t AWR EAA EE Dr AVAL AT R A AR A N tte EAA EAA, Vi, Da Vos We Ara À y | EDEN DES DEEE DO REA RO LES AEN LE DATENT DENTS AT RIANEENECS RUN ; CALE EEE a ; DA ARARA A AN \ À A ANN N DAN Y UA AU \! OU AA AA AUX ARC CHA 4 A et de DS VA AA, ANA LA A A OA DURE ANA D Ur LA À ALLAN HUE UT U, 4 PANGON S SAVNNETLE $ AE KR XI AAAA 4 A To ALAA AAN x LAVE f ARES UE HOUR 1 1 3 A UN An 04 +! AA ` AAA 4, Qu «! LU `, A 1? ` FUREUR SRE 1È Ù AL y AAAA ATAN AEAT NRA ASE A ATARA A ie LE MTS ROUEN X AA TERRAN i KAN A AE LE LA EE LE ROSE A LAE ARR QAR ELA EAN LETTRE LU RENE vit NANA $ ARIAN at (SC ARANA VANL i AAAA ` AR PDA RE EUR PE RS RE AO AE AO DER A SATA: ` RÉDIGÉES PAR À L. MILUN, Chevalier det PERAE a A hs d'Honneur, Pr) . du Cabinet des Médailles, des pièrres gravées! et des antigues’ ‘dé Ta Bibliothèq ue du. Roi, membre de l'Institut royal. de France * datis l'Acädémie des’ ‘ubériptions ét Belles-Lettres, ete.” k IRTE PEO EER LOT a YE, MaS X DEN Bí í À RÉ qi PR: Il paroît, le 1% de chaque mois, un Numéro de ces Annales. Chaque Numéro a douze feuilles d’impres- sion ; celles de la première partie sont en cicéro , celles des deux autres en petit-romain et en petit-texte. Chaque Numéro est CRIE pach d’une ou de deux gravures, de manière qu il y en ait au moins douze au bout de l’année. Le prix de la souscription est de 36 fr. pour Paris, et de 42 fr., port franc , pour les départemens. D ne peut souscrire pour moins de six mois. On souscrit chez MM. les directeurs des bureaux de poste, et chez les principaux libraires français et étrangers. DUA i C’est au bureau des Annales qu’il-faut adresser les livres, les gravures, et enfin tout ce qu’on désire faire parvenir au Rédacteur. Les livres, français ou étrangers qui ont été remis, selon l'usage, au bureau du Journal, y sont annoncés dans le mois même où la remise a été faite ; et le mois suivant, lorsqu'ils ont quelque importance, ils le sont encore dans la section des extraits et des - notices. ANNALES ENCYCLOPÉDIQUES. ena IMPRIMERIE DE LE NORMANT, RUE DE SEINE. etae a > Re RS va Leds de are | D. 1000. CARRE | ANNALES ENCYCLOPÉDIQUES RÉDIGÉES PAR A. L. MILLIN; Membre de l’Ixsrrrur dans l’Académie royale des Belles-lettres 3 Chevalier de l'Ordre royal de la Légion-d Honneur, Conser- vateur des médailles , des pierres gravées et des antiques de la Bibliothèque du Roi, Professeur d'Archæologie ; des Acadé- mies impériales de Moscou, de WVilna , de Corfou ; des Curieux de la Nature à Erlang; des Académies royales de Dublin, de Munich, de Turin, de Geættingue, de Berlin , de Naples et de Lucques ; des Sociétés Linnéenne de Londres, Minéralogique d’léna, des Sciences physiques de Zurich, Pontanienne et d'Encouragement de Naples; d'Agriculture de Troja; des Beaux-Arts, Colombaire, et de celle d'Agriculture de Florence ; de celles de Pistoja et du Valdarno ; de celles des Antiquités de Copenhague, d’Archæologie de Rome; de celles de Lyon, Rouen, Abbeville, Boulogne, Poitiers s; Niort, Nimes, Marseille , Avignon, Alençon , Caen , Gre- noble, Colmar, Nanci, Gap, Strasbourg, Maïence, Trèves, Francfort, Nantes, Soissons, Lille, Evreux et Mâcon. ANNÉE 1818. TOME I. A PARIS, AU BUREAU DES ANNALES ENCYCLOPÉDIQUES ; Rue Neuve des Petits-Champs, n° 12, n Masa ka, AA AESA TES i NA iam K L 10 ji af: CLONE Y RS OR A REINE 2,7. OST D AAA AV AU UV AURA UN VUVUUU LOU VU AU VU VU VAL UV VU AAA UV VVU VUUR AVERTISSEMENT. Le succès des Annales Encyclopé- diques, pendant le cours de l'année 1817, a rempli les espérances de leur Rédacteur, et lui donne leu de croire que l'année 18:8 verra pros- pérer encore plus cette entreprise, et l'établira même plus solidement. Il n'a rien négligé pour rendre ĉe Jour- nal utile ; il s’est procuré les meilleurs journaux étrangers, beaucoup de livres : la réunion des mémoires et des notices contenues dans cette année, en font une collection utile pour tous les genres d'étude et de con- noissances, et un répertoire néces- saire pour l'histoire littéraire de cette période. Le Rédacteur n'a pas craint d'ajouter, dans certaines occasions, au nombre des feuilles déterminé #7 | dans le prospectus ; il n'a promis que douze gravures, et il en a donné vingt- quatre, dont plusieurs sont très- grandes ou peintes, et qui repré- sentent des objets de tout genre. Plusieurs hommes de lettres et des artistes distingués ont voulu coopé- rer à un ouvrage qui n'est entrepris -que dans le simple intérêt des lettres, et lui ont donné des mémoires et des extraits intéressans ; l'auteur sollicite encore leur bienveillance, il les prie de la lui continuer et de contribuer toujours à soutenir un Journal dont le but est d'entretenir les communi- cations entre les savans, les littéra- teurs et les artistes de tous les pays. ANNALES ENCYCLOPÉDIQUES. VAV UV LU UV VA LA LV TT T T T T T TET T TT TAT TTET T TA TET TA HISTOIRE. Discours sur les heureux effets de la puissance pontificale, au moyen áge, prononcé, ä l'ouverture du cours d'histoire moderne, à la Faculté des Lettres de Paris, le 3 décembre 1817, par M. RAOUL-ROCHETTE. Vousn'attendezsans doute pas de moi, Messieurs, que j'explique les motifs qui m'ont fait choisir, pour sujet de nos leçons, l'histoire des Pontifes romains. Ceux d'entre vous auxquels est fami- lière la connoissance des événemens et des inté- rêts du moyen âge, savent aussi bien que moi que, dans ces siècles appelés barbares, la religion éloit le seul pouvoir comme le premier besoin des hommes, et que l’histoire de ses ministres étoit, à cette époque, celle de l'humanité toute entière. Alors que la chaire de saint Pierre do- minoit tous les trônes, et que l'Europe , consti- tuée en république chrétienne, ne reconnoissoit de chef suprême que le chef même de l'Eglise ; ka) À 8 Histoire des Papes. alors que , parmi tant de petits souverains , dé- truits et effacés l'un par l’autre, les Papes seuls avoient de l'éclat et leurgouvernement de la force, il ne fant chercher que dans les opérations de la cour de Rome cet accord qui manquoit partout ailleurs, et cet intérêt qui s'attache toujours à la grandeur. Sous un autre rapport, l’histoire du Pontificat doitoffrir à notre âge une instruction agréable autant qu'utile. A peine respirans que nous sommes de vingt-cinqannées d'orages, après avoir épuisé toutes les sensations que peuvent produire d’éclatans succès et d'incroyables revers, les exploits les plus héroïques et les fureurs les plus barbares, nous devons aimer à reposer enfin sur des images plus tranquilles nos regards fatigués de tant. de scènes violentes. A défaut des jeux sanglans de la guerre, nous trouverons, dans les querelles religieuses, un spectacle aussi animé, mais moins funeste à notre espèce. Nous y ver- rons l'esprit humain déployer toute son adresse et toute sa force en de plus innocens combats, et, du fanatisme qui l’aiguise, faire souvent jaillir la vérité qui l’éclaire. Ce n'est cependant point, Messieurs, l'histoire ecclésiastique que je me propose d'offrir à vos méditations : je mai ni le talent, ni le caractère qu'exigeroit une si haute entreprise ; c'est lhis- toire de l'Europe, ramenée à un centre unique, Moyen -dge. . 9 et subordonnée à celle de la puissance ecclésias- tique ; c'est, en un mot, un tableau général du moyen âge, envisagé sous le rapport de lin- fluence, tantôt plus forte , tantôt plus foible, mais toujours prépondérante. que les Papes exercèrent sur toutes les sociétés chrétiennes. Et je n'ai pas besoin de vous avertir que, religieux observateur des convenances, autant que fidèle ami de la vé- rité , nous ne jetterons point un coup-d'œil profane sur la vie privée des Pontifes, et que, nous ren- fermant dans le cercle des transactions publiques, nous aurons soin d'étendre au-devant du sanc- tuaire un voile respectueux. Je n'ignore pas combien l'histoire des Papes présente de difficultés à la critique, et d'écueils à la franchise. Dans un siècle où les antiques croyances sont en butte aux efforts d’un scepticis- me audacieux , où la philosophie humaine ose s'at- taquer à des vérités d'un ordre surnaturel, on doit craindre que les fautes de la cour de Rome, publi- quement exposées, n’achèvent de déconcerter une foi timide, et que les ennemis de la religion ne triomphent ainsi de ses disgrâces. Mais cette crainte s'évanouit devant des considérations plus réelles. Si les vices des hommes n'ont pu défigu- rer l'œuvre de Dieu, si le christianisme s'est maintenu jusqu’à nous, malgré les fautes de ses ministres, comment l'austère simplicité d’un récit fidèle pourroit-elle lui porter atteinte? et 10 Histoire des Papes. la vérité fera-t-elle ce que l'erreur n'a pu faire ? L'histoire des Papes considérés comme souve- rains temporels, comme chefs de mouvemens politiques, n’a, d'ailleurs, que des rapports éloi- gnés avec celle de la religion. Le prince et le pontife sont ici des personnages trop diflérens, pour qu'on puisse les confondre, pour que les fautes de l’un doivent être imputées à la croyance de l'autre. Trop souvent, il est vrai, dans les siècles dont nous allons parler, cette distinction importante se perdit ou s'oublia au milieu des vaines disputes de l'école, ou des querelles san- glantes de l'ambition. Plus souvent encore, l'es- prit religieux des peuples se plut à réunir, dans la personne des chefs de l'Eglise, tous les droits de la puissance civile, et crut que la même main qui devoit assurer leur salut dans l’autre monde, devoit aussi diriger leur conduite en celui-ci, Mais aujourd’hui que les droits du sacerdoce et de l'empire sont bien distincts, quoique égale- ment sacrés, l'honneur et l'intérêt même de la religion exigent qu'on sépare de sa cause des erreurs dont elle ma pu souffrir, comme elle n’a pu les autoriser, Il faut, pour que le sentiment de ses bienfaits soit pur comme elle-même, ne plus craindre d’avouer des fautes qui lui sont étrangères; il faut enfin que les incrédules, s’il pouvoit en exister parmi nous, apprennent que les crimes d'Alexandre VI, les violences de Moyen âge. TI Jules II, les voluptés de Léon X, les perfidies de Clément VII, ne sont pas moins odieuses au chrétien qui se contente d'en gémir, qu'au phi- losophe qui croit ny voir qu'un sujet de triomphe, et ne rougit pas Q'en tirer un indigne avantage contre la religion qui les condamne. Et d'ailleurs, Messieurs , il s'en faut bien que la tâche d'un historien des Papes soit aussi pé- nible qu'elle semble au premier coup-d'œil; et si l'impartialité dont je fais profession ne m'a pas permis d'en dissimuler à vos yeux les côtés ingrats, je dois encore moins vous en laisser ignorer la partie honofable. Tel est le caractère de l'homme, qu'il porte, dans toutes ses actions, ce mélange de vice et de vertu dont se compose sa nature; et le tableau des affaires humaines n'en présente point où le mal et le bien aient été constamment séparés. Défions-nous donc de ce prélendu savoir, qui ,nous montrant l'influence pontificale sous des couleurs toujours également odieuses, ne lui a imputé que des crimes, et wen a retracé que les malheurs. Sachons nous défendre de cette fausse philosophie, qui, pour unique fruit de ses analyses du cœur humain, n’y vit jamais que des vues intéressées , ou des inten- tions coupables , et qui, surtout dans l’histoire des Papes, s'attachant aux seuls faits qui flétris- soient leur caractère, aux seuls témoignages qui galomnioient leur conduite, s'est refusée à dire PA Histoire des. Papes. tout ce que leur influence eut de généreux, de grand et de salutaire. L'ignorance et la mauvaise foi, qui s'unissent au même degré dans ces écrits prétendus philosophiques, nous autoriseroient peut-être à considérer les mêmes objets dans un sens tout opposé; mais les défauts que nous con- damnons ne sauroient être pour nous un motif d'excuse , encore moins d'émulation. Sans former de système contraire, ce que les partisans de l'indépendance absolue des opinions ne man- queroient pas d'appeler d'abord un paradoxe, nous tâcherons d'être vrai uniquement : c’est le seul moyen qui nous reste pour être original. C'est un fait qui résultera de mes recherches, et que je crois pouvoir proclamer d'avance hau- tement , que, pendant la longue durée du moyen âge, l'influence des Papes fut généralement plus utile que funeste à l'Europe, et que, tout pesé dans une exacte balance, la société dut plus de vertus et de bienfaits à la puissance pontificale, qu'elle n’en reçut de vices et de malheurs. Mais, afin de rendre cette proposition vraisemblable, même aux esprits les plus prévenus, je me hâte d'a- jouter qu’il falloit un état de civilisation, ou si l'on veut, de barbarie, précisément semblable à celui du moyen âge, pour que l'autorité des Papes obtint des résultats aussi favorables ; et c’est ce qu'a dé- montré la suite de leur histoire, lorsque, tout ayant changé en Europe , les esprits, les institu- Moyen âge. 19 tions et les mœurs , ces Pontifes voulurent , en des circonstances toutes diflérentes , déployer le même pouvoir, et ne surent plus alors produire que des scandales, et susciter que des troubles. Sachons donc distinguer ce qu’étoit l'Europe au XL°siècle , et ce qu'elle étoit devenue au XVI’, et les phénomènes que présente l’état de la cour de Rome, à ces deux époques, et dans l'inter- valle qui les sépare, ne nous offriront plus rien que de conforme à la nature des choses, Quand Charlemagne fonda la puissance temporelle des Papes sur le territoire de Rome, leur empire étoit déjà établi dans tous les cœurs, et depuis, les Pontifes, pour parvenir au trône, n'eurent qu'à s'y laisser porter. L'enthousiasme religieux, . qui étoit alors dans toute sa ferveur, ne fit que croître dans les siècles suivans; avec lui s’étendit le pouvoir des Papes, et l'un et l'autre brillèrent du même éclat, et déployèrent la même énergie dans le siècle des croisades, où ils atteignirent ensemble le plus haut degré de leur influence. Les nouveaux rapports qui se formètent à la suite de ces expéditions fameuses, créèrent bientôt des sociétés nouvelles, où la politique cessa d'être liée si intimement à la religion. Une sorte de lutte s'établit dès lors entre les deux puissances, qui se partageoient les affections et les destinées de l'homme; et ce fut pendant les longues vicissi- tudes de cette lutte opiniâtre, qu’acheva de se 14 Histoire des Papes. dépouiller la barbarie du moyen âge. Quand Luther enleva la moitié de l'Europe aux Papes, il ne fit qu'accomplir en un jour une révolution préparée depuis deux siècles ; la puissance ponti- ficale se seroit perdue sans cette imprudence de Léon X, comme elle s'étoit élevée, malgré les mêmes vices, au XIe siècle : c’est la croyance qui explique tout dans les hommes de ce temps, d'une manière aussi sûre que l'intérêt chez ceux du nôtre. Dans une disposition des esprits, qui compre- noit dans la religion tous les intérêts du citoyen, comme elle en tiroittousles devoirs de l'homme, le Pontife, qui dirigeoit les consciences, deve- noit naturellement l'arbitre des empires; et c'est alors que , par une conséquence nécessaire , il fut rigoureusement vrai que l'Etat est dans l'Eglise , et non l'Eglise dans l'Etat. Qu'on joigne à cette direction des idées, toute religieuse et enthou- siaste, des circonstances heureuses, les vices et la désunion des princes, l'habileté des Pontifes, et enfin les lumières du clergé au milieu de l'igno- rance générale, et l'on trouvera peut-être que la cour de Rome, si souvent accusée d’affecter l'empire universel, plus souvent encore sut s'en rendre digne, et que son ambition fut du moins excusable, quand tout, autour d'elle, s'empres- soit à lui en donner l'exemple, à lui en inspirér le désir, et à lui en préparer le succès, Ta 7 Moyen âge. 19 L'Italie, au VII" siècle, gémissoit sous le joug des Lombards , et n e souffroit pas moins del'indif- férence et de l'éloignement des empereurs. Aban- donnés de leur souverain et pressés par leur en- nemi , les Romains ne sont plus défendus que par leur évêque. Aprèsavoir vainement rempli l Orient de ses plaintes éloquentes, un Pape, Etienne IT, pour sauver son pays des mains d'un barbare, ne craint plus de s'adresser à un héros. Il passe les Alpes, et les repasse bientôt , suivi d’une armée de Français qui va tout renverser devant elle. Les Lombards sont forcés de se renfermer dans de justeslimites: Rome affranchie respire ,et, dans ce triomphe légitime,la piété peut s’applaudir d'avoir ouvert un champ honorable à la valeur. De nou- veaux dangers la mettent à une nouvelle épreuve. Maisles Romains, toujours trahis par la fortune, et encore plus par eux mêmes, ne savent tendre les mains aux fers qui les attendent, ou bien au Pontife qui négocie et combat pour eux: c'est en- core un Pape Adrien I, qui, à défaut du courage : éteint dans leurs âmes, leur suscite un vengeur ; qui, joignant l'autorité de la religion au zèle du patriotisme , ne permet de vaincre pour eux qu'au seul prince digne de les défendre, et leur assure un protecteur, sans leur imposer un maitre. Avec la destruction des Lombards, finissent les longues angoisses des Romains, et commence la grandeur des Papes. Sans doute, tout ne fut 16 Histoire des Papes. pas religieux dans cette élévation mondaine, et l'humble successeur des Apôtres, en profitant de l'abaissement de César, parut oublier de rendre à son malheur ce que l'Evangile avoit prescrit de rerfdre à sa puissance. Toutelois, rappelons-nous que l'Empire fut fondé par les proscriptions et cimenté du sang des plus vertueux citoyens de Rome. C'est, au contraire, par des bienfaits , que les Papes établirent leur autorité; la reconnois- sance des Romains, délivrés par eux, fut le pre- mier degré de leur trône ; et, lorsque tant de conquérans n'ont eu d’autre titre à régir un pays, que d'en avoir fait un désert, on peut pardonner aux Papes d’avoir sauvé leur ville pour acquérir le droit de la gouverner. Le IX siècle s'ouvre par une scène plus im- posante encore. L'Empire , que les Césars avoient laissé perdre entre les mains des Goths, des, Lombards et des Arabes, est rétabli sur de nou- veaux fondemens ; et c’est l'amitié d'un grand- homme et d'un Pape qui signale cette ère nouvelle. Par cette heureuse union des deux puissances, la France, élevée au premier rang des nations, s'associe aux destins immortels de Rome; et Rome, à son tour, s'applaudit de retrouver, dans son alliance avec un peuple florissant de jeunesse et de vigueur, l'éclat de lā république et l'étendue de l'Empire. Jamais peut-être l'action réciproque de la religion et de la politique Moyen âge. -iy n'éclata par de plus salutaires et de plus nobles effets ; et jamais la civilisation de l'Europe ne reçut une impulsion plus forte, que celle qu’elle dut à la double influence de Léon II et de Charlemagne. Mais un édifice porté rapidement si haut, ne pouvoit se soutenir sans l'appui de la main vigoureuse qui l'avoit fondé. L'empire de Charlemagne, affaissé sous son propre poids, s'écroule au bruit des guerres intestines; et, du sein de ses débris, que se disputent les foibles et coupables enfans de Louis-le-Pieux, s'élève et s’affermit le trône des Papes. Ce fut sans doute .un bonheur pour l'Europe, au milieu d'une confusion si générale , que l'autorité religieuse, devenue plus respectable, à mesure que la puis- sance civile travailloit elle-même à s'avilir, půt S'interposer dans les querelles des princes, et offrir, à l'ombre da Saint-Siége ; un refuge aux opprimés qu'ils ne trouvoient plus dans les lois. Ainsi les désordres de la société conspiroïent, en dépit d'eux, à lui rendre nécessaire l'assistance des Pontifes. Des nations entières, en proie à leurs propres vices et à l'impuissance de leurs chefs, venoient d'elles-mêmes se ranger sous leur autorité, la seule qui püt alors les protéger : et lorsque Nicolas I‘ se vit, peut-être sans le vou- loir, et certainement sans l'avoir prévu, l'arbitre de l'Europe et le juge de l'Orient; quand des princes portoient eux-mêmes leurs différens à Tome I. Janvier 1818. 2 18 Histoire des Papes. son tribunal, que la morale publique le consti- tuoit son vengeur ; que les Bulgares venoient recevoir de sa main le flambeau de la foi ; que dans la fameuse querelle d’Ignace et de Photius, il étendoit les droits de son siége , en ne défen- dant que ceux de la justice, devoit-il refuser un empire aussi volontairement offert ? et quel est de nos jours le prince , dégagé d'ambitjon , qui, pouvant à la fois honorer son ministère et aug- menter sa puissance , négligeroit à ce prix d’'exer- cer une autorité utile aux oppriméset redoutable aux méchans ? Trois Papes, doués du caractère de Nicolas I*, ct placés dans les mêmes circonstances , auroient infailliblement asservi l'Europe. Mais Adrien IE et Jean VIII, avec des vices sans talens, purent à peine recueillir le fruit des travaux de leur prédécesseur ; et toutefois, ce dernier disposa deux fois de la couronne impériale, sinon avec un titre légitime, du moins en faveur de l'héri- tier légitime. La foiblesse et le malheur augmen- tèrent sous les Pontificats suivans ; et l’on ne doit pas s'étonner que la fortune ait manqué si souvent aux Papes, quand eux- mêmes manquèrent davantage à la fortune. Faut-il rappeler ici les sacriléges horreurs du X“ siècle, siècle de fer et de plomb, comme disent les écrivains ecclésias- tiques, où l'inceste et l’adultère triomphoient impudemment sur le Saint-Siége, où deux in- fàmes prostituées donnoient à leur gré des succes- Moyen áge. à 19 seurs aux apôtres, et l'Église, fécondée autrefois du sang des martyrs, ne fut plus inondce que du sang de ses chefs, répandu par leurs propres mains ? En déroulant ces pages honteuses , que, pour l'honneur de notre espèce, nous voudrions pouvoir arracher de son histoire, nous n aurons point seulement à gémir sur le sort de la religion; nous trouverons la société tout entière en proie aux mêmes horreurs ; et en voyant tous les princes rivaliser de scélératesse avec les Pontifes, nous partagerons plus d'une fois l'ef- froi d'une génération impie, qui , trop certaine du courroux céleste , attendoit la fin du monde à l'issue de ce siècle abominable. Devrons- nous faire porter à la religion la peine des crimes de ses ministres, en les jugeant comme chrétiens, eux qui n'étoient pas même des hommes ? Aux yeux de certains philosophes, pour qui les vertus du clergé sont plus à craindre que ses vices, ces Pontifes eurent du moins le mérite de ne pas se prétendre infaillibles; et le chrétien qui s'afflige de leur indignité, y trouve encore des raisons de s’affermir dans sa croyance. Ce ne sera pas non plus l'influence pontificale qu'il faudra accuser de tant de calamités , puisque toujours victimes de leurs propres fureurs . ou de celles de leurs ennemis, les Papes de cet âge furent les plus foibles de tous, et n'eurent jamais de pouvoir à exercer que contre eux-mêmes. 2 20 Histoire des Papes. C'est bien plutôt la tyrannie ou l'impuissance des princes temporels, qui livra l'Europe à ces horreurs. C'est au milieu des désordres auxquels donna naissance la chute de la race infortunée de Charlemagne , que les marquis de Toscane, les comtes de Tusculum, et plus tard le consul Crescentius , usurpant à Rome l'autorité souve- raine, firent des Papes, alternativement leurs créatures et leurs victimes , un instrument ou un jouet de leur puissance ; et les seuls exemples de vertu qui furent donnés au Monde, dans ces temps déplorables, vinrent des Pontifes romains, pendant les trop courts intervalles de repos que Rome dut à l'absence de ses tyrans, et à la ferme administration des trois Othons. La profonde nuit qui avoit couvert l'Europe au X° siècle, sembla vouloir se dissiper à l'au- rore d'un siècle nouveau, et ce fut du palais de Latran que partirent les premiers rayons de cette lumière inespérée. Un Français, formé à l'école des Arabes d'Espagne, le célèbre Gerbert, de- venu Pape sous le nom de Sylvestre II, donna au Monde le salutaire exemple du mérite litté- raire et des vertus religieuses, couronnés dans un Pontife. Il fit plus; il ranima par son pouvoir les études qu'il avoit honorées par son exemple, et la France, l'Allemagne et l'Italie se ressen- tirent des heureux effets deson zèle. L'honorable surnom de magicien, qu'it dut à ses figures géo- métriques, regardées comme des productions Moyen âge. 27 da diable par son siècle ignorant, lui garan- tit le respect et la reconnoissance du nôtre ; et ses efforts pour répandre partout les lumières qu'il avoit cultivées en lui-même, sont dignes d'occu- per une place dans l'histoire de l'esprit humain, et d'être mis au premier rang des bienfaits de l'influence pontificale. Les successeurs de Gerbert honorèrent leur siége par des vertus, qui ser- virent aussi à leur grandeur, et l'on peut du moins leur pardonner une ambition, qu'ils surent rendre utile aux hommes. Nous touchons au mo- ment où la puissance des Papes va devenir supé- rieure à toutes les puissances, et leur orgueil se mettre au niveau de leur fortune. Nous la trouve- rons fondée, avant l'exaltation de Gregoire VH, par trois événemens auxquels n'eut point de part le génie de ce Pontife, ni la volonté de ses pré- décesseurs ; l'affermissement de la dynastie capé- tienne en France ; la conquête de Naples et de la Sicile par les Normands; et l'établissement d'autres Normands en Angleterre, révolutions si importantes dans le système politique de l'Eu- rope, que les Papes ne purent produire, qu'ils se contentèrent de diriger, et dans lesquelles l'épée des Guiscard et des Guillaume, tirée en quelque sorte pour le service des Papes Léon IX et Alexandre IT, affermit , par la victoire, l'em- pire que la religion avoit commencé. Le nom de Grégoire VII, de ce fameux Hit- 22 Histoire des Papes. debrand, qui remua dans toute l'Europe les trônes et les consciences, semble seul retracer à la mémoire tous les attentats réunis de l'ambition pontificale : et tel est le privilége de la grandeur, même dans le crime, que ce nom, à la distance de tant de siècles, étonne et impose encore. )e- vrons-nous aggraver le poids des inimitiés sous lesquelles il succomba vivant, et qui ,accablent encore sa mémoire? La connoissance de son siècle nous aidera peut-être à mieux juger son caractère. Esprit naturellement ardent et austère, nourri dans toute l'âpreté des vertus monastiques, joignant l'habileté des cours à la science des cloîtres , il vit avec horreur les désordres de son siècle, et se crut appelé à le réformer: Alors, c'étoit avec le fer que l’on convertissoit les âmes; et en n'employant pour leur salut que les armes spirituelles, aiguisées et retrempées , Hildebrand put compter à la fois sur la faveur du ciel et sur la reconnoissance des hommes. Indigné de la foi- blesse et de la tyrannie des princes , il vonlut écraser l'hydre féodale ; et non moins frappé de l'anarchie du clergé, réduire, sous l'autorité d'un même chef, comme sous l'empire d'une même croyance, les membres désunis et rivaux de la république chrétienne. C’est à ce double but que tendirent constamment ses efforts, et il porta dans l'accomplissement de ses projets toute l'opinià- treté d’un caractère indomptable, et toute l’éner- Moyen áge. 23 gie d'une conviction profonde. Génie audacieux et souple, il se servit des vices mêmes de ses contemporains pour les combattre ; arma les peuples contre les princes, afin d’assujétir ensuite les peuples par les princes; isola, en quelque sorte, les prêtres de l'humanité, pour les sou- mettre à son pouvoir ; inflexible et fcr dans la bonne fortune, mais moins encore que dans la mauvaise; portant la main partout où pouvoit s'étendre sa vue, et tellement sûr de son siècle ou de ses mœurs, que, triomphant ou proscrit, il trainoit avec lui une femme encore jeune et belle , riche, séparée de son mari, sans redouter pour sa conduite l'effet de ces préjugés popu- laires, dont il tiroit toute sa puissance, et sans que jamais les haines furieuses qu’il avoit excitées aient osé recourir, pour se venger de ses excès, aux faciles ressources de la calomnie. Grégoire VII avoit voulu fonder l'empire uni- versel des Papes sur le clergé, et celui du clergé sur le reste des hommes. Les disgrâces de ses dernières années n'empéchèrent point l'accom- plissement de son ouvrage. Il sentit que tout étoit sauvé, si le principe de sa supériorité prévaloit une fois, et cette idée ne pouvoit naître que de l'éclat et de la grandeur de ses actions. Ce fut là l'héritage qu'il transmit à ses successeurs, avec l'exemple de sa vie. Urbain II, le plus fidèle de ses disciples, continua, pour ainsi dire, son bé: Histoire des Papes. esprit, en succédant à ses querelles contre les souverains de l'Allemagne et de la France, et mit le sceau à la grandeur des Papes, par une entre- prise que l'intrépide Hildebrand avoit projetée, et qu'il eût voulu diriger lui-même. Urbain, plus prudent ou plus timide, se contenta d'envôyer un million de soldats à la conquête de la Syrie, et crut sans doute avoir assez fait pour la cause des Chrétiens, en leur ouvrant les chemins de la gloire et du salut. Ce fut un beau moment pour les Papes , que celui où, reconnus chefs de la république chré- tienne, un seul mot de leur bouche faisoit lever des armées ; où , transportant en Asie le théâtre des guerres qui désoloient l'Europe, ils préci- pitoient ou retenoient à leur gré les nations ; où, sans autre pouvoir que celui du génie, sansautres armes que la croix, plus heureux et plus habiles que les Césars qu'ils avoient remplacés, ils sau- voient la civilisation de l'Europe de sa propre léthargie et de l'invasion des Barbares. Tels se montrèrent les Papes dans tout le cours du XII siècle; et leur fortune n'éprouva guère d’autres vicissitudes que celles de leurs talens personnels. Mais l'esprit de Grégoire VIT, qui animoit ses plus foibles successeurs, ne laissa pas refroidirunsealinstant l'enthousiasme des peuples; et si la salutaire influence des croisades n’est plus aujourd’hui contestée des vrais philosophes, ils Moyen âge. 29 doivent encore moins en refuser le mérite aux Pontites , qui seuls conçurent et dirigèrent ces grands mouvemens. Formation d'un nouveau système politique sur les ruines du régime féo- dal, affranchissement des citoyens, émancipa- tion des villes et des communes, progrès des lumières, de l'industrie et du commerce, voilà les résuliats positifs du XIe siècle; voilà des effets cériains de l’influence pontificale , et, quoi qu'on ait pu dire, les vertus de ce siècle héroïque, la foi, l'honneur, la piété des chevaliers : les chants religieux et guerriers des troubadours, et toutes ces nobles et douces illusions qui agitoient alors si puissamment le cœur de l'homme, ont bien aussi leur valeur morale, indépendamment de leur mérite poétique, et j'ose croire que l'hé- roïsme de cet âge ne le cède guère à la philosophie du nôtre. La querelle des investitures, émue par Gré- goire VII, dans la vue généreuse de réformer l'Eglise, remplit tout le cours du XIT siècle , et présente, sans contredit, l'un des plus grands spectacles qu'aient jamais offert les choses hu- maines. Plusieurs Papes y déployèrent des talens faits pour honorer la cause même la moins légi- time, avec un succès capable de justifier leur zèle. Calixte Il, pacificateur de l'Europe , par la seule force de songcaractère et l'irrésistible em- pire de ses vertus; Innocent II, digne ami de 26 Histoire des Papes. saint Bernard , et restaurateur de l'Eglise; mais surtout Alexandre II,- noble rival de l'empe- reur Frédéric Į", auteur et chef de cette ligue généreuse que les républiques italiennes for- mèrent contre un monarque étranger, pour le maintien de leur indépendance, et qu'un écrivain, rarement suspect de prévention en faveur des Papes, Voltaire, a proclamé le bienfaiteur du genre humain. Au milieu de ces intérêts géné- raux de la société, si bien défendus par les Pontifes de cet âge, n'oublions pas qu'en plus d'une occasion particulière, leur pouvoir fut utile à la vertu proscrite , et même à la valeur enchaînée. Ainsi, lorsque Alexandre III impri- moit un salutaire repentir dans l'âme du roi d'Angleterre, Henri II, et le forçoit d'expier au pied des autels, par une pénitence rigou- reuse , le meurtre d'un de ses sujets, qu'il avoit sinon permis , du moins autorisé ; et ‘quand Cé- lestin III, seul ami qu'éprouva fidèle Richard Cœur-de-Lion ; oublié dans sa prison de l'Eu- rope entière et de ses propres sujets, contraignoit par l'éclat des anathèmes le duc d'Autriche et l'empereur d'Allemagne de relâcher leur auguste captif, les hommes de ce siècle ne durent-ils pasap- plaudir à un pareil acte du ministère apostolique ? et n'étoit-ce pas un bonheur pour les peuples, pour les princes eux-mêmes, dont la violence et la cupidité étoient alors sans frein comme sans y Moyen âge. 27 mesure , que la puissance religieuse , suppléant à la foiblesse et à l'insuffisance des lois humaines s prit également les petits et les grands sous sa tutelle , et les sauvât à chaque instant de leurs mutuelles atteintes et de leurs propres fureurs ? Parmi les résultats importans que nous offre l'histoire du XIL" siècle, l'affermissement du pouvoir monarchique en France, sous Philippe- Auguste et sous saint Louis; la création d’un nouveau gouvernement en Angleterre, par suite de crimes de Jean-sans-Terre et de la malheureuse administration de Henri IL ; le renouvellement de l'Empire germanique dans la personne de Rodolphe de Hapsbourg ; les conquêtes de la foi dans le nord de l'Europe; l'accroissement des républiques italiennes, vainement combattu par l'empereur Frédéric IT; c’est toujours l'in- fluence pontificale qui paroît dominante: et parmi tous les grands personnages de ce siècle, il n’est pas de caractère plus imposant que celui du Pape Innocent III. Toutefois , il ne faudra pas que cette grandeur, purement humaine, nous éblouisse dans un Pontife, dont le royaume ne devoit pas être de ce monde. Si le redoutable Innocent III se fùt contenté de l'empire qu'il exerçoit par ses lumières; si, voyant comparoître à son tribunal toutes les nations de l’Europe, et prenant en main la cause de tous les cpprimés, il eût,fpar la seule terreur des armes spirituelles , 28 Histoire des Papes. triomphé de la stupide opiniâtreté de Jean-sans- Terre ,'et des scandaleuses amours de Philippe- Auguste; si, devenu le juge et l'arbitre des souverains, il n'eùt point perdu les fruits de cette utile médiation, par les artifices d'une politique- intéressée ; si, protecteur humain et généreux des Juifs , il n'eût point ensuite abjuré tous les sentimens de la charité chrétienne, en persécu- tant les Albigeois ; si, parmi tant kens qui honorent son caractère, on n'avoit point enn à reprocher à sa mémoire l'établissement de l'in- quisition ; ce Pontife, si grand dans l'Eglise, leût été de même aux yeux de l'humanité, et l'Europe, pacifiée par lui, eût partagé la recon- noissance de Rome. Mais quand on le vit porter sa main audacieuse sur toutes les couronnes; excommunier pour envahir; approuver, après le succès, une conquête qu'il avoit censurée dès le principe, et, dans la conversion des hérétiques, substituer , selon l'expression d'un auteur contem- porain, des fagots aux argumens , il devint évi- dent, même aux yeux les moins éclairés , qu'une cause sacrée ne pouvoit s'associer à des intérêts si profanes, et la foi la plus soumise dut être em- barrassée d'accorder tant «linconséquences et de concevoir tant de rigueurs, toujours autori- sées du nom de Dieu. La puissance des Papes avoit été portée au comble par Innocent III. Plus tard, le territoire 4 Moyen âge. 29 et les revenus du Saiat-Siége furent encore accrus par Nicolas III. Cependant, c'est dans ce même siècle, rempli presque tout entier de la gloire et des succès de ces deux Papes, que se remarquent les premiers signes de la décadence de leur em- pire. Les violences inutiles de Grégoire IX ne servirent que la cause de son ennemi, La longue résistance de l'empereur Frédéric II apprit à l'Europe étonnée que, pour secouer le joug pontifical, il sutfisoit de lever la tête. La poli- tique ferme et rusée de Philippe-Auguste mon- tra mieux encore que l'excommunication ne tient pas contre la victoire; et les foydres de Rome respectèrent les lauriers de Bouvines. Mais l'atteinte la plus forte qu'ait reçue la puissance des Papes, lui fut portée par la vertu la plus pure. La religion même sembla condamner l'orgueil de ses ministres par la bouche de saint Louis, et le même décret qui consacra sa mémoire, dut flétrir, aux yeux des peuples, celle d'Innocent IHI. Enfin, les fureurs insensées de Boniface VIII achevèrent d’aliéner de sa cause les esprits même les plus disposés à plaindre sa disgrâce. Bientôt le siége pontifical fut transféré loin de Rome, dans une cité gauloise, époque mémorable, où la fortune des Papes sembla s'exiler de Rome avec eux, comme autrefois, en passant des bords du Tibre sur ceux du Braphioes s'étoit éclipsé le destin del Empire. 30 Histoire des Papes. Les cinq siècles dont je viens d'offrir un aperçu rapide, depuis la mort de Charlemagne, en 814, jusqu'à la translation du Saint-Siége à Avignon, en 1309, seront la matière du cours de cette année. Ils forment la première période de l'histoire moderne; la seconde, qui se pro- longe jusqu'à nos jours, et qui, égale à celle-là en étendue, offre encore plus d'événemens mé- morables et de révolutions importantes, doit être reservée pour d'autres temps. L'époque où nous nous arrêlons, vit décliner la puissance pon- tificale, dont la décadence fut aussi rapide et constante, que l'élévation en avoit été soudaine et irrégulière. Dès lors ce fut par des ressorts et des intérêts différens quetommença de se mouvoir la politique de l'Europe, et la cour de Rome, réduite au commerce des indulgences pour sou- tenir son influence expirante, n'eut bientôt plus, dans les intrigues mondaines, qu'une part subal- terne , trop foible pour rajeunir une réputation surannée. En comparant toutefois ces deux périodes, si diverses par les moyens et les résultats qui les distinguent , une observation doit frapper tous les esprits : c’est que les querelles religieuses furent encore plus vives et plus fréquentes en Europe, quand le pouvoir des Papes y devint plus foible et plus circonscrit. Sans doute la croisade des Albigeois n'affigea pas autant l'humanité, que les „Moyen áge: Sr guerres théologiques des Pays-Bas et de la .France, que les troubles suscités par Luther et les excès produits par la Ligue, que les massacres de Cabrières et de Merindol ; et si jamais la reli- gion mit, aux mains des hommes ides armes dont la saine politique n'ait point réprouvé l'usage, on ne sauroit nier que les croisades , si souvent re- nouvelées en Espagne contre les Maures, et les conquêtes de l’Ordre Teutonique dans le nord de l'Europe, n'aient eu tout à la fois un but plus légitime et des résultats plus utiles, que ces déplorables querelles nées de l'obstination d’un moine vindicatif, qui couvrirent l’Europe en- tière de tant de plaies non encore cicatrisées. Supposons Luthercontemporain de Grégoire VIT. Certes le repos de la société chrétienne n'eût pas été longtemps troublé par des visions germa- niques ; et je doute que l'audacieux sectaire, instruit d'avance du fruit de ses sermons, se fût exposé à en recevoir le prix de la main d’Hilde- brand. Terminons ici, Messieurs, ces observations’, que m'a suggérées l'étude des temps dont l'his- toire va désormais nous occuper. Des événerens, supérieurs à la pradence humaine, ont ramené la religion au point de ne servir plus en ce monde, que pour y préparer les récompenses de l'autre ; et le pouvoir de ses ministres ne s'exerce à présent que sur les consciences, Les foudres du "FT r 32 ` Histoire des Papes. Vatican sont éteintes; et, au lieu de ce bruit des anathèmes , qui épouvantoit jadis les rois, la chaire de saint Pierre ne retentit plus que de paroles de paix, d'union et de charité. En quit- tant la cuirasse pour la haire, et la conduite des empires pour le gouvernement des àmes , un Pon- tife désarmé n'en est devenu que plus respectable à nos yeux. Mais si quelque esprit vain et nourri dans les fausses doctrines de ce siècle, osoit nier Jes heureux effets qu'obtint jadis la puissance pontificale ; si, fermant l'oreille aux témoignages des siècles passés, et profitant de l'abaissement actuel des Papes, il méconnoissoit le salutaire empire que la religion exerça par leursmains, et prétendoit détruire celui qu’elle leur laisse encorè sur les destinées de l'homme, vous n'auriez pas de peine à repousser, au moyen des armes que vous fournira l'histoire, ces foibles et imprudentes attaques; vous diriez à ce sophiste , que la mau- vaise foi se trahit plus aisément qu'elle ne trahit la vérité ; que le vrai courage ne consiste pas à insulter la foiblesse ; et que s'il en fallut pour attaquer les Papes sous Grégoire VIT, il n'y en a plus aujourd'hui qu'à les défendre. Qu'ilme soit permis, avant de nous séparer, Mes» sieurs, desollicites votre bienveillance, etde protes- ter de mon zèle constant à la mériter. J'en aurai peut-être besoin plus que jamais. On m'accusera peut-être, comme on l'a fait l'année dernière, d'ai- LU Moyen âge. 99 mer les opinions paradoxales, et de nous écarter des idées reçues. Mais que nous importent de vaines allégations, si notre conscience nous assure que nous ne négligeons rien pour connoître la vérité, si vos propres suffrages nous prouvent que nous n'avons jamais cherché et professé qu'elle seule? Je ne crains point, Messieurs, de vous attester publiquement, si l'impartialité et la modération n’ont pas toujours présidé à mes jugemens, comme elles avoient d'avance dirigé mes recherches. Je continuerai, dans le méme esprit et avec la même franchise, à vous faire part de mes idées, certain de trouver en vous la même confiance. Le résultat de nos leçons a été, jusqu’à présent, de vous faire détester le fanatisme , de quelque couleur qu’il se pare, sous quelque forme qu'il se déguise ; et si la philosophie de nos jours devenoit intolérante à son tour, si elle exigeoit pour elle une soumission aveugle et un culte superstitieux , nous n'aurions point de peine à braver ses anathèmes, comme em faisant l'his- toire du moyen âge, nous aurons souvent à re- pousser les foudres de Rome. Mais ce n’est pas dans un siècle de lumières comme le nôtre, qu'on doit se croire exposé à de semblables dangers, quand , ainsi que nous, on cherche de bonne foi la vérité. Continuons donc ensemble les travaux qui nous ont réunis jusqu’à ce jour, et renouve- lons ici, Messieurs, le mutuel engagement qui Tome I. Janvier 1818. Sr TN LE 34 Histoire des Papes. nous lie, moi, d'apporter toujours à ces leçons, et vous ; d'y venir puiser le zèle de la vérité , Fu l'estime de la patrie, et l'amour de son souverain et de ses lois. y ğ ~ NÁ ns = —< oie SANANE — ra a ? NET OR duten. glauca ; i : AAA AN AAA AAA AA AAA A AAA AA VAS AA A AAA BOTANIQUE. DESCRIPTION d'une nouvelle espèce du genre Rosier (Rosa Redutea); par M. CI. Ant. THory (1). Rosa REDUTEA. R. Germinibus ovuto-globosis, glabris hispidisve; pe- dunculis glanduloso-hirsutis ; foliolis ellipticis, utrinque glabris, simpliciter serratis; petiolis subaculeatis ; aculeis caulinis inægualihus subrectisnumerosissimis ; floribus ge- minatis ternatisve ; laciniis calycinis corollam inapertam superantibus. Le ROSIER REDOUTÉ- Caractère spécifique. ROSIER à tubes des calyces ovales, globuleux, glabres ou hispides; à pédoncules velus et glan- duleux ; à folioles elliptiques, glabres des deux côté:, simplement dentées; à pétioles quelque- fois munis d’aiguillons ; à tige garnie d’aiguillons nombreux, presque droits , d'inégale longueur ; à pédoncules portant deux ou trois fleurs; à divisions du limbe presque entières, plus longues que la corolle avant et après son épanouisse- ment. (a) Glauca. R. Redutea foliolis glaucis, acutis, subdiscoloribus ;. floribus albis, apice rubello punctaüs. - (1) Voyez la planche jointe à cet article. J 36 Botan ique. R. (Spinosissima ) nova variegata. Du Pont, Choix des Roses, etc. p. 3. Rosier très-épineux, à fleurs vergetées de rose et à feuilles glauques. Le même, Catal. ined. série 4°, n° 11. Arbrisseau élégant, de la hauteur de deux à trois pieds, à tiges divergentes, et d'un brun rou- geûtre. - Rameaux de l’année couverts d'aiguillons nom- breux, presque droits, inégaux et d'un rouge vif: ceux des années précédentes munis d’aiguil- lons jaunâtres et persistans. Feuilles de cinq ou de sept folioles ovales- pointues , glabres d’un vert glauque’, et plus on moins recouvertes d’une teinte rose en-dessous. Pétioles munis de deux ou trois petits aiguil- lons crochus. Stipules colorées, très-entières , glanduleuses au sommet. Fleurs disposées par deux ou par trois à l'ex- trémité des ramuscules , qui croissent le long des rameaux principaux. Pédoncules hispides, rougeâtres, munies à leur base de bractées ovales-pointues et colorées. Tube du calyce ovale, un peu globuleux, glabre et teint en rose. Corolle de cinq pétales échancrés en cœur, blancs, mais lavés de rose, et vergetés de petits points d'un rouge foncé, intérieurement et à leur sommet seulement : ces mêmes pétales rayés, à Rosier redoute. 3y l'extérieur, de deux ou trois bandes irrégulières, longitudinales et rougeâtres. Divisionsdu limbe; rarement munies de quelques pinnules très-fines, cotonneuses à l'intérieur, glanduleuses à l'extérieur, plus longues que la corolle. Etamines très-nombreuses. Stigmate se réunissant en une tête sessile au centre de la fleur. Fruit ellipsoïde. Cet arbrisseau a le port du rosier à feuilles rougeâtres (rubrifolia , D.C. FI. Franç., n° 5711 ; REDOUTE, Roses, p. et fig. 51.); il est, comme lui, d'une couleur rouge, recouverte d'une espèce de poussière glauque. (8) Parvifolia. R. Redutea aculeis caulinis subrectis inæqualibus (ma- jores foliorum longitudine); foliolis subrotundis, floribus albidis. Arbrisseau qui s'élève à trois ou quatre pieds. Tige se divisant en rameaux nombreux , étalés, alongés, couverts d’aiguillons jaunâtres, inégaux , (les plus grands de la longueur des folioles ). Folioles, sept ou neuf, petites, de forme à peu près ronde, Pétioles, pédoncules et tubes des calyces par faitement glabres, * 38 Botanique. La disposition des fleurs et la forme des ai- guillons de ce rosier le rapprochent du rosier à mille épines de M. le professeur DE CANDOLLE, (R. myriacantha, Fl. Franç., n° 3698 ); mais celui-ci s'en éloigne par ses tiges bien moins élevées, ses folioles doublement dentées, mais surtout par ses pédoncules uniflores. (r) Rubescens. R. Redutea germinibus globosis , pedunculis laciniisque hirsutis ; foliolis lucidis, glabris subdiscoloribus ; petiolis subaculeatis ; caule aculeis numerosissimis sparsis , inœ-— gualibus , subrectis , purpureis; floribus rubris. R. (Parviflora). Du PonT, Cat. ined. série 16 ; Nouv. DUHAMEL, tom. 7, p. 18, var. B excl. var. A. Cette variété est remarquable par ses tiges ver- dâtres , lavées d'un rouge brun; par ses aiguillons d'un rouge vif, enfin par ses folioles, qui , d’abord vertes et luisantes comme celles du buis, prennent à différentes époques, mais surtóut après la flo- raison, une teinte rougeâtre, qui donne à cet arbuste un aspect très-pittoresque. Les folioles à dentelure parfois teinte en rouge, les tubes des calyces et les fruits globuleux, enfin les pétales d’une couleur rose un peu foncée, sont les différences qui séparent ce rosier de la variété À Le R, Redutea rubescens a quelques rapports avec le R. hispida (PorReT, Encycl., vol 6, p- 260, n° 15); mais notre rosier s'en éloigne par ses folioles luisantes et glabres des deux Rosier Redoute. 39 côlés ; par ses aiguillons rouges, et par ses pédon- cules uniflores. 1l s'éloigne encore du Rosa rubri- spina (PoIRET. L.C., Supp. 715, n°64), non- seulement par ses pédoncules multiflores , mais “encore par les lobes du calyce velus à l'intérieur, glanduleux extérieurement, et par ses fruits glo- bufeux. Enfin, le Rosa hispida ( POIRET,L. C., n° 65; Curris, Bot. Magaz., 1570), différe de notre variété par les lobes de ses calyces, glabres et plus courts que la corolle , par les poils soyeux, égaux et rapprochés dont ses tiges sont hérissées et encore par la couleur jaunâtre des pétales. OBSERVATIONS. Ces trois arbustes ont été jusqu'à ce jour confondus avec le rosier à feuilles de pimpre- nelle; mais ils s’en éloignent , 1°. Par leurs aiguillons, qui persistent sur les tiges adultes. Le rosier pimprenelle les perd en vieillissant, et l’on rencontre souvent des indi- vidus qui en sont presque entièrement privés ; 2°, Par leurs pédoncules multiflores. Les pé- doncules , dans le rosier pimprenelle , sont tou- jours uniflores ; 3°. Enfin , par leurs divisions calycinales, plus longues que la corolle. Les mêmes divisions, dans le rosier pimprenelle, sont toujours plus courtes. C’est après avoir examiné avec attention toutes ces différences, et avoir fixé les limites qui Tu Le mt 40 Botanique. séparent notre rosier d'autres individus, avec les- quels on pouvoit le confondre, que nous le présentons comme une espèce nouvelle, qui. cultivée pendant plus de vingt ans dans la pépi- nière de M. DU PonT, s'est reproduite par les semis, sans éprouver de modification notable. Toutefois on doit le considérer comme un hy- bride du R. pimpinellifolia , et du R. rubrifolia , doué, comme ces deux plantes, de la faculté de se féconder , et devenu ainsi le type d’un rosier nouveau, auquel nous avons donné le nom de M. REDOUTÉ, auteur de la collection des plantes peintes sur vélin , au Muséum d'Histoirenaturelle, des Plantes grasses, des Liliacées, enfin de la magnifique Collection de Roses qu'il publie au- jourd'hui, et dans laquelle il fait preuve d'un si rare talent. Nous espérons que les naturalistes approuveront cette dédicace, méritée par tant de travaux utiles, et que ce célèbre peintre vou- dra bien nous permettre d'ajouter une simple rose à la couronne que les arts lui ont déeernée depuis si long-temps (1). (1) Un hommage semblable a été rendu, dans le Ma- gasin Encyclopedique , à notre ami commun M. P Héritier par mon ami M. Redouté. C’est pour moi un plaisir nouveau, de voir accorder un même tribut à ce peintre célèbre, dans les Annales que je rédige, comme je faisois alors le Magasin, et qu’il lui soit offert par un hommeesti- mable qui m’honore aussi de son estime et de son amitié. Al, Me AAA AV AA VE VU M AAA AU AAA AUAAAAA AAA A AAA VOYAGES. VoyAGE aux Ruines de Nicopolis , en Epire, dans l’année 1797; par M. Adrien DUPRÉ, attaché au ministère des affaires étrangères. J'ÉTOIs à Corfou dans l'année 1797. Mes occupations me laissant quelque loisir, j'en pro- fitai pour aller visiter le golfe d'Ambracie ei les ruines de la célèbre ville de Nicopolis. C'est le résultat de mes observations que je publie aujour- d’hui : j'espère que le laps de temps qui s’est écoulé depuis le fera recevoir avec indulgence. Le golfe d'Ambracie, situé à l'extrémité mé- ridionale de l'Epire, sépare cette province de l'Acarnanie. Le milieu du golfe est par les 38° 53" de latitude N. Son embouchure dans la mer Adriatique est par le 18° 20" de longitude à lorient du méridien de Paris. Elle est éloignée de huit milles de la forteresse de Leucade, qui est située au S. S. E. ‚et de quatre-vingt milles environ de la forteresse de Corfou, qui lui restepar le N. O. La longueur da golfe , de Prévésa à Vlica , est dequarante-quatre milles, et sa plus grande largeur de dix-huit milles, en les comptant de Lutrachi à Salagora, non compris l’espace occupé par les salines. 42 Grèce. Ce golfe fut célèbre dans les beaux jours de la Grèce. La prospérité de ses habitans excita sou- vent la jalousie, non-seulement des peuples voi- sins, mais encore des nations de l'Attique, de la Thessalie ct du Péloponèse. Plusieurs villes renommées y envoyèrent des colonies, et les arts qu'elles y apportèrent, y produisirent des mo- numens qui le disputoient en beauté à ceux des métropoles. La ville la plus célèbre de ce golfe, dans les temps antiques, fut celle qui lui donna son nom. On attribuoit la fondation d'Ambracie à Tolgus, fils de Cypselus. Le fameux Pyrrhus y établit sa résidence ordinaire, et se plut à la couvrir de beaux monumens. Elle fut abîimée , ainsi que les cités voisines, pendant les guerres cruelles que se firent les Romains et les rois de Macédoine (1). Les ruines et le nom de cette ville se conser- vent encore aux environs d'un village, à une forte journée de Larta, et dans le foud du golfe d'Ambracie. On trouve, au port de ce hameau, un caravansérail assez considérable ; il sert de magasin pour les marchandises , et d'habitation aux navigateurs, Aux environs de l'antique Am- bracie, coule l’Arachtus de Strabon, connu aujourd'hui sous le nom de Louro-potami. La ville moderne du golfe est Larta, éloignée de (1} Voyez Géographie de Strabon , liv. 7 et 8. Nicopolis. 43 quinze milles de la mer, et sur une rivière que l'on passe surun pont (1). L'attention des Romains se porta de bonne heure vers ce golfe, regardé comme l’une des principales portes de la Grèce. La richesse de ses villes, son enfoncement dans les terres, qui ou- vroit à l'Italie la Thessalie, l’ Ætolieet la Phocide, sa position en deçà des monts Acrocérauniens et Candaviens, qu'il est si difficile de franchir avec des armées, la sûreté, l'immensité de ses ports, toutes ces raisons rendirent ce point extrême- ment important, et le sort du Monde y fut dé- cidé plus d’une fois. C'est là qu'Auguste triom- pha de toutes les forces maritimes de l'Asie et de l'Afrique, réunies sous Antoine et Cléo- pâtre (2). Les rivages d'Ambracie n'ont plus rien de leur ancienne splendeur. On admire encore les débris imposans dont la terre est parsemée : mais les ronces et les marais couvrent aujourd'hui des lieux que le commerce et les arts s'étoient efforcés d'embellir. Le temps n'a pu détruire les masses énormes que l'art entasse pour la sûreté des villes. Malgré les insultes du temps, les débris (1) Voyage de Spon et de Wheler, tom. 1%, pag. 138 et suiv. (2) Strabon , loco citato. Pline, liv, 4, c. 1. Plutarque, Vie d'Antoine, 44 Grèce. des temples s'élèvent encore au-dessus de terre avec un reste de majesté; mais la barbarie la plus atroce a remplacé le règne des beaux arts et de la civilisation. Ces belles routes, ouvrage des Grecs et des Romains, sont effa- cées ; les sentiers les plus difficiles se découvrént à peine, et les hommes qui couroient autrefois sur des chars brillans d'une ville de la Grèce à l'autre, grimpent aujourd'hui comme des bêtes fauves, pour échapper aux poursuites de leurs tyrans, ou pour se mettre en embuscade contre les passans. La position de ce golfe est si belle, que les avanies des Turcs ne peuvent empêcher qu'il ne s'y fasse un grand commerce. Nous allons le par- courir dans toutes ses parties, et je vais copier mon journal de voyage. Nous partimes de Parga avec un N. O. frais. Nous avions dépassé de dix milles le port de Fanari, et nous voyions parfaitement l'ile de Sainte-Maure, qui se découvre même de Corfou. Nous n’étions plus qu’à dix-huit milles environ de l'entrée du golfe; nous admirions la côte cul- tivée de l'Epire, dont l'aspect contraste avec les montagnes arides qui bordent la mer depuis Parga jusqu’à cette distance , et vont en s'abais- sant jusqu'à Nicopolis, dont nous aperçümes bientôt des débris que l'on prendroit de loin pour des colonnes, Le pilote côtier, qui connots- Nicopolis. 45 soit très-bien les localités, nous dit que ces ruines que nous examinions, étoient les piliers d'un ancien aqueduc, qui conduisoit jadis les eaux à la ville de Nicopolis ; elles passoient par- dessus un canal qui joignoit la mer au golfe. Ce canal est comblé aujourd'hui, et tous les habitans de Prévésa désireroient qu'on le rou- vrit, pour faciliter le passage des barques qui vont charger des bois sur la côte N. du golfe jusqu’à Salagora, et particulièrement dans la rivière de Louro ; on éviteroit ainsi la peine de doubler une langue de terre, qui s'avance dans le milieu du golfe, dans la direction de l'O. à l'E. Cependant nous approchions du cap du fa- nal (1), en nous éloignant un peu de la côte, pour éviter une sèche qui se trouve à l'O. de ce cap. Nous arrivâmes alors vent arrière , en faisant plusieurs sinuosités pour passer cette bouche embarrassée de brisans, et qui n’a pas plus de onze pieds dans sa plus grande profondeur. Il faut absolument un pilote pour entrer; nous arri- vämes cependant à la faveur d’un clair de lune. (1) Sur la pointe N. de l’extrémité du golfe est bâtie une église avec une maison. Un moine grec devoit, à limitation de celui de Parga , élever un clocher, pour servir de fanal; il obtint la permission de quêter dans tout le pachalik de Janina, pour ramasser l’argent nécessaire à cette construction, mais il détourna le produit de la quête à son profit. 46 Grèce. Quand nous eûmes visité le golfe , nous sentimes, comme tous les habitans de Prévésa, combien il seroit avantageux que celte entrée fût creusée , pour quelessros navires marchands pussent aisé- ment y pénétrer. Nous mouillâmes très-près de terre. Le port est si profond que tout bâtiment peut communiquer avec la ville, en jetant une planche sur le quai, pour servir de pont. À Cette ville. de Prévésa ne contenoit pas, il y a quarante ans, une population de trois cents âmes; elle en renferme aujourd’hui plus de douze mille, Elle doit cet accroissement aux malheurs dont le continent fut le théâtre, pen- dant les guerres des Russes et des Turcs, Les chrétiens, poursuivis comme partisans des pre- miers , furent obligés de chercher leur salut dans la fuite ; ils se refugièrent dans les possessions véni- tiennes, dont le gouvernement eut cette fois la générosité de ne point livrer aux Turcs les émigrés du continent. La Prévésa moderne, quoique bâtie sous les Vénitiens, n'est pas plus régulière qu'une ville turque. Le habitans, affranchis de toute police, élèvent leurs maisons au hasard, sans s'inquiéter de leurs voisins, de la voie publique, dont les autorités négligent d'assurer la circulation et d'entretenir la propreté. Toutes les maisons voi- sines du port, ou qui bordent la grande rue ,, Nicopolis. 47 sont en pierres de taille ; le reste de la ville n'est qu'un amas de chaumières qu'on prendroit de loin pour un camp de Sauvages. Le golfe d'Ambracie peut être regardé comme une rade immense et sûre, où les bâtimens peuvent mouiller partout sans danger. Le port de Prévésa a quatre milles de long et deux milles de large. Il est garanti des vagues du golfe même, d’abord, par la pointe de terre qui s'avance du côté opposé vers l'E. , et sur laquelle Ali, pacha de Janina , a construit un village qui lui appartient en propre ; secondement , par cette même langue de terre, qui s'avance également de l'O. à lE., vers le milieu du golfe , entre Prévésa et Nico- polis. Nous allâmes le même soir visiter le port de Vati (1), qui se trouve à un mille des dernières maisons de Prévésa , vers le nord ; le port a vingt brasses à peu près, dans sa plus grande profon- deur, et trois à quatre brasses près de terre, quoique le rivage soit tout de sable et peu élevé. Ce port s'avance dans l'O. l’espace d'environ trois cents toises, et les hâtimens n'y sentent pas la moindre vague. Il est éloigné d'un mille de la langue de terre montagneuse de Scafidachi, et la mer qui le forme s'enfonce à cinq ou six cents toises vers cette pointe dans les terres , en se diri- (1) Fati veut dire profond. 48 Grèce. | geant du S. au N. On y trouve des bas-fonds qui n'ofirent plus que trois à quatre pieds d'eau ; ces bas-fonds, formant en quelque façon des marécages, rendent ce port mal sain : aussi est- il inhabité. Le lendemain matin au point du jour, nous partimes pour visiter les ruines de Nicopolis ; elles sont à trois milles des dernières maisons de Prévésa. Nous arrivâmes par la partie O. de cette ville antique. Nous allâmes d'abord recon- noître les restes d'un temple, qui a sur les parties latérales plusieurs pièces d'une grandeur consi- dérable ; elles sont séparées parjune galerie, dont la largeur n'excède pas quatre pieds. Ce cortidor semble l'avoir entouré dans ses deux parties de l'O. et du S. Ce temple a trente-six à quarante pieds de long sur vingt de large ; les murailles sont encore debout; la voûte seule est tombée. On remarque quelques lézardes dans les murs ; mais ces derniers sont d'une telle solidité qu'ils n'ont pas été ébranlés. Dans quelques autres en- droits de la ville, on remarque les mêmes acci- dens et des pans de muraille inclinés. Tout cela confirme la tradition générale que Nicopolis a été détruite par un tremblement de terre. Les aqueducs qui conduisoient les eaux de l'intérieur du pays passent à côté de cet édifice ; le temple se trouve même sous une des arcades de l’aque- Nicopolis. 49 duc, et ce dernier devoit naturellement sé pro+ longer encore. Quand nous eùmes satisfait notre curiosité dans cette partie, nous allâmes visiter un théâtre qui se trouve à l'E. du dernier monument. Ce théâtre, que les habitans de Prévésa prennent pour un amphithéâtre, est assez bien conservé ; toutes les voûtes des corridôrs existent; les gra- dins sont ruinés, mais leur emplacement est encore très-marqué, et il seroit facile de les res- taurer. La scène, moins solidement bâtie, est aussi la partie la plas endommagée. On remarque à l'O. de ce théâtre, une rampe où arcade par laquelle on montoit aisément aux gradins supé- rieurs ; peut-être même étoit-ce la seule porte d'entrée du public, car ce théatre est très-pett. Nous nous acheminämes ensuite vers les murs de la ville, éloignée de cinq cents toises. Nous y entrâmes par une brèche : « Voilà, dit notre Cicerone , voila les murs de la ville même de Nicopolis. Tout ce que nous avons vu jusqu'à présent n'étoit guère que la cinquièmé partie de ces derniers, où les principaux moñumens sé trouvoient réunis. Là sont les kermes, et tout à côté la naumachie, que nous allons voix dans un moment : les remparts sont bien con- servés ; la partie N. est la sèule détruite , et le reste n'a que quelques brèches au-dessus de la porte par laquelle vous êtes entrés. Vous apera Tome I, Janvier 1818. 4 50 Grèce. cevrez encore une voùte qui s'étend de chaque côté de la porte, et sous cette porte elle-même. Cette voûte servoit à la communication des rem- ` parts contigus. » Notre ot nous conduisit ensuite au pré- toire. C'étoit, nous dit-il, le palais où le gou- verneur faisoit sa demeure. Au reste, on ne doit prendre toutes ces dénominations que comme des conjectures formées par les habitans. On ne voit que des ruines informes, dont il est impos- sible de deviner la destination. Ce quartier, que l'on a beaucoup fouillé, paroît cependant avoir été considérable. On y a trouvé une grande quan- tité de pierres gravées , et des fragmens de marbre sculptés. Les murailles les plus entières de ce monument, qui n'ont pas plus de deux pieds d'épaisseur, appartiennent peut-être à quelques maisons particulières, Ces débris sont à côté d'une petite porte de la ville au S., enfoncée de quatre à cinq pieds sous terre. Les décombres ayant de beaucoup exhaussé le terrain, il est à présumer que cette partie de la ville étoit riche et très-peuplée. En quittant ces ruines, nous descendimes vers les /4ermes. La ville va en pente , depuis le _ palais jusqu'à la naumachie. Elle est située au N. E. d'un lac, que l'on trouve dans les environs. L'édifice des bains est construit au commence- ment de la pente sur laquelle est le palais qu'on Nicopolis. 5r prend pour le prétoire» Leur entrée est ouverte au Niet au S:; ils étoient adossés à une colline ; on remarque encore trois voûtes en bon état. Il paroit que ces bains s'étendoient de droite et de gauche, et venoient beaucoup plus en avant, La grande rotonde qui devoit couvrir les deux canaux n'existe plus. Au-dessous, et à quinze à seize pieds en avant des voûtes, on voit deux petits aqueducs parallèles et contigus , d'où sortent encore deux ruisseaux assez abondans ; ils four- nissoient sans doute une partie de l'eau que les thermespouvoientconsommer.Ces deux conduits sont voûtés à plein cintre, et se trouvent encore en très-bon état. Au-dessus, chacun de ces canaux montre deux ouvertures de deux pieds carrés, percées à distances égales; c’est par là, sans doute, qu'on voyoit les eaux s'écouler. Ces deux conduits sortent d'un mur dans lequel sont trois niches, où il pouvoit y avoir des statues ou des vases de parfum. Ces conduits devoient être plus longs autrefois ; car la route ne finit point à l'endroit où elle est détruite aujourd’hui. Les décombres ont cbligé les eaux de prendre une autre voie, ce qui fait qu'elles ne coulent point avec la même rapidité. A gauche des conduits, on remarque des sources qui sortent de dessous les fondemens des voûtes encore existantes. Ce sera peut-être une partie de l'eau des conduits, qui ont dů se gåter par le laps du temps. L'eau qui passe 52 Grèce. dans les canaux est une eau de source ; car les anciens aqueducs sont détruits, et il n'arrive d'eau d'aucun côté. Cependant la direction de ces conduits, et la naumachie qui se trouve au- dessous , autoriseroient à croire que les aqueducs y apportoient aussi une partie de leurs eaux, en supposant, ce qui est vraisemblable, que ces sources fussent plus abondantes du temps des Romains; mais je ne crois pas qu’elles eussent pu suffire à la naumachie ; il auroit fallu alors beaucoup trop de temps pour la remplir. L'eau qui sort des bains entre dans un petit bassin encore existant, où eile s'arrête, sans doute pour l'usage des animaux de la ville. Ce bassin à environ trente pieds de long, sur seize à dix-sept pieds de large, dans la partie qui regarde les bains et qui reçoit les eaux. L'extrémité opposée n'a guère que deux pieds en largeur; l'eau s'écouloit par là dans la naumachie, qui les rendoit immé- diatement au lac, par une porte pratiquée dans le rempart. L'existence de ce bassin laisse soup- çonner que, des deux conduits des bains, un seul servoit à l'usage des thermes, et que le se- cond devoit alors se jeter dans la naumachie, sans passer par le dernier réservoir. Quelques habitans prétendent que ce lieu n'étoit point un bain, mais un atelier monétaire, et que l'eau servoit à cet objet. On sait aujour- d'hui que l’art du monnoyage étoit à son en- ù Nicopolis. 53 fance chez les Grecs et les Romains, et que leurs plus belles médailles n'ont été frappées qu'à force de bras, de patience, et avec des moyens t rès-simples. La naumachie , qui se trouve immédiatement au-dessous du bassin , est longue de cinquante- huit à soixante toises, sur quarante-cinq de lar- geur ; elle s'étend depuis le bassin, jusqu’au rem- part, qui la termine à l'E. N. E. On en voit encore l'emplacement très-marqué; et il seroit curieux de creuser dans l'intérieur et sur les bords pour s'en assurer. Cette fouille seroit peu coù- teuse. On trouveroit aisément le fond, et les bords indiqueroient l'existence de la naumachie, puisqu'ils devoient être maçonnés. Il est d'ail- leurs à croire que la curiosité seroit récompensée par la découverte de quelque monument de l’art, Au-dessus de la naumachie , et à côté du bassin, on voit les débris d'un temple, qui doit avoir été d'une certaine étendue; il étoit de forme carrée. Il reste encore une partie des murs avec beaucoup de lézardes. Nous avons ensuite passé sous la porte par la- quelle s'écouloient les eaux de la naumachie. Le rempart de côté peut être éloigné de deux cents toises du lac. Nous sommes sortis de l'enceinte de la ville par les brèches du nord, dont le rempart est presque tout détruit, et noys avons gagné le 54 „Grèce. bord de ce dernier lac, pour aller au grand théâtre, qui se trouve à deux milles environ au N. du canal de jonction, que l’on dit avoir fait communiquer le lac avec la mer. A vingt-cinq ou trente toises au-delà du rem- part commence la belle vallée qui unit la ville à la terre d'Epire, et dont le milieu renfermoit Je canal. Le lac, que nous laissions à notre droite, est sépañé du golfe par une langue de terre de cinq à six toises, coupée à l'extrémité S. par une sai- gnée, qui sert à: faire entrer les-bateaux pla pê- cheurs, Ces derniers, qui n'y sont point à l'abri des voleurs, ont construit une maison carrée au sud de ce petit canal; c'est là. qu'ils emmaga- sinent leur poisson , et se mettent à l'abri des brigands albanais. Le lac a un mille de lon- gueur, sur cinq cents toises de large. Le grand théâtre est situé sur une éminence, au pied des montagnes qui bordent la côte de l'Epire , et de ces hauteurs, on découvre très- bien l'intérieur du monument. IL a beaucoup d'étendue ; c'est un des plus grands que j'aie vus. L'ensemble est fort bien conservé. La scène regarde la ville, et du haut des gradins, dont l'emplacement est très-bien marqué, le peuple apercevoit Nicopolis. Les pierres qui formoient les gradins sont chargées de noms latins. Il paroît que ce sont les noms des Romains qui avoient Nicopolis. 55 des places marquées au théâtre. Cet honneur étoit un privilége réservé à des magistrats ou à des citoyens distingués par des services éminens. Il n'est pas même rare de trouver, dans les ruines des villes anciennes, les décrets rendus par l'autorité publique, en faveur d'individus auxquels ‘on accordoit au théâtre la première place. Ces pierres des gradins sont très-grosses ; elles ont communément cinq à sept pieds de longueur sur deux de large, et douze à quinze pouces de hauteur. Tous les dehors du théâtre sont en pierre; la scène seule est en briques. Celle-ci paroît avoir eu deux étages, par les pierres d'attente et becs-à-corbeau qu'on voit à vingt pieds au-dessus du fond de l'orchestre. Le théâtre pourroit étre aisément restauré; il est en meilleur état que celui dont nous avons déjà parlé, et a été construit plus solidement. Il est tellement bien situé, que, de là, on découvre parfaitement la ‘ville, les faubourgs et les deux mers. Dans la partie occidentale du théâtre est un cirque qui s'étend de l'E. à l'O. Les gradins, couverts de broussailles, peuvent à peine être reconnus; mais les murs d'enceinte sont assez bien conservés; l'intérieur est cultivé. Le cirque n'est qu'à quarante toises du théâtre, du haut duquel on en distingue parfaitement la forme et l'intérieur. Nous laissämes le cirque pour aller voir les 56 Grèce. aquedues. Ils passoient à l'extrémité occidentale de la vallée, et environ à trois! cent cinquante toises de la grande mer. La vallée se maintient basse jusqu'à la rencontre de ces aqueducs , où elle se relève d'environ vingt pieds au-dessus du niveau de la mer. Il ne reste de ces aqueducs que beaucoup de piliers presque tons en briques. Plusieurs ont encore vingt à vingt-quatre pieds de hauteur; d'autres penchent vers la terre, comme s'ils avoient été bâtis sur des bases peu solides. Il en est aussi qui sont coupés horizonta- lement en deux, et dont la partie supérieure semble avoir tourné comme sur un pivot pour poser ses angles sur les faces de la partie inférieure, Cette bizarrerie ne peut venir que d'un tremble- ment de terre. Ces aqueducs amenoiïent les eaux de l'Epire dans la ville et les faubourgs d'une dis- tance d'environ six milles, Tout près de cet aqueduc , on voit des pans de muraille, qui de l'O. à l'E. , s'étendent jusqu'aux remparts de la ville. Cette muraille, qui paroît avoir eu la même destination , est construite avec Ja méme solidité; cependant il n'en reste. plus qu'une partie sur pied, l'autre moitié, voisine de la ville, est dégradée ; et l’on n'en suit les fon- demens qu'à travers les ronces et les épines. Ce mur pouvoit être un rempart élevé pendant la guerre pour mettre les faubourgs à l'abri d'un coup de main. Nicopolis. 57 « Descendonsactuellement, nousditleCicerone grec, dans la vallée que nous venons de quitter. » Vous allez voir les ruines d'un temple qui » paroît avoir été considérable. Vous rencon- » trerez beaucoup d’autres ruines, quiannoncent » que l'intervalle de la ville au canal étoit peu- » plé. Vous verrez ensuite , dansle petit hameau » que vous apercevez à travers ces ruines res- » pectables, jusqu’à quel point de barbarie » sont arrivés les fils de ces hommes distingués » qui peuploient autrefois la riche Nicopolis. » Nous visitämes les restes de ce temple. Il est divisé en quatre pièces bien distinctes, et paroît avoir eu beacoup plus d'étendue que tous ceux dont nous avions visité les ruines. Les murs des trois quarts de ce temple existent encore ; mais les voûtes sont tombées. L'intérieur est aujour- d'hui cultivé par les habitans du hameau, qui paient la dime à un couvent grec sous la domi- nation des Turcs. Nous avons en vain cherché des inscriptions ou des fragmens de sculpture; nous n'avons vu que des tables de marbre simples æt tout uvies, le plus souvent à demi enterrées. Nous allions sortir lorsque notre compagnon nous dit : « Entrez dans ce mauvais hameau, si » vous voulez juger du degré de civilisation de » nos modernes Nicopoliotes ; » et il nous con- duisit devant une mauvaise baraque en paille ; au-dessus de la porte nous vimes deux bas-reliefs M. =~ 58 Grèce. de marbre tout mutilés. La tête et les bras des figures etoient détruits ; cependant, atravers cette dégradation , l'on devinoit le style du bon temps, et les`principes d'une excellente école. Si nous fùmes affligés en voyant le misérable état de ces monumens du génie, notre indigna- tion contre l'auteur de cette profanation ne fut pas moins profonde. Un malheureux Grec, pro- priétaire de celte masure, avoit à plaisir mutilé ces bas-reliefs. Jaloux de l'attention que des voyageurs comme nous pouvoient montrer, il porla sa main barbare sut ces précieux restes, et pour qu’on ne fût pas tenté de les enlever, il en dégrada toutes les figures avec le plus grand Soin. j Après avoir admiré les restes d’une des plus florissantes villes du Monde, allons, dit un de nons , faire un diner à la mode des successeurs d'Auguste, des vainqueurs de l'Empire romain. Nous regagnämes donc les bords du lac, et nous arrivames à l'église de l'Ascension , située sur la presqu'ile de Scafidachi, où l'on nous avoit préparé un diner à l'albanaise. Sur la route, auprès du lac, nous trouvames un sarcophage de pierre commune, au milieu de la fougère et des rouces. Le lieu où nous dinàmes domine le lac et la partie du golfe comprise entre la pointe de Scafidachi et la terre d'Epire. On découvre aussi le grand théâtre et le cirque. Nicopolis. 59 ' Le lacj-s'il en. faut croire la tradition, étoit au- - trefois le port des Romains dans cette partie du golfe. L’éboulement naturel des terres l'a comblé en grande partie : il n'y a guère aujourd'hui que trois à quatre pieds d’eau. « Retournons actuel- » lement, dit notre guide, par la partie E. des » faubourgs, et nous visiterons la citadelle, avec » quelques autres ruines qui se trouvent sur la » route de Prévésa. » La citadelle est une enceinte à-peu-près cir- culaire, avec un fossé en dehors de dix à douze toises, séparé de la ville de plus de huit cénts. Les murs sont tous détruits ; il n’en reste que les fondemens. En noys avançant vers Prévésa, nous rencontrâmes beaucoup de petites ruines isolées, qui semblent appartenir à.des tombeaux: Je croi- rois volontiers qu'il y avoit autrefois une route dans le même sens ; car les Romains plaçoient leurs tombeaus le long des grands chemins , afin que les passans pussent rendre hommage aux mânes de leurs amis ou de leurs concitoyens. Nous arrivimes enfin à la nuit à Prévésa, fatigués de la course du jour. Deux ou trois hommes du pays assez instruits avoient eu la bonté de nous accompagner. À notre retour, je leur demandai si, l'histoire ouʻla tradition locale ne donnoit pas des renseignemens sur l'époque et la cause dela destruction d'une ville aussi célèbre, Quelque subite, quelque sanglante que 4 60 Grèce. soit l'invasion d'un peuple barbare, cependant le souvenir de ses explo:ts, c mme de ses cruau- tés, se conserve che” le: races suivantes, et dure ordina remeni en raison d : ma: fait à l'humanité. Plusieurs auteurs, répondit l'un d'eux, parlent de la ondat on rt de la pros érité de Nicopolis; mais je ne crois p«s qu'aucun écrivain du Bas- Empire précise l'époque de sa ruine. On sait seulement que les Ea b res se répandirent dans ces contrées comme dans tout le reste de l'Em- pire romain. Ils ont dû p-r conséquent s'emparer de Nicopolis et des autres villes de l'Epire. La mollesse des habitans, et la foiblesse de la cour de Byzance, devoient ceder à la valeur des Sau- vages du Nord. Il faut , ou que Nicopolis ait été prise d'assaut, brûlée et saccagée dans un iour, ou qu'un trem- blement de terre ait détruit subitement cette grande ville; car en fouillant, on y découvre encore des effets précieux , et dont le transport est facile. Si cependant un tremblement de terre avoit renversé Nicopolis, les habitans auroient eu le temps de revenir fouiller et enlever les effets abandonnés dans leurs maisons ; et, en suppo- sant que les habitans eux-mêmes ont été en- gloutis sous les ruines de la ville, les peuples voisins, instruits du désastre, seroient venus chercher parmi les décombres, pour y déterrer les richesses enfouies. Nicopolis. 6x Íl est donc bien plus raisonnable de penser qu'un débordement des peuples du Nord d’a- bordpénétré jusqu’à Nicopo s, ilié,saccagé cette ville dont on aura enlevé les richesses métalliques. En effet, on ne trouve ni or niargent dansles ruines de Nicopolis; desstatues , des colonnes, despierres gravées, enfin des ouvrag”s de l'ar , sont tout ce que restituent l’homme ces monc au de ruines éparse . Les conquérans de PE pr romain ne savoient ap é er aucun d c clefs-d'œuvre qui ont la gloire es p up :. policés. Quant aux bizarrerie ‘ue l'on rencontre à Nicopolis, com% e ces į iliers on j. partie su- périeure semble avoir tourné comme sur un pivot, les lézardes dan d's murs encore très-bien conservés et dont les fondemens sont très-solides, on ne peut qu les attrib'e: à des tremblemens de terre postérieurs à la :uine de la ville. On ressent ici très-souvent dcs comimotions souter- raines. L'ile de Céphalonie a des indices de vol- can; Zante éprouve :;uelque tremblement de terre tous les quinze jours ; Prévésa touche presque à l'Italie , à la Sicile, à l'Aichipel, que l’on sait être volcanisés (1). Les anciens avoient reconnu l'action des feux souterrains dans toute cette partie de l'Europe.On C1) On a remarqué que tous les vingt- cinq ans, on éprouvoit à Zante un violent tremblement de terre, 62 Grèce: ` connoît leurs traditions au sujet de la fontaine de Dodone et de celle de Zante , qui fait encore l'entretien des Grecs modernes. Lenr imagina- tion se repait toujours de merveilles, Comme ils ont perdu le goût et la délicatesse de leurs an- cêtres, leurs fables ne sont pas-aussi gracieuses , mais On voit qu'ils aiment:toujours les fables.. J'ai cherché dans. l'histoire du „Bas-Empire l'époque où Nicopolis a disparu du nombre des villes. Il existe-tant de lacunes. dans cette partie des annäles du monde ,.et, les écrivains de ce temps de barbarie sont tellement inexacts, que mes recherches ont été, pour ainsi dire , infrac- tueuses. ‘Pendant le long-espace qui s'est écoulé entre le quatrième et le E ia ips siècle de l'ère vulg gaire, tout l'Orient éprouva les tremblemens de terre les plus funestes. Antioche , Nicomédie, Néocé- sarée du Pont, et les cités voisines, furent plu- sieurs fois renversées, Ce terrible fléau n'épargna pas les villes de la Grèce européenne. On doit compter parmi les époques les plus fatales à ce dernier pays, les années 594, 447, 458, 499; 554, 726, 740 et 1063. La Macédoine, l'Al- banie, le Péloponèse, la Crète et les iles voisines, éprouvèrent les plus grands désastres. Les annales du temps ne donnent que des indi- s Nicopolis. 