ANNALES DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. 14 WNNALES DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE, PAR LES PROFESSEURS DE CET ÉTABLISSEMENT. OUVRAGE ORNÉ DE GRAVURES, TOME DIXIÈME. À PARIS, cuez TOURNEISEN ris, LIBRAIRE ; RUE DE SEINE, FAUBOURG SAINT-GERMAIN. N.° 12. 1807. NOMS DES PROFESSEURS. Messieurs , HAUY ,: - 15 © 2 Mumnéralopie. Fauras-SaiNT-Fonp . Géologie, ou Histoire naturelle du globe. Fourcroy. . . . . Chimie générale. VAUQUELIN . . . . Chimie des Arts. DESFONTAINES . . . Botanique au Muséum. A.L. Jussieg . . . Botanique à la campagne, A.THouiN . . . . (Cultureet naturalisation des végétaux. GEOFFROY.-ST.-H1LAIRE. Mammifères et oiseaux . . . . . LAcÉPÈDE. . . . . Reptileset poissons. . . . . . . + Ansgctes, coquilles, madrépores, etc. . Zoologie. LAMAROK URI PorRTAL . . . . . ‘ Anatomie de l'homme. CUVIER . . . . . Anatomie des animaux. Iconographie, ou l’art de dessiner et de peindre les productions de la nature. Secrétaire de la Société des Annales. VANSPAENDONCK . . DrrEUzE CG 2 RE ANNALES DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. EXPÉRIENCES FAITES SUR DES OS Retirés d’un tombeau du onzième siecle, trouve dans le sol de l’ancienne église de Sainte- Geneviève à Paris. PAR MM. FOURCROY ET VAUQUELIN. M. AvexaNDRE Lenoir, administrateur du Musée des monu- mens françois, appelé aux fouilles faites, il y a deux mois dans la vieille église Sainte-Geneviève pour la recherche des tombeaux de Clovis, etc., nous a remis quelques fragmens des os d'un squelette trouvé dans un tombeau en pierre placé vers le milieu des bas-côtés de la nef de cette église, On fait remonter lantiquité de ce tombeau au onzième siècle. Ainsi les os dont il est question peuvent avoir sept centsans , 10. 1 2 ANNALES DU MUSEUM et il paroït que le corps dont ils faisoient partie n’a point été déplacé, depuis cette époque , du sarcophage où il avoit été déposé. Ce tombeau étoit fermé par une pierre très-épaisse servant de couvercle. Lorsqu'on la enlevée, la totalité du squelette, avec une apparence de conservation , présentoit des os colorés et environnés d’ure efflorescence saline si remarquable, que M. Lenoir crut qu'ils pourroient nous offrir quelques faits importans, et il a bien voulu nous en remettre plusieurs fragmens. Ces os sont en général extrêmement fragiles : 1l suffit de les presser légèrement avec les doigts pour les briser. Cette fragilité est encore beaucoup plus marquée dans la tête des os longs, à cause de la grande porosité du tissu cellu- laire. C'est sans doute en raison de cette propriété, qu’on a dit des squelettes trouvés dans des anciens tombeaux , qu'ils se réduisoient en poussière lorsqu'on les exposoit à l'air et qu'on les touchoit. La couleur de ces ossemens est pourpre, à peu près comme de la lie de vin desséchée; elle est infiniment plus intense dans le corps de ces os que dans leur tête, où elle est brunätre. La surface de ces os est partout recouverte d’une grande quantité de cristaux blancs et brillans , qui ont abord été pris pour du sulfate de chaux ; dont ils ont toutes les propriétés apparentes. Il n’y a pas lieu de douter que ce sont ces cris- taux qui, en se fornrant dans la matiére-osseuse, en ont sou- lévé les limés et leur ont donné la grande fragilité dont nous venous de parler. Le siniguliér ‘état de ces os, leur bélle co- loration, leur fragilité, la masse de cristaux dont ils étoient entourés , nous ont engabés à en faire une analyse soignée, et + P'HISTOIRE NATURELLE. 3 cela nous intéressoit d'autant plus, que nous n'avions rien vu de semblable dans les os les plus anciens du cimetière des Innocens, que nous avous eu occasion d’analyser il y a vingt ans. Ces os, réduits en poudre et traités avec 300 parties d’eau bouillante, lui ont communiqué une couleur rouge vive et agréable. La décoction rougissoit très-sensiblement le papier teint avec le tournesol; ce qui y annoncçoit un acide libre. Mélée avec de l'ammoniaque , elle a perdu à linstant sa cou- leur rose, et il y est formé un précipité verdâtre qui est de- venu bleu en séchant. La base de ce précipité étoit du phos- phate de chaux. La matière des os qui avoit ainsi bouilli avec 300 parties d’eau, avoit diminué des 35 centièmes de son poids : la cou- leur pourpre en étoit smgulièrement affoiblie. La portion restée après l’action de Peau s’est en grande partie dissoute dans l'acide nitrique foible , sans aucune effervescence : il n’y a eu pour résidu que quelques centièmes de matière formée de sable et de membranes animales de couleur brune, Ce qui a été dissous par l'acide nitrique n'étoit que du phos- phate de chaux mêlé d’une petite quantité de matière colo- ranle rouge. Un fragment du corps d’un de ces os longs, plongé dans Vacide nitrique foible , a été bientôt dissous ; il n’a laissé qu’une matière rouge et molle qui retenoit à peu près le volume et la forme du fragment. Cette maüère s'est dissoute dans l’al- cool, et lui a communiqué une tres-belle couleur rouge, dont le ton ressembloit absolument à celui de l’oreiile dissoute dans le même liquide. Après cette action de l'alcool , il est resté des flocons bruns manifestement dus aux débris de la partie 1 * 4 ANNALES DU MUSÉUM membraneuse des os échappés à la décomposition complète. Ainsi la substance qui donne la couleur pourpre à ces os est soluble dans l'alcool et dans l’eau. Les alcalis mélés à cette substance lui font prendre une très-belle couleur verte, dont la nuance ressemble à celle que l'on observe dans certains bois pourris. Cette dernière, en se dissolvant dans l'alcool , lui commu- nique aussi une couleur pourpre foncée; mais elle a cela de particulier qu’elle redevient verte par les acides, tandis que celle des os, verdie par les alcalis, reprend sa couleur rouge par les acides. Sans prétendre assigner ici d’une manière positive l’origine de cette matière colorante, nous pensons cependant qu’elle est due à la substance animale des os, décomposée par une lente putréfaction. On voit en effet beaucoup de matières or- ganiques produire par leur décomposition spontanée des cou- leurs qui n’y existoient pas auparavant. Nous avons décrit nous-mêmes une couleur qui paroïît fort analogue à celle des os anciens, et qui s’est développée dans le gluten de froment par la putréfacton. Quant aux cristaux blancs et brillans dont nous avons parlé plus haut et qui se trouvent tant à la surface des os qu’ entre leurs lames soulevées, nous nous sommes assurés par plusieurs essais que nous rapporterons sommairement , qu'ils sont for- més de chaux, d'acide phosphorique et d’un peu de magnésie, qu'ils sont par conséquent du phosphate de chaux et de ma- gnésie. L'état lamelleux de ces cristaux, leur brillant et leur flexibilité sous les dents, nous avoient fait soupconner d’abord que c’étoit du sulfate de chaux, dont l'origine, au fond de tom- beaux de pierre, nous embarrassoit beaucoup. Ayant séparé D'HISTOIRE NATURELLE. 5 avec grand soin un gramme de ces cristaux isolés des lames osseuses eL colorées, nous les avons mis avec une petite quan: tité d'acide nitrique affoibli, qui les'a dissous avec autant de facilité que de promptitude. Leur dissolution, étendue d’eau, n'a pas été précipitée par le nitrate de baryte; ce qui n’au- roit pas manqué d'arriver si cette matière eût été du sulfate de chaux : mais elle a été précipitée par l’ammoniaque en flo- cons abondans. Ce sel se fond à la flamme du chalumeau beaucoup plus facilement que le sulfate de chaux : il répand, lorsqu'on le tient long-temps fondu , une lueur phosphorique, et forme un verre demi-transparent; ce qui léloigne beaucoup du sul- fate de chaux. Quelques-unes de ces propriétés nous firent d’abord prendre ce sel pour du phosphate deimagnésie; mais nous reconnümes bientôt qu'il les devoit à son excès d'acide. Une fois assurés que cette matière saline étoit composée de chaux, d'acide phosphorique et d’un peu de maguésie il nous restoit à déterminer pourquoi cette combinaison saline étoit aussi abondamment soluble dans l'eau. Pour y parvenir, nous en avous fait bouillir à plusieurs reprises avec {oo parties d’eau à chaque fois. La premiere eau avoit une couleur légere- ment rosée. Cette eau rougissoit très-fortement le papier teint avec le tournesol ; elle étoit abondamment précipitée par l'am- moniaque et par les autres substances alcalines. Ces précipités examinés nous ont présenté toutes les propriétés du phosphate de chaux neutre. Apiès avoir précipité par lammoniaque une assez grande quantité de la dissolution de cette matière dans l'eau, nous avons fait évaporer la liqueur jusqu’à siceité, Nous avons obtenu 6 ANNALES DU MUSEUM une matière brune, visqueuse, acide , qui précipitoit abondam- ment l’eau de chaux, et qui avoit tous les caracteres de l'acide phosphorique. Il est évident, d’apres les expériences qui viennent d’être exposées, que la matière blanche et cristalline qui recouvre et pénètre ces os dans toute leur étendue , est un véritable phosphate de chaux acide, tenant une petite quantité de phos- phate de magnésie. Mais comment concevoir l'existence ou la formation de lacide phosphorique à nu ? On sait que, dans les os frais ou secs, cet acide ne prédomine point; qu’au con- traire il est toujours accompagné d'une certaine quantité de carbonate de chaux qui n'existe point dans ceux qui font le sujet de ces recherches. Nous ne trouvons d’autres maniéres de rendre compte de ce phénomène singulier, qu’en admet- tant,ou qu'il s'est formé , pendant la décomposition de la ma- tière animale, un acide qui non-seulement aura saturé le car- bonate de chaux , mais encore enlevé à l'acide phosphorique une portion de chaux; ou bien qu'il existoit dans la matière animale du phosphore qui s’est converti en acide phosphorique; lequel s’est ensuite combiné au phosphate de chaux préexistant, d’où est résulié du phosphate acide de chaux. Cette derniere manière de voir nous paroit plus naturelle, parce qu'elle s’ac- corde mieux avec les lois de la chimie , et suriout avec la dé- couverte du phosphore à nu dans plasieurssubstances animales, En effet, l'acide qui auroit pu se former par la décomposition de la matière animale ne pourroit être que de l'acide acéteux, où quelque autre acide animal foible : or ces acides n’ont point assez d'action sar la chaux pour l'enlever à l'acide phos- phorique; et d’ailleurs on ne retrouve dans ces os aucun autre acide que le phosphorique. D'HISTOIRE NATURELLE. ÿ| Si cette supposition est vraie, comme elle paroît yraisem- blable, il doit s'être foriné une quantité assez grande d'acide phosphorique, puisuwelle a sufli pour saturer le carbonate de chaux qui existe dans tes os humains, et en même temps pour changer une partie de leur phosphate de chaux en sel aci- duie. Nous avons estimé que , proportion moyenne, ce sel fait le quart ou au moins le cinquième du poids des os. L'existence naturelle du phosphate acidule de chaux n’est pas un fait entièrement nouveau pour nous : nous avons ren- contré dans des calculs intestinaux d'animaux herbivores, et il y présente une cristallisation très-marquée. Cependant nous n’en avons jamais vu où l'acidité fit aussi développée, et con- séquemment dont la solubilité dans l'eau füt aussi grande. Il résulte done de l'analyse de ces os anciens, 1.0 qu'il se forme une certaine quantité d'acide phosphorique par la dé- composition de la matière animale osseuse , qui contient vrai- semblablement son radical, c’est-à-dire le phosphore; 2° que cette matière, par un changement .dont la nature ne nous est pas parfaitementcennue, donne naissance à une tres-belle cou- leur rouge qui devient verte par les alcalis; 3.° que cette subs- tauce colorante se conserve pendant plusieurs siecles sans se détruire, ce qui paroït tenir à sa combinaison avec le phos- phate acide de chaux, et à l'absence da contact de l'air ; 4. que ‘elle formation d’acide phosphorique et de phosphate acide de chaux tres-dissoluble , est un des moyens dont la nature se sert pour détruire Le tissu des os et pour le méler aux couches tevreuses. 8 ANNÂLES DU MUSÉUM SUR LES DIFFÉRENTES ESPÈCES DE CROCODILES VIVANS ET SUR LEURS CARACTÈRES DISTINCTIFS. PAR! M. CUVIER. ARTICLE PREMIER. Remarques préliminaires. Ex détermination précise des espèces et de leurs caractères distinctifs fait la première base sur laquelle toutesles recherches de l'histoire naturelle doivent être fondées. Les observations les plus curieuses, les vues les plus nouvelles, perdent presque tout leur mérite quand elles sont dépourvues de cet appui; et malgré l'aridité de ce genre de travail , c’est par là que doivent commencer tous ceux qui se proposent d'arriver à des résuliats solides. Mais depuis long-temps les naturalistes ont pu s’'apercevoir que les grands animaux sont précisément ceux sur les espèces desquels on a le moins de notions exactes , faute de pouvoir réunir et comparer immédiatement plusieurs individus, soit À. Crocodile de S'Dominque D ,9-Pred de nan : 10. Pied de Grocodie 2. Crand Cainan À 5 re me 5. (ximan à lunettes 2 à ee 2. a " . , . 1. (xinar. & paupieres “ PUP Cr Ë 4. Caiman à museau D SV'EUS ES. 277 Dar let ÿ CU b de ele osseuses. 2" vartele osseuses: 1! vartele - de brochel. \ 20 Lao EAU ï 4) 7: Cocotte vulgaire 2 V2 fes A 22. Petit Caiman. ‘ é Ê \ à ; VIE Nuques cé pieds des dverses on D de (rocodiles CT FE OL DIR ÉEALE fé 1 4 À 1 À: ne a | ne is E S'en \ A Re \ 1. Cxinar & pauperes 2. Caiman à papreres 5. (aiman à lunetes. PET \ ee Eu Z. Caiman &« museau osseuses. 2°" vartele osseuses. 17 vartele de brochet D a DA Br ee É rm D > SES D 2 A el BE TLou, REIUÉ0 6e LA 8. Crocodile à 2 arrètes PAR 22. Pett Caimer’, ,9-Paed de (aiman . 10. Pied de (rocotte 2: Grand Cnan pi ë ; : \ > : 4]. Muques et pieds des ADETSCS CREER de (rocociles. D'HISTOIRE NATURELLE. 9 à cause de leur grandeur et de la difliculté de les tuer , de les transporter et de les conserver , soit à cause de l'éloignement des climats qui les produisent. Ce n’est, par exemple, que dans ces derniers temps qu’on a appris qu'il existe plusieurs espèces d’éléphans et de rhino- céros, et quoiqu'on ait eu plus anciennement des soupçons sur la multiplicité de celles des crocodiles, on peut dire que les caractères qu'on leur assignoit étoient si variables et quelque- fois si peu conformes à la vérité, que ceux qui nioient cette multiplicité d'espèces ne pouvoient être blämés. Avant d'entrer dans la discussion de ces différens caractères assignés aux espèces par nos prédécesseurs, établissons en peu de mots ceux qui circonscrivent le genre. J'appelle crocodiles, avec Gmelin et M. Brongniart, tous les lézards ou reptiles sauriens qui ont, 1. La queue aplatie par les côtés; 20 Les pieds de derriere palmés ou demi-palmés ; 3° La langue charnue attachée au plancher de la bouche jusques trés-près de ses bords , et nullement extensible ; 4° Des dents aiguës simples , sur une seule rangée ; 5° Une seule verge dans le mâle. La réunion des trois premiers caractères détermine le na- turel aquatique de ces animaux, et le quatrième en fait des carnassiers voraces. Tous les animaux connus jusqu’à présent dans ce genre réunissent encore les caractères suivans , mais qui pourroient se trouver un jour moins géuéraux et moins essentiels. 10 Cinq doigts devant ; quatre derrière. 2. Trois doigts seulement armés d'ongles à chaque pied: ainsi deux devant et un derrière sans ongle. 10. 2 ‘ 10 ANNALES DU MUSEUM 3, Torte la queue et le dessus et le dessous du corps revélus d'écailles carrées. , 4° La plus grande partie de celles du dos relevées d'arêtles longitudinales plus ou moins saïllantes. 5° Les flancs garnis seulement de petites écailles rondes. G° Des arêtes semblables formant sur la base de la queue deux crêtes dentées en scie, lesquelles se réunissent en une seule sur le reste de sa longueur. 7° Les oreilles fermées extérieuremeut par deux lèvres charnues. 8.0 Les narines formantun long canal étroit qui ne s'ouvre intérieurement que dans le gozier. 9.0 Les yeux munis de trois paupières. 10.0 Deux petites poches qui s'ouvrent sous la gorge et contiennent une substance musquée. Leur anatomie présente aussi des caractères communs à toutes les espèces et qui sur très-bien leur squelette de celui des autres sauriens. | * Leurs vertèbres du cou portent des espèces de fausses côtes qui, se touchant par leurs extrémités ,empéchent l'ani- mal de tourner entièrement la tête de côté. 5e Leur sternum 5e prolonge au-delà des côtes et Pore des fausses côtes Œune espece toute particulière qui ne s'ar- ticulent point avec les vertcbres : mais ne servent qu'à ga- rantir le bas-ventre , etc. D'après tous ces caracteres , les crocodiles forment un genre très-naturel, auquel différens auteurs systématiques ont eu tort de joindre des espèces qui avoient bien le caractère assigné par leur système , mais qui s’éloignoient du genre pour tout le reste. D'HISTOIRE NATURELLE. II En parcourant les auteurs méthodiques qui avoient écrit sur ce sujet avant que je m’en fusse occupé, on trouvoit , 1.0 Que Linnœus, dans les éditions données de son vivant, n’admettoit qu'un seul crocodile , sans même en vouloir dis- tinguer l'espèce à bec allongé du Gange ; 2° Que cependant son contemporain Gronovius distingua du crocodile proprement dit le caiman où crocodile d'Amé- rique, le crocodile du Gange, auquel il réunit le crocodile noir d'Adanson, et une quatrième espèce qu'il nomma cro- codile de Ceylan, et qu'il distingua par ce caractère acci- dentel d’avoir seulement les deux doigts extérieurs entière- ment palmés; 3.2 Que Laurent: établit, outre le crocodile et le caiman , deux espèces particulières fondées seulement sur de mauvaises figures de Séba ( crocodilus africanus et €. terrestris) , mais qu'il oublia entierement le gavial et le crocodile noir ; 4.° Que M. de Lacépede, admettant quatre espèces, comme les deux précédens , les combinoiït encore autrement; savoir : le crocodile, sous lequel il rangeoit, à l'exemple de Zinnæus, les crocodiles ordinaires de l'ancien et du nouveau continent, comme une seule et même espèce; le crocodile noir, qu'il ne faisoit qu'indiquer d'après 4danson ; le gavial ou crocodile à long bec du Gange, dont il donna le premier une bonne description ; enfin un animal qu'il nommoit fouette-queue , parce qu'il le jugeoit le même que le lacerta caudiverbera de Linnæus. Sa description étoit prise seulement d’une figure altérée de Séba, pl. 106, tom. E 5.2 Gimelin les réduisoit toutes à trois : 1. en réunissant le crocodile ordinaire et le crocodilus africanus de Lau- renti SOUS son lacerta crocodilus ; >.” en réunissant également NE A 12 ANNALES DU MUSEUM le gavial, le crocodilus terrestris de Laurenti et le crocodile noir, Sous son lacerta gangetica; 3° en séparant le caimen sous lé nom de lacerta alligator. Enfin, 6° Bonnaterre revenoit au nombre quartenaire en ajoutant le fouette-queue de M. de Lacépède aux trois espèces de Ginelin, et en négligeant le crocodile noir. Cependant ces différences dans l'établissement des espèces n'éloient rien en comparaison de celles qui existoient dans leurs caractères et surtout dans leur synonymie. Ceux qui, comme ZLinnœus et M. de Lacépède , réunis- soient en une seule espèce tous les crocodiles à museau court , y étoient d'autant plus autorisés , que ceux qui vouloient les distinguer , n’en saisissoient point les véritables caractères. Par exemple, M. Blumenbach, dans ses anciennes éditions, et Gmelin, d'après lui, disoient du crocodile : Capite cata- phracto, nucha carinata; et du caïman ( lac. alligator ) : Capite imbricalo plano , nucha nuda. Or la tête est cuirassée ( cataphractum ) dans toutes les espèces ; aucune ne l’a tuilée (imbricatum), 1 n’y en a pas même l’apparence. Pour plane , elle l'est dans toutes; toutes ont la nuque garnie d’un bouclier écailleux, et non nue. Enfin; l'on ne comprend pas comment cette nuque pourroit être carenée : car ce mot ne peut signifier que formée de deux plans qui font un angle ensemble ; ox c’est ce dont aucun cro- codile ne présente même l'apparence. Quant à l'autre caractère qu’ils assignoïent : Cauda cristis lateralibus horrida et lineis lateralibus aspera, ce sont des différences du plus au moins qui varient dans les mêmes es- pèces , et qui par conséquent ne les distinguent point les unes des autres. D'HISTOIRE NATURELLE. 13 M. Bonnaterre donnoit à son crocodile pour caractere, d'être : Pedibus posterioribus tetradactylis palmatis triun- guiculatis , rostro subconico elongato ; caractère vrai , mais qui ne distingue rien. Celui qu'il donnoit à son caiman: Pedibus posterioribus tetradactylis fissis unguiculatis, étoit faux; et la suite, rostro depresso sursum reflexo, ne l'étoit guëres moins. Laurenti donnoit à son caiman où crocodile d'Amérique cinq doigts à tous les pieds, parce qu’il se fondoit sur cette même figure fautive de Séba , tab. 106. Gronovius étoit le seul qui eût connu une partie des carac- ières réels, plantis palmatis , et plantis vix semi palmatis ; mais il n’avoit point fait mention de ceux qui se tirent des dents et de plusieurs autres encore : d’ailleurs tout ce qu'il avoit dit avoit été négligé par ses successeurs. Et si l’on vouloit suppléer à ces caractères imparfaits, en consultant les figures indiquées par chaque auteur, comme représentant les espèces qu'il établissoit, on tomboit dans de nouveaux embarras. Gmelin cioit, sous L. crocodilus, la figure 3, planche 105, de Séba , qui est un caïman (celui que nous appelerons à pau- pières osseuses) ; et mettoit, sous L. gangetica ou le gavial, toutes celles de la planche 104, qui sont en partie des caimans, en partie des crocodiles. Il citoit sous ce même gangetica la figure 1 , planche 103, qui est un crocodile, et sous crocodilus, les figures 2 et {, qui sont à peine caractérisées. La figure 2 revenoit une seconde fois sous le fouette-queue. Sous L, alli- gator, Gmelin cite, d’après Laurenti, la planche 106, qui, comme nous l'avons dit, n’est qu’une figure aliérée du cro- codile. 14 ANNALES DU MUSÈUM C’est cette même figure dont MM. de Lacépede et Bonna- terre font leur fouette-queue, et qu'ils associent à celle de la planche 319 du premier volume de Feuillée, qui est un gecko. né de son côté associoit à ce gecko la figure >, planche 3, qui paroit un vrai crocodile. j'ubieet donnoit comme une excellente figure de cro- codile la douzième de la planche 104, assez bonne à la vé- rilé, mais qui a un doigt de trop. Il étoit donc impossible de rien imaginer de plus embrouillé, Ayant besoin pour mes recherches sur les crocodiles fos- siles de me faire des idées justes sur les crocodiles vivans, j'essayai, il y a six ou sept ans, d’éclaircir ce sujet. Je commencai par mettre de côté les crocodiles à long bec , vulgairement nominés crocodiles du Gange ou gavials, et qui formoient , de l'aveu de tout le monde, au moins une espèce bien distincte. Alors il me resta tout ce que l’on connoissoit sous les noms vulgaires et souvent pris l'un pour l'autre, de crocodile, et de caiman où d'alligator. Ces animaux sont extrémement multipliés dans les cabinets de France, à cause de nos relations avec l'Egypte, le Sénégal et la Guyane, qui sont avec les /ndes orientales les climats où on trouve le plus de crocodiles. J'en examinai à cette époque près de soixante individus des deux sexes, depuis douze à quinze pieds de longueur jus- qu’à ceux qui sortent de Pœuf,et je crus voir qu'ils se rédui- soient tous à deux espèces , que je définis ainsi : ° Croconire : à museau oblong, dont la méchoire supé- rieure est échancrée de chaque côté pour laisser passer D'HISTOIRE NATURELLE. 15 la quatrieme dent d'en-bas, à pieds de derriere entiérement palmes. 2.9 Caïman : à museau obtus, dont la méchoire supérieure recoit la quatrieme d'en-bas dans un creux particulier qui la cache; à pieds de derriere dent-palmes. Tous les individus de la première forme dont je pus alors apprendre l’origine avec certitude, venoient du Vi! , du $é- négal, du Cap ou des /ndes orientales. Tous ceux de la seconde dont je pus apprendre: l'origine avec certitude , venoient d'Amérique , soit de Cayenne ou d’ailleurs. J’établis donc à cette époque deux espèces bien distinctes de crocodiles, sans compter ceux à long museau , et je crus pouvoir assigner pour patrie, à l’une, l’ancien , à l’autre, le nou- veau continent. J'en indiquai une troisième, celle de l'Amérique-Septen- trionale, dont je n’avois alors qu'un seul individu et dont la distinction s'est confirmée depuis. Je cherchai enfin à rapporter à chaque espèce les diffé- rentes figures éparses dans les auteurs. Tels furent l'objet et les résultats de mon travail , que je consignai en 1801 dans les Archives zootomiques et zoolo- giques de feu #Wiedeman, professeur à Brunswick , tome II, cahier IT, p. 161 et suiv. Mais pendant les six années qui se sont écoulées depuis Pimpression de mon mémoire, il s’est fait sur les crocodiles des recherches importantes, soit par divers naturalistes fran- cois ou étrangers, soit par moi-même ; et ces recherches ont modilié en deux sens différens les résultats que j’avois obtenus. Elles ont montré, 1.° que ce que je regardois seulement 16 ANNALES DU MUSÉUM comme deux espèces, formoit réellement deux subdivisions du genre , susceptibles de se partager elles-mêmes, au moyen de caractères secondaires, en plusieurs espèces différentes ; 2.° Que ces deux subdivisions ne sont pas entièrement propres aux deux continens auxquels je les attribuois respec- tivement, mais que le crocodile de Saint-Domingue, par exemple , quoique formant bien une espèce à part , ressemble néanmoins beaucoup plus aux crocodiles proprement dits , ou de l’ancien continent, qu’à ceux qui se trouvent le plus communément dans le nouveau, et auxquels j'ai restreint le nom de caimans. 3. Il seroit donc possible que l’on découvrit réciproque- ment par la suite dans l’ancien continent quelque espèce ap- partenante à la subdivision des caimans. Il est juste que je rapporte ici les noms de ceux à qui nous devons les augmentations de nos connoissances sur ce genre important, Je ne peux pas ranger dans le nombre ceux qui ont tra- vaillé aux nouvelles éditions de Buffon et au Dictionnaire d'histoire naturelle de Déterville ; ils n’ont rien donné d’ori- ginal : leurs figures méme sont copiées d’après d’autres figures, et mal choisies. Le seul Daudin a indiqué, sous le nom de crocodile à large museau, une espèce nouvelle qui paroît être la même que mon caiman à paupières osseuses. M. Shaw n’y appartient pas non plus. Dans son Æistoire des reptiles, imprimée en 1802 (1) , il nadmet que deux es- pèces à museau court, le crocodile commun et V'alligator : (1) Gener. Zoolog. vol. IL, part. 1. Amphibia. D'HISTOIRE NATURELLE. 17 mais pour représenter l’alligator, il prend, d'après Gmelin et Laurenti, cette figure altérée de Séba dont d’autres avoient fait le fouette-queue ; et ses deux figures de crocodiles, pl. 55 et 58, sont des caimans. Ses caractères sent les anciens de M. Blumenbach et de Gmelin. J'ai le regret de n’y pouvoir ranger davantage mon savant collègue M. Faujas de Sagnt-Fond, quoiqu'il ait écrit deux fois ex professo sur le genre des crocodiles. Au lieu de vérifier, sur les mdividus nombreux qu'il avoit à sa disposition, les caractères que j'avois assignés aux cro- codiles et aux caimans, ce célèbre géologiste a mieux aimé prononcer sans examen , que « Le caïman est st rapproché de » l'espèce d'Afrique, que quelques naturalistes, et je suis » du nombre ( ajoute-t-il ), ne le regardent que comme une » simple variété qui tient au climat (1). La preuve que , comme je l'avance , il n’avoit point examiné la question, c’est qu'il avoit donné quelque temps auparavant une figure d’un crocodile , qu’il croyoit faite « d’après un in- » dividu d'Afrique de douze pieds de long , conservé au Mu- » séum d'histoire naturelle (2) ; mais qu’il s’étoit laissé trom per par son dessinateur, qui avoit trouvé plus commode de copier la planche 64 des Mémoires pour servir à l'histoire des ani- maux, en y changeant seulement le paysage. Je suis d'autant plus obligé de relever cette erreur singulière d’un ouvrage qui jouit d’une réputation justement méritée, que cette figure apparüent, non pas au crocodile d'Afrique, mais à celui de EE ————— nee QG) Essais de géologie, I, 149. (2) Hist. nat. de la montagne de Saint-Pierre, p. 231. 10. 3 18 ANNALES DU MUSÉUM Siam ; espèce très-différente, comme on le verra bientôt, et que nous ne possédons malheureusement point dans les col- lections de Paris. Cependant c’est cette même figure qu’on a fait copier encore dans le Buffon de Déterville , pour repré- senter le crocodile du Nil. Une seconde preuve queM. F'aujas n’avoit pas suffisamment examiné la question, c’est ce qu’il ajoute (Æssais. de Géol.T, p- 152), qu’en « supposant méme qu'il existät des caïmans » dans l'état fossile, la demi-palmure de leur pied de der- » rière disparoitroit, et que leur second caractère ne seroit » guère plus stable.» Comme ce second caractère consiste dans la forme des têtes osseuses, il est évident qu'il seroit aussi stable qu'aucun de ceux que l'on peut reconnoître dans les fossiles. C’est donc M. Schneider, M. Blumenbach et mon savant confrère M. Geoffroy-Saint-Hilaire , qu'il faut considérer comme ayant le plus enrichi dans ces derniers temps l'his- toire des crocodiles. Le premier écrivoit à peu près en même temps que moi, et nous ne connoissions point réciproquement notre travail. Après avoir recueilli avec soin les passages des anciens sur le crocodile, 1 cherche à se faire une idée nette du vrai cro- codile du Nil. Pour cet effet , il rassemble ce que divers auteurs modernes ont dit de l'extérieur et de l’intérieur du crocodile en général, | et compare cette description ainsi recomposée avec celle du crocodile de Siam , faite par les missionnaires, et celle d'un crocodile d Amériqne faite par Plumier, dont le manuscrit se conserve à Berlin. Mais comme les différences qu'il déduit de cette compa- D'HISTOIRE NATURELLE. 19 raison résultent seulement des termes ou de la manière de voir des auteurs ,et qu'aucun d’eux n’a eu l'intention de donner des caractères distinctifs; comme d’ailleurs le hasard a voulu que Plumier ait disséqué précisément l'espèce américaine qui rentre dans la forme des crocodiles proprement dits , je veux dire celle de Saint-Domingue , ainsi qu’on peut s’en convaincre par ses dessins originaux encore aujourd’hui dé- posés à la Bibliothèque impériale (1) : ce travail de M. Schneider n’a mené à rien qui ait éclairci les espèces, si ce n’est celle de Siam, dont les particularités se font bien remarquer dans cette comparaison. L'espèce du /Vil y est même si peu constatée que la plu- part des caractères qui paroissent lui revenir dans ce résumé sont réellement ceux du caïman. Le crâne dont M. Schneider donne la figure n’est pas non plus d’un crocodile, mais bien de l'espèce de caïman que j'appelle à paupières osseuses. Il se trouve néanmoins dans les passages allégués plusieurs indications vraies et utiles sur la multiplicité des espèces en Amérique. Laissant donc le crocodile du Nil pour ce qu'il pourra étre, M. Schneider passe à la description des espèces qu'il en croit différentes , et parmi lesquelles il y en a plusieurs que nous (1) IL paroit, d’après les publications partielles de MM. Bloch et Schneider , que l’on possède à Berlin des manuscrits de Plumier, copiés par lui-même ou par un autre, et plus ou moins semblables à ceux de Paris. Ceux-ci offrent des dessins au simple trait, mais d’une pureté admirable , non-seulement du cro- codile de Saint-Domingue , mais encore de l’iguane cornu, de la grande tortue de mer et d’une multitude de reptiles , de poissons , etc. avec beaucoup de dé- tails anatomiques. Il est fort à regretter qu'aucun savant françois n'ait encore songé à publier complétement ce riche trésor. 56 20 ANNALES DU MUSEUM avons reconnues dans les nôtres. En voici lénumération : 1.0 Le crocodile de Siam des missionnaires. Celui-là pa- roit réellement distinct, et M. ScAneider a le mérite d’avoir le premier reconnu ce fait dans l'ouvrage où il étoit jusque-là testé comme enfoui. 2. Celui qu'il nomme porosus et qu'il décrit d’après des individus des cabinets de Bloch et de Gættingen. Ce n’est pro- bablement pas autre chose que notre crocodile à deux arètes. Les pores à chaque écaille, dont M. Schneider a cru devoir faireun caractère spécifique, se retrouvent plus ou moins dans tous les crocodiles proprement dits, dont son C. porosus a d’ailleurs toutes les autres marques génériques. 3. Le longirostris ou gavial, reconnu de tout le monde. 4° Celui qu'il nomme sclerops et qui est précisément le caiman , le plus ordinaire à la Guyane (celui que nous nom- merons caiman à lunettes ), facile à reconnoître à l’arête trans- versale qu’il a devant les orbites. M. Schneïderle donne un peu en hésitant pour le crocodile du Nil, mais tout-à-fait à tort. Telles sont les espèces bien reconnoissables pour moi dans les descriptions de M. Schneider. 5° Son crocodilus trigonatus paroît, surtout par la citation qu'il fait de la figure 3, planche 105 de Séba, entièrement le même que notre caiman à paupières OSSEUSES ; mais sa des- cription ne sy accorde pas bien. 6° Son crocodilus carinatus , Voopholis et le palmatus, appartiennent tous les trois à ma division des crocodiles; mais je ne puis voir dans les courtes indications qu'il en donne aucun caractère suffisant pour les rapporter à une espèce plutôt qu'à une autre. 7° Enfin, son crocodilus pentonix est un être imaginaire. D'HISTOIRE NATURELLE. 21 Il dit que c’est le crocodilus terrestris de Laurenti; mais ni Laurenti ni M. Schneider ne Vont vu, et tous les deux sap- puient sur les figures de la planche 104 de Séba, et sur la figure 1 de la planche 105. Or toutes ces figures sont faites sans aucun soin : les unes, d’après de jeunes caimans sortant de l'œuf; les autres, comme la 12°, planche 104, d’après de jeunes crocodiles. l’ouverture des oreilles dans la figure 1 , planche 105, est un effet du des- sèchement; les cinq ongles en sont un de lincurie de l'artiste. Si l'on songe qu'il y a des ongles de trop dans les figures de crocodiles les plus modernes, tandis que le texte qui les accom- pagne dit formellement le contraire, comment établira-t-on une espèce sur de simples figures, où le texte ne dit rien? Dans l'état actuel des observations effectives , je ne puis croire à un crocodile à cinq doigts et à cinq ongles à tous les pieds, que quand on me le montrera. Telle est l'analyse des espèces de crocodiles proposées par M. Schneider dans le deuxième cahier de son Histoire des amplibies. Il faut que ce savant professeur ait eu autrefois des idées bien différentes de celles-là; car M. Blumenbach dit avoir réformé d’après lui, dans sa sixième édition imprimée en 1709, les caractères du croconiLe et du caiman qu'il répète encore en 1808 (dans sa VIT". édition ). Or il y attribue au croco- Die d’être pourvu scuto supra-orbitali osseo, testa calvariæ integra (ce qui désigne notre espèce de caiman à paupières osseuses), et au CAÏMAN, legmine supra-orbitali coriaceo, testa calvariæ bifenestrata (ce qui désigne l'une quelconque des espèces de la forme du vrai crocodile), Ces caractères n’avoient donc pas une application juste, 22 ANNALES DU MUSEUM mais ils étoient fondés sur des observations réelles, et l’indi- cation des paupières osseuses étoit surtout un fait important qui pouvoit diriger l’attention vers une espèce méconnue jusque-là. M. Geoffroy nous a rendu le service éminent d'apporter enfin de la Thcbaide un crocodile du Nil authentiquement constaté. Il nous a appris que les pêcheurs de ce pays-là pré- tendent en connoître deux autres especes. Il a rapporté un crâne monulié, tiré des catacombes, qui l’a mis sur la voie pour retrouver des individus analogues dans nos collections de Paris; et comme ce crâne et ces individus différent en quelques points du crocodile ordinaire, il les à jugés de l'une de ces espèces annoncées par les pêcheurs. Il a pensé que c'étoit dans cette espèce que lon prenoit les crocodiles plus particulièrement révérés des Égyptiens, et que c’étoit à elle qu'appartenoit le nom de suchus, rapporté par Stra- bon et Photius. Ses nombreuses observations sur les habi- tudes du crocodile expliquent parfaitement ce que les anciens en avoient dit d’obscur ou de douteux, et ajoutent beaucoup à son histoire naturelle. Il a donné enfin une description com- parée des os qui composent la tête de cet animal , laquelle enrichit de vues nouvelles et intéressantes l’ostéologie des reptiles. Mais ce que M. Geoffroy a fait de plus important pour l'objet actuel de nos recherches, c'est de constater la ressem- blance étonnante du crocodile de Saint-Domingue avec celui du /Vil,et par conséquent les grandes différences qui dis- tinguent le premier du caïman le plus commun à Cayenne. Eu effet, le général Leclerc avoit envoyé à notre Muséum un crocodile de Saint-Domingue, préparé, et un autre plus D'HISTOIRE NATURELLE. 2< petit, vivant, qui mourut au /lupre, mais qui arriva à Paris assez frais pour que je le disséquasse. La description de cette espèce par M. Geoffroy est insérée dans les Annales du Muséum d'histoire naturelle, tome IF, page 53. Enfin, au moment où j'écris, M. Descourtils, qui a résidé long-temps à Saint-Domingue, présente à l’Institut une ana- tomie complète du crocodile de ce pays-Rà , faite sur plus de quarante individus qu'il a disséqués, et accompagnée d’une foule de grands dessins : il en confirme parfaitement les ca- ractères. C’est avec tous ces matériaux que je reprends mon travail: jy joins une quantité d'échantillons que j'ai encore recueillis dans divers cabinets, ou qui ont été envoyés au Muséum par ses correspondans. J’examine de nouveau tout ce que j'avois déjà vu ; je parcours encore une fois tous les auteurs plus anciens , et si je n’obliens pas la vérité toute entière, il est impossible que je ne fasse encore de grands pas vers elle. Je vais exposer méthodiquement mes résultats actuels : ils formeront une sorte de monographie du genre des crocodiles. ARTICLE II. Remarques sur les caractères communs au genre des cro- CODILES, ef sur ses limites. Nous avons présenté, au commencement de ce Mémoire, les caractères communs à tous les crocodiles. Ce genre, ainsi déterminé, ne peut être confondu avec ancun autre genre de reptiles. 2/ ANNALES DU MUSEUM La DRAGONE, ce saurien remarquable que M. de Lacépéde a fait connoître le premier avec exactitude, et qui paroît plutôt le lacerta bicarinata de Linnœus que son lacerta dracæna, qui n’est qu'un sauvegarde (1); la praGoxe, dis-je, se distingue suffisamment des crocodiles, par ses pieds de derrière à cinq doigts libres , inégaux et onguiculés, par sa langue extensible et fourchue, par ses dents postérieures arrondies, quoiqu’elle s'en rapproche un peu par la forme de ses écailles et par sa queue fortement comprimée. Ces caractères ne souffrent point d’exceptions en dedans du genre. Tous les crocodiles à cinq doigts derriere, à doigts de derrière libres et à doigts tous onguiculés , indiqués par quel- ques auteurs, sont uniquement fondés sur des figures de Séba, faites sans aucun soin d’après des individus qui n’avoient aucun de ces caractères hétéroclites que le peintre leur attribuoit par étourderie, QG) Linnæus avoit compris sous son Lacerta monitor une multitude de sau- riens qui doivent former deux geures différens. Les uns, à tête imbriquée, appar- tiennent à l’ancien continent et sont fort nombreux. On compte parmi eux les ouaran de terre et d’eau d'Égypte. Les autres , à tête couverte de plaques, viennent d'Amérique. Je n'en vois qu’une espèce bien distincte : le sauvegarde de made- moiselle Mérian , ainsi nommé, de l’aveu de cet auteur , sans qu'on sache pour- quoi, mais dont le nom a fait ensuite imaginer des fables sur ses habitudes. C'est par une erreur plaisante qu'il a été nommé empinambis. Margrave, le premier qui en ait parlé, avoit dit qu’il se nommoit eyu-guazu, et chez les Topinam- bous cemapara (temapara tpinambis). Les naturalistes ont pris un nom de peuple pour un nom d'animal. D'HISTOIRE NATURELLE. 25 ARTICLE III. Division du genre croconiLe en trois sous-genres ; Carac- teres de ces sous-genres. Notre ancienne division se trouve parfaitement confirmée par nos observations nouvelles. La forme générale que nous venons de déterminer se modifie dans ses détails en trois formes particulières , auxquelles il convient de donner des noms. Nous commencerons par ceux dont le museau est plus court, et nous terminerons par ceux qui l'ont plus allongé : de cette manière, les crocodiles proprement dits, ceux qui portent ce nom de toute antiquité, formeront le sous-genre intermédiaire. PREMIER SOUS-GENRE. Les caïmans (1) ( azzicaror ) (2) ont la tête moins oblongue (1) Le nom de caïman est presque généralement employé par les colons Aol- landois, francois , espagnols , portugais , pour désigner les crocodiles les plus communs autour de leurs établissemens : ainsi le caiman de Saint-Domingue appartient au sous-genre qui ya suivre; le caiman de Cayenne à celui-ci. Les auteurs ne s'accordent pas sur la source de ce nom. Selon Bontius, il seroit ori- ginaire des Indes orientales ( per totam Indiam caymax audit *.) Schouten est du même avis**, Margrave le fait venir du Congo (3acare Brasiliensibus, cAxmAN AEthiopibus in Congo **#*, Rochefort dit qu’il est employé par les in- sulaires des Antilles ****, Un colon de Szint-Domingue , tres-éclairé , M. de Tussac, w'apprend que c’est l’assertion de Margrave qui est la vraie. Les es- claves, en arrivant d’Afrique et en voyant un crocodile, lui donnent sur-le-champ le nom de caiman. C'est donc par les nègres qu'il se sera ainsi répandu; on l'emploie même au Mexique ****#, (2) Les colons et voyageurs anglois emploient le mot a/l'gator dans les mêmes * De Med. Ind. 55. XX#* Antill. 226. ** Voy.Trad.fr n.11, 478. HHXHX Hernand. 315. y 7 #Y# Hist, n. bras, 242. 10. 4 26 ANNALES DU MUSEUM que les crocodiles ; sa longueur est à sa largeur, prise à l'ar- ticulation des mächoires, le plus souvent comme 3 à 2. Elle m'est jamais plus du double. La longueur du crâne fait plus du quart de la longueur totale de la tête. Leurs dents sont iné- gales : ils en ont au moins dix-neuf, et quelquefois jusqu'à vingt-deux de chaque côté en bas; au moins dix-neuf, et sou- vent vingt en haut. Les premières de la mâchoire inférieure percent , à un cer- tain âge, la supérieure. Les quatrièmes, qui sont les plus longues, entrent dans des créux de la mâchoire supérieure, où elles sont cachées quand la bouche est fermée. Elles ne passent point dans des échancrures. Les jambes et les pieds de derrière sont arrondis et n’ont ni crètes, ni dentelures. à leurs bords; les intervalles de leurs doigts ne sont remplis au plus qu’à moitié par une membrane courte. Les trous du crâne, dans les espèces qui les ont, sont forts petits : l’une d’elles en manque entièrement. circonstances où ceux des autres nations font usage de celui de caiman, comme pour désigner un crocodile plus eommun ou plus petit, etc., sans aucun carac- ière fixe. Quoiqu'il ait une tournure latine, il n'a point de rapport avec son éti- mologie apparente. Si l'on en croyoit quelques-uns de leurs auteurs, il vien- droit de /ëgateer ou allegater, qui seroit le nom du crocodile dans quelques endroits de l'Inde; mais je n’en trouve nulle indication authentique : je pense bien plutôt que c’est une corruption du portugais /agarto , qui vient Jui-mème de /a- certa; car Hawkins écrivoit alagar tos , et Sloane, allagator *. Dans la pronon- ciation angloise, il n’ÿ a presque pas de différence entre a//agator et alligator, ou mème a/legater. (*) Nat. hist, of Jamaic. II. 332. D'HISTOIRE NATURELLE °5 DEUXIÈME SOUS-GENRE, Les croconiLes proprement dits(x )ont la tête oblongue, dont la longueur est double de sa largeur, et quelquefois encore plus considérable. La longueur du crâne fait moins du quart de la longueur totale de la tête. Leurs dents sont inégales: ils en ont quinze de chaque côté en bas’, dix-neuf en haut. Les premières de la mâchoire inférieure percent à un cer- tain âge la supérieure ; les quatrièmes, qui sont les plus longues de toutes, passent dans des échancrures, et ne sont point lo- gées dans des creux de la mâchoire supérieure. Les pieds de derrière ont à leur bord externe une crête dentelée : les intervalles de leurs doigts, au moins des externes, sont .entièremement. pahrés. Leur crâne a derrière les yeux deux larges trous ovales, que l’on sent au travers de la peau, même dans les individus desséchés. TROISIÈME SOUS-GENRE, Les Gavrars ont le museau rétréci , cylindrique, extrème- ment allongé, un peu renflé au bout ; la longueur du crâne fait (1) Tout le monde sait que le nom de crocodile appartient originairement à l'espèce du Nil. Hérodote dit qu’elle le reçut des Joniens, parce qu'ils la trouvèrent semblable aux crocodiles qui naissent cliez eux dans les haies Ceux-ci étoient probablement le lézard, nommé si mal-à-propos ssellion par Zinnœus, et qui s'appelle encore én grec moderne du nom peu altéré de kos/orilylos. Dans celte acception primitive, Kpoxodeos signifoit qui crarnt le rivage. Le vrai cro- codile du Nil se nommoit autrefois en Égypte chamsés selon Hérodote, et aujourd'hui temsach selon tous les voyageurs. Le vrai ste/lion des latins, calotes des Grecs, est un geclo. Tous ces noms ont été détournés parles modernes ct surtout par Zirnæns. Jus 28 ANNALES DU MUSEUM à peinele cinquième de la longueur totale de la tête. Les dents sont presque égales : vingt-cinq à vingt-sept de chaque côté en bas; vingt-sept à vingt-huit en haut. Les deux premières et les deux quatrièmes de la mächoire inférieure passent dans des échancrures de la supérieure, et non pas dans des trous. Le crâne a de grands trous derrière les yeux, et les pieds de derrière sont dentelés et palmés comme ceux des crocodiles proprement dits. La forme grêle de leur museau les rend, à taille égale, beaucoup moins redoutables que les deux autres sous-genres. Ils se contentent ordinairement de poissons. ARTICLE IV. Détermination des espèces propres à chacun des trois sous- genres. — Indication de ce qu'il y a de certain dans leur synonymie. Obligé d'établir pour ces espèces une nomenclature nou- velle , j'éviterai de la prendre dans les noms de pays, parce qu'il n’en est aucune qui soit absolument propre à un pays dé- terminé, et qu'il n’y a guère de pays qui n’en possède au moins deux espèces. L° espèces de CAIMANS. 1.” Le caïman à museau de brochet ( crocodilus lucius. Nos. ) Il a été rapporté, pour la première fois, du Mississipi par feu Michaux , et indiqué par moi dans mon premier Mémoire sur les crocodiles. Depuis, M. Peale en a envoyé un individu plus conside- rable et très-bien conservé au Muséum d'histoire naturelle. D'HISTOIRE NATURELLE. 29 La figure de Catesby (1), quoique médiocrement bonne et mal caractérisée, paroît représenter celle espèce plutôt que toute autre. Je n’oserois affirmer cependant que ce soit la seule de PAmérique septentrionale; la figure d'Hernandes (2) semble- roit, par son museau pointu , indiquer plutôt un vrai crocodile. Quoiqu'il en soit, cette espèce est certainement bien dis- tincte de toutes les autres. Elle a tous les caractères communs aux caimans. Son museau est très-aplati;ses côtés sont presque parallèles: ils se réunissent en avant par une courbe parabolique. De ces trois circonstances , résulte une ressemblance frap- pante avec le museau d’un brochet. Les bords internes des orbites sont très-relevés ; mais il n’y a point , comme dans lespèce suivante, une crète transversale qui les unisse. Les ouvertures extérieures des narines sont, dès les premiers âges , séparées l’une de l’autre par une branche osseuse: ce qui n'a lieu à aucun äge dans les autres espèces. Le cräne a deux fosses ovales, obliques, peu profondes, dans le fond desquelles sont de petits trous. NN, La nuque est armée, au milieu, de quatre plaques princi- pales, relevées chacune d’une arête. Il y en a de plus deux petites en avant et deux en arrière. Il y a sur le dos dix-huit rangées transversales de plaques, relevées chacune d’une arête; le nombre des arêtes ou des plaques de chaque rangée est ainsi qu’il suit. (1) Carol. p1. 63. (2) Hist. nat. Mex. 315. 30 ANNALES DU MUSÉUM Une rangée a deux arêtes : deux à quatre, trois à six, six à huit ; deux à six, et le reste à quatre, Je ne compte pas les arêtes impaires qui se trouvent quelquefois sur les côtés. Ces arêtes sont assez élevées et à peu près égales ; mais sur la queue les arêtes latérales dominent, comme dans tous les crocodiles , jusqu’à ce qu’elles se réunissent. Il y en a dix- neuf rangées transversales jusqu’à la réunion des deux crètes, et autant après. Mais je dois observer ici que ces deux nombres sont plus sujets à varier que ceux des rangées du dos, Lalcouleur paroit avoir été, dessas brun-verdâtre très-foncé; dessous, blanc-verdätre; les flancs, rayés en si Te assez régulièrerrent, de ces deux couleurs. L'individu de M. Peale n'a que cinq pieds de long; mais Vespèce devient aussi grande qu'aucune autre, si Yon $en rapporte aux voyageurs. Catesby en particulier dit qu'il en observa de quatorze pieds. La longueur totale comprend sept longueurs de tête et demie. La largeur du crâne, à l'articulation des mächoires, fait moitié de sa longueur ; par conséquent, en nrême 4emps qu'il a le museau plus élargi que les saivans, il Pa aussi plas allongé. Cette espèce va assez loin au nord ; elle remonte le Missis- sipi jusqu’à la Rivière Rouge. M. Dunbar et le docteur {unter en ont rencontré un mdividu par les 32° et demi de latitude nord, quoiqu'on füt au mois de décembre et que la saison fût assez rigoureuse (1). (1) Message du président des États-U nis, concernant certaines découvertes faites en explorant le Missouri, la Rivière Rouge et le W'ashita , impr. à NeweYorck en 1506 , p. 97. D'HISTOIRE NATURELLE. 31 M. de Lacoudreniere ray porte que ceux de la Louisiane se jettent dans la boue des marais quand le froid vient, et y tombent dans un sommeil léthargique; sans être gelés, quand il fait très-froid, on peut les couper par morceaux sans les réveiller : mais les jours chauds de lhiver les raniment (1). Catesby en dit à peu près autant de ceux de la Caroline. On sait qu'Hérodote dit aussi du crocodile du Nil qu'il se cache pendant quatre mois d'hiver et les passe sans manger, Selon M de Lacoudreniere , ne mange jamais dans l'eau; mais, après avoir noyé sa proie , il la retire pour la dévorer, Il préfere la chair de nègre à celle de blanc. Sa voix ressemble à celle d’un taureau; il eraint le requin et la grande tortue, et évite l'eau saumätre à cause d’eux. Sa gueule reste toujours fermée quand il dort- Il paroïit que c’est de cette espèce qu'a parlé Bartram; elle se réunit en grandes troupes dans les endroits abondans en poissons. Ce voyageur en a trouvé dans un ruisseau d’eau chaude et vitriolique. La femelle dépose ses œufs par couches alternativement avec des couches de terre gächée, et en forme de petits tertres hauts de trois à quaire pieds, Elle ne les abandonne point , et garde aussi ses petits avec elle plusieurs mois après leur naissance. 2. Le caïman à lunettes ( crocodilus sclerops, Senneiner ). IL est fort bien représenté, ainsi que M. ScAneider le re- marque, dans la figure 10, pl. CIV de Séba, tome, quoi- ———————————————_—_—_—_—_—__—— (1) Journ, de Phys. 1782 , rom. XX, p. 353. 32 ANNALES DU MUSÉUM que cette figure soit faite d’après un très-jeure individu. C’est à cette espèce qu'appartenoit l'individu décrit par Linnœus ( Amænit. Acad. I,p. 151). M. Schneider Ya très-bien dé- crite aussi. C’est elle que je prenois autrefois pour le caiman femelle en général, et dont j'ai fait graver la tête ( Arch. zool. IT, cab. Il, pl. I, fig. 3). | Mais Séba pourroit induire en erreur , parce qu'il dit que son individu venoit de Ceylan. C'est au contraire ici l'espèce la plus commune à Cayenne, celle qu'on envoie le plus fré- quemment de la Guyane, et dont nous avons le plus d’indi- vidus dont la patrie soit bien constatée. C'est bien aussi elle, mais dans son premier âge, que re- présente la mauvaise figure de mademoiselle Mérian (Surin. pl. LXIX }, copiée par Bonnaterre ( Encycl. méth., planches d'Erpétol. pl. IT, fig. 1). Il est donc problable que c’est le Jacare de Margrave et de d'Azzara ; ce dernier l'indique même assez positivement par la description qu'il donne des dents. Quant au premier, il n’y a guère de distinctif dans ce qu'il en dit que ces mots: os subrotundum , seu ovalis figure. Je n’oserois cependant aflirmer qu'iln’y en ait point d'autre dans l'Amérique méridionale. Firmin annonce qu’on en dis- tingue deux à Surinam ; mais ce qu'il en dit est vague. D’ Azzara rapporte aussi qu’on lui a assuré qu’il y en a une espèce rousse, plus grande et plus cruelle que la commune. Le museau de cette espèce-ci, quoique large, n’a point ses bords parallèles; ils vont se rapprochant sur toute leur longueur et formant une figure un peu plus triangulaire que dans l'espèce précédente. La surface des os de la tête est très-Inégale, et partout comme cariée ou rongée par petits trous. Les bords intérieurs des orbites sont très-relevés ; il naît D'HISTOIRE NATURELLE. 33 de leur angle antérieur une côte saillante qui se rend en avant et un peu en dehors, en se ramifiant vers les dents, dans les individus âgés, et plutôt dans les mâles. Une autre saillie très- marquée va transversalement de l'angle antérieur d’une or- bite à celui de l’autre: c’est le caractère le plus frappant de cette espèce, et celui dont j'ai tiré sa dénomination. Le crâne n'est percé derrière les yeux que de deux trous assez petits. Outre quelques écailles répandues derrière l'occiput, la nuque est armée de quatre bandes transversales tres-robustes, qui se touchent et vont se joindre à la série des bandes du dos. Les deux premieres sont chacune de quatre écailles, et par conséquent relevées de quatre arêtes, dont les mitoyennes sont quelquefois très-effacées. Les deux autres n’en ont le plus souvent que deux. Voici le nombre des arêtes dans chacune des rangées trans- versales du dos, comme je l'ai observé dans quelques indi- vidus : deux rangées à deux arêtes, quatre à six , cinq à huit, deux à six, quatre à quatre. Mais ,avec l’âge, des écailles latérales, peu marquées d’abord, prennent la forme des autres , et il faut ajouter deux au nombre des arêtes de chaque rangée; en général, ilest rare de trouver deux individus parfaitement semblables à cet égard. Toutes ces arêtes sont peu élevées, à peu près égales entre elles ; les latérales de la base de la queue elles-mêmes dominent peu sur les autres : ce n’est qu’à leur réunion qu’elles deviennent très-saillantes. Il ya onze, douze ou treize rangées avant cetteréunion , et vingt-une après; mais ces nombres varient, Je les trouve dans quelques individus, de dix-neuf et vingt-un, ou de dix-neuf'et dix-neuf, ou de dix-sept et dix-neuf, ou de seize et vingt-un, 10. ë 34 ANNALES DU MUSÉUM La couleur paroïit avoir été vert-brun en dessus, avec des mar- brures irrégulières verdâtres; jaune-verdätre pâle, en dessous. Cette espèce devient grande; nous en avons un individu de 3,56, ou de plus de onze pieds, et nous en connoissons de quatorze. La longueur totale est de huit têtes et demie ou à peu près. Selon M. d'Azzara (1), le yacaré ne va point au sud au- delà du 32° degré. C’est précisément la même limite que pour l'espèce précédente au nord. Il n’a pas moitié de la vitesse de l'homme, et l'attaque rare- ment, à moins qu'on napproche de ses œufs, qu'il défend avec courage. Il en pond soixante dans le sable, les recouvre de paille et les laisse féconder par le soleil. Laborde confirme ce fait, si différent de ce qu'on attribue à l'espèce précédente. C'est avec des feuilles que le caiman de la Guyane entoure et re- couvre ses œufs, Le jacare, continue M. d'Azzara, passe toujours la nuit, dans Peau (comme Æérodote le dit pour le crocodile du AV), et le jour au soleil, dormant sur le sabie; maisilretourne à l'eau sil voit un homme ou un chien. Des voyageurs portugais dont M. Correa de Serra wa transmis le récit, pensent que les jacares de la partie méri- dionale et tempérée du Brésil, ne sont pas tout-à-fait lesimêmes: que ceux du nord, Les uns et les autres, mettent leurs œufs: dans le sable, pêle-méle et non par couches. On: reconnoit aisément l'endroit, et. on cherche à percer ces œufs. d’une (1) Quadr, du Parag. omell, p: 580, D'HISTOIRE NATURELLE. 35 pointe de fer. Dans l'ile plate de Marajo ou Johannes, à l'em- bouchure de l’'Amazone, les jacares se tiennent en été dans les marais; et quand ceux-ci se dessèchent, ce qui reste d'eau dans le fond est si rempli de ces animaux , qu'on ne voit plus le liquide. Alors les grands se nourrissent probablement des petits. Ils ne peuvent remonter le fleuve, parce que l'ile est entourée d’eau salée. Laborde dit aussi que ceux de la Guyane restent quelquefois presque à sec dans les marais, et que c’est alors qu'ils sont le plus dangereux. 3° Le caiman à paupiéres osseuses ( crocodilus palpe- brosus, Nos. ). Un individu, la première variété que j'établis dans cette espèce, nous avoit été donné, comme le mäle de l'espèce pré- cédente , par un préparateur d'histoire naturelle, nommé Gautier, qui avoit formé un beau cabinet à Cayenne, et nous lindiquâmes ainsi dans notre premier Mémoire { 4rch. zool. p. 168); mais nous avons trouvé depuis le mäle et la femelle dans les deux espèces. C’est bien sûrement celle-ci qu'avoit sous les yeux M. Blu menbach, lorsqu'il écrivoit ces mots : LACERTA CROCODILUS, scuto supra orbitali osseo, testa calvasiæ integra. C'est son crâne que M. Schneider a fait dessiner ( Æist. amplhib. HE, pl. Let IT); mais sans le rapporter précisément à aucune des siennes : les paupières osseuses en étoient tombées apparemment par une macération trop forte. Ma seconde variété est parfaitement représentée par $éba, tome T, pl. OV, fig. 3, où ilen fait encore un animal de Ceylan. Je perse même que nous avons du cabinet du Stathouder 5 * 36 ANNALES DU MUSÉUM l'original de cette figure. M. Shaw la copie, pour rendre ce qu'il appelle la variété de Ceylan du crocodile ordinaire. M. Schneider la cite sous son crocodilus trigonatus; mais ce qu'il ajoute, « F'oveam crani ellipticam utrinque carne » musculari repletam reperi (1) ,» ne $y rapporte point. Il croit que c’est le crocodile d'Amérique de Gronovius (2), et cela se peut; mais la description de celui-ci n’a de carac- téristique que les crètes triangulaires des écailles, et une faute d'impression fait qu’on ne peut deviner quelle figure de Séba il a voulu citer en écrivant planche 107, figure 4: mais la planche 104, figure 10, qu'il cite en même temps, est bien sûrement l'espèce précédente. Laurenti fait de préférence de cette figure 3 , planche 105, l'image de son crocodile du Nil, et assurément sans qu’on puisse savoir pourquoi (3). J'ai aussi quelque lieu de penser que c’est cette espèce que Daudin a indiquée sous le nom de crocodile à large museau). Je conserve moi-même quelques doutes , et sur la véritable patrie de cette espèce , et sur la question si elle doit où non en former deux. Ce n’est donc qu’en attendant des renseigne- mens plus certains, que je laisse ensemble les deux variétés que j y aperçois. Les voyageurs pourront donner un jour la solution de ces doutes. Je décrirai d'abord les individus semblables à celui que M. Gautier w'avoit donné, et dont je fais ma première variété. (1) Hist. emph. IL. 162. (2) Zoophil. 7.° 58, p. 10: (3) Spec. med. p. 53. (4) Hist. des rept. II. 417. D'HISTOIRE NATURELLE. 37 Leur museau est de très-peu plus allongé que celui de l'es- pèce précédente: il est moins déprimé; la surface des os est cependant presque autant vermiculée. Les rébords des orbites ne sont point saillans, et renvoient point d’arête saillante sur le musezu. L’épaisseur de la paupière supérieure est en- tiérement remplie d’une lame osseuse divisée en trois pièces par des sutures ; dans tous les autres caimans et crocodiles, il n'y a qu'un petit grain osseux vers l'angle antérieur. Le crâne n’eet point percé; on n’y voit de trou à aucun âge. Les dents inférieures sont un peu plus nombreuses qu'aux autres caimans et crocodiles. On en compte vingt-une de chaque côté et 19 en haut. L’intervalle entre les deux doigts externes de derrière est sen- siblement moins palmé que dans l'espèce précédente ; ce qui doit rendre celle-ci plus terrestre. Ceux qui v’auroient que des individus desséchés pourroient même croire que les doigts y sont tout-à-fait libres. La nuque est armée, comme dans l’espèce précédente , d’abord d’une rangée de quatre petites écailles; ensuite de quatre bandes transversales , munies de deux arêtes saillantes chacune, et qui se joignent à celles du dos. Celles-ci sont disposées comme il suit: une à deux arêtes, une à quatre, cinq à six, trois à huit, deux à six, sept à quatre. Toutes ces arêtes sont à peu près égales et peu élevées. Les latérales de la base de la queue sont aussi peu élevées ; mais les intermédiaires ne l’étant pas du tout, cette partie est plate. Il n'y a que dix rangées avant la réunion des deux arêtes, el quatorze apres; mais un autre individu en a dix-neuf. 38 ANNALES DU MUSEUM Je n'ai ancune raison pour douter que les individus con- formés ainsi ne soient de Cayenne. Mais j'en ai quatre autres qui en different un peu, et dont je fais ma seconde variété. Deux sont dans l'esprit-de-vin : ce sont eux qui ressemblent plus particulièrement à la figure de Séba, et que je crois lui avoir servi de modèle. Is ont, 1.” une arête partant de l'angle antérieur de l'orbite, en avant un peu plus marquée ; 2.9 Une petite échancrure au bord postérieur du cräne, qu manque aux autres. 3.° La deuxième bande de la nuque est plus large que les autres, et vers son milieu sont deux ou trois petites écailles à crèles irréguliérement disposées; les grandes arêtes sont taillées en triangles scalènes tres-élevés, ce qui rend la nuque plus hérissée que dans aucune autre espèce. 4e Les arêtes du dos , excepté les deux lignes les plus rapprochées de l’épine, sont aussi tres-saillantes et taillées en triangles scalènes. Il y a sur Le dos dix-huit bandes transver- sales : le nombre de leurs arêtes varie, mais en général il est de deux et quatre au commencement , de six et huit vers le milieu ; puis il revient à quatre et à deux à la fin, pour reprendre quatre entre les cuisses. Cette disposition donne au plastron général, que les écailles forment sur le dos, une figure plus elliptique que dans les autres espèces. Les crètes de la queue sont aussi fort saillantes. Les doubles ont de neuf à onze rangées : les simples, de dix à dix-sept. Le crocodile de Saint-Domingue ne diffère certainement guère plus de celui du /Vi/, que ces deux variétés ne dif- ferent l’une de l’autre. S'ils ajoutoit donc à ces caractères une différence de continent , tout le monde seroit persuadé qu'il y a là deux espèces. D'HISTOIRE NATURELLE. 39 Ce que dit $éba que ses échantillons venoient de Ceylan, n’a rien de plus certain que tant d’autres erreurs qu'il a dé- bitées sur l’origine des objets de son cabinet. Mais un de mes individus qui étoit depuis long-temps au Muséum, porte ces mots à demi-effacés : Arokodile noir du Niger ; c’est l'orthographe ét la main d'Ædanson. Ce naturaliste nous dit dans son Voyage qu'il y a deux cro- codiles dans le Sénégal. M. de Beéauvois ajoute qu'on voit en Guinéé un crocodile et un Caïman. Fout paroît donc bien clair. Voilà uné espèce de la forme des caïmans qui habite en Afrique. Oui ! mais il réste encore un eémbarras. Ædanson dit que son crocodilé notr a le museau plus allongé que le vert. Or celui-ci ést cértainément le même que le crocodile du Nil ; nous l'avons aussi, étiqueté de sa main: et l'espèce dont nous parlons a le museau beaucoup plus court que celle du ZVe7. ÆAdanson s'est-1 trompé en écrivant sa phrase ? ou a-t-il mal étiqueté son individu ? Qui débrouilléra tant d’erreurs ? et les voyageurs cesseront-ils un jour de tourmenter les natu- ralistesS par leurs demi-descriptions , par leurs mélanges con- tüïiuels d'observations et d'emprunts ? Je n’ose donc pas encoré établir ici deux espèces ; mais je soupconne fort qu'elles sont distinctes. Dans le cas où cette conjecture se vérifieroit, on pourroit rendre à Ja seconde le nom de trigonatus que M. Schneider paroît lui avoir donné. On diroit en francois, caiman hérissé. Il est impossible de rien donner de particulier sur les-mœurs de cette espèce qui n’a point encore été distinguée, et dont la patrie même n’est pas encore certaine. Bornons-nous à la re- commander à l'attention des voyageurs: 4o ANNALES DU MUSEUM II° Espèces de CRoCODILES. La difficulté est toute antre pour ce sous-genre-ci que pour le précédent : les espèces les plus faciles à constater s'y ressemblent beaucoup plus; et l’on trouve dans les nom- breuses variétés d'âge et de sexe qui sont arrivées au Muséum des diverses côtes de l’Afrique et de l'Inde, tant de nuances différentes, et rentrant cependant par degrés les unes dans les autres, qu'il est presque impossible de savoir où s'arrêter. Je commencerai par bien déterminer le crocodile vul- gaire (1) d'Égypte (crocodilus vulgaris, No.), afin d’en faire mon point de départ. Cet animal , si célèbre dans toute l’anti- quité, semble toujours avoir été méconnu par ceux des natu- ralistes modernes qui ont voulu distinguer les espèces de ce genre, excepté par Gronovius. Laurenti et Blumenbach prennent pour lui le caiman à paupières osseuses ; Schnei- der, le caïiman à lunettes , etc. Il est vrai que les figures données par les voyageurs qui ont été en Égypte sont trop mauvaises, el que les crocodiles répandus dans les cabinets sont la plupart d’une origine trop peu authentique, pour qu’on ait pu s'en aider. M Geoffroy nous a enfin mis à même d'en prendre des idées précises. En comparant l'individu qu'il a rapporté des environs de l'ancienne Thébes , avec les ligures de Bélon et de Prosper (1) Je suis ici l'exemple des botanistes, qui laissent ordinairement le nom trivial de vulgaire aux espèces qui portoient autrelois en propre un 20m devenu générique. D'ailleurs ce crocodile est aussi celui qui paroit le plus répandu. D'HISTOIRE NATURELLE. kr Alpin, on voit qu'elles sont détestables; et en parcourant les muséographes ; on ne trouve que celle de Besler (1) et la douzième de la planche 104 de Séba , qui soient un peu sup- portables ; encore ont-elles des fautes essentielles. Ce vrai crocodile du Nil, observé conjointement avec plu- sieurs autres qui étoient depuis long-temps au Muséum sans qu'on en sût bien l'origme, et qui se sont trouvés lui ressembler entièrement , a offert les caractères suivans, outre ceux qu'il a en commun avec tout le sous-genre CROCODILE. La longueur de sa tête est double de sa largeur. Ses côtés sont dans une direction générale à peu près rectiligne, et lui font représenter un triangle isocèle allongé. Les fosses dont le crâne est percé sont grandes et plus larges que longues. Le museau est raboteux et inégal ,surtout dans les vieux , mais n'a point d’arête particulière saillante. Immédiatement der- rière le crâne, sur une ligne transverse, sont quatre petites écailles à arêtes isolées. Puis vient la grande plaque de la nuque, formée de six écailles à arêtes. Puis deux écailles écartées. Ensuite viennent les bandes transversales du dos, presque toujours au nombre de qumze ou de seize. Les douze pre- mières ont chacune six écailles et six arêtes : les trois bandes d’entre les cuisses n’en n’ont que quatre chacune. Toutes ces arêtes sont à peu près égales et médiocrement saillanies. IL y a de plus de chaque côté une rangée longitu- dinale de sept ou huit écailles à arêtes, moins réunies à l’en- semble des autres. (1) Mus. Besler. XII, f 2. 10. 6 k2 ANNALES DU MUSEUM Les arêtes latérales de la queue ne commencent que sur la sixième bande à devenir dominantes et à former deux crètes; celles-ci se réunissent sur la dix-septièine ou dix-huitième bande, et il y en a encore dix-huit jusqu’au bout de la queue. L'égalité des écailles, des arêtes et de leur nombre dans chaque bande , et leur position sur six lignes longitudinales , fait que cette espèce a l'air d’avoir le dos régulièrement pavé de carreaux à quatre angles. Les écailles du dos et de la nuque, surtout celles des deux lignes longitudinales du milieu , sont plus larges que longues; celles du ventre ont un pore plus ou moins marqué vers leur bord postérieur. La couleur du dessus est un vert de bronze plus où moins clair, piqueté et marbré de brun; celle du des- sous, un vert jaunatre. Nous avons au Muséum des individus depuis un et deux pieds jusqu’à douze de longueur, qui ne different pas sensi- blement de l'individu rapporté par M. Geoffror. Nous retrouvons aussi tous ces caracteres dans un individu très-pelit, à peine sortant de l'œuf, rapporté du Sénégal par le docteur Roussillon. Ainsi l'espèce du Nil se trouve aussi au Sénégal. Il est probable qu’elle se trouvera également dans le Zaire, dans le Jooliba et dans les autres fleuves de l'Afrique; ce qui n'em- pécheroit pas qu'elle ne püt en avoir d’autres à ses cotés , même dans le Nil Il y en a au moins une variété, dont M. Geoffroy a trouvé la tête embaumée dans les grottes de Thébes. Elle est un peu plus plate et plus allongée que celle da crocodile vulgaire. Nous avons au Muséum deux individus entiers et deux têtes de même forme. L'un des deux premiers D'HISTOIRE NATURELLE. 43 a été donné par Ædanson et étiqueté de sa main crocodile vert du Niser. Outre les différences dans la forme de la tête, ces individus en offroient quelques-unes dans les nuances de leurs couleurs. Ces différences , jointes au témoignage des pécheurs de la T'hébaïde , autorisent la distinction admise par M. Geoffroy, sinon d'une espèce , au moins d’une race particulière de cro- codile vivant en Égypte avec l’autre. Si nous ne l'inscrivons pas ici à son rang, sous le nom de suchus que lui a donné M. Geoffroy, c'est qu'il nous reste encore le désir de la suivre dans ses divers âges, et quelques légers doutes sur l'ancien emploi de ce nom. En effet, c’est ici le licu de discuter brièvement l'opinion de Jablonsky (1) et de M. Larcher(2), que le suchus ou souchis étoit une espèce particulière de crocodile, et celle que l'on élevoit de préférence dans les temples. Il paroït d'abord certain que ni Hérodote, ni Aristote, ni Diodore, ni Pline, ni Ælien n’ont eu l'idée de deux espèces de D ES en Égypte. Lorsque Hérodote, après avoir dit que les habitans d'Élé- phantine mangent les crocodiles, annonce qu’on les nomme chamsés , il le dit d'une manière générale, qui ne s'applique ni à Ce canton ni à une espèce particulière : zxzAtoÿles dù # xponédéihos AA yévai ; par ces mots, #/s ne sont pas nommés crocodiles, mais champsès , il ne veut pas dire qu’on les nomme crocodiles dans le reste de l'Égypte, et champsés seulement à Éléphantine, puisqu'il assure ensuite que crocodile est zonien. ————_——_——_—___——_ — (1) Panth. æg. LIT, 70. * (2) Herod. 2 ed. IL. 514. Note 255. 6 * 44 ANNALES DU MUSEUM Lorsque Strabon emploie le nom de suchus où souchis, il me paroit ne l'appliquer qu'à lindividu consacré en particu- lier. Ces mots (1), #1 2 12906 (xgoxod hoc ) map avloïc év Aiuvn xaŸ aÛTOY TREPOUENOC, XEIRONTNE roïc iepel@s, xæheïres dé yoç (ou plutôt Xyx, selon la correction faite par Spanheim d’après les manuscrits de PAotius ), ne doivent pas se traduire en termes généraux: Le crocodile est sacré chez eux (les Arsinoiles), et nourri séparément dans un lac, et doux pour les prêtres, et nommé suc; mais bien en termes particuliers : {/s ont un crocodile sacré qu'ils nourrissent séparément dans un lac, qui est doux pour les prêtres et qu'ils nomment sucmis. C'est ainsi que le bœuf sacré de Memphis s'appeloit anis, et celui d'/Zéliopolis mxevis Mnevis et apis wétoient pas des races particulières de bœufs, mais bien des bœufs indi- viduels consacrés. Strabon , dans le récit qu'il fait du crocodile à qui il donna à manger, ne parle que d’un individu. Hérodote n'’at- tribue aussi qu'a un seul individu les ornemens etles honneurs qu'il détaille. On en choisit un, dit-il. Diodore parle du crocodile du lac Moris , du bouc de Mendes, dans la même phrase que d'apis et de mnevts : il n’en- tend donc aussi que des individus. Plutarque est plus exprès qu'aucun autre. Quoique quel- ques Egyptiens, dit-il, révérent toute l'espece des chiens, d'autres celle des loups, et d'autres celle des croconies, ils n'en nourrissent pourtant qu'un respectivement : les uns (1) Strab. Ziv. XVII, ed. de Woltey, Amsterd, 1707. XX. 1165. D. D'HISTOIRE NATURELLE. 45 un chien, les autres un loup, et les autres un CROCODILE ; parce qu'il ne seroit pas possible de les nourrir {OUS. Jesais qu’'Ælien a Vair d’en supposer plusieurs dansl'histoire qu'il rapporte d’un Ptolomée qui les consultoit comme des oracles : Quum ex crocodilis, antiquissimum et præstantis- simum appellaret (1). Mais Plutarque, rapportant la méme histoire, n’en met qu'un seul : le sacré crocodile (>). Il est vrai que toute espece étoit épargnée dans les lieux où l'on en élevoit un individu.ll est vrai encore que ces individus consacrés, nourris et bien traités par les prêtr es; finissoient par s'apprivoiser ;mais loin que ce fütun caractère particulier deleur espèce , les anciens rapportentunanimenmnent ce fuit commeune preuve qu'il n’est point d'animal si cruel qui ne puisse s’adoucir par les soins de l’homme, et surtout par l'abondance de la nour- riture. Aristote conclut expressément de cette familiarité des prêtres et des crocodiles, que les animaux les plus féroces habiteroient paisiblement ensemble si les vivres ne leur man- quoient pas (3). C On a d’ailleurs la preuve que les crocodiles les plus com- muns dans les cantons où leur cuite étoit établi, métoient pas plus doux que ceux du reste de l'Égypte; au contraire, ils étoient plus cruels, parce qu'ils étoient moins timides. Ælien rapporte que chezles T'yntyrites, qui les détruisoient tant qu'ils pouvoient , on se baignoitet Depp en sureté dans le fleuve; tar.dis qu'à Ombos, à Coptos et à Arsinoë, où on les révéroit, il n’étoit pas même sûr de se promener sur le rivage, à plus a ——————— (1) Anim. VII. 4. (2) Quels anim. sont plus avis. OEuvres Mor. 517.F (5) Hist, an. IX. c. 1, 46 ANNALES DU MUSÉUM forte raison de s'y laver les pieds ou d’y puiser de l'eau (1). Il ajoute dans un autre endroit, que les habitans tenoient à honneur et se réjouissoient quand ces animaux dévoroient leurs enfans (2). Enfin, quelle que füt la raison primitive d’un culte aussi stupide que celui du crocodile , on a la preuve que les Égyp- tiens ne l’attribuoient pas à la Ain d’une espèce qui en auroit été honorée London es Au contraire, plusieurs pensoient que c’étoit leur férocité même qui les ist adorer , parce qu'elle les rendoit utiles au pays, en arrétant les courses des voleurs arabes et lybiens, qui, sans les crocodiles, auroient passé et repassé sans cesse le fleuve et ses canaux. Diodore cite en détail cette raison parmi plusieurs autres. Cicéron lavoit déjà citée avant lui: Ægyptü nullam bell:am nisi ob aliquam utilitatem consecraverunt, crocodilum, qudd terrore arceal latrones. Il reste donc à expliquer le passage bizarre de Damascius, rapporté par Photius, qui a occasioné la supposition de Ja- blonski et de M. Larcher. ‘O irmomorauoc d'dnor Cooy — 6 Séyoc (ou plutôt =éyx, comme le portent les manuscrits) Jxæoc. "Oroua dé xeoxodèine 2 tidoc 6 Séyoc; 8 yag adixe (or. L'hippopotame est injuste ; le sucmis est juste. C’estunnom ét une espèce de crocodile (ou bien, il a le nom et la figure du crocodile). Il ne nuit à aucun animal. L’explication est simple. Damascius vivoit sous Justinien, au sixième siècle ; son maître /sidore, dont il écrit la vie, (1) Æl. anim. X. 24. (2). Id. 21. D'HISTOIRE NATURELLE. 4 n'étoit guère plus ancien. De leur temps, les payens étoient persécutés. On ne nourrissoit plus d'animaux sacrés en Égypte; il ne restoit de l’ancien culte que des traditions ou ce que les livres en rapportoient. Damascius éloit ignorant et crédule, comme les seu/s titres de ses ouvrages en font foi. Il aura lu ou entendu dire que le soucxis où CROCODILE SACRÉ D’ARSINOE ne faisoit point de mal, et il en aura fait aussitôt une espèce particulière et innocente, si toutefois le mot tidoç est pris ici pour uotre mot espece; Car on Sait que sa signification est ambigué, et la maniere obscure dont il est placé par Da- mascius n'est pas propre à en fixer le sens. Il est évident d’ailleurs quelesucnis, füt-il un crocodile moins fort queles autres, seroit toujours carnassier, et qu’on ne pour- roit dire raisonnablement qu'il ne nuit à aucun animal. Une semblable erreur est faite pour ôter tout crédit à ce passage. De Paw semble croire que les Ærsinoïtes nommoient leur crocodile suchu, voulant dire /e juste (1). C’est qu'il avoit mélé dans sa mémoire, comme il lui arrive souvent, le pas- sage de Strabon et celui de Photius. Bochart dérive suchus de lhébreu , et dit qu'il signifie na- geur,nom convenable, ajoute-t-il, pour le crocodile d Arsi- noë , dont le culte, seton que'ques-uns, ainsi que le rapporte Diodore, avoit été établi par le roi Ménas , parce qu’un cro- codile lavoit sauve en le portant sur son dos à la nage, un jour qu'il étoit tombé dans l'eau. Je prévois cependant encore une objection. Comment , va-t-on me demander, ce nom de suchis est-il devenu appellatif, () Rech, phil. sur les Egyp. et les Chinois. II, 123, 48 ANNALES DU MUSÉUM puisque pi suchi en copte signifie un crocodile en général, aussi bien que pi amsah ? Je réponds que Aircher seul me paroïit avoir introduit ce mot dans la langue copte , ei je crois qu'il l'a forgé d’après le passage de Strabon. Le savant M. de Sacy s'est assuré qu’on ne le trouve point dans le vocabulaire manuscrit rapporté à Rome par Pietro della Valle, et déposé aujourd’hui à la bi- bliothèque impériale, vocabulaire qui a servi de base à la Scala de Æircher. I n’est pas davantage dans un autre vocabulaire apporlé récemment d'Egypte par M. Marcel. Kircher lui- méme a varié dans l’orthographe de ce mot; et dans le sup- plément de son Prodromus, pag. 587, il l'écrit pi songi, ap- paremment parce qu'il suivoit alors les exemplaires de Stra- bon où l’on trouve sonchrs. LE CROCODILE A DEUX ARÈTES. Crocodilus biporcatus, Nos. Crocodilus porosus, Scnxeiper. Le hasard a voulu que nous possédassions cette espèce dans tous ses âges, depuis la sortie de l'œuf jusqu'à la taille de douze pieds ; ce qui non-seulement nous a fourni ses carac- tères avec beaucoup de certitude, mais nous a encore donné les renseignemens les plus utiles sur les variations de forme que l’âge fait subir aux crocodiles en général. Sa tête, prise dans l’âge adulte, ne diffère de celle da croco- dile vulgaire que par deux arêtes saillantes qui partent de l'angle antérieur de l'orbite, et descendent presque paralle- lement le long du museau, en disparoissant par degrés. Lesécailles du dos, qui ressemblent à celles del’espèce vulgaire par l'égalité et le peu d'élévation de leurs crètes, en différent, 1. Parce qu’elles sont plus nombreuses : la première rangée D'HISTOIRE NATURELLE. 49 en a quatre ; les deux suivantes, six; puis en viennent huit, de huit chacune ; puis trois à six, et trois à quatre; dix-sept en tout , sauf les petites variétés individuelles ; 2.° Parce qu’au lieu d’être carrées et plus larges que longues, elles sont ovales et plus longues que larges. La nuque est à peu près comme dans le vulgaire, Outre les pores ventraux très-sensibles dans cette espece, elle en a dans sa jeunesse à toutes ses écailles du dos et aux intervalles triangulaires qu’elles laissent entre elles. Ce caractère des pores dorsaux ne se retrouve un peu que dans les très-jeunes individus de l'espèce ordinaire du Nil. On ne peut douter que ce ne soit ici le crocodilus porosus de M. Schneider. La description qu'il en donne est parfaite- mient exacte. C’est aussi l'espèce dont j'ai représenté latéte dansles Archives zoologiques, 1ome IL, cah. IT, pl IT, fig. 1; mais c’étoit la tête d'un individu qui n'avoit qu'un pied de long. À cet âge, la tête présente des différences que l’on peut saisir en comparant la figure 19 de notre planche T, où cette tête est un peu rapetissée, à la figure 4, qui représente l'adulte, très- rapelissé. L: Dans celle de l'individu d'un pied de long, les côtés, au lieu de continuer leur direction rectiligne, se courbent un peu vis- à-vis des yeux, où ils renflent très-légèrement la joue, pour devenir presque parallèles jusqu'à Particulation des mâchoires. Les fosses du crâne sont plus longues que larges, et les or- bites beaucoup plus grands que dans l’adulte, La tête d’un individu sorti de l'œuf depuis peu de temps fait voir encore d’autres différences. Nous la représentons de grandeur naturelle, pl. I, fig. 18. Son caractère le plus distinctif 10. 7 50 ANNALES DU MUSÉUM tient au peu de développement proportionnel du museau, La comparaison que j'ai faite des jeunes individus de l'espèce vulgaire et de l'espèce de Saint-Domingue à leurs adultes, m'a offert des différences tout-à-fait analogues, et il est probable qu'il y en a de pareilles dans toutes, Cette observation préservera les naturalistes d'établir des espèces sur ces caractères d’äges. Nous avons dans l’esprit-de-vin trois individus entiers de cette espèce, depuis six jusqu’à dix-huit pouces delong; un en squelette, long d’un pied et demi; un autre empaillé , d’une taille double;la tête d’un qui avoit cinq pieds; un squelette de dix, et un de douze. Ce plus grand squelette a été apporté de Java au stadhouder ; celui de dix pieds vient de Timor, où il a été fait par M. Péron. Le même savant voyageur a rapporté des Iles Séchelles plu- sieurs jeunes individus de cette espèce. Il est donc très-pro- bable que c’est ici le crocodile le plus commun dans toutes les rivières qui aboutissent à la mer des Indes. C’est bien cette espèce que représente la figure 1, planche CIIL de Séba ,tome I. Nous possédons individu de Séba au Muséum : il venoit de Ceïlan , selon cet auteur. C'est aussi à cette espèce que se rapporte la figure 12, planche CIV. Le brun est distribué dans les jeunes individus par grandes taches rondes, isolées sur les flancs, rapprochées en bandes sur le dos. J’ignore si les couleurs changent avec l'âge. M. Delabillardière m'apprend que c’est une opinion géné- rale à Java, que cet animal ne dévore jamais sa proie sur-le- champ, mais qu'il l'enfouit dans la vase, où elle reste trois ou quatre jours sans qu'il y touche. Nous verrons bientôt que la méme habitude est attribuée à d’autres espèces. [Sa La) D'HISTOIRE NATURELLE. LE CROCODILE À LOSANGE. Crocodilus rhombifer. J’ignore sa patrie. Je n’en ai vu que deux individus : un en- tier, du cabinet de l'Académie des sciences, et un autre de ce Muséum, qui étant fort mutilé , m’a donné occasion d’en tirer le squelette de sa tête. Les caractères de cette espèce sont très-frappans. 1.° Son chanfrein est plus bombé que dans toutes les autres ; sa coupe transversale représente un demi-cercle au moins: dans le crocodile vulgaire, c’est une courbe extrémement surbaissée. 2.° De l'angle antérieur de chaque orbite part une arête mousse, rectiligne , qui se rapproche promptement de sa correspondante, et forme, avec elle et les bords internes des deux orbites, un losange incomplet à son angle postérieur, Ces deux arêtes se distinguent aisément de celles de l'espèce précédente, en ce qu’elles ne sont point parallèles. 3. Les quatre membres sont revétus d’écailles plus fortes que dans les autres espèces , relevées chacune dans son milieu d’une grosse arète saillante : ce qui leur donne l'air d’être armés plus vigoureusement. Ses écailles sont à peu près les mémes que dans le crocodile vulgaire. Sa couleur est un fond verdâtre tout piqueté en dessus de petites taches brunes très-marquées. LE CROCODILE A CASQUE. Crocodilus galeatus, Nos. Il doit aussi étre placé à cet endroit. Son admission dans le catalogue des reptiles ne repose encore que sur la description qu’en ont faite à Siam les missionnaires français (1). ie seul caractère qu'on en puisse déduire consiste dans deux crètes (1) Mém. de Acad. des Sc. avant 1699 , com. IL, part. H, p, 255, pl. 64. 7 * 52 ANNALES DU MUSÉUM triangulaires osseuses, implantées lune derrière l'autre sur la ligne moyenne du crâne Il est également bien exprimé dans la figure et dans la description. Rien n'autorise à le regarder comme la marque de lâge ou du sexe. L'individu décrit m'avoit que dix pieds, et nous en avons d'aussi grands des deux sexes de l'espèce vulgaire , qui n’ont point de crète. La figure donneroit bien encore trois autres caractères; car elle ote aux pieds de derrière leurs dentelures, leurs pal- mures, et elle fait régner les deux crètes dentelées jusque sur le bout de la queue : mais ce sont autant de fautes du dessi- nateur. Les deux dernières de ces fautes sont expressément coniredites par la description , et la première par une seconde figure du même animal, vu sur le dos, où la dentelure est bien rendue, Néanmoins ces trois fautes ont passé dans la copie insérée dans l’histoire de la montagne de Saint-Pierre, et dans le Buffon de Déterville; on y en a même ajouté une quatrième , en don- nant un ongle de trop à tous les pieds. Du reste ce crocodile ressemble presque en tout à l’espèce commune du Vif. Il devient grand; les missionnaires en ont disséqué un de dix pieds et plus. Leur description ne s'exprime pas clairement sur le nombre des bandes transversales du dos, ni sur celui des arêtes dans chaque bande. Je n’appelle point cette espèce siamensis, comme la fait M. Schneider, parce qu'il y en a encore une autre à Siam. Le troisième individu décrit par les missionnaires n'avoit point de crète sur le casque, et ses yeux étoient plus grands. Il étoit probablement de la même espèce que nos squelettes de Java à de Timor, c'est-à-dire de l'espèce à deux arêtes. D'HISTOIRE NATURELLE. 53 Cette réunion de deux espèces dans les inèmes contrées paroïit avoir lieu dans presque toutes les parties de l'Inde (x). N'ayant nous-mêmes auçun échantillon de ce crocodile sous les yeux, nous copions, (pl. F, fig. o),la figure de la tête, re- vêtue de sa peau , telle que l'ont donnée les missionnaires. On peut y prendre une idée de sa forme générale, de sa ressemblance avec celle de l'espèce vulgaire, et de la position des crètes qui l'en distinguent. LE CROCODILE A DEUX PLAQUES. ( Crocodilus biscutatus, Nos. ) Adanson annoncçoit, dans son Voyage au Sénégal, que ce fleuve possede une seconde espèce de crocodile, plus noire, plus cruelle et à museau plus allongé que la verte, qui est la vulgaire. Aucun netureliste ne s’est pu faire d'idée nette de ce cro- codile noir. Les uns se sont bornés à citer ces deux ou trois lignes d’Adanson et à laisser le crocodile noïr comme une es- pèce encore obscure : c’étoit le parti Le plus sage, celui qu'a pris M. de Lacépède. D’autres, comme Gronovius et Gmelin, Vont cru le même que le gavial, qui n’a certainement rien de noir; d’autres enfin l'ont entièrement négligé. M. Adanson lui-même sembloit Pavoir oublié; car, ainsi que nous l'avons rapjorté ci-dessus, il avoit douné pour tel, il y a long-temps, au cabinet du roi, un caiman à paupitres osseuses , et dans ses portefeuiiles il avoit fait dessiner un crocodile vulgaire comwimie le crocodile noir. et un caiman (1) Fouché d'Obsonville, Essais sur les mœurs des divers wnimaux étrangers, p- 29 et 50. 54 ANNALES DU MUSÉUM comme le vert. J'ai vérifié ce dernier point en parcourant ses papiers. Cependant c’est à l’aide d’un bocal de son cabinet que je suis revenu sur la trace de cette espèce , et que je crois l'avoir retrouvée. Ce bocal portoit pour étiquette de la main d’Ædanson, Gaviar pu SÉNÉGAL, el ensuite une addition postérieure en ces mots: ET DU GANGE, à gueule allongée et étroite. Il ÿ avoit évidemment ici une confusion fondée apparemment sur le trop de confiance qu'avoit eue Ædanson dans les rapprochemens de Gronovius. L'individu contenu dans le bocal étoit de mon sous-genre crocodile, mais d’une espèce particulière. J’en ai trouvé un semblable empaillé et fort mutilé, dans le cabinet de l'Aca- démie des sciences. La couleur de Fun et de l'autre parot plus foncée que dans les crocodiles vulgaires. Je ne doute donc presque pas que ce ne soit ici le vrai crocodile noir, vu autrefois par Ædanson au Sénégal, ensuite oublié et con- fondu par lui avec d’autres espèces, lorsque ses études gé- nérales lui eurent fait perdre de vue les objets particuliers du voyage qui avoit occupé les premières années de sa jeunesse, Ce crocodile a les màchoires un peu plus allongées que celles de l'espèce vulgaire ; mais elles le sont moins que dans celle de Saint-Domingue. I ressemble à cette dernière par les écailles du dos, ayant comme elle les deux lignes longitu- dinales d’arêtes du milieu plus basses que les deux latérales, et celles-ci disposées un peu irrégulièrement. Mais son carac- tère le plus éminent, celui par lequel il diffère de toutes les espèces du sous-genre, c’est que sa nuque n’est armée que de deux grandes écailles pyramidales sur son milieu, et de deux petites en avant. D'HISTOIRE NATURELLE. 