ANNALES DE LA ! _ SCIENCE AGRONOMIQUE FRANÇAISE ET ÉTRANGÈRE 7, Comité de rédaction des Annales. Rédacteur en chef : L. GRANDEAU, directeur de la Station agronomique de l'Est. U. Gayon, directeur de la Station agronomique de Bordeaux. Guinon, directeur honoraire de la Sta- tion agronomique de Châteauroux. Margottet, recteur de l'Académie de Lille. Th. Schlæsing, de l'Institut, professeur à l'Institut national agronomique. E. Risler, directeur de l’Institut na- tional agronomique. L. Mangin, docteur ès sciences, pro- fesseur au lycée Louis-le-Grand. A. Müntz, professeur à l'Institut na- tional agronomique. A. Ronna, membre .du Conseil supé- rieur de l'agriculture. Ed. Henry, professeur à l'École na- tionale forestière, E. Reuss, inspecteur des forèts à Fontainebleau. Correspondants des Annales pour les colonies et l’étranger. COLONIES FRANÇAISES. H. Lecomte, docteur ès sciences, pro- fesseur au lycée Saint-Louis. ALLEMAGNE. L. Ebermayer, professeur à l'Univer- sité de Munich. J. Kônig, directeur de la Station agro- nomique de Münster, Fr. Nobbe, directeur de la Station agronomique de Tharand. Tollens, professeur à l'Université de Gôttingen. ANGLETERRE. R. Warington, chimiste du laboratoire de Rothamsted. Ed. Kinch, professeur de chimie agri- voie au collège royal d'agriculture de Cirencester. BELGIQUE. A. Petermann, directeur de la Station agronomique de l'Etat (Gembloux). CANADA. Dr 0. Trudel, à Ottava. ÉCOSSE. T. Jamieson, directeur de la Station agronomique d'Aberdeen. ESPAGNE ET PORTUGAL. Joâo Motta dâ Prego, à Lisbonne. ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE. E. W. Hilgard, professeur à l'Univer- sité de Berkeley (Californie). HOLLANDE. A. Mayer, directeur de la Station agro- nomique de Wageningen. ITALIE. A. Cossa, professeur de chimie à l'É- cole d'application des ingénieurs, à Turin. NORWÈGE ET SUÈDE. Dr Al. Atterberg, directeur de la Sta- tion agronomique et d’essais de se- mences de Kalmar. SUISSE. E. Schultze, directeur du laboratoire agronomique de l'École polytech- nique de Zurich. RUSSIE. Thoms, directeur de la Station agro- nomique de Riga. Nora.— Tous les ouvrages adressés franco à La Rédaction seront annoncés dans le premier fascicule qui paraîtra après leur arrivée. IL sera, en outre, publié s'ily a lieu, une anulyse des ouvrages dont La spécialité rentre dans le cadre des Annales (chèmie, physique, géologie, minéralogie, physiologie végétale et animale, agriculture, sylviculture, technologie, etc.). Tout ce qui concerne la rédaction des Annales’ de la Science agronomique francaise et étrangère (manuscrits, épreuves, correspondance, etc.) devra étre adressé franco à A. L. Grandeau, rédacteur en chef, 48, rue de Lille, à Paris. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE ORGANE DES STATIONS AGRONOMIQUES ET DES LABORATOIRES AGRICOLES PUBLIÉES Sous les auspices du Ministère de l'Agriculture PAR FOURS GRANDE UD DIRECTEUR DE LA STATION AGRONOMIQUE DE L'EST MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D'AGRICULTURE PROFESSEUR AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET METIERS INSPECTEUR GÉNÉRAL DES STATIONS AGRONOMIQUES VICE-PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ NATIONALE D ENCOURAGEMENT A L'AGRICULTURE MEMBRE DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AGRICULTURE 2e SÉRIE —- QUATRIÈME ANNÉE —- 4898 Tome I. BERGER-LEVRAULT ET Ci, LIBRAIRES-ÉDITEURS PARIS NANCY D, RUE DES BEAUX-ARTS 18, RUE DES GLACGIS 1898 LES FORÊÉTS MALAISIE A UN" SOUDE ER R NIINLE:S DANS LES RÉGIONS DE PLAINES PAR E. HENRY CHARGÉ DE COURS A L'ÉCOLE NATIONALE FORESTIÈRE Depuis une cinquantaine d’années surtout, on se plaint, dans l’Eu- rope orientale, d’une diminution notable dans la quantité d’eau fournie par les sources et les rivières. Déjà en 1875, l’Académie des sciences de Vienne s’est occupée de cette question; elle a appelé l'attention sur l’abaissement des eaux du Danube, et les ingénieurs autrichiens ont nommé une commission chargée d’étudier les causes du mal et de proposer les moyens d’y remédier. Cette commission a été unanime à déclarer que la première cause de cette décroissance si nuisible aux intérêts de la navigation, de l’agriculture et de l’in- dustrie était la dévastation des forêts. Il résulte des chiffres recueillis par M. le conseiller Wex et communiqués à la Société de géographie de Vienne en 1875 que, depuis les déboisements considérables qui ont eu lieu dans le demi-siècle précédent, le niveau moyen de l’Elbe et de l’Oder a baissé de 17 pouces, celui du Rhin et de la Vistule de 24 pouces, celui du Danube, à Orsova, de 55 pouces. Des faits analogues ont été depuis longtemps constatés en Russie. Déjà en 1880, il s'était constitué, à Moscou, une commission pré- ANN. SCIENCE AGXON. — 2€ SÉRIE, — 1898. — 1. 1 2 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. sidée par M. Weinberg pour étudier les causes de la décroissance du niveau des cours d’eau et rechercher l’influence que la destruc- tion des forêts exerce sur le climat, la végétation et le régime des fleuves. En 1894, M. Venukoff a communiqué à la Société de géographie de Paris’ quelques renseignements relatifs à Ja diminution de la quantité d’eau dans les rivières de l’Europe orientale, fait déjà étu- dié de 1850 à 1840 par M. Kæppen qui en avait attribué la princi- pale cause à la disparition des forêts. En Russie, le Woronesh, sur lequel Pierre le Grand construisit ses premiers navires, est mainte- nant un simple ruisseau. L’Oka est devenu si peu profond que les bateaux s’échouent très souvent sur ses bancs de sable. La naviga- tion a dû être abandonnée sur le Dniepr, dont la profondeur est réduite à 2 ou 5 pieds. Sur la Volga même, la navigation à vapeur a cessé en de nombreux points, le fleuve ne pouvant plus entrainer les bancs de sable. On a calculé que le volume de ses eaux avait dimi- nué de 24 millions de mètres cubes*. En présence de cette situation calamiteuse, le ministre de l’agriculture en Russie, M. Yermoloff, a organisé une expédition scientifique composée de douze spécialistes sous la direction du général de Tillo. Elle doit visiter les sources de la Volga, de la Dvina occidentale, du Dniepr, du Don, de l'Oka et des autres affluents de la Volga et indiquer les mesures les plus convenables pour augmenter la quantité d’eau des sources et sur- tout pour en rendre l’écoulement plus régulier. Ce n’est pas seulement le gouvernement qui s’est ému de ce fà- cheux état de choses ; beaucoup de membres de l’aristocratie russe, possesseurs d'immenses domaines, diverses sociétés parmi lesquelles on doit citer en première ligne la Société économiqne libre, s’occu- pent de cette question vitale pour la Russie. Cette dernière Société entreprit en 1895 une campagne hydrolo- 1. Séance du 18 mai 1891. 2, L'Edimburgh Review (numéro de janvier 1893), d'où sont extraits ces renseigne- ments, ajoute : « Le mal provient de la destruction des forêts; la loi par laquelle le gouvernement a interdit l'exploitation désordonnée des bois est arrivée trop tard. Le reboisement est une œuvre de longue haleine et c'est le seul remède à la situation, » (Trad. dans Revue des Eaux et Forêts, 1895. p. 507.) LES FORÊTS. ET LES EAUX SOUTERRAINES DANS LES PLAINES. 3 gique dans les forêts qui se trouvent disséminées sur une faible sur- face de la région dite des {erres noires ou du tchernozem. Cette région que Ruprecht appelle le continent du tchernozem, s'étend sur 95 millions d’hectares et forme la plus grande partie de la Russie d'Europe au sud d’une ligne passant par Kiev, Moscou et Kazan. La direction des travaux fut confiée à M. Ototzky. Ces recherches, entre- prises avec méthode sur de grandes surfaces et dans des conditions aussi semblables que possible de sol et de relief — les plus propres, par suite, à faire ressortir l’influence du seul élément variable, la pré- sence ou l'absence de la forêt, — forment une contribution importante à l’étude de cette vieille question si ardemment discutée et encore incomplètement élucidée : l’action des forêts sur les nappes souter- raines et les sources. Le département forestier organise, de son côté, des excursions hydrologiques dans les régions où l’asséchement du climat et la di- minution des eaux courantes et des sources ont provoqué le plus de plaintes. On sent que la recherche des causes de ce phénomène est d’un intérêt capital pour la Russie d'Europe qui ne reçoit guère plus d'eaux météoriques qu’il n’en faut pour les diverses cultures, puis- qu'il n’y tombe que de 20 à 60 centimètres d’eau. Cette question est connexe, mais distincte, d’une autre, qui donna lieu autrefois à de longues discussions, à de passionnées contro- verses, mais sur laquelle tout le monde est d’accord aujourd’hui, je veux parler de linfluence des forêts sur le régime des cours d’eau et sur les inondations. Les crues fortes et subites qui sont les plus désastreuses sont pro- voquées par les eaux de ruissellement circulant à la surface des ter- rains imperméables dans les régions accidentées des bassins. Dans les plaines, les eaux des pluies ou des neiges s’infiltrent dans le sol, s’il est perméable, et vont enrichir les nappes souterraines dont les sources sont les émissaires. Si le sol est imperméable, ces eaux res- tent à l’état stagnant jusqu’à ce qu’elles se soient complètement éva- porées ; mais dans les montagnes elles s’écoulent suivant la ligne de plus grande pente avec une vitesse d’autant plus grande que la pente est plus rapide et viennent se déverser dans les ruisseaux en les gonflant très vite et en provoquant des inondations désastreuses. 4 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. A la suite de celles de 1856, dont les ravages consternèrent la la France, l’on vit surgir de nombreux écrits sur les moyens à em- ployer pour prévenir le retour de semblables calamités. Parmi ces moyens, celui qui fut préconisé surtout fut le maintien des forêts et le reboisement des versants montagneux imprudemment dé- nudés. Il y eut à ce moment une irrésistible poussée de l’opinion publi- que en faveur du reboisement des montagnes dont les écrits de Fabre, Thury, Surell, Gras, Boussingault, de Gasparin, Becque- re], Clavé (pour ne citer que les plus importants) montraient l’ur- gente nécessité si l’on voulait, d’une part, empêcher la dégradation du sol sur les pentes des montagnes et la formation des torrents, et, de l’autre, régulariser le régime des cours d’eau et prévenir les inon- dations. La loi du 28 juillet 1860 sur le reboisement, complétée par celle du 8 juin 1864 sur le regazonnement, fut la conséquence de celte agitation et les remarquables travaux faits depuis 40 ans par l'administration forestière dans les régions les plus dévastées de nos Alpes françaises attestent, par les résultats déjà obtenus et reconnus par tous que c’était là le meilleur moyen à prendre pour arriver au but. Ces résultats sont si nets, si évidents, que les autres nations se sont empressées de nous imiter et de venir étudier chez nous les procédés mis en œuvre avec succès dans les conditions les plus diffi- ciles par l’administration forestière française. Aujourd’hui, ce serait un lieu commun de plaider cette cause ; elle est gagnée. Tout le monde est convaincu que les forêts constituent le meilleur moyen de fixer le sol sur les pentes des montagnes de manière à empêcher le ravinement et la formation des torrents, même après les pluies les plus violentes et sur des terrains meubles ; tout le monde est con- vaincu aussi que les forêts diminuent le volume d’eau qui arrive au thalweg des bassins dénudés de toute la quantité retenue et évapo- rée par le dôme de feuillage et la couverture morte qui tapisse le sol et surtout qu’elles ralentissent dans une large mesure et l’é- coulement des eaux superficielles et la fonte des neiges de façon que les crues sont moins hautes et moins soudaines. Dans ce concerl, les seules voix discordantes ont été celles de deux ingénieurs des plus distingués, Belgrand et Vallès. LES FORÊTS ET LES EAUX SOUTERRAINES DANS LES PLAINES, D M. Belgrand dit’ que les forêts ne relardent pas l’écoulement des eaux pluviales. parce qu'il a constaté que les crues des cours d’eau du Morvan, région boisée, ne sont ni moins violentes ni moins ra- pides que celles qui proviennent de l’Auxois, région déboisée. Ce n’est d’abord pas dans le bassin de la Seine, qui présente une vaste surface avec de très faibles déclivités, qu’il faut chercher des exem- ples, mais dans les rivières des montagnes telles que les Alpes, les Pyrénées, où le ruissellement est à son maximum d'intensité et où le ralentissement dû à la forêt est le mieux marqué. Du reste, M. Belgrand a soin d’ajouter que ses observations ne s'appliquent qu’au bassin de la Seine et aux forêts peuplées d’ar- bres à feuilles caduques. Il est possible, dit-il, que les choses se pas- sent tout autrement dans les régions tropicales où les pluies qui pro- duisent les crues tombent sur des forêts toujours couvertes de feuilles?. L’assertion de M. Belgrand, même limitée au bassin de la Seine, est loin d’être inattaquable. D'abord il pleut beaucoup plus dans le Morvan que dans l’Auxois et, surtout, le relief en pentes raides des montagnes granitiques du Morvan favorise bien plus le ruissellement que celui de l’Auxois, pays formé de coteaux liasiques à pentes douces couronnées de pla- teaux calcaires. L'opinion de M. Belgrand s'appuie sur des expériences faites en 1852 sur deux ruisseaux à versants imperméables situés près d’Avallon; mais ces expériences prêtent le flanc à des critiques telle- ment sérieuses qu’on ne peut accorder aucune confiance à des con- clusions fondées sur de tels résultats*. 1. Voir La Seine, par M. Belgrand, p. 396-409. 2. La Seine, p. 405. 3. Voir pour ces critiques l'appendice aux Études expérimentales sur les Inonda- tions, par MM. Jeandel, Cantegril et Bellaud, agents forestiers, Paris et Nancy, 1862. Ces agents ont tenté aussi de résoudre le problème expérimentalement. Ils ont trouvé que les coefficients généraux d'écoulement superficiel et d'action inondante étaient environ moitié moindres dans les bassins boisés que dans les bassins déboisés. Bien que leur travail ne soit pas encore à l'abri de tout reproche (voir le rapport du maréchal Vaillant à l'Académie des sciences), leur expérience est bien plus probante que celle de M. Belgrand, * short Enr, toner iles 6 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Quant à M. Vallés’, dont l’ouvrage est des plus remarquables en tout ce qui concerne la science de l’ingénieur, il va plus loin encore que son éminent collègue et conclut que les forêts, bien loin d’atté- nuer et de régulariser les crues, en augmentent, au contraire, l’in- tensité et la violence, de même qu’elles diminuent, d’après lui, la quantité de pluie annuelle. Ce sont là de purs paradoxes appuyés sur de faux raisonnnements et sur des observations inexactes. Si ces deux ingénieurs des ponts et chaussées ont cru devoir pro- fesser les opinions que nous venons de rapporter, il faut reconnaître que tous ceux de leurs collègues qui ont écrit sur cette question ont soutenu les idées généralement admises*, et que, depuis 25 ans, il ne s’est plus trouvé personne pour nier l’action bienfaisante des forêts sur la diminution et le ralentissement du ruissellement et, par suite, des inondations, ainsi que sur la régularisation du régime des cours d’eau. Si l’accord semble donc fait définitivement sur ce point, il ne l’est pas encore sur la question de savoir quelle influence les forêts exercent sur les nappes souterraines et les sources. Cette question a été très nettement posée dès 1865 par le maré- chal Vaillant dans sa célèbre lettre à M. Vallès, l'ingénieur dont le nom est cité plus haut, lettre qui a été le point de départ des études de météorologie forestière. « La très grande estime que j'ai pour vos ouvrages, écrit le maréchal, me fait regretter que vous n’ayez pas encore traité d’une manière spéciale la question qui vient de s’agiter au Sénat, dont s'occupe en ce moment le Corps législatif et que tout récemment M. Becquerel, de l’Institut, a portée devant l’Académie des sciences ; je veux parler de l'influence des forêts comme cause permanente de sécheresse ou d'humidité. Favorisent- elles la naissance et la pérennité des sources? Fournissent-elles à ces sources plus d’eau que n’en donnerait un terrain cultivé en cé- réales ou en état de prairie ?.. Les forêts sont-elles une cause d’aug- mentation de la quantité d’eau de pluie qui s’infiltre dans la terre et 1. Études sur les inondations, leurs causes et leurs effets, par Vallès, ingénieur en chef des ponts et chaussés, Paris, 1857, et Nouvelles études sur les inondations, Paris, 1861. 2. Surell, Gézanne, Conte-Grandchamps, Græff, Compaing, ete. LES FORÊTS ET LES EAUX SOUTERRAINES DANS LES PLAINES. 1 qui est utilisée après son infiltration soit directement pour les be- soins de la végétation, soit pour la production et la conservation des sources, lesquelles ne sont jamais que le produit de ces eaux de pluie infiltrées et emmagasinées dans des couches supérieures ? Voilà ce que je voudrais vous voir examiner. » L’appel du maréchal Vaillant à été entendu sinon par M. Vallès, du moins par de nombreux savants et de nombreux observateurs. La question peut être en effet résolue soit empiriquement, par la simple observation de sources tarissant après l’abatage de la forêt, reparaissant avec le reboisement ; soit scientifiquement, en détermi- nant d’abord la quantité de pluie qui tombe en sol nu ou en forêt, tout ce qui est éliminé avant de gagner les nappes souterraines et comparant les volumes de ce qui reste, dans les deux cas, hors bois et sous bois. C’est de l'initiative du maréchal Vaillant que datent les études de météorologie forestière en France ; depuis 30 ans, de nombreuses stations de météorologie forestière ont été fondées : en Allemagne, en Autriche, en Suisse ; leurs recherches ont déjà déterminé un certain nombre des inconnues du problème ; d’autre part, on a fait beaucoup d'observations sur les relations des sources ou des nappes avec l’état boisé, et cependant la question n’est pas encore complètement résolue : 1l y a des points obscurs. A côté de constatations certaines de sources tarissant par le déboisement, il y a des exemples non moins certains de disparition de sources par le boisement et d’abaissement des nappes souterraines sous les forêts. Ce serait rendre un réel service à la science que de concilier ces faits en apparence contradictoires et de débrouiller enfin cette ques- tion sur laquelle on dispute depuis si longtemps. Les lignes qui vont suivre n’ont d’autre but que de mettre le lec- teur à peu près au courant de ce qu’on sait actuellement et de sus- citer des recherches ou des observations qui viennent combler cette lacune dans nos connaissances. Il semble qu’il y ait tout d’abord avantage à se placer dans le cas le plus simple ; donc nous ne nous occuperons pas de l'influence des forêts sur les nappes souterraines ou les sources en montagne. C’est cependant là où elles abondent à cause du plus grand nombre de lignes d’affleurement des zones imperméables sur une petite sur- 8 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. face, grâce aux accidents du relief, à cause de la plus forte inclinai- son des couches, à cause des précipitations atmosphériques plus abondantes, etc. Mais, en raison même de la pente généralement forte des couches, les eaux souterraines coulent sur leur lit imperméable avec une assez grande vitesse et, à moins qu'on n’ait à comparer deux bassins voisins, l’un boisé, l’autre nu, il est difficile de dégager l’action de la forêt. C’est dans les régions de plaines qu'il convient d’étudier d’abord cette influence. Sous ce rapport, il serait difficile de trouver un meilleur champ d’études que les immenses steppes de la Russie méridionale. On se fera une idée de la platitude du relief des vastes bassins du Dniepr, du Don ou de la Volga, où ont lieu les recherches hydrologiques russes, en considérant que le point culminant des hauteurs de Valdaï d’où sortent les plus grands fleuves de la Russie d'Europe n’est qu’à 301 mètres au-dessus du niveau de la mer. Ces steppes, au milieu desquelles coulent les larges fleuves du Dniepr, du Don, de la Volga, donnent l'illusion d’une vaste mer et les différences de niveau n’atteignent pas 200 mètres. Une autre circonstance heureuse pour l’étude du phénomène est que, dans toute cette zone où ont porté les recherches hydrolo- giques, le climat est très sec ; la pluie ou la neige qui tombe dans une année n’y forme pas une couche de plus de 40 centimètres; c’est, avec la zone des steppes désertes ponto-caspiennes où la hau- teur de pluie tombe à moins de 20 centimètres, la région la plus sèche de la Russie. Les forêts y ont été introduites par l’homme ; elles y prospèrent, mais n’y rencontrent que la dose minima d’hu- midité nécessaire à leur existence ; la zone contiguë qui borde la mer Caspienne et ne reçoit pas plus de 20 centimètres d'eaux mé- téoriques, est trop sèche pour que les forêts puissent y vivre. Dans ces conditions, les modifications des nappes d’eau souterraines s’ap- précient évidemment avec plus de facilité que dans les sols gorgés d’eau. L'expédition dirigée par M. Ototzky fit ses observations et ses sondages dans les gouvernements de Voronej, Kherson et Saratow, LES FORÊTS ET LES EAUX SOUTERRAINES DANS LES PLAINES. 9 c’est-à-dire dans la région méridionale du tchernozem qui occupe, comme on sait, la plus grande partie de la moitié sud de la Russie. Le sol de la forêt Chipoff (gouvernement de Voronej) est formé de couches d’argile et de sable reposant sur la craie. Les sables s’y trouvent à 8 niveaux correspondant à autant de nappes aquifères ; mais, tandis que l’eau affleure dans les puits ou sondages de la steppe à 3, 4 ou 5 mètres au-dessous de la surface, dès qu’on entre en forêt il faut creuser à 15 mètres pour la rencontrer ; encore ne la trouve- t-on pas toujours. Donc la forét à fait baisser le niveau de la nappe souterraine d’une dizaine de mètres environ. C’est là un résultat imprévu : on savait bien, par de nombreux do- sages, que les couches profondes des sols forestiers sont en été plus sèches que les couches de même niveau dans les sols nus ; mais on n'aurait jamais cru que l’asséchement provoqué par la transpiration des peuplements forestiers pût se faire sentir à de telles profon- deurs. Dans la forêt Noire (gouvernement de Kherson) la sonde a tra- versé des épaisseurs très variables de lôss reposant sur de l'argile noire à la surface de laquelle se trouve le premier niveau d’eau, le moins abondant ; au-dessous de cette argile noire, viennent:des sables argileux ou ferrugineux ou ligniteux ayant pour substratum le gra- nil gneissique. Sur ce granit est la deuxième nappe d’eau, beaucoup plus importante que la première. Lei, les faits constatés sont encore plus surprenants que dans la forêt Chipoff, parce qu’ils montrent l’in- fluence de la forêt même quand le niveau supérieur des eaux phréa- tiques est éloigné de la surface de plus de 10 mètres. Sous la forêt, le plan d’eau se trouve à # ou 5 mètres plus bas que sous la steppe ou sous les champs. Les mesures ont été prises pendant la saison de végétation, du 1° juin au 1" septembre ; c’est l’époque à laquelle l'influence assé- chante de la forêt est à son apogée. Il est regrettable qu’elles n’aient pas élé reprises une seconde fois, au mois de mars, par exemple, quand le sol forestier a son maximum d’approvisionnement en eau; mais, écrit M. Ototzky, d’après des observations non encore publiées faites dans le gouvernement d’Iekaterinoslav, à aucun moment, les 10 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. eaux phréatiques ne s'élèvent plus haut sous la forêt que sous la steppe. On avait déjà constaté sur d’autres points un abaissement sensible de la nappe d’eau des pluies à la suite de plantations, par exemple au couvent de Saint-Paul-aux-Trois-Fontaines, dans la campagne de Rome ; mais il s’agit ici d’eucalyptus, c’est-à-dire d’arbres à feuilles persistantes et à transpiration très intense et non de forêts de chênes comme celles où ont eu lieu les recherches russes ; de plus, la nappe d’eau n’était qu’à 50 centimètres au-dessous de la surface. À ne considérer que l’asséchement superficiel, les exemples abon- dent, en France et en Algérie, des heureux effets produits à cet égard, soit par les eucalyptus, soit même par d’autres arbres à feuilles persistantes, tels que les pins, beaucoup moins bien doués cependant que les cucalyptus sous le rapport de la transpiration. En dehors du fait si souvent cité du desséchement des lettes des dunes de Gascogne par les pins maritimes, je ne mentionnerai que celui qui a été si bien étudié et décrit par M. d'Arbois de Jubain- ville’, parce qu'il vient à l'appui des constatations de M. Ototzky, en montrant que l’asséchement produit par des plantations de pins syl- vestres dans une forêt de plaine du nord de la France a pu abaisser assez la nappe d’eau souterraine pour amener le tarissement de plu- sieurs sources. Il est vrai qu'il est question ici de résineux qui lais- sent arriver au sol moins de pluie que les arbres à feuilles caduques; mais, en revanche, ils sont considérés comme évaporant beaucoup moins, ce qui établit une sorte de compensation, et, en fait, on ne voit pas nettement pourquoi et comment les deux sortes de forêts agiraient, comme on l’a soutenu, d’une manière si différente, les feuillues augmentant et régularisant les sources d’après l'opinion généralement adoptée, les résineuses les diminuant et même les larissant. Peut-être, les résultats obtenus depuis 1867, dans les diverses sta- tions de météorologie forestière, nous fourniront-ils une explication satisfaisante de ces faits contradictoires. La science peut-elle nous dire aujoud’hui si deux régions de plaines voisines et de structure 1. Voir Revue des Eaux et Foréts, 1869, p. 131: LES FORÊTS ET LES EAUX SOUTERRAINES DANS LES PLAINES. 11 géologique identique, l’une nue, l’autre boisée, différeront dans le volume de leurs eaux souterraines et, au cas de l’affirmative, dans quel sens ? De quoi dépend l’approvisionnement en eaux souterraines dans les régions de plaines ? Des divers facteurs suivants : De la quantité des eaux météoriques, 4, qui tombent, soit sur le sol nu, soit sur le sol boisé. Une certaine portion de ces eaux météoriques (pluie, neige, rosée, givre, etc.) s’évapore soit, b, à la surface des végétaux, soit, c, à la surface du sol et retourne aussitôt à l’état de vapeur dans latmos- phère. Une autre portion, d, est absorbée par les racines pour servir à la nutrition ou à la transpiration des végétaux. Le reste, e, est fixé par le sol d’abord à l’état d’eau globulaire et d’eau capillaire ; une fois que les particules du sol sont saturées, même avant, si le sol est sillonné de crevasses, l'excédent s’écoule en obéissant aux lois de la pesanteur et de l’écoulement des liquides et vient se réunir à la surface des couches imperméables pour for- mer les nappes d’eaux souterraines qui alimentent les puits et les sources. Dans le cas de pentes avec sol imperméable ou demi-perméable, 1l y aurait à tenir compte des eaux de ruissellement ; mais il n’y en a pas dans les régions de plaines. Pour déterminer exactement le volume d’eau qui s’infiltre dans les profondeurs, il faut résoudre successivement les questions sui- vanies : 4° Pleut-il plus dans les régions boisées que dans les régions dé- boisées, toutes autres conditions égales ? On a maintenant le droit de répondre owi à cette question; car toutes les observations faites dans de bonnes conditions sont concor- dantes. Sans parler des faits bien connus rapportés par Boussingault, Blanqui, Becquerel et autres, citons quelques chiffres précis : L’épaisseur moyenne de la lame d’eau reçue annuellement par le 12 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. sol découvert a été de 0,80 à la station des Cinq-Tranchées, au mi- lieu de la forêt de Haye, près de Nancy, et de 0",65 seulement à la station d’Amance, située à la même altitude, à 18 kilomètres de la précédente, dans une région peu boisée. Ces chifires sont le: moyennes des onze premières années d’ob- servations faites par M. Mathieu, de 1867 à 1877. La moyenne des onze années suivantes (1878 à 1888) a été de 0",85 pour la station forestière de Bellefontaine et de 0",69 pour la station agricole de la Bouzule, toutes deux situées à la même altitude. Enfin pour la pé- riode s'étendant de 1889 à 1895, les moyennes de ces deux stations ont été de 0",75 et de 0°,60. Donc, depuis 30 ans, les résultats sont toujours concordants; aux environs de Nancy, la lame d’eau qui tombe sur les régions boisées est de 0",15 plus épaisse que celle qui tombe sur les régions agricoles peu boisées. Ebermayer', après avoir constaté que la hauteur d’eau tombant au centre du massif boisé du Spessart était environ d’un tiers plus forte qu’à Aschaffenburg, éloigné seulement de 4 lieues, mais situé à 300 mètres plus bas, conclut de ses observations que le Spessart doit sa plus grande abondance de pluie et de neige à son altitude et à sa situation et que la forêt n’a sur le phénomène qu’une action re- lativement faible. M. Fautrat? a installé des pluviomètres au-dessus de massifs boi- sés feuillus ou résineux et d’autres en plein champ, à 300 mètres seulement de la forêt et pendant quatre années consécutives (1874- 1877), même à une aussi faible distance, 1l est tombé plus d’eau sur la forêt, en moyenne 0",095 en plus sur la forêt feuillue et 0",057 sur le massif de résineux. Enfin, les observations récentes faites en Russie établissent aussi qu’il pleut plus dans les régions boisées et cette constatation offre une importance particulière en Russie, parce que dans la région des steppes où elle a été faite, on ne peut invoquer l'influence de Palti- 1. Die physikalischen Einwirkungen des Waldes auf Luft und Boden, par le D' Ebermayer. Aschaffenburg, 1873, p. 200. 2. Observations météorologiques faites de 1874 à 1878 par M. Fautrat, sous-ins- pecteur des forêts. Paris, 1878. LES FORÊTS ET LES EAUX SOUTERRAINES DANS LES PLAINES. 13 tude, des abris, des chaînes de montagne, qui ont, ailleurs, une si grande importance pour la quantité et la répartition des pluies”. Du reste, cette condensation plus abondante au-dessus des forêts s'explique par ce fait que les feuilles des arbres évaporent d'énormes quantités d’eau qui rendent plus humides et plus froides les couches d’air qui enveloppent la forêt. Les aéronautes qui passent au-dessus de massifs boisés constatent un refroidissement sensible de Pair. Si des vents plus ou moins chargés de vapeur d’eau viennent heurter ces couches froides et humides, une partie de leur vapeur se con- dense. Il est donc reconnu que les forêts attirent les pluies, que, toutes circonstances égales, il pleut plus sur les forêts que sur les régions déboisées”?. ® Quelle est la quantité d'eau pluviale que recoit le sol sous bois et hors bois ? Ce point est encore nettement établi, grâce aux nombreuses ob- servations faites en France et en divers autres pays. On comprend que la proportion d’eau interceptée par le dôme de feuillage varie dans de larges limites suivant la nature, la densité, l’âge des peuple- ments, suivant la durée et l’intensité des pluies. Voici, par ordre de date, les principaux résultats obtenus. Les premières observations, faites en 1866 dans la forêt de Fon- 1. « Oui, ce fait, établi pour la première fois par l'École forestière de Nancy, que les forêts attirent les pluies, est indubitablement et brillamment confirmé, entre autres, par les travaux les plus nouveaux de notre « Expédition du Département forestier. » (Extrait d'une lettre de M. Ototzky.) ; 2. Cependant, plusieurs observateurs, entre autres M, Bühler, en Suisse, M. von Lorenz-Libarnau, en Autriche, n'ont pas constaté ce fait. Il est néanmoins incontes- table. Ebermayer, qui n'y croyait pas d'abord, l'admet depuis que 16 ans d'observations en terrain plat dans la forêt domaniale de Nuremberg et ses environs lui ont montré que la hauteur de pluie a été, en moyenne, de 12 p. 100 plus grande en forêt qu'en plein champ. Dans le sud des provinces centrales de l'Inde, les recherches de Blanford ont porté sur un territoire d'environ 61 000 milles carrés anglais. Cette surface, d'abord boisée, fut ensuite déboisée pendant assez longtemps et enfin reboisée, depuis 1875, sur les 5/6 de son étendue. Dans 13 stations différentes, pendant que le reboisement progres- sait, il y eut une augmentation de chute de pluie d'environ 12 p. 100 aussi. 14 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tainebleau sous la direction du maréchal Vaillant, ont montré que, sous des bois feuillus, le sol recevait les 60 centièmes de l’eau qui tombe sur un sol nu. M. Becquerel est arrivé au même résultat. M. Mathieu a trouvé, pour une moyenne de 11 ans (1867 à 1877) 91 centièmes aux Cinq-Tranchées, 83 centièmes à Bellefontaine. Dans la première station, M. Bartet a obtenu le même rapport pour les 11 années suivantes (1878 à 1888) et pour les 5 années (1891 à 1895). M. Claudot a retrouvé, à très peu près, le même chiffre, 82 cen- tièmes, pour la station de Bellefontaine. Au domaine des Barres, M. Gouet a trouvé pour une moyenne de 5 ans (1873 à 1877) 84 centièmes. M. Fautrat, à Senlis, a constaté que, sous des peuplements à feuilles caduques, le sol forestier avait reçu en moyenne (1875 à 1877) 69 centièmes et sous des peuplements à feuilles persistantes (pins) 50 centièmes seulement de la pluie reçue par un sol nu. M. Rousseau arrive aussi à un chiffre très voisin du précédent (48 centièmes) pour la proportion de pluie qui arrive au sol sous une forte cépée de chênes verts. En Allemagne, Ebermayer a trouvé 77 centièmes (moyenne de 6 stations en 1868 et 1869); la moyenne des résultats obtenus dans 16 stations allemandes, en 1883 et 1884, est de 69 centièmes et en 1885 de 71 centièmes. En Suisse, Bühler obtient, pour moyenne de quatre ans, 73 cen- tièmes dans une station, 89 centièmes dans une autre sous des feuil- lus et 52 centièmes sous des résineux. La question de la quantité d’eau interceptée par le feuillage des arbres est résolue par cette multitude d’observations aussi bien qu’elle peut l’être et, à mon avis, c’est perdre son temps que de continuer des recherches dans ce sens. Les chiffres extrêmes trouvés pour les arbres à feuilles caduques sont 65 et 91, pour les arbres à feuilles persistantes 48 et 52. Les arbres à feuilles persistantes interceptent donc environ la moitié de l’eau météorique et les arbres à feuilles caduques, de’ 1 à 3 dixièmes seulement. LES FORÊTS ET LES EAUX SOUTERRAINES DANS LES PLAINES. 19 3° Quelle est la quantité d’eau qu'évapore soil un sol nu, soit un sol boisé ? Sur ce point nous sommes beaucoup moins bien renseignés que sur le précédent; c’est qu’aussi la question est pleine de difficultés. Comment déterminer la quantité d’eau que perdent à chaque instant hors bois et sous bois des sols naturels avec les modifications inces- santes qu'amène l’action des agents atmosphériques, des êtres orga- nisés, des nappes souterraines en circulation ? Aussi, s’est-on généralement borné à comparer l’évaporation d’une lame d’eau sous bois et hors bois, ce qui est très facile, mais ce qui ne donne qu’une idée très grossièrement approchée sans doute du phénomène. Gomme l’ont montré des expériences comparatives, un sol saturé évapore à peu près autant qu’une nappe d’eau; mais en dehors des très rares moments où le sol est saturé, nous ne savons rien ni sur les quantités absolues d’eau évaporées par un sol nu et par un sol boisé, ni même sur leurs quantités relatives. Quant à la différence d’évaporation d’une lame d’eau sous bois et hors bois, tous les observateurs arrivent à des résultats concordants. Il s’évapore hors bois de 2,3 fois à 5 fois plus d’eau que sous bois. Le chiffre donné par Mathieu est 3,11 (moyenne de 11 ans, 1867 à 1878), par Bartet 3,22 (moyenne de 11 ans, 1878 à 1888), par Eber- mayer 2,7 à 3, par Fautrat 3, par Müttrich 2,3 (moyenne d’observa- tions faites dans 16 stations allemandes). On peut donc admettre que l’évaporation d’une nappe d’eau est environ 3 fois moins active sous bois qu’en plein air. Voilà encore un point résolu, et de nouvelles observations n’ajou- teront rien à ce résultat; mieux vaudrait, semble-t-il, s’efforcer de résoudre celte question : Quelle est la quantité d’eau qu’évapore un même sol sous bois et hors bois en se plaçant dans des conditions aussi voisines que possible de celles des sols en place. M. Fautrat! avait installé dans la forêt d’Ermenonville, en 1878, des expériences fort bien conçues qui auraient pu donner, pour des sols en plaine à nappe souterrame immobile, des résultats assez rapprochés de la réa- 1. Observations méléorologiques faites de 187% à 1878, par M. Fautrat. Paris, Imprimerie nationale, 1878, p. 29. 16 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. lité ; mais elles ne semblent pas avoir été continuées ; en tous cas, Je ne crois pas qu'aucun chiffre ait été publié. La station suisse de recherches forestières s’est occupée de cette question, mais elle a opéré dans des conditions tellement défec- tueuses, qu’on ne peut guère tenir compte de ses résultats". On a aussi étudié l'influence de la couverture morte sur l’évapo- ration du sol. Suivant Ebermaver, elle serait de même grandeur que celle du couvert; d’où l’on peut admettre qu’un sol boisé couvert de mousse et de feuilles mortes évapore 6 fois moins qu’un sol nu, mais toujours dans l'hypothèse inexacte d'un sol constamment sa- turé. 4° L'eau qui n’est pas évaporée à la surface du sol pénètre dans ses interslices ; une fraction est retenue par les particules de terre el d'humus sous forme d’eau d’imbibition ; une autre est absorbée par les racines pour les besoins de la nutrition et de la transpiration ; le surplus s'écoule dans les profondeurs pour alimenter la nappe sou- terraine. La première fraction, l’eau d’imbibition, s’apprécie aisé- ment par la dessiccation d'échantillons de sol que l’on peut prendre simultanément dans les sols nus et boisés à des intervalles aussi rap- prochés qu’on le veut et à diverses profondeurs. Puisque l’évaporation est diminuée sous bois dans une proportion qui n’est pas encore déterminée, mais qui est certainement très con- sidérable, la quantité d’eau remontant des couches profondes à la surface, suivant les lois de la capillarité?, est moindre qu’en plem champ, toutes circonstances égales, de telle sorte que de deux zones également humides situées à égale profondeur dans deux sols iden- tiques, celle du sol forestier devrait garder plus d'humidité. C'est cependant le contraire qu’on observe en été à cause de l'absorption des racines. 1. Voir Mittheilungen der Schweizerischen Centralanstalt fur das forstliche Versuchswesen, par le D' Anton Bühler, IV. Band. Zurich, 1895, p. 315-323. 2, « La hauteur d'eau soulevée par capillarité, presque nulle dans les graviers, est de 0",30 dans les sables moyens (sables de verrerie), d'environ 0,60 "dans les terres argilo-sableuses et on lui a assigné 1",50 et plus dans les argiles et les marnes compactes. » (Daubrée, les Eaux souterraines.) LES FORÊTS ET LES EAUX SOUTERRAINES DANS LES PLAINES. 17 Ainsi, M. Bliznin, cité par M. Ototzky, a trouvé qu’en mai, juin et juillet les couches supérieures du sol de la forêt Noire (gouverne- ment de Kherson) jusqu’à 1,20 sont plus humides que celles des champs cultivés et qu’au-dessous (de 1,20 à 1",50) elles sont au contraire plus sèches. Les points où ont eu lieu les prélèvements ont été choisis de telle façon, affirme M. Bliznin, que la différence d'humidité ne peut être attribuée qu’à l'influence de la végétation. D’autres dosages faits aussi en Russie dans le gouvernement de Jekaterinoslav, ont montré qu’en été (de juin à*septembre) le sol forestier est, à 9 centimètres de profondeur, toujours plus humide, et, à 70 centimètres, toujours plus sec que le sol découvert. Dans le parc de l’École forestière à Saint-Pétersbourg, M. Kos- tytcheff fit, en 1881, des déterminations nombreuses et rigoureuses dans des conditions de sol absolument identiques et toujours il trouva que le taux d'humidité du sol, pris sur 0",75 d'épaisseur, était plus faible en forêt qu’en plem champ, et d’autant plus que le peuple- ment était plus âgé. Les observations, prolongées pendant 8 ans par M. Ismailsky dans le gouvernement de Poltava, conduisirent encore à ce même ré- sultat. D’après Ebermayer, les sols forestiers, dans la région des racines (40 à 80 centimètres de profondeur), ont été, pendant toute l’année, sensiblement plus secs que les sols nus en plein champ. Mais tous les observateurs sont d’accord aussi pour reconnaitre que les couches superficielles du sol, tant qu’elles ne sont point par- courues en tous sens par les racines, sont plus humides que les mêmes couches dans un champ dépourvu de végétation. En d’autres termes, en élé, la couche du sol qui se dessèche le plus est la couche supérieure en terrain découvert, la couche profonde en forêt. Cette couche profonde s’assèche d’autant plus que la consomma- tion d’eau faite par les arbres est plus grande et que les peuple- ments retiennent mieux les précipitations atmosphériques (arbres à 1. Article paru dans l'Al/gemeine Forst-und Jagdzeilung, numéro de janvier 1889, traduit dans les Annales de la Science agronomique française et étrangère, 1, t. I, p. 424-454. ANN. SCIENGE AGRON, — 2° SÉRIE, — 1898. — 1, 2 18 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. feuilles persistantes). En été, ce drainage par les racines est si in- tense que même à la suite de grandes pluies le sol couvert de plantes agricoles ou forestières ne donne pas d’eau d'infiltration. C’est en hiver que le sol refait sa provision d’eau ; c’est au prin- temps, avant le réveil de la végétation, qu’il a son maximum d’hu- midité. La quantité d’eau d’imbibition retenue par le sol varie énormé- ment suivant diverses circonstances, notamment la grosseur des par- licules, la proximité de la nappe aquifère. On trouve souvent pour la moyenne annuelle du taux d’eau d’une même couche 12 à 18 p. 100 en poids. On a calculé qu’à Eberswalde, où il tombe 60 centi- mètres d’eau par an, une couche de sol sablonneux de 7 à 8 mètres ou une couche de lehm de 3 à 4 mètres contient une quantité d’eau égale à celle qui tombe dans l’année. La détermination de la quantité d’eau retenue par le sol peut se faire avec autant de précision que l’on veut à l’aide de prises d’échan- tüillon. 0° Quelle est la quantité d'eau absorbée par les racines ? Celle-là n’est pas susceptible d’une détermination directe. On l’ob- tient indirectement en mesurant les quantités d’eau reçues par le sol des vases en expérience et perdues par l’évaporation du sol et infiltration ; la différence représente l’eau qui a été absorbée par la plante pour sa nutrition et sa transpiration. On applique aux végé- taux croissant librement dans les sols naturels les chiffres obtenus sur ces plantes en pots installées dans des sols artificiels ; il est pro- bable que les choses ne s’y passent pas absolument comme dans la nature. Et dans la nature, l’eau consommée par un même arbre varie évidemment dans de larges limites d’une année à l’autre, suivant diverses circonstances dont les principales sont l'abondance et la répartition des pluies, les conditions de température. On ne peut donc obtenir que des chiffres approximatifs. Mais Lous les savants qui se sont occupés de ces recherches s’ac- cordent à affirmer que les quantités d’eau ainsi utilisées sont très considérables. Wollny a trouvé pour six plantes agricoles (trèfle, orge, avoine, LES FORÊTS ET LES EAUX SOUTERRAINES DANS LES PLAINES. 19 seigle, fèves, pois) de 3 700 000 à 4500 000 kilogr. pour les quan- tités d’eau absorbées par hectare, du 20 avril à la fin d'août ou de septembre; ies quantités de pluie reçues par le sol dans le même temps ont varié de 3 900 000 à 6 500 000 kilogr. ; elles ont été, dans trois cas, égales, et, dans deux cas, supérieures de 500 000 kilogr. seulement aux quantités absorbées par les récoltes. Von Hôhnel! a fait pendant trois ans (1878 à 1880) des expériences sur les végétaux forestiers et il en conclut qu'un massif plein de hêtres de 115 ans absorbe de 3 500 000 à 5 400 000 kilogr. d’eau, c’est-à-dire à peu.près autant ou, en tous cas, guère plus qu’une ré- colte agricole ; si l’hectare est peuplé de 1 300 tiges de 50 à 60 ans, l’évaporation ne sera plus que de 2 300 000 kilogr. et de 700 000 pour un hectare avec 4000 tiges de 35 ans. Th. Hartig? a trouvé des chiffres beaucoup plus élevés; au lieu d’une lame d’eau de 35 à 54 centimètres, il en faudrait une de 1,02 pour les besoins annuels en eau d’un peuplement plein. Il est certain en tous cas qu’à surface égale les végétaux forestiers évaporent beaucoup moins que les plantes agricoles. M. Risler*, à la suite de recherches faites en 1870 et 1871, a constaté que l’évapora- tion moyenne du chêne est huit fois moindre que celle de la luzerne, quatre fois moindre que celle du chou, trois fois moindre que celle du blé et du gazon. Il a reconnu aussi qu'un hectare de forêt évapore plus d’eau qu'un champ nu et inculte de même surface, mais environ trois fois moins qu'un hectäre de terrain garni de plantes fourragères (luzerne, trèfle, graminées). On voit que les résultats trouvés par un même expérimentateur (Hôhnel) pour les besoins en eau d’un hectare de forêt varient énor- mément suivant l’âge du peuplement ; ils varient énormément aussi suivant les auteurs ; enfin les chiffres de Hôhnel et Wollny, de la comparaison desquels il résulte que la forêt évapore en général 1. Centralblatt fur das gesammte Forstwesen, 1884, Wien, p. 387-409. Allgemeine Forst- und Jagdzeitung, 1878, p. 3, et Botanische Zeitung, 1561, = 19 9 pe) 3. Biedermann, Cen/ralblatt far Agrikullurchemie, 1872, p. 160. 20 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. moins qu’üne récolte agricole, comme le soutient aussi Risler, ne s'accordent pas avec les observations faites en Russie. Comment expliquer si la forêt transpire trois fois moins d’eau que le gazon, si, d’autre part, l’évaporation du sol, cause importante de perte d’eau, est bien moindre qu’en sol découvert, que la nappe souterraine y soit si pauvrement alimentée ? Il semble donc que jusqu'ici on ne puisse accorder grande con- fiance aux chiffres donnés. S'il est facile de déterminer par des pe- sées l’évaporation d’un arbuste en pot où d’un carré de jeunes plants forestiers, de gazon ou de blé, si lon peut, à la rigueur, calcaler, d’après ces résultats, sans craindre de trop forts écarts, l’évapora- tion d’un hectare plein de gazon ou de blé ou de jeunes plants fo- resliers de même hauteur, il est par trop téméraire d’étendre les résultats obtenus sur ur arbuste isolé cultivé en pot à une forêt com- pertent plusieurs étages d’arbres enchevêtrés et superposés dont les feuilles, plus ou moins ombragées, fonctionnent avec des intensités très différentes. Ce qu'on peut affirmer, c’est que la forêt absorbe d’énormes quan- tités d’eau dont une très faible partie seulement est fixée dans les tissus des arbres. Celte faible portion neut être exactement déter- minée. On sait depuis les recherches des stations bavaroises qu’une forêt pleine produit annuellement 6 000 kilogr. erviron de matière organique desséchée à 100° : cstte matière organique est formée à très peu près pour moilié de carbone et pour moilié d’eau. Ainsi sur un ou plusieurs millions de kilogrammes d’eau qui passent à travers le corps ligneux des arbres, 3 000 seulement sont fixés. Dans l’état actuel de la science il n’est donc pas possible de déter- miner, par différence, d’une manière suffisamment approchée, le vo- lume d’eau qui vient alimenter les nappes souterraines, parce que s l’on connait exactement le volume des eaux météoriques, celui qui est intercepté par les feuilles, celui qui est retenu par le sol et celui qui est fixé par les arbres, on n’a pas de résullats assez précis sur deux facteurs des plus importants, l'évaporation du sol sous bois et hors bois et la transpiration des arbres. Malgré la grande imprécision de certaines données, essayons, à litre d'indication vague, d'évaluer, à l’aide des renseignements four- LES FORÊTS ET LES EAUX SOUTERRAINES DANS LES PLAINES. 21 nis par la météorologie forestière, la quantité d’eau qui vient ali- menter la nappe souterraine sous les forêts du tchernozem. La hauteur de pluie ne dépasse pas 40 centimètres dont il arrive au sol les 9 dixièmes au plus, soit 36 centimètres. L’atmidomètre à l’air libre évapore à Nancy les 63 centièmes de l’eau qu’il a reçue ; admettons que la proportion soit la même en Russie et que, grâce à la forêt et à sa couverture, l’évaporation soit six fois moindre en forêt ; il faut déduire encore de ce chef 4 centi- mètres. Les 32 centimètres qui restent forment un volume d’eau qui, d’après les chiffres ci-dessus de von Hôhnel, est intermédiaire entre ce qu'absorbe un peuplement de hêtre de 50 à 60 ans et un vieux massif de 115 ans. La forêt uliliserait donc toutés ou presque toutes les eaux tom- bées. Mais on peut chercher à résoudre le problème directement en dé- terminant par l'expérience la quantité des eaux d'infiltration qui passent à travers les sols. On remplit de grandes cases de 1,20 de profondeur avec des sols divers garnis de récoltes variées et on me- sure l’eau de drainage qui s'écoule ; on établit, en un mot, ce que l’on appelle des lysimètres. Ebermayer* a rempli 5 cases étanches ayant chacune 4 mètres carrés et 1",20 de profondeur avec des sols divers et nus et il a me- suré pendant 4 ans (1881-1884) l’eau qui tombait sur ces cases et celle qui s’en échappait. Pour du sable pur à gros grain, dont plus des trois quarts était formé de grains de plus d’un millimètre, le rapport moyen de l’eau de drainage à l’eau de pluie pour ces 4 années a été de 86 p. 100. Il a été de 107 p. 100 pour du sable rouge fin et pur dont les 9 dixièmes étaient formés de grains ne dépassant pas un demi-milli- mètre ; de 94 p. 100 pour du lehm pur à grains fins, de 43 p. 100 pour du sable calcaire dont plus de moitié était formé de grains d’un millimètre et au-dessus, et de 39 p. 100 pour de la terre noire tourbeuse, qui de tous les sols connus retient le plus d’eau et en évapore le plus. 1. Allgemcine Forst- und Jagdzcilung, 1S90, p. 125-130. DU PR OR den pa à; ENT N PT EU PERS" 22 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ces résultats ont été obtenus à Munich avec une chute d’eau an- nuelle moyenne de 932 millimètres. Si le sable fin donne plus d’eau qu’il n’en reçoit (fait paradoxal en apparence), cela tient à la grande condensation de vapeur d’eau qui se fait dans sa masse, comme le démontre Ebermayer. Mais il s’agit ici de sols nus et il nous faudrait avoir des rensei- gnements sur les eaux qui s’écoulent de sols garnis de végétation. Les seuls que nous possédions sont encore dus à Ebermayer et à Wollny. Ce dernier a trouvé’ que dans un sol sablonneux ou tourbeux le volume de l’eau de drainage sous le gazon se réduit au cinquième de ce qu’il est sous le sol en friche. Sous une place couverte de plants forestiers (épicéas, bouleaux)}-ou de plantes herbacées (trèfle), il ne filtre, dans le cours du semestre d’été, à travers un mètre de sol, ou pas du tout d’eau ou seulement quelque peu par intermit- tence, tandis que, sous le même sol nu, on constate une augmenta- tion continue de l’eau de drainage, proportionnellement à la quan- tité de pluie*. Les chiffres d'Ebermayer*® ne sont pas concluants, parce qu’il a employé une terre de jardin fine, riche en humus, soigneusement pilonnée, qui ne laissait passer qu’une quantité d’eau insignifiante, même sous le sol nu. Sur ce point encore, les données fournies par l’expérimentation sont bien incomplètes ; on conçoit que l’on puisse cependant arriver à des résultats suffisamment approchés pour les cultures agricoles reproduisant assez bien dans des cases de végétation l’aspect qu’elles présentent en plein champ; mais il semble difficile d'installer des expériences concluantes pouvant s’appliquer à la forêt naturelle. Donc, dans l’état actuel de la science, les constatations directes, telles que celles de M. Ototzky faites sur divers points de la vaste région des steppes russes dans des conditions géologiques et topo- 1. Forschungen auf dem Gebicle der Agrikulturphysik, t. XI, 1888, p. 58. 2. Voir Forstliche und nalurwissenschaftliche Zeitschrift, 1896, p. 460. 3. Voir Annales de la Science agronomique française et étrangère, 1889, t. E, p. 435. LES FORÊTS ET LES EAUX SOUTERRAINES DANS LES PLAINES. 23 graphiques aussi identiques que possible, peuvent jeter seules quel- que jour sur cette question si controversée de l'influence des forêts sur les eaux souterraines. 11 n’y a pas d'expériences en cases qui vaillent celles-là. En somme, jusqu’alors, tant d’après les observations des savants russes que d’après celles qui ont été faites dans la forêt de Samt- Amand (département du Nord), dans la campagne de Rome et en divers points d'Allemagne, on est obligé de reconnaître que la forêt, dans les régions de plaines, ne semble pas favoriser l’alimentation de la nappe souterraine et par suite des sources. En 1889, Ebermayer concluait de ses recherches que, «comparée à un terrain nu, non cultivé, la forêt diminue l'alimentation des sources, mais qu’elle y contribue cependant plus que les prairies, les pâturages, les champs de trèfle, etc. ». « On organise en ce moment en Russie, écrit M. Ototzky, une ex- pédition spéciale pour des études ininterrompues et détaillées sur le régime de l'humidité et des eaux du terrain dans plusieurs points de la Russie et dans différentes conditions physico-géographiques. » Si les résultats de cette expédition confirment ceux déjà obtenus par M. Ototzky, il faudra bien faire un pas de plus qu'Ebermayer et ad- mettre que la forêt contribue moins à l'alimentation de la nappe souterraine que les prairies et les cultures, puisque le niveau des eaux phréatiques en forêt est constamment inférieur à leur niveau sous la steppe cultivée du tchernozem. Conclusions. Jusqu'à preuve contraire, je crois qu’on peut résumer l'influence des forêts sur les eaux souterraines dans les deux propositions sui- vanies : 4° Dans les régions de plaines et, d’une manière générale, partout où il n’y a pas de ruissellement, fût-ce en montagne, la forêt contri- bue moins à l'alimentation de la nappe souterraine que le sol nu et même que n'importe quelle autre culture. % Partout où se constatent des eaux de ruissellement, donc sur- tout dans les régions montagneuses où les pentes sont fortes, les 24 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. pluies et neiges abondantes, la forêt augmente la nappe souterraine de toute la quantité qu’elle soustrait au ruissellement et cette por- tion peut très bien dépasser, dans le cours d’une année, ce que la forêt extrait en plus que les autres cultures de la provision souter- raine pour satisfaire à sa transpiration. PÉNOtDE QUELQUES VINS MALADES PAR E. KAYSER et G. BARBA Tout vin, si sain qu’il soit, contient encore en solution des subs- tances fermentescibles et, dès lors, il est toujours susceptible de su- bir le sort de toutes les infusions organiques, lorsque les conditions deviennent favorables au développement des êtres microscopiques qui y sont toujours présents. Les causes de l’altération du vin sont diverses et les modifications portent tantôt sur l'alcool ou la glycérine, tantôt sur les acides à l’état libre ou combiné, ce qui veut dire que le vin peut être le siège de nombreuses fermentations. Nous savons de plus que l’arome, le bouquet, la saveur des vis sont très fugitifs, et que, de ce fait encore, le vin est sujet à des transformations continuelles et nous comprenons aisément que, par suite de la destruction de l’équilibre pondéré existant entre les diffé- rents éléments, par suite de la diminution ou même de la dispari- tion complète de l’un d’eux, il y ait des viciations de goût plus ou moins prononcées. Ces viciations vont en s’accusant peu à peu, parce que la cause qui les a produites est d'ordinaire une cause vivante. C’est Pasteur qui nous a montré que la maladie du vin devait être, 26 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. dan: la majorité des cas, attribuée à des ferments de maladie qu’il est facile de retrouver par simple examen microscopique d’une gout- telette prise au fond d’une bouteille ou encore dans la lie d’un ton- neau. On sait que cette découverte de Pasteur a été très féconde ; mal- heureusement, la culture de ces êtres est excessivement difficile, il leur faut un milieu approprié, de bonnes conditions de température et souvent beaucoup de temps pour se développer. Jusqu'à présent nous n'avons guère réussi leur culture, en milieux artificiels, excepté pour quelques-uns, tel le ferment mannitique ; nous n'avons donc pu connaître leurs exigences, leurs besoins ali- mentaires d’une façon un peu précise. Cette étude si intéressante nous permettrait probablement de mieux prévenir certaines maladies et, par des pratiques de cave ap- propriées, nous mettrait à même, soit de les éviter, soit de les com- battre efficacement. Nos moyens actuels, nullement à dédaigner, sont l’ouillage, le ccllage, la filtration, le méchage, le soutirage, enfin la pasteurisa- tion. En attendant, nous devons nous borner à grouper le plus grand nombre de faits, pour tirer de cet ensemble quelques indications sur les besoins de ces microorganismes. C’est là le but de cette courte étude ; elle a été faite avec cinq vins rouges du Gard, reconnus malades et provenant de la récolte de 1893, année où la vendange a eu lieu par une chaleur excessive ; on y a ajouté un vin malade de la récolte de 1895. Ces vins ont été dégustés et examinés microscopiquement et chi- miquement ; nous allons résumer les résultats obtenus, en étudiant chaque vin séparément. Nos recherches ont porté sur l'alcool, la glycérine, la crème de tartre et les acides : ce sont surtout les acides volatils qui ont fait l'objet d’une étude approfondie. Les recherches de M. Duclaux nous ont montré que la proportion et la nature des divers acides peuvent servir à la distinction des vins malades ; les expériences de M. Gayon nous ont appris que leur pro- portion dans les vins sains ne doit pas dépasser 1 gr. par litre. ÉTUDE DE QUELQUES VINS MALADES. 27 Ces divers éléments ont été dosés d’après les méthodes usuelles : l'alcool au compte-gouttes, la glycérine d’après la méthode Pasteur, la crème d’après la méthode de MM. Berthelot et Fleurieu, les aci- des volatils par la méthode de M. Duclaux, l’acidité totale directe- ment à l’eau de chaux. L’acide acétique est un produit constant de la fermentation alcoo- lique, c’est donc lui qu’on retrouvait plus ou moins mélangé avec d’autres acides. Une première distillation du vin aux 10/11 nous renseignait sur les mélanges présents. (Tableau A.) Les nombres fournis par la distillation et traduits sous forme de courbe nous faisaient voir s’il y avait coïncidence avec les courbes re- latives aux acides purs ou non, et, dans ce dernier cas, entre quelles courbes se plaçait la courbe correspondante ; en combinant conve- nablement les chiffres trouvés, on peut alors trouver la combinaison des acides à laquelle on a affaire et connaître leur proportion. Les acides les plus fréquents ici sont l’acide acétique, l’acide pro- pionique, l’aide butyrique et l’acide formique. L’acide butyrique se reconnaît aisément à son odeur et passe dans les premières prises ; l’acide formique, par contre, passe dans les dernières prises et peut être révélé par son action sur le nitrate d’argent. C’est l'acide propionique qui est un des plus difficiles à reconnaître ; les nombres obtenus avec lui se confondent à peu près exactement avec ceux correspondant à un mélange à équivalents égaux d’acide acétique et d’acide butyrique, avec lesquels on est exposé à le con- fondre. M. Duclaux nous a montré le moyen d’éviter l’indécision, c’est de distiller à moitié la liqueur sur laquelle on a des doutes et d'en re- cueillir séparément les deux moitiés ; on peut ainsi concentrer l’un des acides, soit dans les premières portions, soit dans les dernières. C’est dans ce but que nous avons amené les premiers 50 centimè- tres cubes de notre distillation du vin aux 10/11, à 110 centimètres cubes que nous avons soumis à la distillation fractionnée ; nous avons ainsi obtenu les rapports du tableau B, donnant pour les diverses prises les centièmes de l'acide passé dans les 100 centimètres cubes 28 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de liquide recueilli ; le tableau B nous a servi à confirmer les résul- tats révélés par-la première distillation et indiqués par le tableau A. Enfin, le tableau C a été obtenu en amenant les 10 centimètres cubes du résidu de la première distillation à 110 et en établissant les mêmes rapports que dans les tableaux A et B ; il montre la pré- sence d'acide formique dans tous les vins, confirmée de plus par la réaction au nitrate d'argent. Ces préliminaires posés, voyons les résultats de l’analyse, qui sont rapportés au litre ; les acidités totales et fixes sont exprimées en acide sulfurique, l'acidité volatile en acide acétique. Vin I. AICOGLs EMA 83% ,0 GÉYCÉTMES ne eat sc 2 Sil0 FACE A 6e à traces Acidité totale +... : 5 ,360 ardt Cr Rs a èe 2 ,584 — .hyolatiler(. Le 3 ,430 Ce vin, d’une teinte de rancio brun, avait une odeur assez péné- trante et était d’un goût acide et plat. Au microscope, on y voyait des bâtonnets assez gros en chapelets et surtout des bacilles très allongés, plus minces, plus ou moins ar- ticulés. La teneur en alcool était relativement faible, l’acidité totale forte, ce qui était surtout dû à l’acidité volatile. EAPPORTS A B. O! 10 centimètres cubes 8.8 9.9 6.8 20 — 17.7 19.6 13.7 30 _— Arte 26.8 29.2 21.3 40 = Ne 35.8 38.5 30.4 50 — SRE 45.2 48.0 39.0 60 — Les 54.7 57.6 48.1 70 — Nos Te 64.6 67.9 58.0 80 — TNT 75.2 78.8 69.1 90 — De 86.4 92.9 82,9 100 — Fate 100.0 100.0 100.0 ÉTUDE DE QUELQUES VINS MALADES. 29 Ces nombres nous fournissent les rapports suivants pour les trois distillations : 1 Acide propionique 1 Acide propionique 1 Acide formique 3 Acide acétique ? 1.2 Acide acétique ? 2 Acide acélique Nous désignerons, dans la suite, l’acide propionique par la lettre p, l'acide acétique par la lettre & et l’acide formique par la lettre f. On voit que l'effet de la distillation B a été de concentrer davan- tage l’acide propionique, et la distillation G nous montrait surtout la présence de l'acide formique qui est l’acide le moins volatil. Vin II. ACC SEE ar ee, 6727,00 GIVCÉRBS- SAT TS 21,92 AGO AE PAR RSI traces Acidité totale . . . . . EN ES) en DE LDC PE ET A 1 ,309 1 VOlAtIIe EU 0. 4,100 Ce vin avait les caractères suivants : teinte rancio brun, aspect trouble, odeur agréable, mais goût plat et acide. Le microscope révélait la présence d’un bacille assez trappu, pré- sentant des chapelets, puis un autre plus fin et plus long. Ce vin ressemble beaucoup au précédent, il en diffère seulement par une teneur moindre en alcool et en acidité ; nous trouvons ce- pendant des différences par l’étude des acides volatils. RAPPORTS A. B C 10 centimètres cubes 822 PA 6.8 20 — AE 16.6 18.3 13.0 30 — Ne 75)18) 2139 21102 40 — ARTE à 34.3 36.8 293 0 — RTE 43.5 46.3 SN 60 — SRE 53.0 56.0 47.0 70 — SA Me 63.0 65.9 Es S0 — SU 02 76.0 76.4 68.6 90 _ sHOTES 85.6 87 .4 82.1 100 — Le 100.0 100.0 100.0 Ce qui donne les rapports suivants : 1 p 1 p 1108 2 ns Ge D ia (al 30 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Nous voyons qu'ici la quantité d’acide propionique est un peu plus faible, celle d'acide formique par contre, plus forte. Vin III. BACNDE MER SOUS, UP RS ORNE 88%: ,0 GIVCÉNNE eu seveuet dudit RE LÉLNERERNT 3 ,64 Matine LS CSS Pub ER Le OR traces Acidité totale Der er 3 1) CRE 7 ,697 au papier de tournesol . . : . 9 ,460 +" MM er OS CRE NE ER LATE TNEEN 021995 MANOIR COR he 6 Eye ER 10 ,450 La teinte du vin était rancio madère, dépôt abondant de matières colorantes, odeur acide, goût acide et de souris. Au microscope, on trouvait des globules de levure et des bâton- nets au fond de la bouteille. Ce vin montrait une teneur en alcool et en glycérine plus élevée que les deux précédents, mais son acidité était aussi plus élevée. Nous voyons de plus qu'il y a une différence assez notable entre le nombre indiquant l'acidité totale par suite de l'apparition du précipité et celui trouvé en se servant de papier de tournesol comme indicateur. Ce vin IT montrait un fort dépôt de matière colorante tout autour de la bouteille. Nous savons que celte matière colorante est soluble dans l’eau acidulée, bien que ceci ait été nié par Neubauer, qu’elle est encore plus soluble dans lalcool. Sa teinte varie d’ailleurs avec l’acide présent, c’est ainsi que l’acide tartrique donne une plus belle colo- ration que l’acide malique. Mais cette matière colorante est dans un état de transformation continuelle et sa teinte varie encore avec le degré d’oxydation qui l’atteint, modification dont on peut bien se rendre compte, comme l’a fait M. Duclaux, à l’aide du spectroscope. On comprend dès lors que ses propriétés peuvent changer com- plètement ; si la proportion d’alcool et d’acide sont convenables, le vin peut renfermer de la matière colorante oxydée, sans qu’elle se dépose ; de plus, la moindre modification peut détruire l’état d’équi- libre existant, plus ou moins vite selon le degré de dégradation qu’elle affecte. ÉTUDE DE QUELQUES VINS MALADES, 53° En d’autres mots, nous comprenons que l’addition d’eau de chaux lors du titrage puisse amener sa précipitation, sans que le vin soit devenu neutre, c’est ce qui est arrivé avec notre vin III, encore net- tement acide, malgré un précipité abondant; ceci prouve que l’ap- _parition du précipité ne peut servir dans tous les cas à indiquer la neutralité du vin. Nous avions pensé que la présence de notables quantités d’acides volatils, surtout d'acide propionique et d’acide formique, pouvait contribuer à ce fait. C’est pourquoi nous avons titré l’acidité de différents autres vins dans lesquels la matière colorante était également un peu dégrauée, en nous servant de différents indicateurs : papier de tournesol, tein- ture de tournesol, phénolphtaléine, orcine, orangé Poirrier n° 3 et formation du précipité. Nous avons ainsi pu constater, ce qu’on pouvait prévoir, que les différents indicateurs ne se comportaient pas de la même façon vis-à-vis d’un même vin, de plus, qu’ils ne conservaient pas le même rang pour différents vins ; mais cependant avec l’orcine on trouvait en général 1 à 1,5 d’eau de chaux en moins à verser pour 10 cen- timètres cubes de vin. L'addition d’un peu d’acide propionique à deux vins a montré une concordance absolue entre la formation du précipité et la neutralité au papier de tournesol ; ce n’est donc pas cet acide qui intervenait dans la précipitation de la matière colorante, du moins il ne semble pas exercer une action immédiate sur la formation du précipité. RAPPORTS A B C 16 centimètres cubes . . . 8.6 6.0 .0 20 — :, Ne .S 16.6 13.6 30 — ne nos 24.9 25.4 20.8 40 —= ste 3970 34.3 26.8 20 — Se 49.7 43.4 16.9 60 — “Tiré 52.11 53.3 46.7 70 — fa: 62.3 63.1 56.5 80 — RS 73.4 13.4 67.8 90 — PA 86.0 85.7 85.4 100 — Mate 100.0 100.0 100.0 32 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ce qui donne les rapports suivants : eu as 1 AUS (a 5 a 1a Nous voyons que l’acide formique est en proportions notables; en appliquant les lois trouvées par M. Duclaux pour la distillation des acides volatils, nous trouvons que les 106,450 d’acides volatils ex- primés en acide acélique se composent de : Acide acétique. . . . . . . 6%7,36 par litre. — propionique . |. … . . 0 ,63 — CODE en NE 77 2 ,60 — M. Khoudabachian nous a montré que les vins de raisins secs pouvaient contenir de notables quantités d’acide formique, nous voyons que certains vins malades sont dans le même cas. Nous avons dit plus haut que le vin avait un goût de souris; on sait que c’est là un défaut des vins ayant eu un peu de piqüre par suite de mauvaises conditions de fermentation (température trop élevée, accès facile de l’air) et laissés ensuite dans des endroits chauds sur lies ; ce sont surtout les vins pas trop riches en alcool qui sont ainsi exposés à cette affection due la formation d’éthanamide; la levure en se décomposant donne naissance à des composés ammoniacaux qui entrent en combinaison avec l’acide acétique ; de plus, on com- prend qu’à la suite de ces premières décompositions, les ferments de maladie trouveront un champ facile pour pousser plus loin la dégradation des matières ternaires et quaternaires, c’est ce qui est arrivé avec notre vin III. Vin IV. AICDOl ES RE REA. Li 893,00 CYCÉTIRONS MER UENE 1ASTE LATE Ne. ES traces JS: précipité. . 5 ,491 A cidité totale De 7 ,104 ER: CR OS 3 ,249 AN OIA IEEE LYON 4 ,760 Le vin avait une teinte rancio jaune, une odeur et un goût de sou- ÉTUDE DE QUELQUES VINS MALADES. 939 ris très prononcés ; nous connaissons par le vin précédent la cause de ce grave défaut. Le microscope montrait de nouveau la présence de filaments an- gulaires, quelques-uns en chapelets au milieu de forts dépôts de matières colorantes. Ce vin se rapproche sous certains rapports du précédent ; toute- fois, son acidité fixe est plus forte, ce qui tient surtout à ce que l’a- cidité volatile est plus faible. RAPPORTS A B C 10 centimètres cubes . . . 8.2 8.7 (Ds 20 — sul 16.9 AC 14.0 30 _ Sa AO 26.7 21.8 40 — NE 34.6 DD 30.0 50 _— SRE 43.7 45.4 38.9 60 — SPA HORLE 55.0 47.7 70 — dtios ts 63.4 64.9 59 80 — Je 14.2 75 69.2 90 — re 86.0 86.8 82.5 100 — LAPS 100.0 100.0 100.0 Nous voyons que la quantité d’acide formique est un peu plus faible et la quantité d’acide propionique un peu plus forte que dans le vin II. Si nous jetons maintenant un coup d'œil d'ensemble sur ces quatre vins, nous constatons que tous étaient privés de tartre; on en peut conclure qu’ils renfermaient tous à un moment donné un des ferments du tartre, mais ceci n'empêche pas que d’autres ferments aient pu intervenir à d’autres moments. Nous savons que les ferments qui peuvent attaquer l'acide tartri- que sont assez nombreux; celui décrit par L. Pasteur fait, avec le tartrate de chaux, de l’acide propionique, de l'acide acétique, de l’acide carbonique et de l'hydrogène ; celui décrit par M. Gauthier donne de l'acide tartronique, des acides lactique et acétique; celui ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE. — 1898. — 1. 3 NT IN A NT AS + PSS RES IT TT LEP ST TI en À 1 34 ANNALES DE LA 5CIENCE AGRONOM!QUE. de M. Fitz, de l'acide acétique et butyrique ; celui de Kônig, de l’acide succinique, de l'acide acétique et formique, celui de M. Grim- bert donne de l'acide acétique et sucrinique. Nous voyons que nous retrouvons ici nos trois acides volatils; nous regreltons que la quantité de vin dont nous disposions n’ait pas été suffisante pour rechercher les acides fixes, nous devons ce- pendant ajouter que l'acide malique peut donner naissance aux mêmes produits que l'acide tartrique. Peu importe d’ailleurs, nous avons là quelques caractères qui per- meltent d’aflirmer que nos vins étaient affectés de ce que l’on est convenu d’appeler maladie du tartre ou maladie de la pousse ; la présence de C0* peut parfaitement passer inaperçue, lorsque, par suite de condilions particulières, comme, par exemple, l'exposition au laboratoire à une température atteignant quelquefois jusqu’à 25», le microbe arrête son aclion destructive. Nous avons vu que les proportions de glycérine étaient relative- ment faibles, mais nous savons que le dosage de cet élément est dé- licat et souvent incertain ; rien ne nous dit d’ailleurs que, dans cer- taines conditions, celte glycérine ne puisse devenir ou être devenue la proie des microbes trouvés dans ces différents vins, d’autant plus que nous savons, pour ne citer que ces deux exemples, que le fer- ment de l’amertume et le B. ethacelicus de M. Percy-Frankland peuvent attaquer cette malière ; pour ces diverses raisons, il convient de ne pas attacher trop d'importance aux proportions de glycérine qui d’ailleurs varient d’un vin sain à l’autre et dépendent beaucoup des conditions dans lesquelles s'effectue la fermentation secondaire du vin. VinoV: 2e ANALYSE re ANALYSE. 7 | A (8 mois après). gr. gi 41100 épars PNA SN 117,0 » Gym Ie. N'AIAE 4,74 » Tartes ANR" Rs 2,387 0,450 Acidité totale . . . . 6,794 6,700 — fixe. PRE 3,29? 3,727 21h volatile 1} 40. 4,400 3,670 ÉTUDE DE QUELQUES VINS MALADES. 39 Comme nous avions une plus forte quantité de ce vin, nous en avons pu faire une nouvelle étude, en ce qui concerne les acides et le tartre, au bout de 8 mois de conservation dans un endroit où la température a varié de 10° à 18° ; ce vin, bien que débouché, c’est-à-dire dans une bouteille vide aux trois quarts, n’avait pas traces de fleurs de vin ni de vinaigre ; il s’était bien conservé, bien que son goût ait un peu changé. À la première dégustation, il était d’un rouge assez vif, d’une bonne odeur de madère, mais avait un goût assez parfumé et acide; il montrait un fort dépôt de matières colorantes sur la bouteille. À la deuxième dégustation, le vin était moins agréable à boire et avait une couleur jaune doré. | Le microscope montrait une culture presque pure de bacilles plus ou moins recourbés, assez fins et présentant des renflements par endroits ; le deuxième examen montrait le même bacille. Nous voyons tout d’abord que ce vin est plus riche en alcool, en glycérine, ce qui lui permettait de résister davantage au ferment de maladie, qui a continué son œuvre pendant les derniers huit mois. RAPPORTS A B C A' 10 centimètres cubes. . 7.4 15) Î 7.9 20 — DE 4.9 16.2 5 16.1 30 — y 22.8 DAS 22% 24.2 40 — ue 30.9 33.4 30:13 33.0 50 — ar SAT 4957 2901 41.9 60 — 0e 49.0 52.4 48.4 51.6 70 — Er 59.0 68.9 58.7 6179 80 — Nr: 70.0 74.2 70.1 73.0 90 — AT 8229 86.2 83.2 85.8 100 — ERA 100.0 100.0 100.0 100.0 A’ est correspondant à À, il se rapporte à la deuxième analyse ; il nous montre tout de suite qu’il y a eu des changements dans laci- dité volatile. Voici les proportions calculées : ik jf 179 Dr) 1p Ha 1h17 : 548 à f "110105? traces de p. 36 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Appliquons les lois de la distillation des acides volatils, nous trou- vons, lors de la première analyse, par litre 4#,40 d’acides volatils exprimés en acide acétique qui se décomposent : En acide formique . 74 1,20 par litre. mn ACÉLIQUG Me tre 0210 2,990 — — propicrique . 0,170 — Nous voyons ensuite, par les rapports A’, que la proportion d'acide propionique a augmenté ; l'acide formique a été nettement révélé par la réaction au nitrate d'argent. Mais ce n’est pas tout, l'acidité volatile a diminué, le tartre a di- minué, l'acidité fixe a augmenté; ce sont là de nouveau les caractères que M. Duclaux a reconnus chez la pousse. Comme nous disposions d’un peu plus de vin, nous en avons pro- fité pour étudier, dans la mesure du possible, les acides fixes ; c’est l'extrait à l’alcool-éther qui a servi à ces recherches. Cette dissolution débarrassée de l’acide acétique a été traitée par un lait de chaux pur d’une part, et par du carbonate de zinc et de l’oxyde de zinc purs d’autre part. Avec la chaux nous avons obtenu des tables rhomboédriques dues peut-être à la formation d’un peu de carbonate de chaux, des poudres amorphes et de fines aiguilles réunies en gerbes; on sait que le succinate et le lactate de chaux affectent cette dernière forme ; le traitement par le carbonate de zinc nous a donné des formes faiblement cristallines, plutôt des poudres, caractère qu’on trouve chez les sels de l’acide tartronique ; de plus, on a reconnu la présence des aiguilles si caractéristiques du lactate de zinc, acide dont M. Gauthier a signalé la présence dans les vins tournés du Midi; il aurait fallu rechercher davantage les acides glycériques et tartro- niques, mais leurs sels cristallisent difficilement ; de plus, on aurait dû opérer avec de fortes quantités de vin qui nous faisaient défaut. En résumé, voilà cinq vins qui contenaient tous des doses plus ou moins élevées d’acide propionique, dont le tartre a été partout at- teint, dont l'acidité fixe a peut-être partout augmenté (nous n'avons pu faire la preuve que pour le n° V), des vins qui ont fermenté tous dans des conditions exceptionnellement chaudes de l’année 1893 ; il ÉTUDE DE QUELQUES VINS MALADES. 37 y avait donc des chances qu’ils fussent exposés à des maladies analo- gues, maladies que nous avons le droit d'identifier avec la pousse ou peut-être la tourne des vins du Midi; on comprend qu'en raison des différents microbes qui interviennent, les conditions du milieu ainsi que les conditions extérieures doivent jouer ici un grand rôle — ne savons-nous pas déjà que rien que le changement de l'aliment azoté, comme l'a montré M. Péré, peut faire agir différemment le ferment lactique et donner un acide inactif, droit ou gauche, ou encore augmenter considérablement la formation d’acides volatls et dimi- nuer la formation d’acides fixes? En d’autres termes, un même microbe peut se comporter très différemment selon les conditions dans lesquelles il se trouve. Dans l’espèce, nous avons autant de droit de dire que nous avons le même microbe dans les cinq vins étudiés, ou que plusieurs microbes ont agi les uns après les autres aussitôt que les conditions leur étaient favorables. Il est probable que les conditions étaient moins favorables dans le vin V, plus riche en alcool que dans les quatre premiers vins. Vin VI. Nous avons ajouté à cette étude un vin de jacquez de l’année 1895 ; il n’avait pas la même maladie : il présentait plutôt les carac- tères de l’acescence mais d’une acescence un peu particulière. ATGUOIO METIER 1055,0 DÉTROESS AA RE AT PRE 2 ,082 ACIDILEMOLAIC RENTE 10 ,846 IH IXC Meteo e 300,291 — volatile. . . . 9 ,320 Ce vin avait une couleur d’un rouge sale et était d’un goût acide et plat, faisant penser à la piqüre. Le microscope nous montrait des filaments avec de nombreuses granulations. Ce qu’il importe de signaler, c’est sa forte acidité volatile, aussi c’est à son étude que nous nous sommes surtout consacrés. 38 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. RAPPORTS A B C 10 centimètres cubes 126 7.8 6.6 20 — NU re 16.0 16.5 13.8 30 — REP 24.4 24.8 21.5 40 — SALE 33-2 SL 29.6 20 — Ar 42.0 41.9 38.1 60 _— See 5; ME: b127 47.3 70 — Ar 61.6 61.8 18 80 — des 12.9 72.6 69.0 90 — HSE 85.9 86.4 82.9 100 — ire 100.0 100.0 100.0 Ce qui nous donne les proportions suivantes : Traces d’acide formique et d’acide propionique pour beaucoup d’a- cide acétique ; ce qui veut dire que ce vin était surtout affecté de l’acescence. Si nous prenons pour nos cinq premiers vins les rapports R entre l’acidité volatile et fixe, nous trouvons respectivement, pour un gramme d'acide fixe, les quantités suivantes en acide volatil 1.0, 2.9, 8.6, 1.9, 1.0 et 0.8; dans les vins d’Arbois et d'Auvergne étudiés par M. Duclaux, nous trouvons les rapports 0.3 et 0.5 pour des vins faiblement altérés et des rapports se rapprochant des nôtres pour ceux plus altérés. Dans la fermentation régulière du tartrate de chaux, nous avons deux équivalents d’acide propionique pur, un équivalent d’acide acé- tique ; dans aucun de nos vins nous ne retrouvons ces proportions, mais nous savons que l'acide acétique peut provenir de beaucoup de vies microbiennes ; de plus, l'acidité du vin, sa richesse alcoolique, etc., doivent contribuer à modifier les actions de ces ferments de maladies, c’est ce qui explique les variations des rapports R. Nous avons essayé dans différents milieux la culture de ces orga- nismes sans être arrivés à des résultats encourageants ; ces petits êtres ont, en effet, des besoins à la fois très larges et très étroits ; ils peuvent se contenter de beaucoup de matières hydrocarbonées ou azotées, mais ils sont en même temps très sensibles à la présence ou à l'absence de certains principes nécessaires, utiles, ou nuisibles à leur vie ; nous n’aurons qu'à rappeler la sensibilité de l'Aspergillus ÉTUDE DE QUELQUES VINS MALADES. 39 niger pour le zinc ou l'argent, celle du Penicillium glaucum, pour la chaux, celle du ferment nitrique pour la matière organique. Peut- être aussi n’étaient-ils plus vivants. Avons-nous des moyens pour nous meltre à l'abri de ces altéra- tions, en attendant que la microbiologie soit plus avancée ? Oui, tous ceux que nous avons indiqués au commencement de celte note, parmi lesquels il convient de rappeler tous les soins de propreté, les con- ditions pour une bonne fermentation et finalement la pasteurisation. Les expériences poursuivies pendant les dernières années à la sta- tion œnologique de Nimes nous ont de plus appris qu'il en existe un autre tout à fait efficace et nullement à dédaigner, c’est la stéri- lisation des moûts et leur ensemencement avec des levures sélec- tionnées. Nous devons nous contenter ici de le signaler, les résultats obte- nus avec les moûts en blanc sont tout à fait encourageants et nous réservent probablement de grands changements en visification. Par ce moyen, on détruit complètement tous les mauvais ferments et on applique le proverbe : « Mieux vaut prévenir que guérir. » L'ORIGINE DU NITRATE DE SOUDE AU CHILI PAR WILLIAM NEWTON MEMBRE DE L'INSTITUT DE CHIMIE MEMBRE DE LA SOCIÉTÉ DE CHIMIE DE LONDRES ——579200 — Depuis la première découverte du mitrate dans ces provinces, une question est toujours restée intéressante : celle de savoir pour quelle raison le nitrate existe ici en aussi grande abondance, alors qu’au- tant que nous le sachions, il n’est répandu en pareille quantité sur aucun autre point du globe. L'on a imaginé beaucoup de systèmes pour arriver à expliquer la présence de ces dépôts. Le plus populaire, qui a aussi trouvé l'hospitalité dans des ou- vrages scientifiques, suppose que, très anciennement, les pampas nitratières formaient les rivages de la mer et qu’une quantité énorme de plantes marines a été accumulée sur ces bords. Plus tard, ces rives se sont élevées au-dessus du niveau de la mer et les herbes marines décomposées auraient abandonné leur azote sous forme de nitrate et leur faible teneur d’iode sous forme d’io- date”. 1. Darwin, Voyage de naturaliste. Wait, Dictionnaire de chimie, etc. L'ORIGINE DU NITRATE DE SOUDE AU CHILI. 41 Ce qui a donné naissance à cette théorie, où interviennent la mer et les plantes marines, c’est le fait que, avant l’époque où l’on reti- rait l’iode des eaux mères de nitrate, la seule source de production de cette substance était le «kelp », c’est-à-dire les cendres de cer- taines plantes marines calcinées. La décomposition de ces plantes, de même que la décomposition de toute matière organique, dans certaines circonstances données, amène la mitrificalion. L'existence dans les pampas de grandes salines, à proximité des gisements de nitrate, donne également une apparence de vérité à l’idée d’une formation marine. Mais l’on ne doit pas oublier que même le sel de la mer est dû originairement au lavage des terres. Il n’y a pas plus de raison pour supposer que ces salines sont de l’eau de mer évaporée que pour dire d’aucuns des lacs salés situés à l’intérieur des terres, qu’ils ont été, à l’origine, reliés a la mer. Les lacs salins doivent leur sel aux lavages du sol qui les entoure. L’eau qui arrive dans ces lacs peut n’être pas très salée ; mais, si le lac n’a pas d’issue, l’évaporation continuelle, surtout dans des cli- mals chauds, y concentre peu à peu le sel, laissant même quelque- fois une saline, après évaporation totale de l’eau. Des salines se forment aussi sous le sol. L'eau appelée à la surface par capillarité s’évapore constamment et fait place à de nouvelles quantités d’eau, qui est évaporée à son tour et ainsi de suite. A cette théorie de la formation du nitrate par les plantes marines, il y a au moins trois objections irréfutables. La première est que les algues marines contiennent du brome aussi bien que de liode. La plus grande partie du caliche, dans cette province, ne contient pas de brome, alors qu’il devrait en renfermer s’il provenait de plantes marines, car il n’y a pas de procédés dans la nature qui puissent séparer complètement les bromures d’un mélange d’iodates, de chlorures et de nitrates. Secundo, il est rare de rencontrer des coquillages ou autres dé- bris marins, dans les dépôts ou près des gisements de nitrate. Il y en aurait certainement si c’eùl été un dépôt marin. Tertio, les pierres, dans le caliche ou dans son voisinage, sont 42 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. aiguës el dentelées, ne montrant aucune trace de roulement ou d'usure par l’eau, ce qui eût été le cas si elles se fussent trouvées sur le rivage de la mer. Une autre hypothèse, rencontrant également beaucoup de parti- sans, fait dériver le nitrate de la décomposition d'anciens dépôts de guano. - L'on en donne comme preuve la présence d'oiseaux et leurs dé- bris dans le caliche. Is ont, d’ailleurs, selon toute apparence, élé toujours en nombre insignifiant. Cette espèce d’oiseaux existe encore à l'heure actuelle ; ils font leurs nids dans les crevasses du sol, ce qui les a quelquefois fait ensevelir vivants dans le caliche. Leur guano, quoique saillant parfois en certains points des pampas, est en réalité un peu plus qu'une tache sur le sol et la quantité qui en pourrait sortir serait plus insignifiante que celle produite par les eaux résiduaires d’un village. Mais la grande objection à faire à la théorie du guano est que l’on ne trouve aucune accumulation de phosphate, accumulation qui devrait pourtant se rencontrer en quantité proportionnelle à celle du nitrate, si cette hypothèse était exacte. D’autres systèmes ont encore été émis pour expliquer les dépôts de caliche, systèmes qui méritent à peine la discussion et parmi les- quels il y en à un qui attribue vaguement la formation du nitrate à une action volcanique. L'on devrait appliquer ici le principe bien connu en fait de re- cherches scientifiques : c’est-à-dire de ne Jamais inventer de sys- tèmes exceptionnels aussi longtemps que le travail de la nature suffit à expliquer les faits. Le nitrate existe en petites quantités dans tout sol fertile, sur tous les points du globe. Aucune végétation n’est possible sans lui. Com- ment donc se forme-t-1il en terrain ordinaire ? Le nitrate provient de l'oxydation de matières organiques et d’ammoniaque dans le sol par l’action de micro-organismes appelés germes nitrifiants. Les expériences de Th. Schlæsing, confirmées par celles du pro- fesseur Warington, ont démontré que les conditions les plus favo- rables à la vie et au travail de ces organismes nitrifiants sont réunies L'ORIGINE DU NITRATE DE SOUDE AU CHILI. 43 lorsque, avec un sol poreux, contenant beaucoup de matières orga- niques, végétales ou animales, 1l y à du sulfate de chaux et une base alcaline telle que le carbonate de potasse, de soude, de chaux. Étant donné un sol de cette nature, la quantité de nitrate produite par l’action de ces organismes variera avec la température, la pro- portion de nitrate étant plus élevée par les chaleurs de l'été et diminuant à mesure que le temps se refroidit. Dans les terrains agricoles ordinaires, à moins qu'ils ne soient en friche, ce nitrate est absorbé avec avidité par les plantes presque aussi rapidement qu'il est produit. En fait, à l’exception des plantes légumineuses (trèfles, féveroles, pois, etc.), il est presque certain que la plante ne peut absorber la nourriture azotée, indispensable à sa croissance, que sous forme de nitrate. L’énorme plaine de Tamarugal est formée de terres d’alluvion poreuses contenant des matières organiques d’origine végétale, an- ciennes principalement. Le sol contient aussi du sulfate de chaux ; il est basique par nature, l’eau filtrant au travers étant chargée de carbonate de soude. La température est élevée; en un mot, nous trouvons toutes les conditions que le professeur Warington à indiquées comme étant les plus favorables à la conversion rapide de l'azote des matières organiques en nitrate. Par suite de absence absolue de pluie dans ce district, 1l n'y pousse actuellement aucune végétation qui pourrait absorber ce nitrate, il doit donc s’accumuler. Jetons maintenant un coup d’œil sur la configuration et la situa- tion de la plaine de Tamarugal. D'un côté se trouve la haute chaîne des Cordillères se dirigeant du nord au sud, puis vient celte plaine alluvienne, d’une largeur de 30 à 40 milles (48 à 64 kilomètres), s’inclinant graduellement vers l’est jusqu’au moment où elle rencontre la ligne de côté qui la ferme. Cette ligne est formée par des collines ayant la même direc- tion que les Cordillères. Les eaux du versant ouest des Cordillères ne peuvent s’écouler que sur la plaine. Du côté ouest de la plaine les eaux sont arrêtées 44 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. par la rangée des collines de la côte formant un mur complet du nord au sud. Au pied de ce mur de collines, au versant est, ou côté vers la terre, à une distance de 30 milles (48 kilomètres) de la mer et à une allitude minima d'environ 2500 pieds (762 mètres) au-dessus du niveau de la mer, ces eaux de drainage se réunissent et, s’éva- porant, abandonnent tous les sels qu’elles ont dissous dans leur long passage à travers le sol. | Les torrents venant, de la montagne (Cordillères), inonder la plaine de Tamarugal, tous les 7 ou 8 ans, sont les grands agents de transport du nitrate hors des couches superficielles du sol des pampas. Les terrains nitratiers sont situés tout le long du pied de ces col- lines. Leur situation toujours du côté de la terre indique que le caliche est dérivé du sol et, par le fait même, elle prouve d’une manière quasi absolue l'impossibilité des hypothèses basées sur le rôle des plantes marines ou du guano. Il semble étrange, à première vue, que l’on puisse trouver sou- vent le nitrate sur les talus infériears des collines. Mais nous pouvons, par une simple expérience, nous rendre compte de la manière dont les choses ont pu se passer. Si nous mettons dans une soucoupe de l’eau dans laquelle nous avons fait dissoudre un peu de nitrate ou de sel et, si nous le laissons évaporer, aussitôt que l’évaporation sera suffisante pour saturer la solution, l’on verra le dépôt de cristaux de nitrate ou de sel se mettre à grimper sur les bords de la soucoupe et même passer par-dessus et descendre de l’autre côté. De même, le caliche a grimpé sur les talus inférieurs des collines à travers des couches de terre poreuse, connues ici sous les noms de «cova » et de «congela ». La question de l’origine du nitrate est importante, puisque l’une des grandes difficultés de la vente de cette matière provient de ce que beaucoup de cultivateurs s’en défient, sous prétexte que c’est un engrais artificiel ou chimique. Son emploi devrait prendre au contraire de beaucoup plus grandes proportions s’il était prouvé que, loin d’être un engrais artificiel, le nitrate n’est en réalité que L'ORIGINE DU NITRATE DE SOUDE AU CHILI. 45 la fertilité concentrée de milliers de kilomètres.carrés de terres si- tuées entre les déversoirs des Cordillères et la ligne de collines qui forme la côte. La plaine de Tamarugal est un vaste et en quelque sorte Imépui- sable réservoir de nitrate, et ce nitrate a été successivement emporté vers le côté ouest, c’est-à-dire le côté le plus bas. Le système alluvien de cette bande de terre est énorme et il s’y produit le même phénomène que sur les tas de boue, de détritus organiques et de chaux que les fermiers français, au temps de Na- poléon I‘, étaient obligés, par la loi, d’amonceler, afin d'obtenir par la fermentation et un lavage de ces tas, du nitrate pour la fabri- cation de la poudre de guerre. De ces faits découlent certaines questions des plus importantes pour le Chili et pour les exploitations de nitrate. Parmi ces ques- tions nous citerons les suivantes : Dans quelle proportion la quantité d’eau actuelle peut-elle faire déposer à nouveau du nitrate dans un même sol? Cette action peut-elle être accélérée et aidée par certains moyens arlificiels, tels que l'enlèvement des terres jusqu’à une couche suffi- samment poreuse pour permettre au soleil d’user de toute sa puis- sance d’évaporation, et pour ramasser le nitrate comme cela se pratique dans les salpêtrières de l’Inde et de Birmanie ? OB SERVATEONS LE RENDEMENT CULTURAL LA TENEUR EN FÉCULE PLUSIEURS VARIÉTÉS DE POMME DE TERRE INDUSTRIELLE ET FOURRAGÈRE Par Aimé GIRARD MEMBRE DE L'INSTITUT Les recherches que, depuis 1885, j'ai poursuivies en vue de l'amélioration de la culture de la pomme de terre en France n'ont pas eu seulement pour résultat d'établir l'efficacité pratique des procédés que des études scientifiques antérieures m'avaient conduit à conseiller; elles m'ont fourni, en outre, l’occasion de mettre en comparaison, sur un même lerrain, un nombre assez grand de va- riélés. C’est à Joinville-le-Pont, sur les terres de la ferme de la Faisan- derie, annexée à l’Institut national agronomique, que cette mise en comparaison a eu lieu; la culture s’y est étendue progressivement jusqu’à cinq hectares et le nombre des variétés cultivées s’est, pro- gressivement aussi, élevé à plus de quarante. A la vérité, l'introduction de quelques-unes de ces variétés n’a précédé que de quatre ou cinq ans la clôture de mes recherches, RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. 47 mais le plus grand nombre d’entre elles a élé cultivé pendant neuf et même dix années consécutives. La culture, pendant cette période, a rencontré les conditions mé- téorologiques les plus diverses ; quelquefois des conditions normales, mais, en certaines années aussi, elle s’est trouvée exposée tantôt à des pluies très abondantes, tantôt à des sécheresses excessives. C’est alors une comparaison singulièrement intéressante et ins- tructive que celle des résultats obtenus dans un même terrain, sous l'influence de procédés culturaux invariables, et qui, par suite, doivent être, pour chacune des variétés de pommes de terre culli- vées, attribués exclusivement à l’influence des conditions météoro- logiques auxquelles la culture s’est trouvée soumise. On n’en saurait imaginer de plus concluantes pour un terrain dé- terminé. Préciser la nature de ce terrain, rappeler les procédés culturaux qui ont été suivis pour son exploitation, tel doit être, par consé- quent, mon premier soin dans la circonstance actuelle. Le terrain sur lequel, à Joinville-le-Pont, est installée la ferme de la Faisanderie, est constitué par une série de couches, irrégulière- ment stratifiées, de sable plus ou moins grossier, mélangé de cail- loux roulés. La couleur en est grisâtre, jaunâtre en certaines parties et les matériaux en sont empruntés, non seulement à la région tertiaire voisine, mais aussi à des points éloignés tels que les terrains grani- tiques du Morvan; l'épaisseur totale de ces couches de gravier est considérable ; suivant un renseignement que je dois à mon savant confrère, M. Adolphe Carnot, elle atteint de 12 à 15 mètres. Le sol et le sous-sol en sont très perméables; avantageuse lorsque la saison amène des pluies abondantes, cette constitution a des con- séquences funestes pendant Îles années de sécheresse ; la terre s’'échauffe alors outre mesure, se dessèche à de grandes profon- deurs et devient incapable de fournir aux plantes l’eau nécessaire à leur végétation. C’est, d'autre part, au nombre des terrains pauvres que la terre de Joinville-le-Pont doit être comptée. Dans la première édition de mes Recherches sur l'amélioration de la culture de la pomme de 48 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. terre en France” j'ai fait connaître, pour l’année 1884, la composi- tion de la terre prise, d’une part, de la surface à la profondeur de 0,20, d’une autre, de la profondeur de 0,20 à 0,40. Celle composition était alors la suivante : 1re COUCHE 2c COUCHE de Om à 0m,20. de Om,20 à Om,40. DOME nr ete ut re fe ee Lee 93.05 93.25 Argile. . SD? "5.26 Chaux . 0.13 0.09 Potasse . SAS RE Re 0.04 0.04 Acide phosphorique . . . . . . 0.07 0.03 Matière noire. . 0.30 0.25 Inconnu. . 1.39 1.08 100.00 100.00 AZOLE ALOLAS NEED EME ANSE PET 0.10 non dosé. Bien différente de ce qu’elle devait être jadis, cette composition correspond déjà à une amélioration considérable du terrain primitif, amélioration due à l’emploi poursuivi pendant douze années (de 1858 à 1870), par M. Tisserand, de l’engrais humain sur la terre de la ferme de la Faisanderie. Depuis, et pendant les dix années de culture dont je me propose aujourd’hui d'exposer les résultats, cette amélioration a continué surtout au point de vue de lenrichissement en acide phosphorique et en chaux, sous l'influence des fumures au fumier de mouton et aux engrais complémentaires que J'y ai appliqués. C’est ce que montrent les chiffres ci-dessous qui donnent, par rapport à 100 gr. de terre prise à diverses profondeurs, les teneurs qu'en 1895 celle-ci possédait en acide phosphorique, en chaux et en magnésie. SURFACE. A Om,50, A Om,80. gr. "gr. gr. Acide phosphorique, . . . 0.089 0.070 0.070 Ghammisri Ne RUMEMNREE 0.528 0.517 0.521 Magnésio Listen nés 0.008 0.007 0.007 Quoi qu'il en soit, et malgré celte amélioration, le terrain de la 1. Recherches sur la culture de la pomme de terre. Chez MM, Gauthier-Villars el fils, quai des Grands-\ugustins, 55, Paris. RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. 49 ferme de la Faisanderie a toujours été considéré par moi, comme nécessitant un apport considérable d'engrais et c’est sous l'influence de cet apport qu'ont été obtenus les résultats remarquables que, dans leur ensemble, jai déjà eu l’occasion de faire connaître à la Société nationale d'agriculture *. Pour toutes les variétés de pommes de terre que j'ai mises en observation, depuis 1885 jusqu’à 1895 inclusivement, le traitement cultural à été, chaque année, identique. Chaque année, en effet, le terrain destiné à la culture comparée de ces variétés élait constitué par une pièce de terre unique, sur laquelle les différentes variétés n’étaient réparties qu'après l’achève- ment complet du travail cultural. Le sol de cette pièce était, à l’automne, labouré à 0,35 et 0,40 de profondeur ; puis, après y avoir enfoui une quantité de fumier de mouton représentant 20 000 kilogr. environ par hectare, on complé- tail au printemps celte fumure par l’épandage de 600 kilogr. de su- perphosphate riche el de 300 kilogr. de sulfate de potasse par hec- tare ; aussitôt après la levée, enfin, on semait à la volée, sur chaque hectare de la culture, 200 kilogr. de nitrate de soude. La pièce entière élail rayonnée en croix de manière à assurer à chaque variété un espacement identique de 0",50 x 0,60, corres- pondant à 333 poquels à l’are. Et c’est alors seulement qu’il était procédé à la division de la pièce et à la répartition sur la surface préparée, et suivant l'étendue attribuée à chacune d'elles, des variétés soumises à l’observation. Pour quelques-unes, pour la Richter’s Imperator notamment, cette étendue atteignait un hec- tare ; pour d’autres, elle s'élevait à 10 et 15 ares ; pour quelques- unes, elle ne dépassait pas 2 ares. Pour toutes les variétés, la plantation avait lieu de bonne heure, aux premiers jours d'avril, et le travail était conduit avec rapidité de façon à leur assurer des dates de plantation aussi voisines que possible. Les binages, les buttage, le sulfatage, bien entendu, étaient tou- 1. Bulletin de la Société nationale d'agriculture, 1889 à 1896. ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SERIE. — 189$. — 1. 4 4 0 $ È 6 DE UN SE AS OT EN ON 47, def .” curés tm its de té pas Cotoiners 0 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. jours exécutés d’un seul coup sur la pièce entière et toutes les va- riélés, par conséquent, placées dans des conditions de végétation identique. Cette végétation, d’ailleurs, était prolongée jusqu’à la dernière limite et, pour chaque variété, l’arrachage n’avait lieu que quand la maturité de cette variété était complète, c’est-à-dire quand, suivant le principe que j'ai fixé, les feuilles du dernier bouquet étaient flétries. La pesée, enfin, et l’analyse des tubercules avaient lieu aussitôt la récolte faite. Telles sont les conditions dans lesquelles, pendant dix ans, a été conduite la culture des variétés de pommes de terre que j’ai mises en observation. Les rendements et les richesses ont donc, pendant ces dix années, varié uniquement sous l'influence des conditions météorologiques des campagnes successives. Mais il convient de remarquer aussitôt qu’à côté de cette cause de variations, s’en présente une autre dont l'importance est capitale ; cette cause, qu’on doit considérer comme d’ordre général, c’est la convenance réciproque du terrain et de la variété qu’il reçoit. Je crois devoir insister sur ce point, afin qu'il ne soit pas donné, aux résultats que je vais faire connaître, une généralisation exagérée ; c’est aux terrains de gravier, pauvres et perméables comme celui de la ferme de Ja Faisanderie à Joinville-le-Pont, que ces résultats doi- vent être appliqués. | Dans quelques cas, cependant, et pour les variétés les plus impor- tantes, je placerai à côté d’eux les résultats obtenus par plusieurs de mes collaborateurs dans des terrains différents, et, peut-être, de la comparaison des uns et des autres, sera-t-il permis de tirer des con- clusions sinon générales, du moins plus étendues. J'aurais pu, au cours de ces observations, opérant une sélection raisonnée sur ces diverses variétés, d’après la méthode que j'ai fait connaître et qui repose sur la considération de la vigueur de la vé- gétation aérienne, chercher à améliorer celles-ci au point de vue du rendement et de la richesse, mais tel n’était pas mon but ; celui que je poursuivais était la constatation des propriétés courantes de variétés abandonnées à leur libre allure, dans le terrain que je leur offrais. RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE, 51 Les 42 variétés dont j'ai ainsi suivi le développement ont montré, entre elles, des différences considérables sous le rapport du rende- ment en poids, comme aussi sous le rapport de la richesse en fé- cule ; ces différences ont été, en certain cas, du simple au double. Afin d’en rendre l'appréciation plus facile, je répartirai toutes ces variétés en trois classes, d’après l'importance de leur rendement en poids et je distinguerai: 1 classe: variétés à grand rendement, comprenant celles dont le rendement a dépassé, en moyenne, 25 000 kilogr. à l’hectare pendant ces dix ans; 2° classe : variétés à rendement moyen, comprenant celles dont le rendement a élé, en moyenne, et pendant ces dix années, compris entre 20 000 et 25 000 kilogr. à l’hectare ; 3° classe : variétés à faible rendement, comprenant celles dont le rendement moyen, pendant ces dix années, s’est tenu au-dessous de 20 000 kilogr. J'indiquerai d’abord, ci-dessous et en bloc, le rendement moyen, de 1885 à 1895, des variétés comprises dans chacune de ces trois classes, me proposant de présenter ensuite le rendement annuel de chacune d’elles et d’insister avec quelques détails sur les plus impor- tantes d’entre elles. Rendement moyen et richesse moyenne, de 1885 à 1895, des variétés comprises dans la 1r° classe. Grands rendements ; au-dessus de 25 000 kilogr. à l'hectare. = FÉCU Kilogr. de p- 100. RICHEMSNIMPeRALONE AT. Re 33 642 à 18.68 Hnomphe deBelNOn IE CRE 31 320 à 18.90 (ÉANTO ADIEU ER Eee Dee 29 500 à 15.70 RrofesSeurAMETREL MN RERO TES 270710012020" 90 Géante deReading. 2 5 Menton. 27 400 à 14.50 BEACHDIOWMP AMC LE PEUR A. 26 800 à 17.90 H'ERS RTE AM EE Nr MERE, 26 200 à 16.90 NUIT OL ANR Deer US ANT TRS 26 100 à 14.60 AIRE TES RME LEE. MO AR ErS ne 25 820 à 17.50 NON ARTE ES ER EU LOC E 25 760 à 16.10 CHATOLATS E MEME LS TE Tete 25 660 à 13.80 52 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Rendement moyen et richesse moyenne, de 1885 à 1895, des variétés comprises dans la 2° classe. Rendements moyens ; entre 20 008 el 25 000 kilogr. Kilogr, np MABQUD DONNE, 5, + ee » 24 460 à 15.10 Ghardoniie PONS FAURE RS ve 23 200 à 16,70 CRDMOR D PR sm te FOR 21790 4 415,40 BINSON ONU UNS OR MES TOUS: 21 700 à 18.30 BAD er de, ee DATI a ja 21 580 à 15.20 INSUTUt 06 /DORNYAS M ERA Tu 21 480 à 14.48 NA TUOTAW ERP IE al Ut AS 21 150 à 14.70 ROUTSIOr Le AMEL AN ANT CUP RE EE. 21 050 à 15.50 MHANDIO. "ET MES #71 20 000 à 15.70 AUITOTUACR Sr I lt fre ee 20 000 à 16.70 (LEO CR PRO NT Aa 20 083 à 17.25 LE 8 Be) Re EE DM te TE ER 20 430 à 15.80 Rendement moyen et richesse moyenne, de 1885 à 1895, des variétés comprises dans la 3° classe, Rendements faibles ; au-dessous de 20 000 kilogr. Kilogr. A 5 ADO) PR At en ee Te 19 950 à 17.10 ROBAMD RES ent ae a) A le ne 19170 /à 15.82 MieurdemécnEL AAA 40. Eure à 19 140 à 17.30 Sutton/s1aDUDdaNL ot AN AE ARMES LOL? an 5 70 NON EST A RE OT NE d'in 19 034 à 19.30 MÉIÉDHANE DANCE MR ee à» à 18 930 à 14.10 DISDATORN ENE R aetL eme ae let 5e 17 890 à 20.90 CHATUODE EN RME MONET, À ‘os 17 860 à 15.50 ChanvcelerAMpÉNaAL Eu 5.0, 17470 à 21.70 JOUXOM OL ANPETIONNE hs D. 0e. 17440 à 14,60 VOTENT MEME Er ER en des sat 16 900 à 17.00 BIO NAN OL EENREME NE 1 EUR 16 830 à 14.80 Kps 4 4 OR Res à à. tete 15 940 à 16.30 ROMMDIUN ENMEMENLS 2 MEN He 15 060 à 16.90 MOOTOBRON SUR ARNMENNEAET.. à us Lé 15 000 à 17,00 Dabetohel CAPE ERA: Ur Len 14 530 à 17.20 Meilleure de Bellevue. , , . . , . . 14 370 à 17.20 MBPTOUTS!. La TERRE Li ut 14 200 à 14.20 AREAS Se CAGE RER he . 13 600 à 18.90 RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. 53 Variétés à grand rendement, Dans cette longue expérience, qui a duré dix ans, je n’ai pu, on le voit, rencontrer qu'un bien petit nombre de variétés à grand rende- ment; ce nombre atteint à peine le quart du nombre des variétés mises en observation. Celles-ci, cependant, avaient été choisies ou bien parmi les variétés déjà connues et réputées dans notre pays, ou bien parmi les variétés nouvelles vantées tant en France qu’à l'étranger. Et c’est pour cinq d’entre elles seulement qu'aux rende- ments moyens de 26 000 à 33 000 kilogr. est venue se joindre une richesse moyenne de 17 à 19 p. 100 environ de fécule anhydre. Ce serait cependant commettre une grave erreur que de consi- dérer toutes les variétés de cette classe comme incapables de donner à la fois un grand rendement en poids et une grande richesse ab- solue. En certaines années, quelques-unes d’entre elles ont atteint nettement ce double résullat ; mais, en d’autres années, influencées par les conditions météorologiques, elles n’ont abouti qu’à des ré- sultats inférieurs qui ont, dans une large mesure, abaissé leur moyenne générale. C’est ce que montrera l’examen détaillé des résultats fournis pen- dant ces dix années par les plus importantes des variétés étudiées ; c’est suivant l'importance de leur rendement en poids que je les rangeral. Richter’s Imperator. — De 1885 à 1895 inclus, les rendements en poids et la richesse en fécule fournis par cette variété, à Joinville- le-Pont, ont été les suivants : Kilogr. Fa ue LOS CS De RASE: pdt 44 760 à 16.2 NS OURQN LP Ent do. à 34 080 à 21.0 RTS NT PO ONE Cox 31 350 à 18.4 RE Em en 1e 29 500 à 20.4 111 à TARRE ARRETE à Li «0 où 35 040 à 19.7 ONE NORME 34 000 à 22.4 MR )L ANSE* 30 000 à 12.8 DONS es à à LUS 28 764 à 19.4 CSM ON ES OR 33 424 à 16.0 EURE RAT ET 35 111 à 20.5 Moyenne 33 642 kilogr. à 18.68 p. 100 de fécule anhydre. 54 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La Zichter's Imperator est aujourd’hui trop connue pour qu’il soit nécessaire d’insisler sur ses qualités. Les récoltes successives qu’elle m'a données à Joinville pendant dix années portent avec elles leur enseignement ; deux fois seulement, sous linfluence de la sé- cheresse, j'ai vu son rendement en poids inférieur, et de bien peu, à 30 000 kilogr. et toujours, sauf l'accident qu’ont déterminé, en 1899, les conditions météorologiques de la fin de la campagne, sa richesse en fécule s’est montrée supérieure à 16 p.100, pour le plus souvent osciller autour de 20 p. 100. Q Il y a lieu de signaler, a dit, en 1895, à la Société nationale d'agriculture, M. H. de Vilmorin, la constance de la pomme de terre Imperator, au point de vue du grand rendement cultural et de la richesse en fécule *.…. » Telle est, en effet, la caractéristique de cette variété; elle s’ac- commode de presque tous les terrains et les accidents météorologi- ques ne l’affectent pas, en général, profondément. Les résultats fournis par cette variété à mes collaborateurs, dont le nombre, modeste au début (33 seulement en 1889), s’était rapi- dement élevé pour, en 1899, atteindre le chiffre de 600, ont, de tous points, confirmé cette appréciation. On a vu ceux-ci, en effet, lors- qu'ils ont, en terre fertile, suivi exactement les méthodes culturales que j'ai recommandées, obtenir en moyenne? Kiogr,\ En 1889, 31 er ste 36 000 à 21.9 DD ETES - 37 157 à 19.5 LOL RE ER NT ess En.» 36 250 à 20.0 18928 TAPER. 36 276 à 17.0 Diminués pendant les trois années suivantes par des conditions météorologiques déplorables, en 1893 et 1895, par des sécheresses excessives, en 1894, par une pluie incessante en fin de campagne, 1. Bullelin de la Sociélé nalionale d'agriculture, année 1895, p. 150, 2. Ibid., années 1889 à 1896. RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE, 55 leurs rendements n’en sont pas moins restés relativement élevés ; ils ont été en effet: AN FÉCULE Kilogr. p. 100, A RO a MOMENT ICT 22 309 à 19.0 HV cet rl Si les do 251911040193 DOTE MLTONL RÉ ATEN 24:7109 à 19.0 A côté de ces chiffres, il n’est pas sans intérêt de placer ceux qu'à Clichy-sous-Bois (Seine-et-Oise), dans un terrain argileux et un peu froid, tout différent de celui de Joinville, cette même variélé m'a donné ; de 1885 à 1895, les rendements et les richesses ont, sur ce terrain, été les suivants : Kilogr. os ÉRe a MS RENE is 41 400 à 14.60 do MR PERD A EEN, 33 665 ; ibasrauia the lt 41 072 à 19.49 LT CNE RSS OP MR ER 35 000 ) 1 TON Te NU DUR 413 300 » SORA 45 580 à 21.40 BST nl 32 900 à 17.70 ROLE Sr NE een 27 500 » ÉD AT METRE ES 42 700 à 18.40 A ROS RENE SeaRe RIRE MER 34 280 à 20.90 Moyenne . . . . : 37 310 à 18.75 De l’ensemble des résultats qui précèdent et de leur comparaison avec les résultats que fournissent les autres variétés, 1l est permis de tirer cette conclusion que la variété Richter’s Imperalor doit être considérée comme celle qui, jusqu'ici, offre à la culture la plus grande sécurité ; même dans les années mauvaises, où son rende- ment subit une légère diminution, celui-ci reste assez élevé pour être encore rémunérateur. Cette conclusion est, aujourd’hui, généralement admise et, depuis le jour où, après avoir appelé l'attention sur cette belle variété, J'ai fait connaître les rendements qu’elle avait fournis à des centaines de cultivateurs, on a vu, en quelques années, la plantation s’en répandre sur la France entière. Quelques personnes, cependant, lui ont adressé un reproche et 56 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. l'ont accusée de se mal conserver pendant l'hiver. Si ce fait s’est produit, c’est à de mauvaises installations qu'il est dù ; nombreux sont ceux de mes collaborateurs qui n’ont jamais vu les tubercules de Richter’s s'altérer pendant les mois de conserve ; chez M. Vast, à la ferme de Chanteloup (Seine-et-Marne), c’est par centames de tonnes que se comptent les tubercules conservés, et jamais on n’a vu la masse ainsi emmagasinée entrer en décomposition : cette année encore, à la fin du mois de juin, je trouvais chez notre con- frère M. S. Tétard, à Gonesse, plusieurs milliers de kilogrammes de tubercules qui, conservés en tas au-dessous d’un plancher chargé de foin, n'avaient encore, malgré cette date avancée, subi aucune altération. Triomphe de Belfort. — A côté de la variété Richter’s Imperator, il convient de placer une variété présentée récemment par M. Japy, président de la Société d'agriculture de Beaucourt (Territoire de Belfort) et dont celui-ci a bien voulu me fournir, à la fin de 1899, une certaine provision ; c’est sur une surface modeste de deux ares que Je l’ai cultivée de 1895 à 1895 inclusivement, et elle m'a donné les résultats suivants : Kilogr. AE LOS eme De M ee EUX 28 400 à 23.8 LAVER ET RME AT OU 33 000 à 14.7 LO DOS UE IR NT AL TOUL 32 510 à 185.4 Moyenne: 42 nee 31 320 à 18.9 J'ai cullivé cette variété pendant trop peu d’années pour pouvoir porter sur elle un jugement définitif; les résultats qu’elle a fournis jusqu'ici sont cependant très recommandables et comparables, année pour année, à ceux qu'a fournis la Richter's Imperator ; elle offre d’ailleurs, sous le rapport du feuillage, de la forme et de la grosseur des tubercules, la plus grande analogie avec celle-ci. Géante bleue. — Depuis une dizaine d'années, une variété remar- quable est venue se placer à côté de la Richler’s Imperalor; connue en Allemagne sous le nom de Blue Riesen, cette variété doit, en France, ètre désignée sous le nom de Géante bleue. RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. 97 Je l’ai cultivée à Joinville pendant cinq années consécutives, et elle m’a donné les résultats suivants : AT UE "ÉCULE Kiogr: pes ; 00. DOME ML RARE LA 31 400 à 21.7 MCE QUI CSM 35 000 à 11.8 1ÉSE)SS cer ME SRI OB RME TE 26 880 à 16.2 SRE LE ES PERMETTRE ES 29 540 à 12.1 UE 2 NoS ler TRAME TEE 24 900 à 16.9 Moyenne: FT 29 500 à 15.7 Ces chiffres, aussi bien ceux relatifs au rendement en poids que ceux relatifs à la teneur en fécule, sont notablement au-dessous de ceux qui, au début, avaient été annoncés par les propagateurs de cette variété. Chez quelques-uns de mes collaborateurs, cependant, ces chiffres élevés ont été atteints. En 1893, vinget-sept d’entre eux m'ont fait connaître leurs rende- ments et mis à même d'analyser leurs tubercules. La moyenne de ces rendements a été de 24730 kilogr., mais comprise entre des chiffres extrêmes, singulièrement éloignés et variant de 8 000 kilogr. seule- ment à 38 000 kilogr. à l’hectare ; la richesse moyenne était égale à 16.7 avec des écarts de 14.5 à 20.5. En 1894, le rendement moyen a été pour vingt-sept cultivateurs encore de 30 700 kilogr., avec des écarts de 14000 kilogr. à 40 000 kilogr., la richesse moyenne de 16.3 p. 100 avec des écarts de 13.7 p. 100 à 20.0 p. 100. En 1895 eufin, pour vingt-deux cultivateurs, le rendement moyen s’est élevé à 27 080 à l’hectare, avec des écarts de 11 500 kilogr. à 35 400 kilogr. ; quant à la richesse moyenne, le petit nombre de ceux qui, parmi ces collaborateurs, m’ont envoyé des tubercules à analyser ne me permet pas de la fixer. La conséquence à tirer des faits qui précèdent est que la Géante bleue peut, dans certaines conditions météorologiques et dans certains terrains, donner d’aussi bons résultats que la Æichler’s Imperator ; mais tandis que celle-ci se présente au cultivateur avec des qualités de constance qui doivent le rassurer, celle-là se montre au contraire inconstante et variant dans ses résultats suivant des causes jusqu'ici mal définies, c’est-à-dire avec des défauts qui le doivent inquiéter. 58 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L’insuccès relatif qu’elle m’a donné à Joinville, sa faible teneur en fécule surtout, montrent combien elle est difficile sur le choix du Lerrain ; parmi ses qualités cependant, il convient de citer la grande résistance qu’elle présente à la maladie, mais il convient de rappeler : également que la variété Richter’s Imperator, très résistante déjà par elle-même, doit, quand elle a été convenablement sulfatée, être mise au premier rang de celles qu’épargne le phytophtora infestans. À côté de cette qualité dont l'importance ne saurait être mé- connue, la Géante bleue présente, d'autre part, de sérieux inconvé- nients, dont le plus grave, certainement, est sa tardivité; sa maturité est, généralement, de 15 jours en retard sur celle de la Bichter’s Imperator et, pour cette cause, on la voit rarement atteindre la richesse en fécule à laquelle, en d’autres circonstances, elle pourrait prétendre ; il est rare qu’on la puisse arracher avant les derniers Jours d’octobre. La sécheresse, d’autre part, a sur elle une influence considérable et, toute vigoureuse qu’elle soit, elle n’a pu, par exemple, en 1893 et 1895, échapper aux accidents qui se sont pro- duits; les feuilles se sont flétries six semaines au moins avant l’épo- que normale de son arrachage. Pour ces diverses raisons, je ne crois pas qu'il faille préférer la Géante bleue à la Richter’s Imperator ; l'industrie de la féculerie qui l’avait d’abord accueillie avec faveur, l’exclut généralement aujour- d’hui de ses approvisionnements et, d’autre part, j'ai constaté, par l'expérience directe, que, cuite à la vapeur, elle acquiert une odeur spéciale et forte, en même temps qu’une légère amertume qui la font accepter difficilement par le grand bétail à l’alimentation duquel on la destine. Géante sans pareille. — Quoique je n’aie pas eu l’occasion de culüiver moi-même cette variété nouvelle, il m'a semblé intéressant de placer ici les résultats qui, à son sujet, m’ont été communiqués par trois de mes collaborateurs en 1895. La moyenne du rendement en poids qu’ils ont obtenu a été de 28 800 kilogr. à l’hectare et, aux tubercules qu’ils ont bien voulu m'envoyer, j'ai trouvé une richesse moyenne de 17.81 p. 100. Ce sont là des résultats encourageants, mais trop peu nombreux RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE, 59 pour qu’il me soit permis d’émeltre une opinion ferme sur la valeur de cette variété. Professeur Mcærker. — J'en dirai autant de la variété désignée par le nom de Professeur Merker ; je ne l'ai, en effet, cultivée qu’en 1895 ; elle m’a alors donné de très bons résultats: 27 700 kilogr. à 29.90 p. 100 par hectare. Dès 1894, deux de mes collaborateurs m'avaient communiqué des rendements de 27 000 et de 29 000 kilogr, à l’hectare ; en 1895, quatre d'eux m’annonçaient des rendements dont un seul s'élevait à 27 500 kilogr. et dont la moyenne ne dépassait pas 23 100 kilogr., mais, pas plus en 1894 qu’en 1895, la richesse en fécule des tuber- cules provenant de ces récoltes n’a atteint le chiffre élevé que j'ai obtenu en 1895, c’est-à-dire 20.90 p. 100; cette richesse était, en 1894, de 16.9 p. 100; en 1895, de 16.2 p. 100. La variété dite Professeur Mœrker mérite néanmoins d’être soi- gneusement étudiée en grande culture ; elle a, en effet, sur la plu- part des variétés à grand rendement, l'avantage d’être demi-hâtive ; elle mürit dès la fin d'août. C’est à M. Tibulle Collot, de Lille, que je dois le plant que j'ai cultivé en 1895. Géante de Reading. — La Géante de Reading est, comme la pré- cédente, une variété demi-hâtive ; je l’ai cultivée à Joinville-le-Pont pendant quatre années, et c’est à MM. Whitead Cousins, de Londres, que je dois le plant que J'ai introduit dans mon champ d’expé- riences, en 1892. Cette variété, nouvelle en France, n’a, pendant ces quatre années, fourni des rendements en poids assez élevés, mais jamais je n’ai vu sa teneur en fécule dépasser un chiffre modeste ; une seule fois, cette teneur s’est élevée à 16.4 p. 100. Son produit a été le suivant : Kilogr. AT SO NEAS HiL nI FÉES 30 700 à 12.4 LRO US LA LE RR 97 760 à 16.4 SAR RL en ee MER MRES 94 180 à 14.0 HOT ORSRERS TUr à ee MN 27000 101541 MOYENNE A EC ERA RE DHEAOOMAMIANS te die ps Rs D RS 60 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIiQUE. Peu répandue en France, cette variété n’a été cultivée que par deux de mes collaborateurs, qui en ont obtenu : : FÉQULE Kilogr. p. 100. En LS PRE MEL MU €: 19 000 à 17.3 DSL Te ET ee 34 240 à 17.1 Les différences considérables qu’on observe entre ces deux rende- ments montrent bien que les essais culturaux relatifs à celte variété ne sont pas assez nombreux encore pour qu’on en puisse, dès à pré- sent, fixer la qualité ; les essais que j'ai faits à Joinville cependant, et qui m’ont permis de ranger la Géante de Reading parmi les variétés à grand rendement, l'intérêt que présenterait la fixation de variétés hâtives ou demi-hâtives susceptibles d’être placées dans celte classe, montrent que, malgré la médiocre teneur en fécule qui paraît être son défaut, la Géante de Reading est digne de considération. C’est une variété à végétation élevée et vigoureuse qui mürit dès la fin d'août. Peach blow. — Sous ce nom générique, je rangerai ici une va- riété dont je dois la communication à l’un de mes collaborateurs, M. Osmin Lepetit, de Saint-Amand (Cher), et qui, d’après M. de Vil- morin, paraîl appartenir à la classe des Peach blow. Je l'ai cultivée à Joinville pendant quatre années, et elle m’a donné les résultats suivants : ile. Éq LODEL AR NE EN 33 000 à 20.1 LS 09e RTS LRO. 25 7150 à 18.2 OPA LT VR 26 250 à 17.3 1909 ALERT ERUETENAEN 22 300 à 16.0 Moyenne... 26 800 à 17.9 Les résultats qui précèdent sont certainement très dignes d’atten- tion ; les rendements en poids sont beaux, mais on ne peut s’empèê- cher de remarquer que la richesse en fécule a été diminuant d'année en année, soit que la variété ne soit pas absolument fixée, soit que le terrain dans lequel je lai cultivée à Joinville-le-Pont ne lui per- mette pas de développer toutes ses facultés. RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. (6 Red Skinned. — Cette excellente variété, depuis si longtemps connue en France et désignée tantôt sous le nom qui précède et qui signale la coloration rougeâtre que revêt la peau de ses lubercules, tantôt sous les noms de Flour ball, de Balle de farine, de Char- donne rouge, etc., est certainement l’une de celles que l’on doit le plus recommander à la grande culture comme pomme de terre in- dustrielle et fourragère. Pendant dix années consécutives, je l’ai cultivée à Jomville-le-Pont sur des surfaces assez étendues, et sauf deux ou trois défaillances, elle m’a toujours donné des résultats très satisfaisants ; c’est ce que montrent ci-dessous les rendements et les richesses correspondant à ces dix années : Htoën die don ASS OMS PASS INR 29 800 à 15.72 LOST NT Re Une de 31 400 à 17.00 SSSR PT ENT EE, 29 000 à 17.40 FOR CSA ET PN CAE AE De 23 200 à 17.80 PS DOME REC DR A RTS 32 500 à 17.80 ER She en ete PRESENT € 25 800 à 21.20 EST Re LA ETES PEUR LE . 30 000 à 13.50 ONE PE ME Per re on 0 11 300 à 18.20 L'EAU LE ALTER CAE Lan 26 970 à 13.10 RAGE OS ETS 210101018229 Moyennes. mnt. 26 200 à 16.90 Ces chiffres sont extrêmement intéressants ; ils mettent en relief les belles qualités de la variété Red Skinned qu’on voit en certaines années favorables (1887-1888) se rapprocher des variétés les plus productives ; ils montrent aussi combien est grande l’influence qu’exercent sur elle les conditions métérologiques, influence qui, pour des automnes pluvieux comme celui de 1894, abaisse la teneur en fécule à 143.10 p. 100, tandis que, pour des saisons sèches comme celle de 1893, le rendement en poids tombe de 30 000 et même 32 000 kilogr. à 11 300 kilogr. Cultivée par un certain nombre de mes collaborateurs, la Red Skinned a offert, sous leurs exploitations, des variations du même ordre. En 1893, quatorze d’entre eux m’ont communiqué des rende- 62 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ments dont la moyenne en poids n’a pas dépassé 22500 kilogr., mais avec des écarts de 12000 à 33500 kilogr. La richesse moyenne, qui s’est élevée à 18.5 p. 100, a présenté également de grands écarts (14.3 à 22.7 p. 100). En 1894, à la suite d’un automne pluvieux, la moyenne générale du rendement, pour douze de mes collaborateurs, a été de 26 900 kilogr., c’est-à-dire identique au rendement que j'avais obtenu à Joinville, mais à l’établissement de cette moyenne sont intervenus des chiffres très différents (14800 kilogr. à 29000 kilogr.) avec une teneur moyenne en fécule de 16.6 p. 100, présentant des écarts de 14.8 à 19.9. En 1895, enfin, le rendement moyen, pour quatorze cultivateurs, s’est abaissé à 22790 kilogr. à 17.1 p. 100, avec des écarts de 11750 kilogr. à 32500 kilogr. quant au poids à l’hectare et de 14.3 à 20.5 p. 100 quant à la teneur en fécule. Les grandes différences que tous ces chiffres présentent entre eux montrent à quel degré et suivant que le terrain dans lequel elle est cultivée lui est ou ne lui est pas favorable, la Red Skinned est im- pressionnée par les conditions météorologiques. Les rendements qu’elle m’a donnés pendant dix années consécu- tives à Chichy-sous-Bois, dans un terrain légèrement argileux et moins accessible, par conséquent, aux accidents que la sécheresse détermine, viennent à l’appui des observations qui précèdent ; ces rendements ont été les suivants : Kilogr. porta ROLE dm hite MD 33 400 à 15.70 laéTipre. Mar HATENEUS 26 375 à 15.70 PS A ET EE TRE 36 380 à 18.92 LS DD SM NEA CEE AMEN ee 32 000 à 18.92 LOTO RER CI EPA Are 40 900 à 18.92 1 RL CÉRAEFAR ALES KR POTTER 35 960 » NÉS LE ARE PRE PTE 8 L RER 27 700 à 13.30 LODEL ES ANRT 30 100 » L8 94 nn SR EU, 39 200 à 17.70 1695. 1 PORN 32 360 à 19.00 MOyENT EE", RPAU Ur 33 037 à 16.30 De tout ce qui précède, il convient de conclure que la Red Skinned RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. 63 est, à un plus haut degré que d’autres variétés, exigeante sur la na- ture des terrains où elle doit être cultivée ; c’est une variété plus délicate que la Richler’s Imperator et la Géante bleue, moins cons- tante que la première, mais qui, malgré tout, doit être comptée au nombre de celles qui doivent être recommandées à la grande cul- ture. Aurora. — Cette variété, que J'ai fait venir d'Allemagne il y a une dizaine d'années, m'avait tenté par les grands rendements en poids qui lui étaient attribués ; elle avait, en outre, le grand avan- tage de n’être que demi-tardive ; cultivée à Joinville-le-Pont, depuis 1887, elle m'a donné les résultats suivants : Kio. TÉE OS PE EN ns ete » SENTE NC OT Un L'ETAT 31 700 à. 13.0 NS) RAS LC PTE A 31 800 à 14.7 LOS TES PEUR enr AE Re 18 900 à 15.8 LOUP ER SET Re 30 960 » HG PR AE RE ET 25 000 à 16.6 CPE MN RTE » Ë LOTS eines iate Date Vo 21/3002 1676 DOSSIER SEA AS 27 200 à 10.8 LT AENOER OP OR 22 000 à 15.1 Moyenne-"2:1# MES 26 100 à 14.6 ’ L’élévation des rendements en poids qui étaient annoncés a été ainsi généralement vérifiée ; mais, malheureusement, la teneur en fécule est toujours restée médiocre et inférieure en movenne (14.5 J ; p. 100) à ce qu’elle doit être pour qu’une variété puisse être rangée parmi les produits avantageux au point de vue de l’industrie et de l'alimentation du bétail. Athènes. — La variété Athènes est une de celles qui ont été les plus prônées en Allemagne depuis quelques années ; je lai intro- duite à Joinville-le-Pont en 1890, et cultivée, par conséquent, pen- 1. La culture de l'Aurora, presque entière, a été détruite par une gelée printa- nière. R } 1 ; 64 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. dant six années consécutives ; les rendements qu'elle a fournis sont rapportés ci-dessous : Kiloer FÉCULE gr. p. 100. DOSO MERE EL E «, « 46 500 à 15.08 LOUER Me tree ee 26 200 à 22.02 SO PRPRTR EES MR lee le 34 000 à 14.00 LIRE ET 14 430 à 17.30 L (GORE FE LR A SE EA 18 570 à 14.30 RER EEE 15 210 à 18.80 MOvenNe. PAL MEUR 25 820 à 17.50 Un de mes collaborateurs qui a cultivé cette variété pendant trois années de suite, sur une étendue d’un hectare, a, de son côté, obtenu les résultats suivants : : ÉOU Kilogr. Es Here FX E EPOUIQLES L'OPPORREERE* 27 645 à 18.20 BD RARE TE Ne 31 000 à 19.70 LOS BSMRMOUTE PETER . 17 000 » Ce sont là de très bons rendements, mais il est à craindre qu'ils ne soient exceptionnels et la différence, en tout cas, a été grande entre 1894 et 1895. D’autres rendements m'ont été communiqués encore en 1893 : 10000 kilogr. dans la Marne, 8 000 kilogr. à 21.9 dans les Ar- dennes, 14000 kilogr. à 19.4 dans l'Oise; 13 000 kilogr. près de Belfort. Ces chiffres sont bien inférieurs à ceux que je citais tout à l’heure et se rapprochent plutôt de ceux que j'ai obtenus à Joinville, de 1893 à 1895 inclus, que de ceux que l’Afhènes m'avait fournis au début. Aussi doit-on, à mon avis, considérer l’Athènes comme une va- riété dont le succès, au point de vue du rendement en poids, n’est assuré que dans certains terrains spéciaux et peu répandus. Ge qui reste remarquable, cependant, c’est sa richesse, généralement grande, en fécule ; deux fois seulement, en effet, je l’ai vue s’abaisser à 14 p. 100 ; généralement, elle s'élève à 18 ou 20 p. 100. On doit donc la regarder comme constante au point de vue de la richesse, mais comme inconstante au point de vue du renlement en RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. 69 poids ; elle ne possède que l’une des deux qualités que doivent réunir les variétés industrielles et fourragères à recommander, Idaho. — Cette variété, que nombre de nos cultivateurs connais- sent bien et dont j'ai tiré le premier plant, en 1886, des environs de Lunéville (Meurthe-et-Moselle), a été cultivée à la ferme de la Fai- sanderie pendant neuf années ; elle a fourni des rendements et des richesses qui sont indiqués ci-dessous : Her ASS OR LIN MEME ) DOS TE de STAR NE 31 870 à 12.00 SE PR RE SO 26 050 à 15.80 HSE C LRO IRENE NU RS E LS. RS 19 900 à 18.10 ÉRUER A eV RE AE 2e LOUE 350082017630 HUE A NEA CNRS 27 800 à 20.20 LS PR NES Enr 24 470 à 11.80 LS tie dre eee 24 700 à 17.60 RON RS RE EN Ve 21 690 à 15.50 LOL ENONENMRE Le (OMRELE EE Mene 19 700 à 16.70 Moyenne" x." 25 760 à 16.10 C’est donc parmi les bonnes variétés que doit être rangée l’Idaho ; elle peut, en certaines années, rendre au delà de 30 000 kilogr, à l’hec- tare et, sauf de rares exceptions, on voit son rendement se tenir aux environs de 25 000 kilogr. : la richesse en est généralement bonne et c’est exceptionnellement que je l’ai vue, en 1887 et 1899, des- cendre au-dessous de 15 p. 100, en 1889 et 1891, s'élever jusqu’à 18.10 et 20.20 p. 100. Peut-être, en certains terrains, pourrait-elle rendre des services plus grands que ceux qu’elle a rendus dans le terrain de Joinville ; en aucun cas, cependant, elle ne paraît devoir être préférée aux variétés dont j'ai exposé les qualités au début de ces observations. Charolaise. — Cette variété, que l’on ne connaît que depuis huit ou dix ans, est due aux semis de M. Louis Garenne, de Saint-Lau- rent-Perrigny (Saône-et-Loire) ; je l’ai reçue de cet habile cultiva- teur en 1889 ; je l’ai plantée à Joinville pendant cinq années consé- cutives, et j'en ai suivi le développement avec le plus grand soin. ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE — 1898. — 1. 5 66 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. D'origine française, en effet, la Charolaise est digne de tout in- térêt ; elle est hâtive et, tout en donnant des rendements élevés, elle mürit dès le milieu du mois d’août. En certains terrains, d’ailleurs, sa richesse en fécule est grande ; malheureusement, dans le terrain de Joinville-le-Pont, cette richesse n’a pu être atteinte qu’une seule fois. C’est ce que montrent les chiffres ci-dessous : Roger FE TNS AB OLA TT res RAT 29 000 à 18.90 CASE RER ANA 27 000 à 11.00 PAU OL ANS Un ue 28 400 à 15.10 ODA VAR nn OCR 19 950 à 11.60 ADOE NP rSS tonte ti MAUR 23 940 à 12.40 Moyenre su"... 25 660 à 13.80 Chez quelques-uns de mes collaborateurs que j'avais engagés à expérimenter cette variété, des richesses supérieures à celles que je viens de signaler ont été obtenues. Six de ces collaborateurs ont, en 1893, obtenu avec la Charolaise des rendements dont la moyenne a été de 22410 kilogr. avec des écarts de 15 000 à 25 680 kilogr. ; parmi. eux, M. L. Garenne avait obtenu 24740 kilogr. en grande culture ; la richesse, variant de 13.7 à 17.1 p. 100, s’était élevée en moyenne à 15.5 p. 100. En 1894, année plus favorable, M. L. Garenne a obtenu 33 000 kilogr. à 15.1 p. 100, et c’est au même chiffre que s’est élevée, en 1895, la récolte d’un de mes collaborateurs du département de l'Eure. Ce sont là des résultats intéressants, surtout lorsque l’on considère que les rendements de 25 000 kilogr. et de 30 000 kilogr., qui vien- nent d’être indiqués, peuvent être obtenus dès le milieu du mois d'août. La médiocrité de la teneur en fécule que j'ai constatée à Joinville doit être, à mon avis, attribuée à la nature du terrain qui, très probablement, n'offre pas à la végétation de cette variété les conditions physiques qui lui sont nécessaires. Une étude plus prolongée de cette variété qui paraît bien fixée, la recherche surtout de terrains appropriés à ses besoins me parais- TA RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. 67 sent dignes d’être encouragées. Sans atteindre à la grande richesse de la Richter’s Imperator, de la Géante bleue, ete., la Charoluise pourrait certainement, si sa teneur en fécule s'élevait régulièrement à 16 ou 17 p. 100, et grâce à son rendement en poids, permettre à la féculerie, à la distillerie, à l’emploi de la pomme de terre pour l'élevage du bétail, un début plus hâtif de leurs travaux. Variétés à rendement moyen. Les variétés que J'ai rangées dans cette classe, et dont le rende- ment pondéral est compris entre 20 000 et 25 000 kilogr., ne peu- vent pas être comptées parmi celles qui, par leur rendement en poids et leur richesse en fécule, doivent être recommandées aux cul- tivateurs qui se proposent de produire la pomme de terre indus- trielle et fourragère ; les variétés comprises dans la première classe leur doivent toujours être préférées. Néanmoins, quelques-unes d’entre elles sont intéressantes et j’ai cru, pour cette cause, devoir relater ici les observations que j'ai faites et qu’ont faites à leur sujet quelques-uns de mes collaborateurs, de 1885 à 1895. Ces variétés sont au nombre de 12 ; j'indiquerai, mais avec moins de détails que précédemment, les résultats qu’elles ont fournis : MAGNUM BONUM. OHARDONNE ROUGE. CANADA. DER QE ER RE DER LT x, ee Kilogr. RES Kilogr. ER Kilogr. ni RSSCMANNS 36 400 à 15.50 » » 18872. 25 860 à 11.50 » 32 770 à 14.00 EX EU à 24 800 à 16.30 » 25 700 à 14.90 18802 7e. 23 200 à 12.40 » 17 050 à 14.80 NS OM A 31 000 » » 27 300 » SONT 23 300 à 13.00 26 700 à 16.60 19 000 à 16.60 REA ARE 23 200 à 13.00 36 200 à 15.00 19 700 à 13.10 1SJSMA ET 16010 à 17.10 14 050 à 19.40 18 200 à 17.10 ODA. 22 060 à 13.50 21 650 à 13.00 16 020 à 15.50 LOST. 18 900 à 16.60 17 300 à 19.40 20 009 à 15.10 Moyennes. 24460 à 15.10 23 200 à 16.70 21071502 15.10 La variété Magnum bonum est trop connue pour que j'insiste sur ses qualités et sur ses défauts. Dans un terrain meilleur que celui de 68 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Joinville, son rendement moyen dépasserait probablement 25 000 kilogr. et elle pourrait être comptée parmi les variétés à grand ren- dement. Chez certains de mes collaborateurs, on a vu, en bonnes années, ce rendement s'élever à 30 000, 32000 et même 37 000 kilogr. ; mais c’étaient là des exceptions très rares et, dans l’ensemble, la moyenne des rendements qui m'ont été communiqués a été, pour 18 cultivateurs, 22040 kilogr. en 1893, 20 433 kilogr. en 1894 et s’est abaissée enfin à 18 000 kilogr. en 1895. Quant à la richesse en fécule, tombant quelquefois à 12 p. 100, s’élevant rarement à 18 p. 100, elle est restée généralement voisine de 15 à 16 p. 100. Sous le nom de Chardonne rouge, on désigne, dans quelques ré- gions, dans l'Oise notamment, une variété dont je dois le premier plant à M. Michon, de Crépy-en-Valois, et que j'ai introduite à Join- ville en 1890. A cette variété, J'ai bientôt reconnu une identité complète avec la Red Skinned ou Balle de farine. Le port de la plante, son feuillage, la forme et la couleur des tubercules sont absolument les mêmes dans l’un et l’autre cas; le rendement et la richesse n’offrent de différences que dans les limites ordinaires des résultats de toute cul- ture. J’ai cru néanmoins intéressant d'inscrire ici les rendements et les teneurs en fécule que j'en ai obtenus. C’est à M. Paul Genay, de Lunéville, qu'est due la découverte de la variété Canada, aujourd'hui très répandue dans nos cultures. Cette variété a des qualités recommandables, mais, malgré tous les soins que je lui ai donnés, je n’ai pu, dans le terrain de Joinville, et sans doute parce que celui-ci est trop léger, en obtenir des résultats aussi beaux que ceux signalés par M. Paul Genay. Si l’on excepte la première année de culture, son rendement en poids n’a jamais dé- passé 27 300 kilogr., pour le plus souvent s’abaisser au-dessous de 20 000 kilogr. Sa richesse en fécule est généralement restée faible et voisine de 45 p. 100. Quelques-uns de mes collaborateurs ont été plus heureux et ont, en 1893, obtenu jusqu’à 25 800 kilogr. à 17.3 p. 100, mais Ja RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. 69 moyenne générale de leur culture, pour cette année, n’a été que de 21 375 kilogr.; en 1894, l’un d’eux a obtenu 32 000 kilogr., mais la moyenne générale n’a été que de 20 067 kilogr., avec une teneur moyenne de 15.8 p. 100, alors que, chez M. Paul Genay, le rende- ment était de 26 000 kilogr. à 18.4 p. 100 ; en 1895, la moyenne a été, chez quatre de mes collaborateurs, de 22 190 kilogr. INSTITUT SIMSON. ASPASIA. DE BEAUVAIS. R ES EE Kilogr. : re Kilogr. : ce Kilogr. Un SE) SRE 29 600 à 22.00 28 000 à 18.50 26 400 à 19.40 LOT EAN 24 700 à 15.50 21 200 à 10.00 19 000 à 13.00 IRÉOSasQtE 23 300 à 17.50 13 690 à 15.50 26 600 à 13.70 LADA AN Le 22 540 à 15.10 23 260 à 14.70 14 980 à 12.00 LESC MENT 18 400 à 21.60 21 730 à 17.50 20 425 à 14.30 Moyennes. 21 700 à 18.30 21 580 à 15.20 21 480 à 14.48 La variété Simson a joui, il y a quelques années, d’une grande faveur en Angleterre et c’est d'Angleterre, en effet, qu’en 4890 je l’ai importée à Joinville, où je l’ai cultivée pendant cinq années. Son rendement, au début, était considérable et s’élevait à près de 30 000 kilogr.; mais il s’est depuis notablement abaissé et n’a pas, en moyenne, dépassé 21 700 kilogr. de 1891 à 1895; cette variété, d'autre part, s’est montrée particulièrement riche (18.3 p. 100 en moyenne), mais elle a un grave défaut : les tubercules, petits et nom- breux, s’y développent à l'extrémité de stolons allongés, de 0,15 à 0®,20 quelquefois, ce qui rend, à l’arrachage, la recherche de ces tubercules longue et difficile. La variété Aspasia, venue d'Allemagne, ne présente aucune qua- lité qui la recommande particulièrement. La variété Institut de Beauvais est certainement l’une des plus répandues en France ; son rendement est quelquefois considérable ; mais, comme toutes les pommes de terre hâtives, elle réussit peu dans le terrain meuble et perméable de Joinville. Le rendement moyen qu’elle m’a donné en cinq années (21 480 à l’hectare) est in- férieur aux rendements de 28000 à 30 000 kilogr. qu’elle fournit 70 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. quelquefois, mais qui, cependant, dépassent notablement sa puis- sance productive habituelle. En 1893, en effet, pour quatorze de mes collaborateurs, son ren- dement moyen a été de 20645 kilogr, ; en 1894, il est tombé à 16 836 kilogr.; en 1895, enfin, il a été de 21 870 ; il est donc im- possible de considérer l’Institut de Beauvais comme une variété à grand rendement. Quant à sa teneur en fécule, je l’ai vue presque toujours osciller entre 14 et 15 p. 100. La variété Institut de Beauvais n’a donc en réalité qu’une seule qualité, mais cette qualité a son prix, c’est d’être hâtive. VAN DER WEER. BOURSIER. INFAILLIBLE. a CC EE PR Kilogr. | : Mrs Kilogr. 400 Kilogr. A ISSTVE Re 34 800 à 17.00 33 380 à 13.00 22 780 à 13.50 11888: 270: 232908144700 20 500 à 15.80 22 450 15.60 1889". 10H. 27 350 à 15.40 21 400 à 17.60 39 000 » 1890 A = 29 890 » 30 650 » 21 900 » 1050) Mae 17 200 à 14.80 22 600 à 16.60 15 600 à 18.50, F1 D Peer 14 700 à 12.00 22900-4%11730 18 700 à 12.40 18034 VA : 13 100 à 16.90 10450 à 15.10 » » LS Q4E LE: 17 500 à 12.60 13 700 » 18.800 à 13.50 1895 tes 12 600 à 14.50 13 850 à 19.30 » » Moyennes. 21158 241470 21 050 à 15.50 20 000 à 15.70 Le monde agricole n’a pas oublié l'engouement dont, il y a vingt ans environ, la variété Van der Weer a été l’objet; cet engouement a aujourd’hui cessé. La cause en est sans doute en ceci que cette variété n’était qu'incomplètement fixée et que, cultivée sans sélec- tion, elle a rapidement, chez ceux qui l'avaient adoptée, perdu ses qualités du début. Il en a été ainsi à Joinville, où, ainsi que Je l’ai fait remarquer précédemment, toutes les variétés ont été abandonnées à leur libre allure, sans sélection. Le rendement en poids s’en est rapidement abaissé de moitié, tandis que sa teneur en fécule descendait en moyenne à 14.70 ; la variété Van der Weer n’est pas à recommander. On en peut dire autant de la variété Boursier ; c’est au bien re- RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. 71 gretté président de la Société d'agriculture de Compiègne qu'est due cette variété et c’est de lui qu’en 1886 j'en ai reçu le plant. C’est de la Richter’s Imperator qu’elle dérive, mais, mal fixée, elle a été, à Joinville, dégénérant sans cesse sous le rapport du rendement en poids. La variété Infaillible, que j'ai fait venir d'Allemagne en 1886, est certainement l’une des plus curieuses que l’on puisse étudier ; je n’en connais point d’aussi tardive, et, en neuf années de culture, je ne l'ai jamais vue parvenir à maturité. En 1889, l'hiver ayant dé- buté sans gelée, j'ai pu la laisser en terre jusqu’au 30 novembre ; à ce moment, le feuillage en était encore d’un beau vert et pas une feuille n’en était flétrie. En l’arrachant à ce moment, j'ai constaté un rendement qui, rapporté à l’hectare, n’eût pas été moindre de 39 000 kilogr. Arrachée à la fin d'octobre ou au commencement de novembre, cette variété ne m’a Jamais donné plus de 22000 kilogr., mais il faut considérer qu’à ce moment elle était à peine arrivée aux deux tiers de son développement. C’est, en somme, une variété qui ne peut être cultivée en France, mais qui, sous d’autres climats, donnerait peut- être des résultats remarquables ; sa teneur en fécule s’est élevée, en 1891, jusqu’à 18.50 p. 100. ADIRONDACK. GELBF ROSE. ROSE DE LIPPE. — "— — "A — Kilogr : Fe Kilogr dr Kilogr Sp lSS0MeNE » 25 400 à 18.3 » 1e) TDREES » 20 700 à 13.0 23 500 à 14.9 . 1888 . » 29 100 à 16.0 23 550 à 14.9 .. 1889 . » 21 100 » 21 500 à 14.8 1590 . » 24 475 » 21 140 » 1891 . » 20 000 à 22.0 14 000 à 19.5 1892 : 19 800 à 13.7 12 800 à 17.3 100 METZ 1893 "r 2320040197 (4001 201503 17 S00 à 18.6 1894 . . 222200" a05;71 12 260 à 17.6 20 800 à 12.2 1895 . 14 900 à 18.4 17 700 à 18.4 13 500 à 18.4 Moyennes. 20 000 à 16.7 201083401762 20430 à 15:8 La variété Adirondack n’a été cultivée à Joinville que pendant quatre années ; les résultats qu’elle a donnés en 1893, malgré la sé- 1. _L4 2 eo di Se ñ r + . | 72 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. cheresse excessive de l'été, sont certainement intéressants ; c’est, en effet, par une production de 4570 kilogr. de fécule anhydre à lhec- tare qu’on peut les traduire; mais, en présence des rendements en poids et des richesses des autres années, on peut se demander s'ils ne sont pas exceptionnels. Pour se prononcer sur la valeur de l’Adi- rondack, des essais plus prolongés et des résultats plus concordants seraient nécessaires. Parmi les variétés hâtives ou demi-hâtives dont j'ai pratiqué la culture, la Gelbe rose est certainement celle qui m’a donné les résul- tats les plus intéressants. C’est d'Allemagne qu’elle provient; pen- dant dix années, je l'ai cultivée simultanément à Jomville-le-Pont et à Clichy-sous-Bois (Seine-et-Oise), et, dans l’un et l’autre cas, elle m’a donné des rendements très différents. Si l’on examine d’abord ceux qui ont été obtenus à Joinville, dans un sol léger et chaud, il semble qu’à celte variété on ne puisse attri- buer que de faibles mérites. On y voit, en effet, les rendements en poids s’abaisser rapidement et, en dix années, diminuer d’un tiers, deux fois même de moitié. En face de ce résultat, on serait tenté de croire que, variété mal fixée, la Gelbe rose dégénère rapidement. Ce serait une erreur que de conclure ainsi. J'ai fait, à ce propos, des essais directs nombreux, prolongés pendant plusieurs années, en ap- portant à Joinville du plant provenant d’autres terrains et, rappor- tant à ces terrains le plant de Joinville, essais desquels il est résulté qu’à la variété en apparence dégénérée, il est toujours aisé de rendre ses qualités premières. C’est un manque d’appropriation du terrain à la variété que cette fausse dégénérescence est due ; le terrain de Joinville ne convient pas à la Gelbe rose ; saisie par les premières chaleurs dans ce terrain particulièrement meuble, la Gelbe rose voit, à la fin de juillet ou au commencement d’août, sa végétation s'arrêter brusquement. Mais, si elle est cultivée dans un terrain plus argileux et moins léger, convenant mieux à ses aptitudes, elle donne alors des résul- tats singulièrement remarquables. C’est ce que montrent les rendements et les teneurs ci-dessous indiqués qui, à Clichy-sous-Bois, ont été obtenus sur des surfaces on | (e) RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. moins étendues qu’à Joinville, il est vrai, mais, cependant, dans les conditions exactes de la grande culture : Kilogr PÉQUR LSSO ET MT ter 32 800 à 16.60 LS ST MRETR ED ten ere Merde tie 26 470 ) DSSSAMMA TES JU, ASTON 28 140 à 18.11 LASER I ne ne Er re te 26 448 » TS OMR ES den US 34 200 ) SN ES SAR ETE dt 0 34 750 » DUAL IQ ANA LCI: 23 100 à 19.00 DOS EAP Eu eee 22 S00 à 19.70 SD ASS QC REA SATA RS NOOOR A ELTENTO SOS NES AMAR SUR Pr 24 600 à 21.50 Moyenne ee tre er 27 130 à 18.76 Ce sont là des résultats singulièrement remarquables et si les ren- dements et les richesses obtenus de 1885 à 1895 à Joinville-le-Pont, dans un terrain léger, m'ont obligé à ranger la Gelbe rose parmi les variétés à rendement moyen, il est certain que, d’autre part, les résultats que cette même variété m'a donnés pendant la même pé- riode lorsque Je l’ai cultivée dans le terrain moins chaud et moins perméable de Clichy-sous-Bois, autoriseraient largement à la faire figurer parmi les variétés à grand rendement et parmi les meil- leures. Si l’on ajoute aux observations qui précèdent le fait de sa malura- tion hâtive qui, dans les conditions météorologiques ordinaires, la met à point pour être arrachée à la fin d'août, au plus tard aux pre- miers jours de septembre, on reconnaîtra, dans la Gelbe rose, la plus remarquable et la plus intéressante certainement de toutes les va- riétés demi-hâtives. Aussi, ne saurais-je trop recommander aux cultivateurs d’en suivre la culture lorsque, sur leur exploitation, se rencontrent des terrains légèrement argileux, comme celui de Clichy-sous-Bois. La variété Rose de Lippe, que j'ai fait venir d'Allemagne en 1886, et que j'ai cultivée pendant neuf années, n'offre, en réalité, rien de remarquable ; c’est une pomme de terre de qualité ordinaire, qu’il n'y a pas lieu de recommander. 6 ] 6. r sr D ' : 14 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Variétés à faible rendement. Dans cette classe, j'ai rangé une vingtaine de variélés que j'ai cul- tivées à Joinville, les unes pendant neuf ou dix années, les autres pendant quelques années seulement. Les unes et les autres ne m'ont jamais donné que des résultats médiocres, et aucune d’elles ne sau- rait être recommandée à la grande culture comme pomme de terre industrielle et fourragère. Quelques-unes, cependant, ont présenté des particularités inté- ressantes qui m'ont paru justifier un exposé rapide des résultats qu’elles m'ont donnés. Voici ces résultats : ALCOOL. ROSALIE. FLEUR DE PÊCHER. TT oo A Kilogr re Kilogr. A Kilogr : MT 1886 » » » BST er: 26 020 à 16.0 » 292700 à 13.5 1 Rte tord 39 LE 23 800 à 17.4 » 22050. à 15.8 1SS9ESNE UE 125 0NANÉNTS » 11900 à 19.5 LSJDDER ENS 26 900 à {15.8 » 23210 4009 L'eJTMETE 16 800 à 22.6 » 21 300 à 21.8 LR da Er 14 700 à 17.7 14 300 à 15.8 20 000 à 13.7 1S9SMNEE 15 200 à 14.7 2090: à 16:9 14142 à 18.6 LE DA A INE 17 300 à 14.7 18 950 à 14.3 21 200 à 17.4 189 Biche se 18 000 à 18.2 22 700 à 16.2 14 800 à 18.6 Moyennes. 19 950 à 17.1 1917001578 19 140 à 17.3 La variété A/cool a été très prônée en Allemagne, principalement pour la distillerie ; elle peut, en effet, en certaines circonstances, atteindre, au point de vue de la teneur en fécule, un titre très élevé (22.6 p. 100 en 1891) et, d’une manière générale, on doit la consi- dérer comme une variété riche, mais son rendement en poids reste toujours médiocre. La Rosalie, très recommandée en Allemagne également, ne m'a donné à Joinville, pendant quatre années, que des rendements peu élevés. La Fleur de pécher, que j'ai fait venir d'Allemagne en 1886, est, d'après les résultats que j'en ai obtenus, tout à fait comparable à la variété Alcool ; elle est d’ailleurs particulièrement remarquable par la forme régulière et la coloration agréable de ses tubercules. RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. SUTTON’S ABUNDANCE. JUNO. TT — Fécule ÉLÉPHANT BLANC. EE Fécule Kilogr p. 100 Kilogr. p. 100 Kilozr. p. 100. 1891 . 20 300 à 18.5 23 300 à 20.2 16 600 à 18.3 RSC LE 25 000 à 13.5 35 000 à 14.0 23 000 à 12.0 1893 . 24 860 à 17.0 11660 à 22.9 24250 à 13.5 1894 . 10 700 à 13.1 11 620 à 18.2 15 340 à 12.3 1895 . 14 700 à 16.6 13 280 à 21.2 15 450 à 14.3 Moyennes. 19M42"à 1507 19 034 à 19.3 18930 à 14.1 Il y à quelques années, la variété Sutton's abundance était très vantée en Angleterre ; je l’ai introduite à Joinville en 1890, et cul- tivée pendant cinq années ; ses rendements, satisfaisants au début, se sont rapidement abaissés ; l'inégalité bien caractérisée des touffes sur une même pièce, les différences de forme des tubercules ré- coltés m'ont amené à penser que celte variété n’était pas complète- ment fixée, cette manière de voir est confirmée par l’inconstance des résultats observés. Pour la variété Juno, venue d'Allemagne, j'incline à penser que l’abaissement rapide de ses rendements en poids doit être attribué, comme pour la Gelbe rose, à un manque d’appropriation du terrain de Joinville à sa végétation; on ne peut s’empêcher de remarquer, en effet, que sa teneur en fécule est restée constante et remarqua- blement élevée. La variété Éléphant blanc, importée d'Allemagne en 1886, ne paraît pas avoir d'importance particulière. BISMARCK. CHARDON. CHANCELIER IMPÉRIAL. RS EE EUR Kilogr. ser Kilogr. SE Kilogr Sn lSS6RNE » 24 800 à 15.8 » LES TEE » 31 200 à 13.0 » 1888 . » 21 500 à 14.0 » 1889 . » 15 000 à 14.8 » 1890 . » 18 700 à 14.8 » 1891 . 20 800 à 24.7 ATR2OOMAMIONEZ 25 600 à 24.2 1892 . 2005 15 400 à 11.6 13 000 à 16.2 1893 . 12 850 à 23.7 10 750 à 20.1 16 020 à 24.5 1894 . . 18 800 à 19.7 12 500 à 14.3 19 150 à 20.1 189520 DARBADAANDAAT LANG OA 13 600 à 23.4 Moyennes. 17 S90 à 20.9 17 860 à 15.5 17470 à 21.7 Terre d fi CE ON Cas Re Les mé foct Che a Eee" SE A 271 CRC AR ND SET Mal st le Drm, SR, ST 4.2 ni LL ‘ COM Rad nel E < adties hrs Tate des « ? Es Co TÉe. sh" hs dar L d'a ’ 76 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. C’est par erreur qu’en France on a fait souvent de la pomme de terre Bismarck et de la pomme de terre Chancelier impérial, deux variétés distinctes ; sous ces deux noms, c’est une seule et même variété qu’il faut considérer, et à cette variété, c’est, à mon avis, en France du moins, la désignation de Chancelier impérial qu'il con- vient d'appliquer. Cultivés pendant cing ans, sur deux pièces diflé- rentes, les tubercules que j'avais fait venir d'Allemagne, sous l’un ou l’autre de ces deux noms, ont fourni des plantes absolument iden- tiques ; hauteur et garniture des touffes, disposition des tiges, des feuilles, couleur du feuillage, disposition, nombre, grosseur et poids des tubercules, sous tous les rapports, les plantes de l’une et de l'autre origine pouvaient être confondues, et si, laissant de côté les différences accidentelles de rendement en poids et de richesse cor- respondant à quelques années, on ne s’attache qu'aux moyennes, on reconnaît que celles-ci sont sensiblement identiques : 17 890 kilogr. à 20.9 pour l’une ; 17 470 kilogr. à 21.7 pour l'autre. Les résultats fournis par la variété Chancelier impérial sont d’ail- leurs remarquables ; la richesse de ses tubercules en fécule est cer- tainement la plus considérable que l’on rencontre régulière et cons- tante, mais le rendement en poids reste toujours faible ; et c’est en somme à une production de fécule à l’hectare inférieure à 4 000 ki- logr. qu’on voit aboutir la culture de cette variété ; ce rendement est trop peu élevé pour qu’elle puisse être recommandée pour la production de la pomme de terre industrielle et fourragère. La variété Chardon est certes la plus répandue en France; mais elle est loin d’être la meilleure. Pendant dix ans, je l’ai cultivée à Joinville, sans soumettre le plant à une sélection méthodique et, dans ces conditions, j'ai vu son rendement, médiocre au début, de- venir à la fin tout à fait misérable ; à une ou deux exceptions près, sa teneur en fécule a toujours été faible et, en moyenne, n’a pas dé- passé 15.5 p. 100. On doit admettre, cependant, qu’en certaines circonstances, la va- riété Chardon peut donner des résultats supérieurs, et l’on cite quel- quefois des rendements de 25 000 kilogr. à l’hectare, sans que ce- pendant la teneur en fécule dépasse 15 p. 100; mais ces résultats RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. 17 sont exceptionnels et, pour fixer les idées au sujet du rendement de cette variété, 1l me suffira d'indiquer, à côté des chiffres ci-dessus, la moyenne des chiffres que m'ont fait connaître une douzaine de mes collaborateurs qui, dans ces dernières années, l’ont cultivée concurremment avec la Richler’s Imperalor et avec d’autres va- riélés. En 1893, cette moyenne a été de 16534 kilogr. ; en 1894, de 15 962 kilogr. ; en 1895, enfin, elle a été de 17 313 kilogr. La variété Chardon est donc une variété à faible rendement qu'il conviendrait de remplacer en grande culture par des variétés plus productives et plus riches. JEUXEY. JEAN RIVAT. BROWNWELL. Kilogr. : on Kilogr. un Kilogr. Sd RSS Os 28 400 à 16.7 » » ISSN NUr: 20 535 à 14.0 » » SSSR RS 26 290 à 15.3 » » LOS OMAN 2000523 » » LS TOM AE 24 460 à 15.3 » » 1H RARE LONOOMMTE ENT » » SIN TE HS 0 A5 7 240250 40403 » DODSAEU 9 090 à 13.1 l'135 020202 16 600 à 15.1 SU ERNRE AOL" 16 450 à 14.5 18000 à 12.8 (RES. Sonate SOMME 12 500 à 19.0 15 900 à 16.6 œ Moyennes. 17 440 à 14. 16 900 à 17.0 16 830 à 14.8 La variété Jeuxey, dent la culture est si largement développée dans les Vosges et que, pendant dix ans, j'ai cultivée à Joinville sans sélection du plant, ne m’a donné, à partir de 1890, que des résul- tats misérables et si, pour la moyenne décennale, c’est à 17440 kilogr. que s'élève son rendement à l’hectare, c’est à la belle production des premières années qu'est dû ce résultat. Est-ce à une dégénérescence fatale en l’absence de sélection ou à une fixalion imparfaite de la variété qu'il faut attribuer cette fai- blesse de rendement et la pauvreté en fécule qui lui correspond ? C'est à cette explication qu’il conviendrait de s’arrêter, si l’on s’en rapportait à l'opinion qui a cours dans les Vosges où, d'année en 78 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONGMIQUE. année, on constate, pour cette variété, des rendements de plus en plus faibles. Est-ce, au contraire, au défaut d'aptitude du terrain de Joinville et, peut-être, de certains terrains des Vosges pour le développement de cette variété? Je serais tenté de me ranger à cette manière de voir ; à Clichy-sous-Bois, en effet, cultivée pendant dix années sue- cessives, dans un terrain où sans doute elle a rencontré des condi- tions plus favorables au développement de ses qualités, la Jeuxey m'a donné des résultats différents, comme le montre le tableau ci- dessous : Kio. ÉQUUE 1SS CE, RE EME EU | 26 750 à 16.6 ASSIS rer PANTRERR AE 21 965 à 16.6 LORS 2 Mr CC LE 33 028 à 18.11 LEBAMETES RCRU ET 27 500 à 18.11 ASS NES PRRCRE LL 37 700 à 18.11 DOME RES SRE SL A à 32 850 » Lei D REA AN) SCOR 2e 24 200 à 14.7 V'OJSE RM MENT rS Et eE 22,100 à 14.7 . 18980 rs ae Lu 22 960 à 185.4 SRE ee MOT PRO ARE Le 23 880. à 17.7 Moyennes: & fac #5, 26 283 à 17.10: C’est donc, en certains terrains, une variété recommandable que la Jeuxey ; mais les conditions que cés terrains doivent remplir ne sont pas établies ; en des terrains différents, surtout dans les terrains perméables, elle perd rapidement ses qualités natives, et, par suite, pour les besoins de l’industrie, de la féculerie, de la distillerie, pour l’almentation du bétail, il convient de lui préférer des variétés pré- sentant, au point de vue du rendement et de la richesse, une plus grande constance. La variété Jean Rivat m'a été offerte par l'habile cultivateur des Vosges qui lui a donné son nom, M. Jean Rivat ; en 1893 eten 1895, sa richesse en fécule à été grande ; malheureusement, à cette grande richesse, correspond un faible rendement en poids. La variété Brownwell ne présente aucune qualité digne d'attention. RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. EOS. KORNBLUM. NÉGRESSE. SE oo _—_—_0 Ktlogr. 2 00 LUN RUoge. + 5000 à Elogrsihe Fée 1887 18 000 à 13,5 » » 1888 23 500 à 16.3 23 800 à 16.3 » 1859 11 100 à 18.4 16 700 à 16.5 » 1890 29 700 à 18.4 21 050 à 16.5 » 1891 13 300 à 20.0 13 800. à 21.2 » 18592 16 300 à 15.5 2100122 3900 AL A 1893 13 000 à 17.3 4 700 à 16.9 LSLO0O0M A 2087 1894 15 000 à 15.1 11 600 à 16.0 15 050 à 16.9 1595 10 600 à 14.5 7400 à 19:7 6400 à 16.0 Moyennes. 15 940 à 16.3 15 060 à 16.9 15000 à 17.0 19 Les variétés Eos et Kornblum, prônées en Allemagne, ne m'ont donné, à Joinville, que des résultats médiocres. La variété Négresse n’a été cultivée que comme curiosité ; son rendement en poids, de 1892 (31 500 kilogr.) et sa richesse en 1893 (20.7 p. 100), sont cependant intéressants à signaler. ‘ 1887. 1888. 1889. 1890. 1891. 1892. 1593. 1894. 1895. Moy. DABERCHE. RS Kilogr. 26 000 à 15. 11 100 à 18. 14 530 à 17. Fécule p. 100. R KERNOURS. AURÉLIE. RER — —— — CR EE Kilogr. n Kilogr. 0 Kilogr. 60 » » » » » 21 200 à 16.6 » » 11 600 à 18.4 » » 21 050 à 18.4 HP NAUP20R2 211900401079 17 600 à 22.0 20000 à 14.5: 21900 à 12.0 17 900 à 14.5 (HAOOOPA MINT EN 8301201409 8 000 à 21.2 14 650 à 15.8 5 400 à 12.0 16 400 à 18.2 9 500 à 18.3 1200024713 6 100 à 21.7 14-1710 48172 14 200 à 14.2 13 600 à 18.9 La variété Daberche, venue d'Allemagne, n’a fourni généralement, à Joinville, à partir de la troisième année, que des rendements en poids très faibles ; c’est, je crois, une variété incomplètement fixée, mais qui, sélectionnée avec soin, fournirait sans doute des tuber- cules riches ; trois fois, sa teneur en fécule s’est élevée au-dessus de 18 p. 100 ; elle a même dépassé 20 p. 100. 80 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La Meilleure de Bellevue, créée par M. Paul Genay, à qui j'en dois le plant, n’a pu s’acclimater à Joinville, et ses rendements en poids ont été inférieurs à ceux qu’elle fournit à Lunéville ; sa teneur en fécule a été plusieurs fois élevée ; en moyenne, pour cinq années, elle a atteint 17.2 p. 100, comme la variété Daberche. La variété Kernours, qu'à l’origine on avail considérée comme une pomme de terre industrielle et fourragère et dont la chair est d’une couleur jaune remarquable, doit être bien plutôt considérée comme pomme de terre de table. La variété Aurélie, venue d’Allemagne, n’a jamais donné, à Join- ville, que de faibles rendements en poids, mais elle s’est montrée presque toujours riche en fécule ; sous ce rapport, elle pourrait être rapprochée de la variété Chancelier impérial ; elle ne saurait con- venir à la production de la pomme de terre industrielle et fourra- gère. Conclusions. Sans prétendre à une généralisation que les circonstances actuelles ne sauraient justifier, il est permis, cependant, de tirer des observa- tions dont je viens d'exposer les résultats, quelques conclusions pra- tiques et utiles à nos cullivateurs. Pour limiter l'importance de ces conclusions, il convient, bien entendu, de rappeler qu’elles ne sauraient s’appliquer d’une manière absolue qu'aux terrains graveleux et médiocres analogues à celui que j'ai cultivé à Joinville-le-Pont. Dans des terrains différents, ainsi que l’ont montré les recherches poursuivies à Clichy-sous-Bois (Seine- et-Oise), pendant dix années, les résultats qui, malheureusement, ne comprennent que quatre variétés ont été tout différents, et, plu- sieurs fois, j'ai eu à constater, parmi les communications qui m'ont été faites par mes collaborateurs, des différences non moins grandes. Malgré cette restriction, basée sur la nature des terrains cultivés, les faits que j'ai recueillis n’en ont pas moins une valeur sérieuse ; c’est, en effet, dans le même terrain, cultivé d’une manière identique pendant dix années, que ces faits se sont produits, et c’est, par con- RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. 81 séquent, sous l'influence exclusive des conditions météorologiques des années successives, que les résultats culturaux ont varié. C’est donc bien l'allure personnelle des variétés cultivées à Joinville que ces résultats m'ont permis de caractériser. L'influence opposée de la sécheresse et de la pluie est nettement mise en lumière par l'étude des tableaux où, pour chaque variété, sont indiqués les rendements en poids et les richesses en lécule des dix récoltes faites de 1885 à 18 )5. | Lorsque la saison est sèche, le rendement en poids diminue, mais la richesse en fécule augmente. Lorsque la saison est pluvieuse, au contraire, le rendement en poids augmente, mais la richesse en fécule diminue. De telle sorte qu'en nombre de cas, on voit une même variété fournir à l’hectare, que la saison ait été sèche ou pluvieuse, des quantités de fécule très voisines. Pour beaucoup de variétés, les différences de rendement et de ri- chesse peuvent, suivant les cas, être considérables ; quelquefois, on voit ces rendements et ces richesses varier du simple au double, mais il est certaines variétés aussi pour lesquelles ces différences restent généralement limitées. C’est naturellement sur les variétés à grand rendement et à grande richesse chez lesquelles celte qualité se rencontre au plus haut degré que le cultivateur doit porter son choix et, parmi celles qui son tardives, c’est la variété Richter’s Imperator qui me parait la plus recommandable. À côté d’elle, je place la Red skinned ou Boule de farine, l'Iduho, la Géante sans pareille. La Géante bleue, si je ne me trompe, ne doit pas être recommandée au même degré ; sans doute, elle peut donner, en poids, des rendements aussi élevés que la Richter's Imperalor ; mais elle est bien moins constante que celle-ci et les variations qui se produisent, dans sa teneur en fécule, sous l'influence de certaines conditions météorologiques, doivent diminuer beaucoup la confiance du cultivateur. L'étude des variétés hâtives ou demi-hâtives à grand rendement À appelle d’une façon toule particulière lattention des agriculteurs, ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE, — 1898. — 1. ( ee) 2 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. et parmi celles de ces variétés que j'ai cultivées, celles qui me pa- raissent les plus intéressantes, sont, d’abord la Gelbe rose, puis la Géante de Reading, la Charolaise et enfin la variété Professeur Merker, que je n’ai malheureusement pas eu le temps d’étudier suffisamment. Plantées dans des terrains bien appropriés à leurs qualités, ces variétés hâtives ou demi-hâtives doivent, dès le mois d’août, fournir au cultivateur des rendements de 25 000 et même de 30 000 kilogr., avec des richesses de 16 à 17 p. 100 ; mais il me parait imprudent de chercher à utiliser ces variétés dans les terrains légers et d’un échauffement facile, comme celui de Joinville-le-Pont ; les terrains un peu frais et qui, par leur sous-sol, maintiennent l'humidité, sont à mon avis ceux qui leur conviennent le mieux. Parmi les variétés que j'ai étudiées et que j'ai groupées sous les titres de variétés à rendement moyen et de variélés à faible rende- ment, il en esi certainement quelques-unes qui, cultivées dans un terrain approprié, pourront fournir des résultats supérieurs à ceux que jai obtenus à Joinville, mais je crains qu’en l’état actuel de nos connaissances, les terrains présentant les qualités qui leur con- viennent particulièrement ne puissent être caractérisés à l’avance. C’est l’expérimentation directe qui, seule, peut permettre de recon- naître les aptitudes personnelles d’une variété déterminée pour un terrain déterminé. | Pour ne pas s'être conformés à cette règle, nombre de cultiva- teurs ont échoué en plantant, sur de grandes surfaces, des variétés: nouvelles ou même des variétés déjà connues, mais dont les qualités n'avaient pas encore été expérimentées sur leur exploitation : telle variété, qui, dans un terrain approprié à ses aplitudes, donnera 25 000 ou 30 000 kilogr. à l’hectare, pourra très bien, dans un ter- rain différent, ne donner que 15 000 et même 10 000 kilogr. Aussi, est-ce toujours, à mon avis, par une culture restreinte que doit débuter l'introduction, sur un terrain déterminé, d’une variété nouvelle, et est-ce seulement après deux ou trois années d’observa- tion que la nouvelle venue doit être admise à la grande culture, C’est non seulement aux variétés qui, dans d’autres terrains, ont RENDEMENT CULTURAL DE LA POMME DE TERRE. 83 déjà fait leurs preuves que cette remarque s'applique, c’est égale- ment et c’est surtout aux variétés nouvelles qui, chaque année, pont présentées aux cultivateurs. Jamais ceux-ci ne doivent s'arrêter dans la recherche de variétés supérieures à celles qu’ils ont l’habitude de cultiver. Et lorsque des variétés nouvelles leur sont présentées par des maisons honorables, ces cultivateurs agiront avec sagesse en acquérant aussitôt une quan- üté de plants suffisante pour en expérimenter la culture sur une sur- face modeste, un are ou deux ares par exemple. Cette expérimen- tation, bien entendu, devra être faite non pas dans le sol du jardin, mais en grande culture, au milieu des pièces mêmes où sont culti- vées les variétés habituelles du domaine. Planter, dès le jour de l'apparition de ces variétés nouvelles, des quantités considérables de tubercules achetés à grands frais, serait une imprudence ; les né- gliger, au contraire, serait une imprudence encore. LE NITRATE DE SOUDE ET LE PERCHLORATE DE POTASSE:! REMARQUES A PROPOS DE QUELQUES INSUCCÈS DANS LA CULTURE DU SEIGLE Par L. GRANDEAU et L’emploi du nitrate de soude qui, chaque jour, prend plus d’ex- tension, en raison des excellents résultats que l’agriculture en ob- tient, a donné lieu dans ces dernières années à plusieurs accidents locaux qui ont été l’objet d’appréciations diverses et n’ont pas reçu Jusqu'ici une explication décisive. Autant pour mettre en garde les cullivateurs contre les craintes exagérées provoquées par ces acci- dents, que pour provoquer de leur part des observations précises, si l’occasion s’en présentait au printemps prochain, il nous paraît utile de leur présenter un résumé sommaire de l’état de la question. L'agriculture consomme aujourd’hui plus d’un million de tonnes de nitrate, correspondant, à raison d’un épandage moyen de 200 Î. On trouvera plus loin l'intéressant rapport de M. Crispo sur les accidents pro- voqués par l'emploi du nitrate de soude en 1896. Il m'a paru utile d'en faire précéder la reproduction par les remarques que je consigne ici d'après les publications récentes, postérieures au rapport de M. Crispo. Fee LE NITRATE DE SOUDE ET LE PERCHLORATE DE POTASSE. 89 kilogr. de ce sel à l’hectare, au nitratage d'environ cinq millions d'hectares. Par rapport à cette énorme consommation, les accidents constatés se sont bornés à de faibles surfaces ; on voit qu'il s’agit là de faits purement accidentels, ce qui n'empêche pas qu'il y ait intérêt à en découvrir les véritables causes. Depuis 1892, on a constaté en Belgique et sur les bords du Rhin, dans certains champs de seigle nitratés, le développement anormal et le dépérissement de cette céréale. Le nitrate provenant d’un chargement arrivé au printemps de 1893 a été le point de départ des accidents observés. Suivant M. de Caluwe, des effets du même genre auraient été constatés antérieurement. M. Stutzer, de Bonn, témoin de faits analogues, a étudié la ma- ladie que présentait le seigle ; il a constaté que les plantes, d’abord très vertes, prenaient au bout d’un temps variable (deux à quatre semaines) après l’épandage du nitrate, un aspect brun, les tiges de- venaient cassantes et tortueuses : quand la plante résistait, la hampe et l'épi élaient courts, les grains imparfaitement formés et petits. De ces observations, M. Stutzer a conclu, contrairement aux asser- tons d’autres agronomes, que ces accidents ne sont pas dus à une impureté du nitrate (perchlorate de potasse) dont je parlerai tout à l'heure, mais aux conditions particulières du sol et à l'insuffisance de son humidité, d’où résultait le contact des racines avec une solu- tion trop concentrée de nitrate. Quelques observateurs et notamment M. Sjollema, de la station de Wädensweil, ont émis une autre opinion, d’après laquelle il faudrait attribuer à la présence du perchlorate de potasse dans le nitrate du Chili les accidents constatés. A la suite de ces assertions contradictoires et en vue d’élucider la question, M. P. Wagner a entrepris, en 1897, une série d’essais, tant à la Station agronomique de Darmstadt que chez les cultivateurs de sa région, en se servant de nitrate de soude à teneur, déterminée par l'analyse, en perchlorate de potasse. Les résullats de ces expé- riences et des essais culturaux n’ont pas confirmé les vues de M. Sjollema. Telles sont les phases par lesquelles a passé la question. Avant d'examiner plus en détail les observations de MM. Sjollema et Wagner, je rappellerai quelques points relatifs à la constitution du 86 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. nitrate de soude du commerce, indispensables pour l’intelligence du sujet. Le nitrate de soude qu’emploie l’agriculture est, comme on le sait, un produit industriel résultant du traitement, au Chili et au Pérou, des nitrates bruts appelés caliches, mélange complexe de divers sels accumulés depuis des siècles en gisements à peu près inépuisables. Le nitrate de soude pur est contenu, en proportions très différentes, dans les caliches : ceux du Pérou en renferment de 60 à 65 p. 100; ceux du Chili, de 10 à 47 p. 100. Le nitrate y est associé à des pro- portions très variables de sel marin, allant depuis des traces jusqu’à 28 et 30 p. 100 ; à du sulfate de soude (3 à 55 p. 100), à de faibles quantités d’iodate, de sulfate de magnésie, de chiorures alcalins et de matières insolubles, terre, etc. On exploite le caliche à la mine ; un triage sépare la majeure partie des matières terreuses. Les morceaux de caliche débarrassés de terre sont traités par l’eau bouillante qui dissout une grande quan- tité de nitrate ; celui-ci se dépose par le refroidissement sous forme de cristaux, tandis que le sel marin, aussi soluble à froid qu’à chaud, reste presque entièrement dans le liquide. On arrive ainsi, du pre- mier coup, à obtenir un sel titrant 94 à 96 p. 100 de nitrate pur. Les sels cristallisés, séchés au soleil, sont mis en sac pour l’expédi- tion. La découverte du nitrate remonte à 1825; on a exporté, cette année-là, 1 000 tonnes seulement de nitrate ; en 1850, l’exportation montait à 50 000 tonnes ; elle dépasse aujourd’hui, comme je le dis plus haut, un million de tonnes. Le nitrate de soude, à l’état de pureté, est un sel blanc qui pré- sente la composition centésimale suivante : Acide azotique 63.53 correspondant à azote 16.47 p. 100. Soude — 36.47 Ce sel est déliquescent, il attire l'humidité de l’air; à la tempéra- ture de 15 degrés, l’eau en dissout 84 p. 100 de son poids, ce qui explique la richesse en nitrate que peut atteindre, dans certains cas, la couche d’eau qui environne les racines. Le nitrate du commerce est toujours mélangé à certaines impu- LE NITRATE DE SOUDE ET LE PERCHLORATE DE POTASSE. 81 retés que le traitement industriel n’en a pas éloignées. La teneur du produit commercial varie entre 94 et 97 p. 100 de nitrate pur. On peut donc admettre, comme.moyenne, le chiffre de 95, ce qui cor- respond à environ à 15.60 p. 100 d'azote. Les accidents survenus dans la fumure du seigle ont suggéré l’idée de faire des analyses du nitrate du commerce plus rigoureuses que celles qu’on possédait jusqu'alors : ces analyses y ont révélé la pré- sence d'un sel qu’on n’y avait pas encore constaté, le perchlorate de potasse. C’est à ce composé de chlore et de potasse qu’on a cru pou- voir attribuer les accidents de culture que j'ai précédemment rap- pelés. M. P. Wagner a été conduit à considérer que celte impureté du nitrate est tout aussi normale que celle qui résulte de la pré- sence des sulfates et des chlorures. Dans vingt échantillons de ni- trate provenant d'autant de chargements distincts, M. P. Wagner a constaté la présence du perchlorate de potasse, à de faibles teneurs, comprises entre 0.14 et 1.65 p. 100. La moyenne des résultats ob- tenus à la station de Darmstadt serait de 0.75 p. 100. De son côté, M. Sjollema a examiné, au point de vue de leur te- neur en perchlorate, neuf échantilluns de nitrate auxquels l'analyse a assigné les teneurs suivantes, en azote, en perchlorate et en chlore : 100 parties renfermaient : PERCHLORATE. AZOTE. CHLORE. 1: 0.14 LEE 0.31 g: 0.08 SAUT 0:29 o. » 15.4 0.72 4. 0.58 14.5 2.60 54 0.94 15.4 0.43 6. 1.86 15.0 0.35 T3 : 3.16 14.6 0.72 S. 3.02 15.0 0.41 22 6.79 13.4 0.90 Un premier fait découle de ces analyses, à savoir que la teneur en azote de 15 p. 100 et au-dessus est une garantie presque certaine d’une très faible proportion de perchlorate. M. Wagner regarde comme absolument exceptionnelle les teneurs de 3 à 7 p. 100 de perchlorate. 88 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. . M. Sjollema a fait avec des dissolutions de ces divers nitrates, des essais de germination et de culture du seigle. Il a constaté que, mis en contact direct avec une solution aqueuse, renfermant 1 p.100 de perchlorate, les grains de seigle germent lentement et que le déve- loppement ultérieur des plants issus de ces graines est médiocre ou mauvais. À la même dose, 1 p. 100, le nitrate de soude n’exerce aucune action nuisible sur la germination. Des essais de culture en pots faits sur du seigle, semé dans 3 ki- logr. de terre, à laquelle M. Sjollema avait ajouté de 06,05 à 06,50 de perchlorate de potasse ou de soude, ont montré qu’à ces doses, l'action de l'acide perchlorique est nocive; mais il faut remarquer tout de suite que 1/2 gr. de perchlorate pour 3 kilogr. de terre correspond à la dose énorme de 500 kilogr. de ce sel à l’hectare et le dixième de cette dose (05,05 par 3 kilogr.) représente encore une addition de 50 kilogr. de perchlorate à l’hectare, quantités qui, en culture, ne seront jamais atteintes, même de bien loin, par l’em- ploi du nitrate de soude le plus impur. Ces essais de M. Sjollema prouvent donc tout au plus l’action nocive du perchlorate de potasse, mais 1l n’est permis d’en tirer aucune induction au sujet de l'influence que l’épandage de quelques centaines de kilogrammes de nitrate de soude plus où moins impur peut exercer sur le développement de ces récolles. Il Les faits observés par MM. Stutzer et Sjollema sur l’action nocive du nitrale de soude, dans quelques cas particuliers, ont engagé M. P. Wagner, directeur de la station de Darmstadt, à entreprendre des expériences en vue d’un examen plus approfondi de la question. Tandis que M. Sjollema attribuait à la présence du perchlorate les accidents survenus dans les champs nitratés, M. Stutzer avait pensé qu'il s'agissait là de causes extérieures, indépendantes de la nature même du nitrate. Un premier examen de nombreux échantillons de nitrate montra à M. P. Wagner que le perchlorate semble être une impurelé du nitrate aussi normale que les sulfates et les chlorures. RS LE NITRATE DE SOUDE ET.LE PERCHLORATE DE POTASSE. 9 M. Sjollema avait avancé, sans s’appuyer d’ailleurs sur aucun essai de famure, que 200 kilogr. de nitrate de soude à l’hectare pouvaient donner lieu à des accidents, alors même que cet engrais ne renfer- merait que 1/2 p. 100 de perchlorate. Il importait de vérifier expérimentalement cette asserlion tout au moins hasardeuse, si lon lient compte de ce double fait de la présence presque constante du perchlorate dans le nitrate brut, et du nombre immense d'hectares fumés, tous les ans, à des doses de nitrate fréquemment supérieures à 200 kilogr. dont les récolles n’ont Jamais souffert de cette fumure. C’est la vérification de l’assertion de M. Sjollema que M. P. Wa- gner a demandée à des expériences faites en plein champ. Le sol de nombreuses parcelles a reçu du nitrate renfermant 1/2 p. 100 de perchlorate. Partout on n’a constaté qu’une influence favorable de ce nitrate. Une contre-vérification importante a pu être faite par M. P. Wagner. Il s’est adressé à des cultivateurs de sa région qui avaient employé des nitrates de diverses provenances : ceux-ci n'avaient pas été analysés avant l’épandage, au point de vue de leur teneur en per- chlorate, mais les cullivateurs en avaient conservé des échantillons qui ont été examinés à la station de Darmstadt. M. Wagner a acquis la preuve que, dans aucun cas, on n’avait constaté d’action nocive des nitrates employés, bien que tous continssent du perchlorate et que l’un d’eux, le plus riche en cette impureté, renfermät 1.65 p. 100 de ce sel. P. Wagner résume cette enquête expérimentale dans les termes suivants: « Le nitrate de soude ne s’est pas montré une seule fois vénéneux : bien qu'il renfermât, à côté des impuretés connues (quelques centièmes de sulfate et de chlorure), un peu de perchlo- rate, cela ne l’a pas empêché de produire les excédents de rende- ment qu’on pouvait attendre des doses de nitrate employées d’après les chiffres obtenus jusqu'ici. » Comme, d’autre part, les teneurs en perchlorate trouvées par M. Sjollema doivent être considérées comme exceptionnelles, il y a lieu de poursuivre à fond l'étude de la question, afin d'établir clai- rement la dose de perchlorate qu'il y a lieu de tolérer dans les ni- trates du Chili. Lorsque cela sera fait, ajoute M. P. Wagner, on 90 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. trouvera, si cela est nécessaire, les voies et moyens à employer pour écarter tout danger, ainsi que cela est arrivé, à propos de la pré- sence du sulfocyanure d’ammonium dans les sulfates d'ammoniaque, dont on sait aujourd’hui se débarrasser. M. Stutzer avait émis l’avis que la concentration du nitrate autour des racines, par suite de la sécheresse, avait pu nuire à la végéta- tion. M. P. Wagner s’est proposé d'examiner les doses de nitrate que les végétaux agricoles peuvent supporter dans le sol sans en souffrir. Les résultats des expériences qu’il a faites sur l’avoine sont très curieux et de nature à écarter toute inquiétude au sujet de la noci- vité de doses exagérées de nitrate. Dans des vases renfermant chacun 6 kilogr. de terre lehmeuse additionnée de 5 gr. de phosphate de potasse pour donner au sol la fumure fondamentale, on sema de l’avoine. On appliqua ensuite à chacun de ces essais des doses croissantes de nitrate de soude, sauf dans les pots destinés à servir de témoins. Sept séries d'expériences, faites en double pour chaque essai, ont donné les résultats consignés dans le tableau ci-dessous : é RÉCOLTE NUMÉRO QUANTITÉ DE NITRATE (moyenne des deux essais par essai). nr © Ds TE par vase. ARTE Paille. Grains. gr. quintaux gr. gr. le: » » Mr! 6,5 » 0,5 10 107,5 65,2 3. 1,0 20 164,4 111,4 4. 1,5 30 205,4 153,3 5. 2,0 40 239,0 176,6 6. 2,5 50 239,7 184,3 {fe 3.0 60 231,2 199,3 Ces expériences montrent quelles doses énormes de nitrate la- voine peut supporter sans en souffrir, mais il faudrait se garder d’en tirer, au point de vue de la pratique, des conséquences qu’elles ne comportent pas. Dans ces expériences, purement physiologiques, dont le but unique était d’étudier l’action sur la végétation de doses excessives de nitrates, ce sel était réparti dans la terre avec une LE NITRATE DE SOUDE ET LE PERCHLORATE DE POTASSE. O1 perfection qu’on n’attemmdra jamais dans l’épandage ni par le labour. Ce qu’il en faut retenir, c’est qu'aux doses maxima de nitrates que la culture emploie, 400 à 500 kilogr. à l’hectare, on n’a absolument rien à redouter, à la condition toutefois de ne semer que du nitrate moulu, afin d’en assurer la plus grande dissémination possible dans le sol. Une pratique excellente, dont on se trouve toujours bien, consiste à associer, dans le même but, le nitrate moulu à un certain volume de terre fine ou de plâtre. La répartition du mélange, ré- pandu à la volée, est par là mieux assurée. Enfin, il ne faut pas semer le nitrate sur des récoltes couvertes de rosée, afin d’éviter l’action corrosive de ce sel sur les feuilles des végétaux. En observant ces diverses précaulions, on n’aura rien à redouter du nitrate aux doses courantes : 250 à 300 kilogr. pour les cé- réales, 300 à 400 kilogr. pour les plantes sarclées : pommes de terre, belteraves, etc. RAPPORT SUR LES ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR L'EMPLOI DU NITRATE DE SOUDE AU PRINTEMPS 1896 Par M. CRISPO Le -Précurseur d'Anvers du 30 avril 1896 publiait la chronique agricole suivante : AGRICULTURE EFFETS FUNESTES DE L'EMPLOI DU NITRATE DE SOUDE « Ces jours derniers, nous apprimes que dans plusieurs localités de la Flandre occidentale : Swevezeele, Vyngene, Ruddervoorde, Cortemarck, Aeltre, Oedelem, etc., l'emploi du nitrate de soude a occasionné de véritables désastres. Une occasion fortuite nous ayant amené à Aeltre, nous en avons profité, pour faire sur place une en- quête sur les conséquences de l'emploi en question et sur l'étendue des ravages qu’il a occasionnés. « À Aeltre, nous avons parcouru en tout sens et dans toute leur étendue les champs de quatre des principaux cultivateurs ; nous avons causé avec ceux-ci en recherchant soigneusement s’il ne serait pas possible de découvrir la cause du malheur. Voici ce que nous avons appris et constaté. La chose nous paraît assez intéressante ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE. 93 pour en entretenir leslecteurs du Précurseur, dont un grand nombre s'occupent d'engrais chimiques ou d'agriculture. Q Il y a trois semaines, la récolte s’annonçait partout de la meil- leure façon. On avait, comme tous les ans, en mars ou au commen- cement d'avril, répandu du nitrate de soude sur les champs de cé- réales; c’est ce qu’on appelle la fumure de tête, le coup de fouet. « Le coup de fouet, cette fois-ci, se fit attendre ; bien pis encore, au lieu de se produire, les cultivateurs, à leur profonde stupéfaction, constatèrent que la pousse du blé s’arrêtait, que les chaumes se tor- daient, se recroquevillaient ! € Grande fut leur désolation. On apprit bientôt que tous les champs sur lesquels on avait répandu du nitrate provenant du navire Kinross, débarqué à la fin de janvier dernier à Ostende, étaient atteints du terrible mal. € Nous avons arraché un peu partout des plantes de céréales dont les racines étaient complètement brülées ; il est impossible qu’elles se relèvent encore : la récolte est donc absolument compromise, sinon totalement perdue. « Non seulement les champs où l’on a fait usage du nitrate ont souffert, mais 1l nous a été affirmé que même les cultivateurs qui ont employé sur leurs champs de l’engrais chimique fabriqué avec le nitrate dont il s’agil, ont constaté les mêmes effets, quoique à un degré moindre ; des traces de brûlure se montrent un peu partout. « Les années précédentes, l'emploi du nitrate n'avait donné lieu à aucune plainte. Il est à remarquer en outre que seuls les champs, à ce que nous avons appris, où l’on a fait usage du nitrate provenant du Ainross ont été brülés. « L'analyse faite de différents échantillons de ce nitrate ne donne cependant aucune indication de nature à nous éclairer sur la cause du mal. Un échantillon pris chez un cultivateur qui avait acheté douze balles, dont il en a employé onze avec des résultats funestes et dont la douzième a fourni l'échantillon, a donné à l'analyse : 95.75 p. 100 nitrate de soude, 1.40 p. 100 sel de cuisine, 1.52 p. 100 eau, 0.97 p. 100 sulfate de soude et 0.56 p.100 sable, pertes et iode. Or, l’iode qui pourrait être nuisible, s’il y en avait au moins 94 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 1 p. 100, ne saurait, dans ce cas, exercer la moindre influence défa- vorable. « Nous ne nous attarderons pas à relater tout ce que nous avons entendu raconter sur les causes probables du désastre ; les savants, que la chose intéresse vivement, les découvriront probablement. Ce que nous pouvons ajouter, c’est que l’effet du nitrate se fait sentir avec d’autant plus d'intensité que la quantité répandue sur les terres a été plus forte. « Nous avons remarqué aussi que les effets ont été plus nuisibles dans les terres légères que dans les terres fortes, dans les terres dont la fumure d’hiver a été moins abondante, moins riche que dans celles où cette fumure s’est faite dans d’excellentes conditions. « L’émotion produite par le désastre inattendu qui frappe les cul- üvateurs d’une parte des Flandres, est profonde. Le coup porté à l'emploi du nitrate de soude est mortel. Il faut faire remarquer en outre que, si la récolte d'été est réduite en lout ou en partie, rien ne prouve que les nouvelles semailles que l’on fait en ce moment, ainsi que les plantations de pommes de terre dont on espère tirer quelque chose encore, ne seront pas perdues à cause de la présence dans le sol du nitrate de soude. Il y a d’ailleurs des exemples de cette influence persistante : de l’avoine semée sur une terre mitratée, la- bourée à nouveau, se meurt, ainsi que le trèfle que l’on a jeté entre le seigle ! «Il s'agira de remplacer le nitrate par un engrais plus riche en matières fertilisantes diverses et qui ne donnera pas lieu à d’aussi désastreux mécomptes. » Les commentaires de celte correspondance trahissent l'intention de l'écrivain de déprimer l’emploi du nitrate de soude à l'avantage des autres engrais du commerce. Cet article et d’autres, reproduits par la presse belge, eurent un retentissement énorme, dont l’écho se répercute encore aujourd'hui dans la presse étrangère. Une vague interpellation a eu lieu à la Chambre dans la séance du 5 juin 1896, à laquelle M. le Ministre de l’agriculture et des travaux publics a donné la réponse suivante : « L'honorable M. Van Naemen, que je regrette de ne pas voir à son banc, m’a signalé un cas spécial dans lequel le nitrate de soude ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE. 95 employé dans un grand nombre de communes des Flandres a causé des dommages considérables. Le Landbote et le journal l’Engrais ont publié à ce sujet des articles intéressants. Je dois me borner à vous les signaler. Après les observations produites par l'honorable M. Van Naemen, j'ai reçu de M. Nyssens, directeur du Laboratoire de l’État, à Gand, le télégramme dont voici le texte : « Il s’agit de nitrates ; nous leur trouvons une composition nor- « male ; le mauvais effet, qui n’a pas persisté sur certains sols légers, « doit être attribué au mode employé et à la saison défavorable. « (Voir journal l’Engrais du 22 mai dernier.) » « D'autre part, l’agronome de l’État à Gand, M. de Caluwe, m'a adressé ce télégramme : « Les causes expliquant certains résultats défectueux obtenus par « le nitrate de soude en couverture ne sont pas encore trouvées. « L’inspecteur général Proost donne une explication plausible, basée « sur le temps sec en mars. Toutes mes expériences ont donné des « résultats négatifs. » « Il résulte de là que, comme bien d’autres choses, les engrais chimiques doivent être employés avec beaucoup de prudence. « Les nitrates employés étaient de bonne qualité, mais ils parais- sent avoir été utilisés dans des conditions défavorables, à cause de la sécheresse anormale du sol et du mode employé. C’est donc à tort que M. Van Naemen a mis en cause les laboratoires de l'État en les accusant de n'avoir pas convenablement analysé ces nitrates. » Qu’'y avait-il de vrai dans tout cela ? Avait-on falsifié le nitrate de soude, ou contenait-il naturellement des matièrés toxiques? Y avait-il eu excès d'emploi ou dénaturation et exagération d’accidents cultu- raux ordinaires ? Consulté par différentes personnes de la Flandre occidentale sur les causes probables de ces accidents, nous avions émis l'avis qu'ils pouvaient être déterminées par les influences climatériques de la saison, en nous fondant sur les souvenirs du passé et sur des expé- riences que nous avions installées promptement sur trois plantes d’ornements en pots. Voici, du reste, un article publié par le journal l'Engrais, de Lille, du 22 mai, qui résume les éléments d’apprécia- tion que nous possédions alors. 96 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. LE NITRATE DE SOUDE ET SES DÉTRACTEURS LE NITRATE DU NAVIRE € KINROSS >» — LES ACCIDENTS CULTURAUX DES FLANDRES. — DÉCLARATIONS DE M. CRISPO Le nitrate de soude est, sans contestation possible, la matière azolée la plus puissante et la plus économique dont puisse actuelle- ment se servir l’agriculture. C’est l'exploitation des gisements de nitrate du Chili qui a facilité la transformation de la culture européénne. C’est ce puissant engrais qui à permis à la vieille Europe de ne pas succomber sous les im- portations des produits du nouveau monde. Le nitrate a permis d’opposer aux maigres récolles obtenues sans engrais et sans grandes dépenses, aux Indes et en Amérique, nos propres produits agricoles, en compensant nos frais plus considérables de culture par des ren- dements plus élevés. En un mot, en obtenant avec le secours des engrais des rendements doubles et triples de ceux des pays précités, nous avons diminué largement nos frais de production, nous avons pu opposer notre culture intensive et industrielle à la culture pasto- rale et prime-sautière des pays neufs. Or, la culture à grands rendements n’est possible qu'avec le se- cours du nitrate de soude et des engrais phosphatés. Jamais le seul emploi du fumier de ferme n’eût permis à l’agriculture européenne de faire les progrès marquants qui caractérisent la période de 1880 à 1896. Les praticiens les plus habiles, les Mathieu de Dombasle et autres agronomes émérites de l’ancienne école, malgré leur science agricole et leurs travaux opiniâtres, tournaient dans un cercle vi- cieux ; ils arrivaient rarement à faire de la culture rémunératrice. En effet, leurs efforts élaient toujours limités, parce qu'ils n'avaient pas à leur disposition les engrais chimiques, et particulièrement le nitrale de soude, ce produit dont l’action est véritablement magique, puisque, à la dose infime de 100 kilogr. par hectare, représentant diæ grammes par mètre carré, on peut augmenter d’un quart la ré- colte des céréales. ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE. 9% Maintenant que l’Europe consomme annuellement près d’un mil- lion de tonnes de nitrate (quantité représentant cent mille wagons de 10 tonnes), on peut se demander ce que deviendrait son agricul- cullure si, pour une cause quelconque — guerre, tremblements de terre, ele., — l’importalion de ce puissant adjuvant venait à man- quer pendant plusieurs années ! Bien certainement il y aurait un mouvement de recul très marqué dans la production générale, car le nitrate ne pourrait être rem- placé. Toutes les autres matières azotées sont déjà utilisées ; leur production ne pourrait être augmentée sensiblement, puisque toutes ces matières conslituent des résidus ou des sous-produits de fabri- calion. Heureusement, les éventualités que nous envisageons ne se réali- seront point. De plus, le nitrate est à prix très bas : tout fait supposer que pendant longtemps il restera à des cours fort avantageux pour la calture. Les agriculteurs ont payé anciennement le nitrate entre 30 et 40 fr. les 100 kilogr.. ; le prix actuel de 18 fr. 90 c. est donc une limite qu’on n'aurait pas osé espérer 1l y a quelques années. Malgré toutes ces considérations qui nous semblent inattaquables dans leurs justes déductions, le nitrate commence cependant à avoir des détracteurs. Ceux-ci se posent en défenseurs des intérêts agri- coles, mais si on les dévisage attentivement, on voit toujours que ces détracteurs sont ou des mécontents ou des intrigants, plus soucieux de leur propre bourse que de celle de leurs amis les cultivateurs. Le nitrate de soude a le tort immense, pour certains négociants, d’avoir des cours trop connus des masses agricoles; ce produit ne per- met plus aux intermédiaires de réaliser de gros bénéfices : c’est ce qui explique certainés animosités. Le superphosphate est dans le même cas. 3 Cependant, aucune personnalité désintéressée, au courant des questions agricoles, ne songe à discréditer le nitrate. Du reste, la vogue sans cesse croissante de cette précieuse matière fertilisante montre mieux que tous les raisonnements son utilité et sa puissante aclion. Rappelons quelle a été la progression des expéditions de nitrate en Europe depuis 1830. ANN. SCIENCE AGRON. — %° SÉRIE. — 1898. — 1. 98 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Exportation du nitrate du Chili. 1890 MC Or EME EnÉ 800 tonnes. LÉO ENT SR LE Ur, 10000 — LS DOME MERE NA 23000 — LÉGUME EEE EREE 1? 55 080 — SAV SRE ER mire 136 000 — ITS EI 2 NPA NE 225,000 — LODEL LE MES 1035000 — LS ie ee IA CEE 1020000 — Exportations du nitrate du Chili et consommation depuis 1885. CONSOMMATION FER EXPÉDITIONS du monde entier. CURE En Amérique. En Europe, tonnes tonnes tonnes 100% SE 430 S00 » 395 450 : Kite | SFA ERELEACE 415 400 60 000 409 615 188741414160 693 000 70 000 482 110 lOSS ES E- 758 300 6$ 000 637 200 1 ERA Te 930 000 79 000 655 S60 TOURNENT 1 035 000 © 104 000 779 810 LRO UE ARE 7183 000 98 000 829 260 ESF 795 000 97 000 7184 380 OS REN MEN 933 000 107 000 783 470 LOL NET 1 082 000 100 000 S82 150 LSASMANICNE 1 220 000 127 000 915 920 Cette année même, la progression dans la consommation s’est accusée d’une façon très sensible, sur les quatre premiers mois. Voici les chiffres comparés de la consommation sur celte période en 1895 et 1896 : État comparatif de la consommation du nitrate sur les quatre premiers mois de 1895 et 1896. Année 1895. ANGLETERRE. ALLEMAGNE, BELGIQUE. FRANCE. Janvier. . NT 2 690 25 950 OUODESS 7 600 Février. . . . . 4 980 30 870 10 900 21 609 Mars à 13 670 83 160 35 600 50 300 AP 10,2 A7. 929 750 83 150 31 250 42 480 Tonnes. . . 51 090 923 130 82 900 121 980 AUCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE. 99 Année 1896. ANGLETERRE, ALLEMAGNE. BELGIQUE. FRANCE. Janvier Maine 8 070 30 030 7 830 14 230 Réyrier ne au 12 650 93 330 25 S50 44 650 MANS RENE 29 480 73 270 42 650 60 950 ANPIE AE PUCES 29 200 42 950 17 200 19 200 Tonnes. . . 65 400 238 880 93 530 139 030 Augmentalion de la consommation en 1896. MONNES D. de, 14 310 15 750 10 630 17 050 Proportion p. 100. 28.009 7.058 12.821 13.979 On voit que les effets vont à l’encontre des idées que voudraient propager quelques détracteurs intéressés du nitrate. La consomma- tion à augmenté graduellement, elle continuera à suivre une pro- gression croissante. C’est au moment où les avantages de l’emploi du nitrate sont uni- versellement reconnus, que se place un incident fâächeux, dénaturé par les uns, singulièrement grossi par les autres. Le navire AXüvwross, chargé de nitrate, est entré dans le port d’Ostende à la fin de janvier ; cette cargaison a été distribuée dans la Flandre occidentale ; elle a été utilisée en couverture sur céréales. Or, selon les dires du Précurseur d'Anvers, cetle famure au ni- trate aurail occasionné des effets funestes dans une série de villages des Flandres. Le Précurseur a bien fait de signaler ces faits ; mais un journal aussi sérieux à eu tort de généraliser, en rapportant ces accidents culturaux sous la rubrique : Effets funestes de l'emploi du nitrate de soude, en ajoutant comme commentaire de son entrefilet : « Le coup porté à l’emploi du nitrate de soude est mortel; 1l s'agira de remplacer le nitrate par un engrais plus riche en matières fertili- santes. » Sous ce titre et sous ces réflexions, se cachent sûrement des négo- ciants très désireux de vendre des engrais fabriqués, des tourteaux plus ou moins falsifiés, du guano pur ou mélangé, toutes matières 100 . ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. qui laissent au vendeur un gros bénéfice, alors que le nitrate, dont les cours sont universellement connus, ne donne qu'un très léger bénéfice, peu en rapport avec l'argent déboursé. Inconsciemment, notre confrère, peu au courant des dessous de la vente des engrais, a dù être influencé ; 1] a fait, sans s’en douter, de la réclame pour tous les produits dont nous parlons en jetant un certain discrédit sur le nitrate, dont les excellentes qualités fertili- santes sont universellement appréciées. Le nitrate ne peut être rendu responsable de son application erra- lionnelle et en quantité excessive sur des terres naturellement pauvres en éléments minéraux. Il est à peu près certain que les accidents signalés sont dus à un excès d'azote par rapport aux autres éléments minéraux azolés servis trop rapidement sur une seule période. Ceci résulte du reste des déclarations du correspondant du Pré- curseur : il constate que les terres sableuses et légères (terres natu- rellement pauvres en minéraux), et les terres n'ayant reçu aucune fumure de base avant l'hiver ont été particulièrement atteintes. En Belgique comme dans le Nord, on abuse quelquefois du ni- trate, on oublie qu’un élément, l'azote, ne peut nourrir normale- ment la plante que si les deux aulres principaux éléments, acide phosphorique et potasse, ne font pas défaut. Dans les terres fortes, on peut souvent abuser du nitrate ; dans les terres sableuses et le- gêres de la Flandre, il faut opérer avec plus de pondération. Telle est la seule conclusion à tirer des incidents culturaux signalés dans les Flandres belges. Le nitrate en lui-même n’est pas à incriminer. Très probable- ment la cargaison du Ainross était semblable à toutes les autres. De ce que le vin généreux de France, cette ambroisie des mortels, aurait occasionné quelques coups de soleil à ceux qui en abusent, il ne vien:rait à personne l’idée de le proscrire. De même, le nitrate, après comme avant ces accidents culturaux, sera toujours considéré comme le roi des engrais. Nous avons voulu avoir des éclaircissements très précis sur les ac- cusations portées contre le nitrate du Ainross. D'autant plus que ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE. 101 certains journaux agricoles, en France, se sont empressés de grossir cette affaire. Nous savons fort que beaucoup d’intermédiaires préfèrent s’oc- cuper des tourteaux de basse qualité — vendus de 5 à 8 fr. suivant espèces et sur lesquels on gagne 75 cent. à 1 fr. par 100 kilogr. — que de vendre du nitrate à 18 fr. 79 c. avec un bénéfice de 25 cent., si toutefois une variation de cours ne constitue pas le vendeur en perte. Nous déplorons, comme les intermédiaires, les mécomptes qu’occasionne la vente du nitrate, mais ce n’esl pas une raison pour dénaturer les faits el en tirer des conclusions fausses. Pour être bien renseignés, nous nous sommes adressés à l’hono- rable M. Crispo, le directeur du laboratoire agricole de l'État à Anvers, personne ne pouvant être plus au courant de la question que ce savant agronome. Avec l'amabilité qui le caractérise, M. Crispo s’est empressé de nous réponure. I nous a communiqué le texte de la lettre qu'il a écrite à un inté- ressé sur cette question. Voici copie de cette lettre : Anvers, le 8 mai 1896. Monsieur H., J'ai examiné l'échantillon de nitrate que vous m'avez envoyé avec votre estimée du 23 avril. Ayant déjà analysé l'échantillon moyen du chargement du Ainross, il m'a semblé inutile d’en faire une anaïyse complète; je me suis limité à y rechercher les matières étrangères ou nuisibles. Il en résulte que ce nitrate est comme bien d’autres : il contient un peu de nitrite de soude et de l’iodate de soude. La quantité de nitrite a été estimée à environ 0.07 p. 100, soit donc moins de 1 p. 1 000. La réaction de l’iodate était ordinaire. On n’a pas encore délerminé quelle est la tolérance des différentes plantes de culture pour le nitrite et l'iodate de soude, Cependant, comme ces sels se rencontrent normalement dans le nilrate en petite quantité, je ne crois pas qu'ils puissent être la cause de la destruction des récoltes. Il est par contre possible que ces accidents soient dus à l'excès d'engrais azotés. On connaît, depuis qu'on emploie les engrais commerciaux, des faits analogues à celui que vous m'avez signalé. Il arrive fréquemment que si l’on donne au printemps un engrais trop azolé, et si la température est propice, les plantes croissent rapidement, les tissus végétaux restent faibles, et si alors il survient une petite gelée, ou seulement un brusque 102 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. refroidissement, les jeunes plantes périssent. Ces accidents sont plus à craindre dans les sols sablonneux que dans les argileux ; et je me rappelle fort bien que le cas s’est présenté il y a quelques années dans vos environs, à la suite aussi d’une application de nitrate, En résumé, je n’admets pas que le nitrate du Xinross soit différent des autres, et qu’il puisse dé- terminer la perte des emblavures. Toutefois, j’ai commencé des expériences sur des plantes en pots avec les solutions à 1 millième de nitrate chimiquement pur et des solutions oblenues avec divers échantillons du nitrate incriminé. Jusqu'ici on ne remarque rien d’anormal. Voici maintenant la déclaration que M. Crispo nous a faite : Anvers, 14 mai 1896. Monsieur le Directeur de l'Engrais, En réponse à votre estimée d'hier, j'ai l'honneur de vous donner ci- joint copie de l’avis que j'ai déjà exprimé à ce propos à une des personnes intéressées. Les plantes sur lesquelles j’expérimente se portent loujours bien ; mon appréciation sur les faits signalés reste encore la même. L'article du Préeurseur est regrettable. Le reporter, homme de bonne foi du reste, aurait dû se limiter à signaler le fait de la destruction des récoltes en disant que les cullivateurs l’attribuent à tort ou à raison à l'emploi du nitrate; mais en ayant intitulé l’article : Effets funestes de l'emploi du nitrale de soude, il a jugé le procès avant l'instruction, et il a alarmé le monde agricole sans raison sérieuse. L'échantillon moyen du chargement Xinross nous avait donné : Humidité 92.18 | Matières insolubles. 0.30 4.90 Chlorure de sodium . 2.08 | ; Sulfate de soude. PRES Ur 0.54) Nitrate de soude (par différence) . . . . . . . 95.10 TOR PARENT 100.00 AZOLPMC RICE NES ee AC EME Re TR VE AA 15.66 ATOS ATOS RE A RME LENS TOR 15.90 Cette analyse montre qu’il n’y a pas beaucoup de place pour des ma- tières étrangères, en dehors des petites quantités de nitlrite, iodate, chaux et magnésie, qui se rencontrent dans tous les nitrates. Ce n’est pas la première fois qu’on observe la perte des récoltes à la suite de l’emploi du nitrate; mais c’est la première fois qu’on veut lat- tribuer à des matières étrangères y contenues. La présence de ces matières ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE. 103 dans le nitrate du Xinross n’est pas prouvée. Voilà, Monsieur le Directeur, l’état de la question. Je vous ai communiqué le peu que je connais, et vous pouvez faire de cela l'emploi qui vous convient. Veuillez agréer, elc. Crispo. Nous remercions sincèrement M. Crispo de sa communication. L'autorité dont il jouit permettra de ramener ces incidents regretta- bles à de justes proportions et de fermer la bouche aux détracteurs du nitrate de soude. Ceux-ci s'étaient déjà empressés de faire en culture de la réclame pour leurs produits, en grossissant et en dénaturant les insuccès culturaux observés sur quelques points des Flandres. MAIZIÈRES. Cet article, reproduit à son tour à profusion, a beaucoup con- tribué à apaiser le monde agricole ; mais il était évidemment imsufli- sant. Une enquête sérieuse s’imposait, dirigée par une personne n’ayant aucune attache avec la culture ou le commerce. Le résultat de cette enquête fait l’objet du présent rapport, et nous avons ac- ceplé celte mission, tous les actes de notre carrière ayant toujours élé inspirés par l'intérêt supérieur de la justice et de la vérité. On aurait pu supposer qu'il était trop tard pour assumer celte respon- sabilité : en réalité, c’était le meilleur moment: les céréales étant épiées, on pouvait estimer mieux qu’en avril le rendement probable des champs atteints et l'importance des dégâts, et savoir aussi si le correspondant du Précurseur qui avait prédit la perte des récoltes confiées aux champs retournés, avait été bon ou mauvais prophète. L’alarme avait été si vive, on croyait le désastre si grand, qu'en allant visiter les campagnes de la Flandre occidentale nous nous at- tendions à rencontrer sur les routes des petits cultivateurs ruinés, mendiant leur pain aux passants. Nous fümes bientôt rassuré à ce sujet : la franche cordialité avec laquelle nous étions reçu, l'appa- rence en général très belle de la végétation, dont le lin seul faisait dis- parate, l’aisance relative de ce peuple paisible et laborieux entre tous, nous ont comblé de satisfaction. L’oubli était du reste fait sur ce fâcheux incident du commencement de la saison ; et en enquê- tant sur des choses passées, nous avions l'air de réveiller une dou- leur depuis longtemps endormie. 104 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE, Le navire Ainross est entré au port d'Ostende le 18 janvier : le nitrate qu'il portait, soit 2050 000 kilogr., a été déchargé du 19 janvier au 21 février: pas un kilogramme n’a élé mis en magasin, tout fut distribué en Flandre occidentale. Tout ce qui a été facturé entre ces deux dates, soit par MM, Schin!z et C° de Liverpool, soit par M. De Ceuninck d'Ostende, provient de ce navire. Comme tou- jours, la marchandise ayant passé par la filière de plusieurs intermé- diaires avant d'arriver chez le consommateur, il n’est pas possible de donner une liste exacte de tous les cultivateurs qui en ont reçu. Je puis toutefois affirmer, d’après les plus minutieuses informatiuns et l’analvse des échantillons que j'ai pu retrouver sur les lieux, que ce nitrate n’a pas subi la moindre manipulation ou falsification. Voici une liste approximative des communes qui en ont reçu : Aeltre. Emelgem. Menin. Rumbeke. Ardoye. Eerneghem. Meulebeke. Ruddervoorde. Beernem. Furnes. Moorslede. Roulers. Bruges. Ghistelles, Lophem. Sainte-Croix. Comines. Gils. Lendelede. Steenbrugge. Coolkerke. Handzaeme. Lichtervelde. Staden. Cachtem. Hooglede. Oedelen. Swevezeele. Cortemarck. Heule. Oostroosbeke. Thielt. Coolscamp. Ichteshem. Oostcamp. Thourout. Courtrai. Ingelmunster. Poelcapelle. Wyngene. Dickebusch. Iseghein. Poperinghe. Zonnebeke. Eecloo. Jabbeke. Pitthem. Dans les deux tiers de ces communes, il y a eu des dégâts plus ou moins importants aux emblavures de céréales à la suite de lPappli- cation du nitrate de soude. Nous avons visité les communes de Aeltre, Aeltre-Sainte-Marie, Ruysselede, Wyngene, Swevezeele, Ruddervoorde, Oostcamp, Steenbrugge, Sainte-Croix, Oedelen, Beernem, Knesselaere, Ursel, mais nos informations ont été éten- dues aussi aux autres communes ; et nous avons même visité une ferme à Nazareth près de Gand, dont les champs de seigle avaient éprouvé les mêmes dégâts. Nature des dégüts. — Au sortir de l'hiver, qui avait été excep- tionnellement doux, le seigle et le froment avaient très bonne appa- ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE. 105 rence ; mais quelques Jours après l'application du rilrate, la crois- sance s'est arrêlée, beaucoup de plantes périrent par la racine, d’autres jaunirent el restèrent chétives, d’autres enfin furent entra- vées dans leur croissance par une maladie connue depuis longtemps sous le nom de Ærul, mais qui n'avait jamais pris une aussi grande extension. Voici en quoi consiste celle calamité : le sommet de la Jeune plante se recroqueville et jaunit ; le dernier internæud por- tant l’embryon de l'épi, ne pouvant se développer librement, se frise à l’intérieur de la gaine jusqu’au moment où, étant assez fort pour faire ressort, brise celle-ci et sort d’un côté. Les plantes atteintes par le mal restent chélives et sont dépassées par les autres, l’épi ne se redresse plus, garde la forme d’un crochet et ne donne que de petits grains de rebut. Nous avons observé fréquemment ce phéno- mène sur le seigle, et à un moindre degré sur le froment. Quant aux prairies, les dégâts ont été de moindre importance ; toutefois, il y en à eu aussi, mais avec les premières pluies les vides se sont fermés et il n’y plus rien à voir en ce moment. Importance des dégüts. — N serait téméraire de vouloir estimer, ne füt-ce qu'approximativement, la moins-value des récoltes atteintes dans toute la région ; mais ce qu'on peut affirmer sans crainte d’être contredit plus lard, c’est que les premières impressions et les repor- lages ont singulièrement grossi les faits : les champs dévastés et pour longtemps stérilisés, les emblavures retournées se réduisent à bien peu de chose. Ce qui est caractéristique, c’est que ceux-là mêmes qui ont fortement crié au début, tâchent aujourd'hui de cacher la situation réelle en vous renvoyant d’un village à l’autre: à Aellre, on vous dira que les plus grands dégâts se trouvent à Ruddervoorde ; dans cette localité, on vous dira qu’il faut aller voir à Oedelen ; à Oedelen, on vous enverra à Steenbrugge ; de Steenbrugge à Wyn- gene, et ainsi de suite. C'est l’aspect misérable et jaunâtre du seigle au commencement de mars qui a fait redouter un désastre, mais aujourd’hui beaucoup de cultivateurs sont satisfaits’. Un marchand 1. Un cultivateur de Saint-André, qui était sur le point de retourner ses champs, a aujourd'hui les plus beaux seigles et froments des environs. 106 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. d'engrais de Ruddervoorde, le nommé Charles De Coninck, qui avait élé entouré et menacé au marché de Bruges, a reçu depuis lors des excuses el a élé assuré qu’il ne perdrait pas ses chients. En passant aujourd’hui à côté d'un champ atteint, sans être prévenu, on ne voit plus rien, il faut entrer dans les planches et écarter les chaumes pour apercevoir les dégâts: plantes pourries, chétives et ratalinées. La moins-value est estimée de 30 à 50 p. 100 ; les champs qui donne- ront moins se réduisent à quelques parcelles, et l’ensemble de ceux retournés, peut-êlre inconsidérément, ne dépasse probablement pas 2 à 3 hectares. Les dégâts ayant eu lieu presque tous dans une ré- gion à pelite culture, les pertes seront bientôt réparées. On à craint que les terres ayant reçu le nitrate ne restassent sté- riles à avenir. Celte crainte ne s’est heureusement pas réalisée : à Nazareth, les planches relournées n’ont pas été réensemencées ; à Aeltre, elles ont reçu des pommes de terre, du maïs et des navets. Ces nouvelles cultures avaient une belle apparence. Les chargements incriminés — On est presque unanime pour admettre que c’est le nitrate du Æinross qui a causé le plus de dé- gâts, et que ces dégâts sont en proportion de la quantité employée, mais des nilrales d’autres provenances en ont aussi donné, quoique à un moindre degré ; nous sommes définitivement fixé à ce sujet. MM. X. et Z. d'Anvers ont fourni à un négoc'ant d’Ichteghem du ni- trate qui à donné lieu à des accidents. Celui livré par Sanders- Farazyn dans les environs de Snelleghem provient du chargement Cambrian Princess, entré à Ostende vers la fin de mars et dont l’analyse de l'échantillon moyen a donné : Humidité d 2.88 | Matières insolables. . 0.26 ET Chlorure de sodium . 1 ; Sulfate de soude. . LS 0.45 Nitrate de soude (par différence) . 94.89 DOLALESS, Vo ere 100.00 A ZOL6 CAICUICE Se TNA MINS dre aie 7 a RU 15.63 AZOLO 1O0S6,: a 4 ere retire 15.63 Le nitrate employé par Beckaert frères, à Nazareth, et qui a été ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE. 107 le plus désastreux de tous, provenait du voilier Gustave-Adolphe, qui à déchargé à Anvers en février. L'analyse officielle avait donné : NITTAlE TeNSQUTe LEP RENE 95. CHIORUTEN TE LS O0 TAN PME MEME 122 Il a été expédié d'Anvers, le 2 mars, par le wagon 73630, et em- ployé tout de suite sur du seigle, en proportion normale de 200 ki- logr. environ à l’hectare. Il y aurait donc au moins trois chargements incriminés : le AÆin- ross, le Cambrian Princess et le Gustave-Adolphe. Mais il ressort nettement de l'enquête que tout le nitrate d’un même chargement n’a pas élé nuisible : tel sac l’a été, tel autre, moins ou pas du tout. Un chargement étant souvent formé par les produits de plusieurs usines, nous avons recherché des échantillons authentiques sur les lieux mêmes des accidents, afin de nous rendre comple des différences de composition dans un même chargement, et s’il n’y avait pas par hasard des matières toxiques. Du Gustave- Adolphe nous n'avons plus trouvé aucun échantillon ; mais nous en avons trouvé encore deux du Cambrian Princess et sept du Ainross. M. de Ceuninck, de Ruddervoorde, nous a donné communication d’une deuxième analyse complète du Xinross faite par le laboratoire municipal de Bruges : DOTE Non hate Ne Er OLA Er EN 1.90 \ MatéreSskmSolUDIes MER NE EN MINE PAL, 0.52 5 56 2,9 Ghlorure de soma RE MEN ENN CES A SULATEN TES OUT CAEN TN NS D pe Aer 0.82 : Nitrate de soude (par différence) . . . . . . . 94.44 ALOUET er PATES 109.00 AZOLEACAICULE Es, URSS AAA RES ARE ee 24m 15550 Les deux échantillons du Cambrian Princess sont assez sembla- bles, landis que ceux du Kinross différent notablement entre eux, tant pour la composition chimique que pour les caractères phy- siques : il y à du nitrate blanc de neige et en gros cristaux, et du nitrate jaune d’ocre en petits cristaux, du nitrate gris, du blanchâtre et du farineux. Gette dernière forme, que nous connaissions depuis RE APTE TRE NAT D CO _.. - #2. 4) à dé dt um tr Sri ed D. à Rd ARS: à in n'a sp. CCR CONS SR © 1083 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. longtemps et à laquelle on a attribué, il y a quelques années, des acci- dents semblables, est caractérisée par la présence d’une forte dose de chlorure de magnésium. Dans aucun échantillon, nous n’avons r'en- contré des sels toxiques en quantité anormale. Nous résumons dans le tableau ci-contre les analyses faites sur les neuf échantillons. Les sels nuisibles aux plantes qu'on peut rencontrer dans le sal- pêtre du Chili sont les suivants : 1° Nitrile de soude. — Le nitrite de soude en solution de 4 pour 1000 est, d’après les expériences de Molisch, toxique pour la plu- part des végétaux. Les neuf échantillons analysés n’en contiennent, peul-on dire, que des traces, le dosage le plus élevé, celui du n° 3, étant de 0.00126 p. 100. Ce nitrate, en se dissolvant à la tempé- rature de 10° dans le moins d’eau possible, donnerait une solution saturée contenant 80 p. 100 de nitrate et seulement 0.001 p. 100 de nitrite, ou mille fois moins que la quantité toxique. Il faut donc mettre le nitrite hors de cause dans les phénomènes qui nous occu- pent. 2 Chlorure de magnésium. — Le chlorure de magnésium est nuisible à forte dose ; mais la tolérance des plantes pour ce sel est toutefois bien grande. Certains sels bruts de Stassfurt, la karnallite, par exemple, qui en contient 10 à 35 p. 100 et qu’on emploie à la dose de 500 kilogr. et plus à l’hectare, introuuisent en une fois dans le sol de 50 à 175 kilogr. de chlorure de magnésium. Il est vrai que l'application de ces engrais ayant lieu à la morte-saison, le chiorure de magnésium est en grande partie enlevé par les pluies avant le ré- veil de la végétation; mais l’affinité du sol en retient toujours une certaine quantité. Celle affinité pour les sels de magnésie est très grande, ainsi qu'il résulte des expériences de Rothamsted. MM. Smets et Schreiber, en donnant directement des doses de karnallite de 12500 kilogr. à l'hectare ‘, soit donc 4375 kilogr. de chlorure de magnésium, ne sont pas arrivés à Luer les jeunes plantes de céréales 1. Emploi des engrais polassiques, par C. Scuneisen et G. Smers, à Hasselt, 1893, p. 61. SOUDE. 109 NITRATE DE ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE 106°0 16600 |86C°0 C&'0 16077 ;CGA0 0 6 & 2por 21JP98004 ‘0 16.0 S0}00'0 OT‘ 6& LG &0'9} oPIu op ane] GOT 60000 606 JS €6 0Y SI 2pol QUHOJIUN a8n04 0110 L£"0 S0100'0 | aueIq 690 °0 £6& 0 S0100 9 y T CL 96 21)PSIHS "0 S60 0 J£G°0 7yG000°0 5) 2 1S° 66 0ÿ'G1 9pOI 21}P98N04 XNoUTe] 16 0 LG 0 610 0 68 0 LSO'0 991'T LLO "0 JF 6y 0 SE 981000176000 0 GHNEL 69'T 0T°68 99 °YI por 91P98n04 -— — xnourie] | 917PS48 il "SSHONIHA NYIUANVI ° ‘ 2pu0S 9P 92]LAO[U2494 * ? * apnos 9p 9aJEpOI ‘UUNISQUSEUL 2P 21N10[) ® quepuodsoirtoo * ‘oISausen ‘910[{9 NP JINP9D WNIPOS 2P 2ANIO[UT) "apnos 9p 9JLMIN ee + + cnvy *2pnOS 9P 2}04AJIN ve quëpuodsari09 * ‘onbniu 2)07Y sonbis{yd S819)orien ‘SAUAHILYVN 110 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. dans un sol riche en chaux. Les sels de magnésie sont plus nuisibles employés en couverture et dans un sol pauvre en chaux, comme c’est le cas en Flandre occidentale. En considérant toutefois que le salpêtre n° 3, le plus riche en magnésie, ne contient que 1.166 p. 100 de chlorure de magnésium, ou 5*,830 sur 500 kilogr. dose maximum à l’hectare, on est obligé d’exonérer le chlorure de magné- sium de toute participation dans les présents dégâts. 3° Jodures et iodates alcalins. — Tous les salpêtres du Chili non raffinés contiennent des iodates et parfois des iodures ; il en arrive même qui contiennent de l’iode libre qui leur donne une couleur rougeàtre ‘ et une forte odeur. Ces nitrates ont toujours été consi- dérés comme dangereux. Dans le chargement du Æinross, il devait y avoir du nitrate de cette qualité, car nous en avons rencontré un sac dans les magasins du Syndicat agricole de Bruges; mais nous ne saurions pas dire dans quelle proportion il se trouvait dans le chargement. Dans le commerce, on n’a jamais attaché beaucoup d’importance à la présence de l’iode libre dans le salpêtre et nous ignorons même si quelqu'un avait expliqué les circonstances de cette curieuse for- mation. Quoi qu'il en soit, nous le considérons comme un indice d’une très haute importance au point de vue chimique, parce qu'il accuse la présence simultanée dans le salpêtre de trois sels nuisibles : l’iodure alcalin, le chlorure de magnésium et le nitrite de sodium. Ces trois sels, en réagissant l’un sur l’autre, donnent naissance à de l'iode libre et à du bioxyde d'azote, dont le mélange avec l'air pro- duit cetle odeur sui generis qui tient de l’iode et du peroxyde d'azote. La réaction a lieu suivant l'équation : Na Az 0® + Nal + MgCI° = 2 Na C1 + Mg0 +1+ 470, qui, en présence de l'air, donne des vapeurs rutilantes de peroxyde d'azote. Les quantités d’iode et de bioxyde d'azote qui se dégagent en un temps donné sont probablement bien minimes : cependant, comme 1. La couleur rougeâtre provient le plus souvent d'un peu de terre ocreuse. ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE, 111 ces deux corps sont éminemment nuisibles et que leurs actions s’a- joutent, il n’est pas possible de les considérer comme inoffensifs sur les racines et les feuilles des jeunes plantes. Dans notre cas, sans pouvoir leur attribuer la cause générale déterminantedes dégâts, on doit admettre que pour certaines parles de salpêtre ils ont pu agir comme adjuvants de la cause principale. Quant à l’iodure alcalin, il résulle d'expériences faites au jardin de la Société agricole de la Flandre orientale par M. de Caluwe que, à raison de 25 kilogr. à l’hectare, ce sel ne trahit son action sur l’orge que par le jaunissement des pointes de quelques feuilles, sans nuire à la croissance de la plante. Les nitrates 3 et 7, qui contien- nent le plus d’iodate de soude, n'auraient introduit dans le sol que 0K,5 de ce sel par hectare, soit cinquante fois moins que la dose avec laquelle on commence à constater une aclion nuisible avec l'iodure. En confirmation de ces expériences, nous ajouterons que les eaux de fond de cale, provenant des bateaux de nitrate, ont toujours élé vendues comme engrais, et nous n’avons jamais entendu dire qu’elles eussent déterminé la mort des plantes. Ges eaux, cependant, peuvent contenir de fortes doses d’iodate de soude. L’analvse d’un échantillon de ces eaux nous à donné les résullats suivants : DST RER Re Tee 1,406 Azote nitrique. . 755,72 par litre Nitrate de soude . 1 447 ,58S — Ghlorureide sodium (2/52) 0en, 2 148 ,31 — lonale de Sondes pe ed Se: O0 — ROUES Me ee ie is ligne de forte réaction. Les iodures et iodates se concentrent donc dans les eaux de cale, et cependant nous n'avons pas entendu formuler de plaintes sur leur emploi en agriculture. 4 Chlorure de sadium. — Y résulte des expériences du professeur Vohltmann, de Bonn, faites par un temps sec, que le chlorure de sodium en solution à 0.5 p. 1000 commence à manifester une action nuisible sur les prairies par le jaunissement des sommets des feuilles ; en solution à 1 p.1900, il y a aussi arrêt de la croissance ; à 5 p.1000, | » y È " 5 | \ El ntss Dors > TOC" 7, Lrer . ce ads LE 112 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. la végétation est très maigre, et à 10 p. 1000, la vie des plantes four- ragères n’est plus possible. Seules les espèces sous-ligneuses résis- tent au chlorure de sodium. Le chlorure de solium contenu dans le salpêtre da Chili peut donc, par un temps sec, contribuer avec les autres sels nuisibles à arrêter dans leur croissance ou à détruire les jeunes plantes de céréales. 0° Perchlorale. — Le docteur Sjollema, directeur de la Station agronomique de Groningen, a, le premier, signalé le perchlorate dans le salpêtre du Chili, où il en a dosé jusqu’à 6 p. 100 ; il attribue les accidents de celte année à sa présence dans le nitrate employé. Les dosages en perchlorate de nos échantillons ne dépassent guère 1 p. 100, et des expériences de culture en cours, entreprises par M. de Caluwe, à ciel ouvert et sous verre, avec les mêmes échan- ullons, n’ont donné jusqu'ici que des résullats négatifs. Nous lui avous adressé aussi un échantillon composé avec 6 p. 100 de per- chlorate de potasse, qui n’a pas donné de plus mauvais résultats que les autres. Notre honorable collègne nous écrit une phrase bien significative : « Probablement à cause des pluies, l'expérience est négative. » Il en est donc probablement du perchlorate ce qu’il en est des autres sels nuisibles : leur nocuité dépend de la dose et de Pétal d'humidité du sol. Mais n’anticipons pas imprudemment ; des expé- riences sont faites par M. Sjollema lui-même, et par la Station agro- nouomique de Wiesbaden, et nous serons bientôt fixés à ce sujet. Quelles son! les plantes qui ont le plus souffert ? — Le nitrate ayant été employé en couverture, ce sont surtout les céréales, dont les racines sont superficielles, qui ont été atteintes ; et le seigle étant ln céréale prédominante en Flandre occidentale, c’est sur lui que les dégâts ont été les plus marquants; les froments et avoines sont moins cullivés; cependant nous avons vu aussi des champs atteints, chez Ambroise Olivier et la veuve van Bellem, à Aeltre, et chez un autre cullivateur, à Saint-André. Les dégâts aux prairies n'étaient plus visibles à notre passage. Les pluies ayant aujourd’hui dilué et en- trainé le nitrate, il n’y a absolument rien à craindre pour jes ré- coltes suivantes. ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE. 115 Causes probables des dégäts. — Une remarque générale, c’est que les dégâts ont été d'autant plus importants que le sol était plus sa- blonneux et pauvre et les plantes plus jeunes. Il y a un fait précis qui mérite d’être cité : le Syndicat de Bruges a fourni le 19 février deux parties de nitrate à Oedelen, l’un de 1 258 kilogr. et l’autre de 1 629 kilogr. et une troisième partie de 1 871 kilogr. à Snellegem ; il livrait en même temps 3 000 kilogr. à Meetkerke : à Oedelen, Snellegem et Varssenaere, tous trois en sols sablonneux, les dégâts sont encore visibles, tandis qu’à Meetkerke, en sol argileux, on a eu d'excellents résultats. En général, dans le polder du nord de Bruges, les dégâts ont été presque nuls. Les mêmes remarques ont été faites par d’autres personnes intervenues dans l'enquête. Une autre constatalion est non moins importante : c’est qu'en gé- néral on a abusé du nitrate. À Aeltre, une fermière en avait donné 31/4 de kilogr. par verge, ou 500 kilogr. à l'hectare (un hectare — 6074 verges), dose absolument trop élevée pour un sol sablonneux, maloré qu’il ait été suffisamment fumé par l'application de fumier, cuperphosphate et sel potassique. Dans ces circonstances, on ne devrait pas dépasser 250 kilogr. Un autre cultivateur n'avait donné pour tout engrais que du nitrate à la dose de 500-400 kilogr. sur de l’avoine. Celle: ci était de beaucoup inférieure à un autre lot d'avoine qui avait reçu du nitrate et du guano composé. Un autre champ d'avoine, qui n’avait reçu en tout que À kilogr. de sulfate d’ammo- niaque par verge, élait aussi très en retard: l’avoine n'avait que la moitié dela hauteur du champ précédent. Cette tendance à l’exagé- ration est déplorable, d'autant plus que dans beaucoup de fermes de celle région du pays, on réserve le fumier pour les environs de la ferme et aux terres éloignées on ne donne que du nitrate. En examinant les conditions climatériques du 1°* février au 15 avril (voir les tableaux à l’annexc), nous constatons qu'après un hiver exceplionnellement doux el sec nous n'avons eu en février que quelques gouttes d’eau, avec une température relativement élevée. Au mois de mars, le sol étant chaud, l’eau qui est tombée en abon- dance a donné à la végétation un essor extraordinaire. Mais entre le 27 mars et le à avril, il y a eu un fort abaissement de température, auquel les jeunes plantes gorgées de suc ne pouvaient être indiffé- ANN, SCIENCE AGRON. — 9° SÉRIE. — 1898. — I. 8 114 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. rentes. On sait parfaitement ce qui se passe en horticulture : sion ouvre inconsidérément les portes d’une serre chaude dans un moment de refroidissement, des plantes périssent. Il y a donc là un phénomène qui peut avoir eu son influence ; mais il y en a d’autres à consi- dérer. Les engrais chimiques sont en général immédiatement solubles, voire même hygroscopiques, et le nitrate de soude lest à un très haut degré. Là où une parcelle d'engrais tombe, elle s'empare de l'humidité de l'air et de l’eau du sol qui entourent en formant une solution concentrée, une tache d'huile. Gare aux racines qui s’aven- turent dans ce milieu. S'agit-il de superphosphate ou de sels à réac- Lion alcaline, elles sont irrémédiablement perdues ; s’agit-il d’autres sels neutres, elles en souffrent plus ou moins fortement suivant les circonstances. Quelques développements à ce sujet sont nécessaires. L’üge de la jeune plante, c’est-à-dire l’état de développement de son appareil radiculaire, rendra l'atteinte plus ou moins grave en ce sens que l’oblitération d’une partie plus ou moins importante de l'appareil radiculaire se traduira par la mort de la plante ou par un simple retard dans la végétation. La nature et la composilion du sol influent aussi : un sol sablon- neux est généralement plus sec à la surface qu’un sol argileux. Par le même temps, un même engrais salin formera donc en sol sablon- neux une solution plus concentrée qu’en sol argileux. Cela explique la différence d'action du nitrate, appliqué en même temps au sud et au nord de Bruges. Dans le même sol, l'effet d’un même engrais semble pouvoir être différent suivant l'heure de l’épandage. Nous en avons une preuve évidente dans le cas de Nazareth, en sol sablonneux : le salpêtre a été appliqué dans les premiers Jours de mars, par un temps sec, le matin sur une partie du seigle, l'après-midi sur l'autre ; le premier a été si fortement éprouvé qu’il a été retourné ; le second a bien ré- sisté et donnera une récolte ordinaire. Il est donc probable que, le champ étant mouillé le matin par la rosée, le salpèlre y a formé une solution concentrée, tandis que, l'après-midi, le sol s’étant ressuyé, le salpêtre est resté solide et ne s’est dissous qu'à une première ondée, formant une solution diluée. Comment expliquer autrement ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE. 115 cet accident ? L’insuffisance de la fumure, l'excès de nitrate ne peu- vent être invoqués ici, car les frères Beckaert cultivent à la perfec- tion, guidés par leur pratique et par la lumière de la science expéri- mentale, un champ d'expériences dirigé par l’agronome de l’État, M. de Caluwe, étant établi chez eux. Leur seigle de deuxième année avait été semé sur fumure verte de serradelle, suivie d'applications de superphosphate, et sur le jeune seigle on avait donné seulement 190 à 200 kilogr. de nitrate à l'hectare. Le krul ne serait-il pas une manifestation de ce mode d’action du nitrate sur les organes aériens plus ou moins meurtris par le con- tact du salpêtre ? Avant envoyé quelques épis de seigle frisés à M. le Directeur de l'Iustitut agricole de Gembloux, afin de les soumettre à l'examen du spécialiste attaché à cet élablissement, celui-ci lui adressa la réponse suivante : Gembloux, le 17 juillet 1896. Monsieur le Directeur, Les épis de seigle que vous avez soumis à mon examen sont atteints d’une affection assez fréquente cette année dans nos Flandres, où elle est connue sous le nom de « krul ». Comme j'ai eu l’occasion «de l'exposer récemment, celte maladie n’est pas de nature parasilaire, ni ne résulle de l'invasion d'aucun organisme, pas plus cryptogamique qu'animal. Elle s’observe surtout par les années sèches dans les sols ayant reçu une applicalion abondante de nitrale de soude. Ce sel, formant dans un sol non suffisamment pourvu d'humidité une solution relativement con- centrée, entrave l’absorption de l’eau par la plante. Celle-ci ne peut en effet s'opérer que tant que la solution en contact avec les racines présente une concentration moindre ou plus exactement une tension osmotique plus faible que les sucs intraradiculaires. J'apprendrais volontiers de votre correspondant si, dans le cas présent, mon opinion se vérifie encore. Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, l’expression de mes sentiments dévoués. (S.) MarcHaAL. Le mode d’action des solutions salines concentrées et neutres sur les racines des plantes semble être complètement élucidé. D'après les uns, parmi lesquels M. Proost, notre inspecteur général de l’a- oriculture, ces solutions ayant une tension osmotique plus forte que nn. HE LL 3:52 116 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. celle des sucs radiculaires, l'absorption de l’eau serait entravée. C’est ce que M. d'Hoore, le remarquable praticien qui dirige le Syn- dicat agricole de Bruges, a dit en termes intuitifs dans le Burger- welzijn : « Les plantes ont eu soif. « D’après la théorie de Clausius, il se produirait, au point de contact des solutions salines et des racines des plantes, des décompositions qui partageraient les sels en ions. Les ions basiques étant absorbés par les plantes, le sel deviendrait acide et nuisible aux racines si l’é- lément calcaire fait défaut. Cette théorie, appuyée du reste par les expériences d’Arrhénius, explique parfaitement l’action nuisible des solutions salines dans les sols sablonneux, pauvres en chaux, de nos Flandres. « Les expériences de MM. Smets et Schreiber, nos agronomes de Hasselt, ont constaté que, à très hautes doses, tous les sels examinés : nitrate de soude, phosphate de soude, chlorure de potassium, sulfate de potasse, kaïnite, karnalitte, ont été nuisibles à la germination et à la vie des plantes en général. « La durée du contact joue un grand rôle. S'il fait see, les solutions ne se diluent pas assez et le contact dure plus longtemps que quand il fait humide. On peut constater parfois un retard notable dans la levée : mais bientôt, malgré ce retard, les plantes reprennent avec vigueur, les solulions ayant été diluées soit par la pluie, soit par lar- rosage. Employés en couverture, les sels sont plus nuisibles que mé- langés intimement au sol. La longévité est d'autant plus grande que le pouvoir absorbant du sol est plus faible. Tel est le cas pour les terres sablonneuses. » En résumé, les conditions climatériques exceptionnelles du prin- temps 1896 ont été la cause déterminante des dégâts, en provoquant dans le sol sablonneux des Flandres la formation de solutions con- centrées nuisibles aux plantes. Les dégagements d’iode et d'oxyde d’azole d’une certaine partie du nitrate Ainross, en s’ajoutant à cette cause générique, ont probablement été le motif qu’on a eu de se plaindre de ce nitrate plus que des autres. Ce regrettable in- cident, qui occupera une page intéressante dans l’histoire du salpêtre du Chili, tout en ayant déterminé des pertes réelles, ne nuira pas, nous en sommes convaincu, à la réputation du nitrale auprès des ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE. 117 cultivateurs éclairés qui ne se laissent pas emporter par des exagé- ralions et de fausses appréciations. Le nitrate est devenu larme in- dispensable de notre agriculture, obligée de produire beaucoup et vite, et dans ce but il ne saurait être abandonné ni avantageusement remplacé ; son emploi s'étend au contraire de plus en plus, autant comme engrais de fond que de surface. Pourtant, ces incidents au- ront eu le bon résultat de rendre les cultivateurs plus prudents en leur révélant les meilleures conditions de son emploi. Mais les pro- ducteurs de nitrate devront à leur tour lâcher d’écarter tousles pro- duits suspects, en veillant soigneusement à l'élimination complète du perchlorate et de l’iode, ainsi que quelques usines le font déjà. Ce sera autant de gagné pour eux et pour l’agriculture. El nunc erudimini. Anvers, septembre 1896. TABLEAUX. 118 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ANNEXE. Observations météorologiques d'Ostende, MATIN. MID. = © TR TEMPÉRATURE = = Es —— —— | ns £ ré É 8£ nie ETAT 5 | S de 2 £ ETAT F dé | du ciel. £ 5) : si du ciel. ë SI 2 = la nuit, = a Es _ = = ps = ERP CR PPS RENE PRARO EE RERNORS EU RP 20 janvier . .| brouillard 0° 6 3941 —0°2} 0 0 | brouillard 32 1N9S Me l'AÉQREE 10! 20|[—0 8] 00 | couvert 2 6| 64 ER à . couvert 1 9 19 0 6, O0 O0 [très nuageux 5 0| S7 23 — | -— 261 3 9 1 9 gouttes| peu nuageux >) 3 74 | CAN ie A | ET à RC = ‘41 75 DR À pluie 1 4 1 9] —0 5, 0 2 pluie 2 1| 94 26 — couvert 58 1 3 TNTIES D brumeux S 0! 97 27 — brouillard 4 0 o Î 22910 F4 couvert 5 9| 97! 28 — couvert 4 5 5 o 4 0| 00 pluie 5 4| 97 29 1e peu nuageux D. 3 5 SUISSE serein 5 6| S9 30 — . .| brouillard 0 3 2:21 —1°71|.10 (0 brouillard 2 31100 | TU = 10| 19] =95|:00 Le. 2 9| 97] 1 février . .| brouillard 927 3 6 0 8 00 couvert 4 0| SS Do 5 4 couvert 2 1 51 220) MA0N0 = 2 71| 89 3 — , .|peu nuageux 0 2 IL 0 0! O0 0 | brouillard 14198 Æ— | brouillard 0 8 109) —1/3| 0. 0 — —0 9| 9$ D) —1,. | "nuageux —0 2 1 9] —1 6| 00 couvert 5 9! 93 6 — couvert one so |—02)0 020 — 4 1| 94 T7 — — 23 |0Lu- F2 02 0000 na 4 1| 89 8 — , .| brouillard | —0 $ 1 5] —1 0] O0 O0 |peu nuageux 5 4| 78 | PRESENT couvert 6 2 2 8 —0 S| 00 couvert 9"91 «95 10 — , .| brouillard 28 ù 9 20 RO ET serein 9 7| 94 lÉMRANRREES — o 6 o 0 2 3| O0 O0 | peu nuageux 9 S| 75 12 — . .|peu nuageux QT. à 7 0) DNO serein 11 0! 67 190 VE couvert 6 S 6 7 243 | ARE couvert 5 6| 89 14 — , .|peu nuageux 0 9 Sn. 00312010 — 5 0! 75 15 — .. couvert oi a | 0:9| "00 — fo: 88 | 16 — . .| brouillard 2 8 4 8 2 S| gouttes|très nuageux 2 3| 95| 14 — ,..| couvert 0 $ 3 7 —01| 00 couvert 0:7|r858 18" — . ." .| ‘brouillard 3 2 1 2| —3 5| O0 O0 | peu nuageux 3 9] 57 | 19 — . .]|peu nuageux 15 21|—3 2| 00 serein 9 5! 68] 20 — , .]très nuageux 718 6 3 LONG 0 nuageux 13 0! 75 23 TO couvert QUES ES ES 6 3, 0 0 | peu nuageux S 5| 72 ACCIDENTS PROVOQUÉS PAR LE NITRATE DE SOUDE. 119 MATIN. MIDI. RE RP te "Te RER Uge 22 TEMPÉRATURE $ & à ; Re LEMENI VE À Ë j Ê &= | ÉTAT ; à b © ÉTAT > A A DATE. È ë de 3 si & Ë : | du ciel. F 2, la nuit. E du ciel. = È = a = à Ë =) pps février :!. serein 199 307| —2%3| 00 serein 3°0| 82 23 — — — 3 0 04 —3 3| 0 0 = 2.1| "82 lag Lu ae 611-010 — 1 9) 86 25 — . .| peu nuageux | —4 5| —1 5| —4 S| 0 0 Ga Is [96 — .|très nuageux! —4 2| —2 7| —0 4/ 0 0 couvert 05 0 DATE couvert DAME 2402 MN oNOMIIrès nuageux 2 2| 65| 2S :— 2 5 2 313 ONE couvert 9 0! S0 299 — . — 4 5 62] 4 °| gouttes pluie 5 5! 95 IPIRARS EUR couvert T0 507 3 9| 6 0 couvert 10 O| 95 PE |. 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O0 O | peu nuageux 18 O0! 71 OR couvert So) MPG SRE couvert 10 0 86. DST PRE — 6 0 S 1 5 0| 8 0 |peu nuageux 8 6| 76 28 — .|très nuageux 4 4 4 9 0 9, 00 pluie LOI LICE 29 — : — 0 500 3 6| 13 5 | peu nuageux 8 7 ss. di. DAC dé ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 31 — MATIN. © 2, TEMPÉRATURE } | Moyenne. | ÉTAT du ciel. à 8 heures. | 2 _ 30 mars. . [très nuageux couvert 1 avril . couvert peu nuageux couvert peu nuageux couvert . [très nuageux peu nuageux couvert nn ph D A D 1 D © © © © OO 1 O1 O1 Or À OI =] . [très nuageux Je) MINIMA de la nuit. 4 3 7, 2 2 d 4 7 Q © OT 19 = Qt à 1] e OS © D © OO = mm 19 — par 24 heures. gouttes 0 0 0 0 0 0 0 0 gouttes 8 0 2 Î | | ÉTAT du ciel. nuageux couvert pluie couvert peu nuageux très nuageux nuageux couvert péu nuageux couvert peu nuageux couvert nuageux couvert très nuageux HUMIDITÉ 100 = absolue. TEMPÉRATURE (ee) [er] 9 I © © o ee © © 02 © © © tt JO UN J 'J 10/0" [SA DOUZE ANNÉES DE CULTURE DE TOPINAMBOURS DANS UN MÈME CHAMP PAR M. G. LECHARTIER Le Lopinambour a été l’objet de travaux importants; on doit si- gnaler spécialement ceux de MM. Boussingault, Müntz et Ch. Girard qui ont étudié sa culture au point de vue des services qu’elle peut rendre dans l'alimentation du bétail, de son utilisation industrielle pour la production de l'alcool et des éléments fertilisants qu'elle enlève à la couche arable. Nous avons publié dans les Annales agronomiques des recherches sur les’ variations de composition des tubercules, des tiges et des feuilles au point de vue des matières minérales. Ce travail avait été rédigé à un point de vue spécial. Les essais de culture que nous avions commencés en 1885 ont été continués sans interruption sur le même terrain dans le champ d'expériences de la Station agronomique de Rennes et nous avons pensé qu’il était utile de faire connaitre, au point de vue pratique, les résultats que nous avons enregistrés. Composition des tubercules, des feuilles et des tiges. Pendant un certain nombre d'années, chaque carré du champ d'expériences a reçu le même engrais, plus ou moins incomplet, et LL 122 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. on a suivi la culture dans des conditions qui ne variaient que par la somme des éléments fertilisants dont la plante pouvait disposer. De 1885 à 1891, les essais ont été poursuivis à l’aide des seuls engrais minéraux complètement privés d'azote. Dans les années suivantes, on a eu recours aux engrais azotés et on a étudié l’action du famier concurremment avec celle d’engrais ne contenant pas de matières organiques. Enfin, nous avons cullivé, en même temps que la race rose com- mune, deux variélés qui nous ont été fournies par M. de Vilmorin : le topinambour patate et le topinambour jaune. Nous avons déterminé la composition, au point de vue des matières minérales, des tubercules, des feuilles et des tiges dans les années 1886, 1887, 1888, 1894 et 1895 pour chacune des parcelles cultivées. Les résultats analytiques inscrits dans un grand nombre d'ouvrages ne se rapportent pas Loujours à des conditions nettement définies et les divergences que l’on y constate sont considérables, sans qu’on puisse en rechercher les motifs. Actuellement, il est devenu néces- saire de faire connaître les circonstances qui ont accompagné le dé- veloppement des plantes dont on donne la composition. C’est à cette condition seulement que l’on pourra établir entre celte composition et les aplitudes du sol une corrélalion de nature à renseigner utile- ment l’agriculleur. Les analyses que nous publions correspondent aux conditions sui- vanles : 1° Terres ne recevant pas d'engrais, de bonne richesse naturelle en acide phosphorique et relativement pauvres en potasse assimi- lable ; 2° Mèmes terres ne recevant que des engrais phosphatés et s’ap- pauvrissant de plus en plus en potasse et en azote ; 3° Mèmes terres cultivées avec l’emploi des seuls engrais potas- siques et, par suile, fournissant sur leur propre fonds l'acide phos- phorique et l'azote assimilés ; La quantité de potasse incorporée au sol était au moins égale à celle qui pouvait être emportée par la récolte ; 4 Mèmes terres recevant à la fois des engrais phosphatés et po- lassiques, mais devant s'appauvrir en azole ; DOUZE ANNÉES DE CULTURE DE TOPINAMBOURS. 123 9° Mèmes terres recevant ces divers engrais avec addition d’une dose d'azote assimilable suffisante pour produire de bons rende- ments. Pour réaliser ces conditions, quatre carrés d’un are ont été réser- vés à la culture du topinambour et chacun d’eux a reçu, pendant cinq ans, la même nature d'engrais incompleL. Plus tard, ces mêmes carrés ont élé soumis à l’action d'engrais complets azolés, ou même du fumier. Le méme carré se lrouvera loujours désigné par la méme lettre. Pendant les cinq premières années, les engrais dont on a fait usage sont : le chlorure de potassium, le phosphate précipité, puis le su- perphosphate à partir de 1888. Le carré O a été cultivé sans engrais. Le carré P a élé soumis au régime exclusif des engrais phospha- tés. On à employé soit 6'8,25 de superphosphate à 16 p. 100 d’acide phosphorique soluble, soit 2,63 de phosphate précipité, quantités correspondant à 1 kilogr. d'acide phosphorique. Sur le carré K on à répandu chaque année 3,5 de chlorure de potassium. Le carré M a reçu un mélange des mêmes quantités d’acide phos- phorique et de polasse. Les tubercules ont été plantés à 0,50 de distance sur les lignes espacées à 0",65. Chaque année on a planté des tubercules qui n’ont été arrachés qu’au moment mème de la piantation. Les pousses provenant des petits tubercules restés en terre ont été arrachées. Pour ne pas donner un nombre de tableaux trop grand, nous avons pris la moyenne des résultats obtenus pendant plusieurs années pour des conditions identiques au point de vue des engrais. On à pu agir ainsi parce que les différences observées ont été très faibles et se sont toujours produites dans le même sens. Nous n'avons fait d’ex- ceplion que pour une année exceptionnellement sèche. Nous avons inscrit à part la composition de la récolte. Tous les résultats indiqués se rapportent à 1000 parties de ma- üière analysée. 124 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ENDRES. SILICE. ACIDE hosphorique. Le) Tubercules à l'état sec. Carré 0. jAnnées 1886-1888-1890 | 30.2 San grais. SRE re POSISOEES l'Année sèche (1887). Carré P. Engrais phosphaté seul . Année sèche .. 4.1 uv. Carré K. Engrais potassique seul. . Année sèche. , . . . Carré M. Engrais prnnaes et Ar Année sèche. , . . A: . Divers carrés. Avec engrais complet. . . Moyenne générale . . . Topinambours patates . Topinambours jaunes. . Carré sans engrais. Grostinberculen etre .2411.82|7.04 Tubercules à l'état naturel. Carré 0. rss, jAnnées 1886-1888-1890| 6.37 pause CDETAS.| Année sèche (1887) . .| » Carré P. Engrais phosphaté seul. . . Aunée sèche. . . .. Carré K. Engrais potassique seul. , Année sèche. : . . . . Carré M. Engrais phosphaté et potassique , . ANNÉC'SOCNE Ne ete pe letallle ee Divers carrés. Avec engrais complet, Moyenne générale , . Moyenne de trois analyses de MM. Müntz et Ch. Girard. . , .. , .. Topinambours patates . . Topinambours jaunes. . , Carré sans engrais. Petits tubercules, Gros tubercules POtts tnDer etienne 2: 21: cé » |4.4 9116.04!2 , CHALX. MAGNESIE, SOUDE, DOUZE ANNÉES DE CULTURE DE TOPINAMBOURS. 195 Feuilles (CERN (O NES EE Me MEET (CE RS 53 ROUE CATLÉ ER. erore Carré M. tiges et de feuilles qui CARTONS Carré*P ... Carré K. . CARE 6 AMEN EN RARE TARN ES || Analyses de MM. Müntz et Ch, | Girard : Moyenne de deux an- nées. , Principes contenus dans 1000 kilogr. de tubercules et dans les poids de || SILICE. phosphorique, CENDRES. | CHAUX. POTASSE. | MAGNÉSIE. de topinambours à l'état sec. Ts 2135 S À 1 M & » ® © gU Où où Qt © à l'élat sec. les accompaynent au moment de la récolte. -05 2.25 Di 2.09 La composition que nous avons inscrite au tableau précédent pour les tiges et les feuilles se rapporte à cel état particulier de la plante que l’on récolte dans les mois de décembre, janvier ou février. A cette époque de l’année, les feuilles sont noires et sèches; les tiges sont sèches et les tubercules sont arrivés à leur développement normal. Au mois de septembre ou au mois d'octobre, les fanes vertes ont une constitution notablement différente, surtout en ce qui concerne la potasse, Même la richesse des feuilles en azote el en principes minéraux varie suivant qu’elles occupent le sommet ou le milieu de lä tige, suivant qu’elles sont encore vertes ou prématurément jaunes. D be y 126 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Nous founirons deux tableaux se rapportant, le premier au mois de septembre, le second au mois d'octobre. Dans le premier, les feuilles et les tiges ont été récoltées en sep- tembre 1887 sur des carrés soumis à l'emploi exclusif d'engrais in- complets. Les feuilles, prises vers le milieu des tiges, étaient déjà en partie jaunes. Dans le second tableau, les fanes récoltées en oc- tobre 1895 étaient encore vertes livées avec engrais complet. el appartenaient à des plantes cul- Carré 0. Sans engrais: Feuilles déjà JAUNESx Ml Pouces e de Carré P. Engrais phosphaté : Feuilles déjà jaunes! ..... ...". | Carré K. | Engrais potassique : Feuilles vertes , sn de Carré M. | Engrais phosphaté et potas- sique : Feuilles vertes, . . | Carré O | Carré Carré Carré l\ Carré O : . NOArTe PERL, Ru, | Carré K . Carré M . . CENDRES, Feuilles de l’extrémité 1122. . 1119. . |143, . [155.4 CHLORE. des ti,es (clat 7.481 8.94 7.93| 8.44 5.39112.52 6.06|11.62 Tiges (élal sec). 0.29 1.30 0.76 1.42 sulfurique. Feuilles du milieu de La tige (état sec). — Septembre 1887. 3.86 3.83110.43]28,53 29.65 17.94 ».69| 5.15|44.47 19.54199.56 2.30 1.93 SOUDK. AZOTE, phosphorique CHAUX. MAGNÉSI POTASSE. es | EE] sec). — Feuilles vertes. 7.38129.83127.44 13.00 5.38 19.22 20.47 21.40 PA 8.76 14| 3.87 .67| 3.34 4.74! 4.70 | Les feuilles déjà devenues jaunes se distinguent des feuilles vertes DOUZE ANNÉES DE CULTURE DE TOPINAMBOURS. 127 du milieu de la tige ou de l’extrémité supérieure, par une propor- tion de potasse beaucoup plus faible. Leur composition se rapproche déjà de celle des feuilles sèches qui sont récoltées aux mois de dé- cembre ou de janvier. Ces dernières ont perdu la plus grande partie de la potasse qu’elles avaient assimilée et qui a été utilisée par les tubercules pour leur accroissement. Fanes récoltées en octobre 1895. 2 La es 5 — _ pe 2 : rs] 2 = ES 7 L 72 [5] Ë er SP N NTE D ES 2 à 5 EIRE A A OS - a #3 £ = = A TS" n S Z 2 A = 5 © A £ cs “2 © A 2 mi nl = ] Tiges à l'élat sec. Carré P (engrais complet). Topinambour commun , . - . .| 30.4S| 0,53 | 0.850 6.61| 1.80! 10.26| 0.27 ” Carr M (engrais complet). Topinambour commun . . . . .| 30.60| 0.68 | 0.50 6.43| 1.98| 9.95| 0.23 » Topinambour patate. , . . . . .| 31.58] 0.86 | 1.07 6.12] 1.93| 9.88| 0.40 » Topinambour jaune. . . . . . . 39.17| 0.65 | 1.08 6.85] 1.85| 12.42| 0.00 » Tiges {élal naturel). AE ni na A ICAITS P.| 10.80} 0.19 | 0.28 2.831 cel 3.6£| 0.10 | 645.5 |Carré M.| 9.80 0.22 | 0.23 2.07| 0.63! 3.21| 0:07 | 6:8.6 Topinambour patate. . . . . . . 10.88! 0.31 | 0.40 2.49 0.72 5.61| 0.14 | 623.2 0.37 2,35 DE 4.27| 0.00 | 626.5 | Topinambour jaune. . . . « . . a 0.22 Feuilles à l’état sec. Topinambour commun. Carré P.| 178.2| 3.32 | 2.51 | 46.16| 12.46| 25.92] 3.29 » Carré M.| 165.5| 3.74 | 2.97 | 48.98| 10.45] 28.30| 2.51 » Topinambour patate, . . . . . .| 159 9] 2.94 | 3.88 | 38.05| 12.36] 28.77] 1.36 » Topinambour jaune, . . . . . .| 179.7| 3.58 | 4.65 | 39.70| 12.09| 34.96! 2.52 » Feuilles (état naturel). dhplsambour commun 02rré P-| 52-64] 0.98 | 0.87 | 13.60 3.67] 8,52] 0.97 | 705.3 [Carré M.| 46.07| 1.04 | 0.83 | 12.25] 2.91| 7.60! 0.70 | 719,7 Topinambour patate. . . . . . . | 50.06| 0.92 | 1.22 | 11.91 3.81| 9.01| 0.43 | 687.0 Topinambour jaune, . . . . . .| 41.48| 1.05 | 1.28 | 11.63| 3.51] 10.25| 0.74 | 706.9 128 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Fanes (état naturel) Se composant des tiges et des feuilles qui les accompagnent. CENDRES, sulfurique. phosphorique. CHAUX MAGNÉSIE. POTASSE. SOUDE PROPORTION des feuilles dans le mélange. à A: (Carré P. l'opinambour commun.; É [Carré M. Topiaambour patate. . . . . . . PARRRRRERRRIeE Ssrtnrahere Les feuilles vertes récoltées au moins d'octobre, à une époque où les tubercules sont loin d’être arrivés à leur développement normal, n’ont pas une composition identique à celle des feuilles qui garnis- sent encore les tiges deux mois plus tard. On n’observe pas de dif- férences au point de vue de l'acide phosphorique. Les feuilles noires du mois de décembre sont plus riches en chaux el en magnésie. Elles contiennent une proportion de potasse infiniment plus faible, environ 9 fois moindre. La quantité ainsi perdue par les feuilles pendant la période de formation des tubercules est assimilée par ces derniers pour leur développement. Sans entrer dans de grands détails relativement à la composition des tubercules, nous devons appeler l'attention sur les variations qui se produisent au point de vue de l'acide phosphorique et de la potasse. Si on laisse de côté l’année sèche où l’on a pu constater un abais- sement notable dans l’assimilalion des principes minéraux, on trouve que dans les tubercules secs, la quantité d'acide phosphorique varie en moyenne de 5.5 à 6.6, c’est-à-dire dans la proportion de 5 à 6. Le minimum se produit en présence de l’engrais potassique dans le cas où, employé seul, il fait naître un supplément de récolte considérable. D'ailleurs le nombre 6.6 p. 1000 n’est pas un maximum ; nous avons obtenu des teneurs s’élevant jusqu'à 7.79 et les tubercules récoltés par MM. Müntz et Ch. Girard contenaient 7.15 d'acide phos- phorique. DOUZE ANNÉES DE CULTURE DE TOPINAMBOURS. 129 Les variations notées pour l'acide phosphorique sont plus faibles que pour la potasse. Gomme nous le constaterons plus loin, l'absence d'engrais phosphaté a peu influé sur les rendements; elle a eu seu- lement pour effet de diminuer la teneur des tubercules en acide phosphorique ; d’où il faut conclure que le fonds de richesse du sol en phosphates assimilables a satisfait aux besoins de la végétation dans les limites des expériences. La privation d'engrais potassique a produit une diminulion nota- ble des rendements et a fait descendre la proportion de polasse de 95 à 19, soit de 100 à 75. Celte movenne, 25.72 p. 1 000, n’est pas un maximum. Nous avons récolté, en 1894, des tubercules contenant 28.7 p. 1 000 de potasse. Ceux qui ont été analysés par MM. Müntz et Ch. Girard en contenaient 43 p. 1 000 pour des rendements analo- gues, Le champ de la ferme de l'Institut national agronomique doit être notablement plus riche en potasse que le champ d’expériences de la station de Rennes. Composition des topinambours au point de vue alimentaire. Nous avons analysé des tubercules et des fanes provenant des ré- coltes 1894 et 1895. Les fanes ont élé coupées au mois d'octobre. Nous avons comparé la-variété commune avec les topinambours patates et les topinambours jaunes. Les résultats sont calculés pour 100 parties en poids. TABLEAUX. ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE. — 1898, — I. 9 Lu d 130 ENGRAIS. Topinambour commun. Décembre 1894 : Sans engrais azoté , . LE (27 de ner CS ES RS a Janvier 1896 : Rumiarrens, FEU es LR Décembre 1894 : Fumier et engrais chimiques . Janvier 18: : Fumier et engrais chimiques . Décembre 1894 : Engrais chimiques seuls . . Janvier 1896 : Engrais chimiques seuls . Moyenne générsle. Topinambour patate. Mars 1895 : Tubercules fournis par M. de Vilmorin | 10.1. «01.74. Janvier 1895 : Fumier et engrais chimiques . Moyenne . . « . . - Moyenne avec engrais azotés. Analyses de MM. Müntz et Ch. GIRL UE Laser. Topinambour jaune. Mars 1896 : Tubercule fournis par M. de Vilmorin. ,,. Fumer et engrais c''miques . Moyenne . . . ,. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Tubercules. —— - ————— £ = SLR Me le | ë 5 nu «ll ÉASdenS | ét IAE é < e Sedo E ml SRE E 4 Pal E PRES RAS | is (3) Â% À Ls Z ra ue el LI mm “EEE CEE CNE OEEEE NENEES | 79.76| 1.02 | 1.00 | 0.063| 0.75 | 10.6| 2.0 79.22! 1.03 | 1.03 | 0.087| 0.75 11.3| 2.3 19.44| 0.97 | 1.19 | 0.065| 0.77 13.5| 1.3 19.55| 0.92 | 1.17 | 0.043| 0.75 13.3] 1.3 19.55! 0.97 | 1.18 | 0:027| 0.83 14.3| 1.2 19.50! 0.93 | 1.33 | 0.190! 0.74 | 13.0| 1.2 19.15! 0.97 | 1.46 | 0.023| 0.76 13.6| 1,1 | 79.79! 0.96 | 1.33 | 0.087| 0.78 192 19.29| 0.96 | 1.11 | 0.304! 0.76 13.5| 0.9 19.29| 0.90 | 1.14 | 0.042| 0.73 12.2| 1.0 19.76| 0.96 | 1.20 | 0.282| 0.S0 14.1| 1.4 19.52! 0.96 | 1.21 | 0.131| 0.76 12.9| 1.3 | | 80.20! 1.07 | 0.84 | 0.105! 0.71 | 12.7| 0.3 j 79.00! 0.87 | 1.31 | 0.087] 0.79 12.8| 0.6 \ 79.88| 0.97 | 1.77 | 0.230! 0.73 12.6| 0.4 79.69! 0.97 | 1.31 | 0.141! 0.74 | 12 7| 0.4 74.46| 0.95 | 1.22 | 0.118| 0.77 | 13.55] 1.17 EE —— 7.0 | 1.30 | 2.00 | 0.11 | 0.66 12.4 A : S | : à à à à. | 4 à 80.0 | 1,65 | 2.27 | 0.22 | 0.88 14.7 | 76.00! 1.12 | 1.28 | 0.101} 0.91 | 15.2| 0.5 { 80.30! 0.99 Lot 0 183| 0.71 | 11.8! 0.6 | 80.19] 1.00 | 1.29 | 0.163| 0.72 | 13.1| 0.4 78.83! 1.04 | 1.29 | 0.151| 0.78 | 15.4! 0 5 PRINCIPES hydrocarbonés indéterminés CS . . Lw © DOUZE ANNÉES DE CULTURE DE TOPINAMBOURS. 131 nan an a [a g ms 8 CS RS RE CAN EN ES D | 2m |o ss |wz A£=|H= 5 2 lSSlaclag|os| % lé els < à m|ma|D = |0© a à Oo s RENE A mt LES l'ENS | d'El) à.5 D |462|& B |[ | - —— O,. qe : : te à k M3. | kilogr.. | kilogr.| kilogr.| kilogr.| kilogr.|kilogr.| kilogr.|kilogr. | Azote des six récoltes. . .| 418,7 | 618,8 | 576,4 | 644,0 | 558,9 | 651,2 | 689,5 | 799,5 | Azote de l’engrais . . . .| 120,0 | 255,0 | 355,0 | 325,0 | 160,0 | 265,0 | 240,0 | 390,0 | Ecédents eee 100. 298,7 | 363,8 | 231,4 | 319,0 | 3 8,9 | 396,2 | 449,5 | 409,5 | {l Pour la proportion maxima 6,2 d’azote par 4 000 kilogr. de tu- bercules, les excédents correspondants seraient : 559,4, 749% 4 60016,6, 720%5,8, 834%5,1, 809%5,9, 859% 4, 807 kilogr. Les excédents ont Doit été supérieurs au poids de l’azote de l’engrais et ils ont pu atteindre le double de cette quantité. Dans la pratique, 60 kilogr. d'azote sous forme d'engrais doivent suffire. Une récolte de 30 000 kilogr. contient de 115 à 186 kilogr. d'azote. | Il n’est pas inutile de compléter ces résultats par la composition de la terre du champ d'expériences, quoique ses aptitudes soient 148 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. déjà caractérisées par la série des essais que nous venons de décrire. Le sol contenait, par 1 000 kilogr. : Azote . Le 1K3,9 Acide phosphorique. SN ROTASSERP RE MERE 2 cale 3 ,4 Chaux . ARE Magnésie . DIU HUMUSMEN UT 0 2. CCR 21040 L’humus a été déterminé par le procédé Raulin. L’acidité du sol, quoique très faible, n'était pas nulle. Mesurée par le procédé de Mondésir et évaluée en carbonate de chaux, elle était encore égale, en 14894, à 1*,3 pour 1 000. Topinambour patate. — Topinambour jaune, Nous avons essayé, dans les trois années 1895, 1896 et 1897, ces deux variétés qui nous ont été fournies par M. de Vilmorin. Le topi- nambour patate a élé obtenu de semis et présenté par M. de Vilmo- rin, en 1895, à la Société nationale d’agriculture de France. Les tubercules, allongés, relativement volumineux, sont mieux conformés que ceux de la race rose commune; ils ne présentent pas à leur sur- face des protubérances et des creux aussi accentués qui rendent le nettoyage difficile. Ces variétés ont été plantées en 1895, sur des carrés où il n'avait pas encore élé fait de culture de topmambours. Pour un are, on a employé comme engrais : Superphosphate . 2 kilogr Nitrateidesouden Eh 00 EE KART RENE ETES TELL CAE 4 — PUITS ET 100 — Les récoltes, rapportées à la surface d’un hectare, ont été : CARRÉ A. CARRÉ B. Topinambours Topinambours A patate. jaune. patate, jaune. kilogr. kilogr. kilogr. kilogr. Tubereules . . . 40 000 48 800 34 540 2? 633 LUN RES 2 10 140 12 100 8 05? 10 S69 DOUZE ANNÉES DE CULTURE DE TOPINAMBOURS. 149 Les récoltes ont été supérieures à celles que l’on obtenait la même année avec le topinambour commun, mais les conditions de culture n’élaient pas identiques, puisque cette dernière variété occupait déjà le même terrain depuis dix ans. Tout ce que l’on pouvait déduire de ces premiers essais, c’est que ces deux variétés paraissaient se si- gnaler comme très productives. Le topinambour jaune, tant au point de vue des fanes que des tubercules, montrait une supériorité marquée sur le topinambour patate. En 1896, on a cultivé simultanément sur les mêmes carrés O0, P, K et M et aussi A, les trois variélés; chacune d'elles occupait une surface d’un demi-are. On a comparé en même temps l’effet des en- grais chimiques purs et de leur mélange avec le fumier. CARRÉ P. CARRÉ K. CARRÉ M. CARRÉ O. CARRÉ A. Topinam- Topinam- Topinam- ‘Topinam- Topinam- ENGRAIS. bours bours bours bours bours ordinaire ordinaire ordinaire patate jaure et et et et et patate. jaune. patate. jaune. patate. kilogr. kilogr. kilogr, kilogr. kilogr. LOU LE RES PRE Re 200 200 » » Superphosphate . . . Î Î 2 2 Sans Chlorure de potassium, 2 2 4 4 Nitrate de soude . . . 2 2 4 4 engrais. Plâtre . 2 2 2 Ÿ La récolte a été effectuée au mois de février 1897. Les rende- ments ont été rapportés à un hectare. TOPINAMBOURS. CARRÉ P. CARRÉ K. CARRÉ M. CARRÉ O. CARRÉ A. kilogr. kilogr, kilogr, kilogr. kilogr. Patate nu: 33 200 » 30 600 28 600 23 200 Ordinaire. . 31 000 30 800 27 400 » » Jaune » 38 000 » 32 S00 34 000 Les deux variétés, patate et jaune, ont toutes les deux fourni 2 000 à 7 000 kilogr. de plus que le topinambour commun. La supériorité constatée en 1895, pour la variété jaune, s’est maintenue en 1896. Nous avons voulu obtenir une nouvelle vérification de ces résul- lats avant de les publier. 150 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. En 1897, le 51 mars, on procédait à la plantation des deux varié- tés patate et jaune sur les cinq carrés précédents, en consacrant à chacune d'elles la moitié de leur surface. On éliminait ainsi l'influence des fumures antérieures. De plus, on a fait varier la nature des engrais d’un carré à l’autre. CARRÉ P, CARRÉ K, CARRÉ M. CARRÉ 0. kilogr. kilogr, kilogr. kilogr. KRamiters. anne. 241: 16 S » 16 Nitrate de soude. . . . 2 2 » 2 Superphosphate . . . . » 2 » D L’arrachage et la pesée des tubercules ont été effectués du 1% au 8 décembre dernier. CARRÉ P CARRÉ K CARRÉ M CARRÉ O | 1 — ut —— — a | DOROLPMEOUENS tuber- tuber- tuber- tuber- | fanes. fanes. fanes. cules. cules, cules, dc cules, kilogr.|kilogr.|kilogr.|kilogr.{kilogr, | kilogr. | kilogr.|kilogr. Patate tds et Le 9 900! 26 600|[ 7 900! 25 400! 10 400| 23 600| 8 600|24 000 | Jaune, . . . . . . . . .| 12 S00| 36 000| 12 000! 35 400] 9400! 26 £00] 9 00028 200 Excès en faveur de la va- Mél jaune 2900! 9400| 4100! 11 000 3 200 400! 4 Le supplément de récolte, en faveur du topinambour jaune a varié de 3 200 kilogr. à 11 000 kilogr. de tubercules à l’hectare. M. de Vilmorin, en 1895, entretenait la Société nationale d’agri- culture de France d’expériences faites à Verrières, l'année précé- dente, sur diverses variétés de topinambours. La race jaune s'était montrée plus productive que la variété rose commune. D'autre part, le topinambour patate s’élait montré sensi- blement équivalent au rose commun. Les résultats que nous pré- sentons sont une extension’ et une vérification, sous un autre climat et dans des lerrains différents, des observations de M. de Vil- morin. Enfin, il était intéressant de comparer les tubercules des diverses "Ds 4 DOUZE ANNÉES DE CULTURE DE TOPINAMBOURS. 151 variétés au point de vue de la grosseur. Voici les poids constatés pour chacune d’elles pour les trois années : Année 1895. POIDS MOYEN DES TUBERCULES 2 er EE petits. moyens. gros. gr. gr. gr. Topinambour rose commun . . . 24 50 74 à 100 — JAM Era 30 60 130 —— REUOE EMMET ENT 25 60 142 Annce 1896. POIDS MOYEN DES TUBERCULES. Carré P, Carré K. Carré M. Carré O. gr. gr. gr. gr. Topinambour commun . . 49 62 57 » — JAUNE ENS » 71 » 67 = D'ALALE FN: 6? » S4 76 Récolte 1897. Topinambour jaune . . . 83 77 77 62 — patate . . . 67 71 91 91 Les deux variétés jaune et patate présentent une supériorité marquée sur la race commune, au point de vue du volume des tu- bercules. Sauf dans ces deux cas, où la variété jaune a fourni des rende- ments très notablement plus élevés, le topinambour patate se dis- tingue par un plus gros volume de ses tubercules. Résumé. 1° Le topinambour est un excellent fourrage par ses tubercules et même par ses fanes. La valeur des fanes au point de vue alimen- taire diminue d’autant plus qu’on se rapproche davantage de l’épo- que de la récolte des tubercules. 2% Les tubercules des variétés jaune et patate et ceux du topi- nambour rose commun présentent peu de différences au point de 192 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. vue de leur teneur en matières minérales ; cependant, les fanes con- sidérées à la même époque de l’année ne sont pas identiques. PAR TOPINAMBOURS 1 000 kilogr, ——————— —— de fanes, commun. jaune. patate. kilogr. kilogr. kilogr. Acide phosphorique . . . 0,41 0,66 0,62 PHRASE : de. d,74 6,22 6,43 3° Au point de vue alimentaire, les tubercules jaune et patate sont un peu moins riches en synanthrose et inuline, avec des proportions égales de matières azotées. TOPINAMBOURS A PAR 100 kilogr. commun. jaune. patate. Matières azotées . sm 1292 1529 js Synanthrose et inuline . . . 14.52 13.90 13.10 Les variétés jaune et patate sont plus productives que la race commune. Le supplément peut être de 2 000 à 3 000 kilogr. à l'hec- tare pour le topinambour patate et de 4000 à 7000 kilogr. pour la race jaune. Cette supériorité de rendement est suffisante pour compenser et au delà la diminution de richesse en substances alcoolisables. 4° Le topinambour, à l’aide des seuls engrais chimiques, peut sub- sister sur un même champ, sans interruption, pendant une série d'années. Dans un terrain de composition moyenne, on peut ainsi obtenir 30 000 à 36 000 kilogr. de tubercules à l'hectare. Le fumier employé seul, même à dose élevée, ne fournit pas de rendements supérieurs à ceux qu'on obtient par les engrais chimi- ques seuls ou par leur mélange avec l’engrais de ferme. Les engrais potassiques solubles, tels que le chlorure de potas- sium, dans les terres qui ne sont pas riches en potasse assimilable, sont d’un emploi avantageux. 2° Par 1 000 kilogr. de tubercules accompagnés de leurs fanes, considérées dans l’état même üo elles se trouvent au moment de l'ar- rachage des tubercules, les quantités de potasse restent constantes | € : ? : à % É D. DOUZE ANNÉES DE CULTURE DE TOPINAMBOURS. 153 et égales à 48,50 en moyenne, quel que soit le rendement, dans le cas où la terre, relativement pauvre en potasse assimilable, ne reçoit pas d’engrais potassique. Quand on a recours à ce dernier engrais, les rendements s'élèvent et la teneur en potasse monte à 6*5,0. Quant à l'acide phosphorique, dans une terre relativement riche en phosphates assimilables, par 1 000 kilogr. de tubercules accom_ pagnés de leurs fanes, sa proportion est en moyenne égale à 2,05, soit en l’absence de tout engrais, soit en présence d’un mélange de superphosphate et de chlorure de potassium. Ajoute-t-on au sol un engrais phosphaté non additionné d'engrais potassique, celte quan- tité s'élève à 25,95. Elle s’abaisse à 1,61 si l’on donne au sol du chlorure de potassium sans y ajouter de phosphates. Dans ce cas, la teneur de la plante en acide phosphorique diminue, en même temps qu’elle augmente en polasse. Enfin, si l’on cherche le rapport qui existe eutre les poids de po- tasse et d’acide phosphorique contenus dans une même récolte, on (trouve qu’il ne varie pas d’une année à l’autre dans les mêmes con- ditions de fumure, lorsque les influences atmosphériques ne subis- sent pas de profondes modifications. On pourra s’en rendre compte en consultant le tableau suivant qui résume les résultats analyliques des quatre années 1885-1888. POIDS des matériaux RAPPORT contenus de dans 1 000 kilogr. de tubercules la potasse PURE à l'acide de leurs fanes. CNE a phos- Potasse STE )horique © * phosphorique. SES kilogr. kilogr, HASANSIENLTAISE EPA EE ARTE ANS 4,5 2,05 2,24 2 Avec engrais phosphaté seul . 4,6 2025 22 3 — potassique seul. . . . 5,92 1,61 3,90 4 -— phosphaté et potassique. 5,93 2,04 3,00 Nous rappellerons que pour les n° 1 et 2, les rendements étaient peu élevés et à peu près les mêmes en { et 2 dans une même année, quoique très différents d’une année à l’autre. La même remarque LS” TETE LE N 154 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. s'applique aux n° 3 et 4, avec des rendements beaucoup plus consi- dérables. Une récolte de 30 000 kilogr. de tubercules contiendra, en acide phosphorique et potasse : 30 X 6 pour la potasse, soit 280 kilogr. ; 30 X 2 pour l'acide phosphorique, soit 60 kilogr. Ces quantités correspondent à : Chlorure de potassium . . . . . … . . 360 à 400 kilogr. Superphosphate à 15 p. 100. . . . . . 400 kilogr. 6° La moyenne des quantités d’azote contenues dans la récolte par 1000 kilogr. de tubercules s'élève à 4,5 dans le cas des rende- ments maxima, soit 135 kilogr. dans une récolte de 30 000 kilogr. Nous avons fait observer que les engrais azotés sont nécessaires, mais que la récolte contient normalement une quantité d’azote en- viron double de celle qu’on a employée comme engrais. Aussi, avons- nous reconnu que la dose de 60 kilogr. à l'hectare est suffisante ; celte quantité correspond à 400 kilogr. de nitrate de soude. Suivant les conditions de richesse du sol en azote assimilable, on peut diminuer la fumure azotée jusqu’à 200 kilogr. RECHERCHES COMPOSITION DES TERRES DE LA CRAU EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE PAR M. G. GASTINE CHARGÉ DE MISSION AU MINISTÈRE DE L'AGRICULTURE ——2-0 595$ 0 0— PREMIÈRE PARTIE La plaine de Crau, couverte de cailloux roulés volumineux, fauve et aride, où les phénomènes de mirage commencent dès que le soleil en s’élevant à l'horizon surchaufle son sol dénudé, a de tout temps éveillé la curiosité des voyageurs et des naturalistes en quête de dis- tinguer l’origine de cette formation singulière. À défaut d'explications scientifiques, les anciens l'avaient ornée de légendes merveilleuses. Au xvr' siècle, le géographe Solery et, au xvu° siècle, Gassendi, furent les premiers qui la rattachèrent à la Durance. Les opinions étaient néanmoins restées fort indécises, car au siècle dernier Buffon imagina d'expliquer la formation de la Crau par le refoulement d’une plage marine, tandis que de Saussure en faisait une dépendance du Rhône à l’époque glaciaire. Un observateur provençal, Robert de Lamanon, comparant vers la 156 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. même époque les galets de la Durance à ceux immobilisés dans la Crau, établit leur parfaite identité et par suite l’origine véritable de ce territoire énigmalique. Les géologues ont pleinement confirmé cette démonstration. On rencontre, en effet, dans toutes les parties de la Crau, les quarzites, les protogines des Alpes, mais aussi en particulier les euphotides et surtout les variolites, roches éruplives serpentineuses, qui carac- térisent le massif du mont Genèvre, source de la Durance. Les dimensions parfois énormes de ces galets, dont le grand axe atteint 50 à 40 centimètres, attestent la puissance mécanique du cours d’eau qui les à façonnés et charriés sur un parcours d'environ 250 kilomètres. Des nivellements soignés ont démontré en outre que, malgré son aspect de plaine horizontale, la Crau est un talus offrant une pente environ égale à 3 mètres par kilomètre. Elle présente la forme d’un vaste triangle dont le sommet au nord-est atteint à Lamanon lalli- tude de 107 mètres, tandis que la base opposée au sud-ouest finit à la cole + 1, à 31 kilomètres de distance, dans les marais du bas Rhône qui aboutissent à Fos. Dans le sens de l'orientation de cette pente générale existent des vallonnements sensibles et même d’assez profondes dépressions, telles que les étangs d'Entressen et de Dezeaume. Ces caractères montrent que la Crau est un vaste cône de déjec- tions dont l’origine est au col de Lamanon, découpure des Alpines, à peine élevée de 20 mètres au-dessus du lit actuel de la Durance (87 mètres à Sénas). C’est par cette brèche que le cours d’eau se déversait directement à la mer pendant les époques pliocène et qua- ternaire. Le dépôt de la Durance est de même âge et de même nature que les alluvions des plateaux qui forment les terrasses supé- rieures de nos vallées actuelles ; sa formation est un phénomène corrélalif de l'immense extension des cours d’eau pendant la fin de l’époque glaciaire. Le sol de la Crau est d’une uniformité remarquable, conséquence de son mode de formation. Il se compose d’une terre argileuse (14 p. 100 d'argile coagulable) et silico-ferrugineuse, rubéfiée par oxy- COMPOSITION DES TERRES DE LA CRAU. 157 dation, mélangée à une proportion considérable (50 à 60 p. 100) de cailloux roulés de toutes dimensions. Presque dépourvue de calcaire, celle couche n'offre en moyenne qu’une épaisseur de 40 centimètres ; rarement elle atteint 60 à 70 centimètres: ce sont alors les oasis de Crau, tels que certains terriloires favorisés de Saint-Martin, d’En- tressen, de Dezeaume, etc. Les masses caillouteuses les plus volu- mineuses existent dans la partie haute de la Crau, vers le col de Lamanon ; mais, jusqu’au pied de la formation, les galets conservent néanmoins des dimensions considérables. Au-dessous de ce sol de Grau se trouve un banc de poudingue formé des mêmes éléments, moins volumineux cependant, agglutinés sous forme de rocher compact, d'épaisseur variable, par une gangue de carbonate de chaux. Lorsque le poudingue affleure près de la surface, on observe des espaces nus qui rappellent les taches salées ou sansouires de la Camargue. Sous le poudingue, le dépôt des graviers se retrouve, présentant une grande épaisseur et formé d'éléments identiques auxquels s'ajoute du calcaire sableux. La couche tout entière du sol, du poudingue el des graviers inférieurs, peul être estimée dans la Crau moyenne à 15 à 20 mètres de puissance. Aulant qu’on peut en juger par la profon- deur des puits, elle est plus considérable encore dans la partie haute de la Crau, vers Lamanon, tandis que vers le bas de la plaine, elle se réduit près des marais à 6 ou 7 mètres. La disparition du carbonate de chaux dans la couche supérieure de la Crau, son accumulation dans le sous-sol à un niveau à peu près constant, sous forme de poudingue, sont des phénomènes corrélatifs qui résultent de l’action lente des eaux météoriques chargées d'acide carbonique. Le calcaire a été dissous dans la couche supérieure, entraîné dans le sous-sol, où il s’est précipité graduellement à mesure que les eaux s’évaporaient, durant les étés, au niveau de la masse infiltrée des graviers. Avec un chmat chaud et sous l'influence des vents secs qui par- courent celle plaine, de telles actions ont été énergiques; leur con- tinuité a donné naissance à celte couche épaisse et compacte du poudingue, véritable rocher qu’on ne réussit à entamer qu'à coups de mine. 158 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Cette migration des principes solubles est d’ailleurs bien connue. On l’observe dans la plupart des dépôts arénacés et limoneux, dans les alluvions anciennes surtout, primitivement calcaires, maintenant siliceuses, tandis que ce sel s’est accumulé dans le sous-sol à des profondeurs variables suivant la perméabilité des couches”. L'alios du Médoc a été formé dans des conditions analogues de lessivage superficiel ; mais, en l'absence du calcaire, c’est un ciment ferrugi- neux et organique qui à imperméabilisé el consolidé la couche de graviers et sables siliceux du sous-sol. Risler a signalé, dans son beau cours de géologie agricole, beaucoup de faits du même ordre. En visitant en Crau les tranchées ouvertes jusqu’au-dessous du poudingue le long de la voie ferrée ou l’une des excavations creusées sous le nom d'éponges, pour évacuer les caux superficielles, il est très facile d'observer ce phénomène d’entrainement du calcaire. Les galets accumulés au-dessous du poudingue portent des concrélions calcaires disposées comme les stalagmites des grottes, c’est-à-dire en rapport direct avec les infiltrations aqueuses de la surface. En s’augmentant insensiblement, ces concrétions ont rempli les inters- tices des graviers. La Crau repose en grande partie sur la molasse marine (helvétien), dont on remarque quelques affleurements émergeant à peine au- dessus de la plaine au nord d’Entressen. Ce sont des îlots ou pitons rocheux de faibles dimensions à ce niveau. A l’est, la Crau est d’ailleurs limitée par la même formation qui constitue les coteaux de Grans, Salon, Miramas, Istres el Fos. Au nord, la montagne du Défends et le col de Lamanon sont formés de molasse. Quelques lambeaux de cette formalion séparent encore la Crau de la vallée des Baux. Partout ailleurs la Crau se trouve, le long des Alpines, en contact avec les calcaires du crétassé et du jurassique supérieur. Au sud-ouest et à l’ouest, la Crau est recouverte par les dépôts tourbeux et les limons des marais, formations modernes dues aux alluvions du Rhône qui constituent le plan du Bourg et le delta de Camargue. Au nord-ouest, la Crau domine en talus très escarpé la / 1. Le limon rouge du bassin parisien, le lehm des Dombes, etc., sont dans ces conditions en ce qui concerne l'absence de calcaire dans les couches supérieures. COMPOSITION DES TERRES DE LA CRAU. 159 région également moderne des anciens marais d'Arles et des Baux, aujourd'hui desséchés. Cet escarpement, qui se continue le long des marais, en s’abaissant graduellement vers le sud jusqu'à Fos, cons- titue la Coustière, talus d’érosion creusé par le courant du Rhône sur les bords du cône de déjection de la Durance. À Fos, la Coustière est à peine sensible, et c’est par contraste avec la surface horizontale des marais qu’on peut la distinguer. De l’autre côté de la Camargue existe un delta torrentiel du Rhône, de même âge que la Crau, avec cailloux de quartzites alpestres, le plateau de la Coustière de Saint-Gilles. D'après Gollot, des traces de cette même formalion existent sous forme d’un poudingue qui se retrouve à Arles et à Saint-Martin-de-Crau, poudingue pliocène idendique à celui de Montpellier. Une nappe aquifère traverse les graviers de Crau et alimente, à une profondeur à peu près constante de 12 à 14 mètres, les puits de la Crau moyenne. Elle maintient à un niveau uniforme les étangs d'Entressen et de Dezeaume. A la base de la Crau, cette nappe donne naissance à une multitude de sources ou laurons, qui sourdent dans les marais. La Compagnie du desséchement des marais de Fos et du bas Rhône a creusé autour de sa concession un canal de cein- ture pour capter le mieux possible ces eaux et les évacuer vers la mer. Néanmoins on découvre fréquemment des laurons qui rendent très difficiles les labours de défrichement. C’est une croyance géné- rale en Crau que cetle nappe souterraine provient des infiltrations de la Durance, qui se feraient jour à travers l'isthme de Lamanon. Les faibles tombées d’eau du versant méridional des Alpines (0%,45 à 0®,50 par an) semblent en effet insuffisantes pour alimenter ces sources et maintenir à un niveau invariable les dépressions de la Crau (Entressen, Dezeaume). Aucun sondage, aucune indication ne peut être invoquée, toutefois, pour élayer cette hypothèse. Les puits de la haute Crau n’atteignent la nappe aquifère qu’à 20 mêtres au plus. Près de Fos, par contre, M. Julien de la Feuillane a pu, en creusant des tranchées de 4 mètres de profondeur dans les graviers, puiser l’eau avec une pompe à vapeur et augmenter dans une me- sure importante les étendues soumises aux irrigations. Les apütudes du sol de la Crau au point de vue physique sont nt png 4 GE rte AE © 160 Cuus 08 dt Lui das éd Pet bte SSP ASE ETES AE 160 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. aisées à déduire du rapide aperçu que nous venons de tracer. On comprend que l’épaisseur si faible de la couche du sol, réduite encore par la masse inerte et considérable des pierres, que l’exis- tence d’un poudingue qui isole le sol des graviers inférieurs, soient des conditions peu favorables à la vie végétale. La Crau est vouée, en effet, au fléau des sécheresses estivales ; quoique très argileux, son sol ne peut retenir une quantité d’eau notable, car la masse des pierres réduit sa puissance d'absorption et facilite singulièrement le passage de l’eau jusqu'aux fissures du poudingue. Les actions capillaires n’agissent que faiblement dans un tel milieu, pour humec- ter plus tard le sol supérieur. On ne remarque dans le coussous’ de Crau qu’une végétation rare et naine d’herbages très substantiels, il est vrai, mais dont la crois- sance est arrêtée dès le commencement des chaleurs. Vers les pre- miers Jours de juin, les troupeaux de moutons transhument dans les vallées alpestres pour ne revenir qu’en octobre ou en novembre. L'industrie pastorale réduite à une courte période d'occupation et réclamant de vastes espaces de pâtis, tel est le lot de la Crau dans les conditions faites par la nature”. La création des canaux d'arrosage a révolutionné ces conditions primitives. Avec l'irrigation, certains défauts du sol de Crau, sa grande perméalibilité, par exemple, deviennent des avantages. II serait difficile de trouver un territoire plus directement placé sous la dépendance immédiate des bienfaits de l’eau et qui en ait mieux profité. Sur les 38 000 hectares de pâtis anciens, les canaux de Craponne, terminés en 1599, et ceux des Alpines, terminés en 1773, ont conquis à l’agriculture 20 000 hectares environ. Là, où un couple de brebis pouvait à peine subsister pendant la moitié de l’année (1 hectare) se trouvent des prairies donnant, bon an mal an, 7 000 à 8 000 kilogr.. de fourrages sur le sol nu de la Crau, et 10000 à 12000 kilogr. dans les parties améliorées par une longue appropriation. 1. Coussoul ou Coussous, de Corso”ium, terre de parcours libre. j 2, On trouvera, à la fin de ce rapport, une note renfermant des indications sür la flure des pâturages de Grau. 1 de RECTIFICATION Un lapsus de compositeur a rendu inintelligible le petit tableau de la page 448, ligne 15, du travail de MM. Petermann et Graftiau, paru dans le dernier fascicule des Annales. Il faut le remplacer par les lignes suivantes : SOLUBILITÉ OXYDE citrique de l’acide calcique. phos- phorique. p. 100 p. 100 Minimum , . 0.84 Maximum . . 93.4 Maximum . . 5.67 Minimum . . 37.6 COMPOSITION DES TERRES DE LA CRAU. 161 De toutes les cultures, la plus répandue en Crau est en effet celle des prairies naturelles et artificielles. Établies sur des planches d’ir- rigation d’une largeur de 100 mètres en moyenne, on les protège des vents desséchants par des haies serrées de cyprès (cyprès pyra- midal) orientées de manière à briser les vents dominants. Les prai- ries de légumineuses, particulièrement la luzerne, rarement le sain- foin, servent de point de départ à létablissement des prairies de graminées. Sous l'influence de l'azote des fumiers el des graines apportées, les légumineuses disparaissent"; la transformation est rapide et les propriélaires ont l’avantage d’obtenir plus tôt des récoltes rémunératrices. L'emploi des engrais chimiques permet au contraire de maintenir plus longtemps pures les luzernières, dont les rendements en foin sont supérieurs à ceux de la prairie, tout en exigeant moins d’arrosages. Nous ne citerons que pour mémoire la culture des céréales, sans intérêt pour la Crau, car le produit en est nul sur les terres de coussous et très inférieur aux prairies dans les sols améliorés. On rencontre en Crau, à Raphèle, Saint-Martin, Entressen, Salon, Miramas, des prairies séculaires dont la création date de l’origine même des irrigations. Les limons graduellement apportés par les canaux ont constitué dans ces anciennes prairies un sol nouveau recouvrant sur 0,35 à 0".40 d'épaisseur le cailloulis de Crau. La réserve organique contenue dans ces sols est considérable : on y trouve 3 à 4 p. 1000 d’azote ; le taux d’acide phosphorique est aussi bien plus considérable que celui des terres de Crau et celui des limons montrant ainsi l’action des fumures soutenues qui, dans notre région méridionale, sont un complément nécessaire des irri- gations. C’est en considérant la composition de ces sols et en la comparant à celle des terres vicrges du coussous que l’on pourra le mieux apprécier les progrès agricoles réalisés par le régime des irrigations appliquées à un territoire originairement déshérité comme valeur foncière. Les foins aromatiques de Crau jouissent en Provence d’une préfé- rence et d’une plus-value marquée sur les produits similaires de la 1. Cette disparition est complète en cinq ou six ans. ANN, SCIENCE AGRON. — 9° SÉRIE, — 1898. — 1, 11 162 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. région. En dehors des trois coupes qui constituent la récolte, le regain est loué aux propriétaires de troupeaux jusqu’en février (herbes d’hiver) et constitue un produit supplémentaire tant par le prix de location (30 à 50 fr. par hectare) que par le fumier acquis au domaine. Pour compléter ce rapide aperçu sur la physionomie agricole de la Crau, il est indispensable de signaler quelques cultures très se- condaires en comparaison des prairies, mais qui offrent néanmoins de l'intérêt en montrant les ressources variées qu'offre, malgré ses défauts, ce territoire. Sur les bords de la Crau, le long des pentes de Grans, Salon, Mira- mas, Istres, ainsi qu’à Lamanon, existent d'importantes plantations d’amandiers ; on leur réserve les sols secs, et hors de Crau elles se continuent sur les pentes et les éboulis de la molasse. L’olivier occupe les mêmes stations, mais il est plus répandu encore sur les parties mieux abritées du versant des Alpines et pro- fite de l’eau des canaux lorsqu'elle devient disponible pendant les fenaisons. Malgré ces condilions favorables et quoique l'olivier soit fumé et bien entretenu, sa culture est de jour en jour abandonnée, les profits qu’elle laisse étant insuffisants depuis l’avilissement du prix de l'huile d'olive par la concurrence des huiles de graines. C’est avec regret qu’on verra disparaître une culture si lente à établir et qui est liée d’une manière si intime au climat et aux traditions de la Provence. Voici un fait qui permettra de mesurer combien cette disparition est rapide : dans la seule commune d’Eyguière, 50 000 pieds d’oliviers ont été arrachés en 1889-1890 pour faire place à des prairies. A la faveur de l’abri des vents du nord et de exposition méridio- nale, la culture des primeurs à pris une certaine importance dans ces mêmes communes d'Eyguière, Aureille, Mouriès, adossées aux Alpines. Les produits arrivent à maturilé avant l’époque où les mêmes récolles deviennent disponibles dans la vallée de la Durance. La pénurie d’eau est malheureusement un obstacle à l'extension de ces cultures intensives. Signalons encore en Crau, mais pratiquée un peu partout, la culture des poids chiches. COMPOSITION DES TERRES DE LA CRAU. 163 Sans l'apparition du phylloxéra, la culture de la vigne se serait assurément beaucoup répandue en Crau et elle aurait permis de mettre en valeur bien des parties de territoire que le volume d’eau insuffisant des canaux d'irrigation ne permet pas d'utiliser jusqu’ict ; mais, dans un sol aussi sec, le fléau phylloxérique a pris une inten- sité extrême, et les plantalions ont été détruiles en peu d’années. Le peu de profondeur du sol, surtout l'abondance des pierres, rendent impraticables les traitements au sulfure de carbone. Les sulfocarbo- nales, que nous avons expérimentés en 1877 à la Massuguière, près d’Istres, pouvaient assurément maintenir le vignoble. On trouve, en effet, en Crau les mêmes conditions qui ont assuré à ce moyen de défense un large emploi dans le Médoc. Le peu de profondeur du sol, l’assise de poudingue qui le limite, permettent l’imbibition complète, par le liquide toxique, de toute la masse du terrain occupée par les racines. La Crau avait par ses canaux la facilité d'employer sans grands frais cet insecticide, tandis que dans le Médoc l'élévation de l’eau et son transport aux vignes entrent pour une grosse part dans la dépense du traitement. Dans le sol siliceux de Crau, c’est avec les vignes américaines toutefois qu'il convient actuellement d’agir pour constituer des vi- gnobles ; on n’a pas à redouter la chlorose si fréquente en sols cal- caires. Les Riparia, le Rupestris viennent admirablement ; ce sont les cépages à recommander de préférence au Solonis et surtout au Jacquez dont on à abusé. On peut voir d'importantes plantations de vignes américaines greffées en Mourevèdre, Cinsaut, Carignane et Alicante-Bouschet dans les domaines de la Péronne et du Lucquier appartenant à la Compagnie du desséchement des marais de Fos ; les rendements ne dépassent pas 30 à 35 hectolitres par hectare, mais les vins obtenus sont de qualité supérieure ; ils rappellent les anciens vins de Crau, très appréciés pour leur bouquet et leur finesse. Comme les prairies, les vignes ont besoin d’êlre protégées par des brise-vents ; l’arrosage pratiqué au début à été abandonné par la plupart des propriétaires. Une dernière culture doit être sighalée, celle de la truffe, qui existe en Crau partout où se montrent des bois de chênes verts et de chênes kermès, par exemple au domaine de la Vacquière, près Saint- 164 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Martin, à Cabane au nord de l’étang d’Entressen, sur les bords de la Crau à Sulauze, à la Feuillane, près de Fos, etc. Les truffes de Crau sont de qualité supérieure et il est permis d’espérer qu’en créant arlificiellement des conditions plus favorables encore que celles qui existent, on pourra tirer un excellent parti de cette apti- tude du sol qui à fait la fortune des autres régions truffières. Si rapide et incomplet que soit ce résumé, il a paru nécessaire de le tracer autant pour fournir un tableau général de la Crau que pour bien distinguer les points intéressants à considérer dans une étude chimique de ses sols et des causes qui les ont améliorés. Nous diviserons le travail qui va suivre en deux chapitres distincts. Le premier contiendra l’étude des terres de Crau, terres de cous- sous et terres colmatées par les irrigations. Le second, celle des eaux et des limons de la Durance, dont le rôle est si considérable dans les améliorations agricoles de la Crau qu'il était difficile de l’en séparer, sinon par cette distinction artifi- cielle. I. — COMPOSITION DES TERRES DE LA CRAU. L'analyse de la terre fine du sol de Crau renseignerait mal l’obser- vateur qui se contenterait d'enregistrer les résultats obtenus pour juger de la valeur du sol. Il y a lieu d'appliquer ici une réduction considérable sur ces chiffres, car le lot caillouteux inerte diminue d'autant la richesse spécifique du sol, suivant la remarque si judi- cieuse de MM. Risler et Pradel. L’appréciation du lot caillouteux offre donc une grande importance en Crau. Mais, tandis que dans les terres ordinaires cette détermi- nation se fait aisément, car il est rare que les pierres ne puissent être évaluées exactement avec un échantillon de terre de 4 à 5 kilogr. examiné en entier au laboratoire, il faut en Crau opérer sur quelques centaines de kilogrammes pour obtenir un chiffre digne de confiance. Le poids de certains galets dépasse, en effet, 5 à 6 kilogr. et ces galets sont si abondants qu’on ne saurait les écarter sans diminuer dans une proportion élevée la valeur du lot pierreux. COMPOSITION DES TERRES DE LA CRAU. 165 Voici un exemple de détermination faite sur place à Sulauze, près Mirames, sur un sol de coussous non épierré. Un trou rectangulaire a été creusé jusqu’au poudingue sans l’en- tamer ; tout le contenu a élé mis en sac et pesé avec une balance romaine ; puis à l’aide d’un crible de maçon à larges mailles, incliné à 45 degrés, on a séparé par plusieurs repasses tous les galets volu- mineux. La parlie passée au crible a été pesée, rendue homogène par mélange el elle a servi à coäsuluer un échantillon moyen examiné au laboratoire, dans les conditions habituelles. L’excavation mesurait : VOLUMK. barSeut ent ie ER ATP 0m ,45 | 2 DORBUEUR SN LME 0 ,85 1531, 0 ÉTOIONTEUTE EN TE 0 ,40 \ Cn a obtenu : RoiustolalndenattenretetileSIDIENL CS 252 kilogr. Poidsides gale{s VOlUMINEUX NL MT ON OR SCOR Poids de la terre et des pierres n'excédant pas 0,025 TONTIANE TON NES RATE 163 kilogr. Les galets velumineux représentent dans celte expérience 39.4 p. 100 du poids de la masse du sol, et ce dernier offre en place une densité apparente de 1 647 kilogr. par mêtre cube. Poursuivie au laboratoire, l'analyse mécanique à donné, sur 6*8,470 : Graviers et pierres lavés retenus sur le tamis de 10 fils RACICRIIMÉITERCATE un AS RE LOT AN ENT, 2k5 318 Terre fine passée directement au même tamis et enlevée parlayace iuslOICEUeSSUS ER AR CL 4,152 400 de sol renfermaient éonc : Gnosheale ls". na NAN 20208) sé Re: ; LRO GTAVICTSIEUIPDIERr ES EE EEE 23.5 Rereae ES EMEA Em MR 41.5 Sur ma demande, M. de Montricher a bien voulu faire aux Poula- gères, dans le domaine de la Société d'assainissement de Marseille, une vérificalion de même nâture. Les moyens qu’il a employés sont un peu différents : au lieu de LUNA RTS 166 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. procéder par pesées, il a mesuré au caisson les volumes apparents des lots obtenus, en se servant pour la séparation d’un tamis à mailles de 0®,015, tandis que celui dont je m'étais servi à Sulauze, ilest vrai en plan incliné, avait 0,030 environ. Malgré ces diffé- rencés, Je rapporterai celte observation. Un espace de 1 mètre de superficie a été d’abord épierré à la surface, puis creusé jusqu’à 0,40, niveau d’affleurement du pou- dingue. Les pierres de la surface ont donné au meésurage un None de 4, , dre 314,50 . Le contenu du trou Fee sur r 07,20 FA ne et passé au tamis a donné : terre fine et menues pierres, Yolimenr es, SAR OR PO 161725 La couche nénce . 07,20 : à om. 40 | EE TE 152 ,65 Le volume des lots terre fine et menues pierres. 3139,90 * Le volume des grosses pierres et des deux lots précé- dents a donné. . . . 497,40 D'où on a déduit le Ness par A diiaieste avec JeAvolumerde léxEAvAtIODE EE ARE VAE 400 ,00 Foisonnement . . . + + . . . 974,40 C'est-à-dire 24.35 p. 100. En admettant que cet accroissement de volume ait été le même dans les deux lots, ce qui ne saurait être bien exact, on aurait : Volume oceupé par les pierres volumineuses, . . {83de Volume occupé par la terre et les pierres menues. 313 Pole er 497,4 100.0 L’échanullon de terre et de menues pierres a donné au laboratoire les résultats suivants : COUCHE A — supérieure. inférieure. Cm à Om,20 Om,20 à Om,40 Rierres Ads An Re 8.50 19.40 TOR Te EE 91.50 S0,60 100.00 100.00 Moyenne des pierres dans les deux lots, 13.95 p. 100. J'ai essayé de transformer en poids ces mesures de volume en à COMPOSITION DES TERRES DE LA CRAU. 167 déterminant, d’une pari, le poids spécifique apparent de la terre et des menues pierres (— 1200) eten adoptant pour la terre en place, comprenant tous les éléments, la densité apparente de 1 647 kilogr. par mètre cube, résultant de lessai de Sulauze plus haut rappelé ; voici les résultats obtenus : CRAU EE © TT +, épierrée. non épierrée, Pierres au-dessus de 15 millimètres et gros galets, 42.80 47.48 Graviers et pierres menues . 129% 7.30 LOGE MOSS NE CORRE 49.25 45.29 RO At EL 006 00 100.00 On peut admettre que ie lot pierreux est compris entre 50 et 60 p. 100 du poids de la terre et calculer d’après ces bases la teneur des principes utiles déterminés dans ja terre fine. Avant de donner les analyses complètes qui se rapportent aux sols de Crau, j'examinerai comparativement la richesse spécifique de ces sols pour chacun des éléments fertilisants, azote, acide phosphorique, potasse, chaux, acide sulfurique, magnésie. La terre fine extraite du coussous de Crau est moyennement riche er azole. On y trouve sensiblement 1 gramme de cet élément par kilogramme ; quelques terres arrivent à 4 gr. 1/2. Mais en appli- quant la réduction &e 50 p. 100 résultant du lot pierreux, on peut considérer que ces terres sont pauvres, d'autant plus pauvres même que leur profondeur est minime, On s'explique ainsi l’impérieuse nécessité des fumures azotées constamment appliquées aux doses de 19 000 à 20 000 kilogr. de fumier par hectare et par an. Je trans- cris les dosages d’azote effectués sur les terres fines de Crau. Dosages de l’azote dans les terres fines de Crau, par kilogramme ; résultats en grammes, 1. Coussous à Sulauze (profondeur, 0®,30). . . . . . 1,156 2. Jeune luzernière à Sulauze (profondeur, 0,30) . . . 1,550 3. Goussous à Miramas (profondeur, 0,30). . . : 1,552 4. Goussous de Grau aux Poulagères (profondeur, 0,40). 0,87à 5, Crau défrichée et fumée aux balayures de Marseille en 1859-1890 à raison de 60 tonnes, ayant porté des avoines (récolte, 28 hectolitres de grains), couche supérieure. (aux Poulagères} . 1". + à à. 1,150 168 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 6. Coussous aux Poulagères (couche de 0®.40) : La:1f° couchesdet0R AO OEM Une hr 1,700 La, 2° couche de 0®,20 à 0®,40 . . . . . ‘ 1,193 7. Terre non colmatée à Saint-Martin, Mas de Gouin (GE fondeur, 0,40). ve LCA Hs LIRE 1,146 2] . Prairie du Vieux- Hier à te type des vieilles prairies colmatées de Crau (couche de 0,40), pas de DIETES: ET. , 3,770 Coussous de Crau à Fee FT des Suite es fondeur, 0",40). es de 5 PÉTER 1,150 Coussous à AC (béotonaene: 0,40) NE 1,300 Prairie de Crau, ancien eolmitage à Raphèle (profon- DER POP AD) UT 0 et Cr RAR RCE 3,790 Pour les terres colmatées, il n’y a pas lieu de faire la réduction du taux de l'azote. On remarquera leur énorme richesse en cet élément, conséquence du régime de la prairie et des fumures. Si on admet la moyenne de 1.20 pour les terres de coussous, richesse réduite à 0,60 par le lot pierreux, les terres anciennement colmalées peuvent être considérées comme pourvues d’un capital d'azote environ six fois supérieur. L’acide phosphorique est moins abondant encore que l’azote dans les terres naturelles de Crau. Voici les dosages obtenus. Dosages de l'azote dans les terres fines de Crau, par kilogramme ; résultats en grammes. 1. Coussous de Crau à Sulauze (profondeur, 0,30). . . 0,990 2, Jeune luzernière à Sulauze (profondeur, 0,30) . . . 0,880 3. Coussous à Miramas (profondeur, 0m,30). . , . . . 0,8S0 4. Coussous aux Poulagères (profondeur, 0®,40). . . . 1,030 >. Crau défrichée et fumée avec 60 tonnes de balayures de Marseille aux Poulagères en 1S8S9-1S90, ayant porté des avoines, couche supérieure . . . . . . 1,280 6. Coussous aux Poulagères : Gouclie de 05. 4.02 206800 bre tetn Rsler à 0,910 Couche de 0,20 à 0",40. . . . . vi 0,820 7. Terre non colmatée à Saint-\artin, Mas ra Ein “2 0.530 8. Prairie du Vieux-Mazel, à Sulauze, . . . . . . . . 1,970 Coussous à Bord-Carrère, près Sulauze (profondeur, 02,40) #8. oué: L Deus NE 0,890 Coussous à Entressen Conti: a ov 40) . aire 0,860 Prairie colmatée anciennement à Saint-Martin . sta Let 1,580 ne” | COMPOSITION DES TERRES DE LA CRAU. 169 La moyenne du taux d’acide phosphorique est, par kilogramme de terre fine, d'environ 05,900 dans les terres de coussous, c’est-à-dire 05,45 en appliquant la réduction proportionnelle au lot pierreux. Les prairies colmatées qui re renferment pas de pierres atteignent presque ? gr.; on peut donc, sans exagération, les considérer sous ce rapport comme quatre fois plus riches que les premières. Nous reviendrons plus loin sur les famures phosphatées très usi- tées en Crau et qui donnent de magnifiques résultats associées aux fumures azciées. Par la nature minéralogique de son sol, extrêmement riche en débris feldspatiques, la Crau devait se montrer bien pourvue en potasse. On trouvera dans le tableau ci-dessous les quantités de cet aicali, qui ont été déterminées par trois méthodes distinctes : - 4° Par l’action à froid des acides faibles (procédé Schlæsing) ; 2 Par l'attaque régale à chaud (procédé de Gasparin) ; 3° Par l’action de l'acide fluorhydrique sur le résidu insoluble de l'attaque régale. Dosages de potasse dans les terres de Crau, par kilogramme de terre fine. POTASSE : + PROCÉDÉ totale HN (attaques de régale Jn ne et Soblestes Gasparin. fluorhydri- que!. gr. gr. gr. 1. Coussous à Sulauze (couche de 0,30). . . . 