63 cations vagues. On voii en Morée, dans l'ile de Candie et à Cérigo, des traces de communautés englouties par l'effet de ces terribles catastrophes. Nicopolis dut périr en même temps que ces der- nières. La ville, renversée de fond en comble, perdit une partie de ses habitans ; le reste , dis- persé et emportant le peu de capitaux sauvés de la ruine générale, alla se réunir aux habitans de Ja capitale, et les malheurs du temps ne per- mirent plus à Nicopolis de sortir de ses dé- combres. Mais laissons ces détails affligeans, pour parler de l'époque et des causes de la pros- périté de cette ville. Nicopolis , ou la ville de la victoire, doit sa fondation à l'empereur Auguste. Il la construisit, comme monument de.sa gloire, après celte fameuse bataille d'Actium, où la fuite dé son rival laissa dans ses mains le sceptre du Monde. Le fondateur appela dans sa ville les habitans épars et malheureux des bourgs et cités du voisi- nage, que les guerres des Achéens, '.des-rois de Macédoine et les désordres civils des Romains avoient réduits à l’état le plus déplorable. Anac- torium, Ambracie, n'éloient que l'ombre de ce -qu'élles avoient été. Elles sortirent, pour ainsi dire, de leurs‘ ruines en recevant le nom de . e e ET . Nicopolis , et la nouvelle métropole éclipsa bien- tôt, par ses monumens, par son commerce et sa 64 Grèce. population, les villes puissantes qu'elle avoit remplacées (1). Auguste permit aux habitans de Nicopolis de se gouverner par leurs propres lois, et de nommer leurs magistrats municipaux. Cette ville reçut en un moment tous les privilèges de l'autono- mie {2). Tacite donne à Nicopolis le titre de colonie romaine; mais les mots de l'historien ne doivent pas être pris dans une acception rigou- reuse. Tacite l’a vaguement appelée ainsi, parce qu’elle devoit sa fondation à l'empereur Au- guste (3). Nous n'avons pas une seule médaille de Nicopolis , avec des légendes latines, ou avec le titre de colonie. Les monnaies de cette ville, soit autonomes, soit impériales, sont toutes grecques ; la collection des impériales est très- nombreuse. On en voit encore à la téte de Gallien , et peu de villes en Europe ont frappé des mé- dailles à cette époque. C'est une preuve complète de l'état de pros- périté commerciale où se trouvoit Nicopolis, à l'époque la plus funeste du Bas-Empire , et lors- qu'une grande partie des provinces avoitété dévas- tée par les Barbares. Dans toutes ses monnaies, (1) Strabon, 1. 7° de sa Géographie et encore l. 10°; Tacite , Annales, 1. IE, c. 53; Plutarque , Vio d’Auguste. (2) Pline, L. IV., c. r. (3) Tacite, Annales, l, V, c. 10. - Nicopolis. 65 Nicopolis prend le titre de sacrée ; on voit même, par une médaille à la tête de Plautille, qu'elle avoit le droit d'asile. Ces priviléges lui étoient sans doute accordés pour les jeux sacrés que l'on célébroit dans son enceinte. Nicopolis, dit Strabon (1), quoiqu'a peine fondée, a déjà une population considérable- Elle augmente de jour en jour. Son territoire est immense; elle le doit aux bienfaits d’ Auguste. Dans ses faubourgs, on a planté un bois sacré, où tous les cinq ans on célèbre des jeux publics en l'honneur d’Apollon. Cette promenade est ornée d'un stade et d'un gymnase. Toutes les communes des environs dépendent de Nicopo- lis, et le fondateur a voulu qu’elle eût rang dans le conseil des Amphyctions. Cette ville s'enrichit encore de beaucoup de monumens de l'art, qu'Auguste avoit fait enlever de plusieurs places abandonnées. Quelques-unes de ces dépouilles furent accordées aux habitans de Patras. Ces derniers obtinrent même la fameuse statue de Diane Laphria. (1) Loco citato, Pausanias, liv. X. Tome I. Janvier 1818. 5 AAA AV AV VA AA AA A AV AR AAA A AAA MAY AAA HISTOIRE LITTÉRAIRE. LETTRE à M. le chevalier MILLIN, au sujet de deux articles concernant la Suède, insérés dans les Annales Encyclopédiques des mois de novembre et décembre. JE prends la liberté, Monsieur, de vous communiquer quelques observations sur deux articles relatifs à la Suède, qui se trouvent dans les Annales Encyclopédiques ; et quisont tirés du journal allemand intitulé Morgenblat. Le pre- mier concerne l'état de la botanique en Suède. L'auteur, en parlant de Linnée, hasarde des assertions dont il auroit dů donner les preuves. Vous en avez relevé plusieurs dans vos remarques avec autant de savoir que de goût et d'impar- tialité. Permettez que je me joigne à vous pour rendre hommage à la mémoire d’un des hommes les plus remarquables du dernier siècle, et sur lequel j'ai eu occasion de recueillir des rensei- gnemens authentiques dans le pays qui l’avoit vu naître. Îl existe encore plusieurs personnes qui ont assisté aux leçons de Linné, qui ont fréquenté sa maison, et qui ont entretenu avec lui des relations intimes. Elle s'accordent toutes à dire que ce grand naturaliste savoit très-bien les langues anciennes, qu'il s'exprimoit avec Suède: 67 clarté dans plusieurs langues modernes ; et ja- mais on n'a entendu faire mention en Suède y ni dans l'étranger, de ce jargon, dont parle l'au- teur de l'article. Selon tous les témoignages, les mœurs de Linné avoient une simplicité antique, etil ne connoissoit point ces passions qui ont trop souvent déshonoré le talent. Le reproche d’avarice doit lui être fait d'autant moins, qu’il ne laissa point de fortune, et qu'il négligea tou- jours de profiter de son crédit pour augmenter ses revenus. Si dans les dernières années de sa vie les infirmités de l'âge avoient affoibli son génie et ses forces morales, c’étoit un tribut qu'il payoit à l'humanité, et auquel ont été su- jets beeucoup d'autres grands hommes. Il n'est point exact, au reste, que Linné ait commencé très-jeune ses études à Upsal. Il fréquenta dans sa première jeunesse le gymnase de Wexioe, ville de la province de Smoland o voisine du village où son père étoit pasteur. C'est en souvenir de ces premiers développemens de son génie, que des savans de Suède, pleins de respect pour son nom, ont fait placer son buste en marbre dans la grande salle du gyme nase: Les arts ont consacré en Suède plusieurs autres monumens à la mémoire de Linné; on en voit à Stockholm, à Upsal à Gothenbourg. Les Suédois regrettent que les collections de leur célèbre compatriote ayent passé dans l'étranger. 5 68 Histoire littéraire. Elles n’étoient pas àla vérité très-considérables ; c’est dans ses ouvrages que le Pline du Nord a recueilli pour l'Europe et lessiecles les trésors de la science ; mais elles pouvoient retracer des sou- venirs intéressans en Suède, et ce pays devoit na- turellement en être jaloux. On s'étoit adressé à la famille, qui étoit peu riche fut, et sensible aux offres qu'on lui fit. Les collections furent en- voyées à Gothenbourg, pour être transportées en Angleterre. Le public ignoroit cette transaction ; aussitôt qu'elle fut connue , Gustave III fit expédier un courrier pour arrêter l'expédition ; mais le vaisseau avoit déjà mis en mer. Je tiens cette anecdote de part très-certaine. On lit avec intérêt ce que l'auteur de Particle dit de M. Thunberg, dont les voyages ont con- tribué au progrès de l'histoire naturelle en gé- néral, et de la botanique en particulier; mais il se trompe lorsqu'il avance que ce savant ne jouit pas parmi ses compatriotes de la considération à la quelle il a de si justes titres. M. Thunberg est d'un caractère modeste, et ne cherche point à paroître; mais on s'empresse à le voir quand il se rend à Stockholm, et l'on ne fait point le voyage d'Upsal sans lui rendre l'hommage dù à ses talens et à ses vertus. Depuislong-temps chevalier de l’ordre de Wasa , il vient d’être nommé com- mandant de cet ordre, et le roi l'a décoré lui- même du cordon dans une cérémonie publique Suède. 69 au palais de Stockholm. M. Sparmann, dont l'auteur de l’article dit également qu'il ne jouit pas de la considération de ses compatriotes, a obtenu des honneurs et des récompenses à son retour de ses voyages. Des travaux différens, et des entreprises d’un autre genre l'ont fait sortir depuis de la carrière des sciences proprement dites, ce qui n'empêche pas qu'on ne rende jus- tice au zèle qu'il a déployé dans ses courses lointaines pour l'avancement des connoissances utiles. k En lisant l’article dont il s'agit, on diroit qu'outre ces deux savans, il n’y a maintenant en Suède aucun botaniste digne d'attention. L'auteur n'a donc pas eu connoissance de Mes- sieurs Olaus Schwartz, Adam Afzelius, George Wahlenberg, André Retzius, Evric, Acharius, ni de plùsieurs autres, dont les ouvrages et les mémoires sont connus de tous ceux qui cultivent la botanique. M. Schwartz est secrétaire de l'A- cadémie des sciences de Stockholm , membre de plusieurs sociétés savantes, et correspondant de l’Institut de France. M. Quensel, dont il est dit un mot dans l'article, est mort depuis dix à douze ans, et cultivoit la zoologie autant que la botanique. Il étoit chargé de rédiger le texte de la Botanique Suédorse. C'étoit une entreprise particulière sans prétention, et plutôt utile que fastueuse. Si la Suède n'a pas encore une flore nationale comparable aux productions. de ce 70 Histoire littéraire. genre que possèdent la France, l'Angleterre, le Danemarck , et d'autres dont parle l'auteur alle- mand, elle jouira sans doute de cet avantage par la suite, et en attendant elle peut être satisfaite d’avoir vu naître dans son sein ces productions immortelles du grand Linné, que toutes les na- tions se sont empressées d'accueillir, et qui sont un des plus beaux monumens qu'on ait élevés aux sciences naturelles. Je passe maintenant, Monsieur, à l’article sur l'état des beaux arts en Suède. Cet article contient plusieurs assertions générales, qui ne supposent pas une connoissance approfondie du pays. Il seroit trop long de les discuter, et je, ne ferois d'ailleurs que répéter ce que j'ai dit sur ce sujet dans le Mercure Etranger, en don- nant l'histoire de l'académie des beaux arts de Stockholm. Je ne relèverai donc ici que des erreurs de détail pour rétablir les faits. L'auteur assure que la plupart des peintres suédois, qui se sont distingués, ont acquis leur célébrité et leur fortune dans l'étranger. Quelques peintres nés en Suède se sont fixés dans l'étranger. Rosslin, Hall, Lavrence, ont eu une existence honorable en France; M. Wertmuller est allé en Amérique. Mais c'est dans leur patrie, que Pilow, Pasch, Lunberg, Marelieret, Messieurs Von Breda, Martin, Spargrèn, Fahlcrantz, et plu- sieurs autres ont cueilli leurs lauriers, et ont reçu des encouragemens analogues à leurs talens. Suède. 7I On peut en dire autant du sculpteur Sergel, qui a fait ses plus beaux ouvrages en Suède, et qui a laissé une fortune de près d'un million. M. Forsell, graveur très - habile , qui a passé plusieurs années en Hollande, et à Paris, vient d'être appelé à Stockholm, et le prince Royal lui a assuré des avantages qui ne lui feront pas regretter les pays étrangers. Les musiciens, les compositeurs de ballets, sont indiqués d’une manière peu exacte. La première chanteuse du Grand Opéra, M"° Muller, n'est point Alle- mande, mais Danoise ; c'est son mari, premier maitre de concert, et dont l'auteur ne dit rien, qui est Allemand. Parmi les cabinets, il ne fal- loit pas omettre celui de M. Von Breda, que tous les étrangers vont voir, et qui est riche en beaux morceaux de l'école flamande. Le palais du roi à Stockholm, est autre chose qu'une masse de pierres ; c'est un édifice plein de noblesse , construit d’après les beaux modèles d'Italie , sous la direction du comte Nicodème Tessin, qui avoit passé près de dix années à Rome, à Florence, à Naples, et dont le fils, Charles Gustave Tessin, jeta les fondemens de: l'Académie des beaux arts de Stockholm. Agréez, Monsieur, l'expression de mes sen- timens les plus distingués. CATTEAU-CALLEVILELE.. \ AA AAA AAA AAA AA AA AA AAA MAUR AVAL AVAL TOPOGRAPHIE ROMAINE. Notice sur le Temple de la Concorde, récemment découvert à Rome (1). LA découverte du clivum capitolinum ( Pente du Capitole }, sur la siuation duquel les plus sa- vans antiquaires ne pouvoient s'accorder, a récemment fourni des traces certaines pour trou- ver aussi les autres grands édifices publics qui, selon le témoignage des auteurs anciens, en étoient voisins. On n’a jamais formé aucun doute que le temple de Jupiter Tonnant, båti par Auguste, après la guerre contre les Cantabres , ne fùt celui dont il reste trois colonnes , un peu au-dessus du tabularium (2), qu'on croit avoir été restauré par Septime Sevère, ou par Caracalla. On propose bien des questions relativement à la position du célèbre temple de la Concorde qui avoit été érigé par Camille. Malgré les difficultés qu'y opposent ceux qui prétendent (1) Nous n’avions fait qu’indiquer cette découverte dans notre N° de Janvier 1817, tom. V, pag. go, les détails que nous donnons aujourd'hui sont traduits d’un article de M. l'abbé Carlofea, inséré dans le Diario Romano, ét qui a été traduit par M. Krafft. A. L- M. (2) Archives, lieu où l’on déposoit le% sénatus-con- sultes, les plchiscites, les lois. A Temple de la Concorde. 73 le trouver plus près de l'hôpital de la Con- solation, presque tous les savans ont cru le reconnoiître dans les ruines, très-mal restau- rées, de la façade de six colonnes, qui existe encore dans le voisinage du temple de Jupiter TFonnant. Personne n’a encore pensé qu'on le trou- veroit peut-être dans la grande et belle place au- jourd'hui encombrée de pierres et de murs modernes, et qui est entre le temple de Jupiter Tonnant et les Gémonies, ou le chemin qui con- duit directement de l'arc detriomphe de Septime- Sévère au Capitole, quoique tous les auteurs an- ciens l’attestent, ainsi que les fouilles qui y ont été faites il ya quelques mois. Les superbes ouvrages de sculpture, en marbre blanc, du grain le plus fin qu'on ait jamais vu, les fûts ou pans de colonnes de jaune antique (1), cannelées, et de paonazetto, comme celles de M. Agrippa, le pavé de ces mêmes colonnes, qui est des mêmes marbres et de brèche africaine ; les corniches de rouge an- tique et d’autres marbres; les restes de quatre sta- tues colossales , deux représentant des empereurs, et les deux autres des femmes, dont l’une est peut- être une divinité. Les nombreux fragmens de statues de femme, plus petites, qu'on a trouvé amoncelées dans un petit espace ; la circonstance que le plan de l'édifice est de niveau avec celui (1) Giallo dorato. 74 Topographie Romaine. du temple de Jupiter Tonnant, et plusieurs autres combinaisons, ne me permettent pas de douter que l'édifice en question a été érigé peu de temps après ce temple, et par le même architecte. J'ai d'ailleurs espéré de trouver quelques inscriptions qui me donneroient plus de certitude, en éclair- cissant ce fait, et cette espérance a été complé- tement réalisée. On a fait fouiller avec la plus grande attention, et recueillir un grand nombre de morceaux de ces précieux ouvrages de sculp- ture, et l’on a enfin trouvé, le 31 juillet dernier, deux inscriptions votives sur des plaques de marbre. Elles ont confirmé que cet édifice étoit le temple de la Concorde, qu'on avoit si long- temps cherché. On avoit trouvé avant une ins- cription si mal conservée, que ce n'a pu être qu'après l'avoir soigneusement comparée aux deux autres, qu'on reconnu qu'elle étoit relative à la déesse Concorde. Avant de parler de celles qui sont les plus importantes et les mieux conservées, il est bon de donner quelques détails sur l'édifice en général. Il est impossible d'en tracer une description détaillée d’après ce qui a été découvert jus- qu’à présent, ni de déterminer ses proportions, qu'on pourroit trouver en les comparant avec les édifices adjacens; mais cela seroit étranger à notre sujet, qui est de prouver l'importance de la dé- couverte ‚et l'identité de cet édifice avec le temple RE Temple de la Concorde. 75 de la Concorde. Je räpporterai seulement ce que les auteurs anciens en disent de plus intéressant. Ge temple a été bâti par Furius Camillus , vers l'an de Rome 387. Je ne sais si, du temps de la république, il a été restauré ou agrandi : le sénat s'y réunit souvent, et Cicéron y harangua plusieurs fois ,aonsansun grand danger. Ilnous dit qu'il yavoit dans ce temple une chapelle, avec un grand escalier, sur lequel une troupe de cavaliers s'étoit un jour postée. Ovide rapporte que, du temps d'Auguste, l'extérieur étoit de marbre blanc, et que la face donnoit sur le Forum où le peuple s'assembloit. Tous les autres auteurs qui en parlent, confirment ces faits. Dion-Cassius dit que ce temple étoit voisin de la prison Tullienne, et selon Servius, il étoit auprès de la tréso- rerie de Saturne , qui est aujourd'hui l’église de Saint-Adrien. Stace en donne une description pius précise, à l'occasion de la statue équestre colos- sale en bronze de Domitien, qui étoit, selon nous, entre la colonne de Phocas et le temple de Castor et Pollux, qui est aujourd'hui également déterré. Il dit que cette statue regardoit ce temple, celui de Vesta et le mont Palatin ; et que derrière elle étoient les temples de Jupiter Tonnant et de la Concorde (1).Ce passage ne peut se raporter au prétendu temple de la Concorde, qui a six (1) Terga pater, blandoque oidet Concordia vultu. 76 Topographie Romaine. colonnes ; les côtés de ce temple regardent le Forum, les temples de Castor, de Vesta, et le Palatin, tandis que celui dont nous parlons avoit véritablement sa face vers cette partie, d'après sa localité qui est inaltérable, et qui est à présent à découvert. | Les inscriptions ont été trouvées dans le Sacel- lum , à l'endroit où étoient l'autel et la statue de ` la déesse. Mais l'édifice actuel n'est pas celui qui existoit du temps de Camilleet même de Cicéron ; c'est le pius noble, le plus riche en ouvrages de sculp- ture admirables , d'après lesquels on puisse étu- dier l'antique, et du plus heureux temps du règne d'Auguste , je ne parle pas des ouvrages des Grecs, qui, selon Pline, y ont été placés du temps même d'Auguste. On ne doit pas être étonné de la différence qui existe entre l'ancien temple de la Concorde et celui qui a été bâti sous Auguste. Cet empe-. reur a introduit dans Rome le luxe des marbres, des ouvrages de sculpture en relief et en creux. L'histoire raconte qu'Auguste et Tihère ont témoi- gné une dévotion particulière à la déesse Concorde. Auguste reçut du sénat dans ce templele titre de Père de la patrie , l’an de Rome 792, après la vic- toire remportée sur les Germains et la reprise des enseignes de Varrus. Cet empereur voulut donner une preuve éclatante de la bonne harmonie qui Temple de la Concorde. 77 régnoit dans sa famille ; il fit en 751, au nom de Tibère son fils adoptif, après avoir bâti à Jupiter Tonnant, un temple qui étoit vaste, re- bâtir ce temple en l'honneur de sa divinité favo- rite, au nom de Tibère et de Livie. Ce nouveau temple fat dédié le 16 janvier 762, sous le con- sulat de P. Cornelius Dolabella, et de C. Junius Silanus, et reçut depuis, selon le calendrier de Valerius Flaccus publié par Foggini, le nom de templum Concordiæ Augustæ. Spanheim a cru en reconnoître la véritable représentation sur une médaille de Tibère. La nouvelle splendeur du temple etsa riche sculpture n'empéchèrent pas le sénat de s’y réunir pendant le siècle suivant; souvent même, comme l’a prouvé Monseigneur Gaetano Marini (1), les frères ruraux tenoient leurs assem- blées dans la cella et dans le vestibule (2 ). Ces observations préliminaires suffisent ; il est temps de parler des inscriptions. Celle-ci a été trouvée la première : M. ARTORIVS GEMINFS. LEG.CAËSAR.AUG.PRAEF.AERAR.MIL. CONCORDIAE (1). Marcus ARTORIUS GEMINUS LEG afus, CAESAR is AUG usii PRAEF eclus AERAR il MIL itaris CONCORDIAE, (1) Atti e monumenti di fratelli arvali. Rom.MDCCXCI. P; 1. p, 168. (2) Pronaos. (3) Marcus Artorius Geminus’, légat de Cæsar-Au- guste , préfet du trésor militaire dans le temple de la Concorde. 78 Topographie Romaine. Les caractères de cette inscription sont très- beaux. Elle est taillée dans une dalle de marbre, longue de plus de trois pieds, haute d'environ un pied et demi, et large de moins de six pouces, avec l'encadrement. Cette plaque étoit attachée au mur, comme le font voir deux barres de fer qui y sont encore fixées. A quelle occasion et par quelle raison cette inscription a-t-elle été faite ? Qui peut avoir fait accorder cette distinction à M. Artorius Geminus, dont le nom est inconnu dans l'histoire? Peut-être a-t-il fait placer cette ins- cription votive à la Concorde par dévotion pour la déesse, par reconnoissance, ou pour faire la cour à l'empereur Auguste, son bienfaiteur. Son motif étoit suffisamment indiqué par la lo- calité ; Artorius se nomme seulement préfet de la caisse militaire; Suétone dit qu'Auguste créa cette caisse, en la séparant du trésor public, et selon Dion, il la créa pour lui et pour Tibère. Voilà peut-être le bienfait dont Artorius, qui apparemment fut le premier préfet de cette caisse, a témoigné sa reconnoissance à la déesse, dans le temple qui venoit d’être rebâti avec une si grande prédilection par Auguste et Tibère. Du moins il vivoit à cette époque. Les caractères de l’autre inscription sont égaux, moins beaux, et plus petits que ceux de la première ; elle est également gravée sur une plaque, qui étoit attachée au mur, longue d'en- Temple de la Concorde. 79 viron une palme et demie , un peu moins haute. La corniche y manque absolument, et la plaque est mutilée au commencement, de sorte qu'elle n'indique pas le nom ni les autres qualités de la personne qui l’a posée. En voici le texte : + LUSITANIAE DESIGN. Pro ÌALUTE Ti. CAESARIS AUGUSTI. OPTIMI. AC IUSTISSIMI PRINCIPIS CONCORDIAE AURI. PV ARGENTI P. X. L'inscription fait seulement présumer que cette personne séjournoit alors dans la Lusita- nie, Ou qu'elle y avoit autrefois été employée, et qu'elle étoit désignée (1) à un emploi supérieur. Selon ce marbre, elle fait hommage à la Con- corde de cinq livres d'or, et de dix livres d'argent, pour lesalut de Z'ibère César Auguste, le meil- leur et le plus juste des princes (2). Elle vou- lut peut-être, par cet ex-voto, implorer le secours de la déesse dans quelque maladie de l’empe- reur, ou la prier d'accorder à son bienfaiteur (1) Designato. (2) Pro SALUTE Tiberii CAESARIS AUGUSTI OPTIMI AC JUSTISSIMI PRINCIPIS CONCORDIAE. AURI Pondo V. ARGENTI Pondo X. 80 Topographie Romaine. une longue vie. La circonstance que le don a été fait en faveur de Tibère, et que ce prince a fait restaurer le temple de la Concorde, peut faire croire que cette inscription ne provient pas d'un autre édifice, qu'elle est du temps de ce prince, et, si ce n'est par adulation qu’on le nomme le meilleur et le plus juste des princes, elle doit être du commencement de son règne. Sur les mots salute et justissimt, il y a des accens, pour indi- quer que la syllabe est longue, ou pour quelque autre raison que les critiques n'ont encore pu dé- couvrir. On voit de pareils accens sur beaucoup de marbres des meilleurs temps ; mais Gruter, Muratori, Guasco et d’autres, ont ordinairement négligé de les conserver dans leurs copies. Ma- rini observe qu'on les trouve sur les marbres des frères ruraux, depuis le temps de Tibère jusqu'à celui de Trajan, et qu’en général ils étoient fort d'usage sous Auguste. Le huit d'août dernier, on a trouvé dans les fouilles du temple de la Concorde, l'inscription volive suivante : Mais malheureusement elle est si mutilée qu'il est impossible d'en déchiffer tout le sens; il en NO Temple de la Concorde: 8r résulte seulement qu'une personne dévote a fait à la déesse Concorde une offrande de cinq'livres d'or ; mais du moins elle fournit une nouvelle preuve que cet édifice est le vrai temple de la Concorde. w Tome [. Janvier 1818. 6 AAA AAA A AAA VA AV AA AAA UV AV VA AA UV UML MUR POÉSIE. IPOE TON ENTIMOTATON KAI $SIAOTENEZTATON KYPION ZIHYPIAQN 4 KONTON (1), QAH AYTOZXEAIOZ, , z EKIQNHOEIZA TH «8° TOY AEKEMBPIOY , EN ETEÏ gwic ZHOI, pide tis marpidos, YUpLÉGTUTE Kovré ! Adxrvéou Basiuéws , Hpwos TOÙ JAUAGTOÙ ; Thv xalhv ouoËeviay mapiotávers ain0@s" Kai de Odurasds ó Seros rpoTtuas x émis , Toy zamvoy Toy tç marpidos UmEp modToy Éevexôv. Ze, qe täs marpidos, yapréorare Kovré | Bhéretç Tous GUUTATOUUTEE ws YYNGLOUS dde)pods , ; x 5 x taa p Ayaräs toùç prhopotcous, TS EXkädos ro flacrous. = A ` , A , La Eppu dè tov Éurohaïoy xat tov Aôyuoy pod Mer 2a0apäs xapðias Sepamevers xat TUĞ. ZiO, gide Tüç Tarpidos, YApLÉOTATE Kovré! Eic TÒ peho ToÙ yévous xal Thy dogay auvEy de a r La ` ” ~ Ano6lirers zal orovðZęEL PETA caédems molnc. » ` , j 5 , 7 ` LEN ` Eis ts phébas cou ATAÚTTWG ALUO TO EXnvexov ALA JE 5 Ve Are ee e Bpéter, cè évouotatet, © dvayxáčet v aypurvhs. (1) M. Spyridion Conto est un de ces négocians grecs qui sont remplis de zèle pour leur patrie. Homme éclairé et plein de modestie , il a fixé l'attention des citoyens de Corcyre , son pays natal ; et ils Pont nommé, sous le gouvernement impérial , eur député conjointement avec M. le baron Théotoki. M. Conto a rempli ses fonctions en vrai patriote , et il a été décoré de la croix de la Légion-d’Honneur pour ses nobles services. Ti- cultive avec ardeur les lettres , etil les favorise avec géné- m A AAEE N RAA UV AAA AAA AA LA POÉSIE. À L'HONORABLE SPIRIDION KONTO. ODE Improvisée le 22 décembre 1816 , Par M. NiıcoLo-PouLo (de Smyrne); traduite du grec moderne ; par M. Alphonse MAHUL. REPÉTONS en ce jour , enfans de l’Ionie, Vive à jamais Konto, si cher à la patrie! Tu sais nous retracer les antiques vertus, Cette hospitalité, telle qu’Alcinoüs L’exerçoit noblement aux bords de Phæacie, Et comme Ulysse encor tu veux couler ta vie Sur les rives dithaque, humble et simple séjour Qu'à des palais pompeux préféra ton amour. Répétons etc. Tu reconnoiïs un frère en ton concitoyen ; L’ami des doctes sœurs sera toujours le tien. Puisque la Grèce en lui plaça son espérance ; Le mème dieu jadis qui dictoit Péloquence , Du commerce formoit le nœud facile et sûr, C’est ainsi qu'il obtient ton encens libre et pur. Répétons , etc. Le bien de ton pays, sa gloire, son bonheur, Tel est l’objet constant de lon active ardeur, Ah ! c’est le noble sang des héros de la Grèce Qui nourrit dans ton cœur cette divine ivresse. Répétons, etc. rosité, selon ses facultés. Il s’est fixé depuis quelque temps à Paris, avec sa famille. On le voit fréquenter les bibliothèques; et l’on assure qu’il s'occupe d’un grand ouvrage en grec mo- derne , et qu'il se propose de le publier à ses propres frais. 6. jay D 34 Grec moderne. Poésie. Zåbt, pihe třs marpidos , yapiéotaærte Kovré ! Ińpepov Tò Gvoux cou Éoprétopey Aa POS » Mera pouorxy Opydvov ZAL RPOGÜTOY YAPOTV* Ó dE Kõpoç ó xapieus, eùpporúvns ó Jeoç; Tlpocdpeuet y xat rov Báxyov eis TOY TOTOY Tpocxahets Zb, gie täs murpidos, yapréotare Kovré! Tépuoov , © oivoy0E, TA TOTHPUE solus ZÙ dè xdpn perdoa, aTépov pou Thy xepaiv. AEÙTE TIGE » © pilot, TAVTES opofuuadov y j Kai YopeuTopEy edpiôuws täs rarpidos Toy X0POY- ZiO., gihe täs aTpidos, HapLéGTuTE Kovré ! À dmôyove Pnuiov, Pálra Sets xat reprvë, Kpoûe %0n thv xuapay thy ypuvoñv XAL JAULAGTAYS Kai tà čpyo tõv mpoyôvuy Ta peydlu xat leurp Ýuvnoov peyahopévos , peta péhous Myupoð. Zå, pihe täs rarpidos, YApLÉTTUTE Kovré! Iù únápyeis Tç Keprüpas xavynpa zat oToGHOG» Kai edppaivels TAS xapdius Tv ÉdXédoc par. Aux roûro mévres N0n èv JepuOTATL ro) Kpatouey mavappoviws x ÉxpHYOEY EY TUTO, Zit, pile murpiôra, Toy mpoyóvwy puunté | Züdr, dpshos toù yévous, Zt, © Japrpx iris! Zit, Lüde òs ó Néarwp, yapiéatare Kovté! Grec moderne. Poësie. 85 Contemple autour de toi, tes frères, tes amis. Pour célébrer ton nom , en ce jour réunis; Que le chant, la musique et la danse bruyante Appellent parmi nous le folâtre Comus, Et qu'il verse à grands flots la liqueur pétillante Heureux don de Bacchus. Répétons , etc. L’échanson dans ma coupe a fait jaillir le vins La jeune fille de Corcyre A posé sur mon front, avec un doux sourire , Za couronne de fleurs ornement du festin ; Buvons, amis, buvons , enfans de l’'Ionie, Et répétons en chœur les chants de læ patrie! Répétons, etc. O fils de Phémius saisis ta lyre d’or, Fais vibrer sous ta main sa corde harmonieuse, Et laissant à ta voix prendre un sublime essor, Dis-nous de nos aïeux l'histoire merveilleuse. Répétons, etc. Et toi de mon pays le plus bel ornement, Tu réjouis le cœur des enfans de la Grèce, Et dans les doux transports d’une vive alégresse Hs font retentir Vair de ce joyeux accent ; Vive à jamais Konto, Pami de la patrie, L’honneur de nos aieux, l'amour de l’Ionie, Et puisse-t-il enfin de l’antique Nestor Egaler les vieux jours ou les passer encon IAA AAA A AAA AAA AU AY MU AAA VUY AAA AA AA AAA AR AAA VY ANTIQUITÉS. NorTe sur des Haches de pierre, trouvées en France. IL seroit peut- être difficile de déterminer d'une manière précise le sens du mot sauvage, appliqué à l'espèce humaine. Tous les hommes en effet, réunis en sociétés, plus ou moins nom- breuses, sont soumis à des chefs ou régis par des lois : nulie part on ne les voit jouir de cette li- berté désordonnée qui est le partage exclusif des animaux sauvages. La vie errante que mènent plusieurs peuplades ne suffit point pour les cons- tituer à nos yeux dans l’état sauvage ; si en effet nous donnons le nom de sauvage aux chasseurs errans de l'Amérique septentrionale , nous le refusons aux nomades errans de la T'artarie. D'où vient cela? Cela provient, je pense, de ce que nous considérons spécialement comme sauvages les hommes qui sont étrangers à la connoïssance des arts utiles, des arts sans lesquels une société un peu nombreuse ne pourroit exister. Tel est l'art d'élever des troupeaux et celui de cultiver la terre. Mais outre ces arts de nécessité pre- mière, il en est d’autres dont l'ignorance n'ap- partient qu'aux seuls sauvages, ct qui sont pour Haches de pierre. 87 ainsi dire, propres à les caractériser comme tels. Je veux parler de l'art de connoitre et d'employer les métaux. Partout en effet où manque ce pré- cieux moyen d'industrie, nous voyons la société humaine dans un état de grande imperfection. L'art de se procurer les métaux et de les tra- vailler , est d'une haute antiquité sur notre con- tinent; mais il n'est pas antérieur au temps où la Gaule fut peuplée. Nos premiers ancêtres ont ignoré l'usage des métaux, et sous ce point de vue, ils ont été de véritables sauvages. J'en trouve la preuve dans des monumens irrécusables sur lesquels il me paroit qu'on n'a pas encore ap- pelé l'attention, et qui méritent de la fixer : je veux parler des haches de pierre que l'on trouve dans plusieurs départemens de la France, et no- tamment dans ceux d'Indre et Loire, de Loir et Cher et de la Vienne. J'en possède qui ont été trouvées par d'autres ou par moi - même dans ces trois départemens. Un propriétaire de l'Auvergne m'a assuré qu'on en trouvoit aussi dans cette province, et il est très-probable qu'on en trouveroit également dans les parties de la France si on y faisoit attention. Ces haches qui ne peuvent avoir appartenus qu'à des peuples auxquels la connoïssance des métaux étoit étran- gères, ont le plus souvent de silex ; quelques-unes sont de basalte ; d’autres plus rares sont de jaspe. Leur forme est celle d'un triangle isoscèle fort 88 Antiquités gauloises. alongé dont le sommet est tronqué , et dont un bord tranchant occupe la base : elles sont légère- ment convexes sur leur plat, et présentent sur chacun de leurs bords une facette aplatie. Ces pierres ont été taillées au moyen d’un frottement long-temps prolongé sur un grès grossier ; on en juge aux stries légères et longitudinales qu'elles offrent sur toute leur surface. Leur longueur est de 13 à 22 centimètres (5 à 8 pouces ), et leur largeur en taillant de 7 à 11 centimètres (2 pouces et demi à 4 pouces). Celles qui sont en basalte ou en jaspe sont les mieux taillées et les plus grandes : le tranchant de ces dernières est aiguisé sur le grès, tandis que le taillant des haches de silex résulte de deux cassures déclives pratiquées de chaque côté du plat de la hache, de sorte que l'arête coupante qui en résulte est située vers le milieu de son épaisseur. Il est à remarquer que le basalte et le jaspe sont complétement étrangers au département d'Indre et Loire dans lequel on trouve des haches faites de ces substances : les haches de silex qu'on y trouve sont toutes d'un silex blanc opaque semblable à celui des pierres à fusil. C'est ainsi, du moins, que sont toutes celles que j'ai eu occasion de voir. Ces haches ne sont pas très- communes, On les trouve ordinairement à la sur- face des champs labourés ou enterrées, à quelques pouces de profondeur. J'ai irouvé moi - même Haches de pierre. 89 deux de ces haches de silex ; l'une auprès de mon domicile, dans les environs de Château-Renaud, l'autre dans le département de la Vienne, non loin des bords de la Gartempe. Un particulier de mon voisinage en a également trouvé deux en par- courant les champs à la chasse; l'une d'elles est en basalte, l’autre est en silex. Des ouvriers en défrichant une bruyère en ont trouvé dernière- ment une fort belle que je possède; elle est en jaspe vert, et longue de 22 centimètres(8 pouces). Un curé du département de Loir et Cher en a également recueilli plusieurs. La manière dont ces haches sont taillées, leur forme conique, l'absence sur leur surface de toute aspérité ou enfoncement propre à retenir ou à fixer des liens, prouvent qu'elles n'étoient point destinées à recevoir un manche; c'étoit évidemment un instrument dont on armoit sa main, soit pour employer à couper le bois, soit, plus probablement, pour s'en servir comme d'une arme offensive. Ce devoit être une espèce” de casse-tête analogue à celui dont se servent en- coreaujourd'hui plusieurs peuples sauvages. Peut- être servoit-il à ces deux usages à la fois. Tou- jours est-il vrai que ces haches de pierre sont des preuves irréfragables de l'état sauvage des premiers habitans de la Gaule. Elles sont indu- bitablement d'une haute antiquité. En effet, les plus anciennes traditions historiques qui nous go Antiquités Gauloises. soient parvenues touchant les Gaules remontent à ce roi des Celtes, Ambigatus, dont parle Tite- Live (livre V ), et dont les neveux Bellovesus et Sigovesus envahirent, l'un l'Italie septentrionale, l'autre une portion de la Germanie vers l'an de Rome 164, ou 5go avant J. C. à l'époque de la fondation de Marseille par les Phocéens ; c'est-à- dire, il y a plus de 2400 ans. Or à cette époque les Gaulois, peuples conquérans et fondateurs de plusieurs villes considérables dans l'Italie, étoient déjà en partie civilisés. La connoissance des arts utiles ne leur étoit point étrangère. Ils avoient indubitablement des armes métalliques ; ils p'auroient point vaincu les peuples de l'Italie avec des haches de pierre. Il faut donc reporter à plusieurs siècles plus haut l'existence des peuples qui se servoient des armes qui font le sujet de celte note, et dont aucun auteur, que je sache n’a encore parlé. Ces monumens, assez curieux à mon gré, aux quels on ne peut refuser au moins trois mille ans d'antiquité, prouvent que la Gaule a été peuplée avant le temps où la connoissance des arts utiles s'est répandue parmi les habitans de l'Europe. _ H. DUTROCHET. AAA AAA AR AAA AARAAA AA AAA) BIOGRAPHIE. NoTicE biographique sur l'abbé Carlo-Antonio Puit, par M. P. L. R., avocat, à Turin (1). D. Carlo-Antonio Pallini naquit d'une fa- mille illustre , le 12 novembre 1746. Dès son enfance il étoit ennemi de la mollesse et de l'indolence ; avide de connoissances , il endu- roit toules les fatigues qui pouvoient l'y con- duire. Son esprit se développa promptement, et, parvenu à l’âge où sa réflexion avoit égale- ment müri, il se livra avec une extrême faci- lité aux travaux littéraires. Il étudia la iogique et la jurisprudence, et il obtint dans les deux facultés les honneurs du laurier. Animé d'une piété fervente, à l'époque importante où il de- voit choisir un état, il entra irès- jeune encore dans la carrière ecclésiastique , et la parcourut avec distinction. Ses mœurs irréprochables , ses talens peu communs et son dévouement à rem- plir ses devoirs lui frayèrent la route aux charges (1)J’ai eu l'avantage de connoître à Turin M. l’abbé Pullini; j'ai passé avec lui des heures très-agréables ; il m’hono- roit de sa correspondance, Je remercie infiniment sa noble famille de m'avoir adressé cet éloge que j'ai fait traduire de l'italien, et que je me suis empressé de publier. A. M. L. 92 Biographie. importantes auxquelles il fut successivement élevé. Les nombreuses occupations que donnoient à labbe Pullini le saint ministère et l'emploi qu'il avoit dans l'administration de l’économie gé- nérale des bénéfices et évéchés auxquels nomme le roi, ne l'empéchoient point de satisfaire son goût pour les belles-lettres. Il recueillit de nouveaux lauriers par des cunzon de difté- rentes mesures, et par des odes harmonieuses et pleines de force, dont le sujet est presque toujours tiré de la morale. Horace a excelié dans ce genre de poésie, et il suivit avec une grande prédilection les traces de ce grand maître. : Si sa modestie n'avoit pas été plus grande que son talent ,on auroit vu paroître il y a long-temps , trois gros volumes de ses poésies choisies. Le jugement trop sévère qu'il en portoit lui-même , et l’indifference avec laquelle il recevoit les éloges qu'on lui donnoit, furent la cause qu'il n’en faisoit que très-rarement et avec une extrême répugnance la lecture à un pétit nombre d'amis distingués, et quelquefois à la colonie arcadienne des pasteurs de la Dora, dont il fut nommé, en 1813, le digne gardien. Mais ce qui prouve encore plus avec quelle facilité il s'occupoit des sciences qui paroissoient les plus étrangères l'une et l'autre, c'est la pro- fonde érudition, avec laquelle il est parvenu à M. Pullini. 93 former et à expliquer sa précieuse dactyliothèque. Tout le monde sait combien l'étude de lanti- quité est longue et pénible, combien de re- cherches et de méditations cette science exige, et combien il est, je ne dirai pas impossible tnais rare, qu'un esprit ardent, une imagination vive, puisse en faire son occupation favorite. Il est vrai, qu'il n'entroit pas dans le plan de M. l'abbé Pullini d'entrer dans cette carrière ; des circons- tances fortuites l'y ont déterminé. Il étoit depuis peu de temps diacre , lorsque sa sœur prit l'habit de religieuse dans le couvent del'Annonciation à Turin ; le jeune ecclésiastique prononça un dis- cours analogue à cette circonstance, et son père fut tellement satisfait de l’éloquence féconde et touchante de son fils, qu'il lui fit présent d'une bague, ornée d'une pierre gravée, qui, à cause de sa rare beauté, passoit pour être antique. Quelque temps après, plusieurs personnes révoquèrent son antiquité en doute, et l'abbé Pullini prit à tâche d'éclaircir cette matière; il chercha à se procurer plusieurs pierres gravées, vraiment antiques, pour les comparer avec la sienne; il lut les bons auteurs qui en ont traité ; il prit peu à peu tant de goût pour cette étude, qu'il parvint à mériter un rang distingué parmi les antiquaires les plus célèbres, et sa renommée se seroit répandue bien plas encore, s'il n’avoit pas eu un eloignement constant pour donner ses F4 94 Biographie. ouvrages au public. J'ose toutefois espérer qu'ils ne seront pas perdus pour les lettres; l'illustre héritier (1) de l'auteur, ne voudra certainement ‚pas priver sa famille de l'éclat que les ouvrages de son savant frère feroient rejaillir sur elle. La vérité et la beauté font une impression forte et ineffaçable sur l’homme que la nature en a rendu susceptible ; elles font la passion des âmes nobles; quiconque a cette passion consacre tout à la satisfaire. Nous voyons rarement un riche amateur des beaux arts, entreprendre de former une collection de tableaux précieux, de gravures des meilleurs maitres, de médailles rares, de gemmes , de pierres gravées, d'éditions anciennes ou faites chez l'étranger, et ne pas employer tous les moyens possibles pour l'aug- menter , et la compléter (2). Le Piémont seul ne pouvoit fournir à M. l'abbé Pallini le trésor dont il vouloit enrichir son esprit. Il visita, en 1784, le reste de l'Italie, et séjourna dans la capitale du Monde, où il rassembla un grand nombre des pièces qui com- posent son cabinet. Ce musée est composé de plus de quatre cents (1) S. E. M. le comte Pallini di Santo - Antonio, grand’croix de l’ordre de saint Maurice et saint Lazare, premier president de la chambre royale des comptes. (2) Voyez note À, à la fin. M. Pullini. 95 morceaux, sans y comprendre les médailles. Il a excité l’admiration de tous ceux qui Font vu. M. l'abbé Pallini en a composé de savantes explications. Le père Caroni, barnabite, quia rangéle superbe musée du prince Witzai , Hongrois, visila , pen- dant son séjour à Turin, en 1797, la LATE PEUR de M. l'abbé Pullini, qui alors renfermoit à peine la moitié desobjets qu'elle comprend aujourd'hui, et il assure qu'on en attribueroïit plutôt la formation à un prince qu à un particulier. Dans un Mémoire inséré dans le cinquième volume du Recueil de la classe de Littérature et des Beaux-Arts de l'Aca dé- “mie des Sciences de Turin, M. le chevalier Millin, membre de l'Institut de France, qui vit cette galerie en 1812, s'exprime ainsi: « J'ai lu le beau Mémoire que M. l’abbé Pullini a composé sur quelques pierres gravées de son précieux cabinet. Je’ne connois point de collection semblable (1). » Pour donner une juste idée de ce rare et cé- lèbre cabinet, nous transcrirons ce qu’en dit M. l'abbé Pallini lui-même, dans son Szggzio di antique gemme incise, qui est inséré dah le quatrième volume des Mémoires de la classe de Littérature de l'Académie de Turin (2). (1) On peut lire aussi la notice que j'ai donnée de ce précieux cabinet, dans mon Voyage en Piémont, tom. I, pag. 324. A. L. M. (2) Voyez à la fin , note B. 96 Biographie. Après avoir montré, dans cet essai, comment on peut distinguer les gemmes antiques de leurs imitations, l’auteur établit combien la mythologie, l'histoire, la minéralogie, la chimie, les antiques, la connoissance du dessin, sont nécessaires pour diriger le jugement; il rend compte du plan qu'il s'est tracé pour former cette collection,etil ajoute: » « En formant mon recueil, je ne me bornois jamais à un seul genre de sujets figurés , quant à la science à laquelle ils devoient appartenir, parexemple, à la mythologie, à l'histoire, ou telle autre science; mais je me plaisois à les embrasser toutes, et je parvins ainsi à enrichir ma collection de toutes les classes dans lesquelles Passeri range les monumens, et plusieurs autres encore, dont cet antiquaire ne parle pas. Quant à l'art, je me déterminai à recueillir des ouvrages de toutes les nations cultivées, de toute époque et de tout style. » Et afin que ma collection méritât réelle- ment le nom de dactyliothèque antique, c'est- à-dire recueil de bagues, je m'appliquai avec grand soin à réunir aux gemmes un nombre considérable d’anneaux et d’antiques d'or ou d'argent, garnis de pierres précieuses, avec des gravures sur le métal ou sur la pierre, en creux ou en relief, » À ces anneaux de métal, je joignis quelques autres figures d'or ou d'argent , et de petites M. Pullini 97. médailles talismaniques, ou des amulettes, qui doivent, à cause de leur petitesse, être plutôt rangés dans une cassette de gemmes, que dans un vaste cabinet de petites idoles de bronze. » À ces anneaux d'or ou d'argent, j'en joi- gnis un grand nombre d’autres de bronze et même de plomb, et sur lesquels on voyoit des figures ou des lettres. Placés dans la col- lection après ceux de métal dont nous venons de parler, ils forment la transition des idoles à la dactyliothèque proprement dite. / » Enfin, pour suivre l'usage des personnes qui ont formé les plus célèbres collections de pierres antiques, j'ajoutai à la mienne un petit nombre de pierres gravées par de ce- lèbres artistes modernes, depuis la restaura- tion des arts jusqu’à nos jours. » En formant ainsi ma collection, je devois naturellement me borner à n’avoir presque que des ouvrages en creux, parce qu'on les trouve seuls en assez grand nombre pour en former un riche cabinet; néanmoins je ne négligeai point d'y ajouter plusieurs camées et d'autres ouvrages en relief, etc. » De retour dans sa patrie, M. l'abbé Pullini chercha , pendant quelques années, plutôt à ca- cher son trésor qu’à s’en glorifier ; il n'échappa cependant pas à l'attention généreuse du roi Tome I. Janvier 1818. 7 98 Biographie. Victor Amédée HI, qui le nomma, en 1792, membre honoraire de l'Académie royale de Peinture et de Sculpture. En 1800, Charles Emmanuel IV lui conféra la charge honorable de directeur temporaire du Musée royal de l'Université de Turin. Les événemens politiques l'empêchèrent d'exercer ces fonctions ; il quitta une ville qui avoit échangé son aspect antique contre un nouvel ordre de choses; il se retira : dans sa campagne , où il passa huit années dans une solitude paisible, loin de son cabinet et de ses livres, afin de pouvoir, comme il .e dit lui- même, dans l'Essai que nous avons cité, et dont il a laissé le manuscrit entre nos mains, se livrer uniquement à des méditations religieuses. Il y composa un livre ascétique intitulé : Essai de réflexions pieuses (1), etaida, avec un zèle infa- tigable, dans ses fonctions pastorales, le curé du lieu qu'il habitoit. Enfin, M. l'abbé Pullini céda aux vivesinstances de quelques amis, et passa une grande partie de l’année à Turin. Tel est l'attrait des sciences utiles, que lorsqu'on lés a abandon- nées pendant quelque temps, on peut s’en occu- per de nouveau avec succès. En eflet, à peine (1) Saggio di pie riflessioni, scritto per manudurre alcune anime meno esperte, epur vogliose di ‘avvezcarsi alla contemplazione , edalle giaculatorie. r | M. Pullini, 99 notre antiquaire se trouva-t-il encore au milieu de ses pierres gravées et ses livres, qu'il reprit, avec l'ardeur d'un jeune homme, ses occupations fa- vorites, et en peu de temps, il écrivit le cata- logue descriptif de sa précieuse collection, et l'accompagna de savantes explications, qui prouvent combienil étoitversé dans cette branche de connoissance. Après que le Piémont eut recouvré son rang parmi les nations indépendantes, M. l'abbé Puilini reçut des témoignages non équivoques de l'opi- nion favorable que l'on avoit conçue de lui. Le roi Victor Emmanuel I le nomma son conseil- ler, et économe général des évêchés et bénéfices vacans ; bientôt après, il fut élu membre de notre célèbre Académie des Sciences; mais il ne jouit pas long-temps de cet honneur : il succomba à une maladie opiniâtre, dans la nuit du 15 au 16 avril 1816. Sa mort fut paisible comme l'avoit été sa vie; il mourut consolé par la douce pensée de laisser des parens illustres, animés d’un amour égal au sien, pour le service de sa patrie et la gloire de ses princes. La dépouille mortelle de M. l abbé Puilini a été déposée dans l'église paroissiale de San Dalmazio. S. Exc. le comte Pullini a fait graver sur une pierre, qui est placée dans le vestibule laïéral de la chapelle de la Madona di Loreta , une 7. 100 Biographie. inscription , dont M. le baron Vernazza de Freney est l'auteur. H1IC.SYBTER.AEDICYLAE.FORNICES SITA.SVNT.OSSA CAROLI.ANTONII.PVLLINI.SAÇERDOTIS QYI.FVIT. CONSILIARIVS.REGIS.VICTORII. EMMANYELIS PRAEFECTVS .OECONOMIS.RATIONVM.ECCLESIASTICARVK SODALIS.REGIAE.SCIENTIARVM.ACADEMIAE NATYS.DIE.XII.NOVEMBRIS.MDCCXLVI DECESSIT.DIE.XY.APRILIS.MDCCCXVI WIM.GEMMARVM.DIVITWM.ET.SIGNIS.ASPERARYÆM MAXIMAM.AES.ARGENTVM.AYVRVM.AB.VETERIBYS CAELATVM.RARA.ILLVSTRIVM.ARTIFICVM.NOMISMATA CONGESSIT.PERITE . SCRIPTIS . DISTINXIT.EXORNAYIT ATTIGIT.POESIM.ITALICAM . YARIOS.SCIVIT CONCORDARE.MODOS MORVM.SEVERITATI.OMNES.INGENII.ET.OFFICIL SVAVITATES . ADSPERSIT MISERIIS.PAVPERVM.SEDANDIS,.FVIT.OBVIYS.LIBERALIS SAGCRIS.MVNERIBYS.ASSIDVVS.IN.PYBLICIS.AB ADOLESCENTIA.SIC.AGITAVIT.VT.MAIORE.QYAM GEREBAT.DIGNVS,.SEMPER.HABERETVR À.REGIBVS.NOSTRIS.A.PIO.VII.SYVMMO.PONTIFICE LAYDATYS.EST.EXIMIE FRATRI.CONCORDISSIMO BENE.DE.ME.DE.FILIIS. MEIS.DE.TOTA.FAMILIA MERITO.DOLENS.FECI 10SEPHVYS.PYLLINIYS.COMES.SANCTI.ANTONINE EQVES.MAVRICIANVS.MAGNA.CRVCE.INSIGNITYS IN. SYVPREMO.RATIONALIVM . MAGISTRATY .PRIMYS.PRAESES NOTES. _{A) Les cabinets les plus célèbres du Piémont sont les superbes galeries de tableaux de M. le commandeur Genovesio, de M.le marquis Turinetti di Cambiano (1), et de M. l’abbé Ramelli à Asti. Cet amateur pos- sède des morceaux d’un grand intérêt, un Saint- Jérôme de l Espagnolet, une Vierge d'Albert Durer, une Madeleine du Carrache , Adam et Eve qu’on at- tribue à Rubens.M.Giuseppe de Angeli a commencé à Cherasco une collection précieuse de tableaux, pour la plupart de l’école flamande , et il cherche chaque jour à augmenter. M. Jean-Baptiste Boucheron , pro- fesseur à l’Académie royale de peinture et de sculp- ture (2), MM. Luigi Mo et Gioanni Tommaso Anforni, médecins , possédoient également de belles collections. Le riche recueil de gravures qu’avoit formé M. Or- tolano , lecteur du roi Charles-Emmanuel Iil, a joui pendant quelque temps d’une juste célébrité ; mais bientôt elle fut effacée par celle de la collec- tion de M. Joseph Rignon (2). Je ne dois pas passer sous silence celle de M. l’avocat Giacinto Vernazza , qui, outre les gravures précieuses de Volpato et de (1) Son fils dessine et grave avec beaucoup de vérité, d'es- prit et de goût. Voy. mon Voyage en Piémont, tom. l, 26, 332. À L. M. (2) J'en ai donné une courte notice dans mon Voyage en Piémont, etc., tom. I, pag. 324. A. L. M. 102 l - Biographie. Morghen, comprenoit la suite complète des ouvrages de notre célèbre Porporati (1). Plusieurs savans Piémontais. possèdent de riches cabinets de médailles ; nous nous bornons à nommer celui de médailles grecques et romaines , que M. Pabbé d’Incisa a formé avec beaucoup de critique et de goût (2), et celui dé médailles de nos illustres com- pairiotes, qne possède M. le baron Vernazza de Freney, conseiller de S. M. et membre de l’Académie royale des Sciences. La plus belle et la plus riche collection de pierres gravées et de camées, après celle de M. l’abbé Pullini, est celle qui apparüent à S. E. le comte Thaon de Revel, chevalier de l’ordre suprême de lAnnon- ciade, gouverneur de la ville et de la citadelle de Turia 3). | MM. Perini, Bertrandi, Terraneo et Monta- gnini étoient renommés pour leurs bibliothèques ; celle de Montagnini étoit riche en pièces diploma- tiques et eu livres chinois. Le roi a acheté ces biblio- thèques ; et, à l'exception d’une partie de Ja der- nière , il en á fait présent à la bibliothèque de l’ Uni- versité royale de Turin Les savans, dont voici les noms, avoient également des bibliothèques choisies : (1) Annales Encyclonédiques , tom. \, 324. (2) J'en ai donné une indication plus détaillée dans mon Voyage en Piémont, tom. Í, pag. 318. A. L. M. (3) Ceile de M. le comte de la Turbie étoit eonsidérable ; je ne sais se qu’elle est devenue. Plusieurs pierres dont il m'avoit permis de prendre des dessins , sont décrites et figurées dans le recuei que je publie aujourd'hui. A. L. M. M. Pullini. 103 M. Giambattista Anforni, médecin, qui a enrichi la sienne des manuscrits de l’abbé Torelli ; M. l'abbé Bono, professeur de droit canon ; M.le comte Durando dela Villa; M.le marquisTurinettide Priero; M. le comte Melina ; M. le marquis Falletti de Barolo : le professeur Lancri ; le chimiste Bonvicino. La grande bibliothèque de M. l'avocat Casimiro Donandi étoit particulièrement riche en ouvrages très-rares, imprimés dans le quin- zième siècle. Sur l'indication que M. le baron Ver- nazza lui en donna , M. Panzer en fait mention dans ses Annales de la Typographie, tom. IV , pag. 349. Cette bibliothèque possédoit l'édition d’Ascoli, de 1477, tout-à-fait inconnue, et découverte par M. le baron Vernazza , qui en a parlé dans la Biblioteca Pie- montese, de 1793, pag. 278, comme d’un livre appar- nant à M. l'avocat Donaudi. Panzer rapporte ce passage dans l’endroit cité, pag. 229, mais il omet le nom du propriétaire ; la bibliothèque du célèbre abbé Valperga di Caluso , dont la mémoire sera toujours honorée en Piémont, mérite d’être distinguée : la mille de cet illustre ami du grand Alfiéri la conserve, comme la collection le mérite, non-seulement par sa richesse , mais aussi par la rare intelligence avec laquelle elle a été formée (1). Parmi les savans d'aujourd'hui, qui possèdent des bibliothèques choisies et nombreuses, nous nomme- rons MM. le marquis Tapparelli d’'Azeglio, le comte Costa dellaTrinità, le comte Roero di Piobbesi, lecomte (1) Voyez la Notice sur sa vie dans le Magasin Encyclopé= dique, année 1819, tom. LV, pag. 390. 104 Biographie. Caissotti di Chiusano, les comte et chevalier Ghi- gliossi, l'abbé Marentini, le comte Prosper de Balbe, qui a augmenté la bibliothèque du comte Bogino, et en permet l'usage aux hommes de lettres , avec la plus grande complaisance ; celle de M. le baron Ver- nazza est précieuse , non-seulement par la rareté des livres qui la composent, mais aussi et principalement par la collection complète des auteurs d'Alba , et de toutes les éditions de leurs ouvrages, et d’un grand nombre de mémoires anciens et modernes sur cette ville. La bibliothèque de M. le docteur Giuseppe Audi- berti, médecin en chef de LL. MM. Le roi et la reine, comprend les meilleurs ouvrages de médecine , de chirurgie , de littérature et d'histoire , et une grande quantité de très-bons livres anglais. Enfin la biblio- thèque de M. l'abbé de Rossi, vraiment unique en ou- vrages et en pièces qui concernent les pays et les langues de l'Orient, l’emportoit sur toutes les autres. Il l’a ven- due il y a peu de temps à la duchesse de Parme, qui la réunie à la bibliothèque publique de cette ues fondée par Paciaudi. (B) Nous devons la publication de cet Essai à M. le chevalier Cesare Saluzzo, qui ne cessa de solliciter M. l'abbé Pullini, jusqu’à ce que celui-ci eût con- senti à taire imprimer son mémoire. Cet Essai est accompagné de quatre planches qui sont l'ouvrage de Pietro Palmieri, et qui représentent quatorze pierres gravées. Toutes les fois que nous avons l’occasion de parler de ces talens supérieurs qui par leurs productions honorent notre patrie, nous craindrions de mériter le reproche de ne pas savoir M. Pullini. 105 les apprécier, e nles passant sous silence ; c’est pour- quoi nous ajoutons ici quelques nolices sur ce jeune artiste. Nous sommes bien loin de vouloir discréditer le grand mérite de notre Valperga, ni l’heureux succès de notre habile dessinateur Angelo Bou- cheron , qui a gravé les torses énormes qui furent trouvés, il y a quelques années , aux environs de Suse (1); mais il nous semble que Pietro Palmieri est plus que bien d’autres propre à conserver, et peut- être à perfectionner parmi nous l’art du burin. Après qu'il eut appris, sous l'habile Pécheux, à dessiner, avec une grande pureté, les figures, et sous son célèbre père, à faire des paysages à la plume, il s’appliqua à la gravure. D'abord il ne traça que de simples contours de portraits et de figures ; il y réussit assez bien; parmi les portraits nous distinguons, à cause de sa grande ressemblance , et à cause de l'ar- tiste qu'il représente, celui de Bagetti, peintre en paysages, et notre compatriote. Parmi les figures , les pierres du cabinet de M. Puliini, qu'il a gravées, mé- ritentsh éloge , par la pureté du dessin et la har- diesse des traits. Encouragé par ces premiers succès , Palmieri voulut prendre un plus grand essor, et l’a- mour de la patrie et des beaux arts lui inspirèrent le désir de sauver de l'oubli la superbe toile qui, bien que vieille , sert cependant de rideau au théâtre royal de Turin ; elle est peut-être le seul ouvrage de ce genre qui nous reste encore du pinceau -fécond de notre Bernardin Galliari (1), dont nos compatriotes {1) Voyage en Piémont , iom. 1, pag. 115. À. L. M. 106 Biographie. Fabrizio Sevezi, Luigi Vacca et Pietro Fea snivent les traces ; il ne manque à ce dernier qu’un champ assez vaste pour se signaler. Fabrizio Sevesi , neveu de Galliari, est Milanais de naissance , mais il vint très-jeune encore à Turin, chez son oncle, qui le ‚conduisit à la source de cette science qu'il cultive avec tant de succès. Nous avons dit que Palmieri a gravé le rideau du théâtre royal de Turin : son ouvrage fut loué, et inspira à Porporati, le Morghen Piémontais, le noble désir de former dans son école le jeune ar- tiste , et de lui frayer le chemin de la gloire : bientôt cet habile maître eut lieu de concevoir de l’ardeur de son élève les plus belles espérances , en lui faisant graver le tableau de Gandolfi , représentant Vénus qui ap- prend à lamour à lancer une flèche. Ce grand ou- vrage a été achevé pendant la vie de Porporati ; il vient d’être publié , et prouve que cet homme géné— reux n'a pas semé en terre ingrate , en y plaçant une plante qui promet de si bons fruits. AAA VVAA AV AAA AAA MAR AR AA A AAA AAA AA A UMA AV NOUVELLES LITTÉRAIRES. NORWÈGE. Il existe à Christiania, en Norwège, une Uni- versité sur laquelle nos lecteurs seront peut-être bien aises d’avoir des détails ; ceux-ci ont été extraits par M.Catteau-Calleville de l'Almanach royal deSuède 1), en 1817. Cette université existe depuis année 1511; il a été stipulé expressément, en 1814 , qu’elle seroit maintenue, et le traité de Thiel, conclu cette année : entre le Danemarck et la Suède pour la cession de la -Norwège, contient un article à ce sujet. Selon l’ Alma- nach royal de Suède et de Norwège de l’année 1817, l Université de Christiania est organisée de la manière suivante : Chancelier : le gouverneur da Norwège. Vice-chan- celier : l'évêque de Christiania , Fréd. Jul. Bech. Professeurs de médecine : Michel Schrilderup. — De langue grecque et bibliothécaire : Geor. Swerdrup. — D'historre naturelle : Jenv Rathke. — De matliéma- tiques théor. : Saeren Rasmussen. — D'économie poli- tique , de géographie et de statist.: Louis Stoud Platon. — De médecine : Nic. Berner Saerenven. — De chi- rurgie et de larè des accouchemens : Mag. Andr. Thuls- trup. — De physique et de chimie : Jac. Keyser. — De (1) Sper. och Norr. Slatscalender, fær ar. 1817, p. 342. 108 Russie. théologie : Suexd Borchmann Horsleb. — De miné- ralogie : Jens Esmarlh. — De botanique : Christen Smith. — De mathématiques appliquées : Christ. Hans- teen. — De droit : Laurent Lange. — D'histoire : Cor- nelius Steenbloch. — Lecteur en théologie : Stener Stenersen. — En technologie : Greg. Fougner Lund. — En langue française : Orry. — En droit : Henri Steenbuch — En philosophie : F. P. Z. Dahl. RUSSIE. L'empereur a donné ordre d'acheter, pour VA- cadémie de médecine de Moscou, le cabinet d’ana- tomie du conseiller d’état actuel et médecin de S. M. I., le chevalier de Loder, si universellement estimé comme anatomiste et professeur. On sait que ce cabinet est un des plus complets qui existent, et qu’il renferme beau- coup de raretés. ITALIE. Nous avons donné l’éloge de M. Pullini (1). Le Pié- mont a perdu depuis lui un savant très-distingué et dontla eélébrité avoit passé les mont. ( M. Jacques Durandi). Tl s’est occupé pendant plusieurs années de la géo- graphie du Piémont ; à différentes époques de son histoire il a contribué à la collection des illustres Piémontais. On doit croire qu'il recevra de ses com- patriotes an hommage semblable à celui qu'il a con- sacré à plusieurs de ses devanciers, et que sa vie et ses écrits seront le sujet d’une notice que nous sollis (1) Ci-dessus , pag. 93. Ttalie. Florence. 109 citons des amis de M. Durandi; nous nous em- presserons de la traduire, et de la communiquer à nos lecteurs. L'Académie économique des Géorgophiles établie à Florence a voulu éviter le reproche de rester en arrière des autres établissemens scientifiques italiens et étrangers, elle a redoublé d'efforts cette année, et accru ses travaux à l’aide de secours qu’elle a reçus de la bienveillance du souverain (1). Ayant réuni ses sociétaires les plus zélés, elle a formé un nouveau projet de constitution qui a obtenu l'approbation du monarque. M. le marquis Ubaldo Feroni a été confirmé dans la charge de président , et le 1° octobre dernier a eu lieu la séance solennelle dont nous allons rendre compte. M. le chevalier Uberto de Nobili a fait part à l’assem- blée de la nouvelle constitution académique, il a cité diverses ordonnances que S. A. S. le Grand-Ferdinand a rendues dernièrement en faveur de la liberté du commerce et de l’agriculture. M. l'avocat Laurent Collini, dans un discours fort éloquent, a fait sentir combien on doit avoir d’égards pour les lois de la société. Il a appuyé principalement sur ce point « que la société a pour but l’encourage- » ment et la propagation des connoissances théoriques » et pratiques relatives à l’agriculture , et à toute autre » branche de l’économie publique et privée, des » sciences et arts qui peuvent avoir rapport avec elle ». (1) Cet article a été traduit du Journal de Florence pat M. d'Hautefort, qui a bien voulu nous le communiquer. A, L. M. 110 Florence. Il a esquissé la rudesse primitive du génre humain ; il a passé des progrès successifs à l'invention de l'alphabet, et ensuite de l'imprimerie, qu’il regarde non seulement comme la source la plus féconde de la propagation des sciences, des arts et des lettres, maïs aussi comme la garantie la plus assurée de leur prospérité et de leur avancement à l'avenir. M. Collini a parlé également de l’économie poli- tique, et a fait mention des auteurs qui ont créé et développé cette science tant en Italie que hors de son sein. M. le docteur Octavien Targioni-Tozzetti, pro- fesseur de botanique , directeur de l’Orlo Agrario, a lu un rapport sur les observations des vicissitudes atmosphériques de l’année courante, et un second sur la quantité et la qualité des produits d. ja: din confié à ses soins. M led cteur Philippe Gallizioli, secrétaire, a fait un rapport sur les ouvrages imprimés ou manuscrits présentés à | Académie par les cor espondans. Leur nomenclature pourra intéresser nos lecteurs, 1°, Sur l'amélioration des bêtes à laine; par M. Joseph Ghérardi, élève du Collége véterinaire de Lyon. 20, Sur la nécessité de l’enseignement agraire dans les ‘ campagnes , dirigé spécialement par les curés, que l’on démontre étre fort aptes à ceite branche d'instruction ; par M. Antoine Bicchi. 3. Des pierres trouvées dans un individu qu'on n avoit pas cru susceptible de cette maladie; par M. Jacques Penada , professeur à Padoue. "40. Sur les démangeaisons de la peau en été ; par le même. Georgophile. tit 5o, Quelques exemples d’affections pulmonaires ; par le même. 6°. Sur la fièvre jaune ‘qui a régné dans la province de Murcie en Espagne, pendant les années 1810 , 11 el 12; par M. Salvator Rubis. 7’. Observations sur les mouvemens spontanés du lupin { del lupino ; par Joachim Carradori. 8°. Rapport sur la nouvelle méthode d'élever les vers à soie , moyennant la chaleur artificielle ; par M. Cavallini, envoyé celte année en qualité, d'élève à Varèse auprès de M. le comte Dandolo, en vertu d’une délibération de l’Académie. 9°. Sur le Suspirium de Sénèque. Mémoire de M. Zec- chinelli, inséré dans le vol. VI des Actes de l’Académie de Padoue. 10°, Sur une production extraordinaire d'os et sur leur - séparation ; par M. Menegazzi. — Padoue, 1817. 11°, Sur l'utilité de rétablir les écoles agraires dans chacune des villes de l'Etat pontifical; par M. Marcelli.. — Rome, 1817. | 12°, Surun nouvel instrument aratoire ; par M. le comte de Parigai. — Avec figures Trévise, 1817. 13°. Sur l'éducation des vers à soie , suivant la méthode de M. le comte Dandolo ; par le P. Nicolas Columella Onorati. — Naples, 1817. 14°. Sur l'introduction à l'étude des mathématiques sublimes; par le professeur Agatin San Martino. — Catane, 1617. M: le docteur Antoine Targioni Tozzetti, profes- seur de chimie à l'établissement des arts et métiérs de Florence, a exposé dans cette même séance l'état présent 112 | : Florence. ' des arts et des manufactures de la Toscane. Son discours offre tout ce qui pouvoit flatter amour-propre natio- nal et encourager toute branche d'industrie. M. le marquis Côme Ridolphi a lu un Mémoire sur la manière d’extraire la gélatine des os, et sur l'utilité de cette substance. On a lu aussi un Mémoire de M. le chevalier Louis Serristori , sur la nécessité d'introduire les pompes à feu dans le grand-duché de Toscane. M. Serristori parle dans son écrit des moulins à vapeur qui alloient être mis en activité dans le courant du mois, dans les environs de Livourne. Ces moulins sont destinés à la mouture des denrées céréales. M. le chevalier remarque aussi que la manufacture des tabacs à Florence alloit employer le même moteur. M. l'abbé Fontani a prononcé l'éloge de François Bartolozzi, académicien ordinaire, mort dans l’année. Celui de Laurent Baroni, décédé également cette année à Paris, a été prononcé par M. le docteur Joseph Giusti. Les titres que ce dernier académicien avoit acquis près de la société, par ses ouvrages géorgiques, et la manière dont il s’acquittoit de la mission pour laquelle la société l’avoit envoyé en France, justifient la chaleur de l'orateur, qui étoit son ami et son col- lègue. Enfin M. le secrétaire Gallizioli a terminé cette séance en présentant au public, 1°. diverses substances extraites des patates propres à en faire du pain, d’après le procédé de M. le docteur Coltellini de Cortone. 2°. Différens tissus formés avec les filimens de l’agave d'amérique extrêmement bien macérée , par ari Rome. Fouilles. 115 M. Piccinolis, et en dernier lieu , une espèce de ver de bois qui corrodoit encore des fragmens de poutre, et qui, dans un espace de temps très-circonscrit, avoit, avec une effrayante célérité, ravagé la toiture d’une église de campagne. Nous avons déjà parlé dans les Annales (1) des fouilles que son altesse madame la duchesse de Chablais a fait faire dans sa terre de Tor-Marancio, à deux lieues et demie hors de la Porte de San Sébastiano à Rome, près de la route antique qui conduisoit à Ardea. Ces fouilles ont commencé le 2 avril 1817, et elles ont été continuées jusqu’au 28 juin. Vers le haut d’une colline où l’on ayoit commencé ces fouilles, on découvrit quatre chambres en forme de carrés longs, plus ou, moins grands, et pavées de mosaïque. Le premier pavé n’avoit que six comparti- mens ; le second avoit au milieu un mæandré grec parsemé d'étoiles, qui étoient composées d’émail jaune, rouge et vert de turquoise ; chaque étoile avoit une couleur différente. Le centre du troisième plan repré- sente Ulysse attaché à un mât ; auprès de lui est un rameur; sur l’écueil est une sirène ayant des pates de poule ; elle tient une lyre à la main. De l’autre côté est Scylla, dont la partie supérieure représente une femme, et se termine en têtes de chiens qui dévorent trois cadavres. Elle a une rame à la main, et en frappe les malheureux compagnons d'Ulysse; à la droite du monstre un petit Amour s'enfuit sur un tigre marin. (1) Tom. IH, pag. 33, et V, 336, il n’y en a qu’un très- court précis d'après une note que M, N. m’avoit communiquée. A. L. M. Tome I. Janvier 1818. 8 114 Rome. Fouilles. On voit aussi une femme assise sur un monstre marin, et tenant un voile qui forme le cercle au-dessus de sa tête. On remarque beaucoup de poissons de dif- férentes espèces. Dans le quatrième plan, au centre, est un petit tableau représentant Ulysse, à qui les charmes de la magicienne Circé vont faire oublier Pénélope, mais Circé le repousse. Aux coins sont des oiseaux d'espèces différentes. Au milieu d’un grand nombre de murs reticulaires, on a trouvé une autre chambre dont le pavé est rouge, et mêlé d’autres couleurs. En continuant les fouilles on a découvert trois étages de bâtiment dans une situa- tion oblique, et séparés par cinq gradins que l’on a reconnus avoir été couverts de marbre. Les deux étages supérieurs n'offrent rien d’inté- ressant; dans l’inférieur il y a une chambre grande de dix palmes carrées, et remarquable par un tableau qu’elle renferme, et qui re présente cinq femmes vêtues : Pasiphaé, Myrrha, Canacé, Scylla et Phèdre ; le nom de chacune est marqué près de sa tête, en caractères très-lisibles. Il y a encore quelques doutes sur le der- nier de ces noms, parce que le temps et l'humidité du terrain en ont un peu altéré les traits. Du côté droit de cette chambre on en a découvert une autre, où étoit une statue de Vénus anadyomène, de grandeur na- turelle, mais la tête manque. Près de cet endroit on a trouvé le fragment d’une autre Vénus. Ce plan donne dans une cour entourée de portiques qui soutiennent une terrasse haute d'environ soixante palmes. Ces portiques étoient formés de colonnes d'ordre dorique, sans bases , en travertin, couvert de Tor-Marancio: 119 stuc canelé. Ils forment un contour de cinq cents palmes ; le pavé des trois côtés qui restent, étoit couvert de mosaïques de différens dessins. Dans cette même cour on a trouvé trois ouvertures de puits qui w’étoient ni de marbre, ni historiés, mais de simple maçonnerie. Gelle de ces trois ouvertures qui est située dans un angle, ne laisse aucun doute qu'elle mait con- duit à un réservoir d’eau. On a trouvé auprès de là deux conduits de plomb, dont chacun porte l’inscrip- tion suivante : MUuNATIAE. M. FILIAE. PROCULAE. On a découvert deux autres trous dans l’un desquels on a trouvé un débouché qui conduisoit dans le plan inférieur. Dans l’un des trois pavillons du portique, qui servoit probablement de garde-manger, ily avoit un vase d’une grandeur énorme, posé sur une pierre de Péperino, et pareil à ceux dont les marchands d’huile font encore usage aujourd’hui. On a découvert une autre statue de Vénus, à la- quelle il manquoit la tête et un pied; elle avoit été précipitée de dessus un autel voisin, formé par cinq gradins de ciment, de couleurs variées. Du côté gauche du portique , on découvrit deux autres chambres . l'une de la grandeur de quarante palmes carrées ; l’autre formoit un carré qui avoit quarante palmes de longueur sur vingt-quatre de largeur : le pavé de cette chambre étoit une mosaïque très-jolie, mais dont le sujet n’est pas d’un intérêt particulier. Plus en avant de cette chambre étoit un autre appartement long de soixante-quatre palmes, et large de vingt-quatre ; les murs sont sans colonnes. Le pavé de mosaïque que l’on trouva représente un vase dans lequel sont deux sar- 6, 116 Rome. Fouilles. mens de vigne, qui se répandent autour, et forment un berceau de pampres, garni de raisins que béquetent plusieurs oiseaux. A la distance d'environ cinq cents pas de cet endroit et d’une lieue de la via Appia, vers le tombeau de Cœcilia Metella , on a découvert un autre édifice en- core plus vaste que celui que nous venons de décrire : jl est situé sur une colline plus élevée que la première, et d’où l'on jouit bien mieux de l'aspect de la ville. D'abord on a trouve un mur circulaire; en continuant les fouilles, on découvrit les ruines d’une maison ; des figures grotesques d’animaux sont peintes sur l'enduit du mur, et dans un très-bon style. Sur le dos de la montagne est un autre pavé de mosaïque, qui repré- sente un triton sonnant d’une longue trompe, un tigre marin, un taureau, un autre monstre, et un grand poisson. Dans le voisinage de ces ruines étoient plu- sieurs chambres également pavées de mosaïque. J’un de ces pavés représente d’un côté une poule plumée suspendue à un clou, et des poissons de plusieurs espèces ; au-dessous est un panier avec de ces autres petits poissons ; de l’autre côté est un bouquet. de dattes, également suspendu à un clou, et supérieure- ment bien imité ; au-dessous est un autre bouquet, mais on distingue avec peine s'il est formé d'herbes. Enfin, on y voit encore un autre poisson. Cette mosaïque, et les trois mæandres qui l'entourent, occupent un espace de six palmes carrées : chaque mæandre est exécuté d'une manière particulière : le travail est si fin, que plusieurs personnes l'estiment au-dessus de celui des célèbres colombes du Capitole | | | | | | | © Tor-Warancio. 117 qui ont été vantées par Pline. Nous ne garantissons pas cette opinion, car les colombes du Capitole sont de pierre saturelle, tandis que ces mæandres sont d'émail; ce qui établit une différence considérable dans la manière dont ces deux ouvrages ont été exé- cutés. Dans la plaine qui s'étend au pied de cette mon- tagne on a découvert un autre portique qui formoit sans doute la cour de la maison de campagne. Il y avoit également un vase d’une grandeur énorme, des fragmens d’un lion, d'un taureau , un torse de terre cuite, plus petit que nature, et d’autres figures, notam- ment un hermaphrodite qu tient un enfant dans ses bras : il est haut de trois palmes environ , mais la tête manque. İl y a aussi une grande salle pavée de marbre avec beaucoup de goût, et ornée de corniches de marbre blanc, noir et rouge. Il est remarquable qu’on y a trouvé de cette dernière sorte plus de vingt pièces de différentes grandeurs. Les fouilles que l’on a com- mencées sur la sommité de cette colline, donnent des traces d’un superbe tombeau. La splendeur de ces édifices, le grand nombre de simulacres de Vénus et d’autres , les sujets que repré- sentent les mosaïques, montrent que Munatia Pro- cula, à qui appartenoit cette villa, étoit une dame romaine de bon goût, et qui suivoit plutôt l’école d'A- ristippe que celles des stoïciens ou des péripatéticiens. Les fouilles que M. le prince de Canino fait faire à l'endroit où étoit l’ancien Tusculum, offrent de jour en jour des résultats intéressans. Les amateurs, les antiquaires , et surtout les savans architectes, altendent avec impatience la publication des dessins 118 - Rome. Fouilles. Canino. et une description détaillée de l'édifice remarquable qui a été trouvé dans le courant du mois d'août der- nier, et dont nous allons donner quelques notices d’après un article du Diario Romano. Près dun chemin qui est pavé de morceaux de ba- salte d’une grandeur peu commune, on voit deux murs construits en pierres de taille très-grandes, et qui ren- ferment un escalier à six gradins. Cet escalier conduit à une porte par laquelle on entre dans une chambre où il y a deux réservoirs qui reçoivent une eau fraîche et légère. Cette eau y est conduite par un canal creusé dans le rocher, et long d'environ une lieue, à com- mencer de la source. Sur le devant de ces réservoirs, est un autre canal qui se décharge dans un puits, d’où les eaux passent sous terre. Cet escalier n’est pas la seule avenue de cet édifice ; on en a découvert une autre qui conduisoit anciennement dans la plaine ; c'est un chemin qui est à une profondeur de trois pieds au-dessous de celui dont nous avons parlé : sa construction mérite une attention particulière. Les deux murs latéraux de la chambre s’élèvent et se rap- prochent par une ligne courbe ; ils se rencontrent en- suite , et forment ensemble un arc gothique ou à cintre aigu. Cette construction est certainement extraordi- naire : car au lieu de s'effectuer dans un point de milieu, la liaison de deux pierres est toujours hori- zontale, ce qui la rend plus solide et plus commode. Cette circonstance nous porte àattribuer l'ouvrage à des temps très-anciens, où ont été bâtis les murs cyclo- péens, qui sont antérieurs à la plus grande Cloaque : car fous ne trouvons d'exemple d’une pareille cons- Pompéi. Fouilles, 119 truction que dans les masses gigantesques des AÆoyp- tiens, et dont ils paroissent ĉtre une imitation ; nous dirons même que c’étoit un édifice public, peut-être un abreuvoir, auquel conduisoit, comme il a été dit, le chemin inférieur ; cependant nous ne prétendons pas faire trop valoir une conjecture aussi hardie; quand les fouilles seront plus avancées, ce qu’on peut espérer du zèle de M. le prince de Canino, et que l’on connoîtra cet édifice plus en détail, il sera plus facile de déter- miner avec certitude l’époque de sa construction, et l’usage qu’on en a fait. — Les dernières fouilles de Pompéii ont fourni plu- sieurs bronzes plus ou moins bien conservés. On a distin- gué parfaitement un Apollon en pied ; un vêtement léger. ceint ses reins, et les extrémités tombent délicatement sur ses bras; la marche du dieu est gracieuse ; sa tête penche du côté gauche. Les bras, dont une partie manque, sont dans une direction horizontale vers le même côté, ce qui fait présumer que le dieu jouoit de la lyre. Ses beaux cheveux, ceints d’une bandelette légère, se joignent au sommet de la tête, et retombent avec grâce sur le dos, le cou et la poitrine. L’atti- tude animée , la beauté des formes et la perfection du travail, rendent ce bronze très-précieux. On a décou- vert le buste d’une femme vêtue d’une tunique, dont les manches ne couvrent pas l’avant-bras; de petits boutons, de façon differente , et symétriquement posés , la ferment sur le devant : une seconde tunique sans manches couvre la première ; ce vêtement est retenu sous le sein avec une légère ceinture ; l'attitude paroît être celle d’une personne qui tire de l'arc; la 120 Pompeii. Fouilles. tête est coiffée d’un bandeau avec un diadème. Ce buste offre une particularité très-singulière : l'artiste lui a donné des yeux dďd’email, et le temps les a respectés. Plusieurs personnes ont cru reconnoître dans ce buste une Junon ; mais lorsqu’on remarque le croissant qui est sur le diadème, on est plutôt porté à le prendre pour une Diane lançant une flèche. Au sommet de locciput est un petit trou par lequel on peut faire remuer les yeux. à — On a découvert aussi à Pompeii , une curieuse inscription, qui servoit de base à une statue de Romu- lus. M. l'abbé Romanelli l’a publiée dans le Journal de Naples, du 18 novembre 1817, et il a suppléé ce qui manque. M. Fea, dans le Diario Romano du 4 dé- cembre , a fait quelques observations sur l’interpréta- tion de M. Romanelli : celui-ci doit faire paroître, . dans Ze Journal Encyclopédique de Naples, cette belle inscription, avec un savant commentaire : l'inscription sera probablement gravée; nous en rendrons compte aussitôt que ce journal nous sera parvenu. FRANCE. Un amateur qui possède, à Besançon, un petit cabinet, nous a fait voir, à Paris, un morceau de ciment singulier, sur lequel on lit : Morceau de brique de la tour de Babel. Cette étiquette étoit bien faite pour attirer l'attention. Le morceau de ciment n’a rien de remarquable , mais sa surface est curieuse ; c’est une substance mammelonée , lisse , d’un brun noirâtre. Elle a l'apparence du bitume, mais elle est d’une dureté ds Lo clins es TOUS PSE. PE 3 France. 