55 Le nombre des rangées transversales jusque derrière les cuisses n’est que de quinze dans l'individu empaillé. Les deux crètes latérales de la queue règnent jusqu'à la dix-septième rangée, et il y en a ensuite seize à crète simple. Les écailles des deux lignes longitudinales moyennes sont plus larges que longues. Celles du dessous ont des pores, mais je n’ai pu en voir aux supérieures. LE CROCODILE A MUSEAU EFFILÉ ou de Saint-Domingue. (Cro- codilus acutus, Nos. ) Il n’y a point d’équivoque pour cette espèce-c1 : elle se dis- tingue neltement de celle du Vi! par les formes comme par le climat. Le Muséum la tirée de la grande ile de Saint- Domingue ; mais il est probable qu’elle existe aussi dans les autres grandes Antilles , et il seroit curieux de savoir si on la trouve sur le continent de l Amérique, à côté de l'un ou de l’autre caiman. M. Geoffroy est le premier qui l'ait fait connoître. Le père Plumier Yavoit cependant décrite, disséquée et parfaitement bien dessinée ; mais ses observations étoient restées manuscrites, excepté ce que M. Schneider en a publié, sans savoir à quelle espèce elles se rapportoient. M. Descourtils vient d’en rédiger de nouvelles qui sont pleines d’intérét, et qui acheveront de faire connoître ce dangereux reptile. Son museau est plus effilé que celui de tous les autres cro- codiles proprement dits , même du crocodile noir. La largeur de la tête à l'articulation des mächoires est comprise deux fois et un quart dans sa longueur. a longueur du crâne ne fait qu'un peu plus du cinquième de la longueur 56 ANNALES DU MUSEUM totale de la tête. Les mâles ont cependant toutes ces propor- tions un peu plus courtes que les femelles, etse rapprochent un peu des femelles du crocodile vulgaire, surtout quand ils sont jeunes. Sur le milieu du chanfrein, un peu en avant des orbites, est une convexilé arrondie plus ou moins sensible. Fa face supérieure du museau n'offre point de lignes saillantes ; les bords des mächoires sont encore plus sensiblement festonnés que dans l'espèce d'Egypte , en prenant des individus du même age. Les plaques de sa nuque sont à peu près les mêmes que dans l'espèce d'Égypte ; mais celles du dos, et c’est ici son caractere le plus distinctif, ne forment proprement que quatre lignes longitudinales d’arêtes (comme dans le précédent }, dont les mitoyennes sont peu élevées , et les externes fort saillantes. Celles-ci sont de plus placées irrégulièrement, et en ont quel- ques-unes d’éparses le long de leur côté externe. Cette armure du dos n’approche donc point de l'égalité ni du nombre des pièces de celle du crocodile vulgaire. Les mitoyennes sont encore plus larges à proportion que dans l'espèce du Vi. Il n'y a que quinze ou seize rangées transversales jusqu’à l’origine de la queue. Celle-ci a dix-sept ou dix-huit rangées avant la réunion des deux crètes, et dix-sept après. Les arètes mi- toyennes cessent à la huitième ou neuvième rangée. Ses pieds ne diffèrent point de ceux du vulgaire. Ses écailles œ Le] inférieures ont chacune leur pore. La tête est un peu plus de sept fois dans la longueur totale. Le dessus du corps est d’un vert-foncé, tacheté et marbré de noir; le dessous d’un vert plus pale. Depuis que nous possédons le grand individu envoyé par D'HISTOIRE NATURELLE. 57 le général Rochambeau , nous en avons reconnu au Muséum un autre qui y avoit été envoyé depuis long-temps d’Amé- rique , et nous en avons trouvé trois de différentes grandeurs, empaillés, dans des cabinets et chez des marchands. Je ne doute plus que ce ne soit cette espèce que Séba a voulu offrir dans sa famense planche 106, tome FE. Le peintre y a mal rendu les dents et les écailles, surtout celles de la nuque, et donné un doigt de trop au pied de derrière; mais il a fait des fautes plus graves dans vingt autres occasions. Néanmoins l'habitude totale est celle du crocodile de Saint-Domingue, et c’est aussi d'Amérique que l'individu venoit. Si l'original de cette figure existoit comme espèce, et avoit en effet les carac- tères qu’elle montre, j'ose dire qu'il seroit impossible qu’on ne eût pas revu depuis Séba. Un autre point de synonymie qui me paroît plus sûr en- core, c’est que les différens petits crocodiles de Curaçao, représentés dans Séba, pl CIV, fig. 1—09, sont aussi de cette espèce. On peut le juger surtout par la disposition de leurs écailles. Nous avons trois de ces individus de $Séba au Mu- séum , dans la liqueur , qui ne laissent aucun douie. M. Descourtils nous apprend que les mâles sont beaucoup moins nombreux que les femelles ; qu'ils se battent entre eux avec acharnement ; que l’accouplement se fait dans l'eau sur le côté ; que lintromission dure à peine vingt-cinq secondes ; que les mäles sont propres à la génération à dix ans , les fe- melles à huit ou neuf; que la fécondité de celles-ci ne dure guère que quatre ou cinq ans. Selon lui, la femelle creuse avec les pattes et le museau un trou circulaire dans le sable sur un .tertre un peu élevé, où elle dépose vingt-huit œufs humectés d’une liqueur vis- 10. 0) 58 ANNALES DU MUSEUM queuse, rangés par couches séparées par ur peu de terre, et recouverts de terre battue. La ponte a lieu en mars, avril et mai, et les petits éclosent au bout d’un mois. Ils n’ont que neuf ou dix pouces au sortir de l'œuf, mais ils croissent jusqu’à plus de vingt ans, et atteignent seize pieds et plus en longueur. Lorsqu'ils éclosent, la femelle vient gratter la terre pour les délivrer; les conduit , les défend et les nourrit en leur dé- gorgeant la pâture pendant troïismois, espace de temps pen- dant lequel le mâle cherche à les dévorer. M. Descourtils confirme ce qu’on a observé des crocodiles en général, qu'ils ne peuvent manger dans l’eau sans risque d'être étouffés. Celui-ci se creuse des trous sous l’eau , où il en- traine et noie ses victimes, qu’il y laisse pourrir. Il peut tres-bien mordre sa queue: ce qui prouve que ces animaux sont plus flexibles qu'on ne le dit. Je trouve aussi dans une nôte d'un pharmacien de Saint- Domingue , qui n'a élé remise par le respectable M. Par- mentier , que le crocodile de Saint-Domingue préfère la chair de nègre ou de chien ; qu’il la laisse pourrir avant de la dévo- rer; qu'un individu très-jéune, rétenu en captivité, ne put être nourri qu'avec des boyaux à démi-putréfiés; que la feinelle a l'instinet de venir découvrir les petits quand ils éclosent. Pour éviter le crocodile, les chiens aboïent , et les chevaux battent l'eau dans un lieu, afin de l'atirer, et se hâtent en- suite d'aller boire plus loin. Le crocodile de Saint-Domingue est généralément nommé eäiman par lés colons et par les nègres de cette ile. D'HISTOIRE NATURELLE. 59 III° espèces de GAr1ALS. Le premier qui ait parlé d’un crocodile à bec cylindrique est le peintre anglois Edwards. N en décrivit,en 1756, dans le tome 49 des Trans. phil., pl. 19, un individu sortant de l'œuf, qui avoit encore son sac ombilical pendant hors de l'abdomen , et il fit de ce sac, lequel n’est que le reste du jaune qui n’est pas encore rentré dans l'abdomen comme cela arrive toujours un peu après la naissance, il en fit, dis-je, un des caractères de l'espèce. Il l’annonça comme venant de la côte d'Afrique. Gronovius en décrivit brièvement un autre de son cabinet, en 1:63 (Zooph.p. 10 } , et loua beaucoup la figure d’ Edwards. Merck en décrivit un troisième, en 1785 ( Hessische Bey- trage, IT, 1 ,p.73,et Troisième lettre sur les os foss. p.25), auquel lafigure d'£'dwards ne lui parut au contraire point res- sembler du tout. On auroit pu dès-lors soupçonner qu'il y en avoit deux espèces. C'est ce que parut faire Gmelin ( System. na!.,tomeï, part. HI, p.1058 ); mais il indiqua des caractères peu exacts. Tous ces individus étoient petits et les descriptions courtes. M. de Lacépede donna le premier la description complète, avec les mesures et la figure, d’un individu long de douze pieds, venu de l'Inde au Muséum. C’est ce grand naturaliste qui à donné à l'espèce le nom indien de gavial. Son traducteur allemand M. Bechstein en a décrit un autre de six pieds. Mais notre Muséum en possède encore un de deux pieds, que M. de Lacépéde à déjà indiqué dans son ouvrage , ei un Ss * Go ANNALES DU MUSÉUM squelette de même grandeur que jai fait préparer : l’un et l'autre différent très-sensiblement du grand individu. M. Faujas a fait graver de belles figures tant de notre grand que de notre petit gavial( Hist. de la Montagne de Saint-Pierre, pl. 46 et 48 ) , ainsi qu'une excellente de la tête osseuse du grand ( pl. 43) ; et je dois dire que c'est lai qui m'a rendu attentif à leurs différences, quoiqu'il n'ait pas jugé à propos d’en faire usage pour établir deux es; èces. Je les ai exposées, en 1802, dans mon premier Mémoire sur les crocodiles. Depuis lors j'ai ajouté à mes matériaux le squelette d'une têie du grand gavial, et cette tête nv'a offert encore des dilférences nouvelles. Je me crois donc maintenant suffisamment autorisé à croire qu'il existe deux gavials différens. GRAND GAVIAL. ( Crocodilus longirostris, Scux. Lacerta gan- getica, GMEL.) Le nom de crocodile du Gange a l'inconvénient de faire croire qu'il w’y en a point d'autre dans ce fleuve. Or des cro- codiles semblables au vulgaire S'y trouvent aussi en quantité: les anciens ne l'ignoroient pas. « Le gange ( dit Elien (1), » nourrit deux sortes de crocodiles : les uns innocens, les » autres cruels.» En effet, le gayial ne se nourrit que de poissons ; et quoiqu'il arrive aussi à une taille gigantesque, il n’est pas dangereux pour les hommes. M. de Fichtel, ha- bile naturaliste , attaché au cabinet de l'Empereur d'Autriche, M DS un ns nn (1) Lib. XKF, cap. 41. ÿ D'HISTOIRE: NATURELLE. 6x qui a vu lui-même les deux crocodiles sur les bords du Gange, m'a garanti ce fait. Il est probable d’ailleurs qu'on retrouve le gavial dans les fleuves voisius du Gange ,comme le Buram-Poulter ,eic. Cette espèce n’estencore bien représentée que par M. l'aujas ( Hist. de La Mont. de Suint- Pierre, pl: 46 ). Son museau est presque cylindrique: 1} se renfle un peu au bout et s'évase à sa racine. La tête s’élargit singulierement, surtout en arrière : sa dimension transverse est comprise deux fois et deux tiers de fois dans sa longueur totale ; mais la lon- gueur du crâne, à prendre jusqu'entre les bords antérieurs des orbites, est comprise quatre fois et un tiers dans la longueur totale. La table supérieure du cràne, derriere les orbites, forme un rectangle-plus large que long d’un tiers. Les orbites sont plus larges que longs ; l'espace qui les sépare est plus large qu'eux-mêmes. Les trous du crane sont plus grands que dans aucune autre espèce, plus grands même que les orbites, et, comme eux , plus larges que longs. Ils ne se rétrécissent pres- que pas vers leur fond. Je compte vingt-cinq dents de chaque côté en bas, et vingt- huit en haut dans les deux échantillons, en tout cent six dents. La longueur du bec est à celle du corps, comme 1 à 9 4. Il n’y a derrière le crâne que deux petits écussons : puis viennent quatre rangées lransversales, qui se continuent avec celles du dos. Toutes ces rangées sont comme dans l'espèce suivante. Le petit gavial. M. l'aujas en a aussi donné une figure (Hist. de la mont. de Saint-Pierre , pl. 48). Son crâne est plus long et moins large , à proportion de son museau , que dans le grand gavial. 62 ANNIALES DU MUSÉUM La longueur du crâne; à prendre jusquesentre les bords an- térieurs des orbites, est comprise trois fois et un tiers seule- ment dans Ja longueur totale. La table supérieure du crâne, derrière les orbites , forme un carré aussi long que large. Les orbites sont plus longs que larges , plus grands à proportion de la tête, séparés par un espace moitié plus étroit que chacun d'eux. Les trous du crâne sont plus longs que larges et bien ré- trécis dans leur fond. Il ne faudroit pas cependant se hâter de conclure, s'il n’y avoit que ces différences : elles me paroisseut fort analogues à celles que l’âge produit dans le crocodile à deux arétes. Je compte une paire de plus où de moins de dents de chaque côté, soit en bas, soit en hant, dans mes différens exemplaires. Le vrai nombre paroit le même que dans le précédent. La longueur du bec est à celle du corps comme 1 à 7. Il est donc un peu plus long que dans le grand. Or cette diffé- rence est contraire à celle que l’âge produit dans les autres crocodiles et dans tous les animaux. Leur museau allonge toujours par le développement des dents. La nuque est armée derriere le crâne de deux paires d'édns- sons ovales , ensuite de quatre rangées transversales : la pre- mière, de deux grandes. écailles ; les deux suivantes ; de deux grandes et de deux petites; la quatrième de deux grandes , et les bandes du dos sont la continuation de celles-là elles ont toutes quatre grandes écailles carrées et deux fort étroites sur le côté. Toutes ces écailles ont des arêtes égales et peu éle- vées. Le nombre des bandes dorsales est de dix-huit. Les erètes de la queue sont doubles jusqu'à la dix-reuvième bande, Si la distinction de cette espèce se confirme, comme je le ; \ 63 D'HISTOIRE NATURELLE. 2 pense, il faudra que les voyageurs nous apprennent dans quels pays elle habite principalement et à quelle taille elle peut par- venir. Nous n'avons encore sur ces deux points aucun ren- seignement authentique. AR TT C' LE . V. Résumé et tableau méthodique du genre et de ses espèces. Nous voilà loin de l’époque où les plus grands natu- ralistes n’admettoient qu'une seule espèce de crocodile ; il faudra en inscrire maintenant douze et peut-être quinze dans le catalogue des reptiles. Préparons d'avance cette partie du travail des futurs rédacteurs du Systema naturæ , en résu- mant ici les caractères génériques et spécifiques établis dans ce Mémoire. Je me bornerai à citer pour tous synonymes les bonnes figures originales : cette réserve vaux mieux que d’entasser une foule de citations douteuses qui ne servent qu'atoutembrouiller, CLASSIS. amPripra. ORDO. savni. GENUS. croconirs. Dentes conici, serie simplici. Lingua carnosa, lata, oriafixa. Cauda compressa , supernè carinata serrata. Plantæ pal- malæ aut semi-palimatæ. Squamæ dorsi, ventris , et caudæ , latæ sub-quadratæ. * ALLIGATORES. Dente infero utrinque quarto , in fossam matillé supe- rioris recipiendo ; plantis semni-palinatis. 64 ANNALES DU MUSEUM 1. Crocodilus lucius. Rostro depresso parabolico , scutis nuchæ quatuor. Habitat in Americà septentrionali. 2. Crocodilus sclerops. Porca transversa inter orbitas, nucha fasciis osseis quatuor cataphracta. … (Seb. TI, tab. 104, f. 10, fig. mediocr.) Habitat in Guyanà et Brasilià. 3. Crocodilus palpebrosus. Palpebris osseis ,.nuchæ fasciis osseis quatuor cataphracta. Habitat sou 4. Crocodilus trigonatus. Palpebris osseis , scutis nuchæ irregularibus carinis elevatis trigonis. C6; 7,/plron, 237) Num variet. præced. ? Habitat briuté ** CrocopiLr. Dente infero utrinque quarto , per scissuram maxillæ su- perioris transeunte, plantis palmatis , rostro oblongo. D'HISTOIRE NATURELLE, 65 5. Crocodilus vuloaris. Rostro æquali, scutis nuchæ 6, squamis idorsi quadratis , sexfariam positis. (Ann. mus, Paris. X, tab. 3). Habitat in Africä. 6. Crocodilus biporcatus. Rostro porcis 2 subparallelis, scutis nuchæ 6, squamis dorsi ovalibus , octofariam positis. Habitat in Insulis Maris Indici. 7. Crocodilus rhombifer. Rostro convexiore, porcis 2 convergentibus, scutis nuchæ 6, squamis dorsi quadratis sexfariam positis ; membro- sum squamis crassis, carinatis. Habitatiiets ue 8. Crocodilus galeatus. Crista elevata bidentata in vertice, scutis nuchæ 6. ( Hist. anim. Paris ,1. 64.) Habitat in Indià ultra Gangem. 9. Crocodilus biscutatus. Squamis dorsi intermediis quadratis, exterioribus irregula- ribus subsparsis, scutis nuchæ 2. Haba ent 10. 8 66 ANNALES DU MUSEUM 10. Crocodilus acutus. Squamis dorsi intermediis quadratis, exterioribus irregula- ribus subsparsis, scutis nuchæ 6, rostro productiore, ad basim convexe. ( Geoff. An. Mus. Paris. II, tab. 37.) Habitat in magnis Antillis. #XX LoncIROSTRES. Rostro cylindrico, elongato, plantis palmatis. 11. Crocodilus gangeticus. Vertice et orbitis transversis, nucha scutulis 2. ( Faujas, Hist. mont. $. Petri, tab. 46). Habitat in Gange fluvio. Ë 12. Crocodilus tenuirostris. Vertice et orbitis angustioribus , nuchæ scutulis 4. (Faujas, loc. cit., tab. 48.) Habitat Rise id D'HISTOIRE NATURELLE. 67 DESCRIPTION DE DEUX CROCODILES QUI EXISTENT DANS LE NIL, Compares au crocodile de Saint - Domingue. PAR M. GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. Lis nouvelles recherches de M. Cuvier sur les crocodiles (1) viennent de lui en faire découvrir plusieurs autres espèces, et l'ont en outre convaincu que ces animaux se partagent natu- rellement en trois sous-genres. Informé que M. Cuvier prépare sur cette matière un tra- vail très-étendu, où il doit donner, beaucoup plus exactement qu’on ne l'a fait jusqu'ici, les caractères généraux des croco- diles, et indiquer les rapports et les différences des trois pe- tites tribus de cette famille, je me bornerai dans cet article (1) Voyez son premier Mémoire , qui a paru , en 1801 , dans les Æwrales 200= logiques et zootomiques de feu M. Wiedmann, DM 68 ANNALES DU MUSEUM à décrire les deux crocodiles qui existent dans le Nil,et à faire connoître sous de nouveaux rapports celui de Saint-Domingue dont j'ai donné unefigure dans le tome IL de ces Annales. Ce n’est qu’en dernier lieu et bien postérieurement à mon retour en France, que j'ai acquis la certitude qu'il y a deux espèces de crocodiles dans le Nil. Voici à quelle occasion. Dans les vingt-trois jours que j'ai passés au milieu des ruines de Thebes, je me suis particulièrement occupé à faire chercher et à ramasser moi-même dans les grottes consacrées aux inhu- mations de la population de cette ville, autant de momies d'animaux qu'on en pouvoit trouver. J'ai désiré en faire une collection qui, indépendamment du mérite que ces objets ont pour un antiquaire, pût mettre sous les yeux des naturalistes des squelettes qui datent de vingt à trentesiècles (1).J’ai imaginé qu’en leur procurant aussi des squelettes des mêmes espèces qui existent toujours en Égypte, je leur fournirois les moyens d'éclaircir la question tant dé- battue de nos jours, si les espèces dégénèrent ou acquièrent des qualités en se perpétuant sur un terrain qui a éprouvé d'assez grands changemens. Dans le nombre des momies que j'ai recueillies, il s’en est trouyé deux de crocodiles: l’une d’elles , ue j'ai ouverte de- puis mon retour en France, renfermoit, entre autres choses, un cräne très-bien conserve. Comparé au crane d’un très-bel individu que j'avois aussi rapporté d’ Égypte ,il na paru en différer, Il est bien plus — (»).Et peut-être même de quarante, Plusieurs de mes collègues, membres de l'Institut d'Egypte, font remonter l’époque florissante de Thèbes à cinq mille ans et plus: ils en donnent des raisons qui m'ont paru plausibles, D'HISTOIRE NATURELLE. Ga étroit et plus allongé : ses pommettes sont proportionnelle- ment plus écartées, et l'entrée des fosses orbitaires est beau- coup plus large. D’aussi grandes différences indiquoient une autre espèce. Je me suis rappelé alors que M. de Lacépède (1) avoit, surlau- torité d'Adanson, établi deux espèces de crocodiles qui dif- féroient principalement par la proportion de leurs mächoires, et il m’est venu à l'esprit que les pêcheurs d’ Égy pte y en con- noïssoient plusieurs. En effet, mes manuscrits où j'ai consigné sur les lieux toutes les observations que je me suis procurées dans mon voyage , font mention qu'un pécheur de Luxor n'avoit dit avoir dis- tingué trois espèces de crocodiles : un vert; un second, rouge- brun; et un: troisième, noir , avec uu coller encore plus noir. Je n’avois pas eu alors occasion de vérifier ce renseignement : j'ai passé si rapidement dans la Thébaïde, que je ne n’y suis pas livré autant que je l'aurois bien voulu à des recherches d'histoire naturelle. Je voyageois avec des artistes occupés de la seule considération des monumens de l'antique Égypte, et j'avoue que jai souvent interrompu mes travaux zoologiques pour prendre part à leurs intéressantes découvertes. Comme je conservois encore quelques regrets à cet égard, jai appris que quelques anciens avoient distingué et connu les deux crocodiles du Nil. J’ai été mis sur la voie de cette recherche par le célèbre M. Visconti, qui a bien voulu me com- muniquer un passage de Jablonski (2) où il étoit question de ces deux espèces. (1) Histoire des quadrupèdes ovipares, pag. 253. (2) Panthéon égypt. pars 14, Gb, V, De Dis Egyptiorum, pag. 70, 0 ANNALES DU MUSÉUM 7 Hérodote, qui a enrichi son précieux ouvrage d’un long article sur ces animaux, nous en a fait connoître le nom an- cien. « On les appeloit, dit-il, yæwdaæ; mais les Ioniens leur » ont donné le nom de crocodiles, ayant trouvé qu’ils ressem- » blent à des lézards de leur pays qui vivent dans les haies » et qu'ils nomment crocodiles (1).» Héron. Liv. 2, chap. Got. L'ancien nom de ces reptiles s’est , à ce qu'il paroït, perpé- tué jusqu'à nous : plusieurs érudits, tels que Jablonski, Paw et M. Larcher, le retrouvent, un peu altéré à la vérité, dans le mot de ci (temsah) en usage aujourd’hui en Égypte. Il est cité dans plusieurs vocabulaires copt-arabes, et par- ticulièrement dans le vocabulaire saidique, Mss. Bibl. imp. 44, fol. 54. Ce mot y est écrit ewczs (emsah). D'un autre côté Ja- blonski l'a trouvé écrit SEUCEZ (hemsa où khemsa), forme sous laquelle il s'approche beaucoup du mot yawŸas, cité par Hérodote. On se servoit au-devant de ces mots de l’article masculin (1) Nom formé .de xpxss et deraos, littéralement, s4fran et timide, parce qu'on a prétendu que le lézard d'Tonie ne pouvoit supporter la vue ni l'odeur du safran, Poy. Ci. De naturà Deorum, et Pan. Liv. 8, chap. 28. Le nom de xyoxodtihos à passé dans la langue cophte avec quelques altérations, Ainsi on trouve le mot cophte M-K&PYIKADC (pi-kartiklos), traduit par le mot arabe e/-temsah, et par le mot latin erocodilus , dans le vocabulaire cophte et'arabe d’Ebn-kabar, publié par Kircher. Ce même mot se trouve écrit I-K2PTEKAOC (pi-kartuklos), dans un beau manuscrit in-folio du mème vocabulaire, qui fait partie de la riche bibliothèque de M. Marcel. La syllabe initiale IA (pi) est l'article prépositif du genre masculin dans le dialecte memphitique, aipsi que ITEX (pei) l'est dans le dialecte hébraïque, D'HISTOIRE NATURELLE. 71 pi quand on vouloit désigner Le crocodile, et de Particle fé- minin {, en parlant de sa femelle. Les Arabes on dit d’abord temsah, et ayant depuis oublié que ce mot étoit accompagné de son article féminin, ils y ont joint leur propre article al ou el. Nous avons fait au surplus la même faute pour les mots que nous avons empruntés à ces mêmes Arabes : nous disons l’al- coran, l'almanach, Falambic, etc., mots dans lesquels l’article arabe est employé conjointement avec l’article françois. De cette discussion , il résulte que les dénominations de khamsa, emsah et temsah ont été successivement les noms du crocodile en Égypte; cependant d’autres témoignagnes nous apprennent qu'il'étoit aussi connu sous le nom de suchos. Strabon (iv. 17) parle des honneurs extraordinaires qu'on lui rendoit dans la province d’Arsinoë (1). On en pre- noit un soin extrême; on le nourrissoit des présens des cu- rieux , et il étoit placé au nombre des animaux sacrés, Strabon ajoute qu'il montroit beaucoup de douceur à l'égard des prêtres, et qu'il s’appeloit £ovyoc. Hérodote en parle à peu près de la même manière. « Une partie des Égyptiens, dit-il, regarde les crocodiles » comme des animaux sacrés; d’autres au contraire les ont » en horreur, parce qu'ils sont très-malfaisans. Les habitans » des environs de Thèbes et ceux du lac Mœris (2) ont pour » eux beaucoup de vénération : ils en choisissent un qu'ils C2 (1) Ville consacrée aux crocodiles , et qui plus anciennement en portoit le nom, La province dont elle étoit le chef-lieu s'appelle présentement le Fayoum, (2) Ge lac existoit dans le voisinage d’Arsinoë. 72 ANNALES DU MUSEUM » apprennent à se laisser toucher, et qu'ils parent avec des » pendans d'oreilles et des bracelets. » Elien fait aussi mention des crocodiles sacrés , et rémarque(1) qu'on les apprivoisoit facilement et qu’ils se laissoient volon- tiers toucher par les prêtres, L'interprétation la plus naturelle de tous ces passages est sans doute que le nom de suchos avoit été donné aux croco- diles élevés en domesticité et placés, au rang des divinités. Cependant ce n’est pas l'avis de Jablonski : il croit que le nom, de suchos étoit celui d’une seconde espèce d’un naturel moins farouche,que la première, et dans laquelle les prêtres choisissoient les individus qu'ils destinoient à être honorés d’un culte, et qu'ils parvenoient à rendre privés. Jablonski prit cette opinion sur un passage qui nous a été conservé par Photius (2), et qui se trouve dans la vie d'Isi- dore, écrite par Damascius. Telle est la traduction du grec en latin qu’en rapporte Jablonski : Suchus justus est : ita nominatur aliqua crocodili species quæ nullum animal lædit. Justus ( d'iyaswc dans le grec ) est ici employé par oppo- sition à la qualification d’injusta bellua donnée plus haut à l’hip- popotame ; Damascius répétant, dans la phrase précédente, ce que Plutarque rapporte de l'hippopotame, qu’il passe pour le plus vicieux des animaux, parce qu’il tue son père et se mêle avec sa mère, Quoique Damascius, qui n’a guère écrit que des futilités, ne soit pas un auteur estimé, Jablonski trouva ce passage si ——————— —— —— " ——— ——— ——— ——————— ——.…—— ——— — (1) De animalium naturà, /b. 8, cap. {. (2) Photii Myriobiblon, in vità Isidori, édit. de 1655, p: 1047. D'HISTOIRE NATURELLE. 53 précis, qu'il ne fit pas difficulté de l'employer, et il'arriva ainsi à la conséquence qu'il y a en Fgypte deux espèces de crocodiles : l’une, d’un naturel farouche et mdomptable, dont la religion encourageoit la destruction en enseignant que ce crocodile étoit une production de Typhon ; et l’autre, d’un ca- ractère plus doux, qu’on appeloit suchos , et dans laquelle on choisissoit les individus destinés au service des autels. Il n’y a pas de doute que la conséquence déduite, du pas- sage cité ci-dessus, par Jablonski, ne soit fondée ; car la décou- verte que j'ai faite de deux espèces de crocodiles dans le Nil en est une preuve irrécusable. Mais seroit-il toutefois parti d’une idée erronée, et le nom de suchos n'auroit-il été donné qu'à ceux des crocodiles dont les prêtres prenoient soin et qu'ils élevoient au rang des autres animaux sacrés ? c’est ce que je ne me permettrai pas de décider. Il y a entre les deux crocodiles du Nil une grande diffé- rence de taille (1) : nul doute alors que les individus adultes de la petite espèce n'aient été confondus, dans le principe, avec les jeunes de la grande. Par sa taille et sa férocité, le grand crocodile n’aura pas manqué d'attirer long-temps sur lui seul l'attention des habitans des bords du Nil: d’où il est vraisem- blable qu’il aura eu d’abord en propre le nom de Lemsah ou de khemsa. Un adjectif qu'on y aura joint sera ensuite devenu le nom de la seconde espèce. Si le mot de Suchos est cet adjectif, et s’il signifie juste ou (1) Un auteur arabe, Abd-Allatif, rapporte dans sa Reation d'Egypte, au sujet des crocodiles, qu’il y en a de grands et de petits : auroit-il eu connoissance de deux espèces qu'on trouve dans le Nil? M. Sylvestre de Sacy, qui vient de donner une nouvelle traduction des ORuvres d’Abd-Allatif, ne le pense pas. Voyez ce pas- sage, page 140, et la note de M. Sylvestre de Sacy qui y est relative. 10. 10 74 ANNALES DU MUSÉUM parfait, comme l’a cru M. Paw sur l'autorité de Damascius, on devoiten trouver une trace dans la laugue cophte. Je me suis donc adressé à mon compagnon de voyage et mon ami M. Marcel, directeur général de l'imprimerie impériale, et lun de nos plus distingués orientalistes, Voici ce qu'il a eu la bonté de n'écrire à ce sujet. « Plusieurs savans se sont déjà fatigués sur l’étymologie du mot Zovyoc. Le docte Bochart, dans son Hierozoicon 11), la cherche dans la racine hébraïque ME (ssée ou ssakhah}), qui signilie s'étendre par terre, rampér (2), et nager (3); dans les mots chaldéens et talmudiques "D (soué ou soukha) et nD (sé ou sakh) nager (4), et dans les mots de la langue arabe ee (säkh) (LL (soukh), et Cr (ssoukh) nager, plonger. » Mais indépendamment de linconvénient qu'il y a à cher- cher l’origine des mots d’une langue dans d’autres idiômes qui y ont peu ou point de rapport, cette étymologie renferme un autre vice radical et qui auroit dù suffire pour la faire rejeter : c’est de ne se rapporter aucunement à l'interprétation du mot Souyoc donnée par les anciens. à » Cette faute est d'autant plus grande qu’elle égaroit du seul vrai chemin qui pouvoit conduire à l'étymologie que lon désiroit trouver. » Ainsi, au lieu de chercher dans les autres langues quel sens avoient les mots quelconques de ces idiômes qui avoient (1) Hierozoic. part. W, Ir. 5, (2) Castell. Lexicon Heptap. som. IE, col. 5725 , lin. G. (3) Idem, in. 22. (4) Idem, col, 2487, lin. 41. D'HISTOIRE NATURELLE. 75 quelque rapport pour le son avec le mot %ouyoc, il falloit seulement chercher dans la langue cophte quels étoient les mois qui pouvoient ressembler à celui-ci parmi ceux dont la signification avoit a peu près le mime sens que le mot grec Awaoc, qui nous étoit donné par Damascius comme traduc- ton du mot attribué aux anciens Égyptiens. » Or Arxaioc Signilie en grec juste, verlueux, parfait ; et nous trouvons dans la langue cophte le mot xxx ( djok ou ch6k ou même ss6k) (x) signifiant vertu et perfection (2), d'où s’est formé le mot xnx (chek) parfait (3), et ce mot, en y ajoutant la terminaison grecque oc, nous représentant, soit par le son, soit par le sens, à très - peu de chose près, l'ancien mot égyptien, cité par Damascius et par Strabon comme ayant été le qualificatif d’une espèce particulière de crocodiles, nous n'avons plus besoin de chercher une autre éty- mologie. » J’ai cru devoir m’étayer sur une telle autorité, avant de me décider à donner le nom de suchos à la petite espèce de crocodiles qui habite le Nil. Je me crois d'autant plus fondé à la nommer ainsi, que je puis prouver qu’à cette petite es- pèce appartient le caractère de douceur attribué au suchos par Strabon et Damascius. Ce que nous en avons sous les yeux nous prouve qu’indé- pendamment de sa taille, elle a plus de foiblesse absolue; ce qui résulte en effet de l'extrême longueur deses mâchoires. Le crocodile de Saint-Domingue, dont les mâchoires sont (1) Le Giangia * peut recevoir ces trois prononciations dans la langue cophte. (2) Vocabulaire de la Croze, p. 170. (5) Idem, p. 165. 10 * 76 ANNALES DU MUSÉUM aussi longues que celles de notre suchos, est, suivant M. Des- courtils, un animal farouche, mais timide, qui prouve sa foiblesse par la préférence qu'il donne aux charognes sur des proies qu'il lui faudroit conquérir. Les muscles moteurs des mächoires sont dans les crocodiles situés derrière la tête, en sorte que ces animaux ont d’autant moins de force que leurs mäâchoires sont plus longues : or la grande espèce est de toutes celle qui les a les plus courtes. Cette conformation, toutes choses égales d’ailleurs, lui permet done de tenter desentreprises qui exigent plus de vigueur ; et de là le caractère d’audace et de cruauté qui l’a rendue la terreur des Egyptiens. Si notre suchos a montré moins de férocité, et s’il a aimsi justifié l'opinion qu'on a prise de sa douceur, il en aura été redevable à sa taille moindre , et à la longueur, ou ce qui revient au même, à la foiblesse de ses mächoires. Dans cet état, ilne pouvoit éviter d'être maitrisé par l’homme; et il paroïit en effet qu'il a été réduit en domesticité tant que de certaines idées religieuses en ont fait un devoir aux Kgyptiens. Enfin (en raisonnant toujours d’après l'hypothèse que les crocodiles sacrésétoient pris dans une espèce particulière), aux preuves quenous venons d’alléguer pour justifier l'emploi du mot suchos, nous ajouterons celle qui se déduit des circonstances et du lieu dans lesquels nous avons trouvé l’objet quinous a le premier fait soupconner l'existence d’une deuxième espèce de de crocodiles. Le crâne que je possède ayant été retiré d’une momie de crocodile que j'ai moi-même trouvée dans les cata- combes de la ville de Thèbes, ikest incontestable que individu dont il faisoit partie étoit un dé ces animaux dont parlent Hérodote et Strabon, de ces animaux pour lesquels on avoit D'HISTOIRE NATURELLE. 77 beaucoup de vénération, dont on prenoit un soin extrême pendant leur vie, et qu'on embaumoit avec les plus grands égards après leur mort. Les motifs sur lesquels nous nous sommes fondés pour regarder les deux sujets de nos observations comme appar- tenans à deux espèces distinctes, reposent principalement sur la considération d’une différence de proportion des deux crânes: montrons que cette différence ne dépend pas de läge. Les jeunes animaux ont le derrière de la tête plus déve- Jloppé à proportion que la face; dans la suite celle-ci croit davantage et le crâne moins. Cette observation générale est surtout applicable au crocodile. Sa tête, quand il sort de l'œuf, est grosse et arrondie en arrière : il a un front saillant, ce qui a été assez bien figuré dans Séba(x). Ses yeux sont à égale distance du bout du museau et de l’extrémité postérieure de la tête. Le cerveau donne lieu à ce front relevé en bosse et à cette tête arrondie vers locciput , parce qu’il est alors assez considérable pour former à peu près le tiers du volume de toute la tête. Si l’on revoit les mêmes parties dans un crocodile adulte, on est surpris de l’état très - différent où on les retrouve. Les cinq bulbes du cerveau sont logées dans une cavité tel- lement étroite, qu'on men connoît pas de plus petite chez d'autres animaux. L’occipital supérieur, qui n’étoit d’abord qu'une simple lame, devient ventru, et croit aux dépens de la cavité cérébrale. Le front a totalement disparu : la tête reste entièrement plate à sa partie supérieure, et enfin les yeux sont plus voisins de l'extrémité postérieure, et à une distance trois fois plus grande du bout du museau. (1) Voyez Description du cabinet de Séba, tom. 1, pl. 104, fig. 5 et 6. 78 ANNALES DU MUSÉUM Ces changemens n'arrivent que successivement. Dès qu'ils tendent à procurer aux crocodiles des mächoires de plus en plus longues, il est tout simple qu'on est tenu à n’employer qu'avec la plus grande réserve la considération de la longueur de la tête comme caractère spécilique ; mais il n’est pas moins certain qu’on auroit tort de l’exclure, si, employée avec discer- nement, elle nous fournissoit un des moyens les plus sûrs de juger des différentes espèces de crocodiles. En effet, il est un terme au-delà duquel elles ne croissent plus. Les seuls chan- gemens auxquels elles soient alors sujettes et dont il faille encore tenir compte, est un peu d'épaisseur qu’elles acquie- rent : elles se couvrent plus ou moins d’aspérités qui sont pro- duites par un dépôt continuel et successif de la matière des os. Cela posé, pour donner l'expression des proportions com- paratives de la tête de mes trois crocodiles, j'aurai soin de le faire d’après des individus adultes, et c’est de cette manière que j'ai acquis comme données constantes les mesures sui- vantes. La longueur de la tête , mesurée en dehors de ses condyles, est à sa longueur, prise d’un condyle à l'extrémité du museau: Dans le crocodile de Saint-Domingue, comme 10 est à 25; Dans le crocodile suchos , comme 10 est à 25; Et dans le crocodile vulgaire , comme 10 est à 20. La description de ces trois espèces va faire nneux connoître les autres différences qui les distinguent. Je commence par celle de Saint-Domingue, que j'ai le premier fait connoitre, et dont j'ai donné une figure dans le tome IT des Annales du Muséum d'histoire naturelle, page 55. D'HISTOIRE NATURELLE. 79 1. CROCODILE DE SAINT-DOMINGUE. Crocodilus acutus. Cuv. Les Européens établis à Saint-Domingue lui donnent le nom de caiman : son extrême abondance dans les rivières de l'ile, et la persuasion où l’on étoit qu'il ne différoit pas du crocodile d'Egypte et du Sénégal, l'ont fait long-temps négliger. On crut que son anatomie pourroit seule offrir quelques faits nouveaux : aussi le père Plumier s’en occupa-t-il vers la fin du dix-sepuème siècle, et il le fit avec un soin qui est at- testé par vingt dessins in-folio qui sont restés déposés depuis la mort de ce savant et comme enfouis au cabinet des estampes de la Bibliothèque impériale. Schneider a pu- blié plusieurs paragraphes de l'anatomie de ce crocodile, d’après un manuscrit de Plumier, qui s’est trouvé dans la bibliothèque de Bloch. Celui-ci, dans un voyage qu'il fit à Paris en 1707, auroit-il, en allant consulter les poissons de Plumier qui font partie du même dépôt, découvert avant moi les dessins du crocodile de Plumier , et le manuscrit de Bloch ne seroit-il qu'une copie du texte qui est en regard des figures ? Vers le milieu du siècle dernier , le père Feuillée donna aussi une anatomie du crocodile de Saint-Domingue. Schneider le soupconne d’avoir eu connoiïssance du travail de Plumier, et d’en avoir en:ployé une partie sans le dire. Tel étoit l’état de nos connoissances sur ce crocodile, quand, en janvier 1803, nous en vimes arriver deux individus de Saint- Domingue : on ne pouvoit douter qu'ils ne vinssent des Antilles; nous en étions iniormés d’une manière positive par le général 80 ANNALES DU MUSEUM Leclerc, auquel nous étions redevables de cet envoi. Je com- parai ces crocodiles à un grand individu du Nil que j'avois rap- porté d'Égypte : leur trouvant beaucoup de ressemblance avec ce dernier , je crus un moment que la loi que Buffon a établie, savoir, qu'aucune espèce de la zone torride n’avoit été primi- tivement placée dans les deux continens , étoit frappée d’une exception; mais en examinant plus attentivement ces croco- diles, je ne tardai pas à m'apercevoir qu'ils différoient spéci- fiquement. Cet apercu vient d’être confirmé par un médecin du gou- vernement à Saint-Domingue, M. Descourtils qui a présenté à la première classe de l’Institut un travail semblable à celui qu’a fait le père Plumier, etun tel nombre de dessins de ce crocodile, qu'on est maintenant assuré que les différences que j'ai indi- quées sont propres à tous les individus de Saint-Domingue. Or tels sont les caractères de cette espèce, que je vais re- produire avec plus de détail pour mieux faire ressortir les caractères des deux crocodiles du Nil. La tête de celui de Saint-Domingue, dans un individu adulte, est longue comme deux fois sa largeur, plus un tiers; un indi- vidu moins âgé a la tête un peu plus courte. La double sinuosité des bords de la mâchoire supérieure est fortement prononcée. On voit en arrière des yeux deux lunules qui correspondent à des trous ovalaires où passent une portion des muscles qui lèvent la tête. Leurs bords sont très-apparens, et presque contigus à leur point de rencontre. Entre les yeux est une arête longitudinale qui va se perdre sur une forte éminence ellipsoide en dos d’äne. Je p’ai rien vu de semblable sur mes deux autres crocodiles. D'HISTOIRE NATURELLE. 81 Fous ont sur le cou trois rangées de plaques. La rangée extérieure est isolée, tandis que les plaques des deux autres sont groupées ensemble. Voici la forme de ces plaques dans le crocodile de Saint-Domingue. Dans la première rangée, elles sont réunies par paires: elles, sont plus larges que longues dans les deux autres. Tous les crocodiles ont le corps cuirassé de bandes trans- versales qui les entourent : il n’y a que les écailles du dos qui soient pourvues d’une crète longitudinale , et enfin à peu près au point où cessent les muscles rétracteurs de la verge, les- quels sont logés entre les muscles de la queue. On remarque que les écailles extérieures prennent une crète plus relevée, et que ces écailles, dont il y a une rangée longitudinale de chaque côté , s’inclinent les unes sur les autres jusqu’à se con- fondre et à ne faire plus qu'une seule ligne occupant le mi- lieu de la queue. J'ai compté dix-sept rangées d’écailles qui sont dans ce dernier cas, dix de celles qui sont pourvues de crètes élevées, et vingt-trois de celles qui recouvrent le dos. Je rapporte ce nombre sans prétendre en tirer d’induction pour un caractère spécifique. Mais une considération à laquelle il me paroït plus conve- nable d'attribuer cette valeur, c’est le nombre, la disposition et la forme des grandes écailles du dos. Elles sont au nombre de quatre à chaque rangée; les extérieures sont seules remar- quables par une forte crète, tandis que les deux écailles in- iérieures n'en ont presque pas. De plus, les deux écailles intérieures sont carrées , mais plus larges que longues; et enfin les extérieures ont une forme irrégulière qui se rapproche un peu plus du cercle que de toute autre figure. 10. 11 82 ANNALES DU MUSÉUM Je ne crois pas non plus la membrane qui réunit les doigts des pieds de derrière aussi étendue que celle des pieds du crocodilé vulgaire. Le crocodile de Saint-Domingue est généralement noiïrätre en dessus, d’une teinte plus éclaircie sur lesflancs et d’un vert clair sous le ventre; le noir n’est pourtant distribué sur le dos que par grandes plaques: le fond reparoïit partout sous la figure de petits traits verts étroits et en zigzags. Aucune des deux couleurs ne domine sur les flancs; on y voit d'assez petites taches noires et arrondies sur un fond vert-pomme. M. Descourtils, qui a séjourné cinq ans à Saint-Domingue, et qui y a disséqué quarante-sept crocodiles, trouvera sans doute beaucoup à ajouter à cette description : nous désirons vivement que les circonstances le mettent à même de publier bientôt l'intéressant ouvrage qu'il a préparé sur ce crocodile. 2, CROCODILE VULGAIRE. Crocodilus vulgaris (1). Il a été vu d’un grand nombre de voyageurs. C’est proba- blement de ce crocodile que Bélon a donné une figure. Elle rend assez bien le renflement de la partie antérieure du cou ; mais elle est d’ailleurs vicieuse, surtout à l'égard des pieds, qui ne sont ni tétradactyles ni tous onguiculés. Il paroït aussi que c’est un individu de cette espèce qui fut disséqué par les premiers anatomistes de l'Académie des Sciences : à la vérité ils Pavoient reçu par La Rochelle; mais (1) Ayant appris que M. Cuvier employoit les nôms de vulgaris et d'acutus pour désigner ce crocodile et celui de Saint-Domingue, je me suis fait un devoir de les adopter, D'HISTOIRE NATURELLE. 83 M. Camus, dans ses notes sur Aristote, ajoute à ce renseigne- ment que ce crocodile avoit été envoyé en présent par le sultan. Au surplus ils n’en ont figuré que le crâne. La tête du crocodile vulgaire est dans la proportion de 10 à 20, ou autrement, a deux fois la longueur de sa base, Ses yeux sont assez écartés : l'intervalle qui les sépare est creusé en gouttière, sans offrir la moindre apparence de crète. Son chanfrein , en avant, est aussi parfaitement plane. Les deux dernières rangées de plaques sur le cou sont plus rapprochées l’une de l'autre et les plaques plus larges que longues: celles de la première rangée sont à peu près à une même distance respective. Quant aux rangées d’écailles sur le dos, j'en ai compté dix- sept; puis dix-huit sur le gros troncon de la queue, et vingt- une sur la seconde portion qui la termine, en ne comprenant dans ce nombre que les rangées à une seule crète médiane: ce qui donne cinquante-six en tout, ou six de moins que dans le crocodile de Saint-Domingue. Les rangées d’écailles sur le dos sont composées, savoir: la première de deux plaques écartées Tune de lautre; les trois suivantes, de six ; les sept d’après, de huit; les trois qui les suivent, de six, et les trois dernières , correspondantes au bassin et placées dans l’intervalle des jambes de derrière, de quatre seulement. Le nombre six reparoît sur le gros tronçon, pour diminuer ensuite à fur et mesure que le diamètre de la queue devient plus petit. Les plaques du dos sont.en outre remarquables par l'égalité de leur volume, leur forme exactement carrée, ret des orètes de chacune qui sont peu «et également élevées. II 8} ANNALES DU MUSÉUM Le crocodile vulgaire est d’un vert qui tiresurle bronze : c'est le même arrangement que dans le crocodile de Saint-Domin- gue, sauf que le noir est étendu par plaques dans celui-ci, et qu'il est apparent dans l'autre, sous la figure de rayures étroites qui partent des crètes comme d'autant de centres distincts. Les écailles sont en outre creusées dans le même sens. Les flancs et le dessus des jambes ne sont que nués de noir : le vert y domine davantage que sur le dos; il est l'unique cou- leur du ventre. 3. croconiLe sucuos. Crocodilus suchus. a: - Sije n’avois eu à ma disposition que le crâne de ma momie, je ne me servis pas permis d'établir cetté espèce, dans la cramte que les différences dont j'ai parlé ci-dessus , ou fussent simplement particulières à l'individu qu’on avoit embaumé , ou ne tinssent à l’âge sous des points de vue que je n’aurois pas saisis; mais j'ai eu occasion de voir un crâne deux fois plus long, et qui est d’ailleurs parfaitement semblable à celui que j'ai extrait de ma momie, et j'ai aussi trouvé dans nos collections un individu très-bien préparé qui appartient cer- tainement à la même espèce. Le suchos tient beaucoup plus du crocodile de Saint-Do- mingue que du vulgaire ; il s’en rapproche surtout par sa forme eflilée et par les proportions de son cräne : toutefois il n’en a pas la bosse au devant des yeux; son chanfrein n’est ni sillonné ni aplati comme celui de l'autre espèce. Il ressemble au surplus à celle-ci par le défaut d'une crète entre les orbites. Les os du nez forment une légère saillié dans toute D'HISTOLUR EU NATURELLE, 85 leur longueur; ils sont proportionnellement plus étroits que dans le crocodile Vulgaite, et présentent de plus ‘à -léur bord extérieur un sillon peines qui n’est pas dans cette cos Tout le dessus du crâne est plus lisse dans le suchos, où on n’aperçoit d’aspérités que sur les côtés du bord 7 de l'orbite et sur l'os D a Le crocodile vulgaire au contraire a tout le dessus de son crâne rugueux et peréé d’une multitude de trous qui n’ont pas beaucoup de profondeur, Tels sont les caractères qui m'ont été immédiatement four- nis par le cräne que j'ai rapporté d'É gypte. L’individu de nos collections nous montre que le suchos est plus voism du crocodile vulgaire, sous le rapport de la disposition et de la forme de ses écailles : elles sont en même nombre et pourvues de crètes tout aussi saillantes les unes que les autres; les plaques du cou sont toutefois différentes, en ce qu’elles sont beaucoup plus longues que larges. Les couleurs sont à peu près comme dans les deux espèces précédentes, à cette différence près que le noir est distribué par petites taches sur un fond vert-clair. Je ne crois pas que le suchos croisse au - delà de cinq pieds : j'en juge par un crâne de neuf pouces que j'ai sous les yeux, et dont les sutures sont presque effacées; ce qui n’a lieu ordinairement que dans les crocodiles adultes et même d’un certain âge. Enfin, je présume que le suchos et le crocodile vulgaire existent dans tous les fleuves de l'Afrique, et particulièrement dans le Niger; surtout s’il est vrai, comme le pensent quelques géographes, que le Nil et le Niger communiquent ensemble à l'époque de la crue de leurs eaux. 86 ANNALES DU MUSEUM EXPLICATION DE LA PLANCHE IIL Fig. 1. Le crocodile vulgaire, dessiné d’après un grand individu que j'ai rap- porté d'Égypte. Fig. 2, 5et 4. Cräne du crocodile $uchos ; dessiné de grandeur naturelle, d'après le crâne d'un crocodile consérvé en momie. Fig. 5. Portion du crâne du crocodile à deux arêtes, placée dans la planche 3, pour servir à l'intelligence d'un Mémoÿre sur le crâne des crocodiles, des- tiné pour le cahier suivant, TIN A4 SAYIITOI 0 HI D'HISTOIRE NATURELLE. êr RD A I TROISIÈME MÉMOIRE SUR LES POISSONS; Où l’on traite de leur sternum sous le point de vue de sa détermination et de ses formes générales. PAR M GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. L: nom de sternum, dans ses applications aux poissons , a été employé à désigner quatre ordres différens de pièces osseuses. Dès 1301, le célèbre Duverney (1) l’avoit attribué aux arcs qui soutiennent les branchies ; M. Gouan, en 1770(2), à la pièce impaire située sous la tête entre les clavicules et les hyoïdes ; Vicq-d’Azir, en 1774 (3), au bandeau osseux qui porte les na- geoires pectorales ; et enfin M. Cuvier (4), à un assemblage (1) Mémoires de l'académie des Sciences, année 1701, pag. 225. Voyez aussi Leçons d'inatomie comparée, recueillies par M. Duvernoy, come 4, pag. 372. (2) Histoire des poissons, pag. 64, pl. 2, fig. E. (5) Savans étrangers , come 7, pag. 24. (4) Leçons d'anatomie comparée, recueillies par M. Dumeril, £ome 1, pag. 214. e ASSAITS DT AUSETE : nn RTE 2 ss REL 2 Sur Que Sen get amande er de em; mas 2 Lfoss gimsenrs que 2 2 2 ponte Ex «fie . D ue Ent ge TR QE À DE LES DCEMES ONE as eve Les #: anne = es ss maniere. 2m Æ dei. mas 10m siemens, « Ls noms €ogercules = de coms Gcandusess quan lur 2 dome. 2eme amgliotemet quan 2 cu 2vpr sous les senc ae ere ane & ya nquele À cmeenar de 2 2 Guen HNDE s de nm sit que eng ares htm ler 5 ess = MENTES . QE SNPIENÉ AUS LES ATADES MODEM . AE NUL 2 ar seu Maur JS ecanrmRarE que rem ane pet coudre des de amener es fermes aanges és gussmns 2 œles des autres aommus memes Mas 3200 lenegeenére. À aroc Gile zur sus me pont Æ Er. cer dus lozensn 2e gorint encuwe 3 Saone ces Que Æauiber Gps lepu aabanen ke pas some rte qe sentement en ones oran gone les ann Ge, aus qui dome ben 0 autre 2 an choçgement dass us gusnaus espere Ce chamsemens dans Îanûre de D'HISTOIRE NATUBELLE. 89 leurs connexions avoit fait prendre, an conträré, le change à l'égard de ces organes , et disposé à les méconnoitre er des lieux où on ne les avoit jamais observés. Duverney fut un instant sur la voie de cette recherche ; la situation singulière des branchies lui donna beaucoup à penser , et lui fit dire des poissons qu'ils avoient la poitrime aussi bien que Îss poumons dans la bouche : mais personne avant moi ne s'apercut que les extrémités antérieures étoient transposées et reportées de l'avant en arrière de la cavité pec- torale, soit que ce fait parût d'une observation trop facile pour mériter d’être énoncé comme corollaire, soit que lemo- ment de le constater dépendit d’une détermination rigoureuse des os qui portent les nageoires. Au surplus, cette considération va devenir notre point de départ; car le bras, préalablement étudié, nous marcherons avec plus de certitude à la connoissance des pièces osseuses qui l'avoisinent. Etablissons d’abord d’une manière positive ce que nous n'avons fait à cet égard qu'indiquer sommairement dans notre premier Mémoire ,et montrons que l'extrémiié antérieure des poissons existe réellement entre la cavité pectorale et celle de Tabdomen. Du bord intérieur des clavicules naït un diaphragme au- delà duquel se trouvent le cœur, et plus en remontant vers la tête, les organes de la respiration ou les branchies On voit en-deca le foie, Festomac ,et successivement le canal intestinal, la rate, les reins et les organes de la génération. Ainsi sont d'un côte les organes pecioraux, et de l'autre , les viscéres de l'abdomen. Dès-lors l'assemblage de-ces pièces qu'on à remarquées au- 10. 12 go ANNALES DU MUSÉUM tour du foie et de l'estomac dans quelques espèces , et notami- ment dans le centriscus scolopax, ne peut avoir tout au plus qu'un simple rapport de forme avec le sternum , et il est en effet aisé de s'apercevoir , au moyen de la détermination que jai faite du membre pectoral, que cette espèce de coffre est formée par les clavicules, les humérus et les furculaires, qui se prolongent sur l'os unique des nageoires ventrales. Ceci posé , nous ne nous arréterons pas davantage à l'idée que le sternum pourroit exister en arrière des clavicules ; mais nous le chercherons, avec Duverney et M. Gouan, dans le voi- sinage des branchies. En effet, dès que le sternum est connu pour concourir au mécanisme de la respiration , il est plus conforme à la théorie et plus naturel de penser que les bran- chies l’ont entrainé avec elles en se portant en avant du bras, et que conséquemment il ne peut guère subir de modifica- tions, qu’elles ne soient subordonnées aux changemens qui sur- viennent dans les organes pulmonaires. Mais d’un autre côté, comment concevoir que le sternum existe au-devant du bras dans des poissons qui n’ont pas de cou et dont les omoplates reposent immédiatement sur l’oc- ciput ? car alors il nous faudra admettre que le sternum a trouvé place sous la tête avec les branchies, et par conséquent qu'une portion du thorax seroit ainsi entrée en connexion et en relation d'usage avec le cräne. Plus nous avancons, et plus nous éprouvons que notre pro- blème se complique : mais heureusement que nous pouvons recourir à quelques chainons intermédiaires qui nous fassent passer par un saut moins brusque des animaux à poumons , aux poissons proprement dits. Les êtres qui, sous ce rapport, méritent le plus notre at- D'HISTOIRE NATURELLE. gt tention , sont les raies, les aodons et les squales , que M. de La- cépède a séparés des chondroptérygiens pour en faire le qua- trième ordre de la première division de sa méthode. Linnæus les avoit compris d’abord parmi ses amphibia nantes , etYon regretteroit qu'il eût suivi l'exemple d’Artedi et qu’il les eût rangés avec les poissons, si l'immense intervalle qui les en sé- pare n’étoit comblé en partie par un ordre d’animaux non moins singuliers (1). Si les raies, les aodons et les squales respirent aussi par des branchies, et si ces branchies sont de même placées en avant des nageoires pectorales, du moins elles diffe- rent dans leurs connexions et sont tout autrement faites, Il ne seroit pas seulement inexact, mais absolument faux, de les dire situées dans la bouche; car elles existent au contraire non au- dessous , mais tout à l’extrémité de la tête , dont aucune pièce ne se prolonge assez pour les couvrir :elles occupent un es- pace déterminé sous de véritables vertèbres cervicales; espace qui est de quelque étendue , puisque j'ai compté jusqu’à vingt de ces vertèbres dans plusieurs squales dont on a les squelettes ou Muséum d'histoire naturelle. D’après cela , il n’est donc plus à craindre, comme à l’égard des poissons osseux , de comprendre parmi les dépendances des organes pulmonaires quelques os qui appartiennent au crâne. La cavité pectorale occupant toute la région du cou, a ainsi, dans les squales , les aodons et les raies , une existence mieux déterminée que dans les poissons osseux, où elle suit de trop près la cavité de la bouche pour qu'on l'en distingue d’une manière précise. Elle est aussi dans les squales et les autres {:) Les apleures. Voyez, à leur sujet, la note suivante. 92 ANNALES DU MUSÉUM poissons à cou, que je d'stinguerai dorénavant sous le non d'icthyodéres(1), beaucoup mieux fermée, ne s'ouvr nt au fond de chaque cellule pour la sortie de la masse d’eau qui à chaque (1) En m'oceupant de ces recherches sur l'anatomie générale des poissons, j'ai été souvent conduit à en examiner les vraies affinités natarelles. Le résultat auquel je Suis arrivé diffère peu de celui que M. de Lacépède a fait connoitre dans son savant ouvrage d'ichthiologie ; ainsi j'ai trouvé que les Chondroptérygiens d'Artedi et de Linnæus se partageoient nécessairement , dans l'esprit de la méthode natu- relle, en trois principaux embranchemens, savoir, les cyclostomes , les icthyodères et les apleures. Les Cyclostomes, ainsi nommés par M. Duméril, correspondent au premier ordre de la méthode de M. de Lacépède, et les Icthyodères, que je désigne ainsi, parce qu’il n’y a que ces poissons qui aient de véritables vertèbres cervicales, constituent le quatrième ordre de sa méthode. Je n'ai été conduit à un résultat différent qu'a l'égard de la famille des Apleures. Je l’établis le premier, et je l'appelle de ce nom, parce que les poissons qui la composent sont privés de côtes sternaïies, ou, comme on les a appelées jusqu'ici, de rayons branchiostèges. Elle renferme un groupe d'animaux exactement intermédiaires entre les Icthyodères et les poissons proprement dits. Ce groupe n’est toutefois encore formé que de trois genres: la chimère, le polyodon et l'esturgeon. Ils seroient entièrement semblables aux Icthyodères par l’ensemble de leur organisation, s'ils n’étoient ramenés vers les poissons osseux par la situation et la forme de leurs branchies. Déja M. dé La- cépède avoit placé le polyodon et l’esturgeon dans le même ordre: il n'en avoit exclu la chimère, selon toute apparence , que parce qu'on ne lui avoit pas re- connu d’opercule. L’analogie m'avait fait pressentir que je le trouverois sous les chairs, et je l'ai en effet rencontré vers le haut et en arrière de la tête, appuyé sur Son congénère , et employé avec celui-ci à soutenir le rayon osseux dont la première nageoire dorsale est armée. IL n'y a que les Cyclostomes et les Iethyo- dères qui soient réellement privés de pariétaux ou d'opercules; on les trouve tou- jours engagés sous les tégumens communs, dans les Mormyres , les Lophies, les Balistes et les Murènes, où l’on avoit cru apercevoir qu’ils manquoient. Enfin, ces derniers animaux, et £énéralement tous les Branchiostèges, sont tellement voisins des poissons osseux, qu'ils forment ensemble une quatrième division naturelle de la classe des poissons. J’engage à consulter la figure 7 de la planche ci-jointe, où j'ai cherché à représenter le degré de ressemblance de ces groupes entre eux, et leur affinité avec les oiseaux, les reptiles et les vers. D'HISTOIRE NATURELLE. 93 inspiration est mise en contact avec les vaisseaux pulinonaires, que par un orifice étroit et garni de soupape. Enfin elle s'en distingue encore par un troisième caractère, la fixité des branchies, dont M. Cuvier a le premier aperçu la généralité et constaté l'importance. Fels sont les faits qu’il nous importoit de connoître d'une manière tout-à-fait précise , avant de passer à lexamen des pièces osseuses ou plutôt cartilagmeuses qui entrent dans la composition de cette seconde espèce de cavité pectorale que nous venons de décrire. Ils nous conduiront à en déduire la connoïssance de celles de ces pièces qui sont analogues au sternum des autres animaux. Deux systèmes de pièces osseuses , dont l’un est concen- trique à l’autre , sont les points fixes et extrêmes où sont at- tachées les branchies ; ces pièces ressemblent, par leur posi- tion et leur forme, à des côtes : elles proviennent supérieure- ment, ou de la colonne épinière , ou quelquefois d’un cartilage étendu en lame au-dessous des vertèbres cervicales, et elles vont se réunir au-dessous de la poitrine à d’autres pièces cen- trales qui sont évidemment analogues à celles du sternum des quadrupèdes. On en demeure convaincu d’après la place qu'elles occupent, leur usage et leur configuration. Elles va- rient de forme selon les espèces ; mais elles n’en correspon- dent pas moins au sternum des différens quadrupèdes qu’on sait être dans le même cas. Tantôt ce sont également des masses quadrangulaires placées bout à bout (les squales à longnez) , et tantôt ces pièces sont disposées par paires, hors une seule qui les soutient toutes et qui est terminée par un véritable cartilage xiphoïde ( le squale ange ). Il ne paroît pas d’abord aussi aisé de ahdse pareillement G4 ANNALES DU MUSEUM compte des doubles côtes qui constituent les deux appareils dont nous avons parlé ci-dessus ; rien de semblable ne se voyant dans les autres animaux vertébrés : mais si cependant on fait attention à leur situation respective, on ne tarde pas à reconnoître auquel des deux convient le nom de côtes du ster- num. Je regarde comme évident que cette dénomination con- vient sans équivoque aux os de la couche extérieure, puisqu'il w’y a qu'eux d'employés à former le coffre qui enceint tous les organes pectoraux, et qu'ils sont mus par de vrais muscles intercostaux , qui ont pour fonction, ainsi que dans les ani- maux d'un plus haut rang, de rapprocher et de diminuer , à la volonté de l'animal, la capacité de la poitrine. Cette analogie me paroit si heureusement suivie, qu’afin d'expliquer pourquoi on ne l'a pas admise dès le principe, j'ai besoin d'avertir que personne n’avoit encore jusqu'ici donné d'attention à ees cartiiages de la couche extérieure; comme ils sont plus grêles et moins résistans que ceux de la charpente intérieure des branchies , il est presque toujours arrivé qu’en établissant des squelettes d’icthyodères, on les a emportés avec les chairs et les tégumens communs. C’est ainsi qu’on s’est trouvé réduit à la seule considération des arcs des branchies, et l’on s'est cru alors d'autant mieux fondé à les regarder comme identiques avec les branches laté- rales du sternum, que non-seulement ils lui ressemblent à cer- tains égards, mais qu'ils paroissent aussi en remplir quelques fonctions. Duverney, qui concutle premier ce rapprochement, le suivit dans tous ses développemens, au point d'appeler du nom de côtes ces côtes de l’intérieur désignées depuis sous la dénomination d’'arcs des branchies. Bien que je sois persuadé que les raisons exposées ci-dessus D'HISTOIRE NATURELEE. 0 établissent très-sùrement lanalogie des côtes sternales avec l'appareil cartilagineux qui enceint extérieurement toute la cavilé pectorale, je concois qu'afin de procurer à ce résultat le dernier dégré de probabilité dont il'est encore susceptible, il faudroit attaquer la détermination de Duverney, et que le moyen de le faire avec succès seroit d'indiquer à quoi appar- tient , dans le système général d’organisation , le second appa- reil sur lequel s'appuient les branechies en dedans de la cavité pectorale. Je me suis occupé de cet objet, mais je ne crois pas devoir m'engager ici dans une discussion à cet égard; elle m’en- traineroit trop loin. Comme je compte y revenir dans la suite: je me bornerai à l'aperçu suivant. On peut considérer que les animaux vertébrés du premier rang n’ont pas la totalité des organes pulmonaires située en arrière des clavicules et contenue dans la cavité pectorale, mais qu’une portion de ces organes est comme détachée de leur masse pour en établir la relation avec l'élément ambiant, qu'elle accompagne le cou et qu’elle vient finir à la bouche; up peu auparavant de s’y terminer , elle donne naissance à un système d’organes pour la voix ,etäun autre pour la déglutition, ou, pour me servir d’une autre expression, elle se confond avec les organes de ces deux fonctions; tel est l’objet de la trachée-artère, du larynx, du pharynx, de la langue et de son os hyoide. | Les poissonsne présenteroient-ils d'autre différence à cet égard que celle à laquelle ils sont nécessairement assujétis par la con- tiguité de la boucheet des branchies ? Les élémens des cerceaux de la trachée-artère se retrouveroient-ils dans lesépines adossées aux arcs des branchies, et ces arcs eux-mêmes, dans les car-- 96 ANNALES DU MUSÉUM tilages tyroïdes , cricoïdes et arycténoïides ? Ce qu'il y a de vrai du moins à ce sujet, c’est que l'os hyoïde passe en partie au service des organes de la respiration; de sorte que quand ils existent en arrière de la tête, los lingual, entraîné par eux, oblige la bouche à étre dans une situation inférieure, et que quand au contraire la bouche se tronve à l'extrémité du mu- seau , ce sont les branchies elles-mêmes qui sont entraïnées à la suite des organes de la déglatition et qui passent sous la tête. Quoi qu'il en soit , il me paroit résulter invinciblement de l'exposé ci-dessus, que l'appareil qui dans les squales et dans les autres poissons cartilagineux de la même famille est situé au-devant des branchies , et qui s'unit aux côtes latérales pour en soutenir le bord extérieur, est parfaitement analogue au sternum des animaux à sang chaud. Ce premier pas fait, mousen marcherons plus sûrement à la connoissance de l'or- ganisation beaucoup plus compliquée des poissons proprement dits. Ici la poitrine n’est pas seulement placée en avant du bras: elle est toute logée dans la tête. On est tenté de prendre cette proposition pour un paradoxe ; mais ilest facile de montrer -qu’élle est fournie par l'observation. Le coronal et les quatre occipitaux composent à eux seuls la boite cérébrale, qui est d’ailleurs fort petite : les pariétaux et les temporaux , qui en ‘sont exclus, n’en existent pas moins ; mais rejetés sur les côtés, où ils ont été connus jusqu'ici sous le nom d’oper- cules (1), ils forment avec la boite cérebrale une sorte de —————_—__——_—à (1) Le désir d’être clair m'a fait anticiper ici sur mes publications futures, et porté à faire usage de la détermination que j'ai faite de quelques os de la tète des poissons qui n'en avoient pas encore paru $usceptibles, D'HISTOIRE NATURELLE. 97 voûte sous laquelle les branchies trouvent tout l’espace néces- saire, Cette voûte est ensuite fermée en dessous et transfor- mée par conséquent en une véritable cavité pectorale, tant, de chaque côté par les rayons branchiostèges, que vers le milieu par l'os impair dont nous avons déjà fait mention au commencement de ce Mémoire, et que nous avons dit avoir été connu de M. Gouan. Nous ne citerous pas cette détermination d’un icthyologiste aussi habile, sans nous y arrêter. La pièce unique qu’il nous a fait connoitre le premier, et qui est dirigée des os hyoïdes sur les clavicules , satisferoit-elle complétement aux conditions de notre problème, et M. Gouan auroit-il réellement trouvé le sternum des poissons osseux ? On est tenté de le croire, quand on fait attention aux connexions et à la situation de cette pièce : placée au centre des deux rideaux qui recouvrent les branchies vers le bas, et entourées des rayons branchiostèges, elle rappelle assez bien en cet état la moitié antérieure du coffre pectoral des autres animaux vertébrés. Alors les rayons branchiostèges seroient les analogues des côtes sternales; eten effet les choses seroient disposées de la même facon que nous les avons observées dans les icthyodères , si les branchies dans les poissons osseux , au lieu d’être libres et flottantes vers l’une de leurs extrémités , étoient également attachées aux os de la couche extérieure, c’est-à-dire, à ceux que l'usage a fait appeler du nom de rayons branchiostèges. Mais une difficulté nous arrête : pour que lanalogie que nous venons de pressentir füt complétement fondée, il fau- droit que les rayons des ouies provinssent de la pièce impaire de M. Gouan,et c’est ce qui n'arrive pas. Hs la laissent au contraire dans un état absolu d'isolement; disposés paralléle- 13 c8 ANNALES DU: MUSÉUM ment à sa longueur, ce n'est jamais sur elle qu'ils se dirigent et s'appuient, mais surlesclavicules, oùils contribuent à étendre la membrane des ouies. Ils naissent enfin de quatre pièces, deux à droite et deux à gauche, qui n'existent pas dans les icthyo- dères; ce qui établit une grande différence entre ces deux organisations, el les rend diflicilement comparables. Les os hyoïdes sont formés dans les icthyoderes par trois pièces : une impaire qui porte la langue, et deux longues branches qui s’en écartent latéralement, et vont s'articuler avec une pièce du crâne sur laquelle aboutissent de plus les os des deux mächoires. À voir ces trois pièces dans le sque- lette, on diroit une seconde mächoire inférieure située plus en arrière. On croit voir la méme chose dans les poissons osseux ; mais en y regardant plus attentivement, on s'aperçoit que les deux branches de cette apparente mächoire sont composées de sept pièces ; on prononce sans hésiter que les trois antérieures correspondent aux trois hyoïdes des icthyo- dères , mais on est arrêté tout court quand on veut trouver la correspondance des quatre autres. Leur nombre, leur forme et l'appui qu’elles fournissent aux rayons branchios- tèges , sont autant de considérations dont on n’a pas encore apercu de trace dans d'autres classes d'animaux. Mais je ne crois pas pour cela devoir perdre de vue cette recherche: je n'ai jusqu'ici parlé que d’une manière 1rès-gé- nérale des trois premières classes d'animaux vertébrés. Il n’est pas que les poissous osseux n'aient plus de rapports avec l'une qu'avec les deux autres. En faisant porter nos compa- raisons sur des animaux d’une nature plus semblable, nous parviendrons peut-être à retrouver quelques indices des quatre pièces d’où proviennent les rayons branchiostèges. D'HISTOIRE NATURELLE. 09 Mais déjà dans notre premier Mémoire nous avons été conduits à soupçonner que les icthyodères étoient faits sur le modèle des reptiles, et les poissons osseux sur celui des oiseaux ; les iethyodères n’ont pas cette troisième partie de l'épaule, l'os furculaire, qui fait un des traits saillans de l’or- ganisation des poissons osseux : ayons donc recours à la mé- thode qui nous a si bien réussi dans la considération de la nageoire pectorale, et comparons ensemble des os qui dans les poissons osseux sont utiles au mécanisme de la respira- tion, aux parties du squelette qui en facilitent le libre exercice dans les poissons. Le premier fait que nous fournit cette comparaison est fa- vorable à l'opinion de M. Gouan. La pièce qu'il a considérée comme le sternum des poissons, est un plastron unique d’une ossification complète , très-solide par conséquent, et muni sur sa ligne moyenne d’un brechet ou d’une crète saillaute en forme de quille de navire. Or tel est le sternum des oiseaux. Je n’y vois d'autre différence, si ce n’est que dans ces derniers le brechet est extérieur, et que dans les poissons osseux il est porté sur la face intérieure du plastron. Ainsiseréunissent en faveur dela détermination de M. Gouan toutes les preuves qui se fondent , tant sur la situation respec- tive, que sur la configuration et les usages de la plaque ster- nale, Ilne manque en effet à celle-ci, pour mériter tout-à-fait ce nom, que de servir de point d'appui aux rayons branchio- sièges, et nous avons dit plus haut que ce sont deux autres pièces, ou quatre en complant celles des deux côtés, qui sont employées à cet usage. J’étois ainsi ramené à ma première difficulté. J’osai me flatter d'en sortir, bien persuadé, par beaucoup d'observations, que TH 100 ANNALES DU MUSEUM j'avois été fondé à dire les poissons osseux formés sur le type des oiseaux, j'imaginai de chercher dans ces derniers les grands os des rayons et de la membrane branchiostège. Quoique l'état de la science me laïssät sans renseignement à cet égard , l'analogie n'en avoit assez dit pour que je persévérasse dans cette recherche. Je crus d’abord que les familles les plus éloi- gnées de la plupart des oiseaux me les montreroient; mais je fus beaucoup plus heureux: car je les découvris dans toutes , non pas à la vérité pour tous les âges, mais du moins dans tous les individus qui n’ont pas acquis leur entier développement. En effet, les jeunes oiseaux ont , indépendamment des côtes , le sternum formé de cinq pieces; une au centre qui porte le brechet, et deux annexes de chaque côté, où s’articulent les côtes. La pièce du centre répond exactement à notre plaque sternale où au sternum des poissons de M. Gouan. Nul doute par conséquent que les deux annexes ne soient analogues à nos deux grands os de la membrane branchiostège. Ce sont éga- lement dans les-poissons et dans les oiseaux , deux lames os- seuses plus longues que larges , placées l’une au-dessous de l'autre, et dont l'intersection est transversale ; leur position, leurs connexions , leur forme, leurs usages, tout démontre leur identité. Nous avons donc retrouvé nos deux grands os de la membrane branchiostège , et de plus nous voilà pleinement assurés de ne nous être pas trompés quand nous avons con- sidéré les rayons branchiostèges comme pouvant être les ana- logues des côtes sternales (1). (1) On lit le paragraphe suivant dans un rapport, fait par M. Cuvier à l'Institut de France, sur le présent Mémoire : & Les rayons branchiosièges sont donc des » côtes auxquelles leur articulation vertébrale a manqué, et c'est dans les pièces D'HISTOLRE NATURELLE. 101 Dans l'intention de faire encore mieux ressortir la ressem- blance des deux sternums que je viens de comparer l'un à l'autre, je me permettrai la supposition suivanie. Adieu ne plaise, je le répète, que je la place ici pour insinuer que les choses se sont, dans les temps , arrangées de la sorte; jen’ai nul- lement la prétention de dire ce que j'ignore : mais si je. fais quelques changemens au squelette d’un oiseau, si je supprime ses vertèbres cervicales, si je désarticule son sternum au point où les côtes sternales s'unissent aux côtes de la colonne épi- nière, et si enfin je fais chavirer tout cet appareil autour des clavicules, je remarque que j'aurai produit un ordre de choses en tout conforme à ce qu’on observe dans les poissons osseux ; car alors j'aurai laissé en arrière des bras la colonne épinière avec les côtes vertébrales pendantes et sans appui, absolument et exactement dans la même situation que cela existe dans les poissons. Les côtes sternales seront demeurées également flottantes vers lune de leurs extrémités, comme le sont les rayons branchiostèges; et le demi-cercle qu’aura décrit d’ar- rière en devant la moitié antérieure du thorax , aura porté du côté intérieur la face d’où s'élève le brechet de la plaque sternale; ce qui se voit dans les poissons, où la crète saillante qui s'élève sur la ligne moyenne de la même plaque, existe à l'intérieur. Il est assez ordinaire que les côtes sternales dans les oiseaux naissent en nombre égal des deux annexes. Cependant il arrive qu’on en compte quelquefois davantage sur la première que » intermédiaires qui les portent, qu'il faut voir le véritable sternum. l'anatomie » ‘offre d'autres exemples de côtes dont l’extrémité vertébrale est libre: il y en a # un:très-notable dans le crocodile,ss 102 ANNALES DU MUSÉUM sur la secondé, et qué dans certaines espèces elles manquent sur lune, et proviennent toutes de l'autre, Les mêmes disposi- tions générales etles mêmes écarts se retrouvent pareillement dans les poissons. Dans les oiseaux adultes , la trace des séparations du ster- num est toujours apparenté au moyen de sutures plus ou moins visibles : on avoit regardé jusqu'ici ces sutures comme destinées aux attaches des muscles, parce qu'en effet on trouve des aponévroses accrochées aux petites éminences dont elles sont hérissées; mais elles n’éxistent véritablement que parce qu’elles sont les points extrêmes des cinq centres d’ossification ou des cinq pièces du sternum. Au surplus, les différens usages auxquels ces pièces sont employées dans le poisson et dans l'oi- seau , font que dans l’un Possification trouve des lunites et de- vient stationnaire, tandis que dans l’autre, où rien ne s'oppose à ses progrès, elle gagne sans cesse jusqu’au moment où les cinq pièces se réunissent et se soudent ensemble. Je n’ai parlé jusqu'ici que du sternum des deux coupes pri- mordiales de la classe des poissons ; mais ce que j'en ai dit re- pose sur des observations qui ont embrassé la presque tota- lité des genres de cette immense série : on en trouvera la preuve dans un quatrième Mémoire où je donnerai le tableau des di- yersités sans nombre qui modifient plus ou moins les résultats généraux que je viens de présenter. Ces considérations m'au- roient conduit trop loi : j'ai donc préféré terminer icice Mé- moire par l'exposé des corollaires suivans. Il suit des observations précédentes, 1° Qu'on trouve en dessous des organes de la respiration des poissons, un appareil osseux qui leur sert de plastron et D'HISTOIRE NATURELLE. 103 qui est analogue au sternum des autres animaux vertébrés, par sa situation extérieure, ses connexions avec les branchies, sa forme et ses usages ; 2.° Qu'il est placé en avant des extrémités antérieures , tantôt sous de véritables vertèbres cervicales, et tantôt sous la téte, accompagnant toujours les branchies, soit dans l’une où dans Pautre de ces positions ; 3.° Que le sternum des poissons, car “tilagineux qui ont un cou, est formié de plusieurs pieces placées on | à bout et ter- minées par un cartilage xiphoïde, comme dans. les quadru- pèdes, tandis que. celui.des poissons osseux est, comme dans les jeunes oiseaux , composé de cinq plaques parfaitement de. et rangées dans le même ordre; ° Qu'on doit à M. Gouan la détermination de la princi- ae de ces cinq pièces; J * Que les grands os de la membrane des ouies sont ana- M. aux annexes du sternum des jeunes oiseaux , et les rayons branchiostèges à leurs côtes sternales ; G.° Enfin, que la nécessité de ménager, pour la sortié du liquide ambiant porté sur les branchies, une issue partieu- bière sous la gorge, a seule privé les annexes de $ appuyer sur la tranche latérale dela plaque du milieu, et qu'ainsi la réu- nion des cinq pièces du sternum dans n. ciseaux , et leur séparation constante dans Jes poissons, dépendent d' une cir- , Constance appréciable. 04 ANNALES DU MUSÉUM EXPLICATION. DE LA PLANCHE IV. Fic. 1. Sternum d’un poulet, vu de face. a. Plaque sternale. 2. 8. Annexes sternales antérieures. @. c. Annexes sternales postérieures. €. €. €. Côtes sternales. Fic. 2. Sternum d’un dindon, vu de profil. 2. Plaque sternale, vue de profil; on n'en aperçoit que la moitié. 2. Annexe antérieure, c. Annexe postérieure, e. e. e. Côtes sternales. é Fic. 3. Craäne et sternum de la murène congre, Lac. b. Annexe antérieure. e. e. e. Côtes sternales ou rayons branchiostèges. 4. Os lingual ou hyoide antérieur. 0. Opercule. “16, 4, Sternum. du cyprin carpe, Lac. a. Plaque sternale. &. B. Annexes antérieures. c. c. Annexes postérieures e. e..e. e. Côtes sternales ou rayons branchiostèges. 4. Os lingual ou hyoïde antérieur. z, &. Hyoïdes postérieurs analogues aux branches de l'os hyoiïde des mammifères. Fic. 5. Sternum du squale ange, Lac. . Hyoïde antérieur. £. z. Hyoïdes postérieurs, s. Sternum. x. Cartilage xiphoïde, LL L. L Côtes à moitié esquissées. Fic. 6. Crâne et thorax du squale long-nez , Lac. ee. e.e. Côtes sternales. r. r. r. r. Arcs des branchies. #. v. y. v. Feuillets étendus au devant des ouvertures branchiales, 4. Hyoide antérieur. 7. 2.7. 7. Vertèbres cervicales. p. Os de l'épaule. “ms e10/7 2p a ne PUOS SO] 2 40 DVNDOS#1/) 7/7 2 LP407 il . = > Ÿ EAU ER " J* dd L 7 ; “cases A Ÿ sd LL w“ | w à Le l D'HISTOIRE NATURELLE. 105 ESSAI SUR DE NOUVEAUX CARACTÈRES DES MAMMIFÉÈRES. PAR M FRÉDÉRIC CUVIER, GARDE DE LA MÉNAGERIE DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLK. ARTICLE PREMIER. Ds que l’histoire naturelle eut fait quelques progrès, aussitôt que nos connoissances sur le nombre des êtres se furent ac- crues à un certain point par les recherches des savans et des voyageurs, on sentit que la mémoire ne pouvoit contenir tant d'objets divers sans les assujétir à un ordre quelconque. Plusieurs moyens se présentoient pour opérer cette ordon- nance:on pouvoit ranger ces êtres, ou suivant leurs rapports naturels et de constitution , ou suivant des rapports conven- tionnels et d’après quelques-unes de leurs parties seulement, où suivant leurs rapports de nom. Dans le premier cas, on étoit conduit et à la connoissance de l’objet et à celle du nom; dans le second, uniquement à la connoissance du nom; et dans le troisieme, de la connoiïssance du nom à celle de l’objet. Nous ne parlerons point de ce der- nier mode de classification ; chacun a apprécié le mérite des dictionnaires : mais nous dirons un mot des deux qui le pré- cédent. 10. 1/4 06 ANNALES DU MUSÉU M Le premier porte, chez les naturalistes, le nom de méthode naturelle; le second , celui de système ou de méthode artificielle. La méthode naturelle, considérée dans toute son étendue, ne seroit autre chose pour les animaux que le tableau de leur organisation ; qu'une série de propositions qui, se déduisant nécessairement les unes des autres , représenteroient par leur réunion l’ensemble de l’organisation animale. Mais pour ne pas surcharger ce tableau, et pour éviter des détails superflus, on se borne à ne rapporter dans la méthode que les parties es- sentielles de l'organisation , dont toutes les autres dépendent, que les propositions générales dans lesquelles toutes les autres sont renfermées. On sent par ce qui précède que la méthode naturelle est la science de la nature elle-même; que la perfection de lune dépend de celle de l'autre; et queles méthodes les plus exactes ne pouvant jamais étre que le tableau de nos connoissances , elles seront toujours imparfaites. C'est sur ce dernier raisonnement surtout que S'appuient les antiméthodistes, auxquels il suflit sans doute de répondre que si cette imperfection tient à notre nature, comme cela est incontestable ; elle ne doit pas plus s'op- poser à la formation des méthodes en histoire naturelle, qu'à l'étude de la science qu’elles embrassent, Cette insuflisance de nos lumières pour coordonner lesani- maux d’après leurs rapports naturels , a fait employer des rapports de convention, et c’est contre cet abus que Buffon s'est élevé; il l’a fait avec beaucoup de justice, mais non pas sans un peu de prévention. Linnéus, qu’il désarma pour le combattre, avoit apprécié la valeur de sa propre méthode, aussi bien que son antago- niste lui-même, Les préceptes que l'un établit sont semblables D'HISTOIRE NATURELLE, 107 à ceux que l'autre recommande; et si le premier se plaint « que chacun veut définir avant d’avoir bien connu, » le se- cond exige qu'aucune division ne soit faite sur des caractères donnés d'avance. Buffon a fait voir avec la dernière évidence Pinutilité des systèmes en histoire naturelle. Il auroit démontré sans doute avec plus de force encore lobstacle qu’ils mettent aux pro - grès de cette science, si, par sa manière de la traiter, il eût pu joindre l'expérience à ses raisonnemens. Les élèves du naturaliste suédois , comme il arrive souvent, virent des vérités importantes dans des erreurs que leur maître n'avoit pu éviter, mais qu'il connoissoit; et travaillant avec tout l’aveuglement de la confiance sur le patron qui leur avoit été tracé , ils crurent avoir tout vu et tout fait lorsqu'ils eurent observé et décrit les parties caractéristiques de leurs systèmes : de sorte que la plupart des mammifères, par exemple, qui n’ont été étudiés que de cette manière , ‘sont aujourd’hui tout aussi inconnus qu'ils Pétoient avant leur découverte. Les descriptions, à la vérité, n’exemptent point entièrement des erreurs dans lesquelles entraînent les systèmes. Pour tout examiner, pour tout voir, il faudroit savoir d'avance tout ce qui est à voir;et si les définitions de Linnéus sont bien in- suffisantes, les descriptions de Daubenton sont loin d’être complètes. Néanmoins celles-ci seront toujours préférables aux autres, parce qu'elles laissent infiniment moins d’omissions ; mais nous croyons qu'il suffit qu’elles commencent où les gé- néralités évidentes, où les définitions raisonnables finissent. C’est au reste ce qui ne peut manquer d’avoir lieu à l'avenir. Tant que la nature intime des animaux n’étoit point étudiée, les méthodes naturelles avoient peut-être besoin du secours : Vpn 108 ANNALES DU MUSÉUM des systèmes. Aujourd’hui que les travaux d’Aristote ont été repris, et que l'anatomie comparée est venue se replacer à la tête de Phistoire naturelle des animaux, c'est de cette science seule que les méthodes zoologiques doivent tirer leur source. Mais si le premier principe d’une bonne méthode pour les animaux consiste à présenter le tableau de leur organisation, le second exige que toutes les divisions semblables soient fondées sur des caractères de même importance : cet ordre est nommé subordination. Cest à ce second principe que j'ai cherché à me soumettre plus sévèrement qu'on ne l’avoit fait avant moi, en ne m'écartant point toutelois du premier, sans lequel l'autre ne peut avoir de mérite; et, pour me diriger à cet égard, je me suis soumis aux raisonnemens généraux qui ont guidé MM. Cuvier et Geoffroy dans leur Mémoire sur une nouvelle division des mammiféres (1), et M. de Lacépède dans son Mémoire sur une nouvelle table méthodique des animaux à mamelles (2): et si je mesuis écarté de quelques-unes des règles particulières qu'ils ont suivies, je ne le dois qu’à leurs propres travaux, qu'aux nombreuses dé- couvertes dont ils ont depuis enrichi l’histoire naturelle. Je ne m'éleverei point dans mon travail jusqu'aux divisions supérieures des méthodes : j’admets les classes telles qu’elles sont établies, et je me renferme dans les ordres; mes obser- vations ne portent que sur des caractères de genres et de sous-ordres au plus. Le premier caractère des mammifères , celui de classe, contient leurs systèmes de génération , de circulation et de res- 1) Magasin encyclopédique, N° VI. (2) Mémoires de l’Institut, sciences etmathématiques phys. om. IUT, p. 460. D'HISTOIRE NATURELLE. 109 piration , etse marque au dehors par la présence des mamelles ; le second renferme les organes générauxde la digestion, et s’ex- prime par les organes généraux du mouvement, qui en sont une dépendance nécessaire; le troisième comprend les modi- fications des organes digestifs, qui sont caractérisées par celles des dents; le quatrième consiste dans la diversité des formes, des sens ,et dans les modifications des organes du mouvement et de la génération , et le cinquième enfin, qui caractérise Les espèces , réunit tout ce qui tient aux tégumens. On concoit qu'aprèsavoir parcouru cette échelle de caractères dont nous n'avons changé que les derniers échelons, et être entrés dans tous les détails qu'ils comportent, on a presque parcouru toute l'organisation des mammifères, et qu’en étudiant un animal de cette classe d’après ces principes, on est certain d'en obtenir une connoissance aussi parfaite que par une mo- nographie, si ses caractères toutefois se rapportent à ceux qui sont déjà connus. Dans le cas contraire, lesnouveaux caractères qu'on observeroit seroient une indication sûre de quelques modifications nouvelles dans quelques-uns des autres organes dont ils seroient l’expression. Ce sont les modifications des différens systèmes d’organisa- tion qui font les différens animaux. Les dents, les sens et les organes du mouvement, ont été regardés de tout temps comme des parties qui dans leur changement en entrainent beaucoup d’autres; et cependant les premières, par rapport aux classi- fications, ont plus été considérées d’après leur nombre et leur position , que d’après leur structure et leur relation (1), et les ADO VUE 20 PNR EM OEM 2 PRE CET POELE INSEE ARE RU TERRE REP AE (1) M. Broussonnet a publié un travail, dans les Mémoires de l’Académie des sciences , dans lequel il étudie les dents des mammifères, mais seulement sous le rapport de leur usage. Mém. de lAcad. 1787, page 450, 110 ANNALES DU MUSÈÉUM sens, qui ont fait le sujet de beaucoup d’études , n’ont jamais été employés qu'accidentellement à coordonner les animaux : car quoique Linnéus ait donné à la tête de son Systema na- turæ un tableau assez exact des modifications qu'ils éprouvent, il ne s’en est jamais servi d’une manière essentielle. Les or- ganes du mouvement, considérés dans leurs formes générales, servent à la vérité de base aux divisions principales que les naturalistes ont établies dansle règne animal ; mais leurs formes particulières n’ont jamais acquis une valeur fixe dans leurs mé- thodes naturelles. Nous avons hasardé dans cet Essai de nous écarter des règles généralement suivies jusqu’à ce jour par rapport aux organes dont nous venons de parler , encouragés par les heureux succès que M. Cuvier a obtenus en appliquant l'étude de la confor- mation des dents à la détermination de ses animaux fossiles, et par l'observation que nous avons faite que les dents offroient un moyen sùr de se soumettre à la règle de la sabordination, parce que leur structure pouvoit, seule et sans le secours d'aucun autre organe , servir à caractériser les genres, et que les molaires éprouvoient une influence beaucoup moins grande des causes extérieures , que les parties des organes du mouvement. Cette structure des dents avoit depuis long-temps été em- ployée dans les caractères génériques des mammifères. On en trouve plusieurs exemples dans le tableau élémentaire des animaux de M. Cuvier, et M. Geoffroy a donné pour un des caractères de son genre hydromis d'avoir des molaires dont la couronne présente la figure d’un 8; mais l'emploi de ce caractère n’avoit jamais été généralisé, et sa valeur n’avoit point été fixée avec précision. D'HISTOIRE NATURELLE. on Si lon examine les dents sous le rapport de leur forme, on voit qu'elles se partagent en quatre divisions principales : 1.° les dents coniques , 2.° les dents tranchantes, 3.° les dents tuberculeuses , 4.