0,72S0 2,41 19,43 2, Jeune luzernière à Sulauze (couche de 0",30). 0, SE 2,21 ÉTCTE 3. Coussous à Miramas (couche de 0,30) . . . 0,27€ 2,04 17,56 4. Coussous aux Poulagères (couche de 0,40) . 0,258 1491 18,97 D ) 1 5. Grau défrichée et fumée avee les balayures de Marseille (couche supérieure) . . . . . . » 4,16 » 6. Coussous aux Poulagères : Couche supérieure 0,20 , . . .:. . . . 0,360 3,39 19,89 ) ? ? a Couche inférieure 0,20 à 0%,40, . . . . 0,210 . Terre non colmatée à Saint-Martin-de-Crau (pro- fondeur, 0",40). as ee » 4,90 » S. Prairie du YieuxMazet t, à Sue AT RE CO OEM Rte 25 NÉS » 3,41 16,61 ,90 18,90 1 FFT Near Le êtes 6 Bd LC RS | 170 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. En réunissant en un seul chiffre la potasse déterminée dans l’atta- que régale et celle de l’attaque fluorhydrique du résidu, on a obtenu le taux de la potasse Lotale enfermée dans l’échantillon, indication dont Berthelot a démontré le grand intérêt. Les engrais potassiques sont sans action en Crau. Un grand pro- priétaire, M. Paul, en a fait, il y a deux ans, une épreuve décisive sur les vastes luzernières (50 hectares) qu’il a créées à Sulauze. Ce résultat pouvait être prévu d’après l’origine même de la formation de la Crau, dont les matériaux sont empruntés aux roches primitives riches en potasse. Les limons de Durance qui ont formé les sols col- matés doivent leur richesse en cet alcali à la même cause. _ La chaux est peu abondante dans les terres de Crau, mais elle y est Loujours représentée et en grande partie à Pélat de carbonate de chaux aclif, comme on peut le constater avec l'appareil de M. de Mont- désir. Les quantités de calcaire que cette méthode permet de déter- miner varient entre 05,400 à 1 gr. p. 100 de terre fine, quantités largement suffisantes au point de vue de l’alimentation des plantes, mais qui rexcluent pas les fumures calciques nécessaires pour favo- riser la nitrification. Quant aux sols colmatés, ils renferment 20 à 25 p. 1 000 de carbonate de chaux. L’acide sulfurique fait défaut dans les terres de Crau. Depuis long- temps Risler a fait la remarque que les sulfates n’existaient souvent qu’en très faible proportion dans les terres arables et que leur pré- sence était cependant nécessaire à la croissance des plantes, toutes les cendres végétales renfermant ces sels en quantités notables. Parmi les nombreux échantillons de terre qui ont été analysés par MM. Risler et Pradel, ceux qui appartiennent aux alluvions anciennes des plateaux, c’est-à-dire au même étage géologique que la Crau, se sont montrés exempts de sulfates. Les mêmes causes qui ont fait disparaître le carbonate ont donc entrainé, mais d’une manière bien plus complète, le sulfate calcique infiniment plus soluble. Le gypse, d’ailleurs, ne se trouve en amas que là où il a été protégé par des couches d’argile imperméables, comme le chlorure de sodium qui l’accompagne si souvent. Cette absence de sulfates explique les effets remarquables du plà- trage, du sulfate d’ammoniaque, les superphosphates, indépendam- COMPOSITION DES TERRES DE LA CRAU. PTE ment du rôle utile que jouent en même temps la chaux, l’azote et l’acide phosphorique dans les terres de Crau. Elle explique aussi l’action fertilisante des eaux de la Durance, toujours assez riches en sulfate calcique, comme la signalé M. de Gasparin. Dans les terres colmatées, les sulfates existent en proportions notables ; il est probable que la matière organique de ces sols a de plus fixé du soufre, qui pourrait être déterminé en suivant la mé- thode recommandée par Berthelot. La magnésie est représentée largement dars les sols de Crau, qui en contiennent en moyenne un demi p. 100. Les sols colmatés sont encore plus riches en cet élément, d’ailleurs Pun des plus unifor- mément répandus et diffusés dans les roches qui composent l'écorce terrestre. Ainsi qu’on le voit, les Lerres de Crau ent surtout beaucoup besoin d'engrais phosphatés et azotés. À l'égard des premiers, on doit donner la préférence aux superphosphates à cause des quantités de sulfates qu’ils apportent au sol qui en est dépourvu. Pour le même motif, le plâtrage doit être conseillé comme une pratique régulière des plus utiles”. Il n’est pas hors de propos de rappeler ici quelques règles fonda- mentales de l’action des engrais qui résultent de toutes les expé- riences acquises, mais que trop peu de propriétaires savent mettre en pratique. Elles peuvent être énoncées dans les termes suivants : Si tous les éléments de fertilité sont réunis dans une terre en pro- portions convenables pour les besoins d’une culture donnée, la crois- sance des plantes atteint son apogée et peut fournir une production maxima ; Si Jun des éléments manque complètement, c’est comme si tous faisaient défaut ; le sol demeure stérile malgré la présence de tous les autres ; Si l’un d’eux n’est pas en proportion suffisante, le rendement sera {. On pourra opposer à cette utilité du plâtrage la présence d'abondantes quantités de sulfates dans les eaux de la Durance. Cependant c'est un fait acquis à la pratique que le plâtrage donne de beaux résultats en Crau. ANT v S 172 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. réduit, tout comme si les autres faisaient au même degré défaut dans le terrain ; la production, en d’autres termes, reste loujours propor- tionnelle au facteur le plus faible et il ne sert de rien que les autres éléments soient en grand excès. En pratique, ces règles se traduisent par la notion suivante : Il importe, pour tirer parti au maximum des fumures azotées qui sont les plus chères, et qu'on doit le plus épargner, de réaliser au préalable dans le sol un approvisionnement largement suffisant d'acide phosphorique, de chaux et des autres éléments nécessaires. Quand celte condition est remplie, l'emploi des fumures azotées devient le régulateur de la fertilité. Cette condition est d’autant plus nécessaire que la répartilon de l'acide phosphorique dans le sol ne s’elfectue que lentement el que les pertes par solubilité sont nulles pour cet agent fertilisant. On peut donc sans inconvénient l’appliquer en excês. En Crau, l’acide phosphorique, l'acide sulfurique, la chaux sont des éléments dont il importe d’approvisionner le sol pour tirer parti des famures azolées également nécessaires ; employées seules, ces dérnières ne donneraient pas tous les effets qu’on peut en attendre. Je reproduis ci-après la série des analyses, dont quelques-unes complètes, que J'ai effectuées sur les terres de Crau : analyses phy- sico-chimiques, suivant la méthode de Schlæsing, analyse chimique des parties solubles dans les acides bouillants, analyse du résidu inso- luble par l'attaque fluorhydrique’. N° 4. — Coussous de Crau à Sulauze. Profondeur de la couche, 30 centimètres. L’échantillon à été pris par M. de Laroque, professeur d'agriculture, avant la création d’une prairie aruficielle, pendant le défrichement. Le lot pierreux total atteint 50 p. 100 après épierrage. 1. Voir annexe 2 pour la description sommaire des méthodes d'analyse employées dans ce travail. COMPOSITION DES TERRES DE LA CRAU. 119 Analyse physico-chimique sur 100 de terre sèche. SIICEUX ES RER bo. 84 Gros sable . . 56.64: Calcaire AE MS 0:20 (dosé) | Débris organiques . . 0.60 SUR Erreur 1e 25.17 Calcaire eee .0,60 (dosé). Ë . . * 43.36: D MPAble 20 )Mrele A ud 14.33 ÉMIS RENE 022610 100.00 Analyse chèmique sur 100 de terre fine sèche. {Acide phosphorique . Acide sulfurique . Potasse Chaux. . ANS DE ue ln a ges a Partie soluble dans les acides forts « à chaud, 8.012. ed do fer Oxyde de manganèse . . . Alumine . Potasse Soude . Chaux. Insoluble calciné attaqué par l'acide MOMEMEM EN CMS NEMCNS) 1 [ee] Le 87,260 fluorhydrique. Nan Sie ET ENS 330 87.260. ma : A Ce 8.813 Silice par différence . . . . 15-362 Matières organiques, eau des hydrates et substances non dostes, 4.728 100.000 Azote p. 100 de terre sèche, 0.1156. N° 2. — Jeune luzerniére à Sulauze, Couche, 30 centimètres. Pièce à l’arrosage ayant reçu du fumier et des phosphates métallurgiques. LOfIPIecreUX eTOSSIEN A RER. 30 Gravier et pelites pierres . . . . 20 100 Herrelfnenesnireds 0 dt aarton 00 Re Le à, 1, 174 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Analyse physico-chimique sur 100 de terre fine. Humidité . Ses RE 5.65 | Siliceux . 59.19 Gros sable . , 56.80 ‘ Calcaire. . : 0.45 | Débris organiques. RATE Siliceux . 21.65 Calcaire. . 1.37 AW, Impalpable , , 37.55 argile. ‘. 14.30 Humus :. 0.23 100,00 Analyse chimique sur 100 de lerre fine sèche. Acide phosphorique . , . . . 0.088 Acide s QUE MS dos T ESA ni e sulfurique Los : POtASSe Re QE 0.221 dansles acides chauds Ë nel 8089 bonlonté Chaux 0.708 ANR [aan PTE one] Oxyde de fer et alumine . 6.640 Insoluble calciné, Silice et silicates renfermant : potasse, 1.62, 86.720 Matières organiques, eau des hydrates et substances non dosées. au | 100.000 Azote p. 100 de terre sèche, 0.155. N° 3. — Coussous de Crau à Miramas. Echantillon pris à 25 mètres d’une éponge des ponts et chaussées. Profondeur, 30 centimètres. Quelques débris de poudingue se sont trouvés dans l’échantillon. Lot pierreux grossier . . . … ., « . 34 Graviers et pierres 0.121,00 /2100,00 19 100 TERRE ICE Muibeme Lu Res 47 Analyse chimique sur 100 de terre fine sèche. Acide phosphorique . , , . . 0.088 DR | dans ; 9.510 les acides bouillants Var À ) | tr S MUÉTTES CON On 0.498 Oxyde de fer et alumine . 7.080 Insoluble calciné. Silice ct silicates renfermant : potasse, 1.552, 83.840 Eau des hydrates, matières organiques, acide carbonique et corps DON, TUBES a NN NES FO dE I Re + die 6.650 100.000 Azote p. 100 de terre sèche, 0.155. COMPOSITION DES TERRES DE LA CRAU. 179 N° 4. — Coussous de Crau aux Poulagères, Échantillon pris jusqu’au poudingue, à 40 centimètres de profon- deur et à 190 mètres à l’est de la voie ferrée du domaine. Analyse physico-chimique sur 100 de terre fine sèche. (Sc es de es 56.39 Gros sable . . 57.12 Calcaire. : 0.29 | Débris organiques. 0.44 HE Morte 27.48 Calcaire. 0.75 42.88{ Impalpable . . 42.88 Argile. , 14.45 Humus . 0.20 100.00 Analyse chimique sur 100 de terre fine sèche. | Acide phosphorique . 0.103 Acid furi D DIE | ide Sulturique ÿ Dr 0.000 POELE ENPANE 0.177 F dans { À FA 7.520 I Re LS Chaux 0.464 RUES DORE | Magnésie rente 0.616 Alumine et oxyde fe er te Que 6.160 Insoluble calciné. Silice et silicates, dont. potasse, 1.72. TUE 88.128 Eau des hydrates, matières organiques et substances non doses 4.352 Azote p. 100 de terre sèche, 0.087». 109 008 N° 5. — Crau défrichée en 1889-1890, au domaine des Poulagères, ayant reçu une fumure de 68 tonnes par hectare de balayures de Marseille. Cultivée en avoine ; rendement, 28 hectolitres de grains. Couche supérieure. Échantillon pris à 200 mètres au sud-est du précédent. Analyse chimique sur 100 de terre fine sèche, Acide phosphorique , , . . . 0.128 Acide sulfuri Ac ARE A EN Tr Partie 5 2 = = dl el | EE ‘€68T L6ya‘e |TI90 ‘8 6683 ‘e ayog‘o |egsz ‘0 L68r‘0 80g‘o |1F8€‘0 &G:£°0 811Y |8Y#66°1 18Y‘G sooe1] | 80981] | S09v41) :00°0 100‘0 | 100‘0 | F00‘0 | 500°‘0 &10‘0 | 970‘0 | 810‘0 | 0 ‘0 ÿoo‘o | 6ç0‘0 | £G0‘0 | L90‘0 G6r‘o | G6r‘o | 981‘0 | 8G1‘0 &c00‘o [86000 [6800 °0 | #00 ‘0 161‘0 | g81‘0 | 8gr‘0 | 021‘0 120‘0 | 810‘ | S19‘0 | 1&0‘0 Lor‘o | gir‘o | #81‘0 | £gr‘0 £10‘r | 892‘0 | Sos‘o | 366 ‘0 o18‘o | #£9‘0 cG6‘0 001‘e | 0gr‘s |0r0‘3 ogs‘e | 0cR‘S lorc‘s 08#‘0 | 0ÿ6‘# |008°8Fr ‘18 18 18 ex x F oc EA É 2 É : £ 3 = £ É = : Hi El Le 3 ‘euuodern ep xneue9 sp UOISIAIP 9P UISSEG 8 SUEP ‘UOUCUET E AI[JION991 AOUEIN( EJ 9p XNE9 Sap onbiuiyo esAJEUY — I #10‘e | 06%‘3 68180 [90680 gesc‘o |6ggg‘o 013% |cGo8‘} €t00‘0 |£800°0 1£00‘0 |£800°0 L800‘0 |7600°0 9c0‘0 | #80‘0 8Y1‘0 | 081‘0 #00‘0 |ZF00‘0 ccr‘0 | 431°0 660‘0 | 180‘0 6970 | 1600 1#8‘0o | 061‘0 880 | 8y9‘0 ogg‘s | 0gr‘a 085‘e | 049‘ OFG°T | S19‘€ 14 “19 g. ë © = eo [= Cl m - 3 ‘T6S8T (‘some 91810 #6g€<0 LIOY‘T 1000 t£00 ‘0 010 ‘0 RGO ‘0 810 ‘0 8£00 ‘0 :80 ‘0 030 °0 #00°0 099 ‘0 LY‘0 ‘Suo L1#‘0 |9ç8#Y‘0 1698 = s F gets‘ G668 ‘0 9089 ‘0 6000°0 G100‘0 L10‘0 2900 G6}°0 t09°0 s81‘0 €20 ‘0 063€ | | | | 970£‘£ gte‘0 166G‘0 60000 92000 Gro° 0 ÿc0 ‘0 808 ‘0 #00°0 081°0 8700 703‘ 0 £06‘0 Y91°0 *HSINAGX CF TS * ‘XNVLOI, + ‘on br9169 0J8JIN8 NP UOHEGIPAU,P EH | * * * O1SQUSBU J9 XNEU9 0p soyeuoqiro mod 9[n9/%9 enbruoqgiro eprov * * SOUIA9)9p Sd109 S9p ANKOG * * ‘OplOurnqIe onPrrTouruY CRT EUROS, OS CRD MION ETS ENT A + enbrrmoutuw - + *(oipaque) onbrgiu op19Y on Re ON rite elle Ace HE CONTE * * Q10[4{) * ‘enbroudsoud oproy | * opnog | “088804 " *OISQUSEI ROC ORDRE TON OA EE DRE ET (oxpaque) onbumyins oprow TS Re RES MT ns (6e ARTE SAT. | * QU10]09 JIPIIXE * * ‘o0IT X 94098 JEUX | veste eee + + + o0TI 94998 uowrT ‘NOILYNAISAQ ua SJeJ[Nsgi ‘NP9,p 24JP29P 1Cq) ‘C68F opuue,] ep orjaed jo 2687 epuue,r quepuod nee[qelL COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 205 . Tableau II. — Composition des eaux de la Durance déduite des analyses du tableau I". & (Par décalitre d'eau, teneurs exprimées en grammes.) DATES DE CHAUX EN EXCÈS anhydre. de chaux. de magnésie. de sodium, sur le chlore. POTASSE. ACIDE DES PRISES D'EAU, CARLONATE du sulfate, CARBONATE CHLORURE nitrique. SOUDK albuminoïde, du carbonate, SULFATE ammoniacal, gr. 5 a gr, gr. . le Fa gr. gr. 17 août 1891. … 0,40110,672/0, 0,277.| manque 0,00148 |0,00125 manque. Eau d'hiver. 15 octobre 189: . . . [1,224/0,239[0,704/0,134[0,39510,213|manque|0,027 |0,0017 [0,0025 |0,00133| traces. 15 novembre 1891. .10,731/0,74110,301/0,415/0,225/0,068|manque|0,014 |0,0016 [0,0015 |0,00141| traces. 15 décembre 1891 . 219 /0,718[0,502/0,402|0,334/0,264| manque [0,020 |0,0020 [0,0022 |0,00125| traces. 15 janvier 1892 . . .|0,884/0,850[0,364/0,476|0,346/0,176/0,06310,026 |0,0070 [0,0095 |0,0016610,00500 15 février 1892 . . . |1,293/0,769/0,532/0,43110,422/0,334/0,0°5/0,018 |0,0040 [0,0039 |0,00216/0,00075 15 mars 1892 . .. . 5810,45610,538{0,3s210,321/0,018/0,025 |0,0020 |0,0044 |0,00125|0,00075 Eau «d'élé. 12 avril 1892 4200010;000)0739 0,180 0,017 |0,0010 [0,003a |0,00531|0,01328 15 mai 1892. . . . .|0,97 Ü, 180 0,021 |0,0040 [0,0023 |0,00390 |0,00664 15 juin 1892 40.0. 110 0,129 0,020 |0,0038 [0,0026 |0,00265 |0,00390 15 juillet 1892. , . . 2 0,198 0,021 |0,0047 [0,0024 |0,00679|0,00679 15 août 1892 432 10,44 0,244 0,022 |0,0040 [0,0023 |0,00307|0,00182 15 septembre 1892. . 52 0,261 0,021 |0,0040 10,0031 |0,00166|0,00581 Eau d'hiver. 15 octobre 1892 , , . 15 novembre 1892, , 15 décembre 1892 . . 15 janvier 1893 . 15 février 1893 . 0,049/0,018 [0,0025 [0,0031 |0,00083| traces. 0,014/0,018 |0,0038 [0,0041 |0,00083!| traces. 0,014110,021 |0,0032 [0,0031 |0,00083| traces, 0,018/0,019 |0,0022 |0,0031 |0,00083| traces. 0,01310,026 [0,001 [0,0028 |0,00083| traces. > CO 19 G 19 L9O 19 æ OT 19 19 SDROSMOUC & CO - 1 MOYENNE GÉNÉRALE ÉCRIRE se 0,366 2410,0224/0,00287/0,00282/0,0021 |0,00258 Hiver : octobre 1891 à mars 1592 (6 mois) Ë 0,399 0,0216|10,0030510,00283|0,00151/0,00108 Éré : période des ar- rosages, avril 1892 3 à septemb.(6 mois). £ 0,330 59 02710,0203/0,0030810,00267 |0,00389 Hiver : octoore 1892 à février 1893 (5 .|4,161 56710,39810,256|0,325/0,01510,020410,0027210,00324|0,00083 1. Les cinq analyses publiées antérieurement au Bulletin de l’Agriculture ont été ajoutées, ÈS ES TT 1e 7e, 1 Ve 20 dite 25 < “at Ends Frs fé dé on CRETE 206 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Tableau III. — Apports moyens de l’eau de la Durance en substances fertilisantes, PAR HECTARE ET PAR AN pour arrosages . “2: F 5 3 (Q iantités exprimées en grammes,) consommant 19,600 PÉRIODE DE TEMPS .(Quantités exprimées en kilogr.) a PAR MÈTRE CUBE D'EAU. CORRESPONDANT AUX MOYENNES, Acide phosphorique, phosphorique. Azote total uitrique. Ge | ammoniacal. kilogr. MOYENNE GÉNÉRALE. Août 1891 à février 1593 (18 mois, | 1HEANALYE 08). ee lola 28 289 >S 39,410 MOYENNE D'HIVER. | Octobre 1891 à mars 1892(6 mois, G'ANAlYS68) 1 tar EU EE 0,30510,283)0,15110,108 | | MOYENNE D'ÉTÉ, | | Période desarrosages,avril à sep- tembre 1593 (6 mois,6 analvyses).|2,03,0,30810,267) 0,389 280] 32,096 MOYENNE D'HIVER. Octobre 1592 à février 1893 (5 | mois, 5 analyses), . . . . . .12,0410,272 3 traces|0,407| 32,° 4,300 II. — Sur les limons de la Durance. Les tableaux IV à VII (p. 232-236) montrent la composition de 23 échantillons de limons de la Durance, choisis dans les conditions les plus variées. La lecture de ces tableaux permet d'apprécier à la fois la cons- lüitution physique de ces limons, leur composition chimique et leur richesse en éléments fertilisants, Les échantillons sont classés suivant leur provenance, déjà indiquée dans la première partie de ce mémoire ; il est facile de les comparer suivant d’autres affinités, le mode de groupement des corps dosés élant identique dans toutes les séries. Mais, avant d'insisier sur les particularités qu'offre chacune des divisions, il convient de signaler les caractères d'ensemble qui se rapportent à ces sédiments. COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 207 Généralités sur Les limons de la Durance. Au point de vue de leur consütution physique, on peut dire que les limons de la Durance offrent les variations les plus étendues, Certains d’entre eux sont essentiellement sableux, tels ceux prove- nant du curage des canaux à pente très accusée, comme la branche mère du canal de Craponne et la plupart de ceux qui, déposés sur les rives de la Durance, constituent maintenant des sols conquis sur son ancien domaine. On trouve dans cette dernière catégorie des dépôts contenant iusqu’à 77 p. 100 de sable grossier et toujours au moins 50 p. 100. Un peu plus de la moitié de ce lot sableux est sili- ceux. Les limons qui restent en suspension dans les eaux du canal de Craponne et à fortiori ceux que charrient les autres canaux de la Durance, qui offrent une moindre pente, sont au contraire riches en sédiments impalpables, cela même au moment des troubles les plus abondants. C’est ainsi que les limons empruntés aux bassins du canal de Marseille sont formés pour la plus grande partie d'éléments d’une grande ténuité. Le lot impalpable surpasse généralement dans cette catégorie 70 p. 100 et il atteint quelquefois 95 p. 100. Cette finesse des limons peut être appréciée au microscope : dans le lot d’impalpable les plus grosses particules mesurent environ 0:,0215, le plus grand nombre atteint à peine 0-,0020, soit . de millimètre. La portion du limon qui au bout de deux heures se maintient encore en suspension dans l’eau en formant un trouble laiteux montre des particules dont les plus grosses n’excèdent guère 1a9 1O0Û Le lot sableux, examiné au moment où il ne donne plus lieu à un trouble sensible par friction avec le doigt sur le fond de la capsule servant à la lévigation, montre des éléments qui mesurent depuis 0:,027 jusqu’à 0*,067, soit de de millimètre. RE 10% 10 AE : 7 tamis de 10 fils par centimètre, dont les mailles ont environ T0 d’ou- verture, les limons ne laissent pas de résidu. Mais beaucoup de ces de millimètre. En effet, sur le 208 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. particules sableuses se montrent au microscope comme des agrégats de matières plus fines. Si l’on prolonge la friction, on obtient en effet de nouveau un trouble appréciable, quoique le résidu paraisse pure- ment sableux. Il reste toujours dans cette portion lévigée une partie notable de matière ténue. L'analyse physico-chimique, suivant la méthode de Schlæsing, n’a été faite que sur quelques échantillons afin de déterminer la propor- portion d'argile coagulable. Dans les limons charriés par les canaux, celle proportion varie de 10 à 25 p. 100. Mais sur tous les échantil- lons on a déterminé, par le même procédé de lévigation qu’emploie Schlæsing, les lots sableux et impalpables, ainsi que la proportion de calcaire afférente à chacun de ces lots. Les limons ne renferment que très peu de débris organiques appa- rents, environ À à 3 millièmes. L’hamus est aussi rare : beaucoup de limons décalcifiés ne donnent même aucune coloration sensible avec le liquide ammoniacal chargé de dissoudre ce composé. Les résultats suivants on! été oblenus sur deux limons de crues, dont le dernier surtout paraissait devoir renfermer une notable pro- portion d’humus : Crue du {5 juin 1892 (limon jaune, humus). . . 0.135 p. 100 Crue du 2 août 1892 (limon noir, humus) . . . 0.260 — Le premier de ces échantillons renfermait 15.5 et le second 25.5 p. 100 d'argile coagulable. Le taux d’azote constaté dans les limons implique cependant la présence d’une certaine proportion de matières organiques. On y trouve aussi un peu de soufre, quoique les limons ne renferment point de sulfates, hormis la faible trace qui appartient à l’eau de la Durance, évaporée pendant leur dessiccation. Seuls les dosages de carbone peuvent permettre d'apprécier le taux de matières orga- niques qu'ils renferment. [Hervé Mangon a dosé le carbone dans les 17 échantillons qu'il a étudiés en 1860". Les teneurs constatées varient entre 0.470 et 0.926 p. 100. Si l'on compare ce dosage à 1. Expériences sur l'emploi des eaux d'irriga'ion, p. 139-149 ; Dunod, édition de 1569, COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 209 ceux de l'azote, on trouve un rapport moyen de 6.22 de carbone pour 1 d'azote, rapport plus faible que celui que l’on constate dans les terres arables fertiles et à peu près identique à celui des sols très pauvres ou privés depuis longtemps de fumures. Sans attacher à cette remarque une importance décisive, il est en toui cas hors de doute que la matière organique des limons est peu altérable et que l'azote qu’elle renferme est, par suite, difficilement assimilable. Les limons de la Durance possèdent un caractère chimique à peu près constant, leur grande richesse en carbonate de chaux. Les ana- lyses annexées à ce rapport donnent, comme variations extrêmes, de 23 à 47 p. 100 de calcaire ; mais la moyenne déduite de l’ensemble des dosages s’élève au chiffre de 43.30 p. 100. Le résidu de silice et de silicates inattaqués par les acides à chaud varie depuis 41.9 jusqu’à 62 p. 100 avec une moyenne de 46.11 pour l'ensemble. L’alumine et le peroxyde de fer varient de 4.6 jusqu’à 9.90 p. 100. Les teneurs en substances fertilisantes oscillent dans les limites suivantes par kilogramme de limon sec : gr. gr. gr. Azote. . . . . . . . de 0,400 à 1,400 (Moyenne générale) . . . 0,725 Acide phosphorique . . C,:00 1,790 — EM SSEDE jeune Potasse soluble à chaud dans les acides . . . 0,860 4,840 = es RS CODES 20) Potasse totale. . . . . 11,960 29,700 (Moyenne de {3 dosages). 16,900 C'est en azote que les limons de la Durance sont le moins bien pourvus, surtout si l’on fait entrer en considération la forme peu aclive sous laquelle existe cet élément. Ils sont, par contre, moyen- nement riches en acide phosphorique et, en général, riches en potasse, conclusions conformes à celles de notre premier mémoire. L'infertilité incontestable des limons de la Durance dans les pre- miers temps de leur dépôt ne dépend donc pas du manque d’acide phosphorique et surtout de potasse, comme l’a écrit Paul de Gaspa- rin, d'après deux analyses dont les résultats sont sûrement excep- hüonnels. La raison de leur inaptitude cullurale temporaire dépend essentiellement de leur nature physique, l'abondance du lot impal- pable, souvent très argileux, joint à la rareté de l’humus. ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE. — 1898. — 1. 14 LA US 210 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. On comprend fort bien, sans qu’il soit nécessaire d’insister sur ce point, que des sédiments aussi fins et presque purement minéraux ne puissent constituer un support convenable pour la végétation. Mouillés, ces sédiments se déiayent et perdent toute consistance. Exposés aux sécheresses, 1ls abandonnent rapidement leur eau d’im- bibilion, qu'aucune agrégation organique ne contribue à retenir; ils se fendillent en tous sens, en larges esquilles, si la couche du dépôt est peu épaisse, en prismes réguliers si cette couche est pro- fonde. De là tous les insuccès éprouvés lorsque les irrigations appor- tent trop rapidement une masse appréciable de limon qui ne peut être incorporée avec le sol arable sous-jacent par des façons appro- priées. L’échec qui a suivi l'emploi des limons de la Durance appli- qués en Crau sur des sols occupés par des plantations de vignes n’a point d'autre cause. (Expérience faite par la Compagnie du colma- lage de la Crau et des marais de Fos.) Avant d'examiner les conditions qui sont de nature à modifier ces défauts physiques, il est nécessaire de compléter les données qui précèdent par une élude plus spéciale de chacune des séries de limons. Limons charriés par les canaux : échantillons moyens mensuels. La plus importante de ces séries est celle des limons recueillis chaque jour dans les eaux de Craponne pendant une durée de sept mois, dont cinq correspondent à la période des arrosages (tableau IV). De couleur grise, sauf ceux d’août et de septembre qui ont offert une leinte Jaunâtre, tous ces limons montrent une grande ténuité. Le plus pauvre en impalpable, celui de septembre, en renferme néanmoins 74 p. 100 ; le plus riche, celui de juillet, 86.40 p. 100 ; calculée pour l’ensemble, la movenne atteint 82.50. Le taux en carbonate de chaux varie entre 43.093 p. 100, maxi- mum constaté en juin, et 34.19, minimum en août ; moyenne géné- rale, 40.989 p. 100. Silice et silicates insolubles dans les acides, maximum en août, 49.852 p. 100 et minimum en mai, 43.464 p. 100 ; moyenne géné- rale, 46.151 p. 100. COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 211 Il est intéressant de rapprocher de ces chiffres ceux obtenus par Hervé Mangon en 1860, en analysant deux séries d'échantillons, la première prélevée à Mérindol-en-Durance, la deuxième dans le canal de Carpentras, à l'échelle des Taillades, échantillons mensuels, comme les nôtres, et recueillis dans des conditions analogues. Je reproduis ci-dessous les chiffres extrêmes et les moyennes calculées d’après ces analyses *. 1° Limons pris à Mérindo! : Carbonate de chaux: maximum en juillet, 48.120 p. 100; minimum en septembre, 36.250 p. 100 ; moyenne générale, 41.70 p. 100. Silice et silicates insolubles : maximum, 51.50 p. 100 ; minimum, 40.55 p. 100 ; moyenne générale, 46.70 p. 100. 2 Limons pris aux Taillades : Carbonate de chaux: maximum, 42.50 en juillet ; minimum, 34.89 en octobre ; moyenne générale, 39.385 p. 100. Silice et silicates insolubles : maximum, 92.75 ; minimum, 46.00; moyenne générale, 48.637 p. 100. Les teneurs en substances fertilisantes varient, d’après nos essais, dans les limites suivantes par kilogramme de limon sec : gr. gr. gr. Azote. . . . . . . . de 0,600 à 1,12 (Moyenne générale). . . . . 0,808 Acide phosphorique . . 0,980 1,430 — ES note ML AO Potasse soluble à chaud dans les acides. 1,920 3,640 — SEL uit SOU Potasse totale . . . . 15,70 15,100 (Moyenne de 4 déterminations), 15,525 Dans les analyses d'Hervé Mangon, les dosages d’azote ont varié de 06°,710 à 14,28 p. 1 000. La moyenne est de 05,945 pour l’en- semble des échantillons. Si l’on calcule séparément le dosage moyen de l’azote pour chacune des deux séries de limons que cet auteur a étudiés, on arrive aux proportions suivantes : Limon pris en Durance à Mérindol. . . . . . 0.862 p. { 000 — dans le canal de Carpentras, . . . 1,035 — {. Ouvrage déjà cilé, p. 139 et 149. D 'OPAT 7 212 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La première de ces moyennes concorde avec celle que nous avons déterminée pour le canal de Craponne. Par suite de sa pente si accusée, ce canal doit en effet charrier à peu près tout le limon qu'il emprunte à la Durance, sans abandonner dans sa cuvette une pro- portion notable de limons sableux. Or, ces derniers sont les plus pauvres en azote, ainsi qu'on le verra plus loin. Le canal de Car- pentras, dont la pente est bien moindre que celui de Craponne (section de la branche mère dont nous parlons ici), doit charrier des limons les plus fins et par suite plus riches en azote. Les détermi- nations de l'acide phosphorique et de la potasse manquent dans le travail d'Hervé Mangon. On voit que la composition des limons de la Durance recueillis à trente-deux années de distance n’accuse que de faibles différences. Si les chiffres extrêmes varient un peu, les moyennes se confondent - presque, malgré que les analyses comparées aient porté sur des échantillons prélevés dans des stations différentes (Mérindol, Lama- non). Poids du limon dans les eaux d'irrigation. Il reste à examiner ce qui a trait au poids de limon contenu en moyenne dans les eaux pendant ia saison des irrigations. Les essais que nous avons faits n’ont pas à ce point de vue une portée générale ; ils ont duré trop peu de temps et n’offrent qu'une valeur documen- taire pour la période observée et la station choisie, le bassin de par- age des canaux de Craponne à Lamanon. Ce poids de limon charrié par les eaux varie en effet incessamment. Il n’est pas semblable au même moment pour les divers points du parcours d’un même canal dont la pente est nécessairement variable et dont les prises échelon- nées le long de ce parcours sont placées dans des conditions qui favorisent diversement l'entraînement des sédiments. Si l’on ajoute à ces causes de variation celles qui dépendent de l'irrégularité elle- même des transports de limon dans les eaux de la Durance, il est facile de comprendre que les expériences comme celles ici résumées n'ont qu'une valeur essentiellement contingente. Les eaux limoneuses recueillies chaque jour à Lamanon, durant COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 213 sept mois de l’année 1892, ont donné, par mètre cube ei pour chacun des mois, les poids suivants de limon : MARNE RP Re OUEN cks,930 Juin . 6 .953 Juillet . 0 ,4698 Août. 211,450 Septembre. 0 ,1655 Octobre. 3 ,408 Novembre. 0 ,693 Moyenne par mètre cube dans les sept mois: 143,295 Dans cette énumération figurent octobre et novembre qui n’appar- tiennent pas à la saison des arrosages et qu’il faut retrancher. Le mois d'avril, d'autre part, n’a pu être observé et manque dans la période d'été. Les cinq mois compris entre le 1* mai el le 30 septembre donnent une moyenne de 0*,9957 par mètre cube, c’est à-dire moins de 1 millième. Or, cette moyenne serait plutôt abaissée que relevée par le quantum d’avril qui fait défaut, car généralement la proportion de limon charrié en ce mois est faible par rapport aux mois qui suivent. Barral avail admis dans ses calculs, pour les apports fournis par les eaux d'irrigation de la Durance, une teneur de 15,300 de limon par mètre cube. Les calculs dans notre précédent mémoire ont été basés sur ce même chiffre. Convient-il de le conserver, malgré une constatation qui, pour la branche mère de Craponne, n’a pas atteint un millième en 4892? Si l’on se reporte aux documents qui seront plus loin fournis sur les coefficients mensuels des limons constatés pendant une longue série d'années par MM. les Ingénieurs des ponts et chaussées des Bouches-du-Rhône, au pont de Mirabeau, si l’on tient compte de la décroissance dans la proportion de limon que ces expériences accusent, on reconnailra, je crois, la nécessité d’abaisser la moyenne jusqu'ici admise. Il ne s’agit d’ailleurs que d’une approxi- malion dont le caractère incertain a été plus haut indiqué; en adoptant le poids moyen de 1 kilogr. par mètre cube, la moyenne est peut-être encore supérieure à la réalité. D'après ce taux, la quantité de limon apportée par hectare, avec un arrosage correspondant à 1 litre par seconde durant les 183 jours 214 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. du semestre d'été, correspond à 15 811 kilogr,, proportion qui ren- ferme, d’après les moyennes teneurs fixées plus haut pour les limons mensuels : Azote#4€. 1.0." APTE VEperie 19k8,775 Acide tte, 4 VOOR te 19 ,210 Potasse (soluble dans les acides) . . . 41 ,219 En ajoutant à ces chiffres les apports correspondants calculés plus haut pour les eaux de la Durance, on arrive aux approximations Lolales suivantes : Azote . LR 2: 33k8 013 Acide DHOSDROLIQUE RC Re CE 24 ,080 Potasse . 713 ,315 L’azote et l’acide phosphorique ne sont donc introduits par l’irra- galion, telle qu’on la pratique dans le Midi, qu’en faibles proportions, ce qui explique la nécessité des famures sontenues, riches en ces deux éléments, tandis que la potasse est, au contraire, assez abon- damment apportée, même en ne considérant que la part de cet élé- ment qui dans les limons est attaquable par les acides. Rappelons encore que l’azote et l’acide phosphorique des limons ne peuvent être considérés comme facilement assimilables. Ges conclusions sont en tout conformes à celles de notre précédent mémoire. Limons des crues. Depuis mai jusqu’en novembre 1892, cinq périodes de troubles exceptionnels ont été observées dans le canal de Craponne et ont donné lieu à des recueillements de limons qui diffèrent des précé- dents par des caractères secondaires, tels que certaines teintes par- ticulières, une moindre richesse en calcaire. Les proportions de limon charriées pendant ces troubles sont importantes, comme on en peut juger par les observations suivantes : POIDS DU LIMON par mètre eube. 15 juin 1892 (limon jaune) . . . pu ou 348,558 1S juillet 1892 (limon jaune, puis jaune Rénus 19,116 2 août 1892 (limon gris noir). 25 ,339 7 octobre 1892 (limon gris foncé) . . . . . .'. . SEA: 15 octobre 1892 (limon gris brunâtre). . 14 ,380 COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 219 Barral a cité, d’après les renseignements du service des ponts et chaussées, des troubles beaucoup plus considérables encore, consta- tés en Durance au pont de Mirabeau : POIDS DU LIMON par mètre cube, 5 aoûtISGS (limon)t HUE, 04 1004:,00 TOUR ASS EN NS 715 ,00 TEE RO TS S EM TONEENRAET ete 33 ,70 ÆRTOULN ONE PT MN ee 43,20 Les quantitée de 30 à 35 kilogr. par mêtre cube sont des maxima assez ordinaires. Les chiffres supérieurs sont rares. € Lorsque les eaux sont jaunes ou rouges, les cultivaleurs, dit Barral, ne s’en ser- vent pas ; ils attribuent leur mauvaise qualité à la grande quantité d'oxyde de fer qu’elles contiennent et qui rouille les plantes et nuit aux récolles. » Ces crues, de nuances si accusées, sont particulières au Caulon, qui ne verse ses eaux en Durance que bien au-dessous de Car- pentras, en-aval des prises des principaux canaux de la Durance. Les limons jaunes signalés plus haut pour le canal de Craponne pro- viennent des crues du Verdon. Elles n’offrent pas le défaut signalé par Barral et aussi par Paul de Gasparin quant à la présence de l’oxyde de fer, car la quantité de ce corps n’est pas supérieure à celle que l’on rencontre dans les limons gris (voir tableau V, p. 232-233). Malgré leur teinte distincte, ces limons de crue ne diffèrent guère, en effet, de ceux de couleur généralement gris clair que charrie normalement la Durance. Toutefois, le mon foncé du 2 août, pres- que noir à l’état humide, offre un taux de calcaire très faible, 22.3 p. 100, par rapport à ceux ordinaires de Durance, qui contiennent environ 40 p. 100 de ce corps. Un autre de ses caractères est sa ri- chesse relative en azote, 15,40 par kilogramme, soit près du double des limons jaunes ou gris qui appartiennent à cette série. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les limons des grands troubles sont formés d'éléments très fins. Parmi ceux que nous avons observés, le moins riche en impalpable en renferme encore 80.33 p. 100, échantillon du 15 octobre. Gelui du 2 août en contient 94.50 p. 100 ; c’est le plus fin de tous et sa richesse en azote concorde 216 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.- avec ce caractère de ténuité. La moyenne générale des cinq limons ressort à 86.44 p. 100 d'impalpable, Le taux moyen en calcaires est de 36.557 p. 100. Il se trouve beaucoup abaissé par la teneur faible, 22.30 p. 100, de léchantillon du ? aoû. Si, au lieu de calculer la moyenne arithmétique des do- sages, on avait calculé une moyenne proportionnelle au poils des limons recueillis, l’abaissement du taux du calcaire aurait été plus accusé encore (24.70 p. 100). Le limon le plus riche en calcaire se trouve dans celte série celui du 15 juin, 42.494 p. 100. La proportion du résidu de silice et de silicates insolubles dans les acides offre des écarts inverses de celui du calcaire. Maximum en août, 61.96 p. 100. Minimum en octobre, 43.98. Moyenne générale, 49.237 p. 100. L’échantillon du 2 août montre la teneur la plus faible en calcaire de toutes les analyses de limons de Durance jusqu’à présent connues. Hervé Mangon a trouvé 34.82 p. 100 comme minimum se rappor- tant à un échantillon mensuel d'octobre 1860, chiffre presque iden- tique à celui du limon moyen d'août 1892 de la précédente série (34.19). Or, il est évident que le taux constaté dans ce dernier limon dépend de la crue du 2 août. Barral a cité une teneur de 31.43 p. 100 dans un limon recueilli par lui-même le 29 juin 1876 dans le canal de Marseille. Ces limons pauvres en calcaire, relativement aux autres, proviennent de la vallée supérieure de la Durance et appa- raissent normalement pendant les mois d’été à la suite de crues acci- dentelles. Mais, suivant le caractère de ces crues, ils se mélangent plus ou moins intimement aux atterrissements de limons beaucoup plus calcaires qui garnissent la vallée moyenne etinférieure. Ces re- maniements égalisent les teneurs, et il faut des circonstances spé- ciales pour laisser persister les caractères d’origine première et créer des différences aussi sensibles que celles du 2 août. Ce ne sont pas les crues à haut éliage qui produisent de tels effets, car, au con- traire, dans ce dernier cas, les remaniements sont plus intenses. La crue du 2 août n’était que de 0",78 à l’échelle de la Madeleine et elle avait succédé à une crue de 1",25 de hauteur la veille. C’est peut-être à la faveur de cette circonstance que le limon a offert une aussi forte différence dans la teneur en carbonate de chaux. Un der- état Fois à LS ue de SR Sd à nds de + été th échec th. néon tb dl. mn ban étés nl mi os DE COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE,. 217 nier caractère de cet échantillon de limon est sa grande richesse en potasse totale, conséquence de son origine. | Les teneurs en éléments fertilisants des limons de crues que nous avons étudiés sont les suivantes par kilogramme de limon sec: gr. gr. gr. DID AN Re ler" 0,60 47" 1,400 "(Moyenne générale): "5007109842 Acide phosphorique. 0,700 1,510 — 1,044 Potasse soluble dans IESsaeIdest 27. 1,730 3,440 = AU Sul Potassa totale. . . 16,04 29,78 (Moyenne de 4 déterminations). 20,06? Cette dernière moyenne doit être considérée comme trop élevée, car parmi les quatre déterminations se trouve celle de échantillon du 2 août, particulièrement riche en potasse inattaquable par les acides. Les limons de crues ne diffèrent guère des limons moyens men- suels examinés précédemment. Les conclusions formulées à l'égard de ces derniers leur sont donc applicables. Rien dans les analyses ne paraît justifier les défauts reprochés aux limons de couleur jaune quant à leur nocuité pour les culiures. Mais nous avons fait remarquer que les limons de cette teinte qui sont incriminés n’appartiennent qu’au cours inférieur de la Durance. Ces sédiments particuliers seront étudiés ultérieurement avec les terres de la basse vallée de Durance et nous nous procurerons des échantillons typiques dans les canaux d'irrigation où ils apparaissent quelquefois. La préférence pour les limons gris et surtout gris foncé, noirs, quand ils sont humides, s’explique par leur teneur supérieure en azote ct en potasse, par leur richesse assez grande en acide phos- phorique. Limons provenant du curage des canaux de Craponne. La pente si accusée des canaux de Craponne, dans lesquels la vitesse de translation de l’eau varie entre 1",50 et 2 mètres par se- conde, empêche le dépôt des sédiments, à moins qu'ils ne soient très sableux et grossiers. Entre la prise de Gontard et le bassin de par- tage de Lamanon, la branche mère de Craponne, d’une portée de 218 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 24 nt cubes par seconde au maximum, présente une pente de 30%,72 pour un parcours de 22995 mèires, c’est-à-dire 1°,33 par kilomètre. Du bassin de Lamanon à Arles, la pente moyenne est encore plus forte, car, pour une longueur de 45 138 mètres, la diffé- rence de niveau est de 105",90, soit environ 2",13 par kilomètre. Aussi l’échantillon moyen du limon de curage prélevé sur ces parties du canal renferme-t-1l 72.24 p. 100 de sable grossier. La dérivation d’Istres, qui offre la moindre pente, a fourni un échantillon moyen contenant 56.57 p. 100 de sable grossier. Pour ‘ l’ensemble des canaux du système de Craponne, la proportion moyenne du lot sableux atteint 61.62 p. 100. Il est probable qu'aucun des autres canaux de la Durance n’est placé dans d’aussi bonnes conditions pour l'entrainement des limons ; la détermination seule du lot sableux qui existe dans leurs limons de curage suflirait pour mesurer les différences qu’ils présentent sous ce rapport avec ce dernier. Le taux du carbonate de chaux est à peu près le même dans les limons recueillis lors du curage des canaux de Craponne au prin- temps 1892; il s'élève à 44.5 p. 100. La silice et les silicates inso- lubles forment 46.45 p. 100 de leur masse. Les dosages de substances fertilisantes ont donné les résultats sui- vants par kilogramme de limon see : MINIMUM. MAXIMUM. MOYENNE. gr. gr. gr. AZOCS vertes) LE epis tr: 0,400 0,630 0,520 Acide hp ss RCA RE 0,870 0,990 0,930 Potasse soluble dans les acides. 0,860 1,560 1,205 Potasse totale. . . . . . . . 11,960 12,660 12,359 Ces limons sont très pauvres en azote, particulièrement celui de la branche mère de Craponne qui offre le lot sableux le plus consi- dérable, Ils sont moins bien pourvus en acide RO S et en potasse que les limons jusqu'ici examinés. Toutefois, la vallée de la Durance est en grande partie constituée par des sols qui présentent avec ces limons sableux la plus grande identité, sols pauvres par conséquent, mais d’une constitution phy- COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 219 sique favorable qui permet de mettre immédiatement en culture toutes les parties que l'on arrive à protéger contre les divagations de la rivière. Avec des famures azotées suffisamment abondantes, ces terres deviennent aptes à tous les genres de cultures. On sait combien sont prospères les communes dont le territoire occupe ce domaine des parties basses de la vallée et l’on comprend les grands efforts et les dépenses considérables qui sont faites par les syndicats ou les particuliers, aidés par l’État, pour endiguer la rivière et favo- riser la formation de zones de dépôts nouveaux qui sont rapidement mis en exploitation. Limons recueillis dans les bassins de décantation. du canal de Marseille. Tableau VIT. — Les quatre échantillons de limons qui font partie de cette série ont élé recueillis par M. Hanché, ingénieur-directeur du canal de Marseille, et ont été pris dans les principaux bassins où les eaux de Durance s’éclaircissent avant d’arriver à Marseille. Ces limons représentent une accumulation des sédiments de la rivière. D'une couleur uniformément grise, ils montrent une grande finesse. Dans le bassin de Réaltor, l’impalpable forme 84.35 p. 100 de la masse ; dans celui de Ponserot, 95.30 ; les autres bassins ont donné des résultats intermédiaires et, pour l’ensemble, la moyenne du lot impalpable atteint 88 p. 100. La teneur en carbonate de chaux est presque uniforme : mini- mum, 42.97 p. 100 ; bassin de Sainte-Marthe : maximum, 46.024 ; bassin de Saint-Christophe : moyenne générale, 43.383 p. 100. Silice et silicates insolubles dans les acides : minimum, 42.119 p. 100 ; maximum, 44.856; moyenne, 43.383 p. 100. La richesse par kilogramme de limon sec est, en éléments utiles, la suivante : MINIMUM. MAXIMUM. MOYENNK. gr. Ble gr. ANNEE CR CEA Et 0,410 0,760 0,537 Ace PROSDHOTIQUE LAS: … Pie 0,840 1,370 1,030 Potasse soluble dans les acides à chaud . 1,800 2,420 2,035 Potasse totale (détermination unique). . 16,70 SRE » 220 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Le caractère particulier de ces limons est leur pauvreté en azote. Malgré leur lénuité, trois d’entre eux sont aussi pauvres en cet élé- ment que les limons sableux du curage des canaux. La connexion qui pour les autres séries existe entre la finesse et la richesse en azole est ici en défaut. Il faut attribuer cette différence à ce fait que les particules organiques restent dans les bassins beaucoup plus longtemps en suspension dans l'eau que les sédiments minéraux. Les limons qui sont retenus sont donc fortement appauvris en subs- lances organiques et par suite en azote. J'ai recueilli dans une caisse de distribution d’eau qui existe dans un jardin, près de mon labora'oire, de la vase de Durance qui s’y était accumulée durant trois annnées. Cette vase est formée précisément des Jimons les plus fins de Durance qui échappent aux décantations dans les bassins. Sa composition est représentée dans la dernière colonne du tableau VIT et l’on remarquera combien, au contraire, elle est riche en azote (1.35 p. 1 000), ainsi qu’en acide phospho- rique (1.79) et en potasse soluble dans les acides (4.84 p. 1 000). Dans cet échantillon, contrairement à ce qu’on pouvait penser, le lot sableux est assez important : 32.75 p. 100. Cela montre seule- ment qu’une part très considérable du limon fin a été entrainée par lévigalion, pendant les vidanges successives de ce réservoir. En lout cas, la richesse de ce limon concorde avec l'explication fournie plus baut quant à l'appauvrissement des dépôts formés dans les bassins de décantation du canal de Marseille. J'ai dosé l'azote dans deux autres échantillons de dépôt formés dans les mêmes conditions que je viens d'exposer; les titres trouvés ont été 1.95 et 1.98 p. 1 000. Le bassin de Sainte-Marthe, qui ne fonctionne plus maintenant que comme réservoir de secours pendant la durée des chômages et dans lequel, à la faveur d’un repos prolongé, les sédiments peuvent se séparer complètement, a fourni un limon dont la teneur en azote est sensiblement égale à celle de beaucoup de limons de la rivière. Terres formées par les apports de la Durance. À titre de comparaison avec les limons qui viennent d’être passés : en revue, j'ai recueilli, près de Meyrargues, deux échantillons de = FT COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 22 sols formés par des atterrissements récents de la Durance (voir ta- bleau VII, p. 256). L'un de ces sols renferme 77 p. 100 de sable et présente l'allure des terres souples et faciles que l’on rencontre le long de la rivière et qui ont été conquises successivement sur son domaine pour être consacrées à la culture. L'autre est limoneux et s’est déposé à la faveur d’une digue, sur une partie assez restreinte ; il contient, comme les limons charriés par les canaux, un lot important d’impal- pable, 70.76 p. 100. Le premier de cessols est apte à être mis immé- diatement en culture, tandis que le second peut être considéré comme stérile. On remarquera la différence du taux de l'azote dans ces terrains contigus. Le sol sableux ne renferme que 05,460 de cet élément par kilogramme, tandis que le sol limoneux en contient 05,780. Le taux des autres éléments fertilisants est aussi en faveur du sol limo- neux, et cependant, des deux terres, c’est la plus pauvre qui offre seule la possibilité d’une utilisation agricole immédiate. Enploi des limons de la Durance pour le colmalage. Cette remarque nous ramène aux observations déjà faites dans le cours de cette étude en ce qui concerne les causes de l'infertilité des limons fins de la Durance. Il reste à examiner quels sont les moyens propres à faire disparaître leurs défauts physiques. La solution de ce problème n’est pas à rechercher, car elle existe complète, sous nos yeux, au voisinage même de la Durance et dans les terrains formés, pour une part au moins, par ses apports. Les terres fortes des marais anciens et aujourd’hui desséchés d’Arles, du petit Plan-du-Bourg, justement réputés comme fertiles, ne diftè- rent, comme composition chimique et physique, des limons de la Durance que par la présence de quelques centièmes de matières organiques accumulées par un régime palustre plus ou moins pro- longé, Ce régime a procédé à la formation de la plupart des plaines alluviales, lorsque les cours d’eau, aux époques géologiques, rem- plirent de limons les espaces fermés, véritables bassins de colmatage naturels, qui, avant de constituer leurs vallées, en retenaient les 222 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. eaux par étages successifs. Au voisinage de la mer, les mêmes phé- nomènes se produisent de nos jours dans les estuaires et les dellas, mais avec la complication du salant. Le colmatage artificiel repro- duit ces conditions naturelles; 1l est accompagné el suivi d’un régime palustre. Il n’est pas douteux que les limons de la Durance produisent, sous les effets de ce régime, des sols fertiles. L'initiative privée en a fourni des exemples, el il est surprenant que cette solu- lion, si nettement indiquée, qui a même suscité pour la Crau des projets remarquables, sur lesquels Pattention publique s’est longue- ment portée, n'ait pas abouti à une application au moins partielle. C’est qu’en réalité, peu après l'édification de ces grands projets de colmatage de la Crau, on a cru les Himons de la Durance infertiles par nature chimique. Les analyses de P. de Gasparin, et surtout les déductions trop formelles qu’il en a tirées, ont fourni une base à celte erreur. Or, d’une manière générale, il n’était guère possible d'admettre une telle pauvreté. Les limons arrachés aux pentes d’un bassin étendu, comportant des formations géologiques variées, ne peuvent êlre ni très riches, ni très pauvres. Ils offrent plutôt, néces- sairement, une teneur moyenne en principes fertilisants uliles, et ce sont surtout les caractères physiques de ces sédiments qui peuvent favoriser ou retarder leur transformation en terres cultivables. Les alluvions souples, de nature sableuse, sont sous ce rapport les mieux partagées. Dès que l’incursion des eaux de la rivière qui les a déposées peut être limitée, ce sont des terres arables excellentes et faciles à cultiver, quand bien même leur teneur en éléments fertiles est faible, comme c’est le cas pour les sols sableux de la Durance, pauvres en azote. Les alluvions compactes nécessitent, au contraire, une approprialion préalable ; elle à lieu par le régime palustre en vertu même de leurs défauts physiques. À l’encontre de ces remar- ques, on ne pourrait citer que la richesse proverbiale des limons du Nil qui fécondent chaque année la Basse-Égypte. Mais l'observation porterail à faux, car ces limons proviennent des marais équatoriaux de la vallée haute du fleuve, et leur fertilité dépend précisément de l'élaboration palustre. La plupart des limons de fleuves ne peuvent être, en effet, consi- dérés comme immédiatement fertiles, car ils ont pour origine la COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 229 destruction sur place des couches géologiques, roches dénudées des hautes altitudes pulvérisées par le gel et par laction des glaciers, régions déboisées qu'une couverture végétale protectrice ne défend plus. Ces débris, qui n'ont pas subi, sur place, l'influence d’une vé- gétalion primitive, lente à s'établir, et qui sont entrainés dans les vallées, ne deviennent, sauf de rares exceplions, terres cultivables qu’à la faveur du processus que nous avous rappelé *. Les limons de la Durance sont dans ce cas. Si l’on a raison de les juger infertiles et même nuisibles, lorsqu'ils arrivent en trop grande proportion sur une terre en culture, on pourrait citer, au contraire, de nombreux exemples où, par l'effet de colmatages naturels, suivis d’une période paludique, ils ont préparé des terres fécondes. Mais ces opérations de la nature sont lentes et lon pourrait douter de leur application pratique ; il est donc préférable et plus topique, pour une telle démonstration, d’'invoquer les colmatages réalisés arlifi- ciellement. Des essais de cette sorte ont été faits au Pontet avant 1850 par M. Thomas et poursuivis par ses héritiers, jusqu’en 1877, sur environ 140 hectares d’étendue. Barral a consacré à celte œuvre agricole, suivie d’un plein succès, un historique très complet auquel nous renverrons*?, et nous ne cilerons que ce qu'il est essentiel d’en retenir. Une période de cinq à six années a suffi généralement pour remplir les bassins de colmatage d’une couche de limon de 2 à 30 centimètres d'épaisseur maxima. Ces limons étaient empruntés à 1. Les ingénieurs hollandais qui dirigent les travaux de desséchement des Polders, plaines d'alluvions conquises sur la mer ou sur les estuaires tels que le lac de Haarlem, se servent d'un terme qui exprime nettement cette nécessité d'une période prépara- toire avant leur mise en culture: « Il faut, disent-ils, laisser 2ùrèr le terrain. » Cette maturation s'effectue sous le climat humide de l'Océan, grâce à l'influence d'une végétation spontanée de plantes d'abord aptes à résister au salant, telles que Salicornia herbacea, Aster trifolium, enfin Planlajo marilima, auxquelles succéderont plus tard des mousses et autres plantes de tourbières. L'effet de ces végétations successives est tout d'abord de raffermir le sol, puis de lenrichir en débris organiques qui lui font perdre les caractères originaires de vase marine ou fluviale. La période de raffermissement et de dessalement du terrain s'accompagne souvent d'un colmatage avec des limons fluviaux. Les meilleurs polders sont argileux, mais ils exigent une plus longue appropriation. Je dois à M. E, Tisserand, directeur de l'agriculture, ces intéressantes remarques. 2. Barral, les Drrigations en Vaucluse, 2° volume de 1878, p. 399. 224 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. la Durance par une dérivation du canal Crillon ne fonctionnant, pour cet objet, que durant quatre mois environ dans l'année. La végéta- tion de plantes marécageuses, roseaux, etc., a promptement envahi les bassins. Les débris organiques ainsi aecumulés ont été incor- porés par des labours à la couche du colmatage, et les terres ainsi conslluées, sur des sols de garrigue sans valeur, ont pu produire du blé, des fourrages, sans exiger, au début, emploi des fumures. La nécessité de ces dernières a été bientôt reconnue, ce qui ne peut surprendre, d’après la composition des limons. Mais le fait qui se dégage de cette expérience, c’est que quelques années ont suffi pour modifier les sédiments au point de leur faire acquérir les propriétés des terres arables. Une importante expérience de colmatage est celle que poursuit actuellement en Crau M. de Montricher au domaine des Poulagères. Utilisant les dépressions qui existent sur quelques parties de la pro- priété, il v dirige les éaux de Craponne, disponibles en hiver. Les bords de ces dépressions ont été au préalable rehaussés par des bourrelets en terre et en cailloux. Un court séjour de l’eau a suffi pour rendre étanches ces bourrelets. On à pu constituer ainsi un marais de 16 hectares environ, dans lequel la masse de limons, accumulés depuis trois années, atteint sur quelques points 80 centi- mètres de profondeur. En moyenne, la hauteur du limon est de 60 centimètres. Une végétation de roseaux et plantes aquatiques s’est promptement élablie sur ce fond vaseux. M. de Montricher compte étendre cet essai en profitant des exhaussements produits par le colmalage lui-même, exhaussements qui vont permettre de continuer l'opération sur des surfaces intermédiaires. Le cadre de notre étude ne comporte pas l'examen des conditions économiques et techniques relatives aux projets de colmatage de [a Crau, projets successivement abandonnés, pour les motifs plus haut signalés, écartés sans aucun doute aussi par la grande difficullé de leur réalisation au point de vue financier. Mais il nous appartient encore d'examiner une opinion qui a été émise, à propos de ces projets, et qui consiste à dire que les sols de Crau, déjà riches en argile, ne sauraient être améliorés par les limons de la Durance, qui sont d’une nature également argileuse. Les faits protestent contre pod COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 225 celte manière de voir. Il suffit d'examiner les sols que les irrigations ont couverts de limon et où l’amendement incriminé s’est allié à la terre de Crau, pour constater que ce sont là de beaucoup les terres les plus fertiles. L’argile vraie (coagulable) existe à peu près en égale quantité dans les terres naturelles de Crau et dans les limons de la Durance, de telle sorte que le mélange ne peut en changer la proportion, mais il est précieux pour un sol siliceux, comme celui de Crau, de recevoir un apport calcaire tel que les limons de la Du- rance. L’accroissement qui en résulte pour la profondeur du sol arable, très insuffisante en Crau, est un premier gain incontestable. La fertilité et les qualités physiques du terrain ne peuvent qu'être améliorées par cet apport. Enfin, les terres de Crau colmatées retien- nent mieux l’humidité et réclament moins d’eau pour leur irrigation que les terres vierges ; c’est là un grand avantage. Il nous reste à donner les renseignements que nous devons à l’obligeance de M. Roucayrol, ingénieur en chef des ponts et chaus: séces des Bouches-du-Rhône, sur le régime de la Durance en ce qui concerne les proportions de limon que ses eaux charrient. Deux tableaux sont ici annexés qui renferment ces renseignements. Tableau IX. — Ce tableau mentionne à partir de 1875 jusqu’en 1859 les volumes d’eau et de limon débités par la Durance au pont de Mirabeau, d’après les expériences et les calculs de MM. les ingé- nieurs des ponts et chaussées des Bouches-du-Rhône. Ces débits sont indiqués par mois, pour la saison des arrosages, puis par semestres et années. Barral à fourni les chiffres annuels correspondants à la période écoulée de 1867 à 1874et, pour en faciliter la lecture, il n’a inscrit dans son tableau que les unités supérieures : 1 000 —1 million de mètres cubes. J'ai adopté la même simplification. Si l’on voulait connaître les poids de limon correspondant aux volumes notés, 1] faudrait multiplier par 1500, poids ou densité apparente d’un mètre cube de limon. Tableau X. — Ainsi que Barral en à fait la remarque, la connais- sance des débits de la Durance en volumes d’eau et de limon ne permet pas de calculer ou même d'apprécier les proportions de ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE. — 1898. — 1. 15 Ur édés.e “à Lis es / vs + PS RS NE ENT PT 29296 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. limon transporté par les canaux, comme avait tenté de le faire Hervé Mangon. Nous ne pouvons mieux faire que de reproduire à cet égard les observations elles-mêmes de Barral : « L'intensité des troubles n’est point proportionnelle à la hauteur ou au débit des crues. Les plus grands troubles sont, la plupart du temps, dus à des orages locaux qui éclatent dans quelques portions du bassin supérieur et qui ne produisent que des crues relativement faibles. Les grands troubles ont le plus souvent lieu dans la saison d’été ; la Durance est, au contraire, généralement claire dans la sai- son d'hiver. « Ces renseignements font pressentir que, pour déterminer le vo- Jume de limon charrié par une dérivation de la Durance, il ne suffit pas d'appliquer au débit constant ou à peu près constant de cette dérivation la proportion moyenne de limon tenue en suspension dans l’eau de la rivière, dont le débit varie tous les jours. Il est indispen- sable de calculer la puissance colmatante par dérivation d’un débit constant, de 1 mètre cube par seconde, par exemple, d’eau de Du- rance, c’est-à-dire le volume total de limon charrié dans une année entière par un débit constant de 1 mètre cube d’eau par seconde. « Le calcul de cette puissance colmatante est établi depuis que les ingénieurs ont fait connaître les coefficients donnant pour chaque jour le poids de limon charrié par un mètre cube d’eau de la rivière. Considérons, par exemple, le mois d'août 1867 ; les ingénieurs ont déterminé, pour chacun des jours de ce mois, ces coefficients, que nous désignerons par les lettres 4, &,, 4,..... 4, Un canal de col- matage, qui aurait eu sa prise au pont de Mirabeau et une portée de 1 mètre cube, aurait dérivé de la Durance, le 4* août 1867, un volume total en eau de 86 400 mètres cubes, et un poids total de limon égal à 86 400 X %,. Pendant tout le mois d'août 1867, le vo- lume total d’eau dérivé par le canal aurait été de 86 400 >< 31 = 2? 678 400 mètres cubes et le poids total de limon de 86400 (x, +a+La,..... + a,,) = = 86 400 XX 22X8,132 — 1 912 205 kilogr. Ne 27 COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 221 « Si nous prenons 1.5 comme densité (apparente) des limons de la Durance, ce poids correspond à un volume total de 1 274,803. » Barral a appliqué ce calcul aux sept premières années d’observa- tions faites sur la Durance jusqu’en 1875 (Barral, Concours des irri- gations en 1875, p. 261). Il m'a semblé intéressant de poursuivre le même calcul jusqu’à la fin des observalions faites au pont de Mi- rabeau, c’est-à-dire jusqu’en 1889. Il était nécessaire pour cela de dresser un tableau des coefficients mensuels, somme des coefficients quotidiens, dont parle Barral. Grâce au concours obligeant et pré- cieux de M. Bourdon, conducteur principal des ponts et chaussées, chef du bureau de cette administration, sur la bienveillante autori- sation de M. Roucayrol, ingénieur en chef du département, J'ai pu extraire du volumineux dossier de la Durance, dossier dont il n’a rien été publié depuis les extraits faits par Barral, les chiffres qui constituent le tableau X. Ce tableau embrasse Loute la période des expériences sauf l’année incomplète de 1867. Dans la colonne de chacun des mois et en regard de chaque année, on trouvera inscrit le poids de limon qui constitue la somme des coefficients quotidiens. Chacun de ces coeffi- cients a été déterminé par trois expériences qui ont fixé la propor- tion de limon existant dans 1 mètre cube d’eau. Le coefficient men- suel correspond par suite à autant de mètres cubes d’eau que le mois comprend de jours. Des colonnes indiquent pour chaque semestre la somme des coef- ficients mensuels. Une colonne donne le total de ces mêmes coefli- cients pour l’année entière, c’est-à-dire le poids du limon reconnu dans les 365 mètres cubes (366 jours les années bissextiles) qui cor- respondent à autant de jours d'observation. Dans des colonnes spéciales, pour les semestres d'été et d'hiver, pour les années, figurent les poids moyens de limon par mélre cube, calculé d’après les coefficients correspondants. Dans la dernière ligne du tableau figure une moyenne déterminée de la même ma- nière pour chaque mois et cette moyenne embrasse les vingt-deux années d’observalion. Enfin, dans la dernière colonne verticale du tableau, j'ai fait figurer le poids de limon qui aurait élé transporté durant chacune des années 228 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. par un canal ficlif, d'une portée de 1 mêtre cube par seconde, en supposant que ce canal ait fonctionné sans aucune période d’arrêt et qu'il ail pu transporter intégralement le limon en suspension. C’est le calcul de Barral exprimé en poids de limon. Je le reproduis ci-dessous, transformé en volumes, c’est-à-dire tel que Barral l’a fourni jusqu’en 1874. Il existe quelques différences, de minime importance, entre les chiffres de Barral et ceux que j'ai. calculés pour ces premières années : Volume de limon charrié par un canal d'une portée de 4 mètre cube par seconde. 1868. . . 45 865m°,138 1879. . . 12797" ,308 1869. . « 15860 ,146 1880.13 193142 08) FRE SECTIONS 188124. : TLS02 1e. 9008 000 1889 0 l INT 1872./2 : "96 060 ITA ISSN 13991 ,472 PMR A 1884 un PASOTAROE 1974.) MIS OT 1385.7% rl is SE 1819: : HT UI Pr 1886... : Do) 4l7 00 1876, 2.2 99 TIDAU U08S 188700: SHEETS MICER ler 18446 ,457 1888: Les NI LLR ONE tee Ra ds (9 670 10 13564 ,684 Dans ces vingt-deux années, la puissance colmatante a donc varié dans des limites étendues. Le rapport maximum de ces variations est d'environ 1 à 4, si l'on compare l’année la plus faible (1881) à l’année la plus forte (1868). Cette puissance colmalante aurait élé en moyenne : De 1868 à 1871. 29 052m 624 De 1868 à 1881. 21 707m,580 1868 1872. 28454. ,249 1868 1882. 21190 ,831 1868 1873. 26558 ,523 1868 .1883. . 20 740 ,871 18688 95571, 159 1868 1884. 209279 ,510 1868 1875. 25131 ,530 1868 1885. 20511 138 1868 1876. 25444 ,692 168 1886. 20505 ,931 1868 1877. 24744 ,868 1868 1387. 20209. ,326 1868 . 187 23862 ,859 1568 1838. 19979 ,914 1868 ‘1879. 22940 ,722 1868 1889. 19688 ,313 1868 1880. 22661 ,817 Constatant une décroissance pour les sept premières années qu’il COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 229 avait calculées, Barral avait fait la remarque que cette diminution de la puissance colmatante par dérivation des eaux de la Durance pou- vail être la conséquence des travaux de reboisement et de gazonne- ment entrepris dans les Hautes-Alpes. Il n’est guère permis de douter maintenant de la vraisemblance de celte hypothèse, car la moyenne a continué de baisser, quoique avec moins de rapidité qu'au début. Le débit total annuel d’une dérivation constante de 1 mètre cube d’eau par seconde est de 31 536 000 mètres cubes; la proportion moyenne de limon déduite plus haut des vingt-deux années d’obser- valion est, annuellement, par cette même dérivation, de 19 700 mè- tres cubes. 19 700 | 31 536 000 0,000 6246 ou, en poids, pour 1 mètre cube d’eau, 0,957 de limon, c’est-à-dire moins de 1 millième. Barral avait trouvé jusqu’en 1875 pour le rapport des volumes, 0,000 813, c’est-à-dire en poids par mètre cube — 1*,219. On voit donc qu’en quinze années la puissance colmatante des eaux de Durance a diminué de 33 p. 100 ou 1/3 pour l’année entière. En répétant les mêmes calculs sur le semestre des arrosages, c’est-à-dire en considérant les apports faits pendant 183 Jours par un canal de 1 mètre cube de portée par seconde, on trouve comme quantité moyenne et annuelle de limon charrié pendant les sept premières aunées 26 330 tonnes; en volumes : 17 554 mètres cubes. Le volume d’eau débité pendant 183 jours, à raison de 1 mètre cube par seconde, et de 15 811 200 mètres cubes. 17 554 15 811 200 durant cette période, c’est-à-dire en poids par mètre cube —1%,669. En poursuivant le même calcul jusqu’en 1889, la moyenne an- nuelle de limon charrié à la fin des vingt-deux années d'observation n’est plus que de 20 423 tonnes, ou en volume —15619 mètres cubes. 13615 15 811 200 lumes à la fin de la période, en poids par mètre cube — 1,592. Le rapport des volumes débités est, par suite : — 0,001 11 représente le rapport moyen des volumes — 0,000 861 représente le rapport moyen des vo- 230 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La puissance colmatante à donc diminué en quinze ans de 22 p. 100 environ pour le semestre d'été, c’est-à-dire moins forte- ment que pour l’année entière. Si nous appliquons cette déduction de 22 p. 100 au chiffre de 15,300 de limon par mètre cube que Barral a considéré en 1875 comme l'apport moyen de limon par mètre cube réalisé pour les eaux d’arrosages, nous tombons à une moyenne de 1*#,01% pour ce même volume d’eau. Il est légitime de penser que depuis 1889 la puissance colmatante s’est encore réduite, de sorte que le chiffre de Tkilogr. par mêtre cube, que nous avons adopté plus haut, doit être plutôt fort que faible. Le dossier des expériences faites au pont de Mirabeau contient, à l’égard des questions d'arrosage et de colmatage, tous les rensei- gnements que l’on peut désirer sur le régime de la rivière de Du- rance. Il est bien à souhaiter que l'administration des ponts et chaus- sées publie un extrait des principales données fournies par ce remarquable travail. Si nous n'avions pas craint d’abuser de la complaisance de M. lingénieur en chef, nous aurions volontiers Joint aux renseignements puisés à celle source quelques autres do- cuments utiles, tel qu'un tableau des plus basses eaux constatées annuellement en Durance. Conclusions. Il résulte de nos analyses que les limons de la Durance n'offrent pas linfertilité chimique dont on les avait accusés. IIS sont pauvres en azole, moyennement pauvres en acide phosphorique, riches en potasse. Mais leur nature physique est telle que, jetés sur des terres en abondance trop grande pour y être incorporés, ils nuisent aux cultures. Ces défauts physiques peuvent disparaitre entièrement, si des matières organiques s'ajoutent à ces sédiments presque pure- ment minéraux. Le colmatage, qui a pour conséquence l'établisse- ment d’un régime palustre, produit justement ce résultat d'enrichir les limons en matières organiques. Quelques années suffisent, au moyen de celle opération, pour convertir des sédiments nuisibles en terres de bonne ferulité, qui exigent surtout des fumures azotées __—— COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE. LA DURANCE. 231 et organiques. Ces mêmes fumures sont spécialement indispensables dans les sols légers, sableux, des bords de la Durance, très pauvres en azote, mais très favorables à la culture, par suite de leur consti- tulion physique, qui n'offre pas les défauts des limons. Le colmatage de la Grau par les limons de la Durance est une opération des plus sûres quant au résultat agricole; il permettrait de conquérir à la culture intensive les 20 000 hectares encore dé- sertiques de cette plaine. Mais la réalisation des projets de colmatage offre assurément les plus grandes difficultés. L’obstacle le plus sérieux est celui qui ré- sulte de la nécessité de pourvoir à l’alimentalion des nombreux ca- naux d'irrigation des Bouches-du-Rhône et de Vaucluse, canaux qui, aux époques de bas étiage d'été, absorbent à peu près le débit de la rivière. Les terrains conquis par le colmatage devraient être assu- rés de recevoir les volumes d’eau nécessaires pour leur irrigation, sans quoi leur créalion serait sans objet; or, la Durance ne peut actuellement suffire à ces augmentations importantes de concessions et, pour pourvoir aux besoins dans ces périodes de pénuries, 1l fau- drait disposer de réserves d’eau importantes. On à songé à uliliser dans ce but les étangs de Dezeaume et d’Entressen, dont la capacité pourrait être augmentée par des travaux convenables. Un canal destiné au colmatage peut fonctionner avec des intermit- Lences, et par suite ne pas nuire au régime des canaux d’irrigalion. Pendant une grande partie de l’année, la Durance offre un débit con- sidérable, supérieur à tous les besoins. En hiver, les arrosages sont suspendus et l’eau peut être employée au colmatage ; mais, c’esl à celle époque que les eaux sont le moins chargées en limon. Telles sont les raisons d’ordre favorable et défavorable que nous pouvons ici énumérer, en ce qui concerne l'exécution de tels projets. Les documents accumulés sur la Durance permettent assurément de se rendre un compte exact de leur praticabilité. TABLEAUX, | 11. Analyse chimique: Tableau IV. — Échantillons moyens mensuels des limons de la Durance recu DATES DES PRISES D'ÉCHANTILLONS. POIDS DE LIMON PAR MÈTRE CUBE D'EAU EN KILOGRAMMES,. COULEUR DU LIMON HUMIDE , Sable : PPT 9.84| Sable: fsiliceux. 8.08 1, Analvse physique 18.00 calcaire, 8.16 14.95 icalcaire, 6.57 om Pr La rs :fsiliceux. 44.36! [mpalpable :fsiliceux, 44.92 82.00 icalcaire. 37.64] 85.05 lealcaire. 40.13] DOTATE) Sat a ne 100,00! 100,00 | Acide phosphorique. Acide carbonique. . Potasse . INSERT = sens à chaud. Magnésie. , Alumine. . , Sesquioxyde de fer . 8 Iusoluble. Siliceet silicites (dont potasse) . + + Matières organiques, eau des hydrates, corps non do- sés (dont azote) , x Partie attaquée par les #cides, Toraux Carhonate de chaux (d’après le dosage de la chaux) JU NNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. (Analyses st IN. 0.299 0.106 25.080 1.113 4.130 0.098 20.170 | 3,130 | 43.464 (0.075) 2 480 100.000 me 44.78 .143 | .230 .245 .090 .440 .760 .150 690 1° 19 © = QE © © EE (0.072) 45. 100.000 023 Sable: fsiliceux. 13.60 icalcaire. Impalpable : fsiliceux. #4 86.40 lcalcaire. _ JUILLET. 0ks,469S Gris, 0,137 18.330 0.152 0.063 23.260 49.186 0.864 3.539 2.845 (1.81) 120 100.000 ne #1.53 Tableau V. — Limons des plus grands troubles de la Durance rec (Analyses su | LL. DATES DES PRISES D'ÉCHANTILLONS. 15 JUIN. POIDS DE LIMON PAR MÈTRE CUBE D'EAU EN KILOGRAMMES , . COULEUR DU LIMON HUMIDE, I, Analyse physique. . Analyse chimique : x Partie attaquée par les acides, à chaud. { 4 Matières organiques, eau des hydrates, corps non dosés (do Carbonate de chaux d’après le dosage de la chaux. . . . . . . . TOTAUx Acide phosphorique. . , . Acide caroonique . Potasse. :. 4.1 «1: Soude , Chaux . . ce Magnésie. . . Alumine , . S2squioxyde de fer ss 3 Inso!'uble. Silice et silicates (dont potasse). . . LOTAUR ets nt azote). Jaune puis jaune fonc Sable : “Impalpable : 87,21 3<5,558 fsiliceux. 2.79 tcalcaire. ES calcaire 0.078 2.970 , (1,50) (0.070) COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA 2 dans le bassin de division des canaux de Craponne à Lamanon. in sec.) DURANCE. 233 AOUT. Gris jaunâtre. lle : nes $.68 15 calcaire. 5.47 able :fsiliceux. 55. 72 85 lcalcaire. 30.13 100.00 2ke,4505 | | 0.122 45.840 00.364 Do » 46.460 0.955 | 9.030 , (1.62 49.852 (0.054) 3.688 100 000 34.19 SEPTEMBRE. k 0*£,1635 Gris jaunàtre, Sable: fsiliceux. 25.6 lcalcaire. Impalpable rs 74.4 calcaire. 2.335 100.000 40,141 OCTOBRE. 3k:,108 Gris assez foncé, Sable: fsiliceux., 9.07 15.89 calcaire. 6,82 Impalpable :fsiliceux. 52.43 84.11 lcalcaire, 31.68 100.00 0.104 17.060 0.273 0.048 . 21.260 ÿ 49.870 1,065 5.950 3.110 (1.41) 47,664 (0,067) 3.466 100.000 37.95 NOVEMBRE. 0*5,693 Gris. Sable : 20.13 fsiliceux. lcalcaire, Impalpable :(siliceux. 46.83! 19.87 lcalcaire. 33.04 100.00 0.107 | 19.000 0.198 035 à 5 a } 49.853 0.994 2.620 3.080 46,834 (0.060) 3.308 100.000 49.54 J2 dans le bassin de division des canaux de Craponne à Lamanon. S mn sec.) 18 JUILLET. 19k5,116 e foncé et gris jaunâtre. EE CE 2 AOUT. 25ke,335 Noir et gris foncé. 7 OCUTOBRE. 15 OCTOBRE. 37k6,914 Gris foncé. 14kx,380 Gris brunâtre, le : es 6.37| Sable: ns 4.08] Sable: fsiliceux. 11.32 Sable : eee 10. -08 calcaire. 3.71 5.90 calcaire. 1.42 19.65 lcalcaire, 8.33 19.67 calcaire. 8. pable Le 53.63) Impa!prble ds 72.42| [mpalpable :fsiliceux. 49.28|Impalpable :fsiliceux. 43.6: .92 calcaire. 306.29 94.50 calcaire, 22,08 S0.35 lcalcaire. 31.07 80.33 leucaire. 36. 100.00 100.00 100.00 100.00 0.151 0,126 0.070 0.097 17.000 10.380 17.360 20.090 0.344 0.173 0.284 0.331 0.082 0.091 2 0.046 10 0.084 DE 90. 700 43.393 12 500 32.005 91.650 49,515 93 634 52,305 1.056 0.865 1.075 0.699 » 6.010 3.760 6.100 4.427 2.960 4.110 2.930 2.943 (1.26) 46.912 (2.80) 61.960 (1.39) 47.359 RANMES 43.980 (0.067) 4,695 (0.140) 6.035 (0,074) 3.133 (0.073) 3.715 | 100.000 100.000 100.000 100,000 ms ne mm ————————— ER 37.12 22.318 38.656 42,198 , 232 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Tableau VI. — Échantillons moyens des limons de curage des canaux de Crapo (Analyse sur | BRANCHE MÈRE de Craponne. Sable : RE 72.24 calcaire, Impalpable Pb 27.76 calcaire. I. Analyse physique . . Toraux . IT. Analyse chimique : Acide carbonique. . : . . . .| 20.160 À AN CCE OPEN AT ni CNENCNE .OS6 | sous phosphorique. . . . . . .094 ) SOUTO TTL APN RME ME TE Le 0.044 ChRaAUL: Er RER CALE 24.516 ? 51.197 Magnédie se MM Len .997 | &. Partie attaquée par les acides à chaud.’ Alumine. ,,. ee 2 Co 2.580 Sesquioxyde de fer. 2. ER 2.490 y 3. Insoluble. Silice et silicates (dont potasse) . . ARE (1442) 47.972 7. Matières organiques, eau des hydrates, corps non dosés, ete. (dont azote). (0.040) 0.831 ODA ner an dre De ete MED ee 2.0 à le Le CNRS ee EE © MATE 100.000 Cardonate de chaux d’après le dosage de la chaux . . .- . . . . . . . . . 44,309 Tableau VII. — Échantillons moyens des limons de la Dura (Analyse sur“ BASSIN SASSIN DÉSIGNATION. de Ponserot. de Saint-Christophe. | Sable : { siliceux. 4.71 | calcaire. n Impalpable : { siliceux. 95.30 | calcaire. Sable : { siliceux, 15.65 calcaire. nr EL Impalpable : siliceux. © | © 19 to 1© 84,39 calcaire. res ét Toraux. IL. Analyse chimique : Acide phosphorique, . . 0.102 \ O.C84 \ Acide carbonique. , . : 19.700 20,460 | ) / a. Partie | NES JSONTOERNE ELU 0.074 53.507 0.067 LEE CHARS ENT Core en DAS 60 OS 25.77 AIS nraonénies se + UN 2 1.281 on BORA TE Es Que eue 0,180 0.242 53.941 &chand,e D AImine ME AT 4.421 3.271 Sesquioxyde de fer Pre Li 3,169 3 149 8. Insoluble. Silice et silicates (dont po- tasse). . . . (1.49) 43,524 43.040 . Matières organiques, eau de s hydrates, corps non dosés, etc. (dont azote), . . (0.050) 2 879 (0.048) 3,019 TOLAULCIAN 4.0. SFr 100.000 100.000 es ——————— Carbouate de chaux d’après le dosage de IRONRATE ... ". AU CR NTI 44.05 46.024 COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. heillis lors du repurgement desdits canaux au printemps 1892. }mon sec.) La ke A BRANCIE À d’Istres. EE EEE 30.55 95.82 24,45 19. 100. siliceux. calcaire. siliceux. calcaire. Sable : { 56.87 [mpalpable i 43.63 092 .800 .146 .104 .U44 .076 260 .970 .12) 45.22 .055) 3.220 100. 0uu F 44.716 = fl .262 Lis 19 19 = OO OSE© nt Se BRANCHE de Salon, Pe'issane, Cornillon, Lançon. Sable: fsiliceux. 32.45 60.72 lealcaire, 28.27 Impalpable :{silieeux. 22.55 39.28 icalcaïre. 16.73 100.00 ee, 0.087 19.540 0.156 0.103 | AE e: € D D) LRO UE 00) 0,823 0.910 3.700 (PA) 5.82S (0.050) 3 473 100.600 44.85 BRANCHE d'Eyguières. | Sable : fsiliceux. 30.70 D 1D lcalcaire. 26,45 Impalpable :\siliceux, 23.80 42.85 lcalcaire. 19.05 100.00 —— | 0,099 20.050 0.09% 0.059 re (| 24-790 à 50-957 0.605 | 9,830 f 2.430 } Î (1.12) 46.772 (0.063) 2271 100.000 f EE 44.262 BASSIN de Réaltort, ll F. Sable : f siliceux. — 13.63 | calcaire. Impalpable : { siliceux. 6, 7.85 86.37 calcaire, 33 4 100, BASSIN de Sa nte-Marthe, Lai) 4.30 49.84 40.11 100.00 Sable : siliceux, 10.05 calcaire, Impalpable : { siliceux. 89,95 | calcaire. 44.856 2,403 100,000 (0.076) VASE d'une caisse de distribution d’eau à Marseille, (Dépôt de trois ans.) Gh) 45 TÙ 55 100.00 | Sable : siliceux. 19. 32,79 calcaire. 13. Impalpable : { siliceux. 40. 67.25 | calcaire. 26. .952 287 100.000 40,87 1 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 000"007 ecL'e eeL £r Te" 0 O0C£"GF £IF'0 S9'0£ * ‘oruopu }) À ; { 92°02 * opgedyeduy S9'0Yÿ * ‘Xnoorris ) ste "OXIUITV) }) ge * cc £} | 267 * “orage $ 0L°0€ “XNO9IIS } lURGTNE Y0c'9r ‘OTIU9 IE } *xnooirts | “OAV *XD99ITIS OFS°G 09ÿ°& 679°0 L£9"G8 t£0°0 €GF 0 087 GOT” ‘ orqedyeduiy | : ours | À | "gtfeq-iuies 9p auIetuop nr A9} 9p üItwuatfo np on#1p B| 9191J19p gtu10] XOANONRIT 710$ \Bd-IUIES op atiewop ne dausin( ef ans snbuoo XAA'AVS 108 a = ‘SANDUAVUXAN ° ? XNUUY9 8] 9p 93US0p of serde,p Xnu9 op oJuuoqir) * *XAVLO,,, ‘(ojoze quop) spsop uou sd109 sogeipAy sop nvo ‘sonbrueS10 So1omet À tt tt tt tt: * * *(osseod quop) sajuoilis 79 001JIS ‘opqnosur # 197 op op{xombsog he ‘SUN Y : *OISQUECI h SEnpny ,PnEy9 ® Sopror so 1ed oonbeye omieqg % +" “OpDHOS ‘ * ‘oss8J04 anbruoqivo 9 pro onbrioqgdsoqd oproy : on brtuIU9 2SÂEUY ‘IT COM EXC : *‘XAVILO T, ‘NOILVNDISAQ ‘eoueIn( EI 9p SJUe991 XnououI] sy1odde sop ed Sa9WIOF SOI, — ‘JIJA ne2IqeL 231 D ET LIMONS DE LA DURANCE. EAUX COMPOSITION DES 20 ‘0252 cef8c02 £GS cSL0 LGS ‘1829 076‘ 8G£0 yes ‘cOGr 69H‘ 6£89 896 °G806 098 ‘1902 6G£‘T820 C7 GELY ‘aigue HANNY res ‘0| 670 ‘LOG gro ‘roc? 8rL‘6Ge LES ‘GISI 996 ‘GLSL c06°G06€ SC F'E76T ART AT 0LY°SGG} ESF F08G 9L0°0S6F ce9‘y| T0 2608 L80°7 GL9‘T 90€ ‘LFST ‘uouwu "VI A — < ‘nez “LAID UULSANAS ge 88} 6198 87£ 5028 LYÿ ‘C00€ £9 ‘800€ 68e mm € £66 € ‘uou FT D *(so8esoxe sap opourad) 919P AALSANWAS c00 ‘0 &60°0 368 ‘0 Lv6°0 68° 088 “0 LY‘0 GL°0 L££ ‘0 8660 9150 £600 ‘0 8LF0 ‘0 8F10‘0 G60 ‘0 ‘uout ail —__— YC0° SES YIL ———— 96L‘FGE 181867 °688F 8887 * L88F *"O8SFT *G88F *Y887 03 ‘0 »0<0 1088 76€ cyF'0 [098 T8 118 ‘OFF "79 #80 ‘0 |c0Y ‘60€ gg} ‘0|FT0*0€9 0t0‘0|986°GLY eov°1|806 "GES 6£0‘0|79G ‘CLS cos‘ r|998<8GFT 198 “026€ VYL gay ‘0|6ec "872 190°T “uouwu "1 RE ‘nu *SHHNNV "TIUAVY ("saqno sa 1jQu 9f ) TOI | — Ju) ‘eUQUH-Np-S9Y9n0g sop soassneyo jo squod sep sinotuofut Sa] ‘MIN ep Suorjeatesqo se] soide,p ‘neeqertp ep Juod ne soueing 9p 9181AN EJ 184 S9JI{9P UOWIT 2P 2 NE9,p SOWNIOA — ‘XI NEeIQUL 238 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Tableau X. — Coefficients mensuels des poids de limon constatés dans l’eau de la Dura par MM. les ingénieurs des SEMESTRE D'ÉTÉ. SOMME MENSUELLE DES COEFFICIENTS QUOTIDIENS représentant le poids de limon par mèétre cube, (Les poids inscrits correspondent à autant de mètres cubes que de jours dans la durée du mois.) _ OS RER — a | Totaux Avril Mai Juin Juillet Août | Septembre di observations. FERA 2 (39 jours). | (31 jours). | (30 jours). | (31 jours). | (31 jours). | (30 jours). (183 jours), Ce natal kg kg kg kg 94,990 144,650 | 140,170 228 61,305 | 677,286 15,960 45,670 42,420 194,212 | 115,130 | 101,750 408,600 76,310 | 101,760 947,110 39,100 7,960 198,840 25,440 | 18,590 148,410 70,686 | 419,873 | 258,896 65,060 296,554 38,344 Be | 115,881 338,451 15,689 | 73,551 | 75 | 26,068 403 | "208,028 35,891 31,482 54,631 93,402 be 169,521 37,243 27,447 55,838 11,320 34,035 197,870 5,355 16,304 54,057 23,935 97,386 89,827 266,864 35,368 17,575 17,008 |! 33, 125 25,911 134,083 30,642 2,049 | 34,592 5,672 47,150 121,840 28,506 3: : 28,572 53,211 178,765 35,886 4,8. 24,4. 25,943 188,883 23,670 375 c 74,164 | 131,860 312,286 16,121 ÿ 9,907 99,023 165,799 6,041 3,507 3: 35,631 76,508 | 198,478 28,430 30: 22,340 21,547 152,612 33,298 46,994 ÿ 3,580 0,908 116,115 MOYENNE de limon 1,149 1,537 28 1,718 1,555 1,293 par mètre cube, COMPOSITION DES EAUX ET LIMONS DE LA DURANCE. 239 jont de Mirabeau, d'après les expériences faites quotidiennement, durant 22 années, phaussées des Bouches-du-Rhône. 1 SEMESTRE D'HIVER, POIDS SF: ANNÉE DE LIMON CHARRIÉ SOMME MENSUELLE DES COEFFICIENTS QUOTIDIENS par un canal représentant le poids de limon par mètre cube. Fas detlinetreeibe (Les poids inserits correspondent ainsi à autint de metres cubes d’eau ADS de A : F CE ( portée que de jours dans le mois.) par seconde, —— | en supposant Totaux Moyenne Totaux Poids l'entrainement No: Dé- Févries du semestre linon pour moyen |intégral du limon bre nie Mars (182 jours par le limon | du limon | et nulle période nbrellcembre (8 ou pour années mètre ||. . des … [par mèêtre| de chômage. ordinaires, re 3650u366| cube — ours) : PAR: (31 jours) SRE (31 jours)| 183 jours jours dans Dans l’année = s) | (< S 9 : d le a once) (8 jours) At pour années rm de l'année entière, l semestre, : F bissextiles). l'année, | complète, [tonnes de limon. ER OCCCRMRRETES © CERSNNEEEEER GREEN CSS OEECENENENNN CEN TEEN CERN | GUESS RSR | ne nr men mn £ kg Ve ENT kg kg kg kg kg kg ton. kg 615 5,209 4,075 0,971 0,005 | 11,110 118,985 0,650 | 796,271] 2,1750 68,797 793 } 040 | 40,850 | 14,540 6,160 2,485 8,210 91,265 0,501 | 285,477! 0,7547 23,790 219 070 |122,650 6,040 1,510 | 10,590 | 18,350 206,240 1,153 | 614,810! 1,699 53,071 934 470 | 57,470 2,950 4,705 3,480 4,610 54,385 0,463 | 331,495! 0,9082 28,640 995 00 | 10,540 | 45,610 | 14,840 4,870 4,470 253,630 1,386 | 452,470| 1,9362 39,091 116 ? , » } ) 190 | 42,970 0,049 6,543 2,283 | 97,200 148,135 0,809 | 296,545! 0,8124 25,619 846 428 0,990 | 22,204 0,200 4,495 1,545 82,862 0,455 | 341,758] 0,9365 29,533 464 » ? » » , ) 2 1 39 | 6,681 1,346 | 14,594 | 1,572 | 5,674 85,606 | 0,467 | 382,160] 1,047 33,018 192 (15. | 22,148 | 33,520 | 1,528 | 0,599 | 73,973 | . 146,785 | 0,802 | 485,254| 1,3958 | 41,924 977 » » » 0 2 02 | 40,310 1,397 1,458 0,141 | 35,549 86,644 0,476 | 320,270! 0,8774 27,669 686 1664 | 32,767 | 10,938 0,753 0,548 | 11,176 91,646 0,503 | 261,167, 0,7155 22,155 488 1438 2,591 0,736 5,678 2,949 | 10,999 24,314 0,155 | 222,184| 0,6087 19,195 963 492 | 36,270 0,177 0,102 | 14,650 1,54# 68,475 0,374 | 335,539! 0,9162 28,972 442 ,863 12,848 3,460 7,930 6,843 | 14,227 62,171 0,341 | 196,254] 0,5576 16,953 753 ,077 8,686 | 15,448 3,979 1,677 2,386 85,753 0,471 | 207,593] 0,5687 17,934 523 100 | 24,606 0,158 4,761 3,234 4,683 64,142 0,352 | 242,907! 0,6655 20,987 208 190 0,166 9,07 0,064 0,162 0,409 35,061 0,191 | 225,944! 0,6118 19,346 584 »227 | 10,157 1,382 0,456 | 41,747 0,930 112,179 0,616 | 424,465] 1,1629 36,673 234 1827 | 44,337 | 22,695 6,531 3,745 | 14,456 188,591 1,036 | 354,890! 0,9709 50,615 302 1979 | 30,908 5,019 1,284 1,296 7,593 54,535 0,299 | 253,013] 0,6932 21,860 705 51179 | 42,6:5 | 23,376 0,540 4,503 | 24,477 114,016 0,626 | 267,728] 0,7301 23,087 514 5373 | 33,916 0,839 | 15,483 0,336 8,442 119,389 0,656 | 235,504! 0,6452 20,347 027 441 0,919 0,330 0,147 0,180 0,436 0,5799] 0,5799 0,957| 0,937 AUDE LA COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE LA COMPOSITION DES SABLES DU CORDON LITTORAL RHODANIEN LA NATURE DU SALANT DE LA CAMARGUE Par M. G. GASTINE 2—c- Formation et description générale de la Camargue. On désigne sous le nom de Camargue le lerriloire compris entre les deux bras du Rhône qui prennent naissance en face le village de Fourques, un peu au nord d’Arles. Le grand Rhône coule presque directement au sud-est, landis que le petit Rhône fait un grand dé- tour vers l’ouest et décrit plusieurs méandres avant de se diriger vers le sud pour se jeter à la mer. La Camargue proprement dite, comprise entre ces bras inégaux du fleuve, forme un vaste triangle dont la base se termine irrégulièrement dans la mer par des terres à peine émergées, coupées de lagunes et d’élangs salés, de dunes, formations dont l’ensemble constitue le cordon littoral. Au point de vue agrologique, et géologique la Camargue est beau- coup plus étendue, car elle comprend l’ensemble du delta rhoda- nien, On doit y rattacher, en effet, à l’est du grand Rhône, le petit COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 241 et le grand plan du Bourg, ainsi que les marais qui bordent la Crau; à l’ouest du petit Rhône, non seulement la petite Camargue, mais aussi une portion étendue du territoire d’Aigues-Mortes. Les vérita- bles limites du delta sont: à l’est, la Crau ; à l’ouest, la costière de Saint-Gilles et les plaines d’alluvions du Vistre et du Vidourle, qui se confondent avec les sols formés par les limons du Rhône au voi- sinage d’Aigues-Mortes et du Grau-du-Roi. La Camargue vraie comprend environ 75 000 hectares ; en y ajou- tant les terres de même origine qui appartiennent au delta, sa sur- face atteint près de 142 000 hectares. A l'inverse de la Crau, dont le mode de formation est demeuré longtemps et reste encore à certains égards un problème pour les géologues, qui y voient tantôt exclusivement le delta torrentiel plio- cène de la Durance, Lantôt le delta de même âge du Rhône, la for- mation de la Camargue n'offre aucun mystère. Elle se poursuit, en effet, sous nos yeux, aux embouchures actuelles du fleuve et daus des conditions semblables à celles des premiers temps où elle a com- mencé. Ce sont les limons et les sables charriés par la masse énorme des eaux du fleuve (54 milliards de mètres cubes, d’après Surell) qui, au contact des eaux marines, se déposent en formant auprès des bouches des hauts-fonds ou atterrissements, longtemps remaniés par la vague et les crues, avant d'atteindre leur consolidation sous forme d’un cordon littoral stable. La quantité de limons annuellement ap- portés par le Rhône a été évaluée par Surell à 21 millions de mètres cubes. Les quatre cinquièmes de ces matériaux sont transportés par la branche principale ou grand Rhône; c’est donc surtout dans Paxe du grand Rhône, dans le golfe de Fos, que le travail de comblement est énergique. L’avancement des terres émergées a été en moyenne, depuis 1737 et dans celte direction, d'environ 57 mé- tres par année. L'espace annuellement conquis sur la mer corres- pond à une vingtaine d'hectares. Le petit Rhône, dont le courant est bien moins vif, ne charge guère son embouchure. Les courants marins transportent sur le cor- don littoral et en particulier vers la pointe de l’Espiguette les sables qu'il apporte. Suivant M. Charles Martens et M. Lenthéric, les progrès de cette plage sont tels que, s’ils se maintiennent, la pointe en ques- ANN. SCIENCE AGRON. — 92° SÉRIE, — 1898. — 1, 16 242 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tion alleindra dans deux mille ans la plage de Palavas, transformant en lagune la rade actuelle d’Aigues-Mortes. Ce gigantesque atterrissement a été précédé par la formation du delta pliocène qui constitue actuellement les terrasses caillouteuses de la Grau, des coteaux de Saint-Gilles, et qui bordent tout le litto- ral jusqu’au delà de Montpellier. Ces dépôts pliocènes se continuent sous la Camargue ; en creusant dans le delta quaternaire des puits artésiens, on a rencontré la couche caïllouteuse du delta torrentiel primitif: Les progrès de cet atterrissement, qui a comblé à l’origine l’estuaire ou ancien golfe de Beaucaire, ont été considérables ; sans remonter bien haut dans la période historique, on peut en quelque sorte les mesurer. Les vestiges de l’époque gallo-romaine qui ont été rencontrés en Camargue permettent, en effet, d'évaluer à 250 ou 300 kilomètres carrés l’accroissement survenu dans le della depuis cette période historique. La ville romaine d’Arles était, d’après M. Lenthéric, un grand port militaire et commercial en communications multiples avec la mer, non seulement par les bras du Rhône, bien plus courts que ceux actuels, mais encore par les lagunes salées, les marais et les étangs qui l’entouraient. « Le Rhône fougueux, écrivait Ammien Marcellin vers le milieu du 1v° siècle, se jette dans la mer des Gaules par une large embouchure, dans le fond d’un golfe, à 18 milles de distance d'Arles. » Ce serait donc à peine 27 kilomètres ; il y en a aujourd’hui plus de 50". Les bras du Rhône ont subi, dans le cours des temps, de grands déplacements ; ils ont été autrefois plus nombreux. Pline en a dési- gné trois ; des auteurs plus anciens, jusqu’à cinq. Quelques-uns de ces vieux lits sont encore apparents. Telle une branche occidentale du fleuve qui aboutissait à l'étang de Mauguio. Plus près de l’époque actuelle, le: petit Rhône avait son embouchure vers la pointe de l’Es- piguette. Il s’est transporté vers l’est, auprès des Saintes-Maries, laissant à l’ouest la petite Camargue qu'il enveloppait naguère. Le grand Rhône versait autrefois ses eaux dans l’étang de Galejon 1. Ch. Lenthérie, La Région du Bas-Rhône, et, du même auteur, Les Villes “mortes du golfe de Lyon, la Grèce et l'Orient en Provence, COMPOSITION DES TERRES DE! LA CAMARGUE. 243 et son passage est tracé par la dépression dite du Bras mort. Avant 1711, ce même Rhône suivait une route inverse en coulant à l’ouest dans la dépression sinueuse du Bras de fer et du Canal du Japon, très manifeste encore, et aboulissait vers la pointe de Beauduec. Mais, à la suite d’une crue subite, le Bras de fer, engorgé de limons, ne put offrir un passage suffisant aux eaux gonflées du fleuve, qui s’ouvrit inopinément une voie nouvelle dans un canal artificiel que la faute d’un éclusier avait laissé libre, le canal des Lônes. C’est le passage direct que le grand Rhône a, depuis lors, conservé. L’accroissement des terres aux embouchures du fleuve a lieu par la coagulation rapide des limons et par le dépôt des sables. M. Schlæ- sing a montré que l’argile en suspension dans l’eau douce était ra- pidement coagulée et précipitée par les dissolutions salines, telles que l’eau de la mer. La perte de vitesse des eaux limoneuses au moment de leur pénétration dans la mer ajoute à la facilité de ces dépôts. Il se forme ainsi, en avant des embouchures, des ilots va- seux ou theys (de 4{;, amas de sables) d’abord fragiles et mobiles. Le nom des divers theys indique les circonstances qui ont accompa- oné leur formation. Le plus souvent, c’est un navire échoué sur un haut-fond ou quelque épave de plus minime importance. Le moindre abri peut, en effet, déterminer l'apparition de ces bancs et favoriser leur émergence en les protégeant dans une certaine mesure contre l'influence destructive du fleuve et de la mer. Les theys de la Tartane, de la Balancelle sont des désignations significatives ; ceux d’Annibal, de Roustan, d'Eugène correspondent aux noms de navires échoués sur les bancs ou hauts-fonds de l'embouchure. Un chargement de brai, en provençal pego, échoué à la pointe pu grand Rhône, a formé la première amorce du they de Pégoulier. Du côté de la mer, les îlots à fleur d’eau ou theys se garnissent, sous l'effet des vagues, d’un bourrelet sableux qui constitue le début de la plage. Les courants littoraux tendent à disposer cette plage transversalement au cours du fleuve, en formant la ligne du cordon littoral, ligne étroite à l’origine et laissant derrière elle des lagunes salées. Lors des crues du fleuve, les dépôts sableux les plus lourds s'arrêtent sur les hauts-fonds du they et les consolident en les char- geant. Les limons pénètrent dans les lagunes et les exhaussent, 244 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Quelques plantes salées se fixent sur les parties émergeantes en y formant des radeaux ou touradons, qui augmentent la stabilité du sol et favorisent la retenue de nouveaux dépôts lors des crues. Les sables de la plage, chassés par le vent, s'arrêtent dans les touffes de salicornes herbacées, tout à fait naines au début. Cet apport éolien joue un grand rôle dans la consolidation du cordon littoral'. Plus lard, la végétation s'établit plus complète, avec des buissons arbus- tifs, à mesure que le sol se relève sous forme de dune. La végéta- tion est ainsi le point de départ de la dune. Des graus (gradus) ou passages existent entre les theys ; ce sont des ouvertures que le courant du fleuve maintient: tels étaient les graus de Piemanson, de Roustan, qui furent fermés en 1857 au mo- ment de la construction des digues du Rhône. L’ingénieur Surell espérait, en fermant ces issues, augmenter le courant du fleuve dans la passe principale et rompre ainsi la barre qui formait un dange- reux obstacle pour la navigation. La barre se reforma plus loin, sans que la situation fût améliorée. C’est alors que fut créé le canal de Saint-Louis au Rhône, magni- fique chenal aboutissant dans le golfe de Fos. Cette œuvre est com- promise maintenant par le travail incessant du fleuve, qui a comblé en partie le golfe de Fos. Dans ces derniers temps, on a tenté de re- tarder l'invasion des dépôts en ouvrant les graus fermés en 1857. Il ne parait point que les efforts faits pour détourner le fleuve de la voie directe qu’il suit depuis longlemps aient abouti. Un nouveau et vaste projet dont l’étude est terminée, paraît devoir apporter une solution plus complète : c’est celui du canal de Marseille au Rhône, à travers l’étang de Berre. Pour atteindre le Rhône, ce canal de na- vigalion doit emprunter la dépression de l’ancien lit du Rhône con- nue sous le nom de Bras mort. Tels sont les phénomènes d’atterrissement qui, pendant la durée des siècles, ont constitué le delta étendu du Rhône actuel, Les terres ont surgi peu à peu du domaine maritime par la réunion des theys 1. MM. Flahaut et Combres : Observations sur la part qui revient au cordon littoral dans l'exhaussement actuel du delta du Rhône. (Bullelin de la Société languedocienne de géographie, 1594, p. 8.) COMPOSITION DES TERRES DE-LA CAMARGUE. 249 qui, successivement, ont pris naissance aux embouchures du fleuve. La mer a façonné ces ilots en les disposant en forme de cordon lit- toral, de lignes de dunes, que la végétation a fixées progressive- ment, laissant persister en arrière des lagunes et des étangs salés, que les débordements du fleuve venaient par moment colmater et exhausser. Par un phénomène commun dans toutes les parties basses des vallées, où la pente disparait, ces crues avaient pour résultat l’exhaussement des berges du fleuve et de son lit, par le dépôt des sables les plus lourds que le courant ne pouvait charrier. L'encom- brement du lit amenait des ruptures dans ces digues naturelles, en- traînant les diramations du fleuve et sa division en branches multi- ples. L'action colmatante s’est portée loujours en avant par suite de ces digues naturelles, et l'extension du delta s’est surtout faite sur les points extrêmes: à l’ouest dans les temps anciens, à l’est, au contraire, durant la période historique. La région centrale est restée en dehors des apports colmatants, comme le montre lexis- tence du Vaccarès et des étangs salés inférieurs qui en forment les dépendances jusqu'à la mer. L’endiguement naturel des bras du Rhône a d’ailleurs, depuis longtemps, subi des compléments artiti- ciels de la part de l’homme. Avant même que le système des digues insubmersibles fût établi en 1857, le fleuve n'avait plus d'action sensible sur son della intérieur, et il ne pouvait que fournir des élé- ments de consolidation pour le cordon littoral. Ces phénomènes sont classiques et bien connus des géologues ; ils constituent l’histoire de tous les deltas dans les mers intérieures sans marées. Les lignes de dunes que l’on rencontre jusqu'au sommet du della montrent les posilions occupées successivement par le littoral. Un de ces cordons littoraux anciens est particulièrement manifeste de- puis Fos jusqu’à Aigues-Mortes en traversant le Vaccarès, où les ra- deaux boisés (dunes basses) du Riège en constituent les vestiges très accusés, orientés de l’est à l’ouest dans la direction du rivage. La salure extrême des terres de Camargue s'explique aisément par leur mode de formation et surtoul par l’aridité du climat. Les alluvions qui ont formé le delta ont élé non seulement imprégnées d’eau de mer dans toute leur épaisseur, qui est considérable, mais encore celte éau s’est concentrée sur place, en arrière du cordon ‘246 ANNALES DE LA SGIENCE AGRONOMIQUE. Jitoral; dans les lagunes, les étangs salés, les baisses, que des coups de mer rémplissaient et que le climat aride desséchait. Le régime dés vents secs (N. et N.