121 -qui résiste au marteau. J’ai remis ce morceau , qu’on assure venu d’une construction babylonienne , à mon savant confrère M. Vauquelin; et voici la note qu'il m'a donnée : Cette pierre a fourni, sur cent parties, les substances suivantes ; savoir : ei e Or A an sels E AE EP 7,33 E E A a P a ANA NU EE RES 48,33 MAO. aa a T OA A RA AR s 9,33 ARODEyUe de fente ne RIRE ea 15,00 FAT EN RSS OS AN SE a EE RE 14,00 pA Swat de chaux TNT 5,00 98,99 Perte a O 100,00 L'aspect vitreux que présente cette pierre sur une de ses surfaces, annonce qu’elle a servi à la construction de quelque fourneau, ou au moins qu’elle a été expo- sée à un feu violent, et qui a duré long-temps. Ce morceau ressemble plus à un ciment qui a été employé mou, et desséché ensuite par la chaleur, qu’à une pierre naturelle. L’humidité qu’on y a trouvée a été absorbée depuis qu’elle a cessé d’être chauffée. — M. Visconti, dans son Iconographie grecque (1), avoit attribué à un prince parthe, appelé Mnaskyrès, quelques médailles dont les lettres confuses rendoient le nom presqu'indéchiffrable. Une belle médaille du cabinet de lord Northwich, l’a mis dans le cas de (1) Zconog. grecque , part. II , chap. XX, XXY et XXX. 122 Paris. Académies. rectifier lui-même cette première explication. On y voit un roi parthe couronné par deux Victoires, et au revers une femme coiffée d’une tiare droite, et on lit : OEAS OYPANIAZ...... OYEHS BAZIAISEns que M. Visconti interprête : de la déesse Céleste ( Uranie) la reine... use. (Thermuse). Il y reconnoit Phraate IV et Thermusa, esclave italienne qui lui avoit été donnée par Auguste avec d’autres présens , et dont il avoit fait son épouse légitime en la comblant d’honneurs et de prérogatives. Josephe nous a conservé son histoire. Cette belle mé- daille est figurée dans le dernier Numéro (décembre) du Journal des Savans, et accompagnée d’une notice courte mais excellente, comme tout ce qui sort de la savante plume de ce célèbre antiquaire. — L'Académie des inscriptions et belles-lettres a ajourné à six mois les nominations qu’elle doit faire de deux membres en remplacement de MM. Dupont de Nemours et Clavier. Le bruit que faisoit la Clochette commençant à diminuer , le Théâtre Feydeau vient de donner un ou- vrage intitulé /e Prince d'occasion ; son succès n’a pas été contesté, mais il n’a pas non plus été brillant : voilà ce que c’est que d’habituer le public au merveil- leux, il devient plus difficile à contenter. Cependant si l’on veut de la magie et des person- nages extraordinaires, le génie de nos auteurs ne peut-il, sous une enveloppe bizarre, couvrir une conception vaste et des caractères profonds? La foule couroit au Festin de Pierre des Italiens : la statue parlante faisoit fureur. Que fit Molière ? il s’em- para du sujet, il fit aussi un Festin de Pierre, Paris. Théâtres. 123 et créa le rôle de D. Juan. On trouva dans sa pièce le plus comique des Sganarelles , et l'excellente scène de M. Dimanche. Ily a un peu loin de là au Prince d'occasion : mais c’est pour dire en passant que si le public veut tant de décorations et d’effets mécaniques, c’est un peu la faute des auteurs qui ne lui donnent pas assez de comique de situation ou de dialogue. Le Prince d'occasion est un comédien que l’on fait passer pour un grand personnage, afin de mystifier un gentilhomme campagnard, qui est complétement dupe de la ruse ; le tout est pour amener un ma- riage qui réussit selon les us et coutumes du théâtre. Une musique légère , facile et gracieuse, a contribué à faire entendre avec plaisir cet opéra : elle est de M. Garcia, acteur très-agréable du Théâtre Italien ; M. Lamartelière est l’auteur des paroles. — Le Théâtre de l'Odéon qui vit depuis deux mois de l'Homme gris, vient de donner deux petites pièces. Maria ou la Demoÿselle de compagnie, risque fort de ne pas voir grande société; elle est froide, guindée et peu brillante, malgré ses petites prétentions : c’est la servile imitation d’un petit conte de M. Pigault- Lebrun, arrangé en vers aisés par M. Léger. La Maison en loterie est une comédie de M. Picard, mise en vaudevilles par M. Radet. Il y a de la gaîté , du comique et du naturel dans cette petite pièce. Le billet de loterie qui a été donné à une jeune fille, a passé de main en main, et elle se désole quand elle apprend que ce billet est le gagnant : heureuse- ment pour elle qu'il est arrivé jusqu’à son amant qui à 124 Paris. Théâtres. le lui rend et l'épouse. Un rôle de bossu, joué par Armand a fort amusé. Paris à Pekin, malgré ses changemens à vue, voyoit déjà la salle du Vaudeville se changer en un désert. On lui a adjoint / Homme vert, imitation de ? Homme gris. Nous sommes dans le siècle des imitations : c’est une triste preuve que l’on invente peu. Une pièce un peu originale fait éclore dix copies : après le succès de l'Homme gris, on a lu aux Variétés ? Homme jaune, qui a élé réfusé : on a fait l Homme rouge et bleu, qui n'a pas été joué ; enfin voilà Homme vert qui n’a pas plus de raison pour être vert que pour être noir. C’est encore un personnage mystérieux qui vient dans un village pour faire rendre justice à une orpheline que Pon veut dépouiller: On le prend pour un esprit, quoi- qu’il ne donne guère lieu à la méprise. Enfin il ouvre sa robe verte, et fait voir qu'il est ronge : alors on reconrroît lord Selmour, et la pièce finit. Le dénoû- ment a été un peu sifflé : les auteurs ont été demandés par quelques amis, et il ne s’est pas trouvé d'acteur assez complaisant pour venir les nommer. Cela a donné lieu à une scène assez nouvelle. Madame Bodin , qui avoit joué la duegne , est venue faire trois révérences , et annoncer... qu'ils vouloient garder l'anonyme. - Les Nouvelles Danaïdes, à propos des anciennes, ont éprouvé une des plus lourdes chutes que le Théâtre des Variétés ait vues depuis long-temps. Les auteurs avoient pourtant beaucoup compté sur une gloire qui faisoit leur dénouement : mais leur gloire a été promptement dissipée par les sifflets ; la pièce manquoit de malice et de gaité. Paris. Théâtres. 125 Tn'y aplus d'Enfans, ou la Journée d'un Pensionnat), est un petit tableau léger, mais spirituel, dans lequel la manie de la politique est assez gaïment critiquée, ainsi que l'éducation qu’on donne aux jeunes filles dans certains pensionnats. Ce n’est pas une comédie, mais un vaudeville dans lequel beaucoup de couplets spirituels ont été applaudis. Les auteurs n’ont pas cru devoir se nommer : on dit qu'ils sont trois, c’est beau- coup pour si peu. La commission nommée pour rétablir la gloire de la scène française, a terminé ses opérations ; le réta- blissement va donc commencer. M. Jouy a lu au Théâtre Français une tragédie in- titulée Bélisaire, qui a été entendue avec beaucoup d'intérêt. On avoit répandu qu’au moyen de quelques arran- gemens , Potier restoit aux Variétés ; on a acquis par les journaux la certitude du contraire. Ce théâtre et Potier regretteront bientôt également cette séparation. D] * EXTRAITS ET NOTICES. ` RÉTORMATIONS-A LMANACH , etc. : Almanach de la Réformation, publié par F7. Keyser. Erfurt, Keyser, 1817. In-8°, avec planches. Parmi les nombreux écrits auxquels la troisième année sécu- laire de la Réformation a donné lieu , celui que nous annonçons mérite d’être distingué. Plusieurs des savans les plus estimés en Allemagne se sont réunis pour donner au public sous la forme d’un almanach, qui sera continué pendant quelques années, un recueil de notices sur l’histoire de la Réformation en général, et celle de chaque pays en particulier; sur les circonstänces qui ont provoqué cet événement; les prin- cipes du protestantisme, l’état de la théologie’et de l'Eglise protestante, à différentes époques; et enfin sur la vie des hommes qui ont le mieux mérité de la cause du protestantisme depuis son origine jusqu’à nos jours. L'importance des sujets rend cet ouvrage intéressant, non- seulement’pour ceux qui ont adopté la Réformation, mais en- core pour l'historien et le philosophe. C’est pourquoi nous en donnons l’analyse sans y joindre aucune observation. Les rédacteurs de cet almanach n’ont rien négligé pour attirer l'attention des lecteurs ; l'extérieur même du volume que nous annonçons est curieux. La couverture représente, d’un côté, un des plus beaux monumens de l'architecture gothique, en Allemagne, la cathédrale d’'Erfurt, telle qu’elle étoit au temps de Luther. Ce réformateur y a passé toute la période de sa vie monastique. Sur l’autre côté de la couverture, on voit, au premier plan, la ville d’Eisenac, où Martin Luther avoit fait ses premières études, et qu’il appeloit sa ville chérie, Dans le fond est le château de Wartbourg, où il fut enfermé en 1521, à son retour de la diète de Worms, par ordre de l'électeur de Saxe, pour être en sûreté contre ses ennemis , et où ila fait sa tra- duction de la Bible. L'introduction est ornée des portraits de Luther, de Cathe- = D Martino Catharina u. Boren. Luthero; Réformation. 127 rine de Bora, de Melanchthon, et des princes qui ont le plus puissamment défendu la cause de la Réformation. On y a joint des notices biographiques sur ces personnages. Trois de ces por- traits représentent Luther, moine, prisonnier au château de VWVäarthbourg, et réformateur libre. Ils sont réunis dans une seule planche, et ont été dessinés d’après un tableau qui est dans la sacristie de la cathédrale de Weimar, par M. Jagemann, artiste très-habile de la même ville, Ce tableauest peint sur bois, - de demi-grandeur naturelle, et l’on y voit les lettres VI en mo- nogramme et le millésime 1572 ; ce qui rend probable qu’il est de Vischer, élève de Kranach. Le portrait de Mélanchthon a été dessiné d’après Holbein , sur une copie d’un tableau qui est dans un ouvrage anglais, intitulé Zwifations of original drawings , etc. c'est-à-dire Imitations des portraits originaux des hommes célèbres qui ont vécu à la cour de Henri VIII, par Jean Holbein, publiés par John Chamberlaine. Londres, 1792, grand in-fol. On a choisi‘our modèle le tableau de Holbein , de préférence à ceux même des deux Kranach, parce qu’on y admire la fraicheur du coloris et la délicatesse, qui font le caractère particulier des ouvrages de ce maître, tandis qu’on reproche aux artistes allemands de ce temps de la dureté et de la sécheresse (1). La troisième planche représente les électeurs de Saxe, Fré- déric-le-Sage, Jean-le- Constant, et Jean-Frédéric-le-Magna- nime , zélés protecteurs de la Réformation. Ce groupe est pris d’un tableau peint sur bois, avec le monogramme de Kranach; il appartient à la famille de Henning , à Gotha; on l'a comparé avec les portraits en pied peints par Lucas Kranach, qui sont à Ja bibliothèque du duc de Weimar, et on l’a trouvé très- (1) Ce reproche est justifié par un ouvrage qui est du plus grand intérêt sous le rapport de l’art, et qui a pour titre : Bildnisse der Urheber der Reformation, c'est-à-dire recueil de portraits des auteurs de la Réformation, de leurs coopérateurs et de quelques-uns de leurs adversaires, d’après des gravures en bois, frites au seizième siècle; publié par M Becker, Gotha, 1817, grand in-fol. -£ 128 Histoire Ecclésiastique. fidèle. Si, malgré le monogramme qu'il porte, on hésite-à l'attribuer à ce maître, c'est qu'on n’y trouve pas le coloris animé et le fini d'exécution qui sont propres à ses ouvrages. Le portrait du landgrave Philippe de Hesse, qu’on voit sur la quatrième planche , est fait d’après l'un de ceux que renferme le précieux recueil d'anciennes gravures en bois, enluminées, qui est à la bibliothèque du duc de Gotha. Outre un nombre considérable de gravures en bois et en taille-douce, on a plusieurs portraits à l'huile de Catherine de Bora, femme de Luther. Ils ont été faits peu de temps après son mariage. M. Vulpius, conseiller et hibliothécaire du duc de Weïmar, en possède un de 1526, que l’on attribue à Kranach le jeune. M. Eberhard, directeur de la justice à Erfurt, en a un autre, sans millésime ni monogramme, mais qui est certainement de l’ancienne école allemande. Dans la collection particulière du duc de Gotha , on voit une imitation très-fidèle d’un pareil portrait, que Lucas Kranach a fait en 1528. M. Jagemann a pris ce tableaux pour modèle, de préférence au nombre considérable de gravures en bois ou en taille-douce qui représentent Catherine de Bora. Sur la 6€ planche il y a deux bagues (1) nuptiales de Luther et son écriloire. Elles sont d’or. Celle qui est figurée sur la planche ci-jointe, est la mieux travaillée ; d'un côté (n° 1-4), un rubis y est enchâssé; plusieurs figures qui font allusion à ja passion (n° 3-4), réparées au burin ou en relief, ornent le dehors, et en dedans, on lit les noms des deux époux, avec Ja date du 13 juin 1525 (n° 6) , jour de leur mariage. Une fa- . mille protestante qui habite Léipzig, possède cet anneau (2). L'autre bague est composée de deux anneaux, et d’un côté ornée d’un rubis, symbole de lamour, et d'un diamant plein de feu, symbole de la force, de la persévérance et de (1) Voyez la planche jointe à cet article. (2) Pendant la dernière guerre pour la délivrance de l’Alle- magne, cette famille voulut metire la bague à la disposition de S. M. le roi de Saxe, comme don patriotique ; mais ce sou- verain l’a rendue à ses propriétaires. + CE Réformation: 129 la fidélité. Ces pierres sont contiguës et forment ensemble une pyramide tronquée. Les deux faces intérieures portent les initiales des noms des deux époux; sur le rubis, on voit les lettres C. V. B. (1), sur le diamant les lettres M. L. D. (2). Sur le dehors de la bague, on lit autour les mots : was cor ZUSAMEN FIEGET SOLL KEIN MENSCI SCHEIDEN (3). Cette bague étoit autrefois conservée à labibliothèque publique d'Helmstaedt, ainsi que celle de docteur , que Luther obtint en 1512; aujour- d'hui elle est à Wolfenbuttel. On voit une gravure enluminée et une description détaillée des deux bagues nuptiales dans le recueil intitulé Czriositaeter , c’est-à-dire curiosités , vol. l, pag. 560, et vol. II, pag. 388. L’écritoire que l’on voit sur la même planche dans l’alma- nach (4), consiste en un coffret que l’on peut fermer à clef, et qui a quatre séparations , et au fond deux tiroirs. Dans l'espérance d’un prochain retour, lors de son dernier voyage à Eisleben, en 1546, Luther laissa son écritoire , sa canne et son porte-feuille dans la maison de Joseph Tentzner, intendant des salines à Halle, où il avoit séjourné quelque temps. L’écritoire fut successivement acheté par Jean-George Zeidler, à Halle, et par le conseiller Buttner, à VVeissenfels.; Lorsqu’en 1754, le cabinet de M. Buitner devint la pro- priété de l’Académie impériale des Curieux de la Nature , on déposa l’écritoire dans la cellule que Luther avoit habitée dans le couvent des Augustins à Erfurt. Jean Crotus , recteur de l’Université de cette ville, en 1520 , voulut honorer la mémoire de Luther et de ses coopé- rateurs , dont plusieurs avoient illustré cet établissement lit- téraire. Il fit dans cette intention peindre leurs armes dans le second volume de la matricule de l'Université. Ce tableau est très-curieux sous le rapport de l'art héraldique et de l'his- (1) Catharina Von Bora , Catherine de Bora. (2) Martinus Luther Doctor. (3) Ce que Dieu a joint , l’homme ne doit pas le séparer. (4) Nous ne l'avons pas fait graver non plus que la seconde bague. Tome I. Janvier 1818. 9 130 Histoire Ecclésiastique. toire littéraire, Il est représenté sur la sixième planche de l'almanach. Fig.ı. Le milieu du tableau représente les armes de Erotus ; dans le champ d'argent on voit un bras d’or soriant de nuages leus, et tenant un cor de chasse noir, garni d'or. Le cor de chasse fait allusion au mot jæger, véritable nom de Crotus, et qui signifie chasseur 2. Martin Luther, une rose blanche ouverte dans un champ d'or ; les feuilles du calyce sont saillantes; dans le fond de la fleur est un cœur rouge avec une croix de patriarche en or. 3. Ulric de Hutten, deux bandes rouges dans un champ d'or (1).4. Æobanus Hessus , célèbre poëte , et professeur de l'Université d'Erfurt : dans un champ d’or est un cygne blanc qui regarde des nuages dazur. 5. Juste Jonas, d’abord pro- fesseur à Erfurt , puis à Wittemberg : un champ d’or porte une tète de baleine d'azur; elle semble rejeter un homme dont le teint est naturel. L'image fait allusion à l’histoire de Jonas , dans l’Ecriture. 6. Erasme de Rotterdam , un terme d'or dans un champ rouge. 7. Jodocus Menius, alors ba- chelier en philosophie dans l'Université d’Erfurt, et qui en- suite fut successivement prédicateur dans cette ville, à Ei- senac, à Gotha et à Leipsic. Un champ couleur de pourpre porte le monogramme du Christ en or; ce signe se termine en flèche, de chaque côté de laquelle est une des deux ini- tiales du nom de Jodocus Menius. La tête de l’écusson est en or : elle porte les lettres C. H. V. (2) 8. PAilippe Mélanchthon : dans un champ bleu on voit une croix d’or entortillée d’un serpent. 9. Joachim Camerarius , successivement professeur à Erfurt,à Nuremberg, à Tubingue et à Leipsic: trois corbeaux noirs dans un champ d'argent. 10. Jean Lange, docteur et professeur en théologie, prieur du couvent des Augustins, à Erfurt, dans la suite doyen des ministres du culte évangé- lique de la même ville : dans un champ rouge on voit un lapin (1) On sait que Crotus et Ulric de Hutten sont les auteurs des Zpistole obscurorum virorum. (2) Christus Hestes Vincit. ru - Reformation. 131 blanc qui grimpe sur des rochers peints en couleur naturelle. i1. Adam Crato, alors professeur en philosophie à Erfurt ; ensuite professeur en théologie , et surintendant ecclésiastique à Marbourg : dans un champ d'or est un cep de vigne por- tant du feuillage vert et des raisins rouges. 12. Z£erback : l'Université d’'Erfurt possédoit deux savans de ce nom ; l’un éloit professeur en médecine ; l’autre en philosophie; tous les deux ont contribué beauconp à faire fleurir les lettres. On ne sait à qui des deux apparliennent les armes qui sont représentées dans le tableau ; ces armes sont un sanglier (1) noir dans un champ d’or. 13. Jean Reuchlin , professeur des langues grecque et hébraïque ; à Tubingue : un autel rouga portant dés flammes au-dessus , et l'inscription ARA CAP (2} sur l’un des côtés, champ d'argent. 14. Jean Draco, de Carlstadt , qu'on ne doit pas confondre avec l'iconoclaste André Bodenstein de cette ville, oceupa successivement des chaires de professeur à Erfurt, à Marbourg et à Rostock. Ses armes sont un dragon noir dans un champ d’or. 15. Ur- banus Regius , professeur à Ingolstadt , puis pasteur à Zelle : ‘un bandeau d'or porte les lettres C. M. T. (3) ; deux coins du champ sont ornés d’une rose blanche. 16. George Petz, appelé Forchheim , du nom de sa ville natale, professeur et pasteur à Erfurt ; son monogramme dans un champ d’or. 17. Conrad Mutianus Rufus , chanoine à Gotha : deux che- yrons d’or, avec une rose rouge, dans un champ d'argent. Cette introduction est terminée par un fac simile de l’écri- ture de Luther et de Mélanchthon, et un catalogue de plusieurs manuscrits et des curiosités qui décorent encore aujourd’hux la cellule que Luther habitoit dans le couvent des Augustins, à Erfurt. Nous avons décrit ces objets, qui intéresseront peut- (1) Le sanglier se nomme en allemand Ečer : ce signe faig allusion au nom d'Eberbach. (2) Ara Capnionis. Selon l'usage des savans de son temps , de traduire leur nom en grec ou en latin, Reuchlin se nom= moit souvent Caprio, de Kapnies , enfumé, Æeuchig. (3) Christus Mundum Transigit. 9: 152 Histoire Ecclésiastique. être les lecteurs par leur singularité : nous allons indiquer les pièces les plus importantes de cet Almanach; nous nous borne- rons aux détails historiques, et nous exposerons fidèlement les idées des auteurs comme tenant à l’histoire de l’Eglise et à celle de esprit humain. Dans un traité fort érudit, M. Jean Voigt, de Halle, a cherché à prouver par l'histoire la nécessité de la réformation. Les deux grands mobiles, dit-il, qui déterminent et dirigent les actions de l’homme, et que l’on peut par conséquent regar— der comme les sources principales de toute son histoire, sont le sentiment et la raison. Le raisonnement produit la convic- tion, tandis que le sentiment est la base de la foi. Chez les anciens, ajoute-t-il, le sentiment l’emportoit d'abord sur le raisonnement ; la religion et la vie privée des Grecs en fournissent des preuves. Dans la suite, ce peuple cultiva éga- lement l’une ct l'autre de ces deux facultés, et l'équilibre qui en fut le résultat l’a élevé à cette hauteur qui lui a valu Padmi- ration de tous les siècles. Si l’on compare aux Grecs les Romains, ' sous le rapport de la culture religieuse et littéraire, de la forme du gouvernement, de l’état des arts, on voit que chez ce peuple la prépondérance de la raison étoit aussi forte que celle du sen- timent chez les Grecs. Chez les premiers chrétiens, le raison- nement avoit fait des progrès assez grands, maïs le sentiment prédominoit toujours : leur foi étoit inébranlable. Néanmoins le raisonnement commença à se manifester ; quelques docteurs osèrent dévier de la croyance reçue ; mais bientôt leur secte s'éteignit, et la foi triompha. Peu à peu le raisonnement se déve- loppa et se fortifia aux dépens du sentiment ; on commença à combattre et à rejeter ce que les ancêtres avoient cru comme des vérités; le combat devint sérieux; les deux partis trou- vèrent des appuis fermes dans des événemens étrangers à la question. Les empereurs chrétiens défendoient la cause du raisonnement ; les papes, celle du sentiment et de la foi; les hérétiques cherchèrent à examiner, à prouver ou à réfuter cer- tains dogmes de la religion , qui sembloient être incompatibles avec le raisonnement, tels que ceux de la Trinité, des deux ne uen dl en ne Dot ES D Réformation. 133 matures du Christ, du péché originel, du libre arbitre, etc. L'Eglise eut pour soutiens les Pères, qui étoient enflammés d'un saint enthousiasme pour ce qu'ils regardoient comme des vérités inébranlables, et les institutions monastiques , qui jouis- soient de la vénération des fidèles, lors même que plusieurs étoient sur leur déclin. Des hommes, zélés pour la cause du sentiment et de la foi, savoient toujours ranimer dans les moines lélincelle prête à s'éteindre. Telle est l’histoire du combat du sentiment et du raisonnement pendant le sixième et le septième siècle. F L'iconomachie agita le siècle suivant. Dans l’empire d'Orient, le nombre des partisans du raisonnement augmenta chaque jour, lorsque les relations entre le pape et le roi Pepin de- vinrent plus intimes, et qu’en Allemagne, Boniface répandoit avec succès l’ancienne croyance. Dès lors s'établit successive- ment la suzeraineté que le pape exerça pendant si long-temps sur tous les souverains; ceux-ci firent, à leur tour, des efforts pour maintenir leur indépendance temporelle; de nouveaux hérétiques attaquèrent les dogmes de la sainte-cène, de la grâce, de la prédestinalion, et voulurent abolir tout culte extérieur. . Le siècle de Grégoire VII arriva ; ce pontife éleva l'Eglise au comble de la puissance. Ses successeurs, non contens de voir ce pouvoir établi au dehors, voulurent gagner les cœurs pour la cause du sentiment et de la foi; on prêcha les croisades. Il est évident que par leur influence sur-la puissance temporelle des princes, sur la culture des différentes classes de la société, sur les sciences, le commerce et l'industrie fces entreprises favo- risèrent plus que celles de la hiérarchie les progrès du raisonne- ment .La philosophie scholastique, la doctrine des Vaudois, des Albigeois, d’ Abélard, d’Arnold de Brescia, et les efforts de Frédéric I, tendoient au même but. Ils furent réprimés. Leurs principes furent condamnés, mais non détruits ; ils animèrent Frédéric IE, les Gibelins, Philippe-le-Bel, Louis IV. Les Uni- versités de Paris et de Bologne créèrent en Europe une opi- nion publique ; on commença à nier la primatie de saint Pierre, LA 134 Histoire Ecclésiastique. la suprématie et Pinfaillibilité du pape. L'inçuisition : les jubilés, es büchers, les indulgences , furent employés pour donner une nouvelle puissance à la hiérarchie, mais inutilement; le grand schisme survint, et acheva d'anéantir dans les esprits le respect pour cette institution , et de faire prédominer Îles idées de liberté. Henri de Langenstein et Jean VVessel, en Allemagne; Pierre d’Aïlly et le chancelier Gerson, en France ; Jérôme Savona- rola, le Dante, Pétrarque et Boccaccio, en Italie, s’élevèrent hautement contre les indulgences, le purgatoire, les abus de la messe , ils réclamèrent la liberté des consciences et un concile général. Comment, au milieu de cette agitation, les Anglais auroient-ils pu rester dans l'inactivité, cette nation, qui se plai- gnoit d’avoir plus qu'aucune autre gémisous le joug de la cour de Rome et du clergé? Bientôt Jean WViclef fit éclater le mécon- tentement général dont elle étoit animée ; outre les principes que ses précurseurs avoient répandus parmi les antres nations de l’Europe , il enseigna que la sainte Ecriture étoit l'unique règle de la foi chrétienne, que l'Eglise devoit nécessairement être réformée, qu’on devoit abolir ies moines mendians, etc. Un siècle après, Jean Huss prêcha la même doctrine dans la Bohème , sa patrie ; il succomba ; mais ses principes se propa- gèrent, et même les conciles de Pise, de Constance et de Bâle, bien loin de raffermir dans ces contrées l'autorité du sou- verain pontife, contribuèrent puissamment à l'affoiblir. L'an- cienne croyance qui respectoit en lui le vrai vicaire de Jésus- Christ, le saint pasteur du grand troupeau, s'éteignit de plus en plus; le raisonnement ne vit en lui qu’un homme suscep- tible, comme un autre,' de passions , de vices et de foiblesses. La conduite d'Innocent VIII, d'Alexandre VI et de Jules IF, ne fut pas propre à détruire cette opinion. Léon X, par la pureté de ses mœurs, avoit fait naître l'espérance qu'il rendroit le Saint-Siége digne de la même vénération dont il jouissoit dans les anciens temps ; mais il n'eut pas la prudence d'abandonner des prétentions qu'il étoit impossible de soutenir, et contribua par là, lui-même, à faire éclater l'orage qui s’étoit depuis si long-temps préparé. Le raisonnement l’emporta sur le senti- Reformation. 159 ment; Luther vinta Des Hide allemands avoient élevé le pape; ilsavoient puissamment contribué à construire l’édi- fice de la hiérarchie : un moine allemand réussit à l'ébranler. Dans la seconde pièce, M. Chr. Niemeyer, pasteur à Dede- leben, examine Zes événemens qui ont préparé la ÆRéformation de Luther, et combien cel homme a influé sur son siecle. Dans les premiers siècles du christianisme, dit-il, la prépondérance des évêques de Rome, et leur puissante influence sur les fidèles, furent aussi nécessaires, aussi bienfaisantes que la doctrine de Luther l’éloit au seizième siècle. L'Occident, plongé dans les ténèbres, devoit recevoir les lumières du christianisme : tel éloit l'arrêt de la Providence. Rome étoit le dépôt de ces lu- mières ; elle avoit le pouvoir et la volonté de les répandre : elle devoit donc être l'instrument dont la Providence se servoit pour exécuter ce dessein. Rome étoit le dépôt des lumières ; car, lorsque les Barbares du Nord culbutèrent le trône des empereurs , et ensevelirent sous ses ruines les sciences, les arts et toute culture , le clergé romain sauva les précieux restes de ces biens, et les conserva avec sollicitude. Rome avoit le pouvoir de répandre ces lumières: car l'éclat bienfaisant de cette lumière la fit regarder comme céleste; et les Goths, les Francs et les Lombards, qui bravoient toute puissance humaine, se soumirent à la puissance irrésistible de la vérité divine. Les pasteurs que Rome envoyoit parmi les infidèles , prêchoient un Dieu de charité, père commun de toug les hommes, et le Christ devenu pour eux justice, sanclifica- tion et rédemption ; ils réveilloient ainsi parmi les nations les plus barbares l’amour de la vertu et le goût pour la vie sociale. Dans les lieux où il y avoit des couvens , des églises et d’autres établissemens ecclésiastiques , des écoles furent fondées , l’agriculture et l'industrie commencèrent à fleurir, et les hommes qui propageoïent avec tant de zèle la doc- trine de l'Evangile, enseignoïent en mème temps les sciences et les arts, et cherchoiïent par tous les moyens qui étoient à leur disposition à mériter l’amour et la confiance des nouveaux convertis, Rome avoit donc le pouvoir de répandre la lu- 136 … Histoire Ecclésiastique. mière céleste dont elle conservoit le dépôt précieux; les faits prouvent qu'elle en avoit la volonté; la prépondérance que l’évèque et le clergé de cette ancienne capitale de l'Univers avoient dans les premiers siècles du christianisme , étoit l'ins- trument dont la Providence se servoit pour disperser les té- nèbres qui couvroient les esprits, pour relever et unir les na- tions, et les rendre heureuses. Mais bientôt cette source de lumières et de bonheur fut troublée. M. Niemeyer cherche à prouver ce qu'il avance, par un aperçu rapide de l’histoire des papes depuis le septième siècle jusqu’à Léon X , et il passe ensuite à la seconde partie de son traité, dans laquelle il rend compte de la marche de la - Réformation pendant la vie de son auteur. L’article suivant traite de Pizflvence de la Réformation sur la religion , les mœurs, les sciences et la vie politique de ses par~ disans. L'auteur, M. Geofroi Erdmann Petri, diacre à Zittau , se propose d'examiner dans l'almanach de 1818 , l'influence de cet événément sur la culture intellectuelle, morale et politique des nations en général. Il trouve ces recherches d'autant plus intéressantes, que, de nos jours, plusieurs écrivains qui sont rentrés dans le sein de l'Eglise catholique, et qui jouissent d'un grand crédit, même parmi les protestans, ont con- sidéré la réformation, comme la cause de tous les maux qui ont accablé l'humanité, dans les trois derniers siècles. Les guérres de religion , la Saint-Barthelemi, les entraves que le fanatisme et l'esprit de parti ont misesaux progrès des lumières; Tirréligion et l'incrédulité qui signalèrent le dix-huitième siècle, la foiblesse de l'Allemagne , les malheurs de la Pologne, les horreurs de la révolution française: ce sont là, selon eux, les suites nécessaires et inévitables de la réforme de Luther, tandis que l’histoire prouve, selon l’auteur , que cette réforme est la source principale des progrès que les peuples de l'Europe ont faits dans toutes les branches des connoiïssances et dans toutes les relations de la vie sociale. C’est elle qui a établi, dit-il, parmi les hommes, l'opinion qu'il y a des devoirs, dont ils ne doivent rendre compte qu'à Dieu; qu’en fait de religion l'homme KS Réformation. 157 west sujet à aucune autorité humaine , que chacun doit étudier = Jui-même avec attention l'Ecriture Sainte , que tout culte exti- ! rieur est inutile , s'il ne tend pas à épurer les mœurs el à ra- nimer la foi. En supposant que l'influence de la réformation | sur les mœurs ait été sensible, ajoute-t-il , elle a établi que la pi- reté du cœur et une vie sans reproches peuvent rendre agréables à Dieu , que la rémission des péchés ne s’acquiert, ni par des indulgences, ni par des pénitences canoniques, mais par le repentir du pécheur, par une foi sincère, et une obéissance constante aux lois divines. ‘L'influence de la réformation sur les sciences a été plus lente, mais non moins puissante que celle qu’elle a eue sur la religion , les mœurs, et la vie sociale des protestans. D'é- tude des langues anciennes, l'usage de la’ langue latine , de- venu général parmi les savans , l'invention de l'imprimerie et plusieurs autres circonstances avoient préparé la cuiture des sciences : maïs selon M. Niemeyer les principes du protestan- tisme en ont créé de nouvelles; telles que la critique du texte sacré , l’herméneutique , l’exégèse, la morale chrétienne, le droit de l'Etat, de la nature et des peuples ; et élevé à. un plus haut degré de perfection les autres , telles que la philosophie, la philologie , la jurisprudence, l’histoire politique et celle de l'Eglise , l'astronomie et les sciences naturelles. Il n'en est pas de même des arts : le protestantisme abolit la vénération des images , et la messe avec sa pompe dramatique et musicale. La rigueur qu'on exerça envers les arts, en les bannissant du cuite, ne pouvoit favoriser leurs progrès parmi les protestans ; mais comme la ré- forme ne s’étendit que dans les pays septentrionaux , dont le sol a été de tout temps plusingrat pour l’exercice des arts , que celui des pays méridionaux , on ne peut dire que ces obstacles aient été nuisibles à cette culture en général. On sait d’ail- leurs avec quelle sagacité des savans protestans ont expliqué les monumens de l’art, et en ont analysé les beautés ; et cette circonstance a prouvé que l'étude de l'antiquité classique a ranimé le sentiment du beau, même parmi les partisans de | | 138 Histoire Ecclésiastique. la réformation. S'il a été moins favorable aux arts plastiques, le protestantisme a contribué à perfectionner la poésie et l’élo- quence, en faisant regarder la prédication comme la partie principale du service divin , et en augmentant le recueillement des fidèles, par des cantiques spirituels. Il a en outre favorisé les progrès de l’industrie, en accoutumant l'esprit à l’exacti- tude et à la persévérance , et en faisant fleurir le commerce. Son influence la plus marquée , suivant M. Petri, est celle qu'il a exercée sur l'État. Il a délivré, dit-il , les princes du joug d’une puissance étrangère , augmenté le nombre de leurs sujets, par le retour du clergé, dans des relations civiles, enrichi les nations, en conservant des sommes immenses qu'on envoyoit à Rome. Il a inspiré aux peuples le patriotisme, et leur a fait envisager l’obéissance aux lois comme un devoir de reli- gion. Après cette apologie qu’il est curieux de lire , mais qu’on n’est pas obligé d'approuver , on lit un songe prophétique relatif à la réformation, songe que Frédéric-le-Sage , électeur de Saxe, eut, dit-on, dans la nuit du 30 au 31 octobre 1517 ; il est copié d'un manuscrit que l’on conserve dans les archives de VWVeimar. Un tableau des mœurs des contemporains de Luther ter- mine la première partie de cet almanach; il est composé de di- vers passages que M. Bretschneider , surintendant général ecclésiastique, à Gotha, a recueillis dans les ouvrages du réformateur. Luther gémit de la corruption si généralement répandue dans sa patrie ; selon lui la débauche, la fraude, l'avarice , l'incrédulité , le mépris de la religion, étoient dans toules les classes de la société les vices dominans. La seconde partie de l'almanach renferme quelques réfexions sur lesprotestantisme et la réformation , par M. Jonathan Schuderof, surintendant ecclésiastique à Ronnebourg, et un traité de la décadence de l Eglise protestante en Allemagne , ct des moyens de la rétaëlir, par M. de VVette, professeur de théologie à Berlin. M. Schuderoff examine ce que c’est que le protestantisme, _Réformation. 139 ce que la réfformation a fait en faveur du protestantisme , et quel préjudice elle lui a porté. Il entend sous le mot protestantisme d'abord une manière de penser, puis un fait historique. Dans le premier sens, ce mot ne signifie pas un vain pyrrhonisme ; mais une cons— tance qui s'oppose à tout ce qui est contraire à ce que l’homme prend pour la vérité et la justice. C’est ainsi qu'on peut dire que tous les défenseurs zélés , non-seulement de la religion, mais d'une opinion quelconque, ont été de vrais protestans. Considéré comme fait historique , le protestantisme signifie es efforts que les partisans de la réformation firent à la diète de Spire en 1529, et à celle d'Augsbourg en 1930 pour fonder une communauté religieuse, et pour la faire recon- noitre. Dons son traité de la décadence du protestanisme , M. de VVeite lui reproche d’être retourné, peu de temps après Luther, aux principes scolastiques , d’avoir tenu trop servile- ment à la lettre, et de n'avoir pas agi dans l'esprit du ré- formateur. Au commencement et vers le milieu du dix-hui- tième siècle, Spener et les frères Moraves cherchèrent à re- lever le protestantisme ; Semler et Kant tendirent au même but , l’un en monirant le christianisme par histoire de l'E- glise , l’autre ca nous faisant connoitre les lois qui servent de base à la’ recherche de la vérité. Guidés par ces deux grands hommes, les protestans cessèrent d'être esciaves de la tradition ; mais ils coururent le danger d’être arbitraires, et de tomber dans la licence. Jacobi et Friès les en averiirent aitentifs, et montrèrent les limites de l'empire du raisonne- ment et de la foi. Aujourd’hui que la philosophie s’est ainsi reconciliée avec la religion, les grands événemens de nos jours ont exercé une influence salutaire sur les esprits ; la génération naissante est susceptible du germe d’un bon fruit. Chercher de bonne foi la vérité, mieux cultiver l'élude de la philosophie , de la théologie , de la philologie et de l'his- toire ; mieux instruire la jeunesse : voilà les vrais moyens-de bannir l'indifférence des esprits, d'opérer en eux une con- 140 Philosophie. viction inébranlable qui se manifestera dans la pureté des mœurs. C. APENÇUS PHILOSOPHIQUES ; avec celte épigraphe : Non fumum ex fulgore , sed ex fumo dare lucem Cogitat.....… HoraT. de Art. Poet. Trois volumes in-8°. A Turin, chez Pierre-Joseph Pic, libraire , sous les arcades de la place Château. La Philosophie , si l’on prend ce mot dans son acception i la plus générale et la plus étendue, nous paroît être le coup d'œil de la raison, porté sur les facultés de l'homme, sur leur culture et leur exercice , sur l’art de les diriger, de les appliquer à la recherche des divers ordres de vérités natu- relles, pour en déduire la connoissance des destinées hu- maines et des devoirs que celles-ci supposent comme moyens d'arriver à leur accomplissement ; c'est-à-dire, en peu de mots, l'étude de l’homme et des obligations qui naissent de sa situation sur la terre, pour arriver à ses fins et au genre de bonheur qui lui est réservé : d'où il s’ensuit que la philosophie embrasse le système tout entier de la condi- tion humaine , et qu’elle est susceptible de s'appliquer à tous les rapports qui nous intéressent. Ce point de vue sous lequel nous envisageons la philosophie , s'accorde avec celui des an- ciens: qu'est-ce en effet que la sagesse , sinon la connoïssance de l’homme et de ses devoirs ? L'auteur de l'ouvrage que nous annonçons exerce réelle- ment le ministère de la philosophie sur une suite d’objets $ divers qui paroissent d’abord peu liés entr’eux , mais où les 4 vues principales se tiennent par un fil commun qui y main- tient l’unilé ; ce fil est dans l'attention constante de l’au— teur à tenir un sage milieu entre deux doctrines philosophiques qui partagent aujourd’hui la presque totalité des écoles , doc- trines rivales que l’auteur signale dans son premier chapitre avec beaucoup de clarté : l'une est le système exagéré des Mélanges. 14I sensations , philosophie expérimentale, dégénérée par ses abus en une sorte d’empirisme; Vautre est l'idéalisme ger- manique , cette espèce de platonisme moderne qui finit par se convertir quelquefois en un véritable i//uminisme. Avant tout , l’auteur indique trois phénomènes remar- quables que présente l’histoire de la Philosophie : l’un est la reproduction fréquente des mêmes doctrines , sous des formes nouvelles ; le second est cette tendance de l'esprit humain à tout ramener à l’unité de cause et de principe, faute d’envi- sager les objets sous toutes leurs faces ; et la troisième con- siste dans la manie des idées absolues et des opinions extrêmes. Cette remarque lumineuse nous paroît jeter un grand jour sur le travail de l’auteur, dont elle donne , pour ainsi dire, la clef : et c'est une vue très-judicieuse d’avoir débuté par cette observation, car les trois dispositions de l’esprit humain dont il s’agit ,, sont la source de la plupart des hypothèses gra- tuites , et des écrits des philosophes; on retrouve ces carac- tères plus ou moins marqués dans tous les systèmes philoso- phiques, comme l’auteur le confirme en particulier par les développemens dans lesquels il entre sur chacun des objets dont il s'occupe. Dans le second chapitre où il traite de la réverie , en dis- tinguant celle-ci de la méditation, il retrace les principales sources de la première ; il en examine les charmes et l'in- fluence dans la poésie, dans la peinture des passions, dans les arts d'imagination , et il en indique les abus et les dan- gers dans la véritable philosophie : le chapitre suivant est con- sacré à l’émaginafion. L'auteur s’y attache d’abord à distinguer l'imagination d'avec la mémoire avec laquelle on la confond trop souvent ; il marque avec soin les véritables attributs de cette heureuse et brillante faculté de l'esprit humain, et il signale également les écueils où elle peut conduire. Cette matière touche de près aux caractères du génie, dont l'auteur s'occupe en effet dans le quatrième chapitre; voici comme il le définit : « Le génie n'est point dans l’homme une » faculté primitive; c’est une puissance secondaire, une ap- 142 Philosophie. 1 » titude mixte qui, ainsi que les talens et les différens genres » d'esprit, se compose d'un heureux amalgame des facultés » primitives, combinées dans de certaines proporlions, et » plus ou moins exercées, plus ou moins employées dans un » certain sens... L'imagination y domine certainement ; » mais elle s'y trouve toujours mêlée avec une grande vi- » gueur de raison, avec un esprit que distinguent la justesse, » la perspicacité , la constance , etc. » A quoi il faut ajouter ce que l'auteur dit un peu plus bas: « Il ne sauroit y avoir » de grand résultat qui n'ait été préparé par des travaux ca- » chés ou apparens , insensiblement quelquefois même invo- » lòntairement dirigés vers un certain but ; et si l'on croyoit x » pouvoir comparer la production du génie à une sorte d’ex+ » plosion subite et inaltendue , j'observerois encore que les » plus grands phénomènes de la nature physique et morale » sont toujours amenés par des préparalions plus ou moins » sourdes et éloignées. » L'auteur , en refusant de croire que le génie puisse être considéré comme un géant qui se montre tel à son entrée dans la carrière , adopte jusqu'à un certain point, comme l'on voit, cette définition devenue célèbre, que le génie n’est qu'une plus grande aplitude à la patience. En parlant de l'érspiralion , « ce mot, dit l’auteur, n’est » plus qu'une expression courte et énergique que l’on ne » preud pas au pied de la lettre, mais qui annonce du moins » que l'on suppose l'âme mise en action, dans certaines cir- » constances, par un moteur secret et par une force particu- » lière. » [inspiration est ainsi, selon lui, le résultat d’un mouvement rapide et extraordinaire, d’un rassemblement subit des forces naturelles de l’âme , soit que cette impul- sOn provienne de quelque agent extérieur, soit qu’elle naisse de la puissance intérieure de la réflexion, lorsque l’un ou l'autre remuant le fond des idées, produit entr'elles des rap- prochemens nouveaux et en fait jaillir des conséquences lu- mineuses et inattendues, L'auteur passe de là à l’enhousiasme et au mélange de la poésie avec les sciences et la philosophie. Nous ne pouvons 3 Mélanges. 143 entrer ici dans les détails pleins d'intérêt que comporteroit l'analyse de ces deux chapitres, mais que nous interdisent les bornes de cet extrait. Nous nous contenterons d'annoncer , touchant le second objet, que l'auteur fait avec beaucoup de pénétration l’énumération des causes tres-diverses qui ont amené et favorisé parmi nous le mélange dont il est question. Il termine le chapitre par cette observation : « Bientôt la re- » ligion mème ne fut pas à l’abri des invasions poétiques, » soutenues par le style le plus chaud et. le plus pittoresque. » Ces entreprises n’étoient , à la vérité, rien moins qu'hos- » tiles: elles étoient mème dirigées en faveur de la religion ; » mais elles la servoient par des motifs trop étrangers à son “ » véritable esprit. » Nous arrivons à un chapitre de la plus haute importance : c'est celui où l’auteur examine le système de relations mysté- rieuses, de correspondance, de parallélisme, que quelques philosophes contemplateurs , enthousiastes, croient exister entre le monde physique et l’ordre moral. « L'analogie de chaque partie de l'Univers avec l’ensemble , » est telle que la même idée se réfléchit constamment du tout » dans chaque partie, et de chaque partie dans le tout. La » ressemblance des lois de l'entendement humain avec celles » de la nature, est telle que l'on peut considérer le monde » physique comme le relief du monde moral. Pourquoi lIn- » telligence suprême qui a formé la nature et l’âme, n’au- » roit-elle pas fait de l’une l'emblème de l’autre? Ce n'est » point un vain jeu de l'imagination, que ces métamorphoses » continuelles qui servent à comparer nos sentimens avec les » » phénomènes extérieurs : presque tous les axiomes de phy- » sique correspondent à des maximes de morale. Cette es~ » pèce de marche parallele qu'on aperçoit entre le monde et » l'intelligence , renferme un grand mystère , etc. » Voilà Arès en raccourci , dit l’auteur , le point de vue sous lequel on envisage la chose : or, qu'y a-t-il de vrai dans cette manière de voir si générale et si absolue ? quy a-t-il de réel dans cette grande correspondance supposée entre les deux mondes ? Ep . : . ` 144 _ Plilosophie. C’est ce qu'il entreprend d'examiner : d’abord il ne nie point qu'il y ait des rapports aussi nombreux qu’admirables entre le système physique et le système moral; mais il pense qu'il | faut chercher dans la constitulion physique et morale de l'homme , et la cause des impressions que font sur lui les phénomènes de la nature , et les fils souvent très-déliés de t . cette analogie qui donne lieu à tant de comparaisons. Tous les bons esprits qui ne sont point dominés d'avance par des vues exclusives , partageront le sentiment de l’auteur ; savoir que quelque favorable au dogme de la spiritualité que pa- roisse l'opinion dont il s'agit, il est peut-être plus avantageux et plus moral de soutenir le système contraire, parce qu’en établissant l'Univers sur un plan unique , on ouvre une large voie au matérialisme, qui trouve dans cette théorie un moyen facile de tout réduire à la matière. Ce chapitre est du plus grand intérêt , et nous croyons devoir le recommander à toute l'attention des philosophes. Cette matière conduit l’auteur à parler de l'abus des mots et de l'abus des phrases ; et ce dernier forme le sujet du chapitre huitième : l’auteur considère cet abus comme objet de luxe, et comme instrument de dommage. Nous ne le suivrons pas dans les détails qu'il donne sur cet objet, les- | quels sont susceptibles de peu d'analyse. Plus loin l’auteur s'élève avec raison contre cette manie des écrivains périodiques qui épargnent aux lecteurs la peine de compulser les originaux, flattent leur paresse et aug- mentent leur avidité ; qui, effleurant légèrement toutes sortes de matières, ôtent tout leur prix aux recherches laborieuses et aux productions qui les suivent, le mérite de la nou- veauté. La critique théâtrale , observe-t-il, fournissoit na- guère , entr'autres, à cette branche de littérature super- ficielle , la plus grande partie de son aliment. « Que de dis- » sertations, d'analyses, ou plutôt de dissections ne faisoit- » on pas subir aux poëmes dramatiques! O vous, génies im- » mortels, qui avez tant illustré la scène , vous seriez-vous » jamais attendus à voir vos chefs-d'œuvre disséqués et dépecés Mélanges. 145 » à ce point ? ef dissecti membra poete. Que de répétitions, » que d’exagérations , que de faux jugemens , que de cen- » sures et de louanges contradictoires ! est-il possible que le » goût ne s’égare point dans un pareil chaos? » Nous ns pouvons qu’applaudir à ces remarques pleines de justesse , et dictées par un très-bon esprit. Dans le neuvième et dernier chapitre de la première partie, intitulé P/aisanteries philosophiques , V'auteur a trouvé le moyen d’égayer la matière : il propose le plan ingénieux d’un drame philosophique qui auroit sur les Nuées d’Aristophane et sur les Pzilosophes de Palissot, l'avantage de présenter une satire agréable et utile des travers et des chimères de la phi- losophie systématique , sans y mêler des personnalités tou- jours odieuses , et qui ne font rien à la cause de la vérité. Passons maintenant à la seconde partie , dont nous tâche- rons de donner une idée succincte , en nous abstenant éga- lement des développemens dans lesquels le défaut d'espace nous empêche d’entrer. L'auteur qui, comme M. Ancillon (1) , cherche à tenir constamment un juste milieu entre deux systèmes philosophiques diamétralement opposés, l’empirisme et l'idéalisme, satta- che principalement , dans cette seconde partie, à com- battre cette métaphysique transcendante dont nous avons parlé , en exposant les erreurs et les abus qu’elle entraine à sa suite. Il en signale d’abord les caractères les plus marqués : « Méthode synthétique , proprement dite, supposition d’üne science première et non acquise, atlribution d'une fécondité illusoire aux axiomes , automatisme spirituel, ou principe de l'activité intérieure originairement indépendante des sensa- tions, croyance aux idées innées, application d'une méta- physique obscure et arbitraire à la théorie des beaux-arts, aux sciences morales, aux sciences exactes et à la physique, abus de la contemplation considérée comme la source de (1) Annal. encycl. 1817, tom. VI, p. 324. Tome I. Janvier 1818. 10 146 Philosophie. toutes les connoissances , indépendamment de l'observation et des idées acquises , etc. » Tous les esprits judicieux étrangers aux systèmes où l'on prétend construire l'Univers , au lieu de l'observer, refuseront de reconnoïtre dans ces principes les bases d’une saine philosophie. L'auteur trouve le vice primitif de l'idéalisme dans l'abus, ou plutôt dans l'usage exclusif de la synthèse , et il emploie le second et le troisième chapitre à démontrer non-seulement l'utilité, mais l'indispensable né cessité de l'analyse, et son application expresse ou tacite, soit dans l'étude des choses extérieures, soit dans l'observation des phénomènes internes du moi humain, « Je pars toujours, dit-il, » des mêmes principes, c'est-à-dire que l’observation est la » première source de-n0s connoissances , que le raisonnement » ne se développe qu’en proportion, et qu'un certain degré » d'analyse est inséparable de l’un et de l’autre. Je regarde ces » trois principes comme incontestables , parce qu’ils sont dé- » duits de la véritable histoire de Phomme , et parce que, » même en supposant avec les idéalistes ou contemplatifs , que » les idées générales soient le produit d’une apparition inté- » rieure , toujours seroit-il démontré par le fait que leur » manifestation est graduelle, et que leur développement ne » peut avoir lieu sans le concours des circonstances exté- » rieures et de la réflexion. » L'auteur , bravant avec raison les vaines objections de cette classe d'hommes qui , faisant les inspirés par le dieu des arts, ne voient que sacrilége et pro- fanation dans toute discussion raisonnée , est loin d'exclure l'analyse, même en matière de sentiment du juste et du vrai, qui est le principe de la morale, ou du sentiment du beau , qui est celui des arts de goût ; ce qui ne l'empêche point de condamner l'abus de l’analyse dans cette partie , comme propre à refroidir l'imagination et à étouffer le génie. Après avoir prouvé indirectement l'insuffisance et les dan- gers de la synthèse , considérée comme méthode exclusive dans la recherche des vérités philosophiques , l’auteur passe à l'examen de la métaphysique transcendante, qui s'appuie principalement sur cette méthode. Il fait voir que Leibnitz Mélanges. 147 doit être considéré comme le véritable patriarche du träns- cendantalisme moderne , comme le père de tous les systèmes germaniques où l’idéalisme s'est montré tour à tour sous di- , verses faces; et il conclut que la représentation léibnitzienne ‘étant aussi incompatible avec le mécanisme de nos organes ex- lérieurs , que démenlie par l'observation ; il faudroit, ou refuser à l'homme la connoïissance du #04 et du 707-moi , ce qui seroit non-seulement absurde, mais mème contraire au système , ou convenir que cette double connoissance n’est pas le fruit de la seule fécondité intérieure de l’âme. L'auteur abordant la grande question de la science infuse , fait l'histoire de l'esprit humain , s'élevant des connoissances particulières et individuelles, aux notions générales et aux vues abstraites ; et cette histoire est une réfutation directe du système des notions préexistantes. Toute idée quelconque étant un fait, l’auteur ne conçoit pas comment un fait peut préexister , c'est-à-dire êlre antérieur à lui:mème. Ti donne franchement sa profession de foi sur la question des idées in- nées, il ne réduit point l'esprit humain à des modifications purement passives , mais il le regarde comme opérant acti- vement sur ce que les sens extérieurs et les sens 1; times lu font apercevoir : nous avons des facultés , des puissances, des dispositions innées , mais nous n’avons aucune notion ex— presse antérieure au jeu des organes. L'auteur parcourt suc- cessivement toules les classes d'idées auxquelles on a voulu attribuer ce privilége, soit dans l’ordre intellectuel, soit dans l’ordre moral. Nous sommes obligés de renvoyer le lec- teur aux trois chapitres où l'auteur s'occupe de cette impor- tante matière , dans l’impossibilité où nous sommes de don- ner ici des détails suffisans à cet égard. Dans le dixième chapitre, M. de Barol considère les abus de la contemplation , des vues générales , des principes et des raisonnemens & priori; il fait voir combien peu de lu- mière doivent recevoir les diverses branches de la philosophie, de la méthode des idéalistes qui veulent tout puiser dans la méditation , et rien dans l’observation et l'expérience. 10. 148 Philosophie. Enfin, dans le dernier chapitre , l’auteur prétend que si la métaphysique des idéalistes transcendans a quelquefois heu- reusement influé sur certaines productions de la Littérature et des Arts, elle a bien plus souvent encore entraîné les poëles et les artistes dans de fausses routes, tandis que la plupart des chefs-d’œuvre les plus admirés ont été créés hors de la sphère de son action. L'auteur renvoie à une troisième Partie l'examen de la doc- łrine transcendante , envisagée dans ses rapports moraux ; ib se propose d'y placer cette philosophie en parallèle, et , comme il s'exprime lui-même , en compromis avec l'influence morale du système des sensations. Dans l’état actuel de la Philosophie chez les diverses na- tions de l’Europe , et dans les différentes Ecoles les plus accré- ditées , il nous paroït que l'un des plus grands services qu’un écrivain observateur puisse rendre à la science, est dans le rapprochement des doctrines, dans leur comparaison raison- née, dans leur discussion respective, et dans cette alterna- tive d'examen qui, portant tour à tour l'attention de l’une à l'autre, peut faire jaillir de cette étude critique les traits d’une véritable lumière, et peut-être conduire enfin à quelque résultat posilif sur la valeur de tous ces systèmes appréciés avec impartialité dans leursfondemens , dans leurs développemens et dans leurs conséquences. Cette étude nous semble, pour le moment, constituer la véritable philosophie ; c'est déjà celle de plusieurs excellens esprits, c'est celle de M. le mar- quis de Barel. Nous croyons qu’elle ne sauroit être trop en- couragée. La manière distinguée dont l’auteur de cet article est cité dans l'ouvrage de M. le marquis de Barol, sur la nature de l'infini, dont le premier a dit un mot dans l’une des Notes de son Æloge de Pascal, pourroit lui faire craindre d’être soupçonné de parlialité dans le compte qu'il vient de rendre des Aperçus Philosophiques , si depuis long-temps il n’avoit eu l'occasion d'émettre son opinion sur d’autres ouvrages du Lycée Richelieu. 149 même auteur. ( Voyez la Bibliothèque Française, sixième li— vraison de la quatrième année 1803. ) G. M. Raymonp. ETABLISSEMENT du Lycée Richelieu à Odessa, fondé par un ukase de S. M. l'Empereur de toutes les Russies, en date du Ẹ 2 mai1817. À Paris, de l'imprimerie de P. Didot,chevalier de l'Ordre royal de Saint-Michel, imprimeur du Roi. 1817. NGrandin-42. ; Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies vient de créer, par un ukase du 2 mai 1817, un lycée à Odessa. Cet établisse— ment porte le nom de Richelieu , nom que les habitans de cette ville mêleront toujours à leurs plus tendres affections. Cet édifice sera situé à l'extrémité d’une longue rue sur une élévation qui domine d’un côté la ville, de l’autre la mer. I} renferme un espace de plus de 30,000 toises carrées , en y comprenant les bâtimens , les cours, les jardins, et un parc qui s’étendra jusqu’au rivage. La massedesbâtimens a 5oootoises en superficie. Les rapports du ministre de l’instruction publique à lEmpe- reur Alexandre , et les réglemens concernant le lycée d’Odessa, viennent d'être publiés ici, à Paris, par les presses de P. Didot, V’ainé. Il paroît que l'accroissement progressif de la population l'importance de la ville sous le rapport du commerce, son éloignement de l'Université de Charkof, et des autres écoles- supérieures , a fait prendre la résolution de former à Odessa cet institut particulier , qui remplacera le gymnase, de com- merce , les écoles dedistrict et de paroisse, et la maison d’édu- cation actuellement en exercice. L'éducation du lycée sera divisée en éducation préparatoire , depuis huit ans jusqu’à dix; en éducation littéraire , depuis dix jusqu’à seize ; et en éducation scientifique, depuis seize jusqu’à dix-huit. On a joint à ce lycée un institut pédagogique, dont le but est de former des maîtres instruits et habiles, qui puissent 150 Odessa. contribuer à la prospérité du lycée, en communiquant aux autres l'instruction qu’ils y auront eux-mêmes reçue. Deux autres écoles complémentaires sont aussi agrégées à ce lycée : dans l’une, on enseignera la jurisprudence et l'écono- mie politique; et dans l’autre , la science du commerce. Pour multiplier les bienfaits de l'éducation du lycée, on a cru devoir lui adjoindre des classes extérieures, où les jeunes gens nés de parens peu aisés recevront gratuitement, sous Jes mêmes professeurs, mais dans des salles différentes , méme instruclion que les élèves internes. Le lycée d'Odessa offrira aussi une école primaire, dans laquelle les enfans rece- vront, pendant quatre ans, une instruction élémentaire. Les objets de l'enseignement du lycée seront, outre la reli- gion, 1°. la grammaire des langues russe, latine, grecque, fran” çaise, italienne et allemande ; 2°. les belles-lettres ; 3°. la rhé- torique; 40. la géographie et l’histoire; 5°. la philosophie ; 6°. les sciences mathématiques et physiques; 7°. les sciences militaires; 8°. les arts d'agrément. On n’a pas oublié les exercices gym- nastiques, un des principaux moyens pour entretenir la santé des élèves. Ces exercices auront lieu, dans les jardins, deux fois par jour, C’est pour ces mêmes raisons de salubrité que les élèves se baigneront une fois par semaine. En général, tous les réglemens concernant ce lycée sont conçus de la manière la plus propre à donner une idée très- flatteuse du ministre qui les a dictés, et de la sagesse du mo- parque qui les a approuvés. Une circonstance qui ne doit pas laisser de nous intéresser , c’est que le premier directeur du lycée Richelieu et celui qui est désigné pour lui succéder , sont deux Français. Le premier est M. l'abbé Nicolle, le second M. Remi Gillet : l'un et l’autre ont acquis en Russie , d’après le rapport du ministre, des titres fort honorables dans leurs services respectifs. Nous devons nous réjouir de voir que de nos compatriotes obtiennent ces marques d'estime dans des pays si éloignés. Ce sont là des conquêtes que nous faisons sur l'opinion, tendantes à resserrer de plus en plus ce lien moral qui doit rattacher les Français aux autres nations. Lycée Richelieu. 151 L'ouvrage concernant l'établissement du lycée Richelieu, sort des presses de M. P. Didot, ce qui dispense de tout éloge re- lativement à l'exécution typographique. Get ouvrage est accom- pagné des plans, vues et coupes du lycée, d’après les dessins de M. de Montferrand, architecte de S. M. I., et membre de la Lécion-d'Honneur. - Une de ces planches représente la façade antérieure dont le centre est formé par un beau porche corinthien. On voit dans fronton un bas-relief consacré à la mémoire de M. le duc de Richelieu. Son buste s’y trouve placé sur un piédestal élevé : il est soutenu à droite par une figure symbolique de la ville d'Odessa, qui d'une main dépose une couronne d’immortelles, et de l’autre indique les caractères suivans : Æ Richelieu , Odessa reconnoissante. Les angles aigus du fronton sont rem- plis par deux :1 figures emblématiques qui représentent, l’une la mer Noire, l’autre le Dniéper. Ce n’est point là un monument commandé par l’adulation, c’est l'expression de la véritable reconnoissance. Nous ne par- lerons point de tout ce que doit la ville d'Odessa à M. le duc de Richelieu (1). Cette tâche appartient à l'écrivain qui entre- prendra l’histoire de cette ville, et qui s’occupera de dévelop- per les succès de sa prospérité présente et à venir. Nous obser- verons uniquement que M. le duc de Richelieu, quoique n'étant plus dans des contrées qu’il a administrées avec un zèle infati- gable, ne cesse point de s'intéresser au sort de leurs habitans. Il achève de leur en donner une preuve des plus convaincantes en consacrant, pour entretien du nouveau lycée, le revenu annuel qui lui avoit été assigné par l’empereur de Russie, en récompense de ses longs services. Quel plus bel emploi pouvoit- on faire de cette somme que de la destiner à un si noble usage ! D'HAUTEFORT, (1) Voyez ce qui a été dejà dit dans l'extrait de l’ouvrage sur la Civilisation des Nogais, par M. Gouroff, Annales Ency- elopédiques, 1617, tom. I, pag. 352. A, L. M. 152 Histoire naturelle. DICTIONNAIRE des Sciences naturelles , dans lequel on traite méthodiquement des différens êtres de la nature , considérés soit en eux-mêmes, d’après l’état actuel de nos connois- sances , soit relativement à l'utilité qu'en peuvent retirer la médecine, l’agriculture , le commerce et les arts ; suivi d’une Biographie des plus célèbres naturalistes. Ouvrage destiné aux médecins, aux agriculteurs, aux commerçans , aux artistes, aux manufacturiers et à tous ceux qui ont intérêt à connoître les productions de la nature , leurs caractères gé- nériques et spécifiques, leur lieu natal, leurs propriétés et leurs usages. Par plusieurs professeurs du Jardin du Roi et des principales écoles de Paris. Tom. IX. Strasbourg, F. G. Levrault , éditeur ; Paris, le Normant , rue de Seine , n° 8. 1817. In-8°. | Nous avons publié le Prospectus de cet excellent ouvrage qu’on peut regarder comme le plus complet et le meilleur qui se publie en ce genre. Ses savans auteurs, dont on a lu Ia liste, le continuent avec un soin extrême et un grand zèle. Ils ne se contentent pas de rapporter les noms des genres et de quelques espèces, les synonymes, quels qu'ils soient, les noms vulgaires et de pays se trouvent encore à leur place; ce qui rend ce Dictionnaire utile à ceux qui n'ont aucune con- noissance d'histoire naturelle , comme à ceux qui y sont le plus versés. Le premier mot du tome IX que nous annonçons en fournit la preuve : c’est celui de CA/zer, qu’on donne en Suisse à l'espèce d'oiseau qu’on appelle en France siftèle, le Torchepot. Le dernier mot de ce volume est Coffre. Dans le nombre considérable d’articles que ce volume con- tient, il y en a de très-étendus et de très-importans. Parmi les articles qu’il a fournis à la minéralogie, M. Chevreul a traité avec beaucoup de détails ceux sur le chlore, l'acide chlo- rique, les chlororates et les chlorines. Il a exposé habilement les dernières découvertes de MM. Chenevix et Davy; tout ce que M. Chevreul dit avec la même clarté sur les chromates Dictionnaire. 153 et les cromites est presqu'entièrement dù à notre grand chi: miste Vauquelin, qui ne se couche peut-être jamais sans avoir ajouté quelque chose à la science qu’il cultive avec tant de modestie et de savoir. M. Chevreul n’a pas traité avec moins de talent les articles cobalt, protozydes et deutoxydes de cobalt. Nous aurions désiré que l’auteur eùt fixé les idées sur le blea qu'ont employé [les Ægyptiens dans l'émail de leur momie, et qu’il nous apprit si ils ont réellement connu le cobalt, comme M. Darcet l’a pensé: M. Brongniart qui dirige si habilement la manufacture de Sèvres et qui est coopérateur du Dictionnaire , y fera sans doute l’ar- ticle porcelaine , et décidera cette question. M. Chevreul dans ses articles chyle et cire a prouvé qu'il connoit aussi bien la chimie animale que la minéralogie. Les articles zoologiques sont très- nombreux ; eeux de M. Duméril sur les insectes sont courts, mais pleins de clarté ; l'article Coati et celui Cochon , genre dans lequel on com- prend le Babiroussa, les Pecaris par M. Frédéric Cuvier, sont les plus étendus sur les mammifères ; les articles Cicogre et Chouette par M. Dumont sont les plus considérables de ceux qui traitent des oiseaux. On aime à retrouver le nom de M. le comte de Lacépède, qui , dans sa retraite, vit en sage au milieu de sa famille ; les sciences et les lettres qui l’avoient justement élevé aux grandes charges qu'il a exercées le consolent aujourd’hui de les avoir perdues On lui doit l’article C/upée, genre dans lequel sont compris le hareng qu’on pourroit appeler la manne des mers, la sardine , Valose et beaucoup d’auires poissons. Parmi les articles de botanique on distingue ceux Cissus , par M. Poiret et Cocotier, par M. de Tussac. Nous sommes étonnés qu'après avoir parlé du genre Chloris et de l’oiseau appelé Zoria Chloris , les auteurs n’aient pas consacré un pelit article au mot C#/oris, nom donné par M. de la Tourrète à une simple nomenclature de plantes des environs de Lyon , parce que le nom de Flore lyonnaise lui avoit paru trop ambitieux pour un si petit écrit: si nous fai- 154 Aveugles. sons cetle observation qui paroït minutieuse , c’est parce qu’il wy a presque pas de nom relatif à l'histoire naturelle, quine ` _ soit inscrit dans ce dictionnaire. Nous ne devons pas terminer cet article sans parler des figures dont on donne avec ce volume la sixième livraison précédée d’un tableau synoptique des objets qui y sont re- présentés ; les planches sont très-bien gravées , celles en cou- leur surtout sont d’un fini admirable ; les auteurs ont fait un bon choix, cependant ils prennent peut êlre souvent leurs exemples d'objets vulgaires qu'on a répétés jusqu’à satiété : dans les ouvrages généraux ; ainsi ils reproduisent l'eomon , l'olivier, oranger, la fougère commune , le polytric commun , Vépine-vinette , le plaguemimer, le petit paon , a feuille morte , la fanche , lours brun. J'avoue que j'ai vu avec plus de plaisir le ginseng , la stilidie, quelques Zombyces, le crotale à řozange , V'amphipryon de Commerson, le cesior, V'hïppo- ,campe filamenteux , Ve syngnathe aiguille, l'aiguillat , Ya rousetle tigrée , quelques tangaras , Vhyene rayée , l’Ayere tachetée et Vours blanc. A. L. M. Essar sur l'Instruction des Aveugles, ou Exposé analytique des procédés employés pour les instruire ; par M. le docteur Guizuié, directeur-général et médecin en chef de l Institution royale des jeunes Aveugles de Paris, chevalier de la Légion- d'Honneur , et de plusieurs Académies. Paris, à l'Institution des Aveugles, rue Saint-Victor, n° 68. 1817. In-8° de 224 pages, et accompagné de 32 planches. "art d'instruire les sourds-muets et les aveugles, de leur donner les moyens de vivre de leur travail, malgré les obstacles que sembloit leur opposer la nature, de leur apprendre à charmer l'ennui qui devroit accompagner leur état, de les instruire des devoirs que leur impose la société, est sans con- redit une des plus belles inventions du dernier siècle; c'est une des plus nobles applications de l'analyse des sensations , et des idées que l’on doit à la philosophie. Honneur soit rendu aux abbés de l'Epée et Sicard, à M. Valentin Haüy et à leurs # Instruction. 195) dignes imitaleurs , et reconnoissance aux hommes généreux , Bailly , la Rochefoucault, Mmes Duplanay , de Staël, qui ont contribué par leurs bienfaits à soutenir ces établissemens aban- donnés dans des temps difficiles. M. Guillié, qui marche aujourd’hui sur les traces du bien- faileur des aveugles, Valentin Haüy , trace d'abord l’histoire de leur institution depuis sa fondation par ce citoyen utile jus- qu'à ce jour. On trouve ensuite son Essai sur l’Instruction de Aveugles. Il y examine si la perte d’un sens tourne à l'avantage d’un autre ; il traite de la prodigieuse mémoire des aveugles, des facultés qui se développent quelquefois en eux plus que dans les clairvoyans ; il les compare avec les sourds-muets. Il donne après une Biographie des aveugles célèbres dans les sciences, depuis le philosophe Diodote jusqu'a MM. le chevalier de Pougens , académicien , et autant digne de l’être que beaucoup de clairvoyans , et Isaac Roques, de Montauban. Ce dernier s’est formé lui-même , et il a aussi instruit plusieurs des élèves de la maison des aveugles. Il joue de plusieurs instrumens , possède très-bien le latin et l'italien, fait des vers agréables, et a des connoissances dans les lettres. Il faut avouer que cette biblio- graphie est extrêmement incomplète : l'auteur ne cite point Homère, le cieco d'Ascoli, V'aveugle de Palmyre , Luigi Grotto surnommé śl cieco d'Adrie, Milton et tant d’autres dont mon savant ami M. Cancellieri parlera dans la Bibliothèque des Aveugles dont il a réuni tous les matériaux, et dont on doit désirer l'impression. La partie la plus intéressante de cet ouvrage est sans contredit celle qui traite des différens moyens employés pour apprendre aux aveugles à lire et à écrire, des métiers utiles et des arts agréables. Des planches suffisamment bien exécutées rendent tous ces objets encore plus sensibles que de simples descriptions. Les lettres des aveugles ont des contours qui frappent davantage le toucher, et produisent des différences plus marquées. L'auteur décrit et donne la figure des caractères, des casses, des presses , 156 Aveugle. employés par les aveugles pour imprimer des livres en relief à leur convenance, des planches qui leur servent à écrire et à calculer ; plusieurs planches accompagnées de descriptions re présentent des aveugles jouant de divers instrumens , faisant du tricot, des bourses de filet, des chaussons et des tapis de lisières, des fouets de boyau, des cordes, des panniers , des tissus, et jouant aveë des cartes, des échecs et des dames marqués. L'ouvrage estterminé par une jolie imitation faite par M. Isaac Roque , de la petite pièce de Métastase, intitulée l’Zrcons- fance, et par une épitre très-gaie de l'aveugle Avisse à sa der- aière chemise. Cet ouvrage est fait pour exciter la curiosité, et il la satisfait. Intéressant et utile , il réunit les principaux caractères d’un bon livre : ce qui le recommande encore aux âmes bienfaisantes ,. c'est qu’il a été imprimé dans l'institut des aveuglesjet à leur profit. A. L. M. OzrraGcio fatlo a Leone III. eda Carlo Magno, etc. Ou- trage fait à Léon III et à Charlemagne , dans un tableau et une gravure qui représentent ce pape adorant l'empe- reur. Dissertation dédiée à S. Em. M. le prince-cardinal Carlo Oppizoni, archevêque de Bologna; par monsignor Antonio SANTELLI, prêtre romain , et chambellan hono- raire de S. S. Rome , 1819, in-4° avec des planches. Depuis le temps d'Horace , les peintres et les poëtes se sont attribué la faculté de tout oser. M. Santelli trouve aux change- mens qu'ils ont faits peu d'importance : cependant les poëtes ne peuvent pas plus pécher contre la fable que contre l’histoire. Ænée ne peut pas plus dans un poëme épouser Didon, que don Carlos succéder à son père Philippe IT. .On ne peut contester, dit-il, qu'il n’en est pas de même des fautes de l’histoire , et surtout de l'histoire sacrée. Il nous semble cependant que la vérité est une , et qu’elle mérite entout le mème respect ; M. Santelli trouve encore les erreurs EE Léon IIT et Charlemagne. 157 plus graves , si elles portent atteinte aux prérogatives des sou- verains pontifes ; et il juge coupable celui qui, abusant de son imagination vive, traite de pareils sujets sans une exacti- tude scrupuleuse et sévère. C’est pour cela que le savant prélat veut prouver la fausseté d’un fait qui est représenté dans un tableau qui a été exposé à Rome en 1810 , et dans lequel on voit le pape Léon III prosterné devant Charlemagne , d’au- tant plus qu’on avoit alors des prétextes d’ajouter foi à cette représentation , pour appuyer un passage des anciennes An- nales de France , dans lequel il est dit que Charlemagne & pontifice more antiquorum principum adoratus est. i Selon l’auteur de la Dissertation, Léon II ne se pros- terna pas devant Charlemagne après l'avoir couronné empe- reur. Il commence par montrer que ce prince, qui témoi- gnoit toujours au souverain pontife un profond respect et une extrême vénéralion, n'auroit jamais permis que celui-ci se prosternât devant lui. L'auteur rappelle ici les sentimens pieux que cet empereur manifesta lorsqu'il arriva pour la première fois à Rome en 774: les riches donations qu’il fit au Saint- Siége , les preuves de respect et d'estime qu’il donna à locca- sion de la mort d’Adrien I, et qu’il ne cessa de témoigner à son successeur Léon III. On conserve encore la lettre de féli- citation qu'il envoya à ce pape par l’entremise d’Engelbert, abbé de Saint-Ricario, à l'occasion de son avénement au pontificat ; et l’auteur a cru devoir en rapporter un fragment. L'accueil respectueux que l’empereur fit au pontife , lorsque celui-ci se rendit à Paderborn , le désir que Charles avoit de le consulter sur le testament qu'il vouloit faire ; sa dévotion pour l'église romaine, sa modestie, les honneurs même qu'il avoit reçus de l’église, et beaucoup d’autres faits pour lesquels nous renvoyons le lecteur à l'ouvrage que nous annon- çons, sont tracés avec force et érudition. Selon l'excellent usage des savans d'Italie, l’auteur a trouvé l'occasion d’orner sa dissertation de deux anciens monumens qui concernent l’empereur Charlemagne, et dont il donne la gravure. L'un de ces monumens est la figure de ce souverain 158 Léon HI parée du diadème ; cette figure a été peinte sur une muraille, à Rome vers'le neuvième siècle, et Benoit XIV l’a fait placer dans le Musée de la Bibliothèque Vaticane. L'autre est une statue antique de cet empereur qu’on voit à l'entrée de l’église de Notre-Seigneur , à Aix-la-Chapelle, et qui a élé érigée par lui-même ; elle représente l'empereur tenant dans sa main droite l'édifice de l'église. Après avoir établi que Charlemagne n’auroit certainement pas permis que le pontife se prosternât devant lui, notre auteur fait la remarque qu’on pourroit dire, à la vérité , que Char- lemagne ne l’auroit jamais exigé du souverain pontife, mais que celui-ci se prosterna inopinément , et il prétend qu'une pareille Supposition seroit tout-à-fait contraire au caractère de Léon II. Anastase a dit de ce pape qu'il étoit le vrai défenseur des droits de l'église , et lennemi déclaré de ce qui leur étoit contraire (1) ; et plusieurs traits de la vie de Léon III prou- vent la vérité de ces paroles, Monsignor Santeili rapporte parmi ces traits l'accueil honorable qu'il fit à Charles lorsque celui-ci entra à Rome en 800. Selon son louable système d'il- lustrer sa savante Dissertation par des monumens de cetle époque , l'auteur cite une mosaïque que Léon II fit poser vers l’année 793, dans l’église de Sainte-Susanne que ce pape bâtit de nouveau ; on a vu cette mosaïque dans la même église jusqu'à l'an 1595 ; elle représente Charlemagne montrant le souverain pontife qu'il avoit délivré des mains de ses ennemis. Monsignor Ciampini avoit déjà copié cette mo- saïque dans un dessin qui est conservé au Vatican, et c’est d’après celte copie que notre auteur en donne une gravure:elle représente le pape et l'empereur ; mais Léon occupe le premier rang. Il donne ensuite une gravure du célèbre Zriclinium Leonianum , que Léon III fit bâtir au commencement du neuvième siècle, et qui représente saint Pierre remettant le pallium à Léon, (1) Æcclesiasticarum rerum defensor et contrariarum fortissi- mus expugnator. et Charlemagne. 