à une certaine distance des faisceaux, une ligne de cellules à con- tenu abondant, qui fait le tour de la tige : c’est la limite interne de la zone périmédullaire, limite qu'il est impossible de reconnaître, en coupe transversale, sur des préparations montées dans le baume de Canada. En coupe longitudinale, les cellules situées entre les vaisseaux ligneux el cette assise à contenu abondant, sont étroites el un peu allongées : c’est au milieu d'elles que se différencie plus tard le tissu criblé interne. Les tubes criblés internes du Solanum marginatum for- ment des îlots très rapprochés du bois. Dans les endroits de plus fort développement, des files de cloisons tangentielles, dédoublant Les cellules de parenchyme situées entre le tissu criblé et les vaisseaux primaires, interposent entre ces deux formations une plus grande quantité de parenchyme, d’ori- gine secondaire. L’assise la plus interne du méristème allongé se transforme en longues cellules de parenchyme el en fibres scléreuses adossées à la face interne des îlots libériens. Elles indiquent la limite interne de la zone péri- médullaire et représentent, par leur position au bord interne de l’ensemble de la région vasculaire, l'équivalent des fibres du péricycle. Quelquefois ces éléments, dont la section est polvgonale, sont disposés sur plusieurs rangs; ils se ligni- fient de bonne heure, même lorsque leurs membranes ne sont pas épaissies (fig. 17, pl. V). Nicandra physaloides. — La tige du Micandra physaloides _ présente de nombreux îlots criblés internes disposés de la. façon suivante : un groupe important en face de chaque fais- _ceau principal, el en dedans de ces groupes une couronne de petits îlots espacés sur tout Le pourtour de la moelle. Chaque ilot est composé de tubes criblés, de parenchyme et de fibres : il en résulte une plus grande agglomération de fibres en dedans de chaque faisceau ligneux. Ce fait est d'autant plus remarquable que les fibres péricycliques sont peu nombreuses. Les petits îlots du cercle intérieur possè- 86 LEON FLOT. dent chacun une ou plusieurs fibres. Les cellules situées entre ces îlots, d’une part, et d’autre part, entre ceux-ci et le bois, ont un contour à peu près arrondi et des mem- branes un peu plus épaisses que celles du parenchyme central, qui sont hexagonales. La limite entre les deux lissus estfixée parles cellules périphériques des îlots criblés intérieurs. Solanum tuberosum. — La différenciation première du tissu criblé interne est la même que celle du Datura Stramo- nium, qui sera étudiée plus loin. Dans une tige très déve- loppée, les îlots libériens internes sont accompagnés de fibres qui représentent la différenciation dernière des cel- lules internes de la zone périmédullaire. Datura Stramonium. — Je décrirai avec plus de détails la structure de cette plante parce qu'elle a servi d'exemple à M. Hérail pour prouver que le liber interne est médul- laire (1). En relisant le travail relatif à ce sujet, je vis que dans le Datura Siramonium, M. Hérail a décrit et figuré un faisceau criblé exactement situé au centre de la tige. Or, loutes les Solanées que j'avais étudiées jusqu'alors v compris ce Datura m'avaient présenté une même structure: générale, dont la caractéristique est l’apparilion de tissu criblé dans la zone périmédullaire ; mais jamais je n'avais rencontré de faisceau central. Je repris donc mes obser- vations et pus acquérir la certitude que jamais la Uüige du D. Stramonium ne présente de faisceau criblé central. Je suis loin de méconnaître le soin qui a présidé à la confection du lravail que je cite, mais je ne puis m'empêcher de faire remarquer combien il importe de se placer dans des condi- tions générales, quand on veut aboutir à une conclusion générale. M. Hérail avait étudié une #igelle de Datura très. jeune, et l’on sait que la structure de l’axe hypocotylé est souvent fort différente de celle de la tige, notamment en ce qui concerne le Uissu criblé interne. Pour ne citer qu'un (1) Hérail, loc. cit, RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. ST exemple, je rappellerai que l£ucalyptus globulus, dont la tige est remarquable par l'importance des formations eri- blées internes, ne présente aucune anomalie dans sa région ügellaire. Cetle remarque était nécessaire pour expliquer les divergences qu’on pourra constater entre les observations qui vont suivre et celles de M. Hérail; elles proviennent uniquement de ce que nous n’avons pas étudié le même membre de la plante. Nous avons vu, dans le chapitre [°”, quelle est la constitu- tion du point végétatif dans cette espèce, ainsi que l’origine des divers tissus. Tout le système vasculaire provient du cloisonnement des segments latéraux que détachent les initiales inférieures du point végétatif. Le Lissu criblé interne se différencie au sein des assises cellulaires que le premier vaisseau ligneux laisse entre lui et le parenchyme central. De ces cellules, les unes deviennent du parenchyme, les au- tres forment le tissu criblé; les premières acquièrent rapi- dement de grandes dimensions. Plus bas, vers le milieu de la tige, la différenciation n'a pas progressé de la même manière ; on trouve des îlots libériens plus réduits, séparés des vaisseaux primaires par du tissu conjonctif à cellules allongées provenant de la même région que le tissu criblé. En dedans, les faisceaux criblés internes sont accompagnés de fibres scléreuses. Dans le deuxième entre-nœud au-dessus des cotvlédons, les faisceaux criblés internes sont plus diffluents, avec de rares fibres. Ils sont adossés au conjonctif central, dont les cellules ont un très grand diamètre; deux assises de paren- chyme les séparent des vaisseaux primaires. La coupe représentée {fig. 7, pl. V) a été faite à peu de _ distance au-dessus des cotylédons. On y voit les faisceaux primaires de la lige qui forment de longues pointes carac- téristiques et qui se rattachent par des cellules allongées rayonnantes à des vaisseaux ligneux isolés. Cette disposition montre que, dans le premier entre-nœnd épicolylé, le pas- 88 LÉON FLOT. sage de la racine à la lige n’est pas terminé et que la struc- ture, à ce niveau est Zgellaire (A). Cependant, même dans ce cas, le liber interne sr encore groupé près des faisceaux ligneux, et les îlots qu'il forme sont reliés par des anastomoses lransverses; les cellules du parenchyme central très volumineuses, ne renferment aucun élément criblé (pe, fig. 7, pl. IV). On peut donc se rendre compte, par ces observations, que dans beaucoup de Solanées, et même dans le Datura Stra- monium, le Lissu criblé interne ne naît pas dans le paren- chyme central; il est, au contraire, en relalion étroite avec les faisceaux ligneux et provient des mêmes assises du. méristème primitif. | À propos de cette dernière coupe, je dois signaler la for- mation spéciale qui s’y rencontre. Dans cette région où l'accroissement radial est très grand et précoce, les cellules de la zone périmédullaire produisent, dans les arcs de cercle formés par les faisceaux primaires et le bois secondaire, de nombreuses assises de parenchyme secondaire, qui par suite de la rapidité de l'accroissement, se disposent fré- quemment en séries radiales (fig. 7, pl. IV). | La même disposition générale des tissus se retrouve dans le Datura ferox el dans le Datura meteloides. Capsicum annuum. — La marche du développement du tissu criblé interne dans cette plante est la même que dans la plupart des Solanées. Dans la plante adulte, ce tissu est réparti, en général, sur tout le pourtour du bois, de sorte que, dans les espaces interfasciculaires, les deux libers sont placés symétriquement par rapport au bois. Cependant celte disposition n’est pas absolument régulière : on trouve quelquefois que, sur un côté de la tige, il n'existe pas de tissu criblé interne. Dans ce cas, la zone périmédullaire est (4) On sait que la structure de la région tigellaire peut se retrouver au- dessus des cotylédons, quelquefois dans plusieurs entre-nœuds (Flot, Recherches sur l'anatomie comparée de la tige des arbres. Revue générale de botanique, 1890). RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 89 tout entière différenciée en parenchyme, avec la même épaisseur radiale que sur les côtés pourvus de tissu eriblé interne. Nicotiana Tabacum. — Cette plante est l’un des princi- paux exemples cités par M. Hérail pour montrer l’origine médullaire du tissu criblé interne. Or, si l’on admet comme limite externe de la moelle les premiers vaisseaux ligneux, il va de soi que tout ce qui est en dedans de cette limite est médutlaire. Ce n'est certainement pas dans ce sens que M. Hérail, et après lui M. Lamounette, ont employé cette expression : ils ont évidemment voulu dire que le liber in- terne est une différenciation de certaines cellules du paren- chyme central. Examinons ce qu'il peut y avoir d’exact dans celle opinion. Le point végétalif présente la structure décrile précé- demment pour d’autres Solanées. Le méristème vasculaire se distingue de bonne heure par l'allongement de ses élé- ments et l’on peut déterminer avec une grande précision la limite entre ce méristème allongé et le parenchyme central dont les cellules sont moins hautes et trois ou quatre fois plus larges. Les premiers vaisseaux ligneux apparaissent dans la quatrième ou cinquième assise du méristème vascu- aire. Plus bas, on voit Le tissu criblé interne se différencier dans les assises les plus internes de ce méristème, laissant, entre les ilots libériens et le bois, deux ou trois assises de _parenchyme. Le développement de la tige étant très grand, ces cellules prennent en peu de temps des dimensions assez considérables, mais elles diffèrent toujours du parenchyme central par leur forme, qui est plus allongée (fig. 14, pl. VD. En coupe transversale, si l’on ne coupe pas dans le bour- geon terminal, on trouve les îlots criblés internes séparés des vaisseaux ligneux par ces cellules de parenchyme que leur dimension déjà grande peut faire prendre pour des cellules de Ia moelle proprement dite. L’argument tiré de ce que ce tissu criblé se forme dans des cellules déjà diffé- renciées comme parenchyme n'a pas de valeur. On peut, 90 | LÉON FLOT. en effet, observer le même phénomène dans le liber externe, où le mode d'apparition du tissu criblé est le même. Serailt- il admissible de dire dans ce cas, que le liber externe naît dans l'écorce? Si, dans la coupe transversale d’une tige jeune, on dessine d’une part le péricycle et le liber jusqu’à l’assise génératrice, et d'autre part la zone périmédullaire avec des faisceaux criblés, il sera impossible à un botaniste non prévenu de dire lequel des deux est le liber externe. Les coupes transversales sont donc insuffisantes pour éta- blir l’origine du tissu criblé interne, origine qu'une coupe longitudinale passant par le sommet de la tige montre avec la plus parfaite évidence. Lorsqu'une coupe longitudinale radiale ne passe pas par un faisceau criblé interne, on peut observer, entre les vais- seaux annelés et le parenchyme central plusieurs assises de cellules qui composent la zone périmédullaire : elles se dis- tinguent, par leur allongement, des cellules du paren- chyme central. Physalis peruviana. — Je ne cite cette plante, dont la tige présente une structure analogue à la précédente, qu à cause de la disposition remarquable des éléments vaseu- laires dans le pétiole. Le faisceau qui s’incurve pour former le tissu vasculaire de la feuille entraîne avec lui tous les éléments qui proviennent de la différenciation du méristème allongé, c’est-à-dire le péricycle, le liber, le bois, et la zone périmédullaire avec le tissu criblé térties La région qui entoure la partie ligneuse du pétiole présente une structure homogène et l’on ne saurait établir de distinction entre les deux libers non plus qu’entreles deux régions du conjonctif, dont l’une provient de Ia zone tr l’autre du pericycle. Le péridesme de la méristèle représente tout ce qui, dans le cylindre central provient de la différenciation du conjonctif externe. Hyoscyamus albus. — Le tissu criblé interne est très développé, formant de nombreux petits îlots sans localisa- tion spéciale. Les éléments de la région périmédullaire RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. o1 prennent des dimensions transversales assez grandes, mais restent néanmoins faciles à distinguer du parenchyme cen- tral, sans recourir à l'étude du point végétalif. Le tissu eri- blé est souvent bordé, en dedans, d’une formation de paren- chyme et de fibres analogues à celles qui composent le péricycle. Ces fibres forment la limite interne de la zone périmédullaire, de même que celles du péricycle sont la limite externe de la région vasculaire du côté de l'écorce. Borraginées. La Bourrache officinale (Borrago officinalis) a ses faisceaux primaires très proéminents en dedans du cercle lbéro- ligneux secondaire; leur ensemble forme comme une série d’arcades dont les piliers sont les faisceaux primaires, les voûles, du bois secondaire : les intervalles entre les piliers sont remplis d’un parenchyme à cellules grandes et allon- gées. Tout ce parenchyme non lignifié, nettement circons- crit, représente la zone périmédullaire. Le conjonclif central est remarquable par les irès grandes dimensions de ses cellules, mortifiées de bonne heure (fig. 6, PL V). La Consoude (Symphytum officinale) a toujours son bois primaire séparé des cellules aplaties du parenchyme central par trois ou quatre rangées de cellules, qui composent la zone périmédullaire. Sur une coupe longitudinale, on voit ces cellules s’incurver en même temps que le faisceau pour former le péridesme de la feuille. La zone périmédullaire est représentée, dans le Myosotis palustris, par plusieurs assises de cellules allongées, à sec- tion étroile, qui se rejoignent, dans les rayons, avec celles du péricycle. _Caccinia glauca. — Dans celte plante la moelle se présente avec des cellules à paroissinueuses, en coupetransversale ; ces cellules se disposent en assises alternantes assez régulières en face des faisceaux ligneux. Les vaisseaux primaires sont toujours séparées de ces cellules médullaires par une certaine épaisseur de cellules plus petites, sans méats, qui entourent 99 LÉON FLOT. la pointe du faisceau et s'étendent sur les côtés. L'accroisse- ment rapide de la tige se fait sentir par des cloisons passant à travers plusieurs cellules. La moelle meurt au bout de peu de temps; ses cellules se colorent par le vert d’iode, celles de la zone périmédullaire restent actives el gardent la colora- tion du carmin. Sur une coupe longitudinale, ces cellules se font remarquer par leur longueur. Gentianées. Menyanthes trifoliata. — Les faisceaux libéroligneux sont entourés d’une gaine complète de parenchyme. Suivant le rayon qui passe par le faisceau, l'épaisseur de cette gaine est de deux assises de cellules, au minimum : on y observe, sur tout son pourtour, des cloisonnements centrifuges. Entre les faisceaux, les rayons sont composés des deux parties de la gaine englobant trois assises de cellules dans lesquelles se forme l’assise génératrice. Pour former un faisceau nou- veau, l'assise génératrice cloisonne une ou plusieurs de ses cellules ; en même temps, le péricyele et la zone périmédul- laire se cloisonnent pour lui former une enveloppe de paren- chyme. Les faisceaux corticaux sont enveloppés d’une gaine complèle de conjonctf externe. Erythræa Centaurium. — Le tissu criblé interne forme de pelits groupes répartis sur tout le pourtour de lanneau ligneux; il est séparé du parenchyme central par deux assises de cellules à membranes minces qui persistent alors même que le parenchyme central est complètement détruit. Asclépiadées. Asclepias Cornuti. — Dans celte Asclépiadée, les îlots libériens internes sont disséminés sur toute la face interne du bois, au milieu d’un parenchyme périmédullaire qui ne se distingue de la moelle que par les dimensions plus petites de ses cellules en coupe transversale. Marsdenia erecta. — Cette plante présente à peu près la même disposition que la précédente, en ce qui concerne le Ÿ RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 93 tissu criblé interne; les cellules du parenchyme périmé- dullaire qui bordent le bois sont polyédriques. IL serait cependant difficile de rattacher à l'anneau ligneux cette formation de groupes criblés internes si nous n'avions vu, par l’examen du sommet végélatif, qu’elle a lieu aux dépens des cellules internes du méristème allongé (vasculaire). Cynanchum monspeliacum. — Entre le bois et le paren- chyme central, s'étendent des arcs de tissu périmédullaire dans lesquels se trouvent des îlots criblés. Les cellules de parenchyme périmédullaire qui les bordent vers l'extérieur sont écrasées. Entre les îlots criblés et le bois, les cellules sont polygonales. Elles sont produites par un méristème double qui se développe à la partie nou des faisceaux criblés internes. Scrofularinées. Browallia Czerwiakowskü. — La tige adulte présente un anneau ligneux compris entre deux régions qui renfermaient du lissu criblé. Dans la région interne, la seule dont nous nous occupions ici, les faisceaux criblés sont disséminés par petits groupes, sans ordre, au milieu d’un parenchyme ho- mogène. Je n’en ai pas observé en contact direct avec les éléments du bois, il y a toujours au moins une cellule de parenchyme interposée : malgré cela, tous les faisceaux criblés sont voisins de la région ligneuse. En dedans des fais- ceaux criblés les plus internes, s'étend sur tout le pourtour de la région médullaire, un manchon de parenchyme homo- gène, dont les éléments allongés ont une seclion transver- sale étroite. On n’y observe pas de méats. Toute cette région, depuis le bois jusqu'au parenchyme central, est produite par le cloisonnement des cellules situées, dans le méristème primitif, entre le premier vaisseau ligneux et le paren- chyme central : ce cloisonnement s'opère principalement en direction tangentielle, sans qu'on puisse préciser absolument s’il est centripèle ou centrifuge ; il a pour effet d'augmenter de beaucoup le nombre des éléments de la région périmé- 04 LÉON FLOT. dullaire, de sorte que la limite externe restant fixe, le tissu formé comprime la moelle dont la destruction est précoce. Si l’on compare, en coupe longitudinale, les cellules périmé- dullaires à celles du parenchyme central, on remarque que les premières ont, en général, deux fois plus de longueur que les secondes, avec une largeur deux fois moindre. Bignoniacées. Tecoma radicans. — il a été beaucoup écrit au sujet de celte plante depuis les premières observations de Sanio, et je ne sache pas qu'on ait beaucoup ajouté à ce qu'il en a dit. Pour Sanio, le méristème interne naît dans les assises de l'anneau d’épaisissement voisines de la moelle. Mais la théorie de l'anneau ayant été combaltue par beaucoup de botanistes éminents, il fallut rechercher de nouveau l’origine exacte de ce méristème libéroligneux interne. M. Hérail s’en est occupé (1) et a donné à cette formation une origine médullaire : j'ai dit plus haut ce qu'on doit penser de cette expression, et pour en montrer l’inexactitude, je me vois obligé de refaire en partie une description qui a déjà été faite bien des fois. Le point végétatif du Tecoma radicans renferme six assises d'initiales, dont l’interne, par le jeu des segments inférieurs, donne le parenchyme central. Dans le méristème allongé, les vaisseaux ligneux n'apparaissent que vers le troisième entre-nœud : ils laissent entre eux el la moelle proprement dite deux rangées de cellules : c’est la zone périmédullaire. À mesure que la tige s'accroît, celte zone s’épaissit et c’est dans l’une de ses assises intérieures que se développe le méristème secondaire qui donne naissance à la formation eribro-vasculaire interne. Nulle part on ne voit les cellules du parenchyme central, différenciées dès le- premier entre- nœud, donner naissance à de nouveaux éléments vasculaires. Si les coupes longitudinales établissent d'une manière (4) Hérail, loc. cit. RE PT D CO RE LEA 2 RECHERCHES SUR. LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 95 indiscutable l’origine des tissus, d'autre part, les coupes transversales seules peuvent nous en indiquer la distribution topographique. Examinons une coupe {ransversale du point végétatif, passant par le premier entre-nœud (fig. 8, pl. IV). Nous voyons un anneau de cellules transparentes, qui sépare l'écorce du parenchyme central; on n'y distingue encore aucun vaisseau. Vers l'extérieur de l'anneau, des îlots de cellules recloisonnées indiquent la place des futurs fais- ceaux libériens. Au milieu de l'anneau, sur certains points, des cloisons continues partagent certaines assises de cellu- les : elles marquent la limite de bois et du hber. Plus en dedans, près de la moelle proprement dite, dont les cellules sont plus larges, on voit, en quelques points, des cloisons parallèles aux premières qui dédoublent l’une des assises internes, la dernière généralement ; c’est l’origine du méris- tème interne, qui donnera plus tard des tubes criblés, du parenchyme et des vaisseaux ligneux (x, fig. 8, pl. IV). Dans l’entre-nœud suivant, la différenciation, plus avan- cée, nous permet de voir des faisceaux libériens séparés des premiers vaisseaux ligneux par un méristème continu qui a déjà donné plusieurs assises de cellules. Entre les premiers vaisseaux et la moelle proprement dite, la zone périmédul- laire a déjà acquis une certaine épaisseur, qui continue à s’augmenter par le jeu de cloisonnements isolés ou continus. Plus bas, enfin, ces cloisons isolées font place à une bande continue de mérislème, qui produit des éléments li- _gneux vers l'extérieur et du tissu criblé vers l’intérieur. La formation ligneuse est continue, tandis que le tissu criblé se dispose par faisceaux dont les éléments les plus anciens sont écrasés; entre ces faisceaux se trouve du parenchyme allongé. = La production du tissu criblé interne est localisée sur deux côtés opposés de la tige. Sur les deux autres côtés, la bande de méristème produit, vers l’intérieur quelques assi- ses de parenchyme périmédullaire, et vers l'extérieur une plus grande quantité d'éléments ligneux, sans vaisseaux. 96 _ LÉON FLOT. Les formations internes du Tecoma radicans se rattachent donc, d'une façon intime, aux productions libéroligneuses normales, avec lesquelles elles ont une origine commune. Acanthacées. Acanthus longifolius. — En dedans de la bande libéro- ligneuse, qui est continue, la zone périmédullaire se déve- loppe sur tout le pourtour sous forme de cellules allongées, qui se lignifient en même temps que le bois secondaire et acquièrent des membranes plus épaisses que les cellules médullaires. Dans chacun des angles du rectargle formé par l'assise ligneuse, se développent des faisceaux qui nais- sent dans la dernière assise interne du parenchyme périmé- dullaire, par le recloisonnement de certaines cellules déjà différenciées en parenchyme long. Il se forme ainsi un îlot qui acquiert rapidement un développement assez considéra- ble grâce à un méristème propre, dont l’activité est d’abord localisée à la face externe de l’ilot, c’est-à-dire du côté de l'anneau ligneux. Plus tard, le méristème fait le tour de l’ilot et donne des éléments libériens et des éléments ligneux. En même temps, le conjonctif $’accroissant entre ce faisceau interne et le bois de la tige, il s’interpose entre ces deux formalions une épaisseur de 15 à 20 cellules qui se ligni- fient. Le méristème du faisceau interne donne d’un côté du tissu criblé, et de l’aulre des éléments ligneux. Sur certains poinls, il produit des vaisseaux ligneux, il en résulte de vérilables faisceaux cribro-vasculaires, dont la partie li- gneuse regarde les bois de la tige. Cependant, dans l’un de ces faisceaux internes, j'ai pu constater la présence de vais- seaux dans la partie qui regarde la moelle. Par suite de la production d'éléments libériens nouveaux, il se produit un écrasement des éléments hbériens primitifs, situés au centre du faisceau interne. Justicia coccinea. — Cette Acanthacée possède une struc- lure normale, qui présente cependant avec l'espèce précé- RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 97 demment décrite quelques points de ressemblance. On peut y remarquer, en effet, le grand développement du paren- chyme périmédullaire, qui englobe de ses éléments allongés la pointe des faisceaux primaires et règne sur tout le pour- tour du bois secondaire, avec une épaisseur variable. En certains points de fort accroissement, on voit les cellules se disposer en séries radiales, au nombre de 6-10 assises. On n’observe pas de tissu criblé interne. Thunbergra alata. — La pointe des faisceaux est plongée dans un parenchyme périmédullare assez abondant, qui s'étend, sur une ou deux assises d'épaisseur, le long du bois secondaire. GAMOPÉTALES INFÉROVARIÉES. Campanulacées. Campanula Trachelium. — L'anneau vasculaire primitif produit, en dedans du bois primaire, une épaisse couche de cellules allongées, à parois minces, qui forme la zone péri- médullaire. En certains points de celle zone naissent des fascicules criblés, dans lesquels un méristème subséquent produit, du côté exlérieur, des éléments ligneux. Plus tard, la zone se lignifie ; elle forme alors, en face du bois, une bande épaisse de cellules allongées et englobe les faisceaux internes, en laissant, en dedans de leur partie criblée, une assise de fibres. | Le même phénomène se produit dans beaucoup d’autres Campanulacées, avec des modifications particulières à chaque espèce. Dans certaines de ces plantes, la Zone périmédullaire ne se lignifie pas (Phyteuma spicatum, fig. 12, pl. IV); dans d'autres, il ne s’y produit pas de faisceaux (PAyteuma ca- _nescens, fig. 12, pl. V); mais partout son origine est inli- _ mement liée à celle de l’assise libéroligneuse normale. Cucurbitacées. Dans les Cucurbitacées, les faisceaux ne sont pas disposés _ ANN. SC: NAT. BOT. XVI, 7 98 LÉON FLOT. sur plusieurs cercles concentriques, comme on l’a quelque- fois écrit, mais suivant les côtés d’un polygone étoilé à cinq pointes : les plus gros faisceaux occupent les sommets des angles rentrants. Les sinuosités de celle étoile sont très marquées dans certaines piantes (Bryone), atténuées dans d’autres. Enfin quelques-unes ont leurs faisceaux disposés plus régulièrement (Æcballium). Cucumis perennis. — L'ensemble des faisceaux forme un pentagone étoilé: le faisceau qui occupe chaque pointe est accompagné de deux autres faisceaux plus petits dans lesquels il est facile de suivre le mode de différenciation des tissus, au moyen de coupes en série. On voit ainsi que la règle admise par M. Lamounelle n’a rien d’absolu, et que le premier cloisonnement de la région hibérienne interne peut très bien s'effectuer dans les cellules qui sont en contact immédiat avec les faisceaux. Dans ce cas, la moilié de la cellule qui touche le bois devient une cellule de parenchyme ; l’autre moilié se cloisonne encore pour donner du tissu criblé. Ce mode de division est d’ailleurs général : parlout les tissus vasculaires sont accompagnés de parenchyme. Dans les fais- ceaux {rès développés, on trouve le liber interne séparé des vaisseaux ligneux par quelques assises de parenchyme et du parenchyme central par plusieurs assises de cellules, sem- blables à celles qui bordent extérieurement le faisceau tout entier. Elles représentent la zone périmédullaire. Parmi les cellules du bord interne, on distingue, en coupe transversale, des cellules recloisonnées qu'on pourrait prendre, au premier abord, pour des éléments libériens ; l'étude des coupes longitudinales fait voir que ce sont des cellules de parenchyme allongé et que nulle part les vais- seaux criblés ne sont en contact immédial avec le paren- chyme central. D’après cela, il existe donc, à chacun des deux pôles du faisceau bicollatéral, un arc de parenchyme. Si l’on tient comple de ce fait que le péricycle des Cucurbitacées forme en dehors et près des faisceaux une large bande de paren- RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULIAIRE. 99 - chyme à grands éléments, bordée extérieurement par une région péricyclique lignifiée, dans laquelle prennent nais- sance des faisceaux imparfaits (tubes criblés extralibériens) ; que d'autre part, l’écorce est excessivement réduite et que l'existence d'une moelle proprement dite aété miseen doute par plusieurs botanistes, je pense qu'il serait possible de rappro- cher jusqu’à un certain point cette structure de celle des Mo- nocotylédones : la couche périphérique du conjonctif externe des Cucurbitacées correspondrait à la même formation dans les Monocotylédones, et les deux gaines parenchymateuses des faisceaux à la gaine fasciculaire de ces mêmes plantes. Lagenaria vulgaris. — La tige à une section pentagonale. Les faisceaux sont reliés, comme d'ailleurs dans l'espèce précédente, par une bande sinueuse de cellules isodiamé- triques, dont les dimensions sont beaucoup plus petites que celles du parenchyme central. J'ai mesuré ces dimensions en divisions de mon micromètre oculaire et j'ai trouvé : = Pour les cellules médullaires : Lonsueur! sit Es ... 25 à 50 divisions. ÉAroeur di ua ane 1145 à20 — Pour les cellules de la région interfasciculaire : Longueur..." ee Ad Largeur 545.1, 00 “se à 7 divisions. Dans le péricyle, les dimensions sont un peu plus grandes que ces dernières, sans jamais dépasser huit à dix divi- sions. À cause de ces faibles dimensions longitudinales de ses élé- ments, celle bande de cellules peut être distinguée, même à l'œil nu, sur une coupe transversale colorée. On voit alors qu'elle relie tous les faisceaux, passe en dehors et en dedans de chacun d'eux et rattache même à la région vasculaire pro- prement dite les faisceaux libériens incomplets qui naissent au bord de la couche périphérique du péricycle. En coupe 100 LEON FLOT. longitudinale, la discordance entre ces cellules et celles du parenchyme central est frappante. Cette plante nous fournit encore un exemple remarquable pour faire ressortir le lien qui existe entre la structure type des Monocotylédones et celle des Dicotylédones, par le rapport entre le péricycle général des Cucurbilacées et la région du cylindre central des Monocotylédones comprise entre le rang extérieur des faisceaux et l’endoderme, de même que l’analogie dans le tissu qui entoure immédiate- ment les faisceaux et leur forme une enveloppe particu- lière. Bryonia dioica.— Sur de bonnes coupes, on peut observer, autour des faisceaux libériens, une assise plus ou moins éten- due de cellules plus petites que celles du parenchyme central ou du péricycle. Ces cellules représentent la zone parenchy- mateuse, si remarquable dans les Lagenaria. Cucurbita maxima. — La bande de cellules dans laquelle naissent les faisceaux laisse, en dedans du liber interne, une épaisseur de 4 à 8 cellules qui constituent la zone périmé- dullaire. Le parenchyme central se détruit de bonne heure et cette destruction s'arrête à la limite interne de la région périmédullaire, qui se trouve ainsi border la lacune centrale. Echallium elaterium. — Dans celle plante, la structure des faisceaux est la même que dans les espèces précédemment décrites, mais leur disposition générale change ; ils sont, en effe, trangés suivant les côtés d’un rectangle à coins arrondis etreliés par une étroite bande de ce tissu parenchymateux, à cellules isodiamétriques, qui englobe les faisceaux des La- genaria et de la Courge. Les pointes internes des fais- ceaux sont bordées de quelques rangées de cellules apparte- nant au même {issu. Rubiacées. Rubia lucida. — Les vaisseaux primaires, très nombreux, sont disposés régulièrement suivant une ellipse. Toute la ré- gion des vaisseaux annelés et spiralés est plongée dans du RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 101 parenehyme à parois minces qui entoure chaque pointe. La lignification ne s'opère qu'à la hauteur des vaisseaux ponc- tués. Ce parenchyme s'étend, en dedans des faisceaux, en une bande de quelques cellules d'épaisseur : c’est la zone périmédullaire, qui demeure parenchymateuse. Il est bon de remarquer que le péricycle ne s’épaissil pas non plus. Dans ie Galium Mollugo, la zone périmédullaire est formée de cellules petites, non lignifiées avec quelques cloisons tangentielles. La moelle proprement dite disparaît au bout de peu de temps. Composées. La zone périmédullaire, est représentée, dans l’/nu/a Co- nyza, par une épaisse masse lignifiée située à la pointe des fais- ceaux et contribuant au sléréome de la tige. La production ligneuse périmédullaire est continue autour du cercle ligneux. En coupe transversale, ses cellules sont plus petites et ont des parois moins épaisses que celles de la moelle proprement dite. Les cellules contiguës aux vaisseaux primaires conser- vent leurs membranes minces. Une jeune tige de Sonchus oleraceus montre une zone pé- rimédullaire, cellulosique en face des faisceaux, lignifiée dans les rayons primaires. L'Armoise (Artemisiavulqaris) présente une formation particulière déerite par M. Hérailel consistant en une pro- duction abondante de cellules médullaires secondaires dans la régionexterne de la moelle proprement dite. En dehors de ces cellules, la zone périmédullaire forme aux faisceaux ligneux une enveloppe de cellules à membranes peu épaissies, lignifiées. Ces cellules sont étroites et peu allongées ; elles ont à peu près la même hauteur que celles de la moelle pro- _prement dite, mais sont trois fois moins larges; leurs parois sont plus épaisses sur les flancs des faisceaux ligneux. La moelle de l'Achillæa Millefolium est lignifiée, ainsi que la zone périmédullaire ; il est néanmoins facile de dis- Unguer ces deux régions à cause de la dimension transver- 102 LÉON FLOT. sale plus petite des cellules de la zone périmédullaire, qui forme cinq ou six assises en face de la pointe des faisceaux ; son épaisseur diminue sur les côtés. Une production analogue, mais beaucoup plus abon- dante, existe dans le Lappa major. Les cellules de la zone périmédullaire du Souci (Calendula officinalis) forment deux ou trois assises de fibres, ana- logues à celles du péricycle. Ces fibres entourent la région ligneuse du faisceau et s'étendent sur tout le pourtour interne du bois secondaire. Cirsium oleraceum. — Dans une épaisse tige de Cursium les faisceaux libéroligneux forment un cercle assez régulier ; à chaque angle de la tige, un gros faisceau s’en détache. Il est intéressant d’éludier dans cette plante les transforma- tions secondaires des éléments parenchymateux qui com- posent toute la région vasculaire {moins les faisceaux), de- puis l'endoderme jusqu’à la moelle proprement dite. Tous ces éléments sont semblables entre eux à chaque instant de la période végétalive : ils forment à chaque pôle du faisceau un massif de fibres étroites et nombreuses. Les éléments interfasciculaires se lignifiant, les petits faisceaux sont englobés dans ce issu iéneux (conjonctif externe). Aux angles, un faisceau foliaire devient extérieur au cercle ; le conjonctif l'accompagne en faisant un angle très accentué, les faisceaux situés sur les côtés de cet angle se développent normalement à la direclion de la bande de tissu conjonctif et en viennent à se regarder par leur bois, confondant leurs zones périmédullaires en une seule masse ligneuse. À un certain moment, le faisceau foliaire principal, qui occupe le sommet, a sa pointe conjonclive interne confondue avec le conjonetif qui englobe les faisceaux voisins. On conçoit qu’il ne saurait êlre question dans ce cas de ee. ou de zone périmédullaire. Lactuca stricta. — Cette espèce, qui n’a pas de liber interne, possède une zone périmédullaire fort nelte, composée de trois ou quatre rangs de cellules allongées, non lignifiées. RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 103 Dans les rayons, celte zone se réunit au péricycle (fig. 13, pl) Lactuca Scariola. — Dans la tige adulle de cette plante, les faisceaux ligneux forment des pointes irès saïllantes compre- nant plusieurs rangées de vaisseaux entourés de parenchyme mince. Les cellules qui bordent le faisceau vers l’intérieur, demême que celles qui bordent le bois secondaire, épaississent leurs membraneset se lignifient. Elles forment ainsiune bande ligneuse continue, festonnée, épaisse de plusieurs rangs de cellules. En dedans de cette bande et en face des faisceaux, se trouvent des îlots de tissu criblé (fig. 15, pl. V). Il semble à première vue que ces faisceaux appartiennent à la moelle proprement dile, à cause de leur position en dedans de cette bande ligneuse, qui, sur certains points, forme toute la région périmédullaire : l'étude du développement des tissus montre que ce n’est qu’une apparence. J'ai rencontré, en effet, peu d'exemples où, dans le point végétalif, la dis- linetion entre les différents histogènes füt plus facile à faire. Le parenchyme central se différencie rapidement en cellules considérablementaplaties (fig. 7, pl. IT). Le mérislème allongé forme une bande compacte très netle et, avant même l’ap- parition des premiers vaisseaux, les différentes régions de la lige sont parfaitement distinctes. Or, le premier vaisseau ligneux naît dans une assise profonde et laisse entre le pa- renchvme central et lui cinq ou six rangées de cellules allon- gées dans lesquelles on observe l’apparilion de faisceaux criblés. Tous les faisceaux internes sont donc, par leur origine, extérieurs au parenchyme central ét doivent êlre rattachés aux formations vasculaires normales. Sur une coupe longitudinale, la continuité de ces éléments vasculaires est parfaite. Une coupe radiale passant par un faisceau montre, en dedans du bois primaire : du paren- chyme mince, allongé; du parenchyme ligneux, à parois épaissies ; des tubes criblés mêlés de parenchyme mince. L’assise la plus interne est constituée par de longues cellules. 104 LEON FLOT. de parenchyme, qui confinent directement à la moelle pro- prement dite. Entre les faisceaux, la zone périmédullaire forme de longues cellules à parois épaisses. Lactuca saligna. — Chaque faisceau ligneux est accom- pagné, en général, d’au moins un faisceau interne de tissu criblé. Nous pourrons voir, par cet exemple, que l'existence des cellules de parenchyme entre le bois et les faisceaux internes n’est pas une raison suffisante pour altribuer à ces deux formations vasculaires des origines différentes. Si l’on examine une tige assez grosse, les faisceaux libéroligneux _se montrent séparés des îlots criblés internes par plusieurs rangs de cellules. C’est à peu près la même disposition que dans la Laitue scarole, moins la lignification du parenchyme interposé. L'étude du développement, qui est le même dans ces deux espèces, montre que tous les groupes vasculaires el le parenchyme qui les accompagne proviennent d’un même histogène. Mais il n’est même pas besoin de recourir à l’é- tude du point végétatif pour être fixé sur ce point. Dans les parties jeunes de la tige on trouve, entre le bois primaire et les groupes criblés internes, un méristème double qui pro- duit plusieurs assises de cellules primitivement disposées en files radiales (fig. 16, pl. V). L'activité de ce méristème n'étant que temporaire, les cellules qui en procèdent pren- nent peu à peu la forme de prismes hexagonaux et peuvent être prises plus lard pour du parenchyme médullaire si l’on se contente d’un examen superficiel. Le bord interne desîlots criblés présente aussi des cloisonnements centrifuges ; ils ont pour objet la formation de tubes criblés horizontaux, qui relient entre eux les groupes criblés internes. RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. :105 CONCLUSIONS GÉNÉRALES. STRUCTURE PRIMORDIALE. La tige des Angiospermes s'accroît par le cloisonnement d'un nombre d'initiales réduit à trois pour les Monocotylé- dones et certaines Dicotvlédones (Renonculacées), mais ordi- nairement plus grand (Lierre, Chêne, Marronnier, Solanées), et parfois même considérable (Euphorbe). Le cloisonnement de ces initiales produit généralement cinq assises distinctes : une pour l'épiderme, deux pour l'écorce, deux pour le cylindre central. Les initiales du cylindre central fournissent, par des cloi- sonnements latéraux, le méristème vasculaire (mésistème de M. Russow), c’est-à-dire le lissu qui donnera les faisceaux el le conjonctif externe ; elles forment, par des cloisonne- ments perpendiculaires à l’axe, l’endistème, qui donnera le _conjonctif central. La différenciation du parenchyme central est plus précoce que celle des tissus qui l'entourent. Le méristème vasculaire se différencie de la même facon. dans toutes les Angiospermes, en desmogëne et lissu inter- posé ou conjonctif externe. Du desmogène proviennent les faisceaux libéroligneux primaires. Ce qui reste du méris- ième vasculaire forme autour de la tige un anneau continu, primilivement homogène, qui est le conjonctif externe. (Voir le tableau de la page 65.) STRUCTURE PRIMAIRE. Dans la plupart des Dicotylédones, Les faisceaux libéro- ligneux sont disposés sur un seul cercle ; ils sont enveloppés et réunis par les éléments allongés du conjonctif externe. Ce stade de différenciation est’ ce que l’on appelle ordinai- rement la structure primaire : à ce moment, l'anneau vasculaire renferme des faisceaux libéroligneux, bordés exlérieurement par le péricycle, intérieurement par la zone - périmédullaire, et séparés par les rayons primaires. - Dans certaines plantes (Monocotylédones, Renonculacées), 106 LÉON FLOT. le conjonctif externe forme à chaque faisceau une gaine de parenchyme plus ou moins sclérifié; et le reste de ses cel- lules devient souvent semblable à celles du parenchyme central ou du parenchyme cortical. Dans beaucoup de Monocotylédones, le méristème vascu- : laire conserve son aclivité et produit, en dehors du cercle primitif, plusieurs rangs de faisceaux reliés par du lissu conjonctif. STRUCTURE SECONDAIRE. [. Le faisceau libéroligneux peut rester au stade primaire (Monocotylédones). Dans ce cas, s’il se forme des cercles extérieurs de nouveaux faisceaux (Graminées, elc.), les cellules interfascieulaires acquièrent des dimensions plus grandes et peuvent devenir semblables à celles du paren- chyme central, quoique différentes par l’origine. 11. Ailleurs, le faisceau s’accroîl au moyen d’un méristème hibéroligneux particulier, dont l'activité est passagère (Cucurbitacées ; certaines Renonculacées, Papavéracées, Po- lygonées, elc.), ou d'assez longue durée (Clématite, Perberis, Menispermum canadense, À kebia quinata, Lierre, etc.). Le. parenchyvme des rayons s’accroit radialement et langen- üellement en même temps que les faisceaux, soit par agran- dissement de ses cellules (Renoncule, Anémone), soil par une mulüplication corrélalive de ses éléments. Dans ce dernier cas, 1l peut s y former un méristème qui apparaît souvent au point de plus fort accroissement radial, c’est-à-dire en re- joignant les méristèmes des faisceaux ; ce méristème libéroligneux peut aussi se produire dans la région péri- cyclique (Polygonées, Bégoniées, Menyanihes), de sorte qu'il ne serait pas toujours exact de réunir l’assise libéro- ligneuse fasciculaire avec le méristème des rayons sous le nom d’assise libéroligneuse générale. Quelquefois, l'accroissement se fait par la multiplication générale. des cellules, sans méristème interfasciculaire loca- lisé (Glaucium luleum, certaines Ombellifères, Cucurbita- PT RECHERCHES SUR LA ZONE PÉRIMÉDULLAIRE. 107 cées). Dans les Cucurbilacées, ces cellules ont des caractères spéciaux étudiés plus haut. Dans les cas qui viennent d'être énoncés, la zone péri- médullaire ne prend de caractère parliculier qu’en face des faisceaux, soit qu’elle demeure parenchymateuse (Glaucium luteum, Begonia, Achyranthes, Delphinium, Cucurbitacées), soit qu'elle épaississe ses éléments en tissu scléreux (Renon- cule, Clématite, Menspermum). Dans les Ombellifères, qui n’ont pas d’assise génératrice générale, tout Le conjonctif externe passe directement à l’état de tissu ligneux. IL. Enfin, dans la plupart des Dicotylédones, une assise libéroligneuse générale produit du liber et du bois secon- daires, tant à l’intérieur des faisceaux primaires que dans les rayons. La zone périmédullaire se trouve alors nettement circonserite entre le parenchyme central etla région ligneuse. Sa différencialion a lieu de diverses manières : | a. Elle demeure cellulosique (Pivoine, Borraginées, Euphorbe, Chénopodiacées). b. Elle se différencie en deux régions : l’externe, englobant les pointes des faisceaux, demeure cellulosique; l’interne, contiguë à la moelle proprement dite, est lignifiée (Noyer, Orme, Phyteuma); ou bien c’est le contraire qui a lieu: la région externe est ligneuse et l’interne cellulosique (Ce/tis australis, Séneçon). _c. Elle est cellulosique sur tout le pourtour de l'anneau ligneux, avec des paquets de sclérenchyme en face des fais- ceaux (Malvacées, Peuplier). d. Elle peut être tout entière lignifiée (Aïlante, Lierre, _Buis, Fenouil, Composées). Quel que soit le mode ou le degré de la différenciation secondaire, on peut généralement reconnaître les cellules de la zone périmédullaire à leurs dimensions : leur longueur relative est toujours plus grande que celle des cellules de la moelle proprement dite. 108 LÉON FLOT. FORMATIONS PÉRIMÉDULLAIRES. La zone périmédullaire est le siège de certaines produc- tons dues à l’activité génératrice de ses éléments propres. 1° Dans le cas le plus simple, on rencontre souvent, dans | les plantes où la zone périmédullaire est très développée, des méristèmes dirigés suivant les branches du V formé par les vaisseaux primaires (Paulownia, Euphorbe, Houx, Aïlante). Les éléments qui en proviennent sont exclusivement paren- chymateux. 2° Certaines familles de plantes sont caractérisées par la présence, en dedans du cercle formé par les faisceaux ligneux, de groupes criblés ou cribro-vasculaires. L'étude du développement montre que ces formations apparaissent exclusivement dans la zone périmédullaire, par la différen- ciation de certaines cellules internes du conjonctif externe primordial (ŒÆnothera, Solanées, Tecoma) ou de la zone périmédullaire (Aumex crispus, Acanthacées, Campanula- cées, Epilobium). Dans certaines familles, ces faisceaux criblés sont isolés et naissent du recloisonnement de cer- taines cellules : les îlots sont alors formés de parenchyme et de tubes criblés { Vinca, Erythræa). Dans les Solanées, c’est quelquefois tout un groupe de cellules qui se cloisonne longitudinalement : il se forme alors des fascicules de tissu criblé, du parenchyme et des fibres plus ou moins épaissies (divers Solanum, Hyoscyamus). Dans les Cucurbitacées, les cellules les plus internes du faisceau criblé interne sont parenchymateuses et allongées. Ce travail a été fait au Laboratoire de Botanique de la Sorbonne, sous la direction de M. Gaston Bonnier, à qui J adresse mes bien vifs remerciements pour son aide obli- geante et pour les précieux conseils qu’il a bien voulu me donner. EXPLICATION DES FIGURES Dans toutes les figures, les lettres suivantes ont la mème signification : ép, épiderme. SHÉCUÉCOICE. inv, méristème vasculaire. mve, limite externe du méristème vasculaire. mvi, sa limite interne. pm, zone périmédullaire. pme, limite externe de la zone périmédullaire. pmi, Sa limite interne. f!', faisceau primaire. li, tissu criblé interne. pe, parenchyme central. PLANCHE IIE Fig. 4. — Point végélatif d'Evonymus japonicus; en mvi, la différenciation du parenchyme central devient très visible. Fig. 2. Quercus pedunculata. Sommet exact. Fig. 3. — Quercus pedunculata. Une coupe tangentielle faite dans le 1raême sommet végétalif; éc, limite interne de He ;: pe, imite supérieure du parenchyme central; a, première feuille. Fig. 4. — Hedera Helix. À la base de la feuille a les oeente sè raC- dent avec ceux qui proviennent du sommet (mv). Histo — Datur a ferox. éc marque la limite interne de l'écorce; M, origine du les central. Fig. 6. — Solanum nigrum. a, première feuille; pe, à droite, origine du pa- renchyme central; n, premier nœud; /, limite du par echyme central et du méristème vasculaire ; ; pr, en bas, zone périmédullaire, dans laquelle les cloisonnements générateurs du tissu criblé interne sont déjà visibles. Fig. 7. — Lactuca Scariola. Point végétatif; pe, origine du parenchyme cen- tral : 4,b, première et deuxième he P Fig. 8. — Begonia ascotiensis. éc est la limite interne de l'écorce; iv, cette cellule, et celle qui est au-dessous, sont les initiales du méristème vas- culaire. 110 LÉON FLOT. PLANCHE IV. Fig. 4. — Euphorbia Lathyris. a, cloisonnements foliaires; lac, lacunes de la moelle; c, cellule du parenchyme central recloisonnée. Fig. 2. — Vinca major. a, cloisonnements foliaires. Fig. 3. — Holcus mollis.iv, initiale du méristème vasculaire. Fig. 4. — Æsculus Hippocastanum. Coupe longitudinale du point végétatif, Fig. 5. — Solidugo Virga-aurea. Extrémité d'un rhizome, Fig. 6. — Achyranthes Verschaffeltit. pe, cette cellule et celle qui est au= dessus sont l’origine du parenchyme central. Fig. 7. — Datura Slramonium. Coupe dans l’entre-nœud épicotylé ; b?, bois secondaire; f!, vaisseaux primaires reliés par des cellules étirées rayon- nantes; pm, zone périmédullaire en assises radiales. On voit, à gauche, en li, des communications horizontales entre deux groupes criblés internes. : Fig. 8. — Tecoma radicans. Structure primordiale d'un futur faisceau libéro- ligneux; ex, zone externe du méristème vasculaire ; mlb, méristème li- béro-ligneux; æ, méristème dans la région interne du mérisitème vas- culaire, origine du méristème périmédullaire. Fig. 9. — Sinapis nigra. Pointe ligneuse d’un faisceau. Fig. 10. — Nicotiana Tabacum. Partie de la région criblée interne. Trois groupes criblés adossés à un faisceau fibreux, fi6. Fig. 11. — Polygonum petiolatum. Faisceau ligneux et zone périmédullaire, Fig. 12. — Phyteuma spicatum. Partie de l'anneau vaseulaire ; pm, zone péri- médullaire épaisse sur tout le pourtour du parenchyme central. PLANCHE V. Fig. 4. — Ailantus glandulosa. Pointe ligneuse d’un faisceau primaire très jeune; pm, premiers cloisonnements de la zone périmédullaire. Fig. 2. — Juglans regia. Parenchyme périmédullaire enveloppant toutes les pointes ligneuses. : Fig. 3. — Celtis australis. Zone dont la région externe pme’ est lignifiée; la région interne, pmi, est cellulosique. Fig. 4. — Région interne de l’anneau vasculaire de l’Orme (Ulmus campes- tris), très jeune. Fig. 5. — Euphorbia Lathyris. Pointe ligneuse d’un faisceau ; mér, méristème divisant les cellules qui entourent le faisceau primaire. Fig. 6. — Borrago officinalis. Bord interne de l'anneau ligneux. La zone péri- médullaire forme aux faisceaux primaires une enveloppe de cellules étroites. Entre les deux faisceaux, les cellules sont plus grandes que les précédentes, mais beaucoup plus petites que celles du parenchyme central pc. Fig. 7. — OEnothera biennis. Région criblée périmédullaire, les cloisonne- ments du liber interne commencent en li, tout près des vaisseaux ligneux. p.16 is EXPLICATION DES FIGURES. 111 Fig. 8. LA Arabis Bulliardierii. Pointe d’un faisceau ligneux, avec la zone périmédullaire. Fig. 9. — Abutilon molle. Zone périmédullaire continue avec fibres en face des faisceaux. Fig. 10. — Glaucium luteum. La zone périmédullaire forme une gaine aux ie re Dans les rayons les cellules sont semblables, en coupe trans- versale, au parenchyme central. Fig. 11. — Senecio erucæfolius. Zone hétérogène : la région externe pme’, li- gnifiée ; l'interne, prit’, cellulosique. Fig. 12. — Phyteumu canescens. Zone périmédullaire hétérogene: La région interne est lignifiée. Fig. 13. — Lactuca stricta. Zone homogène, cellulosique, sans formations criblées. Fig. 14. — Mercurialis annua. Zone périmédullaire bordant le bois secon- daire. Fig. 15. — Lactuca scariola. La zone périmédullaire forme, sur tout le pour- tour, une région externe à membranes minces, et en face des faisceaux, un arc ligneux avec un méristème qui donne, intérieurement, un faisceau criblé li. Fig. 16. — Lactuca saligna. Mème disposition que dans la figure précédente, moins l'arc ligneux. Fig. 17. — Solanum marginatum. Deux groupes criblés internes au dedans desquels se sont développés deux groupes de fibres minces fib. PLANCHE VI. Toutes les coupes sont orientées de la même façon : à gauche, les pre- miers vaisseaux ligneux; à droite, le parenchyme central. Elles sont toutes radiales. Fig. 1. — Ailantus glandulosa. Pointe d’un faisceau primaire, après la diffé- renciation secondaire. Fig. 2. — Ampelopsis quinquefolia. Goupe radiale passant par un faisceau. Fig. 3. — Berberis vulgaris. — es Fig. 4. — Fraxinus excelsior. — Le Fig. 5. — Quercus pedunculuta. — = Fig. 6. — Sambucus nigra. . 7 Fig. 7. — Physalis peruviana. Coupe dans un rayon primaire : le liber externe le est bordé par la zone périmédullaire à éléments cellulosiques allongés. Fig. 8. — OUEnothera biennis. pm, représente toute la zone périmédullaire, dans laquelle on distingue des faisceaux criblés mêlés de parenchyme long; lac, lacune de la moelle. Fig. 9. — Æsculus Hippocastanum. Coupe passant par un faisceau pri- maire. Fig. 10. — Evonymus japonicus. Coupe dans un rayon primaire: mv, méris= tème vasculaire. 112: LÉON FLOT. Fig. 41. — Sinapis nigra. Coupe longitudinale du faisceau représenté : figure 9, pl. IV, Fig. 12. — Amarantus Blitum. f?, faisceaux secondaires; €, conjoncti interposé,; f!, faisceaux primaires entre lesquels se trouve le parenchyme central. | Fig. 13. — Holcus mollis. Coupe dans l'axe d’un faisceau, le premier vaisseau nait à une certaine profondeur dans le méristème vasculaire. Fig. 14. — Nicotiana Tabacum. li, faisceaux criblés périmédullaires avec pa- : renchyme long. Fig. 15. — Juglans regia. Coupe radiale dans un faisceau foliaire primaire, avec zone périmédullaire très développée pm, et parenchyme central à cellules aplaties. C2 . NE ® KO D \ SA o KE TES a re Ne OST DIT = WE 0 (0 p HÉGHQSSE Fe É K C So . TO TLLN Ia H] a U ne SNS Ti Fi] sue a EUR « L.Flot del. a N RÉ Épe = BUENCS \5 Recherches sur l&a one pérunedullaire à mp. Lemereier et C Paris & Un ESS RL OA Li s2@ S US S : C5 € KO Na TRS Q ' Le Te an : HER 0) L,Flot del. : Himly ve. Recherches sur la one pérunedullarre. Jmp.Lem ereier etC! Paris Bot. Tome to; 14}, {x ee _ Ann. des JS'eterte. nal.7 © -Terte.. ’æ, 25 Æimly ve. Le L. Flot del. rehes sur la sorte pertmedullarre AÂeche Zmip.Lemereier et C# Paris % AE IE lg Himly se. pr pe de PERL, pe. P [22 ec pri . PTE it Ce. Hol. Tome 18, 1.6. dullair AZO1IE perune } DA DD Jr y a : à pe LE 4 pm PES PT LES ARCS Pre a ——————— RS | + Pre PUDE E pros tr Pr SZ É ARS AE Y \S NN) Dm TENN D) PT... cles sur la ET ES NU LME CN LS LS. j717)P)T12177) Rechier PT Ann. des Jeteric, nat. 7 €: Ferre. L.Flot del. RS EEE EE" — — ——]—]— A RASE He TES 23 2 re) MOTS Eten Ce T. XVII, Ne 3 el 4. 1} E |A 0anan IE 32. FR " à { Conditions de la } d'une année Les tomes, avec les planches Ces volumes paraissent en | L'abonnement. n plusieurs fas » Zoolog ce © TROISIÈME SÉRIE Louer PREMIÈRE SÉRIE. ue RECHERCHES ANATOMIQUES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES Par M. GEORGES POIRAULT Les recherches dont les résultats sont consignés ici ont été faites au laboratoire de M. le professeur Van Tieghem, auquel j'adresse, en commençant, mes respeclueux remerciements pour sa bienveillance et les facilités de travail que j'ai trou- vées près de lui. Ce Mémoire contient un ensemble d’observations analo- miques sur l'appareil végétatif des Cryptogames vasculaires, principalement des Fougères, des Marattiacées et des Ophioglossées. Il se divise en trois chapitres, dont le pre- mier est consacré à la racine, le second à la tige, le troi- sième à la feuille. Chacun d’eux est précédé d’un court ré- sumé des caractères morphologiques extérieurs, et de quelques particularités biologiques intéressantes. _ Les détails de structure ont été exposés par membre et par région anatomique. Sans doute, ce mode d'exposition a des inconvénients ; des descriptions qu'il serait in- téressant d’avoir complèles sont morcelées ou même tron- quées, le fait saillant étant seul rappelé ; mais ces inconvé- _nients sont compensés par l'avantage de pouvoir grouper dans un espace relativement restreint un nombre assez con- _ sidérable de faits. ANN. SC. NAT. BOT. XVIII, 8 114 GEORGES POIRAULT. Bien que ces recherches aient eu principalement pour objet l'étude de la structure intime des éléments anatomiques et de leur disposition dans les différentes régions, on a indi- qué, à l’occasion, les ressources que l'anatomie pouvait fournir pour la distinction des familles, des genres et des espèces. Les matériaux de celte étude ont été empruntés à l’herbier du Museum et aux serres de cet établissement. J'adresse ici mes remerciements à MM. les professeurs Bureau et Maxime Cornu, aux botanistes attachés à l'herbier et au chef des serres, qui m'ont toujours montré la plus grande obli- geance. CHAPITRE PREMIER. LA RACINE. À l'exception de certains Trichomanes appartenant tous à la section Hemiphlebium (1), d’une Gleichéniacée, le Stroma- popteris, et du Salwinia, toutes les plantes qui rentrent dans le cadre de notre étude sont pourvues de racines. Les plus grosses se trouvent chez les Marattiacées dans les Angiop- teris, où elles dépassent un demi-centimètre de diamètre, dans les Ophioglosses, chez certains Diplazium, Lomaria, ete., et dans les Cyathéacées; les plus petites sont celles de l’'Azolla et de certaines Hymenophyllacées, où elles ne dé- (4) Le Trichomanes muscoides Swartz, se rattachant à cette même section, porte quelquefois des racines; le plus souvent, il en est dépourvu. Voir Giesenhagen : Die Hymenophylluceen, Flora, 1890. Il n’est pas démontré que ces Trichomanes arhizes n’ont pas de racines de germination, il est même probable qu'ils en possèdent. En somme, dans l’état actuel de nos connaissances, l’absence de racine embryonnaire n’est certaine que dans le Salvinia et, d’après les récents travaux de M. Gœæbel (Ann. du Jardin Botanique de Buitenzorg, Tome IX), dans certaines Utricu- laires. Quant au Stromatopteris, cette curieuse Fougère de la Nouvelle- Calédonie pour laquelle Mettenius (Ann. des Sc. nat., Botanique, 1861) a créé un genre spécial, j'ai examiné un grand nombre d'exemplaires de l'herbier du Muséum, et je n’y ai pas trouvé de racines. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 115 passent pas trois à cinq dixièmes de millimètre. Chez les Polypodiacées, elles sont en général peu volumineuses. Les racines sont jaune paille dans les Ophioglosses et les Équisetum, jaune brunâtre dans les Maratliacées, blanc gri- sâtre dans les Marsilia et le Ceratopteris. Chez les Fougères proprement dites, elles sont en général brunes ou noirâtres, mais l'extrémité en voie de croissance garde toujours une teinte jaune verdâtre. M. Lachmann a fait remarquer (1) la longévité surpre- nante desracines des Fougères arborescentes. La durée de ces organes est également très grande dans les Ophioglosses. Chez ces plantes, comme nous aurons occasion de le dire, les racines correspondent aux feuilles. Dans bien des cas, la plante ne donne qu’une feuille chaque année (0. vulgatum, etc.); elle ne donne également qu'une racine. Le nombre des racines, aussi bien que celui des cicatrices foliaires, indique donc l’âge du pied qui les porte ; on voit ainsi que des raci- nes sont encore actives après 20 et 25 ans. Toutefois ce mode de détermination de l’âge d’une plante d’Ophio- glosse est sujet à incertitude, attendu que la plante produit quelquefois deux feuilles et des racines en nombre égal. Quoiqu il en soit, les racines ont, chez les Ophioglosses, une longévité qu’on n'est pas habitué à rencontrer chez les autres plantes vasculaires. L'extrémité de la racine est protégée par une coiffe, réduite à deux calottes dans l'Azo/la, mais très épaisse dans beaucoup d’autres cas(Polypodiacées, Ophioglossum, Angiopteris, ete.). La chute des assises successives de la coiffe s’opère de diverses manières : tantôt (Warsilia, etc.) la calotte tombe tout d’une pièce, les cellules demeurant unies entre elles par leurs faces latérales; ailleurs (Po/ypodium venosum, etc.) la gélification et la dissolution des membranes moyennes des cellules qui constituent une assise ne s’opérant que suivant les faces longitudinales, les cellules demeurent attachées (1) Contributions à l'histoire naturelle de la racine des Fougères (Ann. de la Soc. bot, de Lyon, 1889). 116 GEORGES POIRAULT. entre elles en longues files ; dans la plupart des cas, chaque: cellule se détache isolément. Certains O/eandra à rhizomes rampants (0. Wallichii Hk, O. nodosa Presl, O. Cumingü J. Sm.). portent de grosses racines présentant beaucoup d’analogie avec ce qu'on a appelé porte-racines chez les Sélaginelles. La racine est sim- ple, verte sur une certaine longueur à partir du sommet végétatif, de plus en plus brune au fur el à mesure qu’on se rapproche de la base d'insertion. Ces racines atteignent 20: et 30 centimètres et ne se ramifient que lorsqu'elles viennent à toucher le sol, ou une accumulation d’humus. Dans la racine principale, l'épiderme est constitué par l’assise externe persistante de la coiffe dont çà et là cerlaines cellules s’al- longent en poils cloisonnés, lignifiés et contenant de la chlorophylle (0. nodosa) ; dans PO. Wallichi, cette lignifica-- tion s'étend à toutes les cellules de la couche épidermique. Dans les racines souterraines, on ne retrouve plus les mêmes caractères el les poils présentent la structure habituelle aux poils radicaux. A l’exceplion des Potrychium et des Ophioglosses, toutes ces plantes sont pourvues de pois radicaux. Très abondants dans certaines espèces de Polypodium, Davalha, À crosti- chum, où chaque cellule de l’assise pilifère s’allonge en poil, ces productions sont plus rares dans d’autres espèces : As- plenium Halleri, septentrionale; Scolopendrium hennonis, etc. Suivant les espèces, ces poils se forment plus ou moins près du sommet ; l’Azo//a, est, à ma connaissance, le seul exemple où les poils se formant jusque sur le sommet, amènent la chute de la coiffe. L'assise pilifère (1) est formée tantôt de cellules courtes (Polypodium, Asplenium Nidus, elc.), tantôt de cellules allongées (Marsiha, Doryopteris palmata, Ceratopteris thahc- troides, Adiantum Capillus- Veneris, ete.). Le plus souvent: le poil prend naissance vers le tiers inférieur de la cel- (1) P. Lachmann, Structure et croissance de la racine des Fougères (Bull. Soc. bot., Lyon, 1877). | RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 117 lule (toutes les Fougères indigènes et la très grande majorité des autres espèces étudiées); plus rarement (Warsilia), leren- flement qui doit se transformer en poil prend naissance au milieu de la cellule. Ailleurs, dans les Æquisetum, les choses se passent différemment: la cellule de l’assise pilifère se sé- pare par une cloison en forme de verre de montre tournant sa concavité vers l'extrémité de la racine. Des deux cellules ainsi formées, c'est la pelite qui s’allonge en poil. Dans l'A zo//a, les poils radicaux restent toujours incolores; mais dans les Fougères, aussi bien que dans les Marattiacées et les Equisétacées, ils prennent avec l’âge une coloration brune très caractéristique, et due à l’imprégnation des mem- branes par une substance désignée sous le nom très impro- pre d'acide filicitannique et dont il sera question plus loin. Le poil radical, n'est comme on sait, qu'un prolongement tubuleux d’une cellule de la couche superficielle de la racine, prolongement dans lequel passe le noyau, qui en occupe la partie apicale. M. Haberlandt (1), qui a montré que la croissance des poils radicaux était exclusivement terminale, tire de cette position du noyau à l'extrémité du poil des conclusions très générales relativement au rôle du noyau dans la croissance. D'après cet auteur, le noyau de la cellule même du poil radical occupe d’abord le milieu de la longueur de cette cellule ; le poil débute par une invagina- tion de Ia membrane qui se produit juste au-dessus du noyau et dans son voisinage immédiat. Le noyau entre dans le cul- de-sac ainsi formé par la membrane et se maintient cons- tamment au fond de ce cul-de-sac, c’est-à-dire dans la région en voie de croissance. Les choses ne sont pas toujours aussi nettes que le dit M. Haberlandt, comme il résulte de mes observations sur l'Equsetum hiemale. Dans cette plante le poil, a déjà atteint une longueur assez notable, que le noyau est encore à la par- _tie basale. L'examen du poil à divers degrés de développement (4) Haberlandt, Function u. Lage des Zellkernes, Iéna, 1887. 118 GEORGES POIRAULT. montre que le noyau reste toujours assez loin du sommet. L’extrémité du poil est occupée par un proltoplasme vacuo- laire, et par des grains d'amidon; en arrière, on trouve une ou deux grandes vacuoles, puis le noyau allongé à contour pâle et pourvu de trois à cinq grosses sphères de substance CHU CINE L'examen du Marsilia et de quelques Fougères m'a fourni des résullats analogues. La membrane des poils radicaux est composée de deux couches, une interne cellulosique se colorant en bleu par le chloroiodure de zinc, une externe présentant le caractère des membranes gélifiées et se colorant en jaune par le précédent réactif. Cette couche paraît correspondre à la cuticule épi- dermique des plantes supérieures, et en fait, comme le re- marque M. Schwarz (1), les racines nées sur les tiges aérien- nes sont recouvertes d'une cuticule très nette, tandis que dans celles développées dans le sol, cette couche est rem- placée par la couche muqueuse (2). M. Schwarz a montré que si on fait passer des racines d'une atmosphère saturée d'humidité dans de l’eau de con- duite, la croissance en longueur s'arrête, mais, la production de la substance constitutive de la membrane continuant, une couche d’épaississement apparaîil dans la région terminale, siège exclusif de l'allongement. M. Zacharias a revu des faits analogues d’abord sur les rhizoïdes de Chara, puis sur les poils radicaux de Lepidium sañivum. Ce qui se produit quand on fait passer la racine de l'air dans l’eau peut se produire également dans l'air humide, dans des conditions que je ne connais pas bien, chez les Ha- rattia cicutæfolia, Angiopteris evecta, Davallia fœniculacea , Asplenium lucidum, ete., el aussi dans l’eau pour des poils qui (41) Fr. Schwarz, Die Wusrzelhaare der Pflanzen (Untersuchungen aus dem Botan. Institut. z. Tübingen, 1883). (2) D'ordinaire la paroi du poil radical est uniformément mince; toutefois dans certaines Viltaria (le V. augustifrons en particulier), la membrane est le siège d’épaississements spiralés s'étendant de la base du poil au sommet de la facon la plus régulière. Ces bandes épaissies, qui ont environ 2 w de largeur, alternent avec des bandes minces de même largeur. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 119 n'ont jamais élé dans l'air humide. Des rameaux de Selagi- nella Martensii portant des racines aériennes avaient été coupés et placés dans l’eau à la température du labora- toire. Très rapidement ces racines développèrent d’abon- dantes ramifications absolument couvertes de poils radicaux. Chacun de ces poils portail à son sommet un épaississement considérable. Me proposant de revenir ultérieurement sur ces faits, dont je cherche à déterminer le détail, je dirai seulement ici que, cette croissance un moment interrompue reprenant, il y a dissolution partielle de ce bourrelet termi- nal dont il ne reste plus que quelques prolongements faisant saillie dans la lumière du poil, ou bien un étranglement marquant la place où l'arrêt de croissance s’est produit. Cet épaississement n'est pas de nature cellulosique; il contient souvent des inclusions d’une substance qui n’est pas proto- plasmique, comme le dit M. Zacharias (1), mais paraît beau- coup plus voisine des mucilages ou du cal des tubes eri- blés (2). (1) Ueber das Wachsthum der Zellhuut bei Wurzelhaaren, Flora, 1891, -p. #78. (2) M. Tomaschek (Ueber die Verdickungsschichten an hkünstlich hervorgeru- fenen Pollenschlaüchen von Colchicum autumnale (Botan. Centralblatt, tome XXXIX, p. 1) a décrit des faits analogues. Malheureusement, cet auteur a fait son étude sans réactifs et bien des choses intéressantes ont dù ainsi lui échapper. M. Kny a décrit (Sézb. d. Bot. Vereins f. Prov. Brandenburg, 1878) des formations coralloïdes à la base des poils radicaux du Stratiotes aloides Je me suis assuré que ces ramifications, qui partent de la membrane, ont une constitution fort différente de celles-ci, aussi bien que de ces prolonge- ments de la membrane décrits depuis longtemps dans les rhizoïdes du Mar- chantia, et qui eux sont bien cellulosiques. Dans un intéressant mémoire (Flora, 1890, p. 314), M. Palla à montré que la membrane de cellulose peut se constituer indépendamment du noyau et par le seul jeu des phénomènes protoplasmiques. Dans ces expériences, qui ont porté notamment sur des _ poils radicaux de Sinapis alba, l’auteur produit Ja fragmentation du contenu _protoplasmique d’un poil en plongeant la racine dans une solution de sucre à 10 p. 100 ; il constate alors que chaque masse de protoplasme s’entoure d’une membrane, même en l’absence de noyau. Cette plasmolyse brusque amène souvent la sortie du plasma par l'extrémité du poil auquel il reste attaché comme un bouchon. J'ai revu ces faits dans des cir- constances un peu différentes. Si on transporte dans la solution normale de Knopp des plants d’'Equisetum hiemale, dout les racines se sont dévelop- _pées dans de l’eau de conduite, on voit, au bout d'un certain nombre d'heures, que les poils radicaux se sont ouverts au sommet, laissant 120... GEORGES POIRAULT. À l'exception de l'Ophioglossum, de l’Azolla et de certaines Hyménophyllacées, les racines de presque toutes ces plantes produisent des racines lalérales. Très régulière et fréquente dans les Marsiha el la plupart des Polypodiacées, cette ra- mification l’est beaucoup moins dans les Osmondacées, sur- tout dans les Botrychium et les Marattiacées où il n’y a plus aucune régularité dans la disposition des radicelles. Celles- ci sont insérées sur la racine-mère en deux ou trois séries linéaires, suivant le nombre des faisceaux (1); elles se déve- loppent de préférence sur le côté tourné vers la tige. Dans le Botrychium Lunaria, où les racines principales se dirigent non pas verticalement mais très obliquement dans le sol, les racines latérales se développent surtout à la face supérieure. Chez cette plante, comme chez les Marattiacées, 1ln'y a plus de relation fixe entre la structure interne, c'est-à-dire le nombre des faisceaux, et le nombre des séries de radi- celles. Le Ceratopteris thalictroides produit régulièrement deux séries opposées de radicelles, mais quelques-unes d'entre elles ne sortent pas au dehors. Après avoir traversé l’écorce in- terne, elles arrivent dans des lacunes creusées dans l'écorce externe et, trouvant là des conditions favorables à leur déve- loppement, descendent directement dans la lacune où elles demeurent incluses, produisant à leur surface des ébauches de poils radicaux. Ces racines intra-corticales ne sont pas rares et souvent la même coupe en montre deux opposées aux extrémités d'un même diamètre. L'étude du développement nous apprend par suite de quelles échapper une partie de leur contenu, comme dans l'expérience de M. Palla, mais ici le phénomène est produit par un liquide ayant un coefficient plasmolytique beaucoup plus faible que l'eau sucrée. Les poils radicaux qui se développent ultérieurement dans cette solution nutritive ne présen- tent plus ce phénomène. (1) M. Van Tieghem (Origine des membres endogènes, p. 380) a signalé la présence de quatre rangées de radicelles dans les racines binaires d'Osmunda et de Todeu. Dans les racines ternaires d’Equisetum, les racines sont sou- vent en six rangées. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 121 circonstances elles entrent si facilement dans les lacunes. La racine du Ceratopteris s'éditie par le cloisonnement ré- gulier d’une cellule tétraédrique, dont le mode de division est celui de la racine des Polypodiacées ; l’assise endodermique est donc distincte à une très faible distance du sommet et les cellules-mères des radicelles commencent de très bonne heure à se diviser. Une coupe axile passant par les deux fais- ceaux ligneux montre deux séries de radicelles à diffé- rents états de développe- ment. Si, comme c'est le cas dans beaucoup de Polvpo- diacées, l'écorce avait ter- miné sa croissance au mo- ment de l'élongation du cône radicellaire, la radi- celle sortirait perpendicu- lairement à l'axe de la ra- cine; mais, celte écorce continuant à croître longitu- dinalement, la radicelle est entraînée par ce mouvement de croissance et prend une | _ direction oblique(fig. 1) qui hd la fait arriver directement : En sd di Fig. 1. — Cératopteris thalictroides dans la lacune, ou des con«ai- Brongt. — Coupe longitudinale de la tions favorables d'humidité raciue montrant le trajet oblique de la radicelle dans l'écorce. — L, lacunes ; {secondées peut-être par un géotropisme plus marqué E, endoderme (Gross. 160). qu'il ne l’est d'ordinaire dans les radicelles) lui permettent de se développer. La ramification latérale des racines est la règle chez les Filicinées, les Marattia et les Angiopteris. Dans les Ophio- glosses, celte ramification est dichotome. Le mode d'insertion des racines sur la lige a été fort bien étudié par M. Lachmann dans un mémoire récent où le 192 GEORGES POIRAULT. lecteur trouvera également quelques développements sur la biologie de la racine des Fongères (1). Les traits généraux de la structure de la racine sont trop connus pour que je les rappelle ici; aussi en viendrai-je tout de suite au résumé des parlicularités offertes par les différentes régions : écorce externe, écorce interne et endoderme, cy- lindre central. ÉCORCE. Les cellules de l'écorce externe ont quelquelois leurs parois incolores, parfois même à reflets d’un blanc brillantetcomme collenchymaloïdes (A splenium zeylanicum, Maratlinées, etc.); mais dans l’immense majorité des cas, ces parois sont co- lorées en jaune, en brun ou en noir et finement réticulées ou ornées d’épaississements spiralés très visibles dans la plu- part des cas. Mais c'est dans certains Viftaria — en particu- lier dans l'écorce externe—qu'ilsoffrent leur développement le plus remarquable. En aucune cellule {sauf dans les vais- seaux)]e n'ai vu ces travées spiralées se présenter avec autant de régularité. L'écorce de la racine des Viftaria montre plus nettement qu'aucune autre la succession régulière, en direc- tion centripète, des éléments à épaississements spéralés très écartés, aux éléments réticulés dont les mailles deviennent de plus en plus étroites, au fur et à mesure qu'on se rap- proche de l’endoderme, lequel estlimité extérieurement par une assise de cellules finement ponctuées. Ces Vittaria montrent encore une parlicularité intéres- sante. — Dans la racine de beaucoup de Fougères, on observe sur les parois des cellules des formations verru- queuses faisant saillie à l’intérieur. Ce sont des prolonge- ments cellulosiques de la membrane, laissant voir dans leur partie axile un fin canalicule qui correspond à une ponclua- 4) P. Lachmann. Contributions a l'histoire naturelle de la racine des Fou- gères (Bull. de la Soc. Bot. de Lyon, 1889). Pour l'insertion des racines sur ‘la tige des Ophioglossées et des Mariattacées, voir les Mémoires de MM. Ros- towzew et Kühn cités plus loin. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 123 üon. Dans les plus grosses de ces productions, ressemblant à des sortes de cornes, souvent mamelonnées à leur base et qui traversent presque complèlement la cavité cellulaire, ce canalicule central peut se ramifier. Parfois, quand ces cornes sont un peu larges, deux ou trois canalicules les tra- versent parallèlement. La racine de l'Asplenium lucidum se prêle bien à l'étude de ces épaississements locaux de la mem- brane, mais c'est dans les Viftaria qu'il faut aller en cher- cher les exemples les plus singuliers. Chez quelques-unes de ces plantes, certaines cellules de l'écorce externe paraissent pres- que entièrement remplies d'une masse brune qui provient de l'épaississement exagéré d’une partie de paroi longitudinale de cellule. Cette masse est de nature cellulosique, mais imprégnée de cette substance brune spéciale A NES qui est probablement une sorte épaississements pariétaux des cellules {de l'écorce externe. — de vasculose beaucoup plus af- coupé transversale: b, vue taquable par les réactifs chimi- longitudinale; ce, coupe transver- : sale après l’action de l'hypochlo ques que celle des vaisseaux, et rite de soude (Gross. 