-0.) pendant ‘une grande partie de l’année ét l'insuffisance des pluies favorisent les phénomènes d’ascension capil- laire, c’est-à-dire la formation des efflorescences salines ou san- soutres. À vrai dire, cès phénomènes d’évaporation justifient ample- ment, à eux seuls, la salure des terres, même dans les parties les plus anciennément émergées. C’est par Paridité du climat que les terres salées de la Méditerranée diffèrent le plus des polders de Océan dù Nord. Depuis 1857, des digues élevées et continues ont élé établies le long des bras du Rhône afin de préserver les terres riveraines contre les débordements du fleuve. Mais, bien avant cette construction, les berges-avaient été endiguées plus où moins complètement par les propriétaires des terres hautes, qui avaient beaucoup à gagner à cette protection. L'ensemble du pays, formé de terres basses, est de- puis longtemps privé de l'influence délayante et colmatante des eaux douces. L'œuvre coûteuse des endiguements du Rhône demande un complément indispensable, c’est-à-dire un système général d’ir- rigation et de drainage. Ne doit-on pas considérer comme une ano- malie des plus choquantes le voisinage immédiat des masses d’eaux douces qui se perdent depuis des siècles à Ja mer et qui entourent ce territoire salé où leur emploi est le seul remède pour faire cesser sa désolante aridité? Les débordements du fleuve, à côté de leurs inconvénients, avaient du moins cette heureuse influence d'élever le niveau des terres et de les débarrasser superficiellement du sel de temps à autre. Au nord du delta, les terres atteignent le niveau élevé de 4 mètres au-dessus de la Méditerranée. Ce niveau se maintient sur une assez orande longueur le long des bras du fleuve, par suite des dépôts sablonneux qu’il a laissés sur ses berges au moment des crues. Ces sols, bien perméables et exempts de sel, sont naturellement les meil- leurs de la Camargue. La carte de l’État-major figure en teinte claire la plupart des terres élevées, dont l’origine remonte ainsi aux colmatages les plus directs du Rhône ou de ses dérivations. Au centre de la Camargue se trouve l’étang salé du Vaccarès, qui COMPOSITION DES -TERRES DE LA CAMARGUE. 247 en forme la dépression principale. Le fond de sa cuvette est à 1",20 au-dessous du niveau de la mer ; sa surface est d'environ 6 480 hec- tares. Plane et basse comine, une plage du côté ouest, la côte de cette petite mer intérieure est au contraire abruple et découpée au nord el à l’est. Le Vaccarès est en communication avec les marais par des canaux d’écoulage ou égouts. Les marais reçoivent eux-mêmes les écoulages des terres de la Camargue moyenne et supérieure ; leur superficie alteint environ 8 000 hectares. En hiver, le Vaccarès se remplit plus ou moins complètement, mais, vers le milieu de l'été, l’évaporation est généralement assez active pour le dessécher pres- que complètement, ainsi que les étangs salés inférieurs, moins pro- fonds, qui en forment les dépendances jusqu’au cordon littoral ac- tuel. La salure du Vaccarës est très forte ; aussi toute celte surface desséchée se couvre-t-elle, Pété, d’une croûte cristalline d’un blanc éclatant. Les étangs inférieurs sont au niveau de la mer et étaient au- Lrelois en communication permanente avec elle par des pertuis ou graus naturels, découpant le cordon sableux du littoral. La Méditer- ranée avait ainsi accès Jusqu'au Vaccarès et remplissait sa cuvette lorsque son niveau s'élevait sous l’influence des vents du large. Les dunes du cordon littoral se sont trouvées gênées dans leur forma- tion par ces incursions des eaux marines qui en rompaient les digues naissantes. La salure du Vaccarès ne pouvait que s’accroitre dans ces conditions qui en faisaient un vaste marais salant. Une digue a été maintenant érigée en arrière de la plage, à travers les étangs in- férieurs, pour empêcher cette pénétration des eaux marines et per- mettre d’utihser la dépression du Vaccarès pour le drainage général des marais el des terres. Get ouvrage s'étend sur une longueur d’en- viron 49 kilomètres, formant un levadon continu de 2",20 de hau- teur au-dessus de la mer, hauteur suffisante pour arrêter les eaux marines soulevées par les tempêtes du large. La digue à la mer est la seule chaussée ou roule praticable à travers cette région sauvage et désolée de la basse Camargue. Dans les parties qui traversent les anciennes baies ou lagunes faisant communiquer autrefois les étangs avec la mer, la digue est protégée par des remparts de pilotis et de fascines disposés pour empêcher l’action érosive des vagues. Une large issue fermée par des vannes permet de laisser écouler à la mer 248 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. le trop-plein du Vaccarès el des étangs inférieurs. Cet ouvrage con- tribuera à affermir le cordon littoral en empêchant la circulation des eaux à travers les pertuis et les baisses qui étaient librement ouver- tes vers la mer. La digue à la mer a coûté 1 200 000 fr. Son entretien incombe au syndicat des propriétaires de la Camargue, intéressés à maintenir l'intégrité des écoulages dans la cuvette du Vaccarès. Nous aurons décrit sommairement l’aménagement des eaux dans la Camargue, en signalant les roubines qui la traversent en emprun- tant l’eau sur l’une ou l’autre des branches du fleuve, à travers les digues, pour desservir sur leur parcours de nombreux domaines. Ces dérivations sont entretenues par des syndicats d'arrosage dont la création est fort ancienne. Mais le niveau auquel s’alimentent la plupart des roubines et la faible pente dont elles disposent, ne per- mettent point d’uliliser ces dérivalions pendant tout le cours de l'année. Lorsque les eaux du Rhône sont basses, beaucoup de ces prises sont à découvert; l’eau fait alors défaut, même pour l’ali- mentation des animaux. Ces syndicats se sont reconstitués dans le but d'améliorer leurs prises et de les alimenter en basses eaux par de puissantes installa- tions mécaniques établies contre les digues du Rhône. Beaucoup de propriétaires isolés ont eux-mêmes créé, pour la submersion des vi- gnobles, l’établissement de rizières, l'irrigation des prairies, des dérivations importantes, capables de puiser en tout temps dans le Rhône. Cet emploi abondant de l’eau est le seul remède à opposer au sa- lant. Mais il n’est pas sans inconvénient pour les propriétés voisines. Les eaux douces lancées dans les terres les lavent, mais en chassant dans le sous-sol les sels nuisibles. À défaut de drainages et d’écou- lages convenables, ces eaux charrient le sel dans le sous-sol des do- maines voisins, et cela dans un rayon souvent fort écarté. L'existence de sous-sols formés quelquefois de sables très perméables, recou- verts par des alluvions argileuses, explique ces mouvements et ces déplacements d’eaux salées souterraines, dont l'ascension vient cau- ser de graves dommages. Aussi peut-on dire que toute irrigation et submersion réclament, en Camargue, des drainages et des écoulages COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 249 correspondants très parfaits. Lorsque le niveau des terres est insuf- fisant pour les obtenir par pente naturelle, il est nécessaire de creu- ser des fossés profonds dans lesquels peuvent se réunir les eaux salées provenant du lavage du terrain. Ces eaux sont reprises ensuite el élevées à un niveau supérieur pour être éliminées par des canaux de vidange aboulissant à la mer ou au Vaccarès. Telle est l'installation de plusieurs domaines importants de la basse Camargue, installation qui a permis de mettre en valeur de vastes surfaces de lerres basses occupées par des sansouires, et qui sont à présent transformées en prairies irriguées ou en vignobles submer- gés. Mais lirrigation, dans de telles conditions, est beaucoup plus onéreuse; c’est toutefois le seul moyen d’accroitre la profondeur utile de terres salées dont le niveau n’est guère supérieur à celui de la mer. Les cultures de la Camargue se résument en celles des céréales, des prairies naturelles et artificielles, enfin, et surtout, en celle des vignes. D'immenses espaces incultes, occupés par la steppe salée, plaine de salsolacées et de sansouïres, servent à l'élevage des mou- tons, qui est assez important. Les manades de bœufs et de chevaux sauvages (races camarguaises) sont plus rares qu’autrefois et tendent à se réduire de plus en plus. Les céréales sont réservées aux terres suffisamment élevées ou préalablement lavées et longtemps soumises à l'irrigation. Par l’em- ploi des engrais azotés, le blé atteint des rendements de 18 à 25 hectolitres au lieu de 10 à 15 sans fumures. Les prairies irriguées fournissent 8 000 à 10 000 kilogr. de foin par hectare. Dans les an- nées qui ne sont pas trop sèches, la luzerne, même en sol non irri- gué, donne des récoltes rémunératrices, fait excceplionnel sous le climat de là Provence, où cette plante est toujours conduite à lirri- gation. Cette légumineuse tolère d’ailleurs la présence d’une faible proportion de sel. L'établissement temporaire de rizières, essayé depuis longtemps en Camargue, doit être considéré comme un des moyens les plus rapides pour délaver les terres et les préparer à porter des prairies irriguées ou des vignes à la submersion. Deux années de maintien en rizières assurent ce résultat. Cette culture réclame, en effet, la 230 .. ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. présence constante d’une nappe d’eau pendant la durée de la crois- sance de la plante. Elle exige un nivellement préalable très soigné du terrain, car, au début, après l’ensemencement du riz, en avril ou mai, une couche d’eau très mince ‘doit seulement recouvrir le sol pour faciliter la levée des grains, qui, mal assujettis dans le sol, pourraient êlre déplacés par le clapotement de l’eau sous l'influence du vent. Il importe aussi de laisser la terre s’échauffer. Lorsque la plante s'élève, on augmente progressivement, jusqu’à 0",12 ou 0",15, épaisseur de la tranche d’eau. On récolte en septembre de 20 à 40 hectolitres de grain non décortiqué, d’une valeur moyenne de 15 fr. l’hectolitre’. Ainsi donc, la culture du riz fournit par elle-même un résultat rémunérateur, tout en permellant la transformation rapide d’un sol stérile en terres irrigables ou submersibles. Mais elle exige une excellente préparation du terrain, des nivellements, des fossés d’écou- lage, des canaux d’amenée, etc., et de très grands volumes d’eau, distribués pendant la période la plus sèche de l’année. La création des rizières nécessite donc, dans les conditions actuelles du pays, un aménagement des eaux permettant d'en disposer abondamment, même en période de bas étiage du Rhône. Les riverains du Rhône ou les syndicats d’arrosants qui disposent d'installations mécaniques pour élever les eaux du fleuve peuvent seuls appliquer à leursterres ce système si rationnel d'amélioration. La culture de la vigne est le but vers lequel s’orientent les pro- priétaires de la Camargue. Une grande partie des dunes sableuses est occupée par celte plante. Les terres d’alluvion lui ont offert un milieu des plus prospères en appliquant la submersion, qui inter- vient à la fois pour annuler l’action phylloxérique et pour éloigner le sel. Les vignes submergées et abondamment fumées arrivent en Ca- margue à d'énormes rendements: 100 hectolitres en moyenne sur beaucoup de domaines importants, mais parfois jusqu’à 200 hecto- litres et plus encore sur quelques terres privilégiées. Le vignoble 1. De la Mise en cullure des terrains salés, J.-J. Bose, dans le Bas-Rhône, août et octobre 1892. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 291 est conslilué comme dans la plaine de l'Hérault avant l'invasion phylloxérique : il comporte en général la moitié en aramon et l’autre moitié en carignan. el petit-bouschet. Ce sont là les cépages qui se comportent le mieux à la sabmersion. On y rencontre aussi assez fréquemment le jacquez, qui supporte les terres faiblement salées. On plante, par suite, ce cépage dans les parties humides et basses. Les vins de la Camargue sont peu alcooliques, mais d’une grande franchise de goût. C’est bien à tort qu’on les considère souvent comme inférieurs à ceux des plaines de la région méridionale dont, en réalité, ils ne diffèrent pas. Certaines années chaudes ont été défavorables à la vinificalion en provoquant des accidents de fermentation analogues à ceux qui se présentent souvent en Algérie et en Tunisie. Les progrès de l’œno- logie auront raison de ces difficultés, d’ailleurs exceptionnelles. Ainsi que les vignobles de plaines à production abondante, le vi- noble de la Camargue est en mesure de traverser moins difficile- ment que d’autres la crise viticole actuelle, c’est-à-dire la dépréciation du prix des vins. Cependant de nombreux frais incombent aux pro- priélaires de cette région, dont la cote foncière est chargée de taxes spéciales pour l’entretien des {ravaux d’endiguement et d'arrosage. Les frais de culture de la vigne sont élevés dans ces terres limoneu- ses, qu'il faut constamment ameublir pour éviter l’évaporation et la remontée du-salant. L'emploi des empaillages est souvent obligatoire dans le même but. Des fumures azotées copieuses sont indispen- sables pour accroître la fertilité du sol, pauvre en azote. Enfin, la lutte contre les parasites cryplogamiques : oïdium, antrachnose et surtout mildew, nécessite de la part des viticulteurs des soins cons- tants et onéreux, sans compter encore d’autres fléaux, spéciaux à la Camargue, tels que celui des sauterelles. Sous tous ces rapports, la Camargue est moins bien partagée que.les plaines méridionales de l'Hérault et de l’Aude, dont les parties imprégnées de salants sont bien plus réduites. Le climat de la Camargue est rigoureux : froid et humide lhiver, alors que ses marais et ses étangs se remplissent, 1l devient, au con- traire, chaud et aride en été. Les vents du nord et du nord-ouest (mistral) règnent en maitres sur ce territoire uniforme, et l’évapo- 252 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ration intense qu’ils provoquent ramène à la surface du sol le sel que les eaux pluviales ont éloigné temporairement. Les pluies sont d’ailleurs assez peu abondantes en Camargue, irrégulières, plus rares encore dans la basse que dans la haute Camargue. Si l’on con- sulte les tables pluviométriques des différentes localités de la Ca- margue, on verra que certaines années peuvent être considérées comme offrant un climat véritablement aride. La moyenne pluvio- métrique annuelle est inférieure à 0",500, et l’on comprend Pin- fluence capitale que crée ce régime d'insuffisance pluviale pour un territoire dont le sol est pénétré de sels nuisibles à la végétation. Durant la période hivernale, les communications deviennent im- praticables sur les chemins glaiseux, détrempés, qui, l'été, consti- tuent d'excellentes pistes. L’horizontalité du sol masque jusqu’au dernier instant les obstacles, étangs salés, marais, canaux et rou- bines qui découpent le pays, sur lequel aucun point saillant n’appa- raît ; seuls les propriétaires connaissentles passages qui sont pratica- bles, suivant les saisons, dans cette steppe d’enganes el de marécages. Ces difficultés surgissent dès que l’on s’écarte des grandes voies de la circulation. Quoique la culture de la vigne et l'extension des arrosages aient grandement modifié la Camargue, le pays reste néanmoins couvert d'immenses espaces de landes désertes, terres de parcours pour les troupeaux, dont la végétation est uniquement composée de sali- cornes où enganes (Salicornia fruclicosa, macrostachya, sarmen- losa), auxquelles se mêle toujours, comme espèce dominante, l’Atri- plex portulacoides (fraumo en provençal); çà et là, des espaces plus ou moins considérables, stérilisés par l'excès de sel, couverts d’ef- florescences, s'étendent entre ces plantes. L’engane forme le fond des pacages où paissent les manades, les taureaux noirs et les che- vaux blancs de Camargue *. Au voisinage des mas, construits près des roubines, les ombrages apparaissent, grands el majestueux par contraste avec la maigre vé- gélation du pays. Formés d’ormeaux, de frênes, de peupliers, d’aul- 1. Ch. Flahault et P. Combres : Sur la flore de la Camargue et des alluvions du Rhône, (Bulletin de la Société botanique de France, t. XLI, 12 janvier 1894, p. 42.) o COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 295 nes, de saules et de platanes, ils constituent souvent de véritables oasis. Le sol salé est, en effet, un obstacle à la croissance des arbres et ce n’est qu’au voisinage immédiat des digues du Rhône ou des roubines qu’ils peuvent atteindre un grand développement. Leur présence est donc un signe certain de la douceur du terrain. Seuls les tamaris supportent la présence du sel; encore n’atteignent-ils de fortes dimensions que là où la terre n’en est que peu chargée. Par leurs vastes étendues de sansouires, certaines parties de la Camargue rappellent l'aspect des plaines salées de l'Afrique du Nord, les sebkras de l’Oranais et de la Tunisie. L’atmosphère moins trans- parente, la planitude du sol plus uniforme sur de grands espaces, causent une impression plus morne encore que celle des déserts sa- lés africains, Par contre, les montilles couvertes de pins parasols, qui forment dans la petite Camargue les bois de Sylve-Réal, du Clamadou, de Brasinvert, offrent des paysages d’une extrème élégance et en même temps le contraste d’une végélalion puissante au milieu de launes salées et infertiles, marécageuses en hiver. A côté de cette espèce de pin, la plus précieuse de toutes, se trouve le genévrier de Phénicie (genévrier morven), plus caractéristique de la flore de Camargue, et qui domine à l’état arbustif sur les dunes basses de Riège, au sud du Vaccarès. Plus haut en Camargue, à Badet, Icard, elc., existaient des montilles également boisées en pins pignons, maintenant nive- lées et converties en vignobles. Quelques beaux spécimens de ces arbres, heureusement épargnés, signalent au loin la position du Mas de Badet. Les aspects de la Camargue sont difficiles à décrire : ils sont es- sentiellement changeants et plus variés que ne le ferait supposer la planitude du pays. Le ciel et les jeux de lumière qu’il présente y créent surtout l'intérêt du paysage. Les surfaces réfléchissantes des étangs, celles des sansouires blanchies par le sel, multiplient en effet celte image. Au lever et au coucher du soleil, la morne steppe salée se pare d’un éclat oriental en s’illuminant de toutes les teintes du ciel lui-même; mais ce brillant spectacle, qui contraste avec l’aridité du milieu, s’évanouit promptement. Pendant l’ardeur solaire, Pair 254 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. surchauffé qul s'élève de la plaine trouble la limpidité de l’atmos- phère ; la vue des objets quelque peu éloignés devient indistincte et tremblante ; du même fait résultent les illusions du mirage. La mo- notonie de la région se manifeste dans sa désolante intégrité sous un ciel couvert. Constitués d’impressions lumineuses intenses, mais fu- gilives, les aspects pittoresques de la Camargue sont, par suite, dif- ficiles à fixer. L’uniformité de la steppe disparait le long des anciens cours du Rhône, transformés en canaux et en roselières ; le sol lavé en pro- fondeur y permet la croissance d'arbres magnifiques. Mais ces par- lies boisées sont exceptionnelles et ne représentent qu’une faible superficie par rapport à l'ensemble de la région. La Camargue était autrefois très fiévreuse. Elle est. maintenant bien améliorée sous ce rapport ; les accidents paludéens y sont moins fréquents et moins graves qu'’autrefois, Un fléau qui n’a pas diminué est celui des moustiques, surtout abondants en automne. Deux lignes de chemin de fer permettent depuis peu l'accès facile du delta. L'une aboutit aux Saintes-Maries, l’autre dessert le Salin de Giraud. Ces voies sont extrêmement fréquentées, et l’on peut dire que leur établissement favorise grandement le développement agri- cole du pays. Grâce à ces facilités de communication, le village des Saintes, naguère l’un des plus isolés de France, est devenu le ren- dez-vous de villégiature d'Arles, dont les habitants viennent en foule occuper la plage pittoresque illustrée par le poème de Mireio. . La Camargue ne pourra toutefois tirer parti de son sol éminemment fertile que le jour où un système général d’irrigations abondantes en permettra le lavage méthodique et l'irrigation complète. Composition des terres de la Camargue. Le cours lorrentiel du Rhône se termine à 10 kilomètres au-des- sous de Tarascon, et le fleuve, à 5 kilomètres au-dessus d’Arles, ne charrie plus que des sables et des limons. Les Lerres de la Camargue sont consüiluées par les matériaux fins résultant du travail d’érosion et de broyage mécanique que les glaciers des Alpes, ainsi que le fleuve et ses affluents, pour la. plupart torrentiels comme lui, ont dut 19 % COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 299 élaboré dans leur parcours. On ne trouve en Camargue aucune pierre, pas même des graviers, contraste bien frappant avec la plaine de Crau, voisine, si chargée de matériaux volumineux. La couleur des terres du delta est grise ou gris jaunâtre. Les terres sont argilo- calcaires avec prédominance tantôt de limon, tantôt de sable. Elles ne laissent au tamisage que quelques coquilles terrestres et une faible proportion (0.2 à 1.5 p. 100) de débris organiques. Au voisinage des bras actuels du Rhône et de ses anciens lits, le sol est plus sableux et plus souple que dans l'intérieur de l'ile. Mais ces alluvions sableuses forment des zones, même à distance considé- rable des bras actuels, accusant ainsi les diramalions anciennes du fleuve. Les couches limoneuses et sableuses alternent d’ailleurs dans la profondeur du sol de la Camargue, marquant la nature et lim- portance des crues. Les terres varient, en somme, d’une manière insensible, depuis l’alluvion souple jusqu’au terrain compact. Mais ces varialions sont irrégulières, souvent assez tranchées pour des sols très voisins. Dans un grand domaine de Camargue, on peut, pour ces motifs, rencontrer la plupart des variétés de sols qui existent dans l’ensemble du delta. A la formation flaviale et marine que nous avons esquissée dans le premier chapitre, se joint en Camargue celle des dunes, dont l’origine est toujours dans les alluvions du Rhône, mais dont le mode de dépôt est bien différent. Les dunes sont les dépôts éoliens des sables triés par la mer et rejetés par elle sur le cordon littoral. Des dunes existent jusqu'au sommet du delta, mais elles sont beaucoup plus développées à sa base et particulièrement dans la région ouest et sud-ouest, aux environs des Saintes-Maries, dans la petite Camargue ct jusqu'à Sylve-Réal et Montcalm, à Aigues-Mortes surtout. Les terres de Camargue peuvent être classées suivant ces deux modes distincts de formation. Nous étudierons successivement : 1° Les terres d’alluvions ; 2 Les dépôts éoliens ou dunes. > “Pts » Es LT Hnls 256 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 1. — Les lerres d'alluvions de la Camargue. Les analyses nombreuses qui figurent plus loin dans ce rapport montrent la grande uniformité de composition des sols d'alluvion de la Camargue. Cependant ces sols offrent une fertilité des plus iné- gales. La cause principale de ces inégalités est dans la présence ou l'absence du salant. Certains sols sont chargés de sels jusqu’à la sur- face, tandis que d’autres n’en renferment qu’à une profondeur assez grande. La fertilité des terres est presque directement proportion- nelle à la profondeur de Lerre qui se trouve exempte de sels nui- sibles. Les 1rrigations et les submersions éliminent, en lavant la couche arable, ces corps nuisibles. Elles les chassent dans les fossés de drainage et dans les couches du sous-sol. Par contre, l’évapora- tion superficielle, en activant les phénomènes capillaires, tend sans cesse à ramener ces corps solubles à la surface. Dans le chapitre spécial relauf à la nature du salant de la Camargue, nous étudierons plus complètement ces phénomènes. Nous devons rester à présent dans les généralités et incriminer surtout le sel marin, dont les ter- res du delta sont fortement imprégnées. L'alüitude des terres au-dessous du plan des écoulages artificiels ou naturels se trouve êlre, pour ces moufs, la condition prépondé- rante qui détermine la valeur agricole d’un sol. C’est à ce titre que la classification qui suit rend à peu près compte de l’aplitude cultu- rale des terres du delta. Au niveau de la mer, les sols dépourvus d’écoulages artificiels sont couverts d’efflorescences salines et ne portent aucune végéta- lion, car les plantes à sel redoutent elles-mêmes un trop grand excès de ce corps. Dès que le niveau se relève un peu et que le lavage naturel peut s'effectuer sous l'influence des pluies, apparaissent les soudes ou salsolacées diverses, naines ou arborescentes, suivant l’abondance du sel. Ge sont les pâturages à enganes, coupés de san- souires, qui couvrent en Camargue d'immenses étendues. À 0",50 au-dessus des écoulages, on ne peut guère obtenir que des roseaux, triangles et autres plantes marécageuses, fournissant COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 2517 des lilières ou des empaillages recherchés pour lPexploitation de terres cullivées. De 0,50 à 1 mètre apparaissent les prés palustres à fourrages très médiocres. De 1 mètre à 1,50, les céréales el les fourrages blancs réussis- sent assez bien. La réussite de toutes les cultures devient entière à la cote de 2 mètres. Au-dessus de ce niveau figurent les meilleures terres de la Camargue. Cette classification serait tout à fait exacte si toutes les terres du della jouissaient d’écoulages directs correspon- dant à leur cote d'altitude. Il n’en est pas ainsi en réalité, car les pentes sont si faibles, que les fossés de drainage ne suflisent point à écouler les eaux issues des terrains, et nombre de terres qui se trouvent à des niveaux favorables sont insuffisamment drainées. Tou- tefois, cette nolion de la valeur des terres proportionnelle à leur alütude est néanmoins exacte pour l’ensemble de la région. Dès que le sel est éliminé sur une tranche de terrain de 0",50 à 0",60 de profondeur, on obtient en Camargue des terres éminem- ment fertiles là où régnait auparavant la lande salée. Les terres comprises entre les digues et le fleuve, qui sont restées exposées aux inondations périodiques et ont pu subir un dessalement profond, les ségonneaux, montrent par leur admirable fécondité ce que se- raient toutes les terres du della si les corps nuisibles qui les imprè- gnent pouvaient être définitivement écartés. Une élimination complète est évidemment impossible, même pour les Lerres élevées de la Camargue, la profondeur des couches du sous-sol étant considérable et ces couches se trouvant impré- gnées dans toute leur masse. Sous l’effet de la capillarité, le sel ren- fermé dans les couches profondes tend sans cesse à remonter à la surface. Mais, dès que les sols sont à un niveau convenable, cette ascension est combaltue par le refoulement des eaux pluviales an- nuelles. L’ameublissement constant du terrain, en favorisant l’ab- sorption des eaux météoriques et en retardant l’évaporalion superfi- cielle, produit aussi le refoulement de la nappe salée du sous-sol. L'application d’empaillages sur le sol suspend ou retarde l’évaporation et conduit au même résultat. Tels sont les moyens dont disposent Les propriétaires de Camargue ANN. SCIENCE AGRON. — 9° SÉRIE. — 1598. — 1. 17 Vin RIM re tin, 258 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. pour lulter contre le milieu salé où s'exerce leur activité. C’est par un travail opiniâtre qu'ils réussissent à préserver les cultures de la remontée du salant, toujours menaçante au moindre relächement des façons culturales. Une bonne terre, abandonnée pendant quel- ques années, devient, en Camargue, lerre salée et perd une grande partie de sa valeur. Il fallait rappeler ces particularités des sols du delta avant d’ana- lyser leur constitution chimique et physique qui se trouve tout à fait dominée par celte queslion du salant. Les limons du Rhône qui ont constitué la Camargue sont plus sa- bleux que ceux de la Durance et, par suile, beaucoup plus favorables que ces derniers au point de vue physique. Ils sont riches en débris de roches primilives, feldspath, micas, arrachés aux pentes des Alpes, broyés par les glaciers, et offrent de ce fait une très grande teneur en potasse soluble dans les acides et en potasse insoluble. A l'égard de cet élément de ferulité, les sols de la vallée du Rhône doivent être considérés comme inépuisables. Le tableau qui suit ren- ferme les analyses de 23 terres du delta du Rhône appartenant à la catégorie des sols alluviaux. J'ai ajouté sous les n° 24 à 26 les analyses de trois terres recueillies hors de Camargue, dans les an- ciens marais desséchés d'Arles, mais dépendant toujours des forma- tions du Rhône et de la Durance. Dans cette série d'analyses se (trouvent des terres salées et non sa- lées. L'espace ne permettant pas de mentionner dans le tableau des analyses les désignations de chacune des terres étudiées, nous avons porté ces indications dans la liste qui suit : Désignations des sols alluviaux de la Camargue dont l'analyse chimique et physique figure sous les numéros correspondants dans les tableaux I et II. 1. — Basse Camargue, Faraman, clos de la Vigie. Terre soumise au lavage préalable par l'établissement de rizières, submergée depuis 1887 et cultivée en vignes. L'échantillon correspond à une couche de 0",40 d'épaisseur ; il a été pris dans un point où la vigne est très vigoureuse et où le terrain, sol et sous- sol, est meuble et friable. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 299 9, — Môme clos que le précédent; échantillon pris dans un point voisin où la végétation fait défaut et où le sol, huit jours après la submersion, est très compact. 3, — Basse Camargue, domaine de Belugue. Échantillon pris sur une terre à céréales cultivée depuis plusieurs années et jamais arrosée. Sol et sous-sol friables, L'échantillon correspond à une couche de 0",40. Le clos où il a été pris est situé près du chemin allant de Faraman à Tourvieille. 4. — Môme domaine que le numéro précédent. Echantillon pris sur une couche de 0%,40 dans une terre vierge voisine, couverte d'enganes peu vigoureux. >. — Basse Camargue, domaine de Gouine. Échantillon pris sur une sansouire n'offrant aucune trace de végétation, près la voie ferrée dans la direction de Faraman. Sol compact ; couche de 0",40. 6. — Même domaine que le précédent. Échantillon pris à 15 mètres de distance dans un point recouvert de jones, graminées et mousses. Terre vierge non arrosée ; couche de 0,40. Ges six premiers échantillons ont été recueillis par M. de Laroque, pro- fesseur d'agriculture des Bouches-du-Rhône. 7. — Camargue moyenne. Mas d'Alivon, près du petit Rhône. Échantillon pris sur 0,45 d'épaisseur dans une vigne submergée en terrain d’alluvion assez fort, n'offrant aucune tache de salant. Vignes superbes. 8. — Mème domaine, terre haute contre la digue du Rhône; sol léger, sableux, complanté en vignes traitées par le suliure de carbone. Couche de 0,40 d'épaisseur. 9. — Haute Camargue. Mas de Roy, au sommet du coude du petit Rhône. Vigne de la Chaussée, attaquée par le phylloxéra en 1871 et submergée. Première application de la submersion en Camargue. Type d’alluvion souple, couche de 0,40 d'épaisseur. 10, — Même domaine. Terre dite du Salant, alluvion moyenne plutôt souple. L'échan- tillon a été pris dans une partie où la vigne est belle. Couche de 0,40 d'épaisseur. 11. — Sous-sol du n° 10, couche de 0",40 à 0",80,. 12. — Même domaine et même clos, vignes également belles, couche de 0,40. 13. — Petit plan du Bourg. Mas de la Ville. Alluvion compacte au nord de la Machine. Échantillon pris sur une profondeur de 0,40 dans une vigne submergée superbe. 14. — Même domaine ; alluvion de moyenne consistance ; couche de 0,40. Aramons submergés très beaux. 15. — Même domaine. Alluvion légère sablonneuse, au midi du clos de la Machine. Vignes submergées magnifiques. Couche de 0",45 d'épaisseur. 16. — Grand plan du Bourg. Mas Thibert ; sol argileux de moyenne consistance. 17. — Petit plan du Bourg. Mas de la Ville; clos situé près de la route, salé et sans végétation, soumis depuis au drainage. Couche de 0,50. 260 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. 18. 12 12 — Mas de Roy. Terre dite du Salant. Partie la plus salée, plantée en vigne et submergée depuis 1878, sans végétation. Couche de 0",40. . — Marais de Faraman. Couche argileuse supérieure d'une épaisseur de 0,20 à 0",30. . — Marais de Faraman. Couche sableuse recueillie au-dessous de la couche précé- dente. . — Aigues-Mortes. Port Viel. Terres hautes de marais, très peu fumées, à 0,80 d'altitude au-dessus de la mer, ayant porté du blé et de l’avoine en cultures alternées avec jachère. Couche de 0,40. Zone de contact des limons du Rhône et de ceux du Vistre et du Vidourle (propriété Louis Gros). . — Même domaine. Terres salées de marais à 0,20 au-dessus du niveau de la mer. Couche de 0",40. . — Même domaine. Marais et marécages, roseaux et triangles presque au niveau de la mer, avec eaux saumâtres. 4. — Anciens marais desséchés d'Arles, près Montmajour, Mas de la Forêt. Clos de cinsaut submergé. Couche de 0",40 (propriété de M. Divonne). . — Même domaine. Pièce submergée Esperalonga. Couche de 0®,40. . — Même domaine. Cadenet, vigne submergée de 50 hectares en morastel. Couche de 0,40. < Ces trois derniers échantillons sont formés de terres fortes dépendant plutôt des alluvions de la Durance que de celles du Rhône. Elles portent de magnifiques et importantes plantations de vignes. TABLEAUX. es = = — = S SG Yy &0°9Y co” 1F'€Y CT CF SG 67 cc 99 €S'YG 8e" rc u Gh'EC | cy'gc | ‘o[dnjosur o01jis Jo SoqnIOSur SOJUOIIS ë ü 2 880 °0 EGE'T 0Y0'0 0770 #G1'0 899°0 TE 0 C 1 A Te EE 0 ACTA NCA) . : . : Dee : . 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Tableau II. — Analyses physiques de quelques sols alluviaux l Sable. . NT Impalpable. . { Sable. . N° 2-4 l | Impalpable. . { Sable. . A N°23 { Sable. . N° 4 Impalpable. . Sable. . Impalpable. . née NOTGES { Sable. . N° 16: Impalpable. . Impalpable. . Impalpable. . 43. 24. 95. de la Camargue. siliceux. .5 (calcaire. . débris organiques. siliceux. 45 ‘ argile et humus. . calcaire . . siliceux. 12%calcare: © débris organiques. sillceux, ».28 « argile et humus. . calcaire, . siliceux. .04< calcaire. . s débris organiques. siliceux. .96 « argile et humus. . calcaire. . siliceux. . 39 « calcaire. . ‘ débris organiques. siliceux. 65 { argile et humus. . (calcaire. . siliceux. .64« calcaire. . = débris organiques. siliceux. .36 { argile et humus. . calcaire. . siliceux. .33 { calcaire. . : débris organiques. siliceux. .67 « argile et humus. . calcaire. . siliceux. .95 calcaire. . : | débris organiques . siliceux . .05 « argile et humus. . | calcaire. . .55 p. 100 .99 .Of COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 263 SALE CR MEME 0 13.50 p. 100 { Sable. . . . 24.40 calcaire. . ; 9.30 — No 95 | débris organiques. . . 1260 — | SUCER ee ne laser alle A0/4100e— | Impalpable. . 75.50 argile et humus. A0 PCAÏC AIRE EEE ren retro re 262800 L'examen du tableau I met en évidence la teneur assez élevée et très uniforme des sols alluviaux de la Camargue en acide phos- phorique, confirmant ainsi une observation ancienne de M Paul de Gasparin au sujet de la grande constance de réparütion de ceLagent primordial dans les terrains de même formation. La proportion moyenne atteint presque 1,5 par kilogramme de terre, chiffre sensiblement supérieur à celui reconnu par nous dans les limons de Ja Durance. D’un avis unanime, les irrigateurs considèrent les li- mons du Rhône comme bien supérieurs à ceux de la Durance, et celte opinion est justifiée non seulement par leur nature physique, moins compacte et plus sableuse, mais aussi, on le voit, par leur ri- chesse supérieure en acide phosphorique. Nous avons signalé plus haut l'abondance de la potasse. La pro- portion de ce corps soluble dans les acides dépasse le plus souvent 2 gr. par kilogramme. Sur les terres encore salées ou qui viennent de subir le lavage, elle atteint 4 et 5 gr. Si on ajoute que ce même agent existe en proportion considérable, variant de 14 à 17 gr. par kilogramme, dans la partie des silicates insolubles dans les acides, on sera renseigné sur l'inulilité absolue des fumures potassiques. Ce fait important n’est pas assez connu des propriétaires de la Ca- margue, qui souvent, et bien à tort, emploient des engrais potassi- ques, notamment du sulfate de polasse, car le chlorure a été reconnu nuisible. Par quelques expériences de famures comparatives avec et sans potasse, les propriétaires pourront bien facilement vérifier le fait que cet agent de fertilisation ne manque pas dans leurs terres et que son emploi constitue une dépense en pure perte. Nous verrons plus loin que, même dans les sables peu argileux dont la richesse en potasse soluble dans les acides est souÿent faible, la justification dont nous parlons a été fournie avec toute évidence. L'azote est moins bien représenté que les corps précédents ; son +, Lie. hat . à-- 264 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. litre varie dans les terres dans des limites très étendues. Les sols vierges en renferment généralement moins de 1 gr. par kilogramme. Le taux est encore plus faible dans les terrains salés où la végétation spontanée fait défaut. Il s’élève, au contraire, dans les terres culti- vées et dans les anciens marais. On peut dire que l'emploi des fumu- res azotées règle en Camargue la production du sol partout où le sel n'intervient pas pour nuire aux cultures. Paul de Gasparin avait si- gnalé autrefois cette remarquable ulilisation des fumures azotées en Camargue et il en attribuait la cause à l’influence du sel, qui « neu- traliserait la disposition des pores de l'argile à absorber et à conser- ver la partie active de l'engrais à l’état latent' ». Une telle hypothôse n’est guère admissible, car on sait que la présence du sel empêche la nmitrification et nuit ainsi à l'emploi des fumures azotées?» Ces der- nières marquent promplement et proporlionnellement à leur abon- dance dans les terres bien lavées de Camargue, simplement parce que ces sols sont, d'autre part, abondamment pourvus en potasse et en acide phosphorique, condition fondamentale qui permet aux fu- mures azotées de produire leur maximum d'effet. Les meilleures condilions se trouvent d’ailleurs réunies, une fois ce lavage opéré, pour assurer leur rapide nitrification : les terres sont calcaires, en général bien perméables, fortement ameublies par des labours cons- an:s appliqués pour combattre les effets de la capillarité. Enfin, sui- vant la remarque que nous en avons faite dans notre précédent tra- vail, à propos des limons de la Durance, l'azote renfermé dans les limons doit être considéré comme difficilement assimilable, de telle sorle que c’est bien cet élément qui manque surtout aux terres du delta et dont, par suite, l'apport artificiel est le plus indispensable aux cultures. Les engrais organiques, fumiers, tourteaux, chiffons de laine, ete., qui divisent le sol, sont spécialement à recommander, parce qu'ils contribuent à réduire sa continuité et à diminuer par suite sa capil- 1. P. de Gasparin, Comptes j'endus de l’Académie des sciences, 1851, t. 32, p. 696, 2. Recherches sur la décomposition des matières organiques. Docteur Wolny, mémoire reproduit dans les Annales de la science agronomique, 1891, t. II, p. 298. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 265 larité, Les empaillages dont on garhit les terres, afin d'empêcher leur évaporation rapide qui facilite la remontée du salant, apportent aux terres de l’azote et surtout de la matière organique qui fait dé- faut dans les limons de la Durance et du Rhône. L’humus est si rare dans les terres de Camargue que, mises en contact avec des solutions alcalines qui dissolvent ce corps, elles fournissent des liquides géné- ralement incolores. Seules les terres formées d’anciens marais of- frent une teneur notable en humus et colorent un peu ces solutions. L'un des engrais les plus répandus en Camargue et qui y produit d'excellents résultats est le tourteau de sésame, qui renferme 6.5 p. 100 d'azote en moyenne. On utilise aussi, avec grand avantage, la cornaille, les chiffons de laine, le nitrate de soude, dont l’emploi n’est toutefois à conseiller que sur les terres bien lavées et assez ar- aileuses. Les sols de Camargue contiennent de petites proportions d’acide sulfurique, d'autant plus qu'elles sont plus salées. Peut-être devrait-on recommander le plâtrage, mais plutôt comme agent physique que comme agent chimique. Nous reviendrons d’ail- leurs ultérieurement sur cet emploi du plâtre en parlant du salant alcalin. Il nous paraît que cet agent peut intervenir avec utilité à la fin du dessalement des terres, après l'établissement des rizières, par exemple, car l'argile du sol a une tendance à foisonner lorsque le sel marin disparaît, et il existe une période critique où les sols ainsi délavés deviennent, de ce fait, durs et compacts. Le plâtre ajouté à ce moment maintiendrait la coagulation de l'argile et assurerait ainsi sans entrave la fin du dessalement. Peut-être les taches salées dites réfractaires, ou du moins certaines d’entre elles, qui se main- tiennent malgré les sabmersions répétées chaque année, pourraient- elles céder par emploi continu et assez abondant du plâtre. La dureté du terrain est un caractère assez constant de ces taches mau- vaises et il semble qu’elle contribue beaucoup à empêcher le lavage du sous-sol, qui le plus souvent en est assez fortement salé. Nous ne pouvons, toutefois, apporter encore aucune vérification pratique du bien-fondé de cette opération. Mais, comme l'expérience en est fa- cile et peu coûteuse, nous croyons devoir à tout hasard la recom- mander à titre d’essai aux propriétaires. 266 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Les terres du della sont toutes bien pourvues de magnésie. Les terres salées sont très riches en sels magnésiens et certaines d'entre elles en chlorure de magnésium. Le tableau n° Il renferme l'analyse physique de sept terres de la Camargue et d’une terre des anciens marais d'Arles, déjà mention- nées à l'égard de leur analyse chimique dans le tableau I. On voit, d’après l’examen des chiffres de ces analyses, que la ténacité et la compacilé de certains sols de la Camargue tiennent plutôt à l’ex- trème ténuilé des éléments dont elles sont formées qu’à l’abondance de l'argile vraie. Le lot siliceux impalpable y est souvent considérable, et l’on sait qu'il joue à peu près le même rôle que l'argile. D'ailleurs, le lou sableux non impalpable est lui-même, dans ces terres, formé de grains fins et agit aussi sur la consistance du sol, de telle sorte que les résultats présentés par les analyses ne sont guère compara- bles à ceux qu'offrent des terres ordinaires où le lot sableux est grossier. Les terres fortes de Camargue, qui renfermemt jusqu’à 95 p. 100 d’impalpable, sont naturellement les plus difficiles à laver, c’est-à-dire dessaler. Les sols souples et friables répondent à une teneur de 50 60 p. 100 d’impalpable. De C- En résumé, l’analyse chimique montre que les sols alluviaux de la Camargue réclament impérieusement l'emploi de famures azotées abondantes et soutenues. Ce sont ces fumures qui règlent, en quel- que sorte, la productivité du sol. Les terres vierges sont, sous ce rapport, aussi exigeantes, sinon davantage, que les terres depuis longtemps cultivées. L’acide phosphorique est assez bien représenté dans les terres du della. Il semble cependant nécessaire de recourir aux engrais phos- phatés, surtout aux superphosphates, quoiqu’on puisse penser que, dans les terres profondément dessalées, la masse de cet agent mise à la disposition des racines n’impose peut-être pas une obligation rigoureuse de restitution. Des expériences de culture seraient indis- pensables pour fixer ce point délicat. Les engrais polassiques paraissent tout à fait superflus. Dans les COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 267 terres nouvellement dessalées, la potasse soluble dans les acides est en quantités énormes. Cet excès s’élimine assez vile, mais les terres restent néanmoins bien pourvues en polasse attaquable. Elles con- tiennent une réserve immense de polasse inattaquable. Les fumures azotées organiques paraissent les mieux adaplées à la nature du sol dont on doit, autant que possible, augmenter la per- méabilité pour diminuer les effets de la remontée du salant. La fertilité des terres de la Camargue dépend essentiellement de l'épaisseur de la couche arable débarrassée des sels nuisibles. L’em- ploi des fumures est sans effet sur des sols insuffisamment dépouillés de l’élément nuisible qui les pénètre. 2. — Dépôts éoliens ou dunes du della du Rhône. Le mode de formation des dunes maritimes est bien connu: sur la partie desséchée de la plage marine, les grains de sable, légers et mobiles sont entraînés par les vents du large et viennent former en arrière du rivage des monticules offrant la configuration d’une suite de vagues, de hauteurs croissantes, dont les crêtes se déplacent peu à peu sous l’effet des vents dominants. Ce transfert aérien des sables prend de grandes proportions sur les plages océaniennes qui, à ma- rée basse, laissent à découvert de vastes espaces de sables siliceux arides. Les vents dominants sont ceux de l’ouesl, qui poussent les sables dans l’intérieur des terres, faisant progresser les dunes. Elles ont enseveli sous leurs masses des territoires cultivés, des villages, jusqu’au jour où l'ingénieur Brémontier imagina, en 1780, de limi- ter leurs empiétements en les fixant d’une manière durable par Îles plantations de pins maritimes (Pinus pinaster). Les dunes méditerranéennes de la Provence et du Languedoc sont loin de présenter l'importance de celles des Landes et de la Gasco- one. Leur structure est aussi bien moins régulière. Elles ne dépas- sent guère 7 à 8 mètres de hauteur, tandis que les dunes océan- niennes atteignent jusqu’à dix fois la valeur de ces chiffres. La Méditerranée, dépourvue de marées sensibles, ne crée pas en effet des plages d’une étendue comparable à celle de l'Océan. De plus, les vents du nord-ouest et du nord, qui dominent dans les plaines Er ALL” 268 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. méridionales, écartent les sables de la terre au lieu de les y pous- ser; ils exercent sur la dune en formation une action destructive manifeste. Cependant tout le littoral, depuis Fos jusqu'à Agde, est occupé par des dunes, souvent réduites, mais occupant d’autres fois plu- sieurs kilomètres de profondeur. Malgré des conditions de formation peu favorables, elles prennent naissance et se maintiennent grâce à la végétation qui les recouvre assez rapidement. Les dunes en for- mation sont occupées par de maigres pâtis formés par diverses va- riétés de joncs, de plantes herbacées, d’arbrisseaux de petite taille. Dans leur beau et important mémoire sur la flore de la Camargue, MM. Flabault et Combres ont dressé une liste étendue des plantes qui contribuent le plus activement à la formation des dunes de la Camargue ; ils ont montré le rôle important de la végétation natu- relle pour la fixation des sables et la consolidation du cordon Httoral dans sa partie encore immergée. « Non seulement, disent-ils, les dunes se maintiennent partout où les eaux de la mer ne réussissent pas à les reprendre aussitôt après les avoir formées (en pénétrant dans les baisses), mais encore leur stabilité nous semble très digne d'être citée‘, » Pour une part importante, sans doute, celle végéta- tion spontanée, qui s'établit dans les dunes méditerranéennes et qui réussit à les immobiliser, dépend de la nature même des sables, plus fertiles que ceux de l’Océan, quoique placés sous un climat plus aride et moins favorable à la croissance rapide des végétaux. Tandis que les sables des Landes sont siliceux el très pauvres, ceux des cor- dons littoraux de la Méditerranée, formés par les alluvions du Rhône, sont calcaires et bien pourvus en acide phosphorique. En arrière des dunes en formation s'étendent, sur de grandes longueurs et presque intacts, des cordons lilloraux plus anciens, tels que celui de la Sylve-Godesque, dont la longueur est d'environ 20 kilomètres. D’autres ont élé coupés et morcelés par d'anciens bras du Rhône, encore marqués par des dépressions, launes ou baisses, qui s'étendent vers la mer. Ailleurs, des altérations plus profondes n’ont laissé que des té- 1. Flahault et Combres, loc, cit., p. 48-49. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 269 moins épars, comme les montilles de Badet, d’Icard, des Frignans et de la Vignolle, et plus au nord, les montilles du Mas de Roy, du Mas de la Ville, etc. La suite des radeaux des Rièges constitue un aligne- ment bien net se rattachant à Fos et à la petite Camargue. L'histoire de ces cordons littoraux anciens a été tracée avec précision par Émi- lien Dumas, et l’on peut consulter avec fruit la carte publiée en 1830 par cet éminent géologue. Plus tard, MM. Charles Martins et Ch. Lenthéric ont illustré et popularisé cette même région par leurs descriplions ’. Les sables s'accumulent en abondance sur la pointe de l'Espiguette et sur le littoral compris entre les Saintes-Maries et le Grau-du-Roïi. C’est en arrière de cette zone qu’existent les dunes les plus impor- tantes et les plus profondes de la Camargue. La plupart sont com- prises dans la petite Camargue, au quartier du Sauvage, Brasinvert, le Clamadou, Sylve-Réa!, Montcalm. Beaucoup d’entre elles ont été détruites, c'est-à-dire nivelées pour la culture de la vigne, notam- ment celles de Montcalm et du territoire d’Aigues-Mortes. Il ne reste au nord d’Aigues-Mortes que quelques hautes dunes boisées à Cor- bières. Les dunes sont, au contraire, à peu près complèles et ma- onifiquement boisées en pins pignons à l’est de l’Espiguette. Ge sont les pinèdes curieuses de Sylve-Réal, du Clamadou, de Brasinvert, formées de montilles de 5 à 7 mètres d’élévation, séparées par de vastes launes ou baisses, marécageuses et saumâtres. A côté du pin parasol, dont la végétation élégante et puissante caractérise toutes ces montilles, existe en abondance le genévrier de Phémicie (Juni- perus phœnicea). D’après M. Lenthéric, la formation de ces dunes remonterait à une époque antérieure à l’ère chrétienne. « Ce sont bien, disent MM. Flahault et Combres, des dunes fossiles ayant conservé leur forme première : autour d’elles sont d'anciennes sansouires encore peuplées comme les sansouïres actuelles ou légèrement dessalées et 1. Émilien Dumas : Carte géologique du Gard, arrondissement de Nimes au 86,400, 1850, Slatistique géologique du Gard, 2° partie, 1876, p. 642 à 694. — Ch. Mar- tins : Mémoire sur la topographie des environs d'Aigues-Mortes. (Revue des sciences naturelles de Montpellier, 1874.) — Ch. Lenthéric, Les Villes mortes du golfe de Lyon, 1853. 270 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. plus herbeuses. » Ces dunes boisées brisent les vents du nord et du nord-ouest et protègent la dune littorale en formation. Du même âge sont les dunes des Rièges, aux confins du Vaccarès et des élangs inférieurs. On ne peut les atteindre qu’en traversant plusieurs kilomètres d’étangs salés peu profonds (gazes) ou de vas- tes étendues de plaines salées recouvertes d’une croûte cristalline éblouissante. « De bien loin, une ligne.ondulée d’un vert sombre montre le but ; mais dans ce paysage étrange où l’eau, le ciel et la terre semblent confondus, le mirage donne lillusion de réalités, et la réalité ressemble à un mirage. L’horizon forme une ligne incer- {laine et tremblante ; tout vibre dans cette éclatante lumière de la plaine sans limites, comme sur les bords des chotts de l’Afrique que nous rappellent ces rives du Vaccarès. Mais la brise nous apporte des odeurs balsamiques qui ne sauraient lromper ; ce n’est plus le mirage, mais bien les chaudes essences de plantes parfumées. On alleint bientôt la ligne continue des radeaux, pelits ou grands, inter- rompus seulement par les gazes du Vaccarès. Leur forme même et leur orientation ne sauraient laisser de doute sur leur origine; orien- tés dans la direction est-ouest, ils forment une ligne parallèle au rivage actuel. « La physionomie des Rièges est bien différente de celle de la Sylve-Réal. [ei les dunes sont basses (à peine 2 mètres); le pin pignon qui donne leur nom et leur physionomie aux pinèdes de la petite Camargue, n'existe pas aux Rièges. La végétation forme un maquis presque partout impénétrable de genévriers de Phénicie, de len- lisques, de phillyréas, d’alaternes el de tamaris ; les genévriers de Phénicie v atteignent de 6 à 8 mètres de haut et plusieurs dépassent 2 mètres de circonférence. On parvient à se frayer un chemin sur la piste des bœufs sauvages, qu’on a parqués jadis sur les Rièges ; leurs squelettes et les restes de divers animaux sauvages, blanchis par le temps, donnent l'illusion de terres perdues bien loin de toute civilisation *. » Les dunes des Rièges ne sont guère accessibles ; il faut les aborder par les étangs inférieurs ou du côté de la pointe de Mornès. C’est 1. Flahault et Combres, Loc. cit., p. 52-53. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 271 assurément l’une des parties les moins connues de la Camargue. Nous ne pouvions mieux faire que d’en emprunter la description aux savants botanistes de Montpellier, qui ont su la rendre si exacte et si vivante. C’est une grave erreur de penser que les sables maigres des dunes n’ont été appréciés comme sols agricoles qu’au moment où leur 1m- munité phylloxérique à été nettement établie. Aux environs d’Ai- gues-Mortes, c'était bien dans les sables que l’on avait établi la plu- part des cultures du pays, müûriers, garances, vignes, etc. On savait immobiliser les sables par l’enjonçage. Mais on n’exploitait que les environs de la ville, et le reste était formé de dunes boisées formant un cadre magnifique à l’ancienne ville féodale. Bien avant lappari- ion du phylioxéra, la vigne prospérait dans ce milieu. C’est ainsi qu’en 18492, la Compagnie des canaux de Beaucaire et des bassins du Scamandre et du Leran cullivait à Daladel un vignoble de 80 hecta- res, étendue importante pour cette époque. L’absence de routes ne permettant pas le transport des vins, une distillerie créée par lPex- ploitation les transformait en alcool. I] serait facile de citer d’autres faits montrant que la vigne était exploitée avec profit dans les sables. On peut encore voir à Mont- calm des vignes presque centenaires. Il y a peu d’années, on a arra- ché à Corbières un vignoble planté en 1830. La vigne occupait donc des espaces notables dans les sables de dunes, mais, vers 1851, les vignobles furent en quelques années ravagés par l’oidium et cette cullure disparut presque, comme partout, sous l'influence de ce fléau. Lorsque l’emploi du soufre fut connu, chaudement propagé par la Société de viticulture de l'Hérault, les habitants d’Aigues-Mortes replantèrent des vignes, mais assez limidement au début. En 1872, alors que les ravages phylloxériques causaient des ruines immenses dans le Gard et dans l'Hérault, on observa la bonne tenue des vignes dans les sables purs, maigres el mouvants, tandis qu’elles disparais- saient rapidement dans les sols alluviaux voisins, tels que ceux de Saint-Laurent-d’Aigouze. Les terres sablonneuses des environs d’Ai- gues-Mortes, qui avaient été un moment consacrées à la culture de la garance, culture ruinée par la découverte de lalizarine artifi- 272 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. cielle, devenaient libres et furent en quelques années replantées en vignes. Le vignoble occupait en ce moment environ 400 heetares. Un vigneron de Vaucluse, M. Bayle, après avoir parcouru la région et avoir constaté, non pas le premier, mais après d’autres, la résis- tance certaine des vignes dans les milieux sableux, afferma en 1880 à la Compagnie des canaux une centaine d’hectares de dunes dont il commença sans retard la plantation avec l’aide de sous-colons, par- tageant avec lui les profits de l’entreprise. C’est donc à tort que lon attribue l’idée première de la culture de la vigne dans les sables au vigneron de Vaucluse. L’un des premiers, sans doute, il comprit l'immense intérêt de l'immunité des milieux sableux ; mais cette im- munité était bien établie au moment de son entreprise, et des efforts parallèles aux siens s’exerçaient partout dans le territoire. Cecr ne diminue en rien le mérite de M. Bayle comme viticulteur, et mon seul but est ici de corriger une légende Imexacte qui tend à passer comme vérité acquise dans la littérature. Lorsque les terres anciennement nivelées furent tels on s’at- taqua aux dunes el aux montilles. Ce fut une période de fièvre, comme en a créé un peu partout la culture de la vigne. En quelques années, le vignoble put atteindre une surface d'environ 4000 hec- tares. Des sables qui offraient une valeur de 500 fr. l'hectare trou- vèrent acquéreurs aux prix de 6000 à 10000 fr. La ville d'Aigues- Mortes, qui comprenait environ 3 000 âmes, vit sa population presque doublée. Le vignoble des sables est maintenant fort étendu, non seulement autour d’Aigues-Mortes, mais dans les sables analogues qui existent jusqu’au nord de la Camargue, au Mas de Roy, au Mas de la Ville, par exemple, sables qui appartiennent au cordon littoral le plus an- cien du delta. Des vignobles sont établis même dans le cordon litto- ral actuel, à la pointe de l’'Espiguette. Les dunes de Badet, d'Icard, de Maguelonne, des Saintes-Maries, les sables de Faraman, etc., ont été entièrement plantés. En petite Camargue, on rencontre de beaux vignobles dans les sables du grand radeau au quartier du Sauvage el auprès des pinèdes du Clamadou, de Brasinvert, de la Sylve-Réal, plus haut décrites. Depuis longtemps, les dunes de Montcalm ont été nivelées et converties en vignobles, ainsi que presque toutes celles COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 249 qui s’étendaient le long de la route de Svive-Réal à Aigues-Mortes. Il ne reste plus que quelques bouquets de pins comme spécimen des anciennes montilles et, au nord d’Aigues-Mortes, quelques hautes dunes à Corbières. Au sud d’Aigues-Mortes, la Compagnie des Salins du Midi a créé avec un outillage perfectionné les grands vignobles de Jarras et de Bosquet, récemment étudiés par M. Müntz', et plus loin, sur le cordon littoral de létang de Thau, la même société a installé, plus luxueusement encore, l’exploilation modèle de Vil- leroy. Malgré leurs différences d’âge géologique, ces sables, qui appar- tiennent soit au cordon littoral actuel, soit à des cordons anciens, ne sont guère différents. Partout ils présentent des caractères chimi- ques et physiques identiques. Il est difficile d'évaluer la surface des vignobles actuellement constitués dans les sables et plus malaisé encore de calculer l'importance des dunes qui sont libres. Il est su- perflu de donner des chiffres qui ne peuvent offrir aucune garantie d’exactitude. On peut dire que les espaces sableux qui restent inoc- cupés sont encore très importants, mais pour la plupart difficilement accessibles. Au voisinage des centres et des routes, les sables réfrac- laires au phylloxéra ont été partout utilisés. Le nivellement des dunes est la première opération pour leur mise en valeur. L’expérience a montré qu’il devait être fait avec beaucoup de soins, afin de ne laisser subsister aucune baisse, dimi- nuant la profondeur de la couche sableuse et créant dans le vignoble des points d’affaiblissement correspondants. Suivant la hauteur des dunes, cette opération est plus ou moins coûteuse. On l’évalue à 1200 fr. pour les dunes hautes et à 800 fr. pour les dunes basses. Le nivellement des dunes est important aussi pour mettre à la por- tée des racines, d’une manière régulière et uniforme, l’eau du sous- sol. Il semble qu’en dehors de ces raisons, toute dénivellation favo- rise certains phénomènes de délavage qui accumulent sur les points bas des sels nuisibles aux cultures. Un caractère constant des dunes ou des sables nivelés est d'offrir, 1. Annales de la science agronomique, 1893, p. 27. ANN. SCIENCE AGRON. — 9° SÉRIE, — 189S. — 1. 18 274 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. à un niveau égal ou peu supérieur à celui de la mer, une nappe d’eau douce imprégnant le sous-sol sableux, nappe qui persiste pen- dant la saison sèche et assure le maintien de la végétation. Sur les cordons sablonneux les plus étroits, qui séparent les étangs salés de la mer, par exemple, cette nappe douce peut être observée. Son existence dépend apparemment de la facilité qu'offrent les sables pour la pénétration des eaux pluviales, sans ruissellement sensible. L’eau s’accumule dans le sol même où elle tombe et, malgré la ca- pillarité du terrain, elle se trouve préservée d’une évaporalion ra- pide par la profondeur et l’homogénéité de la couche sableuse qui n’offre-jamais de fissures. Cette remarque n’est point particulière aux sables d’Aigues- Mortes, que peut-être on a considérés à lort comme spécialement bien pourvus d’une nappe d’eau douce. Jai constaté la présence de l’eau douce à 1 mètre et 1",25 non seulement à Aigues-Mortes, où Barral a fait partout la même remarque, mais aussi dans tous les sables littoraux que j'ai eu l’occasion de sonder en Algérie, en Tu- nisie, en Corse. Sur l’isthme étroit et sableux de Radès, cordon littoral qui sépare la mer du lac salé de Tunis, l’eau douce existe partout à un niveau de 1 mètre à 1",95. Cette nappe suffit à alimenter, sous un climat chaud et aride, les vergers d'arbres fruitiers et de vignes, cultivés avec.grand soin par les Maures. Dans les sables granitiques à grains grossiers, qui près de Bastia forment le cordon littoral étroit de l'étang de Biguglia, en communication avec la mer, l’eau douce existe à peu de profondeur et à une bien faible distance des eaux salées. Ces mêmes phénomènes ont été décrits pour les dunes d’origine continentale. « Par une remarquable compensation naturelle, dit M. A. de Lapparent', les dunes continentales, qui sont la consé- quence d’un climat désertique, deviennent, en raison de leur per- méabilité, de précieux réservoirs pour les eaux de pluies, qu’elles parviennent à emmagasiner en certaine quantité. Aussi le pied des grandes dunes est-il souvent marqué par des nappes d’eau. » 1. Trailé de géologie, 3° édition, 1893, 1'° partie, p. 146. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 275 Dans la région salée et presque marine de la basse Camargue, au delà de la digue à la mer, c’est dans les monticules de sable, dunes naissantes, que les gardiens de la digue et les bergers trouvent l’eau alimentaire. Il en est de même en Camargue, partout où il existe des îlots sableux. A Aigues-Mortes, où les sables offrent, en général, une plus grande profondeur que dans la basse Camargue, la nappe souterraine est plus abondante êt plus douce: elle est moins sujette à devenir amère et salée par l'insuffisance des pluies. Son origine pluviale est certaine, à part quelques rares exceptions de sols sableux qui peuvent être en relation avec des eaux douces issues de dériva- tions fluviales ou de terrains supérieurs. Dans une note présentée à l’Académie des sciences, Barral attri- bua les beaux résultats de la culture de la vigne Cais les sables d’Aigues-Mortes à la présence constante de cette nappe aquifère ainsi qu'au pouvoir d’ascension capillaire très marqué de ces sables *. Pour mesurer celte ascension, 1l fit usage de tubes de verre de 0",20 de diamètre intérieur et de 1 mèêtre de hauteur, qu'il garnit uniformément de sable. Les tubes, dressés verticalement, Ctaient fermés en bas par une toile et plongeaient de quelques millimètres dans un bassin d’eau. En dix jours, les deux premiers tubes remplis de sable d’Aigues- Mortes s’imbibèrent d’eau sur une hauteur de 0",474 pour l’échan- tillon n° 1, de 0,479 pour l'échantillon n° 9, tandis qu’il fallut 149 jours au tube n° 3, rempli de sable des Landes, pour atteindre le même niveau d’imbibition. L'expérience poursuivie sur les mêmes tubes accusa les résultats suivants : Did Du 10 août 1882 10 ocre 188>, au 8 janvier 1883, soit soit après 97 jours, après 157 jours. mètre mètre N° 1. Sable d'Aigues-Mortes. . . . 0,781 0,853 N° 2. Sable d’Aigues-Mortes. . . . 0,758 0,537 N°/3: Sable des Landes. 4 +... 0:39? 0,478 1. Comptes rendus, NV, 96, 1883, 1° semestre, p. 420. 216 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. « Il demeure acquis, ajoute Barral, que l'eau monte (rès rapide- ment par capillarité dans le sable d’Aigues-Mortes, très lentement dans le sable des Landes. J'en conclus que les vignes dans les sables, en pays el en Lemps de sécheresse, ont besoin de l’eau souterraine qui leur arrive par capillarité, et je crois pouvoir dire que, d’une manière générale, les vignes ne donnent d'abondantes vendanges que lorsqu'il y a dans le sol une réserve d’eau suffisante. Les cultu- res dans les sables ne réussissent bien que si ces sables ont une ca- pillarité très grande et reposent sur une couche aquifère. » Ces conclusions de Barral sont assurément fort justes. Elles mon- rent que des sables de dune peuvent avoir un coeflicient de capillarité, pour mieux dire un pouvoir capillaire ascensionnel, bien différent. Si, en général, tous les sables de dunes peuvent être con- sidérés comme réfractaires au phylloxéra, leur aptitude pour la cul- ture de la vigne peut varier dans de grandes limites. Si toutes les dunes qui ne sont pas trop hautes peuvent être considérées eomme pourvues d’une nappe aquifère douce, le pouvoir capillaire des sa- bles dont elles sont formées intervient pour mettre cette eau à Ja portée des racines et peut créer entre différents sables, suivant les qualités qu’ils offrent sous ce rapport, des différences essentielles très importantes à considérer. | Quand la réserve d’eau douce retenue dans le sous-sol des sables s’épuise sous l'influence des étés secs et de l’insuffisance des pluies, comme il est arrivé en 1894, l’année 1893 ayant été elle-même anormalement sèche, les eaux salées des étangs peuvent pénétrer dans les terres et y causer de graves accidents de végétation. Aux mois de juillet et d'août 189%, des vignes entières se sont desséchées avec leur récolte, et en quelques jours, dans plusieurs domaines des Saintes-Maries, de Maguelonne, d’'Icard et même dans le territoire d’Aigues-Mortes. Les eaux recueillies dans le sous-sol étaient sa- lées, comme le montreront les analyses qui seront plus loin men- Lionnées au chapitre spécial du salant. Les renseignements qui précèdent au sujet du mode de formation des dunes, de leur topographie, de leur aptitude pour la culture de la vigne, elc., n'expliquent point la cause de l’immunité des sables. Cette immunité ressort tant des faits généraux de la pratique que COMPOSITION DES TERRES DE LA GAMARGUE. 214 d'expériences nettement démonstratives. Mais les causes réelles de cette immunité ne sont pas élucidées. On en est encore réduit aux hypothèses. Le pouvoir défensif des sables a été mis en évidence par la cons- talation suivante : un propriétaire d’Aigues-Mortes, M. Louis Gros, avait amendé en 1874 des pareelles de sable maigre avec les curures argileuses du canal d’Aigues-Mortes. Tandis que toute autre culture avait trouvé profit à cel apport, les vignes qui occupaient les par- celles ainsi umendées déclinèrent et manifestèrent bientôt l'appa- rence phylloxérique. En examinant les racines, on les trouva plei- nement phylloxérées et en partie détruites par l'abondance des nodosités dans toute la partie supérieure du sol mélangée d'argile. Dès qu’elles pénétraient dans le sable pur sous-jacent, elles se mon- traient exemptes d’altérations et d'insectes, C'est à la suite de celte constatalion d’une extrême netteté que nous fimes en compagnie de MM. Catta et Mazel en 1877, que fut décidée l'expérience du cap Pinède, près Marseille, qui en est la contre-partie expérimentale. « Une fosse de 0",80 de profondeur sur 7 mètres de long et 2 mêtres de large a été creusée dans notre champ d’expériences du cap Pinède, dit M, Marion en relatant cet essai dans un rapport fait à la Compagnie des chemins de fer P.-L.-M.'. Cette fosse fut remplie avec du sable d’Aigues-Mortes. Trente ceps enracinés de deux ans, choisis dans une pépinière phylloxérée, furent placés dans ce sable en fin avril. Les insectes étaient extrêmement nombreux au moment de la plantation, les racines étaient déjà en grande partie décompo- sées et il n'existait plus de minces fibrilles. Au bout d’un mois, il était facile de reconnaitre que la reprise était parfaite. Plusieurs pieds furent arrachés, le système radiculaire était rétabli, on consta- tait encore les traces du parasite, mais il était impossible de retrou- ver un seul insecte là où, auparavant, on voyait à l’œil nu, une véri- table couche de pondeuses et d'œufs. Ce phénomène était général. Nous l'avons reproduit plusieurs fois en introduisant de nouveaux pieds phylloxérés dans la fosse, et il n’a jamais fallu plus d’un mois pour amener la disparition totale du phylloxéra. La question est ts pute: mn 278 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. donc parfaitement résolue. Il existe des sables qui non seulement s'opposent à la descente du puceron sur les racines, mais qui opè- rent encore une action insecticide rapide et sûre sur lous les para- sites qui y seraient enfouis accidentellement au moment de la plan- falion. Il ne peut exister un seul doute à ce sujet et l’on comprend tout l'intérêt de celte observation pour les viticulteurs possédant des espaces sablonneux jusqu’à ce jour sans emploi. » M. Sylvain Espitalier, au Mas de Roy, avait réussi à maintenir pendant plusieurs années en bonne végétation des vignes cultivées en sol argileux en y apportant avec abondance les sables de dunes extraits des montilles du Mas. Il fut le premier qui attira l'attention sur celte propriété des sables. « De 1870 à 1874, l’ensablement de- vint, au Mas de Roy, un système parfaitement raisonné et établi de défense contre le phylloxéra ; et c’est justice à rendre à M. Espita- lier de lui faire l'honneur d’une découverte qui a ressuscité et enri- chi des centres agricoles importants, et a rendu à la culture des milliers d'hectares sableux et déserts de la Méditerranée *. » Il n’est pas sans intérêt de rappeler ici que les premières submersions de la Camargue sont dues aussi à M. Espitalier, qui sabstitua cette méthode plus facile et plus radicale à celle de l'ensablement. Le paylloxéra ne peut vivre dans le milieu particulier que consti- tuent les sables mouvants, tels que celui d’Aigues-Mortes. D’une manière générale, d’aillleurs, les sols sablonneux, même lorsqu'ils n'ont point pour origine le dépôt d’alluvionnement aérien, sont plus ou moins réfractaires. Quelle est la cause essentielle d’une pareille immunilé ? Beaucoup d’expérimentateurs se sont préoccupés de ré- soudre cette question. M. Saint-André invoqua en 1881* la capacité capillaire des sols pour l’eau en précisant qu’il entendait définir ainsi la quantité d’eau retenue mécaniquement par une terre complètement imprégnée de ce liquide. Par une méthode qu’il n’a pas fait connaitre, il a étu- dié 165 terres, prises, les unes dans des vignobles qui avaient suc- 1. G, Gauthier, Rapport du jury de la prime d'honneur en 1886, dans les Bouches-du-Rhône. p. 12. 2. Comples rendus de l'Académie des sciences, 11 avril {SSf. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. + 204 combé sous l'influence phylloxérique, les autres parmiles terres sa- blonneuses indemnes du littoral méditerranéen, des bords de Ia Durance et des dunes de l'Océan. Il a conclu de ses essais qu’il existe une relation entre la capacité capillaire d’un sol et son aptitude à empêcher le développement du phylloxéra. Les sols indemnes au- raient, d’après cet auteur, une capacité capillaire de 23 à 39.8 p. 100. Dans les terres non réfractaires aux atteintes du puceron et où la végétation de la vigne est languissante, la capacité capillaire atteindrait 39.2 à 42.5 p. 100. Elle serait toujours supérieure à 40 p.100 dans les terrains où les vignobles disparaissent rapidement sous les attaques du phylloxéra. Le même auteur attribue aux mou- vements de l’eau dans les terres un rôle de premier ordre. Mais il n’a fait en aucune manière ressortir la relation entre la facilité de ce mouvement et la capacité capillaire dont il fait mention. Cette capa- cilé capillaire correspond-elle au pouvoir d’imbibition, tel qu’on l’en- tend généralement, lequel offre, comme on sait, une relation avec l’ascension capillaire ? M. Vanaccini a publié, de 1881 à 1885, différentes études sur le même sujet. I à calculé les dimensions des vides intersliliels qui existent dans un sable de l'Océan où depuis soixante ans les vignes se maintiennent en parfait état de végétation. Comparant les dimen- sions de ces espaces à la taille des phylloxéras, il est arrivé à cette conclusion que les jeunes insectes trouvent facilement leur passage dans ces interstices, tandis que les pondeuses radicicoles, arrivées à leur taille normale, sont dans l'obligation de déplacer quelques grains de sable pour se mouvoir. € Mais si, à ce moment, on sup- pose que l’eau provenant d'une pluie ou introduite dans le sol par imbibilion et par infiltration, pénètre dans le sable, voilà que l’in- secte ainsi que ses œufs se trouveront entourés d’une couche d’eau persistante qui gênera considérablement leur respiration. Si cet état se prolonge d’une façon quelconque, soit que l’eau continue à pé- nétrer dans le sol, soit que son évaporation soit empêchée, on com- prend que linsecte et ses œufs souffriront fortement et pourront 1. Messager agricole du D' F. Cazalis. Montpellier, 10 septembre 1881, 10 mai 1883, 10 juillet et 10 août 1885. 280 . ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. même périr, » Le même auteur rapporte que ces hypothèses ont été confirmées par l’expérience suivante : avec ce même sable de l'Océan dont il avait mesuré les espaces interstitiels, il remplit lrois éprou- veltes dressées verticalement et fermées inférieurement par un tampon d'amiante ; dans chacune d’elles, il plaça des racines phyl- loxérées, garnies de pondeuses radicicoles et d'œufs. Une de ces éprouvettes fut gardée pendant huit jours consécutifs. La seconde fut arrosée une seule fois jusqu’à ce que l’eau s’écoulàt à la partie inférieure. La iroisième fut arrosée abondamment chaque jour pen- dant huit jours, l’eau s’écoulant toujours librement à la base. Les racines gardées huit jours dans le sable sec offraient de nom- breux phylloxéras très bien portants. Les œufs étaient éclos et on voyait de jeunes insectes fixés sur les racines à distance des mères pondeuses. Dans les deux autres éprouvettes, les insectes fixés sur les racines avaient pris la teinte brune des phylloxéras hibernants. Toute activité vitale semblait éteinte en eux; ils étaient en effet ou morts ou engourdis. Les œufs n'étaient point éclos. Une destruction aussi rapide parait peu conciliable avec ce que l’on sait des effets de la submersion, qui doit être maintenue pen- dant cinq semaines pour donner des effets suffisamment complets, M. Vanuccini pare cette objection en faisant remarquer que les sables se pénèlrent uniformément et rapidement d’eau, tandis que les sols argileux ou calcaires ne sont que lentement et partiellement imbi- bés. Le sable laisse échapper l'air, tandis que les terres ordinaires en conservent à l’état de vacuoles, qui assurent la respiration d’une partie au moins des insectes. A l’appui de sa manière de voir, M. Vanuccini cite le maintien de vignes françaises dans des terres qui, quoique non exclusivement sableuses, sont naturellement humides ou irriguées artificiellement. La conclusion formulée par cet auteur est que « l'humidité naturelle ou arlificielle, jointe à la nature physique du terrain, est la seule ca ise de la résistance opposée par la vigne aux attaques du phyl- loxéra », I n’est pas douteux que l’existence d’une nappe d’eau souterraine soit favorable à la végétation des vignes ou de tous autres végétaux, et qu'à défaut de cette nappe, en sol perméable, les irrigations d'été COMPOSITION DES TERRES DE LA CGAMARGUE. 281 ne puissent y suppléer. Dans de telles conditions, les vignes résistent parce qu’elles émettent des racines en grande abondance. D'autre part, la multiplication du phylloxéra est gènée par un sol trop hu- mide. Toutefois, les racines attaquées pourrissent dans des terrains trop saturés d’eau et la présence de cette eau ne fait point périr le phylloxéra. Au contraire, dans les sables, le phylloxéra périt rapide- ment, comme l’expérience du cap Pinède l’a démontré et comme le démontrent les expériences elles-mêmes de l’auteur que nous venons de citer. Il périt de même dans les sables de l'Océan, que Barral a démontré être beaucoup moins capables que ceux d’Aigues-Mortes de remonter l’eau par capillarité. Il ne paraît donc point que les explications de M. de Vanuccini suffisent à rendre compte de l’immu- nité des sables. Les conclusions de l’auteur manquent de précision et tendent même à établir une confusion entre les milieux réellement réfractaires au parasite de la vigne et les terres où la végétation de celte plante est simplement favorisée au point d’équilibrer les effets du phylloxéra. La seule hypothèse, non vérifiée, il'est vrai, qui permette de se rendre compte de l’immunité est celle qui repose sur la mobilité des particules, hypothèse admise par Barral, et que l’on peut qualifier d'hypothèse mécanique. La mobilité et la finesse des particules sa- bleuses empêcheraient tout d'abord la pénétration du phylloxéra. La voie naturelle de l'insecte est évidemment le tronc de la souche ; dans la plupart des terrains, le tronc de la vigne, ébranlé par le vent, laisse autour de lui un passage spacieux et annulaire pour la descente de l’insecte sur les racines. Dans les sols sableux, ce pas- sage n'existe pas, car l’éboulement du sable remplitimmédiatement tous les vides qui pourraient accidentellement se former autour de la souche. M. Vanuccini a montré que les jeunes insectes peuvent passer à travers les interstices des grains sableux, mais, en même temps, ses recherches ont prouvé que ces espaces interstiliels étaient insuffisants pour laisser circuler les pondeuses. Get obstacle est as- surément suffisant pour créer l’immunité, puisque, dès la première génération, l'insecte est ainsi certainement arrêté dans sa progres- sion. Mais il y a plus: les sables détruisent le phylloxéra, ainsi que M. Vanuccini l’a montré dans son expérience dans le sable arrosé et "US 7 OT 7 282 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. comme le prouve aussi l’essai du cap Pinède, quoique dans cel essai le sable n’ait pu s’humecter que par contact avec le sol argilo-cal- caire, sans être, comme à Aigues-Mortes, noyé à sa base dans une couche aquifère. Il y a donc une action insecticide véritable, comme l’a affirmé M. Marion, et nous devons essayer de comprendre tout au moins comment cette action peut se produire. Il nous semble qu’elle est le résultat de la mobilité du sable qui, même à l’état sec, réalise des conditions intermédiaires entre un solide et un liquide. Le sable de dune coule comme un liquide (expérience du sablier) et ses grains se tassent naturellement les uns contre les autres en se trans- metlant de lun à l’autre la pression des grains supérieurs. En pré- sence de l’eau, ce tassement est encore favorisé ; ne serait-ce point là la cause unique de la destruction du phylloxéra ? Cette hypothèse, en tout cas, rend bien compte de la différence de résistance dans différents sols sableux. Les seuls sables indemnes sont ceux parfaitement mobiles, presque exempts d'argile et d’im- palpable, et qui sont incapables de s’agréger lorsqu’avec un peu d’eau on essaye d’en faire une masse malléable, Dès qu’un sol sa- bleux est susceptible de former avec l’eau une pâle un peu consis- tante qui, en séchant, conserve une certaine ténacité, on n’a plus affaire à un sol indemne. L'analyse physique, suivant la méthode de Schlæsing, permet de caractériser assez nellement les sables indemnes. [1 n’est point né- cessaire de recourir au dosage de l'argile vraie, dont la proportion dans les sables réfractaires est presque nulle. Il suflit de séparer par la lévigation les parties sableuses, siliceuses et calcaires du lot im- palpable. En opérant, comme l’a indiqué M. Schlæsing, sur 10 gr. de terre dans une capsule, et en favorisant par friction avec le doigt la séparation des parties fines, on reconnait que, dans les sols in- demnes, le lot sableux total est toujours supérieur à 85 centièmes. Ce lot peut renfermer une proporlion notable, 13 à 27 p. 100, de sable calcaire (pour les sables de dunes du delta du Rhône). Au-des- sous de 85 p. 100 de lot sableux total, on trouve des sables qui s'agrègent après avoir été malaxés avec un peu d’eau et qui conser- vent en séchant la forme que leur a donnée le pétrissage., Il faut un certain eflort pour briser les parties ainsi desséchées. A la vérité, COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 283 celte limite de 85 p. 100 de lot sableux total correspond à des sols déjà un peu gras, c’est-à-dire légèrement agrégés. Ces sols se défen- dent cependant et peuvent être considérés comme réfractaires, parce que leur surface supérieure est formée de sables plus purs que la masse de l’échantillon sur laquelle porte l’analyse (couche de 0",40). Au-dessus de 90 p. 100, l’immunité est certaine. Les sables de du- nes maigres contiennent jusqu'à 98 et 99 p. 100 de sable total. [ls sont presque exempts d’impalpable. Le tableau suivant montre bien ces différences : .. NUMÉROS DES ANALYSES. LOT SABLE MS (S'y reporter pour la désignation sableux 2 des sables.) total. calcaire. PALPABLE. Sables réfruclaires au phylloxéra. 3 96.29 16.60 3.19  NOT 16.55 5. 30 5 96.40 OS 3.60 6 92.80 ls 22 7.20 7 91.25 15.07 8.75 8 9935 22295 0.65 9 S7.50 19.85 12220 10 98.75 29:30 125 11 97.50 20.18 2.50 12 98.27 AIO 1.43 3 86.45 15270 1355 15 96.95 21.60 3-09 16 96.71 20.59 Gide) 17 S8.02 17.70 11.98 19 96.23 18.17 SU 20 93.89 16.958 6.15 29 95.88 17292 £. 62 26 91.90 15.58 8.10 27 95.50 19.80 4.50 28 97.00 19.83 00 30 88.14 17.01 11.86 31 és 87.25 16.58 DATE 34 96.70 16.85 30 Sables gras non réfractaires au phylloréra. Î Ê S4 PPT 57.40 17.25 42.60 9 62.95 18.66 37.45 14 é 15.93 1920? 24.47 18 74.42 14.36 25.98 22 . 18092 16.92 26.0S 23 81.40 15.15 185.60 24 84.16 16.46 15.84 29%. 62.95 15.20 37.05 D 101 16.74 26.03 33 : 0.97 12:38 49.05 284 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Le sable n° 24 est à la limite de la résistance et les vignes peuvent S'y maintenir longtemps ou même indéfiniment, malgré la présence du phylloxéra, présence temporaire, lorsqu’en été le sable desséché s’'agrège et devient consistant. Ces différences et cette classification n'ont de valeur que pour les sables d’Aigues-Mortes que nous avons étudiés. Il est probable, cependant, que son importance est plus gé- nérale. C’est à tort que lon a indiqué, pour caractériser l’immunité des sables, la présence nécessaire d’une proportion minima de 60 p. 100 de sable siliceux. C’est plutôt, on le voit, la proportion totale de sable qui est importante à considérer, ou, si l’on veut, la propor- tion de limpalpable, c’est-à-dire du ciment qui peut agréger les sables. La nature du lot d’impalpable n’est, sans doute, pas indiffé- rente pour réaliser cette agrégation qui fait disparaître l’immunité. Mais, comme il faut très peu d’impalpable, environ 14 p. 100 dans les sables d’Aigues-Mortes, pour agréger déjà nettement le sable, alors que ce lot impalpable ne contient que des traces d'argile col- loïdale, on peut penser que, dans des sables où l’impalpable serait plus argileux, la proportion limite de sable capable de conférer l’'im- munité se trouverait elle-même notablement accrue. Ce sont les seules généralisations qu'il est permis d'indiquer, et encore avec quelque réserve. Parmi les sables non réfractaires signalés dans les tableaux se trouvent des terres qui pourraient évidemment figurer dans la série des sols alluviaux déjà précédemment étudiés. En 1888, nous nous étions proposé, M. Krassilstchick et moi, d’en- treprendre un travail complet sur l’immunité des sables. M. Kras- silstchick était à cette époque en France, remplissant une mission du gouvernement impérial de Russie, qui,avail précisément pour objet l’étude des questions phylloxériques. La recherche des causes réelles de celte immunité lui apparaissait, ainsi qu’à moi-même, comme une question du plus haut intérêt pour la viticulture. Les neufs premiers échantillons qui figurent plus loin dans les analyses ont été recueillis au printemps de 1888 par M. Krassils- tchick, en vue de cette étude en commun dont nous avons dressé le programme. Nous espérons pouvoir reprendre ce travail, qui com- prendra l'étude bactériologique des sables ; car, parmi les hypothè- ses que l’on peut former pour expliquer leur immunité, il y a celle COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 285 de l'existence possible d'organismes destructeurs du parasite, et cette hypothèse est appuyée par l'autorité du grand nom de Pasteur, que M. Krassilstchick avait consulté à cet égard, et qui d’ailleurs s'était prononcé dans le même sens à l’Académie des sciences dans une discussion relative au phylloxéra*. Le milieu particulier des sa- bles est assez spécial pour comporter des conditions biologiques tout à fait différentes des terres ordinaires où le phxlloxéra se pro- page et pullule. Tout en acceptant provisoirement une explication purement mécanique, qui paraît rendre compte des faits d’une ma- nière salisfaisante, la prompte disparition du phylloxéra introduit dans les milieux sableux et quelquefois grossiers, suggère d’une manière intense une cause de destruction qui paraît bien être celle à laquelle a songé l’illustre Pasteur, en regrettant de ne pouvoir consacrer du temps à cette recherche spéciale. Nous avons pensé, M. Krassilstchiek et moi, que, si un organisme capable de détruire le phylloxéra existait quelque part, on devait le trouver dans les mi- lieux spécialement réfractaires, tels que les sables des dunes. Nos recherches étaient commencées, lorsque M. Krassilstchick fut appelé à diriger les travaux de défense contre le phylloxéra dans la Russie méridionale (Bessarabie). J'ai utilisé dans le présent mé- moire les matériaux qu’il avait rassemblés à une époque où je ne pouvais le faire avec lui. J’y ai ajouté un grand nombre d’autres échantillons similaires recueillis plus tard par moi dans d’autres par- ues de la Camargue. Le tableau qui suit renferme, avec la désignation de ces divers échantillons, leur analyse physico-chimique d'après la méthode de M. Schlæsing. Les dosages de l'argile colloïdale et de l’humus n’ont pas été faits et l’on n’a tenu compte que du lot impalpable qui les comprend. Dans les sables indemnes, ces corps sont représentés par des proportions si minimes que leur dosage était impraticable. 1. Pasteur, Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1580, 1° semestre. NUMÉROS des analyses, ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Analyses physico-chimiques des sables du delta du Rhône (sur 100 de terre sèche). PROVENANCE DES ÉCHANTILLONS. Sables à l’ouest d’Aigues-Mortes, der- rière le faubourg Pie IX, famés avec curures du canal et offrant des racines phylloxérées en abondance. Couche de 0®,30, propriété L. Gros. Recueillis par M. Krassilstchick en ACODIF a ee Même vigne, échantillon plus profond CURE OR SET Cr Vigne Robert, au N.-0O. d’Aigues- Mortes, territoire de Chaumone. Sables fins, maigres et indemnes, couche de 0m,30 , . . .…, | Même vigne que ci-dessus, couche de DOVE res +0 Même vigne que ci-dessus, couche prise à 1 mètre de profondeur. .., Vignoble Lasserre, à l’est d’Aigues- Mortes, sables indemnes, couche de OMAN | Sous-sol du précédent, couche de 0w,40 à Om,73 où l’eau apparaît, , ; PI | Sables de montilles incultes près du canal à l’ouest de la ville, couche CO D DE re EN EE Sous-sol du même, à 1 mètre de pro- FONEUL EE Te ds Ve pote PEL nr Montille inculte à Corbières. Échan- tillon moyen pris à 0m,50 en difré- rents points. Haut et bas de la mon- LOUP LE CPE EE Montille inculte. Échantillon moyen pris au milieu à 0,50 . . . . . . Montille ineulte à Corbières. Échan- tillon pris par M. le professeur Ma- rion, de la Faculté des sciences de Marseille, en juin 1891, Sables de couleur foncée, riches, en- tourés de marais, plantés en vigne, pièce du Pradet, propriété L. Gros. Couche de Om,50: 4472 2 . | Sous-sol blanchâtre et marneux du précédent. Couche de 0m,50 à Om,80 touchant la nappe aquifère . . , . LOT SABLEUX. 92.80 SILICEUX, 39.69 43.37 | 94.25! 7 73.97 68.30! DÉBRIS organiques, 42,60 16.00 16.55 24,47 37.45 SILICEUX, argile et humus, LOT IMPALPABLE. CALCAIRE, LI COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 281 LOT SABLEUX,. LOT IMPALPABLE, — : | | SILICEUX CALCAIRE SILICEUX, arg le et humus | | 7. NUMÉROS des analyses. PROVENANCE DES ÉCHANTILLONS. CALCAIRE, Sables profonds (Neblons), domaine Louis Gros, près Aigues-Mortes, occupés par la vigne depuis 1878, autrefois plantés en mûriers. Ré- sidu au tamisage, 7.10 p. 100. Cail- loux siliceux et coquilles marines. Ces parties de graviers et de co- quilles s'étendent sur une zone, pa- rallèle au littoral d’Aigues-Mortes au petit Rhône, qui offre une lar- geur de 20 à 30 mètres et marque la place d'une ancienne plage. Couche de 0m,65 d'épaisseur . . . . . . . 4.92! 21.60 Montilles nivelées et plantées en vi- gnes en 1867 à Corbières, pièce dite le Tombeau, propriété Louis Gros. Couche de 0m,50. À 15,50, existela MAD PO ATUÉCLE et Ms NN 4. 20,89 Sables gras dans la couche supérieure, par suite du débordement des ma- rais apportant les limons du Vistre et du Vidourle. Pièce dite La Cé- pade, près le marais de Saint-CUlé- ment, propriété Louis Gros. Cou- che modifiée de Om,40 d'épaisseur au-dessous de laquelle on rencontre le sable pur des montilles voisines. Cette pièce souffre, d'une mani re intermittente, des attaques du phyl- Le ME EN MA OO CU E Même propriété. Pièce de la Pinède, proche Au marais de Saint-Clément. dont la couche supérieure est alté- rée plus encore que dans la précé- dente. Les vignes souffrent du phyl- loxéra et ont été arrachées . , . . .42| 59.90! 14.36 Montilles basses au N.-E. de la Rhée- Longue, près du Grand-Radau (pe- tite Camargue), boisées en pins DISONS + taie El teltae O0 28 Sables cultivés en vignes au Grand- Radau, quartier du Sauvage. Vignes couvertes d'abondants empaillages. Échantillon de profondeur, 0m,50 . Au-dessous de ces sables, couche ar- gilo-sableuse (voir analyse chimi- (0 IDÉES MEGA 0 FO EMMA Cabanes d'Astoin (propriété Marqué). Sables gras dans lequel une vigne de 20 ans en 1891 meurt du phyl- loxéra/constaté Ne SM INT3292) 0565 45 35| 18.30 Maguelone (près Sainte-Marie, pro- priété de M. Savoy). Sables gras où une vigne de Carignan souffre du phylloxéra constaté en 1891. Ces vignes ont été depuis traitées avec suëcès par le sulfure de carbone. .| 81,40 288 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. LOT SABLEUX. LOT IMPALPABLE. NUMÉROS ) SILICEUX CALCAIRE DÉBRIS organiques SILICEUX, argile et humus. CALCAIRE. Maguelone (propriété Savoy). LaJar- dinière. Sables gras très fertiles portant des aramons. Limite de la résistance . . . Sables purs, de faible hauteur, entou- rés de marais, à Lagalle, près Les Saintes-Marie, partie où les vignes sont belles. . Lagalle, Échantillon pris dans une partie plus basse où les vignessont affaiblies Badet. Anciennes montilles boisées de pins pignons, nivelées et con- verties en vignes. Sables réfractai- res. Couche de Om,40. Autre pièce de vigne à Badet. Même nature de sables . . | Môme domaine. Sables gras non ré- fractaires au phylloxéra. Couche de 0m,40 . ., Mas de Roy (propriété Espitallier). Montilles nivelées er plantées en vignes, fortement fumées, sables réfractaires au phylloxéra. Couche de 0m,40. . Même domaine. Autre pièce de vi- gnes, très fumée , | Même domaine. Vigne dite de l’À- | Lime, solargilo-sablonneux, riche et très fumé. Couche de 0m,30, non réfractaire. Sous-sol peu sableux. | Terre submergée. . & . . . . - .| 73.97| 55:65 Même domaine. Sables gras non ré- fractaires . |... 5085 Mas de la Ville, propriété Peyron. (Petit plan du Bourg.) Sables de montilles, nivelées et plantées en vignes. Couche de 0m,40 . . . . .| 96.70 Quelques observations doivent être mentionnées en ce qui con- cerne la nature physique des sables et leur immunité phylloxé- rique. Les sables de dunes en place ou de dunes nivelées depuis quelque temps sont loujours plus purs, c’est-à-dire plus sableux, dans leur partie supérieure que dans la couche inférieure. Les eaux pluviales opèrent un lavage qui entraine ies parties impalpables. C’est excep- tionnellement que des sables de dunes peuvent être modifiés dans, . COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 289 leur couche supérieure, comme dans les échantillons 4 et 2, qui ont reçu des apports directs de limons, et dans les échantillons 17-18 qui, formés d'anciennes dunes nivelées, ont été accidentellement recouverts par des eaux limoneuses. Les n° 8 et 9 montrent nettement les différences que nous signa- lons : la couche supérieure de ces montilles basses contient 99.35 p. 100 de sable total, et par suite une proportion presque nulle d’impalpable. À 1 mêtre de profondeur, le sous-sol renferme au contraire 8.79 d’impalpable et seulement 87.8 p. 100 de sable. Dans la couche supérieure de 0",50 d'épaisseur, la vigne du Pra- det (n° 13) contient 86.45 p. 100 de sable et 10.83 d’impalpable. Son sous-sol (n° 14), quoique de nature sableuse, ressemble pres- que à une marne calcaire et friable, sableuse, blanche ; il renferme seulement 85.53 de sable et 15.40 d’impalpable. Les grains de sable siliceux qu’il renferme sont couverts d’une couche de carbonate de chaux, qui lui donne cette couleur crayeuse ne ressemblant en rien à la couche supérieure. Il est presque de règle de trouver de sensi- bles différences dans le taux de carbonate de chaux, moindre dans le sol que dans le sous-sol des sables. Souvent la couche la plus riche en calcaire existe à 50 ou 60 centimètres de profondeur, et parfois elle constitue un tuf médiocrement résistant et de faible épaisseur, qui agrège les particules sableuses et interrompt la con- tinuité et la perméabilité du sol. La végétalion est, sur ces points qui forment une dépression du terrain, toujours affaiblie. Nous verrons plus loin que cette formation de tuf dépend quelquefois de circons- lances spéciales sur lesquelles nous aurons l’occasion d’insister en parlant du salant alcalin. Le sous-sol des sables peut donc, à un certain niveau, ne plus of- frir les qualités requises pour l’immunité phylloxérique. Mais c’est une erreur qui a élé commise de croire que dans ces conditions l’in- secte peu effectivement nuire aux vignes. Sa pénétration est, au contraire, absolument empêchée par la nature sablonneuse du sol supérieur. On ne s’expliquerait point les effets remarquables de l’ensablement, tel qu'il a été pratiqué par M. Espitallier, s’il n’en était pas ainsi. Au-dessous des sables, on rencontre constamment une couche ANN. SCIENCE AGRON, — 2° SÉRIE, — 1898. — 1, 19 290 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. nettement argileuse et imperméable qui retient les eaux pluviales. Celle même couche tapisse le pourtour des îlots sablonneux, coupés par des étangs et des marais salés. On peut imaginer que cette cein- ture protectrice s’élablit naturellement comme une conséquence de la propriété qu'offre l'argile de se délayer dans les eaux douces et de se coaguler dans les eaux chargées de sels marins. On se rap- pelle les belles expériences de Schlæsing, qui ont défini celte pro- priélé des argiles. Elles expliquent à nos yeux la présence habituelle d’une nappe d’eau douce dans les dunes au voisinage immédiat de Ja mer ou des lagunes salées qui en dépendent. Cette barrière argi- leuse constitue, en effet, une protection très sûre contre tout mé- lange, tant que le niveau de la nappe d’eau douce est assez élevé dans les sables pour faire équilibre au niveau des eaux salées voi sines. L’eau douce est ainsi retenue par l’imperméabilisation de l’ar- gile à son contact, landis que, si des sécheresses prolongées inter- viennent, l’eau salée peut filtrer dans le sol sableux en coagulant sa ceinture protectrice argileuse, qui devient perméable, Pendant les pluies hivernales, l'argile délavée du sous-sol, mise en suspension dans les eaux douces qui pénètrent les sables, vient au contraire se coaguler et s’accumuler dans la zone limitrophe du terrain qui est en contact avec les lagunes chargées de sel. L’abondance des pluies bivernales et printanières devient ainsi le principal agent de l’assai- nissement des terres sableuses ; et l’on voit que ce n’est pas unique- ment par suite du lavage du terrain qu’elles produisent ce résultat, mais encore en provoquant des phénomènes plus complexes, qui n’ont pas élé Jusqu'ici analysés et dont l’importance nous paraît hors de doute. D'ailleurs, au point de vue de la culture de la vigne, quoique les sables maigres soient sûrement plus indemnes, ce ne sont pas ceux qui offrent les meilleures chances de succès et qui sont les plus re- cherchés. On préfère les sables un peu gras ou à sous-sol gras, infi- niment plus fertiles, suffisamment réfractaires au phylloxéra, qui conservent mieux leur humidité. C’est dans ces sables surtout que la conservation de la nappe d’eau douce et son isolement des lagunes salées paraît le plus sûrement réalisée. Je ne parle là, bien entendu, que des sables légèrement gras, non de ceux qui à la surface même LE COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 291 sont capables de s’agréger, auquel cas l’immunité phylloxérique dis- parait. Les chiffres donnés par Barral au sujet de la capillarité des sables d’Aigues-Mortes ont été rapportés plus haut. Dans notre travail, commencé avec le concours de M. Krassilstchick, nous avons exa- miné également le pouvoir ascensionnel capillaire de quelques sables sans poursuivre toutefois l’expérience aussi longtemps que lui. Je rapporterai quelques-uns de ces essais qui montrent les différences très grandes que peuvent présenter les sables choisis dans un même territoire. L'expérience a été faite dans des tubes de verre (cheminées de lampe à gaz) de 250 millimètres de longueur et de 44 millimètres de diamètre intérieur, bouchés à la base par une toile tendue et fixés sur le tube avec un lien de ficelle. Le sable desséché a été introduit avec un entonnoir pour provoquer une chute régulière et uniforme par petites portions, en tassant chaque fois légèrement. L’ascension de l’eau a été notée de 5 en 5 minutes au commence- ment, puis à des intervalles plus écartés à mesure que le phénomène se ralentissait. L'expérience a porté sur les six premiers échantil- lons mentionnés plus haut dans les analyses physico-chimiques. TABLEAU. 