159 et la bannière de l’église à Charlemagne. Notre auteur l'ex- plique avec une grande érudition, et elle lui fournit l’occasion de parler de deux autres mosaïques , dont l’une est du dixième sièle, et décore le tombeau de l’empereur Otton II , Pautrè fait partie de la concavité de la plus grande tribune du Zricli- nium Leonianum , qu'on voit encore aujourd'hui près du pa- lais de Latran à Rome. A ces monumens de l'antiquité figurée, notre auteur joing un diplôme émané de Léon III et de Charlemagne, dans. lequel ils donnent d'un commun accord au couvent de S. Anas- tasio all Acque Salvie, la ville d’Ansidoneia, le port d'Ercole, et l'ile de Giglio dans la Toscane. De plus, dans ce diplôme le nom du pontife est toujours mis avant celui de l’empereur. D'après tous ces faits et plusieurs autres encore, l’auteur croit prouver suffisamment que le caractère de Léon II est abso— lument contraire à l’adoration qu’on a voulu représenter dans ce tableau. Non content des traits qu’il a donnés du caractère des deux princes, monsignor Santelli examine ensuite, en comparant ensemble les témoignages des historiens contempo- rains qui parlent du couronnement de Charlemagne , si l'on peut appuyer l'interprétation que l'artiste a donnée dans son tableau à ces paroles des Annales françaises, æ pontifice more antiquorum principum adoratus est. Le bibliothécaire Anastase, qui écrivoit vers l’année 858, et Paul VVarnefrid , racontent le couronnement de Charlemagne sans faire mention de cette adoration. Parmi les écrivains étrangers qui ont également décrit ce couronnement sans parler de l’adoration, monsignor Santelli cite l’auteur du CAro- nicon Hildesheimense et celui du Chronicon Moissiacense, les Annales de Constantin Manasses, adressées à l’impératrice Irène, qui vivoit du temps de Charles ; la Chronographie de Théophanes; enfin, le biographe de Charlemagne, le célèbre Eginhard lui-même, qui fut témoin oculaire de l'événement. Cet accord d'écrivains aussi graves, et qui appartiennent à des nations si différentes, semble à notre auteur une preuve évi- dente que l'adoration qu’on a supposée n’a jamais eu lieu. 160 Leon III et Charlemagne. Monsignor Santelli observe qu’on pourroit lui opposer qu'Eginhard lui-même semble être l’auteur des Annales de France, dans lesquelles on a cru trouver un passage qui appuie le sujet du tableau; mais il prouve que plusieurs critiques ne reconnoissent pas Eginhard comme auteur des Annales de France. Le P. La Cointe et d’autres attribuent cet ouvrage à un religieux. Notre auteur rapporte en peu de mots les preuves qu'ils en donnent, et en conclut que le passage des Annales sur ce sujet, dont d’autres chroniques françaises ont emprunté ce conte, ne peut contrebalancer le silence d'Eginhard et des autres historiens que nous avons nommés. Mais, lors même qu’on voudroit ajouter foi à l’auteur des Annales, on ne doit pas adopter l'interprétation qu’on a voulu donner de ces expressions. Le mot adoratus doit, selon notre auteur, être expliqué par sa/afatus, et il prouve que dans les anciens auteurs ce mot a ordinairement celte signification, lorsqu'il se rapporte à un homme et non à la Divinité. Ducange a seulement observé que le mot adorare signifie également dans les auteurs ecclésiastiques £ororare et venerari. Quant aux mots more antiguorum principum, qu'on lit dans le texte des Annales, notre auteur a cru devoir examiner quelle étoit celte coutume des anciens princes, pour pouvoir déterminer comment il falloit entendre le mot adorare ; et comme on peut croire facilement que, par ces mots les anciens princes , il faut entendre les princes français qui ont précédé Charlemagne, il prouve que, parmi les différens honneurs qu’on leur rendoit, l’adoration, dans le sens de l'artiste, n’étoit pas d'usage; et à cette occasion, l’auteur rapporte deux figures { très-anciennes de Charlemagne qui sont peintes dans l’église \ d’Aix-la-Chapelle, temple qui a été bâti par lui; ces figures i représentent l’empereur à genoux. Il prouve ensuite que la coutume n’étoit jamais reçue dans l'Eglise, que les évêques ou les papes se prosternassent devant les souverains après les avoir | couronnés; et il cite à ce sujet plusieurs cérémonies anciennes de l'Eglise gallicane, l'histoire des deux couronnemens du roi Léon TIT. 161 Pepin, les rites de l'Eglise de l'Orient , les descriptions du cou- ronnement des empereurs de Constantinople et de celui de Frédéric Ier. Enfin, si l’auteur des Annales entend par ce mot _des anciens princes les anciens Césars ou empereurs romains, explication qui semble à M. Santelli être la moins admissible, on ne pourra dire de ceux-ci qu'ils aient été adorés par des sujets. L'exemple de quelques-uns d’entre eux, principalement de Dioclétien, qui, selon Aurélius Victor (1), n’étoit imité ni | par Constantin, ni par ses successeurs, en est une preuve ; et il existe encore aujourd'hui dans le code Théodosien et dans celui de Justinien plusieurs lois de ces princes, où ils défendent expressément d’adorer leurs statues. De tous ces faits notre auteur conclut que les mots', 4 pontifice more anliguorum imperatorum adoratus est, signifient simple- ment qu'il fut salué par le pontife, comme le furent autrefois les anciens empereurs. Par conséquent, selon ce passage des Annales de France ainsi expliqué, Léon III ne se prosterna pas devant Charlemagne après lavoir couronné empereur. . Non content d'avoir montré avec tant d'évidence et par des preuves si incontestables la fausseté du fait de l'adoration , „avancé par l'artiste, monsignor Santelli termine son intéres- sante dissertation par une preuve également incontestable. Dans l’acte du couronnement de Charlemagne, Léon II, dut certainement se conformer au rituel qui étoit reçu deson temps, c’est-à-dire celui de Rome, et les récits que plusieurs chro- niques qui parlent du couronnement de Charles, nous en ont transmis , prouvent qu'il s’y est en effet conformé ; or dans ce rituel il n’est fait aucune mention, ni de l’adoration, ni d'au- cune autre espèce d'acte semblable; on ne peut donc pas sup- poser que Léon HIT s'y soit assujéti. i Enfin l’auteur a ajouté aux autres monumens, dont il a em- belli sa dissertation, le portrait de Charlemagne , que Léon X a fait peindre pour en orner le Vatican, et sur lequel on lit (1) Se primumomnium post Caligulam Domitianumque dominum palàm dici passus , et adorari sese , appellarique uti deum. Tome I. Janvier 1818. IL 162 Chorographie. l'inscription suivante : Carolus Magnus , Ecclesie Romanæ ensis . clypeusque. l! nous semble que M. Santelli n'a rien omis pour mettre absolument hors de doute ce qu’il s’étoit proposé de prouver. Sa dissertalion fait également honneur à son dévouement pour le Saint-Siége el a sa vaste érudition ; l'élégance de impression et les différens monumens importans dont lauur l’a enrichie ajoutent à son prix. Le frontispice représente le tableau qui a été le sujet de : cette dissertation. B. I. Prixnio Seniore Illustrata, etc. Pline l'Ancien illustré par la description du Picenum ; ouvrage dédié à S. S. Pie VIL, par Fr. Antonio BRANDIMARTE , religieux des Frères mineurs et curé à Rome. Rome, 1816. Z7-4°., avec une carte de l’ancien Picenum. L'auteur a entrepris cet ouvrage , comme il le dit lui-même, pour s'occuper utilement, dans ün 1emps où sa résistance à un ordre de choses quiétoit nécessairement incompatible avec sa conscience , l’avoit privé de l'exercice du sacerdoce , et éloi- gné du lieu où il devoit y vaquer. Fa préface contient en détail toutes les circonstances qui accompagnèrent cet événement. Pline a décrit le Picenum dans le chapitre XIT de son troi- sième livre ; mais , selon le P. Prandimarte , ses expressions sont corrompues et altérées dans toutes les éditions de cet auteur qu’il a consultées , et les géographes et les commenta- teurs n’ont pas mis dans un jour clair la chorographie de cét écrivain. Il commence, dansle premier chapitre, par corri- ger les expressions suivantes de Pline : Flumina Albulales , Suinum, Helvinum, guo finitur Prætutiana regio, et Picentium incipit. Selon notre auteur, il faut lire : Flumina Albula , Tessuinum, Helvinum, quo finitur Prætutiana regio, et Palmen- sium incipit. N'a trouvé Albula , Tessuinum, ou Cessainum. dans beaucoup de manuscrits qu'il cite, et il lui semble que le ET A Picenum. 163 sens du passage et la géographie exigent absolument de lire Palmensium au lieu de Picentium, quoiqu'on ne puisse appuyer cette leçon de l'autorité d'aucun manuscrit ni d'aucune édition. Apres avoir fait ses corrections , l’auteur établit quelles étoient les trois rivières Abula. Tessuinum et Elrinum, dont Pline parle. Il reconnoit le premier , et, malgré l’opinion contraire de tous les autres géographes , que le torrent qu’on appelle aujourd'hui Albero est celui qui, comme il le prouve, porte, sur une carte de 1145, le nom d’Æ/bule. Le Tessuinum est, selon lui, la riviere qu'on appelle auiourd’hui /e Tessino où Tesino, età laquelle on arrive immédiatement après avoir passé l’Albero. L'Zlyinum, enfin , doit être la rivière qui porte aujourd’hui ke nom de Mannochia , et qu'on doit trouver près de l’anciénne ville de Cupra Maritima, dont on a tant discuté, et dont l'auteur cherche à déterminer la position. Dans le troisième chapitre , l’auteur examine le passage sui- vant, de Pline : « Castellum Firmanorum, et super id Colonia Asculum Piceni nobilissima. Intus Novana: in ore Cluana, Po- tentia. {l prouve d’abord , en citant la carte de Peutinger, Strabon et l'Itinéraire d'Antonin, que le bourg des Firmani étoit différent de la ville de Firmum , parce que celle-ci étoit située sur la côte tandis que le premier sé trouvoit dans l’inté- rieur du pəys + il ajoute ensuite que Hardouin étoit dans l'er- reur en appliquant à la vilie de Fërmum les expressions de Pline : Castellum Firmanorum. En second lieu, il croit que le mot Æscalum a été mis dans le texle par des correcteurs ignorans, et il n’hésite pas à l'effacer et à lire : Castellum Firmanorum , et super id Colonia Piceni nobilissima. Il trouve dans cette correction une faison pour croire que cette colonie est celle des habitans de Firmum , dont Pline avoit décrit le bourg: L'auteur lui-même semble convenir que sa correction est très hasardée. Non - seule- ment il cherche à la justifier par beaucoup de motifs topogra- phiques, mais encore il conjecture que plusieurs écrivains, ‘du moyen âge n’ont paslu, dans le passage qu’il a corrigé, le mot Asculum , qu'ils ont mal compris tout ce passage, et qu’ils II. x64 Chorographie. ont cru que Pliney parle d'une colonie ou d'une ville très-cé- lèbre, appelée Picenum , dont ils font aussi mention. De plus, les, expressions. colonia nobilissima , qu'on lit dans Pline, peuvent bien être appliquées , selon le P. Brandimarte , à la ville de Firmum , qui étoit en effet une colonie des Romains, et que ¿Pline le jeune ( l. VI, ép. 28) , “appelle colonia ornatissima , une colonie très-célèbre , mais qu'elles ne doivent pas être appliquées à Asculum , qui étoit , selon Appien, l'an 663 de Rome , une ville municipale, et devoit l'être encore à l’époque de la célèbre guerre contre les alliés, dont l’auteur trace un récit rapide. Une inscription du temps d'Hadrien , et par con- séquent postérieure à Pline, prouve d'ailleurs qu'après son temps Asculum étoit encore regardé comme une ville muni- ¿cipale , et non comme colonie. Il est vrai que Frontin et plu- sieurs inscriptions parlent d’Asculum comme d’une colonie; mais notre auteur croit que ces monumens sont postérieurs ` à Pline. Quant aux deux autres villes Nopana et Cluana , dont. Pline rapporte seulement les noms, l’auteur croit, contre l’opinion généralement reçue , que la première est la même que la ville de $. ÆZ/pidio d'aujourd'hui, et que la se- conde revient à celle de Civita-Nova. Il termine ce chapitre par, plusieurs observations érudites sur différens événemens des, deux villes d Asculum et de Firmum , et sur les écrivains qui en ont traité. Le quatrième et le cinquième chapitre sont destinés à recti- fier le nom des villes du Picenum dont parle Pline, à les con- .fronter avec les anciennes inscriptions, et à donner encore quelques observations érudites sur ce sujet. L'un de ces chapitres iraite des villes et des lieux qui sont situés sur le littoral du Picenum ; l’ordre suivant dans lequel ces lieux sont situés .sur la côte, est observé dans ce chapitre: Hadria , Castrum Novum , Truentum , Cluentum, Potentia, Numana , Ancona, Cumero. L'autre chapitre contient les villes de l’intérieur, que Pline nomme dans l'ordre; alphabétique : Avximates, Bere- grani, Cingulani, Cuprenses-Montani, Falerienses, Pausulani, Pleninenses, Ricinenses, Seplewpedani , Tolentinates, Trejenses, i ng- Picenum. 165 Urbisalvia , ou Urës Selvia , etc. L'auteur termine cet article en restituant, selon lui, le treizième chapitre du troisième livre de Pline, et en faisant quelques raisonnemens sur l’époque à laquelle la plus grande partie de cette ville fut détruite, L'auteur n'oublie pas de parler de plusieurs autres lieux et’ villes dont Pline ne fait pas mention, mais qui devoient trouver une place dans un traité sur le Picenum. Telles sont les villes d’ Zzteramna, sur laquelle M. Deffico a écrit un ouvrage que l’auteur ne paroît pas avoir connu, Tignium, Miso , Sesties, Aspia, Misco, Flosis, Misius , Sacrata, Flusor, Herninum , Macrinum , Comara , Salinas , Sannum , Ad Aguas , Surpicano , Ad Martis , Vicus Badies, ad- Centesimum et autres. Le P. Brandimarte donne aussi toutes les notices qu'il a pu recueillir. Après avoir traité des différens lieux qui sont situés dans l’ancien Picenum , l’auteur examine les opinions va- riées des écrivains qui ont traité avant lui cette matière, sur’ la graudeur du territoire de Hadria, de Prétusia et de Palma; il croit pouvoir indiquer avec exactitude , par les expressions de Pline, ces trois territoires qui, selon lui, formoient| en- semble celui du Picenum : : puis l’auteur répond à quelques objections qu’on pourroit lui faire , et montre que ceux-là sont dans l'erreur, qui ne voudroient pas comprendre les deux territoires de Hadria et de Prétusia dans le Picenum. Quant aux noms des trois territoires de Hadria , d e Prétusia et de Palma, notre auteur croit qu'ils dérivent de ceux des trois villes dont Pline fait mention, et il regarde par con- séquent ces villes comme les chefs-lieux de ces territoires. Il west donc pas de l’avis des autres écrivains dont il parle, et qui attribuent à plusieurs de ces territoires d’autres chefs- lieux que ceux dont ils portent le nom. Poùr prouver que Pline ne parle pas seulement de la ville d'Hadria, mais encore de celles de Prætusia et de Palma, le P. Brandimarte cite un passage de l’histoire naturelle , livre XIV, chap. VI, qui fait mention des vins de Palme, où il eu croit encore contre l'opinion de ‘plusieurs:commentateurs ‘de Pline , que “ r66 . Chorographie. cet auteur parle clairement de ces deux villes. H ne s'engage pas à indiquer la vraie, situation de Prætusia, et il avoue qu'il ne connoît pas trop celle des lieux. de, la rive méridio- nale du Truentum ; quant à la ville dé Palma au contraire , il traite de son ancienne situation dans un chapitre particulier, et croit la trouver dons l'emplacement de Castello di Torre di Palma dans la Marca Fermana. Le nom mème et plusieurs: autres circonstances le confirment dans cette opinion qu'illest sans cesse obligé de défendre contre d’autres écrivains; mais pour la: rendre plus probable „ il présume que près de rette ville étoit en outre un. arsenal: qu'on nommoït Pa/mense. Après avoir donné quelques notices générales sur les ports ét les arsenaux des anciens, Pauteur allègue plusieurs preuves par lesquelles Colucci, dans son ouvrage intitulé Ærrichitæ Picere, démontre l'existence d'un ancien arsenal dans le lieu qu'on appelle aujourd’hui Fosro Cognrolo ; mais n'est pas d'accord avec cet auteur, lorsque celui-ci prétend que cet arsertal avoit ancienpément appartenu à la ville de Firmum ; selon le: P. Bradimarte, on doit atiribuer cet arsenal plutôt à celle de Palma, qui en cst plus proche: H' présume que ce arsenal a originairement appartenu à Palma „ mais qu'il fut assigné dans la suite à une colonie romaine, qui s'établit à Firmum du temps des guerres Puniques. Cette colonie étoit si peu éloignée de Palma, que notre auteur ne doute pas que le territoire et l'arsenal de Palma ont été également abandonnés aux nouveau colons. À cétte occasion: il entre dans de savantes discussions sur les colonies romaines, et sur lės circonstances qui accompagnoient ordinairement la distribution des champs, et il rappelle les malheurs qui avoient frappé les habitans de Mantoue, parce qu'ils étoienttrop rapprochés de Crémone,que Fempereur Auguste avoit peuplée par une colonie. La distance entre Mantoue et Crémone est de quarante milles à peu près, tandis que celle entre Palma:et Crémone n’en est que de cinq; si donc la colonie romaine de Firmum possédoït , comme notr é auteur le prétend, l’ancien arsenal de Palma, il ne faut pas s'étonner qne ce dernier ait été appelé par notre auteur et pat Picenum. - À i Pline, -Castellum Firmanorum ; dans la suite, les häbitans du pays l’appelèrent Zego Cognolo, nom que le P. Brandimarte croit être très-ancien, et qu’il dérive du mot latin czreus, ou du grec »ävoç. Lorsqu'on admet cette opinion, il ne doit plus paroïtre étonnant qu'on ait sitôt oublié la ville: de Palma et son territoire, et que Pline seul en ait parlé ; le voisinage de Firmum, qui s’appropria ce territoire, l’obsturcit par sa gloire. Notre auteur prétend que les noms des bourgs d’Altidona et de Lapidona fournissent une nouvelle preuve de l'opinion qu’il à avancée, que le centre du territoire de Palma étoit dans l'emplacement de la tour de cette ville. Ces noms, dit-il, ne sont ni latins ni italiens. Leur terminaison est semblable à celle des noms de beaucoup de villes que nous savons avoir été possédées par les Siculiens et leurs compagnons les Liburniens, peuples qui, selon Pline, occupèrent pour la première fois le Picenum d'où ils furent chassés par les Umbriens. Maïs qui étoient ces Siculiens , et d’où venoient-ils? Le P. Brandimarte a également examiné ce point difficile, qu’il avoue lui-même être fort incertain et voilé de ténèbres. Nous renvoyons nos lecteurs à l'ouvrage même, où ils pourronttrouver les différentes «preuves qu’il donne pour montrer que les Siculiens étoient d'origine cananéenne ; ces preuves ne nous paroissent pas propres à être rapportées en extrait: Après avoir soigneusement illustré par ses observations et corrigé selon ses principes le passage de Pline qui traite de l’ancien Picenum , l’auteur parle des antiquités chrétiennes de’ la même province, et montre dans un chapitre particulier que Palma formoit, avec les autres villes de Picenum, un évêché. On trouve toutes les preuves de cette opinion et les conjectures de l’auteur dans l'ouvrage même qui se termine par ce chapitre et par un supplément de cinq articles. Le premier expose les différens événemens des églises de Torre di Palma, de Lapedona et d` Altidona ;'et le second ren- ferme les événemens politiques de ces mêmes: lieux depuis la chute de l’empire romain. Après cette introduction , l'auteur donne une description de ces bourgs mêmes, en commençant 168 ? Voyages. par celui de Torre di Palma, et ajoute à cette occasion, dans un chapitre particulier, celle de l'église de S. Marin a Mare» ` Les deux derniers articles de ce supplément contiennent la description des deux autres bourgs , Zapedona et Altidona. Le P. Brandimarte a mis à la suite de ce supplément une lettre qu’il avoit adressée à son savant ami M. l'abbé Francesco Cancellieri, prosigillateur de la Sainte - Pénitencerie, et sur— intendant de l'imprimerie de la congrégation de propagandé fide. Cette lettre est un monument important de l’histoire lit- téraire, et renferme une liste d'un grand nombre d'ouvrages publiés ou non publiés, de M. l'abbé Cancellieri, dont Péru- dition vaste et prodigieuse et le zèle infatigable pour toutes les sciences sont généralement connus. B. I. VoyacEs dans la partie septentrionale du Brésil, depuis 1809 ‘ jusqu'en 1815 ; comprenant les provinces de Pernambuco { Fernambouc ), Seara , Paraiha, Maragan , etc.; par Henri Kosrer , traduits de l'anglais; par M. A. JAY, orné de huit planches coloriées et de deux cartes. A Paris, chez Delaunay, libraire, Palais-Royal, galerie de bois, n° 243. 1818. Deux volumes in-6°. Cet ouvrage, attendu depuis long-temps à cause de son importance et de la réputation de son traducteur, vient de paroître, mais à une époque où tous les esprits sont ‘entraînés vers la politique , ce qui a empêché les journaux d’en donner jusqu'ici des analyses. Il est précédé d’une très-courte préface de l’auteur ; il est nécessaire d'en connoître la première partie.Je n’eus jamais, dit M. Koster, l'intention de publier rien de ce que j'aurois vu ou entendu dans ce pays-là. Ce n’est qu'après mon retour, qu'on ma encouragé à rassembler tous les détails que je pourrois communiquer. J'espère que le lecteur voudra bien excuser les défauts qu'il pourra découvrir dans cet ouvrage, lorsqu'il apprendra que je n’ai point fait des observations suivies sur-le Brésil, avec la pensée d'en publier les résultats, j'ajou=— , ` terai que la langue portugaise m'est plus'familière que celle de "4 Bresil. 169 * mon pays. Le lecteur sensé attachera peu d'importance au style d’un ouvrage de la nature de celui-ci. Les avis et la vaste bibliothèque de M. Southey, m'ont été d’un grand secours. Le docteur Traill m'a aidé à arranger la table des matières ; mais comme il ne l’a pas revue entièrement, s’il y a quelques fautes , c’est à moi qu’il faut les attribuer. | Les Observations préliminaires qui suivent, sont du traduc- teur, qui a pensé devoir y réunir l’histoire de l'établissement de la colonie portugaise au Brésil, et une courte notice de sa statistique. L'ouvrage de M. Koster est divisé en chapitres. Obligé de voyager pour sa santé, il choisit d'aller au Brésil, où il avoit des liaisons de famille. Il part le 2 novembre 1809, de Liver- pool. Après une heureuse traversée , il arrive le 2 décembre devant Pernambuco ; il décrit cette ville. La chaleur de l'été Poblige d’aller habiter une maison de campagne à Poco di Pa- nelle. Le bal, la musique , la danse , le thé, y sont les plaisirs de la société ; on joue dans quelques maisons du matin au soir ; on trouveroit des exemples de cet insipide amusement dans toutes les maisons de campagne de France, sans aller à Per- nambuco. Les fètes patronales sont les plus tumultueuses et les plus gaies, excepté dans les lieux où la présence du gouverneur peut gêner une prétendue liberté qui cède à l'espèce de terreur; c’est le mot employé par l'auteur, que produit partout au Brésil la prééminence du rang. Le Jeudi-Saint, toutes les dames portugaises, vêtues de noir, vont à pied dans les rues , ce qui est contraire à l'usage ordinaire ; mais cet acte de dévotion est une manière de donner essor à la vanité : elles sont couvertes de chaînes d’or et de bijoux. La cérémonie du, Vendredi - Saint nous a paru si curieuse, que nous avons cru devoir conserver le texte de l’auteur. « Le lendemain , jour du Vendredi-Saint, les décorations » des églises, les vêtemens des femmes , et même les manières » des deux sexes étoient changées ; lout étoit triste. Le matin, » J'allai avec les mêmes personnes à l’église du Saint-Sacre- a ment, pour assister à une représentation de la descente de t 0 i Voyages. a ARLON a PR TE SE a OR Eee RS TER RS US EC RU ANUS EU E ON AT; LA g croix- de Notre Sauveur. Un énorme rideau suspendu au plafond cachoit x la vue toute la chapelle principale. Un moine italien, missionnaire du couvent de Penha, avec une longue barbe, et vêtu d’un habit de gros drap brun jfoncé, étoit dans la chaire, prêt à iinproviser un sermon. Après, un exorde assez long, dont le. sujet avoit rapport à la fêle du.jour, il s'écria: « Le voila! » Le rideau tombant aussitôt, laissa voir une énorme croix, avec une image en bois de grandeur naturelle ,.très-bien sculptée et tres-bien peinte, représentant Notre- Seigneur, Tout autour de la croix éloient placés des anges, représerités par de jeunes personnes , toutes fort bien costumées, chacun portant une paire de grandes ailes en gaze. Un homme, le chef couvert d’une perruque, et vêtu d'une robe vert-pois, fguroit saint Jean, et une femme à genoux au picd:de la croix représentoit Madeleine. On m'apprit que les mœurs de cette femme n’étoient pas très-pures : on l’avoit sans doute ainsi choisie pour ajouter à l'illusion. Le moine con- tinua avec beaucoup de véhémence et d'originalité le récit: de la Passion, et, quelques minutes après, il s'écria d> nouveau : « Voyez, ils le font descendre ! » Alors quatre hommes, habillés en soldats romains, s’avancèrent ; leurs figures étoient cachées en partie par des crêpes noirs: deux d'entr’eux montèrent sur les échelles placées de chaque côté de la croix ; l’un enleva la planche sur laquelle étnient écrites les lettres P. N. R. I. Ensuite on ôta la couronne d'épines , et l’on:posa sur la ite du Christ un linge blanc, que l’on y pressa fortement : peu après, on len retira, et on le montra au public, teint dè sang , et portant l'impres- sion de la couronne. Cela fait, on arracha avec les tenailles les clous qui attachoient les mains. A cetinstant,, toutes les femmes de l'assemblée se frappèrent la poitrine à coups re- doublés. Une longue bande de linge blanc fut ensuite passée sous les bras de la statue; on ôta le clou qui retenoit les pieds, le corps glissa le long de la croix, et fut ensufte enve- loppé dans un drap blanc : tout cela se fit au commandement du prédicateur. Le sermon fini, nous quittänes l’église. Ma Brésil. 17i » surprise ne peut se décrire : j'avois bien ouï-dire qu'on » devoit faire quelque chose de pareil „mais je pavois pas la » moindre idée que la représentation dût être poussée si loin. » Le samedi matin, nous fûmes ässaillis par le bruit des » bœufs , des cochons‘, et les crisdes nègres esclaves, chargés de » paniers devolaille qu’ils venoient vendre. Tout cela devoit être » dévoréavant minuit; un grand nombre defamilles, fatiguées » deleur longueabstinence, attendoïent avec impatience le mo- » ment de satisfaire leur appétit. » Le lendemain , M. Koster resta chez un médecin de ses amis pour faire lapâque,etenmêmetempspour assister àla'célébration du baptème de ses enfans. Le repas fut tumultueux, et malgré la présence des dames et des maîtres, qui ne s’éloignèrentpas, les verres et les bouteilles furent cassés. Maïs ces fêtes sont rarés au Brésil, où on vit ordinairement d’une manière fort tran- quille ; c'est sûrement pourquoi les jours de fêtes: sont toujours accompagnés de quelques excès. M. Koster fut témoin à Iguaraça de là réception d’un nio- vice dans l’ordre des Franciscains. Ces cérémonies sont rares, et le nombre de ceux qui embrassent l’état monastique diminue tous les-jours: Il n’en est pas de même des prêtres du culte catholique : leur réserve , leur conduite les fait en général estimer. Les plus belles femmes sont celles de couleur ; et, selon M. Coster, il seroit difficile de trouver de plus beaux modèles dela forme humaine que parmi és filles du Soleil. Parmi les usagessinguliers de la société qu’il raconte , nous citerons celui de n’avoir que {rois à quatre couteaux sur une table „ quel: que sõit le nombre des convives, et de partager avec son voisin ce qu'on à sur son assiette. Les femmes et les hommes se placent sur deux rangs: Après ces détails sur les mœurs du Brésil, l’auteur passe à des objets d'un grand intérêt public : les taxes, la procédure criminelle, les prisons, là déportation, les établissemens militaires occupent son attention. Les observations de l’auteur ne sont pas en faveur de la bonté du gouvernement, 172 Voyages. Nous ne pouvons [extraire tout re que:rápporte l'auteur de - son ve yage à Goiana , à Paraïba , à Aracati et à Natal. On lira avec plaisir ce qu’il dit des Indiens de la famille des Fetosas, des Sertums et des Sertaineios, nom donné aux habitans.du Sertum ; nous ne pouvons que citer quelques traits. « Un usage singulier existe dans ce pays où les habitations » sont si éloignées les unes des autres. Certains prêtres obtien- » nent une licence de l'évêque de Pernambuco, et parcourent » ces contrées avec un pelit autel fait exprès, qu’ils mettent sur » le bât d’un cheval. Ils ont avec eux tout ce qu’il faut pour » Je service divin; le cheval est conduit par un garçon qui sert » la messe. Le prêtre est monté sur un autre cheval qui porte » son modeste porte-manteau. Les ecclésiastiques qui voyagent » ainsi, ramassent dans le courant d’une année cent cinquante ou » deux cents livres sterling, revenu considérable au Brésil, » mais péniblement gagné, si l’on considère les souffrances et » les privations qu’ils ont à endurer. Ils s'arrêtent et dressent » leur autel partout où il y a un nombre suffisant de personnes » qui consentent à payer pour entendre la messe. Ils la disent » quelquefois pour trois ou quatre shellings; mais lorsqu'un » homme riche a envie d’avoir un prêtre, ou qu'il est très- » dévot, il donne huit ou dix mille reis.( deux ou trois livres » sterlicg ). Il arrive même qu’on paie cent mille reis pour.une » messe , mais cela est très-rare. On donne par fois un, deux » on trois bœufs, on bien un même nombre de chevaux. Ces » prêtres sont des hommes utiles. Si la coutume dont je parle >» n’existoil pas, tout exercice du culte seroit interdit aux habi- » tans de beaucoup de districts; ou bienils ne pourroient tout au » plusassister au service divin qu'une fois ou deux par an, caril » ya des cantons qui sont à vingt ou trentelieues d’une église : » d’ailleurs, là où il n’y a ni loi, ni religion positive et raison- » nable, quelque chose vaut-mieux que rien. Ces prêtres font » des baptêmes et les mariages, ce qui prévient l’oubli total des » règles établies dans les: sociétés civilisées. » À l’une des fermes on me raconta une anecdote qui » prouve l'impossibilité où l’on est dans.ce pays de remplir | Mühologie Scandinave. 179 » avec exactitude les devoirs de la religion. Un prèire qui »passoit dans le pays fut prié par la femme du maitre de » la maison, de s'arrêter pour baptiser son fils. Il y consentit; » et après avoir attendu quelque temps, il fit entendre qu'il » désiroit continer sa route, et pria qu’on lui apportàt Pen- » fant. La femme lui répondit : Attendez encore un peu, il > est allé mener les chevaux à l’abreuvoir, et il reviendra »,bientôt. Le prêtre fut d’abord assez surpris ; mais il le fut » encore davantage en voyant que l'enfant qu'il devoit baptiser » avoit treize ou quatorze ans. » Des affaires rappelèrent l’auteur en Angleterre; mais sa santé l’obligea de chercher un pays plus chaud. Il quitta de nouveau l'Angleterre le 4 octobre 1811, et il revint à Per- nambuco le 26 décembre ; ce second voyage sera le sujet d’un autre article dans le N°. suivant. A. L. M. VVoERTERBUCH, c'est-à-dire, Dictionnaire de la Mythologie Scandinave ; avec une Introduction contenant un aperçu de l'histoire de l'étude de cette Mythologie ; par R. Nrerur, professeur à l’Université de Copenhague. Traduit du danois sur le manuscrit de l’auteur , par L. C. SANDER. Copen- hague. Bonnier, 1816. In-8°. La mythologie du Nord a été depuis quelque temps l’objet de quelques ouvrages. M. Mayer parle, dans son Diction- naire , des principaux mythes scandinaves ; néanmoins , celui de M. Nierup mérite de préférence , par son étendue, sa clarté et l'exactitude qu'il y a mise, d'être recommandé aux per- sonnes qui -désirent d'approfondir cette science. L'auteur a principalement puisé dans Edda, en prose , de Resenius, qu'il traduisit , en 1808 , ‘en danois, à l’aide du célèbre philo- logue islandais M. Rask. Le Heimskringla Saxo , les écrits de Suüuhm et de plusieurs autres, lui ont également fourni un nombre considérable de notices et des explications diverses. Il partage l’histoire de la mythologie scandinave en quatre pé- riodes ; 1°. au seizième , 2°. au dix-septième siècle, 3°. dix-hui- tième jusqu’en 1790 , 4°. depuis cette époque jusqu’à nos jours. 174 Histoire du Nord. Dans le seizième siècle , les seules sources où l'on pouvoit puiser cette histoire étoient les ouvrages de Paul le diacre (x) , d'Adam de Brème (2), de Saxo le grammairien (3). Eric Olaï (4) a beaucoup altéré le récit d'Adam. Ce n’est qu'en 1594, que Jens Mortensen ouvrit une source nouvelle, en publiant la CAronique royale Norwégienne, de Snorro Stur- leson. È x Dans le dix-septième siècle, Arngrimm Johnson (5), attira le premier à la littérature islandoise, l'attention des savans , en découvrant plusieurs manuscrits intéressans, entr’autres un sur parchemin de l'Edda , en prose, le livre sacré des Scandinaves. Il le donna en 1628, à Olaus-VWVormius , savant Danois , et dix années après l’évêque islandoïs. Brynjulf Sveadsen (6) décou- vrit plusieurs exemplaires de l’'Edda, en prose et en vers, que l’on conserve aujourd’hui à la bibliothèque royale de Copen- hague. En 1665, Pierre Resen publia l'Edda en prose, et la Voluspa, le chant le plus important de l’Edda poétique La tra- duction et les observations qui y sont jointes, sont d'Etienne Olafsen. En 1673, Gudmund-Andersen, auteur du premier Dictionnaire Islandois, donna une nouvelle édition ge la Vo- (1) Historia Longobard. Q) Adam de Brème, natif de Misnie, vint à Brême ien 1067, où il eut la direction des écoles. Dans la suite il fit, en ualité de missionnaire, un voyage dans le Holstein et le Demanio il'eut un Hbre accès à ls Cour de Roi Sveno II , et par-là l’occasion de recueillir les matériaux de l'Histoire des Eglises de Brème, de Hambourg et des contrées voisines , depuis l'an 988 , jusqu'er 1072, qu'il écrivit en latin après son retour à Brême, ainsi qu'un livre intitulé : De Danid , cælerisque regionibus arctois , qui fait suite au premier, mais qui contient beaucoup de fables. K. (3) Saxo, historien du douzième siècle, naquit dans la province de Scelande , en Danemarck. D’après les instances d’Absalon, archevêque de Landen , dont il étoit le secrétaire , il commença en 1177, à écrire son Histoire de Danemarck , depuis l'an 1037, avant J.-C., jusqu'en 1186 de T Ere chrétienne. Il mourut en 1204.-K. (4) Historia Suecorum Gothorumque. (5) Mort en 1648. (6) Mort en 1675. Mythologie Scandinave. 179 duspa, avec des notes et une traduction latine. Thomas Barthoa lin dans les Antiquités danoises (1), qu'il publia en 168q, rendit le premier un compte détaiilé de l Edda en vers. Les Suédois se procuroïent des manuscrits islandois, mais il leur mauquoit un bon interprète, jusqu’à ce qu'ils engagèrent en 1658 l’Eslandois Jonas Rugmann à s'établir dans leur pays. Les _ mythographes suédois les plus célebres du dix-septième siècle, sont Verelius, Schoeffer et Rudbeck. Au commencement du dix- huitième siècle , l’ouvrage de Torfœus , sur les rois de Dane- marck, (2) opéra de grands changemens dansl’historiographie du Nord. Kcisler et Anchersen , savans Danois, ont moins mérité de cette science; deux Allemands, J. Westphalen et G. Schuitzo, et Goransson. Mallet wauroit pas pu rendre aussi complet son ouvrage sur la Mythologie des Celtes et des Scandinaves , s'il n’a- voit puisé dons les écrits de Johnson Erschsen. M. Nierup rend eusuile compte des mérites que Lagerbring, Schocnrag, Suhm, Finn Johnson, Thorkclin, Thorlacius, Einarsen et d’autres, se sont acquis dans cette période de la mythologie Scandinave ; il parle du jugement défavorable que Schloetzer a porté de la littérature islandoise , et il rapporte les réfutations que plusieurs Scandinaves en ont faites. Enfin il fait mention des travaux de Hender, d'Ewald, de Baggesen, de Pram, sur les mythes du nord, de Liedda de Schimmelmann , de ceux de Sæmund, ouvrage tsès-important, et de la traduction danoise que Sanderig a donnée des chants eddiques. Dans la dernière période , qui s'étend depuis l’année 1791 jusqu'en 1814, Grater, Thorlacius, Wedel Simonsen, Henneberg, la Société de la littérature Scandinave, ont tra- duit, commenté ou expliqué lEdda , en tout ou en partie; Adelung, Delius, Richs, ont contesté l'antiquité et Tori- ginalité de la religion Scandinave ; Nyerup et P. E. Muller, en ont fait l'apologie. L'auteur termine cet aperçu par (1) Ænliquitates Danice. (2) Series dynastarum et regum Danie. A" t76 Voltaire. OEuvres: NE par un Traité de bibliographie de la science dont il a tracé l'histoire. ‘A. L. M. CORNELIA, c'est-à-dire Cornélie; Almanach à l'usage des Dames Allemandes, pour l'année 1818 ; par M. Aloyse SCHREIBER ; avec gravures et musique. Heidelberg, Engelmann. L'Almanach que M. Schreiber vient de publier pour 1818, surpasse en élégance ceux qu’il a rédigés pour les deux années précédentes. Le frontispice est un portrait très-ressemblant de S. M. l'impératrice d'Autriche ; dans le volume, il y a six gravures très-belles faites par Porthmann, d’après des dessins de Heïdeloff ; la couverture représente Geffiana et Wara, les deux anciennes divinités germaniques, dessinées par Heideloff, et gravées à l’eau forte avec beaucoup de goùt. Les noms des auteurs garantissent l'intérêt que doivent avoir leurs productions. Elles consistent en six contes, dont les auteurs sont Mme Hel- mina de Chezy, MM. Jary, Reinbeck et Al. Schreiber , et en une cinquantaine de poëmes de Mme de Chezy , de MM. Conz, Holzing, Ruckert, Schenkendorf et d’autres. La musique est de M. Kuhlau, excellent compositeur danois. Ce nouveau volume de la Cornelia fera plaisir à ses lecteurs. On a également mis en vente dans la même librairie le livre intitulé : Emma's Profunger, c'est-à-dire, Les Epreuves subies par Emma. {n-8°; par Mme Helmina DE Cuezy. Œuvres DE VOLTAIRE , en cinquante vol. in-12. Tomes VII*, VIII et XI°. À Paris, chez Mme Ve Perronneau, imprimeur- libraire, quai des Augustins, n° 34. 1817 (1). Il y a long-temps que nous n'avons parlé de cette excellente édition, qu’on doit regarder comme la meilleure pour le goût (1) :On souscrit, sans rien payer d'avance , chez Mme veuve Perronneau , l’un des éditeurs ; Cérioux l'aîné, libraire-éditeur ; quai Voltaire, n° 17; et chez les principaux libraires de Paris et des départemens, à raison de 3 fr. le volume, pap. fin, et 6 fr. pap. vélin. Pour les non-souscripteurs, 4 fr., et 8 fr. V. Ann. Encyctop. N° de juillet, p. 186. E AEE E en à POS LE e hf a à eS das > a Genèse. 177 qui préside à sa rédaction. Nous l'avons laissée au sixième volume, et à présent il en paroît douze. Le septième contient Ja fin fs pièces'de théâtre. Puisque le rédacteur ne pouvoit exclure le drame de Sağ? , c'est avec raison qu’il y a fait entrer cette pièce qu’il a placé avant l'opéra de Samson. On a réuni dans le huitième volume tous les poëmes natio- naux. On pense bien qu’à la tète est jz Henriade. Nous sommes étonnés qu'à cette occasion le savant éditeur mait pas dit un mot du Ænrico ; poëme antérieur à celui de Voltaire. M. de Villoison en a donné , dans le Magasin Encyclopédique , un excellent extrait. On trouve à la fin du volume une table des noms de toutes les personnes mentionnées dans les quatre poëmes qu'il contient. Si c’est un appel à la vanité, il est fait d’une manière délicate , et c’est un noble orgueil que de se ‘plaire à trouver le nom de ses parens et de ses aïeux dans les faits mémorables que le chantre àe Henri et de Fontenoy a célébrés. Nous ne dirons rien du neuvième volume, parce qu'il est entièrement rempli d'ouvrages que la morale réprouve, mais que l’engagement de donner une édition complète faisoit une loi de réimprimer. À ce volume succède celui qui renferme lés Discours et les Poëmes moraux. La netteté du caractère, la commodité du format, recom- mandent principalement cette édition. Les tomes X, XI et XIE offrent bien des améliorations; nous en rendrons compte avec plus de détails dans le N° prochain. A. L. M. L'ANTIQUITÉ dévoilée au moyen de la Genèse , quatrième édi- tion, augmentée de la chronologie de la Genèse et de la Théogonie d’ Hésiode , expliquée par la Genèse , accompa-— gnée de deux gravures , représentant les hémisphères cé- : lestes , austral et boréal; par Charles ROBERT-GOSSELIN. À Paris, chez Egron, imprimeur-libraire , rue des Noyers. Treuttell et VVürtz, rue de Bourbon, n° 17. 1817. In-8° Comme on a déjà rendu compte de ce que contiennent les précédentes éditions, nous nous bornerons ici à parler du complément de ceite dernière, dont la Théogonie d'Hésiode, Tome I. Janvier 1818. 12 178 Théogonie. Genèse: fait le principal sujet. Cette Théogonie commence d'abord par une i vocation d’'Hésiode aux Muses de lui révéler ce que l'homme re pouvoit savoir sans l'intervention de ces divines filles de Jupiter et de Mnémosine. Puis, entrant en matière, comme s'il étoit véritablement inspiré par elles, il développe successivement , sous la forme généalogique, le débrouillement du chaos qui régnoit alors ; débrouillement qui n’est, à propre. ment parler, que la régénération du globe terrestre, son illu- mination, son extraction de dessous les eaux, et le rétablisse— ment de la nature vivante et animée. Il peint ensuite la naissance de l'homme , fils de Japet, sa grandeur sous le nom d’Atlas portant le ciel sur sa tête, sa dégénérescence sous le nom de l'insensé Ménœtius, sa dépravation, et sa ruine dans les eaux du déluge, parfaitement représentées dans ses circonstances et dans leurs suiles, par la guerre de Jupiter contre les Titans. Or, comme les grands changemens arrivés sur la terre après cette catastrophe paroissent faire craindre à chaque instant le retour du déluge, Dieu promet à Noé de ne point interrompre le cours des saisons nouvellement établies, et pour gage de sa parole , il lui présente l'arc-en-ciel, phénomène admirable, qui, suivant la Théogonie, est la fille de Thaumas et d’Electre, Iris, messagère des cieux auprès de la nymphe Syr, par laquelle les dieux qui président aux destinées humaines, jurent d’être fidèles à remplir leurs fonctions , sans cependant faire connoître aux hommes ce qni doit leur être caché; emblème des mystères de la théologie païenne , auxquels on ne pouvoit être initié qu’en prêtant le serment de n’en rien di- vuleuer. Telles sont les grandes et importantes vérités que les Muses enseignèrent à Hésiode sous le voile de lallégorie, et qu’exprime la Genèse en parlant le langage de la vérité nue.| Elles apprirent encore à Hésiode comment , après la défaite des Titans, Jupiter, par son mariage avec Céres, donna nais- sance à l’agriculture , au commerce et aux arts de toute espèce, à l'appui desquels s’établirent les gouvernemens et les lois, tant civiles que politiques. Passant de la théogonie d'Hésiode à la mythologie ægyp- és st ae Théogonie. Genèse. 179 tienne, l’auteur de l Antiquité dévoilée par la Genèse fait voir par quantité de rapprochemens que l’une est exactement con- tenue dans l’autre. Il montre ensuite de quelle manière se sont obscurcies et allongées au-delà de toute borne les chroniques des anciens peuples , en plaçant de suite des générations et dynasties collatérales , et leur adaptant des périodes astrono- miques qui n'y avoient aucun rapport. Il termine ses observations par présenter les deux miracles de la rétrogradation du soleil, opérée l’une sous Josué, l’autre sous Ezéchias, comme étant la vraie cause du phénomène raconté à Æerodote par les prêtres d’Ægypte touchant les levers et couchers du soleil arrivés deux fois à l'inverse des lois qu'il a coutume de suivre, sans qu’il en eût résulté aucun change- ment sur la terre et dans les eaux. Stabilité remarquable dans l’ordre physique, qui certainement n’eût pu continuer d’exister si le soleil, dans sa marche rétrograde, eùt changé de route comme il avoit fait au déluge. Par là, ajoute l’auteur, s’éclair- cit le passage d'Hérodote et s'affermit en mème temps l'auto- rité des Ecritures sacrées, qui fournissent la solution de tant de problèmes d'histoire , de physique , de géologie et de morale. B. DémonomaGiE, etc. c'est-a-dire démonomagie ou histoire de la croyance donnée à la magie et aux miracles des démons s et surtout des procès contre les sorciers , depuis les temps d In- nocent VIII; par George-Conrad Horst. Francfort, Wil- manns. 1817. Deux vol. in-6°. Le savant auteur s’est occupé depuis plusieurs années à re- cueillir des matériaux sur ce sujet. Il joint à la profondeur de ses recherches tous les agrémens du style , et ou peut espérer que le public cultivé recevra avec plaisir un ouvrage qui traite une partie aussi curieuse de l’histoire de l'esprit humain. M. B. 12, w vi 180 Législation Militaire. LÉGISLATION MILITAIRE , ou Recueil méthodigue el raisonné des lois, ordonnances, arrélés, réglemens et instructions actuellement en vigueur sur toutes les branches de létat mili- aires par H. BerRIAT, sous-inspecteur aux revues. Sup- plément , tom. I, vol. V du recueil et supplément ; tom. I- vol. VI du recueil. A Perpignan, chez Tastu père et fils, imprimeurs du Roi. 1817. Deux vol. in-8°. Cet ouvrage de M. H. Berriat est le résultat d'un immense travail : ij lui a mérité l'attention dn gouvernement, l'estime et la reconnoissance de l’armée. Il n'y a pas de livre plus essentiel à un militaire, puisque celui qui a le moins étudié, ade qu’il soit, y peut trouvér en un moment en de quelque gr s obligations et ses droits ; les changemens quoi consistent se dans l'administration ont nécessité un supplément à ce grand ouvrage : il est contenu dans les deux volumes que l'auteur il rend compte dans sa préface des dispositions géné— publie ; ont eu lieu dans le personnel et le matériel de rales qui © Tarmée. Le livre est accompagné de tables et de tableaux du plus + grand intérêt pour les militaires ; et sa rédaction est telle que sans suivre le noble métier des armes, on peut désirer d’a— voir un ouvrage qui met aussi bien au fait de tout ce qui con— cerne les généreux défenseurs de l'Etat , parmi lesquels chacun est fier de compter un frère ou un ami. A. L. M. Jomaxx-Anoam MULLER , etc. c'est-à-dire, Histoire de Jean- Adam Muller le prophète, et de son père, mise en parallele avec celle de Jean Engelbreckt, prophète du dix-septième siècle : gui est mort deux fois ; ouvrage qui doit expliquer la voca= tion de prophète que croyoit avoir le premier, et éclaircir quelques points de psychologie ; par Jean- Christophe. Horrsaun, doctéur en droit et en philosophie ; professeur de philosophie à Halle, et membre de l'Académie royale des sciences de Drontheim. Halle et Berlin, librairie de la maison des Orphelins. 1817. age a fixé pendant long- L'homme qui est le sujet de cet ouvr asses de la société; temps, en Allemagne, l'attention de toutes les el Abeilles Halicte. 181 La vie etle prétendu esprit prophétique ď Adam Muller , doivent donc exciter l'intérêt d’un très-grand nombre de lecteurs. Le prophète disparoît , il est vrai , mais l'homme honnëte se ma- nifeste ; ainsi qu’on le voit par le développement de soù his- toire sous les mêmes circonstances. Cet ouvrage contient plu- sieurs traits qui n'éloient point connus jusqu'à présent, et des éclaircissemens précieux sur plusieurs points de psychologie, qui avoient été presque entièrement népligés. A. Mémoires pour servir à l'Histoire naturelle des Abeilles solitaires, gui composent le genre Halicte ; par C. A. WVALCKENAER, membre de l'Institut royal, de France, de l'Académie des Inscriptions et Belies- Lettres. Paris, de l'imprimerie de Firmin Didot, imprimeur du Roi et de l’Institut, rue Jacob, n° 24. 1817. In-8°. M. VValckenaër acommencé parcultiver l'Histoire naturelle, particulièrement V £r/omalogie ; il a donné une Faune pari- sienne, et il a fait un excellent travail sur la famille des » - Araignées. M. VValckenaër s’est plu ensuite à étudier la géo— à graphie, et on lui doit, outre une bonne traduction de Pincker- ton, une excellente cosmologie. Cette étude l’a conduit à des recherches sur la géographie ancienne ; l’Académie des Belles- Lettres a couronné son Mémoire surla géographie de la Gaule, mémoire dont on désire vivement l'impression , et elle s'ap- plaudit aujourd’hui de l'avoir admis au nombre de ses membres, Il se livre à présent à la carrière administrative ; mais elle ne lui fait pas oublier les sciences, et il revient à sa première étude, celle des insectes. M. VValckenaër s’étoit occupé de la classification des Abeilles; il a observé que dans cette famille, les Abeilles mipeuses pouvoient former un genre particulier, dont le carac- tère essentiel est dans les femelles un sillon longitudinal au dos du dernier segment de l’abdomen, M. Kirby, dans son excel- lente Histoire des Abeilles d'Angleterre , a adopté cette divi- sion, et il fait du genre ÆHalicte, de M. VWYalckenaër, la - 182 Abeilles Halicte: quatrième division du grand genre Mezitte. Il en a décrit vingt- quatre espèces , la collection de M. Latreille en renferme plus de quarante de ce genre ; il est donc si nombreux, que le temps qui reste à M. Walckenaër, ne lui permet pas de se livrer aux observations qu'exigeroit une monographie complète. Il a ob- servé les mœurs de la plus grande et de la plus petite de nos Halictes indigènes, qui toutes deux creusent leurs habitations sous la terre , et il s'attache à les décrire, et à faire connoître ces deux espèces. Il décrit dans un premier Mémoire les mœurs et les habitudes de la plus petite des deux, c'est la variété y de la Melitta fulvo-cincta de M. Kirby, etc. L'histoire de l'Æalicte perceur ( Halictus terebrator ) est très- curieuse, mais nous n’en pouvons répéter tous les détails ; il suffit de dire que ces insectes creusent pendant la nuit une infinité de trous. etqu'ilsvont pendant le’our chercher sur des fleurs basses et nouvellement épanouïies , le pollen nécessaire, à la confec- tion de leur miel ; le travail de nuit se prolonge très-avant, même jusqu'à six heures du matin ; ce n’est que vers huit à neuf heures qu'ils sortent et se dispersent sur les. fleurs. Dau- , teur décrit avec soin les trous et les habitations de ces insectes, leur miel, leur larve et leur nymphe. Les hahctes, comme tous les êtres industrieux, ont des ennemis : de maussades araignées , l’agrétique et l’andrénivore, tombent sur ces actifs ouvriers pendant qu'ils se reposent à terre, et les emportent pour les dévorer à loisir. La mouche dorée ( chrysis lucidula ), élégant fanfaron, leur fait plus de peur que de mal. Des abeilles naturellement chagrines et jalouses, parce qu’elles vivent solitaires, le sphecodes gibbus , la #yphia rufiventris, et la melitta sphecoïdes, cherchent sans „cesse à pénétrer dans leurs trous. Les fourmis devroient res- pecter des insectes laborieux comme elles ; mais le potier porte envie au potier, et la fourmi à l’halicte; elles traitent ceux-ci comme elles devroient faire d’oisiyes cigales. Le plus terrible ennemi des halictes est le Cercère orné. Cet hyménoptère appartient à la grande famille des insectes fouis-— seurs; on l'appelle orné, à cause des bandes jaunes échancrées Ln Abeilles Halicte. | 16 dont il est paré; il est parmi les insectes ce que sent les aigles et les éverviers parmi les oiseaux. C’est entre neuf et onze heures qu’il se livre à sa cruelle chasse. « Les cercères volligent » çà et là au-dessus de la demeure de nos abeilles, et logs- qu’elles se préparent à entrer dans leurs trous, et que leur vol est stationnaire, le cercère orné fond sur une abeille, la saisit par le dos, et l’enlève; il vole quelques pas avec elle , puis se pose par terre, s'accole ensuite contre quelque petite pierre ou quelque motte de terre , et retourne sa proie » de manière à ce qu'elle soit couchée sur le dos ; il marche sur son ventre en se dirigeant vers la tête ; l’abeille agite en vain ses mandibules alongées, ses mâchoires et sa languette ; il lui enfonce son aiguillon immédiatement au-dessous de la tête : elle demeure alors sans force et palpitante, mais elle ne meurt point : elle n’est point destinée à devenir la proie du cercère orné; c'est pour élever sa postérité qu’il est ainsi féroce, et qu'il enterre vivantes ces malheureuses abeilles, qu’on retrouve dans son irou encore palpitañtes et à l'agonie plusieurs jours après leur enlèvement. Ces abeilles, et une petite espèce du même genre, verte et cuivrée, sont presque les seules proies dont les cercères ornés s'emparent. On trouve ordinairement trois halictes perceurs et un halicte cuivré pour la nourriture d’une seule larve de cercère. Cependant vers la fin de la saison, an commencement de septembre, lorsque les halictes perceurs commencent à de= venir rares , les cercères ornés fondent sur d’autres espèces du même genre, plus grandes et plus fortes; et j'ai rencontré aussi une de ces larves qui n’avoit pour sa provision que trois halictes cuivrés, sans aucun halicte perceur. » Lorsque le cercère orné se trouve trop chargé par le poids de l'abeille , il la dépose en chemin, pour la reprendre ensuite. Quelquefois aussi son trou est bouché ou obstrué par quelque petite pierre , ou quelque parcelle de terre. Alors il est forcé de déposer sa proie près de l'entrée ; maïs tandis qu'il travaille à débarrasser cette entrée, souvent ar- rive la fourmi, qui se saisit de la pauvre abeille et Fémporte - demi-mourante avec la rapidité d’une voleuse. A beilles Halicte. Après ceite description des habitudes du cercère orné, M. Walckenaër donne celle des trous dans lesquels il habite. « Les cercères ornés , dit-il, creusent des trous dans les mêmes » lieux que ceux des halictes perceurs , et au milieu des leurs, » mais non en aussi grand nombre. Il est aussi quelques indi- » vidus qui choisissent une petite touffe d'herbe isolée , pour y » creuser leurs habitations. » On en trouve occupés à ce travail, depuis le mois de juin , » jusqu’au commencement de septembre , lorsque les halictes » perceurs ont entièrement disparu. Aussi c’est alors seulement » que les cercères ornés saisissent d’autres insectes du mème » genre. » L'entrée de ces trous, lorsqu'ils ont été fraichement » creusés , est entourée d’un rempart intérieur de sable, bien » poli et'agglutiné avec un mortier blanchâtre ; ce rempart » s'élève souvent au dessus du sol; cette entrée est grande, » proportionnellement à l'insecte, parce qu'il doit y passer » avec sa proie; elle est encore plus large immédiatement au- » dessous de l'ouverture. L'insecle la rétrécii lorsqu'il a porté à » sa larve la provision nécessaire, et il finit par la boucher en- » tièrement. » Ces trous ne sonl pas creusés perpendiculairement ; ils » s'inclinent d'un côté, presque aussitôt après l'entrée; et » suivent cette direction à une profondeur de trois pouces, a ensuite ils se dirigent dans le sens latéral , à la profondeur de » deux pouces ; de sorte qu’ils forment , par leur double sinuo- » sité , une sorte de Spenché, dont le milieu , ou le ventre » est en ligne droite. Ces trous ont environ cinq pouces de » longueur , à cause de leur développement ; et c’est à quatre » pouces de profondeur que l’on trouve la larve , dont le nid a » une forme ronde ou globuleuse. » M. Waickenaër donne ensuite la description de la larve et de la nymphe du Cercère. Il traite après du grand halicte, ou l'Aalisle écaphose ( halictus ecaphosus ) ; de sa larve, de sa nymphe, et il čtablit la synonymie de tous les insectes avec jesquels on a confondu ses deux halictes et des insectes divers ó ES = Pap / D. Critique Académique. dont il a parlé par occasion. Une belle planche représente l'éalicte écaphose et Vhalicte perceur mâle et femelle , avec leurs parties anatomiques. L'ouvrage a été élégamment imprimé chez M. Firmin Didot ; ainsi l'agrément est joint au savoir et à lutibté. A. L. M. 4 OBSERVATIONS CRITIQUES sur l'ouvrage intitulé : Le Génie du Christianisme , par M. de Chateaubriand; pour faire suite au Tableau de la Littérature Française ; par M. J. DE CHÉNIER. A Paris, chez Maradan. 1817. In-8°. Buonaparte avoit voulu ressusciter, dans l’Académie fran- çaise, l'usage de faire la critique des ouvrages marquans , afin d'empêcher, disoit-il, de fausses docirines de s'établir. Le Génie du Christianisme de M. le vicomte de Chateaubriand obtint le premier l'honneur d’être traité comme l'avoit été le Cid. MM. le comte Daru, Lacretelle, Morellet, le comte Regnault de Saint-Jean-d’Angely , l'abbé Sicard et Lemercier furent nommés commissaires pour donner leur opinion sur cel ouvrage; chacun a fait son rapport; ee travail avoit été imprimé, cependant on le croyoit perdu; on l’a retrouvé par lambeaux dans des papiers inutiles destinés à périr. C'est cet ouvrage échappé, comme par miracle, à la des- truction , qu’un éditeur , dont la divulgation du nom est réservée pour le Dictionnaire des Anonymes, publie aujourd’hui. On y reconnoît l'esprit qui animoit chacun des juges à l’époque où ils ont fait leur rapport ; nous ne pouvons qu’indiquer cet ouvrage, car il faudroit autrement faire une analyse d’analyses, et sou- mettre ce qui a été discuté à une nouvelle discussion; il nous, suffit de consigner ici l'arrêt de laréopage littéraire, tek qu’il a élé porté. ya Le Génie du Christianisme , considéré comme ouvrage de littérature , a paru à la classe défectueux , quant au fond et au plan. 2°. Quand le fond et le plan n’aurotent pas les défauts que la classe y a reconnus, l’éxécution seroit encore imparfaite. 3°. Malgré les défauts remarqués dans le fond de l'ouvrage, ‘hé 186 Palæographie: dans son plan et dans son exécution , la classe a reconnu um talent très-distingué dans le style. 4°. Elle a trouvé de nombreux morceaux de détail, remar- quables par leur mérite , et dans quelques parties, des beautés du premier ordre. 5°. Elle a trouvé toutefois que l'éclat du style et la beauté des détails n’auroient pas sufi pour assurer à l’ouvrage le succès qu'il a obtenu , et que ce succès est dù aussi à l'esprit de parti et à des passions du moment, qui s’en sont emparés , soit pour l’exalter à l'excès, soit pour le déprimer avec injustice. 6°. Enfin , la classe pense que l'ouvrage , tel qu’il est, pourroit mériter une distinction. ..,.. Cette critique académique a une solennité qui rend plus célèbre l'ouvrage dont elle est l'objet , et honore son auteur. Elle mettroit le sceau à sa réputation , s’il ne savoit la consa- crer lui-même, chaque jour, par des écrits pleins de force et d'éloquence. A. L. M. Surra /ribu e sin decurioni dell antico municipio Bresciano. Dissertazione epistolare del dotlor Giovanni Ladus. Brescia, Gr. in-8°. M. Labus est un de ces Italiens qui suivent les traces de tant d'illustres écrivains , il s'occupe de son histoire nationale. Né à Brescia, qui a produit de célèbres érudits, et parmi eux , un des plus illustres, le comte Giammario Mazzuchelli, il s'attache à expliquer les chartes et les monumens relatifs à sa patrie , et à faire des recherches qui puissent en procurer de nouveaux. Il se livre avec succès à l’histoire littéraire; mais la palæographie paroît surtout attirer son attention. Il étoit à Bornato, dans la délicieuse campagne de M. le baron Giuseppe Beccalossi ; la conversation rouloit ordinaire ment sur les antiquités, l'histoire et les monumens , et enfin sur tout ce qui intéresse Brescia. Le baron mena M. Labus dans un jardin où est une inscription curieuse déjà connue et publiée par Rossi, Gruter et d’autres encore, mais avec beau- F ji Inscription Latine. 187 coup d’incerrection et d’inexactitude ; M. Labus en fit un dessin exact, et envoya à son ami une explication si intéressante, que celui-ci a cru rendre service à l’histoire et aux lettres, en la publiant ; c’est ladissertation que nous annonçons. Elle est accompagnée d'une bonne gravure, d'un cippe dont l'inscription est déja connue, mais qui n’a jamais été dessinée ; ainsi , c'est la seule dans laquelle on trouve l'indication du dieu topiqueappelé Bergimus. L'auteur donne encore le dessin d’une autre inscription qui est à Botticino , en la comparant avec les nombreuses copies qui en ont été faites; on voit combien celles- ci sont inexactes ; il donne aussi la représentation d’un marbre qui est encastré dans le mur de Saint - Lazare, à Brescia; on y voit trois figures à table. M. Labus lit ainsi l'inscription qui fait le sujet principal de cette dissertation : Marci. IVLI. HOMONCIORIS. ET. CORNEŽiae. TERTULLAE , PARENTIUM. ET. Marci. IVLI. HOMINIS. ET. IVLIAE. MARCELLINAE; FRATRIVM. PIISSIMORVM. Marcus. IVLIVS. e #ribu FABIG. MARCELLINYS.' DECVRIO. BRIXice. fecit. ET. SIBI. ET. MESSIAE PYSINNAE. VXORI. OPTIMAL. Nous ne pouvons donner tous les détails curieux que con- tient l'explication de M. Labus. Il cite d’abord plusieurs exemples pour prouver que le mot žomo et le mot Řomuncio , son diminutif, se rencontrent dans plusieurs inscriptions : on trouve cependant ici une singularité, c’est que le fils a le nom primitif quand le père n’a qu’un dérivé. M. Labus n’en donne pas la raison ; il est probable que le mot Homuncio, donnant lieu à quelque mauvaise plaisanterie, le fils d'Homuncio en aura voulu prendre un qui n’en admit aucune. Nous ayons en D 188 Palæographie. France plusieurs familles qui s'appellent Zomme , P Homme , Jourehomme , Prud'homme , Bonhomme, etc. Le mot Fas , c'est-à-dire è Favia Tribu , est le plus intéres- sant; cest lui quia donné lieu aux sayantes recherches de M. Labus, sur l’origine de Brescia , et le lemps où elle obtint tous les droits des colonies et les différentes tribus auxquelles ses citoyens ont été agrégés; il prouve que le plus grand nombre appartenoit à la tribu Fabia. Il parle ensuite de l’ordre des Decurions, de ses attributions et de ses droits. i M. Labus cite, à l'appui de ses opinions , beaucoup d'ins- criptions. Il en publie de nouvelles, qu'il explique avec une rare érudition. A. L. M. ŒvuvrE; complete de Jacgues Barozzi de Vignole; p 7 g par F. DrsrerT ef H. Lesas , architectes. Jacques Barozzi de Vignole, célèbre architecte, du seizième siècle , et qui a enrichi l'Italie d'édifices magnifiques, n’est guère connu en Europe que par son excellent Traité des cinq Ordres. Beaucoup d'artistes , dans leurs voyages, ont étudié les chefs-d'œuvre de ce maitre; mais aucun d'eux n’a pensé à les publier. Cet ouvrage, de format grand in-folio, composé de 150 planches environ , comprendra les palais, églises, maisons de ville , de campagne , et autres édifices publics et particuliers construits par Barozzi ou d’après ses dessins. Il sera publié par cahier de six planches chacun. Ils contiendront , selon limpor- tance dés bâtimens, les plans, coupes, élévat ons et détails géométraux en grand, ainsi que quelques vues perspectives où décors intérieurs. On recevra , avec le dernier cahier, le texte explicatif dës planches et la vie de l’auteur. F paroïîtra un cahier toutes les six semaines (1). $ (1) Le prix de'chaque livraison, gravée au trait sur papier de France, est de 5 fr.; sur papier de Hollande , 10 fr. Jdem. . lavée et coloriée, 40. On souscrit à Paris, chez Dussillion, nspecteur des bâtimens , au Palais des Beaux-Arts; les prin= s $ 2} i r Monumens Francais. 189 Cet ouvrage est d'un si haut intérèt pour l’histoire des arts et l'architecture , qu'il est inutile de chercher à le prouver. 3 $: 4 = fection, trois voyages en Lalie. Les quatre premières livrai-- 4 À L'exécution est digne de l'importance de l’entreprise. Il suffit de dire que des auteurs ont fait, pour le conduire à sa per— sons que nous annonçons contiennent le portrait de Jacob ; Barozzi, dans un beau cartouche ; le superbe château de f Caprarda , chef-d'œuvre de son génie , où on admire la no- blesse unie à la grâce , avéc ses coupes, plans et élévations des panneaux des plafonds, où on trouve une inépuisable variété. A. L. M. Moxumens FRANÇAIS INÉDITS, pour servir à l'histoire des arts, des costumes civils ef militaires , armes, armures , instrumens de musique , meubles de toutes espèces, et décorations inté- | rieures et extérieures de maisons ; rédigés, dessinés, gravés p et coloriées à la main, d'après les originaux; par N. E. y VVILLEMIN. XXe livraison. À Paris, chez l’auteur, rue Saint- | Honoré, n° 149 , près celle de l'Oratoire. 12 fr. Nous avons annoncé, dans le N° de décembre 1817, la © XIXe livraison de cet intéressant ouvrage : celle-ci contient une crosse d'émail, une plaque de bronze du cabinet de M. Gri- ) vault , représentant l'empereur Héraclius , et les animaux qui . sont les symboles des évangélistes ; le portrait de Venceslas , » roi de Bohème, tiré d'un manuscrit allemand du XIIe siècle; Othon , marquis de Brandebourg , jouant aux échecs , d'a- près un manuscrit de la Bibliothéque du Roi; le portail de église de Clugny. J'observerai que l'architecte a imité , pour le couronnement , celui de la porte d’Aroux, à Autun; un *concért tiré d’une bible du XIII siècle; un beau siége de l'église de Garoux Rosecoff; le portail de la chapelle de Saint- at , dans la cathédrale de Chartres. A. L. M. } cipaux libraires et marchands d’estampes de la France et de - 2Ltranger. AAA AAA AA AAA we AAA AN i ANNONCES. y LIVRES FRANÇAIS. Nouveau VOCABULAIRE FRANÇAIS, oulon a suivi l'ortho- graphe du Dictionnaire de l’Académie ; et dans lequel on ©, un grand nombre de mots et d’accep- trouve de plus:1 tions de mots généralement reçus , et qu’on a distingués par | une étoile ; 2°. environ huit mille termes de sciences et arts, et spécialement la nouvelle nomenclature chimique ; 3°. un vocabulaire géographique ; 4°. la prononciation de tous les * mots ; 5°. l'étymologie des mots dérivés du grec et du latin; 6°. la conjugaison des verbes irréguliers. Par MM. de WalLzx, | membre de l'Institut, et dA YVAILLY , proviseur du collége de Henri IV. Septieme édition, corrigée et augmentée par l’auteur. Ouvrage adopté par l'Université de France pour les colléges et les écoles publiques ; et revu , quant auxtermes de médecine , d'anatomie et d'histoire naturelle, par W M. BosquiLLoN, médecin de Paris, et professeur de langue 4 grecque au collége royal. In-8°. Chez Rémont et fils. 7 fr. 50 c. Agathocies , ou Lettres écrites de Rome et de Grèce au commen- cement du quatrieme siecle; traduites de l'allemand, de Mad. PRECHLER, par mad. IsABELLE DE MonrtoLiev. Troisième édition, revue , corrigée et ornée de quatre gravures. Quatre volumes in-12 Chez Eymery. 8 fr. » La Femme, ou Ida l'Athénienne , roman traduit de l'anglais, M de mist Owenson. Quaire volumes in-12. Chez Nicolle. Découverte de l’ Amérique , ouvrage propre à l'instruction et à l’'amusement de la jeunesse ; faisant suite au Nouveau Ro— binson ; traduit de l'allemand , de M. Camre. Quatrième édition, orn Notice historique sur M. le lieutenant-général Charles-Antoine comte Mankes , etc.; extraite en grande partie des archives du ministre de la guerre de France, et de la chancellerie de: la guerre à Naples ; par M. de G###, officier employé à. l'état-major du iieutenant-général Manhes, dans le royaume de Naples. In-8°. Chez Dentu. 1 fr. 50 c. fi i | Annonces. Livres Français. 19i De la Monarchie Française, depuis le retour de la Maison de © Bourbon jusqu'au °° avril 1815; Considérations sur l'état de la France à celle époque ; Examen de la Charte constitu- lionnelle, de ses défectuosités, et des principes sur lesquels l'ordre social peut être recomposé. Par M. de MONTLOSIER, Seconde édition. In-8°. Chez Nicolle et chez Delaunay. Lettres à Sophie, sur la Physique, la Chimie et l'Histoire Na- turelle ; par Louis-Aimé Mantin; avec des notes, par M. Parrin , de l’Institut. Cinquième édition, corrigée et augmentée. Quatre volumes in-18; plus quatre planches. Chez H. Nicolle. 10 fr. Grammaire des Grammaires, ou Analyse raisonnée des meilleurs {railés sur la langue francaise ; ouvrage mis par l'Université au nombre des livres qui doivent être donnés en prix dans les colléges, et reconnu par l’Académie française comme indispensable à ses travaux, et utile à la littérature en général; par Ch. P. Grrauzt-Duvivier. Troisième édition, revue avec beaucoup de soin, et augmentée d’un grand nombre … d'articles. Deux volumes in-8°. Chez l’auteur , rue de Gram- mont, n° z1, et chez Janet et Cotelle. 18 fr. Traité des Adverbes latins ; ouvrage méthodique et raisonné, x . 9 Q pi propre à donner une connoissance approfondie de cette espèce de mot, et destiné particulierement aux professeurs, aux instituteurs, ou précepteurs, et aux auteurs de grammaires latines classiques ; par un professeur émérite de l’ancienne Université. Chez Mm® Nyon, quai Conti. 79 c. Appréciation du projet de loi relatif aux trois Concordafs ; avec les articles du dernier Concordaf, ceux du projet de loi, et ure revue des ouvrages sur les Concordots ; par J. D. Lan- JUINAIS, pair de Frauce. Chez Baudouin, freres, libraires, rue de Vaugirard, n° 36, Delaunay; libraire, au Palais- Royal, n° 243. 1817. In-8°. On en va mettre en vente une seconde édition, corrigée et augmentée. Plan de paix universelle, conçu à Francfort-sur-le-WMein , er avril 1813; Plan de la contribution paternelle, de maisons de secours et de libération absolue de Ë Etat ; Supplique à Sa Majeste el aux Chambres, en émission d'une loi qui consacre à jamais la Croix et l Evangile sur le trône, et le Roi au pied de leur trône ; et d'une loi qui autorise Sa Majesté ef des Chambres à proposer aux Puissances l'etablissement d'ur Conseil Supreme des Rois, garant ac la paix perpetuelle ; avec des notes importantes, el des extraits d'essais moraux er prose et en vers: par M. DESTRAYAULT, magistrat, avocat, auteur de la Direction paternelle et maternelle des mœurs, ou Diademe de nos lois. ét de divers autres opuscules mo~ raux. Chez l'Auteur, rue Saint-Germain-l'Auxerrois, n° 86 , et chez tous les libraires. 1917. In-80. E DUR + ya Į a TS ïg2 Annonces. Livres Etrangers. — 4 Système politique suivi par le ministère ; par M. DE C +” . À e; > HATEAUS © BRIAND , pair de France, Chez le Normant. 2 fr, i LIVRES ETRANGERS. x A Erte Fortsetzung der nachrichten vom hiesigen Gymnasium ent halten in einer Einladurgs schriff zu Pragressiaris Feyer- lichkeit nù Gymnasium zu Frankfurt am Mayn var Friede- rich Christian MATTAÆt, professor und rector. Frankfurt, am Mayn 1816. In-4°. X : su Sulla Patria et sulla Età del Cronografo Novaliciense ; Pisser- tazione di Fabrizio MALESPINA , corredata d'istorirhe annota- zioni e d inediti documenti. Tortona , stamperia Rossi, 1816. Di p. 104, in-8°; y Della Vita di Giam Battista MoNTEGGxA, professore di chi- rurgia. Memoria del dott. Enrico Acerbi. Milano, stam* peria Dara , 1816. Ve Saggio sopra là Storia e il Collivamente dell Erba medica, del \ conte Filippo RE. Edizione seconda. Milano, Silvestri, 1816. In-8°. De ingressu Antonii ATTOVITÆ , archiepiscopi florentini , histo- rica descriptio incerti auetoris. Edidit , prefatus est, et notas adjecit Dominicus MORENWS, in feuslissimo desideratissimi novi presulis adventu etullans. Florentie , 1815. In-8°. Tesoretto della Lingua Toscana , ossia la Trinuzia Commedia del FIRENZUOLA 5 opera corredata di note grammaticali, ană— litiche e litterarie; e d’ una scelta di più vaghi modi del parlar toscene, da: G. Biaciou. Parigi, Fayolle, 1816. in-8° e 32 di prefazione. à a D Le D. 18 X MIONE WWAN P R DS . MÉMOIRES. € Avertissement. 5 Discours sur les heureux effets . de la puissance pontificale , au moyen âge; par M. Raoul- ' Roskelte La Rosa Redutea ; par MTBO ñ, = Voyage à Nicopolis ; par M. Du- pré. Lettre à M. Millin, sur deux ar- a ré ticles concernant la Suède,etc.; XA |: par M. Catteau-Calleville. 66 (77 j x , 2% | Temple de la Concorde, récem- A} ment découvert à Rome , par eN - M. l'abbé Carlo Fea. © , 72 Ode grecque à M. Spiridion Konto ; par M. Nicolo-Poulo. RE DRE 82 Traduction en vers français; par M. Mahul. id. Haches de pierre, trouvées en : France; par M. ME ne ; \ 8 Notice sur M. l'abbé Pullini. g1 | NOUVELLES LITTÉRAIRES. NorwÈces. 107 -Université de Christiania. 24. RUSSIE. 108 ! Académie de médecine de Mos- ‘cou. arr à | ITALIE. id. {Mort de Jacques Durandi. id. Académie économique des Gé- | orsophiles de Florence. 109 | Fouilles faites aux environs de 1 Rome. Fouilles. faites dans l’emplace- | ment de l’ancien Pusculum. LU 7 RaT pm Fouilles de Pompeii. 119 M AID TD - x e SW. W Q araea e a p- RRRA 4r -113 | Le prophète Jean Adam-Muller; id TABLE DES ARTICLES. FRANCE. 120 Morceau de ciment singulier. s 24. Belle médaille de Phraate IV, roi parthe. 121 Académie des inscriptions et belles-lettres. 122 Revue des théâtres de Paris. id. EXTRAITS ET NOTICES. Almanach de la Réformation. 126 Aperçus philosophiques. 140 Dee Biren N a Dictionnaire des Sciences Natu- relles, tom. IX. 152 Instruction des aveugles; par M. le docteur Guillé. 154 Sur un outrage fait à Léon III et Charlemagne , dans un ta- bleau moderne ; par M. San- telli. 156 Description de Picenum; par Fr. A. Brandimarte. 162 Voyages au Brésil ; par M. Kos- ter. 167 Mythologie Scandinave ; par M. Nierup. 173 Cornélia , almanach ; par M. Schreiber. 576 Œuvres de Voltaire, tom. YH, VIIT et IX. id. L'Antiquité dévoilée au moyen de la Genèse ; par M. Gosselin. 177 Demonomagie ; par M. Hoist. 179 Législation militaire ; par M. Berriat.. 180 par M. Hoffbaur. id. Sur Phistoire naturelle des Abeilles solitaires; par - M. VValkenaer. 181 vs: * r) Tobsxcta: critiques sur lep Génie du Christianisme def | M. de Chateaubriand ; par Livres française. M. de Chénier. 185 | Livres. Sr oa Seila tribu e sun decurioli dell |) "4 k &ntico municipio, Bresciano : jA a 5 GRAVURES. a M. Labus. EEE A T La Rosa Redutea péinte; ! L'anneau de miariäge de Lüthe "el de Catherine e Boras" © Jl y a vingt- cinq ans que. M. Millin $ s 'occüpe ‘dé faire Aisne » | À i parmi toutés les pierres gravées inédites qui viennent à sa con- : noissance , Celles qui offrent quelque intérêt” pour l'histoire » | Paet ou l'érudition ; 5 1ceS dessins ont été faits par d’ habiles artistes, eț:gravés au trait, sur un fond rayé’, “avec um très-grand soin ; ; plusieurs de ves pierres avoient été nésligées, parce qu 'elles |% A appartiennent à l'ancien style de l'art, ét ce sont en général celles ‘qui offrent les sujets les plus singúliers: : Des personnes distinguées {dans Jes sciences et dans. les;'arts , ‘ainsi , que par leur gout, qui ‘| connoissent cette préc ieuse: et intéressante i co lection ; ‘ont engagé M. Millin à la publier, et c’est ce qu'il fait aujourd’ hat. ` Ce recueil paroit régulièrement chaque mois, à commencer | È du er octobre , par livraisons de dix planches i in- GES accompa—| gnées ‘d'un texte imprimé sur. papier: grand- raisin: fin’ en ca livraison coûtera 6 fr. E Ouvrage en aura vingt. RCE SR J|. Ona tire vingt-cinq: emplaires en À RAAIFR vélie, 8 Ver pris est i | double. On souscrit au Brut des Annates Encyelopédiques; s ruë des IA Champse DP pA a aA $ A O a AT NEA PR N | commencirs PAR Me MLIN; TETES: Er TRRMINÉES PAR UNE ouh DE GENS DE. LETTRES, RIMERIE DE MS. HÉRISS ANT LE DOUX; F [RUE SAINTE-ANNE, Not 204. ge Xe A PARIS, Il paroît; le 1°* de chaqué mois ; un Numéro de ces Annales. Chaque Numéro a douze feuilles d’imptes- sion ; celles de la première partie sont en cicéro , celles des deux aütres, en pelit-romain et en petit- texte. Chaque Numéro est accompagné d’une ou de deux gravures , de manière qu’il y en ait au moins douze au bout de l’année. Le prix de la souscription ( est de 36 fr. pour Paris, et de 42 fr. , port franc, pour les départemens. On ne peut souscrire pour moins de six mois. On souscrit chez MM. les directeurs des bureaux de poste, et chez les principaux libraires françois et étrangers. i C’est au bureau des Annales qu’il faut adresser les livres, lés gravures, et enfin tout ce qu’on désire faire pesvenir au Rédacteur. , Les livres , françois ou étrangers ; Qui ont été remis, See l'usage , au bureau du Journal, y sont annoncés dans le mois même où la remise a été faite ; et le mois | suivant , lorsqu'ils ont quelque importance , ils le sont | encore dans la section des Extraits et des Notices. SR = TS LPS a LEP “Mn, ar AAA AAA AAA AAA AAA RAA AAA AAA AAA LETTRE A M. le chevalier Millin , pour accompagner l’envoi d’une dissertation sur les journaux des anciens , etc. Aix, 1er août 1018, Je vous fais passer, mon cher ami, un mé- moire sur les journaux des anciens, composé à ` Poccasion de ces journaux qui ont été insérés dans les Annales Encyclopédiques du mois d'août 1817. M. l'abbé de Périer, chanoine d'Aix, mon pa- rent et mon ami de soixante ans, très- instr uit dans les langues anciennes et dans Phistoire, lit avec grand plaisir les Annales Prbiit in il a fait des notes curieuses sur divers articles de ce journal littéraire. Le numéro du mois d'août k de r année dernière a donné lieu à à des recherches sur les j journaux des anciens Romains, sur leur origine, leur forme et leur style : il a E mas- socier à son travail, et nous avons fait encore des recherches sur les fits qui sont énoncés dans les deux j journaux qui sont rapportés dans les 4n- nales. Je souhaite que ce mémoire puisse vous être agréable et trouver sa place dans un des Ea numéros de votre journal. FAURIS DE ST VINÇENS. Tome K1. Décembre 1818. 13 NA AAA ANA VVVVVVVVV VVV HISTOIRE LITTÉRAIRE. DISSERTATION sur les journaux des anciens , appelés ACTA DIURNA, avec quelques éclaircissemens sur plusieurs points d'his- toire et sur quelques anciens usages des Ro- mains ; par M. l'abbé de PÉRIER et commu- 7 niquée par M. Fauris de SAINT-VINCENS. Origine des journaux. Quelque goût qwaient eu les anciens Grecs pour les nouvelles ( on sait que les Athéniens se demandoient continuellement les uns aux autres: Qu’y a-t-il de nouveau? ); quelqu’intérêt qu'ils aient pu prendre aux affaires de l’état, qui se dis- cutoient dans leurs assemblées populaires; quel- que désir qu'ils aient eu d'apprendre ce qui se passoit de curieux et de nouveau chez l'étranger, il ne paroît pas pourtant qu'ils aient eu des jour- naux ou bulletins dé nouvelles, répandus dans le public, pour instruire de ce qui se passoit, ou de ce qu’on avoit appris de nouveau chaque jour; du moins nous n’en avons aucune connoissance. Les Gaulois ne le cédoient pas à cet égard aux Grecs, puisqu’au rapport de Jules-César, ils ar- rêtoient les voyageurs sur les routes, et ne vou- loient pas les laisser passer dans leur pays, qu'ils Journaux. 195 ne leur eussent raconté ce qu'il y avoit de nou- veau chez l'étranger ; mais les Gaulois n’écrivoient pas ou écrivoient peu; ainsi ce ne peut être d'eux qu'est venu usage de composer des jour-, naux; cet usage paroît venir des Romains. Il y en avoit parmi eux de plusieurs espèces. On ap- peloit de ce nom tous les livres ou registres qui contenoient les évènemens de chaque jour, en latin diarium ou diurnum ; tels étoient les fastes ou annales des pontifes, les journaux des ma- gistrats, les actes du Sénat, les registres des cen- seurs. etc. Quand les pontifes furent institués par Numa, il fut fait un livre où tous les mois de l’année étoient placés. Ce livre fut déposé entre les mains des pontifes; les nouvelles lunes y étoient marquées ainsi que tout ce qui avoit rapport à l’ordre des jours dans le cours de année. Tous les jours y étoient inscrits, tant ceux qui étoient jours de fête que ceux qui ne Pétoient pas ; les jours , comme ils disoient , permis et les jours défendus, fusti et nefasti ; les uns destinés aux affaires et les autres au repos, et ces jours permis et non permis étoient entendus des Romains tant pour Padministration de la jus- tice, que pour le maniement des affaires entre particuliers. Ceslivres ou fastes des pontifes étoient une espèce de calendrier. Ce que les Grecs ap- peloient sonueesdes, éphémérides , étoit appelé ca- 196 Antiquités. lendarium où fasti par les latins. Les pontifes en donnoient connoissance au peuple, soit par la voie de la publication, soit par celle de Paf- fiche : mais bientôt ces fastes ne furent plus un simple calendrier; ce furent des annales où Pon inscrivit tout ce qui se passoit d'intéressant; sil s’élevoit quelque nouvelle guerre; si lon gagnoit ou perdoit quelque bataille; si quelqu'un rece- voit quelqu'honueur extraordinaire, comme le triomphe; si l’on instituoit quelque fête nouvelle; si l’on faisoit la dédicace de quelque temple; sil arrivoit quélque prodige ou phénomène extraor- dinaire; s’il mouroit quelque personnage impor- tant ; tous ces faits étoient enregistrés non-seu- lement en formes d’annales, et par année, mais encore en forme de journal. Le grand pontife étoit chargé d'y écrire lui-même tout ce qui s’étoit passé d’intéressant chaque jour de l’année. Ces fastes étoient tenus fort secrets ; on n’avoit garde de les communiquer à tous les individus; il falloit être pontife ou bien ami des pontifes pour en avoir connoissance; le privilége de pos- séder ces livres à l'exclusion de toute autre per- sonne, donnoit aux pontifes une autorité infinie. Par le moyen des jours permis ou défendus, ils pouvoient avancer ou reculer le jugement des affaires les plus importantes et traverser les des- seins les mieux concertés des magistrats et des Journaux. 