300). dont il sera question plus loin. La matière brune détruite par l'hypochlorite de soude, qui agit très rapidement, ces masses se colorent en bleu par l'acide sulfurique et l’iode, ou par le chloro-iodure de zine, et, se gonflant comme le montre la figure 2, paraissent ral- tachées à la paroi par une partie rétrécie. Elles sont par- courues par de fins canalicules dont je n'ai pu suivre exac- tement le trajet, les matériaux d’herbier qui ont servi à ces recherches étant en assez mauvais état de conservation. Rarement les épaississements généraux de la membrane des cellules de l’écorce externe sont aussi développés que ceux que nous décrirons plus loin dans l’écorce interne (Lorsoma, Cystopteris, elc.); la couche épaissie est située sous l’assise pilifère, ou bien l’épaississement s'étend aux deux ou trois 124 GEORGES POIRAULT. couches sous-jacentes (Polypodium dryopteris, Aspidium oreopteris, etc.). Chez les Ophioglossées, l’assise la plus superficielle de la racine épaissit fortement la paroi externe de ses cellules. Cette sclérose s'étend parfois très avant sur les faces latérales, sous la forme d'un épais bourrelet ; ailleurs on voit se déve- lopper, par places, sur les parois radialesun cadre à section circulaire rappelant par son aspect général le réseau sus- endodermique de la racine des Conifères. Souvent aussi de ces épaississements partent d'épais prolongements verru- queux développés isolément ou par groupes et particulière- ment visibles dans la racine du Botrychium Lunaria et de l’'Ophioglossum pendulum, bien qu'ils se retrouvent dans la plupart des espèces d’Ophioglosses. Cet épaississement de la paroi externe, très net dans l’Ophoglossum lusitanicum, va jusqu’à supprimer presque complètement la cavité cellulaire dans l’Ophioglossum palmatum (1). Ajoutons que dans cette plante la seconde assise présente souvent par places le même caractère. À côté de cel épaississement unilatéral des parois externes de l’assise superficielle de la racine, nous trouvons chez d’autres espèces : O. Bergianum, fibrosum, ellipticum, capense, un épaississement régulier de toute la paroi. Ce mode d'épaississement paraît localisé chez les espèces à racines normales. Les cellules de l’assise pilifère sont très petiles, contrastant par leur taille avec celles de l’assise sous-jacente. Chez les autres espèces, qui toutes ont des racines ano- males, V'assise pilifère est formée de grandes cellules ayant même laille que les cellules corticales. L'Oph. Gomezianum var. latifolium présente une particula- rité unique chez les espèces de ce genre. Chez cette plante, connue seulement par les exemplaires rapportés d'Afrique par le professeur Schweinfürth, l’assise la plus superficielle de la racine montre les parois externes de ses cellules épais- sies et lignifiées, comme l’indique la coloration rouge qu’elles (4) Van Tieghem, Sur quelques points de l’analomie des Cryptogames vascu- laires (Bull. de la Soc. Bot. de France, 1883, p. 171). RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 195 prennent avec l'acide chlorhydrique et le phloroglucine. L'é- paississement n’est pas uniforme, mais réparti suivant des bandes très obliques par rapport à l'axe de la racine, de telle sorte que, sur des coupes transversales, l’assise externe pa- raît toute déchiquetée et qu'on ne peut juger de la structure. que sur des coupes longitudinales. Dans tous les autres Ophio- glosses, j ai pu m'assurer que les épaississements des parois externes des cellules superficielles de laracine prennent avec le chlorure de zinc iodé une teinte bleue très nette: ils sont donc constilués par de la cellulose el non pas par de la cutine comme le pensait M. Van Tieghem (1). Notons, pour terminer ce qui nous reste à dire de l’écorce externe, que ses cellules contiennent quelquefois de petits grains de chlorophylle donnant naissance à de l’amidon : Polypodium (Phlebodium) venosum, Polypodium Fendleri. Les épaississements colorés en rouge brun ou en brun noirâtre, si caractéristiques de la zone interne de l’écorce dans la racine des Fougères, se présentent sous deux aspects (2) : tantôt ils revêtent uniformément la paroi; tantôt ils se déve- loppent davantage sur la face externe que sur la face interne, ou inversement. Ces cellules également épaissies forment. autour du cylindre central un anneau continu {beaucoup de Péeris : Pt. umbrosa, serrulata, aquilina; Woodwardia radicans: tous les Gleichenia, aussi bien ceux de la section _Eugleichenia : Gl. polypodioides, elc., que les Mertensia; la plupart des espèces du genre Monogramme, etc.). La puissance de cet anneau varie avec les espèces. Ailleurs. l’anneau scléreux, diminuant brusquement d'épaisseur en face des groupes de protoxylème, où il se réduit parfois à une seule cellule remarquable par la largeur de ses ponc- _ tualions, se transforme en deux demi-croissants enserrant (4} Loc:.cit. p. 173. (2) Schwendener. Schutzscheide und ihre Verstärkungen (Abhandi. d. k, Akad, d. Wiss. in Berlin, 1882). 126 GEORGES POIRAULT. le cylindre central dans leur concavité : semblable disposi- tion se montre dans le PA/ebodium venosum, les Polypodium irioides, P. decurrens, P. phymatodes, elc. Dans le Polypo- dium phymatodes, les cellules internes sont uniformément épaissies et colorées en jaune, tandis que la couche externe est d’un rouge brun et ne porte d'épaississement que sur la face touchant à l’endoderme. Les parties de sclérenchyme situées au dos des faisceaux ligneux prennent par l’action de la potasse une teinte rouge brun, landis que ce réaclif communique aux parties situées en regard des faisceaux libériens une teinte beaucoup plus sombre. | Le sclérenchyme formé de cellules inégalement épaissies se montre dans la très grande majorité des racines d’Asple- nium ; c'est Loujours sur la face externe que les membranes de ces éléments présentent leur maximum d'épaisseur. On observe les mêmes variations que dans le cas précédent, c'est-à-dire qu'ily à, autour du cylindre central, soitun anneau continu de scléréides (Ceterach officinarum), soit un double croissant (Asplenium myriophyllum, diversifolium, etce.). Ces deux modes d’épaississement se trouvent parfois asso- ciés. Dans le Platycerium alcicorne, le cylindre central de la racine est enserré dans un double croissant de cellules éga- lement épaissies, à la périphérie duquel on observe d’autres cellules portant seulement sur leurs faces internes des épais- sissements en fer-à-cheval ; dans l'Onychium japonicum, on rencontre la disposilion inverse; ici c’est l’assise sus-endo- dermique qui a ses parois internes plus fortement épaissies que ses parois externes. Les cellules crislalligènes à silice, si fréquentes dans les Trichomanes, paraissent manquer à la racine de ces plantes. Il nous faut maintenant dire un mot des réactions chimi- ques des membranes. Dans les Marattinées (Maratlia, Angio- pteris, Oplaoglossum), la paroï est cellulosique, mais formée d’une cellulose spéciale très peu condensée, qui après Paction de la potasse étendue prend avec l’iode une coloration RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 127 bleu pâle. Traitées par l'acide sulfurique, ces parois se dissolvent rapidement, ce qui n'est pas le cas dans les Fougères. Chez celles-ci, la membrane cellulaire est impré- ognée d’une substance spéciale, encore {rès mal définie au point de vue chimique (1), qui change complètement les pro- priélés de la cellulose. Si l’on traite par l'acide sulfurique une coupe de racine d’Asplemum lucidum, par exemple, on voit que l'écorce, tout entière colorée en brun, résiste à l’action du réactif. Si on traite de même une coupe de racine de Cystopteris bulhifera, toutes les membranesse dissolvent, à l'exception des cellules superficielles de l'écorce, l’assise pilifère et les deux couches sous-jacentes, qui seules sont colorées. On voit par ces deux exemples, représentant deux cas extrêmes, que la résistance des membranes est intime- ment liée à leur coloration. Il ne s’agit ici ni d'une cutinisa- tion, ni d’une lignificalion des membranes; car, après avoir décoloré les coupes par un séjour d’une dizaine de mi- nutes dans l’eau de Javel, on voit que toutes les parois cellu- laires se colorent en bleu par le chloro-iodure de zinc (1). (4) Walter. Die dickwandigen Braunenzellen der Farne (Bibliotheca Bota- nica, 1890). (2) D’après M. Terletzki, les cellules de l’écorce de la racine du Stru- thiopteris germanica et du Pteris aquilina seraient lignifiées. Je me suis assuré de l’inexactitude du fait. Sous le nom de ligneux, on désigne un ensemble très complexe dont la composition n’estpas identique chez les Angiospermes et les Gymnospermes, peut-être même chez les Archégoniées vasculaires. C’est un mélange, avecla cellulose fondamentale, de vasculose et de lignine (G. Bertrand), associées à des gommes qui paraissent jusqu'ici caractériser chacun des grands groupes de Phanérogames. Chez les Angiospermes, cette gomme est la xylane qui, par hydratation, donne du xylose. Chez les Gymnospermes, la xylane est remplacée par un mélange de deux gommes : la mannane, donnant par hydrolyse du mannose, et la galactane, donnant du galactose. En épuisant le ligneux par l’eau tiède, l'alcool bouillant et la lessive de soude, on peut enlever les sommes (xylane, etc.) et la lignine, lesquelles peuvent être précipitées de la dissolution par des procédés sur _ lesquels je ne m'étendrai pas, et que le lecteur trouvera indiqués dans la note de M. G. Bertrand (Recherches sur la composition immédiate des tissus végétaux, Comptes rendus de l’Ac. des sciences, 20 juin 1892; Bull. Soc. Chim., Paris, ILE, T. 7,468). La réaction de la cellulose (coloration en bleu parle chlo- ro-iodure de zinc) est trop connue pour que je m'y arrête. La vasculose est insoluble dans la lessive de potasse chaude, dans l'acide sulfurique concentré etle réactif de Schweizer, elle fixe les matières colorantes d'aniline (fuchsine, 128 GEORGES POIRAULX. L’assise la plus interne de l'écorce de la racine, ou endo- derme, présente des caractères très particuliers quiont atliré depuis longtemps l'attention des anatomistes (1). Les parois vert malachite, etc.), même en solution au elle prend, avec la phlo- nr 4 000 000” roglucine et l’acide chlorhydrique, une coloration rouge ; avec l’orcine chlo- rhydrique, une coloration violette. — À côté de la vasculose, et jouissant comme elle de la propriété de se teindre en rouge par la phloroglucineetl’acide chlorhydrique, on rencontre dans les membranes végétales la subérine, qui paraît être un mélange de vasculose et de cutose (Frémy).Au pointde vue chi- mique, la cutose semble se rapprocher des matières résineuses, car elle don- nerait par dédoublement, sous l'influence des alcalis,un acide solide,acide stéa- rocutique, et un acide liquide, l’acide oléocutique (?).Mais enfin, au point de vue microchimique, le seul à considérer ici, la cutose peut être facilement distin- guée de la vasculose ; en effet, tandis que la cutose est rapidement dissoute parles alcalis bouillants, la vaseculose n'est presque pas attaquée; la vasculose se colore en rouge par l’acitde chlorhydrique et la phloroglucine; la cutose ne se colore pas par ce réactif, non plus qu'avec la solution chlorhydrique d’orcine. Ceci posé, il est facile de résoudre les différentes questions rela- tives à la détermination microchimique des membranes cellulaires. Si la membrane en question est cutinisée, elle ne se colorera pas avec la phloro- glucine ou l’orcine en présence de HC]; après ébullition avec la potasse fopération qui peut se faire sur le porte-objet recouvert d’une lamelle), la membrane laissera échapper des globules réfringents d'apparence grais- seuse, à moins qu'il y ait trop peu de cutine. Si la membrane se colore par la phloroglucine et l'acide chlorhydrique, elle peut être soit subéri- fiée, soit vasculosée; dans le premier cas, l'ébullition avec la potasse montrera ces globules graisseux que nous venons de signaler, et après lavage à l’eau la vasculose non attaquée se colorera par l'acide chlor- hydrique et la phloroglucine comme précédemment. Si la membrane est seulement vasculosée, l’'ébullition avec la potasse ne donnera pas de glo- bules graisseux ; avant comme après l'opération, la membrane se colorera par l’acide chlorhydrique et la phloroglucine. Il semble que les cellules brunes des Fougères soient constituées par une sorte de vasculose beau- coup plus attaquable que celle des Phanérogames, et ne se colorant pas par la phloroglucine ou l'orcine en présence des acides ci-dessus men- tionnés. Seulement — et c'est un point sur lequel j'insiste, car là est la diffé- rence entre mes observations et celles de M. Walter, qui a consacré un mémoire spécial à la question — une vasculose se colorant par la phloroglu- cine et l'acide chlorhydrique peut très bien être superposée à la substance brune qui, lorsqu'elle est seule, ne se teint pas dans ces conditions. Cette associa- tion des deux substances est rare, mais enfin on peut la rencontrer, en particulier dans l'écorce externe de la tige de divers Polypodes épiphytes. À part cela, on peut dire que, dans la très grande majorité des cas, « c’est la substance brune imprégnant les membranes des Fougères qui leur commu- nique leur dureté et leur résistance vis-à-vis des agents chimiques (M. Walter). (1) Rimbach, Beitrag zur Kenniniss der Schutzscheide (Inaug. Dissert., Lena), (Weimar, 1887); on y trouve l'indication des travaux antérieurs. — RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 129 radiales des cellules qui la composent portent des cadres plus ou moins larges, cadres qui se retrouvent également sur les parois inférieures et supérieures. Ces cadres (Casparysche Streifen), qui font done complète- ment le tour de la cellule, ont juste l'épaisseur de la mem- brane, mais examinés en coupe transversale et à un grossis- sement insuffisant, ils simulent un épaississement situé au mi- lieu de la paroi radiale, ou quelquelois plus près de la paroi externe, apparence qui tient à la raison suivante. Lorsque, la racine ayant fini sa croissance, la tension cel- lulaire diminue, les membranes cellulosiques reviennent sur elles-mêmes comme Île ferait une bande de caoutchouc; mais dans l’assise endodermique le cadre, obligé de suivre la membrane dans son raccourcissement, doit nécessaire- ment se plisser pour atteindre ce résultat. C’est done à la diminution de la tension cellulaire qu'est dû le plissement de l’endoderme, qui est un phénomène physiologique et non un accident de préparation. Telle est l'explication donnée par M. Schwendener. Celle proposée par M. Van Wisselingh est notablement différente. Toute cutinisation étant, d’après M. Slrasburger, accompagnée d'une notable augmentation de volume de la membrane qui se cutinise, le cadre en- dodermique subissant cette transformation doit augmenter sa longueur ; or, cette longueur étant limitée par la longueur même de la membrane cellulosique avec laquelle il fait corps, il devra donc se plisser. M. Rimbach, qui a étudié la question, tient pour l'opinion de M. Schwendener contre celle de M. Van Wisselingh, et ad- met que lorsqu'il ya plissement du cadre, ces plissements ne sont pas un accident de préparation, mais existent dans la _ racine vivante. Il montre que le plissement est essentielle- ‘G. v. Wisselingh, De Kernscheede by de Wortels der Phanerogamen. Overge- drukt uit de Verslagen en Mededeelingen der Konnklijke Akademie van Wetens- chappen, Afdeeling Natuurkunde (3° Reeks, Deel I, p. 17), — Ph. Van Tieghem, Un nouvel exemple de tissu plissé (Journal de Botanique, 1891), — Rimbach, Ueber die Ursache d. Zellhautwellung in der Endodermis der Wurzeln (Berichte d. deutsch. Bot. Ges. Tome XI, p. 94). ANN. SC. NAT. BOT. XVIII, 9 130 GEORGES POIRAULT. ment lié à la contraction de la racine, et que, lorsque la racine ne se contracte pas, l’endoderme n'est pas plissé. D'autre part M. Van Tieghem tend à ne pas admettre la préexislence des plissements et voici pourquoi. Il a montré que ces cellules à cadre lignifié ne sont pas limitées exclusivement à l’assise la plus interne de lécorce mais que (en dehors de l’endoderme qu’elles caractérisent toujours, dans la racine du moins), elles peuvent apparaître à différentes profondeurs dans l'écorce et jusque dans l’as- sise pilifère. Quand elles occupent cette situation, et c’est le cas dans la racine de plusieurs Conifères et Cycadacées, leur étude sur le vivant devient possible. Or, sur la racine intacte, M. Van Tieghem a vu le cadre non plissé et ilen con- clut « qu'il doit en être de même dans l’endoderme, bien que la situation profonde de cette assise ne permelte pas de s’en assurer directement» (/. c., p. 169). . Mais ce n’est là qu’une inférence; et, puisque d’après M. Schwendener le plissement est dû à une diminution de tension, si cette diminution ne se produit pas, le cadre conservera sa forme plane. On ne peut donc pas conclure de l'aspect d’une assise à cadres dans une région délerminée à celui qu’elle aura dans une autre. De plus, si on examine la racine dans une région où la contraclion ne s’est pas encore produite, on ne trouvera pas de plissements alors qu'il suffirait de l’examiner un peu plus haut, dans la région déjà ONU pour trouver des plis- sements {rès nels. Cette assise peul être plissée dans un cas, parfaitement rec- tiligne dans l’autre. Bien mieux, dans la même couche, dans l’endoderme, les cadres peuvent être plissés ou dépourvus de plissements. M. Van Wisselingh avait déjà noté que, chez certaines Phanérogames, les plissements endodermiques font défaut, et j'ai observé chez les Cryptogames vasculaires des faits identiques. Les cadres de l’endoderme dela racine des Ophioglosses ou des Angiopteris sont absolument plans. Ceux des £quisetum sont plissés. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 131 Lorsqu'un cadre revient sur lui-même, il doit certainement y avoir un moment où, lalimile d’élasticité étant dépassée, les plissements font place à des fentes. Ceci arrive plus tôt ou plus tard, suivant le degré de flexibilité de la substance qui les constitue, et toutes ces baguettes — subérifiées ou lignifiées? lequel des deux, c’est bien difficile à dire — qui font corps avec la membrane dans les cellules de l’endoderme, ne sont pas également élastiques. Les unes se plisseront facilement; chez les autres, plus rigides, il se formera des fentes. C’est ce que j'ai observé dans la racine des Ophioglosses, dans la üge des Botrychium, dans la feuille du Fadyenia prolifera, ete.; car l’endoderme se présente partout avec les mêmes caractè- res et les détails que je donne ici, à propos de la racine, me dispenseront de plus amples développements quand je parlerai de la tige et de la feuille. Voici donc ce que j'ai vu dans la ra- cine de l'Ophoglossum vulgatum. Si on examine une coupe transversale de racine d'Op/o- glossum vuljatum très âgée où la couleur jaune primi- live à fait place à une teinte brunâtre, on voit très fré- quemmenli les cadres ligni- fiés des parois longitudi- nales des cellules endo- dermiques recouverts d’un dépôt particulier quiprend, avec le bleu d’aniline, la teinte caractéristique des dépôts calleux (Callose de Fig. 3. — Ophioglossum vulgatum, racine. M. Mangin) (1). L'ensemble ui RC GR Are en o" de ce dépôt affecte la forme d’une lentille biconvexe où le plan de séparation des deux parties symétriques représenterait le cadre lignifié (fig. 3). Les réactifs montrent que la composition de ce cadre n’est (1) Voir au chapitre in le paragraphe relatif aux tubes criblés. 132 GEORGES POIRAULT. pas modifiée : ces bandes lignifiées prennent avec le vert malachite, après dissolution de la substance calleuse par l’hypochlorite, une coloration très nette. Il est même pos- | Fig. 4. — Ophioglossum vulgalum, racine. — Paroi radiale de cellu- le endodermique vue à plat, montrant les fractures des cadres et le début des dépôts calleux (Gross. 425). sible en laissant subsister le dépôt cal- leux de faire apparaître, par une double coloration, la différence de composition de la membrane et de son revêlement. Les coupes longitudinales montrent sur les cadres ces traînées de substance calleuse ; mais l'étude à un grossissement suffisant fail voir que ce dépôt n'esi pas uniformément réparti. Le cadre pa- raît rayé transversalement de bandes calleuses assez irrégulières, qui, par leur confluence, donnent au premier abord l'illusion d’un dépôt homogène recou- vrant la partie lignifiée, et ne s'étendant pas à la parlie cellulosique de la mem- brane. Pour arriver àserendrecomple du mode de formation de ce dépôt, il est néces- saire d'examiner des racines plus jeunes. Çà et là dans une semblable racine, sur- touten face des points où le parenchyme cortical a été plus ou moins entamé (et cette blessure se traduit extérieurement par une petite cicatrice brune), on voit la baguette du cadre endodermique fen- due ou seulement entamée sur le bord. Les lèvres de cette fente deviennent le siège d’un dépôt calleux qui s'étend peu à peu de part et d'autre de la fracture. Si la fente embrasse toute la largeur du cadre, son ensemble présente vue de face une vague ressemblance avec un stomate dont la fente serait l'ouverture et le dépôt calleux les cellules de fermeture (fig. 4). On voit ainsi souvent sur une même cellule endodermique RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 133 un certain nombre de ces formations à différents élats de dé- veloppement. Ces productions prenant naissance à une fai- ble distance les unes des autres, les cals tendent à confluer el le cadre paraît couvert du dépôt continu que nous avons décrit plus haut. Bien souvent, dans les racines assez jeunes, on ne trouve ces fractures endodermiques qu'à des interval- les assez éloignés et encore ne se montrent-elles souvent que sur quelques parois radiales. Mais, dans les racines très âgées et qui ont commencé à s’altérer, on peut les trouver facile- ment, et en coupe transversale l’endoderme de la racine rap- pelle alors comme aspect l’endoderme de certaines Conifères où le cadre lignifié est entouré d'un dépôl de cellulose. Dans l’Ophioglosse, ces dépôts calleux se rencontrent aussi sur les faces supérieures et inférieures des cellules. En somme, il y a là deux faits bien distincts, la rupture de l’'endoderme et le dépôt sur le bord des fentes d'une subs- tance spéciale ayant les réactions du cal des tubes criblés, sans que Je prétende, bien entendu, identifier ces deux produits. Dansles £quisetum, je n’ai rien observé de semblable, pro- bablement parce que je ne me suis pas placé dans de bonnes conditions; mais la question demande de nouvelles re- cherches. En résumé, il y a deux sortes d’endodermes, ceux quise plis- sent,ceux quine se plissent pas. Parmices derniers, ilenestpeut- être qui pourraientse plisser sans rupture dans des conditions déterminées ; en tous cas, certains autres paraissentassez peu élastiques, et se fracturent quand la cellule a, pour une cause ou pour une autre, perdu de sa turgescence. Il reste à savoir si, dans les endodermes élastiques plissés, le plissement ne peut être accompagné de ruptures du cadre, et si, comme il arrive pour les endodermesà cadres rigides, les lèvres des frac- tures sont le siège d’un dépôt particulier présentant avec le cal des tubes criblés cerlaines analogies de coloration (1). (1) Je reviendrai d’ailleurs très prochainement sur ces questions. La pré- sence de ces cadres, plissés ou non, paraît être un fait absolument général ASPERT GEORGES POLRAULT. Chez les Fougères, les Hydroptérides, les Équisétacées, les cellules endodermiques sont aplaties tangentiellement; chez les Ophioglosses, elles le sont beaucoup moins et chez les Maraitiacées (1) elles sont fort larges. Dans tous les cas, la cellule contient un noyau, un proto- plasma finement granuleux et de très nombreux globu- les d’une substance grasse qui prend avec la teinture d'al- kanna une coloralion rouge caractéristique. Dans certains cas, cette coloration se montre si intense qu'on n’a pas be-. soin de rechercher où sont les cadres pour déterminer l’en- doderme. Seuls parmi les Filicinées, les Trichomanes ont un endoderme amylifère (2). Formations secondaires. Cicatrisation des blessures. — M. Van Tieghem (3) a signalé depuis longemps les produc- tions péridermiques de la racine des Marattiacées. Plus ré- cemment (4), il a montré que dans les grosses racines d’An- gtopteris il se fait, outre le liège, une couche assez épaisse de phelloderme. Nous ajouterons seulement que ce liège n’est. pas lignifié, mais imprégné d'une substance analogue à celle qui brunit les membranes des Fougères et leur donne la résistance que nous avons déjà signalée. Les racines d'Ophioglossum ne forment pas de liège ; mais si l’on vient à détacher une lanière d’écorce, on voit la série la dans Ja racine. Nous verrons plus loin, à propos de la tige, qu’il n’en est pas toujours ainsi et que, distincts à la base, ils peuvent disparaitre plus haut (Ophioglossées, Marattiacées). (1) D'après M. Kühn ({ c., p. #71 et 480), l'endoderme de la racine du Kaulfussia et du Marattia fraxinea aurait ses cellules faiblement épaissies sur leurs faces externes, subérifiées et lignifiées sur leurs faces radiales, subérifiées seulement sur leurs faces internes. Je n'ai pas étudié ces deux plantes, mais dans l’Angiopteris evecta, on n’observe rien de semblable, et les faces externes et internes sont cellulosiques et nullement cutinisées. Quant aux faces radiales, elles sont munies de très larges cadres lignifiés, mais à un degré beaucoup moindre que les places correspondantes de l’en- doderme des Fougères (réaction de la phloroglucine et de l'acide chlor- hydrique). (2) Lachmann. Structure de la racine des Hyménophyllacées (Bull. de la Soc. Bot. de Lyon, 1886). (3) Mémoire sur la racine, p. 50. (4) Bull. Soc. Bot.,de France, 1883, p. 171. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 139 plus externe des cellules restées intactes épaissir fortement ses membranes du côté de la blessure, prendre en un mot tous les caractères particuliers à l’assise la plus superficielle de la ra- eine (assise pilifère). C'est par un mécanisme analogue que la racine des Fou- gères se répare quand elle a été endommagée. Les cellules limitant la blessure épaississent très fortement leur paroi ex- terne, qui s'imprègne en même temps de la substance brune connue. Mais comme cette formation est surtout développée dans la tige, c'est à ce propos que nous en parlerons plus longuement. STÈLE (CYLINDRE CENTRAL) (1) Péricycle. — Toujours formé d'éléments parenchyma- teux, le plus souvent monosériés ou bisériés, quelquefois (Balantium antarcticum) constitué par de larges cellules qui, tout en étant peu nombreuses, arrivent à donner à cette région de la racine une épaisseur assez grande, le péricycle offre trop peu d'intérêt pour que nous nous y arrê- tions. Signalons seulement sa disparition totale ou partielle dans les racines du Botrychium Lunaria. Dans tous les Ophioglosses, aussi bien ceux à racines normales que ceux construits sur le tvpe de l'O. vulgatum, le péricycle existe au dos des faisceaux ligneux, mais manque régulièrement en dehors des faisceaux libériens; on voit alors les tubes criblés toucher directement l’endoderme. La très grande majorité des racines de Polypodiacées présente ordinairement la structure binaire qui est aussi celle des Ophioglosses à racines normales et du Botrychium Lunaria, lequel possède également des racines lernaires. Celles-ci se montrent dans les Todea, chez les Osmondacées, l'Ophioglossum decipiens G. Poir. (et chez cette plante seu- lement parmi les Æuophioglossum), les Ophioglossum pen- (4) P. Lachmann, Structure et croissance de la racine des Fougères, 1. c. 1306 GEORGES POIRAULT. dulum et palmatum, Y' Helminthostachys zeylanica, les Gleï- chéniacées, les Hyménophyllacées, peuvent posséder dans leurs racines un nombre de faisceaux bien supérieur à 3; mais c'est dans les Marattiacées que ce nombre s’élève le plus, puisque dans les grosses racines d’'Angiopteris on peut compier jusqu'à 15 faisceaux libériens en alternance régu- lière avec autant de faisceaux ligneux. Liber (1). — M. Van Tieghem constate que, dans la racine du Lastræa thelipteris, le liber est formé de cellules très étroites el fort longues, à section polygonale irrégulière, à cloisons transverses horizontales, à contenu granuleux, gri- sâtre el azolé, à paroi lisse, blanche et brillante, s’épaissis- sant par les progrès de l’âge. Il n’a pas réussi à y voir de ponctualions grillagées. — M. Russow signale seulement ce fait que, dans laracine du Marsilia, les tubes criblés arrivent jusqu'au contact des vaisseaux, mais il ne nous dit rien de la structure de ces éléments, s'ils diffèrent ou non de ceux de la ige. — M. de Bary, après avoir rappelé les traits généraux de la structure de la racine des Fougères, déclare qu'en ce qui concerne le liber, la question demande de nouvelles re- cherches. — M. Terletzki décrit comme il suit le liber de la racine du S#ruthiopteris germanica : « De chaque côté du bois, on trouve un arc de cellules conductrices simples (einfache Leitzellen), qui ont à peu près le diamètre des cellules de parenchyme qui les entourent. Sur des coupes transversales, elles se distinguent des cellules de parenchyme conducteur situées en dedans, en ce qu’elles paraissent vides et ne con- tiennent que quelques granulations accolées contre les parois et jaunissant par l’iode, tandis que les cellules de parenchyme sont remplies d’amidon, prenant avec l’iode une coloration bleue. Les cellules conductrices simples sont (2) Pour la bibliographie du liber de la racine, voir surtout: Van Tieghem, Mémoire sur la racine, p. 61 et 72. — De Bary, Vergleichende Anatomie, p. 378. — Terletzki, in Pringsheim Jahrb. f. Wiss. Bot., t. XV, p. 472. — Holle, Die Vegetatlionsorgane d. Marattiaceen, Bot. Zeit., 1876, p. 215. — Kühn, Flora, 1889, p. 471 et 480. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 137 très allongées, à parois minces et non lignifiées. Elles se terminent en pointe et sont dépourvues de cloisons transver- sales. Leurs parois longitudinales sont lisses ef on n’y voit pas de plaques criblées. Leur contenu consiste en une couche mince de protoplasme pariétal, comme on en trouve dans les cellules criblées (Siebzellen) du rhizome. Dans ce proto- plasme pariétal granuleux se colorant en jaune par l’iode, on trouve un certain nombre de petits corps très réfringents adhérant fortement à la paroi. Ces corpuscules présentent les mêmes réactions que ceux que l’on trouve à l’intérieur des cellules criblées du rhizome; ils se colorent en jaune par l'iode, en brun par le chlorure de zinc 1odé, et se gon- flent sans se dissoudre dans la polasse. Je n'ai pas trouvé de pores dans la paroi des cellules conductrices simples, ni observé de communication entre leur contenu et celui des cellules voisines ; cependant il me parait peu probable qu'elles soient absolument closes. Peut-être les filaments proltoplasmiques qui traversent de l'une à Pautre sont-ils tellement ténus qu'ils échappent à l'observation. Ces cellules ne contiennent pas d’amidon. » La partie libérienne de la racine du Péeris aquilina présente, d'après M. Terletzkt, une structure analogue. Les auteurs qui ont étudié les Marattiacées, M. Holle, et plus récemment M. Kühn, ne donnent pas de détails sur l'arrangement des éléments libériens et la structure des tubes criblés dans la racine de ces plantes, et c’est encore dans le Mémoire de M. Van Tieghem que l’on trouve le plus de détails sur la structure du liber de la racine de lAngio- pteris evecta et du Maratlia lœvis. Dans la première de ces espèces « le faisceau libérien commence par un groupe de cellules étroites à parois épaisses et brillantes, à contenu sombre, et se termine en dedans par deux ou trois larges cellules munies sur les faces en contact de grandes taches ovales grises et pointillées ». Les faisceaux libériens de la racine du Marattia lævis sont exclusivement formés de cel- lules étroites sans larges cellules grillagées internes. 138 GEORGES POIRAULT, Mes observations sur le liber de la racine peuvent être résumées comme 1l suit : 1° Les faisceaux libériens sont formés de deux sortes d'éléments : des cellules libériennes el des tubes criblés. 2° Les cellules libériennes sont allongées, pourvues d’un gros novau el d'un protoplasme abondant. 3° Les tubes criblés peuvént se rapporter à deux types : le premier caractérisé par des cloisons transverses perpen- diculaires aux faces principales el ne portant qu'un seul crible ({ype Courge, Lecomte) (1); le second reconnaissable à ses cloisons transverses très obliques portant d'autant plus de cribles que leur obliquité est plus grande (type Vigne, Lecomte). On trouve, en outre, sur les faces longitudinales des ponctuations isolées ou réunies en très petits groupes, consti- tuant rarement des cribles aussi développés que ceux des faces transverses. Le contenu de ces tubes est un liquide hyalin tenant en suspension de nombreuses sphérules réfrin- gentes , rassemblés surlout au niveau des cribles et des ponc- tuations isolées (fig. 5). Il n’y a pas de noyau. La mem- brane est cellulosique; dans certains cas (Cibotium Schiedei), elle prend directement par l’iode une teinte bleu savon. Les pores, dont l’ensemble constitue un crible et dont les” parois sont assez abruptes (Ophioglosse) ou doucement ineli- nées (Fougères), sont, de très bonne heure, le siège du dépôt d’une substance qui, autant du moins qu’on en peut juger par des réactions colorées où microchimiques, paraît iden- tique à celle signalée par M. Hanstein sur les cribles des Phanérogames, où elle constitue les cals. Cette substance (Callose de M. Mangin) est de composition chimique inconnue. On la lrouve bouchant les pores des cribles dans les tubes de la racine des Equisétacées, des Marsiliacées et des Fou- gères, mais elle manque aux Ophioglossées (Ophioglossum, Dotrychium) el aux Maratliacées. Les pores se correspon- dant de part et d'autre de la paroi cellulaire, les bouchons (1) H. Lecomte, Liber des Angiospermes (Ann. des sc. nat., Botani- que, 1889, t. X.) RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 139 calleux se trouvent dans le prolongement l’un de l’autre, mais je n'ai pu voir s'ils étaient en continuité de substance ou bien s'ils étaient séparés par une membrane. Ainsi, dans ces tubes, il y a deux choses bien distinctes que M. Ter- letzki a confondues sous la même dé- nomination de « corps très réfringents l adhérant fortement à la paroi »; ce Il sont, d'une part, ces sphérules qui exis- tent dans tout le tube, mais sont sur- tout abondantes au niveau des cribles qu'elles viennent couvrir, rendant souvent difficile l'étude de la structure des pores ; d’autre part, les fouchons cal- leux qui font corps avec la membrane et peut-être la traversent entièrement. I] y à bien des manières de distinguer | À ces deux productions; parmi les meil- . ue x , É ï Fig. 5. — Angiopteris leures, on peut citer l'emploi de l’azo- evecta. — Tube criblé de : : 5 ë la racine, les masses moletH)-1Ce/réactifrquicommunique oires représentent les aux bouchons une teinte rose vif, laisse sd ne les sphérules absolument incolores. Au sujet des tubes criblés, Ia question la plus délicate à ré- soudre est celle de leur perforation. Pour les Fougères, cette question sera examinée plus Join à propos des tubes criblés dela feuille, beaucoup plus gros et par conséquent d’une étude beaucoup plus facile que ceux de Ja racine. Quant à ceux des Marattiacées et des Ophioglossées, je les aiétudiés avec soin et leur perforation ne me paraît pas douteuse. Si l’on se contente d'examiner des matériaux frais ou durcis dans l'alcool, il est impossible de décider si, oui ou non, les articles communi- quent les uns avec les autres, ou plutôt il semble bien cer- tain que les pores sont imperforés. Mais si l’on applique à ces recherches les méthodes en usage pour déceler les commu- _nications protoplasmiques intercellulaires dont il sera ques- (4) L. Mangin, Sur les réactifs colorants des substances fondumentales de la membrane. Comptes rendus, juillet 1890. 140 GEORGES POIRAULT. tion plus loin à propos de la feuille, on voit dans le fond des pores de fins canalicules élablissant la communication entre deux tubes criblés et aussi entre Jes tubes criblés et les cellules libériennes. Nous donnons ici (fig. 6) deux figures relatives aux tubes de la racine de l'Ophioglossum vulgatum. La première (a) représente un de ces tubes après l'ac- tion de la solution d’azoviolet qui ne laisse voir dans la membrane aucune trace de perforation ; la seconde () et (c) représente un autre tube après gonflement des membranes par lacide sulfurique et | | coloration par le violet de méthyle. L’épaisseur de la membrane qui fait le fond des ponctualions s’est no- tablement accrue, et on la voit traversée par desstries assez grosses ; les pores qui existent sur les faces lon- gitudinales présentent le même aspecl, comme le Fee Onhiolaun eutgutun. Tube montre Je fragment (e) de de l'acide sulfurique ; 6, un autre tube paroi figuré Ci-contre. après gonflement et coloration; c, por- tion de paroi longitudinale du même Ces deux sortes de tubes ne criblé montrant les cribles ouverts criblés, que nous avons dé- (Gross. 560). RL | signés par abréviation sous les noms de tubes du type Courge et tubes du type Vigne, sont très inégalement répandus dans la racine des plantes qui nous occupent. Le second type est de beaucoup le plus largement représenté; le premier se rencontre surtout dans les racines des Marsilia et des Equisetum. Dans la majorité des cas, on n'observe pas de grandes différences dans le diamètre des tubes criblés d'un même faisceau, suivant qu'ils occupent la partie centrale d’un arc libérien ou au contraire les extrémités. Aussi les excep- tions offertes par les racines du Balantium antarcticumet celles de beaucoup de Pferis, etc., méritent-elles d’être mention- RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 141 nées ; chez ces plantes, des tubes relativement très larges se trouvent aux deux extrémités de l'arc hibérien, dont la partie centrale est occupée par des éléments à section plus étroite, et dans lesquels il est souvent difficile (surtout pour la pre- mière de ces espèces) de découvrir les eribles, et de discer- uer les tubes criblés des cellules de parenchyme. Quant à l’arrangement à l’intérieur d’un faisceau des deux éléments conslitutifs du liber, 1! est impossible de formuler une règle générale sur les rapports de position. Tout ce qu’on peut dire, c’est quele bord externe du faisceau libérien qui touche le péricycle est toujours occupé par des tubes criblés. Bois (1). — M. Van Tieghem a décrit le type de structure du boisle plus répandu dans la racine des Fougères ; c’est celui dans lequel les vaisseaux sont disposés en une bande diamétrale dont les deux extrémités correspondent aux groupes de protoryième, et dont la partie moyenne constitue le deutorylème. à De nombreux Polypodium, Pteris, Adiantum, Acrosti- chum, ete., présentent cette structure dans leurs racines. Mais 1l convient de mentionner une autre disposilion qui, au fond, est celle décrile par M. Van Tieghem, avec quelque chose de plus; elle est réalisée dans les racines des Gonio- pteris meniscioides, du Davallia solida, de l'Asplemium celtidi- folum et de beaucoup d'autres espèces appartenant à ce dernier genre, principalement celles des sections Lastræa et Diplazium. Chez ces plantes, on voitse développer surles flancs de la large bande diamétrale provenant de la fusion des deux faisceaux ligneux d’une racine binaire, des groupes plus ou moins importants de vaisseaux (métarylème), mais ces éléments qui se montrent plus ou moins près de la bande vasculaire diamétrale ne sont jamais accompagnés de ces _pelits vaisseaux spiralés qui caractérisent le protoxylème. En somme, au point de vue de la structure du bois, on peut distinguer, dans la racine, deux types suivant qu'il (4) Van Tieghem, Mémoire sur la racine, p. 61 et suiv. — De Bary, Ver- gleichende Anatomie, p. 378. 142 GEORGES POIRAULT. n'y a pas de mélaxylème ou que ces éléments sont déve- loppés. Le métaxvlème paraît manquer toujours aux racines de Marattiacées et d'Ophioglossées. Laissant de côté, pour l'instant, les questions relatives à la structure des vaisseaux et à leur contenu, question sur lesquelles nous comptons prochainement revenir à propos du développement, nous ne nous arrêterons qu'aux points suivants : 1° La lignification des vaisseaux qui occupent le voisinage de l’axe est souvent incomplète et toujours tardive; il faut parfois faire des sections à une assez grande distance du sommet en voie de croissance pour trouver, dans une ra- cine, la bande ligneuse diamétrale entièrement développée. 2° Dans des Ophioglossum (Euophoglossum) à racimes nor- males (O. ellipticum, decipiens, Bergianum, etc.\, la réu- nion vers le centre des deux faisceaux ligneux ne s'opère que {rès tard, ou même les deux faisceaux restent toujours séparés. Par contre, dans les £'uophioglossum à racines anomales, le croissant ligneux rejeté sur l’un des côtés du cylindre central (et qui correspond à la bande diamétrale des autres racines binaires complètes) est conslilué de très bonne heure. À cet égard, l’'Ophioglossum palmatum se com- porte comme les Æuophioglossum à racines anomales, el dans cette plante on trouve assez près du sommet le centre de la racine occupé par des vaisseaux. 3° Dans les stèles de la feuille et de la tige, on observe le plus souvent à la pointe interne du bois une lacune plus ou moins développée et provenant du décollement des pre- miers vaisseaux formés. Dans le bois de la racine, il n’en est généralement pas ainsi, et les vaisseaux restent élroitement unis entre eux. Cependant la racine des Maratliacées fait ex- ception à cet égard, et dans l’Angiopteris Durvilleana, par exemple, on peut observer cette dissociation des vaisseaux confinant au péricycle, d’où résulte une lacune très nette à la pointe externe du faisceau ligneux. Cette particularité fait défaut aux Ophioglossées (Ophioglossum, Botrychium). RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 143 Dans ces plantes, en revanche, on sait {1) qu'il subsiste autour du vaisseau une lamelle cellulosique. Ramificalion dichotome de la racine d'Ophioglossum vul- gatum. — M. Rostowzew (2) a le premier décrit le mode de ramification de la racine de l’Ophioglossum vulgatum (3). D’après ce savant, le Liber d’une racine se préparant à la di- chotomie commence par entourer la bande ligneuse; puis le bois se divise en deux moitiés, une droite et une gauche ; après quoi le liber et l’endoderme se partagent à leur tour, et deux stèles se trouvent ainsi constituées à l'intérieur du tissu cortical. Dans ces stèles, le liber entoure d’abord com- plètement le bois, mais bientôt le liber inférieur disparais- sant, 1l ne reste plus entre l’endoderme et les vaisseaux qu'une couche de cellules qui représentent le péricycle. Ce que j'ai été à même d'observer ne correspond pas tout à fait à la description donnée par le savant russe. En somme, d'après cet auleur, les deux racines provenant de la division du tronc principal sont tout d’abord caractérisées par ce fait que le liber y entoure le bois; puis, par réduction graduelle des tubes criblés sur l’un des côtés de la lame li- gneuse, cette stèle prend la structure habituelle aux racines d'Oplhioglossum vulyatum. Je n'ai rien vu de semblable, et, dès le début de la dichotomie, la racine ne possède qu’un seul liber et conserve toujours cette structure. La stèle qui va se diviser présente bien des lubes criblés à la face infé- rieure, entre le bois et l’endoderme, mais ces tubes sont épars, et non pas groupés comme dans le massif libérien normal; puis, la lame ligneuse prend la forme d’un V dont la pointe serait dirigée vers le sol et entre les branches du- quel le massif ibérien s’insinue peu à peu jusqu'à les séparer (4) Russow, Vergl. Untersuchungen, p. 120. (2) Recherches sur l'Oph.vulgatum, Særtryk af Overs. over d. K. D. Vidensk. Selsk. Forh. 1891, p. 23 (74). _ (3) M. Van Tieghem, Mémoire sur la racine, p. 108, dit bien : «Si la racine de cette plante vient à se diviser nous savons d'avance que ce sera par di- chotomie et dans un plan perpendiculaire à l’axe de la tige, » mais il ne semble pas qu'il ait directement observé cette division. 144 GEORGES POIRAULT. entièrement. Peu après, le groupe libérien se coupe à son tour et l'endoderme, qui s’est introduit entre les deux stèles, se fendant longitudinalement, ses deux moitiés acquièrent les bandes lignifiées caractéristiques, en même temps que des bipartilions cellulaires répélées amènent la séparation des deux stèles. Ces deux stèles cheminent ainsi sur une cer- laine longueur en divergeant constamment el, entraînant chacune une portion d’écorce, elles apparaissent à lexté- rieur sous forme de deux racines distinctes faisant entre elles un angle très aigu. J'ai décrit précédemment (1) des racines d'Ophioglossum vulgatum se distinguant des racines ordinaires par une double particularité. Chez elles, le faisceau libérien infé- rieur est développé, et se trouve réuni au faisceau libérien supérieur par une traînée plus ou moins continue de tubes criblés passant au dos des faisceaux ligneux. Or, c'est l’as- pect que présentent, d’après M. Rostowzew (2), les racines se préparant à la division, avec cette différence que, d'après cet auteur, le faisceau inférieur est réduit à « plusieurs cellules à parois minces qui ne sont pas différentes de celles du phloème », tandis que dans les racines que J'ai décrites les deux groupes libériens sont également développés. Cette structure, très remarquable en ce qu’elle se rapproche en apparence de celle de certaines tiges (3) n’est pas localisée, mais peut se poursuivre sur une longueur relalivement grande. Aussi bien, les avais-je considéréescomme une modifi- calion des racines ordinaires, représentant une sorte de re- tour à la structure binaire complète avec liber entourant le bois. Je pense aujourd’hui qu'il est plus rationnel d'admettre que ce sont des racines se préparant à la division, dans (1) Comptes rendus, 1891. (2) Loc cit} p. 15 (24) (3) Il n’y a pas du tout, comme il semble au premier abord, identité de structure entre ces racines et la tige de l’'Ophioglosse au-dessous de la première feuille. Dans la jeune tige, le protoxylème est central; dans la ra- cine, ilest périphérique. La jeune tige est centroxæyle (Van Tieghem, Traité de Botanique, 2° édit., p. 763) ; la racine en question, de même que toutes les racines connues, est périxyle (Van Tieghem, [. c.). RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 145 lesquelles les processus de la dichotomie se succèdent avec lenteur, et où le premier stade est très persistant. Ilse pour- rait même que ce fussent des dichotomies avortées. J'interprèle ainsi celte structure, (encore que Je ne l’aie jamais vue aboutir à une dichotomie), sur la foi des observa- ions de M. Rostowzew, et parce qu'il me semble beaucoup plus logique de la considérer comme le début un peu diffé- rent d’un phénomène dont un autre observateur a vu la fin, que comme un retour à une structure binaire normale quin’a peut-être jamais existé. La pensée d’assimiler ces racines à deux libers aux ra- cines normales ne me serait probablement pas venue, si je n'avais cru reconnaître ailleurs des modifications analogues. L'étude comparative des autres espèces d'Ophioglosses sem- blait me montrer que pour une même plante, dans la racine, le nombre des faisceaux Hibériens n’était pas rigoureusement fixe, et que des racines à un seul Liber pouvaient très bien réaliser parfois la structure binaire normale et même la structure ternaire. Quant au passage du liber au dos du bois, rencontrant cette structure sans dichotomie dans deux espèces (1) (je n avais pas alors étendu mes recherches à ja grande majorité des espèces d'Ophioglossum, comme je l’ai fait depuis), sa présence dans PO. vulgatum ne me parais- sait pas surprenante. Les arguments tirés de l’anatomie com- parée n'ont, dans le cas présent, aucune valeur démonstra- tive, ou, pour mieux dire, 1ls n'existent pas. J'avais cru, en effet, trouver sur une plante du Mexique, distribuée par Bourgeau sous le numéro 3073, des racines dont les unes avaient la structure de celles de l’Ophioglossum vulgalum, tandis que les autres étaient binaires, d’autres encore à trois faisceaux libériens alternant avec trois fais- ceaux ligneux. La plante dont la détermination est due à Eug. Fournier, portait l’étiquelte : O. reticulatum. Or, sous le même numéro, figurent deux espèces dont les racines (1) Oph. decipiens, O. palmatum. ANN. SC. NAT. BOT, XVI, 10 146 GEORGES POIRAULT. avaient été mêlées, et dont les unes, anomales, apparte- naient bien à un Ophiogl. reticulatum, tandis que les autres, normales binaires ou ternaires, provenaient d’une plante non encore décrite, l'Oph. decipiens G. Poirault (1).1l n'y a, jus- qu'à preuve du contraire, aucune raison d'admeltre qu'une espèce possédant des racines anomales en puisse produire de normales. Au demeurant, mes premières observations sur ces sin- _ gulières racines d'Opaoglossum vulqatum élaient et restent exactes; l'interprétation seule doit en être modifiée. Ce sont très probablement des racines se préparant à la division et dans lesquelles le premier stade persiste. Maintenant nous avons vu que, d’après M. Rostowzew, la racine issue de la dichotomie conserve quelque temps son anneau libérien continu ; puis, peu à peu, par réduction du liber inférieur, la structure ordinaire apparaît. D’après ce que j'ai vu, il n'est pas douteux qu'il en puisse êlre au- trement et que la racine dichotome n'ait, dès l'origine, qu'un seul faisceau libérien. Il semble donc, en dernière analyse, que les modifications de structure accompagnant la ramification ne soient pas toujours rigoureusement iden- tiques, comme si dans ces dichotomies, rés rares en somme, — et c’est pour cela que j'ai insisté sur les détails — les changements de structure corrélatifs d’une modification morphologique extérieure perdaient de la constance qui Les (1). Ophioglossum decipiens G. Poir. Rhizomate cylindrico, radicibus haud numerosis (more O vulgati) sæpe nigricantibus, aliquando gemmipa- ris ; Foliis binis ; petiolo epi vel breviter hypogæo ; pedunculo e basi laminæ oriundo ; lamina regulariter elliptica distincte apiculata; non ultra me- dium vitta pallida percursa, subtus pallidiore; nervis intrantibus 7-9 ; me- diano sæpius paulo validiore, flexuoso, usque ad apicem distincto, unum vel duos laterales tandem in rete dissolutos emittente ; lateralibus (id est nervi qui non e mediano sed e lateralibus fasciculis petiolhi oriuntur) sensim di- vergentibus marginem in rete dissolutis petentibus; venis basalibus por- rectis, reliquis subporrectis seu transversis; venulis versus marginem co- piosis conjunctivis liberisque, sæpe in rete inclusum anastomosantibus ; pedunculo Jlaminam duplo superante ; sporangiis 15-35 jugis, apice brevi acuto; sporis 40-45 u latæ, areolis, subrotundis, striis non elevatis. Hab : « Borrego, région d’Orizaba » CI. Bourgeau septembro 1866 legit (Herbier de la commission scientifique du Mexique n° 3073). RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 147 caractérise dans les phénomènes qui se répètent avec régu- larité. Dans ces formations exceplionnelles, qu'un tissu comme le tissu criblé se montre en des points où il ne préexistait pas ou qu'il n'apparaisse pas, le but final, c’est-à-dire la scission de la racine n’en sera pas moins atteint. Des racines gemmipares. — On sait que certaines plantes produisent, sur leurs racines jeunes, des bourgeons qui se développent en autant de liges adventives (1). Pour les Fougères, l’un des exemples les plus ancienne- ment connus est celui du PZatycerium Wallichi observé par M. Sachs, et décrit depuis avec beaucoup de détails par M. Roslowzew (2). De son côté, M. Lachmann (3) avait déjà signalé la gemmiparité des racines d'Asplenium esculentum. Pour les détails de cette transformation, dont nous n’indi- querons ici que les traits principaux, le lecteur devra se reporter au Mémoire de M. Roslowzew. Les pieds dont les racines présentent semblable transfor- mation ne portent pas de feuilles fertiles. Les bourgeons v naissent tantôt à l'exirémité d’une racine principale, tantôt à la place d’une racine latérale. Le phénomène consiste essentiellement en ce que la cel- lule terminale de la racine se transformant en cellule termi- nale de tige, l’axe de la nouvelle tige vient se placer dans l'axe de la racine. Le produit du cloisonnement de cette cellule terminale est d’abord un méristème, où il est assez difficile de reconnaître une limite entre l'écorce et le cylindre central; ce méristème s'organise bientôt el donne au centre des vaisseaux entourés par un anneau de tubes criblés, un péricycle, un endoderme et une écorce à la périphérie. A la surface apparaissent des poils capités secréleurs protégeant (1) Le lecteur trouvera de nombreuses indications bibliographiques rela- tivement à la gemmiparité des racines chez les Phanérogames, dans les - Mémoires de M. Beyerinck (Beobachtungen u. Betrachtungen über Wurzelk- nospen und Nebenwurzeln. Amsterdam, 1886. p. 17), et de M. Rostowzew, Beiträge z. Kenntniss de GS yptogamen, Flora, 1890, p. 155. (Loc cit, p.409: (3) Contribution à l’histoire naturelle de la racine des Fougères (Bull, de la Soc. bot. de Lyon, 1889, p. 139 du tirage à part). 148 GEORGES POIRAULT. le jeune bourgeon et aussi des poils écailleux. La première feuille apparaît bientôt ; et, en même lemps qu'elle, souvent avant elle, la première racine. | Cetle formation de bourgeons se produit sur des racines de tout âge, aussi bien sur des racines âgées que sur des racines latérales encore incluses dans l'écorce: Du moins, les bourgeons nés sur des racines correspondant exacle- ment par leur position à des racines latérales, on peut les considérer comme résullant de la transformation directe de celles-c1. J'ai eu occasion d'observer à plusieurs reprises des bour- geons nés à l'extrémité des racines dans l'Asplenium cultri- folium; mais je ne saurais dire, n'ayant pas suivi la gem- mation, si les choses se passent comme pour le P/atycerium, et je me contente de signaler le fait de la production de bourgeons par les racines de cette plante. De toutes les plantes cryptogames à racines gemmipares, la plus connue est certainement l’Ophioglossum Le (1). D'après M. Van Tieghem (2 ), cette gemmalion radicale s'opé- rerait de deux manières distinctes : tantôt ce serail Le cône végélatif de la racine qui formerait une tige, comme nous venons de le rappeler pour le Platycerium: tantôt un point quelconque de la racine donnerait un bourgeon qui se déve- lopperait plus lard. M. Beverinck (3) ne parle pas de ce deuxième mode de bourgeonnement, mais il admet, avec M. Van Tieghem, que les bourgeons formés à l'extrémité des racines résultent de la transformalion pure et simple d’un sommet de racine en sommet de lige feuillée. Cette opinion d’après laquelle, dans l’'Ophioglosse, la tige et les feuilles sont produites par le mamelon radiculaire terminal transformé, ne se trouve confirmée ni par les recherches de M. Rostowzew, ni par les miennes, de très (4) Newmann, British Ferns, 1844, cité par Duval Jouve, in Etudes sur les pétioles des Fougères, Haguenau, 1862. — Stenzel, Siamm und Wurzel von Ophioglossum vulgatum (Nova Acta Nat. Cur., t. XXVI, 1857). (2) Mémoire sur la racine, p. 111. (3) Beyerinck, loc. cit., p.18. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 149 peu postérieures à celles du botaniste russe. Le bourgeon se forme tout près de l'extrémité; mais, même quand il est assez développé, on peut s'assurer, par une coupe longitudi- nale, qu’il constitue une production latérale et que la racine, qui ne perd jamais sa coiffe, continue sa marche. Ce que M. Van Tieghem a pris pour le cône de la racine relevé vers le ciel, n’est autre chose que la première feuille qui bientôt perce l'écorce pour faire saillie au dehors. Un des plus grands obstacles à l’étude des premiers élats de cette gemmation n'est pas tant l'exéculion des coupes que l'obtention de matériaux convenables. Si toutes les ra- cines étaient gemmipares, le travail serait bien facilité ; mais 1l est loin d'en être ainsi, du moins dans les conditions ordinaires; et même en bornant son examen à la racine qui a déjà produit plusieurs bourgeons, et qui est presque tou- Jours plus volumineuse que les autres; il en faut délerrer un irès grand nombre pour avoir la série du développement. Aussi vais-je indiquer un moyen d'oblenir en aussi grande quantité qu’on le voudra de bons matériaux d'élude (1). Pour cela, 1l suffit de couper les racines à quelques centi- mètres de leur extrémité, aussi bien celles qui ont déjà bour- geonné que les autres qui, d'ordinaire, ne bourgeonnent pas et de les conserver dans la terre humide, ou mieux dans l’eau, à la température du laboratoire, pour les voir au bout de quelques semaines former près de leur extrémité des bourgeons dont il est facile de suivre toutes les phases du développement. En conservant des pieds entiers portant encore les extrémités de leurs racines intactes, on n'obtient le plus souvent rien de semblable, l’activité végélative se portant alors sur le bourgeon de la tige, qui développe ses feuilles préformées et en produit de nouvelles; cependant, jai eu deux bourgeons formés dans ces conditions. Pour avoir des bourgeons à l'extrémité de racines encore atla- (1) J'adresse à M. Boudier, le savant mycologue de Montmorency, l'expres- sion de mon affectueuse gratitude pour les services qu'il m'a rendus dans mes recherches sur l’Ophioglossum vulgatum. 150 GEORGES POIRAULT. chées à la lige, il est presque toujours nécessaire de couper le sommet de cette tige. On peut ainsi suivre sans peine les diverses phases de la gemmalion, dont nous indiquerons rapidement les apparences extérieures. L’extrémité de la racine prend d’abord une teinte jaune paille clair et se gontle très légèrement; puis le sommet DRE conique se renfle en une sphère qui se laisse bientôt décomposer en une partie supérieure plus volumineuse qui correspond à la première feuille et une parle inférieure qui est le prolon- sement de la racine-mère, réfractée par suile du développement du bour- seon (fig. 7). De très bonne heure, toute cette extrémité renflée prend une teinte vert d'eau, par suile du dé- veloppement de chlorophylle. Il va sans dire que, suivant les condilions de température, celle gemmation est plus ou moins rapide; il est donc impossible de fixer le temps néces- saire à l'achèvement des bourgeons ; Fig. ?. — Ophioglossum vut- Je dirai seulement qu'en été, deux. RE EE mois ou deux mois el demi après la geon. section des racines, on peul avoir de jeunes bourgeons dont la première feuille, roulée en cor- nel, a déjà crevé l'écorce et commencé à s'’étaler à l’exté- rieur. C'est donc à l’extrémité même de la racine, sous la coiffe, qu'il faul aller chercher la première ébauche des bourgeons, et sur ce point les résullats de mes recherches concordent avec ceux de M. Rostowzew (1). La racine croît par une MA) ETOC, CU, pAOENUEN RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 191 cellule terminale à trois faces donnant trois séries de seg- ments. Cette cellule terminale est assez grande quand on l’examine au début de la période de cloisonnement, mais comme d’une part sa segmentation est très lente el que, d'autre part, ses segments croissent plus vite qu’elle, elle n’est pas toujours très facile à distinguer. Cependant, dans la majo- rité des cas, 1! est impossible de douter de son existence. Chaque segment se divise d'abord par une cloison courbe, invisible comme de raison sur des coupes longitudinales ; puis, par une autre cloison parallèle à la surface dela racine, le segment se trouve partagé en deux cellules, l'une interne, l’autre externe. C’est aux dépens de la partie externe d'un segment que la Jeune tige se développe. Pour cela, ce segment se divise en deux étages superposés, dont le supérieur (c’est-à-dire celui qui se trouve le plus près de la cellule terminale de la racine) se transforme par trois cloisons inclinées successives, en une cellule terminale de tige, tandis que l'étage inférieur donne la première feuille. Celle-ci s’accroit ensuite très rapidement, enveloppée qu'elle est par l'écorce en arrière, la coiffe en avant. En même temps, la segmentation repre- nant dans la cellule-mère de la racine, celie racine un mo- ment réfractée, — par suite du développement de la pre- mière feuille, puis des divisions de la cellule apicale de la lige qui ont donné la seconde feuille dont l’ébauche est vi- sible de très bonne heure —, reprend sa marche horizon- tale ({), au fur et à mesure que le bourgeon, dont l'axe, très oblique, d’abord dirigé en avant, prend une posilion verti- cale. À propos du changement de direction de la racine-mère, Je dois noter que si le plus souvent cette racine, un moment réfractée, se redresse pour reprendre sa course horizontale, il est des cas où elle demeure réfractée et pique plus ou moins verticalement dans le sol; les tiges qu’elle porte alors (1) Pour les détails je renverrai Le lecteur au Mémoire de M. Rostowzew, 152 GEORGES POIRAULT. se redressant en vertu de leur géotropisme négatif, ne lui sont plus perpendiculaires, mais viennent se coucher sur _elle, et lorsque sa cellule terminale avorte après avoir pro- duit latéralement le dernier bourgeon, ce bourgeon dont l'axe s’est relevé, parait provenir de la transformation directe du cône végétatif radiculaire. Ainsi, au point de vue de l’origine du bourgeon dans les racines gemmipares, nous devons distinguer deux cas suivant que c'est la ce/lule apicale de la racine qui changeant de des- nation construit une lige dans le prolongement même de la racine primitive (Plalycerium, Asplenium esculentum), ou bien que ce développement s'effectue aux dépens d’un seg- ment /aléral de la cellule-mère de la racine (Ophioglosse). Le bourgeonnement dont il a été question jusqu'ici, ne se produit d'ordinaire que lorsque la racine a atteint une cer- taine longueur. Toutefois, M. Rostowzew a signalé un cas d'accélération de la gemmation qui présente beaucoup d'in- térêt. La racine née à l’intérieur de la tige produisant son premier bourgeon au moment de sa sortie de l'écorce, ce bourgeon accolé à la tige paraît une ramificalion de celle-ci. Le phénomène se répélant à des hauleurs différentes, une même tige peut porter sur ses flancs plusieurs bourgeons qui, en somme, n’ont rien à voir avec elle, qui ne la touchent que par accident, et ne diffèrent des bourgeons radiculaires normaux que par leur précocité. Mais il n’en est pas toujours ainsi, et la gemmation n'est pas nécessairement liée à la production des racines. Des bourgeons adventifs peuvent se produire non seulement près de l'extrémité radiculaire, mais encore à une grande distance du sommet sur des morceaux de tiges coupées et sur des fragments de racines très âgées. C’est ce que nous voudrions établir. Si l’on coupe une racine d'Ophioglosse et qu’on la con- serve quelque temps dans l’air humide, dans la terre ou dans l'eau, on voit se former des bourgeons qui en quelques mois émeltent une feuille de 4 à 5 millimètres de longueur. M. Van RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 193 Tieghem (1) a vu également des bourgeons apparaître sur des racines anciennement brisées à 1 centimètre environ de la cassure, toutefois ce savant botaniste ne dit pas sices racines étaient encore attachées à la tige ou si elles en étaient sépa- rées ; il est probable que ces fragments étaient détachés, car Fig. 8. — Ophioglossum vulqutum. — Formation de bourgeons sur des fragments détachés de tiges et de racines. j'ai obtenu arlificiellement quantité de ces bourgeons adven- tifs et n’en ai jamais observé un seul développé sur une racine tenant encore à la tige. En pareil cas, si le sommet de la tige est intact, il ne se forme pas de bourgeon ; si le sommet a _ été brisé, les bourgeons apparaissent sur la tige el non sur les racines y attenant. D'autre part, d’après M. Van Tieghem, (1) Mémoire sur la racine, p. 114. 154 GEORGES POIRAULT. le mamelon caulinaire adventif produirait quatre racines avant de développer une feuille, mais c’est là certamement une anomalie ‘très rare, car j'ai toujours vu ces bour- seons émettre d’abord une racine et, presque à l'opposite, une petite feuille roulée en cornet. Beaucoup plus rarement il se fait deux racines, puis une feuille. L'étude anatomique de ces formations montre qu'elles sont d’origine endogène et qu'elles ne contractent pas de liaison avec le système conducteur de la racine. On sait d’ailleurs que les bourgeons développés sur des fragment de feuilles de diverses Phanérogames, et que ceux formés normalement sur les racines de beaucoup de Podostémacées conservent la même indépendance. Tandis que, dans l’Ophioglosse, les bourgeons d’origine subterminale sont toujours, ou presque toujours, insérés à la parlie supérieure de la stèle, c'est-à- dire du côté correspondant au liber, ces bourgeonsadventifs formés ultérieurement sont diversement orientés, s’attachant tantôt du côté du bois, tantôt du côté du liber, tantôt dans une position intermédiaire. Des fragments de tiges d'Ophioglosse, trailés comme nous venons de le dire pour la racine, développent également au bout d’un temps assez court des bourgeons adventifs qui s'at- tachent tantôt sur les flancs de la tige, tantôt vers la surface de la section sur laquelle ils paraissent insérés (fig. 8, B, C.) L'orientation de ces bourgeons n’est pas fixe, ils peuvent avoir la même direction que la tige-mère, ou former avec elle un angle de 90° (fig. 8, B, D). Ces bourgeons apparaissent à l'exté- rieur sous la forme d’une protubérance d’un jaune clair, d'où ne larde pas à sorlir une racine (A); au bout d’un certain temps, la surface de ce tubercule se fend pour donner pas- sage, dans une direction opposée à celle de la racine, à un corps conique qui est la jeune feuille. On le voil, si dans la majorité des cas les bourgeons se e for- ment sur l'extrémité très Jeune de la racine, ils peuvent éga- lementse produire aux dépens de fragments de tiges et de ra- cines déjà âgés, et sont, dans tous les cas, d’origine endogène. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 199 L'extrémité radiculaire est le point où ils se forment le plus facilement; tant qu'il reste sur une lige une racine à sommet intact, c’est à ce sommet que le bourgeonnement se montre. Si ce sommet a été brisé, et que le point végélatif de la tige soit resté intact, c’est sur ce point que se concentre toute l’activité, il ne se fait pas de bourgeons latéraux, lesquels ne se montrent que lorsque le sommet de latige a été délruit. Enfin on peutadmettre que, dans la très grande majorité des cas, les bourgeons ne se forment sur les racines que lorsque celles-ci ont été complèlement détachées de la tige qui les porte. L'observation de M. Rostowzew mentionnée précédemment offre le plus grand intérêt, non seulement en ce qu’elle montre l'accélération du bourgeonnement, et la racine produisant des qu’elle le peut, c’est-à-dire dès sa sortie de l'écorce, une lige nouvelle pour réparer l’ancienne brisée, mais encore parce qu'elle nous apprend qu'une racine peut se former assez loin du point végétatif de la tige, fait absolument in- connu jusqu'ici chez les Filicinées. On sait, en effet, que chez les Fougères les racines apparaissent de très bonne heure très près de l’extrémité en voie de croissance et que plus tard dans les parties âgées il ne se fait pas de racines adventives. Lesracines des Cyathéacées peuvent tarder beau- coup à apparaître à l’exlérieur, mais elles n’en ont pas moins leur origine au point végélalif : ce sont des racines dormantes, voilà tout. Pour l’Ophioglosse, il n’y a rien de semblable; du moins Je n’ai jamais trouvé pour ma part de ces racines dans l’intérieur de l'écorce. Lorsque, sur une tige doni le sommet _à élé détruit, les bourgeons apparaissent lrès près du som- mel primilif, on peut admettre qu'il est resté là des racines préformées et que ce sont elles qui ont donné naissance aux bourgeons ; mais quand la formation se produit vers le mi- lieu de la tige, si ce bourgeon est en relation avec un sommet de racine, il faut nécessairement que cetle racine se soit produite dans une écorce déjà ancienne. L'origine de ces ra- cines serait intéressante à connaître. 156 GEORGES POIRAUL. La formation des bourgeons n’est pas nécessairement liée au développement des racines, nous l'avons montré tout à l'heure. La dichotomie de la tige n’a pas toujours l'origine que lui assigne M. Rostowzew, qui ne veut voir que de fausses dichotomies ; il y en a aussi de véritables. Stenzel, Duval-Jouve et M. Luerssen (1) rapportent que la tige de l’Ophaioglossum vulqatum peut se ramifier ; mais ces auteurs ne donnent aucun détail sur le mode de ramification. Dans son mémoire sur la racine (2), M. Van Tieghem parle incidemment de cette ramification. Il a vu, dit-il, plusieurs fois, deux tiges de même force insérées par un tronc commun à l'extrémité d’une racine génératrice et provenant de la bi- furcation du bourgeon primitif, comme c'est le cas pour les Lycopodinées. Depuis, M. Roslowzew étudiant à nouveau le mode de ramification, arrive à cette conclusion qu’il ne s’agit pas ici de dichotomies du point végétaiif, mais que ces bour- geons ainsi accolés à lalige mère, — dans un cas l’auteur en a vu trois sur la même lige —, ont la même origine que ceux formés normalement au voisinage de l’extrémité radiculaire, comme nous l'avons dit plus haut. Le bourgeonnement se produisant au moment où la racine sort de l'écorce de la tige; il semble qu’on ait affaire ici à un vrai bourgeon la- téral. La ramification de la tige de lOphioglosse n’a pas exclusive- ment cette origine, et pour être fort rare la dichotomie du point végétatif, déjà indiquée par M. Van Tieghem, n’en est pas moins réelle : c'est ce que je voudrais élablir. Les raisons sur lesquelles M. Rostowzew appuie la conclu- sion que nous venons de rapporter sont absolument inatta- quables. (1) Stenzel, Stamm. u. Wurzel von Ophioglossum vulgatum (Nova Acta Cur. t. XXVI, p. 771. — Duval-Jouve, Etudes sur les pétioles des Fougères. Hague- nau, 1856-1861, p.23. — Luerssen, Rabenhorst Kryptogamen-Flora, I, p. 542, cités par M. Rostowzew, in Recherches sur l’Ophioglossum vulgatum, in Overs. over. D. K. D. Vidensk. Selsk. Forh., 1891, p. 74 (23). (2) Van Tieghem, Mémoire sur la racine ( Ann. des sc. nat., 5° série, t. XIII, p. 114. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 197 Il a vu en effet, et figure à la planche I (fig. 8) de son Mé- moire, un bourgeon accolé à la tige-mère, mais la section transversale (figure 4, planche IT, ne laisse pas de doute à l'égard de la valeur de ce bourgeon. On voit très bien qu’il est situé sur le trajet d’une racine qui à pris naissance dans l'écorce de la tige. Durant son trajet intracortical celte ra- cine est très reconnaissable à son endoderme. Cette couche cesse d’être différenciée à la base du bourgeon pour reprendre son caractère habituel dans la partie libre de la racine. La R: Rs. Re B Fig. 9. — Ophioglossum vulgatum. — Fig. 10. — Ophioglossum vulgatum. — Tige dichotome. A, coupe transversale de tige, {9; on voit une racine ?, ayant produit un bour- geon Br, dès sa sortie de l'écorce (d’après M. Rostowzew); B, coupe transversale de la tige dichotome fig. 9. racine a un trajet rectiligne, le bourgeon est, à n’en pas dou- ter, inséré sur elle. Etant donné qu'on n’a jamais vu un bourgeon naître sur une racine dont la pointe a été brisée, — du moins tant que cette racine est attachée à la tige —, on est en droit d'admettre que le bourgeon est développé, comme d’ordiraire, aux dépens de la partie externe d’un segment détaché dans la cellule-mère de la racine, et que le bour- geonnement s’est produit au moment où la racine est sortie de l'écorce de la tige. D'autre part, M. Rostowzew n’a jamais 158 GEORGES POIRAULT. observé ces bourgeons que sur des tiges dont /e sommet avait été brisé. Les conditions dans lesquelles nous avons observé la ramification dicholome de la tige sont bien différentes. Le sommet était parfaitement intact. ILest vrai que si cette. des- truclion eût été ancienne, et que deux bourgeons se fussent formés près de l’ancien sommet suivant le mode décrit par le savant russe, il se pourrait que, par les progrès du déve- loppement ces bourgeons venant à se toucher simulent ainsi une dichotomie véritable. Mais l'étude des coupes trans- versales successives de la tige permettrait bien de trouver la trace de l’ancienne blessure, et l’on ne découvre rien qui y ressemble. La tige présente à sa base la structure ordinaire, c'est-à-dire qu'elle débute par un cylindre central étroit et sans moelle. Ce cylindre va s’élargissant et se rompl au départ de la première feuille, mais il se referme plus haut pour se rouvrir à nouveau, et chacune de ses moitiés cor- respond à une tige, présentant chacune la structure nor- male. Les coupes transversales montrent très bien ces deux systèmes de faisceaux cheminant côte à côte dans l'écorce commune puis divergeant insensiblement pour se séparer plus haut. Il suffit de rapprocher,comme je le fais ici (fig. 10), la figure donnée par M. Rostowzew d’une section transversale de l'unique tige dichotome, pour être persuadé qu'il s’agit dans les deux cas de choses bien différentes. CHAPITRE IL. LA TIGE. Si l’on examine l’ensemble des plantes qui constituent l'ordre des Fougères, on est frappé avant tout de la puis- sance de développement des feuilles, à côté desquelles la tige passe, pour ainsi dire, inaperçue(1). C’est que, sauf les Cya- (1) Il y a toujours une différenciation en tige et feuille, même chez les Hyménophyllacées. M. Beyerinck avait signalé l'existence d'Hyménophyl- RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 199 théacées. dont les /roncs élancés tout couverts. de racines advenlives disparaissent parfois sous les Orchidées épiphy- tes et sous d’autres Fougères plus humbles, et qui élèvent jusqu'à 15 mètres de hauteur une élégante couronne de feuilles, sauf certains Lomaria, Diplazium, eic., qui ont en raccourci, le port des Cyathéacées, les tiges dressées et ligneuses sont assez rares. Dans un nombre considérable de genres, on ne voit sortir de terre que les pétioles roulés en crosse dans le Jeune âge, et la tige est réduite à une souche plus ou moins apparente, recouverte par les jeunes feuilles que protège dans leur développement un épais feu- tirage de poils et d’écailles retenant l'humidité et favorisant ainsi la sortie des racines qui apparaissent lrès près du sommet. Ailleurs (nombreux Aspidèum, Asplenium, Acrostichum, Da- valliasolida, ete.) latige est unrhizome oblique s’élevanttrèspeu au-dessus dusol, ou unrhizome couchérampant au milieu des mousses, dans les creux de rochers humides, ou bien végétant en épiphyle appliqué aux arbres dans les forêts tropicales (Hyménophyllacées, Monogramme, nombreux Polypodium, Acrostichum, Aspidium, Davallia ele.). Parfois ces rhizomes disparaissent soas un épais revêtement pileux qui les protège contre la dessiccation (Polypodiumquercifolium), mais ailleurs ils sont presque nus, ou ne portent que de rares écailles, qui n'interceptant pas la lumière, permettent le développement de la chlorophylle dans les parties superficielles, lesquelles prennent alors une teinte verte, Leinte qu'une mince couche de cire produite à leur surface fait souvent passer au glauque ou même au blanc (Polyp. bipinnatifidum, sinuosum, patelli- ferum, elc.). Cette dernière plante, décrite par M. Burck dans le quatrième volume des Annales du Jardin botanique de Buitenzorq, forme à la surface des arbres de larges croûtes résultant de l’enchevêtrement de ses rhizomes très aplalis d'un vert pâle. Ces rhizomes sont habités par des fourmis _ lacées à thalle non différencié, comme celui de diverses Hépatiques; c’est une erreur déjà relevée par M. Giesenhagen. 