° les dents sillonnées. Si on les considère par rapport à leur relation de mächoire à mächoire , on les trouve alternes , opposées couronne à couronne, ou opposées face à face. Nous ne parlerons point des différens rapports que cha- cune de ces espèces de dents affecte dans les mâchoires: les caractères qui en résultent sont supérieurs aux divisions dans lesquelles nos recherches sont circonscrites; et M. de Lacé- pède à traité ce sujet avec toute la profondeur qui caractérise ses ouvrages (1). Quant aux sens , nous ne nous arrêterons qu'aux modifica- tions de quatre d’entre eux, à celles de la vue, de l’ouie, de lodorat et du goût. Le toucher est le même à peu près chez tous les mammiferes ; car l'usage qu'ils font de leurs doigts se rapporte bien plus au mouvement qu’au tact. Les yeux présentent plusieurs formes différentes suivant celles que la pupille prend en se fermant. Chez certains animaux, la pupille se présente toujours sous la forme d’un disque; chez d’autres , elle ressemble à une pyramide posée par sa base sur un disque dont le diamètre surpasse la largeur de cette base; chez d’autres encore elle est allongée verticalement, quelques-uns Vont allongée horizontalement, d’autres en forme de cœur , etc. Le nombre des paupières varie egalement : tous les mam- miléres en ont une supérieure et une inférieure, mais plusieurs en ont de latérales. L’orcille a une conque externe, ou elle en est privée; et (1) Voyez le Mémoire cité plus hauts 112 ANNALES DU MUSEUM l'on sait que les animaux timides ont cette conque beaucoup plus développée que les animaux courageux. L’allongement du nez est le caractère qui nous servira pour l'odorat. Dans quelques animaux, les narines s'ouvrent fort au-dessus de l'extrémité du museau : le plus souvent c’est à cette extrémité qu’elles arrivent ; mais elles la dépassent quelquefois de manière à former une trompe ou un boutoir. Le goût se caractérise par le mouvement de la langue ou la nature de ses papilles , douces ou rudes, par les levres entières ou fendues , extensibles ou non, d'où dépend la faculté de boire en humant ou en lapant, et enfin par des abajoues internes ou externes. Les organes du mouvement, les pieds, peuvent être considérés par rapport aux mouvemensdes ongles, au nombre des doigts, à la partie du pied qui sert à la marche, et aux parties accessoires aux organes principaux du mouvement. Ainsi lesonglesde cer- tains animaux sont rétractiles , se relèvent lorsque l'animal le veut, et conservent leur pointe acérée. D’autres appuient leurs ongles sur la terre en marchant , la fouissent , les émoussent, et ne peuvent plus lesemployer aussi utilement que les premiers à déchirer. Les ours, les hérissons marchent sur la plante en- tière du pied, tandis que les chats, les levres, etc.,ne marchent que sur le bout des doigts. Les premiers portent le nom de plantigrades , les seconds celui de digitigrades. D’autres ani- maux ont des membranes étendues entre les pattes de devant et celles de derrière, qui, formant une sorte de parachute, les soutiennent quelque temps en l'air et facilitent leur saut : ou bien ces membranes sont étendues entre leurs doigts; et s'ils sont courts , les animaux sont nageurs; s'ils sont fort allongés et aux pattes antérieures seulement , les animaux volent à Ja D'HISTOIRE. NATURELLE, 113 manière des oiseaux. Enfin ,un assez grand nomibre d'espèces a la faculté de saisir les corps avec lextrémité de la queue comme avec une sorte de doigt. Les organes de la génération présentent dans leurs modifi- cations plusieurs caractères importans : la verge, dans l'état naturel, est dirigée en avant ou en arrière; les testicules sont internes ou externes. Des poches glanduleuses ou des organes excréteurs particuliers entourent quelquefois les parties gé- nitaleschez les mäles comme chez les femelles, et chez celles- ci le canal de l’urètre a quelquefois aussi une ouverture dis- tincte de celle du vagin. Telles sont les parties de l’organisation des mammiferes, d'après lesquelles nous allons essayer de coordonner ces ani- inaux. La conformation des dents, comme nous l'avons déjà dit, nous servira de caractère principal, et les organes des sens, ceux du mouvement et de la génération , nous procure- ront les moyens desubdiviser les groupes qui résulteront des dents. Ainsi, nous le répétons encore, nous aurons examiné toutes les parties extérieures de nos mammifères, excepté les iégumens , qui resteront pour distinguer les espèces; et les ca- ractères du même ordre étant toujours pris dans les organes de méme valeur , donneront toujours des divisions de même importance: de sorte que la subordination des caractères nous paroït devoir être conservée dans la classitication qui résultera de ce travail. Ce qui précède nous semble conduire à cette réflexion, que les rapports naturels des animaux ne peuvent être fondés que sur les premiers systèmes de leur organisation , et que la manière dont on les a considérés jusqu'à ce jour pour en former une échelle , &evoit nécessairement conduire à des 10. xD 114 ANNALES DU MUSÉUM résultats entièrement opposés à ceux que lon avoit en vue, et c’est ce qui est en eflet arrivé. ARTICLE Ji. Des mammifères carnassiers. Après avoir reconnu avec les principaux naturalistes que la classification des animaux ne devoit être qu'une suite de Jeurs rapports , et que ceux-ci ne pouvoient être fondés que sur les parues essentielles de l'organisation ; nous avons passé sur les premières divisions auxquelles les mammifères ont été soumis par la considération de la structure générale des organes du mouvement, dans lesquelles nous avons cru pouvoir ensuite former d’autres divisions d’après la structure des dents molaires, considérant chaque mode de structure de ces organes comme le signe caractéristique d’un système par- ticulier d'organisation dans les divisions supérieures à celles-ci. Puis examinant les parties essentielles de chacun de ces sys- tèmes, comme les organes des sens et les détails de ceux du mouvement et de la génération, nous avons trouvé dans leurs modifications les moyens de subdiviser les groupes formés par les dents, et d'obtenir , n suivant ces régles , une classification des mammifères plus naturelle et plus méthodique que celles qui avoient été admises jusqu'à ce jour. Les carnassiers nous paroissant être après l’homme les plus importans des mammifères , c'est par eux que nous commen- cerous l'application des principes que nous ‘venons d'établir. Les caractères qui distinguent les animaux auxquels les naturalistes donnent aujourd'hui le nom de carnassiers, con- sistent , comme l’on sait, dans les trois sortes de dénts dont D'HISTOIRE NATURELLE. 115 ils sont pourvus, dans leurs pieds divisés en un certain nombre de doigts sans pouce séparé, el surtout en ce que leur canal alimentaire est court et ne se partage point en gros et petits intestins. Ils doivent aux uns la faculté de vivre de chair, et aux autres une bonne partie des ressources qui leur sont nécessaires pour s'emparer de leur proje. Mais lorsqu'on examine attentivement ces animaux, on voit que les uns sont doués de la force la plus grande, de l’agilité la plus vigoureuse, des 4rmes les plus puissantes , les plus nombreuses, du courage le plas imtrépide; tandis que d’autres au contraire semblent n'avoir de ressources pour résister aux dangers que leur timidité même , les soins qu'ils prennent de vivre au milieu de la retraite et du silence le plus profond. Autant de différence dans les moyens de conservation devoit nécessairement trouver sa cause dans la conformation des or- ganes, leur nombre, leur étendue, etc. Nous ne devons point entrer ici dans tous les détails où nous conduiroïient ces aperçus; et ne voulant nous occuper présentement que de la première des deux divisions que nous venons d'indiquer, il nous suflira d'établir le principal carac- ière qui les distingue. Les animaux de la première de ces divisions sont privés de clavicules parfaites el conséquemment d’une certaine adresse à laquelle leur force supplée. Ceux de la seconde au contraire sont tous claviculés, ce qui leur donne de la facilité pour cer- tains mouvemens des pattes de devant, et entre autres la fa- culté de se servir, comme les singes, de leurs nains pour porter leurs alimens à leur bouche. _ Ces deux divisions ,qui peuvent étre regardées comme des sous- ordres , renferment, l’une, des animaux qui seront les seuls aux- TON 116 ANNALES DU MUSÉUM quels nous donnerons le nom de carnassiers; l’autre, des ani- maux auxquels on pourroit étendre le nom d'omnivore, qui a déjà été donné à quelques-uns des genres qu’elle contient. Nos carnassiers sont pourvus des trois premières sortes de dents. Leurs incisives sont tranchantes ou coniques, opposées couronne à couronne , et toujours au nombre de six à chaque machoire. Leurs quatre canines sont coniques et opposées face à face, les inférieures en avant des supérieures; enfin , leurs molaires sont tantôt tranchantes , opposées face*à face, et tantôt tuberculeuses, opposées couronne à couronne. Ces dernières dents se partagent en trois divisions: 1.° en molaires frugivores, toujours tuberculeuses , opposées cou- ronne à couronne, placées dans le fond des mächoires, et qui sont d'autant plus nombreuses ou d'autant plus étendues, que les animaux se rapprochent davantage des omnivores (1); 2° en carnassières, tranchantes, opposées face à face , plus ou moins découpées à leur couronne, toujours au nombre de deux de chaque côté des mächoires, et d'autant plus rappro- chées du condyle que les animaux sont plus carnassiers; 3.° en fausses molaires , placées entre les carnassières et les canines, dont le nombre est variable et quelquefois d'autant plus grand que les animaux sont plus foibles; leur effet, sous ce rapport, étant souvent d'éloigner les canines du condyle en allongeant les màchoires. Ces dents sont alternes, à une seule pointe plus (x)« Les molaires des carnassiers se divisent en comiques, eu tranchantes à ss plusieurs pointes et en plates à plusieurs tubercules. Celles-ci sont toujours si- » tuées en arrière des autres; moins il y en a, et plus l’animal est exclusivement » carnivore. & Lecons d'anatomie comparée, Guvier, tom. III, P- 159. Notre Mémoire n'est autre chose que le développement de ce texte. D'HISTOIRE NATURELLE. 117 ou moins tranchante, et elles paroissent être d’un foible secours à l’animal. Souvent une grande partie de l'espace conteru entre les carnassières et les canines est vide, d'autrefois quelques- unes des fausses molairés tombent avec lâge : aussi n’avons- nous regardé le caractère qu’elles présentent comme pouvant être quelquefois du même ordre que les modifications des sens et des organes du mouvement. Les carnassiers offrent les quatre premières modifications de la pupille et des paupières. La conque externe de l'oreille n’est jamais très-grande. Le nez a constamment l'ouverture de ses narines au bout du museau, ou à l'extrémité d’une sorte de trompe, La langue est peu extensible : ses papilles sont ou douces ou rudes. Les lèvres sont entières , et quelques-uns de ces animaux boivent en humant, tandis que d’autres boivent en lapant. On trouve des ongles rétractiles et fouisseurs, des pieds digitigrades , des plantigrades et des nageurs. Quant aux organes de la génération , lesuns ont la verge en avant , d’aufres en arrière, et l’on trouve dans plusieurs des organes glandu- leux et des poches. Passons actuellement à l’examen particulier des animaux qui font le sujet de ce Mémoire, et prenons pour point de départ les plus carnassiers de tous, les chats. Leur mächoire supérieure (1) a une molaire tuberculeuse et deux fausses mo- laires , puis un léger espace vide entre ces dernières dents et les canines. Il en est de même pour la mâchoire inférieure ; seulement (1) Comme chaque côté des mächoires est garni du même nombre de dents, il nous arrivera souvent , comme nous le faisons ici, de ne parler que des dents d’an côté pour celles de toute la mâchoire. 118 ANNALES DU MUSÉUM elle n’a point de molaire tuberculeuse: c’est la carnassière qui est la plus rapprochée du condyle. La dent tuberculeuse d’en-haut est extrêmement petite , n’a aucune dent avec laquelle elle soit en opposition ,et semble être tout-à-fait inutile à animal. La molaire carnassière qui vient immédiatement après, plus mince à sa partie postérieure qu'à sa partie antérieure, à cause d’un tubercule qui s'éleve à la face interne de celle-ci, se trouve, dans toute son étendue , op- posée face à face avec la carnassière d’en-bas, qui est très-tran- chante et coupée dans son milieu par une échancrure de la- quelle résultent deux pointes. Le petit tubercule dont nous ve- nons de parler correspond à la partie postérieure de la fausse molaire la plus voisine de la carnassière inférieure. Toutes les fausses molaires , excepté la première d’en-haut, qui n’est qu'un petit tubercule à peine apparent, sont à une seule pointe, avec de petites échancrures à leur extrémité antérieure et posté- rieure, comme au reste toutes les autres fausses molaires, de la forme desquelles nous ne parlerons plus que lorsque cela nous paroitra particulièrement nécessaire, ( ’oyez pl. L) Ces détails nous indiquent des animaux à courtes mächoires, chez lesquels les dents carnassières sont placées à la partie de ces organes où la force est la plus grande. Ajoutons à cela que le condyle est sur la ligne des dents; qu'ils ont cinq doigts aux pieds de devant et quatre à ceux de derrière; qu'ils sont digitigrades , à ongles rétractiles, à conque externe petite, à narines au bout du museau, à langue rude, et qu'ils boivent en lapant: et nous aurons l’idée des plus carnassiers de tous les animaux. Mais les uns ont les pupilles en forme de disque , et d’autres allongées verticalement ; ce qui rendant les premiers des animaux diurnes, et les seconds des animaux nocturnes , D'HISTOIRE NATURELLE. 119 sépare les chats en deux sous-genres bien distincts. La verge chez les mâles est dirigée en arrière dans Petat habituel, et le vagin chez les femelles est comme dans le chat domestique. Après les chats, les hiènes nous présentent la composition des dents la plus simple. Le nombre des fausses molaires s’est accru :1l est de trois à chaque mâchoire, et le talon de la carnassière inférieure s'est étendu et aplati pour se trouver en opposition avec la molaire tuberculeuse d’en-haut. Foutes ces dents sont remarquables par leur épaisseur, qui doit né- cessairement diminuer leur faculté de trancher: du reste elles sont semblables à celles des chats. (Foyez pl. T) Le point auquel les mächoires s’articulent étant plus élevé que la ligne sur la- quelle les dents sont placées ; fait de la mâchoire des hiènes un véritable levier brisé, par où elles s’'éloignent des chats. Elles s’en éloignent encore plus par le reste de leur organisation. Leur train de derrière est beaucoup plus bas que celui de devant. Elles n’ont que quatre doigts à chaque pied, et sont digiti- grades, à ongles fouisseurs ; leur langue est rude, leurs narines au bout du museau; leurs oreilles externes bien plus dévelop- pées que celles des chats, et leurs pupilles sont celles qui se présentent sous la forme d’une pyramide posée par sa base sur un disque dont le diametre surpasse la largeur de cette base. Les hiènes sont les seuls animaux où nous ayons observé celte conformation singulière de la pupille. Dans le mâle, la verge est placée comme celle des chiens; mais au moment de l'érection elle se développe d’une toute autre manière, et presque comme celle des chevaux. Ces animaux ont en outre une poche à l'anus. Les dents qui viénnent après celles des hiènes appartiennent à une famille assez nombreuse, à la tête de laquelle sont les 120 ANNALES DU MUSEUM putois et les martes , et qui se terminent par les lowtres et les blaireaux. Les autres animaux que cette famille renferme, sont les genettes, les moufettes, les gloutons, etc. Nous trou- vons chez ces carnassiers une molaire tuberculeuse au fond de la maächoire inférieure, qui s'est développée pour se trouver en opposition avec la dent analogue de la mächoire supé- rieure inutile aux chats, et qui n’avoit en opposition chez les hiènes que le talon postérieur de la carnassière d’en-bas. Mais ces molaires tuberculeuses , tres-petites chez les be- lettes, ont acquis un développement très-grand chez les blai- reaux ; le nombre des fausses molaires varie en outre, et comme ces modilications se compliquent avec celles des sens et des organes du mouvement, nous allons considérer tous les ani- maux de cette famille séparément. Nous ajouterons seulement qu'ils ont tous cinq doigts aux pieds de devant comme à ceux de derrière. Les putois ont , comme nous venons de le dire, une molaire tuberculeuse au fond de chaque maächoire, et ces dents agissent l'une sur l’autre dans la mastication. Celles d’en-haut sont beaucoup plus longues que larges et situées transversalement dans la mâchoire. Les carnassières, qui viennent ensuite, dif- ferent de celles des chats en ce qu'à celles d’en-haut le petit tubercule interne, que nous y avons vu naître, commence à prendre un développement plus sensible ; il se présente déjà sous la forme d’une pointe saillante, et le talon postérieur de la carnassière mférieure, qui s’étoit étendu chez les hiènes pour se trouver en opposition avec la tuberculeuse d’en-haut , ser- vant encore à cet usage, conserve son étendue et une partie de son aplatissement. Les fausses molaires sont au nombre de trois à la mächoire inférieure , et au nombre de deux à la D'HISTOIRE NATURELLE. t2r supérieure (voyez pl. 1). Les mäâchoires, comme celles des chats, s’ärticulent de la manière la plus favorable à la mastica- tien. Ces animaux sont digtigrades, ont cinq doigts à chaque patte, et des ongles qui ne s’'usent point dans Jammarche, quoi- qu'ils Waient point la faculté de se relever autant que ceux. des chats, ni de la méme manière. Ils boiventen lapant : leur langue est rude, leurs narines au bout du museau, leurs oreilles d'une hauteur médiocre, et leurs pupilles allongées horizontalement. Cette division renferme les belettes, les putois, les hermines , les furets, etc. * Le zorille ne diffère par les dents des belettes qu'à cause d’un tubercule qui s’est développé à la face interne dela car- nassière d’en-bas , et par Paccroissement du tubercule interne de la carsassiére d’en-haut ( Voyez pl. 1). Ses doigts sont fouisseurs et au nombre de cinq à chaque patie: Nous ignorons de quelle manière leurs sens sont conformés , etc. Les martes ne se distinguent par leurs dents des divisions précédentes que par une fausse molaire de plus à la mâchoire supérieure , et par quatre à l’inférieure ; mais la première de celle-ci est fort petite et tombe ordinairement avec Pâge. On retrouve chez ces animaux l'accroissement du tubercule in- terne des carnassières, que nous venons de remarquer dans le zorille (voyez pl. 1). Du reste, ils ressemblent entière- ment aux belettes, excepté par la langue, qui est douce. Les genettes, qui avoient été placées jusqu'à présent auprès des mangoustes ou des civettes, sont incontestablement des inartes ; elles ont tous les caractères de cette famille, et ne diflérent des martes proprement dites que par des pupilles allongées verticalement commnie celles de nos chats domes- tiques. Du reste, leurs molaires tuberculeuses et carnassières 10. 16 122 ANNALES DU MUSEUM. sont semblables à celles des animaux dont nous venons de parler, ainsi que le nombre de leurs doigts, leurs ongles, leur nez, leurs oreilles et les organes de la génération ; seulement elles ont une poche à l'anus, et leur langue est rude. Les grisons diffèrent des martes en ce qu’ils n’ont que deux fausses molaires à la mâchoire supérieure, et qu'ils sont plan- tigrades (voyez pl. I). Les gloutons ne différeroient point des grisons sans le nombre de leurs fausses molaires, qui est le même que celui des genettes et des martes: quatre à la mâchoire inférieure et trois à la supérieure (voyez pl. 1). Nous ignorons quelle est la confor- malion des yeux chez ces animaux et de quelle espèce de pa- piile leur langue est couverte. Leurs oreilles sont de grandeur médiocre , leurs narines situées au bout du museau, et leurs doigts au nombre de cinq à chaque patte. Leurs ongles sont longs, forts et propres à fouir. Nous ignorons aussi la confor- mation des parties génitales. Jusqu'à présent nous n'avons vu que de légères différences dans la structure des dents de cette famille à deux molaires tuberculeuses de chaque côté des mächoires. Le nombre des fausses molaires a seul varié quelquefois , ainsi que la confor- mation des sens et des organes du mouvement. Les derniers animaux de cette famille qui nous restent à examiner, nous montreront dans la structure de leurs dents des changemens plus considérables. C’est par leurs molaires tuberculeuses que ces animaux se caractérisent : elles ont pris un si grand développement , qu'ils sont presque transformés, par ce seul changement , d'animaux très - carnassiers en animaux frugivores. Les moufettes, chez lesquelles ces changemens sont moins D'HISTOIRE NATURELLE. 123 marqués que dans les espèces suivantes, ont leurs molaires tuberculeuses supérieures si grandes qu’elles égalent les deux tiers de la longueur de la mâchoire Elles sont presque aussi larges qué longues , et la surface de leur couronnne est garnie de quatre tubercules principaux dont la figure fera sentir la disposition. Le tubercule interne de la carnassière supérieure a pris de plus un accroissement considérable , et outre le tu- bercule interne de la carnassière d’en-bas, il s’en est développé deux autres à chaque face du talon postérieur de cette dent. Les fausses molaires sont au nombre de trois à la mâchoire inférieure, et de deux à la supérieure; mais la première de celles-ci est si petite qu’on l’aperçoit à peine (voyez pl. I). Ces animaux ont, comme les précédens, de courtes oreilles, des narines au bout du museau, et cinq doigts à chaque patte, dont les ongles sont longs et fouisseurs. Nous croyons que ces animaux ont la marche des martes; mais nous ignorons la structure de leurs yeux , de leur langue, de leurs parties géni- tales, etc. Les loutres ont absolument les dents des moufettes : seule- ment le tubercule interne de la carnassière supérieure , au lieu d’être saillant et pointu, est étendu et aplati; sa base seule semble être restée : une crète saillante et mince en borde le contour. De plus, les fausses molaires d’en-haut sont au nombre de trois au heu de deux; mais la première, qui est située à la base des canines, est petite, mousse et à peine apparente hors des gencives (voyez pl. IT). Ces animaux , qui, comme l’on sait, vivent de pêche, ont tout le reste de leur conformation analogue à ce genre de vie. Leurs quatre pattes ont cinq doigts réunis par des membranes et garnis d'ongles en forme de gouttière; leurs oreilles sont à 16 * ‘ 124 ANNALES DU :M'USÉIU M! peine apparentes, leur nez au bout du museau, leur langue douce et leurs yeux, dont nous ignorons la forme de la pu- pille, ont une troisième paupière latérale. Les parties génitales de la femelle n’offrent rien de particu- lier à l'extérieur qu'une sorte de petite poche au miliew de laquelle semble être la vulve; la verge est dirigée en avant: Lés blaireaux, avec lesquels nous terminons l'examen des animaux de cette faunlie, ont leur molaire tuberculeuse su- périeure tellement grande qu'elle occupe une étendue presque égale à celle des autres molaires de cette mâchoire. Cette dent a cinq tubercules principaux : trois! à la face externe et deux au milieu ;il y a de plus une crète tranchaute qui borde la face interne. dans toute sa longueur, La molure carwassière de la méme mächoire est devenue petite, et ‘soutubercule interne s'est étendu. Ses fausses molaires sont au nombre de trois ; mais la plus voisine des canines wa pour amsi dire’que la forme d'un filet, et on ne la retrouve plus dans les vieux indi- vidus; son usage est absolument nul. A la mâchoire inférieure, la molaire tuberculeuse ne s'est pas: étenduë autant à pro- porlion que celle de la mächoire supérieure ; mais le talon'de la',carnassière s'est beaucoup développé et se trouve en oppe- sition avec une partie de la tubereuleuse d'en-haut. Ee tu- bercule interne de cette dent carpassiere est en outre aussi grand que les autres de la même dent , et l'épaisseur decelles-ei s'est singulièrement accrue. y a quatre fausses molaires ; et la plus voisine des canines ressemble absolument à la fausse mohire supérieure qui lui correspond {voyez pl: If). Ces animaux out:cinq doigtsaux pieds, avec des ongles fouis= seuxs ;: des oreilles couvtes:, des marines au bout dû miusetn formant unesorte:de grouin., une langue douce! et des pupilles. D'HISTO KR EÙ K ÉTUREL'LE, 125 que, nous, supposons allongéés horizüntalement; une fochè glanduleuse transversale est située entre l'anus et la queue. Si nous passons aux civettes (wiverra ; Tinniœus), nous trou- vons une molaire tuberculeuse de plus ue dans la famille précédente ;Lellers’est développée au fond de la mâchoire sul périeures: celle qui la, précède ressemble à l'aralogue des mouféttes. et des loutres, et’la carnassière à celle des mou fettes seulement; il yia trois fausses niolaires (vôrez pl IT): La,mächoire inférieure-ressembie encore "celle 068 mo fettes : .seulèment elle a quatre fausses moläirés. ‘ 694 . Les mächoires 1des mangoustes et dés ‘suricates ne dif lérent de celles des civettes que par le nonibré des fausses tnolaires (voyez,pl. LE) : il est destéois à une et à lautrémachoïre chez ces préimiers: animaux; mais-la première dé éés'détits, à fa machoire supérieure, tombe:souvent avec l'âge däns les man? goustes,.de, sorte qu'on trouvec quelquefois écs animaux avec deux, seules fausses molaires. Le:condyle , chez tés ns Chimie chez les autres, est sur la ligne des dents. : A Ajoutons, à:ces ‘détails que ces animaux ont la langue rude, les oreilles, de médiocre grandeur, les marines placées au bout du:museau,:et les püpilles'allongées horizontäiément. Les ongles des civettes sont demi-rétractiles et ñe s'usent point sur le sol, Ceux des mangotistes et des surichtes sont fouisseurs ; mais les civettes et les mangéustes ont chiq doigts aux, pieds, tandis que les suricates’ n’en ont: que quatre et de plasles mangoustes se distingtient peut-être des civettés par leur troisième paupière: et les petités membranes qui réunissent leurs, doigts à. la base. | Les uns et les autres de ces animaux ‘ont dés poches elän- duléuses près de l'anus, et les parties sénitäles semblables à 126 ANNALES DU MUSÉUM celles des chats. Ces considérations nous font partager cette division ‘en deux sous-genres. Les chiens, se caractérisent par les deux molaires tubercu- leuses qu'ils ont de chaque côté des deux mächoires (voyez pl. I). La mächoire supérieure est la même que celle des civeltes, excepté que chez les chiens le tubercule interne de la carnassière est pelit et se rapproche beaucoup de celui des martes. La carnassière inférieure ressemble aussi beaucoup à l’analogue de ces derniers animaux : le tubercule interne est très-pelit, ce qui rend cette dent, comme la supérieure, bien plus tranchante qu’elle ne l’est chez les civettes, les blaireaux, les loutres , les moufettes, etc. ; mais la molaire tuberculeuse de la mächoire inférieure des civettes s’est agrandie chez les chiens, et une seconde plus petite s'est développée derrière celle-ci, ce qui a reporté les carnassières en avant. Du reste les fausses molaires en bas sont toujous au nombre de quatre; et en haut, au nombre de trois. Leurs mächoires $'articulent comme dans les genres précédens. On sait que les chiens marchent sur le bout des doigts, qu'ils en ont cinq aux pieds de devant et quatre seulement à ceux de derrière ; que ces doigts sont armés d'ongles fouis- seurs ; que leur langue est douce, leurs oreilles d’une gran- deur médiocre, et que leurs narines ne dépassent pas le mu- seau, Chacun connoîit la conformation de leurs parties géni- tales, et l’on sait qu'ils boivent en lapant. Mais les uns ont la pupille en forme de disque, les. autres allongée verticale- ment ; ce qui les divise, comme les chats, en deux groupes bien distincts : le premier renferme les chiens proprement dits, et le second les renards. De ces derniers animaux nous passons, sans intermédiaire, D'HISTOIRE NATURELLE, 127 à des animaux chez lesquels nous ne retrouvons que par une sorte d'effort les caractères dont nous avons suivi jusqu’à présent les modifications dans les différens genres que nous venons de parcourir. Les ratons en effet, auxquels se réu- nissent les coatis, ne nous présentent, pour ainsi dire, plus que des molaires tuberculeuses. Trois fausses molaires se re- connoissent encore de chaque côté des mâchoires : les carnas- sières qui viennent après ne se reconnoissent plus que par un examen très-soigneux. La mächoire supérieure a deux molaires tuberculeuses, très- semblables aux analogues des chiens; il n’y en a qu’une seule à la mâchoire inférieure : mais si nous voyons le nombre des molaires tuberculeuses diminuer, nous voyons les dents car- nassières se changer en tuberculeuses , et la première fausse molaire d’en-bas éprouver la même transformation. La car- nassière supérieure a cinq tubercules : trois à la face externe , le plus grand au milieu, et deux à la face interne. L’antérieur est le plus saillant. Cette dent est aussi large que longue. La car- nassière d’en-bas est celle dans laquelle on retrouve le plus facilement les caractères qui distinguent cette dent dans les genres précédens : elle ne diffère pas extrêmement de celle des loutres et des blaireaux ; seulement les tubercules sont plus mousses, et elle est plus épaisse. La tuberculeuse qui le suit aa fond de lamächoire lui ressemble absolument pour la forme: seulement elle est dans une position renversée, de manière que la partie antérieure de l’une fait la partie postérieure de l'autre. La première fausse molaire qui précède la carnassière dont nous venons de parler, a pris une épaisseur remarquable, et présente à sa surface plusieurs tubercules disposés irrégu- - 125 2 ANNALES #D Us MUSEUM à hérement; de sorte qu'il y a réellement! quatre-fausses mo: laires à la mächoive inférieure et trois à-la supérieure (voyez pl M ). F2 Les ratons, dontil y a: certamemerit usa espèces et les coatis ; sont des auimnaux plantigrades et fouisseurs, qui ont cinq doigts à chaque pied; des oreilles courtes, une langue douce et des pupilles en forme de disque: mais les premiers ont les narines au bout du museau, et les autres une sorte de petite trompe mobile; ce qui les distingue exactement, Les uns et les autres hoivent en humant. Il ne nous reste plus que les ours à considérer; car les kivkajoux ne font point partie des carnassiers, mais entrent dans le sous-ordre des omnivores. Ils sont pourvus de cla- vicules , etc. Les ours, par la seule considération de leurs molaires, pas- seroient bien mieux pour des animaux, frugivores que pour des carnassiers ; aussi se nourrissent-ils préférahlement de fruits. Lorsqu'ils ont de la chair à déchirer, ils ne peuvent y parve- nir qu'avec leur incisive. Hs sont en outre plantigrades, ont cinq doigts à chaque pied. Malgré leur grande force, ils ne marchent qu'avec lenteur. Si on les compare aux chats et aux chiens, leur pupille est en forme de disque, leur langue très- douce: ils boivent en humant. Leurs oreilles sont d'une moyenne grandeur , et leurs narines situées au bout du mu- seau, mais ayant une mobilité particulière. Ces animaux ont cinq molaires de chaque côté des mä- choires : trois grandes et deux pelites, qui peuvent être con- sidérées comme de fausses molaires. La première de celles-ci est placée à la base dela cauine, et un espace vide assez graud: la sépare de la seconde, qui tombe ordinairement lorsque } w | Ua ar | PAR SOS * | LATE LU oi," » 1.4 . | VAT Tom .10. - Hyeres . Zorilles. Putors . VERS RE - à CITE € { HACAS 2. SA 71 \ Due & 4 Martes . Tee Grisons 24 Ce > JE . \ TX Ds Laurilard del Zbom .10. Os dE. SE SL SAR D PV - 23 gr aa, ; FRE. LAISSES PM. RAA , Spy GE to : . D AYNI @ GE A soi _Y) à DANSE RP yy, diese" À |. 7 & Î \t fi À YA ANS AS z le } 7 | { Pi J A é (# *AOHDOLID) IT °#0770 07} D'HISTOIRE NATURELLE. 129 l'animal est vieux, et qui se trouve placée immédiatement au pied de la première grosse molaire. A la mâchoire inférieure, cette dernière dent n’a qu'un seul tubercule ; la seconde en a cmq, un à la partie antérieure, et deux au bord extérieur, vis-à-vis desquels sont les deux autres, au bord interne ; la troisième, fort irrégulière , se trouve partagée transversalement , environ au tiers de sa longueur , par une saillie composée de deux tubercules ; tout le reste de la dent est garni de petites éminences ou rugosités sans ordre apparent. La dernière molaire est plus petite que la précé- dente et plus irrégulière encore. A la mächoire supérieure, la premiere grosse molaire pré- sente un triangle formé de trois tubercules tres-marqués, et d’un plus petit à côté du tubercule interne. La seconde a cinq tubercules : trois au bord extérieur , et deux au bord intérieur. La dernière en a quatre principaux : deux à la partie anté- rieure, et deux au milieu. La partie postérieure est presque unie (voyez pl. IF). Nore pour l'intellisence des deux plancies. Tous les n.* 1 se rapportent aux molaires supérieures vues à leur face interne. Les n°” 2 indiquent les molaires inférieures à leur face interne; Les n.” 3, la face extérieure des molaires d’en-haut ; Les n°” 4, la face extérieure des molaires d’en-bas; Les n.* 5, les molaires supérieures et inférieures dans leur situation réciproque, 10. 17 130 ANNALES DU MUSÉUM DESCRIPTION DE L'ÉCOLE D'AGRICULTFURE PRATIQUE DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE. FUMER, ACER VAL PREMIER MÉMOIRE. ee établissement , créé par l'administration du, Muséum en 1806, est le premier de ce genre qui ait été formé en France et peut-être en Europe. Il est destiné à augmenter les moyens d'arriver à la connoissance de l’histoire naturelle des végétaux dans ses parties et dans son ensemble, et à rendre cette étude plus facile et plus sûre enl'éclairant du flambeau del’ex périence. On a pensé que, pour remplir cet objet, il convenoit de présenter dans un ordre méthodique les exemples des pro- cédés employés pour faire les semis, les plantations, la taille des arbres ; de mettre sous les yeux les diverses manières de multiplier les végétaux par la voie des marcottes , des boutures et des greffes; de montrer l’usage qu'on peut en faire, soit pour les clôtures des biens ruraux, soit pour l'ornement des D'HISTOIRE NATURELLE. 13t jardins; et enfin de joindre à ces exemples les modèles des travaux, des opérations , des pratiques, des recettes, des pro- -cédés et des appareils (1) propres à la culture , à la conser- vation , à la multiplication :et à l'emploi des végétaux. Tel est le plan qu’on s'est proposé et qu'on a essayé d'exécuter. (1) Ces mots mal appliqués ou employés pour synonymes les uns des autres par un grand nombre d'écrivains, rendent leurs descriptions vagues, inexactes, et d'autant plus nuisililes que les lecteurs superficiéls croient les comprendre par- faitement. C'est la raison pour laquelle nous avons cru devoir définir l’acception dans laquelle nous prenons ces différens mots, et l'idée que nous nous formons ‘de leur signification. Travaux. Ce qui s'exécute avec tout le corps par le moyen d'outils, de machines ou d’ustensiles ; ce qui n’a besoin que du sens de la vue pour être ap- pris, et de l’exercice pour être exécuté. Telles sont les fouilles , les déblais et remblais, les labours, les binages, les buttages, ete. etc. ‘Opérations. Celles qui s’exécutent avec la main munie d’instramens tran- Chans, qui , indépendamment du sens de la vue, ont besoin d’être raisonnéesd'après une théorie qui puisse diriger dans le mode d'exécution, variable à l'infini sui- vant une mullitude de circonstances, de saisons ,de climats, etc. Telles sont la taille, le marcottage, la greffe, l'ébourgeonnage, etc. Pratiques. Ce sont des variations adoptées dans certains pays, dans diverses localités, sur différens sols et sous divers climats, pour effectuer des travaux, des opérations et des cultures. Recettes. C’est l'emploi d’une réunion de moyens ou de substances , destinés à produire un éffet , tel que la composition des terres, des engrais, du chaulage , des emplâtres pour les plaies des arbres , des liqueurs et fumigations pour faire périr les insectes nuisibles , etc. Procédés. C'est la réunion de plusieurs moyens pour opérer un effet ,telque la réussite des semis, la reprise des boutures et des marcottes, hâter la matu- rité des produits de la culture, assurer la multiplication des divers groupes et séries de végétaux. Culture. C'est l'ensemble des travaux, des opérations, des soins et des com- binaisons employés pour parvenir à faire naître , conserver et multiplier un indi- vidu, une espèce, une série ou une classe de végétaux. Appareils. C'est une réunion d’ustensiles disposés de manière à remplir an but, PT. 132 ANNALES DU MUSÉUM Cette série d'objets qui présente sous un même point de vue le plus grand nombre des procédés usités dans différens temps et dans divers lieux, depuis ceux qui sont générale- ment reconnus bons et utiles, jusqu'à ceux qui peuvent pa- roitre d’un médiocre avantage, fournira d’un côté aux culti- vateurs la facilité de les connoiître, de faire choix de ceux qui peuventremplir leurs vues, de les combiner ensemble, d’en comme d'opérer quelques sortes de marcottes, de boutures, de greffes et d’espé- riences de physique végétale. : À cette occasion, nous dirons que rien n’est plus fastidieux pour le cultivateur instruit, et de plus nuisible aux progrès de l’agriculture, que le vague et l’insi- guiliance des descriptions verbeuses d'un grand nombre d'ouvrages d'économie rurale. Elles semblent tout dire; et en les analysant on n’y trouve rien de ce qu'on a le plus d'intérêt de savoir exactement. Cependant cette exactitude est la chose à laquelle on devroit le plus s'attacher, puisqu'elle économiseroit aux culivateurs, non-seulement les dépenses d’un grand nombre de volumes dans les- quels ils ne trouvent que les mêmes choses présentées sous des formes et dans un style différens; mais encore un temps précieux qu'ils perdent à cette lecture fatigante. Le moyen de faire cesser de tels inconvéniens seroit l’adoption, 1.° d’une mé- thode analytique dans laquelle toutes les connoïssances utiles à l’économie rurale seroient classées avec exactitude ; 2.” d'un mode de description uniforme pour chaque série d'objets de même nature; 5.° d'un choix épuré des choses qui inté- ressent l’agriculture et qu'il seroit utile de faire connoitre; 4.° de termes propres pour désigner les choses et qui pussent former la langue exacte de la science; 5. etenfin d’un style méthodique, simple et clair. Avec un ouvrage exécuté d’après de telles bases, il seroit possible de traiter de tout ce qui est essentiel à la pra- tique de l’agriculture , et de le circonscrire en moins de quatre volumes in-4.° Il en existe peut-être plus de quarante mille , dans toutes les langues , et qui laissent encore beaucoup de lacunes à remplir pour être au courant des connois- sances acquises dans cette partie. Ce travail ne peut être bien fait que par une société peu nombreuse , mais éclairée, composée d'amis de l'agriculture et de la vérité, qui se distribueroïient les parties qui leur sont familières, feroient en commun la rédaction de leurs articles, et mettroient tons leurs soins , en évitant le verbiage et l'emphase, à ne présenter que des faits avérés et basés sur les Lois de la physique. _ D'HISTOIRE NATURELLE. 133 ürer leparti le plus avantageux et d’en imaginer de nouveaux ; de l’autre, elle donnera aux physiciens les moyens de géné- raliser leurs idées sur l'usage des organes des végétaux, sur la marche de la sève, et d'établir ainsi des principes physiolo- giques basés sur la théorie et la culture de cette belle partie des êtres organisés. Si la physiologie végétale contribue à perfectionner l'agriculture , celle-ci à son tour lui procure par ses travaux, et surtout par ses divers procédés, la faculté de constater ses théories et de reculer les bornes de son do- maine, C’est ainsi que ces deux parties se prélant un mutuel secours , doivent avancer les progrès de l’économie rurale à laquelle elles servent de base. Le local consacré à la nouvelle école d'agriculture pratique étoit. précédemment occupé par une pépinière de transplan- tation devenue inutile à l'établissement. Il est situé au nord du jardin, à la suite de l’école des plantes d'usage dans Péco- nomie rurale et domestique, dont il est séparé , à l’ouest, par Vallée des catalpas de Virginie; au nord, il est borné par l'allée des maroniers dinde qui longe la ménagerie; à l’est, par l'allée des arbres de Judée , etau midi, par le prolonge- ment de l'allée des tilleuls de Hollande, qui commence en face de la porte d'entrée latérale des galeries d'histoire natu- relle. Sa forine est celle d’un carré long régulier, de 68 m. 22 €. de long , sur 58m./7 c. de large, dirigé dans sa longueur de l'ouest à Fest, et dans la largeur, du nord au sud. Le sol de ce carré, plus bas de om. 22 c. que les allées en- vironnantes, offre une pente de o m.018mm. par double mètre de l’est-à l’ouest, et est uni dans sa surface. Il a été formé dans un temps très-reculé, par les décombres et les décharges de la ville, dont on s'est servi pour lexhausser de 2.m.92 c. 134 ANNALES DU MUSEUM à l'effet de le garantir des débordemens annuels de la Seine, dont il n'est éloigné que d’environ cent soixante pas. Le terrain est d’une nature calcaire-siliceuse-alummeuse. Ces trois substances s'y trouvent à peu près dans les propor- tions suivantes. Sur dix parties, la première s’y rencontre pour cinq, la deuxième pour trois, et la troisième pour une et demie : l’humus forme au plus une demi-partie. Pour mélanger , autant que possible, ces différentes ma- tières réunies au hasard, suivant la nature des déblais qui se faisoient alors, on a défoncé à jauge ouverte toute la surface du terrain , à 1m. 14 c. de profondeur, en jetant les 4erres en tremie sur le sommet de la tranchée, pour faire tomber au fond de la jauge les plus grosses pierres, que l’on a transportées hors du terrain. On a donné après cela au sol défoncé un labour à double fer de bêche, pour en extraire les corps étrangers réstés à cette profondeur , et opérer un premier nivellement dans le terrain, qui a été mis ensuite parfaitement de niveau suivant sa pente, avec quelques terres neuves éten- dres au rateau dans les parties basses. Cela fait, on a erttouré ce carré d'an treillage.en lozange, formé avec des baguettes de châtaignier conservant leur écorce, auquelon a donné 1m. 38c. de hauteur, et qui est main- tenu par des pieux de bois de chêne charbonnés par le bas et disposés de 1m. 3oc. en 1m. 3oc. Le terrain ainsi arrangé, à s’est agi de le partager et de le distribuer en raison des objets qu'il devoit contenir, Vingt- quatre planches de différentes dimensions, depuis 1m. 14c. jusqu’à »m, 44c. de large, ‘ont été tracées dans toute sa lon- gueur , et loccupent en entier. Elles sont séparées entre elles par des sentiers de om. o$c., dont la partie bombée est plus D'HÉSTOIRE NATURELLE. 139 élevée que le niveau des planches, pour conserver de Fhu- midité dans un sol déjà très-sec. Une allée de 1m. 95c. de large encadre ces planches et borde intérieurement la clôture des quatre côtés. Une autre allée de 2m. g2c. de large divise, dans sa longueur, le terrain et les planches en deux parties presque égales. Ainsi le nombre total des planches,au moyen de cette division, se trouve être de’ quarante-huit, dont les vingt-quatre du côté du nord ont 25m. 66 c. de long, et celles du côté du midi 28 m. 13 c. mo plus large de ces planches est occupée par un fossé de 1m. 95c. d'ouverture par le haut, et qui se rétrécit insensi- blement jusquà la profondeur de om. 98e. Il est destiné à présenter des exemples de haïes propres à la défense des fossés. Huit tonnes cerclées en fer ont élé enterrées à rez-terre au milieu et dans les angles des allées du pourtour pour recevoir les eaux nécessaires aux arrosemens. Des étiquettes en bois, marquant les divisions principales , les genres et les sortes d'objets qui composent cette école, ont été réparties dans toute l'étendue du terrrain, à l'effet d’assurer les moyens de procéder avec exactitude aux plantations des arbres et à la di- vision méthodique des divers exemples qui doivent la com- poser. Ces préparations, ces travaux, n’ont été achevés qu’à la fin de mars 1806, parce qu'ayant été faits par les ouvriers erdi- paires de l'établissement ils n’ont pu y donner que le temps éco- nomisé sur la culture habituelle des autres parties du jardin. Les plantations se sont effectuées à la fin de mars et jusques vers la mi-avril. La plupart des individus dont elles sont com- posées ont été tirés des pépinières du Muséum , les autres sont sortis de celles de M. Noisette, qui s'est prêté avec zèle et 136 ANNALES DU MUSÉUM désintéressement, à recevoir en échange des productions végé- tales de nos cultures. Ainsi ce nouvel établissement n’a point occasioné une augmentation de dépense. Quoique la saison füt alors tres-avancée, cependant ces plantations ont assez bien prospéré pour qu'on ait pu dès le printemps dernier opérer sur les jeunes arbres et ar- bustes qui les composent , et lon pourra voir, des cet été même, les exemples des différentes espèces de travaux et d’opé- rations qu'ils sont destinés à faire connoitre. Nous en présen- terons ici l'éoumération ; mais il est bon d'indiquer auparavant les vues d’après lesquelles on a procédé à lorganisation de celte nouvelle école dans son ensemble et dans ses détails. On a cru devoir disposer les objets suivant l’ordre de lear utilité en agriculture, en commençant par ceux qui four- nissent les voies de multiplication les plus sûres , les plus abon- dantes et les plus naturelles. La même marche à été suivie pour le placement de ces mêmes objets dans leurs classes, et lon a combiné cette marche avec celle de présenter d'abord les pratiques dont les procédés sont les plus simples et les plus en usage, en s'élevant par degrés à ceux qui sont les plus composés et les moins connus. D’après ces principes , il a été indispensable de placer en premiére ligne tout ce qui a rapport aux moyens de faire uaitre les végétaux, puisque ce sont eux qui occasionnent les procédés de culture; de mettre en seconde ligne tout ce qui tient à leur conservation, puisqu'il ne suffit pas de faire naître des plantes, mais qu’il faut encore les conserver pour en ob- tenir des produits soit agréables soit utiles. Les moyens de multiplication occupent le troisième rang, comme une suite nécessaire des deux premières divisions. Le quatrième et dernier D'HISTOIRE NATURELLE. 137 rang est occupé par les exemples qui ont rapport à l'emploi des végétaux dans l’économie rurale. Ainsi tout le système des connoissances pratiques utiles à l'exercice de l'agriculture est divisé en quatre grandes classes. La première comprend toutes les connoissances qui ont pour but de faire naitre les végétaux ; la seconde, celles qui contri- buent à leur conservation; la troisième , celles qui ont pour objet leur multiplication; la quatrième, celles qui peuvent diriger le cultivateur sur l'emploi des végétaux dans diffé- rentes parties de l’agriculture. La première classe comprend les exemples de tous les pro- cédés qui ont rapport aux semis, seuls moyens de faire naître les végétaux , et aux préparations des terrains propres à les re- cevoir. La seconde classe ou celle qui a pour objet la réunion des exemples des travaux et des opérations relatifs à la conserva- tion des végétaux , se divise en deux sections : la première comprend tout ce quia rapport aux plantations, et la seconde tout ce qui tient à la taille et à la manière de gouverner les arbres fruitiers, tant pour leur faire produire les plus beaux et les meilleurs fruits, que pour les entretenir en santé et en vigueur. La troisième classe embrasse tout ce qui concerne la mul- tiplication des végétaux par d’autres procédés que par ceux des semis. Elle se divise en trois sections qui réunissent, la première , tout ce qui regarde les marcottes; la seconde, ce qui appartient aux boutures, et la troisième, tout ce qui forme l’art de la greffe. La quatrième et dernière classe qui a pour objet l'emploi des végétaux , se divise également en trois sections, dont la 10. 18 138 ANNALES DU MUSEUM première présente des exemples de haies, la seconde de pa- lissades , et la troisième de fossés. Ces exemples indiquent où ce qui existe, ou ce qui peut être établi pour servir de clôtures. Ces différentes sections qui partagent les classes se divisent elles-nrêmes en genres et en sortes de pratiques et de procédés différens, de manière à réunir tout ce-qui se rapproche, et à éloigner tout ce qui présente des différences plus où moins considérables , soit dans la nature des objets , soit dans celle des travaux. Le tableau placé à la fm de cette description suffisant pour donner une idée exacte de ces sous-divisions, nous nous dispenserons d'entrer dans de plus longs détails à cet égard. Nous allons décrire actuellement et indiquer l'usage de cha- cun des exemples qui composent la nouvelle école, et dans l'ordre où les matières sont présentées dans le tableau. Mais nous devons avertir que nous ne donnerons aux exemples dé procédés connus, pratiqués et décrits , que la stricte étendue nécessaire pour faire connoître les objets dont il sera question. Nous nous étendrons davantage sur les choses moinsconnues; nous décrirons avec quelque détailles procédés etles appareïls nouveaux : et quand il en sera besoin , on y joindra des figures pour en donner une idée plus exacte, et mettre le cultivateur à portée de les exécuter. Le nombre des objets à traiter est si considérable, qu'en s’écartant de cette marche, il faudroit plusieurs gros volumies pour les détailler tous. Cependant, quelque soin que nous mettions à les resserrer , nous serons encore forcés de diviser ce travail et de le placer par sections dans différens cahiers de ces Annales, pour qu'il n'excède pas les limites fixées aux Mémoires qui les composent; mais nous aurons l'attention de ne pas morceler les matiéres, et de D'HISTOIRE NATURELLE. 139 nous arrêter chaque fois à une des grandes divisions qui par- tagent cette description. CLASSE PREMIERE. SECTION UNIQUE. Des exemples de dispositions de terrains et de procédés pour effectuer les semis. On appelle semis ou semailles l'opération par laquelle on répand sur la terre des graines pour en obtenir des vé- gétaux. Les semis sont l'unique moyen de faire naitre les végétaux et de multiplier ceux qui ne fructifient qu’une fois dans le cours de leur existence , tels que les plantes annuelles et bisan- nuelles (1 ). Ils sont presque uniquement employés pour faire naïitre les plantes dont les produits servent de base à la nourriture de homme dans toutes les parties du monde, soit qu'il se nour- risse de grains, ou de la chair des animaux qui vivent de fourrages. Ils servent encore à la réproduction des végétaux qui four- nissent les malières premières, lesquelles entrent comme partie essentielle dans le vêtement des peuples civilisés. A (1) Les épithètes de plantes annuelles, bisannuelles , trisannuelles sont inexactes, parce que ces facultés sont souvent moins le résultat de la nature des plantes , que celui de la localité du climat où elles croissent, et de la culture qu'on leur administre. M. Décandolle les comprend toutes sous la dénomination de plantes monocarpiques. l‘lore fr. tome I, p.! 222. Fe LA ? La 140 ANNALES DU MUSEUM Toute grande culture de plantes utiles aux arts ou destinées à former des bois ou des futaies d’une étendue un peu consi- dérable, s'établit au moyen des semis. On les pratique en petit dans les potagers ; avec un peu plus détendue dans les jardins, et très en grand dans les cam- pagnes. Ce moyen de culture, en employant les procédés requis, a l'avantage sur tous les autres de raviver les races des végé- taux , de les perfectionner pour notre usage, de les acclimater plus promptement , et de donner naissance à de nouvelles va- riétés qui ont quelquefois des propriétés plus éminentes que celles de leurs espèces primitives (1) ou anciennes. Enfin il est la base fondamentale de toute bonne et grande culture. Les procédés pour effectuer les semis varient en raison de la nature des terrains, des climats, des localités , et surtout de celle des végétaux qui en sont l’objet, et c’est en raison de ces différentes circonstances qu’on les divise en quatre genres, savoir : 1.” semis eu pleine terre; 2.° semis dans des vases; 3° semis sur couches chaudes; 4° semis sur des corps étrangers. ————_——_———_———————— (1)Ce mot de primitif devroit être supprimé du Dictionnaire des sciences exactes, parce qu’il ne présente point d'idée précise, et que l'on n'a pas les moyens de savoir si on l’emploie avec justesse. D'HISTOIRE NATURELLE. At GENRE PREMIER. Semis en pleine terre. Ceux-ci ont pour objet principal les graines des plantes in- digènes, celles des végétaux étrangers de pays analogues à la température du lieu où on les seme;les graines étrangères ac- climatées par une longue culture, et enfin celles des zones chaudes et brülantes qui ne durent que jusqu'à la fin de la saison chaude du pays où on les seme. (a) exempce 1° — Semis à plat ou en planches. Il s'effectue à la volée(2) par la main du semeur, sur un terrain uni, labouré et fumé nouvellement, de nature sèche et sous un climat tempéré. On l’emploie dans les campagnes pour les céréales, les fourrages, les plantes textiles, etc. ; dans les jardins , pour les légumes, pour plusieurs espèces de fleurs etc. et dans les pépinières, pour les semences de diverses sortes d’arbres et arbustes, Ex. 11.—Semis en banquette. Le terrain, divisé par planches plus ou moins larges et unies, est exhaussé de 12 à 27c. au-dessus des sentiers avec la terre enlevée de leur surface. Les semis qui s’effectuent sur des banquettes sont ceux des végétaux dont les racines pivotent à une plus grande profondeur que le sol n’a d'épaisseur, ou qui se font dans des terrains aquatiques susceptibles d’être submergés dans différentes saisons. On les pratique en grand à la campagne pour les semis de bois, de plantes (1) Ces exemples occupent depuis 1 m.95c., jusqu’à 23m. 3gc. carrés , suivant qu'ils exigent plus ou moins de place pour donner une idée des objets qu'ils représéntent, (2) Nous n’entreprendrons pas de donner les définitions des mots techniques, parce que cela n'entre pas dans notre projet; que d’un autre côté ce travail augmenteroit outre mesure l’étendue de ces descriptions, et qu’enfin il a été fait en partie et publié daus plusieurs quyrages, notamment daus ceux de Duhamel, de Rozier, etc. 14 ANNALES DU MUSEUM textiles, de gros légumes; dans les pépinières, pour des arbres, particulièrement ceux qui appartiennent à la famille des légumineuses, et dans les jardins, pour quelques espèces de légumes et de fleurs. EX, 1. — Sermnis en billon. Les billons se forment le plus ordinairement avec la charrue à versoir unique, de trois traits au moins, plus souvent de neuf, et quelquefois d'un plus grand nombre, en amoncelant La terre dans Le milieu, eten en formant une bande ar- rondie qui à autant d'élévation que les sillons latéraux ont de profondeur. Les semis en billon se pratiquent en grand dans les campagnes pour les céréales et les plantes d’usage dans l'économie rurale, sous les zones tempérées, #ans les elimats pluvieux et sur les terres argileuses et fortes. : EX. 1V.— Seris sur double billon. Le double billon se compose de plusieurs petus billons placés sur un plus grand. On les établit d’abord avec la charrue à oreille, et on les achève avee la bèche. Cette pratique a pour objet de présenter à l’air une plus grande surface du terrain, de Jui faire perdre son humidité surabondante, et de Lui donuer une température plus chaude qu'il ne l'a ordinairement, Elle n’a lieu en général que sous les zones froides, dans les climats très-plu- vieux et dans les terres humides, argileuses et froides, Elle sert à la culture des céréales dans le nord de l'Europe. Ex. v.— Semis en rayons. On établit les rayons sur les terres préparées par des labours, au moyen de Ja charrue à oreille, pour les cultures en grand dans les campagnes , et avec la bèche, la houe et le hoyau , dans les jardins, pour les petites cultures. Les semis en rayons se pratiquent sous Les zones chaudes et tempérées, dans les sols plus secs qu'humides, et pour un très-grand nombre de cultures, soit en plein champ, soit dansles jardins, mais principalement pour celles des plantes qui ont besoin d'être binées et butées plusieurs fois pendant la durée de leur existence. Telles sont eelles des mais, des haricots, des fèves, des pois, etc, EX. VI. — Semis en rigoles. Ceux-ci ont lieu dans des terrains secs, déjà préparés par des labours et ivec la D'HISTOIRE NATURELLE. 143 bèche, la houe, la binette et le hoyau. Ce sont de petites fosses longitudinales aux- quelles on donne depuis o m. 16 c. de profondeur jusqu'à om, 27 c. sur une largeur de om. 35c.aom.65c. Les rigoles ne sont guère pratiquées que dans les pépinières et les jardins pour les semis de graines d'arbres et de plantes délicatés qui exigent une plus grande humidité que celle qui peut leur être fournie par le sol ou le élimat. EX. VI. — Sernis en pockets. Le pochet ou potelot est une petite fosse ronde de om. 16c. à om. 58c. de diamètre, sur om. o8c.à om. 19c. de profondeur , dans laquelle on seme trois à cinq graines. IL s’effectue à la campagne avec la houe, et dans les jardins avec la bêche ou la binette sur des terres déjà préparées par des labours. Ce semis est fort en usage à la campagne et dans les jardins, sous les zones chaudes et dans les terrains secs pour les semences farineuses. On l'emploie aussi très-utilement pour les semis d'arbres qui doivent rester en place et former des masses de bois et de futaies. Les individus provenus de ces semis, conservant leur pivot, deviennent plus grands, plus forts, et résistent à l’impétuosité des vents. EX. Vit. — Semis en ados. Une bande de terre de om. 65c. à 1m. 62 c. de large, inclinée du nord au sud, et dont la longueur se trouve dirigée de l’ouest à l’est, est un ados exposé au midi. On établit des ados à l'exposition du nord, à celle du levant, mais très-ra- rément à celle du couchant, dans les divers climats de l’Europe. Ils s’effectuent avec la bèche, en labourant le sol à double profondeur, ét en rejétant sur le der- rière la terre du devant de la platebande; l’ados est d'autant plus exhaussé sur le derrière, qu’on enlève plusde terre sur Le devant. Les ados sont plus ordinairement affectés au jardinage pour la culture des sa- lades, des légumes ét des semences farineuses de priméur, On les emploie quel- quefois dans les pépinières, pour les semis de graines d’arbres qui ont besoin d'un 3 terrain sec, et qui réussissent mieux à cerlaines expositions qu'à d’autres. EX. 1x. — Sernis sur créte (1). La crète est le sommet de deux sllons rapprochés, dont les tèrres forment une (i) Au lieu de phrases descriptives qui ne sont pas des noms, nous avons cru utile de proposer des mots qui les remplacent, et nous ayons cherché à les rendre significatifs pour les cultiva- teurs. Co Mémoire «em fowmina beaucoup de cette espèce, 144 ANNALES DU MUSEUM arète. Plus les sillons ont de profondeur , plus la crète est élevée. On ne pratique guère de crètes; mais on profite de celles établies pour d'autres cultures, pour y semer des graines et faire un emploi utile du terrain. C'est sur la crète des fossés qu'on seme Les graines d'arbres et arbrisseaux qui doivent former les haies de défenses des propriétés rurales. Dans les climats hu- mides et dans les sols riches en humus, on seme sur la crète des fossés où sont plantées les jeunes vignes , des rayons de lentilles, de haricots , de pois, de fèves, etc. Ex. x. — Semis sur butte. On nomme buttes de petites éminences tronquées par leur sommet, placées à des distances égales sur un terrain uni et auxquelles on donne ordinairement “om. 54c. de diamètre à la base, sur om. 27c. de haut, et om. 22c. de large. Elles s'établissent au moyen de fumiers rapportés qu'on mêle avec partie égale de la terre du sol. Cette sorte de semis se pratique en grand dans les campagnes du centre et du nord de la France pour la culture des fruits légumiers fournis par la famille des eucurbitacées. GENRE IL Semis en vases. Ces semis ont le plus ordinairement pour but de faire naître des végétaux étrangers aux pays où on les cultive : tels sont surtout ceux qui viennent des climats plus chauds, ou dont on ne possède qu'une petite quantité de graines. On ne fait guère usage de ces semis que dans les jardins légumiers, fleuristes et de botanique , et dans les pépinières où l’on cul- tives des arbres étrangers. LL Ils économisent les semences et en rendent la réussite plus assurée qu’en pleine terre. EXEMPLE 1. —Semis en pots. Les pots varient de dimension depuis 0 m. o8c. de diamètre sur om. 14c. de D'HISTOIRE NATURELLE. 145 profondeur, jusqu’à.o m. 56c., sur o m.44c. de hauteur, Au-delà de cette dernière dimension , on leur préfère , avec raison , des terrines à semis, qui sont moins chères, plus solides et plus portatives. Les plus petits de ces pots servent aux semis d'arbres délicats qui craignent la transplantation à racines nues, comme diverses espèces de chènes étrangers tou- jours verts, des protea et autres. On sème les graines unes à une dans chaque pot; et à mesure que les jeunes individus grandissent, on les transvase facilement et avec sûreté. Les plus grands pots sont employés aux semis de végétaux qui ne craignent pas d’être transplantés à racines nues dans leur état de repos. On s’en sert encore pour les semis de plantes qui doivent être rentrées l'hiver dans les serres. EX. 11. — 19emis en terrines. Ces vases ont depuis om. 53c. de diamètre, etom. 14c. de profondeur, jus- qu’à om. 4{c. de large, sur om. 19c. de hauteur. Ils sont percés au fond de plusieurs trous ou fentes destinés à l'écoulement des eaux suraboadantes à la vé- gétation: Les terrives sont d’un grand usage en Europe dans plusieurs sortes de jar- dins qui ont pour objet de faire naître des végétaux étrangers. Dans les légu- miers, on s'en sert pour les semis hätifs de. légumes délicats qui doivent être plantés en pleine terre ou sur couche lorsque la belle saison est arrivée. Dans les jardins fleuristes, on y sème les graines de fleurs destinées à la décoration des parterres dans les diverses saisons de l’année. Enfin, on les emploie dans les pé- pinières lorsqu'on n’a qu'une petite quaïtité de graines d'arbres étrangers, délicats dont le jeune plant a besoin d’être abrité du froid pendant les premiers hivers. t EX. 11. — Sernis en caisses. Les dimensions les plus ordinaires des caisses à semis sont de om. 65c. de long, sur om. 55 c. de large, etom, 27c.de profondeur. Elles sont construites en bois de chêne, goudronnées dans l’intérieur, peintes en dehors et percées de trous à leur fond. On les emploie presque exclusivement .dans les pépinières pour les semis de graines d’arbres étrangers qui ont besoin d’être orientés à diverses expositions dans les différentes saisons de l’année, ou rentrés pendant l’hiver dans les serres. EX, 1v. — Semis dans l'eau. En agriculture, il wexiste que trois plantes appartenant. à la division des 10. 19 16 ANNALES DU MUSÉUW céréales, qui soient semées dans l'eau : ce sont le riz, la manne de Pologne (féstteæ Jfliitans , Y,) et la zizânia aquatique ou follé avoine de Canada. Où les semé où elles se sement d’elles-mêmes dans des terrains disposés pour les récevoir, où l'on peut amener l’eau et d'où l'on peut la faire sortir aussi souvent que l'éxigent les besoins de la culture. Ce n'est pas cette sorte de semis dont on a présenté l'exeniple, parce qu’ ‘il m'eüt pu être que dans une proportion trop petité pour en donner une idée exacte. Mais dans les pépinieres d'arbres étrangers, et surtout dans les grands jardins de botanique, on seme dans l’eau beaucoup plus d'espèces de plantes, et suivant divers procédés dont on a offert des exemples. On seme sous l’eau et dans de la vase les graines des plantes aquatiques, telles que les nénüphar ( zymphrra ), les châtaignes d’eau ( srapa), les stratiotes, ete. On met leurs graines dans des pots qu’on descend dans des pièces d’eau, dans des bassins, ou que l'on place dans des cuvettes:ou des terrines non peréées, suivant que les plantes peuvent rester toute l'année en plein! air , éu qu'elles ont besoin. d'être rentrées l'hiver dans les serres, D'autres fois on seme les graines dans des pots, et on les plonge dans des ter- rises remplies d'eau jusqu'au tiers de leur hauteur. Ce mode de semis convient particulièrement aux graines fines d'arbrisseaux de l'Amérique septentrionale , tels que les vaccinium, les spiræa, les hypéricum, etc. qui eroisseht dans les lieux ombragés et humides. k à ILest d'autres semences qu'on se contente de recouvriravec de la mousse au lieu de terre:telles sont celles de diverses espèces desaules , de peupliers , de platanes, etc. Quelques = unes, comme celles des rosolis, drosera, grasséltes, pirgnicula , dionæa , pyroles, ete. doivent être semées entre deux légères couches de spha- gnum ou autres espèces de mousses, entretenues très-hurpides au moyen d’un vase plein d’eau dans lequel on plonge. jusqu’à leur bord les pots qui contiennent Jes semis, Enfin, on fait gernier sur du coton mis dans'une soucoupé entreteue'pleiñe d'eat et placée” dans une serre chaude à utie température de 25 à 5o degrés de clialeur, Ies graines d’un grand nombre! de plantes des zones chändes et brû- Jantes , qui réussissent rarement quand on les sème dans de la terre: Lorsqu'elles sont gérmées, où le enlève de dessus’ le cüton et on les’ plate daris de la! terre irès-himidé, où éllés continuénit'dé’ croître et détprospérer. C'est à M. Démidow, de Moscou, que l'on doit ce procédé de semis,” très- utile à mettre en pratique daus les grands jardins de botanique, d «an bare D'HISTOIRE. NATURELLE, 147 GENRE IIT. Semis sur couches. Les couches s'établissent avec des substances tirées du règne organique, prises dans les végétaux ou les animaux privés de la vie, et dont la désorganisation procure par la fermentation un deoré de chaleur plus ou moins élevé, plus on moins durable, et qui est utile à la germination des graines. Le mélange de substances inorganiques ou terrenses pourroit produire un effet semblable; mais il est ordinairement plus lent, moins actif et surtout plus dispendieux , ce qui en fait négliger Pusage ou le rend très-rare. On distingue trois sortes de couches principales, qui se construisent de différentes manières et qui ont divers usages; savoir, les couches sourdes , les couches en plein air et les couches closes. Elles sont d’un grand usage, dansles jardins etles pépinières des zones froides et tempérées, pour la culture des végétaux des zones chaudes et brülantes. EXEMPLE 1. — Semus sur couches sourdes. Les couches sourdes s’établissent de toute leur hauteur, dans des fosses pra- tiquées en terre pour les recevoir. On leur donne ordinairement 1 m. 62e. de large, sur om, 81c. de profondeur. Leur longueur est détérminée par les besoins de la culture. On les construit , soit avec des feuilles d'arbres, des tontures d'ifs, de buis, etc., soit avec des marcs de fruits, tels que raisins, pommes, olives et autres, soit avec des balayures de rues qui contiennent des substances ter- reuses, végétales et animales. Les expositions qui leur sont le plus favorables sont celles du levant et du nord. Comme celle sorte de couche conserve sa chaleur pendant long-temps, on FOR 048 . ANNALES DU MUSÉUM l'emploie aux semis de graines qui sont longues à lever et qui se font dans des vases : Lelles sont les graines de beaucoup de plantes vivaces, d'arbres et arbustes des parties chaudes de la zone tempérée. Ex. 1. — Semis sur couches en plein air. Celles-ci se construisent avec des fumiers de cheval, vieux et neufs, mélangés avec de la litière dans une juste proportion pour leur donner de la solidité et leur faire produire une chaleur de 25 à 30 degrés pendant un mois ou six semaines. On les établit à plat sur le sol d'une plate-bande, à l'exposition du midi, et on les défend du nord par un abri, soit naturel, soit artificiel, Leur épaisseur doit être au moins de om. 55c.sur une largeur de om. 8ic., et on peut leur donner jusqu'a em. 98c. de haut sur 1m. g5c. de large, suivant l'exi- gence des cas. On les recouvre de terre de jardin où de terreau consommé, de l'épaisseur de om. 14c. à om. 22c., selon qu'on fait les semis à nu sur la couche, ou qu'on les pratique dans des vases qui doivent être enfoncés dans le terreau. Ces couches sont employées, dans les jardins légumiexs, à la culture des lé- gumes de primeur et de ceux qui sont délicats. On en fait usage aussi dans lés jardins fleuristes et de botanique, pour faire naître dés fleurs et des plantes étrangères de climats plus chauds que celui dans lequel on les seme , mais qui n'ont besoin que d’un coup de chaleur prolongée pendant un moïs ou six semaines pour effectuer leur germination, On s’en sert encore dans les pépinières pour faire lever les graines d'arbres et arbustes des parties chaudes des zones tempé- rées dont le jeune plant a besoin d'être rentré, les premières années de son existence, dans l'orangerie ou sous des chässis pour y passer l'hiver avec süreté. EX. ui. — Sernis sur couches closes. Où construit ces sorles de couches le plus ordinairement avec des fumiers chauds, des écorces d'arbres qui ont servi à tanner les cuirs, de la sciure de bois et des issues de raffineries de sucre, tantôt mélangées ensemble dans diverses proportions, et tantôt employées seules. On les couyre de cloches; on les place sous des chässis, dans des baches, ou dans les fosses des serres chaudes. Leur épaisseur ne peut être moindre de om. {gc* sur om. 65c. de large, et l'on peut leur donner plus détendue suivant qu'on a besoin d’une chaleur plus forié et de plus longue durée. Ces couches, qui fournissent une chaleur plus considérable que les autres, sont employées aux semis des légumes printaniers el délicats, à ceux dés fleurs étrangères el à ceux des plantes des zones chaudes et brülantes, dans les jardius légumiers, fleuristes et de botanique du milieu et du nord de l’Europe. Be peer qe - eo. ct om gene e— - ot som D'HISTOIRE NATURELLE. 149 GENRE IV et dernier. Semis sur corps .étrangers. Nous réunirons sous ce genre les semis qui se font natu- rellement,ou qui peuvent ètre imités par Part, sur différentes substances étrangères à la terre, telles que des pierres , des bois morts et des végétaux vivans. Ces semis n’ont pour objet que des plantes de la classe des acotylédons qui entrent dans les familles des champignons, des algues, des hépatiques, des mousses , des fougères et des plantes parasites. Ils ne sont guère usités que dans quelques grands jardins de botanique , et chez un petit nombre d'amateurs de cryptogames. EXEMPLE 1. —Semnis sur pierres. Les pierres les plus propres à cette sorte de semis sont celles qui ont été ti rées de leur carrière et qui ont séjourné à l'air libre depuis plus long-temps. Celles qui offrent des inégalités, des anfractuosités et des cavités, sont préférables à celles qui sont unies et lisses à leur surface. On choisit parmi les pierres meu= lières et coquillières, et parmi les laves poreuses, celles qui offrent des surfaces © plus étendues et qui peuvent se poser les unes sur les autres sans avoir besoin de ciment qui les lie entre elles. On seme avec succès sur ces espèces de murailles, des lichens de la division des pulmonaires, des bryum , des hypnum, quelques espèces de fougères , comme l'asplenium, l’acrostichum, ladianthum et le polypode. Le moyen ‘qu'on emploie pour ces sémis est de fixer sur ces pierres les plantes en nature chargées de leur fructification , et de les tenir ombragées et humides. EX. 11. — Semis sur bois mort. Des tiges de saules, de hêtres, de charmes et d’autres arbres forestiers couches sur terre dans des positions ombragées et humides, en se décomposant, se couvrent bientôt de clavaires, de pezizes, de bolets et de beaucoup d'espèces d'agarics g ; 150 ANNALES DU MUSÉÈUM En apportant de la campagne ces plantes dans leur état parfait, et en les fixant sur des bois pourissans , on ne tarde pas à voir naître, dans leur voisinage , un grand nombre d'individus de même espèce qui se propagent pendant une longue suite d'années, EX. II, — semus sur des végétaux vivans. Ces semis n’ont pour objet que les plantes parasites qui naissent, vivent et meurent sur les végétaux , telles que plusieurs espèces de lichens, de jungerman- nia, d’hypnum, de lycopodes, de fougères, de tillandsia, de vanilles, de guis ct autres, j Où parvient à faire maître ces plantes en fixant leurs semences, qui dans la plupart des espèces sont visqueuses, sur l'écorce raboteuse de branches d'arbres indigènes sur lesquelles elles croissent naturellement. Il'est encore quelques modes de semis qu’on pourroit eni- ployer pour faire naître plusieurs autres végétaux qui croissent sur des substances animales vivantes ou en décomposition ! mais ces plantes sont si fugaces pour la plupart et d’un in- térêt si médiocre en agriculture , que, bornés d’ailleurs par l'espace, nous avons cru pouvoir nous dispenser d’en pré- senter des exemples. | Les personnes qui auroïent besoin de détails sur la ma- nière de faire les seinis que nous n'avons pu qu'indiquer dans ce Mémoire, et sur les ustensiles , fabriques et substances propres à les effectuer , les trouveront aussi étendus qu'il en est nécessaire dans la Description du jardin des semis du Muséum, de sa culture et de ses usages , laquelle est imprimée dans les tome IV, page 263, et VI, page 172, des Aunales de cet établissement, D'HISTOIRE NATURELLE. 151 VUES CARPOLOGIQUES. PAR M CORRÉA DE $SERRA ARTICLE II. De la di ifférence des fruits entre les séries primordiales des végétaux. Ü: aspect particulier, plus aisé à sentir que facile à définir, peut donner à des yeux éxercés une assez grande facilité pour reconnoître si un fruit qui se présente isolé, appartient à l’une ou à l’autre des déux grandes séries qué nôus contemplons: Mais ,en se rendant compte de ces mêmes apparences, qui sou- vent sont un guide assez sûr, on est disposé à croire que ce coup d'œil est plutôt Phabitude dé reconnoître les formes par- ticulières de chacune des familles dont ces séries se composent, qu'un apéreu inémé confus d'aucun caractère essentiellement propre à chaque série. Si lon éxamine en efiet les formeset les accidens , qui caractérisent les fruits dans l’une et dans l'autre, on trouvera que bien que chaque famille ait son propre port, ces formes et ces accidens se répètent dans les deux séries. On observe , il est vrai, parmi les dicotylédons quelques formes que l’on n'a pas rencontrées jusqu'ici parmi les mono- 192 ANNALES DU MUSÈUM cotylédons ; mais rien ne prouve l'impossibilité de leur existence dans cette série. Une seule différence dont nous aurons bientôt occasion de parler , se fait cependant remarquer presque gé- néralement , non entre les formes, mais entre le nombre des parties des fruits des deux séries. Les exceptions que l’on ob- serve des deux côtés, semblent pouvoir s'expliquer et déroger fort peu à la règle générale; mais nos connoissances actuelles ne permettent pas de bien déduire ni la règle ni les exceptions de la structure intime, très-peu connue encore, des végétaux de chacune de ces séries. Considérons d’abord les membres de la fleur qui passent à accompagner le fruit et faire partie de son apparence; nous verrons les bractées constituer également partie du fruit par les mêmes moyens et de la même forme, dans le Zamia dans une série, comme dans les conifères dans l'autre. Le calice devient un compagnon inséparable du fruit dans beaucoup de dicotylédons : il le devient également , et de la méme manière , dans plusieurs palmiers et graminées, dans quelques genres des familles des Asperges et des Souchets. Le calice des fleurs femelles se durcit et devient enveloppe pierreuse de la graine dans le Coix, aussi bien que dans l'Am- brosia et le Xanthium. La forme singulière que cet organe prend dans le fruit del Hernandia n’est pas mal rendue , quoi- qu'enpetit, par celle qu'il prend dans le fruit du Carex, où il a plu à Linné de l'appeler nectaire, | L’enveloppe pétaloide{1 )adhère au fruit et en recouvre la base dans quelques dicotylédons, comme, par exemple, les Plum- (1) Je fais usage de cette expression, parce que ces parties sont appelées eorolle par Linné, et calice par M. de Jussieu. D'HISTOIRE NATURELLE. 193 - bago, les Statices, les Plantains; la même chose arrivé dans l'autre série, aux Commelimes et aux Tradescantia. Les graines sont recouvertes en partie par le réceptacle fon- gueux dans le fruit du Gundelia, et dans quelques Onopor- dums : elles le sont également dans le Nelumbo. Les fruits sont monospermes dans plusieurs famiiles dico- tylédones : ils le sont de même dans beaucoup de familles de l'autre série. Ces fruits monospermes sont également ,ou cou- verts d’une seule enveloppe, ou de plusieurs de différente na- ture , dans l'une comme dans l’autre série. Plusieurs familles dicotylédones offrent un fruit multilocu- laire et polysperme. Les Liliacées et les familles qui les envi- ronnent en offrent autant dans l’autre série. Les déhiscences que l’on observe dans une série sont toutes à peu près imitées dans l'autre. Le cordon pistillaire est centralet composé, dans les fruits de plusieurs familles dicotylédones; il l’est de même dans les fruits des Liliacées et de leurs voisines. Ce même cordon se divise en branches périphériques qui donnent lieu à une insertion pariétale dans quelques familles dicotylédones, comme les Cucurbitacées, les Cruciferes, les Papavéracées , etc. La même disposition existe dans l’autre série, dans la famille des Orchidées et dans les Palmiers po- lyspermes. Dans quelques fruits dicotylédons, la radicule de la graine regarde le style: c’est, je crois, le seul cas raisonnable de l'ap- peler supère : je citerai pour tout exemple l'Amandier, Le Callitriche, le Zannichellia, le Zostera , etc. ont leurs graines situées de même, dans l’autre série. La plupart des genres dicotylédons ont la radicule de leur 10. 20 154 ANNALES DU MUSÉUM graine tournée vers le réceptacle : les graminées et plusieurs autres monocotylédones ont leurs graines placées ‘de même. Dans les fruits de plusieurs espèces dicotylédones , les graines ont une enveloppe particulière qui part du cordon ombilical, et que l’on a nommée arille, Les fruits des Orchidées ont leurs graines recouvertes de même dans l’autre série. Si nous considérons la figure et la nature du fruit, nous y trouverons un semblable parallélisme. Dans l’une et dans l’autre série , un grand nombre de genres ont leurs fruits capsulaires ; mais, ce qui plus est , si lon fait attention aux accidens qui mettent de la différence entre les diverses capsules, on les trouve semblables des deux côtés. Les capsules de lAchyranthes, de l'Illecebrum, du Polye- nemium , laissent un espace vide assez remarquable entre elles et la graine. On observe la même chose dans l'Éleusine. On trouve des capsules charnues dans quelques végétaux dicotylédons , comme , par exemple, dans le Baobab. On les observe de même dans quelques genres de la famille des Ba- lisiers. On connoiît la définition queles botanistes ont donnée de ce péricarpe dur , monosperme, qu'ils appellent noix, dont les di- cotylédons offrent plusieurs exemples. La famille monocoty- lédoue des Souchets n’en a presque pas d’autres : la grandeur n'y fait rien, la nature est la même. Les drupes, ou sèches, ou fibreuses,ou en baie, sont très- communes parmi les dicotylédons. Le Sparganium et les Pal- miers en offrent aussi de très-beaux exemples dans l’autre série. | Les baies sont très nombreuses parmi les dicotylédons: il est mutile d’en citer des exemples. Le Dianella, l'Yucca, le Ba- D'HISTOMRE NATURELLE. 4565 nanier , le Sagu , etc., les représentent dans l’autre’ série dans toutes leurs variétés, hormis celleque l’on a nommée Pomum, où la chair enveloppe plusieurs loges cartilagineusës ou piert reuses, dans lesquelles la graine est conténue, Ici commencent les différences : mais ‘elles sont négatives. Ge n’est pas seulement le Pomum qui est à présent inconnu entre les fruits des monocotylédons. Les fruits que l’on a ap- pelés Silique , Legumen , Coccus, n’ont pas encore d'exemple parmi les fruits de cette série; mais pouvons-nous prouver qu'ils répugnent à son organisation intime? Je ne péux pas le croire. Le Coccus , qui suppose une seconde membrane imté- rieure séparée, douée de cette sorte d’élasticité organique que l’on a observée parmi les végétaux, semble en vérité très- peu analogue à une série qui n’offre guère d'exemples frap- pans de cette faculté, et quien a beaucoup moins que les mousses elles-mêmes. Mais une analogie, quelque bien fondée qu’elle puisse paroître, est-elle une preuve ? Le Pomum, dont nous avons parlé, paroït une organisa- tion composée ; mais celles des fruits du Lontarus et du Ro- tang Zalac de Rumphius en font voir la possibilité dans la série monocotylédone. Si l’on anatomise les Siliques et les Légumens un peu au- delà de la simple inspection botanique, on trouve que la principale différence consiste en ce que dansles Siliquesle cordon pistillaire se divisé en deux branches qui s'écartent pour se réunir près du stigmate: et dans les Légumens elles marchent parallèles et contiguës , depuis le réceptacle jusqu’au stigmate. Ji s'ensuit que dans les Légumens chaque branche à une valve qui en dépend en entier ; dans les Siliques, au contraire, x 20 156 ANNALES DU MUSEUM chaque valve tient aux deux branches : de là leur différente déhiscence. Les fruits des Orchidées, dont le cordon pistil- laire est divisé en trois branches, et où chaque valve tient en commun aux deux branches latérales , n'est-il pas d'une na- ture analogue à celle des Siliques ? Quant aux Légumens , nous ne connoiïssons pas encore d’analogues parmi les monocotylédons; mais aucune raison ne se présente aussi pour les juger impossibles. Rüen donc de positif ne peut étre à présent établi comme diffé- rence de stru cture propre et générale entre lesfruits de ces deux séries. Cette différence existe peut-être, et les botanistes futurs parviendront probablement à la marquer , surtout lorsque des caractères chimiques auront été introduits dans la connois- sance des plantes; car tout porte à croire que la diversité des substances dans ces grandes séries est plus remarquable en- core que celle des formes. Mais quoiqu'il soit impossible au- jourd’hui de tracer une ligne exclusive, on ne laisse pas que d’ob- server quelques différences notables. 1° Le nombre des fruits monospermes est proportionnellement plus grand dans les monocotylédons. 2.° Dans les fruits polyspermes de ceux-ci, le nombre de trois ou de'ses multiples est presque généralement suivi par la nature dans les divisions de membres; dansles dicoty- lédons , au contraire, ce sont les nombres de deux et de cinq et leurs multiples que lanature a suivis dans la distribution des par- ties. Lorsqu'une exception se présente, presque toujours les autres parties de la fleur rappellent les nombres fondamentaux de chaque série. Si ces déviations ne permettent pas encore de faire de cette observation la base d’un caractere, elle n’en est pas moins très-remarquable comme phénomene. Elle peut avoir des conséquences heureuses dans la philosophie de la bota- nique, et son développement exige un Mémoire à part. ares AR” Tom. .10. FL: 7: Queiros «re. | CARPOLOGIE PL.X. | Fig 1. Lansium 2omestoun . 472 2. Palma Hocaya ; 2 D'HISTOIRE NATURELLE. 15 SUITE DES OBSERVATIONS CARPOLOGIQUES. XVIIL LANSIUM DOMESTICUM. Tab. X, fig. 1. (Lansium Rumph. Herb. Amb.i 1,p. 151, tab. 53.) * FrucTus. nd. Squamulæ quinque ( calicinæ ? ) ad basim fructus, coria- ceæ scabræ ,subrotundo truncatæ , concavæ , adpressæ. Peric. Bacca corticata, turbinato-ovata, quinque locularis. Cortex coriaceus, scaber, strigosus,cinnamomei coloris, intus membrana vestitus. Loculamenta membranis di- visa, monosperma , Carne pulposa semina vestiente farcta. Placent. Centralis in angulo interno loculamentorum, cui puipa sessiliter affixa, Vasa umbilicalia exinde oriunda per pulpam excurrentia, semen muliimodè amplectun- tur ( communicationem cum embryone videre non licuit ). Delisc. Nulla. **# SEMEN. Forma. Semen gigartoideum, lateraliter compressiusculum et vasorum pulpæ impressionibus inscriptum. Inieg. Duplex, exterius coriaceum , interius Diembrangceun, tenue lutescens. Perisp. Embryo. In fructu quem dissecui duo tantüm se- Mina Inveni, quarum alterum nullam embryonis for- 158 ANNALES DU MUSEUM mam ostendebat , et monstrosum crederem. In altero cotyledones duæ crassæ plano convexæ , gibbæ, duræ, pallidæ , mutuo sibi incumbentes ,ut planum contactus horizontale sit, atque intra eas latens in centro partis planæ radicula brevissima fusca , et pubescentia con- colore ad insertionem circumdata. ogseRv. Cookiæ affinis planta , media inter Aurantia et Gutti- feras. EXPL. FIG, a. 'ructus integer.b. Idem horizontaliter dissectus. c. Idem, ut loculamenta, pulp& et semuinibus vacua appareant. d. Semen cum circumambiente pulpa. e. Semen pulpä liberum. f. Idem integumento exteriore denudatum. gg. Semen auctum secundum coty ledones divisum. XIX. PALMA MOCAYA AUBLETIE Tab. X,fis. 2. (Aublet. PI Guyan.t. 2, pag. 976.) * Frucrus. Ind, Calicina foliola tria trigona coriacea concava glabra, mar- gine scariosa et fimbriata. Peric.Drupafbrosa, globosa, bipollicaris , depressiuscula. Cor- tex glaber, tenuis, nitidus rufescens. Caro fibrosa, in ve- tusto fructu fungosa , putamini arcte adnata. Putamen lignosum , durum, crassum, triloculare. Foculamenta duo sterilia,impervia; tertium fertile lateraliter per vium. Tom. .10. € Queros we. CARPOLOCGIE PL .:AXL. Lg. Vterigium Zres. f S Lig. 2. Alangium Llexapelalunr L es D'HISTOIRE NATURELLE. 159 Placent. Chorda pistllaris periphærica, triscapa putamini exterior. Deluisc. Nulla. XX SEMEN. Forma. Semen conoideum , horizontaliter in loculamento de- cumbens, prope foramen putaminis depressum , et papillulà depressà notatum. Integ. Simplex membranaceum, fulvum, nucleo arcte ad- hærens. Perisp. Semini conforme, carnosum, album, friabile intus cavum. Embryo.Morizontalis,teres, oblongus, lacteo albicans. oBsERv. Forsan Bactridis species. EXPL. FIG, a. {'ructus integer. b. Idem horizontaliter dissectus et pulpä denudatus. c. Semen. d. Idem dissectum. XX. PTERIGIUM TERES. Tab. XI, fig. 1. * Frucrus. Ind. Capsula calicina , rotundato gibba, limbo in alas quinque extenso. Alæ ligulatæ, foliaceæ , rigidæ , nervosæ. Peric. Nux coriacea, dura, glabra, conico-mucronata, unilocu- laris, trivalvis fundo calicis ad hærens. Placent. Chordam pistillarem non vidi; sed cum radicula se- 160 ANNALES DU MUSEUM minis sit supera, necesse est chordam semini latera- lem esse, Dehisc. Per vaivarum suturas. FÆ ,S EM FN Forma. Semen unicum , nucis fere magnitudine, ejusque ca- vitati exacte respondens , leviter striatum, ventre sul- catum rufum. Jnteg. Simplex tenue, intra semen penetrans et variis plicis lamelloso-spongiosis intra cotyledonum plicas se ex- tendens, Perisp. Nullum. ÆEmbryo. Dicotyledoneus semini conformis, inversus, albus. Cotyledones carnosæ impares. Exterior major totam interiorem obvolvens, extrorsum lævis, introrsum pli - cata; basi bilobatam, et intra loborum conduplica- turam radiculam condiens. Cotyledon interior multo minor crispa contortuplicata. Radicula longa supera adscendens cylindrica, è cotyledonis externæ lobis emergens, apice conicà discolor. o8serv. Quum hujus plantæ , ut et illius cujus fructum n.° XI descripsimus, flores æque ignoti sint, at fructuum struc- tura in paucis differat , eodem nomine generico ad utramque designandam usi sumus. EXPL. F1G. a, {ructus integer. h. Idem induviis explicatis, ut nux appareat, c. Idem absque alis. d. Seminis excor- ticati aspectus dorsalis. e. Ejusdem aspectus ante- rior. {. Idem explicatum. D'HISTOIRE NATURELLE. 161 XXI ALANGIUM HEXAPETALUM. Tab. XI, fig. à. (Lamarck, Encycl. t. 1, pag. 174.) * FrucrTus. Ind. Calicis superi reliquiæ persistentes. Peric. Drupa ovalis carnosa, cortice subcoriaceo tomentoso ; costis angulatis 10 ad 12 notato. Caro in recenti suc- culenta viscida. Putamen osseum evalve uniloculare, foraminulo in superiore parte donatum. Placent. Seminis inversi radicula foraminulum putaminis per- tingit. Hinc chorda pistillaris simplex, per pulpam ex- ternam putamini lateralis. Dehisc. Nulla. **X SEMEN. Forma. Semen unicum , ovato rotundatum acuminatum. Ab hilo ad basim raphe crassa concolor, utrinque in eo- dem cum cotyledonibus plano excurrit. Integ. Simplex, membranaceum , helvolum. Perisp. Semini conforme , carnosum friabile , albidum. Embryo. Dicotyledoneus inversus. Cotyledones cordato ova- tæ, plauæ, venosæ. Radicula cylindrica, longa adscen- dens. 10, 21 162 ANNALES DU MUSEUM ogserv. Tota hæc seminis structura , Alangii genus à myrto- deis veris longè repellit. EXPL. Fi, a. f'ructus integer. b. Idem horizontaliter dissec- tus absque semine. c. Semen. d. {dem horizontaliter dissectum. e. Ejusdem sectio verticalis ut embryo appareat. D'HISTOIRE NATURELLE. 163 A LETTRE DE M. RAMPASSE A M. CUVIER, Sur une Bréche calcaire découverte en Corse , contenant des os fossiles. 5 juillet 1807. Monsieur, Je vous avois déjà parlé d’une terre calcaire contenant des ossemens que j'avois trouvée en Corse, et qui pouvoit avoir quelque mérite aux yeux de la science; mais je ne vous avois donné aucun détail à ce sujet. Aujourd'hui que j'ai sous les yeux les notices de mes voyages géologiques dans cette ile, je vais vous entretenir de cette terre fort curieuse, en vous faisant connoître toutes les circonstances qui ont donné lieu à sa découverte, En visitant la partie nord des environs de Bastia qui fait face à l'est, et voulant visiter aussi la partie supérieure de la chaine qui sépare le golfe de Saint - Florent de celui de Bastia, ÿétablis mon point de départ du bord de la mer près de la tour dite des Jésuites , distante de la ville d’un mille et demi. Je montai sur une petite colline AS 1064 ANNALES DU MUSÉUM étroite dont les côtés , en talus rapides, sont hérissés de roches, les unes en place, et d’autres ébranlées. Lorsque je fus avancé dans la colline, à environ une demi-lieue de la mer, et à peu près cent toises au-dessus de son niveau , et que je me trouvai sur le côté opposé à celui d'où je m'étois dirigé en partant , il se présenta à moi un banc considérable de pierre calcaire , dans une situatiou oblique du sud à l’ouest , escarpé, et où étoit dessinée en entier dans toute la hauteur une sorte de colonne irrégulière à fond rouge-brunätre ; et, à quelque dis- tance , trois autres beaucoup moins élevées, qui avoient seule- ment deux ou trois pieds de hauteur. Le reste de la rocheeëtoit à fond bleu mélé de blanc. En examinant cette masse énorme de pierre, je reconnus qu’on y avoil autrefois ouvert une car- rière ; et voulant savoir à quelle époque ces travaux avoient été faits, j'interrogeai des vignerons, parmi lesquels étoient de vieux habitans des villages de Sainte-Lucie et Leville , voisins decelieu. Ils merépondirent qu’en 1774 on avoit enlevé de cet endroit une grande quantité de pierres pour construire plusieurs habitations et des murs de clôture situés dans les vignobles environnans. En effet, cette masse calcaire avoit été si forte- ment entamée dans une partie, qu’elle ne présentoit plus sur ce point que deux et trois pieds d'épaisseur, tandis que l’autre, qui étoit encore intacte, en avoit de vingt-cinq à trente; ce qui me fit juger que la hauteur commune dans la longueur de la masse, pouvoit être de vingt-cinq pieds. Ce banc, d'environ trente-cimq à quarante toises de lon- gueur, étoit sur quelques points entrecoupé, depuis la base jusqu’au sommet , par de la terre à fond rouge-brunätre, très- dure et comme enchässée dans la roche, ainsi que je viens de le dire, en forme de colonnes irrégulières. Avant l'ouverture D'HISTOIRE NATURELLE. 