197 paitictilièrs. IS jouirent dé cé privilége environ quatre cents atis, jusqi'à ce qùe, sous le Con- silat de Publ: Sempr. Sophus et de Publ. Sul- pitius Baverrió, lan de Rome 450, Cnéius Fla- Viis, Secrétaire d’Appius Claudius qui étoit aveugle, profitant de l’état dans lequel se tròu- Voït son maître, transcrivit une partie de ces fastés , la donna au public ét s’en fit un mé- rite auprés dù péuple, qui, par reconnoissance, Je fit édite quoiqu'il ne fut que petit-fils d'af- franchi. Depuis lois Fes plébéiens ayant été admis ‘au pontificat, le secret dés annales ne fut plus gardé comme il l’étoit auparavant; le peuple fut instruit de ċe qui se passoit; les journaux ‘dés pontifes furent communiqués au public; et Ton eut la liberté d’én composer d’autres à Pimi- peù à peu à ce qu’on lui rendit compte de ce “qui se passoit chaque jour. Dans la suite, Jules- César, qui savoit combien ces journaux étoient agréables au peuple, en ordonna même la pu- blication. Telle paroît avoir été chez leš Romains, Porigine de cês journaux qui donnoient les noù- Vélles oMiciellés. Outre ces journaux qui con- ‘cérnoient les affaires publiques, 11 y avoit aussi Ceux dés particuliers. C’étoit une coutume an- ‘Cicnine chez les Romains de rédiger des mémoires ‘par rapport à leurs affaires doméstiqués et per- 198 Antiquités. sonnelles. Il wy avoit point de famille un peú considérable qui n’eut son calendrier, ses fêtes domestiques et annuelles, sacra gentilitia, qui se célébroient dans chaque maison, et qui de~ voient être régulièrement observées sous peine de la vengeance céleste. Indépendamment des jours de la naissance des enfans, qu'ils appeloient natalitia > des jours de la prise de la toge virile, qu'ils appeloient Ziberalia ; les familles conser- voient le souvenir de ce qui leur étoit arrivé de glorieux , des magistratures qu'on y avoit exercées, des honneurs qu’on y avoit reçus, des triomphes qu’on avoit obtenus, et même encore quelquefois des malheurs qu’on avoit éprouvés. Enfin , la passion de savoir tout ce qui se pas- soit, fit que toutes les nouvelles furent recher- chées ayee empressement. Des gens oisifs, des „parasites recucilloient des anecdotes, des nou- velles frivoles, qui souvent étoient peu dignes de foi, les colportoient dans les maisons et en composoient de longs journaux. Martial que l’on dit pourtant avoir été amateur de ces sortes de _récits, parle dans une de ses épigrammes d’un certain Philomusos qui étoit un de ces donneurs de nouvelles, et l'invite à diner, à condition qu'il ne débitera pas ses contes. Juvénal, dans une de ses satyres, fait mention d’un long journal chargé sans doute de récits de cette espèce, Ji ournaux. 199 dont une personne frivole occupoit son loisir. Longi relegit transacta diurni. Mais les jour- naux dont on veut parler ici étoient d’une espèce différente, ce sont ceux qui faisoient mention „des De publiques ; ils étoient lus avec le ¡plus grand intérêt. C’étoient des bulletins qu'on faisoit paroître tous les jours, et qui rendoient compte de ce qui s’étoit passé ou de ce qu'on avoit appris de nouveau chaque jour ; les évène- mens de la guerre s’il y en avoit, les décrets du Sénat, les comptes publiques, les jugemens des tribunaux, les affaires de commerce, les nais- sances, les mariages, la mort des personnages importans; en un mot, quelque singularité qu'il . pût être arrivé, soit dans l’ordre civil, soit dans l'ordre religieux, tout étoit rapporté dans ces journaux. Ils étoient reçus du peuple avec avi- „dité; on en multiplioit les copies ou les ré- -pandoit dans la ville, dans les cercles, dans les „maisons; On les envoyoit dans les provinces et jusqu'aux armées. Ils étoient d'autant plus -in- téressans, qu ils portoient la date précise, non- seulement de l’année, mais du jour même où ils avoient été faits. Il y avoit, sans doute alors, -comme nous en avons aujourd’hui, des gens qui -les conservoient et en faisoient des recueils. Ils ¿Ont servi. de mémoires aux historiens qui les ont cités quelquefois. C’est une source où ceux-ci 300 Antiquités. ‘ont puisé là connoissance dés faits dont ils ont composé leurs histoires. Ts leur servoient de matériaux, comme aujourd'hui les recueils dés anciennes gazettes fournissent aux nouveaux his- toriens les circonstances et les détails des éve- nemens qu'ils veulent raconter. Plusieurs de cés journaux sont parvenus jusqu'à nous. Ce sont des monumens qui attestent Phistoire, et comme une espéce pe, médaille qai porte ave elle in rapports ; il est rare ‘qu'il nous soient pàr- venus en entier : lès auteurs qui les rapportent ‘n’en citent ordinàirėthént que des morceaux. ‘l'en a cté publié deux dans les 2/nnales Enr- cyclopédiques du mois d'août dè Tannée 1819; $ ils sont anciens , et datent du ‘temps dé la république ; et ce qui les rend pias précieux , € est qu is sont eñtiers: T seroit à SoOuhaitèr “qu’on pôt en recouvrer. ún plus gfAnd nombre. Voici ces deux j journaux avéc la troduction fran- coise. Il potttrà être intéréssant de Tes Voir rap porter à Phistoire de leur teénips; ét c’est objet de cette dissertation. TI en résültéra i que ces détix journaux, quoiqu” assez courts, attestent pourtint ‘ün nombre de faits appartenans à l'histoire, qui ils Teide cértainé la connoissince que nous avions déjà. de plusieurs änciéns usagés tant civils que religieux du peuple Romain. FR pris la Hberté Journattx. 201 le ’prôpoicr uñe nouvelle triduction de quél- Ques-uns des mots latins qui sont employés dans Ce joürmaux. Jé érois, par exemple, que pridiè Käl. àprilis , signifie le 51 mars, etc. . PREMIER JOURNAL. Ti KAL.APRILEIS.FASCFS.PENÈS. /ÉMILIVM. LAPIDIBVS . PLVIT . IN. VEIENTI . POSTV MIS . TRIE .PLEB.VIATOREM . MISIT. AD .FOS.QVOD. . IS . EO . DIE . SENATVM. NOLWISSET . COGERE. INTÉRGESSIONE . P . Drcrur. rte . RES . EST. ‘SVELATA Q. AVFIDIVS . MENSARIVS .TAPERNÆ. ARGENTARLÆ.AD . SCVTVM . CIMBRICVM . CVM: MAGNA © VI . ÆRIS . ALIENT. CESSIT . FORO. RÉTRAOTVS | EX | ITINERE . CAVSAM . DIXIT. APvD . P. Fonreivu. BALBVM . PRÆTOR . ET. CVAT. LIQVIDVM : FACTVM . ESSET .CVM . NVLEA. FECISSE . DETRIMENTA . IVSSVS . EST. IN. $0- : PTOVM . Æ$ . TOTVM . DÉSSOLVÈRE. TRADUCTION. Le Ie des calendes d’avril ( 30 mars), les faisceaux étant chez Æmihus, il a plu des pierres “aux environs de Veies. Pôstümius, ‘tribun du ‘peuple, à envoyé un messager at consul, parce “qu'il màvoit pas voulu ce jour-là assembler le :sént. Par l'entremise de P. Decimus , tribun du peuple, ilha ‘été déchargé | de’cette accusation. 202 Antiquités. Q. Aufidius , banquier de l'hôtel de Change, à écu cimbrique, s’est enfui avec une grosse somme d'argent qu’il a emportée : ayant été pris en che- min, il s’est défendu devant P. Fonteius Balbus, préteur; et comme il a été prouvé qu'il n’avoit rien soustrait de cette somme, il lui a été seu- lement ordonné de la rendre toute entière en espèces de cours. SECOND JOURNAL. v PRIDIÈ . KALENDAS . FASCES . PENÈS . Līci- NIVM . LATINÆ . CELEBRATÆ . SACRIFICATVM . IN . MONTE . ALBANO . ET. DATA . VISCERATIO. INCENDIVM . IN . CÆLIOLO . INSVLÆ . DVÆ ASSVMPTÆ.SOLO.TENYS . ET . ÆDES . QVINQVE. AMBVSTÆ . QVATVOR . DÆMIPHON . ARCHIPI- RATA.CAPTVS.A.CN.LicINIo .NERON. LEGATO. IN . CRVCEM . ACTVS . VEXILLVM . RVBREM . IN. ARCE . POSITVM . COS . SACRAMENTO . NOVO . ADJECERVNT . JVVENTVTEM. IN . CAMPO . MAR- TIO. i TRADUCTION. La veille des Calendes d'avril (31 mars )yles faisceaux étant chez Licinius, les fêtes latines ont été célébrées; on a sacrifié sur le mont Albain, et il a été fait une distribution de viande. Il ya : eu un incendie sur le mont Cæholus; deux mai- Journaux. 203 sons isolées et cinq autres ont été détruites de ` fond en comble; quatre maisons ont été brûlées tout autour, Demiphon, chef de pirates, a été pris par Cn. Licmius Néron , lieutenant, et mis en croix. On a mis le drapeau rouge à la citadelle. Les consuls ont fait prêter un nouveau serment aux jeunes gens au champ de Mars. + Voiciquelques observations tirées de l’histoire, auxquelles ces journaux peuvent donner lieu. PREMIER JOURNAL. … Le ITI: des calendes d'avril (50 mars), les Jaisceaux étant chez Æmilius. Dans le journal suivant , qui est du lendemain, il est dit que les faisceaux étoient chez Licinius; en sorte que nous avons ici les deux consuls de cette année, Æyni- lius et Licinius. Nous remarquerons d’abord un usage au moins de ce temps là, qui est que les consuls exercoient leur autoritéà Rome alter- nativement un jour chacun, et que le jour où ils étoient en exercice, les faisceaux consulaires étoient chez eux; ce qui peut-être ne nous cons- teroit pas d’ailleurs aussi formellement. Vale- -rus-Maximus, liv. 12, dit que les licteurs ser- voient alternativement de garde à chacun des consuls pendant un mois; mais il ne paroît pas que cet usage ait été constamment observé :le contraire résulte de ce journal : ils sont nommés 20% Antiquités. chacun de leur Seul nom de famille : &tivañt tà coutume d'alors; lun étoit patricién et l’autre plébéien. Z. Æmilius Paulus étoit patricièn; ‘Caïts Licinius Cassus étoit plébéien ; léur con- sulat ést de Pan de Rome 586, cent soikahte-hüit ans avant Jésus-Christ. Vo ce qui résulte dés fastes consulaires, et c’est la date précisé de tés deux journaux, qui Sont d’une grande antiquité : ils parlent des événémens qui ont eu léu aix époques indiquées : ce sont les bulletins des nou- velles que lon donna ces deux jours-là à Rome : ‘on doit lés regarder encére aujourd’hui avéc in- térêt; et pour léur intelligence, il ne sera pas inutile de rapporter ici d’abord ce qui concertie és deux consuls dont il y est fait mention, ainsi que les faits mémorables arrivés pendant leür “consulat. Ts fürént nominés dans le temps que Tés Romäins faisoient la guerre à Persée, roi de Macédoine. Le peuple romain trouvoit qué Tés “généraux qu'il avoit employés les années précé- ‘déntés avoient mis trop de lenteur à faïre la con- ‘quête de la Macédoine ; le désir de hâter éëtte “expédition fit jeter les dii Sür Lucius Ærmilius Paälus, où Paul-Emile, patricien distingué “par sa Valeur, sa vertu, sa prudence, et qui avoit “déjà été consul treize ans auparavant; il étoit fils ‘du consul Æmilius, qui avoit été tué à la bataille ‘déCarines, et père du fiméux Scipion Æmilien, Journaux. 205 connu dans la suite sous le nom de second Afri- can. l’autre consul est Cn. Licinius Crassus, homme d’une probité distinguée, et qui se crut obligé de céder, sans tirer au sort, le comman- dement de l’armée en Macédoine à son collègue Æmilius; Aussi la prise du roi Persée et la con- quête de la Macédoine furent- elles le fruit de cette nomination. Mais suivons les détails des faits contenus dans le premier journal. I a plu des pierres dans le champ de Ape lapidibus pluit in Veienti; voilà une nouvelle de la vérité de laquelle on ponrroit raisonnable- ment douter; cependant j'ai de la peine à croire qu'elle soit totalement fausse, puisque nous la voyons ici donnée à la date de l'an et du jour précis : quelque évènement a dû donner licu à cette croyance. Nous avons vu il y a quelques années des pierres même assez grosses tomber de l’athmosphère sur divers points de la France : on conserye à Apt en Provence plusieurs mor- ceaux d’une masse assez considérable qui, en tombant, fit sur le terrain un creux profond : la nature de ces pierres étoit toute particulière. Un pareil phénomène auroit-il eu lieu dans le territoire de Veies à l’époque désignée ? On pour- roit attribuer aussi cette nouvelle à une éruption volcanique : cela est d'autant plus vraisemblable; qu'il ya des preuves assez certaines de l’ancienne 206 Antiquités. existence d’un volcan sur le mont Albain, qui précisément n’étoit pas bien éloigné de la vis de Veies. L’ignorance des causes physiques fai- soit regarder ces sortes d’éruptions comme des évènemens extraordinaires, et la superstition de ces temps-là les envisageoit comme l’annonce de quelqu’évènement malheureux. Ce qui confirme cette explication, c’est que les anciens historiens qui ont parlé quelquefois de ces pluies de pierres, rapportentencore comme une chose prodigieuse, que le ciel s’est obscurci pendant le jour, comme şil avoit été nuit : tantôt ils disent qu’on a vu des éclairs et entendu gronder le tonnerre, quoi- que le temps fût serein et qu’on n’apercüût dans le ciel aucun nuage; ce qui évidemment appartient à la même cause, et qui néanmoins, selon l'opinion alors commune, présageoit aussi quelque grand malheur. En pareil cas, on ordonnoit des sacri- fices, et lon faisoit célébrer des fêtes pendant neuf jours, pour détourner les malheurs dont on se croyoit menacé. Voiciun fait de toute autre nature. Posthunuus, tribun du peuple, envoie un messager au consul, parce qu'il wa pas voulu ce jour-là assembler le sénat (guod is, eo die, senatum noluissetcogere). C’est un des exemples de la rivalité des pouvoirs, qui existoit pour lors à Rome , et de l'opposition continuelle du parti des patriciens avec celui des Journaux. 207 plébéiens. Un consul dune naissance illustre et d’un mérite distingué, Ærnilius , est cité par un tribun du peuple, parce qu’il n’a pas assemblé ce jour-là le sénat, qu'apparemment il avoit de bonnes raisons pour ne vouloir pas convoquer. Le tribun le cite en jugement, et lui envoie son messager, ou viator. Le pouvoir des tribuns étoit redoutable; c étoit eux qui étoient chargés de la défense des intérêts du peuple, dont ils avoient toute l'affection ; ils pouvaient citer à com- paroître devant eux, ou bien en jugement devant le peuple; ils pouvoient même faire arrêter et mettre en prison. Quelque temps après cette époque, et ľan de Rome 602, les tribuns por- tèrent l'audace jusqu’à ordonner que les deux consuls L. Lucius Lucullus et P. Posthumius Albinus fussent emprisonnés. Le seul mot de peto, je le défends , prononcé par un tribun, suffisoit, non-seulement pour annuler les décrets du sénat, mais encore tout acte préjudiciable au ‘peuple, de quelque tribunal qu’il fût émané; son action , en pareil cas, s’appeloit intercessio : ces tribuns n’avoient aucune décoration extérieure; ils n’étoient habillés que comme de simples par- ticuliers, et n’étoient accompagnés que d’un seul serviteur , appelé viator ; leur personne avoit été déclarée inviolable et sacrée par la même loi qui les avoit établis, et leur ministre, ou viator s 208 Antiquités participoit à ce privilége. Un de ces munistres ayant été un jour maltraité, cet acte de violence fut suivi des plus grands troubles (1). L'attaque de ce tribun pouvait être fächeuse pour Paul- Emile. paroît par ce journal qu’on employa pour parer le coup le même expédient qui avoit été mis en usage dans plusieurs autres circonstances ; tous les tribuns n'étant pas également fougueux, on prit le part d'en gagner un, et de Pengager à se servir de son droit d’intercession pour ar- rêter les suites de cette affaire. En effet, R. De- cimus ayant mis son velo, ou employé son- in- tercession, accusation contre Æmulius , et sa citation, furent muses au néant. Intercessione P. Decimus trib. pleb. res est sublata. Le reste de ce journal concerne une affaire de commerce. Q. Aufidius , banquier de Phôtel de change (mensarius tabernæ argentariæ ), s’est enfui avec une grosse somme d'argent qu’il a em- (1) On peut voir à cet égard ce qui s’est passé sous le consulat de M. Valerius Maximus et de Sp. Kir- ginius Tricostus Cælimontanus ; Pan ç de Rome 298 et l’année suivante. On prét étendoit punir de mort celui qui avoit maltraité le viator : le sénat, pour assoupir cette affaire , fat obligé d'accorder ce que le peuple deman- doit : cependant cet acte de condescendance de sa part ne suffit pas pour rétablir la paix ; les troubles durèrent au moins encore une partie de l’année suivante, Journaux. 209 portée (cum magné vi æris alieni). Il faut en- tendre par taberhá argentaria, un hôtel ou une maison de change. Ces maisons étoient ordinál- rement autour des places publiques. Nous avoris un passage de Vitruve qui nous fournit une preuve certaine de cet usage. Vitrüve, donnant dés-règles sur la manière dont les édifices doivent être distribués autour des places publiques( fora), dit : Circum spectacula spatiosiora intercolwmr nia distribuantur, circaque in porticibus ær- gentarite tabernæ , mænianæque superioribus coaxationibus collocentur(1) quæ et usum et ad (1) Outre les sabérnæ arsentariæ ; Vitruve parle en- core des méniènes, mænianaque superioribus coaxa- tionibus collocentur. Les méniènes étoient des tribunes où les personnes privilégiées se plaçoient pour les spec- tacles publics. Suivant Festus, ce fut le censeur Menus qui le premier , pour augmenter le nombre des places dés spectateurs, fit construire ces sortes de tribunes. Le Menius dont il est ici question paroît avoir été C. Mæ- nius qui -fut consul avec L. Furius Camillus, Pan de Rome 416, et qui; ainsi que plusieurs autres, après avoir été consul, peut avoir été nommé censeur. Le privilége d’avoir ùne tribune particulière peut lui avoir étéid’autant plus facilement accordé, qu'il s’étoit il- lustré dans son consulat, et avoit triomphé avec son collègue des peuples latins qu’ils avoient subjugués. Selon Asconius Pedianus, Menius ayant vendu sa mai- son aux consuls Caton et Flaccus, pour y établir une Tome VI. Décembre 1818. 14 210 Antiquités. vectigalia publica rectè erunt disposita(de Ar- chitecturá, v. c. 1). Ces hôtels ou maisons de change, servoient pour le commerce de argent, échange des monnoïes, et comme le dit Vitruve, à la perception des impôts. Il paroît, par ce que nous dit notre journal, que ces maisons, pour les distinguer les unes des autres, avoient une basilique, se réserva une colonne sur laquelle il plaça un toit, et fit construire une tribune pour que lui et ses descendans pussent y voir les combats des gladiateurs. Ces consuls sont M. Portius Caton et L. Valerius Flaccus, dont le consulat est de l’an de Rome 559, cent quatre-vingt-quinze ans avant Jésus-Christ; ce qui , en supposant la vérité de cette histoire, donne pourtant une autre date à l’origine des méniènes, et la place un peu plus tard. Vitruve veut que les places publiques soient entourées de portiques, que par-derrière soient les maisons d’utilité publique, telles que les hôtels de change , sabernæ argentariæ, et que sur les planchers des portiques, superioribus coaxationibus, soient pla- cées des tribunes méniènes , mæniana (ædificia) collo- centur. Je ne dirai pas que les méniènes aient toujours été plactes de cette manière; mais Vitruve le vouloit ainsi. Il paroît que ce nom de méniène, qui d’abord peut n'avoir été donné qu’à une seule tribune , la été ensuite à plusieurs autres construites à limitation de celle-ci; et c’est ce qui nous conste par un passage de Suétone , dans la vie de Caligula, où il suppose évi- demment qu'il y avoit plusieurs méniènes , lorsqu’il dit: Pauci è proximis mænianis spectabant. L Journaux. 211 enseigne; que celle de l'hôtel de change d’Aufi- dius étoit lécu cimbrique. L’écu ou bouclier . cimbrique ou gaulois étoit petit et rond, et par- - là même avoit assez de ressemblance avec une pièce de monnoie. Des banquiers ou argentiers, argentarii, formoient une communauté. Il existe encore à Rome, près de l'église Saint-Georges, in velabro , un arc de triomphe de marbre blanc, érigé en l'honneur de Septime Sévère, de son fils Caracalla et de limpératrice Julia, par la com- munauté des argentiers, qui n’étoient pas préci- sément ce que nous entendons aujourd’hui par orfèvres, mais trésoriers, négocians et banquiers, , et qui par conséquent avoient des moyens suffi- sans pour faire élever un aussi beau monument. Les maisons d'utilité publique, au moins d’une certaine espèce, portoient assez souvent à Rome le nom de fabernæ. L'hôtel des invalides, dans lequel on nourrissoit aux dépens de la république les soldats qui étoient hors de service par leur vieillesse ou leurs blessures, sur l'emplacement duquel se trouve aujourd’hui bâtie la basilique de Sainte-Marie, in tratevere , s'appeloit taberna meriloria. Aufidius fut arrêté, mené à Rome, et plaida lui-même sa cause, causam dixit, parde- vant le préteur Fonteius Balbus; c’étoit le ma- gistrat qui, dans l'enceinte dela ville, étoit chargé de rendre la justice , et dont la dignité approchoit 212 Antiquités. beaucoup dela dignité consulaire. Le journal ne nous apprend.pas quelles raisons donna Aufidius pour excuser sa fuite; mais comme il fut prouvé qu'il n’avoit rien détourné de cette somme, la sentence du préteur Pobligea seulement à la rendre ou à la verser de nouveau toute entière dans sa caisse, en espèces de cours; Cest ce que signifie cette expression : iz solidum æs totum dissolvere. Comme il n’est pas fait mention dans ce procès qu'Aufidius eut des associés, le mot solidum ne peut pas signifier ici solidarité ; mais solidum équivaut à ce que nous appelons argent comptant, in solidum æs totum dissolvere, c'est-à-dire payer tout en argent comptant. Le solidus étoit chez les Romains un pièce d'or dont le poids n’étoit pas partagé ni par la moitié ni par le tiers, non dimidiato aut trientali, mais tout. entier, comme seroit celui d’une pièce d'or qui peseroit précisément une once. (i SECOND JOURNAL. La veille des. calendes d'avril (51 mars), dit le second journal, les faisceaux étant chez Licinius , les fêtes ont été célébrées. Ces fêtes étoient pour les Romains de la plus grande im- portance: Elles avoient été instituées par Tar- quin I, dit le Superbe; ce prince voulant rez Journaux. 315 nöuveler le traité qui avoit été fait par Tarquit l'Ancien son aïeul, avec Les peuples voisins, unir ensemble les villes latines, et faire de la ville de Rome le chef-heu de cette réaniôn, envoya des embassadeurs à tous les peuplesilatins; pour leur proposer de faire uné nouvelle alliancé avec les Romains. Cétte proposition ayant été agréée; at moins par le plus grand nombre) le traité fot doncln, et Tarquin fut déclaré général des ái mées latines. Pour resserrér les liens dé cettè alliance, et la sceller du scean dé à religion, Färquin proposa de bâtir nn temple commun aux Latins et ans Romains. On choisit potr cet effet une haute montagne du centré! même du pays, près des ruines de la ville d’Albe, cé fut le Mont-Albain; lé temple y fat bâti et con- sadré à Jupiter latialis ; c’està-dirés protecteur des willes latines. On y tenoit toutes tes années les assémblées des villes confédérées au notibre de quarante-sept. Chaqné ville y ehvoyoit soñ député. Tout devoit être égal entre elles, ex2 cepté que le président étort toujours un Roma Bes' députés de cés villes assistorent aux mêmes sacrifices et mangeoiènt: ensemble, ‘commers'ils n’avoïient: fait qu’une. nation ; ils faisoient lens supplications ow prérés en commu, let om demandoit à Jupiter la conservation etila pros: périté de toutes les villes alliées taht en-général 214 Antiquités. qu’en particulier. Toutes ces villes étoient obli- gées: de concourir à la dépense de cette fête. Il paroît certain qu’on y offroit plusieurs victimes et qu'il y avoit plusieurs autels, sur lesquels on immoloit successivement ; mais la principale vic- time étoit un bœuf ou un taureau, dont chaque ville devoit ensuite recevoir une portion. Telle a été l’origme de ces fêtes qui étoient communes aux Romains et aux Latins, et qu’on appeloit fêtes ou féries latines. Tarquin IT, que Denis d'Halicarnasse nous représente comme un habile politique, augmenta beaucoup, par cette insti- tution , la puissance et la force de la ville de Rome. Par-là il posa les fondemens dela grandeur future de la république romaine ; cette associa- tion des villes latines, ayant servi dans la suite aux Romains, plusqu'aucun autre moyen à les rendre maître, d’abord de toute lItalie, et puis du monde entier. Ces féries ne furent lors de leur institution que ‘d’un seul jour, ensuite on yen ajouta un sécond, puis un troisième, enfin on les prolongea jusqu’au quatrième ; mais à proprement parler, ce ne fut Jà qu’une addition étrangère, parce que la cérémonie de ce qua- trième jourene se faisoit pas sur le Mont-Alban, mais à Rome au Capitole. Si ces fêtes avoient été négligées, on attribuoit à cette négligence tous les malheurs qui arrivoient dans le cours n Journaux. 315 de l’année. Les cérémonies en devoient être ri- goureusement observées ;les pontifes en avoient le rituel. La moindre omission à cet égard pou- voit, disoit-on, en empêcher effet. Parmi les fêtes qui se célébroient annuelle- ment chez les Romains, les unes étoient fixées à certains jours et à certains mois de l’année, et à cause de’ cela, on les appeloit statæ , ou stalivæ , statives ; d’autres étoient conceptives ou mobiles , c'est-à-dire, à tel jour que le pontife ou le magistrat jugeoit à propos de déterminer. Les féries latines ordinaires étoient conceptives, au moins dans le sens que c’étoit aux consuls romains à les faire publier pour le jour de l’année qu'il avoit jugé à propos de fixer. Suivant donc notre journal, le jour qui avoit été fixé par le consul étant arrivé, les fétes ou féries latines avoient été célébrées, latinæ celebratæ. On avoit offert lessacrifices ordinaires sur le Mont-Albain, sacrificatum in Monte -Albano ; on avoit fait aux villes alliées la distribution de viande usitée, qui, suivant le rit prescrit, devoit se faire en chair crue, et data visceratio. | Il y a eu, estil dit ensuite, un incendie sur le Cœliolus ( incendium in Cœliolo ) : la ville de Rome étoit sujette aux incendies; l’histoire nous en fournit beaucoup d’exemples. Le Capitole a été réduit en cendres jusqu'à-trois fois, et tou- 216 Antiquités. jours rebâti, en y conservant les mêmes pro- portions. Peu: d'années avant lépoque de ce journal ; etsous le consulat de Q. Lutatius Cerio et de Manlius Torquatus Atticus, Pan de Rome 515, 241 avant J. C., Rome avoit essuyé un terrible incendie. Il commença par la haute ville et se répandit jusqu’à la grande place : un grand nombre de personnes y périt, Rome, selon Tite- Live, perdit plus en un jour qu’elle n’avoit ga~ gné par un grand nombre de victoires; le feu gagna le témple de Vesta; le palladium qu’on y conservoit auroit été détruit, si le grand prètre E. Cæcihus Matellus me s’étoit jeté au milieu des flammes et ne Pen avoit retiré : il y perdit - la vue et eut un bras à demi-brülé. Le peuple pour récompenser son zèle: lui accorda le pri~ vilége jusqu'alors sans exemple, de se faire cons duire au Sénat dans un char. L’incendie dontik est question dans notre journal ne fut pas aussi considérable, : mais il commença de la même manière, c’est-àtdire par la haute ville; en effet, le Cæhole -se trouvoit dans la partie supérieure de Rome, il étoit une suite ou appendice du Mont-Cæhus, et, a formé peridant long- temps nne sorte de faubourg hors:de la porte Capène! Le Cœliusest une des sept: montagnes renfer- mées dans Penceinte de Rome; il est'entre les Monts Palatin; Esquilu et: Aventin, et d'une Journaux. 217. étendue: assez considérable. Il fait maintenant partie du quartier appelé les Monts. La porte dite de Saint-Jean (de Latran }, a eu autrefois le nom de Cælimontana; elle se trouva à un des bouts du Mont- Cælius; Pautre partie de cette montagne et le Cæliolus, sont aujourd’hui dans la partie orientale du quartier appelé du Capitole. Le Cæhole étoit: précisément là où se trouve maintenant la porte Latine, qui est, dit-on, telle encore .qu’elle étoit autrefois. On a dit que le Cælius a dû son nom à un général étrurien, qui, du, temps de Romulus, mena à Rome les troupes :qui:étoient sous ses ordres, et fut. sé- tablir sur cette montagne; autres attribuent ce nom à un chef étrurien nommé Celés, qui vint porter du secours à Tarquin le Superbe : mais il west peut-être pas hors de vraisemblance qu'un général ou prince albain nommé Cælius, se soit établi sur cette montagne, lorsqu’aprèsle combat des Horaces et des Curiaces, la guerre se fut ral- Jumée en les Romains et les Albains, que la ville T Albe eut été démole.et les habitans transplantés à Rome. Alors les. principaux citoyens y furent admis au rang des familles patriciennes, d’autres furent honorés de la dignité de chevalier, et tous sans exception obtinrent Je droit de bourgeoisie: Ce qui donneroit quelque poids à cette conjec- ture, c’est que le chef ou roi Albe qui fat la 218 Antiquités. cause de la rupture entre les deux peuples s'ap- peloit Cælius ou Cluilius. Ce n’est pourtant pas celui-ci qui s’est établi sur le Cælins avec ses troupes, puisque l’histoire nous apprend qu'il fut tronvé mort dans sa tente; mais ga pu être son fils. Ce qui est certain, c’est qu’à cette époque le Mont-Cælius a été enfermé dans la ville de Rome, parce qu'une augmentation d’habitans aussi considérable ayant obligé Tullus Hostilius à étendre ainsi de beaucoup les limites de la ville (1). Deux maisons isolées, est-il dit dans ce Journal, ont été brûlées par cet incendie, in- sulæ duæ (2); c’est la propre signification du (1) Lorsque le peuple romain fut devenu beaucoup plus nombreux, et qu’on eut ajouté à la ville les trois montagnes dont j’ai parlé, le mont Cœlius fut destiné aux Âlbains, que Tullus Hostilius fit transférer à Rome après la destruction d’Albe. Le mont Aventin et le Ja- nicule furent destinés aux Latins qui vinrent s’y établir, lorsque Ancus Martius se fut rendu maître de leur pays. Voyez le Discours sur les tribus romaines, par M. Boin- din, tom. Iet IV, Mém. de P Acad. (2) Znsulæ, dit Calepin, etiâm dicuntur domus in urbe ab aliis separatæ , et vicos undiquè habentes ; guod sicut insulæ sunt in mari loca undiquè ambita , undis discreta continenti; ità domus nullis converæ ædificiis coherentibus insula nominantur diæxaveos oixia ( Budec) domus ampla nullis aliis conjuncta Latini insulam vocant. Voyez Guillaume Robertson , Journaux. 219 mot insulæ. Ces maisons isolées étoient appa- remment des maisons de campagne, ou ce que nous appelons pavillons entourés de jardins. Ces sortes de maisons se trouvant assez souvent dans les faubourgs. Cinq autres maisons faisant partie du bourg, furent aussi brülées, et ædes quinque. Toutes le furent de fonds en comble (absumtcæ solo tenus), ce qui fait penser qu’elles étoient de bois, étant difficile que des maisons cons- truites en pierre eussent pu être absolument consumées. Quatre autres maisons furent seule- ment endommagées et brülées tout autour, am- bustcæ. Demiphon, chef de pirates, archipirata , a été pris par En. Licinius Néron, et mis en croix. / i Lexicon græc. Voyez ci-dessus de Montfaucon, Antig.» expliq. , tom. III, pag. 92 et suiv., et tom. IV, pag. 251 , 270, donne encore une autre interprétation au mot zAsulæ, par rapport aux maisons. «Il y avoit à » Rome deux sortes de maisons, celles du bas peuple, » des marchands et des artisans, qui étoient jointes » ensemble et leur circuit étant isolé, sont comprises » par ce mot zzsulæ; cela n’empêcha pas qu’on appellàt » aussi iles celles qui , dans leur contour , comprenoient » des maisons de gens de qualité, qui étoient ou isolées » Où tenoient à d’autres. Cela paroït dans le plan de » Rome, fait sous Sévère , dont les fragmens existent » encore. Dans les mêmes descriptions, les maisons » des gens de qualité s'appellent domus, » 220 Antiquités. C'est ici un exemple de la sévérité du peuple romain envers les pirates. La piraterie à été pen- dant longtemps en honneur chez les Grecs, ainst que cliez tous les peuples voisins des côtes de la’ mer: ccux qui parmi eux avoient des vaisseaux , exercoiont un empire presqu'äbsolu sur la mer; ils alloient encore attaquer les villes qui n’avotent pas de murailles, ainsi que les habitations isolées ; ils y enlevoient Les subsistanees et eti emménoïent des captifs; 1ls faisoient comme uné profession de ce genre de vie, et tirorent vanité de leur su- périorité. Les pouples anciens, tels que les Egyp- tiens et les Syriens, ne se mettoient guère en peine de réprimer ces excès; mais les Romains ne fusoient aucune grâce à cette espèce de pro- fession : ils ne regardoiïent pas précisément les pirates comme leurs ennemis, mais comme les ennemis de toutes les nations. Ceux-là seuls, selon Cicéron (1), sont justes ennemis, qui sont membres dune république, qui ont des. lois pour se conduire dans la guerre et dans dx paix, un sénat et un trésor publie. En conséquenee , ils donnoiïent des ordres à leurs généraux de pour- suivre les pirates à ontrance, ét de ne leur faire aucun quartier. Aussi voyons-nous dans ce jour- nal un chef de pirates traité avec la plus grande . QG) Philip. €V: Journaux 221 sévérité ;ayant été pris par Licinius Néron , alors lieutenant, et probablement parent du consul Licinius; il est puni du dernier supplice et mis en croix, qui étoit le supplice qu'on ne faisoit souffrir qu'aux personnes viles et aux esclaves. Nous avons dans l’histoire, à une époque assez rapprochée de celle-ci, Pan de Rome 574, et sous le consulat dp. Posthumius Albinus et C. Calpurnius Piso., un autre exenxple de la sévérité des Romains envers cette espèce de pro- fession , lorsque nous voyons Gentius, un des rois d'Illyrie, être obligé de venir faire en personne des’ excuses aux Sénat et demander pardon de sa faute, pour avoir protégé des corsaires qui infestoient la mer adriatique. Le grand Pompée quand il fut chargé de la guerre contre Mithri- date, reçut ordre de purger les mers des cor- saires qui les iafestoient , et de les poursuivre sans leur faire aucun quartier. En conséquence, il distribua la mer à ses lieutenans, et garda pour lui-même les côtes de la mer des Gaules. Il donna la chasse à tous ces pirates et rendit aux vaisseaux la liberté d’aller dans toutes les mers sans courir aucun danger. Maître de tous Les ports, de tous les golfes qui pouvoient servir à ces brigands de retraite, il les réduisit à lui demander la vie, il Pa leur accorda : mais 1l les forca à renoncer à leur odieuse profession, en les distribuant pour 222 Antiquités. repeupler des villes désertes, dans des terres éloignées de la mer. Le drapeau rouge, est-il dit ensuite, a été planté sur la citadelle (vexillum rubrum in arce positum). La citadelle, c’est le capitole qui étoit la principale forteresse de Rome. Il est ici ques- tion d’une sorte d’enrôlement qui ne se faisoit guère que dans des cas imprévus ou du moins extraordinaires; on Pappeloit comuratio , con- jurati, dit Tite - Live (1), milites sacramanto rogati ; le général se rendoit au Capitole, on y dressoit deux étendards, l’un rouge pour les fantassins, et l’autre bleu pour la cavalerie; ensuite le général prononcoït ces mots, que ceux qui aiment la république se hâtent de me suivre. Il n’est ici question que du drapeau rouge, en sorte que l’enrôlement de ce jour là ne concernoit que l'infanterie. La guerre que les Romains vouloient faire à outrance au roi Persée paroît y avoir donné occasion. Cet enrôlement fut suivi d’un nouveau serment que les consuls firent prêter aux jeunes gens dans le champ de Mars. (Coss. sacramento novo adjecerunt ju- ventutem in campo Martio.) Le serment, mili- taire étoit regardé comme le plus fidèle gardien de la discipline et le plus sûr garant du succès. y (1) Liv. 5, §. 5. Journaux. 223 Voici de quelle manière on le faisoit prêter; un soldat choisi dans chaque légion, se mettoit à la tête de sa légion et prononcoit à haute voix la formule du serment ; on appeloit ensuite chaque légionnaire par son nom ; il Savancoit et disoit simplement, et je promets la méme chose. C’étoit ce serment qui consutuoit pré- cisément le soldat. Aucun Romain ne pouvoit servir dans l’armée, même en qualité de volon- taire, ni tuer un ennemi qu'il ne l’eût prêté. Il étoit si essentiel, que le soldat ne avoit fait que pour un temps, et que ce temps étant expiré, il étoit obligé d’en faire un nouveau, et sans cela il ne lui étoit pas permis de combattre. Le fils de Caton le Censeur (M. Porcius), faisant ses premières armes en Macédoine, après avoir été licencié, vouloit continuer son service; son père écrivit au général Pompilius (suivant ce que rap- porte Cicéron au premier livre de ses Offices (1)), (1) Pompilius imperator tenebat provinciam , in cujus exercitu Catonis filius Tiro militabat. Cum autem Pompilio videretur unam dimittere legionem Catonis quoque filium , qui in eådem legione militabat dimisit; sed cùm , amore pugnandi, in exercitu remansisset , Cato ad Pompilium scripsit, ut si eum pateretur in exercitu remanere secundi, eum obligaret militiæ sa- cramenta : quia, priore amisso , jure eam hostibus ; pugnare non poterat; adeò summa erat observatio in bello movendo. Cic. de Off: 224 Antiquités. que s’il vouloit Le retenir, il falloit qu’il l'engaget par un nouveau serment, parce que le premicr ne subsistant pas, il ne pouvoit plus légitime- ment faire usage dé ses armes; on voüloit par cette grande sévérité faire entendre que l’homme n’avoit droit sur la vie d’un autre, sil ne le re- cevoit de Pautorité publique. C’est ane chose re- ,_arquable que le journal dise que les consuls oùt fait prêter à la jeunesse un nouveau sermént ( sacramenñto novo adjecerunt juventutem ), če qui paroît avoir rapport à une nouvellé formule de serment, où Pon ajoutoit à l'ancienne, et qui avoit été introduite il ny avoit pas long-temps. Selon Tite-Live, jusqu’au temps de ta seconde punique, on n’exigeoit des soldats d'autre ser- ment que celui de joindre Parmée à jour marqué, et de ne point se retirer sans permission; mais lorsque les soldats étorent assemblés et partagés en bandes, ils juroïent volontairément les uns aux autres de ne point prendre la fuite et de ne point sortir de leurs rangs sinon, pour re- prendre leur javelot ou pour en aller chercher ùn antre, ou bien pour frapper lennemiou pour sauver un citoyen : mais dans la suite, et lan de Rome 558, quelques mois avant la bataïlle de Cannes, dans un temps où l’on ne pouvoit trop S'assurer le courage des armées, les tribuns de S chaque légion commencèrent à faire prêter juri | | | Journaux. 229 diquement et par autorité publique, le serment que les soldats étoient en usage de faire entre eux. C’est là apparemment le nouveau serment dont il est fait mention dans ce journal : la for- mule west rapportée nulle part. Peut-être n’y en avoit-il point de bien déterminée: mais elle étoit en général conforme à ce que les soldats avoient accoutumé de promettre parmi eux. Ce- pendant lorsqu'on s'aperçut que les généraux s’attachoïent trop les soldats et les accoutumoient à confondre leurs propres intérêts avec ceux de la patrie (d’où il résultoit que les armées étoient moins à l’état qu’à ceux qui les commandoient), on y ajouta la clause suivante : « Je promets » aussi d’être fidèle au Sénat et au peuple ro- » main, et de ne rien faire au préjudice de la » fidélité qui lui est due. » Ainsi suivant le journal, la jeunesse romaine s'étant assemblée dans cette belle plaine située sur les bords du Tibre, appelée Champ de Mars, qui pour lors se trouvoit hors de la ville, et qui a fait autre- fois l'admiration de Strabon, comme offrant à l'oeil, dit cet auteur, une perspective magnifi- que, couronnée de tombeaux avec des portiques, plusieurs théâtres, un amphithéâtre, des temples superbes, de beaux mausolées, les cloisons ( septi ), pour assembler les comices : l'élite de la jeunesse romaine promit aux deux consuls, et en leur Tome VI. Décembre 1818. 15 226 Antiquités. x nom à la république, obéissance et fidélité. Le printemps étant arrivé, Paul Émile partit pour la Macédoine, défit entièrement Persée à la journée de Pydna, pénétra dans l’intérieur du pays, et soumit en peu de jours toute la Macé- doine à la domination romainé. Persée qui d'abord s’étoit réfugié dans l’île de Samothrace, fut fait prisonnier par l’amiral Octavius, et orna ensuite le triomphe du consul romain , avec ses deux fils, sa petite fille et les principaux sei- gueurs de son royaume. Du style de ces deux journaux. Indépendamment des faits assez nombreux mentionnés dans ces journaux, ou avec lesquels ils ont des rapports, ils sont encore curieux par la manière dont ils sont rédigés; ils nous font voir comment les anciens composoient ces sortes d'ouvrages. Les faits y sont racontés simplement , avec brièveté, et sans qu’on se soit permis au- cune réflexion; ce qui leur donne beaucoup - autorité. Le rédacteur paroît ne favoriser aucun parti; il dit simplement les faits tels qu'ils se sont passés. Cette manière de s’en tenir à la simple narration inspire la confiance et plaît au lecteur, à qui elle laisse la liberté de porter sur les évène- mens qu'on lui met sous les yeux tel jugement : , Journaux. 227 qu'il trouvera à propos. C’est donc la brièveté et la clarté, sans qu’on ait cherché à y donner aucun agrément étranger, qui forme le principal caractère de ces journaux; qualités estimées des gens de goût, et que Cicéron a louées dans les auteurs des ouvrages de cette espèce, lorsqu'il a dit (de Oratore ) : Non exornatores rerum , sed tantummodd narratores fuerunt. Le latin dans 1equel ces journaux sont écrits mérite d’être ob- servé; ce n’est pas celui des poètes, ni celui des orateurs, pas même celui des historiens; mais c'est le latin commun et vulgaire, dont on se servoit dans la conversation, sermo communis , usualis, pedestris. Dans ce langage, on n’em- ployoit que le style le plus simple; on ne cher- choit point à faire des phrases; on n’affectoit pas d y mettre des inversions : souvent on employoit des expressions dont les auteurs de la bonne la- tinité ne se sont pas servis; quelquefois on en employoit auxquelles on n’attachoit pas le même sens que les auteurs des bons siècles : non-seule- ment on mettoit toujours les prépositions devant les noms de lieu, mais souvent encore on les joignoit aux ablatifs absolus que les grammairiens supposent gouvernés par des prépositions ou des verbes sous-entendus. Ces expressions avec la préposition n’ont pourtant rien de contraire aux règles de la grammaire, et sont regardées comme 228 Antiquités. appartenant à la bonne latinité. Ce latin n'étoit donc pas celui des ouvrages de Cicéron., de Sal- luste, de Tite-Live, ou des autres, auteurs du siècle d’Auguste et de la bonne latinité; c’étoit plutôt celui des auteurs plus anciens, ou de ceux qui, dans des temps plus modernes, ont écrit sur des matières plus communes, comme des traitéssur les arts, l’agriculture, architecture, etc. Ce latin est d'autant plus curieux, qu'il ne nous en reste plusaujourd’hui que très-peu d'exemples. Cependant on le retrouve, du moins en partie, dans les ouvrages de Varron, de Columelle, de Vitruve, etc. ; les dialogues des scènes des poètes tragiques où comiques, mais plus souvent encore ceux des poètes comiques nous en fournissent des exemples. Cependant, comme le dit Horace, le poète comique s’en écartoit quelquefois, et pre- noit un ton plus élevé, interdüm tamen et vocèm comedia tollit ; comme aussi le tragique quittoit \ quelquefois le ton noble et relevé, et s'abaissoit w jusqu'au style commun et vulgaire, et tragicus plerumque dolet sermone pedestri.Ce latin com- M mun mérite d'autant plus d’être observé, que cest celui d’où dérivent la plupart des langues qu’on parle aujourd’hui en Europe, et particu- lièrement les langues italienne, espagnole et fran- coise, qui, du moins en grande partie; ont été formées sur le latin : néanmoins les langues mo~ Journaux. 229 dérnes ne dérivent pas précisément de ce langage commun que le peuple parloit à Rome, ct dont on usoit dans le discours familier; mais de celui que l’on parloit dans les provinces et les colonies, qui étoit plus altéré , mêlé de beaucoup de termes barbares, et dont les constructions des phrases étoient plus irrégulières. Le langage que le peuple parloit à Rome, quoique commun et vulgaire, étoit pourtant plus pur. Cicéron, qui se plaint que les étrangers qui abordoïent đe tous côtés dans la ville de Rome, y avoient altéré la pureté du langage, convient qu’en général ceux qui avoient été élevés à Rome du temps de Lxlius et de Scipion parloient purement la langue la- tine. Mais il n’en étoit pas, disoit-1l, de même de ceux qui étoient venus du dehors. Telle donc paroît être l’espèce de latin qu'a employée celui qui a rédigé ces journaux, car ils sont vraisemblablement tous les deux de la même main. En examinant attentivement tous les termes qui y sont employés et la construction des phrases, on verra qu’ils sont conformes aux ob- servations qui viennent d’être faites. Les facons de parlersuivantessontremarquables:siatoremmisit (est-il dit dansle premier journal en parlant du con- sul), guod is, eo die , Senatum noluissetcogere ; ce qui est vraiment une phrase de conversation : et ensuite, en parlant de l'affaire d’Aufidius, eé 230 Antiquités. cum liquidum factum esset, eum nulla fecisse detrimenta , etc. ce qui paroît appartenir aux formules judiciaires et au style des tribunaux. La facon de parler suivante est encore remar- quable, in solidum œs totum dissolvere, qui paroît tenir au langage des affaires du commerce. Nous avons donc dans ces deux journaux, un exemple assez rare et vraiment curieux du lan- gage commun ct ordinaire qu’on parloit à Rome, dans le temps de Læhus et de Scipion, qui est à-peu-près celui où ils ont été composés. PRE ES = AA Fes PARA AA AAA AAA AAA AA AAA AAA AAA AAA AP HISTOIRE. MémorrEe sur l’état du commerce en Provence dans le moyen áge , lu à la séance publique de l'Académie d Aix , du 2 mai 1818; par M. A. J. À. Fauris DE SAINT- VINCENS, Membre de cette Académie et de celle des inscriptions et belles-lettres. Les anciens auteurs nous ont laissé des détails sur le commerce des Marseillois, dont M. Papon, dans son Histoire de Provence (1), a fait un résumé intéressant et exact. P- « Ce ne fut ( comme le dit notre histoire ) qu'après la ruine de Carthage que le commerce de Marseille acquit de la splendeur; alors il fit des progrès rapides : les Romains le favori- sèrent dans tous les pays de leur domination, persuadés , comme lévènement le prouva, qu'il leur faciliteroit la conquête des Gaules. En effet, Marseille les y attira vingt ans après Pentière abolition de la province carthagi- noise. » (1) Tom. I, pag. 512 et suivantes, et mieux encore 538 et suiv. 252 Commerce. M. Papon entre, d’après Strabon , Diodore de Sicile, Justin et Pline, dans des détails curieux sur ce qui faisoit la matière de leur commerce , ainsi: que sur les peuples avee lesquels ils com- mercoient; les colonies qu'ils établirent dans les Gaules, en Espagne et en Italie, pour en faire leurs entrepôts et leurs comptoirs. Depuis que les successeurs d'Alexandre eurent fait de la ville d'Alexandrie le centre du commerce de l'Europe et de Asie, ce fut dans cette ville qu'ils allèrent se pourvoir des matières les plus précieuses. Lorsque Marseille se fut déclarée pour le parti de Pompée, César la traita avec beaucoup de rigueur; elle se releva néanmoins de cet échec et continua pendant quelque temps encore de tenir un rang distingué par son commerce. Notre historien présente encore des détails curieux et exacts ( tom. 2, pag. 7) sur l’état du commerce en Provence sous Constantin et ses premiers successeurs ; mais lorsqu'il veut parler des temps postérieurs et du moyen âge, il ne présente aucun détail bien circonstancié. Je vais tâcher dy suppléer, et j'ai, pour nv'aider dans ce travail, les mémoires que ma laissés mon père. J'en ai parlé dans une notice que je lui ai con- sacrée ; J'y ai ajouté quelques recherches nou- velles : j'ai consulté de nouveau le peu d'auteurs Provence. 255 qui parlent du commerce; j'ai puisé dans quel- ques mémoires particuliers; j’ai consulté surtout les anciens statuts de Marseille, où l’on trouve des détails sur les mœurs et sur les usages : ç'a été sur les quatorzième et quinzième siècles que j'ai trouvé les matériaux les plus abondans. Un historien grec du sixième siècle( Agathias ) parle de Marseille comme d’une ville qui, de son temps, n’avoit rien perdu de son ancienne splen- deur. j Grégoire de Tours ( liv. 6 et 7) dit qu'on alloit acheter à Marseille les fruits secs et les vins composés. Mabillon, dans sa diplomatique, parle d’après des anciens titres (liv. 1, ch. 8 ) du papier E- gypte, des parfums, des chevaux d’Espagne, des étoffes de soie, des épiceries, que les Marseillois troient des pays étrangers. Poulin de Lumina, historien de Lyon, a déve- loppé le texte d’Agathias cité plus haut. « Au » commencement du neuvième siècle, dit-il, » c’est-à-dire, en 813 et aux années suivantes, » les habitans de Lyon, unis aux Marseillois , » avoient coutume aller deux fois l’année à » Alexandrie, d’où ils rapportoient les épiceries » de l'Inde et les parfums de l'Arabie. Un: partie » de ces marchandises étoit déposée à Marseille » pour être vendue en France ou en Espagne; 234 Commerce. » une autre partic, plus considérable, remontoit » le Rhône et la Saône : on les embarquoit en- » suite sur la Moselle, qui les distribuoit par le » Rhin, le Mein et le Nekar jusqu'aux extré- » mtés de l'Allemagne. » Epiceries. Dans tous les temps, le commerce des épice- ries a produit des fortunes considérables à plu- sieurs négocians marseillois. C’est ce que déve- loppe trés-bien Etienne Bertrand, jurisconsulte d'Avignon du quinzième siècle, dans une con- sultation qui commence par cette phrase : Multi in hoc sæclo ( decimo quinto) et præteritis temporibus , dit-il, aromatorii insignes et divitiis afluentes. | Les statuts de cette ville, rédigés en 1253, font entendre que les droits d’entrée sur le poivre, la canelle et le gérofle étoient considé- rables. Il y est dit que sur ces droits d’entrée les consuls étoient obligés de donner tous les ans aux communautés rehgieuses une certaine quan- tité d’épiceries : tous les citoyens en fusoient un usage journalier. Ne soyons pas surpris de la grande consom- mation qu’en faisoient même les religieux : les épiceries étoient souvent prises comme remèdes; elles servoient ensuite à relever le goût des viandes; nadhan a | Provence. 255 et dès le onzième siècle, Pierre Damien, parlant du luxe de la table des cardinaux et des évêques, dit que leurs tables étoient couvertes de pyra- mides de viandes, relevées de toutes les épiceries de l'Inde. Comme nos pères aimoient les alimens forts, et que ceux qu’ils mangeoient ordinaire- ment étoient d’une digestion difficile, ils croyoient que leurs estomacs avoient besoin d’être aidés par des stimulans. Saint-Thomas appelle elec- tuaria , non-seulement les liqueurs chaudes et digestives , mais encore les conserves faites avec des épiceries. Pour rendre ces aromates plus agréables au goût et plus forts encore, nos pères les envelop- pèrent de sucre, dès que le sucre fut connu. J'ai lu une lettre qu'un chartreux de Montrieux, frère de Pétrarque, écrivoit à son frère en 1348; il dit que du poivre et de la canelle mêlés avec du sucre, saccaro mixiæ , peuvent garantir des maladies contagieuses. Sucre. Le sucre étoit donc aussi un objet de com- merce pour les Marseillois; ils le tiroient d’Ale- xandrie, comme les épiceries. Un état de dépense de la cour du pape Jean XXIL, qui résidoit à Avignon, nous apprend que les officiers de ce pape en firent venir de Marseille à Avignon vingt 256 Commerce. livres, pour le prix de cinq florins d’or, ce qui fait environ 45 fr., monnoie actuelle. On voit, dans les comptes rendus par le tré- sorier d'Humbert, dernier dauphin de Viennois, que douze livres de sucre blanc furent payées, en 1555, onze tarins, ce qui fait un peu moins de deux florins d’or, c’est-à-dire, environ 17 fr., monnoie actuelle ; il entroit six tarins au florin, et cinq florins à lonce d’or. On faisoit en Provence une grande consom- mation de sucre dans le quinzième siècle; et lors du tournois que le roi Réné donna à Tarascon, ce prince fit porter aux dames, pour leur colla- tion, du vin et ce que l’on appeloit species, c’est- à-dire, des conserves ou confitures, faites avec des épices et du sucre. Gerson nous a donné Pin- terprétalion de ce mot species , terme latin du moyen àge. On employoit le sucre dans les remèdes. Le médecin Mérindol, que lon a appelé Hippo- crates aquensis , dit que le sucre , employé dans les remèdes, fortifie l'estomac, au lieu que le miel le surcharge, parce qu'il est pesant et qu'il Paffoiblit, debilitat stomachum. « Aussi, ajoute- » t-il, s’en sert-on dans la médecine depuis fort » long-temps. » Merindol écrivoit en 1620. L'opinion la plus commune est que les anciens wavoient connu le sucre que comme un sirop Provence. 257 provenant d’une espèce de canne qu'ils appe- loient canna dulcis , et qu'ils ignoroient l’art de blanchir et de durcir ce sirop par la cuisson. Albert d'Aix, que lon dit avoir été sacristain dans notre cathédrale, parle, dans son histoire de la premiere croisade, du sucre que les croisés trouvèrent aux environs de Tripoli: ils appellent Zucra. Cet auteur rapporte en détail la manière dont les habitans du pays cultivent les cannes à sucre, et en expriment le suc, qu'ils mettent en- suite dans des vases, pour lui donner le temps de se durcir. l € Lorsqu'il a pris quelque consistance, il a la » forme d’un sel blanc : les habitans du pays » létendent alors sur du pain, ou le fondent dans » leau , et il devient un remède fort agréable; » il est meilleur au goût et plus salutaire que le » miel. Albert ajoute qu'on croit que c’est-là le » miel dont goûta Jonathas. » Les croisés transportèrent les cannes à sucre en Sicile; elles furent ensuite cultivées dans les parties les plus méridionales de l'Espagne, d’où elles passèrent dans l’île de Madère, et ensuite en Amérique. Les Marseillois ont fait venir du sucre du le- vant jusqu’au milieu du dix-septième siècle. Ce fait résulte d’une lettre de Peiresc (à Doni, sa- vant Italien ), du mois d'août 1629. « Les sucres 258 Commerce. » du levant, dit-il, valoient mieux que ceux que » nous avons aujourd'hui. » Dans le quinzième siècle, on fit des tentatives pour le cultiver en Provence. Pierre de Qui- queran, évêque de Senés, le dit ainsi dans le traité qu'il a fait avant le milieu du seizième siècle, sur l'éloge de cette province, de Laudibus Provinciæ. Il ajoute que dans le moment où il compose son ouvrage, il y a des cannes à sucre à Hyères depuis deux ans, et qu'on attend la troïsième année pour en faire la récolte. Sote. La soie étoit un objet de commerce pour les Marseillois dans les douzième et treizième siècles, quoique les lois somptuaires eussent défendu les habits de soje dans la plupart des états de l'Eu- rope, et que ces lois fussent en vigueur à Mar- seille ( puisqu'il n’y étoit permis aux nouvelles mariées de porter de la soie qu'aux garnitures de leurs manteaux, 22 infroidur& pallii ). Ce- pendant les femmes y avoient, dès le treizième siècle des robes de soie. Les statuts de Marseille de 1255 (lib. 2, cap. 58 ) fixèrent à cinq sous le prix de la facon d’une robe de soie de femme, pro vestibus Dominæ sericis quinque solidos. On ne connoît pas précisément l’époque où Pon a commencé à faire de la soie en Provence : AURAS EE Provence. 259 il y en avoit certainement avant le Ross siècle. Il est dit dans les be AaS du domaine de la sénéchaussée de Beaucaire , à la date de 1545, que le sénéchal fit partir un exprès de Nimes le 1° juillet 1545, pour aller porter à Paris douze livres de soie de Provence, de douze couleurs différentes, achetées à Montpellier (1) pour la Reine : elles avoient coûté soixante-seize sous tournois la livre. Les papes d'Avignon firent venir des fabricans de Gênes qui y établirent des fa- briques de damas. Mais ces fabriques ne durèrent pas long-temps, et il n’en existoit plus dans le quinzième siècle. Pendant que la soie étoit très- rare en France, le luxe et la richesse des villes commercantes d'Italie en faisoient un habille- ment commun pour les hommes dès le siècle précédent. Jean de Musso, qui nous a tracé le tableau des mœurs de Plaisance, sa patrie, dans le quator- zième siècle, dit que les robes des femmes et les capuchons des hommes étoient la plupart de velours, et d’une ampleur démesurée, tous garnis Qor et de perles. On fità Gênes une procession, vers le milieu du quinzième siècle, où on vit jus- qu'à mille personnes en habit de soie. l) Hist. du Langued. , tom. 4, p. 519. 240 Commerce. Pelleteries. Je trouve encore qu’on a fait à Marseille, dans le moyen âge, un commerce considérable 4 pel- leteries. Cette espèce de commerce, ainsi que Pemploi des fourrures sur les habits, sont de toute antiquité. Les bas-reliefs et les vases grecs nous représentent les Amazones vêtues de peaux; et, suivant quelques auteurs, l'expédition des Argonautes, pour l'enlèvement de la toison d’or, est une allégorie du commerce des pelleteries qui se faisoit alors en Colchide, où les peaux étoient apportées de lIberie. Sous l'empire romain, les pelleteries venoient de Inde et de la Parthie : et les lois romaines appeloient parthiarii ceux qui faisoient ce com- merce. On trouve chez un de nos plus anciens jurisconsultes, Accurse Marinier, d'Avignon, qui fut un des principaux magistrats de notre parlement, après sa création, une consultation pour Jean-Baptiste Marinier, son parent, établi à Marsaille, qu'il appelle nobilis mercator pelle- tarius seu parthiarius. Les peaux ou fourrures étoient depuis long- temps un objet de luxe en France, en Angleterre et en Allemagne. On y fourroit les chappes, les manteaux et les cottes d'armes ; et dès les pre- mières croisades , plusieurs familles mirent lher- provence. | 241 mine et le vair dans leurs armoiries. Les monu- mens du treizième siècle, tels que les tombeaux, les vitraux des églises et les vignettes des manus- crits, nous prouvent que les rois, les princes, les seigneurs, ainsi que les docteurs de toutes les facultés en étoient parés. On assure que Charle- magne étoit vêtu ordinairement ďune peau de mouton ou d'agneau, préparée, dont il mettoit le poil en-dedans pendant l'hiver. Cependant les monumens de la monarchie francaise ne nous représentent point ce prince ainsi vêtu; mais la planche 16 du premier volume de Don de Mont- faucon nous donne des prêtres du temps de Charles-le-Chauve, qui ont leur chasuble ou leur camail bordé d’une fourrure blanche. Les four- rures les plus précieuses, telles que le vair, ne furent employées plus communément que dans les temps postérieurs. | Les princes de la famille de Louis-le-Jeune, et ceux de la famille de Philippe-Auguste, ont des manteaux fourrés de vair, et les statues de Saint- Louis lui donnent un manteau fourré d’hermine. Un ancien vitreau de Notre-Dame-de-Grâce à Saint-Sauveur, à moitié détruit, représentoit Charles IT, dit le Boiteux , et son fils Robert, avec des manteaux bordés d’hermine; in habitu herminiæ pellibus ornatæ , dit une ancienne description de cette chapelle , de 1400. Tome FI. Décembre 1818. 16 243 Cornmerce. Les peaux d'hermine étoient connues à Mar- scille sousle nòm d’hermelie et d’hermenie : PAr- ménie, dont elles venoient, étoit: alors nommée Hermenia. Les Marseillois en firent venir aussi de Bretagne, dans le quatorzième siècle. Ces ani- maux avoient multiplié dans cette province, et les ducs de Bretagne en composèrent leurs ar- moiries. Dans le quinzième siècle, les habits de cérémonie des personnes considérables de notre province étoient ornés de pelleteries. On peut voir les médaillons qui furent frappés en Fhon- neur de Jean de Matheron, qui fut ministre sous pos derniers comtes, et ambassadeur à Rome sous Charles VHI. On peut consulter le Missel, manuscrit de J. des Martins, chaneeher du roi Réné. Les portraits de Réné le représentent tou- jours avec le col enveloppé d’une fourrure; sou- vent son habit est doublé d’hermine, quelquefois de martre ou d’une peau plus ou moins obscure. Ferreries. Le quinzième siècle fut Pépoque où les ver- reries furent établies en Provence. Le roi Réné chercha à donner au commerce du verre toute l'étendue possible. I commença par établir des verreries à deux lieues d'Apt, près de Pabbaye de Valsainte et du village. de Goult; il fit venir des verriers du haut Dauphiné, et il se plaisoit Provence. 243 à les voir travailler. Il existe près de Goult une maison que l’on nomme encore la Verrerie, quoi- qu’on n’y travaille plus depuis long-temps. Dans cette maison est une chambre appelée la chambre du roi Réné. Ce prince aceorda beaucoup de priviléges à ces premiers ouvriers; il affranchit de toutes tailles et impositions les biens qu'ils pourroient acquérir, jusqu’à une certaine quo- tité. Les premiers verriers venus en Provence portoient le nom de Ferré ou Ferry (1). Cette famille s’est fort étendue et a possédé pendant long-temps toutes les verrerics. Le verre de Provence eut bientôt un grand débit. Jai dit, dans un mémoire sur l’état des arts dans le quinzième siècle; que de bons pein- tres furent occupés à orner les vitraux de cou- leurs très-vives et très-variées ; ils perfection- nérent cet art déjà pratiqué en France, et même en Provence dès le onzième siècle (2). (1) Nicolas du Fer , fameux géographe, étoit issu de cette famille; il avoit francisé son nom; car on sait que ferri, en provençal, est le même nom que fer en francais. (2) Dès le temps de Charles-le-Chauve, et même sous Charlemagne, il y a eu des vitraux peints dans les églises : c’étoit un travail grossièrement fait. Dans les quinzième et seizième siècles, quelques peintres mar- seillois , entre autres le frère Guillaume , dominicain, portèrent cet art à sa plus grande perfection. Guillaume embellit les principales églises d'Italie et de Provence. 244 Commerce. On sait que le verre ne fut employé aux fe- nêtres que bien tard. Chez les Grecs et les Ro- mains, les morceaux de verre dont les chambres des anciens étoient ornées m’étoient que des plaques qu’on appliquoit contre les murailles ; pauper ( dit Sénèque ) sibi videtur nisi vitro absconditur camera : et Saumaise, qui a pré- tendu que Saint-Jérôme avoit parlé des fenêtres de verre, a été contredit par des auteurs plus récens, qui lont défié de rapporter aucun pas- sage qui y soit relatif. Nous n’avons pas, sur Pem- ploi du verre pour les fenêtres en France, d’au- torité plus ancienne que celle de Grégoire de Tours et du poète Fortunat, en faisant la des- cription de quelques églises. Dans le huitième siècle, les Anglois firent venir de France des verriers pour arranger les fenêtres de leurs églises (1). QG) Misit legatorios in Galliam , qui, vitrifactores , artifices , videlicet Britanniis ea tenûs incognitos ad cancellandos ecclesiæ porticus, et cœnaculorum ejus fenestras , abducerent. Bene, lib. I, cap. 5, de Wers- menstherensi Monasterio. — L'usage du plomb rwétoit pas connu pour les vitrages : on posoit, dans ces pre- miers temps, des morceaux de verre sur des châssis de bois, en donnant différentes formes aux compartimens qui devoient contenir les verres. J’ai cru reconnoître la … forme de ces très-anciennes fenêtres dans une peinture sur bois de l’ancienne cathédrale de Digne, abandonnée __ Provence. 245 Avant le quinzième siècle, on n’employoit en Provence le verre aux fenêtres des maisons qu’en petite quantité. Les fenêtres étoient très-relevées ; et, quoiqu’elles fussent très-grandes, il n’y avoit pas de verres partout; le reste étoit en volets de bois. Réné fit faire dans son palais de grands vitraux. Les comptes de la dépense dé ce prince; déposés à la Chambre des Comptes d’Aix , attes- tent qu'il employa cent florins à acheter des verres moult bien variolés et bien peints, pour les envoyer à Paris au Ror de France Louis XI, son neveu, et qu'il prit ces verres à la verrerie de Goult. On conserve dans quelques: cabinets des verres à boire qui ont servi au roi Réné; ils sont montés sur un pied de six à sept pouces de hauteur. dans le quinzième siècle: Ce tableau , dont le derrière étoit piqué des vers , représentoit deux prêtres en tu- nique, à genoux devant un autel très-petit : derrière l'autel étoit une gramde fenêtre ronde par le haut, et de bois; elle étoit percée de trous inégaux de forme xonde et carrée. Les compartimens du haut de la fenêtre formoient une croix grecque , avec des espèces de trèfles dans les angles de la croix. Cette fenêtre m’a fait penser qu’elle ne consistoit qu’en planches percées de trous propres à y placer les verres. Dans le douzième siècle, on emploÿoit le plomb aux fenêtres. On voyoit encore, il y a quelques années, plusieurs des vitraux que l'abbé Suger fit faire dans l’église du monastère de Saint-Denis. \ 246 Commerce. # _ Le vase en est extrêmement haut, et peut contenir une denu-pinte de vin, Jen connois un entre aütres dans le cabinet Fabri Borrilly à Aix, dans le fond duquel étoit peinte Sainte Magdeleine aux pieds du Sauveur, qui étoit de= bout sur les parois; on Jisoit sur les bords ces. vers écrits en lettres gothiques d’or : tit T a Qui bien boira f Dieu verrà. i y Frai : Qui boira tout d’une haleine; | Verra Dieu et la Magdeleine. “Ily avoit à Marseille des magasins de verreries où l'on se ponryoyoit derplusieurs provinces voisines, et d’où Pon en transportoit une grande quantité en Espagne, etuné moins grande qae tité dans le levant. HFITANE | Savon. ilya lieu de penser que le, savon a été, de tous les temps, un objet de.commerce pour les Marseillois, puisque les Gaulois ont été les pre- miers qui Tott fabriqué. Les anciens en faisoient beaucoup , moins d'usage que nous : ils Pem- ployoient dans la dr et surtout pour changer la couleur des cheveux; ; cepo Galliarum, H dit Pline (1), koc ingentum rutillandis ce # 61) Lib. 564 cap. 12. Item Martial., Bb, k pa sk Provence. 247 « Les Gaulois, dit Aritæe, ont une infinité de » remèdes dans les maladies de la peau, nommées » elephantiasis ; ils emploient de petites boules » de nitre dént on blanchit le linge. Il n’y a rien » de mieux qite de s’en frotter le corps dans le » bain. » La fabrication du savon á été perfec- tionnée dans ces derniers temps. Pline nous ap- prend qu’on le faisoit avec du suif et des cendres de bois de hêtre. C’est à cause de cela que plu- sieurs auteurs l'ont appelé unguëéntum cineris(1). Dans les septième et huitième siècles, on ajoutoit seulement de la chaux aux cendres. Ce n’est que depuis cette époque qu'à la place du suif on y a fait entrer de l’huile d'olive. Depuis que l'usage du linge est devenw plus commun; on a fait un très-grand usage du savon , et il est alors devenu un objet important de commerce. Mais Venise ayant, dans le quinzième siècle, pris ascendant pour le commerce, elle fit alors la principale -fourniture du savon, surtout dans le levant. Ge n’a été que dans le dix-septième siècle qua été bâtie à Marseillé cette immense quantité de fa- briques de savon qui a subsisté de nos jours. CHEY Våler. Max. y lib. 2, cap/ 1. = Tertull. , ad usorem, lib. 2, cap. 8. — Gallien; de virib. sénpl. med. ad Paternum( livre composé par un Arabe). 248 Commerce. Cuirs, Peaux, Tanneurs. Le commerce des cuirs et des peaux préparées est bien différent de celui des pelleteries et des fourrures dont hôus avons parlé; il a toujours été fort cultivé à Marseille (Y): Un quartier de la ville assez étendu étoit destiné aux fabriques des tanneries, sur lesquelles l'administration publique veilloit avec soin. Cette espèce de fabrication et de commerce étoit si fort en vogue, que dans des quinzième, seizième et/dix-septième siècles une partie des consuls ou échevins étoit choisie presque constamment dans la'tlasse des fabricans en tannérié. La ville leur avoit des obligations : ils avoient fait’ dériver à Marseille, et à leurs frais, d’abord pbur leurs fabriques , et ensuite pour l'utilité publique , les ‘eaux de la rivière d'Uveañne: Là communauté les aida dans leur entreprise ; mais ils firent les premières dépenses. Ce métoit pas dans le levant qué les Marseillois exportoieht leurs peaux préparées, mais ils en fournissoienit à tountesles côtes de la Méditerranée, et surtout à l'Espagne et à l'Italie. Cette branche de commerce, qui procuroit à Marseille des profits très-considérables, a cessé absolument vers l'année 1760 , par les impôts qui ont été mis sur les cuirs. (1) Statnts, liv. a , ch. 38: l'2,c. 4131. 3, c. 12. MEL Provence. 249 Poissons salés. On sait combien les poissons salés des environs de Marseille étoient recherches des Romains. Ces préparations avoient surtout pour objet le thon et la sardine. Le garum et le muria(1), qui sont les noms qu'ils donnoient à la saumure de ces poissons, étoient pour eux le mets le plus délicat. Pline ( lib. 32, cap. 8 ) dit qu'à l'exception des par- fums, il n’y avoit pas de liqueur qui fùt aussi cher et qui fit autant de réputation au pays d’où _elle étoit tirée. Sardines , Thons. Le commerce des poissons salés a toujours été florissant à Marseille : on y fait encore celui des sardines salées. La pêche du thon y étoit bien plus abondante dans les siècles précédens qu’elle ne l’est aujourd’hui. L'auteur du traité de Lau- dibus Provinciæ , pag. 59, dit qu’en un jour on y pêcka huit mille thons. Les causes physiques qui éloignent aujourd’hui ces poissons des côtes de Provence, etqui contribuent à rendre les pêches (1) Muria étoit la saumure du thon. Martial le dit expressément dans l’épigramme 103 du 13€ livre: fati- politani fateor sum filia thunni. Furnèbe , dans ses notes sur Martial , dit: Muria thunni sale conditi. 256 Commerce. moins abondantes, ont été expliquées dans wr mémoire qui fait partie des recueils de PAca- démie de Marseille, année 1760. Quelques réflexions vont sùivre énumération des marchandises sur lesquelles portoit: le com- merce des Marseillois. Malgré les obstacles et la concurrence qu'ils ont éprouvés de la part des autres nations pour le commerce du levant, ils ont toujours continué ce commerce d’une manière plus ou moins con- sidérable. Les croisades leur fournirentlesmoyens de l'activer, et le pisegige des croisés leur procura des profits immenses, Aussi firent-ils les réglemens les plus sages pour pourvoir à la sûreté et, autant qu'il étoit possible, à la commodité des passagers. Fons les ans il y avoit deux embarquéméns gé- géraux ; Pun au mois de mars, Pautre au mois d'août (1). La comraurauté nommoit trois ofi- ciers qu'on appeloit obsérvatores passagit, qui dévoient régler tout ce qui étoit nécessaire pour Pemplacement des hommes, des chevaux, les vivrés étitout ce qui avoit trait à la sureté du passage et au bien-être des passagers. Dans le méme temps, les rois de Jérusalèm , de Chypre et les autres princes chrétiens, après leurs conquêtes , accor ‘dérent aux Marseillois (1) Stat., live 1, &h. 3434. 4, c. 24-35: Provence. 251 divers priviléges : ils les exemptérent de tous les droits. imposés sur les marchandises: ils leur donnèrent une église, un four et une rue en propriété à Jérusalem , à Acre et à Chypre. Une semblable concession que les empereurs de Cons- tantinople avoient faite aux Génois , dans le fau- bourg de Péra, avoit été la principale cause du degré de splendeur où ceux-ci avoient porté leur commerce. Aprés que les croïsades eurent cessé, le com- merce essuya quelque diminution pour les Mar- seillois; mais les pélerinages à la Terre-Sainte, qui continuèrent en Europe, furent un objet de gain pour eux. Les pélerinages se soutinrent avec beaucoup de ferveur jusqu’à la fin du seizième siècle. La plupart des pélerins s’embarquoient à Marseille, et il y en avait toujours un grand nombre. Les plus dévots faisoient eux-mêmes le voyage. de Jérusalem ; les princes et les gens ri- ches, moins fervens, y envoyoient un ou plusieurs pélerins à leurs dépens. On en voit un exemple dans la vie du roi Réné, qui chargea ses héri- tiers d'envoyer au Saint-Sépulcre un homme à sa place, pour remplir un vœu qu'il avoit fait, et de lui donner pour son voyage trois mille ducais. Brantôme, dans ses Mémoires, nous a con- servé un trait assez bizarre de la dévotion de ła 25a Commerce. reine Catherine de Médicis, qui envoya à ses frais un pélerin à Jérusalem , avec la condition de faire, lorsqu'il seroit débarqné, trois pas en avant et un arrière, On doit regarder comme une des causes qui contribuërent à soutenir le commerce de Mar- seille, dans le treizième siècle et les suivans, lopinion où l’on étoit que les nobles pouvoient faire des actes de commerce sans déroger. Je pourrois en citer un grand nombre d'exemples. La famille de Montolieu, qui tient à la plus ancienne chevalerie , a joint, dans les actes qu'elle a passés dans le quinzième siècle et au commencément du suivant, la qualité de noble à celle de marchand: Dans’ les ‘quatorzième et quinzième siècles, lå maison de Candole, qui ctoit tout-à-la-fois noble et adonnée au com- merce, qui prenoit les qualités de nobiles et de mercatores , possédoit onze fiefs considé- rables (1). t Tya plusieurs exémples ide personnes qui, (1) On peut consulter un ouvrage intéressant im- primé à Marseille en 1671, intitulé Discours sur le négoce des geniilshommes de la ville de Marseille , et sur la qualité de nobles marchands qu'ils prenoient il y a cent ans, adressé au Roi, par M. Marchette, prêtre de Marseille, en 71 pages. Cette brochure est devenué très-rare. P Provence. 253 pendant le règne de Réné, après avoir été en- noblies, ont continué de prendre la qualité de marchand, et le prince qui les avoit ennoblis leur donnoit le titre de vir nobilis mercator. Plusieurs familles qui, possédant déjà des for- tunes considérables, entroient dans le commerce (les maisons de Montolieu et de Candole en sont des exemples ) et contribuoient à ce qu'il eût plus de splendeur. Les Juifs et les Grecs, établis à Marseille et à Arles, dounoient, pendant le moyen âge, de l’activité au commerce des étoffes du levant et des pelleteries, non-senlement par Constanti- nople, mais par Pise et par Venise, qui étoient des entrepôts bien fournis où abordoient tous les peuples du monde. (Pisa) paganis s Turcis, libycis quogue Parthis, Sordida Chaldæi sua lustrant liitora tetri. La cire, si nécessaire dans le moyen âge, où les bois couvroient une partie de la Provence, et où lesoliviers étoient peu soignés, fut une branche considérable de commerce, que les Juifs faisoient presqu’exclusivement. Ils en apportoient eus- mêmes d'Italie , et faisoient préparer celle que produisoit la Provence. Ils vendirent, pour les funérailles de Saint-Louis, évêque de Toulouse, qui furent faites à Marseille, cent cierges du poids de dix livres chacun. Lorsqu'on leur cédoit 254 Commerce. quelqu'immeuble, il étoit ordinaire que le bail- lcur unposoil une cense ou en cire du en poivre; ce qui prouve, ainsi que le dit le P. Bougerel (+), qu'ils étoient la plupart épiciers. Les Juifs étoient quelquefois associés, dans leur commerce, à des négocians ordinaires, pour des ventes d’étofles et de draps. Jen ai vu une preuve dans un acte passé à Marseille, au mois d'avril 1494, quel- ques années avant l’époque à laquelle Louis XI voulut chasser Les Juifs de Provence. M. de Ni- colaï, de l’Académie des belles-lettres, a commu- niqué cet acte à mon pére. Jean Napolon, négociant de Marseille ( dont les descendans ont constamment occupé avec honneur les premières places municipales ), et Salomon, de Nevers, Juif et marchand, Judæus et mercator , vendent à l’église primatiale de Lyon, nobili et primatiali ecclesie Sancti Joannis Lugdunensis , quatré pièces d’étoffes de soie et or, pour le prix de cent florins d’or. La quittance est à la suite de l'acte; elle est écrite en francois de ce temps-là, sans doute pour que extrait en fût envoyé au chapitre de Lyon. | « Jeu Jehan Napoloun, marchand de ceste (1) Mémoire sur les Juifs de Provence, par le P. Bougerel , inséré dans les Mélanges du P. Des Molets, intitulés Mémoires de Littérature. E ne Provence. 255 » cioutad de Marseille, et Jeu Salomon de Ni- » vers, Jusif de la cioutad de Tarascon , asture » à Marseille, avons repsus de mondit sire » Claude Gaste, chanoine de l'église de Saint- » Jéhan de Lyon, la somme de cent florins, » pour les quatre pièces d’étoffes ouvrées et ba- » riolées en couleurs diverses d’or et de soie, » que lui avons besouté pour la susdite gleise. » Fait à Marseille le 14 mai 1504. » J'ai rapporté les évènemens et les circonstances les plus favorables au commerce des Marseillois dans le moyen âge. Je dois parler des causes qui ont empêché que ce commerce füt aussi florissant que leur activité sembloit le leur promettre. Les guerres malheureuses que les comtes de Provence de la seconde maison d'Anjou soutin- rent, après la mort de la reine Jeanne, pour recouvrer le Royaume de Naples, épuisèrent la Provence d'hommes et d'argent. Marseille souf- frit principalement dans ces circonstances. En 1421, pendant que Louis IH étoit à Naples, les Marseillois adressérent à sa mère, la Reine Ré- gente Yoland Arragon, des remontrances, -dans lesquelles ils exposoient que leur ville étoit dépeuplée et presque détruite par les fléaux de la guerre et de la peste. En 1425, Alphonse, roi d’Arrason, la prit 256 Commerce. assaut; ses troupes la pillérent pendant trois jours, et y mirent ensuite le feu. Une bulle de Martin V, de l'an 1427, dit que le nombre des maisons brülées, en cette occasion, monta à quatre mille. Il étoit bien difficile que, dans des circonstances aussi malheureuses , le commerce de Marseille pùt répondre aux efforts de ses ha- bitans. Mais ce qui leur portoit un plus grand pré- judice, c’étoit sans doute l’état florissant où se trouvoient alors plusieurs états et villes com- mercantes d'Italie. Les Vénitiens avoient tou- jours fait de grands efforts pour empêcher les autres nations de faire le commerce du levant ; et la prise de Constantinople par les croisés, au commencement du treizième siècle, leur en assura la possession presqu’exclusive. Ils s’y maintinrent pendant tout l’espace de temps que régnèrent les empereurs latins : du moins les autres peuples étoient-ils alors réduits à se pourvoir des mar- chandises de l'Inde, par la voie de l'Égypte. Le rétablissement des empereurs grecs porta un coup fatal aux Vénitiens. Les Génois, qui avoient contribué à l'expulsion des Latins, s’em- parèrent de tout le commerce de Constantinople. Les Palæologues accordèrent à ceux-ci de grands priviléges, dont ils usèrent d’une manière op- pressive. Les historiens grecs du quatorzième Provence. 