292 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ASCENSION DE L'EAU, EN CENTIMÈTRES DE HAUTEUR | TEMPS ÉCOULÉ dans depuis divers échantillons de sables d’Aigues-Mortes. le départ de l'essai. Minutes, © 12 _ © Cr © = Ut 1 19 19 — - , M eo rs [er] er _ l 23 3 À 4 > "1 2 O 4 & à À % © © = re © © — Ce [er] 2 17,5 19,6 O1 Re me J O 15 2940 Me DOS 15 13.00) 37,9 34,9 La soustraction du calcaire a donc diminué très notablement le pouvoir d’ascension capillaire du sable. Cependant l'échantillon dé- calcifié, qui, du fait de celle opération, avait été purifié de toute trace d'impalpable, se trouvait placé de ce chef dans de meilleures conditions apparentes que le sable naturel. La discussion de cet essai ne sera possible qu'après des expériences complémentaires que nous nous proposons de faire ultérieurement sur diverses variétés de sable. L’appréciation du niveau occupé par l’eau dans les tubes est sou- vent assez difficile dans ces essais, si l’on n’opère pas le remplissage des tubes avec certaines précautions. Il importe tout d’abord de mé- langer avec beaucoup de soin les échantillons de sable en agissant dans une capsule et avec une carte, de manière à éviter tout roule- ment des grains les uns sur les autres. En faisant couler le sable, il s'opère une séparation entre les grains de différentes tailles. Pour que les tubes soient remplis d’une manière homogène, il faut intro- duire le sable avec un entonnoir, de manière qu’il tombe verticale- ment au centre du tube, sans rouler sur ses parois. Il faut lintro- COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 291 duire par peliles quantlilés, puisées à mesure dans la masse mélangée de la capsule, et à mesure tasser le sable dans les tubes en leur donnant un choc vertical. Lorsque le remplissage a été effectué dans de telles conditions, l’ascension est régulière et se produit simulta- nément à la même hauteur dans toute la tranche du sable. Si, au contraire, le tube a été incliné au moment du remplissage, l’ascen- sion est irrégulière et l'appréciation du niveau moyen d’imbibition est impraticable. On voit que, dans les premiers instants, l’ascension capillaire se produit avec une très grande rapidité qui rendrait l'observation comparalive difficile sur un grand nombre de tubes. Après une demi-heure, elle peut être suivie aisément. C’est très lentement qu’elle se produit ensuite, lorsque le niveau de la colonne d’eau sur- passe 0",20 ou 0",25. Comme, à mesure que l’eau monte plus haut, il n’y à que les interstices capillaires les plus étroits qui s’imbibent d’eau, la démarcation de la tranche humide devient moins nette et exige plus d'attention pour être distinguée. J'ai analvsé tous les sables désignés dans le tableau précédent, qui renferme leur analyse physico-chimique et en même temps leurs provenances et conditions de prises. Les tableaux qui suivent ren- ferment les résultats obtenus avec indication du numéro de l’échan- tillon. TABLEAU. DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ANNALES 298 Y96°t9 £€0 0 Y6°Y 0ÿ°97 098°0 101°0 9€6' 0 Cz0°0 2HFA 0 co°0 0c"99 se°e LA AT Y1L°0 1C0°0 te 0 cY0'0 O8F'0 0€7'0 | Yet" 0 t80°0 06'& 006 | 86 $8 909°0 |668°0 |GGO0'0 |180°0 18}°0 |91€"0 " 0#0°0 881°0 |S9F°0 6L0'0 |£1F'0 0€ 96L°YL LL 89°5 00 °08 Y££"0 80 0 YL0°0 1}1°0 9#0"0 8& 816'€! [1] | £6°6 S8°6G 0860 600 &s0°0 967 0 DOND EG'LL 0t0°0 (see } 10Y8"1 9L°$] RLY'0 060°0 ss0°0 0£F'0 010 0 9a 6L°6 00°6} 1£€1°0 8Y0 "0 68F°0 080°0 tcl'0 0Y0'0 £z OY°Yc Y89°0 0£0°0 861"0 060°0 OYr°0 Y90°0 44 0#°0€ LC9"} TEL°Y 66£°0 GIF‘ 0€T'0 960°0 La LS 09G'2I 8LG°0 600°0 £20°0 960'0 2070 4 06"8L “ 00€" Te O0£'21 0€6°0 Y£0°0 990°0 LL 8L0°0 €70"0 6T ÿ98°69 90p (D ArT4 8Y9 0 690°0 £or°0 800 8yÿF'0 5600 8Tr RP, eh » "sou -1V9 SOJQUIOSUT SOJUDITIS 79 601 l . vers se ss + + + 01019 CE OR ET NOT OD ODUXC) TT ‘7 * * XN819 9p 9J8u0qi18/) 3 "* * * "oisouStN ° " * opnos tr Se ORRMIC oubrinJns op10Y onbrioydsoqd oprow ee + 0307 08$"0 870"0 11 0 “ 06F'0 6900 96$°66 1£0°0 06€ GY°Yre 1SF'0 660 0 £80'0 Ge0°0 [080 16#0'0 | 07"$] #0Y'0 |0£6'0 t€0°'0 |SY0 0 }1F°0 10900 0£0°0 | #* G£1°0 |€60°0 010'0 |G10 0 CT ‘SKOTTILKVHNYA Yy8'y!| 65 801897" YL 80" 09'€8 08Y 0 t£0'0 660°0 LL] J07°0 LY0 0 OT F9S°1L|1GS "02 |S£0°0 it 6 Lie 06 0% 98q S€0 160 LL Y60 LLO ‘0 ‘0 ‘0 0 * AR 72 “ 86€] c68'} 08'6F LkG'0 8£O 0 #60°0 YOF'0 890°0 Sa SONAWKNAN &6L°9/|#60"LL “ 6YG } 0€'6} 07G°0 960°0 t90°0 070 0 690°0 0€0°0 08°} Ds 3°} te } 00£°87|088 "91 096°0 190°0 0L0°0 810°0 c£0'0 0€€"0 8£0° 0 8800 Y60°0 060 0 919°68 josoe 0ÿ'°c€ 0€6°0 960°0 008'0 LY0°0 101°0 190°0 9€9"96 00L°} 0€6°} 00S°7E 999°0 Y60°0 €76°0 0990°0 &Ir'0 G60°0 ss ose 2 + + -squro SOJQUIOSUT SOJUOITIS 39 O91[IS an le fre cn co in M 910149) s ANSE ee EE NAN OPEL) sh re OUTUMIY *‘XNUU9 op 9J8UO0GIES) He TR OTSOUDEET ++ + + + + opnog Re VE ER ORRRIO * onbrimgqns oproy oubroqdsoqd opr0y see ee 9307Y “sueur a S2p NOILVYNDISHAQ “24998 01197 9P (OF Ans euoqy np eyjep np sages sep onbimiqo esAqeuy COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 299 Les sables des dunes rhodaniennes sont d’une extrême pauvreté en azote. Si l’on choisit les échantillons sur les parties dénudées des dunes, les teneurs en cet élément varient entre 05,140 et 08,250 par kilogramme. Au pied des dunes, dans les parties boisées, la te- neur du sol augmente dans les couches supérieures. Dans les dunes basses, la couche du sous-sol, souvent mêlée d’une proportion no- table d’éléments fins, est au contraire plus riche que le sable maigre supérieur. Dans l'étendue de la dune, la proportion d’azote est en somme très variable, mais toujours faible si l’on écarte les débris organiques de la surface et si l'on considère la couche de 0",50 d'épaisseur. Les chiffres suivants représentent la teneur en azote, par kilo- gramme, des sables de montilles en place que j'ai étudiés. N° 8. — Montille basse, du canal, à l'ouest d’Aigues-Mortes. Couche de 07,5 TO tome : : PRE 057,140 NS 9. — Sous-sol formé . Que agrégé, à L pires de profite 0 ,550 N° 10. — Montille, à Corbières. Échantillon moyen de plusieurs fouilles, à 0,50 dans le haut et le bas de la montille. 0 ,170 N° 11, — Autre montille, à Corbières. Échantillon moyen, à 0,50 dans le milieu de la montille . . . . . 0,250 N° 19. — Montilles basses, boisées en pins pignons, près de e Rhée- Longue, quartier du Sauvage (petite Camargue). Échan- tillon pris près d'un grand pin, à 0,40 0 ,430 Montilles boisées au Mas de Roy (0,50). 026330 — du Clamadou (0,50). à 0 .360 Montille, à Faraman (d'après MM. Risler et Colomb- Pradel !) ; 0 ,365 Les sables de montilles nivelées, en général moins purs que celui des montilles en place, à cause du mélange que produit le nivelle- ment avec les sous-sols un peu gras, accusent une moindre pauvreté en azole et même parfois une richesse notable, sile sol est depuis longtemps fumé ou soumis à des empaillages abondants. J'ai analysé un grand nombre de ces sables, cullivés en vigne, et, 1. Dans quelles limites l'analyse chimique des terres peut-elle servir à déter- miner les engrais dont elles ont besoin ? Risler et Colomb-Pradel, p. 57. Nancy, 1887, Berger-Levrault et Gi, éditeurs. 300 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. quoique les litres figurent déjà dans les tableaux plus haut donnés, je les reproduis ci-dessous pour les rapprocher d'observations faites par d’autres auteurs, et aussi afin de les classer par rapport aux sa- bles argileux, qui n’offrent pas l’immunilé phylloxérique. AZOTE par kilogramme. N° 3. — Vigne Robert, au N.-0. d'Aigues-Mortes. Couche superfi- cenle’de 0",30-d'ÉpDaIsseur CR RES. VC 0 N° 4. — \ême vigue, sous-sol, à 0,50 de rot AO SEE N° 5. — Même vigne, sous-sol, à 1 mètre de profondeur. . . . 0 ,300 N° 6. — Vigne Lasserre, à l'est d'Aigues-Mortes. Couche de Pr 0 ,680 N° 7. — Sous-sol du précédent, à 0,75 . ; : 0 ,770 N° 13. — Sables foncés entourés de marais. Vigne de Pradet , pro- priété Louis Gros. . . . Je AO 20H10 N° 14, — Sous-sol sablo-marneux du préce bte PAR PA PE N° 15. — Sables profonds .(Neblons, couche de Wie propriété HOWSAGTOS ER 7 PR, = Nate 0 ,300 N° 16. — Le Tombeau, pièce en vignes Meuté 1878 et L'autre cultivée en müriers, propriélé Louis Gros . . . . 0 ,370 N° 20. — Exploitation du Grand-Radeau au quartier du Sauvage, pétite Camargue. Sables cultivés en vignes et recevant de forts empaillages. Gouche de 0,50 . , . . . . 1 ,070 N° 21. — Sous-sol argileux, près du marais de la Rhéé-Longue. . 0 ,560 N° 25. — Layalle. Sables entourés de marais. Partie où les vignes sont belles. . . . . ë + 0002580 N° 26. — Layalle. Partie où les vignes of faibles, an une dé pression légère. . (L N° 27. — Vignoble de Badet (0",50) . 0 ,400 N° 28. — Idem. > 0 ,460 N° 30. — Mas de Roy. Vignes me fe UE 0 ,790 N° 31. — Môme domaine. Autre pièce très fumée . 0 ,520 N° 34, — Mas de la Ville. Vigne dans les sables. 0 ,420 M. Müntz a donné les chiffres suivants’ Moyenne des 4/3 du vignoble de Jarras, à la ME) SOL. : 4. 055270 des Salins du Midi. Sables profonds de 0,60. . Sous-sol. O0 ,270 Partie moins fertile et moins profonde dans le même d DE deuta an thres 08 de TS Brie PS SES g e Ja p te 0? omaine, 2 de la surface de la propriété. _ | Sous-sol. 0 ,100 fonceur, 0",40,. 1. Annales agronomiques, 1894, t. If, 1°* fascicule, p. 28 et suivantes. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 301 MM. Risler et Colomb-Pradel® ont indiqué: Pour un sable cultivé en vignes sur le Cordon de la Sylve, près PAIBUESENONLES NE ET M ee RE lee ous + JE AU 05,312 Dans la catégorie des sables argileux, les teneurs en azote sont constamment supérieures ; ces sols sont infiniment plus fertiles et seraient préférés pour la culture des vignes, si la vigne n’y dispa- raissait point sous les attaques du phylloxéra. ru kilogramme, C'est ainsi que le sable n° 1 amendé, près d'Aigues-Mortes, avec les CHNUSESATUAC ANA CONTIEN TE D D CUS RE PEUR 057,950 EUAUAISISONESOUS-S OL. (ne APM ERA. A7 NU A Line Ua OU N° 17. — La Cépade, à Corbières Henel reçu dé eaux Fe (EL 0 ,690 N° 18. — La Pinède, à Corbières (ayant reçu des eaux limoneuses). 0 ,990 N° 22. — Cabane d'Astoin. Sables gras. . 0 ,640 N° 23. — Maguelonne. Sables gras . ON RE NT PEUR ARE TON, NORD ES Tem NS PV CAPE PRES ER PE one dt PS A Lens 0 ,S20 N° 29. — Badet. Sables gras. 1,130 N° 32. — Nas de Roy. Sables gras . 1 ,300 N° 33. — Idem. . 0 ,550 La nécessité de fumures azotées abondantes est connue de tous les viticulteurs qui exploitent les sables. [ls emploient des fumures annuelles, particulièrement sous forme de tourteaux de sésame dé- graissés par le sulfure de carbone, à la dose de 0'#,300 à 0, 500 par pied de vigne, c’est-à-dire par hectare 1 400 à 2200 kilogr. C'est là une riche fumure azotée, car ces tourteaux renferment en moyenne 6.5 p. 100 d’azote, et l'hectare reçoit ainsi, par année, 90 à 190 ki- logr. d'azote organique. « Des sols sableux (éerit M. Müntz”) comme ceux dont il s’agit (vignoble de Jarras) consomment rapidement les engrais azotés, la nitrificalion étant facilitée par la perméabilité de la terre. Il faut donc s’attendre à voir une portion seulement de cet azote entrer en jeu pour la nutrition de la plante, et le reste se 1. Ouvrage cité, p. 150. 2. Annales agronomiques, volume cité, p. 33. 302 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. perdre dans le sous-sol. Aussi le besoin d'engrais se renouvelle-t-il - annuellement. « On ne peut pas, en appliquant ces fumures azotées intensives, espérer enrichir le sol suffisamment pour que, à un moment donné, on puisse arrêter l'apport d'engrais. On se tronve donc en présence d’un sol qui, comme on dit, dévorant les engrais azotés, en exige le renouvellement au début de chaque année culturale. Cependant cet azote organique doit encore être préféré à l’azote minéralisé sous forme de nitrate de soude ou de sulfate d’ammoniaque. « Dans les sols essentiellement perméables, dont les pluies enlèvent pour ainsi dire intégralement les éléments solubles, le nitrate de soude ne semble point désigné, à moins qu'on ne le donne par frac- tions successives, après que les pluies ont enlevé la dose précédente. Mais ce serait là une pratique culturale d’une application délicate et coûteuse el dont l’efficacité serait subordonnée à la fréquence et à l'abondance des pluies, c’est-à-dire à des circonstances atmosphéri- ques impossibles à prévoir. € Quant au sulfate d’ammoniaque, son apport à des sols légers et très calcaires donne lieu à des observations analogues. Dans de pa- reilles conditions, en effet, la nitrification de l’ammoniaque est ex- trêmement rapide et l’on se trouve pour ainsi dire dans le cas d’un apport de nitrate. « Les engrais organiques, au contraire, mellent une certaine len- teur à nitrifier, et il n’est pas impossible que la récolle suivante re- trouve encore quelque peu de l’azote échappé à la nitrification dans le cours de l’année précédente. De plus, la matière organique car- bonée dans laquelle cet azote se trouve engagé, tout en subissant une combustion activé, n’en reste pas moins dans la terre pendant une partie de l’année culturale et contribue à retenir humidité dans le sol, qui se trouve ainsi avoir plus de fraicheur. L’emploi des engrais organiques dans le cas spécial dont il s’agit est donc judi- CIeUX. » Ces réfléxions et observations de l’éminent professeur de l'Institut national agronomique sont à retenir. Dans l'important travail qu’il a publié sur la statistique des vignobles de France, il a démontré en COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 393 outre, en parlant du vignoble de Jarras, l'écart considérable qui existe entre la proportion d'azote contenue dans les produits de la vigne et celle appliquée sous forme de fumure. PAR HECTARE. Azote absorbé annuellement par la vigne. . . . . . . . .. o9 kilogr. RAD DOG IÉNDARIAMUMUTE NU te RE 0e oi 151 — (500 gr. de tourteau de sésame sulfuré par souche.) Cette disproportion montre tout l'intérêt que peut présenter un champ d’expériences dans les sables du littoral pour déterminer quelle est la meilleure forme à choisir pour l'apport de l'azote. Dans un {ravail antérieur, M. Müntz a étudié la rapidité très inégale avec laquelle se détruisent différentes matières azotées en se transfor- mant en nitrales sous l'influence des ferments. Certaines d’entre elles, dont la décomposilion est lente, pourraient être essayées en comparaison avec le fumier et les tourteaux. Dans ce milieu spécial si perméable des sables, on est porté à penser que la présence de l'humus doit jouer un rôle des plus utiles, tant dans le but de mo- difier l’état physique du terrain que pour lui conférer un pouvoir absorbant qui fait défaut. Les engrais azotés qui seraient capables de laisser beaucoup d’humus et qui offriraient la propriété de se ni- trifier lentement permeltraient peut-être de réduire les pertes d'azote. On sait que dans les sols perméables, les fumiers consom- més et riches en humus, qui contiennent l’azote à l’état insoluble, fournissent de meilleurs résultats que les fumiers dont la fermenta- tion est incomplète. La question est d’autant plus intéressante que, suivant toutes probabilités, la fumure azotée est la seule vraiment indispensable dans les sables du delta. L'acide phosphorique s’y trouve en effet en proportions très nota- bles, surtout si l’on tient compte de la facilité extrême avec laquelle les racines se ramifient et pénètrent dans les sables, où elles se dé- veloppent en chevelus abondants. La liste qui suit renferme les do- sages d'acide phosphorique des différents échantillons que j'ai étu- diés. J’y ai joint les analyses d’autres auteurs. 304 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. | 1° Sable de montilles en place : PT M: PHOSPHORIQUE par kilogr. N° 8. — Sol. Montille basse, à Aigues-Mortes . . . . . . . . 0*',690 N° 9. — Sous-sol. Montille basse, à Aigues-Mortes . . . . . . 0 780 N° 10. "Monte OUR LL). . RS SN QUELS 1 010 NPA EME 0 770 N° 19. — Montille basse, près Ja Rhée-Longue (petite Camargue): 0 780 Montille à Faraman (Risler et Pradel) .,2 mate ei ns 2 Sables nivelés et cultivés en vignes : N° 3, — Vigne Robert. Couche de:0%,30 ,. ..,,.. ne. 106,040 NP SU SOI a OU, SOUL ER ENST ER TN SR EN ERNST N° 5, — Sous-sol, à { mètre. . . . NE LOAMATMHPODESES0 N° 6. — Vigne Ur à l'est d'Aigues- Mortes TP STE 1 040 NOTES ous:-s0l 410075 0e 1 O0 940 N° 13. — Sables foncés PT de marais. Vigle dû Pradet a 18350 N° 14. — Sous-sol marneux. . . % 1 500 N° 15. — Sables profonds. Couche de on, 65. Neblons, à Corbières. 12290 N° 16. — Le Tombeau, cultivé en vignes depuis 1878 . 1 240 N°220::—Grand-RadeauwSolhe tft Ne MAR 0 960 N991-—— SOUS-SOL Aroelenx AU MEME CMP 1 300 NDS EPA VAE MINES DEEE RE CEE 1 060 N9 96, — Layalle. Partie de vignes faibles . 1 300 No 97 —\VjonesianDadelt s este. d eh nee R : 110260 NDS ATEN el os deal à ere le ide Je liole ob 10 110 N°30 Mas leHR ON ARE LULU DEN 1 - 250 No RE Tee 4 sen codes ee DEN ERRUES 1 340 NPRSAEE Nas tte NIET RE EE Re 0 760 M. Müntz a trouvé à Jarras : (SD CNE INR | Sous-sol. . . , . © S50 (1 SDe pe EN AO RES ÉSOUS ADI 2 20e UE Couche salée amère, à 0",80 de profondeur. . , , . . . . . . © S90 Partie la plus fertile : les 4/5 du domaine. , Partie la moins fertile : le 1/5 du domaine . M. Audoynaud a analysé trois échantillons de sables pris à Lis- telle, dans les dunes les plus récentes. Le n° 3 est le plus fertile et borde un canal : ACIDE PHOSPHORIQUE | par kilogr. 8 Noire ent ann IA TG 0#",800 ñ NO ed er 0 700 | “le te Aa Ah en eh 1 100 ù La richesse en acide phosphorique varie donc, pour les sables du COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 305 delta du Rhône, entre 05,700 et 15,300 par kilogramme, chiffres relativement élevés, si l’on tient compte de la profondeur des sables cultivés, qui atteint en général 0,60 à 0,80 et souvent plus de 1 mètre, si l’on tient compte surtout, ainsi que nous l'avons men- tionné plus haut, de la facilité que les racines rencontrent pour se multiplier dans ce milieu perméable. Les fumures phosphatées sont inusitées dans les sables, car depuis longtemps on a reconnu qu'elles ne marquaient pas. D'ailleurs la proportion de ce corps qui existe dans les engrais, les tourteaux par exemple, lorsqu'on les emploie à aussi hautes doses qu’à Aigues-Mortes, est plus que suffisante pour compenser la quantité d'acide phénique absorbée par la récolte dela vigne. C’est un fait que M. Müntz a mis en évidence. Les sables gras, ainsi que le montre déjà l’analyse de quelques sous-sols plus haut mentionnés, sont bien plus riches en acide phos- phorique que les sables mobiles. Tandis que, dans les sables maigres et profonds, la proportion de ce corps tend à diminuer en profon- deur par rapport à la couche superficielle, elle augmente, au con- traire, dans les sables limités à peu de distance par un sous-sol gras: Les analyses suivantes se rapportent aux sables agrégés qui n’offrent plus l’immunité phylloxérique. Les dosages d’acide phosphorique de ces sols sont analogues à ceux des sols alluviaux de la Camargue, parmi lesquels d’ailleurs plusieurs d’entre eux pourraient être clas- sés. Lorsque les dépôts éoliens ont été peu importants ou que des dunes basses ont été nivelées à un niveau tel que des eaux limoneu- ses ont pu les recouvrir par moments, la démarcation entre les sols alluviaux et les sols d’origine éolienne disparaît. is PHOSPHURIQUE par kilogr. N° 1. — Sable amendé avec les curures du eanal D Tri 187,120 N° 9. — Sous-sol du même. . . . 1 010 N° 17. — La Cépade. Sables nivelés à Corbières ay nt reçu is eaux limoneuses du Vistre et du Vidourle. . . . . 1 500 N° 18. — La Pinède. Sables nivelés à Corbières ayant reçu Le eaux limoneuses du Vistre et du Vidourle 1 480 N° 29, — Sables gras, aux Gabanes d'Astoin . : 1 400 N° 23. — Sables gras, à Maguelonne . 1220 N° 24. — Idem. 1 380 N° 29. — Sables gras, à Baie, 1 650 N° 32. — Sables gras, au Mas du Roy. 1 800 M° 33. — Idem 1370 ANN. SCIENCE AGRON. — ?° SERIE. — 1898. — 1. 20 306 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. On rencontre en Camargue beaucoup de sols analogues qui ont pu se former soit par la rupture des dunes sur des cordons littoraux anciens, soit par l'effet de la mer pénétrant dans les lagunes ou par les diramations du fleuve. La potasse soluble dans les acides est parfois très peu abondante dans les sables de dunes et, si l’on s’en tenait trop étroitement aux conventions admises pour l’interprétation des analyses, on serait amené à conclure que lintervention des fumures potassiques est né- cessaire. Les monlilles en place ont accusé les teneurs qui suivent, par kilogramme de sable sec : N° 8. — Montille basse, à Aigues-Mortes. Sol. . . . . . . . . 0%,620 N9 9. — \Montille basse, à Aigues-Mortes. Sous-sol . 0 780 N° 10. — Montille de Corbières 0 590 No 11. — Idem. . Net PARUS NE 0 600 N°9 19. — Montilles basses, à la Rhée-Longue . 0 660 Montille, à Faraman (Risler et Pradel) . . 1 445 Les sables nivelés et consacrés à la vigne ont donné les taux qui suivent : N° 3. — Vigne Robert. Couche de 0,30 . 07,820 N° 4. — Sous-sol, à 0",50. . 0 700 N° 5. — Sous-sol, à { mètre. 0 620 N° 6. — Vigne Lasserre. 0 940 N° 7. — Sous-sol, à 0,75. FR 0 910 N°9 13. — Sables foncés. Vigne du Pradet. . MES LT N° {4. — Sous-sol marneux. VE RUE 0 850 N° 15, — Sables profonds, neblons, à Gorbières . : 0 650 N° 16. — Le Tombeau, cultivé en vignes depuis 1878 . 0 760 N° 20. — Grand-Radeau . 02780 N° 21. — Sous-sol argileux et salé 3 990 N° 25. — Layalle. Vignes belles ; 0 780 N° 26. — Layalle. Partie de vignes faibles . 0 S50 N° 27. — Badet. . 0 S50 N° 98, — Idem. 0 740 N° 30, — Mas de Roy . 1 S10 N° 31. — Idem. ; 1 530 N°0 34. — \as de Ja Ville. 0 750 COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 307 À Jarras, d’après M. Müntz : Sol 0,810 Partie le a cts LE ba paurd Re PNR da ne : artie la plus fertile : les 4/5 du domaine nr area A à 1 à : Ë : DORE 9% Partie la plus faible : le 1/5 du domaine . d s CR | Sous-sol. 1 030 Couche salée amère, à 0,80. . IT La richesse des sables purs des dunes du delta du Rhône en po- tasse soluble à chaud dans les acides est donc, peur la plupart des échantillons, inférieure à 1 millième. Quelques sables riches et for- tement fumés, tels que ceux du Mas de Roy, dépassent notablement celte teneur ; mais ce sont là des exceptions. Or, d’après les conven- Lions admises, l'emploi des engrais potassiques devient utile dès que la teneur n’atteint pas 1 gr. par kilogramme. Encore est-ce là le chiffre réduit admis par MM. Risler et Colomb-Pradel pour la po- tasse soluble dans l'acide nitrique et la terre soumise à l’altaque sans pulvérisation. MM. de Gasparin et Joulie ont admis des moyen- nes plus élevées. Nos altaques ont élé faites dans les conditions indi- quées par MM. Risler et Pradel, et nous croyons néanmoins que cette moyenne basse, fixée par eux, est trop élevée pour des sols qui con- tiennent, comme les sables de dunes du Rhône, une grande proportion de débris feldspathiques et micacés. Les sables du Mas de Roy sont particulièrement riches en mica blanc et jaune, d’où peut-être leur teneur plus élevée en potasse. Si l'analyse par Pattaque nitrique n'indique qu’une faible teneur en potasse, l'attaque fluorhydrique met en liberté des quantités considérables de cette base. M. Berthe- lot a émis cette opinion que rien n'autorise à penser que les plantes sont impuissantes à extraire la potasse engagée dans les silicates in- solubles dans les acides. Par contre, M. Schlæsing considère que la potasse utile à la végétalion, c’est-à-dire assimilable, est celle seule que les acides faibles et employés à froid, jusqu’à décomposition du carbonate de chaux, peuvent mettre en liberté. Les opinions des agronomes les plus compétents sont donc actuellement peu concor- dantes quant à la valeur qu’il convient d'attribuer aux dosages de la potasse. Dans les sables lavés par l’eau des pluies, il est manifeste que la potasse soluble est en proportion négligeable. Cependant, 908 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. l'emploi des engrais potassiques est inusité dans les sables, malgré que les vignes, d’après les observations de M. Müntz sur le vignoble de Jarras, enlèvent annuellement une dose élevée de cet alcali. Les fumures apportent, d’après ses analyses, 33 kilogr. par hectare de potässe, tandis que les produits de la vigne en enlèvent 72 kilogr. Tout en insistant sur la grande importance des fumures azotées, M. Müntz ajoute : « Peut-être y aurait-il avantage à y associer des sels potassiques. » L'éminent chimiste dit aussi plus loin, en consta- tant cette disproportion entre la potasse apportée par les fumures et celle extraite par la vigne : € Pour la potasse, il est probable que celle qui se trouve dans l’eau de mer intervient dans une certaine mesure, quoique les racines de la vigne ne pénètrent pas dans ce milieu. » Nous avons rencontré à Aigues-Mortes, au commencement de l’année 1894, un petit champ d'expériences créé au quartier de la Pataquière, par M. Louis Gros, à titre d’enseisnement pour les écoles de la ville. C'était une bonne fortune pour constater de visu l'influence de cette fumure spéciale. Les résultats, très nets, mar- quaient que la fumure azotée seule, fumier, nitrate de soude, avait impressionné les cultures, l’avoine particulièrement. La potasse, l'acide phosphorique, employés seuls ou mélangés, étaient restés sans action. Les sables de la Pataquière sont analogues à ceux ana- lysés sous le n° 15, qui renferment moins de 1 millième de potasse soluble dans les acides. Il est donc probable que l'apport de fumures spéciales potassiques est superflu dans les sables. Les fu- mures de tourteau employées comme on le fait à Aigues-Mortes four- nissent un quantum de potasse sans doute insuffisant pour la récolte ; mais le surplus est emprunté aux sables qui, apparemment, en cè- dent suffisamment pour les besoins de la végétation. Une expérience faite sur des sables tout à fait maigres serait toutefois indispensable pour fixer ce point délicat d'appréciation. Suivant la remarque de M. Müntz, il est d’ailleurs bien probable que la potasse peut être apportée par les eaux marines qui, au voi- smage des vignes, pénètrent dans les fossés. La richesse très grande en potasse des sols argileux salés, qui, à une profondeur plus ou moins grande, constituent le sous-sol des îlots sableux, — richesse COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 309 qui persiste après le lavage des argiles sous l'influence des eaux plu- viales, — permet aussi de comprendre comment-les racines des vignes peuvent rencontrer cet alcali là où le sable est insuffisant. Dès que l’on s'adresse aux sables argileux, les taux de potasse augmentent en effet dans de grandes proportions, ainsi que le dé- montrent les dosages effectués sur les sables agrégés n’offrant plus Pimmunité phylloxérique : POTASSE SOLUBLE dans les acides par kilogr. de terre sèche. N° 1. — Sables amendés par les curures du canal d’Aigues- MONET SRE TA PR ER LM NN Roque 629180 N° 2.— Sous-sol du même. LRO SES Rs EMA D ENS 1020 QUO) N° 17. — La Gépade. Sables, à Corbières, ayant reçu les eaux li- moneuses du Vistre et du Vidourle . . . . . . . . 1 110 N° 18. — La Pinède. Sables, à Corbières, ayant reçu les eaux li- moneuses du Vistre et du Vidourle . 1 63 N° 22, — Sables gras, aux Cabanes d’Astoin . 3.090 N° 23. — Sables gras, à Maguelonne . 120290 No 24, — Idem HAUTE 2 100 N° 29. — Sables gras, à Padet. 3 160 N° 32. — Sables gras, au Mas de Roy. 228220 N°0 33. — Idem. 2 360 J'ai effectué quelques dosages de la potasse dans le résidu inso- luble des attaques par les acides. Je les reproduis ci-dessous, en même temps que celui de la potasse soluble, pour fixer le taux de la potasse totale existant dans les sables soumis à cel examen : POTASSE PAR KILOGRAMME = soluble dans insoluble, les acides. totale par kilogr. N° 8. — \ontilles. à Aigues-Mortes. . . 0%", 620 2000112 N° 15. — Neblons, à Corbières . . . . . 0 650 DOM OR ERT IEEI0 NM Niene durPradeNME SEINE 1 O DAMNTOR—=R2 RSI No Sables detBadet er AE 0e 0 850 ADPMAN= ANEIl Sous forme de silicates inattaquables aux acides, les sables du delta du Rhône renferment donc de grandes quantités de potasse, 310 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. plus encore que les sols alluviaux de la Camargue, où cette réserve parait inépuisable. Ces sables ne renferment que de très petites proportions d’acide sulfurique. Nous renverrons au tableau général des analyses pour les dosages qui y figurent. Tous renferment de la magnésie dans la proportion d'environ 1/2 p. 100. Quant au carbonate de chaux, les sables éoliens du delta du Rhône en renferment une proportion élevée, environ un cinquième de leur poids. Les titres en calcaire varient entre 16 et 25 p. 100. La couche du sous-sol est généralement plus riche en carbonate de chaux que le sol et plus riche aussi que la partie profonde de la couclie sableuse. Pour résumer cette étude, nous dirons que les sables de dunes du delta du Rhône constituent un support physique excellent pour les végétaux arbustifs, tels que la vigne, dont les racines peuvent aller chercher profondément l'humidité du sous-sol, généralement formé par une couche argileuse que recouvre une nappe aquifère douce, si les pluies ont été suffisamment abondantes. Quand la masse du sable provenant du nivellement de la montille est suffisamment pro- fonde, les sables peuvent être considérés, malgré leur pauvreté spé- cifique, comme assez fertiles, sauf en azote, élément pour lequel ils sont très mal pourvus, les sables calcaires étant des milieux très nilrifiants où les substances organiques sont rapidement oxydées et où les matières azotées disparaissent sous formé de nitrates, en grande partie perdus pour la végétation. L’acide phosphorique, au contraire, y figure en quantité notable et apparemment suffisante pour les besoins de la végétation pendant une longue durée de temps, pendant laquelle Pemploi des phosphates sera superflu. La potasse existe en abondance, mais sous une forme insoluble. Toutefois, quoi- qu'on ne puisse l’affirmer sans des expériences précises, dans les sables les plus paurres en potasse soluble, l'emploi des engrais po- tassiques paraît être peu utile, soit que, sous l’effet des agents at- mosphériques et par l’action propre des racines des plantes, la potasse insoluble intervienne pour suffire aux besoins de la végéta- tion, soit que, au voisinage du milieu marin, la potasse du sous-sol argileux, fixée dans l'argile, prenne une part dans la nutrition des COMPOSITION DES TERRES DE LA -CAMARGUE. 911 racines. Les apports fertilisants peuvent donc êlre constitués pres- que uniquement par de l'azote; mais il importe de fournir cet azote sous forme de matières organiques abondantes et lentement des- tructibles, qui agissent à la fois sur les sables d’une manière favo- rable par les modifications physiques qu’ils lui confèrent et qui, en ne livrant que peu à peu l’azote assimilable, préviennent une déperdition trop abondante de cet élément. Tel est le rôle des forts empaillages, des fumiers très consommés, des tourteaux de graines qui toutefois sont oxydés rapidement, ce qui oblige à en faire une consommalion très exagérée par rapport aux besoins de la végétation. . Nous avons insisté assez longuement sur l’immunité des sables. La cause réelle de cette immunité est encore mystérieuse. La mobi- lité des sables, leur pureté, la finesse de leurs particules sont peut- être les seules causes de cette immunilé, si l’on admet que ces qualités déterminent, par une simple action mécanique, la destruc- tion du parasile de la vigne, l'obstacle à sa pénétration et à sa cir- culation le long du tronc et des racines. Il est, en tout cas, un fait certain, c’est que dès que les sables renferment assez de parties fines, siliceuses et argileuses impalpables pour s’agréger, Pimmunité phylloxérique disparaît. La capillarité ascensionnelle des sables joue incontestablement un rôle dans l’immunité, et cette faculté.est fort réduite par de petiles proportions d'éléments impalpables. Mais on peut douter que l’eau agisse par elle-même, ainsi qu’on Pa soutenu, c’est-à-dire en asphyxant le phylloxéra. S'il en élait ainsi, les sables faiblement agrégés et non indemnes qui, souvent, existent au voi- sinage des sables indemnes, qui sont comme eux pénétrés d’eau pendant une partie de l’année, devraient aussi être préservés des atteintes phylloxériques par cette sorte de submersion naturelle. En reliant au contraire l’action de l’eau à l'hypothèse mécanique, c’est- à-dire en admettant que l’eau favorise le tassement du sable et, par suite, l’action mécanique de ses particules sur les phylloxéras intro- duits dans le sol, on comprend mieux le rôle ascensionnel des sables en ce qui a trait à leur immunité phylloxérique. | L'un des points importants à examiner en ce qui touche l’immu- nité des sables a trait aux modifications qu’ils peuvent éprouver 212 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. sous l’influence des fumures. Leurs propriétés physiques, en parti- culier le pouvoir d’ascension capillaire, n’en sont-ils pas modifiés ? Le tourteau, par exemple, à cause de son état pulvérulent, donne, malgré la faible proportion qu'on en consomme par rapport à la masse du sol, un état d’agrégalion sensible aux particules sableuses, sans doule par suite de l'humidité qu'il y retient. Des engrais orga- niques pulvérulents et plus lentement décomposables agiraient peut- ètre d’une manière encore plus marquée. Cette étude est à faire, comme beaucoup d’autres que nous n’avons pu ici qu’effleurer en exécutant quelques essais relativement au pouvoir d’ascension de l’eau dans les sables. Mais il est certain que l’immunité des sables n'a pas à souffrir de ces fumures organiques, tandis que leur ferti- lité y gagne beaucoup. Dans la série des sables examinés, il s’en trouve en effet quelques- uns dont la mise en culture est fort ancienne. Le n° 15 du domaine de Corbières est occupé depuis 1878 par la vigne, mais il était depuis bien longlemps auparavant cullivé et planté en mûriers, La pièce du Tombeau, du même domaine (n° 16), est plantée en vignes depuis 1867. Or l’analyse physique montre que ces sables cultivés, amendés par des fumures organiques variées depuis vingt à trente ans, n’ont rien perdu de leur immunité. Ils sont pauvres en substance orga- nique et leur taux en azote est faible (08,300, 05,370 par kilo- gramme). Si ces fumures organiques sont sans inconvénient, parce qu’elles ne laissent que des résidus terreux insignifiants, les com- posts, vases de marais ou de fossés, curures de canaux, sont, au contraire, — comme l’expérience l’a montré, — d’un emploi dan- gereux, même à faibles doses, parce qu'ils apportent dans les sables des particules limoneuses impalpables qui suffisent pour les agréger. L’altération, quoique ne portant que sur la tranche superficielle du terrain, celle intéressée par les labours, ouvre la porte au phyl- loxéra pour toute cette partie du sol. Le seul remède pour des sols qui ont perdu leur immunité du fait de ces apports malencontreux est un défoncement nouveau exécuté de telle manière que le sable pur soit ramené à la surface, {andis que celui sali par les limons sera placé au fond des fossés ouverts pour l'opération. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 313 Le salant de la Camargue. Sans la présence des sels nuisibles qui l’imprègnent, la terre de Camargue, dont la profondeur est au point de vue agricole illimitée, serait d’une extrême fertilité. La preuve surabondante en est four- nie par l’admirable productivité des « ségonneaux », Lerres lavées, comprises entre le fleuve et ses digues. Le salant est le fléau vérita- ble de ce territoire, fléau qui s’est accusé de plus en plus, à mesure que les endiguements du Rhône ont mieux résisté à ses crues et que les travaux particuliers, puis ceux de l’État, leur ont donné une stabilité qui rend les incursions du fleuve dans son delta im- possibles. Le remède est dans un système complet de canaux d’irrigations et d’écoulages, travail d'ensemble qui s'impose et qui est indispen- sable pour la mise en valeur dn delta. N'est-ce point une anomalie vraiment choquante de voir ce vaste terriloire, si richement doté, annihilé par un mal dont les eaux du Rhône, immédiatement voi- sines, constituent le remède assuré. Une faible part de ces eaux, qui se perdent à la mer depuis des siècles, suffirait pour modifier en peu d’années une région improductive pour la plus grande partie de son étendue. C’est là sans doute un problème coûteux à réaliser, mais bien digne de fixer l’attention des ingénieurs hydrauliciens, problème mür maintenant, car la solution en est certaine ; iln’existe, en effet, aucun doute sur les résultats du dessalement des terres, quoique l’évidence de ces résultats ait été bien longtemps méconnue, même par d’éminents agronomes. QI! n’y a point de comparaison possible, écrivait en effet M. P. de Gasparin, entre les polders et les terrains salants de la basse vallée du Rhône. Depuis bien des années pour un certain nombre, depuis des siècles pour la plupart, depuis les âges géologiques pour quel- ques-uns d’entre eux, la communication avec la mer n'existe plus. Ils ont subi constamment l’action des eaux météoriques, les débor- 1. Des terrains salants du S.-E. (Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1er semestre 1883, p. 990 ) 3514 ANNALES DE LA SCIENCE -AGRONOMIQUE. dements des rivières, l’écoulement des canaux de desséchement sans communication directe avec les eaux salées et, cependant, leur condition ne s’est pas modifiée. « Ils sont toujours des terrains salants et le seront encore, ne portant que la végétation caractéristique de ces terrains. » Et M. P. de Gasparin en déduit que l'hypothèse formulée par lui en 1851, au sujet de la cause essentielle de la salure de la Camargue, peut seule rendre compte de celte persistance. Cette salure serait due à l'existence d'une nappe salée alimentée par des sources salées, dont les émergences viendraient former en Camargue les mulliples pla- ques de sansouires qu’on y rencontre. « Puisqu’on trouve encore des terrains salants, ajoute-t-il, à des allitudes de 100 mètres au-dessus du niveau de la Méditerranée, puisqu'ure vaste formation gypseuse s’étend de la Sainte-Victoire, près d’Aix, jusqu'à Malaucène, au pied du mont Ventoux, puisque toules les sources qui émergent dans la basse vallée contiennent en des proportions variées du sel marin, quoique venant à eau cou- rante de la vallée de la Durance; puisque les dépôts de sel gemme sont souvent les associés des formalions gypseuses, n’est-il point permis de craindre que les sources salées qui entretiennent la salure d’une partie des sansouires ne viennent de dépôts éloignés et indéfinis en étendue, en sorte que l'assainissement de ces lerrains serait pour celle parhe-là un problème insoluble ? » L'hypothèse de M. P. de Gasparin conserve sa valeur pour cer- tains plateaux de la vallée du Rhône où, en effet, le salant peut être le résultat de l'accumulation des produits amenés par le délavage de terrains supérieurs, accumulation créée par l'insuffisance des pluies et la concentration des eaux sous l'influence du climat, mais elle n’est pas admissible dans la Camargue. Barral n’a pas hésité à assigner pour cause unique de la salure de ce territoire sa formation au sein de la Méditerranée et, en vérité, il est difficile d'imaginer une aulre cause, quand celle-ci est si naturelle, si apparente même. Quant à la différence avec les polders de l'Océan du Nord, dont 1. Comples rendus de l’Académie des sciences, 1851, t, XXXII, p. 696. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 319 le dessalage s’effectue presque sans difficultés, elle lient à la nature aride du climat méridionnal et à celui plus aride encore de la Camar- oue. Cette considération, qu’on n'a pas fait valoir jusqu'ici, nous paraît capitale et de nature à rendre compte par elle seule de l'abondance des efflorescences ou sansouires en Camargue, de la difficulté du dessalement des terres. L'action de ce climat aride s’est fait sentir depuis longtemps. Les eaux de la mer retenues dans les lagunes, en arrière des cordons littoraux successifs qui ont pris naissance à mesure des pro- grès de l’atterrissement, s’y évaporaient sous l’action des vents secs qui règnent en maitres sur celle plaine. Le delta ne pouvait être que partiellement et à de longs intervalles parcouru par les eaux débordantes du fleuve. Le pouvoir dissolvant des eaux fluviales n’exerçant ses effets que durant de courtes périodes ne pouvait ba- lancer le phénomène de concentration plus général et plus constant. La dépression du Vaccarès montre que, dès la première période de formalion du delta, la plus grande partie des terres s’est trouvée à l'abri de l’incursion des crues. Les apports colmatants se sont cons- tamment portés vers la mer, en accroissant les dimensions du delta sans l’exhausser d’une manière sensible. Seules les eaux météori- ques pouvaient avoir une action générale ; mais leur proportion était et est toujours insuffisante pour conduire au dessalement ; elles n'o- pèrent qu'un délavage superficiel. On trouvera à la fin de ce mé: _moire un résumé mensuel des observations udométriques faites en Camargue pour une longue série d'années, et il suffira de parcourir ces tableaux pour constater à la fois l'insuffisance et l’irrégularité des pluies. L'un d’eux comprend les observations faites par la Com- mission météorologique des Bouches-du-Rhône depuis 1882, dans cinq stalions de la Camargue : Arles, l’'Étourneau, Giraud, Faraman et les Saintes-Maries. L'autre résume les observations faites à Aigues- Mortes, depuis l’année 1871. Si l’on admet pour la caractéristique d’un climat aride une moyenne minima de 500 millimètres de tom- bés d’eau annuelle, on verra, en parcourant ces tables, que bien des années sont restées en Camargue très au-dessous de ce chiffre. De plus, il ressort de l'examen de ces mêmes tableaux, que les pluies durent peu et qu'une forte partie du total annuel est le résultat à 316 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. d'orages compensant d’une manière fort insuffisante de longs mois de sécheresse. Ces pluies orageuses ne pénètrent que très incom- plètement un sol limoneux et conduisent à la formation des san- souires, c’est-à-dire des accumulations du salant dans les dépres- sions très légères et à peine sensibles du sol, car la planitude générale ne permet guère l'entraînement vers de plus vastes dépressions, telles que le Vaccarès et les étangs inférieurs. La permanence du sel est donc bien la conséquence naturelle de l’aridité du climat, carac- térisée par l'intensité de l’évaporation superficielle et l'insuffisance ainsi que l’irrégularité des pluies. C’est en cela principalement que les terrains salés du Sud-Est, comme aussi & fortiori ceux de l’AI- gérie et de Ja Tunisie, diffèrent profondément des plaines salées conquises sur l'Océan. Le climat aride doit être aussi invoqué comme la cause essentielle du salant dans les terres hautes signalées par M. P. de Gasparin, terres que nous comptons examiner comme suite du présent mé- moire. Mais là, l’origine du salant est bien différente, car elle résulte apparemment des phénomènes de délavages de terres supérieures, comprenant des massifs gypseux, tels que ceux signalés par M. de Gasparin, donnant naissance à des sources saumâtres, dont les eaux s'accumulent et s’évaporent dans des plaines formées de terrasses anciennes, plus ou moins élevées au-dessus du niveau de la mer. En Algérie ou en Tunisie, les surfaces occupées par des terres salées élevées sont considérables par le seul fait d’une évaporation beaucoup plus active. Telles sont les notions nouvelles que les importants tra- vaux de M. E.-W. Hilgard, de l'Université de Berkeley, en Califor- nie, ont grandement diffusées et qui fournissent une explication rationnelle de la permanence du sel ou de sa présence dans des terrains où l’on avait peine à comprendre les causes de son accu- mulation. L'étude des terres salées est entourée de difficultés, car le phéno- mène du salant est placé sous la dépendance de conditions climaté- riques qui varient constamment. La végétation manifeste la résultante de ces actions temporaires, tantôt affaiblies, tantôt aggravées du salant. Pour suivre dans le terrain les mouvements des sels solubles, pour apprécier la nocuité plus grande de quelques-uns d’entre eux, COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 317 il faudrait des observations constantes sur place. Jai dù me borner à rapporter de mes nombreuses excursions en Camargue une foule de matériaux que j'ai ensuite examinés au laboratoire, afin d’élucider au mieux la nature du salant dont souffre ce territoire. Une étude complète ne serait possible que dans les conditions où elle a été opérée dans des pays étrangers, en créant à cet effet des stations expérimentales comme celles de l'État de Californie, stations qui ont fourni des documents importants et qui ont permis de guider les propriétaires dans l'emploi de procédés spéciaux pour combattre une certaine nature de salant, le salant alcalin. Cette recherche de la nature des sels d’efflorescence qui apparais- sent sur les terres était particulièrement intéressante. En Amérique, dans les États de Californie et de Washington, en Asie dans l’Inde, en Europe dans la basse plaine hongroise, enfin en Afrique, nolam- ment en Égypte et au Fezzan, on a reconnu que le chlorure de so- dium, ou sel marin commun, n’était pas toujours la seule substance nuisible à incriminer. D'autres corps agissent à des doses beaucoup plus faibles, notamment le carbonate sodique. Ces notions nouvelles ont été introduites dans l’examen des régions salées et particulié- rement des contrées arides, à la suite des remarquables études en- treprises en Californie par M. le professeur E.-W. Hilgard, direc- teur de la station agronomique de Berkeley. Un résumé des travaux de ce savant agronome figure dans le beau mémoire qu’il a fourni au sujet de l’Anfluence du climat sur la formalion et la composilion des sols, mémoire qui a paru dans les Annales de la science agro- nomique’ et qui renferme un chapitre spécial sur les terrains alca- lins. Les carbonates alcalins qui ont été signalés comme accompa- gnant le -sel marin et les sulfates alcalins dans ces régions à efflorescences salines sont infiniment plus toxiques pour les plantes que les sels neutres, chlorures et sulfates, elc., et, dans certains milieux, notamment en Californie, ce sont eux qui jouent dans les cultures le rôle le plus néfaste. 1. Revue citée. Neuvième année, t. If, p. 92 et 395. Le mémoire de M. Hilgard a été traduit par M. Villeboutehéviteh, qui y a ajouté une bibliographie des terrains salés et des notes fort intéressantes. 318 ANNALES DÉ LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Quoique les terres de la Camargue offrent manifestement , avec leurs salsolacées si abondantes, l'exemple du salant maritime ou salaut vrai, les observations de M. Hilgard étaient très suggeslives au sujet de la présence, néanmoins possible, de manifestations alca- lines. La question était intéressante à étudier, car elle se lie intime- ment au dessalage des terres, par lequel la nature des sels nuisibles peut être modifiée sous diverses influences qui apparaîtront plus nettement au cours de cet exposé. Nous verrons d’ailleurs qu’en effet le salant alcalin, quoiqu'il ne joue en Camargue qu’un rôle assez effacé, apparaît quelquefois assez nettement pour que sa présence soit à surveiller. La réaction qui donne naissance aux carbonates alcalins est, d'après M. E.-W. Hilgard, l'une de celles qui doivent se produire d’une manière universelle, principalement dans les régions arides. Or, la faible abondance et surtout l'irrégularité des pluies place la Camargue près de la limite de ce genre de climat. « Le fond de la réaction, dit M. Hilgard, consiste dans le fait, qu'en présence de l’acide carbonique libre les carbonates de chaux ou de magnésie, en contact avec des sulfates ou chlorures alcalins, donnent des carbonates alcalins et des sulfates ou chlorures terreux; lequel résultat persiste tant que les sels alcalins continuent à renfer- mer lant soit peu d’acide carbonique en excès sur le carbonate nor- mal (sesquicarbonate). Or, dans la nature, pareil excès existe pres- que toujours, plus particulièrement dans les sols riches en humus, où l'air circulant à l'intérieur est toujours fortement chargé d’acide carbonique ; plus l’acide carbonique est en abondance et plus les solulions sont étendues, plus l'échange est complet : dans les solu- tions contenant moins de 1 gramme par litre, la totalité du sulfate alcalin se transforme en carbonate. « Des carbonates alcalins se formeront donc sur tous les points où il y aura dégagement actif d'acide carbonique, en présence du car- bonate de chaux et des sels neutres de soude ou de potasse, aussi bien dans l2s sols que dans les marais el étangs, pourvu que ces derniers soient couverts de végétaux en pleine vie ou renfermant des restes végétaux en décomposition; dans le cas de sulfates alca- lins, le phénomène a plus de facilité à amener des résultats défi- COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 319 nilifs considérables que dans celui de chlorures, à cause du peu de solubilité du sulfate de chaux qui échappe ainsi, pour la plus grande partie, à toute rétroaction possible, tandis que les chlorures terreux resteraient en solution à la fois avec les surearbonates alcalins. « Ce qui précède fait comprendre pourquoi l’alcali noir (carbo- nate de soude) est représenté de préférence dans les bas-fonds et surtout dans les vallées très riches en humus; le dégagement très actif d'acide carbonique n’est pas, dans ce cas, la seule condition spécialement favorable ; la plus grande humidité, en raison de la topographie et du caractère plus argileux des sols des bas-fonds, a aussi son importance. « Le carbonate de soude est nocif pour les racines des plantes, qu'il corrode au contact et coupe littéralement. Le dommage est plus grave encore que celui dû à une pareille section, car le sel dissout se répand dans les plaies ouvertes. «Mais ce ne sont point là les seuls dommages. Le carbonate so- dique possède cette propriété de rendre largile incoagulable, de telle sorte que, dans les terrains forts, imprégnés de ce sel, les travaux de culture sont rendus impraticables par la compacité du terrain. » « Chaque plaque de terrain alcalin est une dépression imper- méable aux eaux. Sous l'effet des sécheresses, des mottes se for- ment qui sont tout à fait irréductibles. L’alcali dissout lhumas de la terre, de telle sorte que les taches de salant alcalin offrent sur leurs bords une coloration foncée, d’où le nom populaire d’alcali noir. Les eaux des flaques alcalines sont également très colorées. Cette dissolution de l’humus conduit à un appauvrissement considé- rable du sol. « Un sol alcalin qui est chargé seulement de 0.08 p. 100 de car- bonate sodique devient pratiquement inutilisable. Il est clair que les effets de ce sel sont surtout sensibles dans un lerrain argileux, à cause de cette propriété qu’il possède, d'empêcher la coagulation de l'argile. » Dans son important mémoire et dans d’autres publicalions en 320 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. langue anglaise’, 1l existe divers passages du même auteur qui mériteraient d’être cités et qui caractérisent le salant alcalin observé dans plusieurs vallées californiennes. Le même auteur a fourni dans ces publications des analyses complètes nombreuses des sels solubles extraits des terres et des efflorescences à caractère alcalin. À côté du carbonate de soude, qui existe en proportion plus ou moins grande et quelquefois dominante, on remarque la présence de phosphates et de nitrates alcalins, Voici encore, pour terminer la description des caractères apparents du salant alcalin,un passage fort intéressant du mémoire de M. Hilgard: € 4° Si vous voyez des endroits qui, bien qu'humides, paraissent extérieurement assez fermes et que, cependant, à l'essai, les hommes ou animaux passent au travers de la mince croûle superficielle et s’enlisent, vous avez affaire le plus souvent à un marécage alcalin ; « 2° Ou bien si vous rencontrez des flaques peu profondes, rem- plies d’une espèce de bouillie limoneuse au lieu d’eau (il suffit que des oiseaux aqualiques aient une fois, en barbotant dans la flaque, mis en suspension le limon, pour que, dans une eau contenant du carbonate de soude, 1l ne se dépose plus) ; « 3° Si dans une eau courante, vous constatez la vigoureuse pro- pagalion d’une espèce particulière d’algue qui flotte çà et là au gré des vents, puis, par morceaux s’arrache pour aller continuer son développement dans des lacs sans issues qu’elle couvre d’épais Lapis; on dirait de la flanelle (ce phénomène attire généralement la cu- riosité des habitants et des voyageurs), vous pouvez encore vous attendre à trouver du carbonate de soude dans l’eau. » Pour compléter ce qui a trait à la formation des carbonates alca- lins dans les terres, nous devons mentionner un important mémoire de M. P. de Mondésir, publié en février 1888, dans les Comptes rendus de l'Académie des, sciences*. L'auteur rappelle que la réac- 1. Quelques-unes des citations de M. E.-W. Hilgard sont empruntées au mémoire qu'il a publié sous le titre suivant : A/kali Lands, irrigation and drainage in their mulual relations, 1892, 2, Mémoire sur le rôle absorbant des terres dans la formation des carbonates de soude naturels. Ce mémoire a été reproduit dans les Annales de la science agrono- mique, 1891, t. Il, p. 386. 1 4g- an] | COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGVE. 221 tion de Berthollet pour expliquer la formation du nalron n’a jamais reçu de confirmation expérimentale et qu’elle a même donné lieu à des essais infructueux. Les conditions que l’auteur fait connaitre lui ont permis, au contraire, d'obtenir la double décomposition entre le chlorure de sodium et le carbonate de chaux dans une terre riche en humus et très calcaire qui n’avait jamais été cultivée. « Un kilogramme de cette terre, délayé dans 4 litres d’une solu- Lion à 4 p. 100 de sel marin, à transformé en chlorure de calcium environ 15 p. 100 de ce chlorure de sodium. Après des lavages qui ont enlevé la presque totalité des sels, la terre remise dans de l’eau pure a été traitée par l'acide carbonique, et ce traitement par l’eau et l’acide a été répété quatre fois. Les dissolutions ont donné par évaportion, après dépôt de carbonate de chaux, une quantité de carbonate de soude correspondant à la transformation du chlorure de sodium. « En répétant ces traitements successifs une vingtaine de fois, j'ai obtenu, avec le même kilogramme de terre, plus de 100 grammes de carbonate de soude, que Je présente à l’Académie, sous forme de trona (carbonate 4/3). » M. de Mondésir attribue au pouvoir absorbant de la terre, et en particulier à l’humus qu’elle renfermait en abondance, ces fixations successives de la soude empruntée au sel marin, plus tard restituée dans la solulion carbonique : « Ces traitements ne sont point, dit-il, de simples lavages, car en décantant, la première fois, les deux tiers ou les trois quarts du liquide total, on n’en retire même pas la moi- lié de la soude absorbée par la terre, et il en est de même dans les lavages ultérieurs ; les quantités de soude enlevées, au lieu de dé- croître selon la raison 1/3 ou 1/4, suivant une raison comprise entre 1/2 et 3/5. Ce résultat est d'ailleurs conforme à ce que l’on sait des équilibres qui s’établissent sous l’influence du pouvoir absorbant de la terre. De même si, au lieu de traiter la terre une seule fois par la dissolution de chlorure de sodium, on renouvelle cette dissolution deux ou trois fois, le chlorure de calcium étant ainsi enlevé, la terre absorbe notablement plus de soude. » L'expérience de M. de Mondésir diffère de celle de M. Hilgard, mais les réaclions invoquées de part et d’autre par ces auteurs n’ont ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE, — 1898. — 1. PEROU 322 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. rien de contradictoire et on doit penser que, dans la nature, elles sont simultanées. En citant la communication de M. de Mondésir, M. Hilgard fait remarquer dans son mémoire‘ que l'intervention de la terre n’est pas indispensable pour obtenir la réaction entre le sel marin et le carbonate de chaux : « La réaction s’accomplit prompte- ment, dit-il, dans une simple dissolution aqueuse et par l'évaporation spontanée, on obtient du surcarbonate de soude cristallisé aussi bien dans le cas d’une solution chlorurée que dans celui d’une solution sulfatée. » Le salant alcalin n’apparaît, toutefois, comme le montrent les cita- lions mêmes empruntées plus baut à M. Hilgard, que dans des terres humifères, qui constituent un milieu abondamment saturé d'acide carbonique. L'expérience de M. de Mondésir montre que ce sont ces terres, abondamment pourvues en matières organiques, qui offrent aussi pour la soude le plus grand pouvoir absorbant. Pratiquement, l'existence des matières organiques dans la terre semble donc très nécessaire pour ces deux réaclions, qui apparemment se super- posent. La réaction se produit toutefois dans de simples dissolutions aqueuses, dès que l’acide carbonique existe en excès, pour former des bicarbonates. Le fait a été nettement établi par une longue série d'essais de laboratoire réalisés par M. E.-W. Hilgard, avec ses col- laborateurs assistants de l’Université de Californie, MM. Weber et Jaffa*. « On opérait toujours sur un litre de dissolution de sulfate de potasse ou de sulfate de soude, dans lequel du carbonate calcaire précipité élait continuellement tenu en suspension, tandis qu'un courant de gaz carbonique traversail durant quarante minutes la li- queur à la température de 18 degrés centigrades. Le premier effet était toujours un léger rougissement du tournesol, dû à l'acide car- bonique ; mais cette réaction se changeait en une réaction alcaline pendant les premières dix minutes de l'essai, réaction devenant en- 1. Annales de la science agronomique, mémoire cité. 2. On the mulual reaclions of carbonales, sulphates and chlorides, of the alkaline earths and alkalics, E.-W. Hilgard and A.-H. Weber, August 1888. — Far- ther experiments on the reactions between alkali sulphates, calcic carbonate, and free carbonic acid, by M. E. Jafla, 19 août 1S90. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 325 suite plus forte avec le temps. Les essais montraient toutefois que le maximum élait atteint dans les quarante minutes et qu’il était inu- tile de prolonger au delà l'opération. Dans chaque expérience, 100 centilitres étaient versés immédia- tement après la clarification du magma, par filtration, et titré pour alcalinilé totale, comprenant le carbonate calcaire en dissolution carbonique. Quand un sulfate alcalin était employé, le carbonate eulcaire non dissous élait éprouvé pour y rechercher l'acide sulfu- rique que l’on y a Loujours reconnu présent. Une autre partie de la solution, versée et clarifiée, était évaporée à sec; le résidu, pesé après dessiccation à 100 degrés centigrades, élait lessivé, filtré et l’alcalinité déterminée dans la partie soluble. Une autre partie élait mélangé avec assez d'alcool pour porter le pourcentage à environ 60 p. 100. Cette addition donnait naissance à un précipité gélalineux, qui, après douze heures, se condensait en erislaux de gypse et de carbonate calcaire facilement reconnaissables. La matière filtrée de ce dépôt était également titrée pour son alcali- nilé. Ainsi que le montrent les tableaux qui suivent, résumant les expé- riences faites par M. Jaffa avec du carbonate de chaux précipité 4 froid par le carbonate d’ammoniaque au lieu du carbonate plus cristallin et plus grossier, expérimenté précédemment par M. Weber, et qui avait élé précipité à chaud, la réaction d'échange a été complète pour les liqueurs ne renfermänt pas beaucoup au delà de 1 gramme par litre pour le sulfate de potasse et 05,80 pour le sulfate de soude. Dans ces conditions, le montant de bicarbonate de potasse formé par htre a été de 15°,173, celui du bicarbonate de soude 6*°,89, c’est-à- dire égal à toute la proportion possible. En évaporant à 100 degrés et Litrant lalcalinité dans le résidu see lessivé, les quantités d’alcali irouvées sont naturellement beaucoup plus faibles que celles obser- vées à la température ordinaire. Elles représentent environ 1/7 de ces dernières. M. Weber, qui desséchait à 110 degrés centigrades, avai trouvé 1/12. La rétroaction est donc fortement influencée par la température ; mais on peut comprendre que l’évaporation aux tem- péralures ordinaires, qui généralement s'offrent dans la nature, s’approchera beaucoup des résultats indiqués par les filtrations. Dans 324 ANNALES DE ZA SCIENCE AGRONOMIQUE. les solutions plus riches en sulfates, la réaction est seulement par- tielle, par rapport à sa limile théorique possible, mais, jusqu'aux environs de # grammes par litre, il se forme des quantités crois- santes d'alcali. Au delà de cette teneur, les quantités formées ne sont guêre accrues et ce taux parait être, sous les conditions ordinaires de température et de pression, le chiffre pratique de la limite d’action. Les renseignements qui précèdent sont empruntés, ainsi que les deux tableaux qui suivent, aux brochures en langue anglaise qui ont élé obligeamment adressées par M. Hilgard. Expériences avec le sulfate de potasse (MM. Hilgard et Jaffa). GRAMMES DE SULFATE DE POTASSE PAR LITRE. mm n 1 | 0.75 | 1.00 DÉSIGNATION. Alcalinité totale de la li- queur filtrée en centi- metres cubes de liqueur normale HSOf . . . .| 17.76 | 19.00 | Alcalinitérésiduaire après | précipitation par l’al- cool, exprimée de même que ci-dessus .875| 5.75 .6: 11.5 | C'arbonate HKCO? formé en proportion du total possible. . . . . ‘ 00 |100.00 |100.00 100.00 | Proportion de HKCO3 | formé par litre . , . . .293| 6,587] U.881| 1.173 Alcalinité correspondant à Ca CO'en centimitres cubes de liqueur nor- male H2SO%. . . . . .| 14.88 | 13.95 Poids du résidu desséché à 100 degrés par litre . .177| 1.450 Alcalinité résiduaire dans le même en grammes HKCON par litre. . , . :.060| 0,100 | 0,160! 0.190! | COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 329 Expériences avec le sulfate de soude (MM. Hilgard et Jaffa). GRAMMES DE SULFATE DE SOUDE PAR LITRE. CR EE Em 0.50 | 0.75 | 0.80 DÉSIGNATION. Alcalinité totale de la li- queur filtrée en centi- mètres cubes de liqueur normale H2SOf. . .. 9.5 .58 |: 20.65 120.82 120.95 121.30 [22.30 122,95: 125.00 | Alcalinité résiduaire après précipitation par l'al- cool, exprimée comme ci-dessus . . . . HNaCO? formé en pro- portion centésimale du total possible . . . . .]109.C0 |100, 100. | Proportion de HNa CO* formé par litre . . . .| 0.266) 0.592! O. Alcalinité correspondant à C1CO? en centimètres cubes de liqueur nor- male H*SOf. . . . | Poids du résidu desséché à 100 degrés par litre . Alcalinité résiduaire dans le même en grammes HNaCO’ par litre. . , 0.035 « La production d'une réaction alcaline par l'addition d’un acide est assez singulière, écrivent MM. Hilgard et Weber, au point de vue de notre conception des propriétés chimiques. Elle devient encore plus frappante quand, au lieu de dégager l'acide carbonique en dehors de la solution, on produit ce dégagement par addition gra- duelle et mesurée d’acide chlorhydrique agissant sur le carbonate calcaire même du mélange en expérience, en prenant soin de laisser un excédent suffisant de ce sel non dissous. Là encore, nous obte- nons une forte réaction alcaline comme résultat de l’addition d’un de nos acides les plus énergiques à un mélange neutre. Et, ajoutent les mêmes auteurs du travail précité, le rôle de cette expérience comme spécimen d'un tour de main chimique ne constitue qu’une mince partie de son intérêt expérimental. Ce qu’il faut considérer, c’est que ces deux sels de sodium, le chlorure et le sulfate, sont les corps les plus abondants qui résultent du lessivage des roches et des terres sous l’action des processus météorologiques, tandis que les carbo- nates calcaires et magnésiens avec l’acide carbonique libre sont pour 326 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ainsi dire universeliement répandus dans la nature. On est ainsi amené à apprécier forcément l'importance des réactions entre ces mélanges sous les différentes conditions de température, pressions, dilution et proportions relatives. Il est singulier que parmi le grand nombre de personnes qui ont recherché des sujets de géologie chi- | mique, eaux minérales, formation des gîtes métallifères, chimie des terres, celte réaclion remarquable semble être passée inaperçue. « Une longue perspective de cas dans lesquels cette réaction prend évidemment une part active s'ouvre devant nous, et la recherche de ses limites par des conditions physiques implique la possibilité d'assez de permulalions et d'assez de combinaisons pour conslituer l’œuvre de plusieurs termes de vies humaines”. » Cette réaction n'avait pas échappé tout à fait cependant à divers observaleürs antérieurement aux recherches que nous venons de citer. En 1876, M. P. Pichard avait signalé dans plusieurs eaux de la province d'Oran la présence de carbonates de soude accompagnés de sulfates de soude et de chaux, de chlorures, notamment ceux de calcium et de magnésium, quelquefois de petites proportions de nitrates alcalins, et plus rarement de traces de sels ammoniacaux. Ces eaux, offrant la réaction alcaline, répondaient à une teneur de U#:,2 à 20 grammes de carbonate sodique par litre, et la présence presque constante de ce sel était due, d'après l’auteur, à la réaction du chlorure de sodium sur les carbonates de chaux et de magnésie en présence des malières organiques. À l'appui de cette manière de voir, c’est-à-dire pour démontrer la nécessité des matières orgam- ques, l’auteur citait plusieurs expériences effectuées en meltant en présence de dissolutions de sel des débris de feuilles el un excès de carbonate de chaux. Le rôle de l’acide carbonique libre n’est point mentionné *. En 1878, G. Clæz avait signalé l'obtention arüficielle du natrom par l’action du carbonate de magnésie et de l’acide carbonique sur le sel marin. En évaporant à l'air libre ou dans le vide les solutions opérées en présence de ce gaz et des sels désignés, il avait obtenu 1. Traduction libre du mémoire déjà cité de MM. E.-W. Hilgard et Weber. 2, Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1876, 2° semestre, p. 1104. COMPOSITICN DES TERRES DE LA CAMARGUE. 3217 un résidu alcalin renfermant du bicarbonate et du sesquicarbonate de soude, ainsi que du chlorure de magnésium. Le bicarbonate et même le sesquicarbonate ne réagissaient point sur la solution de chlorure de magnésium. Le même auteur considère comme dou- teuse, dans son mémoire, la réaction de Berthollet (action du car- bonate de chaux et de l’acide carbonique sur le sel marin), les bi- carbonates ou sesquicarbonates de soude étant, dit-il, décomposés par le chlorure de calcium. Ce sont toutefois les travaux de M. E.-W. Hilgard qui ont réussi à aturer sur cette réaction l’attention des agronomes; la recherche des manifestations alcalines dans les terres ou dans les eaux ne s’est imposée qu’à la suite des remarquables publications dans lesquelles cet auteur a montré le rôle si nocif des alcalis sur la végétation, et dans lesquels il a signalé, par de nombreux exemples, les désastres que causait leur présence dans nombre de régions à climal aride. J'ai parcouru maintes fois, et en diverses saisons, le terriloire de Camargue, afin d’y observer le salant et d’y rechercher en parlicu- lier les manifestations alcalines auxquelles il pouvait donner lieu. Mes recherches à l’égard de ce dernier point sont restées longtemps infructueuses; ni les terres, ni les efflorescences recueiilies à leur surface dans des conditions variées ne m'avaient offert une réaction alcaline. Cependant, les manifestations de cette espèce ne font pas défaut en Camargue, et j'ai résussi, l’année dernière et celle année, à en observer de très caractérisées, mais n'ayant, pour la plupart, qu’une durée temporaire (1894-1895). C'est le caractère souvent très fugitif de ces manifestations qui en rend la recherche incertaine et la constatation souvent difficile. La Camargue n’est pas, d’ailleurs, un milieu favorale pour la pro- duction du salant alcalin. Les terres sont trop chargées de sel, et cette réaction d'échange ne s’effectue bien que dans des solutions étendues. Les terres sont pauvres en matières organiques et la pré- sence du sel y ralentit beaucoup les oxydations, de sorte que l'acide carbonique nécessaire à cette réaction n’est pas en proportion abon- 1. Comptes rendus de l'Académie des sciences, 187$, 1° semestre, p. 1446. 328 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. dante pour la déterminer. Enfin, il est une circonstance, très impor- tante à nos yeux, qui constitue un obstacle sérieux au développement du salant alcalin, c’est la planitude des terres qui réduit les phéno- mèênes de délavage à de faibles proportions. Il en résulte que les produits de la réaction d'échange restent en présence et n’ont guêre de possibilité pour être séparés et pour conduire, sur certains points, au salant alcalin persistant. Cette dernière circonstance est générale pour les régions maritimes et c’est pour ce motif sans doute que les manifestations alcalines n’y ont pas été observées jusqu'ici. Il est à remarquer que le salant alcalin décrit par M. Hilgard, en Californie et pour d’autres régions arides, y est représenté comme une con- séquence de phénomènes de délavage. Telles sont les causes qui agissent en Camargue pour contrarier la formation du carbonate de soude aux dépens du sel marin ou pour neutraliser cette réaction lorsqu'elle se produit. La réaction alcaline apparaît nettement, mais lemporairement, lorsque l’une ou l’autre des causes plus haut citées comme un obstacle à sa formation vient à disparaître. Ainsi, dans les étangs très peu salés, à la suite des pluies d'hiver et de printemps surtout, dans les baisses ou lagunes servant à l’écoulage des terres, dans les fossés, j'ai pu à l'apparition des chaleurs constater fréquemment une réaction alcaline influençant rapidement le papier rouge de tournesol. C’est au voisinage des bords, là où les eaux peu profondes s’échauffent au soleil, que cette réaction est le plus manifeste. Les débris organiques en décomposi- lion, les plantes salées abondantes favorisent celte alcalisation. Mais l’alcali mis ainsi en liberté n'existe qu’en faible proportion, au point que ces eaux transportées au laboratoire et examinées peu d’heures après leur recueillement ne manifestent le plus souvent qu'une réaction neutre. On remarque alors un léger dépôt calcaire formé sur les parois du verre, près de la tranche supérieure du liquide, dépôt qui accuse la rétroaction et explique le retour à la neutralité. Par contre, en faisant passer dans ces eaux un courant prolongé d'acide carbonique et en les chauffant en même temps vers 20 à 25 degrés centigrades, on dissout le dépôt calcaire et la réaction alcaline reparail. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 329 On voit donc que la formation du carbonate de soude se produit en Camargue et dans les circonstances mêmes signalées par M. Hil- gard, c’est-à-dire lorsqu'il existe un dégagement de gaz carbonique, une salure pas trop élevée et une température ambiante suffisante pour favoriser la réaction d'échange. Cette formation a lieu dans les baisses, mais il est bien probable aussi qu’elle se manifeste sur les terres et que les eaux pluviales, en lavant les efflorescences salines, apportent dans les points bas où se réunissent les eaux les produits de cette réaction, et particulièrement le carbonate de soude. A la suite des pluies abondantes et tardives de la fin du printemps de cette année (1895), j'ai constaté dans la Petite Camargue, au voi- sinage immédiat des montilles de Sylveréal, du Clamadou, de Bran- sinvert, l’existence très généralisée du salant alcalin. En deux des journées du commencement de mai, la quantité d’eau tombée à Aigues-Mortes avait atteint 140 millimètres. Sous l'influence de cette pluie diluvienne, les launes ou vallons séparant les montilles étaient, au moment de ma visile, 16 mai, converties en marécages alcalins impressionnant fortement le papier rouge de tournesol. Une végétalion abondante et vigoureuse de plantes salées (Salicor- nia sarmentosa el fructicosa dominantes) couvrait ces marécages, très peu profonds, dont les eaux étaient colorées comme une infusion faible de thé. Pris au dépourvu par cette découverte inattendue, Je n’avais préparé aucun vase pour le recueillement d'échantillons d’eau, et la région déserte ne permettait pas d’en rechercher. A peu de distance de la pinède, et à quelques mètres seulement d’un canal de navigation du Rhône, qui borne à l’ouest les bois du Clamadou, les efflorescences salines étaient assez abondantes; elles s’étendaient longitudinalement sur une étroite lisière, parallèle au canal et à la pinède. Ces efflorescences offraient des aspects variés. Auprès des parties grises et blanches, cristallines, comme celles qui abondent en Camargue, on remarquait des taches humides de cou- leur presque noire, à contours très irréguliers et de faibles dimen- sions; ces taches marquaient au tournesol une intense réaction alcaline. Les efflorescences grises limitrophes étaient alcalines aussi, mais à un degré bien moindre. On verra plus loin que ces laches noires, par la présence du carbonate de soude, fort abondant dans 330 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. la partie soluble, par celles des sulfates et des chlorures alcalins, offrent une analogie complète de composition avec le salant alcalin noir des régions arides. Les espaces imprégnés d’alcali étaient tou- Jours très réduits et pouvaient facilement passer inaperçus, quoique offrant tous les caractères décrits pour ce genre de salant. On remarquera que dans cette partie du territoire de la Camargue les dénivellations fort accusées des montilles conduisent à des phé- nomènes de délavage, que les pluies abondantes des jours précédents, accompagnées d’une température élevée, avaient exagéré. Dans les montlles, au bord des launes, j'ai cherché sans succès la présence d’efflorences analogues aux précédentes. Le délavage avait accumulé l’alcali dans les points très circonscrits signalés précédemment, et là sa persistance élait durable, les efflorescence ne renfermant pas de chlorure terreux, ni de sulfate calcique. En juillet et en août sui- vants, j'ai pu recueillir en effet les mêmes échantillons alcalins sur cette lisière de la pinède, alors que toute trace de marécages avait disparu dans les launes qui ne renfermaient plus que quelques baisses peu étendues, encore garnies d’eau, mais à réaction neutre. Ces marécages alcalins étaient donc en tout comparables aux eaux de quelques baisses temporairement alcalines dont on trouvera plus loin les analyses. La richesse de ces efflorescences en sulfates alcalins est remar- quable, et c’est une condition ordinaire pour les taches d’alcali noir. Celle concentration des sulfates est le résultat sans aucun doute des conditions du délavage et elle contribue principalement à la forma- ton de l’alcali. La réaction d'échange entre le bicarbonate de chaux et le chlorure de sodium est, en effet, sinon plus difficile, du moins bien plus sujette à rétroaction qu'entre le sulfate de soude. Avant de reproduire les analyses relalives à ces efflorescences, je dois relater, d’une manière plus détaillée, les manifestations passa- gères du salant alcalin que j'ai observées en Camargue et qui y sont infiniment moins rares que les taches alcalines permanentes telles que celles que je viens de décrire. Je signalerai d’abord l'existence, dans les sols sableux, d’un tuf calcaire qui est loin d’être constant, mais qui n’est pas non plus très exceplionnel, puisque les propriétaires du pays l’ont désigné sous le COMPOSITION DES TERRES DE LA C\MARGUE. 331 nom de cabraou, Luf résistant, de quelques centimètres d'épaisseur, qui généralement est accompagné d’une réaction alcaline des eaux du sous-sol. Avec M. Louis Gros, propriétaire à Aigues-Mortes, qui souvent a bien voulu me servir de guide dans cette région de Îa Basse-Camargue qu’il connaît à merveille, j'avais remarqué près d’Aigues-Mortes, et bordant la route, une vigne fortement déprimée à la sécheresse de 1894. Sur ma demande, M. Louis Gros a bien voulu revenir sur ce point et y faire des constatations pour recher- cher la présence du tuf que j'avais soupçonné. La vigne affaiblie, et en certains points mourante (elle a continué depuis lors à dépérir et vient d’être arrachée), a élé fouillée jusqu’à 1 mètre de profondeur, niveau auquel l’eau du sous-sol.a.été rencontrée. À cette mème pro- fondeur, la fouille mit à découvert la couche sableuse, fortement agrégée, que les propriétaires du pays désignent sous le nom de ca- braou, couche qu'il fallut briser à coups de pelle pour s’en procurer des échantillons : au-dessus et au-dessous d'elle, on rencontrait le sable mobile des dunes. L'eau baïgnant cette couche était légèrement alcaline et par places le tuf était coloré en jaune par l'humus dissous. D'après le propriétaire de la vigne, M. Marchand-Boulanger, des enganes existaient autrefois à cette place et, pour écarter le salant, il avait à diverses époques apporté du sable sur ce point, de manière à relever le terrain d'environ 0",5), Aux alentours, aucune des eaux de mares, baisses ou fossés, n’avait marqué la réaction alcaline. Le cabraou existait par suite à un niveau de 0",50 environ au- dessous du sol primitif, Les propriétaires qui connaissent les pro- priélés de ce sous-sol, imperméable et malfaisant, l’accusent de détruire les racines de plantes qui arrivent à son contact. Ramené à l'air, le cabraou se délite assez rapidement. Je reproduis ci-dessous l’analyse de l'échantillon du tuf ainsi recueilli, ainsi que celle du sable mobile sur leq'el 1l repose : SABLK. TUF'. IMSOIHDIEFSIICEUX EN MEN NRECRE 73,20 56,00 Carbonate de chaux . 22701 36,46 Sulätelde chaux eu es: . 0,03 0,17 Mme PNEUS, SAR 0,677 1,307 - Oxyde de fer et alumine . . . 2, 200 2,650 98,117 96,637 332 ANNALES DE LÀ SCIENCE AGRONOMIQUE. La consolidation du sable est due, comme le montre cette analyse, à un dépôt de carbonate ce chaux. Quant à l'eau recueillie au contact du tuf, elle a laissé par litre un résidu de 11#,70. Sa réaction alca- line, quoique diminuée par une rétroaction manifeste, fut trouvée correspondante pour l’alcalinité totale (comprenant les bicarbonates de chaux et magnésie en solution) à 0#°,304 d’acide sulfurique (SO*) par litre. Le résidu séché de l’eau n’était pas alcalin, et le même résidu calciné ne l’était pas davantage. L'eau renfermait par litre : CDIONE LE TRES SET RTE 4,82 ACIUG SU UTIQUE ERP IRENON ES RE Magnésie ste snt 99.5 10% 1,30 La soude, la potasse et la chaux n’ont pas été dosées. Cette eau du sous-sol est relativement riche en sulfates et en sels magnésiens. Elle justifie par sa composition la qualification d'eaux améres par laquelle les propriétaires d’Aigues-Mortes désignent les eaux salées du sous-sol, lorsqu'elles viennent, par leur pénétration, nuire aux cullures. La présence d’un tuf calcaire à faible distance de la couche supé- rieure du sol.est une preuve de l'aridité du pays. Dans un mémoire précédent, nous avons signalé le mode de formation de la couche calcaire qui, en empâtant les cailloux de Crau, y a constitué un sous- sol formé d’un poudingue imperméable. La Crau, si voisine de la Camargue, participe au climat aride de cette plaine. Le poudingue calcaire y est à peu près continu, el varie seulement un peu comme épaisseur et profondeur. Dans les sables, milieu beaucoup plus per- méable aux eaux que le sol argileux de la Crau, ce tuf calcaire est moins répandu et fort heureusement n’occupe que des espaces restreints. On voit que sa nocuilé pour les cultures est extrèmement marquée, augmentée d’ailleurs par les influences de salant que cette couche imperméable retient. D'une manière générale, les sables s’enrichissent en calcaire au-dessous du sol arable, vers 0",90 à 0",60 de profondeur, et nous avons eu l'occasion de citer quelques exemples remarquables de cet entrainement du carbonate de chaux (échantillons 13 et 14). COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 333 M. Hilgard signale dans son mémoire la généralité de ce sous-sol calcaire et agrégé dans les régions arides”' : « Les cullivateurs de la zone aride des États-Unis, à partir des montagnes Rocheuses jusqu’au bord du Pacifique, connaissent bien, dit-il, ce sous-sol, durei par places, qu'ils appellent hardpan. Dans tout le nord-ouest de l'Inde, du Gange à l’Indus, les populations le connaissent aussi, à leur grand malheur, car souvent elles rencontrent de ce fait de graves difficul- tés dans la mise en valeur de territoires par eux-mêmes excessive- ment fertiles. Les cultivateurs de l’Inde désignent le tuf par le mot kankar. Le kankar de l'Inde est encore plus nuisible à l’agriculture que ne l’est le kardpan de l'Ouest américain, par cette raison qu’il se présente, plus souvent que cela n’a lieu en Amérique, sous l’as- peet d’un vrai calcaire, quoique très impur, mais cristallisé et assez dur pour ne céder qu’au pic, Le poudingue de la Crau, dont le mode de formation est iden- tique, est très analogue au kankar ; il ne peut être rompu qu’à la mine. J'ai rencontré le même tuf calcaire assez friable, comme celui des sables d’Aigues-Mortes, dans les terrains de dunes de l’isthme du Cap-Bon, en "funisie. Il paraît là plus étendu et plus fréquent que dans les sables de la Camargue, ce qui concorde avec une aridité plus marquée du climat. La présence de cette couche durcie et imperméable exagère les effets du salant, quelle que soit sa nature. « La formation du tuf cal- caire, dit M. Hilgard, a généralement lieu dans le sous-sol, par pelites places, et la couche cimentée est d'ordinaire un peu déprimée vers le centre, de sorte qu’elle fait cuvette. Lorsqu’au printemps, aprés les pluies, ou bien en une saison quelconque par le fait d'irri- gations, il se produit un exhaussement de la nappe souterraine, l’eau du sous-sol atteint facilement jusqu’au niveau du tuf; le tuf étant imperméable, l’eau le contourne par en dessous et se déverse par- dessus les bords dans la dépression du centre, qui devient ainsi le repaire de tout ce que celle eau montante a dissous de sels sur son chemin. Lorsque, la cause première n’agissant plus, le niveau des 1. Annales de la science agronomique, 1892, €. If, p. 187 et 450. 334 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. eaux s’abaisse, la solution, amassée dans la cuvette de la planche du tuf, ne suit point le mouvement; elle reste au contraire, alimente l’évaporalion de la surface et donne bientôt lieu à la production d’une tache d’efflorescence', » Le remède, ajoute M. Hilgard, est dans la rupture du tuf, soit au pic, soit à la dynamite, qui donne des résultats plus complets et plus économiques. Cette destruction du tuf est indispensable pour l'établissement de cultures arbustives. En graduant, par des essais préalables, les charges de dynamite, on peut même arriver à ébran- ler et à fissurer le tuf, sans trop déchirer les racines des arbres oc- cupant déjà le terrain et dont le développement se trouve arrêté par cet obstacle. On emploie à cet effet de petites cartouches disposées au nombre de deux ou trois au pied des arbres. Le tuf partiellement rompu achève peu à peu de se détruire sous la seule influence du drainage naturel rétabli. La formalion du tuf est peu importante dans les sables de la Ca- margue. Elle est plus fréquente dans les sols argilo-sableux qui avoisinent les dunes, et là le tuf se montre quelquefois presque à la surface du sol. Sa présence est marquée par des flaques salées qui apparaissent à la suite de pluies abondantes. Le long de la route d’Aigues-Mortes à Sylveréal, on traverse une région inculte, à sous- sol imperméable, qui après les pluies est marécageuse. A la suite des pluies tardives et très abondantes survenues en mai 1895, la plupart de ces marécages, faiblement salés et couverts d’une abon- dante végétation de salsolacées, offraient une réaction alcaline mar- quée. Je n’ai pu toutefois rencontrer là des eMorescences alcalines, ni à cette époque, m plus tard, lorsque ces marais temporaires avaient en grande parlie disparu. En 1894, pendant la période des sécheresses prolongées de l'été, des accidents subits et graves éclatèrent dans les vignobles de sable. Des vignes se desséchèrent en quelques jours, dans le courant de juillet, après une végétation magnifique et les promesses d’une abondante récolte pendante. Les sables où éclataient ces accidents étaient secs à une grande profondeur, tandis que normaleraent cette {. Annales de la science agronomique, mémoire cité, 1892, €. I, p. 451. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 339 pature de terrain conserve une fraicheur remarquable à quelques décimètres de la surface. Les eaux du sous-sol étaient imprégnées de sel, alors que d'habitude on y rencontre une nappe d’eau douce pendant toute l’année. Les baisses au voisinage de ces vignes of- fraient, lorsqu'elles n'étaient point trop chargées en sel, des eaux à réaction alcaline et plus ou moins teintées en jaune. Toutefois, cette réaction ne persistait pas longtemps, car les bouteilles remplies sur place et hermétiquement closes, rapportées au laboratoire, ne don- naient généralement plus lieu à ladite réaction au bout de un ou deux jours. Ainsi que je l’ai déjà mentionné, la rétroaction était si- onalée par un léger dépôt cristallin de carbonate de chaux très sen- sible sur la paroi des bouteilles vers le niveau supérieur du liquide. Les baisses peu salées et pourvues d’une abondante végétation d’al- gues et de salsolacées se montraient les plus alcalines. Ces phénomènes de remontée du salant ont été fortement accusés dans la Basse-Camargue durant l’été extrêmement chaud et sec de 1894, qui avait été précédé d’une année elle-même caractérisée par l'insuffisance des pluies. Les réserves d’eau douce des sols sableux étaient épuisées et dans beaucoup de points les eaux des baisses et des étangs salés s’y élaient répandues. Les tableaux que lon trouvera reproduits à la fin de ce mémoire et qui donnent, pour une période prolongée, le résumé mensuel des observations udométriques dans plusieurs stations de la Camargue, permettent de voir que la tombée d’eau est restée, durant ces deux années, beaucoup en dessous de la moyenne, el cela particulièrement dans la Basse-Camargue”. Sous l'influence de la montée du sel produite par une évaporation intense, les cultures ont été détruites on réduiles dans des proportions consi- dérables. Les céréales, les luzernes non arrosées n’ont fourni que des récoltes presque nulles. Mais nous devons insister avec plus de détail sur ces accidents causés par le sel. Au mas d’Icard, la vigne dite Maurin, d’une su- perficie de plus de 1 hectare, se dessécha en quelques jours, dans le courant de Juillet, avec la récolte fort belle qu’elle portait. Au mo- ment de notre visite, le 27 juillet 1894, elle présentait l'aspect le 1. À Aïgues-Mortes, 31S millimètres en 1893, 362 en 1894: 396 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. plus lamentable. Seuls quelques ceps épars de carignan montraient des pampres encore verts ; tout le reste de la vigne était desséché comme si le feu y avait passé. Plantée dans les sables de dunes, ceule vigne, qui accusait les effets de la sécheresse, avail été quelque temps auparavant irriguée en profondeur par les eaux du Rhône, recueillies comme colature de l’arrosage des prairies. Ces eaux s'étaient sans doute chargées sur leur parcours, en traversant quel- ques baisses, car le sous-sol des vignes était imprégné d’eaux salées. Un échantillon du sable recueilli à la profondeur de 0",95 conte- nait, par kilogramm®, 05,880 de sel marin, et, au niveau de la nappe d’eau, à 1,25, 1#°,334 du même sel. Les eaux de colature des prairies, qui avaient été lancées dans les fossés pour irriguer les vignes, ne contenaient, par litre, que 0#,128 de sel marin; celles d’une terre plus salée, non utilisées pour cet arrosage, n’en renfermaient elles-mêmes que 04,309. L'eau du sous-sol de la vigne contenait, par contre, pour le même volume, 14 gr. de chlorure de sodium. Dans la couche supérieure, le sable n’était que très peu salé (05,105 par kilogramme), mais tout à fait sec. Dans les sables, milieux permables à l'air, l’évaporation se fait dans toute la masse du sol, contrairement à ce qui a lieu pour les sols limoneux, dont la tranche supérieure seule est soumise à l’évaporation de telle manière que les sels d’efflorescence y atteignent une forte concen- tration. Une autre pièce de vigne au mas d’Icard, la vigne Farinose, pré- sentail des accidents identiques mais moins généralisés. L'eau prise dans le sous-sol, à une profondeur de 1",30, non loin d’une baisse renfermant des eaux très salées et à réaction faiblement alcaline, contenait par litre 205,44 de sel marin et 05,480 d’acide sulfurique. Cette eau était alcaline. L’alcalinité totale mesurée correspondait par litre à 10°°,8 d'acide normal (SO* — 0,432). L'eau ainsi titrée au la- boraloire avait un pouvoir alcalin moindre qu’au moment de la prise, car elle avait déposé du carbonate de chaux visible sur les pa- rois de la bouteille. En y faisant passer un courant prolongé d'acide carbonique de manière à redissoudre le plus possible de ce dépôt, et litrant à nouveau, on a consommé 18 centimètres cubes d'acide normal (S0* valeur 0,720 par litre). COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. JO La baisse Farinose, voisine de cette vigne, n’offrait qu’une réac- tion alcaline faible, mais une forte concentration saline. Sa densité était de 1086. Les algues flottant dans l’eau étaient décolorées. L'analyse a donné : Sel marin, par litre . . . . 125,67 Acidessnifurique. y, 1207 1,646 MARNE UE re ere 3,720 Alcalinité totale au laboratoire, après dépôt manifeste d’un peu de carbonate de chaux, 6 centimètres cubes d’acide normal par litre. Le cas de la vigne Maurin est un peu particulier, parce que l’ac- on du salant marin, mêlé d’un peu de salant alcalin, s’est trouvée exagérée par uneirrigalion intempestive. Mais les mêmes accidents, moins étendus seulement, se sont présentés dans tout le vignoble des Saintes-Maries el. d'Aigues-Mortes à la même époque. Leur cause est évidemment la pénétration des eaux salées des baisses et surtout des étangs dans le sous-sol des vignes, épuisé de sa provision d’eau pluviale par la prolongation de la période des sécheresses et la cha- leur ambiante. L'eau douce du sous-sol empêche cette irruption tant qu’elle est en assez grande abondance pour faire équilibre à la pous- sée des eaux salées voisines. On s'explique ainsi pourquoi le voisi- nage de baisses salées, voire même celui de l’eau de mer, lancée dans les fossés avoisinant les vignes, est le plus souvent sans incon- vénient. Les propriétaires d’Aigues-Mortes pensent même qu'il est dangereux de laisser les fossés se vider, et lorsque le niveau s’abaisse lrop, ils laissent pénétrer les eaux salées du canal d’Aigues-Mortes, persuadés que dans ces conditions le sol des vignes conserve mieux sa fraicheur. L’innocuité des eaux salées lancées dans les fossés voi- sins des vignes se conçoit fort bien tant que la réserve d’eau douce accumulée dans les sols sableux par les pluiesestsuffisante pour ali- menter leur sous-sol. Dans ce cas, l’eau salée reste confinée dans les fossés et ne peut pénétrer dans le sous-sol. Le courant de diffu- sion est établi dans un sens contraire à cette pénétration ; c’est l’eau douce qui tend à pénétrer dans les fossés. Mais dans le cas d’insuffi- ANN. SCIENCE AGRON, — 2° SÉRIE. — 1898. — 1. 22 2 338 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. sance des eaux pluviales, la situation est toute différente et l’on conçoit les graves dommages qui résultent nécessairement de l’ir- ruption des eaux salées dans un sous-sol habilucllement doux, où les plantes ont développé leurs racines. J'ai indiqué déjà que cette diffusion des eaux salées vers l’eau douce des sous-sols sableux était vraisemblablement empêchée par un obstacle mécanique, c’est-à-dire par la couche argileuse qui ta- pisse le dessous des sables el le pourtour des îlots sableux. Cette couche, tant qu’elle est en contact avec de l’eau douce, reste à l’état coloïdal, c’est-à-dire imperméable. Au contraire, cette couche pro- tectrice devient perméable si, l'eau douce faisant défaut, les eaux salées tendent à la traverser en coagulant l'argile. Quoiqu'il soit difficile de fournir une démonstration rigoureuse de celle hypothèse, elle me paraît s'imposer néanmoins à l'esprit d'après ce que nous savons par les beaux travaux de Schlæsing sur les propriétés de l'argile. Elle est d’ailleurs en concordance avec les faits et elle permet d’expliquer cette apparente contradiction de l’ac- lion, tantôt inoffensive, Lantôt pernicieuse du voisinage des eaux salées. À ce point de vue, la formation du carbonate de soude, qui agit à si faible dose pour empêcher la coagulation de l'argile, Joue sans doute, quant à cet isolement des caux douces et des eaux sa- Iées, un rôle utile, pourvu toutefois que la dose d’alcali reste assez minime pour être compalible avec la végétation. C’est, semble-t-1l, le cas qui doit souvent se présenter dans les planes à salant mari- time, telles que la Camargue. J'ai été frappé de ce fait, que le seul point où j'ai constaté des manifestations alcalines persistantes, des efflorescences alcalines, au voisinage des montilles sableuses de Sylveréal, etc., est une lisière étroite, bordée par un canal du Lihône *. C’est très près de ce canal que lalcali existe en abondance sous forme d’efflorescences blanches ou noires, si près même que, sur les bords dudit canal, l'eau douce offrait une réaction nettement alcaline. Le lit du canal était tapissé d’un limon fa et argileux cer- lainement impénétrable aux eaux salines issues de la pinède. C’est celte imperméabilité qui sans doute était la cause de la disposition 1. Canal de navigation servant à l'exploitation des pinèdes. COMPOSITION DES TERRES DÉ LA CAMARGUE. 339 des efflorescences sur une étroite zone de suintement affleurant la surface du terrain. Dans le domaine d’Icard, d’autres pièces de terre offraient aussi des exemples de remontée du sel. Au clos du Canier, pointe sud, un sol sableux, mais avec dessus mêlé de limon, contenait, dans cette couche supérieure de 0,50 d'épaisseur, 14,109 de sel marin. Là aussi, les vignes (petits-bouschets de 18 ans) se desséchaient avec leur récolte. Dans la terre du Gras, à 10 mètres d’un fossé creusé en 1893, la couche superficielle de sable gras (épaisseur 0,30) con- tenait, dans un point où les vignes avaient péri, 0,908 de sel ma- rin par kilogramme. J'aurai d’ailleurs à revenir plus loin sur la ré- partition du salant en profondeur. A l’ouest de la gare d’Icard, une autre baisse examinée offrait, comme la première, une faible réaction alcaline et une densité éle- vée : 1 071. Les dosages ont indiqué par litre : Chlorure de sodium. . . « «+ . 101,03 Acide sulfurique (S0*). . . . . l, 81 Macon ee Re Een 212 Alcalinité totale pour 1000 centimètres cubes: 8 centimètres cubes d’acide normal. Un dépôt léger de carbonate de chaux démon- trait que l’alcalinité était au moment de la prise plus marquée. A Maguelonne, plus au sud et près des Saintes-Maries, les mêmes constatations ont été faites, tant sur des baisses plus ou moins alca- lines et salées que sur les terres sableuses et argilo-sableuses, pla- cées dans leur voisinage ou dans celui des étangs salés. Près de la route des Saintes-Maries et au voisinage d’une pièce d’aramon et de jacquez plantés dans des sables un peu gras, vignes ayant souffert de la sécheresse en 1893 et plus encore en 1894, j'a rencontré une baisse assez fortement alcaline dont les eaux étaient aussi plus colorées que toutes celles que j'ai eu l’occasion de remar- quer. Des ceps étaient morts déjà en 1893 et, au moment de ma vi- site, la destruction de la vigne s’accusait sur une partie de la pièce par la dessiccalion des pampres. | te 340 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L'eau de la baisse analysée a donné les résultats suivants : Densité : 1012, — Résidu sec par litre = 18,90. Chlore &frtuure TT 10,790 ACITe SUCRE CR RS A LE 0,528 Soude, . . . Re re PP EN 1107182 POTASSE RESTE RS NR En ni ts tee 0,503 Par litre. Magniésie 7 490 LE TS 2 4 0,3557 Ajcalinité totale : Ghaux ss à 648% mpeterye féle js os 0,576/ 98 centimètres eubes ADDTHIS RME Pre 4e ep RU ete 0,035 d'acide normal. Manquant pour saturer les bases. calculé en acide carbonique. . : . . . . . 0,618 BOT 0e pe 25,187 Oxygène à déduire pour les bases formant des chloruresse rastielcmtemmes 6,704 Totalila té, sir tu 18,483 Résultats qui peuvent être interprétés comme suil : CGhloruretde sodium A Ce 17,240 \ A Ci ETAT (NU SEEN 0,447 Sultate de. potasse "4304 2040 0,930 —— Le mMagnésieh LIRE 0,150 ; 20,101 Carbonate de magnésie . . . . . . 0,244 AAA LCRAUXE ES SERIE 1,029 — d'ammoniaque. : 2: . 0,081 Le résidu séché et calciné n’offrait naturellement aucune alcali- nité. Dans la partie de la vigne ayant le plus souffert, un échantillon pris sur 0",40 de hauteur a donné à l'essai 05,292 de sel marin par kilogramme, le sol étant très sec. Le terrain n’offrait aucune efflorescence et l’extrait de la terre était neutre. Près de la gare de Maguelonne, à l’ouest de la voie ferrée, une caisse d'emprunt avait formé une baisse dont l’eau peu colorée ma- nifestait une faible réaction alcaline. L’essai de cette eau a donné : Densité = 1053. Par litre. Sel'Mmarin Os ET ETS 70,66 : ; DE Alcalinité totale : Acide sulfurique , . . . . 