165 de la carrière, cette terre, dans cette disposition, présentoit quatre colonnes, dont une seule restoit dans son entier, et étoit inclinée vers son milieu jusqu'au chapiteau ; les trois autres ne marquoient plus que deux pieds environ de füt à partir de leur base, le reste ayant été abattu avec la roche. Chacune de ces colonnes avoit depuis trois jusqu’à quatre pieds de bande en largeur, sur vingt-cinq pieds à peu près en hau- teur, compris l’inclinaison , et quinze à dix-huit pieds de fond. Elles étoient, ainsi que la roche qui paroissoit les recéler, en- foncées dans la masse entière du terrain qui leur étoit adossé, sur toute la hauteur et dans toute la longueur du banc: ce qui devoit autrefois ressembler à un entre-colonnement fort ex- traordinaire , soit par la couleur de la terre, qui étoit tres- différente de celle de la pierre, soit par lirrégularité de ces colonnes , qui simuloient dans léur ensemble autant de murs contournés , construits dans l'intérieur du massif pierreux. J’avois déjà eu occasion de remarquer une pareille archi- tecture naturelle dans d’autres bancs calcaires encore plus étendus que celui-ci, tels que ceux situés au sud près de la ville de Bastia, dansles possessions de MM. Palavicini, pro- priétaires de cette ville, dans lesquels on voyoit, indépendam- ment d’un dessin en facon de colonnes à fond gris-noirâtre, une terre moins dure que la nûtre, de couleur différente aussi et d’une moindre épaisseur , qui étoit formée et disposée hori- zontalement par couches superposées dans les lits de la pierre, mais qui ne contenoit que de petits noyaux de la mème terre, plus durs que le fond de la masse terreuse. Par l'effet des mines qu’on avoit fait sauter dans notre car- rière, cette même terre rouge-brunätre qui étoit partie avec la roche à laquelle elle paroissoit tenir, se trouvoit répandue 166 ANNALES DU-MUSÉUM par gros blocs épars cà et là au bas de la carrière; ces blocs, à leur départ, avoient laissé de grands vides à leur ancieune place, dans lesquels on apercevoit des cavités multipliées de cinq à six pouces de diametre. Parmi ces blocs, quelques-uns portoient encore l'empreinte de l'aiguille qui avoit servi à construire les mines ; ce qui me fait croire que les mineurs avoient dans celte occasion dirigé l'ouverture de la mine du fort au foible de la masse, et avoient nécessairement atteint la terre rouge qui s'y trouvoit encaissée dans une situation in- clinée le plus ordinairement. C’estau milieu d’une futaie d'oliviers sauvages et domestiques, sur l’arête de la colline dont j'ai déjà parlé , que siége ce banc énorme , où il a formé une sorte de. monticule. IL est entouré d’ailleurs par une quantité de blocs de pierre aussi calcaire, dont quelques-uns ayant les angles abattus paroissent avoir déjà éprouvé un déplacement , et d’autres proviennent peut-être de notre banc même; car il n’est pas douteux qu'il ne fût autrefois plus étendu qu'il ne l'étoit lorsqu'on y a ouvert la carrière, puisque tout atteste un dérangement de choses dans cet endroit, Ce banc, de forme circulaire , repose en plus grande partie sur un lit d'environ deux pieds et demi d'épaisseur, de même terre rouge-brunatre et absolument semblable à celle des co- lonnes ; et une terre végétale noiratre est sa base : l'est et le vord sont les deux points vers lesquels se dirige la portion exploitée, et celle qui reste intacte fait face à l’ouest, de manière que la totalité du banc forme un demi-cercle. En observant ainsi attentivement ce massif calcaire, j'aperçus que quantité de petits corps qui me paroissoient homogènes se trouvoient engagés et comme empätés dans la terre rouge- brunätre, dont la dureté étant égale à celle de la pierre , me D'HISTOIRE NATURELLE. 167 fait lui appliquer le nom de bréche calcaire. Je reconnus trois espèces différentes de ces petits corps : les uns de na- ture calcaire, sous forme rhomboïdale, groupés et implantés; les autres , de nature réfractaire, sous l'aspect de granits feuille- tés, contenant de petites lames de mica en état d’altération ; et enfin de petits ossemens allongés, arrondis dans leur lon- gueur, percés par un bout, et dénués de tissu spongieux , qui me parurent des tibias, soit d'oiseaux de grosse espèce , ou de petits quadrupèdes. Continuant mes remarques, et voulant plus amplement connoître le contenu de cette terre, j'essayai d'en casser plusieurs blocs pour en avoir un bel échantillon : ne parvenant qu'avec beaucoup de forceet de peine ales briser, vu l’excessive dureté de la terre, et ne satisfaisant point d’ail- leurs mon avide curiosité , jimagimai de fouiller dans les vides et cavités qu'avoient laissés à découvert les blocs enlevés par la mine. En effet je fus plus heureux par ce moyen et avec moius de fatigue; car ayant agi avec mes marteaux, sans beau- coup d'efforts, dans ces cavités dont les parois étoient déjà ébranlées par létonnement de la mine ; je me procurai les beaux échantillons que j'en ai rapportés et que je me fais un vrai plaisir de vous envoyer pour être soumis à votre examen. Dans le gros échantillon et le petit qui en a été détaché après coup, l'on distingue une tête, une côte assez grande où le tissu spongieux est changé en terre, et d’autres ossemens qui pa- roissent avoir appartenu à des quadrupèdes de petite espèce. Les tibias , fémurs , phalanges et autres parties osseuses qu'on y remarque d’ailleurs, semblent être d’oiseaux; et enfin dans d’autres échantillons sont des portions de coquilles que je crois être du genre des Hélices. 163 ANNALES DU MUSEUM Cette terre ou brêche calcaire m’ayant donné lieu de faire beaucoup de réflexions , j'aurois volontiers saisi ce moment pour ajouter aux circonstances que je viens de développer à son sujet , des détails importans auxquels conduit sa découverte ; mais il faudroit donner trop d’étendue à ma lettre pour remonter aux causes qui ont produit ces faits intéressans. Je me bornerai à dire qu'une terre semblable a été trouvée sur quatre points différens en Europe , qui sont Gibraltar, Cette, Nice et la Corse ; et comme ces quatre points, comparés avec l'Europe entiere, peuvent être considérés comme un seul, je pense que la découverte de cette terre en Corse, non-seulement désigne cette ile pour être le point sur lequel doit se fixer l'œil observateur des grandes révolutions dont tout annonce l'existence , mais encore devient la source féconde des idées lumineuses qu'on pourra répandre sur les grandes catas- trophes qui ont eu heu à une époque extrêmement ancienne dans cette partie de la Méditerranée. Le temps et des voyages médités et suivis sans interruption peuvent seuls nous instruire sur ces événemens extraordinaires dont quelques preuves ont déjà été trouvées par des hommes éclairés. J'ai l'honneur de vous saluer , RamPasse, Ci-deyant officier d'infanterie légère corse. D'HISTOIRE NATURELLE, 169 EXTRAIT D'UN MÉMOIRE AYANT POUR TITRE: EXPERIENCES CHIMIQUES Pour servir à l'histoire de la laite des poissons. PAR MM. FOURCROY ET VAUQUELIN. MM. Fourcroy et Vavqueui, qui continuent sans reläche leurs recherches d'analyse animale , viennent de faire'une .dé- couverte, qui peut devenir très-importante , sur la présence du phosphore dans la laite des poissons. Ils ont lu à la classe des sciences physiques et mathématiques de l'Institut, du 13 avril 1807, un Mémoire où ils exposent tous les détails de cette découverte. On en va donner ici-un extrait assez exact pour offrir l'ensemble de ce travail, qui doit intéresser la physique des animaux. Ce Mémoire est divisé en cinq paragraphes. Dans le pre- mier, les auteurs rendent compte de quelques expériences préliminaires faites sur la laite de carpe , dans l’intention d'en connoître les propriétés principales : dans le deuxième, troisième et quatrième , ils examinent successivement , 10. 22 170 ANNALES DU MUSEUM 1.° les phénomènes qui se passent quand on brüle la laite à feu ouvert; 2.° les produits qu’elle donne à la distillation, et les propriétés du charbon qui reste dans la cornue; 3. la manière dont elle se comporte avec l’eau froide et l’eau bouillante, et enfin avec Falcool. Le cinquième paragraphe est consacré à un résumé des expériences décrites dans les quatre premiers, et à quelques applications qu'on en peut faire à plusieurs points de physique animale. $. [°° Expériences préliminaires. 1.0 La laite se distingue des autres organes des poissons, par sa consistance molle, par son tissu un peu gras et doux . au toucher , et principalement par son odeur de poisson. 2° Elle n’est ni acide, ni alcaline. 3° Quand on la triture avec une lessive concentrée de po- tasse , elle n’exhale pas d’odeur ammoniacale ; elle forme un magma épais par l'addition d’une nouvelle quantité d’alcali. 4° Trente grammes de laite séchée à l'air à une douce cha- leur , mélés avec six grammes de potasse et ensuite délayés dans l’eau, n'ont donné à la distillation que des traces d’al- cali volatil , lequel provenoit manifestement d’une petite quan- tité de muriate d’ammoniaque qui existe naturellement dans la laite. Ces deux expériences prouvent que la laite ne contient pas une quantité notable d’ammoniaque. 5. La laite, séchée par une chaleur douce et lente avec le contact de l'air, perd les trois quarts de son poids; elle jaunit un peu et devient friable. D'HISTOIRE NATURELLE. 174 6. Chauffée dans un creuset de platine ,ellese durcit d'abord, se ramoilit ensuite , et finit par se fondre en grande partie; il se dégage des vapeurs jaunes qui ont l'odeur àcre ‘des graisses animales. 7.0 Le charbon de la laite, lavé à l’eau chaude, communique à celle-ci une acidité très-marquée : ce liquide précipite par les alcalis Lorsqu'on lévapore à siccité et qu'on traite le résidu par l’eau, on en sépare une matière blanche composée de phosphates de chaux et de magnésie; quand on y ajouté de lammoniaque , on obtient du phosphate ammoniaco- magnésien et du phosphate d’ammoniaque. L’eau enlève donc au charbon de laite de l'acide phospho- rique libre , et un peu de phosphate de chaux et de magnésie. L’acide phosphorique libre que lon obtient par la calcimation du charbon , n’étoit certainement pas tout formé dans la laite ; car celle-ci n’est pas acide : d’un autre côté, elle ne contient pas sensiblement d’alcali volatil. Or comme il n’y a que le phosphate d’ammoniaque qui puisse donner de l'acide phos- phorique par la chaleur, on en doit conclure que celui-ci s'est formé pendant la combustion du charbon de la laite. Ce fait aussi nouveau que remarquable à conduit aux expé- riences décrites dans les deux paragraphes suivans. S. IL. Combustion et calcination de la laite à feu ouvert. 1.° Cent soixante-dix-huit grammes delaite fraiche, chauffée et brülée à feu ouvert, ont donné sept grammes huit dixièmes de charbon. Ce dernier, calciné fortement dans un creuset # 22 » RES 172 ANNALES DU MUSÉUM de platine, a rougi et percé le vaisseau : le métal est devenu fragile. | 2.9 La lessive aqueuse du charbon étoit acide:elle a laissé déposer quarante-cinq centigrammes de phosphate de chaux par l’évaporation. Le charbon lessivé ne pesoit plus que cinq grammes. 3. La liqueur, privée de phosphate de chaux et saturée d’alcali volatil, a donné trois grammes de phosphate d’am- moniaque sec. | 4° Ce phosphate d’ammoniaque contenoit un peu de phos- phate de magnésie; car, étant chauffé au chalumeau, il a donné une perle transparente qui est devenue opaque en refroidis- sant, et qui ne s’est pas dissoute en totalité dans l’eau. Cinq grammes six dixièmes de ce phosphate d’ammoniaque, distillés avec un gramme de charbon de liége dans une cornue de verre lutée, ont donné vingt-six centigrammes de phos- phore. Le résidu de la distillation pesoit quatre grammes deux dixièmes ; il contenoit encore beaucoup d'acide phosphorique. L’acide muriatique avec lequel on l’a lavé, a donné avec Peau de chaux quatre grammes cinq décigrammes de phosphate. Il contenoit un peu de phosphate de magnésie. Ge MM. Fourcroy et Vauquelin ont toujours remarqué que le charbon de la laite, calciné quelque temps et ensuite lessivé une fois à l’eau, donnoit une liqueur acide contenant un peu de chaux et beaucoup de magnésie, On sépare facilement ces deux phosphates en évaporant à siccité et en appliquant l’eau au résidu : le phosphate de chaux reste, et celui de magnésie se dissout. L’ammoniaque ne sépare de sa dissolution qu'une très-petite quantité de phosphate de magnésie , parce qu'il forme un sel triple, soluble avec le phosphate d'ammoniaque: D'HISTOIRE NATURELLE. 173 S. IIL. Distillation de la laite et examen de son charbon. 1. L'appareil qui a servi à la distillation de la laite con- sistoit en une cornue de grès bien éprouvée, communiquant, au moyen d’une allonge, à un ballon ,de la tubulure duquet partoit un tube recourbé qui alloit plonger dans un flacon plein d'acide muriatique oxigéné. Ce dernier étoit destiné à reconnoître s'il y avoit du phosphore dans les gaz qui se dé- gageoient. Cent vingt-trois grammes de laite fraiche ont donné les produits suivans : la chaleur a été conduite avec beaucoup de précaution; on l’a augmentée graduellement jusqu’à faire rougir à blanc le fond de la cornue. (a) Beaucoup d’eau sans couleur. (b) De l'huile blanche ou légérement citrine. (c) Une huile rouge de sang et assez fluide. (d) Une huile brune-noirâtre et épaisse. (e) En même temps que cette derniere huile , des sels vo- latils qui se sont condensés en cristaux aiguillés sur les parois de l’allonge. | (f) Une croûte d’un blanc nuancé de jaune et de rouge, qui s'est attachée à la partie supérieure de Pallonge. (g) I ne s'est dégagé que peu de gaz acide carbonique et d'hydrogène carburé. 2° Examinons maintenant la nature de ces produits. L'eau (a) contenoit du carbonate, beaucoup de prussiate, et des traces de muriate d’'ammoniaque. 174 ANNALES DU MUSÉUM Les cristaux(e) qui s’étoient condensés dans l’allonge, étoient un mélange de prussiate et de carbonate d’ammoniaque. La croûte (f) étoit du phosphore tout pur; car elle fumoit par le contact de l'air : elle répandoit l'odeur de phosphore; elle étoit lumineuse dans l'obscurité, et s’enflammoit rapide- ment quand on élevoit sa température. Les huiles (b,c, d ), chauffées avec de l'acide nitrique à 30°, ont répandu des fumées blanches ayant l'odeur du phos- phore , modifiée par celle de Fhuile. La capsule dans laquelle on faisoit cette opération étoit lumineuse dans lobscurité. Afin de recueillir le phosphore qui se dégageoit, on a versé la liqueur dans une cornue de verre, et on a poussé la distil- laiion jusqu’à ce que la plus grande partie de l'huile ait été détruite par l’action de l'acide nitrique. Il a passé dans le réci- pient de l'eau tenant de l'acide carbonique, de l'acide prussique et de l'acide muriatique; il a passé aussi une huile légère. Ces produits ne contenoient pas de phosphore. L'huile restée dans la cornue étoit convertie, partie enmalière rouge amère, partie en une espèce de cire qui s'est figée, par le refroidissement , à la surface de la liqueur. La dissolution nitrique, évaporée en sirop, a donné du nitrate d’'ammoniaque cristallisé” : l’eau-mère contenoit de l'acide phosphorique provenant du phosphore brülé par l'acide nitrique. Le charbon, résidu de la laite distillée, pesoit sept grammes et demi. Il n’était pas acide, il ne l'est pas devenu par la calcination, et ne s’est pas enflammé pendant cette opération. Cette expérience fait voir, 1.° que le charbon de la laite disullée n'est pas phosphuré comme celui de la laite calcinée D'HISTOIRE NATURELLE. 179 à un feu doux et avec le contact de l'air; 2° que le phos- phore est un élément essentiel de la laïte : fat qui n'avoit jamais été annoncé ni même soupçonné dans aucune matière animale. 3.° Lorsqu'on ne pousse pas la chaleur aussi loin que dans la distillation précédente, on n’obtient pas de phosphore ; il reste combiné au charbon à l’état de phosphure. Ce charbon est le plus dur de tous les charbons que donnent les corps organisés; il raye le verre. Lorsqu'on le chauffe doucement dans un creuset de platine, il se produit une flamme d’un jaune verdâtre, quand latempérature est élevée au rouge obscur; cette flamme est intermittente. Après cette calcmation, le charbon est acide et celui-ci peut être alors enlevé par l'eau. Les auteurs voulant détruire les doutes que l’on pourroit élever sur l’état du phosphore dans le charbon de la laite, ont lessivé ce charbon avec l'acide muriatique. Celui-ci a dissous les phosphates de chaux et de magnésie; le résidu, calciné de nouveau, a présenté les mêmes phénomènes qu'il présentoit avant d'avoir souffert ce traitement : donc le phos- phore du charbon de laite n’est pas dù à la décomposition des phosphates. L’affinité du carbone pour le phosphore paroît très-forte; car le même charbon, calciné à quatre reprises , a donné à chaque fois de l'acide phosphorique. Outre les phosphates de chaux et de magnésie que retient le charbon de laite, on y trouve encore des phosphates de soude et de potasse qu'on peut enlever par l'eau. Il contient aussi de l'azote; car, lorsqu’on le calcine avec de la potasse, on obtient du prussiate. 4° Le charbon de la fibrine, soumis aux mêmes expé- 176 ANNALES DU MUSÉUM riences que celui de la laite, n’a pas présenté les mêmes phé- nomènes. Le lavage aqueux de ce charbon étoit sensiblement alcalin ; ce qui prouve que la propriété acidifiable qui a été reconnue dans le charbon de laite calcinée, n'appartient pas à tous les charbons animaux : appartient-elle exclusivement à la ma- tière fécondante des poissons ? LR S. IV. Laite traitée par l'eau et par l'alcool. La laite, 1.° broyée avec de l'eau distillée et réduite en bouillie, ne donne à ce liquide 2ucun caractère d’acidité ou d’al- calinité; sa partie molle et blanche se délaie dans l’eau, et lui donne l'apparence d’une émulsion. Cependant on aperçoit la matière membraneuse, sans qu'on puisse la séparer ; elle filtre toujours trouble. 2." Si l’on fait bouillir l'eau dans laquelle on a délayé la Jaite , il ÿ en a une partie qui se coagule à la manière de l'albumine: l'eau retient en dissolution une matière analogue à la gélatine ; car elle se prend en gelée par l'évaporation. ! 3. Cette gelée, étant brûlée et calcinée, n’a présenté ni phosphorescence ni acide phosphorique ; seulement l'acide sul- furique a extrait du charbon des phosphates de chaux et de magnésie. 4° La partie soluble de la laite est précipitée par la noix de galle et par plusieurs dissolutions métalliques. 5 L'eau bouillie pendant long-temps sur la laite n'en à pas extrait un atome de posphate d'ammoniaque; ce qui confirme bien ce que l'on a dit plus haut sur l'existence du Métis nt sh à D'HISTOIRE NATURELLE, 177 phosphate à l'état de pureté dans la matière animale qui fait l'objet de ce mémoire. 6° La portion de la laite insoluble dans l’eau chaude étant charbonée, n’a pas donné de phosphate d’ammoniaque à l'eau; elle s’est ensuite comportée comme le charbon de la laite entière : le phosphore reste donc avec l’albumine. 7° L'alcool enlève à la laite une matière comme savon- neuse , qui lui communique une saveur et une odeur dé- sagréables. Quand on distille cet alcool , la liqueur devient d’un jaune verdätre , et quand elle est à siccité, il reste une matière analogue au savon par son odeur et sa saveur. Ce savon tent un peu de phosphate alcalin. La laite traitée par l'alcool n’est plus onctueuse au tou- cher ; elle est devenue sèche et aride. Il paroit donc qu'elle doit son onctuosité à une sorte de savon animal. SV: Conclusion et résultats. 1° Les auteurs concluent de leur travail, que la laite de poisson de rivière , douce, blanche, onctueuse , très-odorante, qui n’est ni acide ni alcaline, qui perd les trois quarts de son poids par une dessiccation bien ménagée, qui laisse, lors- qu’elle n’est brülée que jusqu’à la carbonisalion ,un charbon dur , rayant le verre, inflammable et acidifiable par une forte calcination ; qui donne du phosphore par une chaleur vio- lente, qui se sépare en deux ou trois matières par l’eau et l'alcool , savoir , de l'albumine, de la gélatine et une sorte de savon, avec des traces des phosphates de chaux, de ma- gnésie et de potasse; peut être regardée comme un mixte 10. 23 178 ANNALES DU MUSEUM animal phosphuré, tirant son principal caractère de ce der- nier principe, le contenant si intimement combiné qu'il reste uni au charbon après sa décomposition totale, de ma- nière que ce charbon est un véritable carbure de phosphore azolé. 2.0 La découverte du phosphore à l'état de combustible dans les corps organisés, appartient toute entière à MM. Four- croy et Vauquelin ; car si l’on consulte les chimistes qui se sont occupés de l'analyse de cet ordre de composés, on ne trouve que Margraff qui ait dit avoir retiré du phos- phore en distillant une matière végétale. La graine de si- napi, avec laquelle il a fait son expérience , soumise à un nouvel examen par MM. Fourcroy et Vauquelin, n’a pas fourni la plus légère trace de ce combustible : il paroit donc probable, d’après cela, que le phosphore obtenu par le chi- miste prussien n’étoit qu'un produit accidentel de l'opération. 3.° Les auteurs de ce mémoire se proposent de rechercher si ce mixte animal phosphuré, qui fait l’objet de leur tra- vail , appartient à l’organisation des poissons, ou bien s’il est particulier à leur laite. Ils se proposént en même temps d'examiner les analogies qu’il peut y avoir entre la matière fécondante de divers animaux et celle des poissons. Ils présument avec beaucoup de fondement que le phos- phore trouvé dans un organe aussi essentiel que la Jaite, doit avoir quelque influence sur la phosphorescence des pois- sons, et que peut-être l’on trouvera un jour que cette sin- gulière propriété est due à la même cause, non-seulement dans plusieurs animaux marins, mais encore dans quelques insectes terrestres. D'HISTOIRE NATURELLE. 179 RE ETC ET SE EEE DESCRIPTION ET ANALYSE D'UNE CONCRÉTION CALCULEUSE TIRÉE D'UN POISSON PAR MM. FOURCROY ET VAUQUELIN (1). Ox s'est procuré, chez M. Delaunay, marchand de mor- ceaux d'histoire naturelle à Paris, une concrétion animale for- mée sur un hameçon de huit centimètres et demi de long , et qui en occupe toute la hampe ou toute la tige droite sans en garnir la courbure et le crochet. Cette concrétion, légèrement, quoique sensiblement conique, a un peu plus de huit centimètres et demi de longueur. Sa grosse extrémité représente assez bien la base du cône, quoi- que rapidement arrondie sur la première courbure de la tige de fer ; son extrémité pointue se termine au-delà de celle de cette tige ou hampe de l’hamecon: elle a quatre centimètres et demi de circonférence à sa partie la plus renflée, et se ter- mine par un bout mousse qui laisse voir la portion aplatie de l’hamecon , à laquelle devoit être attachée la ligne. La couleur de cette concrétion est d’un gris un peu jaunätre. Quelques por- tions brisées à la surface laissent voir des couches minces et concentriques, appliquées et très-serrées les unes sur les autres. (1) Voyez Plauche 9, fig. B, D ns 180 ANNALES DU MUSEUM Plusieurs de ces couches sont d’une couleur jaune-rouillée. Les surfaces par lesquelles elles se recouvrent réciproque- ment sont lisses et brillantes. La forme, la disposition par couches, le tissu , la couleur et toutes les propriétés réunies de cette concrétion , prouvent qu'elle a pris naissance dans la cavité stomacale ou intesti- nale d’un poisson, dans laquelle l'hamecon a été introduit de manière que sa partie arrondie et crochue étant engagée dans une membrane, sa portion droite ou sa tige, centre de la con- crétion, étoit libre et flottante dans la cavité de l'estomac ou de l'intestin. De cette position facile à concevoir, d'après ce qu'on observe dans cette sorte de pêche à l’hamecon , il a dû résulter que la partie droite et libre de cet instrument s'est recouverte de couches solides déposées du liquide qui arrosoit la cavité où il étoit situé. C’est ainsi que les corps étrangers, arrêtés ou retenus dans tous les organes creux des animaux, de- viennent constamment la base des concrétions phosphoriques et calcaires. On n’a pas pu se procurer de connoissances plus positives sur cette sorte de calcul ou bézoard. Il est seulement dit dansune note qui l'accompagnoit, et qui a été remise par le marchand de qui on l’a achetée, que l’hamecon a été tronvé dans les in- testins d’un poisson de mer de quiuze à vingt livres. Nous avons examiné chimiquement cette concrétion cal- culeuse: les acides lattaquent avec effervescence et la dissol- vent complétement, sauf une partie membraniforme légère, Elle se décompose au grand feu , sy fendille , s'y divise en feuillets, se charbonne, et se réduit en une poussière blanche. Elle répand , lors de cette calcination, une odeur animale , fétide, mais légère. Sans se dissoudre dans l’eau D'HISTOIRE NATURELLE. 18x bouillante, elle y exhale une odeur fade et analogue à celle d'une colle. En la traitant avec soin par les acides , nous l'avons trouvée formée de carbonate de chaux , de très-peu de phosphate calcaire, et d’une matière animale gélatineuse. ou muqueuse; Quand la forme et la situation de cette concrétion ne prou- veroient pas qu’elle est. due à une matière déposée dans le corps d’un animal, sa nature chimique la feroit reconnoitre pour un véritable calcul semblable à ceux qui se forment sou- vent dans la vessie de plusieurs mammifères ; mais l’hamecon sur lequel elle s’est formée ne peut laisser de doute, ni sur son origine, provenant d'un poisson , ni sur le lieu où elle a pris naissance. Il y a donc encore dans l'examen de cette concrétion cal- culeuse un fait nouveau, ou au moins différent de ceux que nous avons observés jusqu'ici, M. Vauquelin et moi, dans les analyses des calculs des animaux: c’est que les calculs in- testinaux des mammifères nous ont montré constamment du phosphate ammoniaco-magnésien, tandis que celui dont il est ici question nous a offert du carbonate de chaux, qui ne s’est trouvé jusqu'à présent que dans les calculs vésicaux des mammifères. Ce fait appartiendroit-il aux poissons exclu- sivement ? C'est ce que des analyses répétées et comparées su ces diverses espèces de concrétions pourront seules con- firmer : et combien ne faudra-t-il pas de temps pour acquérir cetie confirmation, puisque, depuis dix ans que nous nous occupons de ce travail, il ne nous a encore été permis d'examiner qu'un seul calcul de poisson, sur plusieurs cen- taines de calculs de mammifères. 182 , “ANNALES DU MUSEUM DESCRIPTION DE L'ÉCOLE D'AGRICULTURE PRATIQUE DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE. PAR À. THOUIN. IL° MÉMOIRÉ. CLASSE SECONDE. Des exemples de procédés pour conserver les végétaux et les faire prospérer. Les végétaux répandus sur la surface du globe étant d’une nature très-différente, offrant un grand nombre de propriétés, de facultés et d’habitudes diverses, exigent beaucoup de travaux, de substances, de moyens et de fabriques differens, pour être conservés sous un même climat. C’est pour cette raison qu’il est en général plus facile de faire naïtre les végétaux que de les conserver , et encore plus aisé de les conserver que de les faire prospérer de ma- niére à en tirer tout l'avantage et l'agrément qu'on en doit obtenir ; ce qui pourtant est le but qu'on doit se proposer. # D'HISTOIRE NATURELLE. 193 Mais, pour le remplir, il faut, à la connoissance des moyens et des procédés, joindre celle d'une théorie fondée sur la phyÿ- siologie végétale et sur la géographie. Toutes ces connoissances sont d'autant plus nécessaires, que sans elles on n'obtient guère que des plantes foibles, languissantes et rachitiques, dont la possession , si c'en est une, n’a ni attrait ni utilité. Mais comme beaucoup de ces connoissances consistént dans celle de substances, de travaux de la main, de fabriques et de théories dont on ne peut établir des exemples permanens, on s’est contenté de présenter ceux qui peuvent être saisis par la vue, et lon renvoie, pour connoître les autres avec détail, soit aux travaux qui se pratiquent tous les jours pour la culture habituelle des plantes réparties dans les divers carrés du jardin, soit aux substances servant à leur culture et qui sont réunies au dépôt des terres, soit aux différentes fabriques établies dans le Muséum pour la conservation des végétaux des zones tempérées, chaudes et brülantes; soit enfin au cours de culture qui se donne chaque année dans eet établissement pour tout ce qui regarde la théorie, la conservation et la na turalisation des plantes. k Les connoissances pratiques propres à diriger dans l’art de conserver les végétaux peuvent être divisées en quatre genres différens , savoir : 1. Celles qui ont rapport à leur plantation; 2.° Celles qui ont pour objet leur culture journalière et habituelle; 3.° Celles qui dirigent dans Ja manière de les conserver et qui embrassent, pour ainsi dire, leur éducation première ; 4° Et enfin celles qui ont pour but la taille des arbres frui- uers, laquelle forme un art particulier. 184 ANNALES DU MUSÉUM GENRE 1° Plantations. Les plantations peuvent être divisées en deux sections dis- tinctes et séparées , qui comprennent, La première, toutes les plantations qui Scies en pleine terre; La seconde toutes celles qui se pratiquent dans des vases, et c'est ainsi que nous allons les présenter. SECTION PREMIÈRE. Plantations en pleine terre. Celles-ci ont pour objet les végétaux du pays, ceux étrangers de climats ana- logues à sa lempérature , et les exotiques qui y sont acclimatés, EXEMPLE PREMIER. — flantation des semis ou repiquage. (1) Les repiquages s'effectuent avec de jeunes individus de plantes herbacées ou li- gneuses qui, ayant levé trop rapprochés les uns des autres dans un semis, ont besoin d'être replantés à des distances plus étendues, pour acquérir la force nécessaire ayant d’être placés à leur destination. Ils s'établissent sur des terrains amendés, nouvellement labourés, unis et divisés au cordeau en petits carrés de om. 11C. à om. 27c., à chaque angle desquels on place, au plantoir, un jeune individu. Cette plantation est peu usitée dans les campagnes pour les cultures en grand, faute de bras ; mais elle est fort en usage dans les potagers, dans les pépinières et les jardins fleuristes , d'agrément et de botanique. Ex. 11, — Plantation en ray On. Les rayons se font le plus ordinairement avec la bêche ou le hoyau, dans des (1) Tous ces exemples de plantations sont établis sur des terrains de 2 mètres carrés. D'HISTOIRE: NATURELLE, 18% terrains meubles. On leur donne de om. 16c. à om. 55c. de profondeur, sur om. 16€. à om. »7c. de large, suivant que le jeune plant auquel ils sont destinés est plus où moins âgé et a des racines plus ou moins étendues, On place les individus à la distance les uns des autres, depuis om. 05c., jusqu’à 0 m. 22c. à raison de leur force et du but qu’on se propose. Les rayons sont simples, doubles ou multiples, selon les lignes qu’ils forment. Lorsqu'ils occupent tout le terrain, comme dans les grands carrés des pépinières, on les espace à om. {oc. les uns des autres. Les plantations en rayons sont fort usitées dans les pépinières pour l'éducation des jeunes arbres venus de semis, dans les jardins pour celles des palissades, et à la campagne pour la formation des haies de clôture, et de celles destinées à la défense des fossés. : Ex. 1. — Plantation en échiquier. Ce mode de plantation a pour objet des plantes annuelles et vivaces, et des arbres et arbustes qui n’ont besoin de rester dans les pépinières que jusqu'a ce qu'ils aient acquis la force nécessaire pour être plantés en place à leur destina- nation. On les dispose par planches ou par pièces de terre, depuis om. 16c. jusqu’à 1 m. 5oc. de distance en tout sens les uns des autres, et de manière à former le quinconce. On pratique la plantation en échiquier dans les potagers, dans les jardins, dans les pépinières , et en rase campagne, pour la culture des légumes, des fleurs, des plantes vivaces , des arbustes, des arbres et des bois. EX. 1V.— Plantation en pépiniere. Cette plantation, qui a plus particulièrement pour but les jeunes sauvageons des- tinés à être greffés, s'effectue par lignes éloignées entre elles de om. 68c. à om. 81c., dans lesquelles sont placés les individus à la distance de om. 47e. à o.m. 55c., suivant qu'ils doivent rester plus ou moins long-temps dans la pé- pinière et y acquérir plus ou moins d'étendue. On pratique cette plantation dans les jardins, dans les pépinières, et dans les campagnes, pour la culture des légumes, des osiers, et dans plusieurs pays pour celle de la vigne. 10. 24 186 ANNALES DU MUSÉUM Ex. V. — Plantations en lignes. Les jeunes arbres destinés à border des allées, des grandes routes, ou à for- mer des arbres à hautes tiges et qui doivent rester dans la pépinière de six à dix ans, se plantent par pièces de terres et en lignes droites, à la distance de Om. 81c. Vers la troisieme année de leur plantation, on enlève alternativement la moitié des individus, qu'on replante ailleurs. Ceux qui demeurent en place, se trouvänt alors éloignés les uns des autres de 1m. 62c., sont assez distans Pour croître aisément sans se nuire, et rester daus cette position jusqu'à l'époque de leur plantation à demeure. Daos les campagnes , on pratique ce mode de plantation pour les futaies, à l'effet d'économiser le terrain et de se procurer des bénéfices plus prompts en dédoublant d'année en année les plantations, jusqu’à ce que le quart ou même la huitième partie suflise pour occuper avantageusement le terrain et former la futaie. Les saules, les peupliers, les frènes, les ormes, les robiniers et plusieurs espèces de grands arbres résineux sont propres à ce genré de plantation. EX. VI.— Plantation en massif. Les massifs sont des plantations de différentes sortes, qui ont pour but l'utilité ou l'agrément. Les massifs d'agrément se composent d'un grand nombre d'espèces d'arbres et arbustes à fleurs apparentes : tels sont ceux qui forment les massifs des diverses parties du jardin et de la ménagerie du Muséum , lesquels en four- nissent des exemples diversifiés. Mais ceux d'utilité, destinés à retenir les terres des talus rapides, ne se composent , pour l’erdinaire, que d'une seule espèce : et c'est de ceux-ci qu'on offre un exemple. On pourra en voir l'application en grand sur le glacis de la rampe qui lie le bas jardin avec les buttes, et sur ceux du limaçon de la plus grande de ces buttes. Les jeunes plants destinés aux plantations des glacis ne doivent pas avoir plus d’un à deux ans de semis. On les plante au plantoir et en échiquier, depuis om. 08.c. jusqu'a om. 22c. de distance. Leur culture consiste à les tondre deux fois par an pendant le repos de la sève, et à les rabattre tous les quatre ou cinq ans à rez-terre pour les fâire pousser plus vigoureusement. Les tontures, employées, les unes comme fourrage, les autres comme combustible pour la cuisson du pain ei des autres alimerns , indemnisent, dans beaucoup de pays, des frais de cette opé- ration , et rendent la valeur annuelle du fonds sur lequel se trouvent placés ces massifs. D'HISTOIRE NATURELLE. 187 Il est plusieurs espèces d'arbres et arbustes qui, plantés en massifs dans les pays dénués de prairies, pourroient en tenir lieu avec avantage. Tels sont les genets d’Espagne (spartium junceum , 1: ); le cytise de Virgile (medicago arborea, L.), dans le midi dela France; l’ormille ( w/mus campestris, L. N. tenuifolia); le robinier de Virginie ( robinia pseudo-acacia, L..) ; le cytise des Alpes (cytisus La- burnum , L.); le bagnaudier en arbre, colutea arborescens, L, ) etc. pour le centre et le nord de ce pays, Ex. vu. — Plantation en tapis presque toujours vert. Il est formé avec le millepertuis à grand calice (kypericum calycinum , V.), arbuste qui conserve son feuillage plus de neuf mois de l’année, et dont les grandes fleurs, d’un beau jaune vernissé, viennent en abondance dans le milieu de été. I ne craint pas les terres maigres, peu profondes et pierreuses, Quoique originaire du Levant, il vient trés-bien dans les climats du midi, du centre, et surla lisière de celui du nord de la France. Il s'empare du sol où il est planté, en retient les terres , et n’y laisse croitre aucune autre plante. Son feuillage, qui est d'un vert luisant très-agréable, est rarement attaqué par les insectes. Le troëne ordinaire ( ligustrum vulgare, 1.) pourroit remplir le même ob'et avec moins d'agrément, dans les départemens du nord , à des expositions ombragées et dans des terres un peu humides et profondes. Ex. vin. — Plantation en tapis toujours vert. f On a formé cet exemple avec des éclats enracinés de buis d'Artois ( buxus sem- pervirens suffruticosa, M. P.), plantés en échiquier à o m. 08 c. de distance les uns des autres, et qui ont élé rabattus à om. 020 c. au-dessus du niveau de la terre. L'ibéris des rochers (1beris saxatilis, L. ),le tymelé des Alpes (Zaphne cneo- rum, L.), la corbeille d’or ( alyssum saxatile, L) et autres arbustes de cette nature , pourroient être employés pour retenir les terres de diverses sortes et à différentes expositions. Ils y formeroient des tapis toujours verts qui se couvri- roient de jolies fleurs pendant plusieurs mois de l’année. EX. 1x. — Plantation par la téte. Cet exemple a pour objet de mettre sous les yeux l'expérience de Duhamel, qui tend à prouver que des arbres plantés la tète en bas et les racines en haat , à l'air 24 % 188 ANNALES DU MUSÉUM * libre, poussent des racines de leurs Branches , et que la partie de la tige qui n'est pas enterrée donne naissance à des bourgeons et à des feuilles. On a voulu s'assurér en outre si ce procédé n'est pas celui qu'emploient les Chinois pour se procurer des arbres nains qui rapportent beaucoup de fruits, comme le pensent quelques personnes. Pavmi plusieurs espèces d'arbres et arbustes soumis à cette expérience l'année dernière et celle-ci, il végète dans ce moment un framboisier d'Occident (rubus occidentalis, L.), un groseiller épineux (ribes oxiacantha, 1), un rosier très-épineux (rosa spinosissima, L,), une épinevinette ordinaire ( berberis vulgaris , L.), un saule cendré (salix cinerea, 1), et parmi ceux qui n'ont pas poussé il en est plusieurs qui sont encore verts. Ces arbrisseaux ont été plantés à trois époques différentes ; savoir: en décembre, février et mars ; les uns en pleine terre , et les autres en pots el sous châssis , pour varier les chances de la réussite. Leurs racines ont été enveloppées de mousse pour éviter l'effet d'une dessiccation trop rapide, qui n'eût pas manqué d’avoir lieusi, au sortir de terre, on les eùt exposées à l'air libre pendant l'hiver. Cette expérience pourra donner par la suite des résultats utiles aux progrès de la physiologie végétale et du jardinage. Ex. x. — Plantation en fosses. On donne à ces fosses depuis om. 4ogc. jusqu'à 1 m. 5oc. de large, sur 0 m. 41e. jusqu'a om. 81 c. de profondeur, et autant qu'il est possible, on les établit dans la direction de l’ouest à l’est. Elles servent à la plantation des asperges dans le nord et le centre de la France. On y plante aussi des erocettes de vignes dans beaucoup de pays. EX x1,— Planiation sur taupiniere. Varerne-Feuille donne ce nom à une sorte de plantation qu'il a imaginée et u’il décrit dans le premier volume de ses Mémoires sur l’administration fores- q : tière, à la note de la page 24. , pas Elle a pour objet d'assurer la réussite des plantalions destinées à regarnir les P Ù 8 petites clarières des forêts, lorsque les racines des arbres voisins par lesquels le terrain est occupé, absorbent l'humidité et les substances nutritives qui s'y trouvent et n’en laissent pas pour fournir à l'existence de ceux qu'on y plante. On peut l’employer avec un égal succès pour remplacer les arbres morts , dans P p'0) ; D'HISTOIRE NATURELLE. 189 des massifs de bois, dans des quinconces, et dans les lignes de vieux arbres des avenues et des grandes routes, Le procédé de cette plantation consiste à tracer au cordeau deux cercles concentriques , l’un de o m. 98c., l’autre de 1 m. 5oc. de rayon. A l’aide du tracé, on creuse entre les deux cercles, autour du centre commun où l'arbre doil être placé, un petit fossé de om. 35c. de largeur sur o m. 53e. à o m. 41 ce. de profondeur, et l’on couvre l'aire du cercle intérieur avec la première couche de gazon extraite du petit fossé. On place l’arbre sur cette terre remuée de manière que ses racines se trouvent à om. 16c. au-dessus du sol naturel, qu'on n’a garde de défoncer. En achevant d'approfondir le fossé, on en rejette les terres sur les racines. L'opé- ration achevée, l'arbre paroit planté sur un cône surbaissé ou sur une large taupinière. La culture des arbres ainsi plantés se réduit à couper chaque année avec la bêche, les racines des arbres voisins qui voudroient pénélrer dans le cercle, et à labourer la surface de la terre de ces derniers pour la rendre per- méable à l’eau de pluie et à l'air, et faciliter l'extension des racines des jeunes arbres. Ce mode de plantation étant peu connu, fort ingénieux, et très-utile dans beau- coup de circonstances, nous l’avons décrit avec étendue pour le faire connoître aux personnes qui ne peuvent voir l'exemple qui est placé dans l’école d’agri- culture pratique. EX. Xl. — llantation à demeure. Quatre arbres de 4m. 87c. de haut , plantés avec leur tête, fournissent cet exemple, ainsi que celui de la manière dont on doit raccourcir les branches latérales pour assurer leur reprise. A cet exemple on peut joindre celui de tous les arbres du jardin plantés depuis trente-cinq ans, dont beaucoup avoient des troncs de om. 41 ©, de dia mètre, et qui ont été transplantés avec le plus grand nombre de leurs racines, de leurs branches, et avec leur flèche. Enles comparant avec les arbres plantés plus anciennement et auxquels on a coupé, suivant l’usage , tête et racines, on se convaincra du vice de cette pratique, Elle dénature le port des arbres, retarde la jouissance, occasionne la destruc- tion de leur bois et abrège leur existence. 190 ANNALES DU MUSEUM Ex. x. — Accessoires des plantations de grands arbres. Ces accessoires consistent, 1.” dans le butage des arbres nouvellement plantés, pour les préserver d'être renversés par la violence des vents, ou garantir leurs racines d'être submergées par l'abondance des eaux dans diverses saisons de l'année ; 2." Dans la manière de placer des tuteurs ou supports pour les dresser sur leur pied, et leur faire prendre une belle direction sans nuire au libre cours de la sève; 3.° Dans l’épinage, pour les défendre de l'approche des bestiaux, qui en les ébran- lant les empêchent de reprendre et leur font des plaies toujours désagréables et souvent nuisibles à leur existence ; 3 4." Et enfin dans l'empaillage et l’engluage, qui ont pour but de garantir les jeunes arbres nouvellement plantés dans des terrains secs, dans des climats chauds et à des expositions brülantes, des rayons d’un soleil ardent, qui des- sèche l'écorce de leurs tiges, l’oblitère dans certaines parties et occasionne souvent la langeur et la mort des arbres. Ces quatre exemples sont pratiqués sur les arbres dont il a été question dans les deux articles qui précèdent celui-ci. EX. x1v. Plantation des arbres verts. Cet exemple est fourni par un épicia (abies picea , M. P.) âgé de neuf ans, de 2m. 6oc. de haut, el qui a été transplanté, avec toutes ses branches, ses racines et la plus grande partie de son chevelu. Le défaut de réussite des plantations de cette série d'arbres intéressans, provient autant de la manière peu solide qu’on emploie ordinairement pour les assujétir à leur place et les empêcher d'être ébranlés par les vents, que de la mutilation de leurs racines et de leurs branches, qui n’a lieu que trop souvent. La seule chose qu'on puisse présenter dans cet exemple, est l'appareil au moyen duquel on peut empêcher le vacillement des tiges , qui occasionne la rupture des petits corps charnus destinés à former les nouvelles racines, et par ce moyen assurer la réussite de la plantation de ces arbres. C'est aussi ce que présente cet exemple. Quatre forts tuteurs placés à om. 8oc. du pied de l'arbre et à égale distance entre eux , portent des traverses qui, eu mainteuant l'arbre, d'abord à om. 55c. "| D'HISTOIRE NATURELLE. 19 de sa racine, puis à la moitié de la hauteur de sa tige, et enfin à o m. /9c. au- dessous de l’extrémité de sa flèche , ont empêché tout vacillement, et contribué à assurer la reprise de l'arbre , qui est en ce moment en fructification. EX. XV. — Plantation des brisevents. Les brisevents sont des lisières de plantations destinées à rompre l'effort des vents pour les empêcher de nuire aux cultures intérieures , ou pour en défendre l'accès aux hommes et aux animaux. On les forme ordinairement avec des arbres et des arbrisseaux qui se garnissent de branches depuis le pied jusqu’au sommet. Quelquefois ils sont composés d’une seule espèce d'arbres, d'autrefois de plusieurs espèces. Tantôt on les place sur une ligne et tantôt sur plusieurs. Dans quelques circonstances, ils ne présentent, dans leurélevation , que deux lignes droites, entre lesquelles se trouve l'épaisseur du brisevent ; dans d’autres, ils offrent une ligne droite et un talus, soit en dedans, soit en dehors des possessions; d’autres fois enfin ils forment deux talus qui, par le haut, se terminent au milieu de l'épaisseur du massif. On a présenté plusieurs exemples de ces variétés de brisevents : nous allons les exposer brièvement et indiquer les arbres dont ils sont composés. Ex. de la première variété (1). Brisevent sur trois rangs à un seul talus. Il est formé de trois lignes d'arbres d'espèces différentes : la premiére, du fusain ordinaire (evonymus europæus tenuifolius, L.), la deuxième, du cor- nouiller mâle (corzus mascula, L.) et la troisième, de rosiers églantiers. Les individus sont placés à om. 35 c. les uns des autres, et entre chaque rang ilya om.65c. de distance. Ces arbrisseaux ont été rabattus par leur tête, en les plantant, savoir : les églantiers à 0 m. 16 c. au-dessus du niveau de la terre ; les cornouillers, à om. 27 c.,et les fusains, à o m. 49 c. Au printemps de cette année 1807, leurs nouveaux bourgeons produits par la dernière sève, ont été rabattus à om. 11e. au-dessus de la coupe précédente, et Les bourgeons latéraux ont été arrêtés à om. 054c. de la tige et dans la direction de la ligne des arbres. En continuant cette sorte detaille chaque année, et en lâchant à chaque fois de om. 11 c. à o m.16c. jusqu'a ce que la lisière soit parvenue à sa hauteur, on obtiendra un massif {) Ces exemples occupent 3m. 25c. de long, sur 1m. g5 c. de large d’une planche de terrain 192 ANNALES DU MUSEUM touffu depuis sa base jusqu'a son sommet, derrière lequel les vents n'auront que peu d'accès. ex. de la deuxième variété. Brisevent sur trois lignes et à deux talus. La ligne du milieu est formée de mahaleb (prunus mahaleb , L, }, et les deux latérales, lune, de cognassier sauvage (pyrus cydonia), et l'autre, d'ar- gousier (Ayppophae rhamnoiïdes , A, ). Ces arbres ont été plantés à la mème distance que ceux de l'exemple pré- cédent , taillés dé la même manière et produiront le même effet. Ex. de la troisième variété. Brisevent sur cing rangs à un seul talus. Celui-ci est formé, savoir, en première ligne sur le derrière, de poiriers sauvages épineux (pyrus communis pyraster, M. P.);en seconde, de cornouiller mâle; en troisième, de sureau commun (sambucus nigra, Li); en quatrième, de nerprun cathartique ou épine noire(rhamnus catharticus, X.), et, en cinquième ét dernière , sur le devant, de rosier églantier, Ces trois variétés de brisevents sont plus particulièrement propres à la elô- ière et à la défense des propriétés territoriales dans les campagnes du milieu et du nord de la France, jusqu’à son extrème frontière de ce dernier côté. ex. de la quatrième variété. Brisevent sur cinq rangs et à deux talus. Cette variété est formée, 1.” d’une ligne de merisiers à grappes (prunus padus, 1.) dans son milieu; 2.° de deux lignes de lilas blancs et violets (syringa vulgaris, L.) des deux côtés de celle du milieu; 5.° ét enfin de deux autres lignes de rosiers à cent feuilles, sur les deux bords du massif, On peut établir cette variété de lisière de plantation, ainsi que les deux sui- ventes , dans les jardins. Elles sont propres à y former des brisevents, à cacher des murailles et autres objets désagréables à l'œil, ou à séparer des parties de jardins. En leur donnant des directions sinueuses suivant les pentes du terrain, on peut circonscrire la vue dans certaines parties, la ménager pour la reposer, et lui faire éprouver des surprises plus agréables dans d'autres endroits. D'HISTOIRE NATURELLE, 193 ex. de la cinquième variété. Brisevent sur septrangs à un seul talus. Les sept lignes de cette sorte de brisevent d'agrément, sont composées d'autant d'espèces d'arbrisseaux et arbustes, à fleurs apparentes et de couleurs variées. Ils sont. disposés par ordre de taille; les plus petits sur le bord, en s’élevant par gradation jusqu’à la dernière ligne, où sont placés les plus hauts. Ceux-ci sont le sorbier des chasseurs (sorbus aucuparia, L.). La sixième est formée du spiræa à feuilles d’obier (spiræa opulifolia, L.); la cinquième, du chamærisier de Tartarie (/ozicera tatarica, L.); la quatrième, de l’obier boule de neige (vburnume opulus sterilis, M. P.) ; la troisième, du rosier glauque ( rosa rubifolia, Wild.) ; la deuxième du genèt de Sibérie (gezrista sibirica, 1), et la premitre, de la co- ronillé émerus (coronilla emerus, L.). Cette lisière offre un grand nombre de jolies fleurs au printemps et de beaux fruits rouges en automne, sur lesquels les oiseaux et les abeilles trouvent leur päture. Ex. de la sixième variété. Brisevent sur sept rangs et à deux talus. Celui-ci n’est composé que de quatre espèces d'arbres et arbrisseaux , qui sont 1.” Je ptelea à trois feuilles (prelex trifoliata, L.), placé au milieu de la lisière; .2.° deux lignes de. merisiers des bois (cerasus avium sylvestris, M. P.), qui accompagnent la ligne du milieu des deux côtés; 5.° de deux autres lignes formées avec l’amelanchier de Canada (cratægus racemosa, Lamark), planté des deux côtés des secondes lignes ; 4° et enfin de deux autres et dernières lignes, de rosiers à cent feuilles (rosa centifolia, L.),qui bordentle brisevent à l'extérieur. Cette lisière est agréable au printemps, par ses fleurs de diverses couleurs, enélé, par ses fruits, et pendant toute la belle saison , par la verdure agréable du feuillage des végétaux qui la composent. Ex, vu. — Massif pyramidal à quatre faces. Cette plantation est composée d’arbustes, de! sous-arbrisseaux, d’arbrisseaux, de petits, de moyens et de grands arbres. Ils sont disposés par rang de taille, les plus bas sur les bords, et par gradation, les plus hauts dans le milieu. Ces sortes de massifs sont très-propres à faire des perspectives pour lerminer 10. 25 » 194 ANNALES DU MUSÉUM des points de vue dans les jardins symétriques, en leur donnant plus d'étendue et des formes plus pittoresques, On peut s'en servir utilement au même usage, dans les jardins paysagistes et de plus pour couvrir des monticules, à l'effet de les faire paroïtre plus élevés et de leur donner plus d'importance. Il est beaucoup d'arbres et d’arbustes tant indigènes qu'étrangers qui sont propres à former des brisévents de défense et des lisières de plantations d'agrément. On eùt pa en fournir un grand nombre d'exemples, si l'espace eût été moins res- serré. Parmi les arbres qui se dépouillent de leurs feuilles pendant l'hiver, on | peut regarder le peuplier d'Italie ; pour les terrains frais ; le charme , pour les sols À sableux et secs ; le frêne, pour les situations humides ; le hêtre, pour les endroits montueux, étc., comme les plus propres à former de grauds brisevents. Placés sur trois lignes et'en échiquier, ils résistent à des vents impétueux, et défendent de leurs dégâts les cultures voisines. Il existe aussi parmi les arbres toujours verts, des espèces qui sont très-propres à remplir ce but; et l’on y emploie dans le midi de la France le laurier des poëtes ( Zaurus nobilis, L.), le cyprès pyra- midal (cupressus sempervirens, L.) , le laurier cerise (prunus laurocerasus . L.), l’arbousier ( arbutus unedo, W.),le myrte romain (»yrtus communis, L.), le lentisque (pistacia lentiseus, L.), etc. Dans les départemens du nord, l’ajonc (ulex europæus, L.), le houx(z/ex aquifolium , Li), l'if( caxus baccata , L. }, le pin sauvage ( pinus sylvestris, L.) , l'épicia( abies picea , M. P.), sont employés à cet usage, On pourroit y faire servir avec aulant de succès au moins, et sûre- ment avec plus de fruit, le thuya de la Chine (4uya orientalis , L.). 11 existe dans le jardin du Muséum des brisevents établis depuis long-temps avec cet arbre. IL se conserve garni de ses branches depuis le collet de la racine jusqu'au som- met, et remplit parfaitement sa destination. On sait que le boïs de cet arbre qui est de la troisième grandeur, est. un des moins corruptibles de ceux fournis par les conifères; ce qui doit lui donner une grande valeur, surtout dans les pays où l'on emploie des échalas pour la conduite de la vigne. Nous entrerons dans quelques détails à l'occasion de ces brisevents, parce que leur avantage est prouvé par une longue expérience , et que d'ailleurs ils ajoutent aux exemples que pré- sente l’école d'agriculture. pratique que nous déerivons. Le premier, situé dans le jardin dés semis, existe depuis vingt-un ans. Les arbres ont été plantés sur une seule ligne, à om. 4gc. de distance les uns des autres. Entre deux forts individus de 1m: 0c. à 1m. 50e. de haut, on placa alternativement un beaucoup plus jeune et plus petit individu. Ces jeunes plants, qui m'étoient destinés qu'à garnir la ligne , ont vécu pendant huit ou dix ans, jus- : qu'a ce que les plus forts s'emparant exelusivement du terrain dont ils occupent tout l’espace, les aient fait périr. Ils ont ‘dans ce moment 7m. 8oc. de haut, sur om. 27c. à om. 57c. de circonférence , et forment une haïe qui n'a pas plus sd D'HISTOIRE NATURELLE. 109 de ofn. 49c. d'épaisseur , parce que depuis six ans on a rapproché les branches du bas à om. 11e, ou om. 14c. du tronc. Celte opération, qui a eu un plein succès, puisque ce qui reste des branches coupées a poussé un grand nombre de rameaux lesquels garnissent tous les vides, prouve qu'on peut tondre cet arbre pour diminuer son épaisseur et augmenter l'effet des palissades ou brisevents qu'il est destiné à former. La planiation, qui a 54 m.de long, a été faite dans un terrain profond, de bonne nature, un peu humide et à l'exposition de l’ouest. Le second exemple de brisevent en thuyas de la Chine est établi depuis vingt ans sur fla petite butte qui se trouve derrière la serre à droite , en montant la rampe de communication du bas jardin avec les buttes. Celui-ci a 26 mètres de long ; ilest planté en échiquier sur deux lignes , à om. 65c. de distance l’une de l’autre , et à om. 58c. dans chaque rang. Les plus jeunes individus, qui avoient été placés entre les gros pour garnir le bas, n'existent plus, et ceux-ci occupent tout l’espace. Les branches des :arbres qui composent ce brisevent ; w’ayant point été taillées, occupent une largeur de 2m, 92 c.. Les troncs auxquels elles appar- tiennent ont de om. 4oc. à om. 55c. de circonférence à rez-terre, sur 7 m.80c. à Om. roc. de haut. Ils sont plantés sur la crête d’un talus rapide, dans un ter- rain maigre et sec, et à l'exposition du nord; malgré la défaveur de cette situation, ils se portent bien et promettent une longue existence. Le troisième et dernier exemple de brisevent en thuyas de la Chine n'a été établi que depuis quinze ans. IL est situé au pied de la grande butte, le long de l'allée qui.est au bas du chalet, dans un’ terrain aride et à l'exposition du midi. Les individus qui le composent sont plantés à om. 65e. de distance les ans des autres, sur une seule ligne et au pied d’un mur très-élevé dans quelques endroits. L'objet principal de cette plantation étoit de cacher à la vue quelques parties de vieilles maisons et un mur désagréable à voir, et cet objet se trouve parfai- tement rempli. Malgré la mauvaise qualité du sol et la chaleur de l’exposition » ces arbres ont actuellement 6m. 5oc. de haut, om.27c. de circonférence par le bas, et ont acquis une épaisseur de branchage d'environ 1 m. 95c. dans toute la longueur de la ligne, qui est de 24 mètres. D'après ces exemples, il n’est pas douteux que le thuya de la Chine ne puisse être employé avec succès à établir des brisevents dans la région du centre de la France , a loutes les expositions , dans tous les terrains, pourvu qu'ils ne soient pas aquatiques, et à toutes les situations ; et que le rapprochement de ses branches latérales, au lieu de lui être nuisible comme à beaucoup d’autres arbres résineux, ne le fasse pousser avec plus de vigueur. y Qt 196 ANNALES DO MUSÉUM SECTION II. Plantations dans des vases. Celles-ci ont spécialement pour objet des plantes vivaces de climats plus chauds que celui dans lequel on les a fait naître, et qui ont besoin du secours des serres de différentes sortes pour se conserver dans le pays où l’on veut les cultiver. On cultive dans des vases des plantes indigènes ou des plantes étrangères aceli- matées , pour en orner des gradins, des fenêtres, des appartemens ,et de petits jardins où l'on veut réunir une beaucoup plus grande quantité de plantes que n'en comporteroit le local, si on les cultivoit en pleine terre, On élève aussi dans des pots des arbres, des arbustes et des plantes de pleine terre, soit pour en faciliter la reprise, soit pour se ménager la faculté de les planter avec sûreté dans les différentes saisons ,et à toutes les situations que réclament la prompte jouissance et l'avantage des cultivateurs. Mais on est forcé de planter dans des pots, des baquets ou des caisses de différentes dimensions, les plantes vivaces, les arbustes et les arbres des zones chaudes et brûlantes, qui craignent le froid de nos hivers, et qu'il faut nécessairement rentrer sous des abrits artificiels pour les en préserver. Ce mode de plantations, ainsi que les empotages, rempotages, encaissages, les changes etles demi-changesqui en sont la suite, n'offre qu'un travail manuel dirigé par une théorie qui ne peut fournir d'exemple durable. C'est pourquoi on est obligé de renvoyer pour celle partie au cours de culture , où ces opérations sont faites ct expliquées avec détail en présence des assistans, GENRE IL Culiure des végétaux. Elle exige des connoissances assez nombreuses qui peuvent être divisées en deux séries. : La première comprend toutes les connoissances qui ont rapport aux propriétés des substances utiles à la nourriture des plantes (1). om HR (1) Par nourriture, nous ne voulons pas dire que les végétaux vivent de la terre et des engrais, comme les animaux se vourrissent des alimens nécessaires au maine D'HISTOIRE NATURELLE. 197 La seconde réunit tout ce qui a pour objet les travaux ma- nuels nécessaires pour les entretenir en santé. SÉRIE PREMIÈRE. Les substances prepres à la nourriture des plantes sont de deux sortes : savoir , les substances solides et les substances fluides. Les premières sont les terres et les engrais. Les secondes sont l'eau, Pair, plusieurs gaz, la chaleur et la lumière. Les terres et les engrais qui servent à la nourriture des végétaux étant déposés en grandes masses dans le carré du jardin destiné à leur approvisionnement , et l'indication de leurs diverses propriétés faisant partie du cours de culture, on a dû tien de leur existence : leurs organes sont trop différens. Nous n’entendons parler que des malières extractives produites par ces deux genres de substances : car les différences de dimension, qui sont quelquefois de 1 à 1000 dans des variétés de la même espèce de plantes produites dans différens sols également imbibés d’eau, situés sous le même climat et à la même exposition; le goût du terroir que con- tractent les racines , les légumes et les fruits, prouvent bien que si ces végétaux ne vivent pas deterre, ils se nourrissent aussi d’autres substances que de l’eau pure, comme semblent le croire des physiciens d’après quelques expériences plus ingé- nieuses,et utiles que concluantes. Que prouvent-elles en effet ?que tel végétal soumis à l’expérience a donné tel résultat, et non pas que tel résultat fourmi par une es- pèce doive être regardé comme une loi générale de l'organisation végétale, Un assez grand nombre d'expériences effectuées ou qui sont suivies en ce moment dans les jardins du Muséum, semblent prouver qu'il faut bien se garder de tirer une conséquence générale d’un fait isolé, et qu'au contraire, en agriculture, il faut rassembler un très-grand nombre de faits particuliers, pour en déduire des prin- cipes généraux. On rendra compte par la suite de ces diverses expériences, 108 ANNALES DU MUSÉUM se dispenser d’en présenter dans l'école d'agriculture pratique des échantillons qui auroient été insuflisans. Il en est de même des fluides. Comme ils ne sont pas sus- ceptibles de fournir des exemples utiles, il a fallu se borner à donner, dans le cours de culture, indication de leurs pro- priétés. Mais les moyens employés pour faire usage de la chaleur et de la lumièré, qui jouent un si grand rôle dans la culture des végétaux exotiques, doivent au moins être indi- qués ici. La lumière et la chaleur constituent ce qu’on appelle l’ex- position et le climat, et le moyen de les imiter forme ce qu’on désigne par le nom générique d’abrits. Les abrits sont de deux sortes, naturels et artificiels. Les abrits naturels sont les montagnes, les coteaux , les ados, les futaies , les bois , les lisières de plantations, les palissades, les haies, etc., qui modifient, soit en plus, soit en moins, de beau- coup de manières différentes, la lumière et la chaleur sous les mêmes zones. Les abrits artificiels sont les couvertures , les empaillages , les murs, les serres postiches, les chässis , les serres froides qu'on emploie pour abriter les végétaux du froid , et les couches chaudes , les cloches , les lanternes, les serres tempérées, les serres chaudes , les baches et autres fabriques échauffées par des fourneaux, pour donner aux végétaux des zones chaudes et brülantes, le degré de chaleur nécessaire à leur conserva- tion sous les zones tempérées, froides et glaciales, ou pour accélérer les produits des plantes indigènes. Beaucoup de ces abrits existans dans les jardins du Muséum en fournissent des exemples en grand qu'il a été inutile de répéter en pelit dans l'école de culture. Quelques - uns ont D'HISTOIRE NATURELLE. 199 déjà été décrits dans ces Annales (1), et les autres le seront successivement, avec des détails étendus sur leurs usages , les séries de plantes auxquelles ils sont propres, et la manière de les gouverner pour leur faire remplir leur destination. SÉRIE IL Travaux de culture. Les travaux, de culture se composent 1.° des arrosemens, 2. des défoncages, 3.° des labours, 4° des binages, 5° des ralissages, 6° des butages, 9.° des sarclages, et 8.° des récoltes. Ces travaux , pour la plupart, s’apprennent moins par des mo- dèles qu’en les voyant exécuter , et surtout en les exécutant soi-même sous la direction d’un praticien habile : c’est pour- quoi on s’est dispensé d’en offrir des exemples dans cette école. GENRE IIL é Conduite des végétaux (2). Sous ce titre sont compris tous les travaux qui ont pour objet de diriger les végétaux des leur jeunesse pour les rendre plus agréables, plus utiles , ou pour satisfaire les gouts . (1) Voyez la description du jardin des semis, com. 4, pag. 205, tom. 6, pag. 172 et 236, pour la description et l’usage de plusieurs ustensiles de culture à l’usage des écoles de botanique. (2) Éducation seroit le terme propre, s’il n’avoit ne acception trop étendue, puisqu'il désigne la culture qu’on donne à l'esprit ,en même temps que les soins qu'on prend du corps dans les enfans : il est cependant employé par quelques: cultivateurs. IL seroit à désirer qu’il fût recu dans cette langue, parce qu'il est plus expressif que celui de conduite. 300 ANNALES DU MUSEUM des propriétaires et leur en rendre les produits plus avanta- geux. Ces travaux font partie des opérations que nécessite la culture. Presque tous les végétaux qui ne fructilient qu'une fois dans la durée de leur vie, et que l'on nomme vulgaire- ment annuels, n’ont pas besoin d’être conduits dans leur jeu- nesse; la conduite de presque tous ceux qui se cultivent en grand dans les campagnes, se réduit aux semis, à des sar- clages et à des butages : le climat fait le reste. Il en est quel- ques-uns qu'il faut ramer pour les soutenir, et d’autres qu'il faut pincer pour en arrêter la croissance et leur faire produire des fruits plus beaux et en plus grand nombre. C’est à quoi se réduit la conduite ou l'éducation de ces plantes, et elle se pratique plus communément dans les jardins que dans les campagnes. L'école des plantes d'usage dans l’économie rurale et domestique (1) fournit assez d’exemples de ces opé- rations , pour dispenser de les répéter dans celle-ci. Mais les végétaux ligneux et les grands arbres ont plus par- tüiculièrement besoin de ces opérations de culture. Elles con- sistent , 1.” dans l'ébourgeonnage, pour déterminer celles des tiges qui ne seroient pas disposées à prendre la direction per- pendiculaire, à se former , à monter, et à s'élever pour donner naissance aux branches qui doivent couronner l'arbre; 2° Dans l'émondage et lélaguage, qui ont pour objet de supprimer du tronc des arbres les rameaux et les branches qui viennent mal, celles qui sont nuisibles soit à la belle venne du tronc, soit à la beauté de son port, et celles qui par la suite diminueroient la valeur du bois de l'individu. Ce travail, (1) Voyez sa description dans le com.2, pag. 142 des Annales du Muséum d'histoire naturelle. D'HISTOIRE NATURELLE. 201 fait par des mains habiles et désintéressées, produit d'excellens résultats ; mais il devient désastreux lorsqu'il est exécuté par des bucherons avides ou ignorans, qui déshonorent les arbres et coupent indistinctement toutes les branches jusqu'au sommet. 3.° Dans l’essartage , qui a pour but d'éclaircir les semis ou les plantations d'arbres qui se font en graud pour établir des taillis, des bois et des futaies; desupprimer , d'année en année, les sujets les plus foibles et les branches mal venant ou inu- tiles , à l'effet de donner plus d'air aux individus restans ;mais avec l'attention de laisser le massif assez garni pour obliger les arbres réservés à s'élever plus rapidement et plus droits à toute la hauteur qu’ils peuvent atteindre. 4° Dans le rapprochement des branches de l'arbre de son tronc , dont l'objet est de diminuer l'épaisseur des haies , brise- vents ou tapis, devenue trop considérable; de raviver de vieux arbres fruitiers languissans, et de les faire exister en rap- port utile un tiers où un quart de temps de plus qu'ils n’au- roient duré sans cette opération; de rajeunir de grands arbres couronnés que, par respect pour leurs aieux qui les ont plantés, les propriétaires veulent transmettre à leurs descendans. 5.° Dans les coupes réglées de bois taillis, pour se procurer le revenu de son fonds , de ses avances de culture , avec le bénéfice qu'un cultivateur instruit doit espérer de sou intel- ligence et de son travail. 6° Dans les abattis de grands arbres de futaies, dont le but est de ne couper les arbres qu’à l'instant qu'ils sont arrivés au maximum de leur croissance utile, et où devant cesser de croître fructueusement pour les intérêts du propriétaire, ils occuperoient le sol avec peu de profit ou en pure perte. 7 Et enfin dans les tontures de toute espèce , pour di- 10. 26 202 ANNALES DU MUSEUM minuér la perte du terrain occupé par les haies, les lisières de plantation , les brisevents, les arbres des grandes routes , les avenues , les allées , les palissades et les bordures dans les jardins symétriques. Nous ne parlerons pas des tontures en boules, en' pyramides, en figures d'hommes et d'animaux : le bon goût en a fait justice; et ces formes bizarres sont rele- guées dans les jardins de la Nord-Hollande et dans quelques parties de l'Allemagne , où il n’a point encore pénétré. L'école dont nous donnons la description offre en petit différens modèles de ces opérations de culture; les jardins du Muséum en présentent plusieurs autres dans de plus grandes dimensions: mais pour les offrir toutes à l'instruction publique, il faudroit un vaste domaine national consacré à cet objet, parce qu'il s’agit autant de montrer des exemples de ce qu'on sait, que de faire des expériences comparatives en grand pour apprendre ce qu’on ne sait pas; et cette dernière partie est malheureusement plus étendue que la première. D'HISTOIRE, NATURELLE, 2303 DU GENRE PACA. COELOGENUS. (CAVIA PACA, Lux. ) PAR M. FRÉDÉRIC CUVIER, GARDE DE LA MÉNAGERIE DU. MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE Lss auteurs systématiques sont communément dans l'usage de ne point former un genre d’une seule espèce, mais de la joindre au genre dont elle se rapproche le plus, en attendant que d’autres espèces viennent se joindre à elle. On ne peut guère attribuer à une cause différente la réunion que Klein fit du cabiaï, du cochon d'Inde, de l'agonti et du paca , animaux que les Portugais nomnioient Rafos domatto, sous le nom cavia , et les légers changemens qui y.ont été faits depuis, Ces mammifères en effet ont peu de caractères qui leur soient communs, sice n’est l'absence des clavicules; et lon sait que ce sont eux seuls, parmi les rongeurs, qui manquent absolu ment de ces organes. Si l'on admet cependant que la formation des genres ne doit point être arbitraire, et qu’il faut que les divisions d’une bonne méthode aient une valeur fixe et subordonnée à leur importance , bien Join de suivre les auteurs de systèmes, et de réuni en un,seul genre les rongeurs dont nous venons de 26 20% “ANNALES DU MUSÉUM parler, on formera au contraire des divisions génériques de chacun d'eux, sans craindre de multiplier les difficultés : l'obs- curité , dans aucun cas, ne peut naître que du désordre. On connoil déjà plusieurs espèces. d'agoutis : l'aperéa est probablement un cochon d'Inde ; le cabiaï trouvera sans doute à s'associer’ quelques-uns: de Fes nombreux rongeurs imparfaitement décrits, et nous venons de reconnoitre deux espèces distinctes, dans le paca, el qu'on l'admet aujourd'hui. C’est de la distinction de ces deux espèces que nous allons nous occuper, en faisant toutefois précéder leur description particulière de leurs caractères génériques. Le dessin que nous donnons de la tête décharnée de nos pacas montre la figure de leurs quatre molaires de chaque côté des mâchoires et nous dispense de la décrire: il nous suffira d'ajouter que ce caractère a été constamment trouvé le même sur un très-grand nombre de têtes; que les légères modifica- tions que peut y apporter une usure plus ou moins considé- rable ne changent rien à ses traits principaux , et qu’on trouvera dans notre Mémoire, sur l’ordre ‘entier des rongeurs, les diffé- rences que l’âge apporte dans ces dents, bar: leur état de germe jusqu'à celui de vieillesse. Les doigts sont au nombre de cinq à tous les por armés d'ongles fouisseurs; et quoique les pouces soient onguiculés, ils né sont qu’en rudimens et très-élevés au-dessus des autres doigts. L’œil n’a pas encore été décrit. L’oreilleexterne est petite, arrondie, très-plissée. Les narinies sont à l'extrémité de la mà- choire Supérieure, qui dépasse beaucoup l'inférieure. La lèvre d’en-haut est fendue comme celle des liévres, et là’ langue est douce. Mais une particularité qui n'a encore été vue que dans le paca, c’est la singulitre poche qui se trouve de chaque Fm D'HISTOIRE NATURELLE. 205 côté de ses joues, à laquelle il doit la face élargie qui le dis- tingue si facilement de tous les autres rongeurs. Cette poche est produite par le développement extraordinaire des arcades zi- gomatiques , sous lesquelles la peau de la face se replie, de sorte qu’elle est extérieure. Ces animaux ont en outre des abajoues semblables à celles des singes et qui remplissent les mêmes fonctions (a); ils n’ont point de queue apparente à l'exté- rieur, cet organe n'étant composé que de six ou sept ver- tèbres. C’est en travaillant au Mémoire sur l’ordre des rongeurs dont nous venons de parler, que nous avons soupconné l'existence de deux espèces de pacas. Les têtes dont nous donnons ici la figure, quoique du même äge, nous présen- toient des différences si frappantes, que nous fümes con- duits à la recherche des individus auxquels elles appartenoient ; et après nous être convaincus que ces différences de formes ne tenoient point à des différences de sexe, puisqu'il existe des mäles et des femelles avec les unes comme avec les autres, nos doutes se dissipèrent , et l’existence des deux espèces nous fut démontrée Ces têtes se distinguent surtout , en ce que l’une est cou- verte de nombreuses aspérités , tandis que l’autre est entiere- ment lisse. Les arcades zigomatiques de la première sont beaucoup plus saillantes et écartées du cräne que celles de la seconde ; la fosseorbitaire, les os maxillaires inférieurs, (a) C'est M. Geoffroy (Ænnales du Muséum, tom. IV, p. 99) qui le premier a décrit cette poche extérieure et'ces abajoues, d’après Le paca de la ménagerie , dont nous allons parler bientôt, 206 ANNALES DU MUSEUM le rocher , etc., etc., sont d’ailleurs d’une toute autre forme dans lune que dans l’autre. La tête lisse provient d’un paca femelle que nousavons pos- sedé quelque temps à la ménagerie, qui y est mort, et qui est actuellement au cabinet. Il nous avoit été donné par M. César Berthier , qui l'avait rapporté de TFabago (b). Son poil est court et grossier sur le corps, mais bien plus court encore sur la face ; sa couleur en dessus est terre d'ombre noirätre, et en dessous blanche. Cinq bandes , formées par des taches blanches, règnent de chaque côté sur la longueur du corps, et tendent à se rapprocher à leurs extrémités. La bande la plus voisme du dos n'existe que sur la croupe, et n'est composée que de cinq ou six taches très-écartées les unes des autres; celle qui vient après commence au cou et finit à la fesse : elle n'est encore composée que de taches dis- üncles, mais qui sont plus rapprochées entre elles que les précédentes. La troisième et la quatrième ne sont formées de taches que sur l'épaule et la cuisse; toute la partie inter- médiaire se compose d’une suite de taches réunies, qui repré- sentent une sorte de chaine. La cinquième enfin est formée de taches qui se confondent presque avec le blanc du ventre. C’est au paca brun ( Cælogenus subniger ) que doit se rap- porter tout ce qui aété dit sur le paca par Margrave (1), (&) Il est important d'observer que lorsque M. Geoffroy écrivit la note qu'il a insérée sur ce paca dans les Ænnales du Musèum d'histoire naturelle, tom.1V, pag. 99, l'ostéologie de l'individu dont il parloit n'étoit point encore préparée , et que tout ce qu’il dit de la surface extérieure toute mamelonnée de l'arcade zigomalique, est pris d’un squeleite de paca que possédeit depuis long-temps et que possède encore notre collection d'anatomie, mais qui proyenoit d’une espèce très-différente de celle dont il étoit question , comme nous le verrons bientôt, nn ÉD GC D'HISTOIRE NATURELLE. 207 qui a été copié par Pison, Gesner et Ray; par Mafée (2), qui l’a été par Jonston; par Lery (3), de qui Coréal et Laet ont pris leur description; par Buffon , qui parloit d’un individu mäle (4) ,que Schreiber a copié; par d’Azara, (5), et par Bar- rère (6) peut-être, qui cite Margrave et Jonston. La tête ,rugueuse, appartenoit à une espèce dont le fond du pelage, au lieu d’être d’un bran-noïrâtre, étoit fauve. Jai vu deux autres mdividus de cette dernièreespèce, ettoutes avoient les mêmes caractères distinctifs : quant à la couleur des parties inférieures et anx bandes composées de taches, elles étoient exactement les mêmes que dans l'espèce précédente. C'est du paca fauve ( Cœlogenus fulvus ) qu'il est ques- tion dans Brisson (1), que Fremin , Eachenaye-des-Bois et Gronovius ont copié ; dans Buffon qui parle d’un individu femelle (2), et dans M. Geofiroy (3), Catalogue des mam- mifères. Le compilateur Laet rapporte qu'on trouve des pacas blancs au Brésil sur la rivière Saint-François. Îls ne sont sans doute qu'une variété albine des espèces que nous ve- nons de décrire. Ces animaux, égaux en taille, de la longueur de deux pieds environ, paroissent habiter tous deux les pays les plus chauds du Nouveau-Monde , tels que le Brésil et le Paraguay ; les es- pèces de soies rares et courtes dont ils sont revétus, ne pou- voient convenir en effet qu'à des contrées où le froid n’est jamais rigoureux. Leur genre de vie est solitaire: ils habitent des terriers qu'ils se creusent au bord des forêts, et n’en sortent que Ja nuit pour paître. On ne connoît aucun détail sur. Paceouplement et la gestation de ces auimaux, ni sur les autres parties de 208 ANNALES DU MUSÉU M leurs mœurs, excepté ce que dit Buffon (c) d'un paca brun qu'il a eu quelque temps vivant, et duquel on a tiré plus d'observations individuelles que de spécifiques. Leur chair est très-bonne:elle a été comparée par les voyageurs à celle du cochon de lait. Quant à leur pelage, il est très-grossier et très-peu fourni ; ce qui ne permeltra jamais de lemployer en pelleterie, quoi qu’en dise Jean de Lery (d). L'histoire naturelle ne possède encore que trois figures ori- ginales des pacas:celle de Margrave, qui donne une idée de la forme générale, mais qui est très-mauvaise pour les détails ; celle de Buffon , tom.X , qui a eté faite sur un jeune individu et qui ne représente, avec quelque exactitude, que la disposition des taches ; enfin celle du même auteur, Sup. tom. IV, la seule bonne et qui représente bien l'animal, tant pour l’ensemble que pour les parles. Notes relatives au paca brun. (1) Margrave , Hist, nat. du Brésil, livre sixième, page 224. Paca Brasilien- sibus « . « . + . . Pili corporis sunt umbræ coloris , etc.— Pison, Hist. nat. etmed. liv. HI, pag. 101. La figure de cet auteur est celle de Margrave.— Jonston, Quad. p. IL , cab. 65, donne la figure de Margrave et la description de Maffée. — Ray, Syzopsis animalium quadrupedum, p-226. (2) Pierre Maffée, Æistoire des Indes, p. 70, éd.latine, p. 94 , trad. française ; mais ils nomment cotties, etc. — Jonston, Quad. p. 111, tab. 65. (5) Jean de Lery, Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil , pag. 158. Le pag ou pague est un animal de la grandeur d’un moyen chien brac, etc.—Coréal, Voyage aux Indes occidentales. — Jean Laet, Histoire du Nouveau-Monde , p. 484. Tout ce qu'il dit du pag ou pague est copié de Lery ; il ne dit pas où il a recueilli ce qu'il rapporte sur les pacas blancs de la rivière Saint-François au Brésil. (c) Sup. com. IV. (d) Histoire d’un voyage fait en terre du Brésil, page 158. Tom -10 . À . Zëtes et Dents molares de PAUAS : B. @ncretion caleukuse .trouvee dans le Corps d'un Llowson Lavurillard del . D'HISTOIRE NATURELLE. 209 (4) Buffon, Æistoire naturelle, Sup. tom. IL, p. 205 tab.35.—Schreber, Suug- thiere , & AV, p. 609, tab. 171. (5) Dazara , Essais sur l'Histoire naturelle des Quadrupèdes de la province du Paraguay , tom. AL, p. 20.— Le Pay. (6) Barrère, Essais sur l'Histoire naturelle de la France équinoxiale. Cuni- culus major, palustris facis albis notatus.Ourana. Pak. Notes relatives au paca fauve. (1) Brisson, Division du règne animal, p. 145. — Le Pak, Cuniculus cau- datus, auritus , pilis obscure fulvis , rigidis linei ex albo flavescentibus ad lu- Leradistinctus.—VFremin, Description de la colonie de Surinam , tom. WA , p. 124. — Lachenaye-de-Bois, Dictionnaire des animaux , article Paca. Une partie de sa description est prise à Brisson, et l'autre , pour ce qui regarde les pacas blancs, à Laet, qui ne dit pas où il l’a prise.— Zoophylacium Gronovianum, À, p.4, n. 15. (2) Buffon, Histoire naturelle , tom. X , p. 269, tab. 43. (5) Geoffroy, Catalogue des mammifères du Muséum national d'histoire naturelle, p.167. Pélage fauveroussâtre , des taches blanches dispersées en lignes longitudinales sur le corps, pieds de derrière à cinq doigts. L'auteur cite deux autres individus semblables à celui qu'il décrit. Description de la planche. Figure 1. Tète du paca fauve , vue en dessus. Figure 2. Mème tête, vue de profil. Figure 5. Tête du paca brun, vue en dessus, Figure 4. Même tête , vue de profil. Figure 5. Dents molaires supérieures. Figure 6. Dents molaires inférieures. #. Face interne. 10. 27, 210 ANNALES DU MUSÉUM MÉMOIRE Sur quelques ossemens de carnassiers, épars dans les carrières à plätre des environs de Paris. PAR G. CUVIER. Dis cette prodigieuse quantité d’ossemens ensevelis dans nos carrières à plâtre ; parmi ces milliers d'individus de la famille des pachydermes , dont on y recueille chaque jour les débris, et qui forment environ dix espèces, il ne se rencontre que bien rarement des os de carnassiers, et le nombre des espèces auxquelles ils se rapportent est peu considérable. Nous avons déjà donné une mâchoire du genre canis (IL: Mém., pl. XIE, fig. 12 ), et nous avons prouvé qu’elle n'ap- partent au moins à aucune espèce de ce pays-ci, et surtont qu’elle diffère sensiblement du renard, tout en lui resseniblant plus qu'aux autres. Nous avons donné ensuite (TIL* Mém., pl. IT, fig. 5 et 6 ) l'astragale d'un autre carnassier beaucoup plus petit que celui auquel appartenoit cette mächoire. Depuis lors nous avons trouvé nous-même et eu place, Liy2 72 jeune TEE Fig.18. jeune Chien: É CET , © … oz “< 17: Cuen = Fig. 10. Mmyouste . A Br Let Lee eg CARS Lo ou 7. er Fig. 22. Lori Pig.21. Fouine. . PE 7 \ , CRE SK 72 26. anche. DZ. 25. Grrson . rg.27. Lout Fig.28. Zibet . L'OSSILES DE PARIS . CARNASSIERS . rfi —— \ Cr > HAN ÿ kurtllard dl. Gardhrer veu Ÿ EE D'HISTOIRE NATURELLE. QUE dans la grande carrière de Montmartre, une portion de mà- choire inférieure très-différente de celle d’un chien. Nous en donnons le dessin, figure 12. Elle ne contient qu'une dent entière et un fragment d’une autre, Son contlyle , son apophyse coronoïde , son angle pos- térieur, toute sa partie antérieure, ont disparu; et cependant anatomie comparée est en état d'en reconnoitre le genre, presque sans équivoque , au moyen de cette seule dent. Pour le faire également reconnoitre à mes lecteurs, j'ai fait représenter les dents analogues des animaux carnassiers qui les ont le plus semblables à notre dent fossile. On sait déjà, par mes recherches exposées à l'article des Hyènes fossiles et dans mes Leçons d'anatomie comparée, tome III, page 159 et 160 , que l’on peut distinguer les prin- cipaux genres des carnassiers, en n’employant que le nombre des petites dents plates, situées derrière la grosse tranchante d’en-bas, et la forme de celle-ci. Mais lorsqu'on y regarde encore de plus près, on en vient à distinguer , par ces seuls moyens-là , jusqu'aux sous-genres et quelquefois jusqu'aux espèces. Ainsi les chats et les hyènes n'ont point de petites dents, et parmi les kyénes l'espèce tachetée se distingue de la rayée par un petit talon qu'elle a de plus à la grosse tranchante : du reste celle-ci n’a que deux pointes, dans les Lyënes comme dans les chats. Le genre canis se distingue de tous les autres, parce qu'il a deux petites dents en arrière et un grand talon tuberculé à la tranchante. Les barreaux, les civettes n’ont qu'une petite dent; mais le talon plat ou tuberculé de leur dernière tran- chante est autant ou plus grand que dans les chiens. Les /outres dre 212 ANNALES DU MUSEUM ont le talon presque aussi grand ; les martes , les mouffettes l'ont plus petit, et les mangoustes et genettes encore plus. Tous ces genres, à compter des chiens , ont une petite pointe à la face interne de cette grosse tranchante. Un sous-genre peut se former dans le genre des martes par l’absence de cette petite pointe intérieure; il est très-na- turel , et comprendra les espèces les plus sanguinaires , savoir: le putois ( M. putorius ), le furet ( M. furo ), la belette ( M. vulgaris ), et l’hermine ( M. erminea ). Jetant maintenant un coup d'œil sur notre morceau fos- sile, on voit 1° qu'il y a derrière la grosse dent tranchante les deux racines d’une première postérieure, et l'alvéole d’une seconde ; qu'à cet égard il ne peut être comparé qu’au seul genre canis; 2° que cependant la grosse tranchante, par la proportion de son talon, par la hauteur , la compression et la configuration de ses pointes, s'éloigne beaucoup de son ana- logue dans les chiens, et ne peut être comparée qu'à celle des mangoustes ou des genettes. Les genettes en effet sont elles-mêmes beaucoup plus voisines des mangoustes et même des martes à cet égard, que des cipettes , auxquelles on les a jusqu'à présent associées. Les formes aiguës et tranchantes de cette molaire fossile pouvoient faire penser que c’étoit peut-être une dent de lait; car ce sont en effet là les caractères des dernières molaires de lait dans les carnassiers. Pour vérifier ce qui pouvoit en être, j'ai fait préparer les mächoires d'un jeune chien et d’une jeune genette. J'y ai vu, ce dont je me doutois d'avance, que, tant que la dernière molaire de lait existe, non-seulement les petites arrière-molaires, mais même la grosse tranchante, ne pa- D'HISTOIRE NATURELLE. 213 roissent point, et que celle-ci ne peut sortir qu'en faisant tomber la dernière de lait. Cette mâchoire fossile, où les deux petites arrière-mo- lüres étoient déjà en place et avoient leurs racines formées, ne pouvoit donc plus porter sa grande molaire de lait. On pouvoit imaginer aussi que cette dent fossile étoit la grosse molaire tranchante tout récemment sortie de la mächoire , et que la conservation de ses formes tendoit à sa jeunesse : mais le germe de la grosse molaire du chien a déjà dans l’alvéoie les formes larges et obtuses qui le distinguent de la molaire fossile ; à plus forte raison les auroit-il, sil étoit sorti et s'il avoit commencé à servir et à s’user. Ce que je dis des chiens a été vérifié pour toutes les variétés du chien domestique, pour le loup, le renard, le chacal et le renard tricolor de Virginie ( canis cinereo-argenteus ). C'est une chose admirable que la constance de la nature dans les plus petits détails de ce qui tient aux dents. Le fragment de mâchoire fossile vient donc nécessairement, ou d’une espèce de canis dont le squelette m’est encore in- connu, ou d’un genre de carnassier intermédiaire entre les chiens et les mangoustes et genettes. J’ai fait dessmer sur ma planche toutes les pièces propres à faire entendre au lecteur ces différentes structures de la même partie. On ne me blâmera point sans doute d'entrer dans de si grands détails. Puisqu’ils sont constans dans la nature, il faut que le naturaliste les remarque, et j'espère même que cette multi- tude de faits accessoires dont j'enrichis et j'éclaircis mon his- toire des fossiles, lui donnera un mérite particulier, relatif à l’ostéologie comparée. Notre fragment fossile est donc représenté figure 12. 214 ANNALES DU MUSEUM En la figure 15, est la mächoire d’un jeune chien avec sa der- nière molaire de lait en place, et sa grosse arrière-molaire en- core dans l’alvéole. Il faut remarquer que la dernière de lait sera remplacée par une dent beaucoup plus simple, avec un seul tranchant divisé en cinq pointes et sans talon ni pointe interne. Voyez, figure 17, le chien adulte. La raison de ce changement , qui est général dans tous les animaux, c’est que la complication de cette derniére de lait se trouve reportée sur la grosse arrière-molaire. La figure 20 est le renard. On voit qu’il ressemble en tout au chien. La figure 13 est la genette adulte, et la figure 14 la genette jeune ( viverra genetta, Lin. ); mais il faut se souvenir que ce genre viverra est très-mal fait et embrasse beaucoup d’ani- maux qui n'ont rien de commun. On peut voir dans la jeune genette les mêmes phénomènes de dentition que dans le jeune chien. Figure 16, la mangouste d'Egypte (viverra ichneumon, Lin. ). Figure 19, la mangouste du Cap. Il est facile devoir que c’est dans les genettes et mangoustes que la grosse molaire ressemble davantage à la dent fossile. Figure 22, le putois rayé du Cap, nommé mal-à-propos zorille par Buffon , et viverra zorilla par Gmelin. C’est une vraie marte. Le vrai zorille des Espagnols d'Amérique, qui est le chinche de Buffon ( viverra mephitis, Gimel. ), est en figure 26 : c'est aussi une marte, aux ongles près. La vraie marte ( mustela martes) , et le grison ( viverra vittata), qui ressemble à la marte par les dents, se voient en figure 21 et 25. La dent du grison est un peu usée, D'HISTOIRE NATURELLE. 