257 siècle parlent avee détails de leurs vexations. Nicéphore Grégoras, qui écrivoit en 1540, dit que les Génois poussérent le délire jusqu’à former le projet d'établir une taxe sur tous les vaisseaux qui passeroïent par le Bosphore. Cet état florissant et oppressif des Génois dura jusqu’à la décadence de l'empire de Constanti- nople. La prise de cette ville par les Turcs ruina entièrement leur commerce, qui ne s’est plus relevé depuis. Ils perdirent même des possessions importantes qu'ils avoient en Crimée et sur les bords de la mer Noire, que les armes victorieuses de Mahomet II leur enlevèrent. Alors les Vé- nitiens reprirent leur premier ascendant : ils na- voient cependant jamais cessé de faire le commerce des marchandises de l'Inde. Ils alloient se pour- voir de ces marchandises à Alexandrie, et ils les répandoient ensuite dans toute l'Europe. La sa- * gesse de ceux qui présidoïent à leur gouverne- . ment veilloit sans cesse à favoriser et à étendre cette activité. Pour prévenir les scrupules que Fon avoit alors à former des liaisons avec les infidèles, ils avoient obtenu des papes la per- * mission d’équiper tous les ans un certain nombre de vaisseaux pour aller commercer dans les j ports de Syrie et d'Egypte. Aussitôt après que les Génois eurent perdu leur prépondérance, les Vénitiens redoublėrent Tome VI. Décembre 1818. 17 268 Commerce. d'activité, et mirent à profit les moyens mul- tiphés qui s’oflroient à eux pour étendre partout leur commerce. Ce fut dans le quinzième siècle que ces sages républicains acquirent des richesses immenses. Le commerce les éleva à un tel degré de splendeur et de puissance, que lenvie de tous les rois de l’Europe fut excitée contre eux : elle donna lieu à la ligue de Cambrai, qu faillit causer la ruine de cette république (1). Les autres peuples commercans de PEurope : (1) Le Doge Mocénigo a laissé, dans un discours qu’il fit au sénat , une idée de l’état florissant de la ré- publique dans ces temps de prospérité. « Venise, dit-il, » envoie tous les ans à l’étranger un fonds de dix mil- | » lions de ducats. Nous gagnons , par le seul fret, deux | » millions, et une pareille somme sur le trafic des » » marchandises. Nous avons trois cents navires du port » de dix à deux cents tonneaux, qui emploient dix-sept » mille matelots; trois cents gros vaisseaux qui en oc- » cupent huit mille; et quarante-cinq galères sur les- » quelles il y en a onze mille. Tous les ans nous en- t: » voyons cinq cent mille ducats en terre ferme et autant » dans les villes maritimes : le surplus reste en pur gain » à Venise. Tous les ans, yous tirez de Florence seize Y » mille pièces de draps très-fins, que vous vendez à N EV » Naples , en Sicile et dans toutes les échelles du levant. 4 » Votre change sur Florence est de trois cent mille » ducats par an : enun mot, tout Punivers est à profit 1 2 POUF NOUS. » Provence. 259 firent des efforts pour partager avec les Vénitiens ce commerce avantageux. Côme de Médicis ac- quit, par la voie du commerce, des richesses im- menses. Celles que Jacques "penp gagna, dans le même temps, furent peut-être moins considé- rables; elles paróissent néanmoins surprenantes, si lon fait attention à la rareté de l'argent dans ce siècle. Jacques Cœur avoit en propriété un grand nombre de vaisseaux; il donna ses galères à commander à Jean de Villages, son parent, homme de mérite et de courage, qui fut en- suite choisi par le roi Réné pour être capitaine général de la mer. Le genre de commerce qui procura à Côme de Médicis et à Jacques Cœur tant de richesses, fut principalement le com- merce de largent. Côme de Médicis a eu pour historiens des auteurs du premier mérite, tels que Machiavel. Un auteur anglois , William Roscoë, a publié, il y a quelques années, une excellente vie de Laurent de Médicis, dit le Ma- gnifique, petit-fils de Côme ; elle a été traduite en françois par F. Thuriot, 2 vol. in-8° (1800). L'auteur a fait des recherches pour connoître à quelle branche particulière de commerce les Médicis durent leurs richesses : il a eu sous les yeuxles Ricordi, ou mémoires particuliers écrits par les individus de cette famille. Il en résulte que les Médicis commencèrent par le commerce 260 Commerce. des laines, qu'ils firent ensuite le commerce de Palun; celui des marchandises du levant, et enfin celui de l'argent ; ils retiroient en outre des profits importans du produit de leurs denrées et de leurs troupeaux. Les Florentins durent leurs établisse- mens à Alexandrie aux conseils de Taddeo di Céno qui, ayant été témoin des avantages que retiroit Venise du commerce des épiceries et autres productions de lorient, détermina ses con- citoyens, vers 1441, à y prendre une part active. Outre les avantages que Venise, Gênes et Flo- rence avoient sur Marseille, ces villes possédoient des manufactures de la plus grande réputation. Les glaces fabriquées à Venise étoient répandues daus toute l’Europe. On y fabriquoit des étoffes de soie et de laine qui étoient vendues dans le levant, et procuroiïent aux Vénitiens des profits immenses. Gênes et Florence avoient aussi leurs manufactures. Les gouvernemens de ces répu- bliquesfavorisoient tousles genres d’industrie(1). Comme les Florentins n’avoient aucun port com- mode, ils dirigeoient leur principale attention vers l'amélioration de leurs manufactures. Les liaisons qu'ils contractérent en différens endroits de l’Europe où ils envoyèrent leurs marchan- dises, les conduisirent à une autre branche de (1) Robertson , Recherches sur l'Inde, p. 172. Provence. 26: commerce , qui est la banque ou le commerce d'argent. Ils acquirent une telle supériorité en ce genre, que le commerce d'argent de presque tous les royaumes de l'Europe leur passoit par les mains. On peut comprendre combien il étoit difficile que Marseille soutint la concurrence de ces villes rivales. Quelques recherches que j'aie faites, je nai pas trouvé qu'il y ait eu à Marseille d’autres fa- brications, depuis le treizième siècle , que celles des cuirs ou des peaux préparées, que la salaison des poissons , les verreries et le savon : elles y étoient fort cultivées, ainsi que je lai dit; mais ces objets d'exportation ne s’étendoient pas par- tout. Je ne parle pas des draps, dont on fabri- quoit une grande quantité à Marseille et dans les principales villes de la Provence; ils n’étoient pas d’une qualité assez fine pour être recherchés par < les étrangers; ils étoient consommés dans la province et aux environs. TI étoit, impossible qu'ils soutinssent la concurrence des draps fa- briqués en Italie, qui étoient d’une qualité bien supérieure. Marseille n’ayant donc presqu’aucun produit de ses manufactures qu’elle pût échanger avec les marchandises étrangères, elle étoit obligée de payer en argent tout ce qu’elle alloit acheter au dehors. On sent quel désavantage cela donnait 262 Commerce. dans des temps où l'argent étoit aussi rare. On a vu qu'à ces époques les négocians de Marseille s’associerent souvent à des Juifs, qui étoient plus pécuniaux ; mais cette ressource n’étoit pas très“ ‘importante. Dans le quinzième siècle, la rareté de Pargent se joignoit à l’énormité du taux de l'intérêt : depuis lors, jusqu’au seizième siècle’ 5, l'intérêt de l'argent étoit souvent au vingt pour cent, et dans aucun état de l'Europe, il n’a été au-dessous de dix ou de douze. Louis IE permit, pendant les dérmiérés annéés de son règne, aux négocians de Marseille dé ré- tirer le dix pour cent de l’argent qu'ils prê- toient (1). Quand Charlès VITT voulut porter la guerre en Îtahe, il emprunta des Génois des sommes considérables, qu'il ne put obtenir: qu'en stipulant l'intérêt exorbitant de quarante- deux pour cent (2). | À toutes les causes de diminution du com- merce, pendant ces siècles, on peut ajouter le: peu d'encouragement que les comtes de Pro- vence donnoient à cette branche i importante dè Vadministration, On ne peus compter, pendant le long règne de Réné, qu'un petit nombre dé (1) Histoire de Marseille, p. 242. (2) Commines,, liv. 5, ch. 7. ; i Provence. 265 | lois qui ont un rapport direct avec le Bien et l'avantage du commerce. C’est néanmoins x cë prihce’ que Fon doit un réglement sur ki ma- nièré dont doivent être jugés les procés relatifs au commerce et ce réglement semble avoir donné au chancelier de PHospital l’idée de Péta- blissement des juges consuls: Cette loide Réné fait partie des Statuts dë Provence; elle ordônñé que les procès entre marchands, pour fait de marchandises, seront jugés sommairement par les juges ordinaires, après que ceux-ci auront appelé des marchands expérimentés dont ils seront obligés de suivre les avis. Ruff, dans son Histoire de Marseille, nous a fait connoître un traité que fit le roi Réné avec le roi de Bones, en Afrique, qui est l’ancienne Hyppone, pour la sûreté de la navigation deleurs sujets respectifs. En 1742, Réné rendit une ordonnance qui accordoit un sauf-conduit, pour un an, à toutes les nations chrétiennes ou infidèles quiviendroient négocier à Marseille. Ce prince sembloit prévoir, par cette dernière loi, qu’une franchise entière et illimitée assureroit un jour à Marseille un des premiers rangs parmi les villes commer- çantes du monde. Íl est parlé, dans le préambule de cet édit, de l’état puissant où avoit été au- Ira SRE Re 4 264 | Commerce. trefois le commerce de Marseille, et de la déca- dence où il étoit tombé. Dans les siècles suivans, Marseille weut plus d'autre avantage que sa position, que Louis XIV. et Colbert surent utiliser. Nous seroit-1l permis d'espérer que cette position pourra faire encore de cette ville le lieu et le centre du commerce des peuples du midi de l’Europe? LITTÉRATURE. CORRESPONDANCE littéraire de D. Bonaventure _d’Argone , chartreux ; communiquée par M. Champollion-Figeac (1). A M. de la R. à Il paroît de temps en temps de certains au- teurs et de certains livres qui font naître une infinité de savans et de savantes à la mode: Les- clage s'étant avisé d’enseigner la philosophie ordinaire par tables, c’est-à-dire, de faire un mystère de rien , s’attira une infinité d'élèves; et lon vit, en peu de temps, tout Paris rempli enfans et de femmes philosophes, qui parloient un jargon inintelligible à toutes les personnes raisonnables. Il falloit pourtant admirer cela, parce que les tables de Lesclage étoient du goût du public, et que la troupe de ses admirateurs étant la plus grande, les plus honnêtes gens étoient emportés par le torrent. Cette vanité passa bientôt, et Pon vit paroître des Gassendistes, qui tenoient des conférences publiques, et apprenoïent aux dames la philo- sophie du célèbre Gassendi. Mais comme on ne mordoit pas facilement à cette philosophie, et que peu de gens étoient capables de la com- (1) Annales, 1818, Janvier et numéros suivans. 266 Littérature. prendre et de s’en expliquer, il eh naissoit des stupides qui , faisant fort les réservés sur ce qu'ils m'entendoïent point, se contentoient, dans la conversation, de jeter à la traverse les mots de vide et atomes d’'Épicure , pour se marmtétir dans la réputation d’être de grands philosophes ; leur silence, au défaut de la parole, répondant à coup sûr de leur rare capacité. En niême temps, les principes dè Déstartés, ét quelques autres dé ses livres, ayant été traduits en francois, les Cartésiens et les Cartésiennes eurent la vogue, chacun se portant autant plu- tôt à cette philosophie, qu’elle paroissoit s’ap- prendré plus facilement que lés autres, quoi- qu'elle eût des difficultés insurmontables aux meilleurs esprits. Ainsi, la plupart de ceux qui s’en mêlóient n’y conrprénoïent rien; il sé formoit dans le monde un ridicule que le monde ne cômprenoit pas: Les acteurs, c’est-à-dire ceux qui enséiènoient cette philosophie, faisoient fort bien leur personnäigé; mas le parterre et les loges ouvréient de grands yeux, battoïent des mains, où rioient, comme de laconédie italienne, sans savoir ce qui lés faisoit rire. Outre les philosophies Gassendi et Descartes’, qui ont donné de si grands mouvemens aux es“ prits, ila paru des savans d’un'autrégenreet plus universels, qui ont, pour ainsi dire, saisi le Bonaventure d’Argone. 267 public, et l'ont contraint dè parler toute sorte de langage et toutes sortes de sciences. Je ne vous nommefai point ces savans, et je ne vous parlerai point de leurs livres; vous les connoïssez mieux que moi. Mais dé tous ceux qui ont paru, il wy en à point qui aient été plus heureux que les faiseurs de journaux, qui, s'étant multiphiés à linfini, nous ont envoyé leurs écrits de tous les endroits de l'Europe. C’est-R le mare magnum des paresseux'et dès ignorans. Quelque inclination que vous ayiez et ` de quelque science qne vous veuilliez parler, vous trouverez là à votre aise de quoi vous con- tenter; étst vous avez l'ambition de passèr pour un savant umiversel, avec un peu de mémoire; de hardiesse et de débit, vous viendrez à bout de tout: Du matin au soir, et avec une lecture d’unetheure , le plus ignorant homme du mondé: se trouve grammairien, critique, philosophe ,° mathématicien, omnis homo. Avec cela, on se produ:t dans la conversation et l'on y récoit de grandè applsudissemens. Maïs’ si par hasard il se trouve deivéritables savans qui ne sont pas les dupes des-beiles apparences les masque tombe; ét si lör presse ces discoureurs, ils s'étonnent, ils s'égarent, ils ne sénteñndént point et ne se font point enténdre. [n'est rién aujourd'hui, Monsieur, dé plus 268 Littérature. commun que ces spectres d'érudition qui cou- rent le monde; et peut-être n’a-t-on jamais vu tant d'ignorance que depuis qu'il y a tant de savans : les journaux, quelque bons qu'ils soient, car il y en a de bons,-ayant plus fait naître d'im- pertipens , que l'ignorance crasse n’a jamais fait naître de stupides. Adieu. A M.N. La question que vous me faites, Monsieur , touchant le prophète Ezéchiel, savoir s’il a écrit deux livres de prophéties, ou sil n’en à écrit qu'un seul, a été déjà traitée par de très-habiles gens; c’est pourquoi je vous dirai plutôt ce que j'ai appris deux, que ce que je pense. Les Juifs et les Chrétiens, dans leurs canons de la Bible, n’attribuent au prophète Ezéchiel qu'un seul livre. En voilà assez, Monsieur, pour demeurer en repos. Cependant comme Josephe, historien de très-srande réputation, dans ses Antiquités Judaïques, assure qu'Ezéchiel a écrit et laissé deux livres de ses prophéties, ił est juste de rechercher quelle raison il a eue pour s'expliquer de la sorte. Entre ceux qui en ont parlé avec plus de lu- mières, les uns ont cru qu’anciennement les pro- phéties s’écrivant sur des rouleaux, il a pu arriver que les prophéties. d'Ezéchiel qui sont Bonaventure X Argone. 269 fort étendues, ont été écrites sur deux rouleaux différens : ce qui a fait dire à Josephe que ce pro- phète avoit écrit deux livres. D’autres disent qu'Ezéchiel ayant traité deux matières différentes dans ses prophéties, Pune plus commune, depuis le premier chapitre jusqu'au quarantième, et Pautre plus relevée et plus extraordinaire, depuis le quarantième chapitre jusqu’à la fin de Pou- vrage ; on s’est aisément porté à croire que ce prophète avoit écrit deux livres, quoiqu’en effet il n’en eut écrit qu’un seul. Ceux qui sont de cet avis apportent lexemple du psaume 147, qui, ayant été séparé du psaume précédent, peut-être à cause de la diversité du sujet, ne fait néanmoins qu'un seul psaume dans le texte hébreu. Enfin d’autres prétendent qu'Ezéchiel a effec- tivement écrit deux livres, dont le premier a été ‘perdu avant le recueil des divines Ecritures, fait par Esdras. Ils appuient cette conjecture sur ce que quelques anciens pères de l’église semblent citer un passage d'Ezéchiel, de vacä quæ peperit el non peperit , qui ne se trouve pas dans ce que nous avons de ce prophète : ils citent là-dessus Tertullien, Saint-Clément d'Alexandrie et Saint- Epiphane. Adieu. A un R. B. Il y a, dans le grand bullaire des Séraphins, 270 Littérature. une bulle d’un pape qui permet aux ermites Camaldules de faire des pénitences à leur vo- lonté, et sans l’ordre ni l'agrément de leur su- périeur. Je vous avoue, mon R. P., que j'ai été un peu surpris de cette bulle, et que je ne sais pas où est le mérite de ces sortes de péni- tences, après que l’Ecriture a dit que lphéissanpe vaut micux que le sacrifice. On dit que Fabbé de la Trappe laisse à ses religieux malades la liberté de manger de la viande ou non, pour recouvrer leur santé. Cette liberté me semble donner quelqu’atteinte à la perfection de l’obéissance aveugle, qui ne laisse à aucun religieux le choix d'aucune chose qui puisse lui plaire ou déplaire. C’est-là ma pensée, mon R. P., sans que j'aie néanmoins le dessein de réformer en rien ce grand Réformateur de l'ordre monastique. Quelquefois le zèle sans la science emporte les hommes bien loin, et'il y en a qui font des pénitences terribles, qu’on em- barrasseroit beaucoup si on les réduisoit à des . observances communes. Íl faut être des Saints, et de grands Saints, pour obéir parfaitement; et il ne faut être souvent qu'un peu entêté, pour se tuer d’austérité et de pénitence... Je suis votre très-humble serviteur. Bonaventure d’Argone. 271 A M. N: Il west pas facile de décider, Monsieur, si l'empereur Justinien a été un homme aussi igno- rant ou aussi savant que quelques-uns le disent, El semble que les anciens, qui lont appelé dagad- £nos , homme sans lettres, n’ont pas douté de son ignorance. Mais sil est le véritable auteur des Institutes , il faut dire, ce livre étant un chef-d'œuvre, que Justinien étoit un très-habile homme. Quoi qu'il en soit, ou parle encore au- jourd’hui de cet empereur comme d’un homme d’un très-grand sens , et qui néanmoins n’avoit nulle étude. Suidas a donné lieu à cette opinion, qui est la plus universelle; mais on doute qu'il n'y ait point d'erreurs dans Suidas; les copistes ayant écrit Justinien au lieu de Justin, empereur qui étoit si ignorant qu'il ne savoit pas écrire $on nom, comme le témoigne Procope, dans ses anecdotes. Ce qui fayorise cette conjecture, c’est que le même Procope , dans l'endroit où il traite Justinien d’ignorant, lui attribue un édifice qui n’est point de lúi, mais de Justin le jeune. Alemanus s’est efforcé de faire croire que lem- pereur Justinien ayoit fait de fort bonnes études durant sa jeunesse; et le cardinal Noris a montré, pat plusieurs autorités, que depuis qu'il fût parvenu à l'empire, il fit un grand progrès dans 272 ; Littérature. la théologie, qu'il écrivit des lettres savantes et des livres de doctrine. Et en effet, Saint-Isidore de Séville, qui vivait vers ce tapeli a mis Pem- pereur Justinien au nombre des écrivains cé- lèbres de son siècle. Toujours lon ne peut nier qu'il waimåt les sciences, et principalement la théologie, se mêlant souvent des affaires de lé- glise aux dépens des siennes propres, comme son historien le lui a reproché. Après tout, Justinien a pu, ne sachant ni lire ni écrire, mais avec un bon esprit et le secours des savans qu’il avoit auprès de lui, devenir très- habile; car on peut aussi bien étudier par les hommes que par les livres, et surtout les princes à qui les hommes savans manquent encore moins que les livres et les écrits, qui ne s'expliquent jamais si bien par leurs caractères, que les hommes par la parole. Justinien a pu, sans d’autres secours, apprendre de la sorte les principes des sciences, et avancer beaucoup dans les sciences mêmes, par ses pro- _ pres réflexions, laissant à ses secrétaires le soin de recueillir ses pensées et de les mettre sur le papier. Ce sont-là, Monsieur, mes conjectures; vous m'obligerez de me communiquer les vôtres, que je préfère déjà aux miennes. Adieu. $ Bonaventure d’Argone. 275 A M. N. Un de mes amis vient de n'apprendre que se trouvant à Orléans, il y a quelques années, il y mourut un charretier qui déclara, peu avant que d’expirer, qu'il étoit le chevalier de ***, et le meurtrier de la marquise de ***, sa belle-sœur; que, pressé des remords de sa conscience , il s’étoit déguisé, résolu de faire la plus rude pé- nitence qu'il pourroit de son crime; et que ne connoissant aucune chose pour laquelle il.eût plus daversion que pour la pauvreté et la ser- vitude , il avoit pris le parti dans lequel il mour- roit, après y avoir souffert mille maux. Vous voyez, Monsieur, par cette histoire qu'il y a encore aujourd’hui des pénitens publics qu'on ne connoît point, et que ceux-là ne sont pas les moindres de tous. Je pense que vous m’aurez obligation de cette nouvelle par bien des raisons qui nous touchent, Adieu. A M. Votre homme se trompe, Monsieur; ecelesia, dans le titre que vous n'avez communiqué, ne - veut pas dire une paroisse; mais les dixmes d’une paroisse. Nous avons de cela une infinité d’exem- “ ‘ples dansles écrivains du moyen âge, Ainsi, quand Tome VI. Decembre 1818. 18 274 Littérature. il est dit dans notre titre que l’évêque de... a donné aux religieux de...... Péglise de......, il entend seulement les dixmes attachées à cette église. Le mot d’autel signifie aussi quelquefois la même chose dans les vieux titres , ct il y en a des témoignages dans les Epitres de Saint-Ber- nard, où Pon voit que ce saint abbé reproche à des moines d’avoir pris les dixmes d’une paroisse qu wavoit plus de quoi subsister. Saint-Paul, par le mot d'autel, entendoit les oblations faites à l'autel. Ceux qui servent à l'autel, dit-il aux Corinthicens, out part aux oblations de l'autel. Considérez les Israélites selon la chair; ceux qui mangent parmi eux la victime immolée , ne prennent-ils pas ainsi part à l'autel? Adieu. A M. N. N. Jai lu, à la sortie de la presse, les ouvrages pôsthumes du père Morin ; ce sont trois disser- tations : la première, de Cathechumenorum ex- piatione ; la deuxième, de Sacramento confir- mationis ; et la troisième, de Contritione et Attritione. i Cest le père Moret , de POratoire, qui a eu soin de Pédition des ouvrages posthumes du père Morin. Cet ecclésiastique, très- pieux et très- savant , ést de Forêts : il a environ soixante-huit ans, et a été honoré par son général de la charge Bonaventure d’Argone. 275 assistant , qui nese donne qu’au plusrare mérite, M. l'abbé de Longuerue, qui a long-temps demeuré au séminaire de Saint-Magloire, Pa secouru dans son travail : ce digne abbé est un gentilhomme originaire de Normandie, fils de M. le marquis de Longuerue, lieutenant du Roi à Charleville, où il épousa une veuve de qualité, d’où est sorti le savant dont nous parlons : je dis savant , et véritablement savant, du consente- ment universel de tous ceux qui en peuvent juger. Il a le jugement trés-solide et une mémoire prodigieuse : on prétend que personne en, France ne sait mieux que lui les langues orientales ; il wécrit point, et comme il est déjà âgé d'environ cinquante ans, il y a apparence qu'il en demeu- rera là, se contentant de servir les savans de ses avis et de ses conseils, que chacun cherche avec empressement. Adieu. | A M. C. Voici, Monsieur, comme vous le désirez, ce que jai appris du mérite et de la fortune de M. de P. : il est de R., fils d'un tailleur; à âge de dix-huit ans, il alla demeurer à Paris, anprès d’une sœur, où il gagnoit sa vie à faire le métier de son père. Comme il avoit de la piété et du zèle , il assistoit les fêtes et dimanches à des con- troverses qui se faisoient dans sa paroisse ; il y 276 Littérature. parloit, et parloit bien. Un particulier qui ren- doit compte à M. Arnaud, docteur en Sorbonne, de ce qui se passoit dans ces assemblées, lui dit que de tous cenx qui y disputoient, il ny en avoit point qui le fit avec plus de lumières et de jugement que notre jeune garcon tailleur. M. Ar- naud voulut le voir; il le vit, et, convaincu de la bonté de son esprit, il lui apprit en peu de temps le latin, la philosophie, la théologie, et lui donna une grande connoissance des auteurs et des livres. Ce docteur écrivoit alors contre le ministre Claude, et se servoit de P. pour revoir les citations de la Défense de la perpétuité de la Foi , sur les originaux. Quelques années après, M. l'abbé D... le prit auprès de lui pour être son homme de lettres; et depuis , il fut bibliothécaire de M. P., premier président du parlement de Normandie. Peu con- tent de sa fortune, il se jeta dans une commis- sion; mais cet emploi ne lui convenoit point : il alla en Poitou travailler aux controverses. M. de Marillac, intendant de cette province, qui re: connut sa capacité et son mérite, le fit coucher sur Pétat avec une pension de cent écus. On ne sait ce qu'il devint depuis; mais à la fin, il parut dans le Dauphiné, d'où étant passé x Marseille , il y fut pris pour un ministre hu- suenot, et déféré à l'iutendant qui, sans d'autre ; Bonaventure d'Argone. 27T examen, l’envoya sur la Réale (la Réale cst un vaisseau qui ne sort point du port de Marseille. et qui sert comme de prison aux galériens, jus- qu'a ce qu'on les distribue sur les galères qui vont en course ). Si jamais homme demeura surpris, ce fut P.; plus il crioit et demandoit justice, moins on lé- coutoit : il étoit sans pain, sans argent, sans protection ni connoissance. Une attestation de sa vie et de ses mœurs auroit suffi; mais 1l n’osoit dire qu'il avoit été au service de M. Arnaud, de crainte d'irriter encore sa mauvaise fortune. A la fin, il se résolut d'écrire à *** qui, le connaissant dès l'enfance, fit entendre à M. Fintendant qu'il étoit bon catholique et un homme de distinction etde mérite. M. l'intendant le fit aussitôt relächer, sans autre satisfaction que celle dé im témoi- gner qu'il étoit bien aise de s'être trompé. Depuis cette aventure, on wa plus entendu parler de P. On dit qu'il est à Paris, garde de la R. des C., et on lui attribue des journaux d’ane nouvelle invention, dont je ne vous assurerai pas qu'il soit l’auteur. Adieu. : A M. de. La Bibliothèque de l'Empereur, que Lam- becius a donnée au public, sous le titre de Bi- bliotheca Cæsarea , ne se trouve guère que dans 278 Littérature. les bibliothèqués les mieux fournies de Paris. Je wen ai réñcontré ici qu'un seul exemplaire, en six gros volumés, que M. Lambecius auroit pu ré- duire à dèux , sil wavoit voulu donner, dans cet ouvrage, que le seul catalogue des manuscrits grècs de la bibliothèque de l’empereur, avec ses notes, qui sont curieuses et d'un fort bon goût; mais il s'est donné carrière, et au lieu d’un cata- logue, il a fait des commentaires, qui mènent le lecteur en des lieux écartés de son but, sans nulle nécessité. Presque tout le premier volume, puisque vous voulez, Monsieur #qtie je vous en rénde compte, west rempli que. des curiosités du cabinet de l'empereur; une partie du second volume Pest de critique, Lambecius montrant assez au long que Vienne en Autriche nec Viennam nec Biennam, nec Vianam ; nec Vendum, nec Galbianam s nec Flaviain , nec Flavianum, nec alam Fla- vianam,nec aras Flavias, nec castra Flaviana; nec Flawabim, nec Faviam, nec Favianam , nec Fabianam, à Romanñis olim appellatam Juisse ; sed genuino nomine suo anliquitus à Romanis Vindebonam appellatam fuisse. Il y parle de PAcadémié de Vienne fondée par l’empereur Frédéric IE en 1237, des statuts de cette Académie et de ses priviléges. | De là, il passe à l'Université de Paris, et én d Bonaventure d’'Argone. 279 rapporte d'anciens monumens qui se trouvent dans la bibliothèque de l’empereur : il fait mén- tion du manuscrit qu'on y voit èt qui traite de sanctitate et meritorum et glori& miracüulorum B. Caroli magni, ad honorem et laudem no- minis Dei. Dans la suite, il parle de l'ancienne coutume d’écrireisur les genoux, cujus Hippo- crates in epistolá ad Demagetum, et explique cet ancien provérbe qui paroît si-obscur à -plu- sieurs : Jn quinque judicum- genibus situm est; ce qui se trouve dans Zenobius en: ces termes : Proverbiale sie dictum , tangum de re quæ in alterius sit potestate ; quingue senim judices Athenis-Comedias adjudicabant, ut refert Epi- charmus; affine estillud Homero perfamiliare: Deorum imgembns situm ést; siguidem inge- nibus judices olim habebant, qùe nune inta- bulas referuntur. M y parle aussi d'un voyage qu'il fit à Bude en 1666 , par l'ordre de Pompe- reur, pour en retirer les restes de la bibliothèque du roi de Hongrie, Mathias Corvinus. Ce n’est que ‘dans son troisième tome quil commence tout de bon à traiter son sujet; il y relève fort da béanté et la rareté d’un manus- crit grec de plus de treize cents. ans, qui se trouve dans la bibliothèque impériale : Codex Mss. græcus membranaceus;purpureus, aureis: et argenteis litteris majusculis ; absque accen- 280 Littérature. tibus, ante mille et trecentos annos exaratis. Il grossit ce volume, comme les autres, de remarques et de pièces étrangères; il y rapporte vetuslissimum testamentum porci, ad cujus imitationem recentius asinianum compositum est. | I fait une remarque sur le titre de très-chré- tien qu’on donne à nos Rois : notatu dignissi- num est ( dit-il ) titulum christianissimi Ludo- vico Pio, ab Ærmoldo Nigello, eorumdem temporum: poet&, non tribui tanquäm Fran- corum Regi; sèd tanquam Cæsari Augusto ; eádem ratione etiäm Carolum magnum in ins- criptioneantiquissimá codicis epistolarum pro- priá ipsius curá, anno Christi 791 , collecti et exarati, non appellari christianissimum , sed tantim excellentissimum et & Deo electum Regem Francorum et Longobardorum ac pa- tricium Romanorum. Lambecius remarque en passant que le roi Mathias Corvinus mourut d’apoplexie à Vienne le 4 avril, et non pas le 5, ut perperam legitur in Sethi Calvisii opere chronologico. Il parle ensuite Qun calendarium romanum etħnicæ vetustatis , subimperatore Constantio , imperatoris Constantini filio , circa annum Christi 359, compositum et Valentino cuidam dedicatum. Bonaventure d’Argone. 281 Ce dernier manuscrit est passé du cabinet de Cuspinien dans la bibliothèque de lempereur, avec beaucoup d’autres manuscrits latins très- excellens et très-rares. Les autres remarques sont de critique. Sur le mot titulare , qui signifie librum aliquem insignire titulo , vel libri ti- tulum pictura exornare, Lambecius observe que ce mot, qui pourroit faire peine, se trouve dans Tertullien, Zbro de animá , cap. 15, et dans le sermon 155 de Saint-Pierre Chrysologue. Il montre, après Saumaise, en quoi pyrgus , dans les auteurs latins, diffère de fritillus, ce qui sert à faire entendre de quelle manière les Ro- mains jouoient aux dés. - Lambecius, dans le cinquième volume, parle Qun recueil de diverses pièces de Saint-Chry- sostome et d’autres anciens Pères grecs, où le premier discours a pour titre : Ne christiant utantur medicis Judæis. Ce qu'il y a de plus considérable , Monsieur , dans le reste de ce volume , regarde les livres et les peintures des Chinois, dont la bibliothèque de l’empereur se trouve ornée, par les soins de ceux qui ont des relations en ces pays-là. Je suis Votre très-humble serviteur. 282 Littérature. A M. l'abbé de N (i). J'ai appris que vous avez été malade, Mon- | sieur; et que votre maladie est venue d’une dé- bauche que vous avez faite avec vos livres : ces excès sont nuisibles, non-seulement à la santé du corps qui pâtit avec l'esprit, mais encore sux ' progrès des bonnes études, qui se sentent du poids des maladies : les Muses n’aiment pas ces excès. N'y retournez pas, Monsieur, de crainte Qen prendre l'habitude , que tous les remèdes du monde ne pourroient plus vaincre. Marcile Ficin, auteur qui ne vous est pas inconnu, a fait le petit traité de Studiorum sa- nitate tuendä , dont la lecture pourra. vous être utile et agréable; il: conseille aux, gens d'étude d’avoir un soin particulier de quatre choses : cerebri , cordis , stomachi et spiritüs, et parle ensuite des ennemis qui font la guerre aux per- sonnes d’une grande application, savoir : la pi- tuite, atrabile, la réplétion et le sommeil du matin, dont il examine les conséquences. Il ajoute à cela le moyen de faire durer la vie. Prenez-les, Monsieur, ces moyens, si vous pou- vez, et tåchez d'acquérir ces années de Nestor, (1) Cette lettre et la suivante sont d’un autre Char- treux de Gaillon, qui ne se nomme pas; elle est à la suite des manuscrits de d’Argone. r d Bonäventüre P Argone. 285 que je vous souhaite de tout mon cœur au com- mencement de cette année. Au méme. Je wai pas l'honneur de connoître particuliè- rement le père Malbranehe; je ne lai jamais vu qu’une seule fois, et conversé avec lui que pen- dant une heure. C’est un homme d’une grande taille, qui a Pair modeste et spirituel ;-il parle aussi bien qu'il écrit; sa conversation est fort solide et fort remplie : je crois qu'il est de Paris; mais 1l nié semble avoir ouï dire que sa famille étoit originaire de Normandie; peut-être vient- elle de plus loin : car le nom de Malbranche paroit être d'Angleterre, où il est fort célèbre. Belleforest parle souvent du château de, Mal- branche.et d’un comte de ce nom qui étoit, selon le langâge de nos vieux romanciers, un grand magicien : ne le prenez pas mal, M onsieur; Cest- à-dire, un brave qui faisdit merveille de son épée: peut-être avoit-il encore d’antres bonnes qualités qui ne sont pas venues jasqu'à nous. Adieu. (Fin de l’article.) AAA AAA AA / VWV PHILOSOPHIE. SUITE des notes sur l’Hipparque de Platon. . Note 8, indiquée page 227 du tome V. Sur le rapport de l’or à l'argent. Le mot a7æ4woy doit être traduit par poids; le mot Hgiov, qui suit immédiatement, est opposé à dœAdaloy, qu’on lit ensuite; et cette opposition feroit un contre- sens en francois : car un demi-louis, par exemple, n’est évidemment que le quart et non la moitié du double-louis. Les mots dioTæsioy et dudexaolanier, qu’on lit dans la réponse du disciple, prouvent clairement que «Platon a voulu seulement parler de trois poids, dont Pun étoit l’unité , l’autre le double, et le troisième le dodécuple : c’est ce qui m’a fait supprimer la traductiort du mot wav qui , au lieu d’éclaircir l’idée de Socrates dans notre langue, l’auroit rendue inintelligible. Après la destruction de la puissance des Pisistratides , et avant les conquêtes d'Alexandre, le commerce ma- M ritime des républicains d'Athènes et des esclaves asia- tiques étoit d'autant plus gêné, que le métier de pirate | n’avoit rien de honteux , et qu’il étoit même en honneur: il ne circuloit donc guère dans la Grèce que les espèces » nn un PA mi g r ESU Notes sur Platon: 285 qui y étoient monnoyées, et ces espèces étoient d’un argent très-pur puisé dans les mines d'Athènes. Quant à Por, le commerce s’en faisoit par le moyen des es- ‘pèces frappées dans les pays étrangers, ou peut-être encore par lingots. Il ne paroît pas que la république d'Athènes ait jamais fait elle-même frapper des espèces d’or : il est possible que l’on y vendit de la poussière d’or au poids ou par lingots , telle que celle dont parle Hérodote (1), et celle dont on fait encore aujourd’hui le commerce dans le Brésil (2). Le passage d’Hérodote, qui a lu son histoire aux jeux olympiques quatre cent quarante-quatre ans avant notre ère, et conséquemment quarante ans avant l’époque à laquelle Platon publia son dialogue , est important : il a été objet de la première note du mémoire qu’un savant distingué (3) a publié tout récemment sur les monnoies, ouvrage rempli d'ob- servations neuves, dont quelques-unes ont même semblé paradoxales, en sorte qu’elles ont nécessité , pour leur défense , un second mémoire du même auteur (4), qui s'efforce dans tous deux de prouver que la véritable proportion de l’or à largent est, et a été dans tous les (1) Liv. 3,6. 95. (2) Voyez le Moniteur du 24 septembre 1817, page 1053, art. de Brême. À (3) Premier mémoire de M. le marquis Germain Garnier, sur les monnoïies de compte. Paris, 1817, p. S1. (4) À ce sujet, M. Letronne, membre de l'Institut, a lu à l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres un mémoire sur les monnoies grecques et romaines ( publié depuis chez F. Didot, in-4° ), dans lequel les théories de M. le marquis Gar- nier, sur les monnoies de compte, qu’il suppose avoir existé chez les anciens, sont discutées ayec un soin qui jette beaucoup de doutes sur l'exactitude de ces théories. C. G. K. 286 Notes pi temps, celle de 15 à r; en sorte que si Hérodote Pa réduite de 13 à 1, c’est qu'il s’agit d’un or de qualité inférieure, qui étoit à Por rafiné daas la proportion de 13 à 15. En eflet, Hérodote, dans le passage cité, nous ap- prend que les Indiens etoient tenus de fournir annuel- lement an roi de Perse, Darius, fils d'Histaspès, mort Pan 485 avant notre ère, quatre-vingt-un ans/avant la composition du dialogue de Platon , un tribut consistant en une certaine quantité de ces pailleites d’or que l’on recueille daus les sables des rivières, ou dans les sables aurifères que l’on a observés dans quelques pays. Le mot employé par l’auteur grec, pour signifier ces pail- lettes , est biy ue (pségma ), que les exicographes ont traduit par ramentum , quod radendo , distringendo et detergendo detr:ctum, parva particula , corpus minu- tissimum (x) ; en françois, raclure, limaille (2), pous- sière : M. Larcher traduit, paillettes d’or : ce qui ne peut laisser aucun doute sur le sens qu’Herodote a voulu donner à ce mot, c’est qu'il s’en est servi, en deux autres endroits(3), pour désigner les paillettes d’orque les eaux du Pactole détachent du mont Tmolus. Quant au titre de lor recueilli de ces sables , Lorsqu’il a été purifié de tout mélange, on peut consulter deux mémoires qui se trouvent insérés dans le dictionnaire de Cume et MérazzurG1e de l’incycrorépre Mérno- DIQUE, au mot ORPAILLEURS : ces deux mémoires,, dont l’un est de M. de Réaumur , et l’autre.de M. Bossi, de Milan, traitent de l’origine des sables awrifèrés , et (1) Hederici Lexicon. (2) Dictionnaire de Planche, art. Jiyua. (3) Liv. 1, §. g3, et liy. 5, f. 101. sur l’'Hipparque de Platon. 287 des divers procédés pratiqués par ceux qui travaillent à recueillir cet or. Suivant M. de Réaumur (1), qui dé- clare en avoir fait l’essai, Por que lon retire de cer- taines rivières de France, est plus ou moins allié de cuivre ou d'argent : celui que fournit la rivière de Cèse est au titre de dix-huit karats (2), huit grains; celui qui provient du Rhône a vingt karats ; celui du Rhin a vingt-un karats et un quart; celui de l’Arriège, le ` plus pur de ceux dont il a fait l’essai, a vingt-deux karats et un quart : si l’on prend le terme moyen de ces quatre différens essais, on a vingt-un karats. Sui- vant M. Bossi, les Bohémiens ( Zzrgari ), espèce de tribu que l’on croit originaire de l’Inde , sont les seuls qmi s’adonnent à recueillir Por du sable aurifère que Pon trouve à une certaine profondeur dans le sol du Bannat de Hongrie, parce qu’ils apportent à ce travail une -dextérité et une patience qui écartent tous concurrens : ils sont tenus de porter le produit de leur récolte à la monnoie de Kremnitz, où cet or est examiné : s’il n’est pas bien pur, c’est-à-dire, s’il est encore mêlé à des parties quartzeuses ou autres , on le traite par le procédé d’amalgamation ; puis, après cette opération faite, on en paie le résultat aux orpailleurs, sur le titre à-peu- près de vingt karats. M. Bossi pense que les sables de l'intérieur de l’Afrique, dont les naturels du pays re- (1) Voyez Histoire et Mémoires de l’Académie des sciences pour 1719. Paris, 1719, p. 68 des mém. (2) On sait que lor de vingt-quatre karats est lor parfait ; à vingt-trois , il y a une vingt-quatrième partie de matière hété- rogène ; à huit , il y en a six, c’est-à-dire , un quart, et ainsi des autres, 288 Notes tirent la poudre d'or, sont de la mème nature -que le sable aurifère du Bannat de Hongrie. | Ce sont les différences observées par M. de Réaumur, qui en produisent nécessairement une de Por de pail- lettes à largent. Pour que cet or valüt quinze fois l'argent fin, il auroit dû être à vingt-quatre karats; il ne le vaut que douze fois et demie à vingt karats. Pour que la proportion soit de 135 à 1 , comme le dit Hérodote, il faudroit de lor à vingt karats et quatre cinquièmes. On voit que cette valeur est à-peu-près celle que fixe Réaumur; et comme elle est inférieure à celle de Por monoyé (1), académicien qui a combattu l’opinion de celui que j'ai ciié, ne peut nier quẹ ce témoignage lui soit contraire, lorsqu'il affirme (2) que, du temps d'Hé- rodote , lor étoit seulement treize fois plus précieux que l’argent. Le passage de cet historien ne renferme donc rien de contraire à l’hypothèse de M. le marquis Garnier, et paroit évidemment la confirmer : la pro- portion de 13 à 15 entre lor de paillettes et Por mon- noyé est extrêmement plausible. On sait que l’argent étoit tiré à Athènes de mines abondantes où Ön le rafinoit très-bien : il conservoit donc toute sa valeur. C’est peut-être pour cette raison que, contre la loi du taux relatif des monnoies d’or (1) C’est ce que prouve M. l'abbé Barthélemy, en disant que l'or d’une monnoie frappée par Darius étoit à vingt-trois karats. Mém. de l’Acad, des inscript. t. 21, p. 24. M. Pabbé Barthélemy, daus ce mémoire , parle fort au long de lor que les rois de Lydie retiroient du Pactole, et donne, à ce sujet, des détails très- curieux. (2) Considérations générales sur l'évaluation des monmoies grecques el romaines. Octobre 1817 , p. G4. * sur l Hipparque de Platon. 289 et d'argent, le lingot d’argent avoit à Athènes , du temps de Socrates, la valeur du douzième du lingot d’or de même poids, tandis qu’elle n’auroit dû être que du quinzième. Cela est d'autant plus vraisemblable, que Socrates, qui ne spécifie aucune monnoie étrangère, parloit peut-être de l’or de paillettes, et non de Por monnoyé. Il est encore possible qu’il parlât d’un lingot d’or de Thasos, dont les mines avoient été découvertes par les Phéniciens, ainsi que nous l’apprend Hérodote (1). Cet or pouvoit valoir un peu moins que celui des paillettes indiennes. Hérodote , qui les avoit vues, affirme (2) que les revenus du continent de la Thrace, voisin de Pile, et ceux de lile même, s’élevoient, année com- mune, à deux cents talens, et même à trois cents, lorsque les mines étoient du plus grand rapport; ce qui produisoit de grandes richesses aux Thasiens : il ne dit point que ces peuples en fissent frapper des mon- noies. M. le marquis Garnier observe avec raison que le passage d’Hérodote doit mieux nous servir d’un rensei- gnement direct sur la proportion de valeur entre Por et largent, dans le commerce des nations, que ce que nous dit ici Platon, qui ne parle que d’un fait relatif à la ville d'Athènes, Si on a lu avec attention ce dia- logue, on a vu qu’il est peu propre à faire autorité sur cette matière : c’est une discussion de sophiste , dans laquelle l'or et l’argent se trouvent simplement cités comme exemple, pour faire comprendre que la valeur des choses n’est pas en proportion de leur volume. (1) Liv. 6, $. 49. (2) Ibid. K. 46. Tome FI. Décembre 1818. 19 290 Notes Ainsi la précision du calcul n’étoit pas absolument né- cessaire dans le raisonnement de Socrates : il est assez vraisemblable qu’en mettant entre les deux métaux le rapport de 12 à 1, il a pris pour base celui qui alors étoit établi pour fixer la valeur des monnoies étran- gères, et non pas la proportion de valeur reçue dans le commerce entre les deux métaux, également bien rafinés. A Athènes, au temps de Platon, la république put très-bien s'être proposé de favoriser la circulation de l'argent, qui est une production du pays, et de dé- courager l'importation de Por, qui étoit marchandise étrangère. Il est possible que, dans cette vue, Athènes eût régk par une loi que la drachme d’or ne seroit reçue que pour douze pièces d'argent dú même poids ; mais un tel fait ne prouveroit rien sur la valeur réelie et commerciale, la seule qui soit ici à considérer. L’hy- pothèse du rapport de 15 à 1 conserve donc toute la force qu’elle a reçue du témoignage d’Hérodote, et son adversaire , qui l’a senti, avoit promis de prouver que le texte de cet historien æ été mal entendu; mais c’est ce qu'ilne paroit pas avoir fait jusqu’à présent. Jai dit que l'or des paillettes devoit être à vingt karats et quatre cinquièmes , pour que sa proportion avec l'argent fût de 13 à i, comme le dit Hérodote. Si l’on veut absolument que la proportion qu’admet- toient les Athéniens, du temps de Socrates , même dans le commerce, entre les lingots, fùt celle de 12 à 1, on pourroit encore répondre qu’il étoit possible que Por qu'on leur portoit fût d’une qualité inférieure, et qu’ils regardassent leur ronnoie comme si bien rafinée, qu’ils en exeséroient un peu la valeur. k Lor de paillettes ne vaudroit que dix fois son poids. RS Ed à x ne Eee sur l’ITipparque de Platon. 291 ën argent , s’il n’étoit qu’à seize karats. M. de Réaumur wen donne pas d’aussi bas; cependant il faudroit qu’il en eùt existé, s’il étoit vrai que le poète comique Mé- nandre eût dit que, de son temps, la proportion de l'or à l'argent étoit de 10 à 1 ; comme on le lit dans Julius Pollux (1). J’avois d’abord conjecturé que, comme Ménandre à écrit postérieurement à la mort d’Ale- xandre (2), les Grecs ayant rapporté beaucoup d’or monnoyé de la Perse, qui étoit extrêmement pur, la valeur de la poussière d’or avoit baissé au-dessous même de son prix réel, comme nous voyons à Cadix lor moins estimé dans le commerce , parce qu’il y est plus commun, et, comme nous l'avons vu ici, plus cher , lorsque la guerre de Moscou a fait partir un grand nombre d'officiers. Ces valeurs passagères et momen- tanées ne constituent pas la proportion véritable de Por à largent, qui a pu toujours être de 15 à 1 : il faut même observer que cette proportion dépend nécessaire- ment de l’alliage admis dans la fabrication des mon- noies d'òr et d'argent; c’est par cette raison que, dans nos monnoies actuelles, la proportion est de 15 +à 1, ou de 31 à 2. Il faut avouer cependant que cette proportion est dif- ficile à concilier avec certains faits que nous fournissent les historiens anciens qui tous l’établissent de 10 à x entre les monnoïes d’or et d’argent. M. le marquis Garnier les a expliqués d’une manière fort ingénieuse : (1) Onomasticon , lib. 9, c1p.6, segm. 76, tom. II , p. 1050, (2) Il étoit né la même année qwÉpicure, trois cent quarante= deux ans avant notre ère, et l’on sait qu'Alexandre mourut dix huit ans après , Pan 524: 292 Notes il pense que la drachme d’or, ou macédonienne, pesoit vingt-un grains de notre poids de marc, tandis que la drachme attique pesoit la moitié plus , c’est-à-dire, 31 + de nos grains. Ainsi le demi-statère d’or, qui prenoit le nom de kreusos, de darique, de cizicène, etc., selon le pays où il avoit été fabriqué, pesant deux drachmes d’or, pesoit quarante-deux grains, et valoit en argent trente drachmes macédoniennes, ou vingt drachmes attiques, ce qui formoit quinze fois son poids en drachmes macédoniennes, et seulement dix fois en drachmes at- tiques. Les Athéniens, qui ne connoïssoient en or que la monnoie des Macédoniens après les conquêtes de Philippe, maître des mines de Thasos , et en argent que leur propre monnoie, prirent l'habitude de comparer la drachme d’or des Macédoniens à leur drachme d’ar- gent, quoique le poids de l’une fût moindre que celui de l’autre, et ils s’'énoncèrent d’une manière populaire , en disant que lor de Macédoine valoit seulement dix fois leur argent, ce qui grossissoit , aux yeux des per- sonnes peu instruites, la valeur de leur argent, et flattoit ainsi leur vanité. Cette hypothèse, qui reçoit une nouvelle force de son application aux monnoiïes romaines, a été viye- ment combattue par M. Letronne, et ce n’est pas le lieu de la discuter ici, où je me contenterai d'examiner un nouveau passage qui rentre dans mon sujet, ne se rapportant qu'aux monnoies grecques du temps dont il est question. Le fait dont je vais parler a paru démons- tratif à M. Letronne en faveur de ses assertions (1). Xénophon, dans son immortel ouvrage sur la Retraite (1) Pag. 107 de ses Considérations. sur l’Hipparque de Platon. 293 des Dix- Mille (1), évalue un talent à trois cents drachmes , et conséquemment la darique à vingt drackt, mes , le talent valant six mille drachmes , comme tout le monde en convient. La darique, monnoie d’or de Perse, marquée d’un sagittaire, nous est parvenue; elle pèse , en terme moyen, cent cinquante-sept grains trois- quarts; son titre est d'environ 0,970 ou 2? (2). La drachme attique, au même titre moyen , pèse quatre- vingt-deux grains un septième : le rapport des deux 82 + X 20 > p ; ce qui donne la proportion de ro et = à r. M. Letronne ob- serve avec raison qu’il s’agit ici d’un fait passé en Asie vers l’époque où le dialogue intitulé Æ//pparque a été composé. Il en conclut que lorsque la proportion n’étoit métaux est donc représenté par encore que douzième en Grèce, elle étoit dixième en Asie. Cela n’est peut-être pas entièrement exact, parce que la preuve n’en résulte que de la pesée de plusieurs monnoies frappées à différentes époques , et que M. Le- tronne nous parle d’un poids moyen où la compensation est présentée en résultat, sans que nous puissions juger de la différence de fabrication. M. Barthélemy (3) dit que les dariques qui sont au cabinet de Vienne et dans le catalogue de Pembrock , pèsent environ cent soixante grains. Cette proportion de 10 ! à r, dans le pays même où la monnoie d’or étoit frappée, inférieure à celle de la (1) I, 7. Voyez le tome 3 de l'édition grecque et françoise de M. Gail, p. 467. (2) C'est-à-dire, 23 karats et 9 trente deuxièmes. (3) Dans le mémoire déjà cité , extrait dans le recueil de l’Aca- démie, tom XXI , p. 23. 4 294 Nates même époque , à Athènes où l’on vendoit l'argent, dont on devoit nécessairement hausser le prix autant qu’il étoit possible , est bien peu vraisemblable, et je crois que M. Letronne lui-même auroit de la peine à se rendre raison de cette infériorité, Dans le nouveau système qu’il a combattu, la darique ne valant que vingt drachme; attiques, ne devoit peser que quarante-deux grains , au lieu de cent cinquante- sept et demie, ou cent soixante. Une telle différence existe entre ces deux assertions, qu’il ne seroit pas possible de les concilier. En admettant les bases données par M. Letronne, le talent d’argent valoit à-peu-près 8096 de nos francs (1), et la drachme 27. Oril est bien difficile d'admettre que la darique qui, d’après Xéno- phon (2), étoit la paie du soldat pour un mois, dût valoir 27 francs qui, du temps de Xénophon, étoit la valeur de huit de nos septiers de blé. Dans le nouveau système , le talent ne valant que 2100 francs , la darique vaut seulement 7 francs, prix très-suffisant pour la paie du soldat, puisque cette somme valoit alors deux sep- tiers de blé, prix aujourd’hui d’accord avec ce que coûte le soldat dans un mois, en l’évaluant au taux le plus élevé. | Quant aux dariques dont parlent M. l’abb‘ Barthé, lemy et M. Letronne, il paroît que l’on a pris pour dariques simples des quadruples de cette monnoie. Cela est d'autant plus vraisemblable, que Sestini (3) parle (1) Cest le calcul que j'ai fait en admettant que le grain, poids de marc, est 0,0531 en grammes ( Consid. p- 5), et en corrigeant l'erreur typographique de la table des Consid. p. 102, qui ie Je talent à 492800 grains , au lieu de 49250. (a) Voyez le premier Mémoire de M. Garnier, p. 78. {3) Deserizione degli stateri antichi. Firenze, 1817 ; p, 49: sur l’Hipparque de Platon. 299 de quarante-cinq espèces de cizicènes, monnoie regardée par Xénophon comme équivalente à la darique , puis- qu’elle servoit indifféremment à la paie du soldat, et que la plus grande partie de ces cizicènes qu’il a pesées , n’ont pesé que trois-quarts de ducat , ce qui répond à environ cinquante de nos grains. Les dariques parvenues jusqu’à nous ne sont vraisemblablement gue des mon- noies frappées sous les Romains au type d'usage, dans les pays où se trouvoient leurs troupes , et bien pos- térieures aux monnoies de Darius; elles ne peuvent donc nous guider dans nos recherches , surtout pour établir un résultat aussi peu vraisemblable que le rapport de 10 {à 1, à-peu-près dans le même temps qu'Hérodote fixe celui de l’or des paillettes indiennes de 13 à 1. Dans le nouveau système , la darique quadruple devoit peser, du temps de Darius, cent soixante-huit grains , et va- loir 28 francs. On sent qu’il faut étudier les trois mémoires avec une grande attention, pour les juger en connoïissance de cause. M. le marquis Garnier fait imprimer en ce moment des observations sur le mémoire de M. Letronne, et il prépare un ouvrage où la matière sera mieux éclaircie, toutes les parties en étant réunies sous une forme méthodique, en passant du simple au composé. M. Letronne promet aussi un ouvrage historique sur le même sujet, où le système général des monnoïes sera exposé dans l’ordre des temps et des nations. La vérité jaillira sans doute du choc des opinions, et le public, qui a besoin d’être instruit sur une matière obscure où nous n'avons pas encore un ouvrage véritablement clas- sique , profitera de leurs travaux. 296 Notes Note indiquée à la page 227 du tome V. Sur la monnoie des Grecs. Le premier souverain grec que l’histoire nous présente comme ayant fait frapper de la monnoie est Thésée (1) ; voici ce qu’en dit Plutarque : « Íl fit aussi frapper une » monnoie avec la marque d’un bœuf, soit à cause du » taureau de Marathon, ou en mémoire du général » Tauros qu’il avoit défait, soit enfin pour exhorter » ses concitoyens au labourage; et l’on dit que c’est de » cette monnoie qu'ont été tirées ces expressions : Cela » vaut cent bœufs ; cela vaut dix bœufs (2). » Dacier , traducteur de Plutarque , prétend dans une note que, selon d’autres auteurs qu’il ne cite point, Thésée fit frapper cette monnoie pour conserver la mé- moire de la manière dont on faisoit auparavant le com- merce par l’échange du bétail. Cette monnoie , ajoute ce traducteur, avoit la marque d’un bœuf, et valoit deux drachmes, c’est-à-dire vingt sous (3). Elle pesoit cent soixante-quatre grains et un tiers dans le système de M. Letronne (4) ; et, comme dans ce système le grain, (1) Macrobe , Saturnales , 1 , 7 ; et Dracon , natif de Corfou, dans son livre sur les pierres, cité par Athénée, liv. xv , font remonter encore plus haut l'invention de la monnoie , en Fattri- buant à Janus. Voyez la Science des Médailles , tom. 1, p. 192. J'ai fixé l’arrivée de Janus en Italie , d’après le texte d’Eusèbe , sous l’an 1831 avant notre ère. (2) Les Vies des hommes illustres de Plutarque , t. 1 , p. 55. (3) Id. ibid. Note du traducteur, +: (4) Considéralions , ps 102, sur l’Hipparque de Platon. 207 poids de marc, est 0,053r en grammes (1), le bœuf pesoit 8,726 grammes, ou près de neuf grammes. L’évènement que rapporte Plutarque étoit assez im- portant pour mériter d’être consigné dans les fastes connus sous le nom de marbres de Paros ou d’Arundel. Ainsi l’on peut supposer que l’époque 20 de ces marbres, qui n’a pas pu être déchiffrée qu’en ce qui concerne la date , placée sous une année correspondante à l’an 1256 avant l’ère chrétienne, et sous le règne de Thésée (2), se rapporte à cette ordo-nance de Thésée. On sait que cette année 1256, calculée sur l’ère des marbres, doit être modifiée par la longueur de cette année pour être rapportée aux nôtres : Cest véritablement lan 1230 avant notre ère. Quant au proverbe auquel Plutarque fait allusion , il est évidemment tiré de l’endroit où Homère, dans son Iliade (3) , nous représente Glaucus aveuglé par le dieu fils de Kronos ( Jupiter, fils de Saturne ), échan- geant des armés d’or contre des armes d'airain , des armes du prix de cent bæufs, pour d’autres qui ne valoient que dix bœufs. J’observerai ici que Henri Etienne, dans sa version latine , a soin de mettre zumis, mon- noies, à côté de bobus , bœufs. M. Bitaubé, dans son élégante traduction françoise, n’en traduit pas moins : « Des armes du prix de neuf taureaux , pour des armes (1) Considérations , p. 5. (2) Chronique des marbres dans les tablettes chronologiques de Lenglet , nouvelle édition , par Barbeau de la Bruyers. Paris, 3778 t 1, p. 41. (3) Chant Z , ou VI, Xpussa xarnsiwy , natom Bor syyea Borov. 298 Notes » de la valeur d’une hécatombe » ; ce qui n’a point un sens clair, même en françois. Ce passage d'Homère, ainsi commenté par Plutarque , me paroît formel : je ne puis donc être de l’avis des critiques qui, s'appuyant sur le témoignage d’Homère et d’'Hésiode, prétendent que, du temps de la guerre de Troie, la monnoie n’étoit point encore en usage chez les Grecs (1). M. Ménard, qui semble adopter leur opinion, et qui étoit membre de l’Académie des ins- criptions , parle ensuite de ja monnoie frappée par Thésée, disant ainsi le contraire de ce qu’il venoit d'avancer. Cas sortes de contradictions ne sont mal- heureusement que trop communes parmi ceux qui écri- vent sur l'antiquité. Je suppose même que le silence que l’on prétend exister dans les ouvrages de ces deux anciens poètes fût réel; certainement un savant qui, lorsque notre histoire ne sera pas mieux sue que celle du temps de Thésée ne l’est aujourd’hui, concluroit de ce que Vol- taire, dans sa Henriade, ne parle ni d’écus de six francs, ni d’autres pièces de monpoie, que les contemporains de Henri IV wont point connu l’usage de la monnoie , se tromperoit grossièrement : il en serpit de même si l’on vouloit suivre le raisonnement que je viens de rapporter, et qui d’ailleurs porte à faux, comme le prouve le vers P Homère que j'ai cité Il n’est pas douteux cependant que, du temps de la guerre de Troie, Ja civilisation wetoit pas encore assez ayancée chez les Grecs, pour qu’ils ne trafiquassent sur l’Hipparque de Platon. 299 souvent par échange. Les richesses d’un particulier se marquoient par le nombre de ses troupeaux ; celles d’un pays, par abondance de ses pâturages ; et la va- leur des choses, par un certain nombre de bœufs et de moutons : c’est ainsi qu'Homère et Hésiode ont pu s’ex- primer quelquefois. Mais Homère n’a pas eu besoin de parler expressément d’une monnoie d’or et d’argent frappée au coin , lorsqu'il a dit qu’on achetoit au camp devant Troie des vins de Lemnos , en donnant du cuivre, du fer, des peaux, des esclaves, des bæufs (1). Donner du cuivre et du fer, en style poétique, c’est donner de la monnoïe de cuivre et de fer, ou du moins ce seroit donner certain poids de ces métaux, que l’on pourroit toujours considérer alors comme monnoies ou signes conventionnels d'échange. Il semble résulter du passage précédent que Thésée n’avoit introduit dans le commerce que de la monnoie de cuivre, de fer et peut-être d’or : car il est possible que cette dernière soit antérieure à la monnoie d'argent, et cela même est très-vraisemblable pour les pays où “sont situées les mines d’or, tels que l’ile de Thasos , découyerte par les Phéniciens, et dont j'ai parlé dans la note précédente. La forme de ces premières monnoïes ressembloïit assez à de petites broches de fer ou d’airain , et de là elles furent appelées oboles: mot qui, en grec, signilie broche. Le drachme, qui vaut six oboles, a son éty- mologie analogue, puisque ce mot signifie une poignée ; en effet, il falloit six de ces petites verges ou broches pour remplir la main. Ainsi l’ancienne monnoie chez (1) Les mœurs çf usages des Grecs. Loc. cit, 500 Notes les Grecs n’étoit composée que de petites broches de fer et d'airain (1) , jusqu’à ce que Thésée y eût fait frapper l'empreinte d’un bœuf. Pour les monnoies d’or et d'argent, les plus an- ciennes n’étoient point marquées au coin, ni d'aucune représentation naturelle ou symbolique ; ce n’étoient que des pièces d’or et d’argent, sans figures et sans empreintes, qui avoient seulement un certain poids et une certaine valeur (2). Long-temps après la guerre de Troie , l’an 895 avant notre ère, selon les marbres de Paros, et dans leur ma- nière de compter, Phidon d’Argos, le onzième depuis Hercules, qui gouvernoit la république d’Argos , in- venta les poids et les mesures, et fit battre de la mon- noie d'argent dans l’ile d’'Egine (3). Cette invention des poids st des mesures ne se rapporte sans doute qu’à une division nouvelle, au choix d’une unité de poids et de mesure particulière aux Grecs, et cela résulte clairement de ce que l'invention de la monnoïe ne lui est point aftribuée , mais seulement celle de la monnoie d’argent. Ce Phidon, roi d’Argos, étoit contemporain de Ly- curgue et d’Iphitus; on assure qu’il introduisit le pre- mier l’usage de la monnoie d’argent, à l’occasion de la stérilité de l’ile d’Egine , dont les habitans ne pouvoient point gagner leur vie par le commerce (4). C’est à Phidon que Béger a rapporté une médaille d'argent , (1) Les mœurs et usages des Grecs. Loc. cit. (2) Id. ibid. (3) Chronique des marbres dans les tablettes de Lenglet. Paris, 1778 ,t. 1, P. 45, époque 31. (4) Les mœurs et usages de Grecs, Loc. cit. sur l’Hipparque de Platon. 301 qu’il a fait graver dans son Trésor de Brandebours(i). On y voit d’un côté un vase à deux anses, au-dessus duquel est une grappe de raisin; on lit dans le champ à droite I et à gauche A O. Le revers représente un bouclier béotien, M. Schott, antiquaire du roi de Prusse, et neveu de Béger , dans les Miscellanea Berolinensia, tome I, pag. 33-59, avoit prétendu, comme son oncle, que cette médaille étoit frappée du temps même de Phidon : la dissertation qu’il composa sur ce sujet a été consacrée en quelque sorte par la société royale de Berlin dans les Mémoires de laquelle elle a été insérée. D'un autre côté, Othon Sperlingius, de Numismatibus non cusis , chap. I, a soutenu que le nom de Phidon, qui paroissoit gravé sur la médaille du roi (2) de Prusse, ne suffsoit pas pour prouver qu’elle eût été frappée du temps de cet ancien roi d’Argos; il dit de plus que tout ce que l’on peut conclure, c’est que cette pièce de monnoie étoit du même poids et au même titre que celles dont Phidon avoit été l’inventeur. De toutes les raisons que M. Schott oppose à Sperlingius, une seule pourroit paroître de quelque considération; c’est que, suivant l’antiquaire de Berlin , il n’y a que les princes régnans dont les noms se trouvent seuls sur les médailles, c’est- à-dire, sans être suivis du nom des peuples ou des villes qui ont fait frapper ces monumens ; mais cette règle est sujette à tant d’exceptions que le sentiment de Béger n’en devient guère plus vraisemblable. En effet, dans le seul trésor britannique de Haym, M. Bimard fait (1) Thesaurus Brandeburgicus selectus. tom. I, p. 279. (2) La science des médailles. Paris , 1759, t. I, p. 26, note de M. Bimard. 30% Notes observer trois médailles avec les noms de Licus(15, - d’Antisthène (2) et d'Eupolême (3), sans nom de peuple ni de ville, quoique ces trois personnages n’aient jamais régné, et que les médaiiles ne soient pas frappées de leur temps. Ainsi de ce que le nom de Phidon se trouvé seul sur la médaille gravée par Béger, oti ne sauroit en conclure qu’elle a été frappée du vivant de ce prince. La dissertation de Schott ne parut pas convaincante au célèbre Cuper, qui lui écrivit à ce sujet une lettre que l’on peut voir dans la continuation des Mémoires de la société royale de Berlin (4), avec la réponse de M. Schott. Bimard n’en a pas moins persisté dans l'opinion de ce dernier. Il s’y est déterminé , en observant que les caractères (5) de la médaille dont il s’agit paroissent trop arrondis et trop bien formés pour être un premier éssai de battre monnoie : d’ailleurs ils approchent bien plus de Pécriture usitée apiès le temps de la guerre du Péloponèse, que de l'écriture qui étoit en usage du temps de Solon, et même avant l'établissement des olympiades, Pan 776; car on auroit peine à prouver que, du temps de Phidon, on eût commencé à écrire de gauche à droite, et que les lettres eussent la même forme qu’elles ont eue dans les temps postérieurs (6). Il paroit cependant certain que, dès lan 664 avant notre ère, l’art monétaire fut assez perfectionné pour 0) Tesoro Britannico, t. 1, p. 126. (2) Td. , p- 128. G t II, p. 64. (4 Cont. prima Miscel. Berolin., p. 1 et suiv. (5) La science des médailles ,t.X, p.27, note de Bimard. : (6) Id. , p. 28. sur l’Hipparque de Platon. 505 substituer un type et des légendes au mécanisme gros- sier qui subsistoit alors (1), du moins dans la Grèce. Bimard avoit d’abord cru que la plus ancienne mon- noie grecque qui nous restàt étoit une médaille d’or de Cirène, publiée par le père Hardouin, dans Îes Mémoires de Trevoux (2) : elle représente d'un côté un homme debout, la tête ceinte d’un diadème et rayonnée avec une corne de bélier au-dessus de Poreille. Cet homme tient de la main droite une image de la victoire , et de la gauche un javelot ( Lasra j), ou un sceptre de la même longueur que le javelot; à ses pieds est un mouton; on lit dans le champ à gauche AAMAONAKTOZ; au revers, un char attelé de quatre chevaux de front, avec un homme qui les guide ; au-dessus, KYPANAION. Cette médaille avoit paru an père Hardouin frappée pour Démonax le Mantinéen, régent du royaume de Cirène, pendant la minorité de Battus IV : il vivoit du temps de Cyrus, v rs la fin du second siècle de Rome, comme on peut juger jar ce qu’Hérodote nous en apprend, livre 1V, §. 161 (3). Mais M. de Clèves ayant montré à Bimard la médaille d’or de Démonax, qui, du cabinet de M. le duc du Mairie, avoit passé dans le sien, Bimard, après lavoir examinée avec beaucoup d’attention, se convainquit qu’elle n’étoit point aussi ancienne que le père Har- douin l’avoit préterdu, et qu’elle ne pouvoit avoir été frappée du temps de L'émonax le Mantinéen, législateur (1) Métrologie, par Romé de l'Isle, Paris, 17$9, p. 103. ‘(2 Août, 1727, p. 1444. (3) La science des médai 'es. Paris , 1739, note de Bimard, t. I, p. 25. 304 N RAN du royaume de Cirène, sous le règne de Battus HI (1). Plusieurs raisons l’oblisèrent à changer d’avis sur Pan- tiquité de cette médaille; il se contente d’en rapporter une qui lui paroit sans réplique : le nom AAMQNAK- TOX s’y trouve écrit par un Oméga ; or personne n’ignore que les voyelles longues H et & n’ont été reçues dans l'alphabet grec que sous l’archontat d’'Euclides, la se- conde année de la 94° olympiade, l’an 403 avant notre ère. La médaille de M. de Clèves est donc postérieure à cette époque, et le Démonax dout on y litle nom devoit (2) être un des magistrats de Cirène, et non pas celui qui donna des lois à Cirène vers l’an 544 avant notre ère, cent quarante-un ans avant l’archontat d’Eu- clides (3). On peut voir la succession des rois de Cirène, dans la traduction d’Hérodote par M. Larcher (4), et j'observerai que ce traducteur y fournit une preuve de la fausseté de sa date de la prise de Troie, qu’il a placée cent ans trop tôt, d’après Dodwell. En effet, il con- vient que le scholiaste de Pindare compte quatre géné- rations de moins que lui entre la naissance d'Euphémus, le premier des ancêtres connus de Battus, et celle de Battus (5). Je ne sais si ce raisonnement sur le nom de Démonax est bien concluant; car Bimard lui-même convient qu’à (1) C’est ce que dit Hérodote, IV, 161; et non régent du royaume de Cirène pendant la minorité de Battus IV, comme le dit Bimard. (2) La science des médailles , 1.1, p. 455, dans les additions. (3) Et non le tuteur de Battus IV, qui vivoit plus de deux cents ans avant l’archontat d’Euclides , comme le dit Bimard. (4) Edition de 1802, t. HE, p. 549, (5) Id., p. 550. sur l’Hipparque de Platon. 305 l’époque où il écrivoit , c’est-à-dire, lan 1739, de Roi venoit d'acquérir, des es de M. le maréchal d’Es- trées , des monnoies d’or et d’argent de Cirène , où l’on voit d’un côté des têtes qui paroissent naturelles, et de l’autre le sz/phium (1), ou quelqu’autre type usité sur les monnoies des Cirénéens avec ces légendes APK,BA Ou BAT, et K ou KYP , légendes qui ne peuvent être expliquées que par APKegiàds , BA'Trs et KYPeyaéoy : quand même ces médailles n’appartiendroient qu’à Bat- tus IV et Arcésilas IV, les deux derniers rois de Ci- rène de la famille des Battiades, elles seroient cependant du temps de Cyrus et de Cambyse, et par conséquent plus anciennes que celles d'Amyntas (2). Avant que le père Hardouin eût fait graver la mé- daille de Démonax , qui étoit alors dans le cabinet (3) de M. le duc Du Maine, on n’en connoissoit pas de plus ancienne que celle d'Amyntas, roi de Macédoine, bisaïeul d’Alexandre-le-Grand (4). On ne voyoit aucune monnoie grecque de cette sorte avant cette époque (5). On a prétendu conséquemment fixer la première exis- tence de cette monnoie sous l’an 383 avant notre ère, puisque ce fut cette année qu'Amyntas demanda du secours aux Lacédémoniens pour reprendre les terres qu’il avoit cédées aux Olynthiens (6). Mais Les rois de (1) Plante dont parle Pline, qui produit le hazar, suc très-es- timé des anciens. (2) La-science des médailles , t, I, p. 450. (3) Id., p. 26. (4) Id., p. 29. (5) Les mæurs et usages des Grecs , p. 109. (6) Tablettes chronologiques de Lenglet. Paris, 1778, tom. I, pag. 345. Tome FI. Décembre 1818. 20 206 non WOEN ue Cirène sont antérieurs à cette époque, et l’on ne doit pas être surpris qu’ils aient précédé les Grecs dans la fabrication des monnoics , à cause de leur voisinage des Carthaginois et des Egyptiens. En effet ; long-temps avant les Grecs, les Phéniciens et les Egyptiens, qui les avoient eivilisés , avoient sans doute aussi eu leurs monnoies : cet art étant plus ancién chez ces deux peuples, y remontoit jusqu’au temps de Vécriture hiéroglyphique dont les Grecs ne faisoient point usage, mais que leurs graveurs imitèrent. En effet, chaque province, chaque peuple de la Grèce ayoit sur les monnoies des hiéroglyphes et des figures énigmatiques qui lui étoient particulières. Les Athéniens y mettoient une chouette qui étoit l’oiseau de Minerve , leur principale divinité, et qui signifioit la vigilance; les Macédoniens y représentoient un bouclier, signe de ‘la force et de la puissance de leur milice ; les Béotiens, un Bacchus avec une grappe de raisin et une coupé, qui étoient la marque de l’abondance de leur terroir (1). Il seroit difficile, pour ne pas dire impossible, de faire remonter avec certitude les monnoies des villes grecques à une époque aussi reculée que celle des rois de Cirène ; il ne doit guère y en avoir de plus anciennes que celles d'Athènes et de Thèbes, dont un très-grand nombre sont gravées dans les ouvrages de Goltzius (2) et d'Haym (3); mais de ce qu’on y lit communément AOE et OE par un E, et non par un H, il ne suit pas qu’elles soient antérieures à celles de Cirène ; on ue peut pas même assurer qu’elles soient plus anciennes (1) Les mœurs et usages des Grecs, p. 209. (2) Græc. Tab. xiv ct xv. (3) Tesoro Britannico , 1. I, p. 151-217. sur l’Hipparque de Platon: 30 que Simonides , inventeur des voyelles longues; car il paroît que l’usage de graver sur la monnoie le nom de ces deux villes, conformément à l’ancienne orthographe, a continué long-temps après le changement que Simo- nides introduisit dans l'alphabet ionien ou attique. Le père Hardouin a même soutenu (1) qu’il n’y avoit point de médailles d'Athènes plus anciennes que le règne de Philippe, père d'Alexandre ; il lui auroit été difficile de prouver cette assertion; mais il ne le seroit pas moins de faire voir que le père Hardouin se trompoit(2). Le passage de Platon, dans son Hipparque ; semble même favoriser cette opinion, et si elle est exacte, les médailles celtibériennes, dont j'ai parlé fort au long dans mes Antiquités de Vaucluse (3) yet qui remontent à l’expédition de Sigovèse , l’an 600 avant notre ères sont antérieures à toutes les médailles grecques, mais seulement aux médailles d'argent , puisque la monnoiïe de Thésée a été frappée plusieurs siècles auparavant. (1) Dans ses notes sur Pline, liv. VII, ch, 56, (2) La science des médailles , t. I, p. 29. (3) Paris, 1818, p. 285. BIOGRAPHIE. A M. Cu. Guir. KRAFFT. Monsieur, J'ai lu avec un vif intérêt la Notice biographique que vous avez consacrée à M. Millin dans le dernier numéro de ses Annales. Après l'avoir long-temps secondé dans la rédaction de ce savant recueil; après l’avoir soulagé et, consolé dans ses derniers jours, c’étoit à vous qu’il appartenoit de nous raconter les nombreux travaux d’une vie trop peu longue en durée ; mais qui fut assez remplie de bons ouvrages et de bonnes actions. Cependant j'ai cru remarquer qu’il me restoit encore quelque chose à glaner , là où vous avez abondamment moissonné , et je me suis cru autorisé, par la bienveillance , j’oserois presque dire l'amitié, que M. Millin m’avoit accordée, à mettre sous les yeux des lecteurs des Annales quel- ques particularités qui vous ont échappé, et qui, je pense, ne seront pas sans intérêt pour eux. Je voudrois pouvoir leur raconter quelques-unes des anecdotes qui égayèrent celte première époque de sa jeunesse où M. Millin porta le petit collet; mais peut- être ne seroient-elles point convenablement placées ici, Naguère encore, il se complaisoit à reporter son sou- venir vers les joyeux momens de son adolescence, et étoit surtout lorsqu'il se croyoit permis d’en parler, en présence d’un petit nombre de personnes, quand la Millin. -= Jog foule qui fréquentoit ses svirées littéraires s’étoitécoulée, qu’il s’abandonnoit volontiers au charme d’une narration enjouée et d’autant plus piquante, que sa plaisanterie étoit toujours naturelle et sans prétention; en un mot, dût-on m’accuser de faire une épigramme, je dirai que M. Millin avoit plus d’esprit qu’on n’en suppose ordi- nairement à un savant. La fréquentation du grand monde lui avoit fait contracter ce meilleur ton qui con- siste en une décente simplicité , et ses liaisons. avec des personnages célèbres dans tous les genres ajontoient en- core à l'intérêt de sa conversation. Ceux qui ont connu M. Millin ne seront pas étonnés d’apprendre qu’à la même époque où il fut abbé, il fut aussi poète; il avoit même conservé jusqu’à ce jour un volume manuscrit de ses poésies , qui se trouvera sans doute dans sa biblio- thèque ou parmi ses papiers. — Dans la rédaction de la Chronique de Paris, outre les collaborateurs que vous donnez à M. Millin (MM. Noël, Condorcet et Rabaud St-Etienne ), il faut compter encore M. Fiévée : M. Millin ne l’avoit pas oublié, et c’est le cas de s’en souvenir. Il se com plaisoit aussi à répéter qu’il avoit eu le bonheur d'introduire M. Cuvier dans le monde scien- tifique, en publiant dans son Magasin Encyclopédique les premiers essais de ce savant dans un genre où il devoit s’illustrer. — Sous le No 20 bis du catalogue des ouvrages de M. Millin, vous mentionnez celui qui a pour titre Annuaire du Républicain, ou Légendes physico-économiques ; aujourd’hui que l’auteur est à l'abri des atteintes de la haine et de l'envie, il n’y avoit pas , je pense, d'inconvénient d’ajouter qu’il y prend le surnom d’E/eutérophile : c'est là une particularité curieuse que l’impartialité de l’histoire ne permet pas no Biogräphie. de négliger: Loin d’y trouver un sujet de blâme pou lasmémoire de M. Millin, que les persécutions des 1. anarchistes justifieroient d’ailleurs suffisamment d’avoir été leur complice , je trouve au contraire dans le choix de ce nom-un motif d'éloges : en se soumettant à une mode qu'une bizarre exaltation venoit d'introduire, il montra et par la signification du prénom qu’il s’étoit choisi et par la langue à laquelle il avoit emprunté , que, dans les temps les plus orageux , il mavoit cessé de porter ses hommages aux lettres savantes et à la li- berté : l'Europe lettrée connoît le culte qu’il a rendu aux à premières; mais peut-être ne connoiît-elle pas également cet amour désintéressé, vif; mais sans prévention et sans intolérance, qu'il avoit voué aux principes généreux qui sont la gloire.et feront le bonheur de notre siècle, — Quand on parle de M. Millin , il faut bien dire un mot de sa bibliothèque, puisque c’est là où, pour me servir de l’héureuse expression d’un de ceux qui ont déposé quelques fleurs sur sa tombe, 7 faisoit les hon- meurs de la France aux savans étrangers. On conçoit difficilement comment un particulier, dans l’aisance sans doute, mais qui w’étoit point opulent, avoit trouvé le moyen, sans toucher à sa foytune et sans rien re- trancher de, sa noble manière de vivre, de former un dépôt aussi vaste et aussi précieux en richessés litté- raires. La rédaction des Annalés Encyclopédiques y contribua, sans doute puissamment ; c’est elle qui lux valut ce nombre considérable d'ouvrages italiens, alles mands ; anglois; ou même françois ; maisimprimés hors de France; comme, par exemple, en` Russie, en Lis vonie , dont il possédoit l’exemplaire souvent unique dans Paris. Néanmoins un!deises agens 'suivoit-çonss Millin. 