160 GEORGES POIRAULT. très voisines sinon identiques à celles qui vivent dans les Myrmecodia. Les galeries occupées par ces insectes provien- nent de la résorption d’un lissu aquifère très développé, qui ne se dessèche que dans les parties âgées, el reste intact dans les parties Jeunes. Elles ne communiquent pas seule- ment avec l'extérieur par la partie postérieure du rhizome; les fourmis praliquent des ouvertures sur les côtés et à la partie inférieure, beaucoup plus rarement à la face supé- rieure de la tige. Le Polypodium sinuosum présente des par- licularités analogues. — Ces espèces, de même que beaucoup d’autres appartenant aux genres Polypodium et À crostichum, montrent très nettement une différenciation en face dorsale libre et face ventrale appliquée au substratum. Dans l’Acro- shichum variabile el l'A. sorbifolium, celle sole ventrale sur laquelle rampe la tige et où s’attachent les racines, est toute couverte d’un tomentum noirâtre, qui n'est autre chose qu'une agglomération de poils absorbants présentant la structure des poils radicaux; mais ailleurs les racines sont ventrales latérales, et la sole ne porte aucun revêtement pileux. Ces rhizomes dont une face est plane ne sont pas rares chez les Fougères, mais les rhizomes à section ellipti- que et surtout ceux à section circulaire sont de beaucoup les plus répandus. | Le Pteris aquilina nous offre le type d’une troisième caté- gorie de rhizomes, celle des rhizomes profonds, plus ou moins enfoncés dans le sol et chez lesquels le revêtement pileux est bien moins abondant que dans les espèces épiphy- tes. Ces rhizomes sont particulièrement fréquents dans les genres Pleris, Adiantum, Lindsaya. Les rhizomes aphylles des Nephrolepis sont connus depuis longtemps; leur nature morphologique a été démontrée par M. Lachmann. Ce sont bien des tiges, puisqu'ils ont un épi- derme différencié, sont dépourvus de coiffe, el que, d’autre part, ils peuvent se renfler, produire des feuilles et reprendre ensuite leur caractère aphylle. Sans doute devons-nous placer à côté d'eux ces rameaux radiciformes décrits par RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 101 M. Giesenhagen dans certains Æemiphlebium, et qui, selon les cas, sont totalement dépourvus à la fois de coiffe et de feuilles (Trichomanes membranaceum), ou bien portent des sortes d'ébauches de feuilles susceptibles de se développer dans des conditions déterminées. Le revêtement pileux des rhizomes de Fougères est prin- cipalement constitué par des écailles (paleæ) (1). Ce sont de minces lames cellulaires attachées à la tige par un pédicule de longueur variable, qui viennent s'appliquer plus ou moins à la surface de l’épiderme. Parfois incolores (beaucoup de Davalliées, etc.), ces écailles ont le plus souvent une teinte fauve, brune ou noire. L'étude microscopique montre qu'elles sont formées, dans la majorilé des cas, d’une seule assise de cellules plates, allongées, à cloisons radiales onduleuses. La coloration résulte de l’imprégnation des membranes par cetle substance de composition chimique inconnue, qui donne aux parois cellulaires de la racine la couleur bru- nâtre mentionnée plus haut, et qui se présente dans les Uissus de la tige et de la feuille avec les mêmes caractères. Cetle substance peut quelquefois irmprégner légèrement la membrane dans toute son étendue, mais, pour l'ordinaire, la coloration est localisée à un épaississement de la paroi, prin- cipalement de la paroi radiale. Nombre de Polypodium, d'Asplenium, d'A spidium montrent cet épaississement réduit à une simple baguette de section circulaire n'occupant qu'une partie de la cloison ; en pareil cas les faces inférieu- res et supérieures restent minces. Mais ailleurs (Drymoglos- sum, Polypodium), c'est la face externe qui porte des épais- sissements en fer à cheval, qui descendent en s’atténuant plus ou moins sur les faces radiales. Cette disposition semble bien en rapport avec Le rôle protecteur de ces écailles; on voit en effel que celles qui présentent ce mode d’épaissis- (1) M. Gœbeler, Die Schutzvorrichtungen am Stammscheitel der Farne (Flora, 1886, p. 454). — Bachmann, Untersuchungen über die systematische Bedeutung der Schildhaare (Flora, 69, p. 397-398). Beaucoup de Pleopellis ont des écailles formées de plusieurs assises, sauf sur les bords où il n’y en a qu'une seule. ANN. SC. NAT. BOT. XVIII, 41 162 GEORGES POIRAULT. sement externe sont presque sessiles, et s’altachent à la tige par une base de cellules scléreuses également colorées en brun ou en jaune; l’écaille peu élastique ne se relève pas comme le font celles à parois minces qui sont Le plus sou- vent nettement pédonculées, mais vient presque s'appliquer sur l’épiderme, ou n'en est séparée que par un très petit inter- valle. Ailleurs ces écailles doivent seconder très utilement les. racines dans leur rôle d'absorption de l’eau. Dans beaucoup de Gleichéniacées où les écailles ont leurs parois minces, on voit qu’elles tiennent à la tige par un massif de cellules ligni- fiées à parois très largement ponctuées, dispositions émi- nemment favorables au passage dans l'écorce de l’eau absor- bée dans le sol. Dans le Po/ypodium lepidotum Willd., le rôle absorbant des écailles semble bien ressortir d’une autre structure. La plupart des cellules qui constituent l’écaille et qui portent sur leurs faces radiales les épaississements colorés en brun dont il a été question plus haul, ont leurs faces externes tout à fait planes, mais vers la partie centrale de l’écaille on voit des cellules pousser des prolongements papilleux, souvent aussi longs que le diamètre transverse de l’écaille, et qui ont tous les caractères des poils déve- loppés sur les racines. Les poils tubuleux continus semblables aux poils radicaux ne sont pas très rares chez les Hymenophyllacées (1); ils le sont infiniment plus, à ce qu'il semble, chez les Polypodia- cées, Mettenius (2) avait déjà signalé leur présence dans l’A- crostichum axillare; j'ai déjà dit Les avoir observés dans deux autres Acrostichacées à sole ventrale (Acrost. variabile et sorbifolium); mais 1ls sont particulièrement développés dans la première de ces espèces. Notons, pour terminer, que dans le Vittaria des poils semblables à ceux des racines se trou- vent sur la tige, mêlés aux poils écailleux. Je reviendrai sur les poils des Fougères dans une prochaine note relative à (4) K. Giesenhagen, Ueber hygrophile Farne, Flora, 1892. (2) Mettenius, Hymenophyllaceen, p. 411. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 163 l'appareil sécréleur de ces végétaux. En effet, ces écailles dont la forme est très variable (1), orbiculaire, peltée, hastée, lancéolée, ete., portent parfois latéralement des prolonge- ments glanduleux sécrélant de la résine ou du mucilage (2). Nous retrouverons, d'ailleurs, ces écailles dans la feuille, où elles se montrent sur le pétiole et sur le limbe, mais elles ne se présentent pas loujours avec les mêmes caractères: et, pour ne prendre qu un exemple dans les Acroslichées, qui sont de toutes les Polypodiacées les plantes présentant au point de vue des écailles la plus grande différenciation, nous dirons que si l'on peut observer les mêmes écailles à la fois sur le pétiole et le rhizome (Ac. Hartwegi), 1l arrive parfois (Acrostichum splendens Bory, À. ramosissimum Fée, etc.) que ce sont au contraire les écailles du limbe quiressemblent à celles du rhizome, tandis que celles du pétiole en diffè- rent. Bien plus, un rhizome peut avoir des écailles dimor- phes, les unes portant, par exemple, des flagellum latéraux plus ou moins longs, tandis que d’autres en sont dépourvues. . Dans les Marattia et les Angiopteris, la tige dressée, très courte, épaisse, forme un corps tuberculeux en partie caché dans le sol, et dont la surface est tout entière recouverte par les feuilles. Dans les Aaulfussia et les Danæa, au contraire, c'est un rhizome horizontal, mais toujours souterrain. Les écailles, si fréquentes sur la üge des Fougères, où elles cons- tiluent dans le jeune âge un appareil de protection très effi- cace du bourgeon terminal, manquent absolument à la tige de ces plantes. | À l'exception de deux espèces épiphytes (Ophioglossum palmatum et pendulum), la tige des Ophioglossées est tou- jours souterraine. C'est une sorle de tubercule arrondi (O. fibrosum) ou un rhizome dressé {la plupart des £wop hio- glossum, Botrychium), où encore un rhizome rampant (Æel- . (4) Gœbeler, loc. cît., p. 456. (2) W. Gardiner and Tokutaro Ito, On the structur of mucilage-secretings cells of Blechnum occidentale and Osmunda regalis (Ann. of Botany, 1887(; on y trouve l’'énumération des travaux antérieurs. 164 GEORGES POIRAULT,. minthostachys). Chez ces plantes le sommet de la lige est si bien protégé par les feuilles emboîlées les unes dans les au- tres (Botrychium) ou par leurs gaines stipulaires confluentes, coiffant tout le sommet végétalif d'un épais bonnet de tissu parenchymateux (Opluioglossum), que le développement de poils protecteurs serait absolument superflu. Aussi ces plan- tes en sont-elles dépourvues. Par l'absence d’écailles ou de toute autre production analogue, la tige des Maratliacées et des Ophioglossées se distingue de celle des Fougères. Au point de vuëé de la séructure interne, nous devons distin- guer dans la lige de ces plantes un ensemble de cordons libéroligneux enveloppés dans un tissu fondamental (écorce). Le trajet de ces cordons cribro-vasculaires à été très bien étudié par divers observateurs. Pour les Fougères, par M. Lachmann (1), pour les Marattiacées par M. Kühn (2), pour les Ophioglossés par M. Rostowzew (3). Dans ce Mémoire ilne sera pas question de leur arrangement dans le tissu fon- damental de la tige, mais uniquement de leur structure histo- logique et de celle de l'écorce qui les renferme. Il n’est pas nécessaire de rappeler ici les diverses inter- prétations de la structure de la tige des Cryptogames vas- culaires, proposées par M. Van Tieghem. Le lecteur désireux de connaître le délail des faits sur lesquels repose la ma- nière de voir de ce savant, pourra se reporter à la deuxième édition de son Traité de Botanique et aussi aux notes et Mé- moires publiés depuis et indiqués ci-dessous (4). (4) P. Lachmann, Contribution à l'histoire de la racine des Fougères, Lyon, 1889. (2) Rich. Kühn, Untersuchungen über die Anatomie der Marattiaceen, Flora, 1889. (3) Rostowzew, (4. c.) Recherches sur l'Ophioglossum vulgatum, 1891. (4) Van Tieghem et Douliot, Sur la polystélie (Ann. des sc. nat., 1° série, t. IT, 1886). — Leclerc du Sablon, Recherches sur la formation de la tige RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 165 Seulement, puisque dans ce Mémoire (qui est une thèse pour le doctorat) je dois surtout mettre en évidence les résultats de mes recherches personnelles, on me permettra de faire remarquer que l’astélie des Ophioglossées, telle que M. Van Tieghem l'avait conçue à l’origine [voir le Mémoire sur la Polystélie), restait bien théorique tant qu'on n'eut pas montré, comme je l'ai fait (1), que l'endoderme, non carac- térisé dans les entre-nœuds supérieurs, pouvait être retrouvé à la base de la tige. La disparition des cadres endodermiques dé la tige, au- dessus d'un certain niveau, ayant déjà été enalse par M. L. du Sablon à propos de la tige de PAngiopteris (l. c. p. 13), ce fait devient très caractéristique de l’ensemble du groupe des Marattiacées et Ophioglossées. ÉPIDERME. ÉCORCE. L'écorce est limitée extérieurement par un épiderme très net dans les rhizomes superficiels où il est souvent épaissi sur ses faces externes, lignifié (Polyp. dictyophyllum, etc.) et recouvert d’un enduit cireux. Cet épiderme est souvent beaucoup moins différencié dans les rhizomes profonds. M. Trécul a montré (2) que les ailes ou bandeleltes pâles qu'on observe si fréquemment sur les pétioles des Fougères, et qui portent de très nombreux stomates, peuvent se pro- longer presque sur la tige, même quand elle est souterraine. (Pteris aguilina). L'épiderme de la tige des Vatiaria con- tient des cellules scléreuses semblables à celles de la feuille. Les cellules corticales ont parfois leurs membranes très peu des Fougères (Ann. des sc. nat., T° série, t. XI). — Ph. Van Tieghem, Re- marques sur la Structure de la tige des Ophioglossées (Journal de botanique, 1890, p. 405). — Georges Poirault, Sur l’'Ophioglossum vulgatum (Journal de botanique, 1892, p. 69). — Strasburger, Bau u. Verrichtungen, etc. (1) Voir Van Tieghem, Tige des Ophioglossées, p. 409, et ma note précédem- _ ment citée. (2) Trécul, Comptes rendus, t. LXXIII (Ann. des se. nat., 5° série, t. XIV. — Voir aussi : Bower, The comparative examination of the meristems of Ferns (Ann. of Botanv, 1889). 166 GEORGES POIRAULT. épaissies, incolores et cellulosiques (Polyp. chrysolepis, tri- dactylus, glaucophyllum, Gymnogramme lanceolata, etc.); ailleurs, et le plus souvent, les membranes sont colorées en jaune ou en brun. Dans beaucoup d'espèces épiphytes à rhi- zomes rampants superficiels, on trouve la partie externe de la tige occupée par un anneau de cellules plus ou moins épaissies, qui tantôt demeurent incolores et cellulosiques (Drymoglossum piloselloides, elc.), tantôt se colorent en brun, mais ne lignifient pas leurs membranes (A crostichum Funchi, et beaucoup d’autres, Meniscium sp., etc.). Cepen- dant les cas sont très fréquents où l’on voit cette zone cor- licale externe se colorer par les réactifs des membranes lignifiées. Mais si pour l'ordinaire (Po/yp. Hahnü, macro- carpum, crassinervalum, etc.) c’est la lamelle moyenne qui prend une teinte rose avec l'acide chlorhydrique et la phloroglucine, on peut trouver la lignification localisée ex- clusivement à la /amelle interne. L'exemple le plus remar- quable nous en est fourni par le Po/ypodium normale Moore. Quand on traite des coupes par le réactif susmentionné, on voit qu'il n’y à dans la cellule qu'une mince coucheïnterne à prendre une teinte rose vif; tout le reste de la membrane reste incolore, el, par contre, se teint en bleu par l'iode et l'acide sulfurique, à l'exception bien entendu de la lamelle moyenne qui dans les deux cas reste incolore. Notons qu’en général, dans ces anneaux scléreux de l’écorce externe, la lignification atteint son maximum sur la face dorsale, c’est- à-dire celle qui est opposée au substratum. Souvent la face venirale n'est pas lignifiée. D'autre part, si dans un grand nombre de Fougères les cellules qui entourent les stèles ne se distinguent pas des autres cellules corticales (Polypodium chrysoleprs, zosteræ- forme, etc.), cette structure n’est pas la plus répandue et dans la règle, autour des stèles, les cellules corticales s’é- paississent plus ou moins fortement et prennent la teinte brune caractéristique du sclérenchyme des racines. Ces an- neaux sclérenchymateux péristéliques présentent donc les RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 167 mêmes caractères que ceux entourant le cylindre central de la racine, et suivant le mode d'épaississement peuvent se rap- porter à deux types. Dans une cellule, tantôt l’épaississement est uniformé- ment réparti sur tout le pourtour de la paroi, tantôt il pré- sente un maximum sur la face interne. La puissance de ces anneaux est très variable; réduits dans beaucoup de cas à une seule assise (Pol/ypodium serpens Forst., lycopodioides L., sahafolium Willd., Mauritianum, etc.); ils sont souvent bisériés (Polyp. dictyophyllum Mett.), ou même compren- nent de {rois à cinq couches de cellules (Po/yp. aurisetum Raddi, peloselloides L.). D'ailleurs une gaine scléreuse peut très bien n'avoir pas partout la même épaisseur et com- prendre, par exemple, deux assises sur la face interne (Polyp. tenellum Forst.), une seule assise sur les faces latérales et externes. De même, la coloration peut n'être pas répartie d’une façon uniforme et présenter un maximun qui se montre habituellement sur la face externe, la face interne . pouvant être presque incolore (Po/yp. rostratum HKk.). M. Lachmann a cité, comme cas particulier, celui du Da- vallia MooreanaMasters, où ces gaines contiennent descristaux plus ou moins gros d’oxalate de calcium (1); on verra plus loin (ch. IT), à propos de la répartition de ce sel chez les Fou- gères, que différents Polypodium et plusieurs Acrostichum présentent les mêmes caractères. Mais la production la plus remarquable de l'écorce de la üge, ce sont les amas plus ou moins gros de cellules sclé- reuses brunes inégalement épaissies sur leurs faces externes, el ne présentant aucune relation avec les stèles (2). Rarement localisés à la périphérie de la tige, en dehors des stèles (Polyp. leucochila), ces groupes de scléréides sont le plus sou- vent épars dans toute l'écorce (Polyp. hemionitideum Wail.). Dansle Po/ypodium loriforme, ces éléments sont disposés en deux massifs au voisinage du centre de la tige et, d’après (1) Lachmann, Bull. Soc. bot., Lyon, 1886. (2) Walter, loc. cit. On y trouve l'indication des travaux antérieurs. 168 GEORGES POIRAULT. M. Walter, dansle Polypodium pertusum, ils se rassembient en une colonne axile (1). [l ne s’agit pas là des cellules cor- ticales se sclérifiant et brunissant après coup. Ce sont des cellules spéciales, qui se différencient de très bonne heure à une faible distance du point végétatif. La coloration brune consécutive de l’épaississement commence, dans la lamelle moyenne, au point de rencontre de plusieurs cellules et ga- gne de proche en proche toute la membrane (M. Walter). Ces cellules sont plus ou moins parenchymateuses, souvent très peu allongées, plus rarement de véritables fibres dans lesquelles l’épaississement s’est produit surtout à la face interne, la paroi externe demeurant relativement mince. Cette structure est très visible dans les cellules du bord des îlots scléreux, mais dans les cellules centrales l’épaississe- ment est uniforme. Cependant, il est des cas où toutes les cellules sont également épaissies ; beaucoup plus rarement (Polypodium longifrons Wall, tridactylus Wall., Pleopelhs excavata Moore), les cellules centrales ne s’épaississant pas, le groupe de scléréides prend une forme annulaire. Il est une curieuse variélé de ces scléréides qu'on pourrait ap- peler scléréides épineuses pour les distinguer des autres, beaucoup moins fréquentes. Dans ces éléments la face in- terne de la membrane a subi, en un grand nombre de points, . un épaississement local analogue à celui que M. Luerssen a fait connaître dans l'écorce et les écailles de l’Adiantum cuneatum, el que nous avons signalé dans l'écorce de di- verses racines (Asp/. lucidum, beaucoup d’Adantum); la surface paraît donc couverte d’épines aiguës, ou à contour irrégulier. M. Walter a rencontré ces cellules dans les Po- lyp. musæ/folium, nerüfolium et longissimum ; je les ai revues dans plusieurs Drynaria, le Pleopellis excavata Moore, les Polyp. phlebodes et membranaceum Don (où elles sont eris- talligènes). (1) M. Van Tieghem, Traité de botanique, p. 1375, les indique dans les Gleichenia. Je ne les y ai jamais rencontrés. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 169 Toutes les Marattiacées étudiées jusqu'ici (1) ont montré dans leur tige une écorce parenchymateuse sans trace de sclérenchyme, ce qui les sépare nettement de l’ensemble des Fougères. L’écorce de la tige des Botrychium et des Ophioglosses est également parenchymateuse. Endoderme (2).— Dans toutes les racines, l’'endoderme est caractérisé par ses cadres lignifiéset ilen est de même de l’endoderme de la tige des Fougères ; à tous les ni- veaux dans la tige, dans la feuille et jusqu’à l'extrémité des nervures, la structure connue est visible. Dans les Marattiacées « l’endoderme perd, de très bonne heure, ses caractères distinctifs (M. duSablon)(3)el, d'après mes recherches, les Ophio- Fig. 11. — He Lunaria. — Tige. On glossées ne se comportent dr externe et l’'endoderme pas autrement. Dans les Po- trychium, l'endoderme externe est visiblesur toutelalongueur de la tige, l’'endoderme interne à la base seulement (fig. 11). Les rares espèces d'Ophioglosses où j'ai pu trouverun endo- derme à cadres lignifiés (0. Bergianum, Schlecht., O.capense, Schlecht., O. ellipticum, Hk. et Gr.) ne possédaient ce ca- ractère qu’à la base même de leur lige et ne le perdaient pas brusquement; mais au fur et à mesure qu'on s’éloignait de la base de la tige, en montant vers le sommet, on voyait peu à peu, cellule par cellule, les cadres disparaître, et, à partir d’un certain niveau, encore très rapproché de la base, 11 était impossible d’en trouver trace. Là encore, comme dans les Po- Oo (> )o POS TC SN RC (4) Kühn, Loc. cit., et encore : Ueber den anatomischen Bau von Danæa (Flora, 1890, p. 148). (2) G. Poirault, Sur l’Ophioglossum vulgalum, loc. cit. (3) Leclerc du Sablon, loc. cit. 170 GEORGES POIRAULT. trychium, c'est la portion interne de l’endoderme qui disparaît la première (fig. 12). Telles sont les différences très notables qu’on observe entre les Fougères d’une part, les Marattiacées et les Ophioglossées d'autre part. Quand on passe des Fou- gères aux Ophioglosses, et aux Marattiacées, par le Botry- chium, on voit graduellement l’endoderme perdre sa carac- téristique, d’abord dans la partie centrale, puis dans les par- ties externes. Notons encore que cetle tendance à la disparition des cadres de l’endoderme dans les parties centrales de la tige est déjà indiquée chez les Pilularia, où M. Russow (1) a vu les cadres de l’endoderme in- terne bien développés sur | | des exemplaires de cetle Fig. 12 Ophioglossurbere ent. por plante, récoltés dans la tion de la base de la tige; on voit l’endo- ; derme externe et l’endoderme interne. nalure, tandis que le carac- tère disparaissait complè- tement sur des échantillons provenant du Jardin de Berlin. Dans le Viftaria elongata, j'ai vu de même l’endoderme très distinct à la face externe de la stèle, tout à fait indistinct à la face interne. L'étude des particularités anatomiques des stèles sera présentée plus loin, dans le chapitre relatif à la feuille, car je n y ai pas rencontré jusqu à présent de disposition qui fût spéciale à la tige. Dé Tige des Gleichéniacées. — La tige des Gleichéniacées a été peu étudiée au point de vue anatomique. Je n’ai trouvé (4) Russow, Vergleichende Untersuchungen über Leitbundelkryptogamen (Mém. de l’Acad. des sc. de Saint-Pétersbourg, 1873). RÉCHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 171 dans la bibliographie qu’une observation de M. Russow (1), relative à la tige du G. polypodioides, qui constate qu’elle a la structure de celle du 7richomanes radicans. Grâce à l’obli- geance de M. le professeur Bureau, j'ai pu examiner quel- ques échantillons de Gleichéniacées provenant de l’herbier du Muséum ; voici le résultat de mes observations. 1° Gleichenia Boryi Kze.— La tige rampante, grêle, colorée en brun, porte des racines éparses. Examinée au milieu d’un entre-nœud, elle présente la structure suivante: sous un épiderme bien dislinet, une écorce brune sclérenchymateuse limitée intérieurement par un endoderme à parois minces. Le cylindre central assez petit débute par un péricycle formé de quelques rangées de cellules, en dedans duquel vient un anneau libérien continu, comprenant une zone externe de tubes criblés très étroits, et une zone interne de tubes à sec- tion beaucoup plus large entremêlés de cellules de paren- chyme libérien. Ces tubes criblés sont formés d'articles assez longs, terminés par des cloisons très obliques ; les faces longitudinales sont munies de pores non rassemblés en grandes plages, mais réunis en petits groupes ou même isolés. Comme à l’ordinaire, les pores sont beaucoup plus nombreux sur les faces terminales, et munis de cals bien développés (2). Ce liber contient des cellules sécrétrices. Toute la partie centrale de la tige est occupée par de larges vaisseaux scalariformes, isolés ou formant de petits îlots séparés les uns des autres par des cellules parenchymateu- ses. Vers la périphérie de cet ensemble, on distingue un certain nombre de groupes ligneux primaires, constitués par des vaisseaux lrès largement ponctués, beaucoup plus étroits que les autres (protoxylème). Souvent, à la place de ces groupes de protoxylème, on ne voit qu'une lacune, aux flancs de laquelle un ou deux vaisseaux restent attachés. . Quandon se rapproche du point de départ d’une feuille, on (4) Loc. cit., p. 96. (2) Voir au chapitre III le paragraphe relatif à la structure des tubes criblés, 172 GEORGES POIRAULT. distingue, vers la partie supérieure du cylindre central de la tige horizontale, trois de ces groupes de protoxylème assez volumineux (fig. 13). C’est à leur voisinage que commencent les processus marquant le départ de la feuille; dans cette ré- gion, les vaisseaux disparaissent, et bientôt, autour d’un massif de cellules parenchymateuses, des tubes criblés se développent. Ce massif de cellules à parois minces (autour duquel on ne distingue à aucun moment d'assise à cadres lignifiés), ira toujours en grossissant, et sa ceinture de tubes Fig. 13. — Gleichenia Boryi. — Détachement de la stèle pétiolaire (fig. schémati- quesj. L’écorce est figurée par la partie externe finement ponctuée; l’endoderme par des points beaucoup plus gros; le péricycle est en blanc; en dedans vient l’anneau libérien ; les taches noires irrégulières de la partie centrale indiquent les groupes d'éléments lignifiés séparés par du parenchyme. criblés suivra son accroissement. Par les progrès de ce développement, l'arc externe de bois, de liber et de péricycle fera saillie vers l'extérieur. Puis, la dilatation con- lüinuant, l'arc ligneux se sépare ie premier et, par-dessous ses deux extrémités, le liber intérieur vient se réunir au li- ber extérieur. Alors, l'écorce refoulant devant elle l’endo- derme et le péricyle vient étrangler la stèle pétolaire el achever sa séparation de la tige (1). 2° (leichenia hecistophylla Hook. — C'est la même struc- (4) La partie inférieure de cet anneau libérien qui se développe autour du massif de cellules parenchymateuses paraît bien contribuer à venir fermer la brèche ouverte dans le liber de la tige par le départ de la stèle pétiolaire. — D'autre part, au fur et à mesure qu’on s'élève dans le pétiole, on voit se développer à la partie interne du bois, accolés au protoxylème, des groupes de cellules réticulées et ponctuées à parois très épaisses. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 143 ture; je note seulement que si, dans la grande majorité des cas, il y a touiours des vaisseaux scalariformes entre le liber et les éléments de protoxylème ou la lacune qui se forme au milieu d'eux, ces éléments peuvent arriver à toucher l'anneau libérien. Signalons encore la présence entre les vaisseaux médullaires scalariformes de quelques rares cel- lules scléreuses. Quand on se rapproche d’un nœud, on voit la tige se dilater, et, peu à peu, un étranglement se dessiner à sa partie Fig. 14. — Gleichenia hecistophylla. — Détachement de la stèle pétiolaire (figures schématiques). La ligne ponctuée extérieure représente l'endoderme ; le péricycle est en blanc ; l'anneau libérien en fin pointillé; les taches noires irrégulières de la partie centrale indiquent les groupes de vaisseaux séparés par du paren- chyme. Au stade d le gros pointillé du péricycle pétiolaire indique les éléments lignifiés (voir fig. 24). dorsale (fig. 14 ,a). Puis, un amas de cellules sclérenchyma- teuses apparaîl un peuau-dessus du plan horizontal passant par l’étranglement, dans la concavilé d'un arc marqué (comme précédemment dans le G. Boryi) par trois groupes de protoxy- lème. Ce massif scléreux, qui va toujours grandissant au fur el à mesure qu'on se rapproche du point de départ apparent de la feuille, s’insinue entre les vaisseaux, dans la direction du groupe de protoxylème médian (qui marquera plus tard le plan de symétrie du pétiole). Les choses se passent comme Si le massif scléreux détachait la partie étranglée du cylin- dre central en le faisant basculer (6). Dans la fente amsi ouverte, entre les vaisseaux destinés à la feuille et ceux 174 GEORGES POIRAULT. qui resteront dans la tige, le liber s’insinue de part et d’autre du massif scléreux, revêtant l’intérieur de l’arc vasculaire, où ses éléments les plus internes subissent très rapidement la lignification (1), tandis que ceux situés près de l'ouverture de l’are conservent leur caractère. Le mouvement de bas- cule, qui amène peu à peu l'arc vasculaire à 90° de sa posi- tion primitive, continue, et en même temps le massif scléreux gagne à travers le péricycle pétiolaire, et arrive jusqu’à l’endoderme ; puis (ce, d), l'écorce repoussant devant elle l’endoderme, le péricycle, et le liber dans la charnière sur laquelle l'are vasculaire a tourné, une partie (+) du feuillet libérien, ainsi invaginé, vient couper cel arc de vaisseaux et rejoindre le liber intérieur (1), en même temps que l’autre feuillet (8) vient réparer la brèche faite dans l’anneau li- bérien de la tige par le détachement de cel ensemble, qui sera la stèle foliaire; après quoi, périeycle et endoderme se rejoignant respectivement et l'écorce passant entre la stèle du pétiole et celle de la tige, la séparation s'achève. La lige suit un trajet horizontal, et quant à la stèle foliaire, après avoir cheminé très peu obliquement dans l'écorce sur une longueur de quelques millimètres, elle se redresse brusque- ment et prend une direction verticale. | 3° Mertensia. — La structure d’un entre-nœud de la tige des Gleichenia de celte section est essentiellement celle que nous venons de voir dansles G7. Boryi et Gl. hecistophylla Hook. La structure des nœuds est sensiblement différente. Si l’on examine une série de coupes transversales d’un entre-nœud de tige de Mertensia, pratiquées à une petite distance au-dessous du point de départ d’une feuille, on voit peu à peules vaisseaux s’écarter en dedans d’un groupe de protoxylème périphérique, et une très petite plage de cel- lules parenchymateuses se constituer. Bientôt, au centre de celle-ci, on distingueune cellulescléreuse brune, semblableaux cellules corticales. Avec un peu d'attention, on voit qu’elle est (1) Voir au chapitre III le paragraphe relatif aux tubes criblés, RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 179 entourée d'une assise de cellules à cadres lignifiés, présen- tant les caractères de l’endoderme des racines (fig. 15,4). Une coupe un peu plus rapprochée de la feuille montre que cette cellule unique a fait place à un îlot de cellules sclérenchyma- / ASS \) TE SS SE b à C Fig. 15. — Gleichensia (Mertensia) furcata. — Détachement de la stèle pétiolaire ; formation du massif scléreux entouré de son endoderme E en dehors duquel on voit le liber (gross. 200). _ teuses, semblables à la première, et entourées comme elle d’un endoderme (fig. 15,4, c); enmême temps, àdeuxoulroisassises autour de cet îlot, et principalement sur le bord tourné vers l'axe de la tige, des tubes criblés apparaissent. Les progrès du développement de cet anneau libérien suivent exacte- ment ceux de l'ilot scléreux, qui va grandissant au fur et à 170 GEORGES POIRAULT. mesure qu'on se rapproche du point de départ apparent de la feuille, et, dans les grandes espèces (G. pubescens, etc.), peul atteindre une taille considérable. Dans tous les cas, on peut s'assurer qu’il n’y a pas de tubes criblés sur sa partie externe, ou plutôt que les tubes criblés n'y forment pas une couche continue. C’est alors que l'écorce, refoulant devant elle l’endoderme et le péricyele, vient séparer du cylindre central de la tige le système conducteur de la feuille, où le bois à pris peu à peu la forme d'un C, dont l'ouverture regarde l’axe de la tige. En même temps, lilot scléreux s'allongeant dans le plan de symétrie du C, vient à la ren- contre de l'écorce, et, rompant l’anneau libérien qui l’empri- sonne, passe par l'ouverture du C pour s'unir avec elle: en même temps que l’endoderme qui l’entourait vient s'unir à l'endoderme de la tige refoulé par les progrès de l'écorce. Ainsi se trouve conslituée la stèle pétiolaire. De très bonneheure, dans le G.(Mertensia) pubescens, on voit cette stèle s’amincir aux points où les boucles du C se replient vers l’intérieur ; dans le G.(Mertensia) flagellaris, on peut voir qu'en ces points la partie amincie s’est rompue et que l’en- doderme interne s’est réuni à l’endoderme externe, en même temps que le liber interne s est soudé au liber externe. Les deux boucles du C sont donc séparées du corps par de l'écorce ; ces boucles ainsi isolées sont complètement en- lourées par les éléments libériens ; le corps du C n'en porte que sur sa face externe, et un peu en dedans, vers ses extrémités. — Le schéma (fig. 16) résume la série des coupes transversales dans la région nodale d’une tige de Mertensia. Au stade D, le massif scléreux entouré de son endoderme est venu s'unir à l'écorce, qui a séparé les deux stèles. M. Russow à, nous l’avons dit, comparé la tige des Gleiche- na à celle du Trichomanes radicans. Or celle-ci a très sen- siblement la même structure que celle du Trichomanes alatum dont M. Leclerc du Sablon a étudié le développement (1). (4) Leclerc du Sablon, [. c., p. 11. « Dans la jeune tige, le bois forme au centre du cylindre central un massif arrondi entouré complètement par le RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 177 Celle-ci est monostélique, celle-là l’est également. Mais, ce qui me paraît le plus intéressant dans ce que nous venons de dire des Gleichenia, c'est cette conclusion qui, à mon avis, découle des faits exposés, que dans ces plantes la manière dont le système conducteur d’une feuille se détache du ey- lindre central offre les plus grandes analogies avec le mode de départ du même système dans la jeune tige des Tricho- manes. Faisons la comparaison : Fig. 16. — Détachement de la stèle pétiolaire des Mertensia (figures schémati- ques). — L’écorce est fgurée par la partie externe finement ponctuée; l’e/do- derme par des points beaucoup plus gros; le péricyele est en blanc; un poin- tillé très serré représente l'anneau liberien ; les taches noires irrégulières de la partie centrale indiquent les groupes de vaisseaux séparés par du parenchy- me ; les gros points indiquent le protoxylène. — A, Apparition du massif scléreux entouré d’un endoderme représenté par une ligne ponctuée; B, le Liber n'ayant à l'origine aucune connexion avec le liber extérieur tend à entourer le massif scléreux : CO, un stade plus avancé ; l'écorce s’insinue entre la stèle pétiolaire et la stèle caulinaire et amène la séparation ; D, stèle pétiolaire séparée ; le massif scléreux intérieur est venu s'unir à l'écorce. 1° Dans la jeune tige des Trichomanes,\l se fait une moelle ; — dans les G/eichenia, au-dessous du nœud, les vaisseaux s'écartent et c’est encore une espèce de moelle excentrique qui se constitue. Dans les G/. hecistophylla, polypodoides, ele., les cellules qui s’individualisent entre les groupes de protoxylème dont il a été question plus haut se lignifient, présentent des carac- - liber. Ce cylindre central ne se divise pas; dans les parties plus larges, les vaisseaux augmentent encore en nombre, puis s’écartent un peu les uns des autres de facon à ce que l’ensemble du bois soit formé de vaisseaux mêlés à des cellules de parenchyme non lignifié. » AINN: SC NAT. BOT. XvIU, 12 178 GEORGES POIRAULT. tères parliculiers. Ce sont là des formations surajoutées qui, peuvent masquer les analogies et qui sont, disons-le tout de suite, en relation avec le développement de vaisseaux spéciaux dans le péricycle. Ce massif de cellules lignifiées sert pré- cisément à meltre en relation ces vaisseaux péricycliques avec les vaisseaux normaux ; et la preuve que, pour la com- paraison, on peut les laisser de côté, c’est que dans le G. Bo- ryt ils manquent absolument, parce que les vaisseaux péri- cycliques manquent eux-mêmes. Dans cette plante, la petite moelle excentrique qui se constitue présente les mêmes caractères que celle des Trichomanes. 2° Dans la jeune tige des Trichomanes, il se fait autour de cette moelle un anneau de tubes criblés : cet anneau se forme de même dans la tige des Gleichenia (G. Boryi, G. polypo- dioides, elc.); seulement :l n'est pas fermé dans la partie tournée vers la périphérie de la tige:et encore faudrait-il re- voir les choses de plus près, sur des matériaux d'étude su- périeurs comme conservalion à ceux que j'ai étudiés. Dans plusieurs de ces Æugleichenia, les tubes criblés de cet anneau se lignifient en grande partie dans la partie externe ; mais, c'est là encore un phénomène secondaire qui tient proba- blement à la même cause que précédemment, le dévelop- pement de ces vaisseaux péricycliques. Les tubes criblés sont bien caractérisés dans la partie de l’anneau libérien tourné vers l’axe de la tige. 3° Dans les Trichomanes, la stèle se coupe ; l'endoderme se replie à l’intérieur de la goultière où ses deux bords se rejoi- gnent.Dans les Zugleichenia, il en est de même ; à celte diffé- rence près, que c'est à peine si l’endoderme s’infléchit vers la concavilé de cette gouttière, remplie, dans beaucoup d’es- pèces, de ce paquet d'éléments ligneux (1). (1) J'ai signalé précédemment (G. hecistophylla) les torsions qui se pro- duisent lors du détachement de ce système conducteur du pétiole. Je ne crois pas qu'elles soient constantes ; en tous cas, elles ne sont pas toujours également sensibles. Peut-être ces différences témoignent-elles de ce fait que, contrairement à ce qui se passe dans les rhizomes dorsi-ventraux des Polypodiacées, les feuilles ne sont pas insérées en deux séries latérales, 74 RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 179 Mertensia. — La comparaison avec les Mertensia n'offre pas plus de difficulté. Au premier abord, la présence de l’en- doderme autour du massif scléreux semble un peu singu- lière; mais c'est en somme un procédé comme un autre d'arriver à la séparation de la stèle. Ce n'est pas le plus ha- bituel, qui est celui décrit par M. du Sablon, mais le résultat est le même, que l’endoderme s'invagine à l'intérieur pour venir avec le péricycle s'appliquer sur un anneau libérien, ou bien qu'un endoderme préformé à l'intérieur de cet anneau vienne, comme nous l'avons expliqué, après rupture de l’an- neau et de son entourage,se souder avec un autre endoderme. Ce qu'il importe de remarquer, c’est la formation de l’an- neau libérien interne précédant la division, et c'est sur ce point que toute la comparaison repose. La stèle pétiolaire n’est pas tout à fait complète, puisque les tubes criblés ne sont pas exactement continus sur son flanc intérieur, mais on trouverait dans la lige même d’autres exemples de réduction analogues. Dans les stèles de divers Antrophyum et Vittaria, le iber manque dans tout le fond de la gouitière stélique, où, bien souvent, l’endoderme a également perdu ses caractères distinctifs. Le Sromatopteris, qui ressemble par la structure de sa tige aux (rleichenta, ne présente rien de comparable au point de vue de la structure du nœud. Le très petit fragment de tige de P/atyzoma microphyllum dont j'ai pu disposer ma montré des différences notables avec les genres précédents, encore que la structure de cette plante” puisse peut-être se ramener à celle d'un Æuglei- chenia. L'écorce, dans laquelle on peut distinguer deux zones, une externe formée de cellules à parois très épaisses ei brunes, une interne, amylacée, est limitée extérieurement par un _épiderme, intérieurement par un endoderme frès caracté- mais tout autour de la tige, comme le pensait M. Gœbel, el qu'en consé- quence elles doivent se tordre très inégalement pour arriver à occuper leurs positions latérales. 180 GEORGES POIRAULT. risé par les cadres lignifiés. Le cylindre central comprend un péricycle formé de deux à trois assises de larges cellules, puis un anneau libérien continu où les tubes criblés sont assez étroits. En dedans, vientune zone annulaire de vaisseaux entremêlés de cellules de parenchyme non lignifié, dont l'aspect rappelle absolument la partie externe d’un cylindre central de tige de Gleichenia, à celte différence près, que dans ces dernières plan- tes, les entre-nœuds sont très longs. Dans les G/eichenia comme nous l’avons vu, il faut pratiquer des coupes très près d'un nœud pour trouver une trace foliaire, tandis que, dans cette plantelesfeuillesétanttrèsrapprochées, lamême coupe montre dans l'écorce plusieurs traces foliaires à différentes distances de la périphérie du cylindre central où elles ont pris naissance. Mais, ce qu'il y a de plus remarquable dans le P/atyzoma, c’est que, en dedans de cette zone annulaire de vaisseaux dont il vient d'être question, et séparée d’elle par une assise à cadres lignifiés, on trouve un énorme massif de cellules scléreuses brunes qui présentent les mêmes caractères que celles tant de fois signalées chez les Fougères. Entre l'anneau ligneux et cette assise à cadres interne qui ne vient jamais se mettre en relation avec le véritable endoderme, il n’y a pas de tubes criblés. Pour expliquer cette structure, il faut, je crois, se reporter à la tige des Eugleichemia, car vouloir rapprocher cette structure de celle des Mertensia en considérant le sé- questre scléreux comme l’homologue d’un ensemble d'ilôls dont chacun se serait formé au point de départ d’une feuille et qui, les feuilles se rapprochant beaucoup, auraient con- flué et seraient restés dans la tige sans qu'il se développât de liber autour d'eux, serait se fier à des ressemblances trompeuses. D'ailleurs, au point de vue des caractères morphologiques extérieurs, le Platyzoma se rattache aux Eugleichenia; et si l'on veut invoquer les concrescences résullant du rapprochement des feuilles, 1l serait vraiment extraordinaire qu’une tige de Wertensia, très différent d'un Eugleichenia où les entre-nœuds sont très longs, donnût, par RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 181 une simple coalescence de la base de ses feuilles, une tige de Platyzoma, lequel est très voisin d’un Eugleichenia. Mais si on étudie la base des pétioles des Eugleichenia un peu au-dessus du point où ils se détachent de la üige et même quand les stèles sont encore contenues dans l’é- corce caulinaire, on aperçoitune produc- tion très singulière el qui peut servir, me semble-t-il, à comprendre: ‘la structure de la tige du Platyzoma. Si nous exami- nons la stèle du Gleichenia hecisto- phylla au moment où, après s être dé- tachée et avoir che- miné quelque temps dans l'écorce, ellese redresse brusque- ment, nous voyons s'individualiser au centre du massif li- gnifié une ou deux cellules tranchant Fig. 17. — Gleichenia speluncæ. — Moitié du pétiole. E, endoderme ; P, péricycle; L, liber; S, massif scléreux entouré d’une assise à cadres 4 {endo- derme des auteurs) (gross. 140). par leur teinte brune sur le fond jaunâtre de celui-ci (fig. 17). Aulour d'elles on distingue une assise à cadres lignifiés (1), semblable à celle qui caractérise l'endoderme. Ce groupe _ de cellules brunes va en augmentant d'importance Jus- qu'à une certaine hauteur (1 à 2 centimètres) dans le pé- (4) Schutzscheide des auteurs allemands. 182 GEORGES POIRAULT. tiole, sans toutefois devenir jamais bien considérable ; puis, à partir de ce niveau, il se réduit, jusqu à n être plus formé que d’une seule cellule, toujours entourée de cette assise à cadres caractéristiques, qui apparaît et disparaît avec lui. Dans le Gleichenia speluncæ, les choses se passent à peu près de la même manière ; mais, dans cette plante, ce séquestre de cel- lules brunes monte beaucoup plus haut dans le pétiole, où l’on peut le retrouver à une distance assez faible au-dessous de la première ramification(fig. 17). Par contre, la même pro- duction est très réduite dans le pétiole du Gleichenia polypo- dioides, ou, pour mieux dire, elle ne s’y montre pas. Chez cette plante l'apparition des cellules brunes et de leur assise à cadres suit presque immédiatement la formation, en face des groupes de protoxylème dont il à été question plus haut, du massif lignifié qui marque le début du détachement de la stèle pétiolaire. Le nombre de ces cellules brunes ainsi séquestrées ne dépasse pas trois à quatre. On ne les trouve que sur un trajet extrêmement court, et, Le système conduc- teur de la feuille ne s’est pas encore complètement séparé de la tige qu’elles ont déjà disparu. Si maintenant, ayant ces faits présents à l'esprit, on ima- gine que, la longueur des entre-nœuds diminuant, les feuilles d’un Æugleichenia se rapprochent, la base de chacune d'elles étant le siège de la formation d’un séquestre, on peut conce- voir la coalescence de ces productions très rapprochées en un séquestre général qui restera dans la tige comme celui du G. polypodioides, et la structure qui en résultera sera bien voisine de celle de la tige du P/atyzoma. CHAPITRE TI LA FEUILLE. Les feuilles simples, entières, qui ne sont pas très fré- quentes dans les Polypodiacées, manquent totalement aux RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 183 Cyathéacées et aux Gleichéniacées. Quant aux feuilles com- posées à divers degrés, elles sont si nombreuses et si variées qu'il ne nous est pas possible d'en indiquer ici les diffé- rentes formes. Tout en étant moins marquée que chez les Phanérogames, la métamorphose des feuilles mérite d’être signalée. Con- formément à une loi d'évolution très générale, les premières feuilles que porte la plantule de germination sont, pour l'ordinaire, les plus simples, et celles qui viennent par la suite sont de plus en plus compliquées. Puis, à partir d’un certain stade, 1l semble que les choses suivent une marche inverse; par des progrès insensibles, ou même brusquement, cest une feuille plus simple qui apparaît, et celle-là porte les sporanges (A /upidopteris peltata et palmata, Heteroneu- ron arqutum F.). Cependant, le plus souvent, la feuille fertile rappelle par sa forme générale, et même par sa nervalion, les feuilles végétatives; mais elle s’en distingue soit par une réduction plus ou moins grande de son parenchyme, soil par sa texture plus coriace. Dans certains Polypodium, la feuille sporifère ne diffère des feuilles stériles que par la plus grande richesse de son contenu chlorophyllien (1). Mais on peut observer, entre les feuilles végétatives elles- mêmes, des différences non moins grandes que celles qui séparent les feuilles stériles des feuilles reproductrices. Ainsi, chez différents Drynaria vivant en épiphytes dans les forêts tropicales, certaines feuilles se détournent de leur fonction assimilatrice ordinaire pour remplir un rôle parli- culièrement utile. Une plante terrestre n’a, en général, aucun effort à faire pour aller chercher sa nourriture dans le sol; une plante épiphyte, au contraire, ne doit pas seulement protéger son substratum contre la dessiccation; il lui faut encore, dans certains cas, recueillir soigneusement les débris végétaux qui se transformeront en humus où elle puisera l'aliment de son existence. Dans l’Asp/enium Nidus et autres espèces de même groupe, les grandes feuilles nidulantes (4) Gœbel, Ann. du Jardin Bot. de Buitenzorg, t. VIT. 184 GEORGES POIRAULT. constituent au sommet de la tige, c’est-à-dire dans la région de sortie des racines, une coupe largement ouverte pour recevoir les détritus. Dans les Drynaria éludiés par M. Gœ- bel (1), il n'en est pas de même; la tige rampante, couverte d'un épais feutrage d’écailles roussâtres qui lui donnent l'aspect bizarre d’un animal, porte en deux rangées dorsales de grandes feuilles profondément pennifides. Mais certaines d’entre elles (Nischenblätter), au lieu de s’allonger, restent courtes, sessiles, cochléiformes, et, tournant leur concavité vers l'arbre où s'attache la tige, elles représentent des sortes de consoles creuses où s'accumulent les détrilus. La texture de ces feuilles est absolument différente de celle des feuilles assimilatrices ; elles sont coriaces, pauvres en chlorophylle et ne vivent que peu de temps; mais, même mortes et ré- duites à leur réseau de nervures beaucoup plus épaisses que celles des feuilles stériles ou des feuilles fertiles (qui dans ces plantes sont semblables), elles peuvent encore remplir la fonction que nous venons de dire. Ailleurs, dans les Platyce- rium, le dimorphisme foliaire correspond à un but tout différent; les larges feuilles en écusson (Mantelblälter) (2) qui couvrent la base de la tige ne jouent qu’un rôle secon- daire et passager dans l'assimilation, mais protègent très efficacement les racines contre la sécheresse. Dans certains Polypodium (P. linquæforme, P. musæfolium), ce rôle pro- tecteur est rempli par la base même du pétiole, qui s'étale en forme de disque au-dessus des jeunes racines (3). Ces différences que nous venons de noter entre les feuilles végétatives ont une raison d’être évidentes, la transformation y répond à un but spécial ; mais il n'en est pas de même de certaines modifications principalement visibles dans les A crostichum de la section Lomariopsis (L. ludens, variabilis, spinescens), où l’on observe çà et là sur une tige des feuilles (1) K. Gœbel, Ueber epiphytische Farne u. Muscineen (Ann. du Jardin Botan. de Buitenzorg, t. VII, 1888). (2) Gœbel, Loc. cit, p. 12: (3) Beccari, Malesia, vol. IT, fasc. 4. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 185 tellement différentes des feuilles végétatives ordinaires et des feuilles reproductrices, que les voyant détachées les unes et les autres on ne pourrait soupconner leur communauté d'origine. Peut-être sont-ce les feuilles caractéristiques de la plante trèsjeunes qui reparaissent accidentellement plus tard ? Si la tige se ramifie peu, surtout dans les espèces à souches dressées, en revanche la feuille des Fougères (principalement dans les genres Asplenium et Aspidium) produit souvent des bourgeons. Ceux-ci se montrent tantôt à l'extrémité du pétiole (Fadyenia prolifera, Asplenium prolongatum, Scolo- pendrium rhizophyllum, Acrostichum (Heleroneuron) flagellr- ferum, etc.) ; lantôt en un point quelconque du limbe (Cera- topteris thalictroides), mais toujours au-dessus d’une nervure. En général, quand, dans une feuille, plusieurs pinnules sont gemmipares, les bourgeons occupent d’une pinnule à une autre des places correspondantes. Lorsque le bourgeon pétio- laire est terminal, on voit souvent, si la feuille est pennée ou décomposée pennée, les pinnules se réduire et s’espacer beaucoup, ou bien si la feuille estentière, le parenchyme dispa- railre presque complètement (A crostichum flagelliferum, etc.) et, dans tous les cas, ce péliole se terminer par un long fla- gellum qui s'incline vers le sol pour y déposer un bourgeon. Quand le dimorphisme n'est pas très accentué entre les feuilles stériles el les feuilles fertiles, on peuttrouver des sores sur la feuille gemmipare (Asplenium bulbiferum). Mais dans les cas d'hétérophyllie marquée, il ne m'a pas semblé qu'une feuille fertile fût en même temps le siège de bourgeonne- ment. D'autre part, dans les À crostichum (Euacrostichum) où chaque feuille fertile porte des spores par millions, je ne crois pas qu'on ail signalé d'espèces prolifères. Les rares À cro- shichum (Heteroneuron) gemmipares (A. proliferum) por- tent exclusivement des bourgeons sur leurs feuilles stériles. Dans quelques cas (Osmunda, Todea barbara (1), Struthio- (1) Bower, On the comparative Morphology of the leaf in the Vascular Crypto- _gams and Gymnosperms (Phil. Trans., 1884). — Bower, The comparative eæa- mination of the meristems of Ferns, as a Phylogenetic Study (Ann. of Botany, vol. Ill, 1889). — Rostowzew, loc. cit. 186 GEORGES POIRAULT. ptleris germanica), certaines feuilles sont arrêtées dans leur développement avant d’avoir produit leurs ramifications lalérales et sont ainsi réduites à des sortes d’écailles assez semblables à celles des Cycadacées (pérules, scale leaf). Dans le Polypodium vulgare, on observe des avortements analogues. Beaucoup de Polypodiacées nous montrent des pétioles articulés sur la tige, mais si cette articulation est le plus souvent basale, ailleurs elle est reportée à une certaine dis- tance de la base d'insertion du rachis (O/eandra nodosa Presl, ete.), et, dans des cas exceptionnels (Po/ypodium Krameri Savalier et Franchet), eile remonte à la partie supé- rieure du pétiole très près de la première ramification. Il est un fait qui, au point de vue de la morphologie de la feuille, demanderait de longs développements et que nous devonsnous contenter d'indiquer ici sommairement: la feuille des Fougères est, dans un nombre considérable de cas, une feuille décurrente : la membrane aliforme qui lui donne ce caracière peut se montrer sur presque toute l'étendue du rachis ou bien seulement à la base où elle forme des sortes de stipules (Osmunda, Todea), qui, confluentes en lout ou en partie (Marattiacées, Ophioglosses), arrivent à coiffer le som- met de la tige d’une masse compacte de tissu emprisonnant les autres feuilles. Le plus souvent les ailes des pétioles sont formées de plusieurs assises; mais, dans l'Adiantuin Mettenü, elles n'ont qu’un seul plan de cellules, comme la feuille de cer- iaines Hyménophyllacées. D'autre part, dans un très grand nombre de Polypodium, À crostichum, dans beaucoup de Cya- théacées, chaque aile est remplacée par une bandelette banchâtre ou verdâtre, continue ou discontinue, et sur la- quelle s'ouvrent des stomates (1). (1) Trécul (Ann. d.sc. nat., Bot., 5° série, t. XIV).— Potonié, Beziehungen zwischen dem Spaltôfinungensystem u. der Stereom bei den Blattstielen der Filicineen (Jahrb. d. Kgl. Bot. Gart. z. Berlin, 1881, t. 1). — Thomæ, Blatt- stiele d. Farne, loc. cit. — Bower, Comparative examination, etc., p. 340. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 187 Par sa croissance terminale continue, la feuille des Fou- sères se distingue profondément de celle des Phanérogames. Les Fougères sont répandues sur lout le globe (1), de la Terre-de-Feu (2) au Groenland (3) et elles ne manquent ab- solument qu'aux régions désertiques où les pluies sont exceptionnelles. Mais c’est surtout dans les régions chaudes et humides qu'elles se montrent de préférence. Même, c'est là la station presque exclusive des Hyménophyllacées, qui exigent pour se développer des conditions d'humidité extrême et de lumière très faible qui ne sont guère réali- sées que dans les profondeurs des forêts tropicales (4). D'une manière générale, les Fougères sont particulière- ment abondantes dans les îles des zones tempérées et chaudes. S'il est des Fougères auxquelles la sécheresse est fatale, il en est d’autres, et beaucoup, semble-t-il, qui présen- tent à cet égard une endurance extraordinaire. Un grand nombre d'espèces peuvent rester pendant plusieurs mois absolument desséchées et se remettre à végéter au retour de conditions favorables. C’est là un fait très important el qui jette un jour tout nouveau sur la biologie de ces plantes, en nous montrant comment des végétaux que leur nature morphologique semble devoir limiter aux contrées humides, peuvent se maintenir dans des régions à longues périodes de sécheresse. Les observations de M. Borzi (5) et les recherches méthodiques de M. Bu- (1) Baker, On the geographical distribution of Ferns in Linnæn transaction, t. XXVI, 267. (2) Mission scientifique du Cap Horn, t. V. (3) Warming, Ueber Groenlands Vegetation (Engler’s Bot. Jahrb,t. X).— Dans les bois on trouve Aspidium lonchitis, Polyp. dryopteris, P. phegopteris, Las- træa spinulosa, Cystopteris alpina. — Dansles landes croissent : Lastræa fra- grans, Woodsia ilvensis, W. hyperborea, W. glabella. - (4) Le lecteur trouvera relativement à la biologie de ces plantes, de très intéressants développements dans le Mémoire de M. Giesenhagen (Die Hy- _ menophyllaceen). (5) Borzi, Xerotropismo nelle Felci (Nuovo Giornale Botanico Italiano, t. XX, 1888). 188 GEORGES POIRAULT. reau (1) et de M. Wittrock (2) sont très instructives à cet égard. Ces auteurs ont montré que la sécheresse arrête complè- tement la végétation de beaucoup de nos Fougères euro- péennes, sans toutefois les faire périr; la plante se recro- queville de différentes façons suivant les espèces. Ainsi dans le Ceterach, le rachis se rabat vers l’axe de la tige, les pin- nules se relèvent et s'appliquent les unes contre les autres par leurs faces supérieures; dans l’A sp/enium Trichomanes, c'est le contraire qui se produit et les pinnules rabattues se regardent par leur face inférieure. La plante demeure en cet élat pendant toute la période de sécheresse, pour re- prendre sa forme primitive quand la pluie viendra la mouil- ler. Toutes les espèces ne sont pas également résistantes; ainsi M. Wittrock a pu faire végéter, après plus de cinq mois de séjour en herbier, le Sco/opendrium nigripes Hk., l’As- plenium furcatum, le Polypodium plumula H.B.K., le Polypodium lanceolatum, le Cheilanthes lendigera Sw. La même expérience a réussi avec les échantillons d'Asplenium Pringlei récoltés depuis plus de deux ans. Dans le Cheilan- thes lendigera, les feuilles préexistantes se sont flétries et la plante en a produit de nouvelles. Mais, dans les trois pre- mières espèces mentionnées et dans la dernière, ce sont les mêmes feuilles qui, après cette longue dessiccation, se sont remises à végéter. Certaines espèces, P. vulgare, Asplenium germanicum Weiss, A. septentrionale ont pu être dessé- chées par un long séjour sous une cloche en présence de l’acide sulfurique, sans perdre leur vitalité. D'autre part, les observations de M. Treub (3) montrent que les Fougères peuvent s’élablir dans des régions d’une aridité extrême. — L'éruption du volcan de Krakatoa (1883) (1) Edouard Bureau, Sur une nouvelle plante réviviscente (Comptes rendus, 17 février 1890). (2) Wittrock, De Filicibus observationes biologicæ (Acta Horti Bergiani, t. I) — en suédois. Résumé allemand dans le Bot. Centralblatt, t. XLIX, p. 132. (3) Ann. du Jard. Bot. de Buitenzorg, t. VIT. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 189 couvrit l’île d'une couche de cendres et de ponces brülantes de 1 à 60 mètres d'épaisseur, anéantissant tout germe de vé- gélation. Lorsqu'en juin 1886, M. Treub visita le théâtre de la catastrophe, il constata qu’une flore nouvelle avait pris possession du sol et que cette flore était en majeure partie composée de Fougères (1), dont les spores amenées par le vent avaient germé dans les anfractuosités des pierres pon- ces, toutes remplies de Cyanophycées. C’est très vraisem- blablement grâce à la présence de ces Algues dont les gaines gélatineuses absorbent l'humidité de l’air, que les spores de ces plantes ont pu trouver sur ce sol aride des condi- tions favorables à leur germination. Une fois les prothalles formés (et l'étude de ces prothalles n’a révélé aucune dispo- sition protectrice particulière), les plantes se sont dévelop- pées dans des circonstances mal connues, mais qui témoi- gnent dansleur ensemble d’unerésistanceextraordinaire. Quoi qu'il en soit, le fait important est que, lors de l'avènement d'une nouvelle flore dans une île volcanique où la végéta- lion a été détruite, les Fougères précèdent les Phanc- rogames. PÉTIOLE. L'étude de la structure du pétiole des Fougères a élé, de la part de M. Thomæ, l’objet d’un travail étendu auquel nous renverronsle lecteur (2). Les seuls faits nouveaux que j'aurais à mentionner relativement au pétiole des Gleichéniacées, ont été exposés dans le chapitre précédent. Je rappelerai seu- lement que la forme de la stèle est bien différente dans les deux sections du genre Gleichenia; circulaire ou subcordi- (1) Gymnogramme calomelanos Kaulf., Acrostichum scandens J. Sm., Blech- num orientale L., Acrostichum aureum Cav., Pteris longifolia L., Nephrolepis exaltata Schott., Nephrodium calcaratum, Nephrodium flaccidum Hook., Pteris aquilina L., var. Pteris marginata Bory, Onychium auratum Kaulf. (2) Voir aussi Colomb, Essai d’une classification des Fougères de France basée sur leur étude anatomique et morphologique, Bull. Soc. bot. de Frence, 1888, n° 2. 190 . GEORGES POIRAULT. forme dans les Eugleichenia, elle a plus ou moins la forme d'un C dans les Mertensia. D'autre part, tous les Euglei- Fig. 18. — Gleichenia rupestris Br. — Pétiole, coupe transversale un peu au- dessous de la première ramification ; E, endoderme; P, péricycle entièrement occupé par des vaisseaux (?) réticulés à l'exception de la couche interne; cà et là, on voit la paroi terminale d’un de ces vaisseaux; L,, protophloème; L'x, tu- bes criblés lignifiés, Prx, protoxylème (gross. 140). chenia, à l'exception du G&. Boryi, possèdent dans le péri- cycle de leur pétiole des cellules ponetuées ou réticulées RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 191 à membranes fortement lignifiées (fig. 18). Ces éléments ne se montrent quà l’élat isolé dans les pétioles des Mertensia, ou même, dans la plupart des espèces, ils font Das lEtoment défaut. — J'ai eu occasion de faire une série d'observations sur la structure des tubes criblés dans la tige et dans le péliole. Comme c’est dans cette partie de la feuille que j'ai pu les étudier le plus facilement, c’est ici que j'exposerai les résultatsobtenus sur deux points controversés, encore que cel exposé ait pu aussi bien trouver place dans une autre partie de ce travail. Tubes criblés. — Les tubes criblés des Fougères nous sont connus d'après les travaux de Dippel, de MM. Russow, de Bary et de Janczewski (1), et ceux plus récents de M. Ter- letzki (2). Les résultats obtenus presque simultanément par M. Rus- sow et M. de Janczewski concordent en général. Il n’y a diver- gence que sur un point, M. Russow admettant que, dans loutes les Cryptogames vasculaires, les pores de ces éléments sont bouchés par des cals, comme dans les Phanérogames, M. de Janczewski considérant, au contraire, cette formation comme exceptionnelle dans le groupe qui nous occupe (Pteris aqui- lina, Osmunda regals). I est vrai que M. Russow élablit des distinctions entre les tubes des Cyathéacées et ceux des Polypodiacées, au point de vue de la puissance de développe- ment de ce cal, qui, facile à mettre en évidence chez les premières, serail chez les secondes extrêmement peu dis- tinct. Les résultats de mes recherches se rapprochent beaucoup plus de ceux de M. Russow que de ceux de M. de Janczewski. En réslité, il y a des cals dans les tubes de toutes les Fou- _gères (y compris les Gleichéniacées non examinées jusqu'ici (1) On trouvera la bibliographie dans le Mémoire de M. de Janczewski (Etudes sur les tubes cribreux, Annales des Sc. Nat., Botanique, 1882) et dans celui de M. Potonié (Leitbündel d. Gefässkryptogamen, Jahrb. d. Kg. Bot. Gar- tens zu Berlin, t. II, 1883, p. 250). (2) Terletzki, Loc. cüt. 192 GEORGES POIRAULT. et dans lesquelles, sur des matériaux d'herbier, j'ai pu mettre ces formations en évidence avec la plus entière certitude), et même dans le Salvinia (fig. 19). Quant à la distinction à établir entre les Cyathéacées etles Polypodiacées sous le rapport de l'abondance de celte production, je ne crois pas qu’elle puisse être maintenue, car J'ai trouvé des cals dans toutes les Poly- podiacées où je les ai cherchés dans des tubes criblés complè- temenl formés; et dans certaines | espèces, comme le Woodiwar- | 20 +. | /. : | dia radicans, les cals sont aussi | k ‘4 C développés que dans toutes les Ai | Cyathéacées que j'ai vues. ou D'autre part, contrairement | | à l'avis de M. Russow, qui ad- Ÿ fie | mel l'existence de cals dans les : | D Marattiacées et les Ophioglos- | sées, Je crois pouvoir affirmer | | foret à pour lAngiopteris, que cette 17 plante n’a pas de cals dans ses Fig. 19. — Salvinia natans.— Tubes lubes criblés, et quant à lOphio- criblés. À,B, deux tubes montrant olosse, leur absence complète les cloisons transverses inégale- ment inclinées; C, une cloison chez celle plante n’est pas dou- transverse vue à plat, montrant - les cals ; D, pores isolés sur une teuse. cloison longitudinale (gross. 550). Une seconde question, quires- tait encore à résoudre après les recherches des auteurs précédents, était celle relative à la perforation des tubes criblés. Dans une note antérieure, j'ai admis, d'accord en cela avec MM. de Janczewski et Rus- sow, que ces cribles n'étaient pas perforés, et de fait, si on éludie les membranes sur des matériaux frais, même à l’aide des réactifs colorants, les cribles paraissent séparer complè- tement deux arlicles contigus ou superposés, et il ne semble pas y avoir de communication. Mais si l’on applique à ces recherches les méthodes en usage pour mettre en évidence les communicalions protoplasmiques intercellulaires, il faut, je crois, arriver à conclure à la perforation. La chose RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 193 n'est pas douteuse pour les tubes d’Angiopteris et d'Ophio- glossum ; dans ces deux plantes, j'ai très bien vu à maintes reprises, après traitement approprié, des filaments plus ou moins fins strier la membrane, fermant les pores et passer d’un tube à l’autre (fig. 20 et 21). Pour les Fougères, la question est plus compliquée, et M. Terletzki, qui l’a abordée, ne l'a pas résolue comme il le pense, car \ ce botaniste, dans son étude sur le À … Pteris aquilina, n’a pas tenu compte x és de ce fait, que MM. Russow et X Re de Janczewski s’accordaient à ad- û Ê. nn mettre, la présence de cals fermant A Eu la ponctuation, ce dont M. Ter- l Lo letzki ne parle pas. Ainsi, ce que | AL cet auteur prend pour des commu- \ ie : | À nications protoplasmiques ouver- Â\ d , tes, ce sont les bâtonnets calleux D OU TE traversant la membrane. Comme fm. — Tube eriblé de la : un Ë Le : è tige; a, portion de paroi Jen al PU JUSQU ICI Arriver à colorer transversale d’un tube frais d’une façon indépendante à la fois examinée dans l’eau sans réactif. — b, une autre por- le contenu du tube et le bouchon calleux, il ne m'est pas possible de dire si, comme Je le crois, les bà- tonnets calleux sont perforés. Dans ces dernières années, tion de paroi transversale après l’action de l'acide sul- furique et coloration. Dans les deux cas les globules ré- fringents qui se trouvent en quantité au niveau des pores ont été supprimés (gross. 440). M. Mangin (1) à appelé l'attention sur une substance spéciale, assez répandue en somme dans les cellules des plantes, substance qui présenterait les réactions colorées de ce bouchon des pores des tubes criblés, et, que pour cette raison, il propose d'appeler callose. Celte callose se montre dans les cellules les plus diverses. Étant données, d’une part, la frappante analogie qu’il y a au point de (4) L. Mangin, Observations sur la présence de la callose chez les Phané- rogames (Bull. Soc. Bot. de France, tome XXXIX, p. 260, 1892). On y trouve l'indication des travaux antérieurs. ANN. SC. NAT. BOT. XVILS 43 194 GEORGES POIRAULT. vue des ouvertures ménagées dans les parois cellulaires — et qui sont ou béantes (ce que je ne crois pas), ou occupées par une substance spéciale qui favoriserait la diffusion des albu- minoïdes entre deux cellules, —et d’autre part, la présence de ces dépôts calleux, on peut se demander si le rapprochement que nous faisons plus loin (1) entre une cellule de paren- | chyme et un tube criblé n’est pas | | plus étroil encore. ) Il n’en est rien. Et en admettant même, ce qui n'est pas démontré, NE. qu'il y ait identité entre la substance FL qui ferme les pores des tubes criblés et celle qui se montre dans les cellu- les les plus diverses, 1l reslera tou- jours entre les deux cette différence considérable, à mon sens, que la pre- mière est constamment en relation avec une ponctuation, ce qui n'est pas le cas pour la seconde. Re Ce M opte D à Présence du cat et perforation des villeana. — Tube criblé du {ubes, tels sont les deux points sur pétivle. Portion de paroi 5 , : transversale après gonfle. lesquels javais surtout à compléter Rd r n les observations de MM. de Janc- pores auniveaudesquelson zewski et Russow. Quant à la struc- voit les globules réfringents : UNE é : (gross. 440). ture des tubes, Je n'ai rien à dire qui n'ait été dit par les précédents auteurs. Je signalerai seulement les très remarquables tubes criblés des Cyathéacées, du Cyathea medullaris en par- ticulier (fig. 22). | Dans le pétiole de cette plante, J'ai trouvé des tubes de 35 y de diamètre, dont les cloisons dépassaient 700 y de longueur, soit plus de 20 fois le diamètre du tube. [l en résulte que sur une grande partie de leur trajet ces cloisons, beaucoup plus minces d’ailleurs que les cloisons longitudinales, semblent (1) Voir le paragraphe des Communications protoplasmiques, p. 241. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 195 parallèles à ces dernières. C’est par centaines qu’on y peut compter les plages criblées, limitées par des tractus cellulo- siques onduleux. Dans chaque plage on peut distinguer un certain nombre de centres autour desquels les pores se sont développés (fig. 22) (1). C'est là la plus grande exagération de ce qu'on appelle les tubes du type Vigne (2). Fig. 22. — Cyathea medullaris, Pétiole. — Portion de cloison transversale de tube criblé (gross. 400). Le lecteur trouvera dans le mémoire de M. Potonié (3) les indications bibliographiques relatives aux « fibres libé- riennes » (Bastähnlichen Fasern) des Cryptogames vascu- laires. Ces éléments, que j'ai observés dans la tige du G{ei- chenia polypodioides et dans le pétiole des G. hecistophylla, rupestris, circinata, doivent être, à mon avis, considérés comme des tubes eriblés lignifiés. Ils occupent la véritable posilion des tubes criblés (voir la figure 18), et les ornements de leurs parois sont exactement ceux de tubes criblés à l’inté- rieur desquels serait venu s'appliquer un dépôt ligneux. LIMBE. Division du sujet. Le limbe nous offre à considérer : 1° Une écorce (parenchyme foliaire, mésophylle), limitée exiérieurement par un épiderme ; | 2° Un ensemble de stèles qui, seules ou avec des épaississe- (1) Georges Poirault, Tubes criblés des Filicinées, Comptes rendus, 27 juil- let 1891. (2) Lecomte, Liber des Angiospermes (Ann. Sc. Nat., 7° série, X). (3) Potonié, loc. cit., p. 241-242. 196 | GEORGES POIRAULT. ments sclérenchymateux de l’écorce surajoutés, constituent les nervures. L'exposé qui va suivre comprend : A. Des considérations générales sur la siructure de l'écorce ; comment on peut comprendre sa différenciation. a. Quelques détails relatifs aux particularités de structure de l’épiderme (et de ses dépendances : stomates, sclérites), et de l'écorce. B. Structure des stèles (correspondance des nomencla- {ures emplovées); variation de cette structure dans l’ensem- ble de la feuille; terminaison des stèles. : a. Une série d'observations sur les points suivants : 1° Communications protoplasmiques, p. 210. 2° Cristalloïdes, p. 224. 3° Oxalate de calcium, p. 229. 4° Nodules siliceux des Marattia el Angiopteris, p. 240. 5° Bâtonnets intercellulaires, p. 243. À. Considérations générales sur la structure de l'écorce de da feuille. — La feuille del’Aymenophyllum Malinqu présente une structure très remarquable {1}. Sa section transversale a la forme d’une ellipse, dont le centre est occupé par une stèle très réduite, entourée d’une endoderme et d'une gainerelati- vement épaisse de cellules scléreuses largement ponctuées. Tout autour de ce massif scléreux, sont fichées de longues cellules à chlorophylle, papilleuses, complètement isolées les unes des autres, et de grands poils étoilés. Ces cellules à chlo- rophylle représentent tout le système assimilateur de la plante. C'est donc là un type tout à fait spécial. Partout ail- leurs, chez les Fougères, les cellules vertes forment une lame continue, qui, dans la majorité des espèces d'Hyménophylla- cées, est réduite à une seule assise, mais, chez beaucoup d’au- tres plantes de cette famille, et dans toutes les Polypodiacées, comprend plusieurs couches de cellules. La structure de cette lame fohaire peul être ramenée à deux types bien dis- (1) Giesenhagen, Hymenophyllaceen, p. 419. — Flora, 1890. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 197 tincts. Dans un premier, réalisé chez les Hyménophyllacées, et exceplionnellement chez les autres Fougères, les cellules sont intimement unies entre elles sans laisser de méats, et cetle absence de méats est en rapport avec l'absence de sto- males. Dans un deuxième type, les cellules sont plus ou moins lâchement unies entre elles et les cavités aérifères qui les séparent communiquent avec l'extérieur par des stomates, généralement localisés sur la face opposée à celle qui regarde la Uige. Je ne m'arrêterai à la première structure, déjà connue de- puis longtemps, que pour rappeler qu'elle n'est pas spéciale aux Hyménophyllacées; que M. Bower l’a déjà mentionnée dans l’Asplenium resectum (1), une Polypodiacée dont la spé- cification est douteuse ; enfin que, tout récemment, M. Giesen- hagen l’a rencontrée dans l'Asplenium obtusifolium (2). Ce n’est donc pas là un caractère de famille, mais un caractère d'espèce ou même de variété ne se montrant que dans des plantes vivant dans un air saturé d'humidilé, sous une lu- mière très faible, c’est-à-dire dans des conditions qui sont celles des Hyménophyllacées, condilions auxquelles certaines Polypodiacées peuvent s’adapler. Dans ces lames cellulaires compactes, 1l n’y a de chlorophylle que dans les cellules Îles plus superficielles, parfois même dans une seule assise à la face supérieure {Trichomanes Hildenbrandiü) (3), les parties les plus profondes des tissus ne contenant souvent que des réserves. | Eu tous cas, dans ces cellules, les grains de chlorophylle sont appliqués directement contre la paroi externe. Mais lorsque la plante ne croît plus dans ces conditions exceptionnelles, et doit à la fois se défendre contre la dessic- cation et protéger sachlorophylle contre l’action destructivede _ (4) Bower, The comparative examination of the meristems of Ferns, as a Phy- logenetic study (Ann. of Botany, vol. VIII, n° XI, 1889, p. 348). (2) Giesenhagen, Hygrophile Farne. Flora, 1892. (3) Giesenhagen, Hymenophyllaceen, p. 449. 198 GEORGES POIRAULTV. la lumière, elle a recours à une autre disposition. Les grains de chlorophylle se retirent de la face externe et viennent s'appliquer sur les faces radiales et internes; mais comme là ils perdent le contact avec l'atmosphère, la plante se crée une atmosphère interne, qui n’esl pas soumise aux mêmes vicissi- tudes que l’altmosphère extérieure, et réalise ainsi dans la profondeur de ses tissus des conditions qui se rapprochent de celles d’une Hyménophyllacée. Pour cela elle écarte ses cellules les unes des autres et forme des méats qui conslituent un système de canalisation intérieure très complet et très varié, entraînant une augmentation considérable de la sur- Fig. 23. — Asplenium myriophyllum, feuille, coupe transversale. face assimilatrice. Cette disposition offre donc aux grains de chlorophylle, non seulement un abri contre une lumière trop vive, mais aussi le contact avec une atmosphère incessam- ment renouvelée et maintenue à un degré d'humidité conve- nable par le jeu régulier des stomates. L'exemplele plus simple de cette struclure, qu'on pourrait appeler méatique par opposition à la première qui serait dite compacte, nous est offert par un Asplenium de Cuba distribué par Wright sous le n° 1092 (ce serait une forme jeune del’Asplenium myriophyllum Pres. ?), plante qui rap- pelle un peu, par sa lame pellucide, une Hyrnénophyllacée, mais quien diffèreabsolument par sastructureinterne(fig. 23). Le limbe ne comprend que deux couches de cellules ; les cellules aplaties qui forment la face inférieure sont intime- ment unies entre elles, mais les cellules cupuliformes de la couche supérieure, qui constituent à elles seules plus des deux tiers de l'épaisseur du limbe, ne sont unies latérale- ment que sur une petite partie de leurs cloisons radiales. Il en résulte que toute la feuille est creusée de méats, qui communiquent avec le dehors par de rares stomates situés RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 199 à la face inférieure. — Mais le plus souvent la structure présente une complication plus grande, par suite de laug- mentation de nombre des couches de cellules chlorophyl- liennes, qui est de trois à quatre dans la majorité de ces Polypodiacées à feuilles très minces (Aspidium dissectum, Cymnogramme pumila, Asplenium Mannu, etc.). Toutes les cellules contiennent de la chlorophylle, aussi bien dans la couche limitante que dans les assises plus profondes. La forme de ces cellules qui constituent le parenchyme oliaire est très variable, mais on peut se faire une idée complète de l'ensemble de ces variations en partant des con- sidérations suivantes. Une cellule de feuille de Fougère est lypiquement une cel- lule cylindrique allongée dans le plan du limbe. Les décol- lements de membranes qui se produisent entre ces cellules et qui donnent naissance aux méats sont plus ou moins étendus suivant les cas, mais vont toujours en augmentant de la face supérieure à la face inférieure où se trouvent les stomates. On peut donc suivre la transformation graduelle de l’élement cylindrique primitif en une cellule rameuse à bras de plus en plus longs. Dans bien des cas, tout le paren- chyme est formé de cellules semblables ; mais ailleurs, on voit celles situées vers la face supérieure, à commencer par l’assise limitante externe, présenter uneréduction dans le sens de la longueur. La cellule se ramasse pour ainsi dire, réduit la longueur de ses bras latéraux, ses bras inférieurs subsistant seuls et venant rejoindre les bras supérieurs des cellules sous-jacentes. Puis, la réduction des bras latéraux conti- nuan!t, elle se transforme en une cellule cylindrique, ou à peu près, allongée non plus dansle sens longitudinal, mais perpen- diculairement au plan de la feuille (1). Les bras latéraux ont (1) C’est la forme bien connue des cellules palissadiques. Cette disposition semble en contradiction avec ce que nous avons dit précédemment de la tendance qu'a la plante à augmenter son atmosphère interne. La chose s’explique par ce fait que les cellules sont le plus exposées à la lumière, que par conséquent les grains de chlorophylle doivent prendre la position 200 GEORGES POIRAUL®. complètement disparu, les cellules se serrant les unes contre les autres en laissant entre elles des méats assez petits compa- rés à ceux du parenchyme sous-jacent, et les bras inférieurs viennent comme précédemment établir la relation avec les cellules inférieures. En résumé, augmentalion graduelle des méats de la surface supérieure à la face inférieure, tendance au redressement des cellules supérieures perpendiculaire- ment à la surface : tels sont les deux traits principaux de la structure de la feuille. Mais, si chez beaucoup de Fougères A splenium cultrifolium, Trichomanes, lanceolatum, Fadyenia prolifera), V'assise supé- rieure ne diffère pas des cellules sous-jacentes au point de: vue du contenu chlorophyllien, il n’en esi pas partout de même et, dans un nombre considérable de cas, il s’isole à la face supérieure une assise d’où la chlorophylle disparaît partiellement ou entotalité. En même temps, les cellules ex- ternes perdent la forme en creuset qu'elles avaient précédem- ment (Hemionitis palmata, Asplenium marinum) ; leurs parois. radiales se soudent dans toute leur longueur, puis ces parois s’épaississent plus ou moins, en un mot, il se fait un épiderme, dont nous signalerons plus loin les différentes particularités. Ce phénomène de spécialisation d'une assise peut se ré- péter sur la couche sous-jacente et même sur plusieurs as- sises. Il se constitue alors ce qu’on a appelé un hypoderme:- et ce que M. Van Tieghen désigne (comme dans la racine et dans la tige) sous le nom d'eroderme. Cet exoderme distinct de profil (voir plus loin). Or ces grains se disposent dans le plasma pariétal à plat comme des galets au fond d’un ruisseau. Cette nécessité entraine le développement de la cellule parallèlement à la direction des rayons lumi- neux, c’est-à-dire perpendiculairement à la surface du limbe. Le système palissadique n’est donc pas en contradiction avec ce que nous avons dit de l'atmosphère interne. Sa production est dans certains cas une nécessité physiologique tellement impérieuse qu'il y a une relation directe entre la puissance de son développement et l'intensité lumineuse à laquelle la feuille est soumise (Stahl, Dufour). D'autre part, l’intensité relativement faible de la lumière dans les couches profondes du tissu, détermine la position frontale des grains et par conséquent le développement longitudinal des surfaces destinées à les soutenir, c’est-à-dire du corps et des bras de notre cellule cylindrique. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 201 se montre dans des feuilles de structures très différentes, aussi bien dans celles où les cellules sont toutes allongées dans le plan de la feuille, que dans celles où il y a des palissades, ou dans ces cas intermédiaires où les cellules sont isodia- métriques. Il ressemble à l'épiderme par l'absence complète dechlorophylle, l’étroite union deses cellules les unes avecles autres. S'il reste mince dans beaucoup de cas {P/atycerium), ailleurs l’épaississement de ses membranes peut dépasser de beaucoup celui des cellules épidermiques (P{erozonium). Nous avons précédemment comparé les conditions d’at- mosphère interne de la feuille aux conditions extérieures qui sont celles des Hyménophyllacées. Mais landis que l’'Hyménophyllacée est passive vis-à-vis de son milieu, qu’elle meurt dès que l'air devient moins humide et la lumière plus intense, la plante àparenchyme méatique a plus de ressources pour se défendre. Elle peut, en effet, enfermant sesstomates, conserver à son milieu gazeux intérieur une humidité conve- nable. De plus, en épaississant en tout ou en partie les parois des cellules qui limitent ses méats, elle peut diminuer d'autant sa perte d’eau par évaporation interne. C’est du moins à cela que semblent correspondre ces épaississements du paren- chyme lacuneux si visibles dansles Jamesonia, le Pterozonium renijorme,les Davallia de la section Eudavallia, beaucoup de _Cyathéacées, etc., etc. Dans le Pferozonium, le parenchyme palissadique supérieur n’est pas lignifié, mais tout le reste du issu se colore par le phloroglucine et l'acide chlorhydrique. Ailleurs, la plante paraît assurer sa distribution d’eau in- lérieure par l’adjonction d’un système qui, lout en étant par la structure de ses éléments très différent de ce que M. Van Tieghem à appelé tissu d'irrigation dans la feuille des Po- docarpus, semble répondre au même but. Dans l’Acrostichum aureum par exemple, dont la feuille très coriace est pourvue _ d'un épidermeà parois minces cellulosiques, mais d’un exo- derme àmembranes épaisses lignifiées, on voit, dans le plan moyen du limbe, venant se rattacher aux cellules épaisses de la gaine peristélique, un réseau de cellules à parois minces 202 _ GEORGES POIRAULT. faiblement lignifiées el pourvues de poncluations très nombreuses et de formes très variées. Chacune de ces cel- lules prise isolément est une cellule rameuse dont tous les bras sont dans un même plan et viennent s'unir à ceux des cellules congénères. Leur ensemble forme doncun réseau à mailles très larges, à travers lesquelles les gaz peuvent cir- culer facilement el monter entre les éléments silués à la face supérieure. Si le lissu d'irrigation élait formé de cellules étroitement unies les unes aux autres,les méats de la partie supérieure de la feuille se trouveraient isolés de toute com- municalion avec le dehors, les stomates étant localisés à la face inférieure où, soit dit en passant, ils sont particulière- ment nombreux (1). (1) Le lecteur trouvera dans le Journal de Botanique de 1887 un bon arti- cle de M. Dufour, intitulé : Les récents travaux sur le tissu assimilateur des plantes. C'est un résumé des différentes interprétations de la structure de la feuille, proposées dans ces dernières années par M. Stahl et par M. Ha- berlandt (pour ce dernier auteur voir aussi Vergleichende Anatomie des assi- milatorischen Gewebesystems der Pflanzen. Pringheim’s Jahrb., t. XIII, 1881, p. 74, et Physiologische Pflanzenanatomie, p. 180). — M. Stahl reprenant el généralisant les résultats déjà mentionnés par M. Bôhm, puis par MM. Fa- mintzin et Borodin (on trouve la bibliographie dans Pfeffer : Pflanzenphy- siclogie, t. IX, p. 397), sur les mouvements des grains de chlorophylle, constate que dans une cellule les grains font face aux rayons incidents lorsque la lumière.est faible, tandis qu'ils prennent une position de profil lorsque la lumière est plus forte. Il en résulte que des cellules profondes du limbe, qui recoivent une lumière faible, peuvent s’allonger dans le plan de la feuille, parallèlement aux deux faces, et disposer leurs corps chlorophylliens face aux rayons Inmineux. Partant de cette donnée que l'énergie assimilatrice des plantes est pro- portionnelle à la quantité de chlorophylle qu’elles contiennent, M. Haber- landt admet que la plante doit tendre à augmenter autant que possible le développement de ses surfaces chlorophylliennes (Principe des surfaces chlorophylliennes maxima) ; d'autre part, ilimporte que les produits de l’assi- milalion soient enlevés des cellules le plus rapidement possible (Principe de l'enlèvement des produits par le plus court chemin). M. Haberlandt ne nie pas le fait du déplacement des grains de chlorophylle, seulement il n’en tire aucun parti pour expliquer la disposition des éléments de la feuille, et il cherche plutôt à trouver des exceptions à cette règle de position des grains: profil au soleil, face à l'ombre, énoncée par M. Stahl. Alors, c’est par la direction des courants diffusifs, débarrassant les cellules de leurs pro- duits d’assimilation qu'il veut expliquer les contradictions entre les faits et la règle de M. Stabl. I y a, dit-il, des grains de chlorophylle sur les parois qui ne sont pas traversées par un courant de substances, il n’y en a pas sur celles par où passent les produits de l'assimilation. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 203 a. Structure de l'émiderme et de l'écorce(1). — Chez les Di- cotylédones, on observe souvent une différence notable entre l'épiderme de la face supérieure et celui de la face inférieure; dans le premier, les cloisons radiales sont rec- ülignes ; elles sont plus ou moins onduleuses dans le second. Chez les Fougères, la différence est beaucoup moins fran- chée; et si, pour l'ordinaire, les ondulations sont plus mar- quées à la face inférieure, la disposition inverse peut se ren- contrer (P/atyzoma). Les feuilles plus ou moins charnues et Expliquer une structure, c'est indiquer quelle est la cause, ou quelles sont les causes internes ou externes qui la déterminent. Or à, propos de ce pa- renchyme de feuille, que voyons-nous? une cause déterminante très nette : la nécessité pour la plante de faire prendre à ses grains de chlorophylle une position en rapport avec l'intensité lumineuse la plus habituelle. La direction des grains détermine donc la direction des membranes cellulaires, et par conséquent la forme des cellules. D'autre part, les considérations pré- cédemment introduites sur l'atmosphère interne, combinées avec ce prin- cipe de l'orientation des grains, nous permettent, je crois, d'expliquer d’une facon plus satisfaisante la structure du parenchyme foliaire. Ainsi, à mon avis, c'est pour être au contact de l’atmosphère interne qu'il y à des grains de chlorophylle à l'extrémité des cellules qui forment le plancher de la chambre sous-stomatique du Brassica Napus (voir Dufour, loc. cit., p. 67). C’est par la même raison qu’on peut expliquer la disposition du Scilla bifolia, signalée par M. Haberlandt comme contraire à la règle de M. Stahl (voir Dufour, lor. cit., p. 67, fig. 3). La position des grains est bien, en pareil cas, celle voulue par la théorie de l’auteur de l’Anatomie physiolo- gique; mais elle s'explique mieux, ce me semble, en disant que c’est pour être au contact de l'atmosphère interne qu'il y a des grains dans la fourche _de cet Y constitué par les trois palissades (car ce qui se trouve au-dessus de la cellule qui fait le pied de l’Y, ce n’est pas une cellule, mais un méat). A mon avis, c’est parce que les membranes considérées par M. Haberlandt comme les surfaces de filtrage des matériaux élaborés ne sont pas en con- - tact direct avec l'atmosphère interne qu'elles sont dépourvues de chloro- phylle. Ces membranes ne se sont pas débarrassées de chlorophylle pour laisser passer les produits ; c’est parce que la lumière et l'atmosphère interne les attirant d’un côté ou d’un autre, ont déterminé l'orientation des grains qu'il y a des parois dépourvues de chlorophylle. Enfin, si le lecteur veut bien se reporter au Mémoire précédemment cité par M. Haberlandt (Vergleichende Anatomie, etc.), il verra (par exemple, PISE fg.%4,5, 10 et 18, et PL VIII, fig. 11 jet 13) que ces voussures des membranes, considérées par l’auteur comme destinées à augmenter la sur- face chlorophyllienne — ce que j’admets parfaitement — sont creuses, et que par conséquent les grains qui les couvrent sont en contact avec l’atmos- phère interne. (4) Axel Vinge, Bidrag til Kannedom om ormbunkarnes Bladbyggnad, Lund 1889. Je n’ai, à mon grand regret, pu lire ce mémoire, écrit en langue suédoise. 204 GEORGES POIRAULT. à cuticule épaisse présentent ces mêmes caractères de l’épi- derme aussi bien à la face supérieure qu'à la face inférieure (1). L'épidermedes Fougères offre cette particularité que, dans un grand nombre d'espèces (Didymochlæna, À splenium cul- trifolium, Lastræa Klotzschu, Aspidium Forsteri), il ne se dis- tingue de la couche corticale sous-jacente que par les ondu- lations des parois radiales et par un très faible épaississement des parois externes de ses cellules, qui renferment de la chlorophylle. Les cellules de l’épiderme présentent parfois sur toute l'étendue d’une face foliaire la même structure (Lindsaya trapeziformis, Allosorus crispus, Cyrtomium fal- catum, Phlebodium venosum, Antrophyum ensiforme) ; ailleurs, l'épiderme qui recouvre lesnervures a une structure différente; il est formé de cellules très peu ondulées ou même presque rectilignes, allongées suivant le trajet des faisceaux (Davallia polyantha, Microlepia hirta, Dicksonia anthriscifo- lia, Cystopterisfragilis, Llavea cordifolia, Jamesonia imbricata, Gymnogrammeelongata, ete.,ete.). Cetépiderme, qui peut être dit hétérogène, est beaucoup plus répandu que le premier, qu'on peut appeler komogène. Beaucoup de Gleichéniacées, le Davailia canariensis, etc., nous offrent des passages entre ces deux formes extrêmes. Chez ces plantes, on ne trouve que ca et là au-dessus des nervures une ou deux cellules allongées, tandis que sur le reste de la face les parois sont plus ou moins sinueuses. De plus, quand on se rapproche du point de terminaison des nervures, on voit, à la face supérieure, les cellules épidermiques perdre peu à peu leurs sinuosités et c'est très souvent sous un massif de cellules à parois rectili- gnes que se fait la terminaison. Tantôt ces cellules se rap- prochent par leur taille des cellules environnantes (P/echnum spicant, Mertensia, etc.), tantôt elles sontheaucoup plus étroi- (1) Pour l'interprétation mécanique de cette disposition, voir : Wester- maier, Jahrb. f. Wiss. Bot., t. XIV, p. 75. — Haberlandt, Physiologische Pfian- zenanatomie, p. 72. — Benze, Anatomie d. Blattorgane einiger Polypodiaceen Inaug. Diss. Berlin, 4887, p. 10 et 11. — P. Vuillemin, Subordination des caractères anatomiques de la feuille dans le Phylum des Anthyllis. Nancy, 1892, p. 155. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 205 tes (Scolopendrium, Didymochlæna). Nous aurons d’ailleurs occasion de revenir sur ces plages épidermiques en parlant de la terminaison des stèles. À ce propos, nous verrons que lorsque cette terminaison se fait dans l'épaisseur même du parenchyme, et non vers la face supérieure, l’épiderme ne subit pas de différenciation spéciale. Les cellules épidermiques sont en général aplaties et plus fortement épaissies sur leurs faces exlernes que sur leurs faces radiales ou internes. L'épaisseur de ces parois exter- nes est fort variable; parfois assez minces (Didymochlæna, Acrostichum crinitum), elles sont ailleurs fort épaisses (Po- lypodium phyllitidis, Polyp. lucidum (1)), et, dans l'immense majorité des cas, ces épaississements sont plus développés à la partie supérieure du limbe (Polypodium linqua, Scolo- pendrium, Alsophila, ele.); parlois (Balantium antarcticum), on observe la disposition inverse, et c’est à la face inférieure de la feuille que l’épiderme est plus épais. Assez rarement l’épiderme porte des ponctuations sur ses faces externes ; citons cependant à ce propos les Drymoglossum où cesponc- tuations arrondies ou elliptiques sont très grandes el très nombreuses. Dans l’Acfiniopteris radiata, Vépiderme supé- rieur porte des épaississements spiralés limitant de véritables ponctuations allongées. Les parois radiales sont rarement rectilignes (Ochropteris, À ctiniopterrs radiata) ; le plus souvent elles sont onduleuses(Scolopendrium brasiliense, A ntrophyum ensiforme, Monogramma, elc.), flexueuses (A /sophilaexcelsa, Davallia canariensis, Woodsia ilvensis, etc.), ou sinueuses (Woodoardia radicans, Asplenium Nidus), avec des épaissis- sements aux angles ou aux sinus (Pellæa flexuosa, Scolopen- drium nigripes, etc.). Dans l'A croshichum præstantissinmum, les parois radiales sont presques rectilignes, et, l’on voit çà et là à la face supé- __rieure, au point ou deux parois se rencontrent, un grosépal- _ sissement collenchymatoïde. (1) Benze, Blattorgane einiger Polypodiaceen, p. 14. ui" 206 GEORGES POIRAULT. Les parois internes des cellules épidermiques sont géné- ralement minces. Cependant, dans quelques espèces (A cros- tichum brevipes, etc.), la face interne s’épaissit presque au- tant que la face externe. Je n'ai que fort peu de choses à dire des s/omates, consti- tués, comme d'ordinaire, par deux cellules réniformes acco- lées circonscrivant l’ouverture. Ces cellules contiennent un gros noyau, un protoplasme abondant, et, alors même que le reste du tissu en est dépourvu, de l’amidon. Je n’y ai jamais rencontré ni crislalloïdes {intra ou extranucléaires), ni oxa- late de calcium. — Les stomates sont particulièrement nom- breux dans certaines Cyathéacées (Cibotium Schedei) el Gleichéniacées (G. Airta), où presque toutes les cellules épi- dermiques sont stomatifères. Les plus grands stomates connus se trouvent chez le Kaulfussia, les plus petits quej’aie rencontrés chez les Fou- gères sont ceux du Gleichenia speluncæ. — Au point de vue de leurs situations dans la cellule, ces stomates peuvent se rapporter à 2 types : 1° ils sont isolés au milieu de la cellule (stomata libera, Prantl); 2 ils sont appliqués contre une cloison (stomata applicata, Prantl). Le premier type se ren- contre dans l’immense majorité des Fougères et le second est infiniment plus rare que les traités didactiques ne le laissent croire, car en dehors de cerlains Anemia (1) (23 Eu- anemia, À Anemiorhiza) et de quelques Polypodium (P. lin- qua, P.loriforme, elc.), je ne l’ai rencontré que dans le Mo- nogramme linearis KIF. — (qu’il caractérise peut-être? En tous cas, les autres Monogramme cités plus loin à propos des sclérites ont des stomates appliqués). La cellule stomatique étant, dans beaucoup de ces espèces, presque aussi grande que celle dans laquelle elle est décou- pée comme à l’emporte-pièce, la disposition n’est pas tou- jours très facile à voir, surtout lorsque les membranes sont épaissies. (1} Pranti, Schizeaceen. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 207 Le niveau d'insertion du stomate dans la cellule épidermi- que est variable. Ce stomate s'attache tantôt vers le haut (Actiniopteris, Alsophila excelsa, Oleandra ciliata), tantôt vers le milieu {Asp/enium Halleri, Nidus, varians), tantôt vers le bas. Quand les cellules épidermiques sont bombées ou pa- pilleuses, les cellules stomatiques sont beaucoup moins hautes et s’atlachent aïors vers le milieu ou vers le bas (Polyp. linqua). Pour les raisons que j'ai dites plus haut (voir le para- graphe relatif aux écailles de la tige), je rattacherai l'étude des productions épidermiques à celle de l'appareil sécréteur qui fera l’objet d’un autre Mémoire, et, comme dépendance de l’épiderme, je ne m'occuperai ici que des sclérites. Ces pro- ductions ne sont pas fréquentes chez les Fougères. M. Kohl!{1} les à indiquées dans les genres Vaginularia. Vitiaria, Antrophyum. À propos de lAdiantum delicatulum Mart., M. Giesenhagen (2) signale la présence de selérites chez di- verses espèces du même genre. Dans tous les cas, ces sclé- rites allongées, terminées en pointe aux deux extrémités, qui se montrent mêlées, en nombre plus ou moins grand, aux cellules épidermiques, ne paraissent pas se ramifier. Elles ont une membrane épaisse imprégnée de silice (3), un pro- toplasme pariétal peu abondant et un noyau. Tous les Vitiariaet Antr'ophyum que j'ai examinés avaient de semblables sclérites (4). Quant au genre Vaginularia, créé (1) Kohl, loc. cit., p. 201. (2) Giesenhagen, Ueber hygrophile Farne, Flora, 1892. (3) Kohl, Loc. cit. (4) Certains Polypodium ressemblent beaucoup comme aspect extérieur aux Vüttaria. Même en l’absence de fructifications, il sera toujours possible de distinguer ces plantes génériquement. Les Viftaria ont des sclérites dans l’'épiderme de la tige et de la feuille ; le système conducteur de la tige forme un tube qui s'ouvre à chaque nœud pour laisser partir les stèles des- tinées à la feuille. A l’intérieur de ce tube ou de cette gouttière, le liber pré- sente souvent une réduction très remarquable (voir plus haut). D'autre part, Je ne connais pas de Polypodium ayant des sclérites dans l’épiderme de la feuille ou de la tige, et dans ces espèces à aspect de Vittaria, la tige a des stèles distinctes et séparées, et ces faisceaux de sclérenchyme brun signalés précédemment. 208 GEORGES POIRAULT. par Fée pour une plante des Philippines, il n’est généralement pas adopté, et l'espèce unique qui le constitue est rattachée aux Monogramme. De ces plantes les unes ont des sclérites (M. linearis KIE., M. Junghuhnii Hk. (Diclidopteris tenuis- sima Brack.), M. trichoidea), d’autres en sont dépourvues (47. (Cochlidium) graminoides et M. (Pleurogramme) immersa) (1). M. Baker maintient dans le Gymnogramme une espèce pla- cée dans ce genre par Sprengel, mais pour laquelle J. Smith a fait le genre monotype Hecistopteris (1839), qu'il rappro- che des Monogramme parce que, dit-il, dans certains cas la fronde est monosore. La présence de sclérites dans l’Æecistop- teris puila J.Sm. semble encore justifier cerapprochement. Il n'y a certainement pas un genre de Fougères qui se prête aussi bien que les Adiantum à l'étude des diverses manières d’être de l’appareilde soutien de la feuille. En effet, dans ce groupe, si homogène au point de vue systématique, on voit la structure varier dans des limites très étendues et l’histoire du stéréome de la feuille y est particulièrementins- tructive.car ellerésume à peuprèstoutesles combinaisons pos- sibles dé stéréomese rattachant à l'appareil tégumentaire et à l'appareil conducteur. — 1° Un premier type se distingue par la présence d’une file de sclérites développées dans l’épi- dermeinférieur au-dessous dela nervure (Ad. HerwardiaKze.A. venustum Don, À. monochlamys Eaton, À. Davidüi Franchet). Beaucoup plus rarement, semble-t-il (A. Shepherdi Hook.), cette traînée unique de sclérites se développe au-dessus de la nervure dans l’épidermesupérieur et, en général, on peut dire que, quand iln’y a desclérites que sur une face el que ces sclé- rites suivent les nervures, elles sont localisées à la face infé- rieure ; 2° Maisla disposition qui paraît la plus fréquenteest celle des À. Balfouri, chilense KIF., Schaveinfurthi Kuhn, À. cauda- tum, A. Peruvianum Kiotzsch,A.Mettenu Kuhn; là, lessclérites (1) Faute de'matériaux convenables je n’ai pu vérifier si, comme je le crois, tous les Eumonogramme admis par M. Baker (Synopsis, p. 375) ont des sclérites. Au point de vue des sclérites, le M. (Cochlidium) graminoides Baker, doit être exclu de cette première section et rattaché aux Pleuro- gamme, ce que fait d’ailleurs J. Smith (Historia Filicum, 1877, p. 178). RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 209 3 se montrent à la fois au-dessus cet au-dessous des nervures. 3° Ailleurs (A. microphyllum Kaulf., A. nigrescens Fée, A. Kaulfussu Kze.), à ce premier système de sclérites sui- vant les nervures s’en adjoint un autre développé en dehors des nervures. Mais là, ces éléments ne forment plus une traînée continue ; ils sont épars et toujours allongés dans le sens de la direction de croissance de la feuille: en aucun cas ils ne sont disposés transversalement. 4 Dans l'A. pulverulentum L., A. crenatum Willd., À. vu- losissimum Mett., les sclérites qui suivaient les faisceaux dis- paraissent à la face supérieure, où subsiste seul le système extra-nervillaire, landis qu'à la face inférieure les deux sys- ièmes sont bien développés. 5° Dans un nombre très nolable d'espèces (A. grossum Mett., À. dolosum Kze., À. phyllindis J. Sm.,etc.),iln'y a plus de selériles correspondant aux nervures et les sclérites ex- tra-nervillaires constituent, avec les gaines plus ou moins épaissies des stèles, l'appareil de soutien de la feuille (1). 6° Enfin, dans un dernier type (A. deltoideum Swartz, À. subcordatum SW., À. tomentosum Klotzsch), 1l semble que l'appareil de soutien, que nous avons vu peu à peu abandonner le trajet des nervures pour se répandre sur toute la feuille, se résolve pour ainsi dire en la monnaie de toutes ces sclérites éparses sur l’épiderme, et, se partageant également entre toutes ces cellules épidermiques, se présente dans chacune d’elles sous la forme d’un épaississement des parois externes. L’écorce de la feuille est généralement formée de cellules à membranes assez minces et cellulosiques. Cependant, on observe parfois des épaisissements surtout dans les cellules de l'écorce lacuneuse (Schiwammparenchym) (Davallia penta- phylla, etc.). Dans certains Polypodium (P. thyssanolepis, (1) La structure des gaines entourant les stèles (Bastscheide) varie beau- coup d’une espèce à une autre, et les caractères qu’on en peut tirer, com- _ binés à ceux que nous donne le mode de distribution desselérites, et à diverses autres particularités anatomiques, peuvent aider à la distinction de certaines espèces. Les Lindsaya, qui par leur port rappellent les Adiantum, semblent dépourvus de sclérites. ANN. SC. NAT. BOT. XVIII, À4 210 GEORGES POIRAULT. lanceolatum, longifolium, ete.), les zones de contact des cel- lules palissadiques portent des épaississements très marqués, où sont ménagées de distance en distance des ponctuations ron- des ou elliptiques assez larges. Le plus souvent il n’y à que deux séries longitudinales de ces ponctuations; mais ailleurs, lorsque les cellules se touchent par une surface plus grande, on trouve Jusqu'à cinq ou six séries longitudinales de ponctuations (fig. 24). Nous avons déjà si- gnalé la lignification des mem- Fig. %4. — Polypodium thyssanolepis branes dans le Pterozonium re- an eRqUes COUPÉS 5 forme : ce fait est exceptions nel. Dans divers Aspidium, on trouve dans l'écorce du limbe de grands poils sécréteurs, sur lesquels nous reviendrons dans un travail ultérieur. 1° Les communications protoplasmiques intercellulares ont été, dans ces dernières années, l’objet de recherches atten- tives. D'observations déjà nombreuses 1l résulte que,loim d'être isolés, les contenus cellulaires sont réunis par de fines trabécules passant à travers la membrane. Ces com- munications se voient non seulement entre les diverses cel- lules d'un même tissu, mais entre des éléments de tissus différents. M. Terletzki (1) a, le premier, décrit ces communi- cations dans l’écorce de la racine du Struthiopteris germanica. Il n’est pas dans mon intention de refaire ici l'historique de la question; le lecteur pourra le constiluer entièrement avec les mémoires de M. Klebs (2) et de M. Kienitz-Gerloff (3), quiconliennent, par ordre de date, les indications bibliogra- ) Terletzki, loc. cit., p.471. ) Klebs,fBotan. Zeitung, 1884, p. 443. ) Kienitz-Gerloff, Die Protoplasmaver bindungen zwischen enachbarten Gewebeselementen in a. Pflanze (Bot. Zeit., 1891, p. 1). 1 2 ( ( \ (3 RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 211 phiques relatives aux divers mémoires (Thuret et Bor- net, 1878 ; Frommann, 1879-84; Tangl, 1880 ; Gardiner, 1882; Hilhouse, 1883-84; Russow, 1883; Schaarschmidt 1884; _ Terletzki, 1884, Olivier, 1885 ; Klein, 1888; Overton, 1889; Haberlandt, 1890 ; etc.); je ferai seulement remarquer que l’idée des communicalions protoplasmiques est presque aussi ancienne dans la science que celle de la structure cellulaire ; car Bernhardi (Beobachtungen über Pflanzengefässe, Erfürt 1805), dit en propres termes : « Nous devons nous demander si les cellules sont en communication les unes avec les autres et quelle est la nature de cette communication. Beau- coup d'observateurs semblent croire qu’en certaines places, la paroi cellulaire manquant complètement, les contenus peuvent passer d’une cellule à une autre; mais dans l’im- mense majorilé des cas, il n’en est certainement pas ainsi. Force nous est donc d'admettre, ou bien que Îles points sombres observés par Mirbel sur la paroi correspondent à ces ouvertures, ou bien, que leur ténuité excessive ne permet pas de les apercevoir, même avec les plus forts grossisse- ments. La première hypothèse est la moins vraisembla- bless » Mais ceci n’est qu'une induction, et la priorité d'observation du fait de perforation des membranes par le protoplasma paraît revenir à Hofmeister, ainsi qu’il résulte de notes manuscrites de cet observateur mentionnées par M. Zimmermann. À une dale indéterminée, mais certaine- ment antérieure aux travaux de M. Tangl, Hofmeister aurait, sans réaclif aucun, et à l’aide d'instruments notablement plus imparfaits que ceux dont nous disposons, observé des perforations dans les places amincies des parois cellulaires de l’endosperme du Phytelephas macrocarpa ei du Raphia tædigera (1). Ceci soit rappelé sans vouloir enlever à M. Tangi le mérite de son mémoire sur l’endosperme des Strychnos et de certains Palmiers (2). (1) Zimmermann, Beiträge z. Morphologie u. Physiologie der Pflanzenzelle, Heft 1, p. 1 (Tübingen, 1890). (2) Eduard Tangl, Ueber offene Communicationen zwischen den Zellen des 212 GEORGES POIRAULT. Je ne m'étendrai pas sur les méthodes de technique per- mettant de mettre ces communications en évidence, pour lesquelles je renverrai encore le lecteur au beau mémoire de M. Kienitz-Gerloff. Dans plusieurs cas, j'ai pu faire appa- raitre ces filaments sans gonfler la membrane en colorant par l’éosine le plasma préalablement fixé par l’eau iodée, mais la coloration se fait alors avec une extrême lenteur. Il faut laisser les coupes pendant plu- sieurs Jours dans la solution d'éosine, pour que le réactif pé- nèlre. Ce n'est done pas un moyen d'investigalion, mais un procédé de vérification que ces canalicules existent bien norma- lement, et ne se sont pas produits au cours des manipulations assez brutales auxquelles il faut néces- sairement recourir pour en faire une étude complète (fig. 25). Car, ces filaments de communi- Fig. 25. —Marattia Brongniartiü.— çcalion sont très ténus pour. Vue d'ensemble d'une cellule de l'ordinaire legiolhs sroc bebe l'écorce du pétiolé, montrant le ) P sros, Se contenu cellulaire rétracté et les yés par M. Kienitz-Gerloff, ne dé- canalicules traversant la mem- ee brane (Gross. 680). passant pas 34 (Thuidium). Après cette Mousse, nous verrons que, conformément aux faits observés par le précédent auteur dans le Polypodium vulgare, c'est dans les Fougères qu'il faut aller chercher les plus gros. Dans la plupart des cas, un grossissement de 500 à 600 fois suffit à les étudier et, dans les cas favorables, un grossissement de 150 à 180 fois suffit à les apercevoir. Endosperms einiger Samen (Pringsheim's Jahrb., t. XII, 1879-81). De toute facon, c’est à MM. Thuret et Bornet que reviendrait la priorité incontestée de l'observation des perforations dans les Floridées, les Etudes phycologiques datant de 18178. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 213 Un des objets se prêtant le mieux à l'étude de ces commu- nications protoplasmiques est l'écorce de la racine de l'Ophioglosse ; elles y sont extrêmement nombreuses, si elles ne sont pas très grosses, et, contrairement à ce qui arrive dans beaucoup de cas, les réactifs co- lorants les pénètrent avec facilité, et l’on peut étudier sans peine la structure de la membrane et le mode de répar- tüition de ces canalicules. M. Baranetzki (1) a fait, le premier, une étude approfondie du mode d'épais- sissement des parois des éléments pa- renchymateux ; il a montré que dans la membrane primitive de composition Fig. 26. — Ophioglossum chimique inconnue, mais non cellulo- vugatum. — Racine, : l Ilul it portion de cloison lon- sique, là cellulose apparail non pas gitudinale d’une cellule comme un dépôt homogène imprégnant de l'écorce montrant, JF ; ; vue de face, la réparti- uniformément la paroï, mais sous forme tion des communica- de cordons séparés, se croisant de de manière à constituer un réseau à mailles plus ou moins étroites. Ces travées cellulosiques ne sont pas situées dans un même plan, mais superposées en nombre d'autant plus grand que la membrane est plus épaisse. D'une manière générale les mailles du réseau portent le nom de ponctuations (2). (1) Baranetzki, Épaississement des parois des éléments parenchymateux (Ann. d. Sc. nat., VILC série. Botanique, t. IV, 1886). (2) Ce terme a une valeur toute relative, qu'il conviendrait peut-être de fixer suivant les cas. Ce qui est ponctuation, c'est-à-dire place mince dans une membrane d'épaisseur donnée, comporte d’autres places plus minces par rapport auxquelles les premières sont en saillie. L’étendue et la forme de ces ponctuations sont fort variables : les plus petites, à contour circulaire, elliptique ou légèrement réniforme, dans le fond desquelles les plus forts grossissements ne laissent pas apercevoir de réseau, pourraient être dites ponctuations isolées ; l'assemblage de plusieurs de ces ponctuations venant à se toucher sans se fusionner constituerait une ponctuation agrégée. Vue à plat, une semblable ponctuation montre un fond sillonné de raies plus ou moins larges, dont chacune correspond à une des travées cellulosiques pré- cédemment mentionnées. 214 GEORGES POIRAULT. M. Kienilz-Gerloff (1) a repris les observations de M. Ba- ranetzki sur la structure et le mode d’épaississement de la membrane. En traitant les coupes (préalablement débarras- sées de leur protoplasma par l’eau de Javel) par le chloro- iodure de zinc, ou mieux par l’acide acélique à 1/2 p. 100, puis par le bleu de méthylène, on colore très facilement les filaments cellulosiques. C’est par ces procédés que M. Kienitz-Gerloff a éludié les ponctua- lions dans les mem- branes du Gui. Dans cetie plante, où M. Baranetzki n’a- . vait signalé que des pores isolés, cet au- teur a décrit des ponctuations agré- gées; el, de ce fait qu'au point où deux Fig. 27. — Asplenium prolongatum. — Pétiole ; com- munications protoplasmiques entre les cellules de travées cellulosi- l’écorce externe (Gross. 550). ques se joignent, on n'observe pas. une coloration plus intense, comme cela devrait être si ces travées élaient superposées, il conclut, contrairement à ce qu'avait dit M. Baranetzki, qu’elles sont dans le même plan, et que leur dépôt au lieu d’être successif est simultané. Le but de M. Kienitz-Gerloff, en étudiant la membrane, est évidem- ment de préciser l'emplacement des perforalions dans les ponctuations.Ces perforalions peuvent-elles être vues de face? Voici ce qu'il dit à ce propos : « Si la lamelle moyenne, qui consitue la partie non épaissie de la membrane formant le fond de la ponctuation, se colorait avec le chloroiodure de C’est bien à dessein que je n’emploie pas ici le terme de ponctuation simple (einfacher Tüpfel), qui doit être réservé pour être opposé à ponctua- tion aréolée (Hoftüpfel). Loc cle 1p 95: RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 215 zinc, les ouvertures apparaîtraient en clair sur le fond bleu général; mais, comme ce n’est pas le cas, l'ouverture n’est pas distincte, quand onregarde la membrane de face. » Sur les coupes transversales de ponctuations, l’'emplacementdesirous dans la membrane ne peut être déterminé que d’une façon in- directe, ainsi qu'il résulte du passage suivant (p. 36 et 37): « Sur des coupes de Viscum débarrassées de leur contenu et colorées par le bleu de méthylène, on voit que la lameile moyenne se colore plus fortement que le reste; il n’en est pas ainsi quand on emploie le bleu d'Hoffmann. Sur de sem- blables préparalions, les ponctuations, à l'exception des tra- vées cellulosiques, ont leur membrane basilaire incolore. C'est pour moi une preuve de l'ouverture des pores isolés ou agrégés, attendu, que, dans les vaisseaux ponctués (Tüp/el- tracheiden) le fond de la ponctuation se colore en bleu plus ou moins intense. Sur des coupes minces légèrement gonflées par l'acide acétique à 1,5 p. 100, les poncluations agrégées présentent une alternance de places plus épaisses et plus minces. Ces places minces se laissent elles-mêmes décom- poser en une série de places plus épaisses et plus minces, dont le passage de l’une à l’autre se fait d’une façon insen- sible. Ces places plus épaisses me paraissent correspondre à la section transversale des travées cellulosiques, encore qu’elles soient, dans la plupart des cas, beaucoup moins larges lorsqu'on les regarde de face; différence tenant peut- être à ce fait que la partie axile de la travée se colore beau- coup plus fortement que les parties latérales atténuées, les- quelles, vues de face, ne sont guère distinctes... Ces places minces me paraissent être des ouvertures dans la mem- brane. » En somme, la perloration de la membrane ne peut pas être mise directement en évidence dans des cellules débar- rassées de leur plasma, et on ne peut distinguer le très fin canal ménagé dans le fond d’une ponctuation. S'il était possible d'enlever tout le protoplasme des cel- lules en ne laissant subsister que les filaments inclus dans 216 GEORGES POIRAULT, + e les membranes, on pourrait arriver sans peine à voir, de face, le mode de répartition de ces filaments; puis, en colo- rant la cellulose après enlèvement du contenu des canali- cules, à voir les rapports de ces canalicules avec les travées cellulosiques. C’est ce que j'ai cherché à faire avec divers tissus, en parliculier avec l'écorce de la racine de lOphio- glosse. On coupe la racine en fragments de 1° envi- ron, que l’on met dans une solution 1odo-iodurée (iode 1 gr.; iodure de potassium 2 gr.; eau 300 gr.). On favorise la pénétration du réaclif en mettant le flacon contenant le fragment de racine en relation avec une trompe à eau; la fixation est ainsi obtenue rapidement, et les lissus con- servent assez de fermeté pour qu’on les coupe sans peine. Les sections, qui doivent être aussi minces que possible, sont lavées rapidement à l’eau. En contractant alors brusquement le plasma par un des moyens indiqués par M. Kienitz-Ger- loff {acide sulfurique, chlorure de zinc, etc.), on peut sépa- rer le corps cellulaire des filaments perçant la membrane ; la majeure partie des cellules se vidant au passage des cou- pes dans l’eau, il ne reste plus que les filets engagés dans les cloisons, où, après coloration (1), ils sont très faciles à observer, et donnent des figures de la plus grande élégance (fig. 26, 28). Ce qui frappe d’abord, quand on examine une coupe longitudinale de racine ainsi traitée, c’est le grand nombre des communications sur les faces supérieures et inférieures des cellules, dont les parois sont comme hachées de stries colorées, si rapprochées qu’à un faible grossissement ces parois sembient uniformément teintes, contrastant ainsi avec les faces longitudinales, en grande partie incolores. Un grossissement de 600 à 800 fois permet de voir que la coupe de ces faces terminales présente une alternance de places épaisses et de places plus minces, particularité qui (1) Beaucoup de couleurs d’aniline sont applicables en pareil cas; je cite- rai par exemple le brun acide de Poirrier, différents violets de méthyle, le vert brillant cristallisé extra et la crocéine 9B de la Manufacture Lyon- naise des matières colorantes, Ces couleurs m'ont été gracieusement four- nies par la maison Poulenc. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 217 pourrait cependant échapper à un examen superficiel, car le fait de gonfler les membranes a changé leur réfringence et la membrane paraît avoir dans toute son étendue une épaisseur correspondant exactement à la longueur des filets protoplasmiques qui y sont demeurés. D'ailleurs, d’une ma- nière générale, l'aspect des préparations change notable- ment avec l’état de gonflement des membranes; àce point que deux préparations du même lissu peuvent être mécon- naissables suivant la manière dont elles auront été faites. Lorsque les membranes sont épaisses, l’action ménagée de l'acide sulfurique convenablement étendu a pour effet de gonfler la paroi juste assez pour que le réactif colorant y pénètre; on voit alors très bien les canalicules protoplasmiques à la fois dans les couches internes et dans la lamelle moyenne. Une action de l'acide plus prolongée, ou l’emploi d’une solu- PR Re hon.plus concentrée, amène la diffluence cellule de l'écorce du ; pétiole, montrant la des membranes où les canalicules ne sont répartition des com- plus distincts, tandis qu'ils sont très visi- tr BEA bles dans la Lucie moyenne notablement dilatée (fig. 27, p. 214). Ce n’est que par tâtonnements qu'on arrivera, dans chaque cas, à déterminer le degré de concen- tration de l’acide à employer; il ya toujours une concentra- tion minima à laquelle il faut se tenir quand on veut étudier les communications protoplasmiques tout en respectant autant que possible la membrane. Si, dans la racine de l’'Ophio- glosse, on a dilaté la membrane jusie assez pour permettre la . du réactif, on a l'aspect correspondant à la figure 29; si, au contraire, le gonflement a été plus énergi- que, les ne épaisses se dilatant très fortement figurent assez bien le contour d’un 8, en même temps que dans les parties minces les filaments, étirés à la fois suivant leur axe el dans le plan de la membrane, affectent dans leur ensem- ble la forme d’un tonnelet. Sur les faces longitudinales, on 218 GEORGES POIRAULT. voit, çà et là, coupées transversalement, des places minces traversées de même par des filaments protoplasmiques; à côté, on trouve sans peine les mêmes faces vues à plat et qui apparaissent toutes piquetées de points colorés, correspondant aux coupes transversales optiques de ces filamenis (fig. 26, 28). La plupart descloisons terminales sont fortementobliques, de sorte que les coupes transversales n’en montrent qu'une parlie et fort mal; mais çà et là, on rencontre une face diri- gée perpendiculairement à l'axe de la racine et qu'une coupe Fig. 29. — Cellule de l'écorce de la Fig. 30. — Tube criblé de la racine de racine de l’Ophioglossum vulgatum l’Ophioglossum vulgatum ; à gauche, (Gross. 400). portion de cloison longitudinale d’un autre tube criblé (Gross. 420). transversale fait voir à plat; on peut ainsi juger du nombre considérable de filaments protoplasmiques traversant la membrane. Une chose frappe dans l'examen de ces prépa- rations : l’étonnante ressemblance de ces cellules de paren- chyme avec les tubes criblés. La comparaison des figures 29 et 30 est fort instructive à cet égard. Quand on s’est rendu compte du mode de distribution des communications proto- plasmiques sur une membrane, il est possible d’enlever par l'hypochlorite les dernières traces de plasma et de colo- RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 219 rer, par un des moyens indiqués plus haut, le réseau cellulo- sique (1). J'ai revu ces communications protoplasmiques dans la racine de l'Angiopteris evecta (où elles ne sont pas très faciles à mettre en évidence), et dans celles de quelques Fougères (Lomaria Patersoni, Platycerium alcicorne, Poly podium decur- rens, elc.). Il est bien probable qu'on trouverait dans la racine des cas où, faute de pouvoir gonfler les membranes, il est impossible de montrer la communication. M. Kienitz- Gerloff a signalé dans son mémoire un certain nombre de ces cas (Equisetum, Begonia). C'est sans doute pour une rai- son de cetie nature que M. Terletzki n'a pu voir les com- munications dans l'écorce de la racine du Pteris aqui- ina (2). Il est probable d’ailleurs qu'en modifiant la technique, on arriveralt à apercevoir ces canalicules dans plusieurs cas où, jusqu ici, on n'a pu les mettre en évidence. Parmi les plantes dans lesquelles M. Kienitz-Gerloff n'a pu voir les communications, j'ai étudié surtout les Begonia et les Equi- setum. Pour les premiers (auxquels, d'ailleurs, je me suis moins appliqué qu'aux seconds qui se rattachaient directe- ment à mon sujet), je ne suis arrivé à aucun résultat, mais pour les Æquisetum, J'ai vu la communication de la facon la plus nette (fig. 31). L’épiderme de la feuille des Fougères convient admirablement pour l'étude de ces communica- tions ; les parois radiales des cellules sont percées de très nom- breux canalicules élablissant le passage d’une cellule à une autre, principalement visibles dans les espèces suivantes: Cyathea medullaris, Alsophila hirta, Cibotium Schiedei, Da- vällia fæniculacea, Nephrolepis, Asplenium cultrifolium, Lo- (1) On pourrait ainsi avoir deux épreuves photographiques du même fond de cellule, la première montrant la distribution des canalicules, la seconde le réseau de cellulose. Toutefois l’action de l'hypochlorite et du _ chloroïodure fait subir à la membrane de tels gonflements que, dans les photographies que j'ai obtenues, les deux images ne sont plus superpo- sables. Mais il serait peut-être possible, en modifiant la technique, de faire disparaître cet inconvénient. (2) Loc. cit., p. #48. 290 GEORGES POIRAULT. maria Patersont, Platycerium alcicorne, Polypodium decur- rens, Marattia Brongniartii, Angiopteris Durvilleana, etc. (fig. 32). Fig. 31. — Equisetum hiemale. Fig.32?.— Polypodium phymatodes. — Communications protoplasmi- — Une cellule de l'épiderme de la ques dans l'écorce de la tige : feuille montrant les communi- a, entre l’épiderme et l'assise cations protoplasmiques (Gross. sous-épidermique ; b, entre deux. 550). cellules corticales (Gross. 550). Les cellules épidermiques recouvrant les places de termi- naison des stèles, dont il sera question plus loin, sont éga- Fig. 33. — Polypodium phymatodes. Fig. 34. — Anoiopteris Durvilleana. — Epiderme recouvrant une ter- — Un stomate avec les communica- minaison de stèle dans la feuille. tions protoplasmiques (Gross. 450). Le contenu des cellules est cou- tracté et l’on voit les filaments restés engagés dans la membrane (Gross. 450). lement perforées de très nombreux canalicules [Polypodium phymatodes) (fig. 33). Mais je n’ai pu voir ces communica- RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 221 tions dans l’épiderme du Cyrtomium falcatum, de l'A cro- shichum callæfolium et du Fadyenia prolifera, ete. Je crois, malgré tout, qu'on réussirait dans cetle recherche comme J'ai réussi, dans quelques cas, à voir la communication entre les cellules stomatiques et les cellules épidermiques voi- sines. Jamais je n'ai pu parvenir à montrer les canalicules des cellules stomatiques dans toute l'étendue d’un lambeau d'épiderme ; seulement sur les bords de ce lambeau dans les parties les plus attaquées par l'acide, j'ai vu à maintes reprises de très fins bâtonnets colorés restés engagés dans la membrane; la violence de l'attaque par le réactif avant amené la rupture des communications entre la masse proto- plasmique de la cellule de l’ostiole d’une part, la masse protoplasmique de la cellule annexe d’autre part. J'ai observé ces faits dans le Marattia Brongmartu, dans l'Angiopteris Durvilleana (Kg. 34) et l’Asplenium cultrifolium. J'ai insisté plus haut, après M. Kienitz-Gerloff, sur la nécessité de fixer les matériaux où l’on veut mettre en évi- dence les communications protoplasmiques. Mais si l’on se rappelle ce que nous avons dil précédemment sur la résis- tance à la sécheresse des feuilles de Fougères, on en con- clura, je pense, que si une plante desséchée pendant des mois peut entrer en végétation après avoir été humectée ‘suffisamment, c’est bien que la dessiccation n'a pas détruit ces filaments délicats passant d’une cellule à l’autre, et, qu’en conséquence, on doit pouvoir les retrouver sur la plante sèche. C’est ce que j'ai cherché à faire avec plusieurs Po- lypodium conservés en herbier depuis longtemps, et le résultat, qui n’a d’ailleurs rien de bien inattendu, a été ce que je pensais : les plantes mises dans l’eau pendant quel- ques heures se sont gonflées et le traitement habituel a per- mis de voir les canalicules. Maintenant, y a-t-il une relation entre la taille des canalicules, la facilité avec laquelle on les _ peut mettre en évidence et la résistance de la plante à la sécheresse? C'est ce qui reste à déterminer. Lorsqu une plante est en voie de dépérissement, ces communications res- 2929 GEORGES POIRAULT. Pi tent bien longtemps visibles, aussi longtemps peut-être que les cellules sont unies entre elles. Dans des morceaux de feuille de Platÿcerium et autres Fougères ne formant pas d’oxalate de calcium, et que j'avais conservés dans l'air humide pour voir si leur dépérissement serait accompagné de formation d’oxalate tertiaire (voir plus loin), j'ai retrouvé les communications après destruction complète de la chlo- rophylle. L'origine elle mode de développement des communications ne sont pas encore connus. M. Russow (1) a, le premier, émis cette opinion qu'elles représentent les restes des fila- ments protoplasmiques reliant les deux noyaux à la phase du tonnelet, et autour desquels la membrane s’est accrue plus ou moins en les respectant. M. Kienitz-Gerloff a cherché à montrer le bien fondé de cette manière de voir. Pour cela, il s’est adressé au Gui { Viscum album) dont les noyaux très gros se prêtent facile- ment à l'observation des phénomènes de caryokynèse. Dès que les anses chromatiques, réunies de manière à constituer ce qu'on à appelé la plaque équatoriale, se sont dédoublées en deux groupes qui se dirigent vers chacun des pôles, on voit des filaments apparaître dans l’espace libre entre les deux futurs noyaux, filaments qui paraissent bien une éma- nation du protoplasme cellulaire, lequel, primitivement gra- nuleux, prendrait une structure striée... « Ces filaments, extrémement nombreux, n'ont pas la moindre ressemblance avec les communications protoplasmiques dont ils se dis- linguent encore par leur résistance à la coloration. C'est alors, que l’ensemble des filaments et des deux noyaux affecte la forme d’un tonnelet. Bientôt, les deux noyaux marchant à la rencontre l’un de l’autre, ce tonnelet s’aplatit et prend la forme d’une lentille biconvexe dont les deux bords arri- (1) Ueber den Zusammenhang der Protoplasmakürper benachbarter Zellen. Sitzhber. d. Dorpater Naturf. Gesellsch., septembre 1883. Je ne connais ce mémoire que par une analyse du Botan. Centralblatt et la mention qu’en fait M. Kienitz-Gerloff. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 293 vent à toucher les deux membranes cellulaires que la nou- velle cloison réunira. A la phase du tonnelet, les filaments présentent dans leur partie moyenne des nodosités dont l’ensemble constitue ce qu'on à appelé la plaque cellulaire. Comme on sait, c’est à ce niveau que se formera la membrane, mais ces nodo- sités, de même queles filaments, ne tardent pas à disparaître ; du moins, l’auteur n’a pu les mettre en évidence dans la membrane albuminoïde primilive, de part et d'autre de la- quelle on ne voit bientôt plus qu'un protoplasma granuleux, et c'est bien plus tard seulement que, gonflant la membrane, par un des moyens indiqués plus haut, on peut la voir tra- versée par des filets se colorant comme le protoplasma ou les matières albuminoïdes. Ainsi, malgré tous ses efforts, M. Kienitz-Gerloif n’a pu arriver à montrer que les com- municalions qu'on observe dans les membranes complète- ment développées sont les restes des filaments protoplasmi- ques reliant les deux noyaux à la phase du tonnelet. On est, dans cette recherche, arrêté par une double diffi- culté, celle de gonfler la membrane primitive, et celle de colorer les filaments. Si les communications protoplasmiques étaient les restes des filamenis du tonnelet, et que le nombre de ceux-ci fàt précisément égal à celui des anses chromatiques, comme l’admet M. Van Tieghem (1), la confirmation indirecte des vues théoriques de M. Russow serait relativement facile. Il n'y aurait quà compter les anses dans le noyau en voie de division, puis, par le procédé que j'indique plus haut, sur un fond de cellule convenablement choisie, le nombre de canalicules traversant la membrane. Si le nombre de ces canalicules était au plus égal à celui des anses . chromatiques, cela porterait bien à croire que les communi- calions sont en réalité Les restes des filaments du tonnelet. _ Inversement, le nombre des ouvertures dans la paroi pour- (1) Traité de Botanique, 2€ édition, p. 487. 224 GEORGES POIRAULT. rait servir à déterminer le nombre des anses chromatiques dans les cas où, comme dans les Cryptogames vasculaires, la numération directe est impossible. Malheureusement, le nombre des anses n’est pas du tout égal à celui des filaments. Plusieurs observations de M. Gui- enard, en particulier, contredisent cette opinion (1). D'’a- près cet observateur, les filaments du tonnelet se composent de deux systèmes distincts : un premier, qu'il désigne sous le nom de filaments principaux, et dont le nombre est pré- cisément égal à celui des anses chromatiques ; un deuxième, formé après la division de la plaque nucléaire, un peu plus tard, et qui comprend un nombre de filaments beaucoup plus considérable. En somme, chaque filament principal est le centre d'un système secondaire de filaments connectifs. Mais nous ignorons complètement, d'une part, s’il y a un rapport constant entre le nombre total des filaments et le nombre des anses chromatiques, et, d'autre part, les relations des filaments accompagnant la carvokynèse avec les com- munications qu'on observe entre les cellules adultes. Dans les organes végétalifs des Fougères, Maraitiacées, Ophioglossées, Équisétacées, le nombre des anses chroma- tiques de chaque noyau est considérable. Si l’on rapprochait ce fait de l’extrême fréquence des communications proto- plasmiques chez ces plantes, on serait, peut-être, tenté d'y voir, à défaut de preuve directe, une probabilité en faveur de l'exactitude des vues de M. Russow (2). 2° Cristalloides. — Pendant longtemps la présence de (4) Guignard, Nouvelles études sur la fécondation, p.185. (2) Je me propose de revenir ultérieurement sur le cas particulier des communications protoplasmiques entre les laticifères et les autres cellules. Étant donné le mode de répartition tout à fait spécial de ces communica- ions, il n’est pas impossible de concilier les idées de M. Russow avec ce que nous savons de l’origine des laticifères d’après les travaux de MM. Schmalhausen, Schullerus et Chauveaud. Bien que je n’aie pu parvenir à suivre les filaments protoplasmiques depuis le phase du tonnelet jusqu'à la cellule adulte, il ne me paraît pas possible d'admettre pour les commu- nications une explication différente de celle proposée par M. Russow. sas dE 0 RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 295 cristalloides dans les noyaux des plantes vasculaires avail été considérée comme un fait exceptionnel (1). Chez les Fougères, M. G. Kraus les avait signalés dans la feuille du Pol/ypodium tireoides (2); mais c'était la seule observation connue, quand M. Zimmermann esl venu mon- trer que non seulement ces produclions n'étaient pas rares chez les Fougères, mais qu’elles étaient développées dans un grand nombre de Monocotylédones et de Dicotylédo- nes (3). Une des plus grandes difficultés de cette recherche résulte évidemment de ce que, dans les cellules, les grains de chlo- rophylle cachent souvent le noyau, et que, d'autre part, …1l est difficile de décider si la masse plus réfringente qu’on aperçoit à l’intérieur de ce noyau est un nucléole ou un cris- talloïde. M. Zimmermann, ayant observé que la fuchsine acide a une élection très marquée sur ces cristalloïdes et ne colore pas les nucléoles, a utilisé cette propriété pour re- chercher ces formalions (4). Par ce procédé, l’auteur les a trouvées dans dix-neuf L 2 (4) Le lecteur trouvera l'indication des travaux relatifs à cette question dans : Zimmermann, Morphologie u. Physiologie d. Pflanzenzelle (in Schenk : Handbuch d. Botanik). (2) Jahrb. f. Wiss. Botanik., t. VIIL, p. 426. (3) Beiträge z. Morphologie u. Physiologie d. Pfanzenzelle. Xet I. (4) Voici la méthode qu'il indique. Les éléments, préalablement fixés par l'alcool absolu et le sublimé, sont débarrassés de ce dernier réactif par un lavage prolongé à l’eau, et par un passage dans une solution hydro-alcooli- que d'iode. — Les coupes sont colorées au moyen d’une solution formée de : Eau d’aniline 100 cc, fuchsine acide 20 grammes ; laisser en con- tact de deux à cinq minutes et porter dans une solution hydro-alcoolique concentrée d’acide picrique où les coupes se décolorent, les cristalloides conservant seuls la teinte rouge. Passer dans l’alcool absolu, le xylol et monter dans le baume. — Le lecteur trouvera dans le mémoire de M. Zim- mermann (loc. cit., p. 12) des renseignements complémentaires. Cette mé- thode donne d'excellents résultats; mais il m’a semblé qu'on pouvait sans inconvénient abaisser beaucoup le titre de la solution de fuchsine. Les observations de l’auteur ont constamment porté sur des matériaux fixés ; les miennes ont presque toujours été faites sur des plantes fraiches, auquel cas la solution iodo-iodurée (iode 1 gr., iodure de potassium 3 gr.,eau 300) peut servir à la fois de réactif fixateur et de colorant. On obtient ainsi presque instantanément des préparations très favorables à l'étude des formes cristallines. ANN. SC, NAT. BOT. XVIIL, 19 2906 GEORGES POIRAULT. Polypodiacées, le Ceratopteris, une Schizéacée, et une Cyathéacée. J'ai eu occasion d'examiner environ 60 espèces, 4, SS27 Fig. 35. — Polypodium venosum. — Cristalloides intranucléaires dans les cellules de l’écorce de la feuille (Gross. 550). appartenant surtout aux Polypodiacées et aux Cyathéacées, et mes résultats concordent sur presque tous les points avec ceux du savant botaniste de Tübin- gen. . 1° La /orme exacte des ceristal- loïdes est très difficile à déterminer: aussi bien M. Zimmermann a-t-il fait des réserves à cet égard. Selon lui, ils se rapporteraient au sys- tème cubique, ou au système hexa- gonal : ce seraient des octaèdres ré- guliers, des cubes ou des dodécaè- A D dres rhomboïdaux. À mon avis, une nucléaires dans la feuille des des formes les plus fréquentes, pour Fougères. — 9, POP Ne pas dire de beaucoup la plus appendiculatum; b, Polypo- dium loriceum; c, Acrostichum répandue, est celle du cube, et, flagelliferum ; di d? d3, Dick- er : sonia adiantoides (Gross. 550). dans beaucoup de cas où l’on croit | voir un prisme hexagonal, on à affaire en réalité à un cube vu par son axe ternaire (Polyp. loriceum, fig. 36 0, Polyp. venosum, fig. 35, etc.). RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 297 Dans l’épiderme inférieur de lAcrostichum flagelliferum, ces cristalloïdes ne sont certainement pas des cubes. On peut les rapporter soit au système orthorhombique, soit, plutôt, au système monoclinique, et, dans ce cas, les faces du prisme seraient terminées par des clinodomes de facon à simuler un octaèdre par suite du raccourcissement des faces m; quant aux oclaèdres véritables, je ne les ai ja- mais vus. La forme du prisme droit à base carrée n’est pas irès fréquente (Polyp. appendiculatum, fig. 36, a). D'ailleurs il convient de faire remarquer, avec M. Zimmermann, que, si la substance qui constitue ces inclusions intranucléaires affecte parfois des formes géométriques, il est beaucoup de cas ou ces cristalloïdes ont des formes très mal définies. Les figures 36, d,, d,, d,, que nous donnons ci-contre et qui sont empruntées au Dicksonia adiantoides, montrent qu’on peut trouver tous les passages entre les cubes el les formes les plus irrégulières ; dans la même plante, dans le même tissu, on trouve dans un noyau un seul cristalloïde bien défini et dans un autre des traînées fort élégantes de très petits corps (d,) dont la forme est bien difficile à définir. Ce sont là des cas extrêmes, qui sont réunis par une série d’intermédiai- res. L'ensemble des figures 35,36 et 37 montre les variations de taille que l’on peut observer : tantôt le noyau ne renferme qu'un seul cristalloïde (parfois très gros), tantôt il contient un amas qui arrive à le combler entièrement. 2° Ces cristalloïdes ont-ils une action sur la lumière pola- risée ? Je laisse de côté les cubes qui, par leur forme même, ne peuvent rien nous apprendre à cet égard. Quant aux formes prismatiques ou dérivées de prismes, je les ai étu- diées à plusieurs reprises sur des cristailoïdes relativement très gros ; ils ont toujours paru obscurs entre les nicols croisés : mais, de là, 1l ne faudrait peut-être pas nécessaire- ment conclure à l’inactivité de la substance cristalline. Le _ résultat négatif tient peut-être seulement à la pelitesse des cristaux, car 1l y a certains corps, le quartz par exemple, dont la biréfringence est assez faible pour n'être appréciable 298 GEORGES POIRAULT. que sur des cristaux assez gros, et il se pourrait très en qu'il en fût de même pour nos cristalloïdes. 3° Dans l’élat actuel de nos connaissances, la nature chi- mique de ces cristalloïdes me paraît impossible à déler- miner. | 4° Quant à leur répartition, elle est fort irrégulière. On peut les trouver, comme l'a déjà noté M. Zimmermann, dans toutes les régions de la feuille (Po/yp. leiorhizon, À sp. macro- phyllum, etc.); mais ailleurs ils sont localisés dans un tissu déterminé, dans l'épiderme par exemple (Asplenium celtidifo- liure) ou dans le parenchyme {Polyp.venosum), ou seulement dans une partie déterminée de celui-ci (parenchyme spon- gieux). Quand ils sont répandus dans toutes les régions, il semble que ceux de l’épiderme aient une forme, ceux du parenchyme une autre, ou du moins que dans les deux régions la taille moyenne soit différente : mais on n'observe rien de bien net à cet égard. À côté de ces cristalloïdes intra- nucléaires, on en trouve d’autres dans le suc même de la cellule: | LEE mais, d'après M. Zimmermann, ces Fig. 37. — Cyrtomium falca- ; = ; um. — Écorce de la feuille deux formes s’excluent l’une l’au- jeune; cristalloïdes intra et fre, c'est-à-dire que jamais on ne extra-nucléaires (Gross.550). trouve dans la même cellule des cristalloïdes dans le noyau, et à côté des cristalloïdes ex- tranucléaires. S'il en est ainsi dans le Po/ypodium ireoides, toutes les espèces ne se comportent pas de même. Dans la feuille adulte du Cyrtomium falcatum, on trouve dans le paren- chyme spongieux, en dehors du noyau et dans son voisinage, des cristalloïdes plus ou moins anguleux, quelquefois allon- gés ou même sphériques. Mais dans la feuille jeune (fig. 37) la même cellule montre réunis des cristalloïdes extra- nucléaires arrondis, isolés ou associés, quelquefois très gros, et des cristalloïdes intranucléaires en nombre variable, RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 229 à formes régulières ou mal définies. D'autre part, dans la feuille jeune du Blechnum brasiliense où M. Zimmer- mann ne signale à l’état adulte que des cristalloïdes ex- tranucléaires, je ne trouve que des cristalloïdes renfermés dans le noyau (1). 3° Oxalate de calcium.— M. de Bary considérait en 1877 (2) l’oxalate de calcium comme une formation exceptionnelle dans les Fougères; il en signale cependant la présence dans les cellules épidermiques de l'Asplenium Nidus et les cellules seléreuses des Cyathéacées. En 1884, M. Terletzki, dans sa monographie anatomique du Pieris aquilina, signale la présence, dans le pétiole de celte plante, de cristaux d’oxalate de calcium (3). En 1886, M. Lachmann (4), à propos des cellules cristalli- gènes du Davallia Mooreana,remarquait que l’oxalate de cal- cium faisait presque complètement défaut aux Cryptogames vasculaires. La même année, M. Gæbeler (5) indiquait la pré- sence de ce sel dans les écailles de certaines Fougères, mais sans insister autrement sur son degré de fréquence dans ce groupe. En 1889, M. Axel Vinge (6) signale 18 espèces de Fougères oxalifères {Pferis laciniata Willd., Nephrodium velu- (4) M. Zimmermann (Ueber bisher nicht beobachtete Inhaltskürper des Assi- milationsgewebes, Beitr. z. Morphologie u. Physiologie d. Pflanzenzelle, I, p- 38) a appelé l'attention sur des sortes de granules en apparence albumi- noïdes, le plus souvent arrondis, quelquefois en forme de virgule et qui se rencontrent en plus ou moins grande abondance dans les cellules à chlo- rophylle d’un certain nombre de Fougères. J'ai revu ces productions dans beaucoup d'espèces : Dicksonia adiantoides, Alsophila excelsa, Davallia platyphylla, Balantium antarcticum, etc. Il me paraît difficile d'établir une démarcation bien nette entre les cristalloïdes extra-nucléaires sphériques et ces granules. D'autre part il resterait à démontrer que les « granulations albuminoïdes » des tubes criblés ne sont pas identiques avec celles-ci ? (2) Vergl. Anatomie, p. 148. (3) Terletzki, loc. cit., p. 491. (4) Bull. Soc. Bot. de Lyon, 1886. (5) Gœbeler, Die Schutzvorrichtungen am Stammscheitel der Farne, Flora, 1886. (6) Axel Vinge, Bidrag til Kännedomen om ormbunkarnes bladbyggnad. Lund, 1889. Cité par M. Kohl, in Kalksalze, etc. 230 GEORGES POIRAULT,. hinum, 10 À splemum, 2 Aspidium, et3 Davallia), tout en cons- tatant la rareté de ce sel chez les plantes de cet ordre. A peu près à la même date (1889) M. Kohl publiait son étude sur les substances minérales des végétaux (1), où il men- tionne que, sur une trentaine d'espèces dans lesquelles il a cherché l’oxalate de calcium, trois seulement (Aspidium vio- lascens, Lomaria gibba, Microlepia hirta) le lui ont montré en abondance; dans une dizaine d’autres, il l’a trouvé en petite quantité. Il en conclut que les Fougères ne sont pas si pauvres en oxalate de calcium que le dit M. de Bary ; même que certains genres (Aspidium, Asplenium) peuvent en avoir un peu dans toutes leurs espèces. D'ailleurs, ce savant ne s'étonne pas de voir les Fougères pauvres en oxalate, étant données d’une partleur faculté d’assimilation sous une inten- sité lumineuse très faible, et d'autre part leur préférence pour les terrains siliceux. Enfin l’année dernière même (1892), M. Giesenhagen (2), dans son étude si intéressante sur l’As- plenium obtusifolium var. aquatica, après avoir constaté la présence d'oxalate de calcium sous forme de fines aiguilles dans les deux épidermes de cette plante, ajoute que ce sel n'est pas très fréquent chez les Fougères (3). (4) Friedrich Georg Kohl, Anatomisch-physiologische Untersuchung der Kalksalze und Kieselsaüre in der Pflanze, Marburg, 1889. (2) Giesenhagen, Ueber hygrophile Farne, Flora, 1892. (3) Dans son mémoire sur l’oxalate de calcium (Ueber Kalkoxalatbildung in d. Laubblättern, Bot. Zeit., 1888), M. Schimper distingue trois sortes d'oxa- late : l’oxalate primaire qui se montre dès le début de la croissance; l’oxa- late secondaire dont la formation esttoujours consécutive de l'apparition de la chlorophylle, à l’activité de laquelle elle est liée ; enfin l’oxalate tertiaire, beaucoup moins intéressant que les deux premiers, puisque sa formation est un phénomène morbide précédant d'ordinaire la mort du tissu où il se dépose. — Il ne sera question ici que de l’oxalate secondaire. Maintenant, les plantes qui ne forment pas d'oxalate secondaire peuvent-elles produire de l’oxalate au moment de leur mort ? Je ne le crois pas. J’ai abandonné sous des cloches, dans l'air humide, des feuilles de diverses Fougères (Pla tycerium alcicorne, Asp. varians, etc.), ne formant pas d’oxalate au cours naturel de leur végétation. Au bout de plusieurs semaines, les feuilles sont devenues complètement jaunes, mais alors pas plus qu'auparavant je n'ai trouvé dans les cellules de cristaux caractéristiques du sel qui nous oc- cupe ici. Toutefois, j'estime que la question demande à être reprise. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 231 Pour les Marattiacées, M. Monteverde (1) a reconnu que les cristaux des À ngiopteris, rapportés par M. Hansen (2) au sulfate de calcium, sont en réalité de l’oxalate (fig. 38), déter- mination que nous avons eu, M. Belzung et moi, l’occasion de vérifier dans un travail antérieur (3). Les cristaux des Ophio- glossées ne paraissent pas avoir été signalés avant le présent mémoire. Au cours de mes recherches sur les Cryptogames vas- culaires, j'ai examiné plus de 500 espèces de Fougères, et Fig. 38. — Angiopteris evecta. — Cristaux d’oxalate de calcium du pétiole. noté dans tous les cas la présence ou l'absence d’oxalate de calcium. De ces observations, il résulte que si ce sel paraît manquer à quelques genres, s’il existe chez d’autres en petite quantité, il est très abondant dans certaines espèces. Dans beaucoup de ces plantes, les cristaux sont gros, nettement apparents, mais ailleurs, on voit prédominer les formes mi- crocristallines, et c’est là probablement la raison qui les a fait méconnaître dans bien des cas où leur présence n’est pas douteuse. Les cristaux d’oxalate de calcium se rapportent tantôt au (4) Monteverde, Sur la présence des oxalates de calcium et de magnésium dans les végétaux, Saint-Pétersbourg, 1888 (en russe). (2) Hansen, Ueber Sphærokrystalle (Arb. d. bot. Instituts zu Würzburg). (3) Belzung et G. Poirault, Sur les sels de l'Angiopteris evecta (Journal de Botanique, 1892). 299 GEORGES POIRAULT. système quadratique, tantôt au système monoclinique. La plupart des traités classiques indiquent que ces deux formes correspondent à deux milieux de cristallisation différents, les formes monocliniques se présentant dans les sucs cellu- laires épaissis par des substances gommeuses, les formes quadratiques se montrant, au contraire, dans les sucs cellu- laires plus fluides. Il faudrait ajouter que l'acidité du liquide où se fait la précipitation a une influence non moins cer- laine, un excès d'acide amenant toujours la formation d’oxe- late monoclinique, un excès de base favorisant l'apparition des formes quadraliques. D'ailleurs il ne semble pas que, dansles cellules, ces formes cristallines soient si rigoureusement séparées qu'on le pré- tend, attendu que, dans son mémoire sur le Pferis aquilina, M. Terletzki dit qu'il les a trouvées réunies (1). L’oxalate monoclinique, de beaucoup le plus fréquent, se présente lantôt sous forme de cristaux prismaliques isolés, tantôt sous celle de druses diversement constituées, tantôt sous celle de sphéroïdes. Dans la même plante, on trouve parfois associés les cristaux isolés et les druses (Asplenium prolongatum); les gros cristaux isolés paraissent assez rares (Acrostichum spicatum L., Scolopendrium brasiliense Kunze, Gymnogramme aspidioides Hk. (non Kaulf.)}, Drymoglossum carnosum), el les formes en chdtaignes, si fréquentes chez les Phanérogames, plus rares encore (Asp/. prolongatum). Les formes dominantes sont les formes raphidiennes, qui se trou- vent rassemblées en paquets assez serrés (Adiantum lunu- latum) à l’une des extrémités de la cellule, ou bien répan- dues dans toute la cavité cellulaire. Dans bien des cas, on trouve, au milieu de ces cristaux aciculaires, un cristal tabulaire beaucoup plus gros, souvent percé d’un {trou en son centre. Ailleurs (Acrostichum callæfolium) la cellule paraît entièrement remplie de très pelits cristaux tétraédriques (formes hémièdres se rattachant probablement au prisme (1) Terletzki, loc. cit., p. 491. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 9233 simplement oblique). Ils sont en si grand nombre dans la cellule que, sous un faible grossissement, celle-ci semble rem- plie d’une émulsion grisâtre, et leur taille est parfois si petite qu'on ne distingue bien leur structure qu’à un grossissement de 700 à 800 fois. Ailleurs encore, le même aspect d’émul- sion grisâtre remplissant la cellule résulte de l’aggloméra- tion de très pelits cristaux prismatiques {parenchyme de la tige de Davallia pentaphylla, épiderme inférieur de la feuille de Davallia solida, ele.). On peut observer de très beaux sphéroïdes, résultant de la réunion autour d'un point central de cristaux aciculaires d'une extrême ténuité, dans divers Hemitelia, Y'A lsophila procera Kaulf., le Cibotium Schieder Baker, le Todea bar- bara, l’Ophioglossum pendulum, V'Helminthostachys zeyla- nica, etc.). Ces sphéroïdes sont tantôt isolés, tantôt géminés ; la structure radiée y est toujours visible. Çà et là, pour l'ordinaire, le sphéroïde est entaillé de fentes radiales assez fortement accusées, el présente une petite cavité centrale. En lumière polarisée, ils montrent : les sphéroïdes isolés, la croix noire; les sphéroïdes géminés, les deux branches d'hyperbole caractéristiques. Parfois (Fe/minthostachys) on ne trouve que des sphéroïdes ; mais ailleurs {Todea, Ophio- glossum pendulum, diverses Cyathéacées), la même cellule renferme à la fois des sphéroïdes et des prismes. _ Au point de vue de la répartition dans les différents mem- bres el dans les différents tissus, on observe une différence très notable avec les Phanérogames. Chez ces plantes en effet, on distingue, dans la majorité des cas, des cellules oxali- fères spéciales, en dehors desquelles les cristaux ne se mon- tirent pas. L’oxalate de chaux des Fougères présente une semblable localisation. Ainsi, par exemple, dans le Davalhia Mooreana, les gaines scléreuses qui entourent les stèles sont cristalligènes (1); il en est de même: d’après M. Walter (2), (4) P. Lachmann, Sur la structure du Davallia Mooreana (Bull. Soc. Bot. de Lyon, 13 avril 1886). (2) Walter, loc. cit. 234 GEORGES POIRAULT. des cellules périphériques des massifs de scléréides que nous avons signalées dans la tige de divers Polypodium, et les plus beaux cristaux d'oxalate que j'aie jamais vus dans les Fou- gères se trouvent dans les gaines péristéliques de divers A crostichum (À. sorbifolium, variabile, etc.). Mais, dans l'im- mense majorité des cas, l’oxalate se montre dans toutes les cellules de l’épiderme (à l'exception des cellules stomatiques). Parfois, l'épiderme et Loul le tissu cortical de la plante sont remplis de ces cristaux. Je ne sais si on a signalé la présence de l’oxalate de cal- cium dans les cellules corlicales de la racine des Phanéro- games; dans les Fougères riches en oxalate, comme l’As- plenium zeylanicum, ce sel se montre dans la racine, moins abondant, sans doute, que dans la tige, et surtout que dans le pétiole ; les cristaux sont plus petits et plus rares, mais enfin ils sont très nets dans toute l'écorce jusqu'à l’endoderme. Car, quel que soit le membre considéré, racine, tige ou feuille, il est à noter que les cristaux ne franchissent pas cette couche, et que jamais, même dans les espèces les plus riches, on ne trouve l’oxalate dans le système conducteur. Dans une note récente, M. le professeur Borodin (1) éta- blit deux catégories d’oxalate, suivant que les dépôts se montrent exclusivement dans des cellules spéciales (oralate localisé), ou, au contraire, qu’ils se rencontrent dans toute l'étendue d’un tissu (oxalate diffus). Sur les 913 espèces d'An- glospermes qui composent la flore de Moscou, il n a {trouvé l’oxalate diffus que dans 40 espèces (soil 4,4 p. 100), tan- dis que l’oxalate se trouve localisé dans 328 espèces (soit 39,9 p. 100), et que ce sel manque totalement aux 548 es- pèces restantes, c'est-à-dire à plus de la moitié de la flore (exactement 60 p. 100). Si l’on compare les caractères de l’oxalate diffus, signalé par M. Borodin, avec ceux que nous venons de donner pour l'oxalate de chaux des Fougères, on est frappé de la ressem- (1) J. Borodin, Sur les dépôts diffus d'oxalate de calcium dans les feuilles (Société des Naturalistes de Saint-Pétersbourg, 1892) (en russe). RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES. VASCULAIRES. 939 blance. Ce sont, comme dans notre cas, des cristaux isolés, des druses, des sphéroïdes, etc.; souvent chaque cellule ne contient qu'un cristal ou bien un amas de cristaux acicu- laires. Ces cristaux sont très petits, ce qui fait que dans beau- coup de cas ils ont pu passer inaperçus. Bref, l’oralate de calcium des Fougères est de l'oxalate diffus (Borodin). Seule- ment si l’on compare, toutes choses égales, les résultats des recherches de M. Borodin sur la proporlion relative des deux formes d'oxalate dans les Phanérogames de la flore de Moscou, avec ceux que nous fournissent les Fougères, on voit que la proportion relative des deux sortes est inverse, chez les Fougères et les Phanérogames. Ainsi l’oxalate localisé est beaucoup plus rare, chez les Fougères, que l’oxalate diffus, qui est chez ces plantes la forme la plus habituelle ; tandis que cet oxalate diffus, rare chez les Phanérogames, y est remplacé par l’oxalate localisé. Le savant professeur de Saint-Pétersbourg a montré que, dans un même genre de Phanérogames, toutes les espèces ne contiennent pas nécessairement de l’oxalate diffus. De même. dans les Fougères; et, pour choisir un exemple emprunté à l’un des genres les plus homogènes de la famille des Polypo- diacées, le genre Adiantum, je dirai que la très grande majo- rité des espèces ne contiennent pas d’oxalate, mais que, çà et là, on en trouve une cristalligène, et que, dans celle-ci, la forme et la disposition des cristaux sont absolument carac- téristiques. L’oxalate diffus des Fougères peut donc avoir, comme celui des Phanérogames, la valeur d’un caractère spécifique. Dans son mémoire sur l’Asplenium obtusifolium, var. aquatica, M. Giesenhagen reconnaîl implicitement, mais sans la discuter d’ailleurs, la valeur taxinomique de l’oxalale de calcium, car il se fonde sur la présence ou l'absence de cristaux pour distinguer des espèces voisines. C'est, à ma connaissance, la première et unique fois que, chez les Fou- gères, ce caractère ait élé appliqué à la classification. Tou- tefois, je pense qu’à l'avenir on pourra s’en servir utilement. 