215 En 18 est le furet, qui, comme le putois d'Europe ,l’hermine et la beleite, se distingue des autres martes , parce qu'il n’a pas de petite pointe intérieure à sa grosse dent. La loutre, figure 27, ressemble beaucoup aux martes. Le blaireau , figure 23 , n’en diffère que parce que le talon de sa grosse dent s’allonge sensiblement; ce qui le rend un peu plus omnivore que tous les autres. Enfin les civettes et zibets, fi- gures 24 et 28, ont un grand talon très-tuberculeux. Il me paroït aussi que la dent fossile que nous examinons ne pouvoit pas appartenir à l'espèce dont une mächoire est décrite dans notre deuxième Mémoire. Celle-ci est entièrement dans les formes du genre canis ; sa grandeur est à peu près celle du renard, et notre dent actuelle est sensiblement plus petite. Après avoir déterminé cette dent, passons à l'examen des autres os de carnassiers que nous possédons. Ils se réduisent à trois, qui viennent au moins de deux genres différens. Le premier est une tête inférieure d’humérus, figures 1, 2, 3. Outre les caractères généraux de la classe , celle-ci en offre de particuliers, dans l'absence de trou au-dessus de la poulie articulaire &, dans la grande saillie du condyle interne b, et dans le trou c, dont il a dù étre percé et dont on voit encore une parlie dans ce fragment. Le premier et le troisième de ces caractères nous ramènent irrévocablement à choisir entre le genre des martes ét celui des chats, à l'exclusion même des mangoustes. Mais le deuxième nous rapproche plus des martes que des chats. Il faut que l'individu dont cette tête d’humérus provient , ail été une espèce de marte à peu pres de la taille du chat do- 216 ANNALES DU MUSEUM mestique. S'il est de la même espèce que la mâchoire fossile, il a dù être alors d’un genre tout particulier de carnassiers. Au moment où je livre ce Mémoire à l'impression, on m'apporte une empreinte entière de cet humérus avec sa tête inférieur complète, et semblable à celle que je viens de décrire, mais un peu plus grande. Il est long de o,112, large en bas de 0,025; la tête que j'ai décrite n’a que 0,02. Le petit astragale de carnassier que nous ayons déjà décrit et représenté {troisième Mémoire , planche IIT, figures 5 et6), ressemble presque complétement à celui de la mangouste d'Égypte , qui ressemble, il est vrai, lui-même prodigieuse- ment à celui du chat , et pour la taille et pour la configura- tion. Il pourroit trés-bien venir du même animal que cette tête d’humérus. Le moins que nous ayons jusqu'ici , c’est donc deux car- nassiers. Le cubitus des figures 6 et 7 en annonce un troisième. Il a tous les caractères de ceux des carnassiers; mais il n’a pu appartenir qu'à une espèce à jambes courtes, comme sont les loutres et les mangoustes. Quand on examine de pres le détail de ses formes , on trouve aussi que c’est au cubitus de la mangouste qu'il res- semble le plus ; seulement la facette radiale supérieure n’est pas aussi détachée du corps de l'os. Sous ce rapport, il res- semble un peu plus à celui de la loutre. Quant à ceux des autres genres , il ne peut leur être comparé. Sa brièveté rela- tive est surtout caractéristique. Aureste, si l'animal qui l'a fourni étoit voisin de la mangouste, il la surpassoit du double en grandeur , et il surpassoit même les plus grandes saricoviennes ou loutres marines de l'Océan Pacifique. PS UN TRS D'HISTOIRE NATURELLE. dr7 Les deux épiphyses sont détachées , ce qui prouve que lin- dividu étoit jeune; et cependant il a encore 0,16 de longueur : lolécräne en a 0,035 ; la corde de la facette sygmoïde, 0,025 ; celle de la radiale supérieure, 0,02. Le corps de los a 0,023 de diamètre en avant de cette dernière facette. Sa face externe est singulièrement concave; il n’y a que la mangouste où elle le soit autant. Je n’hésiterois pas uninstant à déclarer, sur ce seul os, l’ani- mal qui l’a porté, inconnu aux naturalistes. J'ai encore de Montmartre un os de métacarpe, figures 4, 5, 10 et 11: c’est celui du médius d’un animal carnassier. La proportion de sa longueur ( de 0,06 ) à sa grosseur (de 0,008 au milieu ) convient également bien au genre des chats, à celui des mangoustes et à celui des loutres , mais exclut les chiens ; et comme sa grandeur est double de son analogue dans la mangouste, je crois qu'on peut sans crainte le rapporter à la même espèce que le cubitus précédent. M. Camper possède un autre os du métacarpe avec sa première phalange, et ila bien voulu n’en envoyer le dessin (fig. 8 et 9 ).Sa longueur proportionnelle est celle d’un mé- tacarpien de chien; mais sa grandeur absolue est telle qu’on ne peut le rapporter à aucune des espèces dont nous avons des fragmens. IL indiqueroit donc un quatrième carnassier fossile dans nos carrières à platre. Voilà, avec le petit sarigue dont je parle dans un Mémoire particulier , tout ce qu'il n’a été possible jusqu’à présent d'y recueillir en ossemens de cette classe. 10. 28 218 ANNALES DU MUSEUM CHOIX DE PLANTES DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT, Publiées d'après son herbier et gravées sur Les dessins d'Auzrier. PAR M. DESFONTAINES. 1, collection des vélins du Muséum d'histoire naturelle, com- mencée sous Gaston d'Orléans, frère de Louis XIIT, et conti- nuée ensuite sans interruption jusqu'à nos jours aux frais du Gouvernement, renferme un grand nombre de dessins de plantes d'Orient, de la main d’Aubriet, peintre habile qui accom- pagna Tournefort dans son voyage du Levant. Ces dessins , en couleur et très-bien exécutés, représentent des plantes du Corollaire des Instituts de botanique et n’ont point été publiés. On sait que les phrases du Corollaire sont très- courtes, et que n'étant accompagnées pour la plupart ni de descriptions ni de gravures, elles sont insuflisantes pour faire reconnoitre avec certitude les plantes qu’elles désignent: aussi les auteurs qui ont cité ces phrases comme synonymes, ont sou- vent comimis des fautes en les rapportant à des espèces diffé rentes de celles de Tournefort; et ce célèbre botaniste étoit D'HISTOIRE NATURELLE. 219 dans l'intention de publier de nouveau les plantes de son Corollaire, avec des descriptions et des gravures, comme il Vannonce dans la préface de cet ouvrage: Harum omnium descriptiones , quibus disponendis et perficiendis operam do , propè diem in lucem emittentur , si cum vité valetudo et cum valetudine otium suppetat; atque etiam inducor in illam spem eas suis iconibus ornatum iri, quibus res her- baria carere nequit sine magno sui splendoris dispendio. Je me suis proposé d'exécuter , du moins en partie, le projet que Tournefort avoit formé il y à déjà plus d’un siècle, et qu'une mort prématurée l’empécha de remplir. Parmi les plantes que les peintures d’Aubriet représentent, les unes ont été gravées et décrites par divers auteurs; d’autres ont été seulement décrites sans être gravées; enfin plusieurs n’ont été ni décrites ni gravées, et ne sont qu'indiquées dans le Corollaire des Instituts. Je me bornerai à publier celles qui n’ont point été gravées, soit qu'elles aient été décrites ou non, parce que la gravure, en offrant l’image exacte de chaque plante, la fera mieux connoître encore et ajoutera un nou- veau degré de certitude à la description. Les herbiers de Tournefort, de Vaillant et de M. de Jus- sieu, où se trouvent des exemplaires de presque toutes les plantes que je publie, ont servi à en composer les descrip- tons, et à vérifier ou rectifier même quelquefois celles des auteurs , lorsqu'ils ont parlé avant moi des mêmes plantes. M. de Jussieu m'a communiqué avec sa bienveillance accou- tumée des manuscrits de Tournefort qu'il possède , où j'ai trouvé des notes et des renseignemens utiles au travail que j'ai entrepris. J'ai cru devoir y joindre quelques autres espèces nouvelles d'Orient qui sont dans la collection des vélins, quoique 28 * 220 ANNALES DU -MUSÉUM non mentionnées dans le Corollaire des Instituts, en avertis- sant toutefois qu’elles n’en font pas partie, Les dessins d’Aubriet, faits sous les yeux de Tournefort, d’après des individus vivans , sont très-exacts et laissent peu de chose à désirer. J’en ferai graver environ soixante, qui pa- roitront successivement dans les divers cahiers de nos Annales. Je dédie ce travail à la mémoire de Tournefort ; il pourra être regardé comme un supplément à ses ouvrages , et je suis convaincu que, sous ce rapport, les botanistes ne l’accueille- ront pas sans intérêt. AsPnODELUS crericus. ( Asphodèle de Crète). Tab. 11. A. Caule infernè folioso, supernè ramoso, nudo ; Jfoliis su- bulatis , asperis ; genitalibus declinatis. — A. Caule folioso, superné nudo, ramoso; foliis filiformibus , striatis, denticu- latis, subciliatis, Lamarcrk, Dict. 1, p. 300. — Wacp. Spec. 2, p.133. — À. Creticus , luteus, serotinus, patulus , folio as- pero, Tourner. Cor. Inst. 25.— Vélins du Muséum w. Cette belle espèce d’Asphodèle a été mentionnée dans le Dictionnaire de botanique de M. de Lamarck ; mais comme il n'en existe aucune gravure, j'ai cru devoir en publierune d’après le dessin original de la collection des vélins, et y joindre une description que j'ai faite sur des individus conservés dans les herbiers de Tournefort et de Vaillant, Elle offrira quelques caractères qui avoient échappé à M. de Lamarck, et qui ne sont pas exprimés dans le dessin. Racines charnues, fusiformes, divergentes, de la grosseur { | | ASPHODELUS Subriet- del PVR + $ S Lambert 272 . ‘ D'HISTOIRE NATURELLE. 22# du petit doigt, réunies en un faisceau, un peu tortueuses , ter- minées par une radicule grêle et très-aigué. Tige longue de deux à trois pieds, droite, simple, garnie de feuilles inférieurement , nue, lisse à sa partie supérieure et partagée en quatre, cinq, ou même un plus grand nombre de rameaux gréles, un peu ouverts, qui ont à leur base une foliole ou une écaille. Feuilles en forme d’alène , longues de six à sept pouces, éparses, très-rapprochées, aplaties en dessus , striées dans leur longueur , élargies à la base, avec une membrane mince et transparente de chaque côté, parsemées de petites émi- nences tuberculeuses en forme de dents. Fleurs solitaires, deux à deux ou en plus grand nombre , le long des rameaux , portées sur des pédicelles filiformes, accom- pagnés à leur base de trois ou quatre petites bractées mem- braneuses, ovales et aiguës. Corolle de la grandeur de celle de l'Asphodèle jaune. Six divisions profondes , allongées , obtuses, ouvertes, un peu ré- fléchies en arrière, partagées par une ligne verte longitudi- nale ; les trois externes plus petites que les intérieures. Étamines au nombre de six. Filets inégaux , abaissés,recourbés en haut à l'extrémité , élargis à la base et recouvrant l'ovaire comme dans les autres espèces du même genre. Anthères brunes, oblongues, mobiles. Ovaire arrondi, supère, surmonté d’un style filiforme, ar- qué et abaissé , un peu plus long que les étamines. Capsule sphérique , ridée transversalement, à trois valves, à trois loges renfermant des graines brunes, triangulaires. L’Asphodèle de Crète diffère de l’Asphodèle jaune, avec le- 299 ANNALES DU MUSÉUM quélila beaucoup de rapports, par sa tige nue et rameuse à sa partie supérieure, par ses fleurs moins serrées, par ses bractées beaucoup plus petites ; enfin par les tubercules dont ses feuilles sont parsemées. : Laxxeus avoit regardé comme variétés de son Ophrys in- sectifera plusieurs autres Ophrys dont les fleurs ont de la ressemblance avec celui qu'il a désigné sous ce nom; mais Haller et presque tous les botanistes modernes ont reconnu que beaucoup de ces prétendues variétés qui offrent dans le nombre , dans la disposition et dans la forme de leurs fleurs, des différences très-remarquables et ‘très-constantes, étoient réellement desespèces distinctes. L'Ophrys insectifera myodes, par exemple, connu en francois sous le nom d’Orchis mouche , ne sauroit être confondu avec aucun autre, non plus que l'Ophrys bombilifera , le scolopazx et le fusca de Schrader, leZutea, Cav. etc. I en est de même des cinq espèces dont je vais donner la description et la gravure. Elles ont des carac- ières bien tranchés qui les distinguent de toutes celles que les auteurs ont publiées jusqu’à ce jour. Il est inutile que je rappelle ici le caractère générique des Ophrys, parce qu'il est connu et exposé avec exactitude dans beaucoup d'ouvrages de botanique. Opurys mammosa. (Ophrys mamillaire.) Tab. 12. O. Bulbis rotundatis ; racemo laxo ; bracteis germine lon- giorthus ; labello bimammoso, crenato.— Orchis orientalis Jfucum referens, flore mammoso. Tourner. Cor. Inst. 30 — Vélins du Muséum #. Deux bulbés rondes de la grosseur du bout du doigt , accom- mm. 10. VE OPHRYS Mammosa tel del Lambert. sous. LS D'HISTOIRE NATURELLE, 223 pagnées de quelques radicules tortueuses qui naissent de la base de la tige au-dessus des bulbes. Feuilles inférieures obtuses , entières , étalées, d’une forme elliptique ; les deux supérieures, qui se terminent en pointe, embrassent la tige dans toute leur longueur. Tige simple, cylindrique , droïie, longue de huit à douze pouces. Fleurs solitaires, écartées, au nombre de quatre ou cinq, disposées en grappe à la partie supérieure de la tige, accom- pagnées d’une bractée concave , obtuse , allongée, plus longue que l'ovaire. Corolle de six pétales ; les cinq supérieurs , ouverts , ovales- allongés, obtus, d’une couleur rousse nuancée de vert; les deux internes beaucoup plus petits; l’inférieur large , pendant, oblong, un peu élargi du sommet à la base , jaunâtre en des- sous , d’une couleur rousse en dessus, marqué à sa partie supé- rieure d’une large tache violette avec un mamelon conique de chaque côté. Cette tache se partage inférieurement'en deux bandes distinctes, longitudinales et parallèles, qui se prolongent le long du pétale. Son bord inférieur est à cinq dents ou cré< nelures obtuses , dont la moyenne est verdâtre. L’étamine est arquée, prolongée antérieurement , courbée en forme de bec et recouverte par le pétale supérieur. Elle renferme deux masses de pollen portées chacune sur un pé- dicelle. Les fleurs écartées, le pétale inférieut crénelé à sa base, l’écusson composé de deux bandes violettes sur un fond roux, ainsi que les deux mamelons coniques placés latéralement, dé tinguent particulierement celle espèce. = 224 ANNALES DU MUSEUM Oparys mmicocor. (Ophrys irisé.) T'ab. 13. O. Bulbis rotundis ; racemo conferto ; labello violaceo, parte medi& azureo , trilobo , lobo intermedio majore , emar- ginato. — Orchis orientalis fucum referens, flore maximo, scuto azureo. Tourner. Cor. Inst. 30. — Vélins du Muséum x. Deux bulbes sphériques , accompagnées de plusieurs radi- cules fibreuses qui sortent de la partie inférieure de la tige un peu au-dessus de ces mêmes bulbes, comme dans l'espèce précédente. Feuilles entières au nombre de cinq ou six: les trois ou quatre inférieures elliptiques , obtuses , étalées, creusées en gouttière à la base et embrassant la tige; les deux supérieures, redressées et, roulées sur les bords, l’engainent dans toute leur longueur. Tige simple , droite, cylindrique ; nue au-dessous des fleurs, longue de huit à dix pouces. Fleurs terminales , grandes , rapprochées et disposées en une grappe de deux ou trois pouces de longueur. Les cinq pétales supérieurs peu ouverts ;les trois externes ovales , obtus, d'un vert jaune, convexes extérieurement , concaves à l'inté- rieur ; les deux internes, beaucoup plus petits, elliptiques et d'une couleur violette. Le pétale inférieur pendant , d'un violet foncé, élargi depuis le milieu jusqu’à la base, marqué dans sa partie moyenne de deux bandes longitudinales pa- rallèles et contiguës de couleur d'azur , divisé en trois lobes obtus , dont le moyen , plus allongé, beaucoup plus large et échancré au sommet, présente la forme d’un cœur renversé, Les deux masses de pollen , portées chacune sur un pédi- I . 10 : PTS: OPHRYS /ricolor. rit del. ; Lambert seul CE Tom .10 . ; TU 14 OPHRYS fillosa.. Aubriet del Lambent su D'HISTOIRE NATURELLE. 225 celle, sont à nu sous le pétale supérieur, et à leur base se irouve une impression circulaire d’un brun-vert., entourée d’un cercle violet d’où naissent inférieurement les deux bandes azurées dont jai parlé. Cette belle espèce se distingue par ses fleurs très-rappro- chées, par ses pétales supérieurs peu ouverts, et dont les deux internes sont d’une couleur violette ; par le pétale inférieur, marqué de deux bandes d'azur sur un fond violet, élargi vers la base et divisé en trois lobes obtus dont le moyen est échancré; enfin par les deux masses de pollen, qui sont nues sous Le pé- tale supérieur : caractère très-remarquable , si toutefois le dessin est bien exact. OpPseys vizcosa. ( Ophrys velu.) Tab. 14. O. Caule subtrifloro ; labellowilloso, tetragono, basi bilobo, mucronato ; mucrone sursum inflexo ; scuto azureo.— Orchis ortentalis, fucum referens , flore parvo, villosissimo, scuto azureo. Tourner. Cor. Inst. 30. — Vélins du Muséum x. Bulbes arrondies , accompagnées de radicules fibreuses dis- posées comme dans les espèces précédentes. Feuilles inférieures ovales, obtuses, étalées , au nombre d'environ cinq. Les deux supérieures lancéolées , concaves , aiguës, rapprochées de la tige, qu'elles embrassent dans leur longueur. Tige cylindrique , droite, longue de cinq ou six pouces, ter- minée par deux ou trois fleurs, munies chacune d’une bractée concave , lancéolée, aiguë, redressée, plus longue que l'ovaire. Les cinq pétales supérieurs ovales, obtus , d’une belle cou- 10. 29 226 ANNALES DU MUSEUM leur rosé; les deux internes plus petits ; inférieur abaissé , velu , un peu replié en arrière sur les bords, d’une largeur égale dans toute sa longueur , et presque tétragone, brun dans le centre, jaune päle sur les côtés et-vers la base, bilobé à l'extrémité avec un petit appendice aigu , recourbé en haut et placé dans l’échancrure. L’écusson est bleu, oblong, bordé d'une ligne blanche, et quelquefois partagé transversalement par une seconde ligne circulaire. | L'anthere , placée sous le pétale supérieur, se prolonge en avant et se recourbe en bas en forme de bec; elle renferme deux masses de pollen portées chacune sur un pédicelle. Les fleurs terminales , au nombre de deux ou trois; les cinq pétales supérieurs d’une couleur rose; l'inférieur, velu presque tétragone, bilobé , avec un petit appendice recourbé; l’écusson azuré:, oblong, bordé d’une ligne blanche ; distinguent cette espèce et la font facilement reconnoître. Oparys FERRUM-EQUINUM. (Ophrys en fer de cheval). Tab, 15. O. Caule subtrifloro ;labello integerrimo , mucronato ; scuto ferrum equinum emulante. — Orchis orientalis, calypträ pur- pured , petalo inferiori atro-purpurascente , scuto ferri equini formä.Tounner. Cor. Inst. 30.— Vélins du Muséum x, Bulbes rondes; plusieurs radicules tortueuses qui naissent de la base de la tige au-dessus de ces mêmes bulbes. Trois ou quatre feuilles radicales, ovales , ohtuses, étalées; deux supérieures ovales - lancéolées , concaves et redressées. Tige droite, cylindrique, haute de quatre ou cinq pouces, terminée par deux ou trois fleurs accompagnées chacune d'une bractée concave , lancéolée, plus longue que l'ovaire. TBE. Tom. 10 . "gn CP 70777 4e £ ummnnbo = Un440Y S'XYHd() * /19P: ”71qU, ? SAUHd() °7P J24Q0p D'HISTOIRE NATURELLE. 227 Les cinq pétales supérieurs ovales-allongés, obtus, ouverts, d’une couleur rose ; les deux internes plus petits et lancéolés ; #inférieur pendant, presque tétragone , un peu plus long que large, très-entier, d’une couleur pourpre tirant sur le noir, à bords renversés en arrière, terminé par un appendice pointu; marqué dans le milieu d’un écusson bleuätre imitant la forme d’un fer à cheval. L’anthère, qui est rose comme les pétales supérieurs , se pro- longe en avant et se recourbe en bas ; elle contient deux petites masses de pollen soutenues chacune sur un pédicelle. La petitesse de la tige, qui ne porte que deux ou trois fleurs ; le pétale inférieur d’un brun-pourpre, entier avec une petite pointe à la base et un écusson en forme de fer de cheval placé sur le milieu, sont les principaux caractères de cette espèce. Opurys ummiricara. (Ophrys ombiliqué ). Tab. 15. O. Labello trilobo ; intermedio majore, umbilicis tribus impresso , integerrimo , bast rotundato. — Orchis orientalis Jucum referens, flore parvo umbilicato. Tourxer. Cor. Inst. 30. — Vélins du Muséum #. Deux bulbes sphériques, accompagnées de plusieurs radi- cules, comme dans les espèces précédentes. Feuilles inférieures étalées , ovales-allongées, obtuses ; em- brassantes à la base; les deux supérieureslancéolées, concavyes, redressées et appliquées contre la tige. Fleursrapprochées, au nombre de troisou quatre, ayant cha- cune à leur base une bractée ovale-lancéolée, pointue, concaye, 29 228 ANNALES DU MUSÉUM plus longue que l'ovaire. Les cinq pétales supérieurs d’un blanc nuancé de vert, ovales, obtus et étalés ; les deux internes beau- coup plus petits; linférieur divisé en trois lobes; les deux latéraux très-petits, un peu aigus; le moyen beaucoup plus grand , élargi et arrondi inférieurement, trés-entier, convexe en devant, à bords repliés en arrière, d’une couleur jaunâtre avec une ligne brune transversale arquée et légèrement on- dée ; au-dessus de laquelle se trouvent trois petits enfoncemens circulaires bordés de jaune et placés transversalement. L’écus son a à peu près la forme d'un triangle dont l'angle inférieur est tronqué; il est d’un jaune-brun et bordé d’une ligne blanche. L’anthèré, située sous le ‘pétale supérieur, se recourbe en bas ; elle contient deux petites masses de pollen pédicellées comme dans les autres espèces. Ce joli Ophrys se distingue aisément par sa petitesse, par ses pétales supérieurs d’une couleur blanche, par son pétale inférieur partagé en trois lobes dont le moyen est entier , ar- rondi, élargi inférieurement, d’un jaune mélangé de brun et marqué de trois petits ombilics dans sa partie moyenne. Ovnrys pDexsrrLora. ( Ophrys à fleurs serrées. } Tab. 16. O. Racemo brevi, conferto, tereti ; petalis conniventibus , acutis ; labello pendulo ; germine longiore;trifido , linear; lobo intermedio elongato, bipartito ; lacinits subulatis. — Orchis orientalis antropophora, flore minimo ; albo ; umbilico suave rubente. Tourer, Cor: Inst. 31. Vélins du Muséum #. Deux bulbes oblongues , acconipagnées de radicules qui sortent de Ja base de la tige. Feuilles à nornbre de quatre où cinq, embrassantes à la PLAN flora e Dens OPHRYS veuf . bert r Lam D'HISTOIRE NATURELLE, 229 base; les deux inférieures ovales-allongées; les supérieures lan- céolées, un peu aiguës et redressées. Tige droite , simple , longue de six à dix pouces , terminée par une grappe de fleurs cylindrique , serrée, de la longueur d'environ un pouce. Fleurs petites, blanches, munies chacune d’une bractée aiguë plus courte que l'ovaire. Les cinq pétales supérieurs ovales, aigus , rapprochés en forme de casque; l’inférieur al- longé, linéaire , pendant, plus long que lovaire, marqué d’une ligne rouge longitudinale dans sa partie moyenne, divisé en trois lobes ; les deux latéraux, grêles , aigus; le moyen, allongé, partagé à sa base en deux divisions étroites et très-pointues. Cette espèce a de l’affinité avec l' Ophrys antropophora, Lin.; elle en diffère par ses fleurs beaucoup plus petites, par sa grappe beaucoup plus courte et plus serrée. Elle a égale- ment de grands rapports avec l'Ophrys antropomorpha, Wild ; mais ses fleurs sont aussi plus petites, et son pétale inférieur est plus long que l'ovaire, tandis qu'il est plus court que cet organe dans Ÿ Ophrys antropomorpha. 230 ANNALES DU MUSÉUM SUR UNE ESPÈCE DE QUADRUPÈDE OVIPARE NON ENCORE DÉCRITE (à). PAR M DE LACÉPÉÈDE. Norne confrèré M. Cuvier a lu à la Classe des sciences phy- siques et mathématiques, dans la séance du 26 janvier, un Mémoire dans lequel il a exposé avec beaucoup de clarté tout ce que les naturalistes avoient déjà publié sur une petite fa- mille de reptiles , très-digne de l'attention des physiciens, parce qu’elle est la seule parmi tous les animaux vertébrés qui mérite le nom de véritable amphibie , ayant seule recu de vrais poumons et de véritables branchies, dont elle fait usage alternativement. M. Cuvier a exposé dans ce même Mémoire les résultats des découvertes anatomiques qu’il a faites en disséquant des individus des trois espèces que l’on a rapportées à cette fa- mille, et que l’on connoiît sous les noms d’axolote mexicain, de protée anguillard et de sirène lacertine. Il a développé les différentes raisons d'après lesquelles on (1) Voyez planche 17. à D'HISTOIRE NATURELLE. 231 peut penser qne ces reptiles sont des animaux entièrement développés, ou des larves destinées à une métamorphose et déguisant encore l'espèce à laquelle elles appartiennent. Le Muséum d'histoire naturelle possède un quatrième rep- tile de cette famille pourvue de branchies et de poumons; et comme il n’est pas encore connu des naturalistes, j'ai cru devoir en donner la description. Ce reptile a quatre pattes, et l'on compte à chaque pied quatre doigts dénués d'ongles ; mais très-distincts. Lorsque j'ai publié en 1803 la table des diverses combi- naisons que le nombre des doigts peut présenter dans les pieds de devant et dans ceux de derrière des quadrupèdes ovipares, j'ai fait remarquer que la septième combinaison, celle où les quatre pattes offroient chacune quatre doigts, n’avoit été ob- servée que dans le /ézard tétradactyle que ÿai le premier fait connoître. Le quadrupède ovipare que je décris aujourd’hui montre la même combinaison de doigts que ce lézard; mais il est d’ailleurs trop différent de ce reptile, pour pouvoir être rap- porté à la même espèce. Sa longueur totale est de . . . . , . . . . . . . . 150 millimètres. Celle de la tête, depuis le bout du museau jusqu'aux Dranchiestde Re M RE 50 Gelletde llquene, dec: leeRNeeMeMeMeeIe N5o Et celle de chacune des pattes de devant et de der- Tiéresderayetk on gl dents. Lofe 5 CO OT MON 00 MTALOS 10] La tête est très-aplatie, surtout dans sa surface inférieure; le museau est un peu arrondi. La mâchoire supérieure avance un peu plus que l'inférieure. Deux rangs de très-petites dents garnissent chaque mâchoire. La langue est très-courte, plate et arrondie. La peau qui revêt la surface inférieure de la tête se replie 232 ANNALES DU MUSEUM au-dessous du cou, de manière à y former une sorte de collier qui s'étend comme un opercule membraneux jusqu'au-dessus des branchies. L'œil est très-visible au travers de l'épiderme qui le re- couvre, mais qui ne le voile qu’à demi. Les narines, un peu éloignées l’une de l’autre, sont situées vers l'extrémité du museau. On voit de chaque côté du cou trois branchies extérieures, allongées , assez grandes et garnies de franges touffues. La queue est très-comprimée latéralement ; et une mem- brane attachée verticalement à son bord supérieur ainsi qu'à son bord inférieur, la fait paroïtre encore plus comprimée. On ne voit pas d’écailles sur la peau ; mais elle est visqueuse et ridée transversalement , comme celle de plusieurs sala- mandres et des serpens cœæcilies. Un sillon longitudinal règne au-dessus de la tête et du corps, depuis l'extrémité du museau jusqu’à l'origine de la queue. Un sillon semblable s'étend au-dessous du corps, depuis les pattes de devant jusqu'à celles de derrière. La présence des branchies etla compression de la queue, qui ressemble à une lame verticale et que l’on peut comparer à la nageoire caudale des poissons, c’est-à-dire à leur rame la plus active, ne permettent pas de douter que le quadrupède ovipare que je décris ne vive habituellement dans l’eau. Mais je ne sais pas encore de quel pays il a été apporté à Bordeaux, où il a été donné à M. Rodrigues, naturaliste très-zélé qui l'a procuré au Muséum d'histoire naturelle. L’individu que j'ai eu sous les yeux étant le premier qu'on ait vu en France , et le seul que l’on y connoisse , jen’ai pas pu le disséquer pour examiner ses organes intérieurs et le degré d’ossification de son squelette. ue à PUTAS EE LAN LA 1 \ 1 ÿ x ll NET + ESA de ET CHERE $ À v- LA ù ; 5? Zom.. 10. PROTÉE ou SALAMANDRE. TETRADACTYLE. PE 27 mere D'HISTOIRE NATURELLE. 233 J'ignore donc encore si ce reptile étoit entièrement déve- loppé, ou s’il devoit subir une métamorphose. Mais, quoiqu'il en soit de ces deux suppositions, son espèce est encore in- connue des naturalistes. S'il ne devoit pas montrer de nouveau développement, on pourroit le comprendre dans le genre protée , et le distinguer par le nom spécifique de tétradactyle ; et en supposant que l'axolote doive être inscrit dans le même genre, le protée té- tradactyle seroit placé entre cet axolote, qui a quatre doigts aux pieds de devant et cinq doigts aux pieds de derrière, et le protée anguillard, qui n’en a que trois aux pattes antérieures et deux aux pattes postérieures. Si ce reptile étoit au contraire une larve, il appartenoit à une espèce de salamandre que l’on appelleroit la salamandre tétradactyle, que lon n’a pas encore décrite, et qui devroit être inscrite entre les salamandres qui ont quatre doigts aux pieds de devant et cinq doigts aux pieds de derrière, et la sa- lamandre tridactyle, qui n’en a que quatre aux pieds de der- rière et trois aux pieds de devant. 10. 30 23/4 ANNALES DU MUSEUM SUR UN POISSON FOSSILE Trouvé dans une couche de gypse à Mont- martre, près de Paris. PAR M. DE LACÉPÈDE. Mox collègue au Muséum d'histoire naturelle, M. Faujas de Saint-Fond , a bien voulu me remettre un poisson fossile trouvé à Montmartre près de Paris, dans une couche de gypse. Je l'ai examiné avec soin , et voici le résultat de ce que j'ai pu apercevoir. Ce poisson étoit de la classe des osseux ; et comme il avoit un opercule, une membrane branchiale et des nageoires ven- trales, l'espèce à laquelle il appartenoit doit être inscrite dans le vingtième ordre du Tableau méthodique des poissons que j'ai publié. La longueur totale de l'individu est de 235 millimètres ; sa hauteur au-dessus des nageoires ventrales, de 65 ; la longueur de sa tête, de 55, et celle de la nageoire de la queue, de 45. Les restes de sa membrane branchiale présentent encore six rayons. Le dos est garni de deux nageoires. La première , placée au- D'HISTOIRE NATURELLE. 235 dessus des ventrales, mais un peu plus près de la tête, montre un rayon aiguillonné, et quatre rayons articulés : la seconde, qui commence à la même distance de la tête que la nageoire de l'anus et qui s'étend presque jusqu’à la nageoire de la queue, ne présente que quatorze rayons tous articulés ; mais il doit y en avoir eu un plus grand nombre. Je n'ai pu trouver aucun vestige des pectorales : elles ont disparu. J’ai pu juger que chaque nageoire ventrale devoit renfermer au moins trois ou quatre. rayons articulés, et vraisemblable- ment un rayon aiguillonné. Il ne n'a été possible de compter que quatre ou cinq rayons’ à la nageoire de l'anus; les autres avoient été détruits. La caudale , très-arrondie et bien conservée , montre dix- sept rayons articulés. Des dents coniques et très-petites garnissent les mâchoires; mais la plupart des dents de l'individu que j'ai examiné avoient été brisées ou détachées des os maxillaires. On voit encore de petitesécailles sur le corps et sur la queue de cet individu, dont la colonne vertébrale étoit composée de plus de quarante-quatre vertébres. L'espèce dont il faisoit partie n’a pas été encore décrite. Elle’ est liée par les plus grand$ rapports avec celle des muges, qui vivent dans la mer , mais qui se plaisent aussi dans les eaux douces. 30 * 236 ANNALES DU MUSÉUM rennes MÉMOIRE Sur Les Mœurs de la CÉRATINE ALBILABPRE. PAR M. MAXIMILIEN SPINOLA. Lone des insectes repose sur deux bases fondamentales : la méthode, et la connaissance des métamorphoses et des mœurs de ces animaux. C’est par des travaux de ce dernier genre que Swammerdam, Réaumur, Degéer , Roesel , Bon- net, etc. ont acquis une gloire inmortelle. Les erreurs qu'ils ont détruites, les vérités qu'ils ont constatées , sont innom- brables ; et les auteurs qui ont marché sur leurs traces pa- raissent n'avoir eu que des glanures à recueillir. Il est ce- pendant bien certain que sur le nombre infini des espèces qui devroient entrer maintenant dans un Species insectorum complet, il n’y en a pas, incontestablement, un millièeme dont on ait bien observé le genre de vie. Nous n'avons sur les autres que des données insuffisantes , quelquefois des conjectures qui nous égarent , et plus souvent encore rien du tout. Pénétré de ces idées, je partis pour la campagne le mois de juin 1807, décidé non seulement à ramasser tout ce qui me tomberoit sous la main, mais à découvrir encore tout ce D'HISTOIRE NATURELLE. 297 que les mœurs des insectes en général, et surtout des hymé- noptères, me présenteraient de neuf et d’intéressant. Le théâtre de mes observations, la Crocetta d'Orero , tient par sa situa- tion à différens climats , et promet une chasse abondante. Placée sur le sommet même de lApennin, mais dans l'endroit le plus bas de la chaine ligurienne , elle commu- nique d'un côté avec la vallée de la Scrivia, et de l'autre avec celle de la Poliévera. Je devois me flatter d’y rencontrer les insectes des environs de Gênes, ceux de la Lombardie, et même quelques espèces des Hautes - Alpes. Sans avoir trouvé tout cela , j'ai cependant découvert plusieurs hyménop- ‘ères que je crois inédits, et qui paroîtront pour la première fois dans le second fascicule de mon /nsectorum Liguriæ spe- cies novæ aut rariores. Mesrecherches sur les mœurs et les habitudes ont été moins heureuses. J’ai entrevu beaucoup de choses ; mais les mêmes faits ont reparu si rarement sous mes yeux, que je craindrois, en les publiant, de produire l'ouvrage de mon imagination plutôt que le résultat de mes expériences. Je ne présenterai que des faits dont je suis certain. La cératine albilabre, insecte particulier aux contrées mé- ridionales de l'Europe et au nord de l'Afrique, et long-temps inconnu aux entomologues du Nord, a fixé particulièrement mon attention. Rossi, naturaliste toscan , en x parlé le pre- mier en 1702, sous le nom d'apis cucurbitina (Mant. ns. 1. 145. 323). L'année suivante, M. Fabricius, qui l'avoit'vu dans le cabinet de M. Desfontaines, en a fait mention dans le second volume de son Æntomologie systématique : l'individu qu'il a décrit venoit de Barbarie. Sans citer Rossi, il en a fait un Hylée, Hylœus albilabris (Ent. syst. 2. 305. 10). Dans 238 ANNALES DU MUSÈUM son dernier ouvrage, il a transporté celte espèce dans le genre prosope , Prosopis albilabis (Syst. piez. 203. >). Notre insecte n'est cependant niun hylée, ni une prosope. Ses organes de la manducation lexcluent de la famille des andrénetes, et l’agrè- gent à celle des apiaires. Ses caractères n'ont pas échappé. à M. Latreille. Ce savant a proposé ce genre sous le nom de clavicere, qu'il a changé ensuite en celui de cératine.Voici les caractères des parties de la bouche , tels que je les ai obser- vés avec une forte loupe. Os maxillis, palpis, linguäque inflexä trifidä. Labrum su- periüs detectum, corneum, quadrum, vix ciliatum , appen- dicibus duabus membranaceis, brevissimis, apice truncatis, margine. instructumr. Mentum: corneum, elongatum , apice emarginatum. Lingua trifida , lacintis lateralibus triplo brevioribus, membranaceis, aeutis , intus concavis, dwisio- nem. intermediam vaginantibus: hac musculosé, longè pro- duct&, lineari, basi villosiusculé, apice glabrä. Maxillæ in- flexæ , lineares, vaginantes, medio palpigeræ. Palpi-qua- tuor inæquales ; maæillares breviores , 6-articulati, articulis 1° et2.° crassioribus, cylindricis, vix pilosis, reliquis glaber- rimis, 3° et 4° tenuioribus, elongatis, 5° et 6° minimis , obconicis ; labiales 4-articulati, articulis primis duobus maxi-. mis, corneis,,maxilliformibus, lnguam involventibus , 2° lon: giore, reliquis brevissimis, obconicis, ultimo minimo. Mandi-. bulæ valide , arcuatæ, apice tridentatæ ,dentibus.crassis, vix acutis , intermedio majore,magis producto, extus sulcate , intus foveolis duabus excawalis. Lels sont les organes dans la femelle. Le mâle ne diffère: que par les mandibules plus étroites et sans dents: Ges carac- ières rapprochent lesicératines des anthophores de M. Lateille, D'HISTOIRE NATURELLE. 239 megilles de M. Fabricius, lasies de M. J'urine, lasies et cen- tris de M. Panzer. L’analogie m'autorisoit à supposer aux cératines des mœurs voisines de celles des anthophores. Je cherchois donc ces in- sectes dans tous les petits trous que je voyois le long des murs, sur les terrains en pente, dans les vieux bois, ainsi de suite. J’en ai long-temps creusé un grand nombre, mais toujours inutilement. Le peu de succès de mes recherches commencoit à me dérouter, d'autant plus que j'étois sûr que le nid de la cé- ratine albilabre ne devoit pas étre éloigné, puisque je voyois l'insecte parfait affluer dans ce lieu même, à toutes les heures de la journée; lorsque , mw’avisant de “chercher ce nid sur la ronce où je voyois voltiger la cératine, j'obtins enfin le prix de mon assiduité. Je vis un soir, vers les sept heures, une cératine femelle se poser sur une branche de ronce, en partie desséchée, et dont l'extrémité avoit été broutée. Après s'être reposée un instant, elle s’enfonça et disparut. Je détachai sur le champ cette branche, et je vis avec plaisir qu’elle étoit percée à son ex- trémité, qu’elle étoit creuse, en partant de là jusqu'à 4 pouces en descendant, et que le tuyau servoit d'asile à une cératine femelle, occupée à y construire un nid pour des œufs qu’elle w’avoit pas encore déposés. Charmé de cette découverte, je rassemblai une quarantaine de branches de ronce tronquées et trouées, et quelques-unes de léglantier. Je bouchai les trousavec de lacire ,etje renvoyai au lendemain les observations ultérieures. Dès la pointe du jour, je n’eus rien de plus pressé que de déboucher mes nids de cératine et d'en visiter l'intérieur. Ce fut alors que je sentis de nouveau la supériorité du système 2/40 ANNALES DU MUSÉU M fonde sur les parties de la bouche, le seul qui s'accorde avec l'ordre naturel, et qui puisse servir de guide lorsqu'on veut découvrir les mœurs des insectes peu connus. Les organes de la manducation n’avoient prouvé l’aflinité des cératines et des anthophores; je savois que les insectes de ces deux genres vivent également du suc mielleux des fleurs, et j'étois mo- ralement sûr que leurs larves vivent des mêmes substances. Mais nos cératines ont le ventre presque glabre , les jambes simples, sans les appendices , que les entomologues ont nommés scopa ; corbicula ; strigilis , et qui servent aux autres apiaires pour recueillir la poussière ‘des étamines, base de la patée dont les larves se nourrissent. M. Latreille avoit même soupçonné qu’elles ne sont point destinées à faire une récolte de ce genre. Je ne le croyois pas, et l'inspection du nid m’a confirmé dans mes premières idées. Chaque loge contenoit un morceau in- forme de pätée céréo-mielleuse. Les larves de nos cératines ne font donc pas une exception à la famille très-naturelle des apiaires. | La cératine femelle attaque ainsi les branches de ronce où d'églantier mutilées par une cause quelconque. Elle creuse avec ses mandibules la moelle mise à nu, et laisse le bois et l'écorce constamment intacts: en sorte qu’on ne la voit jamais pénétrer latéralement , parce qu’elle seroit alors obligée d’at- taquer une substance qui résisteroit à ses mandibules. J'ai méme observé que dans léglantier , dont la moelle est plus solide que celle de la ronce, la cératine avoit été quelquefois contrainte d'abandonner le travail qu’elle avoit commencé, apparemment parce qu’elle avoit trouvé trop d'obstacles à sur- monter. Son nid est un tuyau cylindrique, presque droit, d’une ligne et demie de diamètre et d’un pied de profondeur. D'HISTOIRE NATURELLE. 241 Il contient ordinairement huit à neuf loges pareillement cy- lindriques, et quelquefois jusqu’à douze. Ces loges sont sé- parées par une cloison formée de la moelle même de larbuste, que l’insecte a d’abord pulvérisée, et à laquelle il a ensuite donné une solidité aruficielle, en la comprimant avec ses pattes, et en y versant une liqueur gluante qu'il a recueillie avec sa trompe dans le nectaire des fleurs. Chaque loge a environ cinq lignes de longueur. Elle renferme une petite cératine et un gros morceau de pätée mielleuse. Dans les loges plus exté- rieures , le petit animal est plus avancé, en sorte que souvent celui qui habite la première en partant de l'ouverture, est parvenu à son élat parfait, tandis que la larve qui occupe la dernière est encore renfermée dans l'œuf. Cette extrême dif- férence donne à l'observateur le moyen de voir d’un coup d'œil linsecte dans tous ses différens états, et lui permet de conclure : 1. Que le concours de l'air atmosphérique accélère les mé- tamorphoses ; 2.° Que le temps qui s’écoule entre la déposition de l'œuf et le dernier développement est assez court , du moins si les œufs ont été déposés dans le printemps; car je présume que les cératines nées, comme celles-ci, dans le fort de l'été, cons- truisent en automne des nids semblables à ceux de leurs mères , mais où leur progéniture, moins secondée par la tem- pérature de la saison, est contrainte de demeurer pendant l'hiver , et ne peut changer d'état qu'au commencement du printemps suivant. Toutes les règles ont leurs exceptions. J’ai remarqué des nids où les cératines déposées dans les loges du fond s’étoient développées avant celles des loges supérieures. Elles devoient - 10. 31 2/2 ANNALES DU MUSÉUM cet avantage à une surabondance de pätée. Les nids qui avoiént été le théâtre de ces anomalies, étoient aisés à recon- noître par le désordre qui y régnoit. Dans les uns, on voyoit que l’insecte, pressé de sortir, avoit renversé les cloisons qui l’arrétoïent, et que franchissant toutes. les logés antérieures, il avoit blessé larves et nymphes, brotilléles couvinis et rempli toutes les cavités des débris de cloisons abattues; dans d’autres , il avoit perdu sés forces avant d'arriver à l'ouverture da nid. J'ai vu son cadavre appuyé contre la cloison qu’il #’avoit pas pu renverser. Avant sa mort, il avoit rendu uné grande quantité d'exerémens solides et noirâtres. L’œuf de là cératine est oblong, blanc, assez transparent pour qu'on voie le feetus nager dans lalbumiine. H paroït avoir un tubercule à chaque extrémité ; et il est déposé au fond de la loge, dans un creux que la cératine mère a expressément ménagé dans la patée. La larve est blanche, apode, parfaitement semblable à celle des abeilles. Sa tête est toujours tournée vers l'ouverture du nid. Elle attaque la patée par sa partie mférieure, se méta- morphose en nymphe avant d'avoir consommé toutes ses pro- visions, et ne rend aucun excrémént. J’aurois bien voulu exa- miner les organes de la manducation ; inaïs le peu de con- sistance de ces parties, qui se réduisoient en bouillie sous le canif, et la foiblesse de ma loupe ,ne m'ont permis aucune observation. La nymphe appartient au troisième ordre , premier genre de Swammerdam. Elle n’est point renfermée dans une coque, et demeure appuyée contre le reste de la pätée jusqu’à sa der- nière métamorphose. Toutson corps est blanc, hors les yeux, qui sont noirs, La tête est, des parties du corps, celle qui reçoit D'HISTOIRE NATURELLE. 213 la premiere la couleur de l’insecte parfait, et labdowen, la dernière. Aussitôt après s'être transformée , la cératine attaque avec ses mandibules la cloison qui la retient prisonnière; et cet organe, dont le principal usage est de graîter et creuser , lui ouvre la route qu’elle s'empresse de suivre. Arrivée à la porte du nid , elle s’y repose, et rend en abondance les ex- crémens accumulés dans son abdomen depuis sa naissance. Pendant cette opération , elle étend ses ailes, remue ses pattes et les prépare aux grands mouvemens auxquels elle les destine, Au moindre petit bruit, elle se réfugie dans son ancienne loge; mais elle en sort Pinstant d’après, toujours pressée d’ache- ver l'évacuation de son méconium. Dès qu’elle a satisfait à ce premier besom, elle prend l'essor et abandonne son an- cienne demeure pour n'y rentrer jamais. On distingue aisément la mère travailleuse de la cératine nouvellement transformée. Leurs positions sont exactement l'inverse lune de l'autre. La première a toujours la tête tournée vers l’intérieur de son nid ; et comme le tuyau est trop étroit pour lui permettre de $ÿ retourner, elle est contrainte de marcher à reculons lorsqu'elle veut sortir. J'ai vu l’une et l'autre dans ces différentes situations , et je n’avance rien ici dont le hasard ou un peu d’assiduité ne nYaient rendu témoin. Il me restoit encore un fait à connoïtre: car je ne voulois pas m'appesantir sur les circonstances des métamorphoses qui, depuis les travaux de Swammerdam et de Réaumur, sont fa- milières à tous les commencans. Je ne concevois pas comment un insecte dont les jambes sont simples et dont le ventre est presque glabre, pouvoit recueillir la poussière des étamines, la transporter dans son nid, et là l’élaborer pour servir de pätée à sa progéniture. Les mandibules ne me paroissoient DS 244 ANNALES DU MUSÉUM point propres à cet oflice. La dent du milieu, plus avancée que les latérales, sert très-bien à gratter les corps d’une con- sistance fragile. Je comprenois donc comment la cératine mère avoil pu les employer à percer un tuyau dans la moelle d’un arbuste, et comment linsecte nouvellement éclos avoit pu abattre la cloison que sa mère avoit construite; mais j'étois dérouté lorsque je voulois deviner comment cette même man- dibule avoit pu détacher et transporter le pollen des anthères. Je serois long-temps resté dans cette incertitude, si la chasse des insectes ne m’eût donné lieu de surprendre la cératine chargée de cette poussière et en marche vers son nid. Je fus fort étonné de trouver un matin dans ma raquette une femelle qui paroïssoit avoir quatre antennes. Les deux véritables étoient courbées et presque collées contrela bouche, Deux corps jaunätres s’élevoient à leur place ; ils étoient fixés dans les fosses du front , derrière l'insertion même des antennes. Je fis quelquesefforts légers pour les arracher; ils y résistèrent : mais lorsque je voulus passer une épingle dans le corselet de mon insecte , il déposa de lui-même ces deux corps parasites, sans que son front conservät la moindre trace de leur pré- sence. Je les observai alors attentivement : ils étoient un peu plus courts que les véritables antennes, dont ils imitoient assez bien la forme, eftilés, mais sans articles, finissant en massue recourbée. Je reconnus sans peine les étamines d’une fleur des prés, vulgairement nommée le pissenlit. Dès lors je ne doulai plus que la nature n’eüt accordé à cet insecte les fosses du front pour remplacer les soies du ventre, et suppléer à ce qui lui manque sous le rapport de l’organisation des pattes. Les fosses du front, que je n’ai point décrites jusqu'ici , sont D'HISTOIRE NATURELLE. 245 au nombre de deux, oblongues, apparentes, fortement ex- cavées proportionnellement à la tête de l'animal , en sorte que le chaperon paroit s'élever en carène émoussée. Elles se pro- longent derrière les antennes, et l'insertion de ces organes paroît en faire partie. MM. Latreille et Jurine en ont fait men- tion. Le premier les regarde avec raison comme un des carac- tères naturels de ce genre; mais personne, à ce que je crois, n'en a connu l'usage. J’ai vérifié mon observation sur quatre autres femelles. J'en ai vu une entrer dans son nid et y déposer son fardeau. Quoi- que la plupart portassent des étamines du pissenlit, ce n’est pas la seule fleur que ces insectes mettent à contribution : j'ai reconnu sur un individu les étamines de la scabieuse, et sur l'autre celles de la ronce. J'ai eu enfin le plaisir d'observer plusieurs femelles occupées à faire leur provision. Profitant de la faculté de creuser accordée à ses mandibules, l'insecte qui a choisi une fleur de la polyandrie ou de la syngénésie, y en- fonce sa tête au-dessous du plan sur lequel les étamines sont implantées ; puis écartant ses mandibules, qui, à raison de leurs sillons extérieurs, présentent au dehors une espèce de côte tranchante , il les soulève et les détache de manière qu’elles conservent leur position perpendiculaire. Alors il glisse sa tête en ayant, jusqu’à ce qu’une des étamines se fixe dans une fosse du front. Cette fosse m'a paru humectée et gluante. J’ima- gine que notre animal y a fait passer, à l’aide de sa langue, un peu de miel sucé dans le nectaire des fleurs. Il réitère la même opération jusqu’à ce que la seconde fosse soit également pourvue de son aigrette. Quelquefois il est assez heureux pour remplir les deux fosses à la fois. Cela fait, il part, la tête ornée 46 ANNALES DU MUSÉUM d'un double panache,et, conservant le plus parfait équilibre, il court de nouveau à son laboratoire. Cet usage des fosses du front n'a paru le fait le plus cu- rieux de l'histoire des cératines. J’aurois bien voulu suivre leurs travaux et voir comment elles changent les étamines en pètée; mais je ne pouvois les observer dans ce tuyau allongé, étroit et obscur , sans fendre la branche de ronce : je l'ai es- sayé. L’insecte découvert a interrompu dans cet instant même tous ses travaux, abandonné son nid , et n’y a plus reparu, quoique j'aie eu la patience de Fy attendre une demi-heure, et que j'y sois frégnemment retourné pour le surprendre de nouveau. Son instinct lui auroit-l appris , comme à la plupart des oiseaux, que son nid m'étoit plus un sûr asile pour sa progéniture? La formation de cette patée est un problème intéressant et que je ne puis résoudre faute d'expériences. La cératine se contenteroit-elle de secouer l’étamine, d’en faire tomber la poussière, et d’agglutiner cette dernière,en y versant abondam- damment le suc qu'elle a recueilli dans le nectaire des fleurs? Je suis, je l'avoue, porté à croire que son travail se borne à cela. Dans cette hypothèse, je ne serois point embarrassé des étamines, Notre insecte, après en avoir fait tomber toute la poussière , les pousseroit hors de son nid; il n’auroit be- soin pour cela que de ses pattes. Je conçoïs très-bien que la première paire les passeroïit à Ha seconde, la seconde à la troisième ; l'animal, marchant à reculons et arrivé à la porte du nid, les rejeteroit enfim avec ces dernières. D'après ces observations, les fosses du front paroissent es- sentielles à l'économie des cératines.Cette conformation , par- ticulière à ce genre, est constante chez les femelles. Les mâles D'HISTOIRE NATURELLE. 247 went ont aucune trace; le devant de leur tête est parfaite- ment uni. Outre ce caractère, on les distingue aisément à leur taille plus petite, à leur couleur bleuätre et métallique , à leurs antennes composées de treize articles, à leur abdomen formé de sépt anneaux, et surtout au septième et dernier segment , armé de deux dents aiguës; caractère qui lui est commun avec quelques anthophores mâles, et qui a cependant échappé à tous les observateurs. Ils sont beau- coup plus rares que les femelles, et meurent sans doute aprés les avoir fécondées. On les trouve en Ligurie à la {im du mois de mai et au commencement de juin : en juillet, il n’y en a plus. Ils reparoissent au mois d’août, et n'arrivent pas à la moitié de l'automne. J’ignore si dans les contrées plus méridionales , comme la Barbarie, VÉ- gypte, etc., la succession des générations n’est pas plus ra- pide, et si chez nous les femelles écloses au printemps peu- vent étre fécondées une seconde fois par des mâles éclos en été. Les femelles ne varient que par leur taille detrois à six lignes de longueur. Les inäles au contraire diffèrent souvent aussi par leurs couleurs. Indépendamment de la teinte métallique plas ou moins intense , les taches blanches du chaperon et des plèvres, sont moins marquées que dans l’autre sexe, et quel- quefois entièrement effacées. La lèvre blanche n’est donc pas un caractère constant , et le nom spécifique albilabre devroit être supprimé, J’aimerois qu’on rétablit l’ancienne épithète de cucurbiline , proposée par Rossi, qui le premier décrivit cet insecte curieux : Ceratina cucurbitina. Selon M. Jurine , l'Europe posséderoit trois autres espèces du même genre; savoir , les cératines graminea, callosa , dont M. Fabricius a fait des mepilles ,et la €. spiralis. Cette dernière 248 ANNALES DU MUSEUM forme un genre particulier, établi par M. Illiger sous le nom de systropha. On ne connoissoit que le mâle de cet insecte. M. Latreille a découvert la femelle, qui est très - différente par la conformation des antennes. Les animaux laborieux ont des ennemis qui vivent à leurs dépens et profitent de leurs travaux : aussi nos cératines n'échappent-elles pas à ces parasites. J’ai rencontré dans plusieurs nids, au lieu des insectes que j'y cherchois, le try- poxilon figulus, et la formica tuberum. Cette dernière vit en société et ne construit aucune cloison. Les larves , les nymphes et les insectes parfaits, mäles , femelles et mulets, paroissent entassés péle-méle : seulement il n’a semblé que l’ancienne demeure de la cératine avoit été un peu élargie pour loger ces nouveaux habitans. Pour le trypoxilon, ses mœurs sont connues. Je l'ai trouvé dans d'autres nids , pratiqués dans la moelle de l'églantier par un insecte que jene connois pas encore. Pas de doute qu’il ne soit parasite. Je l'ai vu gratter la terre, avec laquelle il élève les cloisons dans l'habitation de ses pe- tits, et je me suis assuré qu'il n’attaquoit jamais que le ter- rain boueux, parce que ses mandibules sont trop foibles pour pénétrer dans celui qui est sec, ou trop étroites pour transporter la terre pulvérisée. Voilà encore un exemple de l'influence des mandibules sur les habitudes des insectes. Je me propose de décrire dans un Mémoire sur les organes de la manducation des hyménoptères, les formes de ces pièces et mes conjectures sur leurs usages. Les branches des arbustes dont la moelle est mise à nu et percée d’un trou, servent aussi de retraite à d’autres insectes, et doivent fixer l'attention des naturalistes. D'HISTOIRE NATURELLE. 249 DÉTERMINATION DES PIÈCES QUI COMPOSENT LE CRANE DES CROCODILES, PAR M GEOFFROY SAINT-HILAIRE. ( Voyez PL. IV, page 67). Ds raisons particulières me décident à publier.ce fragment : il fait partie d'un ouvrage plus étendu ,où je cherche à déter- miver des pièces dont se compose le crâne des animaux à vertèbres. UT Ayanteu besoin, pour mes recherches surl’anatomie desipois- sons, dé connoître avec précision: les analogues, de plusieurs parties :de leur crâne, j'ai été entrainé dans une comparaison très-suivie des différens os dont la tête est forimée dans chaque famille. Ce travail ,- qui a exigé, de moi de: nombreuses dissections, m'a conduit à des résultats piquans dont je vais faire connoître les principaux. Le:crâne est une sorte de maison destinée à loger les or- ganes des sens : chacun, a sa chambre particulière, qui toutes aboutissent à une pièce centrale. Celle-ci a reçu le nom de boîte cérébrale : elle renfermé Jes portions médullaires dans 10. 32 250 ANNALES DU MUSEUM lesquelles s’épanouissent les nerfs qui proviennent des organes des sens. Plus la face est courte, moins les nerfs qui transmettent les sensations trouvent à s’y développer , et plus la boîte céré- brale, où ils se prolongent , est considérable; et, vice versé, la boite cérébrale a d'autant moins de capacité, que la face a plus de longueur, et que les chambres des organes des sens peuvent contenir des nerfs plus longs et d’un plus grand volume. Chaque chambre a nécessairement deux issues pour le moins, une à l'extérieur de l'édifice par où arrive la notion des corps environnans, et l’autre au fond, pour donner pas- sage au nerf qui se rend au cerveau. Des pièces du cräne ( et le crocodile lui-même nous en fournit un exemple!) passent quelquefois dans la’ face; il de- vient donc impossible ; dans une comparaison générale des cränes, de conserver l’ancienne division en face et-en cräne proprement dit. Je l’ai remplacée par une autre que j'ai Fe sur les fonctions de chaque pièce. [+ | Les os du crâne , étant interposés entre les organes dés sens, ou servant à les circonscrire de toutes parts, sont au crâne ce qu'est à une maison chaque eloison qui la partage en plu- sieurs pièces, ou qui l’enceint de tous côtés. Il est de la nature d’une cloison d’appartenir.par ses deux faces à deux chambres contigués : il'en est de même des os du crane. Plusieurs d’entre eux sont en effet coumuns à deux chambres; mais l'observation apprend de-quelle chambre ils font plus essentiellement partie : car en les considérant dans tous les animaux vertébrés , on'voit qu'ils, fournissent cons- tamment l'une de leurs parois à laméme chambre ; tandis que, D'HISTOIRE NATURELLE. o5t suivant le plus ou moins de longueur des mâchoires , ils ap- partennent par l'autre de leurs parois , tantôt à une chambre et Lantôt à une autre. D'après ces principes, j'ai divisé les os du crâne en os de la bouche , os du nez, os de l'œil, os de l'oreille et os du cerveau. On n'attend pas de moi sans doute que je donne ici les preuves des propositions que je viens d'établir ; il me faudroit pour cela exposer ce qui est propre sous ce rapport à un trop grand nombre d'animaux , et jai annoncé au contraire le dessein de me borner dans cet article à ce qui concerne uni- quement les crocodiles. La tête de ces reptiles est dans un état d’anomalie si extraor- dinaire, qu’il est impossible à quiconque n’a pas parcouru tous les degrés de l'échelle des êtres, dy rien comprendre. Le père Plumier (4 ) Es mais en Vain} pour être parti de la connoissance du crâne de Fhomme; et Perrault (2) n’indi- qua sous le nom d'os temporal que la pièce à double condyle qui sert:à l'articulation des mâchoires. ‘Hipärut depuis et dans le même temps: en France eteñ Allemagne, une détermination des-os dela tête des crocodiles; par MM. Cuvier (3)'et Schneider (4). Mon savant confrère aotrès- bien ramené à leurs analogues tous les os de la bouche: et particulièrement los’ palatin postérieur ; qu'il'a &onsidéré comme: tenant. lieu des apophyses ptérigoides internes de d'os dci fut 29! ({ "(1 F (ORTETT 3] foi] « 1)45%2F84 c (1) Manuscrit de Bloch, cité et copié,en partie par Schneider. (2) Mémoires de l'Acad. des Sciences, tom. 5, part. 5, page rqr - (3) Leçons d'anat, comp. /om.2, pages 29e 71. (4) Historia amphibiorum, fasciculus secundus , page 62, 32 * + 252 ANNALES DU MUSÉUM sphénoïde; et Schneider , de son côté , me paroit aussi avoir trés-bien établi que la pièce à double condyle, nommée os temporal par Perrault, est la même que los carré des oiseaux. Mais pour continuer cette entreprise avec le même succès, il manqua à l’un et à l'autre une donnée que je n'ai acquise moi-même que vers la fin de mes recherches et après avoir disséqué et passé en revue un grand nombre d'animaux de toutes les classes; c’est que plusieurs des os qui , dans les mam- miferes , forment une cloison intermédiaire entre le plancher de la face et le fond de la boîte cérébrale, sont, dans les ero- codiles , des os de l’extérieur de la face : leur existence en ce lieu a fait croire à MM. Schneider et Cuvier qu'il y avoit deux paires de jugaux, dé lacrymaux ou de frontaux. En admettant au contraire que. les trois pièces de l’eth- moide , au lieu de, former: au fond des fosses nâsales une cloison intermédiaire entre le plancher de la face et le plafond du crâne, fassent partie des os qu’on voit à l'extérieur , on re- trouve le crâne des crocodiles formé d'un mémemombre d'os que celui des autres animaux. Or c'est un fuit quelj'ai acquis, non-seulement parce que je me rsuis assuré que les os del’eth- mode manquent et ne peuvent mémeexister chez les crocodiles au fond des fosses nasalés; maïs parce que-j’ar vu coiminént in- seusiblementet par degrés ces os sont portés:de: dedans en de- hors dans plusieurs genres d'oistau x, let parce qu'enfin: j'ai constaté quils ne Lansenqonut pasmonis dans: cette! nouvelle position les usages qu'on leur connoîit dans les mammifères. Les trois pièces de l'ethmoïde font partie des os extér leurs de la face dans les poissons , ls reptiles” ét!le plus. grand nombre des OISaux ; mais ce n'est, que dans les. crocodiles qu’elles ont une dimension et une solidité, éxtraondinäaires ÿ [ar D'HISTOIRE NATURELLE. 253 parce que ce n’est aussi que dans les crocodiles qu'on trouve des fosses nasales d’une aussi grande capacité. On est tenté de croire, en les voyant, que tous les autres os du cräne leur ont été sacrifiés et sont devenus en proportion aussi petits pour procurer à l’organe olfactif des chambres dont la lon- gueur n’a d'autre terme que celle de la tête elle-même. Mais sans donner plus de développement à ces réflexions, nous allons faire l’'énumération de toutes les pièces du crâne des crocodiles, dans l’ordre que leur assignent leurs con- nexions et leurs fonctions. Les os de la bouche vont nous servir de point de départ, comme étant les plus faciles à déterminer. S. L” Des os de la bouche. Ils sont composés des intermaxillaires en B, des maxillaires supérieurs en C, des palatins antérieurs en D , et des palatins postérieurs en E. Je me borne à cette indication ; leurs posi- tions , leurs connexions et leurs usages les faisant aisément re- connoitre pour ce qu'ils sont: ce qu'il est facile de constater en jetant les yeux sur les figures 2 et 3 de la planche IV, des- tinée à l'intelligence de ce Mémoire. Je nomme les deux pièces E E, palatins postérieurs, d'après Schneider , qui a fait voir qu’elles remplissent des fonc- tions semblables à celles des palatins proprement dits. On les retrouve dans les oiseaux, où elles ont été nommées omoides par Hérissant : iôt elles ne manquent nulle pari; mais on les a méconn ins leurs rapports généraux à l'égard des mammifères, parce qu’on les a considérées d’abord dans une espèce à face étroite où les palatins postérieurs sont très- petits-et où ils s'associent de très-bonné heure à d’autres os 254 ANNALES DU MUSÉUM de la base du crâne. On les décrivit dans l’homme comme formant seulement une apophyse du sphénoïde, et sous le nom d'apophyse ptérigoïde interne. Quand dans la suite on étudia avec plus de soin l'os sphénoïde , on s’aperçut que l'apophyse ptérigoiïde iniernese séparoit dans le fœtus des autres pièces du sphénoïde; mais on lui avoit donné un nom sur lequel on ne jugea pas à propos de revenir, et l’on continua à considérer les palatins postérieurs comme une simple dépendance des os de la base du crâne. Je me suis assuré, en examinant un grand nombre de fœtus d'animaux, que le voisinage du cervelet ; dont tous les nerfs sont les excitateurs des fonctions vitales , est la seule cause qui influe sur l’ossification plus rapide de la base du crâne. Cette région doit naturellément éprouver davantage les effets du système vital, que les'os qui forment le plafond de la boîte cérébrale, puisque ceux-ci, qui coiffent le cerveau proprement dit, entourent un organe qui pendant la vie du fœtus est dans une sorte de sommeil. On n’est donc pas au- torisé à croire, de ce que les diverses pièces du sphénoïde se soudent plus tôt que ne font lesautres pièces du cräne ,on n’est, dis-je, nullement autorisé à croire que les pièces du sphénoïde dépendent essentiellement les unes des autres, et qu’elles doivent pour cela former un seul os. C’est pour avoir adopté un avis con- traire , et pour être parti de ce faux principe, que le célèbre professeur de Mayence, M. Sæmmerring,m'a considéré que comme une seule pièce, sous le no noccipital, tant les os du sphénoïde que les quatre au nt l’occipital est formé. ii Le sphénoïde est composé au moins de cinq pièces distinctes : celle du centre, qui fait partie de la base du crâne ses: ailes D'HISTOIRE NATURELLE. 255 temporales, qui appartiennent à lachambrede l'œil ; et les apo- physes ptérigoides, ou les omoïdes d'Hérissant , que nous nous sommes cru fondé à comprendre parmi les dépendances de l'organe du goût, et que nous venons de désigner sous le nom de palatins postérieurs. S. IL Des os du nez. Huit os forment les chambres de l'organe olfactif, savoir : deux impairs , dont l’un F, situé supérieurement , est analogue au corps de lethmoïde ( que j'appelle tout simplement eth- moiïde avec M. Cuvier }), et l’autre G est incontestablement le vomer ; deux nasaux maxillaires H H, particularisés par cette épithète, attendu qu'ils sont toujours articulés avec les os de la mâchoire, ils sont analogues aux os carrés du nez que M. Cuvier a déjà proposé de désigner sous le nom de nasaux ; deux autres nasaux I I, dits ethmoïdaux , parce qu’ils sont constamment appuyés sur l’ethmoide. Ils portent dans l’homme et les mammiferes le nom de cornels supérieurs; c’est seulement dans cette première classe d'animaux vertébrés qu'ils sont roulés en spirale et qu’ils mé- ritent véritablement Je nom de cornet. Ils sont ailleurs rem- placés par une. lame apparente dans le plancher de la face; mais ils n'en servent pas moins à porter la membrane pitui- taire, donnant toujours appui en dedans à un sac cartilagi- neux où cette membrane trouve à s'épanouir comme elle le feroit entre les replis d’un cornet. Dans le crocodile, les nasaux ethmoïdaux sont munis mtérieurement d’une queue en forme de cuilleron , qui se prolonge sur les os du palais. J'ai donné à ces piéces le même nom qu'aux os carrés du 256 ANNALES DU MUSÉUM nez, parce que j'ai trouvé qu’elles leur correspondent exac- tement pour les fonctions , lesquelles consistent à développer au-dedans des fosses nasales une surface assez grande pour qu'elle puisse étre tapissée par la membrane pituitaire, Si les nasaux ethmoïdaux cessent dans les oiseaux et les reptiles d’avoir la forme d’un cornet, en revanche, les nasaux maxil- laires, qu'on ne connoit que sous celles de lames, prennent quelquefois à leurs racines, et notamment dans le cochon, la configuration d’un cornet, dont les sinus fromaux paroiïssent former le prolongement. Viennent enfin les nasaux palatins J J, ou les cornets infé- rieurs ; ils sont toujours logés dans les fosses nasales et arti- culés avec les os palatins : ils conservent aussi davantage leur forme originaire de cornet. On ne doutera pa de la détermmation de ces derhiers, si Von fait attention à leur séjour au-dedans des chambres du nez, à leur position de chaque côté du vomer, et à leur forme globuleuse. : On admettra sans doute aussi ,sansdifhiculté , celle des nasaux naxillaires H H, parfaitement indiquée par leur situation entre les os maxillaires et au-devant des ouvertures nasales. Îl en sera encore de même des nasaux ethmoïdaux 1 I, quand on saura que c’est à leur face intérieure qu'est suspendu le sic cartilagirreux dans lequel S’épanouit la membrane pi- tuitaire , qu'ils concourent à la formation de l'orbite , et qu'ils sont dans les mêmes rapports que dans le crâne des oiseaux. Enfin, on démontre que la pièce F est vraiment analogue au corps de l’ethmoïde , puisque telle est la forme et la situa- tion qu'elle affecte dans les oiseaux , qu’elle se trouve tojours à portée des nasaux ethmoidaux , et qu’elle fournit une portion D'HISTOIRE NATURELLE. 297 d'elle-même au plafond de la chambre de l'œil. Toutefois elle manque dans les crocodiles à l’ordre de ses connexions ha- bituelles ; car elle se prolonge, en arrière, au {point que,ce n'est plus avec les frontaux qu’elle'est articulée, mais avec l'inter - pariétal., Cette anomalie, que. ne présente, aucun autre genre de reptile , résulte de la longueur excessive des fosses nasales. Les frontaux qui appartiennent essentiellement à larchambre de l'œil, conservent les connexions qu'ils ont ha- bituellement avec les autres pièces de la même chambre; alors tout le changement suryenu dans les crocodiles pour per- mettre à l’ethmoïde d'accompagner aussi loin en arrière les fosses nasales , se borne, à l'égard des deux frontaux, à de- meurer écartés l’un de l’autre, l’ethmoiïde étant situé entre eux. $. IIL Des os de l'œil. Nous avons déjà vu que deux pièces des chambres de lor- gane olfactif concourent à la formation de celles de l’æil : les os qui lui appartiennent plus spécialement sont les frontaux K K, les lacrymaux L L, les jugaux M M, et les ailes tem- porales du sphénoïde À A. Ce que nous avons dit ci-dessus au sujet de l’ethmoïde, nous fait connoître la cause de la petitesse extrême des frontaux. D'ailleurs, tout petits qu'ils sont, ils fournissent une apophyse descendante qui se réunit à l’apo- physe montante des jugaux pour former le bord postérieur de l'orbite ; privés d’être appuyés l'un sur Fautre par linter- position de lethmoide, ils ne pouvoient avoir d’autre con- nexion qu'avec les pariétaux TT, et c’est ce qui est en effet. La pièce M n’est pas moins certainement los jugal, qu’on a aussi appelé os zigomatique, os malaire et os de la pom- 10. 33 258 ANNALES DU MUSEUM mette; car elle est dans le prolongement du maxillaire supé- rieur et s'articule avec lui: elle se manisfeste par une apophyse dirigée vers le frontal , et par une autre apophyse terminale qui accompagne en dessous l'os des tempes R; elle remplit enfin le même usage que le jugal, dont l’objet est particulièrement de former le bord postérieur de l'orbite. Le lacrymal L, ou l’unguis des anatomistes humains, se re- connoît de même à sa position entre le nasal ethmoïdal, le jugal et le maxillaire supérieur ; connexions qui correspondent à celles qu'il a dans tous les animaux ‘vertébrés. La quatrième pièce de la chambre de l'œil, A, ne se trouve jamais dans le pourtour de l'orbite , mais forme constamment dans le fond de la fosse orbitaire une base solide sur laquelle repose en tout ou partie Le globe de l'œil; elle a encore un autre usage, c’est de servir d’arc-boutant ou de pièce d’assem- blage pour maintenir toutes les parties dont le cräne est formé à sa base. Je la désignerai dorénavant sous le nom d'os alaire, étant certain, pour l'avoir suivie dans un grand nombre d’ani- maux, qu'elle est analogue aux grandes ailes ou aux ailes tem- porales du sphénoïde : ce qui pourtant ne se juge pas très- bien dans les crocodiles. Les tortues sont les seuls animaux dans lesquels les os alaires ne servent pas de contrefort aux principales pièces de la base du crâne : cet arrangement n’est pas possible , eu égard à leur extrême petitesse; mais la couche des os palatins, qui ne tient plus au plancher supérieur par l’'intermède des alaires, n'est pas pour cea privée dun lien commun. La longueur des palatins y supp'ée, ces os se prolongeant assez en ar- rière pour aller s'appuyer sur l'os carré. On ne s'étonnera done pas que les os alaires, ainsi remplacés dans leurs D'HISTOIRE NATURELLE. 259 usages , soient rapetissés dans les tortues de manière à ne plus y exister qu’en rudiment. $. IV. Des os de l'oreille. L’oreille des crocodiles diffère beaucoup de celle des autres reptiles. Je n’en ai examiné que les parties osseuses; ce qui ne ma conduit à rien de rigoureux sur leur détermination. Je tâcherai de me procurer par la suite un sujet frais pour acquérir, par la connoissance des parties molles , des données plus certaines sur les cloisons de cette chambre. Il y a d’abord deux pièces en P qui sont étendues en lame, et qui pourraient bien correspondre à la caisse et au rocher proprement dit, qu’on trouve dans les tortues. La planche IV, fig. 5 , ne les montre pas très-distinctement : j'espère être dans. le cas d'en donner bientôt une description plus détaillée et un dessin plus correct. Il est, en outre, une autre pièce Q ayant la forme d’un conduit auditif, dont la portion inférieure est terminée par une double apophyse. Perrault, qui n’a donné d'attention qu’à ce double condyle , la pris pour los temporal, et c’est aussi sous ce nom, qu’à l'exemple de ce célèbre anatomiste, je lai désigné dans mes Observations anatomiques sur le crocodile, rédigées en Egypte et publiées dans nos Annales, tome II, page /o. Mais Schneider a pensé que cette pièce Q est analogue à los carré des oiseaux, c’est-à-dire à un os attaché au crâne par diarthrose, et qui se trouve placé entre les points d’'ar- ticulation des deux mächoires : il a fait voir que dans la plu- part des reptiles, cet os est seulement engagé de même dans 337% 260 ANNALES DU MUSÉUM les chairs, et que dans les oiseaux et les crocodilesil porte pareil- lement la membrane du tympan. C'en est assez, sans doute, pour demeurer persuadé que Schneider a parfaitement saisi ce rapport. L'os carré avoit d'abord été nommé os en massue par Petit l'ancien : ce fut Hérissant qui lui donna depuis celui d'os carré. Schneider remarque à ce sujet qu'il ne convient pas de lui laisser un nom qu'il ne mérite en effet que dans un très-pelit nombre d'oiseaux , et qui est déjà employé pour désigner d’autres pièces du cräne; il propose de le remplacer par celui d’intermaxillaire : mais ce seroit retomber dans un des inconvéniens reprochés à la dénomination d’Hérissant, puisque c’est ainsi qu'on appelle les os avancés de la mâchoire supérieure. Hérissant chercha l'origine de cet os, et crut en trouver la correspondance dans les branches montantes des maxil- laires inférieures : sa conjecture fut admise alors sans examen, et elle l'est encore aujourd’hui de plusieurs savans. Je me suis déjà permis de la combattre dans des Mémoires que je n'ai pas encore publiés. J’y ai fait voir qu'aucune mà- choire inférieure , soit d'oiseau, soit de reptile, n’est dé- pourvue de ses branches postérieures , que l'os carré ne sau- roit leur être analogue, mais qu’il lestau contraire à deux pièces qui portent, l’une le nom de cadre du tympan, et l'autre celui du styloide. On sait qu’elles sont séparées dans tous les fœtus de mammiferes , et j'ai trouvé de plus qu’elles ne se réunissent et ne se soudent jamais dans deux espèces de tortues. La protubérence condyloïide de notre grande pièce Q est donc analogue à l'os styloïde , et le conduit auditif l'est au cadre du tympan ou à l'os tympanal. D'HISTOIRE NATURELLE. 261 Assuré comme je le suis que l'os carré est formé par la réunion de ces deux os primitifs , je le désigne sous le nom de tympano-sty loïde , qui rappelle sa double origine ,en même temps qu'il convient à ses deux usages. Le conduit auditif de l'os carré sert, en quelque sorte, de gaine à los malléiforme, ou à ce long osselet qui remplace le marteau , l'étrier , l'enclume et le lenticulaire. M. Cuvier l’a dé- crit tome IT de ses Lecons, page 507. S. V. Des os du cerveau. Il seroit peut-être à propos de ne pas placer sous ce titre les pariétaux et les temporaux , qui en effet ne servent point , dans les crocodiles , d’entourage au cerveau : je ne me per- mets cette exception que jusqu'à un arrangement- définitif à cet égard. Ces pièces m'ont paru mériter la plus grande attention : elles ont comme tous les os plats deux usages différens , eu égard à leurs deux surfaces : ainsi elles procurent au sys- ‘tème musculaire des points d'attache au moyen de leur pa- roi extérieure, Ce qui ne manque jamais d'avoir lieu dans tous les animaux vertébrés; tandis que leur paroi intérieure n’est pas toujours employée à un seul usage. Les mêmes os, quant à leur face interne, ou contribuent à coiffer le cerveau , comme dans les mammiferes et les oiseaux, ou passent au service des organes de la respiration , comme cela a lieu dans les poissons, où ces pièces sont connues sous le nom d’opercule. Tant que les tempoñälux et les pariétaux appartiennent à ces classes extrêmes des animaux vertébrés et qu’ils y jouent un double rôle, ils sont au rang des organes de première 262 ANNALES DU MUSEUM importance et varient peu; mais dans les reptiles, où ils sont exclus de la boîte cérébrale sans avoir recu une nouvelle des- tination, ils obéissent en quelque sorte à la seule influence du système musculaire, et varient à l'infini, ou sont du moins très-diflérens dans chaque famille. Leur considération dans les reptiles donnera lieu à un des chapitres les plus cu- rieux de l'ouvrage que je compte publier prochainement. Les temporaux R KR sont indiqués rigoureusement par leurs connexions avec le jugal et l'os carré, par leur peu d'épaisseur , leur suture écailleuse et leur situation derrière l'orbite. Leur petitesse a obligé les muscles qui meuvent les machoires à se rejeler en arrière de la tête , et à se loger parmi ceux du cou. Les pariétaux se voient en T T, au côté interne des temporaux , en arrière des frontaux, et au devant des oc- cipitaux : tel est, en effet, l’ordre de leurs connexions chez tous les animaux vertébrés. On voit en S une pièce impaire : elle est contigué sur ses côtés aux deux pariétaux , et en arrière à l’occipital supé- rieur. Ces connexions nous font connoître qu’elle est analogue à la pièce impaire que les anatomistes vétérinaires désignent dans le cheval sous le nom d'os carré, et que M. Cuvier, qui l'a trouvée dans beaucoup d’autres mammiferes, appelle du nom de pariétal impair : quelques recherches suivies à son sujet, m’ont appris qu’elle est moins dans la dépendance des pariétaux que dans celle de l’occipital supérieur , et qu’elle est partagée en deux parties dans les moutons et les chèvres : d'après ces deux motifs, j'ai changé son nom en celui d’in- ter-pariétal. Les quatre occipitaux sont les quatre pièces qui fournissent D'HISTOIRE NATURELLE. 263 un de leurs bords au trou par où passela moelle allongée; iln’y a etne peut y avoir de difficulté à leur égard. U est l’oc- cipital supérieur , V V les deux occipitaux latéraux , et X. loccipital inférieur. Le supérieur est d’une forme très-singulière. Il est renflé et caverneux; les deux lames dont il est composé sont sou- tenues en dedans par de petits piliers osseux plus ou moins nombreux suivant les espèces : ce que celte pièce présente sur- tout de plus remarquable, c’est la communication établie de son intérieur avec les deux conduits auditifs de los carré; deux issues latérales y débouchent, ensorte que les deux chambres de l'oreille ne forment qu'une seule et longue ga- lerie, et qu'en dernière analyse les crocodiles n’auroient qu’un seul réceptacle pour contenir les deux organes de Fouie. Enfin, la dernière pièce dont il nous reste à parler est celle notée Y, évidemment analogue au corps du sphénoïde ; ce que démontrent sa siluation , sa figure , ses usages et ses connexions: je lui ai rendu son ancien nom de basilaire. ERRATA pour la planche IN. Au lieu de la lettre R, fig. 5, lisez Q. 26% ANNALES DU MUSÉUM ADDITION au Mémoire précédent , intitulé : Drscripmion DE DEUX CROCODILES QUI EXISTENT DANS LE JNiz Nous venons de recevoir un nouvel ouvrage anglois ayant pour titre: Observations on the manners and customs of the Egyptians, by John Antes. L'auteur a eu occasion de voir un certain nombre de crocodiles en Égypte, et a donné attention aux différences des deux espèces que j'ai décrites. « J’ai, dit-il, page 83, observé deux espèces de crocodiles, » s'il est bien certain que les différences que j'ai constatées ne » tiennent point au sexe. Quoi qu’il en soit, l’un de ces croco- » diles est généralement plus long, plus eflilé et plus grêle que » l'autre, qui est au contraire plus épais et plus trapu ; la queue » du premier a surtout sensiblement plus de longueur. C’est » dans l’espèce trapue, qui est d’ailleurs remarquable par une » peau plus rugueuse, qu'on trouve des individus de la plus » grande taille. Je me suis procuré un de ceux-ci qui avoit » quinze pieds: je l’ai empaillé avec soin et en ai fait présent »au Muséum de Barby en Saxe. » D'HISTOIRE NATURELLE. 265 DESCRIPTION DE L'ÉCOLE D'AGRICULTURE PRATIQUE DU MUSEUM D'HISTOIRE NATURELLE, PAR A. THOUIN. I1I° MÉMOIRE. GENRE IV. Taille des arbres fruitiers. Par la dénomination d'arbres fruitiers ,on entendles arbres qui produisent des fruits bons à inanger crus, cuits ou confits, et ceux dont les sues exprimés donnent des boissons ou des huiles en usage dans plusieurs pays. On trouvera, à la suite de la description de l'école des arbres fruitiers , imprimée dans les Annales du: Muséum, tom. 1, page 135, un tableau qui pré- sente les noms de ces genres d'arbres rangés par section. et di- visés en trois classes, Nous yrenvoyons pour éviter les doubles emplois. _ Mais des trente-huit genres composant la collection des arbres fruitiers qui se culüvent ou peuvent se ;culüver sur le. 10. 34 266 ANNALES DU MUSEUM territoire de la France, et qui fournissent plus de mille es- pèces , variétés, sous-variétés, et races particulières , il n’en est qu'un petit nombre qui soit soumis dans notre climat à une tiille régulière. Ce sont les vignes , les espèces délicates de pruniers , d'abricotiers, de péchers, de pommiers ,de poi- riers, elc. Les autres espèces rustiques n’ont besoin que d’être conduites dans leur jeunesse, et débarrassées de temps à autre, pendant la durée du reste de leur existence, des plantes pa- rasites qui les épuisent, des branches gourmandes qui con- somment leur sève en pure perte pour la fructilication, et du bois languissant ou mort qui les rend désagréables à la vue et abrège leur vie. Cette multiplicité de genres , et surtout la trop petite étendue du terrain consacré à l’école d'agriculture pratique, nous force de nous restreindre à ne présenter des exemples de taille que dans les genres d'arbres ci-dessus indiqués. Mais comme il est un très-grand nombre de systèmes, de modes et de pra- tiques différens de tailler les arbres fruitiers, ne pouvant les présenter tous avec l'étendue nécessaire pour en dévelop- per la théorie, nous avons choisi parmi ces systèmes ceux qui sont le plas en rapport avec les lois de la physique vé- gétale , qui donnent des produits plus certains, et qui sont le plus généralement adoptés par les cultivateurs praticiens les plus instruits. Ainsi on s’est borné à offrir des exemples dé- monstratifs de la taille en quenouille , de celle en vase, et de celle en éventail moderne, perfectionnée par les industrieux habitans de Montreuil, sous Vincennes , près Paris (1). (1) Si le plus sûr moyen pour se décider à admettre ou à rejeter une pratique proposée en agriculture, est d'en juger par les résultats qu'elle produit ; on sera ' D'HISTOIRE NATURELLE, 467 Cependant on a cru devoir présenter un exemple de chacune des espèces de tailles, même de celles abandonnées depuis long-temps, afin d’en donner une idée, et de former ainsi des points de comparaison avec celles qui s’exécutent actuellement, Quant à celles-ci, on leur a donné toute l’éten- due nécessaire pour en faire connoître la théorie et la pra- tique avec clarté. Un seul individu r’eùt pu suflire pour rem- plir ce but: d’abord, parce que les opérations que nécessite la taille des arbres sont compliquées, et ensuite parce que se faisant promptement, des yeux peu exercés n’eussent pu en suivre la série pratiquée pendant plusieurs années succes- sives sur le même individu. Il a donc été nécessaire d'offrir plusieurs individus de la même espèce d'arbres, pour donner à la même sorte de taille tout son développement ; et la faire bien comprendre. Les détails dans lesquels nous entrerons, lors de la description de chacun de ces individus, feront con- noître les exemples que chacun d’eux est destiné à présenter bientôt fixé surle mérite de celle qui est suivie par ces hommes intelligens. Depuis long-temps ils exercent la même taille qu’ils ont perfectionnée succes= sivement : chaque année ils obtiennent une assez grande quantité de fruits qui, par leur beauté , et surtout parleur bonté, souffrent peu de concurrence dans les marchés de Paris. C’est avec le produit de ces fruits, dont ils sont redevables à leur imelligénee et à un tavail assidu, qu'ils trouvent le moyen de payer le loyer des petites portions de lerrain affermées à des prix quatre fois plus élevés que les terrains de même nature qui sont dans le voisinage; d'acqaïtter des impositions consi- dérables à raison de l’étendue de leur culture; de satisfaire à tous les besoins phy- siques, et de se procurer encore des jouissances trop peu connues dans Jes sims pagnes. On peut done erone que leur pratique est la plus avantageuse de toutes celles qui sont exercées par les cultivateurs de ce genre, et qu'il est prudent d'attendre que les nouveaux systèmes, annoncés açec emphase par des écrivains, aient donné des résultats semblables, avant que de les adopter. 34 * 268 ANNALES DU MUSÉUM aux yeux des étudians; mais comme la théorie qui apr Ja même espèce de taille offre des modifications dans la pratique, en raison de la nature des arbres sur lesquels on l'exerce, on a été obligé d’établir plusieurs séries d'exemples de la même sorte de taille, sur plusieurs genres d'arbres différens choisis parmi ceux à fruits à pépins et à fruits à noyaux. Après ce préambule, nécessaire à l’exposition du sajet et à Yintelligence des descriptions qui vont suivre, nous allons exposer la division adoptée pour ce genre d'opération de culture, On divise la taille des arbres fruitiers en deux sections prin- cipales: dans la première se trouvent tous les systèmes et modes de tailles hétéroclites; la seconde renferme les tailles per- fectionnées. SECTION PREMIÈRE. T'ailles hétéroclites. Dans cette section se trouvent réunies d’abord les tailles pratiquées anciennement , et qui, péchant contre les règles de l'art, ont été abandonnées ; ensuite celles de moderne invention, qui sont peu suivies par la même raison; et enfin celles nou- vellement indiquées, qui n’ont pas donné de résultats assez certains pour en recommander l'usage. Le nombre des va- riétés de ces sortes de tailles est infini, comme le caprice et les modes qui les ontinventées; mais beaucoup d’entre elles n'étant que des modifications les unes des autres, on s’est contenté de présenter des exemples de celles qui offrent des différence sensibles. D'HISTOIRE NATURELLE. 269 EXEMPLE PREMIER. — T'aille en girandole. n donné ce nom à celle qui a pour objet d’étager les branches dans toute q F } 5 la hauteur du tronc d’un arbre placé verticalement sur ses raciries. Les étages qui commencent à une hauteur plus ou moins élevée au-déssus du la terre, diminuent graduellement d'épaisseur et de largeur jusqu'au sommet, qui se termine par une pelite pyramide aiguë. On laisse entre chaque étage niveau de de branches depuis om. 116. jusqu'à om. 27c. d'intervalle, et l’on donne à ces étages, tantôt une forme ronde , tantôt une forme carrée. Cette taille bisarre est longue et difficile à établir; elle se déforme très-aisé- ‘ ment, et ne laisse preduire aux arbres qu'une très-pelite quantité de fruits : on ne peut la pratiquer avec quelque succès que sur un petit nombre d'espèces de pruniers, tels que celui de mirabelle, le drap-d'or, le petit saint-julien ; dans le genre du pommier, sur les apis ; dans celui du poirier, sur les blanquettes et autres arbres greffés sur franc, qui fournissent beaucoup de rameaux et ne donnent que de petits fruits dont le poids ne peut déranger la symétrie des étages. Elle est presque généralement abandonnée en France , où elle est regardée comme un jouet d'enfant peu fait pour occuper un cultivateur sensé. Ex. 11. — Taille en tétard. Cette taille, à laquelle on donne aussi le nom de tête de saule, est moins l’effet d’une combinaison raisonnée que celui de la maladresse ou de la négligence du cultivateur qui l’exécute. En taïllant trop court les branches du sommet d’un arbre conduit en quenouille, et en donnant plus d'étendue à la taille des branches inférieures, la sève se porte avec affluence dans son canal direct, et développe à l’extrémité plusieurs bourgeons vigoureux qui se partagent la cime de l'arbre et y attirent toute la sève : alors les rameaux inférieurs n'étant plus alimentés périssent, et la tête de saule est établie. La même cause produit le même effet sur les arbres taillés en éventails, et sur ceux qui sont abandonnés à eux-mêmes pendant plusieurs années. Les têtards greffés sur franc vivent long-temps et produisent de bons fruits , mais moins gros el moins colorés que ceux des mêmes espèces d'arbres taillés en buissons et en éventails; d’ailleurs ils occupent beaucoup de place dans les jardins potagers, nuisent aux cultures qui les ayoisinent , et présentent des formes sou- yent désagréables à l'œil. 270 ANNALES DU MUSÉUM Ex. 11. — Taille en quenouille-vase. Les arbres taillés de cette manière offrent la 6gure d’une quenouille ou co- lonne de om. 4gc. à om. 65c. de diamètre, dans toute la hauteur du tronc, qui a de 1m. 95c. a 2 m. 60oc. de haut, et se términent par quatre ou cinq branches évasées, lesquelles forment l’entonnoir renversé, le buisson ou le vase. Cette taille se pratique avec un succès assez heureux, mais peu du= rable, sur les espèces vigoureuses, greffées sur franc, des genres du pommier, du poirier et des pruniers. On prétend que les arbres conduits de cette manière rapportent plus cons- tamment que les autres, que leur fruit est moins sujet à être abattu par les vents que celui des arbres qui sont en plein vent ; mais qu'il est plus petit et moins savoureux que celui des arbres en espalier. Cette taille est pratiquée, à Paris, dans quelques jardins des faubourgs Marcel et Marceau. EX. 1V. — Taille en vase-quenouille. L'objet de cette taille est de produire une forme contraire à la précédente ; le vase est à rez-terre, et porte la quenouille au Jieu d'être porté par elle. Ce mode de taille peut être employé sur les mêmes espèces d'arbres que le précédent ; il produit les mêmes avantages et a les mêmes inconvéniens à un degré plus éminent. On ne l’emploie que très-rarement , et presque toujours pour ne pas perdre un bourgeon très-vigoureux qui croît sur une des branclies de Ja cir- conférence du vase; mais il paie mal les soins qu’on a pris de le conserver, parce que, devenu fort, il attire à Jui toute la sève de l'arbre, et fait périr les branches inférieures, EX. v.— Taille en éventail-quenouille. Elle consiste à former d’abord un éventail dans la hauteur de 1m, 50c, à 1m. 65c., depuis le niveau de la terre , et ensuite à établir une quenouille avec une tige qu'on laisse croître verticalement sur une des branches supérieures de l'éventail jusqu'a 2 à 5m. de haut. Dans cette taille les branches qui forment l'éventail et la quenouille, se trou- vant dans deux couches d’air de chaleur différente, fleurissent en deux temps différens. Si les circonstances sont contraires à la première floraison, on peut D'HISTOIRE NATURELLE. 21 espérer qu’elles seront favorables à la seconde ; ainsi cette taille a l'avantage d'offrir deux chances au cultivateur. Mais comme les influences atmosphériques ; favorables à la floraison des arbres fruitiers, sont peu durables au moment où elle s'effectue , il ne doit pas compter sur le pro luit des deux parties de l'arbre à la fois, puis qu'il y a souvent quatre et quelquefois six jours d'intervalle entre l’une et l’autre floraison. Ce mode de taille, très-ingénieux, est pratiqué aux environs de Bruxelles, et notamment dans les jardins potagers de Läck:mais il a le mème inconvénient que celui indiqué dans l’exemple n.0 3; avec cette différence qu'il est un peu plus durable dans les terrains profonds, frais et riches en humus. Ex. VI — Taille en éventailrayons. Cette taille consiste à laisser croitre le tronc verticalement , à diriger ses branches latérales depuis sa base à om. {0 c. ou om. 5oc. de distance les unes des autres, sur une ligne droite, et à faire prendre à chacune d’elles la figure d'un quart de cercle de chaque côté de l'arbre, et dans des positions alternes. Les anciens cullivateurs pratiquoient cette taille pour former des espaliers ; mais elle a été abandonnée depuis long-temps : d’abord , parce que le princ'pal canal de la sève étant perpendiculaire, ce fluide s'y porte avec affluence, n’alimente pas les branches latérales qui forment les rayons, et détermine la croissance d’un grand nombre de bourgeons au sommet de la tige, qui devient en peu d’années une tête de saule; ensuite , parce qu'elle est longue et difficile à établir ; et enfin, parce que laissant les espaliers dégarnis , elle ne remplit qu'imparfaite- ment son but, et que d’ailleurs les arbres s’emportant au-dessus des murs, en détruisent souvent les chaperons. Ex. Vin. — Taille en éventail-palmette. Celle-ci diffère de la précédente en ce que les branches latérales des arbres qu’elle dirige, au lieu de décrire chacune un quart de cercle , forment un angle droit avec le tronc qui est vertical , et s'étendent horizontalement de chaque côté. À tous les défauts reprochés à la précédente taille, celle-ci en joint un autre encore plus défavorable à la durée des espaliers. Les branches formant avec le tronc des angles trop droits , La sève ne s’y introduit qu'avec difficulté , les aban- donne bientôt pour $e porter dans son canal vertical, occasionne la formation de la tête de saule à son sommet, et la mort de Findividu, si on le taille trop rigidement. 