514. tamment les ventes publiques pour y faire de nombreux achats, et tel étoit son amour et son dévouement à la noble culture des lettres, qu’au retour de ses voyages d'Italie , il se décida à supprimer la dépense d’un équi- page de cabriolet» laquelle cependant à Paris ne/sauroit être rangée parmi les superfluités, pour n’avoir point à mettre des limites trop étroites à la somme qu’il étoit accoutumé de vouer annuellement à ses goûts littéraires. La bibliothèque de M. Millin, riche en livres utiles, neil est pas également en livres curieux ou rares, comme éditions du quinzième siècle, manuscrits, etc. Je me rappelle cependant d’y avoir vu une: comédie inédite de Vergniaux, en trois actes et en prose; vous n'ignorez pas que depuis long-temps il travailloit à faire dresser le catalogue systématique de sa biblio- thèque , qu’il se proposoit de publier , en l’accompagnant de remarques littéraires et bibliographiques, comme je l’avois annoncé , d’après son invitation, dans un nu- méro des Annales politiques du mois de juin dernier ; il avoit l'intention de s’y plaindre de ce que lui, seul professeur d’archæologie qu’il y eût en France, avoit été négligé dans la distribution faite à divers savans d’un certain nombre d’exemplaires du bel ouvrage sur l'Egypte, publié aux frais du Gouvernement. Je fais mention de cette petite circonstance, parce qu’elle fut profondément sensible à M. Millin, et que je. Pai entendu s’en plaindre fréquemment et même avec un peu d'amertume , à une époque où l’âge et la maladie ne. l’avoient point disposé au chagrin. Il supporta avec bien plus de calme et de philosophie évènement tout autrement fâcheux de l'incendie de sa bibliothèque ; j'ajouterai à ce que vous avez dit, que le soir même du 312 Biographie. jour qu’il apprit cette affligeante nouvelle, il se rendit à une fête à laquelle il se trouvoit invité par le gouver- neur françois de Rome, et que c’est dans le brillant sallon de Son Excellence qu’il reçut les condoléances des nombreux amis des lettres et des arts que renferme ‘ l’ancienne capitale du monde, et qui prirent un si vif intérêt à cet évènement, que ce jour de fête parut changé en un jour de deuil. — A Naples, M. Millin eut beaucoup à se louer des bontés de la veuve de Murat, qui étoit alors la reine de cette partie de l'Italie, et elle poussa la complaisance jusqu’à lui permettre de passer plusieurs heures dans sa chambre, pour y faire dessiner et y décrire des camtes et bas-reliefs qui la décoroient. Sans doute que M. Millin a dû consigner le témoignage de sa reconnoïissance dans le manuscrit de son voyage dans cette contrée, et je ne doute pas que son cœur généreux n’y eût donné plus d'expansion, aujourd’hui que ce témoignage ne pourroit plus être suspect de flatterie. — J’ai vu avec peine, Monsieur, que le Voyage à Naples est au nombre des manuscrits dont la publication n’est pas probable; il auroit fait suite aux voyages déjà publiés, et qui ne sont ni les moins ins- tructifs, ni les moins agréables des ouvrages de M. Millin. Il y auroit parlé sans doute de la liquéfaction du sang de Saint-Janvier , dont il fut témoin, placé par les soins de l’archevèque de Naples, entre les mains de qui se trouvoit la fiole où s’opéroit la liquéfaction, immédia- tement derrière lui, avec un autre savant françois dont le nom m'est échappé. « Je ne crois pas à ce miracle, » nous disoit M. Millin après nous en avoir fait la description; mais pour cela je suis obligé de mettre en pratique la théorie de J. J. Rousseau, et de re- fuser croyance à mes propres yeux. » ÿ y ÿ nr Pret 3 ` Millin. j 515 ‘Je veux maintenant, Monsieur, parler après vous de quelques traits du caractère de M. Millin, sur les- quels, à mon gré, vous mavez pas suffisamment in- sisté. Le fonds en étoit noble et fier; mais c’étoit de cètte fierté qui, sans nous permettre jamais de mé- priser autrui, nous acquiert un rang honorable dans la société, et nous y fait maintenir après lavoir obtenu; lobligeance et le bon accueil qu’il faisoit aux jeunes gens animés de l’ardeur de s'instruire , en formoit un second trait, qu’il ne mest pas permis de passer sous silence. Sa piété filiale avoit été remarquée même dans Paris, où trop souvent l’on ne remarque que ce qui fait du fracas. Le secrétaire de l’Académie des inscrip- tions et belles-lettres nous parlera sans doute un jour des vertus académiques de M. Millin; en attendant, il ne me sera pas interdit sans doute de dire ùn mot de cette ténacité dans le travail, dont il est pourtant pres- qu'inutile de parler aux lecteurs des Annales Encyclo- pédiques > eux qui ont rencontré plusieurs articles de la composition de M. Millin , dans le même cahier qui leur a apporté la triste nouvelle de sa mort. La conversation de M. Millin étoit gaie, facile, nourrie d’anecdotes et de souvenirs, et assaisonnée de cette innocente médisance qui, après avoir aperçu quelques- uns des légers défants du prochain, répare surabondam- ment ses torts par un éloge sincère et plein d’effusion pour ses qualités essentielles. M. Millin étoit inacces- sible à l’envi ; il aimoit les hommes de lettres comme ses frères, et personne n’a loué avec moins de réserve et d'abandon, soit pendant sa vie, soit après sa mort, Pillustre Visconti, qu’il comptoit ingénieusement au nombre des plus brillantes conquêtes que nous eussions 314 Biographie. faites en Italie, sans que sa gloire, dans une carrière voisine de la sienne, lui ait jamais causé le moindre ombrage. Je finirai en essayant de détruire une incul- pation contre le mérite de M. Millin, qui ne doit pas être passée sous silence, puisqu'elle fut trop répandue, On accusa M. Millin de charlatanisme littéraire : cette accusation injuste n’eut pour fondement que Les con- noissances plus variées que profondes de M. Millin , et la facilité avec laquelle il sut toujours; quand l’occasion s’en présenta, saisir les matières dont il n’avoit point fait l'objet spécial de ses études ; les secours nombreux dont son aisance lui permit de s'entourer , et les artistes qu ñ] employa continuellement aux dessins quisacoom-, pagnent la plupart de ses ouvrages , et enfin cette, bibliothèque , au sein de laquelle la réunion de plusieurs savans sembloit lui former une cour littéraire; ces cir- constances, et quelques autres de ce genre, ont pu donner naissance à cette rumeur mal fondée , que les sa- vans Ouvrages de M. Millin suffisent pour détruire. . J’ai honneur d’être , etc. Azrpnonse MAHUR. Paris, ce 24 novembre 1818... 6 rt x s ` us eut Os LE + BAAN ANA VAARAA UAA VAU UAA AAA AAA VAVA EA VA AA AA NAA MAA © Li ` NOUVELLES LITTÉRAIRES. ANGLETERRE. à » Les ouvrages suivans viennent d’être publiés à Londres: A wiew of the History, etc., c’est-à-dire, Essai sur histoire} la littérature et la religion des Hindous, avec une description exacte des mœurs et des usages de ce peuple ; par le Rev. W, Ward; 2 vol. in-8°. Cet ou- vrage est extrait d’un autre intitulé : Account of the Writings , ete., c’est-à-dire, Essai sur la littérature, laeligion et les mœurs des Hindous; 4 vol. in-8° ; un très-petit nombre d’exemplaires de cet ouvrage a été envoyé en Europe. En même temps que l'extrait de M. Ward, il parut un Tableau du caractère, des mœurs et des institutions religieuses et civiles des Hindous; par M: Pabbé A. Dubois, missionnaire en- Mysore, traduit en anglois sur le manuscrit inédit de l’auteur. M. Ward possède une connoissante profonde de la langue des Hindous; son ouvrage est le fruit de onze aunéesde recherches et de travaux. D’après la préface du traducteur anonyme, M. Dubois quitta la France, sa patrie, en 1789 ; il fit un‘séjour de dix-huit ans en Mysore, où il s’occupa d'instruire les-habitans de toutes les classes dans les connoissances les plus nécessaires à la vie, et gagna tellement Pamour de ces-peuplades, que , selon une lettre officielle adressée à la présidence de Madras par le colonel Wilks} alors résident anglois à Mysore, les habitans du payss’empressèrent à envi 316 Nouvelles littéraires. d'exercer l’hospitalité envers lui, lorsqu'il visita leurs contrées; cet honneur n’est rendu qu'aux Brachmans ; mais Ceux-ci considérèrent M. Pabbe Dubois comme s’il eût appartenu à leur culte. Ces relations intimes le mirent en état de mieux étudier les mœurs, les usages, les idées religieuses et la littérature de cette presqu'ile, que la plupart des Européens qui ont visité le pays avant lui n’avoient pu le faire. Il traita ces divers sujets dans un mémoire dont il vendit en 1806 le manuscrit deux mille pagodes au gouverneur de-Madras ; celui-ci l’envoya à la bibliothèque de la compagnie des Indes à Londres, où lé pubiic pouvoit en prendre connoïs- sance, En 18:17, un anonyme entreprit de traduire ce mémoire en anglois, du consentement des directeurs de la compagnie. On peut juger ; d’après ces faits , de lim- portance de ces deux ouvrages. Le missionnaire anglois examine presqu’exclusivement la religion des Hindous; M. Ward traite principalement de leurs prêtres : dans le premier volume, cet auteur parle des divinités; dans le second, il donne des détails sur les temples, les statues , les prêtres, les cérémouies sacrées, les dogmes de la religion des Hindous, les saints qu'ils révèrent et les sectes, telles que les Fandhas, les Jainas, les Sikhs, etc. L'ouvrage de M. Dubois est divisé en trois livres , dont le premier , selon le frontispice , doit exa- miner l’état social des Hindous. en g'néral; mais il traite, ainsi que le second volume , presqu’uniquement des prêtres; le troisième est intitulé de /a Religion, mais il ne parle que de la procédure civile et criminelle, de la milice, des contes et des fables des Hindous. Un supplément à ce livre renferme un essai sur les Jaïnas et sur la différence principale qui existe entre cette Angleterre. ` 317 secte et les Brachmans. Un journaliste anglois. pense qu’on n’a qu’à comparer cet ouvrage avec l’Euterpe d’Hérodote pour se convaincre que les habitans pri- mitifs de l'Égypte sont venus de l'Orient, et ont connu les institutions des Brachmans. Chez aucun peuple de la terre, la religion influe peut- être aussi puissamment sur la vie de chaque homme, que chez les Hindous : elle forme leur occupation prin- cipale , après les travaux nécessaires pour leur subsis- tance, et elle anime toutes leurs relations sociales. Le nombre de leurs divinités monte à trois cent trente millions ; sous le rapport de la moralité, elles sont au-dessous de l’homme le plus réprouvé. On leur im- pute les crimes les plus atroces; Ward en cite plusieurs exemples. Les prêtres (Bramhuns) , avec leurs femmes et leurs filles, jouissent presque des mêmes honneurs que ces divinités. Parmi les animaux qu’adorent les Hindous, la vache occupe le premier rang; viennent ensuite les ' singes, les chiens, les chakals, plusieurs espèces d’oi- seaux , etc. et un grand nombre de plantes. Ils rendent le même honneur aux rivières, et principalement au Gange, au Goddavery et au Nerbudda, dont les pois- sons sont sacrés. Les Hindous adorent même des livres, des bâtons, des pierres et d’autres substances inanimées. Leurs usages religieux sont si nombreux, qu’il est presqu’impossible de les suivre tous. Ceux qui se ré- pètent chaque jour , absorbent la plus grande partie du temps ; il en est d’autres qui doivent être observés chaque semaine, chaque mois ou chaque année. Il faut lire les ouvrages de M. Ward et de M. Dubois, pour se faire une idée de l’absurdité de ces usages. Un tigre que Pon sacrifie à Kalikapurana, réconcilie cette déesse 518 Nouvelles littéraires. pour cent ans; le sang d’un lion ou d’un léopard, ds- sure ses bonnes grâces pour mille ans; mais celui de : 8 P ; trois hommes attire sa faveur pour cent mille ans: Il est diffile de tracer un tableau fidèle de la licence qui règne dans ces cérémonies ; les orgies bacchiques étoient des écoles de vertu , en comparaison des fêtes des Hindous: Souvent les filles d’un rang très-élevé sont consacrées avant leur naissance au service de la pagode, où elles mènent la vie la plus scandaleuse; de toutes les femmes Hindous , elles seules apprennent la danse et la mu- sique. Le trésor du temple qu'elles desservent, et le produit de leur sédition , fournissent à leur entretien. Elles sont élevées, dès leur plus tendre enfance, dans Part de plaire et de séduire. Par leur moyen, les prêtres atteignent le triple but de satisfaire à leurs désirs, de s'enrichir et d'assurer la fréquence de leur temple. Lorsque dans un âge avancé les grâces de ces sirènes diminuent, le peuple croit que la divinité les répugne; on leur fait une marque sur la poitrine, on leur donne un certificat d’avoir servi le dieu Tripati un cer- tain nombre d'années, et on les recommande ainsi à la charité publique. Un des vices les plus ordinaires des prêtres Hindous, c’est l’ivrognerie; ils savent la justifier aux yeux du peuple par une abstinence sévère qu’ils observent en de certaines octasions. On inculque aux Bramhuns, dès leur enfance, le germe de tous les vices : on leur inspire de bonne heure le plus profond mépris de toutes les autres classes d'hommes; l’arrogance, l’égoïsme, la destruction totale de tous les sentimens humains sont les fruits inévitables d’une pareille éducation. La fraude ct le mensonge sont encore plus en vogue chez les Angleterre. 519 prêtres que dans les autres classes des Hindous, ét l’on sait que la fausseté est le principal caractère de ce peuple. Nonobstant le culte pénible qu’ils rendent à leurs divinités, les Hindous les traitent de la manière la plus indigne, lorsqu'ils croient avoir lieu d’en être mécon- tens. Bremha, le créateur des dieux et des hommes, qui ne dispense que les biens de la vie à venir, est to- talement oublié dans l’Indoustan; il n’existe aucune statue de ce dieu, il n’a point de temple; on n’observe aucune cérémonie en son honneur. Les sectes Hindous se disputent les faveurs qu’accor- dent les divinités; lorsque des raisons ne suffisent point pour terminer ces difltrens, on en vient aux mains, au pillage , à la guerre. — Le docteur James Johnson , auteur de l’Znf{uence du climat tropique sur le gouvernement des états eu- ropéens , se propose de publier prochainement un ou- vrage sur l'influence de la vie domestique et sédentaire, sur le caractère et les mœurs de Phomme, avec une balance des jouissances et des peines attachées aux di- vers genres de vie. Un ouvrage sur Le goër, par le même auteur, est sous presse ; il renfermera un aperçu des découvertes qni ont été faites les années dernières dans l’histoire naturelle ; avec les passages des meilleurs écrivains ‘de toutes les nations qui ont rapport à ce sujet. — Le docteur Spicker, de Berlin , qui a fait l’année dernière un voyage littéraire en Angleterre, en Ecosse et dans le pays de Galles , vient de publier le premier volume de son récit de ce voyage. Cet ouvrage renfer- mera trois volumes; on le traduit en anglois à Londres, du consentement et avec les observations de l’auteur. 220 Nouvelles littéraires. — M. Thomas Heming, à Oxford, publiera pro- chainement un Traité de Géographie sacrée , qui ren- fermera un tableau historique des nations primitives, ainsi que des pays et des nations dont il est parlé dans l’Écriture Sainte. L'introduction à cet ouvrage traitera de l’origine et du caractère de chaque livre biblique. — M. Claudius James Rich prépare un second mé- moire sur Babylone, dans lequel il compare les an- ciennes descriptions de cette ville avec ce que le major Rennel en a dit dans l’ Archæologia. — M. Dawson-Turner fera bientôt paroître la der- nière livraison de sa description des plantes du genre des fucus, avec des figures coloriées. — Le Rev. D. Fleming travaille à une Histoire naturelle des animaux. — Le Rev. E. J. Burrow se propose de publier des Élémens de Conchiologie, d'après le système de Linné. — En échange des empreintes des marbres d’Elgin que le Prince Régent d'Angleterre avoit envoyées au musée de Florence, le Grand-Duc de Toscane a fait présent au Prince des empreintes des plus belles statues de ce musée, nommément du groupe de Niobé et de ses enfans. PORTUGAL. L'Académie royale des sciences de Lisbonne a tenu sa séance publique annuelle le 24 juin dernier. Le vice- président, marquis de Borba , l’un des gouverneurs du royaume, a prononcé le discours d'ouverture; le se- crétaire a ensuite lu un compte rendu des travaux de la Société dans l’année dernière; M. Sébastien Fran- . ; Portugal. 321 w de Mendo Trigoso, a lu un mémoire sur les troduction à un mémoire sur la démonstration des règles que donne M: Wronski pour la'réduction gé- nérale des équations ; ce mémoire avoit été couronné par l'Académie; M: Joseph-Marie Soarès, a fait lec- ture d’un apercu de l’histoire générale de la médecine, depuis l’origine de là monarchie portugaise ; cet aperçu doit servir d'introduction à l’histoire des sciences mé- dicalesten Portugal , que le même auteur se propose de publier. M. Sébastien Francisco de Mendo Trigoso , a lu un mémoire sur l'établissement de l'Académie arca- dienne, à Lisbonne, et sur l'influence qu’elle a eue sur la restauration de la littérature portugaise : l’auteur de ce mémoire est M. Francisco Manoël Trigoso de Aragam Morato; M. Ignacio Antonio de Fonseca Benevides, a ensuite lu une récapitulation historique des travaux de la Société de vaccine, dans l’année dernière. Le temps n’a pas permis de lire les mémoires suivans : Sur l’empirisme médical, par M. Francisco Elias Roderigues da Silveira; sur les moyens d’abréger ‘les procédés typographiques, par M. Antonio de Aranjo Travassos; sur la température inégale des rayons du soleil séparés par le prisme, [/Académie'a fait imprimer dans le courant de l’année dernière: le: cinquième volume de la table chronologique des lois portugaises, par M. P; Ribeiro; un traité sur la pra- tique ‘de la médecine, par Joseph Pinheiro de Freitas” Sôarès , et la seconde partie du troisième’ volume des : mémoires de l’Académie. Tome V I. Décembre 1818. 21 322 Nouvelles littéraifes, ALLEMAGNE. Dans les séances que la Société des naturalistes, à Halle, a tenues dans les mois de janvier, de février et mars 1818, on a lu les mémoires suivans : 19 Des sources minérales, par M. Germar; 2° sur l’alun et sa formation, par M. Xeferstein; 3° sur le dassepin et Pélectre des anciens, par le méme; 4° sur les dents, par M. Merssne; 5° sur les monstruosités, par M. Buhle; 6° sur les espèces et les variétés des animaux, spé- cialement des insectes, par M. Keferstein; 7° sur le desséchement de la plante du pied, causé par le froid , 8° tableau historiqué des principaux phénomènes de la nature observés en 1817. — M. Zipfer, professeur à Neusohl, en Hongrie, a fait hommage à la Société d’une superbe collection de minéraux de ce pays. — Il existe depuis 1816, à Prague, une institution charitable destinée à fournir des secours aux étudians de la faculté de philosophie de cette ville. Plusieurs élèves en ont conçu le plan, et ont versé les premiers fonds pour le réaliser. Une commission nommée dans leur. sein, recueille chaque mois les rétributions des souscripteurs. Le total des sommes qui ont été versées dans la caisse de cet établissement , depuis son origine jusqu’à la-fin de janvier 1818 , se monte à 3072 flor. ; les dépenses dans le même intervalle, s'élèvent à 2272 flor. Les secours en argent sont rarement mis entre les mains de ceux à qui ils sont accordés : le directeur, M. François Niemetscheck , fait lui-même les dépenses Allemagne. 325 occasionnées par les besoins des élèves indigens. Dans le courant de 1817 soixante-deux élèves reçurent de cette caisse des secours pour la nourriture, le loge- ment, le vêtement, etc. Au mois de mars 1818, le nombre des étudians à qui de pareils secours ont été accordés, se montoit déjà à vingt-quatre. Puissent ces efforts généreux des jeunes phicanthropes de Prague, être bientôt imités dans d’autres universités! — M. le comte François de Teleky a inventé en 1817 un nouvel instrument catoptrique , servant à mesurer les angles terrestres, et à déterminer les ‘hauteurs du soleil. Peu de temps après, il en a rendu compte dans un mémoire qu’il a fait imprimer à Vienne, et auquel il a joint la gravure de cet instrument. — M. Steinhauser , à Halle, prétend que l’intérieur de la terre est creux, et qu’il renferme un petit sys- tème solaire. Des observations réitérées sur les varia- tions de la boussole, lui prouvent incontestablement qu'à une profondeur de cent soixante-dix lieues alle- mandes (environ cent treize un tiers de lieues fran- çoises) un corps tourne autour du centre de la terre, dans la direction de l’ouest vers Pest, et qu’il termine sa révolution dans l’espate de quatre cent quarante ans. Ce corps possède une grande force magnétique, et cause les variations de la boussole. Les calculs de M. Steinhauser ont été justifiés par l’expérience; en 1815, il prétendit que la déclinaison dé la boussole de- ` viendroit d’abord stationnaire, et que dans le temps où nous sommes , elle se dirigeroit vers l’est; ce qui est en effet arrivé. — Le prince Callimaque Hospodar , gouverneur de Moldavie, a accordé aux éditeurs du Mercure grec, 524 à Nouvelles littéraires. qui paroit à Vienne, une pension de deux cents piastres par an, dont ils jouiront pendant tout le temps que ce journal sera continué, — L'empereur d'Autriche a accordé une médaille d'or, à titre d'encouragement, à à M. Leitenberg, pro- priétaire d'une manufacture de coton à Kosmanss , en Bohème : les produits. #2 cette manufacture avoient été généralement admiré. aux ‘foires de Francfort et de Leipsic ; on les y avoit préférés à ceux des manufactures angloises. MM. Ignace d'Orlando, Jérémie Soenger, dessinateurs, et C. Koechlin, peintre attachés à la même manufacture, ont obtenu des médailles d’encou- ragement. RUSSIE. L'Académie impériale des sciences , à Saint-Péters- bourg, a mis au concours les sujets suivans : 10 Donner un résumé de toutes les expériences faites sur la soude, la potasse et les substances métalliques qui sont con- tenues dans ces deux minéraux , et examiner les ré- sultats de ces expériences ; 2° Soumettre l’ammoniaque à à un examen particulier, et démontrer laquelle des di- verses opinions, sur la composition de cet alkali , est la mieux fondée, et si le métal qu’il contient peut être repré- - sentéisolément ; 3% Examiner, par un procédé plus exact que ceux qu’on a employés jusqu’à présent, les subs- ‘tances métalliques de ces terres; voir si elles peufent être réduites à leur état pur; faire connoître les pro- „priétés qu’elles ont EPA état; et, lorsqu’ elles sont combinées avec d’autres A indiquer les rap- ports dans lesquels elles peuvent être représentées. Outre le prix qui sera décerné à l’auteur du mémoire le plus satisfaisant sur ces sujets, l’Académie lui donnera « \ Nouvelles littéraires. 525 cent exemplaires de ce mémoire , én compensaiion des frais que pourront occasionner les expériences à faire sur ces terres. Le prix sera de cent ducats de Hollande. Les mémoires destinés au concours devront étre envoyés avant le 1er janvier 1820. L'Académie invite les savans de tous les pays à concourir à ce prix; elle n’exclut ni ses membres honoraires ni ses correspondans; les seuls juges du concours en sont exclus. Les mémoires de- vront être écrits en russe, en françois, en allemand ou en latin , et adressés au secrétaire perpétuel de Aca- démie. FRANCE. CAMBRAI. Fénélon a vécu vingt ans à Cambrai; il y a composé son Télémaque; sa dépouille mortelle y repose; c’est-ià qu’on doit élever un monument à ses vertus et à son génie. La société d’émulation et les membres du conseil municipal de Cambrai , interprètes de tous les habitans de cette ville, viennent de provoquer l'érection de ce monument si long-témps désiré. Quel est l’homme ver- tueux, quel est l’ami des lettres qui ne tienne à honneur de concourir à l’exécution de ce projet? Pour leur fa- ciliter le moyen de réaliser ce noble désir, une sous- cription est ouverte dès ce jour ( 14 octobre 1818). C’est sur l’emplacement de l’ancienne métropole, si souvent témoin de l’éloquence et de la piété de Fénélon; à l'endroit même où s’élevoit l’aurel qui recut tant de Jois ses vœux pour le bonheur de la France(r); sur (1) M. de Bausset, Histoire de Fénélon , tome IM , p. 290 de la seconde édit, 326 -© Nouvelles littéraires. le caveau enfin qui , pendant près d’un siècle , a renfermé ses restes précieux, que le monument sera érigé. ‘à Le souscription sera ouverte jusqu’au premier avril * | 1819. À cette époque, la liste générale des souscripteurs | sera publiée et déposée ensuite dans le monument. On rendra un compte public de l'emploi des fonds, aussitôt la confection des travaux. On souscrit à Cambrai , au secrétariat de la mairie; à Paris, chez MM. Jacques Lafitte et compagnie ; et dans tous les chefs-lieux d’arrondissement, chez M. le président de la chambre des notaires. PARIS. A M. le Rédacteur des Annales Encyclopédiques. Lyon, le 26 octobre 1818. Monsieur , Dans le cahier de septembre dernier, où vous an- _noncez la mort de M. le docteur Marie de Saïnt-Ursin, vous indiquez, parmi les ouvrages publiés par lui , une Dissertation relative aux effets de la musique sur le corps humain , traduite du latin en 1803 : je ne puis attribuer cette inexactitude qu’à la ressemblance des noms, et déjà elle avoit été commise par MM. Fayolle et Choron, dans leur dictionnaire des musiciens, ar- tistes et amateurs. Auteur de cette traduction, dont je n'ai partagé le travail avec qui que ce soit, je réclame mon bien dont on m’a dépouillé en faveur d’un autre, et je le réclame avec d’autant plus d’instances, que, la première édition de cet ouvrage étant épuisée depuis Histoire du Japon. 527 long-temps, j’en prépare dans ce moment une seconde. Pose espérer , Monsieur le Rédacteur, que vous vou- - drez bien insérer ma lettre dans la plus prochaine li- vraison de vos Annales. Je suis avec respect, Monsieur, l’un de vos lecteurs assidus, ETIENNE SAINTE-MARIE, Docteur en Médecine, Membre de l’Académie de Lyon , etc. — Voici l'annonce d’un ouvrage qui doit faire époque dans la littérature françoise : Description géographique , historique, chronologique, politique et physique de l’empire japonois et des pays voisins, tirée des écri- vains originaux; enrichie d’un grand nombre de cartes du Japon, de la Corée, de la terre de Yeso, des îles Lieou-Khieou, de beaucoup de plans et de vues, de planches représentant les objets d’arts, les animaux „. les plantes, etc. etc.; par une société de gens delettres. — L'ouvrage du P. Charlevoix, rédigé par um écrivain qui n’étoit jamais sorti d'Europe, sur les mémoires de ses confrères qui avoient visité la Chime et le Japon est encore aujourd’hui le meïlleur de tous ceux qu’on possède sur ces pays célèbres, €’est la source où vont puiser ceux qui veulent en prendre une idée juste, et il est souvent mis à contribution par les voyageurs mêmes qui, en revenant de la Chine, y trouvent leurs observations toutes faites. Effectivement, tant d'ouvrages: qui ont paru sur les mêmes contrées depuis celui-là, n’ont pas ajouté beaucoup de faits importans à ceux donë se compose ce vaste et intéressant répertoire.. 028 Nouvelles littéraires. La collection que nous annonçoris sera pour le Japon etles pays voisins, ce que la compilation du P. Duhalde est pour la Chine et la Tartarie chinoise. Elle aura même sur cet excellent recueil l’avantage de jeter les premières lumières sur des pays moins connus, et dont l’accès est entièrement fermé aux étrangers. Un autre avantage sera d’être uniquement rédigé d’après les livres du pays, dont nous tenons à notre disposition une col- lection des plus précieuses. Les matériaux puisés à des sources aussi authentiques ne sauroient être comparés à ces journaux de voyageurs, à ces relations toujours in- complètes et superficielles d’observateurs ignorans , ou qui n’ont pas eu le temps ou les moyens d'étudier l’his- toire du pays qu’ils décrivent. La simple énumération des parties dont se composera notre description fera juger, mieux que tout ce que nous en pourrions dire , de importance des documeus qu’elle contiendra. 10 Géographie. La description des îles du Japon , des Lieou-K hieou , de la Corée, et dela terre Yeso , avec la division des provinces, le tableau des villes et des bourgs ; leurs distances respectives, leur population, etc. Cet article, entièrement neuf, et infiniment plus com- plet que les essais de Kaempfer, Charlevoix et Thun- berg , est tiré dela Grande Encyclopédie japonoise in- titulé Va. Kan. tsan tsaï tsou ye. On y trouvera la tyaduction de excellente carte de l'empire japonois, publiée en 1778, en quatre grandes feuilles; 20 le Rou- tier général du Japon, dans la forme de la table de Peu- tinger ; 30 les cartes particulières de la Corée, de Yeso, et des îles Lieou-Khieou inhabitées; ces cartes sont ti- Histoire du Japon. 529 rées de la description dés trois royaumes, imprimée en japonois, à ledo, en 1758. 20 Topographie. Cette partie contient la description figurée des monumens, temples, ponts, tours, des pa- lais impériaux et pontificaux des villes de Meaco et de Tedo, etc, ; les plans particuliers des villes et des terri- toires de Nagasaki , Osakan, etc.; des lieux de péléri- nage, des factoreries européennes et des autres places de commerce les plus célèbres, beaucoup de vues , quel- ques paysages gravés au trait d’après les dessins origi- naux, etc. 3° Histoire. La table chronologique comparée des empereurs ecclésiastiques et militaires, ainsi que des princes provinciatx , avec les Nengo , ou noms de règnes, et les synchronismes chinois, sera suivié de l’histoire détaillée des empereurs japonois, tirée des Grandes An- nales, manuscrit en soixante volumes qui se trouve à la Bibliothèque du Roi de France, et du Nipon Ki, qui est en la possession de M. Abel Rémusat, membre de l’Institut de France , et professeur de chinois et de tar- tare au Collége Royal de France. 4 Religion. On trouvera dans cette partie de Pou- vrage l’exposé des trois principales croyances établies au Japon, l’introduction de la doctrine des lettrés chi- nois, celle de la croyance aux esprits, l'établissement | 4 de la hiérarchie japonoisé, et celui de la secte indienne de Boudso (Bouddhah); le tableau de la mythologie de ces trois sectes , avec un grand nombre de figures repré- sentant les principales divinités , les cérémonies , les sacrifices, etc. 5° Gouvernement. On placera ici énumération des officiers de la couronne et des employés de toute espèce , 350 Nouvelles littéraires. tant religieux que civils et militaires, leurs grades, fonc- tions, prérogatives, émolumens et marques distinctives ; l’histoire genéalogique des familles nobles avec leurs armoiries , leurs possessions territoriales; le cérémonial de la cour, les attributions des gouvernemens, l’admi- nistration des princes, les revenus de l’état, les rede- vances , les impôts, les douanes, etc. 6° Monnoies. Cette partie comprendra l’histoire des monnoies qui sont ou qui ont été en usage au Japon, avec la suite complète de ces monnoies gravées en cuivre, leur valeur , explication des inscriptions qu’elles por- tent; les poids et les mesures de longueur , de capacité, géodésiques , etc. 7° Civilisation. Le tableau des mœurs et coutumes des Japonois, sera suivi de l’histoire des inventions dans les sciences , les arts mécaniques et libéraux, tirée d’un ouvrage spécial intitulé Wa tsi zi, de la description des fêtes, cérémonies, usages particuliers, des mariages, des funérailles, des repas et autres particularités de la vie civile, des examens, de l’admissionaux emplois, etc. 80 Littérature. On trouvera ici la grammaire japo- noise , la méthode de lecture et les différens syllabaires, les règles de prononciations , des exemples de traductions littérales avec les textes originaux , le tout tiré de diffé- rens ouvrages japonois, et en particulier des notes de M. Sin sou Kolotekhyn , natif de la ville de Tsey, pro- fesseur de japonois à Irkountsk , en Sibérie, et suivi d’une analyse de l'Encyclopédie japonoise, avec un indes syllabique servant de vocabulaire , pour faire connoître à-la-fois la langue et le système scientifique et littéraire des Japonois. 9° Industrie et Commerce. Le tableau du commerce Histoire du Japon. 551 _ des Chinois ct des Hollandois avec le Japon, et Phistoire des entreprises des Russes sur la terre de Yeso; des i remarques sur le trafic des pelleteries , et les autres ob- jets qui peuvent attirer les Européens dans les contrées qui sont au nord du Japon , jusqu’à la côte nord-ouest de l'Amérique, sera suivi de détails très-circonstanciés sur les arts mécaniques et industriels , les machines, les procédés particuliers , la récolte du thé, la fabrication de ‘la porcelaine , l’exploitation des mines de cuivre, d’or, etc. , les étoffes, Le papier , l'imprimerie, les armes, etc. 10° Animaux et Productions. L'histoire des quadru- pèdes , oiseaux , reptiles, poissons, mollusques et in- sectes particuliers au Japon, des arbres, des plantes, des minéraux , comprendra l'indication détaillée des propriétés et usages spéciaux de chacun d’eux, dans la médecine, les arts, le commerce des Japcnois et des peuples voisins. 119 Enfin, l’on donnera dans une partie supplémen- taire l’Æéstoire particulière de la Corée, des différens royaumes qui ont existé dans ce pays, la langue de ses habitans, leur écriture, le tableau de leurs usages, etc. L'ouvrage sera terminé par une table des matières très-détaillée. Nous croyons utile d’avertir le public que les ma- | tériaux contenus dans cet ouvrage n’ont absolument rien de commun avec les essais de traduction de M. Titsingh; ce respectable voyageur n'ayant jamais eu qu’une con- noissance très-imparfaite du japonois vulgaire, et ne onnoissant nullement les caractères chinois, dont les 4 Japonois se servent dans presque tous leurs livres, ' n’avoit exécuté ces essais qu’à l’aide d’un interprète ja- à ponois nommé Xwtsky Massatsna. Cette circonstance 532 Nouvelles littéraires. explique les nombreuses imperfections et les fautes graves qui lui avoient échappé , et dont nous pourrions fournir un grand nombre de preuves tirées des notes manuscrites dont il a enrichi les livres sur lesquels il travailloit, et qui sont maintenant en notre possession. La protection spéciale accordée aux rédacteurs par les personnes éminemment recommandables , et les secours qui sont assurés pour l'impression de cet ouvrage et la gravure des planches dont il sera accompagné , garan- tissent au public la publication prompte et non inter- rompue des différens fascicules dont il se compose, et dont chacun sera annoncé par un prospectus particulier. THÉATRES. L'Académie Royale de Musique, vulgairement dite le Grand Opéra, laisse de temps en temps dans ses. magasins les poignards , les coupes empoisonnées et les torches des démons. Le Rossignol, en imitant le Devin du village, a prouvé que le galoubet champêtre plaisoit autant que les clairons de Melpomène. La plupart des ballets gracieux ont réussi beaucoup mieux que les pan- tomimes héroïques. i Les Jeux Floraux étoient un sujet digne du Grand Opéra, autant par la pompe qu'il offroit au spectacle, que.par l’intérêt que devoit inspirer le nom de Clémence Isaure ; mais ce n’est pas tout à l’Académie royale de Musique , que de savoir charpenter des pièces à intérêt : le mélodrame nous a gâtés! et à l’intérêt dramatique, il faut joindre de la poésie. Nul n’étoit plus poète que QuixauT; st sa morale lubrique, quoi qu’en dise le sévère Despréaux, étoit exprimée dans des vers que Racine, le poète du cœur, n’eût pas désapprouvés. Théätres. 355 Nous nous bornerons à dire que lauteur des Jeux Floraux ne s’est pas montré à la hauteur de son sujet, et que, sans une admirable décoration de M. Crcerr, et un charmant ballet de Gardel , la pièce auroit bien pu éprouver un funeste sort. La musique de M. Aymon ne doit pas être enveloppée dans la disgrâce du poème; M. Aymon a eu le mal- heur, pour être prôné, de n’appartenir à aucune école, de n’être d'aucune cotterie musicale : c’est une raison pour que le public lui sache gré de ce qu’il a fait de bien : la meilleure école, c’est la nature; et comme le goût n’est d'aucune cotterie, il réussira bien plus gé- néralement, en continuant sa carrière comme il l’a commencée. Les Grâces et les Muses vieillissent beaucoup, disoit une femme d’esprit. En effet, je naime pas à voir nos régents du Parnasse mettre du rouge et des mouches à Thalie, et nous offrir pour nouveau ce qui étoit à-peu- près neuf dans leur jeunesse. Nous ne sommes pas tous aussi ignorans qu’on pourroit le croire, et nous ayons vu cent fois chez Audinot le Manteau dont on vient d’affubler le théâtre François. Si c’etoit un jeune homme qui eût fait ce vol, on auroit crié au larcin! on auroit dit que les nouveaux auteurs n’ont pas d'invention, qu'ils pillent partout; en vain il auroit: répondu comme Molière : Je prends mon bien où je le trouve; on ne lui eût point fait grâce. Mais l’auteur des Phare vient de faire là une mau- vaise étourderie, et c’est le cas de dire qu’il auroit dû garder les Manteaux. 554 Nouvelles littéraires. Je viens d'annoncer la chute de deux maitres, et je vais proclamer des succès d’écoliers. La Fenéire secrète, où une Journée à Madrid , est l'ouvrage de deux débutants : paroles, musique, tout a réussi; c’est un imbroglio que l’on auroit tort de vouloir analyser. Un mari infidèle, une femme jalouse, une leçon conjugale; on voit de cela partout; mais un. dialogue spirituel, une musique naturelle et vive, cela ne se trouve pas trop souvent : voilà ce qui a fait réussir MM. xxx, Comme Sganarelle dit qu’il y a fagots et fagots, il y a aussi journalistes et journalistes. Celui que les au- teurs du Tour de Faveur ont mis en scène au théâtre Favart, est sans doute un être de raison, Ze vilain idéal de l'écrivain périodique. Je n’ose pas croire qu’il y ait un être aussi vil, un personnage aussi méprisable parmi j faiseurs de feuilles à quatre sous. i Le Frélon de l'Écossaisé est seul au-dessous du ver- pr de la pièce nouvelle. Cette bluette, qui n'offre ni intrigue ni action, pétille de vers piquants. Flle a eu un grand succès dù à de nombreuses épigrammes : si elle se soutient, ce sera par le scandale. | Qu'est devenu l’heureux temps où l’on appeloit le Vaudeville la boîte à l'esprit? L'enfant malin a fait comme Pandore; il a levé le couvercle; car la boîte est A Ari vide : je ne sais pas s’il reste au fond quelque chose de semblable à Pespérance. | L'esprit ne va pas sans le goût, et les misérables rébus, les tristes jeux de mots, les narcotiques flon- flons qui forment maintenant le fonds de boutique du Vaudeviile, ne ressemblent guère à ce que l’on y va chercher. he at a Er ne de Théätres. 3355 La Route d'Aix la Chapelle est une triste preuve de ce que nous venons d’avancer. Les Brigands des Alpes n’offrent pas une conception neuve; le même sujet avoit déjà eu peu de succès au Vaudeville , sous le titre de Za Duègne et le Valet. Cependant cette petite pièce, où il y a plus d'esprit que de gaité, a obtenu un sursis à son enterrement, que provoquoient des marques d’improbation assez pro- noncées. Le théâtre des Variétés est devenu décidément la suc- cursale du Vaudeville : on wy rit plus de ce gros rire qui désopiloit la rate, et qui faisoit ordonner à cer- tains malades par leurs médecins d’aller y chercher une dose de santé. L?’ Hótel des Quatre-Nations, malgré l'intérêt du sujet, a paru une caricature assz pâle d’un grand évè- nement. Le Fifre du Roi de Prusse est un réchauflé de trois ou quatre vaudevilles. Celui-ci n’est remarquable que par beaucoup d’inconvenances qui ne sont pas assez rachetées. Il n’est pas si facile qu’on le pense de faire parler des Rois, et surtout: dés Rois comme Frédé- ‘ric IT, qui étoit en même temps guerrier, philosophe et poète. : EXTRAITS ET NOTICES. PHILOSOPHIE. ESQUISSE p'un Essar sur LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES, contenant un nouveau projet d’une division générale dés con- noissances humaines (1); par M. Marc-Anroine Juccren; de Paris, chevalier de la légion-d’honneur , membredé la société Philotechnique de Paris, de la société royale dés Antiquaires de France , de l’Académie Virgilienne de Mantoue ; etc. « Les lumières chassent les, erreurs, ` » fixent les principes, amènent la vérité...; » ellės: doivent mettre-la MÉTHODE à dla » place de la routine, les COMBINAISONS » à la place du kasard. » GUIBERT , Essai général de tactique. I. Inrropuerion. — Lorsqu'un projet vaste et utile est venu s'offrir à la pensée d’un homme ami des hommes; lorsque Pauteur de: ce projet a pu le soumettre, aprèsil’avoir müûri ‘pari la médita- tion j à, plusieurs juges éclairés , et.s’appuyer sur leur suffrage, il éprouve le besoin de développer les idées qu’ila conçues, d’en (1) Get écrit, composé depuis plusieurs années, renferme l'introduction et le plan d’un ouvrage projeté et commencé en 1800 ( dans Pan VIII), repris et rédigé en partie dans les années 1806, 1807, 1808, et dont quelques feuilles avoient été im- rimées en 1810, chez Firmin Didot; annoncé dans les notes de PEssai général d'éducation, et de P Essai sur Pemploi du temps ( Paris, 1809 et 1810) , et dans l'Esprit de la méthode ďd’éduca- tion de Pestalozzi (tom. II. pag. 203-205; Milan , 1812 ) ; tou- jours interrompu par les cruelles vicissitudes qui ont poursuivi Pauteur. Il dépose ici quelques-unes des principales vues de son ouvrage , qu'il espère pouvoir développer plus tard, lorsqu'il aura le loisir de reprendre et de terminer enfin ce travail. Philosophie. 337 montrer l’origine , la liaison , les conséquences , le but , et surtout de faire entrevoir et apprécier les utiles résultats auxquels peut „conduire leur application pratique. Les plus belles théories demeurent stériles dans le cerveau de leurs inventeurs , si l'application et l'exécution ne leur donnent pas un caractère dé fécondité. - Mais , si des circonstances contraires , des Voyages , des occu- pations d’un genre absolument opposé, des vicissitudes et des malheurs sans nombre n’ont point permis à l’auteur d’une idée ou d'une méthode nouvelle d'exposer tous les développemeus dont elle seroit susceptible ; si sa vie, long-temps errante, précaire, livrée à dés travaux pénibles qui desséċhoient son esprit au lieu de l'exciter et de le nourrir, n’a été qu'un douloureux exil dans des contrées étrangères , loin du beau ciel de la patrie, loin de l’asyle où il auroit voulu recueillir ses pensées , loin des bons ouvrages et des hommes judicieux "et instruits qu’il auroit eu besoin de con-: sulter; s’il n’a vu, pendant vingt-cinq années , aucun terme à cette existence, destructive de ses facultés, incompatible avec toute espèce de méditation suivie , avec la liberté et la tranquillité” nécessaires pour exécuter un travail de longue haleine, il a dû saisir au moins quelques heures fugitives , et ne pas se priver tout entier de la meilleure partie de lui-même , ‘des pensées qu'il avoit consacrées aux moyens de servir l'humanité. Tl à déposé sur le papier, sinon l’ensemble du projet qu'il avoit concu , ét dont il étoit toujours forcé d’ajournér l’exécution , du moins une ébauche imparfaite de ce projet, qui pourra suffire à quelques’ bons esprits pour s’en former une idée, pour apprécier ses pt gr pour le <ônduirg à son point de maturité. C’est par ce motif et dans ce dessein que j'éntréprends aujour- dhui de tracer et de publier’ quelques vues préliminaires d’un Essar SUR LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES, Contèhant l'exposé d’une méthôdé d'analyse philosophique , dont l'application simple et facile’ paroît devoir imprimer aux connoissances humaines, cône binéés et coordonnées entre elles, une direction meilleure ét mieux entendue ; ét procurer les moyens de ue leur marche’ plüs sûre et plus rapide. Tel este sujet d'im ouvrage auquel j’aurois aimé À pouvoir Tome FI. Dreni 1818. 22 338 | Philosophie. consacrer vingt années de ma vie, en m’entourant des conseils et des lumières de beaucoup d’hommes instruits , puisque je dois traiter de l’ensemble de nos connoissances , des progrès naturels et possibles de Pesprit humain , et que je ne puis néanmoins me dissimuler ma profonde et trop réelle ignorance. Il devient ici nécessaire de prévenir une objection que mon aveu même fait naître. Comment un homme dont l'instruction , en fait de connoissances positives , est très-incomplète, par l'effet des circonstances qui ont entraîné, englouti , dévoré sa vie, sans lui laisser aucun moyen de satisfaire au besoin qu'il éprouvoit de s'instruire, peut-il se flatter de contribuer efficacement aux progrès des sciences et de l'esprit humain? Il est donné à quelques hommes dont les- dispositions natu- relles sont favorisées par l’influence de la sphère dans laquelle ils vivent, et dont la destinée est analogue à leur destination , de se livrer, avec une patience courageuse, à l’étude d’une science particulière. Leurs travaux parviennent à reculer ses limites : ils se bornent à observer et à recueillir, dans les autres sciences, les faits et les observations qui ont des rapports avec celle dont ils s'occupent spécialement; car , le véritable savant ne doit rester absolument étranger à aucune des connoissances humaines qui se touchent par tous les points et s’entrecroisent dans toutes les directions. D'autres hommes qu’une sorte d'instinct entraîne vers l'étude et l'observation , mais dont la destination et les penchans, en opposition avec leur destinée, sont étouffés par la situation dans laquelle les ont placés Ja nature et la société, ne peuvent suivre constamment une même direction , ni se renfermer dans la sphère d’une science pour l’étendre et l'agrandir. Supposez un de ces hommes, lancé tour-à-tour dans des çir- constances , dans : des contrées , dans, des carrières différentes , obligé de modifier ses travaux » Suivant son genre de, vie et la nature de ses fonctions. Jl ne peut s'attacher à aucune, science pour l’exploiter et l’approfondir ; mais un besoin impérieux le tourmente : celui d’ajouter chaque jour à son. instruction, de cultiver et de fortifier son esprit, d'appliquer ses pensées à des objets utiles, de payer son tribut à la société. Il cherche ni Philosophie. 339 alors à se dédommager de ce qu'il lui est interdit d’étudier une branche particulière des connoissances humaines, en parcou- rant l’une après l’autre, suivant les occasions , les hommes et les lieux , les différentes provinces du monde intellectuel; il ob- serve successivement les productions propres à chacune d’elles , les lois et les méthodes qui leur sont communes , les rapports qui les unissent, les barrières qui les séparent , les nuances et les modifications qui les distinguent, les degrés d'avancement et de perfectionnement qu’elles paroissent pouvoir atteindre. Il s'applique enfin à trouver les moyens de leur communiquer une impulsion plus rapide. : Si aucune science n’a pu rendre d’importans services à l'espèce humaine qu'après avoir été détachée des autres et cultivée à part; si la division des sciences doit être considérée comme le principe , la cause et la condition de leurs progrès, tandis que leur réunion , leur combinaison , les communications et les échanges établis entre elles, ont permis de puiser, dans les unes, les secours et les moyens de direction dont les autres avoient besoin : ne pourroit-on pas admettre aujourd’hui, comme une branche particulière et spéciale des sciences, celle qui auroit pour objet de les observer toutes, séparément et à-la-fois, pour les rapprocher, les comparer, pour saisir leurs caractères dis- tinctifs , ou leurs différences essentielles , et leurs points de contact et d'union? C’est cette science qu’on pourroit appeler LA PHILOSOPHIE DES sorencEs , dont le chancelier Bacon avoit conçu l’idée, posé les bases, publié les élémens. Elle convient surtout à notre époque et à notre siècle. Tel homme peut manquer de connoissances positives, et négn- moins être éminemment doué d’un esprit philosophique , propre à lui suggérer des méthodes utiles pour faire avancer les sciences même qui lui sont étrangères. Encouragé par l'approbation de plusieurs hommes distingués auxquels j'ai soumis les idées et le plan qui doivent présider à la composition de mon travail, je mé hasarde aujourd’hui à présenter aux amis des sciences quelques-uns des matériaux , et, 540 Philosophie, pour ainsi dire, l’échafoudage de l'édifice qu’il ne m'est pas encore permis d élever. ` Pose espérer qu'ils accucilleront et contribueront à perfectionner la méthode pratique dont j je fais entrevoir la nature , l'esprit et le but. Si l’exposiion de mon plan ne porte pas une entière con- viction dans leur esprit; si même ils croient y distinguer une théorie plus „Spécicuse que fondée , un vain, produit de lima- gination plutôt qu'une méthode rigoureuse, ils conviendront du moins, que l'ensemble du plan caractérise éminemment un ami des hommes et des sciences ; qu’au milieu de quelques erreurs , il a pu rencontrer d’utiles et importantes vérités ; que son en- treprise. mème , quelque vaste qu’elle soit , deviendrait d’une exécution facile, si elle étoit adoptée par un de ces chefs des nations qui n’ont qu'à vouloir fortement. pour faire le bien , et dont la puissance est un immense Jeyier pour exciter Pactivité: des hommes placés sous leur influence ; pour mettre en. action les verius ou, les vices, le génie ou la, médiocrité, pour faire avancer ou reculer la civilisation. Mais, je prie ceux qui ne vou- droient voir, dans mes idées qu'une chimère plus ou moins sé- dhisante de, ne pas me juger légèrement et de se rappeler que le rêve d'un ami de humanité a toujours quelque chose de res- pectable. Alors mème; la pureté des sentimens , la noblesse des motifs qui inspirent un écrivain doivent lui servir d'excuses et semblent lui donner des droits à l'indulgence et à la bienveillance de ses lecteurs. e sati Jai éié, conduit à l’idée fondamentale de L’EssAr SUR LA PHI- LOSOPHIE DES SCIENCES , par Ja pratique, prolongée pendant vingt années, d’une méthode d emploi du temps , qui consiste à reçueillir par écrit, à meitre en opdie, à conserver toujours” à sa disposition Jes principaux, résultats de sa vie. Comme je me rendois compte, à-peu-près tous les jours, ou du moins à des in- tervalles très- rapprochés, des divers emplois de mes instans , au milieu, d’une vie toujours pleine et occupée, dépendante , Va- gabonde, surchargée de travaux, d'embarras; d affaires , de per- sécutions, de chagrins, de malheurs ; et comme j'écrivois „ên marge de mon jouraal ou mémorial ; une courte- analyse du SR de ee ET 1 A Hj Philésophie. 341 sujet de chaque article, où bien un simple mot de recherche, à l’aide duquel je pusse facilement le retrouver au besoin ; comme je rapprochois ensuite tous les articles écrits sur un même sujet, au moyen d'une table alphabétique et analytique des matières traitées dans ehaque journal, j'avois une sorte de compte ouvert pour chacune des connoissances humaines sur lesquelles j'avois l’occasion de recueillir quelques notions par lobservation , la conversatiôn , ou par la fecturé, et pour chacun des objets auxquels j’appliquois successivément ma pensée. Je pouvois, avec les mots de recherche et les ‘numéros de renvois établis entre les articles qui avoient entre eux quelque analogie, lire un journal particulier d’une époque de ma vie, sous un rapport déterminé, puis sous un autre; ce qui me permettoit de parcourir beaucoup d'objets différens ; sans les mêler ni les confondre; den acquérir des idées nettes et justes > quoique en général incomplètes, et plus souvent ‘superficielles que profondes; de les comparer à d’autres, dé cmv'élever ainsi à des vues générales, en considérant tour-à-tour une grande variété de sujets, et le même sujet sous plusieurs points.de vue. Les avantages que m'a procurés cette méthode; au milieu même desi circonstances les moins favorables à l'instruction , dans le tourbillon d’une vie militaire , toujours errante et active , m'ont déterminé à proposer aux jeunes gens amis de l'étude et surtout de Pordre , le même moyen dont j'avois long - temps éprouvé l’utilité (r). Ils en tireront facilement un meilleur parti a 4 (1) La méthode dont il est icf question se trouve développée dans l'ouvrage intitulé : EsSA1 SUR'VEMPLOI DU TEMPS ; ou Méthode qui a pour objet de bien régler l'emploi du temps , premier moyen d’être heureux ( seconde édition , Paris, 1810.) Une traduction du même ouvrage, en langue allemande, par M. le professeur Schulthess, a été publiée à Ratisbonne , en 1811. Daris ki années 1812 èt 1813, l’auteur de l’Essai sur V Emploi dutemps , a fait paroître successivement deux pelits livrets destinés à fournir des instrumens pour appliquer la méthode qu'il avoit proposée: 1° le Mémorial portatif universel, ou livret - pratique d'emploi du temps , composé de tablettes affectées aux six divisions principales de la vie journalière, dont elles servent à reeneillir et'à conserver les régultats, (Une troisième édition de ce Mémorial ; sous le titre 342 Philosophie. que je mai pu le faire, parce qu’ils auront l'instrument tout disposé, la règle et le compas placés, pour ainsi dire, dans leurs mains , tandis que j'ai dû faire de longs essais avant d’arriver à un certain degré de perfection. Cette méthode demploi du temps, quoiqu’elle ne fût encore qu’une ébauche très-imparfaite, a néanmoins été comme le pre~ mier degré de l'échelle par laquelle je me suis élevé à des re- cherches et à des considérations générales sur la marche de Pesprit humain et sur les sciences. Les mémoriaux , ou recueils de faits et d'observations , dans lesquels j’ai déposé successivement les expériences de ma vie, les résultats de mes réflexions, et beau- coup d'instructions puisées dans l’expérience des autres, qui présentent moins des leçons froides et stériles que des tableaux vi- d’Agenda général, a été publié à Paris, en 1815. — La Gazette littéraire d'Iéna , du mois de juin 1816, et plusieurs autres jout- naux d'Allemagne en ont annoncé avec éloge une traduction alle- mande, par M. le conseiller aulique Shæck , qui a été publiée à Tubingue ) ; 2° Le Mémorial horaire , ou Thermomètre d’emploi du temps , auquel l’auteur a donné le nom de BtomÈTRE , instrument pour mesurer la vie , livret composé de tablettes qui permettent de recueillir, en une minute et sur une seule ligne, pour chaque intervalle de vingt-quatre heures , les divers emplois et les princi- paux résultats de la vie, pendant le même espace de temps. Ces ouvrages, ainsi que l'Esprit de la Méthode d'éducation de Pestalozzi, par le même auteur, se trouvent chez Baudouin frères , libraires , rue de Vaugirard , n° 36. On en fait ici men- tion, parce que le nouvel essai dont on présente le squelette et esquisse , n’est que la continuaiiôn et devra être le complément des essais qui ont précédé. C’est toujours la double question de Vemploi du temps et de l'éducation, ou de la formation de l’homme, reproduite sous de nouveaux points de vue. On a cru convenable 1 rappeler comment l’auteur a été conduit, par la nature de ses observations et de ses travaux, à des considérations générales et philosophiques sur l’ensemble des sciences et des arts. Comme il n’a jamais cessé de consacrer ses loisirs à la recherche des moyens de perfectionner l’homme, l’éducation , les méthodes d'enseignement , et d'accélérer la marche des sciences, il peut avoir, sous ce rapport ; quelques droits à solliciter, de la part des hommes judicieux et instruits, nn examen réfléchi de l’ébauche imparfaite qu'il prend la liberté de leur soumettre , dans la seule vue de s’aider de leurs lumières pour corriger et terminer le travail qu’il a entrepris. Philosophie. 345 vans et animés, Où se reproduit, comme dans un miroir fidèle, tout ce que j'ai vu et remarqué d’intéressant et d’instructif, mont fourni des matériaux variés pour les divers travaux dont j'ai voulu m'occuper. L’esquisse qui va suivre est elle-même extraite en partie de ces mémoriaux. Elle est un des produits de ma vie méditative ou intérieure , et de ma vie extérieure et active. La Méthode nouvelle de lecturts et d'études combinées et coordonnées , que je développerai dans mon ouvrage, en pro- posant de l’appliquer, d’une manière générale , pour l'utilité des hommes jaloux de s'instruire , et pour l’avancement des sciences , n’est point une simple théorie. J’ai commencé par en faire essai , dans un cercle peu étendu, avec un petit nombre de collabo- rateurs : les premiers résultats que j'ai obtenus m'ont fait pré- sumer favorablement de sa bonté. II. IDÉE GÉNÉRALE, PLAN ET BUT DE L'ESSAI SUR LA PHILOSOPHIE DES SCIENCES, Je me propose de rechercher comment on pourroit donner une meilleure direction et imprimer une plus grande aetivité ‘aux travaux et aux efforts individuels qui ont pour objet Yavan- cement des sciences et des arts. Déterminer les facultés de Pesprit , qu’il est nécessaire d'as- socier et de combiner pour faire avancer les sciences et pour obtenir des découvertes ; — rechercher les moyens de tirer le meilleur parti possible de ses études et de ses lectures, pour -cultiver et développer ses facultés intellectuelles et pour acquérir des connoissances positives , aussi complètes que la nature des choses le permet; au lieu d’accabler , pour ainsi dire , son esprit sous le poids d’une érudition indigeste qui le rendroit inca- pable de rien produire; — assigner le véritable but des: con- noissances humaines et des productions de l'intelligence , le caractère essentiel des découvertes et leur principal objet, l'a- doucissement , l'amélioration de la condition humaine; — ex- primer leur loi de génération, démontrée par des faits, ou les causes qui contribuent à les produire; — indiquer les moyens de multiplier ces causes productives , et, par une conséquence nécessaire , leurs effets , ou d'obtenir un plus grand nombre de dé- couvertes utiles à l'humanité; — faire apprécier les circonstances 344 Philosophie. ‘qui peuvent favoriser, dans notre siècle, l’application de ce moyen ; — calculer et signaler, pour les combattre et pour diminuer leur puissance, les principaux obstacles qui semblent s'opposer aux progrès des sciences et des arts : — telles sont les considérations préliminaires qui serviront de bases à mon travail. Ces vues générales nous conduiront à l’exposition d’une mé- thode pratique de lectures et d’études coordonnées entre elles , qui permet de lire, dans un espace de temps déterminé, un plus grand nombre d'ouvrages qu’on ne le fait ordinairement, et de les lire avec plus de fruit. Je tächerai de faire comprendre comment on peut rendre générale l’application de cette méthode au profit des savans , des jeunes gens, et même des hommes du monde , par l’usage d’une sorte de langue analytique , ou d’une collection de signes convenus, destinés à procurer , dans les relations scientifiques, philosophiques et littérairés ,les mêmes avantages que la monnoie, les lettres de change , les poids et les mesures procurent dans les relations commerciales. Je pro- poserai, dans la même vue, le modèle d’un bulletin bibliogra- phique, qui feroit participer chacun des coassociés de notre entreprise littéraire aux recherches et aux lectures de ceux qui s'appliquent à la même branche des sciences que lui. Pex- poserai enfin les effets qu’on a déjà obtenus par l'emploi d’une semblable méthode d’études et de lectures coordonnées; ap- pliquée dans un cercle étroit, seulement à des onvrages histo- riques et à quelques considérations positives, morales et politiques, et j'espère montrer la possibilité d’en faire une application plus utile, dans une sphère plus étendue , avec un plus grand nombre de collaborateurs. Ici se terminera notre première partie. Les idées qu’elle ren- ferme seront une sorte de préparation. à la seconde , dans la- quelle nons mettrons, pour ainsi dire , notre méthode en action. Cette seconde partie présentera, pour le développement de nos vues : | 3° Un précis analytique de la philosophie et des ouvrages de Bacon, dont les recherches sont dirigées dans le même esprit et vers le même but que les nôtres ; . 2° Une série de quelques principes ou lois générales, suscep- Philosophie. 345 tibles-@’être appliqués et vérifiés dans toutes les branches des connoissances humaines, qui peuvent servir de: fondemens à toute espèce de méthodes , et particulièrement à celle que nous exposons ; 3° Une classification nouvelle et raisonnée des sciences, qui doit nous fournir la carte des pays dans lesquels nous conduisent os recherches, la connoissance des. routes qu'il convient d’y suivre , et les moyens de nous y diriger; 4 Un projet encore informe, et seulement ébauché, d’un alphabet scientifique et philosophique, à l’aide duquel il paroît possible de rendre plus faciles, plus actives, plus fécondes en résultats les communications entre les hommes instruits et ob- servateurs (1); 5° Un projet d'organisation d’une sorte de légion ou d’asso- ciation scientifique, destinée à mettre à exécution ce que j’oserois appeler un plan de-campagne dans le monde intellectuel ; c’est-à- dire, à faire ‘de nouvelles conquêtes ou des découvertes dans les différentes branches des sciences (2) ; (1) « Peut-être seroit-il utile aujourd’hui d’instituer une langue écrite qui , réservée uniquement pour les sciences, n’exprimant que ces combinaisons d'idées simples qui se retrouvent exactement les mêmes dans tous les esprits, n’étant employée que pour des raisonñemens d’une rigueur logique , pour des opérations de l’entendement précises et caleulées, fût entendue par les hommes de tous les pays, et se traduisit dans tons les idiômes , Sans s’altérer, comme eux, en passant dans l’usage commun ..... Ce genre d’écriture deviendroit , entre les mains de la philosophie, ün instrument utile à la prompte propagation des lumières , au perfectionnement des méthodes et des sciences. » ( CONDORCET , £squisse d’un tableau historique des progrès de l'espritihumaïn. ) (2) Jaime à pouvoir citer l'exemple du savant et respectable Lavoisier , qui a employé , pour l'avancement de la chimie, une sorte de combinaison d’'homines instruits , Hvrés à l’étude ‘de cette science , auxquels il donnoii l'impulsion. Des conférences avoient lieu entre eux trois fois par semaine : on y déterminoit la marche à suivre pour interroger la nature, Pordre des travaux, la ma- nière de conduire les expériences. On arrêtoit d'avance les séries de problèmes à résoudre, les recherches à faire „les moyens à employer: on s’animoit, on s’éclairoit, on s’aidoit mutuellement. — C’est ainsi qu’en six ans on a fait faire à la chimie plus de progrès qu’elle n’avoit faits depuis un siècle. A 346 Philosophie. 6° Enfin, un résumé général, contenant l’ensemble des vues qui doivent animer les coopérateurs de l'entreprise, simple et facile dans ses moyens d'exécution, vaste et utile dans ses ré sultats , que nous proposons avec confiance aux amis des sciences et de l'humanité. — Elle convient surtout aux jeunes gens qui veulent tirer tout le parti possible de leurs facultés intellectuelles : leur âge est celui du zèle, de l’activité , de l'amour du bien , de Fespérance qui excite les hommes , de l’énergie qui les soutient et qui double leurs forces. L'idée d'organiser et de combiner entre eux les hommes qui cultivent les sciences, ne doit point faire concevoir une préven- tion défavorable contre notre plan: on s’est attaché, dans cette organisation, ou plutôt dans cctte combinaison dont notre état social fournit ie modèle , à concilier le respect dû à l’indépen- dance individuelle , élément nécessaire du génie et de la pensée, avec tous les avantages qu’on peut retirer de la combinaison et du concours de plusieurs individus associés pour obtenir, en moins de temps, des produits plus importans de leurs travaux : chacun conservera toute sa liberté de développer et d’employer ses facultés dans la sphère d’activité qu’il s’est choisie, ou dans celle qui lui est assignée par sa position. Il entre à-la-fois dans notre plan d’examiner avec attention l’état actuel des sciences et des arts , et d’en établir une classifica- tion aussi exacte et aussi complète que la nature des choses et celle de l'esprit humain peuvent le permettre. La formation de cette mappemonde intellectuelle, à laquelle seront annexées des cartes analytiques et philosophiques de chacune des connoissances humaines, considérées comme autant de provinces d’un grand empire, donnera lieu d’exposer des vues nouvelles, relatives à notre méthode, sur la nature et la marche de l'esprit humain , sur l'essence et le but des sciences. Puisque ce but, commun à toutes les sciences sans exception, est le bien-être des individus et des sociétés, les particuliers, les nations, les gouvernemens sont également intéressés à favoriser leurs progrès et à seconder les travaux des hommes qui peuvent y contribuer, Les véritables savans aiment à reculer les limites de leur empire. C’est pour leur usage qu’il importe surtout d’y Philosophie. 947 » multiplier les grandes routes ou les moyens de communication, _ les méthodes et les moyens de perfectionnement. Les ignorans eux-mêmes, les hommes légers et superficiels, qui affectent quelquefois une sorte de mépris pour les sciences et pour ceux qui les cultivent, ont un intérêt personnel à ce qu'elles reçoivent un grand accroissement ; ils ont aussi leur part dans les bienfaits que procurent à la grande famille sociale, et à chacun de ses membres , les nouvelles découvertes et les progrès des sciences et des arts. Nous traitons donc évidemment des plus chers intérèts de l'humanité , en appliquant nos méditations aux moyens de faire avancer les connoissances humaines , et détendre la puissance de Phomme sur la nature. Nous ne séparons point la philosophie des sciences de la philo- sophie morale et des sentimens religieux qui-élèvent , anoblissent , purifient notre intelligence. Car, ces sentimens, en offrant à Phomme le plus sublime modèle dans le souverain auteur de Punivers , animent toutes les conceptions par cette bienveillance universelle, dont la morale nous fait une loi, un besoin, une récompense : ils dirigent constamment les efforts de la pensée vers le bien de l'humanité , qui est l'œuvre la plus agréable au Créateur. Jose ici réclamer l'appui de votre influence et de vos hono- rables suffrages , ô vous, compagnes de nos destinées , femmes , dont la pénétration , qui est une sorte d’instinct, la sensibilité vive et profonde , qui agit si puissamment sur nos âmes, le tact fin et délicat, le jugement exquis vous appellent à prononcer sur toutes les productions de la pensée. Vos regards et vos discours ont souvent enflammé les héros , les chevaliers, les troubadours , les poëtes, les grands écrivains : vos mains leur ont distribué les palmes de la gloire. Pourquoi refuseriez-vous d'encourager , d'animer, de récompenser par votre approbation les savans, les philosophes et leurs jeunes disciples lancés dans une vaste et difficile entreprise, où l'imagination et le génie de nouveaux Colomb doit créer ou du moins découvrir de nouveaux mondes ? Il s’agit de produire, en dix ou rise années , par une meil- leure combinaison des hommes livrés à l'observation de la nature 3548 Philosophie. et à la culture des sciences, par une méthode simplifiée de W communications et d'échanges entre eux, des résultats d'avan- cement tt d'amélioration , qui, par la marche naturelle et ordi- naire des choses , ne seroient obtenus, dans les sciences, qu'après wn siécle entier de travaux. $ Le motif est pur , le sujet grand , Pintérêt universel, la ten- i tative noble et utile; le résultat, lors même qu’il ne réaliseroit pas toutes les espérances qu’on a osé concevoir , est encore digne d’exciter les amis de l’humanité, les vrais philosophes, les jeunes gens tourmentés du besoin généreux de sillustrer, en Á éclairant et en servant leur patrie. Tout se tient. Les époques \ réparatrices suivent de près les époques de convulsions et d’orages; les créations succèdent aux désastres, et s’élèvent sur les ruines. Le siècle des évènemens extraordinaires doit se montrer, aux yeux de l’avenir, et en présence de l’histoire qui déjà saisit son burin pour en tracer le tabieau , riche de tous les genres d’avan- cement social et de véritable gloire... É III. ANALYSE ET SOMMAIRES DES CHAPITRES DE L'ESSAI SUR LA PHILOSOPHIE UES SCIENCES. À À la suite des vues préliminaires qu’on vient d'exposer pour faire apprécier le plan et le but de Pauteur : donner une meilleure direction el une plus grande activité aux travaux intellectuels ; il suffit d'indiquer sommairement les titres et les sujets des cha- pitres dont sera composé l'ouvrage, et qui sont déjà en partie rédigés depuis plusieurs années. x PREMIÈRE PARTIE. . CHAPITRE PREMIER. — De deux forces intellectuelles, l’éru- dition et la méditation, à concilier et à combiner d’une manière ) nouvelle et perfectionnée, pour faire avancer les sciences: — 3 La première s'enrichit des travaux des differens siècles, con- sulte et recueille les faits des temps passés et ceux qu’elle puise dans lexpérience de chaque jour; la seconde communique aux faits bien choisis et bien observés une sorte: de fécondité: | elle en déduit des conséquences; elle s'élève des faits particuliers aux principes généraux. Il faut éviter deux écueils dans l'étude : — 1° ne point Philosophie. 549 " surcharger son esprit par des lectures trop multiplices , néces- sairement mal digérées; 2° ne point trop circonscrire la, sphère de ses lectures et de ses observations. — On doit garder un juste milieu , pour s'instruire avec méthode et avec fruit. Czar. II. — Des livres en général et du parii qu'on en peut tirer, pour procurer la plus grande force d'érudition unie à la plus grande force de méditation. 1° L’immense multitude de livres, qui nie obstruer toutes les routes des sciences, devient, sous, quelques rap- ports, un obstacle aux progrès de instruction, Il faut oser, et savoir en faire un moyen de succès, — 2° Les meilleurs ouvrages n’ofirent qu'un petit nombre de pages utiles et ins- uuctives à retenir ou à revoir; dans les ouvrages les plus mé- diocres , il existe au moins quelques lignes à recueillir et à con- sulter. —8° On pourroit , par un bon choix de faits el de pensées ;: réduire plusieurs millions de volumes à un certain nombre dé cahiers analytiques , classés d’après des séries de divisions et de subdivisions convenues pour les différentes sciences. La substance de tous les livres , de tous les produits de l'esprit humain, depuis que l’homme a pu les conserver et les transmettre de séndafién en génération , seroit ainsi réunie sous le plus petit volume possible , par un travail dont la conception ; hardie et gigantesque, semble d’abord effrayer la pensée „mais dont l’exécution peut'de- venir simple et facile par la double puissance de la division! et au concours. Les hommes d’un génie supérieur auroient ainsi à lèur disposiiqn » pour en tirer parti,. les pensées ‘lumineuses ʻ ‘lés expériences fécondes, les faits productifs en tout genre, épars” dans l’immensité des écrits que nous ont légués les sièélés- ét les peuples : chaque objet étant classé avec ordre dans: la ease où'série qui lui seroit assignée , il n’existeroit ni perte de temps; nf éon- fusion , ni embarras dans les recherches. La méditation seroit libre et active, au milieu des trésoxside la plus vaste érudition. — 4° Il faut donc oser résoudre ce problème : exploiter, en quel- ques années ; au profit de ceux qui-observent la nature, qui cùl- tivent les sciences ou qui pratiquentiles arts:, tous les livres de sciences , de philosophie.et d’histoite ;\ accumulés ou plutôt ense- : velis dans nos bibliothèques; fouiller-et remuer dans tous les sens le vaste terrain de l’histoire et des scieuces. 550 Philosophie. Cuar. III. — But commun des sciences et des arts : le per- fectionnement moral de Phomme; le bien-être ou le bonheur dés individus et des sociétés ; l’adoucissement , l'amélioration de la condition humaine sur la terre. — Coup-d’œil général et rapide'sur l’enfance des sociétés, leur. marche et leurs progrès, sur les causes de leur perfectionnement ou de l’avancement social, entravé quelquefois par une impulsion violente, momentanément rétrograde , mais qui tend toujours à reprendre son cours naturel et progressif, — Origine et berceau des nations: division du travail, échanges ; peuples chasseurs , pasteurs et nomades, agriculteurs œt sédentaires , commerçans et navigateurs. —- Tableau comparatif et rapprochement des siècles d'ignorance et des siècles de lu- mières. — Examen de cetie question : si la civilisation a été plus avantageuse que nuisible. Réfutation de J. J, Rousseau par lui- même et par une accumulation victorieuse de faits et d’observa- tions puisés dans l’histoire. — Rapports nécessaires entre les sciences et la morale : progrès simultanés de l'instruction plus généralement répandue , des richesses plus également partagées , et des vertus, ou des qualités morales et des habitudes sociales qui unissent les hommes. ` Car, IV. — Des découvertes et des inventions, et de leur objet. — Coup-d’œil général et rapide sur les principales dé- couvertes qui ont le plus efficacement contribué à l’adoucissement de la condition humaine et à l’avancement social, — Mécanisme de la parole, invention de l'alphabet, formation des langues ; calcul, écriture, dessin , imprimerie. . ... boussole, poudre à canon , paratonnerres , télégraphes , aërostats , parachutes , . . e . vaccine. . +4. etc. Caractères distinctifs des découvertes : 1° elles ne sont pas seulement inconnues , mais souvent même réputées impossibles , avant d’être proclamées par leurs auteurs , constatées par l’expé- rience et consacrées par l’usage ; cependant , elles ne sont jamais que des applications de moyens ou de procédés déjà éonnus, employés d’une manière nouvelle et inconnue. La marche cons- tante et inyariable de Pesprit humain est du connu à l'inconnu. — 2° Elles contribuent, dès qu’elles existent , et à mesure qu’elles Philosophie. 351- s'étendent gt se perfectionnent, aux progrès de la civilisation, c’est-à-dire ; au bien-être des hommes et des sociétés, quoiqu'il puisse arriver que Phomme , qui abuse des meilleures choses , corrompe l'usage des découvertes et des inventions les plus utiles, et les fasse tourner contre lui. Loi de génération des découvertes. — Trois causes principales : paraissent avoir produit les découvertes et les inventions de tout genre : 1° le hasard, où plutôt une réunion de circons- tances indépendantes de la volonté de l’homme ,+dont il ne peut analyser ni calculer les chances , infiniment variables -et indéter- minées ; 2° l'observation, qui épie et recueille les chances et: les produits du hasard , ou les. phénomènes qu’un heureux con-! cours de circonstances peut lui fournir, et qui les confie aux deux facultés intellectuelles déjà citées : à l’érudition destinée à rassembler et à conserver les faits lumineux et instructifs; à la” méditation chargée de les mettre en valeur; 3° le concours où la: combinaison bien ordonnée d'efforts individuels dirigés vers un même but, qui permet d’appliquer d’une manière générale, par des expériences mises en rapport entre elles; les faits en quel- que sorte bruts, présentés par le hasard , puis fécondés par Pob- servation et la méditation, d’où résultent des inventions ou des découvertes: y Cmar. V. — Moyens de multiplier les découvertes, en multi - pliant les causes qui les produisent. — Si chaque fois qu’on étudie l’histoire d’une découverte pour remonter à son berceau , on re- trouve l’influence et l’action des trois mêmes causes, pourquoi woseroit-on pas espérer et entreprendre de réunir, de combiner, de multiplier, chez des nations et dans un siècle très-éclairés, ces trois causes fécondes , qui paroïssent avoir concouru à produire toutes les découvertes , qui peuvent en créer de nouvelles, et qui doivent nécessairement faire avancer et fructifier les sciences? 1° Multiplier à Pinfini , avec adresse et sagacité, dans un in- tervalle de temps déterminé, les chances du hasard, ou les col- lections de faits instructifs , présentés à Pesprit humain. 2° Multiplier, dans la mème proportion , les observations appliquées à ces chances du hasard et les forces combinées de lérudition et de la méditation , dirigées d’après des méthodes, qui soient des espèces de machines ou d’igstrnmens mésniques , 352 Philosophie: et qui puissent rendre à l'intelligence les mèmes |serviges que lag p règle et:le compas rendent à la, main : fortifier ainsi l'esprit dans Pacte de l'invention, ou, suivant ee perfectionner l'art d'in- venter, 3° Multiplier les combinaisons de travaux el d ‘ ari M. duels , bien coordonnés , destinés à rendre les expériences plus générales , plus décisives , à constater. les faits de la, nature- d’où l'art peut en déduire de nouveaux qui Soient uules, à. Phomme , enfin, à créer des résultats ou dés découvertes. iii broyo ui à Chaque siècle a produit ses découvertes; dont, le. nombre et l'importance paroissent toujours, en proportion avec la masse des lumières plus ou moins abondante , plus ou moins également ré- pandue. Chaque siècle en produira nécessairement:encore et les mêmes causes-agiront. Leur degré, de force et d'intensité dépend, d’abord, des chefs des peuples et des gouvernemens; puis, des hommes les plus instruits dans chaque branche des sciences, qui doivent. étudier ces causes, les imettre.en œuvre, rechercher. et! appliquer les moyens de leur imprimer plus de, mouvement, d’action et de vie. On s’est oceupé de toutes les sciences et de tous les arts. On a négligé le grand art de créer.et d’avancer les arts.et,les sciences ; Part d'inventer, qui doit à-la-fois descendre à la dernièreanalyse, et remonter à la plus grande généralité. Miro sie de 2 i ans 2045 Cuar. VI. — Les princes souverains et. les, chefs des: états sont les plus intéressés à favoriser, les découvertes et, les inventions utiles > et tous les progrès des sciences et des arts + ils sont les., premiers à en jouir, et la gloire en rejaillit tonte entière sur eux Alexandre-le-Grand , Auguste, Léon X, François I“, Louis XIV sont redevables de l’éclat qui s s'attache à, leurs noms et, à leurs, règnes, aux grands :; hommes que leur temps A; produjis xet dont, ils ont protégé les travaux. f PN x Les rois Pepin et; Charlemagne eurent, à de usage, les, deux; premières pendules connues en Europe. Le,roi, Henri, IL porta: les premiers bas ide soie fabriqués en France. Le roi{François I°" posséda le premier carrosse qu'on eùt vu à Paris. Le gouyer-. nement actuel conserve seul encore à sa disposition les télégraphes, Philosophie. 353 “qui seront un jour étendus et appliqués aux relations commer- ciales et individuelles , et qui ajouteront à la facilité, 4 la mul- tiplicité des communications et des échanges, première cause de Ÿ tout avancemént social , comme Font fait les grandes routes , les canaux de navigation , les voitures, les vaisseaux, les postes aux chevaux ; les postes aux lettres; l'écriture, l'imprimerie, la mon- noie , les lettres de change, etc. Le génie et l’industrie sont les tributaires de la puissance et de la richesse, qui deviennent réciproquement les tributaires de ` d'industrie et du génie. Quand les talens , au lieu d’être soutenus, excités, récompensés par l'autorité, languissent négligés dans l’abandon et dans la mi- sère, et sont même souvent flétris par l’humiliation . par le mé- pris, par la dépendance, le terrain qu’ils doivent féconder demeure stérile et inculte, enseveli sous les ronces et les rnines ; le génie étouffé ne peut rien produire; la puissance n’en reçoit aucun tribut : elle se prive de son plus grand moyen de force et de son plus noble privilége, Il faut donc , pour le, bonheur. des états et pour la gloire des princes, une sainte ét indissoluble alliance entre le génie qui invente et.qui crée, le talent qui éclaire et met en œuvre iles productions du génie, et la puissance qui répañd et maintient les principes d’ordre.et de vie dans le corps social... Non-seulement ; les gouvernemens et les chefs des nations sont intéressés à voir se multiplier les découvertes ; ils le sont encore -à des mettre à la portée du public; à !les propager et à les ré- pandre. Ils en tirent eux-mêmes de :plus grands avantagés ; ils donnent.naissance à de houvelles inventions où à des perfection- nemens dontiils sont eneore les premiers à profiter. Un examen plus général ; fait par un plus grand nombre de pérsonnes, et plus publiquement , avance l’art où la science... Gast. VII. — Problème à résoudre par les amis des sciences au profit de l'humanité : « obtenir, en peu d’années, les inven- tions et les découvertes, qui, autrement , n’arriveroient qu'après plusieurs siècles. » Les avantages seroient iimménses ; qui, pourroit les contéster ? se développement des moyens à-employer doit fournir ung dé- Tome VI. Décembre 1818. 