3,98 . ve eu & G centimètres cubes Magnésie 2 4 Fete 9,64 te L d'acide normal, COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 341 La vigne du Pont-Neuf, dans le même domaine de Maguelonne, située près d’un étang salé et composée d’aramons de 10 à 12 ans plantés dans des sables de dunes purs et profonds, a présenté au eours de juillet des accidents en tout semblables à ceux signalés plus haut dans le domaine d’'Icard. Les parties atteintes formaient des laches circulaires, embrassant depuis quelques ceps jusqu'à 90 et 60 vignes, dont les rameaux chargés de récolle se desséchaient. Un échantillon du sable pris à 0,25 de profondeur contenait 06,563 de sel marin, le sable étant sec. Un autre échantillon pris à 1",30 de profondeur dans la même fouille accusait 08,871 de sel par kilo- sramme, le sable étant alors très humide et au voisinage de l’eau du sous-sol, qui a été rencontrée à 1",40 de profondeur. Cette eau présentait une réaction alcaline. Sa densité était de 1 008. L'analyse a donné par litre : RESTOS CARS ES ER CS RSA US 14,44 SCA TION ete ee Me ele aire Mere (Cie LEZ Aeides su turtaners ou eAnS SA NE RAS LNRAAINE 0,891 Magnésien res his M era Et EE, RCE Lo 1,96 Alcalinité totale en centimètres cubes d'acide normal. . 14 Dans la pièce Caroline, du même domaine, le sable recueilli sur 25 centimètres de profondeur, dans un point où les vignes se dessé- chaient avec un aspect de cottis, à 20 mètres d’une baisse offrant des eaux salées alcalines, contenait par kilogramme 0#,560 de sel marin. L'eau du sous-sol de la vigne, rencontrée à 1",99 de profon- deur dans la fouille faite au même endroit, présentait une composi- tion presque identique à celle de la pièce du Pont-Neuf. Densité — 1008. RÉSIDANCES PRE NIre. PENSE MES ose re 14,20 Sel MALI SUR CMMON TE er RER UP RTE ee 10,86 Acide sHENIQUENLE ES As Le NAS RQ CE Nr tee OO Magnésie . TRES OUI NORRIS 1,44 Alcalinité totale en centimètres cubes d'acide normal. . 14 Le tuf calcaire n’a été nulle part rencontré dans les pièces souf- 342 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. frant de ces accidents. Il s’agit donc bien seulement de l’action du salant faisant irruption plus ou moins brusque dans le sous-sol des vignes habituellement garni d'eau douce et occupé par leurs raci- nes. Jusqu'à la profondeur de 1",50, j'ai en effet trouvé des racines de vignes. Le sel marin est le principal agent des accidents consta- lés, quoiqu'il s’y mêle une réaction alcaline notable pour les eaux du sous-sol. Au cours de ces visites, j'ai rencontré plusieurs baisses salées n'offrant pas la réaction alcaline, mais alors beaucoup plus chargées en sel. Certaines d’entre elles contenaient des dépôts de sel. Autour des baisses et le long de leurs talus, à différents niveaux examinés, les efflorescences salines, quelquefois très abondantes, ne renfer- maient pas de carbonate de soude. L'eau seulement et la vase impré- gnée d’eau manifestaient une réaction alcaline. Dans les baisses peu salées, les roseaux occupaient circulairement un espace du pourtour de la baisse, et s’arrêtaient brusquement aux approches de la flaque alcaline. Une algue flottante se présentait, verte dans les baisses peu salées, jaune et décolorée là où la densité atteignait 1 053, 1071, 1 086. La baisse la plus alcaline signalée à Maguelonne (densité 1 012) élait la plus colorée, à peu près la teinte d’une infusion légère de thé. La coloration des baisses plus chargées en sel était beaucoup moindre. Cette coloration en jaune n’est point d’ailleurs un crite- rium de leur alcalinité ; les eaux stagnantes la présentent le plus souvent. Les mêmes phénomènes d’alcalescence se présentent en Camargue pour les étangs salés dans leurs parties peu profondes, lorsque les eaux s’échauffent sous l’action des rayons solaires et que leur salure est diminuée, auprès des bords, par des infiltrations d’eau douce. C’est ainsi qu’à le pointe N.-0. de l'étang de Consecanière, j'ai ob- servé, en Juillet 1894, sur une vaste étendue, tout ce que les baisses salées avaient manifesté en petit. Une portion de cet étang, comme de beaucoup d’autres étangs saumâtres de la Camargue, est occupée par de vastes roselières. Ce sont les bords de l’élang couverts d’eau l’hiver et où les roseaux peuvent végéler à la faveur d’une très faible salure, lorsque les eaux pluviales ont alimenté la dépression à son plein niveau. Aux approches de la vase imprégnée d’eau alcaline et ‘st COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 343 salée, ces roseaux cessent brusquement et forment ainsi une ligne de démarcation très nelle. Seule une algue flotiante (oscillariée) per- siste dans ce milieu particulier et à mesure que l'étang se dessèche, ses trainées filamenteuses couvrent la vase desséchée de ses débris décolorés. Quant à la vase, elle présente les caractères signalés par M. Hilgard : elle offre à l'œil une apparente solidité, mais sa consis- tance est pâteuse, et on s’y enlise aisément. Toutefois, le dessous du terrain, chargé en sel, offre de la consistance. J'ai retrouvé des flaques alcalines jusqu'auprès du cordon lit- toral, dans les caisses d'emprunt creusées pour l'édification de la digue à la mer, caisses que les pluies tardives de mai avait garnies d'eau. Ainsi celte production de l’alcali est très générale et au moment convenable on peut l’observer en Camargue sur une foule de points. Mais elle peut aussi passer inaperçue si on la recherche trop tôt, avant la période des chaleurs de l'été, ou trop tard, quand les lagu- nes saumâtres se sont concentrées. Dans ces bassins fermés, alimentés par des eaux pluviales et les délavages des terres, baisses, mares, étangs saumâtres, fossés, la formation du cerbonate de soude est limitée par les conditions du mi- lieu, concentration saline, chaleur ambiante, produits issus de la réaction, dégagement plus ou moins abondant de l'acide carbonique. Il faut l'intervention des chaleurs de l’été pour que la réaction prenne naissance et en quelques semaines, sous l’influence de la même cause, les eaux arrivent à une concentration saline qui met obstacle à cette réaclion. D'ailleurs, lalcali formé pendant la période chaude du jour tend constamment à disparaitre par rétroaclion rapide de ces baisses, où il est en présence du chlorure de calcium. Autour des baisser, des efflorescences se forment assez abondantes, mais maintes fois J'ai cherché sans succès et à différents niveaux la réaction alcaline. Deux analyses de ces efflorescences figurent plus loin dans ce travail. Ces phénomènes d’alcalisation ne paraissent donc pas jouer un rôle très actif. Le salant marin est si prédominant que, dans la plu- part des cas observés, il rend compte des dommages causés aux cul- tures. Cependant, ces manifestations fugilives de l’alcali ne sont pas 344 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. sans doute indifférentes. Elles ont une signification qui plus loin, lors de l’examen des taches salées répandues en Camargue, apparai- tra avec une certaine importance. D'ailleurs, le fait qu'il existe des parties du territoire où l’alcali se concentre sous forme de taches persistantes doit mettre en garde contre une conclusion 1rop néga- tive. Ceci nous ramène à l'examen de ces efflorescences alcalines rencontrées auprès des pinèdes de la Basse-Camargue. L’échantillon n° 4, dont l'analyse est rapportée ci-après, a été re- cueilli dans les conditions plus haut citées, ainsi que les n° 2 et 3, sur la lisière de la pinède du Clamadou. Les efflorescences grises (n° 4) formaient à la surface du terrain des zones étroites et irrégu- lières, contiguës à des taches brunes très foncées (n°° 2 et 3). Sous la couche superficielle le sol apparaissait plus clair, de nature sablo- argileuse, mais encore alcalin. Le lessivage des échantillons à donné les résultats suivants : 1 2. 3 HuMIUTé ER EN EE 4.38 7.60 8.10 PAIE SOIUDIE RES PARC 202 4.38 6.15 Insoluble sablo-argileux . 75.90 88.02 85.79 Dans 100 parties de l'extrait aqueux desséché à 100° centigrades, les dosages ont accusé (après calcination ménagée) : 4 2. 3 DDASS MERE RTE 0.442 5.590 5.008 SOUUE. Re 45.973 31.937 34.093 Acide sulfurique . . . . 30.730 18.018 17.357 Acide carbonique . . . . 0.456 9.630 125112 Chlorer-a ste ets cte 24.900 9.240 8.250 La partie soluble ne renfermait que des traces d'acide phosphori- que et pas de nitrates. Le n° 1, peu coloré, était presque exempt de matières organiques. Les deux autres donnaient des solutions très foncées et très chargées en substances organiques. En outre de la présence des corps dosés, il existait de minimes proportions de chaux et de magnésie, d’oxyde de fer, d’alumine et de silice. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 349 Les résultats ci-dessus peuvent être représentés par la composition suivante : | a LA 2 3. Sulfate de potasse. . . . 0.840 14.295 13-017 Sulfate de soude | . .”. RAC BASS À 29,790 Carbonate de soude . . . AIRES 32.110 38.670 Chlorure de sodium . . . 42.388 21.062 18.023 100.000 100.000 100.000 En juillet 1895, trois autres échantillons ont été recueillis dans des conditions semblables: le n° 4 dans le voisinage de celui où avait élé récollé en mai le n° 2 ; le n° 5 à l’extrémité sud de la pinède de Sylveréal. Ces échantillons formaient des taches très foncées d'aspect humide. Le n° 6 a été pris près d’un bâtiment de la ferme de la Com- pagnie agricole du Midi, entre les pinèdes de Sylveréal et de Brasin- vert, beaucoup plus au sud que les précédents, sur des points où le sol était coloré en brun foncé par zones irrégulières. 4. oo 6. LLETIN TU ME LRE EE TU OP ER TENTE 12.05 19.50 6.80 Partiensolubleste ste le 6.04 D NO DEEE 4.75 INSOlUPIe RER Eee S1.91 83.90 88.45 L'analyse de la partie soluble à donné pour 100 parties les résul- tats suivants : ! 4. 5. 6. POTASS OA tement 3.707 3.132 4.378 DOUTE, PRENONS 44.818 42.118 33.805 Acide sulfurique . . . . 9.702 12.104 2.610 Acide carbonique . . . . 16.920 15.924 9.005 Chlore . 18.112 14.790 24.350 4. 5 6. | Sulfate de potasse. . 7.455 6.876 8.216 Carbonate de potasse . . 0.000 0.000 DETTE Sulfate de soude . . . . 12,547 19.657 0.000 Carbonate de soude . 43.632 44.339 30.968 Chlorure de sodium . . .. 36.366 26.998 58.045 346 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. De même que pour la première série d'échantillons, la partie so- luble ne contenait que des traces d’acide phosphorique et pas d'acide nitrique. On remarquera la proportion élevée des sulfates dans la plupart de ces échantillons et aussi le taux élevé des sels de potasse. Les proportions considérables de carbonate de soude ou de car- bonate de potasse que ces efflorescences renferment les rendent tout à fait comparables aux laches d’alcali noir étudiées par M. Hilgard et par ses collaborateurs en Californie, puis dans les États de Washing- ton, Montana, etc. Les différences sont tout à fait secondaires, c’est surtout l'absence de phosphates et de nitrates alcalins, sels qui ont été signalés dans le salant noir californien et qui font ici défaut. Mais, tandis qu’en Amérique ces efflorescences affectent de notables territoires dans le fond des vallées, causant ainsi aux cultures des dommages considérables, elles n'occupent en Camargue, du moins dans les points où je les ai observées, que des surfaces pour ainsi dire négligeables, Leur présence serait certainement restée pour moi inaperçue si je ne les avais recherchées avec une attention très soutenue. C’est pour ce motif sans doute que, même après la publi- calion en France des travaux de M. Hilgard, aucun observateur ni aucun propriétaire de la Camargue ou d’autres régions saléés méri- dionales n’a signalé jusqu'ici la présence de ces taches alcalines. Maintenant que l'attention des intéressés sera sur ce point et de nou- veau appelée par le présent mémoire, on reconnailra, Je crois, dans quelques autres parties de la Camargue, l’existence de petits foyers alcalins et cela partout où s’exercent surtout des entrainements d’ef- florescences par délavages non continus, favorisant la séparation des différents sels efflorescents ; partout aussi, sans doute, où les phéno- mênes d’oxydalion des matières organiques du sol ou des fumures se trouveront beaucoup activés par l'énergie des travaux mécaniques appliqués au sol, défrichements et drainages profonds, suivis de la- vages rapides et discontinus. Un passage caractéristique du mémoire de M. W. Hilgard doit être cité à ce propos: «€ La pratique parait avoir démontré que la culture et l'irrigation peuvent, avec le temps, faire apparaitre des carbonates alcalins dans des terrains salants primilivement impré- gnés exclusivement de sels neutres ; or, nous avons fait voir com- COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 341 bien l'intervention des carbonates aggrave la situation. Le fait même peut être admis avec vraisemblance, si on considère que l'irrigation, jointe à la culture, augmente dans le sol, dans des proportions consi- dérables, toutes les oxydations et, partant, le dégagement de Pacide carbonique dont l'abondance favorise la réaction d’échange entre le carbonate de chaux et le sulfate de soude’. » Je n’ai pu toutefois, sur les terres cultivées de la Camargue, re- connaître jusqu'ici d’une manière nette la présence de taches alca- lines. Les procédés de défrichement, de dessalage et de culture qui sont presque universellement appliqués, et que la pratique a réglés, ne sont pas favorables à l’éclosion de semblables manifestations. Les défoncements en Camargue sont peu profonds, car on craint de re- monter à la surface le sous-sol salé. On lessive méthodiquement, lentement et d’une manière continue, de façon à laver le terrain progressivement de haut en bas, jusqu’au niveau des fossés d’écou- lage. Le drainage véritable est peu usité et, quoique plus parfait théoriquement, n’a pas toujours conduit aux résultats attendus. L'irrigation alternante avec de grands volumes d’eau, même combi- née avec un bon drainage préalable, a donné de mauvais résultats, sans doute parce qu’elle favorise la séparation des sels différents qui existent dans le salant marin et, partant, conduit à des manifestations dont on ne s’est pas rendu compte. À la vérité, quoique j'aie long- temps cherché à surprendre la trace de ces manifestations alcalines probables, comme conséquence de ces modes particuliers de prépa- ration des terres, je n’en puis fournir aucun exemple démonstralif, Il me parait néanmoins que les taches dites réfractaires, qui sub- sistent dans les sols alluviaux limoneux, malgré des submersions annuelles (depuis 17 ans au mas de Roy), doivent dépendre de phé- nomènes d’alcalescence passagers et par cela même difficiles à sur- prendre, à moins d’une étude sur place très prolongée. J’ai examiné bien souvent ces taches persistantes sans y constater de réaction al- caline ni d'efflorescences offrant ce caractère ; mais peut-être ne suis-je jamais arrivé au moment voulu pour une constatalion signifi- calive. 1. Hilgard, Mémoire cité. Annales de la science agronomique, 1593, t. I, p. 441. 348 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Ces parties de terrain sont salées et on ne conçoit guère la persis- tance du sel après lant de lavages répétés à grands volumes d'eau, sinon par l’imperméabilisation du sol argileux qui serait causé par une alcalescence passagère, phénomène qui, se reproduisant pério- diquement, empêcherait ainsi le lavage du terrain. Les propriétaires de la Camargue qui m'ont assisté dans mes visites en m’accom- pagnant sur leurs terres seront à même, par lemploi du papier de tournesol, qui marque instantanément dans le cas de la présence d'une minime trace d'alcali, de vérifier le bien-fondé de cette hypo- thèse. C’est parce que je la crois telle que j'ai parlé plus haut du plâtrage comme d’un procédé à expérimenter d’une manière suivie sur les taches réfractaires. Pour les mêmes motifs, je crois que l'application du plâtre devrait accompagner les essais de défoncements profonds et de drainage peu usités en Camargue. On sait qu'en Californie les terrains alcalins impropres à toute culture ont été complètement modifiés par le plâtrage. On ne peut pas s'attendre à lirer du plètrage en Camargue des effets généraux, puisque cet amendement est sans action sur le salant marin qui y prédomine. Mais il est des circonstances, peut-être moins rares qu’elles ne paraissent à présent, où l'effet de cet amendement pourrail être efficace, notamment à la fin du dessalement, lorsque les sols limoneux ont une grande tendance à devenir compacts sous l'influence de l’eau douce qui s’est substituée aux eaux salées. J'ai recommandé à quelques propriétaires des essais de plâtrage. Au mas de Cabane, chez M. de Chevigné, le plätrage de prairies nouvelle- ment créées en sol salant n’a pas donné de résultat perceptible jus- qu'ici. A Aigues-Mortes, chez M. Louis Gros, le plâtrage a été égale- ment sans effet sur les Lerres argilo-calcaires et très salées de Port-Viel. Ces essais négatifs ne doivent pas faire repousser de nou- velles expériences faites dans des conditions différentes, c’est-à-dire à la fin du dessalement. Je lerminerai ce qui a spécialement trait au salant alcalin en re- produisant ici analyse de deux échantillons d’eMlorescences recueil- lis dans la Haute-Camargue par l’ancien et sympathique délégué départemental du service phylloxérique dans le Gard, M. Camille COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 349 Desjardins, qui me les a remis en mai passé, au cours d’une ren- contre fortuite. Ce sont des elflorescences salines qu'il a récoltées dans sa propriété de Camargue, voisine des marais de Rousty, sur des terres qu’il traite, au point de vue de leur défrichement et de leur dessalage, par des procédés particuliers dont 1l se réserve de faire connaître lui-même ultérieurement les résultals, quand ses études seront achevées. Je n’ai pas visité la propriété de M. C. Desjardins, qui a décliné celte visite, et il ne m’a fait parvenir non plus aucune indication sur les conditions dans lesquelles ont été recueillis ses échantillons ni sur les modes de préparation qu’il applique à ses terres. J’ai tout lieu de penser qu'il s’agit là encore de taches alcalines de très peu d’'éten- due dont la formation dépend de cirevnstances particulières de déla- vage. Ces efllorescences recueillies sur des sols alluviaux, comme en témoigne la terre limoneuse qui s’y lrouve mêlée, sont très riches en carbonate de soude. J’en transcris ci-dessous les analyses dans la forme même que je leur avais donnée en adressant leurs résultats à M. C. Desjardins. 1: 2: POI AT ES MAT NE IC REEMEN EE RE CR 4.200 13.390 Matières terreuses et insolubles . 75.700 22.490 Sulfate de potasse. 1.064 AS Sulfate de soude . DAS EU 2.004 5.862 Carbonate de soude . . . . . . . . . 13.400 18.760 Chlorure de sodium . 1.984 Gaz Matières organiques, ete. . 1.618 1.568 100.000 100.000 En calculant ces résultats pour 100 parties de matières salines, comme plus haut, la composition devient : 1 2. SULIALERTERDOTASSC NS RES SCENE >.766 3.140 DUILATE Te SOUL A MEN ENS MSN 10.860 17.996 Carbonate de soude... : .,..:. TaMG2i 7.996 Chlorure de sodium . 10.753 20.698 Die eat 100.000 100.000 390 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Grises à l’état de siccité, d’un gris jaunâtre humides, ces efflores- cences sont très fortement alcalines et moins riches en matières or- saniques que celles plus haut décrites, par suile moins colorées. Comme les premières, elles contiennent beaucoup de sulfates alca- lins et une forte proportion de potasse. L'acide nitrique y fait défaut et l'acide phosphorïque n'existe qu’à l'état de traces. Il convient à présent d'étudier les taches de salant les plus com- munes en Camargue et de voir si elles n’offrent pas dans leur nature des différentes ayant quelque rapport avec les questions qui viennent d'être examinées. On trouve dans toute l'étendue du delta des taches salées caracté- risées par une couche blanche et cristalline presque uniquement formée de chlorure de sodium: Ce sont les sansouïres, si abondantes dans les terres vierges, dans les landes à salsolacées, qui constituent la surface la plus importante du delta. Il y a peu de chose à dire sur ces taches ; le sel ordinaire en constitue la substance nocive ca- raétéristique. D’autres taches, d’un aspect entièrement différent, se montrent en Camargue, moins fréquentes sur les terres vierges, mais assez répandues dans les terres cultivées. Elles se distinguent des précédentes par une teinte plus foncée du terrain, qui paraît humide et dont la terre foisonne, offrant souvent un aspect farineux et comme sableux, même sur les terres limoneuses. Lorsque les vents secs du nord et du N.-0. règnent en maîtres sur la contrée, occasionnant, par l’évaporation intense qu’ils provoquent, une remontée active du salant marin et développant à la surface des terres les efflorescences cristallines blanches et dures, craquantes même, de ce genre de salant, les taches plus rares dont nous par- lons conservent leur aspect humide. Leur coloration s’accuse par contraste. S'il survient des vents humides, ces taches se foncent en couleur el s’élargissent. Bien souvent la couleur de ces taches m'a fait penser à la présence du salant alcalin. Cependant, je n’ai jamais obtenu la réaction alcaline, même dans les parties les plus foncées, où toute végétation était absente et où les semences n'avaient pas germé. Le sel marin est encore sur ce genre de taches l'élément prédominant, mais il est accompagné de proportions élevées de COMPOSITION DES TERRES DE. LA CAMARGUE. 391 * chlorure de magnésium et de chlorure de calcium et ce sont ces sels, extrêmement hygroscopiques, qui en retenant l’eau et l’absor- bant même dans l'atmosphère, empêchent la formation des efflores- cences et donnent aux terres leur aspect humide et foncé. Entre ces deux variétés extrêmes de taches salées on trouve natu- rellement toutes les gradations. Le salant cristallin s'étend et empiète sur les taches à salant hygroscopique lorsque les vents secs soufflent durant une période prolongée. L’inverse se produit par les vents d'est et du S.-E., chargés de vapeurs d’eau ; bien avant que la pluie ait fait son apparilion, l’aspect des terres en est profondément modifié. Cette différenciation des taches salées ne paraît pas avoir éveillé beaucoup l'attention des propriétaires de la Camargue. Lorsque nous avons demandé à nombre d’entre eux s'ils distinguaient plusieurs espèces de taches salées, différentes par leur aspect, la plupart nous ont répondu négalivement. Ils admettent toutefois l'existence de taches salées mauvaises, dites réfractaires, mais sans fournir de ré- ponses concordantes quant aux caractères apparents qui pourraient servir à les distinguer des Laches ordinaires, qui cèdent au lavage ct à la submersion. Ces taches mauvaises et réfractaires sont souvent celles du salant hygroscopique. Mais ce qui peut établir la confusion, c’est que des taches à salant cristallin se transforment quelquefois en taches à salant humide. C’est pourquoi les terres cultivées renfer- ment, proportionnellement aux sols vierges, davantage de ces dernières. Dans la région des basses plaines de l’Aude, région salée plus aride peut-être que la Camargue, la remarque de ces deux variétés de salant a été faite ; un éminent viliculteur submersionniste qui, aux environs de Narbonne, a consacré avec succès de grands efforts à l'amélioration des terres salées par le drainage, M. Gaston Gaulier, a rendu compte de celte observation dans les termes suivants: « L'observation populaire, il n’est pas inutile de le constater, qui distingue plusieurs variélés de salant ou saleubres, le salant fort et le salant dour ou noir, repose sur un fait réel el sur une composi- tion chimique différente. Dans le premier (salant fort), caractérisé par une teinte blanchâtre et une adhérence des molécules du sol 3D2 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. entre elles plus grandes que dans le second, c’est le chlorure de so- dium qui prédomine ; dans l’autre (salant doux ou noir), qui prend même en temps de sécheresse une teinte plus foncée, due sans doute à la déliquescence extrême du sel, le sol s’ellrite à la surface et de- vient farineux au contact ; ici ce sont les sels de magnésie qui ont la priorité ; le salant à magnésie est plus rebelle à toute culture que celui à base de soude”, » | Ce n’est pas seulement le chlorure de magnésium, mais aussi le chlorure de calcium qui caractérise le salant hygroscopique men- lionné si explicitement par M. G. Gautier. Comme exemple bien typique de celte nature de salant, Je transcris ci-dessous l'analyse d'une couche superficielle de terre, d'environ un centimètre d’épais- seur, recueillie en juillet 1895 au mas de Cabassole sur une terre ensemencée en céréales, bordant la route qui domine au nord le VYalcarès. L’aspect brun de certaines parties du terrain, où la semence n'avait pas germé el où toute végétation était absente, m'avait frappé. Je me suis arrêté un instant pour rechercher la réaction alcaline, que le terrain n’a pas offerte, et pour recueillir, dans les parties les plus stérilisées, cet échantillon superficiel. Les terres voisines, entre le Valcarès et la route, montraient d’ailleurs des taches tout à fait sem- blables. Pour 400 parties de l’échantillon, l’analvse a donné les résultats suivants : Humidiiénsts AMP RU LC ANR ANITRATL 6.85) Partie SOIR A Tele ».84 » 100.000 Partie MSolUbIen FRET As 57.31 1. « Sur la formation de la basse plaine de Narbonne et les meilleures méthodes pour la mise en culture de ses terrains marécageux et salés », par M. G. Gautier (Revue des Pyrénées et de la France méridionale, n° ?, 1891). COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 399 Analyse de la parlie soluble : Alcalis (très peu de potasse). 17991 Magnésie . 0.562 Chaux . RD, POS RON AMEERT ALL LIL HE RREMAUT 0.754 Acidessulüriquesaterrummat 2 aient. lacue 2rrni Mae 0.172 GRIOTE REA Tee Le OMne Ed Pen eo. 8 CS MOMENT 0e a 2 eue GS Manquant pour la saturation! des bases calculé en acide carbonique. 0.102 9 Oxygène à déduire pour les bases correspondant aux chlorures. . . 0.692 NOTA is D 5.214 En cherchant à représenter les dosages précédents pour 100 par- lies de sels, on arrive à l'interprétation suivante, qui n’a, bien en- tendu, rien d’absolu : GHIONUTESNAICAIIN SE ANNEE 44.128 Chlorure de magnésium , . . . 25.554 Chlorure de calcium, . . . . . 20.260 SULTAN CHAUX ANRT ».610 Carbonaterde chaux ME 4.448 100.000 Les chlorures déliquescents de magnésium et de calcium forment, on le voit, une masse aussi considérable que le chlorure de sodium. Il n’est pas surprenant qu'un sol imprégné à sa surface, et au taux de presque 6 p. 100, d’un tel mélange manifeste des propriétés hygroscopiques très accusées. D’après la proportion d'humidité (6.85) comparée au poids de la partie soluble (5.84), une forte partie des sels est à l’état d’efflorescences cristallisées, ce que l'aspect humide du sol ne permettrait guère de soupçonner. Les chlorures de magnésium et de calcium sont probablement les seuls sels main- 1. L'excès des bases par rapport au chlore et à l'acide sulfurique a été calculé en acide carbonique. En réalité, cet excès correspond plutôt à des acides organiques, car les bicarbonates n'existent qu'en très faible proportion. La dessiccation de l'extrait aqueux à 105° G. ne fait pas apparaître un résidu insoluble sensible. Après calcination, l'extrait n'a présenté aucune valeur alcaline, Pour plusieurs des analyses qui suivent et qui accusent un manquant de saturation plus considérable que ‘ci-dessus, on se reportera à la présente observation, ANN. SCIENCE AGRON, — 90 SÉRIE. — 1898, — 1. 24 394 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tenus en dissolution dans le liquide qui imprègne la surface du sol. Pour 100 parties d’eau du sol il existe, en effet, d’après les chiffres rappelés ci-dessus, 85 parties de substances solubles. On conçoit que la présence de dissolutions aussi concentrées soit des plus nocives pour la végétation; aussi, les parties de terrain occupées par ces taches brunes et hygroscopiques sont-elles absolument stériles, même pour les salsolacées, qui supportent le contact des efflores- cences blanches du sel marin proprement dit. Je reproduis ci-dessous, avec les indications descriptives des diffé- rentes taches salées sur lesquelles je les ai recueillis, l'analyse d’é- chantillons de salant observé sur des terres vierges à enganes. Taches de salant foncé et humide au mas de Cabane ; échantillons recueillis en juin 1894. p 14 À 3. Épaisseur : Épaisseur : Clos Est n° 5 3 centimètres Épaisseur : ‘ 1 centimètre L Id onettes À 8 centim'tres. à la surface d’un sol vierge. æ c : € r d’un 801 vierge Salant non cristallin, Sol vierge avec de couleur brune, espaces dénudés de couleur brune. et stériles. ; AS humide. Emplacement stérile. Emplacement stérile. HAE ER CARRE 10.06 5.60) 11.04) Partie solubles, # à » 16.44 ? 100.00 3 30 100.00 1.94 100.00 — insoluble, . . . . 71590 91.10) 67.02 Analyse de la partie soluble : Pots," EMA ART ] Ko. 0.037 Sohie) ss 1h, Pa MANS D Magdésies on ee 0.950 0.127 0.159 Chaux . . LA" 0.555 0.683 0.168 Acide sulfurique . . . 0.166 0.034 0.0446 Chlore . 105.208.) 97825 1.553 0.860 Manquant pour la satura- tion des bases calculé en acide carbonique. . 0.045 0.329 0.0745 18.398 3.622 1.7781 Oxygène à déduire pour les bases à l'état de POS 1e ele 46 2.219 0.351 0.1942 Total , . , 16.179 3.271 1.5339 COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. - 399 Ces résultats, calculés en centièmes et en combinaisons salines, donnent lieu aux interprétations suivantes : 1 2. 3 Chlorure de potassium. . . . . . . . 4.335 | si 600 | KEL - 3.68 te BSD cel Lt re0 cf 74.732 | d'aNNa Cl os — de magnésium . 13.905 9.205 23.51 — de calcium. . se ta hate 4.464 14.593 5.24 SUHATENTERCD AUX ac ete eee re 1.741 167 4.79 Sels organiques en carbonate de chaux . 0.629 22.835 10.70 99.806 100.000 100.00 Pour 100 d'eau dans le sol, proportion de substances solubles. . . oi 163.4 58.9 175 Aucun des extraits aqueux de ces efflorescences n’était alcalin après calcination. Au mas de Cabane j'ai recueilli à la même époque une couche plus épaisse de sol salant (0,40 d'épaisseur), dans une partie où les boutures de vigne (jacquez), mises plusieurs années de suite en terre, n’ont jamais pu s’enracincr. Le terrain labouré était en cette place foisonnant et farineux. UNE MENT ROUE EE DNS DS 7.80 | Partie RSOIUDIe RASE NET RENE 0.36 100.00 Partie RNSOlUDIE SR ER 91.85 | Analyse de la partie soluble : Potasse. . 0.012 Soude . 0.096 Magnésie . D UE No A de PESTE CR RC UE 0.020 CHAUSANENIR FES ES PEUT LIRE ARBRE. X UE 0.044 Acide sulfurique . 0.048 Chlore . AR EN CSE RE Re ee ARAUE a ER NO MER VE Me 0.098 Manquant pour la saturation des bases calculé en acide carbonique. 0.043 0.361 Oxygène à déduire pour les bases à l'état de chlorures. . . . . 0.022 Total 30 OA 0.339 Pour 100 d'eau dans le sol, taux des substances solubles. . . . . 4,60 396 . ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Cet échantillon est spécialement intéressant. L'extrait aqueux en étail neutre ; desséché, puis calciné, il n’a pas donné lieu à une réac- tion alcaline. Cependant, ce terrain a dù présenter des manifestations alcalines, car la composition des sels qu’il renferme montre que, contrairement aux échantillons qui précèdent, les sels, chlorures terreux, sulfate de chaux, qui pourraient détruire lalcali n’y sont pas représentés. L'interprétation suivante est, en effet, presque la seule possible : Ghlorune deisOdUM,. aps ur OUR CET AR 47.50 SUUATEMIEDDIASSE tea CURE UE En ARS 6.50 — de soude. 7:23 + (dé magnésie: LE MEN TERME ENT EN NN 10.71 : x É | carbonate de magnésie . 4.90 Sels organiques représentés en | — de chaux. . PE oi Ÿ 100.00 La portion de terrain qui se réfère à celte analyse forme une élroite bande, proche d’un canal d'irrigation. Le défaut constant de reprise des boulures a été attribué au refoulement de la nappe salée du sous-sol causé par cetle situation. Cette explication n’est assuré- ment pas exacte. Le voisinage du canal d’eau douce a créé des con- dition de délavage qui ont fait sans doute apparaitre le salant alcalin. Dans le même domaine du mas de Cabane, j'ai recueilli sur un sol récemment préparé pour l'établissement d’une prairie, sol salé couvert d'enganes avant le défoncement, une série d’échantillons pris au même point, mais à différents niveaux en profondeur. Dans les deux tableaux ci-après on trouvera les résultats de l’ana- lyse de ces divers échantillons et l’interprétation de ces résultats en cenlièmes dé sels. . 4 J'aurais voulu faire plusieurs séries de prélèvements analogues, persuadé que l’étude du salant à différents niveaux du sol et à di- verses époques de l’année est l’une des voies à suivre pour déter- miner les modifications que subissent les sels au contact du terrain, suivant les conditions climatériques. De cette expérience isolée il COMPOSITION DES 357 n’est pas sans doute permis de tirer des conclusions trop générales. On remarquera toutefois un fait assez significatif : c’est l'abondance des chlorures terreux par rapport aux chlorures alcalins dans Îles couches supérieures du terrain. TERRES DE LA CAMARGUE. CHLORURES alcalins. p- 100. p. 100. A la surface on trouve . 48.92 pour 46.29 de chlorure terreux, De 5 à 10 centimètres. 53.70 — 17.804 de chlorure de magnésium. De 10 à 20 — DID LIS 52 -— De 20 à 30 — 58.658 — 16.32 — De 30 à 40 — Ù 57.34 — 19.80 — De 76 à 82 — E 63.401 — 12.591 — Le rapport entre ces sels apparaît comme inverse suivant le niveau considéré. Composition du salant à diverses profondeurs. (Échantillons prélevés au mas de Cabane.) 4 COUCHE 2 3 4 5 6 très superficielle, épaisseur 2 centimetr, POUR 100 PARTIES DE L'KCHANTILLON. Humidité, LU Partie soluble , Partie insoluble . , Analyse de la partie soluble. IBOTASSORE RU R T Soude,. , Magnésie . .: . . . (CIE UE SET EC (GIE LEE AS NO AAC ET Acide sulfurique. . . . Manquant pour saturer les bases calculées eu acide carbonique. . . Oxygène à déduire cor- respondant aux bases à l’état de chlorures . . Totaux, . sur tache salée brune et quelques efflorescences blanches, 11.72 7.64 82.30 COUCHE comprise entre 5 et 10 centimètres , de profondeur, COUCHE comprise entre COUCHE comprise entre COUCHE comprise entre 10 et 20 20 et 30 30 et 40 centimètres | centimètres | centimètres de de de profondeur. | profondeur. | profondeur. 10.88 0.80 88.32 0.188 0.063 0,062 0.306 0.014 0.053 0.686 0.069 0.8826 COUCHE comprise entre 76 à 82 centimètres de | profondeur.| 20.06 0.82 79.12 0.617 0.0856 0.797 328 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Composition du salant à diverses profondeurs. (Interprétation des analyses portées au tableau précédent.) 1 2 3 4 5 6 | NATURE DES SELS TE) coucuk | coucue | coucHe | COUCHE | COUCHE res de de de superficielle, 5 40 10 à 20 20 à 30 Pour 100 PARTIES. Lt épaisseur 2 centimètr. | centimètres. | centimètres, | centimètres.| centimètres, | centimètres. | Chlorures alcalins . . . 3.9 53.615 54.95 53.658 57.35 63.401 | Chlorure de magnésium. «3 7.804 18.32 16.320 19.80 12.591 | Chlorure de calcium . . 23.96 " " | Sulfate de chaux, , . . .6ô ï 3.58 : 3.85 4.501 | Sels organiques calculés en carbonate de ma- gnésie 2. 2.40 4.500 3.90 8.182 Sels organiques calculés en carbonate de chaux. 0.19 20. 20.75 -172 15.10 11.325 Totaux .00 | 100. | 100.00 99.98 100 00 | 100.00 Pour 100 de terre humide, taux des matières sa- LES es 6 tres te be é . 7e . 764 0.617 0.797 | | Pour 100 d’eau dans le sol, taux des substan- ces solubles . , . Dans la couche supérieure se trouvent accumulés les chlorures terreux tandis qu’ils diminuent progressivement en profondeur. L’in- verse a lieu pour le sel marin, plus abondant proportionnellement dans les couches profondes que dans celles supérieures. Je rapporterai encore deux analyses faites sur les efflorescences salines recueillies au pourtour des baisses alcalines décrites dans ce chapitre, et très près de l’eau alcaline. Plus haut, sur les talus, les efflorescenees sont très nettement cristallines, blanches et formées de sel marin à peu près pur. De vigoureuses salsolacées poussent au contact de ces dernières. Efflorescences salines au contact de la vase au pourtour des baisses. it IT BAISSE D'ICARD. BAISSE DE MAGUELONNE. Partie soluble pour 100. . . . . . . 9.94 6.68 COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 399 Analyse de la partie soluble. Alcalis (potasse très rare) . 3.922 2.766 Magnésie . 0.290 0.362 Chaux . 0.275 0%202 Chlore . RE 4.599 3.229 ACTA ISUIIULPIQUE ee le CP RAI 0.456 0.394 Manquant pour la saturation des bases calculé en acide carbonique . . . . 0.211 0.297 FotaRre AP PAPRRE 9753 1.290 Oxygène à soustraire pour les bases à létattde chlorure PRE PR 1.039 0.729 Hotalh.t te 8.714 6.521 Résultats qui peuvent être interprétés comme suit pour 100 par- ties de sels : UMONMESTAILCALIDS MAMIE PANNES 84.812 1979 = tdenmasnésinmie). Heure 1.813 1.405 Sulfate de magnésie . RE PAT TE 7.693 9.060 a TC ACDAUX RS Ar re 0.179 0.000 Sels organiques ( carbonate de magnésie. 0.000 4.055 calculés en . = de chaux. 5m908 >.030 LOT ET PAENS 1100 000 100.000 La baisse la plus alcaline était celle de Maguelonne, dont la com- position des eaux a élé mentionnée plus haut. On se rappelle que les eaux de ces baisses, qui offraient sur place une réaction alcaline marquée, devenaient rapidement neutres par rétroaction. Les sels qui cristallisent au pourtour immédiat de ces baisses ne renferment pas de carbonate de soude, comme le démontrent les deux analyses qui viennent d’être transcrites. Si nous essayons à présent de résumer les documents analytiques contenus dans le présent travail, nous pouvons voir qu’ils conduisent à la conception d’une variété assez grande de taches salées évidem- ment dérivées les unes des autres, quoiqu'il ne soit pas possible dans l’état de notre étude d’en tracer avec sûreté la filiation. Les taches salées blanches et cristallines, non hygroscopiques, représentent le salant marin pour ainsi dire non remanié, c’est-à- dire offrant la composition des sels contenus dans la mer et dont le 300 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. chlorure de sodium est le corps prédominant. Ces taches sont de beau- coup les plus répandues en Camargue. Ce sont elles qui constituent les sansouires blanches qui couvrent les landes à salsolacées, terres vierges qui forment encore la plus grande superficie du delta. Sous l'influence du délavage superficiel, dont les conditions sont mal connues, le salant hygroscopique apparaît à côté du précédent dans les terres vierges et surtout dans les terres cultivées. Il est caractérisé par une proportion élevée de chlorure de magnésium et même de chlorure de calcium. Cette abondance des chiorures ter- reux est-elle le résultat de la disparition des efflorescences de sel marin par les lavages superficiels du sol? Ne dépend-elle pas aussi de la réaction d'échange entre le sel marin et le bicarbonate de chaux ? En ce cas, et la chose est bien probable, surtout à cause de la présence du chlorure de calcium, les taches hygroscopiques repré- senteraient l’opposé et la contre-partie des taches à alcali persistant, bien plus rares en Camargue. Comment, dès lors, s’effectue la sépa- ralion du carbonate sodique, si celle hypothèse est fondée, et à quel moment ? Tel est le point difficile de cette étude et qui n’a pas reçu de solution. En tout cas, ces taches à chlorures déliquescents sont le résultat du remaniement du salant marin et les taches alcalines persistantes sont dans le même cas. Il semble que chacune de ces catégories de salant résulte de la même transformation dont les produits ont suivi des routes différentes. Mais le salant alcalin est bien rare, tandis que le salant hygroscopique est fort répandu. On peut former l'hypothèse plausible suivante : le carbonate so- dique, sel très grimpant, gagne le premier les couches superficielles du sol, d’où les pluies l’entrainent, sans trop délaver le sol sous- jacent, à cause de l’imperméabilisation qui se produit immédiate- ment au contact de la solution alcaline. Par ce mécanisme on peut concevoir une séparation, incomplète sans doute, mais suffisante pour conduire à ces taches distinctes des deux salants'. Le salant 1. M. de Mondésir a indiqué tout au long dans son Mémoire, cité au commencement de ce chapitre, un mode de séparation tout différent, J'ai traité plusieurs terres salées de Camargue par les procédés d'extraction indiqués par ce savant, mais je n'ai pas COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 361 alcalin serait très rare, parce que le carbonate de soude entrainé rencontre dans son parcours les sels, chlorures terreux, sulfate calcique qui le détruisent. Dans des conditions exceptionnelles seu- lement et lorsque ces sels ont disparu, il pourrait former des taches alcalines persistantes. La même hypothèse rend compte de l'existence des taches salées les plus mauvaises de la Camargue. La solution alcaline, en se réu- nissant dans les faibles dépressions des terres, imperméabiliserait leur sol et en rendrait le lavage impossible, quoique bientôt cependant toute trace d’alcali ait cessé de se manifester, par suite de la rétro- action causée par les sels antagonistes que le délavage entraine ulté- rieurement. D'ailleurs, le sel étant reformé sur place dans ces points déclives, qui sont en outre le repaire des matières salines du délavage superficiel, la persistance de ces taches s’expliquerait sans peine. L'analyse chimique montre, en tout cas, que le sol des taches per- sistantes ne diffère aucunement, comme composition, des sols voi- sins où les cultures sont florissantes. La différence est dans la salure beaucoup plus marquée du sous-sol. Quelquefois même, cette diffé- rence manque et alors, peut-être, il s’agit vraiment d’une action alcaline temporaire, Le sol de ces taches persistantes, réfractaires, est le plus souvent très dur et compact. Telles sont les hypothèses suggérées dans l’état de notre travail. Nous ne pouvons leur donner qu’une créance provisoire et nous re- oreltons même d’être obligé de les formuler, alors que des imvesti- gations nouvelles restent encore indispensables pour en confirmer le bien-fondé. Il y aurait encore beaucoup de choses utiles à dire au sujet de la salure des terres quant aux conditions qui la rendent nocive. Outre cette question principale de la nature et de la composition du salant, il faudrait considérer attentivement la proportion des sels que les plantes peuvent tolérer. On a l'habitude de fixer proportionnelle- ment à la masse de la terre la quantité des sels qui rend la végéta- réussi à en retirer du carbonate de soude. Ceci n'a rien de surprenant, les sols du delta étant très pauvres en matières humiques capables de jouer le rôle absorbant que l'étude de M. de Mondésir a mis en évidence. 362 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. tion impossible. Une remarque est à signaler à ce sujet. Les teneurs en sel n’ont d'importance que par rapport au Laux d'humidité du sol, car c’est la concentration de la solution saline qui cause la stérilité du terrain. Aussi, peut-on dire que sous un climat aride où les sols se dessèchent, les plus faibles proportions de sel doivent être considé- rées comme nuisibles. Les accidents du salant sont à craindre dans les années sèches, même sur les terres où depuis longtemps ils ont cessé de se manifester. C’est là une différence très essentielle à faire ressortir par rapport aux plaines salées de l'Océan du Nord. La même proportion de sel qui est tolérée par les cultures établies dans les polders proscrirait la végétation dans les plaines méridio- nales, soumises à. de longues périodes sans pluies, encore aggravées par le régime desséchant du mistral. Une étude approfondie du salant ne pourra être complète, dans ces régions méridionales, qu’en y joignant simultanément l'observation des condilions climatériques. Je crois avoir montré de plus que la mutabilité des phénomènes du salant entrainait des difficultés spé- ciales pour en surprendre les diverses phases, dont certaines ont un caractère essentiellement fugitif. Le relard considérable apporté à l'achèvement du présent mémoire n’a pas d'autre cause que la dif- ficulté que présente l’étudé de ces variations. On voudra bien consi- dérer que la contribution actuelle n’est, en ce qui concerne le salant, qu'un acheminement vers une connaissance plus parfaite de ces phé- nomèênes complexes. Qu'il me soit permis en terminant d’exprimer ici ma reconnais- sance aux propriélaires de la Camargue qui m'ont aidé de leur con- cours le plus dévoué. J'ai déjà cité M. Louis Gros ; il me faut mentionner encore d’une manière loute particulière MM. de Chevi- ÿgné, Espitalier, Savoy, P. Peyron, M. Martin, maire d'Arles, et MM. les syndics de la digue à la mer, qui m'ont en maintes occasions facilité l'accès de ce territoire difficile. J'ai aussi à remercier ici M. Villeboutchevich, jeune savant russe qui a traduilet fait connaitre en France le mémoire important de M. W. Hilgard, que j'ai eu l'oc- casion de citer souvent. Je dois à M. Villeboutchevich beaucoup d’in- dications bibliographiques sur les terres salées, dont j'ai tiré parti dans la mesure du possible. COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 363 Enfin, je dois une mention spéciale à M. W. Hilgard, dont le nom est intimement lié à l’étude des territoires arides, et qui a bien voulu m'adresser ses publications les plus intéressantes sur un sujet encore peu connu en France. On trouvera aux annexes du présent mémoire une note de M. Hil- gard au sujet de l’analyse des efflorescences salines. Elle m'a été transmise par l’auteur et j'ai cru utile de la reproduire ici en en mo- difiant à peine la forme originale. TABLEAUX, DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. ANNALES ocre [Gr 000€ & 00‘£} 122 “pou pue | pu | “pu GE GGSFIYGSE COST) TGSF | 168H 068} ce ‘scrloo csolc‘orclez‘ogrles‘zyrlgczec|ot ‘ocoloc*erolo0o #relGT9€lTGz 00‘1S 0G‘#] 00°2£ “quut ‘qu GS8F | 8887 | LSSF | 88H GL°G607 00°78 00 ‘68 00°G£T 00‘09 00°LF 007} 00° 66 00‘0£} G88F EL ce ‘y 0G 67/00 °F} 0007 |00°98 00‘£e |00°26 OS‘ FG|0G‘Y OST 0c ‘ZE ñ= CO 006% |00°F6 08 ‘Se1|6L°66 066€ [SG °L oc ‘re |0G ‘08 0€ ‘y “pu ‘SLI EL “qui *jrux TSSE | ISSE | O88F | GLSH ‘qu | ‘pu SLSF | LLSY geo lc‘ervirse |7ez |068 96 HI} OFF “qu lp 9LSY|SLSH| YLSH |CLSHITLSHIFLSI “oguuravd XAVLO I, MqQUOANN(CT 21QUI9AON * 0140}20 oaquoydog | ‘0y | ‘IMAV “siUK | *IOTIAQ * dorauuf'| ‘SION { Sonjaumquum ua sogwundxe neo,p Sinopne}}) "GEST © ILSE 2P SoJOW-sonfry e soyez sayponsuau senbrrjauopn suorjeaAï0sqQ M 67 LA Î COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 369 Observations udométriques mensuelles pour cinq stations de la Camargue, années 1882 à 1895 (janvier à décembre). (Extrait des Bulletins de la Conmission méléorologique des Bouches-du-Rhône.) [Hauteurs d’eau en millimètres.] ANNÉES ET STATIONS. JANVIER FÉVRIER MARS AVRIL JUIN. JUILLET AOUT SEPTRMBRE OCTYOBRE. NOVEMBRE. DÉCEMBRE. | pour l'année. L'Étourneau . . Giraud Faraman . . Saintes-Maries. , 1883 | Arles . . L'Étourneau Giraud. |: Faraman Saintes-Maries. . . . . L'Étourneau. Giraud Faraman . . Saintes-Maries . . L'Étourneau. . Girard ee 00 Faraman Saintes-Maries . , . . . 1886 ATles 52.1 .1- L'Étourneau Criraud , . F Faraman .,. . . . | Saintes-Maries . . . 366 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. | ; ss | ||. 2 | ns APR | ELLE IE , SH Re Sel ile || Ut ESRI | ANNÉES ET STATIONS, > # = 5 se © Ê © 8 & | o— | z ë À n _ < € 5 RCIP TPE | < “ © = | # lu 2 a © ZÆ E) & De me me 2e CO M MR RS ER a OT ne ne + Se OS RS Re 1887 Arles 56 LME SIT 70 L'Étourneau. . . . . .| 0 57 Giraud TS mal 69 Faraman . Saintes-Maries . . , . . 1888 | Arles … ; L'Étourneau. , . . . ,| 49 25 Rad ere cuil: 96 AA eat ohass Le 10 EE RE RE 28 29 L'Étourneau. . . . . .| 44 22 Giraud Rene EL 19 91 Faraman (4.0. ..0.| 24 26 Saintes-Maries . . . . 1890 Arled Hé AE SE UN 54 L'Étourneau. . . . . .| 54 38 Giraud ARS CC BE 44 Faramar 4h: 2 0 ell82 42 Saintes-Maries . 1891 ATICS SISTER ARS L'Étourneau. . . .. Gate FAAMAT Ed So me Le | Saintes-Maries . . 1892 ATIes ES CU PO NL AS 70 L'Étourneau. , . . . .| 31 37 Giraud sn ILE Ml. 22 75 Faraman je Jo 7: 41 63 Saïintes-Maries,. , . COMPOSITION DES ANNÉES ET STATIONS. 1893 ATIeSh ete oi L'Étourneau. , Carand ter: Faraman , . . . Saintes-Maries , 1894 Arles . L'Étourneau,. . . Giraud , . . Faraman , . , Saintes-Maries. , L'Étourneau. , . CU TESRE Faraman . . . : Saintes-Maries. , , JANVIER. FÉVRIER. | TERRES DE LA CAMARGUE, 367 AVRILe JUILLET, AOUT EPTEMBRE. OCTOBRE, NOVEMBRE. DÉCEMBRE, ls pour l'année, (dE) [er] CN ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. NOTE DE M. E.-W. HILGARD, PROFESSEUR A L'UNIVERSITÉ DE CALI- FORNIE, DIRECTEUR DE LA STATION EXPÉRIMENTALE AGRI- COLE DE BERKELEY, SUR L'ANALYSE DES EFFLORESCENCES DES TERRES SALÉES. Quand il n'existe que des sels neutres, le lessivage de la terre se fait sans difficultés. Pour connaître le contenu général de la terre en substances salines, il convient de prendre l'échantillon à la pro- fondeur d’au moins 0,20. Plus près de la surface, il y a déjà accu- mulation des sels par évaporation superficielle. La couche supé- ricure, de 0®,01 par exemple d'épaissenr, peut contenir jusqu’à quatre fois plus que la terre en général. Comme on le sait, la croûte superficielle peut être composée de sels presque purs. En supposant que le sous-sol renferme environ 2 p. 100 de sels neutres, on prend 10 gr. de terre pour le lavage. Le liquide de fil- tration sera limpide et on n'aura aucune difficulté à titrer dans des portions convenablement fractionnées le chlore et l'acide sulfurique. Dans le cas où l'analyse qualitative préalable à indiqué la présence des chlorures ou sulfates de chaux et de magnésie, on dose ces corps dans le liquide filtré du précipité de sulfate de baryum en faisant évaporer ce liquide avec un excès d'acide nitrique, puis en suivant la méthode de séparation des alcalis par l'acide oxalique, ou bien on les précipite dans une partie spéciale de la liqueur d'extraction, ce qui vaut mieux, surtout quand le microscope n’accuse pas dans une soulte du lessivage, mêlée à une goutte de chlorure de platine, une proportion notable de potasse, En ce cas, il devient naturellement superflu de doser directement la soude. Lorsque la terre mise eu contact, mouillée avec le papier rouge de tournesol indique une réaction alcaline prompte, 1l est quelque- fois bien difficile d'effectuer le lessivage, car, dès que la liqueur de COMPOSITION DES TERRES DE LA CAMARGUE. 30) dissolution devient faible, l’argile:colloidale se délaye et traverse les filtres. L’extraction des sels devient ainsi impraticable. Mais, par un moyen détourné, on peut réussir celle extraction en opérant de la manière suivante: on évapore la liqueur trouble dans un vase à fond plat jusqu'à sec. Puis on y met de l'eau jusqu’à 0,01 de hau- teur, en ayant soin de ne pas soulever l'argile. On place le vase à une chaleur tiède afin seulement de faire circuler l’eau sans mettre en suspension le sédiment. En répétant soigneusement celte opéra- lion, on parvient à laver l'argile sans la délayer. On évapore alors à sec le liquide clair, mais presque toujours très. coloré par la disso- lution de l’humus. On sèche à 100 degrés centigrades le résidu et on le pèse, puis on le calcine et on le pèse encore, cela pour éva- lucr à peu près le quantum des malières organiques. L'eau et les nitrates, qui donnent une perle par celle calcinalion, faussent nalu- rellement le résultat obtenu. On titre ensuite le carbonate alcalin dans une portion du liquides Comme, dans ce cas, il n’y a pas à aie les de chaux et de magnésie, le dosage du chlore et celui de l'acide sulfurique met- tent fia à l'analyse, à moins qu’il n’y ait des nitrates ou des phospha- tes ou même ces deux sels simultanément, ou une partie importante de potasse. Le phosphate de soude, qui se trouve très fréquemment dans lalcali noir (carbonate de soude), est dosé dans une partie spé- ciale du liquide. Les nitrates ne peuvent être dosés dans la solution humeuse, l'hu- mus contenant de l'azote. On procède de la manière suivante : on mêle la terre avec un dixième de plâtre pulvérisé. Par ce moyen, les acides humiques sont séparés et de plus on converlit ainsi en sulfale le carbonate de soude ; on peut dès lors faire le lessivage sans diffi- cultés. Dans la liqueur de filtration, on précipite le gypse par une addition d’alcool en quantité convenable (55 p. 100 du volume de la solution totale). En évaporant la filtration, on obtient des sels al- calins en état d'être pesés ; on calcule alors la correction à faire pour le changement du carbonale en sulfate et on obtient ainsi la quantité totale du sel contenue dans le sol. Ensuite on peut convertir le nitrale en ammoniaque, selon la méthode connue, et doser ainsi le salpé- tre. On peut encore faire une correction pour le nitrate converti en ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE. — 1898. — 1. 24 310 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. carbonate dans la calcination qui a précédé la titration de ce der- nier. Quant à l'interprétation des résultats de l'analyse, elle réclame la plus grande attention. J’ai démontré dans un travail spécial dont je vous fais l'envoi, la compatibilité des sulfates terreux avec les surcar- bonates alcalins. Comme les carbonates alcalins se trouvent dans la nature surchargés d’acide carbonique, à l’état de sesquicarhonate ou même d’hydrocarbonate, on doit s'attendre à trouver, dans la dissolution d’alcali naturel, le gypse aussi bien que le sulfate de ma- gnésie en présence d’une réaction fortement alcaline. L’incompati- bilité connue ne se manifeste qu'après avoir fait rougir le mélange des sels ; l’ébullition seule n’y conduit pas. C’est pour ce motif qu'il faut absolument calciner le résidu du lessivage avant de titrer l’al- calinité ; de plus, les acides de l’humus peuvent neutraliser une par- tie du carbonate dans certaines terres, dont le lavage ne donne qu'une réaction alcaline très faible jusqu’après la calcination. RECHERCHES SUR LA COMPOSITION IMMÉDIATE ET ÉLÉMENTAIRE DES MATIÈRES ALBUMINOIDES EXTRAITES D'ULGBMIENND ES NCRRENLES ET DES GRAINES DES LÉGUMINEUSES CONSÉQUENCES PRATIQUES DE CETTE ÉTUDE PAR ME FEEURENTE DOCTEUR ÈS SCIENCES PROFESSEUR REMPLAÇANT DU COURS DR CHIMIE INDUSTRIELLE AU CONSERVATOIRE NATIONAL DES ARTS ET MÉTIERS Les substances chimiques azotées que l’on désigne sous le nom de matières protéiques ou albuminoïdes, substances que l’on rencontre à la fois dans les tissus végétaux et animaux, constituent pour l’homme un aliment des plus précieux. Les plantes, céréales et légumineuses, dont le grain les renferme en proportions variables, forment un élément important de la richesse agricole de contrées entières, et il n’y a pas lieu de s'étonner de l'attention que l’on a apportée, il y a longtemps déjà, à l'étude des farines que l’on sait obtenir depuis la plus haute antiquité, en sou- mettant ce grain à l’action des engins de mouture. C’est surtout dans le but d’établir la nature des matières azotées 312 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE, insolubles dans l’eau contenues dans le grain et les farines de fro- ment que les travaux les plus nombreux ont été exécutés. Dans ce cas, en effet, ces matières azotées. se comportent d’une façon tout à fait spéciale. Dès 1742, Beccari a montré qu’à l’inverse de ce qui se passe pour les farines de seigle, de riz, etc., elles peuvent être iso- lées, par malaxage de la pâte à l’aide d’un courant d’eau, sous la forme d’une masse jaunâtre, d’une élasticité variable, constituant ce que nous avons coutume de désigner sous le nom de gluten. Ge gluten communique d’abord aux farines de blé la propriété caractéristique de s'élirer en longs filaments sous l’action de la pression des gaz produits pendant la fermentation panaire, et en se coagulant en place pendant la cuisson, 1l Teur permet de donner ensuite naissance à ces pains spongieux el légers si différents des pains gras et lourds qu’on obtient à l’aide des produits de la mou- Lure des autres céréales. Qu'est-ce donc que ce gluten ? Estal formé par une malière unique ou par le mélange en proportions variables de plusieurs substances jouissant chacune de propriétés différentes dont les farines elles- mêmes subissent l'influence ? Celle influence, définissant ce qu’on peut appeler la quaïité boulangère du gluten et par conséquent des produits qui le contiennent, peut-elle être déterminée avant l’emploi de ces produits à la panificalion ? Telles sont les questions principales que les chimistes se sont posées depuis un siècle et parmi ceux-ci il me suffira de citer les noms de Berzélius, de Saussure, Boussingault, Licbig, Dumas et Cahours, ‘pour montier que la recherche de leur solution n’est pas indigné de la sollicitude des hommes de science. Jai essayé d'apporter à la ‘résolution des problèmes que je viens de poser mon contingent d'informations théoriques el pratiques et, après un travail assidu qui n’a pas duré moins de trois années, j’es- père avoir réussi à en éclairer quelques points restés obscurs jus- qu’iel. L'exposition qui va suivre sera divisée en plusieurs parties, savoir : 4° composilion immédiate du gluten contenu dans le grain des diffé- rentes céréales et surtout du grain de blé; 2° essai d'application d'une méthode chimique à la détermination de la valeur boulangère COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. o19 des farines de blé; 3 composition immédiate des malières azotées contenues dans les graines des légamineuses; 4° répartition du oluten et de ses principes immédiats dans les différentes parties du grain de froment. I. — COMPOSITION IMMÉDIATE DU GLUTEN DES CÉRÉALES C’est Einhof' qui, le premier, eut l’idée d'appliquer l'emploi de l'alcool à l'extraction des matières protéiques insolubles contenues dans les farines de blé. Il en isola ainsi un produit qu’il ne sul pas différencier du gluten extrait par Beccari. Taddei* reprit cette élude et, faisant bouillir le gluten avec de l'alcool, le sépara en un produil solnble auquel il donna le nom de gliadine et un produit insoluble qu'il appela zymon. C’est en appliquant tantôt l'emploi du mème réactif, tantôt l'emploi de l'acide acétique, que Berzélius, de Saussure, Boussingault, Lie- big, Bouchardat, Dumas et Cahours, Mulder, Von Bibra, Günsberg, elc., ont étudié le gluten extrait des farines de blé ; mais comme les résultats contradictoires publiés par ces auteurs n'ont pas réussi à dégager définitivement les inconnues de la question, il est inutile de les analyser et je n’en parle que pour mémoire. « Il faut arriver à 1872, époque à laquelle Ritthausen? publia ses travaux, pour voir appliquer à cette étude une méthode d’analyse dans laquelle, à côté de l’emploi de l'alcool, on fit intervenir l’action des solutions caustiques faibles. Ritthausen divisa d’abord, par l’ac- tion de l’alcool, le gluten en deux parties l’une insoluble, l’autre soluble. De la partie insoluble, par action de la potasse de 18,5 à 28°,5 par litre d’eau distillée, après décantation pour séparer « des corps gras en émulsion », précipitation par l'acide acétique ou sulfurique en léger excès, lavage à l’eau et à l'alcool absolu, il isola une subs- tance à laquelle il donna le nom de glulen-caséine. {. Journ. d. Chemie von Gehlen, 5. 131, 1805. 2. Annales of. Phil., May 1820. Schweiger's Journ. f, Chem. u. Physik, 29, 514, 3. Die Eivweisshorper, Bonn, 1872. 314 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. De la solution alcoolique il isola par évaporation et précipitalions fractionnées trois matières nouvelles qu’il appela : gliadine, mucé- dine, glulen-fibrine, cette dernière correspondant à la gliadine de Taddei. En juin 1893, l'American Chemical Journal publia un long mé- moire de MM. Osborne et Woorhees, mémoire très intéressant et qui se rapporte à l'étude d’une part des matières azotées solubles dans l'eau, d’autre part à l'étude des matières insolubles constituant le gluten de l’amande du grain de blé. C’est en 1891 que j'ai été amené moi-même à faire dans cette voie des observations qui m'ont déterminé à poursuivre l’étude que je publie entièrement aujourd’hui. J’ai été conduit, dès cette ‘époque, à faire l'examen de la constitution chimique des matières protéiques végétales en leur appliquant la réaction inaugurée par Schützenber- ger pour les matières animales et qui consiste à les traiter par la baryte caustique en vase clos. J'ai dù dès lors essayer de séparer le gluten en ses constituants et je me suisimmédiatement rendu compte de la difficulté qu’on y éprouve en employant la méthode de Ritt- hausen. J'ai alors modifié cette méthode’ pour la rendre plus pra- lique, j'ai isolé ainsi la gluten-caséine et la gluten-fibrine et j'ai constaté les propriétés sur lesquelles j'insisterai plus loin. Mes premières observations sont donc antérieures à la publication de MM. Osborne et Woorhees; mais ce que je viens de dire n’a pas pour but de réclamer la priorité sur le travail fort intéressant des pré- cédents auteurs. Je n’en ai pas besoin d’ailleurs. D'une part, ceux-ci ont étudié le gluten en employant une méthode identique à celle de Ritthausen, et, malgré sa défectuosité, je montrerai comment, à côté de résultats erronés, elle a pu néanmoins les conduire à des résullats exacts. D'autre part, l’étude de MM. Osborne et Woorhees élant faite avec l’idée préconçue de la constance de composition des diverses matières azotées, quelle qu’en fût la provenance — les comparaisons qu'ils font entre leurs analyses et celles de leurs pré- décesseurs ne laissent aucun doute à ce sujet — ne peut être qu'une étude purement théorique. 1. Thèse de doctorat, p. 21. COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 379 Au contraire, la méthode que j'ai inaugurée, née d’une conception plus simple et plus en rapport avec les faits que celle des savants que je viens de citer, est à la fois qualitative et quantitative et elle a conduit à des résultats théoriques que j'ai pu immédiatement transporter dans la pratique ainsi qu’on le verra dans le cours de ce développement. Action de l'alcool sur la farine et sur le gluten du grain de froment. L'action dissolvante de l’alcool étendu d’eau sur la farine et sur le gluten extrait du grain de froment laisse entre les mains de l’opé- rateur, dans l’un et l’autre cas, un produit dont les propriétés sont identiques. Gette action dissolvante est la plus favorable lorsqu'on emploie l’alcool à 70° G. L. Si on lave à plusieurs reprises de la farine avec une liqueur de cette force, ou bien si on met en contact avec elle le gluten extrait par malaxage sous un courant d’eau et divisé en petits fragments, on obtient une solution alcoolique qui, évaporée dans le vide sur le chlorure de caleium, abandonne une substance d’un beau jaune clair, groupée en feuillets gélatineux : ce produit, dont je donnerai tout à l'heure les propriétés, est la gliadine de Taddei, gluten-fibrine de Ritt- hausen, gélatine végétale de Dumas et Cahours. Avec MM. Osborne et Woorhees, je lui conserverai le nom de gliadine. Elle constitue un des éléments renfermés dans le gluten. Pour en isoler un deuxième élément, les deux chimistes précédents opèrent de la façon suivante, indiquée par Rilthausen. Le gluten, divisé en petits fragments, est mis en contact avec de l'alcool à 79 p. 100 aussi longtemps qu’il se dissout quelque chose. Le résidu insoluble est dissous dans une solution à 0.15 p. 100 de potasse caustique et la solution abandonnée dans un endroit froid pendant 48 heures. On décante pour séparer des sédiments en suspen- sion, on neutralise la liqueur par de l’acide chlorhydrique dilué et le précipité obtenu est lavé par décantation à l’eau, puis à l'alcool de 0.90 de densité, puis à l'alcool plus fort, et finalement à l'alcool absolu et à l’éther. Ce précipité est alors redissous dans la potasse 316 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. à 0.10 p. 100 et abandonné pendant une nuit. La liqueur est filtrée et précipitée par l'acide chlorhydrique à 0.2 p.100. Le précipité est lavé à l’eau, à l'alcool fort, à l'alcool absolu et à l’éther. Finalement le produit obtenu est desséché dans le vile sur l’acide sulfurique. On peut d’ailleurs le reprendre à nouveau, le redissoudre dans une solution alcaline faible et le purifier à nouveau comme il vient d’être dit. Mais à chaque redissolution une partie du produit reste insoluble. C'est en opérant dans ces conditions que Ritthausen a extrait ce qu'il a appelé la gluten-caséine, zymon de Taddei, fibrine végétale de Dumas, Cahours et Liebig, produit auquel MM. Osborne et Woorhees ont donné le nom de glulénine. Je reviendrai tout à l’heure sur les propriétés de cette gluté- nine, mais auparavant je voudrais montrer que le produit ainsi extrait n’est pas ce qu’on pourrait appeler la gluténine vraie, que c’est tout au plus un mélange de cette dernière avec de la gliadine dont les propriétés ont été modifiées par l’emploi de réactifs trop énergiques. Pour cela, je me reporterai d’abord aux observations publiées par Péligot' en 1850 dans son mémoire sur l’analyse des blés, Ce savant a remarqué que si on lave la farine de froment avec de l’éther pour enlever les matières grasses, si, ensuite, après évaporation de l’éther, on transforme la farine en pâte et qu'on malaxe cette pâte sous un courant d’eau, le gluten file entre les doigts et il est impossible d’en recueillir une parcelle. J'ai répété souvent celte expérience et elle st parfaitement exacte. Péligot en a conclu que c’est à la présence de la matière grasse que le gluten de froment doit ces propriétés qui le rendent facilement extractible. C’est là une grosse erreur puisque si on prive la farine de celte matière grasse par la benzine cristalli- sable, le gluten peut néanmoins être obtenu avec facilité. L’éther joue donc un autre rôle qui est précisément de coaguler la gliadine, de lui enlever ainsi ses propriétés adhésives et de lu transformer en un produit analogue à la gluténine. Si Péligot s’est trompé sur l’action de l’éther, c’est qu’alors il ne connaissait pas les 1. Annales de Physique et de Chimie, 3° série, 1850, t. XXIX. be COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. ot propriétés si différentes de ces deux principes immédiats qui consti- tuent le gluten. Lorsqu'on traite le gluten divisé en petits fragments par lalcool à 75° pour enlever la gliadine, le gluten se contracte fortement par l’action du réaclif; celte contraction augmente encore la difficulté que ce produit énormément résistant possède naturellement de se laisser pénétrer par les dissolvants ; cela est si vrai que même lors- qu’on emploie, comme je le fais, l'alcool rendu alcalin par la potasse, il est impossible de désagréger le gluten lorsque celui-ci à été malaxé entre les mains pour le priver de son excès d’eau, au moyen de la méthode employée par Ritthausen et les deux chimistes améri- cains. Il est donc impossible de débarrasser complètement le gluten de sa gliadine et celle-ci reste dans le résidu. Or, la gluténine que j'ai préparée par la méthode que j'indiquerai plus loin est très peu soluble dans les solutions aqueuses alcalines même à 05,3 de potasse p. 100; la gliadine y est très soluble au contraire. C’est donc celte dernière qui se dissout lorsqu'on traite, comme je l'ai dit précédemment, le résidu insoluble dans lalcool par l’eau alcaline, et c’est elle qui forme la plus grande partie du précipité obtenu par l'acide chlorhydrique. Sous l’action répétée de l’alcool absolu et de l’éther, cette gliadine va se coagulant petit à petil, modifiant peu à peu ses propriétés et donnant finalement un produit qui, à l’inverse de ce qu’il était au début, ne se gonfle plus par l’action de l’eau et reste dès lors pulvérulent comme la gluté- nine. Quant à la gluténine, c’est elle qui forme cette émulsion que Ritt- hausen attribue à la matière grasse, que les deux chimistes améri- cains négligent comme sédiment insoiuble et qu’ils prétendent sépa- rer par décantalion. Je dis « prétendent », parce qu’une faible partie seulement de ce produit insoluble tombe à la longue sur le fond du vase, lautre forme avec la matière grasse en voie de saponification une émulsion si tenace qu’elle résiste à tous les agents de filtration et qu’elle ne se sépare à la bougie de magnésie qu'avec une extrême lenteur et des netloyages répétés. Dès 1891, j'avais été frappé de la quantité considérable de matière 318 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. que le gluten laisse insoluble en présence des solutions alcalines faibles ; j'avais alors été conduit à penser que la constitution immé- diate du gluten est plus simple que Ritthausen ne l’avait indiqué et c'est à ce moment que, ayant reconnu les propriétés de la gliadine et de la gluténine, j'ai employé à la séparation de ces produits une méthode à la fois plus rapide et exempte des erreurs que Je viens de signaler. Je ne parlerai pas ici de cette méthode, puisque je l’ai aban- donnée et remplacée par une autre, je rappellerai seulement que c’est à son aide que j'ai préparé les gluten-fibrine et gluten-caséine dont j'ai étudié la constitution chimique. De ce qui précède, il résulte que le composé que Je désigne éga- lement sous le nom de gliadine est bien le même produit que MM. Osborne et Woorhees ont étudié, mais la substance que Je désigne comme eux sous le nom de gluténine est différente de la leur, qui est formée en grande parlie par de la gliadine coagulée. Je donnerai, dans la suite de ce travail, à côté des preuves quali- (atives que je viens de résumer, les preuves quantitatives qui vien- dront corroborer ma démonstration. Action de la potasse alcoolique sur le gluten extrait du grain de froment. — Composition immédiate du gluten des cé- réales. Au début de mes recherches, en appliquant la méthode de sépa- ralion que j'avais imaginée et à laquelle j'ai fait allusion précédem- ment, j'avais élé conduit à filtrer, à travers une bougie Chamberland, la liqueur potassique à l’aide de laquelle j'avais essayé de dissoudre complètement le gluten. J'obéissais alors sous l'impulsion des idées émises par Ritthausen et je considérais le produit non dissous comme des impuretés mélangées : amidon entrainé, matières grasses émul- sionnées surtout. Mais, je ne tardai pas à faire successivement les trois observations suivantes qui modifièrent alors complètement mes idées et m’entrai- nèrent naturellement vers la méthode qui fait l’objet de ce travail et que je vais développer maintenant. Ayant mis en une seule opération 600 gr. de gluten frais, soit COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 319 environ 200 gr. de gluten sec, en digestion avec une solution aqueuse de potasse (2 gr. par litre d’eau environ), j'abandonnai celte dissolu- tion à elle-même pendant quinze jours environ après que la désa- grégation fut complète. J’espérais obtenir ainsi une liqueur claire surnageant le dépôt insoluble. Mais il s’y fit une séparation presque nulle, si ce n’est celle d’une poudre blanche qui tomba rapidement sur le fond du flacon. Cette poudre blanche, je reconnus qu’elle était formée de grains d’amidon très fins, ce qui n’avait rien de sur- prenant, mais j’observai en même temps que le poids de cette poudre était d’une faiblesse telle qu’il était absolument négligeable. Avant ensuite, d'autre part, lavé à la benzine 1,500 de gluten sec réduit en poudre fine par passage dans un pelit moulin à noix, j'observai que la quantité de matière grasse que le gluten entraine avec lui est excessivement faible également, 08,1 à 05,2 p. 100 environ. Or, en comparant ces deux quantités addilionnées — la matière grasse élant, ainsi que je l'ai observé, non pas saponifiée, mais simplement émulsionnée dans ces conditions — à la quantité consi- dérable de matière insoluble restée à la surface interne de la bougie pendant la filtration, je dus conclure que cette matière devait être certainement formée dans sa presque totalité par de la matière azotée, que cette matière azotée devait faire partie constituante du gluten et ne devait par conséquent pas êlre considérée comme une impureté. A la suite de cette dernière observation, je ne tardai pas à recon- nailre que celte matière avait d’ailleurs des propriétés analogues à la matière azotée insoluble dans l’alcool, partiellement soluble dans les solutions alcalines faibles et entraînée dans la liqueur claire en même temps que la gliadine, que c’était, en un mot, de la gluténine non dissoute. Et dès lors, je fus conduit à penser que, puisque la gluténine est ainsi peu soluble dans les alcalis faibles, qu'elle esl totalement imso- luble dans l'alcool même très dilué, on obtiendrait une séparation bien plus nette en faisant l'emploi d’une solution alcoolique de po- tasse, l'alcool devant dans ce cas insolubiliser la quantité de matière azolée que la solution aqueuse caustique a la propriété de dissoudre. 380 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L'emploi de celte solution alcoolique m’a conduit d’abord à inau- gurer une méthode qualitative d'analyse du gluten, puis une méthode quantitative sur laquelle j’insisterai Lout à l’heure. La méthode qualitative n’a aidé à isoler du gluten des farines de froment trois substances de caractères nettement définis: 1° la glia- dine; 2° la gluténine; 3° un produit auquel j'ai donné le nom de con- glutine du blé, parce qu'il se rapproche par ses propriétés de la conglutine du lupin et des amandes. Gliadine. Préparation et propriétés. On peut séparer la gliadine du gluten par le procédé que nous examinerons tout à l'heure en parlant de la gluténine. Mais ce pro- cédé, pendant la dessiccalion dans le vide, la coagule toujours en partie et, dans ce cas, elle ne possède réellement ses propriétés qu’au moment de la précipitation. Aussi, pour l'obtenir pure, il est préférable d’opérer de la façon suivante : On commence par épuiser la farine par des lavages successifs à la benzine pour entraîner la matière grasse, on abandonne ensuite la farme à l’air pour enlever par évaporation le réactif en excès ; puis, le produit est mis en digestion pendant quelques jours avec un excès d'alcool à 70°. On sépare l'alcool par filtration et on évapore la solu- lion à sec, dans le vide, sur le chlorure de calcium. Dans ces condi- tions, on oblient la gliadine pure, à peine colorée en jaune clair, sous la forme de feuillets gélatineux. La propriété la plus importante de la gliadine consiste dans la modification qu’elle subit en présence de l’eau. MM. Osborne et Woorhees' disent dans leur mémoire : « Quand on traite la. gliadine par l'eau distillée, elle prend une consistance gluante et une partie se dissout ; dans l’eau chaude, il s’en dissout une plus grande quantité et, dans l’eau bouillante, une grande quan- tité entre en dissolution. Une partie de celte gliadine dissoute se dépose par refroidissement, l’autre reste soluble. » 1, American chemical journal, juin 1893, p. 439. + COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 381 En ce qui concerne l’action de l'eau bouillante, Günsberg avait mon- tré que si on maintient le gluten pendant longtemps à l’ébullition, une partie se dissout, et à celte partie soluble il avait donné le nom de gliadine. Il est, je crois, impossible d’attacher aucune importance au pro- duit signalé par Günsberg, aussi bien qu’à l’action de l’eau bouil- lante, réalisée par les auteurs américains, sur la gliadine obtenue par l’action de l'alcool: il est clair que dans un cas comme dans l’autre, cette action ne va pas sans une coagulation préalable suivie probablement d’une action particulière de l’eau encore mal étudiée et je pense que le produit altime ‘de cette réaction n’a plus rien de commun avec la gliadine mise en expérience. D'ailleurs, si on met un fragment de gliadine pulvérisée en contact avec de l’eau distillée froide ou maintenue à 50° environ, même avec un grand excès d’eau laissé en contact pendant plusieurs heures, on ne voit pas la gliadine disparaître et, si on filtre, les réactifs ordi- naires décèlent à peine des traces de matière albuminoïde dissoute. J'ai étudié de très près l’action de l’eau distilée et de l’eau conte- nant différents sels et Je crois que cette action peut se résumer ainsi : Si on prend un fragment de gliadine sèche, qu’on le pulvérise grossièrement dans un mortier et qu’on l'introduise ensuite dans un verre avec de l’eau distillée en petite quantité, on voit chaque frag- ment se gonfler et on obtient au bout de peu de temps une émulsion translucide dans laquelle la matière albuminoïde se maintient en suspension sans se déposer. Si on évapore cette émulsion dans le vide, on voit, lorsque la quantité d'eau a diminué d’une proportion suffisante, la masse entière se prendre en un magma gluant, trans- parent, analogue à la gélatine et à la colle forte gonflée par l’eau. Si l’eau distillée est chaude, la gliadine se gonfle avec une plus grande rapidité et l'émulsion obtenue devient beaucoup plus fluide ; mais, ainsi que je l’ai dit, si on sépare par filtration une liqueur claire, on ne décèle, dans celle-ci, que des traces de matière dis- soute, Les sels alcalins et alcalino-terreux, surtout, jouent sur l’émulsion gliadineuse une influence qui éclaire, sous son vrai jour, l'action de l'eau distillée. 382 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L'expérience suivante est très intéressante à ce sujet : dans un pe- tit mortier de verre, on broie un fragment de gliadine d’abord à see, puis avec une quantité d’eau distillée suffisante pour en faire une émulsion fluide, on abandonne la masse pendant un quart d'heure environ pour donner à chaque grain le temps de s’hydrater complè- tement. Dans ces conditions, l’émulsion se maintient sans séparation. On ajoute alors une goutte d’une solution de chlorure de calcium cristallisé à 5 p. 100, on agite et on laisse en repos. Presque instan- tanément, on voit alors chaque grain gonflé se souder à son voisin et le produit tout entier se séparer rapidement de la solution, suer pour ainsi dire l’excès d’eau dont il était imprégné et tomber rapide- ment au fond du mortier sous la forme d’une masse d’une consistance de miel. Le chlorure de sodium, le chlorure de potassium agissent de même, avec moins de rapidité. De ces faits, on doit conclure que l’action de l’eau distillée sur la gliadine est une aclion tout à fait comparable à celle observée par M. Schlæsing sur l'argile, compliquée d’une transformation préalable analogue à celle que subit le caoutchouc naturel dans la benzine. Comme celui-ci, la matière est gonflée en fixant une certaine quan- tilé d’eau et, ainsi transformée, se maintient en suspension dans la liqueur exempte de matière minérale. Mais qu’on y ajoute une trace de sel alcalino-terreux ou alcalin, et immédiatement la propriété émulsive est détruite, la gliadine se précipite en se soudant sur elle- * même. Il est facile de se convaincre qu'il n’y a pas ici de double décom- posilion comme dans le cas de l’action des sels de chaux sur la légu- mine : une trace de chlorure de calcium provoque la séparation d’une masse énorme de gliadine comparée au poids du sel mis en œuvre. L'action des sels de chaux est tellement énergique que quel- ques milligrammes de chlorure de calcium, dissous dans l’eau, pro- voquent du jour au lendemain la précipitation de 5 à 6 décigrammes de gliadine tenue en dissolution par de l'alcool à 40-50° et contenant du bicarbonate de potasse qui augmente encore l'action dissol- vante de la liqueur spiritueuse. Les réactions précédentes expliquent encore pourquoi l’eau dis- COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 383 üillée, ajoutée en grand excès à une solution alcoolique de gliadine, n’en lrouble pas la limpidité, tandis que l’eau ordinaire y provoque immédiatement un louche qui se traduit au bout de quelque temps par un abondant précipité. De ce qui précède je tirerai, tout à l’heure, des conclusions encore plus intéressantes au point de vue pratique. Ainsi, la gliadine est insoluble dans l’eau distillée et dans l’eau contenant même en pelile quantité des principes salins. Elle est in- soluble également dans l'alcool absolu, mais elle est très soluble dans l'alcool dilué, et c’est dans l'alcool à 70° qu’existe son maximum de solubilité. Dans une telle dissolution, une addilion d’alcool fort provoque un commencement de précipitation de même qu'une ad- dition d’eau ; mais, dans ce dernier cas, la quantité d’eau ajoutée doit être beaucoup plus grande que dans le cas de l'alcool. La gliadine est insoluble dans l’éther, qui en modifie rapidement les propriétés en la coagulant et en diminuant ainsi progressivement sa solubilité dans les liqueurs alcooliques. Les acides chlorhydrique, sulfurique et acélique étendus, au point de vue de la solubilité, se comportent d’une façon variable sur la gliadine. Les deux premiers n’en dissolvent que des traces, mais l'acide acétique la dissout én très grande partie et elle se repréci- pite, sans altération de cette solution, après neulralisation au moyen d’un alcali. Conglutine et gluténine. Préparation et propriélés. Pour isoler des farines de froment la conglutine et la gluténine, on commence d’abord par désagréger le gluten obtenu au moyen d’une solution alcaline. Pour cela, on introduit dans un flacon à col droit, bouchant à l’émeri, 200 gr. de gluten frais divisé en fragments de la grosseur d’un pois, avec un litre de solution conte- nant 3 gr. de polasse caustique. On agite aussi fréquemment que possible et lorsque toute cohérence dans les fragments a dis- paru, on ajoute assez d'alcool, en quantité calculée à l’avance, pour porter la liqueur à 70°. 334 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. On peut alors déceler la présence de la conglutine en opérant de la façon suivante : La liqueur alcoolique tient en suspension la gluténine insoluble dont une partie tend à se séparer, mais dont une aulre partie est maintenue en suspension par une petite quantité de matière grasse émulsionnée. Si on détruit cette émulsion en faisant passer dans la masse un courant d'acide carbonique en excès, immédiatement la glaténine se sépare entièrement en abandonnant une liqueur claire qui tient en dissolution la conglutine et la gliadine. Si on sature in- complètement celle liqueur par l’acide sulfurique dilué, si on ajoute ensuite assez d’eau pour redissoudre le sulfate de polasse précipité — J'alcool marque alors 50-55° — on voit se former un léger préci- pité qui, au bout d’un certain lemps, tombe sur le fond du vase. Ce précipité constitue le produit que je désigne sous le nom de conglu- line du blé. Mais la conglutine constitue une très faible partie du gluten des farines de froment ; aussi, pour l’isoler, est-1l préférable d'opérer de la façon suivante : la liqueur alcoolique alcaline est traitée par l’a- cide sulfurique en léger excès pour précipiter la gluténine et la con- glutine en même temps. On sépare le précipité par décantation et on 1: lave complètement avec de l'alcool à 70° très légèrement acide. On le broie ensuite dans un mortier avec une solution alcoolique à % 3 : 70°, contenant TOU0 de potasse caustique, on laisse en contact pen- dant quelque temps, on fait passer un courant d'acide carbonique en excès et on abandonne au repos. La gluténine se sépare, on filtre et on met de côté la liqueur filtrée. Celle-ci est saturée par l'acide sulfurique dilué et additionnée d'eau jusqu’à précipitation complète ; le précipité séparé, lavé, séché dans le vide constitue la conglutine. Quant à la gluténine, on l'obtient pure en la lavant à l'alcool à 70° d'abord, puis à l’eau et en la soumettant également à la dessiccation dans le vide. Conglutine. Les propriétés. principales de la conglutine sont les suivantes : elle se présente en minces feuillets, d'apparence géla- COMPOSITION DES MATIÈRES ALHBUMINOÏDES. 389 Lineuse, se transformant, au contact de l’eau, en une masse opaque blanche, assez cohésive, mais à peine gonflée ; elle est soluble dans l’eau tenant en dissolution soit des alcalis caustiques, soit des phos- phates basiques, soit des carbonates ou des bicarbonates alcalins ; elle est soluble aussi dans l'alcool à 70° rendu alcalin par la potasse et se précipite de cette dissolution avant la saturation complète par l’acide sulfurique dilué. Ce produit existe en très faible quantité dans les farines de blé ; aussi, pour l’isoler, faut-il opérer sur une grande masse de gluten. Dans une opération qui a consisté à traiter 600 gr. de gluten frais, soil 200 gr. environ de gluten sec, j'en ai isolé 35,800, ce qui porte à 1.9 p. 100 la quantité de conglutine, soit environ 0.2 p. 100 de la farine. L’échantillon ainsi isolé contenait 14.80 p. 100 d’azote. Dans une autre opéralion, je n’ai obtenu que 0.98 p. 100 de con- glutine, soit 0.1 p. 100 environ de la farine. Gluténine. — La gluténine se présente en fragments opaques formés de particules agglomérées, peu cohérentes et par consé- quent très friables. Pulvérisée, elle forme une poudre blanche que l’eau ne modifie en aucune façon. Elle est insoluble dans l'alcool contenant ou non de la potasse ou de la soude caustique en faible quantité. L'eau alcalinisée la dissout en petite quantité qui se repré- cipite par l'addition d’un acide faible. La gluténine séchée dans le vide sur le chlorure de calcium est à peu près insoluble dans les acides sulfurique et chlorhydrique éten- dus ; elle se dissout en très faible proportion dans l'acide acétique dilué. Ce dernier acide ne saurait donc intervenir en aucun cas au dosage du gluten dans les farines ; il ne peut donner, dans cette voie, que des résultats erronés. Composition immédiate du gluten des céréales. De ce qui précède, il résulte que la gliadine et la gluténine for- ment les 98 centièmes au moins du gluten qu’on peut isoler des farines de froment. Si, négligeant la conglutine, qui ne peut avoir ANN. SCIENCE AGRON. — 2® SERIE. — 189$. — 1. 29 386 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. qu'une très légère influence sur les propriétés de ce gluten, on ad- met, comme je le montrerai tout à l'heure, que celui qu’on peut isoler des bonnes farines du commerce contient GIUTÉDNES EE. 18 à 34 p. 100. GAMERS RES: S2 à 66 — il est facile de se rendre compte de l’action qu’exerce, sur l’extrac- tibilité de ce produit, chacun des éléments qui le constituent. C’est à la gliadine que reviennent les propriétés agglutinatives : sous l’action de l’eau, soit contenant préalablement des matières sa- lines, soit se chargeant des sels solubles contenus dans la farine, celte gliadine se transforme en une masse molle que les particules de gluténine pulvérulente, jouant ici le rôle de matière inerte, empê- chent de filer entre les doigts : telle est la raison pour laquelle les farines de froment, transformées en pâte qu’on lave sous un filet d'eau, abandonnent finalement, par séparation de l’amidon, cette masse plus ou moins élastique qui constitue le gluten. Mais cette propriété appartient seule au grain de froment, et j'ai pensé que si mon raisonnement était vrai, un des éléments, gliadine ou gluténine, devait manquer à la constitution du gluten des autres céréales : seigle, maïs, riz, orge, sarrasin, qui, on le sait, est inex- tractible dans les mêmes conditions. Pour vérifier cette hypothèse, J'ai dosé d’abord le gluten sur 5 gr. des farines extraites des céréales précédentes, après lavage à la ben- zine, à l’eau et après saccharification de l'amidon par la diastase. Cetite méthode, sans être d’une précision absolue, donne cependant des résultats suffisamment rapprochés de la vérité. En passant, je dirai qu’en même temps j'ai observé, dans la farine de maïs, la présence d’une quantité de légumine égale à 0.54 p. 100, et dans la farine de sarrasin, 0,16 p. 100 de la même substance azotée. Cela fait, 10 gr. de chaque farine ont été lavés successivement à la benzine, à l’eau et, après dessiccation à 30-35°, mis en contact avec 250 centimètres cubes de potasse dissoute à raison de 3 gr. par litre dans l’alcoo!l à 70°, Le contact a élé maintenu pendant dix jours en agitant fréquemment. Puis 100 centimètres cubes de la liqueur claire COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 387 ont élé traités par l’acide carbonique en excès, évaporés presque à sec au-dessus de 40°, repris par l’eau et la gliadine a élé précipitée par l'acide sulfurique dilué. On a pesé, après lavage, le précipité desséché sur un filtre taré et on a calculé la quantité obtenue rap- portée à 100 de gluten. On en a ainsi déduit les chiffres suivants : GLUTEN GLIADINE GLUTÉNINE p. 100 p. 100 p. 100 de farine, de gluten. de gluten. DGIGICPAL TE FE ATEN 8.26 8.17 9288 MAISON te 10 A AR 10.63 47.50 92.50 Re ART nr Se 7.86 14.31 85.70 ONE NARNIA 13.82 15.60 84.40 SALPASIN "4 :1)2 (QUE 7.25 13.08 86.92 Ce tab'eau montre que si, dans la farine de maïs, la quantité de gliadine — zéine de Ritthausen — est encore assez élevée, celte substance existe en proportion très faible dans les farines des autres céréales soumises à l'analyse; dans ces farines, la matière inerte, sous forme de gluténine, est donc en excès par rapport à la matière agglutinative et, suivant mon hypothèse, c’est bien à la diminution de la proportion de gliadine qu’est due limpossibilité d'extraction du gluten dans les cas que je viens d'examiner. Il est donc maintenant certain que pour qu’un gluten soit extrac- üble, il doit exister un rapport minimum et maximum entre les quantités de gliadine et de gluténine qu’il peut contenir ; lorsque ce rapport n'existe plus, soit qu’il y ait un excès de gliadine, soit un excès de gluténine, le gluten fuit entre les doigts sous le courant d’eau et ne peut plus se recueillir. Les propriétés de la gliadine, et notamment la façon dont elle se comporte sous l’action des eaux légèrement salines, permettent d'expliquer les phénomènes qui se passent lorsqu'on cherche à extraire le gluten de certaines farines de froment, phénomènes observés par Ritthausen, qui n’en a pas donné la raison. En général, la quantité de malières minérales alcalines et alcalino- terreuses, solubles, que contiennent les farines, est suffisante pour précipiter la gliadine et c’est ce qui explique pourquoi on peut obte- nir généralement le gluten par l'emploi de l’eau distillée. Mais, dans 388 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONONIQUE. certains cas, lorsqu'il y a diminution des matières minérales ou excès de gliadine, l’acüon de l’eau distillée laisse entre les mains fort peu de gluten, landis que celte quantité augmente considérablement lorsque le malaxage se fait en employant de l’eau saturée de sulfate de chaux ou contenant du chlorure de calcium, sels qui donnent à la gliadine la force agglutinalive qui lui manque dans ce cas. J'ai rencontré cependant un échantillon de farine dont, malgré tous les artifices employés, il m’a élé impossible d’extraire complé- tement le gluten. C'était une farine de blé dur, de qualité tout à fait supérieure ; en général, ces farines contiennent, au minimum, 79 p. 100 de leur gluten formé par la gliadine. Or, celle-ci, malgré toutes les précautions et tous les tours de main employés, m'a donné chaque fois un gluten collant aux doigts et fuyant entre les mains dès le début du lavage et dont la quantité, variable à chaque opération, oscillait entre 9 et 11 p. 100. En employant le moyen que j'ai indi- qué précédemment pour les farines de seigle, maïs, etc., je trouvai enfin pour cetle farine les résultats suivants : Gluten pl00 dE MTarine en ne 1225 Gliadine p. 100 de gluten. . . . . . . . T1? Gluténine p. 100 de gluten . . . . . . . 8.8 Cette analyse montre bien l’influence que peut exercer dans un dosage l’excès de gliadine qu'une farine peut contenir et il faut en conclure que, pour se placer à l'avance à l'abri de toutes les causes d'erreur, il convient de faire le pâton qui servira à l'extraction du gluten avec de l’eau distillée, mais qu'il faudra toujours le laver avec de l’eau ordinaire, riche en matières minérales et surtout en sels de chaux (un décigramme par litre environ). Il. — MÉTHODE CHIMIQUE D'APPRÉCIATION DE LA VALEUR BOULANGÈRE DES FARINES DE FROMENT Les observations précédentes, relatives aux propriétés de la glia- dine et de la gluténine, étant faites, J'ai pensé qu’on pouvait leur donner une sanction pratique. Certains faits, relatifs, soit à la façon dont se comportent les farines pendant l'extraction du gluten ou COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 389 pendant la panification, soit aux différences de propriétés physiques - que peuvent présenter les glutens extraits, sont venus également me diriger dans la voie que je vais maintenant essayer de tracer. Tous les glutens qu’on peut extraire des différentes farines de blés tendres ou de blés durs peuvent présenter entre eux des caractères très différents et j'ai remarqué qu'ils doivent être classés dans trois catégories distinctes : 1° glutens éminemment élastiques, dont on élimine facilement l'excès d’eau par compression dans les mains et s'affaissant très peu pendant la dessiccation à l’étuve ; 2° glutens plus secs et plus cassants que les précédents, d’une dessiccation facile, entre les mains d’abord et à l’étuve ensuite; 3° glutens très tendres, s’allongeant facilement, mais très peu élastiques, s’atachant à la peau dès le début de la dessiccation entre les mains, coulant et pre- nant, à l’étuve, la forme des vases dans lesquels on les maintient. Ces différences de propriétés physiques, il est bien évident qu'il faut les attribuer à la différence des proportions de gliadine et de gluténine qu'ils contiennent et, à priori, il est facile de prévoir que ceux de la première classe contiennent des quantités favorables de l’une et de l’autre, que ceux de la deuxième contiennent un excès de gluténine, que ceux de la troisième enfin contiennent un excès de gliadine. Voilà pour les glutens. En faisant l'extraction du gluten de presque toutes les farines, mais surtout des farines des blés très tendres, il est facile de réaliser l’expérience suivante. Le pâton étant fait avec de l’eau distillée, on emploie pour le malaxage de l’eau ordinaire portée à la tempéra- ture de 25° environ et on commence ce malaxage très lentement, en faisant couler l’eau goutte à goutte de façon que le produit se main- tienne à peu près, tout entier, à la température de la main. Dans ces conditions, on peut conduire l'extraction pendant un certain temps; mais vers Les deux tiers environ de l’opération, toute la masse a pris une fluidité remarquable et menace de filer rapidement ; si alors on ouvre le robinet de façon à abaisser rapidement, par une affusion d’eau, la température à 25° environ, immédiatement le gluten se contracte, prend de la solidité et l'extraction peut être conduite à bonne fin. | 390 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. L’explication de ce phénomène est simple et repose sur les pro- priétés de la gliadine que J'ai exposées précédemment : la gliadine, : en eflel, prend, sous l’action de l’eau, une fluidité d’autant plus grande que celte eau est plus chaude, cette propriété s’exagère en- core au moment de l'extraction, lorsque la gliadine est pour ainsi dire à l’état naissant et, dans ces conditions, une température de 35° suffit pour porter celte fluidité à un degré tel qu’il y a danger de perdre le gluten que l’on veut extraire. Cela explique encore pourquoi, lorsqu'on examine les farines de qualité inférieure, farines bises et autres, extraites des parties voi- sines du son, riches en débris d’enveloppes, on est obligé, pour sé- parer le gluten, d'employer de l’eau portée à une température de 40 à 45°. C’est qu’en effet, et je le montrerai plus loin, ces farines contiennent un excès de gluténine et il est nécessaire de fluidifier la gliadine pour en augmenter dès lors les propriétés agglutinatives : l’eau tiède, ainsi qu’on le voit, est tout indiquée dans ce cas. Enfin, on sait qu'aux farines de froment seules est due la pro- priété de donner des pains bien levés, spongieux, propriété précisé- ment corrélative de la composition immédiate du gluten qu’on peut en extraire; les farines des autres céréales, au contraire, dont le gluten est inextractible, donnent des pains gras et lourds, compacts et indigestes. Dans ce cas, c’est encore à la composition du gluten qu’il faut attribuer cette différence, et nous savons maintenant que ce gluten, en effet, ne contient qu’une minime proportion du prin- cipe agglutinatif. Voilà pour les farines. Donc, dans un cas comme dans l’autre, c’est à la constitution im- médiate du gluten qu’il faut attribuer, soit la tenue de ce gluten lui- même, soit les différences que les farines présentent à la panification. Quelles sont, dès lors, les proportions dans lesquelles le gluten doit renfermer la gliadine et la gluténine, pour que ses propriétés soient les plus favorables ? C’est ce qu’il me reste à établir et ce que je vais maintenant exposer. Pour arriver à résoudre la question ainsi posée, il était nécessaire de créer une méthode rigoureuse de dosage de la gliadine et de la gluténine et cela m’a été rendu facile par l’examen des propriétés D tr dlande ait >, sions COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 391 de chacune de ces substances, propriétés que j'ai indiquées précé- demment. Bien entendu, dans cet examen, je n'ai pas cru devoir tenir compte de la présence de la congluline; celle-ci, en effet, existe dans des proportions trop faibles pour qu’elle puisse jouer un rôle important dans la constitution du gluten des farines de blé et elle à toujours été pesée en même temps que la gliadine. Cela étant, pour établir la composition immédiate centésimale du gluten d’une farine de froment, on opère de la manière suivante : On prépare d’abord de l’alcoo! à 70° dans lequel on dissout une quantité de potasse caustique équivalente à 3 gr.-5#,5 de potasse vraie (KOÏ) par litre. On prend le titre exact de cette solution au moyen de l'acide sulfurique décinormai et on calcule ce titre en carbonate de potasse. Cela fait, on extrait, à la façon ordinaire, le gluten de 335,33 de la farine à examiner et on s'arrête, dans celte extraction, un peu avant la fin, lorsque la masse n'est pas encore complètement agglo- mérée sur elle-même et reste divisée par une petite quantité d’ami- don, ce qui favorise de beaucoup l'opération de la désagrégation. On place le gluten ainsi obtenu dans un mortier, on le recouvre de la solution alcoolique potassique précédente et on triture douce- ment pendant quelques minutes de façon à commencer l’imprégna- tion de la masse élastique par la liqueur caustique. On décante en- suile le liquide en excès dans un flacon de 200 centimètres cubes environ, à large ouverture et bouchant à l’émeri; on pilonne alors énergiquement le gluten resté dans le mortier et on en complète ainsi la pénétration par la solution alcoolique de potasse. On verse dans le flacon la masse qui commence à se désagréger et on la re- couvre de la même liqueur alcaline. On s'arrange de façon à employer en tout 80 centimètres cubes de cette liqueur. Puis on lave le mor- tier avec de l'alcool à 70° sans potasse, on verse le liquide de lavage dans le flacon, on ajoute des perles ou des fragments de verre, on bouche et on agite vivement aussi longtemps et aussi fréquemment que possible. Dans ces conditions, sous l’action des chocs répétés, on voit la désagrégation du gluten s’opérer rapidement et, en agitant de temps en temps, elle est bientôt complètement terminée. 