272 ANNALES DU MUSEUM Ce mode de taille, presque généralement abandonné aux environs de Paris ,n été remplacé par celui pratiqué à Montreuil. Ex. Vi. — Taille en éventail-queue-de-paon. La différence de celle-ci consiste en ce qu’elle donne aux branches latérales des directions qui forment des angles plus oumoins aigus avec le tronc, lequel reste vertical, comme dans les deux exemples précédens. Cette taille est un peu moins vicieuse que les deux dernières , mais elle tend comme elles à donner lieu à la formation de la tète de saule, ce qui l'a fait abandonner. : Ex. 1x. — Taille en éventail de La Quintinie. Celle-ci consiste à supprimer la tige des arbres, ou le canal direct de la sève, à quelques pouces au-dessus de la greffe, et à établir deux branches-mères qui se divisent par la suite en une multitude de rameaux , lesquels forment les ailes de l'arbre et garnissent les espaliers. A beaucoup d'égards , cette taille est bonne pour les arbres à fruits à pepins, et elle a mis sur la voie pour perfectionner l'art de la taille. Le potagerde Versailles renferme des arbres plantés par La Quintinie, qui ont été dirigés par lui d’après cette taille. Elle est encore en usage dans plusieurs jardins des différentes parties du nord et du centre de l’Europe. Ex. x.— T'aille en éventail-candelabre. Ce qui différencie celle-ci de là précédente, c’est qu'elle a pour objet de di- riger horizontalement les deux branches -mères latérales qui partent un peu au- dessous de l’endroit où a été faite l’amputation de la tige de l'arbre, et qu'on ne laisse à ces branchés-mères que des branches montantes qui tombent perpendicu- Aairément sur les premières, Ce mode de taille, qui n'a pu être imaginé que par une personne peu ins- truite des lois de la physique végétale, est contraire à l'existence des arbres à fruits à noyaux, ainsi qu'à ceux à fruits à pepins ; mais on l'emploie avec: succès pour la vigne: aussi n'est-ce que pour la vigne seule qu'on en fait usage dans quelques jardins, pour la formation des cordons placés au-dessus des espaliers, sous les chaperons des murs contre lesquels ils sont établis. [ee D'HISTOIRE NATURELLE. 21 Ex. xi.— Taille en éventail de Montmorency. Cette taille, imaginée et mise en pratique depuis 30 ans par une société d’a- mateurs de culture établie dans la vallée de Montmorency, a plus particulière- ment pour objet la conduite des pêchers. Elle consiste à supprimer la tige des arbres, et à la remplacer par quatre branches-mères, dont deux partent hori- zontalement de chaque côté du pied à om. 50 c. au-dessus de la terre, et les deux autres forment unangle de 45 degrés avec ce qui reste de la tige ; à disposer les branches secondaires de manière qu’elles décrivent avec celles qui les portent des angles semblables aux premiers ; et enfin, à faire ensorte que les rameaux auxquels ces dernières donnent naissance aient la même disposition. La difficulté de cette taille, l’incertitude de ses résultats , et sur-tout la diffi- culté de remplacer une branche qui viendroit à mourir, l’a fait abandonner pres- que aussilôt qu’elle a été pratiquée. Ex, xl, — Z'aille en buisson croisé. Celle-ci est peu connue; voici la manière de l'opérer. On laisse croître jusqu’à 1m.25c, de hauteur, environ, la tige d’un arbre à fruit à pépins, greffé sur franc, d'espèce vigoureuse. On l’arrête à cette hauteur, ou à une hauteur plus ou moins grande, suivant les projets du culivateur. Les branches qui naissent au- dessous de cette coupe sont dirigées , pendant les premières années, comme dans les arbres dont on veut faire des vases, des buissons et des gobelets; mais quand celles-ci ont poussé des bourgeons assez allongés pour se croiser, on les courbe dans deux sens opposés de la circunférencée du buisson, à l'angle d’environ 45 degrés, et on les grelfe en approche les uns sur les autres à tous les points de section. 11 en résulte par la suite un buisson croisé, vide de branches dans son intérieur et arrondi dans toute sa circonférence. On assure que les arbres conduits par cetté méthode, ayant toutes leurs branches en communication de sève les unes avec les autres, au moyen de leurs grefies, donnent uné grande abondance de très-beaux fruits, qui sont moins sujets à être abattus par les vents qne ceux des autres arbres : c’est x l’éxpérience à confirmer celte assertion. 10. 39 274 ANNALES DU MUSÉUM Ex. XIII. — T'aille en arc. Des branches d'arbres fruitiers, et des gourmands trop jeunes pour donner des fruits, sont courbés en arc ou en quart-de-cercle concentrique ou excen- irique. Après un an de courbure pour les fruits à noyaux, et deux ou trois années pour les fruits à pepins, ils produisent le plus ordinairement des fruits, Le fait est certain, Cette pratique a pour but, dit-on, de supprimer la taille , qu'on appelle une opération meurtrière , quoiqu'elle laisse vivre cependant des arbres plus de cent ans, et qu'elle approvisionne Paris des plus beaux et des meilleurs fruits. Mais si elle dispense de la taille annuelle , elle nécessitera l’amputation des branches arquées lorsqu'elles seront épuisées, elle exigera des éhourgeonnages et des effeuillages sévères pour faire jouir de l'air et des rayons du soleil des fruits qui, sans cette précaution , se trouvant cachés sous des voütes épaisses de branches chargées de feuillage et croisées dans tous les sens, ne prendroient, dans notre climat sep- tentrional, ni grosseur, mi couleur; et enfin elle obligera d’arracher des arbres épuisés par des produetions surabondantes et intempestives. Cette taille , pratiquée depuis long-temps dans divers pays et À différentes époques , ne s'est point répandue et a été abandonnée; tandis que celle perfece tionnée par les industrieux habitans de Montreuil se propage dans toute lEu- rope septentrionale. Si elle n'est pas parfaite, elle est au moins celle qui pro: duit les résultats les plus avantageux, et c'en est assez pour lui mériter la préférence. SECTION II. Tailles perfectionnées. Sous cette dénomination, nous entendons cellés qui ayant été imaginées par d'habiles praticiens tels que la Quintünie, les Leuormand, ses, successeurs. dans, la conduite: du, vaste potager de Versailles, ont été perlectionnées ensuite par les Girardin, les Pepin, premiers instituteurs des habitans de Montreuil, leurs concitoyens, et ont été décrites par les Du- bamel, les Roger-Schabol, les Roziers, les Butret , etc. ; qui D'IYSTOIRE NATURELLE, 275 depuis ont été copiés et traduits dans toutes les langues de l'Europe. Ces tailles se réduisent à trois sortes, savoir : celle en que- nouille, celle en vase, et celle en éventail en V ouvert. SÉRIE PREMIÈRE. Taille en quenouille. Cette taille, appelée pyramidale par quelques-uns, a pour but de former des arbres garnis de leurs branches depuis la base du tronc jusqu’au sommet , et de leur faire prendre la forme d’un cylindre dont le diamètre, plus considérable à la base, va toujours en diminuant graduellement dans sa hau- teur, jusqu'a l'extrémité qui se termine par une pointe aiguë. Cette forme éprouve quelques variations occasionnées par la nature des arbres qui y Sont astreints, et plus encore par le caprice de ceux qui les dirigent. La taille en quenouille présente plusieurs avantages ; elle fa- cilite les moyens 1. de réunir dans le même espace de ter- rain un bcancoup plus grand nombre d'arbres, de varier par- conséquent les espèces, et de se procurer ainsi des fruits de différentes sortes et de toutes les saisons; 2° de border de petites allées avec des arbres qui, ne jetant qu'une ombre foible, ne nuisent point ou nuisent peu à la culture des plantes qui sont dans les carrés; 3.° de déterminer les arbres à pro- duire des fruits à une époque plus rapprochée de celle de leur plantation, ce qui, pour la plupart des possesseurs, est une jouissance plus désirable et plus recherchée que celle qui seroit plus durable, mais qu'il faudroit attendre plus long- temps ; 4° d’avoir chaque année une grande quantité d’ex- DOTE 276 ANNALES DU MUSÉTM cellentes greffes propres à multiplier abondamment cette série d'arbres; 5.°etenfin de pouvoir étudier plus facilement les arbres à fruits, en mettant à la portée de la main et sous les yeux de l'observateur les gemuma, les bourgeons, les feuilles, les fleurs et les fruits. C’est une partie de ces motifs qui a fait adopter ce mode de taille dans l'école des arbres fruitiers du Muséum , et qui en a déterminé l'adoption dans celle de la ville de Gand, de Strasbourg , des Chartreux à Paris, et de plu- sieurs autres départemens. La théorie de cette taille consiste à ne laisser croître la tige principale qu'autant qu'il est nécessaire pour entretenir en santé et en rapport utile, les branches inférieures qui doivent commencer à quelques pouces au-dessus de la terre; à tenir celles-ci dans un juste écartement , pour que les quenouilles soient également garnies de branches depuis le bas jusqu’en haut , et que cependant l'air et la lamière puissent pénétrer entre elles et opérer la beauté et surtout la bonne qualité des fruits. On peut soumettre à cette taille la plus grande partie des genres d'arbres fruitiers; mais ceux à fruits capsu- laires réussissent moins bien que ceux à fruits charnus; et parmi ces derniers , ceux à noyaux sont moins dociles que ceux à pepins, dans le nombre desquels il en est qui réus- sissent parfaitement. A raison de la localité du terrain, on s’est borné à ne pré- senter que trois exemples de cette sorte de taille, et on les a choisis dans les divisions des arbres à fruits à noyaux, et dans celles des fruits à pepins, comme étant ceux qui y sont le plus généralement soumis. Les diverses tailles, ainsi que nous avons déjà eu occasion d'en faire l'observation , ne peuvent se démontrer clairement D'HISTOIRE NATURELLE. 277 LT sur une seule espèce d'arbres, ni avec le même individu; c’est pourquoi on a répété la même taille sur plusieurs espèces différentes, et chacune d’elles avec autant d'individus qu'il a ? paru nécessaire pour offrir différens exemples dont l’ensemble présentat la pratique complète de ces diverses sortes de tailles. VARIÉTÉ PREMIÈRE. — Ÿ'aille en quenouille sur prumier. Ixniviou 1." — Sauvageon planté le printemps dernier, provenu de semis et des- tiné à être greffé en écusson à œil dormant , à la seconde sève de l’année pro- chaine, 1808. Comme il est rare que les sujets plantés au printemps soient assez vigoureux pour être greffés la même année en écusson, avec succès pour la réussite , on les plante ordinairement un an d'avance. Get individu présente l'exemple du mode et des soins de la plantation. Ixpivipu 11. — Sauvageon planté l’année dernière au printemps, et qui a été greffé en écusson à œil dormant, à l’époque de la seconde sève de cette année, Celui-ci fait voir l’ébourgeonnage, les soins de culture qui doivent préparer le sujet à recevoir la greffe, et la manière dont celle-ci a été opérée. Innivinu ur. — Sauvageon greffé en écusson à œil dormant, à la seconde sève de l’année dernière. 11 présente les exemples 1.’ de la manière dont a été placée la greffe , à quel- ques pouces au-dessus du collet de la racine; 2.° de l’amputation de la tête du sujet à quelques lignes au-dessus et en biseau, à l'opposé de la greffe; 5° du o bourgeon produit par l’écusson; 4.° et enfin de la manière de défendre celui-ci 3 de la violence des vents , au moyen d’un tuteur, saus nuire à sa belle venue. Inoiviou 1v. —1l fournit l'exemple de la première taille : les trois précédens n'offrent que les préliminaires indispensables pour parvenir à opérer cette pre- mière taille. Elle consiste à étêter le bourgeon de la greffe , à la hauteur jugée convenable d'après l'espèce, l’âge, la force, la vigueur du sujet et la nature du sol, pour que la plus grande partie des yeux placés au-dessous de la coupe, où des jeunes 278 ANNAMES DU MUSEUM branches, puissent pousser des bourgeons vigoureux , susceptibles de gatuir de rameaux , depuis le niveau de la terre jusqu'a la cime de l'achre, la, quenouille qu'ils sont destinés à former. i1 Emivrou v. — Célui-ci montre la seconde taille. nl Elle a lieu sur le prolongement du bourgeon terminal et sur l'œil le plus per- pendiculairement situé pour la prolongation de la tige, et de plus sur les pre- mières branches latérales. Son étendue doit être en rapport avec la vigueur de l'individu , et avec celle de chacune de ses branches en particulier ; c'est-à-dire que les plus. foibles doivent être moins chargées que les plus fortes, ou, cé qui est la nième chose, que les premières doivent étre taillées au-dessus du premier œil ou gemma, et les autres au-dessus du deuxième , troisième, quatrième et cinquième œil, par gradation, suivant leur force, Elle s'opère, ainsi que les shi- vantes, sur les emma latéraux et sur ceux qui sont en dessous des rameaux, selon qu'on a besoin de faire naitre des brauebes à différentes places pour for- mer la charpente des arbres. Jsoivou vi — Fournissant l'exemple de la troisième taille. Dans celui-ei on voit le second prolongement du bourgeon terminal et la taille des rameaux fournis par les premières branches de l'arbre. Pour l'ordinaire, cette troisième taille doit être plus courte que la seconde, parce que les rameaux se multipliant, il est plus diffoile aux racines de leur fournir la quantité de-sëve nécessaire à leur développement. Il en doit être de même les années suivantes, à mesure que les branches et les rameaux se multiplient en nombre et en élen- due, à moins qu'il n'arrive des circonslances particulières qui forcent d' alonger ou de raccourcir la taille, ce qui est assez rare, Axowwinu vu. — Exposant l'exemple de la quatrième taille. Celle-ci se pratique sur le bourgeon terminal et sur les branches de la der- nière pousse. Elle doit être encore plus courle que les précédentes, et opérer la suppression de plusieurs des premières branches qui se trouvent trop rapprochées pour permeilre aux nouveaux bourgeons de s'étendre, et aux fuits qui daivent se montrer bientôt, de jouir du bénéfice de l'air ambiant, et surtoul de la lumière directe du soleil. D'HISTOIRE NATURELLE, 279 Voilà où se borne en ce moment le nombre des exemples propres à démontrer la taille en quénouille sur la série des pruniers; mais il sera planté chaque printemps un nouvel int dividu qui, en augmentant le-nombre, entretiendra la’ série toujours complette, depuis la plantation du sanvageon à greffer jusqu’à l'arbre arrivé à son état de formation parfaite. Les exemples seront les mêmes, mais ils seront présemés chaque année par les Sujets qui les suivent dans l'ordre des places. VARIÉTÉ 11.— T'uille en quenouille sur pommier. Comme on a suivi la même méthode dans cette série que dans la précédente pour présenter successivement, et par gradation , les pratiques de la taille , et que celle-ci ne diffère que par des modifications plus aisées à saisir par la yuë que dans une description, nous renvoyons à ce que nous avons dit sur chacun des sept individus servant d'exemples pour dé- montrer celle espèce de taille sur le genre du prunier. VARIÉTÉ at, — T'ailie en quenouille sur le potrier. Par là méme raison nous renvoyons également pour cetté série à ce que nous avons exposé sur celle du prunier. SÉRIE 1H . Taille en vase (1). On donne le/nônr de taille en vase, en gobelet, én enton- f (1). De plusi eurs noms adoptés dans diflérens pays, na dû préférer celui qui exprime mieux la chose. 280 ANNALES/DU:MUSÉUM : noir, en cône renversé, ét surtont en buisson, à celle qui a pour objet d'évaser les branches des arbres dans la circonfé- férence de leur tronc , sur une ligne circulaire plus ou moins étendue ; plus où moins élevée. Le but de cette taille est de faire croitre és fins plus près de la terre qu'ils ne le sont dans des arbres abandonnés à lanature, afin qu'ils recoivent davantage la réverbération de la chaleur du soleil, et que, disposés à des situations très- aérées el frappés par la lumière du soleil le plus long-temps possible, ils deviennent plus gros ; plus colorés, et: acquiè- rent une saveur plus délicate et plus suave On emploie les arbres taillés en vases à Pa les planches qui entourent les grands carrés des jardins potagers , à former des quinconces et border des allées dans les vergers cultivés. La théorie de cette taille consiste à supprimer le canal direct de la sève , à le remplacer par trois ou sept branches obliques, lesquelles forment de distance en distänce , dansleur hauteur , des bifurcations qui ne pérmettant à la sève que dé s'élever et de descendre lentement, l’obligent de s'arrêter et de former un grand nombre de boutons à fruits. Une expérience de plus d’un siècle prouve la bonté de cette théorie lorsqu'elle est mise en pratique par des jardiniers instruits. Elle exige des combinaisons et ne peut être exécutée avec succès que par des praticiens éclairés qui connoissent la théorie de la taille des arbres. | Les genres d'arbres fruitiers qu’on soumet plus particulie- rement à cette taille, sont les: pommiers et poiriers à fruits d'hiver, bons à manger crus, que l'on choisit dans les espèces les. moins. rustiques et qui, cultivés d'une autre inaniere, donnent des produits’ mins beaux el 1oin$ suay és. Les indi- D'HISTOIRE NATURELLE, 281 vidus greffés sur franc doivent étre préférés, quoique plus tardifs à produire que les autres, à cause de leur longue vie qui passe souvent cent ans, et de la quantité ainsi que de la beauté de leurs fruits. VARIÉTÉ PREMIÈRE. — T'aille en vase sur le pomnuer. Inoiwwus 1, 11°, m1. — Ces trois individus étant destinés à présenter les mêmes exemples que ceux qui commencent la variété de la taille en quenouille sur le prunier, nous renyoyons à cet article pour l'indication des exemples, afin de ne pas faire de répétitions inutiles. Innivinu 1v.°— Celui-ci présente l'exemple de la première taille. 11 ne faut pour l’opérer que couper le bourgeon produit par la greffe à quel- ques pouces au-dessus de l'endroit où elle a élé posée; ce qui, pour l'ordinaire, est à 0,04 ou 8c. au-dessus de la terre. Il est quelques cultivateurs qui greffent des arbres à mi-tige et même à haute tige: mais ils ne réfléchissent pas qu'ayant des arbres trop élevés au-dessus du niveau de Ja terre, les fruits qu’ils produi- ront par la suite ne jouiront pas, ou jouiront beaucoup plus faiblement, de la réverbération de la lumière et de la chaleur ; ce qui fait le principal mérite de cette taille sous les zones froides et dans lés pays séptentrionaux de la zone tempérée. Dans ces climats où la chaleur suffit à peine pour effectuer la matu- rité parfaite des fruits d'espèces délicates, plus les arbres, sont rapprochés de la terre, et plus on est assuré d'en obtenir des produits perfectionnés, Ixpiviou v.°— Il offre l'exemple de la première direction ‘donnée aux bour- geons destinés à former les branches-mères et celui de la seconde taille. Le choix de ces bourgeons est très-important , puisque ce sont eux qui sont destinés à établir tout le système de la taille de l'arbre. Ils doivent être placés à égale distance de la circonférence de la tige, et leur nombre ne peut être au-dessous de trois ni au-desssus de sept; cinq suffisent pour l'ordinaire. On doit les évaser, en les écartant autant qu'il est possible du point central dans la circonférence de son rayon. On se sert pour cela d'un cerceau porté sur quatre piquets. Ixorviou vi. — Fournissant l'exemple de la troisième taille et de la direction donnée aux nouveaux bourgeons. 10. 36 282 ANNALES DU MUSÉUM, Cette taille à pour objet de préparer la première bifurcation des branches- mères, de disposer les branches du second ordre , et de supprimer par l'ébour- geonnage, toutes les pousses qui croissent dans l’intérieur du vase et celles qui viennent à sa circonférence extérieure. Ixniviou vu — Il présente l'exemple d'une première bifurcation, et celui de la quatrième taille. Celle-ci a pour but de préparer la seconde bifurcation sur les branches dont le nombre a dù doubler, Comme elles se sont allongées, il convient d'établir un nouveau cerceau plus grand que le premier , afin d’occasioner de plus en plus l’évasement des branches du centre de l'arbre , comme les bifurcations successives ont pour objet de les écarter entre elles dans le sens de la circon- férence du cerele du vase. 4 . Les exemples de seconde, troisième et quatrième bifurcations seront présentés para suite sur les sept individus ci-dessus indiqués, à mesure qu'ils vieilliront ; en même temps de nouveaux sujets plantés chaque année offriront toujours complète la série des exemples de cette sorte de taille. j VARIETÉ 1, — T'aille en vase sur le poirier. Les mêmes raisons qui nous ont déterminé à renvoyer à l'indication des exemples décrits pour la taille en quenouille sur le prunier, les deux variétés qui appartiennent à cette même série, nous engagent à renvoyer pour celle-ci aux des- criphons que nous avons faites des individus qui présentent la série des exemples pour la taille en vase sur le pommier. D'HISTOIRE NATURELLE. 283 SÉRIE TII. T'aille en éventail. Le nom de taille en éventail est donné à celle qui a pour objet de diriger sur une même ligne , laquelle est le plus ordi- nairement droite et rarement courbe, les branches d'un arbre dont la tige se trouve placée presque toujours au milieu, et de disposer ses branches avec leurs rameaux, de manière àgarnir sans lacune la surface abandonnée aux arbres, depuis le com- mencement de leurs branches, jusqu’à 1 , 2 et 3 mètres de baut, suivant la nature des espèces et les vues du culti- vateur. Il y a beaucoup de variétés de taille en éventail, et nous en avons indiqué précédemment sept des plus remarquables dans la section des tailles hétérochtes. Celle dont on traite dans ce moment est fort différente dans ses principes , dans son exé- cution , et surtout dans ses résultats. On la nomme, pour la dis- tinguer des autres, taille en éventail en V ouvert. Cest de toutes les tailles la plus en usage à Montreuil, surtout pour le genre du pêcher, et la plus perfectionnée. Sathéorie consiste, 1.” à supprimer le canal directde la sève, ou la tige principale, à quelques centimètres au-dessus de la greffe ; >” à le remplacer quelquefois par quatre branches- mères , et le plus souvent par deux; 3.° lorsque l'on conserve quatre branches, à diriger les deux premières du bas presque horizontalement , ou au plus à langle de 10 degrés, et les deux autres suivant un angle d'environ 45 degrés ; et lorsque l'on n’en réserve que deux, à les incliner à l'angle de 4o à 45 degrés plus ou moins , suivant les espèces ; 4° et enfin à faire ensorte 36 * 284 ANNALES DU MUSEUM que les deux ailes de l'arbre soient égales en étendue, et se balancent mutuellement. L'objet de cette taille est de diriger des arbres pour former des espaliers , des contre-espaliers et des éventails, soit pour tapisser des murs, border les carrésdes grands jardins potagers etles clorre ; soit pour les placer entre des arbres nains, parmi ceux conduits en vases ou en quenouilles , afm d'offrir plus de variété et de multiplier les chances de la fructitication. Considérée par rapport à ses avantages, elle fournit les moyens de couvrir des murailles , toujours désagréables à la vue dans les jardins; de les faire servir à accélérer la fructifi- cation de fruits qui ne pourroient mürir en plein vent; à hâter la maturité des autres, et par conséquent à doubler les jouissances et à les prolonger ; et enfin de parvenir plus sûre- ment à naturaliser des arbres fruitiers de climats plus chauds que celui dans lequel on veut les cultiver. Les climats où la taille en éventail est nécessaire, sont les zones froides et à peu près la moitié septentrionale des zones tempérées. Dans celles plus chaudes, elles seroit, ainsi que les autres tailles ; plus nuisible que profitable, surtout pour nos genres d'arbres fruitiers, que l'on ne pourroit y cultiver qu’à des expositions au nord ou sur des montagnes élevées. Fous les arbres fruitiers ne sont pas également propres à être soumis au régime de la taille en éventail ; il est des es- pèces moins rétives les unes que les autres : en général, celles qui sont originaires de climats plus chauds que celui dans lequel on les cultive, sy faconnent plus aisément que les in- digènes, et il en est quelques-unes qui ne peuvent s’en passer pour donner leurs fruits et les faire parvenir à une parfaite maturité. D'HISTOIRE NATURELLE. 285 Nous présenterons des exemples de cinq variétés de cette taille en éventail en V ouvert, pris dans les genres du pru- nier , de labricotier, du pommier , du poirier et du pécher. Mais il nous suflira de donner la description des individus qui composent la première variété, pour faire comprendre la série des opérations qui constituent l’ensemble de cette sorte de taille. La vue des individus des autres variétés indiquera suffisamment les modifications qui les caractérisent. VARÉTÉ PREMIÈRE. — T'aille en éventail en V, sur le prunuer. Les individus greffés sur pruniers sauvageons provenus de semences , ont été préférés à ceux venus de drageons; et parmi les premiers, ceux fournis par les noyaux de prunier ceri- sette, de sainte-catherine et de damas noir , ont été choisis de préférence aux autres espèces , comme étant plus robustes et de plus longue durée dans notre climat de Paris. Ixoivinu 1. — Prunier cérisette de semence, planté à la fin de l'hiver de cette année 1807. I1 doit servir de sujet pour recevoir une greffe en écusson, à œil dormant , à la seconde sève de l’an prochain. Enniviu 11.°— Prunier sainte-catherine, provenu de noyau planté au printemps de l’année dernitre. Il sera greffé cette année de la même manière que le premier, en variété per- fectionnée. Ixniviou m1. — Prunier de petit damas noir, greffé à œil dormant, au mois d'août de l’année dernière. IL doit servir d'exemple pour montrer la coupe de la tête du sujet, à quelques lignes au-dessus de la greffe , et le bourgcon de celle-ci , muni de son tuteur, pour le préserver d’être décollé par le vent. 286 ANNALES DU MUSEUM Ixoiviou 1v.° — 11 fournit l'exemple de la première taille. Elle consiste dans la coupe du bourgeon de la greffe à 4 ow 8 e. au-dessus de sa naissance, el à laire voir les premiers ébourgeonnages et palissages qui s’eflec- tuent pendant le cours de l'été. La première opération a pour but de supprimer les bourgeons qui croissent sur le devant et le derrière de l'éventail, et la seconde, de palisser ces bourgeons flexibles dans la direction convenable pour établir les branches-mères qui doivent former la charpente de l'arbre. Ixpiviwu y.°— Il présente l'exemple de la seconde taille, Celle-ci supprime tous les bourgeons nés sur le devant ét sur le derrière de l'éventail, et n'en réserve que deux sur chaque côté latéral ; les deux plus près de la terre de chaque côté du pied de l'arbre , sont dirigés pour prendre une di- rection presque horizontale, ou au plus de dix degrés d’inclinaison. Les deux autres, plusélevés, sont disposés à l’angle d'environ 45 degrés, et tous les quatre sont rabattus depuis deux jusqu'à huit ou dix yeux, suivant la force du sujet, la nature de la terre, les propriétés du climat et surtout, la vigueur des branches, Ixniviou vif — Il sert à la démonstration dé la troisième taille. Son objetest d’allonger ,autant qu'il en est besoin, les quatre mères-branches , de faire choix des branches montantes et descendantes, de les raccourcir suivant leurs forces respectives, et de supprimer tous les rameaux inutiles qui ont crû tant sur le devant et le derrière de l'éventail, qu'entre les branches réservées du second ordre. s“ Inoivinu vu.‘— 11 présente l'exemple de la quatrième taille. Celle-ci a lieu sur les branches de premier , de second, de troisième ordre, et de plus sur celles du quatrième , qui sont pour l'ordinaire les brauches à fruits nonimées brindilles, dans les arbres à fruits à noyaux, et lambourdes , dans ceux à fruits à pepius. Elle supprime les branclies réservées jusqu'alors à l'effer de garnir l'éventail, pour faire place à l'extension de celles qui doivent être con- servées définitivement. Elle transforme en bon bois les gourmands qui auroient pu naître sur quelques parties des arbres à fruits à noyaux, et leur fait occuper la place des branches peu vigoureuses et dépérissantes qui se trouvent dans leur voisinage. D'HISTOIRE NATURELLE. 287 Voilà à quoi se réduit, cette année, le nombre des individus qui doivent offrir les opérations de celte série de taille. A me- sure que ces mêmes individus vieilliront, ils offriront d'année en année, jusqu’à ce que toutes les places soient remplies, des exemples non interrompus delataille de ces arbres, depuis la plantation du sauvageon, jusqu'à celle de l'arbre arrivé à son état de formation parfaite et en plein rapport. Il en sera de même des quatre autres genres d'arbres destinés à présenter les mêmes variétés de cette série de taille;par cette raison, nous n’mdiquerons ici que les principales différences qui les font distinguer. VARIÉTÉ — 1, T'aille en éventailen V, sur labricotier. Celle-ci se distingue de la précédente , 1° par sa longueur , qui est plus considérable d’un quart et quelquefois d’un tiers dans les individus jeunes et vigoureux; 2.° en ce qu’au lieu de 4 branches-mères qu'on peut établir sur les autres arbres de cette série ,on n’en établit le plus ordinairement que deux sur celui-ci, auxquelles on donne jusqu'à 35 degrés d'inchi- naison ; 3.° et enfin en ce qu’elle s'effectue au premier prin- temps, après celle des pruniers , et lorsque les grands froids sont passés. VARÈTÉ ui. — Taille en éventailen V, sur le pommier. On exécute celle-ci pendant tous les beaux jours delhiver: elle est en général la plus courte de toutes les tailles de cette espèce; souvent elle nécessite dans les sujets jeunes, vigou- reux et tardifs à donner des fruits, le pincement ou le cas- sement de leurs bourgeons les plus forts, pour les déterminer 288 ANNALES DU MUSÉUM à pousser des boutons à fleurs. Cette opération, qui a lieu aussi sur les poiriers , s'effectue dans le plein de la premiere sève vers la mi-mai. Elle n’est pas sans danger et doit être faite avec beaucoup de précaution. | VARIÉTÉ 1V.— Taille en éventail en V, sur le potrier. Cette taille tient le milieu pour l'étendue, entre la dernière et les deux premières. Elle doit ménager, ainsi que la précé- dente, les branches à fruits nommées bourses , lambourdes et dards, quelque part qu’elles se trouvent, à moins qu'on n'ait besoin de les transformer en branches à bois pour remplir quelques vides. Elle se pratique le plus communément à la fin de l'hiver, après celle des pommiers. VARIÉTÉ V. — Taille en éventail en V, sur le pécher. C'est la plus tardive de toutes les tailles ; elle s'exécute au printemps, lors de l'épanouissement des premières fleurs de cet arbre. Elle est la plus longue de toutes celles des arbres à fruits à noyaux , et exige le plus d’être pratiquée du fort au foible, c'est-à-dire au quart, au tiers et souvent à moitié de la lon- gueur des bourgeons. C’est celle qui demande le plus de pré- voyance pour la conservation des branches de réserve des- tinées à remplacer les anciennes qui s’épuisent en peu d’an- nées. Les arbres sur lesquels elle s'effectue , veulent de préfé- rence, dans les climats du nord et du centre de la France, l'exposition du midi; celle du nord et plus genéralement le plein vent, dans ceux du midi de l'Europe. Enfin, de toutes les tailles c’est la plus attrayante, parce D'HISTOIRE NATURELLE, 269 que son exéculion exige des combinaisons très-variées, qui donnent des résultats aussi agréables à l'œil, que les fruits sont suaves au goût; mais elle ne souffre pas de demi- connoïssances dans sa théorie, et surtout dans sa pratique. Il faut posséder l'une et l’autre , comme quelques-uns des habitans de Montreuil, pour jouir de tous les avantages qu’elle est susceptible de procurer , et dont on ne peut se former une idée exacte qu'en voyant les espaliers conduits par ces habiles cultivateurs. TAILLE ET CONDUITE DE LA VIGNE. EXEMPLE PREMIER. — Vigne basse (1). On donne ce nom et ceux de courante etde rampante, à des ceps de vigne dont les troncs, élévés de o m. 56c. à 1 m. 50 c. au-dessus de la terre, poussent de leurs sommets, un grand nombre de sarmens qui se courbent jusqu’à terre dans leur cir- conférence , et forment un berceau circulaire touffu, sous lequel les raisins sont garantis des rayons d’un soleil ardent, par lesquels ils seroient brülés dans les climats chauds. Cet exemple présente la taille, la forme et l’ébourgeonnage de la vigne con- duite de cette manitre, Elle est usitée en grand dans les campagnes des départe= mens méridionaux de la France. Ex. 11. — Vigne échalassée. Dans la plupart des départemens du centre de la France, les souches de vignes sont peu exhaussées au-dessus de la terre, et les sarmens qu’elles poussent chaque année, sont maintenus verticalement , au moyen d’échalas de diverses sortes de bois, autour desquels ils sont liés en paquets. On a eu pour but de présenter un exemple de cette culture, qui est celle des environs de Paris. (1) Ces exemples occupent deux, quatre et six mètres de long, d’une planche de deux mètres de large , et sont composés d’au-moins cinq individus, et souvent d’un plus grand nombre , suivant l'exigence des cas. 10. 37 290 ANNALES DU MUSEUM EX, ll. — Vigne croisée. Ce mode de conduire la vigne se distingue en plusieurs points du précédent: 1, l’échalas, au lieu d'être planté au pied du cep et deservir à dresser verticalement les bourgeons en paquets, en estéloigné de la moitié de la distance qui se trouve entre un cep el son voisin, sur la même ligne; 2° la moitié des bourgeons des deux ceps les plus proches de l'échalas sont liés à sa partie supérieure, et au mème point, en décrivant avec la terre un angle plus ou moins aigu, suivant la distance à laquelle sont placés les pieds : 3.° et enfin les bourgeons, s'ils continuent de s'allonger, sont courbés en anse de panier et attachés aux ceps les pius voisins. Cette pratique d'échalasser la vigne, encore peu répandue, a l'avantage de Jui faire produire une plus grande quantité de raisins, qui mürissent plus sùre- ment et plus tôt, parce qu'ils sont dans une position moins verticale et plus aérée que sur les ceps échalassés perpendiculairement. Ce raisin étant plus exposé aux rayons du soleil, fournit un vin de meilleure qualité, et la dépense est à très-peu de chose la mème, puisque le mème nonibre d'échalas suflit pour la mème quantité de ceps de vigne. EX. 1v.— Vigne en archet. On pratique cetle manière de conduire la vigne sur des pieds forts et vi- goureux , plantés dans des terreins de bonne nature, et à des expositions DURE On dresse et on lie à des échalas placés verticalement aux pieds des ceps, 1 es bourgeons les plus grèles. On réserve deux des plus vigoureux , qu’on taille très- longs et qu’on courbe excentriquement en demi-cercle, On les maintient dans cette position des deux côtés latéraux du cep, en lesattachant au pied. Cette situa- tion leur fait rapporter beaucoup, de raisin, mais comme elle les épuise, on les supprime à la taille suivante , et on les remplace l’année d’après , par d'autres bour- geons choisis dans les plus vigoureux de, ceux qui ont été dressés verticalement l'année précédente. Cette sorte de taille a, lieu dans quelques, parties des déparlemens de la Côte- d'Or, du Mont-blanc et autres lieux. Ex. V. — Vigne en cône. Une fosse circulaire de o m. Go c. à 1m. de diamètre, et de om. 45e. à om, D'HISTOIRE NATURELLE. »0t -9oc. de profondeur , renferme de 6 à 9 pieds de vigne , espacés à égale distance dans sa circonférenee intérieure. Auprès de chacun d'eux est plantée une perchette d'environ 3 mètres de haut; les extrémités supérieures de chacune d’elles sont réunies, au moyen d’un fort lien, perpendiculairement sur le centre de la fosse. Les bourgeons des vignes à mesure qu'ils croissent, sont attachés aux perchettes et jusqu'à leur sommet. Cette pratique est employée sur la côte du Rhône, et notamment sur les coteaux du territoire de Condrieux. Elle est excellente dans les climats chauds, à des expositions brülantes, pour empècher les raisins d'être desséchés par le soleil. Elle est en mème temps très-pittoresque, et produit un bel effet dans le paysage, qu'elle couvre de riches cônes de verdure, qui, à l'automne, deviennent pourpres. Ex. VI. — Vigne en palissade. Des pieux placés en ligne droite, le plus ordinairement dans la direction de J'ouest à l'est , supportent trois ou quatre traverses , et forment une sorte de {reil- lage, haut d'environ quatre pieds, exposé au midi. C'est sur ce soutien qu'on palisse les sarmens de vigne à mesure qu'ils croissent. On emploie en grand cette culture dans plusieurs pays de vignobles, mais particulièrement dans les jardins du centre de la France, pour former des contre-espaliers. Ex. Vi. — Wigne en berceaux. Les berceaux ou tonnelles, s'établissent le plus ‘ordinairement dans les jar- dins, près dés habitations, pour $é ménager des abris contre le soleil et les chaleurs de l'été. On les couvre dans le centre de la France, avec des vignes précoces , afin d’obtenir la maturité de leurs fruits, dans une situation qui leur est peu favorable. Dans le midi, on y emploie les grosses espèces de vignes qui fournissent beaucoup de pampres et procurent un ombrage épais. EX. VI. — Vigne en treille. C'est ordinairement au pied des grands murs exposés au midi, dâns les dépar- temens du centre et une partie du nord de la France, qu'on établit les treilles de vigne. Elles sont supportées par un treillage à graudes mailles, placé sur les murs. On les plante avec des espèces qui exigent plus ou moins de chaleur, en raison de celle des climats et des expositious, pour que la maturité de leurs AT 292 ANNALES DU MUSEUM fruits puisse s’opérer. Les treilles de Fontainebleau sont renommées pour la bonne qualité de leur chasselas, Ex, 1x. — Vigne en cordons. Des pieds de vigne sont élevés verticalement sur une seule tige à 3, 4 et 6 mètres de haut. On leur fait pousser deux ou un plus grand nombre de bour- geons, qu'on dirige en sens opposés, sur une ligne horizontale, et à une grande distance de leur point de départ. Cela s'appelle former des cordons de vigne. On les établit plus ordinairement dans les jardins potagers, entre les arbres fruitiers formant espaliers, sur des murs situés aux expositions favorables à ka maturité des raisins de table, On palisse leurs bourgeons sous les chaperons des murs, et dans l'étendue qui ne se trouve point occupée par les arbres de l’espalier. Ex. x. — Vigne en hautains. Cet exemple présente trois arbres plus spécialement consacrés à servir de soutiens à la vigne. Chacun d’eux à ses trois ceps destinés à monter sur la cime, à établir des guirlandes d’un arbre à l'autre, et à former un quart de berceau de chaque côté de la ligne des arbres. Cette culture est établie en grand dans le midi de l'Europe, où elle produit une grande quantité de vin, qui supplee à sa qualité, fort inférieure à celui fourni par d'autres procédés de culture. On donne aussi le nom d’hutins aux ceps conduits de cette manière, et c'est la vigne arbustive des anciens Romains. EX. x1. — Vigne en ruche. La suppression des échalas est l’objet de cette pratiqne qui consiste à lier en- semble par leur sommet, quatre sarmens de jeunes provins, écartés entre eux de om. 5oc Elle a été imaginée, depuis peu d'années, par M. Miramond, propriétaire à Montrecourt, près Pontoise, Tels sont les exemples présentés sur la taille des arbres fruitiers : on auroit pu en exposer un grand nombre d’autres, D'HISTOIRE NATURELLE. 203 sur des espèces non moins intéressantes , telles que sur l'olivier , l’oranger, le figuier , le grenadier, le mürier, le caprier, etc. tous arbres cultivés dans quelques parties du territoire fran- çois, et qui y donnent des produits précieux ; mais l’espace a manqué pour les rassembler. Nous exposerons dans le Mémoire suivant la troisième classe des procédés de culture, qui ont pour but la multiplication des végétaux, en commençant par la série des marcottes, laquelle sera suivie de celle des boutures, et celle - ci des greffes. 294 ._ ANNALES DU MUSÉUM ! SUITE DES PLANTES DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT, PAR M. DESFONTAINES,. ARISTOLOCHIA CRETICA ( Aristoloche de Crète). Tab.18. A. Villosa; caule herbaceo non scandente ; foliis cordatc- rotundatis ; floribus solitariis , axillaribus ; calicis tubo in- curvo ; limbo oblique ovato. — À. foliüis cordatis, subhirsutis ; caule herbaceo ; ramoso ; floribus incurvis ; limbo oblique secto. Lamarcr , Dict. 1,p. 258. — Win. Spec. 4 ,p. 160. — A. cretica, flore maximo, fructu angulato. Tourner. Cor. Inst. 8. — Vélins du Muséum. x. Cette belle espèce d'Aristoloche ,originaire de l'ile de Candie, où Tournefort l’a découvrit en 1700, appartient, ainsi que la suivante, à la division de celles dont la tige n’est pas sar- menteuse , et est surtout remarquable par la grandeur et la forme singulière de sa fleur. Racine charnue, de la grosseur du pouce, partagée en plu- sieurs branches, jaune en dedans, d’une couleur roussàtre à l'extérieur. Torr 10. PL 28: sr DATENT ETES ARISTOLOCHIA Crekca , de. Lambert scufp- Tom .10. Pl 19. fubrist del ARISTOLOCHIA Luten . Lambert sol ; #4 E : D'HISTOIRE NATURELLE. 205 Tige grêle, striée, velue, rameuse inférieurement, longue d'un à deux pieds, droite , quelquefois tortueuse et tombante, Feuilles en cœur, alternes, entières, pétiolees, pubescentes, obtuses, souvent échancrées au sommet, d’un vert pâle en dessous , longues d’un à deux pouces, sur une largeur un peu moindre. Fleurs axillaires, solitaires, inclinées, portées sur un pé- doncule plus long que le pétiole. Calice grand, velu , d’un rose pâle, Tube recourbé en haut, ayant à sa base un gros renflement allongé et sillonué dans sa longueur; limbe ovale, oblique, élargi, concave, ohtus, violet, velu intérieurement, Corolle nulle. Six étamines. Anthères sessiles sous le stigmate. Ovaire mfère , sillonné longitudinalement. Capsule grande, pendante, cylindrique, pubescente, creusée dans sa longueur de six sillons , partagée intérieurement en six loges polyspermes. Graines ovales, déprimées, brunes, presque triangulaires. ArisrococHiA LUTEA ( Aristoloche jaune ), Tab. 19. A. caule erecto non scandente ; foliis cordatis ; floribus solitarits luteis; calicis limbo incurvo fornicato ; capsulis cernuis. — À. orientalis rotunda, folio oblongo, cordiformi , flore tubulato luteo. — Tourner. Cor. Inst. 9. — Vélins du Muséum. x. Racme charnue, dure, ronde , quelquefois cylindrique, de la grosseur du pouce, garnie de radicules fibreuses qui naissent de sa base. 296 ANNALES DU MUSEUM Tige gréle, foible, striée, droite, longue d’un à deux pieds, rameuse inférieurement. Feuilles gläbres , entières | en cœur, obtuses, souvent échancrées au sommet, portées sur des pétioles peu allongés ; longues d’un à deux pouces, sur une largeur un peu moindre, Fleurs solitaires dans les aisselles des feuilles ; droites, presque sessiles , longues de quinze à seize lignes. Calice jaune, renflé à la base et sensiblement élargi vers le sommet, ter- miné par une languette vouütée, recourbée et un peu pointue. Entrée du tube d’un violet foncé. Corolle nulle. Ovaire infere. Capsule pendante , pyriforme, sillonnée, à six loges polys- permes. Cette espèce a beaucoup d’affinité avec l’Aristoloche ronde ; elie en diffère par ses fleurs jaunes, dont la languette est plus courte, un peu pointue, et recourbée en forme de casque. Celles de l’Aristoloche ronde est brune, aplatie et abaissée. Les pétioles des feuilles de l'Aristoloche jaune sont aussi plus allongés. Elle a également de grands rapports avec l’Aristo- loche longue, dont elle se distingue par la forme de ses ra- cines , et par celle de la languette voûtée qui termine le calice. Dans l’Aristoloche longue, la languette du calice est obtuse, beaucoup plus grande, plus aplatie et d’une couleur brune. PL .20. Tom .10. Jericea” : DAPHNE Lambert sou ns Aubris | L D'HISTOIRE NATURELLE. 29 Sa Dapaxe sEricEA ( Daphné soyeux )., Tab. 30; D. Floribus aggregatis , terminalibus, sessilibus ; foliis lanceolatis , subtus villosis ; laciniis corollæ obtusis, Vaur. symb. 1. p. 28.—D.Oleæfolia floribus fasciculatis, sessilibus, terminalibus. Lamarck. Dict. 3. p. 4h4o. — T'hymelæa cre- tica , Oleæ folio subtus villoso. Tourner. Cor. Inst. 41. — Vélins du Muséum. »: Arbuste rameux, touffu, toujours vert, haut d’un à deux pieds, dégarni de feuilles inférieurement. Racines ligneuses, de la grosseur du pouce, longue d’un pied à un pied et demi, roussätres en dedans, brunes à l’ex- térieur. Tige de la grosseur du doigt; rameaux tortueux , cylin- driques, un peu étalés, couverts d’une écorce grisâtre, velus à leur sommité. : Feuilles persistantes , entières, coriaces, un peu épaisses, sans nervures apparentes , alternes, très-rapprochées à l’ex- trémité des branches, ovales-lancéolées, obtuses où un peu aiguës, presque sessiles, rétrécies vers la base, glabres et luisantes en dessus ,soyeuses et blanchâtres en dessous, longues de dix à quinze lignes, sur quatre à sept de largeur. Fleurs petites, terminales, sessiles , réunies au nombre de trois à six. Calice marcescent, rouge, en tube, renflé àla base, soyeux à l'extérieur. Limbe à quatre divisions ovales-allongées, ob- tuses , ouvertes, glabres intérieurement. Huit étamines renfermées dans le tube. Anthères sessiles, sur deux rangs. 10. 38 299 ANNALES DU MUSÉUM Un style. Un stigmate. Ovaire supère. Baie ovale-renversée , longue de trois lignes sur deux d’é- paisseur , d'un rouge orangé , renfermant une petite graine brune d’une forme ovoide. Cette jolie espèce fut découverte par Tournefort en 1700, dans l’île de Candie, et est décrite dans ses manuscrits. On l'a trouvée depuis en Asie et en Italie. Elle a du rapport avec le Daphne oleoides Lin.; elle en diffère par ses fleurs réu- nies au nombre de plus de deux au sonimet des rameaux, et par ses feuilles, dont la surface inférieure est couverte de soies blanches. Celles du Daphne oleoides sont glabres des deux côtes. Parupxæa Tournerorru (Phelipæa de Tournefort ). Tab. 21 P. Scapo basi involuto, villoso, superne nudo, simplici, unifloro ; corollæ lobis patentibus, circinatis. — P. Orientalis Jtore coccineo.Tovurxer. Cor. Inst. 43— Vélins du Muséum. w J'ai cru devoir conserver ce genre que la reconnaissance avoit consacré à la mémoire de l'illustre famille des Phelipeaux, protecteurs de Tournefort et des sciences naturelles , d’autant mieux qu'il offre des caractères suffisans pour être distingué. Linnæus l’avoit réuni au Lathræa, et M. Wildenow la placé parmi les Orobanches; mais les Lathræa ont un calice à quatre divisions, et le tube de leur corolle n’est ni renflé ni con- formé comme celui des PAelipæa. Le genre Orobanche peut aussi en être séparé par le calice, qui est à deux divisions pro- fondes , opposées et partagées en deux lobes, tandis que celui des Phelipæa est constamment divisé en cinq parties. Tom PJ. 27. PHELIPÆA Tournefortt . Aubrict del, £ Lambert 027/2 SAMI à RS PE NU. % À TA s À en à “une he ge + D'HISTOIRE NATURELLE. 299 La racine du Phelipæa de Tournefort est charnue, ram- pante , écailleuse, cylindrique, garnie en dessous de plusieurs radicules grêles, rameuses et inégales. De sa surface supérieure sortent des hampes simples, velues, cylindriques, droites, longues de huit à dix pouces, d’une cou- leur violette, ayant environ une ligne d'épaisseur , terminées par une seule fleur, entourées à la base de gaines allongées, inégales , emboitées les unes dans les autres, qui naissent de la racine. Calice violet, à cinq divisions profondes, velues, ovales-lan- céolées, aiguës, serrées contre le tube de la corolle; les su- périeures sont un peu plus grandes que les inférieures. Corolle d’une couleur écarlate, presque de la grandeur de celle du mufle de veau, Antirrhinum majus, Lin. Tube renflé, inégalement sillonné , long de douze à quinze lignes, d’un jaune vert à la base. Limbe irrégulier , à denx levres , divisé en cinq lobes rapprochés, ouverts, arrondis, entiers ; les deux supé- rieurs un peu plus petits; le moyen inférieur plus grand, marqué en dessus à sa base de deux grosses taches noires, barbues , glanduleuses et échancrées en forme de cœur. Quatre étamines, dont deux plus courtes. Filets de la longueur du tube, recourbés en bas vers le sommet, Anthères jaunes. Ovaire supère, ovale, glabre, violet. Style épais, recourbé à l'extrémité, surmonté d’un stigmate large, charnu, déprimé et arrondi circulairement en forme de plateau. Capsule ovale, bivalve ,à une loge , terminée par une pointe, renfermant un grand nombre de petites graines. Il est très-douteux que cette plante soit la même que l Oro- branche coccinea de M. Wildenow , dont la tige, d’après 38 * 300 ANNALES DU MUSÉUM la description qu'il en a donnée, est garnie de feuilles écartées, et dont les découpures de la corolle ont une forme ovale. Le Phelipæa de Tournefort a les tiges nues et les divisions de la corolle sont circulaires et non ovales. Il est originaire d'Arménie. | Teucrium microPRILLUM(Germandrée à petites feuilles). T'ub.22. T. Fruticosum , procumbens ; folits ovatis, margine revo- lutis , crenulatis, subtus incanis ; verticillis subbifloris. — Chamædrys, cretica saxatilis, folio exiguo, subtus incano. Tourxer. Cor. Inst. 14.—Vélins du Muséum. Cette jolie germandrée , indigène à l'ile de Candie , y croit daws les fentes des rochers. Ælle a beaucoup de rapport avec le T'eucrium marum , Lin.; mais elle s’en distingue par ses tiges tombantes, parses feuilles crénelées, vertesen dessus et blanches en dessous : celles du 7°. marum sont blanches des deux côtés et n’ont point de crénelures. Eulin ces deux plantes ont un port et un aspect très-différens. Racines longues , rameuses, jaunätres, souvent contournées. Tiges gréles , ligneuses, tétragones, nombreuses ,tombantes, couvertes d’un coton blanc et très-court , longues de six à douze pouces. Feuilles petites, opposées, obtuses, de la grandeur de celles du 7. marum, Lin., crénelées et à bords repliés en des- sous, un peu prolongées vers le pétiole, qui est très-court ; quelquelois tronquées à la base, vertes et pubescentes en Pie sus, blanches et cotonneuses en dessous. Fleurs axillaires , opposées deux à deux, quelquefois ternées, portées chacune sur un pédicelle très-court. Tr TN 220 JA42qURT S A] S À : 2P FAipy he NATH AA Tom .10- PL'a5: V£LPLTA Mess efolia => tubriet del mbert ri D'HISTOIRE NATURELLE. 3o1 €alice velu, blanchâtre, persistant, un peu évasé, à cinq divisions ovales, aiguës, droites, à-peu-près égales. Corolle rose. Tube un peu courbé, de la longueur du calice, fendu en dessus. Lèvre supérieure nulle , inférieure à trois lobes ; les deux latéraux petits, un peu pointus; le moyen large, arrondi, entier, abaissé. Quatre étamimes didynames placées dans la fissure du tube, Un style. Deux stigmates aigus. Quatre graines brunes, obluses, convexes extérieurement , dont une ou deux avortent assez souvent. Nsprra meuissÆroLia ( Cataire à feuilles de Mélisse). T'ab. 25. N. Vüillosa; radicibus fasciculatis, fusiformibus ; folirs cordatis , crenato-dentatis ; verticillis pedunculatis ; brac- teis subulatis, calice brevioribus. — N. foliis cordatis, ser- ralis, petiolatis ; verticillis pedunculatis, corymbosis ; cali- cibus longis , striatis. Lamarck. Dict. 1. p. 703. Wan. Spec. 3. p.54. — Cataria cretica Melissæ folio, Asphodels radice. Tourner. Cor. Inst. 13.— Vélins du Muséum. x. Cette espèce de Cataire, originaire de Vile de Candie et mentionnée dans le manuscrit de Tournefort, se distingue aisément par ses racines fusiformes , réunies en un faisceau; par ses feuilles ressemblantes à celles de la Mélisse; enfin par ses bractées en forme d’alène, qui sont plus courtes que le calice. Racines brunes, fusiformes , divergentes, réunies en un faisceau à la base de la tige, longues d’un pouce et demi à deux pouces, sur deux ou trois lignes d'épaisseur, terminées par un filet grêle. 302 ANNALES DU MUSÉUM Tige velue, tétragone, rameuse, longue de deux pieds. Feuilles en cœur , velues, d’un vert päle, ressemblantes à celles de la Mélisse; les inférieures crénelées et pétiolées, longues d'un pouce et demi sur douze à quinze lignes de largeur; les supérieures sessiles et dentées. Fleurs en anneaux, un peu écartées, portées sur deux pé- doncules communs, opposées ; les anneaux inférieurs distincts, les supérieurs rapprochés. Bractées en alène, plus courtes que les calices. Calice grêle , allongé , strié, terminé par cinq petites dents aiguës, droites ; les supérieures un peu plus grandes. Corolle pubescente, Tube un peu arqué, une fois plus long que le calice, renflé proche le limbe. Lèvre supérieure re- dressée, obtuse, échancrée, d’une couleur gris de lin; l'inférieure divisée en trois lobes, les deux latéraux très-petits, obtus, renversés en arrière; le moyen concave, arrondi, crénelé, tacheié de points pourpres sur un fond bleu. Quatre étamines bleuâtres , dont deux plus courtes. Filets gréles un peu arqués , moins longs que la corolle, Un style, deux stigmates aigus. Quatre graines brunes , oblongues , parsemées de petites as- pérités visibles à la loupe. SIDÉRITIS ROSEA ( Sideritis à fleurs roses). T'ab. 24. S. Villosa ; foliis ovato-oblongis, obtusis , sessilibus , cre- natis ; floribus geminis axillaribus ; calicibus muticis. — S. Orientalis scordioides , flore purpureo. Grancer. — Vé- lins du Muséum. x. Quoique cette jolie espèce de Sideritis ne soit pas men- IS/DERIT. LS Rosea , Lambert 72 , D'HISTOIRE NATURELLE. 30 3 tionnée dans le corollaire de Tournefort, j'ai cru devoir la publier parce qu’elle est originaire du Levant , et quelle n’a été décrite par aucun auteur. Toute la plante est couverte d’un duvet fin et très-serré, qui lui donne une couleur blanche, et elle ressemble beaucoup, par son port et par son feuillage au T'enucrium scordium de Linnæus. Tige droite, rameuse, tétragone, longue de huit à douze pouces. Feuilles ovales-allongées, obtuses, sessiles, opposées, lé- gèrement crénelées, peu écartées les unes des autres, longues de six à dix lignes, sur quatre ou cinq de largeur. Fleurs axillaires, presque sessiles, ordinairement deux à deux. Calice persistant , évasé, accompagné de deux petites brac- tées lancéolées , couronné de cinq dents ovales, aiguës, égales et sans arêtes. Corolle d’un rose pâle. Tube de la longueur du calice. Lèvre supérieure un peu voutée, obtuse, entière ; l’inférieure à trois lobes obtus; le moyen arrondi, élargi au sommet, beaucoup plns grand que les latéraux. Etamines renfermées dans le tube de la corolle. Graines brunes, oblongues, convexes d’un côté, angu- leuses de l’autre. Cette plante est indigène à l'Egypte; elle a été cultivée an- ciennement au Jardin des Plantes, et la gravure que j'en pu- blie est faite d’après un dessin de Magdeleine Basse-Porte. 304 ANNALES DU MUSÉUM Sracays Beronrcxrorta ( Stachys à feuille de Bétoine). Tab. 25. S. Villosa ; foliis cordatis, crenatis ; verticillis subsex- floris ; calicibus muticis. — Galeopsis orientalis Ocimastri valentini facie, flore maximo albido. — Vélins du Muséum. — Galeopsis cretica Betonicæ folio , flore flavescente. Vaiz. Herb. 0. Cette nouvelle espèce de Stachys, mdigène à l'ile de Candie, et dont il existe un dessin de la main d’Aubriet, dans la Col- lection des vélins, ne se trouve point indiquée dans le corol- laire de Tournefort. Tige velue, tétragone , droite, rameuse, longue de deux pieds. Feuilles opposées, en cœur, ridées, velues, crénelées , ob- tuses, ressemblantes à celles de la Bétoine officinale, portées sur un pétiole creusé en gouttière. Fleurs verticillées le long des rameaux; verticilles distincts, de deux à six fleurs sessiles, accompagnés de deux feuilles ovales, légèrement dentées, souvent abaissées, plus longues que les calices. Calice évasé, persistant, velu, à cinq angles, terminé par cinq dents, courtes, ovales, droites, un peu obtuses, sans arêtes. Corolle grande , blanche. Tube plus long que le calice. Lèvre supérieure allongée, voûtée, très-entière ; l'inférieure à trois lobes; les deux latéraux courts, obtus; le moyen beaucoup plus grand , arrondi, entier, d’une couleur jaunätre. Quatre étamines , un peu plus courtes que la lèvre supé- rieure de la corolle, dont deux rejetées latéralement apres S7ACHYS Betonrcæfoli , “lubriet del. Lambert seufp : DRACOCEPHILUM 2 amuifèliun Aubriet del . « Lambert 72 . F |. D'HISTOIRE NATURELLE. 305 l'émission du pollen, caractère commun aux autres espèces de Stachys, ainsi qu’à plusieurs Leonurus. Un style. Deux stigmates aigus. Graines brunes, lisses, convexes, avec un pelit rebord saillant de chaque côté. Cette espèce a beaucoup d’affinité avec le Stachys annua, Lin. Elle s’en distingue par ses feuilles en cœur , par ses tiges velues, et par les dents de son calice, qui sont obtuses. Elle diffère aussi du Stachys hirta, Lin., par les anneaux de fleurs plus écartées, par les dents du calice non surmontées d’une arète, enfin par ses fleurs blanches beaucoup plus grandes. Dracocernazum Lamurorium ( Dracocephalum à feuilles de Lamium). Tab. 26. D. Folüs ovatis , obtusis, crenatis ; floribus terminalibus ; corollæ labio superiori bifido, laciniis dentatis. — Moldavica cretica, saxatilis, Lamii folio , flore maximo. Tourner. Cor- Inst. 11. — Vélins du Muséum. r. Cette espèce est remarquable par ses feuilles ovales, ob- tuses, crénelées profondément , par ses fleurs réunies en tête au sommet des tiges , et par ses grandes corolles roses, dont la lèvre supérieure est partagée en deux lanières obtuses, iné- galement dentées , ou même découpées au sommet. Elle est indigène à Pile de Candie, et croit dans les fentes des rochers. Tournefort l’a décrite dans ses manuscrits. Racine grêle, velue, blanchâtre, longue de trois à quatre pouces. Tiges simples, tétragones , d’une ligne d'épaisseur ; 10. 39 306 ANNALES DU MUSÉUM longues de six à douze pouces , un peu tombantes et rappro- chées en touffe. Feuilles opposées, ovales, obtuses, pétiolées, crénelées , parsemées , ainsi que les tiges, de poils très-courts, à peine visibles à l'œil. Fleurs réunies en tête aux sommités des tiges. Calice évasé, à cinq divisions profondes, lancéolées, aiguës, droites, pres- que égales. Corolle grande , d’une couleur rose , longue d’un pouce et demi, veinée de lignes longitudinales d’une couleur plus foncée. Tube droit , velu, élargi de la base au sommet , renflé proche le limbe. Lèvre supérieure allongée , concave , partagée en deux ‘lanières obtuses , tronquées obliquement , irrégulière- ment dentées. Lèvre inférieure à trois lobes; les deux laté- rauxtrès-courts ; le moyen échancré profondément, et comme bilobé, crénelé, tacheté de pourpre. Quatre étamines didynames; filets arqués, plus courts que la corolle. Un style. Deux stigmates aigus. D'HISTOIRE NATURELLE, 307 SEPTIÈME MÉMOIRE Sur les caractères généraux des familles, tirés des graines , et confirmés ou rectifiés par les observations de GÆRTNER. PAR A. L. DE JUSSIEU. Pour compléter l'examen des travaux de Gærtner sur les plantes monopétales, nous devons présenter le relevé deses ob- servations sur celles dont la corolle, épigyne ou portée sur lovaire, est munie d’étamines distinctes et non réunies par les anthères comme dans les Composées qui étoient l’objet des Mémoires précédens. Trois familles, déjà connues etadoptées, sont distinguées par ce double caractère de l’insertion de la corolle et de la séparation des étamines , savoir les Dipsacées, les Rubiacées, les Caprifoliées. Ce groupe paroït ne devoir pas * être séparé; mais on pourroit, en Sélayant des observations de Gærtner, subdiviser ces familles en plusieurs, déjà même indiquées par les coupes ou sections de chacune. Dipsacées. Nous avions annoncé que les plantes qui com- posent cette famille, ont l'embryon de la graine à radicule montante, et dépourvu de périsperme, à moins qu'on ne 39 * 308 ANNALES DU MUSEUM prenne pour tella membraneintérieureun peu épaissie. Gærtner reconnoit la même direction dans les morina , dipsacus , sca- biosa, Knautia, dans lesquels il admet un périsperme charau et très-mince, recouvert par une membrane simple et non double; ce qui semble prouver, conformément à notre opi- nion , que ce périsperme n’est qu'une membrane interne un peu épaissie, surtout lorsqu'on se rappelle que toutes les graines ont généralement une double enveloppe. Le péricarpe capsulaire, qui recouvre la graine des Dipsacées, est tellement adhérent avec le calice intérieur, qu'il se confond avec lui; ce qui fait croire à Gærtner et à d’autres qu'il n’y a point de capsule ou péricarpe, que la graine est nueet seulement recouverte par le calice, que conséquemment il faut regarder comme erroné le caractère de germe ou ovaire inférieur ou adhérent , généralement admis dans cette famille. Ils se con- firment dans cette opinion, parce qu'ils voient le style s’élevant immédiatement du sommet de la graine, et sortant au dehors par une ouverture supérieure du calice qui, selon eux, est simplement resserré à son sommet. On sera plus disposé à maintenir le caractère ancien , si lon observe que cette enve- loppe de la graine est généralement plus épaisse et plus solide qu'un calice subsistant ; qu’elle est resserrée supérieurement entre les divisions du calice, et que la corolle est portéesur cette espèce de plateau intérieur. Pour fortifier cette opinion, il faut ajouter que les radicules montantes, annoncant l'ombilic de la graine au sommet, indiquent pareillement l’attache de la graine au même point; ce qui suppose l'existence d’un péri- carpe, parce que les parois d’un simple calice, ne portent jamais les graines. Ces remarques peuvent s'appliquer , soit aux Dipsacées pro- D'HISTOIRE NATURELLE. 309 prement dites, composées seulement des quatre genres énoncés ci- dessus, donton a éloigné l’allionia ,reportéaux Nyctaginées, soit aux Valérianées, qui formoient la seconde section de cette famille, et qui, mieux examinées , ont des caractères suffisans pour constituer une famille distincte. Nous avions déjà pres- senti celte séparation, motivée par les fleurs aggrégées et à calice propre double dans les Dipsacées , distinctes et à calice simple danslesValérianées. Elleest annoncée plus positivement dans le Mémoire sur l'opercularia, vol. 4 de ces Annales. Gærtner , en admettant dans les premières un périsperme charnu qu'il refuse aux dernières, d’après ses observations sur quatre espèces, confirme cette distinction, qui ne peut être contrariée par l'admission qu'il fait d’un périsperme mince et membraneux dans une cinquième espèce ( valeriana sibi- rica). M. Decandolle établit définitivement ces deux familles dans la nouvelle édition de la Flore française , et détaille avec précision les caractères distinctifs de chacune. De plus, ilsub- divise en quatre le genre qui compose seul celle des Valérianées. Sous le nom de centranthus , introduit par Necker, il désigne avec lui les valeriana rubra et angustifolia, caractérisés par une seule étamine, une corolle régulière garnie inférieurement d’un long éperon, et une graine solitaire. Il rétablit, avec Moench, sous celui de valerianella, consacré par Tourne- fort, les espèces qui ont trois étamines , une corolle un peu irrégulière à son limbe et à peine éperonnée à sa base, un fruit capsulaire à deux ou trois loges monospermes dont souvent une seule subsiste par suite de l'avortement desautres. Linnæus avoit confondu ce genre de Tournefort avec le vu- leriana. Adanson a voulu le rétablir sous le nom de poly- premum, en même temps qu'il séparoit sous celui de fedia le 310 ANNALES DU MUSÉUM valeriana ruthenica caractérisé par quatre étamines et un fruit capsulaire. Gærtner et Vahl , fondant leur distinction uniquement sur le fruit capsulaire, ont confondu ces deux derniers genres en un seul, auquel ils conservent le nom de fedia donné au dernier. Ils y joignent même une autre espèce, valeriana cornucopiæ, à fruit également capsulaire, mais très-distincte par deux étamines et une corolle dont le limbe est divisé en deux lobes échancrés. MM. Moench et Decandolle font avec raison , de cette dernière, un genre distinct qu'ils nomment aussi fedia: ainsi le même nom se trouve appliqué à trois genres par divers auteurs. Si l'on s'en tient aux régles consacrées par l'usage, il paroït qu'on doit continuer avec Tournefort ànommer valerianella les mâches proprement dites qui ont trois étamines et un fruit capsulaire. Cette dénomination, qui indique une comparaison. de quelques petites plantes avec d’autres plus grandes, peut répugner lorsqu'elle ne porte que sur des considérations très- secondaires, et sur des végétaux différens dans le plus grand nombre de leurs parties : mais elle est admissible, quand il est question de deux genres très-voisins qui peuvent étre re- gardés comme des subdivisions du même, et quand elle est d’ailleurs consacrée par un longusage et par l’assentiment d’un des fondateurs de la science; ce qui a lieu dans le cas présent. Si l'on veut, avec MM. Moench et Decandolle, conserver comme genre distinct le valeriana cornucopiæ , à cause de ses deux étamines et de ses autres caractères énoncés, on pourra lui conserver le nom générique fedia , sous lequel ils ont indi- qué le genre et la seule espèce qui puisse jusqu'à présent lui être rapportée. On sera également autorisé à conserver le genre d'Adanson, D'HISTOIRE NATURELLE. 311 caractérisé par quatre étamines et un fruit capsulaire; mais il faut substituer un autre nom à celui de fedia, pour éviter la confusion et le double emploi. Ge genre doit contenir trois espèces, valeriana ruthenica, sibirica, villosa: celle-ci est originaire du Japon ; les deux autres, de Russie et de Sibérie. Le seul naturaliste français qui ait parcouru en détail ces der- mères régions, est M. Patrin, qui en a rapporté une collection nombreuse de minéraux et un bel herbier contenant plusieurs plantes neuves q@'il doit publier. Nous pensons que pour con- server la mémoire de ce savant voyageur et des services rendus par lui à l’histoire naturelle, ce genre, composé d'espèces que lui-même a recueillies dans leur pays natal, devra porter le nom de patrinia, auquel on ajouteroit, pour les espèces, leurs premières désignations spécifiques. Ce genre formera dans la famille, avec les deux précédens, une section des fruits cap- sulaires. Dans celle des fruits qui consistent seulement en une graine renfermée dans un péricarpenon capsulaire, ne s’ouvrant pas et adherant au calice, on doit placer, sous le nom de valeriana, le plus grandnombre des espèces du genre primitif qui joignent à ce caractère du fruit , celui de trois étamines et d’une corolle régulière , ordinairement à cinq divisions. Les espèces qui ont une graine et une corolle pareille, mais munie d’un long éperon et d’une seule étamine, resteront séparées sous le nom de centranthus ; et, suivant l’indication de M. Decandolle, le V. calcitrapa devra leur être réuni. Quelques-unes de celles qui ont été publiées par MM. Ruiz et Pavon, dans leur bel ouvrage sur la Flore du Pérou, offrent des particularités remarquables. Ce sont des plantes sans Liges, à feuilles toutes radicales, étroites , allongées , dis- 312 ANNALES DU MUSEUM posées assez régulièrement en rayons autour d’un amas de fleurs resserrées commeles fleurons d’une plante composée dans leur calice commun. Cet amas est formé de beaucoup de pédon- cules très-courts , portant chacun plusieurs fleurs rassemblées en une ombelle garnie à sa base d’un involucre général mo- nophylle divisé en deux lobesaigus , et chaque fleur est munie d'un mvolucre pareil placé au-dessous du calice. Les corolles n’ont que trois divisions à leur limbe , et le rebord supérieur de la graine est nu, non aigretté. Ces caractères ont paru suffisans à M. Persoon pour établir dans son Synopsis, vol. x, p. 39, un nouveau genre qu’il a nommé phy [lactis à cause deses feuilles en rayons, en y rapportant les #. rigida , tenuifolia et spathulata de la Flore du Pérou, qui ont les involucres mono- phylles. La disposition radiée des feuilles n’a lieu que dans les deux premières, et la troisième munie de tiges, courtes à la vérité , sert de transition au genre subsistant de la valériane. La seconde section des Valérianées est donc également com- posée de trois genres, comme la première ; ce qui porte le nombre total à six, faciles à distinguer. Parmi les cinq plantes de cet ordre observées par Gærtner, on retrouve un cen- tranthus, un patrinia , deux valerianella et un fedia. Nous avons vu que ces observations indiquent une radicule mon- tante et un embryon sans périsperme dans tous, excepté dans les patrinia sibirica, et que le périsperme admis dans ce dernier par l’auteur est plutôt une des membranes ou enve- loppes de la graine : ainsi l'absence du périsperme et la direc- tion supérieure de la radicule sont des caractères propres à cette famille. Cette conséquence, déduite de l'observation, affoiblit une première opinion émise, vol. 4 des Annales, p. 425, relative- D'HISTOIRE NATURELLE. 313 ment à l’uopercularia, qui nous a d'abord paru devoir apparte- pir à Ja famille des Valérianées. Il s'y rapporte en effet par son port, l'unité de la graine et le défaut de correspon- dance entre le nombre des étamines et celui des divisions de la corolle ; mais l'existence des stipules à la base de ses feuilles, ei surtout celle d’un périsperme charnu, entourantun embryon à radicule inférieure , diminuent cette affinité. L'examen de la famille des Rubiacées, qui suit immédiatement, aidera à dé- ierminer avec plus de précision les véritables aflinités de l'o- percularia, et sa place dans l’ordre naturel. Ruriacées. Cette famille présente une réunion de genres beaucoup plus considérable que dans les précédentes, puisque ces genres, auparavantau nombre de soixante-quinze environ, s'élèvent maintenant à plus de cent dix. Cette multiplicité exige des subdivisions bien faites et surtout très-naturelles. On ne peut les fonder sur les tiges herbacées ou ligneuses, sur les feuilles opposées ou verticillées, parce que l'observation montre ces divers caractères réunis dans un même genre. Le nombre des étamines, ordinairement de quatre ou de cinq, plus rare- ment de six à huit, force Linnæus de disperser les Rubiacées dans plusieurs de ses classes. Ce n’est pas un caractère prin- cipal, puisque des genres naturellement très-voisins ne dif- fèrent quelquefois que par ce nombre ,et qu'il peut varier aussi dans les espèces d’un même genre. Nous avons cru que dans cette famille le caractère du fruit étoit beaucoup plus important, et dans le genera nous en avons fait une base de division, en usant du nombre des étamines que comme d'un moyen de subdivision. Ordo dividendus facile , non ratione numeri sitaminum , sed ratione fructiüs didymi in Rubiä, in Coffed dispermi , poly spermi in Cinchonä , multiloculart in Guet- 104 ho 314 ANNALES DU MUSEUM tardé. En nous exprimant ainsi, nous regardions ces ‘quatre genres comme des points autour desquels devoient se rallier toutes les Rubiacées , pour former quatre sections principales, caractérisées par le fruit composé de deux graines ou muni de deux ou plasiéurs loges contenant une où plusieurs graines. On reconnoît que notre distribution est faite à-peu-près sur ce plan, avec cette différence que ces quatre sections sont portées jusqu'à neuf, au moyen de subdivisions tirées du nombre des étamines, et qu’on a séparé, dans une dixième, les genres qui ont plusieurs fleurs réunies dans un involucre commun. : J M. Decandolle, dans un Mémoire intéressant sur cette fa- mille, présenté à l'Institut, adoptetavec raison les quatre di- visions principales dans lesquelles il répartit les divers genres de motre dixiéme section, selon le caractère de leur fruit ; ce qui est plus conforine au principe. Sés prénnières subdivisions sont à peu près comme les nôtres; mais de plus il les partage encore d’après la structure des stipules ciliées ou entières, des fruits quelquefois plus ou moins dégagés du calice, et de ceux qui wont habituellement qu'une loge et qu'une graine , peut- être par suite d’avortement. Ce dernier caractère, moins na- turel, pourroit ne!/pas mériter uñe attention particuliere : 1 n’en est pas de même de celui qui dépend de la situation res- pective du fruit et du calice, qui offre dans cette famille une simgularité: trèstremarquable, et doit faire l’objet d’ane discus- sion approfondie. JON à On'a dbsérvé qe les Rübiacées ont généralement lem- bryon de leurs graines renfermé dans un périsperme desubs- tance solide, charnue où presque cornée. On peut ajouter que la radieuledé cetembryon est toujours dirigée vers l'om- (#2) Ci D'HISTOIRE NATURELLE, bilic de la graine, qui lui-même est tourné du côté de l'attache de cette graine dans le fruit. Ce point d'attache, formant le réceptacle, est central, appliqué contre la cloison quisépare les loges, plus élevé dans les fruits contenant plusieurs graines, pour offrir à celles-ci une surface suflisante à linsertion de toutes , plus bas quandil ne porte qu'une graine dans chaque loge; d’où ii suit que dans les fruits à loges monospermes Gærtner indique toujours la radicule inférieure, c’est-à-dire, dirigée vers la base du fruit. Cet auteur a examiné près de trente genres de cette famille, et dans tous il a retrouvé les caractères du fruit et de la graine précédemment indiqués. Son fils, qui a entrepris avec succès la continuation de ce travail intéressant, vient de présenter, dans les deux fascicules qu'il a publiés, les fruits et graines de quarante autres Rubiacées; ce qui donne, pour cette famille, une masse considérable d'observations : celles-ci donnent en- core les mêmes résultats. 1° Les unes et les autres nous montrent un embryon à radicule longue et descendante, placée au centre d’un corps corné, dans les sherardia, asperula, gallium , crucianella , rubia, anthospermum , phyllis, qui ont le fruit didyme ou composé de deux graines accollées. .… 2.° Le même embryon a été trouvé dans plusieurs des genres caractérisés par un fruit capsulaire ou en baie , mais toujours à deux loges monospermes, tels que les Anoxia , sperma- coce , sarissus et scyphiphora, réunis à l’hydrophylaz , nertera, diodia, ernodea, siderodendrum , pavetta , ixora, petesia, qui ont quatre élamines; les chiococca, psychotria, coffea, canthium , damnacanthus et webera, à réunir tous ño * 316 ANNÂLES DU MUSEUM deux au précédent; pæderia, coprosma, dont le nombre d'éta- mines s'élève à cinq. 3.° Ces auteurs ont encore observé le même caractère de embryon dans quelques genres de la section des fruits à deux loges, remplies chacune de plusieurs graines. Les unes n'ont que quatre étamines , tels que les Aedyotis, oldenlandia, na- cibea, fernelia, catesbea ; d'autres en ont cinq, comme les rændia , bertiera , dentella, virecta, danais, stylocorina, mus- saenda, pinchneya ( simple espèce du genre précédent) , cin- chona, tocoyena, posoqueria, rondeletia, genipa, ceriscus, gardenia ,portlandia ; dans un plus petit nombre , tels que les stevensia, coutarea, hillia, ce nombre est porté à six ou plus. 4° Dans la section des fruits à plus de deux loges, on re- trouve encore une série d'observations pareilles sur les mit- chella, erithalis, psathura , myonima , vangueria ; laugeria, _ dont les loges sont monospermes; sur les zsertia, hamelia et tepesia, qui ont plusieurs graines dans chaque loge. Ce dernier paroit être congénère du gonzalea ou gonzalagunia de la Flore du Pérou, suivant M. Decandolle. 5e L'examen de l’embryon a été encore fait sur quelques genres à fleurs et fruits rassemblés en tête, et souvent entou- rés d'une enveloppe commune, que nous avions placés à la fin de la famille , tels que les morinda, nauclea et cepha- lanthus. Il résulte de ces observations ;, que tous ces genres sont de véritables Rubiacées , qui présentent dans la conformation in- térieure de leurs graines le caractère uniforme d’un embryon dicotylédone, contenu dans un périsperme de substance ferme, soit simplement charnue, soit cornée , embryon dont la ra- dicule est dirigée vers le point d'attache de la graine. Il n’oc- D'HISTOIRE NATURELLE. 317 cupe pas loujours exactement le centre du périsperme , mais il est quelquefois repoussé vers le dos de la graine, surtout de celle qui, solitaire dans sa loge, a sa face intérieure aplatie et creusée dans son milieu par une fossette, comme dans lixora, ou par un sillon , comme dans le coffea. Il varie encore dans ses dimensions , occupant les deux tiers ou presque la totalité de la longueur du périsperme , ou seulement la moitié. Quelquefois il est plus court et resserré dans une petite ca- vité pratiquée sous lombilic de la graine. La proportion res- pective des lobes et de la radicule offre aussi quelques diffé- rences : plus celle-ci est allongée, et plus les lobes sont étroits et épaissis ; ils s’'amincissent en s'étendant, et lorsqu'ils ont la forme de feuillets ou petites feuilles , leur radicule est sou- vent trés-courte. Parmi les observations de Gærtner et de son digne succes- seur , il en est deux qui contrarient le caractère général at- tribué aux Rubiacées. La première annonce dans le guettarda un embryon sans périsperme et même muni d’une seule en- veloppe. Nous regrettons de n'avoir pas des graines en bon état sur lesquelles on puisse vérifier ces faits: mais il est très- probable que Gærtner s’est trompé en ce point ; car la pré- sence du périsperme paroit devoir être un des caractères les plus constans de cette famille, à laquelle le guettarda appar- tient par tous ses autres caractères. Nous avons dit que généralement dans les Rubiacées l'em- bryon avoit sa radicule dirigée vers lombilic de la graine, et que cet ombilic étoit placé à la base dans les loges monos- permes: il en résultoit qu’alors cette radicule étoit inférieure, suivant l'expression de Gærtner. L'observation de son filssur le vangueria, pag. 55, tab. 195, présente une direction con. 318 ANNALES DU MUSEUM iraire. Dans chaque loge, Ia graine Re Le 1] y \ À [x 2 7 = 5 d'u u - ed Dessinée d'après be Cmard musque. . Dessinée d' après lAatruche OLSELAUX . PIACES OSSEUSZS DU CRANE DES À macllare’ nferieur. B inter-maxdlaure’. C maaillaire Supérieur. 1) palatin anter rieur. padahr -postérteur. F'ethmoide. C vomer. H naxal maædlaire. 1 naxal ethmotdal . J naxal palatin 14 frontal U, lacrymal . M Jugal . P rocher. © &ympano -vtyloide.. À temporal 7, ‘partetal . S vwer = = parietal CE ocezpital J'UpEr teur. 14 occpilal lateral. X occipital aiferieur. Y bastilare k Dorex sculp LC Sauvage del D'HISTOIRE NATURELLE. 3061 2. Le mème crâne, vu de profil. d. Ést aussi la même tête , vue en dessous. Je n'ai placé de lettres qu'aux os qui se voient distinctement et seulement à ceux d’un même côté. 4. Estla portion du demi-bee supérieur qui est recouvert par un élui de corne: elle est composée des deux intermaxillaires et des deux nasaux palatins. La queue , qui se voit au bas de la figure, est formée par les branches mon- tantes des intermaxillaires, lesquelles se prolongent à tel point qu'elles atteignent l’ethmoïde et s’articulent avec lui par suture écailleuse. 5. Est un des intermaxillaires qui est vu par son côté interne. 6. Nous montre la face interne du nasal maxillaire : la fourche de cet os et celle produite par la jonction des deux branches de l’intermaxillaire forment l’entrée des fosses nasales, 7: Est l'os lacrymal vu de côté: la figure 1 le montre vu en dessus, et fait aussi voir qu'il n’a de connexion qu'avec le frontal; il ne se soude que fort tard à cette pièce; enfin il est terminé par une longue apophyse descendante fui contribue à maintenir le globe de l'œil, 8. Représente le jugal : ce n’est qu’un filet osseux ; ce qui résulte de la longueur des intermaxillaires, de l'éloignement en arrière de l’os du tympan, de la grandeur des fosses orbitaires, de la trop haute élévation du lacrymal, et du défaut d’articulation de cette pièce avec lui. La queue du maxillaire supérieur, qui est un pareil filet osseux , s’applique le long de cet os, et y est maintenue, jus- qu’à son ossification avec lui, par des tégumens communs. 9: Nous fait voir que l'os jugal est primitivement composé de deux pièces : M" est la pièce antérieure , et M’, la postérieure. Leur articulation entre elles a lieu comme celle de M" avec la longue apophyse de l'os maxillaire. On ne voit pas de mème que l'os jugal soit partagé en deux parties dans l’autruche et le canard, et ce n’est même que dans un poulet nouvellement éclos que cettésépa- ration se manifeste sensiblement. 10. Est l'os maxillaire supérieur : la queue de cette pièce, qui n’a d’ar- ticulation qu'avec le jugal, n’est, comme lui, qu'un filet osseux : mais sa portion antérieure, qui est en counexiog et qui s'articule avec trois pièces ( l’intermaxil- 10. 46 362 ANNALES DU MUSÉUM laire, le nasal palatin et le palatin antérieur), exigeoit une plus grande étendue ; aussi présente-t-elle une plus grande surface et se trouve-t-elle disposée eu une lame allongée. 11. Le palatin postérieur : il a été parfaitement décrit par Hérissant , qui a très-bien expliqué comment il contribuoit au mouvement du demi-bec supérieur, 12, J'ai donné à celte pièce le nom de tympano-styloide, pour m'être assuré , d’après l’observation de plusieurs reptiles, qu’elle est composée du tym- panal ou cadre du tympan, et de l'os ou de l’apophyse styloïde ; elle est repré- sentée ici par son côté interne , et par l’autre côté, dans les figures 13 et 14. Les élémens dont elle est formée sont d’abord sa tubérosité inférieure, dont la disposition en une sorte de condyle et l'articulation avec la mâchoire d’en-bas montrent qu’elle correspond à l'os styloide ; et en second lieu, sa portion supé- rieure , qui est apparente sous la forme d’un arc de cercle, etqui me paroit ana- logue au cadre du tympan: c’est du moins ce que je compie établir d'une ma- nivre plus évidente , quand , dans un autre Mémoire, je trailer du crâne des reptiles. 13. Cette figure est formée "par quatre pièces dans leurs positions res- peclives, c'est-à-dire , des deux palatins antérieur et postérieur, du tympano- styloïde et du jugal. 14. Est la mème figure augmentée seulement du maxillaire supérieur. 15. Présente la face antérieure de l’ethmoïde: on n’en aperçoit, fig. », que le centre en dehôrs, parce que tout le pourtour est recouvert, savoir : le bas, par l'extrémité des branches montantes des intermaxillaires, et les bords laté- raux , par les deux paires de nasaux qui sont dans son voisinage. II y a des ci- seaux , les pigeons par exemple, dans lesquels aucune partie de l'ethmoïde n'est visible dans le plancher de la face: cet os est toutefois conformé dans ceux-ci comme dans te poulet ; maïs il arrive alors qu'il est entiérement masqué par les branches montantes desintermaxillaires, qui, tout en s'appuyant surlui, se pro- longent au-delà et s’articulent avec les frontaux. 16, Est la mème pièce vue de profil: on aperçoit vers la droite le bourrelet dont j'ai parlé dans le corps du Mémoire; ilest coudé et recu par son extrémité libre dans un sillon de J'apophyse de l'os basilaire (voyez figure 26 ) L 9 1] D'HISTOIRE NATURELLE. 305 L'engrenage de ces deux pièces forme une sorte de quille sur laquelle reposent toutes les pièces supérieures. 17. Est le temporal: je restreins ce terme à la partie du temporal de l'homme, analogue à la portion écailleuse de cet os, 18. L’interpariétal, est un os très-petit dans les mammifères, et qui manque même dans les quadrumanes. M. Girard, professeur d’anatomie à l’école d’Alfort, l'a trouvé partagé en deux pièces dans le cheval, où il est ordinairement formé d’une seule; cette exception estau contraire l’état habituel du mouton et de la chèvre. 1O. Le pariétal : il est d’autant plus petit que son voisin l’interpariétal acquiert une plus grande dimension. 20. Les deux frontaux, articulés l’un avec l’autre: celui de droite pré- sente à son extrémité antérieure une cavité destinée à l'articulation du nasal ethmoïdal. Ce nasal existe et paroît en relief dans le frontal gauche. 21. Est le frontal gauche vu en dessous. La cavité, dans laquelle est placée la lettre K, forme la cloison supérieure de l'œil, et la postérieure fait partie de la boîte cérébrale. Toutes les pièces dont j'ai parlé jusqu'ici, hors celles représentées fig. 9, ont été dessinées d'aprés un poulet âgé de quatre à cinq mois, tandis que les figures 9, 22, 25, 24, 25, 26, 27 et 8, l'ont'été d'aprés un poulet nouvelle- nent éclos : elles sont de grandeur naturelle aussi bien que les Prermiéres. Commeles os qui avoisinent le cervelet se soudent plus tôt que les autres, j aë été obligé, pour en apercevoir les sutures, de les observer sur des sujers moins Âgés. 22. Fst une portion de l'os maxillaire: inférieur, laquelle correspond évidenrment à l’une des brauches montantes de la mâchoire d'en-bas des mam- mifères : elle se sépare du ‘corps de l'os dans de premier âge, Elle est vue ici de côté. 23. Est la mâchoire inférieure à laquelle il manque la pièce dont il est parlé ci-dessus : elle «est figurée de face. Une ligne tracée d sa longueur vers là gauche, indique la suture de la branche postérieure avec la partie an- térieure de ‘cet os. 46 * / ! 364 ANNALES DU MUSEUM 24. Les quatre occipitaux, vus par leur côté interne. Les occipitaux latéraux sont remplis de cellules qui communiquent à celles du rocher. 25. Les mêmes quatre occipilaux, mais vus par l'autre face. 26, L'os basilaire, vu par le dedans. Ses cavités, qui sont profondes, sont aussi dans le prolongement des cellules du rocher, et contribuent égale- ment à faire partie des chambres de l’ouie; en ayant est l’apophyse de cette pièce , creusée selon sa longueur, et disposée pour servir à l'enchàssement du bourrelet de l’ethmoïde. 27. L'os basilaire, vu par dehors. 28. Est le rocher. Je n'ai trouvé dans le crâne dun poulet que cette seule pièce qui se rapporte aux os de l'oreille, Les mammifères en ont deux, qui sont la caisse et le rocher proprement dit. Parmi les oiseaux que j'ai examinés, l'autrache est seule dans ce cas. 11 se pourroïit cependant que tous les oiseaux aient ces deux pièces, mais l’une d'elles est alors si petite qu'elle a jusqu'ici échappé à mes recherches. 20. Est la figure de la mâchoire inférieure d’une autruche nouvelle- ment éclose : je l’ai fait dessiner sous un point de vue physiologique. Cette mâ- choire ressemble beaucoup à celle de la baleine franche ; j'ai découvert que Îles maxillaires inférieurs de celle-cr, qui forment dans l’adulie des os très-solides et sans cellules à l’intérieur, sont , dans le fœtus, composés de deux lames inclinées june sur l’autre, et soudées ensemble par un de leurs bords : ils rappellent assez bien en cet état l’idée d’une gouttière, J'ai trouvé de plus que tout le dedans de ceute sorte de gouttitre est, dans le fœtus de } baleine , tapissé par des té- gumens semblables aux gencives des mammifères , et que ces tégumens sont fournis de vaisseaux et de nerfs. Je n’aurois pas cité ces faits, si je n’avois en outre manifestement observé, dans les gencives, des germes de dents qui m'ont paru dis- tribués comme les dents elles-mêmes descachalots. (Lie fœtus dont j'ai examiné le crâné , n’est print celui d’un cachalot ,mais appartient lrès-certainement à la baleine franche ; je n'ai point fait de méprise à cet égard). On sait cependant que les baleines adultes n’ont point de dents : il faut alors que l'ossification trop rapide des os maxillaires nuiseau développement de ces germes , el que toute la partie des maxillaires, creusée en gouttière, se remplisse avec le temps, puisqu'il n’y a que ce moyen pi pe la disparition des germes des dents. J'ai rapporté cette ob- servation , pour donner une nouvelle preuve: de la tendance de la nature à faire reparoitre parlout les mêmes organes, et pour faire voir que si quel- D'HISTOIRE NATURELLE. 305 ques-uns de ceux qui appartiennent à des classes manquent quelquefois dans certaines espèces, on en doit chercher la cause dans le développement excessif d'organes contigus ou voisins. Cet aperçu ne seroit-il pas applicable aux oi- seaux eux-mêmes, en tant qu'ils manquent de dents? Ce qu'il y ade vrai à cet égard, c’est que la mâchoire inférieure d’une jeune autruche est en tout conformée comme celle des fœtus de baleine , sauf qu'on n’y voit pas de germe de dents: mais du moins la gouttière qui règne le long de ses branches se remplit de même par un dépôt de matière osseuse; ce qui me paroît prouvé, puisqu'on n’apercoit plus de trace de ce sillon dans l'os maxillaire d'une au- truche adulte. à 30. Pièce isolée , analogue à l’apophyse de l'os basilaire : cet os est en effet formé de deux pièces dans l’autruche. Certains mammifères à long mu- seau ont aussi celle pivce double, Je désigue alors ces deux pièces sous les noms de basilaire antérieur et de basilaire postérieur 31. Est le basilaire postérieur de l'autruche. 32. Le vomer, pièce qui manque dans les poulets, et que j'ai fait des- siner vue de côté, d’après le vomer d’un canard adulte. 