236 GEORGES POIRAULT. Si incomplètes que soient mes observations sur la réparti- tion de ce sel dans la feuille des Fougères, je les résumerai ici. Mes recherches ont porté sur presque tous les genres de Cyathéacées et de Polypodiacées, et j'ai trouvé des cristaux dans la moitié de ceux que j'ai étudiés. Toutefois, je l’ai dit, il ne faudrait pas conclure de la présence d’oxalate dans quelques espèces, que ce produit se rencontre dans toutes ou même dans la majorilé de ces espèces. | CyarHéacées. — Cyathea. Sur une vingtaine d'espècesétu- diées, je n'ai trouvé d’oxalate que dans les suivantes : C. quin- dinensis Karst., C. Hookeri Thw., C. arborea Sm., C. serra W. Les cristaux, qui sont, le plus souvent, des sphéro-cristaux, parfois aussi des prismes plus ou moins complets, se mon- trent dans les couches de parenchyme avoisinant Pépi- derme supérieur. Cet épiderme supérieur, de même que le parenchyme lacuneux et l’épiderme inférieur, en sont dé- pourvus. Le Diacalpe aspidioides, le Sphæropteris barbata et V'Hypo- derris Brownu contiennent dans leur parenchyme et dans leur épiderme de très nombreux cristaux tabulaires, mêlés à des raphaides. Le Matonia pectinata ne m'a pas paru ren- fermer de cristaux. Le Dicksonia cornuta Kaulf. montre dans son épiderme inférieur des sphéroïdes isolés ou géminés, comme ceux des Cyathea, et l’on retrouve des formes analogues dans le parenchyme foliaire du Palantium antarcticum. L'oxalate bien cristallisé, en tables rhomboï- dales simples ou maclées, est très abondant dans tout le tissu du limbe du Dicksonia anthriscifolia, où les plus beaux cristaux se voient dans l’épiderme supérieur. Ce sel est notablement moins abondant dans le Dicksonia scabra, mais il se présente avec des caractères analogues dans le 2. adan- toides, où il forme des prismes très allongés ; on le retrouve également dans le D. cicutaria, mais, là, il est localisé dans le parenchyme vers la face supérieure; en revanche, il man- que à de nombreuses espèces : /. glaucescens Hk., davallioides R.Br., pruinata, straminea, etc., de même qu'au Deparia RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 234 prolfera Hk. — Les différentes sections du genre Davallia ne se ressemblent pas au point de vue de l’oxalate de cal- cium. Sur douze espèces de la section Aumata inscrites au Synopsis, j en ai examiné dix ; six d’entre elles (D. hetero- phylla, pectinata, pedata, pusilla, vestita, Cumingu) sont dépourvues d’oxalate ; le D. angqustata en renferme très peu; en revanche, les 2). parallela et alpina en contiennent beau- coup, dans leur épiderme, sous forme de très pelits cristaux prismatiques. Les Leucosteqia me sont insuffisamment con- nus ; je ne trouve d’oxalate ni dans le L. parvula Wallich, ni dansle ZL. /alcinella Presl. Les Odontoloma repens Desv., tri- quetra Baker, Plumeana Hk., ne paraissent pas oxalifères. En revanche, les £Zudavallia sont très riches en cristaux : les formes prédominantes sont les formes microcristallines dont il a été question précédemment (D. solida SW., polyantha Hk., fipiensis Hk., pentaphylla Blume). Je ne trouve pas de cristaux dans le D. elegans Sw. Tous les Wicrolepia (M. speluncæ (L) Moore, yamaicensis Hk., rhomboidea Wall., manillensis) sont riches en oxalate; par contre, les Loxoscaphe parais- sent extrêmement pauvres. Enfin, parmi les Sfenoloma, le St. uncinella ne m'a pas montré de cristaux, tandis que les St. aculeata, Schlechtendali et (Odontosoria) dumosa Fée, en contiennent. Les Cystopteris fragilis et bulbifera renferment l’oxalate de calcium sous forme de sphéro-cristaux, comme ceux des Cyathea. Je n'ai trouvé d'oxalate dans aucune des espèces de Lindsaya examinées (L. cultrata Sw., dubia Spreng., scandens Hk., Gardneri Hk., #rapeziformis Dry., Lhermineri Fée, Kirku Hk., reniformis Dry., acutifolia Desv., rtens Blume). Les Adiantum, dont j'ai examiné plus des trois quarts des espèces mentionnées par M. Kühn (1), sont en général assez pauvres en oxalate, mais quelques espèces sont très riches, et la forme cristalline paraît bien constante pour une espèce donnée et varie d’une espèce à l’autre, de même que 3 (1) Max Kühn, Uebersicht über die Arten der Gattung Adiantum (Jahrb. d. Kgl. Bot. Gart. z. Berlin, t. IL). - | 238 | GEORGES POIRAULT. le mode d'assemblage des cristaux. Ceux-ci manquent à l’'Ochropteris pallens, mais ils sont abondants dans les Lon- chitis (cristaux prismatiques) ; en revanche, je n’en trouve pas dans les Æypolepis tenuifolia, repens, nigrescens, Bergiana et Helenensis Fée. Les Cheilanthes seraient à revoir, car je n'ai guère étudié que le dixième des espèces, sans trouver de cristaux. Le Cassebeera triphylla, les Onychium, les Llavea, Pellæa, etle Ceratopteris semblent dépourvus d’oxalate. Ce sel est rare chez les Blechnum et Lomaria et fait défaut aux Sadleria et aux Doodia ; par contre, il est abondant dans le Woodwardia radicans. M. Koh! (1) avait tendance à croire que tous les Asple- nium sont plus ou moins oxalifères ; je suis bien certain qu'il n’en est rien. L'oxalate, très abondant dans le Veoftop- teris Nidus, manque à un nombre considérable d’A sp/enium, de Daræa, d'Athyrium, de Diplazium ; et puis, çà et là, dans un groupe où ce sel semble faire défaut, on trouve une ou deux espèces qui sont littéralement remplies de cristaux. Ainsi, par exemple, dans le groupe de l’A . ride : les À. viride, A. fragile manquent absolument de cristaux ; l'A. f/abelli- folium en renferme en quantité ; de même, parmi les Daræa, les uns : D. prolongatum, Belangeri, viviparum Presl., mulli- 4dum Brack., etc., sont très riches en oxalate ; les D. Man- nü, scandens, etc., n'en contiennent pas. Les Aspidium et les Nephrodium montreraient des faits analogues. L’Ac#iniopteris radiata ne paraît pas oxalifère; il en est de même de nos Sco- lopendrium indigènes, mais les Scolopendres brésiliennes de la section Antigramme et le Sc. rhizophyllum renferment des cristaux. L’oxalate se trouve en abondance chez les O/eandra (au moins chez quelques espèces) et aussi dans le Fadyenia prolifera, mais ilmanque aux Vephrolepis exaltata, pectinata, et duvallioides, les seules espèces que j'aie examinées (2). (1). Kühn, loc. cit., p. 142. (2) J'ai observé dans la feuille du Nephrolepis pectinata de nombreux sphé- roides, ordinairement très petits, et dont lanature n’est pas encore détermi- néeaveccertitude. Onlestrouve dans toutle parenchymede la feuille, mais les plusgros se montrent dans l’épiderme, où ils peuvent parfois atteindre uue RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 239 Le grand genre Polypodium dont j'ai, il est vrai, étudié à peine le quart des espèces (110), paraît extrêmement pau- vre en cristaux, sauf dans la section Dictyopleris. Sur cinq espèces de Dictyopteris que j'ai examinées, trois sont extrè- mement riches (D. tenerifrons Hk., Brongniartii Bory, dra- conopterum Hk.), les deux autres (D. macrodon Reinw. et D. petrophyum Blume) en paraissent dépourvues. J’ai signalé, après M. Walter l'existence de Polypodium à cellules sclé- reuses cristalligènes, mais 1l ne semble pas qu'on observe ici ce qu'on voit dans les Lomariopsis, où les gros cristaux des sclérites de la tige et du pétiole se résolvent pour ainsi dire dans le limbe en une multitude de très petits cristaux restant dans les cellules scléreuses, ou, au contraire, se répandant taille assez considérable. On voit alors très bien leur structure radiée, et qu'ils sont entaillés, cà et là, de fentes plus ou moins larges. Ces sphéroïdes se dissolvent rapidement dans l’eau chaude, assez lentement dans l’eau froide. Avec l'acide sulfurique ils donnent les cristaux de gypse caractéris- tiques. Des essais faits par mon ami M. Belzung, il résulte que l'extrait alcoo- lique de la plante évaporé très lentement à siccité donne des sphéroïdes qui, chauffés sur une lame de platine au feu réducteur, dégagent l'odeur caractéristique de l'acide succinique. D’autre part, le résidu de la calcina- tion dissous et traité par le réactif molybdique, donne le précipité connu de phosphomolybdate d’ammoniaque (précipité jaune). Or des essais anté- rieurs (1), ont montré que l'acide malique existait dans certains sucs cellu- laires en combinaison avec le calcium ; que, d'autre part(2), l'acide malique pouvait s'associer au phosphate de calcium pour donner un malophosphate. Nous devons donc présumer (car la difficulté d'obtenir le sel pur ne permet pas d'affirmer la chose), que ces sphéroïdes sont du malophosphate de calcium. En tout cas, à ma connaissance, c’est la première fois que l’on signale dans la cellule végétale le dépôt spontané d’une combinaison cal- cique à acide organique autre que l’acide oxalique. Ce dépôt, qui se produit dansles Angiopteris etdansles Euphorbes par l’action déshydradante de lal- cool, peut donc s'effectuer d’une facon normale au cours de la végélation. L'extrait alcoolique des Nephrolepis contient, outre les sphéroïdes précités, de nombreux et très gros cristaux cubiques qu’il est facile de séparer. Ces cristaux s’accroissent sans perdre de leur transparence dans une solution saturée de chlorure de potassium; on doit donc les rapporter à ce sel. Enfin la liqueur laisse déposer en même temps des sphéro-cristaux lamelleux semblables à ceux de l’Angiopteris, et dont la nature n’a pu être déterminée. Les feuilles de Nephrolepis épuisées par l’acide chlorhydrique étendu n'ont pas donné par évaporation le plus petit dépôt d’oxalate de calcium. (1) E. Belzung et G. Poirault, Sur Les sels de l’Angiopteris evecta el en particu- lier le malate neutre de calcium (Journal de Botanique, 1-16 août 1892). (2) Belzuug, Nature des sphéro-cristaux des Euphorbes cactiformes, mème recueil, juin-juillet 1898. 240 GEORGES POIRAULT. dans le parenchyme. Les ÂNo’ochlæna el les Monogramme paraissent dépourvues d’oxalate. Les Gymnogramme nous montrent des faits analogues à ceux que nous avons vus pour les Polypodium. Ainsi les Leptogramme (comme les Dictyo- pteris) renferment à la fois des espèces oxalifères (L. decur- renti-alata Hk., opaca Spreng.), et d’autres (L. pulosa, Toftta, polypodioides, diplazioides, aurita, etc.) dépourvues de cris- taux. Parmi les Eugymnoçgramme, toutes ces espèces amé- ricaines d'un port si spécial (G. incisa, mohriæformis, Lindi- gä, etc.) ne contiennent pas de eristaux, non plus que les espèces dela section Ceropteris,le Syngramme alismæfola, etc. Dans une douzaine de Selliquea, je n'ai pas trouvé d’oxalale, mais il y en a dans le S. javanica (sphéroïdes). Le Prainea insignis n’a pas d'oxalate, non plus queles A ntrophyum, Vit- laria, Tænitis, mais ce sel cristallise en prismes très nets dans certains Meniscium et le Drymoglossum carnosum. Je n’ai pu étudier qu’une quarantaine d'espèces de ce beau genre Acrostichum ; toutefois, ce que J'enaivu confirme encore ce quej'aidéjà dit. Certainessections paraissent plus spécia- lement riches en oxalale ; la même section montre des es- pèces à cristaux, d’autres qui en sont dépourvues. Les sphé- roïdes sont rares (À. quercifolium), de même que ces formes en doubles pinceaux, qui se déposent là où la cristal- lisation se fait mal. Les formes microcristallines sont fréquentes; la taille des cristaux variant de 1-2 (A. elatum Fée, appendiculatum, aspidioides). Ailleurs (A. costatum), il y a dans chaque cellule un groupe de cristaux assez gros, ou bien (A. Feei, A. Blumeanum) un seul cristal. Les Loma- riopsis précédemment cités se rattachent à ce groupe. Les Platycerium semblent dépourvus de cristaux. 4° Nodules siliceux des Marattiacées. — La présence de nodules siliceux à l’intérieur des cellules est un fait relative- ment rare, comme le lecteur pourra s’en assurer en parcou- rant l'excellent livre de M. Kohl (1). Mettenius a décrit dans (1) Anatomisch-physiologische Untersuchung der Kalksalze u. Kieselsaüre in der Pflanze, Marburg, 1889. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 241 certains 7richomanes (et seulement chez ces plantes parmi les Hyménophyllacées), des cellules silicifères spéciales aux- quelles il a donné lenom de sfegmates (1). M. Kohla recherché ces productions dans beaucoup d’autres Fougères, les Ma- ratliacées, les Hydroplérides, mais sans résultat (2). De mes recherches personnelles il résulte, que dans le Marattia Prongniarti et l'Angiopteris evecta, certaines cellules épider- miques contiennent des nodules siliceux. Ces formations soni irès développées dans la première de ces plantes, où on les rencon(re surtout dans l’épiderme recouvrant les nervures, et, cà et là, dans la couche sous-épidermique. L’épiderme su- périeur en contient aussi, mais beaucoup moins. Elles se présentent sous la forme de masses plus ou moins sphériques, ou ovoïdes, irrégulièrement mamelonnées, et rappelant au premier abord les cristallisations dites en choux-fleurs ; toutefois ce n'est qu'une apparence, car l'examen en lu- mière polarisée prouve que ces masses sont amorphes ; elles restent éleintes entre les nicols croisés. Leur réfringence se rapproche beaucoup de celle de la glycérime; aussi bien ces nodules sont-ils difficilement visibles dans ce liquide. Quand on traite des fragments d’épiderme par l'acide sulfurique concentré, les nodules paraissent attaqués ; mais, e’est encore une illusion tenant à la réfringence, car on les retrouve in- tacts quand on remplace l'acide par de l’eau. M. Rosanoff (3) avait déjà signalé ce fait pour d’autres concrélions analo- gues. La nature siliceuse de ces formations me paraît suf- fisamment démontrée par les essais suivants : 1° Ces nodules sont insolubles dans l'acide sulfurique con- centré à froid et à chaud. Dans ces conditions, le tissu est rapidement détruit, et, sur le fond brun de l'acide coloré par les malières organiques décomposées, on voit les no- dules se détacher en clair. [ls sont insolubles dans les (1) Ueber Hymenophyllaceen. (Abh. d.math. phys. Klasse d.K. Sächs. Ges. d. Wiss., t. VIL., n° 2). (2) Kohl, Kalksalze und Kieselsatüre in Pflanze, Marburg, 1889. (3) Rosanoff, Ueber Kieselsaüreablagerungen in einigen Pflanzen (Botanische Zeitung, 1871). ANN. SC. NAT. BOT. XVII, 16 249 GEORGES POIRAULT. acides chlorhydrique et nitrique, même après calcination ; 2° Une feuille du poids de 3 grammes a été lavée à l’eau distillée, et chacune des folioles essuyée avec le plus grand soin pour la débarrasser des particules siliceuses étrangères adhérentes à sa surface. Cette feuille, réduite en fragments, a été incinérée dans une capsule de platine, les cendres la- vées à plusieurs reprises à l'acide chlorhydrique étendu pour les débarrasser de tous les produits solubles. Il reste alors une poudre grisâtre qui crie quand on la frotte contre les parois avec une spatule de platine, et rave la capsule. L’exa- men microscopique montre que celte poudre est exclusive- ment formée des nodules précédemment décrits; trans- parents sur les bords, ces nodules sont opaques et noirâtres dans leur partie centrale, ce qui tient à la présence d’un dé- pôt de charbon dans les anfractuosités creusées à l’intérieur de leur masse. Ce charbon, qui provient de la combustion incomplète des malières organiques mêlées à la substance minérale, est très difficile à brüler; on peut ie calciner longtemps à l’air, le chauffer à plusieurs reprises avec de l'acide nitrique, la poudre reste toujours grise. 3 grammes de parties vertes de feuilles ont donné 5 milligrammes de nodules ; 3° L’essai au chalumeau avec la de sel de te montre que ces nodules ne se dissolvent pas. On les retrouve à très peu près intacts, quand, après l'avoir longtemps chauffée, on dissout la perle dans l’eau distillée; 4° Dans un creuset de platine, on met un peu de la pou- dre grise avec de l’acide sulfurique auquel on ajoute quel- ques cristaux de fluorure d’ammonium. Bientôt, il se dé- sage des fumées blanches caractéristiques du fluorure de silicium, et le dégagement devient abondant quand on chauffe. Si l'on recouvre le creuset d'un couvercle de platine à la partie inférieure duquel on a déposé une goutte de car- bonate de sodium, on voit, au bout de très peu de temps, cette goutte devenir opaline, et l'examen microscopique prouve qu'il s’est fait à son intérieur un dépôt de fluosili- RECHERCHES SÜR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 243 cate de sodium reconnaissable à sa forme cristalline. Cette réaction exige que le fluorure d’ammonium soit absolument pur; car, le fluorure d'ammonium du commerce, qui con- lient toujours de la silice, chauffé avec de l'acide sulfurique donnera, dans tous les cas, du fluorure de silicium, et, par conséquent, dans la goutte de lessive alcaline, le dépôt de fluosilicate de sodium ; 5° La poudre grise traitée à chaud par l'acide fluorhydri- que pur se volatilise complètement. Si l’on parcourt les figures données par Mettenius ou les planches VI, VIL et VIIT du travail de M. Koh], où cet auteur a rassemblé les formes principales de cellules à inclusions siliceuses, on ne trouve rien qui ressemble exactement à ce que nous venons de décrire. Ces productions diffèrent de celles des 7richomanes (et aussi de celles des Palmiers, Sci- taminées, Pandanées, Orchidées) par leur forme et par leur siluation. Dans toutes les plantes précitées, les cellules silicifères sont profondes, ici elles sont superficielles. Cepen- dant, Mettenius a signalé dans l’épiderme de l’Asp/enium deltoideum des formations qui se rapprocheraient peut-être plus qu'aucune autre des nodules siliceux du Warattia Bron- gniartu. Je n’ai pu, faute de matériaux, faire la comparaison. Dans l’A ngtopteris evecta, ces nodules sont beaucoup moins nombreux que dans l'espèce où nous venons de les étudier avec détails. 5° Les bätonnets inter cellulaires. —En 1873, M. Luerssen (1) a Fi de singuliers bâtonnets rempli=cant les méats du parenchyme dans les feuilles de Marattiacées. En 1875, le même auteur faisait connaître des formations identiques dans les pélioles de beaucoup de Fougères (2), et ces résul- tais furent confirmés successivement par M. Russow(3)(1883) (4) Luerssen, Ueber die Spaltüffnungen von Kaulfussia u. über centrifu- gales locales Dickhenwachsthum innerer Parenchymzellen der Muraitiaceen, (Bot. Leit., 1873). (2 | Luerssen, Ueber it cellularverdickungen in par hanche Grund- gewebe der Farne (Stzbr. d. Naturf. Ges. zu Leipzig, 1875, p. 76). : (3)Russow, Zusammenhang d. Protoplasmas, ete, (Sép.-Abdr, a. d. Stzbr. d, 244 GEORGES POIRAULT. par M. Terletzki (1) (1884), par M. Thomæ (2) (1886). Presque partout ces formations se présentent avec les mêmes caractères. Ce sont des prolongements bacillaires ou coralloïdes, ou de courtes protubérances faisant plus ou moins saillie dans la lumière du méat. M. Luerssen les avait d’abord regardés comme des prolongements plus ou moins cutinisés de la membrane, quand M. Russow proposa une autre interprétation qui parut d'abord bien cadrer avec cer- tains faits observés précédemment. En effet, la présence de communications protoplasmiques venant d’être signalée. on crut reconnaître que le protoplasme pouvait se répandre en dehors des cellules dans les méals, et alors on considéra ces bâtonnets comme le produit de l’activité de ce plasma extra-cellulaire (Russow, Terletzki. — Thomæ, /. c. p. 17), Mais M. Gardiner, puisM. Schenk, monirèrent l’inexactitude de cette manière de voir, et que ce prétendu revêtement plas- mique n’était autre chose qu une dépendance de la lamelle moyenne. Enfin M. Schenk (3) s’assura directement que les bâtonnets des Marattiacées étaient de même nature que cette lamelle moyenne. D'ailleurs, ces productions ne sont pas spé- ciales aux Fougères ; M. Nillsson {4) les a observées dans l’'Hepatica triloba, M. Poulsen(5) dans l'Eupæpalanthus Frey- ressü, et plus récemment M. Mangin (6) dans les Prêles, le Chou, l'Hellébore. Ce savant considère ces bâtonnets comme des « composés pectiques » accumulés à la surface de la Dorpater Naturf. Ges. Septembre 1883), Je n’ai pas vu ce Mémoire, non plus que le suivant, du même auteur : Ueber die Auskleidung d. Intercellularen (Même recueil, 1884). (1) Terletzki, Vegelationsorgane von Struthiopteris u. Pteris (loc. cit.). (2) Thomæ, Die Blaitstiele d. Farne (Jahrb. f. Wiss. Botanik, t. XVII, 1886). (3) Schenk, Ueber die Stübchen in den Parenchymintercellularen d. Marat- tiaceen (Ber. Deutsch. Bot. Ges., t. IV, p. 88). (4) Hj. Nillsson, Dikotyla jordstammar, p. 203 (Lunds Univ. Arsskrift, t. XII) cité (de même que le Mémoire suivant) par M. Axel Vinge: Bidrag till kännedomen.. (loc. cit., p. 25). (5) V. A. Poulsen,Anat. Stud. over Eriocaulaceerne, Copenhague, 1888, p.105. (6) Mangin, Sur les composés pectiques (Journal de Botanique), t. VI et VII). Dans la première partie de ce travail le lecteur trouvera un historique détaillé relatif à la lamelle moyenne. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 245 membrane dansles espèces intercellulaires postérieurement a la formation de ceux-ci. M. Mangin a consacré à l'étude de cette question un mémoire étenduauquelnousrenverronslelecteur. Si ces productions sont très fréquentes dans le péliole, el aussi danslestiges des Polypodiacées, elles le sont notablement moins dans le limbe (j'entends dans le parenchyme vert, car dans le sclérenchyme des nervures on peut les apercevoir chez beaucoup d'espèces). On peut même dire qu’en généralces bâ- tonnets manquent au parenchyme foliaire des Polypodiacées. Cependant j'en ai vu de très beaux exemples dans le paren- chyme lacuneux formant la partie inférieure de la feuille de l’'Antrophyum ensiforme. Quant aux Microlema, M. Axel Vinge(1)ayant signalé la présence de ces bâlonnets intercellu- laires dans le Microlepia hirta Kaulf., j'ai examiné les espè- ces du même genre (M. speluncæ (L.) Moore, M. jamaicensis Hk., A.rhomboidea Wall., manillensis, etc.), etje n’airien vu desemblable:toutefois.ces bâtonnetssonttrèsabondants dans une plante décrite par Fée sous le nom de Microlepia caudata (Coll. Galeotti, Mexique, n°6527). —Chez les Cyathéacées, ces bâtonnels paraissent, au contraire, extrêmement fréquents dans le parenchyme. Seulement ils ne sont pas toujours très apparents; et, si dans certaines espèces (Cyathea Hookeri, C. dealbata, C. fulva, Hemitelia horrida, H. capensis, À lso- plhalapodophylla, À. latebrosa, Balantium antarcticum, Dickso- rnia Berteroana, Matonia pectinata), ils sont très longs, irès gros et relativement espacés les uns des autres; si ailleurs (Cyathea excelsa, C. quindinensis), ils sont très fins et très serrés, chez certaines espèces (Cyathea Lindeniana, C. diver- gens, Alsophila tomentosa Hk., Dicksonia cornuta, D. cicuta- ra, D. davallioides, elc.), ils semblent manquer totalement. La répartition de ces productions dans les divers genres de Cyathéacées demande de nouvelles recherches : un fait cer- tain dès à présent, c'est que ces bâtonnets ne sont pas spé- ciaux à un genre délerminé, mais se rencontrentdans beaucoup (4) Axel Vinge, Blattgewebe der Farne. (Bot, Centralblatt.,t. XXXE., p.290). 246 Ha D GEORGES POIRAULT. d'espèces de Cyathea, Hemitelia, Alsophila, Dicksonia. Hs sont extraordinairement développés dans le Matonia, mais manquent au Sphæropteris barbata Wall. (Peranema Cya- theoides Don). La systématique des Cyathéacées est si diffi- cile, les genres sont si mal délimités, que je suis persuadé que l'étude anatomique des plantes de cette famille donnerait des résultats intéressants. Autant que j'ai pu en juger, dans | une même espèce la pré- sence ou l'absence de bâtonnels est un caractère très constant. — Ces for- mations revêtent dans un Polvpode de l'Amérique du Nord, le Polypodium Scouleri, un aspect très par- ticulier. Elles ne sont plus, comme précédemment, éparses dans les méats du parenchyme jacuneux, mais, au contraire, locali- Fig.38 bis. — Polypodium Scouleri.— Crêtes sées sous les cellules cir- de « composés pectiques » à la face in- ; > : férieure des cellules stomatiques. conscrivant l’ostiole où À elles forment non plus des prolongements filiformes mais des crêtes très peu sail- lantes, qui, sur lépiderme vu à plat, se présentent comme des sortes de stries assez rapprochées les unes des autres venant barrer la paroi externe de la cellule stomatique, comme le montre la figure 38 bis. B. Structure des stèles : leurs terminaisons. — M. Van Tieghem admet que certaines tiges, celles des Fougères en parliculier, possèdent plusieurs cylindres centraux qu'il dési- gne sous le nom de s{èles (voir : le mémoire Sur la Polystélie, lc. — Traité de Botanique, p. 1371, et aussi Strasburger Bau u. Verrichtungen, etc., p. 443). — La stèle des Fougères représente ce qu’on appelait autrefois le faisceau (Gefässbün- del). Elle est souvent entourée d’une gaine scléreuse,qu’on peut RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 247 appeler gaine péristélique(Sklerenchymscheide, Skl.-belege), en dedans de laquelle vient l’endoderme. Tout ce qui est compris entre cet endoderme (Schutzscheide) et le liber constitue le péricycle (Geleitzellen, Phloemscheide, Strangparenchym, pro parte, Cambiform, p.p.) Mais M. Van Tieghem remarque que l’endoderme se dédouble fréquemment en deux assises dont l’externe porte seule les cadres lignifiés et dont l'interne vient s'ajouter au péricycle. Dans les petites stèles, le péricycle manque souvent, et l’on ne retrouve ve plus que l’assise endodermique interne. Le liber débute par une assise de tubes criblés étroits (Protophloemzellen) ; puis viennent ds tubes criblés plus larges (Siebrühren), mélangés à des cellules libériennes [Siebzellen, Bastzellen, Cambiform (p. p.)l. — M. Schwen- dener et les botanistes de son école divisent le « faisceau » (ec est-à-dire tout ce qui se trouve entouré par l’endoderme) en deux parties : le bois (Hadrom), comprenant les vais- seaux (Æydrom) avec la gaine de cellules parenchymaleuses amylifères qui les entourent, elle liber (Leptom), comprenant ce que nous appelons liber, et, en plus, la gaine de cellules parenchymateuses situées en dedans de l’endoderme (Geleit- zellen). Sous le nom de Sérangparenchym, on désigne à la fois le péricycle (sensu lato) et le parenchyme entourant les vaisseaux (parenchyme périvasculaire). Dans sa course ascendante à travers la feuille, la stèle, qui a primiltivement deux libers, tend à se réduire de plus en plus par disparition du liber tourné vers la face supérieure du limbe. Dans quelques cas, cette réduction correspond exacte- ment à l’arrivée de la stèle dans la lame chlorophyllienne (M. Haberlandt) (1). Ailleurs, elle peut déjà se produire dans le pétiole (M. Thomæ), ou au contraire, — comme on peut le constater dans un très grand nombre de plantes, être assez tardive dans la lame. Le liber de la stèle peut former un anneau continu autour (1) Haberlandt, Ueber collaterale Gefässbüncdel im Laube d. Farne (Sitzb. d. Wiener Akad., tome LXXXIV). 248 | GEORGES POIRAULT. du bois (A) ou au contraire être interrompu aux deux extré- mités de la lame ligneuse (B). On avait cru à l’origine que toutes les stèles de Fougères se rapportaient aû premier tvpe (A). Mais M. de Janczewski (1), et surtout M. Potonié (2), ont montré que dans ces prétendus « faisceaux concentriques » les tubes criblés ne faisaient pas exactement le tour du bois, — ce que M. de Bary avait d’ailleurs figuré sans le recon- naître { Vergl. Anat., p. 356, fig. 160), — et que l’anneau était interrompu aux deux extrémités de la lame ligneuse. Le faisceau n’était donc pas concentrique mais bicollatéral(B). En réalité les types À et B se rencontrent souvent dans-la même plante. Dans beaucoup de pétioles et dans le limbe on trouve un type intermédiaire (C). C'est celui où le Liber dé- passant les extrémités du bois ne forme cependant pas un anneau continu. En pareil cas, le bois a la forme d'une gouttière emboîtée pour ainsi dire dans une autre gouttière libérienne dont les bords se replient en dedans de la pre- mière, mais sans se réunir bout à bout. Tous ces types de structure sont extrêmement répandus, et il ne faut qu'un peu d’altention pour les distinguer. Le mode de terminaison de l'appareil conducteur dans les feuilles a été jusqu'ici peu étudié. M. de Bary (3) constate que les faisceaux diminuent de grosseur au fur à mesure qu'ils s'élèvent dans la feuille. « Dans les dernières ramifications on ne trouve, dit-il, que des trachées accompagnées de cellules allongées à parois minces dans lesquelles on ne reconnaît plus la structure des tubes criblés. Ces trachées font toujours suite à la partie vasculaire du faisceau. Ces ramifications viennent d'ordinaire se terminer dans le parenchyme chlorophyllien; plus rare- ment, dans les Monocotylédones à feuilles coriaces (Rhapis, Vanda), elles sont enveloppées à leur extrémité d’une gaine sclérenchymateuse. (1) De Janczewski, Tubes cribreux, (1 c). (2) Potonié, Leitbiündel d. Gefüsskryptogamen. (Jahrb. d. Kgl. Bot. Gartens zu Berlin, tome Il, 1883). (3) De Bary, Vergleichende Anatomie, p. 113, 386, 389, 391. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 249 «... Dans les Fougères, les terminaisons sont toujours entourées d'une assise de cellules allongées dépourvues de chlorophylle et présentant le caractère d’un endoderme jusqu’à l'extrémité libre, où les trachéides sont en rapport avec le parenchyme chlorophyllien par l'intermédiaire de quelques cellules allongées et à paroi lisse. «.. Les terminaisons ont la forme de massues et sont constituées par des trachées très courtes réticulées ou spi- ralées,dont lenombreetle diamètreaugmentent brusquement. Une ou deux couches de cellules à parois minces enveloppent toute la terminaison, et la séparent de l’épiderme, également à parois minces, qui forme une pelite fossette au-dessus de la massue vasculaire. L’épiderme de cette fosselte formé de petites cellules ne porte jamais de stomates, fait déjà cons- talé par Mettenius, et sécrète du carbonate de calcium. Ces cellules où se terminent les dernières trachées et qui ont toujours des parois minces, un protoplasma très peu granu- leux, constituent ce qu on appelle un épithème. » Mes recherches personnelles, qui ont porté sur une cinquan- taine d'espèces, me conduisent à distinguer chez les Fou- gères deux types de terminaisons vasculaires. Un premier, que l’on pourrait appeler erminaison superficielle, est celui signalé par M. de Bary. La stèle, après avoir cheminé quelque temps dans l’épaisseur du parenchyme foliaire, se relève brusquement et vient finir, en se dilatant plus ou moins, sous une plage de cellules différenciées de l’épiderme supé- rieur. Dans un second type, qu'on pourrait désigner sous le nom de terminaison profonde, la stèle ne subit aucun relè- vement et se termine au milieu même du mésophylle. 1° Terminaison super ficielle. — Elle est très fréquente, mais, pour différentes raisons (opacité de la feuille qui ne permet pas d'orienter convenablement les coupes, etc.), elle n'est pas toujoursfacile à étudier. Parmi les plantes communes, le Polypodium plhymatodes, le Didymochlæna sinuosa et le Scolopendrium officinarum me paraissent particulièrement 250. GEORGES POIRAULT. favorables aux observalions. Les figures 39 et 40 permettent de se rendre compte de la structure de ces terminaisons dans la première de ces espèces, où on les trouve répandues sur toute la face supérieure au milieu des mailles plus ou moins grandes formées par les nervures de divers ordres. Quand on regarde la feuille par transparence, les ampoules termi- nales de section elliptique ou arrondie tranchent par leur | Nes couleur jaune clair sur le fond ; sombre du parenchyme. Ces am- poules sont indiquées à la sur- face de la feuille par autant de taches blanchâtres, aspect dû au carbonate de calcium qui recou- vre l’épiderme au-dessus de la terminaison. M. Kohl (1) dit que si l'on vient à enlever ce dépôt il ne se reforme plus; je n'ai pas vérifié le fait, et signalerai seu- lement la structure cristalline de ce dépôt calcaire qui, dans le fond 0 a ne ne de ces dépressions épidermiques, des, feuille. — L'épiderme de la se présente sous la forme de Re RU RL due Lhomboèdres très nets enchevé- trés les uns dans lesautres, struc- ture surtout visible par l'emploi de l'acide acétique faible, ou en lumière polarisée. Les cellules de ces plages épider- miques calcifères contiennent un protoplasme abondant, avec un gros noyau dépourvu de cristalloïdes, de la chlo- rophylle et de l'amidon. Elles sont en communication les unes avec les autres par de très fins et très nombreux canalicules (2). L'examen des coupes longitudinales et trans- versales permet de voir plusieurs détails qui ont échappé à M. de Bary : 1° La gaine péristélique accompagne la stèle (1) Kohl, Kalksalze, etc., p. 100. (2) Voir plus haut le paragraphe relatif aux communications protoplas- miques. RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 251 jusqu à son extrémité et ne fait défaut qu’à la face supérieure appliquée sous l’épiderme; elle a donc dans son ensemble la forme d’une sorte de cuiller tapissée intérieurement par l’en- doderme dédoublé dont la couche externe formée de cellules à cadres lignifiés et non plissés touche directement l’assise épidermique (fig. 40 et 42). 2° Le gros de la terminaison est constitué par des tra- chéides spiralées ou réticulées entremêlées de cellules paren- chymateuses, comme l’a fort bien vu M. de Bary; mais cel auteur ne dit rien des tubes criblés ; or ceux-ci arrivent pres- que jusqu’à l'extré- mité où on les trouve encore formant une TT] rangée discontinue 2 ne touchant d'une part * l’assise interne de l’endoderme ({(releit- zellen, Russow), et séparés de la masse des trachéides par deux ou trois cou- chesde cellules beau- Su plus larges Coupe transversale de l’ampoule stélique ter- qu'elles, pourvues minale (gross. 225). d'un très gros noyau allongé et d’un protoplasme granuleux (1). En somme ces tubes criblés subissent, en arrivant dans l’ampoule terminale, une modification comparable à celle que subissent les vaisseaux eux-mêmes : ils se raccourcissent; mais à l'inverse de ce qui à lieu pour les vaisseaux, ils n’augmentent pas de diamètre et leur petitesse, la minceur de leurs parois rendent leur élude assez délicate. Toutefois sur des coupes suffisam- JU en (1) Ges faits sont en contradiction avec ceux énoncés par M. Haberlandt (Ueber collaterale Gefüässbiündelin Laube d. Farne, loc. cit., p.128). D'après ce savant, à l'extrémité des nervures, l’endoderme perdrait ses caractères habituels, et, d'autre part, les fines nervures seraient exclusivement consti- tuées par des trachéides sans tubes criblés. 252 GEORGES POIRAULT. ment minces il est facile de s'assurer que ces tubes ne dif- fèrent des autres que par leur petite taille. Les faces longi- tudinales sont couvertes de cribles relativement grands: la coupe longitudinale d’une de ces parois montre une série d'étranglements et de dilatations assez régulièrement espacés. Les étranglements correspondent aux cribles et, sur de bonnes préparations, effectuées d’après les méthodes en usage pour metlre en évidence les communications proto- plasmiques, on peut s'assurer de la perforation. Peut-être se forme-t-1l des cals ; en tous cas la formation est peu abon- dante, et J'ai vainement cherché sur ces tubes les grands dépôts calleux si fréquents dans les stèles de la tige et du pétiole. Telle est en général la structure d’une terminaison; ce qui varie c'est la grosseur de la stèle terminale, la forme de la terminaison {allongée Scolopendrium, etc., arrondie Polyp. decurrens, etc.), la proportion relative de trachéides et de cellules du parenchyme, le nombre et la taille des derniers tubes criblés, ete. Le plus souvent la stèle se re- dresse graduellement vers l’épiderme supérieur ; mais ailleurs (Polypodium linqua, etc.), le redressement est brusque. L’épiderme qui recouvre la terminaison ne paraît pas toujours sécréter du carbonate de chaux; ses cellules sont dans certains cas (Polyp. appendiculatum) remplies d'un liquide rougeâtre (anthocyanine ?). 2° Terminaison profonde. — La stèle enveloppée de son en- doderme dédoublé et de sa gaine s’effile, ou, au contraire, se dilate en massue et vient se terminer dans le parenchyme vert. La gaine ne s'ouvre plus à sa partie supérieure comme dans le cas précédent, mais à part cela toutes les particularités anatomiques ci-dessus mentionnées retrouvent ici leur place. Le fond de ce sac constitué par la gaine et l’'endoderme dédoublé est occupé par des trachéides et quelques cellules parenchymateuses, souvent par des tra- chéides seulement (Cyrtomium falcatum), fig. 41. Très près de l'extrémité, les tubes criblés se montrent encore à la RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 253 face inférieure. Ces terminaisons sont faciles à étudier dans le Cyrtomium falcatum, le Polypodium venosum, ete. Dans le Polypodium venosum, on rencontre cà et là de petites stèles, qui n’ont aucune relalion avec l’ensemble du système conducteur de la feuille. Il estintéressant de comparer le mode de terminaison de l'appareil conducteur chez les Fougères et chez les Phané- Fig. 41. — Cyrtomium falcatum. — Terminaison de stèle dans la feuille, coupe transversale (gross. 320). rogames : 1° Chez les Fougères comme chez les Phanéro- games à faisceaux « bicollatéraux » (à l'exception de quel- ques Cucurbitacées), le liber tourné vers la face supérieure du limbe disparaît de très bonne heure et seul le liber tourné vers la face inférieure accompagne les dernières ter- minaisons vasculaires et disparaît très près de leur extré- mité. 2° D'après M. Fischer (1), la partie libérienne des faisceaux (1) De Bary, loc.; cit. Volkens, Ueber Wasserauscheidung in liquider Form an. den Blätlern hôüherer Pflanzen (Jahrb. d. Kgl. Bot. Gart. Berlin, t. I, p. 166) — Alfred Fischer, Studien über die Siebrühren d. Dicotylblätter 254 GEORGES POIRAULT. de Phanérogames est constituée par des cellules libériennes «{cambiforme) assez peu caractérisées » el des tubes cri- blés incomplets, très étroits et sans plages criblées dislinc- tes. Chez les Fougères, les derniers tubes criblés se mon- trent très près de la terminaison des vaisseaux. Ils sont très courts, mais leur diamètre n’est pas très différent de ce qu'il est dans les stèles du reste du limbe, où ils sont d'ailleurs très } CE petits ; en tous cas, ils portent sur TUE - leurs parois des cribles très distincts a et très rapprochés les uns des aulres. 3° D’après M. Fischer, on trouverait dans les fines nervures des Phanéro- games des faisceaux dépourvus d’élé- ®\esi ments libériens et constitués unique- ot | : es ment par des trachéides. Ce cas ne paraît pas se présenter chez les Fou- sères,el d'autrepart,chezcesplantes, …q pasplus que chez les Phanérogames, on ne rencontre de faisceaux criblés se terminant isolément dans le pa- renchyme lacuneux, comme le dit Hg 42. Polypodium decur- M. ‘Areschouv Les tubes. criblée UE COUpEURE éconpasnent toujours les vuE-eaux versale d’une stèle à sa ter- minaison. E, épiderme; qui, suivant les cas, les dépassent plus e, endoderme; g, gaine ‘ péristélique (gross. 225). ou moins. Il ya, entre les Lerminaisons pré- cédemment décrites sous le nom de terminaisons superfi- cielles et celles étudiées par M. Volkens, quelques différences. D'abord chez les Phanérogames, la terminaison se fait le plus souvent du côté de la face inférieure de la feuille et l’épiderme qui le recouvre porte des stomates aquifères; chez les Fougères, les cas de terminaison à la face inférieure GE (} (Berichte über Verhandl. d. Kôünigl. Sächs Gesellschaft d. Wiss., t&. XXXVII, 1885, p. 245). | (60: RECHERCHES SUR LES CRYPTOGAMES VASCULAIRES. 299 sont exceptionnels; on irouve presque toujours ces termi- naisons à la face supérieure, où l'épiderme qui les recouvre ne porte 7amais de stomales. | Dans la feuille de beaucoup de Phanérogames, les der- nières trachées viennent se terminer dans un massif de cellules constituant ce que M. de Bary appelait un épifhème Fig. 43. — Polypodium lucidum. — Terminaison de stèle dans la feuille : E, épi- derme ; G, gaine ; e endoderme; /, tubes criblés (gross. 220). et ce qu'on désigne quelquefois sous le nom de glande aquifère. Ce tissu est en général beaucoup plus déve- loppé chez les Phanérogames que chez les Fougères. Chez les premières, il est formé de cellules à parois minces assez lâchement unies les unes aux autres, tandis que chez les secondes les cellules ne paraissent pas présenter de méats (1). L’endoderme coiffe la dernière terminaison de la stèle chez les Fougères. Je ne sais si, dans quelques cas, chez les Phanérogames, un endoderme caractérisé enveloppe (1) D'après M. Waldner (Mittheil. d. Naturw. Vereins für Steiermarck, 1871) l’épithème des Saxifragées serait formé de cellules intimement unies les unes aux autres. M. Volkens (loc. cit., p. 199), a tendance à croire qu'il n’en est rien et que ces cellules hyalines sont séparées par des méats. 256 GEORGES POIRAULT. complètement la terminaison vasculaire ; je le croirais volontiers, mais la question demande de nouvelles recher- ches. — Le mode de terminaison des stèles dans le Po/y- podium lucidum mérite d’être signalé ; la terminaison a lieu du côté de la face inférieure, l’épithème est très développé. D'autre part la stèle n'arrive pas jusqu'à l’épiderme inférieur (comme, par exemple, celles du Polyp. phymatodes (fig. 40) arrivaient jusqu'à l'épiderme supérieur), elle en reste sé- parée par un massif de cellules paraissant assez fortement unies entre elles, massif limilé extérieurement par une fos- sette épidermique analogue à celles dont il a été question plus haut, el comme elles dépourvue de stomates. Dans le limbe de la feuille, à une très faible distance du point où une stèle vient finir, on trouve les deux libers, et dans cer- tains cas, la structure est nettement concentrique; puis, quand on approche de la terminaison, c’est le liber inférieur qui disparaît, et le liber supérieur qui subsiste fig. 43 (1). (1) On pourrait peut-être rapprocher de ce mode de terminaison celui qui a été décrit par M. Renault (Botanique fossile, t. II, p. 130) dans le Lage- niopteris (?) ovalifolia, et où l’on voit la partie terminale de la stèle se diri- geant vers la face inférieure, comme dans le cas présent, coiffé d’un massif de grandes cellules qui correspondent peut-être à cet amas de cellules sépa- rant l’épiderme de l’endoderme. À L À 1 . 1 J T XVHL N° 5 et 6. ‘ ur He à RUE DES $ BNCES NATURELLES SEPTIÈME. SÉRIE PA ee A A LD So RE a EP RÉU Ê Ée be ie BOTANT: COMPRENANT a ANATOMIE, Li PHYSIOLOGIE ET LA (CLASSIFICATION _ DES VÉGÉTAUX VIVANTS ET. FOSSILES ca PUBLIÉE sous LA DIRECTION DE M. 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Chaque partie 20. : QUATRIÈME SÉRIE. SSL IS6S. | Chaque partie 20 CINQUIÈME SÉRIE (1864-1873). Chaque partie 20 SIXIÈME SÉRIE (1874 à 1885). : ui nie GÉOLOGIE, 22 : Vanne RS RECHERCHES SUR LA FORMATION DES HUILES GRASSES ET DES HUILES ESSENTIELLES DANS LES VÉGÉTAUX Par M. EUGÈNE MESNARD. INTRODUCTION L'étude du contenu de la cellule végétale est loin d’avoir été poussée jusque dans ses moindres détails. Certains corps figu- rés (grains de chlorophylle, amidon, grains d’aleurone, etc.), visibles au microscope, et quelques substances dissoutes dans le suc cellulaire (sucre, tannin, elc.), susceptibles d’être mises en évidence à l’aide de réactifs spéciaux, ont déjà élé décrits par les auteurs, mais le nombre en est encore trop restreint pour qu'on puisse entreprendre, jusqu'ici, de relier entre elles toutes les données acquises et d'établir, d’une manière positive, les grandes lignes de l’histoire de la Biologie cellulaire. Il appartient, sans nul doute, à la lechnique microchi- . mique, déjà employée par plusieurs auteurs, de définir les relalions qui peuvent exister entre les différentes substances renfermées dans la cellule végétale, considérée aux diverses _ phases de sa vie, et d'établir des équations chimiques qui résument les principaux faits; mais la science actuelle est encore bien loin du but qu’elle a le désir d'atteindre. ANN. SC. NAT. BOT. XVII 44 258 EUGÈNE MESNARD. Dans le présent travail, je me suis proposé d'étudier deux catégories de substances, les huiles grasses et les huiles essen- tielles, substances très différentes les unes des autres, non seulement par leur composition chimique, mais aussi par leur importance physiologique. | Dans tout être vivant, l’activité D Idlociaue de la cel- lule comprend deux ne principales : l'assimilation, travail de synthèse par lequel les éléments chimiques des composés minéraux du milieu extérieur se combinent avec le carbone pour devenir partie intégrante du corps protoplasmique, du noyau, des leucites el de la membrane ; la désassimilation, travail de décomposition chimique par Eu les on incorporées dans la cellule sont amenées à redescendre pour ainsi dire, un à un, tous les degrés que l'assimilation leur avail fait monter. Mais tandis que l'assimilation peut devenir très faible et même s’annuler complètement si les maté- riaux constitutifs du protoplasma de la cellule lui parvienent tout formés, la désassimilalion est un phénomène indispen- sable au bon fonctionnement de la cellule et elle ne saurait être nulle. Les huiles grasses sont des produits d'assirhilation: les. huiles essentielles sont des produits de désassimilalion. Pour arriver à déterminer l’origine et les affinités de ces deux catégories de substances, J'ai été obligé, chemin faisant, d'étudier, en même lemps, les autres substances renfermées dans les cellules que j'avais à considérer. Il ne s’agit pas, en effet, de cellules protoplasmiques quelconques, mais de cel- lules dont le protoplasma est pourvu de chlorophylle. On sait que cette matière pigmentaire est l'intermédiaire, en quelque sorte obligé, entre les radiations lumineuses, phénomène physique et source d'énergie, et les substances chimiques mises en présence dans les cellules de la plante, et qu’elle joue un rôle très important dans les phénomènes d’assimila- tion et de désassimilation. De sorte que, dans le fait, en étudiant le mode de production el l’origine des huiles gras- ses et des huiles essentielles, et des autres substances qui FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 259 gravitent autour d'elles, j'ai eu à examiner successivement les principaux points de l’histoire d’une cellule à protoplasma chlorophyllien. Mon travail, exclusivement basé sur des réac- tions microchimiques, se subdivise de la manière suivante : PREMIÈRE PARTIE. — Mode de production et origine des huiles grasses dans les végétaux. Comprenant : 1° Historique et procédés de technique; 2° Localisation des huiles grasses pendant la germina- tion des graines ; 3° Mode de localisation des huiles grasses pendant la formation des fruits et des graines. DEUXIÈME PARTIE. — Origine du eue des plantes. Comprenant : 1° Historique et procédés de technique ; 2° Localisation des huiles essentielles dans les plantes ; 3° Considéralions générales sur la production du parfum des plantes. | CONCLUSIONS GÉNÉRALES. L’exlraction des huiles grasses et celle des huiles essen- tielles donnent lieu à deux industries extrêmement floris- santes, dont les procédés pratiques sont cependant loin d’avoir atteint toute la perfection désirable. Les considéra- tions que j'ai développées dans chaque cas auront peut-être l’avantage d'ouvrir un champ nouveau à la critique, et d'amener les industriels à réaliser des réformes avanta- geuses dans leurs procédés d'extraction. PREMIÈRE PARTIE MODE DE PRODUCTION ET ORIGINE DES HUILES GRASSES DANS LES VÉGÉTAUX HISTORIQUE Les huiles grasses formées par les végétaux s'accumulent ordinairement en très grande quantité dans les graines, où elles doivent servir à la nutrition des jeunes embryons. On en trouve également, parfois, dans la partie charnue des fruits, comme dans l'olive et le fruit du Cornouiller sanguin, dans les rhizomes, principalement chez les Monocotylédones. Ces corps gras sont des éthers de la glycérine, c'est-à dire qu'ils sont formés par la combinaison de la glycérine, alcoo! triatomique, avec trois molécules d’acide gras (a. stéa- rique, a. oléique, a. margarique, etc.). Les corps gras pos- sèdent, comme on le sait, la propriélé commune à tous les éthers, de se dédoubler par saponification, sous l'influence des bases, des oxydes, des acides forts et de l'eau sous pression. De nombreux observateurs se sont préoccupés de détermi- ner la quantité de matière grasse qui peut se {rouver accu- mulée dans les végétaux et de préciser, dans la limite du possible, le rôle physiologique de cette substance. En 1865, Fleury, utilisant le sulfure de carbone comme dissolvant, fait, un des premiers, des dosages de la matière grasse contenue dans des graines, examinées à différentes époques de la germination. En étudiant, par exemple, les FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 261 graines de Ricin, il constate que les matières albuminoïdes changent peu Dodo la germination, que les huiles dimi- nuent, tandis que le sucre et la dextrine augmentent en con- séquence. Les résultats qu'il trouve pour le Colza, pour l'amande douce et l’Épurge sont beaucoup moins nets. Néanmoins, il s’en tient à sa première expérience et conclut que les huiles grasses donnent, en se transformant, d’a- bord du sucre, puis de la dextrine, et enfin de la cellu- lose, nécessaire à la formation de la jeune plante qui prend naissance. Fleury (1) admet que l'oxygène de l’air brûle le carbone et l'hydrogène des corps gras, pour les amener à la com- position des hydrales de carbone. | En 1871, M. Müntz (2) étudie également les phénomè- nes chimiques qui accompagnent la germination en faisant germer, sur du papier, des graines de Colza et de Pavot. IL dose les acides gras et constate qu'au bout de 5 à 6 jours de germination, la matière grasse neutre n'existe presque plus dans les jeunes plantes, mais qu'il y a une aug- mentation dans la quantité des acides gras. _ Les analyses minutieuses auxquelles s’est livré M. Müntz ne lui ont pas permis de retrouver la glycérine. Il admet néanmoins que les huiles sont dédoublées par saponification, et suppose que la glycérine est immédiatement absorbée par les tissus. _ Boussingault (3) et Pelouze avaient déjà fait des SbSUh as tions analogues. Mais les auteurs que Je viens de citer em- plovaient les procédés ordinaires de la chimie, et 1l leur était impossible de dire dans quelles parties des organes se fai- sait la dissociation et comment s’opérait la transformation des matériaux ainsi mis en liberté. Pour préciser davantage le problème, il fallait. se livrer à a ) Fleury, Recherches chimiques sur la germination (Ann. Chimie et Phy- sique, 1865). (2) Müntz, Recherches sur la germination des graines oléagineuses (Ann. de Chimie et de Physique, 1871). (3) Boussingault : Economie rurale, I, p. 300. 269 ; EUGÈNE MESNARD. des études plus minuticuses, elles qu'on peut les réaliser par l'analyse microchimique. | Dans cel ordre d'idées, M. Sachs (1) commence, dès l'année 1859, à publier les résultals de ses intéressantes recherches sur les transformations que subissent les substances de ré- serve pendant la germinalion, travaux qu'il continue pendant plusieurs années. M. Sachs emploie une nouvelle méthode d'investigation qui lui permet de suivre, sous le microscope, les principales transformations des substances de réserve. Malheureusement sa technique était incomplète. Ce phy- siologiste n'avait guère, en effet, à sa disposition, que la réaction de l’iode sur l'amidon qui lui a permis de décrire l'histoire de cette Hooene substance de réserve. Pour les huiles, il devait s’en tenir, soit à l'examen direct, soit à l’action le l'acide sulfurique sur les HRÉAsUEs méthode indiquée par Payen. M. Sachs étudie, en même (emps, le mode de localisation des substances sucrées, en employant la liqueur cupro- polassique. À la suite de ces recherches, M: . admet que l'huile, comme l’amidon, peut servir à l'élaboration des cloisons cellulaires des embryons qui ne peuvent encore assimiler. L'huile disparaît au fur et à mesure du développement des cellules et elle se trouve partout, en totalité ou en partie, transformée en amidon, substance que l’on considère comme un produit d’assimilation (2). La matière amylacée dont il s’agit est appelée amidon transitoire, car elle apparaît comme une substance passagère, au commencement d' une nouvelle vie. D'autre part, M. Sachs s attache à démontrer la relation intime qui existe entre l’amidon et le glucose, et la trans- formalion de ces substances en cellulose. Cette matière de réserve peut même à son tour donner la matière grasse. (1) Sachs : Ueber das Auftreten der Stärke bei der Keimung ülhaltiger Samen (Bot. Zeit., 20 mai 1859). (2) J. Sachs, Traité de physiologie. _ sil FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 263 Dans les graines oléagineuses, la matière grasse est donc la forme stable des produits élaborés. D’un autre côté, pendant la maturation des mêmes graines oléagineuses, l’amidon et le glucose donnent naissance à des matières grasses. Mais ce n'est pas tout; d'autres substances, au nombre desquelles il faut citer la mannite, les glucosides et le tannin, peuvent également donner lieu à de la cellulose ou à des malières grasses. Comme on le voit, ilexiste, d'après M, Sachs, une relation intime entre tous ces hydrates de carbone : huile, amidon, sucre, cellulose, etc., et tous sont susceptibles de se trans- former l’un dans l’autre. C’est cette théorie extrêmement importante, énoncée par M. Sachs, que l’on enseigne encore, principalement en Allemagne, sous le nom | de « Chaines des hydrates de carbone ». Par contre, M. Sachs insiste peu sur les relations qui peuvent exister entre les matières albuminoïdes et les hydrates de carbone. Toutefois, en s'appuyant sur les conclusions de Rochleder (1) et de Kékulé (2), il pense que les hydrates de carbone, de par la chlorophylle, peuvent très bien s'unir aux produits azotés, transportés dans l’organisme sous forme denitrates, et donner naissance auxalbuminoïdes. . M. Sachs (3) admet aussi que l'huile de l’albumen est absorbée par les cotylédons et qu'elle chemine sans ir ans- formation préalable de cellule en cellule. M. Detmer (4) admet la perméabilité de la membrane celulosique pour l'huile, mais il pense que la matière grasse doit se transformer en amidon ou en d’autres produits sem- blables aux hydrates de carbone, afin de pouvoir pénétrer dans le sac protoplasmique des sarl Dans un travail récent, M. Schmidt (5) reprend à nouveau ) Rochleder, Chemie und Physiologie der Pf. Heidelberg, 1852. ) Lehr, der org. Chemie, IT, p. 356. ) Sachs, Jahrbuch, 1863. | Detmer, R cmungsphusiolonte 1860. - ) Schmidt, Ueber Aufnahme und Verar beitung von fetter OŒElen durch Pflan- zen n (Flora, juin LOU NOT) a (2 6 (4 264 | | EUGENE MESNARD. la question de la transformation des réserves. Il s'efforce de déterminer sous quelle forme les huiles peuvent traverser les membranes et suppose, comme M. Müntz, que l'huile se dédouble en acides gras et en glycérine. De plus, M. Schmidt croit quel’absorption de l'huile par les cellules végétales se fait comme dans l'organisme animal et que l'acide libre sert à la formation d’un savon qui provo- que, d'une part, une émulsion de l'huile, et rend, de l’autre, les membranes perméables à l'huile émulsionnée. On sait peu de choses sur le mécanisme qui produit la dislocation des substances de réserve contenues dans les cel- lules. | On admet à peu près généralement que ces transforma- tions sont des dédoublemenis avec hydratation, accomplis sous l'influence de diastases appropriées; qu'ils sont, en un mot, des phénomènes de digestion (1). À chacune des subs- tances de réserve, correspond une diastase particulière. La saponase serait la diastase capable de saponifier les corps gras et de les transformer en glycérine et en acides gras. : Plusieurs de ces ferments sont connus et s'appliquent parfaitement à certains cas particuliers, mais d’autres n'ont jamais été vus, et plusieurs auteurs, Nægeli et Mayer, et plus récemment encore M. Wortmann (2), mettent en doute l'existence de ces ferments et attribuent au protoplasma la propriélé de digérer lui-même les produits qu'il a formés. J.R. Green (3), dans une étude récente sur la gérminalion du Ricin commun, admet l'existence d’un ferment pour les matières grasses. Enfin M. Vogel (4) estime que la présence de l'huile n’est (4) Van Tieghem, Traité de Botanique. (2) Wortmann, Ueber den Nachweiss, das Vorkommen und die Bedeutung des diastasischen Enzyms in den Pflanzen (Bot. Zeit., 1890). (3) J. R. Green, On the germination of the seed of the Case er pire (Rici- nus communis). (4) Vogel, Ueber den Eïinfiuss der Keimung auf den Fettgehalt der Samen (Sitzungen der mathematisch-physikalischen Classe derK.b. Akademie der Wissenschaften). Re FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 265 pas de grande utilité pour le développement de la puissance de germination. C'est du moins ce qui ressort des expérien- ces de cet observateur, qui à pu faire germer des graines de Cresson, après que celles-ci eurent été traitées par l’éther de pétrole pendant plusieurs semaines. TECHNIQUE MICROSCOPIQUE Rappelons brièvement quels sont les procédés de techni- que microscopique qu'il convient d'employer pour l'étude des localisations des différentes substances qui peuvent se rencontrer dans les cellules, en même temps que les huiles grasses. Réactions des huiles grasses. — 1° L'examen microscopique le plus simple suffit, dans quelques cas, pour reconnaître la présence des huiles dans les cellules végétales. On aperçoil facilement, en effet, dans les cellules des albumens parve- nus à maturité, des globules parfaitement sphériques, appa- raissant chacun, en coupe optique, comme un cercle gris blanc, entouré d'une ligne noire. Lorsqu'on abaisse le tube du microscope, l'anneau noir fait place à un anneau brillant. S'il s'agit d’une bulle d’air, l’anneau noir qui délimite la bulle augmente de largeur et d'intensité au lieu de s’éclairer. 2° Acide sulfurique. — En déposant, sur une coupe micros- copique, une goulte d'acide sulfurique, comme l'a indiqué Payen, l'huile sort de tous les côtés et se réunit en gouttelet- tes sur les bords dela préparation. Ce moyen estévidemment imparfait et il ne peut pas servir à l'étude de la localisation de la matière grasse. 3° Acide osmique. — En solution aqueuse à 1 p. 100, celte substance possède la propriété de faire noircir les graisses. Malheureusement elle noircit en même temps les tannins, les huiles essentielles, le protoplasma vivant lui-même. __ Au surplus, l'acide osmique a l'inconvénient de contracter le sac protoplasmique, au lieu de le distendre comme il con- viendrait, ce qui rend la lecture des préparations très difficile. 266 ; EUGÈNE MESNARD. 4° Teinture d'Orcanette. — Ce réactif, obtenu en traitant les racines d’'Orcanette par l'alcool fort, peut servir à colorer les globules d'huile, ou plus facilement encore le protoplasma danslequel l’huilese irouveen partie dissoute, mais laréaction n'est pas très accusée et ne donne que des renseignements insuffisants. Orcanette acétique.— M. L. Guignard a employé la feinture d'Orcanette, en y ajoutant de l'acide acétique, comme colorant des huiles. Ce réaclif réussit parfaitement lorsqu'il s’agit de globules isolés et bien formés, mais lorsque les cellules sont en même temps encombrées par d'autres substances de ré- serve, amidon, albuminoïdes, etc., la coloration ne se pro- duit pas ou bien se produit mal. 5° Vapeurs d'acide chlorhydrique pur. — J'obtiens avec beaucoup de certitude la localisation des huiles grasses, en employant le procédé suivant (1) : Les coupes sont placées dans une goutte de do pure fortement sucrée et exposées dans une petite chambre spé- ciale à l’action de l'acide chlorhydrique pur, capable, comme on le sait, d'émettre, à la NAT ordinaire, des vapeurs d'hydrates acides. Cette petite chambre, très semblable aux chambres uni. des employées pour la première fois par MM. Van Tieghem et Le Monnier pour la culture des Champignons inférieurs sous le microscope, s'oblient en collant, avec du baume de Canada, sur une lame porte-objet, deux anneaux de verre concentriques, de dimensions inégales en hauteur et en diamètre, el en recouvrant le plus grand de ces anneaux par une lamelle couvre-objet ronde. L’anneau central sert de support à une lamelle couvre-objet plus petite qui reçoit, sur sa face supérieure, la goutte de glycérine sucrée et la préparation. Le réactif (acide chlorhydrique) est déposé dans l’espace annulaire ménagé entre les deux anneaux concentriques. (4) E. Mesnard, Recherches sur la localisation des huiles grasses dans la ger- mination des graines (Comptes rendus, 16 janvier 1893). FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 267 La glycérine sucrée, très avide d’eau, comme on le sait, provoque une distillation rapide des vapeurs d’hydrates acides. De celte facon, j'obtiens, par une action lente el mé- nagée, facile à limiter d’ailleurs, l’hydratation complète des coupes en présence d’un acide. La réaction se fait lentement et peut durer de 23 à 30 heures, lorsqu'on a affaire à des tissus très desséchés. Au bout de ce temps, le contenu des cellules s’est peu à peu détruit et l'huile se rassemble en un ou plusieurs globules très faciles à observer au microscope. On peut rendre les globules encore plus visibles en les colorant. Pour cela, on enlève, avec du papier buvard, le liquide en excès qui mouille la préparation, et, saisissant la lamelle avec des pinces, on expose la coupe pendant une ou deux secondes, à des vapeurs d'iode sublimé, obtenues très facilement en chauffant une pailletite diode dans un verre de montre. L'huile se colore en un beau jaune d’or limpide qui se détache très bien sur le fond jaunâtre trouble du sac proto- plasmique. L'acide chlorhydrique, irès transparent, on peut, à la rigueur, simplifier le dispositif en employant une chambre humide, formée d’un seul anneau de verre, recouvert d’une lamelle couvre-objet qui reçoit la coupe sur sa face interne, mais il peut se produire des déplacements des goultelettes d'huile. De plus, les gouttelettes liquides, résul- tant de la distillation du réactif, viennent se condenser sur la préparation et nuisent à la netteté de la vision. Les gouttelettes d'huile grasse formées sous le microscope, résistent aussi longtemps qu’on les laisse exposées à l’action de l'acide. Les huiles essentielles, au contraire, qui se résol- vent aussi en gouttelettes, sous l'influence du même réactif, comme on le verra plus loin, ne résistent pas plus de quelques minules el disparaissent en produits diffusibles. Il en résulte donc un procédé sûr qui permet de distinguer ces deux ca- lLégories de substances. Réaction des matières albuminoïdes. — On connaît plu- 268 EUGÈNE MESNARD. sieurs réactions microchimiques des matières albuminoïdes el protéiques de réserve. 1° Réactif de Millon. — Ce réactif, obtenu en faisant dis- soudre, à froid, du mercure dans un poids égal d’acide ni- trique fumant et en élendant ensuile la liqueur d’un même volume d’eau, colore les substances albuminoïdes en rouge brun. Mais la réaction est assez lente et elle nécessite une véritable désorganisation des tissus. 2° Teinture d'iode. — L’iode coloreles matières albuminoï- des de réserveen jaune. C’est un réactif appréciable dans cer- lains cas. Il à l'inconvénient de colorer également le proto- plasma. 3° Liqueur cupro-potassique. — Il est de beaucoup préfé- rable d'employer la Zigueur cupro-potassique. En faisant chauffer, pendant quelques secondes, une coupe microscopi- que, contenant des matières albuminoïdes, dans la liqueur de Fehling, on obtient une coloration violette très caractéris- tique. 4° Acide chlorhydrique pur. —Les vapeurs d’acide chlor- hydrique, telles que nous les avons employées plus haut, servent également à caractériser les matières albuminoïdes de réserve, même en très faible quantité. Sous l'influence de ces vapeurs acides, il se produit une belle coloration violette, extrêmement vive, qui apparaît au bout de peu de temps et: dure plusieurs heures. On sait que l’action de l’acide chlorhy- drique sur les albuminoïdes donne lieu à une production de syntonine (1), dont la coloration est violetie. Avec les albu- minoïdes en voie de digestion ou en voie de formation, il se produit une coloration rose. | Par ceite nouvelle méthode, on peut avec une même pré- paration, obtenir simultanément la localisation des matières albuminoïdes de réserve et celle des gouttelettes d'huile grasse qui persistent seules, après que la coloration violette de la syntonine a disparu sous l'influence d’un excès de réactif. (1) Würtz, Dictionnaire de Chimie. FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 269 Les diastases, que l'on considère comme des substances azotées, ayant la même conslitulion que les albuminoïdes, se colorent aussi en violet par les vapeurs d’acide chlorhy- drique. M. Guignard a obtenu la localisation des /erments des Crucifères par l'emploi de l'acide chlorhydrique pur et bouillant. Amidon. — Il est souvent facile de reconnaître la pré- sence des grains d’amidon dans les cellules sans qu'il soit nécessaire d’avoir recours à des réactifs spéciaux. Toutelois il vaut mieux essayer la réaclion si caractéristique de l’iode en prenant les précautions indiquées par M. Sachs. Il est quelquefois utile d'étudier simultanément la locali- sation de l’amidon et celle des autres substances de réserve, des malières albuminoïdes, par exemple. Pour cela, il suffit d'ajouter à la glycérine sucrée un peu d’eau iodée et d’ex- poser cette préparation aux vapeurs d’acide chlorhydrique, comme je l’ai indiqué précédemment. L’amidon se colore en bleu; ou plutôt, dans les parties où il y a de l’amidon et des albuminoïdes, on obtient une coloration générale bleu violet qui est la résultante de la teinte bleue de l’iodure d'amidon et de la teinte violette des albuminoïdes. Lorsque l’amidon n’a pas été traité par l’iode il peut être désagrégé et détruit par les vapeurs d'acide chlorhydrique. C'est ce qui permet de faire apparaître les plus petites gouttelettes d'huile grasse qui peuvent se trouver dans les cellules. L’amidon partiellement transformé par la digestion en amylo-dertrine se colore en rouge acajou par l'iode. Les _ dextrines qui résultent de transformations plus avancées des mêmes substances se colorent en jaune par le même réactif. (Grlucoses. — Saccharoses. — Les glucoses (maltose, dex- trose, etc.) ont, comme on le sait, la propriété de réduire la liqueur de Fehling en produisant, dans les cellules, un préci- pité rougeâtre d’oxydule de cuivre. Le maniement de cette réaction est difficile et exige une certaine habileté. D'après M. Gaston Bonnier (1) voici comment il convient d'opérer : (1) Gaston Bonnier, Les Nectaires (Ann. Sc. nat. Bot., 1879). 270 EUGÈNE MESNARD. On met la préparation dans une goutte de liqueur de Fehling étendue et on chauffe doucement. On regarde au microscope dans quelles régions s’est formé le précipité jaune ou jaune rougeâtre (glucose). On intervertit par l'acide sulfurique ; on remet une goutte de liqueur eupro-potassi- que, on rechauffe. Si le précipité est plus abondant que dans le premier cas, c’est que l’accumulalion de saccharose est notable. LOCALISATION DES HUILES GRASSES PEN DANT LA GERMINATION DES GRAINES. 1 GERMINATION DES GRAINES OLÉAGINEUSES PROPREMENT DITES. 1° Graine de Ricin. — L'élude de la germination de la graine de Ricin, est, pour ainsi dire, devenue classique, et c’est tout d’abord sur cette graine que j'essaierai l’action des réactifs. La graine de Ricin renferme, comme on le sait, un em- bryon, composé d’un axe (radicule, tigelle, gemmule), et de deux cotylédons très aplatis l’un contre l’autre, entourés de toutes paris par une masse épaisse d’albumen charnu. Les grandes cellules qui composent cet albumen se prêtenc très bien à l'étude des substances de réserve. En faisant bouillir, pendant quelques secondes, une coupe mince de cet albumen avec de la liqueur de Fehling, on constate qu'il se produit, dans toutes les cellules, une coloration violette, indice de la présence de matières albuminoïdes abondantes (PI. VIT, fig. 1). Sous l'influence de cette ébullition, les fines gouttelettes d'huile, répandues dans tout le protoplasma, se rassemblent et finissent par former une goultelette plus grosse qui occupe le milieu de chaque cellule, refoulant les matières albuminoïdes dans les parties latérales. a. Ricin sur le point de germer. — Examinons une graine sur le point de germer, c’est-à-dire simplement gonflée par FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. PAT | l'eau. Elle ne renferme pas d’amidon, ni dans l’albumen, ni dans le parenchyme des colylédons ; la matière amylacée se localise dans l'axe hypocolylé. : L'assise épidermique qui recouvre les cotylédons, laxe hypocotylé et la gemmule n'offre aucune distinction parti- culière. Toutefois, on remarque que, vis-à-vis de la partie basilaire de l’albumen, l’épiderme de l'embryon se colore en rose sous l'influence de la liqueur de Fehling ; les cellules épidermiques de cette région se ui un peu plus développées que partout ailleurs. Comme conséquence de ce réveil de l’activité vitale de la surface épidermique de l'embryon, on peut constater qu’un certain nombre de cellules de l’albumen, situées au contact, sont partiellement vidées. C'est, en effet, en ce point que commence la digestion des réserves. Le phénomène s'étend ensuite peu à peu sur toute la longueur des cotylédons (PLViEsfig: 2): b. Æicin en pleine période de germination. — Considérons maintenant ce qui se passe dans une période de germination un peu avancée. Les graines, placées à l’obscurilé sur de la mousse humide, ont développé des racines ayant 25°* de longueur ; l'axe hypocotylé, d’une longueur totale de 45**, est recourbé et aminci à sa partie supérieure; il est, au contraire, renflé dans sa partie inférieure, celle qui donne naissance aux racines. Les cotylédons sont également très développés, mais ils n’ont pas encore rompu la masse de lalbumen qui les enveloppe comme une gaine. L'examen microchimique des lissus montreque les progrès de la transformation des réserves ont élé assez rapides. L'huile et les malières albuminoïdes n'existent plus que dans la partie périphérique et distale de l’albumen. Dans ces régions de l’albumen, les réserves existent en- core en lotalité, mais, si l’on se rapproche des cotylédons, on rencontre des cellules complètement vidées ou ne ren- fermant, çà et là, que quelques rares globules d'huile et une certaine quantité de matières albuminoïdes plus ou 279 . _ EUGÈNE MESNARD. moins transformées en pro-peptones ou en peptones (PI. VIT, hell et) Dans les mêmes cellules vidées de l'albumen on ne voit pas d’amidon, mais l’iode colore, en rouge acajou, des gra- nulalions qui correspondent, probablement, aux amylites de M. Belzung. Les cotylédons ne renferment de l'huile que ne les cellules du mésophylle, sauf dans les parties où se forment les vaisseaux et dans l'assise de cellules en palissade située près de l’épiderme supérieur des cotylédons. La matière grasse, très abondante dans la partie supérieure des coty- lédons, diminue rapidement en se rapprochant de la radicule et elle finit par disparaître. Les matières albuminoïdes de réserve disparaissent de la même façon ; mais on les retrouve, en petite quantité, plus ou moins transformées en peptones, dans les vaisseaux libé- riens de l’axe hypocotylé. J’appellerai ces substances azotées ainsi entraînées dans les vaisseaux libériens, des substances azotées de germination. L'amidon qui faisait défaut dans l’albumen, apparait nettement dans la mésophylle des coty- lédons, sous forme de granulations extrêmement pelites d'emidon transitoire el s'accumule, en quantité notable, dans les cellules de l’axe hypocotylé, suivant le mode de distri- bulion qui a été indiqué par M. Sachs. Les cellules de l’écorce et de la moelle de la partie supé- rieure de l’axe hypocolylé en voie de croissance renferment beaucoup d’amidon et un peu de glucose avec quelques gouttelettes d'huile et des traces de matières albuminoïdes. Mais, quand on se rapproche de la racine, dans les régions où l’axe a cessé de s’accroitre, on ne trouve plus que du sucre. L’amidon, assez rare dans les cellules de l'écorce, et dans les nee du parenchyme médullaire, se localise de préférence dans l’erdoderme. Comme on le voit, les phénomènes sont bien nets. L' huile etles matières albuminoïdes, amassées en grande quantité dans les cellules de l’albumen charnu du Ricin, disparaissent FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. PATES peu à peu, et passent dans l'embryon pour servir à l’élabora- tion de nouveaux tissus. L'amidon n'existe pas dans l’albu- men, mais il apparaît abondamment dans l'embryon et surtout dans la partie de l’axe hypocotylé qui se développe le moins. Cet amidon est ensuite transformé, et sur place, en glucose, qui contribue lui-même à la formation des cloisons cellulaires. Si l’on ne considère quela disparition pro- gressive del'huile de l’albumen, d’une part, etl’accumulation de matière amylacée qui se produit dans l’axe hypocotylé, d'autre part, on arrive, avec M. Sachs, à supposer que cet amidon provient de la transformation de la matière grasse. Mais on peut tout aussi bien élablir la possibilité d’une rela- tion analogue entre l’amidon de germination et les matières albuminoïdes de réserve. Il suffit, pour cela, d'admettre un dédoublement de ces malières azotées avec formation d'une substance ternaire, ce qui est possible. Une troisième hypothèse peut encore êlre prise en considération. Elle consiste à admettre l'existence de la matière amylacée dans les cellules de l’albumen, en même temps que l'huile et les matières albuminoïdes, en sup- posant qu'elle ne puisse pas prendre la forme figurée des grains d’amidon. La teinture d’iode, qui colore les huiles en jaune et même en rouge, et les matières albuminoïdes en jaune, resterait sans action sur la matière amylacée non figurée. Ainsi s'expliquerait la présence des amylites, colorables en rouge acajou, par l'iode et qui ne sont peut-être que des reliquals de substance amylacée plus ou moins transformée en érythro-dextrine ou en glucose, dissimulés dans l'huile ou dans les matières albuminoïdes. D'ailleurs dans la germination du Ricin, les malières albuminoïdes de réserve jouent un rôle prépondérant. Les huiles se déplacent en même temps que ces substances et se localhisent d’une manière analogue. L'amidon transitoire, apparaît au contraire, dans les cel- lules de l'embryon et là seulement où il y a ralentissement ANN. SC. NAT. BOT. XVIL, 18 274 EUGÈNE MESNARD. dans la croissance, dans l'écorce, dans la moelle et dans la partie rétrécie de l'axe hypocotylé. Sans cette circonstance qui favorise la formation de l’amidon figuré, on n’en constaterait probablement pas le dépôt dans les cellules. Sur la fin de la germination, les réserves oléagineuses et albuminoïdes ont complètement disparu. Les cotylédons s’élargissent beaucoup et déchirent l’albu- men dont les cellules sont à peu près complètement vidées. Les cotylédons renferment de la chorophylle mal élaborée et de l’amidon. Grains d'aleurone. — Les recherches de Gris, de Maschke, et de MM. Pfeffer, Went, Wakker, Werminski el Van Tieghem, ont montré que les matières albuminoïdes de réserve se condensaient dans les cellules, sous forme de granulations que l’on a appelées grains d'aleurone. : D'après M. Van Tieghem, les grains d’aleurone ne sont pas autre chose que des hydroleucites albuminifères dessé- chés au moment de la maturation de la graine. Les grains d’aleurone renferment parfois des enclaves volumineuses (Ricin, Pin, Lin), appelées globoïdes et cristalloïdes protéi- ques. Dans les grains d’aleurone du Ricin, 1l existe à la fois des cristalloïdes et des globoïdes. Les globoïdes ont une formule assez compliquée. On les considère comme étant du phosphate (glycéro-phosphate ou saccharo-phosphate) de magnésie et de chaux avec prédominance de la magnésie sur la chaux. Les cristalloïdes peuvent se rattacher à deux types. Les uns sont monoréfringents et présentent l'hémiédrie tétraé- drique du système cubique; les autres sont biréfringents à un axe et offrent l’hémiédrie du système hexagonal. Le pre- mier type se rencontre dans le Ricin. Les huiles, comme je le montrerai plus tard, se séparent des matières albuminoïdes au moment de la maturation; les cristalloïdes protéiques et les globoïdes s’isolent alors de la matière grasse, par suite dela perte d’eau quesubit la graine. FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 275 Au moment de la germination, au contraire, les grains d’aleurone s’hydratent à nouveau et sont mis en œuvre comme je l’ai indiqué précédemment. Rôle des diastases. — Le mode de dissolution des matières albuminoïdes de réserve est peu connu. On admet qu'il existe, dans les embryons, des diastases, capables de dédou- bler ces matières, el de les transformer en peptones : ce sont les pepsines. Ces ferments, il fault bien le dire, n'ont pas été beau- coup étudiés et encore moins isolés. Dans les graines de Ricin, il ne m'a pas été possible d'en reconnaître la présence. D'ailleurs, étant donnée la superposition des matières albu- minoïdes etdes huiles dans les cellules, il faudrait admettre en plus, la présence, dans les mêmes cellules, de la saponase, chargée d'effectuer la dislocation des matières grasses. L'existence de cetle saponase n’est pas mieux démontrée dans le Ricin que celle des pepsines. J'ai bien indiqué une région de l’épiderme de l'embryon, situé à la hauteur de la gemmule, et dont le développement des cellules semblait correspondre à un commencement de digestion des réserves, mais il ne faut pas y voir autre chose que le fait de l'accroissement anormal de l'épiderme lui-même chargé d’absorber les matières solubilisées dans les cellules de l’albumen. Il n'y a pas émission d'un liquide diastasique de Ia part de cet épiderme. Il faut alors supposer que le ferment se trouve répandu dans toutes les cellules de l’albumen. Cette hypothèse pour- rail se comprendre, à la suite des expériences de M. Van Tieghem (1) qui a montré que l’albumen oléagineux du Ricin, _ même s’il est isolé, est encore capable de germer et de se développer en transformant les substances de réserve et en produisant même de l'amidon. Cet albumen vit, en un mot, d'une vie indépendante; mais alors, il n’y aurait pas de rai- (1) Van Tieghem, Recherches physiologiques sur la germination (Ann. se. de l'Ecole Normale, 2° série, II, 1873). 27.0 | EUGÈNE MESNAR. son pour que la digestion des réserves ne commencât pas dans {ous les points de l'albumen à la fois, ce qui n’a pas lieu. En réalité, cette objection est exagérée. La force, qui opère la mise en œuvre des malières de réserve, se produit, et cela doit être, dans la direction de l’embryon, car, même si l’on écarte l'hypothèse d’une diastase, pour n’envisager que celle d’une hydratalion pure et simple des matières albuminoïdes au moment de la germinalion, on comprend très bien que cette imbibition doive commencer tout d’abord du côté de l'embryon, c’est-à-dire du côté des cellules les plus jeunes et les dernières formées. Les cellules de l'embryon ne sont pas, en effet, dans un état de dessiccation comparable à celui qui a frappé d'iner- tie les cellules de l’albumen : elles vivent encore de la vie ralentie, et elles doivent se montrer beaucoup plus aptes à : s’hydrater dès la première tentalive de germination. De là, l’imbibilion gagne facilement les cellules de l’albumen, les plus voisines de l’embryon, pour s'étendre, de proche en proche, à Loutes les cellules. Et Ie rôle de l’eau est si réel, qu'il arrive fréquemment qu’une zone périphéri- que, mais très limitée, de mise en œuvre des réserves albumi- noïdes et huileuses se déclare sur le pourtour de l’albumen, sous l'influence de l’eau qui vient de l'extérieur. En fait, cette portion de l’albumen se trouve placée dans les condi- tions de germination isolée réalisée par M. Van Tieghem. Comme on le voit, il est plus simple d'admettre que les matières albuminoïdes; précipitées sous forme de eristal- loïides protéiques au moment de la dessiccation de la graine, reprennent, à la germination, une marche en quelque sorte inverse, sous l'influence de l’eau, et sans qu'il soit nécessaire de faire intervenir des ferments. Les huiles, ainsi que je le montrerai plus tard, sont très probablement entrainées par les mêmes substances azotées, convenablement hydratées. 90 Graine de Courge. — Dans une grame de Courge à peine germée, c'est-à-dire ayant développé sa radicule de FORMATION DES HUILES-. DANS LES. VÉGÉTAUX. 277 2 à 3 millimètres seulement, les matières albuminoïdes et les huiles apparaissent dans toute l'étendue des préparations, c'est-à-dire depuis la partie supérieure des cotylédons Jusqu'à la pointe de la radicule. Lorsque la radicule a atteint 5 à 6 millimèlres de lon- gueur, les principaux phénomènes de la digestion des ré- serves sont bien indiqués. En effet, les matières albnminoï- des montrent leur belle coloration violette dans loule l'étendue des cotylédons ; mais cette coloration va en s’atté- nuant peu à peu dans l’axe hypocotylé où elle ne se montre plus guère que dans la zone des vaisseaux du bois et du liber et dans la pointe de la radicule. On voit donc qu'il existe, dans la partie moyenne de l'axe hypocotylé, une certaine surface où les substances azolées de germination n’occupent que la zone des vaisseaux, et où l'étendue de leur répartition est, en quelque sorte, minimum. C’est dans les cellules qui sont, pour ainsi dire, dépourvues de matières albuminoïdes que l’on aperçoit l’amidon transitoire de germination. L'huile qui, au premiers tade de germination, semblait se répandre en nappe uniforme de plus en plus faible, au fur et à mesure que l’on se rapprochait de la pointe de la radi- cule, s'étale encore d’une manière uniforme, mais elle cesse d'être visible un peu plus haut. Dans un échantillon ayant développé un axe hypocotylé de 20 à 25 millimètres de longueur, mais possédant encore ses cotylédons emprisonnés dans les enveloppes de la graine, les vaisseaux conducteurs qui se ramifient dans les cotylé- dons sont bien développés et une triple rangée de cellules en palissade s’est formée sur la face externe de ces pièces foliacées. | L'huile semble se perdre au niveau de la gemmule. Les cellules en palissade constituent une zone de consommation sur place où les albuminoïdes et les huiles font défaut. L'amidon de germination, peu abondant d’ailleurs, se maintient dans l'axe hypocotylé. 