23 €354 Philosophie. -monstration mathématique de la possibilité ; de la probabilité, ~de la certitude du succès. ' Trois ciréonétances nous sont favorables : 1° Un &iècle très-éclairé , apprôvisionné d’une infinité de con- “noissances , de méthodes , de ressources en tout genre, et muni “de tous les secours que lui fournissent les travaux et les décou- vertes des siècles antéricurs. i 2° Plusieurs capitales populeuses ; centres et foyers de lumières, qui renferment un grand nombre d'hommes instruits et laborieux , d’établissemens consacrés à l'instruction publique , aux sciences et aux arts, etqui ont des moyens faciles de communication‘, soit entre elles ; soit avec les autres parties du monde civilisé. ` 5° Quelques cliefs de gouvernemens , amis des hommes! et pro- tecteurs des sciences, environnés d'hommes supérieurs dans tous les genres} fatigués des malheurs dé la guerre, éclairés sur les ‘dangers et la fatissé gloire des conquêtes, qui , après avoir posé les bases d’une päix'solide , veulent illustrer leurs noms; leurs règnes , leurs pays'et leur siècle par une gire pure et durable, rapportée au bien de lhumanité: Reprenons ces trois élémens/de succès : I: Notre siècle estune époque favorable. — Le génie de Bacon avoit percé les ténèbres, qui enveloppoient , de son temps, les contrées de l'Europe. — L'encyclopédie, ouvrage défectueux et “incomplet à plüsieurs égards , mais qui n’en est pas moins un mo- nument très remarquable des efforts de Pesprit humain’, a pré- -Senté ; de nos jours, un commencement d’exécution dù vaste plan tracé par ce grand philosophe. L'école polytechnique a'été'une “conception lieureuse de notre âgel, mais, isi j'ose le direytpas assez développée. — La disposition généralé des esprits: tend au perfectionnement moral de Phomme ‘et. à l'améliorationdes institutions publiques. Quelques individus méanmoins vôudroient faire réculer notre âge, et seroient eux-mêmes viétimes’ du mouvement rétrograde qu'ils s'efforcent imprudemment de lui imprimer. Tour se mient. Si l'instruction est moins libre et moins ré- pandue, vous aurez moins de#lumières, moins derrichesses, moins de-résultits d'avancement et de‘bieniêtre; moins d’aisance CE Philosophie. 355 dans les familles et de prospérité dans l’état; vous aurez enfin moins de justesse dans les esprits, moins d'élévation et d’étendue dans les pensées, moins d’énergie dans les âmes, moins de gé- nérosité dans les sentimens, moins d’orgueil national puisé dans la conscience de ses forces et dans un amour bien entendu de la gloire , moins d’attachement et de dévouement au prince et à la patrie, moins de talens, d'activité, de succès, dans l'agriculture, dans l’industrie , dans les sciences et-daus les arts, dans la guerre et dans la politique... Vous , qui tentez de nous replonger dans des systèmes usés par la rouille du temps ou détruits par la force des choses , avez-vous bien calculé dans quelabyme d’avilissement etde malheur nous précipiteroit le succès de vos vœux insensés ?... L'état progressif est le seul qui convienne aux nations , comme aux individus. L'état stationnaire est parcil à l’eau dormante qui croupit et se corrompt. L'état rétrograde est plein de dan- gers et de calamités. La gloire commune des grands princes fut d’ètre toujours en avant de leur siècle, de le faire avancer avec eux par la force de leur génie, ou par les encouragemens donnés aux hommes de génie qui les environnoient. Tel est aussi ie caractère, telle sera la gloire de quelques princes contemporains qui ont mani- festé , dans plusieurs circonstances , la noblesse de leurs vues, la grandeur de leurs plans , la direction de leurs pensées généreuses et créatrices... En évitant à-la-fois, et de trop s’enthousiasmer pour l’état actuel dés sciences, et de trop le déprécier , on ne peut se dissi- muler qu’elles ont fait, de nos jours , des progrès rapides. Un grand mouvement a été imprimé à l’Europe savante, comme à Europe militaire et politique; une grande impulsion a été donnée à tous les esprits, dans toutes les classes; une communication rapide et générale s’est opérée entre les peuples; i faut diriger celte activité. C’est après l’inondation du Nil que ses bords sont couverts de productions variées et abondantes. Les révolutions et les guerres sont, il est vrai, des obstacles à la marche et aux progrès de la raison humaine. Mais, dans les obstacles mème, il faut chercher des élémens de création et 556 Philosophie. de succès. La chimie apprend à la médecine à changer des poi- sons actifs en remèdes salutaires. P H. Nos capitales, si grandes ct si populeuses , comptent dans leur sein un très-granil nombre d'individus avides de s'instruire ét voués à la culture des sciences. Mais, la plupart des savans èt de ceux qui aspirent à le devenir, épars et isolés‘, se livrent séparément à la lecture et à l'étude avec moins de fruit qu'ils ne pourroient le fâire, sils avoient la faculté d'associer et de com- biner leurs efforts et leurs travaux. J} s’agit d'organiser, de di- tiger , de coordanner ces élémens , sans que personne soit détourné de ses méditations et de ses occupations habituelles, TITI. Des chefs de gouvernemens , puissans et éclairés , qui pré- sident à leur siècle et à (Europe, qui tiennent dans leurs mains les destinées de plusieurs peuples et les générations de plusieurs siècles, sont un immense levier pour arracher les hommes des ornières de la routine, pour remuer tontes les forces , dispo- nibles , pour faire avancer, grandir et circuler les connoissances. Les gouyernemens constitutionnels et représentatifs , déjà établis ou qui doivent s'établir sur di ifférens points , favorisent, par leur nature, le bre dés eloppement de l'esprit humain. Chez les François, un monarque législateur , libéral, éclairé, qui est en paix avec tous les gouvernemens de l'Europe, sent le besoin d’assuitr à sa nation la seule gloire qui lui convienne dé- sormais , celle d'offrir à la grande famille européenne le grand ci utile exemple du perfectionnement des sciences et dessarts, dirigés vers le bien dé? humanité, Nous pouvons reproduire et appliquer, d’après ces nouvelles Aonnées , les ‘trois Moyens fournis „par l'expérience, qui ont Fiadh jusqu ici les découvertes et qui ên font espérer d’autres. o Des chances du hasard multiplices à linfini „accumulées a un court espace de temps et sur presque tous les points di monde à-la‘fois. Dans ces chances du hasard sont compris } les fxits que J’appelerai productifs, riches en conséquences et en résultats, épars çà et là, soit dans les livres et dans les ou- viages des hommes, soit dans l’univers et dans les productions de la nature , et qui n’attendent qu'un coup - d'œil du génie Philosophie. . . 4 pour être convertis, par des applications savantes, en procédés utiles à l'humanité. 2° Des méthodes bien combinées, auxquelles les faits eux- mêmes servent de bases, qui soient puisées dans l'observation, la méditation et l'expérience, dirigées, vers la recherche des causes , propres à fournir des espèces de règles et de compas pour guider l'esprit, employées avec une constante persévémnce, jointe à l’activité et à la sagacité. 3° Un concours général, une heureuse association, une com- binaison régulière d’un grand nombre d'efforts individuels et, isolés , dirigés uniformément , quoique dans, des sphères dif- férentes , avec des modifications infiniment variées, par une Mé- thode bonne et sûre, vers un même but déjà signalé, Si les élémens ,„ les matériaux , les ouvriers, les devis, les plans, les circonstances existent „sachons en tirer parti; commen + cons à les mettre en œuvre. Cumar. VIII. — Trors ogsractes principaux semblent s'opposer aux progrès des sciences et retarder la marche de l'esprit humain, 1° L’isolement et la foiblesse individuelle de l’homme; 2° La brièveté de sa vie ; 3° La paresse et inertie qui lui sont naturelles. On peut opposer trois puissans moyens à ces obstacles. 1° Poùr corriger les inconvéniens qui résultent de l'isolement et de la foiblesse des individus, il faut réunir et coordonner les ef- forts d’un grand nombre d'hommes livrés à divers genres d’études. It faut offrir à chacun de ceux qui cultivent les sciences des moy eris immenses disponibles, des matériaux précieux , des ressources inépuisables, la manière de les employer; enfin, des collabo- ratéurs et des auxiliaires intelligens et actifs, qui lui procurent une grande économie de temps et de travail ; dont le concours augmente ses forces individuelles dans une proportion qu’il puisse en quelque sorte étendre à volonté. Il sulfit de combiner, dans cette vue, par une méthode simple et facile, des travaux isolés et divergens , qui recevront une impulsion et une direction communes. 2% Voulons-nous faire cesser les plaintes souvent fondées de 358 : Philosophie. ces hommes isolés qui succombent au milieu de leur carrière, tans la force de leur âge , quand ils espéroïent toucher au but de leurs travaux , qui accusent alors la brièveté de leur vie, en voyant s'évanouir le fruit des expériences d’une longue suite d'années ?.... Mettons à la disposition de chacun des individus livrés aux sciences une méthode commune de lectures , de re- cherches et d'études , facilement praticable , tendante à doubler , J'oserois mème dire, à décupler l'existence par les avantages quelle procure , ou bien à donner , chaque année, les produits de deux , de trois, et même de dix années de travaux. Voyez ces mortels respectables, qui, réduits à leurs seules forcés , ont päli sur les livres, ont pénétré péniblement dans les profondeurs des sciences , et que la mort vient frapper, lors- qu'ils sont prêts à dérober à la nature un de ses plus importans mystères. — « Si quelques années de plus, dit l’un deux, pou- voient m'être accordées , je léguerois une découverte précieuse à mes semblables. » — Notre méthode bien appliquée tend réelle- ment à prolonger la vie des hommes instruits et laborieux. Au moyen des vastes ressources placées dans leurs mains , des nom- breux auxiliaires associés à leurs travaux, ils pourront, avec dix années de recherches et de méditations , terminer l'ouvrage et obtenir les résultats qui auroïent exigé plus d’un siècle. 3° Pour remuer et secouer fortement la paresse et l’apathie irop naturelles à Pesprit humain , il faut mettre en action tous les ressorts qui peuvent lui donner de l'impulsion et de Pé- nergie. On doit communiquer une sorte de commotion élec- trique à tous les esprits et à tous les cœurs des hommes éclairés et généreux , par le tableau des résultats peu éloignés d’une vaste et utile entreprise , dont ils peuvent devenir coopérateurs. Il faut leur offrir un puissant mobile, la possibilité démontrée de réa- liser promptement les plus nobles espérances , la presque cer- titude de parcourir, en peu d’années, une immense carrière, dont accès soit rendu facile, et d'atteindre un but déterminé, d’une utilité réelle , grande , incontestable, le but le plus propre à irriter les désirs et la curiosité, à exciter , à soutenir , à ré- compenser les amis des sciences et les amis des hommes : Vex- Philosophie. . " 559g tension de l’empire de l’homme sur la nature; l'augmentation de ses moyens de science, de puissance et de bonheur. Ainsi, les obstacles qu’on a signalés se trouvent diminués et en partie vaincus. Ainsi, nous pouvons obtenir, en moins de quinze ou vingt années ; les améliorations en tout genre et les , découvertes utiles dans les sciences et dans les arts, qui, par la marche naturelle et ordinaire des choses, seroient à peine le produit lent et progressif d’une succession de cinquante ou . même de cent années de travaux. AV. B. Les bornes de ce recueil nous obligent à donner seule- ment les titres des chapitres suivans, pour faire apprécier la nature et l’étendue du plan suivi par l’auteur. Cuar. IX. — Première application, dans une, sphère peu étendue, avec un petit nombre de collaborateurs; d’une mé- thode d’études et de lectures coordonnées , appliquée seulement à des ouvrages historiques et à des recherches sur des objets dé- terminés d'avance, — Alphabet particulier des recherches his- loriques, ou collection de signes convenus, sorte d'écriture analytique et philosophique, pour appliquer- cette méthode. — Bulletin bibliographique, ou d’extraits analytiques de lectures coordonnées, pour assurer des communications régulières, pé- riodiques , promptes et faciles , entre les co-associés. — Effets qu’on peut espérer dans une sphère plus vaste, d’après l’expé= rience des succès obtenus dans une réunion peu nombreuse , où cette méthode a été appliquée, SECONDE PARTIE. Cnapirre X. — Précis analytique de la Philosophie de Bacon; esprit et but de ses recherches. — Continuation du travail ency- clopédique de Bacon , dirigé vers un but positif, au moyen d’une méthode-pratique. Cuar. XI. — De dir lois générales où vérités principes, pro- posées comme pouvant servir de bases à toute espèce de méthodes, et spécialement à la nôtre, et comme susceptibles d’un nombre infini d'applications «pratiques dans les sciences, dans les arts” dans la philosophie générale et dans la conduite de la vie. 360 Philosophie. TABLEAU ANALYTIQU E DE DIX LOIS GÉNÉRALES Qui se reproduisent dans toutes les choses humaines: x. ... Lor nu pont n'arpur.— En tout, il faubur point d'appui. 2. ... Lor DE GÉNÉRATION, ou DES CAUSES.—/Vuleffet sans cause. 3. ... LOI DE LA CHAÎNE UNIVERSELLE. — Tout se tient dans le monde. i 4. ... Lor DE LA GRADATION , Ou DE VÉCHELLE. — Tout'est série et gradation. Be... or yana Dmi Erbe 14 RÉUNION, — Th faut diviser et réunir pour créer. — La division et la réunion sont .deux principes générateurs qui doivent se combiner pour produire. 6: .... Lor es ÉCHANGES ET pu concours. — Tout est échange entre les hommes et entre: tous les ëtres. — Les échanges sont un principe nécessaire de.créalion s le: concours , résultat des échanges , est un principe. de force. Je s.. LOr DE LA BALANCE ou: DE: VÉQUILIBRE. — En tout, il i faut un juste milieu, 8. ... Lor DE L'ACTION ET DE LA RÉACTION, Ou DU: MOUVEMENT ALTERNATIF UNIVERSEL. — Tout est action et réaction dans la nature. 9. -.. LOI DU MÉLANGE UNIVERSEL DU BIEN ET DU MAL. — Tout est mélé de bien et, de mal dans les choses humaines. 10. ... Lor pu BuT. — En tout, il faut un but. À la loi du mélange universel du bien et du mal, se rattachent les deux considérations suivantes , qui peuvent être considérées comme deux lois secondaires : ‘19 Lor DES OBSTACLES RENDUS UTILES. — Tout obstacle peut devenir un élément et un moyen de succès. — Il west aucun inconvénient dont la sagesse et la réflexion ne puissent retirer quelques avantages. b Philosophie. 361 a? LOI DES PROPORTIONS , Ou DES RELATIONS): DES CONVENANCES 3 DES HARMONIES: — Tout est relatif. De cette même loi découle une troisième considération d'une haute importance, et qui mérite d’être profondément méditée , mais qui s'applique uniquement aux relations entre les: hommes. 39 LOr DES MAL-ENTENDUS. — Les mal-entendus sont la: cause des crimes et des malheurs du monde. Ces Lors GÉNÉRALES paroissent devoir être étudiéeset observées dans toutes Les parties du monde physique , moral, éntellectuel , social et politique. On les retrouve partout : elles exercent partout leur action, et ne sont jamais impunément violées: Chacun , dans sa sphère, peut les reconnoître, les vérifier, les prendre pour règles et pour guides. La vie particulière et commune, les af- faires publiques , les évènemens politiques, la législation , la di- plomatie , l’ädministration, les finances , le commerce, lagricul- ture, l’industrie, les arts mécaniques, l’art militaire , la médecine , l'éducation, les scientes, les beaux-arts fournissent également des occasions:et des moyens de les appliquer, Cuar. XII. — Projet d’une classification générale des sciences et des arts , qui doit servir d'instrument commun pour appliquer notre méthode; on abrégés de plusieurs tableaux des sciences, reproduits et fondus dans une nouvelle division méthodique qui en présente l’ensemble et les principales-branches, pour faciliter le moyen d’étudiér et d’analyser, d’après une règle uniforme et commune , les ouvrages écrits sur les différentes parties des con noissances humaines : méthode qui a l’avantage de procurer une grande économie de temps dans les études. — L'importance de ce chapitre nous détermine à le publier en entier. CHAPITRE XII. TABLEAUX SOMMAIRES: COMPARÉS DES CONNOISSANCES . HUMAINES» Et projet d’une nouvelle division généralé des sciences en trois grandes classes. EE est très-difficile d’établin une! division, méthodique, à-la-fois précise, exacte et complète, de toutes les sciences; car, elles p | 562 Philosophie. rentrent les unes dans les autres; elles se touchent par tous les points; elles s’entrecroisent dans tontes les directions; elles sont les branches d’un même arbre , les avenues variées et multipliées à linfini d’un inextricable labyrinthe ; les membranes et les fila- mens d’un mème corps; enfin , les parties subdiviséés, détachées , , séparées ; et en mème temps combinées, coordonnées et identi- ques d’un seul tout. Voilà comme j'ai conçu l’ensemble et les rapports , ou le système général des sciences. 4 J'ai ensuite été frappé de la nécessité de mettre de l’ordre dans cette riche collection de connoissances dont le monde intellectuel se compose, et j'ai successivement étudié la plupart des tableaux synopuiques des sciences qui ont été publiés. J'airreconnu la justesse et la profondeur des observations de : d’Alembert dans son discours préliminaire de l'Encyclopédie . « Comme, dans les cartes générales du globe que nous habitons , les objets sont plus ou moins rapprochés et présentent un coup- d'œil différent , selon le point de vue où l’œil est placé par legéo-. , graphe: qui construit la carte ; de mème, la forme de l'arbre en- cyclopédique dépendra du point de vue où l’on se mettra ponr envi- , sager lunivers littéraire. On peut donc imaginer autant de systèmes différens de la connoissance humaine, que de mappemondes de, différentes projections ; et chacun de ces systèmes pourra même avoir , à l'égard des autres , quelque avantage particulier. Il n’est. guéres de savans qui ne placent volontiers au centre de toutes , les sciences , celle dont ils s'occupent, à- peu - près comme les , premiers hommes se plaçoient au centre du monde , persuadés que lunivers étoit fait pour. eux. La prétention de plusieurs de, ces savans, envisagée d’un œil philosophique , trouveroit peut. être , mème hors de l’'amour-propre , d’assez bonnes raisons pour se justifier. » Quoiqu'il en soit, celui de tous les arbres encyclopédiques qui offriroit le plus grand nombre de liaisons et de rapports entre les sciences, mériteroit sans doute d’être préféré ; mais, peut-on se flatter de le saisir? La nature west composée que d'individus qui sont l’objet primitif de nos sensations et de nos perceptions directes. Nous remarquons , à la vérité, dans ces individus dés y i y ti Eu T -i Ae Ea “ap 12 i Philosophie. 365 propriétés communes, par lesquelles nous les comparons , et des propriétés dissemblables , par lesquelles nous les discernons; et ces propriétés , désignées par des noms abstraits , nous ont con- duits à former différentes classes où ces objets ont été placés. Mais souvent , tel objet qui, par une ou plusieurs de ces pro- priétés, a été rangé dans une classse, tient À une autre classe par d’autres propriétés , et auroit pu tout aussi bien y avoir sa place. IL reste donc nécessairement de l'arbitraire dans la division géné- rale. » Les auteurs de l'Encyclopédie avoient établi la distinction ci- après des facultés de l’homme : mémoire, raison, imagination; qui sert de base à leur système. « Les objets, continue d’Alembert, dont notre âme s'occupe, sont ou spirituels ou matériels, et notre âme s'occupe de ces objets, ou par des idées directes ou par des idées réfléchies. Le système des connoissances ne peut consister que dans la collection purement passive et comme machinale de ces mêmes connois- sances; c’est ce qu’on appelle mémoire. L réflexion est de deux sortes , nous l'avons déjà observé : ou elle raisonne sur les objets des idées directes , ou elle les imite. Ainsi, la snémotre, la raison proprement dite et l’én:agtnation, sont les trois manières diffé- rentes dont notre âme opère sur les objets de ses pensées. Nous ne prenons point ici l’imagination pour la faculté qu’on a de se représenter les objets, parce que cette faculté n’est autre chose que la mémoire même des objets sensibles , mémoire qui seroit dans un continuel exercice, si elle n’étoit soulagée par l'invention des signes. Nous prenons Pimagination dans un sens plus noble et plus précis , pour le falent de créer en imitant. » Ces trois facultés forment d’abord les trois divisions générales de notre système, et les trois objets généraux des connoissances humaines. PREMIÈRE CLASSIFICATION DES SCIENCES, D'après l'Encyclopédie, réduite à ses principaux élémens. Nota. La premitre idée de cette classification , comme le dé- clarent eux-mêmes les anteurs de l'Encyclopédie, dans leur 564 Philosophie. discours préliminaire , appartient à Bacon, génie vaste et uni- versel qui a mérité d’être appelé le père de la philosophie moderne. EnTtENDEMENT , source commune des connoissances. I. Histone, qui se rapporte à lat mémoire. 1° Histoire civile, où des hommes et des nations , aneïenneret moderne. 2° Histoire naturelle, comprenant aussi l’histoire de l’industrie et des aris , ou des divers usages que l’homme a faits des produc- tions de la nature. TI. Partosopnte , qui est le fruit de la raison. 1° Métaphysique générale, ou Onthologie , ou science de l'étre en général, de la possibilité, de l'existence , de la durée, etc. 2° Science de Dieu, ou Théologie; d'où la religion ; d’où, par abus, la superstition. 3° Science de l'homme , comprenant trois sections : Première section. — Pneumatologie, ou science de âme. Seconde section. — Logique : art de penser , science des idées ; art de retenir, mémoire naturelle et artificielle; écriture , im- primerie ; art de communiquer, science de l'instrument du dis- côurs, ou grammaire ; science des qualités du discours, ou Rhé- torique ; mécanisme de la poésie, ou versi/ication. Troisième section. — Morale générale , ou science du bien et du mal, des devoirs en général , de la vertu particulière , embras- sant la science ‘des lois ou la jurisprudence , la politique et économie politique. 4° Science de la nature , subdivisée en trois sections : Première section. — Métaphysique des corps, ou physique générale, qui traite de l’étendue , de l’impénétrabilité, du mou- vement, du vide, etc. Seconde section. — Mathématiques : pures, comprenant l'arithmétique , Valgèbre , la géométrie; mixtes, embrassant la mécanique., l'astronomie géométrique et la cosmographie ; l'optique , l’acoustique , la pneumatique , Part de conjecturer où l'analyse dés hasards , et les'arts physico-mathématiques. Troisième section. — Physique particulière , embrassant sept branches: 1° la zoologie, qui comprend elle-même l'anatomie, la physiologie , la médecine et Part vétérinaire; 2° l'astronomie rh. tete - 5 Philosophie. 365 physique; 5° la météorologie; 4° la cosmologie; 5° la botanique; 6° la minéralogie ; 7° la chimie (1). III. Arts zisérAUx, que fait naître l'imagination. Poésie, sacrée , profane; narrative; dramatique; parabolique. Musique , théorique , pratique; vocale, instrumentale. 3° Peinture. 4° Sculpture. 5° Architecture civile. 6° Gravure. « Telles sont les trois divisions fondamentales , et les principales subdivisions du tableau des sciences , qui sert de base à l'Ency- clopédie. Un tableau du même genre, calqué sur le précédent , mais établi d’après d’autres proportions , termine l’introduction à l'analyse des sciences (2) , ouvrage estimable et peut-être trop peu apprécié de M. Lance. Voici l’abrégé de ce tableau : / (1) Les auteurs de l'Encyclopédie, en séparant dans deux classes différentes , d’une part l’histoire naturelle proprement dite, ou, la description et la classificatien des corps naturels et des êtres; de l’autre, la zoologie, la botanique , la minéralogie, qui en sont les principales branches, et la chimie qui s’y rattache par les plus“ intimes rapports, ont voulu distinguer la partie purement HET A et descriptive ou d’observation ,/et la partie rationnelle on -philosophique {de l’histoire naturelle. dis ont compris cette dernière partie sous le nom général de science.de la nature ; maïs ils ont peut-etre eu tort de séparer l’histoire et Ja science-des productions naturelles, deux choses essentiellement unies qui.ne sont que deux manières différentes destraiter‘les mèmes objets, ou deux points de vue de la même connaissance. Il paroît devoir en résulter une certaine confusion dans leur système. Nous oserons également élever un doute sur la question de,savoir.s’ils ont eu raison-de placer dans la même section dé‘ka science de la nature les mathématiques, connoissances on mé- thodes d'application, qui semblent devoir appartenir à une,classe totaletaent distincte , où nous proposerons de les placer dans notre projet. de idlassification. e (2) Introduction à l'analyse des sciences; on delargénération, des fondemens et des instrumens de nos connoissances , par Lancelin. 3 vol. in-8°, de l'imprimerie de Perroneau, an XI (1804) Se trouve à Paris , chez Firmin Didot.— Des sens, des sensations, des habitudes ; voilà ce qu'il'importele. plus de former et de diriger dans l’homme. 366 Philosophie. SECONDE CLASSIFICATION DES SCIENCES. Abrégé: du tableau synoptique des connoissances humaines , ou de la mappemonde philosophique des sciences et des arts , par P. T. LancELLN. Narore ( univers réel), et produits réguliers de la force ( ou faculté ) pensante, si Nota. Il n’existe et ne peut exister qu'une science-réelle, positive, celle de la nature ; mais qui, envisagée sous sés points de vue principaux , peut Hé a les Auit divisionis ondanta qui suivent. , aba T. Élémens de univers . ou tableau des corps naturels. IT. Forces et propriétés primitives dé la matière. III. Sciences primitives, naissantes de la description des corps et de la classification des objets et des faits, comprenant sept T grandes sections : 1° Cosmologie et Cosmographie, description et: histoire! de Punivers. 2° Zoologie , connoissance et histoire des èlres vivans et des animaux, o , 5 waid LT LOUE 3° Botanique, connoissance et’histoire des végétaux. 0n ÿ “Minéralogie $ connoissance ‘et histoire des minéraux. pr 26 ja Météorologie, description et histoire des météores.…. ; o °:Chimié, science de Panalyse: et de la combinaison! dés élé- mens des substances matérielles. ` Ron TAN 7° Physique générale , science des lois du mouvement et de acribn réciproque de toutes les parties du granit corps ‘de Pu- te ARE UT 1 6i S 9900 nivers. Ya Science de homme (qui embrasse dix sections. RU. h o Anatomie , étude de toutes les parties solideslet Jiquides d'où résultent la construction et le j jeu des machines vivantes , et particulièrement du corps humain. 2° Physiologie, ou physique expérimentale du corps humain. -3% Médecine , art de conserver ou de rétablir la santé. SR MT a” Das : Philosophie. ‘367 4 Idéologie, étude de la génération des idées et des con- noissances. 5° Grammaire universelle , théorie générale des signes repré- sentatifs de nos idées. 6° Logique, science des méthodes directrices de l'esprit hu- main. 7° Éducation, science de la formation de nos habitudes et du développement de nos facultés. 8° Morale, science des rapports, des droits et des devoirs naturels entre les hommes. ' ' 9° Législation , science des lois et pds institutions verra st Histoire et Chronologie „offrant la série des faits naturels et de ceux de l’homme, et formant un élément commun à toutes les:sciences. V. Sciences Re a etphysico-mathémätiques y nais- santes de l’expression analytique des quantités et. des opérations de l'esprit humain sur la portion mesurable de nos idées ; compre- nant huit sections : 41? Arithmétique , ou science;des nombres. 2°! Algèbre, expression analytique et générale des quantités et de toutes leurs combinaisons possibles. 3° Géométrie, expression analytique des rapports et des, lois de l’étendue mathématique: ; :» H 4° Mécanique , expression analytique des lois du mouvement. 5° Astronomie, ou mécanique céleste, offrantil'analyse: des forces agissantes sur notre Fann planétaire et l'explication is mouvemens réels ou apparens quiten résultent. sigta J6° Optique ; science des lois du mouvement déla lumière: -179Calcul des nioallièiles ; art de! conjecturerret ps À ‘des ‘hasards: ¢ 1339 r TE 8° Arls Dico malhtlipsabess — Architecture civile; oiik, hydraulique, militaire ; -balistique et art militaire ; maņæœuyres et tactique navales ; art de niveler et de lever les plans, etc. VI. Arts mécaniques et industrie humaine. VII. Beaux-arts et belles-lettres. € 1x9 Dessin. — 2° Peinture. — 3° Gravure. — 4° Sculpture. — 5° Poésie. — 6° Musique. — 7° Langage d’actiony:\danse, dé- clarmalion , pantomime., — 8° LÉloquence , dont la rhétorique 568 Philosophie. établit les préceptes. — 9° Ærchæologie ; ou science des monu- mens antiques. VIII Vrait mévaphysique et urave pileni ‘où analyse universelle ( science résultante de toutes les sciences et de tous les arts qui lui servent de base, et dont elle est à son tour le régulateur ); ou science des principes, sorte de législauhie de Pesprit humain. A ce tableau de lunivers réel. et de nos connoïssances rai- sonnables et possibles , l'auteur en ajome wn second, qhi est le tableau du monde imaginaire et des produits irréguliers de la force pensante, où sont rappeltes les principales folies ëv les croyances ou recherches absurdes auxquelles l’esprithumaïh s’est abandonné. Quelques critiques judicieux ont reproché peut-être :avec raison à M. Lancelin d’avoir formé ce second tableau , et d’avoir présenté, comme une sorte de science positive, l’histoire des abus de l’art de penser. Il faudroit donc anssi mettre, À la suite du titre de chaque science, la théorie des ertewrs qui lui sont opposées ; ce qui ne teéñdroit qu'à égarer l'esprit daris un téné- breux labyrinthe. M. Lancelin srépondu qu'en dressait lé: ta- bleau général et complet dés-différentes applieationé que Phom ùre a faites de ses facultés , il avoit.cru devoir hn offrir;id'un éôté, ce Ka ’il lui est utile de connoître et ce qu'il doit faire; de l'aütré , qu'il doit Éviter et les principales erreurs dent il Jui Ma yarte de se eu Nous trouvons dans les Élémens d'Idévlogie de M. Desruur- Tracy, une division:générale des sciences que l’ânteur rapporte à l'objet patticulier de son onvräge. Comme elle est remarqtiable par des trois caractères de la clarté, dela précision etotłe Jasim- plicité, nous avons cru que nos lecteurs aimeroient à LE 9 comparer avec les deux précédentes: : à; TROISIÈME CLASSIFICATION DÉS seences ( Tirée des Élémens d'Idéolegie de M. Dent Tacy y. dipi sée en trois sections. © f Première section. == Histoire -de nos moyens de prete (trois parties ). \ PE Rae | P } Philosophie. 369 1° Formation de nos idées, ou idéologie (1) proprement dite. 2° Expression de nos idées , ou grammaire. 3° Combinaison de nos idées, ou logique. Seconde section. — Application de nos moyens de connofire à l’étude de nôtre volonté et de ses effets (trois parties). 1° De nos actions , ou économie. 2° De nos sentimens , ou morale. 3° De la direction des unes et des autres, ou gouvernement ( et politique ). Troisième section. — Application de nos moyens de conuoître, à l'étude des êtres qui ne sont pas nous (2). ( Trois parties.) 1° Des corps et de leurs propriétés, ou physique. 2° Des propriétés de l'étendue , ou géométrie. 3° Des propriétés dé la quantité, ou calcul (et mathématiques). On voit que l’auteur des Élémens d’Idéologie place, à la tête de sa division des connoïissances humaines, les sciences méta- physiques, auxquelles appartient sa science favorite; qu'il arrive énsuite aux sciences morales et politiques, et qu'il termine son tableau par les Sciences physiques et mathématiques. Il seroit intéressant d'étudier les raisons sur lesquelles se sont fondés d’ex- . G) M. Destuit-Tracy recommande d’observer, pour tous ces noms, et surtout pour ceux de la section des sciences morales (deuxième section), qu’on doit y attacher , non pas la significa- tion ordinaire, mais celle qui résulte des explications contenues dans son ouvrage, sans quoi on auroit une idée tout-à-fait fausse de ce qu’ils représentent. (2) Cette distinction de l’étude des êtres qui ne sont pas nous, outre qu’elle n’est peut-être pas heureusement exprimée, ne pa- roît point d’abord exacte : car, l'étude de l’homme physique, ou de l’être matériel qui constitue essentiellement chacun de nous, et notre individu, est l’un des premiers objets dont s’occupent Jes sciences physiques. Mais l’auteur qui s'attache à considérer Phoinme sous le rapport métaphysique, moral et intellectuel, a pu, en partant du point de vue Particulier de sa science, re- garder l'étude de l’homme appliquée à son propre corps, qu’il compare avec les autres corps offerts à ses yeux, comme une étude qui se dirige sur un objet étranger à lui, ou qui n’est pas lui. Le véritable mot humain se manifeste, à plusieurs égards, dans l’entendement et daus la volonté. Tome FI. Décembre 1818. 24 370 Philosophie. cellens esprits pour admettre ainsi des méthodes de classification différentes. j Je ne me permettrai point de prononcer entre les trois divisions des sciences , dont j'ai présenté les bases. Elles seront réunies et comparées avec d’autres essais du même genre, pour être analy- sées et discutées , dans l’ouvrage plus étendu qu'on a déjà an- noncé. Après m'être appuyé sur les réflexions d’un de nos plus grands philosophes ( d’Alembert ) et après avoir résumé quelques- uns des travaux analogues au mien, et qui wen ont en partie fourni les élémens , je dois maintenant exposer Ja marche que j'ai suivie pour arriver au même but : à une classification des sciences, puisée , autant qu'il ma été possible, dans la nature des choses, et fondée sur des distinctions exactes et faciles à saisir. Je dois également rendre compte des motifs particuliers qui m'ont fait préférer la division générale que j’ai adoptée pour former le tableau qui va suivre. J'avois lu , avec un vif intérêt et une attention réfléchie , le ta- bleau encyclopédique, ou système figuré des connoissances hu- maines , inventé , mais ébauché par Bacon , appliqué et développé d’une manière imparfaite par les auteurs de l’Encyclopédie fran- çoise , perfectionné peut-être, à certains égards, par Lancelin , modifié avec succès sons quelques rapports, dénaturé sous d’autres points de vue par M. Ampère, dans des leçons publi- ques à l’Athénée de Paris, sur la théorie des probabilités, appli- quée aux différentes sciences. ( La division établie par M. Ampère sera reproduite dans l’Essai sur la philosophie des sciences). J'a- vois retrouvé ce même tableau réduit à des termes infiniment plus simples , comme on a pu le voir, dans les élémens d’idéologie de M. Destutt-Tracy. Néanmoins , tous ces cadres, ces méthodes de classification et de nomenclature m’avoient paru laisser beaucoup à désirer. J’ai osé marcher sur les traces de ceux dont j’avois tàché de bien étudier le plan et les vues. Je me suis proposé d’ajouter à leurs travaux, en leur rendant hommage, comme aux premiers qui ont débrouillé immense cahos de la science humaine. J'ai eu l'intention, en profitant de ce qu’ils ont fait, de le reproduire avec des additions et des changemens qui me semblent offrir un Philosophie. 371 ensemble plus complet, une division plus distincte et plus claire, et des résultats plus satisfaisans. Un homme peut souvent, quoique très-inférieur en mérite à ceux qui sont entrés avant lui dans une carrière > faire cependant beaucoup mieux qu'eux. Car, il part du point où ils sont ar- ‚rivés, tandis qu'ils ont eu un point de départ moins avancé. Voilà pourquoi des esprits médiocres vont quelquefois plus loin que des génies puissans qui leur ont ouvert la route. Cette ré- flexion, que je crois fondée , me soutient et m’encourage. J'avois considéré l’homme, en traitant de l’éducation , ou de Part de développer ses facultés, comme un tout composé de trois élémens : du corps, du cœur ou de l’dme , de l'esprit ou de l’éntelligence proprement dite. En effet , chacune de ces parties constituantes se fait remarquer d’une maniète distincte dans l’homme, quoiqu’elles aient toutes entre elles des rapports in- times et nécessaires , par lesquels elles semblent se confondre, On doit peut-être regretter que le judicieux Condillac, qui le premier a porté le flambeau de l’analyse et dela philosophie dans les ténèbres de la métaphysique’, n’ait envisagé que l’homme in- tellectuel, et qu’il ait paru oublier l’homme moral et sensible. Il parle d’abord de l’entendement et de la volonté ; il abandonne ensuite cette dernière considération, pour revenir à l’autre dont il s'occupe exclusivement. Peu capable de marcher sur les traces de cet écrivain célèbre ; j'ai voulu du moins éviter le même reproche, et j'ai tàché d’a- dapter exactement ma division des sciences à la nature même de l’homme; les sciences et les arts ne devant en effet avoir d’autre objet que de relever la dignité de la nature de l’homme et d’améliorer la condition humaine. Jai en même temps donné tous mes soins à chercher une division ä-peu-près analogue à la marche que l'esprit a dù suivre dans l’acquisition des connoissances. J'ai tâché d'appliquer à la division générale des sciences les principes du savant Haüy , sur les méthodes de classification, ex- posés dans le discours qui précède son traité de minéralogie : « Où trouver, dit ce naturaliste philosophe, des rapports plus propres à lier étroitement entre elles diverses substances (et j'en dis autant des sciences) que ceux qui sont fondés sur l'existence ‘$ 57 2 Philosophie. ENA d’un principe érotique ? Où trouver des différences plus tran- ches entré lês mêmes substances (ou les mêmes sciences) , que celles qui dépendent des principes particuliers à chacune d'elles ? Or, classer les êtres d’un même règne ( ou bien les membres épars du grand corps des sciences), c’est élablif entre eux une compa- raison suivie, d’après les rapports qui les lient et les différences qui les séparent! Cette comparaison sera donc la plus exacte, et ren mème temps la plüs naturelle, celle qui prêtera le moins à - Parbitfaire, si le moyen choisi pour Pétablir est celui qui nous dévoile la cémposition et le fond de chaque substance ( ou la na= turë intime dé chaque science), qui nous apprend ce qu elle est en elle-même , plüibt que celui qui ne nous en montre que les alentours , on tout au plus les effets extérieurs. Il ya, dans cette opération ; deux problèmes à résoudre. Le premier consiste à di- viser et à sous-diviser l’ensemble des substances (ou des science ) que doit embrasser la méthode, de manière qué chacune y soit à sa véritable place. C’est cè qu'on appelle classer. Le second’ a pour objet dé fournir dés moyens faciles et commodes pour ca- ractérisér tellement #haque ‘substance (ou chaque sciénce ) que Pon puisse la reconnoïtfe partout où elle se présente et retrouver dans la méthode la place qui lui a éte assignée. » 2 C'est ainsi qu'en SOumettant les arrangemens méthodiques à des principes plus exacts et plus raisonnés', les Savans ont multiplié les divisions et les sous-divisions , les ‘classes, les ordres, les genres; qui sont dés groupes d’ espèces ; les éspèces qui sont des collections d'idividus (1); ils ont en même temps motivé ‘leurs chésionione par lā détermination des divers caractères ou rap- 0) « L'illustre Bacon, dit M. Haüy , avoit en vue cette manière d'envisager l'ordre méthodique , léréqu? il comparoit la nature à une pýramidé, dont la basé étoit occupée par les individus'en' nombre presqu "infini; : au-dessus de cette base; s ’élevoient les espèces , for- mées de la FéuuIOn des individus, et qui s étendoient par consé- Qüent sdr un éspace moins lâtge que la base’: venoient ensuite successivement les genres composés d ’éspbcés\, puis d’autres genres supérieurs (ee qui répond à nos ordres et à nos classes), jusqu’à ceque la nature, après s’ètre rétrécie de plus,en plus, se terminàt ‘à un point ou à l'unité. » ( Bacon ). Loi de Ja division et de la žéuhiðn, * Philosophie. ~ 579 ports propres aux êtres que contient chaque division, Tel est sur- tout le service qu'ils ont rendu dans l’histoire naturelle où l’en- semble des productions, comme! l’observe Pauteur déjà cité, formoit un tableau compliqué d'une multitude de détails au milieu desquels l’œil se perdoit au premier abord , et voyoit tout- à-la-fois , sans rien distinguer. Tel est aussi l’avantäge qu’à l’exemple des auteurs de l'Encyclopédie, nous voulons offrir aux jeunes gens pour leur faciliter l'étude du grand tableau des sciences, et des rapports que les sciences ‘ent entre elles. , et pour leur donner les NE de s’élever, par degrés, des idées particulière es aux, idées générales, et de redescendre de “celles-ci P à l'aide des distributions. méthodiques , dans les détails des connoissances et des êtres, en faisant usage de la double échelle ascendante et descendante , in- diquée par Bacon à l'entendement humain, BASES D'ÜNE QUATRIÈME CLASSIFICATION DÉS SCIENCES, Qu Précis d’une nouvelle division générale des connoissances en trois grandes classes. ENTENDEMENT , PRINCIPE commun des connoissances. CONSERVATION , PERFECTIONNEMENT DE L'HOMME INDIVIDU ET DE L'ESPÈCE HUMAINE , Ou amélioration de la condition humaine ; —Bur commun des sciences et des arts. Homme , inventeur , possesseur et objet unique des connois- sances: elles partent ‘de lui (ou de son entendement ), se déve- loppent et agissent par lui , et se rapportent spécialement à lui. Trois élémens primitifs et constituans dans l’homme, considéré comme être phy sique; moral et intellectuel ; E où trois grandes classes de connoissances , savoir : I. Le Corrs on la ra physique, d’où les sciences physiques et naturelles , ou spécialement descriptives et d’observation : Formant la première classe , en rapport immédiat avec Phomme physique. Usage et exercice des sens. Étude , description et classification des corps naturels et des faits de la nature; embrassant les êtres , les phénomènes , leurs 574. Philosophie. lois , et employant surtout l'observation ( physique), l'expérience (à plusieurs égards , rationnelle ), et la méthode ( partie instru- mentale ). Trois genres : 1° Cosmographie ; 2° Physique générale et chimie ; 5° Histoire naturelle. ( Etles différentes sciences dépendantes de ces sciences mères. ) IT. L'Ame ou le Cœur et la Raison , d’où les sciences méta- physiques et psychologiques , morales et politiques , ou spécia- lement rationnelles : Formant la seconde classe, en rapport immédiat avec l’homme raisonnable et moral, ou sensible (1). Usage et exercice de la raison ou du sens moral , résultant de la conscience et de l'intelligence combinées ensemble, Etude et considération rationnelle des faits de l'homme : emi- brassant les individus, les nations, les siècles, el observant surtout la nature intime de l’homme moral et social ( partie des- criptive et d'observation ) , le principe et les causes des opinions et des actions humaines ( partie spécialement rationnelle ) , les effets ou les résultats ( partie instrumentale et d’application). — Tróis genres: ; 1° Idéologie, étude et description des facultés et des opérations intellectuelles. 2° Théologie et Religions ; morale ; éducation ; législation et politique. 3° Histoire civile des nations; métaphysique ou analyse uni- verselle , et philosophie générale. i IH. L’Espair ou l'InrezuiGENCE proprement dite , et Pmacr- (1) Le mot sensible veut dire ici capable de recevoir les impressions faites sur les sens. Les mots sensation , sentiment , perceplion , désignent l’impression que les objets font sur nous. Mais la sensation s’arrèle aux sens; le sentiment vaian cœur, et la perception s'arrête à l'esprit ( Dictionnaire des Synonymes). La vie Ja plus heureuse seroit sans doute celle qui se composeroit de sensations agréables, de sentimens purs et vifs, de percep- tions claires et utiles : ce qui comprend les trois actions de goûter, d’aimer et de connaitre , qui sont aussi relatives aux trois élémens de Phomme physique, moral et intellectuel. Philosophie. 575 NATION, d’où les sciences littéraires et mathématiques , ou spé- cialement instrumentales, ou sciences d'application et de mé- thodes : Formantla troisième classe, en rapport immédiat avec l’homme intellectuel. Usage et application de Pintelligenee proprement dite, de l'esprit et de l’imagination. Invention des signes, des méthodes, des moyens artificiels ; embrassant les langues ( partie spécialement descriptive de ceute classe); le calcul et l'algèbre ( partie plus positivement ration- nelle ) , le dessin et les arts ( partie spécialement instrumentale et d'application ) , et employant surtout les lettrés , Les nombres , les figures et les machines et instrumens de toute espèce. — Trois genres : 1° Grammaire générale , logique et littérature proprement dite; 2° Arithmétique, algèbre, géométrie et sciences mathéma- tiques ; 3° Arts divers physico-mathématiques ; mécaniques et chi- miques (action de l’homme sur la matière ); et arts libéraux, ou beaux-arts. DÉVELOPPEMENT DES BASES PROPOSÉES POUR LA CLASSIFICATION CI-DESSUS. Il paroît vrai de dire que les sciences de la première classe ont; par leur nature et leur objet , un rapport plus direct avec le physique de l’homme , et avec son corps et ses sens. En effet, nos premières connoissances ont été appliquées aux choses pu- rement matérielles qui nous environnent, La nature a été notre premier livre; les sciences et les arts physiques , nos premiers et informes essais ; nos sens ont été nos premiers maîtres ; la distinc- tion et la description des objets, leur premier ouvrage; d’où j'appelle les sciences de cette classe spécialement descriplives. Après avoir contemplé lunivers , l’homme est descendu dans lui-même par un mouvement secret et involontaire , et il a trouvé son cœur , son âme, ce foyer inconnu de ses sentimens , sa cons- cience, véritable sens moral , dont l’exercice et le développement 576- Philosophie. ont créé pour lui des connoissances d’un ordre tout nouvean, Les sciences que nous plaçons, par ce motif, dans la seconde classe, tiennent essentiellement au moral de l’homme, à la réaction de ses sensations extérieures sur son élat intérieur (réaction qui suit ordinairement la première action des corps et des objets matériels sur les sens). Elles sont les produits et les résultats de, ses per- ceptions et de ses jugemens , ou d’une sorte de combinaison de læ conscience et de l'intelligence, qui donne naissance à la volonté, base et point d'appui ; cause motrice des actions. Enfin „elles dé- coulent immédiatement de la raison ; d’où je suis porté à les ap- peler spécialement rationnelles. La troisième classe comprend les sciences qu’on peut appeler spécialement instrumentales , parce qu’elles fournissent des ins- trumens et des méthodes à toutes les autres. Elles paroissent plus indépendantes du corps et des sens, ow du physique de Phomme , ` et en même temps de son moral. Elles ont une relation plus immédiate avec son esprit on avec sa faculté pensante. Ce n’est . que long-temps après avoir vu et remarqué son corps, et les autres corps ou objets matériels , et après avoir senti, par une impulsion secrète et irrésistible , son cœur ou sa conscience, que Phomme a pu distinguer son esprit et en faire usage. Les sciences naturelles et physiques ou descriptives ; et celles que j'appelle ralionnelles , ou morales et politiques, ont dû nécessai- rement exister avant les sciences instrumentales , ou littéraires et inathématiques. Les langnes ou les théories des signes répré- sentatifs des idwes, les instrumens de tout genre, les inventions de l'esprit, les méthodes artificielles et analytiques sont venues après les observalions physiques, et après les réflexions morales , qui constituent les deux premières Classes. Fose donc espérer que j'ai adopté une division simple, claire , puisée dans; la nature, des choses et dans le véritable ordre qui doit résulter, de l'opigine ; de la marche , des progrès et de l’en- chaiuement des sciences. Cette division «me paroît les embrasser toutes et marquer entre elles une distinction exacte, precise, et des Jünites naturelles , faciles à reconnoïtre. Elle se rattache aux trois principes primitifs et constituans qui composent l’homme, et qui doivent servir de base à la science de l'éducation, ou de la formation , de l'exercice et du développement de ses facultés, et à ` Philosophie. 5777 Part d'employer le temps, ou de faire, dans tont le cours de sa vie, l'usage le plus convenable et le plus salutaire de ces mêmes ~ facultés, que l'éducation a formées, exercées , développées, dans l’enfance et dans la jeunesse. Je dois insister encore sur une observation préliminaire et fon- damentale, que j'ai, déjà laissé entrevoir et qui fera mienx ap- précier la classification que je propose. Quoique j'aie établi cette classification , en prenant pour base de la dénomination de cha cune des classes le caractère qui.a paru plus spécialement propre aux différentes sciences, dont elle:se.compose, il est important de rappeler, et l’on ne: doit jamais perdre de vue, que chaque classe des sciences et chaque science en particulier ont ensuite séparément , dans leurs sphères respectives, les trois mèmes par- ties bien distinctes, propres à chacune d'elles, correspondantes avec le caractère dominant de chacune des trois grandes classes ou divisions générales, savoir : 1° Une partie spécialement descripiiv-, et, pour ainsi dire, physique et matérielle, ou de pure observation; 2° Une partie spécialement rationnelle, et, pour ainsi dire, morale ou de raisonnement et de jugement; . 3° Une partie spécialement instrumentale , on méthodique. et d'application, d'intelligence proprement dite. Parcourons, en effet, sous ce nouveau point de vue, nos trois classes des sciences, pour appliquer et vérifier notre obser- vation. La prémière classe , consacrée aux sciences physiques et natu- relles, embrasse trois genres. 1° Cosmographie , ou description générale de l’univers, et des êtres qui le composent. ( Partie spécialement deseriptive.) 2° Physique et chimie , qui sont , à proprementparler,, l'étude ou la considération rationnelle des lois générales et particulières, auxquelles sont soumis, les corps et leurs divers élémens. ( Partie spécialement rationnelle , dans la classe des sciences descriptives.) 3° Histoire naturelle ; comprenant la classification méthodique des êtres et des corps répandus dans lunivers, et les applications de leurs différentes propriétésaax besoins etaux usages,de l’homme. (Partie spécialement instrumentale, ou, méthodique et d’appli- cation, ). € 378 Philosophie. La seconde classe, celle des sciences métaphysiques , morales L et politiques , embrasse également trois genres, dont chacun offre aussi l'un des trois caractères dominans par lesquels on a cru pouvoir distinguer les sciences : 1° Jdéolog'e et psychologie, comprenant la description de Phomme raisonnable et moral on sensible, et de ses différentes facultés rationnelles. ( Partie spécialement descriptive, dans le classe des sciences rationnelles.) 2° Théologie et religions; morale , éducation , législation et politique , ou considération , modifiée de différentes manières , des nombreux mobiles qui peuvent agir sur l’esprit et sur le cœur humain, et des lois générales et particulières, par lesquelles l’homme raisonnable et moral est susceptible d’être gouverné. ( Partie spécialement rationnelle.) 3° Histoire civile, ow histoire des hoïnmes et des sociétés; ana- lyse universelle ou philosophie générale : consistant, Pune dans la classification méthodique et chronologique des faits relatifs à l’homme , considéré comme être rationnel, l’autre , dans l’appli- cation de cés mêmes faits et des faits de tout genre observés et analysés pour en déduire des conséquences. (Partie spécialement instrumèntale, ou méthodique et d’application, dans la classe des sciences rationnelles.) La troisièrne classe, qui renferme les sciences littéraires et mathématiques , réunies pour la première fois sous la dénomination commune de sciences spécialement instrumentales , parce qu’elles procurent, en effet, les unes ct les autres, des instrumens , des moyens auxiliaires et des méthodes aux autres sciences , est sub- divisée, comme les deux précédentes, en trois genres qui offrent séparément les trois mêmes caractères. 1° Sciences littéraires : Grammaire générale, logique, littérature, éloquence, rhétorique, poésie, ete. , destinées à exposition et à la description des choses ou des faits, et des pensées qu’on veut exprimer par le discours. ( Partie spécialement descriptive, dans la classe des sciences ins- ârumentales:) 2° Sciences mathématiques, arithmétique , algèbre , géométrie, mécanique , qui consistent dans l’étude , ou dans l’examen rai- sonné des quantités et de toutes leurs combinaisons possibles Philosophie. 579 ainsi que des rapports des lois de l’étendue ( partie spécialement rationnelle des sciences de méthodes ou instrumentales ). 3° Sciences et arts physico-mathématiques , arts divers méca- ; niques et chimiques, arts libéraux ou beaux-arts, comprenant . toutes les applications des sciences à la pratique des aris qui sou- tiennent et embellissent la vie, et la classification méthodique des différentes branches de l’industrie humaine , de ses procédés et de ses productions (partie spécialement instrumentale et d’applica- tion , dans la troisième et dernière classe des sciences ). A la suite de ces éclaircisseméns et de ces observations, qui seroient suscesptibles de dévelüppemens plus éteudus, sera placé le tableau d’une nouvelle division des sciences; nous y avons introduit quelques changemens importans qui la font différer un peu de celle ' dont nous venons d'exposer les bases. On offrira , dans les chapitres suivans , l'explication abrégée du but que chaque science se propose , l'aperçu des services qu’elle a déjà rendus et de ceux qu’elle peut rendre encore à l’humanité , l’indication des rapports des sciences entre elles et la désignation des ouvrages les plus estimés qui ont traité de leurs différentes branches, et qui, dans chacune d'elles, peuvent être considérés comme classiques(1) car. XIII. — Projet dune sorte d’alphabet philosophique on d’une collection de signes convenus, affectés à des considéra- tjons générales bien déterminées , auxquelles on peut appiiquer son esprit dans ses lectures et dans ses recherches, à l’usage des hommes qui cultivent les sciences ; pour faciliter entre eux les échanges de faits et d'observations , les moyens de communication et la circulation des lumières. cmar. XIV. — Tableau particulier des sciences physiolo- giques et médicales ; ou carte spéciale de la médecine et des sciences qui en dépendent, destinée à fournir des indications pour établir des cartes semblables , des tableaux sommaires et ana- lytiques , comprenant des divisions et des subdivisions analogues, dans les autres branches des connoïssances humaines , considérées eomme autant de provinces du monde intellectuel. (1) Ce Tableau des Sciences va être imprimé à part , et se trouvera au bureau de la Revue Encyclopédique, chez Baudouin frères , libraires, rue Vaugirard , n° 36. 380 Philosophie. cnsbi XV. — Projet de former une Société d'émulation pour la lecture etl'étude des ouvrages historignes , scientifiques phi- losophiques et littéraires , où orgañisation d’unésorté de légion scientifique ; et application de’quelques moyens empruntés à la ` tactiqué! militaire , pour favoriser l’avancement ‘des ‘sciences’ et ! des arts. eni cuar, XVI. Aperçu d'un plan de campagne, de découvertes el de conquites à faire dans le monde intellectuel. — Diffé- rences essentielles entre l’association qu’on propose , et toutes les sociétés savantes et littéraires qui ont existé jusqu’à présent. — Onssecrrons prévues et réfutées. cmar. XVII. — Résurrats et avantages d’une application renduë générale dela méthode de recherches, d’études ‘et de lectures - coordonnées, d’abord au profit des individus qui en ferontusäge puis ; au profit de la société en général: cHar. XVIII ET DERNIER , contenant trois sections ou para- graphes. — Résumé général et conelusion. I. De rois grands ÉLÉMENS : le remps, les Hommes, les RI- cHEsses , et des moyens de les mieux employer. (Les résultats d'utilité que pourroient produire: en faveur de espèce humaine, ces trdis élémens ‘appliqués avec discernement et avec! constañce à l'avancement des sciences et es arts, sont incalculables.) il: Desix grandes INFLUENCES naturelles et nécessaires, et d’une meilleure direction: à leur: donner : 1. Philosophie et religion. 2. Education et instruction. 3. Législation, politique et gouvernement. 4. Femmes. 5. Société, ou rapports des hommes entre eux : opinions, exemples. G. Climats et localités. II. De la vie mumAINE et des socrérés crviues. Ce qu’elles sont; ce qu’elles pourroient être, M. Ant. Juin, de Paris, z eT y ANNONCES. LIVRES FRANÇOIS. Fables de Srassarr. Paris , 1818 , in-8°. Pierres gravées, par M. Minin. Sixième livraison. Nouvelles Annales des V oyages de la géographie et de l'histoire, ou Recueil des relations originales iħédites , communiquées par des voyageurs français et étrangers; des voyages nonveaux, traduits de toutes les langues européennes; et des mémoires historiques sur l'origine, la langue, les mœurs et les arts des peuples , ainsi que sur les, produotions .et,le commerce, des pays jusqu'ici peu ou mal connus ; accompagnées d’un bulletin où l’on annonce toutes les. découvertes, recherches et entre- «prises qui tendent à accélérer les progrès des sciences histo- riques, et spécialement de la géographie; avec des cartes et planches gravées en taille-donce, publiées par MM. J. B. Evriès et Mazre-Brun. Les Annales des: Voyages qui avoient gommencé à paroîlre en 1807 cessèrent en 1815, quoiqu’elles eussent encore le plus grand succès. Ce fut précisément. à Dépaace où le retour de la paix gé- ynérale pouyoit rendre plus utile L'existence d’un centre -de communication entre les hommes qui s'occupent des sciences géographiques et historiques, que ce recueil, auquel le public avoit constamment donné les encouragemens les plus flatteurs , s'arrêta tout-à-coup. Le rédacteur, forcé de consacrer tous ses momens à d’autres occupations , se vit à regret obligé de re- nonçer à continuer un ouvrage.qu'il,avoit: créé „et dont ases tra- Vaux avoient assuré la réussite. Malgré le chagrin que lui causa ce sacrifice , il fut contraint de s’y résigner. Le publie, de son côté, regretta vivement la cessation d’un recueil qui lui offroit une source abondante, d'instruction. Aujourd’hui la situation de la France , devenue tranquille et stable , rappelle tous les amis de,la sçience à leurs études chéries. Le public , de son côté, porte de nouveau son attention sur les paisibles travaux des savans : cef motifs ont dù naturellement faire naître l’idée de continper une collection donton peut dire que tous les jours on sent davantage la nécessité. Les Nouvelles Annales des Voyages paroïtront par volume de 400 pages environ, ayec cartes et figuxes ; il en sera livré Quatre volumes par année. On souscrit pour un an, à raison de 50 fr. pris à Paris , et de 63 fr; pour les dépariemens. Le pre- mier volume pacte dans le courant de janvier. Toutes les lettres, remises et paquets doivent être envoyés ; francs de port, au bureau des Annales des Voyages, à la li- brainie de Gide fils, xue St-MarcÆFeydeau , n° 20. » TABLE ANALYTIQUE. ZOOLOGIE. Histoire naturelle des animaux, par M. Fleming. Ouvrage annoncé. 32e CONCHYOLOGIE. Élémens de conchiologie , par M. Burrow. Ouvrage annoncé. 320 PHYSIQUE. Nouvel instrument catoptrique inventé par M. le comte de Teleky. | 523 GÉOLOGIE. Opinion de M. Steinhauser sur l’intérieur de la terre. 523 PHILOSOPHIE. Notes sur l’Hipparque de Platon. 117—284 Mécanique morale, par M. A. Lasalle. 177 Esquisse d’un Essai sur la philosophie des sciences, par M. M.-A. Jullien, de Paris. 336 ÉCONOMIE PUBLIQUE. De l’économie publique des Celtes, des Germains , etc. , par M. Reynier. 184 COMMERCE. Mémoire sur l’état du commerce en Provence dans le moyen âge, par M. Fauris de St-Vincens. 251 TECHNOLOGIE. Médaille d’or accordée à un manufacturier de la Bohème. 324 GÉOGRAPHIE. Traité de géographie sacrée , par M. Henning. Ouvrage an- noncé. y 320 Description de lempire Japonois et des pays voisins. Ouvrage annoncé. 527 De Table ‘analytique. 585 VOYAGES. Journal du premier voyage de Christophe Colomb. 105 Prospectus d’un voyage pittoresque à Lyon et sur les rives du Rhône et de la Saône. 137 Voyage littéraire en Angleterre, par le docteur Spicker. 319 ANTIQUITÉS. Dissertation sur les journaux des anciens , par M. l’abbé de Périer et Fauris de St-Vincens. 194 Tombeaux trouvés auprès d'Ehrenbreitstein. 153 PALÆOGRAPHIE. Inscription grecque et latine trouvée dans l'ile de Sainte- Marguerite. 149 NUMISMATIQUE: Médaille frappée à Paris, en commémoration de la troisième fête séculaire de la réformation. 159 HISTOIRE. Histoire de la guerre de l'Espagne contre Napoléon Bo- naparte. 163 Essai sur l’histoire , la littérature et la religion des Hindous, par M. Ward. 314 HISTOIRE ECCLÉSIASTIQUE- Nouvelle publication de l’histoire ecclésiastique de Fleury. 159 HISTOIRE LITTÉRAIRE. Académie royale des sciences de Lisbonne, 320 Académie des Arcadiens à Rome. / 133 Prix décernés par M. Brockhaus à Leipsic. 134 Société des naturalistes à Halle. 323 Institution charitable en faveur des étudians indigens de la faculté de philosophie de Prague. 322 Pension accordée aux éditeurs du Mercure grec , à Vienne. 323 Deuxième classe de l’Institut royal des sciences , de littérature et des beaux-arts dans les Pays-Bas. 153 . Académie impériale des sciences à St-Pétersbourg. 324 Société des sciences et des arts de Grenoble. 149 584 ‘Table analytique. Nomination de M. Champellionde’jcune à la chaire d’his- toire au collége royal-de Grenüble. 150 Académie des sciences , belles-letires et arts de Lyon. 137 Académie des sciences et belles-lettres de Dijon. 143 Académie des sciences de l’institut-de France. 158 Académie royale des inscriptions et belles-lettres. 158 Académie royale des beaux-arts de l’Institut de France. 150—158 Soicété biblique à Paris, : À 159 BIBLIOGRAPHIE. Productions littéraires en Angleterre. 315 —— en France. 139—159—163—166—170—175—327 Annonces de livres françois. _. 190—5381 —— étrangers. 191 Réclamation de M. Etienne Sainte-Marie. 326 BIOGRAPHIE, Notice sur M. Millin, par M. Krafft. 5 Lettre à M. Krafft sur cette notice, par M. Mahul. 319 POÉSIE. Jeanne-d’Arc, cantate, par M. Vinatis. | 156 Nouvelle Encyclopédie poétique. 166 Les poésies de Marie de France. 175 THÉATRES. Revue des théâtres de Paris. 170—332 SCUEPTURE. Souscription proposée pour un monument à ‘élever en mémoire de Fénélon. | 325 MÉLANGES. Correspondance littéraire de D. Bonaventure d’Argone, 83—265 Table générale des matières du Magasin Encyclopédique , par M. Sajou. 1 170 Œuvres complètes de Voltaire. 181 Notice des ouvrages de M. MiLLIN , qui sè vendent au Bureau des Annales Ency- clopédiques , rue Neuve des Petits- Champs , n° 12. Voya6E en Savoie, en Piémont, à Nice, et dans l’ancien Etat de Gênes, pendant les années 1811 et 1813. Année 1816. Deux vol. in-8° , avec deux vignettes; 12 fr., et 14 fr. 5o c. par la poste. VoxAGE dans le Milanais , à Plaisance, à Parme, à Modène, à Mantoue et à Crémone, et dans plusieurs autres villes de la Lombardie. Année 1817. Deux vol. in-8° , avec deux vignettes ; 12 fr., et 14fr. 50 c. par la poste. Le Voyage dans l’ancien Etat Vénitien est sous presse. DESCRIPTION DES TOMBEAUX DE CANOSA, ainsi que des bas- reliefs, des armures et des vases peints qui y ont été dé- couverts en 1813. De l'imprimerie de P. Didot l’ainé, 1816. Grand in-fol. élégamment cartonné. 100 fr. L'OrssTripz , ou Description de deux superbes Bas- Reliefs inédits du Palais Grimani à Venise, et d'autres Monumens Le appartiennent à l'Histoire d’Oreste. Paris. 1817; e l'imprimerie de P. Didot l’ainé. Grand in-4°, élé- gamment cartonné, avec quatre grandes planches doubles. Prix en papier fin, 15 fr. ; papier vélin, dont il ma été tiré que vint-cinq , 40 fr. Les exemplaires non peints se vendent 4o fr., et ceux qui réunissent les planches noires aux planches peintes, 49 fr. MINÉRALOGIE HOWÉRIQUE, ou Essai sur les Minéraux, dont il est fait mention dans les poëmes d'Homère. Sec. édit. corrigée et augmentée, élégamment imprimée. sur beau papier, et accompagné de deux vignettes. 1816, in-6°, 5 fr., et 6 fr. par la poste. Monumexs antiques inédils, ou nouvellement expliqués. Collection de statues, bas-reliefs, bustes, peintures, mosaïques, gravures, vases, inscriptions, médailles, et instrumens tirés des collections nationales et particulières, et accompagnées d’un texte explicatif. Paris , 1802 et 1806 2 vol. in-4°. Les deux volumes contiennent go planches. 72 fr. Æcxrrtaques, ou Recueil de quelques Monumens ægyptiens inédits. Année 1816, in-4°, avec douze planches; 12 i, et 15 fr. par la poste. Cet ouvrage, imprimé par M. P. Bidot l'ainé , fait suite au Recueil des Monumens antiques inédits. Histoire métallique de la Révolution française. ou Recueil des médailles et des monnaies qui ont été frappées depuis la convocation des Etats-Généraux jusqu'aux premieres C ampagnes d'Italie. Paris, 1806, grand in-4°, avec 26 pl. 29 fr pap. vél. 5o fr. (4) DESCRIPTION des tombeaux qui ont été découverts à Pompét, dans l’année 1812. Naples, de l'imprimerie royale, 1013: in-89, avec 7 pl. 5 fr., et 6 fr. par la poste. DescripTion d’un Sceau d'or de Louis XII. Paris, 1814 in-8° , imprimerie de F. Didot, avec une gravure. 2 fr. DESCRIPTION d’un vase trouvé à Tarente. Paris, 1814, in-S°, avec une gravure. 2 fr. . Descatprion d’une Médaille de Siris , dans la Lucanie. Paris, 1814, in-8°, avec une gravure. 2 fr. “OBSERVATIONS sur le Monument sépulcral de Pompéïus Campanus, à Aix en Savoie. Paris, 1814, in-8°, avec la gravure. 1 fr. 20 c. Lrs MARTINALES, ou Recherches à l’occasion d’une Mé- daille qui représente l’Oie de la Saint-Martin; imprimé par M. Didot l'ainé. Paris, 1815, in-8°, avec la gravure de la médaille. 2 fr. 25 c. oT1cE sur des Médailles inédites de Callatia ; 1815, in-8°. 5 c. GALERIE mythologique. Recueil de Monumens pour uns . à l'étude de la Mythologie, de l'Histoire de PArt, de l'Antiquité figurée, et du langage allégorique des Anciens. Avec 180 planches gravées au trait, contenant près de 700 monumens antiques, tels que statues, bas-reliefs , , pierres gravées, médailles, fresques et peintures de vases, dont plusieurs sontinédits. Imprimerie de P. Didot lainé. Paris, 1811, 2 vol. in-8°. 36 fr. - PrINTURES de Vases antiques, vulgairement appelés Etrus- ques, tirés de différentes collections. Imprimées par Didot l'ainé, sur papier vélin d'Annonay; planches gravées par M. Clerer, 1809 et 1810, 2 vel. gr. in-fol. En noir. 450 fr. VoxAGE dans les départemens du midi de la France. Paris, imprimerie royale; 1807, 1811, 2 vol. in-8°., et un atias de 100 planches, 72 fr., et le double en papier vélin. Pierres gravées inédites tirées des plus célebres ‘cabinets de l Europe. Deux vol. in-8° , avec 200 planches. Ce recueil composé de 200 planches paroît à commen- cer du rer octobre, par livraisons de dix planches in-8°, accompagnées d’un texte imprimé sur papier grand raisin fin. Dix livraisons formeront un volume ; chacune coûtera 6 fr. On a tiré vingt-cinq exemplaires en papier vélin , dont le prix est double. Les livraisons se succéderont de manière que louvrage entier soit terminé au mois de décembre 1818. On donnera avec la dernière la liste des souscripteurs. Imprimerie de LE NoRMANT, rue de Seine, n°. 8. ARTS ET MÉTIERS DES ANCIENS, REPRÉSENTÉS PAR LES MONUMENS, EN 130 PLANCHES IN FOL. OMBRÉES ET AU TRAIT; OU RECHERCHES ARCHAEOLOGIQUES SERVANT principalement à l'explication d’un grand nombre d’Antiquités recueillies dans les ruines d'une ville gauloise et romaine, découverte entre Saint-Dizier et Joinville. Ouvrage qui peut servir de supplément aux Recueils de Montfaucon , du Comte de Caylus, de d’Agincourt, etc., ainsi qu'aux décou- vertes souterraines d'Herculanum. Par M. GRIVAUD DE LA VINCELLE, Membre de plusieurs Académies et Sociétés littéraires et savantes. Vidi Artes veterumque Manus. Srarius Silv: I. 3. nì Tiburt, Vil!. M. Vopis. AVANT VVV VUV RAA VUE VVU VVE VVV UV VAE VA VVU VVE VY PROSPECTUS. AMANAN AA AAA A AN AAA A AAA ANA AA TouT ce qui tient aux premiers temps de l’histoire de nos ancêtreset des pays qu'ils ont habités, toutes les décou- vertes qui peuvent donner de nouvelles lumières sur leurs mœurs et leurs usages méritent l'attention et l'intérêt non seulement des savans, mais de tous les hommes éclairés et des Français jaloux de la gloire de’ leur patrie. Les restes des habitations qui ont anciennement existé sur le sol de la France, et qui étoient depuis une longue suite de siècles ensevelis dans le sein de la terre, en sortent chaque jour par d’heureux hasards qui les font decouvrir sur différens points. On retrouve parmi ces ruines des débris nombreux et variés qui ne sont pour la multitude que des objets sans valeur et sans prix lorsque leur matière n'offre aucun appât à la cupidité. Mais rien n'échappe à l'œil de l'observateur éclairé, et souvent en examinant ces débris que l'ignorance dédaigne, il se reporte aux temps les plus reculés; il peut se faire un tableau fidèle des mœurs, des habitudes et des usages des anciens peuples; il vit dans les siècles passés et se reporte au milieu des générations que la main du temps a successivement cou- chées dans la poussière. Les amis dés sciences et de l'illustration de leur patrie voyent avec plaisir que ,f depuis quelques années, un zèle digne deloge a remplacé l'indifférence presque géné- - Yale qui régnoit en France pour les restes de l'antiquité qu’on y découvre fréquemment. MM. les préfets et sous- préfets font recueillir et conserver avec soin tout ce que (22) la terre rend à la curiosité et à l’érudition. Plusieurs ont même fait exécuter des fouilles d’après des traditions et des indications locales, et leurs recherches ont presque tou- jours été couronnées par le succès. La découverte qui sert de base à l’ouvrage que l’on publie n'est pas récente, mais on verra qu’elle n’en est pas moins digne d’un haut intérêt. M. Grignon, maître de forges à Bayard, entre Saint-Dizier et Joinville, et cor- respondant de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres, fut autorisé parle Roi en 1772 à faire fouiller le plateau d’une montagne voisine de son établissement, et appelée Chatelet. De temps immémorial on y découvroit des fragemens qui annonçoient en cet endroit l'existence d’une ancienne ha- bitation détruite depuis des siècles. Les travaux firent en effet reconnoîlre l'emplacement d’une ville dont on mit à découvert une partie des rues et des restes d’édifices. On retira des décombres une grande quantité d’ustensiles et de petits meubles en bronze. en fer, en terre et en verre ; on y trouva beaucoup de médailles, des figurines, des fragmens de sculptures et de statues. Le tout fut recueilli par M. Grignon, qui fit à l’Académie un rapport sur ces fouilles, et en publia les résultats en 1774 et-1775 dans deux bulletins très- détaillés. Au surplus les travaux ordonnés par M. Grignon ne s’étendirent pas au-delà du tiers du plateau de Chatelet, dont les deux autres tiers sont, par conséquent, encore intacts. M. l'abbé de Tersan, aujourd’hui octogénaire, et dont la longue et honorable carrière a été consacrée aux sciences, principalement à l’archæologie, avoit acquis toutes les an- tiquités recueillies à Chatelet par Grignon. Il les avoit réunies aux nombreuses collections de monumens en tous genres qu'il s’étoit plû à former dès sa jeunesse ; il conçut l'idée de les faire servir à un ouvrage sur les arts et métiers des anciens. Il ne tarda pas à en rassembler les matériaux et commença la gravure des planches; mais la perte de sa for tune par suite de la révolution et altération successive de sa santé lui firent d’abord ajourner et ensuite suspendre indéfiniment l'exécution de son projet. Il n’avoit rien écrit encore, le texte entier restoit à faire mais la gravure des planches étoit presque achevée; il est probable que ce Lra; vail important auroit été perdu pour la science, si un ami du docte vieillard qui l’avoit entrepris ne se fût décidé à y mettre la dernière main et à composer le texte. M. Grivaud de la Vincelle est déjà connu par plusieurs bons ouvrages archæologiques, et s’est déjà plus spécialement occupé de recherches sur les antiquités de la France; son nom ne peut qu'ajouter de l'intérêt au recueil que l’on propose par sous- cription, et dont ou va exposer sommairement le plan et les divisions. (5) PLAN ET DIVISION DE L'OUVRAGE. Les antiquités découvertes à Chatelet, servant de base à l’ouvrage, on commencera par des recherches sur la ville qui a dû y exister anciennement, sur le nom de ses habi— tans, et sur les peuples de la Gaule, dont ils faisoient partie. On passera en revue les fouilles faites par Grignon, et ces recherches seront accompagnées d’une carte ancienne et moderne du local et des environs de Chatelet, du plan géométral de la montagne, et de celui des fouilles qui y ont été faites. La pierre dite la Haute-Borne de Viromarus, qui existoit à peu de distance de cette montagne, fournira quelques observations sur les pierres levées des anciens que l'on trouve du nord jusqu'au midi de l'Europe. Les recherches sur les arts et métiers des anciens, qui suivront, seront divisées en deux parties ; dans la première, on traitera des arts, et dans la seconde, des métiers. Les arts commenceront par les soins donnés à l’homme à sa naissance, la première éducation; puis les exercices du corps, la chasse, la pêche et les jeux. On passera ensuite : à la médecine et à la siia aia la peinture, la sculpture, l'architecture, la gravure, la musique et la danse termine— ront celte première série. La seconde partie relative aux métiers sera partagée en plusieurs divisions et subdivisions. PREMIÈRE DIVISION. Les premiers besoins de l'homme. §. 1°". Nourriture. $. 2. Habitation et service intérieur. $. 3. Habillement. DEUXIÈME DIVISION. Ouvriers particuliers. §. 1. Ouvriers en terre. 7 TROISIÈME DIVISION. Ouvriers généraux. §. 2. ——-— en bois. $ 3. ———— en pierre. Ẹ 4. ———— en métaux. | §. 5. ——— en choses usuelles. & €. ———— d’agrémens. §. 7 ————de luxe. R $. 1. Service général, 8. 2. Service militaire. §. 3. Navigation. QUATRIÈME DIVISION. Industrie supérieure. CINQUIÈME DIVISION. Etats et métiers déclarés infèmes chez les anciens. ADDITION. Antiquités relatives à la religion et au culte. Cette dernière partie servira d'explication aux antiquités les plus curieuses, découvertes à Chatelet, et qui ont rap- port à la religion et au culie. Elles se termineront parles der D ACTE) nierssoins rendus à l’homme après sa mortet l'exposition d'un nouveau système d'explication de la figure de l’Ascia pet de la dédicace sub Ascia. dans les inscriptions tumulaires. Conditions de la Souscription. Les arts et métiers des anciens représentés par les monu- mens, formeront, avec les cent trente planches qui accom- pagneront le texte, deux volumes in-folio. Les planches étant toutes gravées dans ce moment, on est assuré que l'ou- vrage n’éprouvera ni interruption ni suspension. Le texte sera imprimé sur bon papier ordinaire dit nom de jésus; il en sera tiré un petit nombre d’exemplaires sur beau papier vélin de même format. L'ouvrage sera publié en quinze livraisons dont chacune contiendra de huit à dix planches avec le texte dans lequel se trouvera l’explication; on se réserve néanmoins de faire paroître un quart des livraisons sans texte ; mais ce dernier sera toujours accompagné de planches, La première livraison paroîtra le premier décembre pro- Ghain 1818; et les suivantes de mois en mois, ou de six semaines en six semaines. Le prix de chaque livraison est fixé pour Paris à r2 francs sur papier ordinaire, et 24 francs sur papier vélin. Pour les personnes qui souscriront avant le premier avril 1819, et à 15 francs papier ordinaire, et 5o francs grand papier vélin pour les personnes qui n’auroient point souscrit avant cette époque. Les premières épreuves seront réservées aux souscripteurs. Les personnes qui soüscriront pour l'ouvrage, et qui, pour éviter les payemens partiels, acquitteroïent le prix de la totalité des livraisons, jouiront d’une bonification d’in- térêt de demi pour cent par mois. Mais on ne contractera d’autre obligation en souscrivant que de prendre la tota- lité des livraisons, et de les payer à mesure qu’elles paroi- tront. Ceux qui voudront les recevoir franc de port ajou- teront un franc par livraison pour frais d’affranchissement dans toute l'étendue de la France seulement. On souscrit A Paris, chez Nepveu, Libraire-Editeur, passage des Panoramas n° 26, et chez les principaux Libraires et Mar- chands d’estampes de la France et des pays étrangers. Formule de Souscription. Je soussigné, m'engage à prendre exemplaire sur papier des Arts et Métiers des Anciens, représentés par les Monumens,“ par M. Grivaud de la Vincelle en deux volumes in-folio, et je promets de payer chaque livraison lorsqu'elle paroïtra, au prix fixé dans les Prospectus. A i le De l'Imprimerie de LE NORMANT , rue de Seine. (1818 ) W RSR TABLE DES ARTICLES. MÉMOIRES. Dissertation sur les journaux des anciens, par MM. l'abbé de Périer et Fauris de Saint-Vin- cens. 194 Mémoire sur l’état du commerce en Provence, dans le moyen âge, par M. Fauris de‘Saint- Vincens. 231 Correspondance littéraire de Bo- naventure d’Argone, 265 Suite des notes sur ppitin de Platon. Lettre de M. Mahul sur M. Mik lin. 310 NOUVELLES LITTÉRAIRES. ANGLETERRE, Productions littéraires, id. PORTUGAL. 320 Académie royale des sciences de Lisbonne. id. ALLEMAGNE. 322 Société des naturalistes à Halle. id. Institution charitable à Prague. id. 3:5 Nouvel instrument catopirigue.» 323 Opinion de M. Steinhauser sur l’intérieur dela terre. id. Pension accordée aux éditems du Mercure grec. id. Médaille d’or accordée à un ma- nufacturier de la Bohême. 324 Russır. id. Académie impériale des sciences à Saint- Pétersbourg, , id. FRANCE. 325 Souscription proposée pour un monùment à élever à Cambrai à la mémoire de Fénélon. id. Paris. 326 Réclamation de M. Etienne Ste- Marie id. Annonce d’un imporlant ouvrage sur l’empire japonois. 327 Revue des théâtres. 332 EXTRAITS rr NOTICES. Esquisse d’un essai sur la philo- sophie des sciences. 336 ANNONCES. Livres françois. í DAN PRR ANIRAI | 1 a | È i f JON: ` { HI a vx Pe'i + a Aa A sA Lu r = #1. PNR E Ces S md de 1250 A n DAD FL yo PNA ARIANE) PAUSE VE LE Va NNA ` ~‘ a AANA LR AE LE $ A ` ARY LE Reg ru nu + Aa i AANS 4 Et DAN NY LRQ + 0 AO n A