33. Cette figure a pour objet de faire connoître la position du vomer à l'égard des os qui lui sont contigus. Il est ici représenté vu par dehors au mi- lieu des quatre palatins, 34. Tels sont les deux intermaxillaires d'un canard musqué nouvelle- ment éclos, Je les ai fait figurer pour montrer que toute largeur de bec provient seulement d’an changement de forme de ces os, mais qu'ils n’en conservent pas moins les mêmes relations et les mêmes connexions que dans les oiseaux à bec fin. 366 LA » 2 ANNALES DU MUSEUM SE à LETTRE Sur quelques poissons peu connus du Golfe de Génes, adressée à M. FAuJAs - DE - SAINT- Fonp(i), PAR M MAXIMILIEN SPINOLA. Gênes, 10 avril 1807. Davis votre départ, Monsieur, je me suis occupé des pois- sous de la Méditerranée. Notre mer est très-riche : et quoique le golfe de Gènes passe pour être peu poissonneux , en compa- raison de l'Archipel et du canal de Constantinople , je suis fondé à croire que toutes les espèces de ces parages paroissent plus ou moins souvent sur nos côtes, et y peuvent étre regardées comme indigènes. M. Viviani vous a remis un catalogue de soixante-onze espèces : il est tr ‘ès-incomplet ; mais ce profes- seur ne l’a lui-même donné que comme un apercu des pois- sons les plus communs dans nos marchés et sur nos tables, et il n’y a point fait entrer plusieurs autres espèces un peu plus rares, parce que peu recherchées par les consommateurs , elles n’ont pas même des noms vulgaires. Je me permettrai , à la fin de cette Lettre, d'ajouter un supplément à ce petit ca- talogue, mais je n'aurai pas plus que le professeur Viviani , (1) Foyez planche 28. 20: Tom Pb: D'HISTOIRE NATURELLE. 367 la prétention d’embrasser toute l’ichthyologie du golfe: ce tra- vail est au-dessus de mes forces, et demanderoit un temps que je ne puis pas y employer. Je me bornerai maintenant à vous entretenir de quelques espèces qui, si elles ne sont pas absolument nouvelles, sont du moins trop confusément dé- crites pour ne pas rester dans le nombre de ces espèces obs- cures qui font le tourment des naturalistes. Les descriptions que je vais vous donner sont desti- nées à dissiper cette obscurité ; je souhaite qu’elles vous pa- roissent remplir mon but: je les ai accompagnées de dessins faits avec soin sous mes yeux, par M. Tagliafico. Vous les re- cevrez par ce même courrier. Venons à nos poissons. 1° Sparus TRiCuSPiparuS ( Spare à trois aiguillons ). Sparus squamulis tribus inter pinñas ventrales in cuspidem products. Spare muni de trois écailles situées entre les nageoires du ventre et prolongées en aiguillon. Ce poisson a tous les caractères des spares, troisième genre de M. de Lacépède. La nageoire de la queue est en croissant; il pourroit former la soixante-douzième espèce du premier sous-genre. Les trois aiguillons situés entre Jes nageoires du ventre, séparent cetle espèce de toutes ses congénéres. Ce caractère est à mes yeux si important, que s'il étoit répété dans un certain nombre d'espèces, on pourroit le prendre pour un caractère générique, avec autant de fondement que les ai- guillons de la queue des nageoires pectorales, etc. etc., qui ont suffi pour séparer des chétodons les acanthures , les acan- thopodes , les acanthinions ; etc. etc., et pour établir plusieurs autres genres très-naturels, nouvellement introduits par M. de Lacépède. Chaque nageoire ventrale a dix rayons dichotomes ,- 365 ANNALES DU MUSEUM réunis par une membrane disposée circulairement , et décrois- sant graduellement , eusorte que le rayon antérieur est le plus allongé. Les deux nageoires sont réunies par une écaille trian- gulaire , finissant en pointe, libre, aplatie et flexible ; du côté extérieur de chacune des nageoires, et de leur base, part une autre écaille libre pareillement, finissant en pointe, mais plus allongée, et représentant un aiguillon. Notre poisson est presque le seul à présent qui ait ce caractère singulier : sem- blable en tout le reste à la plupart des spares , très-commun sur les côtes de Gênes, il doit se trouver dans beaucoup de cabinets ; peut-être même a-t-il un autre nom systématique. Mais comment le reconnoitre dans cette nombreuse famille de spares , sciènes , labres, perches, etc., où non-seulement les espèces sont en général problématiques, mais où les lignes de démarcation de chaque genre n'étoient pas exactement tracées avant M. de Lacépède? Les nageoires pectorales sont un peu allongées et composées de vingt-trois rayons dichotomes: la nageoire dorsale a onze piquans sans filets ramentacés et dix rayons flexibles. L’anale a trois piquanset neufrayons. La nageoire de la queue, enlin ter- minée en croissant , est formée de dix-sept rayons multifides. La tête courte , en pente, recouverte d’écailles, a à peu près les mêmes dimensions que dans les espèces congénères : la bouche en mouvement s’avance de sept à huit lignes; les lèvres un peu charnues ne sont point extensibles; les mächoires sont d'égale grandeur et garnies de dents incisives, courtes, aiguës, droites, serrées entre elles , et disposées sur plusieurs rangs. Point de molaires ; les yeux ronds, blanc d'argent, ont la prunelle brun-noir. Les opercules sont couvertes d’écailles : chaque écaille du dos est carrée, taillée en biseau et striée à D'HISTOIRE NATURELLE. 369 son bord extérieur. La ligne latérale part de la seconde piece des opercules, et arrive, sans interruption et sans se dévier , jus- qu'à la nageoire de la queue; parallèle au dos, elle en est trois fois plas rapprochée que du ventre. Elle est couverte d'écailles semblables aux autres, mais beaucoup'plus renflées en dessus. Les couleurs de ce beau poisson disparoissent après sa mort: les individus que je vous envoie ne vous présenteront plus qu'un gris-foncé sur le dos et un blanc-jaunâtre sur le ventre, Le spare à trois aiguillons est cependant un des plus jolis poissons de la Méditerranée. La partie supérieure de sa tête et son dos sont d’un beau vert de bouteille; cette couleur, plus foncée près de la nageoire dorsale, s’éclaircit en s’en éloignant, et vient par degrés se réunir au blanc argenté qui fait briller le ventre de l'éclat du diamant; une tache noire rectangulaire se'fait remarquer de chaque côté, au-dessous de la ligne latérale. La tête est embellie par deux bandes bleu d'azur qui partent des opercules et passent, lune au-dessus, l’autre au-dessous des yeux ; les nageoires de la poitrine et du ventre sont d'un blanc-jaunatre. Les autres sont presque noires, ornées de petitestaches bleu d'azur, qui auroïent pu faire donner au poisson le nom d’argus , sicelui detricuspidatus ne tenoit pas à un caractère plus constant et plus remarquable. Quant aux proportions respectives des différentes parties, les dessins vous les feront connoître mieux que mes descrip- tions. De tous les individus que jai vus, le plus gros n’avoit que neuf pouces de longueur. Nos pécheurs en prirent beau- coup l'année passée , au mois de juin et de juillet {les femelles avoient déposé le frai ) ; ils le nommoient o locco , et parois- soient le regarder comme une espèce peu commune et qui 10 47 350 ANNALES DU MUSÉÈUM ne paroit pas tous les ans. Au surplus, elle a mauvais goût , et elle se vendoit à bas prix. 2.0 Cenrroromus ruBExS ( le Centropome rouge ). Centro- pomus rubens , squamis lævibus , pinnä dorsali anteriore, ra- diis sex aculeatis. Centropome rouge à écailles lisses, et six aiguillons à la première nageoire dorsale. Est-ce un centropome? est-ce un diptérodon? Ces deux genres ne sont séparés que par la dentelure des opercules. Notre poisson pourroit, sous ce rapport, former le passage, car il n’y a que trois ou quatre dentelures très-courtes , très- émoussées à l'extrémité de la première pièce; en sorte que celle-ci paroit plutôt à trois échancrures que dentelée. Les diptérodons ont cependant un habitus différent ; leur tête est un peu aplatie en dessus, elle reborde sur les côtés, etle front s'avance au-delà de la mâchoire supérieure. Aucun de ces ca- ractères ne se retrouve ici : et c'est cette considération qui m'a décidé, à faire de notre espèce un centropome. On voit six aiguillons à la première nageoire du dos; un aiguillon et meuf rayons dichotomes à la seconde; dix-neuf rayons à la nageoire de la queue ; deux aiguillons et huit rayons à celle de l'anus ; un aiguillon et cinq rayons aux ventrales, et douze aux pectorales. Ce thoracin a le front nu, la bouche assez grande, et dont l’ouverture un peu oblique va de bas en haut; sa mâchoire inférieure un peu plus avancée, l’'infé- rieure légèrement échancrée; des dents en haut et en bas, très- menues el trés-serrées, disposées sans ordre sur plusieurs rangs. Les yeux sont proport ennellement fort grands: les opercules D'HISTOIRE NATURELLE. 371 . sont convertes de grandes écailles. La première pièce, comme je l'ai dit plus haut , a une espèce de dentelure à son extré- mité; l’autre a son bord parfaitement lisse. La membrane branchiostège est gâtée dans l'individu que je décris. Le ver- tex est remarquable par une petite éminence osseuse qui paroît le rudiment d'un aiguillon libre. Tout le corps est couvert de grandes écailles plates, un peu striées à leur bord extérieur , parfaitement lisses et douces au toucher : elles sont imbriquées et disposées enlignes obliques et brisées; en sorte que le sommet de l'angle est tourné vers la tête et situé précisément sur la ligne latérale. Cette lignepart, comme dans l'espèce précédente, de la dernière pièce des opercules, parfaitement parallèle au dos : elle arrive aussi, sans interrup- tion , à lanageoire de la queue. Elle est formée d’écailles un peu plus grosses que celles qui recouvrent le reste du corps , carénées longitudinalement, et dont la surface est inégale et raboteuse. L’anus est à égale distance de la 1ête et de la na- geoire de la queue. Le centropomus rubens est très-rare sur les côtes de la Ligurie: j'hésite même à le regarder comme une espèce indi- gène ; je n’en ai jamais eu qu'un individu. Les pécheurs qui me l'ont remis le connoissoient peu et le nommoient, je ne sais pourquoi, castagnena rossa. Ce poisson n’a aucun rap- port avec la castagnena ordinaire, qui est le sparus chromis des naturalistes. Aussitôt après en avoir fait Pemplette , je Vai remis à mon préparateur , sans observer si l'individu étoit rnàle ou femelle, et, dans ce dernier cas, sil avoit ou n’ayoit pas déposé le frai. L'histoire de ce joli poisson laisse donc beaucoup à désirer : il mérite qu’on létudie. Sa tête, AO X 352 ANNALES DU MUSÉUM son corps, ses nageoires sont d’un beau rouge, plus foncé sur le dos, ét plus clair sous le ventre. La teinte est à peu près celle dn sparus erythrinus. L'individu que je décris a quatre pouces de longueur. 3. Horocenrrus anus ( l'Holocentre argus). Æolocentrus versicolor, pinnis obscuris rubro-ocellatis. Holocentre à couleurs changeantes et à nageoires foucées, tachetées de rouge; taches en forme d'œil. Pas de doute sur le genre : les dentelures de la premiere pièce des opercules, les deux piquans de la seconde, la forme du corps , la nageoïire du dos unique; en font un holocentre pour Bloch et pour M. de Lacépede. ” Cepoisson, très-commun dans nos marchés, méprisé par les consommateurs parce que sa chair n’a point un goût délicat , négligé pareïllement par les pêcheurs qui n’apprécient jamais les poissons que par les demandes des consommateurs, paroit avoir échappé aussi aux naturalistes, qui quelquefois ont besoin eux-mêmes d'être avertis de ce qu'ils ont à étudier. Linné, sans doute , en auroit fait une perche ; peut-être même Gmelin. en a-t-il fait mention dans ce genre obscur et presque indé- chiffrable: cette espèce est trop commune d’ailleurs pour qu’elle: n'ait jamais été connue. Rondelet paroiït en avoir parlé et en avoir donné une planche aussi mauvaise que sa description , ed. lat. lib.6, pag. 175, Turdorum secundum genus, fig. sup. Ne seroit-ce pas aussi la phyces ou fula de Salviani ; pl. 227, p. 92, espèce très-distincte du blennius phyces, Gmel. Hist. nat. 1, 1159, 7? Je soupçonne enfin que cette espèce est la même que le labrus argus dont M. Viviani vous a parlé. Si À he D'HISTOIRE NATURELLE. 373 cela est, je serois fâché d’ailer sur ses brisées; mais M. Vivia- ni est trop mon ami et celui de la vérité pour ne pas con- venir qu'il a vu ce poisson chez moi pour la première fois; que c’est moi qui lui fournis alors loccasion de l’observer , et que, curieux dans la suite de létudier et de le faire con- noitre, j'ai fait seul quelques recherches qu'il avoit crues in- différentes. L’holocentre argus a dix aiguillons et quinze rayons dicho- tomes à la nageoire du dos ; quinze rayous à celle de la queue, qui est tronquée à son extrémité ; troisaiguillons et sept rayons à celle de lanus : le second aiguillon est le plus épais et le plus fort. Les ventrales finissent en pointe, et sont composées d'un aiguillon et de cimq rayons : les pectorales, qui sont très-allongées, ont treize rayons mous et flexibles. La tête est grande est dénuée d’écailles ; la bouche extensible comme dans les spares, à grande ouverture droite; la mà- choire inférieure est un peu plus avancée: toutes deux sont ar- mées de dents incisives, aiguës, disposées sur plusieurs rangs, Dans la mächoire d’en-haut, les dents de devant sont les plus fortes et les plus grosses; dans celle d’en-bas , c’est tout le contraire : de petites dents très-courtes et très-serrées entre elles, occupent le milieu, et d’autres dents, plus grosses du double, presque isolées, sont disposées sur les côtés. Tout le corps est couvert de petites écailles assez régulièrement im- briquées. La ligne latérale , parallèle au dos, en est très rappro- chée : elle part de la dernière pièce des opercules, et arrive, sans interruption , jusqu’à la nageoire de la queue; au surplus , elle est assez sensible. Les couleurs les plus élégantes ornent le corps de ce beau poisson. Les nageoires du dos , de la queue et de l'anus, sont 374 ANNALES DU MUSÉUM tantôt bleu de roi, tantôt d’un gris obscur , mais toujours par- semées de taches rondes, rouge-orange. Les pectorales et les ventrales sont blanchätres. Le sommet de la tête est foncé, le dessous du corps a l'éclat de l'argent; les côtés sont variés de bleu , de violet et de brun. Ces couleurs, distribuées par la nature avec art, forment des espèces de bandes transversales , et donnent au poisson un aspect changeant. Ce vêtement est encore moins beau que celui dont le mâle est revêtu dans la saison des amours : alorsle bleu , le brun et le violet prennent une teinte plus claire; le sommet de la tête et la partie anté- rieure du dos deviennent rouge-vermillon , et la pierre de Labrador est changée en rubis. Les ichthyologues auront de la peine à croire cette métamorphose. J’ose cependant la leur garantir:je l'ai vérifiée sur un assez grand nombre d'indi- vidus. La femelle conserve toujours ses couleurs foncées. Les holocentres argus sont communs dans nos marchés: les pécheurs les nomment bolaccio , et n'en font pas grand cas. On les conserve avec du vinaigre et des herbes aromatiques, et alors ils ne déparent pas nos meilleurs scabecci. 4° Pceuroneeres crrnarus (le Pleuronecte guitare ). Pleu- ronectes oculis approximatis sinistris, Carin& intermediä , squamis maximis , lined laterali carinatä. Pleuronecte aux yeux du côté gauche rapprochés, séparés par une ligne élevée, à écailles très-grandes : celles de la ligne latérale carénées dans leur longueur. Si notre citharus n’est pas précisément celui d'Aristote, qui étoit cependant un pleuronecte, je suis bien sûr au moins que cestcelui de Rondelet, ed. lat. x. lib. 11 , pag. 314. La planche D'HISTUIRE NATURELLE. 379 est à l'inverse, et présente les yeux à droite ; d’ailleurs le dessin est bon et l'espèce est très-reconnoissable. Tous ceux qui savent combien elle est commune dans nosimarchés, seront su rpris sans doute de ne pas la trouver dans les recueils systématiques; mais ce n’est pas le seul exemple d’une espèce anciennement connue et tombée ensuite dans l'oubli, parce qu’elle a été légérement décrite par celui qui Pavoit découverte, Au surplus, notre pleuronecte citharus a environ soixante- douze rayons mous et flexibles à la nageoïire du dos, dix-sept à celle de la queue, quarante-quatre à celle de l'anus. Les ventrales ont chacune six rayons ; et les pectorales , égales des deux côtés, en ont dix. La tête est grande, ainsi que l’ouverture de la bouche. Celle- ci est dirigée de bas en haut, presque droite. La mâchoire in- férieure est plus avancée, finit en pointe , etest un peu renflée sur les côtés. Les deux mächoires sont ammées de dents fortes, aiguës et recourbées en dedans. Les yeux sont de médiocre grandeur , très-rapprochés , séparés seulement par une ligne carénée qui, partant de l'extrémité du museau, va en dimi- nuant se réunir à la ligne latérale. Les opercules sont cou- vertes de grandes écailles : la première pièce a une ligne élevée parallèle au contour de son bord. La nageoire dorsale s’avance au-delà des yeux , et n’est séparée de celle dela queue que par un très-petit intervalle. Cette dernière est arrondie à son ex- trémité. Les deux côtés sont couverts de grandes écailles. La ligne latérale est marquée par des écailles semblables à celles qui couvrent le reste du corps, mais carénées dans toute leur longueur. Le côté gauche est jaune, le côté droit est blanc. Ce poisson n'arrive guère à plus d'un pied de longueur; il vit dans les bas-fonds, où on le pêche dans toutes les saisons. 356 ANNALES DU MUSEUM Sa chair est mollasse et a le gout de la vase ; aussi les pêcheurs en font-ils peu de cas et le vendent-ils toujours à bas prix. Is le nomment indifféremment berrea ou lingua bastarda , par allusion au pleuronectes solea, nommé ici lingua'el qui est bien plus recherché. M. Viviani a attribué le nom de Zin- gua bastarda au pleuronectes limanda ; mais il s'est trompé. Ce dernier poisson est fort rare dans le golfe de Gênes : je ne l'ai même jamais vu; et celui que M. Viviani m'a montré, est l'espèce même que je viens de décrire (1). 5.° Lopmus suDEGAssA ( la Lophie budegasse ). J’avois toujours regardé tous les poissons décrits et figurés sous les noms de lophius piscatorius, rana piscatrix , diable de mer, baudroiïe, elc. comme des variétés d’une même es- pèce, très-commune dans toutes les mers de l'Europe, lors- qu'une note de M. Ccoffroy-de-Saint-Hilaire, qui m'a été communiquée par mon respectable ami M. Latreille , m'a fait soupconner que ce préjugé pouvoir bien être détruit par lob- servation. J’ai alors tourné mes recherches sur des poissons qui jusqu'alors n’avoient excité que mes dégoûts, et elles ont été assez heureuses, puisqu'elles n'ont fourni les preuves de (1) Cette espèce de pleuronecte paroït la même que Bloch a figurée, pL 190, sous le nom de racrolepidotus , sole à grandes écailles. Cependant, comme Gmelin( Linné, $yse. natur. ) a confondu ce poisson de Bloch avec un autre très- dillérent, figuré par Broussonet , dans sa Décade ichthyologique , sous le nom de maneus, €t qu'il a cité pour synonyme, d’après Bloch, le pectez de Gesner (Jcon. animal, page 97), qui est un poisson observé à Rome, et probablement le même que décrit M. Spinola, la description que l'on trouve ici devient impor- taute pour Ja science, (Note des Professeurs du Muséum.) D'HISTOIRE NATURELLE. 377 l'existence d’une espèce probablement nouvelle. Elle a pour caractère constant l’appendice membraneux du premier ai- guillon dorsal, qui est triangulaire et dilaté à son extrémité. Malgré sa ressemblance avec les baudroies de Bloch, de M. de Lacépède, et surtout avec celle de Salviani, elle en est séparée par plusieurs caractères bien tranchés, qu'une description détaillée feroit aisément ressortir. Mais puisque M. Geoffroy a entrepris un travail sur les baudroies, je ne veux pas le prévenir. . La mer de la Ligurie fourniroit encore un grand nombre d'espèces qui demanderoient , pour être mieux connues , une description bien circonstanciée et de longues discussions de synonymies. M. le professeur Viviani vous en fera connoitre quelques-unes remarquables par la grandeur de leur taille et le goût exquis de leur chair, telles que la sciena figaro , le gadus morone , etc. Les cinq espèces dont il vous avoit parlé, ne sont sn pas aussi nouvelles a il avoit cru d’abord. Sa trigla pygmea n'est à mes yeux qu'une triglé hirundo qui n’a pas encore pris Son accroissement : Son Cyprinus gigan- teus, en génois pesce re, est le zeus luna, Lin. ap. Gmel. 1. 1125. 4; le chrysotose lune de M. de Lacépède, l'opale de Pennant , et le poisson-lune de Duhamel. Je finirai, Monsieur , cette longue épitre par un petit supplé- . mentau catalogue que vous a fourni M. Viviani. Ne croyez ce- pendant pas qu’on puisse vous donner lesnoms génois de toutes les espèces qui habitent nos mers; les pêcheurs ne donnent guère qu'un nom vague à toutes celles qui ne sont pas recher- chées par les consommateurs, et en revanche ils multiplient les dénominations des autres , en tenant compte des moindres différences de taille et de couleur. Chaque petite plage de nos 10. 43 375 ANNALES DU MUSËUM côtes a sa nomenclature qui n’est plus comprise à une demi- lieue, et le marché de Génes est le centre où tous les noms viennent se confondre et désespérer celui qui veut en sur- charger sa mémoire. Lorsqu'une espèce d’un genre nombreux est de beaucoup supérieure à ses congénères , les vendeurs de poissons ajoutent à son nom l’épithète de veaxe , véritable , et les autres ne sont plus que bastarde, bâtardes. De là le grand nombre de nasselli bastardi, leccie bastarde , laxerte bas- tarde ,eic.; dénominations vagues qui conviennent à plusieurs espèces. Si au contraire une bonne espèce présente quelques variétés dans ses couleurs, les pêcheurs sont bien aises de faire entendre qu’elles tiennent à une différence d'habitation ; de là les treggie de fondo, d'alga, d'arzillo , de scheuggto, etc., qui ne sont que les mullus surmuletus. Après vous avoir prévenu, Monsieur, de cette tonfasion!;;e * viens à ma petite liste. NOMENCLATURE om DE M.DE LACÉPEDE. DE LINNÉ. GÉNOISE. _———_—— [Murène myre. Muræua myrus. Teagallo ( le serpente de mà est le même que la biscia de mà, et c'estle EA murænae serpens ). Gade séy. adus virens. Nassello de Corso ( es- èce rare ). (Gade bib. Gadus luscus. k ) Gade lote. Gadus lota. Blennius phyces. Mostela de fonde. Blennie phycis. Blennie lièvre. Blennius ocellaris. Bavosa, D'HISTOIRE NATURELLE. DE M. DE LACEPÈDE. Blennie coquillade. Biennie pholis. Caranx. Coryphène rasoir. Marcroure berglax, Triglelyre. Trigle hirondelle. ITrigle grondin. | Chrysostose lune. Mulle surmulet. Mulle rouget. Lutjau anthias. Lutjan olivâtre. Lutjan Japine. Lutjan marseillois, Labre merle. i abre tourd. Labre boisé. Spare canthère. NOMENCLATURE Er mecs SES) DE LINNÉ. EE TEE Blennius galereta. Blennius pholis. GÉNOISE. Bavosa. Scomber aculeatus. Bloc. | Lecceà ( espècedistinete, Coryphæna novacula. Coryphæna rupestris. Trigla lyra. Trigla hirundo. Trigla cuculus. Trigla lineata.—Gmel. 1. 1548. 12. Bond. page 296. Mullus imberbis. Zeus luna. Mullus surmuletus. Mullus barbatus. Labrus anthias. Labrus olivaceus. Labrus lapina. Labrus unimaculatus, Labrus merula, Labrus turdus. di Labrus tessellatus, Lacép. Sparus cantharus. confondue par les pè- cheurs avec le scomber glaucus ). Rasd (le nom de pesce pettine est ilieoÿ, POUR Espèce très-rare ( je n'en ai vu qu'un seul in- dividu d’un pied de long) Organo. Cheussano. Rubin Rosseise. Pesce rè. Treggia veaxe. Cavouei. Pesce luna. ! Laggion ( c’est sous ce nom et souscelui encore plus vague de pesce de schenggio, que nos pé- cheurs confondent pres- que tous les poissons de cette famille nombreuse et obscure). Tanua. 48 * Sphyrène spet, Osmère saure. DE LINNÉ. Esox sphyræna: Salmo saurus. Lepadogastère de Gouan. |. Syngnathe aiguille. Tetrodon lune. Baliste caprisque. Squale rousselte. Squale rochier. Squale glauque. Squale emissola. Squale humantin. Squale ange. Squale aiguillat. Squale sagre. Raie aigle. Raie pastenaque: Raie batis. Raie miralet. Raie oxyrhinque. Raie bouclée. | Syngnathus acius. Tetrodon mola. Balestres capriseus, Squalus catulus. Squalus canicula. Squalus stellaris. Squalus glaucus, Squalus mustellus. Squalus centrina. Squalus squatina. Squalus acanthias. Squalus spinax. Raja aquila. Raja pastinaca. Raja batis. Raja miraletus. Raja oxyrhincus. Raja clavata. LATURE ANNALES DU MUSÉUM LESC DT SPRL DOVE ERP LPS LL D PE EE 2 EN NENEREE PEE SSPNRE ETAEN ST NOMENC Po DE M. DE LACÉPÈDE. GÉNOISE. Lussao de ma. Agheu. Bavosa à becco d’acca(rar.) Trombetta. Mena. Capron. Gatusso ( nos pêcheurs donnent ce nom indiffé- remment à Lous les squa- les tachetés). Verdon. Nissena, Pesce porco. Pesce angeo. Pesce can (le sq. spinax est si rare sur nos côtes, qu'il n’a pas de nom par- ticulier ). Feraccia (espèces distinc- tes, mais Loujours con- fondues parles pêcheurs, qui n’en font aucun cas. parce que les raies sont toujours à bas prix), © © © 2 TT, mm Raza. Raza cappuccina. Raza à becco. ES, Raza con spine. D'HISTOIRE NATURELLE. 38t RAPPORT A la Classe des sciences physiques et mathé- maliques de l’Institut. PAR M CUVIER. La Classe nous à chargés, M. Lacépède et moi, de lui rendre compte d’un écrit adressé de Berlin sur le cadavre d’un animal découvert dans la mer Glaciale, et intitulé Mammouth. Cet article est la traduction d’un autre qui a été inséré dans une gazette de Berlin, et que nous savons avoir été rédigé par le savant minéralogiste, M. Karsten, d'après une re- lation françoise publiée à Pétersbourg par M. Ædams. I] ne seroit donc pas susceptible de rapport; mais comme l’objet en est important, et que des expressions ambiguës ont déjà donné lieu à quelques erreurs dans les journaux ou dans les conversations, nous ne croyons pas inutile d’en faire le texte de quelques observations. ILest bon de rappeler d’abord que le nom de Mammours a été donné à deux animaux fossiles différens. Le premier, nommé ainsi de toute ancienneté par les Sibériens et les. 382 ANNALES DU MUSEUM Russes, se rencontre abondamment dans tout le nord de l’ancien continent : c'est une espèce d’éléphant dont livoire se conserve si bien dans les climats froids, qu'il y est devenu un objet de commerce, sous le nom de cornes de mammoutk. Nous avons l'honneur de présenter à la Classe une figure de sa tête, envoyée à l’un de nous par l'Académie de Pé- tersbourg ; nous y joignons une de ses dents mächelières , trouvée en Sibérie, prise parmi une vingtaine venues de ce pays-là, en différens temps, au cabinet d'histoire naturelle ; et une autre déterrée dans le canal de l'Ourcq, et que nous de- vons à M. Girard , ingénieur en chef de ce canal. Ces pièces prouvent que ce mammouth est un éléphant , mais assez dif- férent de celui des Indes, auquel il ressemble cependant par les proportions. L'un de nous a développé amplement tous ces faits dans un Mémoire lu à la Classe l’année dernière; mais ce nom de mammouth a aussi été donné , quoique très-mal-à-propos, à un autre animal fossile plus commun dans le nord de l'Amérique. Les Américains le croyant d’abord le même que celui de Sibérie, lui en transporterent le nom , et le lui donnent jusqu'à ce jour. Il est aussi fort grand, et portoit, comme le premier, une trompe charnue et des défenses d'ivoire; mais ses mächelières étoient hérissées de gros tu- bercules au lieu d’être formées de lames. Ce caractère a dé- terminé l'un de nous à lui donner le nom de Mastodonte, pour le distinguer du vrai Mammouth ou éléphant fossile. Nous présentons à la Classe la figure de sa tête, envoyée d'Amérique; celle de tout son squelette , envoyée de Londres; une deses défenses et deux de ses mächelières. Nous Jui rappelons aussi que dans le Mémoire lu à la Classe D'HISTOIRE NATURELLE. 383 par lun de nous, il fut prouvé qu'il existe encore parmi les fossiles quatre autres espèces de mastodontes distinctes de celle-là. Après cette récapilulation nécessaire de ce que l’on savoit sur les mamimouths et sur les animaux qui en ont usurpé le nom, voyons ce que le cadavre découvert en Sibérie peut y avoir ajouté. Il faat distinguer dans la description ce que M. Adams a vu par lui-même de ce qui lui a été raconté, et ce qui ne fait qu’ajouter aux faits connus d’avec ce qui les contrarie. Un Tonguse découvrit de loin, en 1799, une masse sin- gulière dans un monceau de glace, mais sans pouvoir en approcher. En 1500 ,il vit encore de loin qu'elle se détachoit un peu des glaçons et montroit des parties saillantes. En 1801, il aperçut une des défenses tout-à-fait dégagée. En 1802, l'été ayant été mauvais, les glaces recouvrirent ce corps inconnu. Ce n’est qu’en 1803 que les glaces s'étant fondues , la masse tomba, par son propre poids, sur un banc de sable. En 1804 ,on lui coupa les défenses pour les vendre, et on en fit un dessin, apparemment comme des Tonguses peuvent le faire. Au surplus, dans ce qu'on nous dit de ce dessin, il n'y a que les oreilles pointues qui soient un peu contradic- ioires avec ce que nous ayons pu croire jusqu'ici du mam- mouth. Quand M. Adams le vit en 1807, les animaux de toute espèce en avoient dévoré la chair; le squelette étoit mis à nu, et un pied perdu. Ce que l’auteur appelle les lèvres étoient enlevées. 384 ANNALES DU MUSÉU M Par conséquent , lorsque M. Adams dit qu’il manquoit de 1rompe et de queue , cela siguilie seulement qu'il n’y en avoit pas quand il l'a vu. Si l'animal avoit eu des défenses sans trompe, il n’auroit pas été terrestre comme le mammoutk. Nous devons croire aussi que c’est à cause du désordre des os, ou par une faute d'impression, que M. Adams lui donne quinze pieds de long sur neuf de haut: cette proportion ne pourroit nullement s'accorder avec celle du vrai mammouth, qui est la même que celle de l'éléphant des Indes ou à peu près. Si en eflet cette proportion étoit vraie, et qu'il n’y eût pas eu de trompe, lon pourroit croire que c’étoit simplement un cadavre de mnorse ou vache marine ( trichecus rosmarus) ; mais alors il n’auroit pas eu des défenses de neufs pieds de long, et on n’auroit pas pu les confondre avec celles du mam- mouth, dont elles diffèrent beaucoup par le tissu. Il est vrai que M. Adams v’a point vu ces défenses par lui-même. Au surplus, les doutes que ces circonstances laissent encore sur la relation de M. Ædams, seront éclaircis s’il nous donne, comme il le promet, la figure des os qu'il a conservés. Un seul nous sufliroit; mais s’il y joignoit surtout une mâcheliére, il ne resteroit rien à désirer. Ce qu'il dit de la tête, qu’elle pesoit seule quatre cents livres, ramène les idées vers le vrai mammouth, aussi bien que la grandeur des défenses ; etalors il faudra qu'il se soit trompé sur les proportions, ou qu'il les ait mal écrites: car, on le répète, comme on a tous les os du amammouth, ses proportions sont bien connues. Si donc il est une fois bien constaté, par la publication des ossemens, que ce cadavre étoit vraiment celui d'un mam- mouth de Sibérie, c’est-à-dire d’une espèce d’éléphant , la D'HISTOIRE NATURELLE 385 relation de M. Adams deviendra tres-précieuse par une der- nière circonstance : c’est que cet animal étoit couvert de poils de deux espèces; de roux, plus fins et plus courts, et de noirs dépassant les autres ; ces derniers formoient méme une criniere sur la nuque. Ces poils étoient si abondans , qu'outre ceux qui couvroient encore les parties intactes du cadavre, lon en trouva trente- cinq livres pesant d’abandonnés et d’enfouis par les animaux qui avoient dévoré les chairs et la peau qui manquoient. Cette circonstance , vue par M. Adams lui-même, n'étant point de nature à prêter à l'illusion, peut être regardée comme certaine. Elle prouveroit deux choses également importantes , en supposant toujours qu'il s'agit d'un mammonth. La première, c'est que cette espèce d’éléphant étoit diffé- rente de l'éléphant des Indes, ainsi que l'un de nous l'a déja prouvé par la comparaison de leur ostéologie. La seconde, c’est qu’elle étoit assez bien couverte pour vivre dans les pays froids. Ces deux circonstances n’auroient en ANNALES DU MUSEUM Sur un des côtés de la facette lamelleuse de la charnière, et particulièrement au côté droit de la coquille, c'est-à-dire à celui qui répond àla gauche de l'observateur, environ vers les deux tiers de la longueur de cette facette cardinale, on voit une grosse callosité oblongue, demi-cylindrique , que le liga- ment des valves semble envelopper, au moins partiellement , et qui paroît avoir été unie à une callosité semblable de l’autre valve. Le ligament des valves paroït s'étendre en grande partie sur les lames de la facette cardinale , et jusque sous la callo- sité, ce qui indique qu’il est réellement intérieur; mais ce ligament se montre au dehors, en s’insinuant dans une fente de la valve supérieure. Les deux impressions musgçulaires sont oblongues , bien séparées, et lune est moms de ou plus rapprochée de la base de la coquille que l'autre. La face interne de chaque valve offre une nacre lisse, très- brillante , et d’un blanc légèrement teint de violet ou de lilas. Cette face est parsemée irrégulièrement de boursouflures iné- gales qui paroissent accidentelles. Enfin le test, même à l’ex- rieur , ne montre partout qu'une matière nacrée. Pour la substance et le tissu lâche et lamelleux du test, c’est à l’avicule aux perles qu’il faut comparer cette belle coquille; mais elle n’en a ni la forme niles caractères. On la dit originaire de la mer des Indes, dans laquelle elle est adhérente aux rochers par sa valve inférieure. Cu Tom .10. Auet del. TE HERIE Trigonule : Vacque, r Ü laut, Je FL Tom -10: 1. ETHERIE ÆEllipugque ET ET. HERIE Trigonute ; Auet del. * Jacques, 77/72 Jeup ( D'HISTOIRE NATURELLE. Aoë 2. Éthérie trigonule. Etheria (trigonula ) sinistrorsa , subtrigona , gibbosula, supernè basique attenuata ; nate inferiore productiore remotissimo. n. J'avois d’abord présumé que cette coquille, malgré sa dif- férence de forme et la position inverse de sa callosité, n’étoit qu’une variété de la précédente; néanmoins considérant l'ex- trême inégalité des crochets de sa base, dont celui de la valve inférieure est très-prolongé en dehors, et par conséquent fort écarté de l'autre , ce caractère remarquable, joint à tous les autres, m'a semblé très-suflisant pour présenter celte éthérie comme une espèce particuliere et distincte. Cette coquille, quoique un peu moims grande et plus irré- gulière que celle qui précède, ne lui cède presque point en beauté et en éclat: elle est ovale, presque trigone, un peu rétrécie aux deux extrémités, moins aplatie, plus tourmentée et plus gibbeuse que léthérie elliptique. Sa longueur est de 21 centimètres et 4 nüllimètres (environ 7 pouces 11 lignes };et sa largeur dans son milieu égale 13 centimètres et 3 millimètres(environ 4 pouces 9 lignes }. Les deux valves ont les bords minces et tranchans, excepté à leur base, où elles sont plus épaisses. La facette lamelleuse de la charnière s'étend peu en lon- gueur transversale, mais un peu plus en largeur, ce qui lui donne une figure à peu près triangulaire. La callosité qu’en- veloppe le ligament est tout-àa-fait au côté gauche de la co- quille , c'est-à-dire au côté qui répond à la droite de l’obser- ho ANNALES D Ut MU SÈU M valeur : elle termine le côté large de la, facette cardinale, se dirige vers le crochet, et prend la même courbure que lui. La valve supérieure est plus courte de 41 inillimetres {d'un peu:plos de.18 lignes) que l'inférieure, son erochet étant moins avancé que celui de la valve inférieure qui se prolonge en dehors et laisse à nu la facette cardinale de cette valve, A la base de la valve supérieure ; On voit le ligament se mou- trer au dehors ‘en passant par une fente , et se recourber sur une partie de la surfice externe de celte valve. Le ligamient paroil'aussi pénétrer à travers l épaisseur de la valve inférieure, et former en dehôrs une espèce dé ‘peau appliquée sur une petite ‘partie de la surface externe de’ la valve dont il s'agit. Dans cette espèce’, conne dans la précédente, lé test est pacré tant en dedans qu'en déhiors; les impressions muscu- laires ont la même situations let én dedans il ÿ _. bour- souflures bulleuses et srlgièr@ 14 10} Enfin dans l'éthérie trigonule la face externe de la valve infériéure offrélencore, dans'tin ‘assez grand espace , les restes du granit ( du feld-spath et des D nié’) sur lequel ‘Ja coquille étoit fixée. RUES LES 1: 129 1100000! 56 -1 On-prétend que cette espèce! habite dans les mêmes mers qué la re b ao essuie" 10 esrio EEFTE ud 251 uv 25767 à hi Éthérie semi- Eh qu euly to e9lls. 10 98 Etheria (sémi-lunata) oblique ovala, térithäda, gibbosula ; latere postico high natibus ai cp -n.01 subæqualibus. n. "1 Il semble d'abord que cette éthérie ne soit qu une variété “et surtout qu'un individu très-jeune de l'éthérie elliptique 1.2. ETRERIE Semiunare. 8.2. ETHERLE Tansverse Cart seul D'HISTOIRE NATURELLE. 4o5 n.® 1. Elle est en effet beaucoup plus petite, et a en outre ses valves minces ou d’une médiocre épaisseur; mais sa forme n'est point la même que celle de la première éthérie, la coquille est moins aplatie, et son bord antérieur est arrondi, protubérant à sa base, et n'offre avec le bord opposé aucun parallélisme. Il y a donc lieu de présumer que cette éthérie constitue une espèce particulière, puisqu'elle est si distincte des autres. C’est une coquille longitudinale, demi-circulaire, obscuré- ment trigone, un peu oblique, irrégulière et inégalement ren- flée. Elle est longue de 95 millimètres (3 pouces et demi), sur 68 millimètres de largeur ( près de 2 pouces et demi), et a ses bords minces et tranchans. Sa couleur en dehors est à peu-près la même que celle de l'airain ou du bronze depuis long-temps exposé à l'air. Les lames qui composent la substance de la coquille et qui se recouvrent les unes les autres , sont toutes très-irrégulières dans leurs bords, et offrent sur le disque de la valve supé- rieure une multitude de lignes singulièrement contournées. Si l'on ouvre la coquille, on voit qu’elle est partout tapissée par une nacre assez brillante, mais d’un violet grisâtre et comme plombé, et lon remarque, surtout dans la valve infé- rieure, beaucoup de boursouflures bulleuses , irrégulieres , confluentes, d’un blanc jaunâtre. C’est vers leur base ou dans le voisinage de la charnière que la concavité des valves est la plus grande. Les deux impressions musculaires qu'on aperçoit dans chaque valve sont oblongues, latérales, bien séparées, et disposées à-peu-près comme dans l’éthérie n.° 1. La callosité 10 52 406 ANNALES DU MUSEUM cardinale est, fort petite, et le ligamentdes valves, qui paroïît l'envelopper d'un côté, se montre plus au dehors qu'à l'in- térieur. Cette coquille habite sur les rochers submergés qui envi- ronnent l'ile de Madagascar; elle, s’y trouve fixée par sa valve inférieure, Mon cabinet. 4. Ethérie transverse. Etheria ( transversa ) ovato-transversa, perobliqua , subgibbosa ; natibus contiguis PTT n. Il n'y a nul doute que cette éfhérie ne soit une espèce par- ticuhière, tres-distincte des précédentes, sa forme générale étant fort différente de la leur. C’est une coquille ovale, tellement oblique qu’elle est plutôt transversale que longi- tudinale, c’est-à-dire que ses dimensions en largeur l’'empor- tent éminemment sur, celles de sa longueur. En eflet, tandis que sa largeur est de 95 millimètres (environ 3 pouces et demi ), elle n’a que 66 millimètres de longueur (un peu moins de 2 pouces et demi). On voit de Jà que cette éthérie est, à-peu-près de la méme grandeur que Téthérie, sémi- _Iinaire, quoique. sa, forme. soit très-différente, et que l’une et l'autre sont. beaucoup, plus petites que les deux premières espèces, Pent-être , que les individus que je décris comme, aPPARIERARS, aux, SSRÉGER) n.® 3 et 4, sont encore jeunes, et qu ’en avançant -en, age, ils se= roient devenus plus grands. Quoi qu'il en, soit, l'éthérie trans- Perse; & or ande ou petite, devra toujours étre considérée, comme. une espèce, puticulière, a très-remarquable, D'HUSTOMRE NATURELLE, 467 En ouvrant cette coquilles, on voit qu'il résiite de à forme ‘transversale ,(que’les: dei impressions nrüsculatres Sütit proportionnellement beaucoup plus écartées étre ellés qu'elles ne de sont dans les'trois prernières ! espèces dé ce genre:, let'que Pmégalité dekeur élévation as Ja “céipuillé est moinsrgrandeé. EL UAT Enfin, la situation de la charnière est près du milieu (dû bord imférieur:, ‘c'est-à-direrau-delà du premier tièrs de ce bord; et lés ‘deux 'crochets, presque contipus ‘ét ‘égaux, 286 courbent l'un vers l'autre, de mamere-quioh: in (fa la coquille soit droite ou gauche. La callosité cardinale est petite, arqnée, fort oblique, ét le ligament des valves semble autant intérieur qu’extérieur. Il laisse sur la base de la valve inférieure une cavité qu'il remplissoit et qui communique en dehors. L'intérieur des valves est nacré, coloré comme dans l’éthérie sémi-lunaire , et garni de boursouflures bulleuses, surtout dans la valve inférieure. Sous la valve inférieure, on remarque un large espace par lequel cette coquille étoit fixée sur un rocher d’une ma- nière immédiate. Une particularité accidentelle, mais assez remarquable, c'est que la valve supérieure de cette coquille est parsemée d'une multitude de petits corps ovalaires, presque hémisphé- riques, lisses et fixés sur cette valve comme des femelles de cochenille le sont sur les plantes. Ces petits corps graniformes sont très-nombreux, les uns encore entiers et bien convexes, et les autres enfoncés sur le dos et comme affaissés. Je sup- pose que ce sont des œufs de quelques petits coquillages 5x 408 ANNALES DU MUSÉUM ou de vers marins. Ils sont tous à nu, et ne paroissent pas avoir été enveloppés d'aucune matière animale lorsqu'ils ont été déposés. Je me suis procuré cette éthérie en même temps que la précédente, et lon m'a assuré qu'elles habitoient l’une et l'autre sur les rochers maritimes de l'ile de Madagascar. Mon cabinet. Ainsi voilà quatre espèces d’un nouveau genre de coquil- lages bivalves, appartenans évidemment à la famille des cames, et cependant se rapprochant singulièrement de celle des huîtres , surtout par le défaut absolu de dents à la charnière. D'HISTOIRE NATURELLE. Log DESCRIPTION GÉOLOGIQUE Des brèches coquillières et osseuses du rocher de Nice, de la montagne de Montalban , de celles de Cimies et de Villefranche, qui tien- nent au méme système de formation. — Observations critiques au sujet du clou de cuivre que Sulzer dit avoir été trouvé dans l’intérieur d'un bloc de pierre calcaire dure de Nice, et que divers naturalistes ont cité comme un fait certain, d'après l'académi- cien de Berlin. PAR M. FAUJAS-SAINT-FOND. Lxs brèches des environs de Nice, qui renferment des co- quilles fluviatiles, terrestres et marines, mélées avec des os- semens d'animaux; celles des environs d'Aix, où l’on trouve de petits écussons de tortues de mer, qu'on avoit regardés dans un temps comme des parties de cränes humains; celles ro ANNALES-DU MUSÉUM de Cette, où des ossemens de quadrup èdes terrestres sont confondus avec ceux d'animaux marins ; les “brèches de Gi- braltar, où Yon distingue beaucoup Apte de quadru- pèdes térrestres; celles de Romagnano, riches èn molaires et en défenses d’éléphans, AE avec des os maxillaires qui paroissent ‘appartenir au genre wntilope ; les brèches de Dalmatie, de Cerigo , de Corse, et tant d'autres semblables que je poufrois rappeler ici, et qui océupént de gränds espaces sur les bürds et dans plusieurs îles de la Méditer- ranée., paroissent tenir à un même système de formation, qui pourroit bien wêtre pas étranger à l'invasion subite de Océan, lorsqu'il rompit ses formidables barrières du côté es colonnes d'Heércule, en ouvrant le détroit qui a donné naissance à la mer Méditerranée. Des descriptions exactes de ces diverses brèches, ‘faites par des personnes qui auroient observé les lieux avec soin et en y mettant l'attention et le ‘temps nécesSaires, pourroient for- mer un jour, par leur rapprochement, ‘dés matériaüx utiles à la géologie. C’est dans cette intention que je vais donner quelques détails sur celles de Nice, de Montalban, de Cimies et de Villefranche, qui doivént étre considérées comme te- nant à des gisemens qui se lient les uns aux autres par des rauilications non interrompues. J'ai fait divers voyages et des séjours de plusieurs mois à Nice, en portant constamment mon attention sur ces singu- Bières brèches; je les visitai encore au mois de septembre 1805, avec M. Marzaride Vicence , avec MM. Mars’et Richo, de Nice, troïs naturalistes instruits. Je vais transerire doi l'extrait des observations que jai consignées dans le journal D'HISTOIRE NATURELLE. hui de ce dernier voyage, et ces 9bservations, je les ai écrites sur les lieux et en présence des objets. Roclier de ice. Le roc escarpé sur lequel on voit les vastes ruines d'un château fort, détruit. par Louis XIV, est nu et n'offre aucune culture ; son pee battu par la mer , est sans cesse: lavé par les vagues du côté du couchant : il entoure l’anse qui forme le port. Sa hauteur moyenne est de cent vingt pieds environ dans cette partie : imais:il s’abaisse un pen avant d'arriver au bagne , se releve ensuite, et s'attache: par:sa basea la montagne de Montalban. Comme on a fait de grands travaux pour ouvrir une-route au bord de la mer, afin de; faciliter. les arrivages aw port, etqu'on, s'occupe, il y a plus detrenteans, à miner leroc, tant pour agrandir la voie, que pour tirer des pierres destinées à la construction des édifices ; ces différens arracherens ont mis à nu l'organisation intérieure de ce roc: maisil faut avoir le pied leste et Ja tête ferme pour l’escalader;et arriver sur des empla- cemens. d'un. difficile accès, qu'il faut nécessairement voir, et voir plusieurs, fois, pour, se former. une idée; précise: d'une structure, qui est peu facile à bien saisir pour celui quin’'auroit pas un grand usage d'observer la nature en place. La pierre calcaire est d'un gris-cendré, qui. passe: quel- quefois au gris lavé de blanc, et d’autres fois prend une teinte jaunätre, Son grain est fin, sa pâte est dure et reçoit le. poli : elle peut étre considérée comme un marbre commun. La disposition des masses est plus difficile à saisir: car d’a- bord l'on croit reconnoitre des bancs épais qui auroient perdu leur aplomb; mais à quelques pas de là la disposition des 412 ANNALES DU MUSÉUM masses change subitement. L'æ1ii ne voit plus que des blocs anguleux , éürmes, fendus en divers sens, s'inclinant de côté et d'autre, comme si la montagne entière eùt éprouvé de grandes secousses verticales qui auroient brisé les bancs, et des secousses latérales qui en auroient dérangé l'assiette. Ce désordre , qui est général, est plus ou moins modifié dans quelques places; mais il est constant. Tel est le résultat de l'énergie des forces qui ont soulevé et ébranlé dans tous les sens, non-seulement le rocher de Nice, mais les montagnes environnantes. Ces chocs ou ces commotions ont été tels, que des déchi- rures, qui ont quelquefois dix à douze pieds d'ouverture , se manifestent ainsi depuis le sommet jusqu’à la base , décri- vant tantôt des diagonales, tantôt se courbant en arc de cercle ou se croisant sur quelques points avec des ouvertures semblables, et formant alors des doubles cavités disposées en voûtes ou en arcades: ce sont ces grandes Me vi de conti- nuité qui sont remplies par une brèche composée d’une multitude de fragmens et d’éclats anguleux de la pierre cal- caire qui constitue le rocher, d’une multitude d’ossemens fracturés, de coquilles terrestres , fluviatiles et marines, étroi- tement réunis par un ciment d’un rouge ocreux très-dur , mélangé de quelques veines de spath calcaire blanc; en un mot, cette brèche est analogue, tant par la nature que par la couleur du ciment, à celle de Gibraltar , de Cerigo, de Roma- gnano , de Cette , etc. , au point qu’il est facile de les confondre. 11 est donc nécessaire de distinguer dans le rocher de Nice deuxmodes d’être différens: le premier, qui tient à la constitution de ce rocher, disposé en grands bancs horizontaux dans l’ori- gine ; lesecond, à l'état actuel dedisruption de ces bancs en blocs D'HISTOIRE NATURELLE. h13 énormes, sans que ceux-ci aient pour ainsi dire changé de place: ils ne sont qu’ouverts ou inclinés, et ressoudés très- souvent par du spath calcaire blanc très-limpide, et quelque- fois par du ciment rougeûtre de la brèche, qui a saisi en même temps quelques petits fragmens anguleux de la même pierre et quelques coquilles marines qui ont conservé leur nacre, entre autres le turbo rugosus, Linn., qui habite la Médi- terranée, et qui se trouve dans des fissures à une élévation de plus de cent pieds au-dessus du niveau de cette mer. Dans l’état actuel, le rocher de Nice peut être considéré comme une brèche en blocs anguleux, d’un volume consi- dérable, cimenté en place ; mais cette première espèce de brèche ne doit être regardée ici que comme attestant un grand fait , et démontrant que les montagnes environnantes, qui portent le même caractère, ont éprouvé de terribles com- motions. Quant à la seconde brèche, c’est-à-dire celle à ci- ment rouge et qui paroit tenir au même accident de la na- ture , celle-ci porte des témoignages d’un autre genre; les débris d'animaux terrestres et marins dont elle est composée, n’ont pu être transportés dans les grandes et pelites fissures où on les trouve accumulés dans un état de désordre et de destruction, que par une mer courroucée, qui s’en est emparée dans une invasion faite sur un sol où ces animaux vivoient et où la mer a mêlé quelques-unes de ses productions avec d’autres productions étrangères à cet élément. C’est dans les plus larges flons de cette brèche qu’on trouve le plus de coquilles mélées avec des fragmens d’ossemens. C'est à M. Cuvier à nous faire connoiître quelques-unes des espèces de quadrupèdes qui ont été la victime de cette ca- tastrophe. Malgré que la plupart de ces ossemens soient en 10. 53 hi4 ANNALES DU MUSÉUM mauvais état , je ne doute pas que ses hautes connoissances en ana tomie comparée ne répandent un grand jour sur cette ma tière. Quoique j'aie été à portée de voir beaucoup de ces osse- mens, tant sur les lieux, que dans plusieurs collections où on les a recueillis avec soin , ils ont souffert de si grands chocs qu'ils sont en général presque tous brisés, et que les mieux conservés que j'aie pu me procurer, sont des fragmens de cinq à six pouces de longueur sur un pouce au plus de lar- geur, dont les uns paroissent des portions de côtes, d’autres de tibia; un fragment d'os maxillaire , auquel deux dents sont encore attachées, est le seul morceau qui ait quelques rapports avec des dents de cerf. Les racines et une partie de l'émail sont bien conservés ; mais l’extrémité des couronnes est frac- turée, Les coquilles sont en général plus faciles à reconnoitre, J'y ai trouvé, 1. plusieurs hkelix , notamment le cornea , qui est bien distinct, quoique un peu spathique. Il est rempli de la substance rougeàtre, dure et pierreuse , qui forme le ciment de la brèche. L’helix pisana y est aussi très-reconnoissahle. 2° Le puppa cinerea, dans le centre d’un morceau de brèche fort dure que j'eus de la peine à briser. 5.° Un planorbe de grandeur moyenne, qui paroit étre l'analogue du spirobis de Draparnaud , pag. 45. 4° Une belle coquille marine, remplie du ciment de la brèche, et dont on voit encore une partie de la nacre ar- gentée: c’est le turbo rugosus, Linn. edit. de Gmehn, page 3592 ; Gualtieri, tab. 63, fig. F, H. Cette coquille est indi- gène à la Méditerranée. J'ai vu à Cornigliano, à trois milles de Gênes, dans le D'HISTOIRE NATURELLE. hab magnifique cabinet de M. Durazzo, plusieurs beaux échan- tillons de la brèche de Nice, parmi lesquels jai reconnu , 5° De grosses serpules marines, prises dans un même échantillon de brèche, sur lequel étoit attachée une wvolute, diflicile à déterminer quant à l'espèce, parce qu’elle étoit presque entièrement passée à l’état de spath calcaire, Quant au clou de cuivre que Sulzer dit avoir été trouvé dans un bloc calcaire du rocher de Nice, je renvoie à en faire mention lorsque je dirai un mot de la brèche de Ville- franche; car ce ne fut point dans le rocher de Nice que le clou fut découvert: Sulzer se trompa même sur la localité. Brèche de la montagne de Montalban. En parcourant l’enfoncement que forme le petit port de Nice au milieu des collines qui l'entourent, il faut se rendre dans la partie où est situé le bagne dit le Quartier des ga- lériens , Von se trouve alors au pied de la montagne de Mon- talban, cinq fois plus élevée au moins que le rocher de Nice. Sa base est baignée par la mer dans cette partie. La brèche à ciment rouge, la même que celle de Nice, sy montre à découvert et y occupe un grand espace; mais on ne la trouve qu’à soixante pieds environ au-dessus du niveau de la mer: l'intervalle entre cet espace est composé des matières sui- vantes, en partant de la base. 1° De grands bancs fortement inclinés du nord au sud, mis à nu, dans une épaisseur d'environ vingt pieds, par les travaux qu'on y a faits en ouvrant une grande carrière dont on tire des blocs de pierres de taille, de la même qualité et couleur que ceux du rocher de Nice. J'ai reconnu dans cette pierre quelques madréporiles. 53* 416 ANNALES DU MUSEUM 2.* Au-dessus de la carrière, un dépôt de calcaire mar- veux grisâtre, friable et presque sans cohésion, qui a cinq à six pieds d'épaisseur. : 3° Ce dépôt est surmonté d’une bande de six pieds de hauteur moyenne, d’nn calcaire marneux de couleur ver- dâtre , dans lequel une multitude de fragmens anguleux de pierre calcaire grisâtre se trouvent comme implantés et mélés avec de petites belemnites spathiques, souvent fracturées, qui sont dans le calcaire marneux verdätre. M. Pabbé Bolson a fait mention de ces bélemnites dans un Mémoire particulier sur l'orictographie de Nice. 4.° Une petite couche de sable quartzeux gris, à gros grain, est au-dessus , et sert de support à un poudingue calcaire de la même couleur , qui a deux pieds d'épaisseur moyenne. 5° Ce dernier est recouvert d’une couche, de deux pieds d'épaisseur, de sable quartzeux, de couleur rougeätre, auquel succède un second poudingue formé de pierres calcaires ar- rondies, qui a quatre pieds d'épaisseur. 6° On arrive enfin, par une pente rapide, sur un sol pier- reux , mêlé de terre d’un rouge de brique foncé, que Part à mis en culture, et où l’on voit de toutes parts des oliviers, des caroubiers, des figuiers gigantesques , et des vignes au-dessous ; deshaies de grenadiers , de mirthes , de térébinthes et de len- tisques, entourent ce magnifique jardin, disposé en amphi- théâtre et divisé en un grand nombre de petites propriétés. Ces champs pierreux sont si bien cultivés et conviennent si parfaitement aux arbres et aux vignes dont ils sont couverts, etle climat y est sitempéré pendant l'hiver, qu'on tire le plus grand parti de ce sol, qui seroit ingrat et stérile sous une la- ttude moins douce. Les premiers défrichemens doivent avoir D'HISTOIRE NATURELLE, 417 donné beaucoup de peine; car ils ont été pratiqués immé- diatement au-dessus du poudingue, mélé d'un peu de terre descendue , avec le temps, des escarpemens supérieurs. La culture est cause qu’on ne peut pas observer dans cette partie l’organisation intérieure de la montagne : on voit bien de toutes parts la terre rouge analogue à celle de la brèche qui traverse en divers sens le rocher de Nice; mais il pa- roit que cette brèche est recouverte, sur la partie méridio- nale dela montagne de Montalban, d’un manteau de pou- dingue calcaire gris, dont les pierres arrondies sont quelque- fois très-adhérentes, et forment de grandes masses qui gisent au-dessus de la terre rouge, et recouvrent probablement la brèche osseuse dont on voit des ramifications sur le revers opposé de la montagne. La culture cesse totalement à la hauteur de quatre-vingts toises environ: l’on n’aperçoit plus dès-lors qu'un poudingue gris, serré , aride , dénué de terre et qui laisse à nu des masses calcaires grises où rien ne peut croître; ce qui forme un con- traste frappant avec la verdure et la fécondité du reste de la montagne. Lorsqu'on est parvenu sur le sommet de la montagne de Montalban , l’on reconnoit d’une manière distincte que l'inva- sion accidentelle de la mer qui a creusé le port, a séparé Ja montagne de Montalban de celle de Nice, et comme cette montagne est élevée, que sa base est large, elle a opposé une grande résistance aux flots courroucés; d'où il est résulté que la croupe a été recouverte des déblais pierreux qu’entrai- noit cette mer dévastatrice. el est le tableau qui se pré- sente à l'œil, lorsque du sommet élevé de la montagne de Montalban on contemple la forme des montagnes environ- l18 ANNALES DU MUSEUM nantes , leurs sinuosités et leurs coupures accidentelles. Les Alpes maritimes, contre lesquelles celles-ci sont appuyées, en opposant une résistance invincible à ce déplacement de mer, ont dù nécessairement donner lieu à des tourbillonnemens , à des remous , à des chocs et à des contre-courans qui ont ébranlé en divers sens ces montagnes inférieures, et en ont rempli les fissures et les excavations des débris de toute es- pèce que cette mer furibonde devoit entrainer dans son in- vasion et son empiétement sur les terres. Des brèches de Cimies (1). Cimies est l’ancien Cemenelium , dont Pline, Pomponius Mela et Ptolémée ont faitmention(2); ce lieu est peu éloigné de Nice, et semble se lier à cette ville par la base de la mon- tagne sur laquelle il est comme perché. On laisse la petite rivière du Paglion sur la droite, et on s'élève ensuite par une route rapide, mais superbe, au milieu des plantations d'arbres de toute espèce; le cyprès, par sa verdure sombre, y contraste avec le vert-päle de l'olivier, et une multitude de petites maisons champêtres sèment la vie et le mouve- (x) Dans le dernier voyage que je fis à Nice, vers la fin de 1805, MM. Marset Richo voulurent bien m'accompagner à Cimies , et j'obtins de ces deux natura- listes des renseignemens instructifs sur les principaux gisemens de la brèche osseuse à ciment rouge, daus la commune de Cimies , où cette brèche occupe de grands espaces. Je saisis l’occasion de leur en témoigner ma reconnoissance, (2) L'ancien Cimies, Cemenelium ou Cimelion, portoit, en 464, la qualifica- tion de civitas , tandis que Nice n'avoit à cette époque que le titre modeste de castellum. Mais la ville de Cemenelium ayant été dévastée et ruinée , Nice la remplaça, et devint une ville assez importante. Voyez Daxvuxex, Notice de la Gaule, au mot Nicæa, page 484. D'HISTOIRE NATURELLF. 419 ment dans cette suite de jardins. Bientôt la vue se porte sur la mer , et en même temps sur ces bois d’orangers, de citro- niers, de jasmins, de myrthes ; les acacias à fleurs jaunes forment un objet de richesse et d'industrie pour les habitans, et embaument l'air de leurs parfums dans ce séjour délicieux. Le temps passe si vite qu’on se trouve à Cimies sans s'être aperçu qu'on monte beaucoup et qu'on marche depuis trois quarts d'heure; on arrive au pied des ruines d’un cirque ro- main, et l’on croiroitqu'il a été placé laexprès pour terminer ce paysage et servir de fond à ce site véritablement enchanteur. Après avoir examiné les ruines de Pantique Cimies, on arrive par de belles allées de cyprès sur un plateau élevé, planté des mêmes arbres, et où le myrthe se confond uvec l'arbousier, le lentisque, le térébinthe et l’aloès. Une vaste et commode habitation s'élève à l’extrémité de ce parc : des moines en faisoient leur demeure, et y jouissoient par an- ticipation du paisible bonheur auquel ils aspiroient dans Vautre vie, On fit un hôpital de cette maison pendant la ré- volution; on avoit dû en faire un séminaire. On voit, d'après des fouilles faites autrefois par des Anglois pour y chercher des médailles, qu'une ancienne fabrique romaine existoit là où est la maison des moines. Les excavations faites pour rechercher des monumens an- tiques, ont mis à découvert, à une des extrémités méridio- nale du parc, la structure de la montagne, et ici comme à Nice, ce sont des masses énormes du même calcaire compacte, dont les bancs ont éprouvé de violentes commotions, des ruptures et des écarts qui en ont dérangé l'assiette; le spath calcaire les a ressoudés ensuite, et des filons de trois à quatre pieds d'épaisseur qui les coupent transversalement en divers 42o ANNALES DU MUSÉUM sens, sont remplis de la brèche osseuse à ciment rouge, et se prolongent depuis le haut jusqu’à la base de la montagne, en décrivant des diagonales qui se joignent à d’autres filons et forment diverses ramifications qui atteignent les collines environnantes. J'allai visiter une carrière ouverte dans les possessions de M. Millonis, à côté de sa maison de campagne, dans l’arron- dissement de Cimies: ce fut là que M. Leseure , ancien consul françois à Nice, trouva beaucoup de beaux échantillons de brèche osseuse , qu'il envoya dans le temps à Paris, et dont il conserva plusieurs morceaux dans sa collection, où je les vis dans le temps. Mais, à l'exception de quelques portions d'os maxillaires où l’on voyoit encore des dents analogues à celles du cerf, je n’y vis rien d’assez caractérisé pour pouvoir prononcer avec certitude sur les autres ossemens. Je visitai une seconde carrière, à sept cents pas de dis- tance environ de celle-ci, dans un quartier nommé la Cara- basseu, et dans la possession de M. Todon de Nice. Un grand filon de la brèche osseuse traversoit la carrière entière : les ouvriers que je questionnai me dirent qu'ils avoient souvent irouvé dans cette brèche des os de plus d’un pied de lon- gueur, un peu moins gros que la jambe d’un cheval , mais qui étoient fracturés aux extrémités; que quelques-unsétoient creux, et que le vide étoit rempli de spath calcaire, mêlé de terre rouge , tandis que d’autres étoient entièrement solides et sans tuyau médullaire ; mais que ne faisant aucun cas de ces osse- mens, ils les laissoient dans la pierre à bâtir ou s'amusoient a les détruire. Je les invitai à les porter chez MM. Mars et Richo, lorsqu’à l'avenir ils en trouveroïient d’un peu gros, et qu'on les indemniseroit de leurs peines. D'HISTOIRE NATURELLE. XL On voit donc ici toujours le méme système de formation qu'à Nice et à Montalban. Brèches de Villefranche. La distance de Nice à Villefranche est d’une lieue : l’on se rend à ce port par une suite de collines et de petites mon- tagnes formées des mêmes masses pierreuses que celles de Nice, de Montalban et de Cimies, et qui ont éprouvé des se- cousses et des déchiremens semblables; des infiltrations spa- thiques calcaires ont ensuite réuni et ressoudé, en quelque sorte, ces bancs disjoints et fracturés qui ont donné nais- sance à ce système accidentel de formation. C’est en faisant cette tournée par mer sur un canot, et en cotoyant le rivage, qu'on peut se former une idée plus pré- cise de l’organisation singulière de ces rochers, dont les escar- pemens , sans cesse battus par les flots, sont à nu dans la lon- gueur et les sinuosités de cette côte. Ce n’est point à Nice , je le répète, mais dans le port de Villefranche , que le clou de cuivre dont Sulzer fait men- tion comme d'un phénomène extraordinaire , fut trouvé. Je pris sur les lieux, dans un temps, à l'invitation de M. de Malesherbes, que la recherche de la vérité au sujet de ce fait intéressoit beaucoup, les renseignemens les plus exacts. Je m'adressai au sous-ingénieur du port, M. Ferdoja, qui avoit trouvé lui-même le clou. M. Leseure, alors consul de France à Nice, homme estimable qui s’occupoit de médailles et de monumens antiques, mais qui étoit un peu ami du merveil- leux et avoit vu le clou, m'accompagna partout, et me mit sur la [voie d'obtenir de bons renseignemens. M. Michaud, 10. 54 h22 ANNALES DU MUSÉUM ingénieur en chef du port, à qui le clou avoit élé donné, fut aussi consulté par moi. Mais ce clou avoit été égaré dans uñ déménagement : je ne pus le voir. Il résulta des recherches que je fis avec tout le soin pos- sible, le fait suivant, bien différent de celui que raconte Sulzer dans son Mémoire. M. le duc de Chablais, frère du roi de Sardaigné, étant rendu à Nice, en 1550, pour visitér ce pôrt, le comiran- dant de la place fut bien aise de lui offrir pour sa table un mets singulier ét curieux du pays, des Zattès de mer; c’est le nom vulgaire usité dans le Pays “ét il voulut les lui a servir dans la pierre même où on lés trouve. | Ge coquillage , excellent à manger, et qui péreé lés pierrés ie plûs dure$ au milieu desquelles il habite est lé mivilus lithophäagus de Linné ; häis Connie On Wen #66 point dans le port de Nice, où doniéà ordré äu Sous-ingéniear Vérdoÿ de $e réndre dans celui dé Villefranché où lon en trouve beaucoup, particulièrement dans la jetée qui protège le mole, mais où il est déféndu d’en péchier sans ‘üné aütorisätion. Le Sous-ingénieur ayant enimiéné âvVec li des plongéurs, fit retirér un bloc isolé ÿésant environ cinq céntslivrés, percé de toute part à Pextérieur par cès coquilles. Où transporta la pierre à Nice : elle étoit compacte et d'une durété anälogué à celle du marbre. On la Drisa, ét PPrE avoir fait là part du prince, lé soûs-ingénieur Vélbÿe Sen réserva üuh Morceau qui fornoit 14 partie ‘à: ste ét “Où les coquilles étoïé. t encoré ‘abondantés, | I le brisa à coup de miärteïu, et trouva dans le centre ün “clou de cuire rosette,, de forine carrée, de déux lignés de Jééeur'Sur ‘chacune ‘des faces, ‘de trois pouces deux ligiies de D'HISTOIRE NATURELLE. ? h23 longueur, mais recourbé par le bout; lon voyoitson moule dans la pierre. Tel fut-le récit que me fit le sous-ingénieur Werdoja. Je le priai dès-lors de vouloir n'accompagner sur les lieux, ce qu'il accepta; nous nous rendimes à Villefranche avec Je consul francois. Les deux MM. de Trudaine frères qui étoient allés passer l'hiver à Nice, voulurent être de la parte. Nous arrivämes de bonne heure à Villefranche, et après avoir salué le commandant et lui avoir demandé la permission de parcourir les ouvrages et le port , nous entrâmes en chaloupe, et nous fimes le tour du mole, qui protégeoit deux petites frégates composant touies les forces navales du roi de Sar- daigne. Ce mole est irès-solidement construit en bonnes pierres et en fort ciment de pouzzolane ; il porte dans le pays le nom de Darse, et son revêtement en. blocs isolés, celui, de Sco- gliera. Les masses de pierres dont il est formé, furent tirées, d'après les renseignemens que nous donna le commandant du port, de lacarrière dite de Pietra-Piana ; dans da partie opposée de la rade, qui est très-vaste. Nous la traversämes en. une demi-heure, et nous débar- quämeslau pied même de la carrière, que j'avois intérét de voir, puisque des pierres de la jelée en avoient été tirées. Cette carrière est! au bord desla mer et ouverte. contre un escarpement, sur Je plateau duquel est la chapelle de Saint- Martin y auprès de la»pointe de capo Ferro ; où toute la terre qui couvre le rocher est d’an rouge d'ocre,.. Tout le plateau au-dessus de la carrière ;est hérissé de blocs de pierres calcaires d'un très-gros volume, fendus, corrodés, disséminés en désordre, et offrant l’image d’un ‘bouleyerse- ment. Quelques.oliviers croissent entre.ces masses de piérres.;, 54 * 424 = ANNALES DU MUSÉUM dans les parties où les eaux de pluie et peut-être la main des hommes ont apporté un peu de terre. La pierre de la carrière, ainsi que celle de tout le cap et du bassin qui forme la rade , est calcaire, d’un blanc un peu terne; sa pâte est fine, dure, et peut recevoir un beau poli. On y trouve quelques térébratulites, des débris d’entroques et de madréporites. Cette pierre pourroit former un marbre assez beau, si le voisinage de l'Italie ne rendoit très-diflieile sur le choix des pierres de cette espèce. Ce qui distingue particulièrement la carrière de Pietra- Piana , c'est la manière dont elle est disposée. Elle paroït, au premier coup d'œil, n’être formée que d’une seule et même masse : mais en l’examinant avec attention , l'on distingue quelques restes de couches fortement dérangées à la vérité, mais qu'on retrouve ensuite à certaine distance; ce qui an- nonce que ce sont d'anciens bancs fortement disloqués et coupés par de grandes fissures, tantôt verticales, tantôt di- vergentes, remplies en général de spath calcaire blanc. Quel- ques-unes cependant ne sont pleines qu'à demi, et d’autres aux trois quarts. L'on y voit même quelques crevasses qui sont restées en partie ouvertes; comme si la matière du spath calcaire n’avoit pas été assez abondante pour les remplir. C’est toujours ici la même brèche à grands blocs de Nice; mais au lieu d'y voir la brèche osseuse à ciment rouge, on n’y voit que la terre pierreuse d’un rouge ocreux, qui couvre la pointe du cap Ferro , à moins que cette dernière brèche ne soit cachée par la terre. Eu observant la carrière de Pietra-Piana , je faisois remar- quer à M. Verdoja et à M. Leseure, que si les eaux de pluie dans les grandes averses entrainoient accidentellement des D'HISTOIRE NATURELLE. 425 corps étrangers dans quelques-unes des fissures ou des cas- sures de la carrière qui sont encore vides, on trouveroit avec le temps ces corps entourés de spath calcaire; et à la longue même les molécules spathiques comblant entière- ment ces cavités, l’on pourroit croire que la masse w’auroit jamais fait qu'un seul et même corps, ét celui qui n’auroit pas l'œil exercé s’exposeroit à donner une origine très-an- cienne à ce qui ne seroit que le résultat d'une accident partiel. Je faisois ces réflexions au pied de la carrière même, contre l'opinion du bon M. Leseure, qui vouloit toujours que le clou eùt la même antiquité que la formation première des bancs calcaires , lorsque je demandai par hasard aux ma- telots du canot, qui connoissent parfaitement le local , si Von ne trouvoit jamais des médailles et autres pièces de monnoie sur le plateau incliné au-dessus de la carriére, où lon voit des ruines d'anciens monumens, ainsi que la chapelle de Saint-Martin; et deux d’entre eux, me répondirent, que dans leur jeunesse ils venoient, après les grandes pluies qui lavoient la terre, recueillir de vieilles monnoies et méme des morceaux de cuivre faits comme des clous >qu'ils vendoient à des chaudronniers. Cette explication , la position des lieux, la situation et l’état de la carrière , sont plus que suffisans pour faire disparoïtre le merveilleux. Le clou de cuivre qui avoit si fort étonné M. Leseure, et donné lieu à tant de raisonnemens de sa part et de celle de M. Sulzer, n’est qu'un clou grec ou romain que les averses ont entrainé du plateau supérieur dans une des fissures du rocher de la carrière de Pietra-Piana; les infiltrations spathiques calcaires l'ont enveloppé et ont rempli 4,26 ANNALES DU MUSÈUM l'ouverture entière, Un coup de mine a pu détacher du rocher la masse entière du bloc employée au revêtement de la jetée, percé ensuite par les dattes de mer, et on a retrouvé le clou noyé dans le spath lorsqu'on a brisé la pierre. Il est possible que ce clou eût été entrainé dans cette fissure du temps même des Grecs; mais il est possible aussi que cette époque ne date pas d’une si grande ancienneté. Trois à quatre cents ans peuvent suflire, surtout dans un escarpement exposé, à l’action des vagues dans les grosses mers, pour que les eaux aient dissous assez de calcaire pour combler l'ouverture dans. laquelle le clou avoit été entrainé. mt: | MM. de Trudaine furent de cet avis: M. Ferdoja crut la chose possible, et M. Leseure, qui connoissoit mieux les mo- numens grecs où latins que les monumens de la nature, me dit, avec autant de candeur que de bonhomie, que la chose méritoit quelques réflexions, et qu'il y, songeroit. ctidorrs Zom .10. Aubrit del , HELIOTROPIUM fillosum , D'HISTOIRE NAXURELLE, 27 SUITE DES PLANTES DU COROLLAIRE DE TOURNEFORT, PAR M. DESFONTAINES. HeuorroPion victosom. ( Héliotrope velu ). Tab. 16 H. villosissimum ; folis opatis ; spicis solitarüis rt conjugatis. — H. folüs rotundato-ovatis , intégerrimis , spicis solitarirs. Wir. Spec. 1, p. 741. — FL. mayjus villo- sum, flore maÿno inodoro. Tourner. Cor. Inst. 7.— Vélins du Muséum. Cet Héliotrope croit spontanément dans les îles de l'Ar- chipel, où Fournefort le découvrit en 1700. Fa le port et le feuillage de l'Héliotrope des-champs ( À. europœum , Lin.), aveclequelil a degrands rapports. Il en diffère par la grandeur de sa corolle, qui est au moins double, et par les .soies nom- bréuses dont la tige, les feuilles, ainsi que les Brappes, de fleurs sont couvertes. Le dessin FAdbier que j'ai fait graver, a été fait sur un individu dont les grappes n’étoient pas encore entièrement développées. Dans un âge plus avancé, elles s’al- ‘Tongent conmme celles de P'Héliotropé des chahrps. La plante est 423 ANNALES DU MUSÉUM aussi plus velue qu'elle ne le paroït dans le dessin, qui d’ail- leurs est fort exact, Toute la plante est couverte de soies douces au toucher, et d’une couleur tirant sur le jaune. Tige haute de deux pieds, cylindrique , rameuse dans toute sa longueur ; rameaux étalés. Feuilles alternes , péliolées, ovales ou un peu aiguës , entières, semblables à celles de l’'Héliotrope des champs ( ÆL. europæum, Lin. }, marquées de nervures obliques. Grappes de fleurs latérales et terminales solitaires ou deux à deux, roulées en spirale au sommet, longues de trois à quatre pouces après leur entier développement. Fleurs uni- latérales , très-serrées , disposées sur deux rangs. Calice petit, persistant , à cinq divisions profondes, droites, linéaires, étroites , un peu inégales, de la longueur du tube de la corolle. Corolle blanche, jaune dans le centre. Limbe évasé, à cinq divisions obtuses. Tube court , velu intérieurement , couronné de cinq petits appendices. Cinq étamines attachées à la partie inférieure du tube. Style nul ou très-court. Un stigmate. Quatre petites graines ovales, chagrinées. Bora6o crerica. ( Bourache de Crète ). B. hispida ; foliis ovatis, corollarum laciniis reflexis linea- “ribus.— B. calicibus longitudine tubi corollæ reflexe ; fo- liis ovatis. Wivp. Spec. 1. p. 778.— B. cretica flore reflexo, elegantissimo ; suave rubente. Tourner. Cor. Inst. 6. Vélins du Muséum. ©. Les feuilles ovales, un peu aiguës; les çalices très-courts; P1.81. BORAGO Cretcæ’. Lambert. seul » * + Fe ñ ‘ L . \ + - ‘ LA ' . . « . " . ét  vi re n' € . CLR *Viv \ CR À vus k D'HISTOIRE NATURELLE, 4a les divisions de la corolle étroites, linéaires, distinctes et ré- fléchies, sont les principaux caractères qui distinguent cette espèce de Bourrache, dont Tournefort .a laissé une bonne description dans ses manuscrits. Racine brune extérieurement, blanche dans l'intérieur, rameuse, longue de six à sept pouces. Tige succulente, foible , épaisse d’une à deux lignes, kaute d'un à deux pieds , rameuse, parsemée de poils rudes. Feuilles alternes, ovales, aiguës , entières, un peu ondées , d'un vert pâle, hérissées de poils comme Îles tiges ; les infe- rieures ressemblantes à celle de la Buglose, portées sur un pétiole creusé en gouttière , longues de trois à quatre pouces sur un ou deux de largeur; les supérieures presque sessiles. Fleurs disposées en une grappe lâche à l'extrémité de chaque rameau. Pédicelles filiformes, longs de trois à quatre lignes. Calice persistant très-court, velu, un peu plus long que le tube de la corolle; cinq divisions profondes, ovales, aiguës, droites. Corolle d’un rose pâle; cinq divisions profondes, linéaires , étroiles , distinctes, creusées en gouttière et réfléchies. Tube court cylindrique. Cinq étamines rapprochées en colonne au centre de la fleur. Anthères petites, bleuâtres , accompagnées de cinq fila- mens extérieurs qui naissent de la base des divisions de la corolle, comme dans la Bourrache oflicinale. Quatre ovaires. Un style grêle, plus long que les étamines. Deux petits stigmates. Elle croit sur le mont Ida, où Tournefort la découvrit en 1700, le 14 mai. 104 55 430 ANNALES DU MUSEUM Cyxocossum GLasrirorium. { Cynoglosse à feuilles de Pastel ). C. folüs lanceolatis, glabris, subtus papulosis ; seminibus membranaceis, centro submuricatis. Wivo. Spec. 1. p. 764. — C. orientale glastifolium , flore atrocæruleo. Tourner. Cor. Inst. p. 7.— Vélins du Muséum. Cette espèce de Cynoglosse est très-remarquable et très- facile à distinguer de toutes celles du même genre, par ses feuilles glabres , lancéolées et parsemées de tubercules enfoncés dans la surface de la feuille, Elle croit en Arménie, Tige droite, striée , rameuse à sa partie supérieure, haute d'un à deux pieds, Feuilles glabres, étroites, lancéolées, alternes, entières , parsemées de petits tubercules enfoncés, prolongées le long des bords du pétiole ; les inférieures obtuses , les supérieures aiguës. Fleurs soutenues sur des pédicelles filiformes, disposées engrappeslàches à l'extrémité des rameaux’, lesquelles forment une panicule. Ë Calice persistant à cinq divisions linéaires , profondes, un peu obtuses, rapprochées de la corolle. Corolle d’un bleu foncé, cylindrique, un peu évasée au sonimet, plus longue que le calice, rétrécie depuis le milieu jusqu’à la base. Limbe à cinq divisions elliptiques, obtuses, droites. Cinq étamines renfermées dans la corolle. Quatre ovaires supères. Un style grêle, plus long que la PL'35 CYNOGLOSSUM Clastfolumn . dl. Lambert seuÿp + Zom.. 10. LOSSUM Slamineurr : [22 \ r CT Aubriet del. D'HISTOIRE NATURELLE. 431 corolle, Un stigmate. Quatre fruits membraneux en forme de cœur. Cynoccossum sramineum. ( Cynoglosse à longues étamines ). C. pubescens ; folüs lanceolatis ; floribus minutis , race- mosis, secundis ; staminibus exsertis.— C. orientale vulgari simile , flore minimo, longis staminibus donato. Tourner, Cor. Inst. 7. — Velins du Museum. Cette belle espèce de Cynoglosse n’a été décrite par aucun auteur que je connoisse. Ses feuilles lancéolées , ses fleurs très- petites, serrées et disposées en grappes courtes et rapprochées au sommet de la lige, ses élamines beaucoup plus longues que la corolle, enfin ses fruits hérissés de pointes étoilées au sommet, la distinguent bien de toutes les autres du même genre. Elle croit naturellement en Cappadoce, et M. de La- billardière l’a aussi observée en Syrie. Tige simple, pubescente, droite, striée, cylindrique, de la grosseur d’une plume à écrire, longue d'environ deux pieds. Feuilles alternes, éparses , lancéolées, entières, d’une couleur cendrée, couvertes d’un duvet très-court, longues de deux à quatre pouces sur cinq à six lignes de largeur : les inférieures prolongées latéralement sur un pétiole creusé en gouttiere ; les supérieures sessiles. Fleurs nombreuses, serrées , unilatérales, disposées à la sommité de la tige en grappes courtes, étalées, rapprochées et roulées en spirale. Calice persistant, pubescent, à cinq divisions profondes, droites , linéaires-lancéolées , de la longueur de Ja corolle. 55 * 432 ANNALES DU MUSÉUM Corolle petite, d’un rose pâle, cylindrique, rétrécie en tube depuis le milieu jusqu’à la base; cinq divisions droites, rap- prochées, étroites, un peu obtuses. Cinq étamines une fois plus longues que la corolle. Filets droits, grêles, un peu inégaux. Anthères petites , mobiles sur les filets. k Un style filiforme de la longueur des étamines. Quatre ovaires supères. | Graines déprimées, entourées d’une enveloppe hérissée de pointes étoilées au sommet. Cyxoccossum Laxaru. ( Cynoglosse laineuse ). €. calicibus tomentoso-lanatis ; corollarum limbo acuto , profunde quinquefido ; racemulis cernuis. Lamarcr. Dict. 2. p. 238. — Wio. Spec.r.p. 706. — C. orientale , flore roseo, profunde laciniato, calice tomentoso. Tourner. Cor. Inst. p. 7—WVélins du Muséum. , Cette Cynoglosse se distingue par ses feuilles Tancéolées, couvertes de poils très-courts, par ses fleurs réunies en pe- tites grappes inclinées aux sommités des rameaux, par ses calices entourés d’un coton blanc et épais , enfin, par ses co- rolles roses, aiguës , dont les divisions sont profondes, étroites et un peu pointues. Tige droite , striée, rameuse, parsemée de poils courts, haute d'environ deux pieds. Feuilles entieres, lancéolées, couvertes de petits poils rudes d’une couleur un peu cendrée : les radicales longues et pétio- lées ; celles des tiges sessiles , éparses, embrassantes , aiguës, beaucoup plus courtes. 10. a CYNOCGLOSSUM Lanatumn . Lambert seu/p , D'HISTOIRE NATURELLE. 433 Fleurs tres-rapprochées, disposées en petites grappes in- clinées à la sommité des rameaux, qui sont garnis de quelques folioles aiguës. à Calice persistant, plus court que la corolle, entouré d’un coton blanc et très-épais ; cinq divisions profondes, linéaires- lancéolées, droites. Cinq étamines renfermées dans la corolle. Filets courts. Anthères hastées. Style grêle, plus long que la fleur. Un petit stigmate. Quatre graines membraneuses en cœur. La Cynoglosse laincuse vient en Arménie. 454 ANNALES DU MUSEUM MEMOIRE Sur la Lethargie périodique de quelques mammifères (x); PAR M. MANGILI, PROFSSEUR D'HISTOIRE NATURELLE À PAVIE. Traduit de l'italien par M. DELEUSE. S. L® Du hérisson. [8] x hérisson commun ( erinaceus europæus , Lion.) m'ayant été apporté au commencement d'avril de cette année, lors- (1) Ce Mémoire est la suite de celui sur la léthargie des marmottes , que nous avons traduit sur le manuscrit et ins éré dans le volume précédent. M. Mangili l'ayant fait imprimer, il nous l’a adressée, en nous invilant à en donner la tra- duction, et nous avertissant qu'il n’en avoit fait tirer qu’un très-petit nombre d'exemplaires. Nous avons cru devoir céder à celie invitation, parce que les observations de M. Mangili sont très-intéressantes et très-propres à éclaircir un sujet qui fixe en ce moment l'attention des naturalistes. Quoique ce Mémoire soit très-bien rédigé, son étendue trop considérable pour nos Annales, nous a forcés de l’abréger en quelques endroits. Cependant nous laissons parler l’auteur, parce que nous avons eu soin de conserver les faits et les résultats essentiels, et de ne jamais altérer le sens. D'HISTOIRE NATURELLE. 65 qu'il sortoit de sa retraite d'hiver, je l’enfermai dans une caisse au fond de laquelle je mis du son pour lui servir de lit, et je le plaçai dans une chambre où le thermomètre se soutenoit à cette époque entre 9 et 11 degrés. Je lui pré- sentai, non des substances animales qui sont sa nourriture ordinaire , mais de l'herbe fraiche : il n’y toucha point , et deux jours après il fat saisi de la léthargie conservatrice dans laquelle il resta jusqu’au r0 de mai; sauf trois ou quatre in- tervalles de veille, pendant lesquets il tentoit tous les moyens de s'échapper jusqu’à ce qu'il se livrät denouveau au sommeil. Ayant observé plusieurs fois ce hérisson, qui étoit presque toujours couché sur le côté droit, je remarquai que la faculté de respirer étoit chez Ini périodiquement suspendue et re- nouvelée, et qu'après quinze minutes d’un repos absolu il donnoit trente ou trente-cinq signes d’une respiration lan- guissante. Le thermomètre s’élant élevé à 13 degrés au commen- cement de mai, j'examinai de nouveau mon hérisson, et je vis que de huit en huit minutes , il donnoit sept à dix signes consécutifs de respiration. Je fis baisser la température du lieu où il se trouvoit, en entourant la caisse de glace : alors les intervalles entre l’une et l’autre série devinrent pluslongs ; mais le nombre des ins- pirations et des expirations successives s’accrut dans la méme proportion , et jusqu’à dix-huit ou vingt. Je ne poussai pas plus loin cette expérience, parce que d’après celles que j'avois faites sur d’autres mammifères en léthargie, j'étois convaincu qu'un froid trop vif l’auroit retiré de cet état. Le 21 de juin, ce méme hérisson étant éveillé depuis plus 436 ANNALES DU MUSEUM d'un mois, j'eus l'idée de l'exposer à une température assez froide pour le faire passer du sommeil à la léthargie mortelle, afin d'examiner ensuite l’état de ses principaux viscères, et de comparer ces observations avec celles que j'avois faites à la fin de l'hiver sur une marmotte tuée pendant la léthargie conservatrice. En conséquence je fis un mélange de glace pilée, dé mu- riate d’'ammoniaque et de sulfate de soude, qui fit baisser le thermometre à 10 degrés au-dessous de 0, et je pratiquai au milieu de ce mélange un petit nid dans lequel je plaçai lani- mal de manière qu'il pût respirer librement. Il se tint roulé sur lui-même pendant quelques minutes, puis il souleva la tête, lécha la glace qui l’entouroit, et fit des efforts pour s'échapper. Je le retins dans sa prison en mettant au-dessus de lui un couvercle d’osier , et je vis bien- tôt sa respiration devenir beaucoup plus fréquente et plus pénible. Il resta une heure dans cet état; ensuite sa respira- tion s'étant affoiblie par degrés , il ne tenta plus de s'échapper , et en moins d'une heure et demie il cessa de respirer, don- nant cependant encore quelques signes de vie lorsque je le piquois sur les flancs. Vingt minutes après, je le trouvai non- seulement mort, mais encore gelé jusqu'au cou. Je louvris pour voir les changemens produits dans ses organes intérieurs : jexaminai d’abord les membres, et je re- connus que le sang qui circule dans les veines se gèle de proche en proche, en commençant par les extrémités, à mesure que la chaleur animale, et conséquemment la vie, s'éteint dans les diverses parties. Je n’apercus aucune altération dans les viscères de la cavité D'HISTOIRE NATURELLE. 437 de l'abdomen : seulement je trouvai la vessie fort gonflée et le système veineux très-flasque. Il est à remarquer aussi que les chairs musculaires, qui étoient fort rouges dans la marmotte que j’avois tuée pendant la léthargie conservatrice, étoient fort pâles dans ce hérisson, ainsi que dans un muscardin mort par lexcès du froid. Dans le premier cas, le sang étoit également répandu partout; dans le second, il paroissoit s'être accumulé vers la tête et dans la cavité du thorax. En effet, ayant ouvert le thorax du hérisson, je trouvai tout le système artériel et veineux très-rempli de sang. Les deux oreillettes étoient gonflées, ainsi que les principaux vaisseaux qui se rendent aux lobes pulmonaires ou qui en sortent. Il y avoit de plus du sang extravasé dans ces mêmes lobes, tant sous la membrane qui les revêt, que dans les cellules aériennes : ce qui prouve, 1.° que pendant les derniers momens de la vie de cet animal, le sang veineux, ne pouvant couler librement dans les poumons, en avoit rompu les vaisseaux et s'étoit répandu dans les cellules, dans le tissu cellulaire, etc.; 2.° que le sang se retirant des extrémités à mesure qu'elles se refroidissoient, il s’étoit porté avec tant d’abondance vers la cavité du thorax, qu'il avoit rompu les plus petits vaisseaux pulmonaires. J'ai observé la même plénitude dans les veines du cou, de la tête et particulièrement du cerveau et des plexus choroïdes, De plus, jai remarqué un peu de sang extravasé dans la partie antérieure du cerveau. Ayant reçu, le 22 de mai, un hérisson qui avoit été pris et blessé par un chien, deux jours après je lui coupai la tête pour observer les phénomènes de Firritabilité, comme je l’avois 10, 56 438 ANNALES DU MUSÉUM fait auparavant sur une marmotte tuée pendant la léthargie. Ayant introduit le thermomètre dans la cavité du bas-ventre, il ne s’éleva qu’à 25 degrés. Les chairs musculaires soumises aux expériences galva- niques, se contractèrent plus où moins vivement pendant une heure après la mort de l'animal. Le cœur mis à découvert, mais laissé dans sa situation, continua à battre lentement pen- dant une heure et demie, et l'oreillette droite donna de légers signes de contraction pendant deux heures et demie. Enfin, un troisième hérisson que je tuai en lui faisant une ouverture transversale dans la région abdominale, me pré- senta les phénomènes suivans. Sa chaleur intérieure se trouva de 27 degrés; le sang, qui étoit épais et d’une couleur foncée, donna très-peu de serum. On voit que la chaleur animale est moindre dans le hérisson que dans les autres niammifères à sang chaud : sur quoi il faut observer que c’est celui de tous qui respire le moins. En effet, dans l’état de sommeil ordinaire, il ne respire que cinq ou tout au plus sept fois par minute, L'irritabilté musculaire s'éteignit entièrement au bout d’une heure et quatorze minutes, quelques moyens que j'em- ployasse pour l'exciter ; mais le cœur continua à donner quel- ques pulsations légères pendant une heure et demie. Je vais maintenant parler des chauve-souris. S. IL. Des chauve-souris. Plusieurs espèces de chauve-souris, et particulièrement les deux qu'on connoit sous les noms de fer à cheval et de noctule { vespertilio ferrum equinum et vespertilio noctula ), tiennent un rang distingué parmi les animaux qui, dans nos D'HISTOIRE NATURELLE. 