392 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. La quantité de potasse dissoute dans l'alcool est calculée de telle façon qu’elle n’exerce, même après un temps très long, aucune réac- tion sensible d’'hydratation sur la matière albuminoïde. Aussi, si on a plusieurs analvses de gluten à conduire de front, je conseille de les mettre en train dans la journée, en les agitant vivement de temps en temps et de les abandonner jusqu’au lendemain, on trouvera alors la désagrégation complétement terminée. Dans tous les cas, il faut tenir compte que, plus la trituration au mortier est convenablement faite, plus la désagrégation est rapide ; on peut même, si on est pressé, terminer cette opération en un quart d'heure environ, en continuant l’action du pilonnage. Quoi qu’il en soit, dans le flacon, on trouve finalement un liquide opaque tenant en suspension la gluténine pulvérulente et en disso- lution la gliadine. On y fait alors passer, jusqu’à refus, un courant d'acide carbonique qui, saturant la potasse, aide à la séparation de la gluténine légèrement émulsionnée. On décante alors le liquide, à travers un entonnoir qui retient les perles ou fragments de verre, dans une fiole jaugée de 150 centi- mètres cubes (ou de 200 centimètres cubes), on lave le flacon et l’en- tonnoir avec de l’alcool à 70° sans potasse et on complète jusqu’au trait de jauge. Cela fait, on filtre pour séparer la gluténine et on prélève 50 cen- timètres cubes de la liqueur filtrée qu’on évapore à sec en terminant la dessiccation à 105°. On emploie pour cela une fiole tarée, à fond plat, bouchant à l'émeri. On peut ainsi peser l'extrait obtenu qui représente la gliadine con- tenue dans 50 centimètres cubes de liquide, plus une certaine quan- tité de carbonate de potasse. En appelant A la quantité de carbonate de potasse contenue dans un centimètre cube de la liqueur alcoolique primitive, il est facile de voir que la quantité à retrancher pour 50 centimètres cubes de la liqueur complétée à 150 par exemple, sera donnée par le calcul sui- vant : A X 80 X 50 150 En retranchant donc le chiffre obtenu par ce calcul du poids de COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 393 l'extrait, on obtient la quantité de gliadine contenue dans 90 centi- mètres cubes et, en multipliant ce chiffre par 9, on a {a quantité de gliadine renfermée dans 100 de farine. Si on a eu soin de calculer, par une détermination préalable, la quantité de gluten p. 100 que la farine contient, on peut, par diffé- rence, connaître ainsi la proportion de gluténine. On peut dès lors rapporter les deux quantités de gliadine et de gluténine à 100 de gluten. Ainsi dans une farine la quantité de gluten p. 100 à été trouvée égale à 7.47. L'analyse a montré que ce gluten est constitué par GIUTÉNIAC EEE 1.85 Gliadine AAA ee AG ce qui donne pour la composition en centièmes du gluten : GIULÉRITE PME 2 Gliadine. . 7 C'est à l’aide de la méthode précédente que j'ai analvsé les farines dont la composition du gluten est indiquée ci-dessous: GLUTEN GLUTÉNINE GLIADINE p- 100 p. 100 p- 100 de farine. de gluten. de gluten. Li 11298 24.22 To.18 Re en ae 71.46 28.30 71.70 SEPT HE 9.87 24.90 75.10 ke 7.56 24.40 72.60 6] : 12.09 33.20 66.80 6 7.44 17.50 82.20 Les chiffres précédents, choisis parmi les nombreux que J'ai obte- aus, montrent bien la variation de la composition des farines en gluten et la variation de la composition de ce gluten. Les numéros o et 6 indiquent à peu près entre quelles limites extrêmes peut s'é- tendre la composition des farines de blés tendres mises en vente sur le marché. La méthode que je viens de développer étant ainsi édifiée, J'ai recherché quelle pouvait être la relation existant entre la com- 394 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. position du gluten ainsi déterminée et les qualités que la farine con- tenant ce gluten peut présenter à la panification. Pour cela, j'ai eu recours aux connaissances spéciales de M. Lucas, directeur du Labo- ratoire d'essais des farines à la Bourse du commerce, et après de nombreux essais comparatifs ayant pour but d’élucider les effets pro- duits, pendant la fermentation et la cuisson, par des farines con- tenant des quantités paraissant normales puis exagérées de gluténine et de gliadine, j'ai pu poser les règles suivantes : 1° Quelle que soit la quantité de gluten contenue dans une farine, celle-ci fournira un pain d'autant meilleur au point de vue de son développement et par conséquent de sa facile digestion que son gluten se rapprochera plus de la composition centésimale suivante : gluténine, 25; gliadine, 7» ; 2 Le pain fait avec une farine dans laquelle la quantité de gluté- nine atteint 20 et la quantité de gliadine 80 p. 100 du gluten total se développe bien à la fermentation, mais s’aplatit et redevient com- pact pendant la cuisson, la gliadine se fluidifiant par l’action de la chaleur avant la coagulation ; de plus, pour une telle farine, la quan- tité d’eau qu’on emploie normalement pour le travail est toujours trop élevée et doit être diminuée par conséquent si on ne veut pas avoir une pâte trop fluide, collant aux doigts et se travaillant avec difficulté ; 3° Lorsque le gluten d’une farine atteint la composition centési- male : gluténine 84, gliadine 66, la farine s’hydrate plus difficile- ment, la pâte obtenue est sèche, peu liée et ne se développe ni à la fermentation, ni à la cuisson, le pain reste compact et indigeste. De plus, si, dans une telle farine, la quantité du gluten est assez élevée, 10 à 19 p. 100, le pétrissage ne se fait pas sans augmenter dans de grandes proportions le labeur de l’ouvrier ; 4 Si l’on admet comme type le pain fait avec la farime dont le oluten présente la composition centésimale indiquée en 1°, le pain fait avec une farine dont le gluten s’éçarte de 2 p. 100 au-dessus ou au- dessous de cette composition présente des différences qu'un expert peut facilement et nettement apprécier. Les premiers essais que j'ai faits à l’aide de cette méthode remon- tent à 1895; depuis cette époque, j'ai eu l’occasion de les répéter COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 395 maintes et maintes fois et jamais cette méthode n’a été trouvée en dé- faut. Aussi, je propose d'établir la valeur boulangère des farines en prenant comme terme de composition le rapport Gluténine 25 Gliadine 75 et de calculer dans tous les cas le rapport en laissant le numé- rateur constant et égal à 25. Si on admet comme le plus favo- rable le rapport = 2 il est facile de calculer que les glutens indiqués Fit 95 95 en 2 et 3° donneront les fractions —< , qui indiquent dès lors 100 ! 8 entre quelles limités extrêmes peuvent se trouver enfermées les fa- rines courantes du commerce lirées entre 50 et 70 p. 100 d’extrac- lion. Apprécier la valeur boulangère d’une farine de blé au moyen de 1 $ oluténine ï cette méthode, c’est déterminer le rapport SaRRe et voir de com- © — bien il diffère du rapport favorable 7 la farine présentera des qua- lités d'autant plus faibles qu’elle s’éloignera davantage, en dessus ou en dessous, du rapport que je viens d'indiquer. Cette méthode, bien entendu, ne devra être appliquée qu’aux farines normales, capables de donner des pains blancs ou à peine colorés. Dans les autres cas, farines bises, farines auxquelles on a ajouté in- oluténine ,. glhiadine es diquerait plus rien de précis, les particules de son et de germe, ainsi que MM. Mège-Mouriès el Aimé Girard l'ont montré, apportant avec elles des produits, diastases etaulres, qui viennent jouer un rôle spé- cial tout à fait indépendant de celui du gluten. tentionnellement des débris de l'enveloppe, le rapport ©? Influence de la quantité de gluten et de sa composition centésimale sur le rendement en pain d’une farine. On sait que 100 kilogr. de diverses farines peuvent rendre des quantités variables de pain suivant la quantité d’eau qu’elles peuvent 396 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. : retenir après la cuisson : en général, on sait que cette quantité est d'autant plus grande que les produits panifiés sont de qualité plus inférieure et contiennent plus de matière azotée. J'ai voulu voir quelle pouvait être l'influence jouée par le gluten et par ses com- posants sur la quantité d’eau qu’une farine peut fixer définitivement et, parmi les essais que j'ai faits, je choisirai les deux suivants. Trois échantillons ont été analysés, panifiés dans les mêmes con- diions et on a dosé l'humidité du pain. On a obtenu les résultats suivants : GLUTEN COMPOSITION HUMIDITÉ p. 100 centésimale du de farine. du gluten. pain obtenu. s à : { Gluténine . 24.40 | Echantillon n° { . . LAN ON A 32 p. 100 EAST 5 rriGliadnen 11:75:60 Gluténine :.., 29.37 — LE 12:09 LE 39 — F Gliadine. . 70.22 Gluténire . 33.20 = De A TOR Pas , 36 5e nl ! : | Gliadine. . 66.80 Cinq autres échantillons de farines diverses ont été, une autre fois, analysés, panifiés dans des conditions identiques et on a, comme pré- cédemment, dosé l’humidité des pains obtenus. On a obtenu les chiffres suivants : GLUTEN COMPOSITION HUMIDITÉ p. 100 centésimale du de farine, du gluten. pain obtenu. : Gluténine . 25.30 anti ÿ 15 34 . 100 Echantillon n° 1 . . 750 cha x ét T0 P bof 2 AE \ Gluténine , 22.70 35 si à | Gliadine. . 77.30 ( Gluténine . 17.80 Li Le o ë A 34 PU #4 | Gliadine. . 82.20 Gluténine . 34.20 ! — DE 178 34 — à Gliadine. . 65.80 Gluténine . 33.67 : — rot te 22P | : PT re frsh Gliadine. . 66.30 Les résultats qui se dégagent des deux tableaux précédents sont très explicites : ils montrent que, seule, la proportion de gluten qu'une farine contient influe sur la quantité d’eau qu’elle peut rete- nir après la panification ; les proportions des deux composants, glia- dine et gluténine, sont sans influence sur celte fixation et par consé- COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 397 quent, dans les mêmes conditions, ces deux produits fixent, pour cent, une égale quantité d'humidité. Ce dernier résultat était d’ailleurs à prévoir, car j'ai montré, dans une étude précédente”, que les trois produits, gluten, gliadine et gluténine, ont une constitulion chimique identique. II. — SUR LA NATURE DES MATIÈRES AZOTÉES CONTENUES DANS LES FARINES DES GRAINES DE LÉGUMINEUSES Dans un précédent travail*, en analysant les conclusions tirées par M. Bleunard relativement à la constitution moléculaire de la légu- mine, J'ai montré comment l’action de l’hydrate de baryte, en vase clos, faisait prévoir, dans les farines de légumineuses, l'existence de malières albuminoïdes pouvant être rangées à côté du gluten et de ses congénères. J'ai élé ainsi conduit à essayer de séparer ces diverses matières azotées et Je me suis adressé pour cela à la farine de féveroles parce qu'elle joue dans certaines contrées, el notamment dans le nord de la France, un rôle correctif à la qualité boulangère des farines, rôle consacré par la pralique et dont J'ai voulu en même temps chercher l'explication. J'ai opéré la séparation des malières azolées contenues dans un échantillon commercial de farine de féveroles en opérant de la ma- nière suivante : Deux échantillons de farine, de poids connu (10 gr.), ont été sépa- rément lavés à la benzine cristallisable pour enlever les matières grasses ; après évaporalion de la benzine en excès, on les a lavés com- plètement à l’eau disillée pour dissoudre les matières azotées solu- bles. Le produit resté sur le filtre, dans un cas, a été porté à l’ébulli- tion avec de l’eau, puis saccharifié par la diastase et a laissé insoluble une matière azotée, analogue au gluten, qu’on a pesée avec toutes les précautions voulues. Dans l’autre cas, le produit lavé a été des- séché à 30-35°, mis en contact avec 250 centimètres cubes de potasse 1. Thèse de doctorat. 2. Thèse de doctorat, p. 40 et suivantes. 298 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. alcoolique (alcool à 70° — 1 000 ceniimètres cubes ; KOH— 3 gr.) pendant 10 jours et un en a séparé la partie soluble (gliadine), comme je lai indiqué dans le cas des farines céréales dont le gluten est inextractible par malaxage. Cette gliadine a été desséchée et pesée. De la solution des matières azotées solubles dans l’eau on a isolé la légumine par précipitation au moyen de l’acide acétique, puis l’albumine végétale par ébullition de la liqueur filtrée. Ces deux produits ont été pesés séparément après dessiccation. On a obtenu ainsi tous les éléments. nécessaires à l’établissement du tableau suivant qui indique bien la nature des matières azotées qui accompagnent la légumine et l’albumine végétale dans les farines de légumineuses. Matières grasses. . . . 11.11 p. 100 de farine. Composilion des matières azolées lo!ales : 31.04% p. 100: Légümine- mine 7 Ja 18.92 Albumine végétale . . . . 0.20 Glutentrs eus men 11:92 Total Lire 31.04 Composilion du gluten : 11.92 p. 100. Gluténine. . 9.52 Gliadine , 2.40 JA RE te 11.92 Si on range, ainsi qu’on le doit, la légumine et la gluténine dans la catégorie des caséines végétales, la constitution des matières azo- tées, rapportées à 100, devient ainsi : RES: | Légumine . gré 60.95}, 3 Caséine végétale. ontarien DULTE 30.67 À 91.62 Albumine . . , . 0.64 Jp + rh 9 Fibrine végétale . Ghadne e tUre 7.78 8.42 La légumine, en effet, se précipite en présence d’une légère aci- dité, sous la forme d’une matière pulvérulente, et le tableau précé- dent montre ainsi que la farine de féverole peut être envisagée COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 399 comme une farine de céréale excessivement riche en matière azo- tée, cette matière étant constituée presque entièrement par un produit inerte formé de légumine et de gluténine. Or, on sait que l’addition de farine de féverole est tolérée dans les proportions de 2 à 3 p. 100 pour donner du corps à certaines farines de blé qui, suivant l’expression technique, relâchent beaucoup pen- dant le pétrissage et la fermentation et qui seules ne fourniraient que des pains plats et mal levés. Dans la région du Nord, cette addition est fréquente et il est facile, d’après ce que j'ai dit précédemment, de montrer le rôle que joue l’introduction de ce nouvel élément. Les farines qui, à la panification, présentent généralement l’in- convénient de donner une pâte très fluide, sont des farines contenant 7 à 8 p. 100 de gluten, celui-ci ayant à peu près la composition sui- vante : Gluténine tr er A ner 29 à 18 Gliadine Et EM ee 78 à S2 riche par conséquent en gliadine. Supposons qu’à une farine ayant la composition suivante : Gluténine . . . - 20 p. 100 Clulcnee NE 0ED: Log an an SOUrbeE on ajoute 2 p. 100 d’abord de farine de féverole ayant la composi- tion Gluténine #00: 92 p. 100 Matièr zotée. 2100: atière azotée. 30 p. 100 Gliadine : LANGE Sue Un calcul simple montre qu'après l’addition, le produit résultant donnera à l’analyse : Matière azotée. . . . 7.5+0.6—8.I formée de GIuténne us 1.50 +0.55 — 2.00 Gl'adine Rare 6.00 + 0.05 = 6.05 soit PERRET CITÉE RE 25.80 p. 100 1'NGliadine. te mue 74.70 — 400 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Une addition de 3 p. 100 de farine de féverole à une farine de composillon : BIDICIMUES Er etre 82 p. 100 Gluten. 7.5) 6 dir PORadiné 111,80 QUE 18 — donnera finalement un produit qui contiendra AA NCGIUEENINE PERRET 25.90 p. 100 Gluten. 8. 3 | Gliadine .’. . . . . nénocies L’acidité des farines de froment, acidité qui augmente pendant la fermentation panaire, ayant pour effet de précipiter la légumine, on voit, par le calcul précédent, que l'introduction de la farine de féve- role dans les produits riches en gliadine a pour effet : 1° d’augmen- ter la proportion de matière azolée; 2° de ramener le rapport oluténine Eu : 95 moe à 2 aussi près que possible de , c’est-à-dire du point le plus oliadine RÉPARER 75? P P favorable à la bonne tenue de la pâte pendant la fermentation et pendant la cuisson. Ainsi se trouve vérifié théoriquement l'emploi de la farine de féverole dont en connaissait les effets, sans que, jusqu'ici, la cause en ait été déterminée et expliquée. Un calcul simple, effectué de la même façon, montre que l'addition de S à 12 p. 100 de farine de riz, dont le gluten est formé presque exclusivement par de la gluténine, joue, vis-à-vis de certaines farines, le même rôle correctif que la farine de légumineuses. IV. — RÉPARTITION DU GLUTEN ET DE SES PRINCIPES IMMÉDIATS DANS LES DIFFÉRENTES PARTIES DU GRAIN DE FROMENT Le principe générat sur lequel est établi le fonctionnement des engins modernes de mouture repose sur la division de amande du grain en un certain nombre de parties dont la situation se déplace progressivement en allant du centre à la périphérie, c’est-à-dire en se rapprochant de plus en plus de la face interne de l'enveloppe ou du son. À celte division primitive, on affecte un nombre variable de machines, à à 7, désignées sous le nom de broyeurs à cylindres, COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES,. 401 construiles les unes par rapport aux autres d’une façon identique. Chacun de ces broyeurs, après l’opération, donne un produit qu’on peut séparer par le blutage en gruaux et en farine. On peut se demander si chacune des portions ainsi séparées par les opérations de broyage a, au point de vue des matières azotées insolubles qui nous occupent, la même composition ou, en d’autres termes, si l’amande farineuse du grain de froment à une slructure identique dans son ensemble ou bien si elle est formée par une superposition de zones concentriques ayant chacune une conslitution qui lui est propre. Déjà M. Aimé Girard, en 1884", a montré qu'il existe, Louchant à la face intérieure de la membrane à diastases, une partie de l’amande, à cellules serrées fortement les unes contre les autres, à grains d’ami- don plus pelits, contenant une proportion de gluten plus grande que celle qu’on rencontre dans la zone centrale. Si l’on analyse, dans le même bu, les farines des broyages successifs prises à la sortie des blutoirs, on peut voir, comme le montrent les résultats suivants choisis parmi les nombreux que j'ai recueillis, que la quantité de gluten va en croissant du premier au dernier broyeur. Mouture sur blé de Bordeaux des environs de Versailles. GLUTEN POUR 100. 1ér propage SR PAR ETES: 7.090 DR Re rer de 7.408 A ALTER EI Ra Er er D JU 8.053 DOME TS MAN ES LEA TE) 10.560 GP re ep uit 11.517 Mais lorsqu'on s'adresse, pour obtenir des renseignements com- plets à ce sujet, aux produits venant directement du moulin, il est impossible de trancher complètement la question et cela pour plu- sieurs raisons ; d’abord, il est impossible, à moins de travailler spé- cialement, de connaître le poids du produit total, farine et gruaux, obtenu à chacun des passages; ensuite, les gruaux séparés de la farine s’en vont mélangés vers les appareils de sassage et de conver- tissage et l’analyse de la farine qu’ils fournissent reste sans objet puisqu'on ne peut établir la situation exacte qu’occupaient dans le - 1, Annales de Physique et de Chimie, 6° série, t. ILT, p. 326, 1884. ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE. — 1898. — 1. 26 402 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. grain les produits qui lui ont donné naissance; enfin, le meunier soumet le plus souvent à la mouture des grains de variétés mélan- vées et nous verrons tout à l'heure que, chacune de ces variétés, suivant les cas, pouvaat présenter une composition spéciale, il est impossible dans ces conditions de tirer des lois certaines basées sur la composition des produits ainsi obtenus, même par un travail bien dirigé. | Convaincu qu’il était néanmoins intéressant pour le meunier de connaître, au point de vue de la teneur en matières azotées insolu- bles, la constitution des différentes parties de l’amande du grain de froment, j'ai pensé que, pour que les renseignements obtenus dans cette voie soient fructueux, il fallait : 1° fragmenter le grain, non pas en un grand nombre de parties dont chacune formerait une faible partie du poids total, mais au contraire en quelques portions impor- tantes, représentant, soit par leur totalisation, soit isolément, un pourcentage correspondant au tirage des farines commerciales 50, 60, 70 p. 100 environ ; 2° faire non seulement le dosage du gluten dans les produits ainsi obtenus, mais aussi l’analyse qualitative de ce gluten par la détermination des quantités de gluténine et de glia- dine qu’il renferme dans chaque cas. Le travail ainsi dirigé a, de plus, l'avantage de pouvoir être fait au laboratoire, et, en opérant avec le moulin que MM. Brault, Teisset et Gillet ont construit sur les indica- tions de M. Aimé Girard, on peut rapidement fragmenter 1 kilogr. de blé en trois parties importantes, en obtenant ainsi pour chacune d'elles, après convertissage, une quantité de farine plus que suffisante pour en faire l’analyse. L'opération doit être conduite de la façon suivante : On fait cinq broyages successifs, les trois premiers étant faits avec des degrés de serrage variables avec la grosseur du grain employé. Le premier broyage est mis de côté à cause des impuretés qu'il entraine. + Le produit du deuxième broyage est tamisé d’abord au tamis n° 20; le produit refusé sera renvoyé au broyage suivant. La partie qui a traversé le tamis n° 20 est jetée sur un tamis n° "40. Ce qui traverse est mis de côté. Sur le tamis 40 il reste généralement un mélange de grosses COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 403 semoules blanches, de gruaux bis et de petits sons. On calibre ces gruaux et on les force à traverser ensuite le tamis 40 en les passant à plusieurs reprises entre les cylindres serrés à un degré suffisant qui correspond à peu près à celui du 9° broyage. Finalement, tous les produits: farine et gruaux blancs qui ont traversé ce Lamis 40 sont réunis et pesés ; les gruaux bis et petits sons restés sur ce tamis sont envoyés au broyage suivant avec les refus du tamis n° 20. On opère pour chaque broyage ainsi qu’il vient d’être dit et, fina- lement, après le 5° on obtient un poids connu de chaque produit ainsi réparti : 1° broyage : mis de côté ; 2%, 3° et 4° broyages : farine et gruaux blancs ; 9° broyage : farine, gruaux blancs et bis, gros et petits sons. On mélange alors les produits du 2° et du 5° broyage et, après Lami- sage au n° 120 pour séparer la farine, on convertit séparément: 1° les gruaux des 2° et 3° broyages ; 2° les gruaux du 4° broyage; 3° les gruaux du 9° broyage. On conduit le convertissage en serrant progressivement les cylindres lisses et en suivant avec attention l’attaque progressive des gruaux : en général, après trois passages, 1l reste sur le tamis 120 quelques gruaux bis qu’on convertit finalement avec les gruaux du 2° broyage. On pousse ce dernier convertissage à fond et on réunit les petits sons el issues qu’il laisse aux gros sons obtenus à la fin du broyage. Si on a eu soin de peser tous les produits farineux ainsi obtenus on a ainsi séparé : 1° Un poids connu de farine des 2° et 3° broyages ; Do — — du 4° broyage ; 3° — — du 9° broyage ; 4° — de sons et issues. Il est dès lors facile d'établir le pourcentage récapitulatif de la mouture, Il n’y a plus ensuite qu’à doser le gluten dans chaque farine et déterminer la quantité de gliadine et de gluténine qu'il renferme dans chaque cas. On a ainsi tous les éléments nécessaires à l’établis- sement de la composition du grain de la variété mise en expérience. 404 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Dans cette méthode, on le voit, on transforme en un produit fari- neux homogène loutes les parties détachées à chaque coup de cy- lindre et ces parties proviennent ainsi de trois zones distinctes : 1° celle du centre formée par les 2° et 3° broyages ; 2° une zone exté- rieure, touchant le son, formée par les produits du 5° broyage ; 3° une zone intermédiaire formée par les produits du 4° broyage. Je ferai cependant remarquer que les produits des 2° et 3° broyages correspondant à l'ouverture du grain par les cylindres chargés de l’écraser n’ont pas une composition aussi homogène que ceux du 4° et du à° obtenus par l’usure du grain déjà complètement aplati. Il est impossible, en effet, au moment de l’écrasement initial, d’em- pêcher certains gruaux, détachés des régions diverses du grain brisé, de venir, par leur mélange, troubler la composition des pro- duits obtenus dès le début de la mouture. On verra, par les résul- tats indiqués plus loin, que cet inconvénient a pour effet de troubler légèrement les chiffres d'analyse, surtout dans le cas où le pourcen- tage d'extraction des 2° et 3° broyages est faible; mais, d’une part, il n’y a pas moyen de l’éviter et, d'autre part, les erreurs qu'il intro- duit sont légères et ne gênent pas sensiblement l'interprétation des résullats. J'ai appliqué cette méthode à l’étude des 6 variétés suivantes : blé Goldendrop, blé de Bordeaux, blé Dattel, blé gris de Saint-Laud, blé Choice white de Bombay (Indes), blé Oulka de Bessarabie (Russie) et les résultats obtenus sont consignés dans les lableaux suivants : Blé Goldendrop. | Provenance : grande culture de Seine-el-Oise. RENDEMEN GLUTEN COMPOSITION DU GLUTEN. à p- 100 | la mouture, de farine. Gluténine. Gliadine. 28 et 3° broyages. . . . 19.35 6.36 21.89 suit 4° broyage . . . . 38.50 7.07 20.32 79.68 D AN CNE 15.32 8.51 24,49 715.51 Extraction . . . 73.17 p. 100 du poids du blé. l'oids moyen d'un grain . . . 0,051 COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 405 Blé de Bordeaux. Provenance : blé de semence de la maison Vilmorin-Andrieux, RENDEMENT GLUTEN COMPOSITION DU GLUTEN. à p. 100 TT la mouture. de farine. Gluténine. Gliadine. 2e0 3 broyAges 2 cn. 13.23 8.25 25.48 14.52 4e broyage . … . . 39.458 8.43 25.16 74.84 DT nt rune 22,25 10795 33.59 66.41 Extraction : . . . 74,96 p. 100 du poids du blé. Poids moyen d'un grain . . . 0,056 Blé Dattel. Provenance : blé de semence de la maison Vilmorin-Andrieux. RENDEMENT GLUTEN COMPOSITION DU GLUTEN. É . 109 ——— À — la UESte Ti tatine, Gluténine. Gliadine. 2° et 3° broyages. . . . 22.00 7.83 25.39 74.61 ASADTOVATE 30.80 8.12 22093 77.07 COTE EN 221190 10.60 37.19 62.81 Extraction . . . 74.70 p. 100 du poids du blé. Poids moyen d'un grain . . . 0,049 Blé Gris de Saint-Laud. Provenance : blé de semence de la maison Vilmorin-Andrieux. RENDEMENT GLUTEN COMPOSITION DU GLUTEX. à . 100 2 la mouture. ares Gluténine. Gliadine. DONS MDrO VAT EST EEE 19.90 TT 22.94 77.06 AC Droyageu Vos Del Al 29.80 70.20 DD = Re 24.51 Del 31.55 68.45 Extraction . . . 71.48 p. 100 du poids du blé. Poids moyen d'un grain . . . 0,050 406 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Blé Choice white Bombay. Provenance : blé des Indes de grande culture, 1896. RENDEMENT GLUTEN COMPOSITION DU GLUTEX, à p- 100 EE la mouture, de farine. Gluténine. Gliadine. 90/et 3%broyages ee ee 23.33 8.03 26.53 13.47 4° broyage .-. . . 26.36 8.29 26.39 713.61 D — Mae. 23.133 10.24 39.16 60.84 Extraction . . . 73.02 p. 100 du poids du blé. Poids moyen d'un grain . , . 0.047 Blé Oulka de Bessarabie. Provenance : blé russe de grande culture, 1895. RENDEMENT GLUTEN COMPOSITION DU GLUTEN, à p. 100 À la mouture. de farine. Gluténine. Gliadine, DS of 5 DrOYASeSR 23.50 10.88 26.93 73.07 AOMPrOYALEN., 0. SEULS 11.33 29.20 70.80 DR en Ne 25.60 13222 34.00 66.00 Extraction . . . 67.25 p. 100 du poids du blé, Poids moyen d'un grain . . . 0,029 De l'examen des tableaux précédents on peut tirer plusieurs con- clusions importantes : [. — En ce qui concerne la composition des blés en général, on voit que la richesse en gluten est différente suivant la variété à laquelle on s'adresse. Quant à la composition de ce gluten, on voit qu'elle suit elle-même une allure variable avec la nature du grain soumis à l’analyse : c’est ainsi que la variété Goldendrop est caractérisée par une faible proportion de gluten, celui-ci contenant une grande quan- tité de gliadine ; que la variété Choice white Bombav, avec une pro- portion moyenne de gluten, montre celui-ci contenant au contraire beaucoup de gluténine ; que les variétés Bordeaux, Dattel et Gris de Saint-Laud présentent une composition intermédiaire entre les deux précédentes et qu’enfin le blé Oulka de Bessarabie est beaucoup plus riche en gluten qu'aucune des autres variélés envisagées. COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 407 IL. — Au point de vue du gluten el de sa compositionimmédiate, pour chaque variété, si on examine les résultats fournis par l'examen des différentes parties séparées du grain, on voit : 1° que la quantité de gluten va en augmentant du centre à la périphérie du grain ; 2° que la quantité de gluténine va également en augmentant, dans le même sens, ce qui entraîne une diminution proportionnelle de la gliadine. Ces résultats sont d’une netteté absolue pour les variétés Gris de Saint-Laud et Oulka de Bessarabie ; pour les autres variétés, Golden- drop, Bordeaux, Choice white Bombay, dans lesquelles les farines de 2, 3°, 4° broyage ont la même composition relativement à la glia- dine, pour la variété Dattel qui présente entre’ les 2°, 3° et le 4° broyage une notable différence, il faut tenir compte, ainsi que Je l'ai dit précédemment, de l'introduction, dans les produits des 2: et 9° passages, de gruaux provenant des autres parties du grain. Ces gruaux, en effet, détruisent l’homogénéité de la masse, troublent d'autant plus les résultats d'analyse que la composition de la partie périphérique de l’amande est plus différente de la composition de la partie centrale, ainsi que cela se voit parfaitement pour le blé Dattel ; mais celte légère cause d’erreur ne change pas le sens de l’inter- prétation que j'ai énoncée précédemment. IL. — Au point de vue pratique el en particulier en ce qui concerne leur application au travail de la mouture, ces analyses montrent que l’amande farineuse du grain de blé peut être divisée en deux zones principales : l’une, centrale, formant de 42 à 58 p. 100 du poids du grain, ayant une composilion spéciale déterminée, tant au point de vue de la quantité que de la qualité du gluten, variable avec chaque espèce de grain ; l’autre, extérieure à la précédente, représentant 15 à 26 p. 100 du poids total, beaucoup: plus riche en gluten que sa voisine, ce gluten étant toujours aussi plus. riche en gluténine que celui qu’on peut extraire de Ja partie centrale. Il est facile de calculer, en unités de Lis la valeur de le épais- seur de cette dernière zone périphérique en admettant : 1° que le grain de blé est un ellipsoïde engendré par la révolution d’une ellipse tournant autour de son grand axe, celui-ci étant, ce qui est sensible- ment vrai, égal à deux fois le petit axe; 2° que la densité de l’amande farineuse est la même dans toutes ses parties. 408 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Vas f' dx | | l qui représente le volume engendré par une surface de révolution, résolue pour l’ellipse dont le centre est pris comme origine et avec les conditions précédentes, devient L'intégrale a représentant le demi-grand axe de l'ellipsoide égal à l'extraction la plus élevée, soit 73.17 p.100 dans le cas du blé Goldendrop. Si on représente par & le demi-grand axe de l’ellipsoïde égal à l’extraction la plus faible, soit 19.35 + 38.50 —57.85 p. 100 dans le même cas, (a — x) représente l'épaisseur de la zone périphérique et un. caleul simple montre que ces deux quantités sont liées par l’équation | ve a — — 9 | p P étant par exemple égal à 73.17, P' à 57.85 pour le blé de Gol- dendrop. La résolution de celle équation pour les six variétés de blé étu- diées précédemment donne pour à les valeurs suivantes : Blé Goldendrop. . . . . a ax 0,92 — de Bordeaux . . . . x— ax 0,89 ==} Dattel Rens AR ATEN xa— ax 0,89 — Gris de Saint-Laud. . U — 40:81 — Choice white Bombay. a— ax 0,88 — Oulka de Bessarabie . a—œ ax 0,85 ce qui montre bien que la valeur de & est sensiblement proportion- nelle au grand axe du grain, c’est-à-dire à la grosseur de celui-ci. Si on admet pour la valeur du grand axe un chiffre moyen de 6 millimètres et pour à la valeur moyenne: | a — a X 0,885 on aura “e DT PNIPINDENT a—a— gun:3 = = de millimètre. COMPOSITION DES. MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 409 On peu dire, sans commettre d'erreur grave, que l'épaisseur de la zone périphérique de l’amande farineuse du grain de blé est égale à (9 10 de ce grain. Cette valeur péu parfaitement être admise comme valeur moyenne, puisqu'elle est calculée d’après les déterminations faites sur le blé Oulka de Bessarabie, dont le grain est très petit (poids d’un grain — 0,029) et le blé de Bordeaux (poids moyen — 0,056), dont le grain, au contraire, a une grosseur qu’on peut considérer comme maximum. IV. — Dans un travail présenté à l’Académie des sciences en 1896, M. Aimé Girard a réfuté les erreurs commises dans quelques publi- cations où l’on a essayé de soutenir que les farines commerciales, capables seules de donner des pains blancs et bien levés, tirées à 55-60 p. 100 d'extraction, ne contiennent qu'une faible proportion de gluten, celui-ci existant, au contraire, en quantité importante dans les produits à taux d’extraction plus élevé, 70-74 p. 100 au moins, présentant seuls, par conséquent, une valeur alimentaire convenable. Je n’ai pas à revenir sur cette question, qui à été à ce moment résolue avec toutes sortes d'arguments péremploires, mais j'ai essayé de calculer, sur les six variétés de blé que j'ai examinées, quelle serait l augmentation de la matière azotée insoluble, si, dans la mouture qui leur a été appliquée, on passait de 60 à 70 p. 100 d'extraction. Un simple examen montrera que, pour le blé Goldendrop, par exemple, 60 p. 100 de farine seront donnés par de millimètre, soit vingt fois environ plus petite que la longueur 29 et 3° broyages . . . 19.35 à 6.36 p. 100 de gluten — 1.23 ÆÉUDTOVAS CES 38.00 à 7.07 == 71} 112 59, — SEE TA. 2,15 à 8.51 — —\0L LS Total . . : 60.00 à 6.90 p. 100 de gluten — 4 13 Dans le même cas, la farine à 70 sera composée de Farine à 60 p. 100 : 60 à 6.90 p. 100 de gluten — 4.1 5° broyage . . . . 10 à 8.51 ET 1076 3 H Total 2072 70 à 7.11 p. 100 de gluten = 4.98 410 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. En appliquant ce raisonnement à toutes les autres variétés, on obüent, pour les quantités de gluten contenues dans les farines à 60 el à 70 p. 100, le tableau suivant : Gluten pour 100 de farine. EXTRACTION EE 60 p. 100. 70 p. 100. Blé Goldendrop. . . . . . 6.90 7.11: — de Bordeaux . . . . . 8.70 9.00 DE TE PME EERES 8.30 8.60 — Gris de Saint-Laud, , , 8.00 8.20 — Choice white Bombay. . 8.03 S.77 — Oulka de Bessarabie . . 10.10 10.54 Ces résultats viennent donc à l'appui de ceux fournis par M. Aimé Girard, ils montrent bien que le passage de 60 à 70 p. 100 d’extrac- Uüon aboutit, au point de vue de la teneur en gluten, à une augmen- lation insignifiante. Proportions dans lesquelles les différentes variétés de blé renferment la gliadine et la gluténine, — Composition élé- mentaire azotée du gluten et de ses constituants, Les analyses précédentes permettent, au moyen d’un calcul très simple, de déterminer les proportions relatives de gluténine et de gliadine renfermées dans les différentes variétés de blé envisagées. Il suffit pour cela d'admettre, ce qui est suffisant pour cet objet : 1° que le grain de blé, quelle que soit la variété à laquelle il appartient, renferme, d’après les travaux de M. Aimé Girard, 84 p. 100 environ de son poids formé par l’amande farineuse ; 2° que la partie de cette amande, encore adhérente au son, a la même composition que la fa- rine du 9° broyage que la mouture nous a fournie. Pour le blé Goldendrop, par exemple, l’amande farineuse sera ainsi formée des trois parties suivantes ayant la composition ci-dessous : GLUTÉNINE. GLIADINE. 2° et 3° broyages . 19.35 p. 100 contenant . et 0.96 4° broyage . 38.90 == - 0.55 2:14 5 — : 26.15 — 0.55 1.67 Totale 84.00 p. 100 contenant . 1.37 4.80 COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 411 En appliquant ce raisonnement, on obtient, pour la teneur en glia- dine et gluténine des six variétés de blé analysées, les résultats suivants : GLUTÉNINE GLIADINE p. 100 p. 100 du poids du blé. du poids du blé, , Blé Goldendrop . 1.37 4,80 — de Bordeaux. . . . . . PANPAT| 5.59 — Dattel ns 07 + è PA Ut 5.36 — Gris de Saint-Laud . 2,08 5.00 — Choice white Bombay . 2,44 SAS — Oulka de Bessarabie. 3.17 6.96 Dans le travail publié par MM. Osborne et Woorhees, les études ont porté sur deux variétés de blé américaines : un blé d'hiver et un blé de printemps. En se basant sur la méthode de séparation au moyen de l’alcool, méthode que j'ai discutée précédemment, en dosant l’azote sur les produits séparés et en remontant à la matière azotée au moyen du multiplicateur 5.68, dont je dirai tout à l’heure la pro- venance, les deux chimistes américains ont donné, pour les propor- tions de gliadine et de gluténine contenues dans le grain de blé, les chiffres suivants : CHAINE MEME 4.25 p. 100 environ. Gluténine. . . . . 4 à 4.5 — Ces chiffres, fortement entachés d’erreur par suite, d’une part, de la défectuosité de la méthode de séparation, d'autre part à cause de l'emploi du coefficient 5.68, qui n’a qu’une valeur relative, ne sau- raient donc exprimer la vérité. Les résultats que je viens de donner, basés sur la pesée directe des produits extraits, montrent bien qu'il est difficile d’enfermer les proportions de gluténine et de gliadine entre des valeurs absolues : ces valeurs, en effet, dépendent de la teneur du blé en gluten et de l'allure générale de ce gluten même. C’est ainsi, par exemple, que parmi les quatre blés analysés provenant de cultures françaises, on. voit le blé Goldendrop renfermer 1.37 p. 100 de gluténine, 4.80 p.100 de gliadine, tandis que les trois autres variétés sont beaucoup plus riches, 2.08 à 2.27 p. 100 pour la gluténine, 5.00 à 5.59 p. 100 412 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. pour la gliadine ; on voit par là que le blé Goldendrop a dans ce cas une allure beaucoup plus gliadineuse que ses congénères. Enfin, l'influence de la quantité de gluten est suffisamment marquée, dans la composition du blé Oulka de Bessarabie, pour qu'il soit utile d’y insister. Pour être vrai — et d’autres expériences nombreuses viennent à l'appui de cette affirmation — d’une part, le blé Goldendrop ayant une proportion de gluten représentant un minimum, avec un maxi- mum de gliadine ; d'autre part, le blé Oulka de Bessarabie ayant au contraire une proportion de gluten qui est rarement dépassée dans les blés tendres, ce gluten contenant plutôt un excès de gluténine, on peut dire que les différentes variétés de blés tendres ont des quantités de gliadine et de gluténine pouvant osciller entre les va- leurs extrèmes suivantes : Gluténine . . . . 1.40 à 3.20 p. 100 du poids du blé. GHAUDA Stone 4.80 à 7.00 —= _ Les idées que je viens de développer viennent encore expliquer les divergences de résultats que je dois signaler entre la composi- lion élementaire azotée de la gliadine et de la gluténine lrouvée par MM. Osborne et Woorhees et par mor. J'ai déjà expliqué comment la méthode employée par les auteurs précédents les a conduits à séparer la gluténine mélangée à une forte proportion de gliadine coagulée. S'il est besoin d’une nouvelle preuve à l'appui de ma démonstration, je la trouve dans ce fait que ces deux produits sont signalés comme ayant la même teneur en azOLe : GlAdine Eee. 0. ir 17.66 p. 100 GOERNER De 17.49 — ce qui permet d'employer le chiffre 5.68 comme coefficient. Or, lorsqu'on dose l’azote dans les glutens différents que l'on extrait des farines de variétés diverses de blé, on trouve des résul- tas variables, J'ai déjà montré" que ces considérations entraînent 1. Thôse de doctorat, p. 23 et 24. COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 415 également pour la gluténine et la gliadine, dont les proportions elles- mêmes ne sont pas constantes, une composilion azotée oscillant entre des valeurs maxima et minima, valeurs qui sont liées, forcé- ment, à la quantité d'azote que le gluten, dont on les extrait, renferme. C’est ainsi, par exemple, que de nombreuses analyses m'ont mon- tré que les quantités d'azote que renferment le gluten, la gliadine et la gluténine peuvent osciller entre les valeurs suivantes : AZOTE POUR 100. Gluten em ter 14.28 à 16.30 GIRTÉNIDE AN LE Te 122387416290) Gliadines MAMIE 15 MAT Les deux analyses suivantes, faites sur les farines de 4° broyage du blé Choice white Bombay et Oulka de Bessarabie, montrent comment sont liées les teneurs en azote du gluten et de ses composants. Oulka de Bessarabie. Gluténine. . . 3.31 p. 100 de la farine à 14.80 p. 100 d'azote. GhatineE rene 8.02 — BIO NON — Giuten . . 11.33 p. 100 de la farine à 16.30 p. 100 d'azote. Choice white Bombay. Gluténine. 2.19 p. 100 de la farine à 16.90 p. 100 d'azote. Gliadine . . . 6.10 == à 15.46 — Gluten 8.29 p. 100 de la farine à 15.77 p. 100 d'azote. J'ai fait de nombreux dosages d’azote sur diverses matières pro- téiques végétales et lorsqu'on compare les résultats obtenus en France el à l'étranger, on trouve qu’en général, pour les matières telles que la légumine, l’albumine végétale, les constituants du gluten et le oeluten lui-même, la quantité d'azote p. 100 contenue dans les pro- duits français est toujours inférieure à celle contenue dans les pro- duits étrangers. Aussi, je crois que pour les matières récoltées chez nous, le coeflicient 6.25 répond à peu près à la vérité dans le calcul 414 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. des matières protéiques, tout en ayant néanmoins une tendance à être trop faible de 0.2 à 0.3 environ; il n’est au contraire pas aussi exagéré qu'on l’exprime quelquefois, notamment en Allemagne, pour le calcul des mêmes matières récoltées à l'étranger. On voit qu'il y a là un point très intéressant à élucider; j’ai com- mencé celte élude en ce qui concerne la composition du gluten et de ses constituants extraits des blés français et étrangers. Mais, pour le moment, outre les réflexions que je viens de faire plus haut, je crois que, dans celte voie, il m'est seulement permis de poser le principe suivant : plus le grain de blé renferme de gluten, plus ce gluten est lui-mème riche en azote. V. — CONCLUSIONS GÉNÉRALES Je résume ici les résultats les plus importants auxquels ces re- cherches m'ont conduit et que j'ai développés au cours de ce mé- moire, 1° Le gluten contenu dans je grain de froment, extractible par les procédés ordinaires, est constitué par trois substances, gliadine, glulénine, conglutine, dont les deux premières forment la presque lotalité de ce produit. La gliadine est une matière fortement agglu- ünative, la gluténine une matière pulvérulente, inerte, et leur mé- lange donne par conséquent au gluten les RRpRess physiques variables qui le caractérisent. 3 1000 tasse caustique, la gluténine y est insoluble et la légère émulsion qu'elle forme avec ce dissolvant se détruit par le passage d’un cou- rant d’acide carbonique. 2 Le gluten contenu dans les farines des autres céréales : riz, mais, orge, seigle, sarrasin, inextractible par les procédés ordinaires de malaxage, est constitué aussi par de la gliadine et de la gluténine, celle dernière substance étant en très grand excès sur la première et annulant par conséquent ses propriétés agglutinatives. 3° L'étude des propriétés du gluten et de ses constituants m'a per- La gliadine est soluble dans l'alcool à 70° contenant ;—— de po- COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏRES, 415 mis d'établir une méthode chimique d'appréciation de la valeur boulangère des farines pures de froment, Cette méthode a pour base, ainsi que je lai montré, la détermination de la valeur quanti- gluténine #T adine lités d'autant meilleures que la valeur de ce rapport se rapproche tative de rapport , la farine eamniiée présentant des qua- NE) plus de la fraction 75 4 La quantité d’eau qu’une farine peut retenir à la panification est liée directement à sa teneur en gluten, celui-ci pouvant avoir dans ces conditions, au point de vue de la gliadine et de à pisse une + poe variable. 3 9° Le travail de la panification amène le boulanger à corriger les aétéuts de quelques farines en y ajoutant parfois 2 à 5 p. 100 de farine de féverole. En général, les farines pour lesquelles cette nécessité se fait sentir possèdent un gluten riche en gliadine. L'étude des matières azotées contenues dans la farine de légumineuses montre que ces malières sont constituées, pour la presque totalité, par des caséines végélales, légumine et gluténine, et un calcul simple explique dès lors le rôle correctif que cès matières peuvent jouer en : . gluténi mélange ; elles ramènent le rapport © aussi près que possible ladite 25 de =. 19 id La farme de riz, ajoutée en proportions plus grandes, 8 à 12 p. 100, peut aussi Jouer un rôle analogue. 6° De l’étude spéciale de l'amande farineuse du grain de blé, au point de vue de sa coRpanten en matière azotée insoluble, j'ai pu déduire: pce Ve - a) Chaque variété de blé Se une quantité variable de gluten, celui-ci ayant lui-même une composition centésimale spéciale au point de vue de la gliadine et de la gluténine ; Léa b) Quelle que soit la variété à laquelle on s'adresse, les quantités de gluten et de gluténine vont en augmentant du centre à la péri- phérie de l’amande farineuse ; c) Au point de vue pratique, on peut diviser dd farineuse du grain de froment en deux zones distinctes : une zone centrale, for- 416 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. mant 42 à 58 p. 100 du poids du grain, ayant une composition azotée L j * e Là e l'A e 3 variable avec chaque espèce de grain; une zone périphérique de 30 de millimètre d’épaisseur environ, formant 15 à 26 p. 100 du poids du grain, loujours beaucoup plus riche en gluten et en gluténine que la précédente. 7° L'étude de variétés de blé contenant des quantités de gluten enfermées entre des limites minima el maxima montre que le grain de blé peut renfermer : Glunténmelttit in .uLus de 1.37 à 3.17 p. 100 ( FÉ PES PRTAETEU de 4.80 à 6.96 — La teneur en azote p. 100 du gluten, de la gliadine et de la gluté- nine ne s'exprime pas par un nombre constant. Elle dépend de cir- constances diverses inconnues jusqu'ici. J'ai trouvé pour ces trois substances, dans les conditions que j'ai expliquées, les résultats sui- vanls : AZOTE POUR 100. BRAS Pure 14.98 à 16.30 GIniéNe Sr ere 12.38 à 16.90 Gliadine::. BERNIE 1599101697 Les recherches que je viens d'exposer dans les pages précédentes seront complétées bientôt par la publication des analyses des blés d'origines diverses faites en collaboration avec mon regretté maître Aimé Girard et que j'ai le devoir de mener à bien après sa mort trop prématurée. Mais, tel qu’il se présente aujourd’hui, ce travail a déjà des consé- quences importantes : au chimiste agronome, il indique les condi- tions suivant lesquelles il devra poursuivre méthodiquement, d'année en année, les recherches sur la valeur des diverses variétés de blé qu'il cultive, ces recherches devant conduire inévitablement à des résullats fort importants pour l'agriculture de la région qu’il habite; au meunier, il montre que tous les blés ne fournissent pas des fa- rines de même qualité boulangère, qu’il est possible, néanmoins, par des. mélanges rationnellement faits, de corriger les produits qu’il COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 417 achète ou qu'il fabrique les uns par les autres et que c’est encore en introduisant le contrôle scientifique à la base de son industrie qu'il arrivera à lirer des grains qu’il soumet à la mouture le parti le plus avantageux pour lui, pour le boulanger et pour le consom- mateur. ANN. SCIENCE AGRON,. — 2° SÉRIE. — 1898. — 1. 27 RAPPORT PRÉSENTÉ, LE 10 mar 1898, au COMITÉ DES ARTS CHIMIQUES DE LA SOCIÉTÉ D'ENCOURAGEMENT POUR L’INDUSTRIE NATIONALE, par M. A. LIVACHE, sûr LE TRAVAIL DE M. É. FLEURENT, INTITULÉ : Recherches sur la composition immédiate et élémentaire des matières albuminoïdes extrailes du grain des céréales et des graines des légumineuses ; conséquences pratiques de celte étude. Il est acquis aujourd’hui que le pain blanc provenant de farines pures est supérieur au pain bis des farines inférieures, tant au point de vue nutritif qu'à celui de la perméabilité par les sucs digestifs, de la digesti- bilité, de la conservation, etc... ; les études magistrales d'Aimé Girard, effectuées tant au laboratoire que dans l'industrie, ont définitivement résolu cetle question. Aussi, l’industrie a-t-elie été conduite à produire des farines blanches, permettant d'obtenir le pain blanc, poreux et léger qu’exige la consom- mation et elle y est arrivée, grâce à la transformation de son outillage, au perfectionnement de ses procédés et à la fixation d’un taux d'extraction de farine judicieusement choisi. Cependant, lorsque que l’on observe les pains fabriqués avec les farines de choix, on constate des différences notables suivant la provenance de ces farines. Avec les unes, on obtient un produit de levée régulière et de bonne tenue; avec les autres, au contraire, on n'obtient qu'un pain mal levé et manquant de porosité. En présence de ces résultats, la première idée qui devait venir à l’es- prit était d'apprécier la teneur en gluten de ces farines, puisque c'est le gluten qui, par sa plasticité, leur communique la propriété de fournir des pains spongieux, de levée facile et régulière. Mais on put se convaincre que la teneur en gluten n’était pas la cause principale des différences observées, car des farines ayant des teneurs en gluten sensiblement égales, fournissaient des pains de qualités très différentes. RAPPORT SUR LA COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 419 Des travaux, entrepris depuis de longues années, sur les matières albuminoïdes, conduisirent M. Fleurent à attribuer les différences consta- lées, non pas tant à la teneur en gluten qu'aux propriétés des divers principes conslilutifs de ce gluten et à leurs proportions relatives. C’est en partant de ce point de vue que M. Fleurent est arrivé à des conclu- sions excessivement intéressantes, permettant de fixer les conditions essen- lielles que doivent remplir les farines pour fournir des produits de pani- fication répondant à tous les désidérata de la consommation. Dans l’important mémoire que M. Fleurent a présenté à la Société d'encouragement, il commence par faire une étude approfondie de Ja composition immédiate du gluten des céréales. En modifiant, aussi ingé- nieusement que méthodiquement, les procédés d'analyse ordinairement employés et qui ne donnaient le plus souvent que des produits impurs ou allérés par l'emploi de réactifs trop énergiques, il a réussi à obtenir, à l’état de pureté absolue, les principes constitutifs du gluten et, en par- Liculier, les deux principes qui y entrent presque exclusivement, la gluté- nine et la gliadine. f L'expérience montre que le gluten des bonnes farines de froment contient 48 à 34 p. 100 de gluténine, matière pulvérulente et sèche, et 82 à 66 p. 100 de gliadine, matière visqueuse et fluente, à laquelle il faut attribuer les propriétés agglutinatives du gluten. Veut-on en extraire le eluten en soumettant un pâlon de farine à l’action de l’eau contenant une petite quantité de matières salines, la gliadine se transforme en une masse moelle, à laquelle les particules de gluténine pulvérulente, jouant le rôle de matière inerte, donnent un degré de consistance suffisant pour rendre facile l’extraction du gluten, Prenant alors les farines extraites des céréales autres que le froment, telles que celles de seigle, de maïs, de riz, d'orge, de sarrasin, et dont on sait que le gluten est inextractible dans les conditions précédentes de lavage à l'eau, M. Fleurent montre que dans ce gluten, extrait alors par des moyens appropriés, la gliadine diminue dans de notables proportions par rapport à la gluténine; l'excès de cette dernière empêche alors la gliadine de se lier, d’où impossibilité d'extraire le gluten par les moyens ordinairement employés pour l'extraction du gluten de la farine de fro- ment. Des chiffres obtenus dans les expériences précédentes, M. Fleurent tire cette conclusion: pour qu’un gluten soit extractible, c’est-à-dire éminem- ment élastique et non collant, il doit exister un rapport minimum et maximum entre les quantités de gluténine et de gliadine. Ces premiers résultats acquis, M. Fleurent examine de nombreuses farines de froment etil montre que leur valeur boulangère est fonction de ce rapport qui, dans les meilleures condilions, correspond à 25 p. 100 420 . ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de gluténine et 75 p. 100 de gliadine; avec une telle composition de gluten, on aura un pain bien développé et de facile digestion. Le rapport précédent descend-il à 20 p. 100 de gluténine et 80 p. 100 de gliadine, le pain se développe bien à la fermentation, mais redevient compacte pendant la cuisson. Si enfin ce rapport monte à 34 p.400 de gluténine et 66 p. 100 de gliadine, la pâte est sèche, peu liée, se développe mal; le pain reste compacte et indigeste. Incidemment, M. Fleurent montre que la fixation de l’eau qu’une farii e peut retenir après la panification n'est fonction que de la quantité de gluten et non pas de la proportion relative des deux composants, gliadine et gluténine. Le rapport dans lequel doivent être les éléments constitutifs du gluten étant bien établi, M. Fleurent à été conduit à rechercher les moyens de corriger les farines donnant des produits de panificalion de qualité infé- rieure. 1] a d’abord constaté que dans les farines des légumineuses, la matière azolée se compose principalement de légumine fonctionnant comme la gluténine et de gluten très peu riche en gliadine. Il était donc rationnel, lorsque l’on se trouvait en présence de farines de froment de valeur boulangère inférieure, parce que la gliadine domine par rapport à la gluténine, d'y introduire une certaine quantité de farine de légusmi- neuses, judicieusement calculée, de manière à rétablir le rapport 25 p. 100 de gluténine et 75 p. 100 de gliatine. L’expérience montre qu'il en est bien ainsi et vient confiriner les habi- tudes commerciales qui consistent à ajouter 2 à 3 p. 100 de farine de légumineuses, comme on le pratique fréquemment dans la région du Nord, ou 8 à 12 p. 100 de farine de riz, ainsi qu’on le fait quelquefois en boulangerie, à certaines farines de froment; sans cette addition, celles-ci ne donneraient que des pains plats et mal levés. De plus, il suffira, pour une farine ainsi travaillée, de déterminer le rapport de la gluténine à la gliadine pour établir nettement si cette addi- lion a été faite dans le but d'améliorer la farine de froment, ou, au con- traire, de la falsifier. Il y a là un résultat doublement important, tant au point de vue de la panification qu'au point de vue fiscal. Dans la dernière partie de son important travail, M. Fleurent s’est demandé quelle était, dans les différentes parties du grain de blé, la répartition du gluten et de ses principes immédiats, dont les proportions ont une si grande importance pratique. Faisant usage d’un broyeur construit spécialement en vue d'expériences sur la mouture, M. Fleurent a réussi, au moyen d'artifices ingénieux, à isoler les fragments provenant de trois zones distinctes de l'amande du grain de blé et à transformer ensuite chacun de ces fractionnements en produits farineux homogènes dont il a étudié les différences de constitu- RAPPORT SUR LA COMPOSITION DES MATIÈRES ALBUMINOÏDES. 421 tion au point de vue spécial de leur gluten. Opérant ainsi sur un grand nombre de blés, et le mémoire donne des analyses très complètes des produits obtenus, il démontre que, si la quantité de gluten va en augmen- tant du centre du grain de blé à la périphérie, la quantité de gluten va évalement en augmentant dans le même sens, tandis que la quantité de gliadine diminue proporlionnellement. On comprend de suite la conclusion pratique qui en découle : la partie centrale du grain de blé, formant 42 à 58 p. 100 du poids de ce grain, a une composition spéciale bien déterminée, tant au point de vue de la quantité du gluten que de sa qualité, cette dernière établissant la valeur boulangère de cette farine. On pourra donc savoir, d’après le rapport de la gluténine à la gliadine du gluten de cette partie de l'amande, dans quelles limites on devra soit séparer les produits provenant du restant de l'amande, soit, au contraire, les ajouter pour rehausser le titre en glu- ténine. Telles sont les grandes lignes du mémoire très étendu présenté par M. Fleurent. Cette étude produira tout son effet lorsque sera terminé le vaste travail qu'avait entrepris Aimé Girard sur la composition des blés français el étrangers, et pour l'exécution duquel M. Fleurent avait eu l'honneur d’être choisi comme collaborateur; nous comptons sur sa pro- messe de meuer à bien ce travail, qui était presque terminé lors de la mort de notre regrelté secrétaire. En appliquant alors les règles établies par M. Fleurent, l’industrie aura à sa disposition des farines de valeur boulangère connue et, au besoin, elle pourra faire des coupages raisonnés, soit des blés eux-mêmes, soit des produits qu’ils auront donnés en vue d'obtenir finalement des farines de panification donnant pleine satisfaction à la consommation. Votre rapporteur a l'honneur de vous proposer de remercier M. Fleu- rent de sa communication également importante, tant pour les produc- teurs de farines que pour les industriels qui les travaillent, el d'ordonner l'insertion du présent rapport au Bulletin. 20 —< OA —— EXPÉRIENCES SUR L'AMÉLIORATION CULTURE DES RACINES FOURRAGÈRES PAR M. C.-V. GAROLA DIRECTEUR DE LA STATION AGRONOMIQUE DE CHARTRES PROFESSEUR DÉPARTEMENTAL D'AGRICULTURE Poussés par l’aiguillon de la nécessité, les cultivateurs qui s’adonnent à la production de la betterave à sucre sont arrivés, depuis quinze ans, par des recherches suivies, à améliorer la racine saccharigène d’une façon remarquable. Le taux de sucre pour cent de racine a été augmenté de beaucoup, grâce à la sélection des porte-graines et à une culture en rangs serrés, grâce aussi à l’em- ploi de fumures abondantes et appropriées. Pendant ce temps, qu'a fait le cultivateur de betteraves fourragères? Il est resté hypnotisé par le rendement brut et par la grosseur des racines. Ces deux seules apparences sont demeurées pour lui le criterium de la valeur agricole des variétés. On ne le voit s'inquiéter en rien de la richesse des betteraves en substances réellement nutrilives ; 1l n’y a pas pour lui betteraves et belteraves, comme il y a pour tout le monde fagots el fagots. AMÉLIORATION DE LA CULTURE DES RACINES FOURRAGÈRES. 4923 Et cependant il n’est pas douteux, quand on se donne la peine de réfléchir un instant, que, si la valeur de la betterave industrielle est proportionnelle à sa richesse centésimale et à son rendement total en sucre à l'hectare, la valeur d’une belterave fourragère doit être en raison de sa teneur en principes nutrilifs et de son rendementen matières réellement alimentaires par hectare. Or y a-t-il parallé- lisme entre le rendement brut par unité de surface, entre la gros- seur individuelle des racines et leur valeur alimentaire ? L’ex- périence montre qu'il n’en est rien. Depuis plusieurs années, M. Dehérain a fait la démonstration de la mauvaise qualité des grosses racines. Nous avons entrepris de propager ses idées, depuis deux ans, et nous avons pu, grâce au concours dévoué et désinté- ressé de M. Oscar Benoist, l'habile agriculteur de Cloches, établir des expériences dont les résultats ont été très démonstratifs. En 1896, elles ont porté sur la betterave jaune ovoïde des Barres, et avaient pour but d'étudier linfluence de l’espacement des racines sur le rendement en substances alimentaires par hectare. Comme nous avons déjà publié les résultats obtenus dans nos derniers rap- ports’, il nous suffira d’en rappeler ici les conclusions. Les belte- raves serrées (744 à l'are) ont donné un rendement brut de 804 quintaux à l’hectare, tandis que les belteraves à grand espacement (220 à l’are) ont produit 829 quintaux. Le poids moyen des pre- mières élait de 1 065 gr. et celui des grosses de 5768 er. Or, mal- gré la légère infériorité du rendement brut, les betteraves serrées ont donné à l'hectare un excédent de matières réellement nutritives (sucre, albumine et graisse) de 1240 kilogr. sur les grosses ra- cines. Si l’on rapporte cet excédent à la somme de matière nutri- tive fournie par un hectare de betteraves à grandes distances, somme qui s'élevait à 2072%,5, on voit que la culture à plants ser- rés a augmenté le rendement en éléments nutritifs de 60 p. 100. Nous avons constaté, d'autre part, que les petites betteraves renfer- maient trois fois moins de nitrate de potasse que les grosses. Une vache mangeant 40 kilogr. de grosses racines absorbait 64 gr. 1. Rapports sur les Champs d'expériences el de démonstration d'Eure-el-Loir, 1895-1896, et Annales agronomiques, 1897, n° 4. 424 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. de nitrate par jour, tandis qu’en consommant les petites en même quantité, elle n’en ingérait que 20 gr. A petite dose, ce sel est très laxalif et l'observation à montré qu’une quantité de 100 gr. absor- bée par une vache moyenne est très nuisible à sa santé. Enfin nous avons été frappé de la pauvreté de nos betteraves en matières nutritives et de leur richesse en eau. Cela nous a conduit à entreprendre nos essais de 1897, dans le but de confirmer les précédents et de rechercher parmi les variétés de betteraves con- nues celles qui seraient le plus avantageuses sous le rapport de la production de la matière nutritive. Nous ne nous sommes pas, cette fois, borné à des expériences culturales et à des analyses, mais nous avons voulu compléter nos investigations par des essais d'alimentation poursuivis à Cloches sur l’engraissement du mouton, el par des recherches sur la digesti- bilité des racines grosses et petites exécutées sur le lapin, à la Sta- Lion agronomique. I. — Résultats culturaux. Dans un sol de limon ayant reçu une fumure de 40 000 kilogr. de fumier de ferme excellent et 400 kilogr. de superphosphate à l'hec- tare, nous avons cultivé comparativement 9 variétés de betteraves et 2 variétés de carottes, en lignes espacées, d’une part, de 90 centi- mètres, et de l’autre, de 45. Sur la moitié de la superficie de chaque groupe de racines cultivées à des distances différentes, il a été ré- pandu une fumure additionnelle de 200 kilogr. de nitrate de soude, par hectare, afin de reconnaitre si cette addition influerait notable- ment sur la Leneur des racines en nitrate. Les tableaux suivants rendent compte des résullats obtenus, ra- menés à l'hectare. Pour chaque variété, nous avons indiqué le nombre de plants récoltés à l’are, afin de bien préciser l’espace- ment. AMÉLIORATION DE LA CULTURE DES RACINES FOURRAGÈRES. Semis en lignes distantes de 45 centimètres. 425 SANS NITRATK TR — Ren- dement brut à l’hec- tare. VARIÉTÉS CULTIVÉES. Racines par are. quint. 646 666 Carotte blanche à collet vert . des Vosges. AVEC NITRATE CE Ren- dement brut à l’hec- tare. Racines par are. | quint. 678 6S6G MOYENNES EE Ren- Racines | dement | par are. 656 360 392 380 377 552 466 Moyenne des carottes fourragères . . (Klein-Wanzleben, . Betteraves la COTON ES ACRESA Sucre | à collet vert (Brabant) Moyenne des betteraves à sucre. bl Betterave géante blanche demi-sucrière . disette Mammonth . jaune géante de Vauriac . globe à petites feuilles. jaune ovoide des Barres . disette corne-de-bœuf . Moyenne des betteraves fourragères . MoyENNE générale des betteraves. SANS NITRATE. Ren- dement brut à l’hec- tare. VARIÉTÉS CULTIVÉES. Racines par are. quint. 480 200 490 300 Carotte blanche à collet vert . des Vosges. . Moyenne des carottes fourragères . Befteraves Klein-Wanzleben. à à collet rose . 56 VEIESCENRGE à collet vert (Brabant). Moyenne des betteraves à sucre. Betterave géante blanche demi-sucrière . diselte Mammouth. jaune géante de Vauriac . globe à petites feuilles. jaune ovoïde des Barres . disette corne-de-bœuf . Moyenne des betteraves fourragères. Moyenne générale des betteraves . AVEC NITRATE. Ren- dement brut à l’hec- tare. Racines par are. quint. 250 472 511. 312 442 362 9 19 19 BL I à OO > O0 Le] O7 9 O7 Ut EE O1 1 Su OuGR © V9 29 9 12 19 19 à 2 tt [Sa] MOYENNES,. = Ren- dement brut à l’hec- tare. quint. o15 486 500 306 405 342 301 4166 493 479 443 484 401 449 Racines par are. 191919 12| 1% 12 2 426 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. De l’examen des résultats précédents, il appert qu’en général pour les carottes, les betteraves sucrières et les betteraves fourragères, la culture en lignes espacées seulement de 45 centimètres a donné des rendements plus considérables que la culture à grandes distances. Il n'ya d’exceplion pour aucune variété. Les excédents sont de 169 quin- taux pour les carottes, de 86 quintaux pour les betteraves à sucre, et de 99 quintaux pour les racines fourragères. À supposer que les pe- tites racines n’aient pas une valeur supérieure aux grosses, il est indis- cutable déjà qu'il est avantageux d'adopter la culture en ordre serré. D'un autre côté, l'addition de 200 kilogr. de nitrate de soude à la fumure générale de 40 000 kilogr. de très bon fumier et 400 kilogr. de superphosphate a eu une action sensible sur le rendement. Le tableau suivant met ce fait en évidence. nitrate mitrate , FACÉDENTS (moyennes). (moyennes). (moyennes), quintaux. quintaux. quintaux. Carottes SAT MERE RE AUTEE 973 91 18 Betteraves à sucres . .: ." .. 353 390 37 Betteraves fourragères . . . . 466 530 64 La valeur de la fumure additionnelle de nitrate étant de 46 fr., le quintal obtenu en excédent revient aux prix ci-dessous : Carottes . RE 2 betteraves "a SUErOr. Le En Î Bettcraves fourragères. . 0 L'opération semble donc avoir élé avantageuse pour les bette- raves, mais non pour les carottes. Nous pouvons enfin classer les variétés d'après le rendement brul moyen comme Il suil : 1. Garotte blanche à collet vert . . . 588 quintaux. 2? — des:Vosges. . . . 58l: — SPMGéante dedVantiac is ts SERA A A0yoide desDatres a Aer AU 539 — >. Géante blanche demi-sucrière. . . 16 — 6. Globe à petites feuilles. . . . . . TA n— 7. Disette Mammouth . LUE A 464 — 8: Gorne-deDŒuft AN ET Lee 446 — 9. Betteraves à collet rose . . . . . 421 — 10, — à colletvortt 22 En. 363 — 11: — Klein-Wanzleben. . . . 333 — LS AMÉLIORATION DE LA CULTURE DES RACINES FOURRAGÈRES. 427 Il est inutile de commenter ce classement pour l'instant. On le rapprochera plus tard de celui que nous pourrons déduire de nos recherches analyliques et de nos expériences sur les animaux. Conten- tons-nous de constater que les betteraves se groupent très régu- lièrement ; les variétés sucrières ont un rendement brut inférieur à celui des betteraves fourragères. Enfin, les carottes se montrent supérieures aux betteraves, comme nous l’avons souvent observé dans les cultures de la ferme de Gloches. II. — Composition chimique des racines. A la récolte, notre excellent collaborateur a prélevé dans chaque parcelle un échantillon moyen de racines de 50 kilogr. environ. Les 44 échantillons furent expédiés à la Station agronomique pour y être analysés. A leur réception, les lots furent pesés séparément et l’on compta le nombre total des racines qui les constituaient, pour en déduire leur poids moyen. Puis nous rangeâmes les betteraves par ordre de grosseur et nous prélevâmes sur un nombre suffisant de racines, re- présentant exactement l’ensemble, à l’aide du foret Champonnois, au Liers supérieur de la betterave, une quantité de pulpe de 1 000 à 1 200 er. 4° Sur 50 gr. de pulpe bien mélangée, on a fait le dosage de l’eau; 2 Sur 325,15 de même pulpe, on a dosé le sucre cristallisable par la digestion aqueuse à chaud et le polarimètre ; 3 Pour les carottes qui renferment du sucre cristallisable et du glucose, on a d’abord dosé ce dernier par la liqueur de Febhling et par pesée de l’oxyde de cuivre, puis, après interversion, on a dosé de même le total des deux sucres. L’extraction des sucres à été faite aussi par digestion aqueuse à chaud sur la pulpe fraiche ; 4 Tout le reste de la pulpe a été desséché complètement à lé- tuve, puis la matière sèche a été moulue et enfermée dans des flacons biens bouchés pour servir aux autres dosages. | Dosage des matières azotées. — I n’est plus possible aujour- d'hui, dans l'analyse des fourrages, de se borner à déterminer 428 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. en bloc les matières azotées, par le dosage de l’azote total et en faisant jouer le multiplicateur 6,25. Dans le cas qui nous occupe, il convient de distinguer dans l’ensemble de matières azotées d’abord le nitrate de potasse, sel qui peut s’emmagasiner dans les racines et qui non seulement n’est pas alimentaire, mais encore est purgatif à faible dose. Dans les substances organiques azotées, il faut égale- ment séparer les albuminoïdes qui sont réellement alimentaires, des amides et des corps amillés et autres qui ne peuvent servir à la constitution des tissus. Dans chacun de nos échantillons, nous avons donc dosé ces trois 2roupes de substances azotées. Pour le dosage du nitrate de potasse, nous avons suivi le procédé suivant, indiqué par Berthelot : « La matière sèche est traitée par l'alcool à 60 p. 100, qui dissout les azolates et coagule les matières albuminoïdes. La matière dissoute est évaporée au bain-marie, puis passée à l'appareil de Schlæsing pour y doser l’acide azotique en le transformant en bioxyde d’azote dont on mesure le volume. » Il convient ici de recueillir le bioxyde d’azote sur une dissolution de soude, car il se produit un peu d’acide carbonique qui empêcherait de saisir facilement la fin de l’opération. Après avoir mesuré le gaz sur l’eau, on le fait absorber par une solution saturée de sulfate de fer, et on retranche du volume primitif celui du résidu. En opérant de la même manière avec une solution titrée de nitrate, et en s’ar- rangeant pour obtenir des volumes de gaz voisins, on calcule très exactement l'azote nilrique. Le dosage de l’azote organique total exige la destruction préa- lable des nitrates, car ceux-ci seraient en partie réduits à l’état d'ammoniaque et fausseraient les résultats. Cette destruction a lieu en faisant bouillir la substance avec un peu de sulfate de fer et d'acide sulfurique étendu, dans un ballon d’attaque. Quand le vo- lume est réduit d’au moins moitié, on transforme l’azote organique en ammoniaque par le procédé Kjeldahl-Gunning, puis on dose l'ammoniaque par la méthode de Boussingault. Pour doser les matières albuminoïdes, nous avons eu recours à la méthode acétique employée par M. Joulie dans son beau travail sur la « Production fourragère par les engrais » et décrite dans la AMÉLIORATION DE LA CULTURE DES RACINES FOURRAGÈRES. 429 dernière édition de l’Analyse des matières agricoles de M. Gran- deau. Quant à l'azote des amides, etc., 1l a été calculé par différence. Nous avons admis que les albuminoïdes de la betterave ren- ferment 16 p. 100 d’azote et adopté le coefficient 6,25 pour passer de l’azote à la substance azotée. Pour les substances non albumi- noides, nous les avons calculées en asparagine, en multipliant l'azote orrespondant par 9,30. Le dosage de matières grasses à été exécuté par la méthode de Draggendorf, en employant l’éther de pétrole distillant à 45° comme dissolvant. Le dosage de la cellulose a été fait en suivant le procédé de M. Müntz, qui donne de la cellulose exempte de pentosanes, comme nous nous en sommes assuré en opérant sur le son du froment. Les pentosanes ont été déterminées par la méthode de Councler, en précipitant le furfurol, obtenu par la distillation de la matière avec de l’acide chlorhydrique, à 1,06 de densité, à l’aide de la phloro- glucine. Le précipité, recueilli sur un filtre taré, séché à 100°, est pesé. En multipliant son poids par 0,953, on a celui des pentosanes. Ce multiplicateur suppose que dans la betterave il existe à la fois de l’arabane et de la xylane. Les deux tableaux suivants résument les résultats de nos analyses. Pour chaque variété et pour chaque espacement, nous avons réuni les analyses des lots avec et sans nitrates. Chaque nombre est done la moyenne de deux dosages. TABLEAUX, Y09‘0 2€c‘0 &0 ‘0 81°] L6'0 1°] « Far °£ | &0°0 E AGRONOMIQUE. * . 7000 2120 GICT] 00"GT LS"98 DE LA SCIEN( ‘ynoq-0p < 20109 911981p 430 ‘SOIT sop 9p1040 ounef *SOITIU9} sayuod % &68°0 1S8°0 8£0°0 LV LS°0 £6 0 ‘OULINP À 2p oyuvos ounu( 98c‘0 €Lg‘0 y£0°0 19°J 9C"0 6L'0 “yynoux -WU IT 9}JoSTD ———_—_—_— £g9°‘0 199 ‘0 6&0°0 80 99°0 66°0 « 08 9 J0°0 &G 0 cy'0 Ly 0 OT I 06° 6 00°68 "OIATIONS Up ouyour|t aJ1%93 SHAVUAXLLUANH JOTI00 © ans % cos ‘0 ré LR) s00 ‘0 &1'0 O1‘ 06°] « 088] £0'0 6] 9L°0 68 0 96'0 ÿ GMLI OC'TS O0'TS ‘sansÂqeur — — | "J80IDH ‘S29)[09941 SOU EI S0P UÉOU SPI04 6 CL I I 90° 6 08 °68 JO°T LO'OT cO 88 ‘oscA Ja1[09 % a1ons % ‘ua -O[ZUE A “Ua TM oxons € ‘JAoA *S28F0 À 391109 Sop oqoue|q | ouyouerq dt SHLLOUVO ‘SeUI9UL Sap 2)RIPOWUMTE UOIISOÏWON — ‘Gy‘u0 À SIUOS * asse]0d op 92JP4JIN *S29S0P UOU SAN | * 2S0[N12) SaUESOJUA * ‘as02n19 * * ons * ‘assiein ‘S2[810) *SASIDAID $99)07P — * * SOPIOUIUNQIE SAIQNCI * *SOIpU9") * ‘sonbiuv$io SIN | eee: + nv ‘SASOA SLNHANYTH 431 AMÉLIORATION DE LA CULTURE DES RACINES FOURRAGEÈRES. ‘no q-0p -0U109 97)98Ip — © © mm" *‘SOUCT sop 9p1040 ounv£[ ‘Sa[[rno} soyrjod % 2qof3 "EH À 2p aJuv?S ouuef ‘yJnour -UTC IQ 9J9S1p ÉAGIAENS -TU9p oUourIq aque?s SHAVAHULLUAH co'01 £0'°0 "1191 J01109 € auons ® 19Y 1 S6r'] 9£0°0 L9'0 98'0 L8'T « 0€°6 £0'0 ECO LYY 0 ‘0 . 69°0 yS 0 SOI 16 6 76 YS ‘2801 J91109 DIOUS % LL:0 YS 0 OT'I 08 71 01°YS ‘u24 -O[ZUVAM “HO a1ons ® ‘Jo A 391109 ® ayour]d *S9880 À sap oqyouelq TT, SHLLOHVO — ‘sogsiqeue — — ASO[L4 ‘S99)[0091 SOULIEI S9p U9 AOL SPIO ù + + & ‘9sse]od op 9JEUIN *609$0) UOU S9II)EI = A0 20S0[NIP) SUPSU]UIQ "050901 * * along " ‘OSSI! S9[2J0] SASIOAIP S29]07e — * SAPIOUIUNAIE S9191)E[Y + + + + ,70 1,30 4,40 a. Albuminoïdes. . . . 4,05 0,89 3,16 78.0 Amides, etc.. . . . 3,30 0,07 De) 97.0 SRERES SU, AT 19,00 0,16 18,54 992 Pentosanes . : 5,00 0,68 4,32 86.4 Cellulose ... .. 4,65 1er 3,48 74.8 Indéterminées . 1720 1,25 ) » Acide phosphorique . 0,579 0225 0,302 61.0 Dans 100 kilogr. de betteraves grosses il y a donc les quantités suivantes d'éléments nutritifs : Albuminoïdes digestibles. . . . . OK,63 Sucres digestibles . 3 80 Pentosanes digestibles: . . . . . 0 ,86 Hydrates de carbone : 5,39. Cellulose digestible. . 0,69 Total des éléments nuiritifs . . >k5,98 £ 446 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. c) Comparaison des résullats. Tandis que le lapin a pu digérer par jour 606,5 de matières or- saniques en consommant les petites betteraves, il n’a pu, avec le régime des grosses racines à volonté, en digérer que 395,94. Il a donc été dans le deuxième cas beaucoup moins nourri que dans le premier et il en est résulté une perte de poids vif de 14gr. par jour. La grosse betterave donnée seule ad libitum est donc incapable de salisfaire aux besoins de l’animal à l’entretien, tandis qu’au con- traire la petite constitue une nourriture suffisante, puisqu'elle a pro- voqué dans l'essai une augmentation de poids vif de 144,3 par jour moyen. Si l’on compare les coefficients de digestibilité des substances nu- tritives, on constate qu'ils sont généralement plus élevés pour les petites racines que pour les grosses. Et enfin, on est frappé de la supériorité des petites betteraves corne-de-bœuf qui contiennent, à poids égal, 70 p. 100 d'éléments digestibles de plus que les grosses. VI. — Digestibilité de la betterave à sucre Klein-Wanzleben. a) Semis à 0",45, avec nitrale. L'expérience relative à la détermination de la digestibilité de la betterave Klein-Wanzleben, semée à 45 centimètres, a duré 9 jours, du 27 décembre 1897 au 4 janvier 1898. Le lapin pesait au début 26,63 et à la fin 2*6,66 ; son poids est donc resté à peu près cons- tant. Sa consommation totale en belleraves a été de 3*4,760, soit par journée moyenne de 416 gr. La production des éléments solides s’est élevée à 97 gr., soit 105,7 par jour moyen. La betterave et les excréments solides analysés ont présenté la composition suivante : 447 AMÉLIORATION DE LA CULTURE DES RACINES FOURRAGÈRES. EXCRÉMENTS BETTERAVES. solides. Eau. É 81.3 54.4 Matières organiques. . 17.8 33.0 Gendresir merite 0.9 12.6 Matières albuminoïdes* . 0.76 S 50 ADUAGS ECM LT Le à» 0.67 1.39 SUCTES SRE MA RE Le à 12:50 1.41 Pentosanes . HS da 3.47 MÉNQSE SL". A ee 1.19 6.50 Substances indéterminées . 0.31 11.73 {. Acide phosphorique . . 0.166 TRS 2. Azote albuminoïde. . . 0.122 196 3. Azote des amides, etc. . 0.125 1.62 Le lapin soumis à l'essai a donc consommé en movenne par vingt-quatre heures, et rendu sous forme d’excréments solides les quantités de principes immédiats relatés dans le tableau suivant, où figurent également les quantités d'éléments digérés et les coefficients de digestibilité. SUBSTANCES CONTENU EXCRÉMENTS TT REP de la ration. solides. digérées. digestibilité. gr. gr. gr, Matières organiques. 74,05 3,03 ADS Se 95.2 Cendres. . 3,74 1,55 2,39 63.9 Albuminoïdes. . 3,16 0,91 220 Te Amides, ete. 2549 0,15 2,64 94.6 Sucres . 2,00 0,15 o1,85 99.7 Pentosanes . 9,86 0,37 9,49 96.2 Ceïlulose . : 4,95 0,70 4,25 85.9 Indéterminées . . . 1629 1,25 0,04 » Acide phosphorique . 0,690 0,187 0,503 73.0 De ce qui précède, il résulte qu’il y a dans 100 kilogr. de bette- raves les quantités d'éléments nutritifs ci-après consignées : Albuminoïdes digestibles . Sucre digestible . Pentosanes digestibles . Cellulose digestible . Substances nutritives totales digestibles. OK, 541 2 ,500 2 ,280 > Hydrates de carbone : 1 1029 F d} 802. 448 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. b) Semis à 0",90, avec nitrate. Sur le même animal, nous avons, du 18 au 25 décembre 1897, soit pendant huit jours, étudié la digestibilité de la betterave à sucre Klein Wanzleben, semée à l’écartement de 90 centimètres entre les lignes. Le lapin, qui pesait au début 26,675, ne pesait à la fin que 2%,630. II à donc fait une perte de poids de 45 gr. Sa consomma- tion totale ayant été de 3,150 de racines, sa ralion moyenne jour- nalière a atteint 450 gr. Il a produit, d'autre part, 151 gr. d’excré- ments solides, soit 21#°,58 par jour. La betterave et les excréments solides analysés ont présenté la composition suivante : BETTERAVES EXCRÉMENTS j K.-W. solides. Eau . Aa Te 82,9 25.0 Matières organiques. . 16.0 34.2 Cendres!. SES del 10.8 Matières albuminoïdes? . 1429 10.06 Amides, elc.*. 0.95 1.50 SUCRÉS S LR CAEN 10.30 1.70 Pentosanes . tele 3.30 Cellulose . GÈNE 1.40 7.30 Substances indéterminées , 0.35 10.34 1. Acide phosphorique . 0.137 1265 9, Azote albuminoïde . . 0.196 1.61 3. Azote des amides, etc. . 0.174 0.28 Le lapin en expérience a donc absorbé en movenne par jour et rendu sous forme d’excréments solides les quantités de principes immédiats consignées dans le tableau suivant, où nous avons fait figurer en re- gard les quantités d'aliments digérés et les coefficients de digestibilité : CONTENU EXCRÉMENTS SUBSTANCKS + ONE de la ration. solides. digérées. digestibilité, gr. gr. gr. Matières organiques. . 71,00 7,4 64,6 95.3 Gendres: CETRRPE TT o,09 2,30 hui | 04.0 Albuminoïdes. . . . . 5,49 2,17 3,32 60.47 ATIUES, ÉEC-ReAR re. 4,18 0,3? 3,86 92.35 DOCFÉS ES OMR ES 46,30 0,30 46,00 99.3 lentosanes 46-24 e S,10 0,70 7,40 91.3 EU CORRE 6,30 1,60 4,70 74.6 Indéterminées . , . . 1,98 222 » » Acide phosphorique. . 0,62 0,35 0,27 43.5 AMÉLIORATION DE LA GULTURE DES RACINES FOURRAGÈRES. 449 Il résulte des faits précédents que 100 kilogr. de grosses bettera- ves Klein-Wanzleben renferment les quantités suivantes d’éléments nutritifs : Albuminoïdes digestibles. . . . OK5,74 gucres digeStibles.. 6.7. 0. 1 +10 190 | Pentosanes digestibles. . . . . 1 ,64 } Hydrates de carbone : 12,98. Cellulose digestible . 1 ,04 Substances nutritives totales . 135,72 c) Bellterave Klein- Wanzleben (à 0",45 avec nilrate) el son. Du 17 au 27 janvier 1898, nous avons essayé sur notre lapin la digestibilité d’une ration composée de betterave et de son de fro- ment. L'animal, qui pesait au début 3 kilogr., ne pesait plus à la fin que 2,9. Il avait perdu 100 gr. de poids vif. Sa consommalion totale à été de 341 gr. de son, soit de 54 gr. par jour, et de 2445 gr. de betterave, ou 244%,5 par journée moyenne. Sa production en excréments a été au total de 340 gr., soit, par jour moyen, de 34 gr. Les aliments consommés et les excréments solides avaient la com- position suivante : SON. BETTERAVES. EXCRÉMENTS. AU RE nn EL UE 22 8.0 81.3 53.00 Matières organiques . . . . 82.8 17.8 39.94 CERATES M RER AT MEN ARE 6e 0.9 7.06 AIDUMINOITES SEM 13.00 0.76 Da ST NTIC CONS AR EI Ee 2.46 0.67 1.01 SUCRES M ENTER TETE 1.60 1250 1.26 Amidon . 16.00 » » Péntosanesan et 10H DER DUB 10.61 CeDIOSe MR a TER. 4.90 124119 6.11 Indéterminées . . . . . . 22.04 0.31 15.08 1. Acide phosphorique . 3.47 0.166 DAIOE 2. Azote albuminoïde. . . . 2,08 0..122 0.94 3. Azote des amides, etc. 0.46 0.125 0.19 Dans le tableau suivant, nous avons calculé les quantités de prin- ANN. SCIENCE AGRON. — 2° SÉRIE. — 1898. — 1. 29 450 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. cipes immédiats que le lapin a ingérées et excrétées pendant une journée moyenne, ainsi que les quantités digérés, et les coefficients de digestibilité de la ration mixte. l CONTENU de la ration journalière, A" Bette- | ,. Son. ES Total. SUBSTANCES digérées. excréments. digestibilité. œr. gr. gr. Matières organiques . . . . .] 29,17 [42,43 Cendres SET NUE Eau ete 4,31 AINUMMIOIMES Ne Rene ae Ue 2,1 "1,86 a 9 _ LE ee] © 2 : © 19 © ww D 1 ee 2 PILE NE EU: OR HENENNPAE 3 | 1,64 POUPEE MAUR dtemer re ne 4 130,50 Amidon | Pentosanes . | Cellulose. | Indéterminées. _ ©2 D À 2 O1 me 19 D À © À 19 À DO = À ue ©2 . EN OS IE + s à © = 19 © _ ET QD 74 19 Co — WW Oo © 2 © © . == 1) mn + [=] 1 © ot FES Ce) © © cn [=] Acide phosphorique. ù _ o: 2) [Sa] Pour nous rendre compte de la question de savoir si la consom- malion simultanée des betteraves et du son avait modifié la digesti- bilité des premières, nous avions fait un essai direct pour détermi- ner la digestibilité du même son. VII. — Digestibilité du son de froment. Le 10 novembre 1897, nous avons soumis notre lapin au régime exclusif du son. Du 16 au 20 inclus nous avons déterminé exacte- ment la quantité de son consommée el recueilli les excréments soli- des produits. L'animal pesait 24,46 au début et 2,67 à la fin de l'essai. La consommation totale pendant les 5 jours qu’a duré l’expérience a atteint 330 gr., soit 66 gr. par jour moyen. Les excréments solides produits pendant le même laps de temps pesaient 200 gr., ou 40 gr. par jour moyen. AMÉLIORATION DE LA CULTURE DES RACINES FOURRAGÈRES. 491 Le son et les excréments analysés présentaient la composition suivan{e : EXCRÉMENTS solides. Eau , Ale 8.0 38.0 Matières organiques . . . . S5.8 54,7 Cendres! . ete 6.2 HS Matières albuminoïdes *, . . 13.00 6.75 Amides, etc.°.. 2.46 he Sucres . 1.60 01 Amidon . : 16.00 » PéntosAnes: NEPTUNE MERE) 19.0 Celuloses ee Amp nNaLE 4.90 8.8 Substances indéterminées. . 29524 19.65 . Acide phosphorique . 3.47 3.80 . Azote albuminoïde. . . . 2.08 1.08 . Azote des amides, etc.. 0.46 AHOPES C2 19 Par journée moyenne, l’animal soumis à l'expérience a donc con- sommé et rejeté les quantités de principes immédiats consignées dans le tableau suivant, où nous avons fait ressortir parallèlement les quantilés de substances nutritives digérées et les coefficients de di- geslibilité : TENEUR TENEUR SUBSTANCES COEFFICIENT NET desexeréments VE de RÉ solides. digérées digestibilité. gr. gr. gr, Matières organiques . 56,60 21,90 34,70 61.5 CERALOSESTpLr . 4,10 2,90 1520 29.3 Albuminoïdes . . . . 8,95 20 » , 85 68.5 ONMIT ES EC Re 1° 62 0,60 1,02 63.0 BULTON DA MEN LITE 1,00 » 1,00 100.0 AMUAON EME 10,50 » 10,50 100.0 Pentosanes tn li ne 16,70 7,60 OLD) 04.4 GellIOSe ME EN 3, 20 3,00 ») » Indéterminées. . . . 14,87 7,68 n49 48.3 Acide phosphorique . 2,30 1,50 0,80 34,7 Il résulte de cet essai que le son employé renfermait les propor- tions suivantes d’élements nutritifs pour 100 en poids : Albuminoïdes digestibles . . . . . 8ks,9 Substances amylacées et sucrées. . 17 il Pentosanes digestibles . . . . . . 12 ,3 } Hydrates de carbone : 40,7. maétérmineest CAM EME CAN OO 8 Total. . . 494,6 452 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. Si, à l’aide des coefficients de digestibilité déterminés directement sur la betterave et sur le son employés, nous calculons les quantités d'éléments absorbés dans le régime mixte, et si nous comparons les résultats ainsi calculés avec ceux fournis par l’expérience directe, nous serons renseignés sur les variations qui auraient pu se pro- duire. Le tableau suivant donne les résultats de nos calculs, rapprochés des données de l'expérience : | SOX, BETTERAVES, TOTAL. ESSAI DIRECT. Matières organiques . 17.88 41.34 59.29 9.00 Cendres . 172 0.62 1.40 202 LA Albuminoides . . . . 3.05 1132 4.35 4.99 Amides . 0752 1290 2.07 RAA LE: Sucre. ; 0.54 30.40 30.94 30.62 ATAON ME 5.41 » >.41 5.41 PÉNTOSANCS PME 4.68 5:99 10.23 10.78 Gellulose, #71 -1218 » 2.49 2,49 2.49 Indéterminées. . . . 3.70 » 3.170 3.30f Acide phosphorique . 0.40 0::29 0.69 0.68 La comparaison des nombres inscrits dans les deux dernières co- lonnes fait ressortir nettement que la digestübilité du son et de la betterave consommés en mélange est restée très sensiblement la même que lorsque les éléments étaient administrés séparément. Les petites différences que l’on constate rentrent dans les limites des er- reurs inévitables dans de telles expériences. Elles seraient plus gran- des que les résultats obtenus dans l’essai du régime mixte n’en con- firmeraient pas moins ceux que nous ont fournis les essais entrepris sur les mêmes aliments pris isolément. d) Bellerave Klein- Wanzleben (à 0,90, avec nitrale) et pain. Nous avons fait une nouvelle expérience en faisant consommer de la betterave Klein-Wanzleben (à 90 centimètres avec nitrate) et du pain, Elle a duré du 45 au 24 février, soit 9 jours. La consomma- tion lotale s’est élevée à 534 gr. de pain, ou 595',3 par jour; celle de la betterave a atteint en somme 2 463 gr. ou par journée 273 gr. Le lapin a produit 133 gr. de crottes en tout, soit 145°,8 par jour. AMÉLIORATION DE LA CULTURE DES RACINES FOURRAGÈRES. 453 Les aliments consommés et les excréments solides ont présenté la composition suivante : Han UN EAU Matières organiques . Cendres! . Albuminoïdes ? . Amides*. . Sucres . Amidon . lentosanes. . Gellulose Indéterminées 1. Acide phosphorique. 2, Azote albuminoïde 3. Azote amide, ete . . BETTERAVE K.-W. PAIN. à 90 cent. 82.90 25.00 16.00 74.00 .10 1.00 122 9.20 0.93 » 10.30 0.34 » 62.40 1.50 2.08 1.40 » 0.35 » 0.137 0.48 0.196 1.47 0.174 » EXORÉMENTS solides. 47. 41. ji IAE Nous avons réuni dans le tableau suivant la composition de la ra- tion journalière, des excréments correspondants, et nous placé en regard les quantités de principes immédiats coefficients de digestibilité. dig ’ 1 eres avons et les Matières organiques Cendres . Albuminoïdes . . Amides, etc. . Sucres. . Amidon Pentosanes . Cellulose. Indéterminées . Acide phosphorique CONTENU de la ration. Bette- | pain. Total, 413.88 0,59 5,45 » 0,18 37,00 1,93 Dans les EXCRÉMENTS solides. SUBSTANCES digérées. de digestibilité. COEFFICIENT En partant des coefficients obtenus directement pour la betterave, * 454 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE.. nous pouvons calculer approximativement ceux relatifs au pain. Les résultats de nos calculs sont consignés ci-après : SUBSTANCES SBUBSTANCES digérées digérées. COEFFICIENT totales. Betterave. E Pain J D mi gr. gr. gr. Matières organiques , 80,96 41,23 39,73 90.5 Cendres fn TE 2,07 1,69 0,38 64.4 Albuminoïdes. . . . 6,95 2,01 4,91 90.6 AmIdes,(CI0-Leue 2,30 2,34 » » DUCPES Nr Et are 28,04 201 1e » » ATUOON EN EEE SU 37,00 » 37,00 100.0 Pentosanes. . . . . 5,07 4,48 1,09 SS.6 MOLDIOSR ARE CAM UUE 1,00 2760 » » Indéterminées. . . . 0,06 » » » Acide phosphorique . 0,37 0,16 DA 76.0 Si l’on observe que, dans cette détermination par différence, les erreurs possibles peuvent dépasser largement 5 p. 100, on constate que, d’après cet essai, le lapin utilise presque entièrement les prin- cipes immédiats du pain. En rapprochant ces coefficients de digesti- bilité de ceux obtenus pour le son, on reconnaît que l’utilisation de ce dernier est sensiblement moins élevée. Le coefficient est inférieur de 29 p. 100 pour les matières organiques, de 22 p. 100 pour les albuminoïdes, de 34 p. 100 pour les pentosanes et de 41 p. 100 pour l'acide phosphorique. VIII. — Conclusions. Nous avons réuni dans le tableau suivant les coefficients de diges- üibilité obtenus dans les expériences précédentes : TABLEAU, CORNES KLKIN- dos BETTE- nl de-bœuf Wanzleben | PAIN RAVE AE To © de : à : . cd blanc. et et | E 2 él 2: f:oment son ain, | Om,45. | Ow,90. | 0m,45. | 0m,90. : Dh Ds | - : | ; j | Matières organiques. .| 96.0! 8S.5} 95.2 | 95.3 | 61.3| 90.5| S1.2| 92.9 Centres 1 LE 15 0 Pi Or EU 63.9 | 54.0 29.31 64.4 62,61 55.4 Albuminoïdes. . . . .| 91.7| 78.0 | 71.2 | 60.5 | G6S.5| 90.6! 6GS.3| 79.1 Amides, etc. . . . .| 98.8] 97.0 Î JBL iID 6301400 86.2! 90.5 Sucre 000" 0)M99 1800) 2008 1000! 98.6| 99.1 MMITONMENA A CLS » » » ) 100.0! 100.0! 100.0!100.0 Pentosanes : . . . .| 93.0| 86.4 | 96.2 | 91.3 | 354.41 S8.6| 74.9| 90.7 | Gellulose . . . . . .| 90.0! 74.8 | 85.9 | 74.6 A OP AT MAN NEE CON Indéterminées . . . .| 78.0 » » » 48.3 ) 39.2 » Acide phosphorique. .| 80.0! 61.0 | 73.0 | 43.5 | 34.7| 7.60! 43.0! 56.9 : cle EUR hs Nr | Un coup d’œil général sur ces résultats fait reconnaître tout d’abord que l’amidon et le sucre sont entièrement absorbés. La digestibilité des pentosanes est très élevée dans les racines et dans le pain. Elle baisse beaucoup dans le son. La cellulose des racines est facilement digérée et en proportion élevée. Celle du son ne l’est pas. L’acide phosphorique des racines est plus digestible que celui du son, et ce dernier l’est moins que celui du pain. Les matières azotées non albuminoïdes (amides, etc., des tableaux) des racines sont absorbées en presque totalité. Celles du son de fro- ment le sont moins facilement. Les substances albuminoïdes, qui constituent la matière plastique par excellence, ont une digestibilité plus variable dans les bettera- ves, mais encore plus élevée que dans le son en moyenne. Si nous ne considérons que les coefficients des betteraves, qui ont surtout pour nous de l'intérêt, nous constatons d’abord ce fait très important que les betteraves semées à grandes distances sont moins faciles à digérer que les betteraves cultivées en ordre serré. Le groupement des coefficients dans le tableau suivant le fait bien res- sortir. 456 ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. EMIS SERRÉ SEMIS (Ow ,45). à grandes distances (0m,99). #7, #3 a" 2" PEN Klein- Fe Klein cas . Warzle- Moyenne. M de .. Wairzl= Moyenne, de-bœuf, ben. de-bœuf. ben. / Albuminoïdes. . . . 91.7 TA? S1.4 78.0 60.5 69.2 Amides; lELc:20 20e 98.8 94.6 96.7 1-0 9373 94.6 DUCFC 76045 SALAM 100.0 99.7 99.58 99.2 99,3 99.2 PéntosaTies: te 93.0 96.2 94.6 86.4 91.3 8S.8S Cellniose TE 90.0 85.9 87.9 74.8 74.6 74.4 Acide phosphorique . 80/0 : #75 0 6: D 13.5" 7520 L'avantage en faveur des petites betteraves est de 12 p. 100 pour les albuminoïdes, de près de 5 p. 100 pour les pentosanes, de 13.5 p. 100 pour la cellulose et de 24 p. 100 pour l'acide phosphorique. En groupant les coefficients par variétés de betterave et en faisant la moyenne comme ci-dessous : CORNE-DE-BŒUF. KLEIN-WANSLEBEN, Albuminoides 4%. ei UE 54.8 65.8 ANMASMELCULS ACTA Ie 97.8 93.4 SUCTE 0 Me Eu te Er QUE 99.6 99.5 PENLOSANCS RTS. ne 69.7 942 CGellulose". ter Lee PURE 82.4 Fo Acide phosphorique. . . . 70.5 58.2 on reconnait que la corne-de-bœuf renferme des albuminoïdes plus digeslibles que la Klein-Wanzleben. Il er est de même pour la cellu- lose et l'acide phosphorique, tandis que le contraire se remarque pour les pentosanes. Mais cette petite supériorité est largement com- pensée par la plus grande richesse centésimale de la dernière, et l'avantage lui reste même lorsque l'on compare les rendements en matières nutritives digeslibles à l’hectare. ÉLÉMENTS NUTRITIFS digestibles RE PET par quintal. par hectare. kilogr, k'logr. | Petites racines . . 10,16 b,415 Betteraves corne-de-bœuf . . 4 Grosses racines. . 2,98 2,464 (atosennes RARE 8,07 3,939 Petites racines . . 16,34 5,915 Betteraves Klein-Wanzlehen , « Grosses racines. . la re 4,250 PANOVANNES En 15,03 5,047 Excédent par hectare en faveur de la betterave Kleiu- Manziében . 4460. SRE ER 1,108 AMÉLIORATION DE LA CULTURE DES RACINES FOURRAGÈRES. 491 Dans l'étude chimique que nous avons faite pour Loutes nos varié- tés cultivées, nous avons pris pour base de l'estimation de leur va- leur alimentaire relative leur production globale à l’hectare en albuminoïdes, graisse, sucre et pentosanes. Ces rendements en subs- tances nulritives pour les deux variétés ici considérées, qui ont été cullivées avec une addition complémentaire de 200 kilogr. de nitrate de soude, se sont élevés aux poids ci-après : | Grosses racines . . . . 2 311 kilogr. Corne-de-bœuf. . À | Petites racines . 47175 — | Moyennes . ue 3043 — | Grosses racines . . . . 3996 — Klein-Wanzleben. . . { Petites racines . . . . 5658 — | Moyennes MERE 4827 — Si l'on rapproche ces nombres de ceux du précédent tableau, on reconnait qu’ils sont de même ordre. En prenant pour unité le pro- duit alimentaire par hectare de la betterave corne-de-bœuf, la va- riété Klein-Wanzleben a, d’après nos expériences de digesubilité, une valeur relative de 1.3 et, d’après les sommes déduites de lana- lyse simple, une valeur relative de 1.4. En comparant de la même manière les grosses et les petites raci- nes de chaque variété, on obtient les valeurs relatives suivantes : D'APRÈS A ——— — les expériences ; is sur le lapin. SEE Grosse corne-de-bœuf . Î 1 Petite corne-de-bœuf. 222 2 Grosse Klein-Wanzleben 1 Î Petite Klein-Wanzleben. 1.4 lue L’estimation que nous avons faite de la valeur agricole des varié- tés et des systèmes de culture, d’après les données de l’analyse im- médiate, concorde donc d’une manière très suffisante avec celle qui est déduite des recherches que nous avons entreprises sur l'animal, et nos conclusions sont par là de nouveau confirmées. ) 45% ANNALES DE LA SCIENCE AGRONOMIQUE. NOTE SUR LA PRÉSENCE DES PENTOSANES DANS LES URINES Dans les expériences de digestibilité sur le son et sur la betterave corne-de-bœuf, semée en lignes distantes de 45 centimètres avec nitrate de soude, nous avons réuni la totalité des urines émises par le lapin et nous y avons dosé les pentosanes. Les quantités trouvées dans la production journalière moyenne d’urines ont été les sui- vanles : Betterave corne-de-bœuf. . . . . . . 08" ,0098 Sonde fromentérs 260 L UN THEME 0 ,0074 Relativement aux quantités absorbées dans la ration, soit 75,3 pour la betterave et 95,10 pour le son, la teneur des urines en pen- tosanes ou dérivés (pentoses) est absolument négligeable ; elle est en moyenne de 1 millième de la quantité digérée. NOTE SUR LES EXIGENCES ALIMENTAIRES DU LAPIN Pendant la série d'expériences que nous avons faites sur le lapin, notre animal n'a que peu varié de poids. D’après les nombreuses pesées failes, son poids vif moyen a élé de 2,6. Les augmentations de poids qu’on a observées dans les pesées des dernières expérien- ces sont dues uniquement au régime intermédiaire auquel on à soumis l'animal pour le reposer. Le lapin a donc consommé, pendani les divers essais auxquels il a été soumis, à peu près exactement ce qui élait nécessaire pour son entretien. Z AMÉLIORATION DE LA CULTURE DES RACINES FOURRAGÈRES. NATURE de la raion. | Matières organiques . Albuminoïdes. . Sucre. . | Amidon. Pentosanes Cellulose . Indéterminées . | Acide phosphorique . CORNE DE BŒUF —— à Om,415. gr. 60,50 3.87 37,70! à Om ,90. à Om,45. 459 KLEIN WANZLEBEN A" à Om,90. Fr 64,60 3,32 46,00 » 7,40 4,70 MOYENNES. | et son. gr. 59,00 r. 10 D ,85 1,00 gr. 80.96 6,95 28,04 37,00] 10,50! 5,57| 9,10 1,50 ) Pret 0,37 g 34 2 + 1% ee _ t 0,80! Pour se maintenir sensiblement à poids constant, le lapin a done consommé en moyenne 4#°,2 d’albuminoïdes et 50£°,5 de substances hydrocarbonées, avec un demi-gramme d'acide phosphorique, soit par kilogramme de poids vif : | Albuminoïdes. Hydrates de carbone. Acide phosphorique . 157,60 19 ,40 0 ,19 . re mu É4 TABLE DES MATIÈRES DU TOME PREMIER (1898) E. Henry. — Les forêts et les eaux souterraines dans les régions de plaines eee ere : E. Kayser et G. Barba. _ Étude de LR vins malades . W. Newton. — L'origine du nitrate de soude au Chili . . . . . A. Girard. — Observations sur le rendement cultural et sur la te- neur en fécule de plusieurs variélés de, pommes de terre indus- trielles et fourragères : L. Grandeau. — Le nitrate de Loude à le Pertinae de CARE Remarques à propos de Res insuccès dans la culture du BIS IE Re NS : à M. Crispo. — Rapports sur ‘és accidents brÔVOqUEs par ie du nitrate de soude au printemps 1896 . . M. G. Lechartier. — Douze années de culture de piambous dans un même champ . a : G. Gastine. — Recherches sur la E HtOn des terrés “ La G rau et des eaux et limons de la Durance . . . . RES — Étude sur la composition des terres de la Camaigie, la composi- tion des sables du cordon littoral rhodanien, la nature du salant de hsGiimarene.) M; Mae EE FE. Fleurent. — Recherches sur " ne LUS : élé- mentaire des matières albuminoïdes extraites du grain des céréa- les et des graines des UN conséquences pratiques de cetle ÉLDde ET. : : A. Livache. — Rapport sur Me oil de . E. Fleurent intitulé: Recherches sur La composilion immédiate et élémentaire des ma- lières albuminoïdes extrailes du grain des céréales et des graines des légumineuses ; conséquences praliques de cetle étude : C.-V. Garola. — Expériences sur l'amélioration de la culture des racines fourragères . Nancy, imyr. Berger-Levrault et Cie. Pages. 371 : . x » à AE ' e id L . " » « + ; A n à ae de ve LA « , É $ « « ( e “ | LL , > e « È ‘ é L l L Lai 1! ' Là 7 ‘ fn, £ L : = Q à | A : " 1 s » LP "+ 1 Lu ‘ | r + æ r à 0 2 >. _ v « w : l 5 CE Ed (2 A: < New York Botanical Garden Libra nn 3 5185 00258 6392 ed mn e 2 ME. P USÉES FOR AR LEE : & . 1 L - = sit RES SRE 25 LT EEE TR "AE Lt À €