278 EUGÈNE MESNARD. Un peu plus tard enfin, et lorsque les cotylédonsse sont beaucoup développés, les réserves sont à peu près complè- tement consommées: l’huile ne se montre plus qu’en detrès rares globules; l’amidon n'existe que dans la gaine des vaisseaux ; et les matières albuminoïdes de germination se retrouvent, suivant la règle générale, dans les faisceaux libériens et dans les parties en voie de formation de la gemmule. L'examen de la germination de la graine de Courge nous montre, comme précédemment le Ricin, que dans le jeu de la transformation des substances de réserve, le rôle pré- pondérant appartient aux matières azotées et que l’amidon, si l’on voulait s’en tenir aux relations de position, semblerait plutôt provenir de ces matières azotées que de l’huile, con- trairement à l'opinion de M. Sachs. Les diastases (saponase ou pepsine)ne semblent pas exister dans les cellules, car, nulle part, il n’y à de zone de digestion s'étendant comme une tache d'huile à partir d’un foyer où se concentrerait l’activité des ferments. Les huiles et les malières azotées sont consommées sur place et suivant les besoins des tissus, ainsi qu’on le voit sur l'emplacement ee cellules en palissade. 3° Graine d'Arachide. — L’albumen de la graine mûre d'Arachide contient à la fois de l’huile, des matières albu- minoïdes et une véritable réserve amylacée. Considérons une graine en germination et dont les coty- lédons commencent à sortir de la coque résistante qui les protège dans la graine. L’axe hypocotylé a alors 30 à 35 millimètres de long environ. À ce moment l’amidon se trouve encore répandu dans toutes les parties. Toutefois, il existe, au milieu du cotylédon, une zone centrale dans la- quelle la matière amylacée paraît moins abondante. L’amidon disparaît peu à peu dans le pétiole cotylédo- naire, mais il se maintient dans l’endoderme des faisceaux. Une légère accumulation de cette substance se produit à la FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 279 base de la gemmule, dans la moelle de l’axe hypocotvlé, et à la naissance des racines. Les substances albuminoïdes de réserve occupent principalement la partie centrale des cotylédons. Dans toute la moitié externe de ces organes il exisie une zone dans laquelle les vaisseaux forment une ligne d’absorp- tion de toutes les substances de réserve (PI. 7, fig. 3). Les huiles ont un mode de localisation identique à celui des albuminoïdes. A la période de germination que nous considérons, les matières grasses occupent toutes les cel- lules de la zone centrale et de la moitié interne des cotylé- dons et quelques cellules du bord externe du même cotylé- don. La zone de consommation n'en renferme plus que quelques rares globules. À un état plus avancé de la germination, le réseau des vaisseaux étant à peu près entièrement formé, on ne trouve plus de matières albuminoïdes que dans la région centrale des cotylédons el près du bord externe, dans les parties où la digestion s’est effectuée lentement. L'huile se localise d’une manière analogue. L'amidon est à son tour en pleine période de transport; les réactifs le montrent un peu plus abondant au voisinage des vaisseaux cotylédonaires, ce qui semble indiquer un dé- placement de cette substance. La disparition des réserves est à peu près totale lorsque la première feuille de la jeune Arachide ‘atteint une lon- gueur de 140 à 150 millimètres. Femarque. — On rencontre également, dans les tissus, des files de cellules, peu abondantes d’ailleurs, dont le con- tenu se colore en rouge brun par l'acide chlorhydrique. Ce sont des cellules à tannin renfermant une substance que l’on a appelée l’arachine. Nous venons de trouver en présence, dans les mêmes cellules de réserve, les matières albuminoïdes, l’amidon et les huiles grasses, et nous avons vu que ces substances 280 EUGÈNE MESNARD. peuvent se comporter d’une manière absolument indépen- dante les unes des autres, pendant la germination : les albu- minoïdes disparaissent d'abord, puis l’huile, puis enfin l’a- midon. L'influence de la formation des vaisseaux ou des tissus nouveaux sur la dislocation des matières de réserve est iei irès évidente et il parait difficile de faire intervenir l'action des diastases, car il faudrait subordonner l'existence de ces ferments à celle des cellules qui doivent se différencier en bois et en liber et que l’on voit se former, en des endroits géomélriquement espacés. Graine de Colza. — Les matières albuminoïdes de ré- serve existent en petite quantité dans la graine de Colza. L'huile est, au contraire, très abondante, el occupe toutes Les cellules des cotylédons ef même celles de lPaxe, dans la graine mûre. | Lorsque la germination est un peu avancée, on observe que la matière grasse fait défaut dans la moitié interne des cotylédons, celle qui a formé des cellules en palissade. L'amidon de germination, produit ici en faible quantité, se répand à peu près partout, sauf sur l’emplacement des faisceaux libéro-ligneux, mais il ne tarde pas à disparaître dans la région où se forme le tissu en palissade. Il faut remarquer que, dans cette germination du Colza, les matières albuminoïdes sont moins abondantes que dans les cas précédents, et que, la matière amylacée se forme, sur place, dans les cotylédons, ce qui rapproche ce cas de celui de la graine d’Arachide. 5° (Graine de Bardane.— De même que la graine de Colza, la graine de Bardane contient peu de matières albuminoïdes. De même aussi, l’amidon de germination apparaît moins abondamment. L'huile se perd peu à peu dans l’axe hypocolylé, mais sans montrer de localisalion spéciale et en restant, dans tous les cas, complètement indépendante de l’amidon. | FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 281 6° Graine de Chanvre. — La graine de Chanvre présente deux cotylédons très développés et un albumen très réduit. On trouve de l'huile dans tous les issus, aussi bien dans les cellules de l'embryon que dans celles de l’albumen. Ces dernières n’en contiennent pas plus que les premières. L’amidon de germination apparaît en faible quantité dans l’axe et dans la radicule. Les matières albuminoïdes sont très abondantes et se distribuent comme les huiles. La liqueur cupro-polassique et les vapeurs d'acide chlorhydrique donnent de très belles colorations violettes dans des échantillons ayant à peine subi un commencement de germination (axe de 3 millimètres de longueur. Dans le cours du ue de on l'huile disparaît sur l'emplacement des celluies en palissade qui se forment, sans qu'il y ait de ferment spécial présidant à cette transformation, vers la face interne des cotylédons (PI. 7, fig. 4). L'amidon de germination ne se dépose pas dans ces cellules. La matière amylacée apparail au contraire, quoique en petite quantité, à la base de Ia beaute et à la base des coltylédons. L'albumen de la graine de Chanvre, très réduit comme je l'ai dit, ne joue plus aucun rôle dans le développement des cotylédons. Pendant longtemps les quelques substances de réserve qu ilrenferme restent inatlaquées ; il semble même qu'elles ne disparaissent que par suite de la destruction du tégument de la graine lui-même. 7° Graine de Pin sylvestre. — La graine de Pin sylvestre renferme un embryon droil dont laxe porte plus de deux cotylédons. Un albumen assez abondant entoure ces cotylé- dons comme un manchon. | Dans une graine non encore germée, les cotylédons sont _ déjà très différenciés ; ils ont un épiderme très développé et un commencement de formalion de faisceau libéro-ligneux central. : | 282 EUGÈNE MESNARD. L'huile, susceptible de prendre ici une très belle colora- tion jaune d’or par l'iode sublimé, se montre uniformément répandue dans toutes Les parties de l’embryon, sauf dans les cellules nouvellement formées. | Les matières albuminoïdes existent en quantité très no- table et elles suivent, comme d'ordinaire, le même mode de localisation que les huiles. | Il ne se dépose pas d’amidon, dans l'embryon, pendant les premiers stades de la germination, mais l’iode produit ici une coloration rouge acajou particulière qui paraît être due à la présence d’amidon soluble famylo-dextrine). Lorsque la germination est plus avancée, la matière amylacée se précipite en petite quantité dans les cellules du mésophylle des cotylédons. Il ne s’en forme jamais dans l’albumen. Les réserves d'huile de l’albumen ne sont jamais complè- tement digérées, el 1l en reste toujours une certaine quantité qui ne sera plus utilisée par l'embryon. Cette huile dispa- raîtra, par suite de la destruction des téguments de Ia graine, et de l’albumen non employé, au moment où les co- tylédons, très développés, entraînent leur enveloppe sus- pendue à leur extrémité, à une certaine hauteur au-dessus du sol. Dans cette germinalion, l’amidon transitoire n'existe pour ainsi dire pas. Doit-on en conclure qu'il ne s’en forme pas davantage? Évidemment non. Les tissus, où il peut se pro- duire un ralentissement momentané de la croissance, sont aussi réduits que possible dans les cotylédons de la graine de Pin. La matière amylacée doit donc disparaître au fur et à mesure, utilisée par l'élaboration des cloisons cellulaires. Il en est de même de l'huile, que nous ne pouvons rencon- trer dans l'embryon qu’à une époque très peu avancée de la germinalion. 8° Graine de Sésame. — L'étude de la germination de la graine de Sésame nous conduit à des conclusions analogues. FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 283 La consommation des réserves se produit comme d’ordi- naire, et ce n’est qu à une phase de germination très tar- dive que l’on peut apercevoir un peu d’amidon dans le mé- sophylle des cotylédons ; mais la quantité de cette substance qui se produit n’est nullement en rapport avec la masse totale d'huile ou de matières albuminoïdes que peut ren- fermer la graine. L’albumen conserve, comme précédemment, un reliquat de substances de réserve non digérées par l'embryon. 9° Graine de Lin. — Les réactions microchimiques sont beaucoup plus difficiles à obtenir avec la graine de Lin. Il existe dans la substance fondamentale des tissus de cette graine, une matière muctlagineuse qui s'oppose à l’hydra- tation des coupes et à l’action des réactifs chimiques. Tout au début de l’action des vapeurs d'acide chlorhydrique, il se produit une coloration jaunâtre, et il est nécessaire d’at- tendre vingt ou trente heures, pour voir l'huile se rassembler en totalité dans les cellules. Les matières albuminoïdes sont abondantes et uniformé- ment répandues dans les cellules de l'embryon et de l’albu- men. L'amidon apparaît en assez grande quantité dans la partie étroite de l’axe hypocotylé et dans les cotylédons. La quantité maximum de matière amylacée formée a lieu lors- que l'échantillon atteint 20 centimètres de longueur. 10° Graine de Lupin. — La graine de Lupin n’est pas, comme on le croit, dépourvue de matière grasse. Si l’on traite une coupe de graine müre et desséchée, par le réactif acide chlorhydrique, on ne voit apparaître que quelques rares globules d'huile, et l’on ne distingue pas les réactions caractéristiques des substances albuminoïdes, parce que les grains d’aleurone résistent à l'attaque et persistent en amas _informes, au milieu des cellules dont les parois sont très épaisses. Mais, si l’on traite une graine gonflée au préalable dans l’eau, on voit parfaitement les grains d’aleurone se 284 : EUGÈNE MESNARD. dissoudre peu à peu en donnant la coloration des matières albuminoïdes. L'huile apparaît alors en fins granules. Dans les cotylédons d’un Lupin qui a germé, et dont l’axe a pu altemdre 40 à 50 millimètres de longueur, il n’y a presque plus de matières albuminoïdes, mais il reste une certaine quantité d'huile plus grande, en apparence, qu'au début. Le tissu en palissade de la moitié externe des feuilles cotylédonaires, après avoir été un lieu de consommation des réserves, et pourvu, dans la suite, d’une grande quantité de chlorophylle, devient peul-être le centre d’une nouvelle formation de matière grasse. Je montrerai, en effet, un peu plus loin, que l'huile pro- vient souvent de l’activité immédiate du protoplasma chlo- rophyllien. 2° MODE D£ LOCALISATION ET DE TRANSFORMATION DES RÉSERVES PENDANT LA GERMINATION DES GRAMINÉES. L'examen d’un plus grand nombre d'espèces, Hé- Hanthus, Pavot, Cresson, Cytise, etc., m'a donné des ré- sultats concordants et il eût été inutile de multiplier les exemples. | J'étudierai maintenant des grains (Blé, Maïs, Orge, Seigle, etc., dans lesquels la réserve prépondérante sera l’amidon. | | L'existence de la matière grasse dans ces grains a élé signalée depuis longtemps, mais l’étude de la localisation des différentes matières qu'ils peuvent renfermer n’a pas encore été faite. | | Les coupes histologiques de grain de Blé, figurées par M. Sachs, par M. Strasburger, par M. Detmer et par M. Harz, ne montrent même pas la présence de lhuile dans les cel- lules. 1° Grain de Blé. di k a. Grain de Blé non germé. — Ce grain, de forme allongée, présente sur toute sa longueur, et d’un seul côté, FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 285 un sillon profond qui semble le partager en deux parties égales. L'embryon, très peu développé, est placé sous l’enve- loppe et à l’une des extrémités du grain. L’albumen, très volumineux, est presque totalement rempli de substance amylacée. Ce sac farineux est entouré par une Re coriace, teintée en Jaune d'or. L'embryon, disposé obliquement par rapport à l’axe, avec sa radicule portée en avant, se compose de trois parties dis- tinctes, la radicule, l'axe hypocotylé, et la gemmule, encore enveloppée dans une gaine et dans l’unique cotylédon qui se développe dans ces grains. Cet embryon se trouve ratta- ché par une partie étroite à une sorle de disque ovalaire, l’écusson, dont la surface, courbe et convexe, est appli- quée sur l’amidon de l’albumen. Un épiderme, de nature spéciale, et sur lequel j'aurai à revenir, à cause du rôle im- portant qu’il joue dans la digestion de la matière amylacée, recouvre toute la surface de l’écusson. On le nomme l’épi- derme absorbant. L'albumen farineux est formé de grandes cellules allon- gées remplies de grains d’'amidon serrés les uns contre les autres. Il est complètement entouré, sauf du côté de l’em- bryon, par une rangée de cellules larges, labulaires, renflées du côté de l’intérieur et ne renfermant pas d’amidon, que l’on appelle improprement l'assise à gluten. Si l’on traite une coupe longitudinale complète d’un grain de Blé parles vapeurs d'acide chlorhydrique, on voit se déve- lopper une belle coloralion violette produite par les matières albuminoïdes qui existent dans toules les cellules du sac amy- lacé, dans l’assise à gluten, dans l’écusson et dans l’axe de l'embryon proprement dit. Mais la Leinte se montre beaucoup moins intense dans les cellules de l’albumen que dans les autres parlies que je viens de citer. L'iode n'indique pas la présence de l’amidon de germina- . tion dans l'embryon, quelles que soient les précautions que l’on prenne pour le mettre en évidence. b. Grain de Blé au premier début de la germination. — 286 EUGÈNE MESNARD. Au bout de quelques heures de germination, l’épiderme absor- bant prend une belle coloration violet foncé(pl.7, fig.5),etilest alors facile de voir de très fines gouttelettes violacées sortir de cette assise de cellules et se répandre dans l’albumen. Les mêmes phénomènes de coloralion se produisent dans l’assise à gluten, mais l’on voit la teinte violette diffuser _ peu à peu dans l’albumen. La coloration de l’écusson est plus faible; elle correspond à des albuminoïdes déjà transformées par voie de digestion. L'iode donne, dans la même région, une coloration rouge acajou qui indique la présence de l’amylo-dextrine. Parfois même, sur des échantillons plus favorables, et en exposan! les coupes à des vapeurs d'iode sublimé, on constate l’exis- tence d’un peu d'amidon transitoire. Mais d'ordinaire, la matière amylacée de germination ne commence à se déposer que lorsque la radicule de es a atteint 3 à 4% de longueur. La localisation de l’amidon et celle des matières albumi- noïdes, durant la germination du grain de Blé, ont élé dé- crites avec assez de détails par MM. Sachs et Detmer (1). I . n'en est pas de même de la localisation des huiles dont ces auteurs ne semblent pas s'être préoccupés. Sous l'influence de l’acide chlorhydrique en vapeurs, l'huile se résout très facilement en goultelettes qu'il est possible de colorer par l’iode. Elle apparaît, lorsque la germination est encore peu avancée, dans l’assise à gluten, dans l’écusson, et dans les différentes parties de l'embryon. L'écusson est uniformément rempli d'huile, sauf dans l’'épiderme absorbant qui n'en montre pas. Par le pédoncule élroit qui rattache l'embryon à cet écusson, on voit pénétrer, dans l'axe hypocotylé, de fines goultelettes que l’on découvre jusque dans les parties éloignées de la tigelle, de la gemmule et de la gaine. L’assise à gluten présente, dans chacune des cellules tabu- (1) Detmer, Physiologie. } FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 287 laires qui la composent, un certain nombre de grains d’aleu- rone, faciles à colorer par l'iode, en jaune rouge trouble. Deux ou trois globules d'huile apparaissent également près des bords, dans chaque cellule. Cette assise à gluten ne communique pas, comme le croit M. Haberlandt, avec l’écusson, mais, réduite il est vrai, à l’état de simple membrane, elle recouvre l'embryon du côté de l'extérieur. c. Grain de Blé en pleine période de germination. — Exami- nons un échantillon ayant germé pendant quelque temps et dont la première feuille a environ 9 millimètres de longueur. L'épiderme absorbant, qui était peu développé au début, est entré maintenant en pleine activité et les cellules qui le com- posent se sont allongées. L'huile a disparu des cellules de l'embryon proprement dit et iln’en reste plus que dans lé- cusson. Dans ce dernier organe, on distingue toute une zone qui traverse obliquement l’écusson et dans laquelle la ma- üère grasse disparaît tout d'abord. Cette zone correspond à une nervure dont les vaisseaux absorbent rapidement les réserves. Dans les cellules un peu éloignées de cette nervure et quine sont pas soumises d’une façon immédiate à l'influence des vaisseaux absorbants, on ne constate pas encore la dis- partition des substances de réserve. L'amidon transitoire s’est déposé abondamment dans l'embryon. On en trouve dans les cellules de l’écusson, sauf dans l’épiderme absorbant et dans la nervure où il a été con- sommé, dans l’axe hvpocotylé et à la base des différents organes. On observe également des grains d’amidon dans la gaine (coléorhize), qui entoure la radicule et dans la gaine cotylédonaire qui enveloppe les jeunes feuilles et le sommet végétatif. La réserve huileuse contenue dans l’assise à gluten ne disparail pas facilement; au stade que nous étudions, elle est encore presque intacte. Les matières albuminoïdes, au contraire, sont déjà partiellement dissoutes. On voit très bien la différence, si l’on compare la partie de l’assise à gluten 288 EUGÈNE MESNARD. qui avoisine l’écusson et un point quelconque de la périphé- rie, situé plus loin. Il arrive fréquemment, en effet, que les cellules situées dans le premier point ne rencontrent pas devant elles de réserves à digérer, qu'elles subissent même, par suite d’une séparalion mécanique accidentelle entre l’écusson et le sac farineux, une sorte d'isolement qui fait qu'elles restent intactes pendant longtemps. Ces cellules peuvent alors servir de point de comparaison. d. Grain de Blé à la fin de la période de la germination (PI. 7, fig. 6). — Considérons un échantillon dont la première feuille a atleint, par exemple, 16 à 18 centimètres de longueur. Les cellules de l’écusson, très modifiées par suite de l’accroisse- ment de l'embryon proprement dit, ne renferment plus de malières albuminoïdes de réserve, mais elles contiennent encore quelques gouttelettes d'huile. Les cellules de l’épi- derme absorbant se sont considérablement augmentées en longueur; elles forment maintenant une frange de cellules cylindriques, dont la hauteur atteint la moilié de l’épaisseur de l’écusson, tandis qu'au début, sa hauteur pouvait s’estimer à un cinquième de celle qu’elle a atteint maintenant. À ce stade avancé de développement, les dernières goutte- lettes d'huile se localisent au voisinage de cet épiderme absorbant; elles peuvent même se montrer dans les cellules cylindriques. Enfin, l’assise à gluten contient encore de l’huile dans ses cellules, qui ne disparaîtra qu'avec la destruction des enve- loppes du grain de Blé. Rôle des diastases. — D'après les observations que nous venons de décrire sur le mode de localisation des réserves dans le grain de Blé, on voit donc que ce grain ne doit pas être considéré comme une graine à albumen simplement farineux, mais comme une graine oléagineuse (embryon et écusson), pourvue, à l'extérieur, d’une réserve d’amidon. Il est facile de séparer cet embryon de sa réserve d’amidon et de le faire germer séparément. Il se comporte alors comme une graine oléagineuse proprement dite. FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 289 Pas plus que dans les graines oléagineuses véritables, les diastases ne paraissent exister dans cel embryon de Blé; les matières albuminoïdes de réserve, convenablement hydra- tées, forment un milieu dissolvant spécial, dans lequel la matière grasse s’incorpore et devient assimilable. La mise en œuvre des matières amylacées de l’albumen n’est plus aussi simple. Elle exige un mécanisme particulier. C’est la diastase sécrétée par l’épiderme absorbant qui pro- voque la digestion de ce bloc amylacé. Le mode de forma- tion de ce ferment est assez facile à observer et l’on suit très aisément la marche du flux diastasique à travers l’al- bumen. L’assise à gluten provoque également, pour une faible part, il est vrai, la digestion de l’amidon sur toute la péri- phérie de l’albumen. Cette assise à gluten ne paraît pas sécréter de diastase, et il faut attribuer le rôle de ferment aux matières albuminoïdes qu’elle renferme dans le grain mûr. Pendant la germination, on voit, en effet, ces matières albuminoïdes diffuser peu à peu à travers l’albumen. Ainsi done, nous trouvons dans le grain de Blé des matières albu- minoïdes qui provoquent, à divers degrés, la mise en œuvre des hydrates de carbone (huile ou amidon). Si les réserves sont oléagineuses, les matières albuminoïdes, convenablement hy- dratées, suffisent pour en amener la dislocation ; mais si l’on se trouve en présence deréserves amylacées, placées, en quel- que sorte, hors de l’atteinte de l'embryon lui-même, l’inter- vention d’une sécrétion de diastase devient nécessaire, mais elle ne représente en réalité qu'un perfectionnement établi en vue d'un but déterminé. 2° Grain de Mais. — L'étude de la germination du Maïs montre des faits analogues, et, comme l’écusson présente des dimensions plus grandes, il est parfois possible de mieux saisir certains points de détail. La formation de l’amidon de germination est extrêmement précoce, el il suffit de deux ou trois heures de séjour dans ANN. SC. NAT. BOT: XVI, 19 290 EUGÈNE MESNARD. l’eau pour que cette substance apparaisse dans les PRÉPRIS tions traitées par l’iode. 7 Il arrive fréquemment que certains points de l’épiderme absorbant n'évoluent pas en même temps que les autres. Partout où le développement des cellules de cet épiderme se fait normalement, les gouttelettes d'huile qui s’y trouvaient contenues au début, disparaissent, et celles du voisinage su- bissent le même sort. Ce fait ne se produit pas lorsque les cellules de l’épiderme absorbant sont frappées d’un arrêt de développement, ce qui montre qu'une petite quantité de l'huile et des matières albuminoïdes placées au voisinage de cet épiderme, est consommée, soit pour le développement des cellules, comme cela se produit dans tous les autres cas, soit pour alimenter le flux diastasique que secrètent ces cellules. Les deux hypothèses sont probablement vraies. 3° Grains d'Orge, de Seigle, d'Avoine, etc. — J'ai observé les mêmes fails avec ces grains, sauf quelques différences sans importance. Dans le Seigle, les matières albuminoïdes et les matières grasses sont moins abondantes. Dans l’Orge, au contraire, les mêmes matières y existent en plus grande quantité, et les : diastases de l’épiderme absorbant se colorent en un violet extrêmement vif. FORMATION DE L'AMIDON TRANSITOIRE DANS LA GERMINATION DES GRAINES OLÉAGINEUSES. Comme nous l'avons vu, la formation de l’amidon transi- toire dans l’embryon,au moment de la germination des graines oléagineuses, est un phénomène extrêmement répandu. Qu'il existe ou non de la matière amylacée dans les cellules de l'albumen, la production de l’amidonde germination demeure un phénomène constant. D'ailleurs, cette production a lieu de la même facon dans les graines à albumen essentiellement amylacé et protéique (Haricot, Pois, Fève) et dans les graines qui, comme chez le Lupin, ne renferment pour ainsi dire que FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 291 des matières albuminoïdes. Ilest facile de constater que la ma- tière amylacée n'existe pas dans l'embryon mûr et non germé, mais, ainsi que le dit M. Belzung (1), il importe de remarquer que nous jugeons surtout de la disparition de l’amidon par l’absence de coloration bleue due à la solution d’iodure d’a- midon, et il convient de rechercher s’il n’est pas possible de découvrir quelques traces de son existence dans les cellules, à la maturation complète de la graine. D'après M. Belzung, si l'on observe, avec beaucoup de soin, le mode de résorption des grains amylacés, on voit que ce phé- nomène n'est que partiel, et qu’il existe encore, dans la cellule considérée, un corpuscule granuleux, sorte de squelette du grain d’amidon, antérieurement existant, de même taille que lui, mais jaunissant par l'iode. Cet auteur a observé La pro- duction de ces squelettes dans le Lupin blanc et dans le Haricot. D'accord avec Nægeli, M. Belzung admet que le grain d’amidon est formé de deux substances : la granulose, qui serait digérée, et l’'amylose (amylo-dextrine) qui subsisterait sous forme d’un squelette jaunissant par l'iode. Il propose pour ces squelettes le nom d’amylites, réservant le nom de leucites aux corpuscules albuminoïdes produits par le proto- plasma. On sait que M. Schimper pense, au contraire, que l’amidon résulte de l’activité d’un leucite. M. Belzung admet donc que la formation de l’amidon tran- sitoire est due à un dépôt de la matière amylacée sur les amylites et qu'il y a, en somme, continuation du même phé- nomène de la période de formation, interrompu seulement pendant la durée de la maturation de la graine, mais il ne verrait rien de surprenant à ce que les grains d’amidon pussent naître directement dans le protoplasma, sousla forme de granules ou baguettes libres. Quant à M. Sachs, il exprime très neltement celte idée que, dans la germination des graines oléagineuses, c’est (4) Belzung, Recherches morphologiques et physiologiques sur l’amidon et les grains de chlorophylle. Thèse de la Faculté des Sciences. Paris, 1887. 209 EUGÈNE MESNARD. l'huile, et, dans lies graines amylacées, l’amidon de réserve, qui se transforment en amidon transitoire. Il ne tient pas compte du rôle possible des substances albuminoïdes. L’imporlance du rôle dévolu aux matières azolées, pendant la formation de la substance amylacée, avait déjà été signalée par À. Gris (1) qui avait remarqué que la production d’ami- don de germination n'était pas en rapport avec la quantité de matière grasse qu on trouve dans les albumens. Mais le véritable mode de production de l’amidon aux dépens des substances albuminoïdes paraissait avoir élé net- tement prouvé par les expériences de MM. Van Tieghem et G. Bonnier sur la graine de Lupin, qui avaient fait la démons- tration d’une façon fort élégante. Ayant constalé, par l'expérience, qu'il tu dans celte graine, en plus des grains d’aleurone, une certaine quantité de saccharose, ces expérimentateurs avaient placé des échan- tillons de Lupin dans l’eau, pour se débarrasser de la matière sucrée par osmose, el se rapprocher, de cette facon, du type idéal d’une graine, pour ainsi dire exclusivement albumi- noïde; ils avaient constaté qu'après quelque temps de séjour dans l’eau, le Lupin continuait à former de l’amidon de ger- mination. Mais la preuve ne me paraît pas aussi certaine, et cela, pour plusieurs raisons. D'abord, il existe, dans le Lupin, une petite quantité d'huile qui pourrail fournir la ma- tière amylacée comme le veut la théorie de M. Sachs; ensuite il est très possible que la matière amylacée, n'ayant pas sa forme figurée habituelle, échappe à l’action de l’iode; enfin, il est très vraisemblable d’admeltre que dans la germination du Lupin, comme dans celle de beaucoup d’autres graines, une parlie de l’amidon de germination provient de la trans- formalion de la cellulose de la lamelle interne des cloisons cellulaires des albumens ou des cotylédons. Cette lamelle interne, d’après M. E. Gilson (2), serait facilement transfor- (4) A. Gris, Recherches physiologiques sur la germination. (2) E. Gilson, La cristallisation de la cellulose et la composition de la mem- brane cellulaire végétale (La Cellule, t. IX). FORMATION DES -HUILES DANS LÉS VÉGÉTAUX. 293 mable en glucose par hydratation; mais, comme d'autre part, l’amidon transitoire semble se séparer des matières albuminoïdes dès les premières heures de la germination (Blé) et alors que les graines ne sont pour ainsi dire qu'im- bibées d’eau, il est plus simple de supposer que dans les graines mûres, les différentes substances sont comme super- posées les unes aux autres. Germination des embryons de Grraminées séparés des albu- mens. | On sail, depuis les recherches de M. Van Tieghem (1), que la tigelle, la radicule ou les cotylédons, séparés du reste de l'embryon et, à plus forte raison, l’embryon entier, séparé de l’albumen, peuvent vivre d’une vie propre. Expérience. — On isole avec précaution des embryons de Blé bien débarrassés de la matière amylacée, ce qui est facile d'ailleurs, et on les met à germer sur du papier humide. Au bout de peu de temps, l’amidon de germination appa- raît dans toute l'étendue de l’écusson et de l'embryon pro- prement dit, mais il se montre surtout abondant à la base des organes, ainsi que dans la coléorhize et dans la coiffe de la racine. Les matières albuminoïdes et l'huile sont partiel- lement entraînées et consommées dans l'embryon. ‘Cet embryon, ainsi privé de son albumen, se fe Re donc comme une graine oléagineuse ordinaire. M. Sachs admet que l’albumen amylacé contribue seul au développement de l’amidon transitoire. M. Belzung émet une opinion miligée, et pense que la plus grande partie de l'amidon de germination provient bien des réserves de l’albu- men, mais qu'il peut y avoir également mise en œuvre des réserves propres de l’écusson. D’après l'examen que j'ai pu faire d’un grand nombre d'échantillons de Blé, il me parait absolument certain que l’amidon transitoire provient unique- ment des réserves de l’écusson. (1) Van Tieghem, Recherches physiologiques sur la ger mination (Ann. Sc. nat. 1873). 294 _‘: EUGÈNE MESNARD. Les produits de la digestion de l’albumen amylacé, qui pénètrent un peu plus tard dans l’écusson, sont des glucoses et il ne se forme pas, dans les cellules, de granulations co- lorables en bleu par l’iode. PHÉNOMÈNES RESPIRATOIRES QUI SE PRODUISENT PENDANT LA GERMINATION DES GRAINES. = Pendant la germination, la jeune plantule absorbe de l'oxygène et dégage de l'acide carbonique, en même temps qu’elle perd de la vapeur d’eau et qu'elle diminue de poids. MM. Bonnier et Mangin (1) se sont préoccupés, dans leurs recherches sur la respiration, de connaître les valeurs du 2 rapport si de l'acide carbonique dégagé et de l’oxygène absorbé, dans la germination d'un certain nombre de graines oléagineuses ou amylacées. | Ce travail a permis aux auteurs de généraliser les conclu- sions de Godlewski, et ils ont pu constater que, dans tous les cas, quelles que soient les substances de réserve con- NN ° tenues dans les graines, la valeur du rapport Me est tou- jours plus petite que l'unité, dans les premiers moments de la germination, et qu'elle remonte ensuite pour devenir égale à l’unité. Mais les valeurs minima de ce rapport sont variables : 0,30 pour le Lin; 0,35 pour le Cresson; 0,60 pour le Blé ; 0,56 pour le Pois. De sorte que c’est seulement dans l’intensité des variations de ce rapport que l’on pourrait chercher des différences entre les diverses espèces de graines. Le temps pendant lequel on peut observer les variations 2 CD 3 du rapport 0° n'est pas le même pour toutes les graines (1) G. Bonnier et Mangin, Recherches sur la respiration des tissus sans chlo- rophylle (Ann. Sc. nat. Bot., t. XVIII). FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 295 étudiées et ne paraît pas en rapport avec la rapidité de la germination. MM. Bonnier et Mangin ont observé deux types différents, le Blé et le Lin, et ils ont étudié comparativement leur ger- mination. Ils ont obienu des courbes intéressantes qui mon- 3 A trent que les valeurs du rapport—diminuentgraduellement, pour le Lin, jusqu'à un minimum (0,30), puis remontent lentement ; pour le Blé, le rapport diminue très rapidement (0,65) pendant les deux premiers jours, puis remonte aus- sitôt, pour garder des valeurs voisines de l’unité. Expériences. — Les mêmes expériences m'ont conduit àdes résultats identiques, mais j'ai suivi, en même temps, l’évo- lution des substances de réserve, ce qui m’a permis de pré- ciser davantage le phénomène. Après avoir vérifié, pour le Blé, les chiffres {rouvés par MM. Bonnier et Mangin, j'ai re- pris des échantillons du même Blé, et j’en ai séparé avec beaucoup de soin l'embryon de l’albumen. Les deux parties ont été mises à germer séparément. 1° Respiration des embryons. — J'ai obtenu les valeurs 2 suivantes du rapport . O4 ‘086 050 : DS4 0:86 088 Les analyses étaient faites toutes les vingt-quatre heures. [ y a donc une absorption assez rapide dès le début, c’est- à-dire au moment de la mise en œuvre des matières aibumi- _ noïdes et de la formation de l’amidon transitoire. 2 Respiration des albumens. — Examinés de la même facon, les albumens ont donné les valeurs suivantes : 1,15 1,10 0,95 0,81 0,85 0,86 qui montrent que l'absorption d'oxygène est très faible. Elle correspond également à la transformation des albuminoïdes. La différence entre ces deux cas consiste simplement en ce fait que l'embryon, muni de son écusson, constitue une 296 EUGÈNE MESNARD,. graine oléagineuse à développement précoce etrapide. C'est ce qui explique l’allure particulière de la courbe du Blé. Le Seigle et le Maïs donnent lieu à des observations identi- ques. DE L'EMPLOI DE LA TOTALITÉ DES RÉSERVES. Les jeunes plantes n’absorbent pas la totalité des réserves qui sont mises à leur disposition, et il semble, dans tous les cas, y avoir un excès. Déjà, J'ai fait remarquer que, dans les graines oléagineuses, les parlies de l’albumen, qui n'étaient pas digérées de suite par l'embryon, mettaient très long- temps à disparaître. Le phénomène est extrêmement répand et il n’est pas rare, ainsi que l’a montré M. Guignard (1), dans un travail récent, qu'une ou deux rangées de cellules de l’albumen, restent accolées à la paroi des téguments de la graine. D'ailleurs on peut se demander si la totalité même des ré- serves qui sont absorbées est indispensable au développe- ment de l'embryon. Expériences. — Des grains de Seigle et des grains de Blé ont été sectionnés, de façon à enlever le tiers, la moitié ou les deux tiers du sac farineux. La seclion était recouverte avec du collodion. Les grains dans lesquels on a enlevé le plus de malière amylacée germent parfaitement, mais leurs plantules se développent moins que celles des autres. En revanche, la chlorophylle se forme beaucoup plus vite dans la première feuille. On comprend, en effet, que la jeune plante cherche à parer au manque de nourriture par une assimilation plus énergique. Mais cet effort n’est pas suffisant pour la sauver ; les cloisons cellulaires qui se forment dans la suite, ne trou- vant plus de matériaux amylacés pour l'élaboration de la cellulose, la plante ne tarde pas à se courber et à tomber. Il est nécessaire que l'embryon ait à sa disposition au (1) L. Guignard, Journal de Botanique, 1893. FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 3297 moins la moitié de ses réserves pour qu'il puisse lutter avan- tageusement. CONCLUSIONS L'examen microchimique des réserves des graines oléa- gineuses pendant la germination permet d'établir quelques faits importants : 1° Sauf dans quelques cas particuliers (assise à gluten des Graminées), l'huile ne se localise pas dans des assises spé- ciales de cellules. La matière grasse occupe indistinctement et en quantité plus ou moins grande, suivant la région con- sidérée, toutes les cellules des albumens ou des embryons; 2° L’emmagasinement des matières albuminoïdes de ré- serve (gluten, fibrine ou caséines végétales) est corrélatif de celui des huiles grasses. Au moment de la germination des graines, ces deux catégories de substances pénètrent, en même temps, dans les tissus de l’embryon, où elles sont employées suivant les besoins de la consommation; 3° Si l’on s’en rapporte aux modes de localisation respec- üfs des différentes substances de réserve, tels qu'ils sont don- nés par les réactifs, on constate que l’amidon de germinalion se montre très indépendant de l'huile de réserve, mais que, dans beaucoup de cas, au contraire, la substance amylacée paraît êlre intimement liée aux matières albuminoïdes de réserve ; 4° Les matières azotées de réserve jouent donc un rôle très important dans la germinalion des graines oléagineuses, puisqu'elles sont en relation, à la fois, avec l’amidon et avec les matières grasses. Les réactions microchimiques ne nous renseignent point, jusqu’à présent, sur la véritable prove- nance de la matière amylacée de germination, et plusieurs _ hypothèses, toules également plausibles, peuvent être for- _ mulées. La plus simple, àmon avis, consiste à admettre que, dans les cellules, les matières amylacées de réserve peuvent se trouver, à l'élat non figuré, intimement mélangées à 298 EUGÈNE MESNARD. l'huile et aux matières albuminoïdes, et qu'elles sont entrat- nées, en même temps que les autres, au moment de la ger- minalion ; : b° La mise en œuvre des réserves oléagineuses ne paraît pas résuller de l’action d'une diastase spéciale (saponase). En dehors de quelques points, très localisés, où se produit la disparition de la matière grasse, el qui correspondent à des centres de formation ou de différenciation de cellules dans les issus des embryons, on ne trouve pas de zones de consommation qui puissent être attribuées à des diastases. J'ai été conduit, par suite, à considérer les matières albumi- noïdes, convenablement hydratées, comme étant l’agent véritable de la dislocation des matières grasses ; 6° Chez les graines de Graminées (Blé, Seigle, etc.), qui doivent être considérées comme des graines oléagineuses (embryon et écusson) pourvues d’une réserve extérieure d'amidon, il y a production d’une diastase (amylase) élaborée par un épiderme spécial, et qui est chargée de rendre assi- milable, par l'embryon, la matière amylacée contenue dans l’albumen. FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 299 MODE DE LOCALISATION DES HUILES GRASSES PENDANT LA FORMATION DES FRUITS ET DES GRAINES. On ne s’est pour ainsi dire pas préoccupé, jusqu'ici, d'étu- dier le mode de formation de l'huile grasse dans les graines ou dans les fruits. Les quelques renseignements que l’on possède sur ce sujet ont été fournis, d’une manière indi- recte, par les auteurs qui ont porté leur attention sur les transformations subies par la chlorophylle à diverses épo- ques de la vie de la plante, et sur les modificalions chimiques qui se produisent, dans les fruits, pendant la formalion des matières sucrées. En 1850, L. S. Morot démontre que la chlorophylle est toujours accompagnée de substances grasses. Les travaux de MM. Wiesner et Kraus on fait ensuite con- naître la composition exacte de ce pigment vert des végétaux. On sait d’ailleurs qu'à l'automne les feuilles jaunissent, -que la chlorophylle est détruite, et qu'il se produit, dans les cellules, des granulations jaune foncé très réfringentes, qui se réunissent en goulteleltes huileuses. Ces observations font donc prévoir le rôle possible du pro- toplasma chlorophyllien dans la formalion des huiles grasses. On a pensé que le glucose ou certaines matières sucrées issues du protoplasma chlorophyllien, pouvaient donner naissance à la matière grasse. L'un des principaux arguments en faveur de cette manière de voir repose sur les analyses de S. de Luca, qui montra, en 1861, que la mannile, substance sucrée très abondante _ dans les feuilles et dans les jeunes fruits de l’Olivier, dimi- nue au fur et à mesure que l'huile s’élabore. En 1861, Buignet étudie les transformations que subissent 300 _ EUGÈNE MESNARD. les corps ternaires dans la pulpe des fruits, mais il ne s’oc- cupe pas de la formalion de la matière grasse. Plus récemment, en 1886, M. Müntz éludie la maluration des graines sur le Blé, l’Avoine, le Maïs et le Colza, mais en se bornant également à l’élude des sucres. Il constate seule- ment que les matières grasses se déposent très rapidement dans les tissus, un peu avant la maturité, et 1l pense que les hydrates de carbone, notamment le glucose, renfermés dans la graine aussi bien que dans la silique du Colza, avant la maturité, sont les matières premières qui peuvent fournir les substances grasses mises en réserve dans la graine. En fait, l’élude de la localisation des matières grasses n'avait pour ainsi dire pas été abordée, et il y avait lieu d’en faire l'examen sur un certain nombre d'échantillons. 1° GRAINES OLÉAGINEUSES PROPREMENT DITES. 1° Picin. — Les cymes florales du Ricin portent, comme on le sait, des fleurs femelles vers l'extrémité de l’axe et des fleurs mâles à la base. Les fruits sont des capsules à trois loges qui mûrissent très tard dans nos pays. Considérons un tout jeune fruit, ayant, environ, 3 à 4 mil- limètres de longueur et 2 à 3 millimètres de diamètre. La chlorophylle, qui occupait toule la paroi de l'ovaire, com- mence à se transformer, suivant une règle très générale, comme on le verra par la suite, en un produit colorable en vert par le perchlorure de fer et donnant une coloration jau- nâtre trouble par l'acide chlorhydrique et l’acéto-tungstate de soude. Ce produit de transformalion appartient au groupe des tannoïdes. Les réaclifs du sucre, de l’amidon et de l’huile n'indiquent rien. Bientôt l’albumen se dessine par la formation d’un cercle de cellules petites, serrées les unes contre les autres, et dans lesquelles vont se différencier des vaisseaux. Le tannin est abondant. | ‘ ri Une quinzaine de jours plus tard, les enveloppes de la FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 301 graine apparaissent très nettement différenciés et l’on peut distinguer : 1° Région de l’albumen présentant à à son centre une large cavité dans laquelle aucune cloison ne s’est encore pro- duile : 2° Région des téguments comprenant : a) Une zone circulaire profonde renfermant de nombreux vaisseaux encore incomplets par place : b) Une zone circulaire moyenne d'une largeur à peu près égale à la moitié du rayon et formée de cellules arrondies ; c) Une couche externe striée et un épiderme. Le composé lannoïde s’est modifié et a acquis les pro- priétés réductrices des glucoses, car 1l réduit la liqueur de Fehling. Cette réaction est facile à constater dans la zone moyenne et dans l’albumen. Ce moment coïncide avec la formation de la cellulose, qui vient donner de la rigidité aux membranes précédemment formées. Dans la zone moyenne, qui deviendra plus tard un tissu conducteur, les cellules noircissent au contact de l'air (tannin). La graine de Ricin s'accroît peu à peu en longueur, mais elle resie un certain Lemps sans modifier son diamètre. A ce mo- ment, on peut constater la présence d’un peu d’amidon dans la zone moyenne. Mais cette produclion ne dure pas et les cellules finissent par se vider complètement. On les recon- naîl ensuite facilement à ce qu’elles contiennent de l'air, observation généralisée, autrefois, par M. Sachs. L’axe du fruit renferme également de ion, Vers Ia fin de la saison, au mois de septembre, la graine est bien formée. La couche striée, qui produira la coque dure de la graine, est recouverte d’un épiderme dont les cellules se vident complèlement et ne renferment plus que de l’air. Peu importante en apparence, cette assise s’hypertrophie vers l'extrémité de la graine, pour donner la strophiole, sorte de mamelon spongieux et conducteur qui recouvre le micro- pyle de la graine adulte. Les cellules de l’albumen se différencient à leur tour ; 302 EUGÈNE MESNARD. elles renferment des granulations abondantes qui prennent la coloration violette des albuminoïdes de réserve. A cette époque, la graine est presque arrivée à maturité, mais elle est encore laiteuse. Le tannin et l’amidon n'existent plus. Formation des grains d'aleurone. — Avec la période de dessiccation complète de la graine coïncide la formation définilive des grains d’aleurone et l'apparition des pre- mières goutteletles d'huile. Si l’on traite, par l'acide chlorhydrique, une préparation arrivée à ce ore de maturilé, on voit, dans chaque grain d'aleurone, le cristalloïde polyédrique arrondir ses angles, se gonfler, et sembler prendre lui-même la consistance d’un globule d'huile. Ces différents globules peuvent confluer entre eux, el, finalement, on ne voit plus, dans la cellule, qu'un seul globule huileux, autour duquel se trouvent les globoïdes fortement réfringents. En réalité, les hydroleucites albumi- nifères, dont la dessiccalion avait amené la formation des grains d'aleurone, renferment également de la malière grasse, et les choses se passent comme si ces deux substances, intimement liées l’une à l’autre jusqu’à la maturation de la graine, se séparaient par suite de la disparition de l'eau dans l’hydroleucite : les albuminoïdes (cristalloïde) et le glycéro-phosphate de chaux (globoïde) resteraient recouverts d’une mince couche d'huile. Toutefois, comme l'huile se trouve en excès, il se produit au moment de la dessiccation de la graine, une véritable exsudation de cet excès d'huile à travers la paroi de l’hydroleucite et une formation de gout- telettes d'huile libres dans la cellule. La formation de l’huile, dans l’albumen, est donc très tar- dive et elle ne peut être révélée qu'après la mise en ré- serve des matières albuminoïdes. Le tannin et les glucosides, qui se forment au cours du développement de la graine, ne concourent pas à la forma- tion de ces réserves. Ces substances servent à l’épaississe- ment des cloisons cellulaires et à la formation des tissus résistants qui enveloppent l’amande. FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 303 2° Noir. — Le fruit du Noyer (Juglans regia) est une drupe. La graine, partagée en quatre lobes par les cloisons de l’o- vaire, est dépourvue d’albumen et renferme, sous une com- mune enveloppe, deux cotylédons charnus remplis d’huile. A maturité, la couche scléreuse est partagée en deux valves. Le Noyer renferme, dans toutes ses parties, une sorte de suc très riche en tannin, qui prend une coloration brun cho- colat très foncé par l’action successive du réactif de Brœmer el de l'acide chlorhydrique. Examinons une jeune Noix ayant environ 25 millimètres de longueur el 20 millimètres de largeur, telle qu'on en peut cueillir vers la fin du mois de mai. On trouve le tannin, en grande abondance, dans les tissus qui doivent donner naissance à l'enveloppe dure de la noix, aux cloisons de l'ovaire qui partageront l’amande en lobes, et dans l’épicarpe (brou de Noix). Avant de se transformer pour donner des tissus ligneux, le tannin modifie sa composition et devient réducteur. La cavité de l'albumen est d’abord remplie d’un liquide sucré qui réduit aussi la liqueur de Fehling, mais 1l n'agit pas sur le perchlorure de fer. Donc la production du tannin semble nulle dans cette partie du fruit. Toutefois, l'acide chlorhydrique fournit une légère coloration trouble, carac- téristique des tannoïdes. Les réserves s'organisent donc sans qu’il y ait production d’amidon. Les goutteleltes d'huile grasse commencent à se montrer, comme dans le cas du Ricin, dès que les matières albuminoïdes se sont déposées en quantité notable. Brou de Noir. — La formation de l’épicarpe est indépen- dante. Cette région renferme plusieurs assises dont l’une constitue une véritable assise en palissade. Elle contient beaucoup de chorophylle capable de donner naïssance à des _tannoïdes odorants et à des tannins. 2° GRAINES A LA FOIS OLÉAGINEUSES ET AMYLACÉES. Marron d'Inde. — Le fruit du Marronnier d'Inde est 304 EUGÈNE MESNARD. une capsule à déhiscence loculicide dévourvue d'albumen et renfermant un embryon à la fois amylacé et oléagineux. A malurité, on trouve, en effet, dans les cellules de l'embryon, de l’amidon en abondance avec une quantité d'huile qui peut s'élever à 5 p.100. Sousl’influence de l’acide chlorhydrique, cette matière amylacée est détruite et l’on voit apparaître, dans chaque cellule, une douzaine de globules d'huile. Les matières albuminoïdes, fait important à noter, n'exis- tent pas dans la graine mûre. Dans le fruit du Marronnier on distingue, à l’origine, quatre graines disposées perpendiculairement les unes aux autres. Dans la suile, une seule de ces Bises ÊTe AA POEDE complètement. Tout au débutde la formation de ce fruit, le perchlorure de fer donne la coloration noirâtre ou verdâtre, caractéris- tique des tannins, dans toutes les cellules, principalement dans les parois de l'ovaire. Il ne se produit pas d’amidon. Lorsque l'écorce du fruit commence à être un peu plus avancée en organisation, on observe, sur sa face interne, une zone de vaisseaux entremêlés les uns dans les autres, qui envoient des filets radiaires vers la périphérie. Le Hber de ces vaisseaux, se colore en rouge violacé par suite de la présence des matières albuminoïdes qui s’observent, comme on le sait, partout où il y a formation de cloisons nouvelles. Au moment où le fruit a atleint 15 à 16 millimètres en- viron de diamètre, la formalion des tannins dans les tissus du fruit, eLmême dans ceux de la graine, est très con- sidérable. Il suffit d'exposer à l’air une section de ces maté- riaux pour qu elle noircisse aussitôt; ou mieux encore, sil’on expose une coupe aux vapeurs d'acide chlorhydrique, il se produit une coloration brun foncé très caractéristique. Il est utile de rappeler que l'arbre, toul entier, produit un tan- nin qui se colore en rouge acajou clair par l'acide chlor- hydrique (Acide æsculitannique de Rochleder). Dans les tissus de la graine, on distingue deux zones l’une, centrale, produite par des cellules à peine cloison- FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 309 nées, donne la réaction violacée faible des lissus en voie de cloisonnement ; l’autre, périphérique, prend une coloration rouge acajou par l'iode, qui paraît due à l’amylodextrine. Vers le 1* juillet, le fruit semble avoir atteint sa taille maximum, et pourtant la graine est encore peu développée (12 à 15 millim. de diamètre). À ce moment, la liqueur de Fehling est réduite dans toutes les cellules de la graine avec production d’une coloration verdâtre plus développée à la périphérie que vers le centre. Cette coloration est due à un glucoside plus ou moins lannoïde. L’amidon commence à se déposer dans l’albumen. Ïl pro- vient visiblement du glucoside réducteur, qui est probable- ment de l’esodulcite, résultant du dédoublement du tannin. La production de la malière amylacée existe également dans le péricarpe, mais en moins grande quantité. L'huile n’apparaîl qu’à la période de maturité, mais elle ne se trouve pas, ici, en contact avec les matières albuminoïdes de réserve. On voit donc, d’après cel exemple, que le rap- prochement constaté précédemment entre les substances azotées et les matières grasses, ne s'impose pas el qu'il peut arriver que les premières fassent défaut. L'huile qui se dépose ainsi dans l’albumen a une origine plus lointaine : elle dérive de l’activité vitale du protoplasma chlorophyllien de l’arbre tout entier. 3° FRUITS PRODUISANT DE L'HUILE GRASSE DANS LA PULPE ET DANS LE NOYAU. Olive. — L'Olivier produit une drupe dont le péricarpe fournit une huile très estimée. Le noyau de cette drupe ren- ferme une graine à embryon droit, à cotylédons minces et à albumen charnu. L'huile que l’on peut extraire de cette graine rancit facilement au contact de l’anr ; aussi est-elle moins estimée que l'huile du péricarpe, appelée communé- ment huile de pulpe. 1° Péricarpe ou pulpe. — La pulpe de l’Olive mûre est re- couverte, à l'extérieur, par uu épiderme qui devient violacé ANN. SC. NAT. BOT. xvIL, 20 306 : LEUGÈNE MESNARD. ou noirâtre en mûrissant. Elle renferme de l'huile dans tou- tes ses cellules. On ne constate pas la présence du sucre ni celle de l’amidon. Le bichromate de potassium montre qu'il existe un peu de tannin, principalement vers la périphérie (1). La formation des goutteleltes d'huile est libre : il nya pas de grains d’aleurone. Formation de l'olive (PI. T7, fig. 7). — Tout au début de sa formation, le péricarpe de la Jeune olive présente une division à peu près nette en épicarpe, mésocarpe et endo- carpe. ; L’amande n’est pas encore formée. Les cellules du péri- carpe renferment beaucoup de chlorophylle. L'huile commence à apparaîlre d’abord dans les cellules périphériques du fruit, mais elle envahit ensuite, peu à peu, toutes les cellules déjà formées. La liqueur cupro-polassique n’est pas réduite, mais cela n'indique pas une absence complète de matière sucrée. Il résulle, en effet, des expériences réalisées par de Luca, que, dès les premiers stades du développement, il existe, en même temps que la chlorophylle, une substance sucrée, la mannite, soluble dans l’eau, cristallisant en prismes rhomboïdaux droits, très fins, d'un éclat soyeux et qui ne réduisent pas la liqueur de Fehling. On la rencontre en abondance dans les feuilles et dans les jeunes olives. Ce prin- cipe sucré disparait en même temps que la chlorophylle, au moment de la maluration de l'olive. Une autre substance, la mannilose, existe avec la chlorophylle. En fixant les élé- ments de l’eau, la mannitose passe à la mannite. Ce glucoside est généralement considéré comme étant l'o- rigine de la matière grasse contenue dans la pulpe de l'olive. Quelques cellules seléreuses se forment dans la partie profonde de l’épicarpe au milieu des cellules à huile, mais le (1) il se produit également, dans la pulpe, un peu d'huile essentielle, formée aux dépens de la chlorophylle et qui donne € à l'huile d'olive un par- fum particulier. FO FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 307 _ mésocarpe est le lieu de formation par excellence des cel- lules scléreuses. Une zone de vaisseaux se produit dans la partie de ce mésocarpe scléreux, qui touche à l'épicarpe. Toul d’abord, sur l'emplacement du mésocarpe, 1l y a des cellules à huile, mais elles renferment en même temps, un tannin réducteur qui contribue à la formation de l'enveloppe dure du noyau. L'endocarpe est formé de cellules scléreuses couchées les unes contre les autres. Quelques-unes de ces cellules, moins aplalies que les autres, renferment, çà et [à, un glo- bule d'huile. 2° Amande. — La formation des réserves de l’amande rentre dans la loi générale. Si nous considérons une jeune olive, cueillie le 30 août, nous voyons, au centre, une cavité délimitée par un issu épais qui se lignifie fortement. Les cotylédons sont déjà bien dessinés, mais ils ne ren- ferment que quelques rares gouttelettes d'huile. La substance sucrée, capable de réduire la liqueur de Fehling, qui faisait défaut dans la pulpe, se montre bientôt dans l’amande, et elle paraît d'abord plus abondante vers la périphérie que vers le centre. C’est à ce moment que les grains d’aleurone commencent à se former, ainsi que les goultelettes d'huile. Les matières azotées sont donc, dans l’amande de l’olive, comme dans celle des autres graines, le cortège habituel des matières grasses; et 1l importe de noter que les goultelettes d'huile existent déjà un peu de temps avant qu'il n'y ail pro- duction de matière sucrée, susceptible de réduire la liqueur cupro-potassique. Cette dernière production contribue pro- bablement à l'élaboration des cloisons, ou bien elle repré- sente un excès de la formation de lannin réducteur que nous avons vu se produire dans le mésocarpe. L'examen attentif du mode de formation de l'huile dans l’'olive nous montre donc deux cas distincts : d'une part, formation de l’huile dans la pulpe aux dépens de la man- 308 EUGENE MESNARD. nite; d'autre part, formation d'huile dans l’amande, ren- trant dans le cas général. Il faut en retenir ce fait que la production de l'huile grasse peut être tout à fait indépen- dante de celle des malières albuminoïdes. 4° FRUITS À PULPE CHARNUE ET A GRAINES OLÉAGINEUSES. Les Tomates (Lycopersicum), les fruits du Solanum tube- rosum, du Solanum nigrum, elc., élaborent les réserves de leurs graines au milieu d’une pulpe riche en protoplasma chlorophyllien, produisant lui-même un glucoside aqueux, non réducteur, qui donne à ces fruits une amertume très prononcée. A malurilé, les graines renferment une huile de colo- ration jaune verdâtre, qui ne se produit que sur la fin du développement, peu de temps avant la maturité. Nulle part, dans le cours du développement de ces graines, on ne trouve d’amidon ni de sucre réducteur. Dans les exemples que je viens de citer, il faut remarquer que la maturation des graines se produit longtemps avant la maturation complète du fruit et, qu'en somme, l'huile s'élabore un milieu d’un tissu très riche en chlorophylle. La coloration jaune vert, particulière à cette huile, est due, très probablement, à ce qu’elle tient en dissolution une partie du glucoside non réducteur, formé dans la pulpe. Une certaine quantité d’alcaloïde (solanine), qui se pro- duit en même temps, dans ces tissus, doit s’y dissoudre éga- lement. Les pépins de Poire, de Pomme, de Raisin renferment aussi de l'huile grasse. Pomme. — Dans une Pomme de 5 à 6 centimètres de dia- mètre, c'est-à-dire ayant presque alteint sa grosseur nor- male, l’'amande renferme des malières albuminoïdes abon- dures et de nombreuses goultelettes d'huile. Il n’y a ni su- cre ni amidon. Les enveloppes du pépin se colorent fortement en brun par les réactifs. FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 309 La pulpe charnue contient un peu de tannin et quelques fines gouttelettes d'huile essentielle, produites aux dépens du protoplasma chlorophyllien. À un stade de développement moins avancé, la quantité de tannin qui existe dans la pulpe est beaucoup plus grande. Poire. — Le mode de formation des réserves dans les pé- pins de la Poire est le même, avec cette différence que le réactif acide chlorhydrique accuse la présence d’un tannin colorable en rouge acajou extrêmement abondant, surtout dans l’endocarpe. L'huile n'est révélée que très tard, après la formation des matières albuminoiïdes. Raisin. — Le pépin de Raisin contient aussi de l'huile que l’on peul extraire. Cette substance n'apparaît que très lard dans l’albumen, c’est-à-dire après la formation de l’enve- loppe du pépin. Cette enveloppe cellulosique et ligneuse dérive en grande partie des composés lannoïdes, élaborés eux-mêmes par le protopiasma chlorophyllien de la pulpe. _ Les composés tannoïdes restés dans la pulpe se transfor- ment, partie en pigments qui se portent à la périphérie, et partie en glucoside, susceptible de donner finalement le sucre de Raisin. Si l’on examine [a formalion des mêmes substances dans les amandes de Pêcher, d’Abricotier, de Prunier, on trouve que l'huile n'apparait que très tard dans les cellules des tissus de réserve. et qu'elle se produit, comme précédemment, d’une manière indépendante des lannins et des glucosides qui fournissent des matériaux de constitulion à la partie ligneuse du noyau et aux réserves sucrées de la pulpe. Abricot. — Dans certains cas, les cellules épidermiques externes des téguments de l’amande sécrètent une essence colorée, d’abord en jaune d’or par les réactifs, puis en rouge brun, et enfin en violet amélhyste. Cette essence donne un parfum et un goût particuliers à l'amande. 310 EUGÈNE MESNARD. D° GRAINES RENFERMANT DES RÉSERVES OLÉAGINEUSES ET DES RÉSERVES AMYLACÉES SÉPARÉES, Dans ce groupe, j'éludie quelques types de Graminées (Blé, Seigle, Orge, Maïs, etc.) qui produisent, ainsi que je l'ai déjà dit, une véritable graine oléagineuse pourvue d’un albumen farineux. On doit à M. Müntz (1) des recherches assez étendues sur la nature des transformalions chimiques que subissent les malières de réserve dans les grains de céréales. Ces recher- ches ont surtout porté sur les substances sucrées. Les analyses de M. Müntz ont montré que la Synanthrose, substance analogue au synanthrose ou lévulose des Synan- thérées, est très abondante au début de la formation de la graine. Elle diminue ensuite rapidement, en même temps que la proportion d'amidon augmente. Dans un grain de Blé très jeune, on trouve. d’après M. Münt{z, de la synanthrose mélangée à du glucose, mais la narilirese diminue ensuile, tandis que le glucose io nant de réactions inverses augmente. Dans le grain presque mûr, 1l y a mélange de sucre en pro- portion variable. Le saccharose persiste seul à la maturation complèle. L'Orge et l’Avoine ne contiennent plus que du sucre de Canne. À maturité, la synanthrose ne se dédouble' pas ; il persiste dans le Seigle. Le Maïs contient, à glucose et du lévulose.’ M. Müntz a également analysé les feuilles et les liges du Blé. Il trouve encore un mélange de sucre de Canne et de synanthrose. Il n'avait pas été fait de recherches analogues sur la for- mation des matières grasses; j'ai cherché à combler en partie cette lacune au moyen des réactions microchimiques. maturité, du sucre de fruit avec du (1) Müntz, Recherches chimiques sur la maturation . graines (Ann. Sc. nat. Bot., 7° série. 1886). FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 311 1° Blé. — Le grain de Blé est un caryopse, c'est-à-dire qu'il porte les enveloppes du fruit appliquées sur l’amande. Le péricarpe est, en effet, représenté par la couche cornée jaune d'or qui recouvre l’amande. L’assise à gluten correspond, d'après M. Aimé Girard (1), à l'enveloppe séminale. Les cellules de l'embryon du grain de Blé contiendraient, d’après Lucas, différentes diastases, et de la céréaline, dias- {ase saccharifère capable de transformer l’amidon. Pour suivre altentivement les différentes phases du déve- loppement du grain de Blé, il est bon de pratiquer une dou- ble coloration. Les grains d’amidon, colorés en bleu par l'iodure de potassium iodé, ne se dissolvent plus lorsqu'on fait agir les vapeurs d’acide chlorhydrique, ce qui n'empêche pas la réaction des matières albuminoïdes de se manifester nettement. L'ovaire d'un tout jeune grain de Blé (2 à 3 millim. de diam.), renferme de l’amidon dans toutes ses cellules, sauf dans l’épiderme et dans les poils qu'il porte. Au centre, on aperçoit la cavité de l’albumen, vide encore à cet âge, el entourée par une couche renfermant du pigment vert d’ori- gine chlorophyllienne. (PI. 7, fig. 8 et 9.) Les matières albuminoïdes de réserve arrivent par les vais- seaux, pénètrent à travers l'enveloppe chlorophyllienne, et continuent leur chemin à l’intérieur de la cavité de l’albu- men, en déposant le long du sillon latéral du fulur grain de Blé une sorte de bourrelet de matières azotées. La couche chlorophyllienne touche elle-même au sillon. De cette sorte de bourrelet de matières albuminoïdes se détachent deux rangées de cellules superposées, renfermant également des albuminoïdes, qui forment une double enve- loppe tapissant intérieurement la couche verte. La plus inté- rieure de ces deux enveloppes grandira au détriment de l'autre et deviendra l’assise à gluten. 1) À. Girard : Valeur alimentaire du froment (Ann. Chimie et Phys., 6° série, t. III, 1888). | 9 12 EUGÈNE MESNARD. Dans le même lemps, des tractus de matières albuminoïdes (gluten), se séparent du bourrelet et envahissent les cellules de l’albumen. La chlorophylle de la couche verte, dont il vient d’être question, prend tout d’abord un certain développement ; puis elle subit une modification profonde en donnant naïssance à des produits tannoïdes, colorables en rouge brun par l'acide chlorhydrique. Ces substances colorent le Blé en jaune d’or, à maturité. L'embryon apparaît vers l'extrémité de l’albumen qui avoi- sine le raphé. Il remplit peu à peu ses cellules de granulations d’aleurone et d'huile grasse. Cet embryon est naturellement situé à l’intérieur de l’assise à gluten, mais il reste au contact de cette dernière. Dans la suite du développement, l’assise à gluten s’amineil au point de contact et disparaît ; il en résulte que l'embryon arrive à toucher à la couche verte (PI. 7, fig. 10). De la sorte, la substance tannoïde qui dérive de la chlorophylle, se trouve en partie absorbée par les lissus avoisinants, et c’est ce qui explique la coloration jaune ver- dâtre que l’on observe dans l'embryon du grain mûr. L’as- sise à gluten, séparée de la couche verte par les vestiges de la première enveloppe albuminoïde formée au début, se trouve protégée contre l'invasion de ce pigment et n'offre pas, par suite, de coloration particulière. Cette formation est très analogue à une production d'huile essentielle, et 1l est vraisemblable d'attribuer àcelte huile particulière, l'odeur que possède la farine. L’embryon organise ensuite ses tissus. Lorsque le grain de Blé à atteint une grosseur presque normale, les malières albuminoïdes se déposent, les grains d’aleurone se forment, et il est dès lors possible d'apercevoir des gouttelettes d’huile, en s’aidant des réaclifs. La formation des réserves dans cetembryon de Blé, pourvu, bien entendu, de son écusson, est donc en tout point iden- tique à celle des réserves des autres graines oléagineuses. L'amidon, qui était d'abord très abondant dans les tissus FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 13 de l'ovaire, diminue peu à peu : les cellules s’aplatissent, et elles ne renferment bientôt plus que des granulations dispo- sées en files longitudinales. Mais la matière amylacée, préalablement transformée en glucose, émigre peu à peu dans l’albumen, et commence à se précipiter à nouveau, au milieu du réliculum de matières albuminoïdes. La formation amylacée est donc, comme on le voit, indé- pendanle de la formation de l'embryon oléagineux, et il con- vient de considérer le dépôt d'amidon de l’albumen comme une réserve suraJoutée. 2° Seigle, Orge, Avoine, etc. — Dans l’Orge, il n’y a pas de couche protectrice intercalée entre la couche verte el l’assise à gluten, de sorte que l’on trouve, dans les cellules de cette assise, une coloration rouge brun, qui est due à la présence du composé tannoïde, issu de la couche verte. 3° Maïs. — Dans le Maïs, l'embryon est placé à proximité des vaisseaux qui, dirigés cette fois suivant l'axe de l'ovaire, transportent des matériaux azotés en grande quantité. Il n’y a pas de couche verte comme dans le Blé. Comme dans le Blé, l’amidon abandonne peu à peu la paroi de l’ovaire pour venir s’accumuler dans l’albumen, au milieu du réseau formé par les matières albuminoïdes. En fait, les matières albuminoïdes se déposent plus tôt dans le grain de Maïs que dans les autres graines, el il n’est pas surprenant que l'huile y apparaisse, elle-même, plus tôt. Dans un grain de Maïs de 5 millimètres de diamètre, en eflet, on distingue très bien de l'huile dans l’assise à gluten et dans les cellules de l’embryon. De plus, la quantité de malière amylacée qui se dépose est telle, qu’elle peut même se précipiter dans l'embryon oléagi- neux lui-même, de sorte qu'on en retrouve dans la même région lorsque le grain est complètement mûr. Nature des matières albuminoïides contenues dans les céréales. — D'après les recherches de Ritthausen, l'Orge se rapproche 314 EUGÈNE MESNARD. du Blé par la composition de ses matières azotées, mais il ne contient pas de gluten. Le Maïs est riche en fbrine. Le Seigle contient peu de fibrine, mais il renferme de la mucé- dine et de la caséine végétale. L' Avoine se DEVPETE par beau- coup de léqumine. 6° BAIES OU GRAINES PRODUISANT DE L'HUILE GRASSE ET DE L'HUILE ESSENTIELLE. Certains fruits (baies de Genévrier, fruits d'Ombellifères), sont extrêmement intéressants, parce qu'ils produisent, à la fois, des huiles grasses et des huiles essentielles. Baie de (renévrier. — Si nous examinons des coupes pra- tiquées dans la pulpe d’une baie de Genévrier très jeune, de 3 millimètres de diamètre par exemple, nous voyons un tissu riche en chlorophylle, au milieu duquel se produisent des gouttelettes d'huile essentielle qui s'accumulent dans des poches sécrétrices, formées par écartement des cellules. _ Le pigment noir que l’on trouve dans l’épiderme de la baie mûre commence à se former à ce stade. On le reconnait à la coloration rouge acajou clair qu'il prend sous l'influence des réactifs. | Une double rangée de cellules, dans lesquelles se produit une huile essentielle peu différenciée, représente l'épiderme interne de la pulpe. La graine, de forme vaguement triangulaire, présente trois enveloppes : L'enveloppe externe forme deux rangées de cellules ren- fermant des essences fortement mélangées de produits tan- noïdes ; L° eloppe moyenne, très développée, montre des ve lules dont on voit bien le noyau et qui ne se colorent pas; L’enveloppe profonde se colore fortement par l'acide chlor- hydrique; un peu plus tard, cette enveloppe deviendra extrêmement ligneuse. L'huile grasse esl révélée, comme d'ordinaire, aprèsle dépôt des malières albuminoïdes de réserve dans l’albumen., et à FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 315 une époque où les communications avec les tissus de l’ovaire sont difficiles, sinon impossibles. Il faut donc, encore une fois, admettre que la malière grasse provient d'un chemine- ment plus lointain, et qu'elle arrive, entraînée par les ma- üières albuminoïdes de réserve qui pénètrent dans l’albumen par le raphé. Il est intéressant, d'autre part, de faire remarquer qu'il y a une cerlaine similitude entre la formation d'une baie de Genévrier et celle d’une olive. La seule différence consiste en ce que, dans un cas, le protoplasma chlorophyllien produit de l'huile essentielle, tandis que dans l’autre il donne de l'huile, mais en passant par un composé intermédiaire, la #annite. Formation libre de l'huile grasse dans les tissus. — En outre des exemples de formation libre d'huile grasse que je viens de signaler, on peut en citer beaucoup d’autres, faciles à observer, chez les Algues vertes, chez les Hépatiques el surtout chez les Monocotyiédones où j'ai souvent constaté la présence de cette substance, dans les feuilles et dans les hampes florales (Jacinthe, Lis, Tubéreuse). M. H. Jacob de Cordemovy m'a également montré de très nombreuses goutteleltes d'huile grasse dans les coupes de tiges très Jeunes d’/pomea batatas. Les gouttelettes formées dans les liges de cette plante se rassemblent dans des ca- naux sécréleurs que l’on pourrait appeler pour cette raison des canaux oléifères. Les recherches du même auteur sur le mode de formation de la zone d’accroissement secondaire des Liliacées (1) ont moniré quil se produisait, parfois, une grande accumula- lion d'huile dans les rhizomes de ces plantes et que celte substance servait alors, comme une réserve, à la formation de nouveaux tissus et au développement des bourgeons. Ces observations indiquent que l'huile grasse est le ré- (4) H. Jacob de Cordemoy, Sur les tissus secondaires de réserve des Monoco- Pine arborescentes (Comptes rendus, 10 juillet 1893). 316 EUGÈNE MESNARD. sultat de l’activité du protoplasma chlorophyllien, et en interprétant les expériences de de Luca, on écrira (1) : 411 C6H1506 — C#1H%06 +30 H?0 + 15 CO? mannite. margaro-oléine. Ou bien encore, si l'on tient compte de la présence, géné- ralement constatée, de l'acide formique dans les feuilles : 3 CO?+4H0 — CH80$ +70 glycérine. et 34 CO2+34H?0 — C'8115602 + 16 CH?02 + 68 O. À. stéarique. A. formique, Origine des matières albuminoïdes de réserve. — La for- malion des matières albuminoïdes, beaucoup plus compli- quée, peut également s'expliquer, si l’on considère la pré- sence, souvent reconnue dans les feuilles, de l’aldéhyde formique, du groupe cyanhydrique, et de l’eau : 66 CH20+-17 CAZH — CSH10A711022 + 21 CH20? +2 H0°. aldéhyde groupe albuminoïde. A. formique. formique. cvanhydrique. Les données microchimiques confirment pleinement, comme on le voit, les équations chimiques. CONCLUSIONS. Il résulte des observations précédentes, qu'il y a lieu de distinguer deux cas dans le mode de formation de l'huile. La matière grasse peut, en effet, se déposer, soit dans les albumens ou dans les cotylédons des graines, soit à l'état libre, dans les autres parties de la plante. 1° Dans le premier cas, la production de l’huile est inti- mement liée à celle des matières albuminoïdes. Cette sub- stance est révélée, dans les tissus de réserve, au moment de la maturation de la graine et après que les matières azotées ont été elles-mêmes amassées en grande partie. En fait, partout où l’on rencontre des malières albuminoïdes en (1) A. Gautier, Chimie biologique. FORMATION DES HUILES DANS LES VÉGÉTAUX. 3171 quantité notable (Noix, Chanvre, Blé, Maïs), il est toujours possible de provoquer l'apparition de l'huile, même lors- qu'elle semble à première vue ne pas devoir exister; 2° Les malières albuminoïdes, convenablement dilhée par le suc cellulaire de la plante, se comportent done comme un dissolvant spécial des matières grasses, susceptible de les entrainer dans les parties où ces matières albuminoïdes vont elles-mêmes se déposer à la maturation de la graine. — L'étude de la germination des graines m'a conduit à formuler une remarque analogue ; 3° L'apparition de l'huile dans les cellules se produit au moment de la dessiccalion, et elle correspond à la formalion des grains d’aleurone qui représentent, comme on le sait, des hydroleucites albuminifères desséchés. Les matières azotées (cristalloïdes) et les sels (globoïdes) se séparent, par perte d'eau, de la matière grasse, qui peut se réunir en Phbuies si lle se trouve en quantité suffisante ; 4° Dans le second cas, le dépôt de la matière grasse se fait dans les parties vertes. On admet que celte malière pro- vient de l’aclivité du protoplasma chlorophyllien, et qu'elle dérive d’un glucoside intermédiaire, qui peut être la man- nite dans certains cas (Olivier). En réalité, ce mode de formation de l’huile est général, et il a lieu dans toutes les parties vertes de la plante; mais la matière grasse s’accumule, de préférence, en certains points (pulpe de l’olive, réserves des graines, etc.); 5° Les transformations qui se produisent dans les parois du fruit donnent des tannins, des sucres, des tissus ligni- fiés, des huiles essentielles, mais elles ne concourent pas à la formation de l'huile grasse. DEUXIÈME PARTIE RECHERCHES SUR L'ORIGINE DU PARFUM DES PLANTES. GÉNÉRALITÉS SUR LES HUILES ESSENTIELLES. Le parfum qui s’exhale des diverses parties d’une plante, des fleurs ou des fruits principalement, est dû, le plus sou- vent, aux modilications physiques ou chimiques que subis- sent certains produits que l’on rencontre dans les cellules végétales, sous forme de goutteleltes huileuses très réfrin- gentes, volatiles et odorantes, et que l’on nomme, pour cette raison, des huiles essentielles ou simplement des essences. Les huiles essentielles sont très peu solubles dans l’eau: elles se dissolvent, au contraire, très facilement dans l’al- cool, le sulfure de carbone et les huiles grasses. Elles ne laissent pas de trace durable sur le papier. Généralement plus légères que l’eau, elles peuvent cependant avoir quelque- fois une densilé supérieure à celle de ce liquide (ess. de cannelle, ess. de Girofle). Au point de vue chimique, les essences sont principalement formées par des carbures d'hydrogène, plus ou moins riches en hydrogène (essence de lérébenthine), ou par des mélanges de plusieurs carbures polymères ou isomères. Certaines essences renferment de l'oxygène (ess. de Rue). Action de l'oxygène. — De même que les huiles grasses, les essences peuvent être profondément modifiées par l’action de l'oxygène. En effet, si l’on place une huile essentielle, FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 319 essence de térébenthine ou de Citron, dans un vase entière- ment plein et bouché hermétiquement, on peut la conserver pendant très longtemps, surtout si l’on a soin de maintenir le récipient dans un lieu frais et à l'abri de la lumière. Mais si, au contraire, on fait intervenir les deux facteurs, oxygène et lumière, l'essence absorbe de l'oxygène en quantité consi- dérable, modifie sa couleur el se transforme, au bout de peu de temps, en une malière plus ou moins pâteuse, possédant encore une odeur {rès forle : s’est un baume. Si l’action se prolonge, le baume se transforme ensuite en une substance brunâtre, inodore, qu'on appelle une résine. Une résine natu- relle est le plus souvent un mélange de plusieurs résines. Les essences ne se rencontrent presque jamais à l’état de composé simple. On le démontre en pratiquant la distillation fractionnée. On distingue principalement deux sortes d'éléments : Les carbures d'hydrogène, corps liquides, en général, auxquels on donne le nom d'É/æoptènes, et les principes oxygénés, très souvent solides, qui portent le nom de Sféaroptènes. Les huiles essentielles ne se dédoublent pas, comme les huiles grasses, sous l'influence de l'eau ou des acides. Toute- fois, elles peuvent former avec l’eau, de véritables hydrates de composition bien définie. TECHNIQUE MICROSCOPIQUE. Réactifs des huiles essentielles. — Dans un certain nombre de cas, l'examen microscopique suffit pour reconnaître la présence des huiles essentielles dans les tissus. Les poches _sécrétrices des Citrus, les canaux sécréteurs des Ombelli- fères ont élé jusqu'ici observés par ce simple moyen. A cide osmique.—M. Blondel (1) a signalé l'emploi de l'acide osmique pour la localisation de l'essence dans les pétales de la Rose. Mais, comme je l'ai déjà fait remarquer, à propos de (4) Blondel, Produits odorants des Rosiers. Thèse de la Faculté de méde- cine, 1889. 320 EUGÈNE MESNARD. la technique des huiles grasses, il peut y avoir, dans les cellules, d'autres substances qui réduisent l’acide osmique. Pour déceler la présence des essences volatiles dans les tissus, J'emploie le procédé suivant (1) : Me d'acide chlorhydrique. — Les coupes de pétales, de sépales ou de feuilles, sont faites à sec, avec un rasoir bien affilé, et plongées, pendant une ou deux minutes, dans le réactif de Bræmer (2), solution d’acétate et de tungstate de soude : MURESLALE AE EEE 1. (Na?TuO*,H?0), AGÉtALe es eee LEE 2. (C-HSNaO?). Eau q..s. p. 1O7Ee, Ce réactif précipite les tannins en Jaune fauve. Les coupes ainsi traitées, sont lavées à grande eau et expo- sées aux vapeurs d'acide chlorhydrique dans une petite chambre humide, composée d’un anneau de verre, collé sur une lame porte-objet et fermée par une lamelle mince ser- vant de couvercle. Presque immédiatement, les essences apparaissent comme des globules sphériques d'aspect huileux et colorés en jaune d’or, quelquefois lavé d’une teinte verdâtre. Cette réaction, très nette, ne dure pas longtemps el disparaît au bout de quatre où cinq minutes. | Sous l'influence de ces réactifs, les différentes substances qui peuvent se trouver renfermées dans les cellules en même temps que les essences, se comportent toutes d'une manière différente. La chlorophylle normale résiste à l’action du réactif. Mais si elle tend, au contraire, à se transformer pour donner des composés tannoïdes, elle prend une teinte fauve particu- lière qui envahit les cellules et ne trompe jamais un œil exercé. Au surplus, on peut, non seulement distinguer la chloro- (1) E. Mesnard, Recherches sur le mode de pr oduction du parfum dans les fleurs (Comptes rendus, 21 novembre 1892). (2) L. Bræmer, Les Tannoïdes. Toulouse, Lagarde et Sebille, 1891. FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 321 phylle et les globules d’essence, colorables en jaune d’or, qui sont les deux termes extrêmes d’une même série, mais on peut encore reconnaître des essences parvenues à un degré moins avancé de transformation, et des tannins. Parfois les pigments dissous dans les huiles essentielles ajoutent une coloration très vive aux goulteletles rassem- blées par le réactif. Réactifs des tannins et des glucosides. — Comme réactif des tannins, on emploie, le plus souvent, les se/s de fer. Mais il importe de bien savoir que, dans l’état actuel de la science, ces sels ne peuvent pas servir à élablir des caractères spéci- fiques pour distinguer les différentes sortes de lannin. Plu- sieurs autres substances, les phénols, les acides, les gluco- sides, se colorent également par les sels de fer. Et d’ailleurs, ces réactifs ont le grave inconvénient de diffuser dans les coupes et d’enlever toute précision aux observations. En Allemagne, on emploie beaucoup le bichromate de potassium, en solulion au 1/10, préconisée par Sanio. Le réactif de Bræmer est excellent. En faisant agir succes- sivement ce réactif et les vapeurs d’acide chlorhydrique, j obliens une coloration fauve, s’il n’y a que de faibles traces de tannin, et une coloration rougeâtre ou rouge brun plus ou moins foncée, suivant les cas, si les tannins sont plus abondants. Néanmoins, je n'ai pas cherché, jusqu'ici, à établir des divisions parmi tous ces tannins. Dans le travail qui va suivre, J emploierai souvent la désignation de com posé tannoïide en parlant d’un tannin quelconque indéterminé. HISTORIQUE. De toute antiquité, l'esprit industrieux des hommes s’est efforcé d’arracher aux plantes leur délicieux arome, et les parfums ont toujours été en grand honneur, surtout chez les peuples Orientaux. L'usage des parfums n’est apparu que plus tard chez les peuples du Nord, mais il s’y est développé, ANN. SC. NAT. BOT. XVIII, 21 322 EUGÈNE MESNARD. on peut le dire, au suprême degré, en donnant naissance à une industrie, devenue très florissante en France, grâce au développement de la culture des fleurs, dans nos régions privilégiées de la Provence, de la Limagne, et même de la banlieue de Paris. Mais cetle industrie n’est pas, comme la pluparl de nos grandes industries modernes, guidée par des règles précises. Le mode de production des essences n’est pas exactement connu, el, par suite, les procédés d’extrac- tion laissent beaucoup à désirer au point de vue rationnel. Sans doute, cet état d’infériorité s'explique très bien, si l’on songe que la Parfumerie à toujours été extrêmement rémunératrice pour ceux qui la pratiquent, et qu'il leur a toujours suffi de metlre en usage les vieux procédés, pour rester à la hauteur de leurs affaires; mais, il faut bien le reconnaître, les données botaniques, capables de Les rensei- gner exactement sur la genèse des parfums dans les végétaux, leur font à peu près complètement défaut. En effet, la liste des travaux de botanique, relatifs à ce genre de question n’est pas très longue, comme il est facile de le voir. De 1745 à 1756, Guettard (1) publie une dizaine de mé- moires sur les organes glandulaires des plantes. Ce travail est revisé par Mirbel (2) en 1824. Une étude extrêmement intéressante sur le même sujet, a été publiée plus récemment, en 1871, par M. Martinet (3), qui a joint à ses recherches sur le développement et sur l’ana- tomie des organes sécréleurs des végétaux, des remarques physiologiques curieuses. M. Martinet a surtout décrit les poils glanduleux des Labiées. En 1875, M. J. Chalin (4) examine à nouveau le mode de (4) Guettard, Dix mémoires sur les glandes des plantes (Mém. de l’Acad. des Sc, de 1745 à 1756). (2) Mirbel, Éléments de physiologie végétale et de botanique. (3) Martinet, Organes de sécrétion des végétaux (Ann. Sc. nat., 6° série, t. XIV, 1871). ( (4) J. Chatin, Études histologiques et histogéniques sur les glandes foliaires FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 323 formalion des poches sécrétrices, mais il se place plus spé- cialement au point de vue du développement. D’autres observateurs, MM. Franck (1), de Bary (2), se préoccupent de savoir si les poches sécrétrices se forment suivant le mode schizogène, c’est-à-dire par écarlement de cellules voisines, ou suivant le mode /ysigène, c'est-à-dire par destruction ou résorplion d’un certain nombre de cellules. Dans une longue série de mémoires, publiés de 1857 à 1887, M. Trécul a décrit Le résultat de ses patientes recher- ches sur la topographie des organes sécréleurs chez les végélaux, principalement chez les Ombellifères. M. Van Tieghem (3), réalisant un travail d'ensemble sur l'anatomie des canaux sécréteurs et des poches sécrétrices, a montré tout le parti qu’on en pouvait tirer pour déterminer les affi- nités de certains genres. Le développement des poches sécrétrices a été étudié, plus récemment encore, par Mile A. Leblois (4). Mais, en dehors des observations de M. Martinet, rien n'avait élé fait avant M. Blondel (5) pour fixer, par des réactifs microchimiques, le siège d'éleclion du parfum des fleurs. M. Blondel borne son élude au genre Æ0os4. Le réactif qu'il emploie, l’acide osmique, lui donne à peu près exactement le mode de localisation de l'essence de Rose, mais il ne lui four- nit aucune indication sur le mode de production de ce par- fum. M. Blondel donne des renseignements très intéressants sur la culture des roses et 1l essaye d'établir une classification des odeurs, spéciale au genre Rosa. Quant aux circonstances physiologiques qui président au intérieures el sur quelques productions analogues (Ann. Sc. nat., 6° série, t. II, 1875). (1) Beiträge zur Pflanzenphysiologie. Leipzig, 1868. (2) Vergleichende Anatomie (1877). (3) Ph. Van Tieghem, Mémoire sur les canaux sécréteurs des plantes (Ann. Sc. nat., 5° série. t. XVI, 1872). — Deuxième mémoire sur les canaux sécré- teurs des DIN Les Re e (Id., Te série, t. I, 1885). (4) M'ie A. Leblois, Recherches sur l’origine et le développement des canaux sécréteurs et des poches sécrétices (Ann sc. nat., 7° série, VI, 1887). (5) Blondel, Produits odorants des Rosiers. 324 EUGÈNE MESNARD. dégagement du parfum, elles sont peu connues, et rien de bien précis n'a élé écrit Jusqu'ici sur ce sujet. Toutefois, une tentalive sérieuse avait été faite, il y a longtemps déjà, par l’Académie des Sciences de Belgique, qui proposait, en 1838, comme sujet de concours d’£xposer la théorie de la formation des odeurs dans les fleurs. Le 1} A. Trinchinetli, de Monza, présenta un mémoire qui fut examiné par Morren (1). L'auteur se servait exclusive- ment de l’odorat pour distinguer dans quelles parties des fleurs se localisaient les odeurs, et il s'appliquait principale- ment à élablir une classification des plantes, basée sur les circonstances physiologiques pendant lesquelles elles déga- gent leur parfum. Le désir de ranger les différentes odeurs dans un certain nombre de catégories a souvent préoccupé les auteurs. En 1820, Virey consacre un chapitre de son Histoire na- turelle des Médicaments et des Poisons à l'étude des odeurs alimentaires et médicamenteuses et des odeurs de toilette. Ce mémoire est plein d'aperçus ingénieux et d’observations générales sur les odeurs, mais la grande préoccupation de l’auteur, c'est d'établir une classification des odeurs d’origine animale ou végétale ; il n’admet pas moins de vingt-six catégories. Les mêmes recherches pour classer les produits odorants ont été reprises plus récemment par M. Fée (2), mais elles ne paraissent pas devoir donner des résultats plus concluants que ceux qui avaient été obtenus par Virey, étant donné le nombre considérable de types auxquels cet auteur est obligé de se rapporter. Les classifications doivent non seulement s'adresser aux odeurs dégagées par les plantes ou les animaux, d’une ma- nière générale, mais elles doivent aussi se préoccuper des essences utilisées dans la pratique courante et elles peuvent (1) Morren, voyez Mémotres divers. (2) Fée, Sur l'Odorat. et les Odeurs (Bulletin de la Société royale de bota- nique de Belgique, 1866). FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 329 alors avoir de l'intérêt au point de vue de la Parfumerie. Dans cet ordre d'idées, il faut citer, comme l’une des clas- sificalions les plus ingénieuses qui aient jamais été tentées, les gammes d'odeurs élablies par S. Piesse (1). Cet auteur choisit les odeurs qui sont le plusspécialementemployées dans la Parfumerie, et il place dans des gammes, le nom de chaque odeur dansla position correspondante, à son effet sur l’odorat. Toules les odeurs peuvent être classées de cette manière. Il y a des odeurs qui n’admettent ni dièzes nt bémols, et il y en à d’autres qui feraient presque une gamme à elles seules, grâce à leurs diverses nuances. La classe d'odeurs qui con- lient le plus de variétés est celle du Citron. Avec ces gammes, le parfumeur peut confectionner des bouquets d’odeurs primitives. Il lui suffit de choisir celles qui s'accordent ensemble et produisent un parfum har- monieux. ÉTUDE MICROCHIMIQUE DU MODE DE LOCALISATION DES ESSENCES Dans un certain nombre d'espèces végétales appartenant à des familles variées. Comme on vient de le voir, l’étude du mode de localisation et de formation du parfum dans les plantes n'a pas été poussée très loin : la tendance à grouper les odeurs en caté- gories spéciales et l'insuffisance des réactifs, mis à la dispo- sition des chercheurs, ayant contribué à donner aux esprits une autre direction. Je vais chercher à envisager la question en me plaçant à ce point de vue particulier et sans prétendre, en aucune fa- con,jeter la lumière sur tous les points à la fois. 1° JASMIN (Jasminum odoratissimum). Le Jasmin fouruit l’une des essences les plus estimées de (1) S. Piesse, Chimie des Parfums (trad. Massignon), 1890. 326 EUGÈNE MESNARD. la Parfumerie. Pour l'obtenir, on soumet les fleurs à l’opé- ration connue sous le nom d’enfleurage. Par la disüllation on peut aussi obtenir un excellent pro- duit odorant; mais il est inférieur, comme qualité, à celui que l’on 0 en emplovant la précédente méthode. a. Fleur épanouie. — La corolle de la fleur du Jasmin est d’un blanc éclatant, avec un aspect gras et luisant tout parti- culier. Le calice est légèrement pigmenté en violet sur sa face externe. Les pièces florales se soudent en un périanthe longuement tubulé. L'huile essentielle est surtout localisée sur la face supé- meure où interne des pétales, dans leur partie élargie. Sous l'influence des réactifs, les gouttelettes d'essence apparais- sent en jaune d'or, dans les cellules épidermiques arrondies, papilliformes, pouvant également contenir de l’amidon pro- venant d’un cheminement plus lointain. Il n'y a pas d'essence dans la partie inférieure du tube de la corolle. Quelques gouttelettes d'huile essentielle existent également sur la face externe ou inférieure des pétales, mais elles sont accompagnées d'une notable quantité de compo- sés, prenant la teinte fauve et trouble, des Lo tannoïdes. Les pièces calicinales présentent une semblable disposi- tion, mais ici, l'essence se teinte davantage en verl, comme si elle tenait en dissolution des produits d'origine chloro- phyllienne. Quelques cellules de la face externe des sépales sont teintées en violet par le pigment. Certaines cellules du parenchyme présentent également, la teinte des composés tannoïdes. On y trouve, en même temps, quelques gouttelettes d'huile grasse, reconnaissables à leur fixité, en présence des vapeurs d'acide chlorhydrique. b. Fleur en bouion.— Dans les lissus d’un bouton très Jeune on ne trouve que de la chlorophylle ; le tannin n'existe pas. Un peu plus tard on trouve du tannin, mal caractérisé d'ail- leurs, répandu un peu au hasard dans la coupe. La colora- FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. J21 tion des lannins est beaucoup mieux marquée dans l'assise épidermique externe des pétales. Dans l’assise épidermique interne, au contraire, on ne trouve pas de tannin, mais, par conire, il y a encore de la chlorophylle. Le tannin se produit donc du côté où il y a de l’air et dela lumière ; l’essence, au contraire, apparaît de préférence dans les parties les mieux cachées du bouton. Les vapeurs d'acide chlorhydrique permettent d’ailleurs de distinguer tous les composés tannoïdes intermédiaires des cellules comprises entre celles qui produisent du pig- ment, d'une part, et celles qui renferment de la chlorophylle, d'autre part. Chez le Jasmin, on trouve de plus, sur la face interne des bractées, des poils gonflés d’une certaine huile essentielle, indéterminée. Près de la base de ces poils, il est facile d'observer une plage, assez étendue, presque entièrement dépourvue de chlorophylle, tandis que tout le reste de la braclée en contient abondamment. On voit donc que la chlorophylle, ou, pour être plus exact, le protoplasma chlorophyllien, a contribué à l'élaboration de l'essence. 2° Rose (Aosa centifola). Les pélales de la Rose, généralement brillants et satinés sur leur face interne, ont, au contraire, l'aspect lerne sur leur face opposée. Le velouté de la face interne est dû au jeu de la lumière sur la surface des cellules épidermiques pa- pilliformes, qui recouvrent les pétales de ce côté. C'est dans ces cellules spéciales que se trouve généralement l'essence. Les cellules de l’épiderme externe n’ont aucune forme spéciale, et elles contiennent assez fréquemment une essence peu élaborée ; il en est de même pour les cellules de la face interne, dans la région de l’onglet. M. Blondel (1) décrit et figure exactement les cellules de l'é- (1) Blondel, loc. cit. 328, EUGÈNE MESNARD. piderme supérieur. Ces cellules sont des mamelons coniques qui, vus d’en haut, présentent une striation rayonnante due, à ce que je crois, à des plissements nombreux de l'enveloppe cireuse qui recouvre la culicule. Pour déterminer le siège du parfum dans la Rose, M. Blon- del traite les coupes minces, pendant quelques instants, par l'acide osmique à 1/200; il lave rapidement el monte aussitôt dans la glycérine. Il constate que les cellules des deux épi- dermes sont remplies d’une masse noire, ainsi que quelques cellules du mésophylle. Mais l'acide osmique, ainsi employé, est susceptible de colorer en noir les graisses, le protoplasma vivant, les huiles fixes, les huiles essentielles et même le tannin, de sorte qu'il est impossible de compter sur cette substance pour l'étude de la localisation des huiles essentielles d’une manière géné- rale, et même pour le cas particulier de la Rose. Par l'emploi de lacide osmique, on arrive, en effet, à considérer les cellules épidermiques des deux faces des pétales comme élant le siège d'élection du parfum, mais on n'en a pas la preuve certaine. Au surplus, on ne peut pas saisir le moment précis de la formation de l'essence, car, dans les mamelons floraux très jeunes, l’acide osmique se réduit abondamment, à cause de la matière grasse et des tannins qui s’y trouvent contenus. _ L'emploi de l’acide chlorhydrique en vapeurs est beaucoup plus avantageux, car il permet de faire apparaître l'essence en goulteleties jaune d’or pouvant devenir, plus ou moins vert, suivant les cas. a. Fleur épanouie (PI. VIT, fig. 1). — Les goultelettes appa- raissent dans loutes les cellules de la face interne des pétales, sauf vers le point d’attache de ces pièces florales. Il n'yen a très peu sur la face externe. Toutelois, dans les Roses à pélales nombreux où les différentes pièces peuvent se recouvrir les unes les autres, on trouve de l’essence dans les épidermes des deux faces. b. Fleur en bouton. — Dans un bouton prêt à s'épanouir, FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 329 les gouttelettes ne se forment pas encore. Tout le suc cellu- laire se colore d’une teinte diffuse jaunâtre trouble. Le bichromate de potassium et le perchlorure de fer décèlent la présence d’une faible quantilé de tannin : ce composé se trouve surtout dans les cellules orientées du côté externe. Si l’on pratique une coupe dans Ia région calicinale du même bouton, on trouve de la chlorophylle en abondance avec, çà et là, quelques îlots de cellules renfermant des composés tannoïdes, ce qui tend à faire croire à une trans- formation de la chlorophylle en composés tannoïdes. L’odeur de la Rose ne provient pas toujours de l'essence renfermée dans les cellules épidermiques des pélales. On trouve sur les pièces du calice, des poils très développés (Rose moussue, R. centifolia, v. muscosa), et qui donnent une odeur térébenthineuse. Flückiger et Tschirschadmettent que les huiles essentielles et les résines se forment aux dépens de l’amidon ou même de la cellulose. Cette opinion n'est pas celle de M. Blondel; elle n’est pas davantage la mienne. L’amidon se rencontre, en effet, dans toutes les cellules d’une préparation, même dans les cellules à essence; mais sa présence n’est pas con- stante dans toutes les variétés de Roses. La matière amylacée se trouve ordinairement plus abondante dans les pétales jeunes et encore imparfaitement développés, et elle doit surtout contribuer à la formation des matériaux cellulosi- ques, nécessaires à la consolidation des cloisons. L’essence provient ici, comme partout ailleurs, de la transformation des composés tannoïdes produits par la chlorophylle. La distribulion et la coloration des pigments sont fort variables. Lorsqu'il s’agit dé coloration rose ou rouge pâle, _les pigments se localisent d’un seul côté de la fleur, très souvent sur la face externe, mais si la coloration est plus abondante et devient rouge foncé, par exemple, toutes les cellules de l'épaisseur des pétales peuvent être colorées. ” 330 EUGÈNE MESNARD. Dans les Roses thé etles Roses jaunes le pigment est géné- ralement très tannoïde. | Essence de Rose. — L'essence de Rose est formée d'un principe oxygéné, tenant en dissolution un carbure solide répondant à la formule C*H", corps inodore à froid, mais qui répand, quand on le chauffe, une odeur de cire ou de graisse chauffée. Par refroidissement, ce carbure donne de petits cristaux, formés de pyramides hexaédriques tron- quées. Il fond à 32° C. et ses caractères le rapprochent de la paraffine, car il se dissout fort peu dans l'alcool froid de den- silé 0,838; il est insoluble dans l’éther, le chloroforme, l'huile d'olive, insoiuble dans la potasse et l’'ammoniaque. L’essence de Rose, formée de deux corps différents, l’un liquide, l’autre solide, se prend par le froid en une masse bulyreuse, composée de feuillets transparents. La propor- ton des deux principes qu’elle renferme est variable. L’essence de Rose s'obtient, en Provence comme en Tur- quie et en Perse, par la distillation pure et simple. Dans cette opération, le revêtement de cire qui recouvreles cellules épi- dermiques se dissout partiellement. L’essence est entraînée avec une partie du contenu cellulaire, et recueillie par con- densation à la surface de l’eau du réfrigérant de l’alambic. Les Roses que l’on traite le plus généralément pour l’ex- traction du parfum, sont la Rose à cent-feuilles (Rosa centi- folia) et la Rose de Damas (R. Damascæna). Le parfum que l’on obtiendrait avec les autres Roses, serait trop peu abon- dant, ou bien il manquerait de quelques-unes des qualités que l’on recherche dans l'essence commerciale. L'essence de Rose, peu employée à l'état pur, s'emploie beaucoup mélangée avec d’autres essences pour la confection des bouquets, surtout à cause de la propriété qu'elle possède, ainsi que le musc, de donner de la féxité à des parfums trop volatils ou trop fugaces. ; Mais l’habileté des parfumeurs supplée largement à l'in- suffisance des produclions naturelles. C'est ainsi que l'on connaît des extraits de Roses triples, de Roses blanches, de FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 391 Roses thé, de Roses moussues, de Roses doubles et de Roses de Chine, etc., dont la confection s'obtient facilement à l’aide de receltes particulières. 3° AUBÉPINE (Cratæqus oxyacantha). L'escence est localisée, comme dans la Rose, dans les cellules épidermiques papilliformes de la face interne des pétales. On en trouve également quelques gouttelelles dans l’épi- derme externe, mais seulement dans les parlies marginales. Des coupes minces, pratiquées dans des boutons non encore épanouis, prennent une coloration rouge acajou, après le traitement par les réaclifs. Cette coloration spéciale est due au tannin que l’on rencontre dans cette espèce. Les tannoïdes s'accumulent de préférence dans les cellules épidermiques de la face externe, c’est-à-dire du côté exposé à la lumière et à l’air. L’odeur de l’Aubépine rappelle celle d’une ammoniaque composée, la diméthylamine. 4 Viouette (Viola odorata). Le délicieux parfum que dégage la Violette est, on peut le dire, uriversellement apprécié. Toutes les parties de la plante, feuilles, tiges, racines, sont susceptibles de dégager une odeur, mais l'huile essentielle, qui produit le véritable parfum de Violette, se trouve localisée dans la fleur. Si l’on soumettail les coupes de pétale de Violette à l’action directe des vapeurs d'acide chlorhydrique, on obtiendrait aussitôt une coloration rouge très vive el Lout à fait diffuse, due à l’action de l'acide sur le suc violet qui se trouve dans les cellules, et il serait impossible de faire une observation _ précise. L’immersion préalable dans l’acéto-tungstate de soude, simplement utile dans beaucoup de cas, s'impose donc lorsqu'on éludie cette espèce. La solution alcaline pré- cipite les sucs tannoïdes en les colorant en vert. 392 EUGÈNE MESNARD. Sous l'influence de l’acide, le contenu cellulaire devient bleuâlre, puis rouge, mais cette dernière coloration ne per- siste que dans les cellules où il existe des goutteletles d’es- sence : le pigment violet, partiellement dissous dans l’es- sence, échappe, en effet, à l’action du réactif alcalin et reprend bien vite sa coloration rouge vif, sous l'influence des vapeurs acides (PI. VIIL, fig. 2). Comme dans la Rose, l'essence se trouve localisée de pré- férence dans les cellules épidermiques arrondies de la face interne des pétales, mais il peut aussi en exister dans les cellules épidermiques de la face externe, et ceci se comprend aisément si l’on remarque que, dans le bouton de la fleur de Violette, les pétales sont enroulés les uns sur les autres, autour de l’axe de la fleur. Il en résulte alors que certaines parties des pétales se trouvent complètement cachées, et ont leurs deux surfaces également abritées contre l’air et la lumière. Si l’on étudie une coupe longitudinale d'un pétale de Violette, en ayant soin de passer par la région de l'onglet, on observe d’abord de la chlorophylle dans toutes les cellules ; mais, un peu plus loin, les cellules épidermiques internes renferment une essence huileuse, colorée en jaune, qui ne tarde pas à se transformer en goullelettes. Il n'est pas difficile, de plus, d'observer au-dessous de ces dernières cellules, c’est-à-dire dans le mésophylle, des masses de pigment coloré que l’on voit bientôt se superposer aux soutteleites d'essence elles-mêmes. Ici done, l’origine chloro- phyllienne de l’essence ne paraît pas douteuse. 5° Lis (Lilium candidum). Malgré la finesse et la force de son parfum, le Lis n’est pas une plante cultivée pour la Parfumerie. On peut, en effet, extraire ce parfum en faisant macérer les fleurs dans de l'huile d'olive, mais il faut renouveler un grand nombre de fois l’opération, en employant toujours la même huile. Le prix de revient de ce parfum est alors beaucoup trop FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 399 élevé et l’on préfère, dans la pratique, imiter l'extrait de Lis par des mélanges de diverses essences. a. Fleur épanouie. — Une coupe pratiquée dans un pétale de fleur adulte (PI. VITE, fig. 4), montre de belles gouttelettes d'essence, d’un jaune vert pomme vif, dans toutes les cellules épidermiques de la face interne ou supérieure, et dans les cellules de la face externe, mais dans les parties marginales seulement. L'essence est peu abondante dans les sépales. Elle s’observe encore dans les cellules de la face interne, sous forme de gouttelettes jaune vert. Au bout de quelque temps l'essence disparaît et il reste une coloration tannoïde qui s'étend aux cellules sous-jacentes. Vers l'extrémité libre des sépales, 1l y a des cellules allongées en forme de doigt de gant et qui renferment une essence particulière. L'étude de la partie basilaire d’un pétale est intéressante. Là, en effet, on peut'encore observer, dans les tissus sous- jacents, un peu de chlorophylle qui n'a pas encore disparu. L’assise épidermique renferme de l'essence ; elle est séparée des cellules à chlorophylle par une plage intermédiaire dans laquelle s'opère la transformation. b. Fleur en bouton. — Le bouton, qui était d’abord complètement vert, modifie peu à peu sa coloration et devient légèrement verdâtre ou bleuâtre. Il ne commence à exhaler une odeur qu'au moment de son épanouisse- ment. Toutefois, l'essence existe déjà avant celte époque, mais elle est encore incomplètement élaborée et ne donne, au contact de l’air, qu'une odeur de « vert ». L'examen d’une section transversale de ce bouton ‘PI. VII. fig. 3), donne l'explication du mode de localisation de l'essence. De chaque côté d’une sorte d’arête dorsale des pétales, ils existe deux sillons profonds, dans lesquels vien- nent s’eufoncer les bords libres des pétales et des sépales ; de telle sorte que les cellules épidermiques de ces parties Jo EUGENE MESNARD. marginales sont tout aussi protégées que celles de la face interne des pièces florales. Sauf à la base des pélales, la chlorophylle se mainlient plus longtemps vers la face externe des pièces florales que vers la partie interne et, au moment que j'ai choisi pour pratiquer la coupe du bouton, il est facile de remarquer la présence du pigment vert du côlé externe, excepté dans les parties marginales. Ce qui montre, encore une fois de plus, le rôle de la dégénérescence chlorophyllienne dans Ja formalion de l'essence. 6° Muauer (Convallaria maialis). Tout le monde connaîl la corolle gamopétale, en forme de petite clochette blanche, du Muguet. Pour rencontrer le maximum d’odeur dégagée par celte fleur, il faut prendre des échantillons à peine entr'ouverts: les fleurs complète- ment épanouies ont, en effel, une odeur plus faible. a. Fleur en bouton. — Examinons donc un bouton prêt à s’entr’ouvrir (PI. VIIE, fig. 6). Il présente, sur sa surface, une légère coloration jaunâtre, qui indique une transformation de la chlorophylle. L’essence, colorée en Jaune par les réactifs, s’y montre extrêmement abondante et localisée, de préférence, dans les cellules épidermiques de la face externe des pièces florales (PI. VII, fig. 5), ce qui constitue une différence de localisation avec les échantillons que nous avons examinés jusqu'ici. En outre de l'essence, on observe également de très belles gout- telettes d'huile fixe, répandues un peu partout dans les tissus. Dans les cellules épidermiques, les gouttelettes d'essence pa- raissent être superposées à des gouttelettes d'huile fixe. Il n'ya pas de tannin. Dans presque loutes les cellules on trouve des grains d’amidon qui vont disparaître en servant au déve- loppement des pièces florales. b. Fleur épanauie. — Le développement de la fleur est très rapide et l’on passe facilement du stade d’un bouton ne ren- fermant que de la chlorcphylle à celui d’un boulon prêt à I FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 339 s’entr'ouvrir et dans lequel la chlorophylle est déjà jaunieet transformée, pour arriver enfin à la fleur épanouie, complè- tement débarrassée de tout pigment vert. La transformation s’est effectuée sur place et très rapidement. En examinant attentivement loutes iles circonstances qui président à la formation et à l'élaboration complète de cette essence, on s'explique suffisamment bien pourquoi l'huile essentielle se porte vers la face externe. Le Muguet fleurit, en effet, au printemps dans les endroits ombragés. Dans ces conditions, l'intensité de la lumière n’est pas assez forte pour être destructive, mais elle est suffisante pour permeltre la formation de la chlorophylle à la périphérie et sa transformalion en essence. D'autre part, il convient de faire intervenir l'abondance des sucs dans la plante et la présence de nombreuses gout- telettes d'huile grasse qui à toujours une tendance à entrai- ner les composés tannoïdes vers la face externe. 7° TuséreuUsE (Polyanthes tuberosa). La Tubéreuse, dit Pierre, est, en quelque sorte, un bouquet à elle seule; elle rappelle ces senteurs délicieuses qu’on respire, versie soir, dans un parterre émaillé de fleurs ; aussi est-elle très recherchée des parfumeurs pour composer des essences agréables. _ L'extraction du parfum de la Tubéreuse se pralique en grand dans la Provence, pendant les mois d'été. On emploie la méthode d'enfleurage à froid. La fleur, longuement tubulée, est composée d’un périan- the à six divisions. Les extrémités distales des divisions ex- ternes sont colorées d'une légère teinte rose; les parties internes nesont pas colorées. La base du tube floral estencore _Leintée en vert par la chlorophylle. La localisation de l'essence de Tubéreuse présente la même disposition que dans la fleur du Muguet et elle peut donner lieu à des remarques identiquement semblables. 336 EUGÈNE MESNARD. a. Fleur épanouie. — Examinons d'abord un bouton de fleur à peine entr ouvert. Les réactifs font apparaître l'essence sous forme de boite telettes, jaune vert très vif, qui disparaissent au bout de peu de temps. Dans la partie du périanthe qui correspond au calice, on trouve un peu d'huile essentielle dans les deux épidermes, mais la plus grande quantité apparaît du côté de la face ex- terne ou inférieure. On aperçoit de lamidon dans lendoderme des vais- seaux, mais cette substance disparaît quand la fleur s’épa- nouil. Dans toutesles cellules, on distingue des goutteleltes d'huile grasse et des composés lannoïdes; ces produits sont un peu plus abondants au voisinage des vaisseaux, que partout ail- leurs. Cette matière grasse est soluble dans l’alcool froid, comme l'huile de Ricin. ; La distribution de l'essence est à peu près la même dans les pièces du périanthe correspondant à la corolle (PI. VIT, fig. 7). On trouve de l’huile essentielle dans les cellules ie dermiques des deux faces des pélales, mais cette substance existe en plus grande quantité dans l’épiderme externe. Les gouttes d'huile fixe, d’abord uniformément répandues dans toutes les cellules, se rassemblent peu à peu vers la face ex- terne, entraînant avec elles, les composés tannoïdes qui doi- vent se transformer en essence. À la base du tube floral, on voit très nettement des goutte- lettes d'essence dans l’assise épidermique externe, et une ou plusieurs rangées de cellules sous-jacentes, renfermant de la chlorophylle. Iln'ya pas de tannin colorable par le perchlorure de fer, et l’on saisit à peine la {ransformalion, sur place, de la chlo- rophylle en essence. Ainsi donc, dans lesfleurs de Tubéreuse, par suite de l’a- bondance de la chlorophylle, répartie au début vers la face externe, et grâce à la présence de l'huile fixe, qui entraîne FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 991 les composés tannoïdes vers la périphérie, l'essence se trouve plus abondante dans les cellules épidermiques de la face externe des pièces florales que dans celles de la face in- terne. 8° NARCISSE BLANC ({V. poeticus). Certains Narcisses ont une odeur comparable à celle de la Tubéreuse. L’essence apparaît, sous l'influence des réactifs, en belles goultelettes jaune d'or; mais il faut opérer avec précaution, car le phénomène de coloration est très peu du- rable. | L’essence est très abondante dans les cellules épidermi- ques de la face interne des pétales et dans l’assise correspon- dante de la face externe de la collerette. Néanmoins, il se produit une coloration mal définie, dans les cellules épider- miques de la face externe des pétales. Les véritables cellules à essence, situées sur la face interne des pétales, sont arron- dies, globulaires et, vues d'en haut, elles apparaissent striées comme celles des pétales de la Rose. 9° JacixtTue (Hyacinthus orientalis). On pense que la Jacinthe d'Orient, dont le type à fleurs bleu violacé se retrouve encore sur les bords de la Méditer- ranée, est la souche de toute les races de Jacinthe cultivées. Les Jacinthes répandent une odeur spéciale, forte et péné- lrante, plutôt désagréable au premier abord, qui fait prévoir, à un odorat exercé, le contact probable de l’essence avec des composés tannoïdes plus ou moins odorants. J'ai examiné des Jacinthes de différentes couleurs. Jacinthe rose. — L'huile essentielle, colorée en jaune d’or, apparaîl principalement dans les cellules épidermiques de la face externe. Il y en a un peu moins dans les cellules épider- _ miques de la face interne. Toutefois, il existe, vers l’extré- mité libre et un peu arrondie du pétale, et plutôt vers la face interne que vers la face externe, une sorte de renflement hypertrophique des tissus qui est surmonté de cellules en ANN. SC. NAT. BOT. XVIII, 22 338 EUGENE MESNARD. doigt de gant très développées renfermant de l'essence bien formée (PI. VIIT, fig. 9, 10 et 11). De plus, il ya autant d'essence du côté interne que du côlé externe, dans les parties marginales des pièces florales. Ajoutons enfin que l'essence des cellules épidermiques ex- ternes prend la teinte jaunâlre trouble, particulière aux essences tannoïdes. On trouve du pigment coloré dans les cellules sous-épr- dermiques, surtout du côté externe, et aussi dans un He nombre de cellules du mésophylle. La gaine des vaisseaux en est principalement pourvue. Les tannins sont abondants dans les différentes cellules, principalement dans l’épiderme externe, où ils se trouvent superposés à l'essence. Vers la base de la corolle, l'essence et la chlorophylle se rencontrent, à proximité l'une de l’autre. Jacinthe violet pdle. — Les fleurs, très grandes, ont l’odeur forle et spéciale qui fail supposer la présence des composés lannoïdes. Comme d'ordinaire, l’essence se trouve localisée dans l’assise épidermique externe et principalement dans les par- lies marginales des pétales. | Le pigment occupe la première rangée de cellules sous- épidermiques. C’est un liquide coloré, qui chemine dans la gaine des vaisseaux ; il ne diffuse pas sous l’influence des va- peurs acides. Dans les sépales, l'essence, mélangée avec une assez grande quantité de tannin, se trouve répartie dans les cel- lules épidermiques des deux faces. Certaines cellules contiennent un pigment bleu, solide, el un pigmentliquide qui devient rouge par l'acide. Jacinthe blanche. — L'essence se trouve principalement localisée dans l’épiderme interne et dans les cellules glandu- laires, renflées en forme de massue qui existent sur la même face, près de l'extrémité des pétales. Les cellules épidermiques normales de cette face interne FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 339 sont allongées, tabulaires et striées dans différents sens. Ces stries sont dues à un léger dépôt de cire. La coloration jaune verdâtre ou jaune d'or de l'essence, apparaît tout d’abord sur les deux faces, mais bientôt, le contenu des cellules de la face externe brunit et passe au rouge brun, par suite de la présence des tannins, tandis que la coloration jaune d’or de l'essence se maintient du côlé interne. Çà et là, dans le mésophylle, on voit des cel- lules qui se colorent en rouge par l'acide. Cette coloration, très diffusible, est due à un pigment tannoïde primordial dont il ne reste plus que des traces susceptibles d’être dé- celées de celte facon. 10° Liras (Syringa vulgaris). Tout le monde connaît le parfum délicieux exhalé par cet arbuste dont la culture a donné naissance, dans la banlieue parisienne, à une industrie horticole très prospère. Grâce à la pratique du forçage, les fleurs de Lilas apparaissent, sur le marché, dès la première saison. Dans les fleurs de Lilas l’essence se trouve principalement localisée dans les cellules épidermiques de la face interne des pièces florales. Comme pour les Violeites, on peut pro- fiter de la présence du pigment répandu dans les cellules du mésophvylle et dissous en partie dans les gouttelettes d'essence, pour obtenir une localisation facile du parfum. L’odeur du Lilas ordinaire n’est pas sans laisser une im- pression fugace, plutôt désagréable, et qui paraît due à la présence de ce pigment tannoïde. L'odeur du Lilas blanc, obtenu par le forçage, est beau- coup plus fine et plus agréable. Dans les fleurs du Lilas blanc, l'essence, surtout abondante, comme d'ordinaire, au moment de l’épanouissement du bouton, se trouve localisée dans les cellules épidermiques de la face interne des pé- tales. Les tannins, et les pigments colorés qui en dérivent, n'existent plus. Toutefois, au moment où l’on fait agir les 340 EUGENE MESNARD. vapeurs d'acide chlorhydrique, des chromoleucites extrème- ment pelits et invisibles à l'œil, font revivre la coloration violette, ce qui prouve que dans l’opération du forçage, ceux- ei n’ont pas élé délruits. On sait que pour pratiquer le forçage du bb on expose le Lilas ordinaire, généralement le Lilas de Marly, dans des serres oh dd à une tempéralure supérieure à 20°, en avant soin de maintenir les plantes en expérience, non pas à l'obscurité, comme on l’a prétendu, mais à une demi-obscurité. Il résulte en effet des expériences de M. La- vallée et de M. Duchartre, que ce sont là les meilleures con- dilions äe réussite. Le Lilas, ainsi forcé, développe sa corolle en un très court espace de temps. Ces condilions ne peuvent pas être nuisibles au développement de l’essence, puisqu'elle résulte d’une transformation rapide du pigment chlorophyllien. Mais il n’en est plus de même pour les pig- ments qui ont besoin de beaucoup plus de temps et d’une longue exposition à la lumière, pour se développer. On s’explique donc comment le Lilas blanc, débarrassé, par la pratique du forçage, de toutes les essences plus ou moins tannoïdes, qui se mélangent à l'essence véritable, dans le Lilas violet ordinaire, présente une odeur moins péné- trante, mais beaucoup plus fine et plus agréable. 11° SurEAU (Sambucus nigra). En parfumerie on n'utilise guère l’odeur qui se dégage de la fleur de Sureau. Tout au plus distille-t-on des fleurs dans le but d'obtenir l’eau de Sureau, qui reçoit différentes appli- cations, soit dans la fabrication de quelques cosmétiques, soit dans la préparation de certains produits pharmaceu- tiques. Par son odeur forte, désagréable même, le Sureau rentre dans la catégorie des plantes à odeur tannoïde. En effet, les réactifs colorent l’essence en jaune verdâire, brunissant for- lement, caractère d'un mélange avec une assez grande pro- portion de composés tannoïdes. L’essence de Sureau appa- FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 341 raît en gouttelettes bien individualisées, très abondantes dans les fleurs fraîchement épanouies, et localisées dans les cellules épidermiques des deux faces des pétales. On peut ajouter que la plus grande quantité d'essence se trouve dans l'épiderme externe. 12° Acacra (Robinia Pseudo-A cacia). L’odeur qui s’exhale des fleurs d’Acacia rappelle celle de la fleur d'Oranger. Ici, la fleur est irrégulière et 1l est inté- ressant de connaître le mode de localisation de l'essence. L'étendard est large et mince. Dans sa partie centrale, la chlorophylle forme des amas séparés par les vaisseaux. Les épidermes interne et externe, de cette partie centrale, renferment peu d'essence. Mais, dans les parties latérales moyennes et dans les parties marginales il y en a davantage. Cette essence apparaît sous forme de gouttelettes jaune d’or, bien arrondies et à bord très nettement dessiné. La nature de l'essence n’est pas la même, suivant que l’on considère celle qui se forme dans l’épiderme interne ou dans l’épiderme externe de l’étendard : celle qui se produit du côté externe contient davantage de composés tannoïdes. Les autres pièces florales ne renferment que très peu d’es- sence, et l’on peul dire que toute l'odeur exhalée par la fleur provient de l'essence de létendard. Là, d'ailleurs, comme dans la plus grande majorité des cas, le parfum n'est pas simple et 1l résulte de l’action combinée de deux sortes d’essences. 13° SERINGA (Philadelphus coronarius). Le Seringa des jardins produit une odeur qui ressemble encore beaucoup à la fleur d'Oranger. La localisation de l'essence est difficile à faire à l’aide _ des réactifs, car 1l ne se forme pas de goutleleltes. Les va- peurs d'acide chlorhydrique ne produisent, en effet, dans les deux épidermes, qu'une coloration verdâtre. Dans les 349 | EUGENE MESNARD. cellules de mésophylle, on trouve d’abondantes gouttelettes d'huile grasse. 14° AILANTE (A/antus glandulosus). J'ai fait remarquer, à plusieurs reprises, que les fleurs ou les parties de fleurs, qui exhalaient une odeur très forte, mais nullement agréable, renfermaient des essences tannoïdes. La fleur de l’Aïlante nous permet de faire la même observa- Uion, mais portée, pour ainsi dire, jusqu’à l’exagération. Les fleurs de cet arbre répandent une odeur très forte, capable même d'indisposer certaines personnes, et si l’on fait agir les réactifs habituels, on n'obtient pas de localisation ; mais toute la préparalion, et en particulier les cellules épidermi- ques, se colorent de la teinte des tannoïdes. La coloration est, d’ailleurs, très fugace, et elle disparaît, comme celle d’une essence ordinaire, au bout de peu de temps. Ainsi donc, dans ces fleurs, il n'y a pas eu localisation de l'essence et la transformation des composés tannoïdes n’a pas été poussée très loin. On ne trouve plustrace de la chlorophylle préalablement existante. Les vapeurs d’acide laissent, après un certain lemps, une coloralion brunâtre ou violacée dans les cellules. | 15° HABLITZIA TAMNOIDES. Cette plante grimpante produit de longues grappes de fleurs, de coloration Jaune verdâtre, qui répandent à peu près la même odeur que les fleurs de l’Ailante, mais elle est moins forte. Comme dans le cas précédent, il n’y a pas de localisation de l'essence dans des cellules spéciales : les grains de chlo- rophylle produisent, sur place, des goutlelettes huileuses qui dégagent un parfum, Donc, et d’une manière générale, la transformation de l'essence est ici beaucoup moins avancée dans les fleurs d'Hablitzia tamnoides, que dans l’Aïlante, et l’on saisit plus facilement le mécanisme de la transformation. Le second FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 343 cas donne l'explication du premier, et permet de faire ren- trer dans la loi générale, ces exemples de fleurs dans lesquelles la localisation ne s’est pas produite. 16° CHÈvVREFEUILLE (Lonicera caprifolium). Le Chèvrefeuille produit des fleurs à corolle bilabiée qui répandent une odeur délicieuse. L'une des lèvres de la co- rolle est étroite et correspond à un seul pétale; l’autre, plus large et dentée, représente quatre pétales soudés. Cette co- rolle est pourvue d’un long tube. L'essence est à peu près totalement localisée sur la face externe de la lèvre la plus large. De ce côté, en effet, on trouve deux sortes de poils renfermant de l'essence : les uns, en forme de stylets aigus, sont assez nombreux; les autres, composés de deux articles, sont terminés par une sphère renflée, dans laquelle on trouve de l’oléo-résine. L'article sous-jacent renferme de l'essence. L’épiderme externe, lui- même, contient un peu de produit odorant dans ses cellules, mais il est mélangé de composés tannoïdes. La face interne de la même pièce florale est recouverte de cire, ce qui nuit certainement à la formation de l'essence de ce côté. Toutefois, 1l existe quelques gouttelettes d’es- sence dans les cellules épidermiques de cette face interne. La lèvre étroite de la corolle ne contient que quelques traces d'essence dans les poils de la face externe. 17° ORCHIDÉES. On peut retrouver dans une même famille, celle des Orchidées, les particularités les plus importantes, relatives à la distribution du parfum dans les fleurs, que nous avons rencontrées, jusqu'ici, sur des échantillons apparte- nant à des familles très différentes. Les Orchidées (1) sont, comme on le sait, des plantes très odorantes. Les parfums les plus exquis, comme les odeurs les (1) E. Mesnard, Sur le Parfum des Orchidées. Comptes Rendus de l’Aca- démie des Sciences, 6 mai 1893. e 344 EUGÈNE MESNARD. plus désagréables, peuvent se renconirer dans des espèces quelquefois très voisines. Quelque-unes imitent, avec une très grande perfection, les parfums bien connus de la Rose, du Jasmin, de la Violette, de la Cannelle, etc.; d’autres ont une odeur beaucoup plus spéciale, généralement agréa- ble, mais qu'il est plus difficile de définir (1). On a plu- sieurs fois cherché à faire un classement parmi ces odeurs, afin de pouvoir les comparer; mais toutes les tentatives qui ont élé faites dans ce sens ont échoué, par suite de l'impossibilité où l'on se trouve d'avoir des échantillons en quelque sorte comparables à eux-mêmes. Une même fleur d’Orchidée dégage, en effet, des odeurs sensiblement diffé- rentes, suivant qu'on l'observe le matin ou le soir, qu’elle : est exposée au soleil ou à l’ombre, ou bien encore qu’elle a été cueillie fraîchement épanouie ou déjà passée. On a même pu observer une périodicité très remarquable dans le déga- gement du parfum de cerlaines Orchidées. Mais ce phéno- mène n'a pas encore été expliqué. Il était donc intéressant de savoir si l'étude de la loca- lisation des huiles essentielles dans les fleurs d’Orchidées était susceplible d'expliquer ces faits de dégagement pério- dique du parfum. | - J'emprunte à M. Lucien Linden (2), Directeur des Serres d’Acclimatation du Pare Léopold, à Bruxelles, des rensei- gnements sur les grandes catégories que l’on peut se pro- poser de faire dans cette famille, en les rapprochant des espèces exhalant un parfum connu. Beaucoup d'Orchidées exhalent le parfum de la Rose : Odontoglossum Rozeh, Trichopilia suavis, Lælia elegans, Catt- leya Warocqueana, elc. D'autres ont une odeur de fruit mûr : Cælogyne pandurata, Bifrenaria Harrisoniæ, etc. L'odeur d’Aubépine est assez fréquente : Cattleya aurea, (1) Ces rapprochements avec des odeurs connues ne sont qu "approxima- tifs. Je considère que ce que l’on percoit, avant tout, lorsqu'on examine ces plantes, c’est l’odeur d'Orchidée. (2) Journal des Orchidées, 15 mars 1892, et Lettres particulières. FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 345 C. gigas, C. speciosissima, Odontoglossum odoratum, San- derianum prestans, S. madrense, Trichosoma suavis, Maxilla- ria picta, M. Turni. L'odeur de Jasmin et celle du Muguet apparaissent dans un certain nombre d'espèces : Cæœlogyne cristata alba, Maxil- laria punctata, Oncidium maculatum, Angræcum carinatum, Epidendrum criniferum, E. fragrans, etc. Les Vanda tricolor et suanis, le Phalænopsis Luddeman- niana, V Oncidium Ornithorynchum sentent la Vanille; le Den- drobium splendidissimum, V Epidendrum varicosum ont le par- fum de la Violette; le Wormodes Rolfeanum et plusieurs Zygopetalum sentent l’Anis ; l’Aerides Rohanianum, plu- sieurs Odontoglossum, la Cannelle ; le Sobralia dichotoma, la Giroflée; le Mazrillaria venusta, le Coriandre ; le Cattleya citrina a une fine odeur de Citron. Beaucoup d’autres sont odorantes, mais le parfum est plus difficile à définir. On peut citer les Stanhopea, les Anquloa, le Rodriquezia fragrans, V'Odontoglossum pulchel- lum, etc. Le Dendrobium superbium sent la Rhubarbe, le Stanhopea graveolens possède un parfum extrêmement violent qui ne peul être enlevé des doigts, lorsque ceux-ci ont touché les fleurs, qu’à l’aide d’un lavage au savon. Le Polbophyllum Beccarei à une odeur véritablement affreuse. La difficulté que l’on éprouve à définir un parfum, est encore plus grande lorsqu'il s’agit d’une espèce dont l'odeur change périodiquement, ou diffère avec les heures de la journée. En voici quelques exemples : Le Lælia elegans a une odeur de Dubéteusé le matin, de Gardenia le soir ; Le Cypr nettes Schlimi, de Primevère le matin, de Vio- lette le soir. Le Dendrochilum glumaceum, d'Héliotrope le matin, de Lilas le soir. Le Phalænopsis Schilleriana, de Muguet le matin, de Rose le soir. 346 EUGÈNE MESN4RD. Le Pilumna fragrans, de Vanille le matin, de Narcisse le SOIT. Le Vanda gigantea, de Cuir de Russie le malin, d’Iris le SOIT. Généralement l'odeur est plus forte le matin que le soir; d'autres ne sont guère odorantes que le matin seulement. Citons : le Cattleya Trianæ, l'odeur de la Vanille ; l'Epi- dendrum anisatum, V'Anis ; le Lælia anceps, la Primevère ; l’'Odontoglossum pulchellum, la Vanille; l’Odontoglossum cri- statum, la Reine des prés; Odontoglossum angustatum, le Lilas, etc. Le Vanda tricolor a l'odeur plus forte le matin que le soir. [1 en est d'autres dont l'odeur est définie de plusieurs façons par les observateurs. On connaît aussi des fleurs d’Orchidées dont le parfum ne se produit qu’à cerlains moments : l’'An- græcum sesquipedale, V'Epidendrum nocturnum, eic., n émet- tent du parfum que la nuit. J'ai étudié la localisation du parfum dans quelques échan- tillons pris au hasard. Mormodes punctatum. — Cette espèce d'Orchidée donne une odeur indéfinissable qui rappelle le Cumin. | Le labelle charnu et recourbé en forme de conque a une coloralion jaune plus clair avec de petits anneaux marron. Les sépales et les autres pélales ont une couleur jaune soufre avec des points marron foncé, très nombreux. a. Sépales. — Dans les cellules de l’épiderme des sépales, on trouve un pigment liquide violet ou bleu pâle qui remplit les cellules (PI. VIIL, fig. 12). Des chromoleuciles rouge vif forment des masses irrégu- lières qui, dans beaucoup de cellules, ont cependant l'aspect huileux. En se surajoulant au pigment bleu, 1ls donnent le pigment violet. Sous l’influence de l’acélo-tungstate de soude, le pigment rouge, seul, persiste ; le reste disparaît. Les pigments de l’é- piderme interne sont moins nombreux. Dans toutes les FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 347 celiules du mésophylle, principalement autour des vaisseaux, on trouve de la chlorophylle, mais, sauf dans quelques cellules épidermiques du bord externe, on ne saurait dire s’il y a de l'essence. b. Pétales proprement dits. — La disposition est la même dans les pétales. La teinte bleuâtre qui colore les cel- lules devient violette, çà et là, par suite de la présence des chromoleucites rouges. Ce pigment se présente dans plusieurs rangées de cellules du côté de la face interne, où sont les taches. Dans les pétales, il existe de l'essence en assez grande quantité. En agissant avec précaution, au moyen des réactifs ordinaires, l'essence apparaît en gouttelettes jaune d'or, dans les cellules épidermiques de la face interne. On en relrouve également dans l’épiderme externe, mais seulement vers les bords du pétale. Dans celte partie, d’ailleurs, l'essence occupe plusieurs rangées de cellules du mésenchyme, mais, au fur et à mesure que l’on s'enfonce dans la profondeur, la coloration caractéristique disparaît pour faire place à celle des tannoïdes. Notons qu'il y a de la chlorophylle un peu partout. c. Labelle. — Un examen préliminaire, praliqué par l’ol- faction pure et simple, indique que l’odeur est surlout dé- gagée par le labelle. L'épiderme interne de ce labelle est formé par des cellules allongées digitiformes ; les cellules de l’épiderme externe sont plus aplaties. L’essence se localise dans les deux épidermes, mais elle occupe de préférence celui qui tapisse la face externe du labelle (PI. VIIE, fig. 14). Du côté externe, l’essence reste localisée à la base des cellules digi- üformes. Il n’y en a pas dans la partie latérale renflée du labelle. _ Çà et là, dans les parties qui correspondent aux taches, apparaissent des chromoleucites rouges. Les cellules du parenchyme renferment des granulations de cire très abondantes, ainsi qu’un suc légèrement tan- 348 EUGÈNE MESNARD. noïde, comme on peut s’en rendre compte, avec le réaclif de me. Au bout d’un certain dcihp d'exposition aux vapeurs d’a- cide chlorhydrique, on trouve, dans toutes les cellules du labelle, des gouttelettes d'huile grasse ou peut-être d’un acide gras, voisin de l’acide myristique (?). Ces gouttelettes sont plus abondantes vers la face externe. Le gynostème ne renferme pas d'essence ; il est totalement recouvert, sur la face interne el concave, d un revêtement de cire. d. Fleur en bouton. — Avant l épanouissement complet du bouton, la partie centrale de la face externe des pétales est à découvert, tandis que les marges latérales sont protégées par les sépales ; le labelle n'est lui-même recouvert que sur ses bords par les autres pièces florales. Or, il est intéressant de constater que c’est dans les parties cachées, prolégées contre l’action de l'air et de la lumière, pendant toute la durée du développement du bouton, que l'essence se trouve d'ordinaire localisée (PI. VIT, fig. 13). Les pigments se dé- veloppent, au contraire, plus facilement dans les parties exposées à l'air. Lorsque la fleur est ouverte, l'essence disparaîl peu à peu ou plutôt elle laisse, dans les cellules, de petits amas rési- noïdes que l’on confond aisément avec des pigments. Mormodes Rolfeanum. — Odeur d’Anis ou de Cumin. Fleurs rouge brun, avec un peu de violet, très vif, dans le labelle. Les dimensions assez considérables du bouton de cette fleur, permettent de faire des observations identiquement semblables à celles qui nous ont été fournies par l'examen d’un bouton de Mormodes punctatum. Ici, le labelle est à peu près inodore. L’essence existe, en petite quantilé, dans les cellules épidermiques de la face externe, mais seulement dans les parties cachées. Cette essence disparaît vite sous l'influence du réactif pour laisser FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 349 la place à des gouttelettes d'huile grasse, venues de la pro- fondeur et qui lui servent de substratum. | Toutes les cellules du mésophylle renferment de sembla- bles gouttelettes d'huile grasse, mais il y en a moins vers la face interne, car, suivant une rémarque déjà indiquée précé- demment, l'huile se porte toujours vers la face externe des organes. Le gynostème est contourné d’une facon bizarre. Sur sa face interne, qui est concave, il y à un dépôt de cire abon- dant. Surle dos de la courbure, on observe quelques cellules pourvues d'essence et de pigment. À l'extrémité de la partie concave, il existe un amas nec- tarifère. L'étude de celle région est assez curieuse. On observe, du côté interne, une sorte de frange de longues cellules cylindriques, entièrement remplies de granulations de cire affectant une disposition en files parallèles. La liqueur de Fehling est réduite dans toute l’étendue de cette frange, ce qui prouve l'existence d'un sucre réducteur. Si l'on traite par l'acide chlorhydrique, les granulations disparaissent et il reste des goultelettes huileuses, d’acide myristique (?). Mais, fait remarquable, nous voyons également des goultelettes d'huile essentielle se rapprocher de plus en plus nombreuses de la base de cette frange nectarifère, comme s'il y avait 1à, absorption de l'essence par le corps gras (PI. VI, fig. 16). L'essence de Mormodes Fr se trouve localisée principalement dans les cellules épidermiques des sépales et des pélales. Dans les sépales, les cellules à essence renferment plus _de produits odorants, sur la face externe que sur la face interne, el cela, pour les deux raisons que j'ai déjà signalées : la présence de la chlorophylle que l’on trouve en amas, au- _ Lour des vaisseaux et dans toutes les travées du mésophylle, et celle de l'huile grasse, qui se porte vers la face externe. Dans les pétales proprement dits, il y a également de l'essence sur les deux faces, mais on n'en peut voir que des 390 - EUGENE MESNARD: quantités insignifiantes dans les cellules épidermiques du milieu de la face externe : celte partie élant exposée à la lumière et à l'air dans le bouton. Il n'en est pas de même des parties marginales de la même face externe qui se trouvent recouvertes, dans le bouton, par les sépales. C'est là, en effet (PI. VIIL, fig. 15), que se trouve la plus grande partie de l'essence que produit la fleur. Odontoglossum Boddaertianum. — Odeur extrêmement forte et pénétrante, difficile à définir. Cette fleur est beau- coup moins grande que les précédentes. Les sépales et les pétales proprement dits ont une couleur jaune soufre, avec des taches marron. Le labelle, un peu plus blanc, possède une seule tache violette. L'essence est à peu près exclusivement localisée dans les sépales et les pétales. Les cellules épidermiques de la face interne des pétales sont un peu plus développées dans les parlies marginales que dans le milieu, et elles renferment de belles gouttelettes d'essence jaune d’or, devenant vertes par les vapeurs acides (PI. VIIL, fig. 17). Les sépales présentent la même disposilion, mais ils ne renferment que très peu d'essence. Odontoglossum odoratum. — Les fleurs ont une couleur jaune soufre avec des taches marron foncé. Elles exhalent une odeur d'Aubépine très prononcée. Le labelle n'offre rien de particulier. L’essence apparaît, localisée en goutte- lettes vertes dans les cellules de l’épiderme interne ainsi que dans les cellules épidermiques marginales de la face externe des autres pélales et des sépales. Le gynostème, relativement très développé dans celte es- pèce, présenie des cellules à essence sur toute sa partie dorsale. Odontoglossum Rossi. — Le labelle est blanc. Les autres pétales el les sépales sont également blancs avec des taches FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 391 violettes. Cette espèce n’est pas odorante et il était inté- ressant de l’examiner, en employant les mêmes méthodes, de facon à fournir une preuve, en quelque sorte négative, de la valeur des réaclifs. La face interne des sépales et des pétales est pourvue de. cellules épidermiques très développées, surtout du côté in- terne. En se rapprochant des bords, les cellules augmentent de dimensions et elles sont les mêmes du côté interne que du côlé externe. Mais ces cellules ne renferment rien, sauf quelques pigments violacés, situés à leur base au niveau des taches (PI. VITIT, fig. 18 et 19). Les cellules du labelle n’en contiennent pas davantage. Par cet exemple, on voit très bien qu'il n'y a pas d’odeur exhalée par une fleur, si cette fleur ne renferme pas, dans ses cellules, un peu d'huile essentielle. Saccolahium giganteum. — Cette fleur dégage une odeur pénétrante qui s’affaiblit rapidement, lorsque la corolle est entièrement épanouie. Les pièces florales sont blanches avec quelques taches violettes. On rencontre quelques goultelettes d’un jaune vert dans l’épiderme interne des sépales et des pétales, mais la plus grande quantité d'essence appartient au labelle. L’essence se superpose aux pigments dans la plus grande partie des cellules. Toutefois, dans certains amas situés dans la partie médiane du labelle, on distingue séparé- ment l'essence et le pigment. Oncidium Cavendishianum. — On considère cette fleur comme élant inodore. Toutefois, avec un peu d'attention, on perçoit facilement une légère odeur. J'ai pu constater, en effet, qu'il y avait quelques gouttes d'essence, dans les cellules épidermiques marginales des pé- _ tales, principalement du côté interne. Dendrobium superbiens. — On considère aussi celte Or- chidée comme inodore. Toutefois, elle répand une odeur 32 EUGÈNE MESNARD. faible et peu agréable. Les pièces florales sont molles et flexibles. Elles ont une couleur rouge lie de vin, avec une étroile bordure blanche, sur les bords. . Les réactifs accusent la présence de goultelettes assez abondantes qui se colorent en rouge vif dans les cellules épi- dermiques externes et internes des sépales el des pétales. Ces gouttelettes ne renferment guère que du pigment dans les sépales, mais 1l est possible de mettre en évidence de belles gouttelettes jaune d’or, sur la face interne des pétales. Le pi- ment se localise alors de préférence dans la seconde rangée de cellules. | | Le labelle présente une essence réellement abondante, lo- calisée dans les cellules épidermiques externes. En somme, celte fleur, tout en possédant une quantité d'essence très notable, n'exhale qu'une odeur faible, ce qui porte à croire que celte substance est elle-même très peu odorante. Lælia anceps. — Les sépales et les pélales proprement dits de cette fleur ont une couleur purpurine un peu verdâtre à la base. Le labelle est lui-même purpurin avec des raies marron foncé. Sa nervure médiane est une sorte de baguette jaune d’or très luisante. Le pédoncule de la fleur est recou- vert d’une épaisse couche de cire qui s'étend également sur presque toute la face externe des sépales et des pétales: On trouve un peu d'essence dans les cellules épidermi- ques, allongées en doigt de gant, qui tapissent la face interne des pétales. L'essence se montre indépendante du pigment, localisé lui-même à la base de ces cellules spéciales. La couche de cire qui recouvre la baguetté médiane du labelle s'étend un peu à droite et à gauche sur le limbe et empêche toute ‘localisation de l'essence. Celle-ci, au con- traire, se trouve principalement dans les cellules épidermi- ques de la face externe. Toutefois, dans les parties margi- nales de la face interne qui ne sont pas recouvertes par la cire, les cellules à essence se développent et sont bien rem- FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 393 plies. Le pigment rouge vif, qui diffuse dans toute la prépa- ration, se dissout dans l'essence et contribue à la rendre très visible. Le gynostème est fortement recouvert de cire et ne pro- duit pas d'essence. On voit donc, par l'étude de cette fleur, que le revêtement cireux semble s'opposer, dans certains cas, au développement des cellules épidermiques dans les- quelles s’accumule le parfum. Zygopetalum Mackayi. — Le labelle est grisâtre avec des stries violettes ou noirâtres. Les autres pétales et lessépales ont une coloration générale verte avec des taches marron foncé. La fleur répand une odeur d’æillet, peu accentuée. L’essence ne paraît exister que dans les pétales et les sépales et dans Île gynostème. On n’en trouve pas dans le labelle. La face interne des pétales est recouverte de prolongements épidermiques digitiformes dans lesquels on aperçoit un peu d'essence et un chromoleucite rouge très net. Sur le dos du gynostème, on trouve des cellules papilliformes, renfermant quelques amas de pigment violet et un peu d'essence. Vanda tricolor. — Le labelle de cette fleur possède une partie élargie purpurine. Les autres pélales et les sépales ont une coloralion jaune soufre avec des taches marron foncé sur la face interne; ils sont incolores sur l’autre face. Celte espèce exhale une odeur de Girotlée, plus forte le matin que le soir. Si l’on examine une coupe de pétale, on observe tout d'abord des gouttelettes huileuses, de coloration rose, réparties sur plusieurs rangées en profondeur. De plus, il existe des granulations jaunâtres dans un grand nombre des mêmes cellules. Les cellules colorées en rose contien- nent une essence et un pigment surajouté. On observe encore des gouttelettes, réparties sur plusieurs rangées, dans le gynostème et dans le labelle. Vanda suavis. — Cette espèce fournit encore un des rares exemples de fleurs possédant de l’essence dans plu- ANN. SC. NAT. BOT. XVI, 23 394 EUGÈNE MESNARD. sieurs rangées de cellules. D’ordinaire, comme on l’a vu, l'essence se maintient dans la seule rangée des cellules épi- dermiques. Ici, non seulement l'essence envahit plusieurs épaisseurs de cellules des pétales ou des sépales, mais il y a, de plus, une tendance à la formation de véritables amas odo- rants (PI. VIIL, fig. 20). Le Vanda suavis répand une odeur extrèmement douce et pénétrante de Giroflée. Dans le labelle, on aperçoit, çà et là, un assez grand nombre de très grandes et très belles goutteleltes huileuses, dont la plupart sont colorées par le pigment violet. Tous ces slobules ne sont évidemment pas de l'essence, mais ceux qui se rapprochent de la périphérie peuvent en contenir. Ils donnent, en effet, la coloralion jaune verdâtre avec les réac- üifs, el l’on peut dire que, si cette essence élail moins aqueuse, le labelle pourrait dégager de l’odeur. En faisant sécher doucement le labelle, complètement détaché de la fleur, on ne tarde pas à percevoir une odeur forte. En résumé, à la suite des observations failes par les auteurs sur la périodicité du dégagement de parfum par les fleurs d'Orchidées, on aurait pu croire que ces fleurs n'obéissaient point aux lois générales de la localisation du parfum, ou, out au moins, fallait-il s'attendre à des excep- tions remarquables. Il n’en est rien. Certes, les Orchidées présentent sous l'objectif du microscope des caractères spé- ciaux; leurs fleurs sont plus irrégulières, leurs pigmenis plus bizarrement distribués, mais, lorsqu'on s'en tient à l'observation des fleurs se rapprochant autant que possible d'un type régulier, on retrouve des lois biologiques qui sem- blent régler la distribution de l'essence dans les tissus de toutes les fleurs. Quelle est la nature du produit odorant ? Les données chi- miques nous font défaut sur ce point. On remarquera que les composés tannoïdes sont parfois très peu apparents dans la fleur, ce qui fait croire à une origine plus lointaine des FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 35) produits odorants. Et, comme il existe pour chaque espèce odorante, un suc cellulaire abondant souvent accompagné de goutteleties d'huile grasse, j'estime alors que la périodicité que l’on a constalée, dans l’exhalation du parfum, chez cer- taines Orchidées, et qui se réduit le plus souvent à une simple augmentation d'intensité vers le matin, dépend, en grande partie, sinon en totalité, de la variation de quantité des sucs entraînant des produits odorants dans la fleur. 18° ORANGER (Citrus À urantium). Comme le Jasmin et la Tubéreuse, le Néroli ou fleur d Oranger est la fleur par excellence pour la parfumerie. Les parfumeurs retirent de la fleur d'Oranger deux odeurs distinctes qui varient suivantles moyens d'extraction que l’on emploie. « Cette différence de parfum, dit Piesse (1), est un grand avantage pour le parfumeur, et c’est en même temps un fait curieux et digne des recherches du chimiste. D’ail- leurs, cette propriété n'est pas particulière à la fleur de l’Oranger ; elle appartient à plusieurs autres, spécialement à la Rose et probablement à toutes les fleurs. » L’explication de ces faits est facile à donner, lorsque l’on connaît le mode de localisation des essences de la fleur. En soumettant les fleurs, soit au procédé par enfleurage, soit à celui de la macération, on obtient une pommade à la fleur d’Oranger qui, traitée ensuite par l'alcool rectifié, abon- donne son parfum et fournit un extrait dont l’odeur se rap- proche tout à fait de celle de la fleur. Si l’on emploie, au contraire, le procédé de la distillation avec de l’eau, on ob- tient, comme résidu de l'opération, l'essence de Néroli. Le Citrus bigaradia fournit l'essence la plus estimée. Le parfum exhalé par l'essence dé Néroli n’a pas la finesse de celui que donne l'extrait. L'Oranger fournit encore une autre essence de qualité bien inférieure, le Nérol petit grain. On l’obtient par la distiila- (1) Piesse, Chimie et industrie des Parfums. 3506 EUGÈNE MESNARD. tion des feuilles et des fruits verts des différentes espèces de Citrus. | Les fruits, parvenus à maturité, peuvent à leur tour don- ner un principe odorant, que l’on obtient en frottant l'écorce de lorange dans un récipient garni de pointes, nommé écuelle. L’essence obtenue de cette facon est communément appelée essence de Portugal. a. Fleur épanouie. — On distingue facilement dans l’épais- seur des Lissus d’un pétale de fleur fraîchement épanouie, un certain nombre de cavités, plus ou moins remplies d’es- sence, et placées presque au contact de l’épiderme de la face externe. Ce sont les poches sécrétrices. On les aperçoit, comme des outres gonflées d'essence, lorsqu on observe, par transparence, un pétale de fleur d'Oranger. Des cavités sem- blables existent dans les feuilles et dans l'écorce de l’Oran- ger. Il s’en forme également de très nombreuses dans l’écorce du fruit. Jusqu'ici on a pensé que tout le parfum du Néroli était renfermé dans ces poches sécrétrices. Ces poches résultent, comme l’a montré M”° Leblois (1), du cloisonnement des cellules initiales dont les cellules filles s’écartent les unes des autres, de facon à laisser au centre un-méat intercellulaire, qui recueille l'huile formée par les cellules placées en bordure. Les cellules qui entourent cette poche s’aplatissent davantage en s’allongeant dans le sens tangentiel, de façon à augmenter le volume du méat. La formation de cet appareil sécréteur est très précoce. M'° Leblois ne s'est préoccupée que des poches sécré- trices, formées dans les feuilles et dans l'écorce. J'ai pu m'as- surer que le mode de formation des poches sécrétrices était le même dans les pièces florales. M. Martinet a étudié le mode de formation des poches sécrétrices de l'écorce des fruits. Sous l'influence des réactifs, la coupe d'un pétale (1) Mie A. Leblois, Recherches sur l'origine et le développement des Canaux sécréteurs et des Poches sécrétrices. (An. sc. nat., 1888.) FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. JO (PI. IX, fig. 1) se colore en Jaune vert très foncé, dans les poches sécrétrices. Cette coloration augmente beaucoup d'intensité et prend l'aspect rougeûtre, particulier aux es- sences qui renferment beaucoup de tannin. D'ailleurs, le per- chlorure de fer et le bichromate de potassium colorent assez fortement le contenu de ces poches. Çà et là, dans les poches sécrétrices, on aperçoit des globules d'huile grasse. Des réactions presque identiques se produisent dans la double rangée de cellules qui recouvrent le pétale sur sa face externe. Un grand nombre de cellules du mésophylle se colorent en même temps; la teinte Jaunâtre trouble qu'elles prennent tout d’abord se transforme ensuite en une teinte rougeâtre violacée, due à un tannin particulier que l’on peut retrouver dans toutes les parties de l’arbre. Enfin, les cellules épidermiques papilliformes de la face interne prennent à leur tour la coloration jaune d’or très netle qui sert dans presque tous les cas à caractériser une essence suffisamment élaborée, c’est-à-dire un peu près com- plètement débarrassée des produits tannoïdes. b. Fleur en bouton. — Avant l'épanouissement dela fleur, les poches sécrélrices sont déjà remplies d’un produit odo- rani, mais l'essence qui doit se déposer dans les cellules périphériques, n'est pour ainsi dire pas encore nettement individualisée. | Lorsque le bouton est très pelit, l'essence des poches sécrétrices est la seule formée et elle se colore en jaune d'or (PI. IX, fig. 2). Toutes les autres cellules ne renferment encore qu'un composé tannoïde qui brunit par le bichro- mate de potassium et prend une teinte rouge acajou par les vapeurs d'acide chlorhydrique. Ce produit n'existe que dans les parties où se trouve de la chlorophylle. Ici la transformation de la chlorophylle en composés tan- noïdes et en essence n'est pas facile à saisir, elil est probable que la plus grande quantité de tannin qui apparaît dans la fleur de l’Oranger, provient de composés tannoïdes, ayant effectué un cheminement plus lointain. 398 EUGÈNE MESNARD. c. Filet de l'étamine. — Une coupe d’un filet de l’élamine, trailée par les réactifs, prend une belle coloration rouge éosine très diffusible. Des gouttelettes d'essence existent dans les cellules épidermiques des deux faces des filets qui sont, comme on le sait, très fortement aplalis. L’essence de ces régions est très mélangée de tannin. La fleur d'Oranger contient donc: 1° Essence des poches sécrétrices ; 2° Essence fortement tannoïde des cellules épidermiques de la face externe des pétales ; 3° Essence de l'épiderme de la face interne des pélales ; 4° Essence fortement tannoïde, contenue dans les filets des étamines. Expériences.— L'odeur qui se dégage de la fleur d'Oranger provient-elle du mélange des odeurs, produites par les diffé- rentes essences, ou bien cette odeur est-elle due à une seule essence prédominante ? Il a élé facile de trancher la ques- tion par l'expérience. 1° Des étamines, préalablement séparées du reste de la fleur et réunies en un pelit amas, n'ont dégagé qu'une odeur très faible. Les fleurs, qui avaient été mutilées, avaient con- servé leur odeur à peu près intacte. 2° A l’aide d’une lancette stérilisée, j'ai perforé toutes les poches sécrétrices que jJ'apercevais sur des boutons, déjà très développés. Au bout de quelques jours, ces boutons se sont épanouis, exhalant, comme les autres, leur merveilleux parfum. L’essence renfermée dans les poches sécrétrices ne produit donc pas, comme on le croyait jusqu'ici, le véri- table parfum de la fleur d'Oranger. 3° Des fleurs, dont les poches avaient été détruites, au préa- lable, et parvenues à leur complet épanouissement, ont été ensuite recouvertes par du lait concentré, substance sensi- blement inodore, qui n’altère pas la fleur, etempêche cepen- dant toute communication de l’essence avec l'atmosphère environnante. Ces fleurs n’exhalaient plus aucune odeur et pourtant l’es- FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX, 399 sence n’était pas altérée, car 1l suffisait de les laver avec un peu d’eau pour que le parfum se fasse sentir à nouveau. En ne recouvrant que la surface interne, j’ai obtenu une odeur forte, mais plutôt désagréable, produite par l'essence contenue dans l’épiderme externe. En ne recouvrant, au contraire, que l’épiderme externe, la fleur a continué à dégager une délicieuse odeur de Néroli, mais un peu plus faible, que celle dégagée par la fleur intacte. Ces expériences prouvent donc que le parfum de la fleur d'Oranger est dû au dégagement simultané de deux odeurs dominantes provenant des épidermes des deux faces des pétales. Nota. — Lorsqu'on déchire, avec la lancette, les poches sécrétrices d’un bouton encore très jeune, on perçoit nette- ment une odeur de Citron. L’essence n’est alors qu'un car- bure simple. Mais si l’on recommencecette opéralion sur une fleur épanouie, el convenablement recouverte de lait concen- tré, l'odeur qui se dégage est différente, et rappelle celle de l'écorce d'orange ou essence de Portugal. On détermine, de cette facon, les deux termes extrêmes de la série des trans- formations successives, que subit l’essence renfermée dans les poches sécrétrices. Ces observations expliquent les différents résultats que l’on obtient, dans la pratique, suivant que l’on emploie l’un ou l’autre des procédés d'extraction. Si l’on traite les fleurs par l’enfleurage, on obtient un excellent produit, car l'on n'extrait de la fleur que les es- sences superficielles, celles qui sont le mieux élaborées et dégagent le parfum le plus fin. Si l'on distille, au contraire, on obtient un produit forte- ment mélangé, de carbures inférieurs et de composés plus ou moins tannoïdes. Il est cependant bon d’ajouter que la dis- lillation d’une essence, au contact de la vapeur d’eau, altère déjà la finesse de son parfum. Écorce d'orange. — L'écorce d'orange, parvenue à matu- rité, fournit l'essence de Portugal. Quand les fruits sont 360 EUGÈNE MESNARD. jeunes, on sait qu'ils produisent une essence différente, l'essence de petit grain. Ces deux essences s’élaborent dans les mêmes poches ES mais elles se remplacent l’une l'autre. HE L’écorce d’une toute Jeune a. de 8 à 10 ilibiies de diamètre par exemple, présente un grand nombre de poches sécrétrices, semées, çà et là, dans toute son épaisseur. Une portion de ce tissu est remplie de chlorophylle. L'’es- sence commence déjà à s’accumuler dans les poches, mais elle est fortement mélangée de tannin, colorable en vert foncé par le perchlorure de fer (PI. IX, fig. 3). Quand le fruit s'accroîl en diamètre, il ne se forme pas de nouvelles poches sécrétrices, mais celles-ci se trouvent, en quelque sorte, rejetées vers la périphérie de l'écorce où elles viennent toutes affleurer. Dans une Orange plus âgée, de 4 millimètres de diamètre par exemple, la chlorophylle est davantage localisée près de la surface. Les poches, qui existent dans cette zone, sont largement ouvertes, et renferment une essence colorable en Jaune d’or dégageant une odeur faible de Citron. Le tannin, moins abondant à la périphérie que précédem- ment, estsurlout répandu dans le mésocarpe, oùilse localise dans des cellules spéciales qui avoisinent la gaine des vais- seaux. Ce tannin, qui a l'aspect huileux et ressemble à une essence, n’est pas formé sur place et provient d’un chemi- nement lointain. | Au stade que je considère, il suffit de frôteser Hiboroe du fruit pour mellire Po en contact avec l'air, et percevoir immédiatement une odeur de Citron. C’est égale- ment cette odeur que l’on perçoit, comme je viens de le dire, lorsque l’on perce, avec une aiguille à dissection, les poches d’un bouton de Néroli. Il se forme donc d’abord un carbure simple, produit aux dépens du protoplasma chlorophyllien, puis, l'oxygène inter- venant, on passe à une essence dont l'odeur est un peu différente et rappelle celle du Citron. Enfin, quand l’orange FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 9361 jaunit, l’oxygénation des produits étant devenue plus com- plète, on commence à percevoir l'odeur de l’essence de Portugal. Par ces simples remarques, on voit combien il est dif- ficile de définir les parfums formés dans une même partie de plante, puisque celle-ci, parvenue à des états de développement différents, élabore des produits dont les pro- priélés sont complètement distinctes. \ Et si, d’une manière générale, l’odeur d’une fleur paraît être toujours la même, cela est dû à l'existence éphémère de cette fleur, qui ne permet pas de lransformations consi- dérables dans les produits qu'elle renferme. Il n’en est plus de même, ainsi que nous venons de le voir, pour les fruits. 19° OMBELLIFÈRES. Les plantes de cette famille ne sont pas à proprement parler des plantes odoriférantes. Aucune ne répand un parfum comparable à celui de la Rose ou du Jasmin. Mais on peut dire, d'une manière générale, que les Ombellifères élaborent des produits odorants. Ceux-ci sont utilisés, soit comme médicaments, soit en mélange avec d’autres essences pour-la production des parfums à bas prix. Le principe odorant des Ombellifères s’extrait, d’une manière courante, par la distillation. Il réside, tantôt dans les racines, comme dans l’Angélique qui produit une odeur musquée et aroma- lique caractéristique ; tantôt dans la tige et les feuilles, comme dans l’Opoponax (Cht'onium), et, le plus souvent, dans les fruits (Carvi, Fenouil, Anis, etc.). Le fruit des Ombellifères est, comme on le sait, un diakène dont les deux moitiés se séparent, en laissant sub- sister, le plus souvent, un filament dont elles se détachent de bas en haut, tandis que lui-mêmese fend, de haut en bas, en deux branches portant les deux akènes à leur sommet. Sur _les parois de ce fruit, se développent des parties saillantes au nombre de cinq sur chaque akène et que l’on nomme des côtes ou ailes. Dans les sillons qui séparent ces côles 362 EUGÈNE MESNARD. ou ces ailes, on remarque autant de canaux sécréleurs qui dessinent, sur chaque akène, quatre bandelettes. La décou- verte de ces canaux sécréteurs est due à Hoffmann (1; Parfois, il se produit en face de ces canaux, d'autres saillies que l’on nomme des côtes secondaires. Les canaux n'existent pas seulement dans le fruit. On en irouve encore dans l'écorce, entre chaque faisceau libéro- ligneux, et le faisceau de collenchyme qui luiest superposé. À ces canaux corticaux, s'ajoutent, presque toujours, des canaux médullaires, répandus dans toute la moelle, si elle esl persistante, ou à la périphérie de celle-ci, lorsqu'elle se détruit au centre. En outre, la tige de ces plantes renferme dans le péricycle, des canaux sécréteurs, disposés en arc en dehors du liber. Les canaux sécréteurs du fruit n'existent pas toujours. Quelques espèces, d’après M. Moynier de Villepoix, sont dé- pourvues de bandeleites (Anthriscus silvestris, Conium maculatum, Myrrhis odorata). Pour le Conium maculatum, le même auteur pense qu'il existe une rangée continue de canaux sécréteurs à l’intérieur du cercle des faisceaux, mais M. G. de Lamarlière (2) admet qu’il existe, à la place deces canaux sécréteurs, une véritable assise sécrétrice. Une rangée continue de bandelettes existe, d’après le même auteur, autour de l’albumen du Smyrnium obusatrum. Tout le monde a pu remarquer que chez les Ombellifères, toutes les parties de la plante, les tiges et les feuilles en par- ticulier, étaient susceptibles de répandre une odeur, lorsqu'on les froissait entre les doigts; mais l’on s’accorde à considérer les canaux sécréteurs comme élant le siège d'élection du parfum. D'après Arthur Meyer (3), les restes desséchés du contenu (1) Syllabus plantarum Ombelliferum, Mosquæ, 1814, et Genera plantarum Ombelliferarum, Mosquæ, 1816. (2) Géneau de Lamarlière, Recherches morphologiques sur la Famille des Ombellifères, 1893. | (3) A. Meyer, Ueber die Entstehung der Scheidenwände in dem Sekretfülrenden plasmofreien Intercellularräume der Vittæ der Umbelliferen (Bot. Zeit., 1889). FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 369 des bandeleltes forment la membrane noirâtre qui tapisse les canaux. J'ai cherché, moi-même, à préciser le rôle physiologique de ces canaux sécréleurs par l'examen de quelques espèces. Chærophyllum aromaticum, — Ombellifère à fleurs blan- ches, très odorante. a. Fleur. — La fleur répand une odeur très faible, suffi- samment marquée cependant, élant donnée l’exiguïté de ses dimensions. La face interne des pétales est tapissée de cellules épider- miques papilliformes, dans lesquelles on trouve de l'essence bien individualisée. Quelques cellules épidermiques de la face externe en contiennent également. Enfin, sur le mame- lon saillant, formé par l'ovaire, au centre de la fleur, on distingue une essence mal individualisée el colorable en jaune d’or très trouble, par les réactifs. b. Feuille. — En froissant la feuille entre les doigts, on per- çoit une forte odeur de Panais. Les cellules en palissade, très développées du côté de la face supérieure de la feuille, produisent une essence qui se concrète, au dehors, en masses tabulaires allongées sous la cuticule (PI. IX, fig. 6). Cette essence, très tannoïde, à en juger par la coloration qu'elle prend sous l'influence des vapeurs d'acide chlorhydrique, se forme, ici sur place, aux dépens de la chlorophylle qui y est partiellement détruite. Elle se montre surtout bien endiguée dans les cellules épidermiquesquisetrouventauniveau desner- vures. Sur la face inférieure de la feuille, on trouve principa- lement l'essence dans les cellules épidermiques papilliformes qui tapissent l'organe. c. Tige. — Sur la périphérie de l'écorce, et de distance en distance, se trouvent des amas de collenchyme, séparés de l’épiderme par une assise de cellules. La face profonde de ces faisceaux présente une échancrure dans laquelle se place un canal sécréteur. Les cellules corticales, proprement dites, renferment de la chlorophylle en quantité d'autant plus 304 EUGÈNE MESNARD. grande qu'on se rapproche davantage de la périphérie. Dans les cellules épidermiques de cette tige, on distingue de nombreuses goutielettes d'essence et quelques pigments. Mais ceci ne diffère aucunement de tout ce qu'on peut rencontrer dans les espèces appartenant à d’aulres familles. Une particularité intéressante se présente, au contraire, dans les cellules profondes de l'écorce, où les amas chloro- phylliens, irès importants, dans les cellules sous-épidermi- ques, commencent à ne plus exister. Cette chlorophylle de la profondeur, resserrée en quelque sorte, entre les faisceaux libéro-ligneux de l’intérieur et l’épiderme, qui, très souvent, se sépare mécaniquement quand la tige commence à mürir, perd peu à peu son activité, et setr ansforme bientôt sur . en gouttelettes d'huile onde (P1.,.1X, 5.55). À un stade de développement encore peu avancé de la plante, les canaux sécréteurs, quoique déjà béants, ne con- tiennent pas d'essence ; mais, un peu plus tard, ils semblent canaliser à leur profit toute l’essence produite dans les régions avoisinantes de l’écorce. On trouve alors de l'essence dans la lumière du canal sécréteur. Ainsi donc le canal sécréteur ne sécrèle rien. [l reçoit, par une sorte de filtration pure et simple, de l’essence pro- duite dans son voisinage. La dénomination de canal sécré- teur fait supposer que les cellules de cet appareil sont capables de créer, au moyen de matériaux spéciaux puisés dans les tissus environnants, un produit nouveau. D'après ce que nous venons de voir, au contraire, le rôle du canal se réduit à celui de simple co/lecteur. d. Fruit. — Le fruit n'offre rien de bien particulier à signaler. Myrrhis odorata. — à. Fleur. — Lalocalisation du parfum dans la fleur de cette plante ne présente rien de spécial. b. Feuille. — La feuille, froissée entre les doigts, répand l'odeur commune à toutes les feuilles vertes d'Ombellifères. La chlorophylle occupe toute l'épaisseur des issus de la FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 30) feuille, sauf dans les deux assises épidermiques. Sur cha- cune des deux faces se dressent des poils à deux articles, avant la forme de stylets aigus. Dans les cellules épidermiques des deux faces de la feuille on trouve une essence mal élaborée, mal endiguée, et {rès tannoïde. L'article terminal des poils renferme une essence un peu mieux individualisée. Le poils de la face supérieure contien- nent davantage d'essence que ceux de l’autre face. En somme, dans cette feuille qui est, on peut le dire, entièrement verte, on ne trouve que de l'essence encore in- complètement formée. c. Fruit. — Dans le fruit du yrrhis odorata, les côtes sont très fortes, mais creuses : le tissu, situé entre l'endo- carpe et le faisceau, se résorbe. Il n'y a pas de bandelettes sécrétrices. L'huile essentielle se trouve localisée dans toute l'étendue de la bordure épider- mique du fruit (PI. IX, fig. 7). On peut en signaler encore quelques gouttelettes, plus ou moins {ransformées en oléoré- sine, dans le tissu de la commissure de l’albumen. Les vapeurs d'acide chlorhydrique donnent au contenu de cet albumen a teinte caractéristique des matières albu- _minoïdes de réserve et, comme il élait facile de Le prévoir, des gouttelettes huileuses apparaissent dans les mêmes cel- lules. Comme dans le grain de Blé, l’albumen est entouré par une couche qui se colore en vert vif par le réactif : elle se transforme à maturité en une enveloppe scléreuse. Ainsi donc, les fruits d'Ombellifères nous meltent sous les yeux les huiles grasses et leur cortège de matières albumi- noïdes d'une part, les huiles essentielles de l’autre, mais il n'existe aucun point de contact entre ces différentes substances. Molopospermum. — a. Tige. — Entre les massifs de collen- chyme, placés à la périphérie de l'écorce, et le péricyele scléri- 306 EUGÈNE MESNARD. fié, on {rouve un canalsécréleur à large ouverture (PI. IX, fig. 8). La chlorophylle dessine une sorte de V dont le sommet aboulit au canal sécréteur. Mais, tandis que les cellules de l'écorcesontencoreabondamment pourvues de pigment chlo- rophyllien dans les parties qui avoisinent l’épiderme, vers le canal sécréteur, au contraire, le pigment a disparu peu à peu, en donnant naissance à de l'huile essentielle qui sera recueillie dans le canal sécréteur, devenu collecteur. C'est la même disposition que dans le cas précédent et on peut la retrouver chez la plupart des Ombellifères. b. Fruit. — À chaque vallécule du fruit correspondunelarge bandelette, limitée par une seule épaisseur de cellules tabu- laires (PL. IX, fig. 9). Dans un fruit presque mûr, l’intérieur de la cavité de la bandelette est tapissée par un revêtement brun ou noirâtre oléorésineux. Dans un fruit très jeune, au contraire, où les bandelettes sécrétrices sont déjà bien formées, l’on voit apparaître dans la lumière du canal, dans les cellules voisines, et principale- ment dans la zone périphérique de l'écorce, où il y a de la chlorophylle en assez grande quantité, de larges gouttelettes d'essence très tannoïde, qui disparaissent presque aussitôt, sous l'influence du réaclif. Une teinte jaune verdâtre, plus foncée vers la périphérie, envahit toute l'écorce. | La bandelette recueille simplement l'essence formée dans le voisinage. | L’essence disparaît dans les bandelettes, en subissant une sorte de résorplion de la partie liquide et abandonnant, au contraire, une production concrétée brune, signalée par Meyer, et qui n’est plus susceptible de dégager une odeur appréciable, Heracleum. — a. Fruit. — I] est facile, en étudiant le déve- loppement du fruit de l’Aeracleum Sphondylium, de pré- ciser encore davantage le mode de formation de l'essence, en dehors des bandelettes. | FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 307 Dans un fruit à peine formé, on trouve de chaque côté de la commissure, deux bandeletles commissurales très déve- loppées. Les bandeleites des vallécules sont à peineébauchées. Elles ne renferment pas d'essence, mais aussi, on ne cons- fate pas, à ce stade, la {ransformation de la chlorophylle, qui se trouve encore au contact immédiat des cellules sé- crétrices. | Une légère odeur que l’on perçoit provient d’une essence à peine formée et produite aux dépens de la chlorophylle, dans l’épiderme exlerne. Lorsque le fruit est parvenu à sa taille maximum, on peut irouver de l'essence dans les bandelettes, mais par contre, la chlorophylle du voisinage a disparu. Le fruit de l’Heracleum Sphondylium est recouvert, sur sa surface, de quelques poils spéciaux, très renflés à leur base el lerminés par un bec crochu. Ces poils sont com- posés d’un certain nombre de cellules sécrétrices. On peut faire, sur ces poils, une remarque intéressante. Dans le fruit jeune, il existe une couche continue de chloro- phylle dans les cellules épidermiques. Cette assise chlorophyl- lienne subit bientôt des interruptions, juste à la base des poils sécréteurs, el l’on voit très bien que la disparilion du pigmentchlorophyllienestune conséquence de laformalion de l'essence. | Daucus Carota. — Des faits du même genre peuvent s’ob- server dans le fruit de la Carotte. A la base des grands pi- quants qui se dressent au niveau des vallécules, on trouve des bandelettes triangulaires, susceplibles de renfermer de l'essence à l’état de première formation. En face des fais- ceaux libéro-ligneux, et correspondant, par conséquent, aux côtes primaires, on observe des poils allongés, pluricel- lulaires à leur base, qui renferment une essence jaune d’or mieux élaborée. À droite et à gauche de Ta base de ces poils, on trouve des amas chlorophylliens dont la destruction ali- menle les réservoirs sécréteurs du poil (PI. IX, fig. 10). Les 308 ÉUGÈNE MÉSNARD. autres poils de l’épiderme du fruit ne renferment pas d’es- sence. Il serait inutile de multiplier les exemples d'Ombellifèrés. Ceux que nous avons examinés montrent suffisamment bien le mode de production des huiles essentielles aux dépens du protoplasma chlorophyllien. L’essence ne se produit pas, comme l’on croyait, dans les canaux sécréteurs. Ces appa- reils servent simplement à recueillir l’essence qui provient des cellules chlorophylliennes, situées dans l'épaisseur de l'écorce. Ils peuvent renfermer beaucoup d'essence, lors- qu'ils sont jeunes, mais ce produit se résorbe peu à peu, en abandonnant la matière brune qui tapisse la lumière des bandelettes plus âgées. Enfin, l’albumen des D parvenu à maturité, contient en réserve des matières albuminoïdes et de Phuile grasse dont le mode de formation est indépendant de celui de l’huile essentielle. 20° LABIÉES. Dans les plantes qui appartiennent à celte famille, le par- fum se produit surtout dans la partie végétative, dans les feuilles principalement: la fleur ne renferme que très peu d'essence. À la suite des recherches de M. J. Martinet, qui a déerit avec beaucoup de soin les glandes sécrétrices chez un grand nombre de Labiées, on peut dire qu'il existe un type de glandes sécrétrices, propre à toutes les Labiées, et dont la forme générale est celle d’un sphère plus ou moins aplatie ou d’un ovoïde plus ou moins allongé, et composée de une, plus souvent de deux, fréquemment de quatre ou de huit cellules. M. Martinet n'étudie pour ainsi dire pas le contenu de ces glandes : « Dès leur jeune âge, dit-il, elles sont remplies par un suc aqueux, plus ou moins abondant, pourvu de substances pro- toplasmiques et très transparentes. » FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 369 On trouve fréquemment, dans ces organes, du tannin et quelquefois du sucre (M. Weiss). Mais avec l’âge le nombre de ces substances différentes augmente et le contenu devient plus ou moins opaque. Alors apparaissent les huiles essen- tielles et quelquefois, d’après M. Weiss, des concrétions résineuses et cireuses très abondantes. Ce savant dit également que le tannin et l'amidon jouent un rôle très important dans les glandes, car on constate qu'ils précèdent toujours et accompagnent l'apparition des huiles essentielles. On trouve quelquelois des grains de chlorophylle, mêlés à ces diverses substances. M. Martinet donne aussi quelques détails sur le mode de formation de l'huile essentielle, mais il insiste surtout sur Ja répartition de cette substance dans les glandes : « L'huile essentielle des glandes des Labiées, dit M. Mar- ünel, se présente sous divers aspects, quand on l’examine dans l'organe même qui l’a produite. « Elle forme de très petits globules d’un jaune clair, mêlés à de fines granulations d’une matière solide, jaune verdâtre, brunissant plus ou moins par l’iode. Quelquefois, outre ces petits globules, on en remarque un plus volumineux hors de la glande, soit dans la cellule du poil la plus rapprochée de cet organe, soit dans celle qui est la plus rapprochée de l’épiderme, dans le cas de poils à deux cellules, rarement enfin, dans la cellule de l’épiderme dont est issu le poil. . Une observation dece genre fait dire à M. Weiss queles cellu- les du pédicelle paraissent contenir des réserves des subs- tances préparées dans la glande. Assez fréquemment, le liquide sécrété forme dans Les cellules mêmes de cet organe de volumineux globules dont le diamètre atteint près d’un _ centième de millimètre. Leur nombre est généralement égal _ à celui des cellules de la glande et ils sont quelquefois entou- rés de globules plus pelits. » Il se passe, dans un assez grand nombre de Labiées, un phénomène remarquable. La substance sécrétée sort à travers les parois des cellules glandulaires et s’extra- ANN. SC. NAT. BOT. XVIII, 24 3170 EUGÈNE MESNARD. vase entre la glande et la cuticule qui recouvre cet organe. Celle-ci, décollée des parois cellulaires auxquelles elle adhérail, est soulevée par le liquide extravasé, quiforme bien- tôt au-dessus de la glande une masse relativement considé- rable, limitée par la membrane cuticulaire. Serpolet (Thymus Serpyllum). — a. Fleur. — La fleur dn Serpolet, comme celle de la plupart des Labiées, est très petite et ne répand pas beaucoup d’odeur. Toutefois, on trouve de l'essence dans les cellules épidermiques papil- liformes de la face inlerne des pélales. Ces cellules papil- liformes sont recouvertes d’un léger revêtement de cire et rappellent beaucoup celles qui tapissent les pétales de Rose. Les bractées renferment un peu d'essence tannoïde dans leur épiderme externe. b. Feuilles.— La presque totalité de l'essence se trouve dans les feuilles (PI. IX, fig. 11). Ces organes renforment de la chlo- rophylle dans toute leur épaisseur, les épidermes exceplés. L’essence apparaît dans les poils décrits par M. Marüinet et qui sont logés dans des enfoncements de l’épiderme. Mais il existe de plus, dans toutes les cellules de l’épiderme supérieur et sous la cuticule, des gouttelettes d'essence qui représentent la plus grande partie de l'essence de la feuille. Le produit odorant se concrète et abandonne dans ces cellu- les, des masses oléorésineuses, qui deviennent brun foncé par l’action des réactifs. Origan (Origanum vulgare). — La fleur n'offre rien de particulier. Les braclées ne contiennent que quelques traces d'essence. Toute l'attention doit se porter sur les feuilles où l’on observe les mêmes phénomènes que dans les feuilles du Serpolet (PI. IX, fig. 12). L’essence se localise dans les deux épidermes, principalement dans l’épiderme supérieur. Dès qu'on fait agir l'acide chlorhydrique, on voit naître, dans toutes les cellules, une coloration jaune verdâtre trouble, qui indique une transformation de la chlorophylle FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 371 en essence. [I n'y a que quelques rares poils sécréteurs dans cette espèce. Le protoplasma chlorophyllien de la feuille de l'Origan, comme celui de la feuille de presque toules les autres La- biées, Romarin, Lavande, Menthe, etc., élabore de l'huile grasse. Menthe (Mentha rotundifoha). — a. Feuille. — On trouve de la chlorophylle dans toute l'épaisseur de la feuille. Des poils existent sur les deux faces, mais ils sont un peu plus nombreux sur la face inférieure de la feuille que sur la face supérieure. Ceux de la face supérieure sont beaucoup plus : longs et formés de 3 ou 4 articles. Sur la face inférieure, on trouve, çà et là, quelques poils sécréteurs sphériques, déjà décrits par M. Martinet. Sur la face supérieure, la chlorophylle produit de l’es- sence qui s’accumule dans les cellules épidermiques et forme des amas résineux qui brunissent par les réaclifs. Les diffé- rents articles des poils les pluslongs renferment de l'essence. Le protoplasma chlorophyllien des cellules produit en outre une quantité notable d'huile grasse. b. Tige. — Latige du Mentha rotundifolia peut être consi- dérée comme un bonexemple de tige de Labiée(PL.IX, fig. 13). L'écorce, assez étroite, renferme de la chlorophylle dans deux ou trois rangées de cellules. L’essence qui résulte de - la transformation de ce pigment s accumule dans les cellules épidermiques et dans les poils sécréteurs à têle sphérique que l’on rencontre, çà et là, sur la surface de la tige. La disposition est, en somme, la même que dans la feuille. Lavande (Lavandula vera). — Les deux épidermes de la feuille portent des poils étoilés qui ne renferment que très peu d'huile essentielle. Il existe, de plus, d’autres poils, à un seul article et à tète sphérique, principalement dévelop- pés sur la surface inférieure, dans lesquels il y a encore un peu d'essence. Mais, comme chez les autres Labiées, on D 12 EUGÈNE MESNARD. trouve de l’essence dans les cellules épidermiques de la face supérieure. De fines gouttelettes d'huile grasse, principalement déve- loppées dans les feuilles âgées, se rencontrent dans le tissu chlorophyllien. Essence de Labiées. — Les huiles essentielles extraites des Labiées ont toutes un certain nombre de points de ressem- blance. Elles possèdent, lorsqu'elles sont fraîches, une odeur vive et piquante, avec une saveur chaude et camphrée. Elles sont généralement très fluides et incolores, ou quelquefois colorées en jaune d’or (Serpolet). Au bout d’un certain laps de temps, elles prennent une couleur plus foncée et s’épais- sissent (Romarin). La plupart ont une réaction acide et rou- gissent la teinture de tournesol (Lavande). Par la distillation fractionnée, on arrive toujours à sépa- rer deux parties : l’une incolore, bouillant à des températures variant de 165° à 180° et constituée par un carbure simple, cymène (CH!) (Serpolet) ; menthène (C"H®) (Menthe) ; ter- pène (CIEL) (Romarin) ; l’autre partie est susceptible d’aban- donner, par refroidissement, des produits oxygénés cristal- lisables, le bornéol, le menthol et des camphres. On peut en quelque sorte se rendre compte, par l’examen microchimiquedes plantes,desmodifications successives qu’é- prouvent ces huiles dans les tissus. Les premières transfor- mations de la chorophylle ne donnent lieu qu'à des carbures d'hydrogène. Mais bientôt, ces produits se modifient, soit par hydratation avec fixation des éléments de l’eau, soit par oxydation partielle au contact de l’air et de la lumière. Tou- jours est-il que, si l'on prend des feuilles de Labiées de plus en plus âgées, on voit s’accroîlre la proportion des éléments so- lides de l’essence et il n’est pas rare de voir la cuticule d'un poil se crever tout à coup, abandonnant le carbure le plus vo- latil et laissant en place dans les cellules sécrétrices un amas oléorésineux. Et comme, au moment de l’extraclion, on dis- lille la plante tout entière, ils’ensuit que l’on obtient un pro- FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. JL duit dont la valeur est une sorte de résultante qui varie suivant l’époque à laquelle se fait l'opération. J'ai remarqué, et le fait était facile à prévoir, que la pro- portion des carbures volatils, qui peut se trouver dans une plante, dépend de la manière dont s’est effectué le dévelop- pement de celle-ci. Lorsque la plante est suffisamment arro- sée et qu’elle croît vigoureusement, tout en restant exposée en plein soleil, la quantité d'huile essentielle, produite dans la feuille, est très grande et la transformation en oléorésine est peu accenltuée. Au contraire, si la plante est chétive et rabougrie, la formalion des produits odorants se fait plus difficilement et l’on ne trouve guère, dans les cellules, que des masses oléorésineuses. Il en résulte à la disüllalion un produit inférieur. En Angleterre, par exemple, où l’on cultive en grand la Lavande et la Menthe, on obtient des produits généralement supérieurs à ceux de la Provence, probablement pour cette raison que les plantes croissent dans un climat plus humide et que le développement des parties vertes se fait plus faci- lement. Il a suffi de planter de la Menthe dans les plaines de Gennevilliers pour arriver aux mêmes résultats. Dans les environs de Grasse et de Nice, on obtient des essences de première qualité, en distillant les Lavandes qui croissent dans la montagne à une allitude de 900 à 1000 mètres. 21° RHIZOME D'IRIS. Le rhizome desséché de l’Iris de Florence dégage une odeur très agréable que l’on compare quelquefois à celle de la Violette. Ce rhizome pulvérisé et réduit en poudre, sert à la confection des sachets et des poudres dentifrices. Par la distillation avec l’eau de ce produit, on obtient une ma- _tière solide cristallisable nommée Camphre d’Iris (1). Celte substance paraît être de l'acide myristique renfermant des _ traces d'huile essentielle. La réaction est acide. ._ (1) Piesse, Chimie des Parfums. 374 EUGÈNE MESNARD. Le rhizome est coloré en brun jaunâtre à l'extérieur; il est blanc et succulent à l’intérieur. Si nous examinons une coupe transversale au micros- cope, nous voyons d’abord une écorce formée de cellules cubiques disposées en files radiales, puis la moelle dont les cellules arrondies contiennent de l’amidon el des matières albuminoïdes de réserve. Dans ce rhizome 1l y a, comme on le voit, des réserves. Sous l'influence des réactifs, certaines cellules de l'écorce se colorent en jaune brun, tandis qu'une coloration lé- gèrement tannoïde envahit toute la préparation. Dans la moelle, les gouttelettes d'essence apparaissent en Jaune d’or, mais cette coloration est peu durable, car elle est presque aussitôt masquée par la coloration violette des matières albuminoïdes de réserve. Les gouttelettes d'essence ne disparaissent pourtant pas. Après la dissolution complète des matières azotées, on re- trouve des gouttelettes d'huile grasse colorée en brun. La pré- paration tout entière s’est elle-même colorée en brun sous l’influence du réactif. Cette huile grasse, cortège habituel des matières albuminoïdes de réserve, servait de substratum aux gouttelettes d'essence. : D'ordinaire l’essence se trouve principalement dans Îles cellules rapprochées de la périphérie de la moelle. Quandles rhizomesne sont pas odorants, la composition est la même, mais on ne trouve pas la coloration spécifique de l'essence, ce qui est une preuve, en quelque sorte négalive, de la valeur du réactif. “ Je n’ai pas eu l’occasion de suivre le développement d’un rhizome de façon à pouvoir saisir le mode de formation du parfum. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES ET CONCLUSIONS DE LA SECONDE PARTIE. L'étude microchimique de la localisation du parfum dans FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 379 un grand nombre d'échantillons de plantes nous conduit donc à une notion simple de l’origine des substances odo- rantes : dans tous les cas, les huiles essentielles qui pro- duisent les parfums sont un produit de transformation du protoplasma chlorophylilien. Les réactions que j'obtiens avec l'acide chlorhydrique sont très concluantes. En effet, dans les conditions où j'opèré pour localiser les essences, il ne se produit aucun phénomène de colo- ration avec des grains de chlorophylle encore très verts et placés dans de bonnes conditions physiologiques. Au con- traire, dans les tissus où l’activité chlorophyllienne est un peu amoindrie ou en voie de transformation, il se produit presque toujours la coloration caractéristique d’une huile essentielle plus ou moins bien élaborée. Il est ensuite facile de démontrer que les conditions de formation des huiles essentielles varient dans le même sens que les causes de la destruction de la chlorophylle. Il im- porte toutefois que le problème reste simple et qu'on fasse abstraction, momentanément, des tannins et des pigments colorés qui, eux aussi, peuvent se former aux dépens de la chlorophylle. Trois cas principaux peuvent être considérés : 1° Formation de l'huile essentielle dans les fleurs ; 2° Formation de l’huile essentielle dans les feuilles et dars les tiges; 3° Formation de l'huile essentielle dans les fruits. Fleurs. — L'huile essentielle produite par les fleurs se localise presque toujours dans les cellules épidermiques de la face interne des pétales ou des sépales. Toutefois, on peut en trouver également dans l’épiderme externe, et alors, dans ce cas, il en existe dans les deux épidermes. D'ailleurs, l'essence qui s’élabore dans l’épiderme externe, est, en général, fortement mélangée de produils tannoïdes dérivés _ eux-mêmes de la chlorophylle. Certaines considérations physiologiques donnent l'expli- 310 EUGÈNE MESNARD. cation de ces faits. Considérons, en effet, un bouton de fleur non encore épanoul. Les deux faces d’un même pétale ou sépale ne sont pas dans les mêmes conditions physiologiques. La face externe esl exposée à la lumière et à l'air, c’est-à- dire que le peu de chlorophylle qu’elle produit se trouvant dans de bonnes conditions pour résister, durera plus long- temps el ne se transformera pas en essence. Les pigments et les tannins, pour la formation desquels une longue exposition à la lumière est nécessaire, seront localisés de ce côté (1). La face interne étant, au contraire, cachée, la chlorophylle qui se forme de son côlé, ne pou- vant assimiler suflisamment, se modifiera rapidement et donnera des produits de transformation (tannoïdes), qui ne subiront l'influence de la lumière et de l'oxygène de Pair qu'au moment de l'épanouissement du bouton. À ce moment la fleur deviendra odorante. Il serait inexact de dire, que dans une fleur, toute l’es- sence s'élabore sur place, car parfois il est difficile de saisir le moment de la métamorphose de la chlorophylle dans la fleur, et elle devient même douteuse dans certains cas (Or- chidées). | On comprend alors le rôle que peut jouer un afflux plus ou moins grand des sucs chargés de matériaux susceptibles de produire de l'essence, sur la périodicité du dégagement de parfum. On connaît, en effet, plusieurs faits quimontrentbien l'influence des variations diurnes et nocturnes sur la turges- cence des {issus. M. Musset (2) a observé, sur la jeune feuille de Colocasia en préfoliation, c’est-à-dire enroulée, la projec- tion brusque des gouttelettes d’eau par une éjaculation conti: nue parfaitement rythmique, et qui s'effectue par une sorte de diastole et de systole. Ce phénomène ne peut s'expliquer que (1) Westermaier, Neue Beiträge zur Kenntniss der physiologischen Bedeutung des Gerbstoffes in den Pflanzengeweben (Bot. Centralb., XXXI). (2) Musset, De l’éjaculation de la sève aqueuse par les feuilles de Colocasia esculenta. — Schott, Nouvelle fonction idiosynhydrique (Mém. Acad. impér. sc., inscrip. et belles-lettres. Saint-Pétersbourg, 6° série, 1886). FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. DUT par la différence entre l'absorption pendant la nuit et la dé- perdition par les feuilles. Menière (1} a signalé, dans une Orchidée, le Coryanthes, l'émission d’un liquide abondant par deux petites cornes obtuses placées symétriquement à la base commune du gynostème et du labelle. On sait, d’ailleurs, que la nuit, ces sucs se produisent en plus grande abondance que dans le jour, car la perte d’eau par les feuilles est moins grande, puisque la chlorovaporisation n'existe pas (2). Le fait est général et, sans aller Jusqu'à l’émission de gouttelettes liquides, il se produit chez toutes les plantes, pendant la nuit, une augmentation dans la quantité des sucs, el un entrainement des produits odorants vers la périphérie. Ainsi doit-on s'expliquer pourquoi les plantes sont plus odorantes le matin que le soir ou dans l'après-midi. La lumière favorise le dégagement de l'odeur, mais elle exerce en même temps une action destructive. M. Charles Henry (3) dit, qu’en s'appuyant sur la volatilité des parfums sous l'influence de la chaleur, on explique que ee au grand soleil, les parterres sont inodores, tandis qu'à l'ombre les fleurs e hleht encore leurs parfums. Mais cette diffé- rence nest pas due à la volallité des parfums, ainsi que le prouve l'expérience suivante : Expérience. — J'ai placé deux bottes de Roses, aussi iden- tiques que possible, l’une à l’obscurité complète, l’autre à la [lumière diffuse, par une journée très claire. Des précau- tions étaient prises pour que la température ne variât pas dans les deux expériences. L'écran noir qui recouvrait l’une des bottes de Roses était disposé de telle facon que l'air pouvait se renouveler constamment, et se maintenir à la température ambiante. Au bout de quelques heures, la boite de Roses placée à (1) Menière, Sécrétion d’un liquide abondant par l'organe glandulaire cles Coryanthes (Bull. Soc. Bot., 1855). (2) Van Tieghem, Transpiration et chlorovaporisation (Bull. Soc. Bot., 1886). (3) Charles Henry, Les Odeurs. Conférence du 14 mars 1891 à la Bibliothè- que municipale professionnelle d'art et d'industrie, Forney. 318 EUGÈNE MESNARD. l'obscurité dégageait une odeur d’une intensité à peu près double de celle qui était exposée à la lumière, et pourtant la volatilité du parfum avait pu se produire dans un cas comme dans l’autre. : Il sera donc bon de cultiver certaines fleurs dans des con- dilions telles que la radiation lumineuse soit un peu atté- nuée. C’est ainsi que les Violettes que l’on cultive sous les arbres à Toggia([talie) sont plus odoriférantes que celles qui croissent en plein soleil. Le Muguet, le Chèvrefeuille donnent leurs parfums les plus exquis à l’ombre des grands bois. Les fleurs cullivées aux environs de Paris sont tout aussi odoriférantes, et quel- quefois même plus que celles qui sont récoltées sous le chaud soleil de la Provence. Je ne veux pas dire, pour cela, que l'influence de la radia- tion solaire soit nuisible et qu'il y ait quelque intérêt à la supprimer. On sait, au contraire, que les essences les plus parfumées contiennent un mélange, en assez forte propor- tion, de produits oxygénés. Or, la présence de la lumière est indispensable pour faciliter la transformation des carbures inférieurs simples en produits oxygénés. Mais il y a, comme dans toute chose, un juste milieu à tenir, qui doit varier avec les différentes plantes. Il faut, en somme, des conditions d'humidité et de fraîcheur suffisantes pour que les plantes se développent rapidement, et qu'elles soient maintenues dans un état de réplétion convenable, et une exposition à la radia- tion solaire assez forte pour favoriser l'élaboration des pro- duits odorants, mais insuffisante pour ne pas dépasser le but, et transformer ceux-ci en produits résineux de qualité infé- rieure. Il est évident, d’après cela, que si l'on connaissait d’une part, pour une fleur donnée, la composition de l'essence qui est susceptible de dégager du parfum avec le maximum d’in- tensité, et d'autre part, le degré de réplétion normale qui doit exister dans les tissus, on devrait pouvoir choisir l'ex- position et le mode de culture les plus convenables pour FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 379 se rapprocher du maximum de rendement des essences. Feuilles, — Les considérations précédentes ne peuvent guère s'appliquer aux espèces qui, comme les Labiées, éla- borent principalement les huiles essentielles dans leurs feuilles, et il est nécessaire de faire intervenir des explica- tions nouvelles. Tant que dure la période d'activité de la feuille chez les végétaux en général, la chlorophylle ne semble pas dispa- raître des cellules. Ce n’est que sur la fin de son existence, à l'automne, que le pigment vert subit une sorte de transfor- mation huileuse d’un autre genre, très comparable à la dé- générescence graisseuse qui frappe parfois les Lissus animaux. Cependant, cette chlorophylle s’use, chaque jour, au fur el à mesure qu’elle a servi aux puissantes actions chimiques qui se groupent sous un seul nom : assimilation chlorophyl- lienne. D'ailleurs, il ne peut pas en être autrement, et l’on ne s'expliquerait pas qu'un même agent chimique puisse conti- nuellement se régéuérer, au point de pouvoir servir à de nouvelles combinaisons, sans qu’il n’y ait Jamais aucun dé- chet. I est évident qu’à partir d’un certain moment le pro- toplasma chlorophyllien s’altère d’une manière ou d'une autre, et que l'énergie chimique des premiers jours doit s’af- faiblir de plus en plus. Donc, dans chaque cellule chlorophyllienne de la feuille il se produit une élimination de ce déchet de substance pig- mentaire, et c’est ce qui contribue à la formation des car- bures d'hydrogène odoriférants. Chez les plantes qui ont des feuilles étroites ou découpées, telles que certaines Labiées, certaines Ombellifères, le Géra- num rosat, etc., les grains de chlorophylle sont serrés les uns sur les autres dans un espace restreint. Là, les rem- placements se font vite, et la production de l'essence est abondante. Si, au contraire, le limbe est beaucoup plus élargi, le rôle dévolu à chaque chloroleucite est beaucoup moins important, et la production de l'essence est très faible; elle peut même ne pas exister ou échapper aux investigations. 380 EUGÈNE MESNARD. La formation de l'essence dans les tiges donne lieu aux mêmes observations. Fruits. — Sauf chez les Ombellifères, où j'ai cherché à mettre en relief Le rôle physiologique joué par les bandelettes sécrétrices, je n'ai pas eu à m'occuper Jusqu'ici des essences formées dans les fruits. Les réactifs qui pourraient servir à révéler l'existence des éfhers produits dans le péricarpe des fruits, ne sont pas encore connus. Dans une année chaude et très ensoleillée, comme celle que nous venons de traverser (1893), les transformations sont poussées très loin, et les fruits dégagent des odeurs qui sont parfois de véritables parfums DÉGAGEMENT D ODEUR PAR LES HUILES ESSENTIELLES RENFERMÉES DANS LES VÉGÉTAUX. Boerhaave et Frédéric Hoffmann regardaient les esprits rec- teurs des plantes comme étant d’une nature cosmique parli- culière. Plus tard, on a cru que l’arome dépendait seulement d'une buile essentielle volatilisée, et formant une sorte d'at- mosphère autour de la substance odorante. : Raspail a prétendu que l'atmosphère d’odeur qui régnait autour des plantes éloignait, par sa propre tension, la vapeur aqueuse de l'air, et protégeait contre l'humidité les organes de la reproduction. Il invoquait, pour cela, l'expérience bien connue, qui consiste à placer un morceau de camphre ou une goutte d'huile essentielle, sur une plaque de verre recou- verte d’une mince couche d’eau. Un instant après, on voit autour de ces corps odorants, des espaces parfaitement secs, parce que l’effluve odorant chasse l’humidité. Trinchinetti (1) fait également observer que les fleurs dont les organes particuliers sont les plus exposés aux agents du dehors sont celles qui peuvent dégager une odeur (Jasmin, OEillet, Eugenia); que les fleurs sont odorantes le malin, le (1) Cité par Morren, Mémoires divers, p. 395. FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 381 soir, la nuit, aux heures humides; que les fleurs naturelles protégées contre les vapeurs (les Campanules, la Digitale, l’Aconit, les Antirrhinum, etc.) sont peu odorantes; les fleurs dormantes ou celles qui changent de position la nuit, pour se prémunir contre l’humidilé, sont également inodores; enfin, les fleurs nocturnes sont toutes odoriférantes, parce que la nuit, dit-il, elles ont besoin des odeurs pour lutter contre l'humidité malfaisante. Ces considérations sont fort ingénieuses, mais elles sont susceptibles d'explications plus positives et mieux en rap- port avec les faits, ainsi que je l'ai montré plus haut. Et, s'il y a des fleurs plus spécialement odorantes le malin, le soir et la nuit, Trinchinetti attribue ce phénomène à l’action combinée de la lumière et de la chaleur qui dissipe le principe odorant pendant le jour. Il déclare que des fleurs qui sont odorantes la nuit le deviennent aussi le Jour, lorsqu'on les met dans un endroit frais et obscur. Cet auteur admet que la lumière du jour préside à l’élabo- ration du parfum de la nuit. « Le jour, dit-il, les stomates ouverts ne permettent pas la turgescence qui, ne se faisant que la nuit, serait nécessaire à la sécrétion des matériaux odorants, car les cellules, remplies alors de sucs, émettent des substances aromatiques peu à peu préparées le jour. » Comme on le voit, Trinchinetti avait, lui aussi, admis une relalion intime entre la périodicité des odeurs et les _mnodifications qui se produisent dans la turgescence des tis- sus ; mais il n'avait pas suivi, à l’aide du microscope, l'éla- boration progressive des matériaux odorants, et 1l était inca- pable d'expliquer tes faits par des raisons physiologiques simples. Toutes les plantes, à vrai dire, peuvent renfermer un pro- duit odorant. Si, par exemple, on froisse une feuille entre les mains, on perçoit une odeur, l'odeur de vert. Souvent, l'odeur augmente d'inlensilé si on fait dessécher la plante (Rose de Provins). Il en est de même pour les Graminées (Flouve odorante) dont l'odeur se développe par la dessicca- 382 EUGÈNE MESNARD. tion (odeur des joins coupés), et l’on peut, d’ailleurs, trouver tous les termes de transition entre l'odeur de vert et un parfum véritable. NATURE ET INTENSITÉ DES PARFUMS. Dans une série d'expériences sur la Mesure de l'intensité des par fums (1), que j'ai eu l’occasion de faire en suivant un autre ordre d'idées, Je me suis préoccupé de rechercher quel pouvait être le rôle effectif qui revenait à chaque unité de volume d’essence, le millimètre cube, lorsque je faisais agir sur la muqueuse olfactive, des mélanges de quantités d'essence de plus en plus petites avec une même masse d’air. J'ai pu constater qu'il s’établissait, sous ce rapport, des dif- férences considérables entre les parfums véritables, essence de Rose, de Néroli, d'Ylang-Ylang, de Citron même, et des produits qui sont plutôt odorants qu'odoriférants, et extraits principalement des parties vertes des feuilles, essence de Petit Grain, de Géranium de Provence, de Géranium des Indes, etc. Dans le premier cas, chaque molécule d’essence semblait mulüplier d'autant plus ses efforts, pour agir sur la muqueuse olfactive, qu'il y avait moins de molécules en présence pour exercer celle action. Dans le second cas, au contraire, cha- que molécule perdait de son EE dinoite en s'isolant davantage. Quelle est l'explication de ce phénomène? Peut-être les produits simplement odorants s’adressent-ils à [a sensibilité générale de la muqueuse, ainsi que pourraient le faire de l’Ammoniaque, de l'Éther, etc., tandis que le véritable Par- fum porterail son action sur la sensibilité spéciale de l'organe olfacüif. Ou bien, faut-1l supposer que les produits odorants sont des mélanges d’une nature particulière ? (4) E. Mesnard, Appareil nouveau pour la mesure de l'intensité des parfums. Comptes Rendus de l’Académie des Sciences, 19 juin 1898. FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 383 M. J. Passy (1) admet, en effet, que l'essence de Géranium est un mélange : 1° d’un parfum très puissant, très peu in- tense, agréable, et qui seul est perçu à la dose faible; 2° d’une odeur peu puissante, très intense, désagréable, qui masque le parfum dès que la dose augmente. Cette explication est probablement la vraie, dans le cas particulier du Géranium, car, d’après le mode de localisation des essences dans la feuille de cette plante, tel qu'il a été décrit plus haut, on comprend très bien qu’un pareil mé- lange puisse exister dans les produits obtenus par dislillation. Mais cette seconde hypothèse n'exclut pas la première qui est beaucoup plus générale et représente mieux l’en- semble des faits. Dans une publication récente (2), il m'a paru séduisant de considérer l’odorat comme un sens voisin du toucher et ne s'appliquant qu'au « toucher des subslances impalpa- bles ». Il y aurait, entre la perception d’un parfum véritable et celle d’une odeur proprement dite, la même relation qu'entre la sensation délicate, très Intense, parfois même intolérable, du « chatouiller », et la sensation relativement peu intense, due au toucher d’un corps qui s'applique da- vantage sur la peau. Plantes peu odorantes ou non odorantes. — En réalité, Ia solution du problème de l’origine du parfum dans les végé- taux n’est pas aussi simple qu'on pourrait le supposer. Beau- coup de plantes, en effet, ne sont pas odorantes, et pourtant la formation des composés tannoïdes, résidu de lassimilation chlorophyllienne, y est également très abondante. J'ai suivi pas à pas, par exemple, ia formation du latex dans le fcus elastica. La précieuse substance qui fournit le caoutchouc s'élabore dans les cellules chlorophylliennes des feuilles et même de l'écorce de la tige. Mais, au lieu de se déverser à (1) 3. Passy, Analyse d’une odeur complexe (Comptes rendus, 31 décembre 1892). (2) E. Mesnard, Étude critique et expérimentale sur la mesure de l'intensité des parfums des plantes. Revue générale de Botanique, 15 mars 1894. 384 EUGÈNE MESNARD. la périphérie des organes, elle alimente, au contraire, les réservoirs laticifères qui sont creusés dans l'intérieur des tissus. Il se produit en même temps, dans les mêmes cel- lules, une grande quantité de tannin. Les différentes subs- tances qui composent le latex subissent des transformations nombreuses et à peu près inconnues, à l'abri de l'air, et, si l’on vient à pratiquer une section dans une tige de Ficus elastica, le latex qui s’en écoule se résimifie au dehors, sans dégager aucune odeur appréciable. La même chose a lieu pour la plupart des plantes à latex. Ailleurs, il se produit du tannin, comme dans le Chêne, le Hêtre, le Pommier, le Poirier, etc., et il n’y a pas formation d'huile essentielle, les composés tannoïdes originels ayant été transformées en tannin. Quelquefois, lorsque la production du tannin, quoique abondante (1), reste cependant incomplèle, comme cela ar- rive dans certaines plantes herbacées de la famille des Com- posées, les espèces ne sont pas odorantes ou bien elles répandent une odeur désagréable, lannoïde (Matricaire, Helianthus, Chrysanthèmes, etc.) Quelques plantes de cette famille peuvent cependant pro- duire de l'essence (Absinthe), mais celles-ci ne renferment presque pas de tannin. Chez les plantes dont la fleur reste verte, la chlorophylle ne se transformant pour ainsi dire pas, on ne perçoit aucune odeur (Graminées). Pourtant chez les Graminées il y a déjà un commencement de production de substance odorante ; tout le monde connaît, en effet, l'odeur aromatique des foins coupés. Quelques espèces de Graminées produisent même un véritable parfum (Flouve odorante). | Influence de la couleur sur l'odeur dégagée par les plantes. — On à tout naturellement cherché à savoir s’il existait une relation entre la couleur des fleurs et le dégagement du parfum. | (1) Daniel, Tannin des Composées (Revue générale de Botanique, 15 sep- tembre 1890). FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 389 Cohler et Schlübert, qui ont noté la proportion des fleurs odorantes en tenant compte de la couleur, ont donné le tableau suivant : EE oo COULEUR. ESPÈCES. | ODORANTES. ne ere Blanches..... 1193 187 175 12 Jaunes....... 951 75 61 14 Rouges %....: 923 89 76 9 Bleuéss. :..::: 594 31 23 1 IMÉNARERS 307 23 17 6 Vertes....... 153 12 10 2 Oranges ..... 20 3 1 2 Brunes ...... 18 | » 1 De l'examen de ce tableau, il suit que les fleurs blanches sont les plus parfumées et les plus agréables à l’odorat, tandis que les fleurs orangées et brunes sont de peu d'utilité au parfumeur (1). Si l’on fait le rapport du nombre des espèces odorantes, au nombre des espèces de chaque couleur, on trouve : à | jaunes ——; vertes | / blanches —; —— : anches rouges 11,3° EX 1 6,37: 10,8° bleues 53 orange Tr: brunes à. Ces résultats peuvent s’interpréter dans le sens général de la théorie que je viens de développer. Les fleurs blanches, dans lesquelles la transformation de la chlorophylle en composés tannoïdes et en essence est susceptible de devenir complète, tiennent naturellement le premier rang. Exception est faite pour les fleurs de Marron- nier d'Inde, de Prunier, d'Amandier, etc., qui ne sont pas odorantes, parce que, dans les parlies vertes de l'arbre qui les porte, il se produit une très grande quantité de tannin. La coloration des fleurs jaunes est due à la æanthéine, (1) Piesse, Chimie des Parfums. ANN. SC. NAT. BOT. XVI, 25 386 EUGÈNE MESNARD. substance solide, molle et incristallisable qui, d'après M. Filhol, dérive de la chlorophylle. Or les fleurs colorées en jaune ne contiennent d'ordinaire qu'une faible quantité de zanthéine et cette substance se produit principalement dans des espèces qui ne renferment pas de tannin. Autrement dit, malgré la production du pigment jaune, il reste une large place pour la formation des huiles essentielles aux dépens de la chlorophylle. Rien d'étonnant à ce qu'elles oc- cupent le second rang. Dans les fleurs bleues ou rouges, les pigments dissous dans des goutteleites de consistance huileuse, viennent se rassembler dans les cellules de la périphérie en se super- posant aux huiles essentielles. Ces pigments nuisent au dégagement du parfum, peut-être en empêchant la volatili- sation. | Enfin, dans les fleurs orangées ou brunes, les pigments sont formés de xanthéine et d’autres substances solides riches en tannin. La production de l'essence est alors annu- lée, ce qui explique que les fleurs ayant cetle coloralion, occupent le bas de l'échelle. CONCLUSIONS GÉNÉRALES L'étude de la localisation des Huiles grasses et celle des Huiles essentielles, à l’aide de réactifs microchimiques appropriés, permet dénoncer un cerlain nombre de faits et de formuler quelques hypothèses destinées à interpréter ces faits. [. FORMATION DES HUILES GRASSES. 1° Sauf dans quelques cas particuliers (assise à gluten des Graminées), l'huile grasse ne se localise pas dans des assises spéciales de cellules. La matière grasse occupe indistincte- ment et en quantité plus ou moins grande, suivant les cir- constances, toutes les cellules d'une région déterminée d’un. organe végétal (albumens, embryons, pulpe de fruit, feuilles, rhizomes, elc.). | 2° Dans les graines, les matières albuminoïdes de réserve (gluten, fibrine ou caséines végétales) suivent le même mode de localisation que la matière grasse, et il paraît exister une. relation intime entre ces deux catégories de substances. En: fait, toutes les fois que l’on rencontre des matières albumi- noïdes en quantité notable dans les tissus, il est toujours possible de provoquer, par l’emploi des vapeurs d'acide chlorhydrique, l’apparilion de l'huile, même lorsque cette substance semble à première vue ne pas devoir exister. 3° Autant qu'on peut en juger par l'emploi des réactifs, l’'amidon de germinalion qui se dépose toujours dans les embryons des graines oléagineuses en voie de germination se montre très indépendant de la réserve d'huile. | Dans la plupart des cas, au contraire, il semble exister un lien intime entre la matière amylacée de can el les matières albuminoïdes de réserve. ; 4° Les matières albuminoïdes de réserve étant en relalion, : d’une partavecla matière grasse de réserve, d'autre part avec 388 EUGÈNE MESNARD. l'amidon de germination, jouent un rôle prépondérant au moment de la formalion et pendant la germination des graines oléagineuses. De fait, l'huile n’est jamais révélée dans les ré- serves qui se forment au moment de la maturation de la graine, qu'après qu'il s’est produit un abondant dépôt des matières albuminoïdes de réserve. Au moment de la germination, ces deux catégories de substances pénètrent en même temps, et progressivement, dans les tissus de l’embryon, mais la consommation des matières azotées se fait plus rapidement et d’une manière plus complète que celle des matières grasses. 5° Dans beaucoup de cas, pulpe de fruits, feuilles, tiges, etc., l'huile grasse s’accumule dans les cellules et sans qu'il y ait dépôt simultané de matières albuminoïdes. Cette observation démontre l'indépendance absolue de ces deux sortes de substances, quant à leur origine. On remarque également que l'huile grasse, de formation libre, se produit toujours au sein du protoplasma chlorophyl- lien des parties vertes. 6° La dislocation des réserves oléagineuses ne paraît pas être l’œuvre d’une diastase spéciale (saponase). La malière grasse disparait, en effet, et progressivement, dans les tissus de l'embryon, mais la consommation de cette substance parail toujours réglée par les besoins de l'embryon. Parfois, la matière grasse disparaît au milieu des cellules et en des endroits déterminés. Cette disposition est parfaitement loca- lisée et elle correspond toujours à la formation de tissus nouveaux (assise en palissade, vaisseaux en voie de forma- tion, etc.). Il semble bien difficile d'admettre que l'existence de la saponase soit subordonnée à la loi de formation qui préside à la naissance des tissus. Les études microchimiques ne sont pas encore assez avan- cées pour qu'on puisse toujours énoncer des conclusions absolues. Au moins, dans beaucoup de cas, l'observateur est obligé de suivre attentivement l'évolution d'une série de FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 3839 réactions successives, qui ne diffèrent souvent entre elles que par des quantités de plus ou de moins. Il s’en suit que, dans l'énoncé de beaucoup de résultats, une large part doit être laissée à l'interprétation. C'est ce qui se produit au sujet des considérations suivantes : 1° De l’ensemble des observations que j'ai pu faire, il me paraît raisonnable d'admettre que les matières albuminoïdes, convenablement hydralées par les sues de la plante, consti- tuent un milieu dissolvant qui entraîne l'huile grasse formée dans les tissus jusque dans les réserves des graines. Au mo- ment de la formalion des graines d’aleurone qui sont, comme on le sait, des hydroleuciles albuminifères desséchés, les malières albuminoïdes (cristalloïdes) se séparent, par perte d'eau, de la matière grasse qui peut alors se résoudre en gouttelettes. Au moment de la germination de la graine, l'inverse se produirait el les matières albuminoïdes, ayant repris la quan- tité d’eau nécessaire, seraient susceptibles d'entraîner à nouveau la matière grasse. 2° Dans cet ordre d'idées, les matières albuminoïdes rempliraient le rôle de diastases. Dans l'étude de la germi- nation des semences de Graminées (Blé, Maïs, elc.), qui doi- vent être considérées comme des graines oléagineuses (lembryon et l'écusson), pourvues d’une réserve extérieure d'amidon (albumen), on trouve différents termes du degré de perfectionnement que peuvent atteindre les matières al- buminoïdes pour pouvoir digérer les réserves : a. Matières albuminoïdes de l’écusson chargées d'entraîner l'huile de réserve de cet écusson et l’amidon transitoire qui s’y dépose pendant la germination; b. Matières albuminoïdes de l’assise à gluten qui se répan- dent peu à peu sur la périphérie de l’albumen amylacé; c. Véritables diastases, de nature albuminoïde, secrétées par un épiderme spécial, et qui provoquent la digestion de la plus grande partie de l’amidon de réserve. 3° L'origine de l’amidon transitoire n’est pas déterminée. 390 EUGÈNE MESNARD. Si l’on écarte, comme je l'ai fait, l'hypothèse de M. Sachs qui admet la formation de l’amidon de germination aux dépens de l'huile, pour attribuer le rôle prépondérant aux matières albuminoïdes, on arrive à formuler un certain nombre d'hypothèses toutes également plausibles : a. L’amidon de germination provient des matières albu- minoïdes de réserve par dédoublement. b. L’amidon de germination provient de la transformation des matières cellulosiques (lamelle interne de Gilson) des cloisons cellulaires ; c. La malière amylacée existe Loute formée, dans les cel- lules, mais comme elle ne prend pas la forme figurée, elle échappe à l’action de l’iode. IT. FORMATION DES HUILES ESSENTIELLES. 1° L'huile essentielle des fleurs se trouve généralement localisée dans les cellules épidermiques de la face supérieure ou interne des pétales ou des sépales. Mais ce produit peut exister dans les épidermes des deux faces, surtout lorsque les pièces florales sont en totalité ou en partie complètement abritées, dans le bouton, contre l’action de l'air et de la lumière. La face inférieure ou externe, des pétales ou des sépales, renferme ordinairement des composés du tannin ou des pigments. Certaines fleurs (Tubéreuse, Muguet, elc.), renferment cependant un peu plus d'essence dans l’épiderme externe que dans l’épiderme interne. 2° L'huile essentielle qui s’élabore dans les feuilles s’accu- mule généralement dans les cellules épidermiques de la face supérieure ; elle peut même s’extravaser sous la cuticule. Fréquemment on trouve un peu d’essence dans l'épiderme de la face inférieure. 3° L’épiderme des tiges de certaines plantes odorantes (Labiées, Ombellifères) est également un lieu d'élection du parfum. Ilen est de même pour l’épiderme du péricarpe de cerlains fruils (Ombellifères). FAR FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. ai 4° L'accumulation de l'essence dans les épidermes de dif- férente nature est un fait général qui vient s'ajouter aux exemples déjà décrits de localisation du parfum : glandes odorantes ou poils des Labiées, poches sécrétrices des Citrus el des Æypericum, canaux sécréteurs des Ombellifères, etc. L'expérience m'a prouvé que le véritable parfum de la fleur d'Oranger était dégagé par l'essence de l’épiderme interne et non par l'essence renfermée dans les poches sécrétrices. Ce dernier produit est une essence de qualité inférieure. J'ai également montré que chez les Ombellifères, l'essence se produisait en dehors des canaux secréteurs -el que le produit odorant pouvait même exister en l’ab- sence de tout canal secréteur. 5° Le protoplasma chlorophyllien semble, dans tous les Cas, donner naissance à l'huile essentielle. Parfois cette transformation paraîl se produire, sur place, soil dans les cellules en palissade de la feuille, soit au moment de l’épa- nouissement du bouton de la fleur. Dans d’autres circons- tances la transformation de la chlorophylle, dans la fleur, paraît insuffisante et le produit odorant provient, déjà par- tellement élaboré, des tissus plus lointains, de la feuille où de la tige. 6° Le premier degré de la transformation de la chloro- phylle est représenté par des composés tannoïdes, sur la nature desquels je ne me suis pas prononcé, et qui donnent également naissance au tannin et aux pigments colorés. Mais la production de l'essence est très rapide et se fait d’une facon presque immédiate, tandis que celle des pigments demande une longue exposition à la lumière et à l'air. 7° Les fleurs des Orchidées, qui sont susceptibles, comme on le sait, d'émettre des odeurs par intermittence, ne pré- sentent pas de dispositions spéciales qui puissent les distin- guer des autres plantes à parfum. Des variations d'intensité ou même de composition d’essence se produisent également chez les autres plantes, mais le phénomène peut être plus ou moins marqué. 392 EUGÈNE MESNARP. Les réactions microchimiques, on le sait, ne fournissent pas toujours des résultats absolus. Elles laissent, lorsqu'on a fait de longues observations, certaines impressions qui prennent dans l'esprit la force de vérité, mais qu'il est prudent néanmoins de ranger, jusqu’à nouvel ordre, dans la catégorie des hypothèses. Telles sont, au sujet du travail actuel, les considérations suivantes : 1° Il faut admettre que le pigment chlorophyllien, sans cesse soumis aux puissantes actions chimiques de l’assimila- tion, et sans cesse régénéré, abandonne un déchet, véritable produit de désassimilation, qui.se transforme d’abord en composés fannoïdes intermédiaires, puis en huiles essen- tielles. Cette substance représente donc un produit d'ex- crélion. 2° La production de l’essence, aux dépens de la chloro- phylle, peut se produire de différentes manières suivant les circonstances. a. Dans les fleurs, la chlorophylle, qui se trouve primitive- ment dans le bouton, ne devant plus jouer aucun rôle, se transforme en huile essentielle. La production de l'essence se fait alors, de préférence, dans les parties du bouton, les mieux abritées contre l'air et la lumière, c’est-à-dire dans l’épiderme de la face interne ou des parties marginales de la face externe, des sépales ou des pétales. b. Si l’origine de l’essence est plus lointaine, c’est-à-dire si les composés tannoïdes arrivent déjà tout formés dans la fleur (Tubéreuse, Muguet, etc.), l'essence peut s’accumuler dans l’épiderme de la face externe des pièces florales du bouton, et cela d'autant plus facilement, que les huiles grasses et les sucs, qui existent en même temps dans les cel- lules, ont une tendance à se porter vers cette face externe. c. Dans les feuilles, la transformation se fait sur place, ce qui explique que la plus grande quantité de l'essence produite s’accumule dans l’épiderme de la face supérieure, car c’est de ce côté de la feuille qu'il y a le plus de chlorophylle et que les radiations lumineuses agissent le plus. FORMATION DES ESSENCES DANS LES VÉGÉTAUX. 303 3° Si l'on tient compte de l’importance du contenu cellu- laire dans la production et le transporl des produits odorants élaborés dans les tissus éloignés, et qui se forment, commeon le sait, plus abondamment la nuit que le jour; et si l’on fait intervenir en même temps l'influence de l'exposition à l’air ei à la lumière qui favorise le dégagement du parfum, on s'explique très bien les modifications de l'intensité el de la nature même du parfum à différents moments de la journée, le matin et le soir principalement. 4° Les produits de désassimilation de la chlorophylle ne fournissent pas que de l'huile essentielle. Ils forment, en même temps, du tannin, des matériaux pour le latex, des pigments colorés, de sorte qu’il est facile de s’expliquer pourquoi certaines plantes n’ont pas d’odeur, pourquoi les fleurs à pétales blancs sont le plus souvent odorantes, pour- quoi les fleurs orangées ou brunes ne le sont que plus rare- ment. Comme on le voit, les recherches que j'ai poursuivies dans deux voies différentes, Recherches sur le mode de localisation des Huiles grasses, el Recherches sur le mode de localisation des Huiles essentielles, m'ont permis d'examiner, en même temps, un certain nombre de substances qui se trouvent réu- nies dans les mêmes cellules. Tous ces faits, convenable- ment groupés, sont de nature à nous éclairer, dans une certaine mesure, sur l’histoire du contenu cellulaire. D'un côté, nous voyons les produits de désasshmilation, les composés tannoïdes, donner naissance soit, d’une manière presque immédiate, à des huiles essentielles et à leurs dé- rivés, soit, après une série plus ou moins longue de transfor- malions encore inconnues, à des tannins et à des pigments. De l’autre côté, la cellule chlorophyllienne, par suite de son activité vitale et de sa faculté d’assimilation, donne naissance à de l’huile grasse libre ou à de l'huile grasse accompagnée de matières albuminoïdes, entraînées les unes avecles autres jusque dans les réserves de l’albumen ; ou encore à des 394 EUGÈNE MESNARD. glucoses et aux substances qui en dérivent, susceptibles elles mêmes, de venir également participer à la formation des réserves. | Enfin, il peut se former une sorte de production commune, le latex, où les substances d’assimilation, et celles de désas- similation, se trouvent parfois réunies. On peut, si l’on veut, traduire cetle répartition des subs- tances, issues de la cellule chlorophyllienne, par le schéma suivant, dans lequel des lignes plus ou moins longues indi- quent des transformations d'une durée plus ou moins grande. - Huiles grasses et | Jennine — Pigments colorés Sucre matières albuminoïdes ] A de réserve ] Amidon.—Glucose / 7 | 7 4 | / | 7 7 / (latex) | 1 lluiles essentielles y Baumes — Résines 7 \ Le N Composés tannoïdes Production d'huile — XX N 7 intermédiaires grasse libre (Produits d'assimilation) | (Produits de désassimilation) Cellule chlorophyllienne Qu'il me soit permis, en terminant, d'adresser mes plus sincères remerciments à M. Gaston Bonnier, qui, non content de meltre à ma disposition toutes les ressources de ses Laboratoires de la Sorbonne et de Fontainebleau, soit pour les expériences, soit pour la culture des plantes, n'a cessé de m'adresser des encouragements de toutes sortes durant le cours de ce travail. | EXPLICATION DES FIGURES PLANCHE VII. Fig. 1. — Ricin en voie de germination. Coupe transversale passant par le milieu de la graine, montrant la localisation de l'huile grasse et des sub- stances albuminoïdes de réserve dans un cotylédon c, et dans une por- tion de l’albumen «. Fig. 2. — Ricin en voiv de germination. Coupe longitudinale intéressant l'embryon e, et la base de l’albumen «a. Fig. 3. — Arachide en voie de germination. Coupe de 1 ‘albumen montrant la digestion des substances de réserve au niveau d’un vaisseau v. Fig. " — Chanvre en voie de germination. Coupe transversale d’un cotylédon dans lequel l’assise en palissade est déjà très développée. Fig. 5. — Coupe longitudinale d’un grain de Blé sur le point de germer; g, assise à gluten; a, albumen amylacé; e, épiderme absorbant sécrétant des diastases; sc, écusson rempli d'huile; r, radicule; f, f, premières feuilles. Fig. 6. — Coupe longitudinale d'un embryon de grain de Blé à une phase très avancée de la germination; g, assise à gluten; se, écusson presque entièrement dépourvu d'huile; e, épiderme absorbant dont les cellules cylindriques se sont considérablement allongées ; f, feuille; r, r»”, radi- celles. Fig. 7. — Coupe pratiquée dans une olive encore très jeune; p, pulpe ren- fermant de l'huile et de la chlorophylle; m, cellules scléreuses du méso- carpe ; a, cellules de l’albumen renfermant déjà un peu d'huile et des matières albuminoïdes de réserve. Fig. 8. — Coupe transversale pratiquée vers le milieu d’un très jeune em- bryon de Blé; c, couche verte; 0, paroi de l’ovaire remplie d’amidon; _g, cellules de l’assise à gluten. L’albumen n’est pas encore formé. Fig. 9. — Coupe longitudinale du même embryon. Fig. 40. — Coupe longitudinale d’un embryon de Blé un peu plus âgé; 6, cou- che verte; 0, paroi de l'ovaire; €, embryon; g, assise à 'gluten; r, raphé par lequel arrivent les matières albuminoïdes qui pénètrent dans la cavité de lalbumen en traversant la couche verte un peu plus loin. L’albumen renferme déjà de l’amidon de réserve. 396 EUGENE MESNARD. PLANCHE VIIT. Fig. 1. — Coupe longitudinale d’un pétale de Rosa centifolia. L’'essence se trouve localisée dans les cellules épidermiques papilliformes de la face interne. Les cellules épidermiques externes contiennent des composés tannoïdes et des pigments. Fig. 2. — Coupe longitudinale d’un pétale de Viola odorata, pratiquée près de la base de l'organe. L’essence localisée dans les cellules épidermiques de la face interne tient en dissolution une certaine quantité de pigment violet, qui se colore en rouge vif sous l'influence des réactifs. Fig. 3. — Coupe schématique d’un bouton de Lilium candidum avec la dis- tribution réciproque de l’essence et de la chlorophylle. Fig. 4. — Coupe schématique d’un pétale isolé et un peu grossi du même échantillon. Fig. 5. — Coupe transversale d’un pétale de Convallaria maïalis. L’essence, légèrement tannoïde, se localise de préférence dans les cellules de l’épi- derme externe. Fig. 6. — Coupe transversale d’un pétale du même échantillon pris à un état moins avancé. L’essence à peine formée est encore mélangée de pro- duits tannoïdes d’origine chlorophyllienne. Fig. 7. — Coupe transversale d’une pétale de Polyanthes tuberosa. L'essence existe en plus grande abondance dans les cellules de l’épiderme de la face externe que dans celles de l’épiderme de la face interne. Cette fleur renferme des tannins et de la matière grasse. Fig. 8. — Coupe longitudinale d’un pétale de Narcissus poelicus. L’essence, bien élaborée, sé rencontre dans les cellules épidermiques de la face interne et dans l’épiderme externe de la collerette. L’épiderme externe du pétale renferme de l'essence mélangée à des composés tannoiïdes. Fig. 9. — Coupe longitudinale d’un pétale d'Hyacinthus orientalis. L’essence est principalement localisée dans les cellules de l’épiderme interne, en particulier dans des cellules allongées en massue, situées vers l’extré- mité du pétale. L’essence de l’épiderme externe est moins bien élaborée. Fig. 40. — Coupe transversale du même. Fig. 11. — Cellules en massue vues à un plus fort grossissement. Fig. 12. — Coupe d’un sépale de Mormodes punctatum. L’essence, encore mal élaborée, est fortement mélangée de pigments rouges ou violets. Toutes les cellules du mésophylle renferment de la chlorophylle. Fig. 13. — Coupe transversale d’un pétlale pris dans un bouton à peine épanoui de Mormodes punctatum. L’essence est localisée en grande abon- dance dans l’épiderme interne. La chlorophylle occupe les cellules qui avoisinent le bord du pétale. Il y a même à cette place plusieurs rangées de cellules contenant de l’essence. Gà et là on aperçoit quelques raphides d'oxalate de chaux. Fig. 14.— Coupe transversale d’une partie du labelle de Mormodes punctatum. L’essence est contenue dans les cellules épidermiques digitiformes de la face interne. Il en existe un peu moins dans les cellules aplaties de la face interne. On remarque beaucoup de granulations de cire dans Îles cellules du mésophylle. Fig. 15. Mormodes Rolfeanum. Coupe représentant quelques cellules très grossies, situées près de la marge d'un pétale, On distingue très bien la formation de l’essence aux dépens de la chlorophylle. EXPLICATION DES FIGURES. 397 Fig. 16. — Mormodes Rol/eanum. Coupe d'une partie de gymnostème. L’es- sence semble se perdre peu à peu dans une frange de cellules nectari- fères produisant du sucre el de la cire. Fig. 17. — Odontoglossum Boddaertianum. L'essence, peu abondante dans les cellules épidermiques qui occupent la partie centrale des pétales, se trouve en plus grande quantité dans les cellules marginales du même épiderme. Fig. 18-19. — Odontoglossum Rossi. Coupe pratiquée à deux niveaux diffé- rents d'un même pétale. Les cellules épidermiques plus allongées que d'ordinaire ne renferment aucune trace d’essence. La plante est inodore. Fig. 20. — Vandas suavis. Coupe d'un pétale. L'essence envahit plusieurs rangées de cellules en épaisseur et il y a tendance à la formation de vé- ritables amas odorants. PLANCHE IX. Fig. 1. — Coupe transversale d'un pétale de Citrus Aurantium. L’essence véritable de Néroli se trouve localisée dans les cellules épidermiques papilliformes de la face interne. L’essence contenue dans l’épiderme externe est mélangée de composés tannoïdes. Les poches sécrétrices ren- ferment une troisième sorte d'essence. Çà et là, dans le mésophylle et principalement dans le voisinage des vaisseaux v, on voit des cellules contenant un tarnin particulier. Fig. 2. — Poche sécrétrice de Citrus Aurantium vue à un plus fortgrossissement. Fig. 3. — Coupe pratiquée dans l'écorce d’uu jeune fruit de Citrus Auran- tium. Les poches sécrétrices sont disposées sur plusieurs rangées, Fig. #. — Feuille du Pelargonium quercifolium. L’essence se trouve localisée dans des poils sécréteurs de différentes formes et dans les cellules épi- dermiques des deux faces. L'essence élaborée par les cellules de l’assise en palissade et qui s’amasse dans les cellules épidermiques externes est davantage mélangée de produits tannoïdes. Fig. 5. — Coupe de tige de Caærophyllum aromaticum. Indépendamment de _ l'essence localisée dans les cellules de l’épiderme, il s’en forme d’autres à l’intérieur de l'écorce, qui s'accumule dans les canaux sécréteurs placés en arrière des amas de collenchyme. Fig. 6. — Fragment de feuille de Chærophylium aromaticum. L'’essence éla- borée dans les tissus en palissade de la face supérieure de la feuille, se concrète en masses tabulaires allongées sous la cuticule. Fig. 7. — Coupe d’un fruit de Myrrhis odorata. L’essence est localisée dans toutes les cellules épidermiques. Il n’y a pas de bandelettes sécrétrices. L’albumen renferme des matières albuminoïdes de réserve et de l'huile grasse. Fig. 8. — Molopospermum. Fragment de tige affectant la même disposition que dans le Chærophyllum aromaticsum. _ Fig. 9. — Molopospermum. Portion de fruit. Les bandelettes sécrétrices lar- _ gement ouvertes, recueillent l’essence produite dans l'épaisseur de l'écorce, aux dépens du protoplasma chlorophyllien. Fig. 10.— Daucus Carota. Fragment de fruit. Les bandelettes, de section trian- gulaire, situées à la base des piquants, recueillent l'essence formée dans les cellules de l'écorce. Entre les rangées de piquants se trouve une rangée de poils sécréteurs possédant, à leur base, plusieurs cellules sécrétrices. 398 EUGÈNE MÉNARD. Fig. 41. — Thymus Serpyllum. Portion de feuille montrant un poil sécré- - teur sphérique logé dans une dépression de la surface. Fig. 12. — Portion de feuille d’Origanum vulgare. L'essence, fortement mé- langé de produits tannoïdes, est élaborée par les cellules en palissade. Toutes les cellules chlorophylliennes élaborent en même temps de l'huile rasse. ie 13. — Mentha rotundifolia. Portion de tige montrant l'écorce localisée dans toutes les cellules épidermiques, indépendamment des poils sécré- teurs qui peuvent exister sur la surface. TABLE DES MATIÈRES . CONTENUES DANS CE VOLUME Recherches sur la chaleur végétale, par M. Gaston Bonnier eine 1 Recherches sur la zone périmédullaire de la lige, par M. Léon Flot.. 37 Recherches anatomiques sur les Cryptogames vasculaires, par MGeorces Poirault..-2,..1....3 RU de nico ue sas ca iat 115 Recherches sur la formation des huiles grasses et des huiles essen- tielles dans les végétaux, par M. Eugène Mesnard................ 257 TABLE DES ARTICLES PAR NOMS D'AUTEURS Bonnier (G.). — Recherches sur la chaleur végétale................ 1 FLOT (L.). — Recherches sur la zone périmédullaire de la tige....... 37 MESNARD (E.). — Recherches sur la formation des huiles grasses et des huiles-essentielles dans des végétaux... ...........,.:.,.2., 257 Poirauzr (G.). — Recherches anatomiques sur les Cryptogames vascu- laires TABLE DES PLANCHES ET DES FIGURES DANS LE TEXTE CONTENUES DANS CE VOLUME Planches I et IL. — Mesure de la chaleur végétale. Planches II à VI. — Structure de la zone périmédullaire. Planches VII à IX. — Huiles et essences des végétaux. Figures dans le texte 1 à 43. Structure des Cryptogames vasculaires. Conseiz. — Imprimerie Év. Créré. Ann.des Seienc. nat. 7° Wérée. | Bot. Tome 18. PL. 7. É ÿ ", ÆMesnard del. . E Masson Editeur Leuba sc. localisation des Huiles grasses. S - D UE # £ Ann.des Science. rat. FT Wérie.. * | Bot. Tome 18. PL. €. Ka RAT ZMesnara dei. G. Masson Editeur. Localisation des Huiles essentielles Roms ni E A Ne 17 Va eee LEARN SE PET Er ns RUE ES me id SP A K L RAA AR AE De DOI) Bot: Tome18. PL 9. -_ Ann.des$cienc.nat.7! Série. À RS NS = CT Y- AA See CS é.je AN P N e: cd (Den (] HA CEA 4 } : EX ÉRIC “eee : TIC ) È ET MOT PEN TT naus DNA MEN EN ; ‘ ( k (A6 Fe" I l f ] ji R 1 2 ù J f g F AUS ÿe “ à - : Æ Mesnard dei ‘ G Masson Editeur. HEUGE Se è ES L g k f (4 l & ar ke € ; ; ; Le ] | Localésation des Huiles essendielles. RCE . Fe imp'® Lemercier, Paris Aer Rose ei ï 4 RER Tete ARTE Ein A 7 = À > Vo oo eo © 7" 7 # CR TC DA DA hf A Vpn mn 7 Dee AN Jr Ve 1 2 un