479 climats, sont sujets à la léthargie conservatrice. Je les ai observées en hiver lorsqu'elles sont engourdies dans les ca- vernes, et pendant la belle saison, lorsqu'elles mènent une vie errante en donnant la chasse aux insectes. À la fin de lété de 1795, comme je voyageois dans je département de $erio pour faire des recherches d'histoire naturelle , j’allai visiter la fameuse grotte de lÆatratico , qui s’enfonçant de quatre cents pas dans l’intérieur d’une mon- tagne calcaire, s'agrandit en tout sens, et s'élève en coupole aux trois quarts de cette profondeur. En cet endroit, le sol étoit couvert de matières excrémentitielles, et l'atmosphère ténébreuse dont j'élois environné étcit remplie d’un nombre infini de petites phalènes. Je levai les yeux vers la voûte, et je la vis entièrement tapissée de chauve-souris, toutes de l’es- pèce que Linnæus à nommée murinus, dont quelques-unes voloient dans les galeries secondaires. Je ne fus alors frappé que du nombre prodigieux des chauve-souris et de celui des phalènes qui vivoient avec elles dans l’obscurité, et finissoient par leur servir de pâture. A la fin de décembre de la même année, mon célèbre pro- fesseur et maitre Spallanzani m’engagea à aller de nouveau visiter la grotte pour savoir si j y trouverois les mêmes mu- rinus dans l’état d’engourdissement, parce qu'il lui importoit de s'assurer si cette espèce passoit l'hiver dans nos climats. Étant entré dans l’intérieur de la grotte, où le thermomètre marquoit environ O degrés, j'observai de tous côtés, et j'apercus , seulement dans la galerie , deux groupes de chauve- souris engourdies, dont le nombre en tout ne devoit pas être de plus de trois cents. M'étant avancé sous la voute où l'été 56 * 44o ANNALES DU MUSEUM précédent j'en avois vu des milliers, je fus très-surpris dene pas en trouver une seule. Je revins sur mes pas , et je déchargeai un fusil auprès des chauve-souris, sans que ce bruit leur fit faire le moindre mouvement. Alors je tirai un coup de fusil chargé à plomb sur un des groupes , et j'en abattis environ soixante-dix. Quel- ques-unes étoient tuées, d’autres blessées ; mais le plus grand nombre n'ayant point eu de mal, restèrent dans leur léthar- gie sans faire aucun mouvement. Les ayant examinées, je vis avec surprise qu'il n’y avoit pas un seul murinus, et que toutes étoient de l'espèce appelée fer à cheval : ce qui me porta à croire que les murinus partent au commencement de l'hiver , et que d’autres espèces qui étoient dans les pays plus au nord, viennent passer l'hiver chez nous. Au milieu de février 1804, je retournai à la grotte. Il tomboit de la neige, et le thermomètre étoit à 0; mais dans l'intérieur de la grotte il s’éleva à 9 degrés. J'y trouvai beaucoup de chauve-souris engourdies : mais le plus grand nombre étoit de l'espèce appelée noctule, et iln’y en avoit que très-peu de celle appelée fer à cheval. Deux ou trois seulement de ces chauve-souris s’envolerent lorsque je les touchai avec un entonnoir que j'avois mis au bout d’une perche pour les détacher sans secousse de la voûte. La vive lumière de deux torches que je portois pour n'éclairer, excita dans quelques-unes un léger mouvement des ailes, sans pour cela les faire changer de place. Plusieurs des chauve-souris que j'avois détachées de la yoüle, continuérent à rester engourdies : je remarquai en elles des mouvemens de respiration fort lents et fort rares. En D'HISTOIRE NATURELLE, AA ayant pris une dont je déployai les ailes sous la lentille d’un microscope, j'observai les petits vaisseaux qui y sont répandus, et par les mouvemens de sistole et de diastole que j'aperçus dans quelques-uns , je reconnus que le sang y circuloit. La situation incommode dans laquelle je me trouvois et le réveil de Panimal ne me permirent pas de pousser bien loin ces observations; mais je m'assurai que la circulation, au lieu d'être rapide et continue, s’exécutoit lentement et par reprises. En approchant d’une chauve-souris la flamme de ma torche, je vis que, comme tous les animaux, elles éprouvent des mou- vemens convulsifs quand elles sont stimulées par un agent extérieur; mais qu'il leur faut un temps plus ou moins long pour passer de la léthargie à la veille, Je mis dans un panier plusieurs chauve-souris engourdies, et les ayant portées hors dela grotte, je les plaçai séparément dans la neige. Bientôt leur respiration devint très-fréquente ; la circulation s’accélera , la chaleur se développa; entin elles se réveillerent, les unes au bout d’une demi-heure, les autres au bout d’une heure, et toutes s’envolèrent et renirerent dans l'intérieur de la grotte. Je pris encore plusieurs de ces chauve-souris engourdies, et les ayant enfermées dans une caisse , je les portai à Milan. Un soir que la température étoit de 2 degrés au-dessous de o, jen mis une au-dehors de ma fenêtre : le lendemain je la trouvai gelée. Le jour d’après, à dix heures et demie du matin, la tem- pérature étant d'un degré au-dessous de 0, jen plaçai une sous une cloche, de manière à l'empécher de s'enfuir sans interdire le passage à l'air. Sa respiration devint tout-à-coup hs ANNALES. DU MUSÉUM pénible, et jusqu'a midi elle s'agita pour s'échapper. Eusuite elle replia ses ailes, et sa tête eut des mouvemess convulsiis semblables à ceux que produit le hocquet. À une heure, je ne vis plus chez elle d’autres mouvemens que ceux de la res- piralion, qui étoient très-forts et très-fréquens. D'une heure à cinq, ces mouvemens s’affoiblirent par degrés ; à cinq heures et demie, ils étoient à peine sensibles, et à six heures, on ne les apercevoit plus. Peu de temps après l'animal me parut mort, et je fis d'inutiles tentatives pour Je rappeler à la vie. Cette expérience répétée sur d’autres eut le même résultat. Les chauve-souris que je gardai dans une chambre où la chaleur étoit de 6 à 8 degrés, restèrent engourdies. J’obser- vai qu'au bout de deux , trois ou quatre minutes, elles don- noient quatre signes successifs de respiration , pour se reposer ensuite pendant le méme intervalle, et toujours dans le même ordre. Je m'assurai enfin qu'il en est des chauve-souris comme des autres animaux en léthargie; c’est-à-dire que si on les expose à une température trop froide, d’abord la respiration s'accélère, la chaleur augmente, le réveil a lieu, et elles tentent de s'échapper : si elles ne peuvent y réussir , la respiration devient plus foible , la léthargie mortelle survient, et l'animal périt. S. IIL Des lorrs. Les marmottes ne transportefit aucune provision dans leurs galeries souterraines ; il n’en est pas de même des loirs : lors- qu'ils se disposent à se livrer à la léthargie, ils font dans leur retraite un petit magasin de noisettes, de châtaignes , etc. , D'HISTOIRE NATURELLE. 443 sans doute pour se nourrir, Soit pendant quelques intervalles de veille, soit au commencement du printemps, parce qu’alors il leur seroit difficile de s'en procurer. Je vais exposer ce que Yai observé relativement à la lé- thargie d'un loir (mus glis. LE. ), depuis le mois de décembre 1805, jusqu'au mois de juin 1806. Ce petit animal n'ayant été apporié très-bien éveillé au commencement de décembre, je leniermai dans un cabinet où je tenois mes livres. et je plaçai près de lui un petit mon- ceau de châtaignes et de noix. La température, qui d'abord étoit assez douce dans ce cabinet, se irouva n'être que de 4 degrés au-dessus de o, le 4 décembre. Alors le loir alla se coucher entre les livres et les tablettes dans des rognures de papier : tellement que son corps étoit bien garanti, et que le dos seul avoit le con- tact de Pair. Il avoit choisi ce lieu comme le plus abrué.- Le 27 décembre, jugeant qu'il étoit parfaitement engourdi , j'enlevai avec précaution les livres qui le cachoiïent , pour ob- server l’état de sa respiration. Son côlé gauche étant à décou- vert, et le thermomètre placé près de lui marquant 3 degrés et demi, je pris ma montre, et je m’assurai que la respira- tion étoit suspendue et renouvelée à des intervalles réguliers, c'est-à-dire qu'après quatre minutes d’un parfait repos, l’ani- mal respiroit vingt-deux ou vingt-quatre fois de suite dans Jespace d’une minute et demie. Le thermomètre s'étant élevé d'un degré, les intervalles de repos ne furent plus que de trois minutes ; mais le nombre des signes successifs de respiration fut à-peu-près le même. Le 28 décembre au matin, le thermomètre marquant 2 degrés au-dessus de o , j'observai le loir avec beaucoup d’at- AAA ANNALES DU MUSÉUM tention. Pendant demi-heure, les périodes de repos furent de quatre minutes, et les signes consécutifs de respiration dans les intervalles , au nombre de vingt à vingt-six. Après la dernière série, qui fut de vingt, il y eut un repos de cinq minutes et demie, auquel succédèrent vingt-neuf signes de respiration dans l'espace de deux minutes, puis un repos de cinq minutes et vingt signes de respiration. Pendant ce temps, la température s’étoit élevée d’un demi degré. Le 29 décembre, le thermomètre marquant seulement un degré au-dessus de la glace, les signes de respiration furent de vingtsix à vingt-huit , dont les derniers étoient plus foibles, cet l'intervalle entre les séries fut d'environ six minutes. Le froid ayant augmenté depuis cette époque, et étant devenu très-vif dans la nuit du 3 janvier , le loir et un mus- cardin placé près de lui séveillèrent, se débarassèrent de leurs excrémens, et mangèrent un peu. La température s'étant adoucie , ils se blottirent et s’engourdirent de nouveau. Pour qu'ils restassent dans cet état, jeles transportai dans la chambre à côté où il y avoit du feu et où la chaleur étoit constamment de 3à 5 degrés. En effet, leur léthargie continua d'être pro- fonde; les intervalles de repos devinrent plus longs et furent de seize à dix-huit minutes, et le nombre des signes de res- piration dans chaque série fat toujours de dix-huit à vingt. Le 9 janvier, la chaleur étant de 2 degrés et demi dans la caisse où dormoient le loir et le muscardin, le loir se réveilla seul pour quelques jours, pendant lesquels il mangea deux ou trois châtaignes : ensuite, étant allé se cacher derrière les livres, il rentra en léthargie, et y resta le 15, le 16 et le 17; wnais le 18, comme j'avois écarté les livres qui l'abritoient, D'HISTOIRE NATURELLE, 445 je le trouvai éveillé et tremblant, sans doute parce qu'il avoit senti l'impression de l'air froid. Alors il changea de place, et s'étant retiré dans un peut nid , derrière les tablettes, il y resta en léthargie jusqu’au 2 de février : ce jour-là je le réveillaien l’excitant ; je l’enfermai ensuite dans une caisse où ilse rendormit après avoir mangé une chataigne. Le 10 de février , la chaleur étant de 7 degrés, j'examinai le loir pendant plusieurs heures, et je vis des mouvemens de respiration au nombre de treize à quinze succéder à des intervalles de repos dont la durée étoit de dix-huit à vingt- quatre minutes. Chaque série de mouvemens commencçoit toujours par une légère inflexion de la queue, qui ensuite se relâchoit en s’écartant un peu de la tête, sur laquelle elle étoit ordinairement appuyée. Je remarquai aussi que dans chaque série les premiers mouvemens sont plus vifs, et que chacun finit par l'expiration. Le 12 février, la chaleur étant de 6 degrés et demi, je plaçai le loir dans un récipient autour duquel je produisis un froid artificiel qui fit descendre le thermomètre à un degré au-dessous de la glace. Le loir parut souffrir, et sa respira- tion devint plus forte et plus fréquente, sans éprouver aucune interruption pendant un certain temps; mais enfin il s’accou- tuma en quelque sorte à cette température , et les mouvemens de respiration ayant repris une marche périodique, ils se succédèrent au nombre de vingt-deux à trente, ces séries étant séparées seulement par des intervalles de repos d’une minute. Tandis que je faisois ces observations , le thermomètre étoit monté à un demi-degré au-dessus de o. Nous avons vu que les jours précédens, à la température 10. 57 446 ANNALES DU MUSÉU M de 6 à 8 degrés, les mouvemens consécutifs de respiration étoient de quinze à seize, et les intervalles de repos de vingt- deux à vingt-quatre minutes : d’où il snit que l'augmentation du froid accélère la respiration et la circulation. Ayant renouvelé autour du loir le mélange de glace et de sel, le thermomètre descendit à 6 degrés au-dessous de 0; et l'animal , après une respiration accélérée et continue, s'éveilla et chercha à s'échapper. Je le placai alors dans une caisse à une chaleur de 7 degrés, et au bout de quelques heures il réntra en léthargie. Le 21 de février , la température étant la même , je m’apercus avec surprise que la respiration avoit diminué, et que les mouvemens consécutifs n’étoient plus qu'au nombre de cinq à sept, à des intervalles de vingt-huit à trente-cinq minutes. Le 1.” de mars ayant, excité l'animal, il respira de suite dix-sept fois: puis, après dix-huit minutes de repos une seule fois, ce qui se renouvela; mais bientôt après, les séries de mouvemens furent de six à sept, et séparées par des intervalles de vingt à vingt-deux mioutes. J'observai son pouls, et je reconnus que les pulsations en étoient fort rares; mais jé ne pus en déterminer le nombre, parce que l'application de mes doïgts auroit réveillé animal, Les circonstances ayant continué d’être les mêmes, le 12 de mars je le trouvai mangeant une châtaigne: ce qui me fit peuser que dans ces mammifères un trop long jeûne produit le réveil. J'ai fait encore d’autres observations sur la léthargie des loirs; mais comme elles m'ont présenté des résultats sem- blables, à quelques anomalies près qu'il seroit diflicile d’ex- pliquer , je crois inutile d'en donner le détail. Je me borne D'HISTOIRE NATURELLE, 443 à rendre compte d’une expérience qui m'a offert des phé- nomèenes très-singuliers. Dans la belle saison, la chaleur étant de 15 à 16 degrés, je plaeai mon loir au fond d'un grand vase, sur un petit lit de foin, et je mis à côté de lui des noix et des châtaignes. A ma grandesurprise , l'animal ayant vainement tenté de sortir d’esclavage, refusa absolument toute nourriture, et s’aban- donna de nouveau au sommeil léthargique : mais au lieu que pendant l'hiver il se tenoit roulé en boule, il s'étendit sur le dos pour présenter à l'air la partie inférieure de son corps. Ea cet état, les intervalles de repos entre les mouvemens consécutifs de respiration étoient beaucoup plus courts, et les inspirations et les expirations beaucoup moins fréquentes, Le loir resta dans cet état d'engourdissement jusqu'au 17 juillet 1806; ce jour-là il vint à bout de s’élancer hors du vase, etil s'échappa:ce qui m'empécha de faire sur lui des observations anatomiques. $. IV. Des Muscardins. J'ai fait mes observations sur quatre muscardins ( Mus avellanarius ). Le premier me fut apporté à Milan dans l’état de léthargie , le 5 avril 1804. Jai conservé le second à Pavie, depuis le 29 décembre 1805, jusqu’à la fin de février 1806. J'ai eu les deux autres cette année. Je vais d’abord parler des phénomènes de la respiration, Le 29 décembre 1805, la chaleur étant d’un degré, le second de mes muscardins étoit dans une léthargie si profonde, qu'il paroissoit privé de vie. Je l’excitai par des stimulans mécaniques, et il me donna des signes non équivoques de respiration, accompagnés d’un léger sifflement de douleur. Ensuite ces mouvemens de respiration se renouvelèrent DUT 448 ANNALES DU MUSEUM d’une manière languissante cent quarante-sept fois dans l’es- pace de quarante-deux minutes, mais par séries inégales et à des intervalles inégaux. Voici l’ordre dans lequel ils se suc- cédèrent. Les intervalles de repos furent, les deux premiers, de quatre minutes; le troisième, de huit; le quatrième, de trois ; le cinquième, de huit ; le sixième , de sept; et le nombre correspondant des mouvemens de respiration fut de vingt-un, vingt-deux , vingt-huit, vingt-deux, trente et vingt-quatre. Le 1° de janvier 1806, la température étant d'un degré au-dessous de la glace, le muscardin s’éveilla, se débarrassa de ses excrémens , et mangea une partie des alimens que j'avois mis près de lui. Deux jours après, la température s'étant adoucie , il repassa bientôt du sommeil à la léthargie : et le 5 de janvier, je le transportai dans une chambre à feu, pour que le froid ne le tirät pas de cet état. Le 10 janvier, latempérature de la chambre étant de quatre à cinq degrés, j'observai de nouveau la respiration, et voici dans quel ordre se succédèrent les intervalles de repos et les séries de mouvemens. Nomsre des mouvemens de respiration InrenvaLces de repos. dans les séries correspondantes. minutes. 16 5 4 30 3 29 2 29 5 10 12 23 12 Æorar. » , 82 minutes, Torar . . 174 D'HISTOIRE NATURELLE. 449 F1 suit de là qu’à la température de 4 à 5 degrés, le mus- cardin a respiré beaucoup moins qu'à celle d’un degré. Le muscardin étant toujours en léthargie, je lobservai de nouveau le 14 janvier, et je vis que les intervalles de repos étoient prolongés, tandis que les mouvemens de respiration étoient moins nombreux. En effet, les intervalles de repos duroïent quinze ouseize minutes : il y en eut même nn de vingt- sept minutes, et le nombre des mouvemens dans chaque série étoit seulement de seize, de treize et même de six ou sept; tellement que dans lespace de cent neuf minutes, la chaleur étant de trois ou quatre degrés, il ne respira que soixante- six fois, finissant toujours par lexpiration. Le 5 avril, le thermomètre marquant 10 degrés, le mus- cardin respira quarante-sept fois en trente-quatre minutes. Les mouvemens étoient au nombre de sept ou huit dans chaque période, et les intervalles de quatre à huit minutes. Exposé à l'air libre, à une température de 7 degrés, il respira quarante-deux fois en quarantecinq minutes, à des intervalles très-inégaux et par séries inégales. Un jour , la température étant de 11 degrés, il respira soixante-deux fois en trente-deux minutes ; les périodes étant de six à huit mouvemens, et les intervalles de trois à quatre minutes. Une autrefois, à la température de 5 degrés, les séries furent de six ou sept mouvemens, et les intervalles de sept à dix minutes. Toutes les fois que j’exposois le muscardin au soleil, il sen- toit l'efiet de la lumière et de la chaleur : sa respiration n’étoit plus suspendue, et elle s’exécutoit d’une manière uniforme et régulière , comme dans le sommeil naturel. Bientôt il s’éveilloit etmangeoit quelques morceaux de chätaigne ; puis, après s'être roulé en boule, il se rendormoit. Pendant une demi-heure , il 450 ANNALES DU MUSÉUM respiroit sans imterruption vingt-cinq ou trente fois par minute ; ensuile la respiration n'avoit plus lieu que dix ou onze fois par minute : deux ou trois signes consécutifs d’une respiration vive étant suivis d’un intervalle de repos après lequel ils re- commençoient dans le même ordre. Peu à peu les intervalles s'accroissoient : on ne comptoit plus que sept ou huit mouve- mens, et au bout d'une heure seulement, trois mouvemens par minute: une heure après, les séries étoient de quatre à six mouvemens, et les intervalles de deux ou trois minutes, Enlin la léthargie devenant plus profonde, les périodes de mouvemens et les intervalles de repos augmentoient dans la même proportion. Le 9 avril, la chaleur étant de 4 degrés, je plaçai le muscardin en léthargie dans un mélange de glace pilée et de muriate de chaux, qui fit descendre le thermomètre à 2 degrés au-dessous de 0; alors la respiration s'accéléra: elle fut d’abord de dix et s’éleva enfin à trente-deux mouvemens par misute, sans qu'il y eût aucun intervalle de repos. Mais cette respiration, au lieu d’être pénible comme dans les marmottes, s'exécutoit de la même manière que dans le sommeil naturel, Deux heures après, le thermomètre étant à zéro, la res- piration se ralentit, et bientôt elle s’exécuta par séries de vingt-quatre à vingt-six mouvemens, séparées par des inter- valles d’une minute de repos. À mesure que le thermomètre s'éleva, les intervalles devinrent plus longs, et le nombre des mouvemens diminua. A deux heures après midi, le muscardin ayant été exposé au soleil, il se réveilla en moins d’une demi-heure. Pendant deux heures, il fut très-gai et fit divers mouvemens : puis il D'HISTOIRE NATURELLE. 453 s'endormit, et dans l'espace d'une heure il retomba en le- thargie sous la température de 11 degrés. Quelques heures après, comme il faisoit beaucoup de vent, je le placai en dehors de ma fenétre : sa respiration devint tout-à-coup fréquente et pénible ; 1l donna des signes non équivoques de l’incommodité qu'il éprouvoit , et sans se ré- veiller, 11 se tourna de manière à présenter le dos au vent. Les deux autres muscardins que j'ai observés en 1807, m'ayant présenté les mêmes phénomènes, je n’entrerai dans aucun détail : je dirai seulement que pendant les mois de mai et de juin, jai vu le dernier muscardin qui nvétoit resté , être presque tous les matins dans l’état de léthargie, quoi- que la température füt aa moins de 15 degrés. Dans cet état, il respiroit conséculivement trois ou quatre fois, après un intervalle d'environ une minute. Il paroit d'apres cela que cet animal est de tous les mammifères celui qui est le plus dis- posé à la léthargie. Je fis périr ce dernier muscardin de la léthargie mortelle, en l’exposant à un froid artificiel de 10 degrés. Il mourut en moins de vingt minutes. L’ayant ouvert, je ne remarqnai rien de particulier dans les viscères du bas-ventre. Les veines du mezentère se distimguoient à peine , à cause de la peute quan- tité de sang qui y étoil restée; et les chairs musculaires étoient fort pales. Je trouvai au contraire une grande abondance de sang dans les oreillettes du cœur, ainsi que dans les principaux vais- seaux qui se rendent aux poumons ou qui en sortent, et l’on voyoit que le sang s’étoit extravasé dans les lobes même du poumon. Celte extravasion étoit partielle et mon générale, 452 ANNALES DU MUSÉUM Les veines du cou, de la tête, et surtout celles du cerveau étoient tellement gonflées de sang que leurs plus petites ra- mifcations paroissoient avoir élé injectées. C’est tout ce que j'ai pu remarquer de particulier dans ce petit animal. Les diverses observations que j'ai faites sur la léthargie des muscardins depuis le mois d'avril 1804, concourent à prouver qu'une température trop élevée ou trop froide les réveille ; qu'aussitôt qu'ils sont éveillés ils prennent quelques alimens, quoique avec beaucoup de sobriété; qu'ils passent de la lé- thargie à la veille en moins de demi-heure, tandis qu'il faut plus de temps aux marmottes ; enfin , que ce passage à l’état de veille est d'autant plus prompt que la température est plus élevée, parce que dans ce cas ils reprennent plus vite le calorique nécessaire à l'exercice des fonctions vitales, S. V. Observations ultérieures sur les phénomènes que pré- sente l’économie organique des Marmottes dans l'état de léthargie et dans l'état de veille. — Causes extérieures et organiques qui produisent la léthargie conservatrice dans ces animaux. Dans mon premier Mémoire sur la léthargie périodique des marmottes, j'ai rendu compte des phénomènes qu’elles présentent en cet état, relativement à la marche de leurs principales fonctions organiques , et aux effets que produit sur leur économie intérieure une température trop élevée ou trop froide. Je vais maintenant rapporter ce que j'ai observé dans les viscères du bas-ventre de la plus petite de mes marmottes, que je fis périr le 25 de mai 1804, au moment où elle venoit D'HISTOIRE NATURELLE. 453 de s'éveiller, après avoir été engourdie pendant tout l'hiver, et faire connoitre quelques circonstances propres à déter- miner les principales causes qui produisent la léthargie con- servatrice. Enfin, j’exposerai les observations que j'ai faites cette année sur deux marmoites que j'ai décapitées, lune, pendant qu’elle étoit plongée dans la plas profonde léthargie ; et l’autre, au commencement de l'été, tandis qu’elle étoit par- faitement éveillée. Ayant pesé la première de ces marmottes avant de la tuer, je trouvai qu’elle pesoit dix-neuf onces cinq gros, et qu’elle avoit perdu deux onces et demie de son poids, depuis trois mois et demi qu'on me lavoit apportée. Cette diminution de poids avoit deux causes; 1.° la lente absorption dela graisse pendant la léthargie, 2° la déperdition qui avoit eu lieu pendant les deux ou trois intervalles de veille produits par une température trop élevée ou trop froide. Ayant ouvert cette marmotte, je trouvai l'estomac entière- ment vide, et sa capacité considérablement diminuée. Le tube intestinal étoit également vide, si l’on en excepte le cæcum et le rectum, qui contenoient quelques matières excrémentitielles ; ce qui prouve qu'avant de s'endormir les marmottes n’observent pas toujours un jeüne absolu. La vessie étoit remplie d’une urine limpide. La marmotte étoit grasse, principalement dans les parties intérieures. * J'observai à peu près les mêmes choses dans une autre marmotte en léthargie, que je décapitai le 22 de mars 1805. Mais en ouvrant celle-ci, j'avois deux objets : le premier, d'examiner l’état des viscères les plus importans, comme le cœur, les poumons et le cerveau. Le second étoit de voir 10. 58 454 ANNALES DU MUSÉUM comment procèdent les phénomènes de l'irritabilité muscu- laire ; parce qu'ayant entendu dire à un célèbre naturaliste, que l'engourdissement avoit pour cause l’altération ou la sus- pension de cette irritabilité , il n’importoit de savoir si cette assertion étoit vraie. Dans la chambre où se trouvoit la mar- motte, le thermomètre étoit à 6 degrés et dem : l'ayant in- troduit dans le bas ventre , il monta d’un degré, c'est-à-dire à 7 degrés et demi. Il coula peu de sang , quoique j'eusse coupé les principaux vaisseaux du cœur ; je recueillis ce sang, et deux heures après je vis qu'il s’en étoit séparé une grande quantité de serum , contre la supposition du célèbre Buffon, qui, s'appuyant sur un passage des Transactions philosophiques, prétendoit que lorsque les marmottes sont en léthargie, leur sang est privé de ce principe. Je trouvai les poumons dans leur état naturel. Le cœur continua à battre pendant plus de trois heures. Les pulsations, d'abord vives et fréquentes, s’affoiblirent et se ralentirent peu à peu. J'en avois compté de seize à dix-huit par minute au commencement de la première heure; à la fin de la troi- sième je n'en comptois plus que trois dans le même temps. Les veines du cerveau me parurent gonflées de sang. La tête unie au cou ayant été séparée du tronc, je la mis dans un vase avec de lesprit-de-vin , et j'y reinarquai ;inéme après une demi-heure, des mouvemens asseZ sensibles. Ce fait prouve, ainsi que plusieurs autres dont je parlerai bientôt, que si dans l'état de léthargie conservatrice la vie est beau- coup moins énergique, le principe vital répandu dans les di- verses parties , à beaucoup plus de ténacité et tarde bien plus à s'étemdre. D'HISTOIRE NATURELLE. 455 J'ai dit qu'il coula peu de sang des principaux vaisseaux, parce que, la cireulation étant très-lente, il $e trouvoit ré- pandu dans toutes les parties du corps; et c’est pourquoi les chaïrs musculaires we parurent trés-rouges. Je séparai du corps de l'animal plusieurs morceaux des musclés qui obéissent à la volonté ,et je vis avec étonnement que, trois heures après la mort, ils se contractoient fortement chaque fois que je les soumettois à Paction galvanique. Ces mouvemens convulsifs ne se ralentirent qu’au bout de quatre heures. Il suit delà que les marmottes tuées pendant qu’elles sont en léthargie, présentent, relativement à lirritabilité , à peu près les mêmes phénomènes qu’on remarque dans plusieurs animaux à sang froid. Pour savoir ensuite si les phénomènes d'irritabilité étoient les mêmes dans l’état de veille et dans celui de léthargie, le 25 de juin, j'ai fait périr, précisément de la même manière, une seconde marmotte qui étoit éveillée depuis deux mois, et qui faisoit de fréquentes courses dans le jardin. Mon thermomètre marquoit ce jour-là 18 degrés : l'ayant introduit dans le ventre de la marmotte au moment où je venois de la décapiter , il s’éleva à 29 degrés. Ayant mis le cœur à découvert, comme je l’avois fait dans mon expérience du mois de mars, je comptai d’abord vingt- sept ou vingt-huit pulsations par minute. Ce nombre n’étoit plus que de douze au bout d'un quart d'heure, et de huit, au bout de demi-heure: dans les dix minutes suivantes, il n’y eut plus que quatre pulsations très-foibles par minute, et elles cessèrent totalement dans les dix dernières minutes , c’est-à- dire cinquante minutes après la mort de l'animal; tandis qné Sa” 456 ANNALES DU MUSÈUM le cœur de la marmotte tuée dans l’état de léthargie, donnoit encore quatre légères pulsations par minute, trois heures après que la tête avoit été séparée du corps. Cette grande différence prouve que le principe de Pirritabilité s’'accumule pendant la léthargie conservatrice. Les chairs musculaires me semblèrent plus päles que celles, de la marmotte en léthargie : elies étoient d’abord tres-sen- sibles à l'action galvanique; mais ces signes d’irritabilité s'af-, foiblirent et disparurent bien plus rapidement. En effet, les chairs musculaires de cette marmotte étoient peu sensibles au bout de deux heures, tandis que dans la marmotte tuée en hiver elles se contractoient fortement au bout de trois heures, et que l'irritabilité ne s’affoiblit notablement que quatre heures apres la mort. Les chairs des muscles intercostaux et Sdecihane conser- vèrent leur sensibilité au stimulus électrique quelques minutes de plus que celles des membres; d’où l'on peut conclure que le principe de l’irritabilité se conserve davantage dans certaines parties du même animal. Mais ce qui est prouvé jusqu’à l’évi- dence, c’est que ce principe a bien plus de ténacité dans les chairs de l'animal tué pendant l'état de léthargie, que dans celles de l'an mal tué pendant l'état de veille. Ayant examiné l’estomac de cette dernière marmotte, je le trouvai d’une médiocre capacité et rempli de morceaux de châtaignes et de noix qu’elle avoit mangés trois heures aupa- rayant, et qui n’étoient point encore digérés. L'intestin cæcum étoit extrêmement grand et tout rempli d'une substance pultacée de couleur fauve, dans laquelle on voyoit encore de petits morceaux de châtaignes. Dans l'inté- rieur, jobservai une multitude de rides, et dans le mézen- D'HISTOIRE NATURELLE. 457 tère, qui en est voisin, je vis un amas ires-considérable de glandules, vers lesquelles se dirigeoïent lesnombreux vaisseaux chilifères, qui venoient principalement de l'intestin cæcum. En examinant les circonstances qui accompagnentla léthargie de plusieurs mammifères, j'aurois désiré déterminer le rap- port exact entre les mouvemens du cœur et ceux des pou- mons; mais autant il est facile de connoître avec précision les derniers, autant il est difficile de déterminer les premiers. Les expériences démontrent que l'action du cœur, quoique fort ralentie, n’est nullement supendue; mais il est presque impossible de s'assurer du nombre des pulsations. Il faudroit pour cela déranger l'animal de sa position naturelle, ce qui les rendroit bientot plus fréquentes ; car le moindre stimulus extérieur, le moindre changement de position, cause des mou- vemens d'irritabilité, une accélération dans la respiration, etc. Il me reste maintenant à indiquer les causes, les plus pro- bables de la léthargie conservatrice ; et pourquoi elle est par- ticuliere à certaines espèces. Pour parvenir à ce but, jai dirigé mes observations sur les marmottes, parce qu’elles semblent occuper le premier rang parmi les mammiferes sujets à l’engourdissement, soit à cause de la durée de cet état, soit à cause des circons- lances qui l’accompagnent. On a cru que le froid étoit la cause de la léthargie de cer- tains mammifères, que ce froid en augmentant rendoit la léthargie plus profonde, jusqu'à ce que devenu excessif, il produisit la gangrène et la mort. Ce principe peut s'appliquer à tous les animaux lorsqu'il est question de la léthargie mortelle causée par l’excès du froid, et l'explication qu’en ont donnée plusieurs naturalistes 458 ANNALES DU MUSÉUM est admissible en partie ; savoir : que les vaisseaux de la peau et des extrémités étant les premiers à s’engourdir lorsqu'ils ne sont plus assez stimulés par le calorique, le sang y circule en moindre quantité, conne le montre la paleur des parties; qualors ce sang se porte en plus grande abondance vers le. cerveau, et que le sommeil est là conséquence nécessaire de la compression de cet organe, ete. Je dis que cette explication n’est admissible qu'en partie, parce que si lon ouvre un animal mort pendant la léthargie causée par lexcès du froid, on trouve un bien plus grand dé- sordre dans les vaisseaux du cœur ét des poumons que dans ceux du cerveau, quoique trés-gonflés de sang veineux ; comme il résulte des observations que j'ai faites sur les hé- rissons et les muscardins. Pe plus, il est à remarquer que le sommeil précurseur de la léthargie mortelle , pourroit être causé en partie par lépui- sement de la faculté qu'ont les animaux de produire la chaleur nécessaire à la vie. Nous voyons en effet que l’animal s'efforce, aatant qu'il peut, par des inspirations fréquentes et pénibles, de créer la chalenr dont il a besoin pour vivre; que la dépense des forces vi- tales, qu'il fait pour cela , épuisant ses facultés, il s’affoiblit au point que l'action du froid prévaut; que par une suite de cet épuisement sa-respiration devient plus languissante et plus rare, jusqu'à ce qu'elle cesse totalement, et qu’alors il meurt. Le docteur Cleghorn, dans le IV volume du Recueil de dissertations de la Société royale et médicale d Edimbourg, en traitant du sommeil naturel, parle aussi de la léthargie, qu'il attribue en partie au froid, mais principalement à l'air méphitique dans lequel l'animal se trouve enfermé: et ileite D'HISTOIRE NATURELLE. 459 à ce sujet une expérience de M. Allemand, qui, ayant pris un animal en léthargie caché dans la terre, le vit alternati- vement se réveiller et s’engourdir, selon qu’on le tenoit à l'air libre pendant la gelée, ou qu’on le reportoit dans un sou- terrain. L'animal soumis à cette expérience étoit le Mus cricetus. On le tenoit dans une caisse qu'on ensevelissoit à cinq pieds au-dessous de la surface de la terre: or à cette profondeur la température est bien différente de la température exté- rieure ; et celte différence de température favorisoit l'engour- dissement. Mes nombreuses observations prouvent jusqu’à Pévidence que ni l'influence de Pair vicié, ni lexces du froid, ne coniribue en rien à plonger les animaux dans la léthargie conservatrice. Une marmotte, que jai eue chez moi pendant deux ans, est restée éveillée dans toutes les saisons et malgré les vicis- situdes de la température. M. Bossi, de Turin, m'écrit qu'il a gardé deux ans de suite trois marmottes qui ne se sont ja- mais engourdies, quoiqu'il les ait tenues long-temps exposées à une température de 5 ou 6 degrés au-dessous de la glace, et dans une chambre où il y avoit du foin, dans lequel elles se tapissoient tous les jours après avoir mangé et satisfait à leurs besoins. Il est également faux que Fair méphitique soit la cause de la léthargie conservatrice, puisque les cinq espèces de mam- muiferes que j'ai observés dans cetétat pendant plusieurs mois, et qui y sont rentrés apres avoir été réveillés par une cause quelconque, se sont toujours trouvés dans ‘une chambre où Fair se renouveloit librement. Quoiqu'une certaine température soit une-condition indis- 4Go ANNALES DU MUSÉUM pensable pour que les animaux entrent et restent en léthangie, celte cause seule ne sullit pas. En effet, dans la même chambre où les deux premières marmottes que j'avois reçues de Chia- vena étoient en léthargie, il y en avoit une troisième qui resta toujours éveillée, si lon en excepte les intervalles du sommeil naturel auquel elle se livroit tous les jours; et tandis que les premières , ayant été plusieurs fois réveillées par les essais que je fis pour connoître l’action du froid et de la chaleur sur leur économie intérieure, repassèrent toujours à la lé- thargie, la troisième ne donna jamais le moindre signe d’en- - gourdissement. Mais il faut remarquer que iandis que celle-ci, à peine sortie du sommeil ordinaire, alloit chercher les alimens qui lui con- venoient le plus, les autres, lorsqu'on les avoit retirées de leur léthargie, faisoient seulement quelques mouvemens ça et là dansl'intérieur de leur caisse , jusqu’à ce qu'elles se tapissent de nouveau pour s'endormir et passer d’une manière insen- sible, dans moins de vingt-quatre heures, du sommeil ordi- paire à la léthargie conservatrice. J'observai aussi que pendant ces courts intervalles de veille, au lieu de manger une partie du foin qui leur servoit de lit, elles refusoient les châtaignes et les autres fruits qu’elles aiment le plus; ce qui me fit penser que le jeüne étoit une des cir- constances nécessaires pour entrer en léthargie. J'en fus surtout convaincu lorsque ayant, après plusieurs tentatives et bien avant dans l'hiver, obligé la plus grosse de mes marmottes ,réveillée pour la cinquième ou la sixième fois, à manger une datte et la moitié d’une chätaigne, elle ne montra plus la même tendance à l'engourdissement, et con- tinua , les jours suivans, à manger d'elle-même les fruits que D'HISTOIRE NATURELLE. 46% je mis à côté d'elle, tandis que sa compagne, exposée à la même température, restoit toujours en léthargie. IL est cepen- dant possible que les fréquentes visites que je lui fis après l'avoir réveillée et forcée de manger , aient contribué à l’em- pêcher de se rendormir. Les marmottes sont très-grasses en automne lorsqu'elles $’'enferment pour se livrer à lengourdissement; mais ilest bien certain qu’elles ne transportent pas la moindre provision dans leur retraite. Dans le fond de ces galeries souterraines la chaleur est constamment de 8 à 9 degrés; si à cette tempé- rature se joint un repos absolu, accompagné d’un jeune de dix ou quinze jours, elles passent de la veille au sommeil or- dinaire, puis à la léthargie conservatrice, et elles restent dans cet état jusqu’au printemps, probablement sans aucune in- terruplion. Pendant cet intervalle, la dépense de leurs forces “vitales est extrêmement petite, comme le prouve une multui- tude d'expériences. Ainsi une marmotte en léthargie ne res- pire en six mois qu'environ soixante-onze mille fois, et d’une respiration fort lente, tandis que dans la belle saison la même marmotte respire au moins soixante-douze mille fois en deux jours. Mais quelle est la cause organique qui peut contribuer à retenir les marmottes dans cet état, pendant lequel la vie est entretenue uniquement aux dépens de la graisse sous une température donnée ? Pour éclaircir ce point, j'ai particulièrement dirigé mes recherches sur l'organe cérébral, principal agent des fonctions organiques, et dont les fibres , quoiqu’elles soient douées d’une excitabilité propre, de laquelle dépendent les fonctions ani- males et la veille, ont cependant toujours besoin d’une quan- 10. 59 462 ANNALES DU MUSEUM tité donnée de sang artériel pour entretenir et raviver cette excitabilité. Nous savons que tant que le sang artériel, par une cause quelconque, afflue en abondance vers l'organe cérébral, il le maintient dans un état d’excitation qui s'oppose au sommeil. On doit naturellement inférer de là que si le sang artériel ne se porte qu'en petite quantité au cerveau , par une Orga- nisation particulière, telle que le moindre nombre d’artères ou la petitesse de leur calibre, et ci cette circonstance parti- culière concourt avec d’autres causes extérieures débilitantes, les fonctions cérébrales seront sujettes à s’affoiblir, l'énergie des fibres du cerveau diminuera;ce qui produira d'abord le sommneil, et ensuite la léthargie. J'ai donc, pendant le cours de cette année, injecté le sys- tème artériel et veineux du cerveau de plusieurs marmottes, et j'ai observé, en premier lieu, que la quantité des vemes, comparée à celle des artères est, dans ces mammiferes , bien plus considérable que dans ceux qui ne sont point sujets à l'engourdissement. Mais ce qui a plus particulièrement fixé mon attention, c’est le système artériel de ces animaux. Dans les autres mammiféres, nous trouvons deux grandes carotides internes , et conséquemment deux grandes artères cérébrales, outre les deux vertébrales qui se réunissent dans la seule basilaire. De ces artères cérébrales et basilaire dé- rivent toutes celles qui se rendent aux diflérentes parties du cerveau et du cervelet. De plus, c’est des artères cérébrales antérieures que dérivent les deux petites artères qui vont en bas s'anastomoser avec les deux principaux rameaux prove- nant de la basilaire ,et qui portent le nom d’artères commu- nicamtes, à cause de la comwamication qu'ils établissent entre D'HISTOIRE NATURELLE. 463 le sang des deux cérébrales, continuation des carotides, et deux des principaux vaisseaux de la basilaire, formée par les vertébrales. Dans les marmottes, au contraire, l'artère basilaire, formée par les deux vertébrales, se partage pour distribuer seule le sang à toutes les parties du cerveau et du cervelet : les deux principaux vaisseaux de la basilaire se portent vers la partie antérieure du cerveau; et ( si nous en jugeons par les appa- rences ) dans le lieu qui correspond à-peu-prèes, à l'entrée des cérébrales, ces deux vaisseaux donnent plutôt qu'ils ne re- coivent deux petits rameaux artériels, lesquels ayant percé la dure-mère, au lieu de suivre la marche propre des carotides internes , se portent en avant vers la cavité de l'œil, et sur leur route fournissent de petits rameaux à diverses parties , jusqu’à ce que le tronc principal se reploie pour s’anastomoser avec un grand rameau de la carotide externe, ou autrement de la maxillaire interne. Il faut encore avertir qu’aussitôt après l'insertion de ce ra- meau , qu’on pourroit confondre avec la cérébrale, nous voyons le rameau de la basilaire dans lequel il entre , ou plutôt du- quelil sort, s’avancer en diminuant de diamètre, tellement que, à le bien considérer , soit par rapport à sa marche, soit par rapport à la direction des petits rameaux artériels qui en dérivent , il semble étre réellement un rameau artériel qui se sépare des principaux vaisseaux cérébraux pour communiquer avec un rameau de la carotide externe, après avoir fourni de petits rameaux à la dure-mère, et en continuant sa route vers les autres parties de la tête. Si, d’après ce que nous venons d'exposer, on est conduit à croire que ces deux petits rameaux artériels qui se séparent 29* 464 ANNALES DU MUSÉUM des deux principaux vaisseaux de la basilaire, font les fonc- tions de communicantes avec les maxillaires internes, plutôt que de véritables carotides, on comprendra très-bien pour- quoi les marmottes, par le défaut d’affluence du sang artériel au cerveau, sont si disposées au sommeil pendant la belle saison , et pourquoi elles passent si facilement à la léthargie, lorsqu’à cette cause se joignent les deux circonstances de la température et de l’abstinence, qui tendent à diminuer encore l'affluence de ce même sang au cerveau, et conséquemment l'excitation et l'énergie des fibres de cet organe. Il étoit cependant nécessaire que, même pendant la léthargie, les fibres du cerveau recussent du sang artériel une excitation suflisante ponr entretenir la vie par un exercice trés-lent des plus importantes fonctions de l'économie organique. Il paroît que c’est pour cela que la nature a donné au cerveau de ces animaux un nombre de veines très-considérable en compa- raison de celui des artères : compensant ainsi par le ralen- tissement de la circulation (1) la petite quantité de sang que (1) Le texte porte ici circulation artérielle; nous présumons que c’est, une faute d'impression. Le moindre diamètre des artères devroit accélérer et non ralentir Ja circulation dans ces vaisseaux: c’est lorsque le sang auroit passé dans les veines, qu'il y circuleroit plus lentement. Au reste, sans prétendre contester - l'exactitude des observations de M. Mangili sur le cerveau des marmottes, nous croyons devoir avertir qu'elles nous paroissent trop éloignées des notions acquises jusqu'a ce jour par l’anatomie comparée, pour qu'on puisse les adopter sans un nouvel examen ; nous l'invitons à les répéter sur plusieurs individus de la même espèce , el à suivre le projet qu'il annonce de les étendre aux autres mammifères sujets à l’engourdissement. On a vu souvent, dans les préparations anatomiques , que le cerveaus'injectoit parfaitement , soit par les seules artères vertébrales, soit par les carotides internes, L'existence des artères communicantes explique très-bien ce qui arrive dans cette circonstance. te F D'HISTOIRE NATURELLE. 465 le petit nombre des artères porte an cerveau. En effet les artères, dont le diamètre est fort étroit, se déchargeant dans les veines, dont le diamètre est fort grand, le cours du sang se trouve ralenti proportionnellement à la grande différence qu'on observe entre le système artériel et le systéme veineux du cerveau de ces mammiferes. Sans ce mécanisme particulier, le cerveau ne recevroit point l'excitation nécessaire à la con- servation de la vie, et l'animal passeroit nécessairement de la léthargie à la mort. D'après l’analogie, on doit croire que les autres mammi- fères sujets à la léthargie périodique présentent quelque chose de semblable dans leur organisation ; que des causes pareilles ralentissent, dans les circonstances indiquées, les fonctions vitales sans les suspendre, et que la vie est entretenue, soit par la seule absorption de la graisse, soit par cette substance unie au chile provenant de la petite quantité de nourriture que certaines espèces prennent pendant les courts intervalles de veille auxquels elles sont quelquefois exposées dans le cou- raut de l'hiver. Ces autres mammifères étant beaucoup plus petits que les marmottes, et habitant des climats plus tempérés et plus sujets aux variations de atmosphere, ils ont peut-être besoin de prendre de loin en lom quelques alimens pour suffire à la plus grande dépense de forces vitales qu'ils font pendant les interruptions de leur léthargte. Je me propose d'examiner attentivement et d'exposer dans un autre Mémoire les particularités que présente organe cérébral de ces animaux. 466 ANNALES DU MUSÉUM MEMOIRE Sur le Drus4, genre nouveau de la famille des Ombellifères. PAR M. DECANDOLLE. EL famille des Ombellifères est tellement naturelle, que la moindre anomalie dans ses caractères généraux est digne de fixer l'attention des botanistes; c’est sous ce rapport que je crois utile de faire connoître avec quelque détail la struc- ture d’une plante qui constitue un genre nouveau parmi celles des Ombellifères qu’on a coutume d'appeler anomales. Je donne à ce genre le nom de Drusa, en l'honneur de M. A. P. Le Dru, botaniste distingué , qui a fait partie de la première expédition du capitaine Baudin, dont il va publier la relation et qui a découvert notre plante dans l’île de Ténériffe. Il l’a trouvée en fleur au mois de février, sur la route qui conduit de la Villa-Orotava à Monte-Verde. Elle croît dans les fissures humides des rochers, d’où elle rampe sur les arbustes voisins. Cette plante, qu'on trouve dans plusieurs herbiers, a sou- vent piqué la curiosité des botanistes , qui différoient beau- coup entre eux sur la place à laquelle on devoit la rapporter dans l’ordre naturel: les uns n’ont point hésité à la ranger parmi les Cucurbitacées ; d’autres la rapprochoïent des Om- bellifères ou des Saxifrages. L'extrême petitesse des fleurs D'HISTOIRE NATURELLE. 467 faisoit croire que les échantillons en étoient dépourvus, et personne m’avoil encore tenté de déterminer exactement la véritable structure de cette plante. Ayant eu occasion d’en trouver des fleurs et des fruits en bon état, j'ai vu que la fleur offre cinq pétales entiers épigynes, cinq étamines al- ternes avec la fleur, et deux styles renflés à la base; que le fruit est composé de deux péricarpes planes, dentés sur les bords, adhérens à un axe filiforme, et appliqués l’un contre l'autre par leur côté plane ; que les graines sont solitaires dans chaque péricarpe, attachées au sommet, dirigées de haut en bas, munies dun périsperme charnu et d’un embryon dico- tylédone, à radicule dirigée en haut. Il ne peut donc rester aucun doute que cette plante est une ombellifère. Elle diflère cependant de toutes les Oimbelliféres connues, parce qu’elle a les feuilles opposées. On trouve bien quelques es- pèces d’Hydrocotylés, etnotamment l Hydrocotyle virgata de M. 1 amarck , dontles feuilles paroissent presque opposées; mais en y regardant avec soin , on reconnoit que dans ces plantes les deux feailles sont insérées un peu au-dessus l’une de l'autre, et que ce sont réellement des feuilles alternes tres- rapprochées. Dans le Drusa au contraire, les feuilles sont rigoureusement opposées : chacun des pétivoles s'évase à sa base en une petite gaine demi-embrassante; car, sous ce dernier rapport, elles sont analogues aux feuilles des autres Ombelliferes. S'il est aisé de décider la fanulle dont le Drusa fait partie, il ne l’est pas autant de déterminer la place qu'il doit occuper dans cette famille. À ne consulter que le port général de la plante, et la disposition de ses fleurs en ombelles inparfaites, on n'hésiteroit pas à la raïger aupres des Hydrocotyles. On seroit confirmé dans celte opinion, en voyant que notre plaute 468 ANNALES DU MUSEUM a le fruit comprimé, et que ce même caractère se trouve parmi ceux des Hydrocotylés; mais la structure de ces deux fruits est réellement très-différente. Le fruit de l'Hydrocotylé est comprimé, parce qu'il est formé de deux graines com- primées et adhérentes par un de leurs bords; celui du Drusa est comprimé, parce qu'il est formé de deux graines plates, appliquées par leurs faces lune contre l’autre. Cette difié- rence, jusqu'ici trop négligée dans la classification des Oim- belliféres, rapproche donc le Drusa (du moins quant à la structure de son fruit) des geures Æeracleum, Artedia, Has- seliquistia, T'ordylium et Spananthe. Observons encore que le genre Spananthe a été, malgré son port, réuni par M. Wil- denow, aux Hydrocoiylés, mais qu'il en diffère par le miéime caractère que le Drusa; savoir, parce que les deux parties du fruit sont appliquées par leurs faces et non par leurs angles : on ne peut pour cela le confondre avec notre nouveau genre, qui se distingue du Spanante par la disposition de ses fleurs, et par son fruit bordé de sinuosités remarquables. Cette différence entre les Ombelliferes, dont les parties. du fruit sont appliquées par leur grand ou par leur petit côté, n'a aucun rapport avec la position des graines ; mais quoique elle ait été jusqu'ici négligée, elle est une des plus importantes que la structure des péricarpes puisse présenter: sans doute un jour elle deviendra la base d’une classilication naturelle des oimbellifères ; je me contente d'appeler sur elle l'attention des botanistes, et d'observer qu’elle rappelle en quelque sorte la différence observée depuis long-temps, quoique désignée sous de faux noms, entre les Cruciferes siliculeuses à valves planes ou paralleles à la cloison, et celles à valves en caréne, ou , conime on disoit, perpendiculaires à la cloison. D'HISTOIRE NATURELLE. 469 Le Drusa présente sur sa tige , ses pétioles , ses pédoncules, sur les nervures de la surface inférieure de ses feuilles , et à l’ex- trémité des dentelures de son fruit, des poils d’une nature particulière. Ces poils sont roides, épanouis au sommet en trois ou quatre rameaux courts et crochus; ils rappellent par leur forme ceux de quelques Tordyles et de quelques Gau- calides ,.et sont en particulier tout-à-fait semblables à ceux qu'on trouve sur le fruit du Caucalis maritima. Je ne crois pas qu'ils se retrouvent hors des Ombellifères. La forme et méme la consistance des feuilles du Drusa ressemblent à celles des Saxifragées, qui, comme lui, croissent dans les lieux humides et ombragés, telles que les Chrysos- plenium, les Saxifraga rivularis, cernua , etc. Cette ressem- blance dans le port tend, ce me semble, à confirmer l'ordre des Dicotylédones polypétales proposé par M. Lamarck, et suivi dans la troisième édition de la Flore Françoise. En effet, il n’existe entre les Ombellifères et les Renonculacées aucune autre ressemblance que la forme générale des feuilles et la présence d’un périsperme, tandis que les Saxifragées s’ap- prochent des Ombelliféres par leur calice adhérent à l'ovaire; par leur ovaire à deux loges, par leurs deux styles, par leurs pétales et leurs étamines en nombre déterminé, par leur graines munies d’un périsperme. Quant au port, je viens de citer un premier exemple tiré de la forme des feuilles: M. de Jussieu cite lui-même la ressemblance de l'Adoxa avec les Panax. Quant à l’inflorescence, le rapport des Hydrangea avec les Viornes, et par conséquent avec les Ombellifères, est connu de tout le monde. Enfin, il me semble plus conforme au système qui réunit les familles naturelles, de passer des Polypétales épigynes à celles qui sont périgynes, plutôt que 10. 6o 470 ANNALES DU MUSEUM de placer entre elles les familles à étamines hypogynes. Au reste, quoique je pense que cet ordre soit plus naturel que celui admisjusqu'à présent, je ne me dissimule point qu’il existe un grand intervalle entre les Saxifragées et les Ombellifères , et que peut-être la vraie structure de ces dernières n’est Le encore bien éclaircie. Je passe à la description détaillée du nouveau genre que je propose. DRUSA. Calycis limbus non apparens, Petala integra, ovalia. Styli duo bast incrassati. Fructus compressus, pericarpiis duo- bus, planis, margine sinuato-dentatis ; constans ;— flores axillares ; involucra nulla. Drusa oPPosITIFOLIA, Z'ab. 38. Sicyos glandulosa. $. foliis oppositis subtrilobatis lobis tri seu multifidis, caule petiolisque pilosis glandulosis, pe- dunculis axillaribus multifloris. Poir. Dict. Enc. 3. p.153. Habitat in insulà Teneriffæ inter fissuras rupium madida- rum. Le Dru. ©. Caules plurimi, debiles , repentes, ramosi, cubitales et ultrà, sæpè scandentes ; pili caulium petiolorum et peduncu- lorum sparsi, rigidi, apice expansi in stellan radis 3-4 uncinatis compositam. Folia opposita, longè petiolata, pe- üolo basi subvaginante, lætè viridia, tenera, trilobata, lobis tribus aut quinquelatis dentibus onustis , pilosa, pilis raris, in paginà superiore simplicibus, in inferiore stellato-uncinatis ; foresalbi, minimi; pedunculiaxillares petiolo breviores, sæpius Tom..10. DRUSS A Opposifélia , Die , Turpuv del. Ê en wculp | D'HISTOIRE NATURELLE, AT: bifidi biflori. Involucra nulla. Calycis limbus non perspicuus. Petala 5, supera , ovalia, integra. Stamina 5, epigyna, petalis al- terna,ïüsdem paulo breviora.Styli 2, basi externe valdè incrassati. Stigmata acuta. Pericarpia duo, plana, ovalia, margine sinuata, sinubus obtusis, angulis in spinulas apice uncinato-stellatas desinentibus , superficie externà lævi medio uninervi, externà tribus nervisexaratà, apice et (forsan ob statum non maturum ) basinervi medii ad axem filiformem adhærentia. Semina in quoque pericarpio solitaria, apice adfixa , inversa, ovalia, plana. Perispermum carnosum ; corculum parvum, dicoty- ledoneum , in apice perispermi locatum ; radicula supera. EXPLICATION DE LA PLANCHE. Un rameau du Drusa, de grandeur naturelle. x. Un tronçon de la tige, vu à la loupe, pour montrer la forme des poils. 2. Un pédoncule chargé de ses fleurs vues à la loupe, ainsi queles figures suivantes. 5. Üne fleur dont les pétales sont enlevés. 4. Un pétale vu par dehors. 5. Une étamine. 6. Le fruit entier, 7. Une des parties du fruit, vue par le côté intérieur, 8. Le fruit, coupé transversalement. 9. L'une des parties du fruit, vue du côte intérieur et coupée verticalemeñt pour montrer la graine, le périsperme et l'embryon dans leur position naturelle, 60 * 472 ANNALES DU MUSEUM ANALYSE DU PARANTHINE. PAR A. LAUGIER. S. L° Histoire naturelle et caractères extérieurs. O, trouve, près d’Arandal en Norwége, des cristaux pris- matiques à quatre ou à huii pans , tantôt translucides, brillans d'un éclat métallique ou presque nacré , et assez durs pour rayer le verre; tantôt ayant un aspect mat, eflleuri, et dans ce cas ne jouissant plus de la même dureté. Leur couleur varie du gris-blanc ou métallique au gris-jaunätre ; quelques- uns de ces prismes sont opaques et d’une couleur rouge sombre de cire à cacheter. Ces cristaux que l’on rencontre réunis en groupes dans la mine de fer de Langloë, ont été diversement nommés par les minéralogistes. Dandrada a donné à cette substance le nom de scapolithe; Abildgaard, ceux de micarelle et de rapi- dolithe. Ine faut pas confondre le micarelle d’Abildgaard avec le micarelle de M. Kirwan. Ce dernier, dont M. Klaproth a fait l'analyse, ne paroït étre autre chose que la pinite, suivant l'opinion de plusieurs minéralogistes. D'HISTOIRE ' NATURELLE. 73 M. Haüy, dans son Traité de minéralogie, a conservé la dénomination de scapolithe , précédemnient donnée à la subs- tance dont il s’agit ici; mais il la désignée depuis sous celle de paranthine , tirée de la proprieté qu’elle a de Seifleurir. Cet habile professeur a reconnu que la forme prnnitive du pa- ranthine est un prisme droit, rectangulaire, divisible sur les deux diagonales de ses bases. Il a eu la bonté de déterminer la pesanteur spécifique du morceau qu'il n'a invité à examiner; elle s’est trouvée de 2,7414. J'en ai entrepris l'analyse avec d'autant plus d’empresse- ment , qu'aucun chimiste, au moins à ma connoissance , n’a encore publié de Mémoire sur cette substance. Les fragmens de prismes du paranthine sur lesquels j'ai opéré, étoient entiérement purs et exempis de toutes substances étrangères ; ils avoient une couleur blanche, grisätre, et une demi-transparence. $. IL Nécessité des essais préliminaires. Depuis la découverte que MM. Klaproth et Vauquelin ont faite de la potasse et de la soude dans les pierres méme les plus dures, il est devenu presque indispensable de soumettre à des essais prélimmaires la pierre dout on a pour but de faire analyse ; sans cette précaution on courroit le risque de ne pas apercevoir les alcalis que les pierres peuvent contenir , en prenant une voie contraire à celle qui est convenable pour en reconnoitre la présence; tel seroit Pemploi de la potasse et de la soude, dans le cas où la substance à examiner ren- fermeroit à la fois une quantité quelconque de ces deux al- calis, comme l'ont prouvé quelques exemples. Si Fessai n'in- AA ANNALES DU MUSEUM diquoit que l’an des deux alcalis , iln’y auroitaucun inconvénient à employer l'autre; mais s'il annoncçoit l'existence de tous deux, il faudroit avoir recours à un autre moyen ‘d'analyse qui ne püt porter d’infidélité dans le travail. Aussi MM. Klaproth, Four- croy et Vauquelin ont-ils rendu un grand service à l'analyse chimique, en indiquant les premiers l'usage de la baryte et du nitrate de cette base, comme pouvant être substitués aux al- calis fixes pour le traitement et la division complète des substances pierreuses. L'emploi des acides muriatique, nitrique et sulfurique est convenable pour atteindre le but qu’on se propose en essayant les pierres. Les deux derniers m'ont réussi complétement dans l'essai suivant sur le paranthine. S. IL Essai du paranthine. J'ai fait macérer, pendant plusieurs jours, dans de l'acide nitrique affoibli, cent parties de paranthine pulvérisées avec soin. Cet acide s'est emparé , sans le secours de la chaleur, des deux cinquièmes de la poudre soumise à son action. Une portion de cet acide sursaturée d’ammoniaque a fourni un précipité blanc, floconneux ; la liqueur décantée et mélée à de l'acide oxalique a donné un précipité pulvérulent. Dans l'intention de séparer l’alumine et la chaux indiquées par les réactifs, ainsi que les autres substances terreuses ou métal- Jiques que la totalité de l'acide pouvoit contenir, je l'ai sur- saturé avec du carbonate d’ammoniaque, et après y avoir ajouté une suflisante quantité d'acide sulfurique pour con- vertir en sulfates les nitrates alcalins que renfermoit la dis- solution, j'ai évaporé le mélange jusqu’à siccité. Le résidu D'HISTOIRE NATURELLE. 475 introduit dans un creuset de platine, calciné jusqu'à la dé- composition complète du sulfate d’ammoniaque, a laissé une trés-peliteé quantité de matière fondue, que j'ai dissoute dans l'eau, et dont j'ai abandonné la dissolution à la cristallisation spontanée. Au bout de quelques jours, la capsule offroit des aiguilles qui bientôt se sont effleuries presque entièrement , comme il arrive au sulfate de soude. Pour n'assurer si la soude étoit pure ou mélée de potasse , j'ai mis dans un verre une portion de la petite masse saline, et j'y ai ajouté une goutte ou deux de muriate de platine pur; il s’est formé une quantité sensible de muriate jaune , octaédrique , de potasse et de platine, d'où j'ai conclu qu'il y avoit avec la soude une petite quantité de potasse, qui seule pouvoit donner lieu à ce phénomène, Je ne dissimulerai point l’étonnement où ma jeté souvent la précision des moyens chimiques , et dont l'essai que je dé- cris fournit une preuve évidente. Les sulfates alcalins, pro- duits de cet essai, ne renfermoient qu'un centigramme de potasse et de soude , et il n’a été facile d’y reconnoitre très- distinctement la présence de ces deux alcalis. S. IV. Analyse quantitative du paranthine. Les résultats que j'avois obtenus m'imposoient la nécessité de traiter le paranthine par le nitrate de baryte. Cinq cents partes de paranthine out été assez facilement amenées à une fusion liquide par cinq fois leur poids de ce sel; mais il a fallu une chaleur très-forte pour qu'eiles fussent complétement attaquées. La masse obienue a été délayée avec de l'eau ai- 456 ANNALES DU MUSÉUM guisée d'acide muriatique, et le mélange sursaturé du méme acide a été évaporé à siccité. Le résidu de lévaporation avoit une couleur blanche un peu jaunâtre; 1l ne s'est dissous qu’en partie dans l’eau, et il est resté une matière blanche, rude au toucher, croquante sous la dent, entièrement soluble dans la potasse liquide , ayant tous les caractères de la silice, et qui après l’incan- descence pesoit 2,25 c.ou 45 centièmes. Après la séparation de la silice, j'ai versé dans la dissolution muriatique, qui n'éloit que peu colorée, de l'acide sulfurique, jusqu'à ce qu'il n’y format plus de précipité; et le sulfate de baryte ayant été recueilli sur un filtre, j'ai réduit par l’'évaporation la liqueur au tiers de son volume, Une dissolution de carbonate d’ammoniaque ajoutée dans cette liqueur, a donné un précipité blanc floconneux, abon- dant, qui s'est déposé promptement après l’ébullition du mélange. Ce précipité, chauffé avec a potasse caustique, s’y est en partie dissous : ce qui a refusé de se dissoudre a pris une couleur rougeätre. J'ai séparé de la potasse caustique, à l’aide d’une dissolu- tion de muriate d’ammoniaqne, un précipité blanc, flocon- neux, du poids de 1,65 c.ou 33 centièmes , qui se dissolvoit facilement dans l'acide sulfurique, et fournissoit des cristaux octaédriques d’une saveur astringente, par l'addition d’une dissolution de sulfate de potasse; ce qui ne laisse aucun doute sur sa nature alumineuse, La portion rougeätre insoluble dans la petasse a été traitée par l'acide muriatique, qui l'a dissoute avec effervescence. L'ammoniaque en a séparé 0,05 ou un centième d’oxide de fer , dans lequel on a remarqué quelques traces de Manga D'HISTOIRE NATURELLE. 477 nèse. L’acide oxalique, ajouté dans la dissolution, a formé un précipité abondant d’oxalate de chaux , qui, par la calci- nation , a laissé 0,88 d’une matière grisâtre, âcre, verdissant le syrop de violettes, insoluble en totalité dans l’acide sul- furique ; se comportant en tout comme la chaux caustique, et dont la quantité représentoit 17 centièmes et demi. Il ne restoit plus qu'à déterminer les proportions des subs- tances alcalines restées en dissolution dans l’acide muriatique, d'où l’on avoit successivement séparé, par la chaleur et par le carbonate d’ammoniaque, la silice, lalumine , le fer et la chaux. J’ai ajouté dans cette dissolution de l’acide sulfurique pour chasser l'acide muriatique, et je lai évaporée à siccité; le résidu calciné assez fortement pour décomposer le sulfate d’ammoniaque , a laissé un mélange de sulfates de soude et de potasse, que j'ai dissous dans l’eau et abandonnés à la cris- tallisation spontanée. La quantité de ces sels étoit de 0,10, et équivaloit à un centième et demi de soude, et à un demi- centième de potasse. Il résulte des expériences dont je viens de rendre compte, que cent parties de paranthine contiennent: Silicone Creil eee tente) ATUMINEN PANIER mule elec lee ce 022 CRaur ee ete een ele ele Te lee 0070 Kertethmanganesetle-leleteemletelelene Le SPIO 0 SPORTS SL OEM PE et ARS er NE MS 6 OEM EL ONE PELLE ER le 0e ele ele Rem elle tea LA 10. Gr 478 ANNALES DU MUSÉÈUM 4 CONCLUSION. Si l’on compare les résultats de cette analyse avec ceux que M. Klaproth a obtenus de la prehnite du Cap, on est frappé de leur concordance; en eflet, la prehnite, suivant cet ha- bile chimiste , est composée de, Silicers he tail orioin ti. ln NN 2 AOL As Ps ts = es: 010 . 0,18 Alumine- als ste secs CHE L 7 SN. de teNS letote (eee tele Qride' defense AS - 2 teneieto rt oi Eaut 210 1.Mor gr itn der ce Met 0 Le fe Me RO) Perte M NOT ER rt on LR aie où eat te OT) A la vérité, rien n’mdique ici dans la prehnite la présence de la soude et de la potasse, et c’est en quoi consiste la dif- férence que présentent les résaltats des deux analyses. Mais il faut remarquer qu'à l’époque où M. Klaproth a publié son travail sur cette substance, on ne $étoit point encore avisé de rechercher dans les pierres ces alcalis, dont même on ne soupconnoit point l'existence. Ce n’est que quinze ou vingt ans après , que ce célèbre chimiste a reconnu la présence de Ja potasse dans la leucite ou grenat des volcans, et dans la cryolithe celle de la soude. Ainsi l'on ne pourroit consi- dérer cette différence comme réelle qu'autant qu'une nouvelle analyse viendroit confirmer l'absence de ces alcalis dans la prehnite. Dans l'hypothèse, qui n’a rien d’invraisemblable, où la prehnite renfermeroit comme le paranthine une certaine quan- tité de soude et de potasse, il seroit difficile de rencontrer deux substances plus semblables que ces deux espèces de pierres ,.et par la nature et par la proportion de leurs élé- » D'HISTOIRE NATURELLE. 459 mens. Mais pour porter un jugement certain à cet égard, il seroit indispensable de répéter l'analyse de la prehnite, et d’en com- parer les résultats avec ceux que fourniroit l'examen de plusieurs variétés du paranthine. Au reste, il n’est pas, je crois, inutile d'observer que la pesanteur spécifique des deux pierres est à-peu-près la même : celle du paranthine est de 2,74, et celle de la prehnite, de 2,60. Quant à la propriété de s’effleurir que lon observe dans le paranthive , il semble diflicile de l'expliquer autrement que par la présence des alcalis. Mais peut-être ne trouvera-t-on point cette opinion suffisamment fondée, si lon considère que ces alcalis ne sont qu’en foible proportion dans le paranthine, tandis que plusieurs pierres, qui en contiennent des quantités plus considérables, ne jouissent point comme lui de cette pro- riété de s’effleurir, qui a fixé avec raison l'attention des mi- q péralogistes. 61 * 480 ANNALES DU MUSÉUM SUR LE SAC BRANCHIAL DE LA BAUDROIE, ET L'USAGE QU'ELLE EN FAIT POUR PÊCHER. PAR M GEOFFROY-SAINT-HILAIRE. Jr annoncé, tom. X, pag. 417 de ces Annales, que les baudroies réussissent à pêcher, comme si elles se servoient d’un épervier , en ouvrant et en fermant leur membrane des ouies, qui est d’une étendue considérable, et en serrant avec le pédicule de leurs nageoires pectorales l’ouverture de cette membrane, quand une fois le poisson qu’elles veulent prendre y est entré. J'avois effectivement trouvé un poisson qui étoit resté dans un des sacs branchiaux d’une baudroïe conservée au Muséum d'histoire naturelle; et M. Pichon , ancien professeur d’his- toire naturelle à Boulogne-sur-Mer, m'avoit assuré en avoir trouvé également dans des baudroies qu’on venoit de prendre, et avoir appris des pêcheurs qu'ils savoïient depuis long-temps que la baudroie use de cette manière de s'emparer de sa proie. Quelque positifs que fussent ces faits, ils ont pourtant D'HISTOIRE NATURELLE. | 481 fait naïtre quelques doutes. D'une part, on a désiré qu'ils fussent confirmés par des observations ultérieures; et de l'autre, on a regardé comme contraire à l'ordre naturel que des poissons pussent être introduits dans la cavité des bran- chies, et fussent, en se débattant, dans le cas d'opérer la lésion d’un organe aussi important que l'est celui de la res- piration. Je réponds à ces objections : Premièrement , que le même M. Pichon vient de me con- firmer, par une nouvelle observation, ce qu'il m'avoit déjà mandé sur la membrane des ouies; il se trouva, 1l y a deux mois, à portée d’un pêcheur de Boulogne au moment où celui-ci venoit de prendre une petite baudroie; M. Pichon en examina les sacs branchiaux, et en retira deux merlans; Et secondement, que je n'ai point dit que ces petits pois- sons fussent libres de pénétrer jusques dans la cavité où sont contenues les branchies:ils en sont empéchés par Vopercule qui s'applique et se maintient naturellement sur tout le bord de la clavicule. La cavité des branchies est au-delà de cet étranglement , et le sac branchial en-deça. On aura donc été trompé par le nom donné à ce sac. Il n’est sac branchial, et n'appartient aux branchies que parce qu’il est formé par un prolongement de la membrane branchiostége, et parce que son entrée correspond à l'ouverture branchiale des autres poissons; mais d’ailleurs c'est dans la baudroïe un organe qui ne participe plus à ses usages habituels, et qui est très-bien approprié à l'espèce de pêche à laquelle il me paroit servir. TABLE DES MÉMOIRES ET NOTICES Contenus dans ce dixième volume. M FAUJASSAINT-FOND. Description géologique des brèches coquillière et osseuse du rocher de Nice, de la montagne de Montalban, de celles de Cimies et de Villefranche, quitiennent au méme système de formation. — Observations crt- tiques au sujet du clou de cuivre que Sulzer dit avoir été trouvé dans L'intérieur d'un bloc de pierre calcaire dure de Nice, et que divers naturalistes ont cité comme un fait certain, d'après l'académicien de Berlin. 4og—426 MM FOURCROY ET VAUQUELIN. Expériences faites sur des os retirés dun tombeau du onzième siècle, trouvé dans le sol de l'ancienne. église de Sainte Geneviève à Paris. Page 1—7 Extrait d'un Mémoire ayant pour titre: Expériences chi- TABLE DES MÉMOIRES ET NOTICES. 433 miques pour servir à l'histoire de la laite des poissons. 169—178 Description et analyse dune concrétion calculeuse tirée dun poisson. 179—181 Extrait d'un Mémoire sur l'analyse chimique de l'oignon (allium cæpa ). 333—341 M DESFONTAINES. Choix de plantes du corollaire de Tournefort ; publiées d'après son herbier , et gravées sur les dessins d'Au- briet. 218—229 Suite des plantes du corollaire de T'ournefort. 294—306 Suite des plantes du corollaire de T'ournefort. 4k27—453 M DE JUSSIEU. Septième Mémoire sur les caractères généraux des familles, tirés des graines, et confirmés ou rectifiés par les observations de Gærtner. 307 —332 Note sur le genre Hydropition de M. Gærtner fils, et sur ses affinités avec d'autres genres. 397 —398 M THOUIN. Description de l’école d'agriculture ,du Muséum dlustoire naturelle. — Premier Mémoire 130—1950 — Second Mémoire. 182—202 — Troisième Mémoire. 265—293 484 TABLE DES MÉMOIRES M. GEOFFROY-SAINT-HILAIR E. Description de deux crocodiles qui existent dans le Nil, comparés au crocodile de Saint-Domingue. 65—86 Addition à ce Mémoire. 264 Troisième Mémoire sur les poissons , où l'on traite de leur sternum sous le point de vue de sa détermination et de ses formes générales. 87—104 Détermination des pièces qui composent le crâne des cro- codiles. 249—264 Considérations sur les pièces de la tête osseuse des ani- maux vertébrés, et particulierement sur celles du ‘cräne des oiseaux. 342—365 Sur le sac branchial de la baudroie, et l'usage qu'elle en fait pour pécher. 480—/481 M DE LACÉPÉDE. ‘ Sur une espèce de quadrupède ovipare non encore décrite 230—233 Sur un poisson fossile trouvé dans une couche de gypse à î Montmartre, pres de Paris. 234—235 M+.LAMARCK. Sur la division des mollusques acéphalés conchylifères, et sur un nouveau genre de coquille appartenant à cette division. 389—/408 £ TI NYO DE ICIE"S TA 485 M. CUVIER. Mémoire sur les différentes espèces de crocodiles vivans et sur leurs caracteres distinctifs. 8—66 Mémoire sur quelques ossemens de carnassiers , épars dans les carriéres à plätre des environs de Paris. 210—217 Rapport à la classe des sciences physiques et mathéma- tiques de l'Institut. 381—336 M. LAUGIER. Analyse du paranthine. 471—479 M. FRÉDÉRIC CUVIER. Essai sur de nouveaux caractères pour les genres des mammufères. 105—129 Du Genre Paca. Coelogenus (cavia paca, Lin.) 203—206 M DELEUZE. Traduction d'un Mémoire de M. Mangili, sur la léthargie périodique de quelques mammiferes. 434—A63 M CORRÉA DE SERRA. Vues carpologiques. 151—1956 10 G2 436 TABLE DES MÉMOIRES ET NOTICES. Suite des observations carpologiques. 1575—162 M. SPINOLA. Mémoire sur les mœurs de la Cératine albilabre. 236—248 Lettre sur quelques poissons peu connus du golfe de Gênes, adressée à M. F aujas-de-Saint-F ond. 366—380 M. DECANDOLLE. Mémoire sur le Drusa, genre nouveau de la famille des Ombelliferes. . 466—{471 - M. MANGILI. Mémoire sur la léthargie périodique de quelques mammi- Jféres. 434—465 CORRESPONDANCE. Lettre de M. Rampasse à M. Cuvier , sur une brèche cal- caire découverte en Corse, contenant des os fossiles. 163—168 INDICATION DES GRAVURES DU X° VOLUME. Planche L Crânes des différentes espèces de crocodiles. page 8 IL. Nuques et pieds des diverses espèces de cro- codiles. ibid. IL. Crocodiles du Nil. 67 IV. Sternum des oiseaux et des poissons. 87 Ve VL Dents molaires des mammiftres carnassiers. 105 VIT et VIIL. Carpologie ou Figure et anatomie de divers fruits, savoir : Lansium domesticum , Palma mocaya , Pterigium teres, Alangium ape- talum. 157 IX. À. Tétes et dents de pacas. B. Concrétion cal- culeuse tirée du corps d'un poisson. 203 X. Os et dents fossiles de carnassiers; dents de plusieurs carnassiers vivans. 210 XI. Asphodelus creticus. 220 XIT. Ophrys mammosa. 222 XIHIL. Ophrys iricolor. 224 XIV. Ophrys villosa. 225 XV. Ophrys ferrum-equinum et O. umbilicata, 226. XVE Ophrys densiflora. 228 XVIT. Protée ou Salamandre tétradactile. 230 XVII Aristolochia cretica. 204 XIX. Aristolochia lutea. 205 XX. Daphne sericea. 207 XXI Paelipæa ‘Fourneforti. 208 62 * 483 INDICATION DES GRAVURES. XXII. Teucrium microphyllum. 300 XXIIL. Nepeta melissæfolia. 3or XXIV. Sideritis rosea. 302 XXV. Stachys betonicæfolia. 304 XXVL Dracocephalum lamifolium. 305 XXVIL Pièces osseuses du crâne des oiseaux. 360 XXVIIL r. Sparus tricuspidatus.—2. Centropomus rubens. 366 XXIX. Éthérie elliptique. koi XXX. Ethérie trigonule. 403 XXXI. Les mémes, vues de côté. ib. XXXIL 1,2. Ethérie sémilunaire. — 3,4.E. trans- verse. 4o4 XXXIIL. Heliotropium villosum. 427 XXXIV. Borago cretica. 428 XXXV. Cynoglossum glastifolium. 430 XXXVI Cynoglossum stamineum. 43% XXXVIL Cynoglossum lanatum. 432 XXXVIIL Drusa oppositifolia. 466 TABLE ALPHABÉTIQUE DES ARTICLES Contenus dans ce dixième volume. A. Res Description de l'école d'agriculture pratique du Mu- séum , 130 et suiv. 182 et suive 265 et suiv. Sens différent des expressions , {74yaux , opéra= tions, pratiques, recettes , pro- cédés, appareils propres à la culture , 131. Comment un bon ouvrage sur l'agriculture pra- tique devroit être rédigé, 132. Division de la science de l’agri- culture pratique en quatre classes, relativement aux moyens defaire naître, de conserver, de multi- plier et d'employer les végétaux, 137. Disposition des terrains et procédés pour les semis, 159. Exemples des divers semis en pleine terre, 141;— des semis en vase, 144; — des semis sur couche, 147; — des semis sur corps étrangers , 149 ; — des di- vers procédés pour conserver les végétaux ; 182 et suiv. Exemples durepiquage et des divers geures de plantation en pleine terre, 184 et suiv. Plantation en mas- sif, 186; —en tapis, 187; par la tête, 74.; — en fosses et sur taupinière, 188. Plantation à de- meure, 189. Plantation des ar- bres verts, 190; — des brise- vents, 191; — des arbres pro- pres à faire des massifs pyra- midaux, des brisevents et des lisières, 193 et suiv. Planta- tions dans des vases, 196. De la culture nécessaire pour nourrir et entretenir les végétaux, 196 et suiv. Des abris, 197. Des travaux qui ont pour objet la conduite des végétaux, comme émondage, essartage , boutures, coupes, etc., 199 et suiv. Con- sidérations générales sur la taille des arbres fruitiers, 265 et suiv. Quels sont les arbres qui exigent une taille régulière, et quelles sont les méthodes dont l’expé- rience a prouvé l'utilité, 7474. Exemples des diverses espèces de tailles hétéroclites, en gi- randole, en buisson, en éven- tail, etc. 269 et suiv. Exemples et: théorie des divers genres de 490 taille perfectionnée, 275 etsuiv. Taille en quenouille ou en py- ramide, 275 et suiv.; —en vase; 270 et suiv.; — en éventail, 83 et suiv. Taille et conduite de la vigne, 289 el suiv. Alangium apetalum. Description de son fruit, LME Alligator. Nom que les Anglois donnent au caiman, Voyez Caïman. Analyse chimique, des os retirés d’un ancien tombeau, 1 et suiv. ;—de la laite des poissons, 169 etsuiv.; — d'une concrétion calculeuse tirée du corps d’un poisson, 179 et suiv.;— de l'oignon, 555 et s.; 472 etsuiv. Anatomie, comparée. Noÿez Dents, — du paranthine, Carnassiers » Marmoëtes, Oi- seuux Poissons. ! Animaux, Voy. Zoologie. Animaux, perdus. Voy. Os fossiles, Mammouth. Apleures. Non donné à unçgroupe de poissons intermédiaires entre les ichtyodères ou poissons à cou, et les poissons proprement dits. Leur organisation, 92 Arbres (plantation des), Voyez Agri- cultures Arbres fruitiers (taille lès )s 265 ets. Voyez Agrioulure: Aristoloche. Description et figure de deux espèces de ce genre, 2,54 el suiv, Asphodile de Crète, Description et fi- guüre de cette plante, #4 220 Aubriet: Plantes du Levant, indiquées TABLElALPAMABEÉITIQU'E dans le corollaire de Tournefort, gravées d’après les dessins de ce peintre, 21Bet suiv. B. Baudroye. Du sac branchial de la bau- ” _droye et de l'usage qu'elle en fait pour pècher, 480 Belette. Diflère peu du zorille par les dents, Voy ez Zorille. Blairèau. Caratières dé ce genre et des- cription de ses dents, 124 Lorago crerieu. Wescription et figure de cette plante, 428 Botanique ( aricles de ) renfermés dans * ce volume.Voÿ. Plantes, Fruits, Graines, Ombellifères. Voyez aussi Ægriculruré. Bréches coquillières etosseises de Nice, de Moutälban, de Cimies et de Villefranche. Leur description et celle des lieux où on les trouve. Conjectüres sur leur forfation, qui paroit tenir à la mênie cause dans tou: les lieux voisins de la Méditerranée. sur les débris d'animaux ter- Observations restres el marins qu'elles con- tieunent, 40) ets. V. Géologie. Brèche calcaire ( desctiption d'une ) trouvée en Corse, contenant des os fossiles, 103 Brisevents. Kxemiple de ce genre de plantations, 191 etsuiv. Le thuya de la Chine y est très-propre, 191 etsuiv, Cuimun (altigator). Nôm donné à une DE 5 MARRUTAT NC LL El sous-division dugenre crocodile. Histoire de quatre espèces , 26et suiv. Voyez Crocodile. Calcul. Description et. Analyse d’une concrétion : caleuleuse formée autour d’un hameçon ,eLtrouvée dans le corps d’un poisson, 179 et suiv. Cette concrétion conte- nou du carbonate dechaux , qui n’a point élé trouyé jusqu'ici dans les calculsintestinaux des mam- mifères, Camacées. Nouveau genre de coquille appartenant à cette famille. Voy. Éthérie. Caractéres. Noyez Méthodes. Carnassiers (mammifères). Caractères 181et suiv. d'organisation qui distinguent ces animaux en général, et cha- cun des genres en parliculier, 114 et suiv. Comment ces divers caractères sont loujours en rap- port avec: la-structure des dents molaires, 20. Nouvelle classifica- tion de ces animaux , établie principalement sur la forme et la relation des dents, 78. Voyez Dents. Os fossiles de carnassiers trouvés à Montmartre. Voyez Os fossiles. Carpologie. Voyez Fruits. Caviu.Ce genre , établi par Klein, doit ètre séparé en plusieurs. Voyez Paca. Centranthus. Voyez Falérianées. Centropomus rubens. Description de ce poisson, l 370 Cératine albilâbre. Descripuion de cet 4ox inseete , et histoire de ses mœurs eu de ses habitudes, 256 et suiv. Cerveau des marmottes comparé à ce- lui des autres mammifères. Voy. Marmottes. Char. Caractères qui dislinguent ce genre, 115: Voyez Carnmassiers , Denis, Merlrodes. Chauve-sourts. Quelles espèces passent l'hiver das nos climats. Dans quels lieux elles se retirent. Ob- servation sur leur léthargie, 438 et suiv. Voy. Lér/iargie. Chien. Caractéres qui distinguent ce genre, 126. Voyez Carnassiers ; Dents, Méthodes. Chimie. Voyez Analyse chimique. Chinehe: Voyez Dents. Circulation (état de la } dans les ani- maux enléthargie. V. Léthargie. Civette. Sirueture des dents de ce genre, 125. En quoi ces animaux dif- férent des mangoustes et des su- ricates, 26. Classification des animaux. Voyez Dents, Méthodes, Mollusques. Coarr. Caracitres de ce genre, 128. V. Dents. Coelogenus. Voyez Paca. Coquillages. Voyez Mollusques. Coquillés: Noyez Mollusques. Corollaire de Tournefort. V. Plantes du Levant. Corse. Os fossiles trouvés dans celte le, 163 et suiv. Couches. Manitre d'établirles diverses sortes de couches pour lesrsemis, t 147 ho? T À B'UE Crûne des divers animaux et des croco- diles en particulier, 249 el suiv. Voyez Crocodile. Crâne des oï- seaux, comparé à celui des autres animaux vertébrés, 341 et suiv. Crocodiles. Mémoire sur les différentes espèces de crocodiles vivans, et sur leurs caractères distinctifs , 8 et suiv. Caractères extérieurs et anatomiques qui cireonscri- vent ce genre, get suiv. Exposi- tion des travaux faits jusqu'a présent tant sur les espèces d’A- frique et d'Asie que sur celles d'Amérique, 11 et suiv. Réfuta- tion des erreurs dans lesquelles on est tombé, #4, Différence entre les crocodiles et les autres reptiles, 25. Division du genre crocodile en trois sous-genres, savoir : les caimans(æ//rgatores), les crocodiles proprement dits ( crocodili },etles gavials (Zon- girostres), 25e Suiv. Histoire de trois espèces de caimans, 28 et suiv,; — de six espèces de cro- codiles, 40 et suiv. Discussion sur ce que les anciensont dit du crocodile vulgaire, sur le culte qu'ils luirendoientetsur lesnoms -qu'ils lui ontdonné , #4, Histoire de deux espèces de gavials, 59 et suiv. Tableau méthodique du genre crocodile et de douze es- pèces bien connues aujourd’hui, 65 et suiv. Description de deux ærocodiles qui existent dans le Nil, comparés à celui de Saint- A'LPIRNAIB ÉTÉQUE Domingue, 67 et suiv. Compa- raison des crocodiles vivans dans le Nil, avec les momies de ces animaux, 68. Discussion ceri- tique sur ce que les anciens ont dit des deux espèces de croco- diles, et sur les noms qu'ils leur ont donné , Cg et suiv. Le nom de szchos désignoit-il une espèce particulière, ou étoit-il simplement une qualification donuée aux crocodiles élevés en domesticité? Examen de cette question , 24. Différence très-con- sidérable que l’âge produit dans la forme de la tête des crocodiles, 97. Description du crocodile dé Saint-Domingue , 79; — ducro., codile vulgaire, 52; — du cro- codile auquel l’auteur donne le nom de suchos, par des raisons exposées plus haut, 84. Obser- valions de M. Antes sur la diffé- rence des deux espèces de cro- codiles du Nil, 264. Détermi- nalion des pièces qui composent le crâne des crocodiles et exa- men de tous les os de la tête de ces reptiles, 249 et suiv, Com- ment esi composé le crâne des divers animaux ,. 4. Cynoglosse. Description et figure de troisespèces de cynoglosses, 450 et suir, Culture, Noyez Agriculture. D. Daphne sericea. Description et figure DES de cette plante, 297 Dents molaires. Leur considération peut servir de base à une distri- bution très-naturelle des genres des mammifères, 105 et s. Nou- velle classification des mammi- fères carnassiers, établie sur la forme et la relation des dents molaires, et description de ces dents’ dans les genres chat, hyène, putois, zorille ; marte et genette,grison, glouton, mou- fette , loutre, blaireau, civette, mangouste et suricate, chien, raton et coati, ours, 114 et Suiv. On peut distinguer les genres, les sous-genres, et quelquefois jusqu'aux espèces de carnassiers, en n'employant que le nombre des petites dents plates situées derrière la grosse molaire , el la forme de celle-ci, 211. Preuve de cette assertion par la compa- raison des dents de plusieurs car- nassiers jeunes et adultes, 24. Les dents dont on donne ici la fi- gure appartiennent aux genres blaireau, chien, chinche, ci- velte , genette, grison, fouine, furet, loutre, mangouste , re- nard , zibet, zorille. Elles sont comparées à une mâchoire fos- sile trouvée dansles carrières de Montmartre, 210 et suiv. Dipsacées. Cette famille de plantes doit être divisée en deux: les dipsacées proprement dites et les valérianées. Examen des carac- 10, AMRETSENICAL Es: 493 tères que présentent les graines dans les divers genres de ces deux familles, 307 et suiv. Ont- elles l'ovaire inférieur? 308. V. Graines. Dracocephalum lamiifolium. Descrip- tion et figure de cette plante ,3 5 Drusa. Nouveau genre de plantes, de la famille des ombellifères. Sa description, 566 et suiv* E. Éléphant dont le cadavre a élé trouvé dans la glace. Voy. Mammouth. Engourdissement de plusieurs mam- milères. Voy. Léthargie. Entomologie. Considérations sur l'étude des insectes, 236. Histoire dela cératine albiläbre, de ses mœurs et de ses habitudes, 237 et suiv. Éthérie. Nouveau genre de coquille bi- valve de la famille des camacées- Caractère de ce genre, et dee- cription de quatre espèces, 595 el suive Éventail ( taille en }. Quelle en est la théorie, et dans quels cas elle est utile, 283 et suiv. F: Familles des plantes. Voyez Graines » Rubiacées , V'alérianées, Familles en zoologie. Voyez Dents, Mollusques. Fedia. Voyez Valérianées. Fouine. Noyez Dents. 404 TABLE A L'PHMAUBÉTÆQUE Fruits, Comparaison de ceux desmone- cotylédons et des dicotylédons , 151. Aucune différence de struc- ture n’élablit une distinction entre les fruits de ces deux sé- ries; il est cependant quelques espèces de fruits qui jusqu'à présent ne sont connus que dans les dicotylédons , et le nombre ternaire des parties semble ap- partenir presque exclusivement aux monocotylédons, 156. Des- cription de plusieurs fruits, 157 et suiy. Furer. Voyez Dents. G. Gærtner. Voy. Graines. Gærtnera. Caractère singulier de ce genre. Il paroît devoir être le type d’une nouvelle famille , qui fera une transition entre les apocinées et les rubiacées, 325 » et suiv. Genettes (les) sont du genre des martes , 121. Voyez Dents. Géologie. Observations faites en Corse. Voyez Brèche calcaire. Observa- tious faites à Nice et dans les environs. Voy. Brèches coquil- lières et osseuses. Remarques critiques sur un clou de cuivre trouvé dans un bloc de pierre calcaire tirée du port de Ville- franche, 421 et suiv. Glouton. Caractères de ce genre, 122 Voyez Dents. Graines. Septième mémoire sur les ca- ractères des familles tirés des graines , et confirmés ou rectifiés par les observations de Gæriner, 307 et suiv. Examen des dipsa- sées, 307 et suiv. Examen des rubiacées,313 et suiv. Considéra- tions sur les graines des ombel- lifères, 466 et suiv* Grisons. Enquoi ils différent des martes, 122. Voyez Dents. Guettarda ( observations sur les graines du), 317 EH. Héliotrope velu. Description et figure de cette plante, 427 Hérissons. Observations sur la léthargie de ces animaux, 454 et suiv. V. Léthargie. Holocentrus argus. Description de ce poisson, 372 Hottonia indica Lin. V. Hydropityon. Houstonia. Considérations sur ce genre et sur sa place dans l'ordre na- turel, 528 Hydropityon. Note sur ce nouveau genre de M. Gærtner fils. 11 s’é- loigne beaucoup de l’hottonia auquel Linuæus l’a réuni, et il est très-voisin de l’élatine, 587 Hyène. Caractères qui distinguent ce genre, et singulière confor- mation de sa pupille, 119. Voy. Dents. J. Jardinage. Voyez Agriculture. DES Ichtyodèéres ou Poissons à cou. Sont les seuls qui aient de véritables vertèbres cervicales ; en quoi ils différent des apleures, 92. Voy. Apleures. Insectes. Voyez ÆEntomologie. Trritabilité. Se conserve plus long- temps dans les chairs des ani- maux tués pendant la léthargie, que dans les chairs de ceux qu’on a tués pendant la veille, 438, 445. Voyez Léthargie. L. ZLaite des poissons. Analyse chimique de cette substance. Elle est un mixte animal phosphuré, et la présence du phosphore qui en est un élément essentiel, forme son principal caractère, 169 ets. Lansium domesticum. Description de son fruit, 157 Léthargie périodique ou conservatrice (observations physiologiques et anatomiques sur la) de plusieurs mammifères, 434 et suim Com- paraison des phénomènes qu'ils offrent pendant cet état et pen- dant la veille, relativement à la chaleur animale, à la respira- tion, à la circulation, à l'irri- tabilité et à l’état des viscères,rd. Expériences sur le hérisson, 454 et suiv. ;— sur les chauve-souris, 458 et suiv. ; —sur les loirs, 442 etsuiv.; —sur les muscardins ; 447 el suiv. Nouvelles observa- LFRETHIMCREN ETS) 195 tions sur les marmottes , tendant à déterminer les causes exté- rieures et organiques qui pro- duisent la léthargie, 459 et sui. Loïrs(observationssur la léthargie des), 442 et et suiv. Voyez Léthargie, ZLophius budegassa. Descri ption de ce poisson, 576 Loutre. Caractère de ce genre, 125, Voy. Dents. Lygistum. Doutes sur ce genre, 331 M. Machoire. Voyez Dents. Mammifères Voyez Méthodes. Mammifères sujets à La léthargie pen- Carnassiers , dant l'hiver. Noy. Léthargie. Mammouth où Éléphant fossile. Rap- port sur un de ces animaux dont le cadavre a été découvert dans la glace près de l'embouchure de la Léna,581 et s.M paroit que c’étoit une espèce parliculitre couverte de poil, qui pouvoit vivre dans le Nord et qui a été détruite par une révolution subite, 76. Mangouste et Suricate. Caractères de ces deux genres, En quoi ces ani maux diffèrent des civettes, 125, Voyez Dents. Manne. Se développe par la férmen- tation dans le suc de plusieurs végétaux, 537. Aperçus sur la formation et la nature de cette substance dans les végétaux , 558 Marmottes (observations sur la léthar= (55 je 406 T ÀA;B LE gie des)et sur les causes exté- rieures et organiques qui la pro- duisent, 452 et suiv. Comparai- son du cerveau de ces animaux avec celui des autres mammi- fères, 467 et suiv. Marte et Genette. Sont du même genre. Caractères de ce genre.V. Dents. Méthodes. Comparaison de la méthode naturelle et des méthodes arti- ficielles pour la classification des animaux. Principes de la mé- thode naturelle et but qu’elle se propose, 105 et suiv. Des carac- tères et de leur subordination, 108. Dans les mammiferes, la forme et la relation des dents molaires fournissent un carac- tère du premier ordre, auquel tous les autres caractères d'orga- nisalion sont subordonnés, 110 et suiv. Nouvelle classification des mammifères carnassiers, éta- blie sur ce principe, 114 etsuiv. Voyez dents. Minéralogie. Voy. Paranthine. Voyez aussi Géologie. Mollusques. Considérations surla divi- sion des mollusques acéphalés conchylifères, 389 et suiv. Sur quels caractères doit être établie cette division pour mieux con- server les rapports naturels, 390 et suiv. La disposition des im- pressions musculaires est un ca- ractère de première importance, 3o1. Distribution méthodique des